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Version préliminaire

43rd Legislature, 2nd Session
(début : September 30, 2025)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Tuesday, October 28, 2025 - Vol. 48 N° 6

Special consultations and public hearings on Bill 109, an Act to affirm the cultural sovereignty of Québec and to enact the Act respecting the discoverability of French-language cultural content in the digital environment


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Journal des débats

11 h (version non révisée)

(Onze heures trente minutes)

La Présidente (Mme Bogemans) : Bonjour, tout le monde. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la commission de la culture et de l'éducation ouverte.

La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et aux auditions publiques sur le projet de loi n° 109, Loi affirmant la souveraineté culturelle du Québec et édictant la Loi sur la découvrabilité des contenus culturels francophones dans l'environnement numérique.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. Mme Brigitte Garceau (Robert-Baldwin) remplacera M. Tanguay (LaFontaine); Madame... Mme Massé (Sainte-Marie—Saint-Jacques) remplacera M. Zanetti (Jean-Lesage).

La Présidente (Mme Bogemans) : Nous débuterons ce matin par les remarques préliminaires. Nous entendrons Mme Véronique Guèvremont, membre du Conseil... du comité-conseil sur la découvrabilité des contenus culturels.

Donc, j'invite maintenant M. le ministre de la Culture et des Communications à faire ses remarques préliminaires. Vous disposez de 6 minutes.

M. Lacombe : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Avant toute chose, j'aimerais souhaiter la bienvenue à tous les participants, toutes les participantes à ces consultations particulières. Chers collègues, ça me fait plaisir de vous voir. Je suis très content de l'intérêt, évidemment, qui est suscité par le projet de loi n° 109, parce que ça ne fait aucun doute qu'il vient répondre à des préoccupations importantes du milieu culturel québécois. Et c'est une grande fierté pour moi de porter ce projet de loi, qui est essentiel, je pense, pour l'avenir de notre culture et de notre langue.

Avant de céder la parole aux différents intervenants qui vont venir s'exprimer sur le projet de loi, permettez-moi, Mme la Présidente, d'en rappeler peut-être rapidement les grandes lignes, projet de loi, donc, que j'ai présenté à l'Assemblée nationale le 21 mai, qui s'intitule la Loi affirmant la souveraineté culturelle du Québec et édictant la Loi sur la découvrabilité des contenus culturels francophones dans l'environnement numérique. Donc, il y a deux volets à cette loi, comme son nom l'indique. D'une part, on propose d'apporter une modification à la Charte des droits et libertés de la personne pour y enchâsser le droit à la découvrabilité des contenus culturels d'expression originale de langue française et à l'accès à ces contenus-là. Et, d'autre part, il vise à édicter la loi sur la découvrabilité des contenus culturels francophones dans l'environnement numérique en vue de favoriser l'accès et la découvrabilité de ces contenus au Québec.

Si elle est adoptée, c'est une loi qui encadrerait, donc, les plateformes numériques qui offrent un service de visionnement en ligne ou d'écoute en ligne de musique, de livres audio ou de balados sur le territoire québécois, par exemple. Et elle encadrerait aussi... on en a peut-être moins parlé, mais les fabricants de téléviseurs et d'appareils destinés à être connectés à un téléviseur qui comporte un...


 
 

11 h 30 (version non révisée)

M. Lacombe :  ...l'interface qui permet de visionner du contenu audiovisuel en ligne. Le projet de loi confère des pouvoirs au gouvernement pour obliger les plateformes, les fabricants concernés à présenter du contenu culturel en français et surtout à le mettre en évidence et dans cette logique qui permettrait aussi au gouvernement d'imposer une mise en évidence à même les interfaces des appareils connectés des plateformes de nos diffuseurs publics, mais aussi de diffuseurs privés de chez nous. Il reviendrait, donc, au gouvernement de décider par règlement la quantité ou la proportion de contenus culturels d'expression originale de langue française et de contenus disponibles dans une version française devant être offerte par les plateformes numériques et les mesures de découvrabilité également qui devraient s'appliquer. Et évidemment, il appartiendrait aussi au gouvernement d'établir les critères qui permettraient de déterminer ce qui constitue, c'est souvent ça la grande question, du contenu culturel d'expression originale de langue française, le tout assorti de pouvoir d'inspection et d'enquête, etc.

Avec ce projet de loi, on vise qu'un plus grand... on vise un plus grand accès et une meilleure découvrabilité, évidemment, des contenus culturels francophones pour favoriser la consommation de produits de chez nous par les Québécois et les Québécoises, notamment chez les jeunes. Cela dit, je veux quand même préciser que notre approche dans le cadre de cette loi, elle se veut proportionnée, flexible, progressive aussi, avec d'un côté de futures obligations à respecter pour les entreprises qui y sont visées, mais aussi la possibilité pour les plateformes numériques de conclure des ententes prévoyant des mesures de substitution qui seraient adaptées à leur modèle d'affaires. On veut vraiment que ça fonctionne. Donc, voilà pour l'essentiel du projet de loi. On aura l'occasion d'aborder plus spécifiquement les différents... les différents aspects un peu plus tard, lors de l'étude détaillée.

Et j'aimerais, Mme la Présidente, avec les dernières minutes qui me restent, souligner l'énorme travail qui a été réalisé par les équipes du ministère de la Culture et des Communications pour la préparation de ce projet de loi, un travail qui a été minutieux, qui a duré plusieurs mois. Et je veux aussi saluer le travail de réflexion de toutes les personnes et les organismes que j'ai consultés en amont du... du dépôt du projet de loi, notamment le travail des membres du comité-conseil sur la découvrabilité des contenus culturels, donc Mme Louise Beaudoin, M. Clément Duhaime, Mme Véronique Guèvremont et M. Patrick Taillon, parce que les conclusions de leur rapport, La souveraineté culturelle à l'ère du numérique, sont extrêmement justes, sont extrêmement pertinentes, et elles ont évidemment grandement nourri ma réflexion dans la préparation de ce projet de loi. Donc, ce sera aux participants maintenant de dire ce qu'ils en pensent. Je vous laisse deviner que j'en pense, quant à moi, beaucoup de bien.

Et je conclus en vous disant, quand même, qu'on a beaucoup de chance, Mme la Présidente, au Québec, d'avoir un consensus transpartisan en faveur de notre culture nationale. Puis, je le dis vraiment avec conviction, parce que ce n'est pas le cas partout. Et... regardez simplement les débats à Ottawa, dans la capitale fédérale, dans les dernières années, sur les projets de loi C-10, C-11, C-18, il n'y a pas de consensus sur la scène nationale fédérale. Au Québec, il y en a un. Et ça, je trouve que c'est très, très précieux. Donc voilà, là-dessus, je termine et j'ai bien hâte d'entendre nos... nos invités.

La Présidente (Mme Bogemans) : Merci, M. le ministre. La parole est maintenant à la députée de l'opposition officielle.

Mme Cadet : Merci... merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. le ministre, chers convives, chers collègues. C'est avec grand plaisir que c'est... que je prends à mon tour la parole alors que nous entamons les consultations particulières à l'égard, donc, du projet de loi n° 109, Loi affirmant la souveraineté culturelle du Québec et édictant la Loi sur la découvrabilité des contenus culturels francophones dans le... dans l'environnement numérique.

Le ministre vient de le mentionner, donc, il existe un consensus québécois, donc, en faveur de notre culture. On a eu l'occasion d'entendre notre chef cette fin de semaine, à l'occasion, donc, de notre conseil général, donc, parler lui-même avec passion et conviction de notre langue et de notre culture québécoise et de... et de notre volonté à nous, au Parti libéral du Québec, de continuer de l'affirmer, de la protéger, de la défendre et de la valoriser. Et c'est dans cet esprit que nous arrivons ici, que j'arrive ici, en cette commission parlementaire, pour nous assurer que ce projet de loi fonctionne. Je reprends un peu les termes, là, que le ministre vient évoquer. Il dit : On veut que ça fonctionne, mais nous aussi, on veut que ça fonctionne, et... et j'entends, donc, son plaidoyer pour une approche proportionnée, flexible et progressive afin de s'assurer, donc, de susciter l'adhésion dans cette pièce législative qui nous est présentée aujourd'hui.

Je vous parlais, Mme la Présidente, des propos énoncés par notre chef il y a quelques jours, mais ce n'est pas d'hier qu'au Parti libéral du Québec, que nous... que nous faisons ce plaidoyer en faveur de notre culture, de notre culture francophone, de notre culture québécoise. Et d'ailleurs, les enjeux de découvrabilité eux-mêmes ont fait l'objet de réflexion. Je pense à notre ancienne porte-parole en matière de langue française et ancienne ministre de la Culture, si je ne m'abuse, sur le gouvernement... sous le dernier gouvernement libéral, Mme Hélène David, qui elle-même, dans la dernière législature, dans... dans ses propositions...

Mme Cadet : ...dans nos propositions que nous faisions en matière de protection de la langue française, nous… nous évoquions le concept de découvrabilité des contenus. Donc c'est un élément qui est transpartisan. J'ai eu l'occasion moi-même, lorsque je suis entrée en poste, de réitérer cette recommandation, donc, au ministre de la Langue française, alors qu'il nous avait… qu'il avait consulté les porte-paroles de l'opposition… sur nos recommandations, donc sur ce qui nous interpelle en matière de protection de notre langue. Donc, le concept de découvrabilité en est certainement un qui… que nous chérissons. Bien sûr, dans le cadre de cette étude détaillée, dans le cadre de ces consultations particulières, nous écouterons avec beaucoup d'attention et de conviction nos différents intervenants. Je les remercie d'ailleurs de prendre le temps de déposer des mémoires, de se préparer pour venir en commission parlementaire afin d'étayer notre travail de parlementaires, de nous aiguiller. Donc merci beaucoup à vous, notamment, Mme Guèvremont, mais également tous ceux qui vous suivront de le faire. Nous écouterons avec énormément d'attention. Nous aurons certainement certaines questions. On le sait donc la pièce législative qui est devant nous, donc, beaucoup d'éléments, donc, se retrouveront par règlement. Donc, à ce stade-ci, il y a donc une charte d'intention politique, mais certainement notre travail de parlementaire, Mme la Présidente, sera de s'assurer que nous avons devant nous un instrument normatif qui puisse véritablement faire le travail. Donc, je vous remercie et bonne consultation tout le monde.

La Présidente (Mme Bogemans) : Merci, Mme Madwa-Nika Cadet. Maintenant, la parole est au deuxième groupe d'opposition, donc à la députée de Sainte-Marie-Saint-Jacques pour une minute 12.

Mme Massé : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, tout le monde. En remplacement de mon collègue, je suis heureuse de pouvoir faire les remarques préliminaires. En une minute, je vais aller directement au cœur du sujet. Je suis vraiment contente qu'on ait enfin ce projet de loi là. Je pense que ça parle de qui on est comme Québécois et Québécoises, et comment... vous avez parlé de consensus, mais je dirais comment ce liant qui est notre fierté nationale, c'est-à-dire la langue française, va pouvoir, avec ce projet de loi là, améliorer, parce que le ministre, j'entends son ouverture, améliorer, permettre une meilleure... un meilleur accès aux Québécois et Québécoises. Je ne vous cacherai pas qu'on en aurait eu un meilleur si on avait l'indépendance du Québec, mais on en reparlera de ça un autre tantôt.

Je veux juste vous dire que M. le ministre est très heureux, mais je souhaite surtout qu'il y ait encore des artistes québécois et québécoises à découvrir. Et dans ce sens-là, le filet social, dont je vous sais chère à votre cœur, devra venir soutenir, puisque ce que la découvrabilité doit nous permettre de découvrir des gens, et d'avoir exclu les plateformes autochtones, c'était la seule chose à faire. Alors, on est prêt.

• (11 h 40) •

La Présidente (Mme Bogemans) : ...j'invite maintenant la députée de Terrebonne pour les remarques préliminaires d'une durée d'une minute 12 également.

Mme Gentilcore : Merci, Mme la Présidente. J'aimerais saluer les collègues, saluer les intervenants, aussi, avec qui on va amorcer l'étude du projet de loi n° 109, aujourd'hui. On le sait, le Québec est une nation distincte, avec une culture qui lui est propre et on a le devoir de nous mobiliser pour que les Québécois, notamment les jeunes Québécois, aient pleinement accès à notre culture, leur culture. Ce qu'on a réussi autrefois avec la radio, avec la télévision, on a l'obligation de le... de le réussir aujourd'hui avec les plateformes numériques, mais aussi avec les appareils intelligents. Mais ne soyons pas naïfs. Le travail qu'on est en mesure de faire dans cette commission-là n'est qu'une infime partie des efforts nécessaires pour arriver à notre objectif réel. Tant que le Québec ne sera pas pleinement reconnu comme un marché national distinct, tant qu'on n'aura pas les pleins pouvoirs sur nos télécommunications, le mieux qu'on puisse faire, c'est de combler les lacunes du fédéral. Donc, il faut le faire. Évidemment, je vais participer avec beaucoup de sérieux et beaucoup d'intérêt à cette commission-là, c'est essentiel, mais ce ne sera pas suffisant parce qu'on n'aura pas la pleine souveraineté culturelle tant qu'on n'aura pas l'indépendance du Québec. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bogemans) : Merci. Nous allons maintenant débuter les auditions. Donc, je souhaite la bienvenue à Mme Véronique Guèvremont, membre du comité-conseil sur la découvrabilité des contenus culturels. Je vous rappelle que vous… que vous disposez, pardon, de 10 minutes pour faire votre exposé, puis nous procéderons à une période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à présenter et commencer dès maintenant.

Mme Guèvremont (Véronique) : Merci, Mme la Présidente. M. le ministre, mesdames et messieurs les membres de la commission, je vous remercie de m'avoir invitée à participer à vos travaux et de me donner l'occasion de partager mes observations sur le projet de loi n° 109. C'est un honneur de pouvoir contribuer à cette… cette réflexion parlementaire. Donc, je suis effectivement Véronique Guievremont, professeure titulaire à la Faculté de droit de l'Université Laval, également titulaire de la chaire UNESCO sur la diversité des expressions culturelles. Je suis également coresponsable de l'axe art médis et diversité culturelle de l'Observatoire sur les impacts sociétaux de l'intelligence artificielle et du numérique, ainsi que codirectrice scientifique d'Ivado, un consortium de recherche en intelligence…

Mme Guèvremont (Véronique) : ...mon intervention portera sur deux points. Premièrement, je m'attarderai à la parfaite adéquation entre les objectifs généraux du projet de loi n° 109 et les engagements internationaux du Québec. Deuxièmement, je m'arrêterai sur le champ d'application du projet de loi que je commenterai toujours à la lumière des engagements internationaux du Québec.

Alors, premièrement, comme vous le savez, le Québec est lié par la Convention de l'UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles adoptée en 2005, dont nous célébrons d'ailleurs actuellement le 20e anniversaire. Ce traité réaffirme le droit souverain des parties d'adopter les politiques culturelles qu'ils jugent appropriées pour protéger et promouvoir la diversité des expressions culturelles sur leur territoire. Et dans le texte datant de 2005, par exemple, les quotas de contenus dans certaines langues sont reconnus comme faisant partie du droit, donc, des États d'adopter de telles mesures.

La Convention énonce aussi des obligations relatives à tous les maillons de la chaîne de valeur, soit la création, la production, la diffusion et la distribution ainsi que l'accès aux expressions culturelles. Cette convention est technologiquement neutre et s'applique donc pleinement à l'environnement numérique. Il est reconnu notamment que ses objectifs et principes sont pleinement pertinents dans... à l'ère du numérique. Les directives opérationnelles sur la mise en œuvre de ce traité dans l'environnement numérique, qui date de... de 2015, donc une forme de droit dérivé qui oriente l'action des parties dans la mise en œuvre de leurs engagements, précise donc que celles-ci devraient adopter des mesures qui garantissent la découvrabilité d'une diversité de contenus culturels, dont des contenus locaux et nationaux ou dans certaines langues. Ces directives précisent également qu'elles devraient... que des mesures des parties devraient assurer la diversité linguistique des expressions culturelles dans l'environnement numérique.

En 2023, les parties à la convention ont été estimé que la découvrabilité et la diversité linguistique des contenus culturels sont des enjeux prioritaires concernant la mise en œuvre de ce traité dans l'environnement numérique. Un groupe de 18 experts internationaux a aussi été mandaté par l'UNESCO pour formuler des recommandations en vue d'aider les parties à adopter des mesures pour améliorer la diversité linguistique et la découvrabilité des contenus. Sur ce point, je souligne que l'ajout d'un protocole additionnel à la convention de 2005 est actuellement discuté par les organes de ce traité et pourrait mener au renforcement des obligations des partis en la matière au cours des prochaines années.

Je souligne enfin que le projet de loi n°109 s'inscrit parfaitement dans l'axe 1 de la Déclaration de Québec adoptée par les ministres de la Francophonie en mai dernier et qui porte, entre autres, sur les politiques culturelles ainsi que sur les cadres législatifs et réglementaires et qui incite les États à soutenir la découvrabilité des contenus en langue française.

Ma conclusion sur ce premier point est donc l'adoption du projet de loi n°109 participe... participera à la mise en œuvre des engagements internationaux du Québec et le placera même à l'avant-garde des actions menées en matière de découvrabilité par les parties à la Convention de 2005, aux côtés des pays membres de l'Union européenne qui se sont dotés de législations similaires depuis déjà plusieurs années.

J'en arrive à mon deuxième point, sur le champ d'application, que j'aborderai en trois temps. Premièrement, je voudrais faire quelques commentaires sur la notion de contenu culturel francophone qu'on retrouve dans le projet de loi. Deuxièmement, je me permettrai de brèves remarques sur l'exclusion des médias sociaux et enfin sur les contenus autochtones.

Premier point, donc, le champ d'application, comme vous le savez, du projet de loi est circonscrit par la notion de contenu culturel francophone. Ce choix... le choix de cette notion est tout à fait conforme à la recommandation numéro 1 formulée dans le rapport de janvier 2024 présentée par le Comité-conseil sur la découvrabilité des contenus culturels auquel il a déjà été fait référence il y a quelques instants.

Plusieurs motifs avaient mené à cette recommandation. Premièrement, le déclin du français au Québec, documenté depuis des années par les données publiées par l'Institut de la statistique du Québec. Une autre raison a été la volonté de privilégier l'ouverture et la diversité des expressions culturelles, comme le commandent les objectifs et principes de la Convention de 2005. En effet, en œuvrant à la découvrabilité des contenus francophones, le Québec affiche son ouverture sur le monde. Il s'ouvre à la francophonie, c'est-à-dire à une diversité d'expressions culturelles provenant de toutes les régions du monde. Et donc, en ce sens, le projet de loi permet non seulement...

Mme Guèvremont (Véronique) : ...des alliances à l'international, avec d'autres nations francophones, mais aussi au Canada, avec les communautés francophones hors Québec. C'est un point important, il me semble, car le Québec ne peut mener seul le combat de la découvrabilité.

Autre élément, dans la perspective du fédéralisme canadien, ce choix est aussi très judicieux. En accordant la priorité à la langue de création plutôt qu'à la localisation, l'origine territoriale, le Québec s'inscrit dans un registre différent mais complémentaire de celui préconisé par le fédéral depuis l'adoption de C-11, la loi... la Loi sur la diffusion continue, portant, elle, spécifiquement sur le contenu canadien, ce qui offre déjà des bénéfices pour les contenus canadiens en langue française et incluant les contenus québécois. Le fait de se concentrer sur le contenu francophone est aussi stratégique, puisqu'il offre une souplesse aux plateformes et évite l'accaparement massif de nos contenus, de contenu québécois, ce qui est particulièrement important dans le domaine de l'audiovisuel, compte tenu des droits exclusifs conférés aux radiodiffuseurs.

Enfin, sur ce premier point, une autre raison très importante est le fait que cette approche est compatible avec nos engagements commerciaux. En effet, dans un langage commercial, promouvoir des contenus nationaux ou locaux, c'est une forme de discrimination. Dans le cadre de l'ACEUM, où nous bénéficions d'une exemption culturelle, il faut savoir que le recours à cette exemption pour, éventuellement, privilégier nos contenus nationaux peut être soumis à des mesures de représailles, par exemple de la part des États-Unis. C'est un sujet complexe, je pourrais y revenir dans le cadre de nos discussions, si vous le souhaitez.

Deuxième point, l'exclusion des médias sociaux peut être problématique, d'abord parce que nos entreprises jouent... parce que ces entreprises jouent un rôle extrêmement important dans l'accès à la découvrabilité des expressions culturelles francophones, mais aussi parce que cette exclusion engendre une discrimination d'un point de vue commercial. Les règles énoncées dans les accords de commerce exigent que les services similaires... les fournisseurs de services similaires soient soumis à des conditions de concurrence comparables. Or, il n'est pas aisé de distinguer clairement les services qu'offrent les médias sociaux et les services offerts par les plateformes de diffusion continue de type Netflix ou Spotify. Certains des services offerts sont similaires, par exemple, lorsque les médias sociaux sont utilisés à des fins... à des fins commerciales ou professionnelles. Ainsi, ce ne sont pas certains types de fournisseurs, sans doute, qui devraient être exclus, ici les médias sociaux en l'occurrence, mais possiblement... plutôt certains types d'activités, par exemple des activités non professionnelles de partage et d'interactions des utilisateurs.

Mon tout dernier point porte sur les expressions culturelles en langue autochtone ou contenu autochtone, pour reprendre les termes du projet de loi. J'estime que ces contenus peuvent être impactés tout de même de façon négative par le projet de loi. Par exemple, les exigences en matière de découvrabilité des contenus culturels francophones pourraient dissuader les diffuseurs à investir aussi dans la diffusion de contenus autochtones, par... alors qu'on assiste actuellement à tout un processus de réappropriation et de revalorisation de... des langues autochtones. Je pense qu'il faudrait éviter ce type d'impact. Je pense que ce serait facile à éviter avec un tout petit amendement. Et je ne sais pas s'il est prévu de consulter certains représentants de Nations autochtones ou d'organisations culturelles autochtones en la matière, mais je salue aussi, là, le fait que les plateformes de contenu autochtone soient exclues, mais il y aurait peut-être moyen de pousser d'un cran pour éviter que... sur les plateformes non autochtones, un impact négatif en ressorte pour les contenus autochtones.

Je vais m'arrêter ici, je vous remercie de votre attention et évidemment je suis disponible pour répondre à vos questions, merci.

• (11 h 50) •

La Présidente (Mme Bogemans) : Je vous remercie pour votre exposé. Nous allons maintenant commencer la période d'échange. Donc, M. le ministre, vous disposez de 16 minutes 30.

M. Lacombe : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci beaucoup pour... pour cet exposé très concis, bien structuré, on a... on a bien compris. Je rebondirais peut-être tout de suite sur la notion de contenu francophone original. Vous avez parlé de nos accords commerciaux, vous nous avez ouvert la porte en nous disant que si on souhaitait y revenir... On pourrait peut-être le faire au bénéfice des collègues, de gens qui nous écoutent. Est-ce que vous pourriez peut-être nous... nous éclairer davantage sur le choix stratégique, donc, d'opter pour cet angle-là avec le contenu original francophone plutôt que de contenu québécois?

Mme Guèvremont (Véronique) : Absolument. Merci, avec grand plaisir. Donc, je vais reprendre certains éléments de ma présentation pour mieux les approfondir. Donc, je disais un peu plus tôt que dans un langage commercial...

Mme Guèvremont (Véronique) : ...accorder une préférence, comme ce serait le cas ici à travers le projet de loi, à des contenus nationaux, donc contenus canadiens ou québécois, nationaux ou locaux, c'est considéré comme une forme de discrimination. Je pense que c'est assez facile à comprendre. Les plateformes vont devoir mettre de l'avant des contenus de certaines... d'une certaine origine, et les mêmes privilèges ne seront pas accordés à des contenus provenant d'autres territoires.

Nous savons par ailleurs que, dans ces... la quasi-totalité de ces accords de libre-échange, le Canada a négocié une exemption culturelle. Je dis la quasi-totalité parce qu'il y aurait des nuances à introduire à l'égard... bon, exemptions culturelles de portée générale qui excluent les industries culturelles, mais il y aurait des nuances à introduire en ce qui concerne le partenariat transpacifique, l'accord liant le Canada et l'Union européenne. Et une nuance aussi importante concerne l'ACEUM, donc l'accord qui lie les États-Unis... le Canada, les États-Unis et le Mexique.

Pourquoi cette nuance? C'est que la clause d'exemption culturelle de l'ACEUM est assortie d'une clause... d'un droit de représailles. Qu'est-ce que ça signifie? Ça signifie que, lorsqu'un État adopte une mesure discriminatoire, une... en relation avec les industries culturelles, grâce à l'exemption culturelle, il pourra maintenir en place cette mesure même si elle est discriminatoire, mais en raison du droit de représailles, ça signifie que la partie qui se... qui sent que ses avantages escomptés au titre de l'accord de commerce sont compromis pourrait appliquer, donc, des mesures de représailles, donc, par exemple des droits de douane sur d'autres... pas spécifiquement sur les produits culturels, ça pourrait être sur des produits ou services provenant de tout autre secteur.

Alors, nous avons été sensibles, évidemment, à cette clause de représailles. L'ACEUM, là, depuis sa révision, est pleinement applicable à l'environnement numérique, et ce qui est le cas, là, de ce projet de loi en matière de découvrabilité. Et une façon de nous préserver de ce risque de représailles à travers une loi visant la découvrabilité de nos contenus était précisément cette stratégie d'opter pour la... donc, la mise en avant des contenus d'expression originale de langue française. Évidemment, cela fait en sorte que ça ne concerne plus uniquement les contenus québécois, mais on peut très bien imaginer que les contenus québécois francophones bénéficieraient aussi très largement des avantages, là, qui sont créés en matière de découvrabilité et de visibilité pour les contenus en langue française. Et cela nous protège aussi, éventuellement, de nous faire dire : Bien, votre politique, elle est discriminatoire, on comprend qu'elle peut être maintenue en raison de l'exemption culturelle, mais on va vous appliquer des droits compensateurs dans d'autres secteurs de votre économie. Donc, cette mesure nous paraît plus... plus sûre, si on peut dire les choses ainsi, d'un point de vue, là, de mise en œuvre de nos engagements internationaux. Voilà.

M. Lacombe : Certains pourraient dire que s'exposer à des sanctions comme celle-là, dans le contexte politique actuel, c'est... c'est déjà un contexte où il y a déjà plusieurs droits de douane qui ont été imposés pour des raisons plutôt arbitraires, pour dire le moins. Est-ce que, puis je vous amène ailleurs en disant ça, parce que, bon, certains pourraient dire : Allons-y avec du contenu québécois parce que de toute façon, on voit bien que le partenaire principal des États-Unis actuellement sont dans les droits de douane de toute façon.

Mais est-ce que vous pourriez faire un parallèle avec ce qui se fait déjà en Europe, par exemple, avec l'Union européenne, où... corrigez-moi si je me trompe, mais on est sensiblement sous le même principe, c'est-à-dire que les pays eux-mêmes n'exigent pas, disons, de façon générale, du contenu spécifiquement produit à l'intérieur du... on parle de contenu européen? Est-ce que vous pouvez... Est-ce qu'il y a un parallèle à dresser peut-être entre les deux?

Mme Guèvremont (Véronique) : Oui, en partie. Effectivement, au niveau de la législation européenne, on parle ici d'une directive qui a été révisée en 2018, qui est la directive sur les services médias audiovisuels. Dans le contexte du marché intérieur européen, le choix a été fait, donc, de... que cette directive se centre... son champ d'application porte sur les contenus européens et non pas les contenus provenant de certains territoires particuliers des états membres. Et donc les états membres eux-mêmes ne peuvent pas faire le choix de mettre des quotas de contenus nationaux, mais ils peuvent, par exemple, dans leur transposition de cette directive...

Mme Guèvremont (Véronique) : ...au niveau national, énoncer des règles en matière de découvrabilité, ou même de quotas, de contenus dans certaines langues. Donc, c'est aussi la langue qui est privilégiée. Cela dit, il y a une nuance à apporter par rapport à... aux engagements internationaux de l'Union européenne. L'Union européenne a exclu systématiquement de tous ses accords de commerce le secteur audiovisuel, y compris dans les... ses engagements les plus récents qui portent sur le commerce numérique. Et aucune de ces exclusions n'est assorti d'une clause de représailles, ce qui lui offre une marge de manœuvre plus importante en ce qui concerne le Canada et le Québec.

M. Lacombe : Donc, j'allais dire, effectivement, contrairement à... aux accords qui ont été négociés par le gouvernement du Canada.

Mme Guèvremont (Véronique) : Oui, exactement.

M. Lacombe : Donc, en résumé... puis encore une fois, corrigez-moi si je me trompe, mais le fait d'y aller avec du contenu original francophone... parce que vous n'êtes pas sans savoir que je me suis longuement posé cette question là, vous êtes bien placée pour le savoir, mais est-ce que je résume bien en disant que ce faisant, on s'aligne un peu sur ce qui se fait ailleurs dans le monde, d'une certaine façon, on s'assure de se positionner le plus avantageusement ou le plus stratégiquement possible face au gouvernement fédéral pour des questions de champ de compétence aussi, on se positionne de façon assez avantageuse aussi dans les... par rapport aux accords commerciaux pour éviter, donc, d'être la cible de mesures de représailles, même si, encore une fois, en ce moment, il en pleut des nouvelles à tous les jours? Est-ce que je fais un bon résumé?

Mme Guèvremont (Véronique) : Absolument, un parfait allignement avec nos engagements internationaux. Convention d'une part, donc accords culturels d'un côté et accords commerciaux de l'autre. Et il y a effectivement, une sorte de complémentarité avec l'approche du fédéral. Donc, il ne faut pas absolument pas y voir une opposition. Au contraire, je pense que l'un et l'autre... l'une et l'autre de ces lois se renforceront mutuellement, et il n'y a pas d'enjeu ici au niveau du partage des compétences.

M. Lacombe : Excellent. Il me reste combien de temps, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Bogemans) : Il reste huit minutes quinze.

• (12 heures) •

M. Lacombe : Il me reste huit minutes quinze. Bien, en fait, j'ajouterais peut-être un commentaire, puis on aura l'occasion d'y revenir probablement pendant l'étude détaillée si les collègues ont des questions là-dessus, mais j'ajoute personnellement que dans le contexte actuel, sur une plateforme comme TV5MONDEplus, par exemple, c'est une donnée qui m'a... qui m'a beaucoup frappé. Quand je les rencontre, je discute avec eux, à peu près la moitié des contenus les plus populaires partout dans le monde, dans la francophonie, sur cette plateforme-là qui est distribuée dans... je ne me rappelle pas exactement combien de pays mais dans toute la francophonie, ce sont les contenus québécois qui sont les plus populaires sur la planète, à peu près la moitié du top... du top 10, là, disons. Donc, au jeu de la collaboration et de la solidarité dans la francophonie, si plusieurs pays, plusieurs... plusieurs États font la même chose que nous et que les produits francophones circulent, bien, nos produits auront la chance de circuler puis d'être vus dans énormément de pays. Donc, à ce jeu-là, je pense qu'on a beaucoup à gagner, parce que nos productions sont très, très, très populaires dans la francophonie.

Je vous... je vous donnerais peut-être l'opportunité d'aller un peu plus en profondeur sur ce que vous nous avez glissé au sujet des contenus originaux en langue autochtone. Vous avez des suggestions à nous faire.

Mme Guèvremont (Véronique) : Je réfléchis activement à la manière dont une modification pourrait être envisagée. Je pense que l'exclusion des plateformes, là, était nécessaire, là, les plateformes qui diffusent majoritairement du contenu autochtone. Cela dit, est-ce que cette exclusion est suffisante? Il faut tenir compte du fait qu'évidemment ce n'est pas un projet de loi sur les contenus autochtones, donc on ne peut pas espérer avoir exactement les mêmes dispositions qui parleraient aussi de la découvrabilité et de la mise en avant des contenus autochtones.

Je cherche en ce moment d'autres... des exemples qui pourraient peut-être provenir d'ailleurs. Peut-être qu'une voie, mais je me permettrai un temps de réflexion et peut-être vous retenir par écrit d'ici la fin de la semaine sur ce point, cela pourrait être, au tout début du projet de loi, une mention à l'effet que pour les fins de cette loi, les contenus autochtones qui sont définis plus loin sont réputés être des contenus en... d'expression originale de langue française. C'est une...


 
 

12 h (version non révisée)

Mme Guèvremont (Véronique) : ...gymnastique qu'on voit dans certaines lois justement pour éviter les impacts négatifs, c'est-à-dire que pour que ces contenus... bon, on s'entend que jamais les contenus autochtones ne seront une menace pour les contenus en langue française, mais on fait en sorte qu'éventuellement le fait que certaines plateformes soient incitées, en raison de la loi, à investir dans les contenus originaux en langue française, à les mettre de l'avant, donc à rendre ces contenus disponibles dans leurs catalogues ou à les mettre de l'avant par le biais de différentes techniques, donc, dans l'environnement numérique, cela n'ait pas pour effet de marginaliser davantage les contenus autochtones. Donc, ça pourrait être une voie facile à emprunter pour éviter éventuellement des répercussions négatives.

