Journal des débats (Hansard) of the Committee on Culture and Education
Version préliminaire
42nd Legislature, 2nd Session
(October 19, 2021 au August 28, 2022)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions
Wednesday, November 24, 2021
-
Vol. 46 N° 2
Clause-by-clause consideration of Bill 96, An Act respecting French, the official and common language of Québec
Aller directement au contenu du Journal des débats
Intervenants par tranches d'heure
-
-
Thériault, Lise
-
Jolin-Barrette, Simon
-
-
Thériault, Lise
-
Jolin-Barrette, Simon
-
David, Hélène
-
Ghazal, Ruba
-
Bérubé, Pascal
-
-
Jolin-Barrette, Simon
-
Ghazal, Ruba
-
Thériault, Lise
-
David, Hélène
-
-
David, Hélène
-
Jolin-Barrette, Simon
-
Thériault, Lise
-
Ghazal, Ruba
-
-
Thériault, Lise
-
Ghazal, Ruba
-
Jolin-Barrette, Simon
-
Birnbaum, David
-
-
Birnbaum, David
-
Thériault, Lise
-
Jolin-Barrette, Simon
-
David, Hélène
-
Barrette, Gaétan
-
-
Jolin-Barrette, Simon
-
David, Hélène
-
Thériault, Lise
-
Barrette, Gaétan
-
-
Barrette, Gaétan
-
Jolin-Barrette, Simon
-
Thériault, Lise
-
David, Hélène
-
-
Jolin-Barrette, Simon
-
David, Hélène
-
Thériault, Lise
-
Birnbaum, David
-
Barrette, Gaétan
-
-
Thériault, Lise
-
Jolin-Barrette, Simon
-
David, Hélène
-
Bérubé, Pascal
-
-
Jolin-Barrette, Simon
-
Thériault, Lise
-
David, Hélène
-
-
David, Hélène
-
Jolin-Barrette, Simon
-
Thériault, Lise
-
Birnbaum, David
11 h (version révisée)
(Onze heures vingt-deux minutes)
La Présidente (Mme Thériault) :
Votre attention, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la
séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte.
La commission est réunie afin de
poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 96, Loi sur
la langue officielle et commune du Québec, le français.
Mme la secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire
: Oui, Mme
la Présidente. M. Chassin (Saint-Jérôme) sera remplacé par M. Lévesque
(Chapleau); M. Émond (Richelieu), par M. Provençal (Beauce-Nord); M. Skeete
(Sainte-Rose), par M. Thouin (Rousseau); Mme St-Pierre (Acadie), par M. Birnbaum
(D'Arcy-McGee); Mme Dorion (Taschereau), par Mme Ghazal (Mercier); et
Mme Hivon (Joliette), par M. Bérubé (Matane-Matapédia).
Étude détaillée (suite)
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. Merci.
Donc, hier, lors de l'ajournement de nos
travaux, les discussions portaient sur le fait qu'on venait d'adopter le
dernier amendement qui avait été proposé par le député de Matane-Matapédia. Et
donc nous devons revenir à l'article n° 1, dans nos
discussions générales, dans son ensemble. Donc, est-ce que j'ai quelqu'un qui
veut faire une intervention sur l'article n° 1?
Si je n'ai aucun intervenant, nous allons
passer... nous allons mettre aux voix l'article 1 tel qu'amendé. Est-ce
que l'article 1, tel qu'amendé, est adopté?
Des voix
: Adopté.
La Présidente (Mme Thériault) :
Adopté.
M. le ministre, à l'article 2. Et
vous nous aviez signifié, hier, que vous aviez un amendement également.
M. Jolin-Barrette :
Effectivement, on va avoir un amendement à écrire. Je vais vous lire
l'article 2 dans un premier temps.
Donc, l'article 1 de cette charte est
modifié :
1° par l'ajout, à la fin, de la phrase
suivante : «Seule cette langue a ce statut.»;
2° par l'ajout, à la fin, de l'alinéa
suivant :
«Le français est aussi la langue commune
de la nation québécoise et constitue l'un des fondements de son identité et de
sa culture distincte.»
Commentaire : L'article 2 du
projet de loi apporte deux modifications à l'article 1 de la Charte de la
langue française.
La première modification vise à confirmer
qu'il n'y a qu'une seule langue <officielle...
M. Jolin-Barrette :
…2
° par l'ajout, à la fin, de l'alinéa suivant :
«Le français est aussi la langue
commune de la nation québécoise et constitue l'un des fondements de son
identité et de sa culture distincte.»
Commentaire : L'article 2 du
projet de loi apporte deux modifications à l'article 1 de la Charte de la
langue française.
La première modification vise à
confirmer qu'il n'y a qu'une seule langue >officielle au Québec :
le français.
La seconde modification vise, d'une part,
à consacrer le statut du français comme langue commune de la nation québécoise
et, d'autre part, à reconnaître que le français constitue un fondement de
l'identité et de la culture de cette nation.
Donc, avec le texte proposé, ça se lirait
ainsi :
«1. Le français est la langue officielle
du Québec. Seule cette langue a ce statut.
«Le français est aussi la langue commune
de la nation québécoise et constitue l'un des fondements de son identité et de
sa culture distincte.»
Donc, l'amendement que je vais proposer,
Mme la Présidente, vise à faire en sorte de donner suite à la proposition du
député de Matane-Matapédia pour également indiquer que seule… que le français
est aussi la seule langue commune. Donc, on va l'envoyer et...
La Présidente (Mme Thériault) :
On ne l'a pas reçu encore.
M. Jolin-Barrette : Ça
ne sera pas bien long, il va être envoyé.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, on va suspendre quelques instants, le temps que le document soit acheminé
à la secrétaire de la commission et aux parlementaires. Merci.
(Suspension de la séance à 11 h 25)
11 h 30 (version révisée)
(Reprise à 11 h 40)
La Présidente (Mme Thériault) :
Nous reprenons donc les travaux.
Donc, M. le ministre, l'amendement nous
est parvenu. Les collègues l'ont également sur Greffier.
M. Jolin-Barrette :
Alors, juste avant, Mme la Présidente, on vient de fermer l'article 1,
mais, comme je m'y étais engagé hors micro avec mes collègues, si jamais, au
fil du projet de loi, il y aurait des modifications à apporter dans le
préambule, on pourra revenir à l'article 1 puis réajuster le préambule si
jamais nécessité de le faire. Donc, je voulais le dire dans le micro, que je
suis ouvert à revenir à l'article 1, même si on l'a voté puis qu'on l'a
approuvé.
Alors, l'amendement, Mme la Présidente, à
l'article 2 se lit ainsi :
À l'article 2 du projet de loi,
insérer, dans le paragraphe 2° et après «est aussi la», «seule».
Donc, cet amendement modifie
l'article 2 du projet de loi afin d'y préciser que le français est la
seule langue commune de la nation québécoise.
Donc, concrètement, on vient… l'article va
se lire, là :
«1. Le français est la langue officielle
du Québec. Seule cette langue a ce statut.
«Le français est aussi la seule langue
commune de la nation québécoise et constitue l'un des fondements de son
identité et de sa culture distincte.»
Donc, ça fait suite à la discussion que
nous avons eue hier avec le député de Matane-Matapédia et également à la discussion
qu'on a eue avec la députée de Marguerite-Bourgeoys sur le fait qu'on n'a pas
besoin de répercuter ça à différents endroits dans le projet de loi, mais qu'on
vient le dire au départ. Puis on s'entend qu'à la lecture de la loi ça fait en
sorte que «seule langue commune», «seule langue officielle» ne seront pas
reproduits à plusieurs endroits.
La Présidente (Mme Thériault) :
Questions, commentaires sur l'amendement du ministre? Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Bien,
écoutez, c'est cohérent avec la discussion d'hier. La nuit n'a pas porté
conseil dans une autre direction. Donc, je pense que c'est acceptable. Et
d'autant plus que... d'autant plus que... — ça parle fort, il me
semble, tout à coup — d'autant plus que la langue officielle, qu'elle
soit seule ou pas, je pense, c'était… ça respecte quand même l'esprit de 1974,
quand Robert Bourassa a fait adopter que le français était la langue officielle
du Québec. Alors, avec les années, on dirait qu'on rajoute des adjectifs, mais
je pense que l'esprit de l'époque était la même chose et que, compte tenu du
fait qu'il y a quand même un article dans la charte actuelle de la langue
française qui n'est pas <modifié…
Mme David : …que le
français était la langue officielle du
Québec. Alors, avec les années,
on dirait qu'on rajoute des adjectifs, mais je pense que l'esprit de l'époque
était la même chose et que, compte tenu du fait qu'il y a quand même un article
dans la charte actuelle de la langue française qui n'est pas >modifié et
qui est important, l'article 7, et ainsi que l'article 133 de la Loi
constitutionnelle de 1867, si on additionne les deux, c'est donc possible de
faire une sorte de lecture complémentaire, additionner l'article 2, l'article
7, l'article 133 pour faire en sorte que, finalement, il y a quand même
une sorte de protection constitutionnelle, en vertu de l'article 7 et 133, pour
les gens qui pourraient être inquiets de certaines protections de droit de la
minorité d'expression anglaise. Alors, ça va, c'est en respect des autres
articles que je vous mentionnais.
La Présidente (Mme Thériault) :
D'autres questions, commentaires? Mme la députée de Mercier.
Mme Ghazal : Rapidement,
ce que je comprends, c'est qu'à différents endroits dans le projet de loi cette
mention seule va être ajoutée… Non?
M. Jolin-Barrette :
…d'ajouter partout, parce qu'en le faisant dans le préambule… en le faisant à l'article
1, pardon, dans le fond, ça emporte pour le reste de la loi. Il y aurait peut-être
un titre qui va être modifié plus tard, mais on va y arriver plus tard. On n'a
pas besoin de le refaire à chaque endroit dans la loi.
Mme Ghazal : Très bien.
Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. Donc, puisque je ne vois pas d'autre commentaire, est-ce qu'il y a…
est-ce que l'amendement est adopté?
Des voix : Adopté.
La Présidente (Mme Thériault) :
Adopté.
Mais nous revenons maintenant sur
l'article comme tel, l'article 2. Est-ce qu'il y a d'autres questions,
commentaires sur l'article 2? Je n'en vois pas.
Donc, est-ce que l'article 2, tel
qu'amendé, est adopté?
Des voix : Adopté.
La Présidente (Mme Thériault) :
Adopté.
M. le ministre. L'article 3.
M. Jolin-Barrette : Oui,
l'article 3 : L'article 2 de cette charte est modifié :
1° par l'insertion, après «sociaux», de «,
les autres prestataires d'un service régi par la Loi sur les services de santé
et les services sociaux (chapitre S-4.2)»;
2° par l'insertion, après
«professionnels», de «, leurs membres titulaires d'un permis délivré
conformément à l'article 35, les établissements d'enseignement de niveau
collégial et universitaire»;
3° par le remplacement de «salariés» par
«travailleurs».
Commentaire : L'article 2 de la Charte
de la langue française reconnaît que toute personne a le droit fondamental à ce
que l'Administration, certains groupements et les entreprises exerçant au
Québec communiquent avec elle en français.
L'article 3 du projet de loi vise à
préciser et à étendre la portée de ce droit. Ainsi, il sera désormais clair que
sont tenus de respecter le droit d'une personne à ce qu'on communique en
français avec elle : les prestataires d'un service régi par la Loi sur les
services de santé et les services sociaux tels que les ressources
intermédiaires et les ressources de type familial; les membres des ordres
professionnels, à l'exception de ceux titulaires des permis qui peuvent,
exceptionnellement, être délivrés sans avoir une connaissance du rapport
appropriée à l'exercice de la profession; les établissements d'enseignement de
niveau collégial et universitaire, tels que les cégeps, les collèges privés et
les universités.
En plus de ces <modifications…
M. Jolin-Barrette :
...les
membres des ordres professionnels, à l'exception de ceux
titulaires des permis qui peuvent, exceptionnellement, être délivrés sans avoir
une connaissance du rapport appropriée à l'exercice de la profession; les
établissements d'enseignement de niveau collégial et universitaire, tels que
les cégeps, les collèges privés et les universités.
En plus de ces >modifications,
le remplacement de l'annexe de la Charte de la langue française, proposé par
l'article 119 du projet de loi, a également pour effet d'étendre la portée
du droit reconnu par l'article 2 de cette charte. En effet, puisque c'est dans...
cette annexe qui définit «l'Administration», plus elle vise d'organismes, plus
la portée du droit reconnu par l'article 2 s'en trouve étendue.
Donc, l'article intégré, Mme la Présidente,
là, se lirait ainsi avec le texte proposé :
«2. Toute personne a le droit que
communiquent en français avec elle l'Administration, les services de santé et
les services sociaux, les autres prestataires d'un service régi par la Loi sur
les services de santé et les services sociaux, les entreprises d'utilité
publique, les ordres professionnels, leurs membres titulaires d'un permis
délivré conformément à l'article 35, les établissements d'enseignement de
niveau collégial et universitaire, les associations de travailleurs et les
diverses entreprises exerçant au Québec.»
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Questions, commentaires? M. le député de Matane-Matapédia.
M. Bérubé : Merci, Mme la
Présidente. Ma question au ministre : Est-ce que les termes «entreprises
d'utilité publique» englobent les sociétés d'État? Par exemple, le gouvernement
du Québec, par l'entremise d'Hydro-Québec, envoie toujours des factures en
anglais, aujourd'hui encore, puis il y a encore beaucoup de «Bonjour! Hi!» à la
Société des alcools du Québec. Alors, ma question : «Entreprises d'utilité
publique», est-ce que ça inclut les sociétés d'État?
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Bien, dans le fond, relativement, exemple, aux contrats, supposons, aux
factures d'Hydro-Québec, ça, on va le voir plus tard, là, dans le projet de loi,
mais désormais l'État devra s'exprimer exclusivement en français, sauf les
exceptions. Donc, exemple, ça ne sera plus possible d'avoir sa facture
d'Hydro-Québec uniquement en anglais. Les seules personnes qui vont pouvoir
avoir accès à la facture bilingue, donc français et anglais, ce sont les ayants
droit et ce sont les personnes qui bénéficient de la clause d'antériorité.
Donc, un nouveau client chez Hydro-Québec ne pourrait pas avoir sa facture en
anglais, à moins qu'il soit dans les exceptions.
Puis à votre question précise, est-ce que
c'est... c'est inclus dans l'Administration, les entreprises d'utilité publique.
M. Bérubé : À ce
moment-là, Mme la Présidente, est-ce que le ministre serait ouvert à préciser «sociétés
d'État» dans l'article 3 pour que ça soit clair pour tout le monde? Parce
qu'il indique qu'on y reviendra tout à l'heure, mais allons-y dans l'ordre. Il
me semble que de préciser «entreprises d'utilité publique», à part pour des
parlementaires, ou des juristes, ou des gens qui sont rompus à nos pratiques,
ça ne dit pas grand-chose; «sociétés d'État», c'est plus clair.
M. Jolin-Barrette :
Bien, en fait, ils sont compris dans l'Administration avec un grand A. Puis
l'annexe I du projet de loi, la fin du projet de loi, là, sous «Administration»,
donc, «les organismes gouvernementaux», 2°b : «les organismes dont le
gouvernement ou un ministre nomme la majorité des membres ou des
administrateurs».
M. Bérubé : Seulement pour
s'assurer, là, qu'on se comprenne bien — j'ai donné l'exemple d'Hydro-Québec — donc,
il faudra attendre l'adoption de cette loi pour que <cette...
M. Jolin-Barrette :
…les organismes dont le gouvernement ou un ministre nomme la majorité des
membres ou des administrateurs».
M. Bérubé : Seulement pour
s'assurer, là, qu'on se comprenne bien
— j'ai donné l'exemple
d'Hydro-Québec — donc,
il faudra attendre l'adoption de cette loi pour que >cette pratique, qui
a toujours cours, d'envoyer des factures bilingues cesse. Ça prend une loi pour
ça?
M. Jolin-Barrette : En
fait, actuellement… Et Hydro-Québec a modifié sa pratique relativement à ça, parce
que je sais qu'antérieurement ils envoyaient juste des factures en anglais à un
certain moment.
M. Bérubé : Encore aujourd'hui.
M. Jolin-Barrette : Là,
ils sont revenus pour les clients qui demandent la facture en anglais, la
facture est désormais bilingue. Et donc, suite à l'adoption de la loi, ça ne
sera plus possible d'envoyer des factures bilingues, à moins que vous soyez
dans les exceptions prévues au projet de loi n° 96.
M. Bérubé : Mme la
Présidente, à travers vous, je veux m'adresser à Hydro-Québec, et je prends à
témoin le ministre. Je trouve particulier qu'Hydro-Québec, qui sont toujours
très prompts à répondre aux gens sur les réseaux sociaux, en considérant qu'ils
font preuve d'un humour aigre-doux, décident de poursuivre cette pratique-là,
et c'est seulement un projet de loi qui va faire en sorte d'arrêter cette
pratique qui a encore cours aujourd'hui. Ce mois-ci, des citoyens québécois
vont recevoir des factures unilingues en anglais pour ce qui est Hydro-Québec.
M. Jolin-Barrette : …
M. Bérubé : C'est le cas,
là.
M. Jolin-Barrette : Non,
la pratique a été changée. Ce ne sont plus des factures unilingues en anglais,
ce sont des factures qui sont bilingues.
M. Bérubé : Ce n'est pas
mieux. Ce n'est pas mieux.
• (11 h 50) •
M. Jolin-Barrette :
Bien, ce que je vous dis, c'est qu'il y a déjà eu un changement chez
Hydro-Québec. Mais ce qui va arriver avec le projet de loi n° 96, en
raison de la politique linguistique de l'État qui va venir… être établie, ce ne
sera plus possible de fonctionner de cette façon-là. Donc, les seuls qui vont
pouvoir avoir leur facture en langue anglaise, ce sont les ayants droit ou les
personnes disposant de la définition d'antériorité.
M. Bérubé : O.K. Mme la
Présidente, à titre préventif, je vais en informer Hydro-Québec, tout à
l'heure, sur les réseaux sociaux. On verra bien leur réaction. Mais il s'envoie
encore aujourd'hui, au début d'un mois, par exemple, la facturation, des
factures bilingues, ce qui n'est pas beaucoup mieux, selon moi.
Quant à la Société des alcools du Québec,
pas besoin de faire une visite commune avec le ministre, mais je pourrais lui
préciser des succursales, nombreuses au Québec, où on nous accueille avec un «Bonjour!
Hi!», qui n'est pas de nature à faire plaisir. Alors, j'espère que c'est le
sens de... l'intention du législateur, parce que moi, j'aimerais que ça cesse
et j'aurais aimé qu'ils n'attendent pas un projet de loi pour s'y conformer.
Alors, on a parlé d'Hydro-Québec. J'entends
le ministre. Pour la SAQ, ou pour le Casino de Montréal, ou le Casino du
Lac-Leamy, c'est la même chose, c'est ce que je comprends?
M. Jolin-Barrette :
Bien, en fait, avec le projet de loi, désormais, les gens auront le droit <d'être...
M. Bérubé : …un
projet
de loi pour s'y conformer.
Alors, on a parlé
d'Hydro-Québec.
J'entends le ministre. Pour la SAQ, ou pour le
Casino de Montréal, ou le
Casino du Lac-Leamy, c'est la même chose, c'est ce que je comprends?
M. Jolin-Barrette :
Bien, en fait, avec le projet de loi, désormais, les gens auront le droit >d'être
servis et informés en français. Au niveau de l'accueil, à ce moment-là, oui,
dans les sociétés d'État, ça devait être «Bonjour». L'État québécois doit être
exemplaire, et donc ça doit être «Bonjour».
M. Bérubé : D'accord.
Donc, en résumé, le ministre m'indique «qu'entreprises d'utilité publique»
incluent l'ensemble des sociétés d'État, donc Hydro-Québec, Société des alcools
du Québec, SQDC, Société des casinos, et d'autres que je pourrais oublier, mais
c'est essentiellement, là, celles-ci qui sont visées. D'accord. On pourra y
revenir tout à l'heure pour s'assurer qu'on n'oublie personne.
M. Jolin-Barrette : Non,
juste une précision. Dans le fond, les sociétés d'État sont incluses sous le
terme «Administration», donc dans l'article, là, dans «Administration».
M. Bérubé : Elles sont
toutes incluses.
M. Jolin-Barrette : Pas
dans «entreprises d'utilité publique», c'est dans «Administration».
M. Bérubé : O.K. J'ai une
question complémentaire, Mme la Présidente. Si d'aventure ce droit d'être servi
en français n'était pas respecté dans l'une ou l'autre de ces sociétés d'État,
quel est le recours qui est à la disposition des citoyens qui seraient lésés?
M. Jolin-Barrette :
Bien, dans le fond, c'est possible de faire une plainte, parce qu'actuellement…
Bien là, on devance, là. Les questions du député de Matane-Matapédia devancent
l'étude des articles où on va être rendus, mais ça va être possible, dans le
fond, dans un premier temps, de faire des plaintes pour que la situation se
corrige… et surtout le nouveau régime qu'on met en place.
Actuellement, vous aviez la politique
linguistique gouvernementale qui régissait les différents ministères et
organismes, O.K., puis cette politique linguistique gouvernementale là, elle
n'était pas vraiment appliquée. Chacun des ministères avait des objectifs. Puis
le rapport du Conseil supérieur de la langue française, c'est ça qu'il nous
disait. Il disait : Écoutez, il n'y a pas de suivi, les employés ne sont
pas au courant, on ne sait pas comment ça fonctionne, puis c'était à géométrie
variable à l'intérieur de l'État.
Désormais, ce qu'on fait en créant le
ministère de la Langue française, il va y avoir une politique linguistique
étatique qui va couvrir tout le monde dans l'Administration, qui va être très
large, et ça inclut désormais les municipalités. Vous vous souvenez, avec
l'échange qu'on a eu avec la ville de Montréal également, la FQM, l'UMQ, ils
nous en ont parlé. Mais on décide de les couvrir parce que ça fait partie de
l'exemplarité de l'État. Alors, le ministre, désormais, va avoir un pouvoir
d'intervenir, en vertu de la politique linguistique de l'État, puis, s'il y a
des plaintes, on va pouvoir corriger la situation, mais surtout il va y avoir
un suivi effectué par le ministère de la Langue française à travers l'ensemble
de l'État québécois qui va nous permettre de s'assurer des plus hauts standards
en matière d'utilisation de la langue française.
La Présidente (Mme Thériault) :
...maintenant Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Bien, je
pense que l'échange qu'on vient d'avoir va un peu dans le sens de ma réflexion.
On est au début <du projet de loi — c'est plus un commentaire,
mais il y a...
M. Jolin-Barrette :
...des
plus hauts standards en matière d'utilisation de la langue
française.
La Présidente (Mme Thériault) :
...maintenant
Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Bien, je
pense que l'échange qu'on vient d'avoir va un peu dans le sens de ma réflexion.
On est au début >du projet de loi — c'est plus un commentaire,
mais il y a un aspect question — et je comprends que c'est comme...
Là, on commence à mettre la table sur les grands principes, puis après ça il y
a mille et un cas de figure qui vont suivre après, mais c'est important qu'on
mette ça dès le départ.
Mais ça n'empêche pas qu'on parle d'ordres
professionnels, on parle de beaucoup de gens, d'institutions, de statuts, on va
devoir y revenir après parce que, là, on va trouver plusieurs diables dans
plusieurs détails. Donc, on va pouvoir avoir l'occasion de discuter après, mais
une fois que ce principe est comme mis sur la table, adopté, j'imagine qu'au
Québec on a le droit de se faire servir en français, ce qui n'exclut pas qu'il
y a toutes sortes d'exceptions de pouvoir se faire servir en anglais dans
certaines dispositions prévues par des articles qu'on verra plus loin. Alors,
si je comprends bien, c'est comme pour dire : On est au Québec, on a le
droit de communiquer en... on a le droit que communiquent en français l'Administration,
services de santé, etc., mais ce n'est pas à l'exclusion de plein de choses qui
s'en viennent par la suite et plein de détails qu'on devra apporter. Est-ce que
je comprends bien?
M. Jolin-Barrette : La
députée de Marguerite-Bourgeoys comprend très bien. Donc, au début de la loi...
Puis, dans le fond, on vient modifier la Charte de la langue française. Donc,
au début de la loi, c'était déjà le principe de base, mais on vient ajouter
certaines modalités pour dire : Votre droit de communiquer en français, ça
s'applique à l'Administration, ça s'applique notamment aux établissements de
niveau collégial, universitaire, vous avez ce droit-là désormais. Comme
Québécois, vous avez le droit que l'université communique avec vous en
français. Donc, on vient rajouter certains paramètres. Donc, ça, c'est le
principe de base. Puis les lois sont faites comme ça : au début, c'est le
principe de base, puis là on va rentrer dans les exceptions sur la politique
linguistique de l'État, avec toutes les exceptions où est-ce que c'est permis
d'utiliser une autre langue que le français. Donc, le projet de loi, il est
construit comme ça. On va le voir un peu plus loin, aux articles, je pense, 13,
14 — hein, Éric? — dans ce coin-là.
Mme David : O.K. Excusez,
je suis un peu distraite par l'annonce de votre collègue qui doit se retirer
pour des problèmes de santé. Alors, je lui offre vraiment, au nom de moi-même
et ma formation politique, le meilleur... les meilleurs soins possible et la
meilleure santé possible.
M. Jolin-Barrette :
Bien, c'est très apprécié de la part de la députée de Marguerite-Bourgeoys. Puis
je pense qu'au nom de tous les parlementaires... on est tous humains, et puis,
lorsqu'on affronte les situations personnelles difficiles, c'est bien de savoir
la solidarité de tous les parlementaires aussi. Alors, on envoie nos mots à la
ministre responsable des Relations internationales.
Mme David : Voilà.
La Présidente (Mme Thériault) :
...congé d'assurance... de maladie, pardon, parce que sa santé n'est pas au
rendez-vous. Donc, c'est ce qui se passe. Oui, Mme la députée <de
Mercier.
Mme Ghazal : Oui, merci,
Mme la Présidente. Moi aussi, j'offre...
La Présidente (Mme Thériault) :
…de
maladie, pardon, parce que sa santé n'est pas au rendez-vous. Donc,
c'est ce qui se passe. Oui, Mme la députée >de Mercier.
Mme Ghazal : Oui, merci,
Mme la Présidente. Moi aussi, j'offre tout mon courage, c'est-à-dire que
j'espère que ça va bien, bien se passer pour notre collègue, et je lui souhaite
prompt rétablissement et qu'un jour on puisse la retrouver ici, parmi nous.
Pour la question sur les établissements d'enseignement
au niveau collégial et universitaire qui a été ajoutée, le fait que ça ait été
ajouté, qu'est-ce que ça amène de nouveau par rapport à la situation actuelle?
Est-ce que… Parce qu'en ce moment c'était déjà le cas, les établissements
d'enseignement de niveau collégial, universitaire devaient déjà communiquer en
français, devaient avoir une politique, ou ce n'était pas le cas du tout, et
cet article-là vient ajouter cette obligation-là à ces établissements-là?
M. Jolin-Barrette : En
fait, actuellement, ce n'était pas déjà prévu par la loi. Donc, les
établissements collégiaux, les établissements universitaires n'étaient pas
visés par l'Administration, tu sais, la définition de l'Administration. Donc,
on vient nommément le dire, qu'une personne peut s'adresser à un cégep ou à une
université et communiquer avec le cégep ou l'université en français.
Mme Ghazal : Donc, ça va…
M. Jolin-Barrette : Dans
le fond, ça...
Mme Ghazal : Parce que
moi, j'étais sous l'impression que c'était déjà la pratique, même si ce n'était
peut-être pas dans la loi, mais en réalité ce n'est pas la pratique. Je veux
dire, les établissements d'éducation postsecondaire ont des… peut-être pas les
cégeps, mais ont des politiques linguistiques qu'ils ne respectent pas, des
fois.
M. Jolin-Barrette :
Bien, c'est ça. Dans le fond, ce que ça vient faire, ça vient dire : Bien,
j'ai le droit que communiquent en français avec moi ces universités et ces
cégeps-là.
Donc, je suis d'accord avec vous, ils
étaient dotés de politiques linguistiques à géométrie variable, plus ou moins
appliquées, mais là on vient permettre aux citoyens québécois que les institutions
d'enseignement postsecondaire communiquent en français avec les citoyens québécois.
Mme Ghazal : Donc, en ce
moment, c'est qu'elles le faisaient de façon volontaire. Elles n'étaient pas
obligées d'aucune façon par la charte de le faire, elles le faisaient de façon
volontaire. Et là, maintenant, comme c'est une obligation légale, elles vont
toutes devoir le faire et de façon plus uniforme?
M. Jolin-Barrette :
Bien, en fait, ce que ça donne, ça donne le droit au citoyen. Le citoyen a le
droit que communiquent en français avec elle les cégeps et les universités. C'est
un droit qui est confié à l'individu. Donc, un individu qui va vouloir être
informé en français, l'établissement d'enseignement collégial ou universitaire
devra communiquer avec cette personne en français. C'est un droit qui est donné
à la personne.
Mme Ghazal : J'étais sous
l'impression que ce droit-là n'existait pas, mais je comprends que non. Peut-être
que, dans la pratique, c'est ce que la majorité faisait, mais ce n'était pas
partout comme ça.
M. Jolin-Barrette : C'est
ça.
Mme Ghazal : Très bien. Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
…
• (12 heures) •
Mme David : Ça va me
permettre de reformuler, justement, ce que j'ai dit et ce que la députée <de
Mercier a dit. Cet article-là, c'est…
>
12 h (version révisée)
<17933
Mme Ghazal :
…c'est ce que la majorité faisait, mais ce n'était pas partout comme ça.
M. Jolin-Barrette :
C'est ça.
Mme Ghazal : Très
bien. Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
...
Mme David : Ça va me
permettre de reformuler, justement, ce que j'ai dit et ce que la députée >de
Mercier a dit. Cet article-là, c'est un droit citoyen de recevoir de la
communication en français. Ce n'est pas une obligation institutionnelle de
communiquer en français. Cela dit, cela dit, plus loin et partout dans le projet
de loi, les institutions vont à leur tour avoir des articles qui les concernent.
Donc, c'est le droit citoyen dans ce cas-ci, un par un.
M. Jolin-Barrette :
Exactement. Donc…
Mme David : Mais ça
n'enlèvera pas que, plus loin, et on va le voir dans les articles 88,
etc., tout ce qui a trait aux enseignements collégiaux… plus collégiaux, la
question des politiques linguistiques, là on va parler des institutions.
M. Jolin-Barrette : Exactement.
Donc là, on est dans l'exercice des droits fondamentaux...
Mme David : C'est ça.
M. Jolin-Barrette : ...et
là c'est des droits qui sont conférés aux citoyens.
Une voix : …
La Présidente (Mme Thériault) :
Je n'en ai pas. Par contre, M. le ministre, j'aimerais porter à votre
attention… je pense qu'il y a peut-être une petite coquille qui s'est glissée,
parce que vous énumérez... dans votre texte proposé, vous énumérez «l'Administration,
les services de santé et [...] services sociaux, les autres prestataires, les
entreprises d'utilité, les ordres professionnels», et là vous avez ajouté
«leurs membres titulaires d'un permis délivré conformément à l'article 35»,
et ça, ça devrait être rattaché à «leurs ordres professionnels»... «les ordres
professionnels». Là, c'est comme une énumération, et on ne voit pas à quoi fait
référence «les membres».
M. Jolin-Barrette : Non,
bien, «les membres titulaires»… «les ordres professionnels», puis ensuite
«leurs membres titulaires d'un permis», donc on le rattache au précédent.
La Présidente (Mme Thériault) :
Vous faites une énumération. C'est comme s'il faudrait écrire «et leurs membres»,
«les ordres professionnels et leurs membres». Parce que, là, vous énumérez
différentes catégories. Donc, c'est comme si... «Leurs membres titulaires d'un
permis», ça fait référence à quoi? Ce n'est pas clair dans le texte. Donc, il y
a une toute petite coquille.
M. Jolin-Barrette : Je
vérifie, Mme la Présidente.
Une voix : …
M. Jolin-Barrette : O.K.
Bien, on me dit que c'est conforme. Donc, ça a été révisé, puis on me dit que
c'est conforme.
La Présidente (Mme Thériault) :
Si on dit que c'est conforme, c'est conforme, mais disons que, tant qu'à y
être, M. le ministre... bien, ça va. Donc, s'il n'y a pas d'autre
commentaire — je vais me fier à vos légistes — est-ce que
l'article 3 est adopté?
Des voix : Adopté.
La Présidente (Mme Thériault) :
Adopté. Parfait.
M. le ministre, l'article 4. Et
j'aimerais vous souligner que la députée de Marguerite-Bourgeoys a bien suivi
vos consignes. Il y a un amendement qui a été déposé dans le site Greffier, mais
on va procéder d'abord avec la lecture de l'article 4.
M. Jolin-Barrette : Oui.
L'article 4 : Cette charte est modifiée par l'insertion, après
l'article 6, des suivants :
«6.1. Toute personne domiciliée au Québec
a droit aux services prévus aux articles 88.11 et 88.12 pour faire
l'apprentissage du français.
«La personne domiciliée au Québec qui
reçoit d'un établissement l'enseignement primaire, secondaire ou collégial
offert en anglais a le droit de recevoir de cet établissement un enseignement
du français.
«Cet enseignement du français doit
permettre à la personne qui l'a reçu pendant tout l'enseignement primaire,
secondaire et collégial d'avoir acquis des compétences suffisantes pour
utiliser le français comme langue commune <afin…
M. Jolin-Barrette :
…qui reçoit d'un établissement l'enseignement primaire, secondaire ou collégial
offert en anglais a le droit de recevoir de cet établissement un enseignement
du français.
«Cet enseignement du français doit
permettre à la personne qui l'a reçu pendant tout l'enseignement primaire,
secondaire et collégial d'avoir acquis des compétences suffisantes pour
utiliser le français comme langue commune >afin de pouvoir interagir,
s'épanouir au sein de la société québécoise et participer à son développement.
«6.2. Toute personne a droit à une justice
et à une législation en français.»
Donc, le commentaire, Mme la Présidente :
L'article 6.1 de la Charte de la langue française que propose l'article 4 du
projet de loi reconnaît à toute personne domiciliée au Québec le droit à des
services d'apprentissage du français.
Les deuxième et troisième alinéas de cet
article précisent les modalités de ce droit à l'égard des personnes qui
reçoivent d'un établissement l'enseignement primaire, secondaire ou collégial
offert en anglais. En ces cas, l'enseignement du français leur est donné par
l'établissement anglophone fréquenté. Cet enseignement du français a pour
objectif que la personne qui le reçoit alors qu'elle reçoit l'ensemble de
l'enseignement primaire, secondaire et collégial donné en anglais aura, à la
fin de cet enseignement, des compétences suffisantes pour utiliser le français
comme langue commune.
Les dispositions du premier alinéa de
l'article 6.1 entreront en vigueur un an après la sanction du projet de loi,
ainsi que le prévoit le paragraphe 3° de l'article 201.
Commentaire pour l'article 6.2 :
L'article 6.2 de la Charte de la langue française que propose l'article 4 du
projet de loi reconnaît le droit de toute personne à une justice et à une
législation en français.
Les dispositions du chapitre III du
titre I de cette charte, portant sur la langue de la législation et de la
justice, prévoient des règles qui découlent du droit linguistique fondamental
reconnu à l'article 6.2.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, vous avez un amendement. Est-ce que vous voulez qu'on dépose l'amendement
de la collègue de Marguerite-Bourgeoys avant qu'on fasse la discussion, M. le
ministre?
M. Jolin-Barrette : Oui,
oui, certainement.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui?
M. Jolin-Barrette : Moi,
je suis à l'aise.
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. Donc…
Mme David : …dépose les
deux amendements que j'ai.
La Présidente (Mme Thériault) :
Vous avez deux amendements? Parfait. Je n'ai pas… Il y en a effectivement deux,
désolée. L'article 4, vous avez 6.1 et 6.2. Parfait. Donc, je vous laisse aller,
Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, pour nous présenter votre premier
amendement.
Mme David : Alors,
l'article 4 du projet de loi introduisant l'article 6.1 de la Charte de la
langue française est modifié par le remplacement du mot «domiciliée» par les
mots «qui réside», et ce, partout où il se trouve.
L'article 6.1 de la Charte de la langue
française, introduit par l'article 4 du projet de loi tel qu'amendé, se lirait
ainsi :
«6.1. Toute personne qui réside au Québec
a droit [à des] services prévus aux articles 88.11 et 88.12 pour faire
l'apprentissage du français.
«La personne qui réside au Québec qui
reçoit d'un établissement l'enseignement primaire, secondaire ou collégial
offert en [français] a le droit de recevoir de cet établissement un
enseignement du français.
