Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
Comité de l'éducation
Séance du 14 Janvier 1969
(Dix heures six minutes)
M. GARDNER (président du comité): Alors, messieurs, tel
que demandé dans l'avis de convocation, le comité de
l'éducation se réunit aujourd'hui pour entendre les
revendications des personnes intéressées.
Ledit comité pourra convoquer des experts, recevoir des
mémoires, entendre les particuliers et les organismes
intéressés. Donc, le comité prendra en
considération le bill 85, intitulé Loi modifiant la loi du
ministère de l'Education, la Loi du Conseil supérieur de
l'éducation et la Loi de l'instruction publique.
En l'absence du député de Saint-Jean, qui habituellement
préside ce comité et qui arrivera sous peu, on m'a demandé
de présider ce comité.
Le chef de l'Opposition est-il d'accord, ainsi que les membres du
comité?
M. LESAGE: C'était réglé avant que vous ne preniez
le siège.
M. LE PRESIDENT: Alors, la parole est I M. Cardinal, ministre de
l'Education.
M. CARDINAL: M. le Président, je désirerais, au
début de cette première séance du comité permanent
de l'éducation, souhaiter la bienvenue aux associations, aux groupes et
aux personnes qui ont demandé d'être entendus devant ce
comité. En même temps que je leur souhaite la bienvenue la plus
cordiale, je profite, du début de cette année pour leur offrir,
ainsi qu'à mes collègues du côté ministériel
et de l'Opposition, mes voeux les meilleurs de bonne année, d'une
année fructueuse et d'une année de paix et de bonne entente.
Je voudrais brièvement rappeler que le bill 85 projet de
loi qui doit modifier la Loi de l'instruction publique, la Loi du Conseil
supérieur de l'Education et la Loi du ministère de l'Education
a été référé, à la suite de
l'adoption d'une motion en Chambre, en décembre dernier, au
comité permanent de l'éducation dans le but principal d'entendre
les personnes qui ont manifesté un intérêt particulier au
sujet de ce projet de loi et de leur permettre d'exprimer leurs suggestions,
les amendements qu'ils désireraient voir apporter à ce bill,
leurs critiques et leur point de vue. Dans ce sens, nous sommes heureux de les
accueillir tous et de les écouter aussi longtemps qu'il se- ra
nécessaire de le faire. Ce comité, non seulement se
réunira normalement aujourd'hui, mais devra tenir d'autres
séances pour permettre aux nombreux groupes et aux nombreuses personnes
qui ont proposé leur nom d'exposer leur point de vue.
Je les félicite de cet intérêt qu'ils manifestent
envers la chose publique et tout particulièrement envers ce projet de
loi. Je les assure de notre accueil sympathique. L'on sait que divers projets
de loi, dans le passé, ont été étudiés par
ce comité de l'éducation et que ce fut pour le meilleur
intérêt du projet de loi et de la population.
Cette façon de procéder permet aussi aux
députés de se faire entendre. Les gens sont donc invités
à donner franchement leur opinion et à aider ainsi les
gouvernants à les aider davantage. M. le Président, je vous
remercie.
M. LE PRESIDENT: Merci, M. Cardinal, M. Lesage.
M. LESAGE: M. le Président, messieurs les membres du
comité, mesdames et messieurs, je vous remercie de l'occasion que vous
me donnez d'offrir à mon tour mes voeux à mes collègues,
du moins à ceux à qui je n'ai pu le faire personnellement en
entrant dans la salle, et de souhaiter une chaleureuse bienvenue à tous
ceux qui sont venus ce matin ou qui viendront au cours des prochaines
réunions, donner leur opinion ou faire valoir les points de vue de ceux
qu'ils représentent.
Nous allons les entendre avec un très vif intérêt.
Il s'agit, à notre sens, d'une question d'une extrême
gravité qui non seulement touche mais concerne directement la politique
linguistique dans ce qui doit être considéré, je crois
bien, comme son aspect le plus important, l'aspect de l'éducation. C'est
donc très sérieux et nous savons gré à ceux qui se
sont déplacés et à ceux qui ont pris la peine de
préparer des mémoires. Nous les entendrons, je le
répète, avec le plus vif intérêt.
Je ne sais pas s'il y aura discussion au fur et à mesure de la
présentation des mémoires, mais, si nous avons besoin
d'éclaircissement, je pense bien que nous pourrons tout au moins poser
des questions à ceux qui nous présenteront les mémoires ou
qui, encore, nous donneront leur opinion personnelle. Etant donné qu'ils
se sont donné la peine de venir ici, je suis certain que nos questions,
s'il y en a, seront les bienvenues. Alors, je vous remercie et nous avons
hâte d'entendre tous ceux qui voudront bien nous donner le
bénéfice de leur point de vue.
M. LE PRESIDENT: Nous allons commencer immédiatement à
entendre les intéressés. Je demanderais à tout le monde de
s'identifier au départ pour bien savoir à qui nous avons affaire
et de qui nous entendons la parole. Alors, en premier lieu, nous avons le
révérend père Louis, église
Sainte-Hélène, Montréal. Est-ce que le
révérend père Louis est ici?
Alors, étant donné qu'il n'est pas là, est-ce que
l'on passe au deuxième? Il pourra, peut-être, se faire entendre un
peu plus tard.
Alors, le deuxième, le révérend père Jean
Maert, église Saint-Charles, Montréal, est-il ici?
J'ai l'impression que plusieurs pensaient que cette réunion avait
lieu à 10 h 30; c'est pour cela qu'ils ne sont pas encore
arrivés. Nous continuons.
Le révérend père Claude Simonnais, église
Saint-Jean, Montréal. Le père Simonnais est-il ici?
Reverend Father Ryan, St. Gabriel's Church, Montreal?
M. LESAGE: Ils sont peut-être venus ensemble?
M. LE PRESIDENT: On me signale que tous les pères
mentionnés sur cette liste n'arriveront que cet après-midi ou
dans le cours de la matinée.
Alors, nous pourrions passer à l'article no 7: M. J.-B.
Maillé, Montréal. M. Maillé est-il ici?
M. Deutsch est-il ici?
M. Jimmy Ferrari. M. Ferrari n'est pas ici?
Me Richard B. Holden. On me dit qu'il sera ici, également,
demain.
M. Samuel Lewin. Il est ici. Enfin.
M. Samuel Lewin est le directeur exécutif du Congrès juif
canadien, Montréal.
M. Monty Burger
M. BURGER: Merci, M. le Président. M. le ministre, messieurs les
membres du comité, je m'appelle Monty Burger. Je suis le
président du comité constitué par le Congrès juif
canadien, région de l'Est, sur la question du système
éducatif du Québec, en ce qui concerne les Juifs. Je suis ici
pour vous soumettre les points de vue et les recommandations du Congrès
juif canadien sur le bill 85.
Avant de vous donner lecture de notre mémoire, je désire
vous présenter les membres de notre délégation qui
comprend: Me Morton Bessner, avocat à Montréal; M. Raphael
Lallouz, homme d'affaires à Montréal et président du
cercle Juif de langue française, tous deux mem- bres de ce
comité; enfin, le Dr Samuel Lewin, directeur exécutif de la
région de l'Est du Congrès juif Canadien.
Vous avez notre document ici, je crois; je vais en lire seulement
quelques sections. A la page 2, en bas. La communauté juive
connaît les profonds changements qui se réalisent dans la province
de Québec. C'est donc avec une profonde compréhension pour le
courant général de ces idées que ce mémoire sur le
bill 85 est présenté au comité de l'éducation de
l'Assemblée nationale du Québec.
L'objectif déclaré du bill 85 est de spécifier le
rôle de la langue française dans le domaine de l'éducation
dans la province de Québec.
Nous relevons qu'un certain nombre de principes fondamentaux semblent
être menacés dans la législation proposée. Nous
insistons, en conséquence, sur le fait qu'une étude et qu'une
considération spéciales sont requises pour s'assurer que les
droits fondamentaux sont respectés et maintenus. En particulier, nous
relèverons ce qui suit: a) Garanties des droits linguistiques en
matière d'e'ducation; b) Egalité des droits dans
l'éducation; c) Choix des parents dans la détermination de
l'éducation de leurs enfants.
Droits linguistiques en matière d'éducation.
Le bill 85 habiliterait le ministre de l'Education à
reconnaître les institutions d'enseignement public comme étant des
institutions de langue française ou de langue anglaise. D'autre part,
les commissaires des écoles et les syndics seraient requis de prendre
les mesures nécessaires aux fins d'assurer que les programmes
d'études ne sont plus seulement ceux adoptés ou reconnus pour les
écoles catholiques ou protestantes, mais aussi ceux adoptés ou
reconnus pour les écoles catholiques ou protestantes, mais aussi ceux
adoptés ou reconnus pour les écoles de langue anglaise ou
française.
Il apparaîtrait cependant que les droits linguistiques sont
reconnus dans le bill 85, section 10 a) 3°, dans le cadre des
systèmes confessionnels d'éducation. Aucun choix n'est clairement
prévu pour les écoles qui ne sont ni catholiques, ni
protestantes.
Il faut rappeler que la Commission Parent a, en effet, recommandé
l'établissement de pareilles écoles. Nous concluons que le bill
85 devrait suivre ces recommandations de la Commission Parent. Ceci reviendrait
à dire que la section 10 a) 3° du bill 85 conférerait au
ministre de l'Education l'autorité supplémentaire pour
reconnaître les écoles multi-confessionnelles comme étant
soit françaises, soit an-
glaises. En conséquence, tous les parents au Québec
auraient clairement l'exercice du choix linguistique.
La communauté juive est particulièrement anxieuse au sujet
de cette situation. Dans le champ de l'éducation, des circonstances
historiques ont fait que les enfants de foi juive ont été
éduqués dans des écoles protestantes ou dans des externats
juifs dont plusieurs possèdent actuellement « l'état
associé » avec les commissions scolaires protestantes.
L'absorption linguistique est un processus éducationnel.
L'adjonction des dispositions que nous suggérons consoliderait la
dualité linguistique et exprimerait donc encore plus la composition
sociologique et culturelle du Québec.
Cette considération s'applique également à la
composition du comité linguistique qui ferait partie du Conseil
supérieur de l'éducation et qui serait composé de 15
membres, 10 desquels seraient de langue française et 5 de langue
anglaise. Les membres de ce comité seraient nommés par le
gouvernement sur recommandation du conseil qui aurait, au préalable,
consulté les associations ou organisations les plus
représentatives d'éducateurs et de parents dans les groupes
linguistiques français et anglais de la province de Québec
Etant manifeste, ainsi que cela résulte, que les membres du
comité linguistique seront choisis sans égard à leur
religion, nous recommandons qu'il soit clairement déclaré dans la
section 5 du bill que le droit de faire partie du comité ne tienne pas
compte de limites dénominatives et que des personnes de toute croyance
seront éligibles en vue de leur désignation, aussi bien en tant
que membres de langue française que de langue anglaise.
Le bill 85 (section 1) met à la charge du ministre de l'Education
la responsabilité de prendre, de concert avec le ministre de
l'Immigration, les dispositions nécessaires pour que les personnes qui
s'établissent au Québec puissent acquérir, dès leur
arrivée, une connaissance d'usage de la langue française et faire
instruire leurs enfants dans des écoles reconnues par le ministre comme
étant de langue française.
Tout ce qui peut être accompli afin d'aider les nouveaux arrivants
dès leur arrivée à obtenir une connaissance d'usage du
français est certainement recommandable et utile au plus haut point. La
communauté juive, dans les limites de ses ressources, a depuis quelques
années accompli exactement la même oeuvre et aide les immigrants
juifs à apprendre le français. Des cours de langue
française ont été donnés par le service juif d'aide
aux immigrants qui est l'agence centrale de la communauté jui- ve d'aide
aux immigrants et des livres de textes appropriés, ainsi que toute autre
contribution éducative, ont été créés en vue
de ces programmes.
Il est déplorable, cependant, que la section 1 du bill 85
crée, en traitant de l'éducation des enfants des personnes qui
s'établissent au Québec, une distinction entre un résident
et un autre et établisse un groupe entier dans une catégorie
séparée. Nous sommes catégoriquement opposés
à de pareilles distinctions. Ces dispositions introduiraient au
Québec un nouveau concept qui pourrait avoir des répercussions
à long terme en supprimant l'égalité des droits
fondamentaux entre les personnes natives du Québec et d'autres
résidents de la province, et ceci également en contradiction avec
la Déclaration universelle des droits de l'homme.
Nous demandons, en conséquence, que ces dispositions soient
omises de la section 1 du bill 85.
Le bill 85, section 10 a) 3°, stipule que les cours reconnus pour
les écoles de langue anglaise et française seront donnés
à tous les enfants domiciliés dans un territoire
déterminé, s'ils sont jugés aptes à suivre ces
cours et si leurs parents ou les personnes agissant pour eux désirent
les y inscrire.
Nous pensons que le principe du droit des parents de choisir la langue
d'instruction de leurs enfants doit être appliqué dans toute son
ampleur. Personne ne peut demeurer indifférent ou tout au moins jouir de
ses droits si d'autres en sont privés.
Ce droit n'implique certainement pas l'obligation des parents d'envoyer
leurs enfants dans une école de préférence à une
autre.
La limitation de cette option aux enfants jugés aptes à
suivre ces cours semble restreindre cette option et laisse la porte ouverte aux
décisions arbitraires et aux exclusions. Vu la nature
discrétionnaire des dispositions stipulées à la section 10
a) 3°, nous concluons que des procédures d'appel devant les cours
soient également prévues contre de telles décisions et
qu'il soit clairement déclaré que les régies et
règlements s'appliqueront à tous sans distinction.
Voici le sommaire de nos recommandations. 1. Les dispositions de la
section 1 du bill 85 traitant de l'éducation des enfants des personnes
qui s'établissent doivent être omises, étant donné
qu'elles créent une distinction entre les personnes qui
s'établissent et les natifs de Québec et ce, en contradiction
avec les droits linguistiques fondamentaux. 2. La section 10 a) 3° du bill
85 devrait inclure des dispositions habilitant le ministre de l'Education
à reconnaître les écoles multiconfes-
sionnelles comme étant soit de langue française, soit de
langue anglaise, étendant ainsi clairement l'option de la dualité
linguistique dans l'éducation à tous les parents. 3.Le bill 85,
section 5, devrait déclarer clairement que la désignation des
membres au comité linguistique ne tiendra pas compte de limites «
dénominatives » et que des personnes de toute croyance pourront
être nommées en tant que membres de langue française et de
langue anglaise. 4. Le bill 85 devrait incorporer des dispositions
prévoyant un appel devant les cours de justice contre les
décisions soumises au pouvoir discrétionnaire des
autorités indiquées dans le bill.
Au nom de la communauté juive, nous voudrions exprimer l'espoir
que les problèmes spécifiques soulevés dans ce
mémoire seront considérés avec équité, bonne
volonté et à la lumière des principes
démocratiques.
Merci.
M. LE PRESIDENT: Je remercie M. Burger pour son mémoire.
Est-ce qu'il y en a qui ont des questions 5 poser?
M. LESAGE: Oui, j'en aurais une, M. Burger. Afin d'obtenir une
clarification qui nous permettrait, peut-être de comprendre la
portée exacte de votre critique de l'article 1, de quelle façon
interprétez-vous l'article 1 du bill?
Do you interpret it as compulsory or what?
M. BURGER: Il y a peut-être une différence entre le texte
français et le texte anglais. Pour nous, la question reste la suivante:
If it is mandatory or permissive, the question is that it creates a distinction
that we find unsastisfactory. We feel that the right of parental choice is the
operative factor. We support, as we indicated all voluntary activities to
improve the learning and knowledge of French but we do not think that a family
coming into this Province should have any less right to choose than a family
born and brought up in the Province.
MR. LESAGE: Do you not think that in a French province, it is normal
that there are some pressing invitations to join the French community?
MR. BURGER: Absolutely.
M. PROULX (président du comité): Pouvons-nous passer
à un autre groupe? Me Jean Roger est-il ici? Me Roger, avez-vous des
copies de votre rapport?
M. ROGER: J'en ai fait parvenir un certain nombre à M. Bonin, le
secrétaire du comité. On m'a dit qu'il y en aurait suffisamment
pour tous les membres du comité et les membres de la tribune de la
presse.
M. LE PRESIDENT: Vous pouvez commencer, M. Roger.
M. Jean Roger
M. ROGER: De toute façon, il s'agit d'un très bref
mémoire. Les fabriquants que groupe la division québécoise
de l'Association des manufacturiers canadiens, industriels
canadiens-français, canadiens-anglais et d'autres origines ethniques,
ont, depuis très longtemps, travaillé ensemble au progrès
de leur industrie ainsi qu'au développement de l'économie
provinciale qu'ils ont toujours cherché à renforcer. S'ils sont
prêts à relever les nouveaux défis que posent tant
l'évolution technologique que la nouvelle conjoncture commerciale, il
leur faut cependant pouvoir compter sur des politiques gouvernementales
susceptibles de créer un climat propice à une saine croissance et
d'Inspirer confiance en l'avenir.
C'est là un appui dont ils ont grand besoin car on a,
malheureusement, laissé planer trop d'incertitude à cet
égard depuis quelques années.
En matière d'éducation, la division du Québec de
l'AMC a souscrit essentiellement au programme visant à fournir un flot
constant de jeunes québécois possédant une instruction
suffisante et une formation professionnelle convenable. Effectivement, par le
truchement de son comité de l'éducation, elle y a concouru a
plusieurs reprises.
L'éducation doit être conçue en vue d'aider les
élèves à mettre leur intelligence au profit du
développement en commun d'une société qui a sa raison
d'être. A cette fin, le système scolaire de la province doit
accélérer et perfectionner ses méthodes afin que tous les
élèves acquièrent un degré convenable de
compétence, tant en français qu'en anglais. Accorder des
diplômes aux élèves des écoles anglaises sans que
ceux-ci ne connaissent suffisamment le français, c'est les priver de
l'occasion de s'épanouir pleinement en tant que citoyens
québécois. D'autre part, accorder des diplômes aux
élèves des écoles françaises sans que ceux-ci ne
connaissent suffisamment l'anglais, c'est les confiner dans la province de
Québec et leur refuser l'occasion de poursuivre leur carrière
dans le reste du continent nord américain. En fait, cela équivaut
à les isoler des 200 millions d'autres personnes qui l'habitent.
C'est dans ce contexte que l'Association des manufacturiers canadiens
appuie fermement la partie du bill 85, visant à faire des
élèves des écoles anglaises de meilleurs bilingues. Or, si
la loi ne renferme pas des dispositions analogues concernant les
élèves des écoles françaises, nous sommes
forcés de conclure que le gouvernement n'admet pas la
nécessité d'assurer à ce dernier groupe, pour ce qui est
de sa langue seconde, une instruction équivalente à celle que
l'on devra dispenser aux premiers. C'est là une grave négligence
qui ne pourra que s'avérer nuisible aux élèves des
écoles françaises, particulièrement dans le monde des
affaires où la mobilité constitue un atout très
important.
Quant à la disposition ici, on réfère
évidemment à l'article 1 déterminant que les
enfants de parents qui viennent s'établir au Québec soient
arbitrairement dirigés vers les écoles de langue
française, on ne peut en attendre que des effets néfastes au
niveau des investissements de l'immigration.
Ayant attentivement considéré le bill 85, l'association
doit conclure que les intérêts des Québécois ne
peuvent être servis que s'ils jouissent des garanties suivantes:
premièrement, le droit pour tous, dans les régions où la
population scolaire est suffisante pour justifier des écoles
françaises et des écoles anglaises, de choisir entre les deux
pour eux-mêmes ou pour leurs enfants; deuxièmement, la
détermination de normes d'enseignement qui assureront à tous les
diplômés une connaissance d'usage des deux langues.
Nous nous devons de souligner que quel que soit le niveau des normes de
l'enseignement, l'industrie québécoise ne pourra donner du
travail aux futurs diplômés que dans la mesure où les
politiques gouvernementales favoriseront un climat qui inspirera confiance aux
bailleurs de fonds et permettra de créer le nombre voulu de nouveaux
emplois pour absorber les 70,000 Québécois qui s'ajoutent
annuellement à notre main-d'oeuvre. C'est en vue de cet objectif que les
présentes observations vous sont respectueusement soumises.
M. LE PRESIDENT: Merci, M. Roger. M. le ministre.
M. CARDINAL: M. Roger, je poserais une question qui ressemble à
celle que le chef de l'Opposition a posée à M. Lewin. A la page 3
de votre texte, vous revenez sur l'article 1 du projet de loi 85 et vous
employez une expression qui me paraît forte dans les circonstances. Vous
dites, en effet, que les immigrants seront arbitrairement dirigés vers
les écoles françaises. Ma question est la suivante: Il est
possible qu'entre le texte français et le texte anglais de l'article 1
il y ait une nuance importante. En anglais, on dit « to ensure»; en
français, on dit « puissent, » etc... Supposons que cette
nuance soit corrigée et que nous en venions à deux textes
identiques autant que faire se peut dans les traductions, ma question sera
double: Est-ce que vous croyez, premièrement, que le texte de l'article
1, tel que rédigé en français, dirige arbitrairement des
enfants d'immigrants vers des écoles françaises ou s'il n'est pas
simplement contingent, indiquant une incitation? Et, deuxième question,
est-ce qu'il existe un Etat au monde, que votre association a pu
connaître où, lorsque des immigrants arrivent, ils ne sont pas
normalement incités à apprendre la langue de la majorité,
que ce soit n'importe quelle des provinces du Canada, n'importe quel Etat des
Etats-Unis ou n'importe quel pays au monde?
M. ROGER: M. le ministre, quant, à la première partie de
votre question, nous lisons, dans le texte français, que « le
ministre a la responsabilité de prendre... les dispositions
nécessaires pour que les personnes qui s'établissent au
Québec puissent acquérir... » Ensuite, on dit: «
Faire instruire leurs enfants. » Dans le texte anglais, lorsqu'on dit
« persons settling in the Province of Quebec... and cause their children
», on se demande si le « faire » et le « cause »
sont rattachés au pouvoir que possède le ministre ou bien si on
réfère plutôt à la possibilité
accordée aux parents de faire instruire leurs enfants dans la langue
française. Alors, l'association appuie fermement toutes les mesures que
le ministère pourrait prendre pour assurer que toutes les personnes
venant au Québec puissent acquérir une connaissance du
français.
Evidemment, nous nous opposerions au texte s'il semblait vouloir dire
que le ministre devra imposer la connaissance du français à
toutes les personnes qui viennent s'installer au Québec et en anglais,
on dit: « settling in the Province of Quebec », personnes qui
s'établissent au Québec. Ce qui a préoccupé
fortement, évidemment, les milieux industriels, c'est la restriction que
si on tenait, par exemple, pour acquis que le ministre devait forcer les gens
à acquérir une connaissance du français, on imposerait de
sérieuses restrictions au mouvement de la main-d'oeuvre venant d'autres
provinces. Nous savons tort bien qu'il existe au Canada de grandes entreprises
qui ont des succursales ou des usines dans plusieurs provinces.
Il est quelquefois désirable de transférer certaines gens.
Enfin, on se demandait jusqu'où irait les pouvoirs
conférés au ministre par l'article 1 du bill.
M. CARDINAL: Est-ce que vous répondez à la deuxième
partie de la question?
M. LESAGE: M. le Ministre, auriez-vous objection à ce que sur la
première partie, je revienne à la charge?
M. CARDINAL: Non.
M. LESAGE: Je comprends très bien que M. Cardinal vous pose ces
questions, mon cher confrère, parce que, dans votre mémoire, vous
utilisez le mot « arbitrairement ». Or, l'interprétation que
vous venez de donner vous-même à l'article 1 ne semble pas
confirmer ou justifier l'emploi du mot « arbitrairement ». Est-ce
que je me trompe?
M. ROGER: C'est exact! Je crois que le mémoire dit... enfin, la
partie du bill 85 qui vise à permettre au ministre de prendre les
mesures nécessaires pour accorder aux gens une connaissance suffisante
du français, ce point, nous l'appuyons. Mais dans la mesure où le
bill 85 accorderait au ministre des pouvoirs arbitraires ou
discrétionnaires pour... ça, c'est selon l'interprétation
que l'on fait de l'article 1.
M. LESAGE: Oui, mais est-ce que le texte français ne dit pas
« puisse acquérir » et le texte anglais « may acquire
»? Et « cause » est relié à « may
», également. La construction de la phrase est telle qu'on doit
dire « may acquire ». Il n'est pas nécessaire de
répéter « may »; il faut interpréter le texte
comme s'il se lisait: « may cause ».
M. CARDINAL: Nous nous excusons de vous mettre, peut-être, sur la
sellette mais nous voulons vraiment comprendre ce qui se passe.
Est-ce que J'irais jusqu'à croire qu'une certaine
interprétation de l'article 1 voici deux fois qu'on revient
à cet article laisse entendre à la population et aux
associations qui sont devant nous que ce bill pourrait accorder au ministre des
pouvoirs ici je reprends vos mots « arbitraires et
discrétionnaires »? Est-ce qu'à ce moment-là, le
bill serait ultra vires ou anticonstitutionnel?
M. ROGER: Nous ne nous sommes pas attachés à
étudier la constitutionnalité du bill. Nous nous sommes
simplement interrogés sur le sens de l'article 1, surtout, et sur les
notes explicatives qui n'étaient pas très claires. Disons que
l'intervention de l'Association des manufacturiers canadiens s'est voulue
surtout positive. Nous a-vons surtout voulu chercher à clarifier le sens
des dispositions de ce bill. Nous avons tenu, en même temps, à
assurer l'Assemblée nationale que, dans la mesure où on
dispenserait un enseignement convenable du français à tous les
arrivants au Québec, le bill serait fermement appuyé. Mais en
même temps, nous avons tenu à garantir les libertés de ceux
qui viennent s'installer au Canada afin qu'ils ne soient pas forcés,
dès leur arrivée, soit d'apprendre le français
enfin, ce serait libre à eux soit, surtout, de placer leurs
enfants dans des écoles françaises. C'est le sens des
représentations qui ont été soumises.
M. CARDINAL: Si votre interprétation donnée au
début de la page 3 était une interprétation à
retenir, est-ce que vous croyez qu'à ce moment-là, si on ne parle
pas de constitutionnalité, ce serait quand même ultra vires, ce
serait exorbitant, si vous voulez, du droit commun, et que le bill pourrait
être attaqué devant les tribunaux?
M. ROGER: Eh bien, là, on me demande de formuler une opinion
légale.
M. CARDINAL: Vous êtes avocat.
UNE VOIX: Vous enverrez votre compte au ministre!
M. ROGER: Je m'en voudrais d'imposer des dépenses
supplémentaires au ministre de l'Education! Il n'a pas été
question de la constitutionnalité lors des discussions.
M. CARDINAL: D'accord» Merci, M. Roger.
M. LAPORTE: M. Roger, est-ce que l'Association des manufacturiers
canadiens a quelque opinion à exprimer sur l'état de la langue
française au Québec et sur les perspectives d'avenir de la langue
française au Canada, et particulièrement dans la province de
Québec?
M. ROGER: Je m'excuse, monsieur, je...
M. LAPORTE: Je voudrais vous demander si le groupe que vous
représentez a quelque opinion à exprimer à ce
comité sur l'état de la langue française au
Québec.
Est-ce que le groupe que vous représentez trouve que la langue
française est en bonne santé dans le Québec et dans le
Canada? Votre groupe est-il, d'avis, s'il a des conclusions ou des re-
présentations à nous faire, qu'il y a lieu de prendre des
mesures particulières pour refaire ce qui serait actuellement dans un
état lamentable, si tel est le cas?
M. ROGER: Tout ce que je pourrais dire à ce sujet, ce serait
d'après mon expérience personnelle et d'après les contacts
que j'ai eus avec des gens qui se sont intéressés au bill 85.
A l'heure actuelle, d'après ce que je puis constater
personnellement, beaucoup d'hommes d'affaires se préoccupent de
l'état de la langue française au Québec. Là, je
parle non seulement des hommes d'affaires de langue française, mais
aussi de ceux de langue anglaise. Beaucoup d'entre eux regrettent de ne pouvoir
s'exprimer assez bien en français et souhaitent très
sincèrement que leurs enfants puissent acquérir non seulement une
connaissance d'usage, mais une connaissance courante du français. A
supposer que le gouvernement du Québec s'apprête à prendre
des mesures qui assureraient âtous les Québécois une
connaissance d'usage, une connaissance courante de la langue française,
je suis assuré que tous les hommes d'affaires enfin, ceux qui
font partie de l'Association des manufacturiers canadiens et cela
représente, en gros, 1,400 à 1,500 sociétés, au
Québec sont parfaitement d'accord.
M. LAPORTE: Le groupe que vous représentez serait-il d'avis, par
exemple, que tout en accordant aux citoyens, de quelque origine qu'ils soient,
le droit strict d'envoyer leurs enfants aux écoles de leur choix, il y
aurait lieu, si nécessaire, de prendre des dispositions
particulières pour que le français devienne véritablement
la langue d'usage et une langue de qualité internationale?
M. ROGER: Je croirais que oui. Mais, là, j'exprime une opinion
tout à fait personnelle parce que, en fait, on ne m'a pas donné
le mandat d'exprimer, ici, les vues de tous les hommes d'affaires sur les
questions qui me seraient posées.
M. LAPORTE: Je vous remercie, quant à moi.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Roger, je ne pense pas que vous ayez
répondu très précisément à la question de M.
Laporte qui vous a demandé, si je ne m'abuse, quelle opinion vous avez
de la langue que l'on parle actuellement au Québec. L'expérience
que vous avez des milieux d'affaires vous laisse-t-elle penser que la langue
est dans un état satisfaisant, à telle enseigne qu'on ne doive
pas prendre des mesures assez radicales pour l'améliorer?
M. ROGER: Il n'y a sans doute pas un membre du comité, ici, qui
croit sérieusement que les Canadiens de langue anglaise ont l'impression
que le français parlé au Québec est un français
d'une telle qualité qu'on ne doive pas l'améliorer.
On fait souvent la distinction, chez nos amis les Torontois, par
exemple, entre le français québécois et le «
Parisian French » ou le français de France. Dans la mesure
où le français parlé au Québec serait
amélioré, au point d'acquérir un statut international, je
crois que l'intérêt des anglo-Canadiens, tant dans la province de
Québec que dans les autres provinces, s'en trouverait augmenté de
beaucoup.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Roger, dans la même veine, est-ce que
nous pouvons en conclure que l'Association des manufacturiers canadiens
souhaiterait que, dans le Québec, on fasse un usage beaucoup plus
courant de la langue française dans les milieux d'affaires, dans les
milieux que vous fréquentez, où vous travaillez vous même
?
M. ROGER: Encore là, je croirais que oui. Il faut quand
même accepter une situation de fait; c'est qu'aujourd'hui une grande
proportion d'hommes d'affaires québécois sont de langue anglaise,
dont bon nombre sont venus d'autres provinces et n'ont jamais eu de contact
continu, d'immersion dans un milieu français. Ce sont des gens qui
travaillent en anglais et qui vivent dans des milieux anglais. Je crois que M.
Tracey du Montreal Board of Trade est très au courant du
problème; c'est, d'ailleurs, son problème à lui. Il est
très difficile pour des gens qui travaillent, pensent et vivent en
anglais de penser qu'eux-mêmes pourraient se mettre, tout à coup,
à vivre et à travailler en français.
Je ne crois pas dépasser la pensée des gens de langue
anglaise en disant que tous souhaitent que leurs enfants puissent,
aussitôt que possible, s'exprimer en français.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): En somme, M. Roger, vous souhaitez que nous
mettions l'accent sur une revalorisation du français afin que les
membres de votre association, qui travaillent au Québec ceux de
langue anglaise comme ceux de langue française puissent davantage
faire usage du français.
M. ROGER: C'est le souhait qu'exprime le
mémoire que je viens de soumettre. Ce souhait est
également un avertissement. Enfin, nous demandons que certaines
garanties soient incluses dans le bill 85 pour éviter qu'il force les
gens 5 faire instruire leurs enfants dans des écoles de langue
française.
M. TREMBLAY (Chicoutimi); En somme, M. Roger, vous-même, comme
Canadien français vivant dans le Québec, vous souhaitez que nous
mettions davantage l'accent sur le français?
M. ROGER: Si vous me demandez une opinion tout à fait
personnelle...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui.
M. ROGER: ...je dirais oui.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Merci.
M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Hyacinthe.
M. BOUSQUET: Qu'on laisse de côté les bons voeux et les
souhaits. L'Association des manufacturiers canadiens considère-t-elle
que la culture française au Québec doit être
sauvegardée et revitalisée à tout prix, ce qui veut dire
que, si on constate actuellement qu'elle est en danger de mort, on devrait
prendre des moyens radicaux et même des moyens de coercition pour la
sauver? Est-ce que vous constatez que le français a une importance telle
qu'il faut prendre les moyens de le sauver s'il est en danger de mort?
M. ROGER: Je crois que l'on s'accorde à dire qu'il faut prendre
les moyens nécessaires pour assurer la survivance du français,
mais il reste à voir quels seront ces moyens et la façon dont on
les utilisera.
M. BOUSQUET: Etes-vous prêt à accepter que la sauvegarde du
français est une priorité et que les moyens doivent être en
fonction de cette priorité?
M. ROGER: A ce propos, je ne peux qu'exprimer une opinion personnelle.
Je n'ai pas de mandat pour exprimer l'opinion d'un aussi grand nombre d'hommes
d'affaires québécois. Je croirais qu'en général on
s'accorde à dire que les moyens appropriés pour assurer à
tous une connaissance convenable du français devraient être
pris.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Roger, si vous me permettez une
dernière question. Vous travaillex, évidemment, en milieu
francophone ou anglophone, selon les devoirs de votre charge, mais j'imagine
que les rapports que vous avez avec vos collègues, vos confrères
anglophones dans le Québec, s'établissent la plupart du temps
dans la langue anglaise. J'imagine que vous souhaitez vivement, vous de
l'Association des manufacturiers canadiens, que le Québec favorise une
plus grande expansion du français, de telle sorte que vos
collègues anglais puissent parler votre langue.
M. ROGER: Bien, si on parle de mes collègues anglais, s'il s'agit
de mes confrères, je puis dire sans hésitation qu'un assez bon
nombre, quelle que soit leur langue maternelle, s'expriment convenablement dans
les deux langues. Le problème se pose dans le cas d'hommes d'affaires
qui viennent d'autres provinces, qui peuvent être
transférés par l'entreprise au service de laquelle ils
travaillent, de la Colombie-Britannique ou de la Nouvelle-Ecosse au
Québec.
Il est quelquefois difficile pour ces gens de s'adapter 3 l'usage du
français comme langue de travail.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais enfin, à toutes fins utiles, en ce
qui concerne le Québec, vous considéreriez comme normal que ces
gens-là s'exprimassent en français.
M. ROGER: Je considère comme normal, dites-vous, que ces
gens-là travaillent...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): S'expriment en français.
M. ROGER: S'expriment en français.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Lorsqu'ils travaillent avec vous. Vous
représentez quand même la majorité linguistique.
M. ROGER: Au Québec, oui.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je parle du Québec.
M. ROGER: Mais je crois que, lorsque les gens n'ont pas eu l'occasion
pour une raison ou pour une autre d'apprendre le français, il n'y a
aucune objection à ce qu'ils travaillent en anglais.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): On prend note de cela.
M. BOUSQUET: Mais, est-ce que vous pensez
que le manufacturier serait d'accord pour que les grandes affaires
soient dirigées en français au Québec? Que le travail
d'usage aux plus hauts échelons des entreprises soit le français?
C'est-à-dire que la langue d'usage et même la langue courante aux
plus hauts échelons de l'administration des grandes entreprises au
Québec soit le français? Est-ce qu'il y aurait des objections
à ça?
M. ROGER: Il n'y a...
M. BOUSQUET; Est-ce que ce serait souhaitable?
M. ROGER: Je ne saurais dire, et je n'ai pas non plus mandat pour dire
si on a des objections de principe à ça. Nous pouvons enfin avoir
des problèmes pratiques qui se posent pour les raisons que j'ai
mentionnées plus tôt. Mais, d'autre part, à l'heure
actuelle, nous pouvons quand même nettement distinguer une tendance
à faire du français une langue de plus en plus utilisée
dans le fonctionnement des entreprises. Je connais certaines entreprises au
Québec qui fonctionnaient autrefois exclusivement en anglais et qui ont
pris des mesures nécessaires pour que tous leurs officiers, tous leurs
administrateurs s'efforcent d'acquérir une connaissance suffisante du
français. Je crois que c'est une tendance qui, en somme, manifeste tout
simplement une attitude d'homme d'affaires, celle de parler la langue de la
clientèle tout simplement.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, M. Roger, on peut dire que, dans le
Québec, la langue de la clientèle serait d'abord la langue de la
majorité et que, par conséquent, le français devrait
être la langue d'usage dans votre milieu d'affaires.
M. ROGER: Le français est déjà dans une certaine
mesure la langue d'usage.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Quelle mesure?
M. ROGER: Enfin, si on s'adresse à une clientèle de langue
française.
M. TREMBLAY (Chicoutimi)! Quand elle est à majorité
française vous admettriez que la langue d'usage soit le
français.
M. ROGER: Certainement.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Très bien!
M. ROGER: Mais de là à imposer aux hom- mes d'affaires de
langue anglaise qui confèrent entre eux l'usage du français, il y
a quand même une marge.
M. LE PRESIDENT: M. le député de Verdun.
M. WAGNER: Je comprends un peu votre position au cours de cet
interrogatoire ou contre-interrogatoire. Vous avez reçu mandât de
soumettre au comité les commentaires de votre association en ce qui
touche le bill 85, n'est-ce pas?
M. ROGER: Exactement.
M. WAGNER: Bon. D'autre part, il y a une commission d'enquête qui
a été créée pour étudier l'état du
français dans la province de Québec. Et voilà le sujet
dont on discute depuis quelques instants. Pour répondre à toutes
les questions qui pourraient vous être posées, pourriez-vous dire
au comité si vos clients ont l'intention, l'heure venue, de
déposer ou de soumettre des commentaires à cette commission
d'enquête que nous ne sommes pas, commission d'enquête qui aura a
décider de l'état présent du français dans la
province de Québec?
M. ROGER: A ma connaissance nous n'avons pas encore pris de
décision là-dessus, mais je crois que sans doute l'association
soumettra ses recommandations à la commission d'enquête, comme
elle l'a fait, d'ailleurs, devant d'autres commissions d'enquête, parce
qu'il s'agit de problèmes pertinents, de problèmes qui concernent
de près les manufacturiers, les milieux d'affaires aussi bien que le
citoyen.
M. WAGNER: Il ne faut pas confondre les problèmes.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, pour faire suite
à l'intervention de M. Wagner, je voudrais faire observer ceci
que...
M. WAGNER: En langue française, c'est Wagner (W prononcé
comme V).
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... même si le comité qui
siège ce matin...
M. LAPORTE: Le ministre devrait contribuer à
l'amélioration de la langue française en disant: M. Wagner (w
prononcé comme v).
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce n'est pas un nom très
français.
M. LAPORTE: Parce que, selon que..
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, M. le Président, j'ai la parole,
si vous permettez...
M. LAPORTE: ...le gouvernement est de bonne humeur ou non, il dit
« Wagner » ou Wagner.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'ai la parole. A la
suite de l'intervention du député de Verdun, je voudrais faire
observer ceci: Même si nous devons discuter, ce matin, d'un projet de loi
qui a été déposé, et qui touche à
l'éducation, il reste que ce projet de loi touche au problème
général de la langue et il ne nous est pas interdit, je pense, de
pousser plus avant l'interrogatoire lorsque nous le jugeons nécessaire.
En effet, les problèmes d'éducation, lorsqu'ils touchent
directement à la langue, sont des problèmes qui recouvrent la
réalité générale de la langue au Québec. Je
ne voudrais pas que l'on interprète d'une façon
particulière les interventions que nous avons l'intention de faire. Le
problème de la langue en éducation ne se dissocie pas du
problème général et de la situation de la langue au
Québec. C'est pour cette raison que j'ai posé à M. Roger
les questions que vous avez entendues.
M. LESAGE: Je ne crois pas que M. Wagner se soit opposé à
ce que vous posiez la question. Il a purement et simplement demandé tout
bonnement à son confrère si c'était l'intention de
l'association qu'il représente de présenter un mémoire. Je
pense qu'il ne fait aucun doute dans l'esprit de qui que ce soit que nous
pouvons poser des questions sur ce qu'il y a dans le bill et, peut-être,
sur ce qui devrait y être.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je n'ai pas fait ce
reproche à M. Wagner.
M. LAPORTE: Ayant posé des questions sur cela, j'appuierais
absolument la suggestion de M. Wagner. Si M. Roger veut suggérer i. ses
clients de présenter leur opinion devant la commission d'enquête,
je pense que ça répondra très exactement aux questions que
nous pourrions nous poser quant à leur attitude et I leur désir
de s'Intéresser à cette question-là. Je trouve la
suggestion parfaitement acceptable.
M. ROGER: On peut presque tenir pour acquis que ce sera fait.
M. BOUSQUET: Alors, pouvons-nous penser que la suggestion des
manufacturiers canadiens s'oppose à ce qu'il y ait une distinction entre
les droits des non Canadiens français au Québec,
c'est-à-dire entre les droits de ceux qui sont dé- jà
rendus ici au pays et ceux qui viendront plus tard?
En d'autres termes, accepteriez-vous une distinction entre les gens qui
sont déjà rendus au pays et ceux qui viendront plus tard?
Pourrait-on poser des conditions à la venue de nouveaux immigrants dans
le domaine culturel?
M. ROGER: Je ne crois pas que, dans l'esprit des gens qui ont
étudié le bill 85 en comité, l'on ait voulu faire des
distinctions et établir deux poids deux mesures ou des règles
différentes pour les gens qui viennent s'installer au Québec en
provenance d'une autre province du Canada ou en provenance de
l'étranger.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Laurent.
M. PEARSON: J'aurais une question à poser au ministre de
l'Education. Puis-je le faire? Ce serait pour éclairer ma lanterne.
En vertu de l'article 1, l'incitation pour favoriser l'instruction en
français, dans l'esprit du ministre même si actuellement on
ne mentionne pas les moyens; on dit qu'on étudiera les moyens voulus
est-ce que ça pourra se faire par exemple, en fournissant une
subvention ou une aide pécuniaire supérieure à ceux qui
enverront leurs enfants dans les écoles françaises par rapport i.
ceux qui les enverront dans les écoles anglaises? Ne serait-ce pas
coercltlf?
M. CARDINAL: M. le Président, à la question telle que
posée, je ne pourrais répondre ni affirmativement, ni d'une
façon négative, puisque la politique qui pourrait être
établie à la suite de l'adoption du projet de loi 85 n'est pas
établie dans des détails aussi précis.
Cependant, je ferai état de ce qui se passe actuellement. Il
existe déjà un comité d'accueil qui a été
créé pour les immigrants, de concert avec quatre commissions
scolaires de la région de Montréal! Ceci a d'ailleurs
été annoncé dans les journaux. Déjà, les
immigrants qui le désirent c'est facultatif peuvent
envoyer leurs enfants dans ces centres d'accueil où ils reçoivent
deux choses; d'une part, une initiation à la vie
québécoise en général et, d'autre part, une
initiation a la langue française.
L'on sait également j'ajoute ceci pour que le tableau soit
complet que le ministère fédéral de l'Immigration
accueille les immigrants qui viennent au Québec et leur offre uniquement
des cours de langue anglaise, actuellement. C'est ce qui s'est produit
récemment pour les réfugiés tchécoslovaques. Par
conséquent, ceci est de
l'ordre des voies et moyens et l'article 1, tel qu'il existe, si on le
considère comme purement facultatif, tout en incitant sur le fait que
c'est une incitation, permettra au ministre de prendre les dispositions qui lui
sembleraient souhaitables pour inciter les enfants d'immigrants à avoir
une connaissance d'usage du français.
M. HOUDE: Je voudrais poser une question à Me Roger, Me Roger,
vous avez mentionné tantôt que la plupart des membres de
l'association des manufacturiers étaient parfaitement d'accord pour
faire des efforts presque inoui's, s'il le fallait, pour apprendre le
français et même souhaitaient que leurs enfants apprennent le
français. Ma question est la suivante; On s'est adressé surtout
à la partie des cadres; quelle est, selon vous, la réaction du
manufacturier qui ne parle pas un traître mot de français
vis-à-vis des employés de son usine en majorité
français? Est-ce que cela l'énerve à la pensé que
les 500 employés d'une usine puissent travailler en français de a
à z, même si la partie patronale, composée parfois d'un, de
deux ou de trois membres, ne parle pas un seul mot français?
Quelle est la réaction du manufacturier? Est-ce qu'il souhaite
encore, tout en apprenant le français, imposer jusqu'à un certain
point ses directives, tout ce qu'il peut y avoir d'indications, de
communications à l'intérieur de son usine, en anglais? S'il est
prêt à faire des efforts pour apprendre le français, lui et
ses enfants, est-ce qu'il est prêt à ce que les 500
employés, disons qui sont en majorité de langue française,
puissent travailler librement en français? Je voudrais connaître
la réaction des patrons.
M. ROGER: A ma connaissance les employeurs auxquels vous
référez, lorsqu'il s'agit d'un ou de deux patrons d'une usine
située en milieu français, trouvent tout à fait normal que
leurs employés travaillent en français. Je puis dire aussi que,
dans bien des cas, les patrons qui sont de langue anglaise ou enfin qui ne
maîtrisent pas suffisamment le français s'efforcent de se trouver
un second, un homme de confiance, qui puisse, au moins, traduire leur
pensée en français auprès des employés. La
majorité des membres de l'association des manufacturiers sont de petits
employeurs; ils ont 50 employés, 75 ou moins, et, à ma
connaissance, tous ces employeurs trouvent tout à fait normal que leurs
employés travaillent en français.
