(Onze heures dix-huit minutes)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Votre attention, s'il vous plaît! Donc, ayant constaté le quorum, je déclare la
séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte.
La commission
est réunie aujourd'hui afin de poursuivre les auditions publiques dans
le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 96,
Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des
remplacements?
La Secrétaire : Oui, Mme la
Présidente. Mme IsaBelle (Huntingdon) sera remplacée par M. Lévesque
(Chapleau); Mme Rizqy (Saint-Laurent) par M. Barrette (La Pinière);
Mme St-Pierre (Acadie) par M. Birnbaum (D'Arcy-McGee);
Mme Dorion (Taschereau) par Mme Ghazal (Mercier); et Mme Hivon
(Joliette) par Mme Perry Mélançon (Gaspé).
Auditions
(suite)
La
Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la secrétaire. Donc, cet avant-midi, nous entendrons la Table
de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et
immigrantes et M. Marc Termote, démographe.
Donc, nous sommes maintenant à l'audition de la
Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et
immigrantes. Bienvenue à leurs deux représentants, donc M. Stephan
Reichhold, directeur général, et
M. Frey Guevara, membre, conseil d'administration, directeur de
l'organisme Solidarité ethnique régionale de la Yamaska, de Granby. Bon
avant-midi. Merci d'être avec nous, messieurs.
• (11 h 20) •
Donc, vous disposez de 10 minutes pour nous
faire votre présentation, et il y aura un échange avec les membres de la commission
par la suite. Donc, sans plus tarder, je vous cède la parole.
Table de concertation des organismes au service
des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI)
M. Reichhold
(Stephan) : Alors, merci beaucoup. M. le ministre, Mme la Présidente,
MM., Mmes les députés, on est très contents d'être parmi vous, et merci de
l'invitation.
Donc, moi, je suis directeur de la Table de
concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes.
Pour ceux et celles qui sont moins familiers avec la TCRI, l'acronyme, nous
sommes un regroupement de 159 organismes communautaires à travers le Québec,
dans toutes les régions du Québec, qui interviennent auprès des personnes
réfugiées, immigrantes et sans statut.
Le champ de
mission de la TCRI, c'est... ce sont vraiment l'accueil et l'intégration des
nouveaux arrivants au sens très, très large. Notre réseau, en temps normal, disons
que... hors pandémie, donne, environ, des services à
60 000 personnes et ont des
ententes avec le MIFI à cet effet pour l'accueil, l'intégration et l'accompagnement
et, pour certains organismes aussi, des ententes avec des ministères,
ministère de l'Emploi, ministère Santé et Services sociaux, etc.
Alors, d'emblée, nous tenons à réaffirmer que
les organismes d'accueil et d'intégration de la TCRI ont toujours appuyé le
fait qu'il faille protéger le français comme langue commune au Québec. Et il
est essentiel que l'intégration des nouveaux arrivants se fasse en français et
que tout soit mis en oeuvre afin que l'accès à la francisation soit offert à tout
le monde dans les meilleurs délais. D'ailleurs, vous le verrez inscrit dans
notre vision et dans notre mission aussi, ce fait.
Donc, nos préoccupations par rapport au projet
de loi n° 96 porteront principalement sur l'impact,
pour les personnes réfugiées immigrantes et sans statut nouvellement arrivées
au Québec, et tout le défi de l'accès à des services publics qu'on peut
considérer essentiels, souvent, pour les nouveaux arrivants.
Il y a beaucoup de démarches à faire quand on
immigre dans un nouveau pays, et on s'entend que, souvent, ça prend beaucoup
plus de temps que six mois, ces démarches auprès des services publics, notamment
quand les personnes ont des statuts non permanents qui... Rappelons que les nouveaux
arrivants qui arrivent chaque année au Québec sont majoritairement des
personnes avec des statuts temporaires et avec des statuts précaires. Limiter
l'accès aux services publics uniquement en français risque de couper la
communication et l'interaction entre le nouvel arrivant et l'État, et c'est ce
que personne ne souhaite. Au contraire, actuellement, on a mis en place
justement un nouveau dispositif, Accompagnement Québec, qui cherche à renforcer
les liens entre l'État et le nouvel arrivant.
Alors,
vous allez nous demander, probablement, qu'est-ce que nous proposons par
rapport au délai de six mois. Je
dirais que, bon, pendant des années, l'admissibilité aux services, pour les
nouveaux arrivants, aux services d'intégration était fixée à cinq ans
maximum. Heureusement... Et nous sommes très, très contents que, ce critère
d'admissibilité, le gouvernement actuel l'a fait sauter, ce qui permet
maintenant à tous les nouveaux arrivants, peu importe le nombre d'années où ils résident au Québec, d'accéder à des services
et à la francisation, ce qui est une excellente nouvelle. Par contre, d'autres
ministères, comme le ministère de l'Emploi, continuent à appliquer le délai de
cinq ans pour les services spécialisés en matière d'employabilité.
Ce que nous
recommandons, et, bon, vous avez pu le voir dans notre avis, c'est de ne pas
imposer une limitation et de... qu'il y ait le retrait des articles 6, 7
et 15 pour faciliter l'intégration des nouveaux arrivants. Il y a deux raisons pour
ça. Ça va... Parce que cette limitation de six mois, en fait, et de ne plus
communiquer dans une autre langue, en anglais ou dans une autre langue, rajoute
des obstacles aux nouveaux arrivants et... Mais, surtout, la deuxième raison,
c'est... L'application, pour déterminer si on peut communiquer ou pas en
français avec un nouvel arrivant, est, selon nous, impraticable, notamment à
cause des différents statuts.
D'ailleurs, on se
questionne au niveau... Comme il n'y a pas de définition des personnes
immigrantes, on se questionne. Est-ce que... De qui on parle, là? On parle de toute
personne qui pose son pied sur le sol québécois ou bien des personnes avec des
statuts de résidence permanente, etc.? Mais, ça, on pourra en débattre.
Donc, pour aussi
avoir un... disons, un peu voir l'impact aussi en région qu'aurait une telle
limitation, je vais passer la parole à mon collègue Frey, qui va vous parler un
peu de la réalité de SERY, de l'organisme, à Granby, par rapport à l'impact
qu'aurait une telle limitation.
M. Guevara
(Frey) : Merci beaucoup. Bonjour. Merci pour l'espace que vous nous
permettez pour pouvoir présenter notre réalité.
Alors, Solidarité
ethnique régionale de la Yamaska fonctionne depuis 1982... pardon, 1992, et, en
1996, on a été accompagnés par le ministère de l'Immigration pour pouvoir
accueillir des personnes réfugiées et immigrantes. Au fil des années, nous
avons développé différents services qui pourront permettre d'accompagner les
différentes personnes immigrantes, peu importe le statut, pour pouvoir être
accompagné à l'intérieur d'un guichet unique, comme on appelle, car on
concentre la plupart des services nécessaires pour une personne nouvellement
arrivée.
Granby, ville
d'accueil, reçoit toutes les sortes de catégories d'immigration que vous pouvez
connaître. Et j'en arrive... juste pour vous faire un portrait de la situation.
C'est une réalité que nous vivons à Granby et dans différentes régions. Parce
que la réalité de Montréal, ce n'est pas la même situation que dans une ville
comme Granby, par exemple, de retrouver 80 000 habitants.
Alors,
il y a un bel effort de la part du ministère de l'Immigration pour permettre
l'accès à la francisation, il y a un investissement financier qui permet
à différentes catégories d'immigration d'accéder à la francisation, mais le processus pour pouvoir commencer son cours de
francisation, ce n'est pas si facile. Il est complexe parce qu'il y a
tout un processus à respecter, que je comprends très bien, et je suis d'accord.
Sauf que, si on dit qu'à l'intérieur de six mois on doit être francisé, c'est quasiment impossible. Si on arrive, et la
période d'évaluation vient de terminer, bien, il faut attendre trois mois
pour pouvoir être évalué, pour identifier le niveau de francisation dans lequel
on doit être classé.
Après ça, l'ouverture
de groupes... Il faut atteindre des cibles pour pouvoir ouvrir un groupe en
région, qui n'est pas la même réalité que Montréal. Donc, le bassin de l'immigration
à Granby, par exemple, ce n'est pas le même qu'à Montréal. Donc, on ne peut pas
avoir la même quantité de personnes qui sont prêtes à commencer son cours de francisation, donc il faut attendre des mois et des mois. J'ai
des exemples de personnes qui ont attendu six mois, et ici on parle
de réfugiés pris en charge par l'État. Il y a des exemples de personnes qui
attendent depuis neuf mois pour pouvoir commencer la francisation.
Alors, l'impact de
cette situation, ça met en péril la vie des gens, dans le sens que, pour
pouvoir fonctionner comme il faut, régulièrement, ça va être pas facile. Donc,
pensez-vous... Juste le fait de négocier le bail, d'acheter un véhicule et plein d'autres situations...
Et, en moins de six mois, on n'arrive pas à se franciser. Alors, il faut
considérer cette situation,
et, en plus, que nous ne sommes pas tous égaux. Alors, on arrive avec... On
reçoit différentes catégories d'immigration avec différents niveaux de scolarité et différents défis, peut-être, de
santé mentale, au niveau cognitif aussi.
Alors, il faut
considérer cette situation. On ne peut pas trancher, à dire qu'en six mois tout
le monde est déjà francisé. Sûrement, dans la salle, il y a des gens qui ont
déjà appris une troisième, quatrième ou cinquième langue, et c'est sûr qu'en
six mois on ne peut pas dire que la langue est consolidée pour pouvoir faire
affaire avec le secteur public. Et c'est un
réfugié accueilli par l'organisme en 2003 qui vous parle, c'est le directeur de...
c'est un intervenant d'un organisme communautaire qui travaillait avec
des personnes immigrantes et c'est le directeur d'un organisme qui accueille
des personnes immigrantes, et qui a des ententes avec le ministère de
l'Immigration et d'autres ministères, et qui connaît la réalité des personnes
qui habitent dans notre région.
Alors, je vous prie
de porter attention de cette situation. C'est une réalité que je vous nomme
aujourd'hui. Malgré les efforts du milieu, je pense qu'il faut considérer qu'à
l'intérieur de six mois ce n'est pas logique ou ce n'est pas facile à dire
qu'on est francisé pleinement, francophone. Merci.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci.
M.
Reichhold (Stephan) : Je vous remercie. On a... notre présentation.
Oui.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Nous pouvons maintenant débuter les échanges avec les
membres de la commission, en débutant par M. le ministre.
• (11 h 30) •
M.
Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. M. Reichhold,
M. Guevara, bonjour. Merci beaucoup de participer aux travaux de la
commission. C'est très intéressant d'entendre votre point de vue. Nous,
M. Reichhold, on s'est vus à de nombreuses reprises mais dans mes
anciennes fonctions. Là, on se voit moins...
M.
Reichhold (Stephan) : Effectivement. Très content de vous revoir.
Moins souvent, oui.
M. Jolin-Barrette : Bien, c'est ça.
Moi aussi, je suis très heureux de vous revoir.
Écoutez, d'entrée de jeu, un des objectifs que
nous avons, c'est de faire en sorte que la langue française est la langue officielle du Québec, mais également que ce
soit la langue commune, que ce soit également la langue d'intégration des personnes immigrantes. Et là, depuis 2018, on
fait beaucoup d'efforts, notamment en augmentant le financement, en offrant davantage de cours, temps plein, temps
partiel, le rehaussement du financement des organismes en francisation également. Donc, on souhaite vraiment agir sur ce
volet-là, et notre objectif est de faire en sorte que la langue
d'intégration au Québec, ce soit le français, incluant sur l'île de Montréal.
Et là actuellement il y a certains enjeux, il y
a certaines problématiques, parce que, bien souvent, et on le constate, là, dans les données statistiques, les personnes immigrantes sont
parfois poussées à choisir une autre langue que le français. On a
énormément de témoignages qui disent : J'arrive au Québec, on m'a dit que
c'était en français puis, finalement, quand
je me cherche un emploi à Montréal, on me demande : Parles-tu anglais?
Alors, ça devient... c'est un peu dichotomique, là, tout ça.
Alors, notre objectif avec le projet de loi,
c'est vraiment de faire en sorte que les milieux de travail se déroulent en
français, que la langue commune, ce soit le français et qu'on puisse intégrer
en français les personnes immigrantes. C'est
pour ça qu'on met en place Francisation Québec, justement pour avoir un guichet
unique, une porte d'accès unique, comme nous le recommandait la Vérificatrice
générale en 2017.
Et donc l'objectif, c'est de fédérer tout ça
sous Francisation Québec, à la fois ce qui se faisait au ministère de l'Éducation, au ministère de l'Immigration, au
ministère de l'Emploi, du Travail et de la Solidarité sociale. Et
également, pour les employeurs, pour savoir qui contacter pour obtenir des
services de francisation, notamment en entreprise, Francisation Québec va être
le guichet unique. Et, en plus, on élargit les services aux personnes
immigrantes, mais également, les gens qui
sont au Québec et qui souhaitent améliorer leurs compétences langagières en
français, Francisation Québec va être là pour ça. Et également ce qu'on
fait dans le projet de loi, c'est qu'on donne un droit fondamental à
l'apprentissage du français également. Alors, ça, c'est ce qu'on propose avec
Francisation Québec.
Je voulais vous demander qu'est-ce que vous en
pensez, de Francisation Québec, et ensuite on reviendra sur le six mois
pour les services de l'État.
M. Reichhold
(Stephan) : Bien, tout d'abord, on est ravis, là, par rapport au droit
à la francisation. C'est sûr que ça va aider. Ça va vous mettre beaucoup de
pression organisationnelle et financière aussi, le gouvernement.
Mais l'enjeu du milieu de travail, l'immigrant
qui arrive, à qui on avait dit : Vous allez pouvoir vivre en français, puis le matin il va au travail, et puis tout
le monde lui parle en anglais, c'est, disons... ce n'est pas la faute de
l'immigrant, là. Il y a un problème au
niveau de la société québécoise qui n'arrive pas à vraiment consolider les
milieux de travail pour que ça se fasse en
français. Donc là, on est totalement d'accord avec... C'est de convaincre les
entreprises de faire plus d'efforts au niveau de la francisation, et je pense
que beaucoup de nouveaux arrivants qui parlent français ou qui commencent à
parler français vont être très contents.
Mais là le problème, c'est l'image qu'on entend,
même dans cette commission, c'est que le fait que le français recule, c'est la
faute des immigrants, alors que, du côté de la société québécoise, de la
société d'accueil, on constate que, des fois, il y a comme un manque d'efforts,
là, de vraiment offrir des milieux francophones.
Par rapport à Francisation Québec, j'avoue que,
pour l'instant, on ne comprend pas très bien comment ça va fonctionner. On va laisser la chance au coureur.
C'est sûr que ça fait 25 ans, je pense, qu'on parle d'harmoniser... on
parle du guichet unique et d'harmoniser les
différents systèmes de francisation, ces dernières années aussi, là. Il y a des
relances régulières. Pour l'instant, je n'ai pas l'impression que ça a donné
beaucoup de résultats. Est-ce que cette fois-ci, avec Francisation Québec, ça
va fonctionner?
Tant mieux, là. Je pense que ça va faciliter,
effectivement. Actuellement, c'est un labyrinthe, pour un nouvel arrivant, pour trouver la ressource de
francisation qui est adaptée pour lui, là. Les organismes, et je pense que le
ROFQ vous en a parlé aussi, vont tout faire
pour les aider là-dedans, à se retrouver dans ce labyrinthe, mais ça reste un
labyrinthe.
M. Jolin-Barrette : Et là-dessus,
M. Reichhold, je veux vous... (panne de son) ...de la commission, et
l'objet du projet de loi n'est pas de faire porter le chapeau aux personnes
immigrantes. Ce n'est pas la faute...
M. Reichhold
(Stephan) : Ça, j'ai bien compris.
M. Jolin-Barrette : Ce n'est pas la
faute des personnes immigrantes. C'est un devoir collectif que nous avons et, au premier chef, c'est au niveau de
l'exemplarité de l'État, hein? Comment nous-mêmes, comme État, si on ne
prend pas toutes les mesures pour être exemplaire en matière d'utilisation de
la langue française, pouvons-nous demander à des entreprises, à des citoyens, à
des nouveaux arrivants de, eux, faire des efforts supplémentaires? Alors, c'est
une responsabilité qui est collective, à ce niveau-là.
Et l'objectif, notamment, dans le projet de loi
n° 96, et je viens à ce que vous avez souligné tout à l'heure par rapport
au délai, l'objectif, c'est que l'État, dès le départ, fasse toutes les
démarches pour accueillir en français les personnes
immigrantes. Donc, ça, c'est le principe général. Par la suite, on permet
d'avoir six mois pour communiquer dans une autre langue que le français
avec les personnes immigrantes pour faire en sorte d'avoir une adaptation.
Mais effectivement on est conscients que la
compétence langagière, supposons, de niveau 7, parce que ça a été une des critiques, ne sera pas acquise à
l'intérieur du six mois. On le sait. Cependant, on doit mettre fin au
bilinguisme institutionnel de l'État, comme dans
plusieurs autres États dans le monde, des États nationaux où on accueille les
personnes qui font le choix d'un autre État dans la langue nationale.
Et il y a une série d'exceptions dans le projet
de loi, justement, qui vont permettre d'avoir de la souplesse, et pour répondre
aux personnes immigrantes, mais le principe de base, c'est qu'au Québec ça doit
se passer en français, le tout sous réserve
des exceptions, le tout sous réserve de la souplesse associée à la réalité des
personnes qui arrivent au Québec, les
personnes réfugiées, les immigrants économiques ou le regroupement familial.
Nous sommes conscients de ça. Mais il faut quand même se mettre un cadre
parce qu'actuellement, et c'est la même chose avec les municipalités bilingues, il n'y a pas nécessairement de cadre,
et ça participe au bilinguisme de la société québécoise.
Alors, si on veut, un jour, changer cette façon de faire là, il faut
mettre des balises en place. Donc, c'est en ce sens-là que le six mois est
avancé.
Alors, il y a juste un élément, dans votre
mémoire, qui m'a un petit peu troublé. Vous dites, à la page 7 :
«...il ne devrait pas y avoir d'oppression
linguistique pour les nombreuses personnes s'intégrant harmonieusement à la société
québécoise, mais en utilisant, en plus du français, d'autres langues que le français
dans leur vie privée.» Il n'y a pas d'enjeu
là-dessus, là. Il n'est aucunement question d'oppression linguistique, c'est question
d'intégrer en français. Et les gens,
à la maison, peuvent parler leur langue maternelle, il n'y a pas d'enjeu
là-dessus, mais il faut avoir un tronc commun où l'ensemble des acteurs de la société
québécoise se retrouvent, et ça doit
être en français. N'êtes-vous pas d'accord avec ça?
M. Reichhold (Stephan) :
Bien, oui, on est d'accord sur le principe, mais il y a des... je vais laisser
la parole à mon collègue Frey aussi, mais il y a des effets collatéraux qui ne
sont pas voulus par le projet de loi. Le cadre que vous proposez, à notre avis,
apporte plus d'obstacles que de facilité et rendra plus difficile encore le
parcours d'intégration. C'est, nous, ce
qu'on constate sur le terrain. Donc, il faudrait un petit peu assouplir le
cadre, à mon avis, pour éviter,
justement, que les personnes... Certaines personnes, et elles sont nombreuses,
ne pourront plus communiquer directement avec les services publics.
M. Jolin-Barrette : Peut-être...
Allez-y, M. Guevara.
M. Guevara (Frey) : Oui, merci
beaucoup. Je suis d'accord avec certains de vos propos, je les trouve pertinents. Je suis tout à fait d'accord que notre
langue... Je suis fier de parler français. Ce n'est pas ma langue
maternelle, mais je suis fier d'être
quasiment francophone, parce qu'à tous les jours j'apprends de nouveaux mots,
j'essaie d'articuler mieux mon français. Mais, voilà, la situation, ce
que je trouve complexe à l'intérieur de ça, c'est qu'accéder à la francisation... Mettons, si j'arrivais
aujourd'hui, ce n'est pas demain que je vais pouvoir commencer ma francisation
et ce n'est pas non plus dans six mois que je vais avoir la garantie que j'ai
la capacité de me débrouiller face au secteur public. Alors, c'est là que je
vois la complexité, la difficulté parce que... Comme les exemples que je vous
ai donnés, il y a des gens qui attendent trois, six... et j'en ai un, exemple
très clair, de neuf mois d'attente avant de pouvoir commencer la francisation.
Alors, comment combiner cette idée, que je
trouve bien, de faire du français la langue commune, la langue d'intégration?
Mais, si je ne suis pas encore francisé à l'intérieur de six mois et assez
capable de m'exprimer, comment je vais pouvoir adhérer à cette position?
C'est là
qu'on trouve un gros défi pour les personnes immigrantes et les organismes en
région, qui n'arrivent pas à ouvrir des groupes parce que... Ce n'est
pas juste ouvrir les groupes, c'est les différents niveaux. Si on accueille, par exemple, 10 personnes et que chaque
personne ou trois, quatre personnes sont d'un groupe, d'un niveau, deux
autres d'un autre niveau, alors, il faut... C'est complexe.
C'est
difficile de pouvoir ouvrir la francisation rapidement, au moins en région. Je
ne connais pas nécessairement les détails à Montréal. Mais c'est des
gros défis auxquels les personnes immigrantes sont confrontées.
• (11 h 40) •
M. Jolin-Barrette : Peut-être une dernière question avant de céder la
parole à mes collègues, là. Il y a beaucoup de gens qui sont venus en
commission parlementaire et qui ont dit : On devrait amener une
approche... bien, ajouter le volet culture au projet de loi parce que langue et
culture vont ensemble, et, notamment, ils parlaient de la question de
l'intégration des personnes immigrantes. Est-ce que vous croyez qu'on devrait
ajouter un volet au projet de loi qui va faire en sorte de pouvoir intégrer à
la culture québécoise les personnes immigrantes? Est-ce qu'on doit dissocier la
langue de la culture ou on doit les rapprocher?
M. Reichhold
(Stephan) : Je ne sais pas. Frey, est-ce que...
M. Guevara (Frey) : Bien, je
pense qu'effectivement les deux choses sont des composantes importantes. La
culture, ça fait partie des valeurs... (panne de son) ...et je pense que, les
valeurs, on ne peut pas les négocier. La même chose que... Les valeurs
québécoises, il faut les respecter. On est ici, ce sont des valeurs, mais, en
même temps, oui, c'est le côté linguistique qu'il faut considérer à l'intérieur
de cette grande balise.
M. Jolin-Barrette : Je vous
remercie beaucoup pour votre présence.
M. Reichhold
(Stephan) : D'ailleurs, l'approche, bon, vous le savez que...
M. Jolin-Barrette : Ah! excusez-moi,
je voulais céder la parole.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci.
M. Reichhold
(Stephan) : ...après. Donc, je dis... M. le ministre, vous vous souvenez
probablement d'un passage au ministère de l'Immigration. Les organismes sont
très, très impliqués au niveau de transmettre la culture québécoise, hein?
Donc, toute leur approche, leur pratique, soit au niveau de la francisation, au
niveau des services, au niveau de l'offre de
services, est toujours rattachée, imbriquée dans la culture québécoise, là.
D'ailleurs, le nouveau programme PASI se donne cet objectif aussi, là,
et ça marche bien.
M. Jolin-Barrette : ...présence
en commission.
La
Présidente (Mme Guillemette) : Merci, M. le ministre. Donc, je céderais la parole au député de
Chapleau pour cinq minutes. M. le député.
M. Lévesque
(Chapleau) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. M. Reichhold,
M. Guevara, merci beaucoup de votre présentation. J'aimerais
peut-être prendre la balle au bond, là, du ministre en lien avec la culture.
Là, vous nous dites que, souvent, les organismes que vous représentez, là, vont
mettre en parallèle avec la langue française la culture et ils vont proposer,
justement, un parcours culturel. Peut-être, vous pourriez nous dire, là,
qu'est-ce qu'il a été possible de faire pour vous, M. Guevara, mais
également qu'est-ce qu'il manquerait ou qu'est-ce qu'on pourrait ajouter en
lien avec la culture, là, pour, justement, bonifier l'offre de services à ce
niveau-là.
