(Onze
heures trente-trois minutes)
La Présidente
(Mme Thériault) : Votre attention, s'il vous plaît! Votre
attention, s'il vous plaît, collègues! Ayant constaté le quorum, je déclare la
séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte.
La
commission est réunie afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec,
le français.
Mme la secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
La Secrétaire :
Oui, Mme la Présidente. M. Chassin (Saint-Jérôme) sera remplacé par
M. Lévesque (Chapleau); M. Émond
(Richelieu), par M. Provençal (Beauce-Nord); Mme Guillemette
(Roberval), par Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac); Mme Rizqy
(Saint-Laurent), par M. Barrette (La Pinière); Mme St-Pierre
(Acadie), par M. Birnbaum (D'Arcy-McGee); Mme Dorion (Taschereau),
par Mme Ghazal (Mercier); et Mme Hivon (Joliette), par M. Bérubé
(Matane-Matapédia).
Étude détaillée (suite)
La Présidente (Mme
Thériault) : Parfait. Merci. Donc, lors de l'ajournement, hier, les
discussions portaient sur un amendement de la députée de Marguerite-Bourgeoys,
qui visait à modifier l'article 9 proposé à l'article 5 du projet de
loi du ministre. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? M. le député de La Pinière.
M. Barrette :
Alors, Mme la Présidente, j'aurais un sous-amendement à déposer.
La Présidente (Mme
Thériault) : Est-ce que le sous-amendement est sur Greffier?
M. Barrette :
Je pense qu'il est déjà sur le Greffier, si vous me le confirmez.
La
Présidente (Mme Thériault) :
Parfait, il est sur Greffier. Donc, vous pouvez nous présenter votre sous-amendement.
M. Barrette :
Alors, le sous-amendement se lirait comme suit : L'article 5,
modifier l'amendement proposé à l'article 5 qui modifie l'article 9
de la Charte de la langue française par l'insertion, après les mots «une
attestation», des mots «, produite dans un délai raisonnable,».
Alors, Mme la
Présidente, c'est un sous-amendement qui fait suite... je ne dirais pas au long
débat qu'on a eu hier, mais je dirais certainement au débat animé que nous
avons eu hier, sur la pertinence d'avoir une mesure qui faisait en sorte que le
justiciable ou le poursuivant, dans les deux cas, ne puisse pas être lésé dans
le sens de 133 par ce que le... propose... choisit d'imposer dans son projet de
loi n° 96, à l'article 9. Et, lorsqu'on a eu le
débat là-dessus hier, Mme la Présidente, le ministre s'est exclamé, en pointant
ma collègue de Marguerite-Bourgeoys, en lui disant essentiellement, et je
dirais même précisément : Bien, il n'y a même pas de délai dans sa proposition.
Alors, comme nous
écoutons le ministre avec attention, alors, on a pris le ministre au mot et
nous arrivons aujourd'hui avec la proposition que vous voyez, qui introduit un
délai raisonnable. Les mots sont choisis. Un délai, évidemment, ça tombe sous
le sens, Mme la Présidente. «Raisonnable», ça, contrairement à
«convenablement», ça a une valeur juridique reconnue, écrite dans toutes sortes
de jugements et toutes sortes de textes de loi à répétition. Notre corpus
contient le mot «raisonnable» à de multiples reprises, contrairement à
«convenablement».
Alors, comme le ministre
semblait trouver que «raisonnable» était une condition essentielle à recevoir
cet article, on lui propose donc l'amendement modifié avec des termes qui, théoriquement, selon les commentaires, affirmés
avec émotion, du ministre, émotion étant intensité dans le cas présent... On
imagine que le ministre va trouver ça bon. Voilà.
La Présidente (Mme
Thériault) : Parfait. M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Mme la Présidente, écoutez, c'est déjà une
bonification de l'amendement. C'est déjà une bonification de l'amendement, puis
je suis capable de reconnaître que l'amendement, il est plus complet avec le sous-amendement
qui est présenté par le député de La Pinière. C'est un pas dans la bonne
direction.
Cependant, l'enjeu
avec l'amendement qui est sous-amendé par le député de La Pinière est à
l'effet qu'il y a tout de même un délai, et le signal qu'on doit envoyer, c'est
que le français, il est incontournable. Or, ce que l'amendement, jumelé au sous-amendement,
fait, c'est qu'on dit : Bien, dans le fond, écoutez, ce n'est pas si grave
si le français n'est pas là dès le départ, ce n'est pas si important, au Québec,
de faire en sorte que la procédure, l'acte de procédure, par une personne
morale, ne soit pas disponible immédiatement, dès le moment de la signification
en français pour le justiciable.
Ça fait que l'essentiel du
projet de loi, c'est de faire en sorte que le français soit la langue commune.
Donc, à partir du moment où on dit que la langue commune, c'est le français, il
faut que ça se traduise de multiples façons, notamment à travers les actes de
procédure.
Alors, moi, je ne souhaite pas instaurer un
délai relativement aux actes de procédure par une personne morale. L'essence même
de l'article 9 qui est introduit par l'article 5, c'est de faire en
sorte que, toutes les personnes morales, lorsqu'elles décident de faire leurs
actes de procédure dans une autre langue que le français, la version soit immédiatement
jointe avec la version anglaise.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. M. le député de La Pinière.
M.
Barrette : Et vous remarquez que j'ai attendu que vous me
reconnaissiez, Mme la Présidente. Ça va bien, hein?
La Présidente (Mme Thériault) :
Félicitations, oui, vous avez bien compris mes consignes hier.
M. Barrette : Je dois être docile,
dans le sens caquiste du terme.
La Présidente (Mme Thériault) : Vous
avez la parole. Continuez, M. le député.
M. Barrette : Merci, Mme la
Présidente. Alors, je vais reprendre les propos du ministre, Mme la Présidente.
Il nous a dit que, là, il y avait une valeur
positive à notre proposition. Il n'a pas dit qu'il l'acceptait, Mme la
Présidente. Il a dit que ça allait... et là il était agréablement
surpris. Ce n'est pas les mots, j'oublie les noms, là, mais ce que je retiens
des propos que le ministre a dits, pour la citation, il nous a dit que c'était
un pas dans la bonne direction. Moi, Mme la
Présidente, quand on me dit que j'ai
fait un pas dans la bonne direction, c'est parce que je m'en vais vers quelque chose de tangible et que je prends
le bon chemin pour m'y rendre.
Alors, le ministre
peut-il m'indiquer quelle serait une destination acceptable? On propose un sous-amendement d'un amendement, Mme la
Présidente. Il a dit non à l'amendement. Là, c'est un pas dans la bonne
direction. J'en conclus qu'il y a
une destination acceptable pour le ministre et, comme on est dans les amendements
de son projet de loi, j'en conclus que la direction est une
destination différente de l'article écrit initialement.
Alors, encore une fois, je prends à la lettre,
au pied de la lettre les commentaires du ministre et je l'invite à m'indiquer quelle serait une destination
acceptable dans le débat que nous faisons depuis hier, qui, Mme la Présidente, n'exclut pas l'importance d'avoir le français, qui ne remet pas
en question l'obligation d'avoir le français, mais c'est un débat de
logistique. Ce n'est pas un débat de finalité de l'existence d'une version française
on non. C'est un débat de logistique. Ce que nous avons fait valoir, c'est que,
selon certains cas de figure, ça pourrait poser des problèmes. Y a-t-il moyen
de solutionner ça, la bonne direction dans une destination, tout en préservant
l'esprit et l'intention... non, l'esprit du ministre, ça, c'est trop, en préservant l'intention législative du
ministre? Son esprit, je laisse le... Je lui laisse le soin de
s'autoprotéger, là.
• (11 h 40) •
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Alors, bien
entendu qu'il y a une destination commune. Donc, moi, j'invite le député de
La Pinière à embarquer dans le véhicule que je lui propose pour se rendre
à la destination commune, et la destination commune,
c'est le fait de pouvoir permettre aux justiciables québécois d'avoir accès en
temps réel... lorsqu'ils se font poursuivre, lorsqu'il y a un acte de
procédure qui leur est signifié, d'avoir accès immédiatement à cet acte de
procédure là, lorsqu'il s'agit d'une personne morale qui en est l'instigatrice,
de l'obtenir en français immédiatement.
Et il faut comprendre également que la
proposition à l'article qui est faite par l'amendement aussi vise à faire en
sorte que... vise à faire en sorte d'amener un délai. Quoiqu'il soit
raisonnable, quoiqu'il soit raisonnable, ce délai, quoiqu'il soit raisonnable,
ce délai, il n'en demeure pas moins que ça fait en sorte que l'effet est de ne
pas permettre à la personne d'avoir accès en français aux actes de procédure,
et ce n'est pas différent de la situation actuelle.
Actuellement, là, la personne qui reçoit une
procédure, là, qui est écrite en langue anglaise par le biais d'une personne
morale, il n'a pas accès à la version française. Et le sous-amendement que vous
proposez, dans le fond, n'est pas différent
de la situation actuelle, pour dire : Bien, écoutez,
vous le recevrez en temps opportun, dans un délai raisonnable, mais le délai
raisonnable, c'est deux semaines? Trois semaines? Un mois? Un
délai raisonnable, ça fait en sorte qu'immédiatement, lorsque vos droits de
comprendre la procédure sont en jeu... ça amène un enjeu, cette question de délai là.
Et c'est ce qu'il faut changer dans le système
de justice, le droit à une justice en français, le droit à pouvoir comprendre
ces procédures-là dans la langue nationale, dans la langue officielle de
l'État, dans la langue commune. Il faut améliorer nos façons de faire dans le système
de justice, et ça signifie justement de faire en sorte que les personnes
morales écrivent leur procédure en français ou, si elles ne le font pas en
français, à tout le moins qu'elles joignent une copie certifiée d'un traducteur
agréé en français au moment où elles vont faire timbrer leur procédure.
La Présidente (Mme Thériault) : Député
de La Pinière.
M.
Barrette : Avant de repasser
la parole à ma collègue de Marguerite-Bourgeoys, je vais faire le commentaire suivant. Je
pense, Mme la Présidente... Bien, je fais un pas en arrière. Bon,
manifestement, à cette étape-ci du débat, on revient dans
la même dynamique qu'hier soir, le cas de figure du francophone qui reçoit une
documentation d'une personne morale, en faisant abstraction de tous les autres
cas de figure.
Ici, Mme la
Présidente, là, notre sous-amendement, il est dans l'esprit non pas de
contester l'importance pour un justiciable de recevoir une copie en français.
Ce n'est pas ça du tout, du tout, du tout. Notre cas de figure à nous est celui
des autres cas de figure où une partie, je prenais l'exemple du camionneur
hier, là, pourrait-elle se retrouver dans
une situation où elle choisirait de ne pas aller de l'avant
avec sa procédure, faute de coûts, faute de moyens. Là, le ministre va
dire : Il ne peut pas avoir ces problèmes-là. Moi, je pense que oui. À la
fin de la journée, là, ou au début de la journée juridique, avec notre
sous-amendement, Mme la Présidente, n'est-ce pas au juge de statuer ce qui est
raisonnable?
Dans un nouveau droit
établi par sa loi n° 96 et par l'article 9, le côté raisonnable du
délai... Et là j'insiste, Mme la Présidente, nous, ce que l'on souhaite, c'est
que la loi soit écrite équitablement pour tous les cas de figure. C'est juste
ça qu'on souhaite, là. Il y aura des cas de figure où c'est facile d'arriver,
parce que la partie a les moyens de le
faire, avec toute la documentation. Ça va arriver, ça. L'inverse va aussi
arriver. Et, nous, ce que l'on dit, c'est : Ne devrions pas... ne
devrions-nous pas s'assurer que, dans tous les cas de figure, ça ne soit pas
une embûche pour l'individu ou la personne morale? Je prenais le camionneur,
mais ça pourrait être un OBNL, un OBNL, là, qui se retrouve dans une situation
juridique, je ne sais pas, moi, dans une RPA modeste. Mme la ministre, vous
avez connu ce genre de milieu là. Au municipal, des fois, il y a des OBNL qui
se retrouvent dans des situations d'ordre juridique. Ils n'ont pas les moyens
parce qu'ils sont pauvres, et puis là ça, ça devient un problème.
Alors, ne
devrions-nous pas prendre ça en considération? Et, dans l'exercice de ce
nouveau droit là, n'est-ce pas au juge de dire : Regardez, là, on va vous
donner deux semaines, là, c'est ce que je vous donne, parce que c'est raisonnable? Puis là on enlève un obstacle. Le
délai raisonnable, là, il n'est pas statué, dans la loi, en termes de temps,
parce que le mot «raisonnable» est un texte
qui a une signification en droit, c'est clair, contrairement à
«convenablement». Alors là, c'est un peu une protection qu'on fait.
Alors,
le ministre ne peut pas arriver puis nous répondre, comme il fait à chaque
fois : Ah! vous niez l'importance du français, vous voulez faire
ci, vous voulez faire ça. Non, non, non, ce n'est pas ça. On veut simplement
faire notre travail, notre travail étant de
faire en sorte qu'il n'y a pas de citoyens qui vont se trouver lésés là-dedans,
tout simplement.
La Présidente (Mme
Thériault) : Merci. M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Alors, Mme la Présidente, je confirme qu'il n'y aura
pas de citoyen lésé du fait que les personnes
morales devront joindre leur acte de procédure avec une version traduite et
certifiée par un traducteur agréé.
Je veux juste revenir
sur ce que le député de La Pinière vient de dire relativement à
«convenablement». C'est dans le corpus, c'est utilisé dans plusieurs lois, ce
terme-là, «convenablement». C'est dans nos lois, alors, à plusieurs reprises. Je voudrais juste savoir... Parce que le
député de La Pinière nous dit : Écoutez, le terme «raisonnable»...
donc une traduction dans un délai raisonnable. «Délai raisonnable»... «Dans les
meilleurs délais», est-ce qu'il considère ça plus fort que
«raisonnable»? Tu sais, dans le fond, «meilleurs délais», c'est encore plus
rapide que «raisonnable».
La Présidente (Mme
Thériault) : C'est bon.
M.
Jolin-Barrette : Il est d'accord avec moi là-dessus?
M. Barrette :
Oui, bien oui. Je vais... Mme la Présidente, je vais... Bien, vous ne m'avez
pas désigné, excusez-moi.
La Présidente (Mme
Thériault) : C'est à votre tour, M. le député de La Pinière.
M. Barrette :
Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme
Thériault) : Je vais juste rappeler que, tant que les échanges sont
cordiaux, il n'y a absolument aucun problème. La parole est à vous.
M. Barrette :
Il faut que je fasse attention à ce que je vais dire après.
La Présidente (Mme
Thériault) : C'est pour ça que je fais un rappel tout de suite.
M. Barrette :
Vous faites bien, Mme la Présidente. Je pense que, dans la majorité des
circonstances, dans la majorité des
circonstances, «meilleurs délais» va vouloir dire la même chose que
«raisonnable», mais on peut interpréter ça comme étant plus court, parce
que «meilleurs délais» implique aussi que ça soit raisonnable, dans une
certaine mesure, parce que «meilleurs délais», ça veut dire que ça ne peut pas
aller à la vitesse... On ne statue pas le délai temporel ni dans «délai
raisonnable»... Mais, pour moi, «dans les meilleurs délais», c'est probablement
un peu plus fort, oui. C'est vrai, j'accepte l'argument. Mais «délai
raisonnable», ce n'est pas si plus faible que ça. Mais, si le ministre
veut aller de l'avant avec «dans les meilleurs délais», moi, pas de problème
avec ça, on va sous-sous-amender.
• (11 h 50) •
M.
Jolin-Barrette : Bien, c'est parce que, Mme la Présidente, je pose la
question parce que, vous vous souvenez, quand il y a eu le rapatriement de la
Constitution en 1982, auquel le Québec n'a pas adhéré, il y avait un article, qui était l'article 55, qui disait : «Le
ministre de la Justice du Canada est chargé de rédiger, dans les meilleurs délais, la version française des parties de la
Constitution du Canada qui figurent à l'annexe; toute partie suffisamment importante
est, dès qu'elle est prête, déposée pour adoption par proclamation du
gouverneur général sous le grand sceau du
Canada, conformément à la procédure applicable à l'époque à la modification des
dispositions constitutionnelles qu'elle contient.» Alors, ça, c'est dans
la Constitution, quand ils ont fait le rapatriement, «dans les meilleurs
délais».
Là, 1982, moi, je
suis en 1987, plus cinq, ça fait 39 ans. Encore aujourd'hui, le Canada Act
de 1982, malgré le fait qu'il y a une
obligation dans la Constitution, à l'article 85... à l'article 55,
que «le ministre de la Justice est chargé»... «ministre de la Justice du
fédéral est chargé de rédiger, dans les meilleurs délais», qui est plus fort
que «dans un délai raisonnable», comme le député de La Pinière
vient de le dire, bien, 39 ans plus tard, ça n'a pas encore été fait.
Alors, moi, vous
voyez ma crainte, Mme la Présidente, d'accepter «dans un délai raisonnable», considérant
que notre loi fondamentale qui gouverne
actuellement le Canada, mais auquel le Québec n'a pas adhéré, n'est toujours
pas traduite. Il y a juste une version anglaise des textes constitutionnels qui
gouvernent la fédération. Ça fait que je fais juste illustrer ce à quoi ça peut
mener.
L'autre point, dans l'amendement
qui est proposé avec le sous-amendement, supposons sur l'argument de texte : «Une traduction en français
certifiée par un traducteur agréé ou une attestation, produite dans un délai
raisonnable, indiquant que la partie a donné instruction à un traducteur
agréé de traduire l'acte de procédure doit être jointe à tout acte de procédure rédigé en anglais émanant d'une
personne morale.» Alors, quand on le relit, là, le sous... bien, en fait,
ça part de l'amendement, avec le sous-amendement du député de La Pinière, on
dit : «Ou une attestation, produite dans un délai raisonnable».
Alors, votre amendement
et sous-amendement ont pour effet de faire en sorte que la procédure... Vous
avez la procédure en anglais, supposons, puis ce qui doit être joint dans un
délai raisonnable n'est non pas la traduction mais
est l'attestation que vous avez mandaté un traducteur pour traduire l'acte de
procédure. Donc, vous vous présentez, vous signifiez votre requête en anglais
à un justiciable québécois, vous lui dites : Écoutez, je vais vous
produire une attestation dans un délai raisonnable. Ce n'est pas la traduction
qui va être dans un délai raisonnable, c'est l'attestation qui dit que vous
avez donné le mandat de traduire. Ça ne veut pas dire qu'il a la traduction,
là. De la façon dont c'est rédigé, c'est ça que ça dit.
Ça fait que
voyez-vous ce à quoi ça mène? Parce que, là, je comprends l'intention, mais ce
que ça fait, c'est qu'on n'a pas aucune garantie qu'il va y avoir une
traduction. Puis, même, au bout du compte, le document, là, il est joint, là, à
la procédure, il dit : Aïe! Il y a une attestation, moi, je lui ai donné
le mandat. Ça se peut bien que, par la suite,
la personne se retourne pour dire : Écoute bien, là, je ne te paierai pas,
là, puis, finalement, fais-la pas, la traduction.
M. Barrette :
Alors, Mme la Présidente, on va mettre les choses dans leur juste perspective, O.K.?
Le ministre, là, maintenant, là, nous a dit que notre amendement est un pas
dans la bonne direction, hein? Donc, c'était une
bonne idée, O.K.? Et là le ministre prend la Constitution
qui n'a pas encore été traduite. Bon, alors, quand il nous a dit que
c'était un pas dans la bonne direction, Mme la Présidente, il savait qu'il
allait utiliser ça comme argument. Il le
savait. Alors, il s'est volontairement autocontredit pour avoir le dernier mot.
Mme la Présidente, ce n'est pas sérieux.
Bon, maintenant, je
vais soumettre au ministre que la Constitution est un texte dont les ramifications
sont d'une grande, grande, grande complexité, et, à la limite, on peut
comprendre que le temps que ça prend pour la traduire peut être plus long qu'un
simple acte de procédure.
Ceci dit, Mme la
Présidente, le texte, peut-être qu'il aurait bénéficié d'une virgule
additionnelle à laquelle... Je peux sous-amender et je vais rajouter une
virgule : «Une traduction en français est certifiée par un traducteur
agréé, ou une attestation, produite dans un
délai normal...» Bien là, le «produit», là, c'est la traduction, là, qui est
produite dans un délai raisonnable.
On peut l'interpréter comme ça, là. Là, on est dans la sémantique. On est dans
une dynamique puis on n'a pas à aller jusqu'à la destination évoquée par le ministre,
qui considère que c'est un pas dans la bonne direction.
J'ai beaucoup
d'estime pour ce genre de jeu parlementaire là. Poser une question en sachant
qu'on va arriver avec la Constitution, c'est «cute», mais là, là-dessus, là, il
le savait, là. Ou bien c'est un pas dans la bonne direction ou bien ça n'en est
pas un. Alors, on ne peut pas prendre comme exemple une patente qui va à
180 degrés de la bonne direction, là, pour justifier de dire non.
Mme la Présidente, si
vous me le permettez, je vois... Vous savez, c'est comme au hockey, dans ma
vision périphérique, je vois ma collègue de Marguerite-Bourgeoys qui souhaite
intervenir, si vous le permettez.
La
Présidente (Mme Thériault) : Absolument,
il n'y a pas de problème. Mme la
députée de Marguerite-Bourgeoys, la parole vous
appartient, sauf qu'avant je vais juste mentionner qu'on ne peut pas sous-amender
un sous-amendement, donc, mais, si besoin étant, vous pouvez, par contre,
retirer votre sous-amendement et refaire un autre sous-amendement. Donc...
M. Barrette :
...de l'action, Mme la Présidente.
La
Présidente (Mme Thériault) :
Dans le feu de l'action, mais, pour les gens qui nous suivent, je pense, c'est
important de préciser qu'on ne peut pas
amender... on ne peut pas sous-amender un sous-amendement. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Bien, merci, Mme la Présidente.
Je vais essayer de revenir au fond et non à la forme, parce que mon collègue de
La Pinière a raison, le ministre est un... est passé maître dans l'art de
la forme. On va revenir au fond. Et, dans le fond, ce
qu'on veut, au vrai, vrai fond, là, c'est faire en sorte, justement, que la
personne qui écrit quelque chose en anglais, pour toutes sortes de bonnes ou de
mauvaises raisons... Là, on sait, des fois, qu'il y a des procédures juridiques
qui sont peut-être exagérées, qui sont ci, qui sont ça, mais la justice existe,
et j'espère que le ministre est d'accord avec ça, pour protéger les citoyens,
protéger les entreprises, protéger tous les droits, les lois qui existent.
Alors, arrive quelqu'un qui est incorporé, c'est
vrai, mais ce n'est pas le gros méchant en partant, là. Le ministre était
d'accord hier, ça peut être une petite OBNL, ça peut être une RPA, ça peut être
un regroupement, une association qui a une tradition, on n'ose plus prononcer
le mot parce que c'est presque tabou, anglophone et qui, là, demande à un
avocat de déposer une procédure. Hier, le ministre m'a dit : Mais
l'avocat, il est obligé d'être bilingue, obligé,
l'ordre... le Barreau l'oblige, donc il a juste, lui, à écrire sa procédure en
français, et bingo! ça règle la question. Alors là, je me souviens même
d'avoir dit : Donc, l'avocat va être réputé — maintenant que je sais
ce que ça veut dire, en plus, le mot
«réputé» — être à
la fois très, très, très bilingue, au point qu'il puisse écrire toutes les
procédures en français, et donc un traducteur agréé lui-même, puis là,
là, c'est embêtant parce que l'ordre des traducteurs agréés ne va pas être trop
content.
Donc, l'association, admettons, qui dépose ou
qui veut déposer une procédure, un acte de procédure, bien, j'espère que l'association
elle-même ou la personne qui le représente, bien, doit comprendre l'acte de
procédure, doit être capable de lire l'acte de procédure, parce que, si tu
donnes un mandat à un avocat et que l'avocat te redonne une affaire... Moi, si
on me redonnait un acte de procédure dans une langue qui n'est pas la mienne et
que je ne maîtrise pas nécessairement dans les détails, fait par un avocat qui,
peut-être, ne précise... ne connaît pas aussi cette langue dans les fins détails... Je me demande ce que le
ministre pense de l'accessibilité à la justice pour cet OBNL représenté
par une ou deux personnes anglophones qui reçoivent une procédure en français,
parce que l'avocat, il va écrire en français,
ça va être plus simple. C'est ce que le ministre a dit hier, mais là c'est
grave, les conséquences. Elles peuvent être désastreuses, les
conséquences, pour son client, parce que, s'il dit oui à un acte de procédure
qui n'est pas dans sa langue, il dit oui parce qu'il fait confiance à son
avocat puis qu'il le trouve gentil, son avocat, puis il coûte assez cher, l'avocat,
qu'il dit : Il doit...
Une voix : ...
Mme David : En général, et ça...