M. HOUDE: Cela est accepté.
M. ROGER: C'est accepté, sans aucun doute.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Me Roger, cela veut-il dire que les
instructions, les notes de service, enfin les documents qu'on fait circuler
dans les milieux de travail à l'intention de ces employés, sont
rédigés en français de façon
générale?
M. ROGER: Oui, dans la mesure où on désire être
compris, on s'adresse à l'employé dans sa langue. Mais, il
subsiste encore une espèce de syndrome même parmi les
employés de langue française, qui, pour une certaine proportion
en tout cas, ont l'impression que les affaires se font en anglais. Je connais
de grandes entreprises qui ont, à un moment donné, fait du
français leur langue d'usage plutôt que l'anglais et la
difficulté d'adaptation est venue quelques fois des employés
eux-mêmes qui, enfin, étaient plus familiers avec la terminologie
anglaise et même avec les concepts anglais dans leur travail. Dans la
mesure où le ministère de l'Education s'efforcera
d'améliorer la qualité du français, les mesures qui
devront être prises devront l'être à la base même,
c'est-à-dire dans l'enseignement du français.
M. LE PRESIDENT: D'autres questions à Me Roger? Je vous remercie
Me Roger; vous vous défendez bien.
Est-ce que M. Donald Smith de la Parents Association for Catholic
Education...
UNE VOIX: Présent.
M. LE PRESIDENT: M. Lome Tracey. Vous êtes de quel organisme, M.
Tracey?
M. TRACEY: Je m'appelle Lorne Tracey. et suis directeur du Montreal
Board of Trade.
Vous avez devant vous la présentation du Board of Trade, et si
vous me le permettez, je vous le présenterai maintenant en
français.
Le Montreal Board of Trade a été créé dans
le but de veiller aux intérêts commerciaux de la localité
où il est établi, et son action s'est maintenue dans ce sens.
Entre autres activités, le Board s'efforce de favoriser la
création d'une ambiance propice à la croissance et au
progrès des entreprises, dans l'intérêt de tous.
Le Board, qui compte plus de 3,300 sociétés commerciales
et professionnelles affiliées, recrute ses membres dans tous les
secteurs de la communauté d'affaires. C'est donc dire qu'il
représente tous les secteurs d'activités commerciales
pratiquées à Montréal, depuis les professions
libérales jusqu'aux détaillants, grossistes, fabriquants et
pourvoyeurs de services.
A la lumière des objectifs précités, le Board
désire profiter de cette occasion pour exprimer ses opinions
relativement au bill 85, Loi modifiant la loi du ministère de
l'Education, la loi du Conseil supérieur de l'éducation et la loi
de l'instruction publique.
La présentation d'un bill ayant pour but de «
préciser le rôle de la langue française dans le domaine de
l'éducation » est des plus louables. Toutefois, certains aspects
du bill 85 ont suscité confusion et inquiétude en raison de
l'incidence sérieuse qu'il pourrait avoir sur la vie économique
du Québec, qui est étroitement liée au Canada dans son
ensemble et, certes, au continent nord-américain.
Pour assurer à la main-d'oeuvre du Québec des
possibilités d'emploi maximales et favoriser sa croissance et son
progrès, toute loi régissant l'éducation doit avoir pour
but ultime d'atteindre au bilinguisme, Il s'ensuit que les systèmes
d'enseignement doivent être structurés de façon à
permettre aux élèves, qu'ils optent pour le système
français ou le système anglais, d'acquérir une
connaissance d'usage de la langue seconde, l'anglais ou le français
selon le cas.
Toute initiative comme celle que semble préconiser l'article 1 du
bill 85, visant à imposer aux personnes résidant ou
s'établissant en permanence ou provisoirement au Québec, en
provenance d'une autre région du Canada ou de l'étranger,
l'intégration à l'un ou l'autre des systèmes
d'enseignement ne saurait qu'entraver le mouvement de la population au sein de
la grande collectivité économique dont le Québec fait
partie. Cette mobilité continuelle et croissante est l'un des
éléments les plus caractéristiques et les plus importants
des impératifs commerciaux d'aujourd'hui, tant sur le plan national
qu'international.
L'établissement d'une distinction entre les droits des personnes
nées au Québec et de celles qui y élisent domicile ne peut
que donner lieu à la création de différentes classes de
citoyens et au cloissonnement des groupes au sein de la province, ou isoler la
province des autres, ce qui aurait un effet restrictif sur la vie et la
prospérité de la population.
S'il est hautement souhaitable que tous les résidents de
Québec qu'ils y soient nés ou qu'ils proviennent d'une
autre région du Canada et que tous les immigrants puissent vivre
et travailler dans la langue de la majorité, il importe également
que tous les Québécois possèdent la compétence
linguistique et technique voulue pour pouvoir se déplacer sans
difficulté à l'intérieur de la grande sphère de
croissance et de progrès que le Québec partage avec le reste du
Canada et les Etats-Unis.
Le bilinguisme se voit de plus en plus encou- ragé et
favorisé aux échelons fédéral et provinciaux du
Canada, ce qui témoigne bien de la sympathie et de la
compréhension qui existent dans ces secteurs. Le meilleur moyen pour le
Québec de continuer d'indiquer la voie du renouvellement et de la
prospérité à un Canada véritablement bilingue et
biculturel consiste à édicter une loi en vertu de laquelle : a)
tous les résidents de la province et leurs enfants qu'ils y
soient nés ou non auraient, pourvu que l'importance
numérique de la population dans la région concernée le
justifie, la possibilité de recevoir leur enseignement en
français ou en anglais, selon leur libre choix; b) des mesures prises en
vue d'assurer que les étudiants acquièrent une connaissance
d'usage de la langue seconde, que leur langue maternelle soit l'anglais ou le
français.
Nous désirons souligner, par les observations qui
précèdent, qu'à notre avis, dans l'intérêt de
la collectivité et de ses membres, l'un des rôles les plus
importants de l'éducation consiste à équiper la population
non seulement de façon à lui permettre de vivre dans son milieu
socioculturel, mais encore de veiller à ce que chacun possède les
connaissances linguistiques et techniques voulues pour être en mesure
d'atteindre et de maintenir un niveau de vie élevé.
Nous vous recommandons respectueusement de modifier le bill 85 dans le
sens des considérations qui précèdent.
Soumis respectueusement par J. Eric Harrington, président du
Montreal Board of Trade et moi-même.
M. le Président, étant de langue anglaise, ma langue
maternelle étant l'anglais, peut-être n'ai-je pas assez de mots en
français pour donner des explications ou pour répondre aux
questions des membres du comité. J'espère donc qu'il sera
possible de répondre en l'une ou l'autre des langues, en anglais ou en
français, pour donner tous les renseignements que j'ai en ce moment.
M. LE PRESIDENT: Je vous remercie, M. Tracey. Est-ce que les membres du
comité ont des questions à poser à M. Tracey?
MR. LESAGE: Mr. Tracey, you invited us to ask our questions in English
so that we would get some clarification accordingly. I will use my second
language.
M. TRACEY: Merci, M. Lesage.
MR. LESAGE: May I draw your attention to the English text of your
presentation, at the top of page 2?
MR. TRACEY: Yes.
MR. LESAGE: Any implication, such as suggested in section 1 of Bill 85,
of forced entry into one or other of the two language educational systems for
persons resident or settling in Quebec, etc.
Do you really think that section 1 implies the « forced entry
»...
MR. TRACEY: Well, if I may, Sir...
MR. LESAGE: ... in a given, in a determined language group?
MR. TRACEY: Well, this is one of the difficulties, if you will, of
translation. There may be a variation in « nuance » between the
French and the English.
And as you said, I am making a reference to a previous presentation. It
could appear that the word « may » may precede the word «
cause ».
MR. LESAGE: Yes
MR. TRACEY: But it is not there.
MR. LESAGE: Well, you can hardly, when you write in either French or any
language, of course, repeat the words when you do not have to, in order to be
understood when you follow the elementary rules of grammar.
MR. TRACEY: Well, if I may, Sir, as far as the doubt is concerned, it
seems to be widespread among several of my « confrères ».
So, respectfully, I will suggest to you that the word doesn't seem to be...
MR. LESAGE: But the construction of the sentence: « May acquire,
upon arrival, aworking knowledge of the French language and cause their
children... » How can you interpret it? « Cause » is not
preceded by « may ».
MR. TRACEY: If I may also suggest, Sir, without being linguist, having
not ability either in French or English, the doubt is there because the word
« may » is not immediately in front of « cause », and
one can have an opinion on one side or the other and that is the doubt which
may create the problem that one draws to your attention from the viewpoint of
clarification.
And if the intent is the one thing to be specific, then I suggest to
you, Sir, that perhaps the word might be so phrased as to eliminate any
doubt.
M. LE PRESIDENT: M. Tracy, nous vous remercions.
MR. TRACEY: Thank you.
M. LE PRESIDENT: M. je vous remercie. M. Lebeau, s'il vous plaît.
Mme Hill, M. Jean-Marc Léger, M. Eugène Lavoie, M. Georges
Perron, M. Julien Chevalier, M. Harry Lautman, M. Robertson, Mme Markowitz, Mme
Gollings c'est le bilinguisme intégral ici M. Gilles
Noiseux, M. Landry, M. Milot, le docteur Thibault, Mme Mary Busch, M. John
Finn, M. G.Il. Archer, M. R.Il. Stevenson, Mme Ileana Archdall merci M.
Lesage, votre prononciation est très bonne M. Haridge, M.
Mac-Donald.
Voulez-vous identifier le groupe que vous représentez, s'il vous
plaît?
M. LEDUC: Je représente M. MacDonald. Pierre Leduc est mon
nom.
M. LE PRESIDENT: M. Leduc, avez-vous un mémoire?
M. LEDUC: Malheureusement, nous n'avons pas eu encore le temps de
préparer notre mémoire. Si, à une assemblée future,
vous permettez...
M. LE PRESIDENT: Vous pourrez le soumettre quand même au
comité, par la suite. M. Leduc, vous pouvez faire une
présentation verbale et, par la suite, déposer votre rapport au
comité. Vous êtes libre.
M. LEDUC: Je pense que c'est un sujet trop important pour exprimer des
idées sans les mettre d'abord sur papier.
M. LE PRESIDENT: Vous êtes un homme prudent.
M. LEDUC: Il faut.
M. LE PRESIDENT: Vive la prudence. M. Noël Herron. De quel groupe,
M. Herron?
M. Alain Picard
M. PICARD: Je suis Alain Picard. Je représente The Association of
Catholic Principals et The Association of Catholic Principals of Montreal. Je
me fais le porte-parole de ces deux associations. J'aimerais présenter
au président ainsi qu'aux membres du comité, M. Noël
Herron, président de The Association of Catholic Principals of
Montreal qui est ici à ma droite. M. Herron.
Il me fait plaisir de venir exposer nos idées ici, au
comité. Les deux associations concernées sont conscientes des
problèmes qui existent pour le Canadien français dans la province
de Québec au point de vue de la langue et de la culture. Nous venons
offrir notre appui à toute mesure gouvernementale qui respecte le
principe de la sauvegarde des droits linguistiques en éducation dans
cette province.
Nous espérons que bientôt les gouvernements provinciaux
verront à ce que les droits des personnes qui s'expriment dans l'une ou
l'autre des deux langues officielles du Canada seront protégés
par la législation. Donc, sauf pour les quelques amendements qui
suivent, la PACP et la ACPM acceptent le bill 85.
Il est à noter, dans le deuxième paragraphe du
préambule de la loi du ministère de l'Education et dans la loi du
Conseil supérieur, que les parents ont le droit de choisir les
institutions qui, selon leurs convictions, assurent le mieux le respect des
droits de leurs enfants.
Nous assumons alors que l'esprit de la loi indiqué ci-haut
demeure toujours, car dans le bill 85, section 10-3, on lit en partie: Si leurs
parents ou les personnes qui en tiennent lieu sont désireux de les y
inscrire.
Maintenant, les modifications que nous voudrions apporter à la
section 22-A, sous-section A. Nous voudrions ajouter à la fin de cette
section les paroles « en conformité avec la recommandation 49,
volume IV du rapport Parent ». Cette recommandation 49 se lit comme suit;
« Nous recommandons que la loi oblige immédiatement la commission
régionale à faire, dans tout son territoire, un recensement
annuel des enfants et des adolescents de moins de 18 ans afin de prévoir
les meilleurs moyens pour répondre au désir des parents quant au
type d'enseignement qu'ils souhaiteraient pour leurs enfants. »
Section 22-A, sous-section B. Nous aimerions que cette section soit
précédée des mots « après consultation
antérieure et intensive avec des associations professionnelles
d'enseignants et de principaux ». Parce que, dans cette section, il
s'agit de faire des règlements régissant les programmes
d'étude et les examens pour tous les enseignements d'ordre
pédagogique. Les associations d'enseignants et de principaux devraient
être consultées.
Section 22-A, sous-section C. Nous aimerions aussi que cette section
soit précédée par une consultation antérieure et
intensive avec les mêmes associations professionnelles d'en- seignants et
de principaux lorsqu'il s'agit de qualification au point de vue linguistique du
personnel dirigeant et du personnel enseignant dans les institutions.
Comme dernière remarque, la section 11 du bill 85. Nous demandons
que la section qui dit: « A l'exception de l'article 1 qui entre en
vigueur le jour de sa sanction » soit enlevée et que la section se
lise: « La présente loi entrera en vigueur à la date qui
sera fixée par proclamation du lieutenant-gouverneur en conseil ».
Nous aimerions que le bill soit sanctionné au complet et non pas par
sections. Merci, M. le Président, messieurs les membres.
M. LE PRESIDENT: Je vous remercie, M. Picard. Les membres du
comité ont-ils des questions à poser? Merci. Oui, M.
Goldbloom.
M. GOLDBLOOM: Je voudrais demander à M. Picard pourquoi la
dernière recommandation de l'association qu'il représente
voudrait que la loi entre en vigueur à une date qui serait fixée
ultérieurement par le lieutenant-gouverneur en conseil au lieu de
suggérer que la loi entre en vigueur à la date de sa sanction
comme à l'habitude?
M. PICARD: L'idée principale, c'est que la loi au complet soit
sanctionnée. Il est indiqué que la section 1 entre en vigueur le
jour de sa sanction et que le reste de la présente loi entrera en
vigueur à la date fixée par la proclamation du
lieutenant-gouverneur. Nous aimerions que le bill au complet soit
sanctionné.
M. GOLDBLOOM: Mais, ne préféreriez-vous pas, si le
Parlement finissait par accoucher d'une bonne loi, qu'elle entre en vigueur
immédiatement?
M. PICARD: Oui, qu'elle entre en vigueur immédiatement. Au
complet.
M. GOLDBLOOM: Deuxième question. Quelle importance attachez-vous
au fait que les organismes que vous représentez ici et les autres qui
vous ont précédé ont présenté leur
mémoire en langue française quoique les associations sont, en
majorité de leurs membres, de langue anglaise?
M. PICARD: Pourquoi ai-je présenté mon mémoire en
français?
M. GOLDBLOOM: Pourquoi ceux qui vous ont chargé de
présenter leur mémoire vous ont-ils demandé de le faire en
langue française?
M. PICARD: Je crois que c'est un signe de bonne volonté. Les deux
associations concernées veulent, comme je l'ai dit au début,
reconnaître que nous sommes bien conscients des problèmes auxquels
nous faisons face. Nous voulons montrer notre bonne volonté et notre
appui, que nous sommes intéressés aux lois qui peuvent sortir du
gouvernement pour améliorer le sort du Canadien français dans le
Québec. Je crois que c'est une question de bonne volonté, pour
montrer que nous sommes intéressés. Je représente ces deux
groupes.
M. GOLDBLOOM: Cela veut-il dire que les organismes qui sont en
majorité de leurs membres d'expression anglaise, dans le cas même,
que le français occupe une position importante dans la vie de la
communauté anglophone du Québec?
M. PICARD: Je crois que oui. Dans la province de Québec surtout,
il serait très important que les gens parlent les deux langues. Les deux
associations que je représente sont certainement de cet avis.
M. GOLDBLOOM: Alors, selon vous, ce ne serait pas nécessaire que
l'Etat ait recours à quelque coercition que ce soit pour encourager les
anglophones à apprendre le français et à s'en servir?
M. PICARD: Je ne le crois pas. Je crois qu'ils sont sensibles à
ce point, qu'ils font des efforts et en feront davantage à l'avenir pour
que les élèves qui sortent de nos écoles anglaises
puissent « se débrouiller » comme on dit, parler le
français et se faire comprendre dans la province.
M. GOLDBLOOM: Merci, M. Picard.
M. LE PRESIDENT: Je vous remercie, M. Picard.
Mme LeBlanc. M. Irving. Mme Léger. The Association of Directors
General for English Catholic Schools of the Province of Quebec,
Montréal.
Est-ce que les membres sont ici?
M. Raymond Lemieux.
UNE VOIX: M. Raymond Lemieux sera ici cet après-midi.
M. LE PRESIDENT: Merci. Mme Cowan. Thorndale Home and School
Association, M. John Hill. M. Winton L. Roberts. Mme Allana Reid-Smith. M.
Leslie J. B. Clark. Mme Allan Horowitz. M. N.F.W. Gates. Mme Frankel. Cela va
bien. M. Clout. L'Association des professeurs de l'Ecole normale Laval,
Québec. Votre nom s'il vous plaît, monsieur.
M. LABRECQUE : Jean Labrecque, président de l'Association des
professeurs de l'Ecole normale Laval.
M. LE PRESIDENT: Vous nous avez remis un mémoire?
M. Jean Labrecque
M. LABRECQUE: Nous avons reçu votre télégramme et
nous avons répondu par téléphone comment nous devions
procéder pour venir devant cette assemblée. On nous a dit que
normalement nous pourrons avoir un mémoire écrit vendredi; c'est
mardi et nous n'avions pas les moyens de rédiger un texte. Mais, on nous
a dit que nous pouvions nous exprimer oralement et que vous pourriez,
après ça, demander par écrit ce que nous avions
déclaré.
Nous sommes ici pour rappeler, en définitive, quelques aspects de
la situation de notre culture française, de notre langue
française au Québec Nous voulons rappeler quelques principes qui
nous semblent fondamentaux pour assurer l'épanouissement de la culture
française au Québec.
Une de nos premières propositions, c'est de demander que le
Québec ait sa langue nationale officielle et que cette langue soit
enseignée dans toutes les écoles, quelles qu'elles soient.
Certes, la réforme scolaire qui a été entreprise
depuis quelques années a enlevé à des groupes minoritaires
l'avantage qu'il y avait dans les anciennes lois de faire des syndics de
commissions scolaires, des syndics d'associations séparées. La
réforme scolaire a de plus en plus tendance à vouloir planifier
le développement scolaire de notre région. Nous comprenons
maintenant qu'il n'est plus possible à des groupes d'organiser des
syndics comme il y en avait autrefois.
Cette réforme-là amène donc le
phénomène de l'intégration, mais nous ne voyons pas
comment l'intégration peut affaiblir la minorité anglophone au
Québec, étant donné les énormes facteurs qui la
renforcent de toute façon. Même si le système scolaire du
Québec était strictement unilingue, sans enseignement d'une
langue seconde, le milieu anglo-saxon nord-américain est tellement fort
que le milieu familial anglophone se trouverait protégé. Dans une
certaine mesure, nous considérons que le jeune Québécois
d'origine anglophone est favorisé quand on lui demande, comme ça,
de s'intégrer à l'école
française. En effet, on est sûr que, dans sa famille, il ne
perdra pas sa langue maternelle et qu'à l'école il
s'intégrera mieux à notre société
canadienne-française.
Ce sont les points que nous tenions à rappeler à votre
comité. J'ai avec moi des confrères qui pourraient
peut-être apporter d'autres arguments, si vous me permettez de vous les
présenter.
M. LE PRESIDENT: Oui.
M. LABRECQUE: M. Laberge est vice-président de l'association.
M. LABERGE : M. le Président, nous croyons qu'il y a deux raisons
fondamentales pour que le Québec affirme une langue nationale commune,
connue par tous les citoyens du Québec.
D'abord, il y a une fausse raison; ce n'est pas un préjugé
sur la qualité des langues en présence. Ce n'est pas, non plus,
un préjudice porté aux langues maternelles. Je crois que toutes
les maternelles pourront survivre au Québec. Une langue maternelle, par
définition, c'est la langue qui est enseignée par la mère,
qui est enseignée par les parents, à la maison. Dans tous les
pays du monde, il y a une langue nationale utilisée dans
l'administration publique et dans les services publics; c'est la langue du
travail, la langue des communications à tous les niveaux où les
diverses familles linguistiques ont à se rencontrer. Nous croyons,
évidemment, que la langue nationale du Québec doit être le
français et que cette langue nationale doit être connue par tous
les citoyens, quelles que soient leurs origines, religieuses, ethniques,
etc.
Alors, les deux raisons principales sont, premièrement, pour
accuser l'originalité du Québec, vis-à-vis du reste de
l'Amérique du Nord. Si l'on pense que le Québec doit continuer
à survivre comme une entité originale, il doit se distinguer du
reste de l'Amérique du Nord.
La deuxième raison, qui est aussi importante, c'est pour assurer
un minimum d'homogénéité culturelle nécessaire
à la survie d'une société vraiment complète au
Québec. C'est une question de démocratie de participation, c'est
une question d'égalité de chances pour toutes les
catégories de citoyens. Il faut que tous les citoyens puissent
comprendre, au moins, une langue commune et l'utiliser.
Ce que nous proposons, c'est, premièrement, que le
français soit la seule langue d'enseignement à tous les niveaux,
dans toutes les écoles publiques, partout sur le territoire
québécois. Pour l'enseignement des langues, il faut respecter les
exigences de l'enseignement de chaque langue.
Deuxièmement, le français devrait être
enseigné partout, dès le niveau de la maternelle,
évidemment dans les écoles publiques, ce qui ne lèse en
rien les écoles privées qui, elles, auront le droit d'enseigner
dans la langue qu'elles le désireront.
Troisièmement, nous pensons que la langue maternelle des groupes
ethniques minoritaires devrait être enseignée à
l'élémentaire là où ce sera économiquement
et pédagogiquement possible. Dans le cas de l'anglais, je pense que
ça pourra être possible dans plusieurs endroits. Cela devrait
aussi être envisagé dans le cas de l'esquimau et de l'italien,
peut-être. Au secondaire et au collégial, nous pensons qu'on doit
encourager l'étude des grandes langues internationales,
particulièrement de l'anglais, évidemment, qui devra être
enseigné avec le plus de compétence possible à partir de
niveau secondaire, mais aussi d'autres grandes langues internationales comme le
russe, l'espagnol et l'allemand.
Alors, c'est tout pour mon intervention.
M. LABRECQUE: Nous tenons à vous remercier de l'attention que
vous avez portée à nos remarques.
M. LESAGE: Pourrais-je vous poser seulement une question, M. le
Président? C'est la suivante: Dois-je comprendre que vous
préconisez qu'il n'y ait que des écoles de langue
française au Québec où l'on enseignerait une langue
seconde qui serait l'anglais?
M. LABRECQUE: L'école publique est une école
fondamentalement française. Ceci ne veut pas dire...
M. LESAGE: Mais qu'est-ce que vous voulez dire?
M. LABRECQUE: ... qu'il n'y a pas dans ces départements un
enseignement de l'anglais. Mais, officiellement, l'école serait
française.
M. LESAGE: Je ne sais si c'est vous ou votre confrère qui, il y a
un instant, a dit : De toute façon, la langue maternelle sera
montrée par la mère.
M. LABRECQUE: Non, c'est justement le contraire. On dit toujours que la
langue maternelle est enseignée par la mère, en dépit de
l'école.
M. LESAGE: Mais, c'est ce que je viens de dire. Nous disons tous les
deux la même chose.
M. LABRECOUE: Parce que, voyez-vous...
M. LESAGE: J'ai voulu répéter ce que vous avez dit.
Justement vous venez de le répéter. Mais comment peut-on
être instruit dans la langue de ses parents si on ne l'apprend pas
à l'école?
M. LABRECQUE: Eh bien, la démonstration en a été
faite par nos compatriotes des autres provinces pendant plusieurs
générations. Il est certain qu'aujourd'hui il y a toutes sortes
de services complémentaires à l'école qui sont, par
exemple, les cours par correspondance, toutes les possibilités de la
bibliothéconomie moderne, toute la possibilité des techniques
particulières de la radio, de la télévision et des
services. En plus de cela, pensez que quelquefois, surtout dans le cas des
anglophones, cette atmosphère, ce milieu nord-américain qui fait
que chaque jour ils sont continuellement sollicités de réflexes
anglais, de publicité, d'annonces, d'Images...
M. LESAGE: L'expérience en Nouvelle-Angleterre n'est-elle pas
que, lorsque les enfants ne peuvent pas apprendre leur langue maternelle
à l'école, même si les parents continuent de la parler
à la maison, ils la perdent?
M. LABRECQUE: Ils la perdent pour d'autres raisons. Ils la perdent parce
que, dans la vie d'adultes, les institutions politiques, les institutions
économiques, les institutions sociales forcent d'abord l'enfant à
sortir de son milieu familial. Nécessairement, pour s'intégrer
à ce niveau de vie, là où l'anglais, où la langue
seconde était prédominante et fondamentalement, cela ne lui a pas
enlevé le privilège fondamental de parler sa langue maternelle.
Il est simplement devenu bilingue.
M. LESAGE: Non, non, ils deviennent tous unillngues anglais.
M. LABRECQUE: Oui, mais à un moment donné, au bout de deux
ou trois générations, il est évident que le
problème est là.
M. LESAGE: C'est cela, parce qu'ils n'ont pas appris, ils n'ont pas eu
l'occasion d'apprendre à l'école les éléments de
leur langue. Ce ne sont pas toutes les mères de famille qui peuvent
enseigner la grammaire, la littérature, la syntaxe.
M. LABRECQUE: Non, mais il reste quand même qu'il y a des
éléments fondamentaux que les parents, que le milieu familial
peut communiquer et qu'on peut vérifier, si on le veut, par l'ordre
académique, le courant scolaire. Mais les éléments de
base, ce n'est pas l'école qui peut réellement les donner. La
preuve, c'est que l'enseignement d'une langue seconde à l'école a
toujours été un effort pénible pour n'importe quelle
institution de n'importe quel pays. C'est toujours un effort difficile que
d'instituer l'enseignement d'une langue seconde.
M. LESAGE: Mais comment voyez-vous au Québec, ceux qui viennent y
travailler, ou ceux qui viennent y faire fructifier leurs capitaux, venant des
Etats-Unis, venant des autres provinces? Comment voyez-vous un Québec
qui va les accueillir s'ils ne peuvent pas compter que leurs enfants, qui sont
établis peut-être temporairement au Québec, pourront
continuer leurs études dans leur langue maternelle?
M. LABRECQUE: Oui, mais c'est le problème niveau international ou
de tout fils d'ambassadeur qui voyage de pays en pays. C'est un avantage, en
définitive, pour cet enfant-là que de pouvoir comme cela
être transplanté de milieu. Je suis sûr qu'en
définitive il y a des correctifs au danger qu'il aurait de perdre sa
langue maternelle, s'il y tient vraiment.
M. LESAGE: Et quels sont ces correctifs?
M. LABRECQUE: Par exemple, dans le cas des personnes que vous me
mentionnez, qui sont plutôt des personnes économiquement fortes,
il est certain qu'elles peuvent permettre à leurs familles des retours
dans leur lieu original. A ce moment-là, elles se retrempent facilement
dans une source. Si elles viennent ici pour s'intégrer au Québec
définitivement, alors pourquoi ne pas jouer le jeu franc et net de
s'intégrer à la majorité?
Le problème, c'est que c'est à elles de faire une option;
ce n'est pas à la majorité de diminuer sa propre vocation pour
essayer de contenter la variété, justement, des personnes qui
pourraient venir s'établir au Québec. Parce que la
considération que vous pouvez apporter au milieu anglo-saxon qui
pourrait venir s'intégrer dans l'économie du Québec, vous
pouvez aussi l'apporter pour les Allemands, les Italiens ou pour...
M. LESAGE: Eh bien, il y a tout de même une différence!
C'est qu'on vit dans un pays qui s'appelle le Canada. Je pense bien que si
j'avais à vivre en Ontario... à Ottawa, ce que j'ai
déjà
fait quand j'étais député fédéral, je
m'attendais bien d'avoir pour mes enfants des écoles de langue
française, et j'en avais.
M, LABRECQUE: Oui, vous en aviez dans un milieu qui pouvait l'offrir,
mais vous savez à quel prix ce service était offert. Vous vous
seriez rendu à Victoria ou à Halifax et je ne sais pas si vous
auriez pu avoir ce même service pour vos enfants.
M. LESAGE: Eh bien, à Toronto, de plus en plus!
M. LABRECQUE: Remarquez qu'il est toujours possible d'offrir des
services comme ceux-là, mais à la condition qu'ils ne
dérangent pas, qu'ils soient marginaux au renforcement d'une
société qui se veut...
M. LESAGE: Alors, pourriez-vous préciser le mot employé,
c'est-à-dire le mot « marginaux »?
M. LABRECQUE: Tantôt, mon confrère a parlé des
institutions privées. Vous avez justement prévu qu'il
était possible de maintenir des institutions scolaires privées au
Québec. Eh bien, la preuve est à faire justement, maintenant que
vos lois et le courage de certains citoyens peuvent soulever la chose si c'est
nécessaire.
M. LESAGE: Autrement dit, les contribuables qui paient les taxes
scolaires, qui paient leur impôt sur le revenu, leurs taxes provinciales,
ne pourraient pas bénéficier pour leurs enfants du produit de ces
taxes comme citoyens et seraient appelés à payer en double,
justement ce que nous avons terriblement critiqué nous-mêmes,
depuis des années, par rapport à ce qui se passe dans les autres
provinces.
M. LABRECQUE: Oui, mais cet effort supplémentaire, bien des
parents canadiens-français le font pour le bien de leurs propres
enfants. Vous avez quelquefois, chez nous, l'institution publique qui offre un
cours de très bonne qualité et des parents qui paient les taxes
pour le maintien de ces institutions, ce qui ne les empêche pas d'envoyer
leurs enfants dans une institution privée où ils pensent trouver
ce qu'il y a de mieux.
M. LESAGE: Ils ont quand même l'occasion d'envoyer leurs enfants
à l'école publique. Ils ont un choix.
M. LABRECQUE: Oui. Les autres l'ont indirectement mais ils l'ont.
M. LE PRESIDENT: M. Paul, s'il vous plaît.
M. PAUL: M. Labrecque, la principale recommandation de votre association
ne serait-elle pas de proclamer le français comme langue nationale au
Québec?
M. LABRECQUE: Oui.
M. PAUL: Comment feriez-vous entrer le jeu de l'enseignement de
l'anglais dans les écoles publiques? Est-ce que vous vous objecteriez
à ce que l'enseignement de l'anglais soit dispensé ou si,
nécessairement, l'anglais ne devrait être enseigné que dans
les écoles privées?
M. LABRECQUE: Non, il faut absolument... L'anglais est un
élément de formation intellectuelle, de formation professionnelle
reconnu. La seule différence est de savoir dans quelle mesure les
structures scolaires sont franches et nettes là-dessus.
M. LESAGE: Vous ne préconisez pas l'établissement
d'écoles bilingues, j'en suis convaincu.
M. LABRECQUE: L'unilinguisme...
M. LESAGE: Vous, comme enseignant, vous ne préconisez
certainement pas des écoles bilingues où certaines
matières seraient enseignées en français et d'autres en
anglais. Je pense bien que vous me direz tout de suite que cela n'a pas de bon
sens, que cela donne un enseignement inférieur, que les résultats
sont mauvais.
M. LABRECQUE: Vous avez remarqué que, dans les propos de mon
confrère, nous avons justement signalé le moment où
l'enseignement d'une langue seconde doit s'intégrer dans l'enseignement
ou la formation d'un élève. Mais ce que nous voulons noter, c'est
que, fondamentalement, il faut consacrer un certain temps pour enseigner, chez
nous, en tout cas pour protéger chez nous l'enseignement du
français et faire intégrer l'enseignement d'une langue
seconde...
M. LESAGE: Mais vous n'avez pas répondu à la question du
Secrétaire de la province.
M. LABRECQUE: Est-ce que vous pouvez la répéter, s'il vous
plaft
M. PAUL: Si je retiens le principal de vos recommandations, ce serait
que le français devienne langue nationale au Québec?
M. LABRECQUE: Oui.
M. PAUL: Est-ce que, de votre mémoire ou de vos recommandations,
il découlerait l'impression ou la suggestion, au comité, ici, que
l'anglais ne soit pas enseigné dans les écoles publiques mais
plutôt dans les institutions privées, quitte à ce que des
subventions soient données...
M. LESAGE: Je pense qu'il faudrait distinguer.
M. LABRECQUE; Non, la réponse...
M. LESAGE: Il ne dit pas que l'anglais ne doit pas être
enseigné mais il propose que l'anglais ne soit pas la langue
d'enseignement. C'est une distinction importante.
M. PAUL: Dansun milieu où la collectivité serait
anglophone, est-ce que votre suggestion serait que l'enseignement soit quand
même en français?
M. LABRECQUE: Généralement, oui. Mais remarquez que
là vous entrez dans des cas très particuliers. Mais
généralement, en principe nous discutons au niveau du
principe l'enseignement du français se fait partout dans la
province de Québec, dans la mesure où cela répond vraiment
à la réalité des faits. Et
généralement...
M. PAUL: Des faits ou du milieu? M. LABRECQUE: Pardon?
M. PAUL: Des faits ou du milieu? L'enseignement doit-il être
dispensé suivant le milieu ou les faits?
M. L ABRECQUE: Il doit être dispensé d'abord selon les
principes et les principes ajustés à un fait.
Si, 5. un moment donné, on découvre qu'il y a... Je vais
reprendre parce que là, je devine une sorte de digression. Cela me
dérange dans mon affaire.
Prenez, par exemple, le cas des Esquimaux. On prendra un cas par rapport
à l'anglais ou au français. Il est fondamental que lorsque nous
instituerons des écoles là, nous allons avoir affaire à un
milieu qui parle esquimau. Il est évident que, si nous introduisons
là des maîtres qui parleront français, il y aura
coûte que coûte, de la part du maître, une sorte d'adaptation
à ce milieu qui fêta que ce ne sera que graduellement qu'il aura
amené les jeunes Esquimaux de leur langue maternelle à la langue
officielle, sans nécessairement leur faire oublier leur langue
maternelle.
M. PAUL: Mais, à ce moment-là, d'après vos
recommandations, est-ce que l'enseignement devrait être
nécessairement en français dans le milieu esquimau?
M. LABRECQUE: Il est nécessaire que l'enseignement du
français soit fait aux Esquimaux.
M. LESAGE: Je crois qu'il faudra que vous les convainquiez, les
Esquimaux. J'ai été ministre du Nord, et je vous dis que ce n'est
pas facile.
M. LABRECQUE: Non, je le reconnais. Je reconnais d'ailleurs que le
problème est là.
M. LESAGE: Les professeurs que nous envoyons doivent apprendre
l'esquimau avant d'aller enseigner parce qu'il faut qu'ils enseignent en
esquimau. Autrement, ils n'enseigneront pas.
M. LABRECQUE: Je comprends. C'est d'ailleurs ce que je viens de dire, au
fond. Je l'ai dit. Il y a une adaptation du maître à la
réalité mais il doit l'amener S un idéal que la
société québécoise majoritaire a proposé
à tous ses citoyens, quels qu'ils soient.
M. WAGNER: Ce que vous dites est infiniment sérieux. Je ne
voudrais pas que vous soyez mal interprété.
Est-ce que vous proposez, est-ce que vous prônez un système
en vertu duquel l'enseignement du français, où l'enseignement se
ferait en français dans les écoles publiques de la province?
M. LABRECQUE: Si vous me le permettez, je vais vous demander de
répéter encore une fois pour que je saisisse très bien
votre pensée.
M. WAGNER: Est-ce que vous soutenez que l'enseignement doit se faire en
français dans les écoles publiques de la province?
M. LABRECQUE: Oui.
M. WAGNER: Exclusivement? C'est ce que vous prétendez?
M. LABRECQUE: Oui.
M. WAGNER: Et vous ne trouvez absolument rien, là,
d'extraordinaire ou d'illogique?
M. LABRECQUE: Ce que je trouve difficile,
c'est qu'à partir d'un moment historique comme le nôtre, la
démarche à entreprendre demande du doigté suivant certains
milieux.
M. PAUL: Qu'est-ce que vous entendez par « moment historique comme
le nôtre »?
M. LABRECOUE: Il y a une situation historique qui vient de nos anciennes
lois. Je vous rappelle que les anciennes lois scolaires permettaient, dans un
milieu donné, d'avoir des syndics qui, du jour au lendemain, pouvaient
fonder, à coté de la commission scolaire majoritaire, une seconde
commission scolaire qui pouvait, elle, donner l'enseignement dans la langue des
syndics impliqués. Ce moment-là a été
éliminé avec les nouvelles lois scolaires qui ont fait
apparaître ce qu'on appelle une sorte de planification scolaire, une
intégration scolaire qui oblige coûte que coûte à des
options définitives quant à la langue qui va régir tout le
système.
M. WAGNER: Pour être encore plus précis, vous
prétendez que les anglophones du Québec pourraient, eux, recevoir
leur enseignement en langue anglaise, soit par cours de correspondance ou dans
des institutions privées qu'ils paieraient eux-mêmes, à la
fin. C'est ça que vous prétendez?
M. LABRECQUE: C'est-à-dire qu'au secondaire... Un instant, M.
Laberge va vous répondre.
M. LABERGE: Excusez-moi, je vais essayer d'être clair. Un principe
général, d'abord: le français, c'est la seule langue
d'enseignement. Ceci ne veut pas dire, évidemment, que quand on arrive
en première année et qu'il y a un groupe qui ne parle
qu'esquimau, le professeur ne doit pas savoir l'esquimau; ça me semble
évident. Mais, disons que, comme principe général, la
langue d'enseignement, c'est le français.
Deuxièmement, nous disons que la langue française sera
matière d'enseignement partout, dès la maternelle.
Troisièmement, la langue maternelle des groupes minoritaires
pourrait, elle aussi, être enseignée dès
l'élémentaire, là où la demande en sera faite,
où le groupe sera assez nombreux et où ce sera possible
économiquement et pédagogiquement. Dans le cas de l'anglais, cela
nous semble possible, partout où il y aura des groupes d'Anglais assez
importants. Dans le cas d'autres langues, peut-être aussi qu'un groupe
d'Italiens demandera, à un moment donné, que, dans l'école
publique, qui, elle, est de langue française, il y ait un cours
d'italien.
M. LESAGE: C'est la distinction que vous faites. Vous dites que
l'enseignement doit être en français dans les écoles
publiques du Québec et qu'on enseignera l'anglais comme langue seconde.
L'enseignement ne se donnera pas nécessairement en anglais, nous nous
comprenons bien; on enseignera l'anglais comme langue seconde lorsqu'il y aura
un nombre suffisant de personnes qui désireront que cela se fasse,
lorsque le milieu le justifiera, c'est cela votre prétention?
M. LABERGE: Oui.
M. LESAGE: Donc, disparition de toutes les écoles où
l'enseignement se donne en anglais au Québec.
M. LABERGE: C'est cela.
M. LESAGE: Tout l'enseignement doit se donner en français dans
toutes les écoles du Québec ; c'est votre solution, cela?
M. LABERGE: Exactement.
M. LESAGE: Peu importe le milieu?
M. LABERGE: Peu importe le milieu.
M. LESAGE: Même dans certaines parties de l'Ouest de l'Ile de
Montréal où il n'y a pas de Canadiens de langue française,
l'enseignement en anglais sera aboli, remplacé par l'enseignement en
français et on pourra, à un niveau qu'il reste à
déterminer, enseigner la langue maternelle comme langue seconde.
M. LABERGE: Est-ce que vous me permettez de préciser un peu ce
que vous venez de dire? Ce n'est pas tout à fait exact.
M. LESAGE : Bon, très bien. Je veux avoir des précisions
sur votre...
M. LABERGE: Je répète la position de principe...
M. LESAGE: ... position de principe.
M. LABERGE: ... pour que ce soit clair. Evidemment, cela suppose un
aménagement de quelques années, une période de transition,
c'est bien sûr. Mais la position de principe est la suivante: Je
distingue l'élémentaire, d'une part, le secondaire et le
collégial, d'autre part.
A l'élémentaire, comme à tous les autres niveaux,
l'enseignement se fera en français,
mais on pourra enseigner la langue maternelle des groupes minoritaires
qui en feront la demande et qui seront assez nombreux.
Au secondaire et au collégial, quel que soit le milieu, l'anglais
sera enseigné comme langue seconde. Est-ce que cela précise ma
pensée? Au niveau de l'élémentaire, nous ne pensons pas
qu'on doive enseigner une langue seconde, sauf dans les milieux où il y
a un groupe assez important dont la langue maternelle est minoritaire et qui
désire conserver sa langue maternelle. Nous ne pouvons pas l'imposer; si
les Anglais d'une certaine région décident de ne pas avoir de
cours en anglais, bien, ils ne l'auront pas automatiquement. Si un groupe
minoritaire dont la langue maternelle est autre que le français, en fait
la demande il pourra avoir des cours pour sa langue comme matière
d'enseignement, mais la langue d'enseignement sera le français. Ce qui
ne veut pas dire, évidemment, qu'il n'y aura pas une période
d'adaptation. Je pense qu'il faudrait peut-être prévoir une
période de cinq ans au moins pour cette transition afin d'aider les
écoles anglaises à devenir françaises.
Maintenant, il y a une chose que je voudrais signaler. Je
m'étonne beaucoup de voir que les membres de l'Assemblée
nationale s'inquiètent énormément de la survie de la
langue maternelle des anglophones alors que je n'ai jamais vu cette
inquiétude-là à propos des autres langues maternelles.
M. LESAGE: Personne n'a exprimé d'inquiétude. Nous avons
dû questionner pour savoir exactement ce que vous vouliez, messieurs.
M. LABERGE: Alors, je retire le mot « inquiétude ».
Je maintiens que je m'étonnerais si les membres de l'Assemblée
nationale s'inquiétaient beaucoup de la survie de la langue anglaise
alors qu'on ne voit pas d'inquiétude de ce genre pour la survie d'autres
langues qui sont aussi des langues maternelles. Ce sont les autres langues qui
sont beaucoup plus en danger que l'anglais. L'anglais n'est pas en danger au
Québec. Je ne le crois pas.
M. LABRECQUE: Si vous me permettez. Le problème que nous posons
à la minorité, c'est de manifester un dynamisme qui, coûte
que coûte, va servir quand même l'ensemble du Québec. Cette
minorité devra exploiter et prouver son dynamisme dans des conditions un
peu plus difficiles, c'est évident, que ce que les lois, les habitudes
et les traditions politiques lui avaient faites jusqu'ici. Il y a
peut-être aussi une nuance entre ce qui était hier et ce que nous
proposons aujourd'hui.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Labrecque, permettez-moi de vous poser
quelques questions. Partant des observations que vous avez faites au
départ et dont j'ai noté les termes, vous avez
déclaré que le français doit être la langue
officielle au Québec. Y-à-il une équation entre
l'expression « langue officielle » et « unilinguisme
»?
M. LABRECQUE: Pratiquement, oui. Il faut dire que la rigidité que
vous voulez me faire déclarer vienne un peu de l'intelligence des
gouvernants par rapport aux situations existant à Québec.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non, non. M. Labrecque, le gouvernement n'est
pas en cause pour l'instant. Je vous pose une question très
précise. Je vous demande, partant des termes dont vous vous êtes
servi à savoir ceux-ci: Le français langue officielle, s'il y a
une équation dans votre esprit entre l'expression « langue
officielle » et le terme « unilinguisme français »
M. LABRECQUE: Oui. Pour le besoin de la déclaration.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Bon.
M. LABRECQUE: Avec la confiance que certaines personnes comprendront les
problèmes de leurs commettants.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, dans les propositions
d'aménagement du système scolaire que vous avez formulées
elles eussent été formulées de façon plus
précise évidemment si nous avions eu un mémoire de votre
part. Je ne vous fais pas de reproche. Il semble que vous refusiez à la
minorité anglophone le droit de recevoir un enseignement dans sa langue
à quelque niveau que ce soit. Je voudrais simplement vous poser une
question. Mettant de côté les détails de cet
aménagement qui ne semble pas très clair dans votre esprit,
accepteriez-vous qu'on fasse subir à la minorité anglophone du
Québec le sort qu'ont subi les minorités francophones dans les
autres parties du Canada?
M. L ABRECQUE: La règle du jeu le voudrait, oui, dans une
certaine mesure. Mais, notez ceci: Le dynamisme des minorités est
toujours quelque chose qui doit être vu, vécu et assumé par
la minorité en question. Je sais qu'elle est capable de se
défendre et qu'elle a, encore plus que nos minorités de l'Ouest
canadien, des fa-
cilités énormes de se défendre. À mon point
de vue, une minorité au Québec, ce ne sont pas des gens qu'on a
mis dans des quartiers de la province ou qu'on a considérés, un
peu, comme des ghettos. Ce n'est pas du tout le problème. Le
problème est celui-ci: Celui qui veut participer à la vie
québécoise doit, autant que possible, avoir accepté le jeu
des institutions politiques que la majorité québécoise a
bien voulu se donner.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): En somme, M. Labrecque, en simplifiant votre
position, vous êtes pour l'unillnguisme français vous
l'avez dit tout à l'heure et vous vous dites que le
problème des droits de la minorité anglophone, nous le
réglerons après.