«Cet enseignement du français doit
permettre à la personne qui l'a reçu pendant tout l'enseignement primaire,
secondaire et collégial d'avoir acquis des compétences suffisantes pour
utiliser le français comme langue commune afin de <pouvoir…
Mme David : …primaire,
secondaire ou collégial offert en [français] a le droit de recevoir de
cet établissement un enseignement du français.
«Cet enseignement du français doit
permettre à la personne qui l'a reçu pendant tout l'enseignement primaire,
secondaire et collégial d'avoir acquis des compétences suffisantes pour
utiliser le français comme langue commune afin de >pouvoir interagir,
s'épanouir au sein de la société québécoise et participer à son développement.»
C'est le premier amendement.
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait.
Mme David : ...Mme la
Présidente?
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, on y va un par un. Donc, on va discuter de celui-là. Donc...
Mme David : Est-ce que
j'explique?
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, vous pouvez nous expliquer pourquoi vous l'avez introduit.
Mme David : Alors, écoutez,
c'est un amendement sémantique fort intéressant. C'est l'intérêt de l'étude
détaillée, je trouve. C'est quoi, la différence entre résider et domicilier?
Bien, quand on fréquente des juristes, on apprend plein, plein de choses. C'est
vraiment un domaine dans lequel j'ai failli me retrouver, d'ailleurs. Un
domicile, c'est le lieu de notre établissement principal. Chaque personne, en
vertu du droit québécois, a droit à un seul domicile, c'est simple. Une
résidence, c'est un endroit où on demeure de façon habituelle, mais une
personne peut avoir plusieurs résidences. Par exemple — et c'est là
que ça devient important pour notre projet de loi — une personne peut
avoir une résidence en Floride et une autre au Québec. Pas besoin de comprendre
pourquoi on prend l'exemple de la Floride. Il y en a plusieurs qui, en ce
moment, sont sous des cieux un peu plus cléments. Un nouvel arrivant, aussi, ou
un réfugié peut avoir une résidence au Québec, mais avoir encore une résidence
dans son pays d'origine dans l'attente de la confirmation de son statut.
Le terme «résidence», vous avez compris,
est donc plus large. Qui plus est, il est beaucoup plus facile d'en faire la
preuve, de la résidence, que du domicile, parce que, la résidence, on peut
avoir une carte d'identité, un bail — vous connaissez bien ça, Mme la
Présidente — un bail locatif, une facture d'Internet ou d'Hydro-Québec,
peut-être. Faire la preuve d'un domicile est plus complexe. Quel est l'établissement
principal d'une personne ayant une résidence en Floride habitée six mois par
année — on le sait, là, c'est six mois moins un jour, 180 jours, je
pense — celle en Floride ou celle au Québec? Ce n'est pas pour rien,
là, on ne s'amuse pas à jouer avec les mots, c'est parce que tout ça résulte
d'avoir accès à des cours de francisation. Quel est l'établissement principal
d'un nouvel arrivant dans l'attente de sa résidence permanente?
Alors, ce qu'on veut avant tout, c'est
franciser, franciser, franciser et rapidement, rapidement, rapidement. Dans ce
cas-ci, on est pressés, on n'a pas de patience, on se dépêche à vouloir
franciser, avec raison. Alors, ce qu'on se demande, c'est : Est-ce que le gouvernement
du Québec va mettre réellement sur le dos des personnes immigrantes le fardeau
de prouver leur domicile sur le plan juridique pour obtenir des cours de francisation?
Il n'est certainement pas dans l'intérêt, justement, d'offrir les cours de francisation
en prenant un grand délai. Déjà qu'on sait qu'il y a des délais, en moyenne, de
68 jours pour mettre les pieds dans une classe de <francisation…
Mme David : …fardeau de
prouver leur domicile sur le plan juridique pour obtenir des cours de
francisation?
Il n'est
certainement pas dans l'
intérêt,
justement,
d'offrir les cours de
francisation en prenant un grand délai. D
éjà
qu'on sait qu'il y a des délais, en moyenne, de 68 jours pour mettre les pieds
dans une classe de >francisation, alors ce genre de souci de prouver le
domicile, qui est plus compliqué que de prouver la résidence, bien, ça pourrait
retarder et ça pourrait diminuer le nombre de gens qui ont accès aux cours de
francisation.
Alors, nous proposons que le terme
«résidence» devrait remplacer le terme «domiciliée», donc «qui réside» plutôt
que «domiciliée». J'espère avoir été assez claire sur le but de ça, parce que
je pense qu'on est tous ici dans le même objectif : que les gens qui,
donc, résident au Québec — résidence temporaire, résidence permanente — puissent
avoir accès le plus rapidement possible, puisque plus loin dans le projet de
loi — on le sait, on en beaucoup parlé déjà dans les consultations — on
va exiger le six mois. Puis ça va être : Six mois, tu vas devoir… l'Administration
va communiquer avec toi en français. Donc, là se posent toutes sortes de
problèmes. Mais les résidents… Si on prenait le terme «résidence», ils auraient
donc accès beaucoup plus rapidement aux cours de français, et surtout beaucoup
moins lourd administrativement pour prouver qu'ils sont… que leur domicile est
bien au Québec. Voilà la raison de cet amendement.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
• (12 h 10) •
M. Jolin-Barrette : Oui.
Bien, alors, je comprends l'intention relativement à ça, mais, quand on se
réfère, là, aux notions du Code civil pour le domicile, la résidence, là, 75 du
Code civil nous dit : «Le domicile d'une personne, quant à l'exercice de
ses droits civils, est au lieu de son principal établissement.» La résidence, c'est :
«La résidence d'une personne est le lieu où elle demeure de façon habituelle; en
cas de pluralité de résidences, on considère, pour l'établissement du domicile,
celle qui a le caractère principal.»
Pourquoi est-ce qu'on choisit la notion de
domicile? Parce que c'est le lieu d'établissement principal de la personne.
Donc, une personne qui est situation d'immigration, qui est en… supposons, qui
n'a pas sa citoyenneté, mais qui est résidente permanente, donc, elle, son
lieu… son domicile va être au Québec, il n'y a pas d'enjeu. La personne qui est
en situation temporaire aussi, elle élit son domicile ici également, donc il n'y
aura pas d'enjeu. Puis aussi ce qu'on a fait, c'est qu'on a ouvert, à l'époque
où j'étais ministre de l'Immigration, notamment les cours de francisation aux
personnes en situation temporaire au Québec, mais parce qu'elles sont
domiciliées ici aussi puis qu'on veut les garder.
Donc, je comprends l'intention, mais ce
qui arrive, c'est que, si on met «résidence», on va se retrouver avec des gens,
supposons, qui résident uniquement l'été ici et que ce n'est pas leur domicile
principal. Donc, c'est pour ça qu'on a choisi la notion de domicile.
Mme David : Mais
admettons qu'on prenne un autre exemple, qui sont des jeunes qu'on désire
beaucoup convertir à la résidence permanente et à la... faire leur vie au <Québec…
M. Jolin-Barrette :
…et
que ce n'est pas leur domicile principal. Donc, c'est pour ça qu'on
a choisi la notion de domicile.
Mme David : Mais
admettons qu'on prenne un autre exemple, qui sont des jeunes qu'on désire
beaucoup convertir à la résidence permanente et à la... faire leur vie au >Québec,
ce sont les étudiants internationaux qui viennent ici et qui sont domiciliés
officiellement ailleurs. Si vous, vous êtes allé passer un an à Harvard et que
vous voulez apprendre l'anglais, mais votre domicile est à Québec, admettons, ou
à Chambly, ou je ne sais trop, Beloeil, bien, à ce moment-là, vous n'auriez pas
accès si vous aviez ce projet de loi aux États-Unis, ce qui n'arrivera pas, de
toute façon. Mais un étudiant international qui vient ici, qui est un étudiant
qui vient faire un diplôme, ou une année, ou… bien, s'il peut avoir accès au
cours de français, mais qu'il réside ici plutôt que domicilié, moi, je pense
que ça nous permettrait de lui donner accès au cours de français, ça nous
permettrait de lui donner, je dirais, une meilleure assurance qu'il peut vivre
au Québec parce qu'il apprend le français et puis ça peut permettre d'avoir une
conversion de ces types d'étudiants là à une conversion à l'amour du Québec et
l'amour du français.
En ce moment, puis ça va être dans le
deuxième amendement, où on va parler de gratuité, c'est sûr que, si l'étudiant
international est domicilié à… je ne sais pas, moi, c'est un Allemand qui vient
étudier à McGill, bien, son domicile et son adresse va probablement être chez
ses parents à Berlin. Mais ça se peut que, si... Sa résidence, évidemment, il
va habiter quelque part ici, il va avoir un bail, il va avoir des factures.
Alors, sa résidence va être ici le temps qu'il soit ici pendant, disons, ses
trois ans, et ça se peut que, si on lui donne accès au cours de français,
il reste beaucoup plus au Québec que s'il n'apprend pas un mot de français
parce qu'il étudie dans une université anglophone. Et — et là ça va
aller de pair avec un de mes dadas, parce que je l'ai vécu de l'interne quand
j'étais à la gestion de l'Université de Montréal, des étudiants internationaux,
puis on l'a vu encore cette semaine avec l'Université McGill — ça
coûte cher, de se franciser, ça coûte cher, 2 200 $ pour
six semaines de cours. C'est plus cher que les droits de scolarité au
Québec, ça. Alors, c'est bien plus cher que les droits de scolarité au Québec.
Donc, si on leur donne accès gratuitement, mais qu'ils peuvent parce qu'ils
sont résidents — il réside et non domicilié parce que, domicilié, ça
serait son adresse à Berlin — bien, d'une part, ça va le franciser,
ça va peut-être lui donner le goût de s'intégrer plus, ça va peut-être lui
faire rencontrer un conjoint, une conjointe <qui parle français. Puis…
Mme David : ...gratuitement,
mais qu'ils peuvent parce qu'ils sont résidents — il réside et
non domicilié parce que, domicilié, ça serait son adresse à
Berlin — bien, d'une part, ça va le franciser, ça va peut-être lui
donner le goût de s'intégrer plus, ça va peut-être lui faire rencontrer un
conjoint, une conjointe >qui parle français. Puis, savez-vous quoi, il
va peut-être résider au Québec, puis ça va nous donner un super diplômé
francisé qui décide de vivre au Québec et qui est un diplômé en TI, en
ingénierie, en n'importe quoi, dans des domaines où on a une très forte pénurie
de main-d'oeuvre.
Alors, oui, l'exemple peu probable du
ministre, peu probable parce que, s'il vient ici, au Québec, pendant un mois à
faire un voyage touristique... moi, en tout cas, quand je suis allée passer
trois semaines en Allemagne, je n'ai pas pensé à apprendre l'allemand parce que
c'est une langue très compliquée, alors je ne pense pas que ça se produirait, mais
je pense que mon exemple risque de se produire beaucoup plus.
45 000 étudiants internationaux
qui viennent à Montréal ou dans le Québec par année — là, oublions la
pandémie — mais ça va être à la hausse, je vous garantis que ça va
être à la hausse, Montréal, Québec, grandes, grandes villes d'attraction
internationale pour les étudiants. C'est une bonne nouvelle. Encore faut-il
qu'on leur permette d'accéder à des cours de français. Ce n'est pas prévu dans
les programmes d'études puis ce n'est pas vrai que ça va marcher, de mettre six
crédits de cours de français. Puis là ça va, de toute façon, coûter très cher
au gouvernement parce qu'on va les financer, ces six crédits-là, à travers les
crédits du ministère de l'Enseignement supérieur. Mais ces étudiants-là qui
n'apprennent pas le français, qui ne peuvent pas parce qu'ils ne l'ont pas, le
2 200 $, puis ils n'ont pas le temps non plus, je pense que, s'ils
ont des cours en français puis qu'ils sont domiciliés... forcément qu'ils sont
domiciliés au Québec le temps de leurs études, c'est un meilleur exemple, plus
prometteur que l'exemple d'un touriste qui vient passer deux mois, disons.
Alors, voilà. Je vais continuer à plaider si le ministre est ouvert à la
discussion.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien,
en fait, la députée de Marguerite-Bourgeoys amène un bon point, mais, dans le
libellé, là, de 6, là, qu'on vient insérer, là, dans le fond, on dit : «Toute
personne admissible à l'enseignement au Québec a droit de recevoir cet
enseignement en français.» Ensuite, 6.1 : «Toute personne domiciliée a
droit aux services prévus aux articles 88.11 et 88.12 pour l'apprentissage
du français.» Donc, le «a droit», on vient conférer un droit. Donc, le droit,
il appartient aux gens qui choisissent de s'établir au Québec.
Puis je suis d'accord avec la députée de
Marguerite-Bourgeoys sur le fait qu'en termes d'attractivité on a tout intérêt
à offrir des cours de français. C'est pour ça que, comme ministre de
l'Immigration, à l'époque, bien, j'ai dit : On va inclure désormais les
temporaires également dans l'offre de francisation également qui va être faite.
Alors, avec Francisation Québec,
bien, déjà, dans le fond... C'est parce que Francisation Québec, ce que ça
va faire, c'est que ça va venir <coordonner le tout, parce que,
là, actuellement, vous le savez, c'est...
M. Jolin-Barrette :
...c'est pour ça que, comme
ministre de l'Immigration, à l'époque, bien,
j'ai dit : On va inclure désormais les temporaires
également dans
l'offre de
francisation
également qui va être faite.
Alors, avec Francisation
Québec,
bien, déjà,
dans le fond... C'est
parce que
Francisation Québec, ce que ça va faire, c'est que ça va venir >coordonner
le tout, parce que, là, actuellement, vous le savez, c'est scindé en trois ministères,
si vous voulez : vous avez le ministère de l'Emploi, Travail, Solidarité
sociale qui fait de la francisation, vous avez le ministère de l'Éducation,
vous avez le ministère de l'Immigration. Puis ça, c'était une des recommandations
de la Vérificatrice générale, je pense, en 2017, de dire : Bien, écoutez,
ça prend un guichet unique, là, désormais, là, puis coordonner le tout
notamment pour l'inscription, notamment pour les entreprises, notamment pour
les apprenants aussi qui... il faut qu'ils sachent où ils se dirigent.
Puis on a fait beaucoup de travail
là-dessus au cours des dernières années. On a augmenté les allocations puis on
a décloisonné, dans le fond, les groupes. La personne en situation temporaire
qui est sur un permis d'étude peut y accéder, actuellement. Même chose pour la
personne qui est sur un permis de travail fermé, peut avoir les cours de
francisation également. Alors, on va continuer dans cette lignée-là. Ça fait
que, là-dessus, je vous rejoins.
Par contre, sur la question du droit
rattaché à un résident, là, à ce moment-là, on se retrouve plus dans une
optique où c'est... En fait, le facteur de rattachement, pour le mettre, par
souci de cohérence d'un programme gouvernemental, on vient le rattacher au fait
que vous vous établissez au Québec, vous en faites votre domicile. Mais ça ne
veut pas dire qu'on ne peut pas offrir le programme. Mais c'est juste que le
droit qui est garanti à l'individu, il est garanti à celui qui fait le choix
d'en faire son domicile et non pas à celui qui fait simplement résider.
Donc, pour être clair, là, le résident
québécois temporaire, lui, pourra avoir accès au cours de francisation, mais ça
ne lui confère pas nécessairement le droit d'avoir accès. Voyez-vous la nuance
entre les deux? Le droit va être rattaché à la personne qui est domiciliée
parce que... pour des situations qui sont court terme ou... C'est la nuance
qu'on fait.
La Présidente (Mme Thériault) :
Mme la députée.
• (12 h 20) •
Mme David : Bien, c'est
ça, j'essaie de comprendre, là, pour être bien sûre. C'est comme s'il fallait
qu'en amont du cours l'étudiant international ait décidé de rester ici.
M. Jolin-Barrette : Non,
non, non. Dans le fond, là on est sur 6.1, c'est un... Dans le fond, la
structure du projet de loi, ça vient garantir des droits, O.K.? Donc, on vient
dire à l'individu qui est domicilié au Québec : Vous, en tant qu'individu,
vous avez le droit à la francisation, aux services prévus par Francisation
Québec, vous avez le droit.
Mme David : Bien, excusez
de vous interrompre, mais «qui est domicilié au Québec», donc, de facto, ça
veut dire qu'il est... On l'a dit, la définition de «domicile» est beaucoup
plus exigeante que la définition de «résidence».
M. Jolin-Barrette : Vous
avez raison. Ça fait que ça, c'est le droit qui est conféré. Donc, on vient
hiérarchiser ça puis on vient dire... on vient confier un droit aux gens qui
vont être domiciliés au Québec. Première étape. Ça, c'est dans la loi, on vient
l'inscrire <dans...
Mme David : ...la
définition
de domicile est beaucoup plus exigeante que la définition de résidence.
M. Jolin-Barrette :
Vous avez raison. Ça fait que, ça, c'est le droit qui est conféré. Donc, on
vient hiérarchiser ça puis on vient dire... on vient confier un droit aux gens
qui vont être domiciliés au Québec. Première étape. Ça, c'est dans la loi, on
vient l'inscrire >dans la loi. Ce que moi, je vous dis, c'est que, pour
les gens qui sont résidents du Québec, O.K., qui sont en situation temporaire, actuellement,
travailleurs étrangers temporaires, étudiants étrangers, périodes...
Mme David : ...de plus en
plus... vous le dites vous-même, de plus en plus de résidents temporaires,
d'étudiants étrangers, etc. Vous l'avez dit, qu'il y avait de plus en plus de
statuts du travail... comment ça s'appelle?
M. Jolin-Barrette : Travailleurs
étrangers temporaires.
Mme David : Oui.
M. Jolin-Barrette : Mais
ce qu'on veut, par contre, c'est les garder ici.
Mme David : Bien, voilà.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Donc, à ce moment-là, ils sont déjà couverts par les programmes gouvernementaux,
les résidents.
Mme David : De français?
De francisation?
M. Jolin-Barrette : Oui,
par l'offre de francisation. C'est ce que j'ai changé, j'ai mis les personnes
en situation temporaire qui pouvaient accéder aux cours de francisation. Donc, l'obligation
légale, elle est là, pour l'État, pour les personnes domiciliées, mais déjà, de
notre propre chef, on le fait pour les résidents.
Mme David : Mais pas pour
les étudiants internationaux.
M. Jolin-Barrette : Oui,
parce que votre étudiant international, il est en situation... il est sur un
permis temporaire ici, ça fait que désormais il peut accéder aux cours de francisation
gratuitement. C'est juste qu'on ne vient pas lui accoler...
Mme David : Gratuitement?
J'ai bien entendu le mot?
M. Jolin-Barrette :
Actuellement, c'est gratuitement. Les cours qui sont offerts par le MIFI, là, c'est
gratuitement.
Mme David : Et est-ce
qu'ils sont disponibles?
M. Jolin-Barrette : Bien
oui, ils sont disponibles. En tout cas, quand j'étais là, le taux de
fréquentation des cours de francisation a augmenté de plus de 20 %.
Mme David : Parce qu'avec
tout ce que vous avez dans le projet de loi, il va avoir du monde à la porte pour
accéder à tout ça. Puis ça va prendre des professeurs, puis etc. Mais ça prend
beaucoup...
Alors, ce que vous êtes en train de me
dire, c'est qu'à peu près tout le monde peut être couvert avec le mot
«domicile».
M. Jolin-Barrette : En
fait, je reviens sur ma réponse, là, dans le fond, dans le cadre du projet de
loi, ce n'est pas l'offre de services qu'on vient discuter, on vient conférer
un droit aux gens qui sont domiciliés au Québec. Ça fait que ça, c'est la base :
vous êtes domicilié, vous avez droit à la francisation au Québec. Après ça,
moi, ce que vous dis, c'est qu'actuellement, si vous n'êtes pas domicilié mais
que vous êtes résident temporaire, vous avez tout de même accès aux cours de
francisation parce qu'on a fait le choix, dans le cadre du programme, de
décloisonner le tout puis de l'offrir à tout le monde.
Mme David : Donc, tous
les travailleurs étrangers temporaires, les travailleurs saisonniers qui
viennent six mois faire les moissons, faire les cueillettes de ci, faire... et
ça va devenir, là... on le sait, là, ça va devenir un immense bassin de
main-d'oeuvre temporaire, pour le meilleur et pour le pire, là, je pense qu'il
faut prévoir ça, si on leur donne <accès...
Mme David : …qui
viennent
six mois faire les moissons, faire les cueillettes de ci, faire... et ça va
devenir, là, on le sait, là, ça va devenir un immense bassin de main-d'oeuvre
temporaire, pour le meilleur et pour le pire, là, je pense qu'il faut prévoir
ça, si on leur donne >accès, parce qu'ils y auraient droit, ces
étudiants... ces étudiants-là... ces travailleurs étrangers temporaires, s'ils
viennent trois mois, quatre mois, ils font partie de vos cohortes de domiciliés
au Québec.
M. Jolin-Barrette : Et
c'est ça qu'il ne faut pas mélanger. Dans le fond, ceux qui sont domiciliés
auront un droit aux services de Francisation Québec. Ça, on s'entend là-dessus.
Mme David : Bien, on ne
s'entend peut-être pas sur la définition, mais la définition, elle est plus
restreinte, en tout cas, que «résident».
M. Jolin-Barrette : Bien,
la personne… Oui, parce qu'un résident... Moi, je peux être résident pendant
deux semaines, là, de la ville de Québec, là, supposons. Mon domicile, supposons,
est dans La Vallée-du-Richelieu, puis je suis résident temporaire de la ville
de Québec quelques soirs par année... bien, plusieurs, même. Les résidents qui
sont ici temporairement ont accès, actuellement, aux cours de francisation, et
ça, ça va demeurer. Mais par contre le droit garanti aux cours de français
n'est pas pour les résidents, il est pour les gens qui sont domiciliés.
Mme David : Alors, je
suis encore plus mêlée. Je sais que c'est de la pédagogie, tout ça, parce que
c'est compliqué, mais notre exemple… mon exemple de travailleurs étrangers
temporaires, que votre collègue le ministre de l'Économie veut avoir à la
pelletée parce que ça n'a plus de bon sens comment c'est difficile dans les
entreprises, pour l'été, les travailleurs saisonniers, etc., eux, ils entrent
dans quelle catégorie? Entrent-ils dans un droit à la francisation ou pas?
M. Jolin-Barrette : Non,
ils sont dans «résidents», et le gouvernement du Québec a décidé de leur offrir
les cours gratuitement. La situation actuelle, là, c'est que les gens qui sont
avec un permis de travail temporaire, là, ont accès aux cours de francisation
gratuitement.
Mme David : Il y a des professeurs
de français qui vont, dans Lanaudière, enseigner dans les fermes, etc. Parce
qu'on va en reparler plus loin, là, avec Francisation Québec, là, même les
toutes petites entreprises, là, il va y avoir, chaque année, des secteurs
ciblés, etc., donc ils pourraient faire partie de ces secteurs ciblés, d'aller
dire : On va aller enseigner le français à 40 travailleurs étrangers
temporaires qui sont en train de cueillir des pommes dans le verger de X, mais
qui sont là depuis le mois de mai, puis ils repartent en octobre.
M. Jolin-Barrette : Ça
pourrait, ça pourrait.
Mme David : Et ça, c'est
en dehors de la loi.
M. Jolin-Barrette :
C'est en dehors de la loi.
Mme David : C'est parce
que le ministère de l'Immigration, le MIFI, a décidé de leur donner accès. Ce
n'est pas la loi n° 96 qui va leur donner accès.
M. Jolin-Barrette :
Exactement. Quand j'étais ministre de l'Immigration, vous vous souvenez de...
Mme David : Vous ne
l'êtes plus, d'une part. Puis les ministres passent, on le sait très bien.
M. Jolin-Barrette :
C'est ça, mais ce qui est important, c'est de faire des changements qui
améliorent les choses.
Mme David : C'est ça.
M. Jolin-Barrette : Puis
je pense que, quand j'étais à l'Immigration, j'ai fait des choses…
Mme David : Mais c'est en
ce sens-là que, si vous avez cru bon de le faire, quand vous étiez ministre de
l'Immigration, pour les <résidents…
Mme David : …ce
n'est
pas la loi n° 96 qui va leur donner accès.
M. Jolin-Barrette :
Exactement. Quand j'étais ministre de l'Immigration, vous vous souvenez de...
Mme David : Vous ne
l'êtes plus, d'une part. Puis les ministres passent, on le sait très bien.
M. Jolin-Barrette :
C'est ça, mais ce qui est important, c'est de faire des changements qui
améliorent les choses.
Mme David : C'est ça.
M. Jolin-Barrette :
Puis je pense que, quand j'étais à l'Immigration, j'ai fait des choses…
Mme David : Mais c'est
en ce sens-là que, si vous avez cru bon de le faire, quand vous étiez
ministre
de l'Immigration, pour les >résidents à statut temporaire, pourquoi ce
n'est pas aussi bon de le faire dans la loi n° 96?
M. Jolin-Barrette :
Parce que ce que ça fait… La nuance entre les deux, là, c'est que, quelqu'un
qui est en établissement temporaire, on viendrait… si on suit votre proposition...
si on suit la proposition de la députée de Marguerite-Bourgeoys, on vient faire
en sorte de permettre… en fait, d'accorder un droit à des résidents qui sont de
passage, alors que… et ça peut avoir des impacts... certains impacts légaux
associés à ça, ces droits-là. Alors, ce qu'on fait, c'est qu'on dit : On
accorde les droits aux gens qui choisissent d'être domiciliés au Québec, et, pour
tous les gens qui sont en situation temporaire au Québec, on offre… le
gouvernement, notre gouvernement, a décidé de décloisonner l'offre de services
et de couvrir toutes les personnes qui sont en situation temporaire pour les
cours de francisation. Elle est là, la nuance entre les deux. Le droit, il va
être rattaché à la notion de domicile. Donc, à la base, la personne va pouvoir
dire : Moi, je suis domicilié au Québec, j'ai le droit aux services
offerts par Francisation Québec. Pour la personne qui est en situation
temporaire au Québec, nous, notre gouvernement a décidé d'offrir aux
temporaires, étudiants, travailleurs étrangers temporaires, PMI, PMI+,
supposons, dans les catégories, d'accéder aux cours de francisation. Donc, ça,
ça a été fait depuis 2018‑2019.
Je vous donne un exemple, le précédent
gouvernement, lui, il n'ouvrait pas aux temporaires. Nous, on l'a ouvert, donc,
c'est le choix qu'on a fait.
Mme David : Mais, si je
résume bien, vous ne voulez pas l'ouvrir dans la loi n° 96 parce que vous
avez peur que ça donne lieu à des abus de gens qui viendraient plus en
touristes et qui en profiteraient pour demander des cours de français. Donc,
dans votre gestion du risque financier aussi, j'imagine, vous préférez faire un
plus un égale deux, donc deux mesures, la loi n° 96 plus la loi de
l'ex-ministre de l'Immigration, qui va être poursuivie par le ministre actuel,
j'imagine. C'est un plus un plutôt qu'un un beaucoup plus gros qui serait,
justement, la… de mettre le mot «résident» plutôt que… parce que vous ne voulez
pas prendre le risque, qui, d'après moi, est petit… Ah! j'avais un café.
Excusez. Donc, le risque est petit d'avoir des gens qui sautent sur l'occasion,
en trois semaines, de prendre des cours de français. Est-ce que je comprends? C'est
à peu près ça?
M. Jolin-Barrette : Mais
en fait les gens en situation temporaire au Québec, étudiants, travailleurs
étrangers temporaires, pourront avoir les services de Francisation Québec, ils
sont admissibles. C'est une décision gouvernementale, c'est une décision de
programme.
Mme David : …une décision
légale, c'est une décision gouvernementale.
• (12 h 30) •
M. Jolin-Barrette :
Exactement, qu'on offre <le service.
Là, avec 6.1, ce qu'on fait, c'est qu'on…
dans le fond, on vient…
>
12 h 30 (version révisée)
<15359
M. Jolin-Barrette :
…temporaires, pourront avoir les services de Francisation Québec, ils sont
admissibles. C'est une décision gouvernementale, c'est une décision de
programme.
Mme David : …une
décision légale, c'est une décision
gouvernementale.
M. Jolin-Barrette :
Exactement, qu'on offre >le service.
Là, avec la 6.1, ce qu'on fait, c'est qu'on…
dans le fond, on vient garantir un droit aux gens qui sont domiciliés au
Québec. Donc, c'est ça, la nuance en soi. Et, lorsqu'on garantit un droit qui
est de nature exécutoire, si l'État n'offre pas les cours… bien, n'offre pas
les services qui sont offerts par Francisation Québec, ils pourront saisir les
tribunaux : J'ai droit à ceci, aux cours… bien, aux services offerts par
Francisation Québec, donc, toi, État, tu dois m'offrir ces services-là, c'est
prévu. Alors, le droit que l'on confère, c'est à ceux qui sont domiciliés au
Québec. Ça ne veut pas dire que, de façon proactive, comme nous le faisons
actuellement, les personnes résidentes en situation temporaire au Québec ont
leur…
Mme David : O.K., mais «j'ai
droit, moi, et donc, État, tu dois me donner», ça, c'est les domiciliés.
Maintenant, le programme, parce qu'on dit qu'il y a une loi versus un
programme, le programme pour les résidents temporaires... un travailleur
temporaire étranger, ce n'est pas : Moi, j'ai droit, et toi, État, tu dois
me le donner, c'est : Moi, je suis un résident, un travailleur étranger
temporaire, et il y a un programme qu'il peut m'offrir, pas qu'il doit
m'offrir, qu'il peut m'offrir. Ce que je… Ce n'est pas le…
M. Jolin-Barrette :
Exactement.
Mme David : L'autre, c'est «doit
m'offrir», quand tu es domicilié. Puis, quand tu es un Mexicain qui travaille
sur une ferme, c'est «peut m'offrir», dépendant des enveloppes
ministérielles.
M. Jolin-Barrette : En
résumé, vous avez une bonne compréhension.
Mme David : Alors, est-ce
que je résume bien en disant que ma proposition, notre amendement est à l'effet
de mettre du «doit» dans les deux cas, alors que, vous, c'est à
deux régimes, «doit» et «peut», et que vous préférez garder le «peut»
parce que vous avez… vous ne voulez pas vous engager dans du devoir de donner à
ceux qui le demandent et qui pourraient être des gens qui aiment trop la langue
française pour des mauvaises raisons, disons ça comme ça, parce qu'ils viennent
juste deux, trois semaines et que... je vous soumets humblement que je
pense que ce cas de figure là, il ne sera pas très, très, très étendu, et que
moi, je crains que, si on reste dans le «peut offrir» si la demande est là, ça
risque d'être pas être grand-chose et qu'on va perdre une formidable
opportunité de franciser des milliers et des milliers d'étudiants ou de
travailleurs étrangers temporaires. Puis on le sait, vous le plaidez, on est
tous d'accord avec ça, quand on possède la langue de l'État, de la nation ou de
tout ce que vous voulez, c'est un facteur majeur d'intégration et de rétention.
Alors, c'est pour ça que je trouve ça quand même un risque plutôt bien calculé <de
mettre «domicile» plutôt que «résider»...
M. Jolin-Barrette :
Mais en fait…
Mme David : ...ou
«résider» plutôt…
Mme David : ...c'est
un
facteur majeur d'intégration et de rétention. Alors, c'est pour ça que je
trouve ça quand même un risque plutôt bien calculé >de mettre «domicile»
plutôt que «résider»...
M. Jolin-Barrette : Mais
en fait…
Mme David : ...ou
«résider» plutôt que «domicilier», excusez.
M. Jolin-Barrette :
C'est ça, c'est ça, c'est le contraire. Mais en fait c'est parce qu'il peut y
avoir des situations juridiques plus complexes aussi avec la question de
résidence aussi.
Donc, je donne un exemple. Tu sais, vous
l'avez dit, la personne qui vient deux semaines, trois semaines ici, dans le
fond, si on lui confère le droit aux services de Francisation Québec,
opérationnellement également, ça peut être difficile. Si on dit «le résident»,
bien là le résident, il arrive, il dit : Ah! moi, j'ai le droit à des
services de francisation, ça fait que je suis ici trois semaines, donc vous ne
m'avez pas francisé, vous ne m'avez pas offert des services de francisation. C'est
ça que ça amène aussi comme question, où le travailleur étranger, il vient pour
un court délai de, je ne sais pas, un mois et demi, puis c'est le seul moment
où il vient. Il est de passage au Québec, puis il réside pour six semaines,
bien là, à ce moment-là, l'obligation de l'État lui conférerait un droit sur sa
tête de poursuivre, notamment, l'État pour dire : Bien, vous ne m'avez
pas, pendant cette période-là de six semaines, offert les services de
Francisation Québec. Voyez-vous? Il y a plein de situations qui peuvent
découler de ça.
Ça fait que c'est un immense pas en avant,
le fait de dire : Toute personne qui est domiciliée au Québec a droit aux
services de Francisation Québec, toute personne. Tu sais, légalement, c'est une
avancée significative parce qu'on vient donner ce droit-là puis dire :
Écoutez, l'État, là, doit vous le fournir, là, doit fournir les services de Francisation
Québec.
Par contre, pour les résidents, bien, on
le fait déjà. Tu sais, moi, la mesure que j'ai mise en place, c'est de dire :
Bien, tout le monde a accès. Vous vous présentez dans un organisme
communautaire où est-ce que c'est un prof du MIFI, un professeur du ministère
de l'Immigration, qui vient donner le cours, vous avez accès à l'allocation, il
n'y a pas de problème. Vous êtes dans une entreprise, il y a des cours qui sont
offerts, vous pouvez les suivre, il n'y a pas d'enjeu. Ça fait que, dans le
fond, le programme, il est déjà là, tu sais, c'est éclaté, c'est ouvert à tous,
alors on le fait déjà avec de l'argent québécois.
La Présidente (Mme Thériault) :
...quatre minutes, et j'ai la députée de Mercier, aussi, qui veut faire une intervention.
Mme David : O.K. Mais
j'ai-tu droit à mon quatre minutes?
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, il vous reste quatre minutes, il n'y a pas de problème.
Mme David : O.K. C'est
correct. Je vais prendre mon quatre minutes, puis après ça... ou...
La Présidente (Mme Thériault) :
Si vous voulez vider la conversation, allez-y, vous avez quatre minutes.
Mme David : C'est parce
que j'ai peur de perdre mon idée.
La Présidente (Mme Thériault) :
Allez-y.
Mme David : Dans notre
plan d'action sur la langue française, on proposait — et j'y crois
mordicus, quand on vient d'un domaine, on le connaît assez
bien — qu'il y ait des antennes du MIFI dans tous les campus
collégiaux et universitaires des grandes régions métropolitaines, là où il y a
un bassin, autant des universités francophones, les collèges francophones puis
anglophones, parce qu'il y a des étudiants internationaux. L'Allemand dont je
parle, là, il peut aller aussi bien dans un que dans l'autre. Donc, accès à des
programmes de francisation.
Ce que vous me dites, admettons,
là — on y reviendra plus tard parce que ça aussi, ça va revenir
beaucoup plus tard dans le projet de loi — qu'il y aurait de telles
antennes du MIFI dans ces campus-là, vous me dites <qu'il...
Mme David : …aussi
bien
dans un que dans l'autre. Donc, accès à des programmes de francisation.
Ce que vous me dites, admettons,
là — on y reviendra plus tard parce que ça aussi, ça va revenir
beaucoup plus tard dans le projet de loi — qu'il y aurait de telles
antennes du MIFI dans ces campus-là, vous me dites >qu'il pourrait, pas
qu'il devrait, mais qu'il pourrait se déployer là des cours de français offerts
aux étudiants internationaux qui sont des résidents temporaires et qu'à ce
moment-là ça serait couvert. Tant que ce programme-là... ce programme-là va
être là, ils pourraient avoir accès gratuitement à des cours de français.
M. Jolin-Barrette : Oui,
mais c'est déjà le cas, parce que, dans les cours de francisation, là, qui sont
donnés dans les établissements… parce que le MIFI, là, loue également des
locaux dans les collèges, dans les établissements collégiaux, dans les
universités aussi.
Mme David : Un peu.
M. Jolin-Barrette : Bien...
Mme David : Un peu.
M. Jolin-Barrette : Ils
en louent.
Mme David : Oui, oui,
j'en ai visité. Un peu.
M. Jolin-Barrette :
C'est ça. Ils en louent également… dans le fond, ils donnent des allocations
également aux organismes communautaires qui… ils fournissent le professeur et
ils louent bien le local aussi. D'ailleurs, j'ai rehaussé le financement qui
était accordé également pour les locaux, à l'époque où j'étais là, pour
soutenir, justement, les organismes de francisation, là, notamment, le ROFQ.