M. Jolin-Barrette : ...ses impôts.
Mme David : Alors, si le client de
cet avocat fait confiance, mais il ne comprend rien à ce qui est écrit, il est
anglophone, alors j'aimerais bien entendre le ministre sur le service que rend
cet avocat, puisque, facilement, il peut écrire
en français. Tous les avocats du Québec, les 25 000 membres du
Barreau... Là, je sais que le ministre va dire : Non, ce n'est pas 25 000, c'est 25 482, vous
vous êtes trompée, Mme la députée. Je connais un peu la technique. Disons
25 000...
M. Jolin-Barrette : J'ignore le
nombre exact.
Mme David : Et, le mot «ignore», je
ne l'ai pas entendu souvent dans sa bouche. C'est formidable. J'aurai au moins
gagné ça.
M. Jolin-Barrette : Vous allez me
découvrir.
• (12 heures) •
Mme David : Donc, qu'en est-il du droit
au client de pouvoir lire l'acte de procédure dans sa langue? Vous allez
dire : Il n'y a pas de problème. Mais, non, vous avez dit : Il a
juste à déposer sa procédure en français, cet avocat-là. Donc, si le client ne
comprend pas ce qui est écrit, lui-même peut être impliqué dans une procédure
qui a des conséquences désastreuses pour
lui, parce qu'il n'a même pas pu comprendre ce qui se passait autour de lui,
alors que c'est sa procédure.
Donc, admettons... ça, j'aimerais vous entendre
là-dessus, mais que ce n'est plus l'avocat, là, dans votre réponse, parce que
ça n'a pas beaucoup de bon sens que cet avocat-là écrive lui-même, on revient
au problème initial : il faut un traducteur, puis, s'il faut un
traducteur, bien, il faut que ce soit un traducteur agréé. Puis, si c'est un
traducteur agréé, comment on fait pour faire en sorte qu'il y ait à la fois
accessibilité pour le client de pouvoir faire ça dans la langue de son choix,
ce que le ministre nous a juré qu'il arriverait, en vertu de
l'article 133, mais aussi de dire :
S'il dépose sa procédure en français, son avocat... mais là c'est le pauvre
client qui risque très, très gros, avec des conséquences désastreuses.
Première question.
La Présidente (Mme Thériault) : M.
le ministre.
M. Jolin-Barrette : Alors, on a
plusieurs éléments de réponse. Premièrement, l'acte de procédure, là, qui est
visé, appartient au client, le client, c'est la personne morale, donc c'est
l'entreprise incorporée. Donc, une personne morale, ça n'a pas de langue, c'est
la personne morale. On ne parle pas des personnes physiques ici. Les personnes
physiques ne sont pas visées aucunement par la disposition de l'article 9.
C'est vraiment la personne morale incorporée.
Autre
élément important, toutes les personnes morales doivent être représentées par
un procureur, sans exception. Bien, ce n'est pas vrai, sauf exception aux
Petites Créances, dans certaines circonstances. Donc, les personnes morales
sont représentées par un avocat membre du Barreau. L'avocat au dossier, dans le
cadre de son code de déontologie, dans le
cadre des règles, doit s'assurer que son client comprenne les gestes et les
recommandations qu'il lui fait relativement aux conseils, et aux avis
juridiques, et à sa représentation devant les tribunaux. Donc, l'avocat conseille
la personne morale. Il ne conseille pas une personne physique, on est
vraiment... Et puis c'est important de
distinguer les deux, là. Une personne morale, c'est une fiction juridique. On
vient créer une personnalité juridique distincte d'une personne
physique. C'est un véhicule corporatif qui propose et qui procure certains
avantages fiscaux, pour de multiples raisons, en vue de générer des activités.
Je reviens à un autre
argument que la députée de Marguerite-Bourgeoys a fait, la personne, là, il y a
un choix à faire dès le départ. Une personne qui est de langue maternelle autre
que le français ou l'anglais, déjà lorsqu'elle va devant les tribunaux, fait un
choix. C'est soit l'anglais soit le français. Vous ne pouvez pas prendre un
acte de procédure en espagnol devant les tribunaux québécois. En français, en
anglais. Il y a déjà un choix qui est effectué à partir de ce moment-là. Et là la personne morale, elle, qui fait ce
choix-là, bien, elle choisit soit le français soit l'anglais pour faire ses représentations
devant les tribunaux. Si elle fait le choix de l'anglais, il n'y a aucun enjeu,
elle peut le faire du début à la fin, mais par contre ce qu'on vient
dire, c'est qu'au Québec les personnes morales qui font le choix de produire leurs actes de procédure en
langue anglaise, elles devront joindre une traduction en français de leurs
actes de procédure, mais la personne morale a tout le loisir de décider : Est-ce
qu'elle mène son dossier en français ou est-ce qu'elle le mène en anglais,
mais, au Québec, dans l'environnement de travail, notamment dans le domaine
judiciaire, on doit favoriser, notamment avec les entreprises incorporées, avec
les personnes morales, l'utilisation de la langue commune.
Donc, la proposition
législative qui est devant nous vise à faire en sorte, justement, qu'on
garantit tous les droits qui sont prévus à
133. Cependant, on dit : Écoutez, les Québécois ont le droit de recevoir
des actes de procédure dans la langue officielle, dans la langue
commune, dans la langue nationale au Québec, mais ça ne les empêche aucunement
d'utiliser la langue anglaise dans leurs actes de procédure. Ils peuvent le
faire. Mais par contre on dit : Écoutez,
vous faites le choix de le faire... puis je donnais plusieurs exemples, puis ce
n'est pas une question de grosseur, ce n'est pas une question de riche,
de pas riche, tout ça, c'est une question d'accessibilité à la justice
universelle.
Puis la députée de
Marguerite-Bourgeoys l'a dit à juste titre, les tribunaux sont là pour faire
respecter les droits, assurer un équilibre
dans la société, trancher des litiges, qui sont parfois insolubles, entre deux
parties, malgré que les parties ont intérêt à se parler, puis il y a de
plus en plus de méthodes de prévention et de règlement des différends qui sont instaurées,
la médiation, tout ça, mais, pour les documents... surtout que la justice, elle
est publique, dans la sphère publique, sauf certains dossiers d'exception où il
y a un interdit de publication pour des raisons, notamment, en matière
familiale ou de jeunesse.
Donc, l'idée que
notre système de justice, il est public et que la confiance notamment à travers
les institutions, c'est au niveau de la compréhension, alors, c'est pour ça
qu'on veut rendre disponible immédiatement la traduction en français de la
procédure. Puis déjà toutes les personnes morales ont déjà fait un choix
d'aller vers l'anglais ou vers le français, d'autant plus que, s'ils ne sont...
si ce n'est pas leur langue à la base, s'ils ne sont pas de langue maternelle
anglaise ou francophone, quelqu'un qui a une autre langue maternelle va
utiliser une autre langue, va utiliser le français ou l'anglais. Donc, le choix
demeure intact, mais on ajoute un élément qui m'apparaît tout à fait raisonnable au Québec, le fait de faire en
sorte qu'on communique au moins, à tout le moins, je dirais, la version
française.
Puis, vous vous
rappelez aussi, l'an passé, on a adopté le décret, l'article 1 de la loi n° 104, là. La loi n° 104, c'est
une loi qui avait été adoptée en 2002 par le Parti québécois, mais qui n'avait
jamais été mise en vigueur, relativement au fait que les personnes morales
doivent communiquer en français avec l'État. Là, on a pris le décret. Ça rentre
en vigueur un an après le décret. Je crois qu'on a pris le décret en février,
mars, il me semble, ou mai. On me corrigera.
Alors donc, ça va... mai 2021. Donc, ça va entrer en vigueur
mai 2022. Alors, l'État, en soi, pour communiquer avec l'État
pour... relativement aux personnes morales, ça se fait en français.
Donc, ça, c'est pour
l'État en général. Pour les tribunaux, la protection associée à
l'article 133 demeure. Donc, les
personnes morales peuvent utiliser la langue anglaise également, contrairement
avec le reste de l'État. Cependant, on leur dit : Écoutez, veuillez
fournir une procédure si vous faites le choix... une traduction si vous faites
le choix de faire votre acte de procédure en anglais.
La Présidente
(Mme Thériault) : Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David :
Je trouve ça très intéressant d'écouter le ministre, mais j'ai l'impression
qu'il crée une fiction de la fiction. Je m'explique. Il répète souvent qu'une
personne morale est une fiction. Et je pense qu'il fait de la fiction en nous
parlant de cette fiction de la personne morale. Qu'est-ce que je veux dire?
C'est qu'une personne morale, en bout de
ligne, il y a quand même des êtres humains en chair et en os derrière la
personne morale, particulièrement quand on parle de personne morale de
taille modeste, voire carrément très petite. Il y a quelqu'un quelque part qui
lit l'acte de procédure et qui doit être conscient que c'est sa poursuite à lui
ou à elle, et ça peut être un groupe de personnes, on est d'accord, mais il y a
toujours bien des êtres humains, derrière ces actes de procédure, qui doivent
comprendre l'acte de procédure. Est-ce que là-dessus, le ministre est d'accord
avec moi?
La Présidente
(Mme Thériault) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette :
Rien dans le projet de loi n'empêche d'avoir à la fois la version en anglais et
la version en français. La disposition n'empêche pas d'avoir une version en
anglais. On n'oblige pas la personne morale à produire uniquement sa procédure
en français. Ce n'est pas ça, ce que dit l'article 9, là, qu'on est en
train d'étudier. Ce qu'on dit, c'est que vous avez le libre choix d'utiliser la
langue de votre choix... bien, la langue de votre choix, on s'entend, entre
français puis anglais. Si vous faites le choix d'utiliser l'anglais, comme personne
morale, à ce moment-là, sachez que, dans vos actes de procédure, vous devrez également
les produire en français. Donc, on ne vient pas nier le droit de comprendre la
procédure, on vient simplement dire qu'au Québec, si vous êtes une personne
morale, ça prend une procédure également traduite en français. Puis ce n'est
pas le lot des personnes physiques, là. Il n'y a rien qui touche les personnes
physiques, ce sont des personnes morales.
• (12 h 10) •
Mme David : M. le Président, je
sais tout ça, et nous ne sommes pas contre. Je pense que le député de La Pinière
l'a répété, je ne sais pas combien de fois qu'il va falloir le répéter, que
nous ne sommes pas contre l'idée qu'il y ait une version française. Nous sommes
en train de discuter sur la faisabilité et, quand on parle de faisabilité, on
parle de temporalité.
Alors, un acte introductif d'instance, c'est quelque
chose dont on a parlé justement hier. À cet acte-là doit toujours être joint un
avis d'assignation selon l'article 145 du Code de procédure civile. Alors,
cet avis d'assignation, on le dit bien, l'article 146 du Code de procédure
civile prévoit nommément que l'avis d'assignation doit être conforme au modèle
établi par le ministre de la Justice. Le modèle, là, j'en ai un exemple ici,
là. Il est là, Mme la Présidente. Un avis d'assignation, là, il est marqué en
haut : Modèle du ministre de la Justice, dépôt d'une demande en justice.
Tout ça est en français pur, là. Pourquoi le ministre ne ferait pas...
puisqu'il aime bien intervenir, donc il pourrait intervenir en disant :
Dans ça, là, il va y avoir l'obligation, dans un délai raisonnable, meilleur
délai, on va le mettre comme on veut — on est sur le fond, là, on
n'est pas sur la forme, hein, sur le fond — il ne pourrait pas être
écrit, dans cet avis d'assignation, qu'une version française suivra dans un
délai très raisonnable, meilleur délai? Puis le juge pourra dire, à ce
moment-là : Bien là, on est dans une poursuite vraiment où peut-être je
vais donner deux jours, je vais donner
trois jours, puis l'autre, bien, c'est une poursuite de plusieurs
millions, on va peut-être donner une semaine.
Pourquoi, ça, ce n'est pas raisonnable dans la
tête du ministre? Parce que l'avis d'assignation, il est obligatoire dans
l'acte introductif de l'instance, pourquoi ne pas rajouter, justement, ce que
nous proposons, une attestation qui indique que la partie a donné instruction à
un traducteur certifié de très... ou agréé de traduire l'acte de procédure? Et
puis là, ça, c'est écrit en français. Donc, fini la crainte que le ministre
évoquait hier, la personne est chez elle, puis là elle reçoit ça, puis là elle
dit : Mais c'est tout en anglais, je ne comprends rien. Bien non, elle
reçoit ça en français, puis c'est écrit que la traduction française s'en vient.
Puis ils peuvent même être bien, bien, bien établis, balisés, les délais qu'on
demande.
On est, je le répète, dans la faisabilité. On
n'est pas dans le principe.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien, comment je
pourrais vous dire ça, Mme la Présidente? Actuellement, comment ça se
passe, là, c'est qu'une personne morale, dans le fond, peut écrire uniquement
en anglais sa procédure, puis le fardeau d'avoir une traduction de la procédure
repose sur le justiciable.
Dans le fond, un citoyen québécois, lui, il peut
se faire poursuivre de A à Z par une personne morale, par une
entreprise incorporée, de A à Z, là, à la Cour du Québec, à la Cour
suprême du Canada, en anglais. Donc, au Québec, c'est comme ça, là,
présentement. Puis, s'il veut faire traduire les procédures, bien là, c'est à
ses frais.
Ce qu'on introduit, nous, c'est le fait de
dire : Écoutez, la personne morale peut continuer de poursuivre des
Québécois en anglais de A à Z, cependant, si c'est le choix de la
personne morale d'aller dans ce sens-là, elle devra joindre sur ses actes de
procédure une version française de la procédure.
L'autre point au départ, là, puis en termes
d'accès à la justice, puis en termes de diffusion de la justice, et en termes
de crédibilité du système de la justice au Québec, la langue officielle, c'est
le français. Pourquoi est-ce que, les citoyens québécois, lorsqu'une entreprise
incorporée poursuit devant les tribunaux, agit devant les tribunaux, fait des
actes de procédure devant les tribunaux, on ne permettrait pas que ces
procédures-là soient en français à partir de moment où il y a un acte qui est
fait, tu sais? Parce que, normalement, là... puis je ne suis pas un spécialiste
du nouveau code, auparavant, c'était dans les 10 jours que la personne
doit comparaître en matière civile, maintenant c'est rendu à 15. Ça va quand
même vite, là, pour le justiciable, là, pour orienter son dossier, pour aller
consulter un avocat, pour savoir ce qu'il
fait, tout ça. Alors, moi, je trouve ça raisonnable de dire : Écoutez,
quand c'est une personne morale, la personne qui est au Québec devrait
avoir le droit de recevoir la procédure qui lui est signifiée, l'acte de
procédure, les différents actes de procédure en français. Je ne vois pas
pourquoi est-ce qu'on devrait reporter dans le temps la signification en
français d'un acte de procédure d'une personne morale. On n'est pas à Toronto,
mais on est au Québec. La langue officielle
du Québec, c'est le français. On a le droit d'avoir une justice en français aux
différentes étapes sans délai.
Puis, tu sais, c'est trop facile. Souvent, on le
voit dans le Canada, le français, c'est moins important, ça va venir après.
Pourquoi est-ce que le français au Québec, ça viendrait après? Puis je le dis
avec beaucoup d'égards, là, je comprends le souci des collègues, mais, pour
moi, c'est clair qu'il faut faire en sorte que, dans le système de justice, on permette aux justiciables québécois
immédiatement d'avoir les actes de procédure en français. Puis, tu sais,
hier, je le disais, ce n'est pas juste les justiciables, c'est le public, les
chercheurs, les journalistes, les procureurs, le personnel
de la cour, les greffiers. Le droit de travailler en français, il s'applique
aussi. Tu sais, on est venus inscrire également le droit vivre en français au
Québec, ça inclut également le système de justice.
Donc, c'est pour ça que moi, l'approche que j'ai
par rapport à ça, je la trouve raisonnable parce qu'on vient respecter 133, on
vient faire en sorte que l'anglais ou le français peut être utilisé du début à
la fin des procédures par une personne morale, parce que là on parle juste des
personnes morales, là, les personnes physiques, il n'y a même pas cette obligation-là sur les personnes
physiques, là, juste les personnes morales. Moi, je ne considère pas ça comme
un fardeau le fait que la procédure soit traduite. Ça m'apparaît raisonnable.
La Présidente (Mme Thériault) : Mme
la députée.
• (12 h 20) •
Mme David : Oui, ça sera ma dernière
intervention sur ça. La réflexion que je me fais par rapport au ministre, par
rapport à la loi, parce qu'on a bien d'autres articles qui nous attendent, on
est dans un... on monte le Kilimandjaro, là, mais une étape à la fois. Il va y
avoir des arrêts, il va y avoir des bouts raboteux qu'on n'espère pas trop
raboteux, mais il y a un constat que je fais dans toute la loi pour l'avoir
tellement étudiée.
Le ministre, j'ai parlé patience, écoute,
ouverture, bon, patience, écoute, ouverture. Un petit peu plus d'écoute, aujourd'hui,
un peu plus d'ouverture, mais la porte se referme vite. Mais ce qui me frappe
le plus dans ce projet-là, ça serait le mot «patience», parce que le ministre
veut tout, tout de suite. On parle de délai, on va en parler dans
l'article 10, délai, puis là les juges ne sont pas contents, là.
«Immédiatement et sans délai», c'est une phrase clé, mais tout le projet de loi
est comme ça.
L'impatience, je dirais. C'est peut-être
l'impatience de la jeunesse, c'est peut-être... mais il va bousculer énormément.
Là, c'est le système de justice. Que dire de ce qui s'en vient sur la
francisation. Six mois, six mois pour apprendre le français. On en reparlera.
Tout le monde est venu dire que c'était impossible, impossible. Peut-être que,
pour le ministre, «impossible» n'est pas un mot, mais ça aussi, en
vieillissant, peut-être qu'à un moment donné la sagesse va rentrer. Mais ça
bouscule beaucoup, et, comme c'est une loi qu'on pourrait dire mammouth sur la
langue, ça touche tous les secteurs, il va falloir que tous les secteurs soient
extrêmement agiles, extrêmement financés pour tout ce qui s'en vient. Dans ce
cas-ci, c'est les traducteurs. Il va en falloir, des traducteurs. Puis envoye!,
puis ça presse, puis il faut aller vite. Il n'y a pas de place pour une sorte
de sagesse du temps. On est loin de Bouddha, là, on n'est pas du tout dans,
ouf, on va respirer par le nez. Vite, vite, vite. Mais hier on se l'est
dit : On va arriver tous les deux, un jour, au jour ultime, mais à des
vitesses différentes. Il court vite, vite, vite, peut-être qu'il faut être un
peu plus raisonnable.
Nous, on apporte un côté peut-être plus
raisonnable, mais cette patience-là ou cette impatience, je devrais dire, c'est
exactement de ça dont il est question dans ce cas-ci. Ce n'est pas une question
d'accès au français puis ce n'est pas une question qu'«on est au Québec», ce
n'est pas une question de «tout doit se passer en français», parce qu'on ne le
dira jamais assez, on est d'accord qu'il y ait une traduction française. On
n'est pas d'accord sur le temps, sur la temporalité parce qu'on essaie d'être
plus concrets sur les conséquences dans la vie des gens, la vie des juges, la
vie des procureurs, la vie des clients, la vie de tout le monde.
Alors, je vais m'arrêter là, parce que, le ministre
étant très impatient, il va être content de passer à autre chose. On ne le
gagnera pas, on le sait, mais j'aimerais ça qu'on retienne ça. Est-ce qu'on va
être jusqu'à la fin, en haut du Kilimandjaro, dans cette impatience puis
certains vont arriver en haut puis d'autres ne s'y rendront pas parce qu'ils
auront fait une crise cardiaque en chemin? Je ne le sais pas. Mais je pense
qu'il faudrait réfléchir de cette façon-là. Est-ce qu'on veut à ce point
bousculer, même si on est d'accord... puis je pense que le député de La Pinière
a dit : On va arriver à la même place, mais avec une Ferrari qui va avoir
plein de contraventions en chemin sur l'autoroute, ou avec un respect de ce qui
est plus raisonnable? Alors, je m'arrête là-dessus, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. M. le ministre, après ça j'irai au député de La Pinière.
M. Jolin-Barrette : Bien, ça me fait
penser à l'histoire de Betty, Mme la Présidente : teuf-teuf-teuf, lentement mais sûrement. Lentement mais sûrement.
Alors, Mme la Présidente, moi, j'ai l'approche de Betty parce que...
Je vous explique. Donald Duck a sa voiture rouge rutilante, et Goofy — c'est
une histoire vraie, Mme la Présidente, que je lis fréquemment...
La Présidente (Mme Thériault) :
...enfants.
M.
Jolin-Barrette : ...pour ma
fille, bien entendu — et
Goofy est dans la vielle Betty, une vieille auto, et Betty... Goofy dit toujours à Betty : Lentement mais sûrement, puis elle
fait : teuf-teuf-teuf. Puis là, dans le fond, ils font une course. Donald dit à Goofy, il dit : Écoute, on se
rend au prochain village, puis le premier arrivé paie la crème glacée à
l'autre.
J'ai plutôt l'approche de Goofy, lentement mais
sûrement, lentement mais sûrement. Parce que ce dossier-là, Mme la Présidente, il m'a été confié en septembre 2019 par le premier ministre. Aujourd'hui, on est en décembre 2021, on arrive
en janvier 2022. Donc, ça fait deux ans. Plus que deux ans. Pendant ce
temps-là, Mme la Présidente, on a pris acte du déclin du français. On a
constaté dans la sphère publique à quel point il fallait agir. Tous les exemples
qu'on a eus sur... dans la région
métropolitaine de Montréal, les entreprises, la langue du travail, la langue des affaires,
la langue d'intégration des personnes immigrantes, je vous dirais que j'ai été
fort sensibilisé, à l'époque où j'étais au ministère de l'Immigration, et on a
bien fait le travail pour arriver en mai 2021 avec un projet de loi qui
est costaud, qui agit sur les différents paramètres, et tout le monde le
reconnaît, même la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Alors, on ne peut pas dire
qu'on a fait ça de façon prématurée, on a vraiment beaucoup réfléchi à chacune
des dispositions, et à leur impact, et à l'opportunité de les présenter dans un
contexte général. Je donne un exemple : Même pour
Francisation Québec, comment est-ce qu'on fait pour mieux intégrer
les personnes immigrantes? Comment est-ce qu'on fait pour franciser sur
les lieux de travail? Puis c'est un défi que tous les gouvernements ont eu au
cours des années. On a mis en place le
décret par rapport à l'article 1 de la loi n° 104 en 2002. C'est une kyrielle de mesures qu'on met
en place pour freiner le déclin du français, surtout, et ça, c'est le plus
important, faire du français la langue commune. Il faut que ça se traduise
concrètement.
Alors, Mme la Présidente, en commission
parlementaire, on a beaucoup de travail à faire, mais déjà moi, je trouve que
je prends pas mal mon temps comparativement à d'autres projets de loi, trois
semaines de consultations, Mme la
Présidente, 51 groupes, ça a été les plus longues consultations de la
législature, quand même, Mme la Présidente. Alors, je tiens à rassurer
la collègue, je vais continuer avec Betty, teuf-teuf-teuf, lentement mais
sûrement. Puis il y a une côte dans cette
histoire-là, puis Betty réussit à monter la côte puis arriver au bout d'un
chemin, puis là, sans vous... mais je vais vous le dire, Mme la
Présidente, parce que Donald, durant tout ce temps-là, fait plein de choses, va
laver son auto, arrête dîner, décide de jouer au baseball, tout ça, fait plein
de... se laisse divertir, disons, mais Goofy, il n'arrête pas dîner, il
continue, il conduit lentement mais sûrement. J'ai cette approche-là, Mme la
Présidente, et je ne me laisserai pas
divertir, je reste précisément sur mon objectif de livrer un projet de loi, Mme
la Présidente, qui va être complet et je ne souhaite pas le dénaturer, enlever
des éléments qui permettraient de ne pas assurer la pérennité et la
protection du français. Et ça, l'article 9, c'en fait partie.
Donc, simplement vous dire : Je vais
continuer avec Betty, et qu'à la fin... bien, je vais vous le dire à la fin du
projet de loi qui a gagné la course entre Betty puis entre Donald. Donc, je
suis...
Une voix : ...
M.
Jolin-Barrette : Toute ma
patience est là, Mme la Présidente, pour continuer à travailler sur le projet de loi.
La
Présidente (Mme Thériault) :
C'est rassurant pour la suite des choses. Merci, M. le ministre. M. le député de La Pinière.
M. Barrette : Disons que j'ai noté
trois moments, trois phrases où j'aurais pu faire un article 35. Selon les
propos, qui sont particuliers, là, ce n'est
pas compliqué, ça se résume à :
vous intervenez, vos interventions dénaturent le projet de loi, mais je
ne dis pas que c'est ça que le ministre a dit, Mme la Présidente, mais je
dis que le mot «dénaturer» a été prononcé. Teuf-teuf-teuf! ça pourrait vouloir
dire autre chose. Là, à un moment donné, si tout ce que l'on dit est inutile,
que le ministre nous le dise, on va aller tout de suite à la fin, là, à la date
de sanction. Je sais qu'il n'a pas dit ça, là. J'ai dit «si».
