(Onze heures seize minutes)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la
séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte.
La commission
est réunie aujourd'hui afin de poursuivre les auditions publiques dans
le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 96,
Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire : Oui, Mme la
Présidente. Mme IsaBelle (Huntingdon) est remplacée par M. Lévesque
(Chapleau); Mme Rizqy (Saint-Laurent) est remplacée par M. Barrette
(La Pinière); Mme St-Pierre (Acadie) est remplacée par M. Birnbaum
(D'Arcy-McGee); Mme Dorion (Taschereau) est remplacée par Mme Ghazal
(Mercier); et Mme Hivon (Joliette) est remplacée par M. Bérubé
(Matane-Matapédia).
Auditions (suite)
La Présidente (Mme Guillemette) : Merci,
Mme la secrétaire. Donc, cet avant-midi, nous entendrons l'Association des
municipalités de banlieue et le Regroupement des organismes en francisation du
Québec.
Donc, je souhaite maintenant la bienvenue à
Mme Julie Brisebois, mairesse de Senneville, et M. Beny Masella, président de l'Association des
municipalités de banlieue. Donc, je vous rappelle que vous disposez de
10 minutes pour nous présenter votre exposé et qu'il y aura par la suite
un échange avec les membres de la commission pour la suite des échanges. Donc,
dès maintenant, je vous cède la parole.
Association des municipalités de banlieue (AMB)
M. Masella (Beny) : Merci, Mme la
Présidente. Mon nom est Beny Masella, et je suis le maire de la ville de Montréal-Ouest
et président de l'Association des municipalités de banlieue. Je suis accompagné
aujourd'hui de Mlle Julie Brisebois, mairesse de Senneville et membre de
notre association.
L'Association des municipalités de banlieue
regroupe les maires des 15 villes de banlieue situées sur l'île de Montréal
appelées les villes liées. Notre association défend les droits et les intérêts
de nos villes et de nos concitoyens. Nous vous remercions de nous
permettre de vous transmettre notre point de vue à propos du projet de la loi n°
96.
Pour entrer
dans le vif de ce sujet, dans nos villes, nous pouvons parler de réelle paix
linguistique entre francophones et anglophones. Concernant le projet de
loi, nous avons plusieurs propositions que les enjeux des citoyens de nos villes
soient pris en considération. Le plus important : Le maintien du statut
des villes bilingues. Cet élément est un
marqueur identitaire très fort. Nos citoyens sont très attachés à leurs
institutions municipales bilingues. Par ailleurs, plusieurs de nos villes ont déjà adopté des résolutions pour
réitérer leur volonté manifeste de demeurer bilingues, selon ce qui sera
prévu à la charte. Dans l'éventualité de l'adoption du projet de loi, la
reconnaissance de ces projets par le gouvernement de Québec constitue une de
nos demandes fondamentales.
• (11 h 20) •
Dans nos villes, nous sommes tannés que nos
institutions et nos droits linguistiques soient remis en question
périodiquement. La liste est longue : les fusions, défusions municipales,
le projet de la loi linguistique, le projet du Parti québécois de 2012, et
maintenant ce projet de loi. Ces situations affectent le vivre-ensemble, nous
avons hâte que les choses soient réglées.
Pour cela, nous souhaitons que le statut
bilingue des villes s'inscrive dans la durée, une fois qu'une motion sera
adoptée par les conseils municipaux. Il est important de comprendre que nos
communautés fonctionnent d'abord en français et que les maires de notre
association ne sont pas les porte-parole des anglophones, mais bien des
représentants des villes bilingues du Grand Montréal.
Aussi, il faut saisir que nos municipalités ne
sont pas exemptées de fournir leurs services en français. Nous représentons
tant... autant notre électorat francophone et nous les servons autant sur le
plan de la langue que sur celui de la qualité des services, sans aucune
différence de la manière dont nous servons le reste de notre population qui est
anglophone. La charte nous permet simplement
de poser des gestes en anglais également, ce que d'autres municipalités
ne font pas. Notre statut n'enlève rien à la langue française, il ne fait
qu'ajouter l'anglais.
L'Association des municipalités de banlieue se
présente donc comme les représentants de l'équilibre dans le respect des droits
de tous nos citoyens, peu importe leur langue maternelle ou d'usage. Nous
appuyons le consensus social et politique en faveur de la protection et le
renforcement du statut de la langue française. En même temps, nous avons à
coeur de protéger les acquis jugés importants par les citoyens de nos municipalités.
Le statut bilingue de certaines municipalités
doit être maintenu, même en cas de baisse démographique. Lors de l'adoption de
la charte, en 1997, cette possibilité avait été protégée par le gouvernement de
René Lévesque. Je le répète,
sur le terrain, nous ne rencontrons aucun problème qui justifierait de retirer
ce droit aux municipalités bilingues. Au contraire, cette
possibilité permet d'offrir de meilleurs services aux citoyens.
Le projet de loi, dans sa forme actuelle,
prévoit que les municipalités du Québec qui ont un statut bilingue le perdront
si moins de 50 % de leur population est de langue maternelle anglaise.
Elles pourront toutefois le conserver si leur conseil municipal adopte une
résolution à cet effet dans les 120 jours suivant l'entrée en vigueur de
la loi. En ce qui a trait du maintien du statut bilingue des municipalités,
nous sommes d'avis que le gouvernement présente une vision conciliante.
Par contre, en vertu du projet de loi, nous ne
sommes pas à l'abri d'une perte possible de notre statut. Notre association ne veut plus avoir à jouer dans ce
film-là à court, moyen ou long terme. Pour cette raison, nous souhaitons
que ce projet de loi rende permanente la
reconnaissance, par l'Office québécois de la langue française, du statut
bilingue d'une municipalité, à la suite
d'une résolution adoptée à cet effet, et ce, malgré une évaluation
démographique à la baisse.
Nous devons
continuer à rendre des services aux citoyens et conclure des ententes avec les
personnes morales dans leur langue, que ce soit en anglais ou en
français. Pour nous, l'équilibre signifie de renforcer la langue française sans
retirer les droits aux citoyens des municipalités bilingues.
Le Québec est une société démocratique, et le
respect des droits est de tout... tout doit être au coeur de ses préoccupations. L'avenir de l'Amérique française
ne se jouera pas sur le territoire des villes du statut bilingue. Il faut
savoir choisir ses combats. Surtout, il faut
éviter de créer un nouveau fossé entre la majorité francophone et la minorité anglophone. Les
droits collectifs des unes doivent demeurer complémentaires à ceux des autres,
dans un esprit de cohabitation harmonieuse,
de respect de l'autonomie et de la démocratie municipales des municipalités des
banlieues.
Ainsi, en terminant, je souhaiterais vous
rappelez sur quoi porte les recommandations de notre mémoire : numéro un,
le maintien du statut bilingue de nos villes d'une manière permanente et en
reconnaissant les résolutions déjà adoptées; deux, pouvoir continuer de
travailler en français et en anglais au conseil de ville et avec les personnes
morales; et, trois, que le projet de la loi s'inspire de la donnée de la langue
plus souvent parlée à la maison plutôt que celle de langue maternelle dans la
comptabilisation des foyers de la langue anglaise dans les municipalités.
En terminant, j'aimerais rappeler
respectueusement aux députés que les lois de l'Assemblée nationale sont
adoptées en français et anglais et que le droit de parler en anglais dans le
parlement est aussi protégé.
Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos
questions.
La Présidente (Mme Guillemette) : Merci
beaucoup. Donc, nous allons maintenant procéder à la période d'échange avec les
parlementaires. Donc, M. le ministre, je vous cède maintenant la parole.
M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la
Présidente. M. Masella, Mme Brisebois, bonjour. Bienvenue aux travaux
de la commission. C'est un plaisir de vous revoir, M. Masella.
D'entrée de jeu, dans le cadre du projet de loi
n° 96, là, ce qui motive les dispositions législatives à l'endroit des
municipalités, je vous dirais que c'est trois critères, le premier étant
celui de l'exemplarité de l'État. Nous croyons que, lorsqu'on parle de l'État
au sens large, ça comprend, bien entendu, le gouvernement du Québec, les
ministères, les organismes, mais également les municipalités, parce que vous
êtes des gouvernements de proximité, les municipalités, et, à ce titre, vous
faites partie de l'État au sens large. Alors, on a conçu le projet de loi pour
faire en sorte que les municipalités participent également à la notion
d'exemplarité de l'État. Et on a vu, au cours des dernières années, qu'il y a
des lacunes au niveau de l'exemplarité de l'État. Et, si on veut faire en sorte
de promouvoir et de protéger la langue française, qu'on demande aux
entreprises, qu'on demande aux citoyens de faire un effort supplémentaire,
bien, à prime abord, l'État, en soi, incluant les municipalités, devrait
montrer l'exemple. Ça, c'est une des prémisses de base qui a guidé la rédaction
du projet de loi.
L'autre élément par rapport aux municipalités,
c'est l'autonomie municipale. C'est pour ça qu'on fait en sorte que, notamment
dans le cas des municipalités bilingues, on indique, par l'effet de la loi...
si la municipalité ne compte plus 50 % de sa population de langue
maternelle anglaise, par l'effet de la loi, elle perd le statut, mais elle a le
pouvoir de préserver ce statut par une résolution de son conseil majoritaire.