M. LABRECQUE: C'est cela.
M. PAUL: Maintenant, M. Labrecque, si l'enseignement est en
français, comment pourrait se dispenser l'enseignement de la religion ou
de la cathéchèse?
M. LABRECQUE: C'est une question qui m'apparaît difficile à
traiter ici, parce que le problème de l'enseignement de la religion,
c'est à peu près le même que celui de l'enseignement d'une
science quelconque ou d'une matière quelconque à l'école.
La religion, ça implique d'autres facteurs qui se retrouvent dans la vie
de la communauté religieuse impliquée.
M. PAUL: N'y aurait-il pas danger, à ce moment-là,
d'attaquer la liberté de religion à la liberté de croyance
des enfants qui vont à l'école?
M. LABRECQUE: Je ne crois pas. Dans toutes les langues, vous retrouvez
toutes les religions, de sorte que...
M. PAUL: Oui, mais laquelle serait enseignée?
M. LABRECQUE: Nous discutons ici de la question linguistique; nous ne
discutons pas de la religion.
M. PAUL: Oui, mais l'enseignement étant en français,
à un moment donné, il va y avoir des cours de religion ou de
cathéchèse.
M. LABRECQUE: Oui.
M. PAUL: Alors, laquelle des religions ou des croyances va être
dispensée à l'élève?
M. LABRECQUE: Vous le savez, c'est chaque CEGEP qui le décide;
chaque institution scolaire le décide elle-même. Ce n'est
même plus l'autorité gouvernementale, ni le ministère de
l'Education qui le décide. Cela relève maintenant des
institutions scolaires que nous avons.
M. PAUL: Alors, vous feriez une distinction dans la commissaire scolaire
locale pour l'enseignement de la cathéchèse?
M. LABRECQUE: Je ne comprends pas la relation qu'il y a entre le
problème de l'enseignement religieux et le problème que je suis
venu vous soumettre ici. Pour moi, l'enseignement de la religion, c'est une
autre question, tout à fait...
M. LESAGE: Mais, est-ce que l'enseignement de la religion, normalement,
ne doit pas se donner dans la langue maternelle? C'est ça la
question.
M. LABRECQUE: C'est ça! C'est une question qui m'apparaft tout
à fait personnelle. Si je veux adhérer à une certaine
religion et que son dogme, sa doctrine, son histoire s'est fait dans une
certaine langue et puis que tous les pratiquants parlent cette
langue-là, je me demande comment on peut être à la fois
participant d'une religion et vouloir une autre langue. Ce que je veux dire,
c'est qu'au fond le rapport langue et religion n'est pas aussi direct que la
tradition l'a fait voir chez nous.
M. LESAGE: Oui, mais la religion, n'est-ce pas, ça commence au
foyer, avec la mère.
M. LABRECQUE: Oui, mais cela peut se faire en anglais ou en
français.
M. LESAGE: La mère veut que son enfant apprenne les dogmes
religieux qui sont les siens. Est-ce que normalement, au moins cet enseignement
religieux ne devrait pas être donné dans la langue maternelle?
M. LABRECQUE: Je ne sais pas là. Vous me posez une question qui
ne s'est jamais présentée au Québec.
M. LESAGE: Mais, vous voulez la créer. Vous voulez la
créer cette situation. Alors, comment en sortez-vous?
M. LABRECQUE: Remarquez que, personnellement, je crois que l'ordre des
valeurs impliquées fait qu'à ce moment-là, si le type
désire acquérir des connaissances religieuses, il ac-
ceptera de les recevoir par le véhicule de la langue qui est
parlée là où il étudie.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Labrecque, je reviens à
l'affirmation que vous avez faite tout à l'heure, à la suite
d'une question que je vous ai posée, à savoir que vous
accepteriez qu'on fasse subir à la minorité anglophone du
Québec le sort qu'ont subi les minorités francophones dans les
autres parties du Canada. Est-ce que vous pensez que c'est là l'opinion
de tous les professeurs de l'école normale Laval?
M. LABRECQUE: Non. D'ailleurs, remarquez que vous employez un mot qui
est entaché de tout un caractère passionnel, le mot subir. Il est
certain que...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Si vous me permettez, M. Labrecque, je vous ai
posé cette question parce que la réponse que vous m'avez
donnée tout à l'heure a été quand même
inscrite et tout le monde l'a entendue.
M. LABRECQUE: Oui.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous avez dit oui.
M. LABRECQUE: Vous me permettez justement de nuancer la portée
affective du mot « subir ». Je peux vous dire qu'il est entendu
qu'à l'école normale Laval les professeurs vont dans toutes les
nuances. Nous avons même des confrères qui sont professeurs de
langue anglaise et qui, de temps en temps, participent à toutes nos
discussions qui peuvent être parfois de cet ordre ou d'autre ordre. Je
peux vous dire qu'il n'y a pas du tout de dictature, ni de rigidité dans
les propos qu'on peut avoir, ni dans la portée de nos mots. Il y a une
nuance.
M. WAGNER: Est-ce que nous devons comprendre que vous parlez ici en
votre nom personnel ou si vous parlez au nom des professeurs de Laval, de
langue anglaise et de langue française?
M. LABRECQUE: Je parle au nomd'une majorité et non pas d'une
unanimité.
M. WAGNER: Ah bon!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais, M. Labrecque, avez-vous l'intention de
nous soumettre aussi, à ce comité de l'éducation, un
mémoire qui représentera l'opinion commune de l'Association des
professeurs de l'école normale Laval?
M. LABRECQUE: Si c'est le voeu du comité, Je suis prêt
à entreprendre ce travail qui demande un certain temps, de la
réflexion, une reprise des...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors nous devrons, dans les circonstances,
tenir compte à la fois de ce que vous avez dit ce matin et de ce qui
sera exprimé dans le mémoire.
M. LABRECQUE : Scriptamanent.
M. LESAGE : Si j'ai bien compris votre question, M. Tremblay, vous avez
demandé que le mémoire reflète l'opinion commune?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui. J'ai demandé...
M. LABRECQUE: Reprenne un peu les propos...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ...à M. Labrecque. Si son association a
l'intention de nous présenter un mémoire qui nous donnera une
idée de l'opinion générale du groupe qu'il
représente. J'ai dit que nous devrons à la fois tenir compte de
ce que M. Labrecque a dit et de ce qui sera dans le mémoire.
M. LESAGE: C'est parce que vous parlez d'opinion générale,
et M. Labrecque a parlé d'opinion majoritaire. Je ne sais pas si les
deux peuvent se concilier.
M. LE PRESIDENT: Avez-vous d'autres questions à poser à M.
Labrecque?
M. JOHNSTON: M. Labrecque, êtes-vous prêt à sacrifier
tous vos confrères de langue anglaise?
M. LABRECQUE: Pourriez-vous répéter? Je tiens toujours
à bien entendre.
MR. JOHNSTON: Are you ready to sacrifice, à mean to say, all the
English school teachers?
M. LABRECQUE: Non, mais ce que je veux, c'est qu'ils participent plus
pleinement à une intégration, positive cette fois, à la
vie québécoise et non pas à la création dans le
milieu québécois de cette fameuse et continuelle distinction, ou
conflit racial ou linguistique.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais, M. Labrecque, vous comprenez très
bien qu'ils resteront quand même d'office des professeurs de langue
anglaise. Par conséquent, vous admettez
qu'ils ont une mission, qu'ils ont un devoir particulier à
l'endroit de la communauté, puisqu'ils sont professeurs de langue
anglaise.
M. LABRECQUE: Oui, cela, Je l'admets.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, vous admettez, de fait, qu'ils ont le
droit d'enseigner l'anglais.
M. LABRECQUE : Remarquez que je ne le nie pas. Ce que Je veux, c'est
qu'il y ait une sorte de coordination des deux mouvements pour que l'un
reconnaisse que l'autre va devoir sa survie à une certaine
rigidité de ses politiques scolaires. C'est-à-dire que le
problème du milieu anglophone au Québec, c'est de s'apercevoir
que le milieu francophone a une difficulté énorme à se
donner des institutions qui puissent assurer, de façon complète,
son système scolaire pour qu'il soit efficace, fonctionnel et qu'il
donne une chance à tout le monde.
Actuellement, il y a des incohérences dans le système.
M. HOUDE: M. Labrecque, la philosophie que vous essayez, depuis presque
vingt-cinq minutes de nous expliquer, la façon dont vous essayez de vous
y prendre également pour nous convaincre, est-ce que ces efforts que
vous faites devant nous aujourd'hui, vous les faites
régulièrement devant les normaliens?
M. LABRECQUE: Non, je vous ferai remarquer qu'il y a peut-être une
transpiration de certains propos, mais il n'y a pas ce que J'appellerais
ce que vous voulez me faire dire une sorte de cathéchèse,
une sorte de propagande. De la « directivité » avec nos
élèves aujourd'hui, ce n'est plus du tout de mise dans les
écoles.
M. HOUDE : Cela ne fait pas partie du cours de l'école normale,
cet exposé-là?
M. LESAGE: Cela transpire quand même.
M. LABRECQUE: Remarquez que la jeunesse est toujours indépendante
envers ses maîtres. Plus que vous ne le croyez. L'élève
d'aujourd'hui n'a pas, par rapport à ses maîtres, une sorte de
rapport d'esclave à maître. Vous voyez, d'ailleurs, comment les
mouvements de jeunes sont animés. Ils ont des orienteurs, ils ont des
conseillers. Ils sont vraiment bien organisés et toutes les sources
d'information sont à leur portée.
Même si nous paraissons rigides quant à notre position,
nous savons que c'est à vous de corriger ce que nous demandons en
fonction de facteurs que nous oublions.
M. HOUDE : Ce que je veux dire, M. Labrecque, c'est que votre
école de pensée, actuellement, c'est l'unilinguisme. Vous parlez
quand même au nom des professeurs, et je me demande si, au niveau des
normaliens, de nos futurs maîtres, il y a d'autres professeurs comme vous
qui, de temps en temps, expriment l'autre école de pensée.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Pardon, M. le Président, j'invoque le
règlement. Je m'excuse auprès de mon collègue, M.
Houde.
Je ne pense pas que nous puissions poursuivre plus avant dans ce
domaine-là, parce que nous entrons dans ce domaine, l'intention et le
but de nos questions était tout simplement de connaître votre
opinion, l'opinion de votre association, sans avoir à porter de jugement
sur l'enseignement que vous dispensez.
UNE VOIX: D'ailleurs, chez nous, les professeurs sont libres.
M. LESAGE: Elle portait sur les faits. M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela
frisait,..
M. LE PRESIDENT: Nous sommes ici sur le problème des langues.
D'autres questions, M. Labrecque, s'il vous plaît?
M. LEFEBVRE: Une petite question à M. Labrecque. Vous avez fait
allusion tout à l'heure, M. Labrecque, au fait que le Québec
vivait un moment historique et vous avez fait allusion au fait que la langue
anglaise n'était aucunement menacée, qu'elle pouvait fort bien
survivre même si elle n'était pas enseignée dans les
écoles. Ceci m'apparaît un peu exorbitant comme affirmation. Mais,
en tout cas, vous avez droit à votre opinion, bien sûr.
Pour ce qui est du français, à votre avis et de l'avis de
vos membres, puisque vous semblez avoir tenu sur ce sujet-là des cercles
d'étude au sein de votre association en préparation de votre
venue devant ce comité, est-ce que le français régresse ou
progresse actuellement? Est-ce que la culture française, depuis une
dizaine d'années, dans le Québec, a perdu ou gagné du
terrain? A priori, vous semblez croire que la culture française perd du
terrain. J'imagine que ce serait la logique des mesures vraiment radicales que
vous proposez. J'aimerais que vous nous disiez en quelques mots sur quel
péril vous fondez des propositions aussi radicales, encore une fois.
M. LABRECQUE: C'est-à-dire que le problème à la
culture elle-même et l'aspect quant au prolongement de l'enseignement
dans les activités économiques et professionnelles des gens. Il
est certain qu'il y a au Québec une certaine crise de la qualité
de la langue, mais cette crise-là a toujours existé d'une
certaine manière. Mais ce qu'il y a de plus grave au Québec,
c'est qu'il n'est pas sûr que la vie professionnelle, la vie
économique puisse se maintenir, ou que le français puisse
progresser dans ces milieux-là. C'est ça, le problème.
C'est que la présence canadienne-française ou la présence
du français dans d'autres secteurs que celui de la politique, que celui
du monde scolaire, eh bien, cette présence française est plus
difficile à établir.
M. LEFEBVRE: Mais sur ce point précis, M. Labrecque, vous
êtes justement un homme, vous êtes un groupe sérieux. Vous
fondez sûrement vos hypothèses sur des faits. Quels sont les faits
qui vous portent à croire, sur le point spécifique que vous venez
de mentionner, que le français régresse en tant que langue de
communication par exemple dans les entreprises? Remarquez que je ne veux pour
ma part émettre aucune opinion à ce moment-ci. Je pense qu'on
peut dire que tout le monde ici dans la salle, y compris les gens de langue
anglaise j'en fais une parenthèse seulement est d'accord
pour dire qu'il y a amélioration possible. Mais vous, vous semblez dire
que le français régresse et qu'il faut prendre des mesures
vraiment radicales pour assurer la survie du français.
M. LABRECQUE: Je n'ai pas dit « régresse », j'ai dit
que son progrès paraît moins sûr que ce qu'il était
jusqu'ici. Je n'ai pas parlé de régression.
M. LEFEBVRE: Mais, si vous dites que le progrès apparaît
moins sûr que ce qu'il a été jusqu'ici, moi, je traduis
cela par régression. Je ne sais pas comment vous le traduiriez.
M. LABRECQUE: Non, c'est que les difficultés à venir sont
plus énormes que celles que nous avons rencontrées jusqu'ici.
C'est ladifférence.
M. LEFEBVRE: Mais quelles sont ces nouvelles difficultés
justement?
M. LABRECQUE: Eh bien, dans l'ordre économique, vous le devinez
bien. Les capitaux chez les Canadiens français sont encore à
l'état minime par rapport à toute la puissance économique
du Québec. Le contrôle, pas le contrôle comme tel, mais la
participation parce que là voyez-vous le mot «
contrôle » est mot mauvais n'est pas encore suffisante.
M. LEFEBVRE: Eh bien, je vous remercie.
M. LE PRESIDENT: D'autres questions? Je vous remercie, M. Labrecque, M.
Hopkins, s'il vous plaît.
Nous allons suspendre la séance jusqu'à deux heures et
demie. J'aimerais demander à ceux qui sont ici de s'identifier et que,
de la sorte, vous puissiez passer cet après-midi avant même que
ceux qui arriveront après-midi ne passent. Vous aurez priorité.
Quels sont ceux qui voudraient être entendus cet après-midi? Vous
viendrez me voir ici, comme président. Merci.
Reprise de la séance a 14 heures
M. PROULX (président): A l'ordre Messieurs!
Je demande à M. Guinta de présenter son petit
mémoire.
M. GUINTA: M. le Président, je m'appelle Antony Guinta et Je
parle au nom du St. Ann's Community Council.
Je suis un homme d'affaires du comté de Sainte-Anne et je suis
également un citoyen d'origine Italienne. C'est pourquoi les valeurs qui
sont impliquées dans le bill 85 et tout ce qui en découle pour
l'avenir m'intéressent au plus haut point, comme elles
intéressent tous les citoyens d'origine italienne.
Je dois dire, cependant, que nous, citoyens d'origine italienne, ne
sommes pas le seul groupe ethnique à être préoccupé
par le récent développement dans le domaine de l'éducation
au Québec.
Il m'arrive, dans l'exercice de ma profession, de rencontrer des
personnes de tous les groupes ethniques aussi bien que des citoyens dont
l'origine se rattache à l'une ou l'autre des nations qui ont
fondé ce pays. J'ai l'occasion de converser avec des
représentants de différents groupes et tous, sans exception, se
sont dit estomaqués de voir qu'il y a dans cette province des personnes
placées en autorité qui voudraient éventuellement, forcer
des parents à envoyer leurs enfants dans une école ou une
institution où les cours se donnent dans une langue différente de
celle que voudraient choisir les parents. A mon avis, M. le Président,
il en est de même pour les membres du St. Ann's Council. Obliger les
parents à faire instruire leurs enfants dans une langue autre que celle
qu'ils préfèrent, c'est pratiquement comprimer l'exercice d'un
droit humain fondamental pour les citoyens de cette province.
Il est certain que les Européens et les ressortissants des autres
pays qui choisissent le Canada comme patrie d'adoption, désirent faire
bénéficier ce pays de leurs talents, de leur savoir-faire et des
éléments de culture qui leur sont propres.
En retour, ils ont droit normalement à une attitude plus
accueillante que celle de se faire dire que leurs enfants sont obligés
de se faire instruire dans une langue autre que celle de leur libre choix.
Comme résultat de cette tendance, nous pourrons nous attendre
à voir de nouveaux immigrants qui avaient choisi la province de
Québec comme leur nouvelle patrie manifester de la répugnance
à être contraints dans une question aussi vitale que celle de
l'éducation de leurs enfants. On peut donc, en conséquence,
s'attendre à voir le nouvel immigrant s'établir dans une autre
province où il n'existe pas telles contraintes.
Tout cela, M. le Président, constitue une situation tragique et
cela sans nécessité. Je dis sans nécessité parce
que les Européens ont de la facilité à apprendre les
langues; il n'en est pas de même pour le Nord-Américain.
Moi-même, mes deux fils et mes petits-fils de sept et cinq ans, parlons
couramment trois langues.
Aucune autorité ne nous a forcés à apprendre le
français. Nous l'avons appris automatiquement, comme une chose qui va de
soi et même très volontiers. De toute façon, notre cas
n'est pas unique. Les citoyens d'origine européenne apprennent le
français très facilement. Alors, pourquoi les y forcer?
Il y a peu d'hommes qui se soumettent à la force sans
résistance. Cela est plus particulièrement vrai quand
l'éducation d'un enfant est en jeu. Obliger l'enfant d'un immigrant
à apprendre une langue, c'est mettre une limite aux promesses d'une
nouvelle vie splendide comme celle des citoyens de cette grande province.
Je vous remercie.
M. CARDINAL: M. Guinta, puis-je vous poser une première question?
A la page 2 de votre mémoire, au premier paragraphe, vous indiquez que
la plupart ont été estomaqués de voir qu'il y a dans cette
province des personnes placées en autorité qui voudraient
éventuellement forcer des parents à envoyer leurs enfants dans
une école ou une institution, etc.
Qu'est-ce qui vous fait croire qu'il y a dans cette province des
personnes placées en autorité qui voudraient
éventuellement forcer des parents à envoyer leurs enfants dans
telle ou telle école?
M. GUINTA: Ecoutez, mon cher monsieur le ministre, s'il y a
possibilité de me répéter cela, je regarde la page 2.
Excusez-moi...
M. CARDINAL: Oui, le premier paragraphe.
M. GUINTA: « Tout cela, M. le Président, constitue une
situation tragique et cela sans nécessité. » Attendez un
moment.
M. CARDINAL: Vous vous disiez estomaqués de voir qu'il y a dans
cette province des personnes « en autorité » qui voudraient,
éventuellement, forcer les parents à envoyer leurs enfants dans
une école où l'instruction se donne dans une langue
différente de celle que voudraient choisir les parents. A partir de
quels faits, de quels
textes ou de quelles affirmations croyez-vous qu'il y ait des personnes
« en autorité » qui voudraient éventuellement forcer
les parents à envoyer leurs enfants dans telle ou telle
école?
M. GUINTA: Sur ce sujet-là, s'il y a possibilité, je
reviendrai devant vous et je vous répondrai correctement. J'essaie de le
trouver; je l'ai bien lu tout à l'heure. Now, it is only for certain
School Commissions, Frank, it is because...
M. HANLEY: En français, en français.
M. GUINTA: Il y a plusieurs de ces enfants. Prenez l'exemple de
Saint-Léonard. Qu'est-ce qui leur arrive, à ces enfants? Moi, je
lis un texte de notre parti qui existe aujourd'hui. Alors, prenez ces
enfants-là; leurs parents désirent les envoyer à une
école et leur dire: Ecoutez, mes chers enfants, vous allez à
l'école anglaise ou à l'école française.
Anciennement, nous avions tout cela. Aujourd'hui, on nous présente un
bill 85 que nous ne connaissons pas encore. Nous essayons de l'étudier,
mais, d'après ce que je vois, cette étude n'est pas tout à
fait complète. Je tiens à vous répondre sur un prochain
texte, si vous me donnez la permission de revenir.
M. CARDINAL: Je n'ai aucune objection. C'est une explication pour
comprendre la raison de cette affirmation qui, d'ailleurs, est au
conditionnel.
M. GUINTA: Oui, oui.
M. CARDINAL: On ne sait pas qui elle vise, s'il s'agit d'un article du
bill 85 ou d'un fait en particulier.
M. GUINTA: Il reste encore à étudier toute cette
affaire-là. D'ailleurs, on essaie de l'étudier
fondamentalement.
M. CARDINAL: Est-ce que pas hasard, M. Hanley aurait la réponse
à la question?
M. GUINTA: Non, non, je suis seul ici. Je ne suis pas ici pour
défendre les droits de M. Frank Hanley; je suis ici par
coïncidence. D'ailleurs, ce sont des choses qu'il est utile de
connaître dans la vie. On exerce et, par la suite, on cherche à
voir ce que peut donner une idée. Ce n'est pas une chose qui doit nous
embrouiller; c'est une chose qui doit nous permettre de nous comprendre un peu
mieux de sorte que nos enfants puissent avoir une éducation en
français ou en anglais, mais, de préférence, en langue
canadienne- française. C'est une chose qui est très naturelle
pour nous, les Italiens, de parler le français.
Nous aimons que nos enfants soient bilingues, qu'ils apprennent le
français avant, mais qu'ils apprennent l'anglais aussi. C'est la seule
chose que l'on désire.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Guinta, j'aimerais vous poser une question
au sujet du texte que vous avez présenté. A la toute fin de la
page 2 et en page 3, vous dites ceci: « On peut donc, en
conséquence, s'attendre à voir les nouveaux immigrants
s'établir dans une autre province où il n'existe pas de telles
contraintes ». Ne pensez-vous pas que, historiquement, les faits
affirment cette affirmation puisque, à part le Québec, il n'y a
guère, que je sache, de province où il est possible de s'exprimer
en français ou d'apprendre en français?
M. GUINTA: Les expériences que j'ai mentionnées ont
été faites dans la province de Québec. Les
expériences des autres provinces ne me regardent pas.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais, voici... M. HANLEY: Bonne
réponse.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... M. Guinta, je comprends très bien
que vous vouliez vous en tenir aux expériences que vous avez
vécues au Québec...
M. GUINTA: Au Québec, oui.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... et je vous félicite de
posséder trois langues. Mais, il reste que, sous votre texte, il y a un
postulat à savoir que, si nous n'établissons pas ici des
conditions qui favorisent aux immigrants la connaissance de l'une ou de l'autre
langue, ils s'en iront dans d'autres provinces où il est plus
facile...
M. GUINTA: Oui.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... d'apprendre la langue qu'ils auraient
choisie.
M. GUINTA: Je vais vous donner un exemple.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Voulez-vous parler de la Colombie canadienne,
de la Saskatchewan, du Manitoba, de l'Ontario, de l'Ile-du-Prince-Edouard, de
Terreneuve, etc?
M. GUINTA: Oui, mais je parle d'un immigrant d'origine italienne.
Lorsque l'Italien arrive à Montréal, au Canada il le sait
d'ailleurs en partant de l'Italie qu'il faut qu'il apprenne le
français. Il faut qu'il apprenne à lire et écrire le
français. Mais, il aimerait apprendre les deux langues. Cependant, sa
préférence va à la langue française. L'Italien
sait, en entrant ici au Canada, qu'il préfère parler le
français. Il veut l'apprendre, éventuellement, mais il ne veut
pas être forcé à l'apprendre. Si vous prenez un enfant et
que vous lui dites de faire ceci, l'enfant fera tout de travers. Si vous prenez
un enfant par la douceur, il fera tout ce que vous voudrez et vous n'aurez pas
de misère avec lui.
Si vous dites à un enfant: Tu apprendra ceci, cela ira. Mais, si
vous le prenez avec un bâton et que vous le frappez, il ne le fera
pas.
M. HANLEY: Avez-vous d'autres questions, messieurs? Vous pouvez faire
des remerciements à tous les membres du comité.
M. GUINTA: Oui. Je tiens à remercier M. le Président, M.
le ministre et M. Tremblay de votre gentillesse personnelle. Bonjour et merci
beaucoup. Thank you, friends, it is very nice to be with you.
M. HANLEY: Excellent.
M. LE PRESIDENT: Revenez encore. M. René Labrosse, s'il vous
plaît. Il a demandé de faire cela tout de suite.
M. René Labrosse
M. LABROSSE: M. le Président, messieurs les membres du
comité...
M. LE PRESIDENT: M. Labrosse, voulez-vous identifier le groupe que vous
représentez? Et sa nature?
M. LABROSSE: Je représente la section du Québec de
l'Association nationale Pro-Canada qui groupe tous les citoyens qui veulent
participer à la formation de leur pays et qui sert de point de rencontre
et de porte-parole à tous les citoyens canadiens conscients de leurs
responsabilités.
Je pourrais peut-être vous donner un aperçu de mon
passé. Je suis fils de cultivateur. J'ai travaillé sur la terre.
Je suis comptable agréé. Pendant 25 ans, j'ai agi comme
secrétaire, secrétaire-trésorier, gérant et
vérificateur de corporations municipales et scolaires. Je vous parle
aujourd'hui au nom de l'association ProCanada.
Nous vous remercions tout d'abord pour l'occasion que vous nous avez
accordée de vous présenter notre point de vue sur un
problème d'actualité.
On m'a délégué pour vous présenter notre
point de vue concernant le bill 85 que le gouvernement se propose d'adopter
afin de légiférer sur la question du problème linguistique
et scolaire qui se pose présentement dans le Québec et dont les
objectifs sont les suivants: lo) Encourager les immigrants à apprendre
la langue française dans le Québec, tout en leur laissant la
liberté de choix; 2o) Sauvegarder le droit des parents de décider
du choix des écoles pour leurs enfants; 3o) Former un organisme qui
permettra aux parents d'en appeler au gouvernement dans les cas où la
commission scolaire locale ne leur donnerait pas justice.
Permettez-moi, M. le Président, de vous féliciter pour la
façon objective et constructive dont vous vous proposez de
résoudre le malaise qui existe présentement. Il va sans dire que
nous appuyons les mesures contenues dans votre bill et nous osons
espérer qu'elles pourront être mises en vigueur promptement. Nous
déplorons le retard et le délai qui se sont produits dans
l'adoption de telles mesures, par suite des inquiétudes et de la
confusion dans l'esprit de certaines personnes qui, à notre point de
vue, n'ont pas le droit d'infliger à toute une population des ennuis de
ce genre.
Afin de ne pas abuser du temps de votre comité et de laisser aux
autres groupes l'occasion de se faire entendre, nous serons aussi bref et aussi
précis que possible dans les quelques commentaires que nous
désirons faire sur chacun des trois points principaux du bill,
c'est-à-dire l'immigration, le droit des parents et la
responsabilité des commissions scolaires.
Au sujet de l'immigration, nous nous sommes posé les questions
suivantes. Qu'est-ce qu'un immigrant? Quelles sont ses aspirations? Pourquoi
veut-il changer de pays? Pourquoi sommes-nous intéressés à
lui et que devons-nous faire?
Le dictionnaire Larousse dit qu'un immigrant est celui qui vient de
l'étranger dans un pays pour l'habiter. C'est une description
brève, mais tout à fait précise.
Pensons à cette personne qui, pour une raison ou pour une autre,
décide de laisser son pays, ses parents, ses amis, son chez-soi pour se
transplanter dans un autre monde. La connaissance qu'elle possède de son
nouveau pays n'est bien souvent que superficielle. Elle a pu lire des
livres ou des brochures de propagande et elle est convaincue qu'elle
aimera le produit qu'on lui a offert.
L'immigrant européen ou africain pense en premier lieu en terms
de continent. Dans notre cas, il pense à l'Amérique du Nord. Il
connaît les Etats-Unis d'Amérique et comme l'un d'entre eux me le
disait, il a un vague aperçu du Canada comme étant un territoire
de l'Amérique situé au nord des Etats-Unis. Par
conséquent, il décide d'aller à un de ces deux endroits.
Plusieurs choses peuvent influencer sa décision. Soit des amis ou des
parents qui sont déjà établis en Amérique et qui
l'encouragent à faire le changement qui lui apportera le succès.
Son désir de changer de pays, en premier lieu, peut varier.
Il peut être causé par l'instabilité de
l'économie de son pays natal, par un niveau de vie moins
élevé, par le manque d'opportunités, par la guerre, par le
chômage et par le manque de liberté, Il voit l'Amérique, le
Canada, comme des endroits c'est ce qu'on lui a déjà dit
où il pourra trouver la liberté, des opportunités
d'avancement, la paix, le travail et où il pourra jouir des grands
espaces et du haut niveau de vie. Il prend alors une décision
importante. Comme Canadiens, sommes-nous intéressés à
cette personne? La réponse doit être oui, évidemment. Nous
sommes intéressés à cette personne non pas par compassion,
mais plutôt pour la contribution qu'elle apportera à notre pays.
Nous sommes intéressés 3 son travail, à ses connaissances,
à sa dextérité et à son désir de faire
partie de la vie canadienne. Sa culture est aussi une contribution importante,
mais elle n'est pas essentielle au développement culturel et artistique
du Canada. En effet, nous ne sommes pas et nous ne devons pas être
nécessairement une copie d'un autre pays, mais nous devons être
plutôt, et nous sommes, une nation et un peuple nouveau et distinct.
Nous sommes entièrement d'accord avec votre bill 85 à
l'effet qu'un effort sérieux et constant doit être fait pour
encourager les nouveaux venus à se joindre à la population
française de notre pays, que ce soit au Manitoba, dans le nord de
l'Ontario, dans le Québec, au Nouveau-Brunswick ou ailleurs. Une
collaboration étroite devra toujours exister entre le gouvernement
fédéral et le gouvernement des autres provinces pour renforcer la
partie française de notre système canadien, tout en respectant la
partie anglaise.
Québec a la responsabilité de diriger et de coordonner le
maintien de la langue française comme étant une distinction
réelle de la citoyenneté canadienne dans un continent nord-
américain. Des progrès considérables ont été
accomplis au cours des dernières années vers l'expansion de la
langue française dans la province ainsi qu'au-delà des cadres de
la province. Il ne faudrait pas, maintenant, sacrifier et perdre ce que l'on a
acquis et, sacrifier en même temps notre liberté, notre mode de
vie démocratique, notre politique d'immigration objective, bien
avisée, éclairée et productive à un esprit de clan
moyenâgeux. Nous appuierons tous les efforts qui seront faits dans cette
province afin d'encourager et d'inviter les nouveaux arrivés à se
joindre à la communauté française.
Notre support ne consistera pas seulement dans la distribution de
dépliants, dans des promesses qui ne seront pas tenues ou dans des
grands discours, mais nous tâcherons de créer, dans l'esprit des
nouveaux venus, un désir d'appartenance. Nous condamnons la force sous
tous ses aspects, ainsi que tous les efforts qui pourraient être faits
pour enrayer la liberté individuelle.
Permettez-moi de vous faire remarquer aussi que 80% des nouveaux
citoyens québécois nous arrivent d'autres parties du Canada ainsi
que des Etats-Unis. Nous devons accorder à cette source d'immigrants le
même encouragement, la même assistance et la même
compréhension vers l'intégration à notre population
française.
Agir autrement contribuerait à la création d'une
réserve ou d'un ghetto qui pourrait devenir le problème majeur de
l'Amérique du Nord d'ici 25 ans. Ceci condamnerait des
générations à ne jouer qu'un rôle secondaire en
Amérique et par conséquent empêcherait notre population de
participer pleinement aux bénéfices et au développement de
notre Canada dans le deuxième centenaire, que toutes les nations de
l'univers reconnaissent comme étant immense. Le bill sur la
manière de traiter les immigrants est, à notre avis,
réaliste. C'est cependant un premier pas qui doit être suivi de
règles et de règlements qui permettront d'atteindre
méthodiquement le but visé. Par conséquent, afin d'avoir
du sens, le bill devra être suivi de règles et de
règlements appropriés.
C'est pour cette raison que nous avons essayé d'exprimer nos
idées et notre point de vue brièvement afin qu'ils puissent
servir dans l'élaboration des directives que vous aurez à
préparer pour l'application de ce bill.
En résumé, ce que nous avons voulu dire, c'est ceci:
L'immigrant sera appelé à vivre la vie des Canadiens. Comme tel,
il pourra aussi bénéficier de tous les droits de
citoyenneté des Canadiens, Il doit, sans aucun doute, avoir la
même liberté que ses concitoyens, Il ne fera
partie que de la nation canadienne. Il sera l'égal et non pas une
partie seulement de ce qu'on appelle la majorité ou la minorité.
Autrement dit, il vivra la mime vie que vous et moi.
Au sujet de la liberté des parents et le devoir des commissions
scolaires, en ce qui concerne les commissions scolaires et les amendements
qu'on apporte à la législation existante, concernant leurs
responsabilités, nous sommes d'accord»
Nous insistons sur l'obligation que doit avoir le ministère de
l'Education, par l'entremise des commissions scolaires, de fournir aux parents
la liberté de faire instruire leurs enfants dans la langue de leur
choix, c'est-à-dire l'anglais ou le français.
Quel que soit ce choix, nous croyons aussi que les enfants, une fois que
leur cours sera terminé, devront posséder une connaissance utile
et pratique de l'autre langue. Cette liberté, qui a toujours
existé dans notre province dans le passé, ne doit pas
disparaître. Malheureusement, pour certaines personnes, la liberté
telle qu'elles la conçoivent, est semblable à la liberté
d'un troupeau qui descend rapidement une colline à pic pour aller se
blottir dans l'océan et, par conséquent, se noyer. Nous croyons
que la vraie liberté n'est valable qu'en autant qu'elle se fait dans
l'ordre, la justice et le bon sens; que cette même liberté existe
seulement dans l'ordre et la vertu et qu'elle ne peut exister sans ces deux
qualités qui engendrent de bons gouvernements et des gouvernements
stables. C'est Rousseau qui disait « qu'un pays ne peut pas bien
subsister sans la liberté et que la liberté ne peut exister sans
la vertu. »
La Commission Laurendeau-Gagnon-Dunton a donné des
précisions sur l'application du principe. Pour être bref, nous
nous contenterons de dire que nous endossons ces recommandations et que nous
reconnaissons la justice et le réalisme qu'apporterait au
problème le comité linguistique proposé par le bill.
Disons, en passant, qu'il sera essentiel que les membres de ce comité
soient aussi larges d'esprit et aussi compréhensifs que l'est le premier
ministre actuel, en traitant des problèmes auxquels ils ont à
faire face, de même que dans les recommandations qu'ils auront à
faire au gouvernement.
De par sa nature et par sa raison d'être, la commission scolaire,
tout en étant l'administrateur local du secteur public de
l'éducation, doit aussi représenter la population dans son
milieu. Cette commission n'a aucun mandat pour s'ériger en dictatrice ou
pour imposer à la population l'opinion personnelle de ses mem- bres.
Certes, les commissions scolaires ont des droits bien énoncés
dans les règlements de l'Instruction publique. Nous n'avons aucune
querelle de ce côté, mais nous disons qu'avec nos droits il y a
aussi des devoirs; le moindre de ces derniers n'est certes pas le respect des
droits légaux ou acquis des parents.
Notre démocratie, notre justice, notre sécuté, nos
institutions se doivent de reconnaître le droit de l'individu. Or, les
parents sont incontestablement des individus ayant des droits. Donc, la
commission scolaire, qui est une institution dans le contexte de notre
société démocratique, a le devoir de reconnaître le
droit des parents. Il ne s'agit ni de vouloir, ni de pouvoir, mais il s'agit
bel et bien de devoir incontestable. Ni le gouvernement canadien, ni le
gouvernement de la province de Québec ne pourrait se permettre de
légiférer à l'extérieur des cadres de notre
démocratie ou de notre code social, car se serait violer leur mandat
respectif. Est-ce logique de penser que le gouvernement, qui doit
reconnaître l'individu et ses droits, pourrait permettre à ses
institutions ou à ses représentants de violer ce principe?
Il est très intéressant de noter que tous ces individus,
dans les commissions scolaires et ailleurs, qui insistent sur l'unilinguisme,
sont eux-mêmes bilingues. Par conséquent, comme individus, ils
n'ont rien à perdre. Egoïstes et étroits d'esprit, ils sont
absorbés par leur propre importance, se permettant de refuser aux autres
ce dont ils ont eux-mêmes bénéficié.
La liberté de l'homme doit se terminer, à notre point de
vue, lorsque cette liberté devient un obstacle pour ses voisins.
Il ne faudrait pas oublier non plus que la liberté est le droit
que nous avons de faire ce que la loi permet. Si un citoyen, agissant comme
commissaire ou individuellement, pouvait faire ce que la loi défend, ce
serait alors la fin de la liberté parce que les autres
posséderaient aussi ce même pouvoir.
Une commission scolaire qui insiste sur l'unilinguisme est une
commission moribonde et responsable d'un acte criminel, de par le fait qu'elle
veut priver le petit Canadien français de son droit d'user et de
partager à pleine mesure de la vie canadienne et des avantages du
continent nord-américain en lui enlevant l'outillage nécessaire
à son émancipation. C'est un crime. C'est un viol du citoyen de
cette province. C'est créer des orphelins pour l'avenir, et ce
même crime est, à notre avis, des plus punissables. Mein Kamph
énonçait ces mêmes principes de pureté raciale.
Nous croyons que le temps est venu de cesser de penser en termes de
minorité ou en terme de
majorité, ou encore de penser en termes de Canadien anglais ou en
termes de Canadien français, pour penser et nous comporter comme des
Canadiens, tout simplement. Des Canadiens 3 chances égales.
Par conséquent, avec un peu de bonne volonté de part et
d'autre, il nous serait possible d'instituer une programme d'éducation
pour nos enfants dans les deux langues principales du pays et d'éliminer
les écoles anglaises, les écoles françaises, les
écoles catholiques ou les écoles protestantes pour n'avoir qu'une
seule école où les enfants pourraient s'instruire en anglais ou
en français, ainsi que dans la religion de leur choix et apprendre aussi
d'autres langues, s'ils le désirent, de sorte que nos
élèves, à la sortie l'école seraient bilingues.
Cela n'empêcherait aucunement le développement de la francophonie,
ni le développement de l'anglophonie, ni le développement de
n'importe quel autre mouvement semblable que l'on désirerait voir
évoluer. Tout au contraire.
Nous croyons que cette théorie n'est pas seulement logique, mais
qu'elle est remplie de bon sens. Nos Canadiens s'adapteraient vite à
cette pensée et en deviendraient par conséquent plus heureux,
plus efficaces et plus prospères.
Puisque notre province et notre pays tout entier ont une pénurie
de techiniciens et de personnes compétentes dans toutes les
sphères de la société, nous croyons que c'est en nous
groupant et en nous comprenant de part et d'autre, plutôt qu'en nous
disputant, que nous obtiendrons le plus haut degré de
prospérité et de bonheur pour tous.
Comme la Commission royale d'enquête du Québec sur
l'éducation disait dans son rapport: « C'est la
responsabilité de l'Etat démocratique de permettre la
diversité en évitant le chaos, de respecter tous les droits en
évitant les abus, de garantir des libertés à
l'intérieur du bien commun ». Nous appuyons cette affirmation et
encourageons le gouvernement à agir en conséquence.
En conclusion, nous recommandons: 1) L'adoption du bill 85 comme premier
pas vers l'ordre et le bon sens; 2) L'étude de l'élaboration d'un
programme pour mettre sur pied un système d'éducation scolaire
dans les deux langues de sorte que nos élèves soient bilingues
à la sortie de l'école; 3)L'élaboration d'un projet ou
d'un programme qui pourrait encourager tous nos citoyens à se comporter
comme des Canadiens, car c'est en agissant de la sorte qu'ils pourront jouir de
la plus grande liberté possible.
Respectueusement soumis,
Association Pro-Canada, par René Labrosse.
M. CARDINAL: M. le Président...
M. LE PRESIDENT: Oui, M. le Ministre.
M. CARDINAL: J'aurais quelques questions à poser. Vous dites que
vous représentez la section du Québec de l'Association nationale
ProCanada qui groupe tous les citoyens qui veulent participer à la
formation de leur pays, etc...
Combien de membres représentez-vous?
M. LABROSSE: M. le Président, je ne saurais vous dire combien de
membres nous représentons. Nous avons des sections de l'Atlantique au
Pacifique.
M. CARDINAL: Au Québec?
M. LABROSSE: Je n'ai pas de chiffre, malheureusement.
M. CARDINAL: A peu près?
M. LABROSSE: Je pourrai vous le fournir...
M. CARDINAL: Est-ce que c'est 100, 1,000, à,000 ou
à,000,000?
M. LABROSSE: Je n'ai pas de chiffre dans le moment, M. le ministre.
M. CARDINAL: C'est assez surprenant, vous ne trouvez pas?
M. LABROSSE: De toute façon, permettez-moi de vous dire que,
comme citoyen et contribuable de la province de Québec, en mon nom
personnel, je vous soumets respectueusement ces recommandations.
J'apprécierais que vous les acceptiez comme telles.
Quant au nombre de nos membres, il me fera plaisir de demander à
notre secrétaire de vous renseigner le plus tôt possible.
M. CARDINAL: M. le Président, j'aurais une deuxième
question à poser.
A la page 7, vous proposez que soient abolies les écoles
anglaises, les écoles françaises, les écoles catholiques,
les écoles protestantes. Qu'est-ce que vous proposez, exactement, pour
remplacer ce qui existe?
M. LABROSSE : Je n'ai pas de solution précise à vous
soumettre. Seulement, nous croyons qu'avec la collaboration et la
compréhension des membres des deux races, anglaise et française,
de notre province, il nous serait probablement possible d'instituer un
système scolaire par
lequel nous aurions une école et une commission scolaire
où les deux langues seraient enseignées. Cela ne veut pas dire
que, dans un endroit où tous les élèves sont anglais ou
français, tout se ferait en anglais ou vice versa. Mais nous pensons
à demain, nous pensons à plus tard.
Pour notre part, nous vous encourageons à améliorer la
langue française et à inciter les immigrants à
s'intégrer au milieu français dans le Québec, mais nous
croyons que si nous pouvions trouver un moyen... Quel est-il, ce
moyen-là? Peut-être qu'il surviendrait à la suite de
discussions et d'études.
Vous imaginez-vous ce qui se passerait si nous avions une commission
scolaire, par exemple, qui instruirait nos élèves dans les deux
langues? Eventuellement, nos prolèmes linguistiques se
résoudraient. Automatiquement!
M. LESAGE: Comment pouvez-vous enseigner dans les deux langues
simultanément?
M. LABROSSE: Voici. Le but que nous visons, c'est qu'à la sortie
de l'école, nos élèves soient bilingues. On me dit que,
dans certaines parties de l'Europe, les élèves sont instruits
dans les deux langues. De quelle façon ou comment? Je ne le sais pas,
mais, s'il y avait un moyen par lequel on pouvait éduquer nos enfants
dans les deux langues de sorte que, lorsqu'ils sortiraient de l'école,
ils seraient bilingues, est-ce qu'automatiquement on ne réglerait pas
une grande partie des problèmes actuels?
M. LESAGE: Les autorités dans le domaine de l'éducation
dans le monde entier nous ont prouvé, je crois, qu'un système
d'enseignement où l'on se sert d'une langue principale et d'une langue
seconde est de beaucoup supérieur à tout ce qui peut exister dans
une école où certains sujets sont enseignés dans une
langue et certains sujets dans l'autre.
M. LABROSSE: C'est bien possible.
M. LESAGE: Ce qui n'empêche pas quelqu'un de devenir bilingue,
même s'il ne l'est pas parfaitement.
Je puis m'exprimer, pour ma part, assez facilement dans les deux langues
et j'ai fait mes études en français, apprenant l'anglais comme
langue seconde.
M. LABROSSE: Parfait, mais ce que nous voulons dire, c'est que si nos
élèves, à la sortie de l'école, pouvaient
être bilingues, nous croyons qu'il y aurait là,
déjà, une grande amélioration.
M. LESAGE: Comprenons-nous bien, M. Labrosse, c'est simplement sur la
méthode d'y arriver que nous...
M. LABROSSE: La méthode. Malheureusement, je dois m'incliner et
avouer que je n'ai pas de réponse précise. C'est un idéal,
disons, que nous viserions.
M. PAUL: Est-ce que ce mode d'éducation serait uniforme pour le
pays?
M. LABROSSE: Sûrement, en pricipe; pourquoi pas?
M. PAUL: Qui relèverait de quelle autorité, à ce
moment-là?
M. LABROSSE: M. le Président, je devrais vous dire aussi que mon
mandat, aujourd'hui, ne consiste pas à faire une discussion ou un
débat. J'ai été autorisé à vous soumettre
ces points de vue. C'est peut-être un point de vue idéaliste dans
bien des cas, mais nous n'avons pas étudié de
modalités.
M. PAUL: Est-ce que vous avez des adeptes qui partagent les mêmes
idées, dans les autres provinces?