Je voudrais prendre quelques jours pour réfléchir à une formulation, éventuellement, et peut-être vous revenir sur ce point. Le but est évidemment d'absolument pas dénaturer cette loi qui porte sur les contenus en langue française, mais je dois vous avouer que je sors aussi, la semaine dernière, d'un... d'un événement scientifique que j'ai organisé sur la souveraineté culturelle pour souligner les 20 ans de la convention. Il y a eu plusieurs intervenants autochtones qui ont abordé, au cours d'un panel sur la diversité linguistique des contenus culturels dans l'environnement numérique ou encore sur les enjeux de souveraineté en contexte autochtone... qui ont exprimé des préoccupations pas seulement à l'égard du projet de loi, là, vraiment de façon plus générale sur la place des contenus autochtones dans l'environnement numérique, notamment en lien avec la loi sur la diffusion continue, qui aborde la question de contenus autochtones. Mais on attend encore des décisions du CRTC... exactement sur les proportions, là, qui seront... qui devront être mises de l'avant. Donc, voilà, pour toutes ces raisons... Je sors donc d'un événement où ces sujets ont été abordés. En même temps, j'ai reçu cette convocation pour avoir cette discussion avec vous et je ne pouvais pas ne pas soulever le point. Et je me mets en mode solution pour réfléchir à une façon simple de peut-être introduire une ligne quelque part dans le projet de loi pour... pour éviter de telles répercussions potentiellement, hien, je n'ai pas de données, tout cela est prospectif, mais des répercussions, peut-être, potentiellement négatives sur les contenus autochtones.

M. Lacombe : On en prend... Merci beaucoup pour ces précisions-là, on en prend bonne note, puis si on peut améliorer le projet de loi à cet égard, évidemment, ça... on est très ouvert à le faire. Il nous reste combien de temps?

Une voix : ...

M. Lacombe : 2 min 50 s. Si jamais on a un collègue qui veut poser une question, sinon on pourra... on pourra donner le temps. Oui.

La Présidente (Mme Bogemans) : M. le député de Saint-Jean.

M. Lemieux : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Mme Guèvremont, c'est passionnant de vous entendre mais de penser à tout ce que ça implique. C'était très pointu avec le ministre, je vais revenir avec quelque chose de beaucoup plus large. Passionnant parce que, à mon sens, c'est urgent, il y a une urgence nationale au sens de nation, la langue, la culture, et ça, c'est très proche de notre... de notre réalité. Le commissaire à la langue française va être ici cet après-midi, puis on va pouvoir parler de ce dont vous nous parliez.

En passant, la découvrabilité, il a fallu qu'on invente le mot au Québec pour que le reste du monde suive. Et c'est un peu là où je veux aller avec vous, parce que vous avez dit : On est à l'avant-garde, mais on ne peut pas mener le combat seul. Moi, je considère que le temps presse, surtout quand on pense à l'intelligence artificielle. La collègue, tout à l'heure, parlait de la radio, de la télé, puis, là, les médias sociaux, puis l'Internet, puis les plateformes. Ça va à une vitesse grand V. Y a-tu moyen... On va-tu toujours être en rattrapage, ou il y a vraiment moyen de marquer, de marquer l'industrie pour être capable d'installer quelque chose qui vaudra la peine, au sens de... on ne fait pas juste se battre pour ralentir, on peut aller quelque part?

Mme Guèvremont (Véronique) : Bien, l'urgence d'agir, on le répète depuis très longtemps, à tous les niveaux, à l'UNESCO, constamment, des États aussi parlent de cette urgence d'agir pour mettre... pour que justement... non seulement assurer la diversité des contenus en ligne, mais que chaque État puisse mettre de l'avant les contenus qui originent de son territoire ou dans les langues parlées sur son territoire. C'est un peu le propre du droit d'être réactif par rapport aux évolutions technologiques et c'est un défi permanent parce que ces progrès technologiques s'accélèrent, mais il faut agir avant qu'il ne soit trop tard, dans la mesure où il y a encore de nouveaux changements qui sont en cours. Ce sont notamment les contenus générés par intelligence artificielle...

Mme Guèvremont (Véronique) : ...qui entre en concurrence avec les contenus humains sur les plateformes. Je pense qu'il y a... la... le projet de loi n'a pas à être modifié sur ce point, mais certainement quand viendra le temps de définir des contenus d'expression originale en langue française, il faudra prendre en compte cet aspect, c'est-à-dire que les contenus créés par des êtres humains, là, il y aura des clarifications à faire dans ce domaine, mais c'est le temps d'agir, là, pour pouvoir justement passer à l'étape suivante dès que possible de l'adoption d'un règlement et la mise en œuvre de la loi.

La Présidente (Mme Bogemans) : Merci. C'était tout le temps qu'on avait. Je cède maintenant la parole au deuxième groupe de... au groupe de l'opposition principale, pardon, Mme la députée de Bourassa-Sauvé, pour une durée de neuf minutes cinquante-quatre.

Mme Cadet : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, professeure Guèvremont, merci beaucoup pour votre exposé. J'ai lu avec attention, donc, plusieurs pans de votre rapport, le rapport du comité-conseil sur la découvrabilité des contenus culturels, et vous en avez fait état à l'occasion de votre exposé.

Je vais peut-être prendre la balle au bond, donc, sur le dernier sujet qui a été abordé avec le député de Saint-Jean, donc, vous avez énoncé les enjeux d'intelligence artificielle, donc, vous avez partiellement répondu à la question que j'avais pour vous, parce que votre rapport traite des enjeux d'intelligence artificielle, et de leur avènement, et du fait que ça évolue très, très vite. Et vous disiez, donc, selon vous, donc, le meilleur moyen, donc, d'encadrer le tout à ce stade-ci, ce ne serait pas de modifier le projet de loi, alors qu'on parle, donc, des contenus d'expression... d'expression française, là. Vous nous dites, peut-être, donc, que, par règlement, donc, on pourrait définir qu'il s'agit de contenus humains, ce que c'est effectivement. Et je pense qu'il y aura peut-être quelques groupes qui auront l'occasion de nous étayer leur position cette semaine. C'est une préoccupation qui a été apportée par bien des artistes, par bien des artisans, des créateurs qui se disent : Attention, il faut bien évidemment, donc, protéger nos contenus, mais encore faut-il que ce soit nous qui soyons en mesure, donc, de les créer.

Mme Guèvremont (Véronique) : Merci pour votre question. Effectivement, le rapport du comité-conseil effleurait ce sujet, mais il faut dire que, bon, le rapport est paru en 2024, notre mandat a été donné en avril 2023. On était au tout, tout, tout début, là, des outils conversationnels accessibles au grand public et on ne voyait pas encore cette trame maintenant qui se dessine très clairement où les contenus synthétiques sont en train de devenir progressivement, en tout cas, très importants, voire éventuellement majoritaires sur certaines plateformes. Donc, nos recommandations allaient aussi loin qu'elles le pouvaient à l'époque du dépôt de notre rapport.

Aujourd'hui, si le travail était à refaire, sans doute qu'il y aurait des recommandations additionnelles portant spécifiquement sur l'IA générative et les contenus synthétiques. Maintenant, en ce qui concerne le projet de loi, les formulations que j'ai lues et relues, là, je dois vous avouer, ce matin, en venant ici, me font dire qu'il n'est... Bon, c'est sûr qu'un considérant dans le préambule pourrait certainement être de mise pour tenir compte de cette toute dernière évolution, mais il faut garder à l'esprit que l'IA, l'IA générative, c'est une technologie, il y en aura d'autres. Donc, il faut, je pense, conserver l'esprit également technologiquement neutre du projet de loi. Et sans doute que des références à des technologies spécifiques seraient plus appropriées dans des règlements qu'à proprement parler dans des articles du projet de loi.

Et compte tenu du fait que le projet de loi ne définit pas les contenus culturels d'expression originale de langue française mais renvoie plutôt à d'éventuels règlements sur le sujet, je pense que c'est plutôt à cette étape qu'il serait approprié de tenir compte des technologies du moment, dont la génération de contenus synthétiques en langue française, qui ne devraient certainement pas, là, être... recevoir les bénéfices du... de la loi sur la découvrabilité.

• (12 h 10) •

Mme Cadet : Merci. Puis je pense que ce sont des objectifs partagés, qu'effectivement, lorsqu'on pense à du contenu synthétique, là, on a vu, donc, plusieurs artisans aller sur la place publique et, notamment, dans le domaine musical, là. On voit que sur certaines plateformes numériques de diffusion de musique en continu, là... que plusieurs créations musicales, qu'elles soient en langue française ou en langue anglaise, donc, sont créées de façon purement synthétique en s'inspirant de nos propres créateurs. Donc, je vois, donc, que nous avons des objectifs partagés de s'assurer que ceux-ci soient exclus, donc, de la protection qui serait apportée par le projet de loi.

Dans votre... dans votre intervention, professeure Guèvremont, vous nous avez... vous avez évoqué le fait que certains pays membres de l'Union européenne, donc, s'étaient dotés de législations similaires. Dans votre échange avec le ministre, vous avez évoqué la directive de 2018. J'aimerais peut-être, donc, plus vous... en fait, vous entendre précisément sur cet élément-ci. Donc, à savoir, est-ce que... Donc, y-a-t-il des législations...

Mme Cadet : ...nationales, donc, qui ont été créées en ce sens, au-delà de la directive que vous avez mentionnée? Et, en ce sens, donc, quels ont été les effets, si nous avons déjà des effets probants de ces législations qui se retrouvent à l'international?

Mme Guèvremont (Véronique) : Merci pour votre question. Au niveau des législations nationales, oui, parce que c'est une obligation des 27 pays membres de l'Union européenne de transposer en droit national les obligations énoncées dans la directive européenne. Ces obligations énoncées... bon, pour ce qui nous intéresse plus spécifiquement, elles sont énoncées à l'article 13. Elles portent notamment sur deux éléments ici qui nous intéressent. La fixation par législations nationales de quotas de contenus d'œuvres européennes dans les catalogues des plateformes qui ciblent le public européen, donc on parle d'une obligation minimale de 30 % de contenus européens, une obligation qui est a minima, et donc dont les seuils peuvent être augmentés par les états. La France se... en fonction de différents types de plateformes, là, fixe des seuils entre 40 et 50 %, je crois, de contenu européen ou en langue française, comme je l'énonçais précédemment.

Il y a également, dans l'article 13 de la directive européenne, une obligation de mise en valeur des œuvres européennes sur les plateformes numériques. Et cette fois, c'est au niveau des États de décider par quels moyens cette mise en valeur doit se faire. Elle peut se faire par le biais des algorithmes de recommandation, elle peut se faire par le biais de la création d'une catégorie d'œuvres européennes dans le catalogue des plateformes, par une visibilité que... accrue sur la page d'accueil des plateformes. Donc, il y a plusieurs techniques qui sont utilisées par les États membres pour accroître la visibilité.

Au niveau des statistiques, il... il est clair que depuis très longtemps, l'Europe est active pour mettre de l'avant les contenus européens. Donc, bien avant l'essor des plateformes, et ce qu'on voit depuis longtemps dans les données, par exemple en matière d'audiovisuel, de consommation, de visionnement d'œuvres cinématographiques, c'est que, bien, les œuvres européennes reçoivent une part importante de visionnement par rapport aux œuvres d'autres origines, et on peut certainement y voir, là, une relation de cause à effet entre les politiques très anciennes des pays membres de l'Union européenne, que ce soit au cinéma, à la télévision maintenant, sur les plateformes de mise en avant des œuvres européennes et ces données. Ce qu'on voit aussi, c'est que dans les... en comparaison, dans les États où il n'y a pas de mesure similaire, les œuvres nationales ou dans certaines langues ont des proportions de visionnement beaucoup, beaucoup plus faibles.

Mme Cadet : Merci beaucoup. Donc, pour cette comparaison internationale, donc ce que vous nous dites aussi, c'est que c'est possible dans les échanges, dans les négociations à avoir avec les différentes plateformes numériques qui seraient assujetties à différentes obligations ici au Québec... donc, que c'est possible de le faire parce que ces plateformes... en fait, ces États, donc, y parviennent au sein de leurs législations nationales.

Mme Guèvremont (Véronique) : ...tout à fait possible. Pendant longtemps, on avait pour intuition qu'on ne pouvait pas intervenir dans l'environnement numérique, mais c'est absolument faux. Ces acteurs ne sont pas au-dessus des lois et progressivement, on voit de plus en plus d'États adopter des lois qui visent les entreprises multinationales du numérique. Et, ce que l'on voit aussi, c'est qu'une fois les lois adoptées, elles... ces entreprises s'y conforment. On voit, bien entendu, les lobbys à l'œuvre au stade des discussions, des réflexions, des discussions, des projets de loi. Mais une fois que les lois sont adoptées, et à moins de disposer de recours législatifs, parce que pour une raison ou pour une autre, par exemple, sur la base d'un accord commercial, une entreprise s'estimerait en droit de contester une loi, les entreprises qui sont soumises, par exemple, là en ce moment, aux lois... à la directive sur les services médias audiovisuels en Europe et aux mesures de transposition respectent ces exigences.

Mme Cadet : Merci. Il me reste peu de temps. Exclusion des médias sociaux, donc, vous en avez fait état, donc, vous nous dites que ce serait plus approprié de peut-être exclure des activités comme celles non professionnelles de partage de contenus, je vous laisse étayer vos propos.

Mme Guèvremont (Véronique) : C'est toujours... peut-être que d'autres personnes interviendront sous différents angles eu égard à cette exclusion. Moi, ma préoccupation, c'est toujours d'un point de vue commercial. C'est qu' il y a... comme je le disais, il y a une confusion des genres qui se crée...

Mme Guèvremont (Véronique) : ...maintenant entre plateformes où historiquement on pouvait dire que tout le contenu était éditorialisé par l'entreprise, donc plateformes numériques et médias sociaux, partage de plateforme entre utilisateurs, là, à des fins personnelles. Aujourd'hui, on voit clairement que les médias sociaux sont utilisés à des fins commerciales et professionnelles. Donc, la distinction actuelle, l'exclusion, fait en sorte que des services similaires, offerts par des entreprises qu'on peut ou non qualifier de similaires, mais ça ce n'est pas important parce que c'est un ou l'autre d'un point de vue commercial, des services similaires pourraient être traités différemment. Donc, il y aurait des exigences plus importantes pour les plateformes numériques visées par la loi, et les médias sociaux offrant les mêmes services seraient exclus, ce qui pourrait aussi être considéré comme une forme de discrimination.

La Présidente (Mme Bogemans) : Merci beaucoup. Nous cédons maintenant la parole à la députée de Sainte-Marie-Saint-Jacques pour une durée de 3 minutes 18.

Mme Massé : Merci. Continuons sur le sujet. Est-ce que, à votre compréhension, on serait capables, en apportant des amendements, à boucher ce trou-là que vous venez de nommer concernant les réseaux sociaux? 

Mme Guèvremont (Véronique) : Bien, j'estime que oui. Déjà, peut-être il faudrait éviter les termes... je vais juste me reporter à l'article pertinent, c'est l'article trois, je pense : «ne sont pas visés par la présente loi, un média social». Donc, là, on fait référence à un type d'entreprise, d'une certaine manière. Donc, plutôt que d'exclure le média social, il pourrait avoir lieu plutôt d'exclure certaines activités, par exemple des activités non professionnelles, là, qui ont lieu soit sur des plateformes numériques ou sur des médias sociaux, ce serait possible de le faire de cette façon-là.

Mme Massé : Bien, merci. Merci de nous avoir ouvert cet angle mort en fait, parce que je pense que c'est important, le projet de loi, avec toute la volonté du ministre,  souhaite justement... si je comprends bien son intention,  souhaite justement ne pas laisser d'espace à l'entreprise de pouvoir se faufiler à travers des filets dont les trous sont un peu plus larges que d'habitude. Vous avez aussi parlé de... vous avez répondu à ma collègue, vous avez parlé de comment, si le Québec sur sa propre base, je vais le dire, comme un pays indépendant, souhaitait exclure des ententes de libre échange, la dimension culturelle, qui pourrait nous éviter d'avoir des gros bras, comme on l'a dans l'accord avec les États-Unis et le Mexique... Ceci étant dit, toute la question du pouvoir de taxation, ça... parce que c'est une intervention aussi, puis vous le dites, quand on prend les GAFAM par exemple, et qu'on les encadre, soit à travers des lois comme la découvrabilité et/ou la question de la taxation, bien, on va se le dire, le Québec n'a pas ce pouvoir-là, à ma connaissance. Alors, donc, est-ce que... est-ce que vous pensez que... je ne veux pas vous vous prononciez sur le fond de la question de l'indépendance, ce n'est pas mon objectif, je ne veux pas vous mettre en boîte, Véronique, mais est-ce que vous pensez que si on avait effectivement tous nos pleins pouvoirs, on pourrait mettre au pas, de façon beaucoup plus claire, toutes ces grandes entreprises là qui nous oublient dans leur profil?

• (12 h 20) •

Mme Guèvremont (Véronique) : Oui, c'est une bonne question. Je suis vraiment désolée, je ne suis pas fiscaliste, je pense que la question devrait s'adresser à un fiscaliste. Chose certaine, c'est que nous avons des compétences législatives dans le domaine notamment de la culture, et nous avons les moyens d'adopter des lois qui s'appliquent aux plateformes.

Mme Massé : Et dans le trois secondes, M. le ministre, je compte sur vous pour consulter les Premières Nations, parce que, là aussi, elle nous a ouvert un angle mort intéressant.

La Présidente (Mme Bogemans) : Merci. La parole est maintenant à la députée de Terrebonne pour 3 minutes 18.

Mme Gentilcore : Merci. Je vais aller sur votre recommandation 14, qui était la recommandation, en fait, en lien avec la convention de l'UNESCO,donc, la proposition, là, qui a été faite, poussée par le Québec, la France, la Suisse, etc., pour justement mettre de la pression sur les grandes plateformes. On sait ce qui est arrivé en juin dernier à l'UNESCO. Steven Guilbeault, bon, le gouvernement fédéral a voté contre cet amendement là, qui pourtant aurait pu nous permettre d'avoir des coudées franches pour agir. Donc, ma question rejoint un peu celle de ma collègue, c'est-à-dire que, comme c'est dans vos recommandations, quel est l'impact que cette recommandation-là n'ait pas été remplie? Est-ce que ça fragilise en quelque sorte que ce soit la loi...

Mme Gentilcore : ...on s'apprête à adopter dans les prochaines semaines. Comment vous voyez ça de votre côté, cet échec-là?

Mme Guèvremont (Véronique) : Merci pour votre question. Je veux juste me remettre en tête la recommandation 14 : «Promouvoir au sein des organes la convention de 2005 — c'est la recommandation 14 du rapport, là — la position du Québec quant aux actions à privilégier dans ce domaine, ce qui pourrait inclure une modification des directives opérationnelles existantes, ou l'adoption de nouvelles directives, ou d'autres types de mesures ayant pour effet de stimuler une action accrue des parties en faveur de la diversité linguistique des contenus culturels dans l'environnement numérique.» Alors, je dois vous dire qu'en fait... que cette recommandation a été pleinement mise en œuvre par le Québec, parce que depuis 2023, le thème de la diversité linguistique des contenus culturels est abordé dans les enceintes, les organes de la Convention, grâce à une suggestion du Québec d'inscrire ce sujet comme un sujet prioritaire dans les travaux du groupe de réflexion visant à bonifier la mise en œuvre de la Convention dans l'environnement numérique.

Donc, à ce... sur ce point, vraiment, la recommandation a été mise en œuvre et elle continue de l'être, dans le sens où justement, effectivement, les parties à la Convention ont pris la décision de ne pas immédiatement aller de l'avant avec la négociation d'un protocole additionnel. Donc, ce n'était pas directement un amendement à la convention. C'était une décision sur l'idée de se lancer dans la négociation d'un protocole additionnel. Et, je dois malheureusement dire qu'il n'y avait pas que le Canada, il y avait aussi plusieurs pays européens et il n'y avait pas consensus au sein même de l'Union européenne, donc il y a un travail à faire là-dessus.

Par ailleurs, pour agir en attendant que toutes les parties atteignent un consensus sur l'idée du protocole, il a été décidé que les directives opérationnelles sur la mise en œuvre de la Convention dans l'environnement numérique allaient être révisées. Et ce travail-là est en cours de réalisation, et  sera soumis à la réunion de février du Comité intergouvernemental de la Convention, donc il y a déjà des avancées en la matière.

Mme Gentilcore : ...tant qu'on n'adoptera pas à l'UNESCO cette espèce de motion là, puis que tout le monde ne s'entendra pour dire que c'est urgent d'agir, puis qu'il faut le faire maintenant, ça va être difficile pour nous de quand même tirer pleinement notre épingle du jeu par rapport à ces enjeux-là. Je veux dire, il y a des choses qu'on peut faire, mais on s'entend que ça aurait grandement aidé d'avoir cet aval-là de la part du Canada, là, puis des autres pays.

Mme Guèvremont (Véronique) : Votre question est intéressante et ça me permet de distinguer les droits des obligations...

La Présidente (Mme Bogemans) : C'était tout le temps qu'on avait, malheureusement. Je vous remercie pour votre contribution à nos travaux. Donc, la Commission suspend ses travaux jusqu'après l'avis touchant les travaux de commission plus tard aujourd'hui. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 26)


 
 

15 h (version non révisée)

(Reprise à 15 h 33)

La Présidente (Mme Bogemans) : À l'ordre s'il vous plaît, la Commission de la culture et de l'éducation reprend ces travaux. Nous... nous allons commencer par demander un consentement afin de mettre fin au remplacement de M. Zanetti (Jean-Talon) et de participer comme membre à part entière pour le reste de la séance.

Des voix : Consentement.

La Présidente (Mme Bogemans) : Consentement.


 
 

15 h 30 (version non révisée)

La Présidente (Mme Bogemans) : ...Nous poursuivons les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 109, Loi affirmant la souveraineté culturelle du Québec et édictant la Loi sur la découvrabilité des contenus culturels francophones dans l'environnement numérique. Cet après-midi, nous... nous entendrons donc les personnes et les représentants des organismes suivants : donc, le professeur Patrick Taillon, le Laboratoire de recherche sur la découvrabilité et la transformation des industries culturelles à l'ère du commerce électronique, l'Observatoire de la culture et des communications du Québec, le Commissaire à la langue française et l'Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec. Donc, je souhaite la bienvenue à professeur Taillon. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Ensuite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à commencer votre exposé.

M. Taillon (Patrick) : Merci, Mme la Présidente. Je voudrais d'abord remercier les membres de la commission pour leur invitation et m'excuser de ne pas avoir produit en temps utile de mémoire, mais je m'en remets, pour l'écrit, à notre rapport publié en janvier 2004,un rapport... En fait, je reste toujours aussi convaincu et solidaire des recommandations et de la stratégie qui se dégage de ce rapport que nous avons consigné et déposé le 31 janvier 2024. J'ai aussi écouté attentivement le témoignage de ma collègue sur le comité, Véronique Guèvremont, qui a témoigné devant vous ce matin. Je soutiens sans réserve le propos qu'elle a tenu ce matin devant les membres de la commission,même si, pour ma part, je tenterai de développer et d'insister sur d'autres aspects, d'autres enjeux en lien avec le projet de loi n° 109. Du reste, je veux aussi en profiter pour saluer l'immense apport de Mme Louise Beaudoin et de M. Clément Duhaime qui, pour des raisons d'horaire, ne peuvent être parmi nous aujourd'hui. Je voudrais dire aussi ô combien il fut agréable, stimulant et inspirant de travailler à leurs côtés au sein du comité.

Parce que je sais combien les membres de cette assemblée sont tous attachés à... aux objectifs qui sont sous-jacents au projet de loi, à la défense de la culture et de la langue et des industries culturelles québécoises, je les sais aussi tous conscients de l'urgence d'agir face aux bouleversements que provoquent les transformations numériques je vais délaisser ici la question du pourquoi agir, ou la question de l'opportunité du projet de loi pour me concentrer plutôt sur la question du comment, comment agir, par quels instruments, par quelles... par quelles voies procédurales. Et en faisant cela, je... mon regard sera davantage tourné vers les obstacles qui sont devant nous. Les obstacles sont nombreux, mais je vais me concentrer surtout sur deux types d'obstacles : ceux qui découle du cadre constitutionnel canadien, du fonctionnement du fédéralisme et du partage des compétences et deuxièmement, d'autres obstacles qui découlent de la réalité contemporaine auxquels tous les États du monde sont frappés, aujourd'hui. Dans un monde globalisé, imposer la souveraineté de l'État à des géants transnationaux et des géants qui, par leurs innovations technologiques, sont capables de bouleverser en profondeur le fonctionnement de nos sociétés, c'est aussi un défi dont il faut tenir compte. On ne peut plus légiférer en 2025 comme on l'aurait fait il y a... au siècle précédent.

Donc, il faut d'abord bien comprendre et prendre la mesure des enjeux. Le Québec est à la croisée des chemins. La révolution numérique fait en sorte que les choses ne peuvent pas rester comme elles étaient en matière de culture. La révolution numérique affecte non seulement la vitalité et la visibilité de nos industries culturelles, mais elle interroge globalement l'avenir même du Québec, sa capacité à agir, son autonomie, sa part de souveraineté. Au sein de la Fédération canadienne, la souveraineté, le pouvoir, il est partagé. Et traditionnellement, dans le domaine qui est le nôtre, le cœur de la compétence fédérale, le noyau dur qui justifie son action, c'est d'abord et avant tout des questions d'infrastructure. Je dis souvent, le tuyau dans lequel la culture va... Donc au départ, c'est les antennes pour faire du... du télégramme qui deviennent ensuite des signaux de radio, qui deviennent ensuite des câbles pour transporter de... un contenu. Donc, ce... ce tuyau, ces signaux, c'est le cœur de la compétence fédérale, alors que, du côté du Québec, notre compétence s'inscrit davantage sur les contenus, la langue, la culture, l'éducation, le droit commun, le droit civil, les droits de la personne, la protection du consommateur. Or, depuis quelques années, certaines voix les plus centralisatrices au Canada...

M. Taillon (Patrick) : ...ont parfois tendance à prétendre que l'Internet relèverait de la compétence exclusive du fédéral. On a vécu le même phénomène jadis avec la question de... des activités internationales. Quand le Canada est devenu indépendant du Royaume-Uni, plusieurs ont voulu prétendre que dès que quelque chose s'internationalisait, ça relevait de la compétence exclusive du fédéral. Et, si on suit ce raisonnement, bien, il aurait suffi pour Ottawa de signer des traités en éducation ou en santé pour ensuite imposer ces normes aux provinces.

Dieu merci, les tribunaux en 1937 et l'action du Québec à travers la doctrine Gérin-Lajoie ont permis d'éviter le pire, et il n'empêche qu'on est aujourd'hui exposés à un risque un peu similaire, au même titre que la doctrine Gérin-Lajoie nous amène à dire que ce qui est de compétence chez nous est de compétence partout, bien, il faut, par rapport au numérique, accepter l'idée d'occuper notre compétence, pas seulement dans le monde réel, mais aussi dans le monde virtuel. Donc, si tous les volets de la vie se déplacent vers le numérique, ceux qui veulent prétendre que tout ce qui est Internet est fédéral, bien, à mesure où les activités de la vie se déplacent vers le numérique, pourront faire valoir que ça devient des objets de compétence fédérale, et à l'inverse, et c'est une prétention qui... qui est au cœur du projet de loi, il faut des voix fortes et des gestes forts posés par le Québec pour, au contraire, défendre une vision du fédéralisme et de sa part de souveraineté dans l'ensemble canadien pour dire que non, non, si une activité qu'on a toujours régulée dans le monde réel par nos lois et nos règlements se prolonge désormais dans le monde virtuel, ça ne change rien. Nos lois et nos règlements ont vocation à s'appliquer. Le numérique n'est pas une enclave.

Évidemment, face à le défi que représente le fait de légiférer pour imposer des règles à des plateformes transnationales avec des technologies nouvelles et très avant-gardistes, ça représente un défi très important pour Québec comme pour Ottawa. Et dans un scénario idéal, et Québec et Ottawa auraient été plus forts si une coopération, une véritable coopération, une véritable négociation, une véritable volonté d'harmoniser l'action et d'avoir une stratégie commune avait été au rendez-vous. C'est... Ensemble, Québec et Ottawa, détiennent 100 % de la compétence et il existe des domaines, je pense à la question de la gestion de l'offre, où nos lois font référence aux leurs, les leurs font référence aux nôtres et on arrive ainsi à vraiment agir, à moins s'exposer à des contestations. Il n'empêche que dans le présent dossier, on ne peut pas se réfugier dans l'attente d'un grand soir où une négociation qu'on espère depuis toujours sur des questions de souveraineté culturelle se produirait.

• (15 h 40) •

La situation des artistes... les artistes n'ont pas le luxe d'attendre pendant des années, soit que des négociations aboutissent ou soit, comme j'aurais été le premier à le défendre, soit que le Québec conteste la législation fédérale sur la base du partage des compétences. On n'a pas le luxe d'attendre le dénouement de telles négociations ou le dénouement de telles contestations. Donc, il faut agir dès maintenant, mais il faut agir sur le bon terrain en ancrant chaque mesure dans ce qui est le cœur de la compétence du Québec. Et à cet égard, je trouve que c'est une des forces du projet de loi n° 109. Il asseyait l'action québécoise sur les fondations constitutionnelles les plus solides que l'on a à notre disposition. La compétence en matière de langue, la culture, le droit privé, le droit commun et aussi cette... les droits de la personne, notre charte québécoise. Donc, on délaisse l'ambition qui aurait, à mon avis, été contre-productive, de réguler les tuyaux, de réguler les signaux, qui est davantage le cœur de la compétence fédérale et on priorise le contenu. Le contenu, ça, c'est le Québec qui est le meilleur juge de la manière de protéger sa langue et sa culture. Et la question des contenus nous appartient pleinement. Et on le fait comment? En inscrivant... d'abord, en étant très clairs et très fermes sur des principes, des garanties, des droits fondamentaux que l'on place dans nos meilleurs instruments juridiques. Je pense à la Charte québécoise des droits et libertés de la personne qui vient poser un principe fort qui est au cœur du... de la logique proposée par la loi. Je pense aussi à l'article 25 du projet de loi 1 qui a été déposé plus récemment et qui prévoit, qui affirme que l'État doit assurer et protéger la souveraineté culturelle du Québec et que les compétences du Québec, notamment en matière de langue et de culture, se prolongent dans l'environnement...

M. Taillon (Patrick) : ...numérique, donc on utilise une éventuelle Constitution, la Charte québécoise qui nous a déjà servis pour être très ferme sur les droits, les principes et les objectifs. Mais, et c'est une autre force du projet de loi, et je conclus là-dessus, le projet de loi n° 109, il est aussi pragmatique sur le choix des moyens, ferme sur les principes, souple sur les moyens, ce qui fait de ce projet de loi un projet de loi particulièrement habile et ingénieux pour s'adapter à l'évolution des technologies, à la variété des modèles d'affaires, notamment par un pouvoir réglementaire bien conçu, par des mesures de substitution extrêmement bien encadrées et qui seront un outil extrêmement précieux pour rétablir la souveraineté, la capacité du Québec à imposer des règles, mais de manière la plus consensuelle possible sur les géants du Web et un régime de sanctions graduées et proportionnées. Bref, je m'arrête là-dessus, mais c'est un projet de loi qui, à mon avis, se démarque par cette fermeté sur les objectifs, les valeurs, les droits et les principes que l'on pose au sommet et les outils plus souples et plus pragmatiques.

La Présidente (Mme Bogemans) : Merci pour l'exposé. Nous allons maintenant commencer la période d'échange. Donc, M. le ministre, vous disposez de 16 minutes 30.

M. Lacombe : Merci beaucoup, professeur Taillon, pour cet exposé. Évidemment, vous étiez un des experts du groupe qui a mené au rapport-conseil duquel je me suis grandement inspiré pour la rédaction du projet de loi. Donc, je ne ferai pas de cachette en disant que tout ce que vous dites, je trouve que ça a beaucoup de sens. J'ai envie peut-être de... et je ne sais pas si vous étiez allé au bout de votre pensée là-dessus, je suis certain que vous pourriez en parler pendant des heures, mais je vous donnerais peut-être l'opportunité d'aller un peu plus loin sur la capacité du Québec de légiférer en cette matière, parce qu'au départ, quand j'ai été nommé ministre de la Culture et que j'ai, je dirais, très rapidement signifié mon désir de légiférer en cette matière, les gens ne nous prenaient pas tellement au sérieux. Je dirais même que certaines personnes riaient un peu de cet objectif que je me fixais. Ce qui a mené entre autres, à la création du groupe de travail parce que je souhaitais qu'on vienne appuyer l'idée, puis qu'on vienne dire si oui ou non, le Québec avait cette capacité de légiférer.

Aujourd'hui, je suis heureux de voir que ça fait consensus, ou à peu près, au Québec, en tout cas, ça fait consensus à l'Assemblée nationale, mais je vous donnerais peut-être l'opportunité de creuser un peu cette avenue-là. Qu'est-ce qu'on répond à ceux qui nous disent que c'est une... Là, je comprends que vous avez parlé de notre compétence en langue, en culture, en droit des consommateurs, mais je vous laisserais quelques minutes pour creuser ça un peu.

M. Taillon (Patrick) : On a... Au Québec, on a essuyé quelques défaites sur le terrain de la souveraineté culturelle, notamment dans les années 70, au moment où la câblodistribution s'est établie. Et, l'enjeu n'est pas de savoir si le Québec a une compétence en matière de culture, c'est plutôt comment on l'exerce et comment, de façon stratégique, on va venir poser des règles qui sont moins... sont plus ou moins exposées à des risques de contestation. C'est la même chose pour Ottawa. Sa loi C-11 pourrait faire l'objet d'une contestation. Quand cela se produit, nous on a tendance à raisonner, prendre le projet de loi n° 109 comme un tout, ou le projet de loi C-11 comme un tout. Mais en vérité, les tribunaux vont analyser ça une règle à la fois, une petite bouchée à la fois. Ils vont invalider des portions ou la totalité. La force du dispositif qui est devant nous présentement, c'est que justement, il s'appuie sur... il est facile de le rattacher aux compétences qui existent déjà, et on voit clairement que ça s'harmonise... que ça se veut vraiment... ça s'inscrit complètement dans l'ambition des politiques linguistiques du Québec, des politiques culturelles du Québec, de son droit commun, de sa charte. Et, justement, ça s'éloigne d'une dynamique qui est peut-être davantage celle de la compétence fédérale, qui consisterait à réguler des infrastructures, des signaux, des tuyaux. Et, donc, là-dessus, on a une action qui est judicieuse.