L'autre élément, lorsque j'ai construit le
projet de loi, c'est la protection des droits de la communauté anglophone et
des institutions de la communauté anglophone. Alors, il n'y a absolument rien,
dans le projet de loi, qui retire des droits à la communauté anglophone. Et
même on en rajoute, notamment pour la question du cégep, pour donner priorité
aux jeunes de la communauté anglophone, pour faire en sorte qu'ils puissent
continuer d'étudier dans leur langue au cégep aussi. Ça, j'ai été sensibilisé à
cet effet-là, que certains n'accèdent pas au cégep en anglais parce qu'il ne
reste plus de place. Alors, pour moi, c'est important que les membres de la
communauté anglophone puissent, s'ils le désirent, étudier dans leur langue, en
anglais. Alors, c'est la prémisse de base.
Lorsque je regarde votre mémoire, je constate
que vous dites... vous voudriez que le statut soit réglé une fois pour toutes
et qu'on ne puisse plus y revenir. Cependant, ça fait en sorte que, dans
certaines situations... je donne un exemple, dans ma propre circonscription, la
ville d'Otterburn Park a un statut bilingue, alors qu'il n'y a que 6 % de
la population, environ, je crois, de langue maternelle anglaise. Moi, je crois
que le conseil est apte à décider, mais il faut faire en sorte de le rattacher
au recensement, et c'est ce que nous faisons. Qu'est-ce que vous en pensez, de
ça?
M. Masella
(Beny) : Alors, si je peux répondre, M. le ministre, vous avez bien
dit que, dans votre cas, Otterburn Park, peut-être, les chiffres ont changé. Et
la loi prévoit le... le projet de la loi prévoit que le conseil municipal doit
adopter une résolution s'il veut maintenir le statut bilingue, et on est tout à
fait d'accord avec ça. Si le conseil municipal d'Otterburn Park décide de ne
pas le retenir, c'est à leur choix, et nous apprécions l'autonomie que le projet de la loi nous donne. Mais, par exemple, une fois
que c'est adopté, que ça finisse, l'histoire, on n'a pas besoin de le revisiter, on espère de ne pas avoir
besoin de le revisiter dans cinq ans, 10 ans, si la situation démographique change. C'est ça
que notre recommandation dit. Une fois que nous avons adopté la résolution, que
c'est permanent.
• (11 h 30) •
M.
Jolin-Barrette : Je comprends votre point de vue, mais le fait d'avoir
du bilinguisme institutionnel, vous ne pensez pas que ça a pour effet, par
rapport aux nouveaux arrivants, d'envoyer un drôle de message? Parce que, dans
le cadre des municipalités bilingues, ce qui arrive, c'est que n'importe qui
sur le territoire pourra se faire servir dans
une autre langue que le français. Alors, tous les droits des ayants droit
d'être servis en anglais par la municipalité vont demeurer, même chose
pour les communautés autochtones, même chose pour ceux qui avaient déjà des
contacts en anglais avec la municipalité.
Ça, ça ne change absolument rien. Mais par contre les nouveaux arrivants qui
s'établissent, supposons, dans le cadre
d'une municipalité liée ou qui sont membres de votre organisation, donc ceux-ci
ont toujours la possibilité d'être servis dans une autre langue que le
français. Est-ce que vous ne trouvez pas que l'État, incluant les
municipalités, devrait s'adresser en français aux nouveaux arrivants?
M. Masella
(Beny) : Je pense, M. le ministre, que la question... et je pense
qu'on a touché tout le sujet quand j'étais dans votre bureau. Comment on doit
demander à quelqu'un qui fait preuve qu'il doive être servi... qu'il est
nouveau arrivant, qu'il doit faire preuve d'être servi en anglais? Alors, la
seule chose qu'on fait maintenant, c'est dire : On va le traiter... on va
lui répondre en français, mais, s'il le demande, on a le droit de lui répondre
en anglais.
Et j'ai dit aussi...
j'ai déjà fait des autres commentaires que ce n'est pas nécessairement pour les
grandes compagnies que je regarde. Je regarde la personne qui vient ouvrir un
petit dépanneur dans notre ville. Peut-être, cette personne qui est...
peut-être, le français est sa deuxième, troisième, quatrième langue, peut-être
l'anglais est sa deuxième langue, déjà de recevoir la communication d'une ville
est déjà un peu... ça peut causer un peu de stress, parce que d'habitude elles
sont des communications assez techniques. À ce point à dire à cette
personne : Non, je n'ai pas droit à vous répondre en anglais, une langue
peut-être que vous êtes plus à l'aise avec, mais il faut vous répondre en
français, je pense qu'on ne rend pas le bon service à ce citoyen. C'est pour
cette raison que j'aimerais faire le petit point que ce n'est pas toujours
évident de servir une personne en français. On ne sait pas qui est plus à
l'aise en français et qui est plus à l'aise en anglais. On ne fait pas le tri
de dire : Ah! c'est les nouveaux arrivants, il faut les traiter en
français. On ne fait pas cette analyse.
M. Jolin-Barrette :
Et je comprends votre point de vue, mais vous ne trouvez pas que, comme
société, on a une responsabilité d'intégrer en français les nouveaux arrivants?
Parce que ce que le projet de loi fait, c'est qu'il a des dispositions
d'antériorité qui font en sorte de protéger ceux qui communiquaient déjà en
anglais avec l'État. Mais, si on veut réussir à faire en sorte que la société demeure...
la société québécoise demeure avec la langue commune que ça soit le français,
il faut faire les efforts supplémentaires, et moi, je crois que les
municipalités doivent participer à ça.
Mais je voudrais vous
poser une autre question sur votre mémoire. Vous proposez qu'on change
également l'indicateur linguistique pour les municipalités bilingues. Vous
souhaitez qu'on passe de la langue maternelle, donc, actuellement, dans la Charte
de la langue française, c'est la langue maternelle, et qu'on utilise un autre
indicateur, celle de la langue parlée à la maison. C'est un peu ironique, tout
ça, parce que j'ai des collègues autour de la table qui décrient le fait que
les démographes utilisent comme donnée la langue parlée à la maison, puis là
vous, vous voudriez qu'on utilise ça. Alors, c'est comme si, des deux côtés, finalement,
vous dites que c'est un bon indicateur.
M. Masella
(Beny) : Mais je regarde le cas dans mon cas, je suis italien
d'origine, alors, à la maison, ma langue maternelle était l'italien. Mais, une
fois que j'avais commencé l'école, ma langue, et la langue plus souvent
utilisée à la maison, est devenue l'anglais. C'est à ce point que je dis :
Peut-être, oui, la langue maternelle était une autre... nous avons deux types
de communautés dans nos municipalités, mais la langue plus souvent utilisée est
la langue qui, je pense, est plus utile pour déterminer ce niveau, cette cible
de 50 %.
M. Jolin-Barrette :
O.K. Donc, l'effet d'utiliser la langue parlée à la maison, dans ce cas-ci,
aurait pour effet d'augmenter le bassin de locuteurs de langue anglaise. La
conséquence, c'est ça que ça amènerait.
M. Masella
(Beny) : Je ne suis pas sûr si ça va augmenter, le numéro, M. le
ministre, mais je suis sûr que c'est un meilleur indicateur.
M. Jolin-Barrette :
O.K. Et, selon vous, qu'est-ce que les municipalités peuvent faire pour améliorer
l'exemplarité de l'État en matière linguistique?
M. Masella
(Beny) : Je m'excuse. Pouvez-vous répéter la question?
M. Jolin-Barrette : Oui. Selon vous, qu'est-ce que les municipalités
peuvent faire pour améliorer l'exemplarité de l'État, pour participer à
la protection, à la promotion du français? Quel doit être le rôle du domaine
municipal pour améliorer le visage français du Québec?
M. Masella (Beny) : Bien, je ne
suis pas sûr, à grande échelle, qu'est-ce qu'on peut faire. Je sais les gestes
que nous avons entrepris à faire dans ma ville, dans la ville de
Montréal-Ouest. On s'assure maintenant que toute, toute chose est faite d'une manière bilingue, que
peut-être à l'époque ce n'était pas le cas. Je m'assure que toute chose,
toutes les... toute chose est faite de manière bilingue, même si la plupart des
résidents qui arrivent dans les conseils préfèrent avoir toutes choses en
anglais, ce n'est pas le cas maintenant. On met toutes choses en bilingue. Mes
rapports sont faits de manière bilingue.
Alors, ce sont des gestes qu'on commence à,
déjà, mettre en place pour avancer ce type de choses. Je ne sais pas,
peut-être, ma collègue pourrait ajouter quelque chose.
M. Jolin-Barrette : Juste une
sous-question pour Mme Brisebois, là. Je comprends qu'il y a des gens qui
préfèrent recevoir leurs communications dans une autre langue que le français,
mais, lorsqu'on parle des nouveaux arrivants
qui viennent s'établir, là, dans les municipalités, est-ce qu'on ne devrait pas
communiquer avec eux en français ou
ça devrait uniquement être en fonction de leur préférence, de la langue qu'ils
préfèrent? Est-ce que, comme État, on devrait
envoyer un message pour dire : On intègre les nouveaux arrivants en
français ou on leur laisse ça à leur discrétion?
