(Onze heures vingt-huit minutes)
La Présidente
(Mme Guillemette) : Donc, votre attention, s'il vous plaît! Ayant
constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture
et de l'éducation ouverte.
La commission
est réunie afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 96,
Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français.
M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des
remplacements?
Le Secrétaire : Oui, Mme la
Présidente. M. Poulin (Beauce-Sud) est remplacé par M. Lévesque (Chapleau); Mme
Rizqy (Saint-Laurent) est remplacée par M. Barrette (La Pinière); Mme St-Pierre
(Acadie) est remplacée par M. Birnbaum (D'Arcy-McGee); Mme Dorion (Taschereau)
est remplacée par Mme Ghazal (Mercier); et Mme Hivon (Joliette) est remplacée
par M. Bérubé (Matane-Matapédia).
Étude détaillée (suite)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le secrétaire. Donc, hier, lors de l'ajournement des travaux, le
ministre venait de nous présenter un amendement à l'article 29.16
introduit par l'article 19 du projet de loi. Donc, l'article avait été lu, et nous en sommes maintenant aux échanges.
Est-ce qu'il y a des interventions sur l'amendement déposé par M. le
ministre? Oui, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, la parole est à vous.
Mme David : Bien, c'est... je vais
demander des questions de précision, en fait, pour qu'on se réchauffe un petit
peu, là. Dans l'article 29.16, pourquoi le ministre a-t-il senti le besoin
de déposer un amendement, ce qui n'est quand même pas monnaie courante dans ce
projet de loi ci? Il doit avoir une bonne raison.
La Présidente (Mme Guillemette) : M.
le ministre.
• (11 h 30) •
M. Jolin-Barrette : Pourquoi
l'introduction de l'amendement? En fait, c'est pour venir clarifier certaines
choses relativement à la directive. Donc, lorsque... Puis, en fait, c'est par
concordance avec l'article 29.17, parce qu'on va venir proposer un amendement
à 29.17 relativement à la prise... et vous l'avez déjà sur Greffier,
là, à 29.17, là, on va venir ajouter : «Lorsqu'un ministère ou un
organisme fait défaut de prendre la directive visée à l'article 29.16 dans
le délai que le ministre lui indique, le ministre peut prendre lui-même cette
directive; il y est toutefois tenu, immédiatement
et sans délai, à l'égard de l'organisme qui remplit la condition prévue au
paragraphe 2° de l'article 29.19. La directive prise par le ministre a le même effet
que si elle avait été prise par la ministère ou par l'organisme concerné.»
Vous vous souviendrez qu'il y a la loi, il y a
la politique linguistique puis ensuite il y a les directives. La directive, c'est une exception, je me prévaux
d'une exception à l'intérieur du ministère. Ce que 29.17 va venir faire, c'est
que, si jamais, là, il y a un ministère, là,
ou un organisme qui fait défaut d'adopter une directive, qui fait défaut
d'avoir... de dire : Je veux
l'exception, bien, le ministre de la Langue française, si c'est porté à son
attention qu'il doit y avoir une directive, ça lui donne le pouvoir de
le faire, de venir imposer cette directive-là, pour dire : Bien oui, il
faut que vous ayez une exception pour fonctionner.
Tu sais, supposons qu'on était dans une
situation où l'organisme ne présentait aucune demande d'exception, O.K., puis que, manifestement, il y avait
nécessité d'avoir des exceptions, si ce n'est pas fait par l'organisme, on
autorise le ministre de la langue
française à venir donner cette exception-là puis cette directive-là en
conformité de la loi. C'est comme une clause de sûreté, dans le fond,
pour être sûr que le régime fonctionne.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Mme la députée.
Mme David : Bien, je comprends que
c'est compliqué, parce qu'on ne peut pas lire 29.16, l'amendement, sans avoir
travaillé l'article 29.17, parce que ça va ensemble. D'ailleurs, c'est
bien dit dans le commentaire : «Cet amendement, par concordance avec un
amendement qui sera proposé à l'article 29.17, propose le remplacement des
deux derniers alinéas de 29.16 par un nouvel alinéa qui reprend les
dispositions actuelles de l'article 29.17. L'article 29.17 reprendra
les dispositions de ces deux alinéas afin d'y inclure les organismes municipaux
parmi les organismes de l'administration...»
Alors, on comprend que ça danse un tango très,
très rapproché, ces deux articles-là, là.
M. Jolin-Barrette : Oui, mais, en
fait, puisque personne n'est infaillible également, c'est qu'il faut inclure
les municipalités également, d'avoir le pouvoir pour les municipalités de faire
la directive. Puis il manquait les municipalités, parce que les municipalités
étaient à 29.17, donc il fallait les intégrer également à 29.16.
Mme
David : Donc, l'article 29.16, puisque vous n'êtes pas infaillible...
et ça me rassure beaucoup, beaucoup, parce qu'on a parlé du pape, hier, qui
était infaillible puis on... Vous vous souvenez qu'on a parlé de ça?
M.
Jolin-Barrette : Du pape?
Mme David :
Oui. Moi, j'ai dit : Nul n'est... à part le pape, il n'y a personne qui
est supposé d'être infaillible. Alors, ça me confirme que vous n'êtes pas
infaillible et que...
M.
Jolin-Barrette : Oui, mais même le pape, je pense qu'il peut se
tromper. J'espère, je ne serai pas excommunié pour ça, pour avoir... pour mes
propos, mais je l'affirme puis je ne pense pas qu'il n'y ait aucun être humain
qui est infaillible.
Mme David :
Non, je sais, mais, dans la religion catholique, on a appris ça, que le pape
est infaillible, donc...
M.
Jolin-Barrette : Je ne sais pas si nos propos vont se rendre jusqu'au
Vatican, par contre.
Mme David :
Bien, je ne suis pas sûre. Je ne pense pas.
M.
Jolin-Barrette : Ah! bien, probablement.
Mme David :
Ça m'inquiéterait que vous pensiez ça.
M.
Jolin-Barrette : Comment?
Mme David :
Donc, on inclut... Donc, dans votre faillibilité, vous vous êtes aperçu avec
humilité que vous aviez oublié les municipalités. Est-ce que ça se résume à ça,
dans le fond?
M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, parce que
29.17 traite des municipalités, puis on ne les avait pas mises à 29.16,
donc, oui, il faut rajouter le pouvoir à 29.16.
Mme David :
Donc, la réponse, c'est oui, vous avez... Il y a eu un oubli, tout simplement,
pour le 29.16, là. Parce que je ne suis même pas dans le 29.17, là.
M.
Jolin-Barrette : Oui, exactement.
Mme David :
O.K. Bien, moi, ça va. Je suis heureuse de voir la réparation qui est faite.
La Présidente (Mme Guillemette) : Parfait.
Merci, Mme la députée. D'autres interventions sur l'amendement de M. le ministre? Donc, s'il n'y a pas d'autre
intervention... Ça va, tout le monde? Donc, nous pouvons... L'amendement
de M. le ministre est adopté?
Des voix :
Adopté.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Donc, nous pouvons passer au 29.17.
M.
Jolin-Barrette : Oups! Ah! Oui, excusez-moi, c'est bon. J'allais vous
dire que j'ai un amendement aussi.
Une voix :
...
La Présidente (Mme
Guillemette) : On a adopté l'amendement, oui, c'est vrai, Mme la
députée, vous avez tout à fait raison. Donc, c'est l'amendement de 29.16 qui a
été adopté, donc on peut continuer les interventions sur le 29.16 amendé. Mme
la députée, je présume que vous avez une intervention?
Mme Ghazal :
Oui, oui.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Je vous laisse la parole.
Mme Ghazal :
Merci, Mme la Présidente. Hier, j'avais posé une question au ministre par
rapport à une... pas une directive, là, mais, en tout cas, une décision qui a
été prise le 30 juin 2021 à l'effet que les gens, dans les milieux
scolaires, ne pouvaient pas utiliser la banque d'interprètes interculturels du
ministère de la Santé et Services sociaux. Je ne sais pas si le ministre a eu
l'occasion d'avoir une réponse, pour quelle raison ça a été fait.
M.
Jolin-Barrette : Pas encore, on est encore en vérification. Dès que
j'ai la réponse, je vous reviens.
Mme Ghazal :
Ah! O.K. Pour revenir à 29.16, si on prend par exemple... Parce qu'on
dit : Toute directive prise en vertu... par un ministère ou un organisme.
Par exemple, le ministère de la Santé et Services sociaux, est-ce que c'est
possible que, dans une directive, on inclue aussi que... dans la directive, par
exemple, du ministère de la Santé et Services sociaux, on dise que ça inclut
aussi les services sociaux, la fameuse exception, là, à 29... à 22.3? Parce
qu'à 22.3 les exceptions de pouvoir utiliser une autre langue que le français,
c'est santé, sécurité publique et justice naturelle, mais ça ne dit pas
«services sociaux».
Est-ce que, dans la directive, par exemple, le
ministère de la Santé et Services sociaux, qui va faire les directives, peut
dire : Ça inclut aussi les exceptions, les... santé, services sociaux
aussi?
M. Jolin-Barrette : Bien, dans le
fond, le régime des hôpitaux, c'est un régime qui est distinct, dans le fond.
Ils ont droit à l'exception, en vertu de 22.3, vous avez raison, santé,
sécurité publique et droits fondamentaux... pas droits fondamentaux...
Mme Ghazal : Justice naturelle.
M. Jolin-Barrette : ...justice
naturelle, excusez-moi, justice naturelle. Mais, parallèlement à ça, il y a
l'article 15 de la loi sur la santé, sécurité qui s'applique également,
donc ça inclut l'article 15. Donc, dans la directive, ils prennent en
considération également l'article 15 de la loi sur la santé et services
sociaux.
Mme Ghazal : Mais l'article 15,
ça parle de l'anglais. Moi, je parle de l'exception, c'est-à-dire d'utiliser
n'importe quelle autre langue pour n'importe quel autre service, s'assurer que
les citoyens aient les services quand même
et tout ça. Puis là, ça — voyons! je ne me rappelle jamais — 22.3,
gère les exceptions. Est-ce que ça inclut services sociaux? Est-ce que ça pourrait inclure services
sociaux aussi, les exceptions, utiliser une autre langue que le français?
M. Jolin-Barrette : En fait, c'est
pour les services d'accueil en matière... Supposons, pour les nouveaux
arrivants, donc, ça, c'est l'exception de c, donc là, à ce moment-là, oui,
c'est possible de l'utiliser à l'intérieur d'un délai de six mois.
Mme Ghazal : C'est ça, et ça, il
faudrait que ça soit écrit dans la directive, parce qu'en ce moment, si on le
lit, c'est juste «santé», il n'y a pas «services sociaux».
M. Jolin-Barrette : Non, c'est ça,
mais, en vertu de 22.3.c, ils vont pouvoir le faire. Donc, dans le fond, le...
Mme Ghazal : Le fameux six mois, là?
M. Jolin-Barrette : Chacun des
hôpitaux... En fait, le réseau de la santé va regarder, dans le fond, quels
sont... Puis c'est ça que j'expliquais hier, dans le fond, c'est : de
quelle façon est-ce qu'ils dispensent les services, quelle est leur clientèle,
dans quel champ d'action ils ont... Ça fait qu'ils vont faire une analyse de
leurs besoins, puis c'est ça qu'ils vont regarder.
Mme Ghazal : Puis est-ce que c'est
possible que le ministre, parce que... Ah! ça, ça a été enlevé, hein, avec
l'amendement : Le ministre de la Langue française approuve... J'essaie de
voir l'amendement. Mais, même si ça a été enlevé ici, est-ce que le ministre de
la Langue française devrait continuer à approuver les directives?
M. Jolin-Barrette : Oui.
Mme Ghazal : O.K. Même si ça a été enlevé ici, là, j'imagine,
par un autre mécanisme dans un autre article...
M.
Jolin-Barrette : Bien, dans
le fond, à 29.16, là, c'est... le texte amendé de l'article, c'est : Toute
directive...
Mme Ghazal : Ah oui! «soumise au
ministre», oui, oui, c'est bon, je le vois, dans le premier. Et est-ce que le
ministre a le pouvoir de changer ce qui est écrit dans la directive puis de
dire, par exemple : Non, non, non, n'incluez pas, dans votre directive, «services
sociaux» pour les exceptions, il faut que ça soit uniquement «santé», comme
c'est écrit avec 22.3? Est-ce que le ministre aurait ce pouvoir-là?
M. Jolin-Barrette : Non, mais comme
je vous le dis, à l'intérieur d'un délai de six mois, il y a la possibilité
pour l'organisme de l'indiquer, lorsque c'est motivé par les services d'accueil
également. Donc, tu sais, sur le plan... sur la mécanique administrative,
lorsqu'on parle du ministre, là, bien, le ministre, là, généralement, ce n'est
pas lui personnellement qui approuve chacune des exceptions de chacun des
ministères, puis tout ça, là. Ultimement, c'est le ministre, mais toutes les
lois sont faites comme ça, mais c'est un pouvoir qui est exercé par
l'administration au nom du ministre.
Ça fait que, tu sais, quand on parle du
ministre, on parle de l'Administration. Ce ne sont pas tous les dossiers qui
remontent pour la signature personnelle du ministre, c'est plus ça dans la
mécanique. Ça fait que quand on parle, dans la loi, du ministre, on parle de l'Administration.
Mme
Ghazal : Donc, «doit être soumise au ministre», ici, quand on dit «le
ministre», c'est le ministre de la Langue française?
M.
Jolin-Barrette : Oui.
Mme Ghazal :
Mais pourquoi on l'écrit, si ça ne se fait pas dans la vraie vie? On aurait pu
ne pas l'écrire.
• (11 h 40) •
M.
Jolin-Barrette : Bien, en fait, ça se fait, parce que notre régime de
droit, là, il est basé sur le contrôle... Lorsque
vous avez un pouvoir, en vertu de la loi, qui est un pouvoir administratif,
donc, dans ce cas-ci, c'est un pouvoir que
les législateurs, nous, ensemble, on va conférer au ministre, donc c'est sur la
tête du ministre, un pouvoir à l'exécutif...
Toute décision
ministérielle... Puis, lorsque je dis «décision ministérielle», ça inclut
également, dans le fond, toutes les décisions qui sont prises, de
l'Administration. Tu sais, ne faisons pas la différence entre ministre
politique, et ministre administratif, et son Administration. Alors, chacune des
décisions ministérielles qui relèvent de la discrétion administrative, là,
toutes ces décisions-là sont susceptibles de contrôle judiciaire.
Donc,
est-ce que la décision, elle est correcte ou déraisonnable? Donc, à l'époque,
bien, préalablement, il y avait trois
types de décision : c'était une décision correcte, une décision
raisonnable puis une décision déraisonnable. Peut-être le député de
Chapleau va pouvoir m'aider là-dessus, ça fait longtemps que...
Une voix :
...
M. Jolin-Barrette :
Oui? Correcte, déraisonnable puis raisonnable. Puis là, maintenant, le test,
c'est juste en deux étapes, c'est correcte ou déraisonnable.
Une voix :
...
M. Jolin-Barrette : C'est ça. Le test a changé, de la Cour suprême,
là-dessus. Ça fait que, dans le fond, toute décision susceptible de... Je
voulais voir si, dans toutes les facultés, ils enseignaient la même affaire.
Mais c'est ça, ça fait que la décision est susceptible de contrôle
judiciaire, si jamais la décision n'était pas appropriée.
Mme Ghazal : Mais je comprends que, quand on dit «le ministre», ce n'est pas le
ministre, mais c'est comme le ministère de la Langue française.
M. Jolin-Barrette :
Ultimement, c'est le ministre, à cause de la responsabilité ministérielle.
Mme
Ghazal : Responsabilité
ministérielle, je comprends, là, mais c'est quand même le ministre,
c'est-à-dire que...
M. Jolin-Barrette :
Bien, ce que je veux dire : c'est un pouvoir délégué du ministre.
Mme Ghazal :
Oui, mais c'est le ministère de la Langue française qui aurait à l'approuver.
M. Jolin-Barrette :
Exactement.
Mme Ghazal : C'est ça, et non pas le ministère de la Santé et des Services sociaux
tout seul. Ça fait qu'il va falloir qu'il y ait une révision...
M. Jolin-Barrette :
Le ministère de la Santé et Services sociaux va prendre sa directive puis va la
soumettre au ministre de la Langue française. Le ministre de la Langue
française l'approuve ou non.
Mme Ghazal :
Oui, à son équipe, et tout ça. Donc, le ministère de la Langue française
pourrait dire : Non, votre exception, là, ça ne marche pas, là, vous allez
trop large, là, sur les services sociaux, tout ça. Là, je comprends, il y a six
mois, mais c'est parce qu'on n'est pas sûr, après six mois, si c'est possible
ou pas, là, ce n'était pas clair, là. Moi, ce n'est toujours pas clair, ce
bout-là.
M. Jolin-Barrette :
En fait, votre question se répond par oui ou par non. Parce que, oui, le
ministre peut dire : C'est trop large, ou le ministre de la Langue
française peut dire : Ce n'est pas assez large, en fonction...
Mme Ghazal : O.K. Donc, il pourrait... Donc, c'est possible de dire : Non, pas
les services sociaux, limitez-vous à santé, ou pas tel, tel, tel service
des services sociaux, ou oui, non... après six mois, par exemple. Parce que,
là, si on va dans c, le 22.3.c...
M. Jolin-Barrette :
C'est six mois.
Mme Ghazal :
Là, après ça, le six mois, ils pourraient dire, par exemple, dans leur
directive : Bon, il faut que ça soit
des services d'accueil. Mais il y a des services sociaux, ce n'est pas
nécessairement des services d'accueil, mais
c'est quand même important que les gens comprennent, donc, oui, on peut
utiliser un interprète pour tel service ou pas.
Ça fait que, dans le fond, dans la directive, il
va falloir que les exceptions soient très claires. Et c'est possible,
dépendamment du ministère, et des gens qui décident, puis de la philosophie ou
dépendamment, par exemple, le ministre, là, de la Langue française ou le
ministère, soit plus restrictif ou plus large...
M. Jolin-Barrette : Bien, en
fait, ce n'est pas une question d'être plus restrictif ou d'être plus large,
c'est en fonction... Il faut toujours que ça soit appuyé sur la loi, donc
appuyé sur les exceptions prévues à la loi. Et, dans le fond, supposons
qu'un... Puis là on va le voir avec 29.17, avec l'amendement. Supposons qu'un
ministère ou un organisme n'aurait pas demandé d'exception, mais il y a
nécessité d'avoir l'exception, on vient donner le pouvoir au ministre de venir
créer l'exception, de venir dire : Voici la directive, vous, dans votre ministère,
là, nous, on constate que c'est nécessaire pour que votre ministère puisse être
opérationnel, donc on vous dit que ça vous prend ça, puis le ministre va le
faire. Dans le fond, là, c'est les deux. Mais, tu sais, concrètement, on va
avoir... les organismes vont nous soumettre leurs directives, puis, règle
générale, il ne devrait pas y avoir d'enjeu, là, en termes d'approbation, là,
des directives.
Mme Ghazal : O.K. Mais on le
met quand même pour... C'est possible. S'il y en a qui décident que nous, il va
y avoir des enjeux, c'est possible, puisque le pouvoir est là.
M. Jolin-Barrette : Dans un cas
comme dans l'autre, il faut prévoir les situations qu'on ne peut pas anticiper
aujourd'hui, donc c'est un mécanisme de fonctionnement légal. Parce que, si on
se retrouvait dans une impasse puis on n'avait pas ces dispositions-là, ce ne
serait pas mieux, là. Supposons qu'on a un ministère, là, ou un organisme qui
ne demande aucune directive, bien là, si on n'en avait pas, ça ne serait pas mieux
parce que...
Mme Ghazal : Aucune directive,
vous voulez dire qui ne demande aucune exception?
M. Jolin-Barrette : C'est ça. Dans
le fond, le vocabulaire qu'on utilise, c'est... l'exception, c'est la directive. Ça fait qu'on serait dans une sorte
d'impasse, si jamais il y a un organisme qui ne demandait pas la directive
puis ne demandait pas l'exception. Puis manifestement, pour le fonctionnement
de l'organisme, s'ils ont besoin d'une exception, bien, il faut que le ministre
de la Langue française ait la possibilité de dire : Bien oui, vous allez
prendre telle exception, puis je l'impose.
Mme Ghazal : Mais normalement, le
ministère connaît plus ses opérations... c'est-à-dire le ministère de la Santé et Services sociaux, admettons, ou le
ministère de... ou l'organisme connaît plus ses opérations puis quand est-ce
que l'exception doit avoir lieu, que le ministère de la Langue française, là.
M.
Jolin-Barrette : En toute
logique, je suis d'accord avec vous, oui, mais il faut prévoir les cas
d'exception.
Mme Ghazal : O.K. Puis, moi, ce
n'est toujours pas clair dans mon esprit, parce que c'est sûr qu'on utilise...
on n'utilise pas d'exemple, là. Quand on dit «les services d'accueil», je veux
dire, je sais qu'on en a parlé la semaine passée, tout ça, mais je n'arrive pas
à comprendre, à faire la différence entre... Les services d'accueil, oui, le
six mois s'applique, par exemple, pour les
services d'accueil. Puis là tout peut être un service d'accueil, comme tout
pourrait... on pourrait dire : Non, ça ne l'est pas, là. Il y a des choses
évidentes, là, par exemple, comment demander une carte pour la première
fois, toutes sortes de cartes, toutes sortes de choses pour la première fois.
Mais il y a
d'autres services que ce n'est pas clair, surtout, par exemple, dans les
écoles. Moi, je pense beaucoup aux parents puis pour l'éducation de leur
enfant. Oui, leur enfant va être francisé. On veut que leurs parents aussi
le soient, mais il ne faut pas qu'ils aient peur de dire : O.K., je ne
comprends pas, ça fait que je ne vais pas trop poser de questions aux profs.
Ou, si on lui demande des autorisations, ils disent : Je ne comprends rien
là-dedans, ça fait que je... Puis, tu sais, je veux dire, il ne faudra pas
mettre non plus le poids de la traduction sur le dos de l'enfant, là. On voit
ça des fois, mais... Puis souvent ils vont refuser, par exemple, certains
services, parce qu'ils sont inquiets, ils ont peur, ils ne connaissent pas ça.
Donc... puis ça, ça pourrait durer plus que six mois, là, cette
situation-là.