Un autre volet qui est important, c'est que des fois, on peut avoir deux règles valides. Par exemple, le fédéral a un Code criminel, il a le droit de légiférer en matière criminelle. Nous, on a le droit de légiférer en matière de santé ou en matière de... je ne sais pas moi... de procréation assistée, bon. Et, tout le monde est dans sa loi, tout le monde... tout le monde a une compétence, mais on l'exerce chacun à notre manière, d'une manière contradictoire. Et, là, dans le partage des compétences, il y a des mécanismes pour régler les contradictions. Et, donc, quand on légifère, même lorsqu'on est dans notre compétence, il est important quand même d'être dans une dynamique de complémentarité, ou en tout cas, dans un esprit coopératif et de ne pas chercher...

M. Taillon (Patrick) : ...à frontalement contredire une loi valide de l'autre palier de gouvernement. Et ça, c'est aussi une autre force du projet de loi n° 109. À supposer que C-11 est valide, ce... j'ai des doutes, mais, admettons que C-11 est valide, le projet de loi n° 109, lui, j'ai fortement confiance qu'il est... il s'assoit sur les compétences du Québec, mais il est difficile de trouver des zones de contradictions. On est vraiment face à des lois qui agissent en complémentarité. Il est facile pour un juge de dire : Au même titre qu'on a une compétence en transport pour certains types de camionnage au fédéral, on a une compétence en transport pour certains types de transport au Québec, bien oui, les deux systèmes de réglementation imposent des permis, des obligations, mais ces obligations peuvent s'additionner, il n'y a pas de contradiction. On peut se soumettre au régime fédéral en matière de transport et se soumettre aussi au régime provincial en matière de transport. Et donc le projet de loi a été bien conçu, à mon avis, pour éviter ce genre de tensions qui pourraient exposer la loi à des contestations. Donc, tant sous l'angle de la compatibilité, que sous l'angle de la validité, est-ce que nous avons des fondements pour agir? Le projet de loi n° 109 a été conçu d'une manière à vraiment maximiser... à s'appuyer pleinement sur notre part d'autonomie, qui est la nôtre. Dans un contexte, et je termine là-dessus, où le partage des compétences au Canada, ça reste un peu... il y a des zones grises, il y a du flou, et dans une constitution qui n'est pas toujours bien régulée, on reste toujours dans un domaine où le gouvernement le plus volontariste, celui qui agit pour exercer son autonomie, bien, dans les zones floues, souvent, celui qui occupe la compétence, c'est celui qui va arriver aussi à s'imposer à long terme. Et on l'a vu, par exemple, le Québec, en étant proactif sur la question de l'aide médicale à mourir, agissait dans une zone grise. Il y avait un argumentaire fort pour le soutenir, et ça a été ensuite confirmé par les tribunaux que le... que le Québec pouvait agir. Donc, dans le doute, moi, je suis toujours de ceux qui disent : Comme le partage des compétences n'est pas une science exacte, il est très important d'être volontariste et proactif, parce que, sinon, des fois, la compétence, on la perd à force de ne pas l'exercer.

• (15 h 50) •

M. Lacombe : D'autant plus que, dans les prochaines années, disons dans la prochaine décennie, dans les deux prochaines décennies, tout ce qui est culturel, qui se consomme comme musique, comme contenus audiovisuels, on pourrait même parler de la radio, de la télé traditionnelle qui s'en vont vers le numérique... Le champ de compétence est en train de bouger, là.

M. Taillon (Patrick) : ...je parlais de croisée des chemins, c'est-à-dire que, admettons qu'on... si des gens étaient satisfaits de l'équilibre qu'on a... qui s'est développé dans les dernières décennies, cet équilibre-là, c'est certain qu'il est remis en question par les transformations numériques. Et, donc, à partir de là, si d'un côté il y a des gens qui, à tort, prétendent que tout ce qui est Internet est fédéral, mais que Québec ne fait rien dans une dynamique où, il faut l'avouer, l'ambition des autres provinces d'occuper la compétence est quand même assez modeste, bien, il y a un vrai enjeu pour l'autonomie du Québec qui joue à long terme. Et ce projet de loi est un premier pas puis un pas très important pour venir dire, justement, que, ce qui est de... ce qui est de notre compétence dans le monde réel l'est aussi dans le monde virtuel, d'où l'analogie avec la doctrine Gérin-Lajoie. À mon avis, c'est un... c'est un aspect très important pour l'avenir, parce que sinon, un peu comme le roi Midas qui... tout ce qu'il touche se transforme en or, bien, il faut vraiment éviter que tout ce qui touche à l'Internet se transforme en compétence fédérale. Ce serait en quelque sorte un déclin accéléré de notre part d'autonomie dans la fédération canadienne.

M. Lacombe : Tout ce qui est de notre compétence dans le monde réel l'est aussi dans le monde virtuel, c'est une formule que j'aime beaucoup, que j'ai moi-même utilisée il y a deux ans et demi au Conseil des relations internationales de Montréal, en nous inspirant de la doctrine Gérin-Lajoie. Je trouve que c'est... Je trouve que c'est très bon. J'aime ça vous entendre dire ça, professeur Taillon. Puis, je vous pose peut-être une question sur la modification qui est proposée à la Charte des droits et libertés de la personne. Parce que, bon, le projet de loi, il propose d'édicter  la loi sur la découvrabilité, mais aussi de venir modifier la Charte des droits et libertés de la personne pour y inscrire un droit à la découvrabilité des contenus culturels. Pourquoi c'est important pour vous que ça fasse partie du projet de loi?

M. Taillon (Patrick) : Il y a plusieurs avantages. D'abord, cette fermeté, puis cette clarté sur le plan des principes, dans un contexte où sur les moyens il faut davantage être pragmatique, je pense que l'amendement à la charte le permet. Celui au... dans le projet de loi 1 aussi a ses avantages. L'autre avantage, aussi, c'est que l'approche des droits fondamentaux, d'abord, c'est pleinement de notre compétence. Et cette Charte québécoise, contrairement à la Charte canadienne, elle produit des effets entre personnes privées. Et donc, normalement, par exemple, avec la Charte canadienne, la charte, elle est là pour obliger l'État, ou l'empêcher, dans....

M. Taillon (Patrick) : ...ses relations avec les individus. Mais à l'inverse, la Charte québécoise, je peux la plaider contre une autre entreprise ou contre un autre citoyen si je suis... qui porterait atteinte à mes droits. Et donc, là-dessus, ce qu'on appelle, nous, c'est un peu technique, mais les effets horizontaux, les effets entre individus, fait en sorte que les droits que l'on proclame dans notre Charte québécoise y lient toute la société québécoise et lient aussi les entreprises qui ont des activités. Après, ça permet aussi d'impliquer le juge, éventuellement, on ne sait pas... on ne sait pas ce qu'il pourra apporter. Mais c'est comme... Le droit, c'est souvent des outils que l'on met à la disposition et ça dépend comment les destinataires des règles de droit vont recevoir ces outils-là. Mais avec l'approche des droits fondamentaux, c'est sûr que ça ajoute à l'arsenal de l'État la possibilité qu'un juge puisse regarder, utiliser ce matériel-là dans son interprétation, dans sa manière de développer le droit. Et donc, pour toutes ces raisons-là, ça permet vraiment de donner au projet de loi une portée qui est à la fois au cœur de notre compétence puis qui est aussi au sommet de nos instruments juridiques les plus forts. C'est difficile aujourd'hui de prédire le... les conséquences précises et directes que ça peut avoir d'amender la Charte, parce que, comme on l'a vu quand on a adopté les autres chartes, on n'aurait jamais pu prédire tous les effets que ça a pu avoir. Et là il ne faut pas oublier que la Charte... l'article qui est proposée est dans une section de droits économiques et sociaux qui correspond à ce type de droits-là, qui, pour le moment, ont reçu quand même une interprétation plutôt modeste de la part des tribunaux, ça fait que c'est difficile de se commettre sur quelles seront les conséquences directes, mais chose certaine, ça marque... ça envoie un signal très fort et ça vient donner... ça vient clairement poser un objectif et donner du sens au reste du mécanisme législatif qui est devant nous.

M. Lacombe : Je m'essaie. Je ne sais pas si vous allez avoir une réponse pour moi, mais j'aurais envie de savoir si vous avez un avis sur la question du protocole additionnel à la Convention de 2005 à l'UNESCO. Est-ce que vous pensez que les États membres devraient aller de l'avant avec ce protocole-là? Est-ce que c'est un sujet sur lequel vous avez un avis?

M. Taillon (Patrick) : C'est... c'est clair que, dans la composition de notre comité qui a été... qui a été une expérience où j'ai beaucoup appris, c'est davantage ma collègue Véronique, ma collègue Louise Beaudoin et mon collègue Clément Duhaime qui sont spécialistes de ces questions. Chose certaine, moi, je suis très impressionné des résultats et du volontarisme qu'a... qu'a démontré le gouvernement du Québec dans les derniers mois en recevant cette réunion de la Francophonie. Je sens qu'il y a des représentations qui se font, mais je n'ai pas d'opinion sur quelle forme juridique doit épouser l'extrant, je m'en remets au témoignage de ma collègue Véronique en qui j'ai pleinement confiance.

M. Lacombe : Puis, dernière question, je ne sais pas, il nous reste combien de temps?

Une voix : ...

M. Lacombe : Quatre minutes quarante-cinq. Si j'ai des collègues qui veulent poser une question, je vais leur laisser le temps. Ensuite, je terminerais pour ma part en vous demandant le caractère prépondérant qu'on propose d'inclure dans la loi, donc que cette loi, si elle est adoptée, elle ait une prépondérance. Comment vous... comment vous l'analysez? Comment vous pensez que ça peut peut-être... j'allais dire améliorer, ce n'est pas le bon mot, mais... mais donner plus de force.

M. Taillon (Patrick) : Mais c'est très important, ça montre le sérieux qui est derrière l'objectif, l'intention affichée. Des lois qui ont ce caractère prépondérant ou quasi constitutionnel, il y en a plusieurs au Québec la loi sur l'accès à l'information, maintenant la Charte de la langue française, la Charte québécoise l'a toujours eu, et donc ça vient placer cette loi-là sur le même rang que ces autres lois là. Et parmi les obstacles, moi, je ne le trouve pas très sérieux, alors je n'ai pas... je n‘ai pas... je n'en ai pas parlé ce matin, mais... aujourd'hui, mais, au Parlement fédéral, ça a occupé beaucoup de place. Certains voient dans ce type de législation une zone de tension avec la liberté d'expression, liberté d'expression commerciale qui ferait en sorte que les entreprises bénéficieraient d'une liberté sans limite. Et si vous adoptez un point de vue très libertarien, bien, vous pouvez voir un enjeu de liberté d'expression ici. Or, en plaçant cette loi-là, l'amendement à la Charte, et en donnant toute la loi ce ce caractère prépondérant, d'une certaine façon, le signal qu'on envoie, c'est oui, la liberté d'expression existe, elle est très importante, mais elle n'est pas la seule... elle n'est pas la seule garantie qui compte ici. On place notre enjeu de souveraineté culturelle, de découvrabilité à égalité avec la liberté d'expression. Et on vient dire, au fond, à ceux qui interpréteront ce texte-là, les deux doivent être conciliés ensemble, les deux doivent s'harmoniser, s'équilibrer. Donc, c'est intéressant de... vraiment de poser les objectifs et les garanties qu'on veut mettre dans cette loi, au sommet de notre hiérarchie des normes. Et c'est ce que permet de faire...

M. Taillon (Patrick) : ...l'article 25 du projet de loi n° 1, l'amendement à la Charte et la disposition qui donne prépondérance à l'ensemble du projet de loi.

M. Lacombe : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Bogemans) : Le député de Saint-Jean.

M. Lemieux : Merci, Mme la Présidente. Moi aussi, je vais m'essayer, pour reprendre l'expression du ministre, mais ça fait deux, peut-être trois fois que vous faites référence au PL 1, puis-je vous dire, professeur Taillon, que j'ai beaucoup hâte de vous recevoir ici pour parler du projet de loi n° 1. Ça s'en vient, on est en train de travailler sur l'agenda, ça s'en vient, on va y arriver. En attendant, sur le n° 109... ce matin... je voudrais régler ça d'abord, ce matin, en parlant avec Mme Guèvremont, professeure Guèvremont, elle m'a rappelé ce que je m'étais fait dire en commission des institutions au moment où on adoptait les lois sur la famille... Quand je disais : Comment ça, vous venez tous nous dire que ça fait 10, 15 ans que ça aurait dû être fait? Puis, elle m'a dit : Bien oui, mais c'est ça, hein, le droit, la société, le terrain prend de l'avance, puis on est rattrapés. Mais dans ce cas-ci, on est à course pareil. L'intelligence artificielle d'un côté, le numérique explose, 5G, 10G, je ne sais plus où on va finir. Ça change tout, non?

• (16 heures) •

M. Taillon (Patrick) : ...mais, c'est justement quand je dis que la loi, elle est forte sur l'objectif et pragmatique sur les moyens, bien, elle offre un cadre. Alors, on peut être inquiet parce qu'on n'a pas tous les détails du cadre, mais c'est que le... c'est le cadre qui va faire en sorte que cette loi-là va pouvoir durer parce qu'il va y avoir des changements technologiques et on va être capables de s'adapter par voie réglementaire, par mesure de substitution, sans à chaque fois être obligé de légiférer. Imaginons, par exemple, je prends un petit amendement, mais si on dit qu'un contenu généré par l'IA, on le prévoit par règlement et n'est pas un contenu original d'expression française comme la loi l'exige, bien, on n'a pas besoin de revenir devant le Parlement, la délégation réglementaire permet soudainement de s'adapter à un nouvel enjeu.

Une voix : ...

M. Taillon (Patrick) : Oui, bien sûr, désolé.

M. Lemieux : ...puis je veux vous ramener sur votre capacité d'agir. J'ai pris beaucoup de notes pendant votre exposé, mais capacité d'agir... Est-ce qu'on peut imaginer qu'on peut aller encore plus loin que la découvrabilité? Ce serait déjà vraiment un... on en a besoin, c'est urgent, là. Je pense à la crise de la télé, de la radio en ce moment, crise économique, crise d'avenir, crise de modèle d'affaires. Y a-tu moyen d'imaginer qu'en partant de ce qu'on est en train de faire là, on pourrait aller encore plus loin, cette capacité d'agir?

M. Taillon (Patrick) : Oui. Sachant par contre que d'abord, quand il s'agit de dépenser, c'est vrai pour le fédéral, c'est vrai pour nous aussi, donc, c'est comme s'il n'y a plus de contraintes, il n'y a plus de partage des compétences, donc on peut avoir par l'action de financement, mais là il y a d'autres contraintes qui s'appliquent. Quant à ce...

La Présidente (Mme Bogemans) : En terminant.

M. Taillon (Patrick) : S'il s'agit de réglementer, interdire des choses, bien là, il faut quand même tenir compte de l'obstacle qui est l'actuelle compétence du CRTC, mais je ne dis pas... ça ne veut pas dire que rien n'est impossible.

M. Lemieux : Merci beaucoup. Merci, Mme la...

La Présidente (Mme Bogemans) : Merci. Je cède maintenant la parole à la porte-parole de l'opposition officielle pour 16 minutes 30.

Mme Cadet : Merci beaucoup. Merci, Mme la Présidente. Bonjour, professeur Taillon. Merci beaucoup pour votre présence... merci beaucoup pour votre présence ici en commission parlementaire. Vous excuserez le fait que j'ai manqué, donc, une partie de votre échange, donc, pour des raisons de conflit d'horaire, mais j'ai bien pris connaissance, a contrario, donc, du rapport que vous avez cosigné sur la découvrabilité, donc, des contenus en ligne. Et c'est à cet égard que je vous poserais, donc, une première question. Je pense que je vous ai entendu dans votre laïus, ou disons peut-être dans votre échange avec le ministre, parler, donc, de l'article 1 du projet de loi n° 109. Et, lorsque l'on prend connaissance de votre rapport, donc, votre 21e recommandation était à l'effet «d'élaborer un projet de loi visant à garantir le droit fondamental des Québécois à l'accès et à la découvrabilité des contenus culturels d'expressions originales de langue française dans l'environnement numérique. Ce projet de loi pourrait, entre autres, inclure une modification à la Charte québécoise des droits et libertés afin d'y ajouter des droits culturels pleinement opposables et justiciables devant les tribunaux.» Donc, je voudrais peut-être vous entendre élaborer sur cette proposition-ci, et vous m'excuserez encore une fois si ça a déjà été fait et que j'en ai manqué une partie.

M. Taillon (Patrick) : Non, non, tout à fait. Donc, nous, on trouvait ça important, pour des raisons déjà mentionnées, d'utiliser l'instrument qu'est la Charte. Ce n'était pas la seule solution possible parce que, comme le sous-entendait... comme... pas le sous-entendait pas, mais la dernière question du ministre qui portait directement sur le caractère prépondérant de l'ensemble du projet de loi, quelqu'un aurait pu dire : Bien, on va proclamer un droit à la découvrabilité dans une loi qui est elle-même supralégislative, quasi constitutionnelle, parce qu'elle a un caractère prépondérant. Mais nous, on trouvait ça important quand même qu'elle s'inscrive aussi dans la Charte québécoise pour justement bien montrer qu'il y a derrière...


 
 

16 h (version non révisée)

M. Taillon (Patrick) : ...derrière tout ça une logique de droits fondamentaux. Nous, ce n'est pas une question de tuyaux et de signaux. On reconnaît qu'il y a... il y a un bout de ça qui appartient au fédéral, mais c'est une question de droits fondamentaux. Et cette question de droits fondamentaux, ultimement, elle a même un relais dans les instruments internationaux. En codifiant dans notre charte un droit à la découvrabilité, on s'inscrit à certains égards dans la grande... grand mouvement des droits économiques et culturels qui existe aussi à l'international. On le codifie à notre manière à nous, mais on est dans cette logique-là et ça, ça harmonisait aussi... Dans le rapport, vous avez bien vu, qu'il y a comme un... une stratégie d'action multiniveau, donc légiférer chez nous, essayer de s'entendre avec Ottawa, ça viendra peut-être un jour, et, à l'international, une action largement inspirée de l'action pour la Convention sur la diversité culturelle. Donc, d'y aller avec cette logique de droits fondamentaux, ça nous servait bien. Un, c'était conforme à l'intention, qui est voulue, de dire : Bien, les moyens... les moyens, les outils, les tuyaux, la technologie, ça, ça bouge, mais ce qui est important, c'est l'objectif. Et donc, un droit, c'est ça. C'est dire : Il... vous ne pouvez pas, déraisonnablement, porter atteinte à cet... cet objectif qui est la découvrabilité. Après, le comment ça s'apprécie, le déraisonnablement, ça peut changer avec le temps, il y a des modèles technologiques, il y a... il y a un besoin de souplesse et de flexibilité. Donc, l'approche des droits fondamentaux, elle permet cette adaptabilité, cette... cette souplesse. Elle nous permettait aussi d'avoir une espèce de cohérence avec la stratégie multiniveau, d'inscrire la démarche du Québec dans, aussi, un discours plus internationaliste. Donc, c'est tous ces facteurs-là qui nous... qui nous amenaient à y tenir, même si, juridiquement, le projet de loi n° 109, sans l'amendement à la charte, il est déjà... il y a déjà une disposition prépondérante. Mais, symboliquement, la Charte ce n'est pas un instrument comme les autres, ça fait que ce n'est pas juste une affaire de rang. C'est important que... Moi, j'accueille très positivement le fait qu'on ait amendé... on propose d'amender ce texte par... pour, ne serait-ce... ajouter à la dimension symbolique très forte qu'a ce texte qu'est la Charte québécoise.

Mme Cadet : Et de... dans le fond, de suivre, donc, votre propre recommandation à cet égard.

M. Taillon (Patrick) : Oui.

Mme Cadet : Donc, vous le dites, il y a un caractère supralégislatif à l'instrument, donc, législatif, donc, du projet de loi n° 109. Donc, il y a ce caractère-là, donc, qui est présenté. Donc, juridiquement, donc, ça aurait pu être suffisant, mais vous parlez, donc, de l'aspect symbolique de l'amendement à la charte. Mais surtout, en fait, j'aimerais peut-être vous entendre sur... sur l'élaboration, donc, de...  la mise en œuvre, plutôt, de ce droit-là, parce qu'on parle, donc, des droits culturels pleinement opposables et justiciables devant les tribunaux. Dans les faits, donc, un justiciable, donc, qui se présenterait et qui dirait : Bien voilà, donc, mon... on... telle plateforme n'a pas respecté mon droit à la découvrabilité. Donc, dans... dans quel contexte ça pourrait s'inscrire? Est-ce que vous avez, donc, des exemples d'à quoi ça pourrait ressembler.

M. Taillon (Patrick) : En matière de droits et libertés, on ne sait jamais ce que ça va donner. OK, donc, il faut accepter qu'il y a des potentialités qui s'offrent devant nous, mais sans que ce soit une prédiction, puis une certitude. C'est toujours un peu ça, hein, le droit, le législateur, fait un acte de volonté très fort, mais après c'est une... c'est une norme qui prend tout son sens une fois qu'elle est interprétée. Donc, on ne peut pas absolument présumer, est-ce que les juges vont avoir le goût de faire quelque chose avec ce matériel-là ou au contraire ils vont... ils vont le craindre puis ils ne lui donneront pas toute la portée. Ça se peut que d'autres interventions soit nécessaires pour lui donner une portée plus grande, donc je ne peux pas avoir une prédiction qui... qui est absolument fiable. Mais chose certaine, de par l'endroit où il est placé dans... dans la charte, on a affaire à une disposition qui s'inscrit dans un chapitre de ce qu'on appelle les droits créances. C'est-à-dire, au lieu de... Généralement, les droits et libertés, c'est fait pour empêcher de... Je suis libre parce que l'État ne pose pas de geste qui vient, comme, violer ma sphère privée et individuelle. Là, on est dans les droits économiques et sociaux et culturels qui sont plus des droits garantis, des droits à, où, finalement, si on veut que le droit se réalise, c'est qu'il faut qu'il y ait une action de l'État ou d'individus pour le mettre en œuvre. Sur ces droits-là, la jurisprudence, il faut honnête, elle est moins, beaucoup, beaucoup moins développée que sur les autres droits, notamment parce qu'il n'y a pas d'équivalent dans la Charte canadienne. Donc, je pense qu'il va falloir être patient, prudent, avant de voir des retombées directes, là, de cette... de cette promesse que l'on veut mettre dans notre contrat social qu'est la Charte. Parce que jusqu'à présent, les droits équivalents qui figurent au même chapitre ont toujours fait l'objet d'interprétations plutôt...

M. Taillon (Patrick) : ...modeste, mais, disons, dans nos rêves les plus fous, si un jour une plateforme ne voulait pas du tout se soumettre au cadre réglementaire qui existe, par ailleurs, dans le reste du projet de loi et qu'un citoyen ou un groupe se sentaient lésés, bien, il y a là un instrument qu'il peut mobiliser dans un recours. Mais je ne pense pas que ça va être la voie normale, si j'avais à prédire, parce que le cadre réglementaire, un droit potentiellement négocié aussi à travers les mesures de substitution, devrait normalement faire le boulot.

Mme Cadet : Merci. Aussi, dans votre explication, donc, vous l'avez mentionné, donc, cet... ce choix du législateur s'inscrit dans... dans des précédents internationaux. Donc, est-ce que... donc, au-delà, donc... En fait, vous dites, donc : Nous on a... le législateur ici, donc, fait le choix d'inscrire ce droit-là, donc, dans notre Charte québécoise des droits et libertés. Donc, c'est la voie d'accès qui est préconisée en l'espèce, mais ailleurs, donc, il y a d'autres types de protection du même type qui se sont faits. J'aimerais peut-être vous entendre là-dessus.

M. Taillon (Patrick) : Oui, ma collègue Véronique Guèvremont, étant internationaliste, elle vous citerait mieux que moi l'ensemble des textes. Mais oui, il y a des conventions internationales sur les droits culturels qui sont des instruments qui vont prévoir, non pas parce qu'ils ont été conçus il y a quelques années, ils ne prévoient pas le droit à la découvrabilité, mais ils vont prévoir le principe d'accès à la culture pour tous, ou, bon, des déclarations comme celle-là. J'ai le souvenir que dans le pacte onusien ou la Déclaration universelle, on avait bien fouillé la disposition, et dans le rapport, il y a un des articles, là, qui touchent la culture en général, qui est un peu la disposition phare en la matière. Puis après, vous avez des instruments un petit peu plus spécialisés, là, je pourrais vous retrouver, peut être, la référence et... d'ici la fin de la commission.

• (16 h 10) •

Mme Cadet : Merci.

M. Taillon (Patrick) : Ultimement, des travaux de l'UNESCO s'inscrivent dans cette logique-là. L'UNESCO développe un droit international de la culture à travers des instruments comme la Convention de 2005, là. Mais à la base, là, l'embryon, c'est la disposition dont j'oublie le numéro qui est dans la déclaration onusienne, là. Elle est citée dans le rapport, je vous... ça, c'est certain.

Mme Cadet : Merci beaucoup. Puis, je m'en allais justement dans cette direction là, parce qu'à la page 59 de votre rapport, donc, vous nous citez : «L'expertise du Québec en matière de découvrabilité a été partagée au sein de multiples forums internationaux, dont l'OIF et l'UNESCO», et vous nous recommandez, donc, à la recommandation 29, de mettre en place un cadre d'échanges réguliers qui serait un lieu de rencontre et de réflexion sur les enjeux liés à la découvrabilité de contenus culturels en ligne. Ici, je pense qu'on sort un peu de la portée du projet de loi, mais je... puisque on a l'occasion de vous entendre ici sur vos différentes recommandations et ce qui découlerait, donc, de ce droit la découvrabilité, hormis l'instrument législatif, peut-être, donc, nous étayer un peu plus sur cette recommandation et comment elle serait, selon vous, une suite logique à ce qui est présenté ici par le ministre.

M. Taillon (Patrick) : Bien, c'est au cœur du rapport, là. Le rapport prend acte du fait que la souveraineté étatique n'est pas dans la même position de force qu'elle pouvait l'être au siècle précédent. Et donc, le Québec, qui a une souveraineté partielle mais réelle, s'il veut agir là-dedans, il a les mêmes défis que tous les autres pays dans le monde, plus celui du partage des compétences. Donc, pour faire face à ça, la stratégie multiniveau, c'est la seule qui s'impose. Il faut... il faut s'activer avec la compétence législative qui est la nôtre. Mais en même temps, notre loi sera plus facile... notre cadre législatif sera plus facile à rendre effectif et à appliquer avec force et vigueur si, par des stratégies de coopération internationale comme celles qui sont déployées depuis quelques mois, quelques années, bien, on... il y a un arrimage, il y a une solidarité qui se crée entre les états.

Donc, la stratégie, c'est d'être à la fois à l'avant-garde dans la communauté internationale, proactif, puis en même temps, faire en sorte que parce que les autres... on donne le goût aux autres aussi d'embarquer dans la même aventure que nous, bien, ça renforce aussi notre position. Et même par rapport à Ottawa, bien, on l'avait vu avec la Convention de 2005 sur la diversité culturelle, bien, c'est un combat qui a été mené par le Québec sur la scène internationale. Mais Ottawa aussi s'est approprié le combat et ça a permis de mieux créer une dynamique fédérale provinciale positive dans ce dossier. Donc, la stratégie multiniveau, elle nous sert... chaque niveau d'action renforce l'action des autres niveaux aussi.

Mme Cadet : Oui, bien, surtout lorsqu'on parle, donc, de... des plateformes numériques qui opèrent de façon... de façon transversale. Donc, on a besoin d'avoir cette coopération, qu'elles soient fédérales, provinciales ou...

Mme Cadet : ...internationales pour pouvoir agir. Et en ce sens, j'ai posé cette question-là à professeure Guèvremont, donc, ce matin, donc, sur notre capacité d'agir. Parce que, évidemment, donc, on a souvent, donc, cette perception que lorsqu'on parle de l'univers numérique, que c'est plus difficile de le faire. Notamment, moi, j'étais membre de la commission spéciale sur l'impact des écrans chez les jeunes et c'est aussi une des préoccupations qui a été soulevée, qui a été abordée lors des consultations que nous avons menées dans le cadre de cette commission. Et, selon votre rapport, et j'imagine que c'est ce que vous allez nous confirmer à l'instant, donc, nous avons tout à fait la capacité de pouvoir assujettir les différentes plateformes numériques à notre droit interne.

M. Taillon (Patrick) : Et si j'allais... si jadis je passais du temps au club vidéo pour me choisir un film le vendredi soir, mais le fait que le club vidéo soit maintenant numérique dans mon... dans mon téléviseur ne change rien à la nature du contrat, à la nature de l'activité. Mais c'est sûr que si les provinces canadiennes n'exercent pas leur responsabilité dans le domaine, bien, à un moment donné, peut-être qu'on... parce que notre fédéralisme, il est un peu performatif, des fois c'est premier arrivé, premier servi. Donc, moi, ce que je dis, c'est notre compétence, elle ne fait aucun doute. Mais si on ne l'exerce pas, on pourra peut-être... de facto, on va peut-être finir par la perdre, parce que il y a d'autres voix au Canada qui aimeraient prétendre... comme ils l'ont fait avec l'international, mais on a réussi à inverser la tendance que dès que c'est Internet, c'est fédéral. Mais ça, ça ne peut pas tenir la route parce que toute la vie va se déplacer vers l'Internet. Et si on dit que tout ce qui est Internet est fédéral, bien finalement, aussi bien fermer le fédéralisme canadien et devenir un État unitaire. Donc c'est ça qui se joue présentement. Et le Québec, c'est la province qui a le plus de volontarisme et de détermination pour légiférer en ces domaines. Et c'est important qu'on le fasse. Le dossier des écrans chez les jeunes en est un, le dossier de la culture, pas à pas, puis en étant quand même assez tactiques et stratégiques dans la façon de concevoir nos législations.

Parce que, bon, l'exemple, là, des... de la taxe qu'Ottawa a voulu imposer sur les contenus d'information est un bel exemple de lorsqu'on n'y va pas de façon stratégique, bien, parfois de l'autre côté, les géants peuvent développer des stratégies d'évitement par des boycotts, comme on le voit avec le boycott de Méta. Donc, il faut que le Québec agisse, mais il faut qu'il agisse intelligemment. Et nous, au comité, on a produit un rapport qui, vraiment, insiste sur le comment, la stratégie. Pour nous, c'est aux élus de choisir quel type de normes on veut imposer, quel type de quotas, de standards. Mais dans le travail qui est le vôtre, de faire éventuellement des amendements, s'il y a un message sur lequel j'aimerais insister, c'est : faites tous les amendements que vous voulez, mais essayez, s'il vous plaît, de considérer la stratégie qui est derrière le projet de loi, parce qu'à certains égards, elle a été élaborée pour... non pas... non pas faire des choix sur le fond, mais imposer un chemin qui peut avantager et permettre au Québec de bien jouer ses cartes. Parce qu'on a dans notre jeu de bonnes cartes, mais on n'a pas tous les atouts, on en a qu'un certain nombre.

La Présidente (Mme Bogemans) : Une minute, en terminant.

Mme Cadet : Merci. Justement, vous évoquiez la doctrine Gérin-Lajoie dans votre... vous faites des parallèles avec la doctrine Gérin-Lajoie dans votre rapport, donc, entre le... ce qui est de notre compétence au Québec l'est aussi à l'international, donc vous dites : Ce qui est de notre compétence au Québec l'est aussi dans le monde numérique, c'est bien ça?

M. Taillon (Patrick) : Et si le gouvernement de Jean Lesage n'avait pas eu cette audace de développer la... la doctrine Gérin-Lajoie, bien, l'idée portée par certains que c'est... dès que c'est international, c'est fédéral, ferait en sorte que, bien, via l'international, le fédéral pourrait imposer toutes sortes de normes en santé, en éducation. Et Dieu merci, il y a un arrêt important qui a été rendu en 1937 et l'action du gouvernement Lesage et de d'autres gouvernements québécois par la suite, ont permis de rétablir un équilibre puis même de nous faire une place à l'international. Pour moi, c'est le même enjeu, c'est le... c'est la même chose, sauf que vous remplacez international par numérique et il va falloir être habile, mais il va falloir agir.

Mme Cadet : Merci beaucoup, merci, monsieur... professeur Taillon.

La Présidente (Mme Bogemans) : Merci beaucoup pour votre présentation, M. Taillon, et pour tous les échanges. Je suspends maintenant les travaux quelques instants afin de permettre aux prochains groupes de prendre place en visioconférence. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 17)

(Reprise à 16 h 19)

La Présidente (Mme Bogemans) : Je souhaite donc la bienvenue au Laboratoire de recherche sur la découvrabilité et les transformations des industries culturelles à l'ère du commerce numérique en visioconférence. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour faire votre exposé. Ensuite, nous procéderons à une période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à commencer votre exposé.

• (16 h 20) •

Mme Rioux (Michèle) : Merci, Mme la Présidente. Donc, c'est un honneur, vraiment, pour le LATICCE, donc notre laboratoire sur la découvrabilité, d'avoir été invité à nous prononcer sur cet important projet de loi. Ça fait à peu près 8 ans qu'on travaille sur ces questions-là. On a une perspective d'économie politique, donc on a regardé les transformations des industries culturelles, notamment avec l'avènement de l'Internet, du streaming, et on a étudié donc les impacts, et on est un des premiers centres à avoir bossé sur cet enjeu de découvrabilité et on félicite aussi tous les autres groupes qui ont contribué de façon telle que présentement, on est en train de discuter d'une loi sur la découvrabilité, puis j'en félicite donc le gouvernement actuel et le ministre Lacombe pour cette initiative qui est quand même assez périlleuse, surtout dans le contexte actuel.