M. Guevara
(Frey) : Je pense que, comme je l'avais déjà nommé, les valeurs
culturelles sont très importantes. Il y a une fierté qui nous
représente. Alors, au fil des années, il faut que la personne immigrante
devienne aussi fière des valeurs de la communauté dans laquelle on vit.
Alors, oui, partager et mettre en valeur les
deux cultures, c'est important. Il faut reconnaître, il faut mettre l'estime de
soi avec chaque individu selon sa culture. Il faut l'inviter aussi à adhérer à
des valeurs culturelles de la société d'accueil. Alors, je pense que les deux
choses devront se matcher.
Il y a des
activités qu'on pourrait développer. Déjà, il existe, dans les différents programmes du ministère,
les mots «rapprochement interculturel». Ce sont des espaces qui
permettent à la communauté d'accueil de découvrir l'immigrant, et c'est l'espace aussi, pour la personne immigrante, de
découvrir sa société d'accueil. Alors, il faut continuer... permettre,
faire la sensibilisation à la population, parce qu'on n'entend pas nécessairement
les bonnes informations sur l'immigration. Parce qu'actuellement on dit qu'on a
accès à l'information via les réseaux sociaux, mais parfois c'est plutôt de la
désinformation. Alors, permettre à Mme, M. Tout-le-monde de découvrir
l'immigration dans son coin, dans son quartier, dans sa ville, ce sont des
facteurs très importants et pertinents à continuer à développer.
M.
Lévesque (Chapleau) :
...tellement raison, M. Guevara. Effectivement, moi, dans Chapleau, justement,
il y a un organisme qui m'invite presque à tous les mois, là, pour
aller, justement, soit faire un dîner interculturel... Donc, c'est un organisme
de francisation. Donc, souvent, j'ai l'occasion d'y aller puis de rencontrer
les nouveaux arrivants dans Chapleau, puis également on échange, autant la
culture québécoise que la culture, là, qui est, donc, apportée par le nouvel
arrivant, et le tout se fait en français. Donc, c'est très, très intéressant,
là, les échanges qu'on peut tirer, vous avez tellement raison.
Vous avez, par le passé, parlé du droit à
l'apprentissage du français puis vous êtes en faveur de l'élévation de l'accès,
justement, à ce droit-là, là, à la francisation en tant que droit fondamental,
comme le projet de loi le propose. Peut-être que vous pourriez nous entretenir
sur cette importance-là, ce que vous voyez dans ça.
M. Guevara (Frey) : Je préfère que,
peut-être, M. Reichhold puisse...
M. Reichhold (Stephan) : Oui, bien, écoutez,
bon, ça a déjà été proposé dans un projet de loi qui n'a pas abouti, il y a quelques années, qui n'a pas
fonctionné. Que ça revienne, oui, nous, on pense que c'est... Déjà,
les... Si on parle des personnes
immigrantes, parce que ce droit s'applique à tout le monde aussi, au Canadien
qui vient d'une autre province, tout ça... Mais nous, bon, par rapport
aux nouveaux arrivants, c'est sûr que, tout droit qu'on rajoute à cette
population, nous, on est ravis.
Et aussi ça va obliger, parce que, bon, si la
loi entre en vigueur... Dans les prochaines années, même s'il y a des changements de gouvernement, etc., que tous
les gouvernements... Si on retournait vers un gouvernement qui s'amuse à faire de l'austérité, des coupures de services, et
tout ça, disons qu'il ne pourra plus faire n'importe quoi, là, pour limiter les services en francisation, par exemple, parce que vous aurez une obligation de l'offrir, là, sinon vous allez
être poursuivi en justice.
M. Lévesque (Chapleau) : On ne
connaît pas ça, des gouvernements qui font de l'austérité, nous, là, évidemment.
Maintenant, peut-être, sur l'accueil des immigrants, là, en région, vous avez
parlé, justement, à Granby, qu'il y avait
certains enjeux, notamment sur les délais pour pouvoir accéder à un cours de
francisation. Est-ce qu'il y a
d'autres éléments qui seraient à travailler, justement, pour régionaliser l'immigration
puis s'assurer que les nouveaux arrivants en région... ça puisse bien
fonctionner, ça puisse se faire rapidement? Parce que l'objectif, effectivement,
c'est qu'ils puissent accéder à des cours, mais il y a peut-être d'autres
éléments que vous voyez, d'autres points d'achoppement, c'est-à-dire.
M.
Guevara (Frey) : Mais ça
fait des années, je ne sais pas exactement combien d'années mais plus de 10 ans peut-être,
qu'on essaie de faire valoir la réalité de la région, les exemples que je vous
ai donnés au début. Je pense que c'est le principal facteur dans lequel on
devrait considérer la réalité montréalaise à la même réalité d'une ville de 90 000 habitants.
Alors, on
n'arrive pas à combler les groupes, le minimum de personnes pour pouvoir ouvrir
un groupe. J'avais donné des exemples. Si on accueille
10 personnes, mais que, chacune, c'est dans un niveau différent, on n'aura
pas 10 personnes pour pouvoir ouvrir un groupe. Et, même à
10 personnes, ce n'est pas toujours évident de pouvoir obtenir le oui pour
pouvoir ouvrir le groupe. J'ai entendu des...
Une voix : ...
M. Guevara (Frey) : Pardon?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. C'est tout le temps que nous avions. Nous allons poursuivre les échanges
avec la députée... Mme la députée, oui.
Mme David : Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Je ne savais pas si c'était
vous qui preniez la parole ou un autre membre de votre groupe.
Mme David : O.K. Bien, ça va, Mme la
Présidente, ça va.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
Mme
David : Bien, écoutez,
je ne ferai pas de politique, alors... de politique financière, mais je
suis extrêmement, extrêmement contente de vous entendre, la table, la TCRI,
parce que vous jouez un rôle absolument fondamental
dans l'accueil, l'intégration. On le sait,
là, vous êtes vraiment un acteur majeur de la question
non seulement de la francisation, mais de l'intégration,
de la culture, etc.
M. Guevara, je veux vous dire à quel point
je, on, nous sommes fiers de votre parcours. Et vous l'avez dit vous-même : Regardez, je suis arrivé comme réfugié, qui est un mot qui fait
souvent peur aux gens, ils ont l'impression que c'est... enfin, je ne ferai pas de politique là-dessus
non plus, mais que les réfugiés ne serviront pas la société
mais vont se prendre des choses dans la société, alors que vous redonnez
énormément puis vous redonnez à tous les nouveaux arrivants. Alors, je pense
que vous en êtes fier, mais je pense qu'on est très fiers de vous aussi.
Alors, dans
vos inquiétudes... Bien, j'ai trouvé que l'échange avec le ministre
était très bon. L'échange était très constructif de part et d'autre. Et il
y a des choses qui m'ont fait très plaisir à entendre. J'ai pris quelques notes
quand vous avez dit,
M. Reichhold : Ce n'est pas la faute de l'immigrant si le français
recule, et puis moi, j'avais mis... bien, j'avais mis trois petits points et... de mon cru, mais vous le dites
aussi à la page 7, je crois, de votre mémoire : Ni à cause de
la langue parlée à la maison.
Alors, je voulais vous poser la question, parce
qu'on aura un échange fort important, tout de suite après vous, avec un
démolinguiste qui va justement nous entretenir beaucoup sur sa vue, ma foi,
assez pessimiste de l'avenir du français au Québec. Mais, en lien avec
l'indicateur de la langue parlée à la maison, vous, vous dites : On peut
parler le vietnamien, on peut parler le
mandarin, mais on parle français dans l'espace public et on en est très fier.
Alors, je voulais vous entendre
là-dessus, parce que le ministre a dit qu'il était d'accord, justement, qu'on
n'est pas ici pour parler de langue parlée à la maison, on est ici pour
parler de langue de travail, de langue dans l'espace public, de la culture
partagée, on est ici pour parler de ce qui
nous réunit et qu'on ne touche pas à l'espace privé. Est-ce que vous avez la
même lecture que moi des enjeux?
M. Reichhold (Stephan) :
Bien, je peux peut-être commencer la réponse. C'est sûr que, tout le débat
autour du recul de la langue française, là, je sais qu'il y a différentes
écoles de pensée.
Nous, notre rôle c'est de faire la promotion du
français auprès des personnes immigrantes. Souvent, les nouveaux arrivants, le
seul contact qu'ils ont avec la société d'accueil, c'est l'organisme où il va
participer, faire du jumelage, faire des activités... donner beaucoup, beaucoup
d'exemples.
Et, bon, je peux utiliser... Moi-même, je
suis... ma langue maternelle, c'est l'allemand. Dans les statistiques de Statistique Canada, je suis un allophone,
j'apparais comme un allophone. C'est vrai qu'on ne parle pas allemand à
la maison, mais ça se pourrait. Ça arrive
parfois quand j'ai de la visite de ma famille. Donc, ça, c'est faussé.
Beaucoup... J'ai beaucoup d'amis immigrants,
en fait, qui parlent une autre langue à la maison mais qui cartonnent en
français, là.
Mais c'est... et c'est ça, la solution, à mon
avis, c'est d'encourager, et je pense que le projet de loi en fait une partie, propose une partie, c'est d'encourager, et
de soutenir, et de... le français dans l'espace public, et, pour ça, par
contre, il faut que l'État soit en mesure de
communiquer avec les gens pour faire passer les messages. Si on coupe la
communication entre le nouvel arrivant qui parle mal ou pas le français avec
l'État, je veux dire, on rate notre cible.
• (11 h 50) •
Mme David :
On revient à ce six mois. On revient à ce six mois. J'ai la... Dans
les crédits... ou je ne sais pas... enfin,
ça s'appelle Cahier explicatif des crédits 2021‑2022,du MIFI, justement, on voit bien, on a la
ventilation par région
sur le nombre de jours que ça prend avant d'avoir accès au jour 1 de la
francisation, et la moyenne de l'ensemble du Québec, c'est
68,8 jours. Ça, là, ça fait deux mois et quelques jours, disons. Deux
mois et quelques jours, sur les six mois, il
nous en reste quatre, disons, pour faire des chiffres ronds, pour franciser.
Vous n'êtes pas les... Vous n'êtes pas les seuls, là, vous n'êtes pas
les premiers, je crois que vous ne seriez pas les derniers, si les consultations
se poursuivaient, à dire : Attention, attention, on n'y arrivera pas.
Et, en même temps, le
ministre dit : Oui, mais on ne peut pas éternellement attendre, on ne peut
pas attendre deux ans. Mais il y en a
qui ont proposé un an, alors, d'autres ont proposé deux ans, mais il y a
un facteur commun, tout le monde dit : On n'y arrivera pas malgré toute la
bonne volonté et tout l'argent investi. En tout cas, moi, connaissant
mes piètres compétences d'apprentissage
linguistique, puis plus on vieillit, moins ça va vite, hein, on dit ça,
malheureusement, nos neurones se perdent un peu, ça me prendrait plus que 60...
que six mois, probablement, apprendre l'allemand, par exemple, si j'immigrais
en Allemagne.
Alors,
je veux que vous nous expliquiez bien comment ça se passe. Admettons que le
jour 1 de la francisation — encore
faut-il que ce soit temps plein — soit
deux mois après son arrivée. Mais ça ne se peut pas, temps... Je le sais bien, là, le ministre
a même bonifié les budgets pour pouvoir assister, et je salue aussi le fait
que ce soit ouvert à l'ensemble de la famille. Et je salue aussi, et
encore plus, notre proposition de rendre accessible à tous les Québécois qui
résident au Québec les cours d'accès à la langue française. Il va manquer de
professeurs, mais ça, c'est un autre problème. Mais comment...
M. Reichhold
(Stephan) : Ce que je voulais dire... la pénurie de profs, qui est
quand même dramatique, surtout à Montréal,
qui empêche des centaines et des centaines de personnes de se franciser, au
moment où se parle, là.
Mme David :
Et ça, ça va être un enjeu, puisque vous m'amenez là-dessus, aussi majeur, pour
le ministre, que d'autres enjeux de pénurie
de main-d'oeuvre. Ça va faire partie... Si on veut que cette loi-là soit une
réussite, il faut absolument qu'il y
ait énormément de professeurs de français langue seconde. Or, ça ne court pas,
les admissions dans les universités, dans les collèges. Il va falloir
trouver des façons pour franciser. Et ça, c'est un gros chantier aussi en suivi
du projet de loi.
Mais admettons qu'on
reste avec le six mois, qu'est-ce qui se passe, dans les... dans le meilleur
des mondes, s'il commence au jour 1, après... 68 jours après son
arrivée? Puis il en est où après quatre mois?
M. Guevara
(Frey) : Bien, je ne veux pas contourner, là, la réponse, mais
j'aimerais peut-être revenir aussi pour
considérer certains facteurs que j'ai trouvés importants, lorsque le ministre
nous avait parlé que, dans les milieux de travail, par exemple, les gens sont obligés à fonctionner en anglais.
Ils sont en processus de se franciser puis finalement ils arrivent dans
le milieu de... Ils ont réussi à décrocher un emploi, avec le petit français
qu'ils ont développé, puis ils rentrent dans
l'usine, dans le milieu de travail, et c'est en anglais. Ce n'est pas,
peut-être, plus qu'on
devrait penser à l'anglais, qui a
restreint le temps pour pouvoir se franciser, et couper les services en... dans
une autre langue différente? Ce sera peut-être ça, peut-être, l'enjeu.
Mme David :
Donc, anglais au travail, dans certains cas, que vous voyez, que vous entendez,
langue tierce à la maison, langue tierce,
admettons que ce soit l'allemand, l'espagnol, et donc le français
dans les cours de francisation, c'est ça, alors que le français devrait
être plus intégré à l'ensemble de sa vie quotidienne. C'est ça qu'on espère,
c'est ça qu'on veut. Vous voyez ça comme un enjeu réel et concret du nouvel
arrivant, qui, dans le fond, doit souvent parler plus anglais que français dans
son milieu de travail.
M. Guevara
(Frey) : Je parle de mon milieu, donc ce n'est peut-être pas la même
réalité, je reviens avec la même expression, que la réalité montréalaise. Mais,
de plus en plus, on entend les gens qui ont réussi à avoir un parcours
intéressant pour pouvoir décrocher un emploi, qui, rendus à l'entreprise, tous
les mots techniques sont en anglais. Il y a
un langage... Au niveau du langage technique de l'entreprise et de la culture
organisationnelle, c'est aussi l'anglais qu'il faut développer. Alors,
les gens ne se sentent pas compétents. Ils cherchent à voir comment on peut
développer soit l'anglais et consolider son français.
À tel point, je vous
donne un exemple, que le consulat général de la Colombie, parce que c'est mon
pays d'origine, la Colombie, j'ai su ça
parce que j'adhère à cette infolettre, offre des cours de français pour les
Colombiens qui veulent consolider son français. Alors, vous voyez même des
énergies qui sont des pays tiers pour pouvoir aider ses concitoyens ou ses
citoyens qui habitent à l'extérieur à pouvoir développer la langue commune de
l'autre pays. À ce point-là, on se trouve.
Mme David :
Admettons, admettons qu'il a la chance d'arriver dans un milieu entièrement
francophone de travail. On est encore à
68 jours d'attente, moyenne pour avoir le jour 1 du cours de
français. Combien de temps ça prend, d'après
votre expérience? Là, vous allez dire : Ça dépend de l'âge, ça dépend,
temps plein, temps partiel, mais essayez de nous faire un portrait de
ça.
M. Guevara
(Frey) : C'est tellement complexe. Parce que nous, en tant
qu'organisme humaniste, on prend en
considération l'être humain qui est devant nous. C'est difficile à couper et à
dire, bon, dans six mois, dans huit mois,
dans un an, dans, je ne sais pas... c'est assez. C'est sûr qu'il faudra mettre
une limite, je suis tout à fait d'accord avec vous, mais je ne me sens pas à l'aise de vous dire... ou de vous
présenter une recommandation exacte, c'est à tel temps qu'on devrait
couper. Je ne sais pas, Stephan, si tu avais autre chose.
M. Reichhold (Stephan) : Non, non,
je suis totalement d'accord avec toi, là. Je disais... C'est très artificiel, là. Tu sais, avant, c'était toujours la règle du
cinq ans. Dans le reste du Canada aussi, c'est la règle du cinq ans, là, le
temps d'apprendre à parler la langue, et après tu n'as plus accès aux services
d'intégration. Est-ce que ça devrait être ça ou... Mais on sait qu'il y a des
personnes qui sont là depuis 15, 20, 25 ans et qui ne parlent pas un mot
de français. Je veux dire, c'est... Est-ce qu'on va les punir, on va les
pénaliser?
Mme David :
On pourrait dire : C'est un autre problème, là, ça. Ils n'ont peut-être
pas eu de...
M.
Reichhold (Stephan) : C'est sûr que c'est moins notre
clientèle, là, mais...
Mme David :
Mais je pense que l'esprit... Et puis là je ne veux pas parler pour le
ministre, là, puis l'esprit de sa loi, mais je pense que l'idée du six mois,
c'est d'être capable de communiquer avec les services gouvernementaux, ou de
lire des lettres, ou de... Bon.
M.
Reichhold (Stephan) : C'est ça.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci, Mme la députée. C'est tout le temps que nous
avions.
Mme David :
Merci, madame.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Nous poursuivons les échanges avec la députée de
Mercier.
Mme Ghazal :
Oui. Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Reichhold, M. Guevara, pour
votre présentation. Bien, moi, je n'ai pas
beaucoup de temps, donc je vais venir sur le sujet que vous avez mis dans votre
mémoire. Et j'ai lu aussi la lettre qui est parue, une lettre
collective, là, notamment, la TCRI aussi l'a signée, sur le fameux six mois.
Là, pour nous aider,
on est en commission parlementaire, il faut qu'on voie si le ministre peut faire
des compromis. Vous dites que six mois, ça ne marche pas, mais vous ne proposez
pas une alternative. C'est-à-dire que vous,
vous êtes contre le fait qu'il y ait un délai. Il faut que le délai, ce soit en
fonction de la personne, elle est rendue où dans sa francisation. C'est
ce que je pense, là, vous corrigerez si ce n'est pas le cas.
Il y a eu des
organismes qui sont venus avant vous. Il y en a qui ont proposé deux ans, trois
ans. J'ai même posé la question au regroupement des... l'association des... en
tout cas, des organismes en francisation, et, je me rappelle, quand j'ai posé la question de deux ans, je crois,
Mme Aleksanian m'avait dit que, oui, ce serait acceptable, déjà, ce
serait acceptable. Qu'est-ce que vous proposez pour m'aider, quand je suis en
commission parlementaire, puis amener des amendements, au lieu de dire :
Non, on enlève le six mois, et c'est tout, puis le ministre refuse?
• (12 heures) •
M.
Reichhold (Stephan) : Écoutez, on va vous laisser la stratégie, là.
Vous avez plein de conseillers qui... Mais
c'est ce que je disais, en fait. Bon, c'est bien beau de mettre une limitation,
un an, deux ans, trois ans, quatre ans, cinq ans, mais, dans la vraie
vie, là, c'est impraticable. Je veux dire, le préposé à l'accueil dans une
institution, il va falloir qu'il épluche les
documents d'immigration de la personne pour voir s'il a le droit de lui parler
en français, ou en anglais, ou dans une autre langue. Je veux dire,
c'est kafkaesque, là, c'est comme... Parce que les personnes n'auront pas une
carte leur disant : Oui, moi, ça fait trois ans que je suis ici, ça fait
un an.
Puis à partir de
quand... Un demandeur d'asile qui a attendu sa résidence permanente pendant
cinq ans, est-ce qu'il doit... le décompte,
il va commencer quand il a déposé sa demande d'asile ou quand il est devenu
résident permanent? Toutes ces choses, là, ne sont pas... il va falloir
les clarifier. Et on parle de dizaines, de dizaines et de dizaines de milliers
de personnes qui sont dans ces situations-là. Alors...
Et
moi, je peux vous assurer, j'ai eu beaucoup de conversations informelles avec des
fonctionnaires du ministère de l'Immigration, de l'Éducation, avec des
gestionnaires aussi, qui sont catastrophés, là, par rapport à cette histoire de
six mois, là.
Mme Ghazal :
C'est surtout difficile, je conviens...
M. Reichhold (Stephan) : À
gérer.
Mme Ghazal :
...pour les communications orales.
M. Reichhold (Stephan) : Oui, oui, oui. Même écrites, je veux dire, c'est à quel moment...
Comment tu sais si tu as le droit d'envoyer une lettre en anglais ou en français
à la personne? Tu sais, c'est comme...
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci. Merci beaucoup, Mme la députée.
Mme Ghazal :
...on aura l'occasion d'y réfléchir. Merci.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Je vais céder la parole à la députée de Gaspé.
Mme Perry
Mélançon : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs. Merci de nous... d'être
présents et de nous partager vos
nombreuses connaissances sur le dossier de l'immigration et de l'intégration des nouveaux arrivants.
On voit aussi
que, dans votre organisme et dans plusieurs, là, qui sont au service des nouveaux arrivants, il y a des gens qui ont vécu le parcours aussi, de s'intégrer au Québec. Alors, je pense,
il y a quelque chose de rassurant aussi pour ces personnes-là.
Donc, bravo aussi à M. Guevara, là, pour tout votre parcours.
J'aimerais, en fait, savoir... Moi, je suis porte-parole
en immigration pour ma formation politique et je suis une députée de région, en Gaspésie, très proche aussi, là, de mes groupes, comme
les SANA. Et nous, on a vraiment
comme objectif de faire grimper, là, le taux d'immigration dans les régions à 50 %, là. C'est ambitieux, mais, pour nous, ça
ferait une véritable différence dans
l'intégration mais aussi dans la maîtrise du français, on le croit. J'aimerais
vous entendre là-dessus, si vous
croyez que, pour la question du français, une meilleure régionalisation
pourrait être une avenue possible.
M. Reichhold
(Stephan) : Vas-y, Frey. Un expert.
M. Guevara (Frey) : Oui, c'est
ça. La régionalisation, je pense, c'est le facteur fondamental aujourd'hui, lorsqu'on
parle d'immigration, pour pouvoir répartir les gens qui sont intéressés à
s'établir et à faire une vie au Québec. Et
le facteur commun : la langue de travail. Est-ce que le milieu, il est
prêt à accueillir autant de gens? Est-ce
qu'il y a assez de logements? Est-ce que le transport en commun est assez
développé? Ce sont des facteurs qu'il faut vraiment consolider et considérer
dans ce processus de régionalisation. À l'intérieur de tout ça, la langue
commune, le français.
Alors, je ne sais pas comment ça se passe à Gaspé,
mais... Et je ne sais pas si, le lendemain de l'arrivée, on a accès à la francisation,
donc, encore une fois. On a des données qui sont des moyennes, mais ce n'est
pas toujours la même réalité partout. Je vous ai donné mes exemples de neuf
mois peut-être d'attente. Alors, ce n'est pas évident.
Mme Perry
Mélançon : Oui, puis, bien,
en fait, je peux vous donner... Effectivement, en Gaspésie, là, de ce qu'on entend, de
par mon expérience, mes connaissances, le taux de rétention des nouveaux
arrivants est très élevé, et puis l'intégration se passe bien. Donc, on... Puis
on voit, là, que, nous, le milieu est vraiment francophone, et les gens
s'intègrent bien à ce nouvel environnement là. Donc, merci de votre réponse.
Et puis, bien, pour poursuivre, parce que vous
parlez des cours de francisation, qui ne sont pas toujours accessibles, nous, il y a également
la question qu'on souhaite que l'exigence du français soit un
critère pour sélectionner les nouveaux arrivants. On parle, bien sûr,
des immigrants économiques. Est-ce que, quand vous dites que c'est complexe, justement, d'avoir accès à ces cours-là... Une meilleure
connaissance du français à la base et qui pourrait être déjà appris dans
les pays comme la Colombie ou autres, est-ce que, pour vous, c'est un moyen
qu'on doit se donner?
La Présidente (Mme Guillemette) : Merci,
Mme la députée. C'est tout le temps que nous avions. Nous n'avons plus de temps pour la réponse. Merci,
messieurs, d'avoir été avec nous. Merci de votre contribution aux
travaux de la commission.
Et je suspends les travaux quelques instants, le
temps d'accueillir nos nouveaux invités.
(Suspension de la séance à 12 h 04)
(Reprise à 12 h 12)
La Présidente
(Mme Guillemette) : Donc,
bienvenue. La commission reprend ses travaux. Et nous accueillons maintenant
M. Marc Termote, géographe. Bienvenue. Merci d'être avec nous cet
avant-midi.
