(Onze
heures vingt-deux minutes)
La Présidente
(Mme Thériault) : Votre attention, s'il vous plaît! Ayant
constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de
l'éducation ouverte.
La commission est
réunie afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français.
Mme la secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. M. Chassin
(Saint-Jérôme) sera remplacé par M. Lévesque (Chapleau); M. Émond
(Richelieu), par M. Provençal (Beauce-Nord); M. Skeete (Sainte-Rose),
par M. Thouin (Rousseau); Mme St-Pierre
(Acadie), par M. Birnbaum (D'Arcy-McGee); Mme Dorion
(Taschereau), par Mme Ghazal (Mercier); et Mme Hivon
(Joliette), par M. Bérubé (Matane-Matapédia).
Étude détaillée (suite)
La Présidente
(Mme Thériault) : Parfait. Merci.
Donc, hier, lors de l'ajournement
de nos travaux, les discussions portaient sur le fait qu'on venait d'adopter le
dernier amendement qui avait été proposé par le député de Matane-Matapédia. Et
donc nous devons revenir à l'article n° 1, dans nos
discussions générales, dans son ensemble. Donc, est-ce que j'ai quelqu'un qui
veut faire une intervention sur l'article n° 1?
Si
je n'ai aucun intervenant, nous
allons passer... nous allons mettre aux voix l'article 1 tel qu'amendé.
Est-ce que l'article 1, tel qu'amendé, est adopté?
Des voix :
Adopté.
La Présidente
(Mme Thériault) : Adopté.
M. le ministre, à
l'article 2. Et vous nous aviez signifié, hier, que vous aviez un
amendement également.
M. Jolin-Barrette :
Effectivement, on va avoir un amendement à écrire. Je vais vous lire
l'article 2 dans un premier temps.
Donc, l'article 1 de
cette charte est modifié :
1° par l'ajout, à la
fin, de la phrase suivante : «Seule cette langue a ce statut.»;
2° par l'ajout, à la
fin, de l'alinéa suivant :
«Le français est
aussi la langue commune de la nation québécoise et constitue l'un des
fondements de son identité et de sa culture distincte.»
Commentaire : L'article 2 du projet de
loi apporte deux modifications à l'article 1 de la Charte de la langue
française.
La première
modification vise à confirmer qu'il n'y a qu'une seule langue officielle au
Québec : le français.
La
seconde modification vise, d'une part, à consacrer le statut du français comme
langue commune de la nation québécoise
et, d'autre part, à reconnaître que le français constitue un fondement de
l'identité et de la culture de cette nation.
Donc, avec le texte
proposé, ça se lirait ainsi :
«1. Le français est
la langue officielle du Québec. Seule cette langue a ce statut.
«Le français est
aussi la langue commune de la nation québécoise et constitue l'un des
fondements de son identité et de sa culture distincte.»
Donc, l'amendement
que je vais proposer, Mme la Présidente, vise à faire en sorte de donner suite
à la proposition du député de Matane-Matapédia pour également indiquer que
seule... que le français est aussi la seule langue commune. Donc, on va
l'envoyer et...
La Présidente
(Mme Thériault) : On ne l'a pas reçu encore.
M. Jolin-Barrette :
Ça ne sera pas bien long, il va être envoyé.
La Présidente
(Mme Thériault) : Donc, on va suspendre quelques instants, le
temps que le document soit acheminé à la secrétaire de la commission et aux
parlementaires. Merci.
(Suspension de la séance à 11
h 25)
(Reprise à 11 h 40)
La Présidente (Mme Thériault) :
Nous reprenons donc les travaux.
Donc, M. le ministre, l'amendement nous est
parvenu. Les collègues l'ont également sur Greffier.
M. Jolin-Barrette : Alors,
juste avant, Mme la Présidente, on vient de fermer l'article 1, mais,
comme je m'y étais engagé hors micro avec mes collègues, si jamais, au fil du projet
de loi, il y aurait des modifications à apporter
dans le préambule, on pourra revenir à l'article 1 puis réajuster le
préambule si jamais nécessité de le faire. Donc, je voulais le dire dans
le micro, que je suis ouvert à revenir à l'article 1, même si on l'a voté
puis qu'on l'a approuvé.
Alors, l'amendement, Mme la Présidente, à
l'article 2 se lit ainsi :
À l'article 2 du projet de loi, insérer,
dans le paragraphe 2° et après «est aussi la», «seule».
Donc, cet amendement modifie l'article 2 du
projet de loi afin d'y préciser que le français est la seule langue commune de
la nation québécoise.
Donc, concrètement, on vient... l'article va se
lire, là :
«1. Le français est la langue officielle du Québec.
Seule cette langue a ce statut.
«Le français est aussi la seule langue commune
de la nation québécoise et constitue l'un des fondements de son identité et de
sa culture distincte.»
Donc, ça fait suite à la discussion que nous
avons eue hier avec le député de Matane-Matapédia et également à la discussion
qu'on a eue avec la députée de Marguerite-Bourgeoys sur le fait qu'on n'a pas
besoin de répercuter ça à différents endroits dans le projet de loi, mais qu'on
vient le dire au départ. Puis on s'entend qu'à la lecture de la loi ça fait en
sorte que «seule langue commune», «seule langue officielle» ne seront pas
reproduits à plusieurs endroits.
La Présidente (Mme Thériault) :
Questions, commentaires sur l'amendement du ministre? Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Bien, écoutez,
c'est cohérent avec la discussion d'hier. La nuit n'a pas porté conseil dans
une autre direction. Donc, je pense que c'est acceptable. Et d'autant plus
que... d'autant plus que... — ça parle fort, il me semble, tout à
coup — d'autant
plus que la langue officielle, qu'elle soit seule ou pas, je pense, c'était...
ça respecte quand même l'esprit de 1974, quand Robert Bourassa a fait adopter
que le français était la langue officielle du Québec. Alors, avec les années,
on dirait qu'on rajoute des adjectifs, mais je pense que l'esprit de l'époque
était la même chose et que, compte tenu du fait qu'il y a quand même un article
dans la charte actuelle de la langue française qui n'est pas modifié et qui est
important, l'article 7, et ainsi que l'article 133 de la Loi constitutionnelle
de 1867, si on additionne les deux, c'est donc possible de faire une sorte de
lecture complémentaire, additionner l'article 2, l'article 7, l'article 133
pour faire en sorte que, finalement, il y a quand même
une sorte de protection constitutionnelle, en vertu de l'article 7 et
133, pour les gens qui pourraient être inquiets de certaines protections de
droit de la minorité d'expression anglaise. Alors, ça va, c'est en respect des
autres articles que je vous mentionnais.
La Présidente (Mme Thériault) :
D'autres questions, commentaires? Mme la députée de Mercier.
Mme Ghazal : Rapidement, ce que
je comprends, c'est qu'à différents endroits dans le projet de loi cette
mention seule va être ajoutée... Non?
M. Jolin-Barrette : ...d'ajouter
partout, parce qu'en le faisant dans le préambule... en le faisant à l'article
1, pardon, dans le fond, ça emporte pour le reste de la loi. Il y aurait peut-être
un titre qui va être modifié plus tard, mais on va y arriver plus tard. On n'a
pas besoin de le refaire à chaque endroit dans la loi.
Mme Ghazal : Très bien. Merci.
La
Présidente (Mme Thériault) : Parfait. Donc, puisque je ne vois
pas d'autre commentaire, est-ce qu'il y a... est-ce que l'amendement est
adopté?
Des voix : Adopté.
La Présidente (Mme Thériault) :
Adopté.
Mais nous revenons maintenant sur l'article
comme tel, l'article 2. Est-ce qu'il y a d'autres questions, commentaires sur
l'article 2? Je n'en vois pas.
Donc, est-ce que l'article 2, tel qu'amendé, est
adopté?
Des voix : Adopté.
La Présidente (Mme Thériault) :
Adopté.
M. le ministre. L'article 3.
M. Jolin-Barrette : Oui,
l'article 3 : L'article 2 de cette charte est modifié :
1° par l'insertion, après
«sociaux», de «, les autres prestataires d'un service régi par la Loi sur les
services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2)»;
2° par l'insertion, après «professionnels», de
«, leurs membres titulaires d'un permis délivré conformément à l'article 35,
les établissements d'enseignement de niveau collégial et universitaire»;
3° par le remplacement de «salariés» par
«travailleurs».
Commentaire : L'article 2 de la Charte de
la langue française reconnaît que toute personne a le droit fondamental à ce que l'Administration, certains
groupements et les entreprises exerçant au Québec communiquent avec elle
en français.
L'article 3 du projet de loi vise à préciser et
à étendre la portée de ce droit. Ainsi, il sera désormais clair que sont tenus
de respecter le droit d'une personne à ce qu'on communique en français avec
elle : les prestataires d'un service régi par la Loi sur les services de
santé et les services sociaux tels que les ressources intermédiaires et les
ressources de type familial; les membres des ordres professionnels, à
l'exception de ceux titulaires des permis qui peuvent, exceptionnellement, être
délivrés sans avoir une connaissance du rapport appropriée à l'exercice de la
profession; les établissements d'enseignement de niveau collégial et
universitaire, tels que les cégeps, les collèges privés et les universités.
En plus de ces modifications, le remplacement de
l'annexe de la Charte de la langue française, proposé par l'article 119 du
projet de loi, a également pour effet d'étendre la portée du droit reconnu par
l'article 2 de cette charte. En effet, puisque c'est dans... cette annexe
qui définit «l'Administration», plus elle vise d'organismes, plus la portée du
droit reconnu par l'article 2 s'en trouve étendue.
Donc, l'article intégré, Mme la Présidente, là,
se lirait ainsi avec le texte proposé :
«2. Toute personne a le droit que communiquent
en français avec elle l'Administration, les services de santé et les services
sociaux, les autres prestataires d'un service régi par la Loi sur les services
de santé et les services sociaux, les entreprises d'utilité publique, les
ordres professionnels, leurs membres titulaires d'un permis délivré
conformément à l'article 35, les établissements d'enseignement de niveau
collégial et universitaire, les associations de travailleurs et les diverses
entreprises exerçant au Québec.»
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Questions, commentaires? M. le député de Matane-Matapédia.
M. Bérubé : Merci, Mme la
Présidente. Ma question au ministre : Est-ce que les termes «entreprises
d'utilité publique» englobent les sociétés d'État? Par exemple, le gouvernement
du Québec, par l'entremise d'Hydro-Québec, envoie toujours des factures en anglais,
aujourd'hui encore, puis il y a encore beaucoup de «Bonjour! Hi!» à la Société des alcools du Québec. Alors, ma question : «Entreprises
d'utilité publique», est-ce que ça inclut les sociétés d'État?
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, dans
le fond, relativement, exemple, aux contrats, supposons, aux factures d'Hydro-Québec,
ça, on va le voir plus tard, là, dans le projet de loi, mais désormais l'État
devra s'exprimer exclusivement en français, sauf les exceptions. Donc, exemple,
ça ne sera plus possible d'avoir sa facture d'Hydro-Québec uniquement en
anglais. Les seules personnes qui vont pouvoir avoir accès à la facture
bilingue, donc français et anglais, ce sont les ayants droit et ce sont les
personnes qui bénéficient de la clause d'antériorité. Donc, un nouveau client
chez Hydro-Québec ne pourrait pas avoir sa facture en anglais, à moins qu'il
soit dans les exceptions.
Puis à votre
question précise, est-ce que c'est... c'est inclus dans l'Administration, les entreprises d'utilité publique.
M. Bérubé : À ce moment-là, Mme
la Présidente, est-ce que le ministre serait ouvert à préciser «sociétés d'État»
dans l'article 3 pour que ça soit clair pour tout le monde? Parce qu'il indique qu'on y
reviendra tout à l'heure, mais
allons-y dans l'ordre. Il me semble que de préciser «entreprises d'utilité publique», à part pour des
parlementaires, ou des juristes, ou des gens
qui sont rompus à nos pratiques, ça ne dit pas grand-chose; «sociétés d'État», c'est plus clair.
M. Jolin-Barrette : Bien, en
fait, ils sont compris dans l'Administration avec un grand A. Puis
l'annexe I du projet de loi, la fin du projet de loi, là, sous «Administration»,
donc, «les organismes gouvernementaux», 2°b : «les organismes dont le
gouvernement ou un ministre nomme la majorité des membres ou des
administrateurs».
M. Bérubé : Seulement pour
s'assurer, là, qu'on se comprenne bien — j'ai donné l'exemple d'Hydro-Québec — donc,
il faudra attendre l'adoption de cette loi pour que cette pratique, qui a toujours
cours, d'envoyer des factures bilingues cesse. Ça prend une loi pour ça?
M. Jolin-Barrette : En fait,
actuellement... Et Hydro-Québec a modifié sa pratique relativement à ça, parce
que je sais qu'antérieurement ils envoyaient juste des factures en anglais à un
certain moment.
M. Bérubé : Encore aujourd'hui.
M. Jolin-Barrette : Là, ils
sont revenus pour les clients qui demandent la facture en anglais, la facture
est désormais bilingue. Et donc, suite à l'adoption de la loi, ça ne sera plus
possible d'envoyer des factures bilingues, à moins que vous soyez dans les
exceptions prévues au projet de loi n° 96.
M. Bérubé :
Mme la Présidente, à travers vous, je veux m'adresser à Hydro-Québec, et je
prends à témoin le ministre. Je trouve particulier qu'Hydro-Québec, qui sont
toujours très prompts à répondre aux gens sur les réseaux sociaux, en
considérant qu'ils font preuve d'un humour aigre-doux, décident de poursuivre
cette pratique-là, et c'est seulement un projet de loi qui va faire en sorte
d'arrêter cette pratique qui a encore cours aujourd'hui. Ce mois-ci, des
citoyens québécois vont recevoir des factures unilingues en anglais pour ce qui
est Hydro-Québec.
M. Jolin-Barrette : ...
M. Bérubé : C'est le cas, là.
M. Jolin-Barrette : Non, la
pratique a été changée. Ce ne sont plus des factures unilingues en anglais, ce
sont des factures qui sont bilingues.
M. Bérubé : Ce n'est pas mieux.
Ce n'est pas mieux.
• (11 h 50) •
M. Jolin-Barrette : Bien, ce
que je vous dis, c'est qu'il y a déjà eu un changement chez Hydro-Québec. Mais
ce qui va arriver avec le projet de loi n° 96, en raison de la politique
linguistique de l'État qui va venir... être établie, ce ne sera plus possible
de fonctionner de cette façon-là. Donc, les seuls qui vont pouvoir avoir leur
facture en langue anglaise, ce sont les ayants droit ou les personnes disposant
de la définition d'antériorité.
M. Bérubé : O.K. Mme la
Présidente, à titre préventif, je vais en informer Hydro-Québec, tout à
l'heure, sur les réseaux sociaux. On verra
bien leur réaction. Mais il s'envoie encore aujourd'hui, au début d'un mois,
par exemple, la facturation, des factures bilingues, ce qui n'est pas
beaucoup mieux, selon moi.
Quant à la Société des alcools du Québec, pas
besoin de faire une visite commune avec le ministre, mais je pourrais lui
préciser des succursales, nombreuses au Québec, où on nous accueille avec un «Bonjour!
Hi!», qui n'est pas de nature à faire plaisir. Alors, j'espère que c'est le
sens de... l'intention du législateur, parce que moi, j'aimerais que ça cesse
et j'aurais aimé qu'ils n'attendent pas un projet de loi pour s'y conformer.
Alors, on a parlé d'Hydro-Québec. J'entends le
ministre. Pour la SAQ, ou pour le Casino de Montréal, ou le Casino du Lac-Leamy,
c'est la même chose, c'est ce que je comprends?
M. Jolin-Barrette : Bien, en
fait, avec le projet de loi, désormais, les gens auront le droit d'être servis
et informés en français. Au niveau de l'accueil, à ce moment-là, oui, dans les
sociétés d'État, ça devait être «Bonjour». L'État québécois doit être
exemplaire, et donc ça doit être «Bonjour».
M. Bérubé : D'accord. Donc, en
résumé, le ministre m'indique «qu'entreprises d'utilité publique» incluent
l'ensemble des sociétés d'État, donc Hydro-Québec, Société des alcools du
Québec, SQDC, Société des casinos, et d'autres
que je pourrais oublier, mais c'est essentiellement, là, celles-ci qui sont
visées. D'accord. On pourra y revenir tout à l'heure pour s'assurer
qu'on n'oublie personne.
M. Jolin-Barrette : Non, juste
une précision. Dans le fond, les sociétés d'État sont incluses sous le terme
«Administration», donc dans l'article, là, dans «Administration».
M. Bérubé : Elles sont toutes
incluses.
M. Jolin-Barrette : Pas dans
«entreprises d'utilité publique», c'est dans «Administration».
M. Bérubé : O.K. J'ai une
question complémentaire, Mme la Présidente. Si d'aventure ce droit d'être servi
en français n'était pas respecté dans l'une ou l'autre de ces sociétés d'État,
quel est le recours qui est à la disposition des citoyens qui seraient lésés?
M. Jolin-Barrette : Bien, dans
le fond, c'est possible de faire une plainte, parce qu'actuellement... Bien là,
on devance, là. Les questions du député de Matane-Matapédia devancent l'étude
des articles où on va être rendus, mais ça va être possible, dans le fond, dans
un premier temps, de faire des plaintes pour que la situation se corrige... et
surtout le nouveau régime qu'on met en place.
Actuellement, vous aviez la politique
linguistique gouvernementale qui régissait les différents ministères et
organismes, O.K., puis cette politique linguistique gouvernementale là, elle
n'était pas vraiment appliquée. Chacun des ministères avait des objectifs. Puis
le rapport du Conseil supérieur de la langue française, c'est ça qu'il nous disait. Il disait : Écoutez, il n'y a pas de
suivi, les employés ne sont pas au courant, on ne sait pas comment ça
fonctionne, puis c'était à géométrie variable à l'intérieur de l'État.
Désormais, ce qu'on fait en créant le ministère
de la Langue française, il va y avoir une politique linguistique étatique qui
va couvrir tout le monde dans l'Administration, qui va être très large, et ça
inclut désormais les municipalités. Vous vous souvenez, avec l'échange qu'on a
eu avec la ville de Montréal également, la FQM, l'UMQ, ils nous en ont parlé.
Mais on décide de les couvrir parce que ça fait partie de l'exemplarité de
l'État. Alors, le ministre, désormais, va avoir un pouvoir d'intervenir, en vertu
de la politique linguistique de l'État, puis, s'il y a des plaintes,
on va pouvoir corriger la situation, mais surtout il va y avoir un suivi
effectué par le ministère de la Langue française à travers l'ensemble de l'État
québécois qui va nous permettre de s'assurer des plus hauts standards en
matière d'utilisation de la langue française.
La Présidente (Mme Thériault) :
...maintenant Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Bien, je pense que
l'échange qu'on vient d'avoir va un peu dans le sens de ma réflexion. On est au
début du projet de loi — c'est
plus un commentaire, mais il y a un aspect question — et je
comprends que c'est comme... Là, on commence à mettre la table sur les grands
principes, puis après ça il y a mille et un cas de figure qui vont suivre
après, mais c'est important qu'on mette ça dès le départ.
Mais ça n'empêche pas qu'on parle d'ordres
professionnels, on parle de beaucoup de gens, d'institutions, de statuts, on va
devoir y revenir après parce que, là, on va trouver plusieurs diables dans
plusieurs détails. Donc, on va pouvoir avoir l'occasion de discuter après, mais
une fois que ce principe est comme mis sur la table, adopté, j'imagine qu'au
Québec on a le droit de se faire servir en français, ce qui n'exclut pas qu'il
y a toutes sortes d'exceptions de pouvoir se faire servir en anglais dans
certaines dispositions prévues par des articles qu'on verra plus loin. Alors,
si je comprends bien, c'est comme pour dire : On est au Québec, on a le
droit de communiquer en... on a le droit que communiquent en français
l'Administration, services de santé, etc., mais ce n'est pas à l'exclusion de
plein de choses qui s'en viennent par la suite et plein de détails qu'on devra
apporter. Est-ce que je comprends bien?
M. Jolin-Barrette : La députée
de Marguerite-Bourgeoys comprend très bien. Donc, au début de la loi... Puis,
dans le fond, on vient modifier la Charte de la langue française. Donc, au
début de la loi, c'était déjà le principe de base, mais on vient ajouter
certaines modalités pour dire : Votre droit de communiquer en français, ça
s'applique à l'Administration, ça s'applique notamment aux établissements de
niveau collégial, universitaire, vous avez ce droit-là désormais. Comme
Québécois, vous avez le droit que l'université communique avec vous en
français. Donc, on vient rajouter certains paramètres. Donc, ça, c'est le
principe de base. Puis les lois sont faites comme ça : au début, c'est le
principe de base, puis là on va rentrer dans les exceptions sur la politique
linguistique de l'État, avec toutes les exceptions où est-ce que c'est permis
d'utiliser une autre langue que le français. Donc, le projet de loi, il est construit comme ça. On va le voir un peu plus
loin, aux articles, je pense, 13, 14 — hein, Éric? — dans ce coin-là.
Mme David : O.K. Excusez, je
suis un peu distraite par l'annonce de votre collègue qui doit se retirer pour
des problèmes de santé. Alors, je lui offre vraiment, au nom de moi-même et ma
formation politique, le meilleur... les meilleurs soins possible et la
meilleure santé possible.
M. Jolin-Barrette : Bien, c'est
très apprécié de la part de la députée de Marguerite-Bourgeoys. Puis je pense
qu'au nom de tous les parlementaires... on est tous humains, et puis, lorsqu'on
affronte les situations personnelles difficiles, c'est bien de savoir la
solidarité de tous les parlementaires aussi. Alors, on envoie nos mots à la
ministre responsable des Relations internationales.
Mme David : Voilà.
La Présidente (Mme Thériault) :
...congé d'assurance... de maladie, pardon, parce que sa santé n'est pas au
rendez-vous. Donc, c'est ce qui se passe. Oui, Mme la députée de Mercier.
Mme Ghazal : Oui, merci, Mme la
Présidente. Moi aussi, j'offre tout mon courage, c'est-à-dire que j'espère que
ça va bien, bien se passer pour notre collègue, et je lui souhaite prompt
rétablissement et qu'un jour on puisse la retrouver ici, parmi nous.
Pour la question sur les établissements d'enseignement
au niveau collégial et universitaire qui a été ajoutée, le fait que ça ait été
ajouté, qu'est-ce que ça amène de nouveau par rapport à la situation actuelle?
Est-ce que... Parce qu'en ce moment c'était déjà le cas, les établissements
d'enseignement de niveau collégial, universitaire devaient déjà communiquer en
français, devaient avoir une politique, ou ce n'était pas le cas du tout, et
cet article-là vient ajouter cette obligation-là à ces établissements-là?
M. Jolin-Barrette : En fait,
actuellement, ce n'était pas déjà prévu par la loi. Donc, les établissements
collégiaux, les établissements universitaires n'étaient pas visés par
l'Administration, tu sais, la définition de l'Administration. Donc, on vient
nommément le dire, qu'une personne peut s'adresser à un cégep ou à une
université et communiquer avec le cégep ou l'université en français.
Mme Ghazal : Donc, ça va...
M. Jolin-Barrette : Dans le
fond, ça...
Mme Ghazal : Parce que moi, j'étais sous l'impression que
c'était déjà la pratique, même si ce n'était peut-être pas dans la loi, mais en réalité
ce n'est pas la pratique. Je veux dire, les établissements d'éducation
postsecondaire ont des... peut-être pas les cégeps, mais ont des politiques
linguistiques qu'ils ne respectent pas, des fois.
M. Jolin-Barrette :
Bien, c'est ça. Dans le fond, ce que ça vient faire, ça vient dire : Bien,
j'ai le droit que communiquent en français avec moi ces universités et ces
cégeps-là.
Donc, je suis d'accord
avec vous, ils étaient dotés de politiques linguistiques à géométrie variable,
plus ou moins appliquées, mais là on vient
permettre aux citoyens québécois que les institutions d'enseignement
postsecondaire communiquent en français avec les citoyens québécois.
Mme Ghazal :
Donc, en ce moment, c'est qu'elles le faisaient de façon volontaire. Elles
n'étaient pas obligées d'aucune façon par la charte de le faire, elles le
faisaient de façon volontaire. Et là, maintenant, comme c'est une obligation
légale, elles vont toutes devoir le faire et de façon plus uniforme?
M. Jolin-Barrette :
Bien, en fait, ce que ça donne, ça donne le droit au citoyen. Le citoyen a le
droit que communiquent en français avec elle les cégeps et les universités.
C'est un droit qui est confié à l'individu. Donc, un individu qui va vouloir
être informé en français, l'établissement d'enseignement collégial ou universitaire
devra communiquer avec cette personne en français. C'est un droit qui est donné
à la personne.
Mme Ghazal :
J'étais sous l'impression que ce droit-là n'existait pas, mais je comprends que
non. Peut-être que, dans la pratique, c'est ce que la majorité faisait, mais ce
n'était pas partout comme ça.
M. Jolin-Barrette :
C'est ça.
Mme Ghazal :
Très bien. Merci.
La Présidente
(Mme Thériault) : ...
• (12 heures) •
Mme David :
Ça va me permettre de reformuler, justement, ce que j'ai dit et ce que la
députée de Mercier a dit. Cet article-là, c'est un droit citoyen de recevoir de
la communication en français. Ce n'est pas une obligation institutionnelle de
communiquer en français. Cela dit, cela dit, plus loin et partout dans le projet
de loi, les institutions vont à leur tour
avoir des articles qui les concernent. Donc, c'est le droit citoyen dans ce
cas-ci, un par un.
M. Jolin-Barrette :
Exactement. Donc...
Mme David : Mais ça n'enlèvera pas que, plus loin, et on va
le voir dans les articles 88, etc., tout ce qui a trait aux enseignements collégiaux... plus collégiaux,
la question des politiques linguistiques, là on va parler des
institutions.
M. Jolin-Barrette :
Exactement. Donc là, on est dans l'exercice des droits fondamentaux...
Mme David :
C'est ça.
M. Jolin-Barrette :
...et là c'est des droits qui sont conférés aux citoyens.
Une voix :
...
La
Présidente (Mme Thériault) : Je n'en ai pas. Par contre, M. le ministre, j'aimerais porter
à votre attention... je pense qu'il y a peut-être une petite coquille
qui s'est glissée, parce que vous énumérez... dans votre texte proposé, vous
énumérez «l'Administration, les services de santé et [...] services sociaux,
les autres prestataires, les entreprises d'utilité,
les ordres professionnels», et là vous avez ajouté «leurs membres titulaires
d'un permis délivré conformément à l'article 35», et ça, ça devrait
être rattaché à «leurs ordres professionnels»... «les ordres professionnels».
Là, c'est comme une énumération, et on ne voit pas à quoi fait référence «les
membres».
M. Jolin-Barrette :
Non, bien, «les membres titulaires»... «les ordres professionnels», puis
ensuite «leurs membres titulaires d'un permis», donc on le rattache au
précédent.
La Présidente
(Mme Thériault) : Vous faites une énumération. C'est comme s'il
faudrait écrire «et leurs membres», «les ordres professionnels et leurs
membres». Parce que, là, vous énumérez différentes catégories. Donc, c'est
comme si... «Leurs membres titulaires d'un permis», ça fait référence à quoi?
Ce n'est pas clair dans le texte. Donc, il y a une toute petite coquille.
M. Jolin-Barrette :
Je vérifie, Mme la Présidente.
Une voix :
...
M. Jolin-Barrette : O.K. Bien, on me dit que c'est conforme. Donc, ça
a été révisé, puis on me dit que c'est conforme.
La
Présidente (Mme Thériault) : Si on dit que c'est conforme, c'est conforme, mais disons que, tant
qu'à y être, M. le ministre... bien, ça va. Donc, s'il n'y a pas
d'autre commentaire — je
vais me fier à vos légistes — est-ce que l'article 3 est adopté?
Des voix : Adopté.
La Présidente (Mme Thériault) :
Adopté. Parfait.
M. le ministre, l'article 4. Et
j'aimerais vous souligner que la députée de Marguerite-Bourgeoys a bien suivi
vos consignes. Il y a un amendement qui a été déposé dans le site Greffier,
mais on va procéder d'abord avec la lecture de l'article 4.
M. Jolin-Barrette : Oui.
L'article 4 : Cette charte est modifiée par l'insertion, après
l'article 6, des suivants :
«6.1. Toute personne domiciliée au Québec a
droit aux services prévus aux articles 88.11 et 88.12 pour faire
l'apprentissage du français.
«La personne domiciliée au Québec qui reçoit
d'un établissement l'enseignement primaire, secondaire ou collégial offert en
anglais a le droit de recevoir de cet établissement un enseignement du
français.
«Cet enseignement du français doit permettre à
la personne qui l'a reçu pendant tout l'enseignement primaire, secondaire et
collégial d'avoir acquis des compétences suffisantes pour utiliser le français
comme langue commune afin de pouvoir interagir, s'épanouir au sein de la
société québécoise et participer à son développement.
«6.2. Toute personne a droit à une justice et à
une législation en français.»
Donc, le
commentaire, Mme la Présidente :
L'article 6.1 de la Charte de la langue française que propose l'article
4 du projet de loi reconnaît à toute personne domiciliée au Québec le droit à
des services d'apprentissage du français.
Les deuxième et troisième alinéas de cet article
précisent les modalités de ce droit à l'égard des personnes qui reçoivent d'un
établissement l'enseignement primaire, secondaire ou collégial offert en
anglais. En ces cas, l'enseignement du français leur est donné par
l'établissement anglophone fréquenté. Cet enseignement du français a pour objectif que la personne qui le reçoit alors
qu'elle reçoit l'ensemble de l'enseignement primaire, secondaire et
collégial donné en anglais aura, à la fin de cet enseignement, des compétences
suffisantes pour utiliser le français comme langue commune.
Les dispositions du premier alinéa de l'article
6.1 entreront en vigueur un an après la sanction du projet de loi, ainsi que le
prévoit le paragraphe 3° de l'article 201.
Commentaire pour l'article 6.2 : L'article
6.2 de la Charte de la langue française que propose l'article 4 du projet de
loi reconnaît le droit de toute personne à une justice et à une législation en
français.
Les dispositions du chapitre III du
titre I de cette charte, portant sur la langue de la législation et de la
justice, prévoient des règles qui découlent du droit linguistique fondamental
reconnu à l'article 6.2.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, vous avez un amendement. Est-ce que vous voulez qu'on dépose l'amendement
de la collègue de Marguerite-Bourgeoys avant qu'on fasse la discussion, M. le
ministre?
M. Jolin-Barrette : Oui, oui,
certainement.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui?
M. Jolin-Barrette : Moi, je
suis à l'aise.
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. Donc...
Mme David : ...dépose les deux
amendements que j'ai.
La
Présidente (Mme Thériault) : Vous avez deux amendements? Parfait.
Je n'ai pas... Il y en a effectivement deux,
désolée. L'article 4, vous avez 6.1 et 6.2. Parfait. Donc, je vous laisse
aller, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, pour nous présenter votre
premier amendement.
Mme David : Alors, l'article 4
du projet de loi introduisant l'article 6.1 de la Charte de la langue française
est modifié par le remplacement du mot «domiciliée» par les mots «qui réside»,
et ce, partout où il se trouve.
L'article 6.1 de la Charte de la langue
française, introduit par l'article 4 du projet de loi tel qu'amendé, se lirait
ainsi :
«6.1. Toute personne qui réside au Québec a
droit [à des] services prévus aux articles 88.11 et 88.12 pour faire
l'apprentissage du français.
«La personne qui réside au Québec qui reçoit
d'un établissement l'enseignement primaire, secondaire ou collégial offert en
[français] a le droit de recevoir de cet établissement un enseignement du
français.
«Cet
enseignement du français doit permettre à la personne qui l'a reçu pendant tout
l'enseignement primaire, secondaire et collégial d'avoir acquis des
compétences suffisantes pour utiliser le français comme langue commune afin de
pouvoir interagir, s'épanouir au sein de la société québécoise et participer à
son développement.»
C'est le premier amendement.
La Présidente
(Mme Thériault) : Parfait.
Mme David : ...Mme la
Présidente?
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, on y va un par un. Donc, on va discuter de celui-là. Donc...
Mme David : Est-ce que
j'explique?
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, vous pouvez nous expliquer pourquoi vous l'avez introduit.
Mme David : Alors, écoutez,
c'est un amendement sémantique fort intéressant. C'est l'intérêt de l'étude
détaillée, je trouve. C'est quoi, la différence entre résider et domicilier?
