(Onze heures trente-cinq minutes)
La Présidente (Mme Thériault) :
Votre attention, s'il vous plaît! Donc, ayant constaté le quorum, je déclare la
séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte.
La Commission de la culture est réunie afin de
poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 96, Loi sur
la langue officielle et commune du Québec, le français.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire : Oui, Mme la
Présidente. M. Chassin (Saint-Jérôme) est remplacé par M. Lévesque (Chapleau); Mme Guillemette (Roberval) est
remplacée par M. Provençal (Beauce-Nord); Mme Rizqy (Saint-Laurent)
est remplacée par M. Barrette (La
Pinière); Mme St-Pierre (Acadie) est remplacée par M. Birnbaum
(D'Arcy-McGee); Mme Dorion (Taschereau) est remplacée par
Mme Ghazal (Mercier); et Mme Hivon (Joliette) est remplacée par
M. Bérubé (Matane-Matapédia).
Décision de la présidence
concernant les modalités d'application
de la règle du sub judice à l'article 12 du projet de loi
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci beaucoup. Donc, je suis maintenant prête à rendre ma décision relativement
à la question de directive soulevée par Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys
au sujet des modalités d'application de la règle du sub judice à nos débats sur
un article du projet de loi n° 96.
Dans sa demande, la députée fait valoir que les
tribunaux sont saisis d'un litige sur certains aspects de la nomination des
juges de la Cour du Québec. Elle indique que ce litige a un lien avec le sujet
de l'article 12 de la Charte de la langue française proposé par
l'article 5 du projet de loi n° 96. Elle me demande donc de préciser
les règles applicables en l'espèce.
En réponse, le ministre de la Justice fait
valoir que la base juridique du recours n'est pas la même que celle du projet
de loi puisqu'il est question
de lois et de règlements différents. Il ajoute que les parlementaires ont
été saisis du projet de loi n° 96
avant que la poursuite ne soit intentée. Enfin, à son avis, il n'y a pas lieu
de faire preuve de déférence à l'égard de la branche judiciaire de
l'État lorsqu'il est question de l'exercice du pouvoir législatif de
l'Assemblée.
Cette position est appuyée par la députée de
Mercier et le député de Chapleau.
Le député de Matane-Matapédia indique, quant à
lui, qu'il est important que les députés puissent exercer leur rôle de
législateur en toute liberté, et ce, en conformité avec les décisions rendues
par la présidence dans le passé.
Enfin, le député de La Pinière fait valoir
que le litige, même fondé sur des bases juridiques distinctes de celles du projet de loi n° 96, présente quand
même un lien avec le sujet dont la commission est saisie. À son avis, il
est possible d'éviter toute interaction avec le litige en suspendant
l'article 12 pour y revenir à la fin de l'étude détaillée.
Je remercie les membres de la commission pour
leurs plaidoiries.
La députée de
Marguerite-Bourgeoys me demande donc de préciser l'application d'une règle
prévue à la section du règlement qui porte sur l'ordre et le décorum
dans le cadre des travaux parlementaires, plus spécifiquement sur les paroles
interdites et les propos non parlementaires.
Ces règles font figure d'exceptions dans le
cadre de nos travaux. En effet, le principe général demeure celui de la liberté
de parole des parlementaires. Cette liberté est essentielle afin de permettre à
chaque député de remplir le rôle pour lequel il ou elle a été élu. Les seules
limites à cette liberté de parole sont celles qui sont prévues par nos règles
de procédure. Ces mêmes règles ont été adoptées par les députés pour la bonne
conduite de nos travaux.
Ici, il est question du paragraphe 3° de l'article 35 de notre règlement, qui se lit comme
suit, et je cite : «Le député qui a la parole ne peut :
«3° parler d'une affaire
qui est devant les tribunaux ou un organisme quasi judiciaire, ou qui fait
l'objet d'une enquête, si les paroles prononcées peuvent porter préjudice à qui
que ce soit;». Fin de la citation.
Il s'agit d'une règle ancrée dans la tradition
parlementaire et dont la raison d'être est décrite ainsi, et je cite :
«Cette règle à laquelle s'astreignent volontairement les assemblées
législatives par déférence pour la magistrature et au nom de l'équité traduit
aussi leur respect pour la séparation des pouvoirs de l'État. Elle doit
toutefois être appliquée avec circonspection de la part de la présidence, car
elle a, en quelque sorte, pour effet d'atténuer l'important privilège
constitutionnel de la liberté de parole des députés.» Fin de la citation.
La députée de Marguerite-Bourgeoys mentionne
dans sa question un litige intenté devant les tribunaux civils. Cet élément a
une importance, car la jurisprudence parlementaire a établi que cela a un effet
sur l'application de la règle, comme l'a déjà dit la présidence de l'Assemblée,
et je cite, «entre les poursuites pénales et les poursuites civiles. Dans le
cas de poursuites pénales, on ne peut s'y référer. Dans le cas de poursuites
civiles, on peut s'y référer de manière générale, mais on ne peut, lorsqu'on
approche le coeur du sujet, faire des remarques qui pourraient être de nature à
porter préjudice à qui que ce soit.» Fin de la citation.
Le
livre de La procédure parlementaire du Québec ajoute, et je cite :
«D'une manière générale, on peut donc considérer que la règle du sub judices'applique
de façon absolue en matière pénale et criminelle, mais que, en dehors de ces
matières, la présidence tend à l'appliquer souplement et à privilégier la
liberté de parole des députés, pour autant qu'il ne soit pas porté préjudice à
qui que ce soit.» Fin de la citation.
• (11 h 40) •
Plusieurs députés ont
fait valoir qu'il peut y avoir un lien entre l'article dont la commission est
saisie et le coeur du litige. À ce sujet, le
ministre de la Justice fait valoir qu'il n'y a pas lieu d'appliquer la règle
ici. En effet, à son avis, le litige
ne repose pas sur les mêmes bases juridiques que le projet de loi n° 96. Il y serait plutôt question d'autres lois et règlements, ce qui fait en sorte que les débats sur le projet de
loi ne porteraient pas préjudice au coeur du litige civil.
Je dois préciser que
la jurisprudence parlementaire a établi que la présidence de la commission ne
peut pas interpréter les lois sur un aspect qui n'a aucun rapport avec la
procédure parlementaire. Je ne me prononcerai donc pas sur l'interprétation de
ces éléments. En effet, la jurisprudence parlementaire établit que la règle du
sub judice ne peut faire obstacle à
l'exercice par l'Assemblée de son pouvoir législatif : «La règle du sub
judice n'empêche pas une assemblée législative de légiférer sur toute
matière. Certes, il faut respecter la règle lors des débats, mais on ne peut restreindre le droit que possède le Parlement de
légiférer dans les domaines relevant de sa compétence.» Fin de la
citation.
Par conséquent, la commission
peut se saisir de l'article 12 et discuter de l'opportunité de l'adopter.
Dans le cadre des débats sur cette question, je vais tout de même vous demander
d'éviter de faire directement référence au coeur du litige lorsqu'il y a un
risque de préjudice pour qui que ce soit.
Enfin, en ce qui a
trait à la proposition de suspendre l'étude de l'article le temps que le litige
soit entendu, cette question ne relève pas de la présidence. Il s'agit plutôt
d'une décision d'organisation des travaux que la commission est libre de
prendre si elle le juge opportun.
Je vous remercie de
votre attention. Donc, nous poursuivons avec l'article 12 proposé à
l'article 5. Je vais vous demander, M. le ministre, de...
M. Barrette :
...
La Présidente (Mme
Thériault) : Oui.
M. Barrette :
...question de directive. C'est vraiment une question de compréhension sur ce
que vous venez de nous dire. Vous nous dites d'éviter de faire référence à la
poursuite si ça pourrait porter préjudice. Est-ce que vous nous dites d'éviter,
dans l'absolu, de faire référence à la poursuite ou vous nous demandez de faire
attention et de penser au préjudice potentiel? Je ne veux pas contester ce que
vous avez dit, là, je veux juste bien comprendre ce que vous nous demandez.
La Présidente (Mme
Thériault) : Je vous demande de faire attention dans les propos que
vous tenez. C'est toujours ce qui a été fait par tous les présidents, que ce
soit le président de l'Assemblée nationale et le président de commission, à
partir du moment où il y a un litige en matière civile. Donc, je vous demande
de faire attention.
M. Barrette :
Parfait. Donc, vous nous permettez d'y faire référence mais avec prudence.
La Présidente (Mme
Thériault) : Avec prudence pour ne pas causer de préjudice.
M. Barrette :
Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme
Thériault) : Merci. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David :
Merci, Mme la Présidente. Alors, évidemment, c'est... Je vous remercie de vous
être penchée si rapidement sur la question. C'était vraiment une question de
directive, et votre réponse montre que c'est délicat. Oui, on va en parler, mais moi, je ne suis pas une juriste. Et je ne
veux certainement pas causer préjudice à qui que ce soit, ni à une partie ni à l'autre, mais, comme dit mon
collègue de La Pinière, je ne suis pas une spécialiste et je
n'aimerais pas que me soit reproché d'avoir manqué de prudence : Ça, il
n'aurait pas fallu que tu poses cette question-là, que...
Alors, je nage dans
un... Je trouve que l'eau est complexe, dans laquelle nous nageons, et j'espère
qu'on ne dira rien qui soit préjudiciable. Ce n'est pas clair, pour moi, du
tout, ce qui est préjudiciable ou pas préjudiciable. Si vous avez plus
d'instructions à nous donner quant à ce qu'on peut aborder ou pas, parce que
tout ce qui est abordé dans cet article-là, forcément, est abordé aussi dans la
poursuite... Alors, je ne sais pas trop comment on peut se comporter à partir
de maintenant. Les propos vont être délicats.
La
Présidente (Mme Thériault) :
Merci, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. J'entends votre question. Je peux vous
dire que je serai à l'écoute des propos qui seront prononcés.
J'aimerais vous
réitérer également que vous bénéficiez tous du privilège parlementaire. Nous
sommes en commission parlementaire, donc vous êtes à l'abri, je dirais, mais je
vous demande quand même de faire attention à vos
propos. Je pense que chacun des parlementaires ici ont quand même
assez d'expérience, sans être des juristes, j'en conviens parfaitement.
Vous pouvez poser vos questions, qui sont des questions tout à fait légitimes
si on veut faire adopter les articles, et le ministre, je suis convaincue,
puisqu'il est ministre responsable de la Charte de la langue française mais
aussi ministre de la Justice, sera prudent dans les réponses qu'il pourra
également fournir.
Donc,
se conformer à la décision de la présidence, et évidemment, bien, j'écouterai
avec beaucoup d'attention.
Donc, si je sens ou si je crois que vous allez trop au coeur, je vous
rappellerai bien amicalement à l'ordre.
Mme David : Mme la Présidente, en
tout respect, tant qu'on n'aura pas posé les questions...
M. Jolin-Barrette : ...
Mme David : Est-ce que je peux même
donner un exemple?
La Présidente (Mme Thériault) :
Bien, vous le ferez sur votre argumentation en... On va...
Mme David : O.K. Parce que je vais
être rapidement en train de vous dire...
La Présidente (Mme Thériault) : On
va débuter l'article, Mme la députée.
Mme David : Mais, pour ça, il faut
que vous ayez pris connaissance, vraiment, des...
La Présidente (Mme Thériault) :
...je ne peux pas me prononcer sur quelque chose que je n'ai pas entendu.
Mme David : Non, mais il faut que
vous soyez... sachiez bien quel est l'objet de la poursuite.
La Présidente (Mme Thériault) : Oui,
mais là, moi... Moi, je ne peux me prononcer que sur la procédure
parlementaire.
Mme David : C'est ça.
La Présidente (Mme Thériault) : Et
la procédure parlementaire et le rôle de la présidence, c'est de protéger les
droits des parlementaires. Et ce qui est clair, c'est que, de la manière dont
on fonctionne, les députés... le Parlement
est souverain dans ses projets de loi qu'il dépose et qu'il étudie. Il y a une
séparation des pouvoirs. C'est comme ça,
c'est le système dans lequel on fonctionne. Donc, j'ai rendu une décision en
fonction de la procédure parlementaire.
Mme David : Un dernier propos, s'il
vous plaît, Mme la Présidente, que je vais vous dire. Si on dit quoi que ce
soit, quelque collègue que ce soit ici, autour de la table, qui pose des
questions sur l'article 12... Quand on dit qu'on ne veut pas porter
préjudice, c'est vrai, là. Je ne voudrais pas que quiconque, du côté
ministériel, pense que, parce qu'on pose une question pour ou contre certains
aspects de l'article 12, ce soit parce qu'on veut favoriser la poursuite,
disons, plutôt que la personne qui a à se défendre. En aucun cas, Mme la
Présidente... Et je parle pour moi, mais je pense que je parle pour mes
collègues. Si on pose des questions sur l'article 12, ce serait bien
désolant que le ministre pense qu'on porte préjudice à sa partie à lui. En
aucun cas je ne veux nuire au ministre, en aucun cas je ne veux nuire à la
poursuite, de quelque côté que ce soit. Je pense que c'est le sens de ce que
vous nous dites. Alors, je le dis tout de suite pour être certaine. Puis, si ce
sera peut-être ça, le coeur de notre prochaine discussion, de dire : Bien
là, vous ne pouvez pas parler de ça, bien, dites-le-nous, et moi, je me
conformerai. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) : Vos
propos sont très clairs, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Je suis
convaincue que le ministre fera preuve de beaucoup de professionnalisme dans sa
manière de répondre étant donné la question qui a été adressée à la présidence
et étant donné qu'il doit quand même s'assurer que son rôle de ministre de la
Justice suit son cours, mais que le rôle du ministre responsable de la Charte
de la langue française puisse aussi être appliqué, donc, par conséquent, aller
de l'avant avec la suite du projet de loi et l'article 12.
Étude détaillée (suite)
Donc, M. le ministre, je vais vous demander,
pour les gens qui suivent nos travaux, de nous lire l'article 12, et nous
allons continuer l'étude article par article.
M. Jolin-Barrette : L'article 12,
Mme la Présidente : «Il ne peut être exigé de la personne devant être
nommée à la fonction de juge qu'elle ait la connaissance ou un niveau de
connaissance spécifique d'une langue autre que la langue officielle sauf si le
ministre de la Justice et le ministre de la Langue française estiment que,
d'une part, l'exercice de cette fonction nécessite une telle connaissance et
que, d'autre part, tous les moyens raisonnables ont été pris pour éviter
d'imposer une telle exigence.»
Commentaire. L'article 12 de la Charte de
la langue française que propose l'article 5 du projet de loi prévoit les
conditions devant être remplies pour qu'il puisse être exigé d'une personne qui
doit être nommée juge qu'elle ait la connaissance ou un niveau de connaissance
spécifique d'une autre langue que le français.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci.
• (11 h 50) •
M.
Jolin-Barrette : Peut-être donner une explication supplémentaire, Mme
la Présidente?
La Présidente (Mme Thériault) :
Allez-y.
M. Jolin-Barrette : L'article 12
peut être lu en concordance avec l'article 13, parce que la même exigence va s'appliquer, à l'article 13, dans le
cadre des décideurs administratifs
qui sont nommés, donc qui exercent une fonction juridictionnelle. Donc,
on pense au Tribunal administratif.
Et je l'annonce d'emblée, Mme la Présidente, et
je crois qu'il est déjà sur Greffier, à l'article 13, on aura un
amendement aussi. On est venus apporter un ajustement, parce que, dans le cadre
des tribunaux administratifs, il y a certains tribunaux administratifs dont les
membres sont désignés par l'Assemblée nationale. Je donne un exemple, la
Commission de la fonction publique et la Commission d'accès à l'information,
ceux-ci, ce ne sont pas l'exécutif qui désigne les membres, ce sont l'Assemblée
nationale. Donc, on va venir attribuer les pouvoirs qui sont conférés au
ministre de la Justice, aux articles... à l'article 13, au Commissaire à
la langue française, qui, lui, est désigné... sera désigné aux deux tiers de
l'Assemblée nationale.
Ça signifie que, pour ce qui est de l'aspect
parlementaire, dans le fond, les institutions qui relèvent des parlementaires,
lorsqu'ils sont désignés par les parlementaires, l'exigence ou l'évaluation de
la nécessité puis des moyens raisonnables, pour éviter que les décideurs
administratifs requièrent l'usage de... l'exigence de la langue anglaise,
enfin, si c'est nécessaire ou non dans le cadre du poste à être nommé, ce ne
sera pas évalué par le ministre de la Justice et le ministre de la Langue
française, ce sera le Commissaire à la langue française, puisqu'il relève de
l'Assemblée nationale puis que les personnes désignées le sont par l'Assemblée
nationale.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David :
Oui. Bien, ça précède un certain nombre de questions que j'avais à
l'article 13. Donc, j'imagine, on
va prendre ça à l'article 13 pour avoir des précisions, justement. Je
remercie le ministre d'en donner déjà quelques-unes. On y reviendra.
Pour ce qui est de l'article 12, je pense
que... Pour bien placer les choses et pour le bénéfice de ceux et celles qui
nous écoutent, très, très, très nombreux, est-ce que le ministre pourrait nous
expliquer quel est le processus actuel de nomination des juges et quel serait,
advenant l'adoption de l'article 12, le processus éventuel? Je pense, ça
placerait bien les choses.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui. Alors,
le processus de nomination des juges, au cours de l'histoire au Québec, a été
évolutif, si je peux dire, il a changé. Et là on est dans la dernière
section... dans la dernière façon de procéder, depuis les années 2010 et
suivantes.
Il faut comprendre que, dans le cadre de
l'article 12, on parle de la nomination des juges des tribunaux
judiciaires. Donc, l'article s'applique, notamment, pour les juges qui sont
désignés par le Conseil exécutif, donc par le Conseil des ministres.
Pour ce qui est des juges de la Cour du Québec
ou des juges de paix magistrats, la Loi sur les tribunaux judiciaires fait en
sorte que ça attribue au gouvernement le pouvoir de nommer des juges en
vertu... Et cette responsabilité-là, le fait de soumettre la candidature d'un
candidat à la fonction de juge, appartient au ministre de la Justice, qui le
soumet pour approbation au Conseil des ministres.
Donc, le ministre de la Justice, depuis... Je
vais vous dire ça. Donc, en vertu du règlement sur la sélection des juges, qui a été adopté en 2011, je crois, ou
2012... donc, en 2012... Donc, vous avez la Loi sur les tribunaux
judiciaires, ensuite... La Loi sur les tribunaux judiciaires, je pense, c'est
l'article 88 ou quelque chose comme ça... 96?
Mme David : ...96 de la Loi sur
les tribunaux judiciaires.
M. Jolin-Barrette : C'est ça.
Donc, en vertu... Je vais juste trouver... Non. Mme la Présidente, je reprends
mon explication. Non, ce n'est pas 96. 96, c'est dans la Loi constitutionnelle.
Dans le fond, 96 de la Loi sur les tribunaux judiciaires, c'est les fonctions
de juge en chef. C'est plus 88, je pense. Bon, c'est ça.
Donc, c'est à la section II de la Loi sur
les tribunaux judiciaires, donc sous le titre Les juges. Donc, c'est l'article 86
de la Loi sur les tribunaux judiciaires : «Le gouvernement nomme par
commission sous le grand sceau les juges durant bonne conduite. L'acte de
nomination d'un juge détermine notamment le lieu de sa résidence.»
87 de la Loi sur les tribunaux judiciaires nous
dit : «Les juges sont nommés parmi les avocats ayant exercé leur
profession pendant au moins 10 ans.
«Peuvent être considérées les années au cours
desquelles une personne a acquis une expérience juridique pertinente après
l'obtention d'un diplôme d'admission au Barreau du Québec ou d'un certificat
d'aptitude à exercer la profession d'avocat au Québec.»
«88. Les juges nommés sont préalablement choisis
suivant la procédure de sélection des personnes aptes à être nommées juges
établie par règlement du gouvernement. Celui-ci peut notamment — et
là, dans le cadre de l'article 88, vous avez cinq paragraphes :
«1° déterminer la manière dont une personne
peut se porter candidate à la fonction de juge;
«2° autoriser
le ministre de la Justice à former un comité de sélection pour évaluer
l'aptitude des candidats à la fonction de juge et pour lui fournir un avis sur
eux;
«3° fixer la
composition et le mode de nomination des membres du comité;
«4° déterminer
les critères de sélection dont le comité tient compte;
«5° déterminer
les renseignements que le comité peut requérir d'un candidat et les
consultations qu'il peut faire.
«Les membres du
comité ne sont pas rémunérés, sauf dans les cas, aux conditions et dans la
mesure que peut déterminer le gouvernement. Ils ont cependant droit au
remboursement des dépenses faites dans l'exercice de leurs fonctions, aux
conditions et dans la mesure que détermine le gouvernement.»
Donc, le pouvoir
habilitant de nommer les juges, il est à l'article 88 de la Loi sur les
tribunaux judiciaires. De l'article 88 peut découler un règlement, qui a
été pris en 2012 par le gouvernement par décret, donc c'est un gouvernement qui
est établi, et c'est le règlement sur la sélection des juges.
Dans le règlement sur
la sélection des juges, ça indique la façon dont on applique... pas qu'on
applique, on soumet sa candidature à la fonction de juge. Donc, on doit remplir
un formulaire. Il y a un affichage qui est fait, il y a un avis de sélection
qui est publié à la demande du ministre de la Justice. Donc, la secrétaire à la
nomination des juges publie un avis de sélection pour indiquer, notamment, dans
quelle chambre le juge doit être nommé, dans quel district également. Et il y a
les critères de sélection qui sont prévus au règlement. Et donc l'avis est
publié, généralement, pour une période de plus de 30 jours. Donc, ça
dépend des périodes de l'année parce que c'est en fonction du Journal du Barreau, la publication Le Journal du Barreau. Mais là il n'y a
plus de Journal du Barreau, donc on a conservé les mêmes règles
associées, les dates de publication qu'il y avait antérieurement. Et ça se
retrouve sur le site Internet du Barreau et dans le bref qui est envoyé à tous
les avocats, également, sur le site du ministère de la Justice. Donc, il y a un
avis, un appel de candidatures.
Suite
à l'avis de publication, la secrétaire à la sélection des juges reçoit les
candidatures, je crois, en formulaire papier, six copies. Et, dans
le fond, la juge en chef de la Cour du Québec, dans le fond, peut siéger sur
tous les comités de sélection ou elle peut désigner le juge de son choix. Dans
la pratique, ce qui arrive, c'est que c'est la juge en chef qui désigne un juge
président qui va présider le comité de sélection de cinq personnes.
Donc, le ministre de
la Justice forme le comité de sélection, informe le président désigné du comité
de sélection que le comité est formé, et par la suite l'Office des professions
du Québec soumet au ministre de la Justice deux candidats
pour siéger sur le comité de sélection. Donc, le ministre de la Justice, par la
suite, informe ces deux personnes-là, qui ont été recommandées par
l'Office des professions, de leur nomination sur le comité de sélection.
Également, le Barreau du Québec soumet deux noms au ministre de la Justice
pour faire en sorte de compléter le comité de sélection. Et le ministre de la
Justice informe les deux membres du Barreau qui ont été sélectionnés par
le Barreau du Québec pour siéger sur le comité de sélection.
Après ça, dans le
fond, le comité de sélection reçoit l'ensemble des candidatures, passe tous les
candidats en entrevue, qui ont soumis leur candidature à la fonction de juge,
et ultimement le comité doit soumettre au ministre de la Justice un rapport qui
fait état de leurs recommandations, un rapport qui contient
trois candidatures, en vue de la nomination. Et le ministre de la Justice
reçoit ce rapport confidentiel là avec les candidatures et le rapport du comité
de sélection pour dire : Bien, voici, M. le ministre, nous vous
recommandons, pour la nomination à titre de juge de la Cour du Québec ou à
titre de juge de la cour... de juge à titre... de cour municipale ou à titre de
juge de paix magistrat, ces candidatures-là,
voici, elles ont été recommandées unanimement par le comité ou elles ont été
recommandées à majorité... à majorité par le comité. Suite à ça, le ministre de
la Justice fait son choix et soumet le décret au Conseil des ministres, et le
Conseil des ministres entérine le tout.
Cette procédure-là a
été développée suite aux recommandations de la commission Bastarache. Vous vous
souvenez, à l'époque, il y avait eu un
certain débat dans la sphère publique relativement au processus de nomination
des juges. Et le processus,
depuis 2012, avec la mise en place du règlement, je crois que c'était en
février ou mars, donc, sous l'ancien député de Saint-Laurent, qui avait
mis en place ce décret... Et, depuis 2012, ça fonctionne de cette
façon-là.
Alors, je peux
répondre à vos autres questions sur le processus, mais, en gros, c'est le
processus.
• (12 heures) •
Mme David :
Et je rajouterais juste que les trois noms qui vous sont soumis sont
soumis par ordre alphabétique pour être sûr qu'il n'y a pas l'impression d'un,
deux, trois. Et c'est par ordre alphabétique.
M.
Jolin-Barrette : Effectivement.
Mme David :
Maintenant, j'aimerais savoir, dans ce contexte-là, bien comprendre — j'ai
la réponse, je pense, mais je veux l'entendre de vous — où se
situent les dispositions de l'article 12 que vous nous proposez
d'adopter dans tout ce processus-là. C'est pas mal au début, mais je voudrais
que vous nous expliquiez où ça se situe exactement, le rôle. Parce que c'est du
droit nouveau, j'ai bien compris, c'est du droit nouveau, l'article 12, et
il n'existait pas dans la charte actuelle, et il n'existe pas, le 13, non plus.
Donc, je veux savoir où il se situe dans le processus et quel est exactement
votre rôle ainsi que celui du ministre de la Langue française, quel serait
votre rôle.
M.
Jolin-Barrette : Alors, dans le fond, vous voulez savoir à quel moment
va s'inscrire le nouvel article 12 dans le cadre du processus.
Mme David :
Le quand et le comment.
M.
Jolin-Barrette : Oui. Donc, à partir du moment... En vertu de
l'article 7 du règlement sur la sélection des juges, qui découle de la Loi
sur les tribunaux judiciaires, l'article 86... Donc, la première phrase se
lit ainsi : «Lorsqu'un juge doit être nommé et après avoir pris en
considération les besoins exprimés par [la] juge en chef de la Cour du Québec
ou, le cas échéant, ceux exprimés par la municipalité où est situé le chef-lieu
de la cour municipale [ou] par le juge en chef adjoint de la Cour du Québec
responsable des cours municipales, le secrétaire ouvre, à la demande du
ministre, un concours et fait publier dans Le Journal du Barreau du
Québec et sur le site Internet du ministère de la Justice un avis invitant les
personnes intéressées à soumettre leur candidature.»
Donc, on a vu, à la
Loi sur les tribunaux judiciaires, qu'au Québec... Parlons des juges de la Cour
du Québec, O.K.? Il y a 308 postes de juge à la Cour du Québec. Ce nombre
de postes là a évolué et évolue fréquemment. On modifie la Loi sur les
tribunaux judiciaires pour augmenter. Au fur et à mesure qu'il y a une capacité...
une demande judiciaire plus importante, on réouvre la loi et on ajoute des
postes de juge qui sont prévus.
Je vous donne un
exemple. Ma prédécesseure, la ministre de la Justice, la députée de Gatineau, à
l'époque, lorsqu'il y a eu l'arrêt Jordan, bien, le gouvernement de l'époque
avait décidé d'augmenter, je crois, d'une quinzaine de postes le nombre de
juges pour faire en sorte, justement, de pouvoir répondre à ces délais-là.
Donc, on avait injecté un nombre de juges supplémentaires dans le système
judiciaire et donc on avait modifié l'article 85 à cette époque-là.
C'était en 2016 que ça a été modifié. Depuis, en 2020, on a rajouté
deux postes de juge également en Abitibi-Témiscamingue, donc, pour couvrir
la Cour itinérante.
Donc,
l'article 12 va venir s'insérer au moment où le gouvernement va décider
d'ouvrir... d'afficher un poste de juge. Parce qu'il faut comprendre, dans le
processus, vous avez 308 postes de juge. Donc, le gouvernement peut
combler l'ensemble de ces 308 postes de juge. En pratique, ce qui arrive,
c'est que, lorsqu'un juge prend sa retraite, ou décède, ou démissionne, on
devient avec une vacance de poste de juge. Donc... Et puis, il faut le dire, à
la Cour du Québec, c'est 308 postes de juge puîné, donc des juges
réguliers, si je peux dire, mais vous avez également les juges suppléants qui
sont permis en vertu de la loi — un petit peu plus loin, on peut le voir
dans la Loi sur les tribunaux judiciaires — ou des juges qui sont à la
retraite ou qui ont décidé de prendre leur retraite et qu'on nomme de façon
annuelle. La pratique veut qu'on les nomme de façon annuelle. Et là le
gouvernement du Québec consacre un budget supplémentaire, justement en termes
d'efficacité de la justice.
Donc, vous avez
toujours votre bassin de 308 juges plus, je vous dirais... L'année passée,
je pense qu'on en a nommé entre 60 puis 70, juges, qui sont payés à la
journée, donc qui reçoivent leur rente de retraite de juge de la Cour du
Québec, mais, en plus, ils sont payés à la journée pour venir donner un coup de
main, pour venir continuer de siéger. Même s'ils ont au-delà de 70 ans, ça
permet de le faire à la Cour du Québec, contrairement, je donne l'exemple, à la
Cour supérieure ou à la Cour d'appel, où vous pouvez être juge surnuméraire.
Donc, le terme «juge suppléant» à la Cour supérieure, Cour d'appel, c'est juge
surnuméraire. Puis, dans le fond, la tâche... Vous conservez votre poste de
juge, mais la tâche est réduite de moitié, mais le juge peut continuer à
siéger. Mais la date limite pour siéger à la Cour supérieure et à la Cour
d'appel, c'est 75 ans, même chose à la Cour suprême.
Alors, je reviens à
mon explication...
Mme David :
...Mme la Présidente, ma question, hein?
M.
Jolin-Barrette : Oui, mais c'est juste pour vous donner le portrait
global. Donc, l'article 12 va venir s'insérer au moment de l'avis de
sélection. Lorsque le gouvernement va décider d'ouvrir un poste, dans le fond,
la cour nous formule ses besoins, dans quelle chambre, puis là, il faut le dire
également, les avis de sélection sont déterminés en fonction de...
Exemple, vous allez
être désigné. On ouvre un poste à Montréal. On demande que le poste soit ouvert
à la chambre criminelle et pénale. Le juge qui va être désigné, on va le
désigner à la Cour du Québec. C'est la juge ou le juge en chef qui décide de l'assigner dans la cour de son choix. Bien
entendu, la personne qui soumet sa candidature a soumis sa candidature pour le poste en chambre criminelle et pénale,
mais par contre l'acte de nomination fait en sorte qu'un juge de la Cour
du Québec est désigné pour l'ensemble des chambres. Donc, si jamais il y a des
besoins dans d'autres chambres, c'est
possible pour l'agent en chef de l'assigner. Et ça, ça relève de l'indépendance
de la cour en fonction de l'assignation des juges. C'est la cour qui
gère comment elle attribue ses juges et les fonctions qu'elle leur accorde.
Puis
je donne un exemple complémentaire à ce niveau-là. Dans certains petits
districts... En fait, dans les gros districts, supposons, Montréal,
généralement, ça ne va être qu'une seule chambre pour lesquelles l'avis de
sélection, il est fait. Mais, dans les plus petits districts, ça va arriver que
le juge est désigné pour les trois chambres au niveau de l'avis de
sélection : criminelle, pénale, jeunesse. Exemple, sur la Côte-Nord, à
Baie-Comeau, c'est le cas. Ça va arriver dans certaines autres régions, ça va
être criminelle, jeunesse, ou civile, jeunesse. Donc... Mais le juge est nommé
à toutes les... peut exercer à toutes les chambres. C'est ce que je veux dire.
Alors, pour revenir à
votre question, l'article 12, il va venir au début du processus
relativement à l'affichage du poste. Avant d'exiger la maîtrise d'une langue
autre que le français, l'article 12 va venir s'établir au départ, au moment
où le ministre va vouloir faire l'affichage du poste.
Mme David :
Donc, si je comprends bien, on prend pour acquis que le ministre reçoit la
recommandation de la juge en chef, l'expression de ses besoins, c'est-à-dire
l'expression de ses besoins...
M. Jolin-Barrette :
Mais ce n'est pas une recommandation. C'est la juge en chef qui demande
l'ouverture d'un poste de juge, un affichage, et, en vertu de l'article 7,
exprime ses besoins, exprime ses besoins en fonction de la chambre, en fonction
du lieu.
Mme David :
Exactement. Et je dois comprendre qu'elle pourrait aussi exprimer ses besoins
en termes de besoins linguistiques, puisqu'il faut être très flexible et que ça
peut être civil, pénal, jeunesse. Donc, le ministre se prononce sur le
bien-fondé ou pas des critères, même linguistiques. C'est ça que
l'article 12 dit, vous avez besoin ou pas d'un juge bilingue ou pas.
En lien avec le ministre de la Langue française,
qui, lui, il ne connaît pas le système judiciaire, c'est... là, c'est un... Je
ne dirais pas que c'est un accident de parcours, mais ça n'arrivera peut-être
pas souvent que le ministre de la Justice soit ministre responsable de la
Langue française. Alors, prenons le cas où ce n'est justement pas la situation.
Le ministre de la Langue française, il n'est pas juriste, habituellement. Mais
alors comment, et pourquoi, et que vient faire et le ministre de la Justice,
mais ça, je pense qu'on va en reparler pas mal, et le ministre de la Langue
française, le ministre de la Langue française, qui... Sincèrement, j'ai fait
pas mal de collaboration interministérielle dans ma vie, mais... puis j'ai été
ministre responsable de la Langue française, pas sûre que j'aurais pu me
prononcer sur le bien-fondé ou pas d'un besoin linguistique dans un tribunal à
Joliette quand mon collègue qui est le ministre de la Justice me dit :
Écoute, chère collègue, je pense que je connais ça un peu mieux que toi, là,
et, pour une raison x ou y... Et, si le ministre responsable de la Langue
française dit : Non, non, non, moi, je ne suis pas d'accord avec toi,
j'aimerais être un petit oiseau pour voir.
Là, c'est votre cerveau droit et gauche qui se
parlent peut-être. Dans ce cas-là, vous êtes les deux, mais, un jour, vous ne
serez peut-être plus les deux ou ce ne sera plus vous du tout. Donc, il faut
prévoir, nous, comme législateurs, d'autres cas de figure. J'imagine, vous y
avez pensé, à pourquoi, qu'est-ce qu'il vient faire là-dedans, le ministre
responsable de la Langue française.
M. Jolin-Barrette : Bien, je
vous dirais, sans prêcher pour ma paroisse, Mme la Présidente, je trouve...
Mme David : Laquelle, paroisse?
• (12 h 10) •
M.
Jolin-Barrette : Bien, la
paroisse, je vous dirais, de l'État québécois puis de l'importance des
institutions, à titre de membre du comité exécutif... du Conseil exécutif, je
vous dirais, globalement, et pas qualifié en fonction du titre. Je vous dirais
qu'il s'agit d'une bonne chose parce que... que la langue française soit avec
la justice, mais ça, ça revient au choix du premier ministre. Et, vous avez
raison, fort probablement qu'un jour ce ne sera pas moi, puis que ça se peut
que les postes soient scindés au gré des changements de gouvernement, je suis
d'accord avec vous.
L'importance que le ministre de la Langue
française soit impliqué, nonobstant le fait qu'il soit également ministre de la
Justice — ou
il l'est ou il ne l'est pas, là — c'est le fait qu'au niveau de l'État
québécois c'est important que l'exigence de l'utilisation d'une autre langue pour
soumettre sa candidature à un poste soit considérée, parce que la pratique fait
en sorte, depuis quelques années, qu'automatiquement on ne se pose même pas la
question.
Je crois que le député de La Pinière doit
communiquer avec sa collègue de Marguerite-Bourgeoys. Non? O.K. C'est correct.
J'essayais de vous aider, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Des voix : ...
La Présidente (Mme Thériault) :
Continuez, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Je veux rendre
service, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
C'est ce que ça a donné comme impression, ne soyez pas inquiet.
M. Jolin-Barrette : O.K. C'est ça,
dans le fond, le ministre de la Justice doit consulter, avec l'article 12,
son collègue de la Langue française, et ils doivent faire en sorte de, oui,
répondre aux besoins de la Cour du Québec, mais le tout doit être analysé.
Et on revient à la question de savoir :
Est-ce que c'est nécessaire d'avoir une telle connaissance? Et est-ce que les
moyens raisonnables ont été pris pour éviter d'exiger une telle connaissance au
moment de l'affichage? Parce que ce dont on doit réfléchir, c'est qu'on est au
Québec. Est-ce qu'à la base...
En fait, le français, c'est la langue officielle
de l'État. C'est la langue de la législation et la langue de la justice. Est-ce
que, systématiquement, nous devons exiger la maîtrise d'une autre langue que le
français pour accéder, pour pouvoir soumettre sa candidature à titre de juge, à
la fonction de juge? Ça ne veut pas dire que la personne qui soumet sa
candidature n'a pas une connaissance de la langue anglaise, ou ne peut pas
l'apprendre, ou ne peut pas développer ses habiletés langagières. La question
qui se pose, c'est : Est-ce que, dans tous les cas, dans toutes les
circonstances, pour être nommé à la fonction de juge au Québec, vous devez
maîtriser la langue anglaise, dans tous les
districts? Est-ce que les 308 juges de la Cour du Québec doivent être bilingues? C'est cette question-là qui se pose. Puis on l'a fait dans différentes sphères
de la société avec le projet
de loi n° 96,
notamment l'article 46.1, sur lequel je crois que vous
allez avoir des commentaires, puis on pourra en discuter longuement, sur
l'exigence à l'embauche.
Est-ce qu'on doit tout le temps exiger le
bilinguisme systématique pour occuper un poste, pour occuper un emploi, pour
occuper une fonction? Est-ce que c'est systématique, dans l'État québécois, au
sein de nos institutions, que, pour accéder à un poste, à une fonction, on doit
être bilingue? Je ne dis pas que je suis contre le bilinguisme et que je n'encourage pas les gens à être bilingues
et à maîtriser une, deux, trois, quatre, cinq langues. La question,
c'est : Est-ce que, comme société, on exige que tous les postes exigent
une connaissance de langues autres que le français?
Et vous me direz :
Oui, dans certaines circonstances, c'est nécessaire. Donc, le critère de
nécessité est là. Et est-ce que les moyens raisonnables ont été pris pour
éviter une telle exigence? Est-ce que, parce que c'est plus facile que tout le
monde soit bilingue, donc, on va exiger le bilinguisme? C'est-tu plus simple?
Donc, je vais juste compléter là-dessus. Donc,
c'est ça. Donc, oui, il peut y avoir, exemple, des postes de juge qui sont affichés avec la maîtrise de la
langue anglaise, mais l'article 12, il est là pour faire... se faire la
réflexion, à savoir : Est-ce que c'est nécessaire, et est-ce qu'il y a des
moyens raisonnables qui ont été pris pour éviter d'imposer une telle exigence au
niveau de l'affichage? Ce qui ne signifie pas que les candidats sélectionnés
n'ont pas une maîtrise adéquate, parfaite d'une autre langue que le français.
La Présidente (Mme Thériault) : Mme
la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Oui. Bien, écoutez,
d'une part, je n'ai pas de réponse claire du tout sur quel est le rôle du ministre
de la Langue française parce que... Et on y reviendra, vous avez lu dans mes
pensées... Attendez, je vais finir. Vous avez lu dans mes pensées. L'article 46.1,
on en parlera longuement, n'implique pas, je pense, le ministre de la Langue
française avec le ministre de l'Économie. Le ministre de la Langue française
n'a pas à intervenir auprès du ministre de l'Économie.
Je n'ai pas encore satisfaction sur le rôle
plénipotentiaire d'un ministre responsable de la Langue française qui ne
connaît rien au système de justice et qui va ou pas s'entendre avec le ministre
de la Justice. Et je ne suis pas sûre, moi,
que je voudrais être ministre
responsable de la Langue française,
et vous, ministre de la Justice, vous veniez me voir, puis je dis :
Je ne suis pas d'accord, ça devrait être bilingue ou... mais je ne connais pas
ça. Habituellement, ils vont dire aux collègues : Regarde, fais donc ce
que tu veux, c'est toi, le ministre.
Mais, tout d'un coup qu'il y a un ministre de la
Langue française qui dit : Un instant, là, moi, je vais tout voir les
tenants et aboutissants de ça, là, mon cher collègue ministre de la Justice,
laissez-moi réfléchir avec mon équipe, laissez-moi faire mon enquête, et je
vous reviendrai, que j'ai hâte de voir les... Vous savez, vous le savez autant
que moi, dans une équipe exécutive, au Conseil des ministres, ça ne veut pas
dire qu'on est toujours dans les dossiers des autres. Et, quand on est dans les
dossiers des autres, ce n'est pas toujours très facile.
Donc, ce n'est pas clair pour moi. Encore une
fois, je le répète, vous occupez les deux rôles. Vous ne vous disputerez
peut-être pas avec vous-même, mais, un jour, si vous, vous êtes responsable de
la Langue française, puis un autre est à la Justice, attention, ça va clasher
quelques fois, peut-être. Et ce serait normal. Alors, je pense que vous vous
compliquez beaucoup la vie, d'une part, et que ça va être très, très, très
exigeant.
Maintenant, je voudrais passer la parole à mes
collègues, qui, je pense, ont des interventions.
La Présidente (Mme Thériault) : Je
vais reconnaître le ministre, qui m'a demandé quelques instants pour pouvoir
vous répondre, et après ça j'avais la députée de Mercier qui avait déjà
signifié son intention. Donc, après son intervention, je reviendrai au député
de La Pinière et j'irai avec le député de D'Arcy-McGee. M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Oui. Bien,
en réponse précisément à la question, la langue française, elle est
transversale, elle touche toutes les sphères de la société québécoise. Puis on
le voit bien avec le projet de loi n° 96, dans le fond, on agit sur les
différents paramètres de la société québécoise. Donc, le ministre responsable
de la Langue française doit être impliqué au niveau du processus, au niveau de
l'affichage, parce que l'expertise en matière de données linguistiques, en
matière de langue française va être au ministère de la Langue française et non
pas au ministère de la Justice. C'est pour ça qu'on veut mettre à contribution.
Et, dans le fond, le critère, là,
c'est : «...sauf si le ministre de la Justice et le ministre de la
Langue française estiment que, d'une part,
l'exercice de cette fonction nécessite une telle connaissance et[...], d'autre
part, tous les moyens raisonnables ont été pris pour éviter d'imposer
une telle exigence.»
Donc, les deux ministres vont travailler en
collaboration ensemble pour faire ça. Et, Mme la Présidente, un coup que les
besoins sont exprimés, ils sont analysés puis ils vont être évalués, mais c'est
sûr que le ministre de la Justice doit pouvoir compter sur la collaboration du
ministre de la Langue française avant d'avoir... d'autoriser une telle
exigence. Donc, ensemble, ils vont pouvoir le déterminer.
L'autre élément, c'est qu'en termes de mise en
application... Je comprends que la députée de Marguerite-Bourgeoys craint qu'il
y ait des conflits entre le ministre de la Langue française et le ministre de
la Justice. Moi, je ne suis pas d'accord. Parce que l'idée, c'est de faire en
sorte qu'on ne se bloque pas d'un bassin de candidats plus important pour
occuper la fonction de juge. Moi, je trouve qu'on vient pénaliser. Le fait de
dire à certains membres du Barreau : Vous ne pouvez pas soumettre votre
candidature parce que vous n'avez pas de maîtrise de la langue anglaise, dans
certaines circonstances, c'est justifié, dans certaines circonstances, c'est
justifié, mais est-ce que, de façon systématique, de façon paramétrique,
l'exigence de la langue anglaise doit être présente en fonction des données et
en fonction des statistiques, tout ça? Je ne le crois pas.
Donc,
l'article 12 viendrait établir très clairement que... Est-ce que la
fonction nécessite cette connaissance-là? Puis est-ce que les moyens
raisonnables ont été pris pour éviter d'imposer une telle connaissance?
Au niveau de l'affichage, je le réitère, il
s'agit uniquement du fait de pouvoir soumettre sa candidature. On n'est pas au
niveau de la nomination. La personne qui est désignée sera peut-être bilingue,
même si le poste n'a pas été affiché comme bilingue. Donc, ça, c'est important
d'apporter cette nuance-là.
L'intervention
du ministre de la Langue française, l'estimation que la fonction nécessite une
telle connaissance et que les moyens
raisonnables ont été pris pour éviter d'exiger cela, ça va être être fait en
collaboration entre le ministre de la Justice et le
ministre de la Langue française, parce que, notamment, l'expertise se retrouve
au niveau du ministère de la Langue française.
• (12 h 20) •
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci, M. le ministre. Donc, je vais maintenant reconnaître la députée de
Mercier.
Mme Ghazal : Merci, Mme la
Présidente. Donc, j'écoutais les explications du ministre, et, ce que je
comprends bien, l'article 12 donne des pouvoirs, au ministre de la Langue
française et aussi au ministre de la Justice, qui, en ce moment, étaient des
pouvoirs qui appartenaient... ou qui étaient détenus par la juge en chef. Non?
O.K.
M. Jolin-Barrette : Non. Dans
le fond, l'article 7 du règlement sur la sélection des juges fait en sorte
que la juge en chef exprime ses besoins. Nulle part dans la Loi sur les
tribunaux judiciaires ou nulle part dans le règlement sur la sélection des
juges il n'est indiqué que la langue est un des critères de sélection, nulle
part, nulle part. Donc, la pratique fait en sorte — qui a été développée
au cours des années — que
la juge en chef indique qu'elle souhaite que les juges soient... que le poste
doit avoir... être affiché avec la maîtrise de la langue anglaise. Donc, c'est
une demande qui est formulée, mais aucun critère de sélection, dans le cadre réglementaire
ou dans le cadre législatif, n'établit qu'il
s'agit d'un critère de sélection. Donc, c'est le ministre de la Justice qui a
l'entière discrétion pour le faire.
Ce qu'on
vient faire à l'article 12, c'est qu'on vient insérer très clairement
à la Charte de la langue française
que, si jamais l'affichage du poste exige la connaissance d'une langue autre que le français
ou l'anglais, bien, «le ministre
de la Justice et le ministre de la Langue française estiment que, d'une part,
l'exercice de cette fonction nécessite une telle connaissance et que, d'autre part, tous les moyens raisonnables ont été
pris pour éviter d'imposer une telle exigence».
Mme Ghazal : Donc, le critère de la
connaissance d'une langue n'existait pas, et le ministre vient corriger un
flou, si je comprends bien.
M. Jolin-Barrette : Bien, on vient
établir clairement que, s'il y a nécessité... bien, en fait, que, si on exige,
lors de l'affichage du poste, la maîtrise d'une autre langue ou la connaissance
d'une autre langue, ça doit être justifié par un critère de nécessité, premier
critère, et, deuxième critère, que les moyens raisonnables ont été pris pour
éviter d'imposer une telle exigence. Parce qu'on est au Québec. La langue
officielle de l'État, c'est le français. La langue de la législation et de la justice, c'est le français.
Et, les candidats à la magistrature, hein, les avocats membres du
Barreau, ce n'est pas parce que vous êtes un
francophone que vous ne devriez pas
pouvoir accéder à la magistrature au Québec.
Alors, ce que
je dis, dans le fond, c'est qu'il arrive qu'il est nécessaire
et que, malgré les moyens raisonnables d'éviter d'imposer une telle
exigence... que ça nécessite que l'affichage du poste exige la maîtrise de la
langue anglaise dans certaines circonstances. Ça va arriver, comme c'est déjà
arrivé. Mais, systématiquement, à tous les affichages
de poste, d'exiger une maîtrise de la langue anglaise, bien, ça ne pourra pas
être fait, à moins que le ministre de la Justice puis le ministre de la
Langue française estiment que la fonction nécessite une telle connaissance et
que, d'autre part, tous les moyens raisonnables ont été pris pour éviter
d'imposer une telle exigence.
Mme
Ghazal : On connaît par
coeur, maintenant, les deux, là. Donc, en ce moment, c'est fait de façon systématique. Ce n'est pas la juge en chef
qui dit : Cette fois-là, on va demander le bilinguisme, l'autre fois, on
va... ça, c'est dans la procédure actuelle, là, avant le projet de loi n° 96, et, d'autres fois, on n'a pas besoin de demander le
bilinguisme. Elle, elle ne faisait pas ce jugement-là. Ce qu'elle faisait,
c'est affichage du bilinguisme pour tous les postes partout au Québec, c'est ce
que je... en ce moment.
M. Jolin-Barrette : Bien, sans
rentrer dans le coeur du litige, dans le fond, je vais venir simplement
préciser. Dans le fond, il y a 36 districts judiciaires. Dans la quasi-totalité
des districts judiciaires au Québec, l'exigence de la maîtrise de la langue
anglaise, donc du bilinguisme, était demandée par la direction de la Cour du
Québec.