Donc, vous disposez de 10 minutes pour nous
présenter votre exposé. Il y aura un échange avec les membres de la commission
par la suite. Donc, je vous cède la parole.
M. Marc Termote
M. Termote (Marc) : Merci, Mme la
Présidente. Merci, madame et messieurs. Je voudrais d'abord, avant tout, vous
remercier de m'avoir invité. C'est un grand honneur pour moi et ça me donne
l'illusion que je peux être encore un peu utile peut-être. Et, en plus, de
votre part, inviter un démographe, il faut du courage parce que les
démographes, ce n'est pas des gens très fréquentables. Ils arrivent toujours
avec des mauvaises nouvelles. Et, bon, il n'y
a pas assez d'enfants ici, il y a trop d'enfants ailleurs, il y a trop
d'immigrants ici, il n'y a pas assez d'immigrants. Enfin, toujours de mauvaises nouvelles. Alors, je risque d'un peu
faire partie de ces gens infréquentables, surtout que nous sommes dans
un domaine, la langue, l'avenir de la langue française, qui est un domaine très
émotif.
Et c'est une
des louanges qu'on devrait faire au projet
de loi, c'est qu'on a essayé
vraiment, disons, l'expression
est peut-être mal prise, là, de ratisser le plus large possible, d'aller voir
partout. Donc, il faut une vue d'ensemble quand on évalue ce projet de loi, ce
qui n'est pas toujours le cas. Comme c'est très émotif, chacun va aller
chercher le petit quelque chose qui le dérange, qui n'est pas dans son intérêt.
On peut toujours trouver quelque chose. On est tous pour la vertu ou ce qu'on
croit être la vertu, mais c'est un peu facile, sinon, de critiquer.
Alors, moi, je vais
essayer de donner, pour le commencer... on aura l'occasion pendant la
discussion, je vais commencer par donner une
idée d'ensemble, comment je vois les choses du côté du projet de loi. C'est
que, pour évaluer les diverses mesures qu'on nous propose, et là c'est peut-être un biais
de démographe, j'essaie de voir... de faire une sorte d'analyse coût-bénéfice. Qu'est-ce que ça va me
donner, comme locuteur du français, en plus si j'adopte telle mesure? Et
qu'est-ce que ça va me coûter socialement, économiquement, politiquement, etc.?
Et,
si on applique ce critère-là, cette façon-là d'approcher les choses, mon bilan
global est très positif. On peut toujours
trouver des histoires. J'en ai quelques-unes à vous soulever : le
collégial en anglais, on en parlera certainement, les noms d'entreprise,
la francisation des immigrants, l'affichage, etc., la langue de travail, bien
sûr. Et j'espère que, si je n'en parle pas tout de suite, vous m'en parlerez et
vous allez me relancer là-dessus.
Donc, si on raisonne de cette
façon-là, moi, je dirais que c'est très positif.
Le seul gros bémol
que j'oserais faire, et on y reviendra dans la deuxième partie de ma
présentation, dans quelques minutes, c'est
du côté de la francisation des immigrants. On peut faire énormément de choses
de ce côté-là et on propose beaucoup de mesures qui, directement ou
indirectement, peuvent aider à franciser les immigrants, mais ce qu'on oublie toujours, c'est qu'il y a très peu de
gens qui changent de langue. Le nombre de personnes qui changent de
langue est minime parce que ce n'est pas facile de changer de langue.
L'immigrant moyen arrive à l'âge de 30 ans. À 30 ans, vous ne changez plus de langue. Toutes les données non
seulement démographiques, mais de pédagogie linguistique montrent qu'à partir d'un certain âge vous ne
changez plus de langue. C'est surtout avant 15 ans qu'on change de
langue, au primaire et au secondaire, d'où
le discours tout à l'heure, peut-être, sur le collège anglophone. Donc, c'est mon
seul bémol. On se dit : On fait ce
qu'on peut, bien sûr, mais, il ne faut pas se faire d'illusions, ça ne changera
pas grand-chose.
Et il y a tout
récemment eu un rapport de l'Office de la langue française, qu'on a demandé à
Statistique Canada, que l'office a demandé à Statistique Canada, qui dit noir
sur blanc que vous pouvez faire tout ce que vous voulez du côté de la
francisation des immigrants, vous pouvez même dire : Je ne fais venir que
des immigrants francophones, vous pouvez
même dire : On va faire passer la moitié des immigrants en région, ce qui
est très utopique, hein, toutes ces mesures, même très utopiques,
aboutissent à un résultat quasiment dérisoire. Ça n'affecte que très
marginalement, ça ne ralentit que très marginalement le déclin du poids
démographique des francophones.
Et
ça m'amène à la deuxième partie de mon exposé et du mémoire que je me suis
permis de vous soumettre. C'est que,
pour un démographe, ce qui compte, c'est la langue à la maison. Par définition,
on ne peut intervenir politiquement que du côté de la langue publique,
par définition. Comme disait un cher premier ministre canadien, on ne peut pas
s'occuper de la langue qu'on parle dans la cuisine ou dans la chambre à
coucher, on ne peut s'occuper que de la langue parlée dans l'espace public.
Mais là où ça se
passe pour un démographe, c'est la langue qui est parlée à la maison. Pourquoi?
Parce que la langue parlée à la maison
devient la langue maternelle des enfants. Et, comme démographe, on ne raisonne
pas à court terme. On essaie d'avoir une perspective générationnelle,
une perspective de long terme, et donc, à ce moment-là, la transmission d'une langue d'une génération à
l'autre est fondamentale. Et, de ce côté-là, malheureusement, les
nouvelles ne sont pas bonnes du tout, parce
que, malgré tout ce qu'on a fait, malgré les énormes progrès, malgré les
énormes progrès du côté de l'enseignement primaire et secondaire, bien
sûr, malgré tout ça, le pourcentage de francophones n'a cessé de diminuer
depuis qu'on a ces données, depuis 1971, n'a cessé de baisser en ce qui
concerne la langue parlée à la maison. Alors, dans ce sens-là, et je pense que
j'ai atteint mes 10 minutes, je ne peux qu'être pessimiste.
Le problème, c'est
que, si vous voulez corriger, il n'y a pas beaucoup de solutions. On ne va pas
agir sur la fécondité. On ne peut pas
dire : On donne des bébés bonus aux meilleurs francophones. On ne peut pas
agir sur la mortalité. On ne va pas
dire : On ne va soigner que les... Enfin, il n'y a qu'un seul domaine sur
lequel on peut agir, c'est l'immigration. Mais, justement, l'étude de l'office, dont je vous parlais tout à l'heure, montre que l'impact que peuvent avoir des mesures, même
utopiques, sur l'immigration... même ces mesures-là ne ralentissent que très,
très légèrement le déclin du français comme langue parlée à la maison.
Et donc c'est ça, le
problème pour le Québec, c'est qu'on a pris... on a été écartelés entre des
progrès qu'on peut espérer significatifs. Grâce au nouveau projet de
loi, on peut espérer des progrès significatifs du côté de la langue française parlée dans l'espace public, mais, cet
écartèlement entre l'évolution dans le privé et dans le public, je ne
sais pas si la société québécoise est capable de prendre ça, surtout que,
derrière ça, il y a un autre écartèlement, une autre cassure, celle qui existe
entre Montréal, la région de Montréal, et le reste du Québec. Je dirais même...
Ce sera pour terminer
mon exposé. Finalement, on dit : Le Québec, c'est l'îlot francophone en Amérique
du Nord. Non, c'est le reste du Québec moins la région de Montréal qui est l'îlot, parce que
Montréal est déjà
minoritaire en termes de langue maternelle,
de langue française, et est sur le point de l'être en termes de langue
d'usage à la maison. Merci pour votre attention.
• (12 h 20) •
La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, M. Termote. Donc, nous allons débuter
les échanges en commençant avec M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. M. Termote, bonjour.
Merci d'être présent à l'Assemblée nationale. C'est un plaisir de vous recevoir
à la Commission de la culture et de l'éducation.
M. Termote, il y
a beaucoup de gens qui sont venus témoigner avant vous et qui remettaient en
doute le déclin du français au Québec, à la fois la langue d'usage, à la fois
la langue de travail, la langue de service, la langue parlée à la maison. Qu'est-ce
que vous leur répondez? Est-ce que le français est en déclin au Québec?
M. Termote
(Marc) : Alors, nous allons commencer avec la langue d'usage public,
et un des critères le plus souvent utilisé, c'est la langue de travail. Et un
heureux hasard veut qu'il y a un an ou deux j'aie publié, à la demande d'une
revue, anglophone d'ailleurs, qui voulait faire le bilan de la Charte de la
langue française en matière de langue d'usage public. Alors, ça m'a donné
l'occasion d'étudier la langue de travail.
C'est un problème très
complexe. C'est ultracompliqué d'essayer de mesurer l'évolution de la langue
utilisée au travail. Pourquoi? Parce qu'il y a une multiplicité de variables.
Ça dépend du type d'activité. Moi, ma langue de travail, à la limite, c'est l'anglais, parce que la littérature, en démographie... Bon.
On ne choisit pas toujours sa langue de travail. Ça dépend de l'activité. Il faut distinguer le type d'entreprise,
le statut de l'entreprise, la taille de l'entreprise, le type de... Il faut distinguer la langue utilisée avec
les subordonnés, les supérieurs, les collègues. Il y
a une multiplicité de...
Alors, résumer en un mot, en un chiffre l'évolution
de la langue, l'utilisation des langues dans le domaine du travail, c'est
quasiment impossible, surtout que, pendant des décennies, les démographes ont
demandé à Statistique Canada d'avoir des données au recensement. Il a fallu
attendre 2001 pour avoir la première question sur la langue de travail au
recensement. Alors là, nous n'avons que 15 ans, 2001‑2016, pour étudier
l'évolution. Ce n'est pas grand-chose pour étudier une tendance, 15 ans.
Cette tendance n'est pas très positive.
Bon, à côté de ça, il y a des enquêtes. Il y a
eu plein d'enquêtes, au cours des 30 dernières années, sur la langue de travail, souvent effectuées par l'Office
de la langue française. Les enquêtes ont toutes des problèmes. Est-ce
que c'est comparable? Les questions ne sont pas posées de la même façon, les
échantillons, etc. Mais il y a quand même des tendances, et là la tendance est
très nette, c'est un déclin.
M. Jolin-Barrette : Donc, il y a un
déclin du français dans les différentes sphères. Qu'en est-il de la langue
anglaise? Est-ce que la langue anglaise est en déclin au Québec?
M. Termote (Marc) : Je dirais que le
groupe anglophone, quelle que soit sa définition en termes... langue maternelle
ou langue d'usage, est dans le même bateau que le groupe francophone dans la
mesure où ils ont une sous-fécondité énorme. Elle est même un peu supérieure
quand même encore à celle du groupe francophone mais tout juste. Donc, ils ont
ce gros défi là aussi.
En plus, ils ont perdu énormément par exode, en
termes de migration interprovinciale, dans les années 70 et 80, et ça leur
coûte aujourd'hui énormément, parce que c'est une population très vieillie et
concentrée dans quelques régions. 88 %
des anglophones sont dans quatre régions métropolitaines, où elles bénéficient
de quasiment tout le support institutionnel en santé, en éducation,
souvent de niveau supérieur à ceux du groupe francophone.
Donc, je
dirais que les anglophones, effectivement, ont ce problème de fécondité, ont ce
problème de vieillissement de population, qui est un peu leur faute
puisqu'ils ne font pas d'enfants aussi, mais il y a une seule différence, et
elle n'est pas négligeable, ils bénéficient toujours des transferts. On peut
bien dire : Il n'y a pas beaucoup de transferts linguistiques à chaque
année. Il y en a très peu. Tout le monde... des estimations, hein, parce que
les seules données dont on dispose sur les transferts linguistiques, durée de
vie, sur toute la vie, ça, ça... On ne sait pas quand, quel âge, où, quand on a fait le transfert. Mais là, si on
le fait par année ou par période, là, on dit : Il faut faire des
estimations, mais toutes les estimations, quels que soient les auteurs
qui les ont faites, toutes les estimations disent qu'il y a quelques
milliers... tout le monde converge pour dire 7 000 à 8 000 par an en
changement de langue.
Là, les anglophones, maintenant... Les
francophones gagnent un peu maintenant, avant ils perdaient, mais c'est
2 000 par an, un peu moins, selon certains, que... Ce serait 3 000
pour les anglophones. Donc, ils continuent à gagner du côté des transferts
linguistiques. Et, proportionnellement au nombre d'habitants, au nombre de
personnes de langue anglaise, c'est proportionnellement plus que pour les
francophones.
Pour les francophones, la part en termes de
transferts linguistiques est minime. On a au total quelque chose comme un peu
moins de 10 %. Pour les anglophones, la différence entre le nombre de
personnes qui ont le français comme langue
d'usage... qui ont, pardon, l'anglais comme langue d'usage mais qui sont de
langue maternelle anglaise... la différence est de 35 %. Ils ont
gagné... Mais ça, c'est durée de vie, hein? Donc, il y a des points semblables,
des situations semblables, mais aussi il y a une différence en termes de
transferts linguistiques.
M. Jolin-Barrette : Au niveau de la
langue d'usage, est-ce que la langue anglaise est en augmentation, au niveau de
la langue d'usage dans l'espace public?
M. Termote
(Marc) : Alors, ça, c'est... Il faut distinguer, parce qu'encore une
fois c'est tellement complexe... Il faut distinguer la fréquence qu'on
déclare au recensement... (Interruption) ...pardon, qu'on déclare au
recensement et il faut distinguer le nombre
de personnes qui déclarent ce qu'on appelle, dans le jargon, des langues
multiples. Et, de ce point de vue là, plusieurs y ont fait référence,
l'augmentation du côté du nombre de locuteurs de l'anglais dans l'espace public n'est pas tellement élevée en
termes de langue unique, mais l'augmentation est très sensible en termes
de langues multiple.
Autrement
dit, les personnes qui déclarent utiliser en même temps, le plus souvent...
J'ai toujours des problèmes avec ça,
parce que comment est-ce qu'on peut utiliser le plus souvent deux langues en
même temps? Il faudrait qu'on m'explique un peu ça. Mais alors les gens
répondent comme ils peuvent. Et là l'augmentation est très sensible, du nombre de personnes qui ont déclaré utiliser en
même temps, le plus souvent, à la fois l'anglais et le français. C'est
quand même quelque chose comme 4 % sur 15 ans. Ce n'est pas
négligeable. Le problème, c'est comment on interprète ça, comment interpréter
ces langues multiples.
Et là je reviens à mon point de tout à l'heure.
Si on parle de langue du travail, on ne choisit pas toujours. Tantôt, on va
parler en français, tantôt, on va parler en anglais. Et donc ce sont des
données qui sont très difficiles à interpréter, et je serais très prudent d'en
dire : Ça va très bien ou ça va très mal. Il y a trop de variables en jeu.
Et ça vaut pour la langue utilisée dans les commerces, hein, c'est tout aussi
compliqué à étudier. Ça vaut pour l'affichage. Est-ce qu'on parle de
l'affichage interne, externe, etc.?
Donc, pour répondre à
votre question, je suis obligé d'être un peu ambigu, mais je dirais que... Et
d'ailleurs les auteurs anglophones eux-mêmes sont rares à dire que l'avenir de
l'anglais est en danger au Québec. Les deux derniers
rapports de Statistique Canada, un datant de 2017, l'autre de 2021, qui ont
étudié l'évolution de la langue tantôt dans le privé, tantôt dans le
public concluent tous qu'il n'y a pas de problème pour l'avenir de l'anglais.
M. Jolin-Barrette : Peut-être une
dernière question avant de céder la parole à mes collègues. Croyez-vous que le projet
de loi n° 96, que nous étudions présentement, peut permettre d'avoir
un impact sur le déclin du français, de
limiter ce déclin ou de renverser la tendance? Croyez-vous que les mesures qui
y sont présentes vont nous permettre de nous aider à freiner le déclin
du français?
M. Termote (Marc) : Avec le large
éventail de données qui ont été introduites... de mesures qui ont été
introduites dans le projet de loi, je suis convaincu qu'effectivement on peut
s'attendre à ce qu'il y ait une remontée du
pourcentage de personnes qui vont utiliser le français dans l'espace public. De
là à dire qu'on va renverser la tendance, ça m'étonnerait fort. On n'est
déjà pas parvenus, par le passé, à le faire. Il y a eu le choc de la charte à
l'époque. Le choc a été très fort et très
bénéfique pour le français en termes de langue d'enseignement au primaire et au
secondaire, mais, une fois que ce choc-là a été fait, ça a stationné.
Et, depuis... Il ne faut pas oublier que, dans
l'évolution dont on parle, il y a une double évolution. Il y a eu un
accroissement très fort du français dans l'usage public entre la Charte de la
langue française, en 1977, et, disons, le tournant du siècle, mais, depuis
2001, il y a manifestement un renversement en faveur de l'anglais, aussi bien
dans l'espace public que dans l'espace
privé. Et donc on peut espérer que le projet de loi va aider à diminuer
l'impact de ce revirement en faveur
de l'anglais, mais je serais sceptique, parler de renversement. On peut espérer
qu'il y aura un frein au
ralentissement dans l'espace public. Dans l'espace privé, je ne vois pas
comment on peut renverser et même freiner la tendance au déclin du français.
• (12 h 30) •
M. Jolin-Barrette : Je vous
remercie pour votre présence en commission parlementaire. Merci.
M. Termote (Marc) : Merci.
La
Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Donc, je cède la parole à la députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré pour six minutes.
Mme Foster : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. M. Termote, merci de votre présence ici. C'est un
plaisir d'écouter votre expertise. Merci de nous la partager. Merci de cette
belle générosité.
Ma première question, je reprendrais un peu la balle
au bond sur vos derniers échanges avec le ministre, qui nous parlait des effets
possibles, potentiels des mesures contenues dans le projet de loi en ce qui
concerne la sauvegarde du français au Québec... ou plutôt son déclin au Québec.
Vous mentionnez, à la page 1 de votre
mémoire, que le principal défi en ce qui concerne la langue française au Québec
se retrouve dans la région métropolitaine de Montréal. On sait que Montréal
accueille les deux tiers des immigrants,
entre autres, à elle seule, 83 %, si on regarde le Grand Montréal. Bon.
Vous dites également une autre chose. Dans les régions, le français
n'est pas menacé, du moins dans les chiffres que vous avez devant vous. Ça, je
sais que vous le mentionnez à quelque part.
Dans cette
optique-là, est-ce que, justement, si on parle de solutions concrètes, là, pour
stopper le déclin ou freiner au
maximum le déclin du français au Québec... est-ce qu'une meilleure
régionalisation, entre autres, de l'immigration, selon vous, vraiment,
là, une nette amélioration à ce chapitre pourrait améliorer, là, de façon
significative... stopper le déclin du français au Québec? Quel serait l'effet?
M. Termote (Marc) : Votre
question est très pertinente. Et le hasard veut que, bon, ça fait 50 ans
que je suis au Québec, et j'ai toujours mon maudit accent belge, entre
parenthèses, ce qui montre la difficulté de changer de langue, quand même. On
ne change même pas d'accent. Bon.
En tout cas, ce que je veux dire, moi, ma toute
première recherche, à l'époque, c'était le M. le ministre Bonin qui venait de... on venait de créer un ministère
de l'Immigration, et il m'a demandé de faire une étude sur la
régionalisation. C'était ma première étude il y a pratiquement 50 ans. Et,
depuis, donc, il y en a eu d'autres, bien sûr. Ce qui se passe, c'est
qu'effectivement toutes les données dont on dispose montrent que les immigrants
qui s'installent en région se francisent beaucoup plus rapidement et
s'intègrent non seulement linguistiquement, mais économiquement beaucoup plus
vite et dans des bien meilleures conditions que ceux qui s'installent à Montréal.
Donc, il y a certainement cet aspect-là à prendre en compte.
L'autre problème, c'est qu'il y a relativement
peu d'immigrants, et il y en a, parmi les immigrants, très peu qui vont en
région, justement.
Et je ne peux que faire, pour répondre à votre
question... reprendre les conclusions du rapport de Houle et Corbeil, donc le
rapport dont je faisais allusion tout à l'heure. L'Office de la langue française
a demandé tout récemment... C'est sorti, ce
rapport, au printemps dernier. Et, dans ce rapport-là, Houle et Corbeil avaient
testé cinq façons d'essayer d'agir sur l'immigration pour faire
augmenter le pourcentage de francophones, aussi bien privé que public, bien sûr, et la conclusion est très nette, hein?
L'influence du phénomène des transferts ou des substitutions
linguistiques chez les personnes immigrantes sur l'évolution de la part de la
population québécoise ayant le français comme principale
langue d'usage au foyer est plutôt marginale au regard du nombre d'immigrantes
et d'immigrants de langue maternelle et de langue d'usage tierce... que le
Québec.
En d'autres termes, on accueille trop peu
d'immigrants, et trop peu vont en région pour que ça puisse avoir un impact important. Ils avaient même utilisé des
hypothèses incroyables, tout à fait utopiques. 100 % des immigrants
qui arrivent au Québec parlent le français au départ, avant d'arriver. Ils
viennent d'un pays francophone au départ. 50 % d'entre eux vont en région. Quasiment tous... Enfin, plusieurs
hypothèses se recoupent, évidemment, la connaissance des langues, combien... Même ces scénarios les plus
utopiques, faire venir beaucoup plus de gens en région, ils connaissent tous le français au départ, etc., même ça affecte
très, très, très peu l'évolution et le déclin. Il y a trop peu
d'immigrants et il y a trop peu d'immigrants
en région par rapport aux millions d'habitants de langue française qui existent
au Québec. Donc, c'est en ce sens-là que la nouvelle... la réponse que
je peux vous donner n'est pas très positive.
Mme Foster : Il me reste combien de
temps, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Guillemette) :
1 min 30 s.
Mme Foster : Oh!
1 min 30 s. O.K. Ah! tu as une question? Bon, écoutez, mon
collègue aurait une question, donc je lui passe la balle avec plaisir.
La Présidente (Mme Guillemette) : M.
le député de Chapleau.
M. Lévesque
(Chapleau) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Rapidement... Mais
merci beaucoup, M. Termote, d'être
avec nous, là. Vous avez parlé des statistiques, notamment
Statistique Canada, puis certains... D'autres démographes sont
venus dire que, souvent, les questions qui étaient posées, là, par
Statistique Canada, notamment dans le reste du Canada, mais ici aussi, ne
donnaient pas vraiment un portrait juste de la situation. Ils proposent d'ailleurs
que Statistique Québec ou, du moins, un institut similaire pose de vraies questions.
Qu'en pensez-vous?
M. Termote (Marc) : Bien, votre question
est très pertinente et très délicate. D'abord, comme vous le savez certainement,
les questions qu'on pose au recensement... Bon, je vais commencer par parler de
l'Institut de la statistique... de Statistique Canada. Comme vous le savez
certainement, Statistique Canada ne fait pas ce qu'il veut. Vous le savez
probablement que les questions qu'on pose au recensement, la formulation des
questions, la place de la question au
recensement est décidée au Conseil des ministres, là, au fédéral. Vous voyez bien l'importance politique qu'il y
a derrière. Ce n'est pas par hasard
que, malgré toutes les demandes des démographes, on a dû attendre 2001
pour avoir finalement une question sur la langue de travail, alors que la commission
Gendron le demandait depuis des décennies. Bon, en tout cas. Donc, il y a des
limites à ce que Statistique Canada fait, peut faire, parce que...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. Termote.
M. Termote (Marc) : Pardon?
La
Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. Termote. Nous... C'est tout le temps que le parti du
gouvernement avait. Donc, nous allons poursuivre nos échanges avec la députée
de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, M. Termote. Écoutez, j'ai bien aimé votre début. Vous
nous avez mis en garde ou presque en disant qu'un démographe est habituellement
porteur de mauvaises nouvelles. Mais moi, je vais être un peu optimiste puis je
vais essayer de vous rendre plus optimiste.