L'autre point qui est important, c'est que
Francisation Québec, là, va offrir aussi ses services aux membres de la
communauté anglophone. Puis, le député de Sainte-Rose aussi, c'était une de ses
recommandations, d'offrir ce service-là de perfectionnement, de maîtrise de la
langue. Et donc Francisation Québec est là pour les gens qui ne sont pas dans
le cursus scolaire. Donc, la majorité, c'est des adultes, donc, qui ont une
vie… qui sont sur le… comme on dit, le domaine de la vie active, et donc toute
personne qui est domiciliée au Québec pourra en bénéficier. Donc, on parle beaucoup
des personnes qui sont en situation d'immigration ou en situation temporaire,
ici, qui vont devenir permanents, mais également des gens qui veulent améliorer
leurs compétences langagières en français, qui sont des Québécois, mais qui
veulent améliorer le tout, ils vont pouvoir bénéficier des services de
Francisation Québec. Mais eux rentrent dans la catégorie «domiciliés». Donc, ça
sera un droit pour, notamment, les membres de la communauté anglophone d'en
bénéficier.
Mme David : Y compris l'amendement
qu'on a passé hier sur le perfectionnement. Là, je ne sais plus quel mot on a
employé.
M. Jolin-Barrette :
C'est ça. Donc, c'était «à la connaissance et à la maîtrise».
Mme David : C'est ça.
M. Jolin-Barrette : «Visant
à parfaire la connaissance et la maîtrise».
Mme David : O.K. Ça va, Mme
la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Ça va? Parfait. Merci. Mme la députée de Mercier, sur l'amendement.
Mme Ghazal : Merci. Merci,
Mme la Présidente. Donc, j'ai écouté attentivement l'échange entre le ministre
et la députée de Marguerite-Bourgeoys, puis, si je comprends bien, la façon que
c'est formulé comme ça, cet article, ça veut dire... par exemple, le
travailleur agricole saisonnier Pablo Palma Contreras, qu'on a appris que, dans
le fond, il a… je pense que c'était hier, c'était dans les nouvelles, là, il
est devenu paraplégique à cause d'un accident de la route parce qu'il a une
condition personnelle, il est épileptique, et, parce qu'il est travailleur
étranger, ça fait des années qu'il vient travailler des étés, là, pour cueillir
des fruits et légumes, je comprends <que…
Mme Ghazal : ...hier,
c'était
dans les nouvelles, là, il est devenu paraplégique à cause d'un accident de la
route, parce qu'il a une condition personnelle, il est épileptique, et, parce
qu'il est travailleur étranger, ça fait des années qu'il vient travailler des
étés, là, pour cueillir des fruits et légumes, je comprends >que lui n'a
pas le droit à l'indemnisation de la Société d'assurance automobile du Québec,
c'est ce qui est ressorti dans les nouvelles. Mais quelqu'un comme lui, un travailleur
agricole comme lui, aurait droit à recevoir des cours de francisation avec
cette modification-là. Est-ce que quelqu'un comme lui y aurait droit avec cette
disposition qui est ajoutée dans le projet de loi n° 96?
• (12 h 40) •
M. Jolin-Barrette :
Bien, dans le fond, la personne... ce que l'article 6.1 du projet de loi
n° 96 indique, c'est que la personne qui est domiciliée au Québec a le
droit aux services prévus aux articles. Donc, les services prévus à 88.11,
88.12 pour l'apprentissage du français, c'est Francisation Québec. Donc, la
personne, le critère, c'est le droit conféré, c'est à la personne qui est
domiciliée.
Pour une personne qui est en situation
temporaire, comme un étudiant, un travailleur étranger, lui, à ce moment-là, actuellement,
ils sont déjà couverts par les programmes parce que j'ai décloisonné ça et que
les personnes en situation temporaire, maintenant, peuvent accéder aux cours de
francisation.
Mme Ghazal : Donc, lui,
dans le fond, y a droit, pas à cause du projet de loi n° 96. Ce que vous
disiez, c'est quand vous étiez ministre, quand vous avez amené cette
ouverture-là. Mais le décloisonnement s'est fait comment? C'est par un
programme qui peut être modifié?
M. Jolin-Barrette :
Bien, deux choses. Il fallait mettre l'argent, parce qu'on a mis plus que
70 millions de dollars là-dedans. Puis d'ailleurs je rappellerais qu'au
budget de 2019 c'était la première fois que la totalité de l'enveloppe de
l'entente Gagnon-Tremblay—McDougall, qui a été signée en 1991, que la totalité
de l'argent allait au ministère de l'Immigration, parce qu'auparavant c'était
versé au fonds consolidé puis ce n'était pas tout l'argent qui allait au
ministère de l'Immigration. Ça, c'est fort important, c'est la première fois
qu'un gouvernement a fait ça, et ça a fait en sorte de pouvoir permettre,
justement, que les personnes en situation temporaire bénéficient des services,
désormais. Alors, oui, c'est une décision gouvernementale de dire : Bien,
on l'offre aux temporaires.
Mme Ghazal : Mais ça, de
l'offrir aux temporaires, pourquoi ce n'était pas... c'est-à-dire que je
comprends que la façon que c'est écrit comme ça, le décloisonnement qui a été
fait lorsque vous étiez ministre puis qui continue au ministère de l'Immigration,
si, à un moment donné, un autre ministre vient puis le change et il le
recloisonne...
M. Jolin-Barrette :
Supposons un autre gouvernement.
Mme Ghazal : ...oui, c'est
ça, puis qu'il le recloisonne, ici, l'article ne peut pas empêcher ça. Pourquoi
ça n'a pas été mis... mentionné aussi dans le projet de loi n° 96 pour
s'assurer que ce soit le cas pour toujours ou jusqu'à ce que quelqu'un change
la loi?
M. Jolin-Barrette :
Bien, en fait, j'ai exposé les raisons tout à l'heure, pour des situations de
conséquences juridiques associées au statut de résident. Donc, nous, notre
gouvernement, on a fait le choix, parce que... puis, honnêtement, je pense
qu'on est rendus là, de faire en sorte que les personnes qui <sont...
Mme Ghazal : …ou
jusqu'à
ce que quelqu'un change la loi?
M. Jolin-Barrette :
Bien, en fait, j'ai exposé les raisons tout à l'heure, pour des situations de
conséquences juridiques associées au statut de résidents. Donc, nous, notre
gouvernement, on a fait le choix, parce que... puis, honnêtement, je pense
qu'on est rendus là, de faire en sorte que les personnes qui >sont sur
le territoire québécois... on souhaite les garder au Québec, donc les
travailleurs étrangers temporaires, qu'ils puissent demeurer au Québec, puis
les facteurs d'intégration, c'est notamment le travail puis la langue
française. Alors, c'est tout dans notre intérêt de maintenir cette offre de
services là aux personnes qui sont en situation temporaire, notamment les
étudiants étrangers. Et surtout, supposons, avec le Programme de l'expérience
québécoise, le PEQ, bien, ils ont une voie rapide pour accéder à la résidence
permanente en passant par le PEQ. C'est un programme qui est très bien fait
aussi, puis…
Mme Ghazal : Mais moi, je
veux parler des travailleurs agricoles. O.K., continuez, oui.
M. Jolin-Barrette : Oui.
L'autre élément, c'est que le mandat de Francisation Québec, il demeure aussi dans
la loi. L'objectif de Francisation Québec, c'est d'offrir des services de
francisation à l'ensemble des gens qui sont sur le territoire québécois. Donc,
ça, c'est l'objectif. À 6.1, par contre, c'est le droit sur la tête de la
personne, donc on le confère à la personne qui est domiciliée au Québec.
Mme Ghazal : Travailleurs
étrangers, travailleurs agricoles, ceux qui viennent ici nous aider à faire un
travail que la majorité des Québécois ne veulent pas faire, donc, ces gens-là,
il va y en avoir de plus en plus, c'est ça, on va augmenter leur nombre, et c'est
ce que le ministre a dit : Bien, on va leur offrir, là, la possibilité
d'apprendre le français, qui a été décloisonné, mais… Oui.
M. Jolin-Barrette :
Bien, juste en matière d'immigration, là, c'est parce que, exemple, le
Programme des travailleurs étrangers temporaires, en matière agricole, c'est un
programme qui est spécifique et qui est géré par le gouvernement fédéral. Dans
le fond, lorsque vous êtes en situation temporaire, le permis de séjour, il est
fédéral. Donc, c'est le fédéral qui gère l'administration des permis
temporaires, à l'exception de... lorsqu'on est matière d'éducation, ça prend un
certificat d'acceptation du Québec pour être un étudiant étranger aussi. Donc,
ce que ça fait… Puis, même chose aussi sur les PMI, PMI+ aussi, le fédéral est
impliqué aussi, notamment relativement au traitement des dossiers des
immigrants en situation temporaire. Puis là vous avez le PTET aussi, le
Programme des travailleurs étrangers temporaires, que mon collègue le ministre
du Travail a justement réussi à assouplir pour faire en sorte de répondre aux
besoins des entreprises.
Mme Ghazal : Toutes ces
personnes-là ont accès aux cours de francisation?
M. Jolin-Barrette : Oui.
Mme Ghazal : Pas à cause
de «domiciliée», mais à cause du décloisonnement qui a été fait lorsque vous
étiez ministre?
M. Jolin-Barrette :
Exactement, sauf que... sauf qu'une personne qui est avec un permis de travail
temporaire et qui fait sa demande de... supposons de… j'ai juste «CAQ» dans la
tête, là...
Mme Ghazal : CSQ.
M. Jolin-Barrette : ...oui,
son CSQ, merci, son CSQ, à ce moment-là, lui, il établit son domicile au Québec
parce qu'il fait sa demande de CSQ également.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois malheureusement suspendre nos travaux, compte tenu de <l'heure…
M. Jolin-Barrette :
…j'ai juste «CAQ» dans la tête, là...
Mme Ghazal : CSQ.
M. Jolin-Barrette :
...oui, son CSQ
, merci
, son CSQ, à ce moment-là, lui, il établit
son domicile au Québec parce qu'il fait sa demande de CSQ également.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois malheureusement suspendre nos travaux, compte tenu de >l'heure.
Nous avions jusqu'à 12 h 45, parce qu'il y a un caucus ici.
Donc, à la reprise, à 15 heures, je
vous redonnerai la parole, Mme la députée de Mercier, pour poursuivre
l'échange avec le ministre, et, par la suite, il y aura le député de D'Arcy-McGee
qui m'a signifié son intention de prendre la parole. Donc, bon appétit à tous.
(Suspension de la séance à 12 h 45)
15 h (version révisée)
(Reprise à 15 h 09)
La Présidente (Mme Thériault) :
Votre attention, s'il vous plaît! Donc, la Commission de la culture et de
l'éducation reprend ses travaux. Nous poursuivons l'étude détaillée du projet
de loi n° 96, Loi sur la langue officielle et commune du
Québec, le français.
J'aimerais vous informer qu'à la suite
d'échanges entre les leaders, il y a eu consentement afin de permettre au
député de La Pinière de remplacer la députée de Saint-Laurent pour le
reste de la séance. Donc, M. le député, bienvenue parmi nous à cette
commission.
Lors de la suspension de nos travaux, nous
en étions à <l'étude…
La Présidente (Mme Thériault) :
...d'échanges
entre les leaders, qu'il y a eu consentement afin de
permettre au député de La Pinière de remplacer la députée de Saint-Laurent
pour le reste de la séance. Donc, M. le député, bienvenue parmi nous à cette
commission.
Lors de la suspension de nos travaux,
nous en étions à >l'étude de l'amendement qui avait été déposé par la
députée de Marguerite-Bourgeoys. C'était la députée de Mercier qui avait la
parole sur l'amendement, toujours, de la collègue de Marguerite-Bourgeoys, et
par la suite il y a le député de D'Arcy-McGee qui m'a signifié son intention de
faire une intervention aussi. Donc, Mme la députée, vous avez la parole.
Mme Ghazal : Oui, merci
beaucoup, Mme la Présidente. Donc, l'amendement de la députée de
Marguerite-Bourgeoys demande à changer... je n'étais pas dans le... de mettre
le mot «réside» à la place de «domiciliée», oui, c'est ça. Et moi, en fait,
j'essayais juste de voir un peu le... J'allais dire que c'est cocasse, mais ce
n'est pas cocasse parce qu'il y a quand même quelqu'un qui souffre. Je parlais
de monsieur... un travailleur agricole, Pablo Palma Contreras, qui... j'essayais
de prendre cet exemple-là pour juste voir un peu l'absurde de la situation. Ce
que je comprends, c'est que lui, comme travailleur étranger... Et, des gens
comme lui, il va y en avoir de plus en plus, c'est l'intention du gouvernement.
Donc, on dit que la loi... c'est tellement, tellement important, la langue
française, c'est tellement important que le ministre, quand il était ministre
de l'Immigration, il a ouvert l'apprentissage de la langue française pour des
gens comme lui, alors que, là, il se retrouve dans une situation où on
l'empêche d'avoir accès à la Société de l'assurance automobile du Québec comme
n'importe quel autre Québécois.
Donc, je voulais juste confirmer, est-ce
que c'est bien ça, la situation? Quelqu'un comme lui, qui est un travailleur
agricole saisonnier, qui vient toutes les années pour travailler l'été, a le
droit d'apprendre le français alors qu'il travaille dans les champs jour et
nuit? Est-ce que c'est ça que le ministre a permis pour un travailleur comme
lui?
• (15 h 10) •
M. Jolin-Barrette : La
question de la députée de Mercier, ce n'est pas... juste pour que je comprenne
bien sa question, ce n'est pas sur la proposition de 6.1 que je fais, là. Sa
question, c'est, actuellement, ce que le gouvernement du Québec fait,
présentement, c'est ça?
Une voix : ...
M. Jolin-Barrette : Oui.
Alors, oui, depuis 2019, les personnes qui sont en situation temporaire au
Québec, que ce soient des étudiants, que ce soient des travailleurs qui ont un
permis de travail temporaire au Québec, peuvent suivre des cours de
francisation. On l'a ouvert aux temporaires, notamment parce qu'il y en a
beaucoup, de temporaires, qui deviennent permanents, entre autres, donc on fait
la francisation. Puis surtout, notamment, ceux qui souhaitent, supposons, être
admis par le Programme de l'expérience québécoise, à la fois pour les travailleurs
et à la fois pour les étudiants, c'est un niveau 7 de français qui est requis.
Donc, pour nous, c'est la première fois que ça se faisait, et on a décloisonné
les cours pour les offrir aux personnes en situation temporaire.
Mme Ghazal : Je comprends
que ce n'est pas, donc, l'ajout que fait article, mais est-ce que le ministre
est d'accord avec moi avec l'absurdité de la situation? C'est qu'on va
continuer à avoir des personnes temporaires, puis on trouve que le français, c'est
<tellement...
M. Jolin-Barrette :
...première fois que ça se faisait, et on a décloisonné les cours pour les
offrir aux personnes en situation temporaire.
Mme Ghazal : Je
comprends que ce n'est pas, donc, l'ajout que fait article, mais est-ce que le
ministre est d'accord avec moi avec l'absurdité de la situation? C'est qu'on va
continuer à avoir des personnes temporaires, puis on trouve que le français, c'est
>tellement important qu'on va leur permettre de l'apprendre, c'est juste
qu'ils n'ont pas le temps de l'apprendre parce qu'ils sont ici pour travailler,
puis surtout avec les conditions d'un travailleur agricole, par exemple, comme
lui. Puis il y a d'autres secteurs économiques. Le gouvernement disait tout le
temps qu'il voulait restreindre le nombre d'immigrants, mais finalement il l'a
augmenté pour des raisons de pénurie de main-d'oeuvre, pour... à cause des
demandes du milieu des affaires. Mais on dit : Toutes ces personnes-là, on
va être très, très, très généreux, ils vont pouvoir apprendre le français. C'est
juste que c'est une façon de dire : Oui, oui, on va ouvrir, mais en
réalité ils ne le feront pas pour la majorité, contrairement, par exemple, à
des travailleurs... pas des travailleurs, mais des immigrants permanents, qui
ont les bonnes conditions pour apprendre le français et qui vont avoir envie de
l'apprendre, sachant qu'ils vont rester au pays pendant très, très longtemps.
Et là j'ai donné juste cet exemple-là parce
que c'est un exemple qui déchire le coeur, quand on a entendu cette personne-là
dire : Je n'ai même pas le droit... J'ai travaillé ici pendant longtemps,
mais, comme je suis temporaire et... je n'ai même pas le droit à avoir de
l'assurance automobile, mais ce que le ministre me dit, c'est que le
gouvernement est tellement généreux qu'il lui permet de prendre des cours de
français, par exemple. Je veux juste montrer l'absurdité de la situation au
ministre.
Puis cette situation-là va augmenter de
plus en plus, puisque c'est l'intention du gouvernement. On ne veut pas avoir
de l'immigration, mais la situation... puis les demandes, par exemple, du
milieu des affaires, et tout ça, ils veulent avoir plus d'immigrants pour la
situation économique. Donc là, on dit : Bien, on va se rabattre vers
l'immigration temporaire, puis ces personnes-là, bien, n'apprendront pas le
français, même si on leur ouvre la possibilité de le faire, puisque... Ont-ils
le temps, de toute façon, de le faire? Et pourquoi est-ce qu'ils le feraient,
sachant qu'ils sont temporaires, même si des fois ils sont temporaires pendant
de très nombreuses années? Et la vision, donc... la vision du gouvernement par
rapport à l'immigration ne concorde pas ou est en incohérence par rapport à sa
vision pour protéger et renforcer la langue française.
M. Jolin-Barrette :
Bien, moi, Mme la Présidente, je dirais, non, je ne suis pas d'accord du tout
avec la députée de Mercier, avec égard. Ce n'est pas ça pantoute que j'ai dit.
Ce que j'ai dit... Puis il ne faut pas mélanger des pommes, puis des oranges,
puis des tomates, puis tout le kit, là. Il y a une situation particulière qui
nous a été présentée relativement à, je comprends, une assurance... un accident
d'automobile. Là, ce n'est pas du tout la même chose.
Là, on est dans une situation où, à 6.1,
on vient donner un droit aux gens qui sont domiciliés au Québec. Ça fait que,
ça, je l'ai établi clairement, toute personne qui est domiciliée. Une personne
qui est en situation temporaire au Québec peut être domiciliée au Québec, là,
hein? Ça, il faut le dire. La notion de domicile, on a eu le débat, tout à
l'heure, là-dessus. Ça fait qu'elle peut être domiciliée. Ce qu'on dit, par
exemple, c'est que le droit n'est pas conféré à quelqu'un qui est seulement <résident...
M. Jolin-Barrette :
…au
Québec. Ça fait que, ça, je l'ai établi clairement, toute personne
qui est domiciliée. Une personne qui est en
situation temporaire au
Québec
peut être domiciliée au
Québec, là, hein? Ça, il faut le dire. La notion
de domicile, on a eu le débat tout à l'heure là-dessus. Ça fait qu'elle peut
être domiciliée. Ce qu'on dit, par exemple, c'est que le droit n'est pas
conféré à quelqu'un qui est seulement >résident. Donc, le domicile,
c'est l'intention de demeurer, c'est son principal lieu d'affaires… son
principal lieu d'établissement.
Ce que je dis, par ailleurs, c'est que,
même pour ceux qui ne sont pas domiciliés ici, déjà ils bénéficient des
services du ministère de l'Immigration en matière de francisation. Puis là le
point où je ne vous rejoins pas... Vous dites : Écoutez, bien, les
travailleurs étrangers, ils n'ont pas le temps d'aller dans les cours de
français. Mais ce n'est pas vrai parce que la démonstration a été faite depuis
qu'on l'a ouvert, que ça a explosé, le nombre de personnes qui suivent les
cours en… qui sont en situation temporaire dans les cours de francisation.
Alors, ce n'est pas exact, là, malheureusement, ce que vous dites. Il y a des
situations… il y a des gens qui ne suivent pas les cours, il y en a qui les
suivent.
Nous, notre objectif, là, c'est que, toute
personne qui décide de demeurer au Québec, bien, on puisse la franciser dès le
départ, ça, c'est clair. Ça fait que ça, c'est le débat sur la mission de
Francisation Québec, on va voir ça à 88.11, 88.12. Mais là, à
l'article 6.1, on est vraiment sur le droit, conférer le droit par rapport
à la personne qui est domiciliée ici. Donc, on vient bonifier une situation, on
vient conférer aux gens qui sont domiciliés au Québec le droit de bénéficier
des services de Francisation Québec. C'est ça. Mais la discussion que, là, nous
avons, on va l'avoir à 88.11.
Mme Ghazal : Bien, moi,
le fait de dire que c'est «domiciliée» et non pas «résident», ça, je suis d'accord
avec ça, donc je l'annonce tout de suite. Mais j'essaie juste de faire réaliser
au ministre l'incohérence… Parce que, là, j'ai le ministre responsable de la
Langue française, qui est dans un gouvernement qui a une vision et une
stratégie, si je peux dire ainsi, en immigration, sur l'accueil des immigrants,
le nombre et le type d'immigration qu'on veut avoir qui est en incohérence avec
sa vision par rapport à la protection de la langue française. Je suis d'accord
qu'on l'ouvre à tout le monde, mais, si…
Parce que, là, il dit qu'il y a eu une
grande augmentation, une grande augmentation pour les immigrants temporaires. Il
y en a eu combien? Est-ce que... par exemple, de tous ceux qui ont commencé à
prendre des cours depuis qu'il a ouvert puis qu'il a mis plus d'argent, combien
parmi eux sont des immigrants temporaires, en immigration temporaire, comme un
travailleur agricole, admettons?
M. Jolin-Barrette :
Bien, écoutez, on peut… on va faire les vérifications, parce que ça fait quand
même un an et demi que j'ai quitté le ministère de l'Immigration. Alors, c'est
des bons souvenirs...
Mme Ghazal : Bien, ce
n'est pas la majorité.
M. Jolin-Barrette : ...et
je souhaite bon succès au ministre de l'Emploi et du Travail, qui reprend ces
fonctions.
Bien, vous avez… les personnes en… Bien,
en fait, ce qu'il faut même dire, là, c'est que le gouvernement du Québec offre
des cours de francisation même avant la venue des personnes immigrantes, déjà,
dès l'étranger, pour leur dire : Écoutez… Puis vous le savez, Mme la
Présidente, vous avez été ministre de <l'Immigration…
M. Jolin-Barrette :
…bien,
vous avez… les personnes en… Bien, en fait, ce qu'il faut même
dire, là, c'est que le gouvernement du Québec offre des cours de francisation
même avant la venue des personnes immigrantes, déjà, dès l'étranger, pour leur
dire : Écoutez… Puis vous le savez, Mme la Présidente, vous avez été
ministre de >l'Immigration.
La Présidente (Mme Thériault) :
…
M. Jolin-Barrette : Bon,
vous l'avez instauré, des bonnes choses qui ont été faites.
La Présidente (Mme Thériault) :
Apprendre le Québec, le guide Apprendre le Québec.
M. Jolin-Barrette : C'est
ça. Puis nous, on l'a bonifié, ça, hein, avec une évaluation de connaissance
des valeurs québécoises.
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait.
M. Jolin-Barrette : e
suis content que vous m'appuyiez, Mme la Présidente. Et ça fait en sorte que
bien sûr que, les personnes qu'on accueille au Québec, on veut les franciser.
Alors, là-dessus, l'objectif, il est là, et la question des temporaires
également.
Mais le fait de venir comme... avec un
permis de travail temporaire aussi, ce que ça fait, c'est que ça peut permettre
à la personne d'expérimenter le Québec, déjà de venir, puis déjà ça lui donne
une expérience québécoise. Donc, ça lui permet, notamment, par le Programme de
l'expérience québécoise, d'avoir une bonification, une rapidité également,
parce que je crois que c'est à peu près 85 %, 88 % des dossiers qu'on
accepte en sélection économique qui proviennent du PEQ, présentement. Donc, ça
fait en sorte que les gens qui ont une expérience de travail, bien, ils se
retrouvent avec une voie rapide pour passer par le PEQ pour être sélectionnés,
plutôt que… Et, on le sait, là, le projet de loi n° 9, il me semble... C'est-tu
9 que j'ai déposé? Je ne me souviens plus, mais on faisait en sorte de réduire
les délais en matière d'immigration. Parce que, vous vous souvenez, il y a
plusieurs délais en immigration. Il y a avait... puis il y avait des dossiers
qui dataient de 10, 11 ans dans l'inventaire de dossiers. Donc, ça, c'était
dans l'inventaire québécois.
Nous, un coup qu'on donne le certificat de
sélection du Québec, après ça, ça s'en va à Ottawa. Puis là le problème,
présentement, sur les délais qu'on voit, là, jusqu'à deux ans, le problème, il
est dans l'inventaire fédéral. Le fédéral ne traite pas les dossiers du Québec
en matière de résidence permanente, même s'ils ont eu le CSQ en temps opportun
et en temps rapide. Donc, il est là, l'enjeu, présentement, des délais. Nous,
on a réglé l'enjeu qu'il y avait auparavant par rapport à l'inventaire. Puis
ça, ça a été un gros enjeu, parce que ce qui arrivait sous les gouvernements
précédents, c'est qu'ils sélectionnaient beaucoup plus de personnes immigrantes
que les seuils d'admission qu'ils autorisaient. Ça fait que, d'un côté, les
précédents gouvernements disaient : On vous sélectionne, on vous
sélectionne, on vous sélectionne, mais on ne vous admet pas, voyez-vous, parce
qu'il y a deux volets à l'immigration, il y a la sélection puis il y a
l'admission, il y a deux niveaux de seuil. Ça fait que c'est comme si la main
gauche ne parlait pas à la main droite, dans le temps.
• (15 h 20) •
Mme Ghazal : Oui, puis il
y a eu une demande, aussi, des groupes, de dire : Bien là, maintenant — et
aussi à Québec solidaire — bien, il faudrait repartir à zéro, parce
que ça n'a pas de bon sens, le message contradictoire qu'on donne.
Mais, moi, ma question ne s'adresse pas à
l'ancien ministre de l'Immigration, mais au ministre responsable de la Langue
française : Est-ce que le fait d'avoir plus d'immigration temporaire aide
la protection et la pérennité de la langue française?
M. Jolin-Barrette :
Bien, je vous dirais qu'on a <plusieurs…
Mme Ghazal : ...ne s'adresse
pas à l'ancien
ministre de l'Immigration, mais au
ministre
responsable de la Langue française : Est-ce que le fait d'avoir plus d'immigration
temporaire aide la protection et la pérennité de la langue française?
M. Jolin-Barrette :
Bien, je vous dirais qu'on a >plusieurs défis. Je vous dirais oui, parce
que...
Mme Ghazal :
L'immigration temporaire aide plus le français que l'immigration permanente?
M. Jolin-Barrette : Mais
en fait c'est un tout. Parce qu'il y a beaucoup de pays... en fait, il y a
beaucoup de gens qu'on accueille de façon temporaire qui proviennent de... qui
ont une... que les gens ont une maîtrise de la langue française ou qui
proviennent de pays francotropes, alors, et où... Puis là c'est un autre point
qui est important : avec un permis de travail temporaire, bien souvent... Le
permis de travail temporaire, c'est un permis qui est fermé, O.K.? Donc, le
permis de travail fermé, supposons, de deux ans vise à faire en sorte que le
travailleur temporaire est sélectionné pour travailler dans une entreprise x,
O.K., entreprise x, supposons, qui est située dans le Bas-Saint-Laurent, à
Montmagny, supposons, O.K.? La personne immigrante en situation temporaire qui
décide d'aller travailler à Montmagny, qui ne parle pas le français, pendant
une période, supposons, de deux ans, bien, je vais vous dire que ça, c'est une
bonne façon d'apprendre le français.
Donc, oui, l'immigration temporaire fait
en sorte que de vivre un passage en région au Québec, ça fait nécessairement en
sorte que la société d'accueil, le milieu d'accueil, le milieu de vie, il est
quasiment totalement francophone. Donc, bien entendu que ça va aider vos
compétences langagières parce que les gens au bureau, les gens au travail vont
vous parler en français, ils vont vous inviter chez eux, ils vont vous inviter
à des activités, à des événements communautaires, puis ça va se passer en
français. Ça fait que c'est sûr que ça fait en sorte que ça favorise
l'intégration en français. Puis en plus, avec Francisation Québec, ce qu'on
veut faire, c'est donner les ressources dans les entreprises pour donner de la
francisation, puis là les temporaires sont visés, actuellement. Ça fait que je
vous dirais : Oui, c'est un modèle qui fonctionne, notamment sur la
francisation.
Mme Ghazal : On a un
exemple idéal d'une personne qui, à cause de son permis de travail lié à son
employeur, est dans une région qui n'est pas à Montréal et que ça se passe en
français, donc c'est une situation idéale. Mais est-ce qu'il y a des chiffres
qui démontrent ça, que l'immigration temporaire assure la protection de la
langue française au Québec? Est-ce qu'il y a des études qui le démontrent, ça?
Parce qu'intuitivement je dirais : Mais non, ce n'est pas l'immigration
temporaire, c'est temporaire, les gens ne viennent pas ici nécessairement pour
s'intégrer. Il y en a qui vont finalement s'intégrer et qui vont rester ici
plus longtemps, qui vont peut-être, après ça, vouloir faire un cheminement
d'immigration. Mais le fait de dire : J'ouvre à tout le monde
l'apprentissage du français, ça va permettre d'assurer la protection de la
langue française? Mais je prends l'exemple de ce travailleur agricole, mais
n'importe quel travailleur temporaire, dans quelle proportion ils vont aller
vraiment suivre les cours de français qui sont donnés? Si, par exemple, ils
sont à Montréal, ils ne sont pas nécessairement dans un milieu où tout se
passe... S'ils sont à Montréal puis qu'ils sont dans un milieu où tout ne se
passe pas nécessairement en français, donc, ils vont avoir le désir d'apprendre
le français, si... ils vont avoir le temps d'apprendre le français? Il y a
toutes ces conditions-là. Je veux dire, ce n'est pas évident. Même les
personnes qui sont permanentes, qui <viennent...
Mme Ghazal : …si,
par
exemple, ils sont à Montréal, ils ne sont pas nécessairement dans un milieu où
tout se passe... S'ils sont à Montréal puis qu'ils sont dans un milieu où tout
ne se passe pas nécessairement en français, donc, ils vont avoir le désir
d'apprendre le français, si... ils vont avoir le temps d'apprendre le français?
Il y a toutes ces conditions-là. Je veux dire, ce n'est pas évident. Même les
personnes qui sont permanentes, qui >viennent au Québec et qui veulent
apprendre le français, l'argent qu'ils reçoivent, le montant, on a fait le
calcul, et c'est la moitié du salaire minimum. Donc, dès que tu as un emploi,
tu as juste le goût de… puis que tu as une famille à faire vivre, tu as juste
le goût de quitter ton cours de français puis d'aller travailler, gagner ta
vie, à moins d'avoir des cours de français au travail.
Donc, moi, ma question, c'est... Il y a
une vision du ministre pour protéger le français, puis il ouvre ça à tout le
monde, mais après ça, de l'autre côté, le gouvernement dit : On va avoir
juste de l'immigration temporaire.
M. Jolin-Barrette : Non.
Mme Ghazal : Bien
surtout, de plus en plus.
M. Jolin-Barrette : Bien
non, bien non. Non, non, ce n'est pas ça qu'on dit. Et ce n'est pas moi qui est
ministre de l'Immigration, mais ce n'est pas ça qu'on dit.
Bien, premièrement, sur votre première
question... Puis là on est un peu hors sujet parce que le projet de loi
n° 96, c'est un projet de loi sur le français, sur la Charte de la langue
française, là on débat plus des questions d'immigration, qui n'est pas dans le
cadre du projet de loi, là. Mais, pour répondre à votre question, je vous donne
un exemple, dans l'immigration qui est sélectionnée, au niveau de l'immigration
économique, la majorité des dossiers, près de 90 % des dossiers
proviennent du Programme de l'expérience québécoise. C'est quoi, le Programme
de l'expérience québécoise? C'est des gens qui ont été en situation temporaire
au Québec et qui deviennent permanents.
Alors, est-ce que l'immigration temporaire
permet d'aller chercher une connaissance du français? La réponse à cette
question-là, c'est oui, parce que les chiffres démontrent que la plus forte
majorité de la sélection, 85 %, 90 %, c'est des gens qui sont passés
par le PEQ. Donc, les critères pour passer par le PEQ, notamment, c'est d'avoir
un niveau 7 de français, mais d'avoir aussi... vous vous souviendrez de la
réforme que j'ai faite aussi avec le PEQ, deux réformes, vise à faire en sorte
de passer un certain nombre de temps au Québec, d'avoir une expérience de
travail pour les étudiants, et, pour les travailleurs, de passer x nombre de
temps au travail également avant de pouvoir soumettre sa candidature au PEQ.
Donc, ça, ça assure, un, dans un premier temps, l'immigration en région,
notamment où il y a des besoins de main-d'oeuvre, et, par la suite, une
connaissance de niveau 7 du français. Alors, oui, et donc c'est pour ça que je
l'ai ouvert aux temporaires aussi.
Sur votre autre question, que je ne me
souviens plus c'est quoi...
Mme Ghazal : Bien,
c'était sur le fait que vous voulez avoir plus d'immigration temporaire.
M. Jolin-Barrette : Ah
oui. Bon, bien, non, nos seuils...
Mme Ghazal : De plus en
plus.
M. Jolin-Barrette : …nos
seuils demeurent intacts relativement à… On a descendu à 40 000, on est
montés à 44 000, 48 000, donc les fourchettes demeurent également,
mais…
Mme Ghazal : 60 000,
70 000.
M. Jolin-Barrette : Non,
mais en fait le 70 000, c'est les seuils sur les trois années qu'on a mais
en raison de la pandémie, du fait qu'on n'a pas accueilli les gens puis avec le
retard qu'il y a à Ottawa. Mais, quand vous faites sur les trois années, sur la
planification pluriannuelle de trois ans, vous revenez au seuil qu'on a. Et le
recours <à l'immigration temporaire, oui, fait…
Mme Ghazal : …70
000.
M. Jolin-Barrette :
Non, mais en fait le 70 000, c'est les seuils sur les trois années qu'on a
mais en raison de la pandémie, du fait qu'on n'a pas accueilli les gens puis
avec le retard qu'il y a à Ottawa. Mais, quand vous faites sur les trois
années, sur la planification pluriannuelle de trois ans, vous revenez au seuil
qu'on a. Et le recours >à l'immigration temporaire, oui, fait partie du
fait qu'on va pouvoir accueillir ces gens-là de façon permanente aussi. Dans le
fond, les gens, ils viennent plus rapidement au Québec dans les différents
milieux, travaillent, se francisent et, par la suite, sont admis de façon
permanente.
Ça fait que la différence, là, avec dans
le temps, là, c'est que, dans le temps, les précédents gouvernements laissaient,
durant des années, une famille, pendant trois, quatre, cinq ans, dans leur
pays d'origine, puis là ils disaient : O.K., là c'est le temps, on vous
admet, ça fait que venez-vous-en. Nous, on dit : Écoutez, si vous… on a
des besoins de main-d'oeuvre, notamment, venez au Québec, venez vous intégrer.
Voici la marche à suivre, la formule : cours de francisation,
apprentissage, occuper un emploi, expérience de travail pendant x temps. Vous
allez passer par la voie rapide par le PEQ. Donc, vous vous retrouvez avec des
gens qui peuvent aller en région et qui parlent français.
Mme Ghazal : Mais, comme
le disait le ministre, aussi, on aura d'autres occasions d'en parler, notamment
quand on va parler de Francisation Québec, et tout ça. Pour le moment, je
comprends. Moi, je ne suis pas contre le fait de dire «domiciliée», absolument.
De l'ouvrir le plus possible à tout le monde, ça, je suis d'accord. Mais après
ça il y a d'autres décisions du gouvernement qui ne sont pas… c'est du
gouvernement, là, et non pas seulement le ministre responsable de la Langue
française, qui entrent en cohérence avec les prétentions, peut-être, du
ministre de protéger la langue française. Mais on aura… j'aurai l'occasion d'y
revenir.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci.
Mme Ghazal : Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Je reconnais maintenant le député de D'Arcy-McGee. C'est toujours sur
l'amendement déposé par la députée de Marguerite-Bourgeoys à l'article 4.
Allez-y.
• (15 h 30) •
M. Birnbaum : Merci,
Mme la Présidente. Moi, j'aimerais retourner au fond de l'amendement de
proposé, et c'est-à-dire de remplacer le mot «domiciliée» par «qui réside».
Écoutez, nous sommes dans un des objectifs assez primordiaux du projet de loi
devant nous et assez partagés, c'est-à-dire de bonifier le droit, l'accès réel
à la francisation. Et notre préoccupation, c'est qu'on risque d'écarter une
cible assez intéressante, assez importante et assez recherchée.