Je donne un
exemple. Dans le district de Québec, ce n'était pas demandé, mais, Montréal,
Laval, Saint-Jérôme, Longueuil, Beauharnois, donc la quasi-totalité des
postes, de la demande de la Cour du Québec, exigeaient le tout. Et c'est une
pratique qui a changé parce que... Je vais vous référer à une lettre ouverte
que l'ex-ministre de la Justice Paul Bégin, qui a été ministre de la Justice,
je crois, environ cinq ans, là, entre 1994 et 1997, si je ne me trompe pas, le
député de Matane-Matapédia va pouvoir m'aider... et 2001, 2002... 2002...
Une voix : ...
M.
Jolin-Barrette : ...2002,
bon... et que le ministre Bégin nous indique que ce n'est pas un critère de
sélection. Puis, nommément, à l'article 25 du règlement sur la sélection
des juges, vous avez les critères de sélection, puis le critère linguistique,
pour être sélectionné, n'est pas un des critères. Donc, la pratique a fait en
sorte qu'au cours des années, surtout depuis
les années 2006, 2007, la connaissance de la langue anglaise a été exigée
quasi systématiquement. Ensuite, c'est devenu la maîtrise de la langue
anglaise sous le gouvernement... 2014‑2018.
Donc, on vient établir les paramètres dans
lesquels... l'exigence, au niveau de l'affichage, pour soumettre sa
candidature. Et ce qu'il faut comprendre, c'est qu'au Québec, bien, les
critères de sélection pour être nommé à la fonction
de juge, c'est le fait d'avoir 10 ans de Barreau. C'est ça, le critère.
10 ans de Barreau, vous pouvez soumettre votre candidature.
Mme Ghazal :
Est-ce que, dans le fond, le règlement va être changé après pour ajouter les
critères linguistiques ou l'article 12 fait office des choix des critères?
M. Jolin-Barrette : C'est dans la
Charte de la langue française, donc, à l'article 12. C'est une disposition
qui est autoportante.
Mme Ghazal : C'est quoi, les moyens
raisonnables? Est-ce que vous pouvez, comme, les définir? Ce serait quoi, les
moyens raisonnables qui pourraient être apportés, si jamais il faut... Je n'ai
pas d'exemple en tête pour comprendre ce serait quoi, un moyen raisonnable de
s'assurer que finalement on n'a pas besoin de parler l'anglais. Attendez. Et,
d'autre part, «les moyens raisonnables [qui] ont été pris pour éviter d'imposer
une telle exigence». Ça serait quoi, les moyens raisonnables qui devraient être
pris?
M. Jolin-Barrette : C'est une évaluation
au cas par cas, à chaque fois qu'il y a une demande d'affichage qui est
effectuée qui demande, qui exige la maîtrise de la langue anglaise. Donc, ça va
dépendre des districts, de la population, ça va dépendre du nombre de juges qui
sont bilingues.
Écoutez, 88 % des juges, au Québec, sont
bilingues. Sur 140 juges qui ont été nommés au cours des dernières années,
122 avaient une exigence de bilinguisme, donc 82 %.
Alors, c'est une analyse au cas par cas. Les
besoins sont exprimés par la cour. Le tout est analysé au cas par cas en
fonction de la réalité du terrain, en fonction du volume de dossiers.
Mme Ghazal : J'essaie juste de
comprendre pourquoi le ministre dit qu'il n'a pas un pouvoir... ou peut-être
que le mot «pouvoir» est trop grand, il n'a pas un droit de regard, peut-être...
qui n'existait pas avant. C'est une réalité, c'est ce que fait l'article 12.
M.
Jolin-Barrette : L'article 12
vient très clairement dire les critères. Le critère, c'est que, pour être nommé
à la fonction de juge, vous n'avez pas
besoin de parler une autre langue que le français. On vient établir ça
très clairement.
Par contre, on vient créer une exception si...
en fait, si c'est nécessaire pour la fonction et si les moyens raisonnables ont été pris pour éviter d'imposer
une telle exigence. Donc, si c'est nécessaire, bien entendu, c'est normal qu'on mette un
affichage de poste avec le critère «la maîtrise d'une langue autre que le français».
On n'est pas dogmatiques, là.
Si vous êtes dans une situation où, supposons,
là, prenons un cas fictif, là, vous avez, supposons, 30 juges à la chambre
criminelle et pénale, à Montréal, O.K., puis il y en avait 29 d'unilingues
francophones, O.K., puis le 30e poste, là, il faut qu'il soit ouvert, là,
je crois que la fonction nécessiterait que le 30e juge soit bilingue. Je
donne un exemple fictif, là, grossier, pour illustrer ce que je veux dire.
Donc, dans certaines circonstances, bien entendu, il est nécessaire d'avoir un
poste qui est affiché avec la maîtrise de la langue anglaise.
Cependant, il n'est pas vrai que,
systématiquement, tous les postes de juge doivent être affichés avec la
connaissance de la langue anglaise... avec la maîtrise, pardon, la maîtrise de
la langue anglaise, parce que ça fait en sorte, notamment, de diminuer le
bassin de candidats qui peuvent accéder, qui peuvent soumettre leur candidature
à la fonction de juge. Vous avez des excellents juristes, des excellents
juristes qui ont pratiqué le droit pendant plus de 10 ans au Québec, en
droit civil, qui ne pourraient pas soumettre leur candidature, des personnes
d'exception, d'une droiture, d'une implication dans leur communauté, du support
de la règle de droit, de l'autorité des tribunaux, des gens dévoués à leur
profession aux justiciables qui ne pourraient pas soumettre leur candidature.
• (12 h 30) •
Mme Ghazal : Donc, même si 88 %
des juristes ou des gens qui posent leur... qui sont juges, des juges... C'est ça que vous dites, 88 % des juges sont
bilingues. Est-ce que le ministre considère qu'il y a eu de la
discrimination envers les juristes unilingues francophones? Il y en a eu, de la
discrimination envers eux et elles.
M. Jolin-Barrette : Moi, je ne peux
pas qualifier comme la députée de Mercier me le suggère, de qualifier. Ce que
je peux constater, cependant, c'est qu'au cours des dernières années,
systématiquement, de façon quasi systématique, il y avait l'exigence du
bilinguisme dans l'affichage de postes. Donc, ça signifie qu'au Québec, si vous
voulez aspirer à la fonction de juge, vous deviez avoir une maîtrise de la
langue anglaise.
Je suis en désaccord avec cela. Et la
démonstration que j'ai faite, c'est que, depuis que je suis ministre de la Justice, il y a certains postes de juge que je
n'ai pas ouverts avec la maîtrise de la langue anglaise, et je vais vous
donner un cas d'exemple, Mme la Présidente. En chambre civile, à Longueuil, à
l'automne 2020, on requérait l'affichage d'un poste à la chambre civile
avec la maîtrise de la langue anglaise, et je n'ai pas donné suite à cette
demande. Le poste a été ouvert, et la
candidate qui a été sélectionnée au poste de juge, que le ministre de la
Justice a recommandée au Conseil exécutif et qui a été approuvée par le Conseil
des ministres, bien, cette personne-là était bilingue, sauf que l'affichage de
poste n'exigeait pas la maîtrise de la langue anglaise.
Mme Ghazal : Donc, le ministre ne
veut pas l'affirmer, qu'il y a eu de la discrimination, mais on peut le
supposer. Est-ce qu'on ne devrait pas faire enquête pour s'assurer que... juste
pour avoir le coeur net? Est-ce qu'il y a eu de la discrimination envers les
unilingues francophones qui n'ont pas pu accéder à des postes de juge à cause
de leur unilinguisme, et donc ont subi de la discrimination? On ne devrait pas
enquêter pour pouvoir l'affirmer et le confirmer, puisque, maintenant, avec ma
discussion avec le ministre, on ne peut que le supposer?
M.
Jolin-Barrette : Ce que l'on fait avec la disposition de
l'article 12, c'est qu'on s'assure que des candidats tout à fait
compétents ne soient pas écartés seulement parce qu'ils ne maîtrisent pas une
autre langue que le français.
Mme Ghazal :
...
M.
Jolin-Barrette : Je ne veux pas tirer des inférences de la situation
passée. Mais ce que je vous dis, c'est qu'au Québec, depuis 2006, le fait
d'exiger quasi systématiquement la maîtrise ou la connaissance de la langue anglaise fait en sorte que le bassin de candidats,
hein, qui n'auraient pas une maîtrise de la langue anglaise... ne
pouvaient pas soumettre leur candidature pour être nommés à titre de juges de
la Cour du Québec. Donc, vous ne pouviez pas soumettre votre candidature,
malgré le fait que vous êtes un excellent juriste, malgré le fait que, dans le
cadre des formations continues, vous pouvez
améliorer la connaissance de l'autre langue. Il y a des formations qui existent
là-dessus. Alors, est-ce que le fait de ne pas être 100 % bilingue,
au Québec, ça vous disqualifie de devenir juge à la Cour du Québec? Donc,
c'était ça, la pratique, avant que j'arrive.
Mme
Ghazal : ...langue du travail, que ce soit le français, c'est
extrêmement important dans tous les domaines. Et on a eu des exemples,
par exemple, des reportages, même des enquêtes, je suis certaine, là, des
chercheurs qui voient comment les personnes, immigrantes ou pas, qui sont
unilingues francophones ont de la difficulté à combler ou aller... à déposer leur candidature ou avoir des postes à la hauteur
de leurs compétences, et juge pourrait en faire partie.
Et donc c'est juste
que, là, on le suppose. Est-ce que c'est parce que... C'est sûr que les gens
qui veulent être candidats ne veulent pas sortir sur la place publique et
dire : J'ai été discriminé. Mais est-ce que ce ne serait pas une bonne chose de pouvoir l'affirmer et le confirmer,
il y a eu de la discrimination, parce que ces gens-là sont unilingues
francophones, pour devenir juge?
C'est quelque chose
d'important de le confirmer, parce que, là, on le suppose. Mais on peut le
confirmer. On pourrait le faire pour
d'autres emplois, d'autres métiers, mais juge aussi, ce serait important de le
faire et de l'affirmer, puis dire : Bien, ces gens-là ont subi de
la discrimination à l'emploi parce qu'ils ne parlaient que le français.
M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez, moi, comme ministre, depuis que j'ai été nommé à
la Justice et à la Langue française, je m'emploie à faire en sorte
d'agir conformément aux lois et aux règlements et, surtout, d'améliorer la situation.
Alors, je... Vous m'amenez vers une proposition. Je ne la commente pas.
Mais une chose qui
est sûre, c'est qu'il y a des paramètres à établir relativement... au niveau de
l'affichage du poste, relativement à la maîtrise. Et le gouvernement du Québec
est en désaccord à l'effet que, systématiquement, dans la quasi-totalité des
districts judiciaires, on exige des candidats à la fonction de juge qu'ils
aient une maîtrise d'une autre langue que la langue officielle et que la langue
commune pour soumettre leur candidature. Je ne crois pas qu'au Québec on doit
se priver de gens compétents qui ont du talent et qui n'ont pas une maîtrise
suffisante d'une autre langue, à moins que ça constitue une nécessité en lien
avec la fonction, tel qu'il est établi dans l'article 12, et que des
moyens raisonnables aient été pris pour éviter d'imposer une telle exigence.
Mme Ghazal :
Je vous dirais, avec la discussion qu'on a, je pense que le ministre a compris
que nous sommes... je suis d'accord avec l'article 12. Nous allons voter
pour.
Moi, j'ai envie
d'aller plus loin, de dire, bien, il faudrait enquêter, voir est-ce qu'il y a
eu des gens, dans le passé... Je ne parle pas du futur, là, avec l'article, là,
qui va être... Et le projet de loi, s'il est adopté, ça va devenir la norme. Mais, tout ce temps passé, si le
gouvernement et le ministre a eu envie d'agir, c'est parce qu'il suppose qu'il
y a eu de la discrimination. Est-ce qu'il y
aurait possibilité de faire enquête puis de... sans, évidemment, nommer les
personnes, mais de le confirmer pour que... pour confondre les sceptiques,
disons?
M.
Jolin-Barrette : Bien, Mme la Présidente, moi, ce que je peux vous
dire, c'est qu'il y a une pratique malheureuse qui s'est développée à partir de
2006‑2007, qui a été renforcée à partir de 2014, et à laquelle on met fin, et
que j'ai décidé de mettre fin, parce qu'au Québec...
La langue officielle
du Québec, c'est le français. L'exigence d'une autre langue que la langue
française, pour être désigné à une fonction, au Québec, ne devrait pas être
systématique, à moins que ce soit nécessaire pour exercer la fonction, ce qui
signifie que, dans certains cas, oui, c'est nécessaire d'avoir des affichages
avec la maîtrise de la langue anglaise. Je donne un exemple. Il y a un
affichage de poste présentement — et j'invite tous les membres du Barreau à
soumettre leur candidature — à
Montréal, en chambre criminelle et pénale, qui exige la maîtrise de la langue anglaise. Donc, il y a des postes qui sont
ouverts avec la maîtrise mais pas systématiquement, dans la quasi-totalité
des districts.
• (12 h 40) •
Mme
Ghazal : Je suis d'accord
avec vous, avec ce que vous dites. Moi, l'idée de l'enquête... je n'ai aucune
idée, par exemple, peut-être
au sein du ministère de la Justice ou... je ne sais pas comment est-ce que ça
pourrait avoir lieu, mais pourrait
venir amener des données pour qu'un autre gouvernement, ou un autre
ministre, ou quelqu'un décide de changer, par exemple, la loi, en
disant : Non, parce que c'est contesté, là, cette idée-là de demander de...
d'interdire l'exigence de la connaissance
d'une autre langue. Donc, que personne ne puisse dire : Bien, on revient
en arrière, parce qu'il y a des
données probantes qui montrent qu'il y a eu de la discrimination au Québec
envers des unilingues francophones, et ça, c'est inacceptable.
Il y en a eu combien, où,
dans quelle région? Je pense que ça viendrait encore plus appuyer la volonté du
gouvernement à ce que la fonction de juge soit ouverte à tout le monde,
notamment les unilingues francophones qui ont toutes les compétences pour
occuper le poste. Ça viendrait l'appuyer encore plus.
Et ce serait gênant, pour d'autres, de
dire : Ah! non, nous devons écouter le ou la juge en chef — à
cette époque-là, là, si on parle, par exemple, dans le futur — et le
bilinguisme, là, c'est vraiment nécessaire partout, et là on enlève
l'article 12. Ce serait gênant de le faire. Si on n'a pas ces données-là,
au lieu d'être juste dans l'idée et... En théorie, c'est sûr que, si on ferme
la porte, on peut se dire : Bien, c'est sûr qu'il y a eu de la... On peut
supposer, en théorie, qu'il y a eu de la discrimination, mais on n'est pas
capables de le confirmer, puisque, de toute façon, 88 % sont bilingues.
Donc, combien il y en a eu qui ont vraiment subi de la discrimination? Tant que
ça? Non, on peut exiger le bilinguisme tout le temps. Alors que, là, si on a
une enquête avec des données, bien, ce serait beaucoup plus difficile d'aller à
l'encontre de cette enquête-là et de ces données-là.
M. Jolin-Barrette : Mme la
Présidente, je comprends la suggestion de la députée de Mercier puis j'en
prends note.
Mme Ghazal : Merci. Je n'ai pas
d'autre question.
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. Donc, je reconnais maintenant le député de La Pinière. Par la suite,
j'irai au... M. le député de D'Arcy-McGee.
M. Barrette : Merci, Mme la
Présidente. Alors, j'entends et je comprends l'argumentaire du ministre, qui
cadre son raisonnement dans une finalité qui m'étonne. Alors... Non, elle ne
m'étonne pas, la finalité, mais, dans le contexte, ça m'étonne un petit peu.
Bon, je m'explique. Puis ça va être une question, là.
Le ministre nous dit qu'il y a une pratique malheureuse.
Quand je prends des notes, là, c'est pour citer le ministre, là. Je l'avertis, là, c'est pour être certain de le citer
correctement, pour ne pas qu'il soit indisposé par mes propos, et vous pareillement, Mme la Présidente. Alors,
c'est une pratique malheureuse qui s'est mise en place progressivement
de 2006 à 2014, et, en 2014, c'est devenu systématique. C'est ce qu'il nous a
dit.
Est-ce que, dans l'esprit du ministre, là, cette
pratique-là qu'il qualifie de malheureuse...
Une voix : ...
M. Barrette : Je ne la qualifie pas.
Et, s'il vous plaît, Mme la Présidente, est-ce que je peux demander au ministre
de ne pas me répondre par : Oui, mais vous, êtes-vous... Non. Là, à un
moment donné, là, c'est le ministre qui doit défendre son... Puis c'est un
terme, hein, qui est utilisé. C'est comme les maîtrises, les doctorats, on défend
sa position. C'est utilisé en droit aussi.
Alors, moi,
j'aimerais que le ministre m'explique, me dise s'il est possible que cette
pratique-là ait été justifiée.
M. Jolin-Barrette : Je ne porterai
pas de jugement sur la pratique qui a été faite et établie par certains
gouvernements précédents, par le gouvernement libéral. Et il en revient...
M. Barrette : Bon, regardez, Mme la
Présidente.
M. Jolin-Barrette : Mme la
Présidente, je vais terminer ma réponse. Il en revient aux acteurs concernés de
l'époque d'expliquer pourquoi ils ont fait ce choix.
Moi, ce que je dis, c'est que, dans le cadre de
la société québécoise, actuellement, il est important de faire en sorte que
l'accès à la fonction de juge ne soit pas bloqué quasi systématiquement parce
que vous ne maîtrisez pas une autre langue que la langue officielle. Nous ne
pouvons pas créer des barrières à l'accès, au Québec, de façon quasi
systématique si un candidat ne maîtrise pas une autre langue que le français.
C'est tout ce que je dis.
Et l'article 12 vient répondre à cet enjeu
relativement au fait que, pour pouvoir afficher un poste à la fonction de juge,
il sera... la fonction nécessitera d'avoir une telle connaissance.
La Présidente (Mme Thériault) : M.
le député.
M. Barrette : Mme la Présidente, je
vais laisser le loisir au ministre de m'indiquer que ce qu'il veut corriger
n'est pas une pratique d'un gouvernement mais bien de la magistrature.
La Présidente (Mme Thériault) : M.
le ministre.
M. Jolin-Barrette : Non. Non, parce
que c'est le ministre qui demande à la secrétaire d'afficher le poste. Donc, il
y a eu un choix qui a été fait par les précédents ministres de la Justice et
par les gouvernements précédents.
M. Barrette : Mme la
Présidente, ma compréhension... D'ailleurs, c'est l'objet du litige actuel, là,
dans lequel je ne veux pas entrer. Il ne reste pas moins que le litige porte
sur une intervention du ministre suite à une démarche entreprise par la
magistrature. Il...
M. Jolin-Barrette :
...démarche du ministre, elle est préalable à une démarche entreprise par la
magistrature. Je vous l'ai dit puis je l'ai dit à la présidente hier ou lorsque
ça a été soulevé par la question de directive de la députée de
Marguerite-Bourgeoys. Notre projet de loi a été déposé le 13 mai 2021.
M. Barrette :
Le ministre nous a dit à plusieurs reprises que les critères en question, dans
son litige actuel, peu importe la date par rapport au dépôt du projet de loi,
là, les critères en question qui irritent le ministre, ce sont des critères qui
sont actuellement considérés comme une pratique malheureuse, parce qu'ils sont
mis de l'avant par la magistrature. Je comprends que, dans notre système
juridique, politique, à la fin, tout finit au ministre, là, mais ce n'est pas
les ministres passés qui décidaient de demander ça, là, ce n'est pas les
gouvernements passés, c'est la magistrature. Puis c'est bien sûr que ça finit
au bureau du ministre, tout finit au bureau du ministre. Mais là...
M. Jolin-Barrette :
Mme la Présidente, j'ai une question.
M. Barrette :
Bien...
M. Jolin-Barrette :
J'ai une question, Mme la Présidente.
M. Barrette :
Mme la Présidente, c'est parce que j'étais en train de parler, là.
M. Jolin-Barrette :
Non, mais juste sur l'intervention du député de La Pinière, très, très
court.
La Présidente (Mme
Thériault) : Bon. On va juste laisser le député de La Pinière
terminer son intervention, M. le ministre.
Après ça, vous... Dans votre réponse, vous pourrez poser votre question. Ça va
être... Juste pour la suite de nos travaux, ça va être plus convivial,
là.
M. Barrette :
Voilà. Alors, je ne souhaite pas zigonner pendant des heures là-dessus, là,
mais, Mme la Présidente, là, ce qui en jeu
actuellement, là, c'est une pratique considérée malheureuse qui émane de la
magistrature, à propos de laquelle le ministre a un pouvoir de dire : Oui,
non, modifié. Bien, d'ailleurs, la meilleure démonstration de ça, c'est le litige en cour actuellement, sur
lequel... Ça n'a pas d'intérêt, le litige. C'est juste que le litige vient du
fait que, et le ministre le dit lui-même, il veut mettre fin à ça. C'est
correct, là. Je comprends le raisonnement. Je mets les choses en place pour
aller un peu plus loin dans mon intervention. Alors, il y a une pratique dite
malheureuse à laquelle le ministre veut mettre fin. Parfait.
Un coup que c'est
dit, Mme la Présidente, quand j'écoute le ministre plaider, défendre sa
position, c'est souvent le cas, hein, je l'ai dit hier, avant-hier, avant,
avant, avant, là, ça revient toujours à ça, là, et j'essaie d'avoir une
approche purement objective, là, le ministre a une tendance répétée, ce n'est
pas méchant, ce que je vais dire, répétée à prendre un angle. Hier, je l'ai dit
à plusieurs reprises quand je faisais référence à... quand j'ai utilisé la
métaphore de David contre Goliath. Puis je ne veux pas revenir là-dessus, là,
mais on l'entend, là. Ceux qui nous écoutent,
ils l'entendent, là. Ils ne sont pas fous à temps plein, là, puis ils sont
capables de comprendre ces concepts-là. C'est des concepts très simples,
surtout quand le ministre les dit aussi simplement.
Alors, ici, le
ministre nous dit clairement et très simplement que son enjeu, c'est l'accès à
un poste de juge, alors qu'il me semble que l'enjeu devrait être l'accès à la
justice. Ici, l'enjeu, tout le débat est construit en fonction de l'accès à un
poste de juge, en faisant abstraction de la conséquence potentielle de l'accès
à la justice. La phrase que je viens de dire, là, n'est jamais prononcée. Le
concept qu'il sous-tend ne l'est jamais. Alors, ici, ici, c'est de ça qu'on
parle. O.K. Correct.
Alors, est-il
possible, peut-on imaginer des circonstances où il y ait un impact sur l'accès
soit à la justice soit à la qualité de la justice en adoptant le projet de loi n° 12, qui a l'air anodin... je m'excuse, 96,
l'article 5 pour l'article 12... Merci de me corriger, Mme la
Présidente. Vous faites bien, parce que, comme je dis souvent, ceux qui nous
écoutent, si c'est moi qui les mélange, ça va mal. Alors, merci de m'avoir
corrigé.
Alors, est-il
possible que cette provision-là que le ministre veut mettre en place puisse,
avec le temps et en certaines circonstances, avoir un impact sur l'accès à la
justice ou à la qualité de la justice?
• (12 h 50) •
La Présidente (Mme
Thériault) : M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Alors, ce que fait le député de La Pinière,
c'est d'aborder différents sujets et d'utiliser un autre sujet pour attaquer
une disposition qui est légitime. Parce que moi, Mme la Présidente, depuis que
je suis ministre de la Justice, j'ai tout
fait pour rendre la justice plus accessible. Je vous donne un exemple, le
projet de loi n° 75, notamment pour permettre aux cliniques
juridiques de donner des conseils et des avis juridiques. On était le seul État
au Canada à ne pas permettre ça pour les étudiants en droit. Pourquoi est-ce
que ça n'avait jamais été fait? Parce que, quand ça arrivait sur le bureau du ministre,
peut-être que le ministre le prenait puis qu'il le tassait.
Tantôt, le député de La Pinière
disait : Ultimement, tout se retrouve sur le bureau du ministre. Puis je
suis convaincu que, lorsque le député de La Pinière était ministre, il
prenait des décisions. Il prenait des décisions dans l'intérêt du Québec. C'est
ce que je fais, moi aussi. Je prends une décision dans l'intérêt du Québec,
dans l'intérêt des justiciables, dans l'intérêt de l'accès à la justice.
Et, vous savez, le fait de se priver de
candidats potentiels à la magistrature qui sont des excellents juristes... Ça aussi, c'est dans l'intérêt
de l'accès à la justice, de l'efficacité de la justice. Et ça permet de faire bénéficier
également, aux justiciables, de gens qui sont hautement
compétents mais qui n'ont peut-être pas le niveau de maîtrise d'une langue
suffisant pour pouvoir soumettre leur candidature.
La question du député de La Pinière qui est
sous-entendue, c'est : Est-ce que ça va limiter l'accès à la justice? La
réponse à cette question-là, c'est non. L'ensemble des obligations
constitutionnelles prévues à l'article 133, prévues à l'article 530
du Code criminel sont préservées, sont assujetties.
Tout à l'heure, je vous ai dit : Plus de 80 %
des membres de la magistrature sont bilingues, la quasi-totalité des postes ont été pourvus d'une façon bilingue.
Est-ce que, dans notre société, pour pouvoir soumettre sa candidature à
la fonction de juge, dans le seul État francophone d'Amérique du Nord, il est
nécessaire, pour soumettre sa candidature, d'avoir une maîtrise d'une langue
autre que la langue française? Est-ce qu'au Québec on veut faire... on veut
avoir une barrière à l'entrée parce que vous ne maîtrisez pas l'anglais? C'est
ça, la question. Et la pratique qui a été établie, c'est ça que ça fait.
Et je l'ai dit à de multiples reprises, les
Québécois ont le droit de travailler dans leur langue. Les Québécois ont le
droit de vivre en français au Québec. Et ça ne signifie pas que l'accès à la
justice est diminué. Il y a des garanties procédurales et constitutionnelles
qui sont présentes et qui sont respectées en tout point par les tribunaux, en
tout point.
Cela étant, est-ce qu'au Québec tous les
candidats doivent avoir une maîtrise d'une autre langue que le français pour accéder
à la magistrature? Et, je le réitère... Et la démonstration factuelle que j'ai
faite, que j'ai ouvert des postes qui exigent la maîtrise de la langue
anglaise... Et ça va demeurer également, mais est-ce que tous les postes
doivent avoir cette exigence-là pour répondre au rôle des tribunaux? La réponse
à cette question-là, c'est non. Ça doit être analysé au cas par cas.
Et le bilinguisme individuel n'est pas exigé par
nos lois. Il doit y avoir, dans le système de justice... La cour doit être
capable de répondre aux obligations constitutionnelles, aux obligations légales
qui lui sont imposées, mais il n'est pas vrai que, de façon quasi systématique,
tous les candidats qui souhaitent soumettre leur candidature doivent le
maintenir. Lorsque c'est nécessaire, il n'y a aucun problème.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le député de La Pinière.
M. Barrette : ...à ma question. Par
contre, on est revenus dans cette espèce de roulière là, là. Alors, 12, là,
c'est une question d'accès à un poste. C'est ça que c'est, sans égard,
absolument sans égard au reste.
M. Jolin-Barrette : ...
M. Barrette : Mme la
Présidente...
M. Jolin-Barrette : ...
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre...
M. Jolin-Barrette : Je ne suis pas
d'accord avec ça, Mme la Présidente. Je ne suis pas d'accord.
La Présidente (Mme Thériault) : Non,
M. le ministre, je m'excuse, je m'excuse, M. le ministre, je vais
vous reconnaître après. Vous avez fait votre intervention. Je suis convaincue
que le député de La Pinière aurait voulu interagir immédiatement avec vous.
Mais, pour être bien sûrs que les temps de parole soient bien respectés, que
les députés puissent suivre le fil de leurs idées, et la même chose pour vous,
M. le ministre, on va laisser le député de La Pinière terminer son
intervention. Par la suite, ce sera à vous d'y répondre, et, si vous voulez
ajouter des questions, bien, vous pourrez le faire, il n'y a pas de problème.
M. le député de La Pinière.
M. Barrette : Mme la
Présidente, que le ministre soit rassuré, là, Mme la... M. le
secrétaire, il a une horloge, là, puis ils vont m'arrêter, à un moment donné.
La Présidente (Mme Thériault) :
...va le faire.
M. Barrette : Bien, il va vous
indiquer que je ne peux plus. Ça fait qu'on me laisse aller jusqu'au bout de
mon affaire, là, tout simplement, là.
La Présidente (Mme Thériault) : On a
compris. Oui.
M. Barrette : Puis le ministre ne
sera pas d'accord, là. À chaque chose que je vais dire, il ne sera pas
d'accord, parce que son approche, elle est tellement, mais tellement
circonscrite, là, que c'est impossible de lui faire changer d'idée. Mais je
vais quand même faire le débat des choses.
Le raisonnement du ministre, il tiendrait,
Mme la Présidente, il tiendrait, O.K., parce que je trouve ça assez particulier, de la façon dont il l'apporte, il
tiendrait s'il était démontré que, dans ce qui est malheureux aujourd'hui,
là, dans les faits, il a été démontré qu'on se privait d'un juriste de grande
qualité. C'est ça qu'il dit. Et ce sous-entendu, Mme la Présidente, là, on se
prive de candidats de grande qualité à cause de la règle malheureuse, si ça,
c'était démontré, là, donc la règle actuelle, s'il était
démontré qu'on a des mauvais juges ou des juges moyens à cause de ça, bien là,
c'est vrai qu'il y a un problème, là. Vous le faites tout de suite, tout de suite,
tout de suite, là, je vais le signer en bas. Cette démonstration-là n'est pas
faite. Elle n'est pas faite. Alors, si on regarde tout ce débat-là de langue du
justiciable... Lui, ce qu'il veut, là, c'est, en tout temps, avoir un juge qui
juge comme du monde.
Et je ne sais pas si vous êtes déjà allée à la
cour, Mme la Présidente, malheureusement, moi, j'y suis allé sous divers états,
O.K., je suis allé comme expert, comme témoin, blablabla, j'ai compris... Une
chose est certaine...
M. Jolin-Barrette : ...
M. Barrette : Mme la
Présidente...
La Présidente (Mme Thériault) :
Non, M. le ministre, laissez le député...
M. Jolin-Barrette : Bien, le
député de La Pinière raconte des faits sélectifs.
M. Barrette : ...tout de suite,
s'il vous plaît, là. Arrêtez-le tout de suite, là.
La Présidente (Mme Thériault) :
C'est vous qui avez la parole, M. le député de La Pinière. Continuez.
• (13 heures) •
M. Barrette : Merci, Mme la
Présidente. Et j'ai constaté une chose... j'ai digéré une chose. Parce que,
quand on va là, là, on pense qu'on s'en va là, là, pour faire triompher la
vérité. Non, non, non, on s'en va là établir des faits. Le juge, lui, là, il a
un carré de sable, là, qui... essentiellement ce qui est présenté devant lui,
puis il juge. Puis, même si vous avez raison, là, si vous ne mettez pas, dans
le carré de sable, les bonnes affaires, là, vous allez perdre, là. C'est de
même que ça marche. C'est comme ça que ça marche. Ce n'est pas un jugement sur
les juges, c'est qu'on a... Le citoyen moyen ne comprend pas comment ça marche,
la justice dans un tribunal.
Mon point ici est que ce que le justiciable a de
besoin, là, c'est un juge qui le comprend en toutes circonstances et selon
toutes les nuances. C'est ça qu'il veut, le justiciable, c'est ça qu'il
recherche. Il ne recherche pas un juge qui aurait été sélectionné correctement
ou non, là, il cherche un juge qui le comprend quand il parle.
Alors, quand je regarde ça sous cet angle-là, et
qui s'oppose à la position du ministre, qui, lui, tout son raisonnement est : On ne peut pas créer une
circonstance qui nuit à un candidat, je comprends ce raisonnement-là — «nuit»
n'est pas le bon mot... qui est un obstacle à
une nomination — je le
comprends, mais, si on le regarde du côté du justiciable, est-ce qu'on ne devrait pas mettre en place toutes
les conditions nécessaires pour que le justiciable soit servi correctement?
Là, j'ai
d'autres choses à dire, là, mais, comme le ministre brûle d'envie de me
répondre, je vais lui laisser le temps de
me répondre et je vais revenir. Quand je reviendrai, Mme la Présidente, vous me direz combien de temps qu'il me reste.
La Présidente (Mme Thériault) : Oui.
M. le ministre, la parole est à vous.
M. Jolin-Barrette : Mme la
Présidente, si on suit le raisonnement du député de La Pinière, là, il
vient, dans le fond, de nous dire que, si vous êtes unilingue francophone, membre du Barreau, et que vous respectez les critères prévus
à la Loi sur les tribunaux judiciaires et au règlement sur la sélection des
juges, et que vous n'avez pas une maîtrise de la langue anglaise, mais que vous
avez une connaissance, supposons, vous allez être un moins bon candidat pour
être juge. Son raisonnement nous amène à cette conclusion-là, et jamais, au Québec,
je ne vais accepter ce genre de raisonnement là. Ce qu'il nous dit, il dit, dans
le fond, que, pour être un meilleur juge, il faut maîtriser l'anglais. On est
dans la position du Parti libéral, exprimée par le député de La Pinière.
C'est ça...
Une voix : ...
M. Jolin-Barrette : ...bien sûr que
oui, et moi, je ne peux pas adhérer à cela.
Ce que je lui dis, c'est que, dans notre système
de justice, qui fait partie de l'État québécois... Et on va venir changer les
paramètres de l'ensemble de l'État, qui doit être exemplaire, également de la société,
au niveau des employeurs. La langue commune, c'est le français. La langue
officielle, c'est le français. Et, pour accéder à une fonction, vous n'êtes pas
moins bon parce que vous n'avez pas une maîtrise, au moment de l'affichage du
poste, de la langue anglaise. Est-ce que ça s'apprend, une autre langue? La
réponse, c'est oui. Alors, pourquoi faire en sorte que tes candidats, de très
bons candidats, ne puissent pas soumettre leur candidature, basé uniquement sur
un critère linguistique? Est-ce que c'est ça que le député de La Pinière
cautionne?
La Présidente (Mme Thériault) : M.
le député de La Pinière, il vous reste neuf minutes.
M. Barrette : Merci, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) : Et
je vous rappelle que nous allons jusqu'à 13 h 15.
M. Barrette : Oui. Merci, Mme la
Présidente. Je vais revenir... C'est intéressant, Mme la Présidente, parce qu'on
avance. On avance. On ne va nulle part, mais on avance. C'est pas pire, ça,
hein?
Alors, le litige,
actuellement, là, auquel on ne fera pas référence, mais on va juste le
mentionner un petit peu comme ça, là, c'est sûr que... Et moi, je comprends très
bien la situation du ou de la juge en chef, selon les époques. Je comprends
très bien sa difficulté de gérer sa cour en fonction des justiciables qui se
présentent devant elle, la cour. Je comprends ça. Cette juge en chef là a la
responsabilité de s'assurer que le justiciable soit toujours mis dans une
situation idéale, idéalement, hein, en ce sens que, comme je l'ai dit tantôt,
le justiciable doit pouvoir être compris. Alors, elle ou il choisit essentiellement
de se donner toutes les possibilités.
À partir du moment où on met en place une règle
qui restreint les possibilités, ça peut causer parfois certains problèmes.
C'est le point que je fais. La juge en chef a à organiser sa cour, a à faire en
sorte que, lorsque ce sont des justiciables qui choisissent d'avoir un procès
en anglais... qu'il y ait une personne qui a la compétence linguistique pour faire en sorte que le justiciable ne soit pas
lésé. C'est ça, sa job. C'est ça, sa responsabilité. Alors, elle se donne tous ces moyens-là.
C'est correct. Bien, c'est correct... c'est ça qu'elle fait.
Mais le ministre, lui, vient altérer ça par sa
règle. Et je comprends ses règles... sa logique. La logique du ministre, Mme la
Présidente, elle se tient. Elle se tient si on la regarde, la logique,
uniquement sur l'accès au poste. Si on regarde ladite logique de l'autre angle,
qui est celui du justiciable, bien là, on peut imaginer un paquet de
circonstances dans le temps qui vont poser problème. Le juge... pas le juge,
mais le ministre le dit lui-même, là. Je veux dire, un juge, ce n'est pas nommé
pour 25 jours, là, c'est là longtemps. Alors... Puis je ne critique pas
ça, là. Alors, s'il advenait, à un moment donné, qu'un déséquilibre soit créé,
ça peut générer des problèmes.
Et là ça nous amène à la question que je
qualifierais quasiment de métaphysique, là. Voulez-vous bien me dire, Mme la
Présidente, et le ministre va peut-être nous le dire, là, pourquoi, dans la procédure
légale de nomination d'un juge, on vient faire intervenir une personne qui n'a,
a priori, exactement aucune compétence dans le domaine? Ça va servir à quoi,
sinon de mettre un poids additionnel sur la sélection de francophones?
Puis ce n'est
pas tout, Mme la Présidente. On met en place une structure bicéphale sans moyen
de règlement de conflit établi dans
la loi. Là, il y a deux ministres, là, qui se crêpent le chignon, là, pour toutes sortes de raisons.
Vous savez, dans la vie, Mme la Présidente,
dans la vie ministérielle, des fois, il y a des chignons qui se crêpent à
l'extérieur de la Chambre, puis ça donne ce que ça donne. Mais là ça sort d'où,
ça, exactement, d'avoir l'intervention, l'assentiment...
Une voix : ...
M. Barrette : Non, non, non.
J'invite le ministre à ne, ni du regard ni verbalement, faire aucune
association que ce soit. Mais ça sort d'où, ça? Ça sert à quoi? Moi, je ne le
vois pas. Mais je vois aussi, là, des problèmes. Quand je regarde les poids
relatifs de chacun des intervenants qui sont nouvellement nommés, là, moi, je
trouve que ça va venir débalancer la chose vers une direction qui peut être
délétère pour un justiciable. Absolument, délétère. Je suis sûr qu'il sait ce
que ça veut dire.
La Présidente (Mme Thériault) :
Est-ce que vous avez terminé?
M. Barrette : Oui, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) : Oui,
M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Bon, deux
choses. J'ai une question, Mme la Présidente. Puisque nous avons trois
anciens ministres autour de la table, alors, du dernier gouvernement, Mme la
Présidente, j'aimerais connaître la nature de ces conflits, parce qu'il m'apparaît... Le député de La Pinière nous
dit : Écoutez, quand vous êtes au Conseil des ministres, ça se peut
que vous vous chicaniez, tout ça. On fait ça dans l'harmonie, mais, s'il veut
se confier à nous sur les chicanes qu'il a eues, on est fort intéressés à le
savoir.
La Présidente (Mme Thériault) :
...simplement vous répondre, parce que vous disiez trois ministres alentour de
la table, je peux vous dire qu'on a toujours eu des discussions franches, des
fois animées, et que, comme ministres, on trouve toujours une solution à
quelque part. Mais, je suis convaincue, que ce soit votre gouvernement, un
gouvernement du Parti québécois ou un gouvernement du Parti libéral, les
ministres sont pleinement habités de leurs fonctions, des fois avec plus de
passion que d'autres, ça dépend, vous le savez vous aussi, mais je pense qu'on
finit toujours par trouver une voie de sortie, peu importe qui occupe la
fonction.
M. Jolin-Barrette : C'est ce que je
me disais, Mme la Présidente, mais c'est le député de LaFontaine qui a fait
référence à du crêpage de chignon.
Une voix : ...
La Présidente (Mme Thériault) :
Après, quand je vous reconnaîtrai. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bon, pour
revenir à l'intervention du député de LaFontaine... pardon, excusez-moi, de
La Pinière, l'article 12 du projet de loi n'est pas le résultat d'un
raisonnement dogmatique. Il faut très bien le dire. L'article 12, il est
là parce qu'il y a une pratique quasi systématique d'exiger le bilinguisme dans
la quasi-totalité des districts judiciaires. Alors, je comprends que ça demande
de l'ouverture d'esprit d'analyser et de changer la façon dont
nos processus fonctionnent, mais le processus qui est proposé à
l'article 12, il est tout à fait légitime pour qu'au Québec n'importe quel
avocat puisse accéder à la magistrature.
Et là on ne rentre pas dans le coeur du litige,
parce que le député de La Pinière a amené des arguments qui sont soulevés
dans le litige, puis je ne les commenterai pas, mais il est fondamental qu'au Québec
vous ne puissiez pas être empêché systématiquement d'accéder à une fonction
parce que vous parlez français, que ce soit à la fonction de juge, que ce soit
à la fonction de député, que ce soit à la fonction de premier ministre, que ce
soit à la fonction de directeur des ressources humaines, à la fonction
d'éducatrice, à la fonction d'enseignant, d'enseignante, que ce soit à la
fonction de médecin. Est-ce que... Si je disais : Pour devenir médecin au
Québec, il faut absolument avoir une maîtrise d'une langue autre que le
français, est-ce que le député de La Pinière serait en accord avec ça?
• (13 h 10) •
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. M. le député de La Pinière, il vous reste
4 min 20 s. Et c'est à peu près le temps qu'il reste à ce
bloc-ci avant que je suspende les travaux. Allez-y.
M. Barrette : Tout de suite? Tantôt,
à et quart.
La Présidente (Mme Thériault) : Oui,
à et quart. Il reste à peu près quatre minutes et quelques.
M. Barrette : Alors, pour ce qui est
du crêpage de chignon, Mme la Présidente, je comprends que le ministre n'en a
pas un, chignon, mais il va se crêper ce qui lui fait office de chignon lorsque
le Conseil du trésor ne lui donnera pas le budget pour faire tout ce qu'il veut
faire dans la traduction des jugements. C'est une prédiction que je fais, Mme
la Présidente. Ce n'est pas une prévision, c'est une prédiction. Bonne chance!
Ceci étant dit, Mme la Présidente, je continue
sur le même chemin, là, sur le même argumentaire. La cour, là, c'est la fin de
la ligne. Il n'y a rien après. Il y a le juge... Il y a le ministre, là, mais
le ministre, il ne donne pas de jugement, là.
Une voix : ...
M.
Barrette : De jugement. Bien,
c'est-à-dire que le ministre
de la Justice n'écrit pas des
jugements, quand même, là.
M. Jolin-Barrette : ...je pensais
que vous disiez que j'étais dénué de jugement.
M. Barrette : Mme la Présidente,
franchement, on me prête des intentions, là, c'est épouvantable.
M. Jolin-Barrette : ...que j'avais
bien compris.
M. Barrette : Alors, c'est la fin de
la ligne, Mme la Présidente, et il y a, dans la société, des situations où...
et ce sont ces situations-là. La fin de la ligne, normalement, elle doit être
sans... irréprochable, être irréprochable. Quand on regarde
l'article 12... Puis, je le redis, Mme la Présidente, la question, là...
Je comprends le règlement. Je comprends. Je fais simplement dire que, de la
manière que c'est écrit, c'est un peu particulier, là. Je continue dans la même
veine. Le ministre ne voit-il pas, là, que son texte met en place une dynamique
où la pression, la pression pour ne pas avoir de juge bilingue, va être très
forte?
Écoutez, là, ce n'est pas des farces, là, le
juge, il nous le dit lui-même... pas le juge, mais le ministre nous dit
lui-même, Mme la Présidente, là : Au Québec — pour paraphraser
quelqu'un d'autre dans ce gouvernement — c'est de même que ça se
passe. Alors, ce qu'il nous dit, c'est qu'au Québec c'est le français, la
langue commune, et, s'il doit y avoir, au poste de juge, un juge qui n'est pas
unilingue francophone, il va falloir que vous le démontriez en titi et qu'en
plus vous ayez pris tous les moyens nécessaires pour ne pas que ça arrive.
Moi, je vais vous dire une affaire, là, si je
suis juge en chef, là, je regarde ça puis je me dis : Aïe! oui, je suis
bien mieux de marcher les fesses serrées puis de marcher droit, là, parce que,
le jour où je vais vouloir mettre un juge bilingue ou anglophone
majoritairement, là, j'ai un mur, là, parce qu'au bout de la ligne le ministre
a un droit de veto. Il l'a exercé récemment, là. Alors...
M. Jolin-Barrette : ...c'est
important. C'est important, parce que ce n'est pas une information adéquate qui
est véhiculée par le député de La Pinière.
M. Barrette : Mme la Présidente, je
vais juste...
M. Jolin-Barrette : Ce que le député
de La Pinière vient de dire, madame...
La Présidente (Mme Thériault) : Non,
bien, je...
M. Jolin-Barrette : Non, non, mais,
Mme la Présidente, on ne peut pas laisser...
M. Barrette : Je vais lui laisser...
La Présidente (Mme
Thériault) : Non, non, je m'excuse, c'est moi, la présidente. Depuis
ce matin, je laisser compléter les interventions. M. le ministre, vous ferez
votre intervention par la suite. M. le député de La Pinière, vous avez la
parole.
M. Barrette : Je ne véhicule pas
l'information. C'est ma lecture. Si le ministre souhaite me dire que j'ai mal
compris, qu'il me l'explique. Et ça se peut qu'après ses explications je lui
dise qu'elles ne tiennent pas la route. Alors, qu'il m'explique ça, là.
La Présidente (Mme Thériault) : M.
le ministre, vous pouvez y aller. Il reste un peu moins de deux minutes au
bloc.
M. Jolin-Barrette : Mme la
Présidente, le député de La Pinière vient de dire que, si vous étiez un
juge anglophone, vous ne pouvez pas accéder à un poste de juge. Ce n'est pas ça
du tout, la question. Ce n'est pas ça du tout, la question. La question,
c'est : Est-ce qu'il y a une exigence de maîtriser une autre langue que le
français? C'est ça, le critère, puis c'est
le critère avec lequel le député de La Pinière est d'accord. Il est
d'accord avec le fait que, systématiquement,
on exige la maîtrise de la langue anglaise pour pouvoir soumettre — soumettre, pas être sélectionné, soumettre — sa candidature. Mme la Présidente, je
m'explique vraiment mal la position du député de La Pinière, parce
que c'est un homme de bon sens. Il est
raisonnable. Il ne trouve pas que le fait d'exiger quasi systématiquement
l'exigence d'une autre langue que le
français, c'est une approche qui peut s'avérer, comme le disait-il tout à
l'heure, dogmatique.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci, M. le ministre. Malheureusement, je n'ai plus de temps. Il vous reste
1 min 18 s. Et, après votre intervention, à la reprise des
travaux cet après-midi, à 15 heures, ce sera le député de D'Arcy-McGee,
qui était déjà en attente. Non, mais vous, vous pourrez compléter votre bloc.
Il vous reste 1 min 18 s. Et, par la suite, l'intervention à reconnaître
sera celle du député de D'Arcy-McGee.
Donc, je suspends les travaux jusqu'à
15 heures. Merci. Bon appétit.
(Suspension de la séance à 13 h 15)
(Reprise à 15 h 11)
Le Président (M. Polo) : Votre
attention, s'il vous plaît! La Commission de la culture et de l'éducation
reprend ses travaux. Nous poursuivons l'étude détaillée du projet de loi
n° 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le
français.
Lors de la suspension de nos travaux, nous
étions à l'étude de l'article 12 introduit par l'article 5. Je
céderais, dans un premier temps, la parole au député de La Pinière pour un
temps d'à peu près 1 min 15 s, M. le député. Et ensuite, si vous
permettez, M. le député de D'Arcy-McGee, je pense qu'il va y avoir un léger
amendement... ou, en fait, une intervention du ministre. Mais vous pouvez
procéder, M. le député de La Pinière, allez-y.
M. Barrette : Merci, M. le
Président. Alors, je continue dans la même veine que ce matin et ce matin j'en
étais rendu à me questionner sur la pertinence et les difficultés qui viennent
de cette espèce de direction, là, bicéphale, égalitaire entre deux ministres.
Et, bon, je n'ai pas beaucoup de temps, M. le Président, mais il m'apparaît
assez clair que... pour nous, du moins, qu'on devrait aborder cette situation-là
de deux manières possibles, et c'est le ministre qui va décider, évidemment :
ou bien on retire la référence au ministre de la Langue française ou bien on la
module en statuant qu'on le consulterait,
plutôt que d'avoir la situation actuelle, telle qu'elle est, où les deux
ministres sont, disons, sur un plan égalitaire sur le plan de la décision.
Le Président (M. Polo) : Merci
beaucoup. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui. Alors, M.
le Président, suite aux commentaires de mes collègues de l'opposition
officielle, je souhaiterais apporter un amendement au projet de loi, puisque je
les écoute et que je les entends. Donc, en toute bonne foi, je suis sensible à
leur point, qu'ils disent : Écoutez, on ne souhaite pas mettre... qu'on ne
se retrouve pas dans une impasse. C'est leur crainte qu'on se retrouve dans une
impasse entre le ministre de la Langue française et le ministre de la Justice.
Alors, je vous proposerais un amendement, M. le Président, qu'on a envoyé et
qui est... Est-ce qu'il est disponible sur Greffier?
Le Président (M. Polo) : ...
M. Jolin-Barrette : Pas encore.
Bien, je peux vous en faire la lecture durant le temps que vous les
téléchargez, M. le Président. Alors, l'amendement se lirait ainsi, donc :
À l'article 5 du projet de loi, remplacer, dans l'article 12 de la
Charte de la langue française qu'il propose, «et le ministre de la Langue
française estiment» par «, après consultation du ministre de la Langue
française»... pardon, «, après consultation du ministre de la Langue française,
estime».