Bien, quand on fréquente des juristes, on apprend plein, plein de choses. C'est
vraiment un domaine dans lequel j'ai failli me retrouver, d'ailleurs. Un
domicile, c'est le lieu de notre établissement principal. Chaque personne, en
vertu du droit québécois, a droit à un seul domicile, c'est simple. Une
résidence, c'est un endroit où on demeure de façon habituelle, mais une
personne peut avoir plusieurs résidences. Par exemple — et
c'est là que ça devient important pour notre projet de loi — une
personne peut avoir une résidence en Floride et une autre au Québec. Pas besoin
de comprendre pourquoi on prend l'exemple de la Floride. Il y en a plusieurs
qui, en ce moment, sont sous des cieux un peu plus cléments. Un nouvel
arrivant, aussi, ou un réfugié peut avoir une résidence au Québec, mais avoir
encore une résidence dans son pays d'origine dans l'attente de la confirmation
de son statut.
Le terme «résidence», vous avez compris, est
donc plus large. Qui plus est, il est beaucoup plus facile d'en faire la
preuve, de la résidence, que du domicile, parce que, la résidence, on peut
avoir une carte d'identité, un bail — vous connaissez bien ça, Mme
la Présidente — un
bail locatif, une facture d'Internet ou d'Hydro-Québec, peut-être. Faire la
preuve d'un domicile est plus complexe. Quel est l'établissement principal
d'une personne ayant une résidence en Floride habitée six mois par année — on le
sait, là, c'est six mois moins un jour, 180 jours, je pense — celle
en Floride ou celle au Québec? Ce n'est pas pour rien, là, on ne s'amuse pas à
jouer avec les mots, c'est parce que tout ça résulte d'avoir accès à des cours
de francisation. Quel est l'établissement principal d'un nouvel arrivant dans
l'attente de sa résidence permanente?
Alors, ce qu'on veut avant tout, c'est
franciser, franciser, franciser et rapidement, rapidement, rapidement. Dans ce
cas-ci, on est pressés, on n'a pas de patience, on se dépêche à vouloir
franciser, avec raison. Alors, ce qu'on se
demande, c'est : Est-ce que le gouvernement du Québec va mettre réellement sur le dos des personnes immigrantes le fardeau de prouver
leur domicile sur le plan juridique pour obtenir des cours de francisation? Il
n'est certainement pas dans l'intérêt, justement, d'offrir les cours de francisation
en prenant un grand délai. Déjà qu'on sait qu'il y a des délais, en moyenne, de
68 jours pour mettre les pieds dans une classe de francisation, alors ce genre
de souci de prouver le domicile, qui est plus compliqué que de prouver la
résidence, bien, ça pourrait retarder et ça pourrait diminuer le nombre de gens
qui ont accès aux cours de francisation.
Alors, nous proposons que le terme «résidence»
devrait remplacer le terme «domiciliée», donc «qui réside» plutôt que
«domiciliée». J'espère avoir été assez claire sur le but de ça, parce que je
pense qu'on est tous ici dans le même objectif : que les gens qui, donc, résident au Québec — résidence temporaire, résidence permanente — puissent
avoir accès le plus rapidement possible, puisque plus loin dans le projet de
loi — on
le sait, on en beaucoup parlé déjà dans les consultations — on va
exiger le six mois. Puis ça va être : Six mois, tu vas devoir...
l'Administration va communiquer avec toi en français. Donc, là se posent toutes
sortes de problèmes. Mais les résidents... Si on prenait le terme «résidence»,
ils auraient donc accès beaucoup plus rapidement aux cours de français, et
surtout beaucoup moins lourd administrativement pour prouver qu'ils sont... que
leur domicile est bien au Québec. Voilà la raison de cet amendement.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui. Bien,
alors, je comprends l'intention relativement à ça, mais, quand on se réfère,
là, aux notions du Code civil pour le domicile, la résidence, là, 75 du Code
civil nous dit : «Le domicile d'une personne, quant à l'exercice de ses
droits civils, est au lieu de son principal établissement.» La résidence,
c'est : «La résidence d'une personne est le lieu où elle demeure de façon
habituelle; en cas de pluralité de résidences, on considère, pour
l'établissement du domicile, celle qui a le caractère principal.»
Pourquoi est-ce qu'on choisit la notion de
domicile? Parce que c'est le lieu d'établissement principal de la personne.
Donc, une personne qui est situation d'immigration, qui est en... supposons,
qui n'a pas sa citoyenneté, mais qui est résidente permanente, donc, elle, son
lieu... son domicile va être au Québec, il n'y a pas d'enjeu. La personne qui
est en situation temporaire aussi, elle élit son domicile ici également, donc
il n'y aura pas d'enjeu. Puis aussi ce qu'on a fait, c'est qu'on a ouvert, à
l'époque où j'étais ministre de l'Immigration, notamment les cours de francisation
aux personnes en situation temporaire au Québec, mais parce qu'elles sont
domiciliées ici aussi puis qu'on veut les garder.
Donc, je comprends l'intention, mais ce qui
arrive, c'est que, si on met «résidence», on va se retrouver avec des gens, supposons,
qui résident uniquement l'été ici et que ce n'est pas leur domicile principal.
Donc, c'est pour ça qu'on a choisi la notion de domicile.
• (12 h 10) •
Mme David :
Mais admettons qu'on prenne un autre exemple, qui sont des jeunes qu'on désire
beaucoup convertir à la résidence permanente et à la... faire leur vie au
Québec, ce sont les étudiants internationaux qui viennent ici et qui sont
domiciliés officiellement ailleurs. Si vous, vous êtes allé passer un an à
Harvard et que vous voulez apprendre l'anglais, mais votre domicile est à Québec,
admettons, ou à Chambly, ou je ne sais trop, Beloeil, bien, à ce moment-là,
vous n'auriez pas accès si vous aviez ce projet de loi aux États-Unis, ce qui
n'arrivera pas, de toute façon. Mais un étudiant international qui vient ici,
qui est un étudiant qui vient faire un diplôme, ou une année, ou... bien, s'il peut avoir accès au cours de
français, mais qu'il réside ici plutôt que domicilié, moi, je pense que ça nous permettrait de lui donner accès au cours de français, ça
nous permettrait de lui donner, je dirais, une meilleure assurance qu'il peut
vivre au Québec parce qu'il apprend le français et puis ça peut permettre
d'avoir une conversion de ces types d'étudiants là à une conversion à l'amour
du Québec et l'amour du français.
En ce moment, puis ça va être dans le deuxième amendement,
où on va parler de gratuité, c'est sûr que, si l'étudiant international est
domicilié à... je ne sais pas, moi, c'est un Allemand qui vient étudier à McGill,
bien, son domicile et son adresse va probablement être chez ses parents à
Berlin. Mais ça se peut que, si... Sa résidence, évidemment, il va habiter
quelque part ici, il va avoir un bail, il va avoir des factures. Alors, sa
résidence va être ici le temps qu'il soit
ici pendant, disons, ses trois ans, et ça se peut que, si on lui donne
accès au cours de français, il reste beaucoup
plus au Québec que s'il n'apprend pas un mot de français parce qu'il étudie
dans une université anglophone. Et — et là ça va aller de pair
avec un de mes dadas, parce que je l'ai vécu de l'interne quand j'étais à la
gestion de l'Université de Montréal, des étudiants internationaux, puis on l'a
vu encore cette semaine avec l'Université McGill — ça coûte cher, de se
franciser, ça coûte cher, 2 200 $ pour six semaines de cours.
C'est plus cher que les droits de scolarité au Québec, ça. Alors, c'est bien
plus cher que les droits de scolarité au Québec. Donc, si on leur donne accès
gratuitement, mais qu'ils peuvent parce qu'ils sont résidents — il
réside et non domicilié parce que, domicilié, ça serait son adresse à
Berlin — bien,
d'une part, ça va le franciser, ça va peut-être lui donner le goût de s'intégrer plus, ça va peut-être lui faire rencontrer
un conjoint, une conjointe qui parle français. Puis, savez-vous quoi, il va peut-être résider au Québec, puis ça
va nous donner un super diplômé francisé qui décide de vivre au Québec
et qui est un diplômé en TI, en ingénierie,
en n'importe quoi, dans des domaines où on a une très forte pénurie de main-d'oeuvre.
Alors, oui, l'exemple peu probable du ministre,
peu probable parce que, s'il vient ici, au Québec, pendant un mois à faire un
voyage touristique... moi, en tout cas, quand je suis allée passer trois
semaines en Allemagne, je n'ai pas pensé à apprendre l'allemand parce que c'est
une langue très compliquée, alors je ne pense pas que ça se produirait, mais je
pense que mon exemple risque de se produire beaucoup plus.
45 000 étudiants internationaux qui
viennent à Montréal ou dans le Québec par année — là, oublions la
pandémie — mais
ça va être à la hausse, je vous garantis que ça va être à la hausse, Montréal,
Québec, grandes, grandes villes d'attraction internationale pour les étudiants.
C'est une bonne nouvelle. Encore faut-il qu'on leur permette d'accéder à des
cours de français. Ce n'est pas prévu dans les programmes d'études puis ce
n'est pas vrai que ça va
marcher, de mettre six crédits de
cours de français. Puis là ça va, de toute façon, coûter très cher au
gouvernement parce qu'on va les financer, ces six crédits-là, à travers les
crédits du ministère de l'Enseignement supérieur. Mais ces étudiants-là qui n'apprennent pas le français, qui ne peuvent pas
parce qu'ils ne l'ont pas, le 2 200 $, puis ils n'ont pas le
temps non plus, je pense que, s'ils ont des cours en français puis qu'ils sont domiciliés...
forcément qu'ils sont domiciliés au Québec
le temps de leurs études, c'est un meilleur exemple, plus prometteur que
l'exemple d'un touriste qui vient passer deux mois, disons. Alors,
voilà. Je vais continuer à plaider si le ministre est ouvert à la discussion.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien, en
fait, la députée de Marguerite-Bourgeoys amène un bon point, mais, dans le libellé, là, de 6, là, qu'on vient insérer, là, dans le fond, on dit : «Toute personne admissible à l'enseignement au Québec a droit de recevoir cet enseignement en
français.» Ensuite, 6.1 : «Toute personne domiciliée a droit aux services prévus aux articles 88.11 et 88.12 pour
l'apprentissage du français.» Donc, le «a droit», on vient conférer un droit.
Donc, le droit, il appartient aux gens qui choisissent de s'établir au Québec.
Puis je suis d'accord avec la députée de
Marguerite-Bourgeoys sur le fait qu'en termes d'attractivité on a tout intérêt
à offrir des cours de français. C'est pour ça que, comme ministre de
l'Immigration, à l'époque, bien, j'ai dit : On va inclure désormais les
temporaires également dans l'offre de francisation également qui va être faite.
Alors, avec Francisation Québec, bien,
déjà, dans le fond... C'est parce que Francisation Québec, ce que ça va
faire, c'est que ça va venir coordonner le tout, parce que, là, actuellement,
vous le savez, c'est scindé en trois ministères, si vous voulez : vous
avez le ministère de l'Emploi, Travail, Solidarité sociale qui fait de la
francisation, vous avez le ministère de
l'Éducation, vous avez le ministère de l'Immigration. Puis ça, c'était une des
recommandations de la Vérificatrice
générale, je pense, en 2017, de dire : Bien, écoutez, ça prend un guichet
unique, là, désormais, là, puis coordonner le tout notamment pour
l'inscription, notamment pour les entreprises, notamment pour les apprenants
aussi qui... il faut qu'ils sachent où ils se dirigent.
Puis on a fait beaucoup de travail là-dessus au
cours des dernières années. On a augmenté les allocations puis on a décloisonné, dans le fond, les groupes. La
personne en situation temporaire qui est sur un permis d'étude peut y
accéder, actuellement. Même chose pour la personne qui est sur un permis de
travail fermé, peut avoir les cours de francisation également. Alors, on va
continuer dans cette lignée-là. Ça fait que, là-dessus, je vous rejoins.
Par contre, sur la question du droit rattaché à
un résident, là, à ce moment-là, on se retrouve plus dans une optique où c'est... En fait, le facteur de
rattachement, pour le mettre, par souci de cohérence d'un programme
gouvernemental, on vient le rattacher au fait que vous vous établissez au
Québec, vous en faites votre domicile. Mais ça ne veut
pas dire qu'on ne peut pas offrir le programme. Mais c'est juste que le droit
qui est garanti à l'individu, il est garanti à celui qui fait le choix d'en
faire son domicile et non pas à celui qui fait simplement résider.
Donc, pour
être clair, là, le résident québécois temporaire, lui, pourra avoir accès au
cours de francisation, mais ça ne lui
confère pas nécessairement le droit d'avoir accès. Voyez-vous la nuance entre
les deux? Le droit va être rattaché à la personne qui est domiciliée
parce que... pour des situations qui sont court terme ou... C'est la nuance
qu'on fait.
La Présidente (Mme Thériault) :
Mme la députée.
• (12 h 20) •
Mme David : Bien, c'est ça,
j'essaie de comprendre, là, pour être bien sûre. C'est comme s'il fallait qu'en
amont du cours l'étudiant international ait décidé de rester ici.
M. Jolin-Barrette : Non, non,
non. Dans le fond, là on est sur 6.1, c'est un... Dans le fond, la structure du
projet de loi, ça vient garantir des droits, O.K.? Donc, on vient dire à
l'individu qui est domicilié au Québec : Vous, en tant qu'individu, vous avez le droit à la francisation, aux services
prévus par Francisation Québec, vous avez le droit.
Mme David : Bien, excusez de
vous interrompre, mais «qui est domicilié au Québec», donc, de facto, ça veut dire qu'il est... On l'a dit, la définition
de «domicile» est beaucoup plus exigeante que la définition de
«résidence».
M. Jolin-Barrette : Vous avez raison. Ça fait que ça, c'est le droit
qui est conféré. Donc, on vient hiérarchiser
ça puis on vient dire... on vient confier un droit aux gens qui vont être
domiciliés au Québec. Première étape. Ça, c'est dans la loi, on vient
l'inscrire dans la loi. Ce que moi, je vous dis, c'est que, pour les gens qui
sont résidents du Québec, O.K.,
qui sont en situation temporaire, actuellement, travailleurs étrangers temporaires,
étudiants étrangers, périodes...
Mme David : ...de plus en
plus... vous le dites vous-même, de plus en plus de résidents temporaires,
d'étudiants étrangers, etc. Vous l'avez dit, qu'il y avait de plus en plus de
statuts du travail... comment ça s'appelle?
M. Jolin-Barrette :
Travailleurs étrangers temporaires.
Mme David : Oui.
M. Jolin-Barrette : Mais ce
qu'on veut, par contre, c'est les garder ici.
Mme David : Bien, voilà.
M. Jolin-Barrette : Oui. Donc, à ce moment-là, ils sont déjà couverts
par les programmes gouvernementaux, les résidents.
Mme David : De français? De
francisation?
M. Jolin-Barrette : Oui, par
l'offre de francisation. C'est ce que j'ai changé, j'ai mis les personnes en
situation temporaire qui pouvaient accéder aux cours de francisation. Donc,
l'obligation légale, elle est là, pour l'État, pour les personnes domiciliées,
mais déjà, de notre propre chef, on le fait pour les résidents.
Mme David : Mais pas pour les
étudiants internationaux.
M. Jolin-Barrette : Oui, parce
que votre étudiant international, il est en situation... il est sur un permis
temporaire ici, ça fait que désormais il peut accéder aux cours de francisation
gratuitement. C'est juste qu'on ne vient pas lui accoler...
Mme David : Gratuitement? J'ai
bien entendu le mot?
M. Jolin-Barrette : Actuellement, c'est gratuitement. Les cours qui
sont offerts par le MIFI, là, c'est gratuitement.
Mme David : Et est-ce qu'ils
sont disponibles?
M. Jolin-Barrette : Bien oui,
ils sont disponibles. En tout cas, quand j'étais là, le taux de fréquentation
des cours de francisation a augmenté de plus de 20 %.
Mme David : Parce qu'avec tout
ce que vous avez dans le projet de loi, il va avoir du monde à la porte pour
accéder à tout ça. Puis ça va prendre des professeurs, puis etc. Mais ça prend
beaucoup...
Alors, ce que
vous êtes en train de me dire, c'est qu'à peu près tout le monde peut être
couvert avec le mot «domicile».
M. Jolin-Barrette : En fait, je
reviens sur ma réponse, là, dans le fond, dans le cadre du projet de loi, ce
n'est pas l'offre de services qu'on vient discuter, on vient conférer un droit
aux gens qui sont domiciliés au Québec. Ça fait que ça,
c'est la base : vous êtes domicilié, vous avez droit à la francisation au
Québec. Après ça, moi, ce que vous dis, c'est qu'actuellement, si vous n'êtes
pas domicilié mais que vous êtes résident temporaire, vous avez tout de même
accès aux cours de francisation parce qu'on a fait le choix, dans le cadre du
programme, de décloisonner le tout puis de l'offrir à tout le monde.
Mme David :
Donc, tous les travailleurs étrangers temporaires, les travailleurs saisonniers
qui viennent six mois faire les moissons, faire les cueillettes de ci,
faire... et ça va devenir, là... on le sait, là, ça va devenir un immense
bassin de main-d'oeuvre temporaire, pour le meilleur et pour le pire, là, je
pense qu'il faut prévoir ça, si on leur donne accès, parce qu'ils y auraient
droit, ces étudiants... ces étudiants-là... ces travailleurs étrangers
temporaires, s'ils viennent trois mois, quatre mois, ils font partie de vos
cohortes de domiciliés au Québec.
M. Jolin-Barrette : Et c'est ça
qu'il ne faut pas mélanger. Dans le fond, ceux qui sont domiciliés auront un
droit aux services de Francisation Québec. Ça, on s'entend là-dessus.
Mme David : Bien, on ne
s'entend peut-être pas sur la définition, mais la définition, elle est plus
restreinte, en tout cas, que «résident».
M. Jolin-Barrette : Bien, la
personne... Oui, parce qu'un résident... Moi, je peux être résident pendant
deux semaines, là, de la ville de Québec, là, supposons. Mon domicile,
supposons, est dans La Vallée-du-Richelieu, puis je suis résident temporaire de
la ville de Québec quelques soirs par année... bien, plusieurs, même. Les
résidents qui sont ici temporairement ont accès, actuellement, aux cours de
francisation, et ça, ça va demeurer. Mais par contre le droit garanti aux cours
de français n'est pas pour les résidents, il est pour les gens qui sont
domiciliés.
Mme David : Alors, je suis
encore plus mêlée. Je sais que c'est de la pédagogie, tout ça, parce que c'est
compliqué, mais notre exemple... mon exemple de travailleurs étrangers
temporaires, que votre collègue le ministre de l'Économie veut avoir à la
pelletée parce que ça n'a plus de bon sens comment c'est difficile dans les
entreprises, pour l'été, les travailleurs saisonniers, etc., eux, ils entrent
dans quelle catégorie? Entrent-ils dans un droit à la francisation ou pas?
M. Jolin-Barrette : Non, ils
sont dans «résidents», et le gouvernement du Québec a décidé de leur offrir les
cours gratuitement. La situation actuelle, là, c'est que les gens qui sont avec
un permis de travail temporaire, là, ont accès aux cours de francisation
gratuitement.
Mme David : Il y a des professeurs
de français qui vont, dans Lanaudière, enseigner dans les fermes, etc. Parce qu'on va en reparler plus loin, là, avec
Francisation Québec, là, même les toutes petites entreprises, là, il va y
avoir, chaque année, des secteurs ciblés, etc., donc ils pourraient faire
partie de ces secteurs ciblés, d'aller dire : On va aller enseigner le
français à 40 travailleurs étrangers temporaires qui sont en train de cueillir
des pommes dans le verger de X, mais qui sont là depuis le mois de mai, puis
ils repartent en octobre.
M. Jolin-Barrette : Ça
pourrait, ça pourrait.
Mme David : Et ça, c'est en
dehors de la loi.
M. Jolin-Barrette : C'est en
dehors de la loi.
Mme David : C'est parce que le
ministère de l'Immigration, le MIFI, a décidé de leur donner accès. Ce n'est
pas la loi n° 96 qui va leur donner accès.
M. Jolin-Barrette : Exactement.
Quand j'étais ministre de l'Immigration, vous vous souvenez de...
Mme David : Vous ne l'êtes
plus, d'une part. Puis les ministres passent, on le sait très bien.
M. Jolin-Barrette : C'est ça, mais ce qui est important, c'est de
faire des changements qui améliorent les choses.
Mme David : C'est ça.
M. Jolin-Barrette : Puis je
pense que, quand j'étais à l'Immigration, j'ai fait des choses...
Mme David : Mais c'est en ce
sens-là que, si vous avez cru bon de le faire, quand vous étiez ministre de
l'Immigration, pour les résidents à statut temporaire, pourquoi ce n'est pas
aussi bon de le faire dans la loi n° 96?
M. Jolin-Barrette : Parce que
ce que ça fait... La nuance entre les deux, là, c'est que, quelqu'un qui est en
établissement temporaire, on viendrait... si on suit votre proposition... si on
suit la proposition de la députée de Marguerite-Bourgeoys, on vient faire en
sorte de permettre... en fait, d'accorder un droit à des résidents qui sont de passage, alors que... et ça peut avoir des impacts...
certains impacts légaux associés à ça, ces droits-là. Alors, ce qu'on fait,
c'est qu'on dit : On accorde les droits aux gens qui choisissent d'être
domiciliés au Québec, et, pour tous les gens qui sont en situation temporaire
au Québec, on offre... le gouvernement, notre gouvernement, a décidé de
décloisonner l'offre de services et de couvrir toutes les personnes qui sont en
situation temporaire pour les cours de francisation. Elle est là, la nuance
entre les deux. Le droit, il va être rattaché à la notion de domicile. Donc, à
la base, la personne va pouvoir dire : Moi, je suis domicilié au Québec,
j'ai le droit aux services offerts par Francisation Québec. Pour la personne
qui est en situation temporaire au Québec, nous, notre gouvernement a décidé
d'offrir aux temporaires, étudiants, travailleurs étrangers temporaires, PMI,
PMI+, supposons, dans les catégories, d'accéder aux cours de francisation.
Donc, ça, ça a été fait depuis 2018‑2019.
Je vous donne un exemple, le précédent
gouvernement, lui, il n'ouvrait pas aux temporaires. Nous, on l'a ouvert, donc,
c'est le choix qu'on a fait.
Mme David : Mais, si je résume
bien, vous ne voulez pas l'ouvrir dans la loi n° 96 parce que vous avez
peur que ça donne lieu à des abus de gens qui viendraient plus en touristes et
qui en profiteraient pour demander des cours de français. Donc, dans votre
gestion du risque financier aussi, j'imagine, vous préférez faire un plus un
égale deux, donc deux mesures, la loi n° 96 plus la loi de l'ex-ministre
de l'Immigration, qui va être poursuivie par le ministre actuel, j'imagine.
C'est un plus un plutôt qu'un un beaucoup plus gros qui serait, justement, la...
de mettre le mot «résident» plutôt que... parce que vous ne voulez pas prendre
le risque, qui, d'après moi, est petit... Ah! j'avais un café. Excusez. Donc,
le risque est petit d'avoir des gens qui sautent sur l'occasion, en trois
semaines, de prendre des cours de français. Est-ce que je comprends? C'est à
peu près ça?
M. Jolin-Barrette : Mais en
fait les gens en situation temporaire au Québec, étudiants, travailleurs
étrangers temporaires, pourront avoir les
services de Francisation Québec, ils sont admissibles. C'est une décision
gouvernementale, c'est une décision de programme.
Mme David : ...une décision
légale, c'est une décision gouvernementale.
• (12 h 30) •
M. Jolin-Barrette : Exactement,
qu'on offre le service.
Là, avec la 6.1, ce qu'on fait, c'est qu'on...
dans le fond, on vient garantir un droit aux gens qui sont domiciliés au
Québec. Donc, c'est ça, la nuance en soi. Et, lorsqu'on garantit un droit qui
est de nature exécutoire, si l'État n'offre pas les cours... bien, n'offre pas
les services qui sont offerts par Francisation Québec, ils pourront saisir les
tribunaux : J'ai droit à ceci, aux cours... bien, aux services offerts par
Francisation Québec, donc, toi, État, tu dois m'offrir ces services-là, c'est
prévu. Alors, le droit que l'on confère, c'est à ceux qui sont domiciliés au
Québec. Ça ne veut pas dire que, de façon proactive, comme nous le faisons
actuellement, les personnes résidentes en situation temporaire au Québec ont
leur...
Mme David :
O.K., mais «j'ai droit, moi, et donc, État, tu dois me donner», ça, c'est les
domiciliés. Maintenant, le programme, parce qu'on dit qu'il y a une loi
versus un programme, le programme pour les résidents temporaires... un
travailleur temporaire étranger, ce n'est pas : Moi, j'ai droit, et toi,
État, tu dois me le donner, c'est : Moi, je suis un résident, un
travailleur étranger temporaire, et il y a un programme qu'il peut m'offrir,
pas qu'il doit m'offrir, qu'il peut m'offrir. Ce que je... Ce n'est pas le...
M. Jolin-Barrette : Exactement.
Mme David :
L'autre, c'est «doit m'offrir», quand tu es domicilié. Puis, quand tu es
un Mexicain qui travaille sur une ferme, c'est «peut m'offrir»,
dépendant des enveloppes ministérielles.
M. Jolin-Barrette : En résumé,
vous avez une bonne compréhension.
Mme David : Alors, est-ce que
je résume bien en disant que ma proposition, notre amendement est à l'effet de
mettre du «doit» dans les deux cas, alors que, vous, c'est à deux régimes,
«doit» et «peut», et que vous préférez garder le «peut» parce que vous avez...
vous ne voulez pas vous engager dans du devoir de donner à ceux qui le
demandent et qui pourraient être des gens qui aiment trop la langue française
pour des mauvaises raisons, disons ça comme ça, parce qu'ils viennent juste
deux, trois semaines et que... je vous soumets humblement que je pense que
ce cas de figure là, il ne sera pas très, très, très étendu, et que moi, je
crains que, si on reste dans le «peut offrir» si la demande est là, ça risque
d'être pas être grand-chose et qu'on va perdre une formidable opportunité de
franciser des milliers et des milliers d'étudiants ou de travailleurs étrangers
temporaires. Puis on le sait, vous le plaidez, on est tous d'accord avec ça,
quand on possède la langue de l'État, de la nation ou de tout ce que vous
voulez, c'est un facteur majeur d'intégration et de rétention. Alors, c'est
pour ça que je trouve ça quand même un risque plutôt bien calculé de mettre
«domicile» plutôt que «résider»...
M. Jolin-Barrette : Mais en
fait...
Mme David : ...ou «résider»
plutôt que «domicilier», excusez.
M. Jolin-Barrette :
C'est ça, c'est ça, c'est le contraire. Mais en fait c'est parce qu'il peut y
avoir des situations juridiques plus complexes aussi avec la question de
résidence aussi.
Donc, je donne un exemple. Tu sais, vous l'avez
dit, la personne qui vient deux semaines, trois semaines ici, dans le fond, si
on lui confère le droit aux services de Francisation Québec, opérationnellement
également, ça peut être difficile. Si on dit «le résident», bien là le
résident, il arrive, il dit : Ah! moi, j'ai le droit à des services de
francisation, ça fait que je suis ici trois semaines, donc vous ne m'avez pas
francisé, vous ne m'avez pas offert des services de francisation. C'est ça que
ça amène aussi comme question, où le travailleur étranger, il vient pour un
court délai de, je ne sais pas, un mois et demi, puis c'est le seul moment où
il vient. Il est de passage au Québec, puis il réside pour six semaines, bien
là, à ce moment-là, l'obligation de l'État lui conférerait un droit sur sa tête
de poursuivre, notamment, l'État pour dire : Bien, vous ne m'avez pas,
pendant cette période-là de six semaines, offert les services de Francisation
Québec. Voyez-vous? Il y a plein de situations qui peuvent découler de ça.
Ça fait que c'est un immense pas en avant, le
fait de dire : Toute personne qui est domiciliée au Québec a droit aux
services de Francisation Québec, toute personne. Tu sais, légalement, c'est une
avancée significative parce qu'on vient donner ce droit-là puis dire :
Écoutez, l'État, là, doit vous le fournir, là, doit fournir les services de
Francisation Québec.
Par contre, pour les résidents, bien, on le fait
déjà. Tu sais, moi, la mesure que j'ai mise en place, c'est de dire :
Bien, tout le monde a accès. Vous vous présentez dans un organisme
communautaire où est-ce que c'est un prof du MIFI, un professeur du ministère
de l'Immigration, qui vient donner le cours, vous avez accès à l'allocation, il
n'y a pas de problème. Vous êtes dans une entreprise, il y a des cours qui sont
offerts, vous pouvez les suivre, il n'y a pas d'enjeu. Ça fait que, dans le
fond, le programme, il est déjà là, tu sais, c'est éclaté, c'est ouvert à tous,
alors on le fait déjà avec de l'argent québécois.
La Présidente (Mme Thériault) :
...quatre minutes, et j'ai la députée de Mercier, aussi, qui veut faire une
intervention.
Mme David : O.K. Mais j'ai-tu
droit à mon quatre minutes?
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, il vous reste quatre minutes, il n'y a pas de problème.
Mme David : O.K. C'est correct.
Je vais prendre mon quatre minutes, puis après ça... ou...
La Présidente (Mme Thériault) :
Si vous voulez vider la conversation, allez-y, vous avez quatre minutes.
Mme David : C'est parce que
j'ai peur de perdre mon idée.
La Présidente (Mme Thériault) :
Allez-y.
Mme David : Dans notre plan
d'action sur la langue française, on proposait — et j'y crois mordicus,
quand on vient d'un domaine, on le connaît assez bien — qu'il
y ait des antennes du MIFI dans tous les campus collégiaux et universitaires
des grandes régions métropolitaines, là où il y a un bassin, autant des
universités francophones, les collèges francophones puis anglophones, parce
qu'il y a des étudiants internationaux. L'Allemand dont je parle, là, il peut
aller aussi bien dans un que dans l'autre. Donc, accès à des programmes de
francisation.
Ce que vous me dites, admettons, là — on y
reviendra plus tard parce que ça aussi, ça va revenir beaucoup plus tard dans
le projet de loi — qu'il
y aurait de telles antennes du MIFI dans ces campus-là, vous me dites qu'il
pourrait, pas qu'il devrait, mais qu'il pourrait se déployer là des cours de français
offerts aux étudiants internationaux qui
sont des résidents temporaires et qu'à ce moment-là ça serait couvert. Tant que
ce programme-là... ce programme-là va être là, ils pourraient avoir
accès gratuitement à des cours de français.
M. Jolin-Barrette : Oui, mais
c'est déjà le cas, parce que, dans les cours de francisation, là, qui sont
donnés dans les établissements... parce que le MIFI, là, loue également des
locaux dans les collèges, dans les établissements collégiaux, dans les
universités aussi.
Mme David : Un peu.
M. Jolin-Barrette : Bien...
Mme David : Un peu.
M. Jolin-Barrette : Ils en
louent.
Mme David : Oui, oui, j'en ai
visité. Un peu.
M. Jolin-Barrette : C'est ça.
Ils en louent également... dans le fond, ils donnent des allocations également
aux organismes communautaires qui... ils fournissent le professeur et ils
louent bien le local aussi. D'ailleurs, j'ai rehaussé le financement qui était accordé
également pour les locaux, à l'époque où j'étais là, pour soutenir, justement,
les organismes de francisation, là, notamment, le ROFQ.
L'autre point qui est important, c'est que
Francisation Québec, là, va offrir aussi ses services aux membres de la communauté anglophone. Puis, le député
de Sainte-Rose aussi, c'était une de ses recommandations, d'offrir ce service-là de perfectionnement, de maîtrise de la
langue. Et donc Francisation Québec est là pour les gens qui ne sont pas dans
le cursus scolaire. Donc, la majorité, c'est des adultes, donc, qui ont une vie...
qui sont sur le... comme on dit, le domaine
de la vie active, et donc toute personne qui est domiciliée au Québec
pourra en bénéficier. Donc, on parle beaucoup des personnes qui sont en
situation d'immigration ou en situation temporaire, ici, qui vont devenir
permanents, mais également des gens qui
veulent améliorer leurs compétences langagières en français,
qui sont des Québécois, mais qui veulent améliorer le tout, ils vont pouvoir bénéficier des services de
Francisation Québec. Mais eux rentrent dans la catégorie
«domiciliés». Donc, ça sera un droit pour, notamment, les membres de la
communauté anglophone d'en bénéficier.
Mme David : Y compris l'amendement
qu'on a passé hier sur le perfectionnement. Là, je ne sais plus quel mot on a
employé.
M. Jolin-Barrette : C'est ça.
Donc, c'était «à la connaissance et à la maîtrise».
Mme David : C'est ça.
M. Jolin-Barrette : «Visant à
parfaire la connaissance et la maîtrise».
Mme David : O.K. Ça va, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Ça va? Parfait. Merci. Mme la députée de Mercier, sur l'amendement.