Alors, on va continuer quand même dans la même
ligne, là, parce que je pense qu'on a une utilité, même si le ministre est
passé, dans la même séance ce matin, d'«un pas dans la bonne direction» à,
bien, «je vous dirai à la fin qui a gagné, là», je ne sais pas trop, là. Ça me
déçoit.
Ceci dit, je vais poser une question simple au
ministre, là, par curiosité, ça a peu d'intérêt. Le Canada Act, là, d'après le
ministre, là, pourquoi il n'a pas été traduit, en 39 ans, en français?
M.
Jolin-Barrette : Ça,
Mme la Présidente, je ne peux pas vous le dire. Ce que je constate, c'est
les résultats, par contre. Je ne peux pas vous dire la genèse et
pourquoi est-ce que ça n'a pas été traduit.
M. Barrette : Est-ce qu'il a des
hypothèses? Ça se peut-tu que ce soit complexe, qu'il y ait des enjeux, dans la
traduction, qui aient une portée même, je dirais, législative significative?
C'est-tu de la mauvaise foi, une absence de volonté? Ou peut-être qu'il y a des
raisons justifiées de ne pas l'avoir traduit?
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Moi, Mme la
Présidente, vous me connaissez, je ne souhaite pas prêter d'intentions à
personne, donc je ne peux pas dire qu'il y a de la mauvaise foi ni quoi que ce
soit. Donc, je ne peux pas vous le dire.
M. Barrette : Je n'ai pas demandé au
ministre de prêter des intentions. Je lui ai demandé s'il avait des hypothèses.
Une hypothèse, ce n'est pas prêter une intention.
Une chose est certaine, Mme la Présidente, il
n'est pas traduit. Et d'aucuns pourraient dire que ce n'est pas traduit parce
qu'il y a un problème, on peut juste dire ça, il y a un problème. Admettons que
le problème n'est pas de nature politique,
n'est pas une intention politique, admettons ça. Je ne dis pas que c'est ça, je
ne le sais pas, mais il y a une raison. Mais admettons que c'est parce que ça
pose un problème. Bien, si la traduction, si la traduction de la constitution
pose un problème, là, peut-être que la traduction, dans le commun des mortels,
peut poser un problème aussi et représenter, comme je le disais hier, un
fardeau.
Je vais poser une autre question au ministre,
là, qui est très terre à terre, celle-ci, là, et qui est dans 96, là. Le
ministre fait souvent référence au fait... Et là je ne connais pas la réponse,
là, je ne veux pas le piéger d'aucune manière,
là. Il a dit qu'il y a juste aux Petites Créances qu'il n'y a pas d'avocat.
Puis le fait d'avoir besoin d'un avocat, pour une personne morale,
c'était quelque chose de cardinal dans le fait qu'il n'y en a pas, de problème
avec le français. Bon, je comprends, là... est-ce que je
comprends mal qu'à la Cour des petites créances il va falloir une version
française aussi? C'est peut-être que j'ai mal compris, là, c'est...
• (12 h 30) •
La Présidente
(Mme Thériault) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette :
Donc, une personne morale doit avoir une version française avec les actes de
procédure.
M. Barrette :
À la Cour des petites créances aussi?
M. Jolin-Barrette :
Partout.
M. Barrette :
Parfait. C'est correct. Mais, à la Cour des petites créances, il n'y a pas nécessairement
d'avocat. Alors, on a là l'obligation d'avoir... Parce que, je fais un pas de recul, Mme la Présidente, un des arguments fondamentaux, cardinaux du ministre sur tout le
débat qu'on a, là, c'est : Regardez, vous vous énervez pour rien parce
qu'au Québec les avocats doivent parler français, et puis il n'y a pas de
raison que... Bon, nous, on dit : Oui, oui, mais il y a peut-être des cas
de figure où c'est le contraire, il va y avoir un problème, la traduction va
poser un problème. Les Petites Créances, c'est un cas de figure où ça peut
poser un problème.
Bon,
je prends un cas de figure hypothétique,
très hypothétique, d'une résidence anglophone de Beaconsfield, qui est une
RPA et qui ne dessert que des gens pauvres. Ça existe, là, je ne sais pas si le
ministre est au courant, là, mais il y a des OBNL qui sont des OBNL
d'habitation, qui sont des RPA et puis qui ont de la misère à rejoindre les
deux bouts, et puis la RPA peut avoir contracté, je ne sais pas, moi, une entreprise
de rénovation anglophone qui n'a pas donné des bons services, et la poursuit,
puis la poursuit aux Petites Créances. C'est combien, là? C'est rendu
3 000 $ ou 5 000 $, les Petites Créances, là?
Une voix :
15 000 $.
M. Barrette :
15 000 $? Oui, ça fait longtemps que je suis en retard.
15 000 $. Bien, il est possible que la traduction soit un obstacle,
là. Et là ici, dans un cas de figure où ce n'est pas la banque canadienne-anglaise
qui poursuit un Québécois francophone, on n'est pas là-dedans, là, on est dans
un cas de figure anglais-anglais, à la Cour des petites créances, mettant en
cause des gens modestes pour qui la traduction peut entraîner des coûts
substantiels. Pourquoi? Ça, là...
Puis là on ne
conteste pas, là... Regardez, Mme la Présidente, je vais être clair, là, je ne
conteste pas le français, là, on n'est pas
là-dedans, qu'il ne nous réponde pas : Le Parti libéral est contre le
français. On dit simplement... je dis,
dans l'exemple suivant, qu'en droit c'est comme ça, là, il y a eu, par exemple,
un contrat, il y a eu un tort, il y a eu un dommage, il y a quelqu'un
qui poursuit. La personne qui poursuit, qui est dans son bon droit, peut être
dans une situation où il y a un enjeu de temps, hein? Et là on
dit : Bien, peut-être que, dans ce cas de figure là, par exemple,
là, on devrait s'assurer que ça, ça ne soit pas un obstacle à l'accès à la
justice, pour des raisons a, b, c, le coût, le temps, et ainsi de suite. Puis
on est d'accord, on va la faire, ils vont la faire, ça va arriver. Pourquoi ça,
ce n'est pas recevable?
La Présidente (Mme
Thériault) : M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Bien, Mme la Présidente, je suis très sensible à ce
que dit le député de La Pinière, mais le droit de recevoir des actes de
procédure en français, de la part des personnes morales, il m'apparaît
fondamental, et que ça soit immédiatement. À
partir du moment où une entreprise incorporée décide de faire des actes de procédure
au Québec, les personnes morales devraient le faire en français, à tout le
moins de donner une traduction certifiée. Et elles ont tout le loisir d'agir en
anglais ou en français, mais ça prend au moins une traduction certifiée.
La Présidente (Mme
Thériault) : M. le député.
M. Barrette :
Mme la Présidente, le ministre vient de me dire qu'il est sensible à ce que je
dis. Ça, ça devrait se manifester par prendre le même cas de figure dans la
réponse, là. Le cas de figure que j'ai donné, je vais le répéter : OBNL
modeste en moyens financiers, anglophone, qui s'adresse à un entrepreneur qui
est un individu qui est anglophone. Nous,
tout ce qu'on dit, c'est que, dans un cas comme celui-là, là, la version
française, elle est nécessaire par la loi qui sera éventuellement
adoptée, mais elle n'est pas nécessairement utile. Le délai pourra être utile
pour la partie qui est l'OBNL modeste. Alors, je dis que, dans ce cas-là, il y
a un problème.
Je ne prétends pas...
je ne suis pas un oracle, je ne peux pas voir tous les cas de figure, mais
j'essaie de voir s'il y a des cas de figure
où la loi, telle qu'elle est écrite, peut poser un problème. On en expose un,
la réponse, dans mon cas de figure, c'est que tout le monde a le droit
de recevoir ça en français. Mme la Présidente, dans le cas de figure que je
montre, là, ça n'a aucun intérêt pour les parties ni la cour. Ça devient un
dogme.
Nous, ce qu'on dit,
c'est qu'il y a moyen, là, d'atténuer ça grâce à l'amendement. Qu'on le change,
l'amendement, mais il y a un intérêt, là, à
regarder ça, en ce qui me concerne, tout simplement. Alors, elle est quoi, la
réponse à ça? L'exemple que je donne, il n'est pas bon?
M.
Jolin-Barrette : Mme la Présidente, chaque cas peut être un cas
d'espèce. Une question relativement au principe : Est-ce qu'au Québec on
souhaite faire en sorte que les personnes morales joignent une procédure en
français de leur acte de procédure? La réponse à cette question-là, pour nous,
c'est très clairement oui et sans délai, immédiatement, si c'est le choix qui
est fait par la personne morale.
La Présidente (Mme
Thériault) : M. le député.
M. Barrette :
Il me reste...
La Présidente (Mme
Thériault) : ...minute.
M. Barrette :
Une minute?
La Présidente (Mme
Thériault) : Oui.
M. Barrette :
Est-ce que le rôle du législateur est ou non, dans l'esprit du ministre,
d'édicter des lois qui protègent les intérêts de tous les citoyens au Québec?
Ça, ça veut aussi dire de ne pas nuire à certains citoyens du Québec. Est-ce
que le législateur a la responsabilité d'analyser tous les cas de figure et de
voir s'il est possible de faire des
aménagements pour éviter les impairs juridiques? Pour moi, la réponse à ça,
c'est oui. Est-ce que, le ministre,
c'est non? Si c'est non, ça veut dire que c'est dogmatique, là.
La Présidente (Mme
Thériault) : M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Alors, Mme la Présidente, on semble vouloir prêter
des intentions de nouveau. Alors, moi, mon objectif, Mme la Présidente, c'est
de faire en sorte de pouvoir garantir à tous les citoyens québécois qu'ils vont
pouvoir accéder à des actes de procédure en français dès le moment où ça leur
est signifié par une personne morale, et c'est ce que dit la disposition.
La Présidente (Mme
Thériault) : M. le député, rapidement.
M. Barrette :
C'est donc une loi nonobstante. Ma job, c'est de faire une loi qui arrive à
telle destination, nonobstant le tort
potentiel que ça pourrait causer à des citoyens du Québec. C'est
une version législative de la clause nonobstant.
C'est fantastique, moi, je trouve ça extraordinaire, le moment qu'on vit actuellement. Je termine là-dessus, Mme la Présidente.
La
Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Vous n'avez plus de temps. Est-ce
que vous avez d'autres interventions? Sinon, on va mettre aux voix le sous-amendement.
On est prêts à mettre aux voix le sous-amendement?
Une voix :
...
La Présidente (Mme
Thériault) : Vote par appel nominal. Mme la secrétaire.
La Secrétaire :
Veuillez répondre pour, contre ou abstention. M. Barrette (La Pinière)?
M. Barrette :
Pour.
La Secrétaire :
Mme David (Marguerite-Bourgeoys)?
Mme David :
Pour.
La Secrétaire :
M. Jolin-Barrette (Borduas)?
M. Jolin-Barrette :
Contre.
La Secrétaire :
M. Skeete (Sainte-Rose)?
M. Skeete :
Contre.
La Secrétaire :
M. Provençal (Beauce-Nord)?
M.
Provençal : Contre.
La Secrétaire :
Mme Foster (Charlevoix—Côte-de-Beaupré)?
Mme Foster : Contre.
La Secrétaire :
M. Poulin (Beauce-Sud)?
M. Poulin : Contre.
La Secrétaire : M. Lévesque
(Chapleau)?
M. Lévesque (Chapleau) : Contre.
La Secrétaire : M. Lemieux
(Saint-Jean)?
M. Lemieux : Contre.
La Secrétaire : Mme Ghazal
(Mercier)?
Mme Ghazal : Abstention.
La Secrétaire : Et
Mme Thériault (Anjou—Louis-Riel)?
La Présidente (Mme Thériault) :
Abstention. Donc, le sous-amendement est rejeté. Et nous revenons donc à
l'amendement qui a été déposé par la collègue, la députée de
Marguerite-Bourgeoys, à l'article 9 de l'article 5.
M. Barrette : ...un autre amendement
à déposer. Non, c'est un...
Une voix : ...
M. Barrette : Ah! il faut qu'on vote
sur... Excusez-moi, excusez-moi, excusez-moi.
La
Présidente (Mme Thériault) :
...premier amendement de la collègue, la députée
de Marguerite-Bourgeoys. Donc, si...
Mme David : Mme la Présidente, je
n'ai pas grand-chose à rajouter. Je pense qu'on a...
La Présidente (Mme Thériault) : On a
fait le tour?
Mme David : Bien, on a épuisé le
sujet. Enfin, on note tout ça et puis on se gardera, au fur et à mesure, un fil
conducteur pour la suite de nos interventions. Alors, ça va s'arrêter là pour
cet amendement-là.
La
Présidente (Mme Thériault) :
Donc, je comprends que vous voulez mettre aux voix l'amendement que vous avez déposé?
Mme David : Oui.
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. Vous voulez un vote par appel nominal encore? Mme la députée?
Mme David : Pour.
La Présidente (Mme Thériault) : Non.
Vous voulez un vote par appel nominal?
Mme David : Ah! Oui.
La Présidente (Mme Thériault) : Oui?
Parfait.
Mme David : Oui. Excusez.
La
Présidente (Mme Thériault) :
Mais je vois que vous êtes pour, pour votre amendement, c'est bon. Mme la secrétaire, vous pouvez procéder.
La Secrétaire : Mme David
(Marguerite-Bourgeoys)?
Mme David : Pour.
La Secrétaire : M. Barrette
(La Pinière)?
M. Barrette : Pour.
La Secrétaire :
M. Jolin-Barrette (Borduas)?
M. Jolin-Barrette : Contre.
La Secrétaire : M. Skeete
(Sainte-Rose)?
M. Skeete : Contre.
La Secrétaire : M. Provençal
(Beauce-Nord)?
M.
Provençal : Contre.
La Secrétaire : Mme Foster
(Charlevoix—Côte-de-Beaupré)?
Mme Foster : Contre.
La Secrétaire : M. Poulin
(Beauce-Nord)?
M. Poulin : Sud.
La Secrétaire : (Beauce-Sud)?
Pardon.
M. Poulin : Contre.
La Secrétaire : M. Lévesque
(Chapleau)?
M. Lévesque (Chapleau) : Contre.
La Secrétaire : M. Lemieux
(Saint-Jean)?
M. Lemieux : Contre.
La Secrétaire : Mme Ghazal
(Mercier)?
Mme Ghazal : Abstention.
La Secrétaire : Et Mme Thériault
(Anjou—Louis-Riel)?
La
Présidente (Mme Thériault) :
Abstention. Donc, l'amendement déposé par la députée de Marguerite-Bourgeoys est rejeté. M. le
député de La Pinière, j'ai compris que vous avez un autre amendement à
nous proposer concernant l'article 9. Allez-y.
• (12 h 40) •
M. Barrette : Oui. Excusez-moi, là,
pour l'impair de procédure que j'ai fait, là.
La Présidente (Mme Thériault) : Est-ce
que l'amendement est sur Greffier?
M. Barrette : Je l'ai fait...
La
Présidente (Mme Thériault) :
Attendez juste une seconde, la secrétaire va me répondre. L'amendement est sur Greffier. Donc, vous pouvez procéder. J'ai une copie
devant moi aussi.
M. Barrette : Très bien.
Alors, l'amendement se lit ainsi :
L'article 5 du projet de loi est modifié par le remplacement, dans
l'article 9 de la Charte de la langue française qu'il introduit, du
deuxième alinéa par le suivant : «Les frais de la traduction sont des
frais de justice.»
Alors, Mme la Présidente, ça, je veux simplement l'expliquer, parce que le temps passe, et
je vais probablement terminer avec ça, là. Alors, écoutez,
là, ici, je n'ose pas encore imaginer, je ne suis pas capable, imaginer que
cet élément va être considéré comme hostile au concept de la nécessité d'avoir
des traductions françaises, là. Ça ne se peut
pas, là. Alors, le ministre, évidemment, connaît mieux que moi le concept des frais de
justice. C'est un sujet qui est apolitique,
qui est totalement juridique et que... Bien oui, là. Là, Mme la Présidente,
je vois une expression d'étonnement dans le regard du ministre quand
j'ai prononcé le mot «apolitique». Si l'étonnement vient du fait que c'est
politique, bien là, on va avoir de longs échanges.
Alors, la
notion de frais, vous le savez, Mme la
Présidente, c'est une notion qui est
de nature juridique administrative, c'est-à-dire que, dans un jugement,
un juge va déterminer, en fonction du mérite de la cause et de la démarche de la cause, si
les frais sont à la charge de l'une ou l'autre partie. Et nous considérons
depuis le début... Et là, Mme la
Présidente, c'est quand même
un beau moment pour rappeler que les frais de justice, à ma connaissance, sont
un fardeau pour une des deux parties, puisqu'il arrive que le juge
impute les frais à la partie qui fait l'instance, qui fait le procès. Ce n'est pas automatique que ça s'en va à
l'autre partie, même que, l'autre partie, là, le défenseur peut se ramasser
avec des frais.
Ceci dit, Mme la
Présidente, depuis le début, nous, on dit que ces frais-là vont, dans les
faits, constituer un fardeau et nous souhaitons laisser le loisir au juge,
dépendamment de la circonstance, d'attribuer ces frais-là à l'une ou l'autre
des parties. En français, là, la partie qui a tort puis qui fait une procédure
qui n'est pas vraiment justifiée au mérite, là, normalement elle a une espèce
de pénalité, on va dire ça comme ça en langage laïque, là : Regarde, tu as
fait quelque chose de frivole, tu te ramasses avec les frais. Alors, ça, ce
sont des frais qui sont un fardeau, et on veut donner la chance au justiciable
de récupérer sa mise, si cette personne-là se retrouve, à la fin d'un jugement,
dans une situation favorable.
Alors là, ce n'est
pas une question de langue française ou non, c'est une question de fardeau pour
lequel on peut avoir un soulagement si les circonstances juridiques le
permettent.
La Présidente (Mme
Thériault) : Merci, M. le député de La Pinière. M. le
ministre, je vais vous permettre de prendre la parole au retour, si vous n'y
voyez pas d'inconvénient, parce que je vais vous interrompre dans quelques secondes pour vous dire qu'on est arrivés
à l'heure prévue pour ajourner... pour suspendre les travaux ce matin.
Donc, sans plus tarder,
je vais suspendre les travaux. Et nous nous retrouverons après 15 heures
pour la poursuite des travaux. Bon appétit, tout le monde.
(Suspension de la séance à
12 h 45)
(Reprise à 15 h 12)
La
Présidente (Mme Thériault) :
Votre attention, s'il vous plaît! La Commission
de la culture et de l'éducation reprend ses travaux, et nous poursuivons
l'étude détaillée du projet de loi n° 96, Loi sur la langue
officielle et commune du Québec, le français.
Lors de la suspension de nos travaux, nous en
étions à l'étude de l'article 9
de l'article 5. M. le député de La
Pinière avait déposé un amendement, il nous l'avait présenté, et nous étions rendus au tour du ministre,
que... J'ai très élégamment souligné le fait que je ne lui ferais pas
commencer son intervention pour 15, 20 secondes. Donc, au retour, la
parole est à vous, M. le ministre, sur l'amendement du collègue de La Pinière.
M.
Jolin-Barrette : Oui, voyez-vous... oui, c'était au niveau des frais
judiciaires. En fait, ce que le député de La Pinière nous disait, c'est... il
disait : Écoutez, bien, celui qui a entamé la poursuite, dans le fond, va
payer les frais judiciaires, on va laisser le juge déterminer. Or, la
traduction, ça ne peut pas être des frais judiciaires, considérant le fait que
c'est l'accès à la justice, l'accès à une procédure en français. Donc, moi, je
vois mal comment on devrait... même si la personne se fait condamner, au niveau
du jugement, par la poursuite, par le biais d'une personne morale, supposons, on viendrait la pénaliser d'avoir une
procédure dans sa langue, en français. Donc, ça va un peu à l'encontre
de la disposition.
Parce que la
proposition, là, que ça fasse partie des frais de justice, là, dans un cas
comme dans l'autre, là, que la personne morale soit en poursuite ou en défense,
là, la proposition fait en sorte que... Dans le fond, à partir du moment où...
pardon, à partir du moment où la personne morale, elle doit traduire sa
procédure en français, le député de La Pinière nous dit : Bien, écoutez,
ça va faire partie des frais de justice. Le juge, lorsqu'il accorde les débours
judiciaires, avec frais, sans frais, lorsqu'il accorde la requête où chaque
parti payant ses frais, si on relie ça à, justement... tel qu'il est proposé,
ça fait en sorte qu'on viendrait dire : Bien, écoutez, le juge pourrait
faire porter les frais de la traduction
comme étant un fardeau à la partie défenderesse ou à la partie demanderesse.
Alors, on viendrait dire : Bien, le fait d'avoir sa procédure en
français, ça constitue des frais judiciaires.
Or, ce n'est pas ça,
le principe qu'on veut faire. On ne veut pas pénaliser quelqu'un, parce qu'il a
droit à sa procédure en français. Donc, c'est ça avec lequel je ne suis pas à
l'aise dans l'amendement, le fait de faire supporter à une partie, supposons,
qui... qui n'obtient pas gain de cause ou qui se fait condamner, de lui
dire : Bien, en... Puis peut-être que son point était légitime, là, parce
que tout le monde a le droit de se défendre devant les tribunaux, tout le monde a le droit de prendre action, de faire
valoir ses droits. Là, on viendrait lui dire : Bien, écoute... C'est comme
si on insérait le droit d'avoir une procédure en français comme étant un
élément qui pourrait être pénalisant. Or, c'est tout le contraire qu'on veut
faire, on veut rendre ça disponible dès le départ. Comprenez-vous ce que je
veux dire?
La Présidente (Mme
Thériault) : Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme
David : Bien, j'aimerais que
le ministre m'explique alors les frais, les frais judiciaires, quand on impute
à une partie ou à l'autre. Ce n'est pas la même réflexion pour tous les autres
frais?
M.
Jolin-Barrette : Oui, mais la différence...
Mme David : ...obligé de payer
quelque chose, là. C'est un fardeau.
M.
Jolin-Barrette : Bien, généralement, lorsque vous demandez la
poursuite, vous demandez avec frais, vous faites valoir votre droit, puis là
vous dites : Avec frais. O.K.? Donc là, la personne morale, on lui
dit : Bien, écoute, la charge, le fait de choisir de faire la procédure en
anglais, tu engages des frais en français, supposons, pour les frais de
traduction. Mais c'est un choix qui est fait. À partir de ce moment-là, c'est
comme si on disait au justiciable qui, supposons, est poursuivi... puis
supposons qu'il a tort, on lui dit : Bien, écoute, à la base, là, la procédure, là, parce qu'on est une personne
morale, on va te la charger en plus, si jamais tu n'as pas de gain de cause,
on va te la charger en plus, alors que la
langue de la législation puis de la justice, c'est le français. Donc, c'est
comme si on venait dire : Bien, c'est un fardeau supplémentaire
parce que c'est écrit en français. Or, ce n'est pas la bonne logique, là. La
logique, c'est le fait de dire : Ça doit être en français, lorsqu'on est une
personne morale, ou qu'il y ait une traduction en français.
Moi, je n'aime pas le
fait de venir dire : Ça va vous coûter des frais parce que vous avez
obtenu une traduction en français. À la base, là, la personne morale, là, elle
fait le choix, là, de l'écrire en anglais, supposons, ou de l'écrire en
français. Elle a le choix. Mais là, nous, ce qu'on dit : L'article, il est
là pour faire en sorte que tout le monde ait accès à une procédure en français,
puis pas juste la partie à l'instance, mais aussi le public, le public en général, le personnel de la cour, les
journalistes. Tu sais, c'est le principe même de la justice. La justice, elle
est publique, il faut que la population puisse comprendre, puisse
saisir. Alors, l'acte de procédure, comme tel, c'est normal qu'il soit en
français, dès le départ, par une personne morale.
Mme David :
Puis, quand vous dites : La langue de la justice, là, c'est le français,
là, je ne comprends plus. Il me semble que Blaikie ne dit pas ça, c'est le
français ou l'anglais.
M.
Jolin-Barrette : Dans le fond, Blaikie... Dans le fond, l'article 133
nous dit que les deux langues peuvent être utilisées, mais quand même,
sous réserve de 133, la langue de la législation et de la justice, c'est le
français.
Mme David :
Bien, on le dit dans quel corpus, ça, par rapport au corpus 133? Parce que
la langue de la législation... Là, ici, on parle français, c'est clair, mais on
peut parler anglais aussi. Puis le projet de loi, il est déjà traduit. On en a
même parlé, de la traduction, hier.
(Consultation)
M.
Jolin-Barrette : ...la langue de la législation et de la justice,
c'est le français, sous réserve de 1, 2 dans la Charte de la langue française.
Mme David :
Une fois qu'on a enlevé les réserves, qu'est-ce qui reste?
M.
Jolin-Barrette : Qu'est-ce que vous voulez dire, sous «réserves»?