Ça dépend, j'oserais dire, presque de votre base
épistémologique. Et là je ne suis pas une linguiste. J'admire et j'apprécie énormément la question des études
linguistiques et démographiques. Je trouve ça formidable, l'évolution
des langues à travers le monde, l'histoire des langues, c'est... Et, la
Belgique, vous en savez quelque chose, c'est très politique, cette question des
langues. Mais, quand j'ai terminé votre mémoire, je l'ai lu il y a deux, trois
jours, merci, on a eu le temps de le lire et relire, j'ai écrit ceci : Un
mémoire extraordinairement pessimiste pour quelqu'un qui a toute cette
expertise. Alors, en plus, ce n'est pas que des choses superficielles, c'est
comme un mémoire à partir de toute votre expérience. J'ai écrit aussi :
C'est le mémoire le plus pessimiste à date, pas beaucoup de solutions. Et c'est
un peu ce que vous nous avez répété : M. le ministre, j'aimerais bien vous
arriver avec des solutions.
Mais vous avez dit quelque chose d'important à
la... je ne sais pas si c'est au député de Chapleau ou à sa prédécesseure, et
je l'ai noté, vous avez dit : Ça ouvrira peut-être une avenue, trop peu d'immigrants
francophones et en région, il y en a trop peu, il en faudrait beaucoup plus.
Vous êtes vous-même un immigrant francophone,
belge, et Dieu sait que vous avez été important pour l'apport démolinguistique au Québec. Vous avez été à la l'OQLF, vous
avez vraiment occupé des postes extrêmement centraux sur la question de
la langue et vous avez... Et c'est là que je reviens à l'épistémologie. Vous
avez comme un postulat de base ou un
paradigme de base qui... celui-là, je pense, vous n'en changerez pas, et je
n'arriverai certainement pas à vous faire changer d'avis, c'est la
langue parlée à la maison. Tout part de cela, et c'est ce paradigme qui vous
rend peut-être pessimiste et qui, moi, ne me rendrait peut-être pas si
pessimiste que ça.
Je vous donne un exemple. Bien, je veux
seulement vous entendre là-dessus. C'est vrai à Montréal, beaucoup
d'immigration asiatique, sud-américaine, bon, que ce soit l'espagnol, le
mandarin, le vietnamien, le turc, le polonais, je ne sais
pas, mais il me semble que, même si la première génération, par exemple, de ce
qu'on a appelé les «boat people», Kim Thúy en est un exemple éloquent, de
parents qui parlent en vietnamien à la maison, l'enfant va à l'école en
français, tombe en amour avec la langue française ou parle parfaitement le
français, se met en... est en couple ou a un enfant avec un Belge, un Espagnol,
un Québécois de souche, un anglophone, même, on pourrait dire : En quoi l'avenir d'une Kim Thúy est moins
francophone que l'avenir d'une députée de Marguerite-Bourgeoys dont le grand-père est né en Algérie, la mère en France,
avec un père québécois de souche, on pourrait dire, puis ça donne une Québécoise qu'on appelle de souche? Mais on est
tous l'immigrant de quelqu'un. Vous serez le premier à le dire et à le vivre. En quoi cette famille de Vietnamiens qui,
en deuxième, troisième génération, est parfaitement francisée,
francophile, francophone n'est pas, pour
vous, une ouverture optimiste à la suite des choses, à la suite du monde, on
pourrait dire?
• (12 h 40) •
M. Termote (Marc) : Je suis le
premier à plaider pour qu'on parle le plus de langues possible. C'est une
richesse que de parler une langue. Plus on en parle et plus on est riche, dans
tous les sens du mot. Et j'ose croire que je fais partie de ces gens. J'en
parle quatre sans trop de problèmes.
Le problème qui se pose dans votre... C'est tout
à fait... Je comprends superbien votre question, sauf qu'il y a quelque chose
qu'on oublie dans toutes ces discussions, c'est la distinction fondamentale, à
mon avis, à faire entre le niveau micro et le niveau macro, le niveau des
individus et le niveau des groupes, le niveau d'évolution dans leur utilisation
d'une langue au niveau des individus et le niveau macro qui est celui de l'évolution
d'une langue dans l'ensemble du groupe. Si on tient compte de ça, c'est là
qu'il y a le problème, justement.
À mon avis, tous les immigrants — si ce
ne sera pas eux, ce sera probablement leurs descendants ou, plus tard, à la
deuxième génération, les petits-enfants — tous passeront au français.
Il n'y a pas de problème. Et j'en suis convaincu que ce sera le cas. Il y aura
peut-être quelques exceptions du côté... Mais... Bon. Mais ce n'est pas... ça
ne règle pas le problème, parce que le temps
que ça prend d'une génération à l'autre... Une génération, disons, c'est
25 ans. Pendant ces 25 ans, et
souvent c'est plus que 25 ans, ceux qui ont fait les études dans ce
domaine disent, en moyenne, une génération et demie à deux
générations... Bon, pendant tout ce temps que ça prend, 25 ans, 30 ans,
40 ans, pour que les individus deviennent francophones, au privé, au
public, là, la distinction, on peut l'oublier, le temps que ça prend, tous les
autres phénomènes continuent à jouer.
C'est ça, le problème. C'est qu'on a beau gagner
chaque année quelques milliers de personnes qui passent au français par transfert linguistique au niveau des
individus, pendant ce temps-là, pendant cette même année-là, le groupe
francophone du Québec a un déficit des naissances d'au moins 20 000.
Pendant chaque année, pendant toutes ces années,
d'une génération à l'autre, pendant chaque année, il y a, disons... Je parle
pour l'avenir. Pour l'instant, ça a un peu diminué, le niveau d'immigration a un peu baissé, mais on prévoit
50 000 bientôt, 55 000. Chaque année, il y a 50 000,
55 000 qui rentrent, dont la majorité n'est pas francophone, O.K.? Il y a
aussi la migration interprovinciale qui joue moins, beaucoup moins apparente,
mais qui joue aussi. Donc, c'est ça, le problème. C'est qu'on peut très bien...
Et tout le monde connaît des individus, des
familles qui sont passés de leur langue maternelle... Et moi, je ne dis pas
qu'il faut oublier sa langue maternelle. Au contraire, il faut la garder. Mais,
le temps que ça passe... que ça prend pour passer, alors, au français langue
d'usage privé ou public, ça prend tellement de temps que, pendant tout ce
temps-là, les autres phénomènes jouent. C'est ça, la différence. On peut
discuter à longueur de journée sur les transferts linguistiques, sur la francisation,
etc., on oublie, et ça, le démographe est obligé de prendre... d'avoir une
vision d'ensemble, on oublie que la sous-fécondité énorme des francophones,
même pire que celle des anglophones, ce qui n'est pas peu dire... la
sous-fécondité des francophones. Il y a l'immigration internationale et
maintenant il y a l'immigration des temporaires, en plus, qui complique
beaucoup la situation.
Et c'est ça, ma réponse à votre question. Vous
dites : Oui, est-ce qu'il y a des solutions? Bien non, je ne vois vraiment
pas comment on peut dire : Dorénavant... Bien, on ne peut jouer que sur la
migration. On ne peut pas jouer sur les autres... On ne peut pas jouer sur la
migration interprovinciale. On ne va pas dire : Les francophones, vous ne
pouvez plus quitter, et les anglophones, ils doivent partir. On ne peut pas
jouer sur la fécondité, on ne peut pas jouer sur la mortalité, etc. On ne peut
jouer que sur l'immigration, mais les études dont j'ai fait état montrent qu'on
a bien beau prendre des hypothèses utopiques... Moi, j'avais fait des
simulations dans certains...
Mme David : M. Termote, je vais
être obligée de vous interrompre parce que je veux passer la parole à mon
collègue de La Pinière. Merci beaucoup.
M. Termote (Marc) : C'est moi qui
vous remercie.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Donc, M. le député.
M. Barrette : Merci, Mme la
Présidente, M. Termote. Bon, on comprend bien votre propos. On est dans un
sujet qui... Bien, tant qu'à faire, on va faire au moins ça. Ce que vous nous
dites, c'est ça. Alors, parfait, on va faire au moins ça. Alors, à partir du
moment où on a dit ça, sur la question de la francisation, est-ce que vous êtes
d'accord que ce soit un sujet important? Ça fait trois semaines qu'on est en
consultations, ça fait trois semaines qu'on nous dit que la francisation est
importante. Êtes-vous au moins de l'avis que c'est important?
M. Termote (Marc) : C'est important,
c'est indispensable, mais ce n'est pas suffisant.
M. Barrette : On comprend. On est
dans le tant qu'à faire, là.
M.
Termote (Marc) : Non, mais parce que... On ne va pas donner un vaccin,
je m'excuse de la métaphore, qui est un
peu... on ne va pas donner un vaccin en disant : Du jour au lendemain, les
immigrants, vous parlez français.
M.
Barrette : On comprend. On
comprend votre propos, M. Termote, mais vous êtes d'accord
avec le fait que la francisation soit importante.
M. Termote
(Marc) : Bien sûr.
M. Barrette :
Bon. Moi, je vais vous poser une question très simple : N'êtes-vous pas
étonné de voir arriver ce projet de loi là maintenant? Et je vous explique
pourquoi.
Si
la francisation, elle est importante, elle devait l'être
au premier jour de ce gouvernement-là. Et je rappellerai que ce gouvernement-là,
en arrivant en poste, bénéficiait des plus grands surplus de l'histoire du Québec,
toutes proportions gardées. Il n'y a pas de gouvernement qui a eu autant
d'argent liquide disponible à son arrivée. Or, le sujet dont on discute aujourd'hui
est un sujet de survie, et, essentiellement, la francisation n'a pas eu, à mon
avis, le succès ou les résultats escomptés durant les dernières années. Est-ce
que vous trouvez qu'en matière de francisation ce gouvernement, avec les moyens
qu'il disposait et disposait encore, a agi avec efficacité?
M. Termote
(Marc) : Quand vous dites : C'est une question de survie, je ne
sais pas si j'ai bien compris votre point. Je ne dirais pas que la survie...
M. Barrette :
...culturelle.
M. Termote
(Marc) : ...oui, que la survie culturelle, linguistique pour le
français dépend de la francisation des immigrants. Si c'est ça, votre point, je
ne suis pas d'accord.
M. Barrette :
Ce n'était pas mon point.
M. Termote
(Marc) : Moi, j'ai réagi comme démographe. J'ai dit : Attention,
s'il n'y a pas plus de locuteurs du français, c'est parce que les francophones
ne font pas d'enfants.
M. Barrette :
La question que je vous pose...
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci, M. le député.
M. Barrette :
Malheureusement, je n'ai...
La Présidente (Mme
Guillemette) : C'est tout le temps que nous avions. Je cède maintenant
la parole à la députée de Mercier.
Mme Ghazal :
Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Termote, pour votre présence ici. Là,
je vous écoute, je lis votre mémoire puis... je ne sais pas, je vais donner un
qualificatif, peut-être que vous ne l'aimerez pas, mais vous avez une vision
défaitiste qui... un peu décourageante, et je me dis... Je veux dire, là, on
pourrait discuter sur la langue parlée à la
maison. Par exemple, vous disiez que les immigrants se francisent beaucoup
mieux en région. Est-ce que ça veut dire qu'ils commencent à parler à la
maison le français? Non, j'imagine que non. Et là vous utilisez cet indicateur-là
qui fait qu'on est pessimiste de la langue parlée à la maison.
Mais aussi, même si
vous avez une vision défaitiste, en même temps, je vous ai entendu dire que
vous reconnaissez quand même que le projet
de loi n° 96 va permettre d'augmenter l'usage du français dans le public.
Est-ce que ça ne met pas un peu d'optimisme dans votre vision...
M. Termote
(Marc) : Bien sûr, et j'espère que...
Mme Ghazal :
...au lieu de rester concentré sur la langue parlée à la maison?
• (12 h 50) •
M.
Termote (Marc) : Alors, pour commencer, j'oserais dire que, quand on
fait des prévisions, comme démographe,
on n'a pas d'état d'âme. On fait des hypothèses sur le comportement de
fécondité, de migration internationale, de migration interprovinciale, sur l'évolution
de la mortalité et sur l'évolution des transferts linguistiques. On fait des hypothèses. Très curieusement, jamais personne n'a
attaqué mes hypothèses ni celles de Statistique Canada, qui
ressemblent d'ailleurs beaucoup aux miennes.
Sauf que, quand on est... Et après, une fois qu'on avait fait les hypothèses,
on pousse sur un bouton, on voit les résultats, O.K? Bien sûr, on fait
plusieurs hypothèses. On fait...
Mme Ghazal :
Les résultats de quel indicateur? Ça, c'est important.
M. Termote
(Marc) : Oui, je parle de langue privée...
Mme Ghazal :
Langue privée.
M.
Termote (Marc) : ...comme Statistique Canada vient de le faire,
d'ailleurs. Et c'est très... De façon intéressante, ils ont fait la même chose
pour la langue maternelle, ils ont fait la même chose pour la première langue parlée, officielle parlée, l'anglais et le
français. Tous les indicateurs, lequel... que vous preniez, parce que le fameux
PLOP, première langue officielle parlée, est proche de la langue publique,
hein, il n'y a plus de tierce langue, là, quel que soit l'indicateur, dit Statistique Canada, il y a un déclin. O.K.?
Alors, est-ce que c'est pessimiste, défaitiste? On n'a pas...
Mme Ghazal :
Mais c'est quoi, la solution? Qu'est-ce que vous proposez, puisque, pour vous,
ce qui est important, c'est la langue parlée à la maison, dans le privé, c'est
ça qui est important? Ce n'est pas ça. Moi, je pense qu'il faut un ensemble
d'indicateurs. Puis c'est vrai qu'ils sont tous négatifs. Alors, travaillons
sur la langue d'usage public, travaillons à la francisation. Même si vous dites
que ce n'est pas suffisant, on ne va pas quand même lâcher le morceau. C'est
quoi, votre solution? Ou, comme démographe, vous n'en donnez pas?
M.
Termote (Marc) : Bien, je peux donner comme solution qu'on pourrait
dire : Tout le monde va parler français. Votre idée... En région, ça fonctionne beaucoup mieux. On a fait des
simulations, aussi bien moi que Statistique Canada...
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci, M. Termote. C'est...
M. Termote
(Marc) : ...en supposant que tout le monde passe à l'anglais avant de
mourir, ce qui est utopique. Ça ne changerait rien.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci. C'est tout le temps que Mme la députée avait. Je
cède la parole à la députée de Gaspé.
Mme
Perry Mélançon : Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Termote,
d'être là. Je ne suis pas démographe, mais, les enjeux démographiques
dans la région de la Gaspésie, on en traite au quotidien. On est beaucoup
là-dedans.
Donc, moi, j'ai
vraiment une approche où on joue le tout pour le tout. On est des combattants,
on travaille les solutions, on est là-dedans tout le temps, donc. Et, si je me
fie aussi à mon parti, bien, il n'a pas... on n'a pas présenté, là, un plan
d'urgence pour la langue française qui est fait de demi-mesures. Alors, on ne
croit pas qu'il faut aller avec des compromis.
Alors, ma première
question, c'est... Parce que vous avez parlé du compromis politique qui est
fait avec ce projet de loi là, et ma première question, c'est : Ne
croyez-vous pas qu'on devrait mettre les compromis de côté et jouer le tout
pour le tout?
M. Termote
(Marc) : Je ne sais pas si j'ai bien compris la question. Je m'excuse.
Mme Perry
Mélançon : Vous avez parlé d'un projet de loi qui était dans le
compromis politique pour s'assurer d'avoir une espèce de consensus dans la
société. Nous, on a présenté un projet... un plan d'urgence, au Parti
québécois, qui n'est pas dans la demi-mesure, et je pourrai vous... Vous savez,
nous, la régionalisation, on est pour un 50 % de l'immigration. On croit à
l'application de la loi 101 dans les cégeps. Alors, tout ça mis
ensemble... Et, quand je dis : Jouer le tout pour le tout, comme une élue
de région, est-ce que vous croyez qu'on aurait dû y aller d'un projet de loi
pas dans le consensus mais dans les vraies mesures?
M. Termote
(Marc) : Bien, ce que j'ai osé dire en parlant de compromis, c'était à
propos du collégial. Et là je me permets de dire... Dans tout ce débat, trop
souvent, on parle en termes de pourcentages. Ah! il faut tel pourcentage de
transferts vers le français pour que ça... Des très petits chiffres, les
pourcentages peuvent doubler, tripler en quelques années. Bon, justement, au
cégep, le nombre de personnes qui passent du cégep francophone... pardon, du
secondaire francophone au cégep anglophone est très faible, et donc là...
Mme Perry
Mélançon : ...vous parlez beaucoup des chiffres faibles en
immigration, en régionalisation, dans les cégeps anglophones. Bien, à un moment
donné, quand on multiplie les solutions...
M. Termote
(Marc) : On peut ajouter, c'est évident, et c'est ce qu'on a fait dans
plusieurs scénarios. C'est ce que Statistique Canada vient de faire dans
le rapport qui a été déposé au printemps dernier, que, malheureusement, il n'y
a pas beaucoup de personnes qui en ont parlé parce que ça dérange énormément.
Statistique Canada dit noir sur blanc : Vous pouvez faire venir tous
les immigrants francophones, vous pouvez les mettre en région, vous pouvez dire
qu'ils parlent tous le français, etc., ça ne change quasiment rien.
Donc, je suis bien
obligé d'accepter ça. Et ça correspond à 100 % à ce que j'obtenais dans
mes prévisions à moi. Il n'y a pas de défaitisme ou de pessimisme là-dedans. On
pousse sur un bouton, on voit ce que ça donne. On fait un autre scénario, on
voit ce que ça donne. Tous les... Et Statistique Canada fonctionne de la
même façon...
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci. Merci beaucoup.
M.
Termote (Marc) : ...et tous
les résultats de tous les scénarios ne sont pas très réjouissants, disons comme
ça.
La Présidente (Mme Guillemette) : Merci
beaucoup, M. Termote. Merci, Mme la députée. Merci, M. Termote, de votre contribution aux travaux de la
commission et de votre présence ici avec nous aujourd'hui.
Donc, la commission suspend ses travaux jusqu'à
14 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 55)
(Reprise à 14 h 03)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, bon après-midi, tout le monde. Votre attention, s'il vous plaît! La Commission
de la culture et de l'éducation reprend ses travaux.
Nous poursuivons les auditions publiques dans le
cadre des consultations particulières du projet de loi n° 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français.
Donc, avant de débuter, je vous informe qu'il y
a eu consentement afin que le député des Îles-de-la-Madeleine remplace la députée de
Joliette pour le reste de la séance et pour que la députée de
Sainte-Marie—Saint-Jacques remplace la députée de Taschereau
pour la durée de la deuxième audition cet après-midi.
Donc, nous avons à l'ordre du jour cet
après-midi la Société nationale de l'Estrie, la communauté mohawk de Kanesatake
et la Fédération des communautés francophones et acadiennes.
Donc, nous
accueillons maintenant la Société nationale de l'Estrie avec ses deux représentants, M. Etienne-Alexis Boucher, président, et
M. Antonin-Xavier Fournier, du cégep de Sherbrooke, sciences politiques.
Bienvenue. Bon après-midi, messieurs. Merci d'être avec nous.
Donc, vous disposez de 10 minutes pour nous
présenter votre exposé, et, par la suite, il y aura un échange avec les membres
de la commission. Donc, sans plus tarder, je vous cède la parole.
Société nationale de l'Estrie
M. Boucher (Etienne-Alexis) : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. D'abord, permettez-moi de vous saluer, chers membres de la commission parlementaire de la
culture et de l'éducation, et de vous remercier de permettre à la Société
nationale de l'Estrie de contribuer à des travaux qui sont d'une importance
capitale pour l'avenir de la langue française au Québec.
D'entrée de jeu, l'organisme que nous
représentons, mon collègue et moi, tient à souligner que le projet de loi n° 96, Loi sur la langue
officielle et commune du Québec, le français, est la réforme législative du droit linguistique la plus ambitieuse depuis l'adoption de la Charte de la langue française en 1977. Par
contre, comme certains intervenants entendus à cette commission, la Société nationale est aussi convaincue
que cette loi, dans sa mouture actuelle, ne pourra pas inverser de très lourdes tendances
sociodémographiques pointant vers un déclin constant de la langue française sur le territoire.
C'est dans cet esprit qu'Antonin-Xavier
Fournier, professeur de sciences politiques au cégep de Sherbrooke, et moi-même avons humblement contribué, au nom de
la Société nationale de l'Estrie, aux travaux de la commission, des travaux qui mèneront, je l'espère, à l'adoption d'un projet de loi plus
robuste, une loi qui aura les moyens de contribuer non pas à la seule
survie d'une langue et d'une culture ultraminoritaires en Amérique du Nord
mais, surtout, à leur développement. Aussi, puisqu'il nous est impossible de
résumer l'ensemble du mémoire présenté par la société en quelques minutes,
M. Fournier et moi-même, nous nous contenterons d'en résumer les grandes
lignes.
En premier lieu, nous tenons à saluer la volonté
gouvernementale de concrétiser le principe d'exemplarité de l'État en matière
de promotion du français en faisant de cette langue la seule langue dans
laquelle seront délivrés les services aux individus, exception faite des ayants
droit, bien évidemment. Il y a là un geste concret pour faire du français une
langue utile, incontournable sur le territoire.
D'autre part, l'État pourrait aller plus loin
sur la question de la langue de la législation. Puisque le processus législatif
québécois se déroule uniquement en français, et, nous le disons, heureusement,
on devrait revenir aux dispositions originales de la Charte de la langue
française qui faisaient de la version francophone des lois la seule version
officielle de celles-ci. Certains répliqueront qu'une telle disposition
contreviendrait à l'arrêt Blaikie, 1979, ce qui
n'est pas faux. Or, cet arrêt est survenu il y a désormais plus de 40 ans.
La jurisprudence et le droit linguistique ont beaucoup évolué depuis ce
temps, et nous sommes convaincus qu'un tel jugement ne pourrait plus survenir
en 2021.
Troisièmement, la Société nationale croit que
l'application de la loi 101 au réseau collégial est la solution la plus
évidente pour contrer un phénomène de transfert linguistique pérenne
d'importance. Si le gouvernement actuel refuse d'adopter cette solution, un
moratoire sur l'octroi de nouvelles places dédiées au réseau collégial
anglophone doit être sérieusement envisagé.
Toujours en matière d'éducation, il nous semble
pertinent que le gouvernement québécois adopte un cadre national minimal devant
être respecté par les politiques universitaires liées à la promotion du
français. Actuellement, la loi oblige ces institutions à adopter une telle
politique, mais sans cadre minimal, avec, pour résultat, qu'il existe
d'immenses disparités entre celles-ci.
Enfin, nous croyons que cette question, soit la
dynamique linguistique actuelle au sein du réseau universitaire québécois,
comporte toujours d'importantes zones d'ombre. Cette situation ne peut pas être
favorable à l'adoption de solutions efficaces. C'est pourquoi la Société
nationale propose au gouvernement de mettre sur pied de véritables états
généraux sur la question. Peut-être en viendrons-nous à la conclusion que les
arguments justifiant l'application de la Charte de la langue française au
réseau collégial sont tout aussi valables pour le baccalauréat.
En quatrième lieu, la
Société nationale tient à saluer la volonté gouvernementale d'aborder la
question de la gouvernance linguistique en créant un poste de commissaire à la
langue française de même qu'un véritable ministère dédié à la question. L'une
de ces instances pourrait notamment avoir pour responsabilité d'évaluer
l'efficacité des programmes et des initiatives portant sur la langue.
L'objectif poursuivi est de s'assurer que jamais plus le Québec ne se retrouve dans la situation décrite par la
Vérificatrice générale à l'automne 2017, qui évaluait, par exemple, le
taux de succès des programmes de francisation à un famélique 3 % à
5 %. On va être généreux.
Enfin, une autre mesure structurante pourrait
être la création d'un conseil de la radiodiffusion et des télécommunications du
Québec. Un tel organe aurait l'avantage de pouvoir réglementer strictement en
fonction des besoins et des défis auxquels font face la langue française et la
culture québécoise et non pas le faire en devant aussi considérer une autre
culture... la réalité d'une autre culture, pardon, majoritaire, dont les
besoins, tout aussi valables, sont très différents, néanmoins. En plus, à
l'instar de l'immigration, la culture est un domaine pour lequel il existe un
très fort consensus québécois quant à la pertinence de rapatrier plus de
pouvoirs d'Ottawa.