Donc, je comprends que, quand je pose la
question au ministre, ce qu'il me répond : Notre devoir, notre objectif,
c'est que tout le monde puisse avoir un service, donc on va s'organiser avec
les moyens pour qu'il y ait des services.
M. Jolin-Barrette : Exactement.
Mme Ghazal : Mais ça fait qu'on va
peut-être faire des dessins, on va peut-être... Je ne sais pas ça va être quoi. Tu sais, moi, je trouve que c'est plus
rassurant de dire : Oui, oui, oui, ça va être... on va faciliter le fait
d'avoir accès à un interprète. Il n'y en a pas en ce moment, bien, on va
augmenter ça pour qu'il y ait... Ça fait que, là, ça donne un message que : Très bien, on ne veut pas
amener les nouveaux arrivants vers l'anglais de façon systématique. Et certains
le baragouinent, ils baragouinent l'anglais mieux que... bien, c'est-à-dire,
ils ne baragouinent pas du tout le français, ils vont geler devant le français,
mais ils baragouinent l'anglais, mais on ne va pas les amener là, on veut les
amener dans les autres langues. C'est beaucoup mieux à
leur intégration pour que... surtout si, dans le milieu du travail, on demande
de l'anglais, etc., parce qu'on est quand même en Amérique du Nord et c'est
compliqué, là, il faut travailler partout. Mais, si on ne veut pas les amener
vers l'anglais, il faut ouvrir vers d'autres langues.
Et c'est là que je... Le ministre me dit :
Bien, ça va être le statu quo. En ce moment, c'est comme ça, ça va être comme ça, puis on ne va pas systématiquement,
de façon systématique, en voir plus, d'interprètes. Mais on a quand même
réduit le nombre d'interprètes, puis c'est pour ça que je pose la question sur
la directive. Mais s'il y avait, comme le
demandait le SFPQ... on va augmenter les interprètes, on comprend. Donc,
même, peut-être, après le six mois, si on veut s'assurer que les gens aient des services, de quelle façon,
ce n'est pas clair, dans les moyens, ça va être écrit dans les directives.
Ça reste nébuleux dans mon esprit. Moi, à part les interprètes, je n'en vois
pas tant que ça. Donc, c'est là que je me pose des questions sur le
six mois et quand le ministre dit : Bien, on veut s'assurer que les
services soient donnés, mais ce sera en français.
M. Jolin-Barrette : Effectivement,
et chaque cas est un cas d'espèce. Donc, comme je vous le dis, oui, on va donner les services. Le recours à un interprète
peut être une possibilité. Il y a plusieurs scénarios, il y a des outils, il y
a les organismes qui sont en collaboration avec nous. Donc, on va
trouver une solution, comme ça se fait actuellement. Ce qu'on ne veut pas,
c'est passer automatiquement vers une langue auxiliaire. On veut favoriser le
contact dans la langue maternelle de la personne... Bien, en fait, on veut
favoriser le contact en français, première affaire, on veut amener les gens à
utiliser le français systématiquement. Mais si, par la suite, il faut changer,
on préfère aller vers la langue maternelle de la personne plutôt que de passer
vers la langue auxiliaire. Mais il y a différents ministères qui ont des outils, et tout ça, puis on va travailler
là-dessus également aussi. Mais ce n'est pas différent de la situation
actuelle.
Mme Ghazal : Mais est-ce qu'il y a une
intention... Parce que, s'il n'y a pas d'interprète pour utiliser la langue maternelle, on s'en va vers l'anglais. Je
veux dire, il n'y a rien à faire, ça va être comme... et on ne veut pas que
ça, ça arrive.
M. Jolin-Barrette : Pas nécessairement.
Mme
Ghazal : C'est qu'on va
rendre la vie tellement difficile qu'ils vont dire : Ah mon Dieu! c'est
tellement difficile, il va falloir vraiment que je fasse un effort
personnel pour apprendre le français. Est-ce que c'est ça, l'idée?
• (11 h 50) •
M. Jolin-Barrette : Non. L'objectif,
c'est que tout le monde soit amené vers le français, hein? Parce que l'enjeu
qu'on a présentement, c'est que ce n'est pas de cette façon-là que l'État agit,
là. On n'amène pas les gens vers le français, puis ça, vous conviendrez avec
moi, c'est une problématique.
Parallèlement à ça, l'objectif est de faire en
sorte de pouvoir toujours donner un service public à la personne, puis on va trouver des solutions, si jamais la
personne est incapable de communiquer en français. Donc, dans le panier
d'outils qu'on a, il y en a plusieurs. Notamment, vous faites référence aux
interprètes, effectivement, les interprètes, c'est une option. Il y a
d'autres façons également de trouver des solutions.
Mme Ghazal : Mais c'est quoi, les
façons actuelles? Parce que je n'arrive pas à faire la différence entre la
situation actuelle et comment ça va devenir, plus tard, autre que c'est écrit
dans une loi.
M. Jolin-Barrette : Bien, le
principe, là, c'est qu'aujourd'hui, là, on migre vers une langue auxiliaire
très, très facilement, là. On utilise la langue auxiliaire très, très
facilement. C'est comme la voie qui est utilisée, alors qu'elle ne devrait pas
l'être.
Mme Ghazal : Totalement. Comment on
fait? Parce que c'est le statu... c'est la situation actuelle avec les outils
qu'on a actuellement. Qu'est-ce qu'on va faire... Si, par exemple, le ministre
avait dit : On a mis de l'argent... Je comprends, on a mis de l'argent
dans la francisation. Ce n'est pas assez, il en faut plus. Il y a des gens
encore qui appellent à mon bureau parce qu'ils n'ont pas eu, par exemple,
l'argent, et tout ça, ça fait que ça, c'est un autre enjeu, il va falloir faire
plus d'efforts de ce côté-là. Mais, si le ministre avait dit : On n'utilisait
pas assez les interprètes, on va augmenter leur utilisation pour, justement,
que ça ne soit pas la langue auxiliaire, que ça ne soit pas l'anglais, qu'on ne
se tourne pas vers l'anglais, là, je me dis : Ah! O.K., je vois une
volonté, je vois... pas juste une volonté, on met les moyens pour ne pas que ça
arrive. En ce moment, à part ce qui est écrit dans la loi puis la volonté
exprimée par le ministre par des paroles, sur le terrain, j'ai l'impression que
ça va rester le statu quo quand même.
M. Jolin-Barrette : Bien non, parce
qu'on a investi en matière de francisation, on a investi...
Mme Ghazal : Oui, mais autre chose
pour...
M. Jolin-Barrette : On a investi sur
les... avec le SPVLF sur des projets de communication...
Mme Ghazal : Sur quoi? Ça, je n'ai
pas entendu.
M. Jolin-Barrette : Sur des projets
de communication.
Mme
Ghazal : C'est quoi, ça?
M.
Jolin-Barrette : Notamment, les écrivains publics, pour inviter les
gens à avoir... à détailler la lecture, l'écriture, en langue française
également. Donc, c'est un ensemble de mesures qui va faire en sorte, justement,
de changer la façon dont l'État fonctionne actuellement. Il faut s'assurer
d'outiller les personnes pour les amener à utiliser le français. C'est sûr qu'à
partir du moment où on dit : pas d'effort à faire, bien, il n'y a rien qui
va changer. Là, on amène un changement de comportement de l'État...
Mme Ghazal : Mais
c'est quoi, l'effort, à part la francisation? Et là je ne connaissais pas ça,
les écrivains publics, je ne suis pas sûre de comprendre, mais moi, je parle
dans une vraie situation où il y a un parent qui appelait à l'école de son
enfant, ça fait un... je ne sais pas, moi, huit mois qu'ils sont au Québec, et
là il ne comprend pas, puis il y a des problèmes avec l'enfant. Donc c'est sa
réussite éducative qui est importante...
M.
Jolin-Barrette : Ce n'est pas différent d'aujourd'hui.
Mme Ghazal : Bien,
c'est ça, donc c'est le statu quo.
M. Jolin-Barrette :
Bien, c'est le statu quo, mais on va mettre les mesures en place pour
outiller.
Mme Ghazal : C'est
quoi, les mesures?
M.
Jolin-Barrette : Bien, actuellement, là, on est dans une situation où
l'administration publique, là, utilise une
langue auxiliaire de façon quasi systématique, O.K.? On veut que ça cesse,
l'utilisation de cette langue auxiliaire. On va se dire les choses, on ne veut
pas que l'État, systématiquement, quand la personne ne comprend pas tout à
fait le français, que ce soit systématiquement le recours à l'anglais.
Mme Ghazal : Totalement
d'accord avec l'objectif. Comment?
M.
Jolin-Barrette : Bon, après ça, ça arrive qu'il y a des gens,
actuellement, qui ne comprennent ni l'anglais ni le français. Ils viennent avec
un ami, ils viennent avec un membre de la famille, ils vont utiliser un
traducteur, ils vont réussir à avoir des guides, des images. On réussit
toujours à donner un service public. On trouve des solutions...
Mme Ghazal : Mais
moi, la question de l'ami, ça, ça m'inquiète, parce que des fois, par exemple,
on a un professionnel devant nous, en
éducation, en santé, par exemple, et là les gens amènent quelqu'un qui des
fois, peut-être, comprend un peu mieux que la personne ou des fois
comprend très bien le français mais n'arrive pas à comprendre ce que le
spécialiste dit ou il a de la difficulté à le traduire.
Par exemple, moi,
quand je viens pour parler avec... Moi, je parle très bien l'arabe, c'est ma
langue maternelle, mais, quand je viens pour parler de politique, je trouve ça
très difficile. La moitié de mes phrases, je vais dire plein de mots juste en
français puis j'ai de la misère à le faire. Il fallait que je parle sur
l'environnement, quand je m'occupais du dossier environnement. La communauté
palestinienne était fière d'avoir une première députée, à l'Assemblée
nationale, d'origine palestinienne, puis là ils voulaient que je parle
d'environnement. C'est... Comment on dit «changements climatiques» en arabe,
comment... Je veux dire, je suis capable, «passe-moi le beurre», «faire le ménage», etc., tous les mots en arabe de la
maison, mais de parler de changements climatiques et de mots... «gaz à effet
de serre», je n'avais aucune espèce d'idée,
un peu comme quand on vient aussi pour parler en anglais. Même si on parle
l'anglais, c'est la même chose, on a de la difficulté avec certains
vocabulaires.
Donc, moi, ça
m'inquiète de dire : On va inviter les gens à amener des membres de leur
famille. Des fois, il peut y avoir une mauvaise compréhension, un mauvais
diagnostic, et là ça peut être dangereux pour la personne ou il peut y avoir
des conséquences non souhaitables. Si le ministre m'avait dit : J'accepte,
j'ai la volonté qu'il y ait plus d'interprètes pour ne pas qu'on favorise
l'anglais, parce que tout le monde, partout à travers le monde, baragouine
l'anglais, et c'est une langue hégémonique...
M.
Jolin-Barrette : Bien, vous venez de faire le contre-argument de votre
argumentaire, actuellement, parce que vous venez de me dire : Je ne veux
pas avoir recours à quelqu'un, un membre de la famille, supposons, parce qu'il n'a pas les termes exacts, puis là vous
venez de me dire : Oui, mais je ne veux pas qu'on ait recours à quelqu'un
qui baragouine l'anglais non plus. Ça fait que, dans votre solution, ce n'est
pas mieux non plus.
Mme Ghazal :
Un interprète, un professionnel.
M.
Jolin-Barrette : Mais ce que je vous dis, pour la xième fois, c'est
que ça dépend des circonstances, ça dépend de la situation, du cas d'espèce.
Puis le service public va être donné dans toutes les circonstances, puis on va
avoir les outils. Notamment, et je le dis, notamment, ça peut être un recours à
un interprète aussi, dans certaines situations. Ça fait que je le dis, je ne
peux pas être plus clair que ça, là, Mme la Présidente.
Mme Ghazal : Puis pourquoi est-ce
que le ministre ne pense pas que ça serait une bonne solution, comme le
demandait le SFPQ, par exemple, les syndicats de la fonction publique du Québec
et d'autres, d'investir et d'avoir plus d'interprètes disponibles et présents,
d'investir, de mettre de l'argent, pour ne pas se tourner vers le baragouinage
de l'anglais?
M. Jolin-Barrette : Ce qui est
encore mieux, c'est d'amener les gens à utiliser le français.
Mme Ghazal : Donc, le ministre pense
que, si on investit plus dans les interprètes, ça peut faire en sorte que les
gens vont dire : Ah! bien, il y a des interprètes, il y a des interprètes,
c'est tellement plus facile en avoir que, finalement, je n'ai pas envie
d'apprendre l'anglais... le français, je veux dire.
M. Jolin-Barrette : Ce n'est pas ce
que j'ai dit. J'ai dit qu'on a le devoir d'amener les gens à utiliser le
français, puis prendre les moyens requis, et c'est le sens du projet de loi.
Alors, on en a beaucoup discuté, la semaine passée, cette semaine, tout ça. Je
n'ai pas d'autre explication.
Mme Ghazal : Mais, pour vrai, ça,
c'est... parce qu'on ne travaille pas dans ces ministères là, donc on n'arrive pas avec des exemples concrets. Mais il y
a des exemples concrets où, quand on a fait... qui existent, là, il faudrait
que je fouille, où, quand on a utilisé des membres de la famille, il y a eu des
diagnostics et des erreurs graves. C'est déjà arrivé. Donc, ça, c'est actuel.
On ne veut pas que ça arrive puis on ne veut pas que les gens, après ça,
disent : Bien, on ne va pas faire appel aux services publics, parce qu'on
est inquiets, on a peur. Il faut que ça soit accueillant puis qu'ils aient
envie, qu'ils disent : Bien, ça va être plus facile aussi, si j'apprends
le français, quand il y a ça, cet accueil-là, au lieu de dire : Bien, ça
va être difficile, ça va être compliqué, amenez quelqu'un de votre famille qui
parle mieux que vous le français puis qui le comprend, puis qu'il y ait des
erreurs. C'est beaucoup mieux, je pense, d'avoir cette... Il y aurait comme un
message aussi qui serait donné, et là je ne l'entends pas.
Et moi, ce que ça me fait penser, peut-être que,
dépendamment des gens, dans l'Administration, qui vont écrire les directives,
dépendamment de... il y en a qui vont être plus : Le français, c'est
important, puis ils vont être plus durs avec
les employés en disant : Il faut arrêter, il faut que les gens se tournent
vers le français, et ça va être beaucoup plus restrictif, versus
d'autres employeurs, par exemple, dans la fonction publique, qui vont être
beaucoup plus, entre guillemets, lousses, puis là, oui, on va utiliser toutes
sortes de moyens pour aider les gens et leur donner des services, même si ça ne se passe pas en français. Moi, quand
c'est trop flou dans les exceptions, c'est l'inquiétude que j'ai. Je ne sais
pas si le ministre la partage.
M. Jolin-Barrette : Je comprends
puis je vais le prendre en considération.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. C'est tout? Donc, d'autres interventions? Oui, Mme la
députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Je voulais juste bien
comprendre quelque chose que j'ai écrit — on apprend tous les jours,
dans ce projet de loi là — qu'une
directive égale exception. Mais seulement dans cet article là ou en général? Le
législateur, comme on dit, a conçu le mot «directive» comme étant exception?
Parce que moi, donner une directive...
M. Jolin-Barrette : Non, non, non.
C'est aux fins du régime, du projet loi n° 96.
Mme David : Excusez, la porte a
fermé. Au sein de...
M. Jolin-Barrette : C'est aux fins
du projet de loi n° 96 que c'est comme ça.
Mme David : Mais dans tout le projet
de loi, donc, il faut comprendre que les directives, particulièrement dans les politiques linguistiques... parce que
moi, je pensais qu'on faisait des directives pour expliquer la loi, comment
vous allez l'appliquer, je ne sais pas, là. La qualité du français, ce n'est
pas une exception, j'espère.
• (12 heures) •
M. Jolin-Barrette : Bien, je vous
donne un exemple, là. Dans le fond, la directive, ça va être : Comment
est-ce que s'applique la politique linguistique au sein d'un ministère,
organisme. O.K.? Dans le fond, il y a la politique linguistique de l'État, puis
là, dans chacun des ministères, on va arriver à Justice. Donc, pour les fonctionnaires,
il va y avoir les directives relativement au
ministère de la Justice, mais c'est dans le cadre des directives qu'il va être
indiqué les exceptions au ministère de la Justice. Donc, la directive
n'inclut pas que les exceptions, elle inclut... Dans le fond, la directive,
c'est le mode de fonctionnement.
Mme David : Voilà. Ça me rassure.
M. Jolin-Barrette : Oui, mais ce que
je veux dire, c'est... parce que, pour simplifier les choses, j'ai dit ça tout
à l'heure, mais c'est le mode de fonctionnement, incluant les exceptions.
Mme David : O.K. Parfait. Là, j'ai
compris vraiment bien la différence entre 2.16, 2.17. Vous avez pris un paragraphe de 2.16, vous l'avez mis à 2... à
29.17. 29.17 est revenu à 29.16. Moi, je n'ai pas besoin de savoir pourquoi,
c'est trop compliqué, tout ça, là, mais je pense que j'ai compris l'idée.
La
Présidente (Mme Guillemette) : Ça vous satisfait?
Mme David :
Oui.
La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Donc, d'autres interventions sur cet
article, sur l'article 29.16 amendé? Donc, s'il n'y a pas d'autre
intervention, l'article est adopté?
M. Jolin-Barrette : En fait, non, parce qu'on est dans chacun... on adopte les... l'article à
la fin complètement. Donc, on fait 29.16 tel qu'amendé, là, on dit,
29.16, l'article 29.16...
La Présidente (Mme
Guillemette) : Là, on peut passer à 29.17.
M. Jolin-Barrette : Oui. Là, on passe à 29.17, puis je vais avoir un amendement,
Mme la Présidente, à 29.17.
La Présidente (Mme Guillemette) : Parfait. Merci. Donc, nous passons à
l'article 29.17, et, M. le ministre, je vous cède la parole.
M.
Jolin-Barrette : Oui. «29.17. Un organisme municipal transmet au
ministre la directive qu'il prend en vertu de l'article 29.14 et la rend
publique.»
Et l'amendement, Mme
la Présidente : À l'article 19 du projet de loi, remplacer
l'article 29.17 de la Charte de la langue française qu'il propose par le
suivant :
«29.17. Lorsqu'un
ministère ou un organisme fait défaut de prendre la directive visée à
l'article 29.16 dans le délai que le
ministre lui indique, le ministre peut prendre lui-même cette directive; il y
est toutefois tenu, immédiatement et
sans délai, à l'égard de l'organisme qui remplit la condition prévue au
paragraphe 2° de l'article 29.19. La directive prise par le
ministre a le même effet que si elle avait été prise par le ministère ou par
l'organisme concerné.
«Le ministère de la
Langue française publie chacune des directives approuvées ou prises par le
ministre et en transmet une copie au commissaire à la langue française.»
Cet amendement
propose le remplacement de l'article 29.17 par un nouvel article qui
reprend les dispositions des deux derniers alinéas de l'article 29.16 que
propose le projet de loi en les modifiant pour y inclure un renvoi à la directive visée à l'article 29.16. Comme cet
article a été amendé pour y inclure les directives des organismes municipaux,
le nouvel article 29.17 permet d'inclure les organismes municipaux parmi
les organismes de l'Administration dont la directive peut être prise par
le ministre lui-même lorsque l'organisme est en défaut de la prendre.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci, M. le ministre. Donc, des interventions sur
l'amendement qui était déjà déposé au Greffier? Donc, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David :
J'espère que la... Mme la présidente ne regrette pas la CAPERN, parce que c'est
passionnant, notre conversation sur les directives.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Tout à fait.
Mme David :
Et c'est simple, hein, vous avez vu.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Passionnant et important, Mme la députée.
Mme David :
Bon, bien, j'apprécie beaucoup. Bien, écoutez, en plus, là, dans le 29.17
nouveau, on réfère au 29.19 qui, là, s'en va dans toutes les questions de
directives, l'organisme qui n'a pas pris la directive, quand on réfère à 29.19,
deuxième alinéa, à l'article 29.14, etc. Donc, ça dit :«Le deuxième
alinéa n'a pas pour effet d'empêcher un organisme d'utiliser une langue...»
Dans le fond, moi, j'appelle ça, mais là je devance un peu, le 29.19, c'est
comme des mesures transitoires, tant que le
ministre n'a pas bougé, ou qu'il en a trop sur son bureau, ou que je ne sais
pas quoi. Alors, peut-être qu'on en reparlera à 29.19, mais, comme ça y
réfère à 29.17, je voulais juste dire qu'il va falloir expliquer un peu plus le
29.19.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci. M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : C'est bon. Je suis prêt à adopter l'amendement.
La Présidente (Mme Guillemette) : Ça va? D'autres interventions sur l'amendement?
Donc, est-ce que l'amendement de l'article 29.17 est adopté?
Des voix :
Adopté.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Donc, l'article... l'amendement étant adopté, nous
pouvons passer à l'article 29.17 amendé. Est-ce qu'il y a des
interventions? Pas d'intervention sur l'article 29.17 amendé. Donc, nous
pouvons aller à l'article 29.18. M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Oui, et j'aurai un amendement, Mme la Présidente.
Donc : «29.18. Toute directive prise en vertu de l'article 29.14 par
une institution parlementaire est soumise au commissaire à la langue française.
«Les dispositions de
l'article 29.16 sont, pour le reste, applicables à cette directive, compte
tenu des adaptations nécessaires. Le commissaire publie chacune des directives
qu'il prend ou approuve.»
L'amendement : À
l'article 19 du projet de loi, remplacer, dans le deuxième alinéa de l'article 29.18
de la Charte de la langue française qu'il
propose, «de l'article 29.16» par «du premier alinéa de
l'article 29.16 et de l'article 29.17».
Cet
amendement propose de modifier l'article 29.18 de la Charte de la langue
française par concordance avec les amendements apportés aux
articles 29.16 et 29.17.
Donc, dans le fond,
c'est juste de la concordance avec les deux articles précédents qu'on a
adoptés.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci, M. le ministre. Des interventions? Oui, Mme la
députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Bien, des fois, je me dis, là aussi, c'est tout un
tango que vous allez créer. Et j'espère qu'il y aura une belle
compatibilité de caractère entre le ministre de la Langue française et le
commissaire à la langue française parce que tout ce qui va à l'un s'en va à
l'autre après. Mais, si je comprends bien, au bureau du ministre, c'est une
approbation; au commissaire à la langue française, c'est une information.