Mme Ghazal : Merci. Merci, Mme
la Présidente. Donc, j'ai écouté attentivement l'échange entre le ministre et
la députée de Marguerite-Bourgeoys, puis, si je comprends bien, la façon que
c'est formulé comme ça, cet article, ça veut dire... par exemple, le
travailleur agricole saisonnier Pablo Palma Contreras, qu'on a appris que, dans
le fond, il a... je pense que c'était hier,
c'était dans les nouvelles, là, il est devenu paraplégique à cause d'un
accident de la route parce qu'il a une condition personnelle, il est
épileptique, et, parce qu'il est travailleur étranger, ça fait des années qu'il vient travailler des étés, là, pour cueillir
des fruits et légumes, je comprends que
lui n'a pas le droit à l'indemnisation de la Société d'assurance
automobile du Québec, c'est ce qui est ressorti dans les nouvelles. Mais quelqu'un
comme lui, un travailleur agricole comme
lui, aurait droit à recevoir des cours de francisation avec cette modification-là. Est-ce que quelqu'un
comme lui y aurait droit avec cette disposition qui est ajoutée dans le projet
de loi n° 96?
• (12 h 40) •
M. Jolin-Barrette : Bien, dans
le fond, la personne... ce que l'article 6.1 du projet de loi n° 96
indique, c'est que la personne qui est domiciliée au Québec a le droit aux
services prévus aux articles. Donc, les services prévus à 88.11, 88.12 pour
l'apprentissage du français, c'est Francisation Québec. Donc, la personne, le
critère, c'est le droit conféré, c'est à la personne qui est domiciliée.
Pour une personne qui est en situation
temporaire, comme un étudiant, un travailleur étranger, lui, à ce moment-là, actuellement, ils sont déjà couverts
par les programmes parce que j'ai décloisonné ça et que les personnes en
situation temporaire, maintenant, peuvent accéder aux cours de francisation.
Mme Ghazal : Donc, lui, dans le
fond, y a droit, pas à cause du projet de loi n° 96. Ce que vous disiez,
c'est quand vous étiez ministre, quand vous avez amené cette ouverture-là. Mais
le décloisonnement s'est fait comment? C'est par un programme qui peut être
modifié?
M. Jolin-Barrette : Bien, deux
choses. Il fallait mettre l'argent, parce qu'on a mis plus que 70 millions
de dollars là-dedans. Puis d'ailleurs je rappellerais qu'au budget de 2019
c'était la première fois que la totalité de l'enveloppe de l'entente
Gagnon-Tremblay—McDougall,
qui a été signée en 1991, que la totalité de l'argent allait au ministère de
l'Immigration, parce qu'auparavant c'était versé au fonds consolidé puis ce
n'était pas tout l'argent qui allait au ministère de l'Immigration. Ça, c'est
fort important, c'est la première fois qu'un gouvernement a fait ça, et ça a
fait en sorte de pouvoir permettre, justement, que les personnes en situation
temporaire bénéficient des services, désormais. Alors, oui, c'est une décision
gouvernementale de dire : Bien, on l'offre aux temporaires.
Mme Ghazal : Mais ça, de
l'offrir aux temporaires, pourquoi ce n'était pas... c'est-à-dire que je
comprends que la façon que c'est écrit comme ça, le décloisonnement qui a été
fait lorsque vous étiez ministre puis qui continue au ministère de
l'Immigration, si, à un moment donné, un autre ministre vient puis le change et
il le recloisonne...
M. Jolin-Barrette : Supposons
un autre gouvernement.
Mme Ghazal : ...oui, c'est ça,
puis qu'il le recloisonne, ici, l'article ne peut pas empêcher ça. Pourquoi ça
n'a pas été mis... mentionné aussi dans le projet de loi n° 96 pour
s'assurer que ce soit le cas pour toujours ou jusqu'à ce que quelqu'un change
la loi?
M. Jolin-Barrette :
Bien, en fait, j'ai exposé les raisons tout à l'heure, pour des situations de
conséquences juridiques associées au statut de résident. Donc, nous, notre
gouvernement, on a fait le choix, parce que... puis, honnêtement, je pense
qu'on est rendus là, de faire en sorte que les personnes qui sont sur le
territoire québécois... on souhaite les garder au Québec, donc les travailleurs
étrangers temporaires, qu'ils puissent demeurer au Québec, puis les facteurs
d'intégration, c'est notamment le travail puis la langue française. Alors,
c'est tout dans notre intérêt de maintenir
cette offre de services là aux personnes qui sont en situation temporaire,
notamment les étudiants étrangers. Et surtout, supposons, avec le
Programme de l'expérience québécoise, le PEQ, bien, ils ont une voie rapide
pour accéder à la résidence permanente en passant par le PEQ. C'est un
programme qui est très bien fait aussi, puis...
Mme Ghazal : Mais moi, je veux
parler des travailleurs agricoles. O.K., continuez, oui.
M. Jolin-Barrette : Oui.
L'autre élément, c'est que le mandat de Francisation Québec, il demeure aussi
dans la loi. L'objectif de Francisation Québec, c'est d'offrir des services de
francisation à l'ensemble des gens qui sont sur le territoire québécois. Donc,
ça, c'est l'objectif. À 6.1, par contre, c'est le droit sur la tête de la
personne, donc on le confère à la personne qui est domiciliée au Québec.
Mme Ghazal : Travailleurs
étrangers, travailleurs agricoles, ceux qui viennent ici nous aider à faire un
travail que la majorité des Québécois ne veulent pas faire, donc, ces gens-là,
il va y en avoir de plus en plus, c'est ça, on va augmenter leur nombre, et
c'est ce que le ministre a dit : Bien, on va leur offrir, là, la
possibilité d'apprendre le français, qui a été décloisonné, mais... Oui.
M. Jolin-Barrette : Bien, juste
en matière d'immigration, là, c'est parce que, exemple, le Programme des
travailleurs étrangers temporaires, en matière agricole, c'est un programme qui
est spécifique et qui est géré par le gouvernement fédéral. Dans le fond, lorsque vous êtes en
situation temporaire, le permis de séjour, il est fédéral. Donc, c'est le fédéral qui gère l'administration
des permis temporaires, à l'exception de... lorsqu'on est matière d'éducation,
ça prend un certificat d'acceptation
du Québec pour être un étudiant étranger aussi. Donc, ce que ça fait... Puis,
même chose aussi sur les PMI, PMI+ aussi, le fédéral est impliqué aussi,
notamment relativement au traitement des dossiers des immigrants en
situation temporaire. Puis là vous avez le PTET aussi, le Programme des
travailleurs étrangers temporaires, que mon collègue
le ministre du Travail a justement réussi à assouplir pour faire en
sorte de répondre aux besoins des entreprises.
Mme Ghazal : Toutes ces
personnes-là ont accès aux cours de francisation?
M. Jolin-Barrette : Oui.
Mme Ghazal : Pas à cause de
«domiciliée», mais à cause du décloisonnement qui a été fait lorsque vous étiez
ministre?
M. Jolin-Barrette : Exactement, sauf que... sauf qu'une personne qui
est avec un permis de travail temporaire et qui fait sa demande de...
supposons de... j'ai juste «CAQ» dans la tête, là...
Mme Ghazal : CSQ.
M. Jolin-Barrette : ...oui, son
CSQ, merci, son CSQ, à ce moment-là, lui, il établit son domicile au Québec
parce qu'il fait sa demande de CSQ également.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois malheureusement suspendre nos travaux, compte tenu de l'heure. Nous
avions jusqu'à 12 h 45, parce qu'il y a un caucus ici.
Donc, à la reprise, à 15 heures, je vous
redonnerai la parole, Mme la députée de Mercier, pour poursuivre
l'échange avec le ministre, et, par la suite, il y aura le député de D'Arcy-McGee
qui m'a signifié son intention de prendre la parole. Donc, bon appétit à tous.
(Suspension de la séance à 12 h 45)
(Reprise à 15 h 09)
La Présidente (Mme Thériault) :
Votre attention, s'il vous plaît! Donc, la Commission de la culture et de
l'éducation reprend ses travaux. Nous poursuivons l'étude détaillée du projet
de loi n° 96, Loi sur la langue officielle et commune du
Québec, le français.
J'aimerais vous informer qu'à la suite
d'échanges entre les leaders, il y a eu consentement afin de permettre au
député de La Pinière de remplacer la députée de Saint-Laurent pour le
reste de la séance. Donc, M. le député, bienvenue parmi nous à cette
commission.
Lors de la suspension de nos travaux, nous en
étions à l'étude de l'amendement qui avait été déposé par la députée de
Marguerite-Bourgeoys. C'était la députée de Mercier qui avait la parole sur
l'amendement, toujours, de la collègue de
Marguerite-Bourgeoys, et par la suite il y a le député de D'Arcy-McGee qui m'a
signifié son intention de faire une intervention aussi. Donc, Mme la
députée, vous avez la parole.
Mme Ghazal : Oui, merci
beaucoup, Mme la Présidente. Donc, l'amendement de la députée de
Marguerite-Bourgeoys demande à changer... je n'étais pas dans le... de mettre
le mot «réside» à la place de «domiciliée», oui, c'est ça. Et moi, en fait,
j'essayais juste de voir un peu le... J'allais dire que c'est cocasse, mais ce
n'est pas cocasse parce qu'il y a quand même quelqu'un qui souffre. Je parlais
de monsieur... un travailleur agricole, Pablo Palma Contreras, qui...
j'essayais de prendre cet exemple-là pour juste voir un peu l'absurde de la
situation. Ce que je comprends, c'est que lui, comme travailleur étranger...
Et, des gens comme lui, il va y en avoir de plus en plus, c'est l'intention du gouvernement.
Donc, on dit que la loi... c'est tellement, tellement important, la langue
française, c'est tellement important que le ministre, quand il était ministre
de l'Immigration, il a ouvert l'apprentissage de la langue française pour des
gens comme lui, alors que, là, il se retrouve dans une situation où on
l'empêche d'avoir accès à la Société de l'assurance automobile du Québec comme
n'importe quel autre Québécois.
Donc, je voulais juste confirmer, est-ce que
c'est bien ça, la situation? Quelqu'un comme lui, qui est un travailleur
agricole saisonnier, qui vient toutes les années pour travailler l'été, a le
droit d'apprendre le français alors qu'il
travaille dans les champs jour et nuit? Est-ce que c'est ça que le ministre a
permis pour un travailleur comme lui?
• (15 h 10) •
M. Jolin-Barrette : La question
de la députée de Mercier, ce n'est pas... juste pour que je comprenne bien sa question, ce n'est pas sur la proposition de 6.1
que je fais, là. Sa question, c'est, actuellement, ce que le gouvernement
du Québec fait, présentement, c'est ça?
Une voix : ...
M. Jolin-Barrette : Oui. Alors,
oui, depuis 2019, les personnes qui sont en situation temporaire au Québec, que
ce soient des étudiants, que ce soient des travailleurs qui ont un permis de
travail temporaire au Québec, peuvent suivre des cours de francisation. On l'a
ouvert aux temporaires, notamment parce qu'il y en a beaucoup, de temporaires,
qui deviennent permanents, entre autres, donc on fait la francisation. Puis
surtout, notamment, ceux qui souhaitent, supposons, être admis par le Programme
de l'expérience québécoise, à la fois pour les travailleurs et à la fois pour
les étudiants, c'est un niveau 7 de français qui est requis. Donc, pour nous,
c'est la première fois que ça se faisait, et on a décloisonné les cours pour
les offrir aux personnes en situation temporaire.
Mme Ghazal : Je comprends que
ce n'est pas, donc, l'ajout que fait article, mais est-ce que le ministre est
d'accord avec moi avec l'absurdité de la situation? C'est qu'on va continuer à
avoir des personnes temporaires, puis on trouve que le français, c'est
tellement important qu'on va leur permettre de l'apprendre, c'est juste qu'ils
n'ont pas le temps de l'apprendre parce qu'ils sont ici pour travailler, puis
surtout avec les conditions d'un travailleur agricole, par exemple, comme lui.
Puis il y a d'autres secteurs économiques. Le gouvernement disait tout le temps
qu'il voulait restreindre le nombre d'immigrants, mais finalement il l'a
augmenté pour des raisons de pénurie de main-d'oeuvre, pour... à cause des
demandes du milieu des affaires. Mais on dit : Toutes ces personnes-là, on
va être très, très, très généreux, ils vont pouvoir apprendre le français.
C'est juste que c'est une façon de dire : Oui, oui, on va ouvrir, mais en
réalité ils ne le feront pas pour la majorité, contrairement, par exemple, à
des travailleurs... pas des travailleurs, mais des immigrants permanents, qui
ont les bonnes conditions pour apprendre le français et qui vont avoir envie de
l'apprendre, sachant qu'ils vont rester au pays pendant très, très longtemps.
Et là j'ai donné juste cet exemple-là parce que
c'est un exemple qui déchire le coeur, quand on a entendu cette personne-là dire : Je n'ai même pas le
droit... J'ai travaillé ici pendant longtemps, mais, comme je suis
temporaire et... je n'ai même pas le droit à
avoir de l'assurance automobile, mais ce que le ministre me dit, c'est que le
gouvernement est tellement généreux qu'il lui permet de prendre des cours de
français, par exemple. Je veux juste montrer l'absurdité de la situation au
ministre.
Puis cette situation-là va augmenter de plus en
plus, puisque c'est l'intention du gouvernement. On ne veut pas avoir de
l'immigration, mais la situation... puis les demandes, par exemple, du milieu
des affaires, et tout ça, ils veulent avoir plus d'immigrants pour la situation
économique. Donc là, on dit : Bien, on va se rabattre vers l'immigration
temporaire, puis ces personnes-là, bien, n'apprendront pas le français, même si
on leur ouvre la possibilité de le faire, puisque... Ont-ils le temps, de toute
façon, de le faire? Et pourquoi est-ce qu'ils le feraient, sachant qu'ils sont temporaires, même si des fois
ils sont temporaires pendant de très nombreuses années? Et la vision,
donc... la vision du gouvernement par rapport à l'immigration ne concorde pas
ou est en incohérence par rapport à sa vision pour protéger et renforcer la
langue française.
M. Jolin-Barrette : Bien, moi,
Mme la Présidente, je dirais, non, je ne suis pas d'accord du tout avec la
députée de Mercier, avec égard. Ce n'est pas ça pantoute que j'ai dit. Ce que
j'ai dit... Puis il ne faut pas mélanger des
pommes, puis des oranges, puis des tomates, puis tout le kit, là. Il y a une
situation particulière qui nous a été présentée relativement à, je
comprends, une assurance... un accident d'automobile. Là, ce n'est pas du tout
la même chose.
Là, on est dans une situation où, à 6.1, on
vient donner un droit aux gens qui sont domiciliés au Québec. Ça fait que, ça,
je l'ai établi clairement, toute personne qui est domiciliée. Une personne qui
est en situation temporaire au Québec peut être domiciliée au Québec, là, hein?
Ça, il faut le dire. La notion de domicile, on a eu le débat, tout à l'heure,
là-dessus. Ça fait qu'elle peut être domiciliée. Ce qu'on dit, par exemple,
c'est que le droit n'est pas conféré à quelqu'un qui est
seulement résident. Donc, le domicile, c'est l'intention de demeurer, c'est son
principal lieu d'affaires... son principal lieu d'établissement.
Ce que je dis, par ailleurs, c'est que, même
pour ceux qui ne sont pas domiciliés ici, déjà ils bénéficient des services du
ministère de l'Immigration en matière de francisation. Puis là le point où je
ne vous rejoins pas... Vous dites : Écoutez, bien, les travailleurs
étrangers, ils n'ont pas le temps d'aller dans les cours de français. Mais ce
n'est pas vrai parce que la démonstration a
été faite depuis qu'on l'a ouvert, que ça a explosé, le nombre de personnes qui
suivent les cours en... qui sont en
situation temporaire dans les cours de francisation. Alors, ce n'est pas exact,
là, malheureusement, ce que vous dites. Il y a des situations... il y a
des gens qui ne suivent pas les cours, il y en a qui les suivent.
Nous, notre objectif, là, c'est que, toute
personne qui décide de demeurer au Québec, bien, on puisse la franciser dès le
départ, ça, c'est clair. Ça fait que ça, c'est le débat sur la mission de
Francisation Québec, on va voir ça à 88.11, 88.12. Mais là, à
l'article 6.1, on est vraiment sur le droit, conférer le droit par rapport
à la personne qui est domiciliée ici. Donc, on vient bonifier une situation, on
vient conférer aux gens qui sont domiciliés au Québec le droit de bénéficier
des services de Francisation Québec. C'est ça. Mais la discussion que, là, nous
avons, on va l'avoir à 88.11.
Mme Ghazal : Bien, moi, le fait
de dire que c'est «domiciliée» et non pas «résident», ça, je suis d'accord avec
ça, donc je l'annonce tout de suite. Mais j'essaie juste de faire réaliser au
ministre l'incohérence... Parce que, là, j'ai le ministre responsable de la
Langue française, qui est dans un gouvernement qui a une vision et une
stratégie, si je peux dire ainsi, en immigration, sur l'accueil des immigrants,
le nombre et le type d'immigration qu'on veut avoir qui est en incohérence avec
sa vision par rapport à la protection de la langue française. Je suis d'accord
qu'on l'ouvre à tout le monde, mais, si...
Parce que, là, il dit qu'il y a eu une grande
augmentation, une grande augmentation pour les immigrants temporaires. Il y en
a eu combien? Est-ce que... par exemple, de tous ceux qui ont commencé à
prendre des cours depuis qu'il a ouvert puis qu'il a mis plus d'argent, combien
parmi eux sont des immigrants temporaires, en immigration temporaire, comme un
travailleur agricole, admettons?
M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez, on peut... on va faire les
vérifications, parce que ça fait quand même un an et demi que j'ai
quitté le ministère de l'Immigration. Alors, c'est des bons souvenirs...
Mme Ghazal : Bien, ce n'est pas
la majorité.
M. Jolin-Barrette : ...et je souhaite bon succès au ministre de
l'Emploi et du Travail, qui reprend ces fonctions.
Bien, vous avez... les personnes en... Bien, en
fait, ce qu'il faut même dire, là, c'est que le gouvernement du Québec offre
des cours de francisation même avant la venue des personnes immigrantes, déjà,
dès l'étranger, pour leur dire : Écoutez... Puis vous le savez, Mme la
Présidente, vous avez été ministre de l'Immigration.
La Présidente (Mme Thériault) :
...
M. Jolin-Barrette : Bon, vous
l'avez instauré, des bonnes choses qui ont été faites.
La Présidente (Mme Thériault) :
Apprendre le Québec, le guide Apprendre le Québec.
M. Jolin-Barrette : C'est ça.
Puis nous, on l'a bonifié, ça, hein, avec une évaluation de connaissance des
valeurs québécoises.
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait.
M. Jolin-Barrette : e suis
content que vous m'appuyiez, Mme la Présidente. Et ça fait en sorte que bien
sûr que, les personnes qu'on accueille au
Québec, on veut les franciser. Alors, là-dessus, l'objectif, il est là, et la
question des temporaires également.
Mais le fait de venir comme... avec un permis de
travail temporaire aussi, ce que ça fait, c'est que ça peut permettre à la
personne d'expérimenter le Québec, déjà de venir, puis déjà ça lui donne une
expérience québécoise. Donc, ça lui permet, notamment, par le Programme de
l'expérience québécoise, d'avoir une bonification, une rapidité également,
parce que je crois que c'est à peu près 85 %, 88 % des dossiers qu'on
accepte en sélection économique qui proviennent du PEQ, présentement. Donc, ça
fait en sorte que les gens qui ont une expérience de travail, bien, ils se retrouvent avec une voie rapide pour passer par le
PEQ pour être sélectionnés, plutôt que... Et, on le sait, là, le projet
de loi n° 9, il me semble... C'est-tu 9 que j'ai déposé? Je ne me souviens
plus, mais on faisait en sorte de réduire
les délais en matière d'immigration. Parce que, vous vous souvenez, il y a
plusieurs délais en immigration. Il y a avait... puis il y avait des
dossiers qui dataient de 10, 11 ans dans l'inventaire de dossiers. Donc,
ça, c'était dans l'inventaire québécois.
Nous, un coup qu'on donne le certificat de
sélection du Québec, après ça, ça s'en va à Ottawa. Puis là le problème,
présentement, sur les délais qu'on voit, là, jusqu'à deux ans, le problème, il
est dans l'inventaire fédéral. Le fédéral ne traite pas les dossiers du Québec
en matière de résidence permanente, même s'ils ont eu le CSQ en temps opportun et en temps rapide. Donc, il est
là, l'enjeu, présentement, des délais. Nous, on a réglé l'enjeu qu'il y
avait auparavant par
rapport à l'inventaire. Puis ça, ça a été un gros enjeu, parce que ce qui
arrivait sous les gouvernements précédents, c'est qu'ils sélectionnaient
beaucoup plus de personnes immigrantes que les seuils d'admission qu'ils autorisaient. Ça fait que, d'un côté, les
précédents gouvernements disaient : On vous sélectionne, on vous
sélectionne, on vous sélectionne, mais on ne vous admet pas, voyez-vous, parce
qu'il y a deux volets à l'immigration, il y a la sélection puis il y a
l'admission, il y a deux niveaux de seuil. Ça fait que c'est comme si la main
gauche ne parlait pas à la main droite, dans le temps.
• (15 h 20) •
Mme Ghazal : Oui, puis il y a
eu une demande, aussi, des groupes, de dire : Bien là, maintenant — et
aussi à Québec solidaire — bien,
il faudrait repartir à zéro, parce que ça n'a pas de bon sens, le message
contradictoire qu'on donne.
Mais, moi, ma question ne s'adresse pas à
l'ancien ministre de l'Immigration, mais au ministre responsable de la Langue
française : Est-ce que le fait d'avoir plus d'immigration temporaire aide
la protection et la pérennité de la langue française?
M. Jolin-Barrette : Bien, je
vous dirais qu'on a plusieurs défis. Je vous dirais oui, parce que...
Mme Ghazal : L'immigration
temporaire aide plus le français que l'immigration permanente?
M. Jolin-Barrette : Mais en
fait c'est un tout. Parce qu'il y a beaucoup de pays... en fait, il y a
beaucoup de gens qu'on accueille de façon temporaire qui proviennent de... qui
ont une... que les gens ont une maîtrise de la langue française ou qui
proviennent de pays francotropes, alors, et où... Puis là c'est un autre point
qui est important : avec un permis de travail temporaire, bien souvent...
Le permis de travail temporaire, c'est un permis qui est fermé, O.K.? Donc, le
permis de travail fermé, supposons, de deux ans vise à faire en sorte que le
travailleur temporaire est sélectionné pour
travailler dans une entreprise x, O.K., entreprise x, supposons, qui est
située dans le Bas-Saint-Laurent, à Montmagny, supposons, O.K.? La
personne immigrante en situation temporaire qui décide d'aller travailler à Montmagny,
qui ne parle pas le français, pendant une période, supposons, de deux ans,
bien, je vais vous dire que ça, c'est une bonne façon d'apprendre le français.
Donc, oui, l'immigration temporaire fait en
sorte que de vivre un passage en région au Québec, ça fait nécessairement en
sorte que la société d'accueil, le milieu d'accueil, le milieu de vie, il est
quasiment totalement francophone. Donc, bien entendu que ça va aider vos
compétences langagières parce que les gens au bureau, les gens au travail vont vous parler en français, ils vont
vous inviter chez eux, ils vont vous inviter à des activités, à des
événements communautaires, puis ça va se passer en français. Ça fait que c'est
sûr que ça fait en sorte que ça favorise l'intégration
en français. Puis en plus, avec Francisation Québec, ce qu'on veut faire, c'est
donner les ressources dans les entreprises pour donner de la
francisation, puis là les temporaires sont visés, actuellement. Ça fait que je
vous dirais : Oui, c'est un modèle qui fonctionne, notamment sur la
francisation.
Mme Ghazal : On a un exemple
idéal d'une personne qui, à cause de son permis de travail lié à son employeur,
est dans une région qui n'est pas à Montréal et que ça se passe en français,
donc c'est une situation idéale. Mais est-ce qu'il y a des chiffres qui
démontrent ça, que l'immigration temporaire assure la protection de la langue
française au Québec? Est-ce qu'il y a des études qui le démontrent, ça? Parce
qu'intuitivement je dirais : Mais non,
ce n'est pas l'immigration temporaire, c'est temporaire, les gens ne viennent
pas ici nécessairement pour s'intégrer. Il y en a qui vont finalement s'intégrer et qui vont rester ici plus
longtemps, qui vont peut-être, après ça, vouloir faire un cheminement d'immigration. Mais le fait de
dire : J'ouvre à tout le monde l'apprentissage du français, ça va
permettre d'assurer la protection de la langue française? Mais je prends
l'exemple de ce travailleur agricole, mais n'importe quel travailleur
temporaire, dans quelle proportion ils vont aller vraiment suivre les cours de
français qui sont donnés? Si, par exemple, ils sont à Montréal, ils ne sont pas
nécessairement dans un milieu où tout se passe... S'ils sont à Montréal puis
qu'ils sont dans un milieu où tout ne se passe pas nécessairement en français,
donc, ils vont avoir le désir d'apprendre le
français, si... ils vont avoir le temps d'apprendre le français? Il y a toutes
ces conditions-là. Je veux dire, ce n'est pas évident. Même les
personnes qui sont permanentes, qui viennent au Québec et qui veulent apprendre
le français, l'argent qu'ils reçoivent, le montant, on a fait le calcul, et
c'est la moitié du salaire minimum. Donc, dès que tu as un emploi, tu as juste
le goût de... puis que tu as une famille à faire vivre, tu as juste le goût de
quitter ton cours de français puis d'aller travailler, gagner ta vie, à moins
d'avoir des cours de français au travail.
Donc, moi, ma question, c'est... Il y a une
vision du ministre pour protéger le français, puis il ouvre ça à tout le monde,
mais après ça, de l'autre côté, le gouvernement dit : On va avoir juste de
l'immigration temporaire.
M. Jolin-Barrette : Non.
Mme Ghazal : Bien surtout, de
plus en plus.
M. Jolin-Barrette : Bien non,
bien non. Non, non, ce n'est pas ça qu'on dit. Et ce n'est pas moi qui est ministre
de l'Immigration, mais ce n'est pas ça qu'on dit.
Bien, premièrement, sur votre première
question... Puis là on est un peu hors sujet parce que le projet de loi
n° 96, c'est un projet de loi sur le français, sur la Charte de la langue
française, là on débat plus des questions d'immigration, qui n'est pas dans le
cadre du projet de loi, là. Mais, pour répondre à votre question, je vous donne
un exemple, dans l'immigration qui est sélectionnée, au
niveau de l'immigration économique, la majorité des dossiers, près de 90 %
des dossiers proviennent du Programme de l'expérience québécoise. C'est quoi,
le Programme de l'expérience québécoise? C'est des gens qui ont été en
situation temporaire au Québec et qui deviennent permanents.
Alors, est-ce que l'immigration temporaire
permet d'aller chercher une connaissance du français? La réponse à cette question-là, c'est oui, parce que les
chiffres démontrent que la plus forte majorité de la sélection, 85 %,
90 %, c'est des gens qui sont
passés par le PEQ. Donc, les critères pour passer par le PEQ, notamment, c'est
d'avoir un niveau 7 de français, mais d'avoir aussi... vous vous
souviendrez de la réforme que j'ai faite aussi avec le PEQ, deux réformes, vise
à faire en sorte de passer un certain nombre de temps au Québec, d'avoir une
expérience de travail pour les étudiants, et, pour les travailleurs, de passer
x nombre de temps au travail également avant de pouvoir soumettre sa
candidature au PEQ. Donc, ça, ça assure, un, dans un premier temps,
l'immigration en région, notamment où il y a des besoins de main-d'oeuvre, et,
par la suite, une connaissance de niveau 7 du français. Alors, oui, et donc
c'est pour ça que je l'ai ouvert aux temporaires aussi.
Sur votre autre question, que je ne me souviens
plus c'est quoi...
Mme Ghazal : Bien, c'était sur
le fait que vous voulez avoir plus d'immigration temporaire.
M. Jolin-Barrette : Ah oui.
Bon, bien, non, nos seuils...
Mme Ghazal : De plus en plus.
M. Jolin-Barrette : ...nos
seuils demeurent intacts relativement à... On a descendu à 40 000, on est
montés à 44 000, 48 000, donc les fourchettes demeurent également,
mais...
Mme Ghazal : 60 000,
70 000.
M. Jolin-Barrette : Non, mais
en fait le 70 000, c'est les seuils sur les trois années qu'on a mais en
raison de la pandémie, du fait qu'on n'a pas accueilli les gens puis avec le
retard qu'il y a à Ottawa. Mais, quand vous faites sur les trois années, sur la planification pluriannuelle de trois ans,
vous revenez au seuil qu'on a. Et le recours à l'immigration temporaire,
oui, fait partie du fait qu'on va pouvoir accueillir ces gens-là de façon
permanente aussi. Dans le fond, les gens, ils viennent plus rapidement au
Québec dans les différents milieux, travaillent, se francisent et, par la
suite, sont admis de façon permanente.
Ça fait que la différence, là, avec dans le
temps, là, c'est que, dans le temps, les précédents gouvernements laissaient, durant des années, une famille,
pendant trois, quatre, cinq ans, dans leur pays d'origine, puis là ils
disaient : O.K., là c'est le temps, on vous admet, ça fait que
venez-vous-en. Nous, on dit : Écoutez, si vous... on a des besoins de
main-d'oeuvre, notamment, venez au Québec, venez vous intégrer. Voici la marche
à suivre, la formule : cours de francisation, apprentissage, occuper un
emploi, expérience de travail pendant x temps. Vous allez passer par la
voie rapide par le PEQ. Donc, vous vous retrouvez avec des gens qui peuvent
aller en région et qui parlent français.
Mme Ghazal : Mais, comme le
disait le ministre, aussi, on aura d'autres occasions d'en parler, notamment
quand on va parler de Francisation Québec, et tout ça. Pour le moment, je
comprends. Moi, je ne suis pas contre le fait de dire «domiciliée», absolument.
De l'ouvrir le plus possible à tout le monde, ça, je suis d'accord. Mais après
ça il y a d'autres décisions du gouvernement qui ne sont pas... c'est du
gouvernement, là, et non pas seulement le ministre responsable de la Langue
française, qui entrent en cohérence avec les prétentions, peut-être, du
ministre de protéger la langue française. Mais on aura... j'aurai l'occasion
d'y revenir.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci.
Mme Ghazal : Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Je reconnais maintenant le député de D'Arcy-McGee. C'est toujours sur
l'amendement déposé par la députée de Marguerite-Bourgeoys à l'article 4.
Allez-y.
• (15 h 30) •
M. Birnbaum : Merci,
Mme la Présidente. Moi, j'aimerais retourner au fond de l'amendement de
proposé, et c'est-à-dire de remplacer le mot «domiciliée» par «qui réside».
Écoutez, nous sommes dans un des objectifs assez primordiaux du projet de loi devant nous et assez partagés, c'est-à-dire
de bonifier le droit, l'accès réel à la francisation. Et notre préoccupation, c'est qu'on risque
d'écarter une cible assez intéressante, assez importante et assez
recherchée.
Je me permets de parler de ce qu'introduit ma
collègue de Marguerite-Bourgeoys. Ces nombreux étudiants et étudiantes qui
viennent au Québec, souvent avec le choix d'aller ailleurs, même pour
l'expérience temporaire, mais plusieurs d'entre eux qui choisissent le Québec
ou ailleurs sont, disons, au moins ouverts à la possibilité de faire de leur
foyer l'endroit qu'ils choisissent. Souvent, de plus, c'est du monde, dans
notre cas, qui risque d'être francophile, du monde qui risque d'être, comme je
dis, ouvert et ouverte à se joindre à notre société québécoise en connaissance
du fait que la seule langue commune est le français.
Maintenant, je crois que nous avons tous compris
la distinction que le ministre a faite à plusieurs reprises pour proposer de
maintenir le mot «domicile», et on a compris parce que, là, on propose
d'octroyer un droit dans un cas et de rester avec... et
je n'utilise pas le mot de façon péjorative, mais de rester avec le facultatif
pour les autres. Oui, il y a des programmes,
comme je dis, facultatifs, ça ne veut pas dire que ce n'est pas disponible,
mais, actuellement et dorénavant, selon l'article devant nous, ça
resterait une option, en quelque part. Et le ministre privilégie l'idée de
bonifier le droit pour les résidents. Donc, en quelque part, implicite dans ça,
c'est le fait que d'avoir accès n'est pas aussi fort et actionnable, si vous
voulez, que le droit, dans ce mot dont on parle, qui est une cible assez
intéressante, on va en convenir, pour le Québec de garder ces gens-là, qui ont
souvent une grande expertise, comme je dis, qui auraient pu choisir leur séjour temporaire ailleurs, de les impliquer de
façon statutaire, en quelque part, dans la francisation. Donc, pour le
faire, il faut qu'ils se voient octroyer un droit.