Mme David :
Bien, c'est la langue... le français est la langue de la législation sous
réserve de, mais sous réserve de 133 qui dit que la législation et ce qui se
passe en cour, tout ça peut être dans une des deux langues.
M.
Jolin-Barrette : Exactement.
Mme David :
Alors, qu'est-ce qui reste une fois que tu as enlevé les réserves de français?
C'est ça.
M.
Jolin-Barrette : Mais qu'est-ce qui reste, il reste ce qu'on est en
train de faire... de dire que les personnes morales, lorsqu'elles produisent un
acte de procédure...
Mme David :
Ils doivent le traduire en français.
• (15 h 20) •
M.
Jolin-Barrette : ...ils doivent le traduire.
Mme David :
Mais admettons que la poursuite est futile, puis que ça coûte plein d'argent,
puis que c'est dans... C'est ça, l'esprit des frais qui sont imposés à une
partie ou à l'autre. Le juge, quand il réfléchit sur les frais, là, puis qu'il dit : Les frais doivent être à
telle partie ou telle autre partie, il me semble que c'est parce qu'il
dit : Bien là, on incombe les frais, habituellement, aux perdants,
si je comprends bien, et non pas aux gagnants. Donc là...
M. Jolin-Barrette :
...ça, ça dépend, parce que le juge, quand les arguments ont de l'allure des
deux côtés, peut faire le choix de chacune des parties payant ses frais.
Mme
David : Mais c'est ça, mais notre amendement n'empêche pas ça, là,
quand on dit que la... sont des frais de justice, on laisse le juge dire : Bien, ça va être l'un ou l'autre
qui va payer, hein, ou les deux, dépendant de ce que le juge décide.
M.
Jolin-Barrette : Mais je ne veux pas assimiler la langue française à
des frais de justice. Tu sais, dans le fond,
le principe de base, c'est que le français devrait toujours être présent. C'est
ça, le principe de base : ça ne doit pas être pénalisant, le fait
d'avoir une traduction française.
Mme David :
Pouvez-vous me donner d'autres exemples de frais de justice?
M. Jolin-Barrette : Bien, les
débours judiciaires, les transcriptions, les notes sténographiques, le timbre
judiciaire, supposons qu'il y a du repiquage.
Mme David : C'est parce que c'est
intéressant, l'échange, parce que... Est-ce que le fait d'avoir... Parce que
les notes sténographiques, c'est de la transcription, mais ce n'est pas de la
traduction. La traduction, c'est plus à partir d'une autre réflexion, que, vous
dites, ça ne devrait pas être dans les frais de justice. Pourquoi? Parce que
c'est la question d'une langue, d'une
langue qui est la langue officielle du Québec, et donc ça, ce ne serait pas un frais de
justice, mais le reste des technicalités des dépenses qui viennent, là,
comme ce que vous appelez le timbre ou les notes sténographiques, ça, ce serait
comme une autre base de réflexion pour le juge, de dire : Ça doit être une
ou l'autre des deux parties qui doit assumer
ces frais-là. Mais la langue, c'est comme... par principe, ce ne sera pas un ou
l'autre, même si ça peut coûter cher, parce qu'il y a quelqu'un qui le
paie, le traducteur, en bout de ligne, là, ça s'est sûr.
M. Jolin-Barrette : Dans ce cas-ci,
c'est la personne morale.
Mme David : Puis, tout d'un coup
que, la personne morale, pour tous les frais de justice, là, le juge
dise : Ça ne va pas être la personne morale qui va payer les frais de
justice, ça va être l'autre partie, parce que, si le juge doit décider, ça veut
dire qu'il y a deux choix, bien, il va...
M.
Jolin-Barrette : ...plusieurs
choix, soit qu'il dit «avec frais», «sans frais», «chaque partie payant ses
frais».
Mme
David : Bon, bien, c'est ça, il a quelque chose à décider. Puis ce que
vous dites, c'est que, même si lui, il n'a pas... Disons que le juge dit :
Avec frais pour l'autre partie, «avec frais pour l'autre partie», bien, la
personne morale va dire : Bien, moi, O.K.,
ils vont me rembourser le timbre, le sténographique, etc., mais pas la
traduction, c'est ça que je comprends, on ne le mettra pas dans...
M. Jolin-Barrette : Oui, parce qu'il
ne faut pas assimiler le fait d'imposer à un justiciable le coût d'accéder à
des documents en français au Québec. Ce n'est pas à une partie au litige à
assumer les frais de traduction.
Mme David : Bien, ça n'a jamais...
la question ne s'est jamais posée, en fait, dans ces termes-là, puisque ça
n'existait pas jusqu'à ce que cette loi-là vienne en vigueur. Parce que, je
comprends bien, là, on est dans une nouvelle réflexion.
M. Jolin-Barrette : Bien, la députée
a raison, Mme la Présidente, effectivement, c'est du droit nouveau, à
l'exception qu'à l'époque de la loi 101, en 1977, il y avait certains
articles qui faisaient en sorte que la seule langue devant les tribunaux, c'était le français, à moins que l'autre
partie consentait à ce que les documents soient en anglais, ou un truc
comme ça, mais ça a été invalidé par Blaikie.
Mme David : Bien, je suis contente
de me dire, même à moi-même : C'est du droit nouveau, parce que je ne
l'avais pas pensé en ces termes-là. Mais c'est vrai, puisque ça n'existait pas
avant. Donc, on a au moins raison, mon collègue et moi, de se poser la question :
Ça fait-tu partie des frais ou ça ne fait pas partie des frais?
M. Jolin-Barrette : Bien non, mais
ça ne fait pas partie des frais de justice. Dans le fond, moi, je ne souhaite
pas le qualifier comme étant... faisant partie des frais de justice, parce qu'il
s'agit d'accès à la justice en français. Il ne faut pas l'assimiler à ça. L'amendement
que vous proposez, l'amendement que le député de La Pinière propose, c'est justement
de faire ça, de faire en sorte que c'est comme si vous assimilez la traduction
en français d'un document à des frais de justice, ce que nous ne souhaitons pas
faire.
La
Présidente (Mme Thériault) :
Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, ça va? Ou, sinon, j'ai le député de La Pinière qui voudrait
continuer.
M. Barrette : Rapidement, là, parce
que je vois où est-ce qu'on s'en va ou plutôt là où on ne va pas, là. Alors, ici, le ministre, essentiellement,
fait un choix. Il l'a dit lui-même, il ne veut pas assimiler un frais qui est
incontournable, comme les autres frais, à la traduction française, dont
il vient sacraliser... un frais qui devient intouchable. Les autres frais, eux
autres, c'est des frais païens, alors, eux autres, on peut les mettre dans des
frais, mais, les sacralisés, on ne peut pas les mettre. Alors, c'est ça qu'il
fait. C'est un choix, il l'a dit lui-même : Je ne veux pas assimiler ça à
un frais juridique parce que c'est la justice en français. Mais tous les autres
frais sont incontournables, eux autres aussi. Je prends l'exemple des notes
sténographiques, quand il y en a, c'est un frais, c'est incontournable, merci,
bonsoir.
Je ne veux pas, Mme la Présidente, aller plus
loin. Je comprends que le ministre, il ne cédera pas là-dessus. Si ma collègue
est d'accord, on peut voter là-dessus, parce que c'est toujours la même roue
qui tourne, là.
La Présidente (Mme Thériault) :
...commentaires? M. le ministre semble d'accord à passer au vote. Oui, Mme la
députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme
David : Bien, le dernier commentaire que je ferais va dans le sens de
mon collègue, c'est qu'on décide ensemble, à ce moment-ci. Parce qu'il faut
être conscients que cette loi-là, elle a beaucoup de droit nouveau, elle a beaucoup
d'enjeux qui n'ont pas été nécessairement abordés ailleurs, ou dans d'autres
lois, ou dans les années passées. Donc, il
est clair que, s'il y a une partie qui dépose un litige, qui est, de toute
évidence, de mauvaise foi, qui abuse, n'importe quoi, le juge pourrait,
si on mettait ça dans la loi, dire : Tu vas rembourser aussi les frais de
traduction, parce que ça a toujours bien coûté quelque chose à quelqu'un
d'avoir à traduire ça. Mais ça, ce n'est pas considéré comme étant une
dépense... j'aime un peu l'expérience... on peut l'appeler païenne ou laïque,
et que c'est une dépense, je pense, mon collègue a dit «sacralisée»...
La Présidente (Mme
Thériault) : «Sacralisée», oui.
Mme David :
...sacralisée, c'est... Parce que c'est la langue, ce n'est pas comme la note
sténographique. Alors, c'est vrai qu'il y a comme un petit fil conducteur
là-dedans. Mais je trouve ça important, ça va rester à tout jamais, ces échanges-là qu'on a, dans les galées,
donc je pense que c'est important de dire, effectivement, que c'est une
décision qui peut-être peut avoir son fondement, qui peut être discutée, mais
qui est un ou l'autre.
La Présidente
(Mme Thériault) : Oui. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette :
...avant de pouvoir voter, simplement dire que ce n'est pas de l'orthodoxie que
de dire que la langue française, la langue de la justice... on ne doit pas
pénaliser du fait que, financièrement... le fait de rendre une version française de disponible pour l'ensemble de la
population québécoise. C'est juste dans ce sens-là puis c'est pour ça
que je ne l'assimile pas à des frais de justice.
La Présidente
(Mme Thériault) : Mme la députée.
Mme David :
Mais je répète, Mme la Présidente, même si la personne qui, pour tous les
autres frais, se fait rembourser, parce que
le juge a dit : C'était, disons, un litige où il y avait clairement un
abus fait dans les procédures... Donc, ça, ça va devoir être payé quand
même par la personne qui n'a jamais demandé d'être poursuivie puis qui n'avait pas de raison d'être poursuivie. Bien, il
va falloir qu'elle paie, parce qu'elle fait sa contribution à la langue
française, quelque part, même si elle
n'a pas demandé, elle... Alors, elle va être remboursée pour tous les autres
frais, que ça soit sténographique, le timbre, le ci, le ça, mais pas le
3 000 $ que lui a couté la traduction.
M. Jolin-Barrette :
Juste un bémol là-dessus, et je donne un exemple : les frais
extrajudiciaires ne sont que très, très,
très rarement remboursés. Par frais extrajudiciaires, on entend des honoraires
des avocats, supposons. Toute personne morale doit passer par un avocat,
par un procureur, ça non plus, ce n'est pas remboursé. Donc, dans le fond, là, pour la personne morale, on ne doit pas
assimiler le fait d'avoir un document en français comme étant un frais judiciaire. On parle d'accès à la justice en
français, c'est plutôt ça. Mais je comprends très bien le point de mes
collègues. Je le respecte, mais je ne le partage pas.
Mme David :
J'apprécie la conclusion du ministre, je vais le dire, et que ça soit noté.
La
Présidente (Mme Thériault) : Êtes-vous prêts à passer au vote,
s'il n'y a pas d'autres interventions? Est-ce que vous demandez... Oui,
il faut que vous me demandiez un vote par appel nominal.
Mme David :
Oui. Mais c'est parce que c'est mon collègue qui a déposé...
La Présidente
(Mme Thériault) : N'importe lequel, n'importe lequel des
collègues.
Mme David :
O.K. Alors, je demande un vote par appel nominal.
La Présidente
(Mme Thériault) : Voilà. Mme la secrétaire.
La Secrétaire :
Veuillez répondre pour ou contre, abstention. M. Barrette (La Pinière)?
M. Barrette :
Pour.
La Secrétaire :
Mme David (Marguerite-Bourgeoys)?
Mme David :
Pour.
La Secrétaire :
M. Jolin-Barrette (Borduas)?
M. Jolin-Barrette :
Contre.
La Secrétaire :
M. Lévesque (Chapleau)?
M. Lévesque
(Chapleau) : Contre.
La Secrétaire :
M. Provençal (Beauce-Nord)?
M. Provençal : Contre.
La Secrétaire :
Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac)?
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Contre.
La Secrétaire :
M. Skeete (Sainte-Rose)?
M. Skeete : Contre.
La Secrétaire :
Mme Foster (Charlevoix—Côte-de-Beaupré)?
Mme Foster : Contre.
La Secrétaire : M. Poulin
(Beauce-Sud)?
M. Poulin : Contre.
• (15 h 30) •
La Secrétaire : M. Lemieux
(Saint-Jean)?
M. Lemieux : Contre.
La Secrétaire : Mme Ghazal
(Mercier)?
Mme Ghazal : Abstention.
La Secrétaire : M. Bérubé
(Matane-Matapédia)?
M.
Bérubé : Contre.
La Secrétaire : Et Mme Thériault
(Anjou—Louis-Riel)?
La
Présidente (Mme Thériault) :
Abstention. Donc, l'amendement proposé à l'article 9 de l'article 5
est rejeté. Donc... Oui? Madame...
M. Jolin-Barrette : ...Mme la
Présidente, je vous demanderais une courte suspension.
La Présidente (Mme Thériault) : Une
courte suspension? Certainement.
Nous allons suspendre les travaux quelques
instants.
(Suspension de la séance à 15 h 31)
(Reprise à 15 h 34)
La
Présidente (Mme Thériault) :
Nous poursuivons donc nos travaux. Donc, après avoir voté sur l'amendement qui avait été présenté par le député de La Pinière, nous en
sommes rendus à l'article 9, M. le... 9. On revient sur l'article parce
qu'on n'a pas eu de discussion sur l'article, on n'a eu que des discussions sur
les amendements et le sous-amendement. Est-ce qu'il y a des questions,
commentaires sur l'article 9, qui nous a déjà été présenté par le ministre
hier? Il n'y a pas de commentaire?
Donc, je comprends que nous pouvons passer à l'article 10. M. le ministre,
l'article 10.
M. Jolin-Barrette : 10, Mme la
Présidente : «Une version française doit être jointe immédiatement et sans
délai à tout jugement rendu par écrit en anglais par un tribunal judiciaire
lorsqu'il met fin à une instance ou présente un intérêt pour le public.
«Tout autre jugement rendu en anglais est
traduit en français à la demande de toute personne; celui rendu en français est
traduit en anglais à la demande d'une partie.
«Les frais de
la traduction effectuée en application du présent article sont assumés par le
ministère ou l'organisme qui l'effectue ou qui assume les coûts
nécessaires à l'exercice des fonctions du tribunal qui a rendu le jugement.»
Et j'aurai un amendement, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme
Thériault) : Oui, allez-y pour l'amendement. Faites...
M. Jolin-Barrette : Qui est déjà sur
Greffier, je crois.
La
Présidente (Mme Thériault) : Il est sur Greffier, et j'ai une copie en
main aussi. Donc, vous pouvez nous en faire la lecture, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Alors, Mme la Présidente,
à l'article 5 du projet de loi, insérer, dans le deuxième alinéa de l'article 10 de la Charte de la langue
française qu'il propose et après «rendu», «par écrit» partout où cela se
trouve.
Commentaire. Cet amendement vise à codifier
l'interprétation donnée à l'article 9 actuel de la Charte de la langue
française, dont les dispositions sont reprises par le deuxième alinéa de
l'article 10 que propose l'article 5 du projet de loi.
Donc, ça se lirait ainsi, Mme la
Présidente :
«10. Une version française doit être jointe
immédiatement et sans délai à tout jugement rendu par écrit en anglais par un
tribunal judiciaire lorsqu'il met fin à une instance ou présente un intérêt
pour le public.
«Tout autre jugement rendu par écrit en anglais
est traduit en français à la demande de toute personne; celui rendu par écrit en français...» Pardon. «Celui rendu par écrit en français
est traduit en anglais à la demande d'une partie.
«Les frais de la traduction effectuée en
application du présent article sont assumés par le ministère ou l'organisme qui
l'effectue ou qui assume les coûts nécessaires à l'exercice des fonctions du
tribunal qui a rendu le jugement.»
Donc, essentiellement, Mme la Présidente,
ce qu'on vient faire avec l'article 10, c'est le fait de rendre disponible un jugement immédiatement et sans délai
en français au moment du prononcé d'un jugement écrit, Mme la
Présidente. Lorsque le jugement en anglais met fin à une instance ou présente
un intérêt pour le public, donc, il y a une
version française qui doit être jointe immédiatement et sans délai à ce
jugement. Donc, c'est les jugements rendus par écrit qui sont visés.
La
Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. Questions? Commentaires? Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Bien, écoutez... Parce
que moi aussi, j'ai un amendement à déposer et... donc, pour ce deuxième alinéa. Mais j'en aurai un pour le
premier alinéa aussi, puis j'en ai un pour le troisième alinéa. Donc,
je veux juste qu'on soit efficaces, qu'on ne vote pas ou qu'on ne discute pas
sur... Je ne dis pas que je suis contre, au contraire, le jugement écrit, mais on avait un amendement dans
ce deuxième alinéa. Alors, qu'est-ce qu'on fait, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Thériault) :
Est-ce que... Je veux juste poser une question. Est-ce que les amendements sont
sur Greffier, qui ont été déposés par la collègue la députée de Marguerite-Bourgeoys?
Il faudrait commencer à les envoyer dans
Greffier. On m'a fait signe que oui. Vous êtes supposée de les avoir,
Mme la secrétaire.
M. Barrette : Mme la
Présidente, question, je dirais, d'intendance sur... Je pense que c'est la même
chose, mais il apparaît deux fois, là. L'amendement, c'est le même
deux fois, là.
Une voix : ...
M. Barrette : Sur Greffier, là, les
amendements du député... du ministre, il y en a deux, je pense que c'est
exactement, les deux fois, le même.
La Présidente (Mme Thériault) : On
va vérifier dans Greffier. Ça se peut qu'il y ait une répétition, là.
Une voix : ...
La Présidente (Mme Thériault) : Il
faut refermer votre dossier et le réouvrir.
M. Barrette : Ah bon.
La Présidente (Mme Thériault) :
Fermez le dossier et rouvrez-le. Ça devrait se régler.
M. Barrette : O.K. Je vais le faire.
La Présidente (Mme Thériault) :
C'est la technologie. M. le ministre, vous aviez une intervention.
M.
Jolin-Barrette : Bien, en
fait, si je peux suggérer au collègue, dans le fond, qu'on débute par
l'amendement que j'ai déposé, comme ça, ça va faire en sorte que, s'il
dépose des amendements suite au texte, on aura déjà disposé du «par écrit»,
parce que notre intention, c'est de viser les jugements par écrit.
Une voix : ...
La Présidente (Mme
Thériault) : Oui, allez-y, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Il y a quelqu'un
d'obéissant aussi dans la technique. Alors, ils allument quand vous donnez
l'ordre, Mme la Présidente.
Donc, moi, je
n'ai aucun problème avec ça, dans la mesure où le fait de mettre «écrit», ça
règle déjà une petite partie des enjeux qu'on voyait.
La Présidente (Mme Thériault) : À ce
moment-là, on va procéder avec l'amendement du ministre. De toute façon, on
n'adopte pas l'article. Donc, il n'y a pas de problème, on va pouvoir passer
vos amendements sans aucun problème. Donc,
oui, effectivement, si on adopte l'amendement du ministre, ce qui risque
d'arriver, ça a une incidence directe sur la balance de la rédaction de
l'article.
Mme David : Est-ce que...
• (15 h 40) •
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, on va aller sur l'amendement du ministre.
Mme David : Oui?
La
Présidente (Mme Thériault) : Par contre, vos amendements sont là quand
même. Donc, l'équipe ministérielle a accès à vos amendements, qui ont
été déposés sur Greffier, n'est-ce pas? Donc, à ce moment-là...
Mme David : Et qui devront être
réécrits en fonction...
La Présidente (Mme Thériault) : Oui,
s'il y a quelque chose, vous les réécrirez comme en fonction de ce qui aurait
été fait comme ajout par le ministre. Donc, on peut aller sur l'amendement du
ministre, avec le «par écrit». Donc, est-ce que vous avez un commentaire sur
l'amendement du ministre?
Mme David : Oui, j'ai un
commentaire, qui est, comme dirait le ministre et que mon collègue a beaucoup repris : on avance. On a fait un bon pas,
mais... Des fois, on fait un pas en avant puis deux pas en arrière, mais
là je pense qu'on fait un pas en avant. Parce que c'était une de nos
importantes préoccupations, et pas juste nous, mais la magistrature aussi,
c'est les jugements oraux rendus sur le banc, comme ça, comment on fait pour
traduire, et on aura évidemment un
amendement sur d'autres aspects de la formulation de l'alinéa, mais, le fait
qu'on réduise ça à «écrit», je pense qu'il y a eu une grande sagesse dans
l'ajout de ce mot-là.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, est-ce qu'il y a d'autres commentaires? M. le ministre? Parfait. Donc, j'imagine que, s'il n'y a pas d'autre
intervention sur l'amendement du ministre, on peut le mettre aux voix. Parfait.
Est-ce que l'amendement du ministre est adopté?
Des voix : Adopté.
La Présidente (Mme Thériault) :
Adopté. Parfait. Donc, on va parler maintenant... Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys, vous avez trois amendements. Vous voulez qu'on
dispose dans l'ordre?
Mme David : Dans l'ordre, s'il vous
plaît.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, le premier paragraphe, c'est : «Une version française doit être jointe immédiatement», donc c'était celui où vous
ajoutez «dans un délai raisonnable». J'imagine que vous allez nous
présenter votre amendement.
Mme David : Bien oui, Mme la Présidente.
Vous pouvez continuer à le lire, si vous voulez. Moi, je n'ai pas de problème
avec ça. Est-ce qu'il faut que je lise tout? Oui.
L'article 5, donc : L'article 10
de la Charte de la langue française tel que proposé par l'article 5 du
projet de loi est modifié par le remplacement, dans son premier alinéa, des
mots «immédiatement et sans délai» par les mots «dans un délai raisonnable».
L'article 10 de la Charte de la langue
française, introduit par le projet de loi tel qu'amendé, se lirait ainsi :
«Une version française doit être jointe dans un
délai raisonnable à tout jugement rendu par écrit en anglais par un tribunal
judiciaire lorsqu'il met fin à une instance ou présente un intérêt pour le
public.»
Alors, «à tout jugement rendu par écrit», c'est
déjà...
La Présidente (Mme Thériault) : Oui,
parce qu'au départ, dans le premier alinéa, le «par écrit» était déjà là.
Mme David : Ah! c'est vrai. Je
disais : Voyons, il est déjà rendu dans ma...
La Présidente (Mme Thériault) :
C'est dans le deuxième et dans le troisième que le ministre l'a ajouté.
Mme
David : O.K. Excusez, mon cerveau n'a pas connecté tout de suite.
Alors, Mme la
Présidente, voulez-vous que je vous fasse part un peu des commentaires?
La Présidente (Mme
Thériault) : Oui, dans vos commentaires, votre argumentaire.
Mme David :
Alors, évidemment, on revient non pas sur le fond, on va le dire, le dire, et
le redire, et le redire, on revient sur la forme et sur la temporalité. Alors,
ça ressemble aux enjeux de l'article 9. Quand on dit : «Immédiatement
et sans délai à tout jugement rendu par écrit en anglais», évidemment, il n'y a
pas que les humbles députés devant vous qui s'inquiètent sur la faisabilité de
la chose et les conséquences de ça. Il y a évidemment, entre autres, la
magistrature, c'est sûr, qui nous le disent très bien dans une correspondance,
que vous avez rendue publique, d'ailleurs, des juges, la juge en chef de la Cour
supérieure, la juge en chef du Québec... le juge en chef de la Cour supérieure,
la juge en chef de la Cour du Québec, le juge en chef adjoint. Il y a des
inquiétudes vraiment importantes sur le «immédiatement et sans délai». La
correspondance nous indique au moins quatre questions importantes dans cette
lettre, si on peut dire, envoyée au ministre, et je vais les poser au ministre
sans... dans l'ordre, en les séparant.
Alors, une des
grandes inquiétudes, et qui va complètement à l'encontre de l'accès à la
justice, c'est comment la traduction française d'un jugement pourrait être
jointe immédiatement et sans délai sans retarder, forcément, l'administration
de la justice. Alors, j'aimerais entendre le ministre sur ces deux, j'oserais
dire, intérêts, peut-être, divergents, «immédiatement et sans délai», mais
justement sans retarder l'administration de la justice, qui sont... Comme
humble citoyenne, on entend tellement souvent que les délais judiciaires,
l'arrêt Jordan, tout prend du temps. Puis là, tout à coup, il faut rajouter une
traduction immédiatement et sans délai.
Donc, je tiens à
rappeler que le ministre va peut-être dire... parce qu'il l'a déjà dit :
La Cour suprême le fait, pourquoi... Il n'y a pas une publicité qui le fait,
fais-le donc? Bon, bien, on va le faire nous aussi. Peut-être que cet...
M. Jolin-Barrette :
...produit?
Mme David :
Pardon?
M.
Jolin-Barrette : C'est quoi, le produit de la publicité?
Mme David :
Aïe! Ça fait longtemps de ça. Je pense que le ministre était à l'école
primaire, ou peut-être qu'il s'en... Tout le monde le fait, fais-le donc!
Bon.
M.
Jolin-Barrette : ...