Est-ce que je me trompe?
M. Jolin-Barrette : Oui, bien, en fait, c'est le commissaire... Dans le fond, pour les
organismes et les ministères, c'est le ministre qui approuve. Quand
c'est les institutions parlementaires, là, à ce moment-là, c'est le commissaire
qui approuve.
Mme David : Là, le ministre n'a rien à dire, parce qu'il est
lui-même partie prenante de l'institution parlementaire.
M.
Jolin-Barrette : Non. C'est parce que, dans le fond, pour les
organismes relevant de l'Assemblée... Dans le fond, puisqu'on va avoir une
personne désignée par l'Assemblée nationale, maintenant, qui va s'occuper de la
langue française, on veut que le rôle du ministre, quand ça touche les
institutions parlementaires... Dans le fond, c'est le commissaire qui agit
comme en place du ministre ou que, lorsque le pouvoir est conféré au ministre,
on l'a vu préalablement, supposons adopter un règlement, bien, il faut que le
commissaire à la langue française l'approuve. Ça fait que supposons que vous
auriez un ministre, là, comment je pourrais dire...
Mme David : Différent
de vous.
M.
Jolin-Barrette : ...différent de moi, mais qui souhaiterait, je ne
sais pas, imposer quelque chose de déraisonnable à une personne désignée à
l'Assemblée nationale, exemple, là, le ministre de la Langue française voudrait
imposer qu'il n'y ait aucune exception, supposons, au Protecteur du citoyen,
O.K.? Là, la mécanique de la loi fait en sorte que le commissaire à la langue
française va dire : Calmez-vous, M. le ministre, je n'approuve pas ça, ça
fait que ça ne s'appliquera pas.
Mme David : Non,
non, calmez-vous, M. le commissaire.
M.
Jolin-Barrette : Non, calmez-vous, M. le ministre.
Mme David : Bien,
le ministre ne peut pas décider pour le Protecteur du citoyen.
M.
Jolin-Barrette : Pardon?
Mme David : Le
ministre ne peut pas décider pour le Protecteur du citoyen.
M.
Jolin-Barrette : Non, non, c'est le commissaire.
Mme David : C'est
ça?
M.
Jolin-Barrette : C'est ça, c'est le commissaire à la langue française.
Mme David : Mais,
si le commissaire veut refuser une exception à la Protectrice du citoyen...
M.
Jolin-Barrette : C'est le commissaire.
Mme David : Donc,
c'est le ministre qui va lui dire : Calmez-vous. Ce n'est pas le
commissaire qui va dire au ministre : Calmez-vous.
M. Jolin-Barrette : Non, mais ce
n'est pas... Le ministre ne pourra pas imposer ses vues aux personnes
désignées. Ça va être le commissaire.
Mme David : C'est
ça. Donc, là-dessus, le commissaire nommé aux deux tiers, je pense...
M. Jolin-Barrette : Exactement.
Mme David : ...a une totale
indépendance sur les institutions parlementaires.
M. Jolin-Barrette : C'est ça.
Mme David : Mais il a le droit de
recevoir de l'information. Vos directives, là, toutes vos directives, là, qu'on
vient de... politique linguistique, est-ce que je me trompe ou vous allez les
donner pour information, elles vont être publiques, de toute façon, là, mais au
commissaire?
M. Jolin-Barrette : Elles vont être
publiques. Elles vont être publiques. Puis, dans le fond, là, on rentre dans
un... Là, vous, vous me parliez des personnes désignées, mais là on rentre dans
un autre rôle du commissaire. Exemple, là, la situation linguistique, les
indicateurs, tout ça, ça, c'est le mandat du commissaire, c'est son mandat
général pour dire : Je vérifie tout ce qui se fait dans l'Administration.
Ça fait que, lui, il va avoir accès à tout.
Mme David : Mais lui, il ne peut pas
vous dire : Wo! Ça va un peu trop loin, vos directives. Il n'a pas de
jugement à porter. Lui, c'est des données, des statistiques à partir des
directives. Et l'inverse est vrai aussi, vous n'avez pas de commentaire...
M. Jolin-Barrette : Je vous
interromps là-dessus. Oui, le commissaire va pouvoir commenter l'étendue des
exceptions. Dans son rapport annuel, il pourrait le faire.
Mme David : Oui, mais pas au moment
où vous...
M. Jolin-Barrette : Pas au moment...
Mme David : ...décidez qu'il y a des
directives, des exceptions, et tout ça.
M. Jolin-Barrette : Non. Exactement.
Mme David : Donc, il n'a pas
d'autorité sur vos décisions, mais il a une possibilité d'analyser ça dans un
rapport annuel puis peut-être de faire des recommandations.
M. Jolin-Barrette : Exactement.
Mme David : Ce n'est pas la même
chose, ça, une recommandation.
M. Jolin-Barrette : Non.
Mme
David : O.K. Vous avez chacun votre champ. On verra, de
toute façon, dans la création du commissaire,mais, comme on en
parle ici, je trouvais ça important d'en parler.
M.
Jolin-Barrette : C'est ça, mais ce qui est bien important de
comprendre, dans le fond, le poste de commissaire, il va être créé
notamment pour avoir un regard indépendant, sur l'Administration notamment,
parce qu'il va relever puis il va faire rapport à l'Assemblée nationale. Ça
fait que, dans le fond, ça évite, un, de politiser les choses, deux, que si
l'Administration n'est pas exemplaire, bien, elle va se le faire dire par le
commissaire. Dans le fond, on veut vraiment quelqu'un d'indépendant qui va
déterminer, comme, quelle est la conduite de l'État québécois.
Mme David : Et nous l'avions proposé
nous-mêmes, donc nous sommes d'accord.
M. Jolin-Barrette : C'est bien, ça.
Mme David : Tout sera dans la façon
dont il travaille, mais c'est important de pouvoir avoir un statut le plus
indépendant possible là-dessus. Alors, ça me convient, Mme la Présidente.
• (12 h 10) •
La Présidente (Mme Guillemette) : Merci.
Donc, d'autres interventions sur l'amendement? S'il n'y a pas d'autre
intervention, l'amendement est adopté?
Des voix : Adopté.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Adopté.
Donc, des interventions sur l'article 29.18 amendé? S'il n'y a pas
d'intervention, nous allons passer à l'article 29.19. Avec un amendement,
M. le ministre, je crois.
M.
Jolin-Barrette : Effectivement, vous lisez dans mes pensées, Mme la
Présidente. Donc, article 29.19 : «Le deuxième alinéa de
l'article 22.3 n'a pas pour effet d'empêcher un organisme de
l'Administration d'utiliser une autre langue
que le français dans les cas prévus au premier alinéa de cet article lorsque
l'une ou l'autre des conditions suivantes est remplie :
«1° une directive a
été prise à l'égard de l'organisme par le ministre de la Langue française en
vertu du deuxième alinéa de
l'article 29.16 ou par le commissaire à la langue française en vertu du
deuxième alinéa de l'article 29.18;
«2°
l'organisme n'a pas pris la directive prévue à l'article 29.14 ou, s'il
s'agit d'un organisme visé à l'article 29.15, le ministère qui y
est visé n'a pas pris la directive qui y est prévue et, dans l'un ou l'autre de
ces cas, le ministre de la Langue française ou le commissaire à la langue
française n'a pas encore pris la directive visée au paragraphe 1°.»
L'amendement, Mme la
Présidente : À l'article 19 du projet de loi, remplacer, dans le
paragraphe 1° de l'article 29.19
de la Charte de la langue française qu'il propose, «du deuxième alinéa de
l'article 29.16» par «du premier alinéa de l'article 29.17».
Cet amendement
propose de modifier l'article 29.19 de la Charte de la langue française
par concordance avec les amendements apportés aux articles 29.16 et 29.17.
Donc, l'amendement, c'est de la concordance.
La Présidente (Mme Guillemette) : Merci,
M. le ministre. Des interventions sur l'amendement? Pas d'intervention.
Donc, l'amendement est adopté?
Des voix : Adopté.
La Présidente (Mme Guillemette) : Est-ce
qu'il y a des interventions sur l'article 29.19 amendé? Mme la députée
de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Bien,
j'ai commencé à le dire, si je comprends bien, c'est que tant que le ministre
n'a pas émis ses directives ou tant que le commissaire ne l'a pas fait non
plus, puis que, bon, la mécanique n'est pas terminée, le processus tel que
prévu, à ce moment-là, «le deuxième alinéa de l'article 22.3 n'a pas pour
effet d'empêcher un organisme d'utiliser une langue autre que le français
lorsque l'une ou l'autre des conditions suivantes est remplie». Alors, est-ce
que je comprends bien que c'est comme une sorte de mesure transitoire?
M.
Jolin-Barrette : Effectivement.
Mme David : C'est
ça?
M.
Jolin-Barrette : Oui.
Mme David : Donc,
j'imagine que ça va prendre la transition de... je ne sais plus, là, d'un an
ou...
M. Jolin-Barrette :
Bien, parce que la politique linguistique, c'est un an.
Mme David : Oui,
pour l'établir.
M. Jolin-Barrette : Pour l'établir, puis, par
la suite, bien entendu, le temps que les directives soient approuvées, tout
ça, ça prend une disposition de transition, puis c'est celle-ci.
Mme David : Mais
vous ne donnez pas de temps pour ça. Alors, un an pour écrire la politique
linguistique, puis, après ça, vous envoyez
ça dans tous les ministères, organismes. Est-ce que vous leur donnez du temps,
eux autres aussi, pour faire leurs directives?
M.
Jolin-Barrette : C'est pour éviter qu'il y ait un vide juridique.
Mme David : Oui,
c'est ça.
M. Jolin-Barrette : Donc, vous, votre
question, elle est temporelle. Dans le fond, on va le faire le plus rapidement
possible, mais en fonction des ressources que nous avons au ministère de la
Langue française.
Mme David : Ça,
qui... c'est-à-dire, pour faire les politiques linguistiques ou pour faire les
directives?
M.
Jolin-Barrette : Non, pour faire les directives.
Mme David : Parce
que la politique linguistique, ça, vous vous donnez un cadre temporel.
M.
Jolin-Barrette : Exactement. Un an.
Mme David : Un an.
M.
Jolin-Barrette : C'est ça.
Mme David : Ressources, pas
ressources, il faut que ça soit fait.
M. Jolin-Barrette : Oui, mais là les
ressources sont là, au ministère de la Langue française.
Mme David : Mais pourquoi elles ne
seraient pas là pour les directives?
M. Jolin-Barrette : Non, mais ce que
je veux dire, l'étendue des directives, il est beaucoup plus grand, là.
Mme David : Oui, parce que là ça
touche des centaines d'organismes.
M.
Jolin-Barrette : C'est l'Administration au sens large également. Ça
fait que, tu sais, c'est sûr que chacune des directives va être
approuvée par le ministre de la Langue française, mais entre-temps, entre le
moment où c'est approuvé... Tu sais, c'est comme...
Mme David : Non, non, je comprends,
surtout que c'est...
M. Jolin-Barrette : ...c'est comme
quand vous bâtissez votre maison. Tu sais, quand vous bâtissez votre maison, ce
n'est pas comme... ce n'est pas comme laver les vitres, là. Tu sais, un coup que
votre maison est bâtie, puis là faire le ménage dedans, c'est pas mal moins
long faire le ménage, si vous l'entretenez régulièrement, que de la bâtir. Tu
sais, le fait de la bâtir, ça prend quatre mois minimum...
Mme David : Bien, c'est un peu avoir
un plan d'architecte puis, après ça, construire la maison.
M. Jolin-Barrette : C'est ça.
Mme David : Je pense que ça revient
un peu à ça, mais c'est parce que là, c'est... Les organismes, on le sait, de
l'Administration, c'est la nouvelle annexe I. C'est ça, hein?
M. Jolin-Barrette : Excusez-moi,
la...
Mme David : Annexe I ou A, je
ne sais plus comment on l'appelle, là, donc c'est beaucoup, beaucoup de
directives dans toutes sortes de sous-catégories.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Pour être plus précis, la politique linguistique, c'est six mois de la date de
la sanction.
Mme David : Oh là là! Il va y avoir
une élection entre les deux.
M. Jolin-Barrette : Bien, ça dépend.
Mme David : En tout cas, ça, je ne
sais pas comment ça marche, quand il y a la fin d'une législature puis qu'il y
en a une nouvelle, comment se coule le temps.
M. Jolin-Barrette : Non, mais ça
dépend, c'est juste en octobre, l'élection.
Mme David : C'est ça.
M. Jolin-Barrette : Mais on est en
février.
Mme David : Octobre moins six mois,
ça donne quoi?
M. Jolin-Barrette : Oui, mais
février plus six.
Mme David : Voilà, c'est la même
chose qu'octobre moins six.
M.
Jolin-Barrette : Bien non, mais février plus six, ça donne août.
Là, si on termine ça cette semaine, là, ou la semaine prochaine...
Mme David : Vous voyez, Mme la
Présidente, comme on a du plaisir au pays des licornes.
M. Jolin-Barrette : Ah! bien, je
suis heureux d'y être.
Mme David : Bien, alors, ce que je
veux dire...
M.
Jolin-Barrette : Il paraît que ça a des bonnes propriétés.
Mme David :
Oui. C'est bien, c'est vrai. Donc, six mois, ce n'est pas un an, là, c'est six
mois que le ministre va avoir à partir de la sanction.
M. Jolin-Barrette : Six mois à partir de la sanction. Ensuite, l'exemplarité de l'État,
c'est un an. Donc, on laisse six mois aux ministères et organismes pour
les directives. Donc, je reviens sur ma réponse.
Mme David :
Non, non, c'est le...
M.
Jolin-Barrette : Sanction de la loi, six mois pour la politique
linguistique, premiers six mois. Ça fait que supposons qu'aujourd'hui, là,
10 février 2022, on sanctionnait le projet de loi aujourd'hui, avec votre
consentement, bien entendu, ça nous mène, maximum, 10 août 2022 pour
adopter la politique. Puis ensuite, les ministères et organismes, ils ont six mois
pour prendre leurs directives, ça veut dire 10 février 2023.
Mme David :
Donc, c'est un an en tout, divisé par deux.
M. Jolin-Barrette : C'est ça. Si jamais on se retrouve dans une situation où les directives
ne sont pas toutes prises, ou n'ont
pas toutes été approuvées, ou il y a du lousse dans la corde, là, pour quelque
raison que ce soit, bien, cette
disposition-là, ça permet d'avoir une disposition transitoire.
Mme David :
O.K. C'est d'autant plus important, puis la question est peut-être hors
d'ordre, Mme la Présidente, mais comment fonctionne l'État pendant qu'on change
de législation? Même si c'est le même parti qui revient au pouvoir, ou un autre parti, ou... Est-ce que le
temps court de la même façon? J'ai vraiment... C'est une vraie question,
je n'ai pas la réponse.
M. Jolin-Barrette : La réponse, c'est oui. Puis là vous soulevez également un point qui est
intéressant en droit constitutionnel. Prenons un exemple. Lors de la
dernière législature, les dernières élections d'octobre 2018, votre
gouvernement était au pouvoir. Il y a eu le résultat des élections au
1er octobre, mais le Conseil des ministres... le nouveau Conseil des ministres a été formé seulement le 18, hein? Donc,
vous êtes demeurée ministre jusqu'à la toute fin, mais votre obligation, c'est une obligation de
préservation et de gardienne, donc, dans le cadre de vos fonctions de ministre.
Mme David : On
était ministre jusqu'au 18 octobre, 17 octobre à minuit.
M. Jolin-Barrette : Exactement. Donc, vous aviez la responsabilité, puis on appelle ça la
continuité de l'État, de ne pas prendre des décisions qui auraient pour effet
d'engager l'État d'une façon déraisonnable, mais plutôt de maintenir les
activités régulières de l'État et le fonctionnement de l'État. Puis ça, si on a
une chance au Québec, c'est que les transitions comme ça se sont toujours
faites de la bonne façon, à part peut-être pour Honoré Mercier en 1886.
Mme David :
Bien là, on reviendra plus tard là-dessus, comme diraient les gens... Pour la
plupart des gens, c'est une station de métro.
M.
Jolin-Barrette : C'est une quoi?
Mme David :
Une station de métro. Honoré Mercier, j'ai bien entendu?
Une voix :
Honoré-Beaugrand.
M.
Jolin-Barrette : Oui, c'est Honoré... Y a-tu une station...
Mme David :
Ah! non, il n'y a pas... C'est Honoré-Beaugrand, ce n'est pas Honoré Mercier.
Bon, O.K., mais j'ai la réponse, parce que j'avais moi-même fait passer un
projet de loi, ça prenait trois ans avant que toutes les étapes... et ça a
continué à courir.
M. Jolin-Barrette :
Exactement, ça continue.
Mme David :
J'aurais dû le savoir. Je suis désolée. Donc, ça va pour 29.19, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci, Mme la députée. D'autres interventions sur
l'article 29.19 amendé? Donc, s'il n'y a pas d'autre intervention, nous
pouvons passer à l'article 29.20. M. le ministre, je vous cède la parole
pour la présentation.
M. Jolin-Barrette : Oui. «29.20.
L'organisme de l'Administration visé au premier alinéa de l'article 29.14
qui est tenu de produire un rapport annuel y rend compte de l'application de la
directive prévue à cet article et de la politique linguistique de l'État.»
Commentaires :
L'article 29.20 de la Charte de la langue française que propose
l'article 19 du projet de loi prévoit la reddition de comptes à laquelle
est tenu un organisme de l'Administration à l'égard de l'application de la
directive prévue à l'article 29.14 et de la politique linguistique de
l'État.
Les
dispositions de l'article 29.20 entreront en vigueur à...
pardon. Les dispositions de l'article 29.20 entreront en vigueur la date
qui suit de trois mois celle à laquelle est approuvée la première politique
linguistique de l'État, ainsi que le prévoit le paragraphe 6° de
l'article 201.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Des interventions sur cet article-là? Donc, s'il n'y a
pas d'intervention, nous pouvons passer à l'article 29.21.
• (12 h 20) •
M. Jolin-Barrette : ...Mme la Présidente. «29.21. Le ministre peut, de sa propre initiative
ou lorsqu'il est informé d'une plainte à cet égard, vérifier la conformité avec
l'article 29.14 de la directive prise par un organisme municipal.
«Lorsqu'il juge
qu'une telle directive n'est pas conforme, le ministre peut ordonner à
l'organisme concerné d'y apporter les modifications qu'il juge appropriées ou
la rendre conforme.
«Le ministre doit,
avant d'exercer le pouvoir prévu au deuxième alinéa, aviser l'organisme
concerné de son intention et lui donner un délai d'au moins 15 jours pour
présenter ses observations.»
Commentaires :
L'article 29.21 de la Charte de la langue française que propose
l'article 19 du projet de loi confère
au ministre de la Langue française le pouvoir de vérifier la conformité des
directives prises par les organismes municipaux avec
l'article 29.14.
L'article 29.21
confère également au ministre le pouvoir d'ordonner à un tel organisme de
modifier sa directive afin qu'elle soit conforme avec l'article 29.14.
Les dispositions de
l'article 29.21 entreront en vigueur la date qui suit de trois mois celle
à laquelle est approuvée la première politique linguistique de l'État, ainsi
que le prévoit le paragraphe 6° de l'article 201.
La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Des interventions? Oui, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Pourquoi
vous aimez tant les organismes municipaux puis que c'est eux qui ont comme...
Ça revient souvent, organismes municipaux,
organismes municipaux, parce qu'il y en a des tonnes, d'organismes auxquels
vont se prêter les directives.
M.
Jolin-Barrette : Parce que dans le cadre du... dans le cadre de
l'approbation des directives, O.K., le ministre de la Langue française va
approuver les directives des ministères et des organismes. Donc, exemple, Justice
va envoyer sa directive au ministère de la
Langue française, Santé, Éducation, Loto-Québec, tout ça. Les municipalités,
par contre, elles, elles doivent adopter des directives, O.K., mais elles ne
seront pas approuvées par le ministre de la Langue française. On n'approuvera
pas les directives des 1 100 municipalités au Québec. Par contre, ce
que 29.21 fait, c'est de dire, s'il y a une plainte relativement aux directives
de la municipalité, le ministre va pouvoir dire à la municipalité :
Écoutez, il y a une problématique avec votre directive, et voici ce que vous
devez changer, et voici ce à quoi votre directive devrait ressembler.
Mme David : Donc, c'est... Il faut une plainte ou que vous-même
vous vous rendiez compte de quelque chose.
M.
Jolin-Barrette : Exactement.
Mme David : Mais
il y a un ministre des Affaires municipales, tout comme il y a un ministre de
l'Éducation, un ministre de la Santé qui, eux, sont responsables des directives
dans leur propre réseau. Appelons ça un réseau des municipalités. Pourquoi ce
n'est pas le même organigramme?
M.
Jolin-Barrette : Bien, en fait, il y a le principe de l'autonomie
municipale entre autres, donc...
Mme David :
Oui, mais il y a le principe d'autonomie universitaire aussi.
M.
Jolin-Barrette : Oui, mais les universités, c'est différent, là. Vous
allez voir aussi, il y a des dispositions particulières, par rapport à la
politique linguistique, qui respectent l'autonomie universitaire également.
Mme David :
O.K. Donc, on est dans les mêmes genres de...
M.
Jolin-Barrette : Exactement. Exactement, puis il y a
1 100 municipalités aussi au Québec, donc on veut qu'ils adoptent leurs exceptions. Puis, dans le
fond, le ministre peut vérifier. S'il y a une plainte, le ministre s'en saisit
également, mais ce n'est pas toutes les
directives qui vont remonter au ministre de la Langue française pour le domaine
municipal.
Mme David : Vous
allez vous tourner les pouces de ne pas recevoir tout ça. C'est dommage.
M.
Jolin-Barrette : Je ne penserais pas, mais on peut aller les voir
quand même, les directives. Inquiétez-vous pas, je prévois que le
ministère de la Langue française et les gens qui y seront ne manqueront pas de
travail.
Mme
David : Vont être très occupés. Mais ce que je comprends, puis on
apprend à travers ce projet, Mme la Présidente, qui est un omnibus de notre
société et de sa gouvernance, dans le fond, à travers la langue française, je
comprends que le ministre responsable des Affaires municipales ou le ministre
des Affaires municipales n'a pas le même statut vis-à-vis... parce qu'on sait qu'il
y a l'autonomie municipale, on le sait ou, en tout cas, là, c'est encore mis en
évidence, donc, n'a pas la même ligne hiérarchique qu'un ministre de la Santé
avec son réseau hospitalier, mais... Puis il y a un troisième cas de figure qui
peut être le ministre de l'Enseignement supérieur par rapport à son réseau, par
exemple, d'universités.