Donc, il manque peut-être un petit e, qu'on va
pouvoir modifier.
Donc, l'amendement... Cet
amendement précise que le ministre de la Justice est tenu de consulter le
ministre de la Langue française avant de prendre la décision qui lui incombe en
vertu de l'article 12.
Donc, si je vous lis la totalité du texte, M. le
Président, tel qu'amendé, là, ça se lirait ainsi, maintenant, à
l'article 12 : «Il ne peut être exigé de la personne devant être
nommée à la fonction de juge qu'elle ait la connaissance ou un niveau de
connaissance spécifique d'une langue autre que la langue officielle sauf si le
ministre de la Justice, après consultation du ministre de la Langue française,
estime que, d'une part, l'exercice de cette fonction nécessite une telle
connaissance et que, d'autre part, tous les moyens raisonnables ont été pris
pour éviter d'imposer une telle exigence.»
Donc, désormais, l'obligation... la décision va
être celle du ministre de la Justice, après avoir consulté le ministre de la
Langue française.
Et il est disponible sur Greffier. Donc, il y a
une petite coquille, M. le Président, là, dans l'article, là, c'est «du ministre
de la Langue française». Il manque un e à «française». Donc, je pense que le
secrétariat peut le corriger. Et on va avoir
le pendant à l'article 13 également, donc il va y avoir un amendement de
concordance à 13 par la suite.
Le Président (M. Polo) : Mme la
députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Oui. Bien, merci, M. le
Président. Et je dirais que le ministre nous fait un petit cadeau de Noël de
nous écouter, en dessous du sapin, dans un bas de Noël, alors, une écoute par
rapport à la question de l'articulation bicéphale de deux ministères. On
parlera plus tard, beaucoup plus tard, je pense, je ne sais plus à quel
article, de la création d'un ministère de la Langue française, mais il importe
dès maintenant de se pencher sur la question du rôle du ministre de la Langue
française, parce que, comme le dit si bien le ministre, et on le sait, c'est très,
très, très transversal, une fonction comme celle-là. Et il a beau être ministre
plutôt que ministre responsable, bon, un ministre responsable est quand même un
ministre en titre, ce n'est pas un ministre délégué, alors c'est quand même une
responsabilité tout aussi importante.
Mais ce que je pense déceler, dans les ambitions
du ministre par rapport à la langue française, c'est que ce ministère-là soit
mieux doté que ne l'est actuellement le Secrétariat à la promotion et à la
valorisation de la langue française et la
responsabilité de l'OQLF. Donc, on discutera en temps et lieu du bien-fondé de
la création d'un ministère, mais il me semblait très, très important, à
moi et mes collègues, de dire : O.K., mais soyons concrets, soyons
efficaces et, comme aiment beaucoup dire nos collègues d'en face, soyons
pragmatiques. Il faut arriver, à un moment donné, à une conclusion.
Et le
ministre de la Langue française sera, donc, consulté dans plusieurs secteurs.
Et on veillera, effectivement, dans le projet de loi, à ce qu'il y ait
une certaine homogénéité de son rôle. Est-il, des fois, au même titre que le
ministre, titulaire d'un secteur ou bien il est consulté par rapport au
secteur, que ce soit l'Économie, que ce soit l'Éducation, que ce soit
l'Enseignement supérieur, que ce soit la Justice, que ce soit d'autres
ministères qui vont être... et qui devront prendre une partie de cette Charte
de la langue française et appliquer les articles qui y réfèrent?
Alors, je
préfère, effectivement, et de très loin, la formulation «après consultation» plutôt que les deux ministres
dont on se dit que, d'après la formulation actuelle, ils seraient exactement au
même niveau de décision. Quand on est deux ministres ensemble et qu'on a tous
les deux la charge commune, soit comme ministre sectoriel de l'application de
la Charte de la langue française dans un secteur, en ce moment on parle de
justice, et qu'on a un ministre de la Langue française qui est tout aussi
responsable de la langue française, alors, qui décide, en cas de... je dirais,
de rendre inconciliables deux points de vue?
Ça, c'est comme les couples, tant qu'ils
s'aiment puis que ça va bien, il n'y a pas de problème, mais, quand arrivent
les problèmes, c'est là qu'on est... J'espère qu'on a pensé à ça avant de
convoler en justes noces ou en justes... Le ministre connaît la justice
mieux que moi, il est dans le droit de filiation et de... tout ça. Bon, on sait
comment les gardes partagées peuvent être difficiles, comment les problèmes de
couple peuvent s'envenimer. Alors là, ce qu'il nous proposait, c'était un
couple d'égale importance, je dirais, sur la décision d'afficher un poste ou
pas en justice. Parce que c'est de ça dont il est question, afficher un poste
et d'autoriser si le poste peut être bilingue ou pas et de... Et ça... Le problème reste entier, M. le Président, sur
cette question-là. Mais imaginez deux ministres qui se penchent sur un berceau de quelque chose dont la
personne sur le terrain, qui est la juge en chef dans un district X ou
Y, a fait l'analyse et, pour l'instant, n'a pas à... nécessairement à se
justifier de demander que le poste soit bilingue.
Alors, même, même si l'article 12 est
adopté avec l'amendement, mais tel quel par rapport aux autres enjeux, bien, si les deux ministres sont égaux devant la
décision d'autoriser un poste... Parce que c'est de ça dont il est
question, dans le fond, c'est d'afficher, c'est que le ministre de la Justice
arrive au Conseil des ministres et dise... Même pas, c'est avant le Conseil des ministres, c'est après la première étape. La
deuxième étape, il autorise l'affichage. C'est bien ça, M. le ministre,
là, il autorise l'affichage ou il... lui-même, il affiche, avec son secrétaire...
ou le secrétaire affiche, après l'autorisation du ministre.
• (15 h 20) •
M. Jolin-Barrette : ...
Le Président (M. Polo) : Attendez,
M. le ministre. C'est juste parce que je veux m'assurer que tous les députés
ont eu le temps de recevoir les amendements, là, partagés dans le Greffier par
M. le ministre. Si ce n'est pas le cas, on interromprait juste quelques instants pour
s'assurer que tout le monde a bien reçu, là, les amendements. Oui?
Des voix : ...
Le
Président (M. Polo) : Ils sont tous là? Parfait. Parfait. Donc, nous
pouvons poursuivre, c'est correct pour M. le secrétaire. Allez-y, M. le
ministre.
M.
Jolin-Barrette : Oui. Bien, dans le fond, c'est le ministre qui
demande au secrétaire, à la sélection des juges,
d'afficher, donc, le concours, donc, dans Le Journal du Barreau puis sur
le site Internet du ministère de la
Justice.
Mme David :
Et donc, c'est ça, dans cet affichage, le ministre, en amont de ça, il reçoit
de la juge en chef les demandes. Là, il y a une étape nouvelle, du droit
nouveau, comme on dit, intermédiaire, qui est : Je dois aller voir mon collègue de la Langue française. Et, si on
n'adopte pas l'amendement, pour l'instant, je dois aller voir mon
collègue. Et il n'est pas dit qui a
préséance sur l'autre, là, c'est : Les deux décident ensemble est-ce que
c'est une bonne idée ou pas.
Et il pourrait
arriver, hein, le droit, c'est pas mal fait pour prévoir les problèmes, hein,
plus que la bonne entente et l'harmonie, donc, il pourrait arriver que le
ministre de la Langue française dise : Non, ça n'a pas de bon sens, alors que le ministre de la Justice
dise : Bien, dans ce cas-ci... Comme le ministre nous dit qu'il l'a fait
récemment, il a accepté d'afficher un poste bilingue parce qu'il a trouvé,
probablement, que c'était justifié et que ça valait la peine de l'afficher
bilingue. Donc là, bonne chance pour qui est le vrai ministre responsable
d'afficher. Est-ce que c'est le ministre de la Justice, ou c'est le ministre de
la Langue française, ou c'est les deux, qui doivent, comme un jury, obligatoirement s'entendre pour rendre une... bon,
déposer, je ne sais pas quoi, rendre... comme il arrive, en ce moment,
des jurys qui délibèrent?
Alors, moi, je pense
que c'est sage, c'est sage — j'aime
ça mettre ce mot-là — que
de dire : Je consulte mon collègue qui s'y connaît en langue française,
mais peut-être qu'il s'y connaît moins en justice, et moi, j'apporte le côté
justice en disant : Je pense que c'est raisonnable dans ce cas-ci. Puis là
le collègue va être consulté, pourra faire changer d'idée au ministre, le cas
échéant, mais pourrait aussi dire qu'il est d'accord. Mais il pourrait
convaincre le ministre que ce n'est pas une
bonne idée, mais, malgré tout, le ministre pourrait décider que, oui, c'est une
bonne idée.
Alors, ça donne un
peu plus de pragmatisme et ça donne un peu plus de flexibilité. Et, en ce
sens-là, je pense que... Parce qu'indirectement... plus qu'indirectement, là,
assez directement, ça nous fait parler du rôle du ministre de la Langue
française. C'est les premières fois qu'on en parle vraiment dans un article de
loi. Et ça va revenir à d'autres moments, alors c'est important, ici, de
mettre... de tracer une certaine définition, que peuvent être les
responsabilités de ce ministre de la Langue française.
Alors, je dirai donc,
M. le Président, que nous serons favorables à cet amendement-là.
Le Président (M.
Polo) : Merci. D'autres interventions? M. le député de La Pinière.
M. Barrette :
Là, évidemment, M. le Président, on est sur 12, sur l'amendement à 12, à 5(12),
là, mais le ministre nous a dit, dans sa présentation, que... nous a indiqué,
dans sa présentation, qu'il déposait un amendement de concordance. On n'est pas
là, à 13, je vais attendre à 13, mais je dis tout de suite au ministre qu'il me
semble que ce qu'il a écrit pour 13 n'est pas de la simple concordance. On
débattra rendus à cet article-là. Puis les raisons pour lesquelles je dis ça,
c'est que... À 12, qui est l'amendement en cours, je suis très confortable.
J'aurais préféré qu'il n'y ait pas le ministre qui joue le rôle, mais le rôle
que je ne voulais pas que le ministre de la Langue française joue semble être
joué à 13, un peu plus.
Inévitablement, là,
inévitablement, de la manière dont l'article 5(12) était écrit
initialement, ça pouvait nous amener... pas inévitablement, mais sans aucun
doute que ça pouvait nous amener dans une situation de rapport de force entre
deux ministres qui auraient des... qui, par définition, ont des intérêts
séparés, dans le... Bien, oui. Le ministre me fait un signe de convergence. Je
comprends ce qu'il me dit, mais, quand on converge, c'est parce qu'à la case
départ on n'est pas dans la... on n'a pas exactement le même intérêt... un
alignement, peu importe, là, mais il y a un point de départ où ce n'est pas la
même affaire, puis à la fin ça se rapproche. Maintenant, là, 5(12), tel qu'il
est écrit, au moins, ça enlève la possibilité d'un rapport de force. Je dis tout
de suite qu'à 13 ça semble le permettre. Et on en parlera à 13.
Alors, c'était... Et
je reprends... Je tente d'être cohérent avec mon propos de ce matin. Je
comprends que le ministre, il aille sur l'accès, à un individu, à un poste de
juge. Je maintiens la position que l'intérêt de la justice doit être un intérêt
au moins équivalent à celui que défend le ministre. Et donc c'est correct, je
peux vivre avec. En fait, je vis avec, là, positivement.
13, là, je le dis
tout de suite au ministre, là, on va avoir un autre débat. C'est tout, M. le
Président.
Le Président (M.
Polo) : M. le député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum :
Comme a été dit, on reçoit bien la proposition d'amendement. Est-ce que je peux
comprendre que c'est une reconnaissance, en quelque part, que c'est les préoccupations
en tout ce qui a trait à l'accès à la justice qui prévalent, en quelque part? Parce
que la décision, maintenant, suite à cet amendement, serait tranchée par le ministre
de la Justice après avoir dûment consulté avec son collègue ou, actuellement,
avec lui-même. Mais est-ce que je peux comprendre qu'on... il y a une reconnaissance
ici, en quelque part, peut-être à juste titre, qu'il y a au moins deux coches à
remplir? Dans un premier temps, est-ce que toutes les règles naturelles de
justice sont... soient comblées mais pas suffisantes? Il y a aussi une reconnaissance
nécessaire que les objectifs du gouvernement et du ministre responsable de la
Langue française soient comblés aussi. Est-ce que j'ai bien compris?
M.
Jolin-Barrette : Bien, en fait, je ne suis pas tout à fait convaincu
de bien saisir, là, mais l'objectif de l'amendement est de faire en sorte, de
façon à amener davantage de sécurité pour les collègues, qu'il n'y aura pas de situation
d'impasse où il pourrait y avoir un conflit entre le ministre de la Justice et
le ministre de la Langue française. Donc, l'amendement vise à faire en sorte
qu'ultimement c'est le ministre de la Justice qui tranche, après consultation
de son collègue, sur le critère : Est-ce que c'est nécessaire ou non, pour
le poste affiché, d'avoir une exigence d'une langue autre que le français et
est-ce que tous les moyens raisonnables ont été pris pour éviter d'imposer une
telle exigence? Donc, l'objectif demeure le même, mais il y aura un décideur
unique, ultimement, qui sera le ministre de la Justice.
M. Birnbaum : ...qu'il suggère... Et
moi, je soumets, à juste titre, qu'il y a, en quelque part, une hiérarchie. Le
ministre de la Justice a la responsabilité, comme Procureur général, de veiller
à l'accès et l'efficacité du système de justice. Il est membre d'un Conseil des
ministres et là, explicitement, il a à consulter un ministre en particulier.
Mais, de ma compréhension, il y a un critère, en quelque part, qui prévaut,
hein? Les deux peuvent être des conditions qui doivent être remplies, j'en
conviens, mais, le ministre vient de le dire, le ministre de la Justice, dans
ces cas-là, va trancher.
M. Jolin-Barrette : M. le Président,
avec votre permission...
• (15 h 30) •
Le Président (M. Polo) : Monsieur,
je veux juste préciser, je ne suis pas le genre de président qui intervient
beaucoup. Si ça reste respectueux, vous pouvez continuer à échanger sans que
j'intervienne à chaque fois, juste pour faciliter les échanges.
Une voix : ...
Le Président (M. Polo) : J'ai
bien précisé «respectueux».
M. Jolin-Barrette : M. le
Président, on s'adapte à tous les types de présidence. On avait été ramenés à
l'ordre... Bien, pas moi. Quand je dis «on», on parle de la commission mais surtout
mes collègues d'en face. Votre prédécesseure de ce matin avait mis les points
sur les i, les barres sur les t, puis là...
Le Président (M. Polo) : Moi,
je nous fais confiance, M. le ministre. Si ça reste respectueux, allez-y.
M. Barrette : ...à cause de lui
que...
Le
Président (M. Polo) :
Non, non, non, M. le député de La Pinière. M. le
ministre, poursuivez votre
réponse à M. le député de D'Arcy-McGee.
M. Jolin-Barrette : Bon, M. le
Président, il ne faut pas voir qu'il y a une hiérarchisation des droits, comme,
je crois, le laisse entendre le député de D'Arcy-McGee, en fonction d'est-ce
que c'est l'accès à la justice versus la langue française. Ce n'est pas cette question-là
qui est traitée dans l'article 12. L'objectif de l'article 12 est de
faire en sorte qu'une exigence linguistique ne soit pas imposée d'une façon
unilatérale et quasi systématique pour occuper la fonction de juge... en fait,
pour soumettre sa candidature à titre de juge.
Tous les droits fondamentaux,
l'article 133, l'accès à la justice, tout ça demeure, est comblé, et rien,
dans le cadre de l'article 12, ne porte atteinte au droit des justiciables
de pouvoir s'adresser dans la langue de leur choix devant les tribunaux. Il ne
faut pas les lire en opposition du tout. Ce sont deux dispositions complètement
distinctes. 133 vient garantir qu'un juge qui exerce sa charge peut s'exprimer
en anglais ou en français s'il le souhaite, qu'un procureur, un avocat peut
s'exprimer dans la langue de son choix, qu'un citoyen peut s'exprimer dans la
langue de son choix, en français ou en anglais. Ça, c'est 133. Ça, ça demeure.
Ce que 12 fait, par contre, c'est que, pour
soumettre sa candidature à titre de juge, le critère vient encadrer, dans le
fond, l'exercice de pouvoir du ministre, en l'occurrence, là, le ministre de la
Justice. Donc, ultimement, c'est le ministre de la Justice qui va prendre la
décision relativement à l'exigence ou non d'inscrire la maîtrise d'une autre
langue que le français. Avec l'amendement, c'est ce qu'on fait. Plutôt que
d'avoir, comme le disaient la députée de Marguerite-Bourgeoys et le député de La Pinière,
une codécision, ça va être uniquement la décision du ministre de la Justice,
après consultation de son collègue ministre de la Langue française. Mais il ne
faut pas... Ce n'est pas une opposition entre l'accès à la justice et la langue française, parce que la langue
française fait partie de l'accès à la
justice.
Donc, voyez-vous, ce n'est pas un article qui va
à l'encontre... Ce n'est pas un équilibrage entre les deux, là, c'est :
Tout fait partie de l'accès à la justice, incluant le fait, pour un candidat
membre du Barreau, de pouvoir soumettre sa candidature à cette fonction.
M. Birnbaum : Si je peux
poursuivre juste avec un autre... un complémentaire, le ministre de la Justice,
et on laisse à côté 133 pour l'instant, le ministre à la Justice... de la
Justice aborderait des questions afférentes à l'article 12, je présume,
avec ses responsabilités de veiller à la bonne administration de la justice
dans tous ses aspects. Le ministre de la Langue française n'aurait pas particulièrement
cette responsabilité. Là, nous sommes en train de discuter d'un amendement qui
dit très clairement : Mais, après consultation, c'est le ministre de la
Justice qui tranche. Alors, est-ce qu'on n'est pas, comme
je dis, peut-être de façon tout à fait légitime, en train de constater que la responsabilité
ultime, en tout ce qui a trait aux décisions liées à l'article 12,
éventuel article 5, sont le domaine du ministre de la Justice?
M. Jolin-Barrette : Bien, en
fait, M. le Président, c'est déjà actuellement le cas. C'est déjà le ministre
de la Justice qui décide d'afficher le poste, qui demande l'ouverture du
concours. C'est déjà le cas. Ce que 12 faisait, c'est qu'on venait dire :
Bien, écoutez, il faut que les deux ministres estiment que c'est nécessaire et
que tous les moyens raisonnables ont été pris. Alors, pour éviter l'imbroglio
hypothétique que mes collègues ont soulevé, dans le fond, on vient retirer,
dans le fond, l'aspect décisionnel du ministre de la Langue française
là-dessus, mais il sera consulté. Mais ça n'empêchait pas le ministre de la
Justice d'ouvrir unilatéralement le concours et l'avis de sélection... et
d'afficher l'avis de sélection.
Le Président (M. Polo) : C'est
tout, M. le député de D'Arcy-McGee?
M. Birnbaum : Oui.
Le Président (M. Polo) :
Parfait. D'autres interventions suite à l'amendement? Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys?
Non? Parfait. Compte tenu qu'on va procéder au texte amendé à
l'article 12, je demanderais le vote. M. le secrétaire.
Une voix : ...
Le Président (M. Polo) : Pardon? Il
n'y a pas d'autre intervention? Non? O.K. Parfait. Il n'y a pas de débat. C'est
par rapport à l'article 5.
Une voix : ...
Le Président (M. Polo) : C'est ça
que je dis. Mais c'est ça que je viens de demander au secrétaire.
Une voix : ...
Le
Président (M. Polo) : Ah! O.K.
Oui, oui, c'est bon, à main levée. Parfait, excellent. Adopté. M. le secrétaire...
Des voix : ...
Le Président (M. Polo) : Est-ce que l'amendement
à l'article 12 est adopté?
Des voix : Adopté.
Le
Président (M. Polo) :
Parfait. Bon, on pourra procéder. Donc, M. le ministre, on procède à
votre proposition d'amendement à l'article 13.
M. Jolin-Barrette : On resterait à
12, M. le Président, pour terminer 12.
Le Président (M. Polo) : Parfait.
Allez-y, oui.
M. Jolin-Barrette : Puis ensuite,
bien, très bientôt, M. le Président, je suis convaincu qu'on va aller à 13. Ce
ne sera pas long.
Une voix : ...
M. Jolin-Barrette : Ou de secondes.
Le Président (M. Polo) : Parfait. Mme
la députée, allez-y.
Mme David : Bien, moi, je n'y vais
pas, parce que, dans l'ordre qui avait été prévu, c'était rendu au député de D'Arcy-McGee.
Mais vous ne pouvez peut-être pas le savoir parce que ce n'était pas vous. Mais
c'est... Alors, vous venez... préparer mentalement...
Le Président (M. Polo) : À respecter
l'ordre. Allez-y, M. le député de D'Arcy-McGee.
Mme
David : ...à être juste et
équitable, et ça fait longtemps que le
député de D'Arcy-McGee attend son tour.
Le Président (M. Polo) : Parfait.
Merci.
M. Birnbaum :
Merci, M. le Président. Là, pour... On revient à nos discussions sur
l'article 12, et je veux reculer un petit peu et comprendre, en quelque
part, la nécessité de cet article-là, et je veux comprendre... Le ministre,
lui-même, en parlant de, si je peux le dire ainsi, sa compétence d'avoir
tranché, dans les derniers mois, dans un cas qui touchait à l'ouverture de quelques
postes de juge... Et il parlait de l'extrait de la Loi sur les tribunaux
judiciaires, à 88, si je ne m'abuse, où on ne parle pas spécifiquement du
critère de la langue. Alors, le ministre, si j'ai bien compris, l'a cité pour démontrer
qu'il a la marge de manoeuvre d'avoir agi de la façon qu'il a fait.
Alors, j'essaie de comprendre qu'est-ce qui
changerait, dans cette situation-là, avec l'adoption éventuelle de
l'article 5, c'est-à-dire avec l'amendement à l'article 12. Qu'est-ce
qui... Quels autres outils aurait le ministre de la Langue française qu'il ne
détient pas actuellement?
M. Jolin-Barrette : Donc, la
question, pour bien la saisir, dans le fond, M. le Président, c'est le fait...
Quelle est la plus-value du ministre de la Langue française qu'il soit
impliqué, en gros...
• (15 h 40) •
M. Birnbaum : C'est à peu près
ça, avec un autre petit élément. Comme je dis, l'objectif, si j'ai bien
compris, visé par l'article 12, dans son absence actuelle, a été, en quelque
part, atteint par les actions du ministre dans les quelques postes pour les
juges affichés dans notre régime actuel. Alors, en quelque part, oui, ils ont
une plus-value, mais quels outils nécessaires sont ajoutés avec cet article-là?
M. Jolin-Barrette : Bien, en
fait, le régime de la loi 101, là, de la Charte de la langue française,
là, c'est un code complet linguistique en soi. En matière de langue française,
les citoyens et citoyennes doivent pouvoir se référer à une loi, un peu comme
le Code civil, et le code de la langue, si vous voulez, c'est la Charte de la
langue française. Donc, les pouvoirs de l'exécutif sont exécutés présentement
par le pouvoir exécutif. Dans le fond, on vient les inscrire dans la Charte de
la langue française relativement aux critères qui doivent prévaloir s'il y a
une exigence autre que celui de la langue officielle pour occuper la fonction
de juge.
Deuxièmement, sur votre autre volet, quelle est
la plus-value du ministre de la Langue française puis du ministère de la Langue
française dans cette démarche, le ministère de la Langue française, c'est un
ministère qui va être spécialisé, notamment, sur la langue française au Québec,
le statut de la langue, les données rattachées à la langue, l'information qui
va être disponible. Ça va être des spécialistes. Donc, il est tout à fait
normal que, lorsque le ministre de la Justice ait à prendre une telle décision
eu regard à son cadre décisionnel, dans le fond, est-ce qu'il y a nécessité, est-ce que les moyens raisonnables sont
pris... qu'il puisse se tourner vers son collègue de la Langue
française. On va pouvoir compter sur
l'expertise du ministère de la Langue française relativement à cette question
très précise là.
M. Birnbaum : Le ministre, M.
le Président, ce matin, a parlé de l'état des choses actuel, en notant que la
quasi-totalité... dans la quasi-totalité des juridictions, des régions, une
maîtrise de cette deuxième langue, anglais, est exigée au Québec. Est-ce qu'on
peut être plus précis? Il a noté une exception, la ville de Québec. Est-ce que
c'est ça? Alors, on parle d'une exigence mur à mur dans toutes les autres
régions du Québec actuellement.
M.
Jolin-Barrette : Alors, M. le Président, à mon souvenir, on parle de Québec, la Beauce, la Mauricie, je crois, que l'exigence n'est pas systématique. Bien, je
donne un exemple, pour un poste de juge de paix magistrat en
Mauricie, là, on l'exige — donc,
même dans les districts où ce n'est pas demandé, c'est demandé aussi — un
juge de paix magistrat à Québec aussi, peut-être Saguenay aussi. Ça, juste vous dire, c'est la
position de la Cour du Québec, donc, puis dans ce qui m'a été soumis. Je
ne vous relate pas les concours antérieurs, là, qui ont eu cours depuis 2006.
Mais la pratique...
Et on est passés également... Ça, c'est
intéressant, quand même. La cour est passée d'un critère de la connaissance de
la langue anglaise à la maîtrise de la langue anglaise. Donc, ça signifie que
c'est encore plus fort puis ça disqualifie
encore plus de candidats à soumettre leurs candidatures. Puis vous conviendrez
avec moi que, sans être parfaitement bilingue, on peut s'améliorer dans
la connaissance d'une langue. C'est un apprentissage. On peut avoir certaines compétences langagières aujourd'hui,
puis on peut devenir un expert, puis bien maîtriser adéquatement une
langue seconde ou une langue tierce si on y met les efforts, tout ça, aussi.
Donc, c'est pour ça, tout à l'heure, qu'aux
questions du député de La Pinière je disais : Bien, écoutez, c'est
comme s'il y avait un écrémage, actuellement, à la base. En instaurant le
critère quasi systématique de la maîtrise de la langue anglaise, ça fait en
sorte que, tous ceux qui, au point de départ, n'ont pas cette maîtrise-là, on
les disqualifie. On dit : Vous, vous
n'êtes pas bon pour devenir juge à la Cour du Québec. On ne veut même pas vous
voir. On ne veut même pas vous voir en entrevue. Même, vous seriez le meilleur
candidat, le plus exceptionnel, mais que vous n'avez pas de maîtrise 100 %
bilingue, bien, on ne vous considère même pas. Donc, c'est ça, voyez-vous,
l'évolution qu'il y a eu, de la connaissance à la maîtrise.
M. Birnbaum : En quelque part,
j'aimerais un petit... un début de réponse à la question que j'ai maintenant à
poser. Je peux comprendre que l'imposition de ces critères, ce n'est pas un
automatisme. La magistrature, les juges en chef, j'imagine, font, en quelque
part, une évaluation, une analyse des besoins avant d'exiger quelque critère
que ce soit, y compris les critères en tout ce qui a trait à la maîtrise ou la
connaissance de la langue. On vient de... Le ministre vient de dire que ce
critère, de sa façon pratique d'être impliqué, imposé ou invoqué par les juges
en chef, a été modifié. Alors, est-ce qu'il peut nous parler un petit peu de la
situation actuellement? J'imagine qu'il ne suggère pas que les juges en chef font économie de ce critère-là et ils l'attachent
comme ça à chaque fois. Alors, actuellement, comment est-ce que ça se
passe sur les critères qu'on touche dans l'article 12?
M.
Jolin-Barrette : Bon, M. le Président, vous savez qu'il y a un litige,
et là on est pas mal dans le coeur du litige. Donc, je vais être prudent
relativement aux propos que je touche et que je vais dire.
Le député de D'Arcy-McGee me demande :
Est-ce qu'il y a... la situation actuelle, est-ce qu'il y a une analyse au cas
par cas de chacun des postes qui sont affichés par la direction de la Cour du
Québec, est-ce qu'il y a une analyse au cas par cas de chacun des postes qui
sont demandés, pour dire : Est-ce que je demande au ministre de la Justice
d'ouvrir le concours avec la maîtrise de la langue anglaise? C'est la question.
Et je comprends de sa question que ça devrait être le cas, théoriquement, de
son... Non, mais, de son intervention, on pourra en déduire que, normalement,
chacun des postes devrait être regardé et analysé.
Exemple, vous ouvrez... vous voulez ouvrir un
poste à Longueuil en chambre civile. Selon le raisonnement du député de
D'Arcy-McGee, il me corrigera par la suite, bien, on devrait regarder, le poste
que j'ai à ouvrir, il est dans quelle chambre, il y a combien de juges
bilingues, c'est quoi, la population qui est desservie. Ensuite, un poste à Valleyfield, c'est quoi, l'état de la situation,
il y a combien de juges qui sont bilingues, c'est quoi, la population,
il y a combien de causes, il y a
combien de dossiers en anglais, l'analyse des dossiers. Après ça, on s'en va à Saint-Hyacinthe. Il y a un poste à ouvrir à
Saint-Hyacinthe. C'est quoi, la chambre, combien de dossiers, c'est quoi, la
fréquence, c'est quoi, la population? On va à Laval, même chose. On va à Sherbrooke,
on va à Cowansville, on va à Granby, on va Saint-Jérôme.
Ça fait que, théoriquement, une approche sensée
serait de faire l'analyse à toutes les fois, de dire : Si je veux
l'ouverture d'un poste, je vais analyser au cas par cas puis je vais regarder
pourquoi j'exige la maîtrise de la langue anglaise.
Donc, lorsqu'on fait une telle demande, l'approche sensée serait de faire
l'analyse au cas par cas. On s'entend là-dessus?
Une voix : ...
M. Jolin-Barrette : Oui, on est d'accord.
Bien, M. le Président, je peux vous dire que, là-dessus, je suis 100 %
d'accord avec le député de D'Arcy-McGee. Il doit y avoir une analyse au cas par
cas de chacun des postes lorsqu'on a une ouverture.
• (15 h 50) •
M. Birnbaum : ...m'invite à ma
prochaine question. J'en avais d'autres, mais il m'aide beaucoup à formuler mes
questions. Suite à ce constat-là, je peux comprendre que, de sa lecture, c'est
le ministre de la Justice qui est mieux placé que les juges en chef d'analyser
les besoins administratifs, pratiques, réels à Saint-Jérôme, mais autant qu'à
Côte-Saint-Luc, Laval, la Basse-Côte-Nord.
M. Jolin-Barrette : Je prends la question
du député de D'Arcy-McGee. Je la garde en tête. Je veux juste lui répondre quelque
chose d'autre avant puis je viens à lui. On est face à une situation où, quasi systématiquement,
dans certains districts, toutes les demandes sont exigées, de la part de la
cour, avec la maîtrise de la langue anglaise, mur à mur, dans certains
districts, mur à mur, 100 % des postes avec l'exigence de l'anglais,
100 %, Longueuil, Sorel, Saint-Jean-sur-Richelieu, 100 %. Je pense
qu'en disant ce que je dis ça répond à la question.
La responsabilité d'afficher un poste, la
responsabilité de nommer un candidat, ça appartient à l'exécutif. Ça appartient
au ministre de la Justice d'établir l'affichage de poste, le concours. Ça
n'appartient pas à la magistrature. Dans la Loi sur les tribunaux judiciaires,
dans le règlement sur la sélection des juges, il n'y a aucun critère d'exigence
linguistique, aucun.
M. Birnbaum : Mais ça touche à l'administration
de la justice. Je reviens à ma... de mes questions antérieures. Est-ce
qu'actuellement ou, en l'absence d'un amendement, tel que rédigé à 12... Est-ce
que la situation, actuellement, c'est que les juges en chef font abstraction
des besoins ponctuels et réels dans une région ou une autre? Le ministre vient
de dire que c'est 100 %. 100 %. Est-ce que je peux comprendre, donc,
qu'il y a... Peu importe si le régime...
changé, suite à l'article 12, d'une façon ou une autre, est-ce que nous
sommes en train de dire qu'actuellement, actuellement, ces critères ne
sont pas fixés avec un oeil sur l'administration équitable, efficace et réelle
de la justice? Et là je laisse à côté... J'insiste que, et le ministre va être
d'accord... qu'il y a un élément de cette administration efficace qui touche à la langue des intervenants,
des intéressés, mais qu'est-ce que je peux comprendre de l'imposition de
ce critère, actuellement? Est-ce que c'est fait sans l'analyse, la diligence
nécessaire pour assurer que le critère est imposé de façon correcte et, comme
je dis, efficace?
Le Président (M. Polo) : M. le
ministre, avant de répondre à la question du collègue de D'Arcy-McGee, je vais
poser une question pour vous tous, si une tournée de café serait appropriée à
ce stade-ci. Oui, je vois que certains répondent. Parfait. Donc, M. le
secrétaire.
M. Jolin-Barrette : Vous nous
l'offrez, M. le Président?
Le Président (M. Polo) : Avec grande
générosité et bien... Oui.
M. Jolin-Barrette : Merci, M. le
Président. On voit qu'on est dans l'esprit des fêtes, votre générosité.
Des voix : ...
M.
Jolin-Barrette : Il n'a pas dit quel type de café.
Le Président (M.
Polo) : Non, on va rester...
M. Jolin-Barrette : M. le Président, la députée de Marguerite-Bourgeoys veut savoir si
vous offrez un café comique.
Le Président (M.
Polo) : Un café irlandais ou un café cubain, c'est ça, oui?
M. Jolin-Barrette :
Bien, je ne veux pas qualifier...
Le Président (M.
Polo) : C'est correct. On va revenir sur nos sujets. Allez-y,
M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Bon, je reviens à ma réponse, M. le Président.
Le député de D'Arcy-McGee nous demande, dans le fond, est-ce que... Puis là je
ne suis peut-être pas la bonne personne pour répondre, mais je traduis la
question. La question du député de D'Arcy-McGee, c'est : Est-ce que la
direction de la Cour du Québec, avant d'exiger que le poste soit ouvert avec la
maîtrise d'une autre langue que le français, donc, c'est-à-dire avec la
maîtrise de la langue anglaise... Est-ce que la direction de la Cour du Québec
fait une fine analyse qu'il est nécessaire d'avoir la maîtrise de cette langue
pour devenir juge dans les demandes qui nous sont formulées? À cette question,
je répondrais : L'expérience nous démontre que, de façon quasi
systématique, dans la majorité des districts judiciaires, tous les postes sont
demandés avec la maîtrise de la langue anglaise.
Alors, je soumets une
proposition au député de D'Arcy-McGee. Il y a environ 100 juges dans le
district de Montréal. Est-ce que chacun des postes de juge à Montréal, tous les
postes à Montréal... Est-ce que l'affichage du poste doit requérir la maîtrise
de la langue anglaise à Montréal? Est-ce que, sur les 100 postes...
99 postes de juge à Montréal, tous les postes requièrent que le candidat
qui soumet sa candidature ait une maîtrise de la langue anglaise, tous les
postes, sans exception?
M. Birnbaum :
Comme a dit ce matin mon collègue le député de La Pinière, j'essaie de
comprendre où on est dans la question de l'administration de la justice. J'ai
une question pour le ministre. Et, bon, un des rares privilèges en opposition,
c'est que nous, on pose les questions, mais je ne crois pas que le monde qui
nous écoute s'intéresse trop, avec le plus grand respect que je veux
m'accorder, à mes réponses aux questions du ministre.
Le ministre parlait,
tantôt ou ce matin, je crois, de l'état des choses actuellement, que... bien,
il vient de faire une autre allusion que quelque 82 % des juges,
actuellement, maîtrisent l'anglais. Et il a mentionné, en défendant l'objectif de son article... de son amendement...
Est-ce qu'on peut comprendre, donc, comment il songe opérationnaliser
cet article-là? A-t-il un objectif en tête? Est-ce que, suite à une analyse
quelconque, et j'espère qu'il va nous parler un petit peu d'une telle analyse,
un objectif plus réaliste, que j'imagine dans son esprit, rejoindrait les exigences
de la bonne administration de la justice? On serait à quel pourcentage?
82 %, de toute évidence, n'est pas correct. Alors, c'est quoi, le chiffre,
et c'est quoi, l'analyse sur laquelle est basée ce constat que 82 % est
trop élevé?
M. Jolin-Barrette :
Alors, M. le Président, il ne s'agit pas d'un pourcentage. Il s'agit de faire
une analyse au cas par cas. À chaque fois qu'il y a un poste qui est demandé,
au niveau de l'affichage, on doit analyser les circonstances dans lesquelles le
poste va être... où il est situé, de quelle façon il est pourvu, il y a combien
de juges dans ce district-là, quelle est la clientèle. C'est une kyrielle de
facteurs qu'on doit regarder avant de prendre une décision. Il doit y avoir une
analyse in concreto de la situation qui est présentée.
Mais, pour certains,
c'est beaucoup plus facile de dire : On va exiger le bilinguisme partout.
Pour devenir juge à Saint-Hyacinthe, à Longueuil, Sorel...
Une voix :
...
• (16 heures) •
M.
Jolin-Barrette : ... — non, il n'y a pas de palais — Saint-Jean-sur-Richelieu,
systématiquement, 100 % des postes, on va exiger la connaissance... la
maîtrise de l'anglais pour soumettre sa candidature, pas pour être choisi, là,
juste pour appliquer, pour soumettre sa candidature sur le poste.
Donc, on se retrouve
dans une situation où la proportion de juges bilingues au Québec était de
88 %. Et ça, l'autre point, là, aussi, que je veux amener, là, ce n'est
pas statique. Ce n'est pas à partir du moment où... On est d'accord là-dessus, M. le député de
La Pinière. Ce n'est pas parce qu'aujourd'hui, là, quelqu'un soumet sa
candidature, là, il a juste une connaissance de la langue anglaise, là... Il
n'arrête pas d'apprendre, là. Donc, la personne qui, dans le cadre de son
travail, va nécessiter d'avoir une telle connaissance va pouvoir s'améliorer.
À ma connaissance,
là, il y a des juges, à la Cour suprême, là, qui sont nommés unilingues
anglais. À ma connaissance, dans les autres juridictions canadiennes, c'est
rare que le bilinguisme est un critère.
Alors, ce que je dis,
c'est que, oui, dans certains postes, c'est nécessaire d'avoir une maîtrise de
la langue anglaise. La démonstration, c'est que j'ouvre des concours bilingues.
Je vous donne un exemple. Les concours que j'ai ouverts au mois d'octobre, là,
j'ai ouvert 10 concours, sept des 10 postes de juge que j'ai ouverts
exigeaient la maîtrise de la langue anglaise.
Donc,
l'article 12, il est là pour encadrer la pratique et pour établir clairement
que ce n'est pas de façon quasi systématique, sans se poser aucune question,
qu'on exige la maîtrise d'une autre langue. Et d'ailleurs ce n'est pas différent de
l'exemplarité de l'État, de ce qu'on va demander aux entreprises
également. Donc, j'espère que je réponds adéquatement
à la question du député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum :
M. le Président, jusqu'à date, le ministre est muet sur le processus qui va
être approprié, par le ministre et le ministère, d'évaluation de la nécessité
du critère de maîtrise du français. On n'a pas entendu un seul mot. Alors, je
l'invite d'élaborer sur son exemple, bon, de Longueuil, peut-être. Comment... Premièrement,
c'est tout un... Si j'ai bien compris, c'est un rôle assez important qu'il va
prendre, le ministre. Comment est-ce qu'on évaluait, à Longueuil, le besoin?
Est-ce que c'est une fois qu'on fait l'évaluation, bon, compte tenu de
Saint-Lambert, Greenfield Park, bon, Boucherville, d'autres? Il y a une
population de x % de Québécois de langue anglaise. Si on regardait les derniers
cinq ans, il y avait x nombre de causes devant les tribunaux, où des
intéressés exigeaient l'anglais. Est-ce qu'on peut mieux comprendre, et ça va
nous aider à comprendre la portée de l'éventuel article 5 à 12, comment
cette analyse se ferait?
M. Jolin-Barrette :
Alors, M. le Président, je l'ai déjà indiqué, ça dépend des districts, ça
dépend de la population, ça dépend du nombre de juges disponibles, ça dépend du
nombre de dossiers, donc une analyse complexe de tous ces critères-là. Et
surtout, et surtout, et le député D'Arcy-McGee le dit bien, l'administration de
la justice relève de l'État québécois, du gouvernement, hein, le rôle en
matière d'administration de la justice, ça relève du gouvernement. Les cours,
elles, gèrent leurs cours, rendent des jugements, mais l'administration de la
justice, c'est clairement une compétence de l'État québécois. Les tribunaux se
retrouvent dans l'État québécois.
Moi, où je rejoins le
député de D'Arcy-McGee, puis je serais curieux de le savoir, c'est :
Lorsqu'on exige, actuellement, qu'un concours soit affiché avec la maîtrise de
la langue anglaise, quels sont les critères qui sont pris en compte pour
demander que le poste soit ouvert avec la maîtrise de la langue anglaise par le
ministre de la Justice? Je serais curieux de connaître ces critères-là.
M. Birnbaum :
Nous allons avoir des discussions très importantes quand on sera rendus aux
articles, M. le Président, qui touchent au droit très, très fondamental de
travailler en français. On parle des juges actuellement. On parle des juges actuellement.
Et ce n'est pas, pour moi, d'écarter la possibilité d'un juge unilingue
français, là, de présider devant quelque tribunal que ce soit, on parle des
juges.
Je me permets... Vous
avez eu assez de mon exemple des deux pêcheurs à La Tabatière, mais, je
m'excuse, je les remets sur la table, parce qu'eux, comme deux personnes
morales des... multinationaux qui se trouvent devant un tribunal à Montréal,
ont aussi accès à la justice.
M.
Jolin-Barrette : Mais...
M. Birnbaum :
Ça va être quoi... J'aimerais... Ça va être quoi, la façon de trancher? Je suis
le premier à comprendre. Quand je parle de La Tabatière, il y a deux des
13 villages de la Basse-Côte-Nord qui sont presque uniquement peuplés par des Québécois de langue anglaise. Et ce n'est pas
La Tabatière, c'est Harrington-Harbour puis Blanc-Sablon, bon, surtout. Ils font partie d'une région assez éloignée
où le pourcentage de gens issus de la communauté de langue anglaise est assez modeste. J'imagine
qu'ils se trouveraient dans la même région que les Îles-de-la-Madeleine, où on a Entry Island puis Grosse-Île, avec une
population assez intéressante de Québécois de langue anglaise, et peut-être,
bon, la ville natale de l'ancien premier ministre René Lévesque, New Carlisle,
et Chandler, en Gaspésie. Mais la population de cette région, où je suis le
premier à comprendre, de Québécois de langue anglaise est modeste. Donc,
comment s'imposerait l'analyse éventuelle d'un ministre de la Justice quand il
s'agirait d'assurer ses concitoyens et concitoyennes québécois de leur accès au
procès dans une langue... dans leur langue et langue comprise, maîtrisée ou
connue par le juge?
M.
Jolin-Barrette : Alors, justement, l'article 12, c'est ce qui permet
de le faire lorsque c'est nécessaire. Lorsque c'est nécessaire d'avoir une
maîtrise de la langue anglaise, ça pourrait être affiché, ça pourrait être
requis. Donc, il y a le critère de nécessité, comme l'a dit le député de
D'Arcy-McGee. Effectivement, si c'est nécessaire, ça va être affiché avec la
maîtrise de la langue anglaise.
Je reviens à mon
exemple. Montérégie, Montréal, Laval, Lanaudière, est-ce que tous les postes de
juge qui sont affichés nécessitent une maîtrise de la langue anglaise pour soumettre
sa candidature? Je suis convaincu que le député de D'Arcy-McGee est d'accord
avec moi. Lorsque le député de D'Arcy-McGee me dit : Mes pêcheurs à
La Tabatière, où est-ce qu'il y a des communautés anglophones plus
élevées, où est-ce qu'il y a un volume plus élevé... Je suis d'accord avec lui,
il y a un critère de nécessité. Il y a un critère de nécessité. C'est
nécessaire d'afficher le poste parce que la fonction nécessite la maîtrise de
la langue anglaise. Je suis d'accord avec ça. C'est même moi qui l'a écrit. Ce
avec quoi je ne suis pas d'accord, c'est que, systématiquement, tous les postes
soient avec la maîtrise de la langue anglaise. Puis l'autre élément :
prendre les moyens raisonnables pour éviter ça.
L'autre point,
c'est : Est-ce que c'est plus facile puis c'est bien plus simple? Parce
que, dans le fond, là, pour tous les emplois au Québec, c'est ça qu'on ferait,
là, hein, bien plus simple. On devrait, selon cette logique, pas la logique du
député de D'Arcy-McGee, là, qu'il me comprenne bien, selon cette logique-là,
l'exigence systématique, on devrait faire en sorte que tous les postes, au
Québec, de toutes les fonctions, au Québec, bien, on exige la maîtrise de la
langue anglaise. Ce serait bien plus pratique.
Ce n'est pas ça qu'on veut au Québec, là, M. le
Président. Si on veut faire en sorte que la langue du travail, la langue
d'intégration, la langue du commerce, la langue normale des études, ce soit le français...
On agit de façon paramétrique, là, avec le projet de loi
n° 96, incluant la justice, incluant l'administration. Donc, l'État, ça
comprend également les juges.
Et, je le réitère et je le redis, M. le
Président, tous les droits garantis par les lois et la Constitution sont
respectés et seront respectés. Mais, d'un autre côté, ce n'est pas vrai qu'on
doit disqualifier des candidats qui n'ont pas une maîtrise suffisante de la
langue anglaise pour soumettre leur candidature à un poste de juge.
Alors, moi,
ma question, j'aimerais ça savoir si le député
de D'Arcy-McGee veut qu'on maintienne le statu quo. On ne change rien? On ne change rien? Je veux savoir
s'il trouve que la situation est quand
même aberrante actuellement.
• (16 h 10) •
M. Birnbaum : M. le Président,
le ministre m'interpelle à reposer, de façon un tout petit peu différente, ma question
antérieure. Donc, il y a deux possibilités, parce que, le ministre est clair,
la situation actuelle est, en quelque part, intenable. Donc, soit les juges en
chef, actuellement, font l'abstraction de ce critère de la langue sans une due analyse
pour établir que ces exigences sont nécessaires pour l'administration équitable
et efficace de la justice, soit c'est ça ou soit ils ont... ils auraient fait,
jusqu'à date, une analyse qui fait en sorte que 88 %, maintenant, des
juges maîtrisent l'anglais. Et ils seraient... ils auraient fait des analyses
inexactes au fil de plusieurs années, parce que la situation actuelle n'est pas
satisfaisante. Alors, c'est un ou l'autre.
Est-ce qu'on peut comprendre, voilà ma question
une autre fois, le problème qu'il tente de régler? Les juges, de toute
évidence, n'implantent pas de façon satisfaisante, actuellement, le critère de
maîtrise de la langue anglaise.
M. Jolin-Barrette : Mais la question
du député de D'Arcy-McGee, c'est de demander... Dans le fond, le député de
D'Arcy-McGee demande c'est quoi, les critères de la direction de la Cour
du Québec pour exiger l'anglais. C'est ça, sa question. C'est une excellente
question. Excellente question. Excellente question, parce qu'au cours des cinq
dernières années, je vous l'ai dit tantôt, 122 et 140 postes, il y avait
une nécessité de maîtriser la langue anglaise, 82 % des postes. À la
grandeur du Québec, 88 % des juges sont bilingues.
Alors, moi, je suis vraiment d'accord avec le
député de D'Arcy-McGee. Quels sont les critères développés par la direction de
la Cour du Québec pour faire en sorte que, systématiquement, dans certains
districts, les postes ont une exigence de maîtrise de la langue anglaise?
Est-ce que 100 % des postes, M. le Président, doivent avoir une maîtrise
de la langue anglaise, 100 % des postes au Québec, là, 100 % des
postes, Saint-Jérôme, Montréal, Laval, la Montérégie, l'Estrie, 100 % des
postes? Est-ce que le député de D'Arcy-McGee est d'accord avec ça? Parce que,
moi, là, M. le Président...
Là, peut-être que mes collègues ne seront pas
d'accord avec moi, mais je pense qu'ils le seraient, surtout la députée de Marguerite-Bourgeoys. Je pense qu'elle
pense que je suis un homme raisonnable. Est-ce que je me trompe?
Une voix : ...
M. Jolin-Barrette : O.K. Parfois, ça
veut dire.
Mme David : De plus en plus.
M. Jolin-Barrette : De plus en plus.
Bon.
Le Président (M. Polo) : Je ne sais
pas si elle disait si vous êtes parfois un homme raisonnable ou que vous vous
trompiez des fois. Ça, je ne peux pas... Comment vous l'avez interprété?
M. Jolin-Barrette : Bien, les deux.
La députée de Marguerite-Bourgeoys a raison dans les deux cas. Mais, dans ce
cas-là précisément, là, moi, je trouve ça tout à fait raisonnable d'ouvrir
certains postes avec la maîtrise de la langue anglaise dans certaines
circonstances, lorsque c'est nécessaire, lorsque c'est nécessaire puis que les
moyens raisonnables ont été pris pour éviter d'imposer systématiquement une
telle exigence. Aucun problème à ouvrir des postes de juge bilingue.