M. LABROSSE: Absolument, en grand nombre.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Labrosse, je voudrais revenir à une
question qui a été posée par mon collègue, M.
Cardinal. Vous représentez une association, l'association Pro-Canada,
dont vous n'avez pu nous dire de combien de membres elle se composait. Est-ce
qu'il y a une section française et une section anglaise dans cette
association?
M. LABROSSE: Oui, Bien voici, je vais vous donner les noms, par exemple,
de certains membres de la section du Québec que je représente.
Nous avons M. Guy Ouellet, M. Tippett, Mlle Daoust, M. Saint-Amour, M.
Labrosse, le docteur Calder, M. Séguin qui est membre de
l'Assemblée nationale, ici, et plusieurs autres dont vous entendrez
certainement parler bientôt.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, est-ce que votre mémoire a
été rédigé conjointement par les deux parties de
votre association?
M. LABROSSE: Les deux, les deux.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, c'est une version bilingue en quelque
sorte.
M. LABROSSE: Absolument, absolument.
M. PAUL: Est-ce qu'il a été soumis aux branches des autres
provinces de votre association?
M. LABROSSE: Je ne saurais dire si le secrétaire l'a
envoyé à ce moment-ci. Je ne crois pas qu'il soit parvenu
à tout le monde.
M. LE PRESIDENT: Je vous remercie, M. Labrosse.
Numéro 13, M. Donald Smith, PACE.
UNE VOIX: PACE, si vous parlez l'italien; cela veut dire peace en
anglais.
M. Donald Smith
M. SMITH; M. le Président, je m'appelle Donald Smith. Je suis le
porte-parole de l'Association des parents catholiques anglophones de la
province de Québec, autrement dit les Irlandais. Nous sommes une
fédération composée de 123 associations locales et nous
sommes incorporés en vertu de la Loi des compagnies du Québec.
Nous étions autrefois connus sous le nom Federation of Catholic Parent
Teachers' Association of Quebec Incorporated.
Nous sommes en activité depuis quinze ans; notre président
est M. J. James McPhee et notre adresse est 454 ouest, boulevard Dorchester,
Montréal.
M. le Président, nous n'avons pas l'intention d'essayer de
conseiller les législateurs aujourd'hui sur la manière de
rédiger le bill 85, parce qu'ils sont mieux placés que nous pour
mener cette tâche à bien. Pour cette raison, nous continuerons
notre exposé en un mémoire des objectifs, et nous n'allons offrir
aucune critique sur la rédaction du bill. Nous avons toujours l'espoir
que les membres du comité vont accepter notre philosophie et vont
l'incorporer dans le bill final.
Pour commencer, nous tenons à vous dire que nous croyons
fermement que la vraie question à résoudre aujourd'hui n'est pas
vraiment celle des droits linguistiques de la minorité. Au contraire,
c'est celle de l'avenir de la langue française au Québec et au
Canada.
Le problème des droits de la minorité anglaise,
c'est-à-dire anglophone, n'aurait pas surgi si rien ne menaçait
l'existence de la langue française. Nous reconnaissons qu'à moins
d'une action concrète de la part du gouverne- ment provincial dans un
avenir prochain pour renforcer l'existence de la langue française,
celle-ci est menacée d'un danger de mort, c'est-à-dire qu'elle
deviendra graduellement une langue seconde pour la majorité des
Québécois, comme elle l'est déjà pour les Canadiens
français du reste du Canada. Je peux parler avec une expérience
personnelle parce que je suis né en Saskatchewan. Ceci est
renforcé par le fait que la langue des affaires et de l'industrie, des
communications et de la vente au détail est toujours anglaise dans la
province de Québec. Ce qui signifie que tous les immigrants qui viennent
dans la province insistent naturellement pour recevoir une éducation en
langue anglaise afin de s'assurer un moyen de vivre. Vu que le- taux de
natalité n'augmente pas parmi les Canadiens français pour
plusieurs raisons les faits sont très évidents le
français deviendra probablement une langue minoritaire dans les villes
telles que Saint-Léonard, par exemple, à Montréal, et
éventuellement dans la province de Québec.
Son usage deviendrait graduellement secondaire et son importance comme
moyen de communication et véhicule de la culture s'affaiblirait.
L'entité canadienne-française dépérira
éventuellement. De plus, la caractéristique du bilinguisme
canadien dont nous sommes tous si fiers, nous les anglophones et qui
démontre au reste du monde l'exemple de deux races qui vivent ensemble
dans une harmonie relative, n'existera plus. La présence du Canadien
français, qui a rendu possible la réalisation d'une oeuvre aussi
remarquable que l'Expo 19G7, par exemple et qui nous a donné des
personnalités telles qu'Henri Bourassa, Wilfrid Laurier et Louis
Saint-Laurent, diparaîtra. Notre identité se rapprochera de celle
des Américains.
La situation que je viens de décrire n'est sûrement pas
chose nouvelle pour les membres du comité. Mais nous désirons
enregistrer aujourd'hui le fait que l'APAC, l'Association des parents
anglophones catholiques, considère comme fondamentale cette question en
litige aujourd'hui.
Vu que le problème ci-dessus mentionné est si aigu,
quelques-unes des solutions suggérées pour y remédier
deviennent urgentes. C'est d'autant plus une raison pour que le problème
reçoive une attention immédiate.
Par exemple, la commission scolaire de Saint-Léonard a
été jusqu'à abolir l'enseignement en langue anglaise dans
ses écoles catholiques. A notre connaissance, c'est la première
fois qu'une commission scolaire catholique canadienne-française a
refusé à cause de la langue, un enseignement catholique à
des
étudiants catholiques confiés à ses soins. A notre
point de vue, ceci a créé un autre problème qui a aussi
nui à l'avenir de la province et du peuple canadien-français.
Voici une commission scolaire locale possédant, de par la loi, une
autonomie et les possibilités de l'utiliser convenablement et qui a
décidé de limiter les droits culturels, linguistiques et
religieux de certains citoyens au nom de la liberté de la
majorité. Elle a décidé que tous les enfants catholiques
devraient s'intégrer à la culture française. Ceci limite
aussi la liberté de pratique religieuse, puisque tous ceux qui insistent
pour avoir une éducation anglophone se voient obligés d'envoyer
leurs enfants dans des écoles protestantes au détriment de la
religion catholique.
M. le Président, la décision de la commission de
Saint-Léonard ne serait pas trop importante, n'était le fait
qu'elle n'a pas encore été révoquée par
l'autorité gouvernementale. A notre point de vue, aucune commission
scolaire ne devrait établir une politique linguistique gouvernementale.
Cependant, comme aucune action n'a été prise, le doute a surgi.
Le résultat a été extrêmement fâcheux pour la
province et pour la réputation des Canadiens français.
A travers le Canada, et même à l'extérieur du
Canada, on se passe le mot que la liberté de la langue et de la religion
a subi certaines restrictions au Canada français et que les
autorités gouvernementales semblent impuissantes à arrêter
cette situation. Une relativement peu importante petite commission scolaire est
en train de créer un manque de confiance sérieux en l'avenir pour
la population non-francophone du Québec. Le Canada a toujours joui d'une
réputation sans tache de protection de la liberté individuelle.
Nos rivages accueillent tous ceux qui veulent échapper à la
tyrannie et à l'oppression. Actuellement, au Québec, on leur nie
le droit de s'instruire dans la langue officielle de leur choix. De plus,
plusieurs sont obligés d'abandonner la religion catholique afin de
s'instruire en langue anglaise.
Les parents anglophones de la province de Québec croient
sincèrement, M. le Président, que le gouvernement n'a pas
l'intention de permettre à une commission scolaire comme celle de
Saint-Léonard d'établir la politique linguistique dans les
écoles ni de permettre cette restriction à la liberté
individuelle linguistique et religieuse qui doit continuer à s'exercer
à l'intérieur de ses frontières.
Le bill 85, bien qu'imparfait, a mérité notre confiance.
L'intention du gouvernement est claire. Nous l'en félicitons. Cependant,
nous ne sommes pas très enthousiastes quand aux termes du bill et la
manière proposée pour résoudre le problème. Nous
aimerions recommander:
Premièrement, que le bill 85 soit une mesure pour empêcher
les commissions scolaires de la province d'abolir l'enseignement en langue
anglaise dans les écoles catholiques. Mais le bill 85 ne devrait pas se
préoccuper du problème plus que fondamental de l'avenir de la
langue française afin de satisfaire quelques groupes extrémistes
qui sont pressés.
Deuxièmement, que les législations nécessaires pour
préserver la langue française soient présentées
seulement après que la commission royale d'enquête engagée
à cette fin aura étudié le problème, entendu des
groupes anglophones et francophones et fait ses recommandations. La question
entière mérite une attention beaucoup plus grande qu'un bill
hâtif.
Troisièmement: Les parents anglophones catholiques vont
étudier la question linguistique avec attention et se proposent d'offrir
les opinions des membres de l'association à la commission royale
d'enquête en temps opportun. Cependant, il est beaucoup trop tôt
pour présenter des solutions concrètes au problème de la
préservation de la langue française au Québec. C'est ce
que nous pensons de la situation. Plusieurs suggestions et idées ont
déjà été discutées dans les milieux de
l'Information et ailleurs ces derniers mois. Des dialogues se poursuivent. A
condition qu'il ne conduise pas à des solutions extrêmes telles
celle de Saint-Léonard, le dialogue est profitable pour nous tous. Parmi
les idées qui seront suggérées à nos membres pour
les discussions il y a, par exemple, l'enseignement obligatoire de la langue
seconde dans toutes les écoles du Québec, anglaises et
françaises. Ainsi, les étudiants résidant au Québec
pour une période de temps raisonnable deviendront bilingues avant de
terminer leurs études secondaires.
M. le Président, nous comprenons très bien que pour un
élève transféré de Vancouver, par exemple, en
onxiême année de l'école secondaire, il est un peu
difficile d'apprendre le français en un an. Mais il y a moyen
d'établir un programme raisonnable. C'est notre point de vue.
Autre possibilité, des prêts spéciaux du
gouvernement pour permettre aux étudiants non francophones de continuer
leurs études dans les universités françaises s'ils le
désirent. Moi-même, si vous donnez un prêt spécial du
gouvernement à mon garçon, je vais l'envoyer à
l'université française.
Peut-être aussi une campagne gouvernementale intensive et
prolongée afin d'encourager
l'usage de la langue française dans l'industrie
québécoise, la publicité, la vente au détail, les
affaires sur une échelle plus étendue qu'à l'heure
actuelle.
Je suis membre de l'industrie de la publicité. Je crois
sincèrement que si le gouvernement prenait le temps d'utiliser les
moyens de publicité connus aujourd'hui, les « public relations
», il y aurait moyen de renforcer la langue française dans la
province de Québec. Je crois que ce n'est qu'une question de moyens.
M. le Président, toutes ces idées et ces
considérations devraient être interprétées seulement
dans le contexte de notre politique. Mais je vous la résume de nouveau
au cas où vous ne l'auriez pas comprise.
Premièrement: Que tous les parents aient le droit de choisir la
langue officielle et la religion dans lesquelles ils désirent faire
instruire leurs enfants.
Deuxièmement: Que tous les étudiants terminent leurs
études avec une connaissance suffisante du français et de
l'anglais.
Troisièmement: Que l'administration de l'éducation sur les
bases linguistiques n'est pas une solution acceptable. Là, je
réfère au fameux « Dual language brief » qui a
été présenté par nos confrères protestants,
dont je vais parler tout à l'heure.
Quatrièmement: Que PACE désire une éducation
catholique pour nos enfants catholiques.
En résumé, M, le Président, nous recommandons que
le bill 85 soit une mesure destinée seulement à empêcher
les commissions scolaires du Québec de refuser l'éducation dans
la langue anglaise aux parents qui l'ont choisie pour leurs enfants.
Nous recommandons que la législation pour stimuler et
préserver la langue française au Québec ne soit
ébauchée qu'à la suite d'études sur la question par
la commission royale et après que cette dernière aura fait ses
recommandations. Une législation antérieure serait hâtive
et de mauvais conseil.
Nous sommes concernés par la situation à
Saint-Léonard, non seulement pour nous mêmes. Celle-ci affecte
sérieusement l'image du Québec, au Canada et à
l'étranger. Une solution nette, sous la forme d'une législation,
est urgente, M. le Président.
PACE désire rappeler aux membres du comité qu'il favorise
l'adoption des recommandations de la Commission Parent pour un système
unifié des commissions scolaires, c'est-à-dire non pas une
commission scolaire anglaise et une autre française, ni une commission
scolaire catholique et une autre protestante. Nous croyons sincèrement
que la commission scolaire unifiée proposée par la Commission
Parent est la seule solution.
Nos raisons découlent du fait que nous croyons qu'un
système séparé sur une base linguistique, par exemple, ne
servira qu'à élargir le dangereux fossé déjà
existant entre la population anglophone et la population francophone du
Québec. Une telle éventualité serait désastreuse.
Nous croyons aussi que l'éducation catholique se
détériorera sous un système de deux langues et que les
écoles aux confessions multiples, les « multiconfessionnal schools
», deviendront bientôt des écoles neutres.
Nous recommandons, par conséquent, que la meilleure solution au
problème de Saint-Léonard serait une législation
immédiate pour rendre effectives les recommandations du rapport Parent
pour le système unifié. La résolution de
Saint-Léonard cesserait ainsi d'exister, de même que toutes les
résolutions semblables.
Nous vous remercions, M. le Président, de nous avoir donné
l'occasion de soumettre nos opinions.
M. LE PRESIDENT: Merci, M. Smith. Quelqu'un a-t-il des questions
à poser à M. Smith? M. Lefebvre.
M. LEFEBVRE: M. Smith, on dit souvent que la crainte, c'est le
commencement de la sagesse. Je m'étonne un peu, pour ma part, et cela va
peut-être vous surprendre vous-même. Peut-être trouverez-vous
que ça devrait nous faire plaisir de voir autant de «
compréhension » dans votre mémoire en rapport avec les
problèmes du français dans le Québec. A la page un de
votre texte français, je me demande si vous n'exagérez pas la
situation lorsque vous dites, par exemple, que la langue des affaires, de
l'industrie, de la publicité, des communications et de la vente au
détail est invariablement l'anglais. Etes-vous certain de ça? Sur
quoi vous basez-vous pour prévoir que le français deviendra
probablement une langue minoritaire dans les villes, à Montréal,
par exemple, et éventuellement dans toute la province? Est-ce que,
vraiment, ce ne sont pas là des projections qui sont basées sur
des approximations plus que sur des statistiques valables au point de vue
démographique? Enfin, je serais intéressé à
connaître les bases sur lesquelles vous fondez un jugement aussi
pessimiste?
M. SMITH: Je ne peux pas référer aux statistiques
démographiques, mais je dois vous faire réaliser que nous
demeurons aujourd'hui dans ce qu'on appelle « the global village ».
La question de la langue française et le problème
des immigrants se sont présentés seulement, de mon point
de vue je suis au Québec depuis environ dix-huit ans dans
les dix dernières années. Les communications électroniques
vont changer notre vie et nous ne réalisons pas aujourd'hui combien cela
va changer la vie. A notre point de vue, M. le Président le
comité exécutif de « PACE » est d'accord la
situation est aussi sérieuse qu'on vous le dit. Seulement, depuis cinq
ou dix ans, déjà, le problème est devenu tellement
sérieux que c'est rendu à l'attention du gouvernement et à
l'attention des groupes extrémistes qui prennent les mesures
extrêmes pour trouver une solution à la situation.
Je ne crois pas que nous sommes pessimistes; je crois qu'il vaut mieux
regarder la situation en face et faire quelque chose de réaliste, avant
qu'il soit trop tard.
M. LEFEBVRE: M. Smith, je regrette de ne pas avoir les chiffres ici,
mais le meilleur démographe que je connaisse dans le Québec, dont
les services ont été, d'ailleurs, retenus par le gouvernement,
c'est M. Jacques Henripin. Les projections qu'il a publiées l'an
dernier, concernant la situation relative des gens de langue française
et des gens de langue anglaise dans le Québec, sont infiniment moins
alarmistes que les phrases que je retrouve aussi bien dans votre mémoire
que dans un certain nombre de déclarations sur le sujet provenant de
différents groupes»
Remarquez bien que ce n'est pas du tout pour mettre en doute vos bonnes
intentions, mais il me semble et c'était le sens de ma question
et de ma remarque que l'on ne rend service à personne en
exagérant les faits. Ce n'est pas nécessaire que le
français soit menacé au point où vous le dites pour que
nous songions à prendre sa défense et à organiser son
expansion. Autrement, si vous admettez une situation alarmante, vous admettez
presque, par définition, des solutions extrêmes, des solutions
radicales. Alors, encore une fois, je ne crois pas que nous rendions service
à qui que ce soit en exagérant une situation de fait.
Pour ma part, je suis montréalais. Ce que j'ai constaté
depuis une dizaine d'années, ce n'est pas une régression, mais
une expansion du français; aussi bien dans les lieux de commerce, aussi
bien par exemple au cinéma, au théâtre, dans une foule de
manifestations de la vie, je crois que le français a beaucoup
progressé depuis dix ans. Cela ne veut pas dire que la situation est
satisfaisante; elle ne l'est pas du tout. A nier l'évidence, à
mon avis, et à affirmer que le français est menacé de
disparaître à brève échéance, je ne pense pas
que nous rendions service à quiconque. Quels que soient les motifs
généreux de votre association, je tiens, pour ma part, à
titre personnel, à protester un peu contre des affirmations comme
celles-là, surtout si elles ne reposent pas sur des faits et sur des
statistiques valables.
M. SMITH: Nous vous avons appris aussi, en le disant dans une phrase,
que nous comprenions l'avenir de la langue française,, Comme on dit en
anglais « let it go attack ». On ne se fait pas d'illusions. Les
gens disent: Vous avez de la sympathie, mais vous ne voulez rien faire.
Voilà un point que je voudrais préciser. D'abord, il y a,
peut-être, une petite exagération pour vous faire comprendre que
nous comprenons la situation. Deuxièmement, nous avons des
confrères convaincus du contraire et nous, les anglophones catholiques,
nous nous croyons peut-être un véhicule pour convaincre nos
convaincre nos confrères anglophones, avec une déclaration forte
comme la mienne, qu'une situation existe. En effet, en le disant comme il le
faut, forcément, on le leur fait comprendre. Cela s'est
déjà réalisé.
M. LESAGE: J'ai moi-même exprimé à plusieurs
reprises mes inquiétudes en ce qui touche l'avenir du français au
Québec et au Canada.
Je l'ai fait en Chambre encore récemment. Mais permettez-moi
d'attirer votre attention, comme mon collègue, M. Lefebvre, vient de le
faire, sur cette phrase que je lis dans votre mémoire: « This
contention is supported by the fact that the language of business and industry,
of advertising and communication, of commerce and retailing is invariably
English.» Vous avez dit que c'était peut-être une petite
exagération. Je pense que vous pourriez aller un peu plus loin et dire
que cette phrase n'est pas exacte, qu'elle ne reflète pas la situation
que nous connaissons au Québec.
M. SMITH: Je peux parler pour Montréal seulement. J'ai
déjà travaillé dans trois différents genres de
travail S Montréal. J'ai travaillé dans la publicité, dans
les affaires et j'ai été professeur. A mon point de vue, si l'on
n'a pas l'habilité de s'exprimer en anglais, aujourd'hui, quand on est
Canadien français, italien ou d'une autre nationalité, on perd de
25% à 30% de possibilité de gagner sa vie.
M. LESAGE: Ce n'est pas ce que vous dites dans le mémoire. C'est
bien différent, M. Smith!
M. SMITH: Si vous voulez bien me suivre... Quand cela vient à la
fin des choses, quand les choses se décident dans les grosses compagnies
anglophones, dans quelle langue sont prises les décisions? Je vous le
demande. Peut-être le savez-vous mieux que moi. De mon expérience,
les décisions sont faites en anglais.
M. LESAGE: Pas invariablement comme vous le dites ici. Et de plus, au
point de vue de « l'advertising », eh bien, je pense bien que la
presse parlons de la presse écrite française son
tirage au Québec, est de beaucoup plus considérable que celui de
la presse d'expression anglaise.
M. SMITH: D'accord.
M. LESAGE: Pour ce qui est des autres moyens d'information, vous avez
beaucoup plus de postes de radio française que de langue anglaise.
M. SMITH: Pour les francophones, c'est mon expérience...
M. LESAGE: Ah oui! Comprenez bien, M. Smith, que je partage vos
inquiétudes. J'ai moi-même des inquiétudes, je l'ai dit
publiquement et tout le monde sait ce que je pense. C'est que je suis d'accord
avec mon collègue, le député d'Ahuntsic, qu'on ne rend
service à personne en affirmant des choses qui ne sont pas exactes dans
l'élaboration d'un syllogisme.
M. SMITH; Je peux seulement vous répéter que, dans le
contexte communications, aujourd'hui, telles quelles sont, elles se font
presque toujours en anglais partout en Amérique du Nord et nous courons
vraiment le danger que l'anglais devienne la langue unique.
M. LESAGE: Je suis parfaitement d'accord, M. Smith. Comme mon
confrère d'Ahuntsic, je n'en avais qu'à cette phrase de trois
lignes qu'il vous a lue en français et que je vous ai lue en
anglais.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Smith, j'aimerais faire simplement deux
observations. D'abord, rejoignant mes collègues, M. Lesage et M.
Lefebvre, je pense que, certainement, il y a beaucoup d'exagération dans
l'affirmation que vous avez faite à savoir que, dans le Québec,
tout se fait, invariablement, en anglais dans le domaine des affaires, etc.
C'est ce que vous avez dit.
Maintenant, j'admire la sollicitude dont vous faites part lorsque vous
nous dites que le français est menacé de disparaître. Merci
de cette solli- citude, mais je ne pense pas que la solution que vous
préconisez soit la bonne puisque vous semblez dire que, pour sauver le
français et que pour conserver au Canada et au Québec son
caractère, enfin cette richesse du biculturalisme comme on
l'appelle il faudrait enseigner le français et l'anglais dans les
écoles. C'est là une proposition étonnante, sinon
aberrante. Si vraiment le français est en régression, je ne pense
pas que le bilinguisme vienne apporter quelque secours au français.
C'est simplement une observation que je fais. Je ne vous demande pas vos
commentaires.
M. SMITH: Permettez-moi de vous répondre que je suis content que
les membres de l'Assemblée nationale soient aussi confiants que cela et
qu'il semble que la langue française ne soit peut-être pas autant
en danger que je l'ai dit...
M. LESAGE: Non, non. M. Smith, encore une fois, vous interprétez
mal ce que nous avons dit.
Ce que je vous ai reproché souvenez-vous bien c'est
d'avoir dépeint une situation d'une façon inexacte pour en
arriver à une conclusion que je partage, mais non pas en m'appuyant sur
des prémisses comme les faits invoqués dans la phrase que nous
avons citée.
M. LEFEBVRE: Pour être tout à fait précis, M. Smith,
si ce que vous dites en page 1 était vrai et démontré,
pour ma part, je serais favorable à l'unilinguisme.
Mais une des raisons pour lesquelles je ne suis pas favorable à
l'unilinguisme, pour ma part et je pense que c'est aussi le cas dans mon
parti c'est que nous croyons que ce que vous dites et ce que beaucoup
d'autres gens disent enfin beaucoup, dans une population de 6 millions,
même s'il y en avait quelques centaines qui disaient une chose à
mon avis il n'y a pas lieu de partir en peur. Mais c'est un fait qu'il y
a quelques centaines de personnes, actuellement, qui répètent un
point de vue aussi alarmiste que celui que vous avez exprimé. Il y a
même des gens autour de la table qui, à l'occasion, ont
exprimé des vues qui ressemblaient à celle-là. Et je pense
que c'est parce que ces affirmations ne sont pas fondées qu'il n'y a pas
lieu, justement, de partir en peur et d'adopter des solutions qui seraient d'un
radicalisme aussi inefficace qu'inutile.
Encore une fois, comme disait le chef de l'Opposition, il faut que la
conclusion découle des prémisses. Or, la faiblesse, il me semble,
de votre position, c'est que vos prémisses justifieraient une autre
conclusion.
M. MALTAIS (Limoilou): En fait, M. Smith, on vous dit que vous anticipez
peut-être en quelque sorte les conclusions de la commission royale
d'enquête. Là, je rejoins mon collègue, le
député de Verdun.
M. LESAGE: Non, ce dont nous parlions, les faits mentionnés, cela
n'a rien à faire avec la commission!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Moi, ce sont les moyens qui
m'inquiètent! Pour sauver le français, il faut devenir
bilingue!
M. THEORET: Dans votre mémoire, M. Smith, à la page 2,
vous référant brièvement à Saint-Léonard,
vous ajoutez ici et je lis textuellement: « Le Canada a toujours joui
d'une réputation sans tache de protection de la liberté
individuelle ». J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus parce
que je me souviens depuis cent ans qu'on parle du Canada comme d'une
terre de liberté au point de vue linguistique d'avoir entendu
parler d'un certain règlement 17, d'avoir entendu parler de
Maillardville. Et ce matin, M. Smith, je ne sais pas si vous étiez
là, quand un membre, ici, d'un comité quelconque, d'une
association, a présenté son rapport. Je crois que c'est le
ministre des Affaires culturelles qui lui a demandé: Aimeriez-vous qu'on
traite les anglophones dans Québec de la même façon qu'on a
traité les francophones ailleurs, au Canada? Les membres du
comité ont été atterrés, estomaqués.
Alors, je vois dans votre affirmation que la liberté semble
exister partout, au Canada, excepté au Québec et ce matin, le
contraire ne semblait pas prouvé.
M. SMITH: Votre opinion est proche de la mienne.
Je viens de l'Ouest du Canada. Je suis au courant de ce qui se passe
dans la province du Manitoba et dans la province d'Ontario. Et je dis à
mes confrères, je dis à tous les parents anglophones à qui
j'ai le plaisir de parler: Nous ne devons pas dire que l'on doit faire quelque
chose ici parce que cela a été fait là-bas. Three wrongs
do not make a right!
Au contraire, selon la Commission B & B, nous avons ici, une
réputation presque parfaite. Seulement depuis un an, notre
réputation a commencé à tomber. D'abord, je dois vous
dire, monsieur, que nous devons apprendre quelque chose des leçons qui
nous ont été données par la province du Manitoba et par la
province d'Ontario. Et si nous faisons un exemple, aussi bien que celui que
nous avons fait pour Maillardville, peut-être les autres provinces
prendront ce même exemple.
M. THEORET: Je suis bien heureux que vous partagiez mon opinion. Ce
n'est pas ce qui est dit dans votre mémoire, et cela pouvait nous
induire en erreur.
M. CARDINAL: Une dernière question, M. Smith. Si je comprends
bien vos recommandations, vous vous opposez à une division scolaire sur
les langues : d'un côté les écoles françaises et de
l'autre, les écoles anglaises.
M. SMITH: C'est cela.
M. CARDINAL: Vous vous opposez également à des
écoles multiconfessionnelles qui seraient, à la fois,
catholiques, protestantes, juives, neutres, etc, en disant que ce sont des
écoles neutres. Est-ce que je dois en conclure que vous proposez un
système qui serait celui recommandé par le rapport Parent,
c'est-à-dire une administration unique, mais au sein de laquelle il y
aurait une division par religion?
M. SMITH: Je vais répondre à la première partie de
votre question, pour clarifier ma déclaration au sujet des écoles
multiconfessionnelles. Premièrement, nous sommes complètement
d'accord avec le système unifié présenté par la
commission Parent; nous sommes complètement contre le système
proposé du « dual language », mais nous comprenons bien que
la situation va exiger certaines écoles multiconfessionnelles,
spécialement au secondaire.
Pour la deuxième partie de votre question, nous ne voyons aucune
division dans le système unifié, ni par la religion, ni par la
langue. Tel que présenté par la commission royale, cela fait bien
notre affaire. On ne voit de division ni religieuse, ni linguistique dans la
recommandation de la commission royale, et nous croyons que, tel que
présenté, avec certains changements, vous comprenez, cela sera
parfait. La base de ces recommandations, c'est que le choix est dans les mains
des parents, et c'est une des principales raisons pour lesquelles nous sommes
en faveur de ces recommandations.
M. CARDINAL: Je vous remercie. J'ajouterai, cependant, un commentaire
qui vient d'une phrase que vous avez prononcée vous-mêmes. Vous
avez souligné que l'attitude d'une commission scolaire comme celle de
Saint-Léonard a pour effet que des enfants anglophones et catholiques se
dirigent vers les écoles protestantes.
Je suis surpris, cependant, qu'on n'ait jamais souligné au
Québec le fait que, dans une région comme celle de
Montréal que vous connaissez, il y ait une division entre les
catholiques et les protestants, de sorte que tous ceux qui sont francophones et
qui ne sont pas catholiques vont nécessairement vers des écoles
anglaises.
M. SMITH: D'accord. Je ne peux pas dire autrement.
M. LEFEBVRE: Je ne suis pas sûr, mais il me semble qu'il y a une
équivoque dans l'échange de vues entre le ministre et M. Smith.
Si j'ai bien lu les recommandations du rapport Parent, pour ma part, J'ai vu
que l'on recommandait une administration unifiée au niveau des
commissions scolaires, mais non pas au niveau des écoles. Or, à
la question du ministre, vous avez répondu que vous étiez
favorable à des écoles unifiées. Cependant, d'après
les recommandations du rapport Parent, il s'agissait de commissions scolaires
uniques, mais où étaient maintenues des écoles
françaises, des écoles anglaises, des écoles catholiques,
des écoles protestantes, etc. Vous aviez donc une variété;
il y avait même six types d'écoles recommandés à
l'intérieur de chacune des commissions scolaires. Est-ce que c'est cela
que vous approuvez ou si c'est autre chose?
M. SMITH: M. le Président, si je pouvais, pour une fois,
m'exprimer en anglais...
MR. PRESIDENT: Sure.
MR. SMITH: ... il n'y aurait aucun danger que je me trompe. We want the
unified system exactly as presented in the Royal Commission report. We do not
favour schools unified together, English and French, but we do very vehemently
favour unified school commissions as being far far better than what we have now
and being vastly better than any system divided by language. The reasons
presented in the Parent report are our reasons, but many of English language
Catholics are married with French Canadians and à am one of them. We
feel we have a line of communication with French Canada that our Protestant
confrères do not have. We do not wish to loose that line of
communication. It served us well in the past and it may just serve us very well
in the future. In fact, we may not be able to get along without it. So we wish
to stay as close as we can to a system which we will have every one equal and
no one with more than the other. Est-ce que je me fais bien comprendre?
MR. CARDINAL: Your answer is very clear. Thank you.
MR. PRESIDENT: Mr. Goldbloom.
MR. GOLDBLOOM: Mr. Smith, would you clarify and modify an impression
left by the part of your brief which has to do with the record of Canada with
regard to the protection of individual freedom, because there has been some
defects in the protection of individual freedom in other parts of Canada in the
past.
But, if we leave the past decide for the moment in a difficult and
delicate situation of this kind, it may be an important and useful thing for us
to try to do, and à know that it is not easy. Is there a sense in what
you are saying on behalf of PACE that, at this particular moment, having the
past decide, there are gestures and even actions which have been taken in other
parts of Canada, which are broadening the horizons of education possibilities
and that it would be unfortunate, if at this time they would be narrowed in
Quebec? Is this something that à can conclude from what you are trying
to say?
MR. SMITH: You may, indeed. à think in the Province of Ontario
particularly, steps are being taken to improve the situation of French
Canadians and à am not sure that process has not been slowed down
considerably by the publicity that has been given to the St. Leonard question.
There is no doubt that In the rest of Canada people are as alarmists as we are
but for another reason. The seethe's headlines which à might have for
the benefit of the Press are often writen perhaps to draw the high, the
seethe's headlines in Vancouver, Calgary, Regina and Winnipeg say: Ah! Ah! See
what is going on! Why should we do anything to turn off the situation? So
à would remind the members of the committee that this situation is
indeed serious for that reason alone.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Frontenac.
M. GRENIER: M. Smith, est-ce que votre association, après avoir
pris presque une page et demie pour déplorer la situation au
Québec, qui est passablement alarmante d'après vous et sur
laquelle vous vous êtes penché assez longuement d'après
votre mémoire, après avoir tant pleuré sur la situation
des Canadiens français, sur une page et demie, trouvez-vous que les
recommandations que vous donnez sont suffisantes et appropriées pour
calmer cette douleur et aider l'éprouvé à surmonter sa
peine?
J'ai l'Impression que les pleurs du début, que l'émissaire
envoyé pour calmer l'éprouvé est bien faible à
comparer à la peine éprouvée.
M. SMITH: Premièrement, je dois vous dire que nous n'avons pas
fait de recommandations. Nous sommes en train d'étudier la situation.
Nous espérons pouvoir contribuer avec nos idées, même si
elles viennent d'anglophones, à aider la commission royale à
étudier la situation de la langue française. Les idées que
je vous ai données sont pour vous montrer que nous voulons faire notre
possible pour comprendre la situation, que nous ferons notre possible pour
convaincre nos membres, les 60,000 parents anglophones catholiques, qu'il va
falloir accepter l'idée que la province de Québec est une
province française, que la langue prioritaire devrait être le
français et que les enfants devraient apprendre le français. Je
vous donne ces idées comme un bon geste, non pas comme une
recommandation. Je ne crois pas que cela soit même un quart suffisant
pour régler la situation.
M. GRENIER: Parfait.
M. THEORET: M. le Président, une remarque seulement. Je ne
partage pas le pessimisme de M. Smith quand il parle des autres provinces. Je
lis régulièrement les journaux d'Ottawa et je constate avec
plaisir tout ce qui se fait actuellement pour le français en Ontario. A
preuve, la création de ces écoles secondaires françaises
dans la province voisine. Je crois qu'il se fait, en Ontario en tout cas, un
travail formidable. Il me fait plaisir de le souligner. Même si on a lu
les manchettes du Québec, M. Smith, je ne crois pas qu'on ait un
modèle de l'essor que l'on donne actuellement au français dans la
province voisine.
M. LE PRESIDENT: Y-a-t-il d'autres questions pour M. Smith?
M. SMITH: Merci, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Me Robert Beale, s'il vous plaît. Association of
Parents of St. Leonard.
Me Robert Beale
MR. BEALE : Mr. Chairman and honourable members of the committee. The
following brief is presented on behalf of the Association of Parents of St.
Leonard.
Before à go along with our proposed amendments to the bill,
à would like to state a few facts that we feel we have earned in
Saint-Leonard the right to express.
First of all, à think It is deplorable that intelligent men who
choose political life for their vocation show indecision and lack of initiative
on such an important matter as education. Their failure to formulate a policy
that would have been acceptable to all their electors who showed confidence in
them at the polls leaves very much to be desired, as they had at their disposal
the top pedagogical experts in our educational system.
Secondly, à would like to say that on numerous occasions our
association informed the Government of the Saint-Leonard situation and was
never shown the courtesy of a response for our efforts, other than a letter and
telegram we received on June the 11th 1968, from our late Premier Daniel
Johnson. In his replies, on both occasions, our late Premier assured us that
the rights of the English speaking minorities would be respected. à
would like to read the letter that was sent June the 11th, signed by the late
Premier Daniel Johnson. It was sent to our past president Mr. Frank Vatrano,
Association of Parents of Saint-Leonard-de-Port-Maurice, 5845 Thierry,
Saint-Leonard, Quebec. « Dear Mr. Vatrano:
Thank you for your letter of June the 4th 1968 for bringing the school
problem in Saint-Leonard to my personal attention. à have taken note of
your comments and the information contained in your letter and will convey same
to the Minister of Education, the Honorable Jean-Guy Cardinal.
You should hear from his Department shortly. Please be assured, Mr.
Vatrano, of my best regards.
Sincerely,
Daniel Johnson. »
Every other attempts to bring this injustice and rape of the English
language in Saint-Leonard to the Government has gone unanswered, and yet some
people have the audacity to ask us why we did not marched on Quebec instead of
Ottawa. à am sure that a salesman would not attempt to sell something to
the front door once he found out there is nobody home.
Our third complaint, if you will is to point out a paradox. If you live
in Saint-Leonard at the present time, and you are of French or ethnic origin,
you are faced with discrimination. To explain, on June the 27th 1968 a
resolution was passed to favour English instruction in our schools. A few
months later, another resolution
was passed to provide transportion to Montreal for all Anglo-Saxon
children desiring English education. Therefore, if you are of French or ethnic
origin and desire English education for your children you are denied that
right. So, whose rights have been taken away? This proves that already a French
ghetto exists as it has been created and restrictions have been imposed on the
French people of Saint-Leonard also. This is also contrary to what some
movements might say.
Let us remember that it is the moral obligation of a parent to see that
his child is educated in both languages which will give him the best possible
chance for success in life. Living in the North American context where the
English language is spoken by 220 million people, and realizing also that we
live in a French «milieu» of à million people in Quebec, a
compromise is necessary if all our children are to have equal
opportunities.
The implementation of the following suggestions will prevent further
occurences of this nature and guarantee all citizens equality.
First: all citizens and newly arrived immigrants have the freedom to
choose one of the two official languages of education for their children.
Second: The educational system must be revised to become uniform in both
languages so that students wishing to change for one basic language to the
other would not become confused by different methods.
To this end we believe that two governing councils under one central
structure representative of the two official languages of Canada will assure
the following: a) An English school with the French language taught as a
subject by a French specialist from the first grade on and pre-school to be
taught in French to prepare the English children to accept the French language,
the audio visual method applied.
A French school with English taught as a subject by an English
specialist from the first grade on and pre-school to be tautht in English to
prepare the children to accept the English language, the audio visual method
applied.
A special school comprising both languages to be limited to exceptional
students only, the fact being that the other two languages would adequately
supply the children with the second language upon graduation, since not every
child can master two languages while trying to achieve an academic degree, this
creating an evenly type of schools on an elementary level.
It is hoped that the above proposals will be adopted by the rest of
Canada so that all Canadians may benefit from such a system.
We believe that exchange programs be confined to Canada and not to
foreign countries such as England and France. The people of Canada, French and
English speaking Canadians alike, are intelligently independent of any country
and are sufficiently equiped to solve their own problem. An inferior complex of
canadianism would be created if we were to depend on other countries to mold
the Canadian culture and the proposed just society.
In line with the Parent report, our sister Province of Ontario has
already adopted a system of restructurization whereby 1,446 schools boards have
been regrouped into 136 super-boards. We deem it advantageous and urgent that
Quebec adopt a similar policy to assure that all residents obtain the best
scholastic services under the most economical system.
A letter sent here, dated October 30th 1968, à would like to read
it for you, from the Ontario Officer, the Prime Minister and Presldentof the
Council: « Dear Mr. Beale, « à would like on behalf of the
Honourable Mr. Robarts to acknowledge receipt of your letter to him dated
September the 10. As well as an earlier letter from your association send by
Mr. Frank Vatrano, vice president. You will appreciate, I am sure, that the
solution of your specific problems lies with the competent attorneys of the
Province of Quebec. As you may be interested in the situation in this Province,
à will outline briefly Ontario stand on the question of English and
French languages education. Legislation was introduce this year providing for
French language elementary and secondary schools. We have French language
instruction in the elementary schools of Ontario for sometimes, but now, at
both levels, such instruction is settled by statute. Ontario's aim in this
field can be simply put where by practical, Ontario's aim parents should be
able to have their children either English or French. It is the Government's
hope that over the next few years French language schools in Ontario will
adequately serve the needs of the Province's French speaking residents. Thank
you for sending your views on this matter to the Honourable Mr. Robarts.
Yours very truly,
R. A. Farrell Executive Officer. »
The ethnic contribution to our great country must not go unrewarded as
every Canadian must admit. However, if we are continue to lure such future
talents along with future investors to our Province, we must not disillusion
them into believing that they must opt to the milieu whether
it be in a French majority or an English one, the choice must be
theirs.
In conclusion, by eliminating linguistic discrimination, the
misunderstrandings caused by the lack of communication between French speaking
Canadians will no longer exist.
Il I may be permitted, Mr. President, à would, at this time, like
to present a living example of what an immigrant's contribution is to our
Province and to Canada. Fourteen years ago a boy came from Italy and was
educated in Quebec, became important business man and very successfull in
political field. A man who is talking both languages fluently and at this time,
I like to present that person to you, an immigrant that came here fourteen
years ago. Mr. Nik Ciamarra, please.
M. Nik Ciamarra
M. CIAMARRA: Thank you, Bob. Je m'excuse si la traduction qui a
été faite a été faite en vitesse. Il y a des fautes
d'orthographe dans le texte et je ne suis pas responsable de la traduction.
Donc, s'il y a des imprécisions, je m'en excuse.
Ce bref mémoire est présenté par l'Association des
parents de Saint-Léonard.
M. LE PRESIDENT: Vous avez un mémoire en français?
M. CIAMARRA: Oui, il y a des amendements au bill 85. Mais, si vous
voulez, je peux sauter cette partie et lire seulement la partie des amendements
à...
M. LE PRESIDENT: Lisez la partie que M. Beale n'a pas lue. Nous sommes
tous bilingues. Je corrige; à am completely bilingual.
M. LESAGE: Cette expression est plus juste que celle que vous avez
employée en français, parce que, là, vous parlez en votre
nom.
M. CIAMARRA: Ce bref mémoire a été envoyé
à l'honorable Jean-Guy Cardinal, ministre de l'Education et premier
ministre intérimaire de la province de Québec, le 12
décembre. Au nom de l'Association des parents de Saint-Léonard et
du comité ad hoc de l'éducation, composé des associations
suivantes... Une dizaine d'associations ont été incluses dans le
mémoire.
M. LESAGE: Est-ce que vous avez fait distribuer des copies des
amendements que vous suggérez?
M. CIAMARRA: Je pense que oui.
M. BEALE: Elles sont toutes en avant.
M. LESAGE: Nous avons eu le texte anglais et le texte français,
mais nous n'avons pas eu les propositions d'amendement.
M. CIAMARRA: Excusez, nous pouvons vous les donner, car nous les avons
ici.
M. LE PRESIDENT: Je vous remercie, M. Lafrance. Un bon chrétien,
toujours serviable; c'est là que l'on voit le grand coeur d'un homme. Je
ne dis pas qu'il est nationaliste, mais c'est un bon chrétien.
M. LAFRANCE: A l'ordre, à l'ordre!
M. CIAMARRA: Je laisse de côté 1'énumération
des associations qui ont présenté des mémoires et je vais
au point. Nous avons l'honneur de vous aviser comme suit:
Premièrement, nous saluons l'action du gouvernement qui, en
présentant le bill 85, fait un effort louable pour garantir les droits
linguistiques des minorités anglophones, ou des gens qui ont choisi
l'anglais, tout en favorisant également le maintien et l'essor de la
majorité francophone dans le Québec.
Deuxièmement, nous vous offrons notre soutien et notre
collaboration dans l'élaboration d'une politique linguistique juste et
progressive. Nous réitérons que les citoyens anglophones du
Québec sont conscients des menaces graves qui pèsent sur la
culture française au Québec. Dans cet esprit de collaboration,
nous suggérons les modifications suivantes au bill 85 dont la
rédaction, forcément rapide et difficile, laisse certaines
ambiguïtés.
Tout d'abord, l'article 1 devrait préciser que les dispositions
nécessaires, prises pour aider les personnes s'installant au
Québec à acquérir une connaissance du français et
pour permettre aux enfants de fréquenter des écoles francophones,
ne porteront pas préjudice aux droits reconnus aux parents par l'article
10 de choisir la langue d'instruction do leurs enfants.
Le bill 85 ne contient pas une déclaration positive et sans
équivoque du droit des parents résidant au Québec et sans
distinction d'origine ou de citoyenneté de choisir la langue
d'instruction de leurs enfants et nous Jugeons qu'un article plus précis
doit être inséré dans la loi.
Il semble y avoir contradiction entre l'article 8 qui impose au ministre
de l'Education de reconnaître la langue d'une institution d'ensei-
gnement et l'article 10 qui semble imposer aux commissions scolaires
l'obligation d'assurer l'éducation en deux langues, dans les
écoles sous leur juridiction. Pour cette raison, nous jugeons que ces
deux articles doivent être modifiés afin d'imposer une obligation
claire aux commissions scolaires de fournir l'éducation dans les deux
langues; d'assurer le droit des parents d'exiger, à leur choix, l'une ou
l'autre langue; de requérir le ministre de prendre les mesures
nécessaires pour assurer lui-même, le cas échéant,
un tel choix linguistique et pour donner aux parents un recours efficace en cas
de négligence.
Le dernier alinéa de l'article 10 manque de clarté et
devrait stipuler que tout intéressé peut requérir
directement le ministre d'intervenir, obliger le ministre à demander
l'avis du comité linguistique, dans les trente jours accordés au
comité linguistique et, au maximum 90 jours, pour donner son avis et
imposer au ministre le devoir de prendre une décision dans les 60 jours.
Nous espérons que le bill 85, avec les modifications requises, sera
adopté au plus vite et que son entrée en vigueur sera
immédiate pour tous ces articles.
Etant donné que feu le premier ministre Johnson ainsi que le
premier ministre Bertrand et le bill 85 ont reconnu qu'une injustice avait
été commise à l'égard des enfants anglophones ou
parlant anglais à Saint-Léonard, nous demandons que cette
injustice soit corrigée en pratique, le plus rapidement possible, par la
prise en charge financière par le gouvernement des écoles
privées organisées temporairement aux frais des parents pour
protéger le droit de leurs enfants. Le bill 85, étant
manifestement une mesure temporaire et fragmentaire, nous nous réservons
le droit de faire des représentations détaillées aux
autorités et à la Commission royale d'enquête sur le statut
de la langue française.