Donc, vous êtes
obligé, dans le projet de loi, d'adapter en fonction du statut aussi des
autonomies municipales, universitaires ou non-autonomie par rapport aux
hôpitaux ou au réseau primaire, secondaire. C'est pour ça que, des fois,
arrivent des municipalités, d'autres fois arrivent le ministre de la Santé, le
ministre de l'Éducation.
M.
Jolin-Barrette : Bien, je vous dirais que c'est une des forces du
projet de loi, justement, de faire preuve d'adaptabilité en fonction de la
situation actuelle. Parce que j'aurais pu dire : Tout passe sur le bureau
du ministre, puis il n'y a rien qui marche si le ministre n'approuve pas tout.
J'aurais pu dire ça, mais ce n'est pas l'approche que j'ai choisie. J'ai plutôt
choisi une approche de collaboration avec les différents réseaux pour dire,
notamment les municipalités, que l'autonomie municipale, c'est important puis qu'en
fonction des... de leur pouvoir décisionnel, que c'est des élus également,
bien, ils ont une sphère d'autonomie, effectivement, puis, dans le fond, le
projet de loi en prend compte, notamment, de cette autonomie-là, tout en... Et
c'est ça, la beauté du projet de loi, puis c'est pour ça que c'est du bon
travail. Le ministre conserve son pouvoir d'aller voir est-ce que c'est fait de
la bonne façon puis d'imposer des rectificatifs sur les exceptions de la façon
dont elles sont utilisées, et tout ça. Ça fait que le ministre se garde le
pouvoir là-dessus, mais fait confiance aussi aux municipalités, qui sont des
partenaires publics et qui bénéficient d'une certaine autonomie.
Mme David :
Et donc ce n'est pas parce que la loi ne vous aurait pas permis d'aller exercer
une autorité directe. La loi vous aurait permis. Quel que soit le ministère, le
réseau, l'organisme, il n'y a personne qui aurait, si vous aviez voulu, pu
échapper à une autorité, une ligne directe.
M. Jolin-Barrette : On aurait pu le faire. Ce n'est pas le choix que nous avons fait, mais
nous aurions pu le faire.
Mme David :
Non, mais il n'y a pas de loi qui aurait pu être plus puissante que cette
loi-ci pour dire : Non, vous n'avez pas le droit d'intervenir directement parce
qu'on a l'autonomie municipale, admettons.
M.
Jolin-Barrette : Non. On aurait pu le faire.
Mme David :
Bon. O.K. Ça va.
M.
Jolin-Barrette : Bien, vous voyez comme je suis dans la modération, le
pragmatisme, et tout ça. Ce n'est pas ce que j'ai indiqué dans le projet.
Mme David :
Bien, on va le voir tout de suite à l'article 29.22. Vous ne perdez rien
pour attendre.
M. Jolin-Barrette :
Je serai mis en garde, Mme la Présidente.
Mme David :
Je suis transparente.
La Présidente (Mme Guillemette) : D'autres interventions sur l'article 29.21?
M. le député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum :
Merci, Mme la Présidente. Question de précision à 29.21, et je me permettrai de
reprendre l'exemple de nos pauvres concitoyennes et citoyens d'Otterburn Park.
Est-ce qu'à 29.21, advenant que le ministre recevrait
une plainte anonyme d'un citoyen ou même d'un non-citoyen, y a-t-il une qualité
de plainte qui est recevable, soit que ça soit signé ou soit que ça vienne d'un
résident ou quelqu'un qui peut démontrer leur intérêt? Y a-t-il quelque
condition qui englobe le statut d'un plaignant dans ce cas-ci? Dans un premier
temps.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Non, il n'y a pas d'encadrement du statut du plaignant. Mais comme, au
niveau administratif, les plaintes vont être analysées, vous savez,
comme dans toute chose, il y a des plaintes qui sont fondées, il y a des
plaintes qui sont frivoles, alors le travail se fait en fonction de l'analyse
et de la nature de la plainte qui est présentée.
Alors, le ministère
va être là pour recevoir ou même lui-même faire certaines vérifications s'il y
a des enjeux, mais ça prend ce pouvoir-là pour être certain que la loi
s'applique. Dans le fond, malgré l'autonomie municipale, si jamais on
constatait une situation dérogatoire ou même une situation où il n'y aurait pas
de directive d'exception qui serait adoptée, mais que ça en prendrait une
également, ça aussi, il faut que la politique... les directives soient
appropriées en fonction des services qui sont donnés.
M.
Birnbaum : S'il y avait une plainte sur la réponse ou la politique
d'une municipalité en tout ce qui a trait des exceptions de 23, est-ce que ça,
c'est recevable? Et je comprends que c'est un pouvoir facultatif, le ministre
peut, ce n'est pas qu'il doit. Mais est-ce que ça serait recevable, en vertu de
cet article aussi, et à la discrétion du ministre de décider, oui ou non, s'il
examinerait une telle plainte? C'est-à-dire qu'une des exceptions, telles que
notées à 23, si un citoyen, citoyenne avait une plainte, que cette exception
n'était pas respectée par la municipalité en question, est-ce que ça peut être
assujetti à une enquête, une examination par un ministre ou une ministre
responsable de la Langue française, de la charte?
La Présidente (Mme
Guillemette) : M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Bien, en fait, le ministre doit valider si c'est
conforme à la politique, effectivement, donc...
et il y aura une discussion avec la municipalité également. Lorsque le
ministère de la Langue française sera informé de la plainte, bien, le
ministère va contacter la municipalité pour voir qu'est-ce qu'il en est
réalistement sur le terrain. Alors, oui, le
ministre, de son propre chef, peut le faire, ou suite à la réception d'une
plainte aussi, puis il y a une discussion qui va s'entamer avec la
municipalité.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci. D'autres interventions? Oui, Mme la députée de
Mercier.
• (12 h 30) •
Mme Ghazal :
Oui. Si, par exemple, il y a une mésentente entre les deux, par exemple, entre
le ministre qui regarde la directive, soit à cause d'une plainte ou par sa
propre initiative, et même après le délai de 15 jours, là, il dit, par exemple,
que c'est un peu trop lousse, que les exceptions sont utilisées de façon
beaucoup trop facile — quand
je dis «lousses», c'est-à-dire dire que c'est beaucoup plus de temps qu'on
permet aux gens de ne pas utiliser le français, tout ça, il y a trop de
catégories de personnes dans le ministère ou l'organisme, c'est beaucoup... — et le
ministre de la Langue française n'est pas d'accord. Qui a le dernier mot?
M.
Jolin-Barrette : C'est le ministre.
Mme Ghazal :
Parce que c'est une directive en lien avec la langue française. Donc, la langue
française...
M.
Jolin-Barrette : Dans le fond, le ministre a le pouvoir d'ordonner, en
vertu du deuxième alinéa.
Mme Ghazal : Mais
si, par exemple, il ne comprend pas... Mais si, par exemple, le ministre ne
comprend pas les opérations de cet organisme ou de ce ministère, et c'est
normal, ce n'est pas sa... il n'y a pas...
M.
Jolin-Barrette : On parle de municipalité.
Mme Ghazal :
Seulement?
M.
Jolin-Barrette : Oui, dans ce cas-là, c'est une municipalité.
Mme Ghazal : O.K.
c'est pour ça.
M.
Jolin-Barrette : Un organisme municipal.
Mme Ghazal :
Uniquement ici. O.K., c'est bon. Merci.
La Présidente (Mme
Guillemette) : D'autres interventions? Donc, s'il n'y a pas d'autre
intervention, nous pouvons passer à l'article 29.22.
M.
Jolin-Barrette : Oui : «29.22. Le ministre peut, par règlement,
restreindre la faculté conférée par les dispositions de la section I d'utiliser
une autre langue que le français.
«Les dispositions
d'un tel règlement peuvent notamment prévoir les situations dans lesquelles
cette faculté est restreinte, ainsi que les conditions et les modalités selon
lesquelles un organisme ou un membre de son personnel peut s'en prévaloir.
«Les dispositions
d'un tel règlement peuvent préciser les catégories auxquelles elles
s'appliquent ou prévoir qu'elles ne s'appliquent qu'à un seul organisme ou au
personnel d'un seul organisme.
«Les dispositions
d'un tel règlement ne s'appliquent à une institution parlementaire que si le
commissaire à la langue française y consent.»
Commentaire :
L'article 29 de la Charte de la langue française que propose
l'article 19 du projet de loi confère au ministre de la Langue française
le pouvoir de restreindre par règlement la faculté d'utiliser une autre langue que
le français conférée à un organisme de l'administration par les
articles 13.1 à 22.5 de la charte.
Mme Ghazal : Merci,
M. le ministre. Des interventions? Oui, Mme la députée.
Mme
David : Vous n'avez rien d'autre à dire, M. le ministre, après une
telle... ce que plusieurs considèrent comme une telle bombe.
M.
Jolin-Barrette : Une bombe? Mais pourquoi donc?
Mme David :
Bien, ça peut vouloir dire que c'est des pouvoirs absolus suprêmes. Je veux
dire, tout le monde a lu ça comme ça. Alors, moi, je parle au nom de plein,
plein de monde qui ont dit : Mais c'est une bombe cachée! «Le ministre
peut, par règlement, restreindre la faculté conférée par des dispositions de la
section I d'utiliser une autre langue que le français.»
Je ne sais pas...
mais ou bien personne n'a compris le sens caché de la phrase, ou bien les gens
disent : Mais c'est un plénipotentiaire pouvoir pour faire un règlement et
annuler toute la section qu'on vient d'étudier. Alors, rassurez-nous si c'est
ça.
M.
Jolin-Barrette : Bien, je vous rassure. Je vous rassure.
Mme David :
Parce que, là, il y a vraiment des gens qui écoutent en ce moment, là, ils ont
besoin d'être très, très rassurés. Ils ont peur de perdre tous leurs pouvoirs
conférés par ce qui précède.
M.
Jolin-Barrette : Non. Un des objectifs, dans le fond, du projet de
loi, c'est d'assurer l'exemplarité de l'État dans le temps. Donc, l'article, il
est là pour faire en sorte d'avoir un outil, pour le ministère de la Langue
française, pour venir corriger certaines situations qui seraient au-delà du
cadre adopté.
Donc, l'objectif est
vraiment d'avoir un outil réglementaire, et l'idée, ce n'est pas d'effacer,
d'annuler le régime qui en est vertu de la section I, mais c'est avoir la
possibilité de venir ajuster certains éléments qui seraient hors du cadre et
qui sont en fonction de la loi. Mais on vient conférer le pouvoir au ministre
d'intervenir, s'il y a des situations qui requièrent son intervention, parce
que l'expertise, au niveau de la langue française, va être au ministère de la Langue française, les données, les
informations et le mandat va être au niveau du ministère de la Langue
française.
Donc, c'est normal
que le ministre ait les outils par voie réglementaire dans le temps. Parce que,
vous savez, cette loi-là, on l'a ouvert pas souvent, puis une réforme globale,
ça fait quoi... 43, 44 au niveau de la Charte de la langue française. Donc,
elle va durer longtemps également. Donc, c'est pour venir faire en sorte qu'au
niveau de la politique linguistique et des exceptions, des directives, que le
tout soit encadré. Et surtout, ce qu'il est important de rappeler pour vous rassurer, le ministre, par
règlement, ne peut pas venir éliminer les exceptions. Les exceptions, elles
sont toujours prévues à la loi. Donc, le
pouvoir réglementaire du ministre est là pour venir corriger certaines
situations qui pourraient survenir en dehors du cadre. Puis surtout, il
faut avoir de la souplesse pour adapter la Charte de la langue française dans
le temps.
Mme David :
J'ai l'impression d'être au spa, Mme la Présidente, et de passer d'un bain
d'eau glacée à un bain d'eau bouillante, puis revenir à l'eau glacée, puis
aller à l'eau bouillante. Alors, je ne sais plus...
M.
Jolin-Barrette : Il paraît que c'est bon pour la circulation.
Mme David :
C'est bon pour la circulation, mais ça peut être un peu... ça fait... ça peut
être un peu traumatisant aussi, parce qu'il va falloir que vous soyez
vraiment plus clair que ça. Parce que quand on dit : restreindre la
faculté conférée par les dispositions de la section 1 d'utiliser une autre
langue que le français, on se comprend qu'on réfère à toutes les exceptions
dont on a parlées et reparlées et re-reparlées.
Vous voulez, dans le
temps, vous assurer que vous pouvez revoir tout ça, mais vous dites en même
temps : Non, on ne peut pas toucher aux exceptions qu'on aura votées. Mais
là ça dit qu'on peut restreindre cette faculté-là. Restreindre une faculté, à
moins que je ne comprenne plus le français, ça veut dire que vous pouvez
diminuer la capacité pour un organisme... puis là ça se complique, parce que
29.23, vous dites que non, on ne peut pas. Par exemple, les établissements reconnus en vertu de 29.1,
l'article 29.23 de la Charte de la langue française : un projet de
permettre aux organismes reconnus d'utiliser
une autre langue sans qu'une directive... je ne sais pas quoi.
L'article 29.23 ne s'applique pas aux organismes scolaires
reconnus.
Donc là, on dirait
qu'on réitère qu'ils ont... ces organismes reconnus en vertu de 29.1 sont assez
protégés, n'ont pas à se conformer aux
dispositions de la présente sous-section, mais, à 29.22, le ministre se confère
par règlement la possibilité de restreindre toutes ces facultés conférées par
les dispositions de la section 1. Donc, j'imagine, vous avez des... vous
avez fait ça consciemment, là, cet article 29.22. C'était voulu pour, vous
dites, le long terme, mais tant que vous ne me donnerez pas d'exemple,
je pense qu'on ne sera pas rassurés.
M.
Jolin-Barrette : Prenez l'exemple d'un organisme qui adopterait une
directive non conforme où dont sa directive lui donnerait une interprétation
beaucoup trop large.
Mme David :
Ça, je pense que vous allez tout régler ça dans des... justement, vos pouvoirs
de relire tout ça puis de...
M.
Jolin-Barrette : En fait, je
reviens avec la mécanique, là, relativement à la politique linguistique. Dans
le fond, il y a la loi. Ensuite, il y a la politique linguistique qui
est adoptée par décret du gouvernement.
Les
ministères et leurs organismes doivent se soumettre à la politique linguistique
du gouvernement, mais, si jamais ils ne le font pas, on a un pouvoir
réglementaire, on l'a vu préalablement, qui vient faire en sorte que je peux
imposer quelle est la politique linguistique. Là, ici, on est au niveau des
exceptions, au niveau des directives. On vient dire : Écoutez, de quelle
façon doit être interprétée la directive dont vous vous êtes dotée? Si la
directive, là, elle est interprétée par l'organisme d'une façon complètement
déraisonnable, super large, exemple, en matière de tourisme, O.K., puis que ça
n'aurait pas de sens, la portée et l'étendue de l'interprétation qui est donnée
par l'organisme parce que, dans le fond, ils ne veulent pas se soumettre à la
Charte de la langue française, là... Ils ne veulent pas, comme entité publique,
là, dire : Je respecte la charte, là, ça fait que là ma directive, je
l'adopte, puis l'interprétation que je lui donne elle est déraisonnable, elle
est beaucoup trop large.
Ce que ça permet de
faire au ministère de la Langue française, c'est de dire à l'organisme :
Voici l'exception, comment elle doit être interprétée et comment... et quelle
est l'étendue de ça. Parce que le principe d'exemplarité de l'État, c'est que
c'est en français, mais les exceptions qui sont données doivent être des
exceptions qui ne viennent pas dénaturer le sens même de l'exception.
J'ai un exemple.
Actuellement, dans la politique linguistique gouvernementale, là, aujourd'hui,
là, comment c'est interprété par les ministères et organismes, bien, il y a une
politique linguistique gouvernementale, puis là tout le monde adopte leur
propre politique linguistique après, puis les exceptions, bien, même s'il y a
des lignes directrices, bien, tout le monde l'interprète de la façon qu'ils
veulent. Puis, dans le fond, c'est un bar ouvert. C'est ça qu'on veut éviter. Si jamais de la façon dont sont
interprétées les directives de l'organisme... d'une façon complètement
déraisonnable, puis que c'est hors de contrôle, ça permet au ministère de
langue française de venir dire : c'est ça qu'on veut éviter. Si jamais de la façon dont sont interprétées les
directives de l'organisme d'une façon complètement déraisonnable, puis
que c'est hors de contrôle, ça permet au ministère de Langue française de venir
dire : Écoutez, vous dépassez les bornes, ce n'est pas de cette façon-là,
puis vous torturez l'exception, vous torturez la directive. Vous lui donnez une
interprétation qui est complètement déraisonnable. Puis on l'a vu, là, certains
organismes, des fois, là, qui, de la façon dont ils interprètent les affaires,
ça n'a pas de sens.
• (12 h 40) •
Mme David : Je
vais vous lire une inquiétude. «Cet article donne des pouvoirs extrêmement
vastes au ministre puisque cela lui permet
de restreindre la portée des exceptions à l'obligation pour l'État d'utiliser
uniquement le français dans ses communications avec les individus.
Potentiellement, cela donne le pouvoir au ministre d'éviscérer unilatéralement
la portée des exceptions.»
Et moi, je pensais
sincèrement que tout ce dont on avait discuté avant vous donnait déjà les
coudées très franches, parce que vous devez approuver les directives. Il y a
plein d'étapes avant, là, où vous avez... vous pouvez mettre votre imprimatur. On vient de parler, même d'une période de
transition, tant que la ministre n'a pas approuvé, etc. Donc, pourquoi
prévoir ça, alors que vous aurez eu à porter un jugement... en fait, porter un
jugement, à approuver littéralement toutes ces directives-là en amont? C'est
qu'un jour vous allez regretter d'avoir approuvé? J'essaie de comprendre.
M.
Jolin-Barrette : Parce que, dans le fond, là, c'est l'application
particulière, comment est-ce que c'est interprété, pas l'exception qui est
restreinte. C'est l'application de la directive pour faire en sorte que
l'organisme qui a une application déraisonnable, bien, le ministre vient
dire : Non, l'interprétation que vous en faites, ce n'est pas le sens de
la loi et ce n'est pas le sens de l'application de la directive que j'ai
approuvée.
Tu sais, lorsque
c'est soumis au ministère de la Langue française, là, la directive, on
dit : O.K., non ou oui. Là, le
ministère ou l'organisme part avec ça, il dit : O.K., ma directive a été
approuvée, je suis correct. Il ne peut pas se retourner après ça avec sa
directive, puis dire : Écoutez, j'ai fait approuver ma directive, là,
c'est correct, on peut faire n'importe quoi, puis voyez-vous, c'est l'exception
là, je l'interprète de cette façon-là, puis on se retrouve avec une exception dont l'interprétation est
complètement... On ne peut pas se retrouver dans une situation où
l'interprétation de la disposition est complètement incohérente et
complètement déraisonnable. Si jamais l'organisme faisait ça, ça prend un
pouvoir au ministre de dire : Attendez une minute, là, oui, l'exception,
elle est prévue dans la loi, oui, votre directive, elle a été approuvée. Il n'y
a pas de problème, mais le traitement que vous en faites, c'est complètement
déraisonnable, et ça va même à l'encontre de l'esprit de la loi, et de l'esprit
de l'exception qui vous est autorisée, et de l'esprit de la directive qui vous
a été autorisée.
Alors, pour éviter
une situation où l'application serait complètement déraisonnable, on vient
confier le pouvoir au ministre par voie
réglementaire. Dans le fond, c'est son assise normative, au ministre, de dire à
l'organisme : Ce que vous faites, là, c'est complètement
inconséquent puis ce n'est pas le sens de l'exception. Donc, c'est pour éviter
les débordements et faire en sorte que ça s'applique de la bonne façon.
Mais quel est l'outil
pour faire cela? Le ministre, pour qu'il ait les outils pour dire : Aïe!
Vous détournez, c'est un détournement, là, c'est un détournement de la
directive que vous faites, là... Dans l'application, de quelle façon est-ce
qu'on confère ce pouvoir au ministre là d'intervenir? Parce ça prend une
application normative, de dire : Toi, ministre, que fais-tu pour faire
respecter, dans le fond, l'application de la directive adéquatement en fonction
de son objet véritable? Ça prend un outil normatif pour le faire, et cet outil
normatif là, c'est l'outil réglementaire. Sans ça, le ministre se retrouverait
dans une situation où vous auriez un organisme qui dit : Ah! Moi, j'ai mon
exception puis je peux faire n'importe quoi
avec. Je peux l'interpréter de la façon que je veux, qui irait à l'encontre de
l'économie générale de la loi, à l'encontre de l'économie générale de la
politique linguistique et à l'encontre même de la directive, donc, l'exception
pratico-pratique. Ça prend un outil pour le ministère de la Langue française de
dire : Aïe! Wo! Minute, là, ce n'est pas ça pantoute qui vous a été
autorisé. Mais au-delà des mots, bien, l'outil normatif pour le faire, c'est le
cadre... l'habilitation réglementaire.
Mme David :
Mais donc, admettons qu'on continue l'exemple, vous passez un règlement, par
rapport à cet organisme-là, là, l'organisme pourrait contester puis aller en
cour contester l'interprétation. Ça, ça finit en cour, ces affaires-là, quand
on est rendu là, souvent.
M. Jolin-Barrette : Effectivement,
vous avez raison.
Mme David : Puis là j'ai toute une
question, c'est : Est-ce que le fait que vous mettiez des dispositions de
dérogation, ça empêche d'aller en cour pour contester votre règlement que vous
avez fait, qui conteste lui-même l'application des directives?
M. Jolin-Barrette : Non.
Mme
David : Pourquoi? Puis là
j'ai besoin d'un cours 101 sur la disposition de dérogation. Pourquoi la
disposition, avec les chartes, pourquoi... parce que ça ne rentre pas dans les
articles prévus sous dérogation dans les chartes, c'est ça?
M. Jolin-Barrette : Non plus, parce
que le contrôle d'une décision administrative est toujours sujet à un contrôle
judiciaire malgré l'application des dispositions de souveraineté parlementaire.