Je me permets de parler de ce qu'introduit
ma collègue de Marguerite-Bourgeoys. Ces nombreux étudiants et étudiantes qui
viennent au Québec, souvent avec le choix d'aller ailleurs, même pour
l'expérience temporaire, mais plusieurs d'entre eux qui choisissent le Québec
ou ailleurs sont, disons, au moins ouverts à la possibilité de faire de leur
foyer l'endroit qu'ils choisissent. Souvent, de plus, c'est du monde, dans
notre cas, qui risque d'être francophile, du monde qui risque d'être, comme je
dis, ouvert et ouverte à se joindre à notre société québécoise en connaissance
du fait que la seule langue commune <est le français…
>
15 h 30 (version révisée)
<15371
M. Birnbaum :
...c'est du monde, dans notre cas, qui risque d'être francophiles, du monde qui
risque d'être, comme je dis, ouvert et ouverte à se joindre à notre
société
québécoise en connaissance du fait que la seule langue commune >est le français.
Maintenant, je crois que nous avons tous
compris la distinction que le ministre a faite à plusieurs reprises pour
proposer de maintenir le mot «domicile», et on a compris parce que, là, on
propose d'octroyer un droit dans un cas et de rester avec... et je n'utilise
pas le mot de façon péjorative, mais de rester avec le facultatif pour les
autres. Oui, il y a des programmes, comme je dis, facultatifs, ça ne veut pas
dire que ce n'est pas disponible, mais, actuellement et dorénavant, selon
l'article devant nous, ça resterait une option, en quelque part. Et le ministre
privilégie l'idée de bonifier le droit pour les résidents. Donc, en quelque
part, implicite dans ça, c'est le fait que d'avoir accès n'est pas aussi fort
et actionnable, si vous voulez, que le droit, dans ce mot dont on parle, qui
est une cible assez intéressante, on va en convenir, pour le Québec de garder
ces gens-là, qui ont souvent une grande expertise, comme je dis, qui auraient
pu choisir leur séjour temporaire ailleurs, de les impliquer de façon
statutaire, en quelque part, dans la francisation. Donc, pour le faire, il faut
qu'ils se voient octroyer un droit.
De plus, je crois que c'est intéressant de
nous rappeler que, dans le deuxième alinéa proposé de 6.1, on parle des gens
qui résident ou... qui résident, notre préférence, qui reçoivent d'un établissement
d'enseignement primaire, secondaire ou collégial offert en anglais le droit. De
mon expérience, ces établissements... et voilà le raisonnement derrière notre
proposition de bonifier l'offre du français langue seconde dans les cégeps, à
titre d'exemple, ces établissements sont tout à fait prêts à être au
rendez-vous pour participer pleinement et de façon bonifiée dans la
francisation. Il faut dire que c'est leur gagne-pain chaque jour. Pour avoir
été directeur général de l'Association des commissions scolaires anglophones du
Québec, c'est des pionniers sur le plan mondial sur le français langue seconde
sur le modèle d'immersion française.
Alors, je crois que ces établissements
sont tout à fait prêts et au rendez-vous pour même accentuer le rôle en tout ce
qui a trait à la francisation. Donc, j'inviterais le ministre d'être, si je
peux, peut-être plus clair sur ce qui <empêche...
M. Birnbaum : ...
ces
établissements sont tout à fait prêts et au rendez-vous pour même accentuer le
rôle en tout ce qui a trait à la francisation. Donc, j'inviterais le ministre
d'être, si je peux, peut-être plus clair sur ce qui >empêche le
législateur d'ordonner... d'octroyer ce droit à cette classe de personne qui, actuellement,
a quelques options, mais à géométrie variable, de poursuivre sa francisation.
Alors, si on peut... Deux choses. Si je
peux, dans un premier temps, comprendre où est la contrainte. Ça ne serait pas
une première fois que des résidents de cet ordre-là se voient octroyer les
droits, alors, si on peut avoir des précisions sur les réticences du ministre
là-dessus.
Et, deuxième chose, parce que j'ose croire
que, malgré l'offre de programmes dont parle le ministre, comme je dis, comme
j'ose croire que c'est à géométrie variable, c'est au plaisir d'un prochain ministre
d'annuler de tels programmes, ça serait dommage, mais voilà... Alors, ma
deuxième question serait de connaître s'il y a quelques données qui démontrent
que l'offre actuelle que le ministre... qu'il aurait venu bonifier dans son
ancien rôle, est-ce qu'on a quelques statistiques qui démontrent que ça marche,
son plan panquébécois, dans la plupart des régions? Alors, voilà les deux questions
que j'aurais, Mme la Présidente. Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : La question,
dans le fond, c'est la question des données statistiques pour le nombre
d'inscriptions des temporaires qui se sont inscrits? C'est ça. On a demandé
puis on va demander au MIFI qu'il nous les envoie par rapport à l'ouverture aux
temporaires.
Bien, en fait, c'est un peu la même
réponse que je donnais à la députée de Marguerite-Bourgeoys relativement à
«domiciliée» et «résident». Ça ne veut pas dire qu'une personne en situation
temporaire n'est pas domiciliée au Québec. Et, dans le fond, le droit est
garanti à la personne qui établit son domicile au Québec, donc c'est la question
du droit. Mais actuellement on l'offre déjà, même aux résidents, on l'offre à tout
le monde. Et c'est notre intention de continuer à l'offrir, on a tout intérêt à
le faire. Mais c'est plus une application, là, de ce qu'on fait, on vient insérer
un droit dans la loi.
Donc, avec la proposition qui est faite,
c'est comme si on donnait le droit d'exiger à une personne en situation... qui
est seulement résident, et ça pose les cas d'espèce que je vous ai exposés tout
à l'heure. Une situation qui est... une personne qui est ici trois semaines, un
mois et demi également, qui pourrait se retrouver à poursuivre l'État québécois
si elle n'avait pas son cours, bien, en fait, les services de Francisation Québec.
Alors, voyez-vous, on est sur... on a le
même objectif, là. Le fait que des personnes en situation temporaire, qu'ils
soient étudiants, qu'ils soient des travailleurs étrangers temporaires... puis
là je reviens à ce que je disais à la députée de Mercier, que, vu que la
majorité passe par le PEQ, mais ils ont tous une expérience québécoise puis ils
ont un niveau 7. Ça fait que, nécessairement, on a intérêt à les franciser
dès le départ, ça fait qu'on va continuer à le faire également. On utilise
notamment les fonds dédiés au ministère de <l'Immigration...
M. Jolin-Barrette :
...travailleurs étrangers temporaires... puis là je reviens à ce que je disais
à la
députée de
Mercier, que, vu que la majorité passe par le
PEQ, mais ils ont tous une expérience québécoise puis ils ont un niveau 7.
Ça fait que, nécessairement, on a intérêt à les franciser dès le départ, ça
fait qu'on va continuer à le faire également. On utilise notamment les fonds
dédiés au ministère de >l'Immigration pour ça. Parallèlement à ça...
bien, c'est ça, la disposition, c'est un gros pas en avant, là, parce qu'on dit
«toute personne domiciliée», ici. Puis vous l'avez bien dit aussi, dans les
établissements du réseau anglophone, dans le fond, on vient dire également :
Bien, les gens ont le droit également d'avoir... d'acquérir une bonne
connaissance du français aussi. Dans le fond, c'est un droit qui devient
l'équivalent d'un droit personnel pour les citoyens qui sont sur le territoire
québécois puis pas citoyen au sens légal, mais au sens sociologique du terme,
une personne qui s'établit au Québec, qui est domiciliée au Québec. C'est la
seule nuance, à 6.1, entre les deux.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le député.
M. Birnbaum : Oui. Si je
peux... Deux choses. Dans un premier temps... parce que derrière ça, pour moi,
il y a une question d'approche, très important. Je vais commencer là et à
d'autres endroits dans le projet de loi où je risque d'avoir le même sentiment.
Je trouve ça important pour nous d'être à l'aise d'assumer l'idée qu'on parle
de la concurrence, qu'on agisse avec une certaine humilité. Et je continue
d'avoir en tête, Mme la Présidente, ces étudiants et étudiantes d'ailleurs. Ils
n'ont pas besoin de choisir le Montréal, le Québec, nos universités en région.
Souvent, ces gens-là auront plein de choix. Nous avons à nous situer sur le
plan mondial et devant cette concurrence pour la meilleure qualité de visiteurs
potentiels résidents, résidentes permanentes.
Alors, pour moi, voilà une des raisons
pourquoi je me demande comment on peut s'outiller de la façon optimale pour
attirer ce monde ici et dans l'optique de les aider à se franciser. Et, comme
je dis, on est devant un article qui propose à bonifier le droit pour certaines
personnes, alors ça suggère que le droit d'avoir ce droit est mieux que d'avoir
l'accès qui n'est pas enchâssé dans un droit. Alors, il y a un avantage de se
voir doter de ce droit-là.
Alors, avec, comme je dis, en tête cette
optique que nous sommes en concurrence avec d'autres juridictions qui cherchent
à pérenniser la présence de ces mêmes gens, alors, est-ce qu'on peut le
maximiser? Et, si oui, j'invite le ministre... je sais qu'il a tenté de donner
des réponses, mais à préciser, à préciser les risques. Est-ce que c'est <de
l'ordre financier, je ne sais pas. Le...
M. Birnbaum : ...
pérenniser
la présence de ces mêmes gens, alors est-ce qu'on peut le maximiser? Et, si
oui, j'invite le ministre, je sais qu'il a tenté de donner des réponses, mais à
préciser, à préciser les risques. Est-ce que c'est >de l'ordre
financier, je ne sais pas, le risque de déclarer que ce droit serait à la
portée des résidents? Est-ce qu'il peut nous citer des exemples d'où on se
mettrait, en quelque part, à risque d'octroyer un tel droit aux gens qui
résident au lieu que des gens qui auraient établi comme prévu leur domicile?
• (15 h 40) •
M. Jolin-Barrette : Bien,
simplement répéter, dans le fond, il peut y avoir une kyrielle de conséquences
juridiques aussi, puis moi, je suis très, très à l'aise, là, à mettre «les personnes
qui sont domiciliées» parce que, ce droit-là, on vient l'insérer, c'est un
nouveau droit, «une personne domiciliée au Québec». La notion de domicile, c'est
une question d'intention, ça fait que, ça, ce droit-là, il est là. Après ça,
pour ce qui est des personnes qui sont résidents... et donc, lorsque vous êtes
résident, vous avez déjà accès aux cours ou à l'offre de services de
Francisation Québec. C'est déjà le cas, actuellement, avec les cours de
francisation. Là, moi, je vous dirais, si je voulais faire de la politique :
Comment ça se fait qu'à l'époque, si c'était si important que ça d'attirer les
meilleurs talents de par à travers le monde... comment ça se fait que le gouvernement
précédent n'a pas, justement, ouvert la francisation puis qu'il n'en faisait
pas la promotion aussi là-dessus?
Alors, voyez-vous, l'avancée significative
qu'on fait en instaurant le droit de bénéficier des services de
Francisation Québec... et déjà on a mis l'argent puis les cours sont
ouverts aux temporaires, actuellement. Mais je comprends votre objectif pour
l'amendement, il est louable. Mais, pour les conséquences qui peuvent survenir,
moi, je suis à l'aise de conférer le droit aux personnes qui sont domiciliées
au Québec.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le député.
M. Birnbaum : Juste pour...
bon, de ma part, pour conclure, l'argument que j'essaie d'avancer sur la
concurrence de la conjoncture actuelle, en quelque part, je me permets de dire
qu'il y a un pion qu'on laisse sur la table parce que cette classe de personnes
dont je parle ne serait pas en mesure de dire : Oui, oui, j'ai... je suis
en train de faire un choix. C'est l'oeuf ou la poule et, une fois rendu
résident, un choix aura été fait en absence d'une garantie de ces services-là.
Alors, moi, je dis qu'on laisse un pion sur la table, Mme la Présidente,
ces gens qui, souvent, souvent, en connaissance de leur situation, sont en
train de peser la possibilité de rester où ils sont actuellement de façon
temporaire. Il y a des facteurs qui vont peser dans cette <décision...
M. Birnbaum : ...Mme
la Présidente, ces gens qui, souvent, souvent, en connaissance de leur
situation, sont en train de peser la possibilité de rester où ils sont
actuellement de façon temporaire. Il y a des facteurs qui vont peser dans cette
>décision. Un facteur, qui fait en sorte que nous sommes autour de cette
table-là, qui est d'importance capitale, c'est que ça se passe surtout en français
au Québec. L'accès de cette personne potentielle à une société qui fonctionne
surtout en français dépend sur son... sa perception de sa capacité, son
potentiel de s'intégrer au Québec. Et, je me permets l'observation, on se prive
d'un outil pour aider cette personne à prendre la décision que nous souhaitons
tous qu'il prenne.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : ...là-dessus,
là... Moi, je suis le député de D'Arcy-McGee, là, mais, s'il a accès aux cours
comme on l'offre actuellement, il n'y a pas d'enjeu, là, tu sais, parce que les
cours, ils sont disponibles pour les temporaires, puis il a accès à
l'allocation aussi. Tu sais, il n'y a pas d'enjeu, là. Mais, tu sais, avant
2019, ce n'était pas comme ça. Là, c'est rendu comme ça, puis ce n'est pas
notre intention d'enlever ça, au contraire. Donc, je vous rejoins. On est juste
sur l'aspect légal, sur le fait de conférer le droit. On est plus là-dessus.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci, M. le ministre.
Si je n'ai pas d'autre intervention, je
serais prête à mettre aux voix l'amendement déposé par la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Il n'y a pas d'autre intervention? Est-ce que l'amendement déposé par la députée
de Marguerite-Bourgeoys est adopté?
M. Jolin-Barrette : Rejeté.
La Présidente (Mme Thériault) :
Rejeté.
Donc, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys,
vous nous avez déposé un autre amendement, qui introduit 6.1.1. Je vais vous
demander de nous en faire la lecture. Et, pour les collègues, c'est dans le
site Greffier.
Mme David : Voilà. Ça me
permet d'enlever le masque aussi, alors, les amendements, parce que, si on
pouvait ne pas porter le masque, on aurait peut-être moins d'amendements.
M. Jolin-Barrette :
Mais, tu sais, là-dessus, Mme la Présidente, on peut s'arranger, là.
Mme David : Je le savais
qu'il trouverait, lui, qu'il trouverait une façon. Blague à part, le 6.1.1,
donc, qui ferait partie du 6, éventuellement, et qui découle pas mal
logiquement d'un projet de loi que... Je n'ai pas le droit de parler, hein? Il
faut que je le lise tout de suite puis je parle après?
La Présidente (Mme Thériault) :
Lisez-le, puis après ça vous ferez votre argumentaire, parce qu'en déposant
votre amendement, le temps est retenu sur l'intervention générale de l'article,
puis du moment qu'il est déposé, et vous en avez fait la lecture...
Mme David : ...là, j'ai
20 minutes.
La Présidente (Mme Thériault) :
...après ça, l'argumentaire repart dans votre autre chronomètre de 20 minutes.
Mme David : Alors : L'article
4 du projet de loi est modifié par l'insertion, après l'article 6.1 qu'il
introduit, de l'article suivant :
«6.1.1. Toute personne qui réside au
Québec a droit à la gratuité des services d'apprentissage et de perfectionnement
du français offerts par Francisation Québec.»
Commentaires : L'article se lirait
comme suit :
«6.1.1. Toute personne qui réside au
Québec a droit à la <gratuité des...
Mme David : ...
l'article
4 du projet de loi est modifié par l'insertion, après l'article 6.1 qu'il
introduit, de l'article suivant :
«6.1.1. Toute personne qui réside au
Québec a droit à la gratuité des services d'apprentissage et de
perfectionnement du français offerts par Francisation Québec.»
Commentaires : L'article se
lirait comme suit :
«6.1.1. Toute personne qui réside au
Québec a droit à la >gratuité des services d'apprentissage et de
perfectionnement du français offerts par Francisation Québec.»
«6.2. Toute personne a droit à une justice
et à une législation en français.»
Ça, c'est... On change de sujet un peu. Alors,
écoutez, Mme la Présidente, il y a eu un projet de loi que le ministre avait
bien aimé de notre collègue le député de Jacques-Cartier, projet de loi n° 590 sur l'apprentissage gratuit du français. Le projet
de loi n° 590, qui s'appelait Loi modifiant la Charte de la langue
française afin d'instaurer la gratuité des services d'enseignement du français
pour toute personne qui réside au Québec, qui prévoyait que «toute personne qui
réside au Québec — là, c'était le mot «réside» — a droit à
la gratuité des services d'enseignement du français. Le gouvernement détermine
par règlement les services d'enseignement du français visés par l'obligation de
gratuité.» Alors, nous gardons la partie qui dit «toute personne qui réside»,
ou, si je comprends bien, «est domiciliée au Québec — alors, je ne
voudrais pas qu'on s'arrête au mot «réside» parce qu'on vient un peu de statuer
sur le mot «réside», alors on changera s'il faut, là, Mme la
Présidente — a droit à la gratuité des services d'enseignement du
français».
En fait, là, le ministre dit depuis
presque... je ne le sais pas, ça fait longtemps que c'est déposé, ce projet de
loi là, plus qu'un an, dit qu'il est très ouvert, et, dans les faits, tout ce
qu'on a entendu depuis tout à l'heure, le début de l'article 4, c'est la
gratuité, donc pourquoi ne pas le dire? Il se trouve que ça fait... ça donne
vraiment du corps et de la conviction à cette question d'apprentissage du
français pour les personnes domiciliées au Québec.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Bon, pour les personnes qui vont suivre les cours, l'objectif est que ça soit
gratuit, dans un premier temps, comme c'est le cas actuellement. Puis en plus
on offre une allocation, donc allocation temps plein, création d'une allocation
temps partiel. Ça, depuis 2019, les gens qui sont à temps partiel, ils
n'avaient pas d'allocation, puis là j'ai instauré une allocation à temps
partiel. Même chose, bonification des frais de garde pour les enfants, donc,
dans la journée, pour les temps-pleins, bonification... également on avait
bonifié le soir pour les coûts de frais de garde. Puis même je pense que, à
moins que je me trompe, on me corrigera, il y avait également, dans certains
cas, frais de transport, également, qu'on couvrait au ministère de l'Immigration.
Bon, ça fait que Francisation Québec, les
cours de francisation, notre objectif, c'est qu'ils soient gratuits, comme c'est
le cas actuellement, ou il risque peut-être d'y avoir certains services de
Francisation Québec qui pourraient... puis là je ne dis pas que ça va être le
cas, mais il pourrait y avoir une contribution financière aussi, supposons, de
l'employeur dans certaines situations, parce que Francisation Québec va être là
pour aller... notamment pour franciser, dans un <premier temps...
M. Jolin-Barrette :
...
actuellement, ou il risque peut-être d'y avoir certains services de
Francisation Québec qui pourraient... puis là je ne dis pas que ça va être le
cas, mais il pourrait y avoir une contribution financière aussi, supposons, de
l'employeur, dans certaines situations, parce que Francisation Québec va être
là pour aller... notamment pour franciser, dans un >premier temps, mais
pour donner des outils aux entreprises pour faire en sorte de franciser le
milieu de travail, les termes, la terminologie, tout ça, différents accès. Ça
fait qu'aujourd'hui je ne peux pas vous garantir que Francisation Québec, sur
tous les volets de Francisation Québec, ne sera jamais tarifée, mais par contre
pour les cours pour les personnes, les individus, oui, c'est l'intention qu'ils
soient gratuits.
Mme David : Mais il me
semble, M. le ministre, que vous avez tellement de belles personnes qui vous
conseillent qu'on peut certainement trouver une formulation qui protégerait
cette gratuité de la part de celui ou celle qui reçoit le service, même si
Emploi-Québec finance un entrepreneur ou je ne sais trop, parce qu'il me semble
qu'on veut tellement, et c'est tellement important. Puis on est tous d'accord,
ici, que la francisation, c'est le nerf de la guerre, que la francisation est
la pérennité dans le temps, aussi, de cette qualité du français. On l'a dit
hier, que la gratuité est au coeur de tout ça. C'est un peu comme l'école
primaire et secondaire, quand on a fait le rapport Parent, c'était évident
qu'il fallait que ça soit gratuit, le niveau collégial aussi. Alors, je ne peux
pas imaginer qu'on ne trouve pas une façon de redire, à peu près dans les mots
que vous avez dits vous-même, que, même si le citoyen n'a pas à débourser, puis
on n'est pas obligés de rajouter les allocations, et tout ça, parce que ça, c'est
des conditions particulières du MIFI, qui accompagne les citoyens à aller
suivre leurs cours de francisation, les nouveaux arrivants, entre autres, là,
ce n'est pas... Mais il me semble qu'il y a moyen de...
(Interruption)
Mme David : ... — oupelaïe! — de
trouver une façon pour parler de gratuité des services d'apprentissage et de
perfectionnement, mais sans exclure qu'il y ait une allocation qui soit versée.
Ça, ça me semble évident, là, qu'Emploi-Québec ou ce que vous avez donné comme
exemple, ça puisse être des... une contribution de l'employeur, par exemple. Et
c'est pour ça, nous, dans cet... l'esprit de cet amendement-là, c'est le
receveur de services, ce n'est pas l'employeur ou le dispensateur de services,
c'est vraiment celui qui reçoit le service, l'importance de la gratuité de ce
service-là pour être sérieux dans nos convictions de francisation.
• (15 h 50) •
M. Jolin-Barrette : Je
comprends, et j'en suis, et c'est ce qu'on fait actuellement, et c'est
l'objectif que ça demeure, que les cours de français soient gratuits. Et on n'a
aucun intérêt à rendre les cours de francisation payants, vous comprendrez que
c'est l'ensemble de la société qui y gagne. Et avec l'enveloppe Canada-Québec,
ce que ça nous permet de faire, c'est justement de débloquer des millions pour
franciser, pour donner des allocations. Alors, je comprends l'objectif, mais ça
amène des conséquences aussi, autres, qui me font... qui font en sorte que je
ne peux pas donner suite à l'amendement.
Mme David : Bien, les
conséquences autres, c'est celles que vous avez nommées, que, dans certains cas...
M. Jolin-Barrette :
Bien, entre autres... entre autres...
Mme David : ...l'employeur
aurait à contribuer?
M. Jolin-Barrette :
Bien, c'est <parce qu'actuellement...
M. Jolin-Barrette :
...
alors, je comprends l'objectif, mais ça amène des conséquences aussi,
autres, qui me font... qui font en sorte que je ne peux pas donner suite à
l'amendement.
Mme David : Bien, les
conséquences autres, c'est celles que vous avez nommées, que dans certains cas...
M. Jolin-Barrette :
Bien, entre autres... entre autres...
Mme David : ...l'employeur
aurait à contribuer?
M. Jolin-Barrette :
Bien, c'est >parce qu'actuellement, tu sais, Francisation Québec, ça
n'existe pas encore, ça fait qu'il y a différents... Dans le fond, Francisation
Québec va se déployer, et là on va amener les ressources du ministère de
l'Éducation, du ministère de l'Emploi, Travail, Solidarité sociale, du MIFI
dans le cadre d'un guichet unique, puis ça va être une offre de services qui va
être paramétrique. Ça fait que, bien entendu, ça va servir de guichet unique à
la fois pour la personne qui veut suivre un cours de français, mais à la fois
pour les entreprises également.
Alors, lorsqu'on parle de «toute
personne», bien, «toute personne», est-ce que ça inclut une personne morale
aussi? Voyez-vous, tu sais, ça ouvre une boîte qui est très large. Nous, on va
continuer de la façon dont on fonctionne pour les services de francisation des
personnes, qui vont être gratuits avec allocation. On l'a augmentée
substantiellement. Bien, c'est pour ça que je ne donne pas suite... Parce qu'au
niveau de Francisation Québec, en général, il se peut... Ce n'est pas
l'objectif, mais, à ce stade-ci, je ne peux pas vous dire que... tu sais, on
n'ouvre pas la loi 101 à chaque année. Ça faisait une couple d'années que
ça n'avait pas été ouvert, donc, depuis 2002, je crois.
Une voix : 2010.
M. Jolin-Barrette :
2010? Bon, 2010. Alors, voyez-vous, ça fait 12 ans, 11 ans. Alors, je
ne peux pas prévoir, là, ce qui va arriver dans les prochaines années par
rapport à comment va fonctionner Francisation Québec, tout ça. Mais notre
objectif, il est... il demeure clair que les personnes puissent suivre des
cours de français. Puis je reviens sur la proposition du projet de loi du
député de Jacques-Cartier, qui était inspirée notamment de la proposition du
député de Sainte-Rose aussi, mais là on ne... pas qui est toute la paternité
puis tout ça, là.
Mme David : ...l'a dit...
coparental.
M. Jolin-Barrette :
C'est ça. Bien là, il y a deux parents, deux parents. Et donc l'objectif, c'est
justement de faire en sorte que les Québécois, notamment d'expression anglaise,
qui veulent perfectionner leur connaissance du français, puissent aller le
faire gratuitement. Puis je l'ai déjà dit, que j'étais d'accord avec ça, puis
c'est pour ça également qu'on l'a mis à Francisation Québec, et surtout parce
qu'actuellement la problématique avec ça — puis à la fois, c'est bien
identifié par le député de Jacques-Cartier puis le député de
Sainte-Rose — c'est le fait que les cours de francisation qu'il y a
actuellement, c'est principalement pour les personnes immigrantes. Donc, si
vous êtes originaire du Québec puis que vous voulez améliorer vos compétences
langagières en français, vous ne pouviez pas aller dans les cours de
francisation, puis c'est ça qui ne marchait pas, là, donc, d'où l'importance du
projet de loi du député de Jacques-Cartier, qu'on a intégré là-dedans, puis de
la proposition du député de Sainte-Rose.
Mme David : Quand vous
dites «toute personne», ça peut inclure les personnes morales. On peut changer
l'esprit de l'amendement puis mettre des personnes physiques, là, parce que je
sais bien que «personne morale», c'est une entreprise. Si c'est juste ça, le
problème, on va vous trouver des solutions. En fait, je comprends très bien ce
que vous <voulez dire, mais...
Mme David : ...
quand
vous dites «toute personne», ça peut inclure les personnes morales. On peut
changer l'esprit de l'amendement puis mettre des personnes physiques, là, parce
que je sais bien que personne morale, c'est une entreprise. Si c'est juste ça,
le problème, on va vous trouver des solutions. En fait, je comprends très bien
ce que vous >voulez dire, mais «tout individu», «tout citoyen», là...
Parce que je dirais qu'à ce moment-là votre propre article 6.1 ne
fonctionne pas parce que vous dites «toute personne domiciliée au Québec».
Est-ce qu'on parle de personnes morales aussi, tant qu'à faire?
M. Jolin-Barrette :
Bien, c'est dur d'enseigner à une personne morale.
Mme David : Oui, je sais,
mais c'est parce que, quand même, je pense qu'on peut comprendre...
M. Jolin-Barrette : Il y
a bien du monde incorporé au Québec puis il y a peut-être du monde incorporé
qui ne devrait pas être incorporé.
Mme David : Ça, c'est un
autre débat.
M. Jolin-Barrette : Je
vois le député de La Pinière sourire. Je pense que je sais à quoi il fait
référence.
M. Barrette : ...
M. Jolin-Barrette :
Pardon?
M. Barrette : ...va pour
les deux côtés.
M. Jolin-Barrette :
Bien, moi, je ne suis pas incorporé.
M. Barrette : Mais vous
avez des semblables, là, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Mais
Dr Poirier non plus, il n'est pas incorporé.
La Présidente (Mme Thériault) :
On ne s'interpellera pas, s'il vous plaît, on va continuer le débat sur l'amendement.
Mme David : Vous m'avez
un peu fait perdre le fil, mais ce que je veux dire, c'est que c'est évident
qu'une personne morale, ce n'est pas une personne, un individu, un citoyen,
appelons-le comme on veut, un Québécois, une Québécoise, mais il y a moyen de
contourner, si c'est ça qui vous empêtre, de dire : Bien, il faut vraiment
préciser, on peut le mettre à l'exclusion des personnes morales, là. Tu sais,
ça m'apparaît tellement évident que ce n'est pas une personne morale qui a le
droit à la gratuité des services d'apprentissage et de perfectionnement du français,
parce que ce n'est pas une personne... une entreprise qui a droit à une
gratuité de services d'apprentissage, c'est une personne individuelle.
Alors, je trouve qu'on y est déjà tellement
avec les... comme vous dites, la gratuité de facto, là, mais qui n'est pas
écrite nulle part. On est là pour l'avenir. Nous, on ne sera pas là, l'avenir,
la loi va rester. Il me semble que, si vous voulez circonscrire un peu plus
quelle personne physique ou quel citoyen à qui on peut assurer cette
gratuité-là, ce serait peut-être déjà pas pire, mais il me semble, si on a
réussi à dire que l'école serait gratuite dans la réforme Parent dans les
années 60, on est capables de dire que la francisation peut être gratuite
pour les personnes civiles. Je ne sais pas trop comment on appelle ça.
M. Jolin-Barrette : Mais
l'enjeu, notamment sur l'aspect financier aussi, je ne peux pas l'évaluer pour
le futur non plus, je ne peux pas l'évaluer pour les gouvernements successifs.
L'objectif, c'est de donner un droit à la francisation, mais je ne peux pas
prévoir le futur non plus. Donc...
Mme David : ...rester complètement
dans la brume s'il n'y a plus d'argent. Là, vous êtes chanceux, on vous a
laissé beaucoup, beaucoup, beaucoup d'argent, et vous avez pris... et on
pourrait le mettre dans la loi, peut-être, d'obliger les transferts, l'entente
Canada-Québec, pour que ça aille tout à la francisation, effectivement, je
serais d'accord avec vous. Mais ce que vous êtes en train de dire, c'est que,
si tout d'un coup on a <moins d'argent, bien...
Mme David : ...s'il
n'y a plus d'argent. Là, vous êtes chanceux, on vous a laissé beaucoup,
beaucoup, beaucoup d'argent, et vous avez pris... et on pourrait le mettre dans
la loi, peut-être, d'obliger les transferts, l'entente Canada-Québec, pour que
ça aille tout à la francisation, effectivement, je serais d'accord avec vous.
Mais ce que vous êtes en train de dire, c'est que, si tout d'un coup on a >moins
d'argent, bien, il va avoir le droit, mais il n'y aura plus d'argent, donc, le
nouvel arrivant, je ne pense pas qu'il va payer 2 200 $ pour
24 heures de cours, là, ça ne se peut juste pas.
M. Jolin-Barrette : Donc,
on vient conférer un droit qui est exécutoire. Puis c'est ça, la nouveauté,
notamment, avec les premiers articles relativement aux droits fondamentaux, là.
Maintenant, ce sont des droits exécutoires. Donc, la personne qui est domiciliée
au Québec a le droit à des services d'apprentissage du français.
Mme David : Est-ce qu'«exécutoire»
égale «gratuit»?
M. Jolin-Barrette :
Exécutoire, c'est effectif.
Mme David : «Effectif»
n'égale pas «gratuit».
M. Jolin-Barrette : Mais
la notion de gratuité aussi, elle peut être discutée aussi, parce que, vous
savez, parfois... et même à l'école, il y a certains frais qui sont chargés,
notamment par rapport à des feuilles, ou quoi que ce soit, là. Alors, ça amène
certains enjeux relativement à ça. Mais je vous dis, l'objectif, c'est que les
cours demeurent gratuits, et même il y a des allocations, puis j'ai monté les
allocations au même niveau que le soutien à la solidarité sociale. Donc, ça, c'est
une avancée significative.
Mme David : ...je ne
conteste pas ça et je salue ça.
M. Jolin-Barrette : Et
juste un petit bémol, ici, je vous dirais que la bonification provient du fait
que c'est de l'argent Canada-Québec qu'on a fait le choix de consacrer au ministère
de l'Immigration.
Mme David : Puis c'est
vrai aussi, on pourra parler de l'aide financière aux études, ça aussi, c'est
tout un débat, c'est votre... ça va dans le fonds consolidé, mais on n'est pas
ici pour parler de ça. Mais ça m'inquiète encore plus, ce que vous dites, parce
que le droit, là, le droit... vous avez dit : C'est un droit... je ne sais
plus quel mot vous avez employé, là, mais...
La Présidente (Mme Thériault) :
...
Mme David : Pardon?
La Présidente (Mme Thériault) :
Exécutoire.
Mme David : Exécutoire, oui,
un droit exécutoire : Je veux mon cours de français et j'y ai droit. Mais
c'est comme aux États-Unis, j'ai droit à un service santé, mais sors ta carte
de crédit, parce que sinon tu ne l'auras pas, ton service de santé.
M. Jolin-Barrette :
Bien, c'est différent, c'est différent. Exemple, comparez-le au Canada, sur
votre droit à la santé, il est là. C'est parce que ce qui arrivait avant, là,
sur la Charte de la langue française, là, c'étaient des droits fondamentaux,
mais qui n'étaient pas exécutoires, contrairement à ceux qui sont prévus à la Charte
des droits et libertés de la personne, le 1 à 38, hein Éric, je crois, 1 à 38? Oui,
c'est ça, 1 à 38 de la Charte des droits et libertés de la personne, une charte
québécoise, ils sont exécutoires, vous pouvez saisir le tribunal pour dire :
Bien, je veux obtenir soit réparation, ou je veux obtenir délivrance de la
chose ou du service. C'est ça qu'on vient faire.
Mme David : ...pour ne
surtout pas les appliquer.
M. Jolin-Barrette :
Quoi, 1 à 38?
Mme David : Oui.
M. Jolin-Barrette : Non,
mais on va venir à la discussion là-dessus. Oui, mais...
Mme David : ...oui, oui,
des fois ils servent pour des bons exemples, mais ils prennent le bord quand
c'est un peu embêtant dans une loi.
M. Jolin-Barrette : Non,
pas du tout, parce qu'on vient conférer aux droits fondamentaux de la Charte de
la langue française le même statut que les droits fondamentaux qui sont
présents. Donc, on vient élever la Charte de la langue française.
Mme David : ...oui, je le
sais.
• (16 heures) •
M. Jolin-Barrette : Mais
alors que ça, ça aurait dû être fait il y a longtemps, puis surtout ça aurait
dû être considéré <par les tribunaux.
Mme David :
...exécutoire...
>
16 h (version révisée)
<15379
Mme David :
...c'est
un peu embêtant dans une loi.
M. Jolin-Barrette :
Non,
pas du tout,
parce qu'on vient conférer aux droits
fondamentaux de la
Charte de la langue française le même statut que les
droits fondamentaux qui sont présents. Donc, on vient élever la
Charte
de la langue française.
Mme David : ...oui, je
le sais.
M. Jolin-Barrette :
Oui, mais alors que ça, ça aurait dû être fait il y a
longtemps, puis
surtout ça aurait dû être considéré >par les tribunaux.
Mme David :
...exécutoire. Le mot «exécutoire», ça veut dire le nouvel arrivant, admettons,
ou M., Mme XYZ, un mari, une femme de quelqu'un qui a été francisé, mais
l'autre n'a pas eu le temps de se franciser dit : Moi, je veux, c'est un
droit, et c'est important, c'est inclus, là, dans les grands droits, au même
niveau que les droits de la Charte des droits et libertés de la personne.
«Exécutoire» veut-il dire que l'État doit s'exécuter à tout prix ou il y a un
prix, justement, il y a un prix, c'est-à-dire que la personne qui réclame ça
doit avoir à payer au bout de la ligne? On est loin de la RAMQ, là, on est loin
de la carte-soleil qui dit : Moi, j'ai besoin d'un service médical puis je
ne recevrai pas de facture à la fin.
M. Jolin-Barrette : Ce
ne sont pas tous les services médicaux qui sont couverts par la RAMQ.
Mme David : ...exécutoire,
c'est un droit qui oblige l'État à s'exécuter, mais ça ne dit pas qu'il n'y a
pas une facture au bout de la ligne, le mot «exécutoire».
M. Jolin-Barrette : Effectivement.
Mme David : Donc, il est
obligé de trouver... La personne est obligée de dire : O.K., je vais le
payer, mais l'État est obligé de lui trouver le prof, et etc., d'avoir l'infrastructure
pour franciser la personne. C'est un droit à la francisation, mais ce n'est pas
un droit à la gratuité de la francisation.
M. Jolin-Barrette : Vous
avez raison. Mais par contre les cours de français sont gratuits au Québec,
puis le gouvernement du Québec les finance, les met en place, donne des allocations
aux personnes pour le faire. Alors, c'était comme ça depuis plusieurs années,
puis ça va continuer comme ça. On n'a pas l'intention de changer les pratiques.
Vous, ce que vous voulez faire, c'est
instaurer le fait qu'en tout temps ça soit la gratuité. Moi, ce que je vous
dis, c'est que je ne peux pas prévoir le futur. Nous, dans notre laps de temps,
la mise en place, l'intégration des personnes immigrantes, on veut que ça soit
gratuit, mais, si jamais il y a un autre gouvernement qui souhaiterait
économiser sur la francisation, je ne peux pas le garantir.
Mme David : Et c'est là
qu'on trouverait ça, vous, moi et bien d'autres, très dommage.
M. Jolin-Barrette : Tout
à fait.