De plus, je crois que c'est intéressant de nous
rappeler que, dans le deuxième alinéa proposé de 6.1, on parle des gens qui
résident ou... qui résident, notre préférence, qui reçoivent d'un établissement
d'enseignement primaire, secondaire ou collégial offert en anglais le droit. De
mon expérience, ces établissements... et voilà le raisonnement derrière notre
proposition de bonifier l'offre du français langue seconde dans les cégeps, à
titre d'exemple, ces établissements sont tout à fait prêts à être au rendez-vous
pour participer pleinement et de façon bonifiée dans la francisation. Il faut
dire que c'est leur gagne-pain chaque jour. Pour avoir été directeur général de
l'Association des commissions scolaires anglophones du Québec, c'est des
pionniers sur le plan mondial sur le français langue seconde sur le modèle
d'immersion française.
Alors, je crois que ces établissements sont tout
à fait prêts et au rendez-vous pour même accentuer le rôle en tout ce qui a
trait à la francisation. Donc, j'inviterais le ministre d'être, si je peux,
peut-être plus clair sur ce qui empêche le
législateur d'ordonner... d'octroyer ce droit à cette classe de personne
qui, actuellement, a quelques options, mais à géométrie
variable, de poursuivre sa francisation.
Alors, si on
peut... Deux choses. Si je peux, dans un premier temps, comprendre où est la
contrainte. Ça ne serait pas une
première fois que des résidents de cet ordre-là se voient octroyer les droits,
alors, si on peut avoir des précisions sur les réticences du ministre
là-dessus.
Et, deuxième chose, parce que j'ose croire que,
malgré l'offre de programmes dont parle le ministre, comme je dis, comme j'ose
croire que c'est à géométrie variable, c'est au plaisir d'un prochain ministre
d'annuler de tels programmes, ça serait dommage, mais voilà... Alors, ma
deuxième question serait de connaître s'il y a quelques données qui démontrent que l'offre actuelle que le ministre...
qu'il aurait venu bonifier dans son ancien rôle, est-ce qu'on a quelques statistiques qui démontrent que ça marche, son plan panquébécois, dans la plupart
des régions? Alors, voilà les deux questions que j'aurais, Mme la Présidente.
Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : La question,
dans le fond, c'est la question des données statistiques pour le nombre
d'inscriptions des temporaires qui se sont inscrits? C'est ça. On a demandé
puis on va demander au MIFI qu'il nous les envoie par rapport à l'ouverture aux
temporaires.
Bien, en
fait, c'est un peu la même réponse que je donnais à la députée de
Marguerite-Bourgeoys
relativement à «domiciliée» et «résident». Ça ne veut pas dire qu'une personne
en situation temporaire n'est pas domiciliée au Québec. Et, dans le fond, le
droit est garanti à la personne qui établit son domicile au Québec, donc c'est
la question du droit. Mais actuellement on l'offre déjà, même aux résidents, on
l'offre à tout le monde. Et c'est notre intention de continuer à l'offrir, on a
tout intérêt à le faire. Mais c'est plus une application, là, de ce qu'on fait,
on vient insérer un droit dans la loi.
Donc, avec la proposition qui est faite, c'est
comme si on donnait le droit d'exiger à une personne en situation... qui est seulement
résident, et ça pose les cas d'espèce que je vous ai exposés tout à l'heure.
Une situation qui est... une personne qui est ici trois semaines, un mois et
demi également, qui pourrait se retrouver à poursuivre l'État québécois si elle
n'avait pas son cours, bien, en fait, les services de Francisation Québec.
Alors, voyez-vous, on est sur... on a le même
objectif, là. Le fait que des personnes en situation temporaire, qu'ils soient
étudiants, qu'ils soient des travailleurs étrangers temporaires... puis là je
reviens à ce que je disais à la députée de Mercier, que, vu que la majorité
passe par le PEQ, mais ils ont tous une expérience québécoise puis ils ont un
niveau 7. Ça fait que, nécessairement, on a intérêt à les franciser dès le
départ, ça fait qu'on va continuer à le faire également. On utilise notamment
les fonds dédiés au ministère de l'Immigration pour ça. Parallèlement à ça...
bien, c'est ça, la disposition, c'est un gros pas en avant, là, parce qu'on dit
«toute personne domiciliée», ici. Puis vous l'avez bien dit aussi, dans les
établissements du réseau anglophone, dans le fond, on vient dire
également : Bien, les gens ont le droit également d'avoir... d'acquérir
une bonne connaissance du français aussi. Dans le fond, c'est un droit qui
devient l'équivalent d'un droit personnel pour les citoyens qui sont sur le
territoire québécois puis pas citoyen au sens légal, mais au sens sociologique
du terme, une personne qui s'établit au Québec, qui est domiciliée au Québec.
C'est la seule nuance, à 6.1, entre les deux.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le député.
M. Birnbaum :
Oui. Si je peux... Deux choses. Dans un premier temps... parce que derrière ça,
pour moi, il y a une question d'approche, très important. Je vais
commencer là et à d'autres endroits dans le projet de loi où je risque d'avoir
le même sentiment. Je trouve ça important pour nous d'être à l'aise d'assumer
l'idée qu'on parle de la concurrence, qu'on agisse avec une certaine humilité.
Et je continue d'avoir en tête, Mme la Présidente, ces étudiants et étudiantes
d'ailleurs. Ils n'ont pas besoin de choisir le Montréal, le Québec, nos
universités en région. Souvent, ces gens-là auront plein
de choix. Nous avons à nous situer sur le plan mondial et devant cette
concurrence pour la meilleure qualité de visiteurs potentiels résidents,
résidentes permanentes.
Alors, pour moi, voilà une des raisons pourquoi
je me demande comment on peut s'outiller de la façon optimale pour attirer ce
monde ici et dans l'optique de les aider à se franciser. Et, comme je dis, on
est devant un article qui propose à bonifier le droit pour certaines personnes,
alors ça suggère que le droit d'avoir ce droit est mieux que d'avoir l'accès qui n'est pas enchâssé dans un droit. Alors,
il y a un avantage de se voir doter de ce droit-là.
Alors, avec, comme je dis, en tête cette optique
que nous sommes en concurrence avec d'autres juridictions qui cherchent à
pérenniser la présence de ces mêmes gens, alors, est-ce qu'on peut le
maximiser? Et, si oui, j'invite le ministre... je sais qu'il a tenté de donner
des réponses, mais à préciser, à préciser les risques. Est-ce que c'est de
l'ordre financier, je ne sais pas, le risque de déclarer que ce droit serait à
la portée des résidents? Est-ce qu'il peut nous citer des exemples d'où on se
mettrait, en quelque part, à risque d'octroyer un tel droit aux gens qui
résident au lieu que des gens qui auraient établi comme prévu leur domicile?
• (15 h 40) •
M. Jolin-Barrette : Bien,
simplement répéter, dans le fond, il peut y avoir une kyrielle de conséquences
juridiques aussi, puis moi, je suis très, très à l'aise, là, à mettre «les personnes
qui sont domiciliées» parce que, ce droit-là, on vient l'insérer, c'est un
nouveau droit, «une personne domiciliée au Québec». La notion de domicile,
c'est une question d'intention, ça fait que, ça, ce droit-là, il est là. Après
ça, pour ce qui est des personnes qui sont résidents... et donc, lorsque vous
êtes résident, vous avez déjà accès aux cours ou à l'offre de services de
Francisation Québec. C'est déjà le cas, actuellement, avec les cours de
francisation. Là, moi, je vous dirais, si je voulais faire de la politique :
Comment ça se fait qu'à l'époque, si c'était si important que ça d'attirer les
meilleurs talents de par à travers le monde... comment ça se fait que le gouvernement
précédent n'a pas, justement, ouvert la francisation puis qu'il n'en faisait
pas la promotion aussi là-dessus?
Alors, voyez-vous, l'avancée significative qu'on
fait en instaurant le droit de bénéficier des services de
Francisation Québec... et déjà on a mis l'argent puis les cours sont
ouverts aux temporaires, actuellement. Mais je comprends votre objectif pour
l'amendement, il est louable. Mais, pour les conséquences qui peuvent survenir,
moi, je suis à l'aise de conférer le droit aux personnes qui sont domiciliées
au Québec.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le député.
M. Birnbaum : Juste pour...
bon, de ma part, pour conclure, l'argument que j'essaie d'avancer sur la
concurrence de la conjoncture actuelle, en quelque part, je me permets de dire
qu'il y a un pion qu'on laisse sur la table parce que cette classe de personnes
dont je parle ne serait pas en mesure de dire : Oui, oui, j'ai... je suis
en train de faire un choix. C'est l'oeuf ou la poule et, une fois rendu
résident, un choix aura été fait en absence d'une garantie de ces services-là.
Alors, moi, je dis qu'on laisse un pion sur la table, Mme la Présidente,
ces gens qui, souvent, souvent, en connaissance de leur situation, sont en
train de peser la possibilité de rester où ils sont actuellement de façon
temporaire. Il y a des facteurs qui vont peser dans cette décision. Un facteur,
qui fait en sorte que nous sommes autour de cette table-là, qui est d'importance
capitale, c'est que ça se passe surtout en français au Québec. L'accès de cette
personne potentielle à une société qui fonctionne surtout en français dépend
sur son... sa perception de sa capacité, son potentiel de s'intégrer au Québec.
Et, je me permets l'observation, on se prive d'un outil pour aider cette
personne à prendre la décision que nous souhaitons tous qu'il prenne.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : ...là-dessus,
là... Moi, je suis le député de D'Arcy-McGee, là, mais, s'il a accès aux cours
comme on l'offre actuellement, il n'y a pas d'enjeu, là, tu sais, parce que les
cours, ils sont disponibles pour les temporaires, puis il a accès à
l'allocation aussi. Tu sais, il n'y a pas d'enjeu, là. Mais, tu sais, avant
2019, ce n'était pas comme ça. Là, c'est rendu comme ça, puis ce n'est pas
notre intention d'enlever ça, au contraire. Donc, je vous rejoins. On est juste
sur l'aspect légal, sur le fait de conférer le droit. On est plus là-dessus.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci, M. le ministre.
Si je n'ai pas d'autre intervention, je serais
prête à mettre aux voix l'amendement déposé par la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Il n'y a pas d'autre intervention? Est-ce que l'amendement déposé par la députée
de Marguerite-Bourgeoys est adopté?
M. Jolin-Barrette : Rejeté.
La Présidente (Mme Thériault) :
Rejeté.
Donc, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys,
vous nous avez déposé un autre amendement, qui introduit 6.1.1. Je vais vous
demander de nous en faire la lecture. Et, pour les collègues, c'est dans le
site Greffier.
Mme David : Voilà. Ça me permet
d'enlever le masque aussi, alors, les amendements, parce que, si on pouvait ne
pas porter le masque, on aurait peut-être moins d'amendements.
M. Jolin-Barrette : Mais, tu
sais, là-dessus, Mme la Présidente, on peut s'arranger, là.
Mme David :
Je le savais qu'il trouverait, lui, qu'il trouverait une façon. Blague à part,
le 6.1.1, donc, qui ferait partie du 6, éventuellement, et qui découle pas mal
logiquement d'un projet de loi que... Je n'ai pas le droit de parler, hein? Il
faut que je le lise tout de suite puis je parle après?
La Présidente
(Mme Thériault) : Lisez-le, puis après ça vous ferez votre
argumentaire, parce qu'en déposant votre amendement, le temps est retenu sur
l'intervention générale de l'article, puis du moment qu'il est déposé, et vous
en avez fait la lecture...
Mme David :
...là, j'ai 20 minutes.
La
Présidente (Mme Thériault) : ...après ça, l'argumentaire repart
dans votre autre chronomètre de 20 minutes.
Mme David :
Alors : L'article 4 du projet de loi est modifié par l'insertion, après
l'article 6.1 qu'il introduit, de l'article suivant :
«6.1.1. Toute
personne qui réside au Québec a droit à la gratuité des services
d'apprentissage et de perfectionnement du français offerts par Francisation
Québec.»
Commentaires :
L'article se lirait comme suit :
«6.1.1.
Toute personne qui réside au Québec a droit à la gratuité des services
d'apprentissage et de perfectionnement du français offerts par
Francisation Québec.»
«6.2. Toute personne
a droit à une justice et à une législation en français.»
Ça, c'est... On
change de sujet un peu. Alors, écoutez, Mme la Présidente, il y a eu un projet
de loi que le ministre avait bien aimé de
notre collègue le député de Jacques-Cartier, projet de loi n° 590 sur l'apprentissage gratuit du français. Le projet de loi
n° 590, qui s'appelait Loi modifiant la Charte de la langue française afin
d'instaurer la gratuité des services d'enseignement du français pour toute
personne qui réside au Québec, qui prévoyait que «toute personne qui réside au
Québec — là,
c'était le mot «réside» — a
droit à la gratuité des services d'enseignement du français. Le gouvernement
détermine par règlement les services d'enseignement du français visés par l'obligation de gratuité.» Alors, nous gardons
la partie qui dit «toute personne qui réside», ou, si je comprends bien,
«est domiciliée au Québec — alors, je ne voudrais pas qu'on s'arrête au
mot «réside» parce qu'on vient un peu de statuer sur le mot «réside»,
alors on changera s'il faut, là, Mme la Présidente — a
droit à la gratuité des services d'enseignement du français».
En fait, là, le
ministre dit depuis presque... je ne le sais pas, ça fait longtemps que c'est
déposé, ce projet de loi là, plus qu'un an, dit qu'il est très ouvert, et, dans
les faits, tout ce qu'on a entendu depuis tout à l'heure, le début de
l'article 4, c'est la gratuité, donc pourquoi ne pas le dire? Il se trouve
que ça fait... ça donne vraiment du corps et de la conviction à cette question
d'apprentissage du français pour les personnes domiciliées au Québec.
La Présidente
(Mme Thériault) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette :
Oui. Bon, pour les personnes qui vont suivre les cours, l'objectif est que ça
soit gratuit, dans un premier temps, comme c'est le cas actuellement. Puis en
plus on offre une allocation, donc allocation temps plein, création d'une
allocation temps partiel. Ça, depuis 2019, les gens qui sont à temps partiel,
ils n'avaient pas d'allocation, puis là j'ai instauré une allocation à temps
partiel. Même chose, bonification des frais de garde pour les enfants, donc,
dans la journée, pour les temps-pleins, bonification... également on avait
bonifié le soir pour les coûts de frais de garde. Puis même je pense que, à
moins que je me trompe, on me corrigera, il y avait également, dans certains
cas, frais de transport, également, qu'on couvrait au ministère de
l'Immigration.
Bon, ça fait que
Francisation Québec, les cours de francisation, notre objectif, c'est qu'ils
soient gratuits, comme c'est le cas actuellement, ou il risque peut-être d'y
avoir certains services de Francisation Québec qui pourraient... puis là je ne
dis pas que ça va être le cas, mais il pourrait y avoir une contribution
financière aussi, supposons, de l'employeur
dans certaines situations, parce que Francisation Québec va être là pour
aller... notamment pour franciser, dans un premier temps, mais pour
donner des outils aux entreprises pour faire en sorte de franciser le milieu de
travail, les termes, la terminologie, tout ça, différents accès. Ça fait
qu'aujourd'hui je ne peux pas vous garantir que Francisation Québec, sur tous
les volets de Francisation Québec, ne sera jamais tarifée, mais par contre pour
les cours pour les personnes, les individus, oui, c'est l'intention qu'ils
soient gratuits.
Mme David :
Mais il me semble, M. le ministre, que vous avez tellement de belles personnes
qui vous conseillent qu'on peut certainement trouver une formulation qui
protégerait cette gratuité de la part de celui ou celle qui reçoit le service,
même si Emploi-Québec finance un entrepreneur ou je ne sais trop, parce qu'il
me semble qu'on veut tellement, et c'est tellement important. Puis on est tous
d'accord, ici, que la francisation, c'est le nerf de la guerre, que la
francisation est la pérennité dans le temps, aussi, de cette qualité du
français. On l'a dit hier, que la gratuité est au coeur de tout ça. C'est un
peu comme l'école primaire et secondaire, quand on a fait le rapport Parent, c'était
évident qu'il fallait que ça soit gratuit, le niveau collégial aussi. Alors, je
ne peux pas imaginer qu'on ne trouve pas une façon de redire, à peu près dans
les mots que vous avez dits vous-même, que, même si le citoyen n'a pas à
débourser, puis on n'est pas obligés de rajouter les allocations, et tout ça,
parce que ça, c'est des conditions particulières du MIFI, qui accompagne les
citoyens à aller suivre leurs cours de francisation, les nouveaux arrivants,
entre autres, là, ce n'est pas... Mais il me semble qu'il y a moyen de...
(Interruption)
Mme David :
... — oupelaïe! — de
trouver une façon pour parler de gratuité des services d'apprentissage et de
perfectionnement, mais sans exclure qu'il y ait une allocation qui soit versée.
Ça, ça me semble évident, là, qu'Emploi-Québec ou ce que vous avez donné comme
exemple, ça puisse être des... une contribution de l'employeur, par exemple. Et c'est pour ça, nous, dans cet... l'esprit
de cet amendement-là, c'est le receveur de services, ce n'est pas l'employeur
ou le dispensateur de services, c'est vraiment celui qui reçoit le service,
l'importance de la gratuité de ce service-là pour être sérieux dans nos
convictions de francisation.
• (15 h 50) •
M. Jolin-Barrette :
Je comprends, et j'en suis, et c'est ce qu'on fait actuellement, et c'est
l'objectif que ça demeure, que les cours de français soient gratuits. Et on n'a
aucun intérêt à rendre les cours de francisation payants, vous comprendrez que
c'est l'ensemble de la société qui y gagne. Et avec l'enveloppe Canada-Québec,
ce que ça nous permet de faire, c'est justement de débloquer des millions pour
franciser, pour donner des allocations. Alors, je comprends l'objectif, mais ça
amène des conséquences aussi, autres, qui me font... qui font en sorte que je
ne peux pas donner suite à l'amendement.
Mme David :
Bien, les conséquences autres, c'est celles que vous avez nommées, que, dans
certains cas...
M. Jolin-Barrette :
Bien, entre autres... entre autres...
Mme David :
...l'employeur aurait à contribuer?
M. Jolin-Barrette :
Bien, c'est parce qu'actuellement, tu sais, Francisation Québec, ça n'existe
pas encore, ça fait qu'il y a différents... Dans le fond, Francisation Québec
va se déployer, et là on va amener les ressources du ministère de l'Éducation,
du ministère de l'Emploi, Travail, Solidarité sociale, du MIFI dans le cadre
d'un guichet unique, puis ça va être une
offre de services qui va être paramétrique. Ça fait que, bien entendu, ça va
servir de guichet unique à la fois pour la personne qui veut suivre un
cours de français, mais à la fois pour les entreprises également.
Alors, lorsqu'on
parle de «toute personne», bien, «toute personne», est-ce que ça inclut une
personne morale aussi? Voyez-vous, tu sais, ça ouvre une boîte qui est très
large. Nous, on va continuer de la façon dont on fonctionne pour les services
de francisation des personnes, qui vont être gratuits avec allocation. On l'a
augmentée substantiellement. Bien, c'est pour ça que je ne donne pas suite...
Parce qu'au niveau de Francisation Québec, en général, il se peut... Ce n'est
pas l'objectif, mais, à ce stade-ci, je ne peux pas vous dire que... tu sais,
on n'ouvre pas la loi 101 à chaque année. Ça faisait une couple d'années
que ça n'avait pas été ouvert, donc, depuis 2002, je crois.
Une voix :
2010.
M. Jolin-Barrette : 2010? Bon, 2010. Alors, voyez-vous, ça fait
12 ans, 11 ans. Alors, je ne peux pas prévoir, là, ce qui va
arriver dans les prochaines années par rapport à comment va fonctionner
Francisation Québec, tout ça. Mais notre objectif, il est... il demeure clair
que les personnes puissent suivre des cours de français. Puis je reviens sur la
proposition du projet de loi du député de Jacques-Cartier, qui était inspirée
notamment de la proposition du député de Sainte-Rose aussi, mais là on ne...
pas qui est toute la paternité puis tout ça, là.
Mme David :
...l'a dit... coparental.
M. Jolin-Barrette :
C'est ça. Bien là, il y a deux parents, deux parents. Et donc l'objectif, c'est
justement de faire en sorte que les Québécois, notamment d'expression anglaise,
qui veulent perfectionner leur connaissance du français, puissent aller le faire
gratuitement. Puis je l'ai déjà dit, que j'étais d'accord avec ça, puis c'est
pour ça également qu'on l'a mis à Francisation Québec, et surtout parce
qu'actuellement la problématique avec ça — puis à la fois, c'est bien
identifié par le député de Jacques-Cartier puis le député de Sainte-Rose — c'est
le fait que les cours de francisation qu'il y a actuellement, c'est
principalement pour les personnes immigrantes. Donc, si vous êtes originaire du
Québec puis que vous voulez améliorer vos compétences langagières en français,
vous ne pouviez pas aller dans les cours de francisation, puis c'est ça qui ne
marchait pas, là, donc, d'où l'importance du projet de loi du député de
Jacques-Cartier, qu'on a intégré là-dedans, puis de la proposition du député de
Sainte-Rose.
Mme David :
Quand vous dites «toute personne», ça peut inclure les personnes morales. On
peut changer l'esprit de l'amendement puis mettre des personnes
physiques, là, parce que je sais bien que «personne morale», c'est une entreprise. Si c'est juste ça, le problème, on va
vous trouver des solutions. En fait, je comprends très bien ce que vous voulez
dire, mais «tout individu», «tout citoyen», là... Parce que je dirais qu'à ce
moment-là votre propre article 6.1 ne fonctionne pas parce que vous dites
«toute personne domiciliée au Québec». Est-ce qu'on parle de personnes morales
aussi, tant qu'à faire?
M. Jolin-Barrette :
Bien, c'est dur d'enseigner à une personne morale.
Mme David :
Oui, je sais, mais c'est parce que, quand même, je pense qu'on peut
comprendre...
M. Jolin-Barrette : Il y a bien
du monde incorporé au Québec puis il y a peut-être du monde incorporé qui ne
devrait pas être incorporé.
Mme David :
Ça, c'est un autre débat.
M. Jolin-Barrette :
Je vois le député de La Pinière sourire. Je pense que je sais à quoi il
fait référence.
M. Barrette :
...
M. Jolin-Barrette :
Pardon?
M. Barrette :
...va pour les deux côtés.
M. Jolin-Barrette :
Bien, moi, je ne suis pas incorporé.
M. Barrette :
Mais vous avez des semblables, là, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette :
Mais Dr Poirier non plus, il n'est pas incorporé.
La
Présidente (Mme Thériault) : On ne s'interpellera pas, s'il
vous plaît, on va continuer le débat
sur l'amendement.
Mme David :
Vous m'avez un peu fait perdre le fil, mais ce que je veux dire, c'est que
c'est évident qu'une personne morale, ce n'est pas une personne, un individu,
un citoyen, appelons-le comme on veut, un Québécois, une Québécoise, mais il y
a moyen de contourner, si c'est ça qui vous empêtre, de dire : Bien, il
faut vraiment préciser, on peut le mettre à
l'exclusion des personnes morales, là. Tu sais, ça m'apparaît tellement évident
que ce n'est pas une personne morale
qui a le droit à la gratuité des services d'apprentissage et de
perfectionnement du français, parce que ce n'est pas une personne... une entreprise qui a droit à une gratuité de services
d'apprentissage, c'est une personne individuelle.
Alors, je trouve
qu'on y est déjà tellement avec les... comme vous dites, la gratuité de facto,
là, mais qui n'est pas écrite nulle part. On est là pour l'avenir. Nous, on ne
sera pas là, l'avenir, la loi va rester. Il me semble que, si vous voulez
circonscrire un peu plus quelle personne physique ou quel citoyen à qui on peut
assurer cette gratuité-là, ce serait peut-être déjà pas pire, mais il me
semble, si on a réussi à dire que l'école serait gratuite dans la réforme
Parent dans les années 60, on est capables de dire que la francisation
peut être gratuite pour les personnes civiles. Je ne sais pas trop comment on
appelle ça.
M. Jolin-Barrette :
Mais l'enjeu, notamment sur l'aspect financier aussi, je ne peux pas l'évaluer
pour le futur non plus, je ne peux pas l'évaluer pour les gouvernements
successifs. L'objectif, c'est de donner un droit à la francisation, mais je ne
peux pas prévoir le futur non plus. Donc...
Mme David :
...rester complètement dans la brume s'il n'y a plus d'argent. Là, vous êtes
chanceux, on vous a laissé beaucoup, beaucoup, beaucoup d'argent, et vous avez
pris... et on pourrait le mettre dans la loi, peut-être, d'obliger les transferts,
l'entente Canada-Québec, pour que ça aille tout à la francisation,
effectivement, je serais d'accord avec vous. Mais ce que vous êtes en train de
dire, c'est que, si tout d'un coup on a moins d'argent, bien, il va avoir le
droit, mais il n'y aura plus d'argent, donc, le nouvel arrivant, je ne pense
pas qu'il va payer 2 200 $ pour 24 heures de cours, là, ça ne se
peut juste pas.
M. Jolin-Barrette : Donc, on vient conférer un droit qui est
exécutoire. Puis c'est ça, la nouveauté, notamment, avec les premiers
articles relativement aux droits fondamentaux, là. Maintenant, ce sont des
droits exécutoires. Donc, la personne qui est domiciliée au Québec a le droit à
des services d'apprentissage du français.
Mme David :
Est-ce qu'«exécutoire» égale «gratuit»?
M. Jolin-Barrette :
Exécutoire, c'est effectif.
Mme David :
«Effectif» n'égale pas «gratuit».
M. Jolin-Barrette :
Mais la notion de gratuité aussi, elle peut être discutée aussi, parce que,
vous savez, parfois... et même à l'école, il
y a certains frais qui sont chargés, notamment par rapport à des feuilles, ou
quoi que ce soit, là. Alors, ça amène certains enjeux relativement à ça.
Mais je vous dis, l'objectif, c'est que les cours demeurent gratuits, et même
il y a des allocations, puis j'ai monté les allocations au même niveau que le
soutien à la solidarité sociale. Donc, ça, c'est une avancée significative.
Mme David :
...je ne conteste pas ça et je salue ça.
M. Jolin-Barrette :
Et juste un petit bémol, ici, je vous dirais que la bonification provient du
fait que c'est de l'argent Canada-Québec qu'on a fait le choix de consacrer au ministère
de l'Immigration.
Mme David :
Puis c'est vrai aussi, on pourra parler de l'aide financière aux études, ça
aussi, c'est tout un débat, c'est votre... ça va dans le fonds consolidé, mais
on n'est pas ici pour parler de ça. Mais ça m'inquiète encore plus, ce que vous
dites, parce que le droit, là, le droit... vous avez dit : C'est un
droit... je ne sais plus quel mot vous avez employé, là, mais...
La Présidente (Mme Thériault) :
...
Mme David : Pardon?
La Présidente (Mme Thériault) :
Exécutoire.
Mme David : Exécutoire, oui, un
droit exécutoire : Je veux mon cours de français et j'y ai droit. Mais
c'est comme aux États-Unis, j'ai droit à un service santé, mais sors ta carte
de crédit, parce que sinon tu ne l'auras pas, ton service de santé.
M. Jolin-Barrette : Bien, c'est
différent, c'est différent. Exemple, comparez-le au Canada, sur votre droit à
la santé, il est là. C'est parce que ce qui arrivait avant, là, sur la Charte
de la langue française, là, c'étaient des droits fondamentaux, mais qui n'étaient pas exécutoires, contrairement à ceux
qui sont prévus à la Charte des
droits et libertés de la personne, le 1 à 38, hein Éric, je crois, 1 à
38? Oui, c'est ça, 1 à 38 de la Charte des droits et libertés de la personne,
une charte québécoise, ils sont exécutoires, vous pouvez saisir le tribunal
pour dire : Bien, je veux obtenir soit réparation, ou je veux obtenir
délivrance de la chose ou du service. C'est ça qu'on vient faire.
Mme David : ...pour ne surtout
pas les appliquer.
M. Jolin-Barrette : Quoi, 1 à
38?
Mme David : Oui.
M. Jolin-Barrette : Non, mais
on va venir à la discussion là-dessus. Oui, mais...
Mme David : ...oui, oui, des
fois ils servent pour des bons exemples, mais ils prennent le bord quand c'est
un peu embêtant dans une loi.
M. Jolin-Barrette : Non, pas du
tout, parce qu'on vient conférer aux droits fondamentaux de la Charte de la
langue française le même statut que les droits fondamentaux qui sont présents.
Donc, on vient élever la Charte de la langue française.
Mme David : ...oui, je le sais.
• (16 heures) •
M. Jolin-Barrette : Mais alors
que ça, ça aurait dû être fait il y a longtemps, puis surtout ça aurait dû être
considéré par les tribunaux.
Mme David : ...exécutoire. Le mot «exécutoire», ça veut dire
le nouvel arrivant, admettons, ou M., Mme XYZ, un mari, une femme
de quelqu'un qui a été francisé, mais l'autre n'a pas eu le temps de se
franciser dit : Moi, je veux, c'est un droit, et c'est important, c'est
inclus, là, dans les grands droits, au même niveau que les droits de la Charte
des droits et libertés de la personne. «Exécutoire» veut-il dire que l'État
doit s'exécuter à tout prix ou il y a un prix, justement, il y a un prix, c'est-à-dire
que la personne qui réclame ça doit avoir à payer au bout de la ligne? On est
loin de la RAMQ, là, on est loin de la carte-soleil qui dit : Moi, j'ai
besoin d'un service médical puis je ne recevrai pas de facture à la fin.
M. Jolin-Barrette : Ce ne sont
pas tous les services médicaux qui sont couverts par la RAMQ.
Mme David : ...exécutoire,
c'est un droit qui oblige l'État à s'exécuter, mais ça ne dit pas qu'il n'y a
pas une facture au bout de la ligne, le mot «exécutoire».
M. Jolin-Barrette : Effectivement.
Mme David : Donc, il est obligé
de trouver... La personne est obligée de dire : O.K., je vais le payer,
mais l'État est obligé de lui trouver le prof, et etc., d'avoir l'infrastructure
pour franciser la personne. C'est un droit à la francisation, mais ce n'est pas
un droit à la gratuité de la francisation.
M. Jolin-Barrette : Vous avez
raison. Mais par contre les cours de français sont gratuits au Québec, puis le gouvernement du Québec les finance, les met en place, donne des allocations
aux personnes pour le faire. Alors, c'était comme ça
depuis plusieurs années, puis ça va continuer comme ça. On n'a pas l'intention
de changer les pratiques.
Vous, ce que vous voulez
faire, c'est instaurer le fait qu'en tout temps ça soit la gratuité. Moi, ce
que je vous dis, c'est que je ne peux pas prévoir le futur. Nous, dans notre
laps de temps, la mise en place, l'intégration des personnes immigrantes, on veut
que ça soit gratuit, mais, si jamais il y a un autre gouvernement qui
souhaiterait économiser sur la francisation, je ne peux pas le garantir.
Mme David : Et c'est là qu'on
trouverait ça, vous, moi et bien d'autres, très dommage.
M. Jolin-Barrette : Tout à
fait.
Mme David : Mais on se fie...
Une loi, ce n'est pas supposé se fier au gouvernement en place. On fait une loi
pour que, justement, on protège. Quand il y a eu la Charte des droits et
libertés de la personne en 1975, on ne s'est pas mis à dire : Bien là, on
ne mettra pas ça dans la charte parce que... bien, parce que ce n'est pas
nécessaire, puis les gouvernements, bien, ça dépendra des gouvernements si le
droit à la liberté, l'égalité, le droit à...
M. Jolin-Barrette : Savez-vous
ce qu'ils ont fait avec la Charte des droits et libertés de la personne? C'est qu'ils n'ont pas rendu tous les droits
exécutoires. Puis ils ont fait la même chose en 1977 avec les droits
fondamentaux, ils n'ont pas été exécutoires. Alors, nous, on va beaucoup plus
loin.
Mme David : ...un droit
exécutoire, pourquoi lui, il est exécutoire?
M. Jolin-Barrette : Parce qu'on
veut que ça se fasse, on veut que l'État offre les services.
Mme David : Mais c'est dit où
qu'il est exécutoire par rapport aux droits de la Charte des droits et libertés
de la personne, au droit x ou y?
M. Jolin-Barrette : Non, mais,
exemple, 1 à 38, là, de la Charte des droits et libertés de la
personne, ces droits-là sont exécutoires. Mais par la suite, 39 et
suivants, ce n'est pas exécutoire. Les droits économiques et sociaux ne sont
pas exécutoires. Comme à la Charte des droits et libertés... comme à la Charte
de la langue française, actuellement, les droits fondamentaux qui sont prévus,
quoi, 1 à 10, à peu près, 1 à 7... 6? 1 à 6?