Donc, on aura la discussion un peu plus tard, là, mais lorsque votre formation politique
disait : Écoutez, on donne des pouvoirs à des inspecteurs, qui ne seront pas balisés, les fouilles, les
contraintes abusives, la décision administrative est toujours susceptible de
contrôle.
Donc, lorsqu'on vient actualiser la Charte de la
langue française sur le fait que... Auparavant, là, l'inspecteur, là, de
l'Office québécois de la langue française arrivait, supposons, dans une
entreprise puis il disait : Bien, écoutez, là, j'ai eu une plainte par
rapport à l'affichage ou j'ai eu une plainte par rapport à la langue de service
ici, ou à l'utilisation, ou aux exigences d'une autre langue que le français
qui sont exigées à l'entreprise. Mais l'inspecteur, lui, pouvait
demander : Écoutez, je vais prendre... pouvez-vous me montrer copie de vos
procès-verbaux ou des réunions, tu sais, qui se sont tenues? Comment ça se
fait... en vertu des obligations qui sont prévues déjà dans la Charte de la
langue française? Puis là, bien, l'entreprise devait dire : Bien,
regardez, nous, on est conforme, puis la plainte n'est pas fondée ou, oui, la
plainte est fondée. Tout de suite, l'OQLF les accompagnait, mais il montrait le
document papier... il n'y a plus grand-monde qui fonctionne papier...
Mme David : ...les débats sur les
pouvoirs d'enquête...
M. Jolin-Barrette : Oui, mais je
fais le parallèle avec ça. Là, on est rendu avec des outils informatiques, tout
est numérique maintenant. Alors, le contrôle rattaché à la fouille, par rapport
à la décision raisonnable, ça, ça maintient par rapport à la décision
administrative. L'utilisation des dispositions de souveraineté parlementaire
n'empêche pas ce contrôle-là par les tribunaux.
Mme David : O.K., parce que ça, là,
ce n'est pas couvert par les articles des deux chartes, là. Ce n'est pas le droit
à la vie privée ou ce n'est pas des choses qui sont couvertes par les articles
qui seront mis sous dérogation. Ce genre de règlement là, c'est administratif.
M.
Jolin-Barrette : Bien, si
c'est la décision administrative, elle est déraisonnable. Le contrôle, une
décision, là, un recours en contrôle judiciaire, le pourvoi en contrôle, c'est
toujours ouvert pour le faire, pour le faire contrôler pour contester. Le recours aux dispositions de
souveraineté parlementaire n'empêche pas un contrôle judiciaire relativement
à une décision administrative, et ça rentre dans cette sphère-là.
Juste pour faire le parallèle, là, il y a une
différence entre un contrôle administratif et le contrôle relativement à la
constitutionnalité des lois. Le contrôle administratif, là, c'est la décision
individualisée qui est prise. Ça, les tribunaux
sont compétents là-dessus. Lorsqu'on est notamment en matière de l'utilisation
des dispositions de souveraineté parlementaire prévues aux deux chartes,
là, à ce moment-là, on est plutôt sur la question de la constitutionnalité,
donc sur le cadre, sur la validité de la loi. On n'en est pas sur la décision
d'imposer la chose ou non d'une norme individualisée. C'est ça, la discussion
puis c'est pour ça que je fais le parallèle avec les inspecteurs puis, dans le
fond, avec... lorsque la décision de fouille, elle est prise, supposons, bien,
à ce moment-là, cette décision-là peut être contrôlée par les tribunaux.
Donc, il n'est pas approprié de dire que les
dispositions... le recours aux dispositions de souveraineté parlementaire
enlève la possibilité de contrôler une décision administrative. C'est le
parallèle que je veux vous faire.
• (12 h 50) •
Mme David : Ce qui est intéressant,
Mme la Présidente, c'est que c'est un nouveau vocabulaire. Maintenant, on
appelle ça des dispositions de souveraineté parlementaire et non plus des
dispositions de dérogation.
M. Jolin-Barrette : Bien, moi, je
crois qu'on devrait appeler...
Mme David : Non, mais c'est... Vous
avez rebaptisé, là. Il n'y a pas personne, dans tout ce que j'ai lu, qui n'a
jamais employé ça. Je sais que ça fait référence à la souveraineté
parlementaire. Je sais qu'en 1982, c'est ça que les premiers ministres ont
plaidé, pour avoir des dispositions de dérogation, je sais tout ça, mais ça n'a
jamais été baptisé ni même francisé en
termes de dispositions de souveraineté parlementaire. Il y a le mot
souveraineté là-dedans. Peut-être que ça vous
plaît beaucoup, mais c'est... Officiellement, dans les cours, je pense, ça
s'appelle disposition de dérogation, puis moi, je corrige souvent mes collègues
qui parlent de clause «nonobstant», de clause dérogatoire. Le vrai mot, c'est
disposition de dérogation, mais il n'y a aucun prof en droit constitutionnel,
personne qui a jamais dit disposition de souveraineté parlementaire.
Sous-entendu, on veut la souveraineté parlementaire. C'est en vertu d'un
principe qui parle de souveraineté parlementaire.
M. Jolin-Barrette : Mais je crois
que, dans tous les cas, nous serions beaucoup mieux d'utiliser le terme «disposition de souveraineté parlementaire», parce
que, vous le dites si bien, la langue française, elle est riche et pour
bien nommer concrètement...
Mme David : Oui, mais c'est vous qui
l'avez inventé. C'est ça que je veux dire. Avez-vous des précédents?
M. Jolin-Barrette : Bien, je n'en
prends pas la paternité. Je crois qu'il y a des gens qui l'ont déjà utilisé, mais je crois que c'est important d'utiliser ce
terme-là parce qu'il revient aux parlementaires, revient, dans notre système
démocratique...
Mme David : Ça, je comprends l'idée,
là. Vous...
M. Jolin-Barrette : ...il revient,
dans notre système démocratique, de faire en sorte que les élus, lorsqu'ils
exercent une disposition qui est prévue par la constitution qui leur confère ce
pouvoir-là, de bien la nommer et ce que c'est
en soi, c'est le pouvoir des élus de la nation et c'est une disposition
fondamentale de notre système, au Québec puis au Canada, la souveraineté parlementaire. Et nous ne devons pas être
gênés de l'exercer et de la nommer adéquatement, parce que, lorsque vous
avez un mandat électif, les citoyens vous font confiance à vous, dans la
circonscription de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Je savais, Mme la
Présidente, que je pèserais sur un piton de la cassette.
M. Jolin-Barrette : Et les citoyens
veulent que vous puissiez faire votre travail à l'abri de toute ingérence.
Puis, Mme la Présidente, la députée de Marguerite-Bourgeoys peut toujours
compter sur moi pour toujours défendre ses privilèges parlementaires et le rôle
important qu'elle exerce, et que notre Assemblée, notre Assemblée, et je sais que ça tient... que c'est important pour elle et
pour sa famille, parce que, dans l'histoire, ils ont servi beaucoup le Québec
dans cette Assemblée et que le pouvoir
législatif est important. Et j'en fais un point fort important, Mme la
Présidente, parce qu'il y en a avant
nous qui ont dit que c'était important. On a le devoir de le faire. Puis dans
le futur, également, dans notre
démocratie, il ne faut jamais oublier ça, la santé de notre démocratie passe
par la souveraineté parlementaire. J'ai fini, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le ministre. Mme la députée.
Mme David : Alors, je connais bien,
bien, bien par coeur le discours enflammé du ministre, et donc ses convictions.
Il y a tout à fait droit, mais j'en avais sur la question sémantique. Je ne
savais pas qu'on pouvait inventer juridiquement des expressions. Et, comme je
ne l'ai jamais vu nulle part, je vais demander à mes grands amis constitutionnalistes : Est-ce que tu connais
ça, la disposition de souveraineté parlementaire? C'est juste ça. Moi, c'était
juste ça, ma question. Mais je savais que je
pesais sur un point d'une grande, grande, grande passion et pour le
nationalisme du ministre.
Alors, ce n'est pas nécessairement ça que je
voulais, enfin, provoquer, mais je voulais quand même savoir si, et j'ai ma
réponse, elle est claire, que le litige, disons, ou l'incompréhension, ou la
version différente d'un organisme par rapport à un ministre qui prendrait, par
règlement, sa faculté de restreindre la disposition de la section I pour un organisme, bien, ça peut finir en cour puis ce
n'est pas couvert par le grand chapeau de ce que, jusqu'à il y a quelques
minutes, j'appelais «disposition de dérogation».
Bon, maintenant, le deuxième paragraphe, il va
falloir que vous m'aidiez dans ça aussi. «Les dispositions d'un tel règlement
peuvent notamment prévoir les situations dans lesquelles cette faculté est
restreinte...» Donc là, est-ce que le deuxième paragraphe crée des obligations,
au ministre, de justifier son geste rare, exceptionnel? Parce que ça dit : Les dispositions d'un tel
règlement peuvent notamment prévoir... alors «peuvent», ce n'est pas «doivent»,
peuvent notamment prévoir les situations dans lesquelles cette faculté est
restreinte — on
aurait vraiment aimé ça, avoir des exemples — ainsi que les conditions et
les modalités selon lesquelles un organisme ou un membre de son personnel peut
s'en prévaloir.
Alors là, un organisme ou un membre de ce
personnel pourrait se prévaloir de la faculté de s'autorestreindre son droit à
avoir des restrictions. Est-ce que je comprends bien?
M.
Jolin-Barrette : Reprenons
29.22, là : «Le ministre peut, par règlement, restreindre la faculté
conférée par les dispositions de la section I d'utiliser une autre
langue que le français.
«Les
dispositions d'un tel règlement peuvent notamment — donc, on n'est pas obligé d'aller dans ce
détail-là, mais on peut y aller dans
le détail — prévoir
les situations dans lesquelles cette faculté est restreinte ainsi que les
conditions et les modalités selon lesquelles un organisme ou un membre
de son personnel peut s'en prévaloir.» Donc, on peut venir
détailler, dans le cadre du règlement, les situations particulières. Parce que
tout à l'heure je vous disais : Vous avez
l'exception qui a été autorisée, donc la directive qui est autorisée, mais
c'est une interprétation qui est déraisonnable qui est faite.
Alors,
le règlement du ministère de la Langue française peut venir dire :
Écoutez, on constate que la problématique est rattachée à l'interprétation
de l'exception... bien, de la directive que vous en faites, parce que la
directive, là, oui, elle indique l'exception, mais elle indique le code de
conduite, dans le fond. Donc, voici de quelle façon, dans quel type de situations vous agissez et comment est-ce
que ça doit être utilisé, comment est-ce que, dans le cadre de la situation
visée qui est problématique, vous devez vous
comporter, quelle est la nature de l'exception. Donc, on donne la possibilité,
à l'alinéa deux, de venir cerner de quelle façon ça s'opérationnalise.
Mme David :
On donne la permission à qui? À...
M.
Jolin-Barrette : On vient, dans le règlement, prévoir... parce que
dans le fond, là, pourquoi est-ce que le ministre...
Mme David :
Ah! À l'alinéa deux. Je viens de comprendre, tu sais. J'ai compris «deux», je
ne comprenais pas. O.K., «deux», le chiffre
2. Mais je ne suis pas sûre que je comprends plus, parce que c'est quoi, la
dernière partie de cet alinéa, selon lequel «un organisme ou un membre
de son personnel peut s'en prévaloir»? Se prévaloir de quoi? S'en prévaloir,
«s» apostrophe, là, je ne le comprends pas.
M.
Jolin-Barrette : Les conditions et les modalités.
Mme David :
Mais se prévaloir de conditions et de modalités... «Prévaloir», là, c'est
positif comme verbe, là. Je me prévaux de mon droit de parole en ce
moment. C'est positif, ce n'est pas négatif, ce n'est pas empêcher quelqu'un de
faire quelque chose. C'est plutôt... on peut se prévaloir de quelque chose.
Alors, l'organisme ou le membre de son personnel, ça, c'est l'organisme fautif,
là, contre qui on prend les mesures, l'organisme ou le membre du personnel
fautif qui... pour lesquels ou contre lesquels vous êtes obligé de prendre un
règlement parce qu'il est trop fautif. Est-ce que je comprends? Alors, il peut
se prévaloir de quoi, cet organisme fautif?
M. Jolin-Barrette : Non, mais de l'exception. Dans quelles circonstances est-ce qu'il se
prévaut de l'exception? On vient circonscrire l'exception, donc pour se
prévaloir de l'exception.
Mme David :
De l'exception. Donc : «Les dispositions d'un tel règlement peuvent
notamment prévoir les situations dans lesquelles cette faculté est restreinte — donc,
organisme, je te ramène à l'ordre, je te restreins, parce que tu as fait une
interprétation trop ceci, trop cela — ainsi que les conditions et
les modalités selon lesquelles un organisme» peut se prévaloir de ce qu'il
avait comme exception, mais sans, comme on dit, ambitionner sur le pain béni.
Alors, il est allé un peu trop loin, vous ramenez le...
M.
Jolin-Barrette : C'est ça.
Mme David :
...l'organisme dans le droit chemin de la langue française, et en disant :
Vous aviez des exceptions, c'est correct,
mais vous êtes allé un peu trop loin, et vous pouvez vous prévaloir, mais selon
des modalités que je vous dis par règlement. C'est ça?
M.
Jolin-Barrette : Exactement.
Mme David :
Bon. «Les dispositions d'un tel règlement peuvent préciser les catégories
auxquelles elles s'appliquent...» auxquelles s'appliquent les dispositions...
La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys,
mais, compte tenu de l'heure... Le temps passe vite, hein, quand...
Mme David :
On va dîner.
La Présidente (Mme Guillemette) : Exactement.
Compte tenu de l'heure, la commission suspend ses travaux jusqu'à 14
heures, où nous reprendrons nos discussions. Bon appétit, tout le monde.
(Suspension de la séance à
13 heures)
(Reprise à 14 h 07)
La Présidente (Mme
Guillemette) : Donc, votre attention, s'il vous plaît! Bon après-midi,
tout le monde.
La Commission de la culture et de l'éducation
reprend ses travaux, et nous poursuivons l'étude détaillée du projet de loi
n° 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le
français.
Donc, lors de la
suspension de nos travaux cet avant-midi, nous en étions à l'étude de l'article
29.22. Donc, est-ce qu'il y a des
interventions? Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, on en était à votre
intervention, je crois.
Mme David : Oui, puis il ne me reste
me pas tant de temps que ça. Alors, je veux juste...
La Présidente (Mme Guillemette) :
...
Mme David :
8 min 20 s, O.K. Il va falloir non seulement qu'on comprenne
très bien le pourquoi de cette façon d'exposer la question du règlement,
pourquoi c'est seulement pour ceux qui utilisent une autre langue que le
français, pourquoi c'est aussi important de prévoir l'avenir dans ce cas-ci,
etc. Alors, je pense que j'ai mis la table tout à l'heure sur les grands
questionnements. On a encore plus réfléchi, je dirais, pendant la courte heure de
lunch que nous avions, et je pense que mon
collègue de D'Arcy-McGee va avoir quelques quelques réflexions à faire
là-dessus, puis on a un petit plan de match.
La
Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. Donc, des interventions? Le collègue... M. le député
de D'Arcy-McGee.
• (14 h 10) •
M. Birnbaum : Merci, Mme la
Présidente. Je suis notre discussion avec beaucoup d'attention depuis le début
sur 29.22 et j'essaie de commencer à comprendre où, et comment, et si le
pouvoir d'intervention du ministre est balisé en quelque part par l'article
29.22. Au risque de déclencher un autre... shakespearien ou voltairien, si on
préfère, du ministre sur la souveraineté parlementaire, je... Voilà un concept
qui est tout à fait respecté par notre côté, et le concept de la souveraineté
parlementaire est en complémentarité avec la règle de droit. C'est tout à fait
normal, et la souveraineté parlementaire,
c'est notre responsabilité solennelle de l'exercer avec intelligence,
compassion, clarté et transparence.
Et j'ai à peine vu, soit dans les explications du ministre et dans l'article
tel que rédigé, une concordance avec ces concepts tellement importants,
ce qui m'amène à plusieurs questions.
Je ne cache pas que les réponses du ministre ne
m'ont pas soulagé plus que ça, mais il y avait aussi, de ma lecture, déjà une
discordance entre ses mots et ceux que je vois devant moi. Le début d'une... Si
je peux m'exprimer ainsi, le début d'une circonscription de l'étendue de cet
article serait, comme le ministre aurait dit, que cet article permettrait au
ministre... ce n'est pas verbatim, ce que je dis, mais c'était à peu près ça,
serait pour assurer qu'il n'y a aucune non-conformité. Voilà une balise qui, peut-être,
devrait être au moins évidente, mais qui n'est pas présente, même le concept de
non-conformité.
Alors, comme première question générale, et je
ne veux pas... me comprendre, ce ne serait pas suffisant du tout d'entendre
qu'il y a d'autres sections de la loi qui balisent, et tout ça. Dans l'article
29.22, est-ce que le ministre peut m'aider, aider les gens qui nous écoutent, à
comprendre les paramètres visés par 29.22? Parce que moi, j'ai de la difficulté
à en trouver.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien, en fait,
comme je le disais avant la pause du dîner, Mme la Présidente, l'objectif,
c'est d'avoir une assise réglementaire, une assise normative pour venir
corriger une situation qui ne serait pas voulue en fonction de l'objectif, et de l'économie générale de la loi, et de la
politique linguistique, et des exceptions, par la voie de la directive,
qui auraient été accordées relativement à l'interprétation, parce que
l'objectif vise à faire en sorte que, lorsqu'une directive aura permis
d'utiliser l'exception et qu'elle aura été approuvée par le ministre de la
Langue française, ou modifiée, il faut faire en sorte qu'elle s'applique. Mais,
dans l'application de cette directive, de cette exception-là, elle doit être
faite dans le cadre de la raisonnabilité.
Donc, une interprétation par l'organisme qui
serait donnée de façon déraisonnable, et que l'organisme ne souhaiterait pas se
conformer à une interprétation appropriée de la directive, il faut avoir un
outil sur le plan normatif pour venir dire : organisme, oui, le ministre
de la Langue française a autorisé une directive, a autorisé une exception,
cependant, l'interprétation et l'application que vous vous êtes faites... que
vous faites de cette directive, elle n'est pas appropriée en fonction de la
finalité et de l'objectif de la loi.
Donc, dans la section dans laquelle on est, on
est sur la notion d'exemplarité de l'État. Donc, la façon dont vous appliquez
cette directive-là, elle va à l'encontre de l'objectif et de la finalité de
l'exemplarité de l'État. Autrement dit, vous ne pouvez pas faire d'une façon...
On ne peut pas faire, par la porte d'en arrière, ce que la loi ne vous permet
pas de faire. Donc, il faut que ce soit conforme. Puis, si on veut s'assurer du
respect de la loi, en ce sens-là puis du respect de l'orientation, à ce
moment-là, le pouvoir réglementaire vient permettre au ministre de dire : Non, mais voici, c'est ça, le cadre
normatif, puis voici de quelle façon ça doit être interprété, puisque
l'interprétation et l'application, elle est déraisonnable.
Donc, c'est un outil, comme on le fait dans
plusieurs autres lois, notamment avec l'Autorité des marchés financiers, pour
édicter la norme qu'il doit y avoir, mais vous comprendrez que, dans la
séquence, ça vient en fin de course. Honnêtement, c'est un pouvoir qui est là
si jamais l'organisme ne suit pas, dans le fond... bien, en fait, pas ne suit
pas, mais utilise la directive d'une façon déraisonnable. C'est un peu la même
chose qu'on a vue préalablement pour dire : Bien, écoutez, vous pouvez
vous doter de la directive, oui, mais c'est dans l'application concrète...
Donc, c'est pour ça que le deuxième alinéa, il
est là. On discutait avec la députée de Marguerite-Bourgeoys là-dessus, où est-ce qu'on disait :
«...peuvent notamment prévoir les situations dans lesquelles cette faculté est
restreinte ainsi que les conditions et les
modalités». Donc, on pourra donner le détail dans le règlement par rapport à un
cas pratique visant un ou plusieurs organismes.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le ministre. M. le député.
M. Birnbaum : L'autre assurance, et
le mot n'est pas satisfaisant, l'autre assurance que le ministre nous a donnée,
c'est qu'évidemment le ministre ne peut pas faire fi aux exceptions écrites
dans la loi, mais assurance assez, assez modeste. Et là, comme il confirme avec
des mots qui élargissent, élargissent plus que servent à circonscrire ses
pouvoirs... Ici, il ajoute deux mots. Évidemment, les exceptions vont être
instaurées dans une éventuelle loi, mais je continue à ne constater aucune
balise en ce qui a trait à ses pouvoirs discrétionnaires de veiller, de A à Z
plus, sur son implantation. Et les deux mots qu'il a ajoutés, une autre fois,
je tiens à préciser, qu'il vient d'ajouter verbalement, je ne les trouve pas
dans le texte de l'article, sont des critères qui ne balisent même pas plus,
peut-être même moins. Il a parlé de l'obligation que je... qui est là, je
comprends, mais aucunement balisée, de veiller... d'assurer que l'implantation
de la politique concorde avec l'objectif d'exemplarité, qui est un mot qui est
dans la loi, je comprends, mais aucunement
balisé. Et là il a utilisé un autre mot, une autre fois, qui n'est même pas
dans l'article, et qui est un mot qui limite à peine ses pouvoirs potentiels
discrétionnaires du ministre ou d'une future ministre. Il a utilisé le
mot «raisonnable».
Alors, je reviens à ma question de base. Comment
les exceptions... À titre d'exemple, on va venir plus tard aux obligations non
exceptionnelles, et y a-t-il une limite sur le pouvoir de discrétion du
ministre là-dessus. Ça, c'est pour plus tard. Où et comment est-ce que les
interventions du ministre sont circonscrites, ou décrites, ou balisées dans
l'article 29.22?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Pour le
bénéfice du collègue, Mme la Présidente, relativement à l'exemplarité de
l'État, là, quand vous prenez le premier alinéa de 29.22, là : «Le
ministre peut, par règlement, restreindre la faculté conférée par les
dispositions de la section I...» Section I, quand on retourne, là, c'est
13.1 et suivants. Donc, elle est là, l'exemplarité de l'État. Donc, quand je
fais... Quand, dans mes propos, j'utilise «exemplarité de l'État»... parce que
c'est la section I relativement à l'exemplarité de l'État. Donc, vous avez
raison de dire : Il n'est pas écrit «exemplarité de l'État», mais, par
mesure de renvoi, vu que c'est section I, on entend «exemplarité de
l'État».