Mme Brisebois (Julie) : Bien,
je vais peut-être commencer par compléter le commentaire de mon collègue sur
l'exemplarité et vous parler un peu de comment ça se passe sur le terrain. Moi,
vous entendez mon accent, je suis francophone, je suis francophone de
naissance. J'ai le plaisir de diriger une ville à statut bilingue. Je me suis
fait, moi, un devoir, malgré des salles de conseil à 90 % d'assistance
anglophone, je me suis fait un devoir de faire toutes mes séances bilingues,
c'est-à-dire que c'est 50 %‑50 %. Et toutes nos communications sont
bilingues, que je vois, moi, comme un ajout et non d'enlever quoi que ce soit à
la langue française.
Pour ce qui est des... pour ce qui est des
personnes immigrantes et de ceux qui arrivent chez nous, nous, dans tous les
cas, les communications se font à prime abord de façon bilingue avec les
nouveaux citoyens. Et, s'il y a à s'ajuster après, parce qu'on a une réponse en
anglais et que ces citoyens-là préfèrent s'adresser à nous en anglais, la
réponse... la communication va s'établir en anglais, comme on le fait avec les
anglophones de notre communauté.
M. Jolin-Barrette : Je vous
remercie pour votre présence en commission parlementaire. J'ai des collègues
qui souhaitent vous poser des questions. Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Oui, je céderais la parole au député de Saint-Jean.
M. Lemieux : Merci beaucoup, Mme la Présidente.
Mme Brisebois, M. Masella, bien le bonjour. Merci d'être là...
M. Masella (Beny) : Bonjour.
M. Lemieux : ...pour nous aider
à comprendre et à apprécier l'ensemble de la question, y compris de votre point de vue. J'écoutais votre échange avec le
ministre et je me disais que, qu'il s'agisse de la formule, de
l'indicateur, quand il est question des
dispositions sur le statut bilingue d'une ville et tout ça, le fond de
l'histoire de tout ça, y compris l'exemplarité de l'État qui était la
question précédente du ministre, le fond de l'histoire, le fond de l'affaire,
c'est de protéger le français. Et je n'ai pas pu m'empêcher de souligner, dans
votre préambule, dans votre mémoire, que vous nous dites que les chiffres sur
les... les données sur la situation linguistique au Québec ne sont pas
apocalyptiques.
Alors, pour bien se comprendre, il faut savoir
d'où on part. Est-ce que vous aussi, vous partez du point de vue, qui est partagé
par, je pense, la grande, la vaste majorité des Québécois, que le français a
besoin d'être protégé?
M. Masella (Beny) : Julie,
voulez-vous répondre ou voulez-vous que je...
• (11 h 40) •
Mme Brisebois (Julie) : Allez-y,
Beny.
M. Masella (Beny) : Alors, monsieur,
je peux dire que, peut-être, il y a le sentiment que le... qu'il y a une
attaque ou il y a une perte de la langue française, le statut de la langue
française, la position de la langue française. Je ne suis pas sûr si cette
notion est partagée nécessairement sur l'île de Montréal. Sur l'île de Montréal,
à moins d'avis contraire, je vois que nous avons une paix assez stable de cette
chose. Alors, je ne suis pas... dans nos municipalités, je ne le vois pas. Sur l'île
de Montréal, je n'ai pas entendu parler nécessairement. Peut-être, dans les
régions, c'est une situation plus évidente, mais je ne le ressentis pas sur l'île
de Montréal et ni dans nos municipalités.
M.
Lemieux : Vous ne ressentez
pas que le français est en recul, pour ne pas dire en déclin sur l'île de Montréal?
M. Masella (Beny) : C'est... Dans
mon avis, quand je vois qu'il y a une bonne harmonie maintenant entre les
anglophones et les francophones...
M. Lemieux : Bien, la paix
linguistique, je comprends, d'ailleurs vous avez un passage, un long passage
dans votre préambule sur ce que c'était il y a 200 ans, sur ce que ça été
pendant la crise à Saint-Léonard, ce que ça été... j'ai lu votre mémoire. Ça,
je comprends votre vision des relations de la communauté sur la base de la
langue. Moi, je vous parle du français,
langue commune au Québec. Est-ce qu'il a besoin d'être protégé, ce français-là?
Est-ce que vous croyez, comme tous ceux qui nous parlent ou presque, qu'il
est en déclin, nonobstant les chiffres qui ne sont pas apocalyptiques?
M. Masella
(Beny) : Je dirais que, oui, il doit être protégé, mais, j'ai déjà
mentionné plusieurs fois, pas au détriment des droits acquis de la communauté
anglophone.
M.
Lemieux : Oui. Mme la
Présidente, est-ce que j'ai le temps de passer la parole? Combien il reste de
temps?
La Présidente (Mme Guillemette) :
1 min 30 s.
M. Lemieux : Pas vraiment le temps.
Ça ne serait pas gentil de lui faire ça, en 1 min 30 s. Alors, je
vais continuer. Ce que vous venez de dire,
je l'apprécie, mais j'ai aussi entendu le ministre, depuis le début, dire qu'il
n'y avait pas de droits qui étaient enlevés à la communauté anglophone.
Mais je comprends que la paix linguistique dont on parlait tout à l'heure est
exacerbée par le projet de loi n° 96, c'est ce que vous me dites.
M. Masella (Beny) : Je vais dire
que, si la loi n° 96 est adoptée telle quelle, le droit qu'une
municipalité a maintenant de communiquer avec une personne en anglais, une
personne morale, en anglais, sera enlevé. Et ça, ça inclut le petit monsieur,
la petite madame qui a le dépanneur au coin de la rue. Je ne parle pas des
commissions scolaires des autres niveaux gouvernementaux, je parle de la petite
personne au coin de la rue. Ça doit être enlevé.
M. Lemieux : Merci beaucoup,
M. Masella. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Donc, je céderais maintenant la parole à l'opposition officielle pour
une période de 11 min 30 s. Mme la députée.
Mme David : Merci beaucoup, Mme la
Présidente. Bonjour, monsieur, bonjour, madame. Enchantée de votre présence.
Nous avons bien lu votre mémoire, et je vais vous amener vraiment dans des
méandres ou dans des articles où on n'est pas allés tellement. Alors, je vous
amène carrément à votre dernière page, la page 12, où il y a
l'article 114 et qui réfère à la nouvelle loi à la page... à
l'article 204.30. On est vraiment à la toute, toute fin du projet de loi. Et j'espère qu'on se rendra là un jour
dans l'étude détaillée. Enfin, c'est mon grand souhait. Donc,
l'article 204.30 qui se lit comme suit... On est dans la section Sanction
administrative et mesures disciplinaires, parce que vous abordez cette
question-là dans vos préoccupations. Alors, l'article se lit comme suit :
«Un manquement à une disposition de la présente
loi ou d'un règlement pris pour son application, autre qu'aux
articles 78[...] — bon,
etc. — ou[...],
commis dans l'exercice de ses fonctions par un fonctionnaire visé à l'article 1 de la Loi sur la fonction
publique ou par un administrateur public visé à l'article 3.0.1 de la Loi
sur le ministère du Conseil exécutif est réputé — alors,
encore le mot "réputé", qui est lourd de sens — être
un manquement aux normes d'éthique et de discipline ou, selon le cas, aux
normes d'éthique et de déontologie qui lui sont applicables et est passible des
mesures disciplinaires prévues pour un tel manquement.
«De plus, tout organisme de l'Administration
doit établir des mesures disciplinaires propres à prévenir et à sanctionner un
tel manquement commis, dans l'exercice de ses fonctions, par un membre de son
personnel, autre qu'un fonctionnaire ou un administrateur public visé au
premier alinéa.»
Tout ça a l'air très technique, je vais essayer
de rendre ma question la plus concrète possible. Vous dites, comme
commentaire : «Cet article crée l'obligation pour un organisme de
l'Administration d'établir des mesures disciplinaires
propres à prévenir et à sanctionner des manquements par son personnel. Le fait
de sanctionner un manquement commis pas un membre de son personnel ne
devrait-il pas — et
je vous cite — demeurer
un privilège de l'organisme, qu'il pourra choisir d'exécuter ou non, à sa
discrétion?»
Donc, ma question, c'est... j'essaie de voir ce
qui vous incommode le plus, pour ne pas vous dire vous fâche le plus. Est-ce
que c'est d'avoir à sanctionner ou si c'est le fait que ça soit une sanction
mise au même niveau qu'un manquement aux normes éthique, déontologique ou
disciplinaire? J'essaie de comprendre votre malaise.
M. Masella (Beny) : Julie?
Mme
Brisebois (Julie) : Écoutez,
c'est une bonne question. Je dirais que, dans cet enjeu-là, c'est probablement
au niveau de l'éthique.
Mme David : C'est-à-dire, au niveau
de l'éthique?
Mme Brisebois (Julie) : Bien, c'est-à-dire
d'avoir à réprimander, et même les bases sur lesquelles ces réprimandes-là
devront être établies. C'est un commentaire qui est d'ordre vraiment général,
et je dois avouer que l'idée était de le mettre sur la table. Je ne pourrais
pas élaborer plus. Beny, «I don't...» Je ne sais pas s'il y a autre chose de
ton côté, là.