1 à 6, ils n'étaient pas exécutoires, nous, on les rend exécutoires.
Donc, l'article qui les rend exécutoires...
Une voix : ...
M. Jolin-Barrette : Je vais
vous revenir avec l'article qui les rend exécutoires.
Mme David : Si vous êtes
capable, vous... peut-être que la question va être hors champ, elle reviendra
plus tard, si vous êtes capable, avec ce
projet de loi ci, de mettre sous dérogation 1 à 38 de la charte
des droits et libertés puis celle canadienne aussi, qui empêcherait un
autre gouvernement, un autre ministre, un autre... de dire : On va mettre
sous dérogation la Charte de la langue française comme on met sous dérogation
la Charte des droits et libertés.
M. Jolin-Barrette : Bien là, on
rentre dans le fun, là, avec la Constitution canadienne et la constitution
québécoise, alors beaucoup de plaisir, mais c'est plus loin, dans le projet de
loi, qu'on va en parler.
Mme David : ...ça, là.
M. Jolin-Barrette : Mais, dans le
fond, la loi que nous adoptons aujourd'hui... bien, aujourd'hui, que nous
étudions aujourd'hui, le projet de loi n° 96, elle bénéficie de la
disposition de dérogation... des dispositions de dérogation, des dispositions de souveraineté parlementaire. Alors, pour
pouvoir supprimer ces dispositions de dérogation, ces dispositions de
souveraineté parlementaire, il faudrait que le législateur vienne supprimer ces
dispositions-là, un peu comme le Parti libéral du Québec, qui a dit que... s'il
remporte l'élection en 2022, va enlever la disposition de souveraineté
parlementaire prévue à la Loi sur la laïcité. Je crois que c'est toujours votre
position?
Mme David : Ce n'est pas là
pour en discuter, mais c'est tout à fait possible. Tout comme, en 1993,
Claude Ryan a décidé de ne pas reconduire la clause dérogatoire de la loi sur
l'affichage commercial. Alors, ils ont passé une loi pour la prépondérance à ce
moment-là.
M. Jolin-Barrette : Et je vois
que ça a été heureux pour le Parti libéral.
Mme David : Bien, en tout cas,
ça... on ne refera pas l'histoire là-dessus. Mais c'est parce que j'essaie
vraiment de comprendre votre histoire de droits exécutoires parce que, là, je
sais qu'on rentre dans des considérations très, très, très légales, mais moi,
j'essaie de protéger le plus possible, de mettre à l'abri votre loi, dans ce
cas-ci, dans cet article-ci, à, justement, une facturation de plus en plus large
de ces droits-là qui ferait en sorte que l'esprit, je pense, que vous voulez
installer demeure ou disparaisse, dans le cas où il y aurait de la facturation
pour tout le monde, finalement. L'État va être, admettons, là, en
grande, grande récession, là, puis ça va vraiment mal, c'est évident que vous allez
dire : Bien là, on n'est plus capables de prendre l'argent de l'entente...
on va enlever la gratuité, on ne donnera plus d'argent de subvention, de
transport, de ci, de ça, bien là vous allez avoir un... on va tous avoir un
sérieux problème avec l'accessibilité à la francisation. Et on dit : C'est
le nerf de la guerre, la francisation. Donc, les gens vont aller plus vers
l'anglais. Les gens... C'est là que vous dites : Non, on est protégés par
le mot «exécutoire». C'est ça qui a l'air d'être encore plus fort, légalement,
que la question de la gratuité.
M. Jolin-Barrette : Mais en
fait le caractère exécutoire fait en sorte que l'État va devoir donner ces
services-là. Sur l'aspect de la gratuité, comme je vous l'ai dit, c'est notre
intention de continuer à donner ces services de francisation là gratuits. C'est
l'objectif, et l'argent est là pour le faire, et c'est budgété annuellement
pour le faire. Vous, ce que vous souhaitez, c'est qu'on l'inscrive dans la loi.
Moi, ce que je vous dis, c'est qu'à ce stade-ci je ne peux pas impliquer les gouvernements
successifs rattachés à cela.
Mme David : Seriez-vous ouvert
à quelque chose qui est entre les deux, à tendre de plus en plus... à tendre le
plus possible vers la gratuité, quelque chose comme ça? C'est sérieux, là, ce
dont on discute, là, c'est vraiment... Vous dites «notre gouvernement», je veux
bien, mais malheureusement on n'est pas éternels, personne, là.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, écoutez,
je vais explorer la possibilité de voir ça.
Mme David : ...
M. Jolin-Barrette : Je ne sais
pas si vous avez d'autres questions sur...
Mme David : Non.
La Présidente
(Mme Thériault) : Et le député
de La Pinière qui a une intervention à faire, mais M. le ministre est en train d'explorer,
présentement, une piste de solution à la demande de la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Donc, on lui laisse les quelques secondes qu'il aurait de besoin? Est-ce que
vous voulez qu'on passe? Parce que le député de La Pinière a une
intervention à faire en attendant que votre équipe...
M. Jolin-Barrette : On fait des
vérifications pendant ce temps-là, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. Donc, M. le député de La Pinière, la parole est à vous.
M. Barrette : Merci, Mme
la Présidente. Donc, l'exploration
n'a pas été encore fructueuse. On n'a pas trouvé.
M. Jolin-Barrette : ...pas trouvé?
M. Barrette : Bien, puisque le ministre
explorait.
M. Jolin-Barrette : Bien, en
fait, on est en analyse.
M. Barrette : Ah! en analyse.
Donc, on n'a pas...
M. Jolin-Barrette : En analyse
exploratoire.
M. Barrette : Donc, on n'a pas
tiré de conclusion. Très bien.
Moi, je suis comme ma collègue, et c'est
l'intervention que je voudrais faire, puis je suis très heureux de voir que ma collègue
de Marguerite-Bourgeoys m'ait précédé, on a eu la même idée. Je veux quand même
le regarder sous cet angle-là puis aller un peu plus loin. Puis je vais
commencer par me mettre dans les souliers du commun des mortels. Le commun des
mortels qui nous écoute ne peut pas comprendre ce qu'on vient d'avoir comme
échange. Alors, un droit exécutoire, là, pour le commun des mortels, ça devrait
vouloir dire : il est exécuté. Alors, si, dans cette loi-ci, il y a un
droit à avoir des services de francisation, là il faut que les gens comprennent
ce que ça veut dire. Alors là, je comprends du débat que la seule chose que ça
veut dire, c'est qu'on a le droit que des cours de français existent, ça veut
juste dire ça.
M. Jolin-Barrette : Mais en
fait c'est par proposition déclaratoire. Parce que vous avez deux types de
droit. Dans un premier temps...
• (16 h 10) •
M. Barrette : Mme la Présidente,
restons donc sur l'exécutoire.
M. Jolin-Barrette : Oui, mais,
pour pouvoir vous expliquer adéquatement et expliquer aux gens qui nous
écoutent la distinction entre les deux, c'est important de souligner d'où on
part et où on s'en va. Dans le fond, où on part, on part des droits qui étaient
déclaratoires : Je déclare que toute personne admissible à l'enseignement
au Québec a le droit de recevoir cet enseignement en français. Dans le
fond, en bon québécois, c'était des voeux pieux, O.K.? On le déclare, c'est ça
qu'on veut, mais il n'y avait aucun mécanisme qui faisait en sorte que, bien,
si je n'avais pas accès au droit de recevoir l'enseignement en français, si je
ne recevais pas d'enseignement en français, je ne pouvais pas me plaindre de la
personne. Donc là, je vais pouvoir me plaindre pour dire : Écoutez, les
services ne sont pas offerts, je n'ai pas accès à l'apprentissage du français,
ce n'est pas disponible. Ce que ça veut dire, «exécutoire», c'est que vous avez
un recours au civil, vous avez un recours administratif, vous avez un recours
au pénal.
M. Barrette : Je précise ce que
je disais tantôt, là. Moi, je ne suis pas simplement dans l'enseignement, là,
ce projet de loi là vise à ce qu'un citoyen qui réside au Québec ait accès à
des services de francisation. Est-ce que j'ai mal compris le projet de loi?
M. Jolin-Barrette : Aux
services de francisation, à l'apprentissage du français, à la maîtrise, voilà,
donc notamment à parfaire la connaissance. Donc, on donnait l'exemple du projet
de loi du député de Jacques-Cartier, inspiré par l'idée du député de
Sainte-Rose, de dire que des membres de la communauté anglophone pourront avoir
accès à des cours de français au Québec.
M. Barrette : Je reprends ma
phrase parce que je n'ai pas eu ma réponse, Mme la Présidente. Le projet de loi
va faire en sorte que le... droit n'étant plus déclaratoire. Alors,
déclaratoire, c'est : on affirme une chose pour laquelle il n'y a aucune
obligation de résultat. Là, ça va devenir un droit exécutoire, donc il doit y
avoir un résultat de... si ce n'est pas garanti, au moins qu'il y ait un
processus pour nous amener au résultat. Lui, il doit être garanti. L'existence
du processus doit être là, là.
M. Jolin-Barrette : La réponse
à cette question-là, c'est oui.
M. Barrette : Bien oui. Alors,
ça, c'est un droit déclaré.
M. Jolin-Barrette : Exécutoire.
M. Barrette : Bien,
exécutoire... Il est...
M. Jolin-Barrette : Vous pouvez
le faire exécuter.
M. Barrette : Exactement. Et
ça, ça s'adresse et ça s'applique à tout citoyen qui reste au Québec.
M. Jolin-Barrette : Toute
personne domiciliée.
M. Barrette : O.K., c'est
correct. Qui reste au Québec, pour le commun des mortels...
M. Jolin-Barrette : Non.
M. Barrette : Oui, je
comprends, je comprends, je comprends.
M. Jolin-Barrette : On a eu le
débat...
M. Barrette : Je sais, je ne
veux pas refaire le débat, domiciliée au Québec. Alors, ça, ça veut dire, là,
qu'une personne domiciliée au Québec, là cette personne-là doit avoir en face
d'elle la possibilité d'avoir des services de francisation.
M. Jolin-Barrette : Oui, et
même, et même, vous noterez à 6.1, alinéa deux : «La personne domiciliée
au Québec qui reçoit d'un établissement l'enseignement primaire, secondaire ou
collégial offert en anglais a le droit de recevoir de cet établissement un
enseignement du français.» Ça...
M. Barrette : Oui, mais j'ai
bien fait exprès, là, de ne pas embarquer dans l'enseignement comme tel, là.
Moi, là, je suis un citoyen domicilié au Québec puis je ne vais pas à l'école,
là, je suis un adulte. Avec le projet de loi, j'ai le droit exécutoire d'avoir
des services de francisation?
M. Jolin-Barrette : Oui, et
vous faites bien de le dire, que vous êtes un adulte, parce que Francisation Québec
s'adresse aux personnes qui sont au-delà de la scolarité obligatoire.
M. Barrette : C'est la raison
pour laquelle je ne veux pas embarquer dans l'enseignement.
Alors, en même temps, Mme la Présidente, le ministre
nous dit que, bien, c'est parce qu'il n'y aura peut-être pas assez d'argent.
Là, on embarque dans une notion qui fait en sorte qu'on comprend que, dans
l'esprit du ministre, pour sa loi, ce n'est
pas gratuit, en partant. Il explore actuellement, c'est correct, la possibilité de rendre ça gratuit. C'est ce que j'ai compris de son exercice
exploratoire actuel. Très bien. C'est le sens de l'amendement de ma
collègue.
Mais le ministre nous dit aussi, Mme la
Présidente, qu'il peut se plaindre. Là, il a un droit. S'il a un droit, ça veut
dire qu'il peut se plaindre. C'est les mots du ministre. S'il peut se plaindre,
il a donc un recours avec une réparation. Ça veut dire que... Bien oui, parce
que, là, s'il peut se plaindre, là, il a un dommage. Et, s'il a un dommage, le
dommage ici étant : Le gouvernement me garantit un droit de service de
francisation, je ne l'ai pas, je l'exige, il ne me le donne pas, je poursuis le
gouvernement.
M. Jolin-Barrette : Bien là, ça dépend de la nature du recours que
vous allez entreprendre pour faire respecter...
M. Barrette : Le service de
francisation.
M. Jolin-Barrette : Non, non,
ça dépend de la nature du recours que vous allez exercer. Là, vous, vous êtes dans
le cadre d'un recours de nature civile avec dommages et intérêts. Donc, vous
choisissez la voie du dommage qui est résultant du non-respect du droit qui est
exécutoire qui vous a été conféré relativement à l'apprentissage du français.
Mais votre recours pourrait être également un recours associé à une plainte
envers l'Administration pour que l'Administration vous offre ce service-là
aussi, donc en matière administrative.
Donc, exemple, je demande que le service me soit
offert. L'Administration avec un grand A ne me rend pas le service, alors je
vais en révision, et par la suite je...
M. Barrette : Oui, oui.
M. Jolin-Barrette : Donc, vous
connaissez les différents processus.
M. Barrette :
Oui, oui, oui, je comprends. Ça, c'est les... on appelle ça les avocasseries.
Mais, dans la vraie...
M. Jolin-Barrette : Non, pas du
tout, non, non, non. Mme la Présidente...
M. Barrette : Je m'explique,
Mme la Présidente. Je vais finir... J'ai la parole, s'il vous plaît?
M. Jolin-Barrette : Ça, Mme la
Présidente, je n'accepte pas ça.
La Présidente (Mme Thériault) :
Vous aurez le droit...
M. Jolin-Barrette : Il faut
renseigner adéquatement les Québécois, parce que, et ça, c'est fort important,
Mme la Présidente, il y a différents recours à la portée des citoyens,
notamment du député de La Pinière, puis il va pouvoir, un coup que le
projet de loi va être adopté, renseigner ses concitoyens de La Pinière
pour leur dire adéquatement les différents recours qui sont à leur portée et
que le gouvernement de la CAQ a voulu leur accorder pour s'assurer qu'ils
bénéficient de services supplémentaires.
M. Barrette : Bon, Mme la
Présidente, ce sont quand même des avocasseries. Je ne dis pas ça négativement.
Ce n'est pas ça du tout, du tout, du tout. Ce n'est pas négatif, ce que je dis,
là. Ce que je dis, ce sont des propos qui sont des portes de sortie. Au bout de
la ligne, là, le citoyen, devant ce droit déclaratoire selon lequel, selon
lequel, à partir du moment où la loi est sanctionnée, un citoyen normal va
comprendre que, alléluia, à partir de maintenant, j'ai accès à des services de
francisation, puis j'irais même jusqu'à dire en temps opportun. On remarquera,
et le ministre me contredira, je l'espère, qu'il me contredira parce que je ne
l'ai pas vue, mais peut-être que j'ai mal lu, il n'y a pas de notion de temps opportun pour l'accès ou de l'exercice du
droit exécuté. Il n'y a pas ça dans le projet de loi.
Alors, d'un côté, le ministre nous dit que vous
avez droit aux services en français, ça, c'est une déclaration qui est
l'équivalent de bomber le torse, sans effet garanti, que l'on remplace par un droit
exécutoire qui, lui, par définition, induit
la perception au moins de l'exécution en temps opportun dudit droit. Mais là le
ministre nous dit — et c'est là que j'arrive dans les
avocasseries : Ah! vous allez avoir toutes sortes de manières de vous plaindre,
mais au bout de la ligne ça pourrait essentiellement — ça,
il ne le dit pas, c'est mes mots à moi — ne rien donner.
Alors, est-ce qu'on est devant un droit vraiment
exécutoire, de la façon dont la loi est écrite? Alors, la loi ne prévoit pas
d'exécution dans un temps opportun. Je n'ai pas vu de sanction prévue dans la
loi si le droit n'est pas exécuté. Je comprends de la position du ministre que,
bon, bien, vous choisirez votre manière de vous plaindre. Mais on sait bien
que, si on s'en va, par exemple, au TAQ, mettons qu'au bout de la ligne il n'y
aura peut-être pas beaucoup de sanctions. Les sanctions, je ne les vois pas ou peut-être
que je l'ai mal lu. Alors là, le droit exécutoire, là, il s'exécute comment? Et
en plus, Mme la Présidente, en plus, le ministre nous dit lui-même que, de la
façon dont ils ont écrit son projet de loi, il pourrait y avoir... Non, ce
n'est pas comme ça. De la façon dont le projet a été écrit, il ne veut pas et il ne peut pas lier les gouvernements subséquents, et il admet lui-même qu'il va y avoir un enjeu budgétaire.
Une voix : ...
M. Barrette : Oui, oui, ça, ça
a été dit, là, ça.
M. Jolin-Barrette :
Non, non. Je n'admets pas qu'il va y avoir un enjeu budgétaire.
M. Barrette : Bien, je n'avais
pas fini mon intervention, Mme la Présidente. Alors...
M. Jolin-Barrette : J'ai dit
que je ne pouvais pas prévoir l'avenir.
M. Barrette : Je n'avais pas
fini mon intervention.
M. Jolin-Barrette : Et je me
souviens, Mme la Présidente, d'une...
M. Barrette : Mme la Présidente,
dites-lui que je n'ai pas fini mon intervention.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, désolée. Là, ça... Tous les propos allaient très bien. J'ai déjà fait un premier
appel au moment où vous n'étiez pas là, M. le député de La Pinière. Je
laisse aller les conversations tant que vous ne vous interpelez pas.
L'atmosphère est très bonne. On avance. Il y a des idées qui s'affrontent.
C'est le but des commissions parlementaires, qu'on puisse avoir des débats
sereins. Mais vous avez votre temps, vous allez pouvoir tout le prendre au
complet. Le ministre essaie de répondre, donc essayez d'être... de ne pas vous
interrompre inutilement, simplement.
M. Barrette : Mme la Présidente,
j'ai été long, mais, faites-vous-en pas, Mme la Présidente, ça se fait dans la
plus grande cordialité. On porte un nom similaire, hein, ça fait qu'on doit
avoir des gènes qui se ressemblent, en quelque part.
La Présidente (Mme Thériault) :
C'est vous qui l'avez dit, M. le député de La Pinière.
• (16 h 20) •
M. Barrette : Oui. Je m'assume
aussi.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre. Ah! M. le député?
M. Barrette : Ah! mais juste
terminer là-dessus. Ce droit-là, là, qui est exécutoire, m'apparaît faiblement
balisé en termes de garantie de résultat.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Mais il ne
faut pas... il ne faut pas mélanger les choses, Mme la Présidente. Il y a la question
de l'exécution du droit. L'État me confère un droit à l'apprentissage du
français. L'État doit vous garantir que vous allez pouvoir bénéficier de ces
services-là, premier volet.
Le volet qui
est amené par la députée de Marguerite-Bourgeoys, c'est relativement aux services de francisation offerts par Francisation Québec qui seraient
gratuits. C'est ça, le sens du propos. Il ne faut pas mélanger les deux.
Puis ce que j'ai dit, c'est que je ne peux pas prévoir l'avenir. C'est une question
hypothétique.
Moi, je me souviens très bien, Mme la Présidente,
d'une conférence de presse, en 2012, avec le député de La Pinière qui
répondait aux journalistes, qui disait : Vous me posez des questions
hypothétiques, puis je ne peux pas prévoir l'avenir, que, si jamais il y avait
une météorite qui s'en venait sur la planète Terre... bien, je ne peux pas
répondre à toutes ces situations hypothétiques là. Je pense qu'il sait à quelle
conférence de presse je fais référence.
Alors, ce que je dis, c'est un peu la même chose.
Notre objectif, il est là, que les services de français... de francisation
soient gratuits. Nous le faisons, et surtout nous l'avons démontré, parce qu'on
a offert les cours de francisation aux personnes en situation temporaire, ce
qui n'était pas fait auparavant.
La
Présidente (Mme Thériault) : ...M. le député de La Pinière, j'ai Mme la
députée de Marguerite-Bourgeoys aussi qui voudrait
faire une intervention.
M. Barrette : ...répliquer, Mme
la Présidente, que je n'aurais jamais dit dans un point de presse que je vous
garantis que, si vous m'élisez, vous allez être protégés contre toutes les
météorites qui tombent sur la planète Terre, alors que, là, vous déposez un projet
de loi qui garantit un droit exécutoire à tout le monde à la sanction. Je ne
vois pas comment il est possible de garantir ça, pas de la manière que le projet
de loi est écrit. Elle est où, la garantie, ne serait-ce que par les capacités
de francisation qui existent aujourd'hui?
Là, si demain matin, là, tous les gens de langue
maternelle anglophone ou allophone, à la sanction, se présentent pour avoir des
cours de francisation, le ministre va faire quoi? Ça devient un droit, un
droit. C'est comme les limites de vitesse,
là. À la sanction de la limite de vitesse, tout le monde qui fait un excès de
vitesse, à la sanction, a une amende. Là, là, c'est un droit exécutoire.
À la sanction, tous les gens qui n'ont pas le français comme langue maternelle
se présentent pour être francisés, que fait l'État? Alors, ça fait un drôle de
droit s'il est exécutoire puis qu'en même temps il n'est pas exécutable.
La
Présidente (Mme Thériault) : Je voudrais juste préciser que c'est
un an après l'adoption de la loi. Donc...
M. Barrette :
Non, je m'excuse...
La Présidente
(Mme Thériault) : Mais, non, il y a juste une nuance. Parce que
je ne veux pas que les gens pensent que c'est à l'adoption.
M. Barrette :
Vous avez raison, Mme la Présidente.
La Présidente
(Mme Thériault) : C'est un an après. Mais,
M. le ministre, la parole est à vous, vous pouvez répondre au député.
M. Jolin-Barrette :
Vous avez une bonne connaissance du projet de loi, Mme la Présidente.
La Présidente
(Mme Thériault) : Oui, je suis tous les échanges et les débats,
ici.
M. Jolin-Barrette :
Alors, il n'est pas exact de dire que les droits ne sont pas exécutoires. C'est
le principe même, quand on confère des
droits aux citoyens, de pouvoir, lorsqu'ils sont exécutoires, par opposition à
déclaratoires, venir faire respecter leurs droits et de saisir l'autorité
compétente pour leur permettre d'avoir accès.
C'est la même chose
que dans le réseau de la santé. Vous garantissez un droit à l'accès aux
services de santé dans différentes régions.
Est-ce que tous les services de santé sont offerts dans chacune des
municipalités, dans chacune des localités du Québec? La réponse, c'est
non. Mais par contre on garantit le droit exécutoire à des soins de santé.
La Présidente
(Mme Thériault) : M. le député de La Pinière.
M. Barrette :
La loi sur la santé et les services sociaux et les lois connexes, nulle part
n'est-il prévu que tous les services soient livrables dans toutes les municipalités
du Québec, par exemple. Ça n'existe pas. Ça n'existe pas, M. le ministre. Alors
que, là, vous nous... D'abord, il n'y a aucune nuance, dans votre... dans le projet
de loi n° 96, sur ce droit exécutoire. Il n'y a pas de notion
territoriale. Il n'y a pas... Je prends le ministre au pied de la lettre, là,
quand on dit «accès à des services de francisation pour une anglophone ou un
allophone», ça veut dire qu'en Gaspésie il devra y avoir des services de
francisation. Nulle part ai-je lu dans le projet de loi la garantie qu'il y ait
des services de francisation sur tout le territoire du Québec.
Alors, le parallèle
qui est fait avec la santé, là...
M. Jolin-Barrette :
Non, mais, attention...
M. Barrette :
...il ne se fait pas, Mme la Présidente. La loi sur la santé ne dit pas ce que
le ministre dit qu'elle dit. Et là on dépose une loi qui garantit ça, puis il
n'y a pas de notion de.
La Présidente
(Mme Thériault) : ...même chose que vous, par contre. C'est
qu'on... Moi, c'est ce que j'ai compris de l'intervention du ministre, c'est
qu'il disait la même chose que vous, qu'on ne garantissait pas dans chacune des
villes de recevoir, que c'était organisé en fonction du système de santé.
M. Barrette :
Oui, mais, Mme la Présidente, cette loi-là, là, qui garantit, c'est un droit
exécutoire, là, à des services de francisation, là, on ne fait pas de nuance.
Alors, moi, mon point, là, que j'essaie de faire, là, depuis le début de mon
intervention, c'est qu'on a un droit qui est exécutoire, et, à sa face même, il
n'est pas exécutable, il va être dépendant d'un financement et d'une capacité
de francisation. Il n'y a rien dans la loi pour le gouvernement actuel ni pour
les gouvernements successifs qui oblige l'État à se donner la capacité de
franciser ceux qui le veulent. Alors, pour moi, c'est une lacune.
Alors, si on passe de
«déclaratoire», que le ministre a lui-même qualifié, et j'ai oublié le mot, là,
des paroles en l'air ou quelque chose de ce genre-là, puis je ne dis pas ça
péjorativement, bien là on veut passer à «exécutoire», bien, si on passe à
«exécutoire», en quelque part, il faut qu'il y ait une certaine pérennité à ça
et il faut qu'il y ait une capacité qui vient avec. Je ne vois ni un ni
l'autre.
Et il y a le
troisième élément, comme je l'ai dit, c'est quand qu'on... c'est en dedans de
quand, là, qu'on exerce ce droit-là? On a eu
le cas récemment, là, dans les médias, c'est un cas qui était très intéressant,
de l'immigrant qui, lui, ça lui coûte
cher pour se faire franciser, le chèque ne vient pas, puis là il va comme
arrêter de se franciser parce que, là,
il est mal pris, puis on le comprend. Mais ces notions-là, ce n'est pas des
notions banales, ce sont des notions qui... si on ne s'y adresse pas, ça
vient atténuer un projet de loi qui, sur cet aspect-là, il est bon. Mais, si le
gouvernement ne se donne pas les moyens dans sa loi d'aller jusqu'au bout de
ses intentions, on a fait quoi, exactement?
La Présidente
(Mme Thériault) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette :
Alors, Mme la Présidente, je suis convaincu que le député de La Pinière a
lu la totalité du projet de loi, mais que peut-être qu'il y a deux pages qui
s'étaient collées, Mme la Présidente, dans la lecture, parce que c'est un projet
de loi fort volumineux, mais je le référerais à l'article 156.24 du projet
de loi, qui indique :
«Francisation Québec
conduit et gère l'action gouvernementale en matière de francisation des
personnes domiciliées au Québec qui ne sont pas assujetties à l'obligation de
fréquentation scolaire en vertu de la Loi sur l'instruction
publique, des personnes qui envisagent de s'établir au Québec de même qu'en
matière de francisation des personnes au sein d'entreprises.
«À
cet effet, Francisation Québec est l'unique point d'accès gouvernemental pour
ces personnes désirant recevoir des
services d'apprentissage du français qui ne s'inscrivent pas dans le cadre du
régime pédagogique prévu par la loi.»
Et là ça devient intéressant :
«Francisation Québec doit s'assurer de desservir l'ensemble du Québec et
établit des bureaux afin d'assurer le droit aux services permettant de faire
l'apprentissage du français, prévu au premier alinéa
de l'article 6.1. Francisation Québec peut, lorsqu'un établissement offrant de l'enseignement collégial ou
universitaire met des locaux à sa disposition... pour y fournir [des] services.»
Donc, il y a une
approche territoriale sur l'ensemble du territoire.
M. Barrette :
C'est très bien, le temps, les délais. Et je vais simplement rappeler au
ministre une notion qu'il a apprise en première année de droit, évidemment, la
différence entre «peut» et «doit».
M. Jolin-Barrette :
Oui, mais c'est une obligation... 156.24, là, on retourne là... Ça ne sera pas
long, Mme la Présidente.
La Présidente
(Mme Thériault) : Ça va.
M. Jolin-Barrette :
On a tellement travaillé avec beaucoup d'articles.
La Présidente
(Mme Thériault) : C'est un projet de loi assez volumineux. Donc,
il n'y a pas de problème, prenez votre temps, et, quand...
M. Jolin-Barrette :
C'est ça, «Francisation Québec doit s'assurer de desservir l'ensemble du Québec
et établit des bureaux afin d'assurer le droit aux services permettant de faire
l'apprentissage du français», alors, «doit».
Une voix :
...
M. Jolin-Barrette :
«Doit».
Une voix :
...
M. Jolin-Barrette :
«Doit».
M. Barrette :
...
M. Jolin-Barrette :
Non, «et établit des bureaux».
M. Barrette :
Non. Un petit peu plus loin, il y a les locaux, là.
• (16 h 30) •
M. Jolin-Barrette : «...prévu au premier alinéa de
l'article 6.1. Francisation Québec peut, lorsqu'un établissement offrant l'enseignement collégial ou universitaire
met des locaux à sa disposition, [pour] y fournir ses services.» Donc,
on établit des bureaux partout puis on
dit : Les universités et les établissements collégiaux, ils peuvent
fournir des locaux à Francisation Québec.
Pourquoi
est-ce qu'on a fait ça? Parce qu'il y a des cégeps en région, il y a des
universités dans les différentes régions, puis c'est un bon endroit, qui
ont les infrastructures nécessaires, puis on voulait faire en sorte que le ministère de l'Enseignement supérieur, les
établissements universitaires et collégiaux collaborent avec
Francisation Québec pour dire : Vous avez des infrastructures,
partagez-les dans les différentes régions pour permettre aux étudiants en
francisation d'acquérir des compétences langagières en français. Donc, c'est
exécutoire.
M. Barrette :
Non, ce n'est pas exécutoire. Oui, c'est exécutoire dans l'esprit du ministre,
c'est sûr, mais...
M. Jolin-Barrette :
Non, non, non, pas dans mon esprit, ça l'est, exécutoire. On passe de
déclaratoire à exécutoire.
M. Barrette :
Mme la Présidente, pourquoi, par exemple, le ministre n'a pas mis dans son projet
de loi un délai? L'État doit offrir les services payants ou pas payants, parce
que, là, initialement j'étais vraiment sous l'impression que c'était gratuit,
tout ça, là, mais ce ne l'est pas...
M. Jolin-Barrette :
Non, non, non, attention, on n'a pas dit que ce n'était pas gratuit. Je vous
l'ai dit, je l'ai dit nommément dans le micro.
M. Barrette :
Non, j'ai dit «sous l'impression», c'est une impression erronée.
M. Jolin-Barrette :
C'est gratuit, Mme la Présidente, c'est gratuit. Alors, ce que j'ai dit, par
contre, j'ai dit que, de tous les services offerts par Francisation Québec, je
ne pouvais pas garantir, à ce stade-ci, que tous les services allaient être,
pour toujours, tout le temps gratuits. Moi, c'est mon intention, de faire en
sorte que le service d'apprentissage en français soit gratuit, mais il y a
d'autres services qui vont être offerts par Francisation Québec, notamment
connexes au sein des entreprises, notamment sur l'aspect terminologique, il va
y avoir certains services qui vont être offerts qui pourraient être tarifés,
c'est ça que je dis.
M. Barrette :
...Mme la Présidente, ce que j'aurais... ce qui aurait été agréable, ça aurait
été de voir, dans le projet de loi, que l'État, dans sa volonté de francisation,
offre des services de francisation dans une période de... dans un délai x à
déterminer par le ministre, après la demande dudit service.
Parce que, moi, ce
que je vois... Je reprends l'exemple de tantôt. Si, demain matin, il y a un
afflux vers une demande de francisation, l'État va faire comme en santé, va
créer des listes d'attente, c'est ça qu'il va faire. Bien, voyons! Où est-ce
que c'est écrit dans le projet de loi que les services de francisation, après
avoir été demandés par un individu, dans le cadre de la loi, vont être donnés
en dedans d'un an, mettons?
M. Jolin-Barrette :
Non, il n'est pas indiqué, effectivement, vous avez raison, il n'est pas
indiqué, il n'y a pas de délai. Mais l'objectif, c'est de donner rapidement les
services de francisation, et ça, à travers les différentes régions du Québec,
en entreprise. Puis c'est ça, le défaut du fait qu'il n'y avait pas Francisation
Québec, parce que les services de francisation étaient éparpillés. Et là nous,
on suit la recommandation de la Vérificatrice générale pour unifier les
services pour être beaucoup plus efficace puis pour offrir ces services de francisation
là.
Et d'ailleurs, avant
que j'arrive au ministère de l'Immigration, saviez-vous que les classes ne
démarraient qu'aux 11 semaines? Comment ça se fait, quand vous étiez une personne
immigrante qui voulait avoir des cours de francisation que vous manquiez la session, vous débarquez, puis
là, bien, si le cours était déjà commencé, il restait 10 semaines, bien, c'était au bout des 10 semaines
que l'autre cours repartait? Alors, on a mis des sessions intercalées justement
pour faire en sorte de permettre aux apprenants d'aller rapidement dans les
cours de francisation.
M. Barrette :
Mme la Présidente, c'est une bonne idée.
M. Jolin-Barrette :
Bon.