Le cadre réglementaire, dans le fond, c'est une
habilitation réglementaire, dans le fond. «Le ministre peut, par règlement,
restreindre la faculté conférée par les dispositions de la section I
d'utiliser une autre langue que le français.
«Les dispositions d'un tel règlement peuvent
notamment prévoir les situations dans lesquelles cette faculté est restreinte
ainsi que les conditions et les modalités selon lesquelles un organisme ou un
membre de son personnel peut s'en prévaloir.
«Les dispositions d'un tel règlement peuvent
préciser les catégories auxquelles elles s'appliquent ou prévoir qu'elles ne
s'appliquent qu'à un seul organisme ou au personnel d'un seul organisme.
«Les dispositions d'un tel règlement ne
s'appliquent à une institution parlementaire que si le commissaire à la langue
française y consent.»
Donc, lorsque
vous me dites : Quelles sont les balises, Mme la Présidente, associées au
règlement?, premièrement, vous avez... Si on part de la fin, là,
quatrième alinéa, les balises par rapport aux institutions parlementaires, le
règlement du ministre ne pourra pas rentrer en vigueur, à moins que le
commissaire soit d'accord... à la langue française. Donc, Commissaire à
l'éthique, Directeur général des élections, Commissaire au lobbyisme,
Protecteur du citoyen, donc, les personnes
qui sont désignées... Il faut que le Commissaire à l'éthique... Pardon, il faut
que le commissaire à la langue française soit d'accord pour appliquer la
réglementation, premier élément, première balise.
Ensuite, les autres balises, bien, on voit que
c'est encadrer les critères. On peut l'appliquer à un organisme, ou à plusieurs
organismes, ou aux membres du personnel. Donc, on vient détailler qu'est-ce que
peut contenir le règlement. Mais l'idée, c'est de faire en sorte d'avoir un
outil normatif pour venir, dans le cadre d'une situation où l'objectif de
l'exemplarité de l'État ne serait pas respecté, notamment par rapport aux
directives qui sont données... bien, de rectifier la situation puis dire :
Non, organisme, vous n'interprétez pas, en fonction de l'économie de la loi, l'objectif qui est avéré de la loi, sur
l'exemplarité de français. Donc, veuillez, dans le cadre de la directive,
l'appliquer de cette façon-là, parce qu'autrement il n'y a pas d'outil.
Qu'arrive-t-il avec un organisme qui dit :
Moi, j'utilise l'exception? O.K., la directive est approuvée par le ministre
de la Langue française, ça va jusque-là, mais l'organisme fait complètement le
contraire. Là, à ce moment-là, il n'y a pas d'outil. Il faut donner au
ministère de la Langue française les outils pour dire : Non, la directive
que j'ai approuvée avec vous, là, que j'ai approuvée, il faut qu'elle soit...
qu'elle ait une assise normative à un moment donné pour dire : Bien,
voici, c'est ça, vous l'avez... c'est vous-même, au niveau de l'organisme, au
niveau du ministère, qui l'avait détaillée, qui l'avait fait approuver par le
ministre de la Langue française. Vous devriez vous engager à la respecter, vous ne le faites pas. Alors là, le
ministre peut prendre un règlement pour dire : Bien non, mais voici
l'exception puis voici de la façon dont la disposition doit être mise en
application.
• (14 h 20) •
M. Birnbaum : Bon, on va écouter
avec intérêt les réponses du ministre. Peut-être, elles vont nous aider à
confectionner des amendements qui vont mettre sur papier quelques balises,
parce que, premièrement, on n'a que des réponses orales
du ministre qui, jusqu'à date, de ma lecture, ne nous indiquent pas quelque
limite que ce soit, très raisonnable, sur le pouvoir identifié et accordé au
ministre par 29.22.
Peut-être, on peut aller dans le concret avec
quelques exemples. Je m'excuse d'avance aux concitoyennes et citoyens
d'Otterburn Park. Je risque de vous invoquer à nouveau. Mais, juste pour
commencer, on a eu beaucoup de discussions sur la limite de six mois que le
ministre a insisté longuement. Elle n'a rien à faire avec l'apprentissage de la
langue, mais c'est des services d'accueil. Y a-t-il quelque chose dans 29.22
qui empêcherait un ministre peut-être moins raisonnable que le ministre actuel
d'imposer des limites très claires sur ces services d'accueil, de dire ce
que... en vertu de l'alinéa 2° : les dispositions d'un tel règlement
peuvent notamment prévoir les situations dans lesquelles cette faculté est
restreinte ainsi que les conditions, etc., d'utiliser une langue autre que
français? Un ministre, durant les six mois, pourrait-il dire : Wo! Un
instant, oui, des services d'accueil, mais là je note que cet organisme de
l'État, le ministère de l'Immigration peut-être, a mis en place un protocole
afin de permettre trois des cinq... a désigné à chaque quart de la journée
qu'un des préposés qui risque de prendre ces appels ait la capacité de répondre
dans une langue autre que française?
Y a-t-il quelque chose qui est, en quelque
part... Peut-être, un ministre trouverait ça déraisonnable. Y a-t-il la moindre
limite sur le droit de regard dans une situation qui vise, on va garder ça
général, un de ces organismes de l'État qui accueillent les nouveaux immigrants
dans ce six mois, cette fenêtre de six mois? Où est un paramètre dans cet
article qui limiterait le droit de regard au ministre qui, peut-être, comme je
dis, un ministre moins raisonnable, aurait une interprétation déraisonnable de
l'obligation d'exemplarité et qui dirait : Mais non, que le lundi matin,
il ait la capacité, dans ce bureau
d'immigration, d'accueillir le monde comme il faut, mais de le faire chaque
jour, c'est trop? Comme toujours, on
invente des exemples, mais c'est où, la limite, dans 29.22, en ce qui a trait
au pouvoir discrétionnaire du ministre?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Bien, il y
en a plusieurs. Comme tout règlement, le règlement peut être contesté.
Notamment, dans le fond, dans le cadre
des décisions administratives, l'arrêt de principe, c'est Roncarelli v.
Duplessis, à l'époque, relativement au permis d'alcool. C'est une cause
fameuse. Alors, on ne peut pas avoir un pouvoir qui excède la capacité de la
loi. Donc, ça, c'est bien balisé.
Prenons exemple... pour exemple, là, pour bien
l'illustrer, supposons qu'il y a une exception pour services touristiques. L'hôtel de ville de Montréal,
supposons, vous savez que, normalement, lorsqu'il n'est pas en rénovation,
vous pouvez le visiter, et, j'ai un exemple, il y a beaucoup de touristes
étrangers qui vont aller visiter l'hôtel de ville. Donc, la ville de Montréal,
dans sa politique linguistique, nécessairement, elle va demander une exception
pour dire : Mon personnel, lorsqu'il fait visiter l'hôtel de ville, on
peut utiliser une autre langue que le français, parce que, dans le fond, dans
le cadre des relations avec les citoyens, l'administration publique
montréalaise doit être exemplaire, utilisation exclusive du français... va
demander à la ville... va demander, dans le cadre de la politique linguistique dont elle va se doter, une... va donner une
directive qui va être approuvée et là va dire : Bien, écoutez, pour les
services touristiques, moi, je veux une exception parce que je fais
visiter, puis je viens montrer le balcon où le général de Gaulle est venu prononcer sa fameuse phrase, et
puis voici l'ancien bureau du maire Drapeau, voici le bureau de... Bon, vous
comprenez. Puis là supposons que l'Administration montréalaise disait :
Bien, moi, je me sers de cette exception-là, là, d'une façon très, très
élargie, pour dire que tous les services publics à l'hôtel de ville... je
permets une utilisation d'une autre langue que le français, tu sais, on rentre
ça dans l'exception touristique, on donne cette interprétation-là, vous conviendrez avec moi que ça serait déraisonnable
puis ça serait à l'encontre de l'esprit de la loi.
Donc, le règlement pourrait faire en sorte de
venir dire : Bien, voici, non, votre exception pour... touristique, c'est
bon pour les visites guidées de l'hôtel de ville, pour faire la promotion de
Montréal, pour renseigner les gens qui viennent. Si jamais il y avait un bureau
municipal touristique, il n'y a pas d'enjeu, mais ce n'est pas vrai qu'après ça
tous les services à l'intérieur de l'hôtel de ville devraient bénéficier de
cette exception-là aussi. Donc, on serait face à une situation où un organisme,
dans le cadre de son interprétation de sa directive, serait non fondé,
inapproprié. Donc, le poids réglementaire, en fin de compte, avec le ministre,
vient permettre de restreindre le tout pour dire : Non, non, ce n'est pas
ça, là, vous allez à l'encontre même de l'esprit de la loi. Mais, pour le
faire, ça prend une application normative, puis, lorsque je parle d'application
normative, c'est un outil réglementaire pour pouvoir dire : Voici ce que
le règlement vous oblige, en vertu de la loi... Donc, c'est sûr que c'est un
exemple fictif que je vous donne, mais c'est pour illustrer mon propos.
M. Birnbaum : Mme la Présidente,
je ne remets pas en question l'idée que 13.1 doit être respecté. J'essaie de
comprendre si, aux yeux de la règle de droit, aux yeux d'une personne
raisonnable, la marge de manoeuvre est, de façon responsable, circonscrite en
ce qui a trait aux pouvoirs du ministre.
Mes pauvres amis d'Otterburn Park... Bon, le
député... Bon, on ne peut pas noter l'absence de quelqu'un, alors je veux me checker. Les 5,4 % de
résidents d'Otterburn Park... Je ne crois pas que je me trompe, je crois qu'il
y a une bonne proportion de cette communauté qui a des racines, des antécédents
irlandais. L'administration d'Otterburn Park décide de célébrer une
journée d'héritage irlandais avec un programme d'animation chorégraphique
surtout en anglais. Il y a quelques documents qui l'accompagnent, qui sont
traduits, mais pas à 100 %. Une autre fois, on écrit des lois pas pour un
individu, pour protéger le monde.
Y a-t-il quelque chose qui empêcherait, en vertu
de 29.22, un futur ministre de dire : Là, je trouve que l'exemplarité de
l'État en ce qui concerne le rayonnement et la protection de la langue
française n'est aucunement respectée par cette décision
de l'administration municipale d'Otterburn Park, donc voilà un règlement qui va
mettre fin à cette journée pour des années à venir? Et je ne veux pas entendre
si c'est raisonnable ou non, mon exemple. Où, dans
29.22, est-ce que je risque de trouver une protection contre un tel exercice
d'un éventuel ministre en vertu de ses pouvoirs tels que décrits en
29.22?
M. Jolin-Barrette : Bien, le
cas que vous soulevez, c'est un cas particulier, parce qu'il y a déjà, à
29.21... vu que c'est un organisme reconnu,
ils ont déjà le droit d'avoir des communications dans une autre langue que le
français. Donc...
• (14 h 30) •
M. Birnbaum : J'ai un meilleur
exemple. Ma fête irlandaise, tout à fait crédible aussi, Mme la présidente va
en reconnaître... Dans la région de Roberval, il y a des gens avec des racines
irlandaises aussi. Bon, c'est le conseil municipal de Chicoutimi, aucunement
reconnu en vertu de 29.1, qui propose la célébration telle que je l'ai décrit
pour Otterburn Park.
M. Jolin-Barrette : La
Saint-Patrick.
M. Birnbaum : Qu'est-ce que le
ministre ne peut pas faire, s'il juge ça plate comme geste, s'il juge que ça,
ce n'est pas conforme à l'exemplarité? Est-ce qu'il y a quelque chose dans
29.22 que... tel qu'écrit, qui empêcherait un ministre... Là, on peut parler si
le ministre trouve ça raisonnable. Y a-t-il quelque chose actuel qui
empêcherait un ministre de dire : Bon, voilà, mon règle... la règle que je
confectionne suite à mes pouvoirs accordés à 29.22?
La Présidente (Mme Guillemette) : ...le
ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien, deux
choses. Je souhaite décliner mon conflit d'intérêts parce que j'apprécie
beaucoup la Saint-Patrick. Je trouve que c'est un moment agréable au printemps,
et ça amène souvent le printemps, le beau temps, le défilé aussi, alors c'est
un moment de réjouissances. En fait, le règlement ne peut pas viser des
situations individuelles. Donc, ce n'est pas personnalisé. Ce n'est pas :
cet événement-là est proscrit.
Dans le fond, la façon que la loi, puis la
politique linguistique, puis la directive, elle est faite, dans le fond, on va
venir faire en sorte d'encadrer la directive, là. Le principe, c'est
exclusivement en français en vertu de la loi. Vous avez les exceptions qui sont
prévues dans la loi, puis là les ministères et organismes disent :
Écoutez, moi, comme organisme, en raison d'une situation prévue à la loi, je...
dans ma directive, je prévois une exception conformément à 22.3. O.K. Et là la
directive, elle est approuvée, supposons.
Le règlement du ministre à 22.3 arrive dans un
événement où la portée de la disposition... bien, en fait, du règlement va
viser un cas qui n'est pas la journée x que vous ne pouvez pas faire ça, va
être dans le cadre des directives qui sont données des exceptions prévues à la
loi. Donc, ce n'est pas des situations individualisées, mais c'est une façon de
dire de quelle façon est-ce que l'exception doit être traitée, à quel moment
est-ce qu'on utilise une autre langue que le français dans l'exception. Mais
votre exception ne peut pas permettre d'être extrêmement... Comment je pourrais
dire? La façon dont l'exception, elle est traitée, elle ne doit pas être
déraisonnable en fonction de l'objectif de l'exception.
Je vous donne un exemple. Votre cas, là, à
Chicoutimi, là, de la fête de la Saint-Patrick, là, bien, peut-être que la
municipalité de Chicoutimi a adopté une directive en vertu de tourisme, 22.3
pour le tourisme, puis il n'y a pas d'enjeu, là, mais il ne pourrait pas, par
la suite, utiliser la disposition de tourisme, puis il utilise, pour un aspect
touristique à Chicoutimi, la fête de la Saint-Patrick. Donc, il y a des
communications dans une langue autre que le français. Donc, que ça soit en
espagnol, en anglais, en portugais, il n'y a pas d'enjeu. Mais, après ça, il ne
pourrait pas se servir de cette exception touristique là pour dire : Bien,
tous nos services à l'hôtel de ville, maintenant, on va l'interpréter
largement, puis ils vont tous être donnés dans une autre langue que le
français. C'est ça, dans le fond, l'objectif. Si on était face... puis c'est
hypothétique, là. Fort probablement qu'on n'aura pas à utiliser un cadre
réglementaire à ce niveau-là. Mais c'est si l'utilisation de la directive, avec
l'exception qui est incluse, ne correspond pas aux fondements et à l'objectif
de la loi puis des exceptions qui sont prévues à la loi, là, à ce moment-là, ça
ne fonctionne pas. C'est là que le ministre pourrait se prévaloir de 29.22.
M. Birnbaum : Mme la Présidente,
je... notre formation, de ce que je comprends, ne met pas en question l'idée
d'avoir un article de ce genre-là. Nous essayons, au nom de plusieurs qui nous
auraient contactés, d'ailleurs, nous essayons de comprendre s'il y a des
limites.
Je relis l'alinéa deux : «Les
dispositions d'un tel règlement peuvent notamment prévoir les situations dans
lesquelles cette faculté est restreinte ainsi que les conditions et les
modalités selon lesquelles un organisme ou un membre de son personnel peut s'en
prévaloir.» Où est une limite? Et je ne parle pas de la loi. On est tous ici pour
respecter la règle de droit, n'est-ce pas? Où est la limite contre une
intervention, pouvoir d'un règlement mal utilisé par un ministre ou une
ministre de façon complètement exagérée? C'est où, les balises?
Je reprends une autre fois les trois mots, les
seuls trois mots jusqu'à date qui nous aident un petit peu, ni l'un, ni
l'autre, qui l'autre, nécessairement, qui satisfait mes questions, mais qui ne
sont aucunement dans l'article actuel : Est-ce qu'il y a une exception qui
aurait été exercée de façon déraisonnable? Y a-t-il une exception qui aurait
été exercée de façon non conforme? Y a-t-il une exception qui a été implantée
de façon non exemplaire? Comme je dis, je ne sais pas si c'est assez, mais ces
trois mots ne sont pas là. J'essaie de trouver quelque chose, et c'est ça,
notre devoir collectif comme législateurs, c'est de
circonscrire et identifier où nécessaire, et évidemment c'est souvent, toujours
nécessaire identifier la marge de manoeuvre, le droit de regard, le pouvoir
d'un ministre. Et j'ai à peine... J'ai de la difficulté à comprendre s'il y a
même une limite, en quelque part, imposée sur les pouvoirs tels que prévu à cet
article-là.
M.
Jolin-Barrette : Bien, la réponse en droit, c'est oui, parce qu'à
chaque fois qu'il y a un pouvoir réglementaire, là, il n'est pas détaillé à
chaque fois de quelle façon les limites imposées dans le cadre du droit le
sont, mais vous avez la Loi sur les règlements. Ça fait que, exemple, la Loi
sur les règlements prévoit... C'est-tu la Loi sur les règlements ou c'est la
loi sur l'interprétation? Pardon, la loi sur l'interprétation prévoit la
prépublication du règlement, généralement pour 45 jours, puis ensuite il
peut y avoir...
Une voix :
...
M.
Jolin-Barrette : Ça, c'est la Loi sur les règlements, c'est ça,
prévoit la prépublication dudit règlement dans la Gazette pour recevoir
les commentaires, puis ensuite l'édiction par la suite. Le règlement est
habilité par la loi, et on se retrouve dans une situation où le règlement ne
vise pas une personne en particulier, il a une portée générale et impersonnelle puis... dans le fond, sur les différentes
situations. Et là, à ce moment-là, dans l'éventualité, là, où le
règlement, là, supposons, serait déraisonnable, il est susceptible de
contestation, il est susceptible d'être contrôlé.
Mais ça, ce n'est pas écrit dans le règlement, mais c'est de même dans toutes
les dispositions réglementaires. Ça ne dit pas, à chaque fois que vous édictez
une habilitation réglementaire : N'oubliez pas que vous pouvez contester
le règlement devant les tribunaux, là. Et on n'écrit pas ça à chacun. Mais,
pour bien cerner, là, la volonté du député de D'Arcy-McGee, là, ce qu'il dit,
c'est qu'il souhaiterait qu'on le raccroche, le règlement, à quelque chose
qui... à certains autres critères. Je l'entends bien?
M. Birnbaum :
C'est au noeud de ma préoccupation. Il y en a d'autres auxiliaires, mais c'est
un petit peu ça.
Je vais me permettre
une autre question spécifique, parce que la discussion se poursuit...
M. Jolin-Barrette :
Mais c'est.... Juste une sous-question. En fait, c'est dans le cadre de la
conversation que nous avons, Mme la
Présidente. Si le député de D'Arcy-McGee peut me dire le facteur de rattachement qu'il
recherche, ça m'aiderait peut-être également à travailler avec lui.
• (14 h 40) •
M. Birnbaum :
J'ai donné quelques exemples déjà. J'aimerais être assuré que les exceptions ne
seraient pas lettre morte, parce que, dans l'implantation, le ministre, comme
on dit en anglais, «could drive trucks». Tous les camions à Ottawa, il pourrait les ramener dans le trou de disponible
avec ses pouvoirs de 29.22. Je cherche à comprendre si l'article est circonscrit, bon, par les
objectifs identifiés, et si on ne met pas à un risque un exercice... une implantation
des exceptions qui est, pour utiliser des
mots du ministre, raisonnable, conforme et qui arrime avec l'exemplarité de
l'État.
Alors, oui, en
quelque part, est-ce qu'on peut baliser ça de façon... Et je me permets une
dernière question très spécifique, et ça va peut-être aider le ministre à
comprendre l'étendue du raisonnement de mes interventions. Écoutez, on a déjà
perdu, au nom de plusieurs, plusieurs, plusieurs organismes québécois, notre
bataille pour étendre le six mois et pour reconnaître le six mois comme un
critère pour l'apprentissage.
Bon, compte tenu de
ça, est-ce que le ministre peut m'assurer qu'un futur ministre ne serait pas en
mesure de baliser, de façon déraisonnable, l'accueil offert durant ces six mois
par la RAMQ? Bon, c'est un organisme assez important dans l'accueil des
immigrants, si on ne veut pas parler de l'apprentissage. Y a-t-il quelque chose
dans 29.22 actuellement qui va assurer que la RAMQ, en conformité avec une
éventuelle politique linguistique, va trouver une façon très réaliste, très
efficace pour rejoindre, Mme la Présidente, les obligations de cette exception,
c'est-à-dire d'accueillir les immigrants afin de les accueillir comme il faut
pour ces six mois, de la bonne façon? Est-ce que leur marge de manoeuvre pour
exercer cette exception, la RAMQ pour l'accueil de six mois, est bien protégée
contre... un mot péjoratif, je me le permets, contre l'éventuelle ingérence
d'un ministre selon ses pouvoirs de 29.22?
La Présidente (Mme
Guillemette) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien, la réponse à cette question-là, c'est oui parce que, dans le
fond, l'exception, elle est prévue. Mais si l'organisme, RAMQ, faisait une
utilisation déraisonnable de l'amendement... bien, pas de l'amendement,
de la directive qu'ils ont approuvée et qui a été approuvée par le ministre de
la Langue française et pour clarifier certaines situations, bien, à ce
moment-là, le pouvoir réglementaire s'appliquerait, mais il faut que ça soit
toujours dans le cadre de la loi, et de la politique linguistique, et de
l'exception de la directive qui a été approuvée. Quand on excède ça, on se
retrouve dans une situation qui n'est pas... qui est dérogatoire, et c'est là
que le règlement arrive, en bout de course.
M. Birnbaum :
Bon, j'entends à nouveau le mot
«raisonnable», alors peut-être on peut s'attendre à une proposition
d'amendement qui va ajouter au moins les critères.
De même, je me
permets une deuxième question...
M. Jolin-Barrette : Mais juste une spécification.
Dans le fond, là, lorsqu'on a une décision administrative, là, puis c'est la discussion qu'on avait tout à
l'heure, là, en termes administratifs, la décision, elle est correcte, donc
elle est raisonnable ou elle est déraisonnable en
droit administratif. Donc, si la décision, elle est déraisonnable, donc le
critère de la raisonnabilité, en droit administratif, il est toujours là. Donc,
ça n'a pas besoin d'être écrit pour que ça soit le critère de la décision
raisonnable.