Donc, je n'ai pas beaucoup de temps, je vais... je dois laisser un peu de temps aussi à Jean-Robert et à Brice, mais ce que je voudrais mentionner, c'est que pour nous, c'est essentiel cette loi sur la découvrabilité. Je pense qu'on est d'accord avec beaucoup d'autres experts universitaires et beaucoup d'acteurs dans les industries culturelles pour dire que c'est un élément clé pour l'expression, donc, de la souveraineté culturelle numérique à l'ère donc des changements, des transformations qui sont quand même... qui ne font que commencer. Et nous sommes d'accord aussi pour dire qu'il y a une urgence... une urgence d'agir et que le Québec est un leader et a toujours été un leader dans ces questions.

Alors, pourquoi c'est important pour nous cette loi? Je pense qu'elle a tout le potentiel pour assurer l'équité, hein, l'équité justement, qui est à rétablir puisque les produits, donc, de l'offre mondialisée des industries culturelles mondiales, donc, surtout anglophones, on... c'est ce qu'on a documenté dans notre laboratoire et d'autres l'ont fait aussi par la suite. Il y a une asymétrie de positionnement, donc de rétablir l'équité de nos produits culturels sur la scène, en relation avec les autres... d'autres pays qui ont peut-être une ascendance sur les plateformes et sur l'offre mondiale. Pourquoi c'est important ça? Mais c'est parce qu'il va falloir repenser la manière de rémunérer les artistes, les modèles de financement, et c'est aussi par la découvrabilité qu'on pourra le faire, donc ça va être un instrument qui n'est pas juste un droit fondamental comme d'autres l'ont pu le mentionner, mais c'est aussi un outil de développement économique, je dirais, pour l'industrie.

Il va falloir, donc, je pense que la loi le prévoit, avoir des obligations de présentation. Et pourquoi il y a des obligations de présentation? Il y a aussi une asymétrie réglementaire avec les autres fournisseurs de contenus au Québec. Et ça, je pense que c'est aussi cette idée que la loi doit rétablir cette asymétrie des fournisseurs de produits culturels. Et on doit dire aussi que cette loi peut apporter et doit apporter de la transparence. Donc, la loi doit obliger les plateformes à produire des rapports. C'est leur responsabilité. On a toujours prôné, au LATICCE, une attitude de coresponsabilité...

Mme Rioux (Michèle) : ...donc, les acteurs ont leur... leur chemin, leur bout de chemin à faire, les gouvernements, les États, les organisations internationales aussi, comme on l'a mentionné dans plusieurs présentations, mais les plateformes elles-mêmes doivent contribuer à fournir des données et des rapports pour éclairer, justement, cet enjeu qui est crucial pour la survie culturelle du Québec.

Ce que peut-être notre laboratoire a beaucoup travaillé et peut apporter à ce débat sur le projet de loi, c'est qu'au-delà de l'enjeu politique et juridique, on le voit aussi avec... avec la loi fédérale, il va y avoir des obstacles, non seulement la question des États-Unis et de leur réaction, mais aussi des obstacles techniques. Ce n'est pas parce qu'on a une loi qu'on a des outils pour la rendre effective. Et, même si on dit que la loi peut être neutre... neutre sur le plan technologique, il va falloir réfléchir justement à avoir des mesures de suivi, des mesures de suivi et de surveillance et de monitoring qui soient en lien avec les nouvelles technologies. Et je dois dire que là, je ne suis pas certaine qu'on a les compétences techniques et peut-être que le gouvernement pourra les développer, peut-être que nos acteurs... mais il y a un fort besoin de créer des forums et des... je dirais, des lieux de formation pour, justement, que cette loi ne soit pas simplement une lettre.

La question des métadonnées, des normes et des standards, je pense que Jean-Robert va insister beaucoup là-dessus. Je pense que si on n'a pas ce souci-là de travailler à la fois sur le plan technique, la loi ne va pas vraiment donner les moyens d'agir. Donc, je pense que ça, c'est vraiment quelque chose qu'on a pu travailler, on pourra y revenir tout à l'heure. Et la question, aussi, d'avoir des unités et des forums de gouvernance collaborative, Jean-Robert va revenir là-dessus, mais autour d'outils technologiques qui peuvent être des leviers. Il va falloir qu'on réfléchisse à des manières d'être moins dépendants sur les plateformes étrangères. Ça ne veut pas dire qu'il faut nécessairement être... devenir une concurrence à Spotify ou à Netflix, mais il faut quand même trouver des moyens techniques, technologiques, qui peuvent enrichir la démarche juridique à travers ce projet de loi. Alors, je m'arrêterai là parce que j'ai encore trop parlé et je ne veux pas, je veux laisser du temps à Jean-Robert. Je pense que c'est Jean... que c'est Brice qui va continuer. Donc, Brice, à toi la parole.

M. Simeu (Brice-Armel) : Merci. Merci, Mme la Présidente. Donc, pour poursuivre dans... dans la réflexion qu'a entamé Mme Rioux, je suis Brice-Armel Simeu, je travaille au LATICCE comme chercheur sur la question de la découvrabilité, sous la direction de Mme Rioux également, je mène des travaux de doctorat sur les leviers d'activation de la... de la découvrabilité et j'ai également, dans le cadre du Programme québécois d'entrepreneuriat scientifique, mis en place une startup qui travaille sur ces leviers d'activation, effectivement. Donc pour moi, la question de la découvrabilité doit être abordée de façon écosystémique, c'est-à-dire que la découvrabilité ne peut pas être juste réduite à comment les anciens quotas ou le rationnement de... de la mise en valeur des contenus culturels autrefois se traduit dans le numérique. Il faut réellement penser les leviers efficaces de réalisation de la volonté politique et de mise en place de la politique publique au niveau même des interfaces techniques. Et c'est ça qu'on essaie d'aborder au niveau de LATICCE, d'avoir une appréhension plus sociotechnique de la découvrabilité.

Bon, à ce niveau-là, il y a deux... deux points importants. Premièrement, le développement des solutions technologiques elles-mêmes, qui se modifient, on le voit, avec l'intelligence artificielle qui pose un nouveau défi. La question, c'est comment est-ce qu'on adresse ces enjeux de manière permanente dans une temporalité qui corresponde à une action publique efficace. Donc, au niveau des leviers, nous, on a pensé, au niveau de LATICCE, qu'il fallait travailler plus le concept de nudge, c'est-à-dire comment est-ce qu'on permet que des architectures de choix se mettent en place pour contribuer à afficher au mieux les contenus culturels sans contraindre l'utilisateur. La question de la découvrabilité ce n'est pas seulement la question de la visibilité ou de l'accès aux contenus culturels de langue originale française, mais aussi la question de sa consommation. Et le développement des outils techniques pose une autre question, c'est celle de leur capacité à traduire des imaginaires dans des espaces algorithmiques. Bon, la question de la souveraineté algorithmique doit être adressée au cœur de... au cœur de la loi et non pas seulement désigner des règlements de contraintes. Comment est-ce qu'on apporte un soutien à des solutions que je dirais plus frugales, qui permettent qu'on réponde à un besoin d'affirmation et... mais aussi surtout...

M. Simeu (Brice-Armel) : ...souveraineté culturelle numérique. Au niveau du LATICCE, on a travaillé sur un dispositif qui permet d'aller fouiller dans les catalogues des contenus les moins exposés par rapport aux territoires où ils devraient être plus exposés. Je prendrai un exemple plus concret. Par exemple, une personne qui habite à Montréal ou une personne québécoise, comment elle accède à des contenus québécois par défaut lorsqu'elle se connecte sur Spotify. Cela n'est pas nécessairement établi par Spotify, il faut accepter d'être géolocalisé pour avoir accès à un certain nombre de contenus, mais il faut aussi considérer que ce phénomène-là est en présence de Spotify plus que sur les autres plateformes concurrentes. Ce qu'on a pensé, c'est de développer ce qu'on appelait la métarecommandation, c'est-à-dire les dispositifs qui permettent qu'une personne dans une région donnée ait accès à un catalogue de contenus représentatifs de l'imaginaire culturel de cette région-là, sans devoir contrainte à la plateforme en tant que telle... de lui proposer.

Donc, il y a des solutions qui peuvent venir accompagner la réglementation. Et je pense qu'on se situe là dans une réglementation hybride, c'est-à-dire qu'on développe un dispositif réglementaire pour contraindre là où c'est possible, mais aussi penser d'élever l'activation technologique... qu'on peut aussi mettre en place dans le cadre de ce qu'on appelle les nudges.

Le deuxième élément que je pourrais apporter, c'est la question de l'intelligence artificielle...

La Présidente (Mme Bogemans) : Malheureusement... Un mot de la fin. Il reste moins de 10 secondes.

M. Simeu (Brice-Armel) : Je dirais que... je dirais rapidement que l'intelligence artificielle pose un grand... une grande question, c'est l'entraînement sur les données représentatives de la culture. Il faut vraiment qu'on ait une réflexion stratégique et de politique publique là-dessus.

• (16 h 30) •

La Présidente (Mme Bogemans) : Parfait. Je vous remercie pour votre exposé. Nous allons maintenant commencer la période d'échange. La parole est au ministre pour 16 minutes 30.

M. Lacombe : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Là, je sens que vous n'aviez pas terminé, hein? Vous étiez sur votre élan. Je vous laisserais peut-être quelques minutes, mais bon, peut-être pas 10 là, parce que je veux quand même vous poser quelques questions, pour que vous puissiez terminer votre point. Je pense que monsieur... je ne sais pas si M. Bisaillon avait aussi un segment, oui, à faire, donc je vous laisserais quelques minutes pour que vous puissiez... pour que vous puissiez continuer.

M. Bisaillon (Jean-Robert) : Oui, tout à fait. Oui, merci, merci, M. Lacombe. En fait, il y a deux petits trucs sur lesquels je voudrais insister qui n'ont pas encore été mentionnés. Dans le cadre des enjeux associés aux mesures de suivi du projet de loi, Mme Rioux l'a mentionné brièvement, mais on pense que le Bureau de la découvrabilité, tel que présenté dans le projet de loi, ne va pas assez loin et qu'éventuellement il faudrait l'assortir d'un comité basé sur une logique de gouvernance collaborative qui permettrait aux acteurs de la culture et aux plateformes qui seraient éventuellement cadrés par la réglementation, permettre aux milieux culturels et aux plateformes de participer à un échange sur les enjeux associés à l'application de la loi.

Pour moi, on a affaire à une question environnementale ici, lorsqu'il s'agit de préserver la diversité des expressions culturelles et la langue française au Québec, on a affaire à une question environnementale et on doit réfléchir à des approches très osées, comme la gouvernance collaborative de ces enjeux-là et sur l'application de la logique des communs de la connaissance aux données associées aux produits culturels québécois. Les produits culturels québécois doivent être associés à cette logique des communs de la connaissance qui a été développée par le prix Nobel de la paix Elinor Ostrom. Et il faut absolument réfléchir à des bases de données ouvertes qui permettraient éventuellement de qualifier les contenus québécois par rapport à des paramètres techniques qui vont nous permettre ou pas d'appliquer cette loi.

M. Lacombe : Super.

M. Bisaillon (Jean-Robert) : Ça a été très rapide, là, mais...

M. Lacombe : Oui. Bien, en fait, vous...

M. Bisaillon (Jean-Robert) : Si vous avez des questions là-dessus, allons-y, quoi.

M. Lacombe : Oui, vous avez terminé un peu en parlant de données, justement je... parce que vous avez soumis... vous avez soumis un mémoire, vous nous l'aviez soumis en 2024. C'était, à moins que je ne me trompe, à peu près le même contenu dont on a pris connaissance, donc merci pour ça. Je voulais justement peut-être vous relancer sur la question des données. Vous parlez beaucoup de métadonnées, de l'importance, puis je partage cet avis-là, d'ailleurs, que l'industrie se structure notamment avec ces métadonnées pour qu'on puisse être performant après dans l'univers numérique. C'est un peu le nerf de la guerre. Qu'est-ce que...


 
 

16 h 30 (version non révisée)

M. Lacombe : ...qu'est-ce que vous proposez là-dessus? Qu'est-ce que vous avez à dire?

M. Bisaillon (Jean-Robert) : Bien, je pense que la première chose que je dirais par rapport à la question des métadonnées, c'est que ce sont des normes internationales qui sont définies par des tables industrielles auxquelles le Québec est... le Québec est absent. Donc, déjà, en partant, si on ne veille pas à nos intérêts au sein des tables normatives, on pourrait passer à côté. Parce que ce sont des normes qui sont, comme je dis, établies par des tables industrielles internationales. Et il faut être capable de veiller à nos intérêts lorsque des décisions sont prises en matière de normalisation. Je pourrais vous en citer quelques-unes, mais il est clair que, par exemple, l'International Standard Organization est statutaire pour un certain nombre de métadonnées fondamentales pour la documentation des contenus culturels et que si le Québec n'est pas suffisamment présent du côté d'Industries Canada pour agir sur ces enjeux de normes ISO, on peut... on peut passer à côté. Et il y en a d'autres.

M. Lacombe : Et là-dessus, juste... je ne veux pas vous couper, mais juste avant qu'on aille plus loin. Est-ce qu'à votre connaissance... parce que c'est un domaine que, visiblement, vous maîtrisez bien, à votre connaissance, sur ces tables industrielles qui adoptent les normes internationales sectorielles, est-ce qu'il y a des états fédérés qui... qui, sans être des pays, sont membres, ou ce n'est pas une pratique qui existe?

M. Bisaillon (Jean-Robert) : Malheureusement, je ne peux pas répondre à cette question-là, je ne sais pas. Mais... mais on a un représentant canadien à ISO, il y a une table normative bien spécifique. Je pourrai vous donner la... le chiffre exact, mais c'est la table 49 suivie d'un suffixe, mais on a un représentant canadien qui siège sur cette table, table qui se réunit très peu et qui, par exemple, va statuer sur les codes des enregistrements sonores, puis des œuvres musicales. Et ce sont des normes qui ont très peu évolué au fil des récentes années. Et puis, il y a définitivement matière à être plus vigilant de ce côté-là.

M. Lacombe : D'accord, je vous laisse poursuivre. Vous n'aviez pas terminé sur les métadonnées.

M. Bisaillon (Jean-Robert) : Écoutez, c'est que les métadonnées vont nous permettre, éventuellement, d'associer les contenus que l'on veut voir mis de l'avant. Il faut absolument associer ces contenus à des... à une documentation qui nous permette de faire le lien avec les contributeurs, avec le territoire d'origine de ces contenus-là, pour s'assurer qu'il y a une balance qui est respectée en matière de mise à disposition et de... et de normes de présentation des contenus.

Donc, je perds le fil de mes idées parce que... mais les métadonnées vont être essentielles pour faire en sorte que le contenu qui fait l'objet de la régulation soit... puisse être effectivement recensé de façon à savoir s'il occupe le poids requis ou attendu sur l'ensemble des écoutes en flux continu qui auront été effectuées par les... par les abonnés québécois.

M. Lacombe : Bien, j'ai... j'ai peut-être juste une question de précision, parce que sur le fond, écoutez, je partage tout à fait votre avis, là, qu'on a des industries culturelles au Québec qui sont... qui sont effervescentes, qui produisent beaucoup, mais si on poursuit des objectifs de découvrabilité comme ceux qu'on poursuit, on doit aussi s'assurer qu'on soit bien positionnés, et ça part, notamment, du fait ou non d'avoir de bonnes métadonnées disponibles. Parce qu'évidemment, il faut se structurer, il faut être capable d'alimenter les plateformes avec... avec ces métadonnées-là, donc, il faut les produire au départ.

Et vous dites que la loi... corrigez-moi si je me trompe, mais ma compréhension, c'est que vous nous suggérez que le projet de loi devrait inciter les producteurs, les artistes et les créateurs à veiller à la présence de métadonnées de base et que, pour les productions réalisées à l'aide de fonds publics, ça devrait être obligatoire. Donc, d'abord, est-ce que... est-ce que je résume bien votre position? Puis deuxièmement, si c'est le cas, vous semblez dire oui, je partage, sur le fond, cette idée-là, mais je me demande juste, bon, est-ce que c'est le meilleur véhicule, ce projet de loi, ou est-ce que ça ne pourrait pas plutôt se retrouver même pas nécessairement dans une loi, mais c'est-à-dire dans les normes de...

M. Lacombe : ...de nos différents programmes. Donc, est-ce que vous êtes flexible sur le.... si vous êtes ferme sur l'objectif, est-ce que vous êtes flexible sur les moyens?

M. Bisaillon (Jean-Robert) : Oui, tout à fait. Ça peut effectivement faire partie des mécaniques de fonctionnement des bailleurs de fonds de simplement exiger la présence de ces métadonnées-là. Par contre, la nature de ces métadonnées-là peut... doit faire l'objet d'une réflexion. C'est bien beau que la SODEC, par exemple, exige la présence de certaines métadonnées pour attribuer les dernières sommes à un projet qui a été soutenu, mais quelles sont-elles exactement? Et ça, c'est en... certainement en voie d'évoluer. Et c'est pour ça qu'on pense qu'il faut que les milieux créatifs et les milieux ciblés par la loi, les industries ciblées par la loi, puissent participer à une conversation sur l'évolution de ces métadonnées et de façon globale, sur la façon par laquelle les algorithmes fonctionnent... Voilà, quoi. C'est... On n'est pas... On n'est pas dans un univers statique qui... et on n'est plus dans un univers de briques et de ciment comme c'était le cas avant au coin de Berri et Ste-Catherine chez Archambault, là. On est dans quelque chose qui évolue beaucoup plus rapidement, puis il faut que les milieux directement concernés soient capables de participer en continu à une forme de conversation, indépendamment du cadre juridique. Il faut que les mesures d'application technique soient en mesure d'être cadrées et soient en mesure d'évoluer, et cela en concertation avec les milieux qui sont visés, puis qui sont... qui sont directement impactés.

• (16 h 40) •

M. Lacombe : D'accord. Merci beaucoup, M. Bisaillon. Bien, en fait, peut-être je conclurais la-dessus en disant encore une fois, je partage cet objectif parce que je pense que, en fait, c'est une évidence, là, qu'on doit... qu'on doit appuyer nos industries culturelles à aller vers la production de ces métadonnées, puis s'assurer que ce soit bien organisé, qu'on puisse bien nourrir les différentes plateformes si on veut que notre contenu s'illustre. Puis je suis assez partisan aussi du fait qu'on devrait avoir des obligations quand on a des œuvres qui sont produites avec des fonds publics. Donc, je suis assez sympathique à cette idée-là. Je suis seulement... puis je vois que vous êtes, vous aussi, assez souples sur les moyens. Je me questionne simplement à savoir si c'est le bon véhicule, ce projet de loi, mais je vous rassure en vous disant qu'on poursuit nos travaux dans un autre dossier, celui du groupe de travail sur l'avenir de l'audiovisuel québécois. Et bon, je comprends que ça ne comprend pas la musique, mais quand même, on est dans les mêmes... on est dans les mêmes principes, donc soyez assurés qu'on continuera ce travail-là, puis il nous reste quelques minutes peut-être... Oui, j'ai des collègues qui seraient aussi intéressés à vous poser des questions. Ça vous laissera... ça laissera aussi peut-être le temps à vos collègues de compléter leur réponse.

La Présidente (Mme Bogemans) : M. le député de Vanier-Les Rivières.

M. Asselin : Bonjour aux membres du LATICCE, Mme Rioux, M. Simeu, M. Bisaillon. C'est un grand plaisir de vous retrouver ici. Je me souviens du début des années 2000 où on a travaillé ensemble sur les mégadonnées. Donc, je suis heureux de vous entendre encore être militant dans ce domaine-là, parce que vous avez accompli des travaux importants là-dessus. Je voudrais vérifier si le pouvoir réglementaire contenu dans le projet de loi n° 109, notamment aux articles 20, là, autour des articles 20, s'il est suffisant pour protéger ce que vous voulez protéger.

M. Bisaillon (Jean-Robert) : Il faudrait que vous me rappeliez la teneur de l'article 20 et cette section. Malheureusement, je ne l'ai pas en mémoire.

M. Asselin : En général, avez-vous l'impression que le projet de loi... (panne de son) ...va suffisamment loin avec la nature de ce que vous recherchez?

M. Bisaillon (Jean-Robert) : Non, malheureusement. Je dois dire que pour moi, qu'on cadre... qu'on cadre cette question du droit à la découvrabilité et qu'on la... et qu'on ouvre la...

M. Asselin : Vous pourriez expliquer, les métadonnées, en quoi est-ce important dans le domaine de la découvrabilité.

M. Bisaillon (Jean-Robert) : Bien, c'est que pour moi la question du juridique n'est pas suffisante si on n'est pas capable de bien cerner les enjeux techniques, si on n'est pas capable de faire dialoguer le juridique avec les...

M. Bisaillon (Jean-Robert) : ...dimensions techniques de la problématique, on risque... on risque, éventuellement, d'accoucher de concepts qui ne sont pas applicables dans... dans un contexte d'innovation technologique comme celui auquel on assiste. Il faut absolument qu'il y ait... qu'il y ait une jonction des... Il faut que les conversations puissent passer du juridique au technique pour s'assurer que le... que le juridique a effectivement prise sur le corpus qu'on cherche à circonscrire ou sur les enjeux qu'on cherche à circonscrire. On ne peut pas, à mon avis, dissocier le juridique du technique, c'est essentiellement ce que j'essaie de répéter, ce que je répète depuis... depuis maintenant plus de 10 ans. Et je pense qu'on a malheureusement peu d'expertise technique au ministère de la Culture. Puis c'est... je veux dire, c'est des gens avec qui je dialogue sur une base régulière et qui manifestent énormément d'ouverture et qui ont... qui ont vraiment envie qu'on parvienne à circonscrire cette problématique au même titre que le ministre Lacombe vient de... vient de l'affirmer lui-même, mais il faut absolument améliorer notre expertise technique sur ces enjeux-là. Et il ne faut pas... il ne faut pas scinder la réflexion sur le plan juridique, sur le plan des droits, avec leur possible applicabilité dans un cadre technique.

M. Asselin : Merci beaucoup d'avoir attiré notre attention sur ce volet, M. Bisaillon, et salutations.

La Présidente (Mme Bogemans) : M. le député de Saint-Jean pour une minute 40.

M. Lemieux : Une ou deux?

La Présidente (Mme Bogemans) : Une minute 40.

M. Lemieux : Ah bon Dieu! Je ne sais pas si... on n'aura pas le temps, c'est sûr, mais je voulais que vous me parliez la dernière partie de votre... du nom de votre organisme, de transformation des industries culturelles à l'ère du commerce électronique. Parce que j'étais en train de me dire : C'est bien beau si on réussi à augmenter légalement puis forcer les grands de ce monde dans le monde numérique à nous donner la découvrabilité dont on a besoin pour sauver notre culture, notre langue, tout ça. Mais, au final, ceux qui vont se trouver brimés là-dedans, puis ça pourrait être vrai pour le Canada aussi, parce qu'il y a l'hégémonie américaine sur la télévision canadienne, puis sur le cinéma canadien, puis tout le reste... Au final, dans le fond, on a beau se donner les règles juridiques avec les plateformes, la vraie compétition, c'est ceux qui occupent la place qu'on veut prendre, jusqu'à un certain point, non?

M. Bisaillon (Jean-Robert) : Michèle?

Mme Rioux (Michèle) : Le titre... peut-être sur le titre, je pourrais... Ça fait longtemps qu'on travaille, justement, sur la convention, la convention de 2005 et son... le bras de fer de cette convention avec les accords de commerce. Comment on peut faire primer des systèmes de règles qui ne sont pas de la marchandisation culturelle? Et puis, lorsque j'ai créé ce labo et puis que j'ai commencé à travailler avec ces chercheurs, c'était vraiment la question de la mondialisation. Est-ce qu'on peut avoir des contre-pouvoirs à la mondialisation? Et donc, à travers... avant, on le faisait à travers des quotas. Maintenant, notre proposition, c'était qu'on devait le faire à travers des...

La Présidente (Mme Bogemans) : Merci...

Mme Rioux (Michèle) : ...d'activation de la découvrabilité...

La Présidente (Mme Bogemans) : C'est tout le temps qu'on avait pour ce bloc. Je suis désolée de vous interrompre, Mme Rioux. Maintenant, je cède la parole à la porte-parole du premier groupe d'opposition pour une durée de 12 minutes 23.

Mme Cadet : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Mme la directrice, MM. les chercheurs, merci beaucoup pour vos interventions. Si vous avez entendu les échanges précédents que nous avons menés, donc, avec les autres intervenants plus tôt aujourd'hui... De mon côté, j'ai eu l'occasion de poser des questions sur notre capacité d'agir, notamment comme États fédérés, mais aussi à notre capacité de pouvoir assujettir des acteurs privés transnationaux à notre droit interne, mais dans votre présentation, Mme Rioux, vous nous avez abordé, donc, une autre... un autre enjeu de capacité, soit la capacité technologique, qui n'a pas été abordée par vos prédécesseurs. J'aimerais prendre le temps de vous entendre là-dessus, parce que, si je vous ai bien comprise un peu plus tôt, vous nous mettiez en garde et vous nous disiez, en fait, donc, qu'il fallait, donc, que l'on développe les outils technologiques pour mettre en œuvre le projet de loi et que vous n'étiez pas certaine que nous ayons les compétences techniques pour le faire et que la loi ne donnera pas les moyens d'agir si nous ne nous dotons pas de ces... de ces compétences sur le plan technologique. Donc, j'aimerais vous donner l'occasion d'élaborer, parce que les échanges précédents n'ont pas eu l'occasion de le faire.

Mme Rioux (Michèle) : Oui. Bien, écoutez, c'est... je vais rebondir sur ce que Jean-Robert a mentionné tout à l'heure et je l'ai... un petit peu dans ma présentation plus générale, c'est-à-dire que ça nous prend un volet technique qui doit venir...

Mme Rioux (Michèle) : ...rendre effective la... cette loi si on veut véritablement qu'elle ait des... qu'elle atteigne ses objectifs. Donc, la loi, c'est un premier pas, mais ensuite, ça prend une capacité technique. Donc, la question des métadonnées est très importante, mais ça va plus... beaucoup plus loin même que la question... la question algorithmique, etc.

Donc, et Brice Simeu, par exemple, pourrait rebondir sur la capacité, il est en train d'inventer un outil technologique qui pourrait améliorer nos connaissances des mécanismes de détermination de la découvrabilité. Qu'est-ce qui détermine la découvrabilité, puis comment on peut justement l'améliorer? Donc, ça va nous prendre à la fois des gens qui ont cette sensibilité ou cette capacité de... de rendre, de traduire la loi dans des... dans un univers technique qui a changé, qui est en évolution constante, comme l'a mentionné Jean-Robert, mais aussi avoir un volet plus développement économique et technologique dans nos industries culturelles. Notamment, comme je l'ai mentionné dans mon introduction, on n'est pas obligé de toujours dépendre de ces plateformes. On peut les mettre en concurrence les unes avec les autres en leur démontrant que, par exemple, Deezer, c'est un meilleur ami de la découvrabilité que Spotify ou vice versa.

Donc, c'est dans cette optique-là que nous, on pense que la technologie et la compréhension des changements technologiques, le savoir technique sur comment une loi peut être rendue effective ou non, c'est central. Est-ce que ça va nous permettre de renverser les asymétries actuelles? Probablement pas. Il ne faut pas se leurrer. Je veux dire, on a des géants incroyablement riches devant nous qui ont structuré et qui sont les souverains dans l'espace de l'offre mondialisée de la culture. Donc, ce sera... je pense qu'il faut peut être avoir des ambitions un peu... un peu plus restreintes, c'est-à-dire de dégager une marge de manœuvre. C'est ça qu'on peut... on ne va peut-être pas les contraindre, puis il y a beaucoup de punitions et de coercition dans la loi, mais je pense qu'au-delà d'un bras de fer, il faut engager une conversation aussi avec ces entreprises-là, pour les sensibiliser, pour... Peut-être qu'on peut les mettre à notre service. Mais pour ça, effectivement, la loi peut engager... faire en sorte qu'on engage un dialogue, mais il faut avoir les mots pour les convaincre. Il faut avoir le savoir technique, il faut savoir comment ils fonctionnent, vers où ils s'en vont. Donc, beaucoup de si, mais je pense que la loi peut... peut-être pas renverser l'asymétrie qui existe, mais au moins dégager des marges de manœuvre pour consentir un petit peu mieux.

• (16 h 50) •

Mme Cadet : Je comprends. Effectivement, donc, dans le cadre de mes remarques préliminaires, donc, je le mentionnais. Donc, on a ici, donc, une charte d'intention politique, mais on n'a pas nécessairement, donc, un cadre normatif qui... je ne veux pas dire avec des dents, là, parce qu'évidemment, donc, vous dites, donc, qu'il y a un régime de sanctions qui est... qui est présent dans le texte législatif. Mais vous dites que cette étape supplémentaire, pour être capable de bien opérationnaliser le projet de loi, bien, c'est de s'assurer de, je veux dire, financer, là, mais d'investir dans des ressources techniques, là, pour bien saisir comment, donc, les différentes plateformes opèrent pour mieux cibler la capacité d'action. C'est bien ça?

Mme Rioux (Michèle) : Oui. Et puis je pourrais rajouter la dimension internationale dans la mesure où on a parlé de... d'approche multiniveaux, là, dans la présentation précédente, je pense qu'il faut avoir une action concertée à l'échelle internationale, au Canada, Québec, mais aussi avec la Francophonie. Je pense que ça, c'est aussi... peut-être que, encore là, on pourrait faire des gains en termes de sensibilisation, puis de... je dirais, d'avancement de ces principes-là, qui sont... qui vont à l'encontre, disons-le, de la... des principes de marchandisation qui gouvernent présentement, là, les industries culturelles mondialisées.

Jean-Robert, tu voulais...

M. Bisaillon (Jean-Robert) : J'aimerais... Oui, je voudrais ajouter un truc. La loi introduit ce concept de Bureau de la découvrabilité des contenus culturels, mais je trouve que ça manque de précision quant aux mandats et attributions de ce bureau et que c'est ce bureau qui pourrait éventuellement constituer une forme de conseil expert qui viendrait au service de la loi pour s'assurer que, sur le plan technique, on soit face à des... face à des... qu'on soit en mesure d'appliquer, qu'on soit en mesure de s'assurer de la faisabilité de l'application de la loi. Donc, à la rigueur, moi, je retournerais la question aux parlementaires à savoir qu'est-ce que vous prévoyez confier comme mandat au bureau de la découvrabilité. Et c'est là-dessus que je pense qu'on doit ouvrir un peu notre champ de vision et de réfléchir à une formule de gouvernance collaborative qui permettrait aux plateformes elles-mêmes de...

M. Bisaillon (Jean-Robert) : ...participer à la conversation. Parce que moi, je suis persuadé que si on tente strictement de réguler par le bâton, on n'y arrivera pas. Il faut absolument établir une conversation avec les acteurs techniques de la distribution numérique parce qu'ils sont très peu, ils se comptent sur les doigts de nos deux mains. Ils sont en situation d'oligopole. Il faut absolument engager la conversation avec eux, parce qu'il est aussi dans leur intérêt de s'assurer que nos contenus soient mis en valeur. Et ça, j'en suis convaincu, et donc, toutes les parties ont intérêt à ce qu'une conversation se mette en place plutôt que de fonctionner avec des approches... des approches coercitives ou des approches pénales.

Mme Cadet : Merci beaucoup, M. Bisaillon. Vous pouvez compter sur moi pour poser la question au ministre lors de l'étude détaillée quant aux détails du mandat octroyé au bureau de la découvrabilité au sein du ministère. Vous avez aussi évoqué dans votre présentation... Et là, je me tourne vers vous, M. Simeu. Les enjeux liés à la géolocalisation, c'est un... c'est peut-être un angle mort dont on a très peu discuté à date. Je pense que vous... si je vous ai bien compris, là, je pense que vous évoquiez le... bien, en fait, je pense que je vais paraphraser... je ne pense pas que c'est ce que vous évoquiez, mais ça soulevé chez moi peut-être la question, donc, du risque lié quant aux données personnelles des usagers d'être en mesure d'être géolocalisés afin que les algorithmes puissent prendre en considération le lieu, l'état dans lequel se trouve l'usager. Donc, je vous vois hocher de la tête, donc c'est bien dans cette direction-là que vous nous ameniez comme... c'est cette considération-là que vous vouliez que nous prenions en considération comme législateurs.

M. Simeu (Brice-Armel) : Tout à fait. Ça rejoint l'enjeu des outils techniques dont on parle. C'est... ce ne sont pas nécessairement des outils qui n'existent pas. Il y a des choses qui se font. La question, c'est : comment est-ce qu'on met les acteurs dans un écosystème où ils travaillent et de manière à ce que ces outils deviennent opérationnels? Donc, dans la recherche universitaire, il y a des choses qui se font, y compris au LATICCE. Nous avons mis en place un système d'enrichissement automatisé de métadonnées dans le cas du travail que nous sommes en train de créer, de sorte que lorsqu'on a des contenus qui ont... ce qu'on appelle les données disparues, les «missing data», qui puissent automatiquement être enrichies et actualisées, et ainsi, on propulse leur découvrabilité sur les plateformes.

Mme Cadet : C'est quoi, des données disparues?