Bref, la Société nationale est convaincue que le
développement et le rayonnement du français est une aventure qui comporte de
nombreux chantiers. Nous savons qu'ils sont exigeants, mais nous croyons aussi
qu'ils sont passionnants. Il faut, bien sûr, franciser les Québécois issus de
l'immigration, mais ça reste insuffisant. Il faut surtout s'assurer que les
Québécoises et les Québécois soient de véritables francophiles, que les membres
de cette nation, peu importent leurs origines, soient fiers de leur langue, de
leur culture.
Prenez l'exemple de l'art de la table. Depuis
quelques années, nous avons redécouvert la richesse et la diversité du terroir
alimentaire québécois. Les histoires à succès d'entreprises maraîchères,
brassicoles ou fromagères sont innombrables. En menant des campagnes
permanentes de promotion du français par l'entremise de concours artistiques et par l'entremise de conquêtes de
marchés économiques francophones et autres formations, d'équipes nationales
sportives, le français regagnera le coeur de ses locutrices et de ses
locuteurs, ce qui sera vital afin que notre langue puisse rayonner et émouvoir
et non simplement survivre.
Avant de laisser la parole à mon collègue,
j'affirme que le Québec se trouve à un carrefour de son histoire. Désirons-nous nous projeter dans l'avenir comme
une véritable nation, avec une culture, une histoire qui lui est propre,
ou encore accepterons-nous la fatalité, notre tranquille disparition? Osons
espérer que nous choisirons collectivement la première option, que l'avenir du
Québec se conjuguera aux paroles de la célèbre chanson d'Yves Duteil La
langue de chez nous, avec un français traversant les océans, de l'île
d'Orléans jusqu'à la Contrescarpe, plutôt qu'avec une non moins célèbre
chanson, cette fois, de Pauline Julien, Mommy, qui se termine par :
«Mommy, tell me why it's too late, much too late.» Merci.
• (14 h 10) •
M. Fournier (Antonin-Xavier) : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Merci, M. Boucher, pour votre présentation.
Je vais prendre quatre minutes pour essayer de vous résumer quelque chose que
normalement je traiterais, dans mes cours, en 45 heures. Donc, je le ferai
avec beaucoup de plaisir quand même.
D'abord, la Société nationale de l'Estrie salue,
évidemment, les initiatives du gouvernement par rapport au projet de loi n° 96, mais il y a un élément,
dans le projet de loi n° 96, qui, de notre point de vue, devrait être
davantage souligné. Il l'a été un peu au tout début, mais il ne l'est presque
plus aujourd'hui. C'est les modifications constitutionnelles qui sont amenées
par le projet de loi n° 96. On le sait, là, de brillants juristes sont
venus ici vous expliquer toute la constitutionnalité, au niveau juridique, des
modifications apportées au chapitre V de l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique de 1867 via l'article 45 de la Loi constitutionnelle de 1982.
Le Québec peut se doter, dans ses champs
juridiques, dans ses champs de compétence, de sa propre constitution. En
passant, se doter d'une constitution à l'intérieur d'un régime fédéral, là, ce
n'est pas quelque chose de nouveau. En fait, c'est une anomalie canadienne,
pour un État fédéré, de ne pas avoir sa propre constitution. La Suisse oblige,
dans sa constitution fédérale, les cantons suisses à se doter eux-mêmes de
leurs propres constitutions. Il y a une obligation légale, pour l'équivalent
des provinces suisses, de se doter de leurs propres constitutions. Au sud, ici,
de notre frontière, les 50 États américains ont leurs propres constitutions
avec leurs propres cours suprêmes. Au Canada, il y a la Colombie-Britannique
qui semble avoir une quasi-constitution. Il faudrait y revenir.
Mais la plupart des provinces canadiennes n'ont
pas leurs propres constitutions. C'est le résultat d'un amalgame. La
Constitution canadienne de 1867 est elle-même extrêmement mal faite. C'est
le résultat de sources non écrites, bon, qui
partent de la Magna Carta, en passant par le Bill of Rights, l'habeas corpus,
et qui comprennent en même temps les
quatre constitutions qu'on a eues avant 1867, donc
de 1763 à 1867, auxquelles se rajoutent les conventions,
les coutumes et les traditions britanniques. Mais le Québec lui-même comme tel,
dans ses champs de juridiction, n'a pas sa propre constitution.
Nous, on pense que, le gouvernement, c'est une
très bonne chose qu'il propose, dans le projet de loi n° 96, de modifier l'article 90 en y ajoutant 90Q.1,
90Q.2, qui affirment, en fait, le caractère national du Québec et la
particularité de la langue française. C'est une bonne chose. D'ailleurs, on
aura, là, à la SNE, quelques petites propositions, que vous pourrez lire dans
le mémoire, pour modifier, bonifier les... quelques ajouts en rapport avec
90Q.1 et 90Q.2.
Mais, sur le fond, on est profondément persuadés
qu'en modifiant simplement de cette manière-là l'article 90 on ne se rend
pas assez loin. On n'achève pas le projet initial de la Révolution tranquille
qui était de doter le Québec de son propre État. Il faut permettre au Québec de
se définir au niveau constitutionnel. Le Québec a été chassé du giron
constitutionnel canadien en 1982. Il n'y a aucun parti depuis 1982 à
l'Assemblée nationale qui n'a reconnu le coup de force...
La Présidente (Mme Guillemette) : ...
M.
Fournier (Antonin-Xavier) : Déjà? Pour vrai? Aïe! c'est fou, hein?
La Présidente (Mme
Guillemette) : On va prendre sur le temps du...
M. Fournier
(Antonin-Xavier) : Bien, j'y arrive, à la fin. Toutes mes excuses.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Allez-y, on va...
M. Fournier
(Antonin-Xavier) : Merci, M. le ministre. Il n'y a aucun parti
politique à l'Assemblée nationale qui n'a reconnu le coup de force de 1982. Le
Québec n'a pas de statut constitutionnel. On pense qu'on doit aller plus loin parce que, malheureusement...
90Q.1 et 90Q.2, c'est une bonne chose, oui, il faut se le dire, mais ça
rajoute à l'incohérence de notre constitution parce qu'on ne va pas jusqu'au
bout du processus. Ce qu'il y a d'extraordinaire, c'est qu'on réhabilite le
processus constitutionnel. C'est la première fois, depuis les années 1990,
qu'on le fait, mais on le fait, encore une fois, partiellement.
Je pense qu'il faut
aller jusqu'au bout. Il faut que le Québec se dote de sa propre constitution.
Il faut que, dans cette constitution-là, on
soit capable de parler de l'aménagement du pouvoir exécutif, qu'on regroupe les
conventions constitutionnelles dans un texte unique, bien sûr, qu'on y
incorpore les lois fondamentales du Québec de nature quasi constitutionnelle, dont fera partie la Charte de
la langue française, qu'on reconnaisse, évidemment, les valeurs de la
société québécoise et, finalement, je terminerai là-dessus, Mme la Présidente,
qu'on reconnaisse les droits des autochtones.
Je pense qu'en y
allant avec un projet qui est plus global, et c'est ce qu'on suggère au
gouvernement, on aura une étape de franchie, on pourra compléter finalement le
projet de la Révolution tranquille. Une révolution, qu'elle soit tranquille ou
qu'elle soit violente, ce n'est jamais terminé, c'est toujours permanent. Il y
a une occasion pour le gouvernement de mettre une pierre, je pense, à cet
édifice de la Révolution tranquille en adoptant pour le Québec une véritable
constitution formellement écrite.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci.
M. Fournier
(Antonin-Xavier) : Merci à vous.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Je cède la parole à M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Merci beaucoup. M. Boucher, M. Fournier,
bonjour. Bienvenue à l'Assemblée nationale.
Toujours un plaisir de vous accueillir. Je souligne également le fait que
M. Boucher est un ancien parlementaire, également, je crois, du
comté de Johnson, si je...
M. Boucher
(Etienne-Alexis) : ...l'ancien comté de Johnson, avant la réforme de
la carte électorale.
M.
Jolin-Barrette : Exactement. Vous dites, à la page 7 de votre
mémoire, que le projet de loi n° 96 est le geste le plus puissant posé par l'État québécois depuis 1977 en ce qui a
trait à la langue. Donc, pour vous, les mesures qu'il y a dans le projet
de loi n° 96 sont suffisamment larges, suffisamment costaudes pour envoyer
un signal très fort sur l'importance de la protection et de la promotion de la
langue française.
M. Boucher
(Etienne-Alexis) : Bien, en fait, ce qui est intéressant avec le projet
de loi n° 96, contrairement aux autres projets de loi qui ont porté sur la
langue depuis 1977, je pense, par exemple, au projet de loi n° 103 sur les
écoles passerelles, je pense que c'était bien le chiffre, mais, enfin, la loi
sur les écoles passerelles, c'est que... Depuis 1977, tout ce qu'on a fait,
c'est boucher des trous. Woup! Là, ça tanguait un peu là, on a renforcé un peu
la loi, mais il n'y a jamais eu de vision globale. Or, le projet de loi
n° 96 agit sur de nombreux tableaux : au niveau de l'emploi, au
niveau de l'affichage, au niveau... bon, au niveau constitutionnel, comme le
disait mon collègue. Bref, c'est un projet de loi qui embrasse très large, et
c'est dans cet état d'esprit que nous le qualifions de plus grande réforme du
droit linguistique, évidemment.
M. Jolin-Barrette : J'aimerais ça qu'on discute du cégep. Donc, dans le projet de loi, ce
que le gouvernement a édicté, c'est à l'effet qu'on vient plafonner le
nombre de places dans le réseau collégial anglophone puis également en limitant
le facteur de croissance parce qu'on croit que la langue normale des études
doit demeurer le français et on croit également
que les allophones, les francophones doivent aussi, normalement, étudier en français.
Qu'est-ce que vous pensez...
Il y a plusieurs intervenants qui sont venus avant vous, qui nous ont suggéré
d'étendre la loi 101 aux cégeps en intégralité. Qu'est-ce que vous pensez
de cette proposition?
M. Boucher
(Etienne-Alexis) : Bien, moi, je... Évidemment, la Société nationale
est en faveur, hein, même qu'on le disait, la situation est telle... Puisque
c'est... On a beaucoup appris à travers ces auditions, et la situation du français
au niveau des études postsecondaires, bon, semble telle que le fait
d'étendre... et là, après ça, je vais laisser mon collègue, mais le fait
d'étendre la loi 101 au cégep est comme une forme d'évidence. Mais la question
qu'on doit se poser, c'est : Est-ce qu'il ne serait pas nécessaire d'aller
un peu plus loin, comme le proposait, par exemple, un certain Guy Rocher, et
que ça pourrait très bien... Les arguments justifiant l'application de la
Charte de la langue française aux cégeps pourraient être tout aussi valables à
l'université.
Tu sais, il faut aussi se
rappeler que, bon, on a réussi à nous vendre qu'on était une majorité sur le
territoire du Québec, mais il faut comprendre que, à moins que je ne m'abuse,
que j'aie manqué quelque chose, là, le Québec est toujours au Canada. Or, dans
le Canada, les francophones sont tout sauf une majorité, et donc d'avoir des
lois comme la Charte de la langue française ou d'utiliser les deniers publics
pour favoriser cette culture minoritaire, ça va pas mal de soi, tu sais?
Maintenant, je laisserais mon collègue compléter sur cet aspect.
• (14 h 20) •
M. Fournier (Antonin-Xavier) : Bon,
sur la question, je vais prendre mon chapeau de professeur de cégep, là,
quelques instants, quand même, mais aussi de membre de la Société nationale de
l'Estrie.
On a une chance unique, en fait, au Québec, qui
est celle d'avoir un réseau d'études postsecondaires qui est unique, unique en
Amérique du Nord, unique au monde, probablement, dans une certaine mesure. Dans
le monde anglo-saxon, c'est-à-dire
essentiellement aux États-Unis, dans les autres provinces canadiennes, on fait
essentiellement une sixième année de
scolarisation au secondaire et, ensuite, on rentre dans une première année, à
l'université, de formation dite générale. Il n'y a pas cet entre-deux.
Et cet entre-deux-là, qui a été voulu par la
commission Parent en 1968, se voulait un peu en continuité avec ce qu'on appelait anciennement le collège
classique, c'est-à-dire une formation citoyenne qui permet, évidemment,
aux futurs citoyens, aux étudiants, aux
étudiantes de devenir engagés à l'intérieur de leur société, dans notre cas,
une société majoritairement francophone. C'est donc complètement unique.
Et on a la formation générale, essentiellement, bon, évidemment, des cours d'anglais, des cours de littérature, des cours de
philosophie et des cours d'éducation physique. C'est une construction
unique que d'avoir ces cours de formation générale pour préparer à la
citoyenneté, d'une part, et c'est une
formation unique que d'avoir le collégial à un moment précis dans l'ADN d'un
citoyen et d'une citoyenne.
Vous savez, quand on est au secondaire, dans le
monde anglo-saxon, et qu'on quitte pour l'université, forcément, on s'en va
dans une formation qui nous mène plus précisément vers le marché du travail.
Là, dans le cas du collégial, on est dans une période culturelle très intense
qui permet aux étudiants de devenir des citoyens à part entière, qui permet aux
étudiants de se faire un réseau de contacts, qui permet aux étudiants de bâtir
leur avenir collectif, pas simplement en termes de citoyenneté mais en termes culturels
aussi. Ça, ça m'apparaît fondamental pour le projet de loi n° 96.
Et je considère que, oui, de vouloir étendre, évidemment, la loi 101 aux
cégeps, en ce sens-là, c'est une bonne chose parce qu'on est à une période
charnière dans la formation des élèves, dans la formation des étudiants et que
de leur permettre, à ce moment-là précis de leur enseignement culturel et
citoyen, que... de pouvoir le faire en français, dans la culture minoritaire
mais majoritaire au Québec, ça me semble essentiel.
Le gouvernement ne semble pas vouloir aller dans
cette direction. Si jamais le gouvernement décide de conserver puis de ne pas
écouter les différents intervenants autour de la table pour appliquer la
loi 101 au collégial, je pense qu'il
devrait faire une réflexion globale, et, en ce sens-là, je m'inscrirai, là, un
peu dans la ligne de Guy Rocher, il devrait faire une réflexion globale
sur ce que sont les études supérieures.
Vous savez, les études, au Québec, elles sont
divisées en deux grands cycles, les études primaires et secondaires, d'une part, et les études collégiales et universitaires,
d'autre part, là, qui appartiennent au cycle des études supérieures. Je pense que, si le gouvernement ne
va pas dans la direction d'appliquer la loi 101... Moi, personnellement,
je serais favorable à ce qu'on applique la
loi 101, évidemment, au collégial, mais, si on n'allait pas dans cette
direction, je pense que ça va prendre une réflexion globale, de la part du
gouvernement, sur comment on doit former, dans la langue de la culture majoritaire, les étudiants des études
postsecondaires, c'est-à-dire au cycle des études supérieures.
Ça va prendre, je pense, une étude, un
commissaire, peu importe comment on le nomme, quelqu'un qui est chargé d'avoir
des pistes de solution qui vont être réservées aux études supérieures, et non
pas simplement calquer le modèle de la loi 101 comme il a été conçu pour
le cycle des études primaires et secondaires.
M. Jolin-Barrette : Une question,
M. Fournier, vous l'avez abordée et également M. Boucher, la notion
de culture. Vous avez dit : Au cégep, bon, bien, la langue française, oui,
mais c'est là également qu'on adopte une culture. Vous proposez, dans votre
mémoire, d'avoir une loi par la suite, une loi sur la convergence culturelle. Quelle
est l'importance soit d'avoir une loi sur la convergence culturelle ou d'avoir
un aspect culturel au sein de la loi... du projet de loi n° 96 lui-même?
Parce qu'on parle beaucoup d'intégration, puis il y a beaucoup d'acteurs qui
sont venus, avant vous, nous dire : Bien, écoutez, ne dissociez pas langue
et culture, et c'est vraiment important que, lorsqu'on intègre les personnes
immigrantes, notamment, on les intègre en français mais également au sein de la
culture québécoise. Alors, pouvez-vous définir ce concept-là de convergence
culturelle, et pourquoi c'est important?
M. Boucher (Etienne-Alexis) : Bien,
je vais prendre mon exemple personnel. Ma conjointe, elle est née à 6 000 kilomètres
d'ici, en France. Évidemment, elle était francophone lorsqu'elle est débarquée
ici. Est-ce que le fait d'être francophone faisait d'elle une Québécoise du
jour au lendemain? Évidemment que la réponse est non. Elle est devenue Québécoise
en vivant le Québec, en goûtant sa table, en vivant les saisons, en découvrant
son théâtre, son cinéma. Bref, elle est devenue Québécoise par l'entremise de
la culture du Québec et non pas de la langue.
La langue et une culture, c'est quelque chose
qui s'imbrique, c'est indissociable. Une langue, ce n'est pas que des mots. Une langue, c'est une vision de voir
le monde, c'est une façon de le décrire, ce monde-là. Toutes les langues
n'ont pas la même façon de décrire ce qu'est un éléphant, ou ce qu'est un scandale,
ou ce qu'est un monstre, tu sais?
Or donc, une langue, c'est d'abord et avant tout
le véhicule d'une culture. Et d'ailleurs je suis bien placé pour le vivre.
Comme président de la Société nationale, notre mission première est de
promouvoir la langue française. Or, depuis quelques années, on mise beaucoup
aussi sur l'initiation culturelle, notamment auprès des néo-Québécoises et
néo-Québécois. C'est-à-dire qu'on prend ces personnes qui ont complété leurs
parcours de francisation et qui sont donc en mesure, si
vous me permettez l'expression, de consommer de la culture québécoise,
puisqu'ils comprennent ce qui est dit dans une pièce de théâtre ou la réplique
au cinéma, et on leur fait découvrir ces formes d'art là avec pour conviction
que, s'ils goûtent au Québec, ils y prendront goût et auront le goût davantage
de non seulement en connaître plus, mais aussi de contribuer à l'enrichissement
de cette culture qui est issue, finalement, d'un mélange de nombreuses cultures
venant de partout à travers le monde.
M. Jolin-Barrette : O.K. Juste une
question avant de céder la parole à mes collègues. On vient imposer une épreuve
uniforme de français aux étudiants du collégial anglophone, dans le réseau
collégial anglophone. Qu'est-ce que vous pensez de cette mesure-là?
M. Fournier (Antonin-Xavier) : ...on
parle des non-ayants droit, là, ici, là, c'est bien de ça qu'on parle?
M.
Jolin-Barrette : Oui,
effectivement. Donc, à la fois pour les allophones et les francophones qui
choisissent d'étudier dans un collège, dans
un cégep en anglais, on impose une épreuve uniforme de français pour obtenir la
diplomation.
M. Fournier (Antonin-Xavier) : Pour
bien connaître le réseau, là, je vous dirais que c'est, en toute honnêteté, un
minimum, là, si on veut s'assurer, à tout le moins, que les non-ayants droit,
c'est-à-dire les allophones, les gens qui
sont issus des communautés de l'immigration, essentiellement, mais aussi les
francophones qui fréquentent le versant collégial anglophone... C'est
essentiel si on veut qu'ils puissent adhérer à une culture commune. Moi, ça me
semble fondamental.
Il faut savoir que l'épreuve uniforme, là, au
collégial, là, c'est quelque chose qui fonctionne très bien, là. Oui, bon, on
peut faire des critiques à l'endroit de l'épreuve uniforme, mais c'est une
épreuve qui est très bien enseignée. C'est une épreuve qui est, en général,
bien réussie par les étudiants. Et ça donne une espèce de trame narrative des
quatre cours de littérature qui sont proposés au collégial.
Je pense que c'est un minimum que les étudiants
francophones qui fréquentent le réseau anglophone et donc, majoritairement, qui
sont de langue maternelle française doivent passer, évidemment, cette épreuve
uniforme en français. Ça me semble un
prérequis minimal, dans ce compromis que semble vouloir proposer le
gouvernement, pour accepter que les francophones puissent faire le libre
choix lorsqu'arrivera le temps de faire leurs études collégiales.
M. Jolin-Barrette : Je vous remercie
pour votre présence en commission parlementaire.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Je vais céder la parole au député de Saint-Jean. Quatre minutes, M. le
député.
M.
Lemieux : Quatre minutes.
Merci beaucoup, Mme la Présidente. M. Boucher, M. Fournier, bonjour.
Vous semblez... en tout cas, pour M. Fournier, c'est clair, vous semblez
avoir été charmés, comme moi, je l'ai été, par les possibilités
constitutionnelles du projet de loi n° 96.
M. Fournier (Antonin-Xavier) : On
est trop peu.
M. Lemieux : Évidemment, ça
passionne les constitutionnalistes ou ceux qui se souviennent que l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique est au début de tout ça et puis qui essaient de
s'y retrouver là-dedans. Et c'est une occasion en or, comme vous l'avez
démontré, pour faire la promotion d'une constitution québécoise. Vous n'êtes
pas le premier, mais malheureusement vous
allez être le dernier parce qu'il n'y en aura pas d'autres, dans cette branche-là
de la société qui vont venir nous parler, à faire ce plaidoyer-là. Je vous
soumets que ce n'est pas la place, mais c'était une belle occasion. C'est une
merveilleuse occasion, et je pense que ça a contribué beaucoup au reste... puis
c'est là que je voulais en venir, au reste du débat, parce que la langue, c'est
tout. Tout est dans tout, comme je dis souvent, et, forcément, à partir du
moment où on ouvre ce tiroir-là, il déborde vite.
Je voulais vous parler de la perception de
l'Estrie. Vous êtes de l'Estrie. Et j'en parlais, hier, avec d'autres témoins.
Les gens des régions... Mais vous, vous n'êtes pas une région, qu'on disait, à
l'époque, éloignée, qu'on appelle maintenant excentrée, là. Les gens des
régions ont souvent le réflexe de dire : Ah! bien, ça, c'est à Montréal,
ça, nous autres, on n'a pas ces problèmes-là, mais ça nous fait peur de voir
comment ça se passe à Montréal, le français. Mais l'Estrie, c'est particulier,
alors, parce qu'il y a une histoire, d'abord, puis ensuite il y a la proximité.
Si je vous demandais de me faire un portrait
de... Quand on parle de déclin du français au Québec, est-ce que c'est
proportionnel, entre guillemets, en Estrie?
M. Boucher (Etienne-Alexis) :
Écoutez, là, vous me posez une question au-delà de mes compétences en ce sens
que je n'ai pas de donnée sociodémographique qui porte sur l'Estrie même.
Par contre, on sait que, notamment, dans les
études de l'Office québécois de la langue française, je prends, par exemple,
aux chiffres liés aux entreprises, c'est impossible qu'il n'y ait pas déclin...
qu'il n'y ait déclin que pour la seule ville de Montréal. Autrement dit, il y a
un déclin partout au Québec, et, nécessairement, l'Estrie, étant située à à
peine 100 kilomètres de Montréal, le vit.
• (14 h 30) •
M. Lemieux :
J'ai mal posé ma question. Est-ce que vous êtes inquiet chez vous, vous, de ce
que vous sentez dans votre vie à vous? C'est
anecdotique, mais, en même temps, ça nous amène tous, à quelque part, à se
poser la question. Puis je veux savoir si vous, vous aviez votre
réponse.
M. Boucher (Etienne-Alexis) :
Bien, je ne suis pas nécessairement inquiet pour l'Estrie. Ce que je suis
inquiet, c'est pour le Québec, hein? Ce qu'on est en train d'assister, à mes
yeux... Je fais... Des fois, évidemment, les parallèles peuvent toujours être
boiteux, mais je trouve que, ce qui se passe avec... à Montréal et le Québec,
on peut faire un parallèle avec Bruxelles et la Flandre. Bruxelles était sur le
territoire flamand. Or, aujourd'hui, Bruxelles n'est pas flamande, c'est une
ville francophone. Et, bref, la Flandre a perdu sa métropole. J'ai
effectivement crainte de perdre Montréal.
M. Lemieux : On va faire le
parallèle aussi avec les francophones du reste du Canada en terminant la
journée, et ça aussi, ça va être intéressant. Moi, je les appelle les canaris
dans la mine.
Mme la Présidente, est-ce qu'il reste au moins
une minute pour le député de Richelieu? Même pas? Alors...
La Présidente (Mme Guillemette) :
30 secondes.