M. Birnbaum :
Bon, ce qui m'indique qu'il faut un mot plus clair que «raisonnable».
Dernière question, si
je peux, sur le dernier alinéa. «Les dispositions d'un tel règlement ne
s'appliquent à une institution parlementaire que si le commissaire à la langue
française y consent.» Je fais référence à une intervention de ma collègue de Marguerite-Bourgeoys
de ce matin. J'ai de la difficulté à comprendre parce que, là, on ouvre la
possibilité... Je comprends que c'est avec l'aval du commissaire à la langue
française. Donc, selon cet article, le commissaire peut inviter un ministre à
imposer son pouvoir de règlement sur un organisme dont il est assujetti. En
quelque part, est-ce qu'on ne parle pas là d'un conflit d'intérêts?
La Présidente (Mme
Guillemette) : M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Mais non, parce que, justement, le ministre de la
Langue française ne pourrait pas imposer son règlement, si le commissaire à la
langue française n'est pas d'accord. Donc, demain matin, le ministre, il se lève puis il dit : Moi, je veux qu'au Protecteur du citoyen ça marche de même. Le ministre, avec toute la
volonté du monde, il ne pourra pas le
faire, si le commissaire à la langue française, qui est responsable des
institutions parlementaires, ne dit pas : C'est correct, M. le
ministre.
Donc, c'est une autre
balise, supposons, à l'application, supposons, déraisonnable de l'article
29.22. Puis, si le commissaire à la langue française, il dit... je vais
reprendre vos mots, s'il n'était pas... si le prochain ministre n'était pas
aussi raisonnable que moi et que, là, il adoptait le règlement puis qu'il
dit : Je vais viser le Protecteur du citoyen de cette façon, tout ça, le commissaire à la
langue française va dire : Attendez une seconde, là, non, moi, je ne suis
pas d'accord, alors le règlement ne pourra pas s'appliquer. Donc, on fait en
sorte que, puisqu'il s'agit d'une institution parlementaire, le mot de
la fin revient au commissaire à la langue française pour les institutions
parlementaires.
M. Birnbaum :
Sauf que, si je ne m'abuse, et vous allez m'excuser, je ne vais pas trouver
la référence, mais, quand ma collègue avait abordé cet enjeu potentiel de
conflit, le ministre ne pouvait pas se prononcer, c'était le commissaire. Ici,
on invite, on demande au commissaire, mais le commissaire peut donner son aval
afin que le ministre s'impose sur une institution parlementaire dont il fait partie.
Il n'y a pas un problème là?
M.
Jolin-Barrette : Non, mais c'est... dans le fond, c'est...
l'habilitation du pouvoir réglementaire, il est sur la tête du ministre. Mais,
pour pouvoir édicter son règlement pour qu'il ait force de loi, il faut que le
commissaire à la langue française soit d'accord. Donc, en soi, c'est un droit
de veto qui est donné au commissaire à la langue française. Donc, le ministre a
bien beau prépublier, édicter son règlement, le règlement n'aura pas force de
loi, il n'aura pas force réglementaire si le commissaire à la langue française
ne veut pas. Et ce mécanisme-là, c'est pour conférer... dans le fond,
l'habilitation législative donne au ministre le pouvoir, mais c'est pour faire
un veto au commissaire parce que ça touche une institution parlementaire.
M. Birnbaum :
Je me permets une dernière... je sais qu'il ne m'en reste pas de temps,
mais...
La Présidente (Mme
Guillemette) : ...secondes, M. le député.
M. Birnbaum :
Oui, merci. Je me permets d'espérer que le ministre va donner suite à notre
discussion, et peut-être on va avoir une proposition concrète au sujet de mon
intervention. Merci.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci beaucoup.
M. Jolin-Barrette : Juste avant, si vous
permettez... la parole, je peux-tu vous demander une courte suspension?
La Présidente (Mme
Guillemette) : On va suspendre quelques instants.
(Suspension de la séance à
14 h 47)
(Reprise à 15 h 50)
La Présidente (Mme
Guillemette) : Donc, la commission reprend ses travaux. Et Mme la
députée de Marguerite-Bourgeoys va nous déposer un amendement. Mme la députée.
Mme David :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, après mûre réflexion, et échanges...
je qualifierai de productif, de sage et d'empreint d'ouverture de la part du
ministre et du gouvernement. Est-ce que je peux... vous voulez que j'en dise
encore plus? C'est très apprécié. Nous allons donc déposer un amendement,
article 19 : Remplacer le premier alinéa de l'article 29.22 de
la Charte de la langue française proposé par l'article 19 du projet de loi
par le suivant :
«Sous
réserve des mesures établies en vertu de l'article 29.13, le ministre
peut, par règlement, édicter des mesures raisonnables afin que l'Administration
satisfasse aux obligations qui lui incombent en vertu de la section I et
exerce la faculté d'utiliser une autre langue que le français conférée par les
dispositions de cette section de manière exemplaire.»
Commentaire.
L'article 29.22 de la Charte de la langue française, introduit par
l'article 15 du projet de loi tel qu'amendé se lirait ainsi : «29.22.
Sous réserve des mesures établies en vertu de l'article 29.13, le ministre
peut, par règlement, édicter des mesures raisonnables afin que l'Administration
satisfasse aux obligations qui lui incombent en vertu de la section I et
exerce la faculté d'utiliser une autre langue que le français conférée par les
dispositions de cette section de manière exemplaire.
«Les dispositions
d'un tel règlement peuvent notamment prévoir les situations dans lesquelles
cette faculté est restreinte ainsi que les conditions et les modalités selon
lesquelles un organisme ou un membre de son personnel peut s'en prévaloir.
«Les dispositions
d'un tel règlement peuvent préciser les catégories auxquelles elles
s'appliquent ou prévoir qu'elles ne s'appliquent qu'à un seul organisme ou
personnel d'un seul organisme.
«Les dispositions
d'un tel règlement ne s'appliquent à une institution parlementaire que si le
commissaire à la langue française y consent.»
Alors, Mme la
Présidente, je pense que les objectifs que nous... ou les inquiétudes que nous
avions et pour lesquelles nous portions la parole de beaucoup d'organismes et
de gens qui nous suivent attentivement, c'est-à-dire de restreindre la faculté
conférée par les dispositions de la section I d'utiliser une autre langue
que le français, ont créé de fortes inquiétudes. Et je pense que de tourner ça
d'une façon différente et d'enlever le verbe «restreindre» dit beaucoup mieux
ce que cet article veut faire et pourra faire. Et je pense que, là, ça dit bien
ce que ça veut dire et ça fait un parallèle
très important avec l'article 29.13 qui lui, cet article-là, permet... on
dit le gouvernement, mais ça permet au gouvernement de prendre des
mesures nécessaires, là aussi, dans le cas d'un organisme qui ne satisferait
pas aux conditions édictées par la politique gouvernementale.
Alors,
la politique linguistique gouvernementale, ça s'applique à des ministères, ça
s'applique à des organismes pour bien respecter les critères liés à la
langue française. On a parlé de musique vocale, de musique quand on attend,
dans un organisme, d'avoir la ligne téléphonique. On a parlé de la qualité du
français. Donc, ce n'est pas seulement l'article 29.13 pour ceux qui
peuvent bénéficier d'exceptions, c'est pour tout le monde. C'est la politique
linguistique gouvernementale et on tenait à ce que cette politique-là soit elle
aussi exemplaire, parce que ça, c'est la base de tout.
Alors, on ne voulait
pas que l'article 29.22 donne l'impression de... pour, justement, ce qu'on
appelle des exceptions ou des dispositions d'utiliser une autre langue que le
français, bien là, tout à coup, on vienne restreindre des critères établis.
Donc, pour ne pas qu'il y ait de confusion linguistique, sémantique, etc., le
ministre a accepté, et on l'en remercie encore une fois, de ne pas référer au
mot «restreindre», mais de bien dire que oui, il peut y avoir des soucis
d'application de cette mesure-là, mais... et que donc, après toutes sortes de
manoeuvres, pas de manoeuvres, mais de mesures prises pour parler à
l'organisme, communiquer, dire : Il faudrait que vous changiez telle
chose, telle chose. Si on s'aperçoit que la
situation ne se règle pas, c'est là, en dernier ressort, en dernier recours,
qu'on a cet article-là qui dit :
Sous réserve des mesures établies en vertu de l'article 29.13, donc, qui
s'applique à tous les organismes gouvernementaux le ministre peut, par
règlement, édicter des mesures raisonnables — c'est très important, le mot
«des mesures raisonnables» — afin
que l'Administration satisfasse aux obligations qui lui incombent, en vertu de
la section I, exerce la faculté d'utiliser une autre langue que le
français conférée par les dispositions de cette section de manière exemplaire.
Alors, je pense que,
là, on a un libellé qui est en beau miroir pour les organismes qui peuvent se
prévaloir de situations d'utiliser une langue autre que le français, donc
d'équité avec les organismes qui doivent être exemplaires dans la faculté
d'utiliser la langue française. Donc là, on a ceux qui peuvent utiliser une
langue autre que le français d'un côté avec 29.22 puis on a les organismes qui
doivent être exemplaires dans la façon d'utiliser la langue française au 29.13.
On va passer sous silence... parce que j'ai l'impression de passer mon examen
de compréhension entre une directive puis la politique. Mais quand c'est une
directive, c'est plus pour les exceptions, comme a dit le ministre. Alors là, à
29.22, on est dans les exceptions, les exceptions étant la langue française est
la langue commune de l'État, etc., la politique gouvernementale pour la langue
française. Mais il peut y avoir, justement, des exceptions, et quand il y a des
exceptions, on émet des directives.
Alors, le 29.22, dans
la section écrit tout petit, en lettre qui n'est pas grasse, là, Directives des
organismes... et comprenons bien, «directives», dans ce cas-ci, veut dire
exceptions, alors que l'article 29.13 qui touche à toute la politique
gouvernementale de la langue française et de l'exemplarité de l'État, c'est là
qu'on traite des organismes qui pourraient être fautifs, parce qu'ils peuvent
être autant sinon plus fautifs que des organismes qui ont droit à des
exceptions. Ils peuvent être fautifs dans l'application et dans l'exemplarité
de la langue française. Donc, c'est prévu à 29.13 dans la partie politique
gouvernementale.
Alors, on a les deux.
On a le miroir de l'un et de l'autre avec une qualité sémantique et
linguistique, je dirais, équivalente, ce qu'on ne retrouvait pas avec le
précédent libellé de 29.22. Parce qu'à première vue, et le député de La
Pinière, je pense qu'il l'a très bien exposé tout à l'heure, mais hors d'onde,
le mot, le verbe «restreindre» est un verbe
qui, tout de suite, a une connotation de dire : On va enlever des droits
acquis. Alors ça, c'est... ou des droits permis par la loi. Et c'est...
Je pense, ce n'était pas l'intention gouvernementale dans cet article-là.
Alors, encore une fois, on salue l'ouverture
à avoir un autre libellé qui reflète beaucoup mieux, beaucoup plus, de façon
raisonnable, l'esprit de ce que le gouvernement ou la loi voulait
montrer ou démontrer dans cet article-là.
Alors, pour toutes ces raisons-là, nous sommes
satisfaits, donc, et nous présentons ce résultat, je dirais, d'un travail de
réflexion partagé, croisé.
La
Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup, Mme la députée.
D'autres interventions? Donc, l'amendement de Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys est adopté?
Des voix : Adopté.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Donc, est-ce qu'il y a d'autres interventions sur
l'article 29.22 amendé? Pas d'autre intervention. Oui, M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : ...j'étais prêt à 29.23, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Ah! d'accord. Donc, pas d'autre intervention sur 29.22
amendé? Donc, nous pouvons passer à 29.23. M. le ministre, je vous cède la
parole.
M.
Jolin-Barrette : Oui, 29.23. Juste avant, un commentaire pour les
membres de la commission. J'ai déposé sur le site Greffier les amendements
relativement aux ordres professionnels, la prochaine section qu'on va avoir à faire. Et d'entrée de jeu, je tiens à le
souligner, là, les ordres professionnels ont fait des commentaires relativement
à l'acte dérogatoire à la profession, qui est prévu à l'article... 142?
Une voix : ...
M.
Jolin-Barrette : À l'article 142. On aura un amendement également
à l'article 142, à ce moment-là, qui sera traité à l'article 142.
Donc, on va traiter ces amendements-là en premier puis ces articles-là, puis à
142, on aura autre chose aussi. Alors...
Une voix : ...
M.
Jolin-Barrette : Non, pas encore.
Une voix : ...
M.
Jolin-Barrette : Bien, parce qu'on n'est pas rendus à 142.
Une voix : ...
M.
Jolin-Barrette : Pardon?
M. Barrette :
Si on l'avait maintenant, ça nous mettrait dans un état d'âme, un état
d'esprit plus positif.
M.
Jolin-Barrette : Un état d'esprit plus positif. Est-ce que vous êtes
dans un état d'esprit négatif?
M. Barrette :
Jamais. Neutre.
M.
Jolin-Barrette : Non. Neutre?
M. Barrette :
Neutre.
M.
Jolin-Barrette : Comme les bouddhistes.
M. Barrette :
Non, mais pourquoi on ne le met pas, là, tout de suite? Pourquoi on ne nous
donne pas tout de suite celui-là?
• (16 heures) •
M.
Jolin-Barrette : Bien, parce qu'on n'étudie pas 142 tout de suite.
M. Barrette :
Je le sais, mais, si on pouvait le voir, juste qu'on le voit, là.
M.
Jolin-Barrette : Vous voulez avoir, comme on le dit en anglais, un
«teaser».
M. Barrette :
Oui, oui.
M. Jolin-Barrette : Est-ce que ça va vous mettre dans un bon état d'esprit pour se rendre
jusqu'à 142 rapidement?
M. Barrette :
Bien, ce n'est pas moi, le porte-parole, mais moi, je fais toujours... Je
travaille toujours efficacement et dans un esprit constructif. Sérieusement, on
fait des blagues, là, mais ce sujet-là est un sujet lourd.
M.
Jolin-Barrette : Je comprends. Alors, 29.23 : «Un organisme ou un
établissement reconnu en vertu de l'article 29.1 peut déroger à l'obligation
d'utiliser le français de façon exemplaire lorsque, conformément à la présente
loi, il utilise l'autre langue que sa reconnaissance lui permet d'utiliser, et
ce, sans devoir se conformer aux dispositions de la présente sous-section.
«De plus, l'article 13.1 ne s'applique pas à un
organisme scolaire reconnu.»
Commentaire. L'article 29.23 de la Charte de la
langue française que propose l'article 19 du projet de loi a pour objet de
permettre aux organismes reconnus d'utiliser une autre langue que le français
sans qu'une directive prévue à l'article 29.14 ou 29.15 ne soit nécessaire
lorsque cette autre langue est celle que lui permet d'utiliser sa reconnaissance.
La directive prévue à l'article 29.14 ou 29.15 devra être prise relativement à
l'utilisation de langues autres que le français qui ne sont pas celles prévues
à la reconnaissance... par la reconnaissance. Enfin, l'article 29.23 prévoit
que l'article 13.1 ne s'applique pas aux organismes scolaires reconnus.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le ministre. Des interventions? Oui, Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Pour moi, ça semble
conforme et ça redit les questions d'organismes scolaires, les questions en vertu de l'article 29.1. Alors, je pense qu'on
refait un tour de roue à cette étape-ci pour parler de 29.1. Puis «sans devoir
se conformer aux dispositions de la présente sous-section», donc, je pense que
c'est très acceptable.
La
Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. D'autres interventions? Donc, 29.23 étant adopté... Non?
Mme David : Ce n'est pas un
amendement, c'est un... On va adopter tout l'article 19?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Mais, c'est ça, s'il n'y a pas d'autre discussion sur l'article 29.23, on va
passer à l'adoption de l'article 19 dans son ensemble.
Mme David : Voilà, sur lequel on est
depuis...
La Présidente (Mme Guillemette) : C'est
ça, mais avant, avant d'adopter l'article 19, donc, de procéder à la mise aux
voix, est-ce qu'il y a des commentaires sur les intitulés des sections et les
sous-sections de cet article?
Mme
David : Moi, je vais vous
poser une question. Vous n'étiez pas là, dans ce formidable et intéressant
débat. Est-ce que ça comprend l'article qui s'en vient... le titre qui
s'en vient ou pas? Là, je vous fais grâce de...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Non, non, ça comprend juste vraiment les articles et les sous-articles en avant
des...
Mme
David : Non? O.K.,
c'est correct. Non, non, non, je voulais juste être sûre qu'on votait ce qu'on
voyait.
M. Jolin-Barrette : Non, parce qu'à
l'article 20 il n'y a pas de titre.
Mme David : Ah bon! Bien, ça, ça
aide, O.K. Alors, on est d'accord.
La Présidente (Mme Guillemette) : Donc,
s'il n'y a pas de commentaire, nous pouvons passer à la mise aux voix. Donc, on n'a pas besoin de faire un
appel nominal, hein? On y va comme ça. Donc, est-ce que l'article 19 amendé
est adopté?
Des voix : Adopté.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Donc, nous pouvons passer... L'article 19 amendé étant adopté, nous
pouvons passer à l'article 19... à l'article 20 — excusez, c'est jeudi — et je
vais céder la parole à M. le ministre pour qu'il nous le présente.
M. Jolin-Barrette : Oui, merci, Mme
la Présidente.
L'article 20 : L'article 30.1 de cette
charte est modifié :
1° par la suppression de «, à toute personne qui
fait appel à leurs services et qui leur en fait la demande,»;
2° par le remplacement de «et qui la concerne»
par «à toute personne autorisée à les obtenir et qui leur en fait la demande».
Commentaire. L'article 20 du projet de loi
modifie l'article 30.1 de la Charte de la langue française pour en élargir la
portée. Actuellement, seules les personnes qui ont fait appel aux services d'un
professionnel peuvent demander qu'il lui fournisse en français et sans frais de
traduction tout avis, opinion, rapport d'expertise ou autre document qu'il
rédige et qui la concerne. Dorénavant, toute personne autorisée à obtenir ces
documents pourra demander que le professionnel les lui fournisse en français et
sans frais de traduction.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci, M. le ministre. Donc, des interventions? Mme la
députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Oui, bien là, article
20, on a pas mal de gens inquiets, particulièrement pour la question... Pour le
libellé «toute personne autorisée», c'est... ce qui est intéressant dans ça,
c'est la lecture. Évidemment, je ne sais pas si le ministre... Peut-être vous
étiez aussi responsable des ordres professionnels à un moment donné? Non, vous
n'avez pas eu ce plaisir?
M. Jolin-Barrette : Non, je n'ai pas
eu ce bonheur-là encore.
Mme David : Comme ministre de la
Justice, non, parce que votre prédécesseur...
M. Jolin-Barrette : Bien, en fait,
suite au remaniement ministériel du 22 juin, la responsabilité des ordres
professionnels a été confiée à la ministre de l'Enseignement supérieur.
Mme David : Ça, oui, ce que
j'aurais bien aimé avoir, moi, à l'époque, là, mais j'ai joué pas mal dans la
question des ordres professionnels, et, quand on entre dans ça, c'est un
univers... C'est un univers.
Donc, ils se sont manifestés, quand même,
plusieurs, et, je dirais, lequel est peut-être le... Il y a les notaires, les
comptables et le Barreau qui, dans le fond, convergent vers une crainte
partagée, je pense, dans les trois cas, c'est «toute personne autorisée», parce
que c'était avant... bien, avant, sans votre nouvelle version, c'était :
«Les membres des ordres professionnels doivent fournir en français et sans
frais de traduction, à toute personne qui fait appel à leurs services et qui
leur en fait la demande, tout avis, opinion, rapport, expertise ou autre document
qu'ils rédigent et qui la concerne.» Et ça change pour : «à toute personne
autorisée à les obtenir et qui leur en fait la demande».
Alors, il y en a qui nous donnent effectivement
des exemples un peu épeurants, là, de dire jusqu'où ça peut aller, parce que,
pour eux, «toute personne autorisée» peut élargir énormément l'application de
ça. Prenez l'Ordre des comptables, par
exemple, «toute personne autorisée» est beaucoup plus englobant. Dans les
entreprises, on peut... Évidemment, on est dans l'Ordre des comptables,
donc, entreprises, mesures fiscales, et tout ça. On peut s'étendre aux administrateurs et à tous les actionnaires.
Et, en matière d'enquête, on peut supposer qu'elle s'étend aux autorités
fiscales et policières, pour ne mentionner qu'elles. Le CPA... Ça, j'ai trouvé
ça intéressant : «Le CPA qui dresse les états financiers d'une entreprise
en anglais, à la demande expresse des dirigeants de cette dernière, pourrait
être forcé de les faire traduire à ses frais si d'aventure un seul actionnaire
en réclame la version française.»
Là, vous allez peut-être... Vous avez dû
recevoir ces mémoires-là, les faire analyser. Je suis sûre que les CPA ont pris
le téléphone, les notaires, le Barreau, tutti quanti, je suis certaine. Donc,
je ne pense pas que je ne vous annonce rien, là, en verbalisant ça. Alors, vous
avez sûrement préparé des réponses. «Nous sommes d'avis que cette disposition
est lourde de conséquences financières...» Bon, alors, les personnes
autorisées, pour eux, c'est vraiment...
Bon, la Chambre des notaires veulent carrément
retirer les modifications proposées à l'article 1 et conserver la
rédaction actuelle, soit : «à toute personne qui fait appel à leurs
services ou qui leur en fait la demande». Alors : «En résumé, la chambre
est d'avis que les actes notariés et les contrats ne sont pas visés par
l'article 1 et que seule la personne qui engage les services d'un
professionnel devrait être concernée par cet article. Seule la personne qui a
demandé à un professionnel de se prononcer sur sa situation sera donc en droit
d'obtenir de ce dernier un contrat en français.» Ça, c'est pour vos amis les
notaires, puis ils ont aussi une grande inquiétude sur le mot «document», mais
ça, ça va être tout à l'heure.
Et le Barreau : Le projet de loi, par le
biais de l'article 20, vient modifier le critère en le remplaçant par
"toute personne autorisée". Le libellé actuel, bien qu'il n'emploie
pas ce terme, semble limiter l'accès aux clients du professionnel. Or, «toute personne autorisée» est plus large et risque
de porter confusion aux professionnels. En effet, divers documents peuvent être consultés par un
grand nombre de personnes autorisées, dont des documents qui seraient
autrement protégés par le secret professionnel.