M. Simeu (Brice-Armel) : Bien, par exemple, dans un registre de données où on décrit les données d'un contenu, il peut y avoir l'absence du pays, la mal description du genre, par exemple, rock et rock québécois, ce n'est pas la même chose, ou encore l'absence de la langue, ou encore l'absence du pays d'affiliation du contenu. Il peut y avoir, dans le remplissage des données des contenus, des absences comme ça qui font qu'ils sont mal recommandés ou pas recommandés du tout. Et là, on parle par exemple, des artistes indépendants, des petites maisons de disques qui n'ont pas nécessairement la ressource pour remplir des registres de multiples plateformes comme il faut.

Alors, la question c'est : Est-ce que même les plateformes dans les différents registres de métadonnées ont une uniformité de remplissage? Non. Donc, la manière dont Spotify remplit ou Deezer remplit n'est pas pareil qu'une autre plateforme, et ça peut jouer également sur la disparité des recommandations. Donc, ce que nous avons fait, bien, c'est de centraliser tous ces mécanismes-là et de les automatiser avec des procédés d'IA, c'est faisable. Donc, il y a des solutions qui existent, ces solutions doivent être propulsées dans le milieu pour qu'on arrive à des actions immédiates, parce que la technologie évolue, les enjeux aussi évoluent beaucoup.

Donc, au-delà de la concertation, de la réglementation, de la contrainte juridique, comment est-ce qu'on agit en tant qu'acteur public de manière aussi plus frugale pour adresser les enjeux de manière plus immédiate? Voilà un peu ce que je pouvais dire pour compléter un peu ce que Jean-Robert a mentionné. Pour un exemple très clair, nous avons vu, dans le projet qu'on développe avec la plateforme que nous mettons en place, qu'Ariane Roy, par exemple, une artiste québécoise, était référencée comme... à international, qui ne veut absolument rien dire, c'est-à-dire si on met dans une métadonnée que le pays est décrit comme international, ça va évidemment jouer sur la manière dont Ariane Roy sera découverte ici et là.

Bon, la question aussi de la qualité du contenu mais de la qualité de comment on le décrit est fondamentale.

Mme Cadet : Donc, vous êtes dans la poursuite, là de ce qu'évoquait Mme Rioux, un peu plus tôt, là, sur notre capacité technologique d'agir, parce que sinon, on va voir, donc, ce type de disparité-là, et une artiste comme Ariane Roy ou Lou-Adriane Cassidy, donc, pourrait être mal répertoriée et, donc, ne pas bénéficier de l'objectif...

Mme Cadet : ...de découvrabilité de leurs propres œuvres. Parce que je saisis qu'on n'a pas beaucoup de temps, je vous... Vous avez aussi évoqué la question de l'intelligence artificielle et puisque vous vous intéressez principalement aux plateformes de streaming, là, de musique, plutôt que le secteur audiovisuel, je veux peut-être vous entendre là-dessus.

M. Simeu (Brice-Armel) : Bien, ce que je peux dire, il ya deux choses élémentaires sur l'intelligence artificielle, c'est que lorsqu'on mobilise les modèles de langage, les larges modèles de langage pour se faire recommander du contenu culturel, on voit se reproduire les biais qu'on reproche aux algorithmes et leurs stratégies dominantes de recommandation des contenus mainstream, comme on... comme on dit souvent. C'est-à-dire que parce que les larges modèles de langage ont été entraînés sur une masse de données qui a déjà des biais, alors, lorsqu'on se fait recommander en utilisant ce procédé-là, bien, ces biais se répètent. La question, c'est de... Comment est-ce qu'on... qu'on arrive à gérer ces formes de biais qui sont déjà présentes dans des... dans des modèles de langage? Alors, dans le cadre d'un projet qu'on est encore en train de travailler au LATICCE, on voit comment...

La Présidente (Mme Bogemans) : Le temps imparti est terminé. Je dois vous interrompre, je suis désolée. La parole est maintenant au deuxième groupe d'opposition. Vous disposez de quatre minutes huit.

• (17 heures) •

M. Zanetti : Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup pour vos présentations, vraiment intéressantes. Je voudrais poser plein de questions, mais on doit faire des choix. La question du bureau de la découvrabilité, là, je vais vous dire un peu ce que j'ai compris, vous me corrigerez s'il y a des affaires qui ne marchent pas là-dedans. Dans le fond, le bureau, essentiellement, ça ne va pas assez loin parce que... aura-t-il les outils techniques et... de pouvoir mener son mandat, vérifier vraiment si la découvrabilité est effective, etc., c'est des questions que vous posez. J'ai l'impression que vous placez comme en solution à ça, ou en proposition, l'idée d'une gouvernance participative pour aider, justement, le bureau à avoir l'expertise et les moyens d'accomplir son mandat, qui doit être par ailleurs clarifié, là, mais, mettons que je vais sur la gouvernance participative... Avec qui? La gouvernance participative, j'ai cru comprendre que vous dites : Les plateformes de diffusion. En même temps... Puis, vous avez dit aussi : Les plateformes de diffusion ont intérêt à ce qu'on découvre notre propre culture, là. J'ai l'impression que, mettons, si c'était le cas, le projet de loi ne serait pas utile, tu sais, j'ai l'impression qu'il y a des... quand même des intérêts qui font qu'eux autres font juste l'affaire qui est la plus payante, et ça s'adonne que ce n'est pas qu'on découvre notre culture, chiffres à l'appui.

Comment fonctionne... Avec qui, en fait? Qui serait assis autour de la table pour la gouvernance participative? Ce serait le ministère et des chercheurs du Québec? Des plateformes? Si vous pouviez développer un peu là-dessus...

M. Bisaillon (Jean-Robert) : Je vais... je vais y aller, si vous n'avez pas d'objection, Brice et Michèle. On est en train de conduire des recherches sur cette question. Il est clair qu'une gouvernance collaborative, plus il y aura de... plus y aura de parties impliquées, plus ça risque d'être lourd et de poser des difficultés en termes de capacité à prendre des décisions. Il faut voir quelle est la théorie existante sur les modes de fonctionnement des régimes de gouvernance collaborative, il y a de la recherche qui a été faite, notamment aux États-Unis, en nouvelle... en nouvelle gouvernance publique, sur ces questions-là, et on est encore en train de creuser.

Cela dit, on a une liste de parties prenantes qui devraient, selon nous, siéger au sein d'un comité-expert qui fonctionnerait selon des logiques de gouvernance collaborative. Et ça implique vraiment tout l'ensemble des parties prenantes impliquées, c'est-à-dire autant l'amont que l'aval, le public abonné, que les plateformes qui mettent les contenus à disposition, en passant par les sociétés de gestion collective de droit, en passant par les distributeurs numériques, par les maisons de disques. C'est vraiment l'ensemble de la chaîne qui est concernée qui doit participer à la conversation.

Maintenant, compte tenu du fait que ça semble bien idéaliste, il faut incarner ça aussi dans des nouveaux outils de type plateforme de gouvernance collaborative. Il va falloir absolument mettre en place une forme de dialogue qui ne sera pas linéaire, mais un dialogue qui permet aux parties prenantes d'interagir à tour de rôle d'une façon non linéaire, et ça existe déjà en matière de prise de décision, notamment à l'Internet Engineering Task Force, où, lorsqu'une proposition est mise de l'avant, elle fait l'objet d'un «request for comments», d'une proposition sur laquelle...


 
 

17 h (version non révisée)

M. Bisaillon (Jean-Robert) : ...parties impliquées ont à se prononcer pour éventuellement faire des choix. Donc, ce que je dis là, c'est qu'on doit se doter d'une structure véritablement robuste qui fait... qui fait une place à l'ensemble des acteurs impactés par ce type d'enjeux.

La Présidente (Mme Bogemans) : ...10 secondes.

M. Zanetti : Oui, bien, merci pour la réponse.

La Présidente (Mme Bogemans) : Donc, je vous remercie énormément pour votre contribution à nos travaux.

Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 04)

(Reprise à 17 h 07)

La Présidente (Mme Bogemans) : Je souhaite donc la bienvenue à l'Observatoire de la culture et des communications du Québec en mode hybride, donc nous avons des invités en présence et d'autres en visio. Vous disposez de 10 minutes pour faire votre exposé. Ensuite, il y aura une période d'échange avec les membres de la commission. Donc, vous pouvez commencer dès maintenant.

Mme Caris (Patricia) : Bonjour. Alors d'abord, merci de votre invitation. Bonjour, M. le ministre. Bonjour, Mme la Présidente, et Mesdames, messieurs les membres de la commission. Alors, je me présente, je suis Patricia Caris, je suis la statisticienne en chef adjointe de l'Institut de la statistique. Je suis accompagnée aujourd'hui par M. Martin Thibault, qui est notre directeur par intérim, M. Claude Fortier, qui est coordonnateur, et Pascal Genêt, qui est à distance. Ils sont tous à l'Observatoire Culture et Communication. Nous vous sommes très reconnaissants de nous avoir invités à vous communiquer notre point de vue et certains éléments liés à l'expertise de l'OCCQ. Tout d'abord, d'emblée, on doit vous dire qu'on est très convaincu de l'importance du projet de loi n° 109. Pour expliquer un petit peu plus pourquoi, je vais expliquer un petit peu le rôle de l'Institut.

D'abord, vous savez sans doute qu'on a été créé il y a un peu plus de 25 ans...

Mme Caris (Patricia) : ...nous sommes l'organisme gouvernemental qui a pour mission de produire des informations statistiques représentatives, fiables et objectives quant à tous les aspects de la société québécoise. «Représentatif» étant très important, ça explique que des fois, on fait des grosses enquêtes. Comme toutes les agences statistiques, d'ailleurs, qui sont reconnues à l'international, on applique aussi de très hauts standards en matière de sécurité et de confidentialité. Dans le domaine qui nous intéresse, c'est particulièrement important. Notre infrastructure est sécurisée, nos pratiques sont exemplaires et ça fait en sorte que nous sommes en mesure d'exploiter des données administratives, des données sensibles, que ce soit par exemple les données de Revenu Québec, du système de santé, de l'immigration ou encore de l'éducation. Ça nous permet d'apparier ces données-là et d'avoir, donc, des données très intéressantes qu'on utilise de plus en plus.

L'Observatoire culture des communications fait partie de l'Institut depuis sa création. Il est responsable donc de la production statistique dans ce secteur-là. Son financement et sa gouvernance sont assurés par un partenariat entre l'Institut, le ministère de la Culture et des Communications, la Société de développement des entreprises culturelles, le Conseil des arts et des lettres et la Bibliothèque et Archive nationale du Québec, et ce, depuis son début, donc une gouvernance quand même assez représentative du milieu. Au cours des... de la dernière année seulement, l'OCCQ a publié 11 rapports statistiques. Ces publications, en plus d'être utiles à l'élaboration de politiques publiques, trouvent écho auprès de la population. Elles ont été référencées dans les... les médias cette année à plus de 200 reprises. Sur Internet, les publications en culture sont parmi les plus consultées sur le site de l'Institut.

L'Observatoire réalise aussi des enquêtes auprès des entreprises, ce qui permet de documenter l'offre, la vente, la fréquentation de lieux culturels, les livres, le cinéma, etc. On réalise aussi des enquêtes auprès des individus, ce qui nous permet de documenter les pratiques culturelles et de réaliser des analyses en fonction de caractéristiques sociodémographiques, sur, par exemple, la consommation de biens culturels, etc. Pour vous donner une idée, c'est souvent auprès de 16, 17 000 personnes, facilement, qu'on... qu'on intervient, à qui on pose des questions de toutes sortes. Donc, nos résultats vont pouvoir être présentés, compte tenu de l'échantillon qu'on a, par niveau de scolarité, par langue, par lieu de résidence, etc. Donc, je pense qu'on couvre l'ensemble des secteurs culturels, dont le livre, le cinéma, les médias, la musique, les arts de la scène, les musées aussi. On réalise des analyses transversales qui couvrent l'ensemble des domaines, notamment en ce qui concerne le financement de la culture, les retombées économiques, les conditions socioéconomiques des travailleurs et des travailleuses.

Je vais passer la parole à Martin, ici, qui va détailler les raisons pour lesquelles le projet de loi nous intéresse tant.

• (17 h 10) •

M. Thibeault (Martin) : Merci, Mme Caris. Donc, notre objectif est de documenter l'ensemble des secteurs dans l'optique de créer un continuum de données. Nous souhaitons mesurer la production québécoise, la mise en marché, la diffusion, la disponibilité, la découvrabilité et, enfin, la consommation et la génération de revenus, revenus qui permettent de nouvelles productions, donc c'est un cercle qui tourne. Il faut aussi prendre en considération les effets de vases communicants. Est-ce que plus de consommation sur les plateformes entraîne une diminution dans les salles de cinéma, à la télévision, dans les spectacles ou les autres lieux culturels?

En ce moment, il nous manque les données des plateformes numériques. Pourtant, elles sont essentielles pour dégager un portrait complet des secteurs culturels. L'accès à ces données nous paraît crucial. La part des plateformes dans la consommation culturelle devient un angle mort de plus en plus grand. Puis c'est un défi pour le travail de l'Observatoire. Le projet de loi n° 109 améliorera nos capacités en nous donnant accès à des données dont la pertinence ne fait aucun doute. En ayant les moyens de comprendre cette consommation, l'OCCQ pourra contribuer à une intervention publique bien ciblée, nécessaire pour appuyer le secteur de la culture. C'est donc une priorité pour tous.

Je vais repasser la parole à Mme Caris.

Mme Caris (Patricia) : Bien, j'aimerais qu'on revienne à l'ensemble de données, parce que c'est un peu ça qui nous réunis autour de cette table. On souhaite intervenir en amont pour faire en sorte que les données collectées, dans le cadre de la mise en œuvre du projet de loi, puissent s'intégrer à ce continuum-là. Je n'ai pas suivi la présentation qui nous a précédés, mais je suis certaine que vous avez entendu parler de la métadonnée, de toutes ces choses très existantes, qui, pour nous, sont quand même essentielles pour que les données puissent être utilisées de façon cohérente...

Mme Caris (Patricia) : ...de sorte qu'on puisse effectivement faire une lecture qui soit utile.

En ce sens-là, on... je pense qu'on peut jouer un rôle très, très important parce qu'on a l'expertise pour mettre en place les méthodologies qui assurent la validité, la représentativité et l'interopérabilité des données. Je pense qu'on n'est pas, on n'est pas un très gros organisme, mais on est un organisme très bien structuré pour faire ce genre de travail. Donc, le projet de loi n° 109, ça nous permettra de combler le manque de données, le manque d'accès aux données des plateformes numériques. C'est très important. En ce sens-là, on réitère notre positionnement, on avait présenté un mémoire en juillet 2024 aligné sur les recommandations d'un comité d'experts qui précède l'élaboration du projet de loi. Et, selon ces experts, le gouvernement devrait mettre à disposition de l'OCCQ les ressources humaines et technologiques et financières nécessaires à l'analyse des données d'usage des plateformes. Ça nous a beaucoup réjouis, cette... cette recommandation. Nous avons collaboré, aussi, avec le ministère de la Culture et des Communications en amont du dépôt du projet de loi, pour inclure dans le projet une disposition qui nous permettrait d'avoir accès à ces données-là.

Martin, si tu veux continuer. Quelques chiffres.

M. Thibeault (Martin) : Quelques chiffres. Je vais vous parler du secteur de la musique parce que c'est le secteur pour lequel on a le plus de données en lien avec le numérique. Pour la musique, c'est 8 % de l'écoute sur les plateformes qui est en français au Québec. Sur les 8 %, 3 % provient de l'étranger. C'est donc 5 % pour la production québécoise sur les... sur les plateformes. Il y a 20 ans, 40 % des CD vendus étaient en français. La proportion des personnes qui écoutent surtout de la musique en français est de 5 % chez les 15 à 29 ans, pour 47 % chez les personnes de 75 ans et plus. Donc, c'est une très, très grosse différence. Le numérique génère donc des changements importants dans les habitudes de consommation qui affectent les entreprises, les travailleurs et les travailleuses.

Rappelons-nous que la culture, ça représente, pour le Québec, un PIB de 17,7 milliards de dollars, 176 000 emplois, puis des dépenses publiques de l'ordre de 2,5 milliards. Donc, bien que la cible, principalement... la cible du projet de loi soit principalement la part de contenu culturel original de langue française, les données pourraient nous permettre d'analyser bien d'autres aspects. Allons-nous observer, suite à la mise en œuvre du projet de loi, à une augmentation de la production et de la consommation de contenus culturels québécois? Une augmentation des revenus liés au contenu culturel québécois? Donc, les parties prenantes du secteur voudront aussi savoir comment évolue la consommation en fonction des caractéristiques sociodémographiques, la consommation chez les jeunes, la consommation par région, etc. L'OCCQ est en mesure de réaliser ces analyses, nous pouvons regrouper les données de production, de découvrabilité, de consommation selon une vision cohérente pour l'ensemble des secteurs culturels.

Je laisserai ici le mot de la fin à Mme Caris.

Mme Caris (Patricia) : Je dois vous dire que de pouvoir contribuer à l'avancement des connaissances dans le secteur de la culture au Québec est une grande fierté pour l'ISQ. On le fait depuis déjà longtemps, mais ce serait une occasion d'accroître beaucoup nos capacités. Le faire dans un contexte de coopération gouvernementale en partageant notre expertise serait d'autant plus intéressant. Nous tenons donc à réitérer notre très grand intérêt à collaborer à la mise en œuvre du projet de loi. On souhaite mettre à profit notre expertise.

La Présidente (Mme Bogemans) : Merci beaucoup pour votre exposé. Maintenant, je cède la parole au ministre pour une durée de 16 min 30 s.

M. Lacombe : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci pour... merci à vous trois, quatre pour... pour... Vous êtes ensemble? Oui, c'est ça. Bon, c'est qu'on a un ami à distance qui a été discret, mais qui était néanmoins là. Donc, bonjour à vous... à vous quatre, merci pour la présentation.

J'ai envie de commencer, parce que vous avez effleuré les chiffres tantôt, mais je vous dis un peu à la blague, bon, avant la diffusion, quand vous étiez en train de vous installer, que j'étais content de mettre des visages sur l'observatoire, que je cite abondamment, parce que vos travaux sont essentiels. Évidemment, on ne peut pas améliorer ce qu'on ne mesure pas, ou en tout cas, c'est plus difficile. On a plus de chance de se tromper quand on y va avec la direction du vent. Donc évidemment, vos travaux sont... sont très stratégiques, puis sont très utiles dans la prise de...

M. Lacombe : ...de décisions, puis vous avez effleuré, donc, les chiffres tantôt, mais je vous lancerais la question très ouverte pour commencer la discussion. Quel est l'état... À votre sens, là, quel est l'état de la consommation culturelle de produits francophones québécois par les Québécois et les Québécoises en ce moment? Comment vous... Vous avez mentionné quelques chiffres, mais comment vous le qualifieriez?

M. Thibeault (Martin) : On a récemment publié une analyse qui... sur... c'est une enquête sur les pratiques culturelles des Québécois. Puis c'est Pascal Genêt, qui est à l'écran, qui a été chargé de projet dans ce dossier-là. Donc, je passerais la parole à Pascal pour vous expliquer, répondre à votre question.

• (17 h 20) •

M. Genêt (Pascal) : Merci, Martin. Oui, pour répondre à votre question, M. le ministre, en fait, la consommation, on voit qu'il y a un attrait significatif pour les contenus non québécois et non francophones de façon générale. Donc, c'est certain qu'ensuite, selon les groupes d'âge, on observe des différences quant à cet attrait, qui peut s'expliquer tout simplement par la participation, la fréquence d'utilisation, par exemple, de l'espace... dans l'espace numérique. Donc, là, on peut faire une sorte de corrélation pour les plus jeunes entre leur surutilisation ou la fréquence d'utilisation, donc, d'outils numériques, que ce soit l'abonnement à des plateformes musicales, ou l'abonnement à des plateformes non québécoises, et le fait qu'ils consomment en général, on parle des moins de 45 ans, mais essentiellement des 15-29 de façon générale, donc, plus de contenu non québécois et souvent non francophone.

Maintenant, de façon générale, pour vous donner une idée, si on parle des contenus télévisuels non québécois, c'est 35 % de l'ensemble de la population qui consomme des contenus non québécois, mais c'est 64 % des 15-29 et 45 % des 30-44 ans. Donc, là, on voit ici peut-être un phénomène qui est lié à la source même au mode de diffusion, puisque ce sont ces groupes d'âge qui sont les plus actifs notamment sur les plateformes non québécoises en termes d'abonnement et en termes de fréquence d'utilisation.

Maintenant, quand on regarde la musique, on a à peu près 41 % de l'ensemble de la population qui écoute des contenus... des... pardon... des contenus, de la musique d'artistes non québécois, et c'est 69 % des 15-29. Donc, là, on voit aussi un double effet à la fois, ça peut être le mode de diffusion, mais aussi, évidemment, l'algorithme... les algorithmes de recommandation qui ont tendance à renforcer ce phénomène-là.

Ceci dit, il y a des domaines où on observe une résilience quand même. On le voit, par exemple, du côté de la lecture, où en effet, on voit, par exemple, que si 37 % de l'ensemble de la population lisent essentiellement des auteurs non québécois, c'est un peu plus de la moitié des 15-29. Donc, on voit ici qu'il y a quand même la dynamique de l'écosystème dans le secteur de... dans l'édition et... en fait, plus généralement dans le secteur du livre permet. Et ce qui est très intéressant, par exemple, dans le rapport, c'est qu'on s'aperçoit que la même... le même groupe d'âge qui est, donc, majoritairement à écouter des artistes non québécois, on s'aperçoit que, dans la fréquentation des arts de la scène, il n'y a pas ce phénomène-là. Donc, en fait, pour vous donner une idée, 52 % de l'ensemble de la population vont voir des artistes québécois dans les arts de la scène, et là, on parle de musique, de théâtre, et tout ça, dont 43 % des 15-29. Donc, ici, on voit qu'il y a, donc, des secteurs culturels où vous avez une résilience plus forte, ce qui explique peut-être justement l'influence à ce moment-là des plateformes numériques, de la logique de recommandation et d'algorithmes, qui a tendance à renforcer des comportements.

M. Lacombe : Puis du contrôle des canaux de diffusion aussi, c'est-à-dire pour se procurer un livre, la plupart des Québécois lisent encore des livres en format papier, j'en fais partie, et ils doivent entrer dans une librairie, bon, à moins qu'ils le commandent en ligne, là, mais ils doivent entrer dans les libraires. Il y a une mise en marché de nos produits littéraires, donc des livres, qui est... qui est très forte. Même chose pour les arts de la scène, on doit... on doit se déplacer pour aller voir un spectacle. Il y a la mise en marché des spectacles québécois qui est... qui est assez forte aussi, mais on perd le contrôle quand on parle de plateformes numériques.

Tantôt, vous... vous parliez des jeunes, il y a une fracture, visiblement, en fait c'est une évidence, là, il y a une fracture. Est-ce que vous diriez qu'il y a une tendance?

M. Genêt (Pascal) : C'est très difficile, parce que je vous dirais que, là, à ce moment-là, on pourrait distinguer ce qu'on appelle les effets d'âge et de...

M. Genêt (Pascal) : ...génération, dans le sens, bon, déjà on parle des 15-29 ans, on s'entend que ce n'est pas un groupe homogène. Il y a une énorme différence entre des 15 ans qui sont encore aux études, qui vivent chez leurs parents versus des jeunes professionnels de 25 ans et plus qui sont... qui ne vivent plus chez leurs parents. Donc, il y a des réalités sociodémographiques, déjà, qui peuvent expliquer des comportements différents.

Donc, est-ce que c'est une tendance? Moi, j'aurais tendance plutôt à vous dire que c'est un effet d'âge. Qu'est-ce qu'on veut dire par effet d'âge? C'est à dire qu'à un moment donné, dans leur vie, dans leur réalité, le fait de consommer, d'écouter du contenu québécois peut... peut s'expliquer simplement par un effet de... de peut-être... des contenus qui sont écoutés par leurs parents. Donc, ça ne veut pas dire qu'à ce moment-là, en vieillissant, cette tendance-là va... enfin, il y aurait une tendance. C'est pour ça qu'on distingue, donc, les faits d'âge où en fonction de l'âge, il peut y avoir... On le voit très bien, par exemple, auprès des 30-44 ans. 30-44 ans, vous savez, l'âge moyen de la parentalité, au Québec, se situe entre 32 et 34 ans. Et ce qui est très intéressant de voir, c'est que, là, à ce moment-là, ce sont des gens qui sont plus actifs dans certains nombres d'activités et de certaines pratiques culturelles qui sont propres aux familles, notamment, donc les sorties au zoo, les sorties au cinéma, la lecture de livres jeunesse, la lecture de bandes dessinées. Donc, là, on voit justement qu'il y a un effet d'âge mais qui va sans doute évoluer une fois que les enfants, donc, auront grandi.

M. Lacombe : Mais je vous relance là-dessus, là, je vais vous challenger un peu, parce que qu'est-ce qui... Est-ce que vous avez des données qui démontrent ça, qu'il y a un effet d'âge? Parce que vous semblez dire... corrigez-moi si je me trompe, là, mais que les jeunes, en fait, ça, vous avez des chiffres pour le démontrer, consomment moins de produits culturels québécois, là, surtout en musique. Je pense que c'est une catastrophe, en musique. L'audiovisuel, c'est la même chose, même si c'est un peu moins pire. Donc, là, il y a des chiffres pour démontrer ça, mais vous semblez dire... prétendre que, bon, quand ils vont vieillir, probablement qu'ils vont revenir à une consommation culturelle québécoise en plus grande proportion. Est-ce que vous avez des données qui démontrent ça, ou vous n'en avez pas?

M. Genêt (Pascal) : Non, on n'a... on n'a pas de données, là. Là où on peut, en fait, supposer, c'est... comme je vous disais, c'est, en fait, que ce sont les... c'est les groupes d'âge les plus actifs dans l'espace numérique actuel. Donc, actuellement, c'est ceux qui subissent peut-être le plus de pression de la part des plateformes, notamment, et de... simplement de par leur comportement numérique. Donc là, déjà là, peut-être que ça peut évoluer.

Mais de façon générale aussi, on s'aperçoit que, si ça évolue... En fait, moi, ce qui me permet d'avancer qu'il n'y a peut-être pas un effet de génération, c'est-à-dire que ce n'est pas une tendance, c'est justement de voir que le même groupe d'âge peut être à la fois le plus nombreux à ne pas écouter d'artistes québécois, par exemple, en musique ou de contenu télévisuel québécois, mais en même temps, c'est le même groupe d'âge qui, à 50 % d'entre eux, vont voir des artistes québécois dans... sur les arts de la scène.

M. Lacombe : Mais on ne contrôle pas pas les... Je vous avoue que ça m'étonne un peu, votre analyse, parce qu'on... il y a une évidence, c'est-à-dire on ne contrôle pas les canaux. Bon, quand on va en salle, évidemment, l'offre québécoise de spectacles québécois, elle est... je ne sais pas les chiffres, là, mais je pense qu'on peut postuler qu'elle est grandement majoritaire sur le territoire québécois. Quand on entre dans une librairie, évidemment, les produits québécois sont en évidence. On dirait que je ne suis pas aussi persuadé que c'est un effet d'âge. Quand on regarde les... Si on retourne sur le terrain des statistiques, on regarde les statistiques d'abonnements au câble, par exemple, ça dégringole d'année en année et quand on regarde les statistiques d'abonnements aux plateformes, ça augmente d'année en année. Là, il y a, quoi, 70 % des foyers québécois, aujourd'hui, qui sont abonnés à une plateforme, c'est exponentiel, là. Je veux dire, sur l'échelle... à l'échelle de l'histoire du Québec, c'est exponentiel comme changement structurel, là, dans la façon dont on consomme la culture. Moi, j'ai envie de dire... si on est sur le terrain de l'opinion et non pas des chiffres, là, ou de l'analyse et non pas des chiffres, moi, j'ai envie de dire que j'ai... j'ai l'impression que ça n'ira pas en s'améliorant, en fait.

M. Genêt (Pascal) : Bien, vous avez raison, en effet, sur les... En fait, là où je rejoins tout à fait votre analyse, c'est qu'en fait, ce n'est pas propre aux jeunes, c'est-à-dire que ce n'est pas propre aux groupes d'âge, on le voit très bien que le recours aux plateformes, qu'elles soient étrangères ou autres, et la désaffection, on va dire, de la télévision traditionnelle... on voit très bien que ça...

M. Genêt (Pascal) : ... affecte l'ensemble, en effet, des groupes d'âge et que, là, il y a vraiment une tendance, on pourrait dire, lourde de ce point de vue là. Ça, c'est certain. Mais en même temps, il y a des dynamiques dans des écosystèmes, le meilleur exemple, par exemple, c'est le cas du cinéma. Dans le cas du cinéma, vous le voyez, bon, sept personnes sur 10 au Québec vont... fréquentent des salles de cinéma et 40 % plusieurs fois par année, mais ce qui est très intéressant de voir, c'est comment l'offre, en fait, module un petit peu les comportements. Et par exemple, pour vous donner une idée, en 2024, il y a eu plus de 1 000 films qui ont été projetés au Québec, sur les 1 000 films, il y a eu à peu près 637 nouveautés, là-dessus c'était... 25 % étaient des films qui provenaient des États-Unis. Ce 25 % provenaient des États-Unis, a généré 70 % des recettes, 70 % de l'assistance, 70 % des projections. Donc, c'est là où on voit, si vous voulez, que la nature des... de l'offre a tendance à moduler. Pourquoi? Parce que les films qui proviennent des États-Unis sont essentiellement des films «blockbuster» qui ont... se retrouvent dans un réseau particulier et qui a... qui ont une offre particulière, qui ont tendance à... Et d'ailleurs, ce n'est pas un hasard, les deux groupes d'âge les plus jeunes sont ceux qui ont été les plus actifs pour... dans la fréquentation des cinémas.

• (17 h 30) •

M. Lacombe : Il nous reste combien de temps, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Bogemans) : 4 min 17 s.

M. Lacombe : Je... Pardonnez ma mémoire, là, mais j'ai de la difficulté parfois à me rappeler quels chiffres viennent de l'OCCQ, quels chiffres viennent des sondages qu'on commande, quels chiffres viennent de quelle source, en fait, mais il y a... il y a tout de même 92, ça, je sais que ça ne vient pas de chez vous, il y a 92 % des jeunes qui nous disent... on a commandé un sondage, qui nous disent que c'est difficile pour eux de repérer le contenu québécois, et, si ma mémoire est bonne, c'est 70 % du public, là, ou, en fait, de la population générale. Donc, il y a quand même aussi, je ne sais pas... si... comment vous l'interprétez. Il y a quand même une... Les jeunes lèvent quand même la main pour nous dire : C'est difficile de trouver ce contenu-là. Donc, au-delà de ce qu'ils souhaitent écouter, ils nous disent que c'est difficile de le trouver. Je ne sais pas si vous avez quelque chose à dire là-dessus.

Mme Caris (Patricia) : Bien, je vous dirais, en gros, ce que ça illustre, c'est l'absolue nécessité de commencer à... au-delà de la... de l'observation du phénomène, de comprendre sur quoi... comment il est possible, ce phénomène-là. Je vous écoutais tantôt, on parle des plateformes, et la plateforme fait en sorte que ça a éclaté, dans le fond, toute la consommation qu'on a sur le plan culturel, alors que, quand on regarde... Puis c'est bizarre, vous allez me dire, c'est... Moi, dans... Une partie de mon travail, c'est de penser à de nouvelles enquêtes, et je vous écoutais et je me disais : Dans le fond, il y a une différence entre quand la consommation est un peu passive, je m'inscris, je coche, ça va me coûter tant, mais, dans le fond, quelqu'un fait pour moi une «playlist», un ci, un ça, puis je m'assois, puis bon, et, bien sûr, bien, là, ça va aller avec ce que... ce qu'on pense que je vais aimer. Quand je vais acheter un livre, je fais un effort, je m'achète un livre, je le lis et dans le fond, la consommation n'est... est beaucoup moins passive. Si j'avais à... à proposer, dans le fond, d'aller plus loin dans les enquêtes, c'est ça que je regarderais. Tu sais, qu'est-ce qui vient déterminer qu'on va, à un moment donné, pouvoir intervenir et, si oui, comment? Est-ce que j'interviens de la même façon si j'ai affaire à quelqu'un qui est dans une consommation passive? Et c'est le problème qu'on a avec les plateformes, c'est éclaté. Comment on va faire pour tout comprendre? Ce n'est pas évident par rapport à ce que je peux contrôler. Mais on pourrait... on pourrait avoir cette discussion-là, elle serait passionnante sur... certainement.

M. Lacombe : Vous pourriez multiplier les enquêtes, je suis certain. Puis, je termine un peu là-dessus, en disant l'étonnement que j'avais, parce que, là, je vous avoue, j'ai été un peu étonné de votre analyse sur l'effet d'âge. Je... Je ferais le pas de recul dans la discussion qu'on avait plus tôt, si on prend l'écoute totale, on est à 5 % de chansons, de... ça comprend la musique, aussi, les pistes...

M. Thibeault (Martin) : ...plateformes...

M. Lacombe : ...québécoises.

M. Thibeault (Martin) : Oui, québécoises.

M. Lacombe : On est à 8 % en francophone générales, 5 % en québécoises, alors que, bon, si on prend... on essaie de comparer, on regarde à l'époque où on vendait des disques, là, chez... chez les disquaires, on était à... vous, vous dites 40 %, bon, moi, l'ADISQ me dit à peu près un sur deux, entre 40 et 50 %, je ne sais pas exactement où. Là, je me dis, on regarde d'un côté, de l'autre, il y a eu changements technologiques...