M. Barrette :
Alors, pourquoi ne pas avoir la bonne idée d'inscrire dans la loi un délai?
M. Jolin-Barrette :
Bien, parce que comme tous les services de l'État, ils sont soumis aux
différents aléas, aux différentes contraintes d'un programme gouvernemental qui
est mis en application, et je crois que le député de La Pinière le sait
très bien.
M. Barrette :
Oui, absolument. Donc, c'est la raison pour laquelle je soupçonne que le
programme en question, dans son évolution, va souffrir d'une grande
demande et de moins de financement et va créer des listes d'attente.
M. Jolin-Barrette :
Alors là, je ne suis pas d'accord, Mme la Présidente. Savez-vous pourquoi? Parce
que l'entente Canada-Québec, hein, l'entente Gagnon-Tremblay — McDougall,
qui est une bonne entente, mais qui fait suite à l'échec de l'accord du lac
Meech, Mme la Présidente, mais qui est une bonne entente... Ça, je dois le
dire, ça a été bien négocié par le gouvernement libéral de l'époque.
La Présidente
(Mme Thériault) : Très bien.
M. Jolin-Barrette :
Je redonne à César...
Une voix :
...
La Présidente
(Mme Thériault) : Très, très bien.
M. Jolin-Barrette :
Bien, au gouvernement libéral de Robert Bourassa, à Mme Gagnon-Tremblay,
qui a été députée de Saint-François...
La Présidente
(Mme Thériault) : Absolument.
M. Jolin-Barrette :
...pendant des années, et je la salue bien bas. Donc, c'est une très bonne
entente qui fait en sorte que le gouvernement du Québec a les outils, notamment
en matière de francisation. Mais par contre c'est juste depuis 2019 que l'argent, il est consacré au ministère de l'Immigration pour la francisation. Parce
que savez-vous ce qu'ils
faisaient, Mme la Présidente, les gouvernements précédents?
La Présidente
(Mme Thériault) : ...consolidé.
M. Jolin-Barrette : Ils
prenaient l'argent et l'envoyaient au fonds consolidé, Mme la Présidente.
La
Présidente (Mme Thériault) : Je vais juste me permettre
d'apporter une petite précision. C'est que, lorsque l'entente a été négociée,
Mme Gagnon-Tremblay a même fait en sorte qu'il y ait une indexation
automatique à toutes les années en fonction des indexations de budget du gouvernement
fédéral et de l'augmentation de la quantité de personnes qui étaient admises,
donc, ce qui fait que c'est une entente qui, mathématiquement, fait que les
sommes d'argent augmentent d'année en année. Et il faut vraiment que le gouvernement
n'ait pas rempli ses objectifs pour admettre
les gens sur le territoire du Québec pour que les sommes d'argent soient à la baisse.
Donc, techniquement, il y a de l'argent aussi parce que ça l'a été très
bien négocié par l'ancienne députée de Saint-François, Mme Monique
Gagnon-Tremblay, évidemment.
M. Jolin-Barrette : En fait, vous avez raison, Mme la Présidente,
mais il y a même une clause dans l'entente qui fait en sorte que le versement, Mme la Présidente, de l'année
ne peut pas être moindre que celui de l'année antérieure.
La Présidente
(Mme Thériault) : Oui, absolument.
M. Jolin-Barrette :
Alors, à cette époque-là, il négociaient bien, au Parti libéral.
M. Barrette :
Mais, Mme la Présidente, je suis tellement heureux...
La Présidente
(Mme Thériault) : Mais je vais quand même juste préciser, par
contre, qu'à l'époque, pour avoir eu le ministère de l'Immigration pendant deux années sous ma gouverne, c'est qu'il
y a quand même une... il y a plusieurs services qui sont
offerts autres que la francisation, quand même, par le gouvernement du Québec,
que ce soient des services d'éducation, des
services de santé, des services de garde. Donc, évidemment, à l'époque,
l'argent passait par le fonds
consolidé, mais je ne voudrais pas qu'on soit sur l'impression que les sommes
d'argent n'ont pas été dédiées à la
clientèle qui y est... avec qui l'argent vient, donc les personnes qui sont
admises par le ministère de
l'Immigration. Il y a une panoplie de services du gouvernement qui sont
offerts. Maintenant, il y a un calcul différent qui fait que tout l'argent sert
plus directement à l'intégration. C'est tout à votre honneur, M. le
ministre, d'avoir pris cette décision-là.
M. Barrette :
Et, par ricochet, j'imagine qu'aucun des transferts fédéraux pour les
programmes de garderies ne va aller dans le fonds consolidé.
M. Jolin-Barrette :
Bien, en fait, cette entente, et vous aurez pu le constater fort probablement,
c'est une entente sans condition. Mais ce qui est intéressant là-dedans, par
contre, c'est que notre gouvernement s'est engagé à combler les
37 000 places et à garantir une place pour chaque enfant.
Et d'ailleurs,
justement, vous pouvez syntoniser sur le Canal de l'Assemblée nationale, il y a
des auditions, présentement, publiques sur le projet de loi n° 1 de la
nouvelle session, de mon collègue le ministre de la Famille, justement, pour
améliorer le réseau des garderies et modifier la Loi sur les services éducatifs
à l'enfance. Mais cette commission-ci est beaucoup plus passionnante,
Mme la Présidente.
M. Barrette :
Mme la Présidente, est-ce que je suis en train d'entendre que le souhait
du ministre est que les transferts pour le programme de garde s'en aillent au
complet dans le programme québécois de CPE et qu'aucun de ces dollars-là
n'aille dans le fonds consolidé?
M. Jolin-Barrette :
Mme la Présidente, ce n'est pas ce que j'ai dit, ce n'est pas ce que je
dis. Le député de La Pinière veut me prêter
certaines intentions, Mme la Présidente. Mais je comprends qu'il a un
après-midi intéressant, Mme la Présidente.
La Présidente
(Mme Thériault) : Je ne voudrais pas m'immiscer dans le débat,
sauf que, là, on est rendu dans les services de garde. Je vais me permettre de
faire mon rôle de présidente et vous ramener sur l'amendement qui a été déposé,
d'autant plus que la députée de Marguerite-Bourgeoys aurait une autre
intervention à faire. M. le député de La Pinière, donc, si vous voulez
conclure, il vous reste au total sept minutes sur votre intervention, mais
vous pouvez aussi céder la parole à votre collègue.
M. Barrette :
Bien, momentanément... bien, si ma collègue me le permet, je reviendrai plus
tard, mais...
Une voix :
...
La Présidente
(Mme Thériault) : Là, là?
M. Jolin-Barrette :
Oui, juste un petit deux minutes.
M. Barrette :
Veux-tu y aller tout de suite?
Mme David :
Non, non.
La Présidente
(Mme Thériault) : M. le député de La Pinière, à la demande
du ministre, on me demande une courte suspension.
Donc, nous allons suspendre quelques instants,
s'il vous plaît.
(Suspension de la séance à 16 h 38)
(Reprise à 16 h 47)
La
Présidente (Mme Thériault) : Nous reprenons nos travaux concernant le projet de loi n° 96. Donc, Mme la
députée de Marguerite-Bourgeoys, la parole est à vous.
Mme David : Donc, nous
acceptons de retirer notre amendement, que je n'ai pas besoin de relire,
j'imagine, Mme la Présidente, il est déjà déposé, et je pense que c'est pour
aller vers un autre amendement qui sera présenté...
La Présidente (Mme Thériault) :
Par le ministre.
Mme David : ...par le ministre.
La
Présidente (Mme Thériault) : Parfait. M. le ministre, est-ce qu'il y a consentement pour retirer
l'amendement qui avait été déposé par la députée?
M. Jolin-Barrette : Consentement.
La Présidente (Mme Thériault) :
Consentement. Parfait. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Alors, Mme
la Présidente, oui, un amendement à l'article 6.1 de la Charte de la
langue française :
À l'article 6
du projet de loi, insérer, dans après le premier alinéa de l'article 6.1
de la Charte de la langue française qu'il propose, l'alinéa suivant :
«Francisation Québec
doit tendre à la gratuité des services fournis en vertu de
l'article 88.11.»
Commentaire : Cet amendement prévoit que
Francisation Québec doit tendre à la gratuité des services de francisation
qu'elle fournit en vertu de l'article 88.11.
Alors, Mme la Présidente, suite aux discussions que nous avons eues avec les collègues, c'est un
amendement, dans le fond... je l'ai dit, que les services de francisation
envers les personnes sont gratuits, vont demeurer gratuits, mais on vient, dans
la loi, dire également qu'ils doivent tendre à demeurer gratuits. Donc, au-delà
de mon propos en commission parlementaire, je viens insérer quelle est
l'intention du législateur, de dire que les services offerts aux personnes en
matière d'apprentissage du français et de perfectionnement de la connaissance
et de la maîtrise de la langue française doivent tendre vers la gratuité.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
• (16 h 50) •
Mme David : Alors, écoutez,
j'accueille favorablement cet amendement. J'en aurai un autre sur un autre
sujet complémentaire. Mais le ministre l'a bien dit, pour l'instant, c'est la
gratuité, et nous devons le plus possible, mais sans pouvoir prévoir
l'avenir... justement, il est important d'inclure dans le projet de loi, parce
que chaque mot compte dans un projet de loi,
«doit tendre à la gratuité des services fournis». Ça veut dire que, si un jour
un gouvernement a l'inspiration de vouloir facturer ces services-là, il
ne pourra pas faire ce qu'il veut quand il veut comme il veut, parce que le mot
«tendre à la gratuité», ça ne veut pas dire charger des prix absolument
déraisonnables pour ce service de francisation.
Alors, on espère que ça va rester toujours comme
c'est là, c'est-à-dire gratuit. On sera là pour surveiller. Mais
malheureusement les gouvernements passent, les ministres passent, les députés
passent et les lois restent, alors c'est aussi bien de prévoir dans la loi la
question de la gratuité. Elle n'est pas exactement comme on aurait voulu en
disant «il doit y avoir gratuité». Le compromis est «doit tendre à la
gratuité». Alors, on va accepter de vivre avec ce compromis, puisque la
politique, c'est l'art du possible. Alors, je pense qu'on veut garder l'esprit,
très important, de l'accessibilité aux services de francisation, puisque c'est
au coeur même du projet de loi que d'assurer une francisation de tous les
citoyens du Québec.
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. M. le député de La Pinière.
M. Barrette :
Alors, sur le nouvel amendement, j'y vois un problème très simple, puis pour
l'illustrer, je vais faire ce que le ministre aime faire, je vais faire un
parallèle avec la santé. À chaque fois que je prends une intervention, on fait
toujours un parallèle avec la santé. Alors, je vais lui éviter de le faire tout
de suite. Alors, dans le système de santé, lorsqu'il y a des frais,
Mme la Présidente, pas toujours, mais souvent, il y a une modulation
des frais en fonction de la situation financière de l'individu. Alors, je vous
soumets, Mme la Présidente, qu'actuellement on avait
formellement une gratuité et on vient introduire une provision qui ouvre la
porte à éventuellement — je
pèse mes mots — à
une tarification éventuelle. Tendre vers la gratuité, ça signifie que ce n'est
plus gratuit. Alors, tendre vers la gratuité, le ministre va me répondre :
Oui, mais c'est comme le calcul différentiel, là, on peut arriver à. Alors là,
pour le moment, c'est gratuit, on a plus que tendu vers la gratuité, c'est
gratuit. Mais là on fait une loi qui va pouvoir... devoir s'exercer dans le
temps, et le temps faisant son oeuvre dans l'appareil gouvernemental, il
pourrait survenir qu'un gouvernement ou le même gouvernement, un autre
ministre, il mette un tarif. Alors, moi, je pose une question bien simple au ministre : Est-ce qu'il serait d'accord
pour le sous-amender, son amendement, pour qu'il y ait une provision
quelconque qui permette une modulation du service en question, une modulation
selon des paramètres à déterminer par règlement, là, éventuellement, pour
s'assurer que le commun des mortels moins fortuné ne soit pas freiné, en termes
de francisation, par des enjeux monétaires?
La Présidente
(Mme Thériault) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette :
Alors, l'amendement que j'ai déposé fait suite aux préoccupations du Parti
libéral relativement à la gratuité des
services. Alors là, le député de La Pinière vient de nous dire : Bien, avant votre
amendement, on comprenait que c'était gratuit. Là, moi, je suis d'accord avec
cette proposition-là, parce que c'est la proposition que nous faisons en tant
que gouvernement, les cours de français sont gratuits, et même on les a élargis.
Mais là, dans le souci de trouver une voie de passage avec les collègues, on
propose «tendre vers la gratuité» pour vraiment l'indiquer, le terme «gratuité»
à l'intérieur des services offerts aux personnes qui suivent les cours de
francisation. La question des tarifs, elle n'est pas modulée en fonction du
revenu des individus. La tarification, elle n'est pas basée comme ça. Mais là
il n'est même pas question de tarification, je vous le dis, il n'y a pas de
tarification relativement aux services d'apprentissage du français. On veut que
les gens puissent suivre les cours de français, on a tout intérêt, comme
société, comme nation, à faire en sorte que les services de francisation soient
populaires et suivis, et justement l'argent est là pour les suivre.
M. Barrette :
Mme la Présidente, il n'y a pas de contradiction ici, là. Puis je vais remettre
les choses dans leur bon ordre, là. Le ministre nous a dit qu'il voterait
contre notre amendement. Il n'a pas voulu écrire dans la loi que ce soit
gratuit. Il a refusé, il nous l'a dit, il l'a dit dans le micro, il voterait
contre notre amendement. S'il vote contre l'amendement qui prévoit la gratuité,
c'est parce qu'il prévoit au moins la possibilité de la non-gratuité.
L'argument, Mme la
Présidente, de dire : Bien oui, mais regardez, c'est gratuit aujourd'hui,
bien, cette phrase-là ne peut pas se continuer en droit par : C'est
gratuit aujourd'hui, ça le sera toujours, certainement pas si un texte de loi
dit «tend vers la gratuité». Alors, si on tend vers la gratuité, «tendre», ça
veut dire de partir d'un point de départ et un point d'arrivée qui est la
gratuité, le point de départ, c'est un tarif.
Il n'y en a pas, de
tarif, je le comprends, là. Mon commentaire est un commentaire préventif pour
le futur, tout simplement, et ça, je vois mal comment on peut être contre ça,
là. Je comprends qu'aujourd'hui c'est... si je fais un sous-amendement, là, il
n'a aucun effet, je suis d'accord, c'est gratuit. Mais, moi, ce qui
m'importe... et, comme le ministre l'a dit lui-même, cette loi-là va changer,
quoi, aux 25 ans, aux 30 ans, aux 40 ans, aux 50 ans, alors
cette loi-là, si on est pour l'écrire aujourd'hui avec cet esprit-là,
écrivons-le comme il faut.
Et, comme je l'ai
dit, Mme la Présidente, j'ouvre la porte à une flexibilité gouvernementale. On
n'a pas à écrire les règles, actuellement. Établir un principe de modulation
quelconque par règlement, ça n'engage rien que ça et ça protège,
éventuellement, des gens qui ont moins les moyens d'avoir quand même... de
façon garantie, j'irais même jusqu'à dire exécutoire, d'avoir accès aux tarifs.
Alors, me répondre qu'aujourd'hui, c'est gratuit, bien, je veux dire, ce n'est
pas le propos, là. Ce dont je parle, c'est pour le futur, là, ce n'est pas pour
aujourd'hui.
Alors,
je repose ma question : Le ministre serait-tu disposé à discuter — on peut suspendre — d'un sous-amendement qui prévoit une
modulation dans le temps en fonction de la situation de la personne? Il peut
l'écrire comme il veut, là, ne me dérange pas, là, mais, tu sais... Puis je
vais renchérir, Mme la Présidente, là, on fait ça, actuellement, là... parce
que c'est le sujet de l'heure, là, c'est comme ça dans les CHSLD, là, si vous
n'avez pas les moyens, c'est gratuit puis, si vous avez les moyens, vous avez
un frais.
Là, on parle de la
notion de la vitalité de la société québécoise, la notion avec un N majuscule,
là, hein, un N majuscule, c'est vital, alors il me semble qu'on devrait prévoir
tous les cas de figure, dont celui qui ferait en sorte qu'un éventuel
successeur du ministre, là — j'imagine
qu'il n'a pas l'intention d'être ministre pendant les 60 prochaines
années — de
la Langue française... qu'on n'ait pas ce travers-là dans le futur.
La Présidente
(Mme Thériault) : Merci. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette :
Oui. Bien, j'entends bien les propos du député de La Pinière, là, puis je
réfléchis à tout ça. C'est juste que, là, dans cette section-ci, à laquelle on
est, là, dans le cadre du projet de loi, c'est les droits fondamentaux, hein,
puis ces droits-là sont interprétés largement, d'autant plus qu'ils sont
exécutoires. Donc, même l'amendement que je propose, idéalement, il se
retrouverait à 88.11 avec les propositions, aussi, que vous faites. Mais je
n'ai pas l'intention de donner suite à la proposition que vous faites de
moduler un tarif qui n'existe pas non plus. Donc, ça, c'est très clair. Mais,
moi, la piste de solution que je vous propose, c'est celle-ci, sur cet
alinéa-là. Mais sinon, ce qu'on peut faire, je peux retirer mon amendement
aussi puis en discuter à 88.11 puis revenir là-dessus lorsqu'on va vraiment
parler de Francisation Québec, parce que, là, le principe des droits
fondamentaux, c'est des droits qui sont interprétés généralement. Alors, dans
une loi, quand on a les droits fondamentaux en premier, on ne vient pas faire
le descriptif, généralement, très précis de chacun des éléments qui le
composent.
Ça fait que, dans le fond,
soit que je retire puis, quand on va être rendus à 88.11, on en parle d'une
façon plus approfondie sur les... Francisation Québec précisément, ses
services, qu'est-ce que ça comporte, puis tout ça, puis on fait les amendements
que vous voulez faire là-bas.
M. Barrette : Mme la
Présidente, je remercie le ministre pour le cours de droit. Moi, je fais la
pratique illégale du droit, ce n'est pas ma compétence, alors je le remercie.
Je lui ferai remarquer que c'est lui qui a déposé l'amendement maintenant. Il
n'a pas demandé ça, là, c'est lui qui l'a présenté maintenant, alors il est
tout à fait de bon aloi de ma part de faire
le débat sur la chose. S'il veut refaire le débat à 88.11, j'en discuterai avec
ma collègue, qui est la porte-parole,
je n'ai pas de problème avec ça. Mais il y a une chose qui est certaine, sur le
fond de l'argumentaire que j'ai mis de l'avant, il ne peut pas être
opposé par l'argument de «aujourd'hui, c'est gratuit», auquel j'oppose :
On change la loi aux 50 ans, là. À un moment donné, si on fait une loi, qu'on
la fasse d'une façon... puis c'est correct qu'on le fasse à 88.11, mais on ne
peut pas m'opposer comme argument que c'est maintenant gratuit au moment où on
introduit un article qui introduit, lui, la possibilité de tarification de
façon explicite. La réalité, elle est... gratuité, mais là on vient
explicitement d'ouvrir la possibilité, sans dire que ça va arriver, mais,
puisque ça peut arriver, balisons, c'est mon propos.
La
Présidente (Mme Thériault) : Votre propos est bien entendu. Je
crois que la députée de Marguerite-Bourgeoys veut faire son intervention,
justement, sur l'ensemble de la discussion par rapport à l'amendement du
ministre.
• (17 heures) •
Mme David :
Oui, puis je vais probablement demander de suspendre quelques minutes, parce
qu'effectivement je comprends l'idée des
droits fondamentaux, qu'on va parler dans le fin détail, mais, moi, c'est un
droit fondamental, la gratuité, c'est pour ça que j'allais faire ça, et,
de là, si on refait un peu notre discussion des dernières 45 minutes, on est
allés de «gratuité» à «tendre vers la gratuité», mais il faut rester dans
l'esprit, effectivement, de quelque chose de général. On est à l'article 4, qui
modifie l'article 6, on est au début dans les grands principes généraux.
Maintenant, dans les grands principes généraux,
il peut y avoir aussi «dans une limite de temps raisonnable». Et donc, là, la question qui va se poser, c'est : Est-ce que
c'est un principe général? Moi, je pense que oui. Une limite de temps
raisonnable, c'est... Il y a deux choses importantes dans la vie d'un nouvel arrivant,
c'est qu'il soit accessible, son service de francisation, et qu'il soit rapide.
Ça, là, c'est des droits fondamentaux. Ça ne... Tu ne peux pas, quand tu fais une crise cardiaque, attendre six mois
pour te faire traiter pour ta crise cardiaque, l'urgence, elle est maintenant.
Alors, dans l'esprit de l'avenir du Québec et de sa francisation, la
francisation doit être faite rapidement. On l'a dit tellement souvent. Le ministre l'a dit souvent, il l'a même dit dans une
entrevue il n'y a pas longtemps, passé six mois... C'est pour ça qu'il y
a six mois pour Francisation Québec, les services gouvernementaux, parce
qu'après il y a des plis qui se prennent, puis le français, il est comme moins
apprenable ou appris.
Alors, on est dans une sorte d'impératif,
d'obligation absolue, dans les principes généraux, qu'il y ait l'accessibilité
et la rapidité. Alors, on est un peu embêtés, parce que, si on met ça dans les
principes généraux, la gratuité, «tendre vers la gratuité», ça serait bien de
tendre aussi vers la rapidité, parce que les deux sont à peu près
inextricablement liés.
Alors, je vais peut-être demander une suspension
pour qu'on regarde l'ensemble de l'oeuvre, parce que, oui, 88.11, il va falloir
en discuter, c'est vrai. Savez-vous quoi, ce que j'ai peur le plus? C'est qu'on
ne se rende pas à 88.11 parce qu'on a un bâillon avant ça.
M. Jolin-Barrette : Bien, Mme
la Présidente, juste là-dessus, là, avant de suspendre, là, moi, là, je n'ai
jamais, jamais, jamais abordé la question de la procédure législative
d'exception. Je sais que ça énerve bien gros la députée de
Marguerite-Bourgeoys, là, mais moi, là...
Mme David : ...M. le ministre,
devant vous, assise ici, puis vous là. On s'est rendus à l'article 6.
M. Jolin-Barrette : Oui, mais
c'est parce que c'était différent comme dossier.
Mme David : ...
M. Jolin-Barrette : Et je sais
fort bien que le nouveau Parti libéral post-2020 est en faveur de la promotion
et de la protection de la langue française. Alors, je suis convaincu qu'on va
réussir à adopter le projet de loi dans des délais raisonnables. Puis je trouve
qu'on fait un bon travail depuis hier là-dessus, puis on a eu des consultations
de trois semaines, puis je trouve ça fort intéressant, cet après-midi, échanger
avec mes collègues, d'ailleurs, particulièrement avec le député de
La Pinière, qui a un plaisir fou à venir ici, mais c'est ça. Ça fait que,
moi, ce que je dis : Énervons-nous pas sur la procédure législative
d'exception.
Par contre, je dénote que ça fait longtemps
qu'on en a fait une, puis peut-être parce qu'on s'ennuie de ça. C'est peut-être
ce que je décode...
Mme David : ...qui ne
permettait pas de faire ça.
M. Jolin-Barrette : Cela étant,
peut-être que, comme je le disais à micro semi-fermé, Mme la Présidente,
peut-être que, l'amendement que j'ai déposé, on devrait le traiter à 88.11 avec
les autres discussions qu'on va avoir tout à l'heure,
puisque l'article 6, c'est un article de droit général, de droits fondamentaux,
puis la précision, tout ça, devrait peut-être aller à 88.11.
La Présidente (Mme Thériault) :
J'ai le député de D'Arcy-McGee qui veut faire une intervention, mais on m'a
demandé une suspension.
M. Birnbaum : Mais je me
permets, Mme la Présidente, juste pour encadrer notre discussion...
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, allez-y. Je vous reconnais.
M. Birnbaum : ...hors d'ondes
et après en ondes. Et je vais être soit désabusé de ma compréhension ou... de
l'avoir de confirmée. On est dans l'article 4...
Une voix : ...
M. Birnbaum : ...oui, dans...
qui va amender d'autres articles. Moi, je comprends que le sujet de l'article, c'est l'étendue de l'offre de francisation de
façon significative, significative. Et là, quand on parle d'ajouter de la
chair sur l'os... et dans l'esprit de plusieurs des interventions, je me
permets de parler de deux chantiers énormes qui sont, si j'ai bien compris,
touchés par cet article, où l'offre est, bon, est assez limitée, mitigée, actuellement.
Je parle, dans un premier temps, et voilà l'esprit du projet de loi tel que
proposé par mon collègue de Jacques-Cartier, d'autres cibles aussi, mais des Québécois qui... ici depuis
longue date, nés ici, souvent, souvent, qui n'auraient pas eu l'opportunité
ou même, peut-être, ne se sont pas
dotés de l'opportunité, mais qui veulent faire autrement maintenant,
de se perfectionner en français — c'est tout un chantier — ainsi
que d'autres gens issus de l'immigration, mais qui risquent d'avoir été ici
depuis 15 ans, 20 ans, 30 ans et qui, en bonne foi, ont l'intention, la volonté
de participer pleinement dans la vie québécoise, dans notre langue seule, commune. Tout ce
monde-là, actuellement, n'est pas ciblé de façon systématique ou
claire ni, j'ose dire, rigoureuse par la machine de francisation actuelle. Ce
n'est pas une petite chose dont on parle. Alors,
j'espère que, hors ondes et en ondes, on va explorer les projets d'amendement en tout ce qui a trait au sujet devant nous avec du sérieux
parce qu'on parle de plusieurs aspects d'une importance capitale, quand et si,
et je prends pour acquise la réponse «oui», si on veut impliquer tout le monde
dans nos efforts collectifs de francisation. Ce n'est pas un petit point, ça.
La Présidente (Mme Thériault) :
Je vous ai bien entendu. J'ai le député de La Pinière qui me fait signe, parce
qu'il doit s'absenter, mais qui a un petit propos à ajouter.
M. Barrette : Oui, je dois
quitter puis je tenais absolument — merci, Mme la Présidente — à
faire ce commentaire-ci. Le ministre nous oppose une chose qui m'époustoufle,
là. Je suis époustouflé de la chose. Il nous dit : Ici, on est dans les
droits fondamentaux, donc ce n'est pas nécessairement une bonne idée d'y
attacher des notions de gratuité et de délai. Mme la Présidente, là, si ce
gouvernement-là considère que la loi n° 96 est si
fondamentale pour le français, il me semble que le droit exécutoire à la
francisation devrait qualifier, qualifier par sa gratuité et son délai d'accès
à ladite francisation. Ça m'apparaît fondamental. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci, M. le député de La Pinière.
Donc, est-ce que vous tenez toujours à votre suspension,
Mme la députée? Parfait.
Donc, nous allons suspendre nos travaux, pour
des discussions, quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 07)
(Reprise à 17 h 32)
La Présidente (Mme Thériault) :
Nous poursuivons donc les travaux de la commission concernant le projet de loi
n° 96.
M. le ministre, vous aviez déposé un amendement.
Je vous passe la parole pour la suite.
M. Jolin-Barrette : Oui. Avec
votre permission et celle des membres de la commission, Mme la Présidente, je
souhaiterais retirer l'amendement, suite aux discussions que nous avons eues,
pour en déposer un nouveau.
La Présidente (Mme Thériault) :
...consentement pour retirer l'amendement déposé par le ministre?
Des voix : Consentement.
La
Présidente (Mme Thériault) : Consentement. Donc, l'amendement à l'article 6.1... l'article 4, mais 6.1,
est retiré.
M. Jolin-Barrette : Et là
j'insérerais, Mme la Présidente, un nouvel amendement.
Donc : À l'article 4
du projet de loi, remplacer, dans le premier alinéa de l'article 6.1 de la
Charte de la langue française qu'il propose, «prévus aux» par «prévus et
offerts en vertu des».
Donc, ça se lirait ainsi, avec le texte
amendé :
«6.1. Toute personne domiciliée au Québec a
droit aux services prévus et offerts en vertu des articles 88.11 et 88.12 pour
faire l'apprentissage du français.»
Et, dans le cadre des discussions que nous avons
eues, Mme la Présidente, on a convenu de faire le débat que nous avions relativement à la gratuité et
relativement aux délais pour offrir les cours à Francisation Québec. Mes
collègues souhaitent faire un débat là-dessus et également proposer des
amendements, j'imagine, et on va pouvoir le faire à l'article 88.11, parce
qu'à l'article 4 ou 6 du projet de loi, c'est un article qui est général,
donc c'est sur les droits fondamentaux généraux. Donc, les précisions associées
à ça, relativement au mandat de Francisation Québec, c'est préférable de le
faire à 88.11, alors je m'engage à ce qu'on en redébatte et qu'on fasse le
débat à 88.11.
La Présidente (Mme Thériault) :
Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Bien, écoutez, je
suis d'accord avec le ministre et j'entends bien, donc, que nous ferons le
débat à 88.11. Implicitement, ça veut dire qu'on va se rendre à 88.11 et qu'on
va même aller plus loin. Et le ministre a dit certainement et que je n'avais
pas raison d'avoir... de craindre une éventuelle procédure d'exception, ce que
j'accueille avec grand enthousiasme, parce que j'aime beaucoup débattre de ce projet
de loi. Et je pense que c'est absolument vital et essentiel que nous puissions
parler de chaque article, quand on dit article par article, étude détaillée,
sans exagérer dans les détails, mais en étant très fermes sur les précisions et
la qualité du projet de loi. Ça va bien, on avance bien, donc je suis prête à
relever le pari de se rendre non seulement à 88, mais de se rendre à 102.
C'est-tu ça? 102, je pense, articles... 202 articles.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Mme David : 88, c'est le début,
dans le fond.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, parfait.
Mme David : Donc, Mme la
Présidente, j'accueille favorablement...
La Présidente (Mme Thériault) :
L'amendement?
Mme David : ...l'amendement du
ministre.
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. Est-ce que j'ai d'autres commentaires sur l'amendement du ministre?
Pas de commentaire. On est prêts à mettre aux voix? Parfait.
Une voix : ...
La
Présidente (Mme Thériault) : Parfait. Est-ce que l'amendement présenté par le ministre à
l'article 4 est adopté?
Des voix : Adopté.
La Présidente (Mme Thériault) :
Adopté. Parfait.
Donc, est-ce qu'il y a d'autres amendements à
l'article 4? Non.
On est prêts à terminer la discussion sur
l'article 4. Est-ce que j'ai d'autres interventions? Oui, M. le député de Matane-Matapédia.
M. Bérubé : L'article 4,
si j'ai bien lu, parle de «la personne domiciliée au Québec qui reçoit d'un établissement l'enseignement primaire, secondaire
ou collégial offert en anglais a le droit de recevoir de cet
établissement un enseignement du français». Ma question au ministre :
Pourquoi le domaine universitaire n'est pas là?
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien, en
fait, ce sont les trois niveaux qui sont visés. Ce sont des niveaux où est-ce
que la contribution de l'État, elle est
importante, elle est grande, et ça relève du réseau de l'État, donc à la fois
du parcours obligatoire pour le primaire, le secondaire puis le
collégial, qui est financé en grande partie par l'État québécois. Donc,
l'autonomie institutionnelle des universités est distincte.
M. Bérubé : D'accord. Mais, si
je suis cette logique-là, on pourrait parler du parcours de la loi 101
dans le domaine scolaire, puis le collégial devrait s'appliquer aussi, là, si
je suis la même logique, là, du ministre. Alors...
M. Jolin-Barrette : Bien, ça,
c'est un autre débat, mais, nous, ce qu'on dit...
M. Bérubé :
Qui va venir, soyez-en assuré.
M. Jolin-Barrette : J'imagine,
j'imagine.
M. Bérubé : ...n'est-ce pas?
Entre nous.
M. Jolin-Barrette : Bien,
j'imagine que vous aurez l'occasion de faire des amendements pour faire en
sorte de mettre sous forme d'amendement la proposition que vous défendez.
M. Bérubé : D'accord. Donc, Mme la Présidente, l'explication
du ministre, qui explique que le domaine universitaire
n'est pas là, c'est le degré d'autonomie face à l'État. J'ai bien compris?
M. Jolin-Barrette : Bien, il y a le degré de proximité avec l'État,
là, notamment relativement au financement, mais également
relativement à l'autonomie institutionnelle de l'institution. Les universités
ont une grande autonomie institutionnelle.
L'autre point
également, vous aurez noté, à l'article 88.0.13,
qu'«un établissement d'enseignement
universitaire francophone doit veiller à ce que l'enseignement offert en
français ne soit pas donné dans une autre langue». Ça, on va le voir plus tard,
là, dans la langue de l'enseignement, et... c'est ça.