M. Masella (Beny) : Oui, il y a quelque
chose à ajouter, madame. Je dirais que c'est aussi une question de l'autonomie.
Si quelqu'un a posé un geste, a répondu à une question et a mis un commentaire
à une personne morale en anglais, parce qu'il a déjà une relation, il a déjà
répondu à 100 questions de cette personne, maintenant je suis dans
l'obligeance de causer des problèmes ou de le sanctionner, c'est ça que ça peut
être problématique. Ça se peut que nous demandions de ravoir l'autonomie de
décider. Oui, écoute, on comprend qu'il y avait une histoire derrière ça, ce n'est pas noir sur blanc que ça devrait être quelque
chose à sanctionner, et spécialement pas au niveau de l'éthique, que c'est quelque chose qui va contre un code de déontologie.
C'est un peu lourd. Comme vous avez dit tout à l'heure, c'est un peu
lourd.
Mme David : D'autant que c'est le
mot «réputé», ça veut dire que... ça veut dire qu'il y a un manquement déjà où
la personne a plus de difficulté à se défendre. Mais vous vivez déjà avec une
charte de la langue française depuis de
nombreuses décennies. Qu'est-ce qui change? Vous avez déjà eu à appliquer des
sanctions? Vous êtes maire, mairesse,
là, de municipalités. Est-ce qu'il y a déjà eu ce genre de sanction en lien
avec la Charte de la langue française ou c'est complètement nouveau,
c'est du nouveau droit, comme on dit, qui est applicable à la langue française,
dont vous aurez, dans le fond, à avoir la responsabilité en prenant, par
exemple, cet article-là et en devant l'appliquer? Est-ce que c'est totalement
nouveau pour vous?
M. Masella (Beny) : Dans notre cas,
à Montréal-Ouest, ce n'est jamais arrivé que j'ai dû appliquer cette sanction,
même si... déjà elle existait. Maintenant, je vois que, maintenant dans la loi,
c'est : il faut l'appliquer, on n'a pas le choix, ce n'est pas parce que
nous avons la discrétion ou l'autonomie de décider. Maintenant, comme je vois
la loi, on doit l'appliquer, et malheureusement fortement, et c'est là où ça
cause des inconvénients, ça enlève un peu de l'autonomie qu'on avait à
l'époque.
Mme David : Et il y a eu toute une loi
sur l'autonomie municipale, justement, et certains... et une politique par
rapport à ça. Donc là, vous trouvez que ça vient un peu en contravention, je
dirais, ou en porte-à-faux avec ce que vous avez déjà comme autonomie
municipale, que vous avez tellement réclamée. Et là vous dites : On a une
loi qu'on n'avait pas avant, avec des mesures obligatoires. Donc, pour vous, ça
va demander des compétences nouvelles, des habiletés nouvelles?
M. Masella (Beny) : Ou des
obligeances nouvelles.
Mme David : Oui. Vous dites, vous
n'avez jamais eu à appliquer quoi que ce soit lié à ces obligations par rapport
à la Charte de la langue française de toute votre histoire, là, de maire ou
mairesse?
M. Masella (Beny) : Pas dans mon
cas, et à Montréal-Ouest, depuis que je suis maire, je n'ai jamais eu à
l'appliquer, non.
Mme Brisebois (Julie) : Et c'est la
même chose pour moi.
• (11 h 50) •
Mme David : O.K. Merci beaucoup. Je
vais passer la parole à mon collègue de La Pinière.
La Présidente (Mme Guillemette) : M.
le député.
M. Barrette : Oui. Merci, Mme la
Présidente. M. Masella, Mme Brisebois. Je regarde, moi aussi,
certaines recommandations qui sont détaillées à la fin de votre mémoire, et il
y a deux articles que vous mettez en évidence, pour des raisons qui m'étonnent, compte tenu des propos que vous avez
faits, particulièrement M. Masella, en introduction. Vous avez...
et ce sont des articles, des recommandations qui traitent aux articles 40
et 93. Vous avez plaidé devant nous la problématique qui vous apparaît à donner
des services au citoyen, au simple citoyen, particulièrement le nouvel
arrivant, en lien avec sa langue. Et vous avez dit, puis ça m'a beaucoup
étonné, puis c'est là où je veux en venir, là : Ce n'est pas la même chose
pour une grosse compagnie, une personne morale, ce sont vos mots. Pourtant, quand vous faites des recommandations en lien avec
40 et 93, ce sont des personnes morales, ce sont des compagnies,
notamment des assureurs. Alors là, j'aimerais que vous m'expliquiez votre
position, parce que, j'ai cru comprendre, peut-être à tort, peut-être que je
vous ai mal compris, vous ne sembliez pas, dans votre présentation, voir un
enjeu avec les personnes morales, notamment certaines compagnies, les grandes
compagnies, c'est votre expression, et... mais par contre, dans vos recommandations,
vous y voyez un problème. Alors, j'aimerais que vous nous expliquiez ça pour
qu'on puisse comprendre un peu plus votre position, et peut-être que,
Mme Brisebois, vous avez aussi des commentaires à faire, là, mais,
M. Masella, je pense que c'est vous qui êtes le premier interpelé dans mon
propos.
M. Masella (Beny) : Je peux dire
que, peut-être dans ce que nous avons mis dans notre dépôt, c'est-à-dire... peut-être
qu'il peut y avoir des manquements ou... des disponibilités des documents
d'assurance. On a parlé, on a fait l'exemple des documents d'assurance pour les
compagnies basées à Londres. On n'a pas dit que ça peut être, ça va être ça, on
l'a dit. Est-ce que ça peut causer un problème d'avoir ces documents en
français? Maintenant, nous avons l'obligeance de l'avoir en français. Peut-être,
il n'existe pas, déjà. Ça cause une autre problématique pour le ressortir, pour
le faire valider par 150 avocats avant que ça soit mis en fonction, mis en
acceptation. Alors, on a dit : Ça peut causer un problème de la disponibilité
de certains documents, comme nous avons dit, des compagnies, des grandes
compagnies qui sont basées, disons, à Londres. Ce n'est pas nécessairement la
même chose avec, on a dit, une petite entreprise dans la ville, c'est une
petite entreprise, c'est beaucoup plus facile. Et, d'habitude, les interactions
sont moins compliquées. Mais, quand on
commence à parler avec des polices d'assurance, ça devient compliqué. Et est-ce que les documents... est-ce qu'il va
y avoir un enjeu de la disponibilité des documents en français...
M. Barrette :
Alors...
M. Masella (Beny) : ...
M. Barrette : Bien, c'est à peu près
ce que j'avais compris, mais c'était quand même une hypothèse, sans nommer les
compagnies en question, là, on en connaît plusieurs, je pense, autour de la
table, ce sont des compagnies qui font
affaire... elles sont planétaires. Alors, en général, elles ont des
versions dans les langues des pays correspondants où elles font affaire.
Du moins, moi, dans mon expérience précédente, même de grandes compagnies de
construction, là, les documents étaient en français parce que c'était...
D'ailleurs, plus j'y pense, vous seriez surpris du nombre de compagnies
mondiales basées en Europe, dont en Angleterre, qui nous fournissent leurs
documents en français. Mais, pour vous, je comprends que c'est une hypothèse actuellement,
ce n'est pas un fait que vous avez relevé ou expérimenté dans votre quotidien.
M. Masella (Beny) : Exactement. Exactement.
M. Barrette : O.K. Sur le plan... Là
il me reste combien de temps, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Guillemette) : Il
vous reste 10 secondes.
M. Barrette : Bon, bien, écoutez, je
ne terminerai pas ma phrase et je vous remercie d'être venu ici converser avec
nous.
La Présidente (Mme Guillemette) : Merci
beaucoup, M. le député. Donc, je céderais maintenant la parole au deuxième
groupe d'opposition. Mme la députée de Mercier.
Mme Ghazal : Merci, Mme la
Présidente. Merci pour votre présentation. Je voulais savoir, parmi les villes
qui sont membres de votre association, combien tombent sous le seuil de
50 % d'anglophones?
M. Masella (Beny) : En dessous de...
je pense qu'il y en a deux, si je ne me trompe pas, madame, il y en a deux qui
tombent en dessous le seuil. Et je peux vérifier, je n'ai pas les chiffres à
porter de mes mains.
Mme Ghazal : Donc, attendez, donc
deux sur les 15 qui ont moins de la population, moins de 50 % qui sont
anglophones?
M. Masella (Beny) : Je pense que
oui, mais, comme j'ai dit, je n'ai pas les chiffres à porter de main, je peux
les avoir.
Mme Ghazal : Mais donc dans le sens
que ce qui est demandé par le projet de loi n° 96 n'aura pas besoin de
s'appliquer. Parce que vous dites : Il faut que... quand une municipalité
a plus de 50 % de sa population francophone, donc moins de 50 % de sa
population anglophone, c'est là qu'elle peut, si elle le veut, demander une
résolution, voter une résolution au conseil municipal pour demeurer bilingue.
Donc, de ce que je comprends, elles sont déjà à plus de 50 %
d'anglophones, la majorité, là, des municipalités, donc elles n'auront même pas
besoin de demander de voter de résolution. D'où vient votre inquiétude alors?