 
 

17 h 30 (version non révisée)

M. Lacombe : ...j'ai de la misère à croire que c'est un effet d'âge, là. Il y a... Il y a un changement d'habitudes de consommation. On a perdu le contrôle de cette mise en marché. Quand on entrait chez notre disquaire, il y avait une mise en marché, comme dans les librairies aujourd'hui, ce qu'il n'y a plus sur les plateformes.

Mme Caris (Patricia) : On va vers ce qui est le plus facile.

M. Lacombe : C'est ça, exact. Merci.

La Présidente (Mme Bogemans) : Parfait, donc je cède maintenant la parole à la députée de Bourassa-Sauvé pour une durée de 12 min 23 s.

Mme Cadet : Merci, Mme la Présidente. Bonjour à vous, chers membres de l'Observatoire. Merci pour ces échanges absolument passionnants. Je poursuivrais la réflexion, donc, sur la question, donc, de l'écoute passive parce que vous disiez, donc, Mme Caris, que, donc, s'il y avait, donc, des données à poursuivre, à creuser un peu plus, donc, ce serait celle-ci. Puis je pense qu'avec vos derniers propos, vous avez partiellement répondu à la question que j'avais tout au long... tout au long de votre échange avec le ministre, et qui était, donc... Pourquoi une si grande distinction entre les chiffres que l'on voit au niveau de la musique versus le secteur audiovisuel? On s'entend, donc, les chiffres ne sont pas édifiants au niveau du... Secteur audiovisuel, loin de là, là, l'idée de proposer cette... ce cadre d'analyse là, on comprend, donc, que les enjeux, donc, sont très présents, mais c'est sûr qu'avec des chiffres aussi faméliques que 5 %, on est complètement ailleurs. Et, s'il y a une piste de réponse à la question qui me trottait l'esprit depuis plus tôt, quant à cette résilience du secteur audiovisuel versus celui de la musique, si je vous comprends bien, bien, pour vous, c'est vraiment, donc, la question de l'écoute passive qu'on retrouve beaucoup plus dans le secteur de la musique que dans le secteur audiovisuel où il y a encore un choix du consommateur qui doit être fait.

Mme Caris (Patricia) : Je vous dis ce qui m'animerait, si je devais fouiller cette question-là, je vous... je ne peux pas vous garantir que j'ai raison, mais il y a... en ce moment, on a l'enquête dont on vient de parler. Il y a aussi l'enquête sur les langues parlées au Québec. Il y a plusieurs enquêtes qu'on mène en ce moment qui nous permettent de documenter différents aspects, pas nécessairement liés seulement à la consommation culturelle, mais à l'évolution du français au Québec. Comment ça se passe? Qu'est-ce qui se passe? Qu'est-ce qu'on peut voir?

Donc, je pense que pour l'Institut, la discussion, et c'est un peu ce qui nous a amenés à nous présenter aussi, c'est de dire : On a besoin d'avoir le plus possible accès aux données pour être en mesure de mieux comprendre et de permettre des meilleures interventions. Tu sais, quand moi je vous dis : Moi je pense, mais ça c'est moi, statisticienne en chef adjointe dans mon coin qui observe ça en me disant : C'est quoi la différence? Moi, quand je vais acheter un disque, je fais encore ça. J'ai même encore des vinyles, excusez, tu sais. Mais... mais je me donne la peine de me dire : OK, qu'est-ce que je veux acheter? Puis c'est quoi? Puis bon, puis je vais aller chercher exactement ce que je veux. Quand j'écoute une plateforme, bien, il y a ça, puis je dis : OK, je vais écouter ça. Puis dans le fond, je ne me casse pas la tête trop, trop. Puis je ne pense pas à : quelqu'un est en train de décider pour moi. Tu sais, je ne vais pas plus loin.

Je ne vous dis pas que j'ai entièrement raison, mais personnellement, j'aimerais ça mettre deux, trois questions qui me permettraient d'aller chercher de l'information là-dessus. Est-ce que vous consommez de la même façon si je vous propose Spotify ou si vous allez acheter un disque? Quand vous y allez, vous faites quoi? D'abord, parce que la dépense, c'est moins passif, mais tu sors l'argent de ton portefeuille là, là, alors que tout le monde s'inscrit dans des... sur des plateformes. Puis à un moment donné, tu perds de vue combien ça coûte, puis, j'ai tu encore mon abonnement? Puis, non... Je suis sur combien de plateformes? Je ne sais pas. Je suppose que vous autres vous le savez tous exactement sur combien de plateformes vous êtes. C'est ça, moi, je peux vous le dire. Aucune en ce moment. Zéro. Mais c'est... donc, c'est ça que j'aurais tendance à vous répondre en vous disant ça fait partie des questions qu'on pourrait explorer plus avant. Je pense que ça vaudrait certainement la peine. Je fais ça à ma collègue, je leur donne du travail en même temps, c'est extraordinaire. Ils vont m'aimer beaucoup.

Mme Cadet : Donc, vous dites pour vous, et là, je reprends, donc, l'essence de votre propos lors de votre présentation initiale et venez de le réitérer, pour vous, l'enjeu, c'est véritablement l'accès à cette donnée. Vous avez fait ce plaidoyer pour jouer un rôle plus actif, opérationnaliser le projet loi par la suite. Vous avez entendu nos intervenants précédents qui nous... qui nous... qui ont énoncé, donc, certaines préoccupations, donc, quant au mandat du Bureau de la découvrabilité des contenus culturels, qui nous demandait, donc, de creuser en profondeur ce mandat là...

Mme Cadet : ... peut-être d'abord nous indiquer vous comment est-ce que vous le voyez ce mandat? Et est-ce que vous... on peut dire si vous souscrivez aux recommandations du groupe précédent, mais pas de façon aussi précise? Mais ce que vous, c'est aussi un des éléments que vous voyez en tête, en vous disant, bien, il faudrait que ce bureau puisse jouer un rôle en termes de collecte de données.

Mme Caris (Patricia) : Je vais laisser Martin commencer la réponse, puis je vais sûrement me permettre de passer.

M. Thibeault (Martin) : Certainement. Donc, je voulais vous mentionner que, dans le cas du cinéma, c'est une enquête qu'on mène depuis des années en collaboration avec le ministère de la Culture, on a été mandaté pour réaliser cette... cette enquête-là. C'est une enquête qui est obligatoire, qui... qui relève de la loi sur le cinéma. Donc, c'est un modèle qui pourrait être appliqué, notamment dans le cas des... des plateformes, puis ça a beaucoup de conséquences, aussi, pour les propriétaires de salles, dépend de leur réponse, leur droit de diffuser, aussi, les films. Donc, c'est un modèle qui existe déjà, il y aurait façon de s'organiser point de vue collaboratif entre le ministère puis l'OCCQ pour que les données de plateforme soient hébergées, puis soient utilisées par l'Observatoire.

• (17 h 40) •

Mme Caris (Patricia) : Peut-être pour répondre plus... un peu plus à la question sur le bureau lui-même, je pense que l'idée est intéressante. Ma crainte, c'est la lourdeur que ça pourrait représenter. Il faut avoir les bons interlocuteurs. Traditionnellement, l'Institut, on fonctionne toujours en collaboration avec des experts des domaines sur lesquels on travaille. Donc, je pense que, oui, il y a... il y a des choses qui doivent, peuvent, être fait par un tel bureau, maintenant, il faudrait s'assurer qu'on a des interlocuteurs qui sont, je dirais, pragmatique et qui ont un bon, je dirais, un calendrier d'implantation qui est, aussi, je dirais, en phase avec l'importance de bien comprendre ces données-là et de savoir comment on peut les utiliser de façon séquentielle. Et, je pense, par exemple, il y a des plateformes qui sont au Québec, il y a des plateformes qui sont à l'international, je ne suis pas certaine qu'on puisse avoir la même capacité de travailler d'un côté comme de l'autre. Il y a des questions qui vont se poser sur, par exemple, le type de contrat qu'on prend avec les plateformes, et ce, moi, j'avoue, je ne me suis pas vraiment intéressée à la façon dont le ministère entend mener ça. Est-ce qu'on a un accès gratuit? Est-ce qu'on a un... comment se fait l'accès? C'est toutes des questions, je ne sais pas si le bureau de la découvrabilité... doit aller aussi loin. Pour moi, c'est plus peut-être une orientation générale, mais dans le quotidien, sur la... le travail sur les données, j'avoue que je pense que ça pourrait être un peu compliqué d'avoir beaucoup de monde autour de la table parce qu'il y a des fois où le mieux est l'ennemi du bien et ça pourrait être le cas.

Mme Cadet : Merci... Au-delà du bureau en tant que tel, là, si je prends un certain peu de recul, sur ce que vous nous présentez, donc, vous nous dites, donc, qu'il y a une grande importance à s'assurer qu'on ait des mécanismes de collecte de données, évidemment, vous, vous bénéficiez de cette expertise-là, vous l'avez déjà, vous le faites. Nous, au-delà de ça, donc, d'avoir, donc, une instance... de mettre sur pied une instance collaborative, vous donnez l'exemple de ce qui se fait dans le milieu du cinéma, d'être en mesure d'avoir différents joueurs autour de la table qui sont en mesure de se concerter pour bien mettre en œuvre les différentes recommandations, vous dites... il y a un espace, c'est pour qu'on aille dans cette direction-là, là, au-delà du mandat précis du bureau.

Mme Caris (Patricia) : Peut-être, un exemple du genre de difficulté qui se pourrait se poser, les données sont souvent protégées par les entreprises, ce sont des données d'entreprise, et toute la question de la confidentialité de la donnée, dans ce cas-là, devient un impératif. Et je dois vous dire que ce n'est pas si simple que ça. Puis là, je n'ai pas... je n'ai pas eu l'occasion d'écouter les chercheurs tantôt, mais ça fait partie des choses que quelques fois on a de la difficulté à expliquer aux chercheurs. Une donnée d'entreprise permet facilement d'identifier une entreprise, elle doit être conservée et... et analysée et protégée. Et ne serait-ce que ça fait en sorte que j'aurais tendance à dire c'est une bonne idée pour la gouvernance, mais l'opérationnel peut devenir plus compliqué si elle est... je dirais, si les mandats ne sont pas clairs. Donc, il y a...

Mme Caris (Patricia) : ... il y a des enjeux, là, quand même assez importants.

Mme Cadet : Merci. Un peu plus tôt, je pense que c'était également dans le cadre de votre présentation, donc, vous... vous nous parliez, donc, de, et là je résume un peu, donc, de mesurer la découvrabilité, là, je vous ai entendu parler, donc, est-ce qu'on parle ici, donc, de l'augmentation de la consommation de biens culturels dans l'espace numérique, de biens culturels francophones dans l'espace numérique? Est-ce qu'on parle de l'augmentation du revenu de nos créateurs, dont les créations, donc, se trouvent dans cet espace numérique? Donc, ici, si je paraphrase, donc, on a un défi d'identifier quels sont les indicateurs de performance lorsqu'on parle de découvrabilité. Je vous laisserais peut-être étayer ce propos-là, puis peut-être vous... vous entendre sur vos... vos propositions à notre égard, comme législateurs, là, pour s'assurer qu'on... qu'on puisse bien mettre en œuvre ces indicateurs-là.

Mme Caris (Patricia) : Bien, je vous dirais, le problème, quelques fois, c'est de vouloir faire trop à partir des données. Vous parlez... Et on en a parlé, on parlait de la... Dans le fond, ce qu'on veut prioritairement, c'est être capable de repérer notre production au Québec, la production francophone, la production du Québec. Je commencerais par ça. La question des revenus peut être intéressante, mais elle devient problématique justement dans la... dans la perspective où, je vous disais tantôt, il y a des questions de confidentialité. Jusqu'où on peut aller du côté du revenu? Je peux vous dire, nous, en ce moment, on a les données du revenu des particuliers et c'est quelque chose qu'on manipule avec une extrême prudence, parce que, bien, c'est, alors, imaginer des revenus entreprises, comment on les sépare? Est-ce qu'on peut les avoir autrement? Et est-ce que les données qu'on irait chercher peuvent être utilisées en complément avec d'autres données dont on dispose déjà? Il y aurait comme ça une série de questions. Donc, oui, la découvrabilité, moi, j'aurais tendance à commencer d'abord par essayer de repérer notre production francophone québécoise, je commencerais par ça, quitte à voir, par la suite, si on est capable d'aller plus loin. Mais, je... Quand je disais tantôt un calendrier d'implantation avec des objectifs qui... qu'on pourrait atteindre graduellement, à mesure qu'on va mieux comprendre les données. Parce que là, à cette étape-ci, on n'a pas encore vu ces données-là. Et, tantôt, j'écoutais les gens qui parlaient de la métadonnée et tout ça, c'est... c'est un concept très, très intéressant, qui peut sembler simple, mais qui n'est pas simple du tout.

La Présidente (Mme Bogemans) : C'est...

Une voix : ...

La Présidente (Mme Bogemans) : ... je suis désolée, c'est tout le temps qu'on avait. Oui. Donc, la parole revient au député de la deuxième opposition pour une durée de 4 min 8 s.

M. Zanetti : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci beaucoup pour votre présentation. Ma question va peut-être recouper des éléments de réponse que vous avez donné, mais je veux la formuler quand même pour, comme, aller, à mon avis, droit au but, là. Est-ce qu'il y a des données qui nous manquent, qui sont aujourd'hui... qui vous manquent ou qui sont... ou qui manqueraient au bureau sur la découvrabilité, des données qui manquent pour mesurer la découvrabilité, puis mettre en place des politiques de découvrabilité, puis, si ces données-là nous manquent, est-ce qu'il nous manque des outils légaux pour aller les chercher? Parce que vous parliez de confidentialité de certaines données, quels sont les obstacles entre nous et les données qu'il nous faudrait pour être capables d'avoir une politique de découvrabilité pleine et entière?

Mme Caris (Patricia) : Bien, écoutez, je pense que le ministère a sans doute fait une analyse de tout ça, je crois avoir compris que c'était le but du projet de loi, je vous dirais la première... le premier obstacle, il est, c'est très simple, c'est que c'est des données qui appartiennent au secteur privé. Donc, c'est la première chose, et je pense que l'idée d'avoir une loi qui vient demander que ces données-là soient rendus disponibles... J'ai cru comprendre que c'était l'essence même de ce qui nous réunit. Donc, c'est certain qu'il nous faut ça. C'est... je ne vous dis pas qu'il n'y aurait pas d'autres façons, mais ça serait très inégal et très... ce serait toujours lié au bon vouloir et, toujours, fragile, parce que, si, un moment donné, une plateforme décide que demain elle arrête, bien, tu es pris, tu n'as pas d'autres données pour continuer, donc, si on veut instaurer quelque chose qui a... qui vaut l'investissement, d'abord, et qui a une chance de nous donner quelque chose à moyen long terme, bien, il nous... il nous faut un véhicule légal, je pense. Et je crois que c'est le but qui est poursuivi...

Mme Caris (Patricia) : ...on espère avec succès.

M. Zanetti : Puis, si je comprends bien, dans le fond, parce qu'au début dans votre présentation, on sentait que vous aviez envie de prêter main forte, c'est-à-dire l'Institut de la statistique du Québec à... au bureau de la découvrabilité. En même temps, j'ai cru comprendre que vous avez dit : « Là, beaucoup d'interlocuteurs autour de la table, ça devient compliqué. Le mieux est l'ennemi du bien ». C'est quoi votre position clairement sur ça? Est-ce que dans le fond, vous espérez à quelque part que le bureau vienne chercher conseil chez vous au besoin, ou vous voudriez avoir une collaboration bien cadrée et bien prévue avec le bureau de la découvrabilité?... dans votre monde idéal.

Mme Caris (Patricia) : Dans mon monde idéal, la deuxième hypothèse serait préférable, parce que tout simplement, je crois que c'est un peu l'essence même de ce qu'on... de ce qu'on a prévu quand on a déposé notre mémoire l'été dernier. C'est que, si on veut être en mesure d'utiliser correctement les données, il faut pouvoir être impliqué assez tôt dans les discussions qui vont avoir lieu. C'est pas qu'on n'a pas confiance aux gens qui seraient là, mais on est habitués à travailler avec la donnée, donc on aimerait beaucoup pouvoir contribuer dès le départ. Maintenant, qu'il y ait des gens qui orientent les travaux, qui nous servent de guide, on a l'habitude de ça. On ne travaille pas tout seul, on n'est pas dans un univers qui nous appartient à nous. On travaille toujours en collaboration avec des groupes d'experts, que ce soit pour une enquête, que ce soit dans la... parce que les ministères nous mandatent. Donc, on est tout à fait d'avis que c'est utile. Ça serait de bien camper les rôles.

M. Zanetti : Merci, ça fait le tour du temps que j'avais.

La Présidente (Mme Bogemans) : Parfait. Je vous remercie pour votre contribution à nos travaux aujourd'hui. Je suspends maintenant les travaux pour quelques instants afin de permettre aux prochains groupes de prendre place.

(Suspension de la séance à 17 h 50)

(Reprise à 17 h 54)

La Présidente (Mme Bogemans) : ...Super! Donc je souhaite la bienvenue au commissaire à la langue française. Je vous rappelle que vous disposez de dix minutes pour faire votre exposé. Ensuite, on va procéder à la période d'échange avec les membres de la commission. Mais avant de débuter, j'ai besoin d'un consentement pour échanger les tours de parole. Vous commencez, monsieur le ministre, mais par la suite, ce serait le député de la deuxième opposition qui prendrait la parole et ensuite la première opposition. J'ai besoin de votre consentement. Consentement?

Des voix : Consentement.

La Présidente (Mme Bogemans) : Parfait. Merci. Vous pouvez maintenant commencer votre exposé, M. le commissaire.

M. Dubreuil (Benoît) : Bonjour, bonjour à tous. Merci beaucoup de nous recevoir aujourd'hui pour discuter du mémoire que nous avons déposé. Je suis accompagné d'Éric Poirier, commissaire adjoint, ainsi que de Rodolphe Parent, professionnel de recherche. Alors, on a beaucoup parlé depuis quelques années du recul du français. Or, il n'y a pas de domaine où le recul du français est plus marqué que dans les pratiques culturelles. Donc, aujourd'hui, la proportion de Québécois qui utilisent principalement le français en culture est environ 40 points de pourcentage inférieurs parmi les jeunes générations par rapport aux générations plus âgées. Alors, c'est un recul qui est entièrement au profit de l'anglais, qui est aujourd'hui de loin la langue majoritaire de la culture chez les moins de 35 ans au Québec. En 1977, la Charte de la langue française a permis au français de s'imposer dans l'espace physique en rendant l'usage de cette langue obligatoire. Aujourd'hui, la loi sur la découvrabilité doit viser le même résultat, mais dans l'environnement numérique. Notre mémoire comprend huit recommandations qui sont basées sur deux grandes idées. D'abord, appliquer l'esprit de la Charte au monde numérique et ensuite élargir la notion de découvrabilité. Je vais passer la parole à Maître Poirier qui va pouvoir présenter plus en détail nos recommandations.

M. Poirier (Éric) : Merci. La Charte de langue française fait du français la langue commune en ciblant des espaces où son usage est obligatoire. Devant les tribunaux, dans l'administration, au sein des ordres professionnels, au travail, dans le commerce et les affaires, dans l'enseignement. C'est l'addition de ces espaces où le français doit obligatoirement être utilisé, parfois exclusivement, qui permet à la Charte d'atteindre ses objectifs. Aujourd'hui, nous devons nous inspirer de cette approche et l'appliquer à l'environnement numérique. D'abord, pour être à la hauteur du défi, l'article n° 1 du projet de loi ne devrait pas uniquement favoriser la découvrabilité des contenus culturels en français, mais bien la garantir. Un peu comme la Charte de la langue française ne fait pas que favoriser le français pour en faire la langue commune, la Charte déclare le statut du français et assure sa place dans l'espace public. Deuxièmement, le projet de loi propose d'insérer un droit à la découvrabilité dans la Charte des droits et libertés de la personne. Nous sommes d'accord avec cette proposition, mais nous recommandons au Gouvernement d'insérer ce nouveau droit non pas à l'article 42.1 de la Charte des droits et libertés de la personne, mais près de l'article 3.1 qui garantit le droit de vivre en français. Le droit à la découvrabilité aurait ainsi une portée supralégislative, comme le droit de vivre en français. Pourquoi le droit à la découvrabilité devrait-il être distingué de cette façon du droit de vivre en français? Est-ce pour affaiblir, est-ce pour affaiblir le droit à la découvrabilité? Nous posons la question. Troisièmement, nous pensons que le législateur devrait tirer profit de ce projet de loi pour confirmer, dans la loi constitutionnelle de 1867, que la culture québécoise et la culture commune du Québec et que l'État québécois prend des mesures pour en assurer la pérennité, la vie, la vitalité et la partage. Nous nous inspirons de l'article 90Q2 de la loi constitutionnelle de 1867 au sujet du statut du français, qui est déjà, qui est déjà cité dans le projet, dans le projet de loi, au préambule. Le geste serait d'autant plus important que nous sommes dans l'attente de la mise en œuvre par les institutions fédérales de la Loi sur la diffusion continue en ligne, anciennement le PLC11. Quatrièmement, concernant l'article trois du projet de loi, nous comprenons la volonté du Gouvernement d'éviter de potentiels effets négatifs sur les langues et les cultures autochtones, et nous la partageons. Ainsi, nous convenons que le projet de loi ne doit pas s'appliquer à une plateforme numérique déployée dans une, par une organisation autochtone, dans une communauté autochtone et à son intention. Cependant, nous ne comprenons pas en quoi...

M. Poirier (Éric) : ... le fait de rendre le contenu autochtone en français plus facile à découvrir à l'extérieur des communautés autochtones nuirait au contenu autochtone dans d'autres langues. D'autant plus qu'il existe une importante production culturelle autochtone en français qui gagne à être découverte par l'ensemble du public, aussi bien autochtone que non autochtone.

Pour tenir compte des réalités autochtones, le gouvernement pourrait prévoir que des discussions aient lieu entre les autorités autochtones concernées et le gouvernement du Québec afin de trouver une voie permettant de réconcilier les objectifs de la loi et ceux poursuivis par les autorités autochtones, ce qui permettrait de bâtir des ponts entre les nations, car sur la langue et la culture, nos intérêts convergent.

Cinquièmement, à l'article 2, alinéa 1, nous proposons une formulation plus neutre des types de contenu visé. Par exemple, il ne faudrait pas exclure la radio linéaire en ligne. De même, il ne faudrait pas exclure les livres numériques qui peuvent être lus par des voix de synthèse, alors qu'on inclut explicitement les livres audio.

Sixièmement, à l'article 2, alinéa 2, nous sommes d'avis qu'il ne faut pas seulement viser le fabricant, mais aussi le distributeur, le vendeur, le locataire et l'offrant, en suivant l'approche qui est préconisée par la Charte de la langue française. Nous proposons aussi de viser tout simplement les appareils plutôt que les téléviseurs et les appareils destinés à être connectés à un téléviseur, donc, appareils seulement tout court. Autrement, les téléphones ou les tablettes pourraient ne pas être visés par la loi. Or, puisque les téléphones et les tablettes sont les principaux appareils utilisés pour consommer du contenu culturel en ligne, le fait de les exclure réduirait considérablement la portée de la loi.

Enfin, l'article 3 du projet de loi indique que les médias sociaux ne seront pas visés par la loi. Nous comprenons qu'en vertu de la définition proposée à l'article 4, YouTube, TikTok ou Instagram échapperont vraisemblablement à la loi. C'est un enjeu, selon nous, parce que ce sont les principales plateformes utilisées pour consommer du contenu culturel en ligne. Pour assurer que la loi atteigne ses objectifs, nous proposons une approche légèrement différente en ce qui a trait aux médias sociaux. Plutôt que d'exclure les médias sociaux, nous proposons d'exclure les fonctionnalités de nature sociale comme les messageries, les onglets de commentaires et les fonctions de partage de contenu entre usagers. Ainsi, la loi... la loi ne viserait pas un type de plateforme, mais bien un type de services algorithmiques, soit les services de recommandation de contenus culturels. Cette approche permettrait d'éviter que des plateformes parviennent à se soustraire à la loi en ajoutant des fonctionnalités propres aux médias sociaux. M. le commissaire, je vous cède la parole.

• (18 heures) •

M. Dubreuil (Benoît) : Merci. Donc, pour conclure, je reviens sur le fait que la Charte de 1977 a réussi à rétablir la place du français dans l'espace physique et que, aujourd'hui, la loi sur la découvrabilité peut nous aider à atteindre un objectif similaire dans l'environnement numérique. Cela dit, la pérennité d'une langue ne peut pas reposer uniquement sur des obligations légales. Elle dépend d'abord de facteurs démographiques, socioéconomiques et culturels qui font en sorte que la langue est utile et que les gens ont envie de la parler. Le recul du français en culture ne s'explique pas principalement par le rôle des algorithmes. Il y a énormément de contenus en français sur les plateformes et les gens qui démontrent un intérêt pour ce contenu sont déjà orientés de façon relativement efficace vers lui.

Pour cette raison, si on veut refaire du français la langue normale de la culture au Québec, il faudra travailler plus largement sur les autres facteurs qui expliquent son recul. Il faut que dans les familles, dans les écoles, on cultive des habitudes de consommation culturelle en français. Il faut s'assurer que les nouveaux arrivants nouent des liens avec des personnes pour qui la culture québécoise est importante. En somme, nous soutenons le projet de loi n° 109, mais nous rappelons qu'il mérite d'être bonifié et qu'il doit aussi s'inscrire dans une stratégie plus large de reconquête de l'espace culturel. Voilà. Merci.

La Présidente (Mme Bogemans) : Merci. M. le ministre, la parole est à vous pour 16 min 30 s.

M. Lacombe : Merci beaucoup, Mme la Présidente. D'abord, merci pour la présentation. C'est toujours intéressant de vous entendre, d'entendre les propositions que vous avez à faire dont on avait pris connaissance. Je rebondirais peut-être juste sur votre conclusion en faisant une parenthèse. Ça m'interpelle évidemment beaucoup, là, ce que vous dites, travailler sur les habitudes culturelles de nos jeunes, des nouveaux arrivants aussi. Je pense que c'est la base, parce que si on ne travaille pas sur ces habitudes, évidemment, c'est... il y aura beau avoir une offre, mais il faut que les gens la sélectionnent cette offre-là. Donc, je suis tout à fait d'accord, puis on y travaille, notamment avec le groupe de travail sur l'avenir de l'audiovisuel qui a rendu son rapport. Donc, je vois opiner du bonnet. Si vous avez eu l'occasion d'en prendre connaissance, j'en serais très heureux. Et si ce n'est pas le cas, je vous invite à le faire parce que je pense qu'il y a beaucoup de ça qui se retrouve dans le...


 
 

18 h (version non révisée)

M. Lacombe : ...et on est en train de travailler sur les suites de ce rapport-là. Puis, je pense que... Bon, l'avenir de l'audiovisuel, c'est très large, évidemment, c'est tout un chantier, puis le projet de loi n° 109, qu'on étudie en ce moment, je pense que ce sera un des morceaux... un des morceaux de ce casse-tête, parce que, soyons honnêtes, c'est quand même tout un casse-tête de relever ce défi-là. Sur les réseaux sociaux, peut-être que je vous donnerais l'opportunité de... d'élaborer un peu plus, parce que c'est une question qu'on s'est... c'est une question que je me suis posée, puis ça peut sembler évident, en même temps, quand on se met à creuser un peu, on se rend compte que ce n'est pas du tout évident. Prenez YouTube, par exemple, bon, j'ai fait le choix d'aller vers un encadrement de YouTube musique spécifiquement, mais pas de la plateforme en général, parce que c'est du contenu qui est versé par les usagers, ça devient difficile, à ce moment-là de... d'avoir le même encadrement qu'on... qu'on imposerait à Netflix, par exemple. Même chose pour Instagram qui, à toutes fins pratiques, à moins que je ne me trompe, seulement du contenu qui est... qui est généré par les... par les usagers, par des entreprises aussi, évidemment. Comment vous... Comment vous voyez ça? Quel est... je vous laisse développer un peu votre argumentaire.

M. Dubreuil (Benoît) : Bien, c'est sûr que le premier point, c'est que c'est sûr que, je pense que tout le monde va reconnaître que c'est plutôt là que ça se passe aujourd'hui, c'est de plus en plus là que ça se passe que sur Netflix Prime ou Disney+. C'est plus TikTok, Insta, puis YouTube, en fait, qui sont les principaux lieux de consommation de la culture. Puis, je comprends tout à fait, en fait, l'enjeu auquel vous êtes confrontés, c'est-à-dire que c'est un environnement qui est peut-être un peu moins cadré pour ce qui est de la... des types de contenus, en fait, qu'on y... qu'on y retrouve. L'enjeu, je pense, auquel on va être confronté de plus en plus, c'est une sorte de perméabilité entre ces différentes plateformes, entre les différents modes de consommation.

Et, pour nous, le point qui nous semblait important dans le cadre de la loi, c'était de se donner quand même une définition qui était relativement neutre sur le plan technologique, en étant par ailleurs conscient qu'ensuite, sur le plan réglementaire, vous allez devoir manger l'éléphant en morceaux, en tranches, c'est-à-dire que, on s'entend, il va y avoir un travail réglementaire qui va être long, qui va être laborieux, qui va être très difficile, en fait, qui va découler, en fait, qui va... qui va suivre, en fait, l'adoption de la loi. C'est évident que, dans le cas des médias sociaux, il va y avoir des difficultés supplémentaires. La distinction qu'on propose de faire, c'est de noter que, dans le cas des médias sociaux, comme dans le cas de beaucoup de plateformes, il y a un élément qui vient de l'utilisateur, il y a des préférences qui sont manifestées par l'utilisateur, donc qui relèvent de sa volonté, qui relèvent de son libre arbitre de... Donc, par exemple, quand on partage un commentaire, quand on choisit d'aimer ou de suivre un artiste. Et il y a un parti... il y a une partie qu'on ne choisit pas, qui est... qui est opaque, qui est déterminée par la compagnie, qui est déterminée par l'algorithme. Donc, on peut, d'une part, respecter le premier volet et réglementer le second.

Évidemment, en termes d'objectifs qu'on peut fixer pour pour les plateformes, en termes de réglementation, ça devient un peu... peut-être un peu plus difficile dans le sens où chaque plateforme a... est un écosystème avec une réalité propre. Donc, ça peut devenir difficile pour vous de fixer des objectifs généraux qui s'appliqueraient aussi bien, justement, à TikTok, à Insta ou à YouTube, en fait, qui sont des... des mondes un peu différents, mais on pense que c'est possible. Ça peut être des exigences, en fait... mais ça doit être des exigences qui portent sur les recommandations qui sont faites par les plateformes.

M. Lacombe : Bien, puis, vous pourrez peut-être rajouter, mais la façon, puis, là, j'ouvre mon jeu un peu, mais la façon dont je conçois ce défi-là, puis, vous pouvez avoir une opinion divergente, je serais curieux de voir ce que vous en pensez, mais, c'est que sur une plateforme où le contenu est... voyons... est dirigé, là, j'en perd mes mots, là, mais, sur une plateforme comme Netflix où, bon, on n'a aucun contrôle sur ce qui se retrouve là-dessus, ce n'est pas généré par les usagers, c'est contrôlé par Netflix, qui nous propose un catalogue, il faut arriver avec un encadrement, c'est-à-dire, voici, vous devez avoir une proportion dans votre catalogue de contenu francophone. Vous devez ensuite le mettre de l'avant de façon raisonnable pour qu'il puisse, raisonnablement, avoir une chance d'être choisi par les utilisateurs, ça, c'est une chose. Sur une plateforme comme YouTube, où les entreprises peuvent librement aller verser du contenu, où les créateurs de contenus peuvent librement aller s'exprimer, verser du contenu, j'ai l'impression que la solution, comme on voit ailleurs...

M. Lacombe : ...par exemple, en France, c'est de soutenir les créateurs pour qu'ils puissent être plus concurrentiels. Puis, on le voit en ce moment, les youtubeurs français sont très populaires auprès de notre jeunesse. Ça, d'ailleurs, si vous n'avez pas ça sur votre radar, je vous invite à aller faire un tour dans les cours d'écoles québécoises.

M. Dubreuil (Benoît) : J'ai trois ados.

M. Lacombe : Bon. Vous savez exactement, on partage certainement certains mots de vocabulaire qu'on n'exprimera pas nécessairement ici. Mais je suis surpris à tous les jours d'apprendre de nouveaux mots qui nous viennent de la France parce que les créateurs de contenus français sont très, très présents. Donc, parce que la France a fait des choix, entre autres, d'investir sur, dans la création de ce type de contenus là, je présume, est ce que la solution pour des plateformes comme celle-là, au-delà d'un encadrement, comme, législatif, comme on ferait pour Netflix ou pour Amazon Prime, ce n'est pas plutôt d'encourager la création de contenus comme je propose qu'on le fasse avec le Groupe de travail sur l'avenir de l'audiovisuel?

• (18 h 10) •

M. Dubreuil (Benoît) : Je pense que ça presse, en fait, de revoir les modèles de financement pour que les créateurs qui vont chercher de l'audience jeune avec du contenu jeune soient soutenus. Ça, évidemment, pour moi, c'est une évidence, c'est une évidence absolue. Je pense que l'enjeu plus large que l'on a, c'est la capacité qu'on va avoir, de plus en plus, à distinguer un contenu professionnel qui fait partie d'un catalogue versus un contenu qui est produit par un amateur ou qui est produit par un utilisateur. Parce qu'évidemment, si vous allez sur YouTube, puis le YouTube français est un bon exemple, mais on a des exemples aussi dans le YouTube québécois. On a quand même du contenu qui est fait par des, par des acteurs complètement indépendants qui reçoivent 0 $ d'argent public et qui est de facture tout à fait professionnelle, en fait, qui est à plus gros budget, qui est plus professionnel, que l'on retrouve à la télévision traditionnelle.