D'ailleurs, je l'ai fait. Dernier concours, sept des 10 postes avaient
l'exigence de la maîtrise de la langue anglaise.
Où j'ai un problème, c'est que,
systématiquement, on exige la maîtrise de la langue anglaise, ce qui fait en
sorte que vous vous privez d'un bassin de candidats qui pourraient soumettre
leur candidature et qui pourraient très bien développer leurs habiletés
linguistiques. Peut-être, là, que les gens, là, ils ont...
Il y a
différents niveaux de compétence linguistique. Avant, les critères, là, c'était
la connaissance de la langue anglaise.
C'était correct. On peut passer à la maîtrise. Ça se peut, quand vous avez la
connaissance de la langue anglaise, que
vous êtes désigné comme juge puis que, dans
le cadre de votre travail, bien, de plus en plus, vous utilisez la langue anglaise. La personne peut s'améliorer,
peut suivre des cours, peut perfectionner la maîtrise de sa langue seconde.
Moi, je trouve que c'est un avantage de parler
plusieurs langues, de faire en sorte de pouvoir parler portugais, espagnol,
mandarin, anglais. C'est une bonne chose. Mais pourquoi on dirait : «Tough
luck», on ne te prend pas, tu ne peux même pas... on n'analysera même pas ta candidature
parce qu'à la base, au Québec, il faut que tu maîtrises la langue anglaise pour
soumettre ta candidature? Tu sais, il est là, le débat. Moi, je pense que je
présente une approche tout à fait raisonnable.
Mais, à la question précise du député de
D'Arcy-McGee, comment est-ce que c'est analysé lorsque c'est demandé au ministre de la Justice, hein,
l'exigence, je me pose la question, parce qu'on est dans la région de
Montréal, tous les postes ont une exigence de la maîtrise de la langue
anglaise, tous les postes, 100 %.
M. Birnbaum :
M. le Président, si vous voulez bien, j'aurais d'autres questions, mais je
crois que la collègue de Marguerite-Bourgeoys aimerait intervenir.
Le Président
(M. Polo) : Oui, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, pour
13 min 50 s.
Mme David :
Bien, écoutez, ça tombe bien, ce changement d'acteur, là, parce que vous venez
de dire quelque chose sur lequel je voulais rebondir. La question... Vous avez
dit : C'est ça, la question de fond, pourquoi 100 %? On va y revenir,
effectivement, avec l'article 46. Et puis on va probablement avoir le même
genre de réflexion sur l'objectif, qui est peut-être louable, mais le moyen est
peut-être heurtant pour soit les juges en chef d'un côté, puis, dans le cas de
l'article 46.1, ce sera les... les employeurs, c'est ça, les fameuses
trois conditions exigeantes et assez rigides où les pauvres petites entreprises
paniquent un peu. On y reviendra plus tard.
Mais j'oserais poser
la question de la façon suivante, et vous offrir une analyse peut-être plus
psychologique de la formulation de l'article 12, et essayer de reformuler
pour être peut-être, comment dirais-je, un peu moins frontalement heurtant pour
les juges en chef, parce qu'ils ne sont pas tellement contents puis ils...
M. Jolin-Barrette :
Juste une précision, là. Dans le fond, ce sont les juges de nomination
québécoise qui sont visés. Donc, c'est uniquement la Cour du Québec, les juges
de paix magistrats, les juges municipaux.
Mme David :
Oui. Qu'est-ce que j'ai dit qui justifie la précision? Est-ce que j'ai dit
quelque chose de pas correct?
M. Jolin-Barrette :
Parce que vous avez dit «les juges en chef».
Mme David :
Les... Ah! mais il y a des juges en chef qui sont fédéraux. C'est ça que vous
voulez dire.
M. Jolin-Barrette :
C'est ça.
Mme David :
Puis il y en a des provinciaux. Évidemment que je ne réfère qu'aux juges
provinciaux. Ça, c'est peut-être important de le dire. Mais, partout, ici, on
parle des juges provinciaux, forcément.
M. Jolin-Barrette :
Mais plus les juges de nomination québécoise.
Mme David :
C'est comme ça qu'il faut les appeler? Oui, mais c'est des juges en chef.
M.
Jolin-Barrette : Un juge en chef de la Cour du Québec...
Mme David : Mais il y a plein d'autres juges en chef, là. Ceux qui vous ont écrit,
c'est le juge en chef de ci et de ça.
M.
Jolin-Barrette : Oui, mais ça, c'est sur autre chose. Eux, ça ne les
concerne pas. Dans le fond, Cour supérieure, Cour d'appel, c'est de nomination
fédérale. Nous...
Mme David :
Donc, ça, on n'y touche pas.
M.
Jolin-Barrette : Non, parce que c'est le législateur fédéral. C'est...
Dans le fond, c'est le gouvernement fédéral qui les nomme. Nous, on est dans la
sphère de la juridiction de nomination québécoise, donc la Cour du Québec, les
juges de cour municipale, juges de paix magistrats. Donc, il n'y a qu'un seul
juge.
Mme David :
Cour supérieure, cour...
M.
Jolin-Barrette : Non. Ça, c'est nomination fédérale. Ce n'est pas...
Mme David :
Oui, mais, quand quatre juges vous écrivent puis ils signent tous «juge en
chef», moi, j'en perds mon latin, là, de ce que vous me dites.
M.
Jolin-Barrette : Oui, sauf que ça, c'est pour l'article 10 sur
les jugements. Donc, les juges en chef ont écrit une lettre pour
l'article 10 sur les jugements.
Mme David :
Oui. Donc, votre article 10... C'est important, ce qu'on dit là, parce
que, moi, là, ce n'était pas clair, alors, pour moi. Les jugements, ça, vous
avez autorité sur l'ensemble des jugements sur le territoire du Québec, qu'ils
soient de nomination fédérale, ou payés par le fédéral, ou par le provincial,
ou je n'ai vraiment rien compris?
M.
Jolin-Barrette : Exactement. Vous avez raison. Vous avez raison.
Mme David :
Tous les jugements, même d'une cour... d'un juge nommé par le fédéral?
M. Jolin-Barrette : Oui, oui.
Mme David :
Oui, oui?
M. Jolin-Barrette : Oui.
Mme David : Puis l'autre enjeu,
alors, l'affichage de poste à Longueuil, puis tout ça, ça, c'est...
M. Jolin-Barrette : C'est la Cour du
Québec. Juge de cour municipale, juge de paix magistrat.
Mme David : Eux, pour ça, vous avez
juridiction...
M. Jolin-Barrette : C'est ça...
Mme
David : ...mais vous avez juridiction pour d'autres enjeux, dont les
jugements, pour l'ensemble des juges. Aïe! C'est mélangeant en diable,
là.
M. Jolin-Barrette : Mais en fait
c'est parce que la Loi sur les tribunaux judiciaires établit quels sont les
tribunaux judiciaires du Québec. Vous avez la Cour d'appel du Québec, la Cour
supérieure, la Cour du Québec, O.K.? Ça, c'est le principe. Donc, la loi
s'applique à l'ensemble de ces juges.
Mme David : Quelle loi?
• (16 h 20) •
M. Jolin-Barrette : La Loi sur les
tribunaux judiciaires, O.K., parce que ce sont les tribunaux québécois, O.K.?
Moi, comme ministre de la Justice, je désigne les juges uniquement de la Cour
du Québec. Donc, l'avis de sélection que je fais touche uniquement les juges de
la Cour du Québec.
Mme David : Présidée par la juge
Rondeau.
M. Jolin-Barrette : Exactement.
Mme David : Mais les autres juges...
M. Jolin-Barrette : Eux, c'est le
fédéral.
Mme David : Oui, mais vous avez
autorité sur eux, à l'article 10, sur leurs jugements.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Mme David : Où doit être jointe une
pièce en français, et tout ça.
M. Jolin-Barrette : Exactement.
Mme David : Donc, vous avez autorité
sur certains aspects d'une... des fonctions de juges fédéraux?
M. Jolin-Barrette : Bien, ce sont
des juges québécois dans toutes les circonstances, qui sont dans le cadre de
tribunaux québécois.
Mme David : Mais ce n'est pas vous
qui les nommez puis ce n'est pas vous qui affichez les postes.
M. Jolin-Barrette : Bien, c'est ça,
exactement.
Mme David : Donc, vous n'avez même
pas autorité sur ils parlent-tu français, anglais, bilingues, unilingues,
etc., ces juges-là?
M. Jolin-Barrette : C'est le
gouvernement fédéral qui établit les modalités de nomination. Mais je
tends... je sens que la députée de Marguerite-Bourgeoys me tend une perche
et...
Mme David : Je ne tends aucune
perche, j'essaie de comprendre. Je ne suis pas une spécialiste du système
judiciaire québécois et canadien.
M. Jolin-Barrette : Non, non, mais
je sens qu'on va s'entendre là-dessus. Donc, la députée de Marguerite-Bourgeoys
trouverait approprié que les juges de la Cour supérieure, les juges de la Cour
d'appel soient désignés par le gouvernement du Québec puisqu'il s'agit de
tribunaux québécois.
Mme David : Ah! je n'ai pas dit ça.
Prenez-moi pas pour une...
M. Jolin-Barrette :
Mais vous êtes d'accord avec cette proposition.
Mme David : Je n'ai jamais dit ça.
Je pose les questions sur qui fait quoi, là.
M. Jolin-Barrette : Mais vous
pourriez êtes d'accord.
Mme David : Je n'ai jamais dit ça.
Je n'ai jamais réfléchi à ça.
M. Jolin-Barrette : Mais je trouve
que votre idée est très bonne.
Mme David : Et, en scientifique que
je suis, je n'irai certainement pas dans un sujet que je ne maîtrise pas. Et je
ne tomberai pas dans le piège très, très gros que me tend le ministre, très
gros.
M. Jolin-Barrette : Ce n'est pas un
piège.
Mme David : Je ne suis pas endormie,
je n'ai pas bu, je ne me suis pas couchée tard.
M. Jolin-Barrette : C'est une
invitation, c'est une main tendue à cheminer avec moi. Et je trouve qu'il
s'agirait d'un très beau consensus à développer ici, à l'Assemblée nationale.
Mme
David : Mais là on est dans un autre projet de loi et un autre enjeu.
On se reverra dans quelques années.
M. Jolin-Barrette : On parle même
d'une modification constitutionnelle.
Mme
David : Bon, juste ça. Alors, je pense que, là, vous vous amusez, mais
moi, j'essaie vraiment de comprendre.
M. Jolin-Barrette : Mais avouez que
c'est excitant, comme projet, là, comme projet.
Mme David : Ce qui est excitant,
c'est d'essayer de comprendre comment fonctionne le système des juges.
Donc, vous avez une garde partagée d'autorité,
d'autorité sur les juges nommés par le fédéral, payés par le fédéral, qui ont
juridiction au Québec, mais vous avez autorité de mettre des éléments de la
Charte de la langue française, du projet de loi n° 96 sur leurs jugements,
brocher une version française.
M. Jolin-Barrette : Oui, parce que
l'administration de la justice relève du gouvernement du Québec.
Mme David : Comme l'éducation, tout
ça. C'est comme un pouvoir délégué? Bien non, parce que...
M. Jolin-Barrette : Non, c'est un
pouvoir constitutionnel. C'est un pouvoir constitutionnel. Dans le fond, là,
les tribunaux québécois font partie de l'administration de la justice, de la
compétence en matière d'administration de la justice de l'État québécois. Les
tribunaux judiciaires de l'État québécois sont la Cour d'appel du Québec, la
Cour supérieure du Québec et la Cour du Québec. Puis, sous la Cour du Québec,
vous avez les cours municipales, les juges de paix magistrats.
Mme David : Oui.
M. Jolin-Barrette : Moi... Le
gouvernement du Québec nomme les juges de la Cour du Québec, des cours
municipales, de la cour... des juges de paix magistrats. Donc, c'est sûr que
l'affichage de poste...
Mme David : ...
M. Jolin-Barrette : Pour ces
juges-là.
Mme David : Ça relève de vous. Mais
la question de la langue des jugements puis de brocher une version française
sans délai, immédiatement, etc., dont on a largement discuté hier et
avant-hier, ça, ça relève de vous, même si ce n'est pas vous qui nommez les
10 juges.
M. Jolin-Barrette : Effectivement.
Mme David : Puis ce n'est pas vous
qui exigez ou pas qu'ils soient bilingues, ce n'est pas vous qui décidez de
leur salaire, ce n'est pas vous qui faites leurs horaires, leurs ci, leurs ça,
là.
M. Jolin-Barrette : Bien, en fait...
Mme David : Ou c'est encore plus
compliqué que ça?
M.
Jolin-Barrette : Bien, c'est parce que les horaires...
Mme David :
Non, mais je ne veux pas... C'est un exemple banal, là, mais...
M.
Jolin-Barrette : Non, non, mais parlons-en.
Mme David :
Je ne veux pas prendre deux heures à avoir un cours 101 sur la...
M.
Jolin-Barrette : ...les horaires. Ça relève de l'indépendance
judiciaire. Mais bien entendu que peut-être qu'il serait de bon aloi que les
cours de justice puissent siéger le soir, comme la cour municipale le fait...
Mme David :
Non, mais là je savais que vous iriez faire des choses...
M.
Jolin-Barrette : ...au bénéfice... et là je rejoins le député de D'Arcy-McGee,
en termes d'accès à la justice. Donc...
Mme David :
Ça, on peut discuter de tout ça, si vous voulez, puis on pourrait faire un projet
de loi sur la justice, mais là... Donc, vous
avez... En ce qui nous concerne, dans l'article 12, on parle de la Cour du Québec uniquement.
M.
Jolin-Barrette : Cour du Québec, juges de paix magistrats, cours
municipales.
Mme David :
O.K. Et ce que je dis... C'est pour ça que vous m'avez reprise sur ma
formulation, peut-être. Puis là je ne veux pas me laisser perdre mon idée. Mon
idée, c'est que c'est peut-être la formulation qui est un petit peu frontale,
je dirais, un petit peu agressante, en tout cas. On l'a vu dans les
communications...
Des voix :
...
Mme David :
Vous ne vous êtes pas trompé, je suis sûre. En tout cas, moi, je ne peux pas
vous contester, si vous vous êtes trompé dans des choses, parce que...
M.
Jolin-Barrette : Non, pas du tout.
Mme David :
Je vous écoute.
M.
Jolin-Barrette : Mais je demandais à Dr Poirier une information
intéressante.
Mme David :
J'ai hâte qu'il m'appelle Dre David... ou Dr Barrette.
M.
Jolin-Barrette : Bien, M. le Président, ce serait déjà fait si je
pouvais la désigner par son véritable nom plutôt que celui de
Marguerite-Bourgeoys.
Mme
David : Bien non, c'est ça. Non, non, c'est parce que, si vous saviez
comme c'est un long débat, chez les universitaires,
qui est docteur et qui n'est pas docteur... Mais nous, lui et moi, on est des
vrais docteurs, on a des Ph. D.
M.
Jolin-Barrette : Exactement.
Mme David :
Voilà.
M.
Jolin-Barrette : Tandis que le député de La Pinière...
Mme David :
Sans heurter, évidemment... Ce sont des... Ce n'est pas un doctorat de
troisième cycle. Mais il y a des docteurs qui sont Ph. D. aussi.
M. Barrette :
...ouvert à faire le débat là, là.
Mme David :
Mais on n'ira pas là, on n'ira pas là. Je ne veux pas perdre mon idée. Donc...
M.
Jolin-Barrette : Mais je comprends qu'on devrait dire M.D.
Mme David :
Oui, mais, moi, c'est Ph. D. M. Poirier, docteur, c'est Ph. D.
M.
Jolin-Barrette : Mais, savez-vous, M. le Président, moi, je ne suis
pas du calibre de Dr Poirier et de la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Je...
Le Président (M. Polo) : ...de
Matane-Matapédia, avez-vous aussi un Ph. D., troisième degré?
M. Bérubé :
Merci, M. le Président. Je veux préciser que nous aussi, on a envie de
participer au débat sur la langue, sur comment empêcher le déclin du français.
Et, quand le Parti libéral sera prêt à procéder, on sera là.
Mme David : Alors, je continue,
effectivement. Mais le député de Matane-Matapédia comprendra que, des fois, le ministre
fait quelques incursions à droite et à gauche.
Donc, moi, ma question, c'est : Dans l'article 12,
est-ce qu'il y aurait moyen de formuler d'une façon, et j'ai même réfléchi à
quelque chose, qui pourrait laisser aux juges... Parce qu'il y a un concept,
évidemment, très réclamé et revendiqué par le Barreau et par les juges
eux-mêmes qui est celui du principe de l'indépendance judiciaire. Donc, ils
ont, dans ça, l'indépendance dite institutionnelle. Alors, ils gèrent leurs
cours. Alors, évidemment que se faire dire comment ça marche, même si vous
intervenez après... Est-ce qu'il y a moyen de reformuler pour faire en sorte
qu'on respecte un peu plus ce principe-là dans la lettre de la formulation et
peut-être pas dans le fond?
Alors, si on disait quelque chose comme :
Les juges en chef doivent expliquer l'exigence de la maîtrise de l'anglais, dans le dépôt au ministre de demandes
de poste, ou d'une langue autre que le français, ils doivent démontrer
que l'analyse rigoureuse des besoins a été prise en compte, quelque chose comme
ça, je trouve ça moins... ça leur donne une responsabilité. Vous regardez ça
puis là vous statuez.
Ce que ça donne, l'article 12, ça donne
l'impression que, qu'ils vous fassent n'importe quelle demande de poste, vous
allez faire vos études démographiques, le ministre de la Langue française va
être équipé pour savoir qui habite où, recensement, xyz, puis là vous allez
statuer.
Je pense que ce serait une psychologie de bon
aloi que de dire : Que le juge en chef fasse... Vous le dites, d'une
certaine façon, qu'il l'a, par «tous les moyens raisonnables ont été pris pour
éviter d'imposer», et qu'il doit... «estiment
que [...] l'exercice de cette fonction nécessite une telle connaissance», mais,
de la façon dont c'est dit, c'est un peu prescriptif plutôt que...
Faites votre travail, prouvez-nous que vous en avez besoin, puis là nous, on
pourra passer à l'affichage de poste.
• (16 h 30) •
Je ne remets pas en question le principe que...
Si c'est vrai que 100 % des postes sont affichés bilingues par une sorte
de... je ne sais pas, d'habitude institutionnelle, pratiquement... On va avoir
les mêmes discussions pour le 46. Nous-mêmes avons proposé, dans notre plan d'action
de 27 propositions, qu'on balise mieux l'article 46. On est d'accord.
Le PQ aussi a déposé ses propres recommandations. Mais on est un peu dans la
même zone ici, et, dans les deux cas, est-ce qu'il n'y aurait pas moyen
d'arrondir les coins un peu pour que ce soit moins... que ça donne plus de
responsabilités aux juges, pour respecter le principe de l'indépendance
institutionnelle, puis, en même temps, atteindre vos objectifs, que ce ne soit
pas systématique que tous les postes sont comme... c'est un automatisme, là, on
les demande bilingues sans avoir à se justifier ou même à se poser la question?
Disons qu'on va prêter des bonnes intentions aux
juges, et qu'ils le font, cette analyse-là, et qu'ils arrivent à la conclusion
qu'à Montréal 100 % des postes doivent être bilingues, bien, peut-être
qu'ils vont avoir plus de misère s'ils doivent vraiment l'expliquer. Vous allez
dire : Bien, faites-moi la démonstration. Mais c'est à eux, il me semble,
à regarder leurs districts, à regarder leurs statistiques puis à vous faire la
démonstration, puis là vous pourrez juger après. Mais il y a comme une étape
escamotée où ils vous demandent le poste, ils disent : C'est bilingue,
puis là vous, vous vous mettez au travail.
Vous allez me dire que vous en avez autorisé, des postes, mais ça donne
l'impression que c'est plus vous qui faites tout ce travail-là avec le ministre
de la Langue française.
Puis vous dites : Il va avoir un ministère,
puis il va être consulté, puis c'est lui qui va avoir des données. Mais
n'est-ce pas la responsabilité du juge en chef que d'avoir ces données-là, de
savoir c'est qui, ses ouailles, ses citoyens,
puis de dire : Voici, M. le ministre, je vais vous faire la démonstration,
pour ce poste-là, j'en ai besoin? Est-ce que... Et c'est peut-être une question...
Un, est-ce que ça existe, actuellement, cette espèce de démonstration que...
d'être bilingue? Et je pense que la réponse, ça va être non, parce que vous
dites : 100 % des postes étaient affichés ou sont encore affichés
puis que... Bon, alors peut-être qu'ils n'ont pas besoin de justifier ça.
Peut-être que, là, on pourrait leur demander d'être un peu plus explicites sur
ce besoin-là. Puis après ça, bien, je vous enlève du travail, là, s'ils ont
déjà fait le travail, à vous de juger s'ils sont convaincants ou pas. Après
tout, ce sont des juges, ils sont supposés savoir plaider leur cause.
Alors, je vous propose humblement cette espèce
de reformulation, parce qu'il me semble que, un, ça leur met un peu plus de fardeau et de responsabilité de
faire la preuve qu'ils en ont besoin, et, deuxièmement, il me semble que
ça respecte plus le principe de l'indépendance judiciaire... ou ils appellent
ça institutionnelle, dans ce cas-ci, je crois.
M. Jolin-Barrette : Bien, en fait,
ce qu'il faut dire, là, c'est que toutes les nominations sont faites et seront
faites conformément à la loi et aux règlements. J'ose espérer, j'ose espérer
que, lorsqu'une demande m'est formulée d'ouvrir un poste avec la maîtrise de la
langue anglaise, il y a une analyse rigoureuse, profonde et complexe qui est
effectuée par la personne qui demande.
Mme David : ...il n'y a pas un
mécanisme qui vous convainc de ça.
M. Jolin-Barrette : Mais, de toute
évidence, de toute évidence, je vous dirais, je vous dirais, M. le Président,
qu'il y avait une pratique qui s'était installée, M. le Président. Et ce n'est
pas parce que c'est plus simple, c'est plus facile que les choses doivent être
faites ainsi.
Sur le principe de
l'indépendance judiciaire, l'indépendance institutionnelle, il est respecté en
tous points. Le pouvoir de nommer des juges, il appartient à l'exécutif. À
partir du moment où un juge est nommé, il bénéficie de son
indépendance judiciaire, selon l'indépendance institutionnelle. Ce n'est pas le
gouvernement qui va lui dire quelle cause
entendre, ce n'est pas le gouvernement qui va décider à quelle heure il siège, ce n'est
pas le gouvernement qui va lui dire : Tu vas rendre telle décision.
Les juges sont complètement indépendants. Il y a même un mécanisme qui est mis
en place pour la rémunération des juges. D'ailleurs, le rapport a été déposé au
mois d'octobre dernier.
Donc, je comprends la
proposition de la députée de Marguerite-Bourgeoys, mais ce qu'on vient faire à l'article 12,
c'est la codification du pouvoir exécutif, qui vient dire : Bien, écoutez,
voici les critères qui vont faire en sorte... qui nous permettront de mettre en
place une ouverture de poste avec la maîtrise de la langue anglaise, alors que
c'est nécessaire, de l'avis du ministre, et que les moyens raisonnables ont été
pris pour éviter d'imposer une telle exigence, si c'est la demande de la
direction de la cour. Donc, la cour va demander au ministre d'ouvrir le
concours avec la maîtrise de la langue
anglaise, et le ministre pourra demander la nécessité et est-ce que
les moyens raisonnables ont été pris pour éviter ça. Et ça, c'est en
tout respect, en tout respect.
Puis, comme je vous
le disais, c'est une kyrielle de facteurs. Comme le disait le député de D'Arcy-McGee
tantôt, il disait : J'espère bien qu'on regarde, dans chacun des
districts, la population, le nombre de juges qui sont bilingues, le portrait,
le nombre de causes ouvertes, tout ça. Effectivement.
Mme David :
...explicite, justement, cette demande d'étoffer et de documenter cette... Parce
que, là, vous semblez dire : Effectivement, il y a comme un automatisme,
on dit... Je ne sais pas comment ils vous envoient ça, là, quand ils demandent
un poste, ils cochent des choses, mais c'est comme si, bilinguisme, on coche
ça, puis c'est réglé, puis on n'a pas à se justifier. Moi, ce que je vous
propose, c'est de leur dire : Justifiez-nous ça. Mais, de la façon dont
c'est dit, «il ne peut être exigé de la personne», il y a comme quelque chose
qui est très... En tout cas, ce n'est pas une formulation très conviviale, je
pourrais dire. C'est une formulation très... bien, le mot qui me vient... C'est
un peu autoritaire.
Moi,
je l'aurais fait un peu plus... on arrive à peu près au même résultat,
mais un peu plus respectueuse, peut-être,
et responsable pour les juges en chef qui
doivent vous envoyer quelque chose, j'imagine, quand ils ouvrent un poste
ou...
M.
Jolin-Barrette : C'est le ministre qui ouvre le poste.
Mme David :
Bien, le ministre, il ouvre le poste, mais après que la juge... Il est bien
dit, dans les règlements que vous m'avez dits tout à l'heure, là, sur le processus
de nomination : Le juge en chef doit justifier... je l'ai mis dès le
début, là, le juge en chef doit justifier son... ou expliquer sa demande, ou je
ne sais plus trop comment c'est écrit, là, l'expression de ses... sur
recommandation du juge en chef, après l'expression de ses besoins. Bien,
l'expression de ses besoins, ça peut comprendre le critère de langue, non?
Bien, ça ne le comprend pas, jusqu'à maintenant, mais vous n'êtes pas à un
changement près, là, dans la façon de travailler en justice, alors vous pouvez peut-être
l'ajouter.
M.
Jolin-Barrette : Dans le fond, là, il y a 308 postes de juge, au Québec,
O.K.? Le ministre de la Justice peut pourvoir les 308 postes de juge.
Lorsqu'un juge doit être nommé, donc lorsqu'il y a un poste vacant, et après
avoir pris en considération les besoins exprimés par la juge en chef de la Cour
du Québec... Ça, ça veut dire que j'ai un poste, j'ai un nouveau poste,
supposons, on monterait ça à 309, 309 juges, O.K., il y a un nouveau poste
qui est créé, bien là, à ce moment-là, on consulte la cour pour savoir :
Avez-vous des besoins? Est-ce qu'il y a un district dans lequel le juge devrait
être... son lieu de résidence devrait être établi? Mais le pouvoir d'ouvrir le
concours, le pouvoir de sélectionner, le pouvoir de nommer le juge, ce sont des
pouvoirs de l'exécutif, du gouvernement.
Et l'article 12,
il vise le gouvernement. Il ne vise pas la cour, il vise le gouvernement :
«Il ne peut être exigé de la personne — donc le candidat — devant
être nommée à la fonction de juge qu'elle ait la connaissance ou un niveau de
connaissance spécifique d'une langue autre que la langue officielle sauf si le ministre
de la Justice, après consultation du ministre de la Langue française, estime
que, d'une part, l'exercice de cette fonction nécessite une telle connaissance et que, d'autre part, tous les
moyens raisonnables ont été pris pour éviter d'imposer une telle
exigence.»
Donc, c'est le
ministre de la Justice, au niveau de l'affichage, qui s'impose cela.
Mme David :
Mais non, mais tous les moyens raisonnables, ce n'est pas... Il va falloir que
vous le demandiez à quelqu'un, si les moyens raisonnables ont été pris. À qui
vous allez le demander? Certainement pas à celui qui fait le ménage dans le
district judiciaire, là. Vous allez le demander à la juge ou le juge en chef.
M.
Jolin-Barrette : On est d'accord.
Mme David :
Bien là, c'est le temps de lui demander de justifier son bilinguisme ou pas.
• (16 h 40) •
M.
Jolin-Barrette : Il appartient à la cour de le justifier ou non. Mais
il faut que le ministre soit d'accord, dans son âme et conscience, que c'est
nécessaire.
Mme David :
Donc, le juge en chef doit vous faire la démonstration convaincante qu'il a
besoin d'un poste bilingue. Veux veux pas, quelque part, il faut que vous vous
parliez, ces deux instances-là, là. Vous ne pouvez pas, vous tout seul, sorti
de nulle part, dire : Je vais combler 10 postes. En fait, c'est les
juges en chef, aussi, qui vous disent : Bien, je vais avoir des postes
vacants, la retraite de monsieur, la retraite de madame, la maladie de
monsieur.
O.K.
Là, je ne sais pas combien vous en avez comblé cette année, là, en tout, là.
Disons que vous en avez comblé 30. Bien, c'est parce que quelqu'un,
quelque part, vous a dit qu'il manquait des postes ou qu'il y avait des gens
qui partaient à la retraite, là. Vous n'êtes pas... Je sais que...
M.
Jolin-Barrette : Mais je vais illustrer mon exemple, là. Supposons,
là, il y a un juge qui prend sa retraite à Montréal, O.K.? Le juge en chef
dit : Écoutez, s'il vous plaît, le juge s'en va à la retraite, là, puis on
vous demande d'ouvrir le poste à Montréal, on voudrait l'ouvrir à Montréal. Le
ministre a toujours le loisir de l'ouvrir à Sherbrooke, le poste, parce que,
supposons qu'il y avait des besoins à Sherbrooke, puis le ministre de la
Justice juge qu'il y a des délais, il y a des délais importants, supposons,
dans le district de Saint-François, à Sherbrooke, je prends en considération
les besoins de la cour, mais, en termes d'administration de la justice, il
serait beaucoup plus opportun que le juge
soit posté à Sherbrooke, dans le district de Saint-François. Ultimement, c'est
l'exécutif qui décide.
Mme David :
O.K. Alors, c'est Saint-François.
Le Président (M.
Polo) : Mme la députée, il vous reste 1 min 20 s,
à peu près.
Mme David :
C'est Saint-François. Puis après ça, de toute façon, mon collègue va prendre la
relève. C'est Saint-François, mais peut-être
qu'à Saint-François vous allez devoir examiner toujours la question de
l'exigence d'une langue autre que le français. Donc, toujours, il va
falloir que vous parliez, à un moment donné, au juge du district de
Saint-François pour dire : Bien, peux-tu me faire la démonstration, s'il
vous plaît, de l'exigence de l'anglais?
Quand vous
dites : Tous les postes sont bilingues, ça veut dire... peut-être que vous
référez aux précédents gouvernements, qu'ils ont accepté que tous les postes
soient bilingues. Mais admettons qu'on resserre un peu ce critère-là...
J'essaie de vous trouver une façon de le resserrer tout en donnant plus de responsabilités
aux juges des districts de vous plaider leur cause dans un sens comme dans
l'autre.
M.
Jolin-Barrette : M. le Président, moi, je suis très à l'aise avec
l'article 10... 12 tel que rédigé. Puis, dans le fond, je ne souhaite pas ajouter des critères supplémentaires au
niveau de la cour, en tout respect de leur indépendance. Ils feront
leurs démarches qu'ils ont à faire.
Cela étant,
l'article 12 vient encadrer, codifier l'exigence de la maîtrise de la
langue anglaise. Puis le fardeau, il est au niveau de l'affichage, au niveau du ministre. Il n'est pas imposé sur la cour, comme c'est le
cas en ce moment. Donc, le ministère
exige... exprime ses prérogatives, la cour exprime ses besoins, le gouvernement
dispose.
Mme David :
Ses besoins, dont les besoins linguistiques.
M. Jolin-Barrette :
Il n'y a aucun endroit, dans la loi ou dans le règlement sur la sélection, qui
font en sorte que les exigences linguistiques sont un critère de sélection, à
nulle part.
Mme David : Bien, vous parlez que tout le monde demande qu'ils soient bilingues, que c'est 100 % bilingue. Je ne comprends pas,
alors, ce que vous dites là. Qui décide ça?
M. Jolin-Barrette : C'est un souhait qui est formulé par la cour,
mais un candidat ne peut pas être sélectionné basé sur un caractère
linguistique.
Mme David :
En ce moment?
M. Jolin-Barrette :
En ce moment.
Mme David :
Bien, alors, c'est quoi, le problème? Vous dites qu'on ne peut pas sélectionner
sur une base linguistique, dans
l'article 12, c'est-à-dire qu'on ne peut pas exiger qu'ils parlent
l'anglais, mais vous êtes en train de me dire qu'il y a... c'est le cas de facto, qui... jamais on ne tient compte
de la langue. Je suis encore plus mêlée qu'au début.
M. Jolin-Barrette :
Là, on est au coeur du litige.
Mme David :
Oui, bien là, je vous l'avais dit, là, moi, je ne suis pas la juriste, dans la
gang, là. Et je vous l'ai dit, que je ne veux pas vous mettre dans une
situation problématique, mais je ne veux pas mettre non plus une autre partie.
Mais on a décidé qu'on pouvait parler de l'article 12, alors...
M. Jolin-Barrette :
C'est ça, c'est ça, mais votre question nous amène là. C'est pour ça que je
vais réserver mes commentaires, mais simplement vous dire...
Mme David :
Mais c'est plate, parce qu'on va avoir à voter, un jour, quand même.
M. Jolin-Barrette :
Oui, oui, je...
Mme David : Je n'ai pas les réponses
aux questions, mais, vous voyez, on arrive à quelque chose comme ça.
M. Jolin-Barrette : Je le sais bien, sauf que ce que je veux dire...
Depuis le début, je réponds à vos questions, je pense, largement puis en
donnant le plus de détails possible. Mais vous êtes d'accord avec moi sur le
principe même du fait que ce n'est pas normal d'exiger, 100 % des postes,
qu'ils soient bilingues, dans certains districts. Tu sais, ça, j'ai compris...
Mme David : Vous me dites qu'il
n'y en a pas, d'exigence.
Le Président (M. Polo) : Mme la
députée, malheureusement, vous avez écoulé tout votre temps.
Mme David : Ah! bon, bien...
Le Président (M. Polo) : M. le
député de D'Arcy-McGee, poursuivez.
M. Jolin-Barrette : Bien, juste
si vous voulez que je réponde à la députée pour compléter tout ça...
Le Président (M. Polo) : Oui,
allez-y. Allez-y.
M. Jolin-Barrette : La pratique
a fait en sorte que, depuis 2006‑2007, cette exigence-là, elle était formulée
par la cour, et les ministres y donnaient suite. Je n'ai pas donné suite à
certaines demandes de la cour, ce qui nous amène au litige que nous avons. Et
je crois qu'au Québec il est tout à fait approprié de ne pas exiger la maîtrise
de la langue anglaise dans tous les districts, de façon paramétrique, dans la
quasi-totalité de tous les districts.
Le Président (M. Polo) : M. le
député.
M. Birnbaum : J'aimerais poursuivre
et, en quelque part, dévier un petit peu. Le ministre, à quelques reprises,
nous a fait comprendre que, oui, il y a une analyse qui peut se faire de façon
contextuelle et en respectant les besoins actuels en tout ce qui a trait à la
maîtrise de la langue anglaise par les juges, selon les cas. Mais nous n'avons
pas beaucoup parlé d'une des clauses, des phrases dans l'article 12. Et je
me permets de lire le tout pour le mettre en contexte : «Il ne peut être
exigé de la personne devant être nommée à la fonction de juge qu'elle ait la
connaissance ou un niveau de connaissance spécifique d'une langue autre que la
langue officielle sauf si le ministre de la Justice, après consultation [avec
le] ministre de la Langue française, estime que, d'une part, l'exercice de cette
fonction nécessite une telle connaissance et que, d'autre part — et
c'est là où je veux mener notre discussion — tous les moyens raisonnables
ont été pris pour éviter d'imposer une telle exigence.»
Bon, dans un
premier temps, j'aimerais comprendre comment va mettre en opération, le
ministre, ce concept-là. Tous les moyens raisonnables auraient été pris
pour éviter d'imposer une telle exigence. Qu'est-ce qu'on entend par ça, sur le
plan législatif, action, suite à une éventuelle adoption de cet amendement?
M. Jolin-Barrette : Donc, comme je
l'ai dit, c'est le critère de nécessité et d'évaluer si les moyens raisonnables ont été mis en place pour éviter
d'imposer une telle exigence, donc, comme le député de D'Arcy-McGee me le suggérait tout à l'heure, le nombre de juges
qui sont bilingues, la population, le nombre de dossiers, la fréquence
de dossiers. Alors, c'est le critère de raisonnabilité.
M. Birnbaum : ...M. le Président,
beaucoup plus qu'une notion, bon, de nécessité, de... Tous les moyens ont été
pris... Est-ce qu'on peut...
M. Jolin-Barrette : Les moyens
raisonnables, raisonnables.
M. Birnbaum : Tous les moyens
raisonnables, justement. Bon, raisonnables, est-ce que le ministre peut être un
petit peu plus clair dans sa description de ce qui est... ce que le législateur
serait interpelé à faire suite à l'adoption de ces mots-là?
M. Jolin-Barrette : Bien, en
fait, vous savez, je pense que les termes vont plaire au député de La Pinière,
parce que ce n'est pas écrit «convenables», là, c'est écrit «raisonnables»,
puis hier il nous a fait un argumentaire important sur l'importance d'utiliser
les mots... «raisonnables».
Alors, les moyens raisonnables, bien, c'est
évaluer comment est-ce que la situation, elle est, pour faire en sorte que ce
ne soit pas d'une façon qui est systématique, le fait de faire en sorte
d'exiger tout le temps que les juges... que l'affichage des postes exige la
maîtrise de la langue anglaise. Est-ce que c'est nécessaire et, d'autre part, est-ce
qu'il y a tous les moyens raisonnables pour éviter d'imposer une telle
exigence?
Tout à l'heure, je vous disais : On
exige-tu l'anglais parce que c'est plus facile d'avoir tout le monde 100 %
bilingue? Bien entendu que c'est plus facile. C'est sûr, sûr, sûr, c'est plus
facile. Et, vous allez dans un magasin, là, si les cinq employés sont
bilingues, c'est plus facile. Tout le monde parle anglais, c'est plus facile.
Est-ce que les moyens raisonnables ont été pris pour éviter?
Donc, nous,
là, on va faire une analyse au cas par cas. À chaque affichage de poste, c'est
une analyse in concreto, en fonction
de ce qui est demandé. Vous savez, c'est évolutif. Ça change, les districts, le
nombre de juges, les dossiers.
M. Birnbaum :
Ces mots portent un sens. Le ministre, comme je dis, s'est permis à quelques
reprises de constater, bon, 100 %, à un moment, 88 %, 82 % des
juges maîtrisent l'anglais. Comment est-ce qu'il propose d'évaluer la portée,
l'efficacité de ces mots-là? On va voir quelques postes de juge, je ne sais
pas, à Montréal, à Laval, sans cette exigence suite à l'adoption de l'article?
C'est quoi, les critères du succès de ces mots-là?
• (16 h 50) •
M. Jolin-Barrette :
Donc, je l'ai dit au député de D'Arcy-McGee, c'est une analyse in concreto, en
fonction de chacun des postes. Chaque cas est un cas d'espèce. Donc, dans la
mesure du raisonnable : le nombre de juges, les districts, le contenu des causes, la population. Ça ne peut pas être
plus clair que ça, là. Donc, une analyse au cas par cas.
M. Birnbaum :
De cas par cas. Et quels facteurs s'imposeraient dans cette analyse cas par
cas? On aurait constaté, à Laval, qu'entre 2005‑2015 il y avait tel nombre de
causes où il y avait un intérêt, par un des intéressés ou l'autre, d'avoir un
procès en anglais, et là, entre 2015 et 2020, il y en avait moins? J'essaie de
comprendre comment ça va se faire.
M.
Jolin-Barrette : Je viens de vous répondre : au cas par cas, en
fonction de chacun des districts, le nombre de juges, la population, le nombre
de dossiers. Donc, c'est une série de facteurs qui nous permettent d'évaluer le
tout. Parce qu'actuellement, là, la situation actuelle, pour le député de
D'Arcy-McGee, c'est que, de façon quasi systématique, dans la majorité des
districts, c'est mur à mur, 100 %. La direction de la cour dit :
100 % de mes juges doivent être bilingues, dans le district de Montréal,
100 %, Laval, Saint-Jérôme, la Montérégie. Est-ce que le député de
D'Arcy-McGee est d'avis que, pour siéger à Saint-Hyacinthe, tous les juges de
Saint-Hyacinthe doivent avoir la maîtrise de la langue anglaise, tous, sans
exception, à Saint-Hyacinthe?
M. Birnbaum :
Je suis curieux. Le ministre n'aurait jamais songé, en quelque part dans
l'article 12, la nécessité, la nécessité raisonnable, de mettre sur papier
que tout cela continuait à se faire de façon qui respecte les principes
naturels de la justice ou quelque formation comme ça? Parce que ce ne serait
pas la première fois que les constats du ministre devant la commission sont
remplis d'assurance à cet effet ou, à d'autres moments, assurance sur l'ordre
des choses, le respect des droits, etc. Ces beaux... paroles ne sont pas dans
le projet de loi devant nous. Alors, est-ce qu'il ne voit pas la pertinence possible
ou la nécessité de démontrer par écrit dans cet article-là?
Et, en quelque part,
je me permets de dire que les juges en chef se posent la question si le Québec
peut être satisfait du bien-fondé de cet article, en ce qui a trait au principe
d'accès et l'égalité à la justice. Le ministre ne songeait jamais à offrir une
telle assurance dans l'article devant nous?
M.
Jolin-Barrette : Il faut juste ne pas mélanger les choses, M. le
Président...
M.
Birnbaum : En connaissance de cause, je pose la question. J'attends avec intérêt qu'est-ce que je mélange, mais, bon, je pose la question.
M.
Jolin-Barrette : Bien, c'est parce que le député de D'Arcy-McGee vient
de faire référence... Dans son argument, il dit : Les juges en chef sont
préoccupés. Non, les juges en chef, leurs commentaires étaient relativement à l'article 10.
Là, on est rendus à l'article 12. J'ai expliqué à la députée de Marguerite-Bourgeoys
que le pouvoir de nomination du gouvernement du Québec était relativement...
uniquement à la Cour du Québec, aux juges de paix magistrats et aux juges des cours
municipales. Donc, il ne faut pas assimiler la lettre qui a été écrite à
l'article 10 pour l'article 12.
Pour ce qui est de la
question, à nouveau, ce qui est véhiculé et proposé par le député de
D'Arcy-McGee fait partie intégrante de l'article : le fait que «l'exercice
de cette fonction nécessite une telle connaissance — donc le critère de
nécessité — et
que, d'autre part, tous les moyens raisonnables ont été pris pour éviter
d'imposer une telle exigence». Tout est là. Donc, le fardeau, il est sur le
ministre.
Le Président (M.
Polo) : M. le député...
M.
Jolin-Barrette : Et...
Le Président (M.
Polo) : Allez-y, M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : ...juste en complétant, je réitère que le pouvoir
d'afficher, le pouvoir de nommer appartiennent à l'exécutif.
Le Président (M.
Polo) : Il vous reste 15 secondes, M. le député.
M. Birnbaum :
Merci.
Mme David :
Je vais demander une courte suspension, s'il vous plaît.
Le Président (M. Polo) : Oui,
j'allais la proposer, d'ailleurs, parce qu'après un bon café je pense qu'une
pause santé est convenue. Est-ce que vous acceptez une petite pause santé de
quelques instants?
M.
Jolin-Barrette : Bien, à votre discrétion, M. le Président. Je sais
que vous avez à coeur notre santé.
Le Président (M. Polo) : Parfait, on
va prendre quelques instants. On va interrompre les...
(Suspension de la séance à 16 h 57)
(Reprise à 17 h 09)
Le
Président (M. Polo) :
Parfait. Chers collègues, à l'ordre! Nous allons reprendre les échanges. M. le député de D'Arcy-McGee, je pense
qu'il vous restait moins de 15 secondes.
M. Birnbaum : Je vais laisser mes
15 secondes sur la table. Merci.
Le
Président (M. Polo) : C'est
bon. Parfait. Mme la députée de
Mercier, souhaitiez-vous intervenir? Je pense qu'il vous restait
quelques minutes.
• (17 h 10) •
Mme Ghazal : Bien, par rapport à
l'amendement... Quelques minutes? Je n'ai presque pas parlé.
M. Jolin-Barrette : ...on n'est plus
sur l'amendement, on est sur l'article.
Mme Ghazal : Sur l'article lui-même,
oui. Bien, j'avais déjà exprimé... Puis je lui avais posé beaucoup de
questions, au ministre, puis j'avais dit que j'étais pour l'article tel
qu'amendé aussi. Et j'ai écouté tous les échanges et toutes les répétitions du ministre
par rapport à cet enjeu et je demeure convaincue.
Puis je suis contente qu'il a dit qu'il a pris
en note le fait que peut-être que... il y ait eu de la discrimination pour des
candidats en... il y a eu de la discrimination pour des candidats unilingues
francophones. Et peut-être qu'il va encore plus considérer ma proposition qu'il
y ait une enquête pour vraiment le documenter.
Le Président (M. Polo) : Merci.
Mme Ghazal : Je ne sais pas s'il est
d'accord avec ça.
M. Jolin-Barrette : Je l'ai déjà
dit, M. le Président, que c'était une bonne suggestion. Alors, je me répète,
comme l'a dit la députée de Mercier.
Le Président (M. Polo) : Merci. M.
le député de Matane-Matapédia, souhaitez-vous intervenir?
M.
Bérubé : À quel
sujet? Il y a tellement de sujets que j'aimerais aborder avec vous, M. le
Président.
Le Président (M. Polo) : Sur l'article 12.
M.
Bérubé : Non.
Le Président (M. Polo) : Non, ça
vous va? Parfait. S'il n'y a pas d'autre intervention, nous allons passer à
l'étude de l'article 13.
M. Jolin-Barrette : M. le Président,
l'article 13 : «L'article 12 s'applique, compte tenu des
adaptations nécessaires, à la personne qui doit être nommée par l'Assemblée
nationale, par le gouvernement ou par un ministre pour exercer une fonction
juridictionnelle au sein d'un organisme de l'Administration.»
Et là je vais avoir un amendement, M. le
Président. Donc, il doit être sur Greffier. On avait mis un premier amendement,
mais qu'on a déjà remplacé.
Alors, je vais vous lire le dernier, M. le
Président, qu'on a envoyé au secrétariat, donc : À l'article 5 du
projet de loi, insérer, à la fin de l'article 13 de la Charte de la langue
française qu'il propose, la phrase suivante : «Dans le cas d'une personne
qui doit être nommée par l'Assemblée nationale pour exercer une telle fonction
au sein de la Commission d'accès à l'information ou de la Commission de la
fonction publique, il incombe au Commissaire à la langue française, plutôt
qu'au ministre de la Justice, d'estimer si, d'une part, l'exercice de cette
fonction nécessite la connaissance ou un niveau de connaissance spécifique
d'une langue autre que la langue officielle et que, d'autre part, tous les
moyens raisonnables ont été pris pour éviter d'exiger de cette personne une
telle connaissance.»
Cet amendement vise à attribuer au Commissaire à
la langue française la responsabilité d'évaluer s'il est nécessaire qu'une personne nommée par l'Assemblée
nationale à une fonction juridictionnelle au sein de la Commission
d'accès à l'information ou de la Commission de la fonction publique connaisse
une langue autre que le français. Dans ces
cas, le commissaire évaluera si tous
les moyens raisonnables été pris pour éviter une telle exigence.
Donc, l'article, M. le
Président, l'amendement, ce qu'il fait, c'est qu'il vient préciser... bien,
deux choses. Puisqu'on a fait un amendement à l'article 12... Auparavant,
à l'article 13, il y avait, dans l'amendement, le rôle du ministre de la Langue française, qu'on a enlevé. Et ce qu'on
vient ajouter, le fond de l'amendement, c'est : Plutôt que ce soit le
ministre de la Justice qui évalue est-ce que c'est nécessaire et est-ce que les
moyens raisonnables ont été pris pour éviter
que les gens qui sont nommés comme juges administratifs à la Commission d'accès
à l'information, à la Commission de la fonction publique, plutôt que ce
soit le ministre qui évalue ça, puisque ces gens-là sont nommés par les
députés, à l'Assemblée nationale, par un vote aux deux tiers, la responsabilité
de cette évaluation-là, plutôt que d'être confiée au ministre de la Justice,
elle passe au Commissaire à la langue française, qui, lui-même, on le verra,
c'est un nouveau poste, ça devient une personne désignée à l'Assemblée
nationale... qui va être voté aux deux tiers lui-même par les membres de l'Assemblée
nationale.
Alors, puisque ça
relève uniquement du pouvoir législatif et non pas de l'exécutif, ces
nominations-là, on transfère le pouvoir, si je peux dire, d'évaluer la connaissance...
l'exigence de la connaissance d'une autre langue que le français au Commissaire
à la langue française, qui, lui, est une personne désignée de l'Assemblée.
C'est le sens de l'amendement.
Le Président (M.
Polo) : Mme la députée.
Mme
David : Ah! bien, peut-être, je suis fatiguée ou je n'ai pas tout
saisi, mais... D'abord, l'article 13 original, l'original de
l'article 13, c'était : À toute personne... «à la personne qui doit
être nommée par l'Assemblée nationale, par le gouvernement [...] pour exercer
une fonction juridictionnelle».