Mme David : Mais on se
fie... Une loi, ce n'est pas supposé se fier au gouvernement en place. On fait
une loi pour que, justement, on protège. Quand il y a eu la Charte des droits
et libertés de la personne en 1975, on ne s'est pas mis à dire : Bien là,
on ne mettra pas ça dans la charte parce que... bien, parce que ce n'est pas
nécessaire, puis les gouvernements, bien, ça dépendra des gouvernements si le
droit à la liberté, l'égalité, le droit à...
M. Jolin-Barrette :
Savez-vous ce qu'ils ont fait avec la Charte des droits et libertés de la
personne? C'est qu'ils n'ont pas rendu tous les droits exécutoires. Puis ils
ont fait la même chose en 1977 avec les droits fondamentaux, ils n'ont pas été
exécutoires. Alors, nous, on va beaucoup plus loin.
Mme David : ...un droit
exécutoire, pourquoi lui, il est exécutoire?
M. Jolin-Barrette :
Parce qu'on veut que ça se <fasse...
Mme David : …le
droit
à...
M. Jolin-Barrette :
Savez-vous ce qu'ils ont fait avec la Charte des droits et libertés de la
personne? C'est qu'ils n'ont pas rendu tous les droits exécutoires. Puis ils
ont fait la même chose en 1977 avec les droits fondamentaux, ils n'ont pas été
exécutoires. Alors, nous, on va beaucoup plus loin.
Mme David : ...un
droit exécutoire, pourquoi lui, il est exécutoire?
M. Jolin-Barrette :
Parce qu'on veut que ça se >fasse, on veut que l'État offre les
services.
Mme David : Mais c'est dit
où qu'il est exécutoire par rapport aux droits de la Charte des droits et
libertés de la personne, au droit x ou y?
M. Jolin-Barrette : Non,
mais, exemple, 1 à 38, là, de la Charte des droits et libertés de la
personne, ces droits-là sont exécutoires. Mais par la suite, 39 et
suivants, ce n'est pas exécutoire. Les droits économiques et sociaux ne sont
pas exécutoires. Comme à la Charte des droits et libertés… comme à la Charte de
la langue française, actuellement, les droits fondamentaux qui sont prévus, quoi,
1 à 10, à peu près, 1 à 7... 6? 1 à 6? 1 à 6,
ils n'étaient pas exécutoires, nous, on les rend exécutoires. Donc, l'article
qui les rend exécutoires…
Une voix : …
M. Jolin-Barrette : Je
vais vous revenir avec l'article qui les rend exécutoires.
Mme David : Si vous êtes
capable, vous... peut-être que la question va être hors champ, elle reviendra
plus tard, si vous êtes capable, avec ce projet de loi ci, de mettre sous
dérogation 1 à 38 de la charte des droits et libertés puis celle
canadienne aussi, qui empêcherait un autre gouvernement, un autre ministre, un
autre… de dire : On va mettre sous dérogation la Charte de la langue
française comme on met sous dérogation la Charte des droits et libertés.
M. Jolin-Barrette : Bien
là, on rentre dans le fun, là, avec la Constitution canadienne et la
constitution québécoise, alors beaucoup de plaisir, mais c'est plus loin, dans
le projet de loi, qu'on va en parler.
Mme David : ...ça, là.
M. Jolin-Barrette : Mais,
dans le fond, la loi que nous adoptons aujourd'hui... bien, aujourd'hui, que
nous étudions aujourd'hui, le projet de loi n° 96, elle bénéficie de la
disposition de dérogation… des dispositions de dérogation, des dispositions de
souveraineté parlementaire. Alors, pour pouvoir supprimer ces dispositions de
dérogation, ces dispositions de souveraineté parlementaire, il faudrait que le
législateur vienne supprimer ces dispositions-là, un peu comme le Parti libéral
du Québec, qui a dit que... s'il remporte l'élection en 2022, va enlever
la disposition de souveraineté parlementaire prévue à la Loi sur la laïcité. Je
crois que c'est toujours votre position?
Mme David : Ce n'est pas
là pour en discuter, mais c'est tout à fait possible. Tout comme, en 1993,
Claude Ryan a décidé de ne pas reconduire la clause dérogatoire de la loi sur
l'affichage commercial. Alors, ils ont passé une loi pour la prépondérance à ce
moment-là.
M. Jolin-Barrette : Et
je vois que ça a été heureux pour le Parti libéral.
Mme David : Bien, en tout
cas, ça… on ne refera pas l'histoire là-dessus. Mais c'est parce que j'essaie
vraiment de comprendre votre histoire de droits exécutoires parce que, là, je
sais qu'on rentre dans des considérations très, très, très légales, mais moi,
j'essaie de protéger le plus possible, de mettre à l'abri votre loi, dans ce
cas-ci, dans cet article-ci, à, justement, une facturation de plus en plus
large de ces droits-là qui ferait en sorte que l'esprit, je pense, que vous
voulez <installer…
Mme David : …à
l'abri
votre loi, dans ce cas-ci, dans cet article-ci, à, justement, une facturation
de plus en plus large de ces droits-là qui ferait en sorte que l'esprit, je
pense, que vous voulez >installer demeure ou disparaisse, dans le cas où
il y aurait de la facturation pour tout le monde, finalement. L'État va être,
admettons, là, en grande, grande récession, là, puis ça va vraiment mal, c'est
évident que vous allez dire : Bien là, on n'est plus capables de prendre
l'argent de l'entente… on va enlever la gratuité, on ne donnera plus d'argent
de subvention, de transport, de ci, de ça, bien là vous allez avoir un… on va
tous avoir un sérieux problème avec l'accessibilité à la francisation. Et on
dit : C'est le nerf de la guerre, la francisation. Donc, les gens vont
aller plus vers l'anglais. Les gens… C'est là que vous dites : Non, on est
protégés par le mot «exécutoire». C'est ça qui a l'air d'être encore plus fort,
légalement, que la question de la gratuité.
M. Jolin-Barrette : Mais
en fait le caractère exécutoire fait en sorte que l'État va devoir donner ces
services-là. Sur l'aspect de la gratuité, comme je vous l'ai dit, c'est notre
intention de continuer à donner ces services de francisation là gratuits. C'est
l'objectif, et l'argent est là pour le faire, et c'est budgété annuellement
pour le faire. Vous, ce que vous souhaitez, c'est qu'on l'inscrive dans la loi.
Moi, ce que je vous dis, c'est qu'à ce stade-ci je ne peux pas impliquer les gouvernements
successifs rattachés à cela.
Mme David : Seriez-vous
ouvert à quelque chose qui est entre les deux, à tendre de plus en plus… à
tendre le plus possible vers la gratuité, quelque chose comme ça? C'est
sérieux, là, ce dont on discute, là, c'est vraiment… Vous dites «notre gouvernement»,
je veux bien, mais malheureusement on n'est pas éternels, personne, là.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Bien, écoutez, je vais explorer la possibilité de voir ça.
Mme David : …
M. Jolin-Barrette : Je
ne sais pas si vous avez d'autres questions sur…
Mme David : Non.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et le député de La Pinière qui a une intervention à faire, mais M. le
ministre est en train d'explorer, présentement, une piste de solution à la
demande de la députée de Marguerite-Bourgeoys. Donc, on lui laisse les quelques
secondes qu'il aurait de besoin? Est-ce que vous voulez qu'on passe? Parce que
le député de La Pinière a une intervention à faire en attendant que votre
équipe…
M. Jolin-Barrette : On
fait des vérifications pendant ce temps-là, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. Donc, M. le député de La Pinière, la parole est à vous.
M. Barrette : Merci, Mme
la Présidente. Donc, l'exploration n'a pas été encore fructueuse. On n'a pas
trouvé.
M. Jolin-Barrette : …pas
trouvé?
M. Barrette : Bien,
puisque le ministre explorait.
M. Jolin-Barrette :
Bien, en fait, on est en analyse.
M. Barrette : Ah! en
analyse. Donc, on n'a pas…
M. Jolin-Barrette : En
analyse exploratoire.
M. Barrette : Donc, on
n'a pas tiré de conclusion. Très bien.
Moi, je suis comme ma collègue, et c'est l'intervention
que je voudrais faire, puis je suis très heureux de voir que ma collègue de
Marguerite-Bourgeoys m'ait précédé, on a eu la même <idée…
M. Jolin-Barrette :
…bien, en fait, on est en analyse.
M. Barrette : Ah! en
analyse. Donc, on n'a pas…
M. Jolin-Barrette :
En analyse exploratoire.
M. Barrette : Donc, on
n'a pas tiré de conclusion. Très bien.
Moi, je suis comme ma
collègue,
et c'est l'intervention que je voudrais faire, puis je suis très heureux de
voir que ma
collègue de Marguerite-Bourgeoys m'ait précédé, on a eu la
même >idée. Je veux quand même le regarder sous cet angle-là puis aller
un peu plus loin. Puis je vais commencer par me mettre dans les souliers du
commun des mortels. Le commun des mortels qui nous écoute ne peut pas
comprendre ce qu'on vient d'avoir comme échange. Alors, un droit exécutoire,
là, pour le commun des mortels, ça devrait vouloir dire : il est exécuté.
Alors, si, dans cette loi-ci, il y a un droit à avoir des services de
francisation, là il faut que les gens comprennent ce que ça veut dire. Alors
là, je comprends du débat que la seule chose que ça veut dire, c'est qu'on a le
droit que des cours de français existent, ça veut juste dire ça.
M. Jolin-Barrette : Mais
en fait c'est par proposition déclaratoire. Parce que vous avez deux types de
droit. Dans un premier temps…
• (16 h 10) •
M. Barrette : Mme la
Présidente, restons donc sur l'exécutoire.
M. Jolin-Barrette : Oui,
mais, pour pouvoir vous expliquer adéquatement et expliquer aux gens qui nous
écoutent la distinction entre les deux, c'est important de souligner d'où on
part et où on s'en va. Dans le fond, où on part, on part des droits qui étaient
déclaratoires : Je déclare que toute personne admissible à l'enseignement
au Québec a le droit de recevoir cet enseignement en français. Dans le fond, en
bon québécois, c'était des voeux pieux, O.K.? On le déclare, c'est ça qu'on
veut, mais il n'y avait aucun mécanisme qui faisait en sorte que, bien, si je
n'avais pas accès au droit de recevoir l'enseignement en français, si je ne
recevais pas d'enseignement en français, je ne pouvais pas me plaindre de la
personne. Donc là, je vais pouvoir me plaindre pour dire : Écoutez, les
services ne sont pas offerts, je n'ai pas accès à l'apprentissage du français,
ce n'est pas disponible. Ce que ça veut dire, «exécutoire», c'est que vous avez
un recours au civil, vous avez un recours administratif, vous avez un recours
au pénal.
M. Barrette : Je précise
ce que je disais tantôt, là. Moi, je ne suis pas simplement dans
l'enseignement, là, ce projet de loi là vise à ce qu'un citoyen qui réside au
Québec ait accès à des services de francisation. Est-ce que j'ai mal compris le
projet de loi?
M. Jolin-Barrette : Aux
services de francisation, à l'apprentissage du français, à la maîtrise, voilà,
donc notamment à parfaire la connaissance. Donc, on donnait l'exemple du projet
de loi du député de Jacques-Cartier, inspiré par l'idée du député de
Sainte-Rose, de dire que des membres de la communauté anglophone pourront avoir
accès à des cours de français au Québec.
M. Barrette : Je reprends
ma phrase parce que je n'ai pas eu ma réponse, Mme la Présidente. Le projet de
loi va faire en sorte que le... droit n'étant plus déclaratoire. Alors, déclaratoire,
c'est : on affirme une chose pour laquelle il n'y a aucune obligation de
résultat. Là, ça va devenir un droit <exécutoire…
M. Barrette : ...je
n'ai
pas eu ma réponse, Mme la Présidente. Le projet de loi va faire en sorte que le...
droit n'étant plus déclaratoire. Alors, déclaratoire, c'est : on affirme
une chose pour laquelle il n'y a aucune obligation de résultat. Là, ça va
devenir un droit >exécutoire, donc il doit y avoir un résultat de... si
ce n'est pas garanti, au moins qu'il y ait un processus pour nous amener au résultat.
Lui, il doit être garanti. L'existence du processus doit être là, là.
M. Jolin-Barrette : La
réponse à cette question-là, c'est oui.
M. Barrette : Bien oui.
Alors, ça, c'est un droit déclaré.
M. Jolin-Barrette :
Exécutoire.
M. Barrette : Bien,
exécutoire... Il est...
M. Jolin-Barrette : Vous
pouvez le faire exécuter.
M. Barrette : Exactement.
Et ça, ça s'adresse et ça s'applique à tout citoyen qui reste au Québec.
M. Jolin-Barrette :
Toute personne domiciliée.
M. Barrette : O.K., c'est
correct. Qui reste au Québec, pour le commun des mortels...
M. Jolin-Barrette : Non.
M. Barrette : Oui, je
comprends, je comprends, je comprends.
M. Jolin-Barrette : On a
eu le débat...
M. Barrette : Je sais, je
ne veux pas refaire le débat, domiciliée au Québec. Alors, ça, ça veut dire,
là, qu'une personne domiciliée au Québec, là cette personne-là doit avoir en
face d'elle la possibilité d'avoir des services de francisation.
M. Jolin-Barrette : Oui,
et même, et même, vous noterez à 6.1, alinéa deux : «La personne
domiciliée au Québec qui reçoit d'un établissement l'enseignement primaire,
secondaire ou collégial offert en anglais a le droit de recevoir de cet
établissement un enseignement du français.» Ça...
M. Barrette : Oui, mais
j'ai bien fait exprès, là, de ne pas embarquer dans l'enseignement comme tel,
là. Moi, là, je suis un citoyen domicilié au Québec puis je ne vais pas à
l'école, là, je suis un adulte. Avec le projet de loi, j'ai le droit exécutoire
d'avoir des services de francisation?
M. Jolin-Barrette : Oui,
et vous faites bien de le dire, que vous êtes un adulte, parce que Francisation
Québec s'adresse aux personnes qui sont au-delà de la scolarité obligatoire.
M. Barrette : C'est la
raison pour laquelle je ne veux pas embarquer dans l'enseignement.
Alors, en même temps, Mme la Présidente,
le ministre nous dit que, bien, c'est parce qu'il n'y aura peut-être pas assez d'argent.
Là, on embarque dans une notion qui fait en sorte qu'on comprend que, dans
l'esprit du ministre, pour sa loi, ce n'est pas gratuit, en partant. Il explore
actuellement, c'est correct, la possibilité de rendre ça gratuit. C'est ce que
j'ai compris de son exercice exploratoire actuel. Très bien. C'est le sens de
l'amendement de ma collègue.
Mais le ministre nous dit aussi, Mme la
Présidente, qu'il peut se plaindre. Là, il a un droit. S'il a un droit, ça veut
dire qu'il peut se plaindre. C'est les mots du ministre. S'il peut se plaindre,
il a donc un recours avec une réparation. Ça veut dire que... Bien oui, parce
que, là, s'il peut se plaindre, là, il a un dommage. Et, s'il a un dommage, le
dommage ici étant : Le gouvernement me garantit un droit de service de
francisation, je ne l'ai pas, je l'exige, il ne me le donne pas, je poursuis le
gouvernement.
M. Jolin-Barrette : Bien
là, ça dépend de la nature du recours que vous allez entreprendre pour faire
respecter...
M. Barrette : Le service
de <francisation...
M. Barrette : ...bien
oui.
Parce que, là, s'il peut se plaindre, là, il a un dommage. Et, s'il a un
dommage, le dommage ici étant : Le gouvernement me garantit un droit de
service de francisation, je ne l'ai pas, je l'exige, il ne me le donne pas, je
poursuis le gouvernement.
M. Jolin-Barrette :
Bien là, ça dépend de la nature du recours que vous allez entreprendre pour
faire respecter...
M. Barrette : Le
service de >francisation.
M. Jolin-Barrette : Non,
non, ça dépend de la nature du recours que vous allez exercer. Là, vous, vous
êtes dans le cadre d'un recours de nature civile avec dommages et intérêts.
Donc, vous choisissez la voie du dommage qui est résultant du non-respect du
droit qui est exécutoire qui vous a été conféré relativement à l'apprentissage
du français. Mais votre recours pourrait être également un recours associé à
une plainte envers l'Administration pour que l'Administration vous offre ce
service-là aussi, donc en matière administrative.
Donc, exemple, je demande que le service
me soit offert. L'Administration avec un grand A ne me rend pas le service,
alors je vais en révision, et par la suite je...
M. Barrette : Oui, oui.
M. Jolin-Barrette :
Donc, vous connaissez les différents processus.
M. Barrette : Oui, oui,
oui, je comprends. Ça, c'est les... on appelle ça les avocasseries. Mais, dans
la vraie...
M. Jolin-Barrette : Non,
pas du tout, non, non, non. Mme la Présidente...
M. Barrette : Je
m'explique, Mme la Présidente. Je vais finir... J'ai la parole, s'il vous plaît?
M. Jolin-Barrette : Ça,
Mme la Présidente, je n'accepte pas ça.
La Présidente (Mme Thériault) :
Vous aurez le droit...
M. Jolin-Barrette : Il
faut renseigner adéquatement les Québécois, parce que, et ça, c'est fort
important, Mme la Présidente, il y a différents recours à la portée des
citoyens, notamment du député de La Pinière, puis il va pouvoir, un coup
que le projet de loi va être adopté, renseigner ses concitoyens de
La Pinière pour leur dire adéquatement les différents recours qui sont à
leur portée et que le gouvernement de la CAQ a voulu leur accorder pour
s'assurer qu'ils bénéficient de services supplémentaires.
M. Barrette : Bon, Mme la
Présidente, ce sont quand même des avocasseries. Je ne dis pas ça négativement.
Ce n'est pas ça du tout, du tout, du tout. Ce n'est pas négatif, ce que je dis,
là. Ce que je dis, ce sont des propos qui sont des portes de sortie. Au bout de
la ligne, là, le citoyen, devant ce droit déclaratoire selon lequel, selon
lequel, à partir du moment où la loi est sanctionnée, un citoyen normal va
comprendre que, alléluia, à partir de maintenant, j'ai accès à des services de
francisation, puis j'irais même jusqu'à dire en temps opportun. On remarquera,
et le ministre me contredira, je l'espère, qu'il me contredira parce que je ne
l'ai pas vue, mais peut-être que j'ai mal lu, il n'y a pas de notion de temps
opportun pour l'accès ou de l'exercice du droit exécuté. Il n'y a pas ça dans
le projet de loi.
Alors, d'un côté, le ministre nous dit que
vous avez droit aux services en français, ça, c'est une déclaration qui est
l'équivalent de bomber le torse, sans effet garanti, que l'on remplace par un
droit exécutoire qui, lui, par définition, induit la perception au moins de
l'exécution en temps opportun dudit droit. Mais là le ministre nous
dit — et c'est là que j'arrive dans les avocasseries : Ah! vous
allez avoir toutes sortes de manières de vous plaindre, mais au bout de la
ligne ça pourrait essentiellement — ça, il ne le dit pas, c'est mes
mots à moi — ne rien donner.
Alors, est-ce qu'on est devant un droit
vraiment exécutoire, de la façon dont la loi est écrite? Alors, la loi ne
prévoit pas d'exécution dans un temps opportun. Je n'ai pas vu de sanction
prévue dans la loi si le droit <n'est pas exécuté. Je comprends...
M. Barrette : …un droit
vraiment exécutoire, de la façon dont la loi est écrite? Alors, la loi ne
prévoit pas d'exécution dans un temps opportun. Je n'ai pas vu de sanction
prévue dans la loi si le droit >n'est pas exécuté. Je comprends de la
position du ministre que, bon, bien, vous choisirez votre manière de vous
plaindre. Mais on sait bien que, si on s'en va, par exemple, au TAQ, mettons
qu'au bout de la ligne il n'y aura peut-être pas beaucoup de sanctions. Les
sanctions, je ne les vois pas ou peut-être que je l'ai mal lu. Alors là, le
droit exécutoire, là, il s'exécute comment? Et en plus, Mme la Présidente, en
plus, le ministre nous dit lui-même que, de la façon dont ils ont écrit son projet
de loi, il pourrait y avoir… Non, ce n'est pas comme ça. De la façon dont le
projet a été écrit, il ne veut pas et il ne peut pas lier les gouvernements
subséquents, et il admet lui-même qu'il va y avoir un enjeu budgétaire.
Une voix : …
M. Barrette : Oui, oui,
ça, ça a été dit, là, ça.
M. Jolin-Barrette : Non,
non. Je n'admets pas qu'il va y avoir un enjeu budgétaire.
M. Barrette : Bien, je
n'avais pas fini mon intervention, Mme la Présidente. Alors…
M. Jolin-Barrette : J'ai
dit que je ne pouvais pas prévoir l'avenir.
M. Barrette : Je n'avais
pas fini mon intervention.
M. Jolin-Barrette : Et
je me souviens, Mme la Présidente, d'une…
M. Barrette : Mme la
Présidente, dites-lui que je n'ai pas fini mon intervention.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, désolée. Là, ça… Tous les propos allaient très bien. J'ai déjà fait un
premier appel au moment où vous n'étiez pas là, M. le député de La Pinière.
Je laisse aller les conversations tant que vous ne vous interpelez pas.
L'atmosphère est très bonne. On avance. Il y a des idées qui s'affrontent.
C'est le but des commissions parlementaires, qu'on puisse avoir des débats
sereins. Mais vous avez votre temps, vous allez pouvoir tout le prendre au
complet. Le ministre essaie de répondre, donc essayez d'être… de ne pas vous
interrompre inutilement, simplement.
M. Barrette : Mme la
Présidente, j'ai été long, mais, faites-vous-en pas, Mme la Présidente, ça se
fait dans la plus grande cordialité. On porte un nom similaire, hein, ça fait
qu'on doit avoir des gènes qui se ressemblent, en quelque part.
La Présidente (Mme Thériault) :
C'est vous qui l'avez dit, M. le député de La Pinière.
• (16 h 20) •
M. Barrette : Oui. Je
m'assume aussi.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre. Ah! M. le député?
M. Barrette : Ah! mais
juste terminer là-dessus. Ce droit-là, là, qui est exécutoire, m'apparaît
faiblement balisé en termes de garantie de résultat.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Mais
il ne faut pas… il ne faut pas mélanger les choses, Mme la Présidente. Il y a
la question de l'exécution du droit. L'État me confère un droit à
l'apprentissage du français. L'État doit vous garantir que vous allez pouvoir
bénéficier de ces services-là, premier volet.
Le volet qui est amené par la députée de Marguerite-Bourgeoys,
c'est relativement aux services de francisation offerts par Francisation Québec
qui seraient gratuits. C'est ça, le sens du propos. Il ne faut pas mélanger les
deux. Puis ce que j'ai dit, c'est que je ne peux pas prévoir l'avenir. C'est
une question hypothétique.
Moi, je me souviens très bien, Mme la
Présidente, d'une conférence de presse, en 2012, avec le député de La Pinière
qui répondait aux journalistes, qui disait : Vous me posez des questions
hypothétiques, puis je ne peux pas <prévoir…
M. Jolin-Barrette :
...gratuits. C'est ça, le sens du propos. Il ne faut pas mélanger les deux.
Puis ce que j'ai dit, c'est que je ne peux pas prévoir l'avenir. C'est une
question
hypothétique.
Moi, je me souviens très bien,
Mme
la Présidente, d'une
conférence de presse, en 2012, avec le
député
de
La Pinière qui répondait aux journalistes, qui disait :
Vous me posez des
questions hypothétiques, puis je ne peux pas >prévoir
l'avenir, que, si jamais il y avait une météorite qui s'en venait sur la
planète Terre... bien, je ne peux pas répondre à toutes ces situations
hypothétiques là. Je pense qu'il sait à quelle conférence de presse je fais
référence.
Alors, ce que je dis, c'est un peu la même
chose. Notre objectif, il est là, que les services de français... de francisation
soient gratuits. Nous le faisons, et surtout nous l'avons démontré, parce qu'on
a offert les cours de francisation aux personnes en situation temporaire, ce
qui n'était pas fait auparavant.
La Présidente (Mme Thériault) :
...M. le député de La Pinière, j'ai Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys
aussi qui voudrait faire une intervention.
M. Barrette : ...répliquer,
Mme la Présidente, que je n'aurais jamais dit dans un point de presse que je
vous garantis que, si vous m'élisez, vous allez être protégés contre toutes les
météorites qui tombent sur la planète Terre, alors que, là, vous déposez un projet
de loi qui garantit un droit exécutoire à tout le monde à la sanction. Je ne
vois pas comment il est possible de garantir ça, pas de la manière que le projet
de loi est écrit. Elle est où, la garantie, ne serait-ce que par les capacités
de francisation qui existent aujourd'hui?
Là, si demain matin, là, tous les gens de
langue maternelle anglophone ou allophone, à la sanction, se présentent pour
avoir des cours de francisation, le ministre va faire quoi? Ça devient un droit,
un droit. C'est comme les limites de vitesse, là. À la sanction de la limite de
vitesse, tout le monde qui fait un excès de vitesse, à la sanction, a une
amende. Là, là, c'est un droit exécutoire. À la sanction, tous les gens qui
n'ont pas le français comme langue maternelle se présentent pour être francisés,
que fait l'État? Alors, ça fait un drôle de droit s'il est exécutoire puis
qu'en même temps il n'est pas exécutable.
La Présidente (Mme Thériault) :
Je voudrais juste préciser que c'est un an après l'adoption de la loi. Donc...
M. Barrette : Non, je
m'excuse...
La Présidente (Mme Thériault) :
Mais, non, il y a juste une nuance. Parce que je ne veux pas que les gens
pensent que c'est à l'adoption.
M. Barrette : Vous avez
raison, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
C'est un an après. Mais, M. le ministre, la parole est à vous, vous
pouvez répondre au député.
M. Jolin-Barrette : Vous
avez une bonne connaissance du projet de loi, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, je suis tous les échanges et les débats, ici.
M. Jolin-Barrette :
Alors, il n'est pas exact de dire que les droits ne sont pas exécutoires. C'est
le principe même, quand on confère des droits aux citoyens, de pouvoir,
lorsqu'ils sont exécutoires, par opposition à déclaratoires, venir faire
respecter leurs droits et de saisir l'autorité compétente pour leur permettre
d'avoir accès.
C'est la même chose que dans le réseau de
la santé. Vous garantissez un droit à l'accès aux services de santé dans
différentes régions. Est-ce que tous les services de santé sont offerts dans
chacune des municipalités, dans chacune des localités du Québec? La réponse, c'est
non. Mais par contre on garantit le droit exécutoire à des soins de santé.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le député de La Pinière.
M. Barrette : La loi sur
la santé et les services sociaux et les lois connexes, nulle part n'est-il
prévu que tous les <services...
M. Jolin-Barrette :
...des
localités du Québec? La réponse, c'est non. Mais par contre on
garantit le droit exécutoire à des soins de santé.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le député de
La Pinière.
M. Barrette : La
loi
sur la santé et les services sociaux et les lois connexes, nulle part n'est-il
prévu que tous les >services soient livrables dans toutes les municipalités
du Québec, par exemple. Ça n'existe pas. Ça n'existe pas, M. le ministre. Alors
que, là, vous nous... D'abord, il n'y a aucune nuance, dans votre... dans le projet
de loi n° 96, sur ce droit exécutoire. Il n'y a pas de notion territoriale.
Il n'y a pas... Je prends le ministre au pied de la lettre, là, quand on dit
«accès à des services de francisation pour une anglophone ou un allophone», ça
veut dire qu'en Gaspésie il devra y avoir des services de francisation. Nulle
part ai-je lu dans le projet de loi la garantie qu'il y ait des services de
francisation sur tout le territoire du Québec.
Alors, le parallèle qui est fait avec la
santé, là...
M. Jolin-Barrette : Non,
mais, attention...
M. Barrette : ...il ne se
fait pas, Mme la Présidente. La loi sur la santé ne dit pas ce que le ministre dit
qu'elle dit. Et là on dépose une loi qui garantit ça, puis il n'y a pas de
notion de.
La Présidente (Mme Thériault) :
...même chose que vous, par contre. C'est qu'on... Moi, c'est ce que j'ai
compris de l'intervention du ministre, c'est qu'il disait la même chose que
vous, qu'on ne garantissait pas dans chacune des villes de recevoir, que c'était
organisé en fonction du système de santé.
M. Barrette : Oui, mais,
Mme la Présidente, cette loi-là, là, qui garantit, c'est un droit exécutoire,
là, à des services de francisation, là, on ne fait pas de nuance. Alors, moi,
mon point, là, que j'essaie de faire, là, depuis le début de mon intervention,
c'est qu'on a un droit qui est exécutoire, et, à sa face même, il n'est pas
exécutable, il va être dépendant d'un financement et d'une capacité de
francisation. Il n'y a rien dans la loi pour le gouvernement actuel ni pour les
gouvernements successifs qui oblige l'État à se donner la capacité de franciser
ceux qui le veulent. Alors, pour moi, c'est une lacune.
Alors, si on passe de «déclaratoire», que
le ministre a lui-même qualifié, et j'ai oublié le mot, là, des paroles en
l'air ou quelque chose de ce genre-là, puis je ne dis pas ça péjorativement, bien
là on veut passer à «exécutoire», bien, si on passe à «exécutoire», en quelque
part, il faut qu'il y ait une certaine pérennité à ça et il faut qu'il y ait
une capacité qui vient avec. Je ne vois ni un ni l'autre.
Et il y a le troisième élément, comme je l'ai
dit, c'est quand qu'on... c'est en dedans de quand, là, qu'on exerce ce
droit-là? On a eu le cas récemment, là, dans les médias, c'est un cas qui était
très intéressant, de l'immigrant qui, lui, ça lui coûte cher pour se faire
franciser, le chèque ne vient pas, puis là il va comme arrêter de se franciser
parce que, là, il est mal pris, puis on le comprend. Mais ces notions-là, ce
n'est pas des notions banales, ce sont des notions qui... si on ne s'y adresse
pas, ça vient atténuer un projet de loi qui, sur cet aspect-là, il est bon.
Mais, si le gouvernement ne se donne pas les moyens dans sa loi d'aller
jusqu'au bout <de ses intentions, on a fait...
M. Barrette :
…franciser
parce que, là, il est mal pris, puis on le comprend. Mais,
ces notions-là, ce n'est pas des notions banales, ce sont des notions qui, si
on ne s'y adresse pas, ça vient atténuer un projet de loi qui, sur cet
aspect-là, il est bon. Mais, si le gouvernement ne se donne pas les moyens,
dans sa loi, d'aller jusqu'au bout >de ses intentions, on a fait quoi,
exactement?
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette :
Alors, Mme la Présidente, je suis convaincu que le député de La Pinière a
lu la totalité du projet de loi, mais que peut-être qu'il y a deux pages qui
s'étaient collées, Mme la Présidente, dans la lecture, parce que c'est un projet
de loi fort volumineux, mais je le référerais à l'article 156.24 du projet
de loi, qui indique :
«Francisation Québec conduit et gère
l'action gouvernementale en matière de francisation des personnes domiciliées
au Québec qui ne sont pas assujetties à l'obligation de fréquentation scolaire
en vertu de la Loi sur l'instruction publique, des personnes qui envisagent de
s'établir au Québec de même qu'en matière de francisation des personnes au sein
d'entreprises.
«À cet effet, Francisation Québec est
l'unique point d'accès gouvernemental pour ces personnes désirant recevoir des
services d'apprentissage du français qui ne s'inscrivent pas dans le cadre du
régime pédagogique prévu par la loi.»
Et là ça devient intéressant : «Francisation
Québec doit s'assurer de desservir l'ensemble du Québec et établit des bureaux
afin d'assurer le droit aux services permettant de faire l'apprentissage du
français, prévu au premier alinéa de l'article 6.1. Francisation Québec
peut, lorsqu'un établissement offrant de l'enseignement
collégial ou universitaire met des locaux à sa disposition... pour y fournir [des]
services.»
Donc, il y a une approche territoriale sur
l'ensemble du territoire.
M. Barrette : C'est très
bien, le temps, les délais. Et je vais simplement rappeler au ministre une
notion qu'il a apprise en première année de droit, évidemment, la différence
entre «peut» et «doit».
M. Jolin-Barrette : Oui,
mais c'est une obligation... 156.24, là, on retourne là... Ça ne sera pas long,
Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Ça va.
M. Jolin-Barrette : On a
tellement travaillé avec beaucoup d'articles.
La Présidente (Mme Thériault) :
C'est un projet de loi assez volumineux. Donc, il n'y a pas de problème, prenez
votre temps, et, quand…
M. Jolin-Barrette :
C'est ça, «Francisation Québec doit s'assurer de desservir l'ensemble du Québec
et établit des bureaux afin d'assurer le droit aux services permettant de faire
l'apprentissage du français», alors, «doit».
Une voix : ...
M. Jolin-Barrette : «Doit».
Une voix : ...
M. Jolin-Barrette : «Doit».
M. Barrette : …
M. Jolin-Barrette : Non,
«et établit des bureaux».
M. Barrette : Non. Un
petit peu plus loin, il y a les locaux, là.
• (16 h 30) •
M. Jolin-Barrette : «...prévu
au premier alinéa de l'article 6.1. Francisation Québec peut, lorsqu'un
établissement offrant l'enseignement collégial ou universitaire met des locaux
à sa disposition, [pour] y fournir ses services.» Donc, on établit des bureaux
partout puis on dit : Les universités et les établissements collégiaux,
ils peuvent fournir des locaux à Francisation Québec.
Pourquoi est-ce qu'on a fait ça? Parce
qu'il y a des cégeps en région, il y a des universités dans les différentes
régions, puis c'est un bon endroit, qui ont les infrastructures nécessaires,
puis on voulait faire en sorte que le ministère de l'Enseignement supérieur,
les établissements universitaires et collégiaux collaborent avec Francisation
Québec pour dire : Vous avez des infrastructures, partagez-les dans les
différentes régions pour permettre aux étudiants en francisation d'acquérir des
compétences langagières <en français. Donc, c'est…
>
16 h 30 (version révisée)
<15359
M. Jolin-Barrette :
...qui ont les
infrastructures
nécessaires. Puis on voulait faire
en sorte que le
ministère de l'Enseignement supérieur, les
établissements
universitaires, collégiaux collaborent avec
Francisation
Québec
pour dire : Vous avez des
infrastructures, partagez-les dans les
différentes régions pour permettre aux étudiants en
francisation
d'acquérir des compétences langagières >en français. Donc, c'est
exécutoire.
M. Barrette : Non, ce n'est
pas exécutoire. Oui, c'est exécutoire dans l'esprit du ministre, c'est sûr, mais...
M. Jolin-Barrette : Non,
non, non, pas dans mon esprit, ça l'est, exécutoire. On passe de déclaratoire à
exécutoire.
M. Barrette : Mme la
Présidente, pourquoi, par exemple, le ministre n'a pas mis dans son projet de
loi un délai? L'État doit offrir les services payants ou pas payants, parce que,
là, initialement j'étais vraiment sous l'impression que c'était gratuit, tout
ça, là, mais ce ne l'est pas...
M. Jolin-Barrette : Non,
non, non, attention, on n'a pas dit que ce n'était pas gratuit. Je vous l'ai
dit, je l'ai dit nommément dans le micro.
M. Barrette : Non, j'ai
dit «sous l'impression», c'est une impression erronée.
M. Jolin-Barrette :
C'est gratuit, Mme la Présidente, c'est gratuit. Alors, ce que j'ai dit, par
contre, j'ai dit que, de tous les services offerts par Francisation Québec, je
ne pouvais pas garantir, à ce stade-ci, que tous les services allaient être,
pour toujours, tout le temps gratuits. Moi, c'est mon intention, de faire en
sorte que le service d'apprentissage en français soit gratuit, mais il y a
d'autres services qui vont être offerts par Francisation Québec, notamment
connexes au sein des entreprises, notamment sur l'aspect terminologique, il va y
avoir certains services qui vont être offerts qui pourraient être tarifés,
c'est ça que je dis.
M. Barrette : ...Mme la
Présidente, ce que j'aurais... ce qui aurait été agréable, ça aurait été de
voir, dans le projet de loi, que l'État, dans sa volonté de francisation, offre
des services de francisation dans une période de... dans un délai x à
déterminer par le ministre, après la demande dudit service.
Parce que, moi, ce que je vois... Je
reprends l'exemple de tantôt. Si, demain matin, il y a un afflux vers une
demande de francisation, l'État va faire comme en santé, va créer des listes
d'attente, c'est ça qu'il va faire. Bien, voyons! Où est-ce que c'est écrit
dans le projet de loi que les services de francisation, après avoir été
demandés par un individu, dans le cadre de la loi, vont être donnés en dedans
d'un an, mettons?
M. Jolin-Barrette : Non,
il n'est pas indiqué, effectivement, vous avez raison, il n'est pas indiqué, il
n'y a pas de délai. Mais l'objectif, c'est de donner rapidement les services de
francisation, et ça, à travers les différentes régions du Québec, en entreprise.