Claude-Armand Sheppard, avocat de l'association des hommes d'affaires.
Merci.
Je voudrais signaler aux membres du comité que, s'ils veulent
poser des questions en anglais, de s'adresser à M. Beale. Moi je
traduirai en français si vous voulez.
M. LESAGE: Quel a été le coût de ces écoles
spéciales, M. Ciamarra?
M. CIAMARRA: Pardon, M. Lesage?
M. LESAGE: Quel a été le coût aux parents?
M. CIAMARRA: Elles nous coûtent actuellement $1600 par
semaine.
M. LESAGE: Et quelles ont été les sources de
financement?
M. CIAMARRA: Du côté de la souscription, si vous voulez, ce
sont des contributions des parents ou des maisons d'affaires quelquefois, mais
surtout des parents.
M. LESAGE: Combien d'élèves?
M. CIAMARRA: Combien d'élèves? Nous avons 209
élèves, n'est-ce pas?
MR. BEALE: Two hundred and five. I take this opportunity. Anybody who
would like to send a contribution, could send it to the box 117, Station K,
Montreal 5.
MR. WAGNER: Are you asking the Government for a contribution also?
MR. BEALE: I am asking you as a citizen.
MR. WAGNER: Did you ask the Government for a contribution?
MR. BEALE: Yes, we had. We just said it. UNE VOIX: C'est dans le
mémoire.
MR. BEALE: We have sent two other previous letters before that. à
believe Mr. Cardinal's words.
M. LE PRESIDENT: Je vous remercie, M. Beale.
MR. LESAGE : Well, there is one point, Mr. Beale. There is one thing you
have said and that à have difficulty to agree with.
It is when you suggested that the maternal school, you called it
pre-school...
MR. BEALE: à beg your pardon? MR. LESAGE: The maternal
school.
MR. BEALE: Maternal school, yes, kindergarten.
MR. LESAGE: That the language of teaching for the French speaking
children would be English.
MR. BEALE: Yes.
MR. LESAGE : And vice versa.
MR. BEALE: And vice versa.
MR. LESAGE: à have been told by teachers
and à know that you yourself know a lot more about it than
à do that when you send your child for the first time in school,
be it the maternal school or the first grade, the teacher has to be very
careful. She or he has to understand, mostly she has to understand that she is
the continuation of the home and the mother. In order to avoid difficulties for
the child, traumatism for the child - if you don't want to hurt him in his
feelings, which could have future effects who goes to school in his first year,
the transition should be the softest possible. Is not that correct? You are a
pedagogue. à am not.
MR. BEALE: No. à am not, on the contrary. à am not.
à am a process operator. à think you are getting me mixed up with
Mr. Vatrano, our past president.
MR. LESAGE: No, no.
MR. BEALE: à beg to differ Mr.Lesage. My boy, à put him in
a French kindergarten, and à feel that in a maternal school or a
kindergarten whatever term is used ... when you first bring a
child to school in a kindergarten, it is only to untie him from his mother's
apron strings. It is the psychological effect, à think, that is more
apparent in a kindergarten or a maternal school because there is no instruction
of any kind. They just play with toys; they learn to use their hands and try to
get along with other children. This is the main pretext of what a maternal or a
kindergarten school is. It is to assimilate the child into a civil life, so to
speak, whereas he can get along with other children when he does start school
in the first grade.
But in the first grade, he will be starting in his own basic language.
And à found it very advantageous for me, as a parent, to have my boy go
to the French instructed maternal school before he took the English basic
language with French instruction in our temporary classes which they are
getting. Very very advantageous.
MR. LESAGE: Did he know some French before entering the maternal
school?
MR. BEALE: Not one word! MR. LESAGE: Not one word.
MR. BEALE: And he speaks... As a matter of fact, he does better, if
à may point out this point, Mr. Cardinal, he does much better than my
other two boys who have been going to a fifty-fifty bilingual school for six
years. Be- cause he is taught conversational French. He is taught to speak the
language. He is not taught how to write it. This will come later on in the
school years or in the school period.
MR. LESAGE : But à was under the impression that psychologically
for the child who leaves home or his mother for the first time, the environment
should be as many aspects as possible that of his home.
MR. BEALE: Well, as you said before, you are not a pedagogical expert
and neither am I...
MR. LESAGE: No.
MR. BEALE: But à will say that à found through experience
that this is the best method. à have seated besides me Mr. Sadlowski who
paid to send his child to a French maternal school, purposely to teach him to
assimilate with the other children.
We have to get rid of discrimination, and à think it is the best
place to start it, in the kindergarten. The terms French Fogs, Pepsi, Square
Head and Bloke must go from this Canadian country before we can do anything
towards Canadian unity recognizable of the two official languages. And à
think this is the very good place to start it. For children will be playing
with other French children, English children will be playing with French,
etc...
MR. GOLDBLO0M: Mr. Beale, I think a lot of people have had the
impression, by the fact that parents of St. Leonard have resisted the decision
of the School Board that would have made the schools unllingual in French, that
the parents of St. Leonard were trying to have exclusively English speaking
education for their children. à believe it is correct that you have been
providing French teaching in the private classes, and as it has been told, the
results have been quite encouraging. Can you...
MR. BEALE: Very encouraging.
MR. GOLDBLOOM: ... tell us about this?
MR. BEALE: Yes, à took the opportunity in the letter à
send to Mr. Cardinal in December to ask that anybody in the Government level
that would like to come down and see our 205 children and à think
it is the duty of the Government to do so to see our six years old
children. Some of them, I go to 65% of them who could speak English or French,
speaking both languages
right now, English children speaking French and French children learning
English because there are some French people that put their children in our
classes because of the curriculum. It is very advantageous. à would say
it would need the requirements of any School Board in the Dominion of Canada if
not in North American continent, and I feel very very proud to stand here and
say that à am representing along with the ad hoc committee of course and
the other people à worked longest, 205 children who more or less stand
as a symbol of true canadianism.
And à ask again here anyone who wishes to come down to our
classrooms if they have not seen it on television who have had the French
program of our children doing the French program in French on an English
program on the movies. Where the children, à pointed out, this is the
most significant objects around them. One child is told: « Jean, va
ouvrir la porte » he gets up and he opens the door, he leaves it opened.
Two or three children later after ask: « Montrez-moi le mur, le plancher,
la table, la chaise ». These are significant matters around them. They
can do the entire anatomy of their body in French.
The second phase were to put these words into sentences which is in
applied now. We have the whole curriculum for a French program set up à
have nothing to say but à am very proud of it.
MR. GOLDBLOOM: Mr. Beale, I understand that when these private classes
were opened the parent's association à have already referred earlier in
this commitee, received from the Department of Education, unsolicited forms to
apply for a grant...
MR. BEALE: Yes.
MR. GOLDBLOOM: ... as for a private school. At that time you choose not
to respond to that, not to make any application. Now, à believe that you
are suggesting that the Government should step in and takes financial
responsibility for the private classes that you have been running.
Can you give me an explanation why your attitude at this present time is
different from what it was at the beginning?
MR. BEALE: First of all, we refused to fill in the forms and send them
back because we did not want to be taken under the category of private schools.
These were not private schools. These are temporary classes that is all they
are. Until the Government decides to make up its mind, what it is going to do
with 205 children who have been deny the rights and the liberty as any other
child in the Province of Quebec and Canada? We are a small little place in
Quebec and we are very very small in the areas of Canada and North America.
But, we are citizens, we are Canadian citizens, we pay our taxes and if
à might point out something here who has been said a few times by other
movements, that the French people of Quebec being a majority do not want to pay
for the education of immigrant children who are going to the English
schools.
In St. Leonard de Port-Maurice, 76% of the taxes are paid by immigrant
people who are the property owners and only 24% are French.
May à further explain, Mr. Goldbloom, on the temporary classes?
This is the reason why we did not want to go on to the hiding of private
schools.
We did not want to create a precedent in Quebec such it happened in
other provinces of Canada. We feel that it is only a matter of time before the
Governement will find some solutions to this problem.
MR. GOLDBLOOM: Do you have tried to have communication with the
Government about this?
MR. BEALE: Yes, we have.
MR. GOLDBLOOM: And with what success?
MR. BEALE: No success at all, and as à have already pointed it
out, we were never even shown the courtesy of a response.
MR. PRESIDENT: M. Wagner.
MR. WAGNER: Mr. Beale, à am coming back to bill 85. Are you
satisfied with the drafting or the implications of section 10, which is to the
effect that the Minister will have the final say on the decision and that there
Is no further recourse?
MR. BEALE: No, à am not.
MR. WAGNER: What do you suggest? Do you suggest there be a recourse to
the Court not merely...
MR. BEALE: Definetly, it should be. I do not see why one person can hold
the reins of the whole educational system if it is contrary to his own
beliefs.
MR. WAGNER: Thank you.
MR. BEALE: In other words, we will not be able to take it in the
Court.
MR. WAGNER: No.
M. LE PRESIDENT: Je vous remercie, M. Beale. Est-ce qu'il y a d'autres
représentants ou d'autres groupes qui n'ont pas été
entendus et qui voudraient se faire entendre? Non?
M. SMITH: M. le Président, parce que je suis l'une des personnes
qui s'occupent de ce comité, il y a encore une question que M. Goldbloom
a posée et à laquelle je voudrais répondre. Dans le cadre
du comité, est-ce que j'aurais le droit de faire un petit
commentaire?
M. LE PRESIDENT: Allez-y. Nous sommes en pleine démocratie, ici,
vous savez.
M. SMITH: Je crois que M. Beale ne se sent pas responsable et ne croit
pas avoir le droit de dire si, oui ou non, le gouvernement doit donner un appui
à ces classes-là. Je dois vous dire, M. le Président, que
ces classes-là sont aidées par un comité, connu sous le
nom de Ad Hoc Catholic Committee for Education, qui est composé
d'environ dix associations dont le président est M. McPhee. Maintenant,
l'aide pédagogique a été donnée par l'Association
des professeurs pour Montréal et les provinces. L'aide financière
qui a été reçue est due partiellement à nos
efforts. A une assemblée du mois de décembre, avant la
présentation du bill 85, nous avons pris la décision de vous
envoyer une lettre, M. le ministre de l'Education, vous demandant
officiellement de l'aide financière pour ces classes jusqu'à ce
que le problème soit réglé.
Je vous présente cette demande verbalement maintenant. Il est
probable que, nous pourrons vous faire cette demande par écrit plus
tard.
M. THEORET: M. le Président, une remarque seulement.
M. LESAGE: Un instant. Je voudrais attirer l'attention du ministre de
l'Education sur le fait que M. Smith s'est adressé directement à
lui, nommément. Alors, j'ai pensé à attirer votre
attention sur cela.
M. LE PRESIDENT: M. Théoret.
M. THEORET: M. Beale a fait, tantôt, une remarque pertinente au
sujet de l'école mater- nelle. Il envoyait ses enfants dans une
école maternelle française. Il ne faudrait pas laisser croire au
comité qu'il y a seulement les anglophones qui adoptent cette
méthode.
Je regrette de devoir citer ma famille, mais j'ai envoyé
moi-même plusieurs de mes enfants à l'école maternelle
anglaise avant de les envoyer dans une école primaire française.
J'ai remarqué qu'il y a quand même beaucoup d'avantages parce
qu'aujourd'hui ma fille qui a dix-huit ans sort avec un Russe. Je crois que
c'est bon pour élargir les points de vue des enfants.
M. LE PRESIDENT: Je dois vous dire que j'ai une expérience
personnelle. J'ai enseigné pendant dix ans le français aux
anglophones au Collège militaire. La plus grosse difficulté que
les Anglais avaient, c'était de faire la distinction entre jambe et
jambon. Lorsqu'on dit à une jeune fille qui a une belle jambe; Vous avez
un beau jambon, cela cause des difficultés. Je m'excuse de me permettre
cette badinerie-là. Pour finir peut-être le comité, M.
Pearson?
M. PEARSON: Oui, justement, au sujet de la même expérience
qui a été racontée par M. Beale, je me demande si le
ministère de l'Education ne pourrait pas organiser quelques classes pour
essayer cette formule-là. Moi-même, j'ai envoyé mon fils,
le plus jeune, à une maternelle également anglaise et il a appris
très rapidement l'anglais. Actuellement, il va aller à
l'école française après coup. J'ai l'impression, avec
l'expérience que nous avons vécue chez nous, qu'il saute des
années après coup. Parce que, quand nous commençons
à enseigner la langue seconde en cinquième ou en sixième
année, les enfants, on dirait que cela ne rentre plus. C'est un peu
comme enseigner les mémos règles de grammaire pendant sept ou
huit ans. Ils prennent cela tout de suite à ce moment-là et cela
s'améliore par eux-mêmes, même s'il n'y a pas d'enseignement
qui leur arrive par la suite, pendant quelques années. N'y aurait-il pas
possibilité d'organiser quelques classes, peut-être à un
moment donné d'étendre cette expérience à toute la
province? Je pense que ce serait une expérience valable.
M. CARDINAL: Je peux répondre que tantôt nous avons
exprimé des opinions au moins contraires, sinon contradictoires à
ce sujet. Je pense qu'un sujet semblable serait bienvenu dans le cadre de
l'Institut de recherche pédagogique qui a été
créé par le ministère.
M. LAFRANCE: M. le Président...
M. LESAGE : Je voudrais bien que vous vous rappeliez que l'opinion que
j'ai exprimée a été sous forme interrogative. J'ai
été très prudent parce que je ne me prétends pas
pédagogue.
M. CARDINAL: M. le Président, je pense que ma réponse a
été aussi prudente en disant que des opinions, etc...
M. LAFRANCE: M. le Président, comme le problème de
Saint-Léonard se trouve au fond de tout ce litige que veut corriger le
bill 85, je crois que le comité serait extrêmement
intéressé à connaître le point de vue du ministre.
Pour ma part, je le serais, moi. Je crois que des points ont été
soulevés par les représentants de Saint-Léonard sur
lesquels le ministre devrait apporter des éclaircissements.
M. CARDINAL: M. le Président, je m'excuse, je pense que nous
sommes ici pour discuter du bill 85...
M. LAFRANCE: C'est ça!
M. CARDINAL: ... non pas du cas particulier de Saint-Léonard qui
a été discuté je le rappellerai à
l'honorable député à deux reprises au comité
de l'Education, soit en juin dernier et au mois de novembre dernier. Ce que f
aurais à déclarer sur ceci, on le retrouve dans le journal des
Débats ainsi que dans deux ou trois conférences de presse qui ont
été faites.
M. LESAGE: Je pense bien que le ministre de l'Education admettra qu'il y
a un lien direct entre la situation créée à
Saint-Léonard et le bill 85.
M. CARDINAL: Je ne nie pas ceci.
M. LESAGE: D'ailleurs, le premier ministre lui-même l'a
déclaré à plusieurs reprises. Alors, il me semble que,
dans les circonstances, la suggestion faite par le député de
Richmond est tout à fait raisonnable.
M. CARDINAL: Je le note. Je pense qu'en temps et lieu, lorsque nous
aurons entendu les représentations des groupes intéressés,
qui sont assez nombreux, il serait opportun que j'y revienne et qu'à ce
moment-là j'exprime, à la lumière de tous les
mémoires et de ce qui aura été dit de nouveau ici et de
faits nouveaux qui pourraient se produire, la politique du gouvernement dans ce
domaine.
L'honorable chef de l'Opposition vient de dire très justement que
le bill 85 a été proposé à l'Assemblée
nationale à la suite de l'affaire de Saint-Léonard. Ce bill a
été référé au comité pour que nous
puissions entendre les gens s'exprimer sur ce projet de loi. Depuis ce matin,
nous avons entendu des gens qui ont fait des suggestions pour la modification
de ce projet de loi. On nous a mentionné en particulier que l'on
pouvait, avec ce projet de loi, ou bien tout simplement régler le cas de
Saint-Léonard ou en faire un projet de loi qui règle en partie
une politique de langue. Sérieusement, j'aimerais entendre les autres
personnes, les autres groupes, avant de m'exprimer, comme je l'avais fait
d'ailleurs, au sujet du bill 56 ou, à la fin de tous les exposés,
je me suis permis d'en faire un moi-même. C'est mon intention de le
faire.
M. LE PRESIDENT: Nous ajournons à dix heures demain matin. Cela
va être bon demain.
(Fin de la séance; 16 h 39)
Séance du 15 janvier 1969 (Dix heures treize minutes)
M. PROULX (président du comité): A l'ordre! La
séance est ouverte.
M. Jean-Noël Tremblay
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, vous me permettrez
avant que l'on recommence les auditions de faire une petite mise au point au
sujet d'un article qui a paru ce matin dans le Journal de Québec sous la
signature de M. Villemure. Alors que J'interrogeais hier les
représentants des professeurs de l'école Normale Laval, j'ai
essayé d'obtenir des renseignements et j'ai notamment posé une
question à savoir si l'expression « langue officielle »,
qu'avait utilisée M. Labrecque, équivalait dans son esprit
à unilinguisme français. J'ai obtenu la réponse que je
désirais avoir, et le journaliste de conclure que le ministre des
Affaires culturelles s'est réjoui de cette déclaration. Je
voudrais, une fois pour toutes, faire observer à nos amis journalistes
que nous sommes ici pour entendre les représentants de divers organismes
et nous avons le droit de leur poser toutes les questions que nous croyons
devoir leur poser sans que cela puisse conduire à interprétation
de l'attitude des députés qui siègent à la table du
comité.
M. LE PRESIDENT: M. le Ministre, je vous remercie. On peut être
à la fois sérieux et joyeux. Le numéro 10? M. Richard
Holden, s'il vous plaît, est-il présent?
M. John MappinM. MAPPIN: M. le Président...
M. LE PRESIDENT: Oui, vous avez le droit de parole.
M. MAPPIN: Mon collègue, M. Holden, est malheureusement
malade.
M. LE PRESIDENT: Est-ce la grippe de Formose ou de Hong Kong?
M. MAPPIN: Oui, malheureusement, oui. Il lui est absolument
défendu par son médecin de venir aujourd'hui.
M. LE PRESIDENT: Est-ce que vous présentez un mémoire?
Vous présentez le mémoire vous-même? Voulez-vous vous
identifier, s'il vous plaft?
MR. MAPPIN: John Mappin. Mr. President, we write as two English-speaking
Canadian citizens of the province of Quebec. Officially we represent no views
but our own, but we believe that our views are representative of the majority
of the English citizens of Quebec. We also believe that the principles of Bill
85 are acceptable to the majority of Quebeckers whether of French, English or
other background.
We believe that the principle under consideration is a fundamental human
right, and as such should be above and beyond partisan politics.
We follow that, Mr. President with a summary of our à principal
submissions which à was kept...
M. LE PRESIDENT: Voulez-vous parler un peu plus lentement, s'il vous
plaft?
MR. MAPPIN: For approximately two hundred years education has been
available in both the French and the English languages for all residents of
Quebec. Throughout the years, parents have had the right to choose the language
in which their children should be educated. Any change would result in a
diminution of personal freedom for Quebeckers.
This brief has been prepared on the assumption that the English fact in
Quebec has established the right to exist. In the words of the Parent Report,
« in Quebec, the English language schools have made secure for themselves
the right to exist, which no one today, as far as we know, would think of
contesting... They satisfy needs which the English-speaking minority can
rightly consider legitimate. Right, they consider legitimate. They have even
established within the school system of the province a noteworthy educational
tradition and have made valuable cultural contributions to the society of
Quebec as a whole. Therefore, we believe that the English language public
schools should not only continue to exist, but that they must also progress in
their fashion. »
We note that this principle, endorsed by Premier Bertrand, the late
Premier Johnson, and former Premier Lesage, is embodied in Bill 85.
We also approve the principle enunciated in the Bill whereby the
parents' right to freedom of choice of education is further protected against
the arbitrary action of a local school board.
We believe that the English-speaking com-
munity of Quebec whole-heartedly endorses the requirement that the
Linguistic Committee ensure, within the limits of its authority, a working
knowledge of the French language to every person who attends a recognized
English-language institution.
M. LE PRESIDENT: Oui, ... ça va?
MR. MAPPIN: Oui, merci.
Having personnally experienced the failure of the existing system
à am talking with regard to the teaching of the French language
we believe that the achievement of this objective set by Bill 85 to be long
overdue. With modern technology bringing the world's languages and cultures
closer together, we contend that multilingualism and bilingualism will become
increasingly important throughout the world. It will be a poor man indeed who
clings to the concept of unilingualism.
We suggest that the right to petition the Minister contained in section
10 of the Bill, implies the right to be heard. We hope that the machinery for a
public hearing of all interested parties will appear in the law or the
regulations. We also submit that, under certain circumtances, the decisions of
school commissioners and or the Minister should be susceptible to appeal. For
example, if the decision of a particular commission were contrary to law, or if
the commissioners have acted in an unreasonable, unjust, arbitrary or
discriminatory manner or have acted for unjust purposes, have been actuated by
irrelevant motives or where they have failed to give reasons for a
discretionary act.
In these circumstances, we believe that an appeal should be available to
the Court of Appeal from the decision of the School Board and or the
Minister.
The addition of the new dimension of immigration to the already complex
subject of education forces us to question whether the two matters, immigration
and education, should be treated in the same law.
The present constitution of Canada treats the two subjects quite
differently. Section 93 of the B.N.A. Act provides that laws relating to
education can be passed only by a provincial parliament whereas section 95
states that « any law of the Legislature of a province relative to
Immigration shall have effect in and for the Province as long and as far only
as it is not repugnant to any Act of the Parliament of Canada ». In other
words, Bill 85 could be modified at any time by Ottawa, a situation which we
submit is most unusual given the present political climate.
Here, we add the following, Sir. We subscribe to the principle that
immigrants should speak French. However, it must be remembered that in the
context of immigration, the immigrant is a Canadian citizen or resident living
in Quebec and should have the same option as any other person living in
Quebec.
We believe that the vast majority of the people of Quebec and of the
Members of the National Assembly support the principles of parental option.
Should there be those who doubt this belief, we would challenge this Committee
to recommend a free-vote in the Assembly.
We would also welcome a referendum on the issue if such is your will. We
are confident that over the din of the extremists, on all sides, the reason and
moderation of the « silent » majority will be heard.
We assume that Quebec will continue to be part of Canada and that it is
in the interest of all Canadians that the rights of the two official languages
be expanded rather than contracted. We see evidence that most of
English-speaking Canada has come to this conclusion. This is precisely the
wrong moment in Canadian history to provide the narrow-minded in other
provinces with grist for their parochial mills. Education is the basic
substance of our developing society. If the two cultures are to continue to
exist in Canada, minorities must remain strong. It is in this belief that the
undersigned respectfully submit this brief.
Thank you, Sir.
M. LE PRESIDENT: M. Mappin, je vous remercie beaucoup.
Avez-vous des questions à poser?
MR. LESAGE; About the right of appeal you have one section which Is
entitled « Limitation on discretionary power. This is section 3 of page 2
of your brief.
Most of the instances that you have mentioned there could give rise to
the issue of writs of prerogatives much more than to an appeal. I understand
that you are not an attorney of law. Mr. Holden is.
MR. MAPPIN: à was about to proclaim that...
MR. LESAGE: Well, à see. Will you draw the attention of Mr.
Holden on this point?
MR. MAPPIN: Yes, à will.
MR. LESAGE: While you were presenting your brief I was having a word
with Mr. Cardi-
nal and we were both saying that we would have appreciated having Mr.
Holden's opinion on that very point.
MR. MAPPIN: Fine, I will see that he does so, sir.
MR. LESAGE: Then, he could send it in writing to the President or to Mr.
Cardinal or to Mr. Cardinal and myself...
MR. MAPPIN: Fine.
MR. LESAGE: ... and we will table it in the committee.
MR. MAPPIN: Thank you very much. I will see the...
M. LE PRESIDENT: M. Wagner.
MR. WAGNER: Mr. Mappin, on page 3 of your brief your recommend and
suggest that the free vote should be taken in the Assembly. Do you not believe
that this is a subject of such importance for the future of this Province, that
the Government should take a stand, and Government policy should be clear on
this point and therefore, the Government should stand up for on the principle
of this bill and not let it to the wind of a free vote?
MR. MAPPIN: Well, I do not think. This is tactfully a dodge on local
political question, sir. I think we have pretty general agreement that this
issue is a very important one regardless of anyone's political affiliations.
The mechanics of the system and how it works, I would prefer to avoid it, since
I am not really as conversant with it as all you gentlemen here.
MR. WAGNER: Why did you mentioned that a free vote should be taken in
the Assembly?
MR. MAPPIN: Well, simply so that it could be a personal expression of
opinion on the subject. That would be, in effect, defining the law.
MR. WAGNER; Do you think that it is a question that goes much further
than personal opinion?
MR. MAPPIN: Yes, it is. I do not think that the question will suffer
though from a personal expression of opinion of each people.
MR. WAGNER: Thank you.
M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup. Bonne chance à M. Holden. Que le
virus disparaisse le plus tôt possible. Maintenant, pourrais-je demander
au représentant of the Association of Directors general for English and
Catholic schools of the Province of Quebec de se présenter? Le
numéro 40. Voulez-vous vous identifier s'il vous plaît,
monsieur?
MR. VAUPSHAS: My name is Vaupshas, first name Antony. Antony Vaupshas. I
am the representative of the Association of Directors general for English
language Catholic schools, I am its immediate past president.
The executive has been recently reshuffled and I have been asked to act
as its representative.
Messieurs, nous voudrions vous remercier de cette occasion que vous nous
donnez de nous exprimer sur les aspects du bill 85. Il y a quelques principes
que nous voudrions énumérer.
We would like to present this brief, which is a short one, because we
believe that bill 85 has positive aspects and we believe that those aspects of
the bill which need clarification should be brought to the attention of this
commitee constituted to hear the opinions of the various groups within our
society. We believe that all residents of Quebec should be either French
speaking or have a working knowledge of the French language.
The right to be educated in either the French or the English language
should be guaranteed in law and all persons in this Province should
be equal under the law and therefore should have the right to choose the
language of instruction for their children which should be guaranteed in the
law. The logical means of regulating this question in education is to establish
a linguistic committee of the Superior Council of Education analogous to the
Catholic and Protestant committees. Care must be taken to insure that the
linguistic committee is involved only in the linguistic aspects of education.
In our concern for having English speaking people acquire a working knowledge
of French, we must be careful not to deprive the French speaking people of this
Province of the right to acquire a working knowledge of the English language.
In endorsing linguistic schools, we are not ipso facto endorsing linguistic
rather than confessional schools because we believe that schools should be not
only divided on a linguistic basis but also on a confessional basis.
Now, if it is the desire of this committee, I could read the brief that
we have prepared. I have outlined so far the principles on which we have based
our brief. Is this the wish of the committee?
MR. LESAGE: We would like you to elaborate,
if it is possible, on one of the points you have just mentioned: the
fact that you would like the schools to be divided not only on a linguistic
basis but also on a confessional basis. Go along with your brief. Later...
MR. VAUPSHAS: Yes. But the law is so constituted and we know that in any
particular community of our Province it is now an established fact that there
has been a denial to the English speaking catholics of the right to schools
which are catholic and in which the language of instruction is the English
language.
Nowhere in the law I have read the guarantee that this will not happen
again in some place else and not only do we not, rather not to happen in some
place else but we would like to see the status quo as existed earlierto be
maintained where the English speaking Catholics have the right to instruction
in the English language and the teachers to be disapproved by the Catholic
committee. There seems to be no denial to the right of the English speaking
Protestant to have his children instructed in the English language and by
teachers approved by the Protestant committee.
Yet, we seem to discriminate against the English speaking Catholic
because there is no guarantee anywhere written in the law. And we see this
linguistic committee as being a part of the Superior Council of Education
whereby you would have your Catholic committee, your Protestant committee and
your linguistic committee.
MR. LESAGE: Do you believe that, as far as the division on a
confessional basis is concerned between Catholics and Protestants in the
province of Quebec, section 93 of the B.N.A. Act apply?
MR. VAUPSHAS: How it is applied, is it the question?
MR. LESAGE: Yes, how does it apply in the case you just mentioned?
Section 93 of the B.N.A. Act already guarantees the acquired rights of the
minorities in Canada on a confessional basis, not only linguistic basis.
MR. VAUPSHAS: I believe at the time that school systems had existed were
such that you had the French and Catholic and if there were in a number of
English speaking Catholics they were, provided for looked after by the French
and the other large number of students, the other establish educational system
was the Protestant system. And at the time I think what they did was the
equated Catholic with French and Protestant with English and I think that it is
time that it is written into the law, that the parents have the right to choose
either english or french as a mean of instruction whether they would be
Catholic or Protestant.
MR. LESAGE: Well, as regards confessionality, would you examine
section 93 of the B.N.A. Act?
MR. VAUPSHAS: I am familiar with it.
MR. LESAGE: You are. Do you not believe that it does apply?
MR. VAUPSHAS: It applies only if we can establish the facts that there
was a school system for English Catholics, but I do not believe that there was
at the time in the province an established school system. So I do believe that
there was some provision made by the French Catholic school system for English
little groups, little communities of English speaking Catholics but this will
take a constitutional law, an expert to be able to prove this.
MR. LESAGE: There existed before 1867, Catholic schools where English
was the language of teaching...
MR. VAUPSHAS: I do not believe that it existed as a school system.
MR. LESAGE: That is an interesting point because 93-3 mentions a system
not individual school.
MR. VAUPSHAS: Yes, I believe that this is...
MR. LESAGE: Section 93-3 says: Where, in any province, a system of
separate schools exists by low...
That is the interesting point. But, on the other hand, 93-1 says:
« Nothing in any such Law shall prejudicially affect any right or
privilege with respect to denominational schools which any class of persons
have by Law in the Province at the Union. »
As Mr. Cardinal says, first there was no law and two, there also was no
system for the English catholic minority. But schools existed individually.
MR. VAUPSHAS: But not as a system.
MR. LESAGE: This is an interesting point to clear.
MR. VAUPSHAS: We are very much concerned in our brief with the
translation of the french expression « faire instruire » by the
words « cause to be taught. » The Word « cause » is a
rather strong word and we do not know that it is a good translation of «
faire instruire ». It could be replaced by « enable, to choose, to
encourage ». The word « cause » is a strong word in the
English language. We do not really understand, regarding the working knowledge
of the French language which the Minister of Education and the Minister of
Immigration will encourage the immigrant to acquire, if the interpretation is
that you will encourage the immigrant to acquire a working knowledge of the
French language and thus enable the immigrant to choose or be disposed to send
his children to the French school, but if it means that we are going to
encourage the immigrant to acquire a working knowledge of the French language,
that the Minister will cause the children to go to schools which are designated
as French. Then we think that this is a denial of the rights of the parents to
choose the type of instruction and the language of instruction for his
children.
Now, further in the brief, we think that there Is a strongly worded
section which deals with the curricula and examinations which this linguistic
committee is going to have power over so that in all subjects, the students are
supposed to acquire a working knowledge of the French language. We think that
it is very difficult to define the terms « working knowledge » and
then to create a curriculum to insure this and finally to regulate it by
examinations.
If the linguistic committee is going to have this right, the right to
set the curricula and the examinations in all subjects at the elementary and
the high school level so that the children have a working knowledge, we think
that it is going to work against the interest of the English speaking community
in the sense that the Minister might be disposed to make this demand in all
subjects so that the English speaking student whose language of communication
and language in which he reasons is no longer his must now communicate and
reason in a language which is not his, thus making it very difficult for him to
ever finish his elementary or high school.
We cannot understand the significance of that particular clause when
this linguistic committee is going to exercise this particular right to set the
curricula and examinations in all subjects this is a thing that we do
not understand to acquire working knowledge of the French language.
M. LE PRESIDENT: D'autres questions? M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
MR. TETLEY: Would the English Roman Catholic community be willing to
give up the guaranty which Mr. Lesage spoke up in the BNA, section 93, without
getting a summary guaranty somehow rather on linguistic lines in the
Constitution?
MR. VAUPSHAS: I do not think that they are going to give up any thing
that they already have written down in the law. I do not know that you have to
give up what is in section 93 but I think that a modification, an explanation,
an amendment can certainly be brought in through this Bill 85 which will
guaranty the type of school that the parents want.
MR. TETLEY: The Bill 85 will not amend the BNA.
MR. VAUPSHAS: But it can so state but the rights guaranted by the BNA
Act can so state that the application of the rights guaranteed by the BNA Act
are interpreted as such in this province. Because I think this is where the
problem has a reason, there is never been any questions I do not think of ever
taking away from the English Protestants, their rights to the education in the
English language, and yet we seem to take that it is quite alright to take it
away from the English speaking Catholic and it is a form of discrimination. We
feel that if the Bill 85 makes the schools attractive, if we are trying to
attract the immigrants to the schools that give instruction in the French
language, if the schools are so constituted so that the children are attracted
into It and if the personnal teachers and principals and schoolboards are so
disposed to welcome these people, it is only natural that they will go where
they are made welcome. Why did the Immigrants tend to go the English speaking
Catholic schools? This is only something that the Immigrants can answer, but
when the Immigrant presented himself to the English speaking catholic schools,
because they happen to be a catholic, the immigrant was given a place in the
school, he was made welcome, he was not told that we have got our norms for the
particular classes field. We did not say to the Immigrant child that you must
now your fourteen years of age with you never had instruction in the French
language and so we must start by going in the grade 1, stay for the next seven
years, I am not saying that this is the way you receive them, I am saying that
the English speaking catholic, he himself be an immigrant
whether it be one or two, three generations, understood the problems of
the immigrant. And the French Canadian not having have to deal with this
problem having been a resident of this province for many generations perhaps he
was more concerned with educating his own people with getting his own people
prepared for the future that he did not have time when this grave immigration
came in to the province between 1945 and 1950. But the immigrant is still
coming and the immigrant will come because he is trying something here in the
Province of Quebec which I do not think he finds any place else. Because he is
allowed to use his language in is not looked upon as an outsider and I think it
is time and this Bill 85 to make it attractive for the immigrant to come in
this province and to be made welcome here, and give him the right to choose
because they are a large number of immigrants to have got in the French schools
system.
They did not all go into the English Catholic system. Some of them did
go into the French system. I am sure that many of them, now, were graduates
from the Universities of Montreal and Laval. But there are a number elected to
go into to the English Catholic system. I said this: Make them welcome. Don't
blame the English Catholic for opening his doors and saying to the English
Catholic: Well, you will open no more doors, now, and we will even close the
doors that you have opened so that even you can't have what you had before.
This is wrong.
We are well disposed to cooperate.
MR. LESAGE: Should we gather from what you said, Sir, that one of the
incentives that the immigrants - I know a number of incentives of course
but one of the incentives that the immigrant coming to the region of Montreal,
for instance, to send his children to the English Catholic school was the fact
that you were prepared to welcome them and to see to it that they could affect,
on a rather short period, the necessary « rattrapage » to catch up
in learning the language.
MR. VAUPSHAS: Let us say that we were disposed to take them into the
school. We did not make it hard for them to integrate.
MR. LESAGE: That's right! May be that Well I should not ask you
that, I know but in the French schools the same disposition was not
there to the same extent... !
MR. VAUPSHAS: I remember myself that when an immigrant first came in
Montreal, he asks his fellow immigrant, or someone from his ethnic group: Which
is the nearest school that I should send my children? And because an immigrant
was made welcome in any particular school, he just said: Go to that school. But
he had applied to any particular school and was turned away. There was no room.
During that time I was a school principal. There was time when we had in the
classroom, where we are supposed to have only 30 to 35, we had 45 children
sitting in the classroom. We had to go on half-time classes because we did not
have enough teachers. But, we did what was possible under the
circumstances.
MR. LESAGE: Did the teachers at the time complain about the teaching
load?
MR. VAUPSHAS: They always complain. But yes, there were difficulties and
it is a very frustating experience sometime to have to stop the whole process
of teaching in the class so that you have to say to the immigrant, and most of
them to sit down and stand up and come here and go. Quickly the immigrant, I
think, picks up a knowledge, the fundamentals of the language and before you
know he is ready to integrate.
M. LE PRESIDENT: Je vous remercie, monsieur, de votre
représentation. M. le ministre a-t-il une déclaration à
faire?
M. CARDINAL: M. le Président, non pas une déclaration mais
je veux simplement souligner aux membres du comité et pour les
fins du journal des Débats que nous avons reçu une lettre,
datée du 10 janvier 1969 de Mrs. Joan J. Reid, qui mentionne qu'elle
aurait aimé venir devant le comité, qu'elle ne peut le faire. Je
suggérerais que cette lettre de Mme Reid soit déposée
parmi les documents du comité et qu'elle soit mise en annexe au journal
des Débats. Je pense qu'une copie a été remise à
chacun des membres du comité déjà, (voir annexe A)
M. BOUSQUET: Relativement à cette lettre, je voudrais signaler
que dans le deuxième paragraphe, on dit que « si nous vivions dans
un pays démocratique avec toutes les libertés dont un pays
démocratique doit, normalement, jouir que ce bill 85 n'aurait jamais
dû être apporté, que l'on n'aurait jamais été
obligé d'apporter ce bill 85. Alors, j'en conclus donc que, dans les
autres provinces, l'on ne vit pas dans un pays démocratique.
UNE VOIX: Très bien.
M. LE PRESIDENT: Quelle est la dernière phrase, M. le
Député?
M. BOUSQUET: J'en conclus que les grandes libertés
démocratiques sont bafouées dans les autres provinces du
Canada.
UNE VOIX: Est-ce une raison pour que le Çuébec commence I
les bafouer?
M. BOUSQUET: Nous n'avons jamais commencé I les bafouer d'aucune
façon.
M. LAFRANCE: A Saint-Léonard, je crois qu'on a
commencé.
M. LE PRESIDENT: Messieurs, à l'ordre! A l'ordre!
En tant que président, je ne peux pas tolérer...
UNE VOIX: Pardon?
M. LE PRESIDENT: Je ne peux pas tolérer de...
M. LESAGE: Il ne peut pas tolérer de discussion entre les
députés!
M. LE PRESIDENT: Je ne peux pas tolérer... M. LESAGE: Entre les
membres du comité!
M. LE PRESIDENT: Je n'ai pas fini ma phrase. Je ne peux pas
tolérer que le sujet glisse ou puisse...
M. LESAGE: Quoi?
M. LE PRESIDENT: ... ou puisse...
UNE VOIX: Pour le moment.
M. LE PRESIDENT: Pour le moment. Nous passons...
M. LESAGE: Que le sujet glisse où?
M. LE PRESIDENT: Glisse sur des sujets glissants.
M. LEFEBVRE: Vous êtes obscur, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: M. Trudeau, qui est un sphinx, est si vilain. Il a son
tic.
Nous allons passer au numéro 46 avec Mme 'Smith qui
représente The Provincial Association of Protestant Teachers of Quebec.
Nous avons entendu les catholiques, nous entendrons maintenant les protestants.
L'oecuménisme est la marque de commerce de notre comité.
Mrs. Allana Reid-Smith
MRS. SMITH: Mr. Chairman, I am happy to be here to represent the 8000
members of the Provincial Association of Protestant Teachers, the association
of which I have the honour to be the President.
The brief which we have presented was typed rather correctly, but I
would like to first of all apologize to the members of the commitee for a few
typographical errors which did not get cut off before the brief was printed. I
hope that they will forgive particularly the fact that we do not know how to
spell protestant in the first line.
I would like to ask your permission to read this brief partly in French
and partly in English, so that you may see that we are trying to follow our own
precepts of bilinguism.
The Provincial Association of Protestant Teachers of Quebec, which is
more commonly known as the PAPT and to some of our enemies known as PAPT, has
stated publicly many time its belief in a completely bilingual society, both in
Quebec ans throuthout the rest of Canada.
In order to achieve such a bilingual society, it is obviously necessary
to create a first class education in both French and English and to make
certain that all students graduate from school with a fluent working knowledge
of both French and English.
La PAPT a en tout temps supporté ardemment les droits des parents
de sélectionner la langue d'éducation de leurs enfants. C'est un
droit humain fondamental qui doit assurément être accepté
par une société démocratique moderne.
La PAPT réitère sa position, laquelle confère le
droit d'égalité I tous les citoyens canadiens quel que soit leur
pays d'origine, l'endroit où ils se sont établis et la
durée de leur séjour dans ce pays. Si des restrictions
s'imposent, celles-ci doivent être énoncées par le
département de l'immigration bien avant l'entrée des immigrants
dans ce pays.
Bearing these facts in mind, the PAPT wishes to recommend the following
changes to bill 85 of the Legislative Assembly of Quebec.
In section 1, which is the amendment to section 2 of the Education Act,
we feel that any restrictions with respect to « persons settling in the
Province of Quebec » should properly come within the jurisdiction of the
Department of Immigration, not that of Education.
Cependant, si le paragraphe doit être gardé, il devrait se
lire comme suit: « Le ministre a aussi la responsabilité de
prendre, de concert avec le ministre de l'Immigration, les dispositions
nécessaires pour que les personnes qui s'établissent au
Québec puissent, si elles le désirent, et ce dès leur
arrivée, acquérir une connaissance d'usage de la langue
française, et puissent, si elles le désirent, faire instruire
leurs enfants dans les écoles reconnues par le ministre comme
étant de langue française.
Further, we think that an additional section marrying this previous
section should also be added, which would indicate that immigrants may, if they
so desire, acquire upon arrival, a working knowledge of the English language
and may, if they so desire, cause their children to be taught in schools
recognized by the Minister as being English language schools.
Section 8 provides a particular problem which is relevant to our own
Association. We have a charter which specifically states that all teachers who
are teaching for Protestant schools boys in the Province are automatically
members of our Association. Until such time as further guarantees shall exist
within the Government of Quebec for our members, it will be fairly imperative
for us that any recognition of English and French schools should also go hand
in hand with the present recognition of schools as Protestant and Catholic.
We therefore suggest that notwithstanding the recognition of Educational
Institutions, as English and French, such recognition of English language and
French language schools is not exclusive and in no way takes precedence over
the recognition of schools as Protestant and Catholic by the Protestant and
Catholic Committees. This as I say is a matter that is particularly relevant to
our own Association. We are not anyway contradicting the position which we have
previously taken. We would be very happy to see the Educational System of the
Province organized on a dual language basis of English and French. But, until
such time as that occurs, for our own protection we must retain the recognition
of school as Protestant.
Section B. Cette section confère au comité linguistique
l'autorité en matière pédagogique (programmes et examens)
ce comité pourrait tris bien être formé de gens qui ne sont
nullement des éducateurs par profession. Cet article devrait aussi
donner une protection égale, tant a l'éducation anglaise
qu'à l'éducation française. Cet article devrait donc
être modifié comme suit: « de faire des recommandations au
ministère de l'Education régissant les programmes d'étude
et les examens pour tous les en- seignements donnés en langue
française et en langue anglaise, de façon à assurer une
connaissance d'usage de la langue française et de la langue anglaise
à toute personne qui fréquente une institution visée au
paragraphe a) et reconnue comme étant de langue française ou
anglaise. »
Section 10. We would like to make some supplying comments. We feel that
the method of enforcement which is provided for part c) of section 10 affords
no real protection to anyone. We regret that there is no provision of appeal
from the decision of the Minister or of the Linguistic Committee and we find
rather strange the fact that the act provides for the possibility of the
Minister approving a resolution which derogates from the guarantees provided in
subparagraphs 3 and 4. We are not lawyers, we are teachers and this may not be
the case in law, but it would seem to us to be a direct contradiction of the
entire law. Therefore, we feel that the word « approve » should be
remoted, so that section 10-c) would thereafter read: « He may amend or
annul it ninety days after he has taken the advice of the Linguistic Committee.
»
However, it is the opinion of our Association that the best way by which
English schools can be adequately protected is by the establishment of English
and French School Commissions such as it has been recommended by the Report of
the Committee for the Restructuration of the Island of Montreal and the Brief
of the Dual Language Committee. We would therefore feel that this section
should be amended to read: « The Implementation of the regulations
respecting Catholic and Protestant French-speaking and English-speaking schools
shall be the responsibility of French and English School Commissions. These
should be duly electec by all citizens within the geographical area who shall
declare themselves for the purpose of the said elections, to be either
French-speaking or English-speaking. »
Section 11. La phraséologie de cet article rendait impossible le
fait de remettre indéfiniment la mise en vigueur de cette loi. Vu
l'empressement en vertu duquel cette loi a été
rédigée et donnée en première lecture, il
semblerait qu'il y ait urgence de la mettre en vigueur. Par conséquent,
nous recommandons que cet article soit modifié de telle façon
qu'il se lise comme suit: « La présente loi entrera en vigueur
à la date fixée par proclamation du lieutenant-gouverneur au
conseil pas plus tard qu'un an à compter du jour de sa sanction
».
These are our recommendations in notes or simply paralleling the
recommandations. We feel that in its present form, bill 85 is unsatisfactory
and even possibly rather dangerous andbecause
of its ambiguities and its difficulties of interpretation and we feel
that only a such change, changes such as we have a notice of suggestion with
this be effective. However, if such changes take place, we feel that it might
very well provide the basis for a truly bilingual Quebec which would provide a
real inspiration for truly bilingual Canada.
M. LE PRESIDENT: Je vous remercie, madame. M. Bousquet.
M. BOUSQUET: M. le Président, la première question que je
voudrais poser est celle-ci. Au premier paragraphe, l'Association des
enseignants protestants dit ceci: Que les professeurs ont à maintes
reprises établi publiquement leur foi en une société
entièrement bilingue tant au Québec que partout ailleurs au
Canada.
Ma question est celle-ci: Cette foi, dans la pratique, est-ce qu'elle
s'est traduite par une étude du français de la part des
professeurs eux-mêmes? En d'autres termes, sur les 8,000 professeurs
protestants quelle est la proportion de ceux qui sont entièrement
bilingues?