M. Masella (Beny) : Quand je
regarde... excuse, et je... quand je vois le tableau maintenant pour la langue
maternelle, je vois : une, deux, trois, quatre, cinq, six, sept ont moins
de 50 % de langue maternelle en anglais.
Mme
Ghazal : Anglaise,
anglophone. O.K. Et donc, selon vous, toutes ces municipalités vont demander,
vont voter une résolution pour demeurer
bilingues ou certaines vont demeurer, vont accepter de devenir
francophones?
M. Masella (Beny) : Je pense que,
parmi ces sept-là, deux n'ont pas le statut bilingue, alors il n'y aura rien à
changer là-dedans. Mais, les autres, je présume... et certains ont déjà passé
des résolutions dans leurs propres conseils...
Mme Ghazal : Toutes les sept. Puis
j'essaie de comprendre pour quelle raison ça veut dire que... pourquoi est-ce que c'est si important pour elles, alors
que la majorité de leurs citoyens sont francophones? Est-ce qu'il y a
une menace pour les services que vous offrez à ces citoyens-là, puisque la
majorité sont francophones et probablement que les autres sont bilingues, comme
beaucoup au Québec, comme vous?
M. Masella (Beny) : Allez-y,
allez-y, madame...
Mme Brisebois (Julie) : Oui. Bien,
je vais prendre la parole. En fait on leur offre un service supplémentaire en
ce moment, aux citoyens, on offre tout dans les deux langues. Donc, de ne pas
faire de demande pour maintenir le statut de ville bilingue signifie qu'on ne
pourrait plus communiquer en anglais. Alors, même si le pourcentage de population de langue maternelle anglaise peut descendre,
moi, je parle de mon cas précis, on est tout juste en dessous de la barre des
50 %, tandis que le pourcentage de la langue parlée...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme Brisebois, c'est tout le temps que nous avions. Merci, Mme la députée. Je céderais maintenant la parole au troisième groupe d'opposition.
M. le député de Matane-Matapédia.
M. Bérubé : Merci, Mme la Présidente.
Bienvenue à l'Assemblée nationale. Vous devez être rassurés parce que rien ne
va changer. Le gouvernement a décidé que vous êtes des municipalités à statut
bilingue, il y a un truc : vous n'avez qu'à passer une résolution, dans
certains cas vous l'avez déjà fait, et puis rien ne changera, quel que soit le
pourcentage que vous avez d'anglophones sur votre territoire. Donc, j'imagine
cette satisfaction que vous avez.
Mais vous en voulez plus, vous voulez que ce
statut demeure pour toujours, pour l'éternité. Bien, écoutez, ville Mont-Royal, «Town of Mount Royal», 18,5 % d'anglophones, ce n'est pas beaucoup, ça.
Alors, le conseil municipal peut décider qu'on continue comme ça.
Peut-être, ça va devenir 15 % dans quelques années, 10 %, ça sera
maintenu.
C'est un symbole de vouloir maintenir une
municipalité bilingue, mais, les symboles, on en a dans ce projet de loi. Le
ministre, par exemple, veut consacrer le Québec comme francophone, langue
unique, le français, c'est un symbole. Mais c'est plus qu'un symbole de faire
en sorte qu'une majorité de francophones puisse être dans une municipalité à
statut francophone.
Alors, je comprends votre proposition, mais vous
poussez votre luck un peu, pour prendre un mot anglais. Parce que des
municipalités qui décroissent, ça va continuer. Et je prends l'exemple de ville
Mont-Royal. Qu'est-ce qu'il faudrait qu'un citoyen de ville Mont-Royal...
Prenons l'exemple d'un député qui est dans cette salle, qui se rendrait à son
conseil municipal et qui irait dire : Non, moi, je demande à mon conseil
municipal que ça soit une municipalité francophone. Ce serait ça, finalement.
M. Masella (Beny) : Est-ce que vous
me posez une question, M. Bérubé? Je m'excuse.
M. Bérubé : C'est-u normal que ville
Mont-Royal, avec 18,5 % d'anglophones, maintienne son statut de ville
bilingue? Je vais vous le poser comme ça.
M. Masella (Beny) : C'est à eux
autres à décider, ça. C'est les conseillers de la ville qui sont plus proches à
leurs citoyens, et peut-être... comme on le voit de tout. Le bilinguisme, c'est
comme part de notre identité. La ville de Mont-Royal a ça comme dans son
identité. Mais, comme vous avez dit, la loi prévoit de donner l'autonomie au
conseil municipal de décider s'ils vont continuer. La seule chose que nous
avons demandée, on ne veut pas toujours remousser et ravoir la
discussion : une fois que la décision est prise, ça finisse là, on n'a pas
besoin de le revisiter chaque cinq ans, 10 ans, 15 ans.
• (12 heures) •
M. Bérubé : Mais ça vous énerve, ça,
de perdre ce statut-là, comme si vous étiez une enclave, un petit royaume qui
va demeurer à demeure bilingue. Je veux dire, les choses changent. Vous n'aviez
plus la majorité pour maintenir ces municipalités. Vous demandez au ministre de
les maintenir.
D'ailleurs, je comprends que vous vous êtes
rencontrés avant le projet de loi. Vous avez évoqué une rencontre dans son
bureau à un moment donné.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
M. Bérubé : Puis c'est ça que vous
lui avez demandé?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le député. C'est tout le temps que nous avions pour les échanges.
M. Bérubé : J'en saurai plus
là-dessus.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, je vous remercie d'avoir été avec nous aujourd'hui et votre contribution
aux travaux de la commission.
Et je suspends les travaux quelques instants, le
temps d'accueillir nos nouveaux invités.
(Suspension de la séance à 12 h 01)
(Reprise à 12 h 03)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, la commission reprend ses travaux. Je souhaite la bienvenue au
Regroupement des organismes en francisation du Québec et leurs représentants,
Mme Anait Aleksanian, présidente — j'espère que je le prononce
bien — et
M. Carlos Carmona, coordonnateur, donc bienvenue à vous deux. Merci
d'être avec nous cet avant-midi. Donc, vous disposez de 10 minutes pour
nous présenter votre exposé, et par la suite il y aura un échange avec les
membres de la commission. Donc, sans plus tarder, je vous cède la parole.
Regroupement des organismes en
francisation du Québec (ROFQ)
Mme Aleksanian (Anait) : Bonjour,
Mme la Présidente. Permettez-moi de me présenter. Donc, mon nom, c'est Anait Aleksanian,
je suis la présidente du conseil d'administration du ROFQ.
Je vais prendre, peut-être, quelques minutes
pour présenter brièvement le ROFQ. Le Regroupement des organismes en
francisation du Québec, le ROFQ, est issu du milieu communautaire. Il a pour
mission de soutenir et promouvoir la francisation des personnes immigrantes et
défendre les intérêts de ses membres. Le ROFQ regroupe environ une soixantaine
de membres, partout au Québec, qui a comme objectif de contribuer comme un
espace de concertation, d'échanges, d'analyses et de partage d'expérience pour
les organismes membres; favoriser la prise de position commune en ce qui
concerne les enjeux et des problématiques de la francisation en milieu
communautaire; défendre l'accès à la francisation dans les organismes
communautaires et sa reconnaissance par le ministère de l'Immigration de la
francisation et de l'intégration et des autres institutions, évidemment.
Le ROFQ est régi par un conseil d'administration
composé de sept représentants des organismes, élus par les membres, dont
au moins un vient de l'extérieur de la région métropolitaine de Montréal.
Le principal
mandat du ROFQ est de représenter les intérêts des organismes membres qui
militent pour le droit des personnes
à apprendre la langue française, et c'est devant les instances publiques,
parapubliques et communautaires partout au Québec.
M. Carmona (Carlos) : Bonjour, Mme
la Présidente. Mon nom est Carlos Carmona, je suis coordonnateur du ROFQ.
Je reprends. Donc, par l'intermédiaire de cet
organisme membre et en collaboration avec le ministère de l'Immigration, de la
Francisation et de l'Intégration, le MIFI, le ROFQ est un acteur privilégié de
la francisation en milieu communautaire. Quatre fois par année, les organismes
du ROFQ organisent des sessions de cours de français dans leurs murs. Les organismes prennent en charge les processus de la
promotion du cours, du recrutement de personnes immigrantes et ils
mettent à la disposition du MIFI les locaux pour la dispensation de ces cours
par le personnel enseignant du MIFI.
Selon le rapport annuel de gestion du MIFI en
2019-2020, 19 480 personnes ont participé au cours de français à temps partiel. Selon nos estimations, plus de 17 000 de ces
personnes l'ont fait dans un organisme communautaire représenté par le
ROFQ. C'est donc fort et fier de cette expertise en francisation que le ROFQ
présente aujourd'hui quelques commentaires en relation au projet de loi
n° 96 qui modifie la Charte de la langue française.