Puis c'est ça, le défaut du fait qu'il n'y avait pas Francisation Québec, parce
que les services de francisation étaient éparpillés. Et là nous, on suit la recommandation
de la Vérificatrice générale pour unifier les services pour être beaucoup plus
efficace puis pour offrir ces services de francisation là.
Et d'ailleurs, avant que j'arrive au ministère
de l'Immigration, saviez-vous que les classes ne démarraient qu'aux 11
semaines? Comment ça se fait, quand vous étiez une personne immigrante qui
voulait avoir des cours de francisation que vous manquiez la session, vous
débarquez, puis là, bien, si le cours était déjà commencé, il restait 10
semaines, bien, c'était au bout des 10 semaines que l'autre cours repartait?
Alors, on a mis des sessions intercalées justement pour faire en sorte de <permettre
aux...
M. Jolin-Barrette :
...quand vous étiez une
personne
immigrante qui voulait avoir des
cours de
francisation que vous manquiez la session, vous débarquez, puis
là, bien, si le cours était déjà commencé, il restait 10 semaines, bien,
c'était au bout des 10 semaines que l'autre cours repartait? Alors, on a mis
des sessions intercalées
justement pour faire en sorte de >permettre
aux apprenants d'aller rapidement dans les cours de francisation.
M. Barrette : Mme la
Présidente, c'est une bonne idée.
M. Jolin-Barrette : Bon.
M. Barrette : Alors, pourquoi
ne pas avoir la bonne idée d'inscrire dans la loi un délai?
M. Jolin-Barrette :
Bien, parce que comme tous les services de l'État, ils sont soumis aux
différents aléas, aux différentes contraintes d'un programme gouvernemental qui
est mis en application, et je crois que le député de La Pinière le sait
très bien.
M. Barrette : Oui,
absolument. Donc, c'est la raison pour laquelle je soupçonne que le programme
en question, dans son évolution, va souffrir d'une grande demande et de moins
de financement et va créer des listes d'attente.
M. Jolin-Barrette :
Alors là, je ne suis pas d'accord, Mme la Présidente. Savez-vous pourquoi? Parce
que l'entente Canada-Québec, hein, l'entente Gagnon-Tremblay — McDougall,
qui est une bonne entente, mais qui fait suite à l'échec de l'accord du lac
Meech, Mme la Présidente, mais qui est une bonne entente... Ça, je dois le dire,
ça a été bien négocié par le gouvernement libéral de l'époque.
La Présidente (Mme Thériault) :
Très bien.
M. Jolin-Barrette : Je
redonne à César...
Une voix : ...
La Présidente (Mme Thériault) :
Très, très bien.
M. Jolin-Barrette :
Bien, au gouvernement libéral de Robert Bourassa, à Mme Gagnon-Tremblay,
qui a été députée de Saint-François...
La Présidente (Mme Thériault) :
Absolument.
M. Jolin-Barrette : ...pendant
des années, et je la salue bien bas. Donc, c'est une très bonne entente qui
fait en sorte que le gouvernement du Québec a les outils, notamment en matière
de francisation. Mais par contre c'est juste depuis 2019 que l'argent, il est
consacré au ministère de l'Immigration pour la francisation. Parce que
savez-vous ce qu'ils faisaient, Mme la Présidente, les gouvernements
précédents?
La Présidente (Mme Thériault) :
...consolidé.
M. Jolin-Barrette : Ils
prenaient l'argent et l'envoyaient au fonds consolidé, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Je vais juste me permettre d'apporter une petite précision. C'est que, lorsque
l'entente a été négociée, Mme Gagnon-Tremblay a même fait en sorte qu'il y
ait une indexation automatique à toutes les années en fonction des indexations
de budget du gouvernement fédéral et de l'augmentation de la quantité de
personnes qui étaient admises, donc, ce qui fait que c'est une entente qui,
mathématiquement, fait que les sommes d'argent augmentent d'année en année. Et
il faut vraiment que le gouvernement n'ait pas rempli ses objectifs pour
admettre les gens sur le territoire du Québec pour que les sommes d'argent
soient à la baisse. Donc, techniquement, il y a de l'argent aussi parce que ça
l'a été très bien négocié par l'ancienne députée de Saint-François,
Mme Monique Gagnon-Tremblay, évidemment.
M. Jolin-Barrette : En
fait, vous avez raison, Mme la Présidente, mais il y a même une clause dans
l'entente qui fait en sorte que le versement, Mme la Présidente, de
l'année ne peut pas être moindre que celui de l'année antérieure.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, absolument.
M. Jolin-Barrette :
Alors, à cette époque-là, il négociaient bien, au Parti libéral.
M. Barrette : Mais, Mme
la Présidente, je suis tellement heureux...
La Présidente (Mme Thériault) :
Mais je vais quand même juste préciser, par contre, qu'à l'époque, pour avoir
eu le ministère de l'Immigration pendant deux années sous ma gouverne, c'est
qu'il y a quand même une... il y a plusieurs services qui sont offerts autres
que la francisation, quand même, par le gouvernement du Québec, que ce soient
des services d'éducation, des services de santé, des services de garde. Donc,
évidemment, à l'époque, l'argent passait par le fonds consolidé, mais je ne
voudrais pas qu'on soit sur l'impression que les sommes d'argent n'ont pas été
dédiées à la <clientèle qui y est... avec qui...
La Présidente (Mme Thériault) :
...il y a
quand même une... il y a plusieurs services qui sont offerts
autres que la francisation, quand même, par le gouvernement du Québec, que ce
soient des services d'éducation, des services de santé, des services de garde.
Donc, évidemment, à l'époque, l'argent passait par le fonds consolidé, mais je
ne voudrais pas qu'on soit sur l'impression que les sommes d'argent n'ont pas
été dédiées à la >clientèle qui y est... avec qui l'argent vient, donc
les personnes qui sont admises par le ministère de l'Immigration. Il y a une
panoplie de services du gouvernement qui sont offerts. Maintenant, il y a un
calcul différent qui fait que tout l'argent sert plus directement à
l'intégration. C'est tout à votre honneur, M. le ministre, d'avoir pris
cette décision-là.
M. Barrette : Et, par
ricochet, j'imagine qu'aucun des transferts fédéraux pour les programmes de
garderies ne va aller dans le fonds consolidé.
M. Jolin-Barrette :
Bien, en fait, cette entente, et vous aurez pu le constater fort probablement,
c'est une entente sans condition. Mais ce qui est intéressant là-dedans, par
contre, c'est que notre gouvernement s'est engagé à combler les
37 000 places et à garantir une place pour chaque enfant.
Et d'ailleurs, justement, vous pouvez
syntoniser sur le Canal de l'Assemblée nationale, il y a des auditions,
présentement, publiques sur le projet de loi n° 1 de la nouvelle session,
de mon collègue le ministre de la Famille, justement, pour améliorer le réseau
des garderies et modifier la Loi sur les services éducatifs à l'enfance. Mais
cette commission-ci est beaucoup plus passionnante, Mme la Présidente.
M. Barrette : Mme la
Présidente, est-ce que je suis en train d'entendre que le souhait du ministre
est que les transferts pour le programme de garde s'en aillent au complet dans
le programme québécois de CPE et qu'aucun de ces dollars-là n'aille dans le
fonds consolidé?
M. Jolin-Barrette :
Mme la Présidente, ce n'est pas ce que j'ai dit, ce n'est pas ce que je
dis. Le député de La Pinière veut me prêter certaines intentions, Mme la
Présidente. Mais je comprends qu'il a un après-midi intéressant, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Je ne voudrais pas m'immiscer dans le débat, sauf que, là, on est rendu dans
les services de garde. Je vais me permettre de faire mon rôle de présidente et
vous ramener sur l'amendement qui a été déposé, d'autant plus que la députée de
Marguerite-Bourgeoys aurait une autre intervention à faire. M. le député
de La Pinière, donc, si vous voulez conclure, il vous reste au total sept minutes
sur votre intervention, mais vous pouvez aussi céder la parole à votre collègue.
M. Barrette : Bien,
momentanément... bien, si ma collègue me le permet, je reviendrai plus tard,
mais...
Une voix : ...
La Présidente (Mme Thériault) :
Là, là?
M. Jolin-Barrette : Oui,
juste un petit deux minutes.
M. Barrette : Veux-tu y
aller tout de suite?
Mme David : Non, non.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le député de La Pinière, à la demande du ministre, on me demande une
courte suspension.
Donc, nous allons suspendre quelques
instants, s'il vous plaît.
(Suspension de la séance à 16 h 38)
(Reprise à 16 h 47)
La Présidente (Mme Thériault) :
Nous reprenons nos travaux concernant le projet de loi n° 96.
Donc, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, la parole est à vous.
Mme David : Donc, nous
acceptons de retirer notre amendement, que je n'ai pas besoin de relire,
j'imagine, Mme la Présidente, il est déjà déposé, et je pense que c'est pour
aller vers un autre amendement qui sera présenté...
La Présidente (Mme Thériault) :
Par le ministre.
Mme David : ...par le ministre.
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. M. le ministre, est-ce qu'il y a consentement pour retirer l'amendement
qui avait été déposé par la députée?
M. Jolin-Barrette : Consentement.
La Présidente (Mme Thériault) :
Consentement. Parfait. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette :
Alors, Mme la Présidente, oui, un amendement à l'article 6.1 de la Charte
de la langue française :
À l'article 6 du
projet de loi, insérer, dans après le premier alinéa de l'article 6.1 de
la Charte de la langue française qu'il propose, l'alinéa suivant:
«Francisation Québec
doit tendre à la gratuité des services fournis en vertu de
l'article 88.11.»
Commentaire : Cet amendement prévoit
que Francisation Québec doit tendre à la gratuité des services de francisation
qu'elle fournit en vertu de l'article 88.11.
Alors, Mme la Présidente, suite aux
discussions que nous avons eues avec les collègues, c'est un <amendement...
M. Jolin-Barrette :
... Francisation Québec doit tendre à la gratuité des services fournis en vertu
de l'article 88.11.»
Commentaire : Cet
amendement
prévoit que Francisation Québec doit tendre à la gratuité des services de
francisation qu'elle fournit en vertu de l'article 88.11.
Alors,
Mme la Présidente, suite
aux discussions que nous avons eues avec les collègues, c'est un >amendement,
dans le fond... je l'ai dit, que les services de francisation envers les personnes
sont gratuits, vont demeurer gratuits, mais on vient, dans la loi, dire également
qu'ils doivent tendre à demeurer gratuits. Donc, au-delà de mon propos en commission
parlementaire, je viens insérer quelle est l'intention du législateur, de dire
que les services offerts aux personnes en matière d'apprentissage du français
et de perfectionnement de la connaissance et de la maîtrise de la langue
française doivent tendre vers la gratuité.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
• (16 h 50) •
Mme David : Alors,
écoutez, j'accueille favorablement cet amendement. J'en aurai un autre sur un
autre sujet complémentaire. Mais le ministre l'a bien dit, pour l'instant, c'est
la gratuité, et nous devons le plus possible, mais sans pouvoir prévoir l'avenir...
justement, il est important d'inclure dans le projet de loi, parce que chaque
mot compte dans un projet de loi, «doit tendre à la gratuité des services
fournis». Ça veut dire que, si un jour un gouvernement a l'inspiration de
vouloir facturer ces services-là, il ne pourra pas faire ce qu'il veut quand il
veut comme il veut, parce que le mot «tendre à la gratuité», ça ne veut pas
dire charger des prix absolument déraisonnables pour ce service de
francisation.
Alors, on espère que ça va rester toujours
comme c'est là, c'est-à-dire gratuit. On sera là pour surveiller. Mais
malheureusement les gouvernements passent, les ministres passent, les députés
passent et les lois restent, alors c'est aussi bien de prévoir dans la loi la
question de la gratuité. Elle n'est pas exactement comme on aurait voulu en
disant «il doit y avoir gratuité». Le compromis est «doit tendre à la
gratuité». Alors, on va accepter de vivre avec ce compromis, puisque la
politique, c'est l'art du possible. Alors, je pense qu'on veut garder l'esprit,
très important, de l'accessibilité aux services de francisation, puisque c'est
au coeur même du projet de loi que d'assurer une francisation de tous les
citoyens du Québec.
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. M. le député de La Pinière.
M. Barrette : Alors, sur
le nouvel amendement, j'y vois un problème très simple, puis pour l'illustrer,
je vais faire ce que le ministre aime faire, je vais faire un parallèle avec la
santé. À chaque fois que je prends une intervention, on fait toujours un
parallèle avec la santé. Alors, je vais lui éviter de le faire tout de suite.
Alors, dans le système de santé, lorsqu'il y a des frais, Mme la Présidente,
pas toujours, mais souvent, il y a une modulation des frais en fonction de la
situation financière de l'individu. Alors, je vous soumets, Mme la
Présidente, qu'actuellement on avait formellement une gratuité et on vient
introduire une provision qui ouvre la porte <à
éventuellement — je pèse mes mots — à une tarification
éventuelle. Tendre vers la...
M. Barrette : ...
alors,
je vous soumets, Mme la Présidente, qu'actuellement on avait formellement une
gratuité et on vient introduire une provision qui ouvre la porte >à
éventuellement — je pèse mes mots — à une tarification
éventuelle. Tendre vers la gratuité, ça signifie que ce n'est plus gratuit.
Alors, tendre vers la gratuité, le ministre va me répondre : Oui, mais c'est
comme le calcul différentiel, là, on peut arriver à. Alors là, pour le moment,
c'est gratuit, on a plus que tendu vers la gratuité, c'est gratuit. Mais là on
fait une loi qui va pouvoir... devoir s'exercer dans le temps, et le temps
faisant son oeuvre dans l'appareil gouvernemental, il pourrait survenir qu'un
gouvernement ou le même gouvernement, un autre ministre, il mette un tarif.
Alors, moi, je pose une question bien simple au ministre : Est-ce qu'il
serait d'accord pour le sous-amender, son amendement, pour qu'il y ait une
provision quelconque qui permette une modulation du service en question, une
modulation selon des paramètres à déterminer par règlement, là, éventuellement,
pour s'assurer que le commun des mortels moins fortuné ne soit pas freiné, en
termes de francisation, par des enjeux monétaires?
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette :
Alors, l'amendement que j'ai déposé fait suite aux préoccupations du Parti
libéral relativement à la gratuité des services. Alors là, le député de La Pinière
vient de nous dire : Bien, avant votre amendement, on comprenait que c'était
gratuit. Là, moi, je suis d'accord avec cette proposition-là, parce que c'est
la proposition que nous faisons en tant que gouvernement, les cours de français
sont gratuits, et même on les a élargis. Mais là, dans le souci de trouver une
voie de passage avec les collègues, on propose «tendre vers la gratuité» pour
vraiment l'indiquer, le terme «gratuité» à l'intérieur des services offerts aux
personnes qui suivent les cours de francisation. La question des tarifs, elle n'est
pas modulée en fonction du revenu des individus. La tarification, elle n'est
pas basée comme ça. Mais là il n'est même pas question de tarification, je vous
le dis, il n'y a pas de tarification relativement aux services d'apprentissage
du français. On veut que les gens puissent suivre les cours de français, on a
tout intérêt, comme société, comme nation, à faire en sorte que les services de
francisation soient populaires et suivis, et justement l'argent est là pour les
suivre.
M. Barrette : Mme la
Présidente, il n'y a pas de contradiction ici, là. Puis je vais remettre les
choses dans leur bon ordre, là. Le ministre nous a dit qu'il voterait contre
notre amendement. Il n'a pas voulu écrire dans la loi que ce soit gratuit. Il a
refusé, il nous l'a dit, il l'a dit dans le micro, il voterait contre notre
amendement. S'il vote contre l'amendement qui prévoit la gratuité, c'est parce
qu'il prévoit au moins la possibilité de la non-gratuité.
L'argument, Mme la Présidente, de
dire : Bien oui, mais regardez, c'est gratuit aujourd'hui, bien, cette
phrase-là ne peut pas se continuer en droit par : C'est gratuit
aujourd'hui, ça le sera toujours, certainement <pas si un texte...
M. Barrette : ...qui
prévoit la gratuité, c'est parce qu'il prévoit au moins la possibilité de la
non-gratuité.
L'argument, Mme la Présidente, de
dire : Bien oui, mais regardez, c'est gratuit aujourd'hui, bien, cette
phrase-là ne peut pas se continuer en droit par : C'est gratuit
aujourd'hui, ça le sera toujours, certainement >pas si un texte de loi
dit «tend vers la gratuité». Alors, si on tend vers la gratuité, «tendre», ça
veut dire de partir d'un point de départ et un point d'arrivée qui est la
gratuité, le point de départ, c'est un tarif.
Il n'y en a pas, de tarif, je le
comprends, là. Mon commentaire est un commentaire préventif pour le futur, tout
simplement, et ça, je vois mal comment on peut être contre ça, là. Je comprends
qu'aujourd'hui c'est... si je fais un sous-amendement, là, il n'a aucun effet,
je suis d'accord, c'est gratuit. Mais, moi, ce qui m'importe... et, comme le ministre
l'a dit lui-même, cette loi-là va changer, quoi, aux 25 ans, aux
30 ans, aux 40 ans, aux 50 ans, alors cette loi-là, si on est
pour l'écrire aujourd'hui avec cet esprit-là, écrivons-le comme il faut.
Et, comme je l'ai dit, Mme la Présidente,
j'ouvre la porte à une flexibilité gouvernementale. On n'a pas à écrire les
règles, actuellement. Établir un principe de modulation quelconque par règlement,
ça n'engage rien que ça et ça protège, éventuellement, des gens qui ont moins
les moyens d'avoir quand même... de façon garantie, j'irais même jusqu'à dire
exécutoire, d'avoir accès aux tarifs. Alors, me répondre qu'aujourd'hui, c'est
gratuit, bien, je veux dire, ce n'est pas le propos, là. Ce dont je parle, c'est
pour le futur, là, ce n'est pas pour aujourd'hui.
Alors, je repose ma question : Le
ministre serait-tu disposé à discuter — on peut suspendre — d'un
sous-amendement qui prévoit une modulation dans le temps en fonction de la
situation de la personne? Il peut l'écrire comme il veut, là, ne me dérange
pas, là, mais, tu sais... Puis je vais renchérir, Mme la Présidente, là, on
fait ça, actuellement, là... parce que c'est le sujet de l'heure, là, c'est
comme ça dans les CHSLD, là, si vous n'avez pas les moyens, c'est gratuit puis,
si vous avez les moyens, vous avez un frais.
Là, on parle de la notion de la vitalité
de la société québécoise, la notion avec un N majuscule, là, hein, un N
majuscule, c'est vital, alors il me semble qu'on devrait prévoir tous les cas
de figure, dont celui qui ferait en sorte qu'un éventuel successeur du
ministre, là — j'imagine qu'il n'a pas l'intention d'être ministre
pendant les 60 prochaines années — de la Langue française... qu'on
n'ait pas ce travers-là dans le futur.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Bien, j'entends bien les propos du député de La Pinière, là, puis je
réfléchis à tout ça. C'est juste que, là, dans cette section-ci, à laquelle on
est, là, dans le cadre du projet de loi, c'est les droits fondamentaux, hein,
puis ces droits-là sont interprétés largement, d'autant plus qu'ils sont
exécutoires. Donc, même l'amendement que je propose, idéalement, il se retrouverait
à 88.11 avec les <propositions, aussi...
M. Jolin-Barrette :
...
c'est juste que là, dans cette section-ci, à laquelle on est, là, dans
le cadre du projet de loi, c'est les droits fondamentaux, hein, puis ces
droits-là sont interprétés largement, d'autant plus qu'ils sont exécutoires.
Donc, même l'amendement que je propose, idéalement, il se retrouverait à 88.11
avec les >propositions, aussi, que vous faites. Mais je n'ai pas
l'intention de donner suite à la proposition que vous faites de moduler un
tarif qui n'existe pas non plus. Donc, ça, c'est très clair. Mais, moi, la
piste de solution que je vous propose, c'est celle-ci, sur cet alinéa-là. Mais
sinon, ce qu'on peut faire, je peux retirer mon amendement aussi puis en
discuter à 88.11 puis revenir là-dessus lorsqu'on va vraiment parler de
Francisation Québec, parce que, là, le principe des droits fondamentaux, c'est
des droits qui sont interprétés généralement. Alors, dans une loi, quand on a
les droits fondamentaux en premier, on ne vient pas faire le descriptif,
généralement, très précis de chacun des éléments qui le composent.
Ça fait que, dans le fond, soit que je
retire puis, quand on va être rendus à 88.11, on en parle d'une façon plus
approfondie sur les... Francisation Québec précisément, ses services, qu'est-ce
que ça comporte, puis tout ça, puis on fait les amendements que vous voulez
faire là-bas.
M. Barrette : Mme la
Présidente, je remercie le ministre pour le cours de droit. Moi, je fais la
pratique illégale du droit, ce n'est pas ma compétence, alors je le remercie.
Je lui ferai remarquer que c'est lui qui a déposé l'amendement maintenant. Il
n'a pas demandé ça, là, c'est lui qui l'a présenté maintenant, alors il est
tout à fait de bon aloi de ma part de faire le débat sur la chose. S'il veut
refaire le débat à 88.11, j'en discuterai avec ma collègue, qui est la
porte-parole, je n'ai pas de problème avec ça. Mais il y a une chose qui est
certaine, sur le fond de l'argumentaire que j'ai mis de l'avant, il ne peut pas
être opposé par l'argument de «aujourd'hui, c'est gratuit», auquel j'oppose :
On change la loi aux 50 ans, là. À un moment donné, si on fait une loi, qu'on
la fasse d'une façon... puis c'est correct qu'on le fasse à 88.11, mais on ne
peut pas m'opposer comme argument que c'est maintenant gratuit au moment où on
introduit un article qui introduit, lui, la possibilité de tarification de
façon explicite. La réalité, elle est... gratuité, mais là on vient
explicitement d'ouvrir la possibilité, sans dire que ça va arriver, mais,
puisque ça peut arriver, balisons, c'est mon propos.
La Présidente (Mme Thériault) :
Votre propos est bien entendu. Je crois que la députée de
Marguerite-Bourgeoys veut faire son intervention, justement, sur l'ensemble de
la discussion par rapport à l'amendement du ministre.
• (17 heures) •
Mme David : Oui, puis je
vais probablement demander de suspendre quelques minutes, parce
qu'effectivement je comprends l'idée des droits fondamentaux, qu'on va parler
dans le fin détail, mais, moi, c'est un droit fondamental, la gratuité, c'est
pour ça que j'allais faire ça, et, de là, si on refait un peu notre discussion
des dernières 45 minutes, on est allés de «gratuité» à «tendre vers la gratuité»,
mais il faut rester dans l'esprit, effectivement, de quelque chose de général.
On est à l'article 4, qui modifie l'article 6, on est au début dans les grands
principes généraux.
Maintenant, dans les grands principes
généraux, il peut y avoir aussi «dans une limite de temps raisonnable». Et donc,
là, la question <qui va se poser, c'est : Est-ce que...
>
17 h (version révisée)
<15379
Mme David :
...on est allé de «gratuité» à «tendre vers la gratuité», mais il faut rester
dans l'esprit,
effectivement, de
quelque chose de général. On est
à
l'article 4, qui modifie
l'article 6, on est au début, dans les
grands principes généraux.
Maintenant, dans les grands
principes généraux, il peut y avoir aussi «dans une limite de temps
raisonnable». Et donc, là, la question >qui va se poser, c'est : Est-ce
que c'est un principe général? Moi, je pense que oui. Une limite de temps
raisonnable, c'est... Il y a deux choses importantes dans la vie d'un nouvel
arrivant, c'est qu'il soit accessible, son service de francisation, et qu'il
soit rapide. Ça, là, c'est des droits fondamentaux. Ça ne... Tu ne peux pas,
quand tu fais une crise cardiaque, attendre six mois pour te faire traiter pour
ta crise cardiaque, l'urgence, elle est maintenant. Alors, dans l'esprit de
l'avenir du Québec et de sa francisation, la francisation doit être faite rapidement.
On l'a dit tellement souvent. Le ministre l'a dit souvent, il l'a même dit dans
une entrevue il n'y a pas longtemps, passé six mois... C'est pour ça qu'il y a
six mois pour Francisation Québec, les services gouvernementaux, parce qu'après
il y a des plis qui se prennent, puis le français, il est comme moins
apprenable ou appris.
Alors, on est dans une sorte d'impératif,
d'obligation absolue, dans les principes généraux, qu'il y ait l'accessibilité
et la rapidité. Alors, on est un peu embêtés, parce que, si on met ça dans les
principes généraux, la gratuité, «tendre vers la gratuité», ça serait bien de
tendre aussi vers la rapidité, parce que les deux sont à peu près inextricablement
liés.
Alors, je vais peut-être demander une
suspension pour qu'on regarde l'ensemble de l'oeuvre, parce que, oui, 88.11, il
va falloir en discuter, c'est vrai. Savez-vous quoi, ce que j'ai peur le plus?
C'est qu'on ne se rende pas à 88.11 parce qu'on a un bâillon avant ça.
M. Jolin-Barrette :
Bien, Mme la Présidente, juste là-dessus, là, avant de suspendre, là, moi, là,
je n'ai jamais, jamais, jamais abordé la question de la procédure législative
d'exception. Je sais que ça énerve bien gros la députée de
Marguerite-Bourgeoys, là, mais moi, là...
Mme David : ...M. le
ministre, devant vous, assise ici, puis vous là. On s'est rendus à l'article 6.
M. Jolin-Barrette : Oui,
mais c'est parce que c'était différent comme dossier.
Mme David : ...
M. Jolin-Barrette : Et
je sais fort bien que le nouveau Parti libéral post-2020 est en faveur de la
promotion et de la protection de la langue française. Alors, je suis convaincu
qu'on va réussir à adopter le projet de loi dans des délais raisonnables. Puis
je trouve qu'on fait un bon travail depuis hier là-dessus, puis on a eu des
consultations de trois semaines, puis je trouve ça fort intéressant, cet
après-midi, échanger avec mes collègues, d'ailleurs, particulièrement avec le
député de La Pinière, qui a un plaisir fou à venir ici, mais c'est ça. Ça
fait que, moi, ce que je dis : Énervons-nous pas sur la procédure
législative d'exception.
Par contre, je dénote que ça fait
longtemps qu'on en a fait une, puis peut-être parce qu'on s'ennuie de ça. C'est
peut-être ce que je décode...
Mme David : ...qui ne
permettait pas de faire ça.
M. Jolin-Barrette : Cela
étant, peut-être que, comme je le disais à micro semi-fermé, Mme la Présidente,
peut-être que, l'amendement que j'ai déposé, on devrait le traiter à 88.11 avec
les autres discussions qu'on va avoir tout à l'heure, puisque l'article 6,
c'est un article de droit général, de droits fondamentaux, puis la précision,
tout ça, devrait <peut-être aller à 88.11.
La Présidente (Mme Thériault) :
J'ai...
M. Jolin-Barrette :
…comme je le disais à micro semi-fermé,
Mme la Présidente,
peut-être
que,
l'amendement que j'ai déposé, on devrait le traiter à 88.11, avec
les autres discussions qu'on va avoir
tout à l'heure, puisque l'article
6, c'est un
article de droit général, de droits fondamentaux, puis la
précision de ça devrait >peut-être aller à 88.11.
La Présidente (Mme Thériault) :
J'ai le député de D'Arcy-McGee qui veut faire une intervention, mais on m'a
demandé une suspension.
M. Birnbaum : Mais je me
permets, Mme la Présidente, juste pour encadrer notre discussion…
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, allez-y. Je vous reconnais.
M. Birnbaum : …hors d'ondes
et après en ondes. Et je vais être soit désabusé de ma compréhension ou… de
l'avoir de confirmée. On est dans l'article 4…
Une voix : …
M. Birnbaum : ...oui,
dans… qui va amender d'autres articles. Moi, je comprends que le sujet de
l'article, c'est l'étendue de l'offre de francisation de façon significative, significative.
Et là, quand on parle d'ajouter de la chair sur l'os… et dans l'esprit de
plusieurs des interventions, je me permets de parler de deux chantiers énormes
qui sont, si j'ai bien compris, touchés par cet article, où l'offre est, bon,
est assez limitée, mitigée, actuellement. Je parle, dans un premier temps, et
voilà l'esprit du projet de loi tel que proposé par mon collègue de Jacques-Cartier,
d'autres cibles aussi, mais des Québécois qui… ici depuis longue date, nés ici,
souvent, souvent, qui n'auraient pas eu l'opportunité ou même, peut-être, ne se
sont pas dotés de l'opportunité, mais qui veulent faire autrement maintenant,
de se perfectionner en français — c'est tout un chantier — ainsi
que d'autres gens issus de l'immigration, mais qui risquent d'avoir été ici
depuis 15 ans, 20 ans, 30 ans et qui, en bonne foi, ont l'intention, la volonté
de participer pleinement dans la vie québécoise, dans notre langue seule,
commune. Tout ce monde-là, actuellement, n'est pas ciblé de façon systématique
ou claire ni, j'ose dire, rigoureuse par la machine de francisation actuelle.
Ce n'est pas une petite chose dont on parle. Alors, j'espère que, hors ondes et
en ondes, on va explorer les projets d'amendement en tout ce qui a trait au
sujet devant nous avec du sérieux parce qu'on parle de plusieurs aspects d'une
importance capitale, quand et si, et je prends pour acquise la réponse «oui»,
si on veut impliquer tout le monde dans nos efforts collectifs de francisation.
Ce n'est pas un petit point, ça.
La Présidente (Mme Thériault) :
Je vous ai bien entendu. J'ai le député de La Pinière qui me fait signe, parce
qu'il doit s'absenter, mais qui a un petit propos à ajouter.
M. Barrette : Oui, je
dois quitter puis je tenais absolument — merci, Mme la Présidente — à
faire ce commentaire-ci. Le ministre <nous…
M. Birnbaum : ...si on
veut impliquer
tout le monde dans nos efforts collectifs de
francisation. Ce n'est pas un petit point, ça.
La Présidente (Mme Thériault) :
Je vous ai bien entendu. J'ai le député de La Pinière qui me fait signe, parce
qu'il doit s'absenter, mais qui a un petit propos à ajouter.
M. Barrette : Oui, je
dois quitter puis je tenais absolument
— merci, Mme la
Présidente
— à faire ce commentaire-ci. Le ministre >nous
oppose une chose qui m'époustoufle, là. Je suis époustouflé de la chose. Il
nous dit : Ici, on est dans les droits fondamentaux, donc ce n'est pas
nécessairement une bonne idée d'y attacher des notions de gratuité et de délai.
Mme la Présidente, là, si ce gouvernement-là considère que la loi n° 96 est si fondamentale pour le français, il me semble
que le droit exécutoire à la francisation devrait qualifier, qualifier par sa
gratuité et son délai d'accès à ladite francisation. Ça m'apparaît fondamental.
Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci, M. le député de La Pinière.
Donc, est-ce que vous tenez toujours à
votre suspension, Mme la députée? Parfait.
Donc, nous allons suspendre nos travaux,
pour des discussions, quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 07)
17 h 30 (version révisée)
(Reprise à 17 h 32)
La Présidente (Mme Thériault) :
Nous poursuivons donc les travaux de la commission concernant le projet de loi
n° 96.
M. le ministre, vous aviez déposé un amendement.
Je vous passe la parole pour la suite.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Avec votre permission et celle des membres de la commission, Mme la Présidente,
je souhaiterais retirer l'amendement, suite aux discussions que nous avons eues,
pour en déposer un nouveau.
La Présidente (Mme Thériault) :
...consentement pour retirer l'amendement déposé par le ministre?
Des voix : Consentement.
La Présidente (Mme Thériault) :
Consentement. Donc, l'amendement à l'article 6.1... l'article 4, mais
6.1, est retiré.
M. Jolin-Barrette : Et
là j'insérerais, Mme la Présidente, un nouvel amendement.
Donc : À l'article 4 du projet de
loi, remplacer, dans le premier alinéa de l'article 6.1 de la Charte de la
langue française qu'il propose, «prévus aux» par «prévus et offerts en vertu
des».
Donc, ça se lirait ainsi, avec le texte
amendé :
«6.1. Toute personne domiciliée au Québec
a droit aux services prévus et offerts en vertu des articles 88.11 et 88.12
pour faire l'apprentissage du français.»
Et, dans le cadre des discussions que nous
avons eues, Mme la Présidente, on a convenu de faire le débat que
nous avions relativement <à la gratuité et...
M. Jolin-Barrette :
…ça se lirait ainsi, avec le texte amendé :
«6.1. Toute personne domiciliée au
Québec a droit aux services prévus et offerts en vertu des articles 88.11 et
88.12 pour faire l'apprentissage du français.»
Et, dans le cadre des discussions que
nous avons eues,
Mme la Présidente, on a convenu de faire le
débat que nous avions relativement >à la gratuité et relativement aux
délais pour offrir les cours à Francisation Québec. Mes collègues souhaitent
faire un débat là-dessus et également proposer des amendements, j'imagine, et
on va pouvoir le faire à l'article 88.11, parce qu'à l'article 4 ou 6
du projet de loi, c'est un article qui est général, donc c'est sur les droits
fondamentaux généraux. Donc, les précisions associées à ça, relativement au
mandat de Francisation Québec, c'est préférable de le faire à 88.11, alors je
m'engage à ce qu'on en redébatte et qu'on fasse le débat à 88.11.
La Présidente (Mme Thériault) :
Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Bien,
écoutez, je suis d'accord avec le ministre et j'entends bien, donc, que nous
ferons le débat à 88.11. Implicitement, ça veut dire qu'on va se rendre à 88.11
et qu'on va même aller plus loin. Et le ministre a dit certainement et que je
n'avais pas raison d'avoir… de craindre une éventuelle procédure d'exception,
ce que j'accueille avec grand enthousiasme, parce que j'aime beaucoup débattre
de ce projet de loi. Et je pense que c'est absolument vital et essentiel que
nous puissions parler de chaque article, quand on dit article par article,
étude détaillée, sans exagérer dans les détails, mais en étant très fermes sur
les précisions et la qualité du projet de loi. Ça va bien, on avance bien, donc
je suis prête à relever le pari de se rendre non seulement à 88, mais de se
rendre à 102. C'est-tu ça? 102, je pense, articles... 202 articles.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Mme David : 88, c'est le
début, dans le fond.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, parfait.
Mme David : Donc, Mme la
Présidente, j'accueille favorablement...
La Présidente (Mme Thériault) :
L'amendement?
Mme David : ...l'amendement
du ministre.
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. Est-ce que j'ai d'autres commentaires sur l'amendement du ministre?
Pas de commentaire. On est prêts à mettre aux voix? Parfait.
Une voix : …
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. Est-ce que l'amendement présenté par le ministre à l'article 4
est adopté?
Des voix : Adopté.
La Présidente (Mme Thériault) :
Adopté. Parfait.
Donc, est-ce qu'il y a d'autres
amendements à l'article 4? Non.
On est prêts à terminer la discussion sur
l'article 4. Est-ce que j'ai d'autres interventions? Oui, M. le député de Matane-Matapédia.
M. Bérubé : L'article 4,
si j'ai bien lu, parle de «la personne domiciliée au Québec qui reçoit d'un
établissement l'enseignement primaire, secondaire ou collégial offert en
anglais a le droit de recevoir de cet établissement un enseignement du français».
Ma question au ministre : Pourquoi le domaine universitaire n'est pas là?
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette :
Bien, en fait, ce sont les trois niveaux qui sont visés. Ce sont des niveaux où
est-ce que la contribution de l'État, elle est importante, elle est grande, et
ça relève du réseau de l'État, donc à la fois du parcours obligatoire pour le
primaire, le secondaire puis le <collégial…
M. Jolin-Barrette :
...en fait, ce sont les trois niveaux qui sont visés. Ce sont des niveaux où
est-ce que la contribution de l'État, elle est importante, elle est grande, et
ça relève du réseau de l'État, donc à la fois du parcours obligatoire pour le
primaire, le secondaire puis le >collégial, qui est financé en grande
partie par l'État québécois. Donc, l'autonomie institutionnelle des universités
est distincte.
M. Bérubé : D'accord.
Mais, si je suis cette logique-là, on pourrait parler du parcours de la loi 101
dans le domaine scolaire, puis le collégial devrait s'appliquer aussi, là, si
je suis la même logique, là, du ministre. Alors...
M. Jolin-Barrette :
Bien, ça, c'est un autre débat, mais, nous, ce qu'on dit...
M. Bérubé : Qui va venir,
soyez-en assuré.
M. Jolin-Barrette :
J'imagine, j'imagine.
M. Bérubé : ...n'est-ce
pas? Entre nous.
M. Jolin-Barrette :
Bien, j'imagine que vous aurez l'occasion de faire des amendements pour faire
en sorte de mettre sous forme d'amendement la proposition que vous défendez.
M. Bérubé : D'accord.
Donc, Mme la Présidente, l'explication du ministre, qui explique que le domaine
universitaire n'est pas là, c'est le degré d'autonomie face à l'État. J'ai bien
compris?