Donc, à mon avis, il y a comme un mélange des genres qui va aller de plus en plus en s'approfondissant, qui va faire en sorte que la différence, justement, entre un YouTube et un Netflix, va être difficile à faire. D'autant plus que maintenant, vous allez avoir sur YouTube, aussi, des chaînes de, en diffusion continue, les FAST, par exemple, qui vont offrir de la télévision linéaire. Donc, l'enjeu, je pense, que vous avez, comme législateurs, en fait, c'est qu'on est dans un environnement qui évolue extrêmement rapidement. Donc, à mon avis, ce qu'il faut, c'est choisir des formulations qui sont larges et inclusives sur le texte légal, puis, ensuite, se donner la marge de manœuvre réglementaire pour être, pour être agile. Donc moi, je ne vous dis pas, nécessairement, si vous incluez les médias sociaux dans la définition, sur le plan légal, je ne vous dis pas que de façon réglementaire, vous ne devriez pas commencer par les Netflix, Disney et Prime, puis, ensuite, voir.

Une voix : ...

M. Dubreuil (Benoît) : Oui, c'est ça. Puis, c'est un peu dans le même esprit, aussi, autour de la question des téléphones et des tablettes, c'est qu'on est dans un environnement qui est tellement mouvant. Tout ce qu'on voit, c'est un mélange des genres, et puis, tout semble confus, enfin, s'entrecroiser dans les technologies et dans les pratiques culturelles. Il faut avoir de... le gouvernement devra avoir de l'agilité, puis ça va être un combat, on s'entend, pendant des années, on va jouer au chat et à la souris, aussi, avec certaines plateformes.

M. Lacombe : Je pense qu'on est condamné à ça pour l'éternité. Mais est ce que, juste pour préciser, là, est-ce que vous dites, gardons-nous la possibilité, dans le projet de loi, en étant encore, est-ce que je peux le résumer en disant, en étant encore plus neutre technologiquement, pour que si, un jour, on veut, on veut encadrer les réseaux sociaux, parce que là, il n'y a plus de frontières, puis qu'il y a eu, il y a trois ans, on était loin, effectivement, de se douter de l'intelligence artificielle générative, d'où on serait aujourd'hui.

Est-ce que vous nous dites : prévoyez ça, au cas où? C'est ce que je comprends, parce qu'aujourd'hui, à l'heure actuelle, à l'heure où on se parle, il y en a quand même une, une distinction entre les deux. Moi, je la vois clairement, mais je veux juste voir, est-ce que c'est aussi votre analyse? Mais vous dites : par ailleurs, gardons-nous cette possibilité, parce que dans quelques années, il pourrait ne plus y avoir de frontières.

M. Dubreuil (Benoît) : Je... oui, exactement.

M. Lacombe : Je ne sais pas si ma question est claire.

M. Dubreuil (Benoît) : Je la vois. Mais en même temps, YouTube... c'est-à-dire, la frontière entre une plateforme traditionnelle, va devenir de plus en plus mince, même entre la télévision, entre YouTube et la télévision câblée. Tout, tout va finir par se mélanger.

M. Poirier (Éric) : Et on vous recommande aussi d'y aller plus large, quitte à, par voie réglementaire, ensuite de ça, de peut être y aller plus lentement ou d'exclure certaines plateformes par la suite, mais d'y aller large. Parce que le projet de loi, on dirait qu'il nous amène à vouloir vous dire d'y aller large, tu sais. Quand on parle de souveraineté culturelle, ensuite de ça, on devrait modifier la Charte des droits et libertés de la personne. On donne un caractère prépondérant à la loi. C'est comme si on annonce qu'on a une loi fondamentale qui va couvrir très...

M. Poirier (Éric) : ...très large. Ensuite de ça, quand on rentre dans les articles, là, oups, on voit qu'on y va avec un bistouri, puis on va viser que quelques plateformes et on échappe des plateformes comme YouTube. Tout le monde est sur YouTube tout le temps, tu sais, et on a... et on va sur YouTube aussi pour regarder du contenu professionnel, du contenu qui pourrait se retrouver sur les autres grandes plateformes. Donc, il y a comme... on dirait qu'il y a comme un décalage entre un énoncé, on y va très large, puis c'est fondamental, puis ensuite de ça, on y va de façon un peu plus chirurgicale pour viser que certains aspects, puis on échappe beaucoup de choses.

M. Lacombe : Ce que vous nous dites, c'est... là, dans le projet de loi, selon vous, on se coupe cette possibilité, si on a besoin d'aller vers les réseaux sociaux.

M. Poirier (Éric) : Exact.

M. Lacombe : Mais je veux juste... Je reviens, là, puis ce n'est pas pour vous challenger, c'est juste pour être sûr de bien comprendre, parce que je sais que je vais avoir cette discussion-là avec les collègues après, pendant de nombreuses heures, je veux... je veux juste m'assurer que je comprends bien. Donc, si disons... si on allait dans ce sens-là, puis qu'on se disait : Gardons-nous la possibilité, mais qu'on disait : Là, on n'est quand même pas... on juge qu'on n'est pas à l'étape, dans les règlements, d'aller vers ça, parce que pour l'instant, on pense qu'il y a encore une distinction, et si dans quelques années, on pense que là il n'y a plus de frontière, on ira vers les réseaux sociaux, parce que hypothétiquement, on se serait donné le pouvoir d'y aller dans la loi, est-ce que cette stratégie-là, en deux étapes, vous satisferait ou...

M. Dubreuil (Benoît) : Enfin, pour moi, il me semble que la justification d'aller tout de suite à fond de train sur YouTube, Insta et TikTok, la justification, à mon sens, elle est... elle est là. La question, c'est : est-ce que c'est aussi facile de faire une réglementation pour ce type de plateforme que pour, bon, Disney, Prime et Netflix? Si c'est plus facile de réglementer sur les services de diffusion de cette nature-là, je comprends qu'on puisse y aller de façon prioritaire parce qu'on voit mieux comment cerner le problème. Cela dit, si quelqu'un est capable de dire : On a une façon, on a une métrique, on a une mesure intéressante et logique qu'on pourrait vouloir imposer à YouTube, TikTok, Insta, je pense que la justification pour y aller serait entière. C'est-à-dire qu'on a des algorithmes qui déjà sont capables de reconnaître la langue des contenus qui sont proposés, on a des algorithmes qui proposent déjà des tonnes de contenus aux utilisateurs qui n'ont pas été sollicités de manière active par l'utilisateur. On ne parle pas d'entrer sur les...

M. Lacombe : Avec les «shorts», notamment.

M. Dubreuil (Benoît) : Exactement, c'est ça.

M. Lacombe : Est-ce qu'il y a un mot français pour ça d'ailleurs? Il n'y en a pas.

M. Dubreuil (Benoît) : Des vidéos courts, là, oui.

M. Lacombe : Des courts, des courts.

M. Dubreuil (Benoît) : Des petits vidéos, oui. Donc... Mais qui fonctionnent par défilement. Des vidéos verticales, voilà. Donc, la justification, à mon sens, elle est... elle est déjà là, dans le sens où les plateformes poussent déjà du contenu avec des algorithmes que forcément elles connaissent. Et il y a déjà une mesure de la langue qui est faite, parce que par exemple moi, on ne me pousse jamais de vidéo en chinois. Pourquoi on ne pousse jamais de vidéo en chinois? Parce qu'on sait que je ne parle pas chinois. Donc... Donc, la plateforme connaît à quelque part mon profil linguistique. Donc, il y a tout à fait moyen de leur demander d'atteindre certaines cibles en matière de découvrabilité, en matière de recommandation, mais là, à ce moment-là, ça dépend comment fonctionne... fonctionne l'algorithme.

M. Lacombe : ...bien évidemment, j'allais dire plus difficile, mais ce serait pratiquement impossible par contre d'y aller... je ne sais pas si vous allez être d'accord avec ça, mais sur des obligations de contenus minimums dans les catalogues, parce que, là, il n'y a pas... le catalogue est, disons, très évolutif.

M. Dubreuil (Benoît) : Il n'y a pas de catalogue, puis on ne peut pas être sur une obligation d'affichage non plus de dire : Bien là, il faut que 30 % de l'espace visuel... Mais on peut... on peut avoir des cibles qui visent les... le nombre de recommandations faites par... fait par des algorithmes. Donc, quand l'algorithme fait des recommandations, on peut demander qu'il y ait un certain nombre ou une certaine proportion des recommandations qui soient du contenu en français.

M. Lacombe : Je comprends.

M. Poirier (Éric) : On comprenait aussi que les pouvoirs réglementaires donnaient beaucoup de marge. Tu sais, au deuxième alinéa de l'article 20 : «Il peut également établir des catégories de contenus pour lesquels il peut déterminer des normes différentes.» Tu sais, on comprenait avec l'article 20, mais aussi avec le dernier article du projet de loi, là, qui dit que tout entrera en vigueur sur décret. On comprenait d'une part qu'il y a beaucoup de trucs qui allaient être décidés par voie réglementaire par la suite, parce que c'est complexe, et le pouvoir réglementaire permettait aussi d'y aller différemment avec les types de plateformes. Donc, ce n'est pas obligé d'être du mur à mur, autant pour Netflix que pour... que pour YouTube, mais on comprend mal pourquoi on exclurait d'emblée YouTube étant donné que tout le monde est là-dessus et qu'il y a du contenu professionnel.

Et ensuite de ça, avec le dernier article aussi du projet de loi qui dit que ça rentre par décret successivement, on comprenait aussi qu'on était devant un gros chantier, qu'on n'était pas devant...

M. Poirier (Éric) : ... l'an 1 ça rentre en vigueur, le 1er juin, puis 1er juin, puis 1er juin, puis c'est terminé. Non, on comprenait, là, que ça allait venir, comme M. le commissaire le disait par bouchée. Donc, dans les prochaines années, on allait voir progressivement l'ensemble du portrait ou du casse-tête, comme vous avez dit, M. le ministre, arriver morceau par morceau, et qu'ensuite de tout ça, avec d'autres éléments, on allait avoir un cadre complet, là.

M. Lacombe : ... c'est que vous nous aidez à faire le casse-tête, donc, merci.

La Présidente (Mme Bogemans) : Parfait. Donc, je cède maintenant la parole à Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Cadet : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs. Merci pour votre intervention. Je vais peut-être, donc, moi aussi, commencer, donc, sur la question de l'exclusion des médias sociaux. Si vous avez suivi nos travaux, vous n'êtes pas les premiers à nous faire part de cette préoccupation, notamment professeure Guèvremont ce matin, donc, nous en parlait, mais principalement, donc pour des raisons de respect de nos accords internationaux, là, que ça pourrait être un motif de discrimination si on s'attaquait à une plateforme en particulier plutôt que de s'attaquer à des types d'activités, là, bon, donc, il y avait un libellé préliminaire qui nous était proposé au niveau des activités professionnelles encadrées. Donc, j'ai suivi l'échange avec le ministre, ici, bien évidemment, j'avais la même question quant au... à la capacité de répertorier le contenu ou de le cataloguer. Donc, bien évidemment, ce serait impossible de le faire. Mais vous, au-delà, donc, des considérations liées à nos obligations internationales, donc, quant aux accords que nous avons signés, vous nous dites cette exemption-là, donc, pourrait permettre à des acteurs professionnels de se défiler des obligations qui sont prévues au cadre actuel du projet de loi, mais vous proposez plutôt qu'ils puissent nous présenter un certain minimum, donc, de contenu, j'essaie de bien cerner la manière dont ça pourrait se faire, selon vous.

• (18 h 20) •

M. Dubreuil (Benoît) : Ça revient à la question un peu de Mme... ce que mentionnait Mme Guèvremont, en fait, qu'est-ce qu'on... qu'est-ce qu'on régule? Donc, nous, ce qu'on propose, c'est de réguler la recommandation, les algorithmes, la manière dont on fait des recommandations sur une plateforme. Donc, toutes ces plateformes-là ont une chose en commun, c'est qu'ils ont un algorithme qui pousse du contenu, qui est en partie déterminé par vos choix passés, puis en partie déterminés par ce que l'entreprise veut que vous consommiez. Donc, c'est sur cette deuxième partie-là que la réglementation de notre point de vue, doit porter. Donc, ce n'est pas une plateforme, c'est un type d'activité ou un type de service que ces plateformes-là offrent aux utilisateurs. Donc, quand vous offrez ce type de service de recommandation, on vous demande que le français y soit, que les contenus en français soient mis... mis en valeur. Donc, ensuite, sur le plan technique, je ne connais pas évidemment la mécanique ni de TikTok ni d'Instagram, mais je suis à peu près certain qu'ils ont une capacité de détecter de façon automatique le contenu des vidéos... la langue des vidéos qui sont... qui sont versées et qui sont poussées. Et c'est possible, évidemment quand on programme un algorithme, de mettre un peu plus de poids sur certains types de paramètres, puis de dire, bien le contenu qui a été reconnu comme étant en français, on lui donne un 15 % de plus ou un 30 % de plus de poids dans la probabilité d'être recommandé. Donc, ça serait la logique à suivre à mon point de vue.

Mme Cadet : OK, je comprends. Donc, en ce sens, donc, quand on fait la distinction entre les différentes plateformes, disons celles qui offrent professionnellement, là, du contenu audiovisuel ou du contenu musical, où il y a une certaine base et donc, pas donc, de vidéos qui sont téléversées par les usagers eux-mêmes. Donc, ici, donc, il y a un cadre réglementaire, donc, qui serait clair, et là, si vous... nous proposez d'offrir un cadre réglementaire, complémentaire à celui qui est prévu au projet de loi... ou celui qui sera prévu là, par le projet de loi en assujettissant les propriétaires des médias sociaux, là, des plateformes de médias sociaux eux-mêmes à différentes obligations.

M. Dubreuil (Benoît) : C'est-à-dire, pour moi, il y a un moment où la distinction entre un média social et d'autres types de plateforme numérique va finir par être quand même assez floue dans le sens où Netflix pourrait inclure différentes fonctions de commentaire, de partage, et puis, de même... enfin, je veux dire, ça fini par être un peu flou la différence entre les deux, par exemple, Spotify aussi, ce n'est pas complètement un média social, mais ça peut le devenir en ajoutant différentes fonctionnalités. C'est pour ça que pour moi, dans les deux cas, on doit avoir un... une visée qui est sur les... le service lui-même, l'activité elle-même, la recommandation, l'algorithme qui pousse des... qui fait de la recommandation.

M. Poirier (Éric) : Et le principe devrait être que tout ça c'est visé, tu sais... tu sais, le principe de la loi devrait être...

M. Poirier (Éric) : ...Qu'est-ce qu'on vise? Bien, on vise des services algorithmiques quand il y a une recommandation qui est faite. C'est ce qu'on vise. Le principe devrait être celui-là.

M. Dubreuil (Benoît) : Ensuite, c'est sûr, quand on arrive sur YouTube ou sur Spotify ou sur Netflix, ce n'est pas la même interface. Donc, là, quand vient le temps de définir un indicateur d'une mesure, c'est là que le gros travail, là, sur le plan réglementaire, commence. Parce que là, il faut être capable d'avoir une mesure qu'on va être capable de suivre, que la compagnie va pouvoir mettre en œuvre. Mais le bon point, à mon avis, c'est quand même, si on vise plus large, mais au moins, on peut initier aussi une discussion avec... avec les plateformes. Présumons qu'elles sont de bonne foi et aient envie de contribuer aux cultures locales. Présumons, tout le monde est de bonne foi, ici. Elles pourraient dire : bien, nous, en fonction de notre modèle d'affaires, il y a telle avenue qu'on pourrait suivre d'une manière extrêmement facile qui vous permettrait d'atteindre vos objectifs. Par contre, si vous nous demandez de faire telle autre chose, ça va vraiment à l'encontre de notre fonctionnement sur le plan algorithmique. Donc, peut-être, et c'est là que la question des ententes de substitutions, en fait, entre en ligne de compte. Donc, on comprend que la loi a été faite justement pour avoir cet espèce de levier là, où on impose des choses qui sont, peut-être un peu générales, qui fonctionnera... qui ne fonctionnerait pas nécessairement pour tout le monde, mais on se donne, par ailleurs, la possibilité de s'ajuster aux modèles d'affaires particuliers, considérant que c'est un monde où des...des...oui.

Mme Cadet : Vous dites un monde assez vaste, où les modèles d'affaires sont distincts les uns des autres, donc.

M. Dubreuil (Benoît) : C'est ça.

Mme Cadet :... on ne peut pas avoir, donc, le même type d'obligation ou le même type d'indicateur de performance pour une plateforme ou une autre.

M. Dubreuil (Benoît) : C'est ça.

Mme Cadet :< Je vous amène, donc, sur une autre thématique complètement, là, j'ai... je ne pense pas que dans votre échange avec les ministres, que vous ayez abordé ce sujet-là, mais vous, nous, j'ai entendu que vous nous proposiez, donc, de revoir, donc, les passages visant les plateformes numériques dont l'objet principal est d'offrir du contenu autochtone. Je vous avouerais que je n'ai pas tout à fait saisi, donc, quel était l'objet de votre proposition ici, là, je me suis dit, en vous écoutant : est-ce que vous êtes en train de nous dire que, par exemple, il faudrait qu'on soit à mesure de répertorier un projet, là, comme le dernier projet de Serge Fiori, Onze nations pour une chanson, où on aurait du contenu en autochtone, mais offert autrement? Donc, ce n'était pas très clair, ce que vous nous proposiez.

M. Dubreuil (Benoît) : Je comprends que c'était, que ce volet-là du projet de loi, il est quand même très théorique, dans la mesure où, à ma connaissance, il n'y a pas de plateforme en tant que telle qui offre du contenu essentiellement autochtone, enfin, si ça existe, je ne le connais pas. Mais dans l'éventualité où il y aurait une telle plateforme qui serait proposée par un promoteur quelconque au Québec, l'idée, c'est, du projet de loi, c'est qu'elle serait complètement exclue. Alors, nous, on pose quand même la question : est-ce que c'est pertinent d'exclure complètement une plateforme qui présenterait du contenu autochtone, parce qu'il y a quand même du contenu autochtone en français? Donc, quelle serait la justification de ne pas vouloir favoriser la découvrabilité d'un contenu autochtone en français sur une plateforme autochtone. C'était la question qu'on se posait, cette question théorique. C'est-à-dire que la finalité de la loi, c'est de favoriser la... la découvrabilité des contenus francophones. Donc, il y a des contenus autochtones qui sont des contenus francophones. Il y a des autochtones qui font de la culture en français. Il y en a beaucoup, il y a une belle offre. Donc, si, là, on applique la loi aux plateformes autochtones, les propriétaires de ces plateformes-là vont devoir mettre de l'avant le contenu autochtone en français, en assurer la découvrabilité. Donc, pour nous, ça semblait quand même être une bonne chose. Alors, le projet de loi propose d'exclure complètement les plateformes autochtones. Donc, est-ce que je m'exprime clairement?

Mme Cadet : Oui.Je pense que je comprends mieux où vous voulez en venir. Donc, là, vous nous dites, donc, selon vous, donc, des plateformes, là, de façon hypothétique, je ne sais pas si j'offre... si ça correspondrait à la définition qui serait prévue par règlement d'une plateforme numérique, là, qui serait assujettie, là, à une entente avec le gouvernement. Une plateforme comme EPTN, par exemple. Donc, vous nous dites, une plateforme comme celle-ci, qui offre du contenu en langue autochtone, selon vous, elle devrait aussi être assujettie aux obligations qui sont prévues au projet de loi d'offrir du contenu d'expression française, contenu original d'expression française?

Une voix : ...

M. Dubreuil (Benoît) : Découvrable, oui.

M. Poirier (Éric) : Mais aussi, ce qu'on propose, c'est en fait, c'est plus d'enlever cette mention-là à l'article trois, puis d'ajouter quelque chose de nouveau. Donc, c'est-à-dire, d'ajouter un élément qui engagerait le gouvernement du Québec dans une discussion avec une association qui veut mettre une telle plateforme autochtone disponible pour trouver la voie de convergence, parce que, sur cet élément-là, nous avons des éléments de convergence avec les communautés autochtones...

M. Poirier (Éric) : ... nous parlons une langue minoritaire en Amérique, nous avons une culture qui est minoritaire, aussi, en Amérique. Donc, là, en les excluant, c'est comme si on... en les excluant avec l'article trois, non seulement on vient nuire à la possibilité qu'il y ait du contenu autochtone en français qui soit découvrable, parce que la loi n'est pas appliquée du tout, mais en même temps, on... c'est comme si on s'empêchait d'avoir la possibilité de pouvoir discuter avec les propriétaires de telle plateforme pour trouver une façon de converger dans la même direction, c'est-à-dire que, là, nous avons les mêmes intérêts. Donc, profitons-en pour faire quelque chose ensemble et permettre la découvrabilité des produits autochtones en français. Donc, on se demande, en fait, si, avec cet article trois-là, si on n'est pas en train de nuire à l'objectif qu'on essaie de mettre de l'avant.

Mme Cadet : OK, je pense que je vois... je pense que j'ai... j'ai mieux compris ce que vous essayez de nous... de nous présenter ici. Dans votre liste de recommandations, vous ajoutez que le droit à la découvrabilité à une portée supralégislative, c'était ma compréhension que c'était déjà le cas. Donc, pouvez-vous préciser? Non, vous dites que ce n'est pas le cas?

• (18 h 30) •

M. Poirier (Éric) : Non, c'est ça. En mettant l'article, en mettant le droit à la découvrabilité à l'article 42.1, en fait, on est hors des articles qui sont supralégislatifs. Les articles supralégislatifs, selon l'article 52 de la Charte des droits et libertés, ce sont les articles 1 à 38. Donc, quand on est hors articles 1 à 38, on n'est plus dans les dispositions supralégislatives. Ce qui nous amène à dire, parce qu'un bon avocat aurait pu faire l'argument que le droit à la découvrabilité est déjà dans le droit de vivre en français. Le droit de vivre en français, lui, est prévu à l'article 3.1, donc dans les dispositions législatives. Donc, on aurait pu faire l'argument que le droit à la découvrabilité est déjà inclus dans le droit de vivre en français. Là, si on vient prendre la droit... le droit à la découvrabilité, on le retire de l'article 3.1 et on le met plus loin à 42.1, dans les articles qui ne sont plus supralégislatifs, on pourrait argumenter que le projet de loi amène un certain recul, parce que, si on n'avait pas mis l'article 42.1, on aurait pu le plaider dans l'article 3.1, vous me suivez? Donc... Donc, ce qu'on dit, c'est, on trouve que c'est une bonne idée d'avoir le droit à la découvrabilité dans la Charte des droits et des libertés de la personne, mais on dit, pour ne pas affaiblir le droit de vivre en français à l'article 3.1, nous devrions, ou nous vous recommandons, de déplacer l'article 42.1 et de le mettre à côté de l'article 3.1 qui pourrait par exemple être l'article trois 3.2. Et donc, là, on serait dans les articles 1 à 38 de la Charte des droits et libertés de la personne, et on aurait un droit qui est supralégislatif.

Mme Cadet : D'accord, je comprends.

M. Poirier (Éric) : Donc, en résumé, il y a une possibilité qu'avec l'article 42.1, qu'il y ait un glissement, puis qu'on affaiblisse le droit à la découvrabilité alors que le projet de loi, manifestement, il veut le renforcer.

Mme Cadet : On a entendu un peu plus tôt, de...  C'est tout le temps qu'on avait?

La Présidente (Mme Bogemans) : Oui.

Mme Cadet : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Bogemans) : La parole est maintenant au deuxième groupe de l'opposition pour 4 min 8 s.

M. Zanetti : Merci beaucoup. Merci, c'est très intéressant, votre mémoire, votre présentation. Je veux, là, en quatre minutes, aller sur le thème de votre recommandation qui concerne l'insertion dans la loi conditionnelle de 1867, d'une disposition qui dit la culture québécoise dont la langue française est le principal véhicule et la culture commune du Québec, l'État du Québec, prend des mesures pour en assurer la pérennité, la vitalité et le partage. Pourriez-vous développer sur les raisons qui vous motive à faire ça? Ma sous-question serait : est-ce que, si on ne fait pas ça, vous avez peur, par exemple, que l'acte d'Amérique du Nord britannique limite notre capacité à assurer la découvrabilité de la... de la culture québécoise?

Une voix : Vas-y, vas-y.

M. Poirier (Éric) : Notre recommandation, c'est en lien avec le fait qu'on n'a pas le portrait complet de ce que le gouvernement fédéral, ou le Parlement fédéral, a l'intention de faire. Il y a deux ans, le projet de loi C-11 a été adopté, on est toujours dans l'attente des règlements du CRTC pour l'ensemble de la mise en œuvre, donc, c'est comme si le Parlement fédéral s'était pointé dans le dossier avant le Parlement québécois, OK? Puis, il pourrait avoir la prétention d'occuper beaucoup, beaucoup de place, ou presque toute la place. Et d'ailleurs, dans le rapport du comité-conseil, il y a des passages sur cette question-là, c'est-à-dire, est-ce qu'on devrait inviter le gouvernement du Québec à contester C-11 ou pas? On comprend qu'ils ont recommandé de ne pas aller dans cette direction-là parce qu'il y a des besoins urgents, il faut attendre. Bon, maintenant, considérant qu'on peut penser que le gouvernement fédéral, ou le Parlement fédéral, veut occuper beaucoup de place, nous, on pense qu'avec le projet de loi 109, c'est l'occasion d'aller nous-mêmes, le plus rapidement possible, indiquer que le Parlement québécois a des compétences, qu'il a une place pour la...


 
 

18 h 30 (version non révisée)

M. Poirier (Éric) : ...langue et la culture. Et comment faire ça? La simple adoption du projet de loi n° 109 serait quand même un bon signal là, déjà, là. Donc, ce serait le Parlement québécois qui s'avance et qui occupe l'espace. C'est très bien. Mais là, tant qu'à y être, on peut en... ajouter un élément, c'est-à-dire en allant l'inscrire dans la loi constitutionnelle de 1867. Dire que la culture québécoise, c'est la culture commune et que l'État québécois doit adopter des mesures, là, c'est à l'ensemble de la fédération qu'on lance le message parce qu'on le glisse dans la loi constitutionnelle de 1867. Donc, non seulement on aurait le projet de loi qui viendrait indiquer que le Parlement québécois occupe ce champ, mais, en suite de tout ça, on dirait à l'ensemble des partenaires de la fédération qu'on occupe ce champ et on le dit avec une déclaration symboliquement très forte. Donc, étant donné qu'il y a des précédents, notamment avec la langue, avec le projet de loi n° 96 qui est venu inscrire dans la Constitution le français comme langue officielle et commune, il y a un précédent. C'est comme si ce projet de loi là... c'est des éléments que j'ai mentionnés un peu plus tôt, là, étant donné qu'on parle avec un langage extrêmement fort souveraineté culturelle, prépondérance de la loi, le mémoire au Conseil des ministres faisait un parallèle avec la doctrine Gérin-Lajoie, tu sais, des affirmations symboliques extrêmement fortes. Bien là, on se dit, étant donné qu'on l'a déjà fait avec la Charte de la langue française, c'est comme si on vous recommande, là, d'utiliser ce... cette locomotive et de faire la même chose pour la découvrabilité, considérant qu'il y a cet... ce jeu-là avec le Parlement fédéral qui se déroule devant nos yeux présentement.

M. Zanetti : Si... mettons j'ai... il me reste 30 secondes, mais, est-ce que... si je comprends bien, dans le fond, l'idée c'est un peu d'aller marquer notre territoire législatif en quelque sorte dans le terrain de... du Nord britannique, à cause que ça, en fait, l'intervention canadienne qui va défendre toujours les intérêts de la majorité canadienne, pas toujours conformes à ceux du Québec, constitue un péril pour notre capacité à... défendre la langue française puis la découvrabilité dans le cadre du Canada, en fait. Bien là, vous n'avez pas beaucoup de temps... cinq secondes, peut-être que vous... en tout cas.

M. Dubreuil (Benoît) : Bien... il y a historiquement une sensibilité particulière sur la langue et la culture au Québec qui se distingue du reste du Canada, c'est évident...

M. Poirier (Éric) : Et on est devant un nouveau chantier... on est devant un nouveau chantier. Il faut absolument aller occuper ce champ au complet le plus possible.

La Présidente (Mme Bogemans) : Je vous remercie beaucoup pour votre contribution à nos travaux. Nous allons suspendre quelques instants pour recevoir les prochains invités.

(Suspension de la séance à 18 h 36)

(Reprise à 18 h 39)

La Présidente (Mme Bogemans) : Premièrement, nous sommes de retour en ondes. Je voulais demander le consentement pour qu'on ait au-delà de l'heure prévu de la commission, donc, plutôt que de terminer à 19 h 20, de terminer à 19 h 25.

Des voix : Consentement.

La Présidente (Mme Bogemans) : Consentement. Je souhaite donc la bienvenue à l'Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec en visio. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour faire votre exposé, puis nous procéderons, bien entendu, à la période d'échange avec les membres de la commission, donc, la parole est à vous.

• (18 h 40) •

M. Pelletier (Gabriel) : Merci. Alors, bonjour, M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs les membres de la commission, je vous remercie de nous recevoir aujourd'hui. Je m'appelle Gabriel Pelletier, président de l'Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec, accompagné de notre directrice générale, Mylène Cyr et notre conseiller communication Charles Brière-Garneau. La RRQ représente plus de 900 réalisatrices et réalisateurs, vraiment, dans tous les domaines de la production audiovisuelle : cinéma, télévision, Web, publicité, animation. Notre mission est de défendre leurs droits professionnels, économiques et culturels, mais aussi de contribuer à la vitalité de la création d'ici. Nous tenons d'abord à saluer le dépôt du projet de loi 109 et à reconnaître la portée de son ambition : affirmer la souveraineté culturelle du Québec à l'ère numérique et garantir la découvrabilité des contenus d'expression française. C'est une démarche essentielle et attendue. Toutefois, nous avons une préoccupation centrale. Le projet de loi, dans sa forme actuelle, ne distingue pas la culture d'expression française du Québec de celle issue du reste de la francophonie. Cette mission risque pourtant d'affaiblir les effets recherchés par la loi. Dans un contexte où les jeunes publics se tournent massivement vers des plateformes étrangères et des contenus produits ailleurs, le défi n'est plus seulement linguistique, il est identitaire. Les œuvres québécoises doivent pouvoir être lues, reconnues et mises en valeur, parce qu'elles reflètent notre langue, notre accent, nos histoires et notre rapport au monde. Comme nous le soulignons dans notre mémoire, la découvrabilité n'est pas un enjeu technique, c'est un enjeu de souveraineté culturelle. Le Québec doit se doter d'un cadre législatif qui protège et valorise ses propres récits et sa propre voix dans l'univers numérique mondialisé. C'est dans cet esprit que nous souhaitons, aujourd'hui, présenter nos principales observations et propositions. Mylène?

Mme Cyr (Mylène) : Merci Gabriel. Bonsoir tout le monde. Alors, le projet de loi 109 est, à nos yeux, un texte nécessaire et attendu. Il reconnaît, avec raison, que le Québec a non seulement le droit, mais aussi le devoir d'agir pour préserver et promouvoir sa culture et sa langue dans l'environnement numérique. Cette affirmation du rôle du gouvernement québécois comme gardien de la langue et de la culture constitue un geste fort et nous tenons à saluer cette intention. La Charte de la langue française rappelle d'ailleurs que le français est la langue officielle du Québec, la seule langue commune de la nation québécoise et l'un des fondements de son identité et de sa culture distincte. En ce sens, le projet de loi s'appuie sur une approche qui relève pleinement des compétences du Québec, celle de la langue, et vient compléter les mécanismes fédéraux qui régissent la radiodiffusion. C'est une démarche qui renforce la complémentarité entre les deux niveaux de gouvernement et qui permet au Québec d'agir sur son propre terrain, celui de la langue et de la culture. Nous saluons aussi la création du Bureau de la découvrabilité des contenus culturels, la mise en place d'un registre public des plateformes, ainsi que le pouvoir accordé au ministre de réglementer la proportion des...

Mme Cyr (Mylène) : ... contenus francophones accessibles sur les plateformes numériques. Ce sont des outils concrets, indispensables, à la transparence et à la reddition de comptes. Enfin, nous appuyons l'idée que les plateformes et les fabricants d'appareils soient tenus de rendre leur interface accessible en français par défaut. C'est une mesure simple, mais symboliquement et pratiquement essentielle pour réaffirmer la place du français dans notre quotidien numérique. Gabriel.

M. Pelletier (Gabriel) : Nous voulons maintenant attirer votre attention sur un enjeu central de notre mémoire : la distinction entre la culture d'expression française du Québec et celle du reste de la francophonie. Si la solidarité avec la francophonie mondiale est fondamentale, notamment pour faire face à l'hégémonie culturelle et économique des grandes plateformes américaines, il ne faut pas perdre de vue la mission première du gouvernement du Québec protéger et promouvoir la culture d'expression française qui est née et qui vit ici. Notre culture s'enracine dans notre histoire, notre accent, nos expressions, nos références collectives et nos réalités sociales. Elle est le reflet de notre expérience nord-américaine et de notre manière singulière de dire le monde. Dans le contexte numérique actuel, les créateurs québécois doivent déjà rivaliser non seulement avec les productions anglophones, mais aussi avec des productions francophones venues d'ailleurs, souvent mieux financées et plus visibles. Sans une reconnaissance explicite de cette spécificité québécoise, le risque est bien réel que la découvrabilité profite d'abord à des œuvres francophones étrangères plutôt qu'à celles produites ici par nos artisans et nos créateurs. Pour nous, la découvrabilité ne doit pas se limiter à rendre visibles des contenus francophones, mais à rendre visibles des contenus québécois d'expression originale française, ceux qui parlent avec notre voix, dans notre langue, avec nos accents et nos nuances. C'est cette distinction qui permettra non seulement de mieux protéger la culture québécoise, mais aussi de mieux rejoindre les jeunes générations et les nouveaux arrivants, pour qu'ils puissent se reconnaître dans les œuvres produites ici. Mylène.