Partons de ça, je
pense, partons de ça, parce que le commentaire après, c'est pour deux cas de
figure. Ça doit être le commissaire, mais pas pour la première partie de
l'article 12, pour exercer une fonction juridictionnelle.
Est-ce que je
comprends bien que le texte amendé, c'est... Pour la Commission d'accès à
l'information et la Commission de la fonction publique, là, ça va être le
commissaire, mais, pour le premier paragraphe original, appelons-le
l'article 13, là, il reste semblable. Est-ce que je me trompe?
M.
Jolin-Barrette : Non, vous ne vous trompez pas. Donc, si je lis
l'article, le nouvel article 13, tel qu'il sera amendé, donc un coup qu'on va avoir voté l'amendement, là, ça va se
lire ainsi : «L'article 12 s'applique, compte tenu des
adaptations nécessaires, à la personne qui doit être nommée par l'Assemblée
nationale, par le gouvernement ou par un ministre pour exercer une fonction
juridictionnelle au sein d'un organisme de l'Administration. Dans le cas d'une
personne qui doit être nommée par l'Assemblée nationale pour exercer une telle
fonction au sein de la Commission d'accès à l'information ou de la Commission
de la fonction publique, il incombe au Commissaire à la langue française,
plutôt qu'au ministre de la Justice, d'estimer si, d'une part, l'exercice de
cette fonction nécessite la connaissance ou un niveau de connaissance
spécifique d'une langue autre que la langue officielle et que, d'autre part,
tous les moyens raisonnables ont été pris pour éviter d'exiger de cette
personne une telle connaissance».
Donc, ce que ça
signifie...
Mme David :
...on a bien lu, là, en même temps que vous. Donc, il y a deux cas de figure.
Il y a le premier cas de figure qui est l'article 13 original, les quatre
premières lignes ou les trois premières lignes et demie. Alors là, ma première
question, c'est : Expliquez-moi c'est qui, là — c'est vraiment une
question, là — c'est
qui, le... Qui ça vise, les fonctions
juridictionnelles au sein d'un organisme de l'Administration?
Parce qu'on sait que l'Administration, à l'annexe I, là... D'ailleurs, je vais en profiter à un moment
donné, là, on me dit toujours de demander la liste beaucoup plus précise
de l'annexe I. Il ne faut pas que je l'oublie, là, je vais vous la
demander. Mais qui ça vise, ça, une fonction juridictionnelle au sein d'un
organisme de l'Administration?
M.
Jolin-Barrette : Une fonction juridictionnelle, ça vise les décideurs
administratifs ou communément appelés juges
administratifs. Donc, dans notre système, dans le fond, à l'article 12, on
était avec les tribunaux judiciaires, donc un tribunal judiciaire à la
Cour du Québec, cour municipale, juge de paix magistrat, qui exerce à la Cour
du Québec. À l'article 10, on était avec tous les tribunaux judiciaires,
Cour d'appel, Cour supérieure, Cour du Québec.
Là, ici, à
l'article 13, on est dans le cadre des tribunaux administratifs.
Lorsqu'une personne, un décideur administratif
ou un juge administratif — eux, ils préfèrent se faire appeler juge administratif, mais, dans
le vocabulaire, c'est plus décideur administratif — qui
doivent rendre une décision entre l'État et un administré, un administré étant
un citoyen..
Mme David :
...le Tribunal administratif du travail en serait un exemple?
M.
Jolin-Barrette : Tribunal administratif du travail, Tribunal
administratif du logement, Régie de l'énergie, régie des courses, des alcools
et des jeux, Régie des marchés agricoles, tribunal...
Mme David :
...la Régie du logement.
M.
Jolin-Barrette : Oui, la régie... le tribunal du logement, le tribunal
des marchés financiers, CPTAQ...
Mme David :
Donc, ce sont des gens...
M.
Jolin-Barrette : ...le Tribunal administratif du Québec. Donc, ce sont
des gens qui sont nommés comme des juges administratifs. Donc, le fait qu'ils
sont nommés pour une fonction juridictionnelle, c'est ceux qui rendent des décisions en lien avec une décision de l'État sur les
personnes, les citoyens. Je vous donne un exemple. Au Tribunal administratif du
Québec, le TAQ, il y a une compétence très large et donc il y a, je pense,
97 décideurs administratifs qui sont là.
Mme David :
Il y a quoi?
M. Jolin-Barrette :
97 juges administratifs.
Mme David :
Mais ce n'est pas la même description de nomination des juges que celle dont on
vient de parler abondamment dans l'article 12, là. Peut-être, ça n'a même pas...
Je suis même hors d'ordre en posant la question.
M. Jolin-Barrette :
Il y a... Bien non, vous avez raison. Dans le fond, le processus de nomination
des décideurs administratifs, certains relèvent du ministre de la Justice.
Exemple, les juges administratifs, les décideurs administratifs qui sont nommés au Tribunal administratif du Québec
relèvent du ministre de la Justice. Ceux du Tribunal administratif du travail,
le TAT, qui, avant, était la Commission des lésions professionnelles, la Commission
des relations du travail, tout ça, ça, ça relève du ministre du Travail. La Régie
du logement, ou le Tribunal administratif du
logement, relève de la ministre des Affaires municipales. La RACJ, la Régie des
alcools, des courses et des jeux du Québec,
relève de la ministre de la Sécurité publique. Le Comité de déontologie
policière relève de la ministre... Pardon. C'est ça, comité de... non,
la commission... La commission des libérations conditionnelles relève de la
ministre de la Sécurité publique.
Mme David :
Donc, tous ces gens-là ont leur propre processus de nomination, j'imagine, par
le ministre qui est titulaire du poste. Là, il y a des processus de nomination,
mais vous dites, à tous ceux-là...
M. Jolin-Barrette :
Bien, vous soulevez une autre question intéressante qui, d'ailleurs, lorsque
j'aurai un peu plus de temps, pourrait faire
l'objet d'un projet de loi également. Parce que, vous vous souvenez, dans
l'opposition, j'en suis convaincu, que j'avais déposé un projet de loi pour
réformer la nomination des juges administratifs.
Mme David :
Je m'excuse, ça m'a échappé.
M. Jolin-Barrette : Très certainement que vous en avez... Vous en
avez pris connaissance, j'en suis convaincu. Et donc ça faisait suite au
rapport Noreau, très bon projet de loi qui avait été déposé mais qui avait...
• (17 h 20) •
Mme David :
Qui n'a pas été appelé.
M. Jolin-Barrette :
...qui n'a pas été appelé. Et ce n'est pas à défaut d'avoir essayé.
Mais donc il y avait
le rapport Noreau qui avait été établi, puis, dans le fond, ce qui est
intéressant dans le rapport Noreau, c'est qu'il disait qu'il y a des processus
de sélection à géométrie variable. Celui du Tribunal administratif du Québec,
qui relève du ministre de la Justice, il a un processus formel avec avis,
comité de sélection, puis tout ça. Dépendamment des tribunaux, le processus est
variable, disons.
Mme David :
Mais ce qui va être invariable, pour prendre vos mots, c'est l'article 12
qui s'applique.
M. Jolin-Barrette :
Oui.
Mme David :
Ça, c'est pour tout le monde.
M. Jolin-Barrette :
Exactement.
Mme David :
Et donc ils vont repasser par le même... la même discussion avec... à travers
laquelle on vient de passer, faire la démonstration, etc. Et, dans tous les
cas, sauf deux cas, où ce sera ma prochaine question... Je vous demanderai
pourquoi ces deux-là, mais, je pense, vous avez des bonnes réponses prêtes.
Mais, dans tous ces cas-là où l'article 12 s'applique, donc, il y aura
encore... Attention, là, c'est parce qu'il y avait le ministre de la Justice
puis il y avait : Après avoir consulté
le ministre de la Langue
française. Mais là vous dites :
Ça va être le ministre
responsable de ce tribunal-là qui va l'appliquer, votre article 12. Ce ne
sera plus vous, là. Mais l'article 12 dit que c'est vous.
M.
Jolin-Barrette : C'est ça. Bien, dans le fond, c'est avec consultation.
Mme David :
Vous, avec consultation du ministre responsable... du ministre de la Langue
française. Mais là il y a un troisième ministre d'impliqué. Vous m'avez
dit : Il y a plein de ministres, là, qui ont chacun leur tribunal.
M.
Jolin-Barrette : Bien, dans le fond... Le ministre responsable, dans
le fond, devra consulter le ministre de la Langue française.
Mme
David : Si on applique stricto sensu l'article 12, vous vous
autoflushez, là, avec... en disant : Ce n'est plus moi. Donc, il faudrait peut-être
le dire dans l'article 13.
M.
Jolin-Barrette : Non. Dans l'article 13, ça n'a jamais été le ministre
de la Justice.
Mme David : Bien, l'article 13, ils mettent : «L'article 12
s'applique, compte tenu des adaptations nécessaires — est-ce que c'est ça, l'adaptation nécessaire? — à la personne
qui doit être nommée» par la loi ou par un ministre. Donc, le ministre en question,
ce n'est pas vous, c'est toujours le ministre sectoriel, c'est ça? C'est comme ça
qu'on doit lire ça, à ce moment-là.
L'article 12
s'applique... C'est le principe général de l'article 12. Ce n'est pas la
lettre de l'article 12, parce que, là, ce serait compliqué. Mais il
«s'applique, compte tenu des adaptations nécessaires — parce
que je vous donne la réponse en même temps que je pose la question, là — à la
personne qui doit être nommée par l'Assemblée nationale, par le gouvernement ou
par un ministre pour exercer une fonction juridictionnelle».
Donc, exemple,
ministre de la Sécurité publique, pour je ne sais plus quel tribunal dont vous
avez parlé, le ministre de la Sécurité publique va devoir appliquer
l'article 12 à votre place, disons, mais en consultation avec le ministre.
Donc, on enlève juste... C'est vous, au sens ministre de la Justice, qu'on
enlève, mais on n'enlève pas la partie de la phrase qui dit «en consultation
avec». Parce que je trouve que c'est...
Là, je le clarifie en
vous parlant, mais ce n'est pas clair, «compte tenu des adaptations
nécessaires». Si j'étais ministre de la
Langue française, je me dirais : Bien, vous auriez peut-être dû le mettre,
parce que je suis où, là-dedans, moi? Au secours, Dr Poirier!
M.
Jolin-Barrette : Dans le fond, le ministre de la Justice, lui, il est
responsable de la nomination des juges en vertu de la Loi sur les tribunaux
judiciaires, en vertu du règlement, donc pour les tribunaux judiciaires. Pour
ce qui est des autres décideurs administratifs, dans le fond, ça relève de
chacun des ministres. Donc...
Une voix :
...
M.
Jolin-Barrette : C'est ça. Donc, l'adaptation qui est faite, c'est
que, dans... Supposons, la ministre de la Sécurité publique, avant d'exiger,
dans l'affichage de poste, avant d'exiger, dans l'affichage de poste, une
maîtrise d'une autre langue que le français, doit consulter le ministre de la
Langue française.
Mme
David : Bien, moi, si
j'étais encore ministre de la Langue française, je ne m'y retrouverais pas là-dedans.
Puis un ministre qui n'a pas le goût de me consulter... Bien, je ne suis pas
sûre que c'est si clair que ça. Il n'y a pas... Vous pensez que ça protège bien
le ministre de la Langue française, dans l'article, là, ou ce ne serait pas
mieux de le mettre, «en consultation avec» ou «après avoir consulté le ministre
de la Langue française»?
M.
Jolin-Barrette : Bien, on peut le mettre.
Mme David :
Si vous êtes sûr que c'est blindé.
M.
Jolin-Barrette : Bien, on peut le spécifier, si vous voulez. Mais,
dans le fond, tu sais, «en tenant compte des
adaptations nécessaires»... C'est parce que c'est à la fonction... À 12,
là, c'est : «Il ne peut être exigé de la personne devant être
nommée à la fonction de juge qu'elle ait la connaissance ou un niveau de
connaissance spécifique...»
Mais là c'est le
ministre de la Justice qui nomme, tandis que, dans les autres tribunaux, ce
n'est pas tout le temps le ministre de la Justice qui nomme.
Mme David :
...
M.
Jolin-Barrette : Je crois que le député de La Pinière veut
intervenir. Allez-y, M. le député de La Pinière.
Des
voix : ...
Mme David :
Non. Bien, c'est parce que je ne veux pas imposer une lourdeur aux personnes
qui nous accompagnent, là. Si c'est clair pour vous autres, je suis prête à
vous croire sur parole. Si ce n'est pas clair, bien, peut-être qu'on peut
mettre «compte tenu des adaptations nécessaires» et «toujours en consultation
avec le ministre de la Langue française.» Je ne sais pas, là, je... Vas-y.
M. Barrette :
Moi, si je peux me permettre, M. le Président, moi, je trouve ça très
mélangeant, là, dans le sens suivant, là. Je suis comme ma collègue, là. 12,
c'était clair, avec l'amendement, c'est le ministre de la Justice, dans le cas
unique et spécifique de la nomination d'un juge, qui doit consulter le ministre
de la Langue française. Bon, là, on arrive à
13, O.K.? Dans le 13, là où ce n'est pas clair, c'est que,
là, il y a trois circonstances qui s'adressent à... en fait, il y a quatre circonstances... cinq, dont
trois, les trois premières, qui sont avant l'amendement, qui, elles,
s'adressent à trois groupes : le groupe nommé par l'Assemblée nationale,
le groupe nommé par le gouvernement, le groupe nommé par un ministre. On a
compris, là. Moi, j'étais comme ma collègue, là. Les explications que vous
donnez sont claires pour la fonction juridictionnelle. Ça, ça va.
Alors, si on adapte 12,
là, ça veut dire que, dans le cas de l'Assemblée nationale, l'Assemblée
nationale doit consulter le ministre de la Langue française.
M. Jolin-Barrette : Non, c'est ce qu'on
veut éviter.
M. Barrette : Bien, c'est ce que ça
dit, ça. Ça, ce que ça dit, c'est : L'article 12 s'applique; s'il
s'applique, l'organisme qui nomme consulte. C'est ça, 12. 12,
c'est : Le ministre de la
Justice consulte, dans le cas de
nomination d'un juge, le ministre de la Langue française. Alors, moi, si
j'adapte ça, ça veut dire que l'Assemblée nationale, selon 12, quand elle va
nommer quelqu'un, VG, doit consulter...
M. Jolin-Barrette : Non, pas la VG.
M. Barrette : Ah! O.K., d'abord. Le
chef de la police.
M. Jolin-Barrette : Non plus.
M. Barrette : Bien, c'est l'Assemblée
nationale.
M. Jolin-Barrette : Non, non, non.
C'est dans le cas d'une fonction juridictionnelle.
M. Barrette : Non... O.K. C'est
correct, c'est correct.
M. Jolin-Barrette : Donc, commissaire
à l'accès à l'information ou commissaire à la...
M.
Barrette : C'est correct, ça va, ça va.
Je me suis arrêté simplement au fait de la nomination, là. Je comprends que la nomination est
conditionnelle à la fonction. C'est correct.
M. Jolin-Barrette :
Juridictionnelle.
M. Barrette : Tout à fait. Ça va,
là, il n'y a pas d'incompréhension là, là. Alors, je reprends. Si j'adapte 12,
quand l'Assemblée nationale nomme quelqu'un qui a une fonction
juridictionnelle, elle doit, l'Assemblée nationale, consulter le ministre de la
Langue française.
M. Jolin-Barrette : Non.
M. Barrette : Bien, c'est ça que ça
dit.
M. Jolin-Barrette : Non. Elle doit
consulter le Commissaire à la langue française.
M. Barrette : Bien non, parce que,
le Commissaire à la langue française, ça, c'est un autre cas de figure. Le
Commissaire à la langue française, c'est après, dans l'amendement. Ça, c'est
une autre gang. C'est dans le cas de la Commission d'accès à l'information ou
la Commission de la fonction publique. Théoriquement, ça pourrait ne concerner... Je veux juste finir. Théoriquement,
ça pourrait ne concerner que deux personnes : la personne de la
Commission d'accès à l'information et/ou la personne de la Commission de la
fonction publique. Bon, ça va être plus, là, mais, à l'extrême, ça pourrait ne
concerner que deux personnes.
Maintenant, l'Assemblée nationale, dans la
première partie, l'Assemblée nationale qui est nommée... C'est comme un
sous-groupe dans le sous-groupe. Là, on a l'Assemblée nationale qui nomme un
paquet de monde, potentiellement, qui ont des fonctions juridictionnelles.
M.
Jolin-Barrette : Si vous me
permettez, les seules personnes que l'Assemblée nationale nomme qui
exercent une fonction juridictionnelle sont les commissaires à la Commission
d'accès à l'information et les commissaires à la Commission de la fonction
publique.
M. Barrette : Il n'y en a pas
d'autres?
M. Jolin-Barrette : Il n'y en a pas
d'autres.
M. Barrette : Bien, il fallait le
dire.
M.
Jolin-Barrette : Bien, c'est
parce que j'ai essayé de vous le dire. Vous m'avez dit : Non, non,
laissez-moi continuer.
M.
Barrette : Bien oui, il fallait que je continue pour être certain que
ce soit clair dans votre esprit, M. le ministre.
• (17 h 30) •
M.
Jolin-Barrette : Mais c'était très clair, c'est pour ça que je voulais
intervenir rapidement.
Mme David : ...à la deuxième ligne
de l'article 13.
M. Jolin-Barrette : Oui.
M. Barrette : C'est parce qu'à ce
moment-là il y a une contradiction. 12 dit que ça doit être le ministre de la Langue française, et là, comme il y a juste une
personne, là, 12 ne dit plus ça — pour l'Assemblée nationale,
j'entends, le chemin de l'Assemblée nationale — c'est le commissaire. Et là
c'est assez intéressant parce que... Et ça, pour moi, c'est assez
spectaculaire, parce que, mettons que j'ai bien compris que, dans la réalité,
pas dans l'esprit du ministre, l'Assemblée nationale, dans son rôle, ne peut
nommer qu'une seule personne qui a une fonction juridictionnelle...
M. Jolin-Barrette : Quand ça?
M. Barrette : Bien, c'est parce que
c'est ça que vous dites, là, il n'y en a pas d'autre, circonstance.
M. Jolin-Barrette : Non, non, non.
Bien, si vous voulez, reprenons-le ensemble, là.
M. Barrette : O.K. Reprenons-le.
M. Jolin-Barrette : Reprenons-le.
M. Barrette : En tout cas, si on le
reprend... Pas si clair que ça, là.
M. Jolin-Barrette : Bien, on peut le
rendre plus clair, O.K., mais je...
M. Barrette : ...
M. Jolin-Barrette : «L'article 12
s'applique, compte tenu des adaptations nécessaires, à la personne qui doit
être nommée par l'Assemblée nationale...» Qui peut être nommé par l'Assemblée
nationale pour exercer une fonction
juridictionnelle, O.K., qui qui peut être nommé? Les commissaires à la Commission d'accès à l'information, je
pense qu'ils sont cinq, six, puis les
commissaires à la Commission de la fonction publique, O.K.? Dans ces deux
cas-là, au lieu que ce soit le ministre de la Langue française qui soit
consulté par l'Assemblée nationale, ça va être le Commissaire à la langue
française qui va être consulté, qui va donner son opinion.
M. Barrette : ...arrêtons là, c'est
clair.
M. Jolin-Barrette : Bien, je n'ai
pas fini d'expliquer.
Mme David : ...à la ligne deux,
alors, parce qu'on en parle à la ligne quatre, et c'est ça qui rend tout confus
la chose.
Le Président (M. Polo) : Collègues,
juste une petite précision. Mme la députée, puisque c'est le temps de parole du
député de La Pinière... Je sais que vous intervenez juste pour préciser
les choses. Peut-être juste laisser les échanges se poursuivre entre le député
puis le ministre, puis, par la suite, vous pourrez intervenir.
M. Barrette : ...qu'elle
intervienne. Je trouve ça très bien.
Le Président (M. Polo) : Non, non,
je comprends, mais en fait je ne le fais pas pour ceux qui suivent, parce que
je trouve que les échanges se font bien, mais je le fais surtout pour ceux qui
animent la console puis, par la suite, font les galées. Voilà. Merci.
M. Jolin-Barrette : Alors, M. le
Président, ce que souhaitent... Je semble dénoter ce que souhaiteraient mes
collègues de l'opposition. Alors, ce qu'ils me disent, c'est qu'ils
préféreraient qu'on enlève, dans la deuxième phrase,
«une personne [...] nommée par l'Assemblée
nationale» pour en faire un alinéa complètement distinct puis que ce soit uniquement : «Dans le cas d'une
personne qui doit être nommée par l'Assemblée nationale pour exercer une telle fonction au sein de la Commission d'accès à l'information ou de la Commission
de la fonction publique, il incombe
au Commissaire à la langue française, plutôt qu'au ministre de la
Justice, d'estimer si, d'une part,
l'exercice de cette fonction nécessite la connaissance ou un niveau de connaissance
spécifique d'une langue autre que la langue officielle et que, d'autre part,
tous les moyens raisonnables ont été pris pour éviter d'exiger de cette
personne une telle connaissance.»
M. Barrette : Grosso modo, mais je
veux juste finir mon affaire, par exemple, là. Je comprends ce que le ministre
a dit, M. le Président. Je le comprends. Bon, ça va, là, mais on y reviendra
puisque ma collègue va reprendre la parole pour l'autre ligne, là, puis que je
comprends ma collègue aussi.
Alors donc, on a le groupe
de l'Assemblée nationale, là. Là, ça s'adonne que c'est juste... Ça s'adresse
seulement aux personnes qui viennent après. Je suis étonné qu'eux autres
n'aient pas à consulter, mais qu'on délègue le pouvoir. Je reviens à ça, parce
que ça va être plus facile à suivre, mon raisonnement, si je finis avec les
deux autres groupes, là. Il y a la gang de
l'Assemblée nationale puis il y a la
gang de nommée par le gouvernement ou par le ministre. Eux autres, là, c'est
clair qu'ils vont consulter le ministre de la Langue française. Ça, c'est
clair. C'est deux autres groupes. Ça va?
Je reviens à l'Assemblée nationale. Là, dans le
cas de l'Assemblée nationale, là, ça, c'est le bout que j'ai de la misère...
avec lequel j'ai de la misère, là, quand on le... De la manière que c'est
écrit, là, c'est : «...il incombe au Commissaire à la langue française, plutôt
qu'au ministre de la Justice, d'estimer...»
Une voix : ...
M. Barrette : Bien, c'est ça qui est
écrit, là.
Une voix : ...
M. Barrette : Là, c'est ça qui, pour
moi, n'est pas clair, là. Ce n'est pas clair, là. C'est qui qui calle la shot? Est-ce
que, dans ce cas-là, le ministre de la Langue française est consulté ou le commissaire
vient prendre la place et du ministre... Parce que, là, ce n'est plus de la consultation,
c'est une décision.
M. Jolin-Barrette : De la consultation.
O.K. Bien, on va remanier l'article.
M. Barrette : Bien là, je... Vous
allez me dire qu'estimer, c'est de la consultation, là, mais le ministre de la
Justice, lui, là, il me semble qu'il disparaît, là, c'est «plutôt qu'au ministre
de la Justice».
M. Jolin-Barrette : On va remanier l'article.
Alors, M. le Président, on peut prendre une courte suspension et on va
clarifier l'article.
Le Président (M. Polo) : Nous
suspendons les travaux.
(Suspension de la séance à 17 h 35)
(Reprise à 17 h 55)
Le Président (M. Polo) : Compte tenu
des délibérations et à la suite de la suggestion de M. le ministre, je propose
qu'on puisse conclure les travaux jusqu'au retour, à 19 h 30.
Parfait. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 17 h 56)
(Reprise à 19 h 38)
Le Président (M. Polo) : Votre
attention, s'il vous plaît! La Commission de la culture et de l'éducation
reprend ses travaux.
Nous poursuivons l'étude détaillée du projet de
loi n° 96, Loi sur la langue officielle
et commune du Québec, le français.
Lors de la suspension de nos travaux, nous
étions à l'étude d'un amendement du ministre à l'article 13 introduit par
l'article 5. M. le ministre, je comprends que vous souhaitez retirer
l'amendement précédent pour un déposer un nouveau. Y a-t-il consentement afin
de permettre au ministre de retirer son amendement précédent? Oui. Alors, M. le
ministre, je vous invite à faire la lecture de votre prochain amendement.
M. Jolin-Barrette : Oui. Nouvel
amendement, qui fait suite à la discussion que nous avons eue au collègue, donc : Remplacer l'article 13 de la
Charte de la langue française que propose l'article 5 du projet de loi par
l'article suivant :
«13. Il ne peut être exigé de la personne devant
être nommée par le gouvernement ou un ministre pour exercer une fonction juridictionnelle au sein d'un organisme de
l'Administration qu'elle ait la connaissance ou un niveau de
connaissance spécifique d'une langue autre que la langue officielle sauf si le
ministre responsable de l'application de [la] loi constitutive de l'organisme,
après consultation du ministre de la Langue française, estime que, d'une part,
l'exercice de cette fonction nécessite une telle connaissance et que, d'autre
part, tous les moyens raisonnables ont été pris pour éviter d'imposer une telle
exigence.
«De même, une
telle exigence ne peut être imposée à la personne devant être nommée par
l'Assemblée nationale pour exercer une telle fonction au sein de la
Commission d'accès à l'information ou de la Commission de la fonction publique
sauf si le Commissaire à la langue française estime que, d'une part, l'exercice
de cette fonction nécessite une telle connaissance et que, d'autre part,
tous les moyens raisonnables ont été pris pour éviter d'imposer cette
exigence.»
Donc,
concrètement, ce qu'on a fait, on a repris l'article 12, O.K.,
nommément, on est venus l'inscrire à l'alinéa un et on est venus
distinguer, à l'alinéa un... l'Assemblée nationale, on est venus le sortir
de l'alinéa pour en faire un alinéa distinct à l'alinéa deux. Donc, ce que
ça signifie, c'est que... Vous vous souvenez...
• (19 h 40) •
Mme David : ...on a l'amendement?
Des voix : ...
Mme David : Il est sur Greffier. Ah!
je viens de le recevoir dans la seconde même. Alors, vous parlez, mais j'ai de
la misère à vous suivre.
Des voix :
...
Mme David :
...numéro 13
M. Jolin-Barrette :
Nouveau numéro 13 au complet.
Mme David :
O.K. On vous écoute.
M. Jolin-Barrette : Dans
l'alinéa un de 13, avec l'amendement, ce qu'on fait, c'est qu'on vise deux
choses, quelqu'un qui est nommé par soit le gouvernement ou soit par le
ministre pour une fonction juridictionnelle. On reprend le même texte qu'à
l'article 12, sauf qu'au lieu que ce soit le ministre de la Justice c'est
le ministre qui est responsable de l'application de la loi constitutive de
l'organisme.
Exemple, la RACJ, la Régie des alcools, des
courses et des jeux, c'est la ministre de la Sécurité publique qui est
responsable. Donc, elle va avoir la même prérogative que le ministre de la
Justice, qui l'avait, à l'article 12, pour les juges et... Mais elle devra
consulter, comme à l'article 12, le ministre responsable de la Langue
française avec les mêmes critères relatifs, avec la nécessité et les moyens
raisonnables pour éviter d'imposer une telle exigence.
À l'alinéa deux, et faisant suite à vos
commentaires, on est venus mettre l'Assemblée nationale dans un alinéa
distinct. Et là on dit : «De même, une telle exigence ne peut être imposée
à la personne devant être nommée par l'Assemblée nationale pour exercer une
telle fonction au sein de la Commission d'accès à l'information ou de la Commission
de la fonction publique sauf si le Commissaire à la langue française estime
que, d'une part, l'exercice de cette fonction nécessite une telle connaissance
et que, d'autre part, tous les moyens raisonnables ont été pris pour éviter
d'imposer une telle exigence.»
Donc, on
reprend les mêmes critères — nécessité,
les moyens raisonnables pour éviter — sauf
que, là, il n'y a plus deux acteurs, il n'y en a qu'un seul, parce que
ça relève de l'Assemblée nationale, et ce sera uniquement le Commissaire à la
langue française. Donc, le chapeau qui était porté comme... après avoir
consulté le ministre de la Langue française, il disparaît.
Le décideur, le ministre décideur également, il
disparaît, parce que c'est l'Assemblée nationale qui désigne, donc les
125 députés. Et, à ce moment-là, on confère la responsabilité du ministre
de la Langue française et du ministre
responsable de l'application de la loi dans les mains du Commissaire à la
langue française, qui, lui, déterminera si la connaissance d'une langue
autre que le français est nécessaire.
Le Président (M. Polo) :
Allez-y, Mme la députée.
Mme David : Mais est-ce qu'il
faut qu'on vous le demande avant ou pas?
Le Président (M. Polo) : C'est
la même méthode qu'au tout début de l'après-midi. Je ne suis pas du genre à
intervenir pour vous céder la...
Mme David : Non, mais, quand je
parle, vous me chicanez, parce que je parle en même temps que mon collègue, là.
Le Président (M. Polo) : Non.
M. Jolin-Barrette : Ça dépend
des présidents, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Donc...
Le Président (M. Polo) : Bien,
laissez-moi, si vous permettez, M. le ministre, laissez-moi répondre. Non.
C'est juste que, tantôt, c'était le député de La Pinière qui avait un
échange, c'est pour ça. Mais on...
Mme David : Donc, on peut
échanger quand on veut, mais on n'a pas de permission à demander. Puis il ne
faut pas qu'on parle deux en même temps. Mais, si... En tout cas, je ne suis
pas sûre que je comprends, là, mais je vais parler. Je ne prendrai pas tout le
temps pour me faire expliquer les...
Le Président (M. Polo) : Vous
pouvez retirer votre masque pour parler, ceci dit.
M. Jolin-Barrette :
Si vous le souhaitez.
Mme David :
Bon. O.K. Alors, si je suis la seule à vouloir parler, je peux parler sans
demander la permission à personne, c'est ça? Alors, je parle.
M. le
ministre, je... Parfait. C'est bien, c'est plus clair. C'est un langage incompréhensible
en langage littéraire, là. Ce ne serait pas dans un roman, disons, là.
Vous n'auriez pas un prix Nobel de littérature avec ça, là, mais c'est le
langage juridique, hein? Bon, on va vivre avec ça. On est... Ce n'est pas de
votre faute, là, c'est le langage juridique.
Une voix : ...
Mme David : Attention, vous avez...
Vous avez-tu le droit de parler, là? Je ne pense pas. Alors, je n'ai pas... Je
n'ai pas fini mon intervention.
Alors, je comprends très bien, premier
paragraphe, deuxième paragraphe, beaucoup plus clair.
Maintenant, pourquoi faut-il, et quelle est la
vertu de l'article 13? Pourquoi faut-il qu'il y ait ce pendant dans ces
organismes-là? Donc, quel était le souci, le problème, l'enjeu qui existait
pour que vous disiez : Attention, ce n'est
pas juste les juges dans leurs cours, c'est aussi dans d'autres des fonctions
juridictionnelles, dans l'Administration? Est-ce que, vraiment, il y avait ce même... Avez-vous la même base de...
je pourrais dire, d'analyse et de données que, comme vous dites, pour
les juges, là? C'était rendu tout le temps, n'importe quand, n'importe comment?
Est-ce que je suis claire dans ma question?
M. Jolin-Barrette : Oui. Alors
là, on est dans le cadre des tribunaux administratifs. Et il y avait une
pratique dans l'État québécois également. Puis là on est davantage dans
l'exemplarité de l'État. Parce que, dans le fond, dans le cadre de tribunaux
administratifs, ce n'est
pas non plus le même degré d'indépendance que les tribunaux judiciaires,
mais l'État avait tendance également à afficher les postes qui étaient avec la
maîtrise de la langue anglaise et à faire en sorte de rechercher systématiquement
cette compétence.
Mme David : Donc, on est presque
dans le chapitre prochain, qui est l'administration de l'État, là, parce qu'on
parle de l'Administration avec un A majuscule.
Là, j'ai compris, là, que c'était
l'annexe I. Puis, je répète, j'aimerais avoir une liste un peu plus
précise de ce que contient... de tous ceux qui sont impliqués par cette annexe,
parce qu'on va passer nos prochains mois à travailler avec cette liste-là.
M. Jolin-Barrette : Bien, en fait,
en réponse à votre question, l'Administration avec un grand A se retrouve à
l'annexe I.
Mme David : Je le sais. Mais, dans
les sous-produits de l'annexe I, je suis sûre qu'on pourrait ventiler
encore plus quels sont les organismes. Là, je ne l'ai pas sous mes yeux, là, la
loi, mais vous comprenez facilement.
M. Jolin-Barrette : Bien, je donne
un exemple, le gouvernement et ses ministères, donc, ça, c'est les 26 ministères.
Mme David : Bien, ça, les ministères,
ça va, mais il y en a qui pourraient être plus précis.
M. Jolin-Barrette : Les organismes gouvernementaux,
exemple, 2° :
«b) les organismes
dont le gouvernement ou un ministre nomme la majorité des membres ou des administrateurs;».
Mme David : Voilà, c'est un bel
exemple.
M. Jolin-Barrette : Bon, bien,
pensez aux sociétés d'État, supposons.
Mme
David : Oui, mais vous, vous
y pensez, mais moi, si j'avais la liste... Ça veut dire Hydro-Québec, ça veut
dire...
M. Jolin-Barrette : La SAQ.
Mme David : Oui, mais est-ce qu'on...
Je suis sûre qu'il y a un fonctionnaire, quelque part dans le gouvernement, qui
a... dans... qui a une liste plus ventilée, détaillée.
Les organismes gouvernementaux énumérés à
l'annexe C de la Loi sur le régime de négociation, je n'ai aucune idée c'est
quoi. Après ça, ça continue :
«e) les organismes budgétaires, [...]autres que
budgétaires...»
Je suis sûre que vous pourriez m'aider à avoir
une vue un peu plus large.
M. Jolin-Barrette : Certainement.
Donc, pour les fins de l'étude du projet de loi...
Mme
David : Puis je ne veux pas
la liste de toutes les municipalités, là, dans le... vous comprenez? On ne sera
pas...
M.
Jolin-Barrette : Pas les 1 100 municipalités.
Mme
David : On ne sera pas
exagérés, là, mais il y a des choses où je pense que ça pourrait nous éclairer
un peu plus.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Mais,
si vous voulez, on peut faire un résumé de tout ça pour que ce soit
intelligible. Parfait.
Mme David : Vous avez jusqu'au mois
de février.
M. Jolin-Barrette : Donc, on va
faire ça puis, lorsqu'on va revenir en février...
Mme David : Bon. Parfait, ça, c'est
réglé. J'ai pensé à vous le demander. Mais...
Une voix : ...
M. Jolin-Barrette : Non, non. Je
l'avais déjà dit, que ce n'était pas en janvier.
Mme David : Vous nous donnez un
autre beau cadeau de Noël, là.
M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez,
si vous voulez qu'on revienne le 10 janvier, on peut revenir le
10 janvier.
M. Barrette : Non, non, non, il n'en
est pas question...
M. Jolin-Barrette : Non, mais, si
vous me dites : Écoutez, Simon...
Mme David : Vous avez besoin de vous
occuper de vos... votre famille.
Une voix : ...
M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, je
suis d'accord avec la députée de Marguerite-Bourgeoys, mais, si vous me
dites : Écoutez, on siège deux semaines en janvier puis on adopte le projet
de loi... on termine le projet de loi en janvier, moi, je suis bien ouvert.
Le Président (M. Polo) : ...je pense.
Mme David : Donc, ce que vous
cherchez à faire, parce que je ne savais pas qu'il pouvait y avoir un enjeu
ailleurs que dans les tribunaux, là... Donc, vous dites : On a des données
qui nous disent qu'il y a des affichages de postes
bilingues. J'aimerais vous donner... Avez-vous un exemple concret d'une
fonction juridictionnelle au sein d'un organisme de l'Administration,
qu'il soit fictif ou réel, là, d'un poste affiché en anglais, où, quand, comment,
là... bilingue, une exigence de bilinguisme?
M. Jolin-Barrette : Bien, en fait,
vous savez, il y a de nombreux décideurs administratifs, on parle d'une
quinzaine d'organismes. Au niveau de l'État, de l'administration de l'État en
général, il faut envoyer un signal clair que
ce n'est pas du bilinguisme institutionnel au sein de l'État québécois. Donc,
lorsque c'est nécessaire, lorsque c'est requis, d'accord, nous pouvons
exiger la maîtrise d'une autre langue que le français pour occuper cette
fonction. Or, ce n'est pas parce que c'est plus simple, ce n'est pas parce que
c'est plus facile, que c'est plus commode qu'on va exiger de tous les postes
que les postes aient la maîtrise...
Mme David : Ça, je comprends la
rhétorique, je la comprends très bien, mais je veux un exemple concret.
M. Jolin-Barrette : Bien, il
arrivait que, dans certains affichages, on dise : La maîtrise de la langue
anglaise est requise.
Mme David : Mais donnez-moi un
exemple, déjà, parce que j'ai peut-être oublié, je suis trop fatiguée, d'un
organisme de l'Administration.
• (19 h 50) •
M. Jolin-Barrette : Mais en fonction
juridictionnelle.
Mme David : Oui, oui.
M.
Jolin-Barrette : Bien, la liste des organismes de fonction juridictionnelle,
là, vous avez le Tribunal administratif des marchés financiers, la Commission
d'accès à l'information, qui relève de l'Assemblée nationale, le Comité de
déontologie policière, la Commission de la fonction publique, qui relève de
l'Assemblée nationale, la Commission de protection du territoire agricole, le
Tribunal administratif du travail, la Commission des transports du Québec, la Commission
municipale, la Commission québécoise des libérations conditionnelles, la Régie
de l'énergie, la Régie des alcools,
des courses et des jeux, la Régie des marchés agricoles et alimentaires du
Québec, le Tribunal administratif du logement, le Tribunal administratif
du Québec et, dans une certaine mesure, la Régie du bâtiment du Québec.
Mme
David : Et donc ce que vous avez remarqué... Des gens, quelque part
dans l'administration, ont remarqué que, trop souvent, même, donc, dans
les organismes de l'État, là, ces organismes-là, il y avait des affichages de
postes bilingues, exigence d'une langue autre que le français pour des raisons
non justifiées, je ne dis pas non justifiables mais non justifiées, ou qu'ils
n'avaient pas à le justifier, puis c'était... donc, même au sein de l'appareil
étatique. C'est ça que vous nous dites.
M. Jolin-Barrette :
Même au sein de l'appareil étatique, il doit y avoir un questionnement à
savoir, lorsqu'on exige la maîtrise d'une autre langue que le français pour
devenir un décideur administratif, il doit y avoir un processus d'évaluation
qui doit être fait, et l'État ne doit pas exiger la maîtrise d'une autre
langue.
Mme David :
Ça, je comprends, mais je suis sur le constat. Parce qu'on a tellement parlé,
souvenez-vous, là, du... Le député de Matane-Matapédia a beaucoup utilisé cet
exemple-là, d'un plongeur dans un restaurant, là — je saute aux
entreprises, là — qui
aurait eu besoin de savoir parler une langue autre que le français. Parce que
c'était facile d'aller vérifier, disons, des affichages de postes vacants, mais
là je vous parle de l'entreprise privée.
Alors, on a
dit : L'article 46, bon, etc., il faudrait peut-être mieux baliser
ça. Alors, c'étaient toujours les méchantes entreprises qui exagèrent à vouloir
de l'anglais, de l'anglais, de l'anglais. Mais ce que je comprends du constat
que vous me dites, c'est, au sein de l'appareil de l'État aussi, qu'il y a...
que vous constatez, moi, je ne le sais pas, là... mais qu'il y a une trop
prégnante importance de l'affichage d'une exigence de l'anglais.
M.
Jolin-Barrette : Effectivement, parce qu'il n'y a pas de règle
d'encadrement relativement à ça. Là, ce qu'on vient mettre, c'est un
encadrement. Et ce n'est pas normal que, dans certains affichages,
systématiquement, également, l'État indiquait : Ça prend une maîtrise de
la langue anglaise. Il doit y avoir un questionnement relatif...
Mme David :
...toujours le même... dans le fond, la même... je dirais, le même libellé avec
des variantes qui s'adaptent, là, mais que, là, il y aura une justification
demandée, et une justification non seulement du pourquoi, mais avez-vous
vérifié qu'il n'y en avait pas d'autres qui pouvaient faire, essentiellement,
cet emploi-là, que tous les moyens raisonnables ont été pris pour éviter
d'imposer une telle exigence? C'est à peu près copié-collé pour la justice et
pour ce qu'on va aller voir du côté des entreprises. C'est la même façon de
libeller.
M.
Jolin-Barrette : C'est dans la même sphère, effectivement.
Mme David :
Et c'est la même chose au deuxième paragraphe, sauf que, là, c'est le
commissaire qui va recommander ou pas, qui ne va pas décider, parce que c'est l'Assemblée
nationale qui nomme, mais le commissaire va donner son approbation pour
l'affichage.
M.
Jolin-Barrette : Exactement.
Mme David :
L'Assemblée nationale ne se prononcera pas sur cette partie-là. Elle va
s'annoncer sur le produit final qui est : On vous recommande telle
candidature.
M.
Jolin-Barrette : Exactement.
Mme David :
Mais, sur le fait qu'il soit bilingue ou pas, ça n'a rien à voir avec
l'Assemblée nationale, ça a à voir avec le commissaire.
M. Jolin-Barrette :
Exactement.
Mme David :
Et dont on verra les fonctions plus loin dans le projet de loi.
M.
Jolin-Barrette : Exactement.
Mme David :
Mais ça va être une de ses fonctions.
M.
Jolin-Barrette : Oui.
Mme David :
O.K. Ça va pour moi.
Le Président (M.
Polo) : M. le député de D'Arcy-McGee, si vous permettez,
M. le député de La Pinière.
M. Birnbaum : Merci, M. le
Président. Je crois qu'on comprend que l'amendement, tel que proposé, a le
mérite d'être très clair. Et on résout un problème là-dessus, sans parler
nécessairement de la portée de l'article.
Je comprends l'objectif de
l'exemplarité de l'État, tout à fait légitime. L'exemplarité implique, quelque
part, une crédibilité en tout ce qui a trait au portrait qu'on dresse de la
situation actuelle, une cohérence en termes de l'action. Est-ce que le ministre est en mesure, M. le Président, de
nous déposer des exemples clairs où il y a, en quelque part dans ce domaine, un manque d'exemplarité? À titre
d'exemple, est-ce qu'on est pour comprendre que l'exigence, pour être un administrateur de SAQ, d'Hydro-Québec, est une maîtrise de la langue anglaise? Y a-t-il plusieurs
exemples d'une telle exigence actuelle dans les organismes qui auraient été
énumérés par le ministre dans la situation actuelle?
M. Jolin-Barrette : Bien, juste pour
préciser, là, dans la liste que j'ai faite relativement... ce sont des postes
de décideur administratif. Ce ne sont pas des postes d'administrateur,
supposons. Ce ne sont pas des postes, si je peux dire, exécutifs, ce sont des
postes de juge administratif, si je peux dire. Donc, ça arrive, puis c'est ça
qui est à géométrie variable, où est-ce qu'il exige la maîtrise, il ne l'exige
pas, il exige la connaissance, tout ça.
Là, on vient mettre en place un cadre
relativement à l'exigence d'une autre langue que le français et on dit :
Écoutez, les gens qui vont soumettre leur candidature pour être juge
administratif, pour être décideur administratif, bien, ils peuvent devenir décideurs administratifs, puis ça ne doit pas
être systématiquement, dans les avis de concours, que la maîtrise de la
langue anglaise, elle est exigée, à moins que ce soit nécessaire puis est-ce
que les moyens ont été pris pour éviter
d'imposer une telle exigence. Ça fait que, le président du tribunal, lui, là,
quand il fait sa demande, là, c'est sûr que c'est bien plus facile de
dire : Mettez-moi un affichage avec la maîtrise de la langue anglaise.
Puis là il va devoir faire l'exercice de dire : Bien, est-ce que c'est
nécessaire ou c'est juste plus facile?
M. Birnbaum : Mais, si je peux...
J'essaie de savoir si on peut avoir un diagnostic un petit peu plus étoffé de
la situation. J'imagine que... Bon, j'ai eu affaire souvent, dans mes autres...
dans mes emplois antérieurs, avec le Tribunal administratif du Québec en ce qui
a trait à l'accès à l'école anglaise. Je crois qu'on va comprendre que, fort possiblement, il y avait une exigence que les gens
autour de cette table soient en mesure de comprendre les témoignages
devant eux, bon, dans d'autres langues que le français.
Mais est-ce que le ministre serait prêt à
s'engager, bon, j'imagine, lors de notre retour, de déposer une liste qui
démontre que, dans plusieurs des cas qui seraient touchés par ce nouvel
article 13, il y avait souvent ou il y a actuellement souvent des postes
d'affichés avec une exigence de la maîtrise de la langue anglaise? J'aurais
tendance, je me permets de le dire, à croire que ce n'est pas le cas
actuellement. Donc, l'exemplarité de l'État serait démontrée, déjà, sans...
dans l'absence de cet article-là. Est-ce qu'il peut déposer des documents qui
vont établir qu'il y a un tel besoin d'exiger une exemplarité, que moi, je
soupçonne, existe déjà dans ces catégories de personnes?
M. Jolin-Barrette : Bien, en fait,
M. le Président, juste en faisant une recherche sur les affichages de poste de juge administratif, on le constate déjà, que ce
soit le cas, en 2021, au Tribunal administratif du logement,
relativement à la maîtrise de l'anglais,
relativement au Tribunal administratif du travail aussi, appel de candidatures
aussi. Donc, pas mal souvent, l'affichage de poste indique la maîtrise
de la langue anglaise ou la connaissance de la langue anglaise. Donc, c'est
comme un réflexe naturel de l'État.
Puis, dans le fond, l'État québécois, s'il
souhaite être exemplaire, avant d'exiger la maîtrise d'une autre langue que la
langue officielle, doit se poser la
question : Est-ce que c'est nécessaire? Est-ce que les moyens raisonnables
ont été pris?
Donc, vous avez le cadre à 12, parce que c'est
tribunaux judiciaires. On fait un cadre séparé pour tribunal administratif mais avec les mêmes critères. Donc,
ça envoie le message... Parce que, dans le fond, la différence, là, à
12, dans le fond, il n'y a qu'un seul décideur, c'est le ministre de la
Justice. À 13, il n'y a pas qu'un seul décideur, dans le fond, il y a 15, 16
tribunaux administratifs, qui relèvent de 10 ministres, à peu près.
Ça fait que, là, la Charte de la langue française,
en tant que code, en soi... Tu sais, quand vous avez un litige privé, vous
allez dans le Code civil; quand ça traite les questions linguistiques, la
loi 101. La Charte de la langue française, en soi, elle est un code. Donc,
le code linguistique du Québec, si je peux dire, il se retrouve là. Ça fait que
ça, ça vient encadrer les critères
relativement à ces fonctions-là, d'autant plus que ces postes-là de décideur
administratif, contrairement aux tribunaux
judiciaires, le degré d'indépendance, il est beaucoup moindre. Donc, dans le
cursus... en fait, je vous dirais, dans la globalité de l'État, les
tribunaux judiciaires font partie de l'État, les tribunaux administratifs font
partie de l'État mais sont encore plus proches de, comment je pourrais dire, l'Administration.
• (20 heures) •
M. Birnbaum : M. le Président, je me
permets de quand même réitérer mon invitation de nous aider à comprendre l'étendue de... et la pertinence de cet
article, au mois de janvier, disons, février, afin de voir s'il y a
plusieurs problèmes de l'ordre qu'on cherche à régler ici. Les deux exemples
que le ministre donne, j'ai tendance à croire que lui-même dirait qu'en se prévalant de ce qui est dans l'article 13
actuellement, on serait arrivés peut-être au constat que, dans ces deux
cas qu'il vient de donner, oui, une exigence d'une deuxième... d'une maîtrise
de la langue anglaise serait pertinente. Alors, je me permets juste de réitérer
l'invitation de nous aider à comprendre la pertinence de cet article en... nous
fournir... en nous donnant une liste d'exemples où l'exigence, de façon presque
automatique, est présente actuellement.
M.
Jolin-Barrette : D'accord.
Bien, on va faire l'exercice, puis au mois de janvier ou... Vous préférez
février?
M. Birnbaum : Février, février.
Le Président (M. Polo) : M. le
député de La Pinière.
M. Barrette :
Je ne le sais pas, M. le Président, je ne sais pas si c'est... C'est approprié,
évidemment, mais je ne sais pas si le timing est bon, mais... Parce que je ne
veux pas nuire à la situation du ministre. Mais on a dit qu'on ne nuirait pas à
la situation du ministre en lien avec la poursuite, là. Mais on cherche des
exemples, puis on regarde ça, puis on se dit : Bon, ta, ta, ta, puis on
n'arrive pas à voir exactement comment ça va marcher, puis c'est-tu la bonne
personne, là, qui va être capable de faire ça?