MME REID-SMITH: C'est une question à laquelle il est très
difficile de répondre. Je ne suis pas parfaitement bilingue, au
contraire. J'espère qu'il y en a 20% qui sont parfaitement bilingues,
mais il y en a beaucoup qui comprennent le français mais ne le parlent
pas. Il y en a beaucoup qui désirent le parler mieux.
M. THEORET: Si vous me permettez une remarque, Madame, vous avez dit que
vous n'étiez pas parfaitement bilingue.
MME REID-SMITH: Oui.
M. THEORET: Par ailleurs, Je souhaiterais que beaucoup d'anglophones
parlent le français comme vous le parlez vous-même, et je vous en
félicite.
MME REID-SMITH: Merci, monsieur.
M. BOUSQUET: Maintenant, est-ce que vous pourriez nous donner une
idée de la période de temps requise pour s'assurer que les
étudiants anglo-protestants puissent avoir une connaissance d'usage du
français, compte tenu de la situation actuelle?
MRS. REID-SMITH: I am not a prophet. M. BOUSQUET: Non, non!
MRS. REID-SMITH: A great deal of work has been going into the
improvement of French education. Toutes les commissions scolaires essaient
d'améliorer la situation. Maintenant, il y a beaucoup d'écoles
où les étudiants reçoivent leurs cours de
géographie, d'histoire, et même les sciences et les
mathématiques en français.
Il y a beaucoup d'écoles où il y a des classes
accélérées en français, ou les étudiants
peuvent constament parler français.
Il y a aussi, surtout les régions rurales où nous avons de
petites écoles et pas de spécialistes, c'est très
difficile d'avoir ces facilités. J'espère que, dans dix ans, tous
les étudiants qui fréquentent les écoles protestantes
maintenant pourront parler assez facilement le français.
MR. GOLDBLOOM: Dr. Reid-Smith, among the eight thousands members of the
PAPT how many are presently teaching French in the cities?
MRS. REID-SMITH: I would not be able to give you an estimate of that,
Dr. Goldbloom, because in many rural areas teachers teach everything, including
French. Unfortunately, many of them are not really competent to teach French
anymore even if some of them are competent to teach mathematics. In the high
schools, of course, we have a fairly high degree of specialization. In the high
schools, I would say that probably 10% of our teachers are teaching French, but
in the elementary schools, the percentage is very much higher and probably the
competence is lower.
MR. GOLDBLOOM: Without wanting to offend or insult those teachers who
are teaching French, do you feel that there are a substantial number of them
who are competent and qualified in teaching French or is this a major problem
in English speaking schools?
MRS. REID-SMITH: It has been a major problem. It is improving very
rapidly with the increase in specialization in the elementary schools, with the
increase enrolment in the past for ex-specialists at Macdonald College, with
the arrival in Canada of many French protestants from France and Belgium who
have joined the ranks of French speaking teachers.
I think that French teaching in the protestant schools has improved
enormously over the past five or six years. I would say if this improvement
continues, as I have every reasons to expect, it will and even be accelerated,
we
should be in a position where the children who are now in grade one
this is why I used the term then year period should by the time
they reach grade eleven, have had every facilities to be completely
bilingual.
MR. GOLDBLOOM: Good. May I call your attention to page three of your
brief? In the middle of the page, you refer to section ten and in your first
paragraph, you say that this method of enforcement affords no real protection
to anyone. There is no provision of appeal from the decision of the Minister or
of the bilinguistic committee. Then, you do not go ahead and make this specific
recommendation that there should be a mechanism of appeal. Do 1 take it that
this is never the less your intention?
MRS. REID-SMITH: If this power is to be retained in this way by the
Minister, then, we will certainly hope that there would be such a provision for
appeal. However, as we have pointed it at the bottom of the page, we feel that
this protection is best offered by the effective election and functioning of
English and French School Commissions. This would be the most effective
protection which could be offered. We offered this as an alternative form of
protection, shall we say.
MR. GOLDBLOOM: On page 4, where you refer to section 11, which deals
with the coming into force of the act, you suggest a waiting period not to
exceed a year from the date of its sanction, rather than saying as, in fact,
probably most laws do, that it should come into force on the day of its
sanction. What was in the mind of the PAPT that would be taking place during
that waiting period of a year that justify that delay?
MRS. REID-SMITH: Well, first of all, might I say that we suggested a
year at the outside limit and not the inside limit. In other words, not more
than one year, so that if it was felt that is was practical, and it could be in
force in much shorter time, we would be happy to see this occur. We did,
however, feel that it was going to take some time to select this linguistic
committee. We have had some experience with nominating people to the Superior
Council on Education and the Protestant Committee, and so on. We know that the
wheels of Government tend to move rather slowly, at times and we felt that the
linguistic committee might very well not be nominated.
It is suggested in the bill that the linguistic committee be selected
from nominations from various groups. I would take some time to ask for these
nominations, to get them, to make the choice, to get the linguistic committee
functioning. And we could not see how the provisions of this bill could be
enforced until the linguistic committee was actually prepared to get to work.
This was really the basis for our suggestions.
MR. GOLDBLOOM: Thank you very much.
M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Revenu.
MR. JOHNSTON: Is your association unanimous on the establishment of the
English and French school system, so you just have the two systems?
MRS. REID-SMITH: Is unanimous...? MR. JOHNSTON: Unanimous.
MRS. REID-SMITH: Yes, we have unanimity in the sense that no
organization of 8,000 people has all 8,000 agreeing completely on anything.
But, our association has on several occasions, through its representative
governing bodies, given a very large majority vote to the idea of English and
French school system.
MR. WAGNER: May I respectfully refer you to page four, particularly to
your comments on section eleven?
MRS. REID-SMITH: Yes.
MR. WAGNER: It would seem to me that in the French text, your are
stating exactly the opposite of what you are stating in the English text. The
English text says: « The working of this section would make it possible
to postpone indefinetly the implementation to this bill ».
MRS. REID-SMITH: Yes.
MR. WAGNER: In the French text, la phraséologie de cet article
rendrait « impossible » le fait de remettre...
MRS. REID-SMITH: That is an incorrect translation. I apologize the word
should be « possible » and not « impossible ».
MR. WAGNER: Thank you.
M. BOUSQUET: C'est un des avantages du bilinguisme.
M. GOLDBLOOM: Le député de Saint-Hyacinthe n'a jamais
commis d'erreur de sa vie?
M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Ahuntsic.
M. LEFEBVRE: D'abord, je tiens à dire que je partage l'avis de
votre association lorsque vous dites que le gouvernement agit parfois avec
beaucoup de lenteur. Je crois que c'est une excellente remarque.
M. CARDINAL: Le Conseil supérieur a été
nommé par les libéraux, M. Lefebvre.
M. LEFEBVRE: Ma question est la suivante, et n'a pas trait au
gouvernement...
M. CARDINAL: D'accord.
M. LEFEBVRE:... mais à un sujet plus intéressant encore,
à savoir les vues de l'Association qui est devant nous. Madame, si vous
n'avez pas d'objection, je vais poser ma question en français...
MME REED-SMITH: Oui.
M. LEFEBVRE: ... mais je suis tout à fait d'accord pour que vous
y répondiez en anglais. A la première page de votre
mémoire, vous indiquez que votre association a maintes fois
établi publiquement sa foi en une société
entièrement bilingue. Evidemment, il y aurait beaucoup de matière
à discussion sur ce qu'est une société entièrement
bilingue. Ma question est assez précise, et compte tenu de ce que vous
dites en page un, elle se réfère à la suggestion que vous
faites à l'article 1 du bill 85, et dont vous fournissez une nouvelle
rédaction en page deux de votre mémoire. Dans votre nouveau texte
vous voulez vous assurer que les personnes qui viennent s'établir au
Québec puissent, si elles le désirent, et ce dès leur
arrivée, acquérir une connaissance d'usage de la langue
française et puissent, si elles les désirent encore, faire
instruire leurs enfants dans les écoles reconnues. Evidemment, je suis,
quant à moi, et avec des gens qui siègent de ce
côté-ci de la table nous l'avons dit très souvent et
sans nous démentir, je pense, en aucune circonstance favorable a
que les parents aient la liberté du choix du type d'enseignement pour
leurs enfants.
Par ailleurs, au-delà des mots, au point de vue de l'esprit, si
vous voulez, de votre association, si, une fois acquise l'idée que les
parents doivent avoir une liberté complète quant au choix de la
langue d'enseignement pour leurs enfants, et ce entre l'anglais et le
français qui sont, jusqu'à nouvel ordre, les deux langues
officielles au Québec et au Canada, ne croyez-vous pas qu'il faut de
toute nécessité prendre des mesures, non pas coercitives, non pas
contraires à la liberté... ne croyez-vous pas qu'il est vraiment
important d'Inciter tous ceux qui viennent au Québec à
acquérir au moins une connaissance d'usage de la langue
française, une connaisance strictement minimale, et ne croyez-vous pas
que le texte, tel qu'il est rédigé ici, semblerait, si vous
voulez, donner un sauf-conduit trop facile dans le sens qu'il semblerait
être presque une incitation aux immigrants à ne pas suivre des
cours, fussent-ils élémentaires, en langue française?
Autrement dit, est-ce que vous êtes d'accord, madame, pour faire
une distinction entre le droit, à notre avis absolu, des parents quant
au choix du type d'éducation qu'ils veulent donner à leurs
enfants et quant à cet autre problème même s'il est
dans le même article qui consiste au souhait, au désir que
l'on peut avoir que tous les Québécois aient une connaissance
minimum de la langue de la majorité? Est-ce que vous ne croyez pas qu'il
y ait une distinction à faire entre ces deux
éléments-là?
MRS. REID-SMITH: First of all, I would agree that all facilities should
be available for anyone who wishes to attend a French school. My own feeling is
very strongly that anyone, an immigrant or a person as myself who has been born
in the province should be able to send their children to a French school if
they so desired without any fees attached, without any question of religion
being involved at all, I think that the French school should be available for
everyone who lives in the Province of Quebec.
However, à think, that our association would reiterate that it
must be the parents who decide. This is a parental right, and it must be the
parents who decide which of the facilities offered and à will also like
to say that it should be the same way in other side, that any French parents
regardless thay are immigrants or and old established family should be able to
send their children to English schools without any money attached, without any
questions asked, if they so desired. à think à will get out in
the next question. As far as the language is concerned, I think that everyone,
we have said so, should be bilingual. This implies that there must be a minimum
and I should say that is more than a minimum in working knowledge of the French
language for all English and all immigrants. I would also hope that since we
are all living in a very large part
of North America Society, it would be equally imperative for all the
French speaking children to have the working knowledge of the English
language.
MR. LESAGE: Don't you believe, Madam, that it is reasonnable that the
immigrants be urged to send their children to the French schools?
MRS. REID-SMITH: à think that the immigrants should be clever and
intelligent human beings, who can have presented to them the fact that in the
society of Quebec, it is very much to their advantage to have a working
knowledge of the French language.
MR. LESAGE: à am talking about the immigrants. à am
referring to section 1, the same as Mr. Lefebvre, section 1 of the Bill which
say in other words that it is the duty of the minister and of the Government to
urge the immigrants. In other words, it is what it means after all. That is the
way I interpreted, that they be urged to send their children to French schools
which will be available. Don't you believe that in this province, which is
French, it is reasonnable that the Government so acts? It is the same as the
Government of Ontario for instance who see to it that the immigrants normally
send their children to the English schools?
MRS. REID-SMITH: à believethattwowrongs do not make a right and
because Ontario does it, à would hope that it would not necessarily mean
that Quebec would have to follow and à would feel...
MR. LESAGE: The facts are there.
MRS. REID-SMITH: ... à would feel that it would depend upon the
degree of the urging and the form of the urging, if urging, as à say,
consists of providing first class schools and a warm welcome and every
facilities for the immigrants that à would agree with. But any form of
urging and form of coercion, à would not...
MR. LESAGE: à have avoided the word coercion, Madam.
MRS. REID-SMITH: As à say, that depends on your definition of
urging.
MR. LESAGE: But there is a great difference between urging somebody and
applying coercion.
M. BOUSQUET: Est-ce que vous trouveriez normal que, dans un pays comme
Québec, les immigrants s'intègrent tout naturellement à la
civilisation ou à la culture de la majorité?
MME REID-SMITH: Oui, bien sûr.
M. BOUSQUET: C'est très normal. Pour quelle raison
s'intégreraient-ils, actuellement, à la majorité
québécoise étant donné les avantages énormes
que la connaissance de l'anglais peut leur donner, ici, dans le domaine
économique, sur le continent nord-américain? Pour quelle raison?
Qu'est-ce qui peut les pousser? Est-ce que c'est avec un accueil chaleureux que
l'on va les intégrer au milieu français? Est-ce qu'un accueil
chaleureux est suffisant si l'argent est du côté anglais?
M. LE PRESIDENT: A l'ordre!
M. BOUSQUET: Non, c'est très sérieux, c'est
fondamental.
UNE VOIX: Vous ferez votre discours en Chambre.
M. BOUSQUET: Alors je pose une question.
M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bousquet a posé une question.
M. BOUSQUET: L'économique n'est pas un sujet pour soulever les
passions! S'il faut parler du sujet, nous allons en parler en profondeur.
M. WAGNER: Si vous voulez témoigner, témoignez et nous
allons vous questionner.
M. BOUSQUET: J'ai posé une question.
MRS. REID-SMITH: I am affraid it is a question which I am not really
very capable of answering. It is a matter in which we are going to have an
opinion now. It is certainly not revolting and naturally à will say that
the gentleman has provided excellent argument for complete bilinguism. Because
it is perfectly natural that they should be integrated completely into the
culture of the majority of the province. It is also perfectly natural that they
want to be able to move, if they need to move for some personal reasons or for
some economic reasons to another part of Canada where English is the language
commonly spoken. It is perfectly normal that they should think in terms of the
North American « milieu » in
which they lived. Both are perfectly natural and therefore the only
possible accommodation for them both is total bilinguism.
M. LE PRESIDENT: M. Lefebvre, s'il vous plaît?
MR. LEFEBVRE: Yes. Mrs. Smith, I think this time that I will put my
question in English to make sure to have the « nuances » that I
want to I would like to have your views on, I hope it comes through better than
I did get my point understood in French.
My point is this. Taking into consideration the fact that you recognized
the right of the Government of this Province to invite all immigrants to
register their children into the French schools, but supposing, in one
particular case, one English speaking family, coming from England or anywhere
in the world, decides not to follow this suggestion and to go on registering
their children into the English school in Quebec, I believe this bill will give
them the right to do so. Supposing that situation, do you think that the
parents of these children, who are English speaking, do you think that we,
altogether, should take the means to assure that these parents have an occasion
to learn some little bit of French in order that they can better communicate
with the majority of this community? Do you see what I mean?
MRS. REID-SMITH: Yes, you are referring to the facts.
MR. LEFEBVRE: If I may just give a little more details. The children
will have an occasion in school to learn French and let us hope this French
will be better than the one is taught now and that it will have better results.
Let us hope so. But, at least, they will have an occasion to learn some French.
About the parents? Do you agree that the parents should be strongly invited,
because I am a little worried about the phrase you use here, although, I mean
legally I agree with it, « if they so desired. » I am little
worried about the message that comes out of this, and I would like to have your
views outside of this particular text, I would like to have the philosophy of
your association on this particular point.
MRS. REID-SMITH: I think my association would be opposed to coercion of
any kind. I think that they would be very much in favour of every possible
opportunity being given to parents to have allowed education in French. I think
they will be in favour of every possible exposure that the parents can be given
to the French language, every possible here I use the word, but I think
it accurates here for propaganda, it is perfectly good word in this particular
regard that could be issued in order to convince them of the necessity
of learning French, but if at that point they were just so stupid or stubborn
that they would not do it, I would feel that there was not much that anyone
else could do about it in that point.
MR. PRESIDENT: I thank you.
MR. TETLEY: The point that Mr. Lefebvre was making was that there is a
contradiction in your first page where you say that you want a bilingual
Quebec...
MRS. SMITH: Yes.
MR. TETLEY: ... and that is a part of your facet I think it is a
facet of all of us and then, when you go on and you say that however you
give people the option if they wish... And that is the...
MRS. SMITH: Well, if they wish to attend French or English schools but
we would certainly not provide any option within the English schools as far as
learning French is concerned.
MR. TETLEY: But the point is that his worry and the worry of many people
is that it will not work but we went to get the reason that the effort that you
desire in your first page by a second page, you will not have a bilingual
Quebec.
MRS. SMITH: Possibly I am just going on a mistake.
I do not think there is any contradiction in what we are saying as they
should be free In the choice. The parents should be able to send their children
to English schools and French schools as they wish. But we have not say that
there should be any choice as far as learning French, within the English
schools.
MR. TETLEY: The means to get a perfect bilinguism in Quebec is through
proper instruction of French in English schools.
MRS. SMITH: Yes, and a provision of every possible facilities for adult
Education. I think there has been a great deal done in this area in the last
two years and I hope that there will be a great deal more done.
M. THEORET: Mme Smith, si vous me permettez, on parle souvent des droits
des parents de choisir la langue d'éducation, l'école de leurs
enfants, admettez-vous aussi que l'Etat a des droits et une obligation de
protéger la langue de la majorité qui existe actuellement dans le
Québec?
Cela me fait penser un peu aux droits dont on parle quand on parle des
étudiants. On parle de leurs droits, mais on parle très peu
souvent de leurs obligations.
MRS. SMITH: Well, there you are asking for philosophy. I would say
that...
M. THEORET: C'est la philosophie du bill, Madame.
MME SMITH: Non, non, mais Je comprends.
I feel that the State certainly has an obligation to maintain the
language of both the majority and the minority. I feel that it is rather like
the business of censorship and truth and I feel that truth will prevail. I am
afraid I would rather agree with an old fashion gentleman named John Wilson who
said that truth would prevail by its own strength. And I feel that the worth of
the value of the French language does not need anything except its own worth
and its own value to maintain it in the province of Quebec
M. BOUSQUET : Est-ce que vous considérez que les deux langues
sont également menacées au Québec actuellement?
MME SMITH: Oui.
M. BOUSQUET: Egalement?
MME SMITH: Egalement.
M. BOUSQUET: Est-ce que le fait que la minorité anglaise, qui se
trouve ni plus ni moins arc-boutée sur un continent anglo-saxon, n'est
pas singulièrement renforcée par cette situation?
MRS. SMITH: Would you repeat that, Sir?
M. BOUSQUET: La réalité, c'est qu'il y a tout un continent
anglo-saxon qui vient renforcer, I tous les points de vue, la position des
Anglo-saxons du Québec alors que les Canadiens français du
Québec ne forment qu'une enclave française sur un immense
continent.
MRS. SMITH: I think you underestimate the power of the French Canadians
in North America, and in Quebec. There are a considerable numbers who have
taken the French language and the French culture to Alberta, to British
Columbia, to New Brunswick and even to Ontario.
M. BOUSQUET: Vous avez bien dit « culture », vous n'avez pas
dit « langue »?
MME SMITH: Aussi la langue.
I had a letter just the other day from a group of French speaking
teachers in Alberta who are having minority problems and suggesting that some
of their problems in Alberta were similar to some of the ones we might be
having in Quebec and suggesting that we get together and discuss to see if we
can find common solutions and common ideas. «J'ai répondu que je
suis très heureuse d'avoir reçu cette lettre et que si c'est
possible, nous pourrions avoir une réunion, ce printemps, pour discuter
de nos problèmes, en commun.
M. BOUSQUET: Merci.
M. LE PRESIDENT: Merci, Mme Reid-Smith.
Le député de Sainte-Anne a demandé la parole. M.
Hanley, si vous voulez ne prendre que quelques minutes, étant
donné que le temps fuit, tempus fugit. Quelques minutes, s'il vous
plaît. Pour autant que vous pourrez vous exprimer, nous vous donnons le
temps nécessaire, mais...
M. HANLEY: 3i je suis capable de faire mon exposé dans quelques
minutes, oui; mais si je veux quelques autres minutes, j'espère que vous
ne m'arrêterez pas, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Démocratie.
M. HANLEY: M. le Président, mon dernier exposé sur le bill
85 devant l'Assemblée législative s'est fait en français.
Je vous remercie de m'avoir accordé la permission de faire quelques
remarques sur le bill 85 et sur mon vote appuyant la demande de
référer le bill au comité de l'éducation.
Aujourd'hui, nous avons beaucoup d'organismes de langue anglaise et je veux
faire quelques remarques en anglais.
Mr. President, I was severely ostracized and attacked from certain areas
of the English speaking métropole of Montreal. They were so concerned as
to why I had told them to send bill 85 back to committee. Unfortunately, I did
not have an opportunity to meet with the mass media and give them the reasons.
On December the 11th, I had several phone calls at my home, here in Quebec,
that many organizations in Montreal
were not satisfied with bill 85 as it is. In the English language
newspapers the following day, December the 12th, many organizations
representing English language groups stated that they were not satisfied with
bill 85.
M. PAUL: M. le Président, je regrette d'être
désagréable à l'endroit de mon honorable ami, le
député de Sainte-Anne, mais je crois qu'il avait
été convenu, dès la première séance de ce
comité, que nous entendrions les mémoires des différentes
associations qui seraient de nature à nous faire, peut-être,
concevoir de nouveaux principes du bill ou des amendements qui pourraient tenir
compte des suggestions des groupes d'expression française ou
d'expression anglaise. L'honorable député de Sainte-Anne vient de
demander la parole. Tous ont cru que l'honorable député verrait
à exposer un mémoire ou à faire des
représentations, soit en son nom personnel ou au nom d'une
association.
Malheureusement, depuis le début de ses remarques, il essaie de
justifier un vote qu'il a été appelé à donner en
Chambre. Je crois que l'attitude de l'honorable député de
Sainte-Anne, si elle était tolérée par ce comité,
nous éloignerait dangereusement de la ligne d'action que nous avons
voulu adopter pour une étude logique du bill 85. Je crois que l'endroit
tout désigné pour étudier le principe du bill, pour
justifier une attitude prise ou un geste posé lors de l'étude de
la motion renvoyant le bill 85 au présent comité, serait
l'Assemblée nationale. Dans les circonstances, M. le Président,
je m'excuse auprès de mon honorable collègue, mais je voudrais
que vous demandiez à l'honorable député de Sainte-Anne
d'adopter la ligne d'action que nous avons décidé de prendre pour
travailler avec efficacité.
M. HANLEY: Très bien, M. le Président. Sur le bill 85 et
non pas sur mon vote, quelques explications, d'accord? On December the 12th, I
have written to the Honourable Jean-Guy Cardinal, the Minister of Education, as
it follows: « I have been informed that the English Catholic parents,
teachers and principal for the « élémentaire » are
not satisfied with bill 85.
They had stated that the educational rights should be strengthened and
that bill 85 did not contain a positive statement of the rights for Quebec
parents to have their children instructed in language of their choice without
distinction of origin or citizenship.
Therefore I have no objection and I urged the Assembly to return this
bill 85 to the committee for further study and to the interested groups be
invited before this committee within three months I have stated. Government
works slowly? The committee has been invited within a month, not three months
as I have expected. The bill would die in the Legislative Assembly, it would
never reach the committee. I am a little bit disappointed that certain English
speaking organizations underestimated my power influence with the
Government.
This is the reason why I asked the Minister to return the bill to give
the various organizations an opportunity to amend it because you are not
satisfied with bill 85 as it is. On bill 85 very briefly. This is a bill that
is going to guarantee the French a livelihood within their own Province of
Quebec. It is not only a bill to guarantee the rights of the minorities. And I
say without fear of contradiction that if bill 85 is not adopted as a strong
bill, then we are heading into a recession and I have the facts to back up my
statement. You are not going to interest outside money in developing 85% of
your natural resources that you have at the present time in Quebec unless you
guarantee them the assurance that all groups shall be respected and rights
shall be guaranteed. This I have no problem today with the French speaking
people of Montreal.
I am not referring to property or low wage earners. The French speaking
people of Montreal never had it so good. My problem today is with the English
speaking people of Montreal. They cannot seek employment in Eaton's/
nor in Simpsons, Northern Electric and Bell Telephone because they are
not bilingual. Therefore, the French speaking people.
Ah oui, M. le député, j'ai de l'expérience, j'ai
envoyé quelqu'un à la compagnie Bell, il a passé l'examen
écrit et il était en français. J'ai l'expérience de
ça. Je dis ça honnêtement.
My problem is with the English and I am very happy that there is no
problem with the French on Montreal. I speak again on employment because they
are bilingual and the English speaking industries and stores within the City
insist that you are bilingual now before they engage you.
Therefore, and I repeat: There is no problem for the French of Montreal;
my problem is for the English. I have urged English speaking in Montreal, for
many years, long before bill 85, that they should encourage their children to
learn French and again I was a severely ostracized by some members of the
English speaking community because I have suggested they should learn French.
But I appeal to the committee if you are interested in bread and butter for
your people or if you are more interested in culture you will have to arrive at
a decision.
The French language has never been stronger today, 200 years after the
beginning, than it is today. There is no problem with the extension of the
French language and the French culture. That shall never happen. Our problem is
to guarantee the money market that their rights shall be respected in Quebec
and the best guarantee is with a good strong bill 85. There is nothing, and
à say this without fear of contradiction, to my knowledge after making a
survey, there is nothing on the planning boards of the United States companies
for expansion in the Province of Quebec during 1969.
In 1968, à predicted in June would be the worst year in 16.
à have the evidence, à have the proof. à have more
unemployment, à have more problems. For 69, à predict that it
would be more serious than 68. In conclusion, Mr. the President, à want
the English speaking organizations of Montreal to know that à am here as
a representative of English speaking of Montreal as well as a predominate
French of area of Sainte-Anne. And à repeat if you are not satisfied as
you have stated on December 12 to bill 85, à hope that you shall present
your amendments to-day before this committee, and à do hope that the
committee shall adoptably fight as amended if request apply the English
speaking organizations of Montreal, and my last opinion...
M. LE PRESIDENT: M. le député...
M. HANLEY: ... à have asked the people. Je dirai mon dernier mot
dans quelques secondes, pas tout de suite.
M. LE PRESIDENT: Promis?
M. HANLEY: Promis.
M. LE PRESIDENT: Promesse d'Irlandais.
MR. HANLEY: My opinion to the M.à.S. If you are interested in the
future of your French Canadian people, then you will guarantee the rights of
the minorities. Thank you, Mr. President.
M. LE PRESIDENT: Je vous remercie, M. le député. Je
demanderais à M. Bessette, M. Emile Bessette, numéro 66. Le
dernier, le dernier.
M. Bessette, voulez-vous nous donner quelques explications sur
l'association que vous représentez, s'il vous plaît?
M. Emile Bessette
M. BESSETTE: M. le Président, MM. les membres du comité,
l'Association québécoise des professeurs de français,
mémo si elle est de fondation toute récente, regroupe
déjà un millier de professeurs de français de toutes les
régions du Québec et de tous les niveaux d'enseignement depuis
l'élémentaire jusqu'à l'université. Elle sait, par
les rencontres et les discussions qu'elle a suscitées sur des
problèmes fondamentaux de notre profession et de notre identité
culturelle, qu'elle rallie autour de ses positions un nombre bien plus grand
encore de collègues.
L'Association québécoise est le porte-parole des
associations régionales de Montréal, Québec, Hull et
Sherbrooke. Dès sa création, l'Association
québécoise des professeurs de français s'est
préoccupée de l'état de la langue nationale au
Québec. Depuis plus d'un an, un comité étudie cette
question et a produit un premier rapport que nous soumettons à votre
attention. Les auteurs de ce rapport sont MM,, Gilles Bibeau, m.a. en
linguistique, professeur de phonologie et de linguistique appliquées
à l'université de Montréal, auteur de l'ouvrage: «
Nos enfants parleront-ils français? » André Dugas, docteur
en linguistique attaché à la recherche au centre de traitement
automatique des données linguistiques connues sous le sigle de CEPADOL;
Gilles Gagné, professeur de linguistique à l'université de
Montréal et spécialiste de l'enseignement des langues secondes;
Gilles R. Lefebvre, p.h.d. en linguistique, professeur à
l'université de Montréal, spécialiste de
socio-linguistique.
Je voudrais que le titre de ce rapport n'induise pas en erreur. Il
s'appelle le rapport sur l'unilinguisme parce que la question se posait en ces
termes. Ce comité a examiné toutes les formules à partir
de l'unilinguisme, exclusivement anglais en Amérique du Nord
jusqu'à l'unilinguisme exclusivement français au Québec,
en passant par toutes les étapes intermédiaires.
Ce rapport, d'ailleurs, ne formule pas de propositions. Il essaie
d'éclairer sur la question. Enfin, lors de son congrès en
novembre dernier, l'assemblée générale de l'association a
voté sur la question de la langue à l'école, des
propositions précises qui nous amènent à intervenir devant
ce comité et qui constituent encore à nos yeux des mesures
rigoureusement indispensables.
Le bill 85 a pris les professeurs de français par surprise. Leur
travail de recherche les orientait dans une direction tout à fait
opposée. Tel qu'il est rédigé, le bill 85, entre
autres,
reconnaît aux immigrants le droit de faire instruire leurs enfants
en anglais ou dans des écoles dites bilingues. Il encourage
indirectement j'insiste sur l'adverbe les Canadiens
français à faire instruire leurs enfants dans des écoles
dites bilingues ou même anglophones. Il oblige les commissions scolaires
à ouvrir des écoles anglaises là où les parents,
immigrants ou Canadiens français en manifestent le désir.
Si ce projet devenait loi, on assisterait à une augmentation
considérable du nombre des écoles anglaises ou, dans la meilleure
des hypothèses à la prolifération des écoles dites
bilingues dont la langue dominante serait l'anglais.
Pour les professeurs de français, la question se pose de la
manière suivante: Est-il souhaitable de reconnaître aux immigrants
le droit de choisir indifféremment le français ou l'anglais comme
langue première de leurs enfants? Le principe de la liberté du
choix linguistique est certainement attrayant, bien qu'aucun pays ne le
reconnaisse encore de façon claire et aussi précise que le bill
85.
Que signifierait pour le Québec la reconnaissance de ce droit
linguistique? Déjà, 94% des immigrants s'assimilent effectivement
à l'élément anglophone, cela, bien sûr, dans la
région de Montréal. A ce rythme, dans une quinzaine
d'années, la métropole du Canada sera majoritairement anglophone
puisque déjà 40% et plus de sa population s'identifie à la
communauté anglaise. Si le français devenait minoritaire à
Montréal, on imagine aisément ce qu'il adviendrait à plus
ou moins brève échéance dans les autres régions du
Québec.
La langue et les droits de la minorité anglaise ne sont pas
menacés au Québec. Ce sont les droits et la langue de la
majorité qui le sont, non pas par la présence de
l'élément anglais mais, entre autres facteurs non moins graves,
par l'assimilation progressive et rapide des nouveaux Québécois
à la communauté anglophone.
Si les professeurs de français jettent, après bien
d'autres, le cri d'alarme, ce n'est pas parce qu'ils sont des alarmistes, mais
bien parce qu'un examen rigoureux et objectif de notre situation linguistique
ne peut mener qu'à des constatations d'une entrême
gravité.
De façon générale, le bilinguisme
institutionnalisé, à ne pas confondre avec la connaissance
individuelle de plusieurs langues, n'est pas souhaitable en soi. Tout
bilinguisme se fait au profit du plus fort. Nous ne sommes pas les plus forts,
en dépit de notre majorité numérique au Québec,
majorité sérieusement menacée, d'ailleurs, dans une
région aussi importante que celle de Montréal.
Rien ne prouve, non plus, que l'apprentissage de deux langues à
l'élémentaire soit davantage souhaitable, aussi attrayante que la
formule puisse paraître à première vue. Je cite, sur ce
point, un passage du rapport que j'ai fait remettre. A la page 29, le
comité s'exprime ainsi: « Il n'existe pas de pays civilisé
où l'on enseigne une langue seconde au niveau élémentaire,
à moins que cette situation ne lui soit imposée. Par ailleurs, la
plupart des pays industrialisés du monde étudient les langues
étrangères à partir du niveau secondaire. Lorsqu'une
situation anormale est imposée par des conditions politiques et
sociales, il convient de légiférer sur le statut des langues et
sur leur enseignement. Si cette action législative n'a pas lieu, ce sont
les forces démographiques qui auront le dernier mot. Ce qui est vrai des
autochtones l'est encore plus des immigrants. Seuls pour eux comptent
l'efficacité et le rendement et ils ne font que favoriser le jeu de ces
forces démographiques ».
Mais si on considère plus particulièrement le cas des
Québécois, les signes linguistiques sont nombreux d'un
français qui a du mal à vivre convenablement. Sur les 3,000 mots
fondamentaux du franco-canadien populaire, près de la moitié sont
des anglicismes. A un niveau plus élevé, celui de la fin du cours
secondaire, au moins le tiers du vocabulaire est influencé par l'anglais
ou carrément d'origine anglaise.
Ce sont là des signes qui ne trompent pas et que tous les
linguistes interprètent comme des marques évidentes d'une
subordination socio-économique. L'adoption et l'application du bill 85
ne viendra qu'aggraver cette infériorité. Qu'arriverait-il en
pratique? Les immigrants et les Canadiens français seraient
placés devant l'alternative suivante: l'école bilingue à
prédominance française ou l'école bilingue à
prédominance anglaise. Le choix serait facile. L'école bilingue
à prédominance anglaise permettrait aux immigrants d'apprendre
très bien l'anglais, tout en ayant, aux termes de la loi uniquement, une
connaissance indispensable du français. Les Canadiens français,
eux, choisiraient l'école bilingue française, puisqu'elle leur
permettrait de connaître assez d'anglais pour satisfaire sans discussion
aux exigences actuelles du marché du travail.
Cet état de choses pleinement légalisé conduirait
inévitablement à l'affaiblissement progressif de la culture
française au Québec, même chez les Canadiens
français; à la réduction de notre langue maternelle au
statut de langue seconde et, finalement, à l'anglicisation
complète du milieu. Je cite encore un passage du rapport, page 32,
avant-dernière page: « L'a-
vis des linguistes » sur la question. « Trop peu souvent
peut-être, les linguistes ont joué leur rôle de citoyen et
ont exprimé leur opinion sur l'unilinguisme ou le bilinguisme. Ceux qui
l'ont fait ont presque tous reconnu que le bilinguisme pour un groupe social
est un signe d'alinéation et qu'il n'a toujours été,
à travers l'histoire des hommes et des langues, qu'une phase de
transition entre deux unilinguismes. »
Pris individuellement et laissé à lui-même dans une
situation défavorisée, le Canadien français moyen
préférera peut-être abandonner insensiblement son
identité nationale et son appartenance à la communauté
linguistique et culturelle française au profit d'un revenu qui, dans les
circonstances actuelles, est supérieur s'il se gagne en anglais.
Une nation qui veut tout simplement vivre a le devoir de prévenir
ou de corriger les faiblesses individuelles aussi compréhensibles
qu'elles soient. Il est évident pour les professeurs de français
que l'Etat doit intervenir de manière à cristalliser le sentiment
national et faire en sorte que l'appartenance à la francophonie ne soit
pas un poids intolérable pour les citoyens.
La langue en particulier, comme entité culturelle distinctive,
est un bien national; ce n'est pas un bien individuel. Si le choix des
individus met en danger la qualité ou l'existence même de ce bien
national, dans ce cas comme dans tout autre, l'Etat, gardien du bien public et
des valeurs fondamentales de la nation, doit réglementer la
liberté individuelle. C'est pourquoi l'association a voté
à la quasi-unanimité, lors de son assemblée
générale, les propositions qui suivent:
Premièrement, que l'Etat définisse plus clairement une
politique générale de la langue et qu'il s'empresse d'appliquer
les principes et de réaliser les objectifs déjà
exposés par le ministre des Affaires culturelles. Je m'en tiens
exactement au texte de la proposition du congrès, mais il est bien sur
que nous avons aussi toutes présentes à l'esprit les
dernières déclarations de M. Johnson dans cette
matière.
Deuxièmement, que l'Etat définisse et applique à"
brève échéance une politique générale de la
langue à l'école en distinguant nettement trois groupes
d'élèves: les francophones, les anglophones et ceux d'une autre
langue que les deux premières.
Troisièmement, qu'aucun enseignement de l'anglais ne soit
donné dans les écoles élémentaires sauf pour les
élèves d'origine anglophone. Les élèves, dont les
parents n'ont pas eux-mêmes fréquenté l'école
anglophone, ne doivent pas être considérés d'origine
anglophone, de langue anglaise.
Quatrièmement, qu'aucun étudiant au Québec, de
quelque origine qu'il soit, ne puisse obtenir un diplôme de fin
d'études secondaires sans démontrer une connaissance
sérieuse du français écrit et parlé. Il est
évident que tout étudiant pourra recevoir, à partir du
niveau secondaire, un enseignement pratique de l'anglais, même
l'enseignement d'une troisième langue. Et, j'ajoute à l'esprit
des discussions qui ont amené à cette proposition qu'il est bien
entendu que la connaissance réelle du français devra être
contrôlée, vérifiée par le ministère de
l'Education, non pas des examens internes qui laissent toujours douter de leur
efficacité.
Cinquièmement, que l'Etat subventionne une enquête
rigoureuse sur la langue des élèves au Québec:
Vocabulaire, syntaxe, morphologie, phonétique.
Sixièmement, que l'Etat exerce des pressions pour corriger la
langue de la publicité, de l'affichage, de la radio et de la
télévision.
En conclusion, à ce rappel de nos propositions, Il est
évident que l'Association québécoise des professeurs de
français ne peut que recommander le retrait pur et simple du bill 85,
afin qu'à la lumière des conclusions de la commission
d'enquête, qui vient d'être créée, l'Etat
procède à une législation plus générale et
plus organique. Merci.
M. LE PRESIDENT: Je vous remercie M. Bessette.
Le rapport que vous nous présentez est pour la commission
d'enquête, je suppose?
M. BESSETTE: Il est pour le comité. Je pense qu'il pourra
être aussi utile à la commission d'enquête, mais Il n'y a
aucun doute que plusieurs des fondements de ce que je viens de lire sont
contenus dans ce rapport.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'imagine que ce rapport sera également
reproduit en annexe aux Débats?
M. BESSETTE: Les deux textes seront intégrés au journal
des Débats.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce sont des documents très
importants.
M. LESAGE: M. Bessette a lu son texte, il sera clairement dans le
journal des Débats comme les autres, mais à mon point de vue ce
que M. Tremblay suggère c'est que le rapport...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est que le dossier...
M. LESAGE: ... sur lequel s'appuie le mémoire soit imprimé
en annexe.
UNE VOIX: C'est ça. (voir annexe B) M. LE PRESIDENT: M.
Lefebvre.
M. LEFEBVRE: M. Bessette, j'aimerais a-voir un éclaircissement. A
la page 2 du texte que vous venez de lire et dont je viens seulement de
recevoir copie, on lit ceci: « Tel que rédigé, le bill 85:
« a) reconnaît aux immigrants le droit de faire instruire leurs
enfants en anglais ou dans les écoles dites bilingues; « b)
encourage indirectement les canadiens français à faire instruire
leurs enfants dans des écoles dites bilingues ou même anglophones.
»
Auriez-vous l'obligeance de nous expliquer sur quoi vous fondez cette
deuxième assertion? Je veux dire: Où trouvez-vous dans le bill,
tel que rédigé, un encouragement aux Canadiens français
à faire instruire leurs enfants dans des écoles dites bilingues
ou même anglophones?
M. BESSETTE: J'ai bien dit qu'il encourage indirectement. Donc,
directement, le bill encourage juste le contraire. En pratique, cependant
je pense que cela a été bien expliqué dans le reste
du bref document que je viens de lire le bill 85, par les
libertés entières qu'il laisse, permettra si vous n'aimez
pas encourager incitera, en tout cas, d'une certaine manière, les
parents canadiens-français à envoyer leurs enfants dans des
écoles non pas à prédominance francophone mais à
prédominance anglophone. Cela, naturellement, pas demain matin mais
à la suite d'un processus qui devient possible, qui devient
légal, grâce au bill 85.
Ce n'est pas, encore une fois, l'intention du législateur que
j'enregistre ici. Ce sont les conséquences possibles et, il faut bien le
dire, probables compte tenu de la situation dans laquelle nous nous trouvons,
de la liberté entière que consacre le bill 85, en cette
matière.
J'espère que cela répond à votre question.
M. LEFEBVRE: Je pense que nous devons prendre en considération,
évidemment, les opinions de vos membres au plan professionnel. Il n'y a
aucun doute possible que les opinions de linguistes ou de professeurs de
français doivent être prises en sérieuse
considération lorsqu'ils parlent à l'intérieur de leur
discipline, mais je pense, honnêtement, que lorsque vous affirmez ce qui
est affirmé au paragraphe b de la page 2, que je viens de lire, il est
nécessaire, quelles que soient les qualifications professionnelles de
vos membres, que vous donniez plus d'explications que vous ne le faites.
Pour ma part, je ne veux pas défendre le bill tel qu'il est, mais
je ne vois pas dans le bill de références à des
écoles dites bilingues et d'encouragement aux Canadiens français
à inscrire leurs enfants dans de telles écoles.
M. BESSETTE: Je viens de dire, et je le répète: il n'y a
absolument rien là-dessus dans le bill. Tout réside dans le sens
de l'adverbe « indirectement » qui est là et qui est
expliqué pendant une demi-page, à la troisième page
très exactement. Il est évident qu'il s'agit d'une vue pratique
que nous avons du bill. Il ne s'agit pas du bill lui-même, il s'agit des
conséquences possibles. Il est évident que les
conséquences de cette loi ne sont pas inscrites dans la loi.
M. LEFEBVRE: Par exemple, l'école bilingue. A ma connaissance,
dans le bill, il n'est fait mention nulle part d'école bilingue. De
même dans aucune des recommandations qui ont été faites en
rapport avec ce bill, je n'ai entendu parler d'école bilingue, sauf une
exception hier. Bien sûr, il est question d'écoles soit
françaises, soit anglaises, et d'enseignement d'une langue seconde...
J'aimerais que vous donniez votre définition d'une école
bilingue. Est-ce qu'une école bilingue c'est une école où
l'on enseigne une langue seconde?
M. BESSETTE: Une école bilingue n'est pas exactement une
école où l'on enseigne une langue seconde, c'est une école
dans laquelle les disciplines académiques s'enseignent en deux langues.
Par exemple, des disciplines comme les sciences et les mathématiques
s'enseigneraient en anglais. Les disciplines moins rentables, comme la
philosophie, s'enseigneraient en français ou vice versa. La
littérature, bien sûr.
M. LEFEBVRE: Mais, est-ce que le bill 85, à votre connaissance,
fait de telles propositions? Nous n'avons pas lu cela.
M. BESSETTE: Non, le bill 85 ne fait pas de telles propositions, ne les
exclut pas non plus. Il y a cette possibilité. Cela nous conduit
à la conclusion que le bill 85 est, pour nous, une législation
trop partielle, trop incomplète. Bien sûr le bill 85 n'institue
pas de ces écoles bilingues, mais il permet qu'elles existent.
M. CARDINAL: M. Bessette, me permettez-
vous, s'il vous plaît, deux remarques avant de vous
questionner?
M. BESSETTE: Oui.
M. CARDINAL: Au sujet des écoles bilingues, le ministère
découvre parfois que de fait Il existe quoique illégalement des
écoles bilingues. Les programmes du ministère de l'Education
prévus par des comités catholiques et protestants ne
prévoient aucun programme bilingue. Il y à des programmes
français et des programmes anglais. Il est arrivé dans certains
cas que, sans aucune autorisation et de leur propre chef, des commissions
scolaires instituent des programmes bilingues. Ces programmes bilingues sont
exactement ce que vous avez mentionné, quand nous les découvrons.
Certaines matières, certains sujets, sont enseignés dans une
langue et certains autres sujets ou certaines autres matières sont
enseignés dans une autre langue.
Je pense que c'est dans ce sens que nous parlons d'écoles
bilingues et l'honorable chef de l'Opposition, hier, si je l'ai bien compris,
n'a pas semblé manifester tellement d'enthousiasme vis-à-vis de
ce genre d'écoles. Personnellement, en tant qu'individu, je ne serais
pas non plus tellement enthousiaste vis-à-vis de ce genre
d'écoles.
M. LESAGE: Pour faire mon Lévesque, je dirai que c'est un «
understatement ».
M. CARDINAL: C'est ça! C'est parce qu'il se produit le
phénomène suivant, qui a été constaté dans
les cas où de semblables écoles ont existé. C'est que,
lorsque nous faisons le choix des matières, il peut arriver et il
arrive nécessairement que certaines matières, comme les
mathématiques, les sciences, l'histoire, soient enseignées dans
une langue et que d'autres matières, que l'on peut appeler
peut-être moins importantes, soient enseignées dans l'autre. Et,
à ce moment-là, le fait que ce soit 50-50, chacune des langues
peut conduire à des situations tout à fait différentes. Ce
ne sont pas les proportions qui comptent, c'est une situation de fait que des
linguistes peuvent analyser.
Mais que le bill 85 soit ou ne soit pas adopté et c'est
là que Je diffère d'opinion avec vous et que j'enchaîne
avec ce que disait le député d'Ahuntsic il pourrait
arriver et Il arrive que, d'une part, il y a les programmes bilingues et que,
d'autre part, des Canadiens français envoient leurs enfants dans des
écoles anglaises ou que des Canadiens anglais envoient leurs enfants
dans des écoles françaises. C'est- à-dire qu'à
moins que, dans votre mémoire, ou enfin, le document qui est en annexe
dans votre rapport, vous ne prouviez cette affirmation d'une façon plus
précise, elle me paraît, si vous voulez, pouvoir se faire mais,
même en dehors du cadre du dépôt de la présentation
ou de l'adoption d'un projet de loi de la nature du bill 85. C'est une
première remarque.