Mme
David : Voilà. Ce n'est pas parce que tout le monde le fait qu'il faut
le faire. Je suis tellement d'accord.
Alors, si
l'argument... si le ministre s'en va sur «la Cour suprême le fait», je lui
rappellerais juste des choses qu'il sait. On a pris un exemple d'une
année : 2017, la Cour suprême du Canada rendait un total de
67 jugements. La même année, en 2017, il y avait
543 802 dossiers ouverts en Cour du Québec. C'est beaucoup,
543 802 dossiers, pour 67 jugements à Ottawa. Disons que ce
n'est pas tout le même niveau de dossiers.
M.
Jolin-Barrette : C'est quoi, vos chiffres?
Mme David :
C'était 67 jugements de la Cour suprême en 2017.
M.
Jolin-Barrette : Non, l'autre.
Mme David :
Et la même année, en 2017, il y avait 543 802 dossiers ouverts en Cour
du Québec.
M.
Jolin-Barrette : 500 000?
Mme David :
543 000.
M.
Jolin-Barrette : Il me semble que c'est beaucoup.
Mme David :
Chaque juge de la Cour suprême est aidé par quatre clercs. Chanceux. Puis
d'ailleurs c'est très valorisé, je pense, dans votre profession, d'être un
clerc à la Cour suprême. Enfin, on l'entend souvent : J'ai été clerc à la
Cour suprême. Je ne sais pas dans votre cas, mais, quand les gens l'ont été,
ils le disent haut et fort. Ils en ont quatre
chacun, des... quatre... juge, et ils ont donc 36 clercs pour neuf juges.
D'ailleurs, le mot «clerc» est un mot... «Clerc», ça vient de «clergé»,
hein? C'est intéressant. 36 clercs pour neuf juges. Les 308 juges de
la Cour suprême... Les 308 juges de la Cour du Québec n'ont généralement
qu'une seule adjointe, donc un... Puis en plus il y a un manque de main-d'oeuvre, il y a une pénurie, là aussi. Où
c'est qu'il n'y en a pas, en fait, de pénurie de main-d'oeuvre dans les
palais de justice du Québec?
Donc, on se
dit : Comment, comment faire pour... Même si on comprend après que ce sont
les jugements écrits, les jugements écrits, il y en a quand même beaucoup au
Québec. Et le faire immédiatement et sans délai, les juges
s'inquiètent beaucoup de ça puis s'inquiètent même qu'il y en ait qui utilisent
le français, même s'ils sont beaucoup plus
confortables à faire leurs propres réflexions en anglais, mais, pour ne pas
justement rallonger les délais, allonger les délais, même dans une
langue dans laquelle ils ne sont pas nécessairement très confortables, où ils
auraient préféré écrire en anglais, le faire traduire, avoir un certain temps
de le relire, etc., et... Parce que c'est quand même le juge qui se prononce.
C'est son... C'est comme... Un écrivain, il écrit son roman dans la langue dans
laquelle ça lui vient, avec laquelle il est le plus confortable. L'écriture
juridique d'un juge est un peu ça aussi.
Donc, les juges s'inquiètent
beaucoup de retarder l'administration. Donc, qu'est-ce qu'on peut faire pour
les rassurer, M. le ministre?
La Présidente (Mme
Thériault) : M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Alors, il y a plusieurs choses. Peut-être débuter par
pourquoi est-ce que la mesure, la disposition législative, elle est inscrite au
projet de loi. Ce que l'on recherche, c'est de faire en sorte que les jugements
écrits, qui représentent un intérêt pour le public, puissent être diffusés en français,
dans la langue officielle de l'État, puissent être rendus accessibles aux
parties en français, aux journalistes, aux membres du tribunal, au personnel, à
l'ensemble de la population, en français. On est dans un État où la langue
française, c'est la langue officielle, c'est la langue commune. C'est normal
que, dans le cadre d'un jugement qui est rendu, il puisse il y avoir une
version française au moment du prononcé du jugement. Ça, c'est le principe de
base pourquoi est-ce que la disposition, elle est là. Parce qu'il arrive
parfois que des justiciables, au moment du prononcé du jugement, n'aient pas un
jugement en français, que ça soit uniquement en anglais. Les tribunaux, comme
pratique administrative, ont souvent...
appliquent souvent la règle de dire : Bien, on va rendre jugement dans la
langue de celui qui perd le dossier. Je résume, là, mais, en gros, c'est
ça.
Nous, ce qu'on dit,
c'est : Il n'y a pas d'enjeu avec ça parce que — puis
là je donne une explication secondaire à côté — l'article 133 de la Loi
constitutionnelle de 1867 prévoit que le juge, tout comme les parties qui sont
devant lui, peut utiliser la langue de son choix. Donc, c'est une mesure qui a
été mise, lors de la création de la Confédération, pour permettre la nomination
de juges, notamment, qui n'avaient la maîtrise que d'une seule langue. Donc, ça
permet de faire en sorte que les juges peuvent s'exprimer dans la langue de
leur choix.
Une voix :
...
La Présidente (Mme
Thériault) : Continuez, M. le ministre. Vous... M. le ministre, il n'y
a que votre micro qui est ouvert. Les gens entendent simplement votre
explication. Je vous invite à continuer.
M. Jolin-Barrette : Je suis d'accord. Mais savez-vous pourquoi, Mme la Présidente, j'aime beaucoup
le droit?
La Présidente (Mme
Thériault) : Vous allez nous l'expliquer. Allez-y.
• (15 h 50) •
M.
Jolin-Barrette : Il y a un aspect historique au droit. Tout est relié
à l'histoire, Mme la Présidente, c'est très proche. Alors, on pourrait
revisiter tout ça avec le député de La Pinière en heures supplémentaires
hors session, je suis sûr qu'on aurait des
discussions intéressantes sur le pourquoi de la Loi constitutionnelle de 1867
et pourquoi les articles, tels qu'ils sont écrits dans la Loi
constitutionnelle de 1867, le sont de cette façon-là, Mme la Présidente.
La
Présidente (Mme Thériault) :
Vous allez finir par exaucer son voeu, et il va se faire inviter chez vous, là.
M.
Jolin-Barrette : Bien, moi, je n'ai aucun problème à inviter le député
de La Pinière chez moi. Ça va me faire
plaisir de l'inviter. Puis je suis convaincu qu'on va passer un agréable
moment. Alors, l'invitation, elle est lancée, ainsi que la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mais, écoutez, ce qu'on
pourrait même faire, Mme la Présidente, si tout va rondement, je...
Une voix :
...
M.
Jolin-Barrette : Après l'adoption du projet de loi, hein, on vient
célébrer ça ensemble à la maison.
Une voix :
...
M.
Jolin-Barrette : Le député de Matane-Matapédia, aussi, puis la députée
de Mercier vont être invités, bien entendu.
La Présidente (Mme
Thériault) : Bon. Beaucoup d'ouverture.
Une voix :
...
M.
Jolin-Barrette : À date, c'est décevant? Bien, écoutez, j'espère que
les invités vont être agréables.
La Présidente (Mme
Thériault) : Donc, dans l'argumentaire, on va revenir au fond de
l'argumentaire par rapport à l'amendement qui a été déposé par la députée de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Jolin-Barrette : Oui. Bon, on
revient au principe. Alors, le juge peut rendre le jugement dans la langue
qu'il souhaite, en anglais ou en français. Les procureurs, les parties peuvent
s'exprimer dans la langue de leur choix. Cependant,
il arrive, comme je vous l'exposais, que... bien souvent, au moment du prononcé
du jugement, notamment par écrit, ça arrive que le jugement ne soit pas
disponible en français, Mme la Présidente. Alors, ce qu'on cherche à
faire, c'est qu'au moment du prononcé du jugement par écrit le jugement puisse
être accessible au public pour faire en sorte... dans la langue officielle, en
français.
Ça, Mme la Présidente, il y a beaucoup de cas de
figure. La députée de Marguerite-Bourgeoys, à juste titre, citait la Cour
suprême. La Cour suprême, eux rendent leurs jugements en anglais et en français
parce qu'ils ont décidé de se soumettre à la Loi sur les langues officielles
même s'ils n'étaient pas visés par la Loi sur les langues officielles. Par
contre, tous les tribunaux fédéraux sont soumis à la Loi sur les langues
officielles. Donc, la cour fédérale, la Cour d'appel fédérale y sont soumis,
puis eux aussi rendent des jugements, et plus nombreux qu'à la Cour suprême,
donc l'obligation de rendre un jugement immédiatement et sans délai au moment
du prononcé du jugement. Alors, il n'y a pas d'enjeu sur le délai pour rendre
jugement. Parce que je sais qu'il s'agissait d'une crainte, mais tous les
outils sont à la portée de la magistrature afin de pouvoir rendre le jugement
en temps opportun.
Puis l'autre
élément qu'il est important de dire, puis c'est pour ça qu'on apporte
l'amendement, il y a beaucoup de jugements oraux qui sont rendus, et,
dans le fond, le fait de rendre un jugement oral, supposons, en anglais n'est
pas visé par l'article. Dans le fond, il n'y a pas l'obligation, au moment du
prononcé du jugement oral, de le rendre oralement en français au même moment.
On parle vraiment des jugements qui sont par écrit.
Puis, pour la diffusion de notre droit, la
recherche, les étudiants en droit, les chercheurs, tout ça, c'est tout à fait approprié qu'il puisse y avoir une copie en
français au moment du prononcé du jugement : c'est quoi, le jugement,
c'est quoi, le contenu du jugement, c'est quoi, les motifs. Donc, on demande
que ça puisse être rendu en français.
La Présidente (Mme Thériault) : Mme
la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Ah! excusez. Il y a un
changement de micro, il faut que je m'habitue. Alors, je vais vous regarder un
peu plus, Mme la Présidente, parce que le micro est en ligne directe. Je cite
quand même... Je cite quand même la lettre des quatre juges, juges en chef. En
fait, c'est quand même les... je ne sais pas comment les appeler, là, mais les
patrons de leurs cours respectives.
Une voix : ...
Mme
David : Bien, des juges en
chef. Il y a le mot «chef», en tout
cas. Et puis vous, vous êtes le chef
des chefs.
M. Jolin-Barrette : Non, parce que, dans
le fond, à cause de la séparation des pouvoirs, je ne suis pas le chef des
cours.
Mme David : Bon. Non, mais...
M. Jolin-Barrette : Dans le fond,
vous avez... les tribunaux judiciaires au Québec, vous avez la Cour du Québec,
la Cour supérieure, la Cour d'appel du Québec. Chacun est juge en chef de sa
cour, mais en plus la juge en chef de la Cour d'appel du Québec est la juge en chef du Québec.
Donc, si vous voulez un patron, c'est la juge en chef de la Cour d'appel.
Mme David : Bon. Bien, alors, elle
est signataire aussi de cette lettre-là, disons-le comme ça, là.
M. Jolin-Barrette : Je l'ai
constaté.
Mme David : Bon. Donc, juge en chef
de la Cour du Québec, juge en chef adjointe de la Cour du Québec responsable
des cours municipales, juge en chef Cour supérieure du Québec et juge en chef
du Québec. Bon. Alors, c'est quand même des gens qui ont une certaine importance
dans la hiérarchie judiciaire. Et ils disent, bon : «Sous réserve de
connaître les intentions du ministère de la Justice quant au maintien [des
services] de traduction des jugements qu'il assume à l'heure actuelle, comment
les traducteurs seront-ils informés qu'un tel jugement rendu en anglais a été
déposé au greffe et comment pourront-ils s'assurer de leur traduction
"immédiatement et sans délai"?»
Je poursuis : «À la lumière du manque
criant...» Et là c'est pour ça que j'ai parlé tout à l'heure de... ça va
revenir dans tous les secteurs du projet de loi mammouth, comme on dit... pas
sûre que j'aime le mot «mammouth», mais, en tout cas, du projet de loi
intersectoriel ou multisectoriel. «À la lumière — donc — du
manque criant de ressources et du nombre de postes qui demeurent à être pourvus
dans le milieu judiciaire, nous désirons être rassurés que le nombre de traducteurs qualifiés soit suffisant pour répondre aux
obligations imposées par l'article 10, c'est-à-dire "immédiatement et
sans délai" pour les jugements visés par le premier alinéa ou dans un
délai raisonnable pour ceux visés par le second alinéa.» Comprenant quand
même que, là, nous sommes dans les jugements écrits et non plus oral et écrit
pour le deuxième alinéa.
«Nos préoccupations sont importantes
à la lumière notamment de la situation déjà fort problématique des sténographes
qui, vu leur nombre insuffisant, ne peuvent répondre aux besoins des
justiciables pour la transcription des témoignages tenus en langue anglaise.
Vous n'êtes pas sans savoir qu'une telle situation occasionne déjà des délais
importants et nuit à la saine gestion du système de justice.
«Notre objectif étant de s'assurer que
l'article 10 ne soit pas source de délais additionnels, ce qui irait à
l'encontre de l'accès à la justice pour lequel nous travaillons tous ardemment,
des précisions quant à la teneur de ces mesures et au nombre de traducteurs qui
seront requis nous éclaireraient sur la suite des événements.»
Donc, je pense qu'ils mettent bien la table sur
leurs inquiétudes. C'est un moment privilégié, M. le ministre, peut-être pour
les rassurer.
La Présidente (Mme Thériault) : M.
le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui, tout à
fait. Puis, Mme la Présidente, je dois dire à cette commission que, sans
dévoiler le contenu des discussions que j'ai eues avec la cour... parce que
j'ai eu des rencontres avec les trois juges en chef, je les ai rencontrés justement pour les rassurer,
et pour leur expliquer, et pour prendre acte de leurs préoccupations. Et
l'objectif du ministère de la Justice, c'est justement de mettre en place les
ressources nécessaires et requises pour répondre à leurs craintes, donc
justement de fournir le nombre de traducteurs approprié au sein des différentes
cours.
Il faut dire que la disposition qu'on met, là,
elle n'est pas unique. Elle se retrouve dans la Loi sur les langues officielles
pour les institutions fédérales. Elle se retrouve à la Cour suprême. Elle se
retrouve également au Nouveau-Brunswick. Au Nouveau-Brunswick également, des
dispositions similaires sont présentes aussi. Donc, ce n'est pas inusité, ce
n'est pas différent comme mécanique.
Donc, généralement, là, le délai pour rendre un
jugement au Québec, c'est six mois, la règle. Exemple, la Cour du Québec, vous
avez l'audition, le jugement doit être rendu à l'intérieur de six mois. Si le
juge ne rend pas le jugement à l'intérieur du délai de six mois, il doit
demander l'autorisation à son ou sa juge en chef pour pouvoir excéder ce
délai-là.
Mme David : Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) : Mme
la députée.
Mme David : Est-ce que, M. le
ministre, vous avez évalué, fait des projections, un, du nombre de traducteurs
qui va être exigé ou impliqué et des montants financiers que vous allez devoir
rajouter? Puis l'argent ne coulera pas toujours à flot comme l'argent qu'on vous
a laissé généreusement quand vous êtes arrivé au pouvoir. Donc là, l'argent va peut-être être un petit peu plus
difficile à trouver. Avez-vous évalué combien ça pouvait coûter puis combien
de traducteurs additionnels?
M. Jolin-Barrette : Mais, écoutez,
ça fait partie de l'enveloppe budgétaire qui nous est accordée en matière de langue française. Et l'idée, il faut le dire...
Au Nouveau-Brunswick, là, ils doivent rendre les jugements simultanément,
donc à la fois en anglais et en français. Alors, en matière de langue
française, d'accès à la justice, ce n'est pas normal qu'au Québec il y a un
jugement qui est prononcé par une cour de justice par écrit, qui est diffusé
puis qui ne soit pas traduit au moment, là, où il y a le prononcé du jugement,
au moment, là, où justice est rendue dans un État francophone, dans un État où un des principes à la base de la justice,
c'est le caractère public de la justice, la publicité, du fait que ça ne
soit pas rendu publiquement en français. Je ne vous dis pas au niveau du
prononcé du jugement qui peut être rendu en anglais, qui peut être écrit en
anglais aussi par le juge... mais encore faut-il que les motifs puissent être
compris par la population.
• (16 heures) •
Mme David : Disons qu'on n'est pas
contre le principe. Je le répète, on n'est pas contre le principe. Puis je
pense qu'on va vous le dire à peu près jusqu'à la fin de ce projet de loi là
pour de nombreux articles, peut-être pas tous,
mais de nombreux articles : On n'est pas contre. Mais, sur l'application,
quand les juges... à moins que vous les ayez tellement rassurés, mais je
n'ai pas eu de chiffres beaucoup, là, mais vous dites...
En plus, ça m'apparaît un peu difficile à croire
que tout ça va passer par le budget, parce que ça ne sera pas toujours le ministre
responsable de la Langue française qui est aussi ministre de la Justice, hein?
Vous l'étiez, responsable de la Langue française pendant que vous étiez à
l'Immigration. Moi, je l'étais pendant que j'étais à la Culture. On se comprend, là, que nos budgets, petits budgets, langue
française, là, même s'ils sont améliorés, si je comprends bien, dans votre cas... Ce n'est quand même pas le
ministre de la Langue française qui va financer le ministère de la Justice
et tous les autres ministères qui exigent, à travers ce projet de loi là, de la
francisation.
M. Jolin-Barrette : Dans le fond,
les demandes budgétaires font partie du projet de loi en langue française, mais
ce sont des crédits qui vont se retrouver à la Justice. Vous avez raison.
Mme
David : O.K., mais, ces crédits-là, vous les avez évalués déjà ou les
juges l'ont évalué? Parce que, quand ils disent, là...
Une voix : ...
Mme
David : ...attendez, je vais juste finir, là : «Dans ce
contexte[...] — leur
deuxième alinéa — dans
un tel cas, nous désirons comprendre...» Bien, le premier alinéa était :
«Il serait important de préciser que le ministère de la Justice n'entend pas
modifier ses façons de faire et continuera d'assumer la responsabilité de la
traduction des jugements telle qu'exigée par l'article 10.
«Dans un tel cas,
nous désirons comprendre comment la traduction française d'un jugement pourrait
être jointe "immédiatement et sans délai" dans les cas visés au
premier alinéa[...] — donc
on y est, là — sans
retarder l'administration de la justice et dans le respect — mais
ça, on va en parler tout à l'heure — du secret du délibéré. Cette
exigence de temporalité nous semble impossible à respecter.»
Ça, c'est les gens
qui sont là du matin au soir à gérer leur cour. Alors, vous dites : Je les
ai rencontrés. Ils n'ont plus d'inquiétudes ou vous avez promis de l'argent?
Comment ça s'est passé pour... Si vous dites qu'ils sont rassurés... ou alors
ils ne sont pas rassurés, puis vous allez encore les rassurer plus aujourd'hui?
On en est où?
La Présidente (Mme
Thériault) : M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Bien, vous savez, une partie de mon travail, comme
ministre de la Justice, c'est de rassurer les gens, les différents acteurs du
système de justice quand on apporte des changements. Vous avez pu le constater
dans le projet de loi n° 92, où j'ai dû rassurer plusieurs acteurs du
système de justice. Puis c'est en se parlant qu'on réussit à trouver des voies
de passage, et c'est ce qu'on fait. Mais l'objectif, puis vous êtes d'accord...
la députée de Marguerite-Bourgeoys est d'accord avec l'objectif, c'est de faire
en sorte que les jugements puissent être rendus immédiatement et sans délai en
français au moment du prononcé du jugement en anglais lorsqu'il est par écrit.
Dans d'autres juridictions au Canada, ça fonctionne. Le critère de simultanéité
existe.
Actuellement, de la
façon que ça fonctionne, c'est que, quand il y a une traduction de jugement,
c'est envoyé à la SOQUIJ, la société... bien, Société québécoise d'information
juridique, qui traduit les jugements par la suite. Et, en ce qui concerne le
secret du délibéré, il y a plusieurs options qui s'offrent à nous, à développer
avec les cours. Soit qu'il y a des ententes de confidentialité qui sont signées
entre les traducteurs qui sont à la SOQUIJ... avec la cour si c'est pendant le processus de délibéré ou soit que
les postes sont rajoutés directement à la cour, des postes de traducteur
directement dans l'organisation interne de la cour.
Alors, nous, on va
travailler avec les différentes cours pour voir ce qu'elles préfèrent et pour
faire en sorte qu'elles se sentent tout à fait à l'aise, parce que je suis
préoccupé par leurs considérations à l'effet que... bon, le secret du délibéré, et tout ça, mais ce n'est pas
une difficulté qui est insurmontable, parce que, dans les autres juridictions,
justement, que ce soit la Cour suprême, la
Cour fédérale, la Cour d'appel fédérale, que ce soit au Nouveau-Brunswick,
également, ça se fait déjà. Donc, vous
comprenez que, si ça fonctionne ailleurs avec des obligations légales
similaires en termes de simultanéité de traduction des jugements, je
pense que ça peut se faire au Québec.
L'autre
point, peut-être, pour répondre à votre question, là, c'est le ministère de la
Justice qui continue de payer.
Mme David :
Bon, mais, vous savez, on le sait tous, on est passés par le gouvernement, vous
y êtes, quand on veut faire des gros changements, ça prend des gros chèques,
d'habitude gros changements égalent gros chèques. Si gros changements égalent
pas de chèque ou petit chèque, ce n'est pas évident. Et, vous, c'est plein de
gros changements dans tous les secteurs. J'ai hâte d'additionner tout ça, là,
parce que j'espère qu'il va y avoir un engouement persistant pour toutes les
dépenses qui vont devoir être mises en place, parce que, vous le dites, là, il
va falloir engager des traducteurs, il va falloir... Il va falloir que ce soit
efficace, là, qu'on opère, là. Comme je l'ai dit, vous n'êtes pas d'une patience
à tout crin, là. Donc, «immédiatement et sans délai», ça veut dire : il
faut que la traduction, pouf! soit brochée au jugement en anglais. Pour ça, ça
veut dire qu'il y a eu tout un mécanisme mis en place. Il faut que SOQUIJ
puisse livrer en temps réel.
Puis vous dites que
ça existe ailleurs, je suis d'accord, mais l'ailleurs, ça fait peut-être des
années que ça existe. Alors, nous, on part du point zéro, si je comprends bien,
puis là on implante une nouvelle façon de faire. Et vous rassurez tous ceux qui
sont impliqués là-dedans. Moi, je ne le suis pas, là, le député de
La Pinière non plus. Mais on sait qu'il y a du monde là-dedans, il y a des
vrais êtres humains qui disent : Ah mon Dieu! Comment ça va marcher puis...
Bon, c'est ce que les juges en chef, je pense, vous témoignent dans leurs
inquiétudes. Donc, vous dites... Et je ne veux pas vous mettre les mots dans la
bouche, mais je pense que vous dites : Je suis conscient de ça, l'argent
sera au rendez-vous, les traducteurs seront au rendez-vous, il n'y aura pas
plus de délais judiciaires. Puis Dieu sait que vous en connaissez un bout,
parce que moi, je vous ai beaucoup entendu questionner la ministre de la
Justice sur l'arrêt Jordan puis, bon, ces histoires-là. Il y a une imputabilité
de temporalité, là, maintenant, en justice, là. Tu ne peux pas dire : Je
vais rendre mon jugement dans trois ans, là. Quelqu'un peut être libéré, etc.
Donc, vous êtes conscient de ça. Vous dites : Tout le monde sera au rendez-vous,
l'argent sera au rendez-vous, puis on va opérer, puis ça va marcher.
M.
Jolin-Barrette : C'est oui, puis on ne part pas du point zéro, parce
qu'il faut comprendre qu'actuellement il existe déjà un mécanisme de traduction
pour les parties qui en font la demande. Donc, déjà, il y a des citoyens...
L'article actuel, là, fait en sorte qu'un citoyen peut demander la traduction.
Donc, ça existe déjà, le mécanisme, mais ce qu'on fait, c'est qu'on dit :
Tous les jugements rendus par écrit qui représentent un intérêt doivent être
traduits au niveau... au moment du prononcé du jugement. Donc, on rajoute des
droits supplémentaires pour que le jugement soit disponible.
Puis il y a un maximum de délai, là, pour rendre
le jugement, là, actuellement, là, c'est six mois. Six mois... Généralement, au Québec, c'est six mois également. Alors, au Québec,
on n'est pas moins bons qu'ailleurs, là. On est capables de faire ça, surtout lorsque la langue
officielle du Québec, c'est le français. Puis je sais que
vous partagez ça. Ça fait qu'on va mettre les ressources en place, justement,
pour faire en sorte... Puis il ne faut pas penser que tous les jugements sont
en anglais, là.
Mme David :
Quand vous dites : Pour l'instant, ça existe, mais pour ceux qui en font
la demande, ça, c'est comme quand on remplit des formulaires, puis, si vous ne
voulez pas, vous cochez la petite affaire qui est écrite tout petit en bas.
Donc, il y a 2 % de la population qui coche, là. Ça risque d'être... Là,
c'est une obligation. Alors, c'est beaucoup de monde. Donc, l'«immédiatement et sans délai»,
si je comprends bien, ne vous inquiète pas, et vous n'êtes pas tenté par
notre sagesse du «délai raisonnable». Vous trouvez que l'«immédiatement et sans
délai» est tout à fait réaliste, réalisable, que l'argent sera au rendez-vous,
que les traducteurs seront au rendez-vous et que les juges seront de bonne
humeur.