M. Lemieux : Alors, je vous en
dois une, M. le député de Richelieu. Désolé. Et je voulais, en terminant, dire,
en parlant, justement, des canaris dans la
mine, qu'on est tous inquiets de Montréal, là. Bon, forcément, le
bilinguisme, il est plus évident.
Est-ce qu'en Estrie on se plaint ou on entend
beaucoup — encore
là, c'est anecdotique — qu'il
y a des emplois qui sont étiquetés bilingues, qui n'auraient pas besoin de
l'être, ou il y en a trop?
M. Boucher (Etienne-Alexis) :
Tout à fait. J'ai moi-même usé du service de plaintes de l'Office québécois de
la langue française puisque j'avais été alerté...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci, M. Boucher.
M. Boucher
(Etienne-Alexis) : ...de la présence d'offres d'emplois qui
demandaient l'anglais sans le justifier.
M. Lemieux : Merci, messieurs.
La
Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup, M. Boucher. Je cède la parole à ma collègue la
députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Merci, Mme la
Présidente. MM. Boucher et Fournier, bonjour. Écoutez, vous êtes la
deuxième Société Saint-Jean-Baptiste, pour ne pas dire la troisième. Le MNQ est
venu comme organisme parapluie, j'imagine, SSJB et vous. Je comparais les trois
mémoires et je me disais : Mon Dieu! En fait, la bonne nouvelle est que
vous vous entendez pas mal bien sur l'ensemble des points à traiter, mais
beaucoup, beaucoup de points sont identiques. Et c'est des concepts dont on
parlait peut-être moins avant, dont la convergence culturelle, mais beaucoup
d'autres, les municipalités, les cégeps, la langue...
Mais je vais vous... Je vais vous demander une
chose. Est-ce qu'il y a des points, vous, sur lesquels vous aimeriez plus
particulièrement attirer notre attention, des points, peut-être, comme disait
le député de Saint-Jean, plus régionaux ou des spécificités, des angles que
vous avez traités, que vos collègues n'ont pas abordés?
M. Boucher (Etienne-Alexis) :
Bien, on l'a... on en a souligné durant notre intervention. Je voudrais simplement
vous dire, Mme la députée, avec tout le respect que j'ai pour vous et votre
fonction, cette remarque-là, je ne l'ai entendue que vis-à-vis
Me Rousseau, entre autres, et la SSJB de Montréal. Je n'ai jamais entendu
quelque reproche que ce soit de fait aux Townshippers, alors que le Québec
Community Network Group, dont ils font partie, avait été aussi présent en commission
parlementaire. Ou encore, vous n'allez quand même pas reprocher à la ville de Montréal
d'être ici, alors que l'Union des municipalités, qui les regroupe, avait aussi
contribué à ces travaux.
Je terminerais simplement en disant qu'aussi la
liste des groupes et des personnes qui sont entendus en commission parlementaire font
l'objet de négociations entre les leaders des différentes formations politiques. S'il y
avait une forme d'insatisfaction quant à
l'identité des groupes présents, entendus à cette commission,
peut-être que certaines questions peuvent être
posées à votre leader. Mais...
Mme David : Écoutez, je vous
remercie de vos commentaires, mais loin de moi l'idée de vous faire un
reproche. Je demandais s'il y avait... Absolument pas.
M. Boucher (Etienne-Alexis) :
Oui, oui. Non, non, mais on s'entend, là, ce n'était pas la première fois, là.
Mme David : Et puis... Et je
demandais simplement à savoir s'il y avait des points différents sur lesquels vous vouliez apporter ou donner un complément ou
quelque chose de différent, parce que, justement, sinon, je pourrais
vous reposer les mêmes questions qu'on a posées aux collègues antérieurs.
M. Fournier
(Antonin-Xavier) : ...en fait, c'est le projet de doter le Québec
d'une constitution et d'aller beaucoup plus loin que l'article 90.
Mme David : Oui, bien, j'allais
aller là-dessus.
M. Fournier (Antonin-Xavier) :
Ça, vous n'avez pas entendu parler de ça dans aucune autre intervention de la
part du groupe parapluie qu'on représente.
Mme David : Non, mais ce que
je... On en a entendu parler de d'autres, par contre, puis effectivement, comme
disait le député de Saint-Jean, c'est quelque chose qui n'avait pas été abordé
beaucoup. Ça a été abordé dès les années 60, là, mais disons que ce
n'était pas...
M. Fournier (Antonin-Xavier) :
...lui-même, d'ailleurs.
Mme David : Voilà, et qui avait
mandaté Paul Gérin-Lajoie à un moment donné, etc. Donc, on remonte quand même à
assez loin. Et là ça revient peut-être plus, et c'était ma prochaine question.
Alors, vous allez... Je suis contente, on est sur la même longueur d'onde.
Donc, dans les modifications constitutionnelles,
ce que je me demandais... Parce qu'on a eu plusieurs propositions de mettre
toutes sortes de choses, et un qui n'est pas réputé nécessairement
indépendantiste, Benoît Pelletier, qui se dit...
M. Fournier
(Antonin-Xavier) : ...dans le mémoire abondamment, dans notre mémoire,
là, soit dit en passant.
Mme David :
Effectivement, effectivement. Mon Dieu, oui, très bien. Alors, Benoît
Pelletier, qui dit : On pourrait mettre telle chose, telle chose,
telle chose. Ça fait des années qu'il écrit sur la possibilité de rédiger une
constitution. Donc, là-dessus, vous êtes d'accord.
Mais est-ce que je dois comprendre... Parce que
vous dites dans votre mémoire que ce serait un projet comme en... la convergence culturelle, vous dites : Il faudrait
qu'il y ait un projet de loi sur la convergence culturelle en parallèle
ou la loi n° 96. Pour la constitution, c'est moins
clair. Est-ce que vous mettriez tout ça dans les 90Q, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8,
ou ce serait une loi constitutionnelle à côté, comme ont proposé d'autres
intervenants qui sont venus ici?
M. Fournier (Antonin-Xavier) :
Bien, écoutez, là, moi, je pense que ça prend une constitution pour le Québec
qui est formelle. Est-ce que ça doit passer par l'article 90 du
chapitre V de la Loi constitutionnelle de 1867 ou si ça doit passer par un
autre texte? Dans tous les cas, il va falloir que ça passe par
l'article 45 de la Loi constitutionnelle de 1982, là. Ça, ça me semble
incontournable. Là, j'essaie... Là, vous me posez la question,
simplement : Est-ce que ça doit passer par le chapitre V ou à
l'extérieur du chapitre V?
Mme David : Même un expert, entre
autres, est venu dire que c'était peut-être comme la charte des droits et libertés du Québec, pas besoin d'aller à travers
la constitution. C'était Jean Leclair, je pense, ou Hugo Cyr qui disait
ça.
M. Fournier (Antonin-Xavier) : Ah!
non, ça, non, attention. Non, ça, je vais répondre à cette question-là. Dans tous les cas, là, que ce soit via 45 de la
Loi constitutionnelle de 1982, que ce soit à travers une procédure
législative normale, il faut doter le Québec d'une constitution formellement
écrite justement pour régler cette problématique-là d'avoir de multiples lois
supralégislatives qui sont éparses à l'intérieur de notre constitution, parce
que, soit dit en passant, je ne vous apprendrai rien, là, le Québec a déjà une
constitution, là, hein? On n'a pas pas de constitution au Québec, sauf qu'on n'a pas une constitution
formellement écrite, ce qui amène son lot d'interprétations, là, et,
surtout, ce qui amène une forme d'incohérence constitutionnelle.
Mme David : Donc, je comprends que
ce que vous proposez, c'est quelque chose en parallèle au projet de loi
n° 96.
M. Fournier (Antonin-Xavier) : Ah!
tout à fait.
Mme David : C'est une suggestion au
ministre de la Justice, on pourrait dire, dans ce cas-ci... de dire : Ça
pourrait être une bonne idée.
M. Fournier (Antonin-Xavier) : Bien,
c'est-à-dire, ce qu'on dit, c'est que le projet de loi n° 96 participe à
l'incohérence constitutionnelle canadienne et québécoise en y ajoutant une
tranche de plus parmi ce méli-mélo, en suivant une procédure, celle de chapitre
V, via l'article 45, qui pourrait constituer une constitution globale mais qui,
là, ne le fait pas, parce qu'il s'arrête à dire que le Québec forme une nation
dont la langue principale est le français. Il faut aller plus loin que ça.
Donc, oui, ça s'adresse au ministre de la
Justice, bien sûr, mais, dans le cadre du projet de loi n° 96, ce qu'on
dit, c'est que le projet de loi n° 96, il participe au méli-mélo de
l'incohérence constitutionnelle. Ça, c'est très important de le souligner.
Mme David :
Oui, mais, comme dit le député de Saint-Jean, peut-être qu'on n'en a jamais
autant parlé.
M. Fournier (Antonin-Xavier) : Ah!
bien, tant mieux, c'est une bonne chose. Moi, j'avais l'impression qu'on
n'avait pas assez parlé, y compris dans la commission parlementaire sur le projet
de loi n° 96.
Mme David : Ah! bien, moi, je trouve
qu'on en a quand même pas mal parlé, plus que prévu. Donc, ce que vous... Je
vais rester dans ça, parce que vous allez, à la page 10 et 11, dans la
langue de la justice et vous dites qu'on pourrait, et là je veux bien
comprendre votre proposition... vous ne dites pas nécessairement que le projet
de loi n° 96 devrait obliger tous...
que la seule langue parlée dans les tribunaux, les procès, les jugements...
mais toutes les procédures seraient uniquement en français. Je ne pense
pas que c'est ça que vous voulez dire.
Je veux juste être sûre, parce que vous dites,
je vais juste terminer comme ça, vous pourrez répondre à l'ensemble, vous
parlez qu'on peut modifier unilatéralement l'article 133 de la Loi
constitutionnelle de 1867 parce que ça a été
fait dans un... bon, dans l'affaire Montplaisir. Là, je ne suis pas sûre de
comprendre, parce que tous les gens qui nous ont parlé de l'article 133,
là, c'était ultra, supra, mégalégislatif, prenons tous les adjectifs, et là je
veux être sûre de ce que vous proposez à la page 11.
• (14 h 40) •
M. Boucher (Etienne-Alexis) : En
fait, ce qu'on dit, c'est qu'avant le projet de loi n° 96
le statut de langue officielle pour le français au Québec n'était que de la poudre
aux yeux. Il n'y avait... C'était... Il n'y a aucun pays au monde dont... Par
exemple, vous prenez les tribunaux. Il y a des jugements rendus qui ne sont pas
disponibles dans la langue officielle du même pays. C'est impossible. Autrement
dit, on a constaté, par l'entremise d'une étude qui a fait finalement l'objet
de la publication d'un livre, Restaurer le français langue officielle...
on a constaté que, lorsque le français était comparé aux autres langues
officielles à travers le monde, il ne répondait pas aux mêmes critères.
Alors, évidemment, on ne va pas jusqu'à proposer
qu'il ne puisse pas y avoir de plaidoirie en anglais ou dans la langue que les
gens choisiront, mais ce qui est important, par exemple, c'est que les
tribunaux ne puissent pas produire de jugement sans que ce jugement-là soit
disponible dans la langue officielle. À un moment donné, un statut comme le
statut de langue officielle, il faut l'incarner.
Même chose pour la langue de la législation.
Nous pensons que Blaikie est un jugement qui est survenu dans un environnement
juridique qui ne correspond plus à la
réalité d'aujourd'hui, d'où notre conviction que ce jugement-là
ne pourrait plus survenir en 2021. Il faut quand même le faire, là, partir d'un
133, puis dire que les lois doivent être imprimées et publiées dans les deux
langues, et prendre ces mots-là, puis de dire, woups! le français et l'anglais
sont sur le même statut. Comment dire, c'est une interprétation extrêmement
large de ce que veut... de ce qui est écrit dans 133, alors que, depuis
40 ans, en matière de jurisprudence linguistique, ce qu'on a fait, c'est
qu'on a pris les lois et on les a interprétées de manière toujours plus
restrictive. Donc, on a fait le contraire, depuis 40 ans, de la méthode
employée par Blaikie, d'où notre conviction que Blaikie ne pourrait plus
survenir en 2021.
Mme David : Alors, peut-être que ce
sera un jour testé.
M. Boucher (Etienne-Alexis) :
Peut-être.
Mme David : Je vais vous amener sur
les cégeps. Là aussi, je vais reprendre un ancien chapeau, plusieurs anciens chapeaux. La question qui me venait,
c'est... Parce que je ne veux pas passer tout le temps à parler de
structure, mais, si... quand vous parlez du réseau collégial — je
pense, c'était vous, M. Fournier, qui parliez plus de ça — vous
disiez, puis effectivement avec raison, l'Ontario et les autres, bon, c'est une
sixième secondaire, une première année générale qu'on appelle U0 à McGill, etc.
Alors, est-ce que vous seriez à l'aise que le collégial, si on le mettait avec
le... sous la loi 101, disons, sous le régime de la loi 101, serait
comme un mélange qui n'appartiendrait peut-être plus à l'enseignement
supérieur, qui appartiendrait peut-être à un entre-deux?
M. Fournier (Antonin-Xavier) : Je
vois très bien où vous voulez en venir, là, puis ça me fait sourire, parce
que... Je connais la finesse de votre analyse quant au régime des études
supérieures aux Québec, là, bien sûr. La réponse
à ça, c'est : Techniquement, évidemment, je ne pense pas que ce serait une bonne chose
que le réseau collégial n'appartienne plus aux études supérieures.
Et vous avez raison, en toute honnêteté, là,
Mme David — je
sais que je devrais normalement l'appeler par son titre, là, mais le nom de sa circonscription
m'échappe, vous m'excuserez, Mme la Présidente — vous avez raison qu'il
y a là une possibilité de glissement. Ce que vous soulignez là, c'est juste.
C'est-à-dire que c'est vrai que, si on applique formellement la loi 101 au
collégial, à moins qu'elle ne soit appliquée ensuite au baccalauréat, ce qui
pourrait être le cas, ce qui est la suggestion de Guy Rocher, soit dit en
passant... Parce que la différence entre le collégial et le baccalauréat, il
n'est pas très grand en termes de, comment on appelle ça, là... en termes de
projet de fin d'études, là, hein, de finalité de diplomation.
Mme David : Bien, c'est quand même
trois ans de plus.
M. Fournier (Antonin-Xavier) : Oui.
Non, non, je suis d'accord, mais, en termes de profil de sortie, quand on est
au collégial, on peut quand même sortir vers, directement, le marché du
travail, exactement, lorsqu'on termine le bac... lorsqu'on prend, par exemple,
le secteur technique ou encore on est dans le préuniversitaire.
Ce que je veux dire par
là, c'est que vous avez raison. En toute honnêteté, il y a un risque de
glissement là si on fait simplement appliquer techniquement la loi 101 au
réseau collégial. De mon point de vue à moi, si on fait ça, il va falloir le
faire dans une réflexion globale où on va aussi réfléchir à l'application de la
loi 101 à l'université.
La
Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup. Merci, Mme la députée. Je céderais maintenant la
parole au député des Îles-de-la-Madeleine. M. le député.
M. Arseneau : Merci beaucoup. Mme la
Présidente, est-ce qu'il est possible de récupérer le temps laissé sur la table
par ma collègue députée de Québec solidaire, qui est absente?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Est-ce qu'il y a consentement pour transférer le temps de Mme la députée de
Mercier?
Des voix : ...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, tout le monde. Donc, consentement. M. le député, vous pouvez y aller.
M. Arseneau : C'est un sujet qui
nous intéresse. Merci, Mme la Présidente. Merci à mes collègues de nous permettre ces deux minutes supplémentaires.
Messieurs, j'aimerais d'abord rentrer dans le vif du sujet. Merci de
votre présentation.
Pour ce qui est de l'application de la
loi 101 au cégep, ce que je comprends, c'est que vous y seriez favorables. C'est une question d'environnement
francophone, évidemment, là, étudier, découvrir, je dirais, là,
passer... ce passage important, là, en français, mais est-ce que ça a trait
aussi au programme, c'est-à-dire la formation générale, les cours de français, de littérature, de philosophie, et tout ça?
Est-ce que c'est non seulement l'environnement francophone, mais
également ce qu'on y apprend? En fait, parce qu'on parle souvent de
l'environnement francophone dans les corridors, mais, la matière aussi, est-ce
qu'elle est importante, celle qu'on enseigne en français, pour créer cet esprit
linguistique culturel?
M. Fournier (Antonin-Xavier) : Ah!
bien oui. La réponse à ça... M. le député des Îles-de-la-Madeleine, c'est bien
ça?
M. Arseneau : Oui.
M. Fournier (Antonin-Xavier) : M. le
député, la réponse à ça, c'est assez simple. Oui, effectivement, par les cours
de philosophie, par les cours de littérature, notamment, on apprend
spécifiquement et on baigne spécifiquement, dans une période intense de notre
vie, dans la culture québécoise, et ça a un impact, je pense, ensuite sur notre manière d'approcher le marché du
travail, directement. Donc, il pourrait y avoir une forme de
transférabilité, entre guillemets, là, entre le fait de passer dans un cégep
francophone et l'impact que ça aura sur notre manière de vivre dans la société québécoise
par après, entre autres à cause des cours de philosophie et de littérature,
encore plus, évidemment, que des cours d'anglais ou des cours d'éducation
physique.
M. Arseneau : D'accord. Et, quand
vous parliez tout à l'heure du fait que, si le gouvernement décidait de ne pas
aller jusque-là, il... On doit, de toute façon, faire une réflexion. Vous
parlez de... même dans votre mémoire, je pense, éventuellement, de faire...
déposer un livre blanc. En fait, ça, c'est tant pour le cégep que pour
l'université?
M. Fournier (Antonin-Xavier) : Oui.
Jusqu'à maintenant... Puis j'étais content que Mme David le souligne
tantôt. Jusqu'à maintenant, on pense simplement faire le calque de la
loi 101 pour l'amener jusqu'au cégep. C'est ce qu'on propose. C'est une bonne chose, mais ça ne doit pas nous épargner
un débat global sur l'enseignement du français dans le cycle des études supérieures,
qui sont formées des études collégiales et des études universitaires.
Un étudiant ou une étudiante qui suit ses études
en médecine à l'Université de Sherbrooke n'apprendra pas du tout le même bagage
culturel. Et on est à l'université, là, M. le député des Îles-de-la-Madeleine.
On est à l'université, on est dans une formation de pointe, universitaire. Il
n'apprendra pas du tout le même bagage culturel qu'un étudiant ou un résident
en médecine qui est formé à l'Université McGill. C'est deux mondes complètement
différents. Vous demanderez à des gens. Peut-être que le député... J'essaie d'y
penser, là, rappelez-moi-le, déjà.
Une voix : ...
M.
Fournier (Antonin-Xavier) : La Pinière, oui. Peut-être que M.
le député de La Pinière aurait une opinion bien-pensante
là-dessus. Je serais intéressé de l'entendre, d'ailleurs.
Mais il y a une formation complètement différente, et donc il ne faut
pas exclure non plus la réflexion globale sur les études supérieures.
Et donc, oui, appliquer la loi 101, c'est
un modèle, mais réfléchissons d'abord sur l'enseignement du français, parce que
les problèmes qu'on vit en français au collégial vont être les mêmes qui vont
se répercuter ensuite au bac universitaire ou dans les premiers cycles
universitaires.
M. Arseneau : D'accord.
Vous avez parlé tout à l'heure du fait que le projet de loi était... en fait,
embrassait très large et que c'était positif, à vos yeux, mais ce que je
comprends, c'est qu'il ne va pas assez loin. Ma question, très
précisément : Est-ce que vous avez le sentiment que ce projet de loi là
nous permettra d'inverser la tendance au déclin, là, de l'usage de la langue française
dans la société québécoise?
M. Boucher (Etienne-Alexis) : Bien,
je pense que je l'ai dit d'entrée de jeu que, malgré son caractère des plus
ambitieux, dans sa mouture actuelle, le projet de loi se doit d'être amélioré
pour se donner uniquement des chances de réussir à inverser des tendances
linguistiques très lourdes.
Et ce projet de loi en soi ne sera pas
suffisant. On a parlé d'une loi sur la convergence culturelle et on a parlé du
caractère supralégislatif de la Charte de la langue française. Pourquoi? Pour
que l'ensemble des politiques et autres lois qui seront adoptées par le gouvernement
du Québec répondent ou, du moins, ne vont pas à l'encontre des objectifs fixés
par la Charte de la langue française.
Autrement dit, ça va prendre un effort tous
azimuts, dont, évidemment, la Charte de la langue française. Et le projet de loi
n° 96, qui vient la renforcer, est une pièce
maîtresse, mais qui ne peut être la seule pièce qui permettra à cette nation
ultraminoritaire que sont... qu'est la nation québécoise de perdurer ou de se
pérenniser.
M. Arseneau : Est-ce que j'ai encore
quelques...
La Présidente (Mme Guillemette) :
40 secondes.
M. Arseneau : 40 secondes. Rapidement,
sur les municipalités à statut bilingue, vous voudriez que, pour conserver ce
statut-là, on fasse appel aux électeurs de la municipalité, si je comprends
bien, là, par référendum.
M. Boucher (Etienne-Alexis) : Et
d'ailleurs vous me permettez de répondre en partie à la question de
Mme David, que je n'ai pas eu le temps de faire. C'est une de nos
distinctions. Oui, on veut la majorité qualifiée, mais, en même temps, pour avoir été conseiller municipal aussi, tu es très proche de ton monde,
contrairement, souvent... par exemple,
lorsqu'on siège à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des communes, on les
croise moins fréquemment. Et on pense qu'étant donné l'extrême proximité
entre les élus et les citoyens, bien, des fois, on peut prendre des décisions
qui... disons, pour acheter la paix. On pense important que les citoyens
puissent avoir droit de regard sur la décision que prendront les élus quant au
statut bilingue.
M. Arseneau : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup de votre présence aujourd'hui, messieurs.
Donc, la
commission suspend ses travaux quelques instants, le temps d'accueillir nos
nouveaux invités. Merci.
(Suspension de la séance à 14 h 50)
(Reprise à 15 h 38)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, bienvenue. La commission reprend ses travaux. Merci d'être avec nous cet après-midi.
Donc, nous avons avec nous présentement la Fédération
des communautés francophones et acadiennes, donc, avec Mme Liane Roy,
présidente, et M. Alain Dupuis, directeur général. Donc, merci d'être
ici.
Vous aurez 10 minutes pour votre
présentation, et il y aura par la suite un échange avec les membres de la
commission. Donc, sans plus tarder, je vous cède la parole.
Fédération des communautés francophones et acadiennes
(FCFA)
Mme Roy (Liane) : Merci. Mme la
Présidente, M. le ministre, membres de la commission, je tiens à vous remercier d'avoir invité la FCFA à comparaître aujourd'hui. C'est la première fois depuis longtemps que la fédération a l'occasion de
s'exprimer devant une commission de l'Assemblée nationale du Québec, et nous
sommes très heureux de le faire.
Je commence
par vous transmettre les salutations solidaires des Acadiens et des Acadiennes,
des francophones de l'Ontario et du Manitoba, des Fransaskois et
Fransaskoises, des francophones de la Colombie-Britannique, du Yukon, des
Territoires du Nord-Ouest, du Nunavut et de Terre-Neuve et du Labrador. C'est
un peu pour ça que nous sommes ici, par solidarité pour l'affirmation et la
protection du français et dans une volonté de rapprochement réciproque avec le Québec.
À cet égard, vous n'êtes pas sans savoir qu'en
juin dernier le gouvernement du Québec et la FCFA ont tenu conjointement le
Sommet sur le rapprochement des francophonies canadiennes. Cet événement en
mode virtuel était l'aboutissement de trois
années de travail pour justement fonder de nouvelles relations, renforcer les
liens qui existent et en créer d'autres. Cette volonté de rapprochement
trouve son expression également dans le projet de loi n° 96,
et nous nous en réjouissons.
À
notre connaissance, c'est la première fois qu'un projet de loi aussi majeur sur
la langue française au Québec mentionne dès le préambule les liens avec les
communautés francophones et acadiennes. Merci.