Mme
Aleksanian (Anait) :
Globalement, nous sommes favorables au projet de loi, notamment à
l'intégration dans la constitution le fait que le Québec est une nation dont la
langue officielle est le français. Permettez-nous de saluer très favorablement
l'article 133 du projet de loi n° 96 qui prévoit une modification au
préambule de la Charte de la langue française avec l'insertion de l'alinéa
suivant : «Considérant que le français est la seule langue officielle du
Québec ainsi que la langue commune de la nation québécoise et la langue
d'intégration à celle-ci.» C'est la notion de langue d'intégration qui nous
semble très importante en vue de l'intégration harmonieuse des personnes
immigrantes à la société québécoise. En même temps, nous considérons que cela
envoie un message fort aux nouveaux arrivants.
Toutefois, l'article 15 de ce projet de loi
prévoit modifier la Charte de la langue française par l'insertion, après l'article 22.1 de celle-ci, d'une série
d'articles. Nous voudrions nous référer tout particulièrement à
l'article 22.3c qui prévoit : «Un
organisme de l'Administration peut déroger au paragraphe 1° de
l'article 13.2 en utilisant, en plus du français, une autre langue
lorsqu'il écrit, dans les cas suivants :
«c) fournir des services pour l'accueil au sein
de la société québécoise des personnes immigrantes durant les six premiers mois
de leur arrivée au Québec.»
En tant qu'organisme voué à l'enseignement de la
langue française, nous manifestons notre désaccord à cet alinéa, car il nous
semble difficile à atteindre. Pourquoi limiter les services d'accueil dans une
autre langue que le français seulement à six mois? Cela présuppose qu'une
personne immigrante apprend le français en six mois et qu'après cette
période elle devient complètement autonome en français. En acceptant la
prémisse qu'il est possible de devenir autonome en français en si peu de temps,
cela présuppose aussi que la personne immigrante a commencé son apprentissage
dès son arrivée au territoire québécois, qu'elle n'a rien fait d'autre que
d'étudier le français, qu'elle a trouvé une formation adéquate à sa descente d'avion,
alors que l'on sait que ce n'est pas toujours possible.
M. Carmona (Carlos) : Comme en exemple,
par ailleurs, le programme de francisation du MIFI prévoit quatre sessions de 11 semaines de cours, à
raison de 30 heures par semaine, soit un total de 44 semaines
d'apprentissage ou l'équivalent de
1 320 heures, pour atteindre la partie supérieure du niveau de
compétence, soit les niveaux 7 et 8 de l'Échelle québécoise
des niveaux de compétence en français des personnes immigrantes adultes,
et cela, si la personne suit ces cours à temps plein.
Que se passe-t-il quand la personne immigrante
étudie à temps partiel à raison de six, neuf ou 12 heures par semaine? On
a longuement dépassé les six premiers mois suivant son arrivée pour qu'elle
devienne autonome en français. Cet article,
selon nous, ne prend pas en considération que la durée de l'apprentissage peut
varier selon différents facteurs, notamment le parcours migratoire, la
scolarité, la langue maternelle de la personne immigrante.
Mme Aleksanian (Anait) : À
titre d'exemple, qu'est-ce qui arrive avec une personne qui atterrit à Montréal
aujourd'hui, le 30 septembre, et il va s'inscrire au cours de français en
espérant aussi trouver un emploi? On parle des cours de français à temps partiel. En
considérant que le cours de français session automne commence le
4 octobre, donc, la personne va pouvoir
s'inscrire au cours de français uniquement à partir du mois de janvier. Donc,
la personne vient de perdre trois mois. Donc, il va lui rester trois
mois pour apprendre le français.
Qu'est-ce qui arrive avec les personnes qui
viennent suite à l'immigration humanitaire, notamment les réfugiés parrainés
par l'État? Une personne qui fuit la guerre et qui a passé des années dans le
camp de refugiés, dès son arrivée sur le sol québécois, c'est sûr que, d'abord
et avant tout, il a besoin de soutien psychosocial.
Ou qu'est-ce qui arrive avec une famille qui
atterrit en plein congé scolaire?
Donc, il y a
une série de contraintes administratives qui empêchent les personnes de suivre
un parcours exemplaire.
M. Carmona (Carlos) : Ça nous
amène à suggérer d'allonger la période de six mois prévue dans le projet de loi
à un minimum d'un an, selon les contraintes qu'on vient d'énumérer.
Dans un autre ordre d'idées, le projet de loi
prévoit aussi une... pardon, une unité administrative appelée Francisation
Québec au sein du ministère de l'Immigration, de la Francisation et de
l'Intégration. L'article 156.24 prévoit que Francisation Québec est
l'unique point d'accès gouvernemental pour ces personnes désirant recevoir des
services d'apprentissage du français. Ce libellé nous interpelle et nous
inquiète profondément, car, présentement, notre
organisme assure des responsabilités notamment en ce qui concerne le
recrutement et l'inscription des personnes immigrantes souhaitant apprendre le français à temps partiel dans un
organisme communautaire de leur choix, organisme qui, en plus des cours
de français, offre une série, une panoplie de services qui vont les aider à
leur intégration à la société québécoise francophone.
Comme nous l'avons indiqué en introduction,
c'est plus de 17 000 personnes qui décident, session après session,
de s'inscrire dans un organisme communautaire pour apprendre le français, et
bénéficier des services offerts par notre organisme, et ainsi s'intégrer
harmonieusement à leur société québécoise. C'est pour ça que ce libellé de
Francisation Québec comme point unique gouvernemental nous interpelle, et on se
pose des questions à savoir quel va être le rôle des organismes communautaires
après l'adoption du projet de loi.
Mme la Présidente, nous avons fini notre
présentation.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait, merci. Donc, nous passons maintenant à la période d'échange, en
débutant par M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Mme Aleksanian et M. Carmona, bonjour, bienvenue à
la commission parlementaire. Merci beaucoup de contribuer aux travaux de la
commission. Puis je suis heureux que vous
participiez parce que je crois que le ROFQ, justement, connaît la réalité en
francisation des personnes immigrantes et l'importance également
d'amener les gens vers une francisation pour faire en sorte qu'ils puissent
intégrer la langue commune.
Alors, pourquoi est-ce que c'est important
d'enseigner rapidement le français aux personnes immigrantes? Qu'est-ce qui
arrive si on ne réussit pas à offrir des cours rapidement, une prise en charge
rapidement en français? Sur le choix linguistique de la personne, qu'est-ce qui
arrive?
Mme Aleksanian (Anait) : C'est sûr
que ça peut avoir un impact négatif sur l'intégration de la personne. Et là on
parle de l'intégration sociale, intégration professionnelle aussi.
M. Jolin-Barrette : En quelque
sorte, d'isolement?
Mme Aleksanian (Anait) : Absolument.
M. Jolin-Barrette : Vous
dites : Intégration sociale, intégration sur le marché du travail. Quelle
est la réalité des personnes immigrantes lorsqu'elles immigrent au Québec, et
la majorité déposent leurs valises sur Montréal, et décident de s'installer à Montréal?
Et on l'a vu, là, il y a certaines études qui ont été publiées, au cours des
dernières années, qui démontrent une exigence d'une langue autre que le
français pour être embauché. Est-ce que ça soulève des enjeux dans les
clientèles que vous voyez dans vos cours de francisation? Comment les personnes
immigrantes reçoivent ça lorsqu'on leur dit : Venez au Québec, puis
finalement parlez-vous anglais, pour travailler à Montréal?
• (12 h 10) •
M. Carmona (Carlos) : C'est
évidemment, M. le ministre, une question qui est très simple à répondre :
Ça transmet un message qui n'est pas très clair. C'est un message où on
dit : Oh! à Montréal, on peut travailler en anglais même si la langue
officielle du Québec est le français. C'est ça, la réalité de Montréal.
Peut-être que ce n'est pas la réalité des régions, mais c'est ça qui se passe à
Montréal. Donc, il faut...
Et, dans votre première question, vous
disiez : Qu'est-ce qui se passe si les personnes ne suivent pas de cours
de français? Nous, on ne met pas en doute le fait que les personnes doivent
suivre des cours de français dès le début. On se questionne sur le fait de
limiter cette période à seulement six mois avant que... pendant les six mois où
le gouvernement pourra communiquer avec eux dans une langue autre que le
français. Nous pensons que six mois n'est pas suffisant pour qu'ils apprennent
convenablement le français.
M. Jolin-Barrette : Et, sur la
question du marché du travail, là, bon, vous dites : C'est un peu un
message contradictoire, le fait d'exiger une autre langue que le français pour
travailler à Montréal, alors qu'on donne des cours de
francisation et on veut intégrer en français. Puis là vous avez parlé
d'isolement des personnes, isolement social notamment, qui n'apprennent pas le
français. Les mesures qu'on met dans le projet de loi pour faire en sorte
justement qu'il faut vraiment que ça soit nécessaire, l'utilisation d'une autre
langue que le français, pour être embauché ou pour avoir une promotion, est-ce
que vous accueillez ça favorablement, que le gouvernement resserre les critères
de l'exigence d'une autre langue que le français sur le marché du travail?
Mme Aleksanian (Anait) :
Évidemment, on reçoit ça favorablement. Toutefois, c'est sûr qu'il faut être
beaucoup plus strict, hein? Il ne faut pas permettre que les entreprises
demandent... pour n'importe quel type d'emploi, exiger d'être bilingue.