M.
Jolin-Barrette : Oui. Et je rajouterais à vos qualificatifs que c'est nécessaire
aussi. C'est nécessaire, au sein de l'État québécois, qui inclut les tribunaux,
en tout respect de la séparation des pouvoirs, quand même, que les justiciables
québécois, lorsqu'un jugement est prononcé et qu'il représente... lorsqu'il met
fin à une instance ou qu'il représente un intérêt pour le public, puissent être
rendus... puissent avoir une copie en français, une traduction en français.
Mme David :
Dernière chose sur ça, le secret du délibéré, ils sont inquiets de ça. Comment
rassurez-vous pour qu'on ait quelque chose à dire pour calmer leurs inquiétudes?
M.
Jolin-Barrette : Bien, comme je vous disais précédemment dans ma
réponse, il y a deux options qui s'offrent à nous, soit des ententes de
confidentialité avec les traducteurs qui sont à la SOQUIJ, donc, déjà, ça peut
se faire, ou, et c'est les discussions qu'on va avoir avec les cours, directement
placer le personnel, les traducteurs directement à l'intérieur de la structure de la cour. Donc, exemple,
à la Cour suprême, c'est comme ça, les traducteurs font
partie du personnel de la cour. Donc, ça, c'est possible de le faire aussi.
Donc, voyez-vous, ce n'est pas des enjeux qui sont insolubles, là.
• (16 h 10) •
Mme David :
J'entends bien que ce n'est pas des enjeux insolubles, et on le sait, qu'il y a
eu quand même... que ça existe ailleurs, qu'ils ont, donc, l'infrastructure
pour ça. Mais je comprends aussi que, là, on crée quand même une grosse infrastructure,
parce que, quand on dit... Quand le tribunal met fin à une instance, c'est quand
même beaucoup de monde, c'est plus de jugements que ce qu'il y a à la Cour
suprême. «Ou présente un intérêt pour le public», il va falloir définir... Moi,
peut-être, ce qui m'intéresse, comme jugement, ce n'est pas ce qui vous
intéresse ou le député de La Pinière l'intéresse.
Donc, il va falloir
que quelqu'un arbitre c'est quoi qui présente un intérêt pour le public et il
va falloir que ce changement, complètement, d'approche soit au rendez-vous dans
l'efficacité, parce que, comme ministre de la Justice,
là, vous ne serez pas content s'il y a des délais, si, le fameux six mois, vous
dites, pour rendre jugement, bien là tout le monde tire, pousse, puis ça
ne marche pas puis... On en a déjà assez du système de santé qui est très embourbé. Il ne faudrait pas que la justice
devienne très, très, très compliquée à gérer. Elle n'a pas l'air déjà si simple.
Alors, l'obligation, de votre part, de votre côté, je dirais, gouvernementale,
c'est de livrer ce qu'il faut, la boîte à outils dont vous parlez, pour pouvoir
changer la... et installer la nouvelle approche.
M. Jolin-Barrette : Bien oui, je suis d'accord, puis c'est ce qu'on
fait. Dans le fond, le juge garde totalement sa marge de manoeuvre, mais les
ressources vont être au rendez-vous pour remplir l'objectif qu'on vient
inscrire dans la loi.
Mme David :
Mais vous n'avez pas de montant. Vous n'avez pas évalué... Vous n'avez pas
demandé à vos fonctionnaires combien ça peut
exiger de traducteurs de plus, combien ça peut coûter, SOQUIJ va coûter combien
de plus.
M.
Jolin-Barrette : Bien, oui, il y a des montants qui font partie de
l'enveloppe générale, mais on doit, avec la cour, suite à l'approbation de
cette disposition-là par les parlementaires, travailler avec eux pour
l'organisation puis faire en sorte que leurs besoins puissent être comblés
adéquatement, puis on s'y engage.
Mme David :
Parce que c'est toujours intéressant. Si on passe une loi, je l'ai fait
moi-même, je le sais, c'est... il y a de
l'argent à la clé, mais, après ça, nous, on disparaît, la loi reste. Puis là
les gens lèvent la main puis ils disent : Bien, il me faut de
l'argent pour continuer à appliquer la loi, là. C'est de la panique totale.
Alors, je pense qu'il faut être très, très sérieux sur ça, mais ça va se
présenter dans tous nos chapitres du projet de loi, francisation, je n'ose même
pas imaginer le prix, etc. Alors, pour moi, ça clôt, Mme la Présidente, mon
intervention là-dessus.
La Présidente (Mme
Thériault) : Oui, M. le député de La Pinière.
M. Barrette :
Question très rapide et très simple : Quelle est la conséquence si la
version anglaise n'apparaît pas simultanément à la version française... la
version française simultanément à la version anglaise?
M.
Jolin-Barrette : Bien, l'obligation par écrit est à l'effet de rendre
une version française en même temps qu'un jugement par écrit en anglais qui met
fin à l'instance ou qui représente un intérêt pour le public.
M. Barrette :
...ma question : Quelle est la conséquence si ça n'arrive pas?
M.
Jolin-Barrette : Bien, la conséquence... Les tribunaux respectent la
loi, là, respectent les lois du Québec.
M. Barrette :
Donc, il n'y a pas de conséquence.
M.
Jolin-Barrette : Bien, il n'y a pas de conséquence... Les tribunaux
sont chargés d'appliquer, d'interpréter et de faire respecter les lois.
Eux-mêmes s'y soumettent.
M. Barrette :
Bon, O.K., mais je ne veux pas perdre de temps là-dessus, Mme la Présidente,
là, c'est juste qu'il y a un enjeu... il y a un enjeu qui est réel, là. S'il y
a un problème de ressources, il va y avoir un ralentissement du processus
juridique, là. Je ne vois pas comment ça peut être autrement. Si le ministre me
dit qu'il n'y a pas de conséquence, parce qu'ils doivent observer la loi, et
qu'il y a un problème de ressources, donc, ils vont retarder la publication
simultanée français-anglais. À ce moment-là, il n'y a pas d'autre porte de
sortie.
Je ne vais pas plus
loin, Mme la Présidente, autrement que de dire : Il vaut mieux être un
jugement, au Québec, qu'être un citoyen, là, parce que je peux vous dire que
jamais une telle mesure ne sera appliquée au Québec pour les patients qui, par exemple, seraient opérés, selon la loi, en
dedans d'un mois. Bien là, il y aura
des conséquences. Non, c'est de l'ironie, Mme la Présidente. Alors, je
vais terminer sur cette question-ci. Si la réponse du ministre est : Il
n'est pas question de parler de conséquences puisqu'ils ont l'obligation de,
s'ils ont l'obligation de et qu'ils n'ont pas les ressources parce que, bien,
donc, il va y avoir un ralentissement du processus judiciaire.
M.
Jolin-Barrette : Ils vont avoir les ressources.
M. Barrette :
Ah! bien, c'est ça, c'est merveilleux. Alors, c'est pour ça que je dis, Mme la
Présidente : Au Québec, il vaut mieux être un jugement qu'un malade, parce
que, même si le gouvernement promettait d'opérer tout le monde en dedans
d'un mois, ça n'arrivera pas, ça. C'est peut-être pour ça qu'ils ne le
font pas, parce que ça coûte trop cher. C'est tout. Je ne veux pas aller plus
loin, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme
Thériault) : Donc, il n'y a pas d'autre commentaire sur l'amendement
de la collègue de Marguerite-Bourgeoys? Donc, je vais mettre aux voix l'amendement
de la collègue à l'article 10.
M.
Jolin-Barrette : ...
La Présidente (Mme
Thériault) : Non, le vôtre est passé, M. le ministre, c'était l'amendement
qui va avec «une version française doit être jointe dans un délai raisonnable».
C'était l'amendement qui touche le premier alinéa de l'article 10. Est-ce
que cet amendement est adopté?
Des voix :
...
La
Présidente (Mme Thériault) : Rejeté. Donc, l'amendement est rejeté. Vous aviez signifié, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, que
vous aviez un autre amendement au deuxième alinéa.
Mme David :
Voilà.
La Présidente
(Mme Thériault) : Allez-y.
Mme David :
Et, je dirais, et ce, malgré l'amendement du ministre qui enlève quand même une
épine du pied, là, qui enlève la partie orale, qui est quand même... J'aimerais
ça entendre les statistiques. Mais, en tout cas, je vais lire l'amendement. On
en parlera après.
L'article 5 du
projet de loi est modifié par le remplacement, dans l'article 10 de la
Charte de la langue française qu'il introduit, du deuxième alinéa par le
suivant :
«Tout autre jugement
rendu en anglais ou en français est traduit dans l'autre langue à la demande
d'une partie; ou de toute personne démontrant son intérêt à obtenir une telle
traduction.»
Donc, dans les commentaires,
l'article 10 de la Charte de la langue française introduit par le projet
de loi, tel qu'amendé, se lirait ainsi :
«Tout autre jugement
rendu en anglais ou en français est traduit dans l'autre langue à la demande
d'une partie...» Alors, il va falloir dire : «Tout autre jugement
écrit — avec
l'amendement du ministre — rendu
en anglais ou en français est traduit dans l'autre langue à la demande d'une
partie; ou de toute personne démontrant son intérêt à obtenir une telle
traduction. Les frais de traduction sont assumés — bon — par
le ministère ou l'organisme qui l'effectue ou qui assume les coûts nécessaires
à l'exercice des fonctions du tribunal qui a rendu le jugement.»
Alors, Mme la Présidente, que ça soit... qu'on
ait rajouté... qu'on ait enlevé, en fait, «oral» et qu'on ait mis juste «écrit», ça enlève quand même un certain
fardeau, mais, mais, quand même, pourquoi tous les autres jugements, tous, dont ceux qui ne mettent pas fin à une instance,
puisque, dans le premier, c'étaient ceux qui mettaient fin à une instance...
Donc là, c'est tous les autres, tout autre jugement, on va dire, écrits, rendus
en anglais doivent être traduits en français
à la demande de toute personne, alors que celui-ci rendu... que celui rendu en
français est traduit en anglais uniquement à la demande d'une partie.
Difficile de comprendre pourquoi.
D'ailleurs,
notre chère correspondance de la juge en chef, je ne sais pas si vous les avez
rassurés aussi là-dessus... disent :
«Il est à craindre qu'un citoyen mal intentionné demande systématiquement la
traduction de tous les jugements — on va
dire écrits maintenant — visés par cet alinéa»,
ce qui pourrait, évidemment, paralyser l'appareil judiciaire. De plus,
comme proposé dans la forme actuelle, est-ce que toute personne pourrait
demander la traduction d'un tel jugement, peu importe la date de production...
la date du jugement rendu? Puis est-ce qu'une personne mal intentionnée
pourrait demander la traduction de l'ensemble des jugements qui ne mettent pas
fin à l'instance ou qui n'ont pas d'intérêt pour le public, rendus, disons,
l'an dernier, en anglais?
Donc, évidemment, quand on passe des lois, on
pense toujours aux cas d'exception. Vous allez me dire : Des personnes mal
intentionnées, ça ne court pas les rues. Non, mais ça peut arriver. Donc,
pourquoi, d'abord, tout autre jugement écrit rendu en anglais peut être traduit
en français à la demande de toute personne, là? Toute personne, là, n'importe qui qui se promène sur la rue pourrait
demander ça et faire une liste interminable et, peut-être, rétrospective.
M. Jolin-Barrette : ...par écrit.
Mme David : Par écrit, oui, oui, par
écrit, alors que... Bon, alors, voilà déjà la première partie de la question.
La deuxième : «Celui rendu en français est
traduit en anglais à la demande d'une partie». Alors là, nous, c'est pour ça
qu'on dit : «Tout autre jugement écrit et rendu en anglais ou en français
est traduit dans l'autre langue à la demande d'une partie.» Là, on vient de
partir de ça, là, puis on s'en va à «à la demande d'une partie; ou de toute
personne démontrant son intérêt à obtenir une telle traduction». Je ne sais pas
pourquoi le ministre... Est-ce que ça, c'est
l'hyper, hyper, hyperaccessibilité à la justice, de dire que quelqu'un qui
voudrait avoir tous les jugements traduits en français pourrait les avoir, un quidam qui décide que, lui, ça
l'intéresse, un étudiant qui fait un mémoire de maîtrise sur je ne sais
pas quoi, décide, lui, qu'il a besoin, depuis 2005, de tous les jugements?
• (16 h 20) •
M. Jolin-Barrette : ...procédure
administrative où, comme c'est le cas actuellement, lorsque vous voulez un jugement qui est traduit, demander la traduction,
vous devez remplir jugement par jugement. Donc, la quérulence, c'est une
préoccupation que je partage aussi, mais, administrativement, dans le fond,
lorsqu'on demande le document, on doit remplir le document pour obtenir le
jugement en question. Il faut mettre les renseignements. Il faut faire tout ça.
Il faut faire la demande, là. Donc, l'idée, c'est de faire en sorte de pouvoir
accéder au jugement en français, que ça puisse être diffusé.
Mme David : Oui, mais on a beau
remplir un formulaire, on remplit un formulaire. Puis ceux qui sont assez
motivés, je vais dire ça positivement, pour demander tous les jugements rendus
en anglais, qu'ils soient disponibles en français... si je comprends bien, dans
le formulaire, il n'y a pas de personne mise en charge pour évaluer la
raisonnabilité de la demande, pour faire un jugement de valeur sur la demande.
Donc, la personne pourrait passer... Et je
pense qu'il y en a, des gens qui passent leur vie au palais de justice, pas
juste des journalistes puis des avocats, des simples citoyens, soit
parce que ça les intéresse, mais ils peuvent avoir... dans certains cas, là,
vraiment, ils décident que, O.K., on me demande un formulaire pour chaque
jugement, je vais les remplir, je vais passer une semaine à remplir mes
formulaires. Il n'y aura pas de fonctionnaire, de quelqu'un
qui dit : Ça, c'est valable; ça, c'est déraisonnable, disons ça
comme ça.
La Présidente (Mme Thériault) : M.
le ministre.
M. Jolin-Barrette : C'est le cas
actuellement. Dans le fond, la formule administrative vise à faire dire :
Tel jugement rendu par tel juge dans tel district, tu sais, la pièce de
procédure doit être demandée. Tu sais, ce n'est pas vraiment différent qu'une
demande d'accès à l'information, où les demandes d'accès à l'information sont
traitées individuellement aussi. On vient rendre disponibles les jugements en
français.
La Présidente (Mme Thériault) :
Continuez. Ah! vous voulez une suspension?
Oui, on va aller sur une courte suspension
quelques instants, s'il vous plaît, à la demande du ministre.
(Suspension de la séance à 16 h 22)
(Reprise à 16 h 28)
La Présidente (Mme Thériault) : Donc,
nous poursuivons nos travaux et nous étions sur la discussion de l'amendement
qui a été déposé par Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Je peux vous
passer la parole. J'ai aussi le collègue de La Pinière.
Mme David : Bien, justement,
j'allais vous dire de laisser la parole à mon collègue. Merci.
La Présidente (Mme
Thériault) : Oui, votre collègue,
parfait. M. le député de La Pinière, la
parole est à vous.
M. Barrette :
Mme la Présidente, je veux juste préciser les choses. Le législateur, tentant,
en général, d'être précis dans ses textes, il ne parle pas pour ne rien dire.
J'ai beaucoup de difficultés et, le ministre, je souhaite qu'il nous éclaire. Mme
la Présidente, là, dans notre amendement et dans l'amendement du ministre, là,
«tout autre jugement par toute personne», c'est non balisé, là, ça, c'est non
qualifié, ce n'est pas attaché à quelque règlement de procédure que ce soit. Il
n'y a rien là-dedans, là. Ça fait que, dans les faits, là, «tout autre jugement
par toute autre personne», il me semble que ça veut dire n'importe qui pour
tout.
Alors là, je vais
prendre un cas de figure extrême puis j'aimerais que le ministre m'explique
comment sa loi, telle qu'elle est écrite, vient empêcher ça, et je le dis avec
tous les égards possibles, Mme la Présidente, O.K.? Qu'est-ce qui empêcherait,
dans sa loi, et qu'est-ce qui empêcherait une administration de dire non à un
membre militant de la Société Saint-Jean-Baptiste de venir devant le tribunal
et dire : Vous allez traduire tous les jugements passés écrits en anglais
parce que le texte de loi de la loi n° 96 me le
permet?
Ce n'est pas de la
quérulence, ça. Le texte, il dit ça. Il ne peut pas dire autre chose. Il dit...
Il ne dit pas : Tout autre jugement peut être... doit être traduit en
français à la demande de toute personne, dans les circonstances x, y, z, à la
condition de. Il dit : Toute personne, à la demande de toute personne».
Alors, en quoi, là... Moi, là, je suis un militant, là. Il va prendre, le
militant, là, le même argument que le ministre : l'importance du français,
l'importance de l'histoire juridique en
français, l'importance de, l'importance de, l'importance de. Je le dis avec
tous les égards possibles : En quoi, ça, ça empêche ça?
• (16 h 30) •
M. Jolin-Barrette :
Le député a raison, on ne vient pas qualifier la nature de la personne qui fait
la demande, donc, effectivement, une personne pourrait demander que plusieurs
jugements soient traduits en français.
Une voix :
...
M. Jolin-Barrette :
Oui. Il y a deux choses. Dans la mise en application de la loi,
l'Administration, avec un grand A, est là pour la mettre en application et
pour faire en sorte, dans le fond, d'établir une procédure pour venir opérationnaliser le droit du citoyen à obtenir ces
jugements-là. Donc, comme ça se fait actuellement, on doit remplir un
formulaire, on va indiquer le nom du jugement, le nom du juge, le district pour
obtenir la copie du jugement en français.
Donc, le cas d'espèce
qui est soulevé par le député de La Pinière est un cas, effectivement, qui
pourrait survenir. C'est quelque chose de
possible. Cela étant, cela étant, c'est toujours... Dans l'amendement que vous
proposez, vous dites, dans le fond : «De toute personne démontrant
son intérêt à obtenir une telle traduction». Là, on vient inclure un caractère
subjectif sur la nature, on vient porter un jugement sur la personne. Donc, ce
n'est pas vraiment là où on veut aller. On
veut que le concept de base, ça soit que la justice soit accessible en
français. Donc, lorsqu'il y a abus, l'Administration,
administrativement, peut prendre les mesures en place pour s'assurer que les
ressources de l'État soient effectivement gérées d'une façon efficace, comme ça
se fait actuellement dans tous les services publics qui sont donnés.
M. Barrette :
C'est tout? Alors, Mme la Présidente, j'ai quand même la même inquiétude, ça
n'enlève pas l'inquiétude, là. Quand bien même le ministre prend l'argument...
Il a pris deux arguments, là. Il y a l'argument administratif, il faut remplir
un formulaire. On est en 2021, la justice se numérise, alors remplir les
formulaires, là, de façon séquentielle, si
on a la base de données numériques, c'est superfacile et superrapide. Donc, ça,
c'est faisable, ça ne deviendra plus, dans le futur, un obstacle, à mon
avis, à mon avis.
Et, pour ce qui est
de l'intérêt, bien, moi, je peux très bien imaginer un argumentaire provenant
de militants pour le français qui vont prendre les mêmes arguments que le
ministre et dire : Dans l'intérêt du public, on doit avoir notre historique en français. Je vois mal comment
l'Administration va nier ce droit-là avec la plaidoirie que le ministre
fait de son propre projet de loi.
M.
Jolin-Barrette : Mais, dans le fond, là, Mme la Présidente, l'argument
que fait le député de La Pinière, là, c'est relativement... Dans le fond,
moi, ce que je lui dis, c'est que, dans son amendement, il vient qualifier
l'intérêt du demandeur. C'est ce que fait l'amendement. C'est difficile à faire
de justifier l'intérêt du demandeur, parce que le principe de base, ce qu'on
souhaite faire, là, c'est justement de rendre accessibles les jugements, la
justice en français. Alors, à partir du moment où vous dites : Bien,
écoutez, le principe de base, là, c'est qu'on fait en sorte que les jugements
sont accessibles en français, la personne pourra le demander. Là, ce qu'on
vient introduire, du côté du Parti libéral, ça serait de faire en sorte de
porter un jugement sur le motif de la nature de la personne qui fait la
demande.
M. Barrette :
Mme la Présidente, je veux juste que le ministre me dise le bout de phrase où
on retrouve ce qu'il dit, là. Moi, j'ai son
amendement devant moi, là, et l'amendement, la seule chose qui change par
rapport à l'article original, c'est «par écrit». C'est la seule chose qui
change, là. Et, lorsqu'on parle d'intérêt... Est-ce que je me trompe?
M.
Jolin-Barrette : Pouvez-vous répéter juste le dernier bout?
M. Barrette :
L'amendement du ministre, là, vient ajouter le «par écrit», mais le texte ne
change pas, là, par rapport au texte d'origine.
M.
Jolin-Barrette : Au texte d'origine du projet de loi?
M. Barrette : Oui, oui, du projet de
loi. Le seul moment où on parle d'intérêt... Parce que le ministre me
dit : C'est une question d'intérêt. Le seul moment où on parle d'intérêt,
là, c'est intéressant, parce que ce n'est pas l'intérêt du demandeur de tout
traduire. La seule place où on parle de l'intérêt, c'est : «Une version
française doit être jointe immédiatement et sans délai à tout jugement rendu
par écrit en anglais par un tribunal judiciaire lorsqu'il met fin à une
instance ou présente un intérêt pour le public.» Ce n'est pas l'intérêt de
l'individu qui demande, ça, l'intérêt pour le public, c'est... L'intérêt
pour le public, c'est un intérêt qui est jugé par une partie x, là, pas
une partie à une procédure. C'est ça que ça dit.
M. Jolin-Barrette : Mais, juste...
si je peux ajouter, dans le raisonnement du député de La Pinière, ce à
quoi je faisais référence, c'est votre amendement qui dit : «Tout autre
jugement rendu en anglais ou en français est traduit dans l'autre langue à la
demande d'une partie; ou de toute personne démontrant son intérêt à obtenir une
telle traduction.»
M. Barrette : Ça, c'est correct. Ça,
c'est notre jugement à nous. Mais, comme, à date, nos amendements ne sont pas toujours
acceptés, on va dire ça comme ça, et qu'on risque de revenir à son texte, dans
son texte, si c'est le texte final qui prévaut, il n'est nullement question de
l'intérêt de l'individu qui fait cette demande-là.
M. Jolin-Barrette : Dans mon texte,
non, effectivement. Mais moi...
M. Barrette : Bon, il n'y en a pas.
Alors, le texte, nous, on fait un amendement, entre autres, pour éviter ce
genre de choses là. Là, notre amendement... à moins que le ministre nous dise maintenant
qu'il est en faveur, ça serait intéressant, il peut nous le dire, sinon on
retombe dans une situation où quiconque, peu importe le motif, peut arriver et
demander une traduction de tous les jugements écrits en anglais, passés. On
comprend que c'est écrit, là, et non oral. On s'entend, là. Oublions cette
distinction-là, parce qu'on s'entend que ça va causer un problème, là, si quelqu'un
a, par la loi, le pouvoir de demander ça.
M. Jolin-Barrette : J'entends bien
le député de La Pinière relativement à sa crainte, et, ce que je lui dis, dans
le fond, l'objectif, c'est de permettre que les jugements soient disponibles en
français. Donc, si quelqu'un fait de la
recherche, souhaite obtenir les jugements écrits, il faut qu'il puisse le
demander, donc un journaliste, un citoyen,
un professeur de droit, quelqu'un qui souhaite accéder au jugement.
Donc, c'est sûr que, par le biais administratif,
dans le fond, il y a... l'Administration va s'assurer de traiter les demandes
en fonction de chacune des demandes. Puis j'entends bien le député de
La Pinière lorsqu'il me dit : Bien, maintenant,
avec l'informatisation, tout ça... Oui, mais il y a quand même une demande à
faire pour chacun des numéros de dossier, chaque juge, chaque district.
Donc, c'est tout de même balisé sur le plan administratif.
M. Barrette : Nous, on fait des
amendements pour éviter ce genre d'abus là. Est-ce que je comprends du ministre qu'il ne le voit pas, ce potentiel d'abus
là où, même si on dit que c'est légitime... Admettons que c'est légitime
puis que ce n'est pas un abus, O.K., donc, le ministre ne voit pas qu'une telle
démarche pourrait paralyser le système de santé. C'est correct. Je veux dire,
si c'est ça, c'est son choix.
M. Jolin-Barrette : De justice, pas
de santé.
M. Barrette : Je m'excuse, de
justice. Déformation professionnelle.
M. Jolin-Barrette : Bien, c'est
parce que c'est un équilibrage. Parce que l'autre option qui nous est offerte, ça serait le fait de dire... tu sais, tel que vous
le proposez, c'est de qualifier l'intérêt de la personne. Là, à ce moment-là,
on va à l'encontre du principe, le principe du fait qu'il doit y avoir la
disponibilité en français des jugements, donc, lorsqu'un citoyen souhaite avoir
accès au jugement, qu'il puisse l'obtenir en français, traduit.