Mme Cyr (Mylène) : Pour donner plein effet à l'objectif du projet de loi, nous croyons qu'il est nécessaire d'y inscrire explicitement la notion de contenu d'expression originale française spécifiquement québécoise. Cette précision viendrait compléter la notion déjà prévue de contenu d'expression originale française en permettant au gouvernement du Québec de distinguer le contenu produit ici, dans la variété de français propre au Québec, du contenu francophone provenant d'ailleurs. Nous proposons que cette définition soit intégrée au texte de la loi à l'article quatre du chapitre un et qu'elle se lise ainsi : contenu d'expression originale française, spécifiquement québécoise, c'est-à-dire contenu produit au Québec dans la variété de français propre au Québec, qui se distingue du français standard par ses caractéristiques phonétiques, lexicales, syntaxiques et pragmatiques. Il ne s'agit pas de créer une langue distincte, mais bien de reconnaître une variété linguistique et culturelle enracinée dans l'histoire et les réalités sociales du Québec. Cette reconnaissance linguistique, déjà établie par les linguistes, permettrait au gouvernement d'agir à l'intérieur de ses compétences linguistiques sans empiéter sur la radiodiffusion fédérale. En somme, cette mesure donnerait au Québec les moyens juridiques de protéger sa culture dans le respect de la francophonie internationale. Elle ne referme pas le Québec sur lui-même, au contraire, elle l'inscrit pleinement dans la francophonie tout en lui permettant de préserver sa propre voix au sein de cet espace commun. Et cette spécificité n'est pas seulement théorique, plusieurs de nos productions télévisuelles, par exemple « La Nuit où Laurier Gaudreault s'est réveillé », de Xavier Dolan; « Minuit, le soir », de Daniel Grou, alias Podz; ou « Premier trio », réalisé par Philippe Grenier, Charles Grenier, Sandra Coppola, ont dû être doublées en français de France lorsqu'elles ont été diffusées à l'étranger. C'est la preuve concrète que le français québécois porte une identité culturelle distincte. Gabriel.

M. Pelletier (Gabriel) : La reconnaissance du contenu d'expression originale française, spécifiquement québécoise, ne relève pas seulement d'un principe culturel ou linguistique, elle a aussi des effets économiques très concrets. D'abord, elle permettrait aux algorithmes et aux métadonnées des plateformes de mieux identifier les œuvres québécoises afin qu'elles soient véritablement mises de l'avant auprès du public. Une découvrabilité réelle passe par cette visibilité algorithmique, pas seulement par la bonne volonté. Ensuite, elle donnerait aux gouvernements les outils nécessaires pour exiger qu'une proportion significative de contenus québécois...

M. Pelletier (Gabriel) : ... soit accessible sur les plateformes présentes au Québec. Elle permettrait aussi une meilleure reddition de comptes, savoir quelles œuvres sont vues, par qui et dans quelle mesure elles contribuent à la diversité culturelle. Enfin, et c'est fondamental, une meilleure découvrabilité se traduirait directement par une amélioration des revenus des créatrices et créateurs, et donc, de leurs conditions socioéconomiques qui se sont considérablement détériorées au cours des dernières années. Finalement, la transparence des données des plateformes est une condition essentielle. L'accès à ces données permettra non seulement de s'assurer du respect de la loi, mais aussi de mieux comprendre les dynamiques de consommation et d'orienter les politiques publiques de façon éclairée. Mylène.

Mme Cyr (Mylène) : En conclusion, nous saluons l'ambition du projet de loi n° 109 et la reconnaissance du rôle essentiel que joue la culture dans la vitalité du français au Québec. Mais pour que cette loi atteigne pleinement ses objectifs, elle doit aller un pas plus loin en reconnaissant explicitement la culture d'expression originale française, spécifiquement québécoise, comme un élément central de notre identité et de notre souveraineté culturelle. Le Québec a aujourd'hui l'occasion d'adopter un cadre législatif exemplaire qui affirme sa voix propre dans l'espace numérique mondial tout en contribuant activement à la francophonie internationale. En inscrivant cette distinction dans la loi et en l'accompagnant de mesures concrètes en matière de découvrabilité, de transparence et de rémunération équitable, le gouvernement enverra un signal fort, celui d'un Québec qui choisit de se raconter lui-même dans sa langue, avec ses mots et selon sa vision du monde. Nous remercions la Commission pour son écoute et pour l'attention portée à la parole des créatrices et créateurs d'ici qui sont au cœur de la vitalité culturelle du Québec. Merci.

• (18 h 50) •

La Présidente (Mme Bogemans) : Merci pour votre présentation. La parole est maintenant à M. le ministre.

M. Lacombe : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bien, d'abord, je vous salue tous, M. Pelletier, Mme Cyr, c'est un plaisir de vous revoir, puis bonjour aussi à M. Brière-Garneau, que je n'ai pas eu l'occasion, je pense, de rencontrer précédemment, mais sinon on se croise régulièrement dans les événements, donc ça me fait plaisir de vous entendre aujourd'hui... comment dirais-je?... comment dirais-je? Mon... mon équipe pourrait vous... vous confirmer que j'ai eu beaucoup de... réflexion sur ce sujet-là parce que je vous avoue que moi-même, au départ, je me disais : « Voyons, on doit absolument parler de contenu québécois. L'accent québécois, ce n'est pas l'accent français, ce n'est pas l'accent belge, ce n'est pas un accent de la francophonie africaine. Les paysages québécois, l'hiver québécois, ce n'est pas exactement le climat qu'on retrouve non plus dans les pays de la francophonie africaine ». Donc, je suis... je suis d'accord sur le fond, qu'il y a une différence.

Par contre, puis j'aimerais peut-être vous entendre sur... sur... j'aimerais que vous nous donniez un petit peu de perspective sur votre avis, compte tenu des enjeux qu'il y a quand même. Parce que, évidemment, comme ministre, il y a ce que j'aimerais et après le pragmatisme nous impose de prendre la bonne décision pour qu'on puisse être capable d'arriver à notre objectif. Parfois, ça demande des compromis. Ça, pour moi, ça en a été un parce qu'on a l'état actuel des accords commerciaux, par exemple, on a eu Mme Guèvremont ce matin, Véronique Guèvremont, qui est titulaire de la chaire UNESCO que... à l'Université Laval, que vous connaissez probablement, qui est... qui est venu nous rappeler. Bon... évidemment, on le savait déjà ici. On s'est basé là-dessus pour les travaux de notre projet de loi, que si on ciblait par exemple spécifiquement le contenu québécois, bien, on... on pourrait, je pense que les probabilités sont assez élevées, faire l'objet de mesures de représailles, d'un point de vue économique, ça c'est une première chose. Tandis que quand on y va avec l'angle linguistique, bien là, il n'y a pas de motif discriminatoire, il n'y a pas d'élément discriminatoire et là, on n'est pas sujet, par exemple, à des... à des... à des mesures de représailles. Donc ça, c'est un élément. Puis l'autre élément, je vous avoue, qui a pesé aussi dans la balance, pour moi, c'est le fait qu'on a probablement, je pense, on peut en débattre, mais je pense qu'on a peut-être plus à gagner à ce jeu-là d'alliance avec la Francophonie, qu'à perdre, c'est-à-dire que nos contenus sont, je le disais ce matin parmi les plus populaires dans la francophonie mondiale...

M. Lacombe :... sur une plateforme comme TV5 Monde Plus, je pense que vous devez être au courant, ce sont les séries québécoises qui sont les plus populaires. La moitié, on me disait encore ce matin, là, la moitié du top 10, à peu près, est du contenu québécois. Donc, dans la francophonie, notre contenu, il est prisé, il est écouté, il est regardé, en fait. Et on se dit que si on a ce...ce... cette alliance là avec la Francophonie qui incite d'autres pays de la francophonie à faire comme nous et à parler de produits francophones originals, nos productions vont voyager dans ces pays-là. Puis ils vont... il y a de nouveaux marchés qui vont s'ouvrir pour nos créateurs, nos créatrices que vous représentez. Donc, je vous dirais que j'avais notamment ces deux enjeux-là devant moi, quand est venu le temps de prendre la décision. Et je me demande, donc, comment vous mettez ça, un peu en relation avec votre souhait, là? Comment vous analysez un peu les impacts de votre souhait par rapport à ça? Qu'est-ce que vous auriez fait à ma place?

M. Pelletier (Gabriel) : Bien, en fait, merci. Merci, M. le ministre, de partager vos...vos malaises. En fait, oui, je pense que vous avez, vous avez dû faire un compromis, déjà, pour qu'on puisse légiférer, je pense, dans le domaine provincial, et on avait, donc, le même malaise et on a compris, dans le fond, la stratégie, c'est-à-dire que la rediffusion étant du domaine fédéral, on a compris que vous êtes passé par la langue pour qu'on puisse voir notre culture à l'écran. Ce n'est pas uniquement notre langue, mais c'est l'ensemble de notre culture. Et ce qu'on propose, en fait, c'est d'utiliser cette stratégie-là, c'est-à-dire qu'il y a une langue qui est la langue québécoise et il y a des preuves et on croit que c'est tout à fait défendable. Si c'était contesté? Le français québécois est enseigné dans les universités, en Europe. On a des productions qui sont exportées en France, qui sont doublées ou même sous-titrées. Il y a, donc, des preuves que cette langue-là existe, c'est quand même la langue de Tremblay, et je pense qu'on est tous capables de reconnaître cette langue unique que l'on a, des mots, du vocabulaire, de la syntaxe. Tout ça, c'est toutes des éléments qui distinguent l'expression française spécifiquement québécoise du reste de la francophonie. Alors on... on est d'accord de passer par la langue et aussi de collaborer avec le reste de la francophonie. Et on ne veut pas fermer la porte. Mais il faut se donner un outil qui nous permette de mesurer la place de la langue québécoise, de notre culture, sur les plateformes. Et vous nous avez posé la question, le ministère nous a posé la question, à savoir si des quotas seraient un bon outil. Nous avons répondu oui, quand vous nous avez consultés, on vous a répondu oui, mais des quotas qui seraient uniquement basés sur la langue française plus large ne distinguerait pas. Il faut avoir la capacité, l'outil, pour imposer des quotas, aussi, de notre propre culture et on pense que c'est tout à fait défendable de le faire par la voix de la langue, de notre langue distincte.

M. Lacombe : Et ce n'est pas du tout pour vous mettre en... oui?

M. Pelletier (Gabriel) : Et si on est capable, nous, de le reconnaître, on pense que, aussi, les algorithmes sont capables de reconnaître la différence linguistique.

M. Lacombe : Bien, clairement qu'il y a des accents différents, ça, on en convient clairement aussi qu'il y a qu'il y a des québécimes, c'est-à-dire des expressions qui sont typiquement... des mots typiquement québécois, en fait, sont inventés par des Québécois, puis, ensuite, qui se sont inscrits dans l'usage de la langue française. Mais je vous poserais la question suivante, puis ce n'est pas, c'est pas pour vous mettre en boite, là, mais c'est pour, c'est pour comprendre, parce que vous dites : on pense que ça se défend bien. De notre côté, c'est sûr qu'on a travaillé avec des légistes, on a travaillé avec des constitutionnalistes pour notre rapport, évidemment, avec le Canada dans tout ça. On a travaillé avec des experts de la scène...

M. Lacombe : ... puis le consensus, c'est à l'effet que... disons, la langue française, c'est la langue française, là, d'un point de vue juridique. Est-ce que, de votre côté, vous avez des avis juridiques? Est-ce que... est-ce que vous avez des... des... des... au-delà de dire la langue québécoise existe, est-ce que vous avez... sur... sur quoi vous vous basez juridiquement pour dire que ça passerait le test, là, des accords commerciaux, des... de... de... de... nos compétences avec Ottawa?

M. Pelletier (Gabriel) : En fait, ce n'est pas des avis juridiques, mais... des constats. C'est-à-dire qu'il y a des gens qui défendent, justement, il y a... peut-être que vos juristes prétendent qu'il n'y a qu'une... qu'une seule langue française, mais il y en a aussi pour prétendre qu'il y a des langues françaises distinctes. Et je pense que dans la loi, on ne nie pas que c'est une langue française. Ce qu'on suggère... ce n'est pas de nier que c'est une langue française, mais c'est de dire que c'est une langue française qui est spécifiquement québécoise. Donc, on peut parler de régionalismes. Quand on parle de langue créole ou de langue acadienne, on est capable de reconnaître ces langues-là. Donc... oui.

M. Lacombe : Je comprends. Bien, je comprends votre point de vue, je comprends ce que... ce que... ce que vous me dites, et si je reviens à... ce que je veux établir, c'est que juridiquement il y a la langue française, c'est une chose. Ensuite, il y a des accents, évidemment, il y a des couleurs tout dépendant d'où on se trouve dans le monde, ça, c'est clair, on s'entend là-dessus, puis le français québécois est différent du français de France ou, je le disais, du français qui est parlé en Belgique ou dans les pays africains, on s'entend là-dessus, là. Mais, d'un point de vue juridique, bon, disons, il n'y a pas cette nuance-là. Ça, c'est un élément, mais je comprends ce que... je comprends ce que vous me dites, puis je respecte ce point de vue là. Puis, à plus haut vol, je réitère que moi-même, là, j'ai eu des discussions... je dirais assez musclées avec les... les... les gens avec qui je travaillais au début de l'élaboration du projet de loi, parce que j'avais de la difficulté à concevoir qu'on ne parlerait pas de produit québécois, mais je... je... j'ai dû me rallier au... je vous dirais... puis je trouve que ça a du sens aujourd'hui. Mais, j'ai... j'ai... j'ai dû me rallier à ces opinions-là qui, encore une fois, je le répète, là, ont beaucoup de sens. C'est pour ça que j'ai déposé ce projet de loi là avec cette motion-là. Je... je vous lancerais peut-être la... je ne sais pas il nous reste combien de temps?

• (19 heures) •

La Présidente (Mme Bogemans) : 5 minutes 40.

M. Lacombe : 5 minutes 40? Est-ce que j'ai des collègues qui ont des questions? J'ai l'impression que j'ai un collègue qui a des questions.

M. Lemieux : Est-ce que je pourrais juste intervenir maintenant puis te revenir après?

M. Lacombe : Bien oui, bien sûr.

M. Lemieux : Oui? D'accord. Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Bogemans) : Oui...

M. Lemieux : Merci beaucoup. Je... je suivais votre conversation, qui était effectivement interpellante, M. le ministre, mais, c'est séduisant comme idée, mais ne pensez-vous pas que, quand on écoute les autres témoins qui sont venus nous voir, puis tous les spécialistes qui nous disent : « Vous savez, ce n'est pas des petits clients que vous allez ramasser, là, quand vous allez ramasser les grandes plateformes internationales, puis que vous allez vous retrouver contre les Meta de ce monde », si jamais on va dans cette dimension-là ou les autres. Pensez vous pas que nos amis francophones du reste de la planète pourraient être plus utiles que juste nous chatouiller l'oreille quand on écoute leurs films puis qu'on regarde... on écoute leur musique, puis qu'on regarde leurs films. Je comprends ce que... la finalité de ce que vous voulez par rapport à faire la promotion de nos affaires, mais on est dans une guerre planétaire, là, on ne devrait pas avoir une langue planétaire pour nous, en français.

Mme Cyr (Mylène) : Bien, si vous... si vous me permettez, j'aimerais répondre, mais en fait, je vais vous répondre et je vais répondre au deuxième... au deuxième volet de M. le ministre, par rapport au fait qu'on nous a dit : C'est vrai qu'on a un contenu qui... qui est prisé parce qu'on a énormément de talent ici, mais par contre, là où on a des craintes, c'est que nos productions sont en mal de budget. On est souvent à un tiers des budgets anglophones et notre préoccupation dès le départ, quand on a vu le projet de loi, c'est de dire : Est-ce qu'il n'y a pas cette possibilité que notre contenu québécois spécifique soit noyé dans cette mer de contenu francophone qui, pour la plupart, vont bénéficier de budgets beaucoup plus importants que nos productions? Et un des arguments aussi sur lequel nous nous reposons, c'est...


 
 

19 h (version non révisée)

Mme Cyr (Mylène) : ...cet auditoire jeune qu'on est, qu'on a pratiquement perdu, parce que, justement, on n'est pas capable d'amener le contenu de ce qu'on fait ici jusqu'à eux. Et donc, on comprend comme, comme disait M. Pelletier, on comprend et on loue, et on loue, en fait, cette volonté de mettre de l'avant le côté francophone, mais pas au détriment du contenu spécifique québécois. Parce que celui-là, c'est celui-là qui parle à nos gens, et les gens se reconnaissent. Donc, par rapport à ça, c'est une vraie crainte de voir notre contenu et c'est, dans le fond, la spécificité, ce qu'on demande, c'est vraiment de pouvoir être parti de ces algorithmes de recommandation, donc, de s'assurer que notre contenu ne passe pas derrière les autres contenus francophones, mais est poussé vers l'interlocuteur. C'est un des buts de notre position.

M. Pelletier (Gabriel) : Et ça ne nie pas, ça ne nie pas, pardon, le fait qu'on est dans un ensemble francophone, c'est-à-dire qu'on va poursuivre cette collaboration avec les autres pays francophones. Et ce qu'on dit, c'est que dans la loi, si on reconnaît qu'il y a une spécificité dans la langue française qui, elle, est québécoise, donc, un ensemble, un sous-ensemble dans un ensemble francophone, et si nous, on n'est pas les premiers à reconnaître cette... cette spécificité-là, c'est notre travail d'assumer notre souveraineté culturelle. Et donc, si on l'inscrit dans la loi, on dit : il y a une expression française et une expression française spécifiquement québécoise, tout simplement. Donc on ne nie pas que c'est l'ensemble francophone, mais qu'il y a une spécificité et qu'il y a une autre façon de s'exprimer et on le reconnaît dans la loi. À partir de là, on a un instrument qu'on peut défendre, qu'on peut tenter, à tout le moins, de défendre. Mais on aura ce premier... ce premier outil-là.

Mme Cyr (Mylène) : Voilà, et on pense aussi que dans le fond, c'est deux types...

M. Lacombe : La fin de notre temps. Il nous reste, il nous reste une minute. Je vous laisse, je vous laisse le mot de la fin. J'aurai, je n'aurai pas d'autres questions. Mais c'était, c'était... Je ne sais pas, est-ce que vous vouliez rajouter quelque chose d'autre, en quelques secondes?

Mme Cyr (Mylène) : Bien, en fait, juste, le... juste le fait de dire que, en fait, le fait d'avoir deux types de contenus francophones peuvent très bien cohabiter, parce que, justement, on peut, par des critères, par règlement, vous allez pouvoir établir, en fait, les proportions de ces contenus sur les plateformes. Mais l'un n'empêche pas l'autre, on peut, on peut très très bien être complémentaires.

Une voix : Super, j'ai bien...

M. Lacombe : Capté l'essence de vos propositions. Merci beaucoup pour votre, pour votre contribution. C'est apprécié.

Mme Cyr (Mylène) : Merci.

M. Lacombe : Merci.

La Présidente (Mme Bogemans) : La parole est maintenant à la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Cadet : Merci, Mme la Présidente. Bonsoir, M. Pelletier, Mme Cyr, M. Brière Garneau. Ravie de vous revoir. Donc, vos commentaires, donc, sont toujours très pertinents et extrêmement édifiants. Je vais commencer, donc, sur la même thématique, parce qu'évidemment, donc, votre mémoire aborde en long et en large, donc, le plaidoyer que vous venez de nous faire. Donc, au fil des échanges, j'ai mieux saisi un peu ce que vous, vous avancez. Parce que, bien évidemment, le ministre l'a mentionné, on a eu professeure Guèvremont, là, ce matin, qui a mis la table sur le choix, donc, qui a été fait ici et ce qui suivait donc sa propre recommandation, notamment, donc, en raison du respect de nos accords commerciaux internationaux et de la protection de la pièce législative, donc, différentes représailles de la part de tiers, notamment des États-Unis. Donc, on l'entend, donc, je... je comprends, donc, conceptuellement, donc, le choix qui a été fait par le ministre de dire, donc : si on veut, souhaite protéger la pièce législative qui est mise de l'avant de potentielles représailles, donc, il vaut mieux ne pas la fragiliser avec des concepts qui pourraient avoir une portée territoriale, mais en allant, donc, sur la langue. Là, dans vos derniers propos et dans votre mémoire, donc, vous nous dites dans votre plaidoyer, ce n'est pas d'enlever le concept d'expression, voyons, de contenus culturels d'expression originale de langue française, mais vous nous dites qu'en complémentarité à ce concept que nous pourrions, donc, rajouter la variété linguistique québécoise, et qu'ensuite, par règlement...

Mme Cadet : ... donc, on ferait, donc, une distinction sur comment nous poussons, donc, des contenus ou comment nous assurons que soient répertoriés des contenus d'expression française et d'autres, qu'ils soient d'expression française québécoise, si je vous paraphrase, c'est un peu ce que vous nous dites.

M. Pelletier (Gabriel) : Exact. Oui, en fait, on... veut éviter la territorialité, on y va par le biais de la langue. Il faut être capable d'obtenir des données sur la consommation et il faut être capable de départager, on ne peut pas uniquement avoir des données sur la consommation de contenu d'expression française, mais il faut être capable de départager des données, puis d'avoir des contenus d'expression française spécifiquement québécoise. Et là, on ne parle pas de québécois, on parle toujours de français. Et, c'est ça, ça prend des données et avec ces données-là on est capable d'agir. Donc, à partir du moment où est-ce qu'on est capable de départager quelle est la consommation du contenu d'expression française québécoise, pour le dire rapidement, on est capable d'agir en termes de règlement.

Mme Cadet : OK, donc, je... je veux m'assurer, donc, de bien comprendre votre proposition ici. Donc... et là, vous venez, donc, de mentionner, M. Pelletier, donc, la question des données, donc, vous nous dites que vous comprenez, donc, l'enjeu sur le plan juridique de la question de la territorialité. Donc, vous dites non, non, vous ne souhaitez pas aller... sous cet angle-là. Comprenez... vous êtes en accord plutôt, vous êtes en accord avec l'objectif d'effectuer des partenariats avec le reste de la francophonie dans le contexte des arbitrages à faire avec les différentes plateformes, mais vous dites que, essentiellement, cette distinction-là servirait à des fins de collecte de données.

• (19 h 10) •

M. Pelletier (Gabriel) : Et, oui, pas uniquement de collecte de données, mais éventuellement aussi de réglementation. C'est-à-dire que si... à partir des données de consommation, par exemple, on peut... on peut réglementer si on veut avoir des quotas. Évidemment, notre inquiétude, c'est est ce que du contenu produit ici... parce que, on s'entend tous qu'on passe par le biais de la langue, mais on veut avoir notre culture à l'écran, là, chez les diffuseurs. On ne peut pas y aller par le biais de la territorialité, mais on dit qu'il y a effectivement des preuves qu'il y a... une telle chose qu'une spécificité québécoise dans la langue française. Et ça se défend très bien. Si... un pays francophone prend la peine de doubler une série québécoise en français de France, c'est parce qu'il y a une différence marquée, et ça, c'est prouvable. Et ce n'est pas... ce n'est pas un cas unique, on parle de cas quand même qui sont relativement fréquents, là. Alors... c'est ça.

Mme Cadet : OK, merci. Donc, je pense que je vous entends bien sûr... sur cet aspect-là. Donc, on aura l'occasion, peut-être en étude détaillée, de pouvoir creuser cette question-là et de voir si on a bien retourné toutes les pierres sur... le plan juridique. Parce que je pense que l'exposé de ce matin, donc, nous mettait la table. Puis, je vous entends, vous êtes, donc, vous... souscrivez, donc, à cette interprétation, là, vous nous dites OK donc l'objectif, donc, ce ne serait pas, donc, de... permettre... d'affaiblir l'outil législatif qui nous est présenté. Parce que, bien évidemment, donc, ça en éliminerait complètement la portée, mais que s'il y avait, donc, d'autres voies d'accès, de pouvoir faire cette distinction-là sur le plan de la langue, tout en préservant les dispositions qui concernent le contenu francophone qui aurait les moyens, donc, de peut être aller chercher des avis juridiques supplémentaires et de voir s'il y a des angles d'approche qui permettaient de conserver un outil tout aussi robuste pour parvenir aux fins avouées et partagées de... de préserver le contenu local.

M. Pelletier (Gabriel) : En fait, ce serait de raffiner l'outil, parce que si, par règlement, le gouvernement demandait à avoir x pour cent de contenu francophone, par exemple... à un diffuseur, bien, le consommateur, lui, à la maison, il va se retrouver, quoi? Il peut se retrouver avec une série française, belge, africaine, peu importe les différents pays. Mais...

Une voix : ...

M. Pelletier (Gabriel) : Et oui, il va se retrouver avec Arsène Lupin. C'est un très bon exemple, exactement, les séries qui ont... des budgets faramineux comparativement à nos... à nos productions sont...

M. Pelletier (Gabriel) : ... quand même tout à fait méritant, mais il faut se donner les outils pour qu'on soit capable de protéger, en fait, notre culture, puis notre réalité culturelle et qui est véhiculée par la langue. Alors, je pense que... pour nous, c'est de raffiner un outil et c'est ne pas nier l'approche qui a été là. Mme Guèvremont a eu une approche stratégique. Nous, on en a une autre.

Mme Cadet : Merci. Vous venez de le mentionner, donc, il y a un objectif, selon vous, au projet de loi, de protéger un écosystème. Donc, non seulement de s'assurer que les publics, et notamment les jeunes publics, puissent accéder, découvrir du contenu francophone, du contenu, selon notre propre variété linguistique, donc de français québécois, sur les différentes plateformes. Mais... donc, j'ai posé la question à quelques reprises sur... les indicateurs de performance, donc, est-ce que, selon vous, si on va jusqu'au bout de l'argumentaire de l'écosystème, un indicateur de performance, donc, serait aussi de s'assurer que nos créateurs puissent avoir une rémunération accrue... Comment est-ce que vous voyez, donc, le succès d'une politique de découvrabilité?

M. Pelletier (Gabriel) : Bien, le succès d'une politique de découvrabilité, c'est la consommation de notre culture. C'est... c'est là qu'est le succès, c'est là qu'on va l'évaluer. Alors, comment vous allez être capable de départager, OK, ils ont consommé X pour cent de contenu francophone, mais vous ne savez pas, là, s'il y a eu du contenu qui était spécifiquement québécois, là, là-dedans. Alors, on pense que, en... nommant cette différenciation de la francophonie, bien, on est capable, éventuellement, avec cet outil législatif là, d'aller chercher des résultats.

Mme Cadet : Merci. Avec le temps qui nous est imparti, j'en profiterais peut-être pour vous questionner sur d'autres sujets, parce que je pense qu'on a quand même bien saisi votre... plaidoyer sur l'inclusion de la variété linguistique de français québécois dans le projet de loi. Vous avez peut-être entendu d'autres intervenants, notamment, donc, ceux qui viennent de passer, également professeure Guèvremont, ce matin, nous parler de la question de l'exclusion des médias sociaux. Donc, pour toutes sortes de raisons, la première, notamment, encore une fois, en raison du respect de nos obligations en matière, donc, de traité de libre échange... Il y aurait peut-être un motif de discrimination, ici, là, en y allant sur la plateforme, donc il faudrait peut-être réglementer plutôt les usages, les pratiques, on parlait d'activité professionnelle et les derniers au niveau du commissaire à la langue française, pour d'autres motifs nouveaux, nous enjoignait, comme législateurs, à se poser la question sur... l'étendue de ce que couvre le projet de loi. Je veux peut-être vous entendre... Évidemment, donc, les plateformes de médias sociaux ont autant, donc, du contenu qui est généré par les usagers, donc, qui doit et continue de se faire... librement, mais les opérateurs professionnels, les plateformes elles-mêmes, donc, continuent parfois, donc, d'aller chercher des publics à travers, donc, ces plateformes-là et la ligne, à ce stade-ci, est peut-être très claire, mais serait peut-être appelée à évoluer. Donc, vous, est-ce que c'est... un sujet sur lequel vous vous êtes penchés? Est-ce que c'est... une réflexion que vous avez?

M. Pelletier (Gabriel) : Oui, c'est un sujet sur lequel on s'est penché au CRTC. En fait, la question s'est posée, et, en fait, le seul... dans un monde idéal, oui, les réseaux sociaux devraient être soumis à la réglementation, à la législation, mais la nuance, c'est, en fait, quand ils agissent comme des diffuseurs. Et, c'est ça, c'est que, dans le fond, quand on parle de réseaux sociaux, tu sais, on pense à YouTube où... tu sais j'entendais les intervenants avant, mais ils agissent aussi comme des diffuseurs, c'est-à-dire qu'ils mettent... Ce n'est pas le contenu des utilisateurs qu'on veut réglementer, mais c'est le contenu mis de l'avant par YouTube, par exemple, musicalement ou en termes de contenus audiovisuels. Donc, c'est ça la nuance, c'est... Mais, dans un monde idéal, pour nous, on n'exclurait... on n'exclurait pas les réseaux sociaux, là.

Mme Cadet : OK, je comprends. Vous nous dîtes, donc, oui, donc, on a des usagers qui téléversent du contenu, évidemment, donc, ça, donc, ce sont, comme l'indiquait Mme Guèvremont, donc, ce sont des pratiques qui ne devraient pas être en...

Mme Cadet :  ... encadré. Maintenant, c'est sûr que la question de contenu professionnel, la barrière est peut-être un peu plus floue, on aura peut-être l'occasion d'en parler avec d'autres acteurs, mais, ce que... ce que vous nous dites c'est que le contenu qui est téléversé alors que les plateformes agissent elles-mêmes comme diffuseur ou permettent à des entités corporatives qui agissent comme diffuseur de téléverser du contenu sur ces plateformes-là, selon vous, donc, si ce sont des éléments qui devraient être réglementés.

M. Pelletier (Gabriel) : Tout à fait...

La Présidente (Mme Bogemans) : 36 secondes.

M. Pelletier (Gabriel) : Les YouTube channels, là, oui.

La Présidente (Mme Bogemans) : 10 secondes.

Mme Cadet : Parfait... merci beaucoup. À la prochaine.

M. Pelletier (Gabriel) : Merci à vous.

La Présidente (Mme Bogemans) :  Merci. La parole est maintenant au député de Jean-Lesage.

• (19 h 20) •

M. Zanetti : Merci beaucoup. Depuis... depuis les débuts de cette aventure, là, de... le rapport, le projet de loi, puis, là, aujourd'hui, ça me trotte dans tête tout le temps. Je me dis c'est tellement compliqué d'être une province canadienne, c'est compliqué... j'entendais le ministre faire la liste du monde qu'il a fallu consulter. Les constitutionnalistes, les légistes, les experts de ceci et de cela. Mon Dieu, seigneur! À deux jours, tu sais, de l'anniversaire... 30ᵉ anniversaire du référendum de 1995. Je ne peux pas m'empêcher de penser, tu sais, s'il n'y avait pas été fraudé et si on n'avait pas reconnu la défaite, si... si... si... on aurait une discussion tellement différente aujourd'hui, on n'aurait pas des accords internationaux négociés par le Canada qui nous empêchent justement de dire : « Protégeons nos productions québécoises », tu sais, puis on pourrait tout à fait faire des accords pour promouvoir le contenu dans l'Est de la Francophonie. Ça, j'en suis persuadé, que les deux sont compatibles. Ma question avec ce préambule-là est un peu de dire... de nous amener du côté non pas de la... mettons d'un... mettons... on fait avec la réalité qui est ça, ce cadre-là, puis, etc., mais de dire : « Si on remettait un peu en question le cadre », là. Est-ce que vous trouveriez ça plus intéressant, par exemple? Qu'on dise... qu'on... qu'on... renégocie les traités commerciaux qui nous empêchent de faire ça, puis que vraiment on aille jusqu'au bout puis dire : « Bien on va défendre puis protéger vraiment nos productions culturelles pour faire en sorte qu'elles ne soient pas soumis à une concurrence déloyale ou que nos actions de découvrabilité ou de protection ne soient pas l'occasion de représailles de multinationales envers l'expression de notre voix culturelle. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Pelletier (Gabriel) : En fait... tout ce que je peux répondre, dans le fond, c'est que c'est compliqué de s'attaquer à des multinationales américaines de la grosseur des... des Apple, Amazon, Netflix et autres... Paramount. Alors, c'est... c'est le seul commentaire que je peux faire. C'est-à-dire que ce n'est pas uniquement au niveau provincial. On vit l'AARQ, elle fait des représentations au niveau fédéral aussi, le CRTC... réglementer ça. C'est très complexe, dans le fond, de venir intervenir dans... dans la diffusion culturelle quand elle est dominée par des joueurs aussi imposants que ceux-là. Alors, c'est le seul commentaire que je peux faire.

M. Zanetti : Bien, je vous remercie. C'est certain que les propositions que vous avez faites, on va s'organiser pour en faire des amendements dans le cas de l'étude détaillée, parce que je trouve ça important, effectivement, qu'on aille le plus loin possible, malgré tout, jusqu'à la prochaine fois peut-être. Voilà.

M. Pelletier (Gabriel) : Merci.

La Présidente (Mme Bogemans) : Merci beaucoup d'avoir participé à nos travaux ce soir. La commission ajourne ses travaux jusqu'au mercredi 29 octobre 2025, après les avis touchant les travaux des commissions où elle poursuivra son mandat. Bonsoir, tout le monde.

(Fin de la séance à 19 h 22)


 
 

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