Ça fait que
l'objectif, c'est de faire en sorte que, lorsque vous avez quelqu'un qui est
dans le parcours scolaire, qu'il soit
primaire, secondaire ou collégial, en anglais, bien, il puisse acquérir les
compétences langagières relativement à l'apprentissage du français et
que les cours soient de la qualité pour pouvoir s'exprimer.
Donc, à l'université,
dans le parcours... supposons, là, vous prenez une université anglophone ou une
université francophone, vous n'avez pas nécessairement des cours de langue
seconde non plus, ce n'est pas nécessairement dans le cadre du cursus du
programme, alors qu'exemple, au niveau collégial, au niveau primaire et
secondaire, vous avez des cours, dans le cursus, de langue seconde.
M. Bérubé : Mme la Présidente,
ça tombe bien que le ministre évoque qu'on n'ait pas nécessairement des cours
de langue seconde dans les universités, parce que l'actualité de cette semaine
nous indique qu'à l'Université McGill, par
exemple, des formations qui étaient données pour apprendre le français ont été
abolies au nom, notamment, de l'indépendance de cette université, qui dit :
C'est une révision... c'est une nouvelle vision, et on abolit ces formations. Et les chargés de cours, Mme la
Présidente, pour votre information à vous, sont même sortis publiquement
en disant : On est prêts à descendre
notre salaire pour offrir cette formation essentielle, puis l'Université McGill
a dit : Bien non, on est autonomes,
on est indépendants, donc c'est nous autres qui décide. J'espère que ça a
choqué le ministre autant que nous.
Je note aussi
que le ministre évoque l'indépendance
universitaire. Bien là, c'est
variable, là, cette conception-là dans ce gouvernement, parce que le
gouvernement a décrété de lui-même une commission pour se pencher sur la
liberté de parole et l'indépendance intellectuelle dans les universités, comité
présidé par un ancien collègue à moi, député de Lac-Saint-Jean. Là, ce n'est
pas les universités qui décident, c'est le gouvernement, mais, dans d'autres
cas, il y a une indépendance universitaire. J'avoue que je trouve ça
particulier. Si c'est le cas, si les universités sont totalement indépendantes,
bien, le gouvernement n'aurait pas lancé un exercice sur la liberté académique
dans les universités comme il l'a fait, là, mais je présume qu'il avait
d'autres objectifs en faisant ça.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
• (17 h 40) •
M. Jolin-Barrette : Bien
entendu que la décision de McGill qu'ils ont prise est totalement
répréhensible, et je crois qu'ils auront l'occasion de corriger le tir au cours
des jours à venir.
Cela étant, l'argument que je faisais était à
l'effet que ce n'est pas dans le cadre du cursus. Donc, ce qu'on vise,
notamment, c'est que les gens qui étudient en anglais puissent avoir des cours
de français qui leur permettent d'avoir une autonomie langagière en français.
Donc, c'est la qualité des cours. Et justement, par rapport à ce que nous
disait le député de Sainte-Rose et le député de Jacques-Cartier, ils disaient,
dans le fond : Bien, il faut avoir des outils, notamment, pour permettre
aux membres de la communauté anglophone d'avoir une bonne connaissance de la
langue française, d'avoir l'opportunité de bien apprendre le français, et c'est
le sens de l'alinéa deux de 6.1 de dire : Quand vous passez dans le
réseau anglophone, vous avez le droit d'avoir un bon apprentissage du français.
M. Bérubé : Mme
la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le député.
M. Bérubé : Je ne voudrais
m'arrêter en si bon chemin, parce qu'à chaque fois le ministre ajoute des informations qui stimulent ma réflexion. Le
ministre, qui semble disposer d'informations privilégiées, semble
indiquer que l'Université McGill va pouvoir
corriger la situation au cours des prochains jours. Alors, manifestement, soit
qu'il a un don de clairvoyance, soit qu'il
dispose d'informations privilégiées. Tant mieux si c'est le cas, c'est juste la
normalité.
Ceci étant dit, comme
il l'indique lui-même, à l'effet qu'il n'est jamais trop tard pour corriger une
situation, je l'invite à communiquer avec sa collègue présidente du Conseil du
trésor pour bloquer le don du Royal Victoria à l'Université McGill. Et, s'il
était conséquent, en fait, si son gouvernement était conséquent dans la défense
du français et que les gestes comptent, tout comme moi,
il s'opposerait au don à l'Université McGill du Royal Victoria, qui est un
symbole épouvantable d'abandon linguistique à Montréal. Ce n'est pas la
première fois que j'en parle, je ne suis pas le seul à en parler, ça envoie un
signal négatif quant à la volonté gouvernementale de s'occuper pour vrai du français
et de s'occuper de... pas de l'équilibre linguistique, de la prédominance du français
à Montréal.
Donc, je me permets
au passage d'aborder cet enjeu-là maintenant, ce qui n'était pas prévu. Mais,
comme le ministre parle de McGill qui peut faire amende honorable, j'invite son
gouvernement à en faire autant, parce que, si je me retrouve à nouveau dans un projet
de loi libéral appuyé par la CAQ qui va faire en sorte de céder Royal Vic à McGill,
je vous garantis, Mme la Présidente, que je vais y retourner et que ça va être
la même chose que la dernière fois. Je vais devoir le dénoncer haut et fort parce
que ça n'a aucun sens qu'un gouvernement qui se proclame nationaliste — ce
n'est pas un tiers qui l'a indiqué, là, c'est lui-même — puisse
faire une telle chose lorsqu'on parle, ici, de l'avenir de la langue française.
Alors, le Parti
québécois sera peut-être le seul à dénoncer ça, ce qui est manifestement le
cas, présentement. On va continuer de le faire, Mme la Présidente.
J'en informe le ministre.
La Présidente
(Mme Thériault) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette :
C'est bien noté.
La Présidente
(Mme Thériault) : C'est bien noté.
M. Bérubé :
Merci. On compte sur le ministre.
La Présidente
(Mme Thériault) : Donc, est-ce que j'ai d'autres commentaires
concernant l'article 4?
Sinon, je suis prête à mettre aux voix
l'article 4 tel qu'amendé. Est-ce que l'article 4, tel qu'amendé, est
adopté?
Des voix :
Adopté.
La Présidente
(Mme Thériault) : Adopté. Parfait.
M. le ministre pour
l'article 5. Je tiens, par contre, à préciser qu'à l'article 5 on a
7.1, 8, 9, 10, 11, 12 et 13 et que j'ai déjà
trois amendements qui m'ont été envoyés, deux par le ministre et un par la
députée de Marguerite-Bourgeoys. Donc, on va laisser le ministre nous
présenter l'article dans sa totalité, et par la suite, au 7.1, qui est le
premier paragraphe, ça sera la députée de Marguerite-Bourgeoys qui pourra me
déposer l'amendement qui touche le premier sujet de l'article 5 au 7.1. Ça
vous va?
Donc, M. le ministre,
la parole est à vous pour la présentation de l'article 5.
M. Jolin-Barrette :
Oui. Alors, l'article 5, Mme la Présidente :
Les articles 8 et 9
de cette charte sont remplacés par les suivants :
«7.1. En cas de
divergence entre les versions française et anglaise d'une loi, d'un règlement
ou d'un autre acte visé au paragraphe 1° ou 2° de l'article 7 que les règles
ordinaires d'interprétation ne permettent pas de résoudre convenablement, le
texte français prévaut.
«8. Les règlements et
les autres actes de nature similaire auxquels ne s'applique pas l'article 133
de la Loi constitutionnelle de 1867, tels que les règlements municipaux,
doivent être rédigés, adoptés et publiés exclusivement en français.
«Les organismes et
les établissements reconnus en vertu de l'article 29.1 peuvent rédiger, adopter
et publier ces actes à la fois en français et dans une autre langue; en cas de
divergence, le texte français d'un tel acte prévaut sur celui dans une autre
langue.
«9. Une traduction en
français certifiée doit être jointe à tout acte de procédure rédigé en anglais
émanant d'une personne morale.
«La personne morale
assume les frais de traduction.
«10. Une version
française doit être jointe immédiatement et sans délai à tout jugement rendu
par écrit en anglais par un tribunal judiciaire lorsqu'il met fin à une
instance ou présente un intérêt pour le public.
«Tout autre jugement
rendu en anglais est traduit en français à la demande de toute personne; celui
rendu en français est traduit en anglais à la demande d'une partie.
«Les frais de la traduction effectuée en
application du présent article sont assumés par le ministère ou l'organisme
qui l'effectue ou qui assume les coûts nécessaires à l'exercice des fonctions du
tribunal qui a rendu le jugement.
«11.
L'article 10 s'applique, compte tenu des adaptations nécessaires, à toute
décision rendue dans l'exercice d'une
fonction juridictionnelle par un organisme de l'Administration ou par une
personne nommée par le gouvernement ou par un ministre qui exerce une
telle fonction au sein d'un tel organisme.
«12. Il ne peut être
exigé de la personne devant être nommée à la fonction de juge qu'elle ait la
connaissance ou un niveau de connaissance spécifique d'une langue autre que la
langue officielle sauf si le ministre de la Justice et le ministre de la Langue française estiment que, d'une part, l'exercice
de cette fonction nécessite une telle connaissance et que, d'autre part,
tous les moyens raisonnables ont été pris pour éviter d'imposer une telle
exigence.
«13.
L'article 12 s'applique, compte tenu des adaptations nécessaires, à la
personne qui doit être nommée par l'Assemblée nationale, par le gouvernement ou
par un ministre pour exercer une fonction juridictionnelle au sein d'un
organisme de l'Administration.»
La Présidente
(Mme Thériault) : Merci. Donc, pour le 7.1, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys,
je vais... je vous demande de présenter votre amendement.
Mme David : J'aurais une question
à poser, avant, au ministre.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui.
Mme David : Attendez, il faut
que je trouve le bon papier. Je vous avertis, on tombe dans un... dans du
costaud, là. Alors, il y a eu beaucoup de préparation, mais il ne faut pas se
mélanger dans tout. C'est comme... ce n'est pas un amendement, c'est vraiment
une question. Il semble y avoir une erreur, mais ce n'est peut-être pas une
erreur. La toute première ligne de l'article 5 dit «les articles 8 et 9 de
cette charte sont remplacés par les suivants», et selon notre lecture ou notre
compréhension, mais détrompez-moi si je me trompe, on devrait plutôt lire «les
articles 8 à 13 de cette charte sont remplacés par les suivants», et non «les
articles 8 et 9 de cette charte sont remplacés par les suivants». Est-ce que je
me trompe?
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien, c'est
ça, dans le fond, à la Charte de la langue française, les articles 10, 11,
12, 13 ont été abrogés, donc on ne vient pas les remplacer, dans le fond, on
vient les insérer. Dans le fond, actuellement, là, la Charte de la langue
française, la loi 101 actuelle, là, avant le projet de loi n° 96, 10,
11, 12, 13 n'existent plus. Ils n'existent pas, comme il y a un vide.
Mme David : Oui, c'est ça. Et
donc on ne les nomme pas parce qu'ils n'existent plus, c'est ça?
M. Jolin-Barrette : Exactement.
Mme David : Donc, c'est pour ça
qu'il ne resterait que 8 et 9, puisque les autres sont abrogés.
La Présidente (Mme Thériault) :
C'est ça.
M. Jolin-Barrette : Quand vous dites
«les autres», vous faites référence... «les autres» étant?
Mme David : Bien, vous avez
dit : Ils sont abrogés, là, 10, 11, 12, 13.
M. Jolin-Barrette : Parce
qu'actuellement, là, dans la Charte de la langue française, là, vous avez les articles 1 à 9, puis
ensuite vous passez à 14.
Mme David : Donc, on n'a plus
besoin de référer à ceux qui sont déjà abrogés, puisqu'ils n'existent plus.
M. Jolin-Barrette : Non, parce
qu'ils n'existent pas.
Mme David : Ils ont été...
M. Jolin-Barrette : Dans le
fond, en 1993, M. le député d'Argenteuil, l'ancien ministre de l'Éducation...
La Présidente (Mme Thériault) :
M. Ryan.
M. Jolin-Barrette : ... — Ryan,
c'est ça, désolé, j'oubliais son nom — les a abrogés.
Mme David : O.K. O.K., c'est
correct. Je voulais juste...
Donc, j'ai déposé un amendement, un premier
amendement.
La Présidente (Mme Thériault) :
Je vais vous demander de nous en faire la lecture, Mme la députée.
Mme David : O.K. Il est déjà...
La Présidente (Mme Thériault) :
Il est déjà disponible pour les députés, oui.
Mme David : Tout, tout? Ah!
quelle efficacité!
La Présidente (Mme Thériault) :
...puisque vous nous avez fait parvenir vos amendements.
Mme David : Tout à fait. Merci
beaucoup.
• (17 h 50) •
La Présidente
(Mme Thériault) : Donc, il est déjà disponible.
Mme David : Formidable.
Alors, l'article 5 du projet de loi est
modifié :
1° par le remplacement, dans l'article 7.1
de la Charte de la langue française qu'il introduit, des mots «que les règles
ordinaires d'interprétation ne permettent pas de résoudre convenablement, le
texte français prévaut» par les mots «nécessitant l'usage des règles ordinaires
d'interprétation législative par un tribunal, la version française sera présumée
correspondre le mieux à l'intention du législateur»; et
2° l'ajout — deuxième alinéa — à
la fin de l'article 7.1 de la Charte de la langue française qu'il introduit, de
l'alinéa suivant — ouvrez
les... ouvrez les... pas les parenthèses, les guillemets :
«Cette présomption peut être réfutée par toute
preuve contraire.»
Commentaires : L'article 7 de la Charte de
la langue française, introduit par le projet de loi tel qu'amendé, se lirait
ainsi :
«7.1. En cas de divergence entre les versions française
et anglaise d'une loi, d'un règlement ou d'un acte visé au paragraphe 1° ou 2° de l'article 7 que les règles ordinaires
d'interprétation ne permettent pas de résoudre convenablement, le texte
français prévaut, nécessitant l'usage des règles ordinaires d'interprétation
législative par un tribunal, la version française sera présumée correspondre le
mieux — et
il y a une petite erreur dans "correspondre", il manque un r — le
mieux à l'intention du législateur.
«Cette présomption peut être réfutée par toute
preuve contraire.»
Alors, on tombe dans nos beaux articles, 133,
Blaikie, etc. Comme nous le savons, la Cour suprême, dans Blaikie, affirme que
l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 reconnaît au français et à
l'anglais un statut officiel. Alors, on a des citations de l'Association du
Barreau canadien, évidemment le Barreau du Québec qui est venu nous le dire, et
d'autres constitutionnalistes, entre autres. Donc, les versions anglaise et
française d'une loi du Québec font toutes deux autorité.
Notons que, depuis 1977, la Loi d'interprétation
du Québec prévoit ceci à son deuxième alinéa : «Les lois doivent
s'interpréter, en cas de doute, de manière à ne pas restreindre le statut du
français.» Cet article n'a jamais été invalidé par les tribunaux, notamment en
raison du fait qu'il n'est pas ou très peu utile aux tribunaux. Ça, c'est dit
par le Barreau, c'est dit par d'autres. Ça n'a pas vraiment souvent... l'enjeu
ne s'est pas présenté souvent.
La... Je cherche, excusez, une façon, ici, plus
simple de le dire. Donc, comme indiqué dans le mémoire du Barreau du Québec,
«la prépondérance ainsi donnée à la version française par le projet de loi
pourrait être considérée comme visant à nier
le statut d'égalité des versions française et anglaise d'une loi ou d'un
règlement, ce qui contreviendrait [évidemment]
à l'article 133 de la Loi
constitutionnelle de 1867». Il faut
donc être prudent avec ce type de dispositions.
Donc, dans le cas d'une divergence entre la
version française et anglaise d'une loi, le tribunal utilisera les règles ordinaires d'interprétation législative
établies en droit québécois. Dans cette interprétation, un critère que le
juge devra évaluer est l'intention du
législateur. Il s'agit d'un critère parmi d'autres, comme le contexte
législatif, l'objet de la loi ou le texte, etc. La modification
proposée — donc
celle que nous proposons dans notre amendement — permettrait au
tribunal, dans l'analyse de l'intention du législateur, de présumer — et
j'ai compris, dans mon petit cours de droit 101, que «présumer» puis
«réputer», c'est très différent, donc présumer — que la version
française est celle qui correspond le mieux
à l'intention du législateur. L'utilisation du terme «présumer» fait naître une
présomption légale. Or, cette présomption ne doit pas être absolue.
Toute preuve contraire pourra permettre... et c'est de là le dernier alinéa de
la preuve contraire, toute preuve contraire pourra permettre à une partie
devant les tribunaux de démontrer que le juge doit préférer la version anglaise
de la loi.
Donc, on part de la version française, on
présume, puis là, bien, si on veut contester, on peut contester, mais il faut
démontrer que, non, non, non, la version anglaise serait mieux. Cette preuve
peut être faite à l'aide des travaux parlementaires, des commentaires du
ministre, du contexte de l'adoption de la loi et de toutes les autres façons.
Donc, il est important, selon nous, de laisser
la possibilité à toute personne de réfuter cette présomption légale, le tout afin de respecter
l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867, qui exige l'égalité des
versions française et anglaise de la loi.
Donc, pour dire, bien, de façon peut-être que
moi, je me simplifie dans ma tête, l'arrêt Blaikie était vraiment très important. L'égalité des deux langues, si on
veut, devant la loi, et de dire que la version anglaise et française...
que de dire, avec l'article qu'on est en
train d'étudier, que la version française prévaut, c'est : Attention,
attention, article 133.
Alors, ce que nous, on propose, c'est justement
de dire que l'article 133 pourrait donc être un motif de contestation.
Alors, on dit, bien, de dire que la version française sera présumée
correspondre le mieux à l'intention du
législateur, on présume ça, mais en disant : Cette présomption, étant
donné qu'on est dans une société de droit, peut être réfutée par toute
preuve contraire, mais au moins il y a une présomption que la version française
corresponde le mieux à l'intention du législateur.
Qu'est-ce que le Barreau nous dit? Le Barreau va
nous dire, dans son mémoire : «Nous considérons qu'il est peu probable, en
utilisant les principes d'interprétation généralement admis, qu'une divergence
entre la version française et anglaise [...] ne puisse se résoudre — autrement
dit, on finit à peu près toujours par s'entendre, il y a eu très peu de
cas — et
qu'il n'est donc pas nécessaire de prévoir une telle mesure dans le projet de
loi.»
Donc, selon le Barreau, ça ne devrait même pas
exister, cette mesure-là, de dire que la version française prévaut. Il
dit : «D'ailleurs, la prépondérance donnée à la version française par le
projet de loi pourrait être susceptible de nier le statut d'égalité des
versions française et anglaise d'une loi ou d'un règlement consacré [au fameux]
article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867.»
Alors, qu'est-ce qu'on
fait, ici, Mme la Présidente? Parce que je veux juste peut-être vous dire
aussi, l'Association du Barreau canadien, version Québec, ou branche du Québec,
ou section Québec, qui dit : «...une telle prépondérance — donc,
de la version française — semble
incompatible avec le statut d'égalité des versions française et anglaise des
actes de la législature du Québec prévu — où? — à
l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867.» Puis là il cite la Cour
suprême dans l'arrêt R. versus Quesnelle.
Alors, ils disent : «Nous soulignons [...]
l'incongruité apparente entre l'article 7.1 proposé et l'actuel
paragraphe 7.3° de la charte, qui n'est pas modifié par le projet de loi
et qui prévoit que "les versions française et anglaise des textes visés
aux paragraphes 1° et 2° [de l'article 7] ont la même valeur
juridique".
«D'un point de vue de réforme cohérente du
droit, nous notons que la proposition de faire primer la version française sur
la version anglaise en cas de divergence s'inscrit en porte-à-faux avec les
efforts mis en oeuvre au fil des dernières
années afin d'améliorer la concordance, sur le fond du droit, entre les textes
anglais et les textes français de lois
du Québec. Il est difficile de ne pas être préoccupé par le risque que la
prépondérance qui serait conférée à
la version française pourrait avoir
pour conséquence d'éroder, avec le temps, l'importance des efforts consacrés
par la législature du Québec à
l'adoption de versions française et anglaise des lois et règlements qui soient
les plus concordantes possible», d'où notre proposition, notre humble
proposition, de dire que «la version française sera présumée correspondre le
mieux à l'intention du législateur», mais «cette présomption peut être réfutée
par toute preuve contraire».
Est-ce que c'est couper la poire en deux? Est-ce
que c'est essayer d'aider le ministre à dire qu'on va garder une certaine présomption du côté de la version française,
mais sans aller de façon aussi frontale avec la version française, qui
serait la plus... disons, la principale, comme c'est dit, le texte français
prévaut? On essaie de trouver un juste milieu qui n'affronte pas trop
directement la question de l'article 133 de la Loi constitutionnelle.
Je suis sûre qu'ils ont pensé à tout. Ils ont
des juristes formidables, ils ont des constitutionnalistes, mais, quand même,
le Barreau, l'Association du Barreau canadien, d'autres constitutionnalistes, on
ne les citera pas nécessairement tous maintenant, ont tous la même inquiétude
qu'on s'en va frontalement avec une contestation constitutionnelle à travers
l'article 133.
Alors, voici notre humble contribution à cet
article-là, en proposant quelque chose qui serait un peu mitoyen en disant «la
version française sera présumée correspondre le mieux». Mais le mot «présumée»
veut dire que ça peut être réfuté, donc il peut y avoir un débat où, là, bien...
auquel cas un juge tranchera. Mais on nous dit partout que ce n'est à peu près jamais arrivé, donc on se demande
pourquoi emprunter ce sentier peut-être un peu dangereux, peut-être un
peu risqué par rapport à l'article 133. Pourquoi faire ça, alors que les
choses ont l'air — et
je répète ce qu'on a lu de gens qui ont... qui s'y connaissent,
évidemment — ont
l'air d'aller assez bien dans ce domaine-là? Donc, les gens sont un peu surpris
de cette prépondérance de la version française.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. M. le ministre.
• (18 heures) •
M. Jolin-Barrette : Oui. Alors,
il y a plusieurs choses qui ont été dites, et essayons de débroussailler tout
ça.
Bon, dans un premier temps, il existe
l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867. Et, bon, les différents
arrêts, notamment dans Blaikie, 1979, 1981, les principes sont établis. Donc,
ce que 133 nous dit, c'est que les lois de
la législature du Québec, donc de l'Assemblée nationale et du Parlement fédéral, sont adoptées dans les
deux langues. Donc, le processus, ici, même si on étudie les lois en
français, ultimement, les lois sont sanctionnées en anglais et en français,
donc les lois... les deux ont la valeur légale.
Les principes d'interprétation en droit font en
sorte que les lois sont interprétées les unes par rapport aux autres, la version anglaise, la version française,
donc, dans les différentes interprétations. Le juge, lorsqu'il y a un
conflit qui est porté devant lui... ça vient faire en sorte que le juge regarde
la version et, dans le cas du doute, si ce n'est pas clair, il peut aller se
référer soit à la version anglaise, soit à la version française, tout ça.
Il arrive, par contre, que le juge se retrouve
dans une situation, après les règles d'interprétation ordinaires qui existent,
arrive devant une situation qui, comment on dit... dans une impasse, le juge
n'est pas capable de connaître la véritable
intention du législateur. À partir de ce moment-là, en matière judiciaire,
souvent, ce qui arrive, c'est que le juge va venir réécrire la
disposition, alors que ce n'est pas le rôle du magistrat, de réécrire une
disposition, le rôle d'écrire les lois,
c'est le rôle du législateur. Alors, parfois, il arrive qu'en cas de conflit ou
en cas d'absence, comment je pourrais dire, de résultat, un coup que toutes les règles d'interprétation ont été
faites l'une par rapport à l'autre, l'interprétation téléologique,
l'interprétation large et libérale de l'interprétation des lois et des
règlements, on se retrouve où le juge, lorsqu'il est dans une impasse, bien, il
se retrouve lui-même à dire : Bien, finalement, c'est ça que ça veut dire.
Sauf qu'un coup que tout a été analysé selon les
règles et les pratiques judiciaires, il reste un espace pour dire :
Écoutez, M. le juge, lorsque vous ne réussissez pas par les règles
d'interprétation régulières à trouver le sens que le législateur a voulu
dire... Si jamais c'est le cas, bien, on lui dit : Écoutez, au bout du
processus... donc les deux lois sont égales, donc les deux versions sont
égales, mais, si vous arrivez dans une impasse, vous pourrez, à ce moment-là,
regarder le texte français et regarder l'intention du législateur en français,
mais uniquement lorsque les règles normales
d'interprétation des lois n'amènent pas à un résultat qui permet de conclure,
plutôt que le juge lui-même rédige ou vienne indiquer ou vienne écrire
ce que voulait dire l'intention du législateur.
Donc, on donne un outil supplémentaire
d'interprétation au juge, par le biais de l'article 7.1. Et d'ailleurs ça
réfère à la loi de Robert Bourassa, en 1974. C'était la loi 22? Oui, c'est ça,
la loi 22. Quand Robert Bourrassa a mis en place la loi 22, l'article 2 de
la loi disait : «En cas de divergence que les règles ordinaires
d'interprétation ne permettent pas de résoudre convenablement, le texte français
des lois du Québec prévaut sur le texte anglais.» Donc, en 1974, Robert Bourrassa,
c'est ça qu'il dépose dans le projet de loi 22.
Donc, c'est ça. Ça fait
que tout ça est sous réserve de l'article 133. 133, c'est le plancher, et là, à
partir de ce moment-là, on vient... le juge vient interpréter les textes
ensemble. Mais ultimement, lorsqu'il est en conflit puis il ne réussit pas à
résoudre le tout, on lui dit : Écoutez, vous avez fait tout votre travail
d'interprétation, mais voici... le législateur indique : Voici la dernière
étape que vous devez faire avant de rédiger la disposition, c'est qu'on dit que
le texte français prévaut lorsque les règles d'interprétation ne permettent pas
d'arriver à une solution.
La Présidente (Mme Thériault) :
Mme la députée.
Mme David : Oui. Alors, pourquoi
le Barreau, l'Association du Barreau canadien sont si inquiets et disent :
Il n'y en a pas, de problème, on règle un problème qui n'existe à peu près pas?
Puis le Barreau nous amène sur le mot «convenablement», et je trouve ça fort
intéressant, ils disent : «La prépondérance ainsi donnée à la version française — je
lis le mémoire du Barreau — par
le projet de loi pourrait être considérée comme visant à nier le statut
d'égalité des versions française et anglaise d'une loi ou d'un règlement, ce
qui contreviendrait à l'article 133[...].
«Au surplus,
l'article 7.1 semble trop vague et imprécis puisqu'il indique que le texte
français prévaudra lorsque la divergence ne sera pas résolue "convenablement".» Ça,
j'aime ça, ces choses-là, moi, parce qu'effectivement, ça veut dire quoi, «convenablement», ils n'en sont pas
venus aux coups, ou... Je ne sais pas ce que ça veut dire, d'être
résolue convenablement. Alors, ils disent : «En se référant au test de la
résolution de convenable, ceci risque de créer de nombreux litiges inutiles
basés sur une notion non juridiquement définie.»
Alors, évidemment qu'ils trouvent que ça n'a pas
beaucoup de bon sens et que ça pose beaucoup de difficultés. Et il cite, et là
je m'en souviens parce que ça a été cité par d'autres, le fameux... un auteur,
là, qui date de 1983, qui est mort en 1985, Driedger, je pense.
M. Jolin-Barrette : J. A.
Driedger.
Mme David : J. A. Driedger.
M. Jolin-Barrette : C'est ça,
J. A., ce fameux J. A.
Mme David : Ce n'est pas un nom
qu'on connaît, c'est J. A. Driedger.
M. Jolin-Barrette : ...non.
Mais en fait je ne pense pas que Driedger est... Il est Européen, non, Éric?
Mme David : En tout cas, il
est... on l'a cherché, mais il est malheureusement décédé en 1985. Mais il
semble avoir un livre que les gens aiment beaucoup qui s'appelle Construction
of Statutes, dont la seconde édition a été publiée en 1983. Le
Pr Elmer A. — ce
n'est pas J. A., c'est E. A. — Elmer A. Driedger a proposé une synthèse
de ces principes classiques. Aujourd'hui, il n'y a qu'un seul principe ou
solution, il faut lire les termes d'une loi. Alors,
on imagine le juge avec... il y a deux versions, puis là c'est laquelle des
deux il faut... Donc, il faut lire les termes d'une loi dans leur
contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise
avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi,
l'intention du législateur. C'est là qu'on parle : Qu'est-ce que c'est que
le ministre, il voulait par cette loi? Comment il a vu... Bon. Alors,
c'est ce qui occupe le pain et le beurre des juristes, là, de faire... Bon, ça
devrait être ça. Alors, il ne dit pas seulement le sens ordinaire, grammatical
de ce qui est écrit, mais c'est l'esprit plus général.
À maintes reprises, la Cour suprême du Canada a
affirmé que le principe moderne de Driedger constitue la façon adéquate
d'interpréter les lois, quels que soient leur nature et leur domaine d'application.
Alors, il revient après... ils reviennent à l'article 41 de la Loi
d'interprétation : «Toute disposition d'une loi est réputée avoir pour
objet de reconnaître des droits, d'imposer des obligations ou de favoriser
l'exercice des droits, ou encore de remédier à quelque abus ou de procurer quelque
avantage — bon.
«Une telle loi
reçoit une interprétation large, libérale — j'aime
bien le mot «libérale» — qui assure l'accomplissement de son objet et l'exécution de
ses prescriptions suivant leurs véritables sens, esprit et fin.»
Alors, j'ai comme l'impression qu'on est dans...
comme dit le Barreau : «...il est peu probable qu'en utilisant ces
principes d'interprétation une divergence entre la version française et
anglaise d'une loi ne puisse se résoudre.» Alors... Et ils s'interrogent, eux,
sur la contradiction entre le 7.1 et le 7.3° de l'actuelle Charte de la langue
française, qui n'est pas modifiée qui dit : «Le français est la langue de
la législation et de la justice au Québec, sous réserve de ce qui suit», puis
là, bon, bien, on dit : «...les versions française et anglaise des textes
visés aux paragraphes 1° et 2° ont la même valeur juridique.»
Alors, je trouve que c'est un beau débat de
juristes, là, auquel on est conviés, là, c'est... L'article 7.3°, si ça a
la même valeur, si les gens, normalement, sont capables de s'entendre entre
deux versions en prenant, justement, l'esprit de ce que le Pr Driedger a
dit qu'il faut prendre, l'esprit de la loi, l'objet de la loi, l'intention du
législateur, qu'il faut tenir compte de la
nature du domaine d'application puis que ça soit... comprendre les véritables
prescriptions du sens, de l'esprit et des objectifs, qu'est-ce qu'il reste
comme enjeu, si ce n'est que, je ne sais pas... Pourquoi vous être attardés sur
un problème que les juristes semblent ne pas trouver qu'il existe? Est-ce un
faux problème?
M. Jolin-Barrette : Non, c'est
un vrai problème, et il s'agit d'un geste d'affirmation du pouvoir législatif.
Et ça, c'est fort important parce que, vous l'avez bien dit, avec les principes
de Driedger ou ceux de Philippe-André... P.-A. Côté, P.-A. Côté — j'oublie
son petit nom — sur
le volume l'Interprétation des lois — moi, c'était troisième édition, je crois — vous l'avez bien dit, il y a
les principes d'interprétation généraux. Là, on se retrouve dans une situation
où le texte français et le texte anglais ont la même valeur juridique. Ça,
c'est la base, hein, c'est ce que nous dit la charte, c'est ce que nous dit
133, aussi, de la Loi constitutionnelle de 1867. Ça fait que les
deux textes ont la même valeur juridique. Là, on est dans une situation où
il y a un conflit entre les deux versions, entre la version française et
la version anglaise. Là, à partir de ce moment-là, le juge qui est dans sa
salle de cour ou dans son bureau qui a à interpréter, il va regarder les
deux versions, et là il va avoir toutes les approches de Driedger,
l'interprétation contextuelle, tout ça, pour voir qu'est-ce que le législateur
veut dire, quelle était l'intention du législateur. Alors, vous avez toutes les
couches d'interprétation, tous les principes.
Ce que l'article 7.1 dit, c'est qu'à partir du
moment où le juge est dans un cul-de-sac, est dans une impasse, le législateur
lui dit : Attention, avant vous-même, M. le juge, de réécrire la
disposition et de dire : C'est ça que ça veut dire — parce
que ce n'est pas le rôle du juge de faire les lois, là-dessus, j'espère qu'on
s'entend, c'est le rôle de l'Assemblée nationale, c'est le rôle des élus — on
lui dit : Écoutez, puisque les règles d'interprétation ne vous permettent
pas d'arriver à une solution qui est rationnelle, à une interprétation rationnelle
et raisonnable...
• (18 h 10) •
La Présidente (Mme Thériault) :
Convenable.