M. Jolin-Barrette :
Bien, il y a le degré de proximité avec l'État, là, notamment relativement au
financement, mais également relativement à l'autonomie institutionnelle de
l'institution. Les universités ont une grande autonomie institutionnelle.
L'autre point également, vous aurez noté,
à l'article 88.0.13, qu'«un établissement d'enseignement universitaire
francophone doit veiller à ce que l'enseignement offert en français ne soit pas
donné dans une autre langue». Ça, on va le voir plus tard, là, dans la langue
de l'enseignement, et... c'est ça.
Ça fait que l'objectif, c'est de faire en
sorte que, lorsque vous avez quelqu'un qui est dans le parcours scolaire, qu'il
soit primaire, secondaire ou collégial, en anglais, bien, il puisse acquérir
les compétences langagières relativement à l'apprentissage du français et que
les cours soient de la qualité pour pouvoir s'exprimer.
Donc, à l'université, dans le parcours...
supposons, là, vous prenez une université anglophone ou une université
francophone, vous n'avez pas nécessairement des cours de langue seconde non
plus, ce n'est pas nécessairement dans le cadre du cursus du programme, alors
qu'exemple, au niveau collégial, au niveau primaire et secondaire, vous avez
des cours, dans le cursus, de langue seconde.
M. Bérubé : Mme la
Présidente, ça tombe bien que le ministre évoque qu'on n'ait pas nécessairement
des cours de langue seconde dans les universités, parce que l'actualité de
cette semaine nous indique qu'à l'Université McGill, par exemple, des
formations qui étaient données pour apprendre le français ont été abolies au
nom, notamment, de l'indépendance de cette université, qui dit : C'est une
révision... c'est une nouvelle vision, et on abolit ces formations. Et les
chargés de cours, Mme la Présidente, pour votre information à vous, sont même
sortis publiquement en disant : On est prêts à descendre notre salaire
pour offrir cette formation essentielle, puis l'Université McGill a dit :
Bien non, on est autonomes, on est indépendants, donc c'est nous autres qui
décide. J'espère que ça a choqué le ministre autant que nous.
Je note aussi que le ministre <évoque...
M. Bérubé : …ces
formations.
Et les chargés de cours, Mme la Présidente, pour votre
information à vous, sont même sortis publiquement en disant : On est prêts
à descendre notre salaire pour offrir cette formation essentielle. Puis
l'Université McGill a dit : Bien non, on est autonomes, on est
indépendants, donc c'est nous autres qui décide. J'espère que ça a choqué le
ministre autant que nous.
Je note aussi que le ministre >évoque
l'indépendance universitaire. Bien là, c'est variable, là, cette conception-là
dans ce gouvernement, parce que le gouvernement a décrété de lui-même une
commission pour se pencher sur la liberté de parole et l'indépendance
intellectuelle dans les universités, comité présidé par un ancien collègue à
moi, député de Lac-Saint-Jean. Là, ce n'est pas les universités qui décident, c'est
le gouvernement, mais, dans d'autres cas, il y a une indépendance
universitaire. J'avoue que je trouve ça particulier. Si c'est le cas, si les
universités sont totalement indépendantes, bien, le gouvernement n'aurait pas
lancé un exercice sur la liberté académique dans les universités comme il l'a
fait, là, mais je présume qu'il avait d'autres objectifs en faisant ça.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
• (17 h 40) •
M. Jolin-Barrette : Bien
entendu que la décision de McGill qu'ils ont prise est totalement répréhensible,
et je crois qu'ils auront l'occasion de corriger le tir au cours des jours à
venir.
Cela étant, l'argument que je faisais
était à l'effet que ce n'est pas dans le cadre du cursus. Donc, ce qu'on vise,
notamment, c'est que les gens qui étudient en anglais puissent avoir des cours
de français qui leur permettent d'avoir une autonomie langagière en français. Donc,
c'est la qualité des cours. Et justement, par rapport à ce que nous disait le
député de Sainte-Rose et le député de Jacques-Cartier, ils disaient, dans le
fond : Bien, il faut avoir des outils, notamment, pour permettre aux
membres de la communauté anglophone d'avoir une bonne connaissance de la langue
française, d'avoir l'opportunité de bien apprendre le français, et c'est le
sens de l'alinéa deux de 6.1 de dire : Quand vous passez dans le
réseau anglophone, vous avez le droit d'avoir un bon apprentissage du français.
M.
Bérubé
:
Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le député.
M. Bérubé : Je ne
voudrais m'arrêter en si bon chemin, parce qu'à chaque fois le ministre ajoute
des informations qui stimulent ma réflexion. Le ministre, qui semble disposer
d'informations privilégiées, semble indiquer que l'Université McGill va pouvoir
corriger la situation au cours des prochains jours. Alors, manifestement, soit qu'il
a un don de clairvoyance, soit qu'il dispose d'informations privilégiées. Tant
mieux si c'est le cas, c'est juste la normalité.
Ceci étant dit, comme il l'indique
lui-même, à l'effet qu'il n'est jamais trop tard pour corriger une situation,
je l'invite à communiquer avec sa collègue présidente du Conseil du trésor pour
bloquer le don du Royal Victoria à l'Université McGill. Et, s'il était
conséquent, en fait, si son gouvernement était conséquent dans la défense du
français et que les gestes comptent, tout comme moi, il s'opposerait au don à
l'Université McGill du Royal Victoria, qui est un symbole <épouvantable…
M. Bérubé : ...et,
s'il
était conséquent, en fait, si son gouvernement était conséquent dans la défense
du français et que les gestes comptent, tout comme moi, il s'opposerait au don
à l'Université McGill du Royal Victoria, qui est un symbole >épouvantable
d'abandon linguistique à Montréal. Ce n'est pas la première fois que j'en
parle, je ne suis pas le seul à en parler, ça envoie un signal négatif quant à
la volonté gouvernementale de s'occuper pour vrai du français et de s'occuper
de... pas de l'équilibre linguistique, de la prédominance du français à Montréal.
Donc, je me permets au passage d'aborder
cet enjeu-là maintenant, ce qui n'était pas prévu. Mais, comme le ministre
parle de McGill qui peut faire amende honorable, j'invite son gouvernement à en
faire autant, parce que, si je me retrouve à nouveau dans un projet de loi
libéral appuyé par la CAQ qui va faire en sorte de céder Royal Vic à McGill, je
vous garantis, Mme la Présidente, que je vais y retourner et que ça va être la
même chose que la dernière fois. Je vais devoir le dénoncer haut et fort parce
que ça n'a aucun sens qu'un gouvernement qui se proclame nationaliste — ce
n'est pas un tiers qui l'a indiqué, là, c'est lui-même — puisse faire
une telle chose lorsqu'on parle, ici, de l'avenir de la langue française.
Alors, le Parti québécois sera peut-être
le seul à dénoncer ça, ce qui est manifestement le cas, présentement. On va
continuer de le faire, Mme la Présidente. J'en informe le ministre.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette :
C'est bien noté.
La Présidente (Mme Thériault) :
C'est bien noté.
M. Bérubé : Merci. On
compte sur le ministre.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, est-ce que j'ai d'autres commentaires concernant l'article 4?
Sinon, je suis prête à mettre aux voix
l'article 4 tel qu'amendé. Est-ce que l'article 4, tel qu'amendé, est
adopté?
Des voix
: Adopté.
La Présidente (Mme Thériault) :
Adopté. Parfait.
M. le ministre pour l'article 5. Je
tiens, par contre, à préciser qu'à l'article 5 on a 7.1, 8, 9, 10, 11, 12
et 13 et que j'ai déjà trois amendements qui m'ont été envoyés, deux par le
ministre et un par la députée de Marguerite-Bourgeoys. Donc, on va laisser le
ministre nous présenter l'article dans sa totalité, et par la suite, au 7.1,
qui est le premier paragraphe, ça sera la députée de Marguerite-Bourgeoys qui
pourra me déposer l'amendement qui touche le premier sujet de l'article 5
au 7.1. Ça vous va?
Donc, M. le ministre, la parole est à vous
pour la présentation de l'article 5.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Alors, l'article 5, Mme la Présidente :
Les articles 8 et 9 de cette charte sont
remplacés par les suivants :
«7.1. En cas de divergence entre les
versions française et anglaise d'une loi, d'un règlement ou d'un autre acte
visé au paragraphe 1° ou 2° de l'article 7 que les règles ordinaires
d'interprétation ne permettent pas de résoudre convenablement, le texte
français prévaut.
«8. Les règlements et les autres actes de
nature similaire auxquels ne s'applique pas l'article 133 de la Loi
constitutionnelle de 1867, tels que les règlements municipaux, doivent être
rédigés, adoptés et publiés exclusivement en français.
«Les organismes et les établissements
reconnus en vertu de l'article 29.1 peuvent rédiger, adopter et publier ces
actes à la fois en français et dans une autre langue; en cas de divergence, le
texte français d'un tel acte prévaut sur celui dans une autre langue.
«9. Une traduction en <français...
M. Jolin-Barrette :
...doivent
être rédigés, adoptés et publiés exclusivement en français.
«Les organismes et les établissements
reconnus en vertu de l'article 29.1 peuvent rédiger, adopter et publier ces
actes à la fois en français et dans une autre langue; en cas de divergence, le
texte français d'un tel acte prévaut sur celui dans une autre langue.
«9. Une traduction en >français
certifiée doit être jointe à tout acte de procédure rédigé en anglais émanant
d'une personne morale.
«La personne morale assume les frais de
traduction.
«10. Une version française doit être
jointe immédiatement et sans délai à tout jugement rendu par écrit en anglais
par un tribunal judiciaire lorsqu'il met fin à une instance ou présente un
intérêt pour le public.
«Tout autre jugement rendu en anglais est
traduit en français à la demande de toute personne; celui rendu en français est
traduit en anglais à la demande d'une partie.
«Les frais de la traduction effectuée en
application du présent article sont assumés par le ministère ou l'organisme qui
l'effectue ou qui assume les coûts nécessaires à l'exercice des fonctions du
tribunal qui a rendu le jugement.
«11. L'article 10 s'applique, compte
tenu des adaptations nécessaires, à toute décision rendue dans l'exercice d'une
fonction juridictionnelle par un organisme de l'Administration ou par une
personne nommée par le gouvernement ou par un ministre qui exerce une telle
fonction au sein d'un tel organisme.
«12. Il ne peut être exigé de la personne
devant être nommée à la fonction de juge qu'elle ait la connaissance ou un
niveau de connaissance spécifique d'une langue autre que la langue officielle
sauf si le ministre de la Justice et le ministre de la Langue française
estiment que, d'une part, l'exercice de cette fonction nécessite une telle
connaissance et que, d'autre part, tous les moyens raisonnables ont été pris
pour éviter d'imposer une telle exigence.
«13. L'article 12 s'applique, compte
tenu des adaptations nécessaires, à la personne qui doit être nommée par
l'Assemblée nationale, par le gouvernement ou par un ministre pour exercer une
fonction juridictionnelle au sein d'un organisme de l'Administration.»
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Donc, pour le 7.1, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, je vais... je
vous demande de présenter votre amendement.
Mme David : J'aurais une question
à poser, avant, au ministre.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui.
Mme David : Attendez, il
faut que je trouve le bon papier. Je vous avertis, on tombe dans un... dans du
costaud, là. Alors, il y a eu beaucoup de préparation, mais il ne faut pas se
mélanger dans tout. C'est comme... ce n'est pas un amendement, c'est vraiment
une question. Il semble y avoir une erreur, mais ce n'est peut-être pas une
erreur. La toute première ligne de l'article 5 dit «les articles 8 et 9 de
cette charte sont remplacés par les suivants», et selon notre lecture ou notre
compréhension, mais détrompez-moi si je me trompe, on devrait plutôt lire «les
articles 8 à 13 de cette charte sont remplacés par les suivants», et non «les
articles 8 et 9 de cette charte sont remplacés par les suivants». Est-ce que je
me trompe?
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien,
c'est ça, dans le fond, à la Charte de la langue française, les articles 10,
11, 12, 13 ont été abrogés, donc on ne vient pas les remplacer, dans le fond,
on vient les insérer. Dans le fond, actuellement, là, la Charte de la langue
française, la loi 101 actuelle, là, avant le projet de loi n° 96, 10,
11, 12, 13 n'existent plus. Ils n'existent pas, comme il y a un vide.
Mme David : Oui, c'est
ça. Et donc on ne les nomme pas parce qu'ils n'existent plus, c'est ça?
M. Jolin-Barrette :
Exactement.
Mme David : Donc, c'est
pour ça qu'il ne <resterait...
M. Jolin-Barrette :
...
dans le fond, on vient les insérer.
Dans le fond,
actuellement,
là, la Charte de la langue française, la loi 101 actuelle, là, avant le projet
de loi n° 96, 10, 11, 12, 13 n'existent plus. Ils n'existent pas, comme il y a
un vide.
Mme David : Oui, c'est
ça. Et donc on ne les nomme pas parce qu'ils n'existent plus. C'est ça?
M. Jolin-Barrette :
Exactement.
Mme David : Donc,
c'est pour ça qu'il ne >resterait que 8 et 9, puisque les autres sont
abrogés.
La Présidente (Mme Thériault) :
C'est ça.
M. Jolin-Barrette : Quand
vous dites «les autres», vous faites référence... «les autres» étant?
Mme David : Bien, vous
avez dit : Ils sont abrogés, là, 10, 11, 12, 13.
M. Jolin-Barrette : Parce
qu'actuellement, là, dans la Charte de la langue française, là, vous avez les articles
1 à 9, puis ensuite vous passez à 14.
Mme David : Donc, on n'a
plus besoin de référer à ceux qui sont déjà abrogés, puisqu'ils n'existent
plus.
M. Jolin-Barrette : Non,
parce qu'ils n'existent pas.
Mme David : Ils ont
été...
M. Jolin-Barrette : Dans
le fond, en 1993, M. le député d'Argenteuil, l'ancien ministre de l'Éducation...
La Présidente (Mme Thériault) :
M. Ryan.
M. Jolin-Barrette : ...
— Ryan, c'est ça, désolé, j'oubliais son nom — les a
abrogés.
Mme David : O.K. O.K., c'est
correct. Je voulais juste...
Donc, j'ai déposé un amendement, un
premier amendement.
La Présidente (Mme Thériault) :
Je vais vous demander de nous en faire la lecture, Mme la députée.
Mme David : O.K. Il est
déjà...
La Présidente (Mme Thériault) :
Il est déjà disponible pour les députés, oui.
• (17 h 50) •
Mme David : Tout, tout? Ah!
quelle efficacité!
La Présidente (Mme Thériault) :
...puisque vous nous avez fait parvenir vos amendements.
Mme David : Tout à fait. Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, il est déjà disponible.
Mme David : Formidable.
Alors, l'article 5 du projet de loi est
modifié :
1° par le remplacement, dans
l'article 7.1 de la Charte de la langue française qu'il introduit, des mots
«que les règles ordinaires d'interprétation ne permettent pas de résoudre
convenablement, le texte français prévaut» par les mots «nécessitant l'usage
des règles ordinaires d'interprétation législative par un tribunal, la version
française sera présumée correspondre le mieux à l'intention du législateur»; et
2° l'ajout — deuxième
alinéa — à la fin de l'article 7.1 de la Charte de la langue
française qu'il introduit, de l'alinéa suivant — ouvrez les... ouvrez
les... pas les parenthèses, les guillemets :
«Cette présomption peut être réfutée par
toute preuve contraire.»
Commentaires : L'article 7 de la
Charte de la langue française, introduit par le projet de loi tel qu'amendé, se
lirait ainsi :
«7.1. En cas de divergence entre les
versions française et anglaise d'une loi, d'un règlement ou d'un acte visé au
paragraphe 1° ou 2° de l'article 7 que les règles ordinaires d'interprétation
ne permettent pas de résoudre convenablement, le texte français prévaut,
nécessitant l'usage des règles ordinaires d'interprétation législative par un
tribunal, la version française sera présumée correspondre le mieux — et
il y a une petite erreur dans "correspondre", il manque un
r — le mieux à l'intention du législateur.
«Cette présomption peut être réfutée par
toute preuve contraire.»
Alors, on tombe dans nos beaux articles,
133, Blaikie, etc. Comme nous le savons, la Cour suprême, dans Blaikie, affirme
que l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 reconnaît au français et
à l'anglais un statut officiel. Alors, on a des citations de l'Association du
Barreau <canadien...
Mme David : …alors, on
tombe dans nos beaux articles, 133, Blaikie, etc. Comme nous le savons, la
Cour
suprême, dans Blaikie, affirme que l'article 133 de la
Loi
constitutionnelle de 1867 reconnaît au français et à l'anglais un statut
officiel. Alors, on a des citations de l'Association du Barreau >canadien,
évidemment le Barreau du Québec qui est venu nous le dire, et d'autres
constitutionnalistes, entre autres. Donc, les versions anglaise et française d'une
loi du Québec font toutes deux autorité.
Notons que, depuis 1977, la Loi d'interprétation
du Québec prévoit ceci à son deuxième alinéa : «Les lois doivent s'interpréter,
en cas de doute, de manière à ne pas restreindre le statut du français.» Cet
article n'a jamais été invalidé par les tribunaux, notamment en raison du fait
qu'il n'est pas ou très peu utile aux tribunaux. Ça, c'est dit par le Barreau,
c'est dit par d'autres. Ça n'a pas vraiment souvent… l'enjeu ne s'est pas
présenté souvent.
La… Je cherche, excusez, une façon, ici,
plus simple de le dire. Donc, comme indiqué dans le mémoire du Barreau du
Québec, «la prépondérance ainsi donnée à la version française par le projet de
loi pourrait être considérée comme visant à nier le statut d'égalité des
versions française et anglaise d'une loi ou d'un règlement, ce qui
contreviendrait [évidemment] à l'article 133 de la Loi constitutionnelle
de 1867». Il faut donc être prudent avec ce type de dispositions.
Donc, dans le cas d'une divergence entre
la version française et anglaise d'une loi, le tribunal utilisera les règles
ordinaires d'interprétation législative établies en droit québécois. Dans cette
interprétation, un critère que le juge devra évaluer est l'intention du
législateur. Il s'agit d'un critère parmi d'autres, comme le contexte
législatif, l'objet de la loi ou le texte, etc. La modification proposée — donc
celle que nous proposons dans notre amendement — permettrait au
tribunal, dans l'analyse de l'intention du législateur, de présumer — et
j'ai compris, dans mon petit cours de droit 101, que «présumer» puis «réputer»,
c'est très différent, donc présumer — que la version française est
celle qui correspond le mieux à l'intention du législateur. L'utilisation du
terme «présumer» fait naître une présomption légale. Or, cette présomption ne
doit pas être absolue. Toute preuve contraire pourra permettre... et c'est de
là le dernier alinéa de la preuve contraire, toute preuve contraire pourra
permettre à une partie devant les tribunaux de démontrer que le juge doit
préférer la version anglaise de la loi.
Donc, on part de la version française, on
présume, puis là, bien, si on veut contester, on peut contester, mais il faut
démontrer que, non, non, non, la version anglaise serait mieux. Cette preuve
peut être faite à l'aide des travaux parlementaires, des commentaires du
ministre, du contexte de l'adoption de la loi et de toutes les autres façons.
Donc, il est important, selon nous, de
laisser la possibilité à toute personne de réfuter cette présomption légale, le
tout afin de respecter l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867,
qui exige l'égalité des versions française et anglaise de la loi.
Donc, pour dire, bien, de façon peut-être
que moi, je me simplifie dans ma <tête…
Mme David : ...à
toute
personne de réfuter cette présomption légale, le tout afin de respecter
l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867, qui exige l'égalité des
versions française et anglaise de la loi.
Donc, pour dire, bien, de façon
peut-être que moi, je me simplifie dans ma >tête, l'arrêt Blaikie était
vraiment très important. L'égalité des deux langues, si on veut, devant la loi,
et de dire que la version anglaise et française... que de dire, avec l'article
qu'on est en train d'étudier, que la version française prévaut, c'est : Attention,
attention, article 133.
Alors, ce que nous, on propose, c'est
justement de dire que l'article 133 pourrait donc être un motif de
contestation. Alors, on dit, bien, de dire que la version française sera
présumée correspondre le mieux à l'intention du législateur, on présume ça,
mais en disant : Cette présomption, étant donné qu'on est dans une société
de droit, peut être réfutée par toute preuve contraire, mais au moins il y a
une présomption que la version française corresponde le mieux à l'intention du
législateur.
Qu'est-ce que le Barreau nous dit? Le
Barreau va nous dire, dans son mémoire : «Nous considérons qu'il est peu
probable, en utilisant les principes d'interprétation généralement admis,
qu'une divergence entre la version française et anglaise [...] ne puisse se
résoudre — autrement dit, on finit à peu près toujours par
s'entendre, il y a eu très peu de cas — et qu'il n'est donc pas
nécessaire de prévoir une telle mesure dans le projet de loi.»
Donc, selon le Barreau, ça ne devrait même
pas exister, cette mesure-là, de dire que la version française prévaut. Il dit :
«D'ailleurs, la prépondérance donnée à la version française par le projet de
loi pourrait être susceptible de nier le statut d'égalité des versions
française et anglaise d'une loi ou d'un règlement consacré [au fameux]
article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867.»
Alors, qu'est-ce qu'on fait, ici, Mme la
Présidente? Parce que je veux juste peut-être vous dire aussi, l'Association du
Barreau canadien, version Québec, ou branche du Québec, ou section Québec, qui
dit : «...une telle prépondérance — donc, de la version
française — semble incompatible avec le statut d'égalité des versions
française et anglaise des actes de la législature du Québec prévu — où? — à
l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867.» Puis là il cite la
Cour suprême dans l'arrêt R. versus Quesnelle.
Alors, ils disent : «Nous soulignons [...]
l'incongruité apparente entre l'article 7.1 proposé et l'actuel
paragraphe 7.3° de la charte, qui n'est pas modifié par le projet de loi
et qui prévoit que "les versions française et anglaise des textes visés
aux paragraphes 1° et 2° [de l'article 7] ont la même valeur juridique".
«D'un point de vue de réforme cohérente du
droit, nous notons que la proposition de faire primer la version française sur
la version anglaise en cas de divergence s'inscrit en porte-à-faux avec les
efforts mis en oeuvre au fil des dernières années afin d'améliorer la
concordance, sur le fond du droit, entre les textes anglais et les textes
français de lois du Québec. Il est difficile de ne pas être préoccupé par le
risque que la prépondérance qui serait <conférée...
Mme David : …
française
sur la version anglaise en cas de divergence s'inscrit en porte-à-faux
avec les efforts mis en oeuvre au fil des dernières années afin d'améliorer la
concordance, sur le fond du droit, entre les textes anglais et les textes
français de lois du Québec. Il est difficile de ne pas être préoccupé par le
risque que la prépondérance qui serait >conférée à la version française
pourrait avoir pour conséquence d'éroder, avec le temps, l'importance des
efforts consacrés par la législature du Québec à l'adoption de versions
française et anglaise des lois et règlements qui soient les plus concordantes
possible», d'où notre proposition, notre humble proposition, de dire que «la
version française sera présumée correspondre le mieux à l'intention du législateur»,
mais «cette présomption peut être réfutée par toute preuve contraire».
Est-ce que c'est couper la poire en deux? Est-ce
que c'est essayer d'aider le ministre à dire qu'on va garder une certaine
présomption du côté de la version française, mais sans aller de façon aussi
frontale avec la version française, qui serait la plus... disons, la principale,
comme c'est dit, le texte français prévaut? On essaie de trouver un juste
milieu qui n'affronte pas trop directement la question de l'article 133 de
la Loi constitutionnelle.
Je suis sûre qu'ils ont pensé à tout. Ils
ont des juristes formidables, ils ont des constitutionnalistes, mais, quand
même, le Barreau, l'Association du Barreau canadien, d'autres
constitutionnalistes, on ne les citera pas nécessairement tous maintenant, ont
tous la même inquiétude qu'on s'en va frontalement avec une contestation
constitutionnelle à travers l'article 133.
Alors, voici notre humble contribution à
cet article-là, en proposant quelque chose qui serait un peu mitoyen en disant «la
version française sera présumée correspondre le mieux». Mais le mot «présumée»
veut dire que ça peut être réfuté, donc il peut y avoir un débat où, là, bien…
auquel cas un juge tranchera. Mais on nous dit partout que ce n'est à peu près
jamais arrivé, donc on se demande pourquoi emprunter ce sentier peut-être un
peu dangereux, peut-être un peu risqué par rapport à l'article 133.
Pourquoi faire ça, alors que les choses ont l'air — et je répète ce
qu'on a lu de gens qui ont… qui s'y connaissent, évidemment — ont
l'air d'aller assez bien dans ce domaine-là? Donc, les gens sont un peu surpris
de cette prépondérance de la version française.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. M. le ministre.
• (18 heures) •
M. Jolin-Barrette : Oui.
Alors, il y a plusieurs choses qui ont été dites, et essayons de débroussailler
tout ça.
Bon, dans un premier temps, il existe
l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867. Et, bon, les différents
arrêts, notamment dans Blaikie, 1979, 1981, les principes sont établis. Donc,
ce que 133 nous dit, c'est que les lois de la législature du Québec, donc <de
l'Assemblée nationale du Québec et du…
>
18 h (version révisée)
<15359
M. Jolin-Barrette :
...de 1867. Et, bon, les différents arrêts, notamment dans Blaikie 1979, 1981,
les principes sont établis. Donc, ce que 133 nous dit, c'est que les lois de la
législature du Québec, donc >de l'Assemblée nationale et du Parlement
fédéral, sont adoptées dans les deux langues. Donc, le processus, ici, même si
on étudie les lois en français, ultimement, les lois sont sanctionnées en
anglais et en français, donc les lois... les deux ont la valeur légale.
Les principes d'interprétation en droit
font en sorte que les lois sont interprétées les unes par rapport aux autres,
la version anglaise, la version française, donc, dans les différentes
interprétations. Le juge, lorsqu'il y a un conflit qui est porté devant lui...
ça vient faire en sorte que le juge regarde la version et, dans le cas du
doute, si ce n'est pas clair, il peut aller se référer soit à la version
anglaise, soit à la version française, tout ça.
Il arrive, par contre, que le juge se
retrouve dans une situation, après les règles d'interprétation ordinaires qui
existent, arrive devant une situation qui, comment on dit... dans une impasse,
le juge n'est pas capable de connaître la véritable intention du législateur. À
partir de ce moment-là, en matière judiciaire, souvent, ce qui arrive, c'est
que le juge va venir réécrire la disposition, alors que ce n'est pas le rôle du
magistrat, de réécrire une disposition, le rôle d'écrire les lois, c'est le
rôle du législateur. Alors, parfois, il arrive qu'en cas de conflit ou en cas
d'absence, comment je pourrais dire, de résultat, un coup que toutes les règles
d'interprétation ont été faites l'une par rapport à l'autre, l'interprétation
téléologique, l'interprétation large et libérale de l'interprétation des lois
et des règlements, on se retrouve où le juge, lorsqu'il est dans une impasse,
bien, il se retrouve lui-même à dire : Bien, finalement, c'est ça que ça
veut dire.
Sauf qu'un coup que tout a été analysé
selon les règles et les pratiques judiciaires, il reste un espace pour dire :
Écoutez, M. le juge, lorsque vous ne réussissez pas par les règles
d'interprétation régulières à trouver le sens que le législateur a voulu dire...
Si jamais c'est le cas, bien, on lui dit : Écoutez, au bout du processus...
donc les deux lois sont égales, donc les deux versions sont égales, mais, si
vous arrivez dans une impasse, vous pourrez, à ce moment-là, regarder le texte
français et regarder l'intention du législateur en français, mais uniquement
lorsque les règles normales d'interprétation des lois n'amènent pas à un
résultat qui permet de conclure, plutôt que le juge lui-même rédige ou vienne
indiquer ou vienne écrire ce que voulait dire l'intention du législateur.
Donc, on donne un outil supplémentaire
d'interprétation au juge, par le biais de l'article 7.1. Et d'ailleurs ça
réfère à la loi <de Robert Bourassa, en 1974. C'était la loi 22? Oui,
c'est ça...
M. Jolin-Barrette :
...ou vienne indiquer ou vienne écrire ce que voulait dire l'intention du
législateur.
Donc, on donne un outil supplémentaire
d'interprétation au juge, par le biais de l'article 7.1. Et d'ailleurs, ça
réfère à la loi >de Robert Bourassa, en 1974. C'était la loi 22? Oui, c'est
ça, la loi 22. Quand Robert Bourrassa a mis en place la loi 22,
l'article 2 de la loi disait : «En cas de divergence que les règles
ordinaires d'interprétation ne permettent pas de résoudre convenablement, le
texte français des lois du Québec prévaut sur le texte anglais.» Donc, en 1974,
Robert Bourrassa, c'est ça qu'il dépose dans le projet de loi 22.
Donc, c'est ça. Ça fait que tout ça est
sous réserve de l'article 133. 133, c'est le plancher, et là, à partir de ce
moment-là, on vient... le juge vient interpréter les textes ensemble. Mais ultimement,
lorsqu'il est en conflit puis il ne réussit pas à résoudre le tout, on lui dit :
Écoutez, vous avez fait tout votre travail d'interprétation, mais voici... le
législateur indique : Voici la dernière étape que vous devez faire avant
de rédiger la disposition, c'est qu'on dit que le texte français prévaut
lorsque les règles d'interprétation ne permettent pas d'arriver à une solution.
La Présidente (Mme Thériault) :
Mme la députée.
Mme David : Oui. Alors, pourquoi
le Barreau, l'Association du Barreau canadien sont si inquiets et disent :
Il n'y en a pas, de problème, on règle un problème qui n'existe à peu près pas?
Puis le Barreau nous amène sur le mot «convenablement», et je trouve ça fort
intéressant, ils disent : «La prépondérance ainsi donnée à la version française — je
lis le mémoire du Barreau — par le projet de loi pourrait être
considérée comme visant à nier le statut d'égalité des versions française et
anglaise d'une loi ou d'un règlement, ce qui contreviendrait à
l'article 133[...].
«Au surplus, l'article 7.1 semble
trop vague et imprécis puisqu'il indique que le texte français prévaudra
lorsque la divergence ne sera pas résolue "convenablement".» Ça,
j'aime ça, ces choses-là, moi, parce qu'effectivement, ça veut dire quoi,
«convenablement», ils n'en sont pas venus aux coups, ou... Je ne sais pas ce
que ça veut dire, d'être résolue convenablement. Alors, ils disent : «En
se référant au test de la résolution de convenable, ceci risque de créer de
nombreux litiges inutiles basés sur une notion non juridiquement définie.»
Alors, évidemment qu'ils trouvent que ça
n'a pas beaucoup de bon sens et que ça pose beaucoup de difficultés. Et il
cite, et là je m'en souviens parce que ça a été cité par d'autres, le fameux...
un auteur, là, qui date de 1983, qui est mort en 1985, Driedger, je pense.
M. Jolin-Barrette : J. A.
Driedger.
Mme David : J. A.
Driedger.
M. Jolin-Barrette : C'est
ça, J. A., ce fameux J. A.
Mme David : Ce n'est pas un
nom qu'on connaît, c'est J. A. Driedger.
M. Jolin-Barrette :
...non. Mais en fait je ne pense pas que Driedger est... Il est Européen, non,
Éric?
Mme David : En tout cas,
il est... on l'a cherché, mais il est malheureusement décédé en 1985. Mais il
semble avoir un livre que les gens aiment beaucoup qui s'appelle Construction
of Statutes, dont la seconde édition <a été publiée en 1983. Le
Pr Elmer A. — ce n'est pas J. A., c'est E. A. — Elmer
A. Driedger a...
Mme David : ...on l'a
cherché, mais il est malheureusement décédé en 1985. Mais il semble avoir un
livre que les gens aiment
beaucoup qui s'appelle Construction of
Statutes, dont la seconde édition >a été publiée en 1983. Le
Pr Elmer A. — ce n'est pas J. A., c'est E. A. — Elmer
A. Driedger a proposé une synthèse de ces principes classiques. Aujourd'hui, il
n'y a qu'un seul principe ou solution, il faut lire les termes d'une loi.
Alors, on imagine le juge avec... il y a deux versions, puis là c'est laquelle
des deux il faut... Donc, il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte
global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec
l'esprit de la loi, l'objet de la loi, l'intention du législateur. C'est là
qu'on parle : Qu'est-ce que c'est que le ministre, il voulait par cette
loi? Comment il a vu... Bon. Alors, c'est ce qui occupe le pain et le beurre
des juristes, là, de faire... Bon, ça devrait être ça. Alors, il ne dit pas
seulement le sens ordinaire, grammatical de ce qui est écrit, mais c'est
l'esprit plus général.
À maintes reprises, la Cour suprême du
Canada a affirmé que le principe moderne de Driedger constitue la façon
adéquate d'interpréter les lois, quels que soient leur nature et leur domaine
d'application. Alors, il revient après... ils reviennent à l'article 41 de
la Loi d'interprétation : «Toute disposition d'une loi est réputée avoir
pour objet de reconnaître des droits, d'imposer des obligations ou de favoriser
l'exercice des droits, ou encore de remédier à quelque abus ou de procurer quelque
avantage — bon.
«Une telle loi reçoit une interprétation
large, libérale — j'aime bien le mot «libérale» — qui
assure l'accomplissement de son objet et l'exécution de ses prescriptions
suivant leurs véritables sens, esprit et fin.»
Alors, j'ai comme l'impression qu'on est
dans... comme dit le Barreau : «...il est peu probable qu'en utilisant ces
principes d'interprétation une divergence entre la version française et
anglaise d'une loi ne puisse se résoudre.» Alors... Et ils s'interrogent, eux,
sur la contradiction entre le 7.1 et le 7.3° de l'actuelle Charte de la langue
française, qui n'est pas modifiée qui dit : «Le français est la langue de
la législation et de la justice au Québec, sous réserve de ce qui suit», puis
là, bon, bien, on dit : «...les versions française et anglaise des textes
visés aux paragraphes 1° et 2° ont la même valeur juridique.»
Alors, je trouve que c'est un beau débat
de juristes, là, auquel on est conviés, là, c'est... L'article 7.3°, si ça
a la même valeur, si les gens, normalement, sont capables de s'entendre entre
deux versions en prenant, justement, l'esprit de ce que le Pr Driedger a
dit qu'il faut prendre, l'esprit de la loi, l'objet de la loi, l'intention du
législateur, qu'il faut tenir compte de la nature du domaine d'application puis
que ça soit... comprendre les véritables prescriptions du sens, de l'esprit et
des objectifs, qu'est-ce qu'il reste comme enjeu, si ce n'est que, je ne sais
pas... Pourquoi vous être attardés sur un problème que les juristes semblent ne
pas trouver qu'il existe? Est-ce un faux problème?
M. Jolin-Barrette : Non,
c'est un vrai problème, et il s'agit d'un geste d'affirmation du pouvoir
législatif. Et ça, c'est fort important parce que, vous l'avez <bien
dit...
Mme David : ...
que
les juristes semblent ne pas trouver qu'il existe? Est-ce un faux problème?
M. Jolin-Barrette :
Non, c'est un vrai problème, et il s'agit d'un geste d'affirmation du pouvoir
législatif. Et ça, c'est fort important parce que, vous l'avez >bien
dit, avec les principes de Driedger ou ceux de Philippe-André... P.-A. Côté,
P.-A. Côté — j'oublie son petit nom — sur le volume l'Interprétation
des lois — moi, c'était troisième édition, je
crois — vous l'avez bien dit, il y a les principes d'interprétation généraux.
Là, on se retrouve dans une situation où le texte français et le texte anglais
ont la même valeur juridique. Ça, c'est la base, hein, c'est ce que nous dit la
charte, c'est ce que nous dit 133, aussi, de la Loi constitutionnelle de 1867.
Ça fait que les deux textes ont la même valeur juridique. Là, on est dans
une situation où il y a un conflit entre les deux versions, entre la
version française et la version anglaise. Là, à partir de ce moment-là, le juge
qui est dans sa salle de cour ou dans son bureau qui a à interpréter, il va
regarder les deux versions, et là il va avoir toutes les approches de
Driedger, l'interprétation contextuelle, tout ça, pour voir qu'est-ce que le
législateur veut dire, quelle était l'intention du législateur. Alors, vous
avez toutes les couches d'interprétation, tous les principes.
Ce que l'article 7.1 dit, c'est qu'à
partir du moment où le juge est dans un cul-de-sac, est dans une impasse, le
législateur lui dit : Attention, avant vous-même, M. le juge, de réécrire
la disposition et de dire : C'est ça que ça veut dire — parce
que ce n'est pas le rôle du juge de faire les lois, là-dessus, j'espère qu'on
s'entend, c'est le rôle de l'Assemblée nationale, c'est le rôle des élus — on
lui dit : Écoutez, puisque les règles d'interprétation ne vous permettent
pas d'arriver à une solution qui est rationnelle, à une interprétation
rationnelle et raisonnable...