Par contre, il y a quand même un épisode récent
où... bon, pour lequel le ministre est légalement critiqué. Puis là je ne veux
pas du tout... Si le ministre dit que, cette affaire-là, il ne peut pas en
parler, là, bien, c'est correct, là, mais,
s'il peut, là, est-ce qu'il pourrait, là, nous exposer le cheminement
intellectuel, documentaire, et autre, qu'il a suivi pour changer la
décision, arriver et dire, là : O.K. — je pense, c'est trois, là,
dans la poursuite — il
y a trois personnes, là, qu'on enlève, là, puis ça ne va pas demander
ceci, cela, là?
Une voix : ...
M. Barrette : Hein?
Une voix : ...
M. Barrette : Trois postes. À un
moment donné, là, le ministre a usé de son pouvoir. Et ce n'est pas une
critique, je ne veux pas aller là. Ce qui m'intéresse, c'est le chemin qui a
été suivi, la logique. J'ai regardé... C'est veni, vidi, vici, parce que...
Dans le cas présent, c'est vici, parce que c'est le mot le plus important, je
pense, dans l'adage, là, pour le ministre, il a vaincu ceux qu'il était venu
voir, la magistrature. Bien, ça, on n'ira pas là.
Ce serait le fun que le ministre nous
dise : Je suis venu, j'ai vu, j'ai vaincu et j'ai corrigé la situation que
je trouvais à être corrigée pour les raisons a, b, c, d. Ça, ça
mettrait-tu vraiment le ministre dans un inconfort juridique s'il nous
expliquait ça? Parce que, nous autres, là, ça nous aiguillerait vers, peut-être,
une pensée qu'on n'a pas vue, une mécanique que ces personnes-là, à 13, vont
devoir... à 12 et à 13, vont devoir appliquer, et ainsi de suite, puis qu'on ne
sait pas. Ça serait le fun. Parce que le ministre a un pouvoir, il a un pouvoir
de légiférer, qui, dans les faits, est un pouvoir d'influence sur le
fonctionnement cérébral de ses officiers. Ses officiers vont devoir réfléchir
et agir en fonction de ce qui est l'esprit du ministre ou dans l'esprit du
ministre. Et, comme il vient de le vivre lui-même, est-ce qu'il peut nous faire
vivre, nous aussi, ce moment-là? S'il ne peut pas, ce n'est pas grave, M. le
Président, je ne lui en veux pas. Mais ce serait le fun, par exemple.
M. Jolin-Barrette : Je saisis
pleinement la demande du député de La Pinière. Je souhaite lui faire vivre
cette expérience, mais, puisque le litige, le coeur du litige est justement
là-dessus, je ne peux pas commenter cela. Mais, lorsque le litige sera réglé,
je m'engage à lui partager.
M. Barrette : Alors, M. le
Président, ça m'amène à poser une question subsidiaire : Est-ce que le
coeur du litige, c'est la démarche intellectuelle du ministre ou le fait
qu'elle se soit faite? Moi, je pense que c'est le fait qu'elle se soit faite,
la démarche, ce qui n'empêcherait théoriquement pas de la décrire.
M. Jolin-Barrette : Je vous dirais,
au contraire, parce que le fait de pouvoir... Et vous aurez noté, dans le cadre
de la procédure, si vous l'avez lue...
M. Barrette : ...
M. Jolin-Barrette : ...que le
processus est attaqué, notamment. Et donc les arguments qui sont soutenus par le Procureur général vont faire état, notamment,
de la démarche intellectuelle pour faire en sorte de pouvoir prendre
cette décision-là à l'intérieur des responsabilités, des compétences
et des pouvoirs qui sont attribués au ministre de la Justice.
M.
Barrette : M. le Président, c'est correct. Mais le ministre comprend
que nous allons suivre ça avec intérêt.
M. Jolin-Barrette : Et moi donc!
Mais j'espère que le député de La Pinière est patient et qu'il a quelques
années devant lui.
M. Barrette : Bien, c'est-à-dire
qu'il y aura un premier jet où bien des choses seront exposées, qui, par la
suite, seront contestées, recontestées, recontestées. Mais il y aura un...
M. Jolin-Barrette : Bien là, vous
l'avez dit une fois de trop, là.
M. Barrette : Je le sais, j'ai fait
exprès, parce qu'on ne sait jamais quel événement cosmique peut arriver en
politique, là.
M. Jolin-Barrette : C'est vrai. Si
jamais il y avait des météorites qui touchaient la terre...
M. Barrette : Comme je le dis
régulièrement.
M.
Jolin-Barrette : C'est ça. Vous vous souvenez de cette conférence de
presse là, M. le Président?
Le Président (M. Polo) :
Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
M. Jolin-Barrette : Je ne crois pas
que M. le Président se souvienne de cette conférence.
Le Président (M. Polo) :
Mme la députée.
Mme
David : Alors, je ne sais
pas de quoi vous parlez, donc moi, je continue sagement mon petit
bonhomme de chemin en vous posant une question qui est très simple, mais c'est
un peu la curiosité, mais il peut y avoir des conséquences : Est-ce que
les tribunaux administratifs, là, les fonctions juridictionnelles au sein d'un
organisme de l'Administration, est-ce que tout ça est sous réserve dans
l'article 133 aussi?
M. Jolin-Barrette : Oui.
Mme David : Vous voyez, vous n'étiez
même pas sûr à 100 %, mais c'est une grosse nouvelle que vous nous dites là. Ça change ma lecture des choses. Ce
n'est pas rien, l'article 133, là. Saviez-vous ça? Moi, je ne le
savais pas. Donc, ces tribunaux-là sont soumis à l'arrêt Blaikie, donc le droit
d'être servi en anglais, de plaider au Tribunal administratif du travail, le
droit de plaider à votre régie, des régies des courses, des jeux.
M.
Jolin-Barrette : ...133, ça
a été interprété comme étant... s'appliquant à toutes les fonctions
juridictionnelles.
Une voix : ...
Mme David : Dr Poirier est sûr
de son coup. Donc, moi, je fais confiance au Dr Poirier.
M. Jolin-Barrette : Et moi donc!
Mme David : Donc, est-ce que... Je
vais le dire autrement. Est-ce que ça change quelque chose, cette constatation-là, dans les... Parce que, là, ce
n'est pas juste qu'il faut qu'il justifie le... je ne sais pas qui, là, le
responsable de l'affichage, ça, ça veut dire, c'est le...
M. Jolin-Barrette : Bien,
généralement, de la façon que ça fonctionne, là...
Mme David : On appelle ça un juge en
chef, dans une cour, mais ça, je ne sais pas comment on appelle ça.
M. Jolin-Barrette : Dans le fond,
c'est le... Généralement, c'est le président du tribunal.
Mme David : Le décideur, comment
vous l'avez appelé, juridictionnel?
M. Jolin-Barrette : Le décideur
administratif, dans le fond, ça, c'est le juge administratif. Puis, à
l'intérieur de chacun des organismes, généralement, il y a le président du
tribunal, supposons.
Mme David : Donc, quelqu'un,
quelque part, là, c'est une de ces deux personnes-là, doit être en conformité
avec l'article 133, c'est-à-dire de pouvoir répondre au citoyen qui va à
la régie des alcools et des jeux, Régie du logement. Ça vient... Pour moi, là,
ça vient d'élargir considérablement le nombre de citoyens, en tout cas, qu'on
doit desservir dans tous ces tribunaux dont peut-être on entend un peu moins
parler, mais je ne suis pas si sûre que ça. Ça, il y a beaucoup de monde qui
vont au tribunal du logement, par exemple. Moi, j'apprends ça, là, c'est...
Puis la question, ça ne vient même pas de moi. À tout seigneur, tout honneur,
c'est mon attaché politique qui m'a dit : Bien, est-ce que ça s'applique?
Fichue de bonne question parce que...
• (20 h 10) •
M. Jolin-Barrette : Non, non,
la garantie constitutionnelle est là. Donc, c'est dans l'arrêt Blaikie de
1979, la page 1028.
Mme David : Alors, ce que ça
veut dire, c'est que ce n'est pas seulement une question d'exemplarité de
l'État, là. On vient de changer de paradigme un peu ou on ajoute le paradigme
de l'arrêt Blaikie, c'est-à-dire que cette personne qui doit évaluer les
besoins, parce que vous le dites bien, là, vous ne dites pas que c'est non en
partant, bien, il faut qu'elle s'assure que tous les moyens raisonnables ont
été pris, que l'exercice de cette fonction nécessite une telle connaissance. La
réponse va être de deux ordres : Oui, parce que je ne sais pas quoi, pour
les besoins des services que l'on donne... mais, oui, c'est nécessaire parce
que je dois aussi pouvoir donner... je suis obligé
de donner, selon l'article 133, le service dans la langue de son choix, du
citoyen, une des deux langues officielles... du citoyen qui vient au
Tribunal du logement, à la Régie du logement.
M. Jolin-Barrette : Ce n'est
pas ça que dit... ce n'est pas ça que dit l'arrêt 133...
l'article 133.
Mme David :
Bien, c'est que le citoyen peut s'exprimer dans la langue de son choix.
M. Jolin-Barrette : Exactement.
Mme David : Puis le juge aussi.
M. Jolin-Barrette : Bien oui,
mais 133, là, dit : Les parties qui sont devant une instance, devant un
tribunal... qu'ils peuvent utiliser la langue de leur choix. Mais 133 ne dit
pas que les parties doivent utiliser la même langue que le juge et que le juge
utilise la même langue que les parties. Parce que...
Mme David : Bien, j'espère qu'ils se comprennent quelque part, là. À un moment donné, ça devient un peu...
M. Jolin-Barrette : Ce n'est
pas ce que 133 prévoit.
Mme David : Bien, l'accessibilité
à la justice, c'est d'être compris par le juge qui t'écoute...
M. Jolin-Barrette : Ce n'est
pas ce que 133 dit, non.
Mme David : ...puis que
l'ouaille en question, le citoyen, il comprend ce que le juge lui dit, non?
M. Jolin-Barrette : Non, ce
n'est pas ce que le 133 dit.
Mme David : Bien là,
expliquez-moi 133, parce que je ne comprends plus rien, là.
M. Jolin-Barrette : Oui. Bien
là, on peut faire un peu de l'histoire.
Mme David : Je suis prête à
l'entendre.
M. Jolin-Barrette : O.K. 1867,
le Haut et le Bas-Canada, hein, le Canada uni, qui date de 1840, avec notre
cher ami lord Durham...
Mme David : Ça n'a pas beaucoup
marché, oui.
M. Jolin-Barrette : ...ça n'a pas
tant marché, parce qu'on sait ce qu'il voulait faire avec les Canadiens
français, hein?
Mme David : C'est ça. Oui.
M. Jolin-Barrette : Je pense que les
écrits sont clairs à cet effet-là.
Mme David : Vous savez qui a écrit
un livre sur les Patriotes?
M. Jolin-Barrette : Qui donc?
Mme David : Mon arrière-grand-père,
Laurent-Olivier.
M. Jolin-Barrette : Laurent-Olivier?
Mme David : David.
M. Jolin-Barrette : David Olivier?
Mme David : On va...
M. Jolin-Barrette : Il s'appelle
David Olivier?
Mme David : Laurent-Olivier David,
le père d'Athanase.
M. Jolin-Barrette : Bon, c'est ça.
Mme David : Donc, je connais bien
cette histoire-là.
M.
Jolin-Barrette : Bien non,
mais je... Honnêtement, de génération en génération, le grand-père de la
députée de Marguerite-Bourgeoys, qui a siégé fort longtemps au Conseil des
ministres...
Mme
David : 20 ans.
M. Jolin-Barrette :
...20 ans, à l'époque du premier ministre Taschereau.
Mme
David : Oui. Et
l'arrière-grand-père, qui était sénateur. Donc, on ne va pas perdre notre temps
là-dessus, mais tout ça pour
dire qu'on était à Durham, puis qu'on arrive à 1867, puis c'est, effectivement,
l'union du Canada, et là les francophones gagnent une petite place dans ça.
M.
Jolin-Barrette : Bien, c'est ça, sauf que, quand ils font un deal, il
faut le rappeler, hein, George-Étienne, cher George-Étienne Cartier, ils n'ont
jamais soumis ça au peuple, hein, ils n'ont jamais soumis ça par voie de
référendum ou ils n'ont pas consulté la population. Donc, les gens qui avaient
été élus... Il n'y avait pas beaucoup de femmes non plus, hein, à l'époque.
Mme David :
Bien non.
M.
Jolin-Barrette : Non, hein, ça, c'est le Conseil souverain, donc ça
fait un petit peu plus longtemps.
Mme David :
Non, je le sais, mais c'étaient des hommes partout, on se comprend.
M.
Jolin-Barrette : Ça fait que, là, une gang de chums qui dealent ça,
hein...
M. Barrette :
...
M.
Jolin-Barrette : Des partis?
M. Barrette :
Une gang de chums.
M.
Jolin-Barrette : Lesquels?
M. Barrette :
Les «boys' club».
M. Jolin-Barrette :
Pardon? Les «boys' club»?
M. Barrette :
Les «boys' club».
M.
Jolin-Barrette : Bien, moi, je me souviens d'une expression, qu'un
chum, c'est un chum, puis ce n'était pas chez nous.
M. Barrette :
...
M. Jolin-Barrette :
Bien, je ne penserais pas.
Mme David :
M. le ministre, je vous écoute, parce qu'on...
M.
Jolin-Barrette : On est la formation politique, aux dernières
élections québécoises, qui a présenté 52 % de candidates féminines.
Le Président (M.
Polo) : M. le ministre, on va revenir sur le sujet avant que le député
de Matane-Matapédia nous ramène à l'ordre. Donc, revenons sur le sujet. Merci.
Mme David :
Parce que j'essaie de comprendre...
Une voix :
...
M. Jolin-Barrette :
Je n'ai pas entendu.
M. Barrette :
...
M. Jolin-Barrette : Bien, M. le député de La Pinière, je pourrais dire, entre vous et nous aussi, dans
le passé...
M. Barrette :
Non, je trouve... que je trouve une affinité...
M.
Jolin-Barrette : C'était une histoire d'une élection.
M. Barrette : Il y a une affinité.
Le Président (M.
Polo) : ...petit rappel à l'ordre, s'il vous plaît. On revient sur les
questions de la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Parce qu'on peut passer beaucoup
de temps, mais moi, je veux juste comprendre pourquoi l'article 133
n'oblige pas un juge à s'exprimer dans la langue du citoyen qui, lui, s'exprime
dans une langue x. D'habitude, pour se faire comprendre, il faut que ce
soit la même langue, il me semble.
M. Jolin-Barrette : Oui, mais, 133,
là, ce qu'il est venu faire, là, c'est qu'il est venu permettre à tous les gens
qui agissent devant les tribunaux d'utiliser la langue qu'ils veulent. Donc...
Mme David : Officielle. Une des
deux langues.
M. Jolin-Barrette : Une des
deux langues officielles, soit l'anglais ou soit le français. Et donc, notamment
pour le Bas-Canada, hein, ça visait à garantir les droits...
Mme David : Des francophones.
M. Jolin-Barrette : ...des
anglophones, de la communauté anglophone, à l'époque, et de faire en sorte que
vous pouviez avoir des juges unilingues anglophones, au Bas-Canada, qui
pouvaient rendre des jugements en anglais. Donc, deux...
Mme David : Mais revenons sur
notre...
M. Jolin-Barrette : Non, non, non,
mais restons là-dessus un petit peu, là, 133. Deux parties francophones, hein,
deux parties francophones, au Québec, au Bas-Canada, un juge anglophone
rendait son jugement en anglais. C'est ça que ça fait, 133.
Mme David : Non, mais là on est en
1867, là, mais...
M. Jolin-Barrette : Oui, oui, mais il
y a...
Mme David : Mais aujourd'hui un juge
ferait ça...
M. Jolin-Barrette : Oui, bien, ça
arrive, ça arrive encore. C'est pour ça qu'on a l'article 10, c'est pour
ça qu'on vient d'adopter l'article 10, parce que ça existe encore. Puis,
savez-vous quoi, c'est arrivé il n'y a pas si longtemps, dans l'épisode 2014‑2018,
O.K.? Il y a une juge qui a rendu un jugement uniquement en anglais. L'avocat
au dossier, qui était francophone, s'en est plaint médiatiquement. Savez-vous
ce qui est arrivé avec le Barreau? Le Barreau a sanctionné l'avocat qui a
dit que ça n'avait pas d'allure, voyons donc, les deux parties sont
francophones, puis pas de copie du jugement en français.
Mme David : Donc, l'article 133...
M. Jolin-Barrette : Donc, 1867,
2016...
Mme David : L'article 133, Tribunal
administratif du travail, fait en sorte que le citoyen qui a un problème de
logement, qui va à la Régie du logement, qui est anglophone, préfère s'exprimer
en anglais pour toutes sortes de raisons, doit être compris quand même. On
espère être compris dans notre cause, c'est... Je ne pense pas que le juge, il
ait un interprète à côté de lui pour lui souffler à l'oreille.
M. Jolin-Barrette : Exactement, il
peut avoir un traducteur.
Mme David : Mais l'article 133
s'applique, donc...
M. Jolin-Barrette : 133 s'applique.
133 fait en sorte que tout le monde... Dans le fond, 133 donne des droits
linguistiques, O.K., c'est le plancher. Donc, les droits linguistiques font en
sorte que chaque partie, chaque avocat, chaque juge a le droit de s'exprimer
dans la langue de son choix, un peu comme ici, à la Chambre d'Assemblée. Puis
on a un tableau de Charles Huot, dans l'autre chambre, qui nous l'explique très
bien, en 1792, où il y a eu débat fort animé pour savoir quelle allait être la
langue de la législature. Et finalement, depuis ce temps-là, on peut utiliser
l'anglais ou le français à la Chambre de l'Assemblée, puis les députés peuvent
s'exprimer en anglais. Il y a des députés qui ne comprennent pas l'anglais, il
y a des députés qui s'expriment juste en français, il y a des députés qui ne
comprenaient pas le français, vice-versa.
Mme David :
Donc, ce que vous me dites — là,
c'est une question hypothétique — au tribunal, à la Régie du logement, il
pourrait n'y avoir que des juges unilingues francophones qui écoutent et
entendent des plaignants qui s'expriment dans une autre
langue que le français, et le juge serait presque en permanence, dans ces
cas-là, pour les anglophones, accompagné d'un interprète qui traduirait, et ça,
ce serait autorisé.
M. Jolin-Barrette :
Au sens strict, la réponse, c'est oui.
Mme David :
Puis au sens moins strict?
M.
Jolin-Barrette : Bien, la pratique fait en sorte que les tribunaux,
pour bien fonctionner, les tribunaux administratifs, notamment, ont des
décideurs qui maîtrisent les deux langues pour justement pouvoir traiter
les dossiers sans interprète, notamment.
• (20 h 20) •
Mme David :
Et donc vous, dans cet article 13, dans l'appréciation du besoin
linguistique, considérez-vous qu'il doit y avoir des juges qui maîtrisent une
langue autre que le français pour répondre à des exigences ou à des expressions
de citoyens qui viennent s'exprimer dans cette langue-là? Ça fait évidemment
partie... Quand on dit : «Estime que, d'une part, l'exercice de cette
fonction nécessite une telle connaissance», donc, «nécessite», ça veut
dire : Je dois comprendre minimalement la langue de mes citoyens, au moins
une... les deux langues officielles. On ne parle pas des 175 autres,
peut-être, langues qui peuvent être les langues maternelles de nos concitoyens
québécois. Mais pour l'anglais et le français, c'est un des critères pour
justifier, quand ils vont être envoyés au ministre responsable, que ce soit la
Sécurité publique, ou etc., dire : On a des besoins, on n'a personne ou on
n'en a pas suffisamment, donc, on a pris
tous les moyens raisonnables, on répond aux deux critères. Donc, c'est ça
qui va guider la décision du
ministre, de dire : O.K., je pense que, là, tu en as juste un puis tu as
tellement de citoyens, il y a eu tellement de croissance démographique, ou je ne sais pas quoi, tu peux en avoir un
autre qui est un affichage qui exige les deux langues, la maîtrise des
deux langues.
M.
Jolin-Barrette : La réponse, c'est oui, basé sur le critère de
nécessité et de moyens raisonnables.
Un élément, par
contre, dans ce que la députée a dit. La députée a souligné : J'ai eu une
croissance de population, puis là ça en nécessite plus. Je souhaite juste dire
un élément, l'intégration des personnes immigrantes doit se faire en français.
Donc, on a beaucoup de travail à faire à ce niveau-là. Et ça signifie également
que, comme État, en termes d'exemplarité, on doit tendre vers l'adhésion, et
l'utilisation, et le fait de rendre le français comme langue commune. Donc,
c'est ça, notre plus grand défi aussi. Donc, quand on dit : Ah! la
population, un groupe de population grossit, bien, attention, parce que, si on
fait bien notre travail, la langue commune qui sera utilisée, c'est la langue
française.
Mme David :
Je suis tellement d'accord avec vous que je vous répondrais : C'est pour
ça qu'arrêtons de parler des Québécois d'expression anglaise, historiques, ou
tout ça, puis concentrons-nous beaucoup plus sur les besoins de francisation,
d'intégration, intégration culturelle, qualité de la langue française chez nos
francophones, chez tout le monde, et puis là je pense qu'on aura un très beau
terrain d'entente. Parce que, là, on parle beaucoup anglophones-francophones,
mais...
Je suis d'accord avec
vous, francisons bien, intégrons bien, accueillons-les bien, et ils vont être
très contents de participer. Comme la députée de Mercier le dit souvent, elle
est arrivée, elle ne parlait pas français, et regardez la qualité, maintenant,
et sa qualité d'intégration à la langue française. Voilà. Puis il y a mon
collègue ici, le député de Laval-des-Rapides, idem en tous points.
Le Président (M.
Polo) : ...classe d'accueil à l'âge de six ans. M. le député de
Matane-Matapédia, allez-y.
M. Bérubé :
Un commentaire, M. le Président, parce que c'est très intéressant, ce dialogue
entre les libéraux et la CAQ, mais je veux trouver une façon de m'inscrire dans
le débat. Et je profite de l'occasion pour annoncer non pas un amendement, mais
une intention. Donc, je préfère que le ministre soit au courant tout de suite.
Et ça s'inscrit dans la discussion.
Plus tard, on va
apprendre qu'il va y avoir création d'un véritable ministère responsable de la
langue française. C'est juste? Nous, ce qu'on va proposer un peu plus loin,
bien, je le dis tout de suite, c'est que ça devrait inclure l'immigration
aussi, quant à nous, ça devrait être le même ministère. Parce qu'on parle
beaucoup d'intégrer les néo-Québécois. L'intégration passe notamment par la
langue, beaucoup par la langue. Il me semble que ça tomberait sous le sens que
ce soit le même titulaire. Ce sera notre proposition, mais un peu plus tard.
Mais, d'ici ce temps-là, je ne veux rien manquer de cet échange.
M.
Jolin-Barrette : Donc, M. le Président, je dois comprendre que le
député de Matane-Matapédia demande au premier ministre que j'aie de nouveau la
responsabilité du ministère de l'Immigration. Je ne suis pas convaincu que le
Parti libéral va être d'accord.
M. Bérubé : Bien, je lui ai parlé, mais ce n'est pas comme ça que je l'ai amené. Ce
n'était pas nécessairement vous.
M.
Jolin-Barrette : Ce n'était pas nécessairement mieux?
M.
Bérubé : Je peux-tu? Ce
n'était pas nécessairement vous qui en étiez le titulaire. La fonction,
indifféremment de la personne, inclurait l'immigration et le français. Il me
semble que ça a du sens. Ça mérite d'être considéré.
M.
Jolin-Barrette : O.K.
Mais une question au député de Matane-Matapédia : Croit-il que je devrais soumettre
ma candidature pour être ministre de la Langue française?
M. Bérubé : Je ne commente jamais la
régie interne des formations politiques. C'est une ligne de conduite que je me
suis donnée...
Une voix : ...
M.
Bérubé : Si j'avais
à le faire, ça ne finirait plus. Mais je fais confiance au premier ministre
pour nommer les personnes qu'il croit les
plus utiles au poste. Mais, ceci étant dit, il y a plein de talent, à l'Assemblée nationale, il y a plein de gens qui
peuvent occuper plein de fonctions. J'ai confiance dans tous les parlementaires
de l'Assemblée nationale.
Mme Ghazal : Le député de Matane-Matapédia
vient de me donner une idée à moi aussi. Moi, je ferais en sorte que le ministre
de la Langue française serait aussi le ministre de l'Économie pour que nos
P.D.G. de nos entreprises parlent français, tiens.
Des voix : ...
M. Bérubé : ...en France, M. le
Président, en France, ils ont fait un amalgame qui était plus dangereux. Quand
Nicolas Sarkozy est devenu ministre de l'Intérieur, il jouait la sécurité et
l'identité. Et ici, au Québec, ce n'est pas une formule qui fonctionnerait.
Toutefois, une formule ministre de la Langue française, tel que le souhaite le gouvernement,
et l'Immigration, je trouve qu'il y a quelque chose d'intéressant à explorer.
Mme Ghazal : L'Économie, non?
M.
Bérubé : Bien, ils veulent
tous les... Ils pensent tellement qu'ils vont avoir de députés qu'il faut
répartir les postes. Alors, on ne va
pas tout donner à un. Il faut partager le pouvoir. D'ailleurs,
vous devriez le partager avec nous aussi.
M. Jolin-Barrette : M. le Président,
je vais porter le message et les propos du député de Matane-Matapédia à
l'attention du premier ministre.
M. Bérubé : Je vous ai devancé, je
lui en ai parlé hier.
M. Jolin-Barrette : Ah! bon, bien,
excellent. Je pense qu'on peut voter, M. le Président.
Le Président (M. Polo) : Mme la
députée.
Mme David : On ne vote pas, c'est un
amendement, là. Je ne sais plus, là...
Le Président (M. Polo) : Non, non,
non. Est-ce qu'il y a d'autres interventions?
Mme David : Non, non. Moi, j'ai pas
mal compris beaucoup de choses ce soir, là, sur le 133, entre autres.
Le Président (M. Polo) : Parfait.
Pas d'autres interventions? Alors...
Une voix : ...
Le Président (M. Polo) : Si c'est le
cas, oui.
Des voix : Adopté.
Une voix : ...
Le Président (M. Polo) : Oui,
l'article 5.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Le Président (M. Polo) : Allez-y, Mme
la députée.
Mme David : Bien, c'est parce que,
là, en principe... Bien, je ne prendrai pas tout le temps, mais on remet le
compteur à zéro. On a droit à 20 minutes tout le monde, là.
Des
voix : ...
Mme David :
Pour le 5.
Le Président (M.
Polo) : Oui, c'est ce que j'en comprends.
Mme
David : Je ne sais plus, là.
Mais je ne sais plus si j'ai parlé, déjà, je ne sais plus ce qu'on a fait au
début.
M.
Jolin-Barrette : ...tout fait, on a tout fait le 5.
Mme David :
Oui, mais on a-tu parlé du 5 sans amendement?
M. Jolin-Barrette :
Bien oui, parce que, les amendements, on les a votés au fur et à mesure.
Mme David : Oui, mais est-ce qu'on a parlé en général
du 5 ou on a parlé juste des amendements qu'on faisait?
M. Jolin-Barrette : Non, on a parlé des amendements,
mais on a aussi parlé du 5. Parce que, parfois, le temps, il était sur le 5
aussi. Des fois, on avait des amendements, des fois, on n'avait pas d'amendement.
Mme David :
Bien là, ça va prendre quelqu'un qui connaît ça dans le parlementarisme...
Une voix :
...
M. Jolin-Barrette :
On est sur le 5 tel qu'amendé. Mais allons-y, discutons du 5 tel qu'amendé.
M. Barrette :
...ce n'est pas qu'on veut faire des heures et des heures, là. Ça, là...
Une voix :
...
M. Barrette :
Non. Moi, je le dis quand je le fais, moi.
Des voix :
...
M. Barrette :
Oui. Moi, je suis très transparent, j'annonce mes affaires.
M. Jolin-Barrette :
Allons-y, discutons.
Le Président
(M. Polo) : Bien oui, en fait, vous venez de le dire, M. le
ministre, en fait, il n'y a pas de règle qui interdit de revenir à l'article 5
et d'avoir d'autres échanges, malgré le fait qu'article par article ça a été
effectué. Donc, si vous souhaitez continuer
à élaborer sur l'article 5 qui introduisait les autres articles, c'est possible également, là, avec le consentement
de tout le monde.
• (20 h 30) •
Mme David :
Je ne veux pas m'attarder, je voulais juste faire un petit... un petit enveloppage,
pour ne pas dire, de l'ensemble de l'oeuvre, parce qu'on a présenté plusieurs amendements
qui, malheureusement, n'ont pas été retenus. Mais ce que je retiens, donc, de
ça... Parce que c'est le grand volet langue et justice où on a proposé, quand
même, je dirais, de façon très constructive, plusieurs, plusieurs amendements
qui allaient pas mal tous dans le même sens,
c'est-à-dire d'une sorte de nuance apportée dans des choses
qui étaient faites de façon peut-être un peu péremptoire, c'est-à-dire : le texte français prévaut. Alors, on est toujours
allés vers correspondre le mieux à
l'intention du législateur, même si
la version française sera présumée... Bon, bien, au lieu de dire que ça prévaut
ou on présumait puis ça pouvait être réfuté, on était toujours dans, je
dirais, une dentelle intellectuelle un peu plus, je dirais, nuancée que la
façon dont les articles sont faits.
Donc, le 7.1,
c'était... on a passé beaucoup de temps, mais c'était exactement ça, on a parlé
des versions anglaise et française. Mon collègue de D'Arcy-McGee a eu des
belles discussions sur «satisfactorily», comparé à «properly», très
intéressantes, sur la loi 22 de Robert Bourassa. On a eu des discussions,
ma foi, très instructives. Le mot «convenablement», qui n'a jamais été vraiment
remis en question, comme on aurait aimé, on aurait... nous, on enlevait ça. On
a enlevé, en fait, plein d'épines que je pense inutiles dans les différents
libellés, et, 9 et 10, un peu la même chose,
un du côté plus citoyen, l'autre du côté plus juge, où il y avait des choses un peu trop définitives, je
dirais.
«Une traduction en
français certifiée doit être jointe à tout acte de procédure...» Bon, chez les
personnes morales, on a essayé de montrer
que des personnes morales... il y avait des personnes morales qui étaient des petits,
petits organismes qui n'avaient peut-être pas du tout, du tout les moyens de
pouvoir procéder rapidement. Une grande discussion sur une personne
morale : Est-ce que ça peut avoir des soucis, des personnes morales? Non,
ils ont un avocat. L'avocat pourrait... En tout cas, ça a été assez compliqué.
L'avocat pourrait traduire, pas traduire, etc. Donc, on n'a pas gagné quoi que
ce soit non plus de ce côté-là.
On aurait aimé un peu plus, justement, de
nuances, peut-être, idem, évidemment, pour l'article 10, version française
des jugements qui doit être jointe immédiatement et sans délai, et tout autre
jugement. Oui, là, il y a eu un amendement rendu par
écrit en anglais. Déjà, bon, ça limite un peu, là, par écrit, c'est vrai. On le
salue. Mais je me souviens du député de La Pinière qui a dit, avec moult
détails, tout ce que ça pouvait entraîner comme conséquences, alors que, bonne
chance, il allait falloir beaucoup, beaucoup de traducteurs pour gérer tout ça.
On s'inquiète sur le fait que ça va prendre peut-être plus de temps pour les
juges d'avoir les traductions. Alors, le ministre nous a juré qu'il y aurait tout ce qu'il faut comme moyens,
comme ressources, parce que, ça, évidemment, les gens sont très
inquiets, les gens de la magistrature, très
inquiets qu'il n'y ait pas de ressources pour livrer la marchandise, de joindre
immédiatement et sans délai...
Alors, on a même fait des parallèles avec le
nombre de causes à la Cour suprême, le nombre de clercs, bon. Et, quand les
gens de la magistrature disent qu'il y a un manque criant de ressources, il y a
de quoi s'inquiéter, mais le juge... le ministre a dit à de nombreuses reprises
que, non, tous les moyens seraient au rendez-vous. Mais nous restons quand même
un peu inquiets, un peu beaucoup inquiets que ça n'arrive pas aussi vite et
aussi abondamment que nous le voudrions.
Évidemment, il y a l'article 12, dont on a
discuté beaucoup, sur la question de l'accès à l'anglais. Je trouvais que
j'avais une façon un peu plus raisonnable et nuancée de formuler à peu près les
mêmes objectifs que le ministre, mais, encore là, bon, à chacun son style, et
le ministre n'a pas tellement acheté ma version.
Donc, on se retrouve avec, je dirais, un article
simple qui ne répond pas vraiment à nos attentes de nuances, et non pas tant
sur les objectifs... Puis ça, je vais le dire et le redire souvent, parce que
c'est facile de conclure des choses qui paraissent bien au niveau politique,
partisan : Les libéraux ne veulent pas ci, les libéraux ne veulent pas ça. Ce n'est pas ça. Les moyens, la façon,
l'opérationnalisation... Parce que je n'ai pas dit que les objectifs n'étaient
pas nécessairement louables, mais la façon
de les... les nuances qui auraient pu apporter beaucoup de profondeur à
certains articles, malheureusement, n'ont pas été retenues. Alors, pour cette
raison-là, nous devrons être dans l'obligation de voter contre l'article 5,
M. le Président. Je ne sais pas si mes collègues ont d'autres commentaires.
Le Président (M. Polo) : M. le
député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : ...la députée de Marguerite-Bourgeoys
fait un bilan assez intéressant de l'article qu'on vient d'étudier. Je me
permets juste d'ajouter, sur les quelques critères, que, j'ose croire, sont
partagés par tout le monde autour de cette table : Est-ce que l'article
qu'on vient d'étudier risque de bonifier de façon réelle le rayonnement, la protection
de la langue française? Bonne question. Et est-ce qu'on est en train de
bonifier... Et on est dans un endroit assez spécial. On parle du monde
judiciaire surtout. Est-ce que, quand même, on a bonifié... on aurait bonifié
de façon réelle et mesurable le droit tout à fait légitime de travailler en
français? On peut rester sur notre appétit.
Est-ce qu'on est convaincus, dans chacun des
alinéas proposés dans l'article 5, qu'un équilibre, que le ministre devant
nous comprendrait très bien, est exigeant, entre l'administration de la justice
et la promotion légitime du français est respecté par ces amendements? On peut
continuer à se poser beaucoup de questions. Est-ce qu'on est assurés... dans
l'implication, l'opérationnalisation de ces amendements, il n'y a pas un coût
pratique et réel, surtout quand on voit... qu'on pense aux particularités en
région, où les réalités de l'administration de justice, des fois, risquent de nous mettre devant les contraintes?
Une autre fois, est-ce que la question est... on a des réponses
satisfaisantes que le fardeau ne serait pas plus grand sur l'État à la fois sur
le plan financier, organisationnel? Et est-ce qu'on est convaincus que ces amendements
ne vont pas, en quelque part, compromettre...
Je me permets de revenir à deux exemples, les
droits du chat blanc... ou «black cat», qu'a offert le ministre comme exemple,
et je reviens à mes pêcheurs de La Tabatière, parce que l'article, comme
les autres articles dans ce projet de loi... vont avoir tout leur impact sur
les individus. Et je n'entame pas un débat des droits collectifs versus des
droits individuels. Je parle du fait qu'on est en train de proposer des
changements qui vont avoir leur impact sur une
personne à la fois. Donc, est-ce que les amendements devant nous vont avoir
l'impact voulu et vont honorer, comme il dit, cet équilibre très
important et très légitime entre les droits à l'accès à la justice et le
droit... l'obligation de l'État de
promouvoir... de veiller au rayonnement de la langue française comme langue commune
et langue officielle? Les questions s'imposent toujours.
Le Président (M. Polo) : Y a-t-il
d'autres commentaires? S'il n'y a pas d'autre intervention, je vais mettre
l'article 5, tel qu'amendé, aux voix. Est-ce que l'article 5, tel
qu'amendé, est adopté?
Des voix : ...
Le Président (M. Polo) : Sur
division.
Des voix : ...
Le Secrétaire : Pour, contre,
abstention. M. Jolin-Barrette (Borduas)?
M. Jolin-Barrette : Pour.
Le Secrétaire :
M. Skeete (Sainte-Rose)?
M. Skeete : Pour.
Le
Secrétaire : M. Lévesque (Chapleau)?
M. Lévesque
(Chapleau) : Pour.
Le Secrétaire :
M. Provençal (Beauce-Nord)?
M.
Provençal : Pour.
Le Secrétaire :
M. Émond (Richelieu)?
M. Émond :
Pour.
Le Secrétaire :
Mme Foster (Charlevoix—Côte-de-Beaupré)?
Mme Foster :
Pour.
Le Secrétaire :
M. Poulin (Beauce-Sud)?
M. Poulin :
Pour.
Le Secrétaire :
M. Lemieux (Saint-Jean)?
M. Lemieux :
Pour.
Le Secrétaire :
Mme David (Marguerite-Bourgeoys)?
Mme David :
Contre.
Le Secrétaire :
M. Barrette (La Pinière)?
M. Barrette :
Contre.
Le Secrétaire :
M. Birnbaum (D'Arcy-McGee)?
M. Birnbaum :
Contre.
Le Secrétaire :
Mme Ghazal (Mercier)?
Mme Ghazal :
Pour.
Le Secrétaire :
M. Bérubé (Matane-Matapédia)?
M. Bérubé :
Pour.
Le Président (M.
Polo) : Adopté sur division. M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Oui. L'article 6, M. le Président... Je n'étais
pas sûr d'avoir bien saisi le vote du député de La Pinière, M. le
Président.
L'article 6 :
Cette charte est modifiée par l'insertion, après l'intitulé du chapitre IV
qui précède l'article 14, de ce qui suit :
«Section I.
Dispositions générales.
«13.1.
L'Administration doit, de façon exemplaire, utiliser la langue française, en
promouvoir la qualité, en assurer le rayonnement au Québec de même qu'en
assurer la protection.
«De plus,
l'Administration doit, de la même façon, prendre les mesures nécessaires pour
s'assurer de satisfaire aux obligations qui lui incombent en vertu de la
présente loi.
«13.2. Pour
l'application de l'article 13.1, un organisme de l'Administration utilise
la langue française de façon exemplaire lorsque, dans toutes ses activités, il
remplit les conditions suivantes :
«1°
il utilise exclusivement cette langue lorsqu'il écrit dans une situation qui
n'est pas visée par une disposition des articles 14 à 19, 21 à
21.12, 22 et 22.1;
«2° il utilise
exclusivement cette langue dans ses communications orales, sauf dans les cas
suivants :
«a) les seuls cas où,
en vertu des dispositions de la présente section, il a la faculté d'utiliser
une autre langue que le français lorsqu'il écrit;
«b) lorsque, à la
suite de la demande orale d'une personne visant à ce que l'organisme communique
avec elle dans une autre langue que le français, celui-ci veut obtenir de cette
dernière les renseignements nécessaires pour établir si, en vertu de la
présente section, il a la faculté de communiquer dans cette autre langue avec
cette personne;
«3° il utilise
exclusivement cette langue dès qu'il l'estime possible dans les cas où les
dispositions de la présente section lui
accordent la faculté d'utiliser une autre langue que le français et il ne fait
pas un usage systématique de cette autre langue.»
• (20 h 40) •
Le Président (M. Polo) : Attendez un
instant. M. le député de Matane-Matapédia.
M. Bérubé : ...
Le Président (M. Polo) : Ah!
parfait. Poursuivez, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien, j'avais
fini, M. le Président.
Le Président (M. Polo) : Excellent.
Si vous permettez, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, quelle précision
vous souhaitez avoir, M. le député?
M. Bérubé : Oui. Bien, en fait,
c'est parce que ça parle d'exemplarité de l'État. C'est de ça que je voulais
parler. Je n'ai pas nécessairement un amendement, là. Je veux une précision de
la part du ministre, là, pour m'assurer que... de la force de ce qui est
avancé, si vous le permettez, évidemment.
Le Président (M. Polo) : Oui.
Répondez rapidement, puis après ça on revient...
M. Jolin-Barrette : Excusez-moi, M.
le député de Matane-Matapédia, je n'ai pas saisi votre question.
M. Bérubé : Bien, je voulais parler
de l'exemplarité de l'État. C'est inclus dans ce que vous venez de lire?
M. Jolin-Barrette : Oui, c'est
inclus dans ce que... Dans le fond, on débute l'exemplarité de l'État. Donc,
vous allez voir, 6, c'est les dispositions générales, et, au fur et à mesure
qu'on va avancer, c'est le chapitre là-dessus.
M.
Bérubé : Oui, mais j'ai lu tout ça et je ne retrouve pas l'assurance
dont j'ai besoin. Parce que j'ai des situations
concrètes à soumettre au ministre et des chiffres quant à l'exemplarité de
l'État actuellement, là, aujourd'hui même, avec le gouvernement du Québec. Si vous le permettez, M. le
Président, je les partage avec les
membres de la commission.
Le
Président (M. Polo) :
Si vous... Bien, en fait, je pensais que c'était une question
de précision. Là, vous souhaitez...
M. Bérubé : Bien,
je souhaite que ce soit précis après mon intervention.
M. Jolin-Barrette : Bien, moi,
je n'ai pas...
M. Bérubé : Vous
faites ce que vous voulez, hein, vous êtes le président.
M. Jolin-Barrette : Moi, je
n'ai pas d'enjeu, M. le Président. Le seul élément... Je veux informer les
membres de la commission qu'on va avoir un amendement à 13.2 quand on va être
rendus là. Donc, on va le rendre disponible sur Greffier.
Le Président (M. Polo) : O.K.
Mais c'est quoi, le lien de l'amendement avec la précision du député de Matane-Matapédia?
M. Bérubé : Il
n'y en a pas.
M. Jolin-Barrette : Ah! rien du
tout. Je voulais juste informer les membres de la commission.
M. Bérubé : Pas
d'autre question, Votre Honneur.
Le Président (M. Polo) :
Parfait. Mme la députée, poursuivez.
Mme David : Bien, c'est parce
que, je m'excuse, le temps de me revirer de bord, j'ai... Vous avez parlé longtemps.
Donc, vous avez lu toutes sortes d'affaires que je ne retrouve pas. Ça ne se
peut pas que ça ait pris autant de temps de lire la page 39.
M. Jolin-Barrette : C'est à l'article 6.
Mme David : Est-ce que c'est la
page 39 de votre grand cahier de 1 000 pages, là?
M. Jolin-Barrette : Ce n'est
pas... Ce n'est pas le même cahier que vous.
Mme David :
Comment ça, ce n'est pas le même cahier? C'est ça que vous nous avez donné.
Des voix : ...
Mme David : Bien oui. Donc,
c'est la page 35 ou 39?
Une voix : ...
Mme David : Voilà. Alors, est-ce
que vous avez lu la page 35?
M. Jolin-Barrette : Oui.
Mme David : Donc, vous avez lu plusieurs
articles, 13.1, 13.2. C'est ça, là, que vous avez fait?
M. Jolin-Barrette : Oui, parce
que c'est dans le cadre de l'article 6.
C'est un peu comme à l'article 5. L'article 6 du projet de loi
introduit plus d'un article.
Mme David : Ça, je le sais,
mais, à l'article 5, vous ne nous avez pas lu tous les...
M. Jolin-Barrette : Je n'ai pas
lu les commentaires.
Mme David : Vous n'avez pas lu
de 7 à 13, là, à l'époque.
M. Jolin-Barrette : Oui, oui.
Bien, au début, je les avais lus au complet.
Mme David : Oui? O.K. O.K.
Donc...
M. Jolin-Barrette : Au début.
Mme David : ...parce que, là,
on va quand même retourner... On ne discute pas de 13.1, 13.2 tout de suite, en
même temps, tout ça ensemble, là.
Mme Ghazal : ...je m'attendais
à ce qu'on lise... peut-être pas la page 39, parce que vous n'avez pas le
même cahier, mais...
Le Président (M. Polo) : Bien,
en fait, on a...
Mme Ghazal : ...de lire uniquement
13.1, parce que, d'habitude, on en discute. On a l'article au complet,0 du projet
de loi, mais on a différents articles de la charte. Donc, normalement, on lirait
13.1 de la charte, après ça... avec les commentaires et on en discute.
Le Président (M. Polo) : Bien,
si vous permettez, M. le ministre, ma compréhension des choses, Mme la députée,
c'est qu'on a deux choix ici. Soit qu'on étudie l'article 6 de manière
globale ou soit qu'on étudie les articles 13.1 et 13.2 de façon séparée.
Mme Ghazal : Jusqu'à maintenant...
Des voix :
...
M. Jolin-Barrette : Il n'y a
aucun enjeu, M. le Président. C'est juste que, quand j'introduis l'article 6,
normalement, nos règles font en sorte que je dois le lire au complet. Puis
ensuite on revient, on va revenir à 13.1, on va étudier 13.1 pour commencer.
Ensuite, on va jaser s'il y a des amendements dessus. Ensuite, je vais lire
13.2. On va jaser sur 13.2. Puis moi, je vous annonce que j'ai un amendement
sur 13.2. Et par la suite...
Le Président (M. Polo) : Donc,
parfait. Donc, vous allez faire la lecture du 6 au complet.
M. Jolin-Barrette : Au complet,
c'est ça.
Le Président (M. Polo) : Voilà, oui,
exactement. Donc, c'est juste pour précision. Donc, on... Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys,
c'est qu'on a procédé de la même façon.
M. Jolin-Barrette : ...c'est quoi?
Que j'ai un amendement?
Une voix : ...
M.
Jolin-Barrette : Oui, mais vous allez l'aimer.
Une voix :
...
M.
Jolin-Barrette : Non, ça n'a pas...
Le Président (M.
Polo) : Regardez, on va juste... Attendez avant de discuter en
parallèle. C'est parce qu'on répond à la question de Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
M. le ministre a fait la lecture de l'article 6 au complet, et là on
revient à l'article 13.1. On procède de la même façon qu'à
l'article 5, Mme la députée. Voilà.
M.
Jolin-Barrette : O.K. D'accord. Je vous propose que je lise le commentaire
également qui va avec l'article 13.1. Ça, je ne l'ai pas lu.
Mme
David : Mais, ça, là, vous
allez me dire de quel cahier vous allez... parce que moi, là, j'ai déjà 1 000 pages avec ça.
Une voix :
...
Mme David :
Bien non, il vient de dire qu'il ne lisait pas ça, lui.
Le
Président (M. Polo) : Si
vous le permettez, on va juste suspendre, juste pour quelques
instants. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à
20 h 46)
(Reprise à 20 h 49)
Le
Président (M. Polo) : À l'ordre, s'il vous plaît! On va reprendre nos travaux. M. le ministre? M. le ministre, je vous
invite à lire...
Une voix :
...
Le Président (M.
Polo) : ...les commentaires, voilà. Ça va nous aider à nous réenligner
sur nos discussions.
M.
Jolin-Barrette : Oui. Alors, M. le Président, les commentaires par
rapport à 13.1. Le premier alinéa de l'article 13.1
de la Charte de la langue française que propose l'article 6 du projet de
loi vise à imposer à l'Administration un devoir d'exemplarité quadruple.
L'Administration devra ainsi, de façon exemplaire : un, utiliser la langue
française; deux, promouvoir la qualité de la langue française; trois, assurer
le rayonnement de la langue française au Québec; quatre, assurer la protection
de la langue française.
Le deuxième alinéa de
l'article 13.1 complète le premier alinéa. Il prévoit que l'Administration
doit prendre les mesures nécessaires pour satisfaire aux diverses obligations
que lui impose la Charte de la langue française et qu'elle doit le faire de
façon exemplaire.
Donc,
concrètement, c'est l'article introductif relativement à l'exemplarité de
l'État. Vous vous souvenez, M. le Président, j'ai abondamment parlé de
cette question-là, à l'effet que, si on veut, au Québec, faire en sorte de
valoriser notre langue, la protéger, la promouvoir, il faut, dans un premier
titre, avant même que les citoyens, avant même que les entreprises, avant même
que les personnes immigrantes qui choisissent le Québec... nous-mêmes, comme
État, on doit montrer l'exemple. Alors, on vient corriger les lacunes qui
existaient au sein de l'État québécois relativement... notamment, avec la
politique linguistique gouvernementale. On va remplacer ça par une politique
linguistique étatique qui va couvrir l'ensemble de l'Administration au sens
large. Et on pourra en reparler un peu plus tard.
Donc, l'État, en
général, bien, comprend les ministères, les organismes, les sociétés d'État,
les municipalités, tout ce qui est...
Globalement, M. le Président, là, tout ce qui est public, généralement, va être
couvert par l'Administration. Et donc l'Administration, l'État aura le
devoir d'être exemplaire, et ça va se traduire par le respect de la politique linguistique étatique et, notamment, par certaines
obligations légales qui sont prévues dans le cadre du projet de loi
n° 96.
• (20 h 50) •
Le Président (M.
Polo) : Allez-y, Mme la députée.
Mme
David : Là, c'est intéressant. C'est la première fois que j'entends
cette expression, «politique linguistique étatique». Ce n'est pas dans
le projet de loi, ça. Je l'aurais vu.
M.
Jolin-Barrette : Ah! politique linguistique de l'État.