Toutefois, on sait très bien qu'il y a des postes qui exigent la connaissance
de l'anglais, hein, notamment dans certains domaines de compétence où la
personne doit participer à des missions, faire des représentations, etc., au
service à la clientèle, dans le domaine du tourisme, dans l'informatique.
M. Jolin-Barrette : Dans le
projet de loi, on élargit également l'assujettissement des entreprises. Donc,
avant c'était 50 et plus, là on les amène à 25-49, et on souhaite faire de la
francisation également à l'entreprise, notamment avec Francisation Québec.
Comment vous entrevoyez ça, le fait qu'on vient appliquer les dispositions de
la charte aux entreprises de 25 à 49 pour la francisation des personnes
immigrantes?
Mme Aleksanian (Anait) : C'est sûr
que ça ne touche pas directement notre mission, mais moi, d'emblée, je peux
dire que moi, j'accueille ça favorablement, ces dispositions. Toutefois, il
faut s'assurer de donner les moyens à ces entreprises pour pouvoir répondre aux
exigences, puisque généralement ces entreprises n'ont pas les ressources, notamment
les ressources humaines, les responsables des ressources humaines, etc., pour
répondre à toutes les exigences administratives de cet article.
M. Jolin-Barrette : Vous semblez
inquiets de la création de Francisation Québec. Tout à l'heure, vous le disiez
bien, vous offrez de la francisation dans vos institutions, dans les différents
organismes communautaires, et, de la façon que ça fonctionne notamment, c'est
le ministère de l'Immigration qui finance, bon, le coût du professeur, qui
finance également pour le coût du local. D'ailleurs, j'avais augmenté
substantiellement les allocations données aux organismes communautaires à
l'époque où j'étais ministre de l'Immigration, également la bonification des
allocations, on ouvre le temps partiel aussi.
Peut-être
pour vous rassurer, Francisation Québec est là pour amener un guichet unique
pour faire en sorte, sur le plan
opérationnel, d'être plus performant. Parce qu'en 2017 la Vérificatrice
générale avait émis comme recommandation une critique à l'effet qu'il y avait un éparpillement des services.
Alors, le guichet unique va permettre de fédérer à la fois pour les
employeurs, mais à la fois pour les personnes immigrantes, mais c'est sûr que
vous êtes un partenaire de grande qualité,
les organismes communautaires également sont un partenaire de grande qualité.
Alors, l'objectif, c'est de faire en sorte, également, de maintenir les
cours dans les organismes communautaires aussi, mais d'avoir également une
flexibilité puis un moyen d'action aussi pour aller en entreprise, pour
répondre aux besoins de francisation.
Alors, l'objectif, c'est de mettre à
contribution tout le monde mais de n'avoir qu'une seule porte d'entrée pour
tout le monde, de façon à mieux orienter les gens aussi, si ça peut vous
rassurer.
• (12 h 20) •
Mme
Aleksanian (Anait) : Merci beaucoup.
C'est effectivement très rassurant. C'est qu'il ne faut pas
oublier que les organismes
communautaires sont de véritables milieux d'intégration, puisque la personne
qui fréquente un organisme, il ne
suit pas tout simplement un cours de français académique, mais il
rencontre les intervenants sociaux, les conseillers en emploi. Bref,
tous les employés de l'organisme sont à ce service pour favoriser son
intégration harmonieuse à la société d'accueil.
M. Jolin-Barrette : Peut-être une
dernière question avant de céder la parole à mes collègues. Pour un nouvel
arrivant, pour une personne immigrante qui choisit le Québec puis qui arrive à
Montréal, dans une proportion de 80 % des cas, à quel point est fort le
facteur d'attractivité de la langue anglaise? Lorsque vient le temps pour une
personne immigrante, là... elle est à Montréal, elle veut s'intégrer, à quel
point le facteur d'attractivité de l'anglais est important, selon ce que vous
constatez?
M. Carmona (Carlos) : À ma
connaissance, c'est le milieu de travail qui détermine cette option. Si le
milieu de travail est effectivement un
milieu de travail francophone, où les personnes vont communiquer en français,
le travail va se faire en français. Sauf quelques exceptions, comme a
dit Mme Aleksanian il y a quelques minutes, l'attirance, l'attraction de
l'anglais va être moindre. Et c'est... D'après moi, c'est là-dessus qu'il faut
aussi insister, pour que le milieu de travail à Montréal soit effectivement un
milieu de travail francophone.
Mme Aleksanian (Anait) : Ça va
dépendre aussi de l'efficacité de l'offre de français sur le terrain. Ça va
dépendre aussi des discours de valorisation et de la promotion qu'on va aussi
tenir collectivement, notamment via les organismes communautaires, qui sont les
premières portes d'entrée pour ces personnes-là.
M. Jolin-Barrette : Peut-être
une dernière question. Certaines formations politiques à l'Assemblée nationale
proposent de ne sélectionner que des personnes immigrantes qui ont une
connaissance du français. Qu'est-ce que vous pensez de cela?
Mme Aleksanian
(Anait) : On en a déjà discuté, et ça fait déjà quelques années, je
pense, que ça fait partie des discussions politiques. Le ROFQ a toujours
manifesté son désaccord avec cette vision puisque, sur le terrain, on constate
aussi que ce n'est pas... Ce n'est pas parce que la personne vient d'un pays
non francophone qu'il ne va pas le devenir très rapidement et qu'il ne va pas
s'intégrer dans la société d'accueil, peut-être parfois plus vite et mieux
comme francophone.
M. Jolin-Barrette : Merci.
Mme Aleksanian (Anait) : Donc,
ce que je suis en train de dire, seulement la connaissance du français en soi,
ça ne détermine pas la capacité d'intégration dans la société d'accueil. Ça
prend une série d'autres facteurs.
M. Carmona (Carlos) : Si vous
permettez, M. le ministre, en plus de la notion de francophone, il faudrait
jouer aussi sur la notion de personne francophile.
M. Jolin-Barrette : C'est bien
noté. Et je vous remercie grandement pour votre présence en commission
parlementaire.
Mme Aleksanian (Anait) : Merci
à vous.
M. Carmona (Carlos) : Merci.
La
Présidente (Mme Guillemette) : Merci, M. le ministre. Je céderais maintenant la parole au député de
Chapleau.
M. Lévesque (Chapleau) : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Aleksanian, M. Carmona.
Merci beaucoup de votre présentation. J'aimerais peut-être faire appel à votre
expérience, vous, là, qui travaillez avec, justement... soit vous offrez des
cours, vous-mêmes, de francisation ou vous travaillez avec des partenaires qui en offrent. J'aimerais savoir, à la lumière du
projet de loi qui est déposé par le ministre, par le gouvernement, qu'est-ce
qui... qu'est-ce qu'on pourrait ajouter. Est-ce qu'il y a des éléments que vous
voyez, dans le projet de loi, qui pourraient venir vous aider, justement, à
remplir votre rôle de francisation? Est-ce qu'il y a des éléments que, vous trouvez, ils sont très pertinents, ou d'autres que
vous dites : Ah! bien, si on avait tel levier ou telle mesure, on
pourrait vraiment bonifier notre offre de francisation, selon votre expérience,
bien entendu, et des gens que vous représentez?
Mme Aleksanian (Anait) : Selon moi,
là, on parle d'un projet de loi, une fois que le projet de loi sera adopté, je
pense qu'on va avoir beaucoup plus de propositions et plus d'idées sur
l'opérationnalisation de ce projet de loi.
Là, on va avoir, j'imagine, beaucoup plus de leviers. Peut-être qu'on peut
suggérer avoir une offre de francisation plus souple, par exemple.
M. Lévesque (Chapleau) : Définir ce
que...
Mme Aleksanian (Anait) : Notamment,
en termes de calendrier... Notamment en termes de calendrier de formation.
Actuellement, nous avons, au niveau des temps partiels, quatre sessions, l'été,
automne, printemps, hiver. Peut-être, entre sessions, on pourrait intégrer
d'autres types de formations pour être beaucoup plus inclusifs. Et, de cette
manière, on pourrait raccourcir les délais. Mais ça, c'est plus au niveau de
l'opérationnalisation.
M. Lévesque (Chapleau) : D'accord.
Même chose de votre côté, monsieur?
M. Carmona (Carlos) : Oui,
effectivement. Et il y a un élément qui ne concerne pas le projet de loi, mais
je trouve qu'il faudrait aussi qu'il y ait une plus grande flexibilité dans les
consignes, dans les données du ministère de l'Immigration, dans la gestion des classes par les professeurs.
Il faudrait effectivement qu'il y ait... qu'il puisse y avoir une
flexibilité plus grande dans le transfert des étudiants. Quelquefois, les
étudiants, à partir d'un certain moment... et ça, c'est lié à une convention
collective, ça ne concerne pas au projet de loi, O.K.? Mais quelquefois un
étudiant va perdre son temps en restant dans une classe, alors qu'il pourrait
être dans une autre classe, mais la convention collective actuelle ne le permet
pas. Donc, c'est au niveau de la façon de rendre opérationnel ce projet de loi,
O.K.? Donc, c'est un élément auquel moi, je tiens beaucoup.