• (18 h 10) •
La Présidente (Mme Thériault) :
Convenable.
M. Jolin-Barrette :
...convenable en fonction des règles, vous regardez le texte français, et cette
version française là saura vous éclairer pour interpréter la loi et rendre
votre jugement. Et ce qu'on fait, c'est qu'on vient occuper un espace pour le
législateur et on vient dire à la magistrature, on vient dire au pouvoir
judiciaire : Écoutez, avant d'exercer un pouvoir de réécriture des lois,
qui ne sont pas conférés au pouvoir judiciaire, mais qui sont plutôt conférés
au législateur, voici les étapes à suivre. Donc, vous avez les principes de
base, mais il y a quand même un espace qui est vacant que le législateur québécois,
en termes d'interprétation des lois, vient occuper. Donc, les deux lois ont la
même valeur légale, les deux lois doivent être interprétées les unes par
rapport aux autres... les deux versions, pardon, pas les deux lois, les deux
versions d'une loi, anglais, français, et là vous avez l'ensemble des principes
juridiques d'interprétation, et là on dit : Ultimement, ultimement, vous
ne pouvez pas interpréter convenablement le conflit, vous ne pouvez pas
résoudre le conflit convenablement, alors, à ce moment-là, on dit que le texte
français prévaut parce que c'est le <texte français... notamment au
Québec, c'est la langue officielle. Donc, c'est le sens.
Et vous disiez... Pardon. La députée
de...
M. Jolin-Barrette :
...
le conflit, vous ne pouvez pas résoudre le conflit convenablement, alors,
à ce moment-là, on dit que le texte français prévaut parce que c'est le >texte
français... notamment au Québec, c'est la langue officielle. Donc, c'est le
sens.
Et vous disiez... pardon, la députée de Marguerite-Bourgeoys
disait : Est-ce qu'il y a un problème? Ce n'est pas à toutes les semaines
qu'il y a un problème, tu sais, parce que les juristes de l'Assemblée nationale,
les juristes de l'État, les légistes font un excellent travail, mais ça peut
arriver parfois qu'il y a des conflits puis que les deux versions ne disent pas
la même chose.
Alors, dans ces situations particulières
là... et surtout on ne peut pas prévoir le futur non plus, alors c'est un
article qui vient affirmer très clairement et verrouiller, dans le fond, le
pouvoir d'interprétation et qui vient dire : Bien, le facteur de
rattachement que vous devez avoir, il est, ultimement, sur la version française,
et la Constitution nous permet d'avoir cet espace-là.
Alors, je suis d'accord avec vous, dans la
majorité des cas, il n'y a pas d'enjeu parce que le juge va pouvoir
interpréter, en fonction des règles d'interprétation, la version anglaise par
rapport à la version anglaise. C'est dans de très rares cas qu'arrivent
certaines problématiques. Mais ce qu'on dit aux juges, c'est qu'ultimement,
plutôt que, vous, d'exercer un pouvoir de rédaction législative qui appartient aux
législateurs, vous devez vous référer à la version française.
La Présidente (Mme Thériault) :
...
Mme David : Pourquoi la
version française serait présumée... mais même pas présumée dans ce cas-ci, là
on pourrait dire «réputée» dans votre cas, «présumée» dans le mien. Moi, je
propose un amendement où on parle de «présumée», mais, dans le fond, vous, je
réalise que vous faites plus référence au concept de «réputée», puisque la
version française va prévaloir dans la loi d'emblée, il n'y a pas de
discussion. Nous, on propose «présumée» pour qu'il puisse y avoir, justement,
un débat. Pourquoi prendre pour acquis, première question, que la version française
est mieux faite que la version anglaise? Première des choses.
Deuxième des choses, à quel moment le juge
va convenir que c'est... que ça ne se résout pas de façon convenable?
J'aimerais que vous me décriviez ce que ça veut dire, «convenable».
Et puis troisièmement, s'il n'y avait pas
eu le projet de loi n° 96, là, qu'est-ce qui arrivait à ce problème-là? On
l'aurait... Est-ce qu'un ministre de la Justice, et non pas un ministre
responsable de la Langue française, aurait fait ou aurait introduit dans un
autre projet de loi qui n'a rien à voir avec le français cette disposition-là,
ou c'est parce que c'est un projet de loi sur le français et que vous avez l'autre
base... il y a l'article 133, qui est le plancher, mais l'autre plancher aussi,
c'est la souveraineté parlementaire — on entend bien ça — puis
c'est dans un projet de loi sur la protection de la langue française? Alors,
est-ce que c'est plus le ministre de la Justice qui veut répondre à un <problème
de...
Mme David : ...
le
français et que vous avez l'autre base... il y a l'article 133, qui est le
plancher, mais l'autre plancher aussi, c'est la souveraineté parlementaire, on
entend bien ça, puis c'est dans un projet de loi sur la protection de la langue
française. Alors, est-ce que c'est plus le ministre de la Justice qui veut
répondre à un >problème de justice ou si c'est le ministre de la Langue
française qui veut mettre du muscle dans une version qu'il va présumer, lui,
être meilleure en français parce que c'est en français, sans autre forme de
possibilité — puisque c'est «réputée» plutôt que «présumée» — de
contestation?
Et troisièmement, le mot «convenable», ça
veut dire quoi? Vous avez dû réfléchir longuement au mot «convenable». Moi,
j'aurais de la misère à... Est-ce qu'à un juge anglophone, «convenable», va
être différent d'un juge francophone? Est-ce qu'un juge d'un certain âge, un
juge d'une certaine approche... Alors, ça veut dire quoi «convenable»?
Alors, je suis consciente que j'ai
plusieurs questions dans ma question, mais c'est un peu tout ça qui... c'est
pour ça que j'aime mieux mon amendement : «La version française sera
présumée correspondre le mieux à l'intention du législateur.» Et ça va revenir
souvent dans le projet de loi, le «réputée» puis le «présumée», là, vous l'avez
deux fois... au moins deux fois, mais pas les moindres. Dans les ordres
professionnels, «réputée»...
M. Jolin-Barrette : Mais
je n'appelle pas ça souvent.
Mme David : Bien non,
mais c'est parce que c'est des gros «réputée», mettons.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Mme David : C'est des
«réputée» qui font réfléchir beaucoup et qui ont fait réagir aussi. Alors, je
ne pense pas me tromper, il n'y a pas écrit le mot «réputée», là, mais c'est
l'équivalent, je pense, sémantique du mot «réputée» ou même juridique du mot
«réputée» quand le projet de loi dit carrément que c'est le texte français qui
prévaut, «that's it, that's all».
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui,
mais là il n'y a pas de présomption. Là, c'est différent des autres articles.
Bon, à la base, là, dans le fond Robert Bourassa, en 1974, il vient dire, il
vient édicter... un gouvernement libéral, une bonne chose, qui vient dire :
La langue officielle de l'État québécois, c'est le français. Le projet de loi
22 ou, à l'époque, Bill 22, vient dire : La langue de l'État
québécois, c'est le français. Il vient également dire que la version française
prévaut dans les lois.
Ce que nous faisons, c'est notamment un
geste d'affirmation. Que je porte mon chapeau de Justice ou que je porte mon
chapeau de Langue française, ils peuvent être confondus, les deux. J'aurais la
même position étant l'un ou étant l'autre et n'ayant pas les fonctions
cumulatives, ça serait la même position.
Dans l'interprétation des lois, il peut
arriver qu'il y ait un vide juridique et c'est ce vide juridique là qu'on vient
combler en disant, bien entendu : La version française et la version
anglaise ont la même valeur juridique, c'est prévu dans la Charte de la langue
française.
Par contre, il peut arriver que, les deux
versions, il y ait une divergence, entre les deux. À partir de ce moment-là, si
le juge, après avoir passé à travers les différentes règles d'interprétation,
il se retrouve <devant rien...
M. Jolin-Barrette :
...
par contre, il peut arriver que les deux versions, il y ait une
divergence, entre les deux. À partir de ce moment-là, si le juge, après avoir
passé à travers les différentes règles d'interprétation, il se retrouve >devant
rien, il n'est pas capable de dire : Bien, comment je réconcilie les deux
versions? Règle générale, il va être en mesure de réconcilier les deux
versions. Mais, dans l'éventualité où il ne réussit pas à réconcilier les deux
versions, parce que la loi dit «un chat noir», puis «the bill says "a
white cat"», O.K., là le juge va passer à travers ça, il va regarder les
deux versions, version française, version anglaise...
Mme David : ...je voulais
savoir si c'était là, dans la loi 22...
M. Jolin-Barrette : Oui.
Bon, dans la loi 22...
Mme David : Ça a été
abrogé. Puisque vous sentez le besoin de revenir, il va falloir que j'aille
revoir la loi 22 de l'époque pour voir comment c'était.
M. Jolin-Barrette :
L'article 2 disait : «En cas de divergence que les règles ordinaires
d'interprétation ne permettent pas de résoudre convenablement, le texte français
des lois du Québec prévaut sur le texte anglais.»
Mme David : Ça, c'est la
loi 22?
M. Jolin-Barrette : Ça,
c'est la loi 22, 1974.
Mme David : Puis ça a
disparu?
M. Jolin-Barrette :
Bien, ça a disparu parce qu'en 1977 Camille Laurin, avec le Parti québécois, ce
qu'ils ont fait... et c'est les articles qui sont disparus, notamment...
Mme David : Ce n'était
que la langue française?
• (18 h 20) •
M. Jolin-Barrette : ...c'est
que la langue de la justice et la langue des tribunaux, c'était exclusivement
la langue française. Et vous vous souviendrez, là, il y a Blaikie qui arrive en
1979...
Mme David : Oui, qui dit
non.
M. Jolin-Barrette : ...Blaikie 1,
Blaikie 2, puis là ils ont dit : Bien, écoutez, non, c'est 133 qui
arrive, tout ça. Mais ça fait en sorte que la disposition de 1974 n'a jamais
été invalidée par Blaikie, elle n'a pas été invalidée, et donc la valeur de
l'article 2 de la loi 22 est valable et peut être insérée, parce
qu'on vient affirmer la compétence du législateur pour dire : Attention,
M. le juge, avant d'aller vous-même rédiger, alors que ce n'est pas votre rôle
en tant que juge de rédiger les lois... On se souvient de la séparation des
pouvoirs, l'exécutif, le législatif, le judiciaire. Eux, leur rôle, c'est
l'interprétation. Alors, on vient guider le juge à partir du moment où les
règles d'interprétation entre deux textes qui ne disent pas la même chose, qui
ne réussissent pas à résoudre convenablement... Sur le terme «convenablement»,
ça vise... en sorte de trouver... d'avoir... d'interpréter le texte d'une façon
qui est raisonnable et qui est conforme à l'intention du législateur, donc
donner un sens. Que veut dire le sens? Est-ce que c'est convenable? Est-ce que
c'est ça qui était recherché par l'intention du législateur? Dans
l'interprétation que j'en fais, est-ce que c'est quelque chose... Quand
j'interprète la loi par rapport à la version anglaise et par rapport à la
version française, est-ce que c'est une approche qui est logique dans
l'interprétation que je vais donner à la disposition législative? Parce que
j'ai une version anglaise qui dit quelque chose puis j'ai une version française
qui dit quelque chose.
La Présidente (Mme Thériault) :
...je veux juste apporter <une petite précision, Mme la députée,
c'est que...
M. Jolin-Barrette :
...
par rapport à la version anglaise et par rapport à la version
française, est-ce que c'est une approche qui est logique dans l'interprétation
que je vais donner à la disposition législative? Parce que j'ai une version
anglaise qui dit quelque chose puis j'ai une version française qui dit quelque
chose.
La Présidente (Mme Thériault) :
...je veux juste apporter >une petite précision, Mme la députée, c'est
que, quand je vous ai mentionné le temps qui vous restait, la longueur de la
réponse du ministre ne touche pas votre temps.
Mme David : Donc, je peux
le laisser parler plus longtemps.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, parce que je vois que vous voulez l'interrompre.
Mme David : Mais c'est
parce que j'avais peur que mon trois minutes soit fini.
La Présidente (Mme Thériault) :
Non, vous avez droit à 20 minutes puis le ministre a droit à
20 minutes. Et, à chaque fois qu'il fait une intervention, on peut
rajouter un cinq minutes. Donc, je vous invite à écouter sa réponse et à ne pas
le presser, puis, à ce moment-là, vous pourrez reprendre votre temps là où vous
serez rendue, sans aucun problème.
Mme David : Impeccable.
La Présidente (Mme Thériault) :
La longueur de la réponse du ministre ne touche pas du tout au temps que vous
avez dans votre droit de parole.
Mme David : Me voilà
rassurée.
La Présidente (Mme Thériault) :
D'accord. Allez-y, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette :
Alors, les juges, eux, ont plusieurs règles d'interprétation : la règle de
l'unité du texte, la règle de l'harmonisation avec les lois connexes, la règle
de la primauté du texte spécial, la règle de la primauté du texte postérieur,
la règle ejusdem generis, donc la règle relative aux choses du même genre, les
règles relatives à l'historique de la législation, l'approche téléologique,
l'interprétation libérale, la méthode grammaticale et les arguments de textes,
la méthode systématique et logique ou les arguments de cohérence, dont la
méthode téléologique, je vous l'ai dit, ou les arguments de finalité, puis
l'approche historique. Alors, l'interprétation des lois, en soi, c'est
quasiment une science. Tu sais, il y a plusieurs juristes qui l'ont fait puis
on apprend notamment à... puis la Cour suprême enseigne, par rapport à ça,
comment est-ce qu'on doit interpréter un texte puis quelle est l'intention du
législateur.
Alors, dans la majorité des cas, le juge
va réussir à résoudre le conflit. Mais, s'il ne réussit pas à le résoudre, le
conflit d'interprétation de texte entre la version anglaise et la version française,
il reste un espace. Avant que le juge lui-même se mette à rédiger ce qu'a voulu
dire le législateur, on lui dit : Référez-vous au texte français.
Mme David : Mais, si c'est
si simple que ça, pourquoi les deux plus grandes associations de juristes vous
disent que ce n'est pas une bonne idée? Le Barreau, c'est quand même... vous
êtes membre du Barreau, tout le monde ici est membre... il y a plein de membres
du Barreau, et je sais bien que des juristes... il y a un arrêt de la Cour
suprême, c'est cinq contre quatre, donc il faut... ils n'ont pas la même perspective,
souvent, bon, alors tu as deux juristes, tu as deux lectures complètement
différentes. Mais, quand même, on dit souvent : Il faut se fier... ou il
faut écouter quand les gens nous parlent en consultations particulières, et là
il n'y a personne qui n'est venu dire que c'était donc une bonne idée, puis que
c'était formidable, et puis que Bourassa le défende en 1974, etc., ils disent :
Ce n'est pas une bonne idée, c'est trop vague, c'est imprécis, il va y avoir
des litiges, ça va être déclaré inconstitutionnel, etc. Je me dis : Est-ce
que c'est parce qu'ils voient des choses que vous ne voyez pas ou ils
s'inquiètent beaucoup de la question de l'article 133? Pourquoi... Si vous
les aviez <devant vous, vous leur...
Mme David : ...
ça
va être déclaré inconstitutionnel, etc. Je me dis : Est-ce que c'est parce
qu'ils voient des choses que vous ne voyez pas ou ils s'inquiètent beaucoup de
la question de l'article 133? Pourquoi... Si vous les aviez >devant
vous, vous leur diriez qu'ils se trompent, tout le monde?
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette :
Bien, vous savez, lorsqu'on veut défendre le français, il y a des gestes qui
doivent être posés. Ça fait que ça, c'est le premier volet de ma réponse. Mais le
deuxième volet, sur... Je vais revenir au premier volet.
Deuxième volet, en tant que législateur,
aussi, on a un rôle à jouer également pour exercer le pouvoir de législateur jusqu'à
la finalité et occuper l'espace, notamment pour maintenant, mais également pour
le futur. Donc, les règles d'interprétation sont là, mais on ne peut pas
prévoir les situations, également, futures. Donc, on va venir dire aux juges :
Écoutez, un coup, là, que vous avez regardé les différentes interprétations,
les règles d'interprétation qui vous commandent, à ce moment-là... et que vous
ne réussissez pas à résoudre le conflit, vous avez la possibilité de regarder
le texte français.
Et surtout, à la fois dans le mémoire du
Barreau canadien et du Barreau du Québec, il y a un peu de confusion
relativement à 133 de la Loi constitutionnelle, que l'on respecte et qu'on va
continuer à respecter, et l'espace qui est disponible sur le plan législatif au
niveau des règles d'interprétation qui nous permet de venir ajouter ça. Parce
qu'à l'époque, lorsque M. Ryan est venu modifier la charte, bien, ils sont
revenus à Blaikie, mais ils n'ont pas référé au premier mandat de Bourassa...
bien, au deuxième mandat de Bourassa en 1974 relativement à ça. Il aurait pu le
faire, mais il faut comprendre que le Bill 22 a été remplacé par la
loi 101 aussi.
Mme David : Oui, oui, mais,
si c'est... En tout cas, ça m'inquiète un petit peu. Est-ce que des fois vous
ne vous dites pas, dans le fin fond de votre tête : Bien, je vais faire
comme Camille Laurin puis je dirai, dans 20 ans : Je le savais, que
ça serait contesté constitutionnellement puis que je perdrais, mais ça valait
la peine de l'essayer pareil? C'est ça que Camille Laurin s'est dit, entre
autres devant Blaikie. C'est ça qui est arrivé exactement, là, sur la langue de
la justice.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Non.
Moi, je sais que c'est...
Mme David : C'est votre
consultant qui doit vous dire ce que vous avez dans votre tête des fois quand
vous vous couchez le soir... Vous êtes vraiment très complices, là.
Une voix : ...
Mme David : Parce que ma
question, c'était : Quand vous vous couchez le soir, là, vous n'avez pas
des fois cette impression que c'est un peu comme Camille Laurin qui disait :
Je le savais, que... c'était évident... mais, de toute façon, ça serait un pays
indépendant en 1980, référendum, etc., alors tout ça ne serait plus <important...
Mme David : ...
quand
vous vous couchez le soir, là, vous n'avez pas des fois cette impression que c'est
un peu comme Camille Laurin qui disait : Je le savais que... c'était
évident... mais de toute façon ça serait un pays indépendant, en 1980,
référendum, etc., alors tout ça ne serait plus >important?
M. Jolin-Barrette :
Bien, Dr Poirier ne m'a jamais bordé encore avant de me coucher, mais ça
fait peut-être partie des tâches connexes.
Non, pour moi, la disposition que nous
insérons, elle est constitutionnelle et j'en suis convaincu, parce qu'on
respecte en tous points l'article 133. Puis l'article 7 demeure,
également, dans la Charte de la langue française, donc la valeur égale entre
les textes anglais et les textes français, donc, qui sont adoptés par l'Assemblée
nationale.
Mais il ne faut pas oublier, également,
que la langue de la justice puis la langue de la législation, c'est le français.
On vient affirmer ça également dans le projet de loi. On vient affirmer... Par
contre, tout ça est sous réserve de l'article 133 de la Loi
constitutionnelle de 1867, ça fait que vous avez le 133 qui vient garantir
le tout.
Par contre, à partir du moment où vous
avez un conflit entre deux versions, la Cour suprême nous dit : Bien,
vous devez interpréter les textes les uns par rapport aux autres, puis il y a
les méthodes d'analyse téléologique, puis il y a les analyses d'interprétation.
Mais ça arrive, dans certains cas, que le juge n'a pas le choix de réécrire la
disposition pour dire : Les règles d'interprétation ne me permettent pas
d'arriver à une solution qui est convenable au niveau de l'intelligibilité du
texte, au niveau de l'interprétation du texte.
Alors là, c'est là que l'article 7.1
arrive et qui dit : Bien, écoutez, lorsque vous avez passé à travers tout
ce cheminement-là, hein, le texte français, le texte anglais sont égaux, mais
ils ne disent pas la même affaire, les règles d'interprétation... après ça,
quand on est rendu à la fin du gâteau, là on dit au juge : Avant d'aller
rédiger la disposition, avant de réécrire la disposition, vous allez regarder
le texte français puis vous allez baser votre décision sur le texte français,
donc...
Mme David : Donc, vous
êtes très confiant que ça n'entrave pas l'article 133 de la Loi
constitutionnelle, et que ça ne sera pas soumis à des contestations
judiciaires.
M. Jolin-Barrette :
Votre question, c'est : Est-ce que ça va être soumis à des contestations
judiciaires?
Mme David : Vous êtes
très confiant, un, que c'est compatible avec l'article 133 et que, deux,
ça ne sera pas soumis à des contestations judiciaires.
M. Jolin-Barrette :
Bien, première question que vous me posez, oui, je suis convaincu que c'est
constitutionnel, et que nous avons la marge de manoeuvre, comme législateurs,
de faire ce geste.
Deuxième question : Est-ce que les
dispositions du projet de loi n° 96 ou de la loi 101 seront
contestées? Il appartient à toute personne de pouvoir contester une loi de l'Assemblée
nationale, parfois on a même des juges qui contestent les lois de l'Assemblée
nationale.
• (18 h 30) •
Mme David : Mais je n'en
demandais... je ne demandais <même pas d'être convaincue...
>
18 h 30 (version révisée)
<15359
M. Jolin-Barrette :
…est-ce que les dispositions du projet de loi n° 96 ou de la loi 101
seront contestées? Il appartient à toute personne de pouvoir contester une loi
de l'Assemblée nationale. Parfois, on a même des juges qui contestent les lois
de l'Assemblée nationale.
Mme David : Bien, je n'en
demandais… je ne demandais >même pas d'être convaincue. Je vous
demandais : Êtes-vous confiant? Alors, vous me répondez que vous êtes même
convaincu, donc vous êtes assez sûr de votre coup en cette matière-là, que vous
respectez l'article 133 et que vous apportez une précision qui aurait
probablement dû être apportée…
M. Jolin-Barrette : À l'époque.
Mme David : ...bien
avant, dans les différentes modifications.
M. Jolin-Barrette : Et
même, d'ailleurs, si Robert Bourassa l'a dit en 1974 avec la loi 22, je trouve
que ça émane également de sa vision et de son héritage. Le fait de dire que, si
Robert Bourassa, lui, il considérait qu'au-delà des règles d'interprétation c'est
la version française qui prévaut, bien, je pense que c'est une bonne source
d'inspiration.
Mme David : Et pourquoi
la loi 101 n'a pas retenu ça?
M. Jolin-Barrette :
Bien, écoutez, ça, je ne peux pas vous dire, je n'étais pas là.
Mme David : Bien, vous
aimez l'histoire. Moi, ça m'étonne un petit peu.
M. Jolin-Barrette : Mais
on aurait dû poser la question à M. Rocher.
Mme David : Ah! bien...
Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. M. le député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Merci, Mme
la Présidente. Je ne suis pas juriste, mais j'imagine que, quand on parle d'une
certaine confiance qu'on ne risque pas d'atteindre le 133, c'est difficile
d'invoquer, comme le ministre a fait, le fait que les deux décisions et deux
arrêts de Blaikie ne se prononçaient pas sur les dispositions dans la loi 22,
qui… ces dispositions n'existaient plus. Alors, d'ajouter comme prétexte que
Blaikie n'invalidait pas cette disposition de 22 et... ne pouvait pas invalider
des sections qui n'avaient plus d'effet.
Je veux juste m'assurer que le ministre
est convaincu qu'aucunement la disposition proposée ne risque d'atteindre le
concept qui est au fond de l'article 133, de l'égalité. Parce que, en quelque
part, est-ce qu'il ne constaterait pas qu'il est en train de, en quelque part,
réduire le seuil pour assurer que chaque juge aurait examiné de façon
exhaustive les deux versions? Actuellement, il n'y a pas de tel mécanisme de
prescrit pour faciliter à ce que les juges tranchent quand il y a une
difficulté. Alors, actuellement, j'imagine que les juges, en bonne et due
forme, compte tenu de tout ce qui est… toute la jurisprudence qui touche 133,
trouvent une façon de faire.
Alors, en quelque part... Deux questions
préliminaires. Dans un premier temps, comment est-ce qu'on s'assure qu'un juge,
dans un tel <cas…
M. Birnbaum : …tout
ce
qui est… toute la jurisprudence qui touche 133, trouvent une façon de faire.
Alors, en quelque part... Deux questions
préliminaires. Dans un premier temps, comment est-ce qu'on s'assure qu'un juge,
dans un tel >cas, aurait assuré un examen exhaustif et clair des deux
versions? Comment on assure ça pour établir que les divergences dans les deux
versions auraient été examinées, la jurisprudence derrière ces deux versions,
d'autres interprétations qui précédaient son jugement auraient été réglées sans
ce mécanisme, dans un premier temps?
Et, je veux comprendre, quand le ministre
suggère que, dans ces cas-là, le juge, actuellement, est obligé de réinventer,
de réécrire des dispositions, est-ce que c'est ça qui se passe, ou, actuellement,
ils retournent, ils font une deuxième vérification, ils font tout ce qu'ils
peuvent faire pour trouver une façon légitime, dans l'intérêt du processus,
dans l'intérêt des intervenants qui sont touchés par tout ça, ils ou elles
trouvent la solution, actuellement?
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette :
Mais, dans le fond, la question du député de D'Arcy-McGee, elle est bonne,
parce qu'actuellement le processus qui se passe, là, quand les deux versions du
texte ne disent pas la même chose, version anglaise dit blanc, version français
dit noir, à ce moment-là, le juge, il s'assoit, puis il regarde les deux
versions, puis il utilise les règles d'interprétation, qui sont de la doctrine,
de la jurisprudence également pour voir quel est le sens, quelle est
l'intention du législateur par rapport à ça.
Mais, lorsqu'il se retrouve dans une
situation où ce n'est pas logique, l'interprétation... Puis parfois il doit
venir lui-même dire : Bien, le législateur a voulu dire ça, puis le texte
aurait dû être écrit comme ça. Donc, ça arrive, ça, dans le fond, que la
disposition… Le juge, c'est l'équivalent qui agissait à titre de législateur,
puis il fait en sorte de réinterpréter la disposition, de la réécrire. Ça
arrive dans certains cas. Ce n'est pas fréquent, mais ça arrive. Alors, à ce
moment-là, c'est à ce moment-là qu'on dit : Attention, avant de faire ça,
avant d'agir comme un législateur pour dire : Voici la disposition telle
qu'elle devrait se lire, c'est la version française que la personne devra
regarder.
Sur la question de Blaikie, dans le fond,
la Charte de la langue française attaquait... dans la première version, la
première mouture de M. Laurin, attaquait l'article 133, dans le fond,
concrètement, contrevenait à 133, puis c'est ce que Blaikie est venu nous dire,
dans le fond, que, bon, 133 est là, puis vous ne pouvez pas faire… C'est pour
ça que les articles ont sauté.
Par contre, sur la question de
l'interprétation, la commission Gendron disait que c'était possible de le faire.
Puis, parmi les <juristes…
M. Jolin-Barrette :
...attaquait
l'article 133, dans le fond, concrètement, contrevenait à
133, puis c'est ce que Blaikie est venu nous dire,
dans le fond, que,
bon, 133 est là, puis vous ne pouvez pas faire… C'est pour ça que les articles
ont sauté.
Par contre, sur la question de
l'interprétation, la commission Gendron disait que c'était possible de le
faire. Puis, parmi les >juristes, il y a Louis Bloomfield, Jean-Charles Bonenfant,
de l'Université Laval, Pierre Patenaude, de l'Université de Sherbrooke, Henri Brun,
de l'Université Laval, Jean-K. Samson, de l'Université Laval également,
qui avaient cette approche-là qui disait qu'on pouvait faire en sorte de venir
spécifier, un coup que les règles d'interprétation sont passées puis qu'on se
retrouve dans ce cul-de-sac-là, dans cette impasse-là, de dire : Bon,
bien, la prochaine étape, le législateur a la possibilité de dire :
Regardez la version française, mais c'est en bout de course, ultimement.
Mais je suis d'accord avec vous que la majorité,
très, très, très grande majorité, avec les règles d'interprétation, le juge va
réussir à interpréter l'intention du législateur en faisant la concordance
entre les deux textes puis en analysant les débats, tout ça.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le député.
M. Birnbaum : Il semble
qu'on veut que le seuil soit difficile à atteindre. On parle de respecter
l'administration de la justice à l'honneur et aux besoins des intervenants, des
gens touchés et l'administration de la justice.
M. Jolin-Barrette : Mais
le seuil, il est élevé, là. Ce n'est pas... Le juge, il ne regarde pas les deux
versions puis il dit : Oui, tout ça, finalement, je vais aller voir la
version française. Ce n'est pas ça, là. Les deux versions de la loi ont la même
valeur en vertu de 133. Puis là on pourrait parler de 133, mais on n'est pas
dans une modification constitutionnelle de 133. Puis il faut le dire aussi, là,
le secrétariat aux relations canadiennes a produit une très bonne codification administrative,
Loi constitutionnelle de 1867 et du Canada Act de 1982, et ce qui est fort
intéressant... Tu sais, on parle de la Constitution, on parle de 133, mais la
Loi constitutionnelle de 1867, elle n'est pas traduite, la Loi
constitutionnelle de 1982 non plus. Donc, on est dans un pays où la Loi
constitutionnelle de 1867, l'acte fondateur, n'est pas dans la langue
officielle du Québec. Vous comprenez qu'il y a quand même un malaise, encore
après... 152, 153, 154 ans? On est rendus... Le Canada, ça fait combien de
temps?
Une voix : ...
M. Jolin-Barrette : 155?
Oui, ça va faire 155, 155. Après 155 ans, les Québécois n'ont pas une
constitution dans leur langue officielle, quand même, tu sais, quand même,
donc, puis le français puis l'anglais sont les langues officielles du Canada.
Bon, pour la particularité québécoise, la
langue officielle du Québec, c'est le français. Il y a eu de nombreux débats,
il y a eu Blaikie, puis on ne revient pas puis on ne touche pas à 133. Puis on
aura l'occasion de le dire également, lorsqu'on va faire la modification
constitutionnelle, plus loin, à l'article 158, 159, il me semble, du
projet de loi, bien entendu, c'est en fonction de 133.
Cela étant, pour l'interprétation des
lois, on réitère que les lois ont la même <valeur...
M. Jolin-Barrette :
…on
aura l'occasion de le dire également, lorsqu'on va faire la
modification constitutionnelle plus loin à l'article 158, 159, il me
semble, du projet de loi, bien entendu, c'est en fonction de 133.
Cela étant, pour l'interprétation des
lois, on réitère que les lois ont la
même >valeur juridique, mais
le juge, il ne passe pas tout de suite pour dire : Bien, la primauté va à
la version française. Il doit faire tout le processus, avec les règles d'interprétation,
au niveau de l'interprétation qui s'avère convenable.
M. Birnbaum : On est dans
le champ de 133, on va s'entendre, là. On va… Je comprends que le ministre
insiste qu'il n'est pas en train de confectionner un amendement
constitutionnel, mais on est dedans le sujet.
Je veux reprendre l'exemple du ministre de
son chat noir, «white cat». C'est un… Ça serait tout un problème, j'en
conviens. Si on veut parler de l'égalité des deux versions, «white cat»,
chat noir, ce n'est pas pareil. Bien, j'imagine qu'il y aurait des conséquences
que… d'une décision d'un juge de trancher. Et là où on lui offre une voie, dans
cette voie-là, c'est le chat noir qui va survivre, «and the white cat, I
suppose, is finished». Ce n'est pas une petite chose. Et, je ne sais pas, il y
aurait des circonstances réelles attachées à ces deux exemples, là. Et, si je
suis le «white cat, I'm a little worried». Et là on offre au juge… Et je
comprends que le processus pour s'y rendre est réel et circoncis… et décrit,
mais on offre une échappatoire qui est… qui ne protège pas, de mon sens, dans
mon exemple que le ministre, lui-même, a donné, l'égalité des deux versions.
Oui, il y a un problème à régler ça, mais est-ce que la solution est de mise et
dans les intérêts de l'administration de la justice?
• (18 h 40) •
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Mais
la question qui se pose, là, puis j'aimerais avoir cette conversation-là avec
le député de D'Arcy-McGee, en tant que législateur, là, préférez-vous laisser,
dans le fond... parce que la loi a été étudiée par le législateur, préférez-vous,
lorsqu'il arrive une situation comme celle-ci, conférer le pouvoir de légiférer
au pouvoir judiciaire ou plutôt indiquer au pouvoir judiciaire : Vous
devez vous référer, on vous donne un outil supplémentaire pour arriver avec
l'interprétation…
M. Birnbaum : Mme la
Présidente, j'insiste, et ce n'est pas mon avocat, alors je suis un terrain
dangereux, mais qu'on n'est aucunement, mais aucunement, dans le débat sur la
suprêmeté parlementaire et l'administration de la justice. Mon «white cat»
n'est pas situé là-dedans du tout.
M. Jolin-Barrette : Mais
oui, mais oui.
M. Birnbaum : On parle
d'offrir au juge la possibilité de se prévaloir à la version française. Ce n'est
pas la suprêmeté. La loi aurait été adoptée avec la suprêmeté du Parlement <dans…
M. Birnbaum : ...situé
là-dedans du tout.
M. Jolin-Barrette :
Mais oui, mais oui.
M. Birnbaum : On parle
d'offrir au juge la possibilité de se prévaloir à la version française. Ce n'est
pas la suprêmeté. La loi aurait été adoptée avec la suprêmeté du Parlement >dans
les deux langues. C'est ça, 133. Alors, comment impose-t-il, dans ce débat-là,
ce principe de suprêmeté? Je ne comprends pas.
M. Jolin-Barrette : Oui,
parce que, M. le Président... Mme la Présidente, dans le fond, là,
actuellement, puis avec le projet de loi aussi, ça demeure, les deux lois, les
deux versions de la loi ont la même valeur légale. Ça, c'est 133. Le juge est
confronté à une difficulté d'interprétation. Les versions sont contradictoires,
anglais, français. Le juge fait ce qu'il fait actuellement, ça demeure ainsi,
interprète à la lumière des règles d'interprétation, fait son interprétation à
la lumière des règles d'interprétation. Le juge arrive à... il n'est pas
capable de réconcilier les versions française et anglaise, il est dans un «dead
end». Actuellement, ce qui se passe, c'est que le juge va réécrire la
disposition. Donc, c'est le pouvoir judiciaire qui réécrit la disposition.
Parce que le juge, lui, il est saisi d'un litige, là, un litige
d'interprétation, et il doit se commettre. Alors là, ça revient à la
souveraineté parlementaire et de dire... et là, nous, c'est l'approche que nous
prenons, on dit : Bien, écoutez, quand vous êtes rendu là, M. le juge, on
vous indique qu'un coup que vous n'avez pas pu statué, c'est le texte français
qui prévaut pour pouvoir arriver à la résolution du conflit d'interprétation.
Mais, attention, ce n'est pas le début, ce
n'est pas le début de votre processus, là. Ce n'est pas : Version
française, version anglaise ne disent pas la même affaire, prenez la version
française. Ce n'est pas ça qu'on dit, parce qu'on respecte 133. Les deux lois
ont la même valeur légale, les règles d'interprétation ordinaires s'appliquent.
Il ne résout pas. Plutôt que, lui, de réécrire, le législateur lui dit :
Regarde la version française pour résoudre le conflit. Mais c'est des cas
d'exception.
M. Birnbaum : Deux
choses.
La Présidente (Mme Thériault) :
...puis vous avez utilisé l'expression «dead end», que le français prévaut, ça
sera l'impasse, c'est ça?
M. Jolin-Barrette : C'est
ça.
La Présidente (Mme Thériault) :
D'accord. Et, sur votre...
M. Jolin-Barrette : C'était
pour imager, Mme la Présidente, mes propos.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, absolument. Puisque vous êtes le ministre de la Langue française et que
les gens suivent nos propos, je trouvais que c'était peut-être à propos. Et,
très brièvement, il reste à peine 30 secondes...
M. Birnbaum : ...Mme la
Présidente, je trouve qu'on est sur un terrain dangereux. Est-ce qu'on est en
train de dire — en quelque part, ça a l'air de faire une telle
allusion — que l'Assemblée nationale du Québec, dans sa suprêmeté, va,
en quelque part, se pencher sur une version française d'une loi qu'elle aurait
adoptée? Alors, c'est là où j'ai de la difficulté à imposer ce concept de
suprêmeté.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et votre question demeurera sans réponse, en suspens jusqu'à la prochaine
séance, puisque, compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux sine
die. Merci pour votre <collaboration...
M. Birnbaum : …d'une
loi
qu'elle aurait adoptée? Alors, c'est là où j'ai de la difficulté à imposer ce
concept de suprêmeté.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et votre question demeurera sans réponse, en suspens jusqu'à la prochaine
séance, puisque, compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux sine
die. Merci pour votre >collaboration. Bonne soirée.
(Fin de la séance à 18 h 45)