M. Jolin-Barrette :
...convenable en fonction des règles, vous regardez le texte français, et cette
version française là saura vous éclairer pour interpréter la loi et rendre
votre jugement. Et ce qu'on fait, c'est qu'on vient occuper un espace pour le
législateur et on vient dire à la magistrature, on vient dire au pouvoir
judiciaire : Écoutez, avant d'exercer un pouvoir de réécriture des lois,
qui ne sont pas conférés au pouvoir judiciaire, mais qui sont plutôt conférés
au législateur, voici les étapes à suivre. Donc, vous avez les principes de
base, mais il y a quand même un espace qui
est vacant que le législateur québécois, en
termes d'interprétation des lois, vient occuper. Donc, les deux lois ont la même valeur légale, les deux lois
doivent être interprétées les unes par rapport aux autres... les deux
versions, pardon, pas les deux lois, les deux versions d'une loi, anglais,
français, et là vous avez l'ensemble des principes juridiques d'interprétation,
et là on dit : Ultimement, ultimement, vous ne pouvez pas interpréter
convenablement le conflit, vous ne pouvez pas résoudre le conflit
convenablement, alors, à ce moment-là, on dit que le texte français prévaut
parce que c'est le texte français... notamment au Québec, c'est la langue
officielle. Donc, c'est le sens.
Et vous disiez... pardon, la députée de Marguerite-Bourgeoys
disait : Est-ce qu'il y a un problème? Ce n'est pas à toutes les semaines
qu'il y a un problème, tu sais, parce que les juristes de l'Assemblée nationale,
les juristes de l'État, les légistes font un excellent travail, mais ça peut
arriver parfois qu'il y a des conflits puis que les deux versions ne disent pas
la même chose.
Alors, dans ces situations particulières là...
et surtout on ne peut pas prévoir le futur non plus, alors c'est un article qui
vient affirmer très clairement et verrouiller, dans le fond, le pouvoir
d'interprétation et qui vient dire : Bien, le facteur de rattachement que
vous devez avoir, il est, ultimement, sur la version française, et la
Constitution nous permet d'avoir cet espace-là.
Alors, je suis d'accord avec vous, dans la
majorité des cas, il n'y a pas d'enjeu parce que le juge va pouvoir interpréter, en fonction des règles
d'interprétation, la version anglaise par rapport à la version anglaise. C'est
dans de très rares cas qu'arrivent certaines problématiques. Mais ce
qu'on dit aux juges, c'est qu'ultimement, plutôt que, vous, d'exercer un pouvoir de rédaction législative qui
appartient aux législateurs, vous devez vous référer à la version française.
La Présidente (Mme Thériault) :
...
Mme David : Pourquoi la version française
serait présumée... mais même pas présumée dans ce cas-ci, là on pourrait dire
«réputée» dans votre cas, «présumée» dans le mien. Moi, je propose un amendement
où on parle de «présumée», mais, dans le fond, vous, je réalise que vous faites
plus référence au concept de «réputée», puisque la version française va
prévaloir dans la loi d'emblée, il n'y a pas de discussion. Nous, on propose
«présumée» pour qu'il puisse y avoir, justement, un débat. Pourquoi prendre
pour acquis, première question, que la version française est mieux faite que la
version anglaise? Première des choses.
Deuxième des
choses, à quel moment le juge va convenir que c'est... que ça ne se résout pas
de façon convenable? J'aimerais que vous me décriviez ce que ça veut
dire, «convenable».
Et puis troisièmement, s'il n'y avait pas eu le projet
de loi n° 96, là, qu'est-ce qui arrivait à ce problème-là? On l'aurait... Est-ce qu'un ministre de la Justice, et non pas un ministre responsable de la Langue française, aurait fait ou
aurait introduit dans un autre projet de loi qui n'a rien à voir avec le
français cette disposition-là, ou c'est parce que c'est un projet de loi sur le
français et que vous avez l'autre base... il y a l'article 133, qui est le
plancher, mais l'autre plancher aussi, c'est la souveraineté parlementaire — on
entend bien ça — puis
c'est dans un projet de loi sur la protection de la langue française? Alors,
est-ce que c'est plus le ministre de la Justice qui veut répondre à un problème
de justice ou si c'est le ministre de la Langue française qui veut mettre du
muscle dans une version qu'il va présumer, lui, être meilleure en français
parce que c'est en français, sans autre forme de possibilité — puisque
c'est «réputée» plutôt que «présumée» — de contestation?
Et troisièmement, le mot «convenable», ça veut
dire quoi? Vous avez dû réfléchir longuement au mot «convenable». Moi, j'aurais de la misère à... Est-ce qu'à un juge
anglophone, «convenable», va être différent d'un juge francophone? Est-ce qu'un juge d'un certain âge,
un juge d'une certaine approche... Alors, ça veut dire quoi
«convenable»?
Alors, je suis consciente que j'ai plusieurs
questions dans ma question, mais c'est un peu tout ça qui... c'est pour ça que j'aime mieux mon amendement : «La
version française sera présumée correspondre le mieux à l'intention du législateur.» Et ça va
revenir souvent dans le projet de loi, le «réputée» puis le «présumée», là,
vous l'avez deux fois... au moins deux fois, mais pas les moindres. Dans
les ordres professionnels, «réputée»...
M. Jolin-Barrette : Mais je
n'appelle pas ça souvent.
Mme David : Bien non, mais
c'est parce que c'est des gros «réputée», mettons.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Mme David : C'est des «réputée»
qui font réfléchir beaucoup et qui ont fait réagir aussi. Alors, je ne pense
pas me tromper, il n'y a pas écrit le mot «réputée», là, mais c'est
l'équivalent, je pense, sémantique du mot «réputée» ou même juridique du mot
«réputée» quand le projet de loi dit carrément que c'est le texte français qui
prévaut, «that's it, that's all».
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui, mais
là il n'y a pas de présomption. Là, c'est différent des autres articles. Bon, à
la base, là, dans le fond Robert Bourassa, en 1974, il vient dire, il vient
édicter... un gouvernement libéral, une bonne chose, qui vient dire : La
langue officielle de l'État québécois, c'est le français. Le projet de loi 22
ou, à l'époque, Bill 22, vient dire : La langue de l'État québécois,
c'est le français. Il vient également dire que la version française prévaut
dans les lois.
Ce que nous faisons, c'est notamment un geste
d'affirmation. Que je porte mon chapeau de Justice ou que je porte mon chapeau
de Langue française, ils peuvent être confondus, les deux. J'aurais la même
position étant l'un ou étant l'autre et n'ayant pas les fonctions cumulatives,
ça serait la même position.
Dans l'interprétation des lois, il peut arriver
qu'il y ait un vide juridique et c'est ce vide juridique là qu'on vient combler
en disant, bien entendu : La version française et la version anglaise ont
la même valeur juridique, c'est prévu dans la Charte de la langue française.
Par contre,
il peut arriver que, les deux versions, il y ait une divergence, entre les
deux. À partir de ce moment-là, si le juge, après avoir passé à travers
les différentes règles d'interprétation, il se retrouve devant rien, il n'est
pas capable de dire : Bien, comment je
réconcilie les deux versions? Règle générale, il va être en mesure de
réconcilier les deux versions. Mais, dans l'éventualité où il ne réussit
pas à réconcilier les deux versions, parce que la loi dit «un chat noir», puis
«the bill says "a white cat"», O.K., là le juge va passer à
travers ça, il va regarder les deux versions, version française, version
anglaise...
Mme David : ...je voulais
savoir si c'était là, dans la loi 22...
M. Jolin-Barrette : Oui. Bon,
dans la loi 22...
Mme David :
Ça a été abrogé. Puisque vous sentez le besoin de revenir, il va falloir que
j'aille revoir la loi 22 de
l'époque pour voir comment c'était.
M. Jolin-Barrette :
L'article 2 disait : «En cas de divergence que les règles ordinaires
d'interprétation ne permettent pas de résoudre convenablement, le texte français
des lois du Québec prévaut sur le texte anglais.»
Mme David : Ça, c'est la loi
22?
M. Jolin-Barrette : Ça, c'est
la loi 22, 1974.
Mme David : Puis ça a disparu?
M. Jolin-Barrette : Bien, ça a
disparu parce qu'en 1977 Camille Laurin, avec le Parti québécois, ce qu'ils ont
fait... et c'est les articles qui sont disparus, notamment...
Mme David : Ce n'était que la
langue française?
• (18 h 20) •
M. Jolin-Barrette : ...c'est
que la langue de la justice et la langue des tribunaux, c'était exclusivement
la langue française. Et vous vous souviendrez, là, il y a Blaikie qui arrive en
1979...
Mme David : Oui, qui dit non.
M. Jolin-Barrette :
...Blaikie 1, Blaikie 2, puis là ils ont dit : Bien, écoutez,
non, c'est 133 qui arrive, tout ça. Mais ça fait en sorte que la disposition de
1974 n'a jamais été invalidée par Blaikie, elle n'a pas été invalidée, et donc
la valeur de l'article 2 de la loi 22 est valable et peut être
insérée, parce qu'on vient affirmer la compétence du législateur pour
dire : Attention, M. le juge, avant d'aller vous-même rédiger, alors que
ce n'est pas votre rôle en tant que juge de rédiger les
lois... On se souvient de la séparation des pouvoirs, l'exécutif, le
législatif, le judiciaire. Eux, leur rôle, c'est l'interprétation. Alors, on
vient guider le juge à partir du moment où les règles d'interprétation entre
deux textes qui ne disent pas la même chose, qui ne réussissent pas à résoudre
convenablement... Sur le terme «convenablement», ça vise... en sorte de
trouver... d'avoir... d'interpréter le texte d'une façon qui est raisonnable et
qui est conforme à l'intention du
législateur, donc donner un sens. Que veut dire le sens? Est-ce que c'est
convenable? Est-ce que c'est ça qui était recherché par l'intention du
législateur? Dans l'interprétation que j'en fais, est-ce que c'est quelque
chose... Quand j'interprète la loi par rapport à la version anglaise et par
rapport à la version française, est-ce que c'est une approche qui est logique
dans l'interprétation que je vais donner à la disposition législative? Parce
que j'ai une version anglaise qui dit quelque chose puis j'ai une version
française qui dit quelque chose.
La Présidente (Mme Thériault) :
...je veux juste apporter une petite précision, Mme la députée, c'est que, quand je vous ai mentionné le temps qui vous
restait, la longueur de la réponse du ministre ne touche pas votre
temps.
Mme David : Donc, je peux le
laisser parler plus longtemps.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, parce que je vois que vous voulez l'interrompre.
Mme David : Mais c'est parce
que j'avais peur que mon trois minutes soit fini.
La Présidente (Mme Thériault) :
Non, vous avez droit à 20 minutes puis le ministre a droit à
20 minutes. Et, à chaque fois qu'il fait une intervention, on peut
rajouter un cinq minutes. Donc, je vous invite à écouter sa réponse et à ne pas
le presser, puis, à ce moment-là, vous pourrez reprendre votre temps là où vous
serez rendue, sans aucun problème.
Mme David : Impeccable.
La Présidente (Mme Thériault) :
La longueur de la réponse du ministre ne touche pas du tout au temps que vous
avez dans votre droit de parole.
Mme David : Me voilà rassurée.
La Présidente (Mme Thériault) :
D'accord. Allez-y, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Alors, les
juges, eux, ont plusieurs règles d'interprétation : la règle de l'unité du
texte, la règle de l'harmonisation avec les lois connexes, la règle de la
primauté du texte spécial, la règle de la primauté du texte postérieur, la
règle ejusdem generis, donc la règle relative aux choses du même genre, les
règles relatives à l'historique de la législation, l'approche téléologique,
l'interprétation libérale, la méthode grammaticale et les arguments de textes, la méthode systématique et
logique ou les arguments de cohérence, dont la méthode téléologique, je vous l'ai dit, ou les arguments de finalité, puis
l'approche historique. Alors, l'interprétation des lois, en soi, c'est
quasiment une science. Tu sais, il y a plusieurs juristes qui l'ont fait puis
on apprend notamment à... puis la Cour suprême enseigne, par rapport à ça,
comment est-ce qu'on doit interpréter un texte puis quelle est l'intention du
législateur.
Alors, dans la majorité des cas, le juge va
réussir à résoudre le conflit. Mais, s'il ne réussit pas à le résoudre, le
conflit d'interprétation de texte entre la version anglaise et la version française,
il reste un espace. Avant que le juge lui-même se mette à rédiger ce qu'a voulu
dire le législateur, on lui dit : Référez-vous au texte français.
Mme David : Mais, si c'est si
simple que ça, pourquoi les deux plus grandes associations de juristes vous
disent que ce n'est pas une bonne idée? Le Barreau, c'est quand même... vous
êtes membre du Barreau, tout le monde ici est membre... il y a plein de membres
du Barreau, et je sais bien que des juristes... il y a un arrêt de la Cour suprême, c'est cinq contre quatre, donc il faut...
ils n'ont pas la même perspective, souvent, bon, alors tu as deux
juristes, tu as deux lectures complètement différentes. Mais, quand même, on
dit souvent : Il faut se fier... ou il faut écouter quand les gens nous parlent en consultations
particulières, et là il n'y a personne qui n'est venu dire que c'était donc
une bonne idée, puis que c'était formidable, et puis que Bourassa le défende en
1974, etc., ils disent : Ce n'est pas une bonne idée, c'est trop vague, c'est imprécis, il va y avoir des litiges,
ça va être déclaré inconstitutionnel, etc. Je me dis : Est-ce que
c'est parce qu'ils voient des choses que vous ne voyez pas ou ils s'inquiètent
beaucoup de la question de l'article 133? Pourquoi... Si vous les aviez
devant vous, vous leur diriez qu'ils se trompent, tout le monde?
La Présidente (Mme Thériault) : M.
le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien, vous
savez, lorsqu'on veut défendre le français, il y a des gestes qui doivent être posés. Ça fait que ça, c'est le premier volet de
ma réponse. Mais le deuxième volet, sur... Je vais revenir au premier
volet.
Deuxième volet, en tant que législateur, aussi,
on a un rôle à jouer également pour exercer le pouvoir de législateur jusqu'à
la finalité et occuper l'espace, notamment pour maintenant, mais également pour
le futur. Donc, les règles d'interprétation sont là, mais on ne peut pas
prévoir les situations, également, futures. Donc, on va venir dire aux
juges : Écoutez, un coup, là, que vous avez regardé les différentes interprétations,
les règles d'interprétation qui vous commandent, à ce
moment-là... et que vous ne réussissez pas à résoudre le conflit, vous avez la
possibilité de regarder le texte français.
Et surtout, à la fois dans le mémoire du Barreau
canadien et du Barreau du Québec, il y a un peu de confusion relativement à 133
de la Loi constitutionnelle, que l'on respecte et qu'on va continuer à respecter,
et l'espace qui est disponible sur le plan législatif au niveau des règles
d'interprétation qui nous permet de venir ajouter ça. Parce qu'à l'époque,
lorsque M. Ryan est venu modifier la charte, bien, ils sont revenus à
Blaikie, mais ils n'ont pas référé au premier mandat de Bourassa... bien, au
deuxième mandat de Bourassa en 1974 relativement à ça. Il aurait pu le faire,
mais il faut comprendre que le Bill 22 a été remplacé par la loi 101
aussi.
Mme David :
Oui, oui, mais, si c'est... En tout cas, ça m'inquiète un petit peu. Est-ce que
des fois vous ne vous dites pas, dans
le fin fond de votre tête : Bien, je vais faire comme Camille Laurin puis
je dirai, dans 20 ans : Je le savais, que ça serait contesté constitutionnellement puis que je perdrais, mais
ça valait la peine de l'essayer pareil? C'est ça que Camille Laurin
s'est dit, entre autres devant Blaikie. C'est ça qui est arrivé exactement, là,
sur la langue de la justice.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Non. Moi,
je sais que c'est...
Mme David : C'est votre
consultant qui doit vous dire ce que vous avez dans votre tête des fois quand
vous vous couchez le soir... Vous êtes vraiment très complices, là.
Une voix : ...
Mme David : Parce que ma
question, c'était : Quand vous vous couchez le soir, là, vous n'avez pas
des fois cette impression que c'est un peu comme Camille Laurin qui
disait : Je le savais, que... c'était évident... mais, de toute façon, ça
serait un pays indépendant en 1980, référendum, etc., alors tout ça ne serait
plus important?
M. Jolin-Barrette : Bien,
Dr Poirier ne m'a jamais bordé encore avant de me coucher, mais ça fait peut-être
partie des tâches connexes.
Non, pour moi, la disposition que nous insérons,
elle est constitutionnelle et j'en suis convaincu, parce qu'on respecte en tous
points l'article 133. Puis l'article 7 demeure, également, dans la Charte
de la langue française, donc la valeur égale entre les textes anglais et les
textes français, donc, qui sont adoptés par l'Assemblée nationale.
Mais il ne faut pas oublier, également, que la
langue de la justice puis la langue de la législation, c'est le français. On
vient affirmer ça également dans le projet de loi. On vient affirmer... Par
contre, tout ça est sous réserve de l'article 133 de la Loi
constitutionnelle de 1867, ça fait que vous avez le 133 qui vient garantir
le tout.
Par contre, à partir du moment où vous avez un
conflit entre deux versions, la Cour suprême nous dit : Bien, vous
devez interpréter les textes les uns par rapport aux autres, puis il y a les
méthodes d'analyse téléologique, puis il y a
les analyses d'interprétation. Mais ça arrive, dans certains cas, que le juge
n'a pas le choix de réécrire la disposition pour dire : Les règles
d'interprétation ne me permettent pas d'arriver à une solution qui est
convenable au niveau de l'intelligibilité du texte, au niveau de
l'interprétation du texte.
Alors là, c'est là que l'article 7.1 arrive
et qui dit : Bien, écoutez, lorsque vous avez passé à travers tout ce
cheminement-là, hein, le texte français, le texte anglais sont égaux, mais ils
ne disent pas la même affaire, les règles d'interprétation... après ça, quand
on est rendu à la fin du gâteau, là on dit au juge : Avant d'aller rédiger
la disposition, avant de réécrire la disposition, vous allez regarder le texte
français puis vous allez baser votre décision sur le texte français, donc...
Mme David : Donc, vous êtes
très confiant que ça n'entrave pas l'article 133 de la Loi constitutionnelle,
et que ça ne sera pas soumis à des contestations judiciaires.
M. Jolin-Barrette : Votre
question, c'est : Est-ce que ça va être soumis à des contestations
judiciaires?
Mme David : Vous êtes très
confiant, un, que c'est compatible avec l'article 133 et que, deux, ça ne
sera pas soumis à des contestations judiciaires.
M. Jolin-Barrette : Bien,
première question que vous me posez, oui, je suis convaincu que c'est
constitutionnel, et que nous avons la marge de manoeuvre, comme législateurs,
de faire ce geste.
Deuxième question : Est-ce que les
dispositions du projet de loi n° 96 ou de la loi 101 seront
contestées? Il appartient à toute personne de pouvoir contester une loi de l'Assemblée
nationale, parfois on a même des juges qui contestent les lois de l'Assemblée
nationale.
• (18 h 30) •
Mme David : Mais je n'en
demandais... je ne demandais même pas d'être convaincue. Je vous
demandais : Êtes-vous confiant? Alors, vous me répondez que vous êtes même
convaincu, donc vous êtes assez sûr de votre coup en cette matière-là, que vous
respectez l'article 133 et que vous apportez une précision qui aurait
probablement dû être apportée...
M. Jolin-Barrette :
À l'époque.
Mme David : ...bien avant, dans
les différentes modifications.
M. Jolin-Barrette : Et même,
d'ailleurs, si Robert Bourassa l'a dit en 1974 avec la loi 22, je trouve que ça
émane également de sa vision et de son héritage. Le fait de dire que, si Robert
Bourassa, lui, il considérait qu'au-delà des
règles d'interprétation c'est la version française qui prévaut, bien, je pense que
c'est une bonne source d'inspiration.
Mme David : Et pourquoi la loi
101 n'a pas retenu ça?
M. Jolin-Barrette : Bien,
écoutez, ça, je ne peux pas vous dire, je n'étais pas là.
Mme David : Bien, vous aimez
l'histoire. Moi, ça m'étonne un petit peu.
M. Jolin-Barrette : Mais on
aurait dû poser la question à M. Rocher.
Mme David : Ah! bien... Merci,
Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. M. le député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Merci, Mme la
Présidente. Je ne suis pas juriste, mais j'imagine que, quand on parle d'une
certaine confiance qu'on ne risque pas d'atteindre le 133, c'est difficile
d'invoquer, comme le ministre a fait, le fait que les deux décisions et deux
arrêts de Blaikie ne se prononçaient pas sur les dispositions dans la loi 22,
qui... ces dispositions n'existaient plus.
Alors, d'ajouter comme prétexte que Blaikie n'invalidait pas cette disposition
de 22 et... ne pouvait pas invalider des sections qui n'avaient plus
d'effet.
Je veux juste m'assurer que le ministre est
convaincu qu'aucunement la disposition proposée ne risque d'atteindre le
concept qui est au fond de l'article 133, de l'égalité. Parce que, en
quelque part, est-ce qu'il ne constaterait pas qu'il est en train de, en
quelque part, réduire le seuil pour assurer que chaque juge aurait examiné de
façon exhaustive les deux versions? Actuellement, il n'y a pas de tel mécanisme
de prescrit pour faciliter à ce que les juges
tranchent quand il y a une difficulté. Alors, actuellement, j'imagine que les
juges, en bonne et due forme, compte tenu de tout ce qui est... toute la
jurisprudence qui touche 133, trouvent une façon de faire.
Alors, en quelque part... Deux questions
préliminaires. Dans un premier temps, comment est-ce qu'on s'assure qu'un juge, dans un tel cas, aurait assuré un examen exhaustif et clair des
deux versions? Comment on assure ça pour
établir que les divergences dans les deux versions auraient été examinées, la
jurisprudence derrière ces deux versions, d'autres interprétations qui précédaient son jugement auraient été
réglées sans ce mécanisme, dans un premier temps?
Et, je veux comprendre, quand le ministre suggère
que, dans ces cas-là, le juge, actuellement, est obligé de réinventer, de
réécrire des dispositions, est-ce que c'est ça qui se passe, ou, actuellement,
ils retournent, ils font une deuxième vérification, ils font tout ce qu'ils
peuvent faire pour trouver une façon légitime, dans l'intérêt du processus,
dans l'intérêt des intervenants qui sont touchés par tout ça, ils ou elles
trouvent la solution, actuellement?
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Mais, dans le
fond, la question du député de D'Arcy-McGee, elle est bonne, parce qu'actuellement
le processus qui se passe, là, quand les deux versions du texte ne disent pas
la même chose, version anglaise dit blanc, version français dit noir, à ce
moment-là, le juge, il s'assoit, puis il regarde les deux versions, puis il
utilise les règles d'interprétation, qui sont de la doctrine, de la
jurisprudence également pour voir quel est le sens, quelle est l'intention du
législateur par rapport à ça.
Mais, lorsqu'il se retrouve dans une situation
où ce n'est pas logique, l'interprétation... Puis parfois il doit venir
lui-même dire : Bien, le législateur a voulu dire ça, puis le texte aurait
dû être écrit comme ça. Donc, ça arrive, ça, dans le fond, que la disposition...
Le juge, c'est l'équivalent qui agissait à titre de législateur, puis il fait
en sorte de réinterpréter la disposition, de la réécrire. Ça arrive dans
certains cas. Ce n'est pas fréquent, mais ça arrive. Alors, à ce moment-là,
c'est à ce moment-là qu'on dit : Attention, avant de faire ça, avant
d'agir comme un législateur pour dire : Voici la disposition telle qu'elle
devrait se lire, c'est la version française que la personne devra regarder.
Sur la question de Blaikie, dans le fond, la Charte
de la langue française attaquait... dans la première version, la première
mouture de M. Laurin, attaquait l'article 133, dans le fond, concrètement,
contrevenait à 133, puis c'est ce que Blaikie est venu nous dire, dans le fond,
que, bon, 133 est là, puis vous ne pouvez pas faire... C'est pour ça que les
articles ont sauté.
Par contre, sur la question de l'interprétation,
la commission Gendron disait que c'était possible de le faire. Puis, parmi les
juristes, il y a Louis Bloomfield, Jean-Charles Bonenfant, de l'Université
Laval, Pierre Patenaude, de l'Université de Sherbrooke, Henri Brun, de
l'Université Laval, Jean-K. Samson, de l'Université Laval également, qui
avaient cette approche-là qui disait qu'on pouvait faire en sorte de venir
spécifier, un coup que les règles d'interprétation sont passées puis qu'on se
retrouve dans ce cul-de-sac-là, dans cette impasse-là, de dire : Bon,
bien, la prochaine étape, le législateur
a la possibilité de dire : Regardez la version française,
mais c'est en bout de course, ultimement.
Mais
je suis d'accord avec vous que la majorité, très, très, très grande majorité, avec les règles d'interprétation, le juge
va réussir à interpréter l'intention du législateur en faisant la concordance
entre les deux textes puis en analysant les débats, tout ça.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le député.
M. Birnbaum : Il
semble qu'on veut que le seuil soit
difficile à atteindre. On parle de respecter
l'administration de la justice à l'honneur et aux besoins des intervenants, des
gens touchés et l'administration de la justice.
M. Jolin-Barrette : Mais le
seuil, il est élevé, là. Ce n'est pas... Le juge, il ne regarde pas les deux
versions puis il dit : Oui, tout ça, finalement, je vais aller voir la
version française. Ce n'est pas ça, là. Les deux versions de la loi ont la même
valeur en vertu de 133. Puis là on pourrait parler de 133, mais on n'est pas
dans une modification constitutionnelle de 133. Puis il faut le dire aussi, là,
le secrétariat aux relations canadiennes a produit une très bonne codification administrative,
Loi constitutionnelle de 1867 et du Canada Act de 1982, et ce qui est fort
intéressant... Tu sais, on parle de la Constitution, on parle de 133, mais la
Loi constitutionnelle de 1867, elle n'est pas traduite, la Loi
constitutionnelle de 1982 non plus. Donc, on est dans un pays où la Loi
constitutionnelle de 1867, l'acte fondateur, n'est pas dans la langue
officielle du Québec. Vous comprenez qu'il y a quand même un malaise, encore
après... 152, 153, 154 ans? On est rendus... Le Canada, ça fait combien de
temps?
Une voix : ...
M. Jolin-Barrette : 155? Oui,
ça va faire 155, 155. Après 155 ans, les Québécois n'ont pas une
constitution dans leur langue officielle, quand même, tu sais, quand même,
donc, puis le français puis l'anglais sont les langues officielles du Canada.
Bon, pour la particularité québécoise, la langue
officielle du Québec, c'est le français. Il y a eu de nombreux débats, il y a eu Blaikie, puis on ne revient pas
puis on ne touche pas à 133. Puis on aura l'occasion de le dire
également, lorsqu'on va faire la modification constitutionnelle, plus loin, à
l'article 158, 159, il me semble, du projet de loi, bien entendu, c'est en
fonction de 133.
Cela étant, pour l'interprétation des lois, on
réitère que les lois ont la même valeur juridique, mais le juge, il ne passe
pas tout de suite pour dire : Bien, la primauté va à la version française.
Il doit faire tout le processus, avec les règles d'interprétation, au niveau de
l'interprétation qui s'avère convenable.
M. Birnbaum : On est dans le
champ de 133, on va s'entendre, là. On va... Je comprends que le ministre
insiste qu'il n'est pas en train de confectionner un amendement
constitutionnel, mais on est dedans le sujet.
Je veux reprendre l'exemple du ministre de son
chat noir, «white cat». C'est un... Ça serait tout un problème, j'en conviens.
Si on veut parler de l'égalité des deux versions, «white cat», chat noir,
ce n'est pas pareil. Bien, j'imagine qu'il y aurait des conséquences que...
d'une décision d'un juge de trancher. Et là où on lui offre une voie, dans
cette voie-là, c'est le chat noir qui va survivre, «and the white cat, I
suppose, is finished». Ce n'est pas une petite chose. Et, je ne sais pas, il y
aurait des circonstances réelles attachées à ces deux exemples, là. Et, si je
suis le «white cat, I'm a little worried». Et là on offre au juge... Et je
comprends que le processus pour s'y rendre est réel et circoncis... et décrit,
mais on offre une échappatoire qui est... qui ne protège pas, de mon sens, dans
mon exemple que le ministre, lui-même, a donné, l'égalité des deux versions.
Oui, il y a un problème à régler ça, mais est-ce que la solution est de mise et
dans les intérêts de l'administration de la justice?
• (18 h 40) •
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Mais la
question qui se pose, là, puis j'aimerais avoir cette conversation-là avec le
député de D'Arcy-McGee, en tant que législateur, là, préférez-vous laisser,
dans le fond... parce que la loi a été étudiée
par le législateur, préférez-vous, lorsqu'il arrive une situation comme
celle-ci, conférer le pouvoir de légiférer au pouvoir judiciaire ou plutôt indiquer au pouvoir judiciaire : Vous
devez vous référer, on vous donne un outil supplémentaire pour arriver
avec l'interprétation...
M. Birnbaum : Mme la Présidente,
j'insiste, et ce n'est pas mon avocat, alors je suis un terrain dangereux, mais
qu'on n'est aucunement, mais aucunement, dans le débat sur la suprêmeté
parlementaire et l'administration de la justice. Mon «white cat» n'est pas
situé là-dedans du tout.
M. Jolin-Barrette : Mais oui,
mais oui.
M. Birnbaum : On parle d'offrir
au juge la possibilité de se prévaloir à la version française. Ce n'est pas la
suprêmeté. La loi aurait été adoptée avec la suprêmeté du Parlement dans les
deux langues. C'est ça, 133. Alors, comment impose-t-il, dans ce débat-là, ce
principe de suprêmeté? Je ne comprends pas.
M. Jolin-Barrette : Oui, parce
que, M. le Président... Mme la Présidente, dans le fond, là,
actuellement, puis avec le projet de loi aussi, ça demeure, les deux lois, les
deux versions de la loi ont la même valeur légale. Ça, c'est 133.
Le juge est confronté à une difficulté d'interprétation. Les versions sont
contradictoires, anglais, français. Le juge fait ce qu'il fait actuellement, ça
demeure ainsi, interprète à la lumière des règles d'interprétation, fait son
interprétation à la lumière des règles d'interprétation. Le juge arrive à... il
n'est pas capable de réconcilier les versions française et anglaise, il est
dans un «dead end». Actuellement, ce qui se passe, c'est que le juge va
réécrire la disposition. Donc, c'est le pouvoir judiciaire qui réécrit la
disposition. Parce que le juge, lui, il est saisi d'un litige, là, un litige d'interprétation, et il doit se
commettre. Alors là, ça revient à la souveraineté parlementaire et de dire...
et là, nous, c'est l'approche que nous prenons, on dit : Bien,
écoutez, quand vous êtes rendu là, M. le juge, on vous indique qu'un coup que
vous n'avez pas pu statué, c'est le texte français qui prévaut pour pouvoir
arriver à la résolution du conflit d'interprétation.
Mais, attention, ce n'est pas le début, ce n'est
pas le début de votre processus, là. Ce n'est pas : Version française,
version anglaise ne disent pas la même affaire, prenez la version française. Ce
n'est pas ça qu'on dit, parce qu'on respecte 133. Les deux lois ont la même
valeur légale, les règles d'interprétation ordinaires s'appliquent. Il ne
résout pas. Plutôt que, lui, de réécrire, le législateur lui dit : Regarde
la version française pour résoudre le conflit. Mais c'est des cas d'exception.
M. Birnbaum : Deux choses.
La Présidente (Mme Thériault) :
...puis vous avez utilisé l'expression «dead end», que le français prévaut, ça
sera l'impasse, c'est ça?
M. Jolin-Barrette : C'est ça.
La Présidente (Mme Thériault) :
D'accord. Et, sur votre...
M. Jolin-Barrette : C'était
pour imager, Mme la Présidente, mes propos.
La
Présidente (Mme Thériault) : Oui, absolument. Puisque vous êtes
le ministre de la Langue française et que les gens suivent nos propos, je trouvais que c'était peut-être à propos.
Et, très brièvement, il reste à peine 30 secondes...
M. Birnbaum : ...Mme la
Présidente, je trouve qu'on est sur un terrain dangereux. Est-ce qu'on est en
train de dire — en quelque part, ça a l'air de faire une
telle allusion — que
l'Assemblée nationale du Québec, dans sa suprêmeté, va, en quelque part,
se pencher sur une version française d'une loi qu'elle aurait adoptée? Alors,
c'est là où j'ai de la difficulté à imposer ce concept de suprêmeté.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et votre question demeurera sans réponse, en suspens jusqu'à la prochaine
séance, puisque, compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux sine
die. Merci pour votre collaboration. Bonne soirée.
(Fin de la séance à 18 h 45)