Ce préambule exprime
aussi une volonté de jouer un rôle de leadership en francophonie. Ce rôle, nous
encourageons le Québec à l'assumer de manière rassembleuse, en consultations
avec nos communautés et, surtout, à toutes les tables fédérales, provinciales,
territoriales auxquelles il siège, qu'il s'agisse du Conseil de la fédération,
du Conseil des ministres en Éducation du Canada ou de la conférence des
ministres de la francophonie canadienne. Le Québec peut faire une réelle
différence lorsqu'il s'exprime non seulement comme gouvernement, mais aussi au
nom des intérêts des francophonies canadiennes. Le Québec peut aussi faire une
différence tangible par son engagement à identifier à même la politique
linguistique de l'État les occasions dont un organisme de l'administration
québécoise peut se saisir pour faire rayonner le français et tendre la main
auprès des communautés francophones et acadiennes.
• (15 h 40) •
À
date, les collaborations et partenariats entre le gouvernement du Québec et nos
collectivités ont principalement transité par le Secrétariat du Québec
aux relations canadiennes. Engager d'autres ministères et agences dans une
relation renouvelée avec les francophonies des autres provinces et territoires
peut avoir un effet levier très important, à la condition qu'ils intègrent dès
leur départ à leurs politiques et programmes futurs des mesures précises
reflétant l'intention de rapprochement manifestée par le gouvernement.
Le projet de loi n° 96 ouvre aussi la porte à l'élimination des droits de
scolarité supplémentaires pour ceux et celles qui étudient dans un établissement
collégial ou universitaire québécois, à condition que le programme ne soit pas offert en français dans leur province ou
territoire d'origine. Prenons ce geste
pour ce qu'il est, une manifestation fort appréciée de solidarité avec la jeunesse francophone, pour qui, souvent, les possibilités en matière d'études
postsecondaires en français sont limitées.
Il faut concilier ici
deux impératifs. D'une part, ne pas limiter indûment les choix des jeunes
francophones mais plutôt encourager leur détermination à poursuivre leurs
études en français jusqu'à l'obtention de leur diplôme. D'autre part, nous
sommes naturellement sensibles à l'impact que pourrait avoir cette mesure sur
les institutions postsecondaires
francophones de nos provinces et territoires, déjà aux prises avec des
difficultés sérieuses. Vous n'êtes d'ailleurs
pas sans savoir que, devant l'urgence d'agir, des états généraux sur le
postsecondaire en contexte francophone minoritaire ont débuté le
22 septembre dernier et se dérouleront jusqu'au mois de mars 2022.
La FCFA recommande
que le libellé de l'article 29.6 du projet de loi spécifie que cette
mesure se fait en consultations avec les
organismes représentant la jeunesse francophone en milieu minoritaire ainsi que
les institutions postsecondaires de nos collectivités. Elle recommande
aussi qu'une évaluation périodique d'impact soit intégrée à cette mesure.
Passons maintenant
aux impacts politiques et juridiques potentiels du projet de loi n° 96. Il
est du devoir de la FCFA de s'adresser à ces impacts, et elle le fait de
manière factuelle et constructive. Pour la FCFA, que le Québec forme une nation et que le français en soit la
langue officielle, cela est un fait bien établi et cela va de soi. D'autre
part, il est clair que l'Assemblée nationale
dispose des pouvoirs pour enchâsser ces caractéristiques dans la Loi
constitutionnelle de 1867. Cela dit, si le
Québec choisissait, pour atteindre ce même résultat, d'entamer un dialogue
élargi avec le gouvernement fédéral,
cela pourrait renforcer l'esprit collaboratif au sein de la fédération en
matière de langue, notamment avec les autres provinces et territoires.
Soyons clairs, l'enchâssement constitutionnel de ces deux caractéristiques
fondamentales du Québec est un objectif plus
que légitime. La FCFA suggère simplement une façon d'y arriver qui pourrait
être bénéfique pour la protection du français au Québec et sur
l'ensemble du territoire.
Notre mémoire inclut
également quelques commentaires sur l'usage de clauses dérogatoires. Il ne
s'agit pas ici d'un jugement sur les dispositions à cet égard dans le projet de
loi n° 96 spécifiquement, mais notre rôle, comme organisme de la société civile, nous impose de rappeler qu'un mécanisme conçu à l'origine pour des cas
exceptionnels est utilisé de plus en plus
fréquemment par des gouvernements provinciaux et territoriaux. Il y a un potentiel
d'affaiblissement des régimes des droits de la personne auquel il faut porter
attention.
Enfin, notre mémoire
s'adresse également au potentiel que le projet de loi n° 96, par les
pouvoirs qu'il confère au ministre de la Langue française et au commissaire de
la langue française, produise d'autres situations où le Québec et nos
communautés se retrouvent en opposition devant les tribunaux, notamment en ce
qui a trait aux droits linguistiques scolaires. La FCFA reconnaît le droit du Québec
de prendre les mesures qui s'imposent pour protéger le français sur son
territoire, y compris lorsque cela signifie des interventions en justice, mais,
au nom du rapprochement et de la solidarité, il serait utile, voire important
de prévoir des mécanismes de communication entre le Procureur général du
Québec, la FCFA et ses communautés lorsque l'État québécois prévoit intervenir
dans une cause pouvant avoir un impact sur les droits linguistiques des
communautés francophones et acadiennes.
Mme la Présidente, M.
le ministre, membres de la commission, au fil du temps, il est arrivé trop
souvent que les communautés francophones et acadiennes soient perçues comme
n'appuyant pas les gestes d'affirmation du Québec. Je suis ici aujourd'hui pour
vous dire que la FCFA soutient entièrement l'intention du projet de loi n° 96 de renforcer et protéger le français, langue
officielle et commune du Québec. Nous connaissons trop bien la fragilité de
notre langue, nous savons trop bien à quel point il faut toujours demeurer
vigilants. Autant les crises linguistiques qui
ont secoué nos communautés en 2018 ont créé une vague de solidarité au Québec,
autant le recul du français dans l'espace public à Montréal interpelle
nos communautés.
Des différends
politiques ou juridiques peuvent surgir entre nous, c'est normal, mais ne
laissons pas ces différends freiner notre volonté d'affirmation de la langue
française sur l'ensemble du territoire canadien. Le projet de loi n° 96,
tout comme le Sommet sur le rapprochement des francophonies canadiennes, campe
des principes forts à notre action commune et à notre solidarité, au premier
chef, que l'avenir du français repose sur nos efforts. Je vous remercie de
votre attention.
La
Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup. Donc, nous allons
débuter la période d'échange avec M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. Mme Roy, M. Dupuis, bonjour. Merci
de participer aux travaux de la commission parlementaire. On est très
heureux de votre présence.
D'entrée de jeu, je
dois vous dire que ce que j'ai voulu illustrer dans le projet de loi n° 96, c'est le nécessaire devoir de solidarité des
Québécois et des Québécoises envers les francophones hors Québec et envers les
Acadiens. Je crois que le Québec, à
l'intérieur de la francophonie canadienne, doit jouer son rôle et doit être
solidaire des différentes communautés. Et le Québec va le faire et veut
le faire également.
Ma collègue la
ministre responsable de la Francophonie canadienne, vous l'avez dit, a organisé
un sommet, tout ça, et on est en action justement pour faire en sorte de
valoriser, de promouvoir le français, mais, surtout, dans les différentes communautés au Canada. C'est fort
important. Et, vous l'avez bien dit, au fil de l'histoire, parfois, il y
a eu un manque de solidarité, quoique le Québec, historiquement, a fait siens
les combats, également, des communautés, et on parle, dans l'histoire, on peut
penser... d'Honoré Mercier, d'Henri Bourassa, de plusieurs personnages. Alors,
je suis heureux que l'on retrouve avec le projet de loi n° 96
cet esprit.
Je souhaite aborder
avec vous la question de la modification constitutionnelle à l'article 159
du projet de loi. Vous dites que vous êtes en accord que le Québec affirme que
les Québécoises et les Québécois forment une nation et que la langue officielle du Québec, c'est le français, mais vous nous
dites : Écoutez, quoique ce soit légitime d'utiliser
l'article 45 et légal, on préférerait que vous utilisiez l'article 43
pour avoir une négociation bilatérale avec le fédéral, et ce, et vous me corrigerez, là, j'essaie d'illustrer les propos, par
crainte des réactions des autres États fédérés, des autres provinces au
Canada. Est-ce que je me trompe?
• (15 h 50) •
Mme Roy
(Liane) : M. le ministre, non, vous ne vous trompez pas.
Effectivement, c'est un peu notre crainte, comme vous l'avez dit. On a trop vu
dans le passé, quand on utilise un petit peu plus de force, disons, que ça peut
éclabousser un peu partout.
Mais, pour le cas de
la Constitution, pour nous, c'est important de le faire en pensant aux autres
régions et aux autres provinces et territoires. Donc, je vais laisser à
M. Dupuis, notre directeur général, de vous donner plus de détails sur
cette réponse-là.
M. Dupuis
(Alain) : Oui, bien, je pense, pour nous, ce qu'on suggérerait, c'est...
Évidemment, on reconnaît le droit de l'Assemblée nationale de modifier sa
partie de la Constitution. Ça, ce n'est même pas en jeu, puis vous avez le
droit de le faire. Tout simplement, on proposait qu'il y a peut-être une autre
façon aussi de le faire, en dialogue avec le gouvernement fédéral, simplement
parce qu'on croit que, quand il est question du français, pour nous, c'est important
aussi que la discussion soit élargie et qu'on aille chercher d'autres
partenaires.
Et c'est sûr qu'il y
a eu ces moments-là où, parfois, l'affirmation du français au Québec était...
On a vécu certains ressacs, dans l'histoire, par rapport à des provinces qui
voulaient... ou qui ont affirmé davantage l'anglais. Est-ce qu'on dit que ça va
arriver cette fois-ci? Probablement pas. Mais c'est sûr que le dialogue, et cet
exercice d'expliquer et de rappeler l'importance de la francophonie, et
pourquoi c'est important de protéger cette langue-là qui est menacée, et voici les dispositions... Je ne pense pas que c'est compris nécessairement
partout au Canada anglais, le
pourquoi la langue française est fragile et pourquoi c'est important de faire
des gestes d'affirmation et de protection qui vont plus loin que ce qu'on a en
ce moment.
Alors, je pense,
c'est dans cette idée-là d'un dialogue accru, pas pour demander la permission à
qui que ce soit mais simplement pour qu'on voie ça comme un partenariat avec
l'ensemble de la fédération canadienne, cette idée de renforcer le français au
Québec et partout au pays
M.
Jolin-Barrette : Savez-vous ce qui est dramatique? C'est que c'est
comme si on marchait sur des oeufs. Parce
que je comprends très, très bien votre position dans laquelle vous êtes. Vous,
vous dites : On est en faveur de la protection du français au Québec, on le sait, à quel point c'est
important, et surtout ça peut avoir un effet également sur l'ensemble de
la francophonie canadienne, mais, d'un autre côté, il ne faut pas y aller trop
fort parce qu'on pourrait choquer certaines autres personnes dans la fédération
canadienne.
En gros, puis ça,
c'est mon propos, et je le dis, moi, ça me choque, ça me choque profondément,
parce que ce qu'on perçoit, c'est que, si le
Québec veut protéger la langue française au Canada, si le Québec veut protéger
la langue française au Québec, on est
sous la menace de représailles envers les communautés francophones dans le
reste du Canada. Et ça, c'est complètement inacceptable.
Et d'ailleurs le rôle
du gouvernement fédéral, ça devrait être de protéger les minorités
francophones, les Acadiens partout. Et moi, je vous le dis, le fait qu'au fil
des années ça n'a pas été fait et que les ressources n'aient pas été données
par le gouvernement fédéral aux différentes communautés, ce n'est pas
acceptable.
Et surtout il faut
que ce soit analysé également par les tribunaux avec un oeil... avec des effets
qui ne sont pas uniformes entre le Québec et
le reste du Canada. Ce n'est pas la même chose, les communautés francophones
hors du Québec et la communauté
anglophone au Québec. Ça, c'est fondamental de le dire et de le répéter. Mais
on ne peut pas appliquer le même
régime, dans le reste du Canada, aux communautés francophones ou acadiennes que
celui qu'il y a à la minorité anglophone au Québec. Ça doit être vu
d'une façon distincte, asymétrique, et on doit arrêter d'être gêné de le dire
que ça doit être fait ainsi.
Le français est en péril au Canada, dans la
francophonie canadienne. Et, lorsqu'on voit des événements qui sont survenus,
comme à Calgary, où, pour les élections, on parle... on traduit ça dans
10 langues différentes, et que la langue officielle... une des deux langues
officielles du Canada n'est pas indiquée, moi, comme Québécois mais
comme francophone du Canada, je suis solidaire avec les Franco-Albertains qui
ne peuvent pas avoir l'information dans leur langue, et qu'on leur dit comme
réponse : Bien, les francophones comprennent l'anglais.
Alors, au fil
de l'histoire du Canada, il y a eu beaucoup, beaucoup d'atteintes envers les
droits des francophones. Ça doit cesser, et on est de tout coeur et
solidaires avec vous sur ces différents éléments-là.
Je voudrais
vous poser une question, parce que je sais que j'ai des collègues qui veulent
vous poser également une question : Relativement, là, aux
dispositions qu'on a mises dans le projet de loi, sur les études supérieures,
est-ce que vous envisagez ça positivement?
Mme Roy
(Liane) : Oui, M. le ministre, on... c'est bien reçu, et on l'envisage positivement. Et c'est pour
cette raison qu'on a fait quelques petites
suggestions dans notre mémoire, justement pour nous assurer qu'on évalue l'impact de
façon périodique afin d'être capable de l'ajuster au besoin, justement pour
nous assurer que nos institutions ne sont pas pénalisées et... dans nos
régions.
Ce qu'on
aimerait également et ce qu'on a mis dans le mémoire,
c'est que vous... qu'il y aurait des applications qui seraient faites pour être capable de consulter nos différentes
associations jeunesse, où il y a des institutions postsecondaires, dans
leurs provinces et territoires, ou bien pour voir aussi comment ils veulent se
prévaloir de cette nouveauté.
Donc, pour nous, c'est vraiment important aussi
de considérer les dispositions pour la reconnaissance des titres et des
diplômes. Comme vous le savez, il y a... nos systèmes, à l'extérieur du Québec
et au Québec, sont un peu différents. Donc, il y a
des dispositions comme celle-là qu'on aimerait voir, celle-là de la reconnaissance des titres et des diplômes
au Canada et au Québec.
La mobilité bidirectionnelle aussi, c'est...
Bien entendu, pour les jeunes, ça va leur donner toutes sortes d'autres possibilités que d'être capables d'aller
étudier en français au Québec, mais ce serait intéressant aussi qu'il y
aurait une mobilité dans l'autre direction
également, de faciliter cette mobilité-là et aussi de voir comment on est
capables de continuer à développer
des programmes conjoints entre les institutions au Québec et nos institutions
dans nos régions. Ça fait... Comme
ça, ça fait un beau mélange de programmes et d'offres pour la jeunesse francophone
dans nos communautés.
Donc, pour nous, c'est bien reçu, mais c'est
juste... Comme on dit, on veut quand même suivre ça et de s'assurer qu'il y ait
un suivi assez régulier pour évaluer l'impact de manière périodique.
M. Jolin-Barrette : Je vous
remercie.
Mme Roy (Liane) : Mais on est
contents.
M. Jolin-Barrette : Merci. Je vous
remercie pour votre présence en commission parlementaire. Je vais céder la
parole à mes collègues. Un grand merci.
Mme Roy (Liane) : Merci, M. le
ministre.
La
Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le ministre. Donc, je céderais la parole au député de Saint-Jean.
M. Lemieux : Combien de temps, Mme
la Présidente?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Sept minutes.
M. Lemieux : Merci beaucoup, Mme la
Présidente. Je pense que le député de Chapleau... Cette fois-ci, je vais faire
attention au chronomètre puis je vais lui faire du temps.
Bonjour, Mme Roy. M. Dupuis, bonjour.
Je suis tellement content que le ministre ait eu le temps de vous dire ce qu'il
vous a dit, et de vous parler de ce ressac appréhendé, et d'entendre ce qu'il
vous a dit par rapport à la position que nous défendons. Et je vais rajouter la
mienne en bon Fransaskois que j'ai été, en bon Franco-Manitobain que j'ai été,
en bon Franco-Albertain que j'ai été, donc, des quelque 20 ans que j'ai
passés dans le reste du Canada, comme on
l'appelle, où j'ai constaté un certain nombre de choses qui convergent dans ce
que vous écrivez dans votre mémoire plusieurs années plus tard, entre
autres ce ressac-là.
Je ne veux pas faire toute l'histoire là-dessus,
là, mais vous écrivez dans votre mémoire : Quand la loi 101 est
arrivée, ça n'a pas été facile, mettons, on l'a eu difficile dans le reste du
Canada, les francophones. Mais c'était vrai aussi pour d'autres périodes. Les
époques référendaires n'ont pas été faciles non plus. Là, dans ce cas-ci,
êtes-vous encore aussi vulnérables que vous l'étiez il y a 43 ans par
rapport à ce ressac-là? Parce que ce n'est pas les gouvernements qui vont vous faire subir les contrecoups de ce qui va se
passer au Québec, c'est les Canadiens, le peuple, pas nécessairement la
machine gouvernementale chez vous ou ailleurs, là.
Mme Roy (Liane) : Veux-tu essayer de
répondre, Alain, à cette belle question?
• (16 heures) •
M. Dupuis
(Alain) : Oui, certainement. Je pense que, oui, nos communautés ont
évolué depuis 43 ans, et c'est sûr que
je ne pense pas que la crainte du ressac, elle est énorme. Mais c'est important
que... Je pense que, comme francophones, puis, je pense, c'est ça, notre
souhait avec le Québec, c'est qu'il faut dialoguer. Il faut avoir une
discussion avec les Canadiens et leur expliquer l'apport social, économique,
culturel, historique de la francophonie au pays. Et,
encore trop souvent, malheureusement, la francophonie, chez nous, est vue comme
un accommodement plutôt que quelque chose à célébrer. Puis je ne dis pas :
C'est partout pareil, mais c'est une démarche d'explication et de dialogue. Ce n'est pas naturel pour les
Canadiens anglais de comprendre c'est quoi, une minorité linguistique et
pourquoi c'est important, le français, s'ils ne le vivent pas, eux, au
quotidien.
Donc, je pense que
c'est dans cette idée-là d'un dialogue. Il ne faut pas que le Québec
dise : On protège le français chez nous, et ailleurs, bien, bonne chance
aux communautés. Puis je ne pense pas que c'est ce que vous dites, mais il faut
ensemble faire la promotion de cette langue-là et de... rappeler pas juste son
apport historique, mais tout ce que ça amène pour l'avenir du Québec et du
Canada en entier d'avoir cette langue française, cette langue officielle là.
Alors, c'est en ce sens-là qu'on parle d'un dialogue avec le reste du pays.
Et, quand c'est fait
en dialogue, et on va chercher les autres provinces, et on leur dit, en
fait : L'éducation en français, les
services en français, ce n'est pas une dépense, ça a des impacts socioculturels
majeurs pour vos provinces et territoires,
bien, c'est dans ce temps-là qu'on change le discours, qui est un discours peut-être
historique, qui était plus polarisant. Mais aujourd'hui on est rendus
ailleurs, mais ça ne veut pas dire que, parce qu'on est rendus ailleurs, le
travail est fini. Et on a besoin du Québec pour faire valoir ces points-là,
finalement, à nos concitoyens.
M. Lemieux :
Message compris. Et j'espère, en parlant du passé, que «là où le nombre le
justifie» ne vous revient pas dans la face aussi souvent qu'il y a 43 ans
et que, quand on fait le décompte, on ne compte pas, surtout, les gens qui sont
en immersion. Bon. Excusez, je l'avais sur le coeur.
Il y a une chose que
le ministre a abordée, et je veux vous entendre parce que vous n'avez pas eu
beaucoup de temps pour lui répondre là-dessus. Il n'y a aucune commune mesure,
ces mots sont parfaits, là, il n'y a aucune commune mesure, et c'est dans
l'asymétrie qu'il faut voir la minorité francophone du Canada et la minorité anglophone du Québec. Une fois que j'ai dit ça, je
ne veux surtout pas aller dans la chicane, au contraire. Je suis fier de
ce projet de loi là parce qu'il n'est pas contre la minorité anglophone au
Québec, qui ne perd pas de droit là-dedans, mais le débat, n'empêche, ravive
certaines craintes. Mais, au Canada français, on est encore dans un monde...
même si ce n'est pas «là où le nombre justifie», dans un monde très difficile,
là. Ça ne se ressemble pas, là.
Mme Roy
(Liane) : Non, non, non. La fragilité du français au Québec et la
fragilité du français dans nos communautés, on ne part pas du même pied
d'égalité ici, là. Nos communautés aussi, il y a des situations qui sont très
précaires. Les taux d'assimilation sont encore rampants dans plusieurs
communautés.
C'est sûr, un peu,
vous l'avez mentionné tout à l'heure, depuis 43 ans, il y a eu beaucoup de
changements, beaucoup d'évolutions, beaucoup d'améliorations dans les
communautés, mais la vitalité dépend beaucoup... On vient de le vivre avec tout ce qui s'est passé pendant la pandémie. Dans
certaines communautés, dès que les gens n'ont pas pu se rassembler avec
des points où ils peuvent parler français, on s'est aperçu rapidement que cette
vitalité-là peut disparaître assez
rapidement. Chez les jeunes, entre autres, de la petite enfance ou chez les
jeunes à l'école, si on ne parle pas
français pendant plusieurs jours, plusieurs mois, comme on a vu dans la... avec
la pandémie, ça vient vraiment miner tous les efforts qui sont faits
dans les régions, dans les centres scolaires communautaires, entre autres.
M. Lemieux :
Merci beaucoup, Mme Roy. Je vais céder la parole, et en espérant qu'il
reste au moins une minute et demie ou deux minutes, au député de Chapleau, le
temps de vous dire que, si vous m'avez entendu parler du canari dans la mine
tout à l'heure, ne vous inquiétez pas. C'était loin d'être dérogatoire, c'était
loin d'être négatif. Au contraire, j'apprécie les canaris que vous êtes. Merci
beaucoup.
M.
Roy (Liane) : Merci.
M. Dupuis
(Alain) : Merci. Et, je tiens tout simplement à préciser, la
francophonie canadienne, dans la dernière génération, s'est transformée. On
parle de 28 commissions scolaires, conseils scolaires francophones,
721 écoles, 22 collèges et universités qui offrent des programmes et
des cours en français, tu sais, 900 organismes communautaires à travers le
pays. Alors, il faut aussi avoir un... Moi, je suis fier de cette francophonie
canadienne là, de sa capacité à s'affirmer et d'institutionnaliser aussi cette
vie en français au quotidien, et ça, c'est important de le communiquer aux
Québécois. On n'est pas non plus juste des communautés qui s'assimilent. On est
aussi des communautés qui ont réussi à
construire quelque chose dans la dernière génération et dans les générations
précédentes également.
Alors, je pense qu'on
arrive à un nouveau point de collaboration avec le Québec où on se dit :
Il faut promouvoir cette langue-là ensemble et contrer ces possibles
oppositions qui pourraient survenir.
La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. Donc, je vais céder... Malheureusement, M.
le député de Chapleau, c'est tout le temps qu'on avait. Je cède la
parole à Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Monsieur, madame, bonjour. Écoutez, je vais
continuer sur la fierté et l'admiration que
nous avons, que j'ai et que nous partageons, je pense, tous au Québec, de votre
résilience, de vos convictions. Et on est très, très heureux de vous entendre
aujourd'hui.
Je
vais... Vous avez... Vous venez d'évoquer le nombre de commissions scolaires,
le nombre d'universités, enfin, tout ce que vous avez vraiment réussi,
de peine et de misère des fois, hein, et avec de la mobilisation, à conserver.
Alors, je vais revenir un petit peu sur,
justement, la question des programmes et de la mesure prévue dans le projet de loi pour les études universitaires. Vous
l'accueillez très positivement. Je pense qu'il y a effectivement
beaucoup de bénéfices et d'accueil, de bienveillance et
de générosité dans cette mesure-là, mais, et là il y a évidemment le «mais», certaines universités, particulièrement,
je pense, au Nouveau-Brunswick, qui s'inquiètent beaucoup de l'attrait que
pourrait comporter, justement, la parité des droits de scolarité avec les
Québécois, dont on sait qu'ils sont vraiment
très, très faibles par rapport au reste du Canada et encore plus faibles par
rapport, évidemment, aux États-Unis,
mais déjà au reste du Canada... Alors, ils sont très inquiets et ils proposent
un amendement, particulièrement la Société d'Acadie du Nouveau-Brunswick, de
dire que ce ne serait pas seulement que le programme n'est pas disponible en
français dans la province, mais il n'est pas disponible en français ailleurs au
pays. Autrement dit, une université en Saskatchewan qui donne des programmes en
français mais pas celui que l'étudiant veut suivre, et il se donne à l'UQAM, à
l'UQTR, mais il ne se donne pas dans la province d'origine, bien, ils n'auront
peut-être pas le réflexe UMoncton, le réflexe Université Laurentienne, etc., et
je pense que ça, c'est l'effet qui peut être un peu dangereux, de fragiliser
les autres universités francophones canadiennes.