La deuxième remarque que je fais, c'est que dans vos
recommandations, à la dernière page de votre mémoire, vous
soulignez qu'il faudrait des examens pour établir une connaissance
sérieuse du français écrit et parlé. Hors du texte,
vous avez ajouté qu'il ne faudrait pas que ce soient des examens
maisons. Je soulignerai que déjà les examens au niveau secondaire
et au niveau collégial sont des examens d'Etat et non pas des examens
des institutions elles-mêmes.
Cinquièmement, vous demandez que l'Etat subventionne une
enquête rigoureuse sur la langue des élèves au
Québec Je vous pose ici une question: Est-ce que vous croyez que la
commission qui vient d'être créée, que l'on appelle
déjà la commission Gendron et qui a un mandat très large,
peut et devrait se pencher sur ce problème qui fait l'objet de votre
recommandation numéro à?
M. BESSETTE: Nous croyons que c'est fondamental. Nous croyons que la
commission Gendron ne pourra pas arriver avec sûreté à ses
conclusions, aux conclusions auxquelles elle se doit d'arriver, sans cet
instrument de travail. C'est la base. Je suis tout à fait d'accord avec
vous là-dessus.
M. CARDINAL: Vous me permettez? A la recommandation numéro 6,
j'aurais deux questions. « Que l'Etat exerce des pressions pour corriger
la langue de la publicité et de l'affichage. » Est-ce que vous ne
croyez pas que déjà l'Etat le fait par l'intermédiaire du
ministère des Affaires culturelles?
M. BESSETTE: Oui, nous le croyons, mais nous croyons aussi qu'il faut
faire bien davantage.
M. CARDINAL: D'accord. Deuxième question au sujet de la radio et
de la télévision. Est-ce que vous croyez que l'Etat provincial
peut, dans ce domaine, à cause de la constitution qui déclare que
c'est de juridiction fédérale, intervenir directement ou
indirectement d'une façon efficace?
M. BESSETTE: Mon Dieu! nous serions très heureux qu'il puisse le
faire.
M. CARDINAL: Mais oui, votre réponse est au moins normande.
M. BESSETTE: Non, c'est plus qu'une réponse de Normand; nous
souhaitons vivement que l'Etat québécois, s'il n'a pas les
pouvoirs nécessaires, fasse tout en son pouvoir pour les obtenir ou les
acquérir. En effet, nous voyons très mal comment notre culture
peut être laissée entre les mains des autres. Enfin, le principe
de base qui nous oriente toujours, c'est qu'on n'est jamais si bien servi que
par soi-même; si nous voulons sauver nos biens, Il faut nous-mêmes
les prendre en main.
M. CARDINAL: Une autre question au sujet de la recommandation 3.
Qu'aucun enseignement de l'anglais ne soit donné dans les écoles
élémentaires, sauf pour les élèves d'origine
anglophone. Laissons faire le sauf. Est-ce que vous croyez que, dans le
Québec, actuellement, il serait possible, il serait souhaitable
souhaitable, vous le croyez probablement d'adopter à brève
échéance une semblable recommandation qui aurait pour
résultat que les étudiants au niveau élémentaire
n'auraient pas la possibilité d'apprendre les rudiments d'une langue
seconde ou enfin d'une autre langue?
M. BESSETTE: Sur ce point, nous sommes très nets. D'abord, de
façon générale, les linguistes opinent contre
l'apprentissage de deux langues à l'élémentaire.
Cependant, il ne faut pas oublier qu'il n'y a aucune étude exhaustive,
définitive, rigoureusement scientifique dans ce domaine. Cependant, on
revient toujours, en conclusion, à l'exclusion d'une deuxième
langue à l'élémentaire, sauf, peut-être, le cas
souvent apporté du savant docteur Penfield. Sans vouloir entrer dans les
détails, je puis dire tout de suite que les conclusions du docteur
Penfield en cette matière ne découlent pas de ses
prémisses ou du corpus de recherches qu'il a, à cette
occasion-là, accumulées. Nous aurons bientôt à
l'association une étude très poussée sur cette question;
nous serons heureux de la communiquer.
M. CARDINAL: Puis-je pousser la question un peu plus loin? N'est-il pas
de commune renommée, même s'il n'est pas scientifiquement
établi, que l'on peut, plus facilement, à un jeune âge,
apprendre les rudiments d'une autre langue que l'on peut le faire plus
tard?
M. BESSETTE: Oui, mais il ne faut pas oublier la contrepartie. C'est
à cet âge aussi que l'on peut le plus facilement tout
embrouiller.
Je veux dire que ce que les linguistes appellent interférence se
produit. Je parlais d'une façon très générale, il
faut tenir compte de la réalité particulière du
Québec. Au Québec, l'enfant francophone qui entre à
l'école élémentaire, est déjà aux prises
avec deux langues, d'une certaine manière. Il a un travail énorme
à abattre. Ce serait vraiment antipédagogique, chez nous,
Je suspends, n'est-ce pas le jugement général: est-ce
antipédagogique partout? Il n'y a pas encore d'études
définitives mais ici, c'est sûrement antipédagogique
d'enseigner deux langues à l'élémentaire parce qu'en
réalité, ça en fait presque trois, pour nos
étudiants.
M. CARDINAL: Si vous permettez, je pose deux questions à la fois,
pour que vous les voyiez venir. La première question: Je ne suis pas
linguiste, je ne sais pas quelle est l'opinion d'un linguiste. Est-ce que,
malgré ce que vous avez dit, le fait d'apprendre une deuxième
langue, le fait plus précis d'apprendre l'anglais pour un
Québécois de langue française, n'est pas un moyen,
justement, d'éviter que, lorsqu'il parle le français, il emploie,
sans le savoir, des anglicismes? A compter du moment oft il connaît
l'autre langue, il peut peut-être c'est une hypothèse
juger de la qualité d'au moins d'une des langues, si ce n'est pas
des deux. La deuxième question: Est-ce que cette recommandation trois
n'est pas plutôt une recommandation de nature politique plutôt
qu'une recommandation de la nature de celles que font des experts en semblable
matière, c'est-a-dire en matière de langue?
M. BESSETTE: Je réponds aux deux questions l'une après
l'autre. Ala première question: Tout linguiste va vous dire que
ça ne va pas. L'enfant, à l'élémentaire ne sera
sûrement pas plus apte à distinguer le vrai du faux, le bien du
mal linguistique, parce qu'on lui donne les rudiments d'une autre langue, Il
n'y a aucun doute dans l'esprit des psychologues et des linguistes
là-dessus.
M. CARDINAL: Puis-je vous interrompre, M. Bessette, et chez
l'adulte?
M. BESSETTE: Chez les adultes, c'est autre chose. C'est pourquoi nous
recommandons l'étude d'une langue seconde à partir seulement du
secondaire. Et, encore là, il faudra, ce ne sont pas encore des adultes
tout à fait, mais en tout cas, à partir de là tout de
même, il faudrait graduer avec beaucoup de prudence, à partir de
la septième année.
Enfin, maintenant, le secondaire va commencer en septième
année. Il faudrait graduer avec beaucoup de prudence. A
l'élémentaire, il n'y a pas de doute là-dessus.
Deuxième question: Est-ce que c'est d'inspiration politique? Non,
cela je peux l'affirmer et je tiens à l'affirmer hautement. Ce n'est
absolument pas politique...
M. CARDINAL: Je m'excuse, vous comprenez dans quel sens j'emploie le mot
politique ici. Non pas dans le sens de partisan, d'un geste que l'on pose en
vue d'un but, suivant un certain processus que l'on appelle politique, mais
dans le sens d'une politique de langue fondée pas tellement...
M. LEFEBVRE: Seulement une parenthèse. Est-ce que le ministre
vient de donner sa définition de la politique?
M. CARDINAL: Ce sont deux définitions: je pourrais en donner de
nombreuses autres. Mais, si vous permettez, l'honorable chef de l'Opposition en
Chambre en a donné une autre en citant un auteur...
M. LE PRESIDENT: C'était de Saint Thomas.
M. CARDINAL: Je m'excuse de cette maladresse. J'essaie de revenir au
sujet. Est-ce que cette recommandation 3, qui se place à la suite d'un
mémoire, fondé sur un rapport d'experts, n'est pas une
recommandation qui déborde les cadres d'une expertise et qui se situe
carrément dans le cadre d'une politique de langue, vu une situation
sociologique donnée au Québec, plutôt qu'une situation
linguistique?
M. BESSETTE: Ceci précise de beaucoup votre question sur le
pauvre mot politique qui a été tellement galvaudé qu'on ne
sait pas trop...
M. CARDINAL: Par qui?
M. BESSETTE: Nous ne sommes pas les premiers, messieurs. Il y a bien des
siècles que cela se fait. Si on prend le mot politique dans le sens le
plus élevé, c'est-à-dire définition d'une
pensée concernant la vie d'un groupe, la vie et les finalités,
les objectifs et les aspirations d'un groupe, eh bien, je puis dire, ici sans
hésiter que les conclusions d'ordre pédagogique coïncident
exactement avec les aspirations politiques. Encore une fois, j'insiste sur le
fait qu'il faut enlever toute connotation péjorative à ce terme.
Je crois qu'ici les deux instances nous conduiraient à la même
conclu- sion, nous conduisent effectivement à la même conclusion.
Et cela, ce n'est pas seulement ma pensée, je puis dire que c'est
l'opinion très largement exprimée par le groupe que je
représente.
M. CARDINAL: Une question au sujet de votre recommandation 2.
Sur un plan politique, dans un Etat donné quel qu'il soit, au
Québec en particulier, est-ce que la raison d'Etat, est-ce que le
désir d'établir une politique de langues, est-ce que divers
impératifs supérieurs, sont tels qu'il est permis à un
Etat de diviser les citoyens en diverses catégories et d'établir,
pour chacune de ces catégories, des droits et des obligations qui
puissent être différents?
M. BESSETTE: En principe, on le sait, on le rappelle souvent, tous les
citoyens sont égaux, d'accord. En pratique, il y a tout de même
des distinctions, il y a des citoyens qui parlent une langue et des citoyens
qui en parlent une autre. Cette distinction des variétés de faits
n'est pas dans le droit.
Pour appliquer une politique cohérente de la langue à
l'école, il faut tout de même tenir compte des faits. Je pense que
là, encore une fois, nous sommes en dehors de toute considération
juridique.
M. CARDINAL: Aucune considération juridique.
M. BESSETTE: Pardon?
M. CARDINAL: C'est plus qu'une considération juridique. On peut
partir d'un article du code civil qui établit que tous les citoyens,
qu'ils arrivent ou qu'ils partent ou qu'ils soient là, ont les
mêmes droits. Cela c'est purement l'article de droit. Cet article de
droit, si on fait un peu de philosophie, est censé
représenté des réalités, des philosophies
justement, ou des politiques. Je ne voudrais pas le prendre sous l'aspect
légaliste.
M. BESETTE: D'accord. Je pense que, moi aussi, je suis persuadé
que votre question est beaucoup plus large que celle-là. C'est
ça.
A quoi arrivons-nous? En définitive nous arrivons toujours
à ceci, dans les discussions et dans les études que nous avons pu
faire, c'est qu'une nation en tant que telle cesse d'exister quand elle perd
son identité culturelle. Or, la langue c'est l'âme même,
c'est l'essentiel de l'identité culturelle. Il y a même des
philosophes en la matière qui affirment que toute la culture
c'est la langue, que la langue est toute la culture. Je ne suis pas
prêt à aller jusque là, mais, en tout cas, c'est
sûrement fondamental.
Il s'agit, ici, de savoir si on va exister ou non. Etre ou ne pas
être. Je voudrais plutôt me référer à des
faits historiques.
Voyons un peu ce qui se passe dans les pays bilingues ou trilingues,
plus évolués, en Suisse par exemple. Eh bien, il y a des lois
très rigoureuses qui sauvegardent l'identité linguistique de
chaque canton. Si vous... Pardon?
M. LESAGE: Excusez-moi, juste une question en passant. Vous parliez de
la Suisse.
M. BESSETTE: Oui.
M. LESAGE: Est-ce que, pour que votre argumentation soit absolument
logique, vous ne devez pas conclure qu'il y a plusieurs nations en Suisse?
Je pense à la prémisse que vous avez énoncée
il y a un instant.
M. BESSETTE: Au sens français du terme, on ne peut
peut-être pas arriver jusqu'à l'affirmation qu'il y a plusieurs
nations, quoiqu'il y a certaines parties des Suisses qui seraient tout à
fait d'accord avec cela. Mais on peut au moins arriver à l'affirmation
qu'il y aplusieurs cultures en Suisse.
Evidemment, le fait qu'il y ait ou qu'il n'y ait pas plusieurs nations
en Suisse ne change rien à notre réalité à
nous.
M. LESAGE: Mais c'est à cause de la prémisse que vous avez
posée tout à l'heure...
M. BESSETTE: Oui.
M. LESAGE: ... disant qu'une nation ne peut survivre...
M. BESSETTE: Supposons qu'il n'y ait pas plusieurs nations en Suisse, ce
qui se pratique en Suisse, les mesures rigoureuses de sauvegarde qui se
pratiquent en Suisse deviennent a fortiori indispensables ici. Parce qu'ici
nous pouvons affirmer que, non seulement il y a deux cultures, mais il y a deux
nations. Au sens français du terme. Je ne veuxpas recommencer les
chicanes linguistiques.
M. LESAGE: Non, non, nous vous comprenons très bien,
Monsieur.
M. BESSETTE: Ce n'est pas la première fois que...
M. PAUL: M. Bessette, dans la troisième recommandation...
M. LESAGE: J'aimerais qu'il termine son argumentation, surtout en ce qui
concerne la comparaison avec ce qui se passe en Suisse.
M. BESSETTE: Si vous voulez, je termine très rapidement ce que
j'avais commencé.
En Suisse, il y a des lois très rigoureuses, de quelque langue
que vous soyez, Allemand, Français ou Italien, si vous vous installez
avec vos enfants dans un canton de langue allemande, vous n'avez pas le choix,
il faut envoyer vos enfants à l'école allemande. Il n'y a qu'un
système d'école publique, l'école allemande. De même
pour les cantons français, etc.
Vous savez qu'on a fait quelque chose de similaire en Belgique et que
ceux qui s'étaient cru lésés par ces lois se sont
présentés devant le tribunal des droits de l'homme qui a
siégé à Strasbourg. Vous connaissez très bien, je
pense, le verdict de ce tribunal. Ce tribunal a émis le verdict que ce
qui avait été fait en Belgique ne constituait pas une atteinte
aux droits de l'Individu, aux droits de l'homme, mais que ce qui avait
été fait était indispensable pour conserver un droit
supérieur, celui de l'identité culturelle et linguistique.
Il y a, là-dessus, un jugement de 150 pages, qui est très
intéressant. Je pense que le comité et la commission
d'enquête gagneraient beaucoup à le consulter, je pense que c'est
important.
M. LE PRESIDENT: L'honorable Secrétaire de la province.
M. PAUL: M. Bessette, le ministre de l'Education vous a posé
quelques questions relativement à la recommandation 3. M. Cardinal a
dit, à un moment donné: Mettons de côté les mots
« sauf pour les élèves d'origine anglophone ».
Quelles seraient vos recommandations quant à l'enseignement du
français dans les écoles anglophones au primaire?
M. BESSETTE: Nous ne nous sommes pas posé cette question de
façon directe lors de notre congrès, puisque c'était un
congrès de professeurs de français, qui, comme il convient,
doivent toujours se mêler de leurs affaires et voir à
régler les problèmes de l'enseignement du français.
Autrement dit, nous n'en avons pas fait l'objet d'une recommandation, parce
qu'il nous semblait normal que les professeurs des écoles anglophones
fassent, eux, des recommandations sur ce que devrait être
l'enseignement
du français dans ces écoles. Il y a une association de
professeurs de français de ces écoles. Mais, si vous voulez
connaître l'opinion plus généralisée au sein de
l'association là-dessus, Je veux bien essayer de vous
répondre.
Tant que des études rigoureuses, comme je le disais il y a un
moment, n'auront pas prouvé de façon définitive que
l'apprentissage de deux langues à l'élémentaire est
sûrement mauvais; compte tenu aussi du fait que la langue des enfants
anglophones à l'élémentaire est généralement
un peu meilleure que la langue des enfants francophones, surtout dans la
région de Montréal, on peut considérer que ce n'est pas
une erreur prouvée dans les écoles anglophones de commencer
l'apprentissage du français. Mais, nous ne pouvons absolument pas dire
que c'est bon. Au contraire, les études déjà faites
sèment beaucoup de doutes dans cette matière. Mais, encore une
fois, je pense que les éducateurs de ces écoles anglophones
devraient se pencher sur la question et arriver, eux, à des propositions
dans cette matière. En tant que professeurs de français comme
langue maternelle, nous ne souhaitons pas particulièrement que le
français soit enseigné dans les écoles
élémentaires des enfants anglophones.
Ils peuvent très bien commencer au secondaire, eux aussi.
Nous sommes persuadés que si l'enseignement du français,
langue seconde, comme de toute autre langue seconde, est vraiment bien fait,
infiniment mieux fait que ce qui a été pratiqué
jusqu'à maintenant, c'est bien suffisant pour acquérir, au terme
de la scolarité minimale imposée par la loi, une connaissance
pratique et sérieuse du français écrit et
parlé.
Donc, il n'y a pas de presse, à ce moment-ci.
M. PAUL: Mais si la troisième recommandation était
acceptée, il faudrait que l'Etat ou le ministère de l'Education
intervienne, par un texte de loi, pour que l'enseignement de l'anglais ne se
fasse en aucune façon ni dans aucune commission scolaire, au niveau
primaire.
M. BESSETTE: Dans les écoles francophones.
M. PAUL: Francophones.
Y aurait-il à ce moment-là un texte de loi qui imposerait,
dans les écoles anglophones, un minimum d'enseignement du
français au niveau primaire?
M. BESSETTE: Absolument pas. Ce n'est pas le sens de notre
proposition.
M. PAUL: Mais ne croyez-vous pas que le silence sur l'enseignement du
français dans les écoles anglophones ne serait pas de nature
à permettre un meilleur rayonnement du français au Québec?
Ne priverait-on pas les anglophones de l'avantage qu'ils auraient d'apprendre
le français?
M. BESSETTE: La proposition qui est écrite ici laisse toute
liberté aux élèves anglophones de
l'élémentaire de commencer, si leurs éducateurs le jugent
à propos, si leurs parents le jugent à propos, l'apprentissage du
français. Ce n'est absolument pas exclu.
M. PAUL: Vous ne feriez pas jouer un rôle a l'Etat dans
l'enseignement du français dans les écoles anglophones?
M. BESSETTE: Pas à l'élémentaire. M. PAUL: Pas
à l'élémentaire.
M. BESSETTE: Il suffit pour nous qu'à partir du secondaire,
cependant, il soit clair et net que ce sera imposé à tout le
monde. Il ne s'agit pas alors d'étudiants anglophones; il s'agit des
étudiants de n'Importe quelle langue.
M. LE PRESIDENT: M. Bessette, depuis quelque temps, on parle de la
liberté des parents de choisir l'école de leurs enfants. On
considère cette liberté comme un principe absolu, un principe
sacré. D'après vous, cette liberté des parents est-elle
une valeur absolue ou une valeur relative?
M. BESSETTE: Il n'y a pas de valeur absolue.
M. LE PRESIDENT: Vous comprenez...
M. BESSETTE: Deuxièmement, comme vous le savez très bien,
les principes les plus grands se recoupent les uns les autres. Je pense que
j'ai répondu à cette question, du moins d'une façon
très...
M. LE PRESIDENT: Je voudrais que vous le spécifiez, parce qu'on
insiste sur ce principe que les parents ont essentiellement la liberté
de choisir l'école pour leurs enfants.
M. BESSETTE: Ce droit n'est pas infini. Ce droit est mesuré par
les droits des autres. Il est mesuré par les droits supérieurs,
comme je l'ai dit, n'est-ce pas?
A partir du moment où le citoyen dilapide le bien public, il faut
restreindre, et dans tous domaines, sa liberté. La loi, par exemple,
contre les monopoles n'a pas d'autre fondement. N'est-ce pas bien en soi de
progresser en affaires, de gagner beaucoup et de payer beaucoup d'impôt?
On comprend très bien, à ce moment-là, que la
liberté individuelle illimitée détruit le bien public. La
langue, étant bien public je l'ai dit, je le répète
n'est pas seulement un fait individuel parce que, encore une fois, c'est
l'âme d'un peuple, c'est l'identité d'un peuple, c'est presque
toute sa culture.
M. LE PRESIDENT: D'une façon, cette liberté limitée
pourrait-elle nuire au bien public ou à cette âme nationale?
Voulez-vous le préciser davantage?
M. BESSETTE: A partir du moment où vous laissez ce choix
illimité, dans la situation où nous sommes, automatiquement et,
à brève échéance... Je ne suis d'ailleurs pas
alarmiste. Si on ne veut pas accepter le chiffre quinze, mettez-en cinquante.
Qu'est-ce que cinquante ans dans la vie d'une nation? Il est évident
que, dans la situation actuelle, la liberté illimitée va faire
que les forces démographiques vont faire disparaître tout
simplement le français comme langue première d'abord, et ensuite
même comme langue seconde en peut le penser mais au moins
comme langue première. Donc, comme langue de culture et
d'identité. A ce moment-là, nous n'existons plus comme
identité culturelle et nationale.
M. LE PRESIDENT: M. Bousquet.
M. BOUSQUET: M. le Président, peut-on dire que vous seriez en
faveur d'un principe qui dit que les droits linguistiques de la minorité
devraient être pratiquement limités par la nécessité
d'assurer la survie et l'épanouissement de la majorité, de la
culture majoritaire?
M. BESSETTE: On peut le dire comme ceci, sans doute. C'est
déjà très vrai, c'est fondamental, et j'irais même
plus loin. Je dirais que c'est limité par la nécessité
d'assurer à la communauté canadienne-française une
existence simplement normale. Nous sommes obligés de mettre de l'avant
des arguments qui sont des arguments de vie ou de mort.
M. BOUSQUET: En fait, nous sommes menacés, pour en revenir
à ce que disait M. Hanley plus tôt, peut-être d'un
côté par une récession économique. Mais il ne faut
pas oublier que nous sommes aussi menacés par une récession
culturelle, si nous voulons parler de récession.
Maintenant, d'un autre côté, je voudrais profiter de
l'occasion pour corriger M. Hanley, s'il veut me le permettre. Les
Américains n'arrêtent pas d'investir au Japon, parce qu'ils n'ont
pas de bill 85. Ils n'ont pas de bill 85 au Vénézuéla, et
les investissements américains continuent de grandir dans ces
différents pays.
M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Ahuntsic.
M. LEFEBVRE: Tout à l'heure, au début de la conversation
avec M. Bessette, J'avais quelques questions à poser, mais, comme le
ministre voulait poser des questions, j'étais d'accord pour céder
la parole au ministre. J'aimerais revenir à quelques questions, M. le
Président, très rapidement. Si M. Bessette me le permet, avant ma
première question, je glisserais une toute petite remarque. On reproche
parfois aux hommes politiques, avec raison sans doute, de ne citer des textes
qu'ils invoquent dans leur argumentation que les paragraphes qui font leur
affaire et qui appuient leur thèse. Je pense que les linguistes ne sont
peut-être pas - je le dis en toute amitié pour M. Bessette
tout à fait exempts de ce travers. J'ai entendu tout à l'heure,
M. Bessette, votre lecture en page 32 du premier paragraphe; mais vous avez
omis de lire le deuxième paragraphe qui donne une vue
légèrement différente de celle que vous venez de donner
tout à l'heure quant aux perspectives de temps sur lesquelles il faut
évaluer les facteurs au point de vue linguistique. Je lis cette
deuxième partie, dont vous avez omis la lecture et où les auteurs
du mémoire dont vous êtes disent ceci: « L'évolution
linguistique est relativement lente, et les faits actuels n'ont pas de valeur
exemplaire en soi puisqu'ils sont difficiles à cerner et à
interpréter et que la courbe d'évolution est insaisissable sur
une période qui ne dépasse pas un ou plusieurs siècles.
» Alors, je trouve qu'évidemment ce texte-là donne une vue,
à mon avis, plus réaliste que certaines parties de votre
argumentation.
Je ne vous en fais aucun reproche, mais on tente tellement souvent de
nous mettre en contradiction avec nous mêmes en tant qu'hommes
politiques; lorsque nous avons l'occasion de montrer qu'au moins nous ne sommes
pas les seuls, je ne vois pas pourquoi nous nous en priverions.
Mais ma question est la suivante. Dans les recommandations au sujet
desquelles le ministre vous a questionné tout à l'heure, la
recommandation numéro deux qui est peut-être, à cer-
tains égards, la plus pertinente par rapport au bill dont nous
discutons présentement se lit comme suit: « Que l'état
définisse et applique à brève échéance une
politique générale de la langue à l'école en
distinguant nettement trois groupes d'élèves: a) ceux
d'ascendance francophone; b) ceux d'ascendance anglophone, etc) ceux d'une
ascendance autre que les deux premières. » Alors, ma question est
la suivante parce que vous ne répondez pas, dans votre texte, de
façon claire à cette question, je pense : Qu'est-ce que
recommande votre groupe en tant que politique scolaire, concernant la langue
d'enseignement en rapport avec chacun de ces trois groupes-là? Je
comprends que vous êtes contre le bill tel qu'il est, vous dites: On vous
demande de retirer ce bill et, par ailleurs, vous demandez au gouvernement et
au Parlement de voter une politique linguistique qui distingue les trois
groupes que Je viens de mentionner. Que proposez-vous pour chacun de ces
groupes?
M. BESSETTE: Tout d'abord, je voudrais vous faire remarquer que nous
avons corrigé en assemblée générale, l'expression
d'ascendance francophone qui ne veut rien dire d'ailleurs, ce sont des
francophones tout simplement ou des anglophones qui parlent une autre langue.
L'ascendance est d'un autre ordre.
Deuxièmement,...
M. LEFEBVRE: Excusez-moi, au lieu de dire ceux d'ascendance, vous dites
simplement les francophones, les anglophones...
M. BESSETTE: ... et ceux qui parlent une autre langue que le
français et l'anglais. Deuxièmement, je le répète,
nous nous sommes penchés plus particulièrement sur nos propres
affaires en tant qu'association de professeurs de français et de langue
maternelle. Nous avons donc développé des propositions assez
précises quant à ce groupe. Quant aux autres groupes, il nous
appartenait moins en tout cas, peut-être qu'il ne nous appartenait pas du
tout, de faire des propositions. De toute façon, à cette
étape-là de l'étude et de la réflexion, nous
n'avions pas du tout, nous n'étions sûrement pas partis avec
l'intention d'écrire une législation à la place du
législateur. Enfin je comprends qu'il faut s'aider mais tout de
même, on nous en demande beaucoup là. Votre question en demande
beaucoup.
M. LEFEBVRE: M. Bessette, dans votre texte, vous faites
référence au fait que les linguistes sont aussi des citoyens et
je comprends que vous êtes ici en tant que citoyen aussi, c'est pourquoi
je vous demande à votre avis, comme citoyen, compte tenu de la
profession que vous exercez cependant ce qui peut certainement donner
une certaine couleur, si vous voulez, ou enfin une certaine teneur à
votre opinion, c'est clair, et c'est vrai pour tout le monde compte tenu
de cela, qu'est-ce que vous recommandez?
M. BESSETTE: Nous sommes en mesure de répondre à cette
question en dépassant, cependant, les résolutions pures et
simples du congrès.
M. LEFEBVRE: Oui.
M. BESSETTE: J'essaie de répondre à votre question.
Commençons par la catégorie numéro 3: ceux qui ne sont ni
anglophones ni francophones. Nous demandons qu'une politique linguistique les
intègre à la communauté francophone dans une mesure telle
que le français devienne pour eux non pas une langue seconde, mais une
langue première.
M. LEFEBVRE: Si vous me le permettez, juste pour clarifier ce
point-là, de façon à voir exactement ce que vous pensez.
Est-ce que vous faites, comme d'autres l'ont fait dans ce débat, une
distinction entre les immigrants qui sont ici depuis un certain temps et ceux
qui viendront dans l'avenir?
M. BESSETTE: Nous faisons cette distinction, indirectement, en
reconnaissant la qualité d'anglophones aux enfants dont les parents
eux-mêmes ont fréquenté l'école anglophone. Je crois
que cette distinction est très nette. Il y a sûrement place
à l'intérieur même de cette distinction pour quelques cas
d'espèce. Je pense que les lois, si elles sont appliquées avec
bon sens et sagesse, tiennent compte des cas d'espèce et que l'on ne
fera pas une loi pour chaque cas d'espèce. Alors, je pense que ça
répond tout de même à cette question.
Quant à la première catégorie...
M. LESAGE: Eh bien, à cette question, M. Bessette
j'emploierai le mot politique dans le même sens que vous l'avez
utilisé est-ce que vous suggérez quant à ceux qui
ne sont ni anglophones ni francophones nous pensons, évidemment,
aux immigrants qui arrivent ici comme principale partie constituante du
troisième groupe que vous mentionnez est-ce que vous
suggérez des mesures coercitives ou seulement l'incitation?
M. BESSETTE: Bien, je n'aime pas du tout le mot coercition.
M. LESAGE: Enfin, comprenez-moi, toute loi qui les oblige à aller
à l'école francophone...
M. BESSETTE: L'obligation.
M. LESAGE: ... cela devient une obligation.
M. BESSETTE: Tout à fait.
M. LESAGE: Une obligation décrétée par la loi, si
vous voulez.
M. BESSETTE: On ne les mènera pas au bout de la fourche; ce ne
sera pas de la...
M. LESAGE: Une obligation.
M. BESSETTE: ... coercition, mais ce sera une obligation.
M. LESAGE: Ce serait une obligation décrétée par la
loi, avec sanction.
M. BESSETTE: Tout à fait
M. LESAGE: C'est votre réponse.
M. BESSETTE: Aucune hésitation.
M. LE PRESIDENT: Est-ce l'opinion de tous vos collègues, comme
professeurs de français, ou si c'est l'opinion de...
M. BESSETTE: Tout ce que je peux dire, c'est que ces
résolutions-là ont été votées à la
quasi-unanimité lors de l'assemblée générale.
Mon Dieu, je pense que dans la pratique non seulement actuelle mais
depuis bien des décennies de la démocratie, c'est comm? cela que
cela se fait.
Remarquez bien que cette question avait déjà
été soulevée il y a un an et que nous avons donné
à tous nos membres un an pour faire leurs remarques, et nous avons fait
un référendum auprès de nos membres pour être bien
sûrs que tous avaient été rejoints. Bien sûr, en
pratique, tous ne l'ont pas été. C'est toujours comme cela.
Je crois que c'est sérieux quand même.
M. LEFEBVRE: M. Bessette, poursuivant dans la même ligne, et je ne
voudrais pas que vous pensiez que ma question est une sorte de piège
simplement pour le plaisir d'être malicieux... Je pense qu'il est
important que nous réalisions tous que le métier de
législateur n'est pas un métier facile et que lorsqu'on fait des
lois, il faut en prévoir les conséquences et l'application.
Autrement, on n'est pas sérieux.
Alors, en tant que membre de ce Parlement, moi, je vous demande: A votre
avis, toujours, qu'est-ce que vous nous recommandez de faire dans le cas, par
exemple, d'un ménage où la mère est irlandaise et le
père est italien?
Dans quel groupe tombera ce ménage?
M. BESSETTE: Il faut d'abord répondre à la question:
Depuis combien de temps ce ménage est-il ici?
M. LEFEBVRE: Supposons qu'il arrive demain.
M. BESSETTE: Il arrivera demain. Eh bien, vous avez dit...
M. LEFEBVRE: La mère est irlandaise et le père italien ou
l'inverse.
M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'ils ont des enfants?
M. LEFEBVRE: M. le Président, pour l'information du
président, je dirai que lorsqu'on parle de père et de
mère, c'est signe qu'il y a des enfants.
M. BESSETTE: Je pense que le principe qui nous a guidés justement
pour suggérer la distinction entre élèves, enfants
francophones, enfants anglophones, enfants d'autres langues, c'est la nature de
la langue maternelle de l'enfant. Je pense qu'il n'est pas très
difficile, dans le cas que vous me soumettez, qu'il n'est pas très
difficile de vérifier quelle est la langue maternelle de l'enfant.
La mère étant irlandaise, sa langue maternelle est
effectivement l'anglais, il entre dans la catégorie numéro 1 des
enfants anglophones. Si, et cela arrive très rarement, c'est la langue
du père qui l'a emporté et que effectivement la langue maternelle
de l'enfant est l'italien et ce n'est pas difficile non plus à
vérifier, il n'est pas un anglophone, il est d'une autre langue que
l'anglais ou le français alors, il passe à la
catégorie numéro 3. N'est-ce pas?
M. LEFEBVRE: Est-ce que vous croyez que cette politique est facilement
applicable?
Si vous étiez ministre de l'Education, croyez-vous que, sur le
plan administratif, ce serait possible d'appliquer une politique comme
celle-là?
M. BESSETTE: Je crois que c'est possible. Naturellement, parmi les
choses possibles, il n'y a pas que des choses faciles. Comme je le disais
auparavant, c'était pour cela que j'exprimais une certaine
précaution: il y aura toujours des cas d'espèces. Vous savez, il
n'y en aura pas par milliers ni par millions. Puisqu'à un moment
donné il faut tracer une frontière, celle-là en vaut bien
d'autres. Je vois que nous sommes en train de discuter de modalités
d'application d'un principe. Même si nous décidions, à la
rigueur, qu'on n'appliquera cette subdivision qu'à ceux qui arriveront
à partir de demain matin, le principe, la question de fond est acquise.
C'est là qu'est la question de survie et d'identité réelle
pour nous.
M. LEFEBVRE: Quant à moi, je n'ai pas d'autres questions à
poser, mais vous vous étiez arrêté à la
troisième catégorie, vous remontiez vers les deux autres.
J'aimerais que vous donniez votre explication pour les autres. Quant à
moi, j'ai terminé.
M. BESSETTE: Notre pensée, dans l'état actuel des
choses... Mais il n'est pas sûr que nous ne poussions pas plus loin dans
certaines directions. Je ne peux tout de même pas hypothéquer
l'avenir à ce point. Présentement, notre pensée quant aux
élèves anglophones c'est que leur langue première coincide
avec leur langue maternelle, que ce soit l'anglais ou une autre. Pour
l'élémentaire, Je l'ai déjà dit, nous n'avons pas
de pensée précise à exprimer là-dessus. Il faut
attendre. Mais au moins à partir du secondaire, il faut que
l'élève anglophone ait, comme langue première et
maternelle à la fois, l'anglais. Nous reconnaissons qu'il a ce droit. A
côté de ce droit, nous lui imposons l'obligation de
posséder le français comme langue seconde sérieuse. C'est
réduit à cela.
M. LE PRESIDENT: Pour enchaîner avec le député
d'Ahuntsic et pour pousser à l'extrême sa position: si on passe
une loi qui oblige les immigrants à s'intégrer au groupe
francophone, ne croyez-vous pas qu'on puisse perdre une bonne partie du flot
d'immigrants qui arriveraient au Québec? Est-ce que ce ne serait pas un
danger? Quelle est votre opinion là-dessus?
M. BESSETTE: Entre deux maux il faut toujours choisir le moindre. Il
faut choisir entre perdre des immigrants et peut-être en gagner
d'autres aussi ou se perdre soi-même.
Alors, il n'y a pas de doute dans notre esprit là-dessus.
M. LE PRESIDENT: En obligeant les immigrants... vous acceptez ce danger
de diminuer...
M. BESSETTE: Non seulement nous l'acceptons, mais nous
considérons que le rôle qu'a joué le Québec depuis
longtemps d'être la manufacture de bilingues au Canada lui coûte
excessivement cher. Nous manufacturons des bilingues pour les Etats-Unis, pour
l'Ontario, pour toutes les autres provinces du Canada. Ce n'est pas payant.
M. LE PRESIDENT: M. Tetley, s'il vous plaît.
M. TETLEY: Si des parents anglophones veulent éduquer leurs
enfants en français, est-ce qu'ils auront le droit, suivant votre
formule, d'envoyer leurs enfants à une école
française?
M. BESSETTE: Oui, dans notre esprit, ils ont tout à fait la
liberté de le faire, parce que, ce faisant, ils ne compromettent
absolument pas, premièrement, la valeur essentielle à laquelle
nous tenons; l'identité culturelle française au Québec;
deuxièmement, nous irions même plus loin, ils ne compromettent
pas, non plus, leur propre identité culturelle. Cela pourrait arriver,
mais il est assez improbable qu'ils compromettent leur propre identité
culturelle parce que heureusement pour eux les forces
démographiques qui sont extrêmement importantes en linguistique
jouent en leur faveur, n'est-ce pas?
Il est évident qu'il n'est pas question, dans notre esprit,
d'exclure...
M. TETLEY: Mais, je parle de la maternelle...
M. BESSETTE: Oui, oui.
M. TETLEY: ... en première année, etc.
M. BESSETTE: Maintenant, nous sommes loin d'affirmer que c'est
souhaitable d'un strict point de vue pédagogique. Je ne vous donnerais
pas ce conseil, dans l'état actuel des études en cette
matière; je vous le déconseillerais.
M. TETLEY: Pourquoi?
M. BESSETTE: Je vous conseillerais plutôt de faire apprendre le
français à vos enfants seulement à partir du secondaire.
En effet, il n'est pas prouvé encore qu'il soit sain de faire
expérimenter une deuxième langue à des enfants si jeunes.
Il faut jouer un jeu sûr, je pense,
dans cette matière, puisque, enfin, un enfant, c'est tout de
même la seule matière première qui compte.
M. BOUSQUET: Est-ce que l'on doit conclure de votre exposé que
vous êtes contre l'unilinguisme français intégral?
M. BESSETTE: Dans l'état actuel de nos positions encore
là, il faudrait bien définir ce que c'est que l'unilinguisme
fait l'impression que vous le prenez dans un sens qui m'amène
à répondre non, dans l'état actuel de nos positions.
M. LESAGE: Je pense bien que la question de M. Bousquet vient d'une
présentation qu'on nous a faite hier à l'effet que toutes les
écoles, après une période de transition qu'on a
évaluée peut-être à quatre ou cinq ans, toutes les
écoles à tout les niveaux au Québec les
écoles publiques devraient être dans une seule
catégorie, celle où la langue d'enseignement est le
français et exclusivement le français. C'est ce que disaient les
professeurs de l'école normale Laval. Je pense bien que c'est de Il que
vient la question.
M. BESSETTE: Alors, je ferai une distinction. L'unilinguisme, cela ne
veut pas dire qu'on n'apprend qu'une langue. L'unilinguisme intégral
veut peut-être dire cela, mais l'unilinguisme tout court ne suppose
absolument pas qu'on n'enseignera jamais d'autres langues. L'unilinguisme
français, par exemple ne suppose absolument pas qu'on n'enseignera
jamais d'autres langues que le français.
M. LESAGE: Comprenons-nous bien. Il ne s'agit pas de l'enseignement
d'une langue seconde comme matière d'enseignement, mais de l'utilisation
d'une seule langue comme langue d'enseignement. Il y a là distinction
entre la langue d'enseignement et l'enseignement de la langue.
M. BESSETTE: La position présente de l'association, c'est
l'unilinguisme qui, encore une fois, n'exclut pas l'apprentissage de deux,
trois, cinq ou dix langues.
M. LESAGE: C'est ça.
M. BESSETTE: L'unilinguisme pour tous les citoyens du Québec,
sauf les citoyens anglophones, franchement anglophones, auxquels nous avons
quand même reconnu ce droit parce qu'il ne nous semble pas encore menacer
de façon assez grave l'identité nationale pour que nous ayons
à le limiter, à le retirer. Mais quelle sera la situation dans
dix ans, dans vingt-cinq ans ou dans cinquante ans. Nous ne la connaissons pas;
il faudra juger au su et au vu.
M. LESAGE: Présentement, votre position se distingue donc de
celle qui a été prise hier par l'Association des professeurs de
l'école normale Laval sur ce point.
M. BESSETTE: Oui, il y a sûrement une distinction.
M. LESAGE: Il y a une distinction.
M. BESSETTE: Je suppose que, pour les anglophones, au sens strict, telle
que nous l'avons définie nous-mêmes, c'est une distinction qui a
tout de même de l'importance.
M. GOLDBLOOM: M. Bessette, vous vous êtes abstenu de tout
commentaire sur l'enseignement du français dans les écoles
anglaises de la province.
M. BESSETTE: A l'élémentaire.
M. GOLDBLOOM: Oui. Et, si j'ai bien compris, à ce
moment-là, vous avez insisté sur le fait que l'association que
vous représentez (l'Association québécoise des professeurs
de français) est composée d'enseignants qui ont la
responsabilité d'enseigner le français comme langue maternelle.
Ai-je bien compris?
M. BESSETTE: Oui.
M. GOLDBLOOM: Donc, les membres de votre association ne se
présentent pas comme experts dans l'enseignement du français
comme langue seconde.
M. BESSETTE: Il y a une distinction à faire.
M. GOLDBLOOM: J'aimerais que vous la fassiez.
M. BESSETTE: Nous avons, parmi nos membres, des spécialistes de
cet enseignement; c'est-à-dire qu'ils ne sont pas exclus de
l'association. Le groupe spécifique, c'est le professeur de
français comme langue maternelle. Quant aux professeurs de
français comme langue seconde, qui nous ont demandé d'entrer dans
nos rangs, nous les avons reçus. A cause des implications continuelles,
des liens très étroits qu'il y a entre l'enseignement d'une
langue en tant que langue
première ou en tant que langue seconde, nous ne nous permettrions
pas, nous, d'étudier les questions relevant plus spécifiquement
de l'enseignement du français comme langue première, sans inclure
et vous en avez la preuve par la composition du comité dont je
vous al remis le rapport dans les comités, dans les groupes
d'étude, des spécialistes de l'enseignement des langues comme
langues secondes, que ce soit le chinois le japonais ou je ne sais quoi. Il y a
quand même des critères, des principes universels dans ce
domaine.
Nous avons non seulement tenu compte de l'avis des spécialistes
de l'enseignement des langues secondes, mais nous les avons invités
à faire partie de nos comités et à participer à nos
travaux.
M. GOLDBLOOM: Et pourtant, M. Bessette, en notant que vous proposez
d'établir trois catégories d'élèves: les
anglophones, les francophones et les autres, vous vous prononcez très
clairement sur l'enseignement du français aux autres, mais vous
n'êtes pas en mesure de vous prononcer sur l'enseignement du
français aux anglophones.
M. BESSETTE: Premièrement, je voudrais faire une distinction.
Nous ne proposons pas l'établissement de trois catégories en soi;
nous demandons cependant...
M. GOLDBLOOM: C'est textuel devant moi, monsieur.
M. BESSETTE: Ce n'est pas tout à fait ça. Nous demandons
que le législateur tienne compte d'une situation de fait où il y
a en effet trois catégories. Que nous souhaitions qu'il y en ait
toujours trois, toujours ces trois-là, c'est autre chose. Je fais une
distinction là-dessus. Pour répondre à la question
elle-même, ce n'est pas à nous encore une fois, en tant
qu'association des professeurs de Français, langue maternelle, de faire
des recommandations indiquant à nos collègues qui enseignent le
français comme langue seconde: Vous allez l'enseigner de telle
manière ou de telle autre manière. Tout de même, ce n'est
pas à nous de faire ça. Tout ce que nous pouvons faire, il me
semble que nous l'avons d'ailleurs fait, c'est d'essayer de délimiter la
place du français, langue seconde au Québec, pour que le
français, langue première au Québec, non seulement survive
mais vive.
M. GOLDBLOOM: Là, M. Bessette, vous retombez dans le domaine
politique, n'est-ce pas?
M. BESSETTE: Dans le domaine politique, dans le haut sens du terme.
M. GOLDBLOOM: Oui, d'accord.
M. BESSETTE: Mais, il me semble quenous en avons tous le devoir.
M. GOLDBLOOM: Alors, pourriez-vous me dire de quelle façon vous
envisagez la participation des anglophones à la vie française,
à la vie commune de tous les Québécois, à l'avenir,
en tenant compte des recommandations que vous faites vous-même?
M. BESSETTE: Cette question dépasse très largement le
cadre de la langue à l'école même.
M. GOLDBLOOM: Pas du tout.
M. BESSETTE: Alors, je vais m'en tenir tout de même au cadre de la
langue à l'école, à la participation des anglophones
à la culture française. D'abord, quand nous demandons que tout
élève anglophone sache le français, je pense que c'est une
participation fondamentale, la première étape indispensable.
Deuxièmement, encore une fois, nous n'excluons absolument pas que
tous les anglophones qui le voudront s'inscrivent aux écoles
francophones. Nous demandons seulement que ce soit une école
francophone. Alors, s'ils veulent participer davantage, ils pourront le faire.
Mais je répète ce que j'ai dit. Je souhaite pour eux qu'ils le
fassent en tenant compte de toutes les conséquences psychologiques et
pédagogiques que cela représente pour les enfants anglophones.
Mais, enfin, ce n'est pas à nous de prendre ces précautions pour
les autres. Les écoles francophones, dans ce que nous proposons, sont
ouvertes aux anglophones à tous les niveaux, partout. Donc ils peuvent
participer à 100%, s'ils le désirent, à la vie culturelle
francophone.