M. Barrette : Mme la Présidente, je
comprends cet intérêt-là. Je suis d'accord avec cet intérêt-là. Alors, nous, de
la manière qu'on l'écrit, là, on ferme un peu la porte à quelqu'un qui
voudrait, pour des raisons x, y, z de l'ordre du militantisme, là,
paralyser le système en demandant la traduction de tout. Moi, je n'ai aucun
problème à ce qu'on puisse permettre à un individu qui est dans une cause et
qui demande la traduction de tous jugements qui ont fait jurisprudence dans sa
cause. Ça, c'est une affaire. Ce n'est pas la même... Là, il a un intérêt,
c'est sa cause, il est devant la cour.
• (16 h 40) •
M. Jolin-Barrette : Juste là-dessus,
Mme la Présidente, c'est tout le défi relativement à l'amendement du député de La Pinière, relativement au critère
de l'intérêt. Comment qualifiez-vous la nature de l'intérêt pour l'individu?
Tu sais, c'est parce qu'on vient, dans le fond, porter un jugement de valeur
sur...
M. Barrette : Oui. Alors, Mme la
Présidente, je comprends l'argumentaire du ministre. C'est la balance entre
l'intérêt de l'individu, là, et l'intérêt de l'accès à la justice. On peut
imaginer toutes sortes de cas de figure pour lesquels un individu a un intérêt.
Ça peut être sa propre cause qu'il veut voir la jurisprudence traduite en
français. C'est même pousser pas mal, ça. Ça serait
quelqu'un de vraiment très militant pour le français, je pense, qui ferait ça,
parce que c'est plus des avocats qui y verraient un intérêt. Ça peut être un
chercheur. Il fait une thèse, là, puis il veut regarder tel type de cause, là,
dans le passé. Puis le chercheur, ce qui est exceptionnel, mais c'est toujours
possible, est incapable de lire un jugement en anglais, mettons. C'est correct.
Mais maintenant il n'en reste... Ça, c'est nous. Nous, on dit : S'il y a
un intérêt, puis c'est assez simple à qualifier, je pense, ou constater, un
intérêt, sans apporter un jugement, bien, à l'autre bout, là, si notre
amendement ne passe pas, bien, c'est toute personne... tout jugement de l'histoire
du Québec qui doit être traduit en français.
M.
Jolin-Barrette : Non.
M. Barrette :
Si le seul frein, c'est le remplissage du formulaire, bien, dans le monde
d'aujourd'hui, ça peut aller pas mal vite, là.
M.
Jolin-Barrette : Ce n'est pas «tout», c'est tout jugement «qui est
demandé», donc ce n'est pas l'ensemble du corpus : «Tout autre jugement
rendu par écrit en anglais est traduit en français à la demande de toute
personne.» Donc, un individu qui souhaite avoir un jugement spécifique peut le
demander.
M. Barrette :
On s'entend. Mais là notre amendement, là... je voyais les gestes de ma
collègue, là, nous, ce que l'on dit, Mme la Présidente, là, c'est que dans la
théorie des ensembles, là, il y a un grand, grand, grand ensemble qui est celui
de tous les jugements écrits en anglais. Le texte proposé par le ministre,
c'est n'importe qui peut arriver puis dire : Ce grand ensemble là va être
traduit en français à ma demande.
M.
Jolin-Barrette : Non, ce n'est pas...
M. Barrette :
Maintenant, nous, on dit : On va réduire ça, O.K., on a réduit ça de... Le
ministre lui-même, il est parti de «tout» à «écrit». Et nous, on dit :
S'il y a un intérêt pour une partie. Ça nous apparaît sensé de faire ça dans l'administration
de la justice.
Là, le ministre, ce
qu'il m'oppose, c'est que, oui, essentiellement, on ne va pas brimer peut-être
telle ou telle personne. Mais, en refusant un amendement
comme le nôtre de peur de brimer quelqu'un, puis je ne le vois pas vraiment, comment on peut le brimer, bien,
on va revenir au grand, grand ensemble des jugements écrits.
M.
Jolin-Barrette : Non. Non, Mme la Présidente. Et je tiens à rassurer,
là, le député de La Pinière, là, ce n'est pas tous les jugements écrits,
comme ça, pour dire, Mme la Présidente : Depuis la Confédération, je veux
tous les jugements écrits en anglais qui soient traduits en français. La personne
doit savoir le jugement qu'elle veut.
M. Barrette :
Bien, je reviens à mon argument informatique, là. On est en 2021, là, le
texte... O.K., je vais poser ma question simplement : Dans une époque
moderne où l'informatique, l'apprentissage mécanique nous permet de prendre une
base de données qui sont les jugements et de remplir des formulaires, n'est-il
pas vrai qu'avec ce moyen-là... n'est-il pas vrai que, si on a le moyen, on
peut faire ce que le ministre ne souhaite pas qu'il arrive, qui est de traduire
tous les jugements antérieurs?
M.
Jolin-Barrette : La réponse à cette question-là, c'est non. C'est non parce
que ce ne sont pas tous les jugements qui se retrouvent sur les banques de
données. Ça, c'est important de le dire. Dans le fond, il y a un tri qui est
déjà effectué par la Société québécoise d'information juridique, Mme la
Présidente, et ce ne sont pas tous les jugements interlocutoires, tous les
jugements rendus par écrit en anglais qui se retrouvent dans les banques de
données. Il y a déjà un tri qui est fait par la SOQUIJ. Donc, c'est faux de
dire que tous les jugements du corpus se retrouvent là. Puis ce n'est pas tous
les jugements qui ont été numérisés également, aussi, il faut le dire. Alors, je
comprends l'argument du député de La Pinière, mais ce n'est pas cette situation-là
dans les faits, là.
La Présidente (Mme
Thériault) : M. le député de La Pinière.
M. Barrette :
...un commentaire sarcastique, je ne le ferai pas, je comprends que le ministre
est capable mieux que moi de voir l'avenir, je vais le laisser aller avec
l'avenir qu'il voit, qu'il entrevoit. Bon. Maintenant, deuxième question, qui, elle, elle est très... Puis ce n'est
pas parce qu'on n'aura pas voulu le protéger, là, c'est écrit,
là, ça va être écrit dans nos archives, on l'aura dit. Puis, si ça
arrive, bien, c'est de même.
Autre question. La
traduction, dans l'esprit du ministre, au sens légal, de quelle qualité, de
quelle nature... Est-ce qu'elle doit être légalement l'équivalent, la même
valeur, la même affaire que le jugement en anglais? À la limite, là, est-ce que ça doit être traduit par un
traducteur agréé? Mais question fondamentale : La traduction doit-elle être, dans l'esprit du ministre, équivalente en tous
points, en termes de valeur juridique, à la version anglaise, dans le cas
présent, et dans l'autre sens aussi, évidemment?
La Présidente (Mme
Thériault) : M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Alors, pour
la valeur juridique, c'est la valeur juridique du prononcé du jugement dans la
langue que le juge le rend.
M. Barrette : O.K.
Je peux-tu avoir, Mme la Présidente, une réponse plus précise? Pour les... Tantôt,
là, dans les documents, là, on demandait des traductions certifiées, agréées,
le nec plus ultra. On comprend que, quand on demande ça, on s'attend à ce que
le texte, à la fin, ait le même sens, le même poids que l'original. Moi, là,
c'est comme ça que je vois ça. Puis peut-être que... Puis j'imagine aussi que,
si on traduisait la Constitution, c'est ce que le ministre voudrait avoir. Il
dit non?
M. Jolin-Barrette : Non, bien...
M. Barrette : O.K. Alors, je vais
juste finir ma question, Mme la Présidente. Alors, si on demande une traduction
certifiée, ce n'est pas juste... en tout cas, peut-être que je comprends mal,
mais que le ministre nous explique. Est-ce
que... On va le mettre dans deux phrases, à ce moment-là : Est-ce que ça
doit être une traduction faite par un traducteur agréé? Et est-ce que ça
doit avoir la même valeur? Mettons ça dans cet ordre-là.
La Présidente (Mme Thériault) : M.
le ministre.
M. Jolin-Barrette : On parle de la
version... Dans le fond, là, prenons un cas concret, là, un jugement par écrit. Dans le fond, le juge décide d'écrire en
anglais son jugement. Donc, la version qui fait foi, c'est la version anglaise,
c'est cette version-là qui est officielle.
La traduction en français n'est pas une version co-officielle. Donc, le
jugement qui a valeur, force
probante, si je peux dire, là, qui est officielle, est la version du jugement
dans laquelle le juge a prononcé son jugement.
M.
Barrette : Très bien, c'est clair. Est-ce que la traduction doit être
effectuée, comme pour les documents, par un traducteur agréé?
La Présidente (Mme Thériault) : M.
le ministre.
M. Jolin-Barrette : La réponse à
cette question-là, c'est non, ça va être effectué par soit les traducteurs de
la cour soit les traducteurs de la SOQUIJ, comme c'est le cas actuellement.
M. Barrette : Je n'ai pas d'autre
question ni commentaire, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Mme la députée, il vous reste cinq minutes à votre bloc.
Mme David : Bien, ça ne sera pas
long, je veux juste être sûre de comprendre la dernière réponse, là. Donc, le
jugement rendu, là, revenons au premier alinéa, la «version française doit être
jointe immédiatement et sans délai à tout
jugement rendu par écrit en anglais par un tribunal judiciaire lorsqu'il met
fin à une instance». Ça, c'est le juge, là, qui écrit son jugement en anglais,
qui le fait traduire. Mais là il faut que ça soit agréé, j'imagine, là, c'est
un juge, là, qui écrit son truc. Il faut que ça soit traduit par la
SOQUIJ, broche ça, mais c'est la langue dans laquelle il a pris la plume qui
est la langue officielle du jugement, qui a valeur officielle.
M. Jolin-Barrette : Exactement, donc
la version originale.
Mme David : La version originale. Et
donc ça, c'est valable pour le deuxième alinéa aussi.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Mme
David : C'est-à-dire qu'il
n'y a pas de valeur officielle à la traduction. Le cas de figure de mon
collègue : la personne remplit 250 demandes de traduction, et donc
ces 250 demandes là sont traduites non pas par la SOQUIJ, si je
comprends bien, dans ce cas-là... ou c'est la SOQUIJ, puis c'est, là aussi, des
traducteurs certifiés, puis tout le kit, mais ça n'a pas valeur officielle.
M. Jolin-Barrette : En fait, dans
votre cas d'exemple, relativement à l'alinéa deux, il y a une distinction. Dans
le fond, lorsqu'on est à un, on est à l'alinéa un, on est lorsque le juge
prononce son jugement. Donc, si c'est, dans
le fond, un jugement par écrit qui met fin à une instance ou qui présente un
intérêt pour le public, à ce moment-là la version française doit être
jointe au moment du prononcé du jugement. La langue du jugement, c'est
l'anglais, dans le cas où c'est un jugement en anglais. Donc, le jugement
officiel, si je peux dire, le jugement qui fait autorité, c'est la version anglaise, parce que le juge, lui,
décide de s'exprimer en anglais, donc c'est cette version-là. Donc, ça, c'est
l'effet immédiatement et sans délai.
À l'alinéa deux, on se retrouve dans un cas où
le jugement...
Mme David : ...daté d'il y a
10 ans.
M. Jolin-Barrette : Il peut dater,
il peut dater, puis là c'est le jugement qui est au dossier, là, qui a valeur
officielle, et donc c'est le jugement en anglais.
Mme
David : Donc, c'est pour, dans le fond, répondre à la demande du
citoyen, du chercheur, du juriste.
• (16 h 50) •
M.
Jolin-Barrette : Mais ce que je voulais vous dire, dans le fond, c'est
qu'il y a une distinction pour l'alinéa deux, parce que, l'alinéa deux, le
jugement est déjà rendu. Donc, actuellement, ça se fait déjà par la SOQUIJ,
donc, ça, on peut continuer à le faire par la SOQUIJ avec la méthodologie
actuelle.
Là où il y a un
ajustement à faire, puis vous le souligniez à juste titre tout à l'heure, c'est
relativement... par rapport au secret du délibéré, il y avait des craintes des
juges relativement à ça. Donc, pour l'alinéa un, soit qu'on met le
personnel traducteur à l'intérieur de la cour ou on fait signer clairement des
ententes de confidentialité pour respecter le secret du délibéré. Donc,
voyez-vous, la distinction entre les deux alinéas, elle est là.
Mme
David : Et tout ça va...
tous ces frais-là vont être «assumés par le ministère ou l'organisme qui
l'effectue et qui en assume les coûts nécessaires à l'exercice des
fonctions du tribunal qui a rendu le jugement».
M.
Jolin-Barrette : Exactement.
Mme David :
Ce n'est jamais... le citoyen qui demande 250 traductions, il n'a pas un
sou à débourser, c'est sur le bras de l'État, comme on dit.
M.
Jolin-Barrette : Quand c'est un jugement par écrit.
Mme David :
Puis un ancien jugement, là, un ancien... bon.
M.
Jolin-Barrette : C'est un jugement par écrit.
Mme David :
Ça peut coûter cher, cher, cher.
M. Jolin-Barrette :
Bien, encore une fois, tu sais... puis je reviens à votre exemple, là.
Une voix :
...
M.
Jolin-Barrette : À votre retraite?
M. Barrette :
Bien, oui, je vais aller demander des traductions.
M. Jolin-Barrette : Bien, honnêtement, moi, M. le Président... Mme la
Présidente, excusez-moi. Excusez-moi, je suis un peu fatigué. Mme la
Présidente, on a besoin de travailleurs expérimentés, puis je souhaite que le
député de La Pinière puisse continuer à travailler.
M. Barrette :
Je suis un demandeur expérimenté.
M. Jolin-Barrette : Un demandeur expérimenté. Non, mais, honnêtement, je pense que le
député de La Pinière... malgré le fait qu'il va faire autre
chose, je pense qu'il peut contribuer beaucoup à la société québécoise et qu'il
peut occuper un poste actif, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme
Thériault) : Merci. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
M. Jolin-Barrette : Et j'en suis convaincu, que je vais revoir le député de La Pinière dans d'autres fonctions. J'ai comme ce...
M. Barrette :
...le français.
M. Jolin-Barrette : J'ai comme ce pressentiment-là. Bien, écoutez, Mme la Présidente,
ça me donne des idées. Ça me donne des idées, ce que dit le député de La Pinière.
Et il va pouvoir... écoutez, il va y avoir un nouveau ministère de la Langue
française, on va avoir besoin de gens dévoués en faveur du français.
M. Barrette :
Remplir des formulaires.
La Présidente (Mme
Thériault) : Et je comprends aussi que vous allez l'inviter chez vous,
donc vous aurez l'occasion d'en discuter.
M.
Jolin-Barrette : Lorsque le projet de loi sera sanctionné.
La Présidente (Mme
Thériault) : Sera adopté. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme
David : Alors, écoutez, moi,
ça termine nos interventions et ça évite même que je dépose mon
troisième amendement. J'ai eu les réponses à mes questions.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, vous avez eu des réponses à vos questions.
Mme David : Alors, vous voyez comme
nous plaidons pour la collaboration et l'efficacité.
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. Donc, puisqu'il n'y a... puisque je ne vois pas d'autre intervention en faveur de l'amendement ou contre l'amendement
de la collègue de Marguerite-Bourgeoys, est-ce que l'amendement est adopté?
Rejeté.
Donc, à ce moment-là, nous passons à la
discussion sur l'article 10 de manière générale. C'est bien ça? Donc, est-ce qu'il y a des questions, commentaires
sur l'article 10 de manière générale? M. le député de Matane-Matapédia.
M. Bérubé : Comme vous offrez la
rubrique Commentaires, je vais en faire un, juste exprimer que j'ai bien hâte
qu'on soit rendus aux articles qui vont permettre, je l'espère, de freiner le
déclin du français au Québec. Alors, vous
voyez que je retiens mes interventions, j'ai hâte qu'on arrive à l'essentiel,
je voulais le partager avec les membres de la commission.
La Présidente (Mme Thériault) :
C'est noté pour les fins des travaux de la commission. Donc, puisque je n'ai
pas d'autre commentaire sur l'article 10...
Une voix : ...
La Présidente (Mme Thériault) : Oui,
oui, excusez-moi. M. le député de La Pinière, allez-y.
M. Barrette : Oui. J'imagine que le
député de Matane a remarqué l'énergie et l'argumentaire du ministre à chaque
alinéa du projet de loi, à date, selon lesquels c'est la défense et la
promotion du français.
La
Présidente (Mme Thériault) : J'imagine que vous voulez... oui, vous
voulez faire une intervention. M. le député de Matane-Matapédia.
M. Bérubé : Ce n'était pas prévu,
mais, comme je suis interpelé par le député de La Pinière, vous me
permettrez de dire les éléments suivants. Quand j'entends le débat entre le
Parti libéral et la CAQ, depuis plusieurs heures maintenant, j'ai parfois
l'impression que, d'un côté, le Parti libéral agit d'abord comme le porte-voix
de la communauté anglophone, tandis que ce n'est pas ce qui avait été annoncé
dans la bande-annonce du nationalisme du Parti libéral. Le ministre répond tant
bien que mal, mais il ne paie rien pour attendre parce que, sur des enjeux, on
va lui demander plus au lieu de demander moins. On sera là, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) : Bon.
M. Barrette : ...un commentaire
additionnel.
La Présidente (Mme Thériault) : M.
le député de La Pinière, votre micro est ouvert, allez-y.
M. Barrette : Oui. On comprend que,
dans l'esprit du député de Matane, il y a une seule catégorie de citoyens qui
compte, et que, dans son esprit, c'est impossible de débattre dans l'intérêt
collectif des citoyens, donc qui inclut tout le monde, en argumentant de différentes
manières, et que, pour cette raison-là, c'est pour ça qu'il est très
confortable avec la position de la CAQ.
La
Présidente (Mme Thériault) : Là, je pense qu'il ne faudrait juste pas
commencer à s'interpeler comme ça.
M. Bérubé : Confortable?
La Présidente (Mme Thériault) : Je
pense que nos travaux allaient très bien.
M. Barrette : ...
M. Bérubé : Il y a une revue de
presse que je peux t'envoyer, là.
La
Présidente (Mme Thériault) : Nos travaux allaient très bien. Donc, je
pense qu'on peut passer à l'article 11. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Mme la
Présidente, très certainement.
Les articles 8 et 9 de cette charte sont
remplacés par les suivants :
«11.
L'article 10 s'applique, compte tenu des adaptations nécessaires, à toute
décision rendue dans l'exercice d'une
fonction juridictionnelle par un organisme de l'Administration ou par une
personne nommée par le gouvernement ou par un ministre qui exerce une
telle fonction au sein d'un tel organisme.»
Le commentaire.
L'article 11 de la Charte de la langue française que propose
l'article 5 du projet de loi rend les dispositions de l'article 10
applicables aux décisions rendues dans l'exercice d'une fonction
juridictionnelle par certains organismes de l'Administration ou par certaines
personnes au sein d'un tel organisme.
Les dispositions de
l'article 11 entreront en vigueur six mois après la sanction du projet de
loi ou à une date antérieure que peut déterminer le gouvernement, ainsi que le
prévoit le paragraphe 2° de l'article 201.
La Présidente (Mme
Thériault) : Questions, commentaires sur l'article 11? 10,
pardon. Allez-y.
Mme David :
Nous n'avons pas de commentaire.
La Présidente (Mme
Thériault) : Aucun commentaire. Parfait. Donc, M. le ministre, je
vais vous demander de nous introduire l'article 12.
M.
Jolin-Barrette : Oui.
Alors, à
l'article 12, Mme la Présidente :
«12. Il ne peut être
exigé de la personne devant être nommée à la fonction de juge qu'elle ait la
connaissance ou un niveau de connaissance spécifique d'une autre langue que la
langue officielle sauf si le ministre de la Justice et le ministre de la Langue française estiment que, d'une
part, l'exercice de cette fonction nécessite une telle connaissance et
que, d'autre part, tous les moyens raisonnables ont été pris pour éviter
d'imposer une telle exigence.»
Commentaire. L'article 12
de la Charte de la langue française que propose l'article 5 du projet de
loi prévoit les conditions devant être remplies pour qu'il puisse être exigé
d'une personne qui doit être nommée juge qu'elle ait la connaissance ou un
niveau de connaissance spécifique d'une autre langue que le français.
La Présidente (Mme
Thériault) : Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Demande de directive
concernant les modalités d'application
de la règle du sub judice à l'article 12 du projet de loi
Mme David :
Mme la Présidente, avant d'entreprendre l'étude de l'article 12 de la Charte
de la langue française tel qu'introduit par l'article 5 du projet de loi,
vous me permettrez de vous poser une question de directive. Votre éclairage...
La Présidente (Mme
Thériault) : Vous avez dit une question de directive?
Mme David :
De directive.
La Présidente (Mme
Thériault) : O.K. Je vous écoute.
Mme
David : De directive. Votre
éclairage sera notre guide pour la suite de l'étude. Je dois vous dire, Mme la Présidente, que j'éprouve un grand
malaise à étudier l'article 12. Nous avons pris connaissance d'une
procédure judiciaire déposée devant la Cour supérieure le 4 novembre
dernier. Cette procédure du Conseil de la magistrature, conjointement avec les
juges en chef associés de la Cour du Québec, les demandeurs, vise directement
le ministre de la Justice, le Procureur général du Québec et la secrétaire
à la sélection des candidats à la fonction de juge. Je n'entrerai pas dans le détail de cette requête, Mme la Présidente, mais je souhaite un éclairage de votre part pour la suite de nos
travaux.
Mme la Présidente,
les règles de procédure et notre jurisprudence qui nous gouvernent nous
enseignent que l'application de la règle sub judice relève de la discrétion du
président ou de la présidente. Selon la pratique observée à ce jour à l'Assemblée nationale et dans
d'autres Parlements en matière pénale
et criminelle, la règle du sub judice doit s'appliquer de manière
absolue, car le préjudice est présumé. Pour nous, Mme la Présidente, c'est
clair.
Cependant, en matière
civile, l'application de la règle du sub judice est moins absolue, compte tenu
de... l'impact que pourraient avoir des paroles prononcées à l'Assemblée
nationale ou en commission parlementaire est moins grand qu'en matière
criminelle. D'ailleurs, la présidence de l'Assemblée nationale a déjà décidé
que, «dans le cas de poursuites civiles, un député peut s'y référer de manière
générale, mais ne peut, lorsqu'on approche le coeur du sujet, faire des remarques
de nature à porter préjudice à qui que ce soit». La décision 35(3)/5, JD,
20 mars 1984, Richard Guay.
Mme la Présidente,
l'Assemblée nationale est souveraine, nous en sommes bien conscients.
Cependant, nous avons devant nous le ministre de la Justice qui est directement
visé par une poursuite dont le fond n'a pas encore été statué. Vous comprendrez
que je ne souhaite pas limiter nos débats. Je souhaite donc obtenir votre
éclairage, Mme la Présidente, car j'éprouve un malaise à étudier l'article 12
de la charte tel qu'introduit par le ministre à l'article 5 du projet de
loi.
• (17 heures) •
La
Présidente (Mme Thériault) :
Bon, donc, je comprends que vous me demandez une question de directive concernant
l'article 12. Dans l'exposé que vous m'avez fait, vous m'avez mentionné
qu'il y a une procédure, présentement, civile, qui
est en cour, qui vise le ministre de la Justice. Je comprends que vous me dites
que vous avez un malaise à discuter de cet article-là, puisque ça touche le
litige qui est devant le tribunal, même si c'est une notion... que c'est un
tribunal civil. C'est ce que j'entends.
Mme David : Exactement.
La Présidente (Mme Thériault) : Et
vous voulez que je vous donne une directive.
Mme David : En plein ça.
La Présidente (Mme Thériault) : Je
vais... Oui, M. le ministre, je suis disposée à vous entendre. Après ça, vous
comprendrez que, puisque vous me demandez une directive, je vais prendre le
temps de consulter la secrétaire. Donc, je
pense que je vais entendre des plaidoyers. Je vois la main du député de
Matane-Matapédia aussi, sauf qu'avant de
vous entendre, M. le député, j'avais reconnu M. le ministre. Donc, je vais
continuer de noter vos interventions. M. le ministre, allez-y, la parole
est à vous.
M. Jolin-Barrette : Bien, quelques
commentaires préliminaires. La disposition de l'article 12, incluant celle
de l'article 13, Mme la Présidente, est distincte du fond du recours qui
est présenté par le Conseil de la magistrature et la Cour du Québec. La requête,
elle est publique, et la base d'assise du recours du Conseil de la magistrature
et de la Cour du Québec est basée sur le règlement sur la sélection des juges
et également sur la Loi sur les tribunaux judiciaires. Or, ici, la disposition,
Mme la Présidente, qui sera étudiée, dans l'espèce, vise à introduire une
disposition à l'intérieur de la Charte de la langue française, et ce n'est pas
du tout la même chose, la même base et la même assise législative.