Vous, vous proposez un suivi, vous proposez...
ce qui est très, très bien, mais est-ce que vous pensez qu'on devrait
s'inquiéter de ça puis accueillir cette idée que le programme n'est pas
disponible ailleurs au pays plutôt qu'ailleurs dans la province?
Mme Roy
(Liane) : Bien, je pense
qu'il faut être un peu préoccupés, il faut le suivre de près, c'est comme
on a dit. Mais nous, on ne s'oppose pas à toute offre de programmes en
français, que ce soit au Québec ou que ce soit ailleurs.
On veut donner le plus de choix, le plus
d'opportunités à notre jeunesse de nos communautés d'être capable d'aller
suivre les programmes où ils sont, dans la mesure du possible, et cette
offre-là vient rajouter à leurs possibilités,
à leurs choix de carrière, à leurs choix d'orientation. Et, pour nous, c'est
important de l'offrir en français, parce
que, comme vous l'avez mentionné tout à l'heure, madame, il y a les Américains
à côté, il y a beaucoup d'autres pays.
Maintenant qu'on peut étudier en ligne, ce n'est pas uniquement l'attrait du
français qui peut jouer. Mais, pour nous, ce qui est important, c'est d'avoir le plus d'offres possible, le plus
de choix dans les programmes collégiaux ou universitaires.
Mais on veut quand même... Comme on l'a mentionné,
il faut le suivre de près, parce que c'est certain qu'on va revenir à la charge
si jamais qu'on voit, dans un an, deux ans, trois ans, que, justement... que ça
vient nuire à nos institutions postsecondaires. C'est certain qu'on va le
mentionner, qu'on va le dire, qu'on va interagir. Mais on aimerait quand
même donner la chance au coureur et d'offrir... d'avoir une plus grande offre
de programmes pour la jeunesse.
• (16 h 10) •
Mme
David : Et, là où c'est peut-être
un peu... ça peut être un peu délicat, c'est que la notion de programme...
Si l'Université du Québec à
Trois-Rivières offre un programme
en développement durable, baccalauréat, par exemple, et qu'on est à
Saskatoon, et qu'il n'y a pas le programme en développement durable, mais il y
a le programme en environnement au baccalauréat, alors, est-ce que la petite
nuance dans l'appellation fait en sorte qu'il pourrait avoir la parité des
droits de scolarité au Québec? Alors, un étudiant qui veut vraiment profiter
d'avoir des frais de scolarité moins élevés, évidemment, que, peut-être, des universités
en dehors du Québec pourrait peut-être trouver facilement le truc, je vais dire
ça comme ça. Mais je vais vous souhaiter, justement...
M. Dupuis (Alain) : Bien, je pense
que cette mesure-là, elle doit être mise en oeuvre. Il faut qu'au ministère de
l'Enseignement supérieur au Québec il y ait un comité pour gérer cette nouvelle
mesure-là, qui sera composé de jeunes de nos
communautés et d'institutions postsecondaires. Parce que, justement,
vous mentionniez : Quels programmes on va identifier comme étant offerts ou pas offerts? Il va falloir qu'on
se parle, il va falloir qu'on établisse cette liste-là ensemble. Et, si
on peut prévoir ce mécanisme-là, ce comité-là avec vous pour mettre en oeuvre
cette mesure-là, je pense qu'on va éviter, là, de possibles, tu sais,
conséquences qui n'étaient pas prévues. Mais il faut se parler.
Mme David : Bon, bien, c'est une
super idée que vous donnez. On la donnera au ministre, et ça ira jusqu'au ministère
de l'Enseignement supérieur. Très, très bonne idée, je pense, qui pourrait
aplanir des difficultés. Je vais laisser la parole, Mme la Présidente, au député
de La Pinière.
La
Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. Donc, M.
le député de La Pinière, la parole est à vous.
M. Barrette : Pour combien de temps,
Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Guillemette) :
5 min 30 s.
M. Barrette : Merci. Alors,
Mme Roy, M. Dupuis, rebienvenue. Écoutez, c'est un... Votre
mémoire est un mémoire très lucide parce que... et qu'il y a un crescendo
dedans. Vous voyez vraiment bien les enjeux, ça, ce n'est pas surprenant, mais
aussi les écueils possibles. Et votre mémoire, il passe d'un grand enthousiasme
à certaines craintes. J'ai même noté beaucoup de craintes, là, quand on arrive
à la portion politique. Et, quant à la question de l'antipathie que le projet
de loi n° 96 pourrait générer hors Québec, moi, j'ai écrit qu'il pourrait
même y avoir de l'hostilité. Il y a un risque là qui m'apparaît indéniable.
Est-ce que vous être d'accord avec ça?
Mme Roy (Liane) : Oui. Oui, c'est...
Oui, M. le député. C'est pour ça, justement, qu'on a fait état de nos
préoccupations et que l'on vous suggère certains éléments.
Pour nous, c'est très important que le Québec
joue son rôle aux tables nationales, provinciales, territoriales justement pour
valoriser... je ne vais pas répéter tout ce qu'on a dit depuis le début, là,
mais pour valoriser la place du français. Il y a des impacts très positifs aux communautés francophones
et acadiennes, et au français, et au Québec, partout au Canada, partout
en Amérique du Nord. Donc, c'est de nous aider, autour de ces tables-là, à
justement valoriser.
Et, quand Alain, tout à l'heure, parlait
d'accommodement, bien, c'est ça, le français, ce n'est pas un accommodement,
là, le français joue un rôle. Le français, c'est important, comme vous le
savez, et il y a des impacts très positifs au niveau économique, au niveau
culturel d'avoir le français présent partout. Donc, c'est un peu une des
mesures qu'on suggère, que vous nous aidez à continuellement rappeler ça. Vous
le faites déjà, mais il faut le faire encore plus autour des tables nationales.
M. Barrette : Sur le plan politique,
là, vous avez abordé le délicat sujet des clauses dérogatoires. Vous l'avez
abordé, puis vous l'avez abordé... On le sent, dans la lecture de votre
mémoire, que, là, il pourrait y avoir un problème. Est-ce que vous considérez,
là, compte tenu de votre position à l'extérieur du Québec, que, si
l'utilisation des clauses dérogatoires au Québec, telle que proposée dans 96,
était mieux balisée... que ça amenuiserait un peu un potentiel sentiment
d'antipathie ou d'hostilité législative dans les provinces hors Québec?
Mme Roy (Liane) : Je vais laisser
Alain répondre, mais, avant, je vais vous dire, les clauses dérogatoires, pour
nous, ce n'est pas juste dans ce cas ici, dans le cas de la loi n° 96...
ou le projet de loi... de la loi n° 96. Notre préoccupation est sur
l'utilisation beaucoup plus... qu'on a vue dans les dernières années, qu'on
utilise ça plus à bon escient qu'avant. C'est qu'auparavant on utilisait très
peu les clauses dérogatoires et on a juste... C'est la préoccupation qu'on a,
parce qu'on ne veut pas que ça devienne la norme. Ça fait que je vais laisser
quand même Alain ajouter.
M. Dupuis (Alain) : Oui. Puis
évidemment nous, on est un... on fait partie de cette grande communauté
francophone. Mais la charte, la Charte des droits et libertés, pour nos
communautés, a été très importante à l'extérieur du Québec pour faire valoir
nos droits, et on estime que l'utilisation de clauses dérogatoires par trop de
gouvernements à trop de moments pourrait miner pas juste les droits
linguistiques mais les droits de l'ensemble des minorités. Mais ça, pour nous,
c'est important de le rappeler en général.
M. Barrette : Et, pour vous, là,
est-ce qu'on pourrait aller aussi loin que de dire : Trop de moments, trop
de gouvernements et trop étendue? Parce qu'on aura ce débat-là ici, au Québec,
là, dans les prochains mois. Est-ce que ce qui est prévu dans 96 devrait être
mieux balisé, alors que, là, c'est du mur-à-mur?
Mme Roy (Liane) : Alain?
M. Dupuis (Alain) : Je ne pense pas
qu'on souhaite intervenir davantage sur ce cas-là spécifique. Nous, notre
commentaire était vraiment en général.
M. Barrette : Il me reste combien de
temps, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Une minute.
M. Barrette : J'ai... Mon collègue
de D'Arcy-McGee voudrait...
M. Birnbaum : Écoutez, bonjour,
madame, monsieur. C'est difficile de s'exprimer dans une minute.
Moi, dans mes vies antérieures au sein de la
communauté d'expression anglaise au Québec, j'ai eu la fierté de participer
dans la cause qui reste la pierre angulaire des droits minoritaires
linguistiques, de batailler pour la survie de l'Hôpital Montfort. Je ne
vous cache même pas ma déception et ma surprise que vous faites abstraction totale,
pas partielle... mais de la minorité linguistique au Québec, qui exprime de
façon presque quasi unanime son inquiétude, insécurité face à ce projet de loi
n° 96.
Est-ce que vous avez le moindre mot à dire
là-dessus, sur le concept d'ayant droit qui est dans la loi, qui porte un
intérêt pour vous, pour le réseau scolaire et de services et pour la communauté
québécoise d'expression anglaise, qui est, en quelque part, votre parallèle
avec toutes les différences auxquelles on va en convenir?
La Présidente (Mme Guillemette) : Je
suis désolée, M. le député. C'est tout le temps que nous avions. Donc, je cède
la parole à la députée de Mercier.
Mme Ghazal : Merci, Mme la
Présidente. Mme Roy, M. Dupuis, merci beaucoup pour votre
présentation. Vous avez amené des éléments très, très intéressants. Vraiment,
je suis contente qu'on vous entende aujourd'hui.
Par rapport au ressac dans le reste du Canada,
vous parlez que le fait de faire cette modification dans la Constitution de
1867, ça peut miner l'esprit coopératif, créer un sentiment d'antipathie envers
la francophonie, créer des obstacles, etc. Mais vous avez vu comme nous tous
que même Justin Trudeau a accueilli de façon relativement favorable cet
ajout-là. Est-ce que ça ne réduit pas vos craintes de ressac?
Mme Roy (Liane) : Bien, les craintes
sont là, mais je pense qu'il y a des moyens, comme on l'a dit tout à l'heure,
il y a des moyens de ne pas vivre un ressac partout. Je pense que, si on le
regarde du point de vue de... comme on a dit tout à l'heure, de rapprochement, du point de vue du
travail qui peut être fait au niveau
des commissions nationales et des tables nationales territoriales et
provinciales, je pense qu'il faut regarder aux avantages, justement, de la
langue française et... Mais, quand on parle de, justement, soit de la
Constitution ou des clauses dérogatoires, là, c'est beaucoup plus politique et
juridique, et il peut y avoir différents effets, comme vous le dites. Je pense
que... Mais à moins... Alain, veux-tu continuer sur celui-là ou... On en a déjà
un peu parlé, là.
Mme Ghazal : Oui, c'est ça, vous en
avez parlé, mais je voulais juste amener ça, que ce n'est pas si fermé.
Par rapport à la... Vous parlez beaucoup de la
mobilité étudiante. Vous parlez que c'est important qu'il y ait une réciprocité, que ça se passe dans les deux
sens. J'aimerais savoir... Puis là vous amenez des propositions. Comment
ça se passe actuellement, la dynamique entre
les universités du Québec et universités francophones ailleurs au
Canada? Il y a quand même des échanges, il y a quand même quelque chose ou il
n'y a absolument rien en ce moment? Ça fait que je voulais vous entendre là-dessus.
Mme Roy (Liane) : Il y a... Oui, il
y a des échanges au niveau des chercheurs. Il y a des organisations qui
travaillent avec les universités du Québec et les universités canadiennes. Il y
a aussi des regroupements au niveau collégial qui travaillent... entre les
cégeps du Québec et les collèges communautaires ou les collèges ailleurs au
Canada. Il y a beaucoup de partage, il y a beaucoup d'échanges qui se font. Il
y a moins... Par exemple, par rapport aux étudiants comme tels et étudiantes,
il n'y a pas beaucoup de mobilité, présentement, qui vont dans les deux sens.
Il y a des programmes, il y a des partages de
programmes. Déjà, il y a des ententes avec le ministère de l'Enseignement
supérieur qui... pour les programmes, disons, de... au niveau de la médecine,
et des choses comme ça, qui...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
• (16 h 20) •
Mme Ghazal : Très bien. Bien, merci.
Merci beaucoup.
La
Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Donc, je cède la parole maintenant
au député des Îles-de-la-Madeleine.
M. Arseneau : Merci beaucoup, Mme la
Présidente. Merci, Mme Roy, M. Dupuis, pour votre présentation. Vous
reconnaissez que le Québec peut et doit exercer un leadership en matière de
langue française, et ce, pour l'ensemble de la fédération canadienne, en concertation,
et tout ça.
Et, quand vous abordez la question du ressac, de
la façon de faire du gouvernement pour modifier de façon unilatérale la Loi
constitutionnelle, en fait, la question qui me vient : Est-ce que le
ressac, ce n'est pas simplement que le Québec souhaite affirmer une bonne fois
pour toutes la prédominance de la langue française ici?
Quand on regarde des exemples, là, on en a nommé
tout à l'heure, là, ce qui se passe à Calgary, lorsqu'on veut solliciter les
gens pour les élections municipales, et puis que le français disparaît... Je ne
ferai pas référence, là, nécessairement, là, au dernier débat en anglais dans
la course fédérale, mais le simple fait de vouloir affirmer le français au
Québec semble créer un ressac au Canada anglais. Comment espérer que, par un
mode collaboratif... qu'on sorte, là, de cette espèce de dynamique où le
français, là, ne semble pas être considéré comme une langue à l'égal de
l'anglais au Canada, de plus en plus?
Mme Roy (Liane) : Alain?
M. Dupuis (Alain) : Bien, je pense
que c'est justement en entrant en dialogue qu'on va faire comprendre pourquoi
c'est important. Oui, c'est... Nous, on le sait, c'est un travail continu,
c'est un travail de longue haleine, mais il ne faut surtout pas arrêter
d'expliquer et de faire valoir cette langue-là et ses impacts positifs. Je
pense qu'on le voit, là. Il y a de plus en plus d'enfants, de jeunes... de
parents anglophones au Canada qui envoient leurs enfants à l'école d'immersion.
Il y a un désir d'apprendre le français. Il y a une valeur.
Mais c'est-à-dire qu'on n'a pas fini le travail
de sensibilisation, et il faut continuer. Il faut s'assurer qu'on ait plus
d'immigrants francophones à l'extérieur du Québec. Il faut s'assurer que ce
soit vraiment accessible à tout le monde, à l'extérieur du Québec, d'apprendre
le français si on le souhaite. Il faut expliquer l'apport économique et le
potentiel économique non exploité si on faisait plus de place à cette langue-là
dans l'espace public.
Alors, nous, on est dans cette démarche-là de
façon continue avec les anglophones au Canada et on invite le Québec à
entreprendre cette démarche-là avec nous parce que ça nous donnerait un poids
encore plus grand pour faire valoir notre langue et ses bienfaits.
M.
Arseneau : J'admire votre combat, votre optimisme, votre résilience,
mais il y a quand même des signaux qui sont
inquiétants, qui viennent du Nouveau-Brunswick, qui viennent de l'Ontario, et
c'est là où les communautés francophones sont les plus imposantes au
Canada, à l'extérieur du Québec. Mais...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, M. le député. C'est tout le temps que nous avions. Donc, merci
beaucoup, Mme Roy, M. Dupuis, d'avoir été avec nous, et merci pour
votre contribution aux travaux de la commission.
Donc, la commission
suspend ses travaux quelques instants, le temps d'accueillir nos nouveaux
invités. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 16 h 23)
(Reprise à 16 h 27)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, la commission reprend ses travaux. Nous accueillons maintenant la communauté
mohawk de Kanesatake et le chef Jeremy Tomlinson, ainsi que Mme Linda
Nicholas, directrice culturelle.
Donc, étant donné que nous avons eu quelques
problèmes techniques, nous vous entendrons pendant votre exposé de
10 minutes, mais malheureusement on ne pourra pas avoir de période
d'échange avec les membres de la commission. Donc, je vous cède sans plus
tarder la parole.
Communauté mohawk de Kanesatake
M. Tomlinson (Jeremy Teiawenniserahte) :
Merci. (S'exprime dans une langue autochtone).
Alors, mon nom, c'est Teiawenniserahte Jeremy
Tomlinson. Je suis un chef ici, à Kanesatake. Je suis accompagné de ma collègue
la directrice du centre culturel, Mme Hilda Nicholas.
Puis notre présentation va être en trois parties
aujourd'hui. Mme Nicholas va vous adresser la parole dans sa langue
maternelle, le kanien'kéha, puis ensuite j'ai une présentation à faire, courte un
petit peu, en anglais, et je vais procéder en français pour votre convénience.
Mme Nicholas (Hilda) : (S'exprime
dans une langue autochtone).
• (16 h 30) •
M. Tomlinson (Jeremy Teiawenniserahte) :
Alors, qu'est-ce que Mme Nicholas ici vous a adressé dans notre langue, le kanien'kéha, c'est sa langue
maternelle, qui est la langue qui est parlée par nos aînés
ici, à Kanesatake, puis par certains
de nos adultes et de nos jeunes. Puis on met beaucoup d'efforts à essayer
de revitaliser notre langage ici, à Kanesatake.
Puis j'avais invité Hilda aujourd'hui pour vous
adresser parce qu'elle fait partie d'une poignée de gens dans notre communauté
qui travaillent très fort depuis des décennies à essayer de revitaliser notre
langue puis s'assurer de la survie de notre langue ici, à Kanesatake, puis
dans... aussi dans nos communautés soeurs de Kahnawake, Akwesasne et
Tyendinaga. Alors, c'est une... c'est un combat qu'ils livrent, comme j'ai dit,
depuis des décennies, comme un peu vous, le Québec, vous livrez afin de
protéger la langue française.
Ça fait que, d'un côté, nous, on admire les efforts
que vous mettez à protéger la langue française au Québec. Puis on va prendre l'opportunité aujourd'hui de discuter dans cette avenue-là pour voir si on peut arriver à une
entente de collaboration qui va souligner l'honneur de la couronne, autant
de la couronne anglophone que la couronne francophone ici, au Québec,
de reconnaître que nous, les peuples autochtones, à l'arrivée des Européens, on
était déjà ici. On existait avec nos lois, notre culture, nos moeurs, notre
langue. Puis l'honneur de la couronne démontrait que nous, on pouvait exister,
et les Européens venus pouvaient exister aussi dans un esprit de collaboration
et de respect mutuel.
Au fil des années, ça n'a pas été le cas pour
nous. On a été marginalisés, on a été oppressés. Comme Hilda l'a expliqué, ça
fait des centaines d'années maintenant que notre langue est sous pression, des
pressions très, très, très difficiles. On le voit maintenant avec les
pensionnats, avec les enfants qu'on trouve, les cadavres. C'était beaucoup dans
les efforts d'effacer notre culture puis d'effacer notre langue.
Maintenant, nous, on travaille très, très fort à
la ramener. Puis le problème avec le projet de loi n° 96, c'est que ça va
amener beaucoup plus de pression sur nos communautés, sur nos peuples, à
pouvoir préserver nos langues. Puis ce n'est pas qu'on veut interférer dans les
matières du Québec. En fait, comme j'ai dit, on applaudit le Québec avec les
efforts qu'ils font pour protéger leur culture et leur langue, mais c'est
déplorable de le faire en mettant de la pression additionnelle sur nos communautés
et nos peuples.
Alors, on demande plutôt que dans votre projet
de loi serait inclus une section, un texte qui laisserait l'ouverture à la collaboration,
à la discussion avec les peuples autochtones afin d'assurer que nous ne serons
pas négativement impactés par vos actions pour protéger votre langue et votre
culture, mais plutôt de laisser ouverte... qu'on peut travailler en collaboration,
que vous pouvez atteindre vos buts et que nous aussi, on pourrait continuer à
faire notre cheminement afin de revitaliser notre culture et nos langues.
On ne veut pas se mêler de vos affaires politiques.
Nous, le point reste le même, nous étions ici depuis tant... bien avant
l'arrivée des Européens. On peut coexister ensemble. Alors, c'est important de
reconnaître que, si vous faites des efforts, en autant que ça ne vient pas
empiéter et nous causer des problèmes, je crois qu'on peut vraiment arriver à
une entente de cette façon-là. Il y a beaucoup d'autres lois québécoises qui
incorporent dans leurs textes des clauses afin de respecter et d'ouvrir le
dialogue avec les peuples autochtones, afin de voir que nos lois et notre
existence sont respectées aussi sur nos terres maternelles.
Maintenant, je vais prendre quelques minutes
pour aussi lire un texte qui a été préparé par la coalition des communautés
autochtones anglophones du Québec, qui vient un peu illustrer qu'est-ce que je
viens juste de discuter avec vous en français. Le texte est en anglais et il va
de suit :
«The
coalition of English-speaking First Nations in Québec was established in 2012 by English-speaking First Nations of Québec. It is made up of 11 First Nations
communities, including Akwesasne, Kebaowek First Nation, Gesgapegiag, Kanesatake, Kahnawake, Kawawachikamach, Kitigan Zibi, Restigouche, Long Point First Nations, Winneway, Timiskaming, and Algonquins of Barriere Lake. Two
Indigenous organizations also participate in the
coalition, mainly the Native Women's Shelter of Montréal and the Friendship
Center of Maniwaki.
«The coalition was specifically
created to address the challenges confronting English-speaking First Nations in
Québec with respect to improving access to health and social services in
English. Over the years, the coalition has expressed these concerns to the
Minister of Health and Social services, and the MSSS's Aboriginal Affairs Unit,
and other branches of the Government of Québec, including to the Viens
Commission. Ensuring access to health and social services for English-speaking
First Nations has been an ongoing, longstanding concern which is being raised
once again in the context of the current consultations.
«To contribute to a
comprehensive response to the specific needs of English-speaking First Nations,
the coalition's brief makes a few key recommendations. The coalition's
objective is to collaborate with the Government of Québec so that the
well-being of First Nations is protected.
«First, the coalition
recommends that a provision be included in the French charter to expressively
grant the Government of Québec the power to enter into an agreement in respect
to any matter to which the French charter applies. This is the most efficient
solution to address the specific needs of each English-speaking
First Nation.
«Second, the coalition
recommends that section 97 of the French charter be further amended to
allow for language requirement exceptions for
all professionals who work exclusively on reserves, settlements, or
category I lands, whether they reside on or off-reserve. This will
make it easier for First Nations to hire professionals to meet their needs.
«Third, as a consequent
amendment to the professionals' exemption, the coalition recommends to include
in the French charter a provision specifying that all technical health and
safety documentation sent to institutions and professionals on reserves,
settlement or category I lands must be accompanied by an English
translation. Such documentation is essential to the safety and well-being of
First Nations individuals, and as such it is essential that either content be
easily accessible and understood.
«Additional proposed amendments
to the text of Bill 96 are also raised in the brief that was sent to the
Commission. The three recommendations mentioned above are those of the greater
importance. They aim to build partnerships between English-speaking First
Nations and Québec's
institutions and ensure that quality health and social services are available
to our people.»
La Présidente (Mme Guillemette) : Merci
beaucoup, chef Tomlinson et Mme Nicholas. C'est tout le temps que nous
avions, malheureusement, dû aux problèmes techniques. Merci encore de votre contribution
aux travaux de la commission.
Mémoires déposés
Et, en terminant, je dépose les mémoires des
personnes et des organismes qui n'ont pas été entendus. Donc, c'est plus de
52 mémoires qui ont été déposés.
Et la commission, ayant accompli son mandat,
ajourne ses travaux sine die. Merci, tout le monde.
(Fin de la séance à 16 h 38)