• (16 h 10) •
Alors là, on rentre dans une autre dimension,
qui est celle du secret professionnel, dont on va être obligés de parler
évidemment pas mal dans cette section. «On peut penser aux états financiers ou
à certains renseignements médicaux qui pourraient être accessibles à d'autres
professionnels ou au personnel du directeur de la protection de la jeunesse, ou
à des documents déposés devant un tribunal et qui obtiennent alors un caractère
public. Bien entendu, le client doit avoir
le droit d'accès aux documents professionnels qui le concernent en français et
peut également l'exiger. Nous nous interrogeons toutefois sur la
nécessité de le permettre pour d'autres personnes, surtout lorsque c'est le
client qui a demandé que ces documents soient rédigés dans une autre langue que
le français.
«Le Barreau du Québec croit que cette obligation
risque de devenir très lourde en termes de délais et de coûts pour les
professionnels, leurs clients ainsi que les ordres, qui agissent souvent à
titre de cessionnaire et gardien des dossiers de certains professionnels qui
ont été radiés, qui ont quitté l'exercice de la profession ou qui sont décédés.
Ces conséquences auront des impacts directs en matière
d'accès à la justice et à l'égard d'autres services professionnels.»
Puis là ça continue, hein, le jargon de la
profession. Alors : «Rien ne semble exiger que la traduction soit
effectuée par une personne qui comprend les particularités relatives au jargon
des professions, ce qui pourrait faire en sorte que l'on se retrouve en
présence de traductions de mauvaise qualité. Il n'est pas souhaitable qu'une
telle obligation soit assortie d'exigences élevées quant aux modalités de la
traduction qui pourraient être trop onéreuses pour le professionnel et son
client et porter atteinte à la saine administration de la justice. À notre
connaissance, nous n'avons d'ailleurs aucune information
relative à quelque problématique au sein de notre profession qui existerait vu le libellé actuellement présent à cet article de
la Charte de la langue française. Pour ces raisons, si des ordres
professionnels ont soulevé des
problématiques particulières, nous invitons le législateur à revoir la
modification proposée à l'article 30.1 de la charte par
l'article 20 afin de s'assurer d'y répondre sans créer de nouvelles
difficultés d'application.»
Là,
c'est un échantillon, là. Vous les avez lus, vous le savez. Là, vous avez des
bonnes réponses, je suis convaincue, par rapport à ça.
La Présidente
(Mme Guillemette) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette :
Alors, oui, Mme la Présidente, j'ai bien entendu les ordres professionnels. Un
des objectifs est de faire en sorte que les documents soient disponibles en
français. Et donc on comprend que, dans les cas qui sont soulevés,
effectivement, il y a certaines personnes autorisées, mais on veut que la
documentation en lien avec les professionnels puisse être communiquée en
français aux personnes qui sont autorisées à recevoir ces documents parce que
le professionnel pratique notamment au Québec. La langue officielle de l'État,
c'est le français. Et donc on veut que les gens qui sont autorisés à pouvoir
accéder aux documents d'un professionnel puissent avoir les dossiers en
français, les documents en français.
Mme David : Mais pourquoi il faut que ça soit... Bien, peut-être qu'on pourrait
commencer par le commencement, une personne autorisée. C'est qui, une
personne autorisée? C'est le client qui dit : Je vous autorise à
transférer mon dossier et je veux que ça
soit en français que... Prenez la DPJ, là, par exemple, qui est, je ne le sais
pas, moi, à Batshaw ou dans un organisme, d'ailleurs, qui est sous 29.1,
là, enfin, on est rendus avec du jargon aussi, qui autorise quelqu'un, un
tiers, d'avoir accès à un dossier personnel?
M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, ça dépend. Ça dépend de chacune
des circonstances. Ça dépend de la nature du dossier. Exemple, vous faites votre testament... un avis, opinion.
Vous allez voir votre notaire pour un avis juridique qui concerne votre
entreprise et vous avez un associé. Donc, l'associé est autorisé parce que
c'est l'entreprise qui mandate le
notaire pour le faire, pour le rendre. Donc, l'associé, s'il est autorisé par
la compagnie à avoir accès à l'avis juridique, devra pouvoir le
consulter en français.
Mme David :
À sa demande, à la demande de la personne autorisée, tout comme c'est la
demande du client?
M. Jolin-Barrette :
Effectivement.
Mme David :
Ce n'est pas obligatoire?
M. Jolin-Barrette :
Exactement.
Mme David :
Mais pourquoi vous avez...
M. Jolin-Barrette :
En fait, vous savez, souvent, dans des dossiers avec des professionnels, il
peut arriver qu'il y ait plusieurs personnes qui aient à travailler avec le
dossier en lien avec le professionnel. Et, si on veut faire que la langue de
travail, c'est le français au Québec, on ne peut faire en sorte que, parce
qu'une personne décide que c'est en anglais, que le professionnel décide de le
mettre en anglais dans le dossier... que ça pénalise toute la chaîne, à
l'intérieur de la chaîne de travail de ceux qui ont accès au dossier, d'imposer
l'anglais à tous les autres.
Mme David : Y compris dans... Là, je ne sais plus si on touche aux hôpitaux puis à
la LSSS et tout, parce que, là, le médecin a le droit de rédiger dans sa
langue, disons, mais le patient peut demander un résumé de son dossier ainsi
que des pièces versées au dossier. On n'est pas nécessairement là-dedans, là,
parce que, là, on est autant dans un
actionnaire d'une compagnie... Vous, vous êtes actionnaire de Canadien
National, vous allez à la réunion, tout est en anglais, une personne, sur
2 000 présentes, qui dit : Moi, je veux que ça soit en français,
serait une personne autorisée.
M. Jolin-Barrette :
Bien, prenons cet exemple-là, c'est un exemple qui est intéressant. Les états
financiers sont... C'est fait... Une compagnie dont le siège social est au
Québec...
Mme David :
Ce n'est pas automatiquement bilingue de toute façon.
M. Jolin-Barrette :
Pardon?
Mme David :
Ça doit être automatiquement bilingue.
M. Jolin-Barrette : Ah! je ne le sais pas, mais prenons une compagnie qui a un siège social
au Québec, O.K.? La langue du travail au Québec, c'est le français,
théoriquement. Une compagnie avec des actionnaires, notamment des actionnaires
québécois, c'est au Québec... On veut permettre aux actionnaires d'une
compagnie québécoise, hein, qui fait préparer, par un professionnel, un avis,
un rapport, une expertise ou autre document qu'il rédige, on veut permettre,
aux gens qui sont autorisés à les recevoir, à les recevoir dans la langue
officielle.
Mme
David : Alors, c'est ça que je vais vérifier. «Le CPA qui dresse les
états financiers d'une entreprise en anglais, à la demande expresse des
dirigeants de cette dernière, pourrait être forcé de les faire traduire à ses
frais.» Ça, c'est un peu fort, par exemple. Peut-être, ça devrait être la
compagnie ou il va passer la facture à la compagnie, disons ça comme ça. Je ne
peux pas imaginer que c'est aux frais du comptable. En tout cas, lui, il se
fait dire : On les veut en anglais. Il les écrit en anglais, puis, après
ça, un actionnaire dit : Je le veux en français, puis ça serait le pauvre
comptable qui faudrait qu'il traduise tout ça.
En tout cas, là, je
ne sais pas si ça va jusque-là, moi, je ne pense pas, là, votre projet de loi.
Si d'aventure, un seul actionnaire en réclame la version française... Il en va
de même pour l'Agence du revenu qui pourrait exiger d'un CPA cessionnaire des
dossiers et de la production de documents préparés en anglais à la demande du
client et contenus dans un dossier d'enquête pouvant parfois compter des
milliers de pages. Là, moi, je ne suis pas CPA, hein? Alors, je comprends
que... J'imagine qu'ils ont des dossiers...
M.
Jolin-Barrette : Je comprends. Vous vous retrouvez dans une situation
avec un professionnel au Québec, puis il y a des personnes autorisées à
consulter le dossier au Québec dans le cadre notamment de leurs fonctions, dans
le cadre de leur travail. Il m'apparaît normal que les documents soient
disponibles en français lorsqu'ils sont effectués par un professionnel au
Québec.
Mme David :
Mais là ce qui est intéressant, c'est que, quand on lit la phrase
attentivement, ça serait l'Agence du revenu, mais ça, l'Agence du revenu, on
a... c'est canadien, ça, l'Agence du revenu du Canada, l'ARC.
M.
Jolin-Barrette : Oui, bien, ça, c'est au Canada, mais nous, on a
Revenu Québec.On a Revenu Québec.
Mme David :
Bien, c'est ça, mais là ils parlent : «Il en va de même pour l'Agence du
revenu qui pourrait, suivant le libellé actuel proposé à l'article 20,
exiger d'un CPA — ça
m'étonnerait que ça soit l'Agence du revenu du Canada qui exige d'un CPA de
traduire 1 000 pages en français, ce serait plutôt l'inverse qui
pourrait arriver, en tout cas — ou même de l'ordre dans le cas où ce
dernier est cessionnaire — ça,
ça veut dire qu'il a hérité d'un dossier de quelqu'un
de décédé, bon — des
dossiers, de la traduction de documents préparés en anglais à la demande du
client — donc,
tout se passait en anglais — et
contenus dans un dossier d'enquête — l'Agence du revenu fait
enquête — pouvant
parfois compter des milliers de pages.»
Mais encore faut-il
que ladite agence, qu'elle soit Revenu Québec, ou canadienne, ou autre agence,
là, fasse la demande. Ce n'est pas nécessairement automatique. Donc, on peut
imaginer que l'Agence de revenu du Canada ne demandera pas nécessairement la
traduction de milliers pages en français.
M. Jolin-Barrette :
Mais, dans l'article, c'est bien indiqué, «à toute personne autorisée à les
obtenir et qui leur en fait la demande». Donc, ça prend une demande.
Mme David :
Ça prend une demande, O.K.
M.
Jolin-Barrette : Donc, ce n'est pas un automatisme. Il faut que la
personne veuille les avoir en français.
Mme David :
«Dans les entreprises, elle peut s'étendre aux administrateurs et à tous les
actionnaires. En matière d'enquête, on peut supposer qu'elle s'étend aux
autorités fiscales et policières...» Encore là, il faudrait que ça soit la
Sûreté du Québec ou ceux qui font l'enquête qui disent : Moi, je veux tout
ça en français. O.K. En tout cas, je comprends.
Je
comprends, mais je vais aller dans un autre... à moins qu'il y en ait d'autres
qui veulent intervenir là-dessus, parce que, dans cet article-là, il y a
une autre inquiétude, c'est «autre document.» Puis là il faut que je retrouve l'amendement là-dessus, «autre document»,
c'est... Je pense, c'est les notaires qui disent que... Ah! c'est eux qui m'ont
appris le mot... Vous souvenez-vous, «présomption irréfragable», c'est eux qui
avaient mis ça, le 28 novembre 2021, «que l'on ne peut contredire,
irrécusable».
Bon, alors,
l'amendement... Voilà, on a même préparé un amendement, nous, c'est modifier...
parce que la Chambre des notaires propose de modifier l'article 30.1 — donc,
c'est là qu'on est — de
la charte par l'insertion, après le mot
«document», de «de même nature», parce que, là, si on s'en va regarder leurs
inquiétudes par rapport à ça, c'est qu'ils disent que ça peut aller
beaucoup plus loin que juste «document», comme ça, pas d'écrit. Donc, je vais
essayer de retrouver où est-ce qu'ils parlent de ça, l'acte dérogatoire.
• (16 h 20) •
M.
Jolin-Barrette : «Autre document», c'est déjà dans le libellé actuel
de 30.1, là, de la version actuelle.
Mme David : Ah!
c'est déjà...
M. Jolin-Barrette : Oui. «Les membres des
ordres professionnels qui doivent fournir en français et sans frais de traduction, à toute personne qui fait appel à
leurs services et qui leur en fait la demande, tout avis, opinion, rapport,
expertise ou autre document qu'ils rédigent et qui la concerne.» Donc, c'est
déjà là depuis 1977.
Mme
David : Alors là, c'est intéressant parce que ça se
pourrait qu'il y ait des gens qui disent : Tant qu'à réouvrir la
loi, on peut-tu corriger des choses qui sont un peu lourdes? En avez-vous fait,
ça, au fait...
M.
Jolin-Barrette : Moi, je vous dirais que...
Mme David : ...enlever des choses ou
les ajuster parce que c'est... Comme ça, je pense que...
M. Jolin-Barrette : Bien oui.
Mme David : Donc, si c'était déjà
là, ça doit être qu'ils trouvent que c'était exagéré.
M. Jolin-Barrette : Oui, mais il y a
une chose très claire que j'ai dite quand j'ai reçu le mandat relativement à la
responsabilité de la langue française, c'est clair que je ne vais pas diminuer
la protection associée au français.
Mme David : Non, non, ça, je le
sais, mais...
M. Jolin-Barrette : Ça, c'est très
clair. L'autre point, oui, j'ai actualisé la loi à plusieurs endroits. Le
meilleur exemple, c'est celui relativement au fait de permettre à un inspecteur
de l'OQLF de pouvoir prendre des informations sur un poste de travail
informatique avec le concours de la personne responsable du poste informatique,
parce qu'avant, en 1977, il n'y avait pas d'ordinateur. Aujourd'hui, il y a des
ordinateurs.
Mme David : Voilà, mais ça, je le
sais. O.K., bon, bien là, si c'était déjà écrit, je pense qu'on va laisser
faire l'amendement, parce que l'amendement vient vraiment de l'ordre des
notaires, «autre document de même nature», mais ils devaient trouver que ce
n'était pas...
M.
Jolin-Barrette : Non. Voyez-vous, 30.1, ça date de 1983 puis ça a
été modifié en 1997. Ça fait que ça fait au moins... 1997, ça fait
34 ans... 24 ans.
Mme David : 24 ans.
M. Jolin-Barrette : 25 bientôt.
Mme
David : O.K. À moins qu'il y en ait qui aient des états
d'esprit... Non, les gens n'ont pas l'air à avoir de grands états d'âme
là-dessus, mais, je pense, c'était peut-être une bonification au passage.
Sinon, c'est tout.
La Présidente (Mme Guillemette) : Ça
va. D'autres interventions? Oui, M. le député de La Pinière.
M.
Barrette : Bon, là, je comprends que c'est un élargissement
de l'accès aux documents en français. Je comprends bien?
M. Jolin-Barrette : Oui.
M. Barrette : Bon, élargissement...
M. Jolin-Barrette : À toute
personne.
M.
Barrette : ...à toute personne autorisée, incluant la
personne elle-même qui a reçu les services, si ces gens-là en font la
demande.
M. Jolin-Barrette : Exactement.
M. Barrette : Bon, je ne sais pas
si, plus loin, on va avoir des articles qui vont traiter de la qualité de la
documentation ou c'est là que ça se passe. Bien, plus clairement, là, est-ce
que... parce qu'il n'y a pas de référence ici à la qualité de la traduction.
Est-ce que ça va devoir passer par un traducteur agréé?
M. Jolin-Barrette : Pas pour les
documents comme ceux-ci.
M. Barrette : Bon, le problème que
j'ai, là, Mme la Présidente, ici, là... puis je vais, tout de suite, tout de suite, tout de suite, dire exactement mon sentiment,
là, par rapport à cet article-là, là. Vous savez, dans le merveilleux
monde documentaire, au sens large du terme, là, il y a des documents qui sont
clairs puis simples. Moi, je veux bien, là, qu'on peut avoir un enjeu de
comptabilité, qu'il y a 200 pages, là, en général, là, je le dis avec tout
le respect pour les comptables, mais c'est compréhensible, c'est simple, c'est
clair. Ce n'est pas nécessairement excitant, mais ça se traduit d'une façon, je
pense, assez simple.
C'est parce qu'en santé, là, ce n'est pas ça.
Alors, il y a là... Puis j'avais dit que je dirais tout de suite mon sentiment,
là. Honnêtement, là, ça, là, par rapport à la situation d'aujourd'hui, le
réseau de la santé devrait être exclu. Pourquoi? Pas parce que c'est la
traduction en français. Il existe un régime qui existe... Il y a un régime qui
existe aujourd'hui, là. On traduit en français les résumés de dossiers. Moi,
comme praticien, là, c'est ce que j'ai de besoin. Bon,
quand il y a une poursuite, puis c'est probablement une autre affaire, mais,
comme praticien, là, puis là je le prends sous l'angle de l'impact du patient,
ce qu'on a de besoin quand on passe d'un médecin à l'autre, mettons qu'on est
référé... Oui?
M.
Jolin-Barrette : C'est un truc... On a adopté un article préalablement
qui vient modifier, justement, le résumé de dossier.
M. Barrette :
Alors là, Mme la Présidente, est-ce que ça se peut que j'ai raté ça pour des
raisons que tout le monde connaît, là. C'est quoi qui a été adopté?
M. Jolin-Barrette :
À l'article... C'est quoi?
M. Barrette :
Bien, juste me dire qu'est-ce qui a été adopté. Bien, sans aller là, là,
peut-être qu'on peut simplifier la conversation. Est-ce que, là, je comprends
que 20 va permettre de traduire la totalité du dossier... obliger la traduction
de la totalité du dossier?
M.
Jolin-Barrette : À la demande d'une personne, il va pouvoir vouloir
avoir tout avis, opinion, rapport, expertise ou autre document qu'il rédige à
d'autres personnes autorisées à les obtenir et qui leur en fait la demande.
M. Barrette :
Et qu'est-ce que... Alors donc, à ce moment-là, ça vaut la peine que vous me
disiez ce que vous avez adopté avant, là, que j'ai raté, là.
M.
Jolin-Barrette : Bien, c'est à l'article 17 du projet de loi.
M. Barrette :
Désolé, là, de vous ramener en arrière. Je n'étais pas là.
M.
Jolin-Barrette : «À la demande de toute personne autorisée à obtenir
ces pièces, un service de santé ou un service social doit, dans les plus brefs
délais et à ses frais, fournir le résumé, rédigé en français, d'un dossier clinique de même que la version française de toute
pièce versée au dossier qui comporte un renseignement en anglais.»
M. Barrette :
Bon, alors, ça, c'est le changement par rapport à avant. Donc, ça a été adopté.
Alors, je suis battu d'avance, par absence, parce que, là, ce que ça veut dire,
là, c'est que, là, vous allez obliger la traduction de tout le dossier en
santé.
M.
Jolin-Barrette : Non, c'est à la demande.
M. Barrette :
Oui, à la demande, je comprends, on s'entend, à la demande, là.
M.
Jolin-Barrette : En quoi quelqu'un, là, qui est autorisé à avoir accès
à son dossier médical, là, il n'aurait pas le droit, au Québec, d'avoir accès à
son dossier médical en français?
M. Barrette :
Bien, c'est-à-dire que ça dépend de la situation. C'est ce qui se passe...
C'est ce qui se passe quand il y a une situation de poursuite, puis ça, c'est
compréhensible. En général...
M. Jolin-Barrette : Bien, une situation de poursuite... Il ne sait même pas, avant d'avoir
les documents, s'il faut qu'il poursuive ou non.
M. Barrette :
Non, ce n'est pas comme ça que ça marche, là. Dans le merveilleux monde des
avocats, là, ce n'est pas comme ça que ça marche. Mme la Présidente, le
ministre de la Justice, qui est lui-même avocat, sait bien que, de la manière
que ça fonctionne, il va faire venir le dossier pour voir s'il peut faire une
poursuite, et la gagner, et bénéficier de
certains bénéfices ultimes, si la victoire est au rendez-vous. Alors là, dans
cette circonstance-là, ça fait traduire le dossier au complet.
M. Jolin-Barrette : Mais un élément qui est important, là, il arrive beaucoup... il arrive
souvent que des justiciables se représentent eux-mêmes également puis...
M. Barrette :
Oui, mais en santé, c'est très rare, j'irais même jusqu'à dire inexistant.
M.
Jolin-Barrette : Oui, mais ça peut arriver également qu'il y a des
situations... Puis moi, je ne souhaite pas
freiner l'accès à la justice puis je souhaite qu'une personne au Québec qui
veut avoir accès aux documents de son dossier médical puisse le demander puis
puisse avoir les pièces en français.
M. Barrette :
Là, je regarde le temps puis je pense que j'ai le temps de poser une seule
question, là.
La Présidente (Mme Guillemette) :
...M. le député.
M. Barrette :
Pas à mon temps, mais à notre temps collectif. Est-ce qu'il y a des obligations
de qualité de traduction qui sont prévues en
quelque part dans le projet de loi? Puis je vais tout de suite vous dire
pourquoi, Mme la Présidente. C'est parce que le ministre nous dit qu'une
personne pourrait poursuivre elle-même puis s'autogérer, là. Bien, c'est parce
qu'il faudrait qu'elle comprenne ce qui est écrit, et, la personne qui va
traduire, il faudrait qu'elle comprenne ce
qui écrit dans le dossier, là, parce qu'il y a quelque chose de légendaire qui
est vérifié, Mme la Présidente. Une note de docteur, ce n'est pas
toujours lisible.
Alors, est-ce qu'il va y avoir de prévu des
exigences de qualité de traduction? Après ça, il faudra que je vous conte une
anecdote la fois d'après.
M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez,
la calligraphie de quelqu'un qui est un professionnel de la santé, je pense
qu'il doit s'assurer, dans sa tenue de dossiers, lorsque, notamment, il se fait
inspecter, que ça puisse être convenable et que...
M. Barrette : Ah! ça, ce n'est écrit
nulle part, Mme la Présidente, et l'anecdote, je vais vous la dire.
M. Jolin-Barrette : Bien, moi,
j'espère bien que le Collège des médecins, quand il vérifie des dossiers, il
s'assure que le professionnel a laissé les notes évolutives d'une façon
appropriée et qu'elles sont compréhensibles, conformément aux obligations déontologiques
que les médecins ont. Et surtout on peut parler également des poursuites... puis qu'ils paient l'assurance par
rapport aux poursuites, ça aussi, c'est un dossier qui est fort intéressant.
M. Barrette : Oui, mais qui est...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, messieurs.
M. Barrette : C'est dommage. La
semaine prochaine.
La
Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, messieurs. Je vous remercie tous de votre collaboration.
Compte tenu de l'heure, la commission ajourne
ses travaux au mardi 15 février, à 11 heures.
(Fin de la séance à 16 h 30)