Mais, s'ils ne veulent pas participer à 100%, on ne va pas les
obliger à le faire.
On va leur laisser leurs écoles où la langue
première sera l'anglais, et ils choisiront eux-mêmes la
proportion, la mesure de leur participation. Toutefois, nous exigeons un
minimum de participation, et ce minimum c'est la connaissance sérieuse
du français parlé et écrit à la fin des
études secondaires.
Il me semble que c'est là ouvrir la porte toute grande à
la participation aussi abondante aussi complète que les anglophones le
voudront bien et qu'ils le jugeront de leurs intérêts.
M. LESAGE: Mais, vous ne préconisez pas la contrepartie, c'est
à dire de donner...
M. BESSETTE: Non.
M. LESAGE: ...aux francophones le même degré de
liberté en ce qui concerne...
M. BESSETTE: Nous ne le préconisons pas.
M. LESAGE: ... le choix d'une école où la langue
d'enseignement est l'anglais.
M. BESSETTE: Non, pour la simple raison que la culture française
est en grave danger et que la culture anglaise ne l'est pas.
M. GOLDBLOOM: Donc, M. Bessette, vous préconisez le maintien de
nos deux solitudes.
M. BESSETTE: Absolument pas. Je suis persuadé que cela
dépasse de beaucoup les prémisses. J'en suis persuadé.
M. LE PRESIDENT: Une dernière question. Certains rapports ont
été présentés ici. Une certaine commission royale
ou royaliste affirme sa foi dans un bilinguisme au Québec et dans tout
le Canada. Comme linguiste quelle est votre position à l'égard de
ces espérances?
M. BESSETTE: Je ne voudrais pas dévoiler avant terme...
M. LE PRESIDENT: Je ne parle pas du tout de la commission Gendron
là.
M. BESSETTE: Non, non. Je pense qu'il s'agit d'une autre commission plus
ancienne.
M. LEFEBVRE: Eh bien, pour résumerdans trente secondes le rapport
de la commission Laurendeau-Dunton...
M. LE PRESIDENT: C'est parce qu'il ne nous reste que deux minutes, vous
n'êtes pas obligé de prendre son résumé comme
valable.
M. BESSETTE: Le rapport de la commission Laurendeau-Dunton a
soulevé chez nous le pro- sition concernant les districts bilingues. De
cette étude il y en a déjà un début dans le rapport
que je vous ai fait distribuer, mais cette étude se poursuit et elle
donnera, vers le mois d'avril, à un rapport beaucoup plus
étoffé. Tout ce que je peux dire en trente secondes, maintenant,
c'est que l'Association, semble-t-il, très probablement, verra d'un
très mauvais oeil l'établissement des districts bilingues selon
les normes et les critères établis par la commission
Laurendeau-Dunton, en particulier le critère du 10% qui
défavorise évidemment le Québec et, une fois de plus,
jette sur le Québec le fardeau de manufacturer à ses
dépens des bilingues dans une proportion au départ à peu
près triple de celle qui se vérifiera dans les autres provinces,
et pas longtemps après.
M. LE PRESIDENT: M. Bessette, je vous remercie beaucoup de votre
rapport. J'ai été, pendant un an, votre élève
à l'université de Montréal, j'en suis très fier.
Les rôles sont changés maintenant,
M. LESAGE: Ne me dites pas que vous êtes en train de lui enseigner
le français.
M. LE PRESIDENT: Il témoigne devant mon comité. Je vous
présente mon chef officiel, M. Rémi Paul, qui a quelques mots
à vous dire.
M. PAUL: Alors, voici, M. le Président. Cet après-midi,
plusieurs membres du comité devront siéger au cabinet, d'autres
membres du comité seront retenus devant le comité chargé
de l'étude du bill 29, la loi de la copropriété, et demain
matin, également un autre comité siégera, celui du code de
la route. Alors, nous nous excusons auprès des porte-paroles des
différents groupes qui n'ont pu être entendus ce matin ou qui ne
pourront pas être entendus cet après midi et je proposerais
l'ajournement des travaux du comité à jeudi prochain, le 23
janvier, à dix heures du matin.
M. LE PRESIDENT: Je demanderais aux journalistes, pour que les gens le
sachent, d'indiquer que c'est ajourné au 23 janvier. Une bonne
manchette.
M. LESAGE: Le comité de M. Proulx. (Fin de la séance; 13 h
2)
ANNEXE A
January 10, 1969
President of the
Parliamentary Committee on Education
(Reference Bill « 85 »)
Attention: Armand Bonin, Secretary
Having received a telegram informing me of the « study » of
Bill 85, on January 14, 1969. I would like to submit this letter, as my own
personal brief and make known my views on this controversial Bill.
Most important, Gentlemen, is the fact that we are all Canadians and
Canada is made up of all ethnic groups not simply, English or French. Living in
a democratic country with all the freedoms we enjoy, this Bill 85 should never
have had to be brought forth. The rights of every Canadian should be respected,
with regard to language, education and religion.
The Department of Education in Quebec has always been most courteous
toward the dual linguistic rights of its citizens. With the rest of Canada
accepting the Dunton-Laurendeau report on Bilingualism and Biculturalism. It
seems that certain elements and organizations in Quebec would now have us take
a step backward, in the name of Nationalism. This of course would be disastrous
to the cause of Bilinguallsm and Biculturallsm. Quebec has not suffered by
allowing the teaching of English and the French language and culture are as
strong now, as they ever were.
So Gentlemen, in considering Bill 85, à would ask that you look
back over the years and see that the Quebec Education Department has been ahead
of the other provinces by allowing the dual education system and granting human
rights to all their citizens.
Sincerely,
(signed) Mrs. June J. Reid cr
ANNEXE B
DOSSIER SUR
L'UNILINGUISME
Rapport présenté
à
l'Association québécoise des professeurs
de français (AQPF)
par
Le comité d'études et de
recherches
sur les questions relatives 2
l'unilinguisme de l'AQPF
NOVEMBRE 1968
MEMBRES DU COMITE
Gilles Bibeau
André Dugas Gilles
Gagné Gilles-R. Lefebvre
Dossier sur l'unilinguisme INTRODUCTION
C'est à la demande du Conseil de l'AQPF que le présent
document a été préparé. Sans avoir la
prétention d'analyser toutes les facettes du problème de la
langue française au Québec, il constitue une synthèse
générale qui peut donner naissance à de nouvelles
discussions, faire avancer d'un autre pas l'étude de cette question
difficile et controversée, et éventuellement déboucher sur
des prises de positions de l'AQPF que le sujet ne peut laisser
indifférente.
Nous avons constaté, à l'analyse des positions prises par
certaines institutions ou corps publics, que les solutions proposées
sont tout à fait contradictoires: les uns suggèrent de rendre le
pays bilingue, les autres de promouvoir l'existence au Canada de deux
communautés unilingues. D'une part, nous ne pouvons mettre en question
le sérieux de ces recherches parce qu'elles sont faites par des
organismes responsables et qu'elles reposent toutes sur les mêmes
données statistiques (recensement du Canada 1961); d'autre part, il est
inquiétant de voir à quel point les interprétations
peuvent être divergentes.
La solution de ce dilemme nous semble résider dans le choix de
l'objectif que ces organismes se sont fixés (ou se sont vu fixer), Il
paraît évident que selon qu'on cherche à faire
l'unité du Canada et à conserver le statut actuel de la
Confédération canadienne ou que l'on tente de dégager des
solutions aux problèmes strictement québécois, les
conclusions des travaux de recherche peuvent être de tendances
opposées. C'est, en tout cas, ce qui se dégage nettement des
études que nous avons faites: le rapport (Livre à: les langues
officielles) de la Commission d'enquête sur le bilinguisme et le
biculturalisme (B & B) conclut au bilinguisme officiel alors que la
Fédération des Sociétés Saint-Jean-Baptiste (SSJB)
et les Etats Généraux du Canada Français, qui sont des
organismes strictement québécois, prônent une forme ou
l'autre d'unilinguisme pour le Québec, sans référence
à la situation qui prévaut dans le reste du Canada.
Nous avons laissé de côté l'opinion des partis
politiques parce que leur option ne repose pas sur des motifs suffisamment
clairs et qu'il est difficile de séparer les motifs politiques des
motifs rationnels. Les opinions des éditorialistes sont en quelque sorte
des réactions devant les travaux déjà mentionnés et
se rangent de ce fait parmi les opinions personnelles.
C'est donc en qualité de linguistes et de citoyens aussi bien
qu'en tant que membres de l'AQPF que nous vous proposons cette étude
sommaire et les conclusions auxquelles nous sommes arrivés.
Dans une première partie, nous exposons le plus brièvement
possible (au risque d'être un peu injustes) la position de
I La Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le
biculturalisme, Livre 1: les langues officielles.
II La Fédération des Sociétés
Sain-Jean-Baptiste dans « Le statut de la langue française au
Québec », mémoire présenté au Premier
Ministre du Québec, le 18 avril 1967.
III Les Etats Généraux du Canada français
dans les cahiers du Devoir du 27 novembre 1967.
Dans une deuxième partie, nous commentons les
recommandations de la Commission B & B et soulevons quelques questions
corollaires.
PREMIÈRE PARTIE
I - POSITION DE LA COMMISSION B & B II - POSITION
DE LA SSJB III - POSITION DES ÉTATS GENERAUX
I - POSITION DE LA COMMISSION B & B 1. Mandat de la
Commission « Faire enquête sur l'état présent du
bilinguisme et du biculturalisme et recommander les mesures à prendre
pour que la Confédération canadienne se développe
d'après le principe de l'égalité entre les deux peuples
qui l'ont fondée ». (p. XI) 2. Qu'est-ce que le
bilinguisme? a) Notions de bilinguisme d'état-bilinguisme individuel. b)
En général les Etats sont unilingues, sauf dans le cas de
colonies ou dans le cas de pays où il y a des groupes minoritaires
fondateurs. c) L'Etat bilingue se distingue par une foule d'institutions
bilingues: assemblée législative, tribunaux, fonction publique,
écoles, etc. d) Deux (2) types d'Etat bilingue: 1- celui qui accorde des
privilèges particuliers à un ou à plusieurs groupes:
privilèges principalement culturels: ex.: U.R.S.S. (divers dialectes),
Israël (arabe), Suisse (romanche), Belgique (allemand), etc. 2- celui qui
accorde presque l'égalité à tous les points de vue: ex.:
Belgique (néerlandais/français), Finlande
(finnois/suédois), Tchécoslovaquie (tchèque/slovaque),
etc. e) Comment une majorité peut-elle accorder l'égalité
à une minorité? 1- En respectant la langue de la minorité,
en admettant que les institutions publiques soient bilingues; 2- en
défrayant le bilinguisme, Le. le dédoublement d'un grand nombre
de fonctions publiques; 3- en accordant assez d'autodétermination
linguistique à la minorité pour qu'elle ne se sente pas
frustrée. 3. Le Canada est déjà un Etat
bilingue 1- Il est vrai que le français est dans une position
difficile au Canada - isolement géographique - minorité
très faible en dehors du Québec. Cependant le Québec est
francophone en force, parce que 80% de sa population parle français. 2-
L'anglais minoritaire au Québec jouit de son côté de liens
très étroits avec le reste du Canada et les Etats-Unis. 4. Fondements démographiques du bilinguisme canadien 1- Le
pourcentage moyen des canadiens-français s'est maintenu à environ
30, depuis 1931, alors que le groupe britannique est passé de 52
à 44%. 2- Les immigrants choisissent l'anglais comme langue de travail
et comme langue maternelle à 93% (Le français n'exerce pas
d'attrait sur les immigrants). 3- Le pourcentage d'immigrants qui se
déclarent de langue maternelle anglaise ira vraisemblablement en
augmentant. 4- Le nombre de Québécois d'origine française
qui se sont assimilés à l'anglais est plus élevé
que le nombre d'anglo-saxons qui ont été francisés (68,000
contre 53,000). à- Le pourcentage de ceux qui déclarent
(recensement 1961) le français comme langue maternelle est de:
TABLEAU NO I
Terre-Neuve...................... 0.7
Ile-du-Prince-Edouard ............... 7.6
Nouvelle-Ecosse ................... à.4
Nouveau-Brunswick ................. 35.2
Québec.......................... 81.2
Ontario ......................... 6.8
Manitoba ........................ 6.6
Saskatchewan ..................... 3.9
Alberta ......................... 3.2
Colombie-Britannique ............... 1.6
Yukon / T.N.-Ouest................. 3.8 6- Les données
statistiques plus récentes sur la natalité et sur l'immigration
au Canada français laissent croire à la réduction de la
proportion des Canadiens d'origine française (page 93). 5.
Solution au problème Canadien: le bilinguisme officiel 1- à
Ottawa; 2- dans toute province dont le % de la minorité de langue
officielle (français ou anglais) atteindra 10 et plus; 3- dans
les divisions du recensement (avec rajustement possible) dont le % de la
minorité de langue officielle sera de 10 et plus; 54 divisions au
total (langue maternelle) 1 24 au Québec sur 75 2 8
au Nouveau-Brunswick sur 15 311 en Ontario sur 54 4 11 dans le
reste du Canada sur environ 90 II - POSITION DE LA SSJB1.
Introduction 1- La plupart des pays ont une politique linguistique; ceux
qui n'en ont pas sont à l'abri des empiètements possibles, 2- La
vitalité de la langue repose sur l'usage naturel qu'en font les citoyens
qui en ont besoin pour vivre. Les immigrants se rangent volontiers du
côté de ceux qui « vivent ».
ANNEXE Référer à la version PDF page 87
Remarque; « Si le pourcentage des bilingues diminue, ce
n'est pas que les Canadiens français n'apprennent plus l'anglais, c'est
qu'ils utilisent uniquement l'anglais et qu'ils sont devenus unilingues »
(SSJB, P. 15) c) Il y a un écart de plus en plus grand entre la langue
maternelle et la langue officiel ou de travail, cela au détriment du
français, même dans le Québec, (cf. Tableau no VII, page
93) 3. La tendance
Les statistiques confirment la tendance présente vers
l'assimilation des francophones: depuis les trois (3) derniers recensements,
les francophones et les immigrants s'anglicisent à un rythme
alarmant» 4. Solution: l'unilinguisme
québécois 1- « Donner au français le statut de
langue nationale et, par une législation appropriée, en faire la
véritable et seule langue officielle du Québec, afin de le rendre
non seulement utile mais indispensable ». (pages 85-86). 2- «
Assurer la restauration de la qualité du français parlé et
écrit au Québec, afin de le conformer au français
international et d'en faire l'instrument d'une civilisation dynamique et
progressive ». (pages 85-86). 3- « Offrir à la
minorité anglophone du Québec les mêmes avantages qu'offre
la loi ontarienne à la minorité francophone de l'Ontario aux
niveaux primaire, secondaire et universitaire. Une telle législation
assurera aux Québécois dont la langue maternelle est l'anglais un
traitement que leurs concitoyens du reste du Canada jugent équitable
». (page 91). 4- « Procéder à la refrancisation de la
toponymie des municipalités, puis prendre comme règle de conduite
unique le recours à des noms français, sauf circonstances
exceptionnelles, pour désigner toutes les nouvelles voies, place, ou
parcs publics et substituer progressivementpar des noms français les
noms anglais actuels ». (page 94). à- « Appliquer une
réglementation sévère de l'affichage et de tout document
à l'usage du public. Cette réglementation devra être
constituée de manière à donner la première place
à un français d'une qualité comparable à celle des
autres pays francophones du monde ». (page 94). III - POSITION DES
ETATS GENERAUX DU CANADA FRANÇAIS
Le statut de la langue française (Le Devoir, 27 nov. 1967,
B-à et B-6). « IL EST PROPOSE (pour le Québec) 1- Que le
Parlement du Québec adopte des mesures radicales et concrètes
pour imposer, dans les faits, l'usage généralisé du
français. Education 2- Qu'il n'y ait pas d'enseignement de
l'anglais au niveau primaire dans les écoles du Québec, sauf dans
les écoles de la minorité anglophone. 3- Que dans les
écoles françaises du Québec, l'enseignement d'une langue
seconde soit facultatif et se fasse à partir du niveau secondaire.
Administration 4- Que le gouvernement du Québec
établisse le français comme seule langue officielle dans les
organismes relevant directement ou indirectement de son autorité:
ministères, régies, sociétés d'Etat, conseils
municipaux, commissions scolaires, etc. 5- Que les conseils municipaux et les
commissions scolaires à majorité anglophone puissent utiliser la
langue anglaise en plus du français pendant une courte période
d'adaptation. 6- Que le gouvernement du Québec s'emploie à
refranciser intégralement la toponymie du Québec, compte tenu de
l'apport des groupes humains autochtones et de certains
événements historiques, et que dans l'avenir le recours au
français soit la règle constante dans la toponymie, sous
réserve des usages de la courtoisie internationale. Visage
français 7 - Que tout affichage sur la voie publique et tout texte
mis à la disposition du public soient faits en français. On
pourra aussi ajouter une autre langue, à la condition que le
français soit prioritaire. 8- Que l'Etat québécois oblige
toute entreprise ayant affaire au public à ne garder à son
service que des personnes s'exprimant convenablement en français. 9- Que
l'Etat québécois prenne les moyens législatifs
appropriés pour que le français soit la langue de travail dans
l'industrie et dans les affaires. Minorités
québécoises 10- Que la minorité anglophone puisse
disposer, à tous les niveaux, d'institutions d'enseignement publiques,
à condition qu'elles soient bilingues.
Il- Que cesse immédiatement la main-mise des anglophones sur les
écoles et sur les classes des autres minorités linguistiques. 12-
Que les Néo-Québécois, les Esquimaux, les Indiens aient
droit, au niveau primaire, à des écoles ou à des classes
publiques françaises avec enseignement de leur langue maternelle
là où un nombre suffisant de parents le désirent.
Fédéral, confédéral, d'Union canadienne ou
autre 13- Que tout organisme fédéral, confédéral,
d'union canadienne ou autre, soit entièrement bilingue. 14- Que dans la
fonction publique, des secteurs français et anglais soient
créés selon les régions desservies et que l'on exige une
connaissance convenable des deux (2) langues de la part des fonctionnaires et
des employés aux échelons administratifs. IL EST PROPOSE
(nors du Québec) 1- Que dans toutes les provinces autres que le
Québec, la langue française jouisse d'une législation qui
lui assure partout son plein épanouissement. 2- Qu'un réseau de
radio et de télévision français desserve toutes les
provinces canadiennes en dehors du Québec. 3- Qu'au Nouveau-Brunswick
où 35.2% de la population totale est de langue française, les
langues française et anglaise soient officielles ».
ANNEXE Référer à la version PDF page 90
DEUXIÈME PARTIE
à COMMENTAIRE Il QUESTIONS COROLLAIRES
I-COMMENTAIRE
1. Le bilinguisme et nous
Le premier livre du rapport B & B suit la ligne de pensée
suivante: a) L'un des graves problèmes du Canada est la coexistence de
deux cultures. Les revendications des francophones et l'Inertie des anglophones
mettent l'unité canadienne en danger. b) L'analyse des faits nous
révèle 1. que les Canadiens français sont en grande
majorité bilingues dans les provinces autres que le Québec; 2.
que les Canadiens anglais, de leur côté, ne connaissent le
français que dans une infime proportion, même au Québec; 3.
que les immigrants, en presque totalité, sont assimilés par
l'élément anglophone. c) La solution proposée pour
maintenir le Canada dans sa forme actuelle est donc 1. de créer 54
districts bilingues, dont le critère principal sera la concentration,
dans une division du recensement de 10% et plus d'habitants ayant comme langue
maternelle la langue (anglais ou français) de la minorité
officielle; 2. de demander aux provinces qui comptent 10% et plus de
minorité officielle de se déclarer bilingues (y inclus l'Ontario,
qui ne compte que 6% de minoritaires francophones); 3. de demander au
Gouvernement fédéral de se déclarer bilingue et
d'organiser la politique linguistique du pays avec l'accord des provinces.
Etant donné son mandat, la Commission pouvait difficilement en
arriver à d'autres conclusions. Les questions qu'on doit se poser, en
tant que Québécois francophones sont sans doute les suivantes: a)
Est-ce que le bilinguisme canadien va suffisamment augmenter le nombre
d'anglophones bilingues pour que l'équilibre soit rétabli (la
proportion actuelle est d'environ 30% par rapport à 70%)? b) Est-ce que
le bilinguisme canadien va donner une chance égale aux francophones et
aux anglophones d'assimiler les immigrants? c) Sur quoi repose le
critère de 10% pour la création de districts et de provinces
bilingues? d) Les conditions démographiques et socio-économiques
présentes ne sont-elles pas un obstacle majeur à la
véritable égalité linguistique?
En d'autres termes, la solution au problème canadien
constitue-t-elle en même temps une solution au problème du
Québec ou place-t-elle le Québec dans une position aussi
précaire que celle dans laquelle il se trouve actuellement?
2. Le risque démographique
L'argumentation des commissaires reposent essentiellement, dans le livre
I, sur des données démographiques. (1) Examinons d'abord de plus
près la situation du bilinguisme au Canada (le tableau qui suit n'est
pas fourni par la Commission nous avons dû le construire
nous-mêmes à partir du recensement et des tableaux divers
présentés dans le rapport B & B et dans la plaquette de la
SSJB).
ANNEXE Référer à la version PDF page 92
TABLEAU NO VI
Le bilinguisme au Canada
A - Pourcentage d'unilingues anglais F - Pourcentage d'unilingues
français B - Pourcentage de bilingues (français - anglais) MF -
Pourcentage des bilingues dont la langue maternelle est le français
MO - Pourcentage des bilingues dont la langue maternelle est autre que
le français (ce qui ne veut pas dire anglais).
(1) Le 1er livre du rapport comporte également un chapitre fort
complexe sur les fondements juridiques, mais ce chapitre ne fait que rendre
Juridiquement possibles les recommandations que le rapport contient.
On constate lo que 73% des bilingues sont de langue maternelle
française; 2o que, même au Québec, seulement 23% des
citoyens non francophones sont bilingues (Il n'y a pas moyen de savoir quelle
proportion des anglo-saxons sont bilingues, étant donné le grand
nombre d'immigrants au Québec, mais on peut penser qu'il y en a
relativement très peu); (2) 3o qu'il y a, en dehors du Québec,
une très grande proportion des unilingues (90%) qui sont
anglophones.
Le déséquilibre est manifeste. Par ailleurs, il est
évident que les recommandations des commissaires n'ont pas comme
objectif de rétablir l'équilibre. Il n'y a donc aucune raison de
penser que le bilinguisme officiel constituera une mesure favorable à la
position quantitative de la langue française au Canada et surtout
au Québec et encore moins à sa qualité.
(2) Voici à ce sujet un tableau révélateur:
TABLEAU NO VII
Pour les francophones, langue maternelle n'est pas synonyme de langue
officielle alors qu'elle l'est pour les anglophones:
Un autre tableau éloquent est celui du nombre de francophones
bilingues en dehors du Québec. Leur proportion est si
élevée qu'on peut se demander si cet état de choses est
possible et s'il ne s'agit pas plutôt de francophones déjà
passablement assimilés.
(2) Il ne faut pas confondra ce tableau avec le tableau no 3 (page 87)
qui présente le % de canadiens d'origine française qui
sont bilingues. Le tableau no 8 par contre présente le % des
francophones dont le français est la langue maternelle et qui sont
bilingues.
ANNEXE Référer à la version PDF page 93
Nous avons établi les pourcentages suivants à partir des
données du recensement en soustrayant du (a) nombre total de personnes
dont le français est la langue maternelle, (b) le nombre d'unilingues
français, ce qui nous fournit (c) le nombre de bilingues francophones.
1. b - a = c 2. c x 100 = % de francophones bilingues. a
TABLEAU NO VIII
% de francophones bilingues au Canada
(2)
Ouest Canadien................... 88.1
Ontario ........................ 77.à
Maritimes ...................... 82.3
N.-Brunswick .................... 46.7
Canada (sans Québec)............... 70.0
La prédominance effective de l'anglais et les exigences modernes
de la mobilité de la main d'oeuvre ne vont-elles pas augmenter le taux
d'assimilation des francophones par rapport à l'élément
anglophone de la communauté canadienne? Les chiffres fournis par la
Commission sont vieux de 7 ans et la tendance vers l'assimilation au monde
anglo-saxon des divers groupes francophones, déjà manifeste dans
le rapport (pp. 20 et 21), sera naturellement plus forte au moment où on
tentera d'appliquer les recommandations, i.e. maintenant ou dans quelques
années.
Il est même probable que cette tendance ait déjà
fait disparaître en dehors du Québec un certain nombre de
districts à vocation bilingue (10%): Sunbury (N.-B.), Algoma et Essex
(Ontario), Prince (LP.E.), les divisions no 3, 6 et 19 du Manitoba, dont le
pourcentage se situe autour de Il ou 12. Au Québec, l'assimilation
jouant très peu ou en sens inverse, c'est sans doute plus de 24
districts qui devront être bilingues en 1971.
A cause donc du très fort pourcentage de francophones bilingues
à l'extérieur du Québec et de l'augmentation continue du
taux d'assimilation de ces derniers (à cause de leur
représentation insuffisante), Il est normal de croire que malgré
le bilinguisme officiel, le français continuera à perdre, au
Canada, sur tous les plans.
Reprenons maintenant le chapitre du rapport de la B & B sur les
fondements démographiques. Considérons, dans un premier temps, le
critère de 10% choisi par la Commission. Dans un second temps, nous
ajouterons à l'argumentation la dimension socio-économique du
problème canadien. a) Le critère de 10%
Pour déterminer quelles divisions du recensement seront
considérées comme districts bilingues, la Commission propose le
même critère quantitatif que pour les provinces: il faut que 10%
de la population soit de langue maternelle anglaise ou française, selon
qu'il s'agit du Québec ou d'ailleurs. Ce chiffre repose sur un souci de
justice de la part des commissaires: « Sans être parfait, lit-on
à la page 111, il (ce critère de 10%)
permet de rejoindre la plupart des groupes minoritaires, tant
anglophones que francophones ». Cette affirmation est exacte. En effet,
la Commission propose de créer 24 districts bilingues au Québec
pour 697,402 minoritaires anglophones et 30 districts bilingues dans le reste
du Canada pour 853,462 minoritaires francophones. Cependant, sans même
considérer les réalités socio-économiques,
l'égalité quantitative dans les districts bilingues n'est pas
réelle à tous les points de vue.
En effet, ce critère de 10% pèche par une injustice
subtile, mais importante, parce qu'il ne tient aucun compte de la très
forte concentration, dans les mêmes districts, des groupes minoritaires
francophones, comparée à la faible concentration des groupes
anglophones au Québec. Ainsi, il n'y a que 3 districts bilingues du
Québec où le pourcentage de la minorité anglophone est
supérieur à 35% de la population totale du district. (3) Par
contre, à l'extérieur du Québec, on retrouve 15 districts
bilingues où le pourcentage de la minorité francophone est
supérieur à 35%. Dans 4 de ces districts, la population
francophone dépasse même 80%. La plus forte concentration
anglophone au Québec se chiffre à 55% (Pontiac), alors que la
plus forte concentration francophone hors du Québec
s'élève à 94.2% (Madawaska, N.-B.). Il est
intéressant de noter que dans le cas de Madawaska où les
anglophones ne représentent même pas 6% de la population, la
Commission recommande que ce comté soit bilingue.
Ces différences importantes dans le degré de concentration
des minorités francophones et anglophones n'affectent en rien le nombre
des districts bilingues, ni, semble-t-Il à première vue, la
nature de ces districts. Il semblerait donc que, quant à ces
différences, les districts bilingues, créés sur la base de
10%, défavorisent les francophones.
Cette impression est confirmée si, au lieu de 10%, nous adoptons
successivement 15, 20, 25 et 30% comme critères pour
l'établissement de districts bilingues. (4) Il faut dès
maintenant noter qu'aucun de ces critères n'est moins, ni plus valable
que les autres, comme le font d'ailleurs remarquer eux-mêmes les
commissaires, à la page 114: « Ce critère de 10% a un
caractère arbitraire, comme l'aurait du reste tout autre critère
(8 ou 15% par exemple) ».
Pourtant si nous adoptons 15%, comme critère, les anglophones du
Québec perdent 10 districts bilingues sur 24. Les francophones de
l'Ontario, eux, n'en perdent que 2 sur 11 et ceux du Nouveau-Brunswick, 1 sur
8. Ce glissement inégal s'explique par le plus faible degré de
concentration des minorités anglophones par rapport aux francophones,
par le fait que 10 minorités anglophones du Québec constituent
entre 10 et 15% de la population du district alors que ce n'est le cas que pour
6 minorités francophones à l'extérieur du Québec.
Ce choix de 10% au lieu de 15% favorise donc les minorités anglophones
du Québec.
Puisque les chiffres sont arbitraires, allons plus loin et prenons 30%
comme critère. Les francophones perdent alors à districts
bilingues sur 6 dans les provinces de l'ouest, mais en conservent 9 sur 13 dans
les provinces maritimes et 7 sur 11 en Ontario. Par contre, les anglophones
québécois en perdent 19 sur 24. Mises à part les provinces
de l'ouest (à), la perte de districts bilingues s'élève
à 8 sur 24 pour les francophones de l'extérieur du Québec,
et à 19 sur 24 (deux fois plus) pour les anglophones du Québec.
Avec le critère de 10% au lieu de 30%, le Québec contiendrait
donc 19 districts bilingues de plus alors que le Nouveau-Brunswick et l'Ontario
ensemble n'en renfermeraient que 8 de plus.
(3) Toutes les données utilisées ici sont prises dans le
tableau des districts bilingues, présenté dans le 1er rapport de
la Commission, aux pages 111, 112 et 113.
(4) cf. tableau no 9
(à) Il ne faut d'ailleurs pas oublier que dans l'ensemble de ces
provinces, les francophones ne constituent que le 3o groupe minoritaire,
étant inférieurs en nombre aux Ukrainiens et aux Allemands.
Par rapport au degré de concentration des minorité ce
critère fondamentalement arbitraire de 10% fera donc en sorte que le
fardeau le plus lourd du bilinguisme reposera encore sur les épaules des
francophones canadiens et surtout québécois.
Les Canadiens français, en plus d'être isolés
géographiquement et entourés d'une vaste collectivité
anglophone (rapport: 6 millions sur 214), sont individuellement
dépendants, pour leur travail et leur avenir, de cette dernière.
C'est d'ailleurs la seule raison valable qui explique leur bilinguisme effectif
et le peu d'attrait de leur langue auprès des immigrants.
Voici ce que le quotidien La Presse a publié à ce sujet.
Il s'agit, d'après l'auteur de l'article, Lysiane Gagnon, des
conclusions principales d'études inédites effectuées pour
la Commission B & B, dont l'une par trois économistes, MM,
André Raynauld, Gérard Marion et Richard Béland (6):
Plus de quatre administrateurs sur cinq (ceux qui gagnent plus de
$10,000) sont des anglophones, et sur ce nombre, seulement un sur cinq est
obligé d'être bilingue, éd. du 23 oct. « Les
postes de commande sont partout entre les mains des anglophones » et
« la présence des Canadiens anglais est écrasante («
overwhelming »), même au coeur de la société
francophone (le Québec non-métropolitain). » éd. du
23 oct.
(6) Gagnon, Lysiane, En première, une avant-première du
rapport B & B sur la vie économique, Montréal, La Presse,
éditions des 22, 23, 24, 25 et 26 octobre 1968.
Les Canadiens français employés dans l'industrie
secondaire du Québec travaillent en anglais dans une énorme
mesure (« to a formidable extent »). éd. du 24 oct.
« En province, plus de 96 pour cent des administrateurs francophones sont
obligés d'être bilingues en vertu de leur contrat. Par contre, la
moitié des employés anglophones ne sont pas obligés de
savoir le français. » éd. du 24 oct. « A
Montréal, ce phénomène s'accentue: 86 pour cent des
anglophones qui gagnent au-dessus de 5,000. sont unilingues. » éd.
du 24 oct. Même les cols bleus « subissent le fardeau
d'avoir à s'adapter à une autre langue »: la
majorité des contremaîtres anglophones ne parlent pas
français, et la documentation à l'intention du personnel est le
plus souvent rédigée en anglais, éd. du 2.4 oct.
« Il n'y a aucun doute que l'anglais est la langue de travail aux plus
hauts échelons de l'industrie manufacturière du Québec. La
langue dans laquelle les décisions sont prises, dans laquelle les ordres
sont donnés, n'est généralement pas la langue de la
majorité des employés... Même dans les usines et les
bureaux qui sont situés en milieu francophone et dont la majorité
du personnel est canadien français, la plupart des administrateurs
francophones doivent travailler en anglais. » éd. du 24 oct.
Comment s'explique l'absence des Canadiens français aux postes de
commande dans l'entreprise privée? Il y a de toute évidence une
barrière quelque part. Or, cette barrière relève d'un
facteur culturel plus encore que d'une question de compétence ou de
formation.
Le jeune francophone qui compte faire carrière dans l'industrie
se trouve dans un dilemme: il sent qu'il devra choisir entre son avancement
personnel et la perte partielle de son identité linguistique et
culturelle. « Plus encore, cet homme ressent » un profond sentiment
d'aliénation...
Même s'il y a des cas flagrants de discrimination, beaucoup
d'entreprises sont pourtant prêtes à engager des francophones
compétents à des postes-clés... à trois conditions:
1 - le candidat devra posséder une parfaite maîtrise de l'anglais;
2- il devra accepter d'être permuté en dehors du Québec; 3
- il devra fonctionner à l'intérieur de l'entreprise de la
même manière que ses confrères de culture anglaise:
c'est-à-dire, à toutes fins pratiques, penser et réagir en
anglais.
Enfin, même si le cadre francophone entend se plier à ces
condition,"- implicites, s'il entend « monter » à tout prix
au sein de l'entreprise, il se trouvera doublement handicapé: le nombre
d'obstacles qu'il va rencontrer du simple fait qu'il est de culture
française va entraîner des conséquences néfastes du
point de vue psychologique, et entravera l'efficacité de son travail, ce
qui évidemment compromettra ses chances d'avancement. éd. du 25
oct. « (Si l'on en juge d'après les attitudes des
dirigeants des entreprises canadiennes, et même ceux de bonne
volonté), il n'y a guère de possibilité qu'à court
et à moyen terme on utilise largement le français au sein du
personnel administratif. » Et enfin « on peut prédire sans
crainte de se tromper que les entreprises s'efforceront de plus en plus de
faire apprendre l'anglais à leurs employés francophones,
plutôt que d'assurer au français une place de choix comme langue
de travail aux plus hauts échelons des compagnies. » éd. du
25 oct. A instruction égale, les Canadiens français
gagnent moins que les autres. éd. du 26 oct.
Revenu
Au Canada
Au Québec
. Le
Canadien français gagne chaque . Pour le salaire, le Canadien
français chaque année $1,000. de moins que vient au 12e rang sur
14. Il gagne le Canadien anglais. $1,755, de moins que le Canadien anglais. .
Le revenu moyen du Canadien fran- . Le revenu moyen du Canadien fran-
çais est de 20 pour cent inférieur à çais est de 35
pour cent inférieur à celui du Canadien anglais. celui du
Canadien anglais.
Le Canadien français gagne partout . Le Canadien anglais gagne 40
pour
(y compris au Québec) 12 pour cent cent de plus que les autres.
de moins que les autres. Le Canadien anglais gagne partout (sauf au
Québec) 10 pour cent de plus que les autres. Le Québec est
la seule province où un Canadien anglais unilingue gagne plus cher qu'un
Canadien anglais bilingue, éd. du 26 oct. Au Québec, il
est plus rentable d'être... unilingue anglais, éd. du 26 oct.
NOTE: Les guillemets indiquent que le texte est extrait (par Mlle
Gagnon) des études auxquelles elle se réfère.
Que dire, en conclusion, des recommandations de la Commission lorsque
celle-ci affirme que le groupe francophone, déjà, fortement
minoritaire, continuera de diminuer en importance (B & B, livre 1, p. 22,
SSJB, p. 15) et que son aliénation économique ira en grandissant
(La Presse) et du même souffle, suggérer comme solution au
problème du français le bilinguisme institutionalisé.
Cette solution est par définition temporaire et se situe au
niveau des accommodements rendus nécessaires par les revendications de
la minorité française du pays, Il est raisonnable, à la
lumière de ce que nous venons d'étudier, d'affirmer qu'à
plus ou moins brève échéance, le bilinguisme canadien ne
pourra pas assurer au Québec l'homogénéité et la
force suffisante pour résister à la puissance d'assimilation du
continent.
II- QUESTIONS COROLLAIRES
1. La réalisation de l'unilinguisme
La question de l'unlllngulsme soulève dans ses applications un
certain nombre de problèmes. La langue, nous le savons, est au coeur de
toutes les activités humaines: lorsqu'elle est menacée, c'est
tout l'être qui se sent menacé. L'état de la langue
reflète d'ailleurs assez bien l'état de ceux qui la parlent. Il
est sensé de prétendre qu'il est à peu près inutile
de réformer la langue sans réformer le milieu où elle
vit.
La première étape à franchir dans une
réforme linguistique est donc celle de rendre la langue indispensable
par des mesures qui touchent la vie et le travail de la communauté dont
elle est le reflet. Ces mesures se situent à tous les niveaux de
l'activité.
a) Le travail
Une langue qui n'exerce pas la fonction de véhicule normal de la
communication entre les travailleurs est vouée à une fonction
secondaire et superficielle et, éventuellement, à la disparition.
Il semble raisonnable qu'une communauté qui est menacée mais qui
ne veut pas disparaître, force l'industrie, les affaires et
l'administration de tous les paliers à parler sa langue. Des mesures
énergiques doivent être prises par l'Etat (c'est-à-dire par
les représentants de cette communauté) pour que la situation
devienne normale. On doit prévoir un laps de temps suffisant pour que
les transformations socio-économiques souhaitées n'aillent pas
à l'encontre du développement de l'activité
économique, mais une attitude trop fâche pourrait avoir comme
effet d'entretenir l'incertitude et l'ambiguïté et
d'entraîner des modifications profondes dans la répartition de
cette activité, Il ne faut pas laisser aux intérêts
aveugles de l'économie le soin de veiller aux questions nationales et
culturelles.
En d'autres termes, l'économie d'une nation doit être
conforme à ses ambitions sociales et culturelles et non l'inverse, comme
les économistes ont tendance à nous le laisser croire.
b) l'éducation
Il n'existe pas de pays civilisés où l'on enseigne une
langue seconde au niveau élémentaire à moins que cette
situation ne lui soit imposée. Par ailleurs, la plupart des pays
industrialisés du monde étudient les langues
étrangères à partir du niveau secondaire. Lorsqu'une
situation anormale est imposée par des conditions politiques et
sociales, Il convient de légiférer sur le statut des langues et
sur leur enseignement. Si cette action législative n'a pas lieu, ce sont
les forces démographiques qui auront le dernier mot. Ce qui est vrai des
autochtones l'est encore plus des immigrants: seul pour eux comptent
l'efficacité et le rendement et ils ne font que favoriser le jeu de ces
forces démographiques.
c) Les communications
Les moyens de communication constituent le système nerveux de la
vie moderne. D'une part, Il ne saurait être question que les solutions
aux problèmes de la langue conduisent à l'isolement; d'autre
part, il est préférable de s'occuper soi-même de
l'information plutôt que de la laisser entre les mains d'entreprises
étrangères et de gouvernements où nous sommes en
minorité.
2. Le sens des mots
Il n'est peut-être pas mauvais de se demander ce que veulent dire
les expressions: français prioritaire, unilinguisme, école
bilingue, école unilingue.
a)
Français prioritaire
Du point de vue pratique, à quoi ressemble un pays où une
langue est prioritaire? Il y a dans ce mot un comparatif qui suppose
l'existence d'une autre langue qui soit secondaire. Prioritaire où?
Secondaire quand?
Les mots « Français prioritaire » ne veulent donc
rien dire s'ils ne sont déterminés par une série de
spécifications concernant le lieu, le temps, la durée, l'objet,
etc. par rapport à l'autre langue.
b)
L'unilinguisme
Le ser de ce mot est très clair: il signifie qu'une seule langue
intervient, à titre officiel, dans l'activité intérieure
d'une communauté ou d'un groupe.
c)
Ecole bilingue
L'Ecole bilingue a été expérimentée à
Montréal pour concilier les besoins des immigrants, ceux de la CECM et
ceux du milieu. Ce type d'école engage les administrateurs à
dispenser une partie de l'enseignement dans une langue et l'autre partie dans
une autre langue. Dans la pratique, certaines matières sont donc
toujours enseignées en anglais, d'autres toujours en
français.
d)
Ecole unilingue
Il faut distinguer deux types d'écoles unilingues: lo celle qui
dispense tout son enseignement dans une seule langue et dont le programme ne
comporte pas l'apprentissage d'une langue étrangère; 2o celle qui
dispense tout son enseignement dans une seule langue et dont le programme
comporte l'enseignement d'une ou de plusieurs langues
étrangères.
A la question des écoles et de l'enseignement peut se greffer une
série de remarques tout à fait pertinentes sur la psychologie de
l'apprentissage, sur les fondements et sur les effets neurologiques,
psycho-mécaniques (automatiseurs) et socio-culturels du bilinguisme,
mais les données présentes sont incomplètes et les
opinions controversées. D'ailleurs, il n'est pas certain qu'on puisse
appliquer les conclusions d'études de ce genre faites sur des individus
à la collectivité. Bien qu'il faille souhaiter que ces recherches
se continuent, il n'est sans ute pas nécessaire de créer ou de
maintenir une situation sociale qui les rendra possibles pour le seul
bénéfice de la recherche.
3. Le bilinguisme et la traduction
Le bilinguisme total n'est pas possible, chacun le reconnaît.
Lorsqu'on vote une loi, qu'on émet un jugement, qu'on répond
à une lettre, qu'on fait un budget, qu'on signe des contrats avec
l'Industrie, qu'on rédige une convention collective, etc., le texte
paraît d'abord dans une langue pour ensuite être traduit. La
première langue est habituellement l'anglais, langue de la
majorité canadienne, langue des c' efs ou des responsables des secteurs
administratifs; la traduction est faite pour les employés et les
contribuables franc aphones, bref pour la minorité.
Cette question est d'autant plus importante que la traduction se fait
toujours dans le même sens. A cause de la rapidité et du
caractère artificiel de la traduction, la langue d'arrivée se
trouve constamment victime des interférences linguistiques et
culturelles et devient, à la longue et sans que personne ne l'ait
souhaité, un vulgaire calque de la langue de départ. La
traduction finit par influencer les usagers de la langue dont elle
déforme l'instrument de communication.
Une communauté qui va chercher une partie de son existence, toute
son information, ses consignes de travail et ce qu'il faut pour ses besoins
essentiels de nourriture, de logement, de loisirs, etc., dans des textes
traduits ne peut pas éviter de ressembler de plus en plus à ceux
qui l'alimentent.
4.
L'avis des linguistes
Trop peu souvent peut-être, les linguistes ont joué leur
rôle de citoyens et ont exprimé leur opinion sur l'unilinguisme ou
le bilinguisme. Ceux qui l'ont fait ont presque tous reconnu que le
bilinguisme, pour un groupe social, est un signe d'aliénation et qu'il
n'a toujours été, à travers l'histoire des hommes et des
langues, qu' une phase de transition entre deux unilinguismes. Cela
n'empêche pas le bilinguisme d'exister, d'une manière ou d'une
autre, à plusieurs endroits dans le monde. L'évolution
linguistique est relativement lente et les faits actuels n'ont pas de valeur
exemplaire en soi parce qu'ils sont difficiles à cerner et à
interpréter et que la courbe d'évolution est insaisissable sur
une période qui ne dépasse pas un ou plusieurs siècles.
à. L'unilinguisme et l'AQPF
De nombreux organismes se sont prononcés au Québec, pour
ou contre l'unilinguisme. Malheureusement, certains de ces organismes l'ont
fait sans préparation sérieuse.
Le Conseil de l'Association des professeurs defrançais,à
la demande de ses membres, a créé un comité
d'études et de recherches pour faire le tour de la question et soumettre
un rapport à l'Assemblée générale. Les auteurs du
présent rapport ont voulu éloigner toute idée partisane et
toute opinion qui ne semblait pas fondée sur des données
relativement sûres. L'interprétation des statistiques du
recensement et les commentaires au sujet du premier rapport de la Commission B
& B ne présument pas des résolutions qu'adoptera
l'Assemblée générale. Notre rôle a été
de présenter quelques aspects fondamentaux de la question, afin que
chacun des membres de l'AQPF puisse, d'une façon plus
éclairée, prendre en main la part du destin qui lui revient.
CONCLUSION
A la lumière du contenu de ce dossier, il est raisonnable
d'affirmer: lo que le cadre dans lequel les problèmes sont
étudiés influence considérablement les conclusions
auxquelles on arrive; 2o que la plupart des organismes francophones du
Québec qui ont fait des analyses et qui ont pris position sur le sujet,
recommandent une forme ou une autre d'unilinguisme; 3o que le premier
rapport de la Commission B & B atteste que ce sont les francophones qui
sont bilingues, en très grande majorité; 4o que les
recommandations de la Commission B & B bien que conformes aux objectifs de
son mandat, défavorisent l'élément francophone du pays par
rapport à l'élément anglophone et qu'elles n'arriveront
pas à retarder indéfiniment, sinon arrêter le processus
d'assimilation; 5o que l'AQPF ne doit plus tarder à prendre ses
responsabilités et à exercer son influence auprès des
institutions québécoises dans le sens qu'elle jugera le plus
opportun et le plus conforme à ce qu'elle comprend des
intérêts des québécois.