Donc, je comprends que la question de la députée
de Marguerite-Bourgeoys à votre égard est relativement à l'étendue de la
discussion que nous pouvons avoir eu égard au litige qui se retrouve devant les
tribunaux et comment circonscrire le débat dans le cadre de nos échanges pour
ne pas entraver la règle de sub judice qui a cours dans le cadre de nos
travaux. Je vous soumets, Mme la Présidente, que c'est un débat qui n'est pas
directement le même et que nous pouvons très certainement étudier les
dispositions 12 et 13 prévues au projet de loi, tout en étant prudents
pour ne pas faire de commentaire en lien avec le litige qui existe entre... et
qui est initié par la Cour du Québec et le Conseil de la magistrature,
relativement à un dossier autre. Donc, ce sont des dispositions qui sont
autoportantes en soi et qui sont distinctes.
Subsidiairement, Mme la Présidente, et j'entends...
bien, je comprends ou je dois comprendre, la députée de Marguerite-Bourgeoys me corrigera, à savoir sa question sous-jacente,
c'est : Est-ce qu'on peut étudier les articles 12 et 13?
Est-ce que je me trompe?
Mme David : Bien, c'est ce que j'ai
soumis à la présidente.
M. Jolin-Barrette : C'est un peu ça.
Bon, bien, je vous le soumets, je vous le soumets.
La Présidente (Mme Thériault) : ...dans
son argumentaire, oui.
M.
Jolin-Barrette : C'est ça,
c'est ça. Moi, je vous dirais, Mme la Présidente, que, s'il advenait que
l'Assemblée soit menottée, qu'elle ne
puisse pas effectuer son travail de législateur, ça porterait atteinte au
principe de souveraineté parlementaire
et à la latitude que les élus ont de faire leur travail et de pouvoir modifier
toute loi en toute circonstance. Et
ça viendrait entraver le pouvoir de l'Assemblée et des élus de la nation
québécoise d'agir à l'intérieur de leur sphère de compétence.
Et il y a un
principe très clair qui est établi, Mme la Présidente, dans notre
jurisprudence, notamment, qu'on ne peut pas entraver le travail d'un député et
qu'on ne peut pas limiter son action. Et ça a été rappelé par le président
Chagnon, notamment, dans le dossier, notamment, du collègue de Chomedey.
Et ça fait part du fait que le législateur est libre d'étudier les
dispositions, de contrôler l'action gouvernementale, de légiférer, de
représenter ses concitoyennes et ses concitoyens.
Alors, je suis d'accord avec la députée de
Marguerite-Bourgeoys qu'il faut être prudents relativement au dossier du fond,
du litige comme tel. C'est un dossier de nature civile, la députée de
Marguerite-Bourgeoys l'a très bien dit, relativement au fait que ça n'a pas la
même portée qu'un dossier en matière criminelle, mais on ne discutera pas, dans le cadre de l'article 12, du litige,
directement, qui a été initié par la Cour du Québec avec le Conseil de la
magistrature.
La Présidente (Mme Thériault) : Merci.
M. le député de Matane-Matapédia. Par la suite, je reconnaîtrai le député de
La Pinière.
M. Bérubé : Mme la Présidente, débat
intéressant ici. Au-delà de l'enjeu linguistique sur la souveraineté
parlementaire, sur le rôle des élus dans notre société, il ne saurait y avoir
aucun enjeu où des positions parfois abusives
ou mal avisées de la magistrature puissent porter ombrage à nos débats ou
nos... exactement créer ce qu'on vient de voir, là, une hésitation à
traiter d'enjeux essentiels pour la nation québécoise.
En ce sens, je veux
réitérer la position du Parti québécois à l'effet que le français soit la seule
langue officielle des lois et de la justice au Québec. Et je pense que c'est
l'objectif qui est poursuivi par le ministre. Et, en ce sens, il sait très bien
quel est l'objectif de la magistrature, des juges, quand ils font les
interventions qu'ils ont faites. Mais je salue le ministre d'y résister et je
lui indique qu'il peut compter sur notre soutien, parce que ce qui se passe là
pourrait se passer dans d'autres domaines.
D'ailleurs, le ministre le sait, c'est arrivé
dans au moins un autre dossier, où les juges lui ont dit qu'il ne devrait pas
faire ce qu'il souhaitait faire. Ce qu'il souhaite faire, bien, c'est
légiférer, c'est l'initiative d'un conseil des
ministres, d'un ministre. Alors, il n'y a pas beaucoup de politique là-dedans,
le gouvernement a la légitimité d'aller de l'avant et de nous soumettre
par la suite, à notre approbation, une loi, qu'on soit pour, qu'on soit contre.
Mais on défend ici les fondements mêmes de notre Parlement, de notre rôle ici.
Alors, en ce sens, procédons, et le ministre peut compter sur le Parti
québécois pour réaffirmer le pouvoir des parlementaires sur celui des juges.
La
Présidente (Mme Thériault) : Merci. J'ai le député de La Pinière et
par la suite j'aurais la députée de Mercier.
M.
Barrette : Alors, Mme la Présidente, c'est vraiment fantastique, ce à
quoi vous assistez. Vous avez... et là je vais plaider pour que vous ayez des arguments pour prendre votre
décision, sans présumer de votre décision. Mais c'est intéressant sur le
plan intellectuel. Vous avez entendu ma collègue demander... de vous demander
de prendre une décision sur... face à la situation qui est... je ne pense pas
exagérer en disant qu'elle est particulière, bon, avec les arguments qu'elle a
avancés, dont vous avez pris note.
Le ministre, lui, nous dit, puis je comprends
son argumentaire, mais que je n'accepte pas, il nous dit : Ce sont deux
univers juridiquement différents. Dans mon projet de loi, l'article en question
traite de, les juges, eux autres, traitent de, il n'y a pas de connexion entre
les deux, donc on peut continuer.
Je plaide, Mme la Présidente, que... moi, je ne
suis pas juge, je ne suis pas avocat, je pense que ma collègue ne l'est pas non
plus, mais, pour n'importe quel observateur extérieur... et, je dirais,
n'importe quel parlementaire objectif va voir un minimum de liens entre les
deux, ne serait-ce que le sujet, le sujet, la nomination des juges et les
obligations.
Je comprends que le sujet est traité dans un
cadre juridique différent par les juges qui sont allés à la cour. Je comprends
aussi que ce sujet-là est traité différemment dans l'article. Je comprends ça.
Mais ce sont des traitements qui sont
connexes, à la limite
complémentaires, certainement connexes. Veux veux pas, dans nos
esprits, là, à un moment
donné, il y a une cour, là, alors le principe du sub judice, il s'applique.
Mais ce qui
est amusant, Mme la Présidente, quand le ministre, lui, nous dit que ce sont
deux univers juridiques différents,
le député de Matane, lui, nous dit : Bien, non, c'est exactement la même
affaire. Aïe! Puis là, go, go, go, là, le ministre, nous autres, on vous
appuie. Bien là...
Une voix : ...
• (17 h 10) •
M. Barrette : Puis il dit oui, en
plus, imaginez. Il y a de l'écho dans la salle. Alors, Mme la Présidente, à sa
face même, là, vous voyez bien qu'il y a une collision des concepts, là, et
c'est une des raisons pour lesquelles vous devez statuer.
Et là j'arrive à l'argument qui, pour moi, est
pas mal final : Est-ce que... Écoutez, ça, c'est la meilleure, là, on nous
dit... le ministre nous dit : Bien, c'est essentiellement... de la même
manière, le député de Matane : Écoutez, si jamais vous en veniez à faire
une pause, on va dire, à suspendre les travaux sur cet élément-là, ça
ralentirait nos travaux de façon indue, tel qu'implicitement exprimé par les
deux. Bien, non. Mme la Présidente, on ne demande pas d'arrêter. Là, ma
collègue n'a pas demandé d'arrêter de siéger, elle n'a pas demandé ça. Elle a
demandé... elle vous demande s'il n'y aurait pas lieu, compte tenu des
arguments que je viens de plaider devant vous, de faire une pause.
Quand le ministre dit : Bien là, là, on ne
peut pas entraver le travail des parlementaires, je veux bien. Mais là,
actuellement, là, un, c'est un projet de loi qui n'a pas d'urgence, on n'est
pas dans une situation de procédure d'exception, la planète judiciaire Québec
ne va pas arrêter de tourner parce qu'on prend un moment de réflexion, ça ne va pas arriver, là, ça, là. Alors, sur
l'argument d'on vient entraver les travaux de la Chambre, Mme la Présidente,
là, il y a là, il me semble, une spectaculaire exagération. Alors, Mme
la Présidente, si ça, c'est un problème, bien, je pense qu'on ne devrait même
pas partir dans deux jours pour les vacances de Noël. Voyons donc! C'est
tellement urgent de traiter ça, là, qu'on va
continuer, là, le 24 au soir puis, au lieu de chanter le Minuit, chrétiens,
là, on va chanter autre chose. Bien non, on va partir en vacances, là,
puis on va revenir.
Alors, Mme la Présidente, je ne vois pas comment
les arguments des deux autres partis sont recevables devant la demande de ma
collègue, qu'évidemment, comme tout parlementaire, nous allons recevoir telle
quelle, et, favorablement, votre décision, quelle qu'elle soit... ou plutôt
telle qu'elle sera.
La Présidente (Mme Thériault) :
O.K. Merci, pour votre argumentaire. Oui, j'avais reconnu la députée de
Mercier. J'imagine que vous voulez faire une petite intervention après, M. le
ministre?
M. Jolin-Barrette :
...informations complémentaires, Mme la Présidente.
La
Présidente (Mme Thériault) : Je vous reviendrai, ne soyez
pas inquiet. Je ne suspendrai pas tant que je n'aurai pas entendu tous
ceux qui veulent s'exprimer sur le sujet, de toute façon. Donc, Mme la députée,
la parole est à vous.
Mme Ghazal :
Oui. Merci, Mme la Présidente. Bien, moi, ça va être simple. Je ne partage pas
le même malaise que le Parti libéral. Je pense qu'ici c'est notre responsabilité, notre devoir et notre droit de discuter de
n'importe quel article, particulièrement celui-là. Je suis d'accord
qu'on en discute, je suis aussi d'accord avec le contenu de l'article. Peut-être
qu'on se retrouve dans cette situation parce que nous n'avons pas devant nous
uniquement le ministre responsable de la Langue française, mais aussi le ministre
de la Justice, peut-être. Mais ça n'empêche pas que, sur le fond, bien, on
devrait pouvoir parler de cet article-là et continuer. Merci.
Une voix : ...
La Présidente (Mme Thériault) : J'ai
dit que je reconnaîtrais le ministre avant.
M. Jolin-Barrette : ...je vais y
revenir à la fin.
La Présidente (Mme Thériault) : Oui,
vous allez y aller après? Parfait. M. le député de La Pinière, et de Marguerite-Bourgeoys
après.
M. Barrette : Jamais n'a-t-il été
question de ne pas débattre du... jamais n'a-t-il été question d'arrêter les
travaux, là. Ce n'est pas de ça. Jamais n'a-t-il été question de ne pas
débattre de l'article en question. La question est : Dans la circonstance
actuelle, est-ce qu'il est approprié d'en parler maintenant? Tout simplement.
Alors, on ne peut pas, là... qu'on ne nous mette pas des mots dans la
bouche, là. La question n'est pas d'arrêter les travaux, la question n'est pas
de ne pas en parler. La question, elle est temporelle, c'est tout.
La Présidente (Mme Thériault) :
D'accord. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme
David : Bien, je répète, nous avons devant les yeux une procédure
judiciaire déposée en Cour supérieure, là, c'est une procédure judiciaire
déposée qui vise des choses, comme dit mon collègue, très, très, très connexes.
Et même le ministre dit : Nous devrions, si jamais on l'étudiait, être
extrêmement prudents.
Je pense que la députée de Mercier a mis
exactement le doigt sur le problème : le ministre est aussi le Procureur
général, est aussi le ministre de la Justice et le ministre responsable de la
Langue française. Donc là, il y a une autre collision ou d'astres enlignés,
dites-le comme vous voulez, sur le fait des multiples chapeaux, mais il est
l'objet d'une procédure judiciaire. Donc, on étudie un article qui touche à peu
près le même sujet que la procédure. C'est un malaise. Moi, je vous demande de
réfléchir à ça.
Mais on peut passer à... on en a
188 autres, articles à étudier, en attendant, là, il n'y a aucun problème,
là. Je ne veux absolument pas entraver les
travaux de qui que ce soit. On passe à l'article 6, là, ou 13, ou je ne
sais pas quoi, là, ou 14... c'est l'article 6, au niveau du p. l. n° 96, puis on continue, puis vous réfléchissez, puis vous
rendrez votre décision sur cet article-là en particulier. C'est ça, c'est la
question que moi, je vous pose par rapport à l'article 12, point final.
La Présidente (Mme Thériault) :
J'entends votre argumentaire. J'ai le député de Matane-Matapédia qui veut
s'exprimer aussi.
M.
Bérubé : ...Matane-Matapédia,
en effet, Mme la Présidente. Écoutez, cette procédure ne rend pas le ministre
inapte à siéger, inapte à assurer ses
responsabilités. Et, si d'aventure on devait, puis c'est votre décision,
statuer qu'on ne doit pas aller de l'avant, ou aller plus tard, ou en
être gênés, il me semble qu'on donnerait raison à la magistrature, qui souhaite peut-être, en partie, je ne prête pas
d'intentions ici, en faire un genre de... entre guillemets, une poursuite
bâillon, en disant aux parlementaires : Voici un coup de semonce,
voici ce qu'on vous indique, nous vous rappelons notre importance dans la
société.
Bien, ça tombe bien, parce que nous aussi, on
peut rappeler la nôtre et la prépondérance du politique, qui, ultimement, à
travers ses représentants élus, dont nous sommes ici, vote les lois. Et ce
n'est pas manquer d'égard à la magistrature. Le fondement de l'affaire, c'est
qu'un facteur discriminatoire serait de demander le bilinguisme pour les juges.
Donc, les seuls qui seraient discriminés, potentiellement, c'est les gens qui
sont unilingues francophones. Ça ne veut pas dire que c'est des mauvais juges.
Alors, ça, c'est le fondement.
J'ai réaffirmé tout à l'heure que le français
devrait être la loi... devrait être la langue des lois et de la justice. C'est
ce que le ministre propose. C'est ce que j'ai compris, en tout cas, de
l'intention du ministre. Pour le reste, s'il fallait que, dans ce domaine ou
dans le domaine de la justice, où on retrouve à peu près le même genre de
relations avec le ministre... Je ne blâme
pas le ministre pour ça. Il fait ce qu'il a à faire, il est habité de bonnes
intentions. Je crois que nous le sommes aussi. Alors, vous allez avoir à
trancher cette question. Mais mon souhait, ce n'est pas une suggestion, ce
n'est pas une proposition, mon souhait, c'est qu'on procède dans l'ordre.
La Présidente (Mme Thériault) : M.
le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui. Quelques
informations complémentaires, Mme la Présidente, que je souhaite porter à votre
attention avant que vous rendiez votre décision. Je ne suis pas en accord avec
la proposition de mes collègues de l'opposition officielle de suspendre les
articles et de passer à autre chose, pour plusieurs raisons. Le législateur est
souverain d'étudier
tous les textes qu'il souhaite dans le cadre de ses travaux, et dans le cadre
des travaux parlementaires et dans le cadre de la commission.
Je veux juste vous
rappeler certains faits, Mme la Présidente, qui vont vous permettre, notamment,
de bien saisir l'étendue. Le projet de loi n° 96 a
été déposé le 13 mai 2021, les consultations ont eu lieu au mois de
septembre 2021, le principe du projet de loi a été adopté en novembre. La
poursuite à laquelle fait référence la députée de Marguerite-Bourgeoys est
survenue après les consultations, les auditions publiques, Mme la Présidente, après
le dépôt du projet de loi. Si vous rendiez... dans votre décision suite à la question
de directive de la députée de Marguerite-Bourgeoys, ça signifierait que, le législateur,
à chaque fois qu'il dépose un projet de loi, un citoyen, une personne morale,
si elle déposait une poursuite à l'encontre de l'État sur un sujet qui est
similaire à celui qui est traité dans le cadre d'un projet de loi, ferait en
sorte de paralyser les travaux parlementaires. Ça n'aurait pas de sens. Ça va à l'encontre même des règles fondamentales de l'Assemblée de se saisir de tout sujet qui lui appartient. Premier élément.
Deuxième élément, Mme
la Présidente. En fonction de la séparation des pouvoirs, tout le monde a un
rôle à jouer, et, en tout respect, l'exécutif, le législatif, le judiciaire.
Malgré le fait que les parlementaires, ce sont eux qui étudient la loi, qui
font les lois, ça n'a pas empêché, Mme la Présidente, et les collègues y ont
fait référence tout à l'heure, aux trois juges en chef des trois différentes
cours du Québec ainsi qu'à la juge en chef de la Cour d'appel du Québec et la
juge en chef du Québec d'écrire à la commission et d'intervenir directement
dans le cadre des travaux, des dispositions qui sont présentement devant nous.
Ça ne les a pas empêchés. Ça n'a pas empêché, dans le cadre d'un autre projet
de loi, Mme la Présidente... d'une juge en chef d'intervenir publiquement dans
le cadre des travaux et de déposer aussi un argumentaire aux membres de la
commission. Deuxième élément.
Alors, voyez-vous,
c'est un peu la même chose. Les tribunaux décident d'intervenir dans le
processus législatif pour dire : Voici ce qu'on en pense, et cette façon
de faire là, Mme la Présidente, peut être à tout le moins questionnée, sur
l'opportunité, ce n'est pas moi qui vais l'évaluer, mais je veux juste vous
sensibiliser à cet effet-là. Or, si, d'un côté, ça fonctionne d'intervenir dans
les travaux de la Chambre et dans les travaux du processus législatif de la
part de la magistrature qui souhaite communiquer certaines informations,
comment ça se fait que le législateur lui-même, qui est souverain et qui tire
sa source, son pouvoir de son mandat représentatif du peuple, de la nation, des
gens qui les ont élus, pourquoi lui... nous,
en fait, nous, Mme la Présidente, les législateurs, on ne pourrait pas
continuer de légiférer parce qu'il y a un dossier qui est porté devant
les tribunaux?
Et je reviens à mon
argument, Mme la Présidente, de dire : Donc, sur tout projet de loi, tout
le monde pourrait prendre des poursuites puis dire : Ah! bien, on ne peut
plus rien étudier le temps que les tribunaux soient saisis de quelque chose. Ça
n'aurait pas de sens, là, ça paralyserait notre démocratie. Donc, c'est pour ça
que je vous invite à rendre une décision
dans le sens qui va nous dire qu'on
peut continuer d'étudier l'article 12, l'article 13 et suivants.
Puis, le dernier
élément, puis ça, ce n'est pas un élément pour votre décision, Mme la
Présidente, mais c'est un élément en réponse au député de La Pinière, au
contraire, je crois qu'il y a urgence d'aborder tous les aspects du français au
Québec, et moi, je considère qu'il y a urgence sur tous les volets, incluant
celui-ci.
• (17 h 20) •
La Présidente (Mme
Thériault) : J'ai le député de Chapleau qui veut faire une
intervention. M. le député de Chapleau.
M. Lévesque
(Chapleau) : Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Pour ajouter, là,
au débat, également pour éclairer votre décision, là, lorsque vous prendrez votre
décision, là, vous réfléchirez peut-être à ces points-là, il en va de nos pouvoirs dont nous disposons en tant
qu'élus, il en va de nos prérogatives en tant qu'élus. Nous sommes sur
une pente glissante, il y a un risque à notre démocratie, puis ça m'inquiète.
Donc là, j'imagine que, lorsque vous aurez à
prendre en considération ça, il y aura ces inquiétudes que vous partagerez, du
moins j'espère, je vous le soumets humblement. La confiance envers nos
institutions, également, doit demeurer, et l'institution que nous représentons en tant que représentants élus de la nation
québécoise se doit d'être respectée, puis nous devons faire respecter, du moins,
nous assurer de cette confiance-là. Donc, je vous invite à prendre ces
éléments-là en considération lorsque vous prendrez votre décision. Merci, Mme
la Présidente.
La Présidente (Mme
Thériault) : J'ai le député de La Pinière qui a signifié son
intérêt, encore une fois.
M. Barrette :
Mme la Présidente, vous aurez remarqué, dans les plaidoiries que vous avez
entendues, qu'à aucun moment je n'ai porté de jugement ni prêté d'intentions.
Je ne dis pas que les autres l'ont fait, mais jamais je n'ai insinué qu'il y avait une intention dans la poursuite de la
magistrature. Pour être bien franc avec vous, Mme la Présidente, je ne
l'ai pas lue, je ne peux même pas vous dire comment elle est écrite, je ne peux
même pas vous en parler au mérite.
Je peux dire une
chose, par exemple, ici, sur l'argument du ministre, sur l'argument du
ministre. S'il considère qu'il y a urgence, c'est son appréciation, je ne la
conteste pas et je ne la débats pas. Mais une chose qui est certaine, par exemple, Mme la Présidente, sur
l'argument de l'urgence, l'étude jusqu'à l'adoption du projet de loi n° 96
va se passer dans un espace temporel fini qui va être le même, peu importe
qu'on le fasse dans la séquence que l'on voudra. La séquence, là, elle n'a pas
d'importance, actuellement. On pourrait se promener, là, de maintenant à 88,
revenir à 26, puis aller à 10 dans trois semaines.
Alors, le cas est particulier. Je le répète,
nous ne souhaitons pas ralentir les travaux. D'une façon... d'un observateur laïque du droit, je vois un enjeu, un
enjeu de compréhension et de connexion. Ça ne changera rien au temps qu'on va
prendre pour adopter ce projet de loi
là. Donc, fin de la discussion là-dessus et fin de cet argumentaire-là.
Également, Mme la
Présidente, le cas est particulier, nous avons été informés hors d'ondes, de la
part du ministre, que la cause va être entendue en janvier, entendue sur le
fond, donc il va y avoir une conclusion, là. Il est possible et, je dirais
même, probable qu'avant qu'on reprenne nos travaux ce soit réglé. Alors, autre
argument pour dire : Écoutez, là, cet argument-là du temps, il ne marche
pas.
Moi personnellement... puis je pense refléter la
pensée de ma collègue, nous autres, là, tout ce qu'on souhaite, là, c'est que
nos travaux se concluent ou se fassent sans une espèce d'arrière-pensée d'influence
extérieure, juste ça, là. Et c'est la raison
pour laquelle on pense qu'on n'a pas besoin... on ne va pas ralentir les
travaux, ma collègue l'a dit, je l'ai dit, moi aussi, on continue un
autre article, là, c'est tout, là. Le temps imparti, là... pas imparti, ce
n'est pas le bon mot, mais, à la fin, le temps qui aura été consumé pour faire
l'étude ne va pas être modifié, altéré par la demande
qui est faite aujourd'hui, autrement que le 20 minutes qu'on prend à
débattre. Mais ça, on en prend souvent, des 20 minutes pour
débattre, là.
Alors là, là, qu'on est rendu à dire que ça, ça
atteint la démocratie, bien, Mme la Présidente, vous allez porter votre
jugement à la demande, puis on va s'y soumettre, puis c'est tout à fait normal,
mais les arguments qui sont avancés, il me semble qu'ils ne tiennent pas
complètement la route, ou suffisamment.
La Présidente (Mme Thériault) : J'ai
entendu tous les arguments de part et d'autre. Évidemment, lorsqu'on demande à la présidence... peu importe que ce soit
le président de l'Assemblée nationale, un président, une présidente de
commission, je pense que les présidents doivent faire un travail rempli de
rigueur. C'est ce que j'entends faire.
Donc, je vais suspendre les travaux. Je vais
aller prendre connaissance de certaines choses avec la secrétaire de la commission. Si j'ai besoin d'être guidée, je
demanderai d'être guidée. Je vais vous revenir avant la fin de l'heure
pour vous dire... ou à tout le moins vous donner une indication sur la suite
des choses.
Donc, je suspends les travaux le temps que je
puisse aller faire mon travail. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 27)
(Reprise à 17 h 56)
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, nous reprenons nos travaux. Au moment de la suspension, j'ai été saisie
d'une question de directive de la députée de Marguerite-Bourgeoys. J'ai entendu
les argumentaires de part et d'autre, du côté ministériel, tous les partis, la
deuxième opposition, la troisième opposition, l'opposition officielle, les
députés ministériels, et je tiens à vous dire qu'au moment où on se parle je ne
suis pas en mesure de prendre une décision qui permettrait de répondre au
questionnement des parlementaires de façon satisfaisante.
Donc, je vais prendre la question en délibéré
et, compte tenu du peu de temps qu'il reste devant nous aujourd'hui, je vais
vous revenir demain avec une décision, le but étant de pouvoir statuer sur la
question qui m'a été présentée par la députée.
Donc, j'ajourne nos travaux. Merci. Bonne
soirée.
(Fin de la séance à 17 h 57)