Mme
David : Je sens que le ministre aurait aimé mieux «étatique». On
commence à le connaître, là. Ça fait plus... «De l'État», ça fait plus
mou un peu, non?
M. Jolin-Barrette : Non, «étatique» étant l'adjectif d'«État». Moi, je
suis très, très à l'aise avec l'«État du Québec», et vous?
Mme
David : Alors, ce n'est pas «étatique», c'est «de l'État» au lieu de
«politique linguistique gouvernementale».
M.
Jolin-Barrette : Exactement, parce le problème avec la politique
linguistique...
Mme David :
Bien, je n'ai pas posé ma question encore.
M.
Jolin-Barrette : Mais je l'anticipais.
Mme David :
Alors, je vous pose la question : Pourquoi ce n'est pas «gouvernementale»?
Quelle est la différence entre «gouvernementale» et «de l'État»?
M. Jolin-Barrette : Donc, «gouvernementale», c'est uniquement le gouvernement. Là, on vient
couvrir l'ensemble de l'État, l'ensemble de l'Administration au sens
large.
L'autre enjeu qu'il y
avait, c'était relativement à l'application de la politique linguistique
gouvernementale. On a eu un rapport du Conseil supérieur de la langue
française, oui, en 2019...
Mme David :
...d'agir en un an. Il est arrivé le 3 décembre 2020, et ça n'avait pas été
fait, et je vous l'ai demandé aux crédits 2021.
M.
Jolin-Barrette : Mais j'ai déposé le projet de loi.
Mme David :
Pas en avril. Donc, ce n'était pas encore fait.
M.
Jolin-Barrette : En mai, en mai. Ce n'est pas à défaut de ne pas être
prêt, M. le Président.
Le Président (M.
Polo) : Oui, M. le député de Matane-Matapédia.
M. Bérubé :
M. le Président, à nouveau, si vous y consentez, si vous trouvez que c'est
pertinent, j'aimerais revenir sur l'intervention que j'avais annoncée
concernant l'exemplarité de l'État.
Une voix :
...
M. Bérubé :
Ce n'est pas votre voix, ça, M. le Président. On m'a accordé la parole.
Le Président (M.
Polo) : M. le député de La Pinière, je laissais terminer le député de
Matane-Matapédia. Je comprends, on... Vous m'avez fait part de vos
commentaires. Je vais inviter... Après la prise de parole de la députée de
Marguerite-Bourgeoys, s'il n'y a pas d'autre intervention de l'opposition
officielle ou de la deuxième opposition, je vous inviterai, là, à ce moment-là,
à préciser ou à avoir la discussion avec le ministre sur les précisions sur
l'article 13.1. C'est bien ça? 13.1, voilà. Poursuivez.
Mme David :
Oui. Je répète un peu ma question, parce que je trouve ça intéressant. Je me
souviens très, très bien de ce rapport. Je
me souviens très bien de nos réactions, des questions que je vous ai posées en
Chambre et aux crédits. Il fallait avoir une politique linguistique
gouvernementale, d'abord, que les employés connaissent, ce qui, dans 62 %
des cas, je pense, n'existait même pas, cette connaissance. Et j'étais
d'accord, et je suis toujours d'accord, pour la moderniser et mettre tout ce
qu'il y a besoin de mettre dans ça.
Maintenant,
«gouvernementale» versus «de l'État», c'est ça que j'essaie de comprendre. Vous
dites : Ça couvre tous les secteurs. La loi 101, en 1977,
il me semble que Dr Laurin, docteur, voulait, à l'époque...
M.
Jolin-Barrette : Ce n'était pas un vrai docteur.
Le Président (M.
Polo) : Poursuivez.
Mme David :
Donc, le ministre Camille Laurin couvrait pas mal tous les secteurs de la
société aussi. Donc, l'actuelle Charte de la langue française couvre pas mal
tous les secteurs. Est-ce que je dois comprendre qu'avec la loi... le projet de
loi n° 96 on couvre vraiment des sphères, des secteurs, au-delà du
gouvernement au sens strict, qui n'étaient pas couverts avant?
M.
Jolin-Barrette : Oui, c'est beaucoup plus large. Dans le fond, la
politique linguistique gouvernementale visait juste les ministères et les
organismes. Nous, la politique linguistique de l'État, ça couvre les
municipalités, ça couvre les institutions parlementaires également. Donc, c'est
plus large.
Mme David :
Mais je donne un exemple. Le fameux règlement sur les municipalités, le
pourcentage de gens parlant anglais, bon, puis le fameux article...
M. Jolin-Barrette : Les
municipalités bilingues? 29.1.
Mme David : Ce n'est pas... 29.1?
Non, ce n'est pas...
M. Jolin-Barrette : 29.1.
Mme David : ...oui, sur les
municipalités, là, bien, ça, c'était dans la loi 101. C'est dans la
loi 101.
M. Jolin-Barrette : Oui, c'est dans
la loi 101, mais c'est un article qui vise... Dans le fond, la politique
linguistique gouvernementale ne visait pas les municipalités. Mais par contre,
dans la Charte de la langue française, vous avez raison, il y a un article
spécifique pour les municipalités bilingues, sur leur statut, qui est inscrit.
Mais elles n'étaient pas visées par ça.
Mme David : Donc, quand on parle de
la fameuse annexe pour laquelle vous allez nous donner plus de détails dans la
ventilation des différents secteurs, vous diriez qu'en 1977
l'annexe I n'aurait... appelons-la annexe je ne sais pas combien, là, n'est pas... est beaucoup plus restrictive que
votre nouvelle annexe? Par exemple, un exemple qui me vient de mémoire,
on a eu la mairesse, ancienne et actuelle, c'est la même, de la ville de
Montréal qui est venue nous dire... Moi,
je n'ai jamais appelé à ce service, mais je pense qu'il est assez utilisé. Je
pense, c'est le 311 ou le 211...
M. Jolin-Barrette : 311.
Mme David : ...311. S'il vous plaît,
ne soumettez pas vos...
M. Jolin-Barrette : Elle ne veut pas
que la politique linguistique de l'État s'applique au 311.
Mme David : S'applique à ça ou, en
tout cas, qu'il y ait une sorte d'exception, parce que les gens appellent pour
toutes sortes de services dans plusieurs langues. Mais le 311, là, puis la
ville de Montréal, tout ça existe sous la loi 101, non?
M. Jolin-Barrette : Ils sont...
Mme David : Est-ce que c'est un
exemple d'ajout qui touche le 311 mais qui ne touchait pas... Avec la
loi 101, on ne touchait pas à ces parties-là?
M. Jolin-Barrette : C'est un bon
exemple. Dans le fond, la politique linguistique gouvernementale actuelle ne
couvre pas la ville de Montréal.
Mme David : Ni la loi 101 en
général?
M. Jolin-Barrette : Ni la
loi 101 en général. Dans le fond, la loi 101 n'est... Bien, en fait,
la politique linguistique gouvernementale n'est pas dans la loi 101. Dans
le fond, là, c'est le gouvernement qui s'est doté d'une politique linguistique
puis l'a appelée «politique linguistique gouvernementale». Le Dr Poirier
pourra me dire en quelle année c'est survenu.
Une voix : ...
M. Jolin-Barrette : Bon, la première
politique linguistique en 1996, la seconde en 2011. Dans le fond, c'est une
politique qui est adoptée par le Conseil des ministres, qui vise les
ministères, les organismes.
Mme David : Et là elle est incluse
cette fois-ci?
M. Jolin-Barrette : Et la
différence, c'est que, là, la politique linguistique de l'État est dans la
loi n° 96, donc, qui va se retrouver dans la
loi 101.
Mme David : Mais le fait, par
exemple, que la ville de Montréal... Vous vous souvenez, je ne sais plus quelle
date on est, là, au printemps, peut-être, 2021, il fallait que les
arrondissements... Tout à coup, là, ils se sont mis à se dire : Il faut que j'aille chercher mon certificat de
l'OQLF, de francisation. Ils étaient donc soumis à la loi 101.
• (21 heures) •
M. Jolin-Barrette : Donc, oui, vous
avez raison, la ville de Montréal se retrouve soumise à la loi 101, effectivement,
dans la langue de l'administration, O.K.? Oui, vous avez raison là-dessus. Par
contre, la politique linguistique de l'État, elle, elle est adoptée uniquement
par le Conseil des ministres. Elle n'est pas dans la loi 101... bien, pas la loi 101, là, j'ai la loi n° 96. Elle n'était pas dans la loi 101. C'est le
gouvernement qui a développé ça, puis il a dit : Ministères et organismes,
vous devez respecter la politique linguistique gouvernementale. Le problème avec
ça, c'est... ce que le Conseil supérieur de la langue française nous a
démontré, c'est que les fonctionnaires n'étaient pas au courant d'une politique
linguistique. Il y en a qui ne l'appliquaient pas. Il y en a qui ne l'avaient
pas. Ils n'étaient pas formés, les employés, par rapport à la politique.
Donc, une série de constats d'échec, parce que,
dans le fond, il n'y avait personne qui s'en occupait. Puis ça, c'est un des
éléments pourquoi est-ce que c'est si important de mettre une politique
linguistique de l'État dans la loi, avec un ministère qui est responsable de
l'application puis avec un ministre qui est imputable là-dessus, parce que ça
va être le travail du ministre de la Langue française de regarder comment ça se
passe puis de dire : C'est lui qui est imputable, pour dire : Dans
les ministères, organismes, bien, vous devez respecter la politique
linguistique de l'État. Puis c'est lui qui
va la faire appliquer puis c'est lui qui va fournir les exceptions également
dans certaines circonstances. Donc, dans le fond, le concept, là,
c'est : L'État doit être exemplaire en matière d'utilisation de la langue
française, d'une façon paramétrique, tous les ministères et organismes, tous
les organes de l'État, tout ce qui relève de l'État, incluant les municipalités.
En réponse à votre question sur le certificat de
francisation, dans le fond, ça, c'est les... en vertu de la loi sur... la
loi 101, la section sur l'Administration. C'est bien ça, docteur, pour la
procédure, la loi 101, pour les arrondissements, Montréal?
Une voix : 129 et suivants.
M. Jolin-Barrette : 129 et suivants,
la Charte de la langue française, qui fait en sorte que les municipalités
doivent obtenir un certificat de francisation.
Mme David : Donc, ça, ça préexiste
au projet de loi n° 96.
M. Jolin-Barrette : Exactement. Et
c'est pour ça que finalement la ville de Montréal a décidé de se conformer, les
arrondissements.
Mme David : Puis la ville de Montréal
a adopté sa propre politique linguistique, là, je ne me trompe pas, là. Ils ont
même, maintenant... C'est récent, là.
M. Jolin-Barrette : C'est récent,
la...
Mme David : Donc, un n'exclut pas
l'autre, c'est-à-dire que, vous, je comprends bien que vous prenez la politique
linguistique gouvernementale, que vous appelez maintenant «de l'État», vous la
mettez dans la loi, le projet de loi n° 96, ce qui n'exclut pas que les municipalités...
Montréal, étant une grosse municipalité, a le droit d'avoir sa propre politique
linguistique.
M. Jolin-Barrette : Effectivement.
Mme David : Donc, les fonctionnaires
de la ville de Montréal et tous les arrondissements, j'imagine, ont peut-être
deux maîtres à penser. Ils auront la loi n° 96, je ne sais pas comment
elle va s'appeler, la loi 101, deuxième mouture...
M. Jolin-Barrette : En fait, ça va
être la Charte de la langue française, parce que le projet de loi n° 96
vient modifier la Charte de la langue française. Donc, ça...
Mme
David : Oui. Donc là, ça va s'appeler la charte... ça va être dans la
Charte de la langue française, mais les fonctionnaires auront aussi un
autre maître à respecter, qui serait la politique linguistique de leur propre
municipalité.
M. Jolin-Barrette : Effectivement.
Mme David : Un n'exclut pas l'autre.
M. Jolin-Barrette : Un n'exclut pas
l'autre.
Mme David : Moi, quand j'étais
responsable de cette politique linguistique, à l'Université de Montréal... On
avait, donc, notre politique linguistique, qu'effectivement les gens ne
connaissaient pas suffisamment, n'appliquaient pas, bon, même chose qu'à
l'État, qui n'empêche pas une université d'être soumise, ou un collège, à la
loi 101, à la Charte de la langue française aussi.
M. Jolin-Barrette : Exactement.
Mme David : Est-ce que je réfléchis
correctement en disant ça?
M.
Jolin-Barrette : Tout à fait. Vous avez pleinement raison.
Mme David : Et ça veut dire qu'un
peut compléter l'autre mais ne doit pas annuler l'autre.
M. Jolin-Barrette : Oui, parce que
la charte...
Mme David : Parce que qui a
priorité? C'est sûrement la charte.
M. Jolin-Barrette : La Charte de la
langue française a priorité.
Mme David : Surtout que, là, elle va
être supralégislative, et tout le truc, là.
M.
Jolin-Barrette : Oui. Puis,
dans le fond, nous, c'est la Charte de la langue française. Vous avez raison,
elle sera... bien, elle sera prépondérante.
Et une politique adoptée par une municipalité,
c'est bien, mais ça n'a pas de valeur... c'est une politique adoptée par le
conseil, supposons. Ce n'est peut-être même pas dans un règlement.
Mme David : Donc, c'est... On peut
demander aux fonctionnaires de la municipalité de respecter cette politique-là, mais ça n'enlève pas qu'ils sont
soumis à la Charte de la langue française, telle que modifiée éventuellement.
M. Jolin-Barrette : Oui, exactement.
C'est la même chose que la politique linguistique gouvernementale, actuellement,
là, que nous avons, là. Il n'y a aucune assise législative. Puis les ministères
ne respectent pas, pas grave, il n'y a pas de conséquence.
Mme David : Ou le ministre ne sait
même pas qu'il y en a une, politique linguistique, dans son ministère...
M. Jolin-Barrette : Souvent, le
ministre ne le sait pas.
Mme David : ...parce que le
sous-ministre n'en parle pas, parce que son sous-ministre adjoint, etc.,
donc... Ça, c'est un des objectifs que vous visez et que je partage.
Maintenant, est-ce que ça fait des... Parce que
je ne sais pas si je dois faire une relecture de tous ceux qui sont venus
témoigner et qui seraient des nouveaux venus dans cette politique
gouvernementale de l'État, des nouveaux venus que vous avez inclus. Alors là,
vous dites les municipalités, mais est-ce qu'on a entendu, en... Je devrais
avoir la réponse, mais il me semble qu'on
n'a pas tant entendu que ça des commentaires sur le fait qu'ils étaient
nouvellement inclus dans cette Charte de la langue française et qu'ils avaient
des revendications par rapport à ça. Oui, on a entendu les entreprises, et tout
ça, mais pour d'autres raisons. Mais la FQM, l'UMQ, tous ces gens-là n'étaient
pas soumis, si je comprends bien, à la politique...
M. Jolin-Barrette : ...linguistique
gouvernementale.
Mme David : ...linguistique
gouvernementale...
M.
Jolin-Barrette : Et,
désormais, ils seront soumis. Les membres de l'UMQ, les membres de la FQM
seront soumis à la politique linguistique de l'État désormais.
Mme David : Donc, ça fait beaucoup,
beaucoup de monde, là. C'est vraiment...
M. Jolin-Barrette : Bien, c'est
1 100 municipalités.
Mme David : Et je ne sais pas, là,
mais on pourra aller relire leurs mémoires, mais...
M. Jolin-Barrette : Juste un
complément d'information. La politique linguistique de l'État devra être
développée dans l'année qui suit la sanction de la loi. Donc, quand la loi va
être sanctionnée, le gouvernement aura un an pour mettre en application la
politique linguistique de l'État.
Mme David : Nous, on ne votera pas
la politique linguistique de l'État.
M. Jolin-Barrette : Non.
Mme David : Ça va être par règlement
après.
M. Jolin-Barrette : C'est ça.
Mme David : Puis ça...
M.
Jolin-Barrette : Par règlement?
Une voix : ...
M. Jolin-Barrette : Conseil des
ministres.
Mme David : Oui. Bien, c'est ça, les
règlements, ça, il va falloir être très attentifs à ça, là, parce que des fois,
dans les règlements, on décharge tout ce qu'on ne veut pas trop discuter
publiquement. Alors, c'est... Il y a beau avoir un 45 jours dans la Gazette,
et tout ça, le règlement est moins...
M. Jolin-Barrette : Non, mais ce
n'est pas un règlement, hein? Non, c'est une approbation par le Conseil des
ministres.
Mme
David : Mais qu'il y aura une étape de consultations publiques, comme
un règlement dans la Gazette officielle?
M. Jolin-Barrette : Bien, nous, on
va travailler... Non, pas dans la Gazette. Nous, on va travailler avec
les municipalités, notamment. Elles ont demandé d'être consultées. Elles sont
d'accord avec la politique, mais, pour l'élaboration, elles veulent être
consultées.
Mme David : Donc, c'est ce que vous
vous êtes engagé à faire, j'imagine, à les consulter.
M. Jolin-Barrette : Oui, on
travaille déjà avec eux.
Mme David : Mais ça, ce sera après l'adoption
de ce projet de loi ci.
M. Jolin-Barrette : Exactement. D'ailleurs,
j'ai annoncé un partenariat financier la semaine dernière avec la FQM,
1,5 million de dollars pour donner des outils à la FQM pour faire la
promotion du français dans les municipalités. Très belle annonce.
Mme David : Donc, pour que je
comprenne mieux, je sais qu'on est dans les principes généraux puis qu'on ne
peut pas aller dans tous les détails, mais on a commencé sur ce sujet-là,
c'est... qui, à part les municipalités, sont des nouveaux venus dans la politique
linguistique de l'État?
M. Jolin-Barrette : Les nouveaux
venus sont les sociétés d'État.
Une voix : ...
M. Jolin-Barrette : Hein?
Une voix : Les institutions
parlementaires.
M. Jolin-Barrette : Les institutions
parlementaires.
Mme David : C'est quoi, ça, les
institutions parlementaires?
M. Jolin-Barrette : C'est l'Assemblée,
les personnes désignées de l'Assemblée, VG.
Mme David : Oui, mais est-ce qu'il y
a d'autres réseaux, des...
M. Jolin-Barrette : Les organismes
dont le fonds social fait partie du domaine de l'État et leurs filiales, donc
les entreprises, les sociétés d'État.
Mme David : Par exemple, quand
j'étais ministre de la Culture, j'avais 12 sociétés d'État : Place
des Arts, SODEC, CALQ, les musées qui ne sont pas des musées d'État... qui
étaient des musées d'État. Est-ce que...
M. Jolin-Barrette : Oui, mais eux,
théoriquement, ils étaient déjà couverts, non?
Mme David : Bien, c'est pour ça que
je vous pose la question.
Des voix :
...
M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, c'est
l'annexe I, c'est tous ceux qui sont dans l'annexe I. Dans le fond,
la question, c'est qui sont les nouveaux venus qui vont être assujettis à la Charte
de la langue française.
Mme David :
C'est l'annexe I.
M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, je
vous dirais...
Mme David : C'est pour ça que je la
veux, l'annexe I, plus en détail possible. Vous n'aurez plus à me répondre
à toutes ces questions.
M. Jolin-Barrette : ...pas mal tout
le monde qui fait partie de l'État va être assujetti.
Mme
David : Je sais, mais c'est parce qu'encore faut-il être clair sur qui fait
partie de l'État. On a de la misère, là, à répondre, votre... C'est
large, là.
M.
Jolin-Barrette : Bien,
exemple, la SODEC, vos 12 sociétés d'État, quand vous étiez ministre de la
Culture, sont toutes assujetties désormais.
Mme David : Désormais. C'est pour ça
que je vous demande c'est qui, les nouveaux venus? Est-ce que
l'annexe I a beaucoup de nouveaux venus? Je vais le dire autrement.
M. Jolin-Barrette : Je comprends
votre question. On va faire la vérification.
Mme David : Parce que ça va nous
aider pour tout le reste, là, après. On va arrêter de poser ces questions-là
quand on...
M. Jolin-Barrette : Mais il faut
juste comprendre que la politique... Il faut juste distinguer deux choses. La
politique linguistique gouvernementale, O.K., qui n'avait pas d'assise légale,
elle visait les ministères et les organismes. Vous aviez, exemple, la ville de
Montréal, qui est une municipalité qui faisait partie de l'Administration, qui,
elle, était assujettie à la procédure de francisation. Elle était déjà dans la
charte, là, mais elle n'était pas visée par la politique linguistique gouvernementale.
Là, nous, ce qu'on fait en établissant une politique linguistique de l'État,
c'est qu'on vient capter tout ce qui est public, quasiment.
Mme David : Je pense que je... Ça
commence à être plus clair.
• (21 h 10) •
M. Jolin-Barrette : Donc, c'est
comme si tous les organismes de l'État ou qui relèvent de l'État, là, publics, eux vont être couverts à la fois par la charte
mais aussi la nouvelle politique linguistique de l'État, qu'on vient
ajouter dans la charte. Donc, c'est comme des poupées russes, là. Et là les municipalités
aussi vont être couvertes par cette politique linguistique là mais pas les organismes
scolaires et pas les hôpitaux.
Mme David : Puis, si je peux faire
la différence, par exemple, dans les sociétés d'État, on avait les musées
nationaux mais pas les musées à charte privés, comme le Musée des beaux-arts de
Montréal. Lui, il n'est pas un organisme étatique, mais le Musée national des
beaux-arts du Québec, lui, était dans les sociétés d'État, le Musée d'art
contemporain aussi. Mais il y a des musées plus privés, comme il y a des universités
à charte puis des universités dans le paramètre gouvernemental... périmètre gouvernemental,
comme l'UQ.
M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, je
donne un exemple, les universités, on les oblige à se doter d'une politique
linguistique de l'État et à faire une reddition de comptes désormais.
Mme David : Oui, mais je ne veux pas
être trop... poser des questions pièges.
Une voix : ...
Le Président (M. Polo) : Poursuivez,
Mme la députée.
Mme David : Mais le réseau de l'UQ
est un réseau dans les paramètres comptables... périmètres comptables du gouvernement,
donc, probablement, va être soumis à cette politique-là, alors que les universités
à charte vont avoir une exigence de leur
propre politique gouvernementale avec reddition
de comptes mais ne sont pas nécessairement
dans votre politique linguistique de l'État. J'ai hâte de voir si le réseau de
l'UQ, par exemple, va être dans votre liste de l'annexe I. Mais McGill, l'Université
de Montréal, l'Université de Sherbrooke, Polytechnique ne seront pas dans ce
périmètre-là parce qu'elles ne sont pas dans le périmètre comptable
gouvernemental.
M. Jolin-Barrette : L'Université du
Québec serait visée? Oui, l'Université du Québec serait visée.
Mme David : Pardon, Université du
Québec, quoi?
M. Jolin-Barrette : L'Université du
Québec serait visée par la politique linguistique de l'État. C'est ça?
Une
voix : ...
M.
Jolin-Barrette : Oui.
Mme David :
Bien, c'est... Ça m'a suggéré cette question quand vous avez dit tout ce qui
est l'État.
M.
Jolin-Barrette : Mais pas McGill ni l'UdeM.
Mme David :
C'est ça, ni l'UdeM ni Sherbrooke parce qu'elles sont des universités à charte.
M.
Jolin-Barrette : Par contre, ils sont obligés de se doter d'une
politique linguistique et ils devront...
Mme David :
Avoir une reddition de comptes.
M.
Jolin-Barrette : ...rendre des comptes au ministre de la Langue
française, désormais, dans les musées, exemple, qui sont visés, le Musée d'art
contemporain de Montréal, Musée de civilisation, Musée national des beaux-arts
du Québec.
Mme David :
C'est ça. Mais pas le Musée des beaux-arts de Montréal parce que c'est un musée
à charte privé. Bien, je pense, je comprends, là.
M.
Jolin-Barrette : Puis là, en plus, la ministre a adopté une nouvelle
loi. Puis les cégeps, les universités, ils ont leurs propres politiques.
Mme David :
La Grande Bibliothèque, Bibliothèque et Archives nationales, ça, ça va être
dans votre...
M.
Jolin-Barrette : Ça, ça va être visé.
Mme David :
O.K. C'est plus clair que... C'est plus large que c'était, d'une part. Et donc
j'ai encore plus hâte d'avoir la liste un peu plus détaillée parce qu'on va
arrêter de se poser des questions.
M.
Jolin-Barrette : Puis ce qu'il faut voir, c'est qu'à l'annexe I
l'Administration, en termes... Puis, encore une fois, la politique linguistique
de l'État vise certains organismes à l'annexe I.
Dans
le fond, là, je vais reprendre ma réponse. L'annexe I, les organismes de
l'Administration, ce sont tous ceux qui sont assujettis à la Charte de la langue française, O.K., mais ce ne
sont pas tous ces organismes qui sont assujettis à la politique
linguistique de l'État. On va le voir un petit peu plus loin. Exemple, les
hôpitaux, le réseau de l'éducation...
Une voix :
...
M. Jolin-Barrette : ...commissions scolaires... bien, centres de services scolaires,
maintenant, centres de services scolaires, eux ne sont pas visés.
Mme David :
Ça va devenir superimportant, plus on y pense, même au 13.2, qui parle à qui,
dans quelle langue, quand il appelle pour des services, etc. Bien, je ne suis
pas sûre que ça s'applique à l'UQAM ou que ça s'applique,
là... C'est ça, il va vraiment falloir savoir, là, parce que, là, plus c'est
large, plus ça va poser des questions. Mais il va falloir savoir ce qui
s'applique à un puis ce qui s'applique à l'autre.
M.
Jolin-Barrette : ...parce que, là, on n'est pas rendus à la politique
linguistique. Vous allez voir, sur l'exemplarité de l'État, là, quand on parle
de l'Administration, là, on fait référence à la liste de l'Administration qui
est prévue à l'annexe I, l'Administration avec un grand A. On va
venir spécifier, dans le projet de loi, qui sont visés par la politique
linguistique de l'État.
Mme David :
Bien, on n'est pas rendus à 13.2, mais, quand on dit : «Un organisme de
l'Administration utilise la langue française de façon exemplaire», bien là, je
vais vouloir que vous me redisiez, parce que je vais déjà être mêlée, qui ça vise, ça, un organisme de
l'Administration. Est-ce que c'est... L'Administration n'est pas la même
chose que la politique linguistique de
l'État. L'État, ce n'est pas l'Administration, hein? C'est ça, ce n'est pas
synonyme, là.
M. Jolin-Barrette : Non. J'aimerais corriger ce que j'ai dit tout à l'heure. La politique
linguistique ne couvre pas l'Université du Québec. C'est ça?
Une voix :
...
M.
Jolin-Barrette : C'est ça, l'Université du Québec est exclue.
Mme David : Donc, l'État est...
M.
Jolin-Barrette : Dans le fond, là...
Mme David : Ah! j'ai besoin d'une
liste, vraiment.
M. Jolin-Barrette : Résumons. Allons
à l'annexe I, O.K.?
Mme David : Oui, avec plaisir.
M.
Jolin-Barrette : Bon. À
l'annexe I, c'est l'Administration.
Donc, vous avez : «Sont des organismes
de l'Administration :
«1° les gouvernements et [les] ministères;
«2° les organismes gouvernementaux :
«a) les organismes dont le personnel est nommé
suivant la Loi sur la fonction publique;
«b) les organismes dont le gouvernement ou [le] ministre
nomme la majorité des membres ou des administrateurs;
«c) les organismes dont l'Assemblée nationale
nomme la majorité des membres;
«d) les
organismes gouvernementaux énumérés à l'annexe C de la Loi sur le régime
de négociation», bon, etc., les
organismes municipaux, les commissions d'enquête, les organismes scolaires, le
comité de gestion de la taxe de l'île de Montréal, le centre de services
scolaire du Littoral, les organismes du réseau de la santé et des services
sociaux, les services de santé, les services sociaux.
Bon, je ne
fais pas la nomenclature de tout, là. Donc, ça, cette liste-là, c'est l'Administration avec un
grand A.
Mme
David : Ah! oui, mais vous
avez dit, justement, en bas de la page 98, que ça exclut l'Université du Québec.
M. Jolin-Barrette : C'est ça.
Mme
David : Mais ça inclut... Ça
inclut... Quand on dit : «Les organismes dont l'Assemblée nationale
nomme la majorité des membres», je me demande si, dans le réseau de l'UQ, on ne
nomme pas au Conseil des ministres la majorité des membres. Mon ancien... Je ne
me souviens plus. Est-ce qu'on nomme la majorité des membres du réseau de l'UQ
dans le conseil d'administration?
Une voix : ...
Mme David : Oui. On pense que oui.
M.
Jolin-Barrette : Oui. Mais en
fait, même si on nomme la majorité des membres, à la fin, là, de
L'Administration, «malgré ce qui précède, l'Administration ne comprend pas un
établissement d'enseignement qui est un organisme gouvernemental lorsqu'il
donne un enseignement et l'Université du Québec».
Donc, malgré le fait qu'on nomme la majorité des
membres, on est venus exclure l'Université du Québec.
Mme David : Ce qui a trait à
l'enseignement.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Mme David : Bien, probablement
l'ITHQ, les conservatoires...
M. Jolin-Barrette : L'ITAQ...
Mme David : Oui, le nouvel ITAQ.
M. Jolin-Barrette : ...sur lequel
vous avez travaillé.
Mme
David : Beaucoup. Donc, ça n'inclurait pas... Ce que je comprends,
l'idée générale, c'est d'exclure ce qui est éducation, enseignement supérieur... ou, en tout cas, enseignement
supérieur dans ce cas-ci, mais pas nécessairement les musées d'État.
M. Jolin-Barrette : Non, mais là je
reviens à mon explication. Donc, l'annexe I, c'est l'Administration...
Mme David : L'Administration.
M.
Jolin-Barrette : ...avec un
grand A. Donc, l'Administration... À chaque fois qu'on va parler d'administration, on va parler de
l'Administration, dans la Charte de la langue française, on va faire référence
à tout ça.
Mme David : À l'annexe I.
M.
Jolin-Barrette : À l'annexe I, donc, qui comprend ces... très
largement. Là, après ça, un peu plus loin dans le projet de loi, on va parler
de la politique linguistique de l'État. La politique linguistique de l'État va
s'appliquer à certains organismes de l'Administration, à la majorité d'entre
eux mais pas tous. Donc, c'est ça qu'on va venir voir plus tard.
Et, en
complément d'information, la politique linguistique de l'État, elle va viser
plus... La politique linguistique de l'État
va viser plus d'organisations de l'Administration que la politique linguistique
gouvernementale actuellement, qui gérait uniquement, qui gouvernait
uniquement les ministères et les organismes. Donc, on est venus viser,
supposons, les municipalités, qui n'étaient pas dans la politique linguistique
gouvernementale mais qui vont être dans la politique linguistique de l'État.
Mme David : De l'État. Ça, j'ai
compris ça.
M. Jolin-Barrette : Ça fait que vous
avez l'Administration, puis ensuite la politique linguistique de l'État va être
plus serrée mais plus large que la politique linguistique gouvernementale
actuelle. Donc, dans le fond, on va venir supprimer la politique linguistique
gouvernementale.
Mme David : J'ai compris. Mais
est-ce que l'Administration, avec le grand A majuscule, là, est la même définition que dans la charte actuelle de la
langue française ou, là aussi, vous avez changé des choses ou vous avez
ajouté?
M. Jolin-Barrette : Non, parce qu'on
ajoute des institutions parlementaires.
Mme David : Juste ça?
M.
Jolin-Barrette : C'est-tu la seule différence?
Des voix :
...
M.
Jolin-Barrette : O.K. Ce qu'on me dit, c'est que, dans la Charte de la
langue française, antérieurement... bien, la Charte de la langue française
actuelle, c'était écrit l'Administration, mais ce n'était pas défini, qui était
l'Administration, de façon précise.
Mme David :
Mais comment on fait pour vivre avec une loi qui ne définit pas ses objets?
Des voix :
...
M. Jolin-Barrette :
Ah! on me dit que c'étaient des catégories plus larges, puis là on est venus
vraiment préciser tout le monde qui est là-dedans.
• (21 h 20) •
Mme David :
J'aime ça quand vous êtes... vous avez besoin de vous référer à d'autres. Je ne
suis pas toute seule à trouver que, des fois, c'est un peu compliqué, tout ça,
hein? J'aimerais ça vous avoir avec moi, à côté de moi, aussi, des fois, pour
répondre à mes questions. Alors, je passe par vous, M. le ministre, pour avoir
ces réponses-là de ceux qui connaissent ça par coeur, parce que... Ça a l'air
pointilleux, mais c'est parce que c'est fondamental sur toute la suite des choses de savoir à qui on s'adresse
quand on réfléchit à l'ensemble du projet de loi. Alors, les
entreprises, jusqu'à un certain point, c'est plus simple, mais,
l'Administration, l'État, la loi actuelle, les autres lois, ceux qui sont
exclus, ceux qui sont inclus, c'est vrai que ça fait un organigramme un petit
peu compliqué. Alors, je pense que ça nous aide toujours de savoir un petit peu
plus de quoi on parle.
Donc là, je
comprends que le 13.1, c'est l'Administration qui doit, et non pas la politique
gouvernementale de l'État... qui doit utiliser la langue française, bon, etc.
Ça, c'est...
M. Jolin-Barrette : Peut-être pour
votre information, là, dans la charte actuelle de la langue française, là, l'Administration,
c'était défini par :
«1. Le gouvernement et ses ministères.
«2. Les organismes gouvernementaux :
«Les organismes dont le gouvernement ou un ministre
nomme la majorité des membres, dont la loi ordonne que les fonctionnaires ou
employés soient nommés suivant la Loi sur la fonction publique, ou dont le
capital-actions provient, pour la moitié ou plus, du fonds consolidé du revenu,
à l'exception toutefois des services de santé [et] des services sociaux, des
collèges d'enseignement général et professionnel et de l'Université du Québec.
«3. Les organismes municipaux et
scolaires :
«a) les communautés métropolitaines et les
sociétés de transport :
«La Communauté métropolitaine de Québec [...] la
Communauté métropolitaine de Montréal, la Société de transport de Québec, la Société de transport de Montréal, la Société de
transport de l'Outaouais, la Société de transport de Laval et la société
de transport de Longueuil;
«b) les municipalités, les arrondissements
municipaux leur étant assimilés;
«b.1) les
organismes relevant de l'autorité d'une municipalité et participant à
l'administration de son territoire;
«c) les organismes
scolaires :
«Les centres de services scolaires, les
commissions scolaires, le Comité de gestion de la taxe scolaire de l'île de
Montréal.
«4. Les services de santé et les services
sociaux...»
Mme David : Mon collègue a quelque
chose à demander au président.
Le Président (M. Polo) : Allez-y, M.
le député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Juste en complément,
pour comprendre, le ministre vient de lire à peu près, je ne suivais pas
minutieusement, à peu près l'annexe I, et j'ai de la difficulté à...
j'essaie de comprendre de quelle façon on est sur du nouveau territoire. Je
crois que c'est un petit peu aussi ce qu'essaie d'établir ma collègue de
Marguerite-Bourgeoys. Je ne peux pas imaginer que les institutions de
l'Assemblée nationale, dans notre régime actuel et depuis 1977, ne sont pas
assujetties, évidemment, aux exigences de la Charte de la langue française. Et
maintenant, en plus, le ministre vient de nous énumérer une liste qui ressemble
beaucoup à l'annexe I.
Alors, est-ce
qu'on peut comprendre l'aspect nouveau qui est dressé dans l'article 13.1?
Qu'est-ce qui est l'objet des changements concrets et clairs dans
l'article 13.1 devant nous?
M. Jolin-Barrette : Bien, je vous
donne un exemple. À c, on a, et je ne crois pas l'avoir lu :
«f) les
commissions d'enquête constituées en vertu de la Loi sur les commissions
d'enquête;». Ça, c'est un ajout.
Dans les organismes municipaux, on est venus
détailler les organismes municipaux. Dans les différences : «Les
organismes dont le gouvernement ou un ministre nomme la majorité des membres,
dont la loi ordonne que [ses] fonctionnaires ou employés soient nommés...» Bon.
Donc, on
vient couvrir plus largement les organismes. Donc, avant, il y avait
comme des supercatégories, puis là on vient les définir puis on vient en
ajouter certains. Mais, si vous voulez, en février, je pourrais vous revenir
avec qu'est-ce qui était avant, qu'est-ce qui était après. On pourrait vous
faire un tableau.
Mme David : On est d'accord. Merci.
M. Jolin-Barrette : D'accord.
Mme David : Moi, j'aurais un
amendement à déposer. Je ne sais pas jusqu'à quelle heure on veut discuter de
tout ça, là, mais...
M.
Jolin-Barrette : On est
prévus jusqu'à 22 h 30. Je sais que le député de Matane-Matapédia
voulait également...
Mme David : C'est ça, je ne suis pas
obligée de le faire maintenant non plus, M. le Président.
Le Président (M. Polo) : Non, non,
non, exactement. Peut-être, avant...
Mme David : Vous pouvez laisser la
parole...
Le
Président (M. Polo) : Oui, exactement.
Merci beaucoup pour votre patience, M. le député de Matane-Matapédia.
M.
Bérubé : Le moment
est venu?
Le Président (M. Polo) : Ah!
M.
Bérubé : M. le
Président, vous n'étiez pas là, mais les membres de la commission étaient là
quand le Syndicat de la fonction publique est venu nous voir. Il nous a donné
des exemples très concrets quant à l'exemplarité de l'État. Je peux dire ça ou
pas?
Le Président (M. Polo) : Continuez, M.
le député. Allez-y.
M.
Bérubé : Le ministre
vous interpelait.
Le Président (M. Polo) : Non, bien,
regardez...
M. Jolin-Barrette : En fait, c'est parce
que vous ne pouvez pas souligner l'absence d'un député.
Le
Président (M. Polo) : Oui,
mais poursuivez, M. le député. J'ai compris le fond de votre intervention.
Poursuivez.
M.
Bérubé : M. le
Président, vous savez que j'ai déjà
été leader, moi aussi, et la première chose qu'on apprend, c'est qu'il faut choisir ses batailles. Mais ça
fait longtemps de ça, probablement que les pratiques ont changé dans le domaine.
Ceci étant dit, résumé de
l'épisode précédent, le Syndicat de la fonction publique vient nous voir et
nous parle concrètement de l'exemplarité de l'État actuellement dans les ministères
du gouvernement du Québec. C'est pour ça que je voulais intervenir tout à
l'heure, parce qu'on y fait référence de façon exemplaire. À titre d'exemple, je sais pertinemment qu'il y a
plusieurs ministères qui n'ont pas de politique linguistique en
2021, d'accord? Peut-être
que le ministre connaît les ministères qui n'en ont pas. Quelle garantie qu'on
a qu'il va y en avoir? J'y vais en rafale, puis le ministre pourra me revenir. Il
n'y a pas tant d'éléments que ça. En quoi le projet de loi n° 96
peut obliger l'adoption d'une politique?
Donc, la mise en oeuvre, elle fait défaut. Ça,
c'est un élément qu'on a noté. Il n'y a pas de directive claire pour les pratiques
linguistiques dans les ministères et organismes. Il y a des constats qui sont
peu édifiants, par exemple, que plus de la
moitié — 56 % — des membres du personnel ignorent
l'existence de documents administratifs sur l'usage des langues dans
leur organisation, et seulement 38 % déclarent avoir été formés et
informés à ce sujet. Plus spécifiquement,
pour les interactions avec les citoyens et citoyennes du Québec, l'étude qui a
été faite révèle que, pour l'ensemble du Québec, 57 % des membres
du personnel utilisent parfois une autre langue que le français dans leurs
interactions orales — ça,
c'était en 2021 dans l'appareil gouvernemental, ce n'est pas rien — dont
69 % en Montérégie, M. le ministre
responsable de la Montérégie, 74 % à Montréal. À Laval, c'est 81 %,
puis 88 % en Outaouais. Ce n'est pas rien. Donc, ça, c'est
l'enquête qui a été faite.
Et le ministère du ministre, le ministère de la
Justice, n'est pas en règle. Alors, charité bien ordonnée commence par
soi-même. Le ministre est, comme moi, adepte de proverbes. Le pourcentage est
particulièrement critique où? Au ministère
de la Justice, où seulement 5 % ont répondu oui, 49 % ont répondu non
et 46 % ne le savent pas. Alors, je pourrais le redéposer à
nouveau, mais tout le monde l'a reçu.
Tout ça pour dire que c'est un peu gênant pour
le ministère de la Justice, c'est un peu gênant pour plusieurs régions du Québec puis surtout gênant pour la
fonction publique, d'où mon insistance à ne pas oublier ce que je
voulais demander au ministre : En quoi
cet article va mettre en oeuvre ou envoyer un ordre de marche ou une
signification très claire, une
impulsion, c'est le terme que je cherchais, pour que tous les ministères se
dotent de politiques linguistiques, d'outils linguistiques et que les
discussions entre les collègues se fassent en français? Parce que j'ai donné
des chiffres, là. Ça, c'est le mémoire du Syndicat de la fonction publique, qui
était venu nous rencontrer.
Alors, je garde ça dans ma tête depuis tout ce
temps-là, M. le Président, mais le soir est venu où je veux en apprendre plus
sur comment le projet de loi n° 96, projet de loi
costaud, va nous permettre de résoudre cet enjeu actuel, ce problème actuel.
M. Jolin-Barrette : Bien, avec votre
permission, M. le Président, l'enjeu avec la politique linguistique
gouvernementale actuellement, c'est qu'il n'y a pas d'assise légale et que
c'est, comme on dit, à la va-comme-je-te-pousse relativement aux
ministères et aux organismes.
Là, ce qu'on est venus faire,
c'est qu'on est venus élargir, dans un premier temps, la notion
d'Administration. Puis je vais vous déposer la liste en février quand on va
revenir. Donc, on couvre davantage l'Administration. Donc, le principe de base,
c'est que vous avez la Charte de la langue française qui est modifiée par le
projet de loi n° 96. Le projet de loi n° 96 vient faire en sorte de
renforcer les obligations en matière d'exemplarité de l'État. Ça, c'est 13.1,
O.K.? Ça, ça touche l'ensemble de l'Administration. Donc, il va y avoir des obligations
rattachées aux obligations d'exemplarité de l'État. On force l'État à être
exemplaire, premier élément.
Deuxième élément, on va
venir introduire une politique linguistique de l'État en remplacement de la
politique linguistique gouvernementale. Celle-ci va avoir une assise
législative dans la Charte de la langue française désormais, et, le ministre responsable de la Langue française, c'est sur
sa tête que la responsabilité, elle
va être. Donc, lui va vérifier que la politique linguistique s'applique
dans chacun des ministères, dans chacun des organismes, dans les organismes qui
sont visés par la politique linguistique de l'État. Dans le fond, c'est
l'équivalent du chien de garde.
Actuellement, ce qui se passe, c'est que chaque ministère
est responsable de sa politique linguistique, pas de suivi par rapport à informer, les fonctionnaires ne savent pas
quand utiliser la langue française ou une autre langue que le français.
Alors, c'est ça qui a été illustré, puis c'est pour ça... On est partis du
rapport, notamment, du Conseil
supérieur de la langue française pour s'assurer qu'il y ait quelqu'un
d'imputable, qui va être le ministre de la Langue française, et qui, lui,
puisse s'assurer que chacun des organismes respecte la politique et la loi.
• (21 h 30) •
M.
Bérubé : M. le Président, question au ministre à travers vous :
Est-ce que le ministre, pour le bénéfice de la commission et de la
conduite de nos travaux, peut nous fournir la liste des ministères qui n'ont
pas de telle politique?
M. Jolin-Barrette : Je ne sais pas
si on dispose de cette liste... Alors, oui, on pourra vous la fournir.
M. Bérubé : Je vais poser ma
question différemment : Est-ce que le ministre peut nous fournir la liste
des ministères qui ont une politique?
M. Jolin-Barrette : À l'inverse,
oui.
M. Bérubé : Bon...
M.
Jolin-Barrette : Et là
l'autre élément qu'on doit porter à votre attention, c'est que, la politique
linguistique de l'État, dans la loi, on va faire en sorte qu'elle soit
obligatoirement révisée à tous les 10 ans. Donc, ça va éviter que, si jamais elle n'est plus adaptée, le Conseil des ministres va
être obligé d'en adopter une nouvelle. Puis l'avantage avec le mécanisme qu'on
a dans la loi, c'est que, vu qu'on a quelqu'un de responsable, bien, c'est dans
son mandat de s'assurer du suivi.
M.
Bérubé : Oui, bien sûr. Mais, la révision dans 10 ans, ce qui va
être révisable, c'est ce qui existe. Présentement, moi, j'aimerais ça
savoir dans quels ministères il n'y a pas de politique.
Par exemple, dans l'ensemble des ministères du
gouvernement du Québec, il y a des objectifs de performance. Il y en a dans le
ministère de la Justice, il y en a dans tous les ministères où il y a des
indicateurs sur les commandes qui ont été
passées, puis on est capables de valider. Ça existe. J'en avais quand j'étais
là, puis tous les ministères en avaient. Et je ne suis pas convaincu que
ça prenait absolument une loi pour ça. En tout cas, je peux me tromper.
Alors, est-ce que la loi est nécessaire pour
forcer les ministères à avoir ça? Parce qu'à la rigueur, là, le ministre
pourrait envoyer demain une note en disant : Vous n'avez pas de politique,
vous allez vous en doter une, puis le dossier est réglé.
M. Jolin-Barrette : Non, pas
vraiment. Savez-vous pourquoi? Parce que, dans le fond, actuellement, le régime
juridique qui s'applique... Dans le fond, le ministère peut bien recevoir la
lettre du ministre responsable de la Langue française, la prendre puis faire ça
avec.
M. Bérubé : Pourquoi?
M. Jolin-Barrette : Bien, parce
qu'il n'y a aucune obligation légale. Puis la démonstration, c'est qu'il y a
autant de politiques linguistiques à géométrie variable dans l'État.
Là, ce qui va arriver, c'est qu'il va y avoir
une politique linguistique de l'État, qu'une seule, qu'une seule...
M. Bérubé : Uniforme?
M. Jolin-Barrette : ...uniforme,
puis ça va être le ministre de la Langue française qui va autoriser les
exceptions. Donc, dans le fond, là, c'est la même chose pour tout le monde.
Puis, si un ministère ou un organisme veut faire...
M.
Bérubé :
Différemment.
M. Jolin-Barrette : ...différemment,
il va devoir faire approuver son exception. C'est la force du projet de loi n° 96.
M.
Bérubé : O.K. Je
réitère, puis je suis convaincu que le ministre l'a noté, ou ses collaborateurs
et ses collaboratrices... Demain, on siège encore? Demain, non? En 2022. Mais
on peut l'avoir avant, la liste des politiques qui existent. Ce serait
intéressant, ça nous donnerait un exemple à quoi ça ressemble. Puis moi, je
n'en ai pas vu. Je soupçonne un peu comment ça fonctionne. Moi, ça me serait
utile.
Une voix : ...
M.
Bérubé : Un jour,
je vous parlerai de mon passage au Tourisme.
M. Jolin-Barrette : L'autre point
qui est...
M.
Bérubé : Ça va être
court, j'ai été là 18 mois. Mais donc je veux savoir à quoi ça ressemble,
puis ça va aller plus vite si le ministre me l'envoie. Parce que, sinon, je
vais faire une demande d'accès à l'information, puis c'est plus long. Ça fait
que j'aime mieux que ce soit par le ministre.
M. Jolin-Barrette : Est-ce qu'il y
en avait une au ministère du Tourisme à votre époque?
M.
Bérubé : Oui, il y
en avait une, mais il manquait bien d'autres choses. Il manquait bien d'autres
choses.
M. Jolin-Barrette : Mais, dans la politique
linguistique du ministère du Tourisme, ce n'était pas encadré, le fait que
les...
M.
Bérubé : Oui, il y
en avait une. Les communications entre les fonctionnaires, les communications
externes, internes, les mémos, comment on répond aux citoyens, il y avait toute
une liste, là, de choses avec des règles très précises que même un
fonctionnaire qui pouvait arriver au ministère savait exactement comment
procéder. Donc, c'était comme ça qu'on fonctionnait, évidemment, avec une
qualité du français exceptionnelle dans chacun des ministères qu'on a, mais ça
encadrait toute communication, même les réseaux sociaux. Dans certains cas, ils
nous proposaient, Tourisme Québec, un certain nombre de micromessages qui
étaient conformes à la politique qu'on s'était donnée.
Le
Président (M. Polo) : M. le député, je voulais juste bien comprendre.
Pour revenir sur votre demande de liste auprès du ministre, je comprends que vous sous-entendez qu'il l'envoie
au secrétariat pour que ça vous soit acheminé.
M.
Bérubé : ...bénéfice
de tout le monde.
Le Président (M. Polo) : Pardon?
M.
Bérubé : Pour le
bénéfice de l'ensemble des membres.
Le Président (M. Polo) : Oui, oui.
Non, bien sûr, bien sûr.
M.
Bérubé : Ça va nous
donner...
Le Président (M. Polo) : C'était
juste à titre de précision. Voilà.
M.
Bérubé : Vous avez
raison, M. le Président, pour qu'on puisse prendre connaissance à quoi ça
ressemble, celle des autres, qui vont... je
comprends, ils vont uniformiser, à terme, et qu'on puisse peut-être
même se questionner sur pourquoi il
n'y en a pas ailleurs. Parce que, le français, là, l'impulsion est partie assez rapidement.
Dès 2018, à l'arrivée du gouvernement, on nous a indiqué que le français,
c'était une grande priorité. Donc, tout
le monde... Si moi, j'ai
entendu le message, les collègues l'ont entendu aussi. S'ils ne l'ont pas fait,
bien, c'est dommage, mais... Il faut prêcher ça.
Puis, quant au ministère de la Justice, je
termine là-dessus, comment expliquer que c'est encore pire au ministre de la
Justice? Nul ne peut ignorer la loi, surtout pas des juristes.
M. Jolin-Barrette : Bien, en fait,
voyez-vous, le député de Matane-Matapédia vient mettre le doigt dessus.
M. Bérubé : ...juristes?
M. Jolin-Barrette : Non. Ce n'est
pas dans la loi, ce n'était pas dans la Charte de la langue française. La politique
gouvernementale n'avait pas d'assise légale. Donc...
M.
Bérubé : Rien n'empêche un ministère de se doter d'une telle
politique, je viens de vous en donner un exemple.
M. Jolin-Barrette : Bien, il y en a
une au ministère de la Justice, il y en avait une dans plusieurs ministères
également, sauf qu'elles n'étaient pas adéquates. L'enjeu avec la politique
linguistique gouvernementale, c'est qu'il y avait la politique linguistique,
mais c'était le sous-ministre du ministère qui autorisait les exceptions.
Là, ça ne se passera plus comme ça. Ça va être
le ministre de la Langue française qui va autoriser les exceptions pour tout le
monde. Ça fait que ça va être un cadre général pour tout le monde, puis les
ministères, les organismes ou l'administration qui sont visés vont devoir faire
autoriser leurs exceptions par le ministre de la Langue française. Donc, ça
signifie que le critère, c'est que c'est en français, sauf exception.
L'autre point qui est important, la Charte de la
langue française, là, actuelle, la loi 101, là, elle dit :
L'administration utilise le français, mais elle n'empêche pas l'utilisation
d'une autre langue. Et ce que ça a fait, la conséquence de cet oubli-là, là,
avec la loi 101 en 1977, c'est que ça a fait en sorte que l'État a pris la
liberté d'utiliser bien souvent, et il y a un glissement vers le bilinguisme
institutionnel de l'État québécois... a pris le loisir et la latitude
d'utiliser une autre langue que le français à cause que ça dit juste :
L'État... l'Administration utilise le français. Mais ça ne dit pas de ne pas
utiliser l'autre langue, ce n'est pas balisé, ça fait qu'ils peuvent l'utiliser
quasiment tout le temps.
M. Bérubé : D'accord. Ça complète
assez bien. Moi, j'aimerais que, dans l'esprit de ce qu'on veut faire, ça
rejoigne les inquiétudes du Syndicat de la fonction publique, qui sont des
alliés là-dedans, qui sont les employés de l'État, des collaborateurs de l'État
importants. Ils ont fait un bon mémoire, ils ont fait un bon travail, et puis
j'aimerais ça que le ministre, avec son équipe, ait en tête le travail qu'ils
ont fait, d'identifier. Puis ils veulent collaborer, ils veulent être fiers de
la qualité de la langue au gouvernement du Québec, de nos interactions. Alors,
moi, je veux les saluer. Je sais que le ministre les considère tout autant.
Donc, il faut... Les mémoires, il y a des
propositions qui ne sont pas retenues, évidemment, de tous les groupes, mais
les analyses qu'ils font sont intéressantes aussi pour concevoir la loi. Donc,
je trouve qu'ils font toujours un travail très sérieux. C'est toujours très
bien fouillé. Dans les meilleurs mémoires que je lis, c'est souvent les leurs.
Donc, je voulais seulement soulever ça, que... Mais le ministre était au
courant que plusieurs ministères n'étaient pas adéquatement munis de véritables
politiques internes. Voilà.
Le Président (M. Polo) : ...M. le
député.
M. Bérubé : J'ai terminé.
Le Président (M. Polo) : Excellent. Mme
la députée.
Mme David :
Bien, je vais déposer mon amendement, qui n'est pas très compliqué.
Le
Président (M. Polo) : Peut-être,
avant de déposer votre amendement, je ne sais pas si d'autres collègues... Mme
la députée de Mercier.
• (21 h 40) •
Mme Ghazal : ...par rapport aux
politiques. Donc, avec la politique linguistique gouvernementale, chaque...
comme... qui existe en ce moment, là, qui n'est pas celle de l'État, qui va
être avec la charte, qui va être dans la loi, donc, chaque ministère et
organisme qui était cité, là, dans l'annexe avait ou a, en ce moment, une politique
linguistique ou pas, parce qu'il y en a qui ne se sont pas conformés.
M. Jolin-Barrette : Bien, j'apporterais juste un bémol. Dans la liste
de... En fait, dans la liste actuelle — quand
je dis «actuelle», la loi 101 — de l'Administration, ce n'est
pas tout le monde qui était visé par la politique linguistique gouvernementale.
Donc, c'étaient seulement les ministères et les organismes.
Mme Ghazal : Oui. Mais maintenant,
avec la politique linguistique de l'État, parce qu'on n'a pas son contenu, elle
va être produite un an plus tard, peut-être qu'il y a un article où on va en
parler un peu plus en détail, chaque ministère et organisme... ou ceux qui sont
dans la liste ou pas, là, on en discutera, là, ces organismes-là vont devoir...
vont continuer à devoir avoir une politique dans leur ministère ou... Ils vont
se conformer à une seule politique qui est celle de la politique de l'État.
O.K.
M. Jolin-Barrette : C'est ça.
Mme Ghazal :
Donc, elle vient remplacer toutes les politiques actuelles qui existent. Elles
n'ont pas à s'en doter.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Mme Ghazal : Ça va être
celle-là pour tout le monde, point à la ligne.
M. Jolin-Barrette : Exactement.
La grosse différence, là, c'est qu'il y avait une politique linguistique
gouvernementale qui était développée par le Conseil des ministres, O.K., sauf
que chacun des sous-ministres, dans les 26, 28 ministères, pouvait
lui-même dire : Bien, on va déroger à la politique linguistique
gouvernementale, au gré de ses clientèles ou au gré de ses choix. Ce qu'on
fait, c'est qu'on ramène tout ça avec une seule politique pour tout le monde
puis que les exceptions vont être autorisées par qu'une seule personne, le
ministre de la Langue française.
Mme Ghazal : O.K. Et elle sera
publique.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Mme Ghazal : Très bien.
Le Président
(M. Polo) : Merci.
Écoutez, je crois comprendre que Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys
a déposé un amendement. C'est déjà sur Greffier. Ceci dit, je vous invite à le
consulter.
Je vais proposer juste une petite suspension,
une pause santé, quelques minutes, et... afin de bien terminer nos échanges, si
ça vous convient.
(Suspension de la séance à 21 h 42)
(Reprise à 21 h 50)
Le Président (M. Polo) : À l'ordre,
s'il vous plaît! Je vais inviter, là, la députée de Marguerite-Bourgeoys, après
cette petite pause... Je vais inviter la députée à lire sa proposition
d'amendement. Vous allez le retrouver sur le Greffier. Mme la députée, la
parole est à vous.
Mme David : Alors, l'article 6
se lirait comme suit : L'article 13.1 de la Charte de la langue
française introduit par l'article 6 du projet de loi est modifié par
l'insertion, dans son deuxième alinéa, après le mot «loi», des mots
«notamment quant aux obligations envers les citoyens».
Commentaire. L'article 13.1 de la Charte de
la langue française introduit par l'article 6 du projet de loi, tel
qu'amendé, se lirait ainsi : «L'Administration doit, de façon exemplaire,
utiliser la langue française, en promouvoir la qualité, en assurer le
rayonnement au Québec de même qu'en assurer la protection.
«De plus,
l'Administration doit, de la même façon, prendre les mesures nécessaires pour
s'assurer de satisfaire aux obligations qui lui incombent en vertu de la
présente loi notamment quant aux obligations envers les citoyens.»
Alors, M. le
Président, on recule un petit peu. Quand on parlait, particulièrement, et de
l'article 5 sur la langue et la justice et de la francisation, dans un
article précédent... le député de La Pinière pourra revenir là-dessus, mais on se disait : Il y a quand même des obligations
envers les citoyens. Les obligations envers les citoyens, là, évidemment qu'il
y a un signe de dollar au bout de ça, parce que, quand tu fais des... Un
article 5 tel qu'il a été voté, on l'a dit et redit : Attention, ça
va prendre beaucoup, beaucoup, beaucoup de sous pour que le citoyen ait tout de
suite accès à une traduction du jugement, que le citoyen ait tout de suite
accès à toutes les mesures, tous les actes de procédure légaux tout de suite,
traduits en français, quand il y aura, par rapport à la francisation,
évidemment, des délais de six mois — donc, on va contester, évidemment — dont on va discuter beaucoup. Mais, que ce
soit six mois, huit mois, un an, deux ans, ça va coûter très, très cher.
Alors, cet
amendement-là vise à inscrire, à chaque fois que nécessaire, dans le projet de
loi, l'importance de dire à l'Administration : Attention, vous avez des
obligations envers les citoyens. Ça, ça veut dire que... Peut-être que M. le
ministre ne sera pas là toute sa vie dans ce poste-là et qu'il ne se battra pas
pour avoir tous les budgets nécessaires, mais c'est évident que, dans
l'application de cette loi-là, il va y avoir une énorme facture en termes d'argent, même si ça fait beaucoup, probablement,
de bien au côté francophone du Québec. Mais il y a un coût à chaque
chose, et, ce coût-là, il va falloir que lui ainsi que les successeurs soient
prêts à l'assumer.
Alors, quand on parle
d'obligations envers les citoyens, ça veut dire : Attention, il y a des
citoyens, en bout de ligne, pour lesquels on s'oblige, collectivement, à
travers ce projet de loi là, à donner des services, des services linguistiques,
évidemment, mais dans tous les secteurs de la société.
Alors, pour ce faire,
je crois qu'il est important, dans... puisqu'on est dans les grandes
considérations générales, de le dire maintenant, de le rappeler, que cette
obligation envers les citoyens... bien, il ne faut pas les oublier dans le
projet de loi, parce que ça va être très, très gros, les conséquences.
Et il va falloir
trouver beaucoup, beaucoup de professeurs en français langue seconde. Et il en
manque déjà, imaginez. Il va falloir réduire considérablement les délais
d'attente pour la francisation. Il va falloir payer, ce qu'on fait déjà, mais
il va falloir le faire à plus grande échelle encore, les apprenants qui se
mettent à temps plein, par exemple, pour venir apprendre le français.
On a le projet de loi
de notre collègue qui a été inclus, c'est-à-dire l'accès partout, partout au
Québec à des cours de français. Mais ça aussi, c'est très important.
On a tous les
étudiants internationaux qui voudraient bien apprendre le français, qui
pourraient être une formidable clientèle pour rester au Québec et puis pour
contribuer à la richesse collective québécoise, richesse culturelle, richesse
scientifique, richesse en technologie de l'information, richesse en génie, en
science fondamentale, en pharmacie, nommez-les. Encore faut-il qu'on les garde
au Québec, puis, pour les garder au Québec, eux-mêmes le disent, bien, ils
doivent être intégrés, ils doivent apprendre le français.
Pour le moment, ça
coûte une fortune pour un étudiant. Ce n'est pas payé. Alors là, ils vont aller
s'inscrire à plus de cours de francisation gratuits, mais tout ça a un coût.
Mais c'est une obligation que, collectivement, nous sommes d'accord d'assumer.
Mais je pense que c'est nécessaire de l'écrire noir sur blanc, comme on dit,
pour qu'on sache et qu'on se rappelle, collectivement, qu'on a des obligations
envers les citoyens.
Alors, c'est
humblement ce que je vous soumets, ce que nous vous soumettons, pour ne pas
oublier qu'il y a des citoyens derrière tout
ça, tout ce projet de loi là, pour lesquels on travaille à faire le
meilleur projet de loi
possible.
Le Président (M.
Polo) : M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Bien, écoutez, M. le Président, j'accueille
favorablement la proposition qui est faite par la députée de Marguerite-Bourgeoys.
C'est plein de sens. Et, bien entendu, les obligations qui sont couvertes dans
le cadre de l'alinéa, donc : «De plus, l'Administration doit, de la même
façon, prendre les mesures nécessaires pour s'assurer de satisfaire aux
obligations qui lui [en] incombent en vertu de la présente loi», on vient
spécifier les... «notamment quant aux obligations envers les citoyens». Donc,
c'était déjà le sens qui était visé, mais c'est bien de le spécifier, comme le
propose la députée de Marguerite-Bourgeoys. Alors, je salue sa proposition
d'amendement.
Mme David :
Un autre cadeau de Noël. Merci beaucoup. C'est rendu à trois, là.
M.
Jolin-Barrette : POC : patience, ouverture...
Mme David :
Écoute. PEC.
M.
Jolin-Barrette : Ah! PEC. Écoute. Excusez.
Mme David :
Moi, j'ai dit «l'EPO», mais vous n'avez pas aimé ça, alors on dit...
M.
Jolin-Barrette : EPO, oui. Non, c'est ça, l'EPO. C'est ça.
Mme David :
Donc, patience, écoute et ouverture. Mais j'ai bien mis «notamment».
«Notamment», ça veut dire, justement, «notamment». C'est une des obligations.
Mais je pense qu'il ne faut pas oublier les citoyens dans notre... Vous ne
comprenez pas nos allusions, M. le Président. On vous expliquera.
M.
Jolin-Barrette : Lentement... Lentement mais sûrement. Lentement mais
sûrement.
Le Président (M. Polo) : Oui, j'en
perds des bouts, mais c'est correct.
Une voix : ...
Le Président (M. Polo) : Allez-y. Y
a-t-il d'autres interventions sur l'amendement de la députée de Marguerite-Bourgeoys?
Non? Parfait. Donc, adopté?
Des voix : Adopté.
Mme David : ...
Le Président (M. Polo) : À
l'unanimité?
Une voix : À l'unanimité.
Le Président (M. Polo) : À
l'unanimité. Voilà, pour être précis. Alors, nous revenons à l'article 13.
Y a-t-il d'autres discussions? M. le député de La Pinière.
M. Barrette : Là, M. le Président,
je ne veux pas faire du temps pour du temps, je l'ai dit, si je veux en faire, vous allez le savoir. Comme, M. le Président, j'ai
dû m'absenter pour aller parler sur le projet
de loi n° 2,
je voudrais juste savoir si vous avez
discuté... Bon, vous avez... Quand je suis parti, vous discutiez de ce qu'était
l'Administration. Je ne veux pas revenir là-dessus, là...
M. Jolin-Barrette : ...le projet de
loi n° 2?
M. Barrette : Tout, tout
m'intéresse.
Le Président (M. Polo) : Poursuivez.
M. Barrette : Pourquoi?
M. Jolin-Barrette : Bien, je suis
curieux, parce que je ne vous avais pas vu aux consultations.
M.
Barrette : Bien, j'invite le
ministre à aller écouter mon allocution, il va comprendre pourquoi ça
m'intéresse.
M. Jolin-Barrette : Bien, je vais la
réécouter en rediffusion.
M. Barrette : J'invite... Ce n'est
pas long, c'est 20 minutes, mais je l'invite à écouter essentiellement les
10 prochaines... premières minutes.
M. Jolin-Barrette : D'accord.
M. Barrette : Puis je peux lui dire
tout de suite la conclusion, là. Vous allez trop vite pour un sujet qui a une
portée sociale, émotive, culturelle, économique, humaine pas infinie mais pas
loin de ça. C'est un changement de paradigme de la société.
M. Jolin-Barrette : Là, vous parlez
de la maternité de substitution?
M. Barrette : Non, je parle de
l'ensemble de cette oeuvre-là, là, qui est le projet de loi n° 2,
là, qui est une oeuvre incomplète.
M. Jolin-Barrette : Une oeuvre
incomplète?
M. Barrette : Oui, parce qu'à un
moment donné il y a eu un rapport, puis tout le monde s'attendait à ce que vous
ayez un projet de loi exhaustif par rapport au rapport Roy, mais vous avez fait
un projet de loi...
Le Président (M. Polo) :
Messieurs...
M. Barrette : Je m'excuse, mais
c'est lui qui m'entraîne.
Le
Président (M. Polo) : Non,
non, mais je comprends. Peu importe de quel côté il s'agit. Revenons au p.l. n° 96, s'il vous plaît.
M. Barrette : Oui. On en reparlera à
un autre moment.
Le Président (M. Polo) :
L'article 13.1. M. le député de La Pinière.
M. Barrette :
Alors, j'imagine que, quand je suis parti, là, pour aller parler sur le projet
de loi n° 2... Quoi? Quoi? C'est quoi, là, cette interrogation-là,
là?
Le Président (M. Polo) : Poursuivez,
poursuivez.
M. Barrette : M. le Président, le
ministre essaie toujours de lire au travers de mon masque. Là, il n'a pas son
masque, c'est facile à lire, là.
Le Président (M. Polo) : Poursuivez.
M. Barrette : Alors, quand je suis
parti, vous aviez un débat, là, ou une discussion sur la signification de
l'Administration, là. Je veux juste prendre un exemple. Si vous en avez
débattu, je consulterai ma collègue, puis elle me dira ce que vous avez dit,
là. Avez-vous débattu, là, ou est-ce que le ministre a bien expliqué ce qu'il
voulait dire, dans l'exemplarité de l'État, de l'Administration, promouvoir la
qualité de la langue française? Si vous avez parlé, ce n'est pas grave, je vais
aller aux informations.
M. Jolin-Barrette : On n'en a pas
parlé.
M. Barrette : Très bien. Alors,
parlons-en.
M. Jolin-Barrette : Alors,
promouvoir la qualité de la langue française, c'est la bonne utilisation de la
langue française, parce que, dans la valorisation, dans la promotion de la
langue, de la qualité, il y a aussi la façon dont
on la parle, dont elle est écrite également. Donc, je pense que c'est le rôle
de l'État, notamment, de donner
l'exemple quant à la bonne utilisation.
• (22 heures) •
M. Barrette : Je veux simplement, M. le Président, comprendre la
portée d'une de ces quatre notions d'exemplarité, là. Je la prends,
celle-là, parce que promouvoir la qualité de la langue française à l'intérieur
de l'Administration, parce que c'est ce dont il est question...
M. Jolin-Barrette : Donc, de ne pas
faire de fautes, de bien écrire.
M. Barrette : Bon. Donc, ça, ça veut
dire que l'État s'engage à faire en sorte que ses employés, ses joueurs, ses
cadres, bref, les êtres humains qui oeuvrent dans l'Administration, avec un a
majuscule, parlent un bon français et écrivent correctement ledit bon français.
C'est ça?
M. Jolin-Barrette : Bien, c'est un
des objectifs, notamment, puis la politique linguistique de l'État va en
parler. Puis je pense que, comme État, on doit faire un travail à ce niveau-là
pour notamment montrer l'exemple.
M. Barrette : C'est une bonne idée,
M. le Président, que le ministre comprenne bien ce que je dis, là, c'est une
bonne idée. Maintenant, exemplarité suggère une obligation de résultat. Et,
dans le cas de la promotion de la qualité de la langue française, qu'on
établit, là, dans notre conversation, comme étant un bien-parler et une bonne
écriture, une bonne orthographe, une bonne ci, une bonne ça, ça, ça signifie
qu'on... formation.
Moi, je soumets simplement, là, que, de la
manière que c'est écrit, «exemplarité», là, on peut décliner ça en un certain
nombre de conditions. C'est quoi, la qualité de la langue française? Je pense
que personne ne va arriver ici puis dire : Il faut parler comme à Paris.
Je ne pense pas que ça passerait bien dans la société québécoise. Je ne pense
pas que c'est ça que le ministre souhaite. Mais quel est son point de
référence? Quel est son... Je vais utiliser un terme que son collègue de
l'Économie connaît bien, quel est son guide de gestion, son guide de pratique?
C'est quoi, le point de... le cadre de référence, pour parler bureaucratie?
Comment le ministre pourrait être exemplaire et faire en sorte que les gens qui
sont dans l'appareil administratif, avec un grand a...
Mettons que je me prends, moi, là, mettons que
je suis un fonctionnaire. Alors, moi, là, si je dois être exemplaire, là, il y
a bien quelqu'un qu'il va falloir qu'il m'explique c'est quoi, l'exemplarité,
c'est quoi, le bon français, c'est quoi, la
bonne écriture. On ne parle pas de style ici, là. Et est-ce que ça signifie
qu'en bout de ligne il y a comme des analyses, à la limite, des
sanctions, mais certainement de la formation?
Alors, est-ce que ça, cette exemplarité
quadruple là, pour cet élément-là, est-ce que c'est un souhait ou c'est quelque
chose qu'on veut qui se réalise? Et, si c'est quelque chose qu'on veut qui se
réalise, il faut faire des analyses, des constats, mettre des moyens pour
arriver à une destination définie. Là, ce qui est écrit là, là, c'est un peu
une excellente tarte aux pommes, là. C'est bon, une tarte aux pommes. Tout le
monde aime la tarte aux pommes. Je n'en connais pas qui n'aiment pas ça. Il y a
des sortes de pommes qui sont moins bonnes dans les tartes, mais c'est... En
général...
M. Jolin-Barrette : Vous avez
raison.
M. Barrette : C'est comme... C'est
comme les pieds, ils ont tous une chaussure qui leur font. Alors, la tarte aux
pommes, c'est la même affaire, là.
M.
Jolin-Barrette : Des fois, c'est unique, comme les chaussures de
Cendrillon.
M. Barrette : Oui, mais il n'est pas
encore minuit, là.
M. Jolin-Barrette : Une seule
personne.
M. Barrette : Ah! bien, tiens,
est-ce que ce projet de loi là, c'est un projet de loi Cendrillon, à minuit, il
va revenir à la réalité normale? Non, je badine...
M. Jolin-Barrette : Non, mais vous
oubliez...
M. Barrette : Mais là c'est...
M. Jolin-Barrette : M. le Président...
M. Barrette : On parle de quoi, M.
le Président, actuellement, là?
M. Jolin-Barrette : M. le Président,
le député de La Pinière...
M. Barrette : M. le Président, je
veux juste terminer là-dessus. Est-ce qu'on est dans la catégorie Tu aimes ton
prochain, dans les 10 commandements, là? Est-ce qu'on doit, là, tout le
monde... on va s'aimer les uns les autres, là? Parce que ça, ce n'est pas
arrivé souvent dans la société, là, même si on a ça dans nos préceptes, là.
M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez,
moi, je suis moins familier, là. Mon éducation...
M. Barrette : C'est normal parce que
vous êtes plus laïque.
M. Jolin-Barrette : Mon éducation
chrétienne a été moins approfondie que celle du député de La Pinière, là, mais
«aimez-vous les uns les autres», c'était dans les 10 commandements? Ce
n'était pas Jésus?
M. Barrette : Non, ce n'est pas dans
les 10 commandements, mais la question n'est pas là. La question n'est pas
là. Je peux les faire, les 10... On peut les faire...
M. Jolin-Barrette : Bon, le député
de La Pinière m'induit en erreur volontairement, M. le Président.
M. Barrette : M. le Président.
Le Président (M. Polo) : Bon, bon,
bon. Écoutez, il nous... Collègues, collègues, il nous reste 25 minutes. M.
le député de La Pinière, c'est parce que... Je comprends, mais vous utilisez
beaucoup d'analogies qui portent à interprétation, etc. Soyez juste un petit
peu plus précis, ça va juste aider dans les discussions.
M.
Barrette : Ah! bien là, j'ai
été très précis. Ça veut dire quoi, cette affaire-là, dans la vraie vie, on
fait quoi, là, puis c'est quoi, l'objectif, puis c'est quoi, le point de
référence? J'ai tout dit ça, M. le Président.
M. Jolin-Barrette : 15 secondes,
puis, M. le Président... Alors, premièrement, ce n'est pas un projet de loi Cendrillon, parce que... au sens où l'entend le
député de La Pinière, parce que... Peut-être devrait-il revisiter ses
classiques, parce que Cendrillon,
finalement, c'est une belle histoire, parce que, malgré le fait qu'à minuit ça
disparaît, qu'est-ce qui arrive au
bout de l'histoire? Elle trouve l'amour, il trouve l'amour, ils vécurent
heureux, ils eurent beaucoup d'enfants. Donc, c'est une histoire qui
finit bien. Alors, le projet de loi n° 96, j'espère que ce sera une
histoire qui va bien finir.
M. Barrette : O.K. Bien, alors, je
vais prendre la même métaphore. C'est une histoire qui est adressée aux
enfants, qui, lorsqu'ils arrivent à l'âge adulte, constatent que ça n'arrive
pas toujours. Alors, ici, là, si ce n'est pas un projet de loi Cendrillon, à
l'âge adulte, dans l'esprit du ministre, là, c'est quoi, à la fin, et quels
sont les moyens qu'on se donne, et qu'est-ce qu'on vise?
Ce n'est pas une critique, M. le Président. Le ministre
nous présente un projet de loi qui a une valeur, je dirais, politique et émotive, pour les francophones, plus qu'identitaire. C'est un... Là, je vais être exprès, M. le
Président, je vais prendre un anglicisme,
là. L'article 13.1, là, c'est un «statement», c'est une affirmation. Au Québec,
là, l'État, c'est le français, et on va prendre les moyens pour y
arriver, à l'item deux, en termes de qualité de la langue française.
Bien, moi, là, quand je lis ça, là, je me
dis : «Boy!» Moi, actuellement, là, si je suis un fonctionnaire, est-ce
que je parle correctement le français? Est-ce que je l'écris correctement? Est-ce
qu'on va venir me voir pour me dire : Gaétan, ce n'est pas grave, là, je
comprends que tu n'es pas parfait, mais on va t'aider puis on va t'aider d'une
telle manière? C'est tout ça, moi, que j'aimerais savoir.
Alors,
l'affirmation qui est faite ici, l'intention qui est exprimée là-dedans, si
c'est une intention qui ne peut pas se traduire ni en moyens ni en
résultats, on fait quoi? Si le ministre a l'intention que ça se traduise en moyens et en résultats, j'aimerais qu'il me l'illustre ou
même, mieux, qu'il me dise : Moi, là, j'ai un plan pour les
10 prochaines années.
Là, je vais faire une métaphore... pas une
métaphore, une affirmation, là, qui va avoir l'air méchante, là, mais elle ne
l'est pas, O.K., elle ne l'est pas. Le ministre, admettons qu'il décide, demain
matin, à faire en sorte que... Parce que ça, c'est reconnu dans le milieu des
médias. Alors, moi, je vous assure que le gouvernement, pour être exemplaire,
va tout faire pour que tous ses fonctionnaires parlent un français Radio-Canada.
Je suis sûr que ce n'est pas ça qu'il veut faire. Parce que, s'il veut le
faire, ça va lui coûter cher. Mais c'est quoi, qu'il veut, là? Au-delà de
l'intention, là, ça se traduit comment dans la vraie vie, là?
M. Jolin-Barrette : Bien, l'objectif,
c'est d'avoir des mécanismes de contrôle de qualité de la langue, notamment,
d'avoir recours à l'OQLF, au Grand dictionnaire terminologique, de
donner les outils notamment aux membres de la fonction publique, d'avoir tous
les outils à leur disposition pour, lorsqu'ils interagissent ou lorsqu'ils communiquent avec les citoyens,
qu'ils puissent avoir une bonne maîtrise et une bonne qualité de la langue française.
Et, dans le fond, on va reprendre, notamment, la politique... l'article 4 de la politique
linguistique gouvernementale, mais on va l'enchâsser dans la loi pour
faire en sorte... «L'Administration accorde une attention constante à la
qualité de la langue française dans ses
activités et elle se dote des outils utiles à la promotion d'un français
de qualité. Elle veille notamment, comme le prévoit la charte, à
utiliser les termes et les expressions normalisés par l'Office québécois de la
langue française».
Donc, l'objectif
est de faire en sorte qu'on donne les outils aux fonctionnaires pour pouvoir,
lorsqu'ils représentent l'État dans le cadre de leurs communications,
avoir une utilisation adéquate du français. Et c'est collectivement, en faisant
ça... Puis l'État doit donner l'exemple. On doit, au départ, envoyer un signal
clair qu'on doit favoriser l'utilisation d'un bon français. On ne peut pas
dire, comme État, là, comme seul État francophone en Amérique du Nord, là, pas
dire : Bien, ce n'est pas grave, la qualité de la langue. Non. On doit y
porter une attention particulière, et c'est ce qu'on va faire, on va outiller
les gens.
• (22 h 10) •
M. Barrette : Disons que... Je
comprends, encore là, je lis l'intention dans les propos du ministre, là, mais
je constate peu de moyens, là. J'ai l'impression que ce que le ministre nous dit,
là, c'est à peu près du niveau de notre cher ministre délégué ou ministre de
l'Éducation supérieure qui voulait que les examens de français se passent avec
Antidote, là. Bien non, mais c'est un moyen, ça, pour bien écrire le français,
Antidote, c'est l'ordinateur qui le fait. Maintenant, au téléphone, Antidote,
ça ne marche pas. Gérard...
M. Jolin-Barrette : Je n'ai pas
entendu le début. Gérard qui?
M. Barrette : Gérard, c'est
générique, comme nom. J'essaie d'illustrer le fait que...
M. Jolin-Barrette : Bien, moi, aujourd'hui...
M. Barrette : On peut avoir des
outils du genre Antidote pour que le français soit bien écrit, quoiqu'Antidote,
ce n'est pas parfait, mais, à l'oral, ça, il n'y a pas bien, bien d'Antidote,
là. En direct, le français se corrige difficilement, à moins que, là, le ministre
fasse affaire avec une PME qui traduise la voix de l'individu dans un bon
français, là. Peut-être qu'on va mettre des robots maintenant, on ne sait
jamais. Non, mais c'est sérieux, là, cette affaire-là. Moi, je salue ça, il n'y
a pas de problème. J'essaie de voir...
M. Jolin-Barrette : C'est bien que
vous le souligniez...
M. Barrette : Bien, s'il n'y en a
pas, de...
M. Jolin-Barrette : ...la politique
linguistique de l'État également va donner les lignes directrices à suivre et va donner les outils également
pour bien renseigner les ministères. L'objectif, c'est d'être conscients que, comme État,
comme membres de la fonction publique, on a des efforts à faire et qu'on doit
être des modèles, notamment. Et je pense que
le fait que l'État souhaite se préoccuper de la qualité de la langue, à travers
ses communications, envers ses employés... On veut éviter qu'un ministère,
supposons, émette un communiqué bourré de fautes. C'est déjà arrivé. Ça m'est arrivé, au ministère de l'Immigration, que le ministère de l'Immigration publie un communiqué administratif avec
plein de fautes dedans. Ce n'est pas normal. Si, là, on accepte la médiocrité,
on ne réussira pas, comme État, à être la
locomotive puis à dire : C'est important, la promotion, la valorisation, la qualité de la
langue. Je pense que, comme nation, il faut être fiers de notre langue
et, notamment, le fait d'avoir une qualité d'expression, notamment à l'écrit,
qui est adéquate.
Puis, vous savez, il y a des défis importants
relativement à la maîtrise de la langue française. La députée de Marguerite-Bourgeoys,
à l'époque où elle était ministre de l'Enseignement supérieur, j'imagine
qu'elle l'a constaté dans le réseau collégial avec les épreuves, avec l'épreuve
uniforme de français. Alors, il faut bien outiller les gens.
M. Barrette : Tout ce que je dis, M.
le Président, là, c'est que je ne suis pas contre du tout, du tout, du tout, ce
qui est écrit là comme intention. Le ministre, quand je lui ai posé la
question, là, puis il m'a répondu très clairement, il souhaite que les gens
parlent un bon français et écrivent un français correctement.
M.
Jolin-Barrette : ...il faut le valoriser.
M. Barrette : Bien là...
M. Jolin-Barrette : Il faut
l'encourager.
M. Barrette : O.K. Donc, on revient
dans le souhait plus que dans les moyens et les résultats.
M. Jolin-Barrette : Non. Moi, je ne
suis pas d'accord.
M. Barrette : Bien... En tout cas,
on y reviendra, M. le Président, parce que... Combien de temps qu'il me reste,
là, là?
M. Jolin-Barrette : La qualité de la
langue...
Le Président (M. Polo) : Poursuivez.
M. Barrette : Bien non, j'ai bien le
droit de savoir le temps...
Le
Président (M. Polo) : Non,
bien, regardez... Je vais vous revenir avec la réponse, puis poursuivez.
10 minutes.
M. Barrette : Prenons, M. le Président,
prenons...
M. Jolin-Barrette : M. le Président,
là, M. le Président, il y a 201 articles.
M. Barrette : Oui, mais c'est parce
que...
M. Jolin-Barrette : Le député de La Pinière
va avoir en masse le temps de parler de tous les articles.
M. Barrette : C'est des prises de
position tellement fortes que, s'il n'y a pas de moyen, de résultat... Mettons
qu'au bout de la ligne c'est décevant... On peut-tu dire ça? Maintenant, je
vais prendre le... Assurer le rayonnement de la langue française... Quand j'ai
lu ça, là, je ne m'étais pas rendu au bout de la phrase. Parce que, quand on
parle de rayonnement, en général, c'est à l'extérieur de notre milieu à nous. Ça
fait que, là, on va assurer le rayonnement de la langue française au Québec. Je
vais avouer, là, ici, là, que cette construction-là de phrase est étonnante.
Là, on doit rayonner chez soi.
Là, je ne vais pas faire la blague qui vient
avec, qui est le Roi-Soleil, là, mais... Je ne la fais pas. Alors, assurer le
rayonnement de la langue française au Québec... On a parlé, dans d'autres
articles, de francisation. Ça, c'est clair, net, précis, on sait à quoi on
s'adresse, puis il faut faire ça. On s'entend là-dessus. On s'entend. Puis,
bon, malheureusement, je n'étais pas là pour la suite, là, mais je maintiens
qu'on doit avoir une obligation de résultat de la part de l'État dans le délai.
Mais ça a déjà été traité, c'est terminé. Ça veut dire quoi, assurer le
rayonnement de la langue française au Québec?
M. Jolin-Barrette : Ça, c'est la
question?
M. Barrette : Oui.
M. Jolin-Barrette : Bon. Dans le
cadre des actions de l'État québécois, on doit la faire rayonner, on doit en
faire la promotion. Je ne crois pas que l'État est exemplaire à ce niveau-là. Il
faut que le français soit partout, dans toutes les communications de l'État,
dans les activités de promotion, également, de la langue.
On est face à un défi de, notamment, convaincre
les gens d'utiliser la langue française, que ce soit la langue commune. Alors,
l'État québécois doit prendre des actions. Alors, le rayonnement au Québec,
oui, le rayonnement dans chacune des communautés, oui, le rayonnement dans le
reste du Canada aussi. On le verra un peu plus loin dans le projet de loi. Il y
a des mesures pour le faire dans la francophonie canadienne et à
l'international aussi. Mais, dans un premier temps, si on ne se dit pas, nous-mêmes, au
Québec, là : Ça doit se passer en français, puis l'État doit être exemplaire en français, on aura bien beau écrire
que le Québec a un rôle particulier à jouer dans le reste du Canada en matière
de francophonie canadienne, oui, mais
il faut qu'au Québec, déjà, on soit des champions. Et là on vient le
faire.
M. Barrette : Disons que je
comprends ce que le ministre dit, mais je trouve que ça s'applique mal.
Rayonner, normalement, là, c'est à l'extérieur d'où on est, là. Alors, pour le Canada,
le français doit rayonner à l'extérieur du Québec. Quand on parle de science,
le Québec rayonne par son industrie, la qualité de ses universités, la
réputation. Rayonner, là, c'est une valeur qu'on projette. Mais, quand j'écoute
le ministre, là, c'est comme s'il disait qu'aujourd'hui le gouvernement actuel
et les précédents ne communiquaient pas assez en français.
M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez...
M. Barrette :
C'est parce que rayonnement, là, moi, là... C'est comme l'autre élément avant,
là. Puis là je pourrais reposer la même question, là : C'est quoi, la
finalité de ça? Puis c'est quoi, les moyens qu'on donnerait? C'est flou. C'est
flou, flou, flou. L'affirmation qui est...
M. Jolin-Barrette : Non, ce n'est
pas flou. Je vous donne un exemple. Quand on est un élu, là, municipal,
peut-être qu'on devrait faire... éviter de faire des discours unilingues dans
une langue autre que le français.
M. Barrette : Est-ce que le ministre
fait référence à un élu municipal en particulier?
M. Jolin-Barrette : Je laisse le
député de La Pinière identifier qui il veut identifier. Il m'a demandé :
Que doit être le rayonnement? Moi, je pense qu'il y a différentes façons de
rayonner, hein, par nos actions. Je comprends que le député de La Pinière
est tourné vers l'international ou vers le Canada, c'est bien, mais on peut
rayonner aussi chez nous, on peut faire en sorte que la langue française soit
au coeur de nos ambitions.
Et déjà il y a un déclin du français, au Québec,
qui est avéré et avoué. Je comprends qu'on va me dire : Non, non, c'est
des faits alternatifs, puis tout ça. Non. Moi, je n'embarque pas là-dedans. Pas
mal tout le monde a dit que le français est en déclin au Québec puis qu'il y avait
un enjeu dans le cadre du contexte nord-américain pour le Québec. Donc, il y a
un glissement du français, et donc il faut prendre en... les outils et les
moyens pour, notamment, faire aimer le Québec, mais ça prend...
Et le député de
La Pinière a raison de dire : L'article 13.1,
là, c'est une balise. Dès le départ, là, c'est un énoncé, entre autres,
qui vient nous dire ce à quoi on doit aspirer lorsqu'on parle d'exemplarité de l'État.
Et je souhaite le maximum de résultats
en lien avec l'article 13.1. Mais, si on ne se le dit pas, qu'est-ce qu'on veut, là, comment est-ce
qu'on peut atteindre nos objectifs? Si on ne dit pas ce qu'on veut atteindre,
comment est-ce qu'on peut devenir meilleurs? Si on ne dit pas c'est quoi, notre
vision... C'est comme notre plan stratégique, M. le député de La Pinière.
M. Barrette : Oui, on sait que ça
sert beaucoup, les plans stratégiques.
M. Jolin-Barrette : Je suis sûr qu'il
y en avait au ministère de la Santé.
M. Barrette : Oui, il y en avait un.
Il servait beaucoup.
M. Jolin-Barrette : Il y en avait un
dans chaque CIUSSS, un dans chaque CISSS?
M. Barrette : Bon, M. le Président,
je vais terminer là-dessus, là...
M. Jolin-Barrette : Bien, vous êtes d'accord
avec la proposition.
• (22 h 20) •
M. Barrette : ...que le ministre
comprenne bien ce que je dis, là. Tout ce que je fais, là, ici, là, c'est... On
comprend, là, puis on est d'accord avec le fond, qui est la promotion du
français et l'utilisation du français. Mais, quand
on arrive puis qu'on fait des affirmations ostentatoires, quand... puis ça,
c'est une affirmation politique
ostentatoire, là, nous avons un devoir
quadruple d'exemplarité, on peut s'attendre à ce que le quadruple fasse
référence à quatre éléments distincts qui appellent à des actions
distinctes et à des résultats tangibles, et qu'il y ait des moyens qui viennent
avec.
Ce n'est pas ça que je vois, là. Moi, ce que je
vois, là, c'est plus de l'ordre du pléonasme politique. Ce n'est pas un
reproche que je fais. Je ne suis pas... On est d'accord sur le fond. Mais, de
l'échange qu'on a, là, bien, je ne les vois
pas, les moyens, là, puis je ne vois pas... Je vois des... Je vois, disons, là,
puis là je vais peser mes mots pour
ne pas être blessant, là... ça m'apparaît
plus cosmétique, ça m'apparaît plus Antidote qu'autre chose. Et ça m'attriste,
en quelque part, mais ça ne me surprend pas, parce que, dans tout ce que
dit le ministre à date, là, incluant les juges, récemment, et la francisation,
il y a une facture au bout, là. Vous pourriez tout faire ça, puis la quadruple
exemplarité pourrait exister avec quatre
éléments différents, il y aurait une méchante facture à la fin. Et ça, c'est
une évidence. Alors, c'est... Est-ce qu'on
doit mettre ça dans la catégorie de bomber le torse? C'est correct, c'est
correct, c'est le bon sujet, la bonne
intention, mais ça ne nous amène pas nécessairement au résultat recherché.
C'est mon opinion, puis j'arrête là-dessus.
M. Jolin-Barrette : D'accord.
M. le Président, je constate que le député de La Pinière est un peu
résigné par rapport à ce qu'on souhaite faire, notamment
relativement à la défense du français et la promotion. Moi,
je l'encourage puis je me donne un défi, d'ici la fin de l'étude
détaillée, donc deux, trois semaines, probablement, d'étude du projet de loi,
pour lui redonner toute sa fierté, toute sa confiance en lui, et en la langue
française, et en l'État québécois. Parce que je sais que nous sommes capables
d'atteindre ces objectifs-là et qu'il pourrait être un vecteur contributif, notamment
relativement à l'utilisation de la langue française, à sa qualité, puis il faut
le dire aussi.
Là, c'est un projet de loi. On vient mettre une
assise législative. On vient se doter des outils dans une loi. Alors, c'est la
base. Quand le ministre... quand le député nous dit : Bien, ça va prendre
de l'argent, bien entendu que ça va prendre
de l'argent. J'ai été chercher 103 millions dans le dernier budget, ce qui
n'est pas mauvais du tout. Il y a beaucoup de ressources qui s'en vont
au ministère de la Langue française. Le ministère de l'Immigration et de la
Francisation utilise l'enveloppe de... Canada-Québec pour faire de la
francisation. C'était la première fois, en 2019, que tout l'argent était envoyé
plutôt que de l'envoyer au fonds consolidé. Alors, voyez-vous, il y a des choix
que ce gouvernement-ci fait en fonction de la défense du français et de la
valorisation de la langue.
Alors, moi, ce que je dis
au député de La Pinière, c'est que, là, c'est un article dans une
disposition générale. Les lois, au départ, c'est des dispositions générales,
puis ça se précise, puis on arrive avec les moyens précisément. Donc, tout au
long de l'étude du projet de loi, M. le Président, il sera rassuré quant aux
moyens concrets. Alors, c'est le principe de l'entonnoir. On est plus large au
départ, puis on vient préciser les choses. Mais ce qui est surtout important,
c'est que, quand on vient modifier les lois, on a une assise législative, on se
donne les moyens légaux d'agir. Après ça, un coup qu'on a les moyens légaux,
bien là, on peut faire des programmes, on peut faire des actions. Mais ce qui
est important, c'est d'avoir le pouvoir de le faire, puis, dans notre
démocratie, ça se passe par le fait de le mettre dans les lois. Et il n'y a
rien de plus fort que ce qui est dans une loi. Ça nous donne l'impulsion
nécessaire à atteindre nos objectifs.
Alors, je souhaite réconcilier le député de
La Pinière avec sa volonté de défendre la langue et retirer de lui sa
résignation par rapport à la qualité et l'expression de la langue française.
M. Barrette : M. le Président,
je ne peux pas m'empêcher de répondre au ministre qu'il devrait cesser
d'interpréter des propos. Il n'y a pas de résignation. Ce n'est pas ça, la
question.
M. Jolin-Barrette : C'est ce
que je sens.
M. Barrette : Bien non.
M. Jolin-Barrette : C'est le
sentiment que j'éprouve par rapport à votre témoignage.
M. Barrette : Votre odorat, il
n'est pas bon. Alors... Regardez, c'est beau, là. Je ne fais qu'exposer les
problématiques. Je ne fais qu'exposer... peut-être pas une contradiction mais
la distance qu'il y a entre ce qui est écrit dans
une loi puis ce qui se fait dans la vraie vie, particulièrement quand il n'y a
pas de point de référence, tout simplement. Je sens que ma collègue veut
prendre la parole. Puis là je ne me trompe pas, là. C'est vrai, en plus.
Le Président (M. Polo) :
Allez-y, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
M. Barrette : ...ce n'est pas
comme la résignation.
Mme David : Non, mais c'est
parce que c'est... Je voudrais renchérir sur ce que le député de
La Pinière aborde depuis une quinzaine de minutes. C'était dans notre plan
d'action de notre parti. Et on se trouve presque à plaider auprès du ministre
de vraiment mettre plus de mesures qui concernent justement la qualité de la
langue française. C'est une bataille
collective planétaire que nous avons par rapport à la langue française. C'est
un défi énorme, et le défi, il n'est pas juste dans la francisation, il
est aussi chez les francophones qui aiment beaucoup mettre de plus en plus de
mots anglais dans les phrases en français, qui, pour toutes sortes de
raisons... Et on ne s'attaque pas beaucoup à ça dans le projet de loi, et même
pas du tout, et ça doit être voulu, de renforcer l'enseignement du français au
primaire, au secondaire.
Bon, on a mis des trucs sur l'épreuve uniforme
de français, mais c'est... Bon, c'est déjà bien, mais il faudrait faire
tellement plus. Là, on est dans l'État. Mais le taux d'analphabétisme est tout
de même d'autour de 50 %. Vous vous rendez compte du défi qu'on a
collectivement? Donc, dans le 50 %, il y a des... Il y a des gens, là,
ici, dans l'édifice, ici, dans... Il y a
des... C'est très, très, très exigeant de ne pas faire d'anglicismes, d'accorder
les participes passés, d'écrire : Je t'ai textée. J'ai texté qui?
Toi. Toi, c'est à une fille que je parle. Donc, le complément d'objet direct
est avant le verbe. Alors, c'est é-e plutôt que e-r. Parce qu'Antidote, il va
comprendre qu'il faut mettre «texter», e-r. Je t'ai textée, ça ne s'écrit pas
e-r. Donc, c'est plein de complexités dans notre chère langue française.
Puis le ministre a raison de dire : Comment
on va faire en sorte que les employés de l'État, puis ça nous inclut, sachent
et persistent à bien écrire le français, à bien le parler? Le mot «adresser»
est un anglicisme. Alors, «j'ai adressé la question», il ne faut pas entendre
aucune personne dire ça. Bien, sauf que pour ne pas l'entendre, encore faut-il
le promouvoir.
Et le député a raison, ça prend des mesures dans
la future politique linguistique de l'État, que nous ne verrons pas puisque ça
va être par la suite et adopté au Conseil des ministres, ou je ne sais pas
trop, mais comment on va faire en sorte que l'exemplarité commence par
nous-mêmes? Là, c'est un charité bien ordonnée commence par soi-même, là. Je
pense que c'est vrai, ça. C'est comme ça que c'est dit. Mais exemplarité
commence par soi-même.
Alors, moi,
j'y tiens beaucoup, beaucoup, parce qu'on a beau mettre toutes les mesures,
tout l'argent possible, si on ne sait
plus et qu'on n'a même plus le goût de savoir parler français... Parce qu'il
faut qu'il y ait de la passion là-dedans. Ça ne peut pas juste
être : Ah non! il faut que je parle français, aïe! c'est... «it's so much
fun to speak English», là. Tu sais, c'est des jeunes, là. C'est une vraie,
vraie, vraie question et un enjeu social d'une énorme importance.
M. Jolin-Barrette : C'est pour ça
que l'État doit en faire la promotion, l'État doit valoriser notre langue à
tous les niveaux. Il faut que les gens puissent tomber en amour avec la langue
française, et c'est ce que je souhaite.
Mme David : Et c'est un défi
citoyen. C'est un défi citoyen.
M. Jolin-Barrette : Oui, mais...
Mme David :
C'est comme l'environnement, chacun doit se dire : Qu'est-ce que je fais
pour protéger?
M. Jolin-Barrette : C'est ça. Mais
c'est pour ça, M. le Président, qu'on doit adopter le projet de loi n° 96,
pour avoir les outils législatifs à notre portée d'agir...
Mme David : Oui, mais ce que dit le
député de La Pinière... Il a raison, c'est quoi, l'outil, dans ça, pour
vraiment la protéger, la promouvoir, par rapport aux gens que nous visons ici,
là...
M. Jolin-Barrette : Oui, mais...
Mme David : ...mais on vise plein
d'autre monde, mais l'administration de l'État?
M. Jolin-Barrette : Oui, mais ce
n'est pas uniquement qu'une mesure. Et le député de La Pinière aime
beaucoup les comparaisons avec les films. Ce n'est pas comme Aladdin, là. Ce
n'est pas juste en frottant la lampe qu'on
va réussir à avoir un génie puis régler tout ça. Ça va demander des efforts, ça
va demander une vigilance constante, il va falloir travailler, il va
falloir mettre les budgets, puis c'est ce qui a manqué avec les dernières
années. On a laissé le bateau quitter.
Le Président (M. Polo) : En
conclusion, M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : M. le
Président, je serai heureux de retrouver mes collègues en forme et en santé en
2022...
Mme David : En février.
M. Jolin-Barrette : ...et surtout
prêts à étudier rapidement et à adopter rapidement le projet de loi.
Le
Président (M. Polo) : Merci. Merci beaucoup à tous les collègues, je
vous remercie pour votre collaboration.
Compte tenu de l'heure, la commission ajourne
ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 22 h 30)