M. Lévesque (Chapleau) : D'accord.
Merci. Peut-être pour revenir sur une question, là, qui a été abordée, là, par le ministre, notamment, le fait que les
personnes francophones à l'immigration... des candidats à l'immigration aient... comme langue maternelle aient le
français, de façon unique, en termes de candidatures, là, que l'État
québécois pourrait accueillir.
On a vu, là, tout récemment, avec une dame
haïtienne qui a eu quand même certaines difficultés à obtenir un emploi du fait qu'elle avait, donc, cette langue
maternelle. Voyez-vous également... là, vous avez parlé du milieu de
travail, il y a une certaine anglicisation
qui peut se faire, si ce n'est pas une intégration en français. Donc, peut-être
élaborer sur ce point-là, que,
justement, le fait d'être uniquement francophone, à l'immigration, il peut y
avoir aussi certaines barrières pour ces
gens-là, notamment avec la demande de parler en anglais ou d'avoir la langue anglaise comme critère pour
l'embauche.
Mme Aleksanian
(Anait) : Je n'ai pas tout à fait compris la question. Pouvez-vous
nous clarifier?
M. Lévesque (Chapleau) : Oui, oui, absolument,
avec plaisir. Non. Justement, là, donc, le fait de demander à l'immigration la langue française uniquement,
souvent il peut y avoir aussi des obstacles, pour ces personnes-là,
donc, qui ont comme langue maternelle le
français, à l'embauche, actuellement, à Montréal. Est-ce
que vous constatez ça aussi?
Mme
Aleksanian (Anait) : Bien, encore une fois, dépendamment des domaines de
compétence. Effectivement, il y a des domaines de compétence qui exigent
la connaissance de l'anglais. Mais je pense que le projet de loi vient corriger
les aspects... Il va mettre en place peut-être plus de surveillance auprès des
entreprises qui exigent la connaissance de l'anglais, alors que ce n'est pas du
tout nécessaire.
Mais, pour
revenir aussi... les propos du ministre Jolin-Barrette à propos de recrutement
des francophones pour le Québec,
j'y ajouterais peut-être le fait qu'en adoptant cette stratégie, en recrutant
uniquement les francophones ou prioritairement francophones, Québec risque de
passer à côté d'une immigration qui va être très intéressante pour le Québec...
M. Lévesque (Chapleau) :
Effectivement.
Mme Aleksanian (Anait) :
...originant, par exemple, d'Amérique latine, l'Europe de l'Est ou d'autres
pays qui ne parlent pas nécessairement le français mais qui s'intègrent très facilement.
M. Lévesque (Chapleau) : Oui. Donc,
merci. Permettez-moi peut-être de vous amener vers un autre sujet, la question
constitutionnelle, que vous avez, là, abordée brièvement. À l'article 133,
vous dites que, le changement de préambule à la charte, vous êtes très
favorables à ce changement-là, particulièrement sur la question de
l'intégration. Peut-être que vous pourriez nous éclairer, là, de l'importance
de ce changement pour vous.
M. Carmona (Carlos) : Je pense que
c'est important d'ajouter dans ces... ... C'est que le fait d'indiquer à la
charte que le français est la langue de la nation québécoise, c'est important,
et, surtout... et pour nous, le fait de dire que c'est la langue d'intégration,
c'est un message très clair qu'on va passer aux immigrants en disant : Si
vous voulez vous intégrer au Québec, c'est en français que ça se passe, et
c'est dans la charte, ce n'est pas seulement dans un autre... dans un règlement
du ministère quelconque.
M.
Lévesque (Chapleau) : Une
loi fondamentale. Donc, c'est très important d'envoyer ce signal-là, exactement.
M. Carmona (Carlos) : Oui, effectivement.
Tout à fait.
Mme Aleksanian (Anait) : Exactement.
Et ça donne à un organisme aussi un levier, un argument fort pour favoriser
aussi la francisation des nouveaux arrivants à leur inscription en grand nombre
aux cours de français.
M. Lévesque (Chapleau) : D'accord.
Il me reste combien de temps, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Guillemette) : 30
secondes.
• (12 h 30) •
M. Lévesque (Chapleau) : Oh! un
petit dernier 30... Mais, au-delà de votre préoccupation, que le ministre
a pu dissiper, là, en lien avec Francisation Québec, est-ce que vous trouvez tout
de même intéressante l'idée qu'il y ait la création de Francisation Québec avec
les mesures puis l'aide en entreprise également? Est-ce que vous voyez tout de
même du positif dans cette création-là?
Mme Aleksanian (Anait) : Je pense
que cela peut être positif, mais encore une fois tout dépend comment cela va
être opérationnalisé, de quelle manière... Ça va être quoi surtout le rôle des organismes
communautaires qui jouaient jusqu'à maintenant un rôle majeur dans la
francisation des nouveaux arrivants, notamment en temps partiel.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci, M. le député. Donc, nous poursuivons maintenant nos échanges avec
la députée de Marguerite-Bourgeoys. Mme la députée.
Mme David : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, monsieur. Bonjour, madame. Alors, non seulement je suis
enchantée de vous entendre et de vous avoir avec nous ce matin, mais je pense
que vous auriez eu droit à un doublé d'une audience double tellement on a de
questions à vous poser et tellement votre rôle est important. Parce que, dans le fond, si on est ici avec le projet de loi
n° 96, c'est beaucoup, beaucoup, beaucoup en pensant à vous. C'est
énormément en pensant à l'avenir du Québec dans sa francophonie, dans sa francophilie,
dans sa francotropie, on peut prendre tous ces termes-là, mais c'est avec vous,
c'est avec vous et c'est grâce à vous, c'est grâce à vous, c'est grâce à vos
organismes communautaires, c'est grâce au travail, comme vous dites,
d'intégration en français.
Alors, dans
le fond, vous n'êtes pas toujours avec nous, mais vous êtes toujours l'objet de
nos préoccupations. On le sait bien, que ce ne sont pas nécessairement à
travers les enfants qu'on dit de souche... parce qu'on n'a pas un taux de
reproduction si élevé, on sait qu'on a besoin, besoin énormément de vous et
qu'on vous apprécie dans votre présence d'abord et dans
votre capacité d'intégrer ce qu'on appelle les nouveaux arrivants. Alors, je ne
saurais vous remercier de votre présence ici pour toute l'expertise que vous
nous apportez.
Vous avez parlé, justement, de francophones, de
francophiles, puis c'est vrai que plusieurs disent : Il faudrait des
immigrants qui savent parler le français avant de descendre à l'aéroport et
qu'ils possèdent un bon français. Mais je
dois vous donner raison parce que vous dites : Non, pas seulement ces
immigrants-là, on peut parler le français sans être un francophile et on
peut ne pas parler le français du tout et être un formidable francophone en
devenir.
Et je ferais référence à ma petite expérience,
mais quand même, de m'être promenée à travers le monde pour recruter des
étudiants au niveau universitaire. Et j'ai été témoin de tellement d'étudiants
d'Amérique du Sud, d'Amérique centrale, d'Europe de l'Est, comme vous dites,
qui ont un appétit formidable pour la langue française mais ne le parlent que
très peu, parce qu'ils se parlent portugais, espagnol ou d'autres langues, et
qui arrivent ici et, vraiment rapidement, sont capables non seulement de
s'intégrer, mais de participer avec des diplômes universitaires, dans le cas qui m'occupait, et de faire... de
devenir de formidables Québécois francophones. Alors, moi, je suis
d'accord avec vous. Par contre, par contre, il faut les intégrer, il faut
mettre, comme on dit en bon québécois, le paquet pour vraiment leur offrir des
services gratuits, sur les campus, dans le cas qui nous concerne, collégiaux et
universitaires, accessibles, et il faut leur donner un peu de temps aussi.
Alors, vous
dites, et ça m'a frappée, je ne le savais pas, le ministre doit le savoir, il a
été ministre de l'Immigration, que le MIFI lui-même parle de
44 semaines, temps plein, pour pouvoir prétendre être à un niveau 7
de francisation. Ça, c'est probablement des étudiants qui ont fait ça de façon
très sérieuse à temps plein. 44 semaines, moi, quand je divise par quatre,
mais disons que les mois ont un peu plus que 28 jours, ça fait au moins
10 mois. Ça fait 10 mois, minimum, donnés parle MIFI. Alors, je suis
tellement curieuse d'entendre le ministre : D'où vient ce six mois
pour dire qu'on peut vraiment franciser quelqu'un? Ça serait un temps olympien.
Ça serait un record de pouvoir dire comme
vous dites : Je me trouve un emploi, je m'installe, je dépose mes valises,
on peut être au mois d'octobre, le cours commence au mois de janvier, puis, au mois d'avril, je parle aussi bien
français que vous et moi. Alors, expliquez-moi, d'après-vous, qui connaissez bien le MIFI et ceux qui ont inspiré le
projet de loi, comment ils ont pu arriver à six mois?
M. Carmona (Carlos) : Madame, pour
nous c'est une... Pour nous, ça a été une surprise, le six mois, étant donné
qu'on connaît... qu'on sait quelle est la durée des programmes des cours de
francisation au ministère de l'Immigration. Je ne peux pas vous... personnellement,
je ne peux pas vous dire d'où viennent ces six mois. Nous, on est inquiets face à ce six mois. On considère
qu'après six mois c'est très difficile de pouvoir communiquer en
français avec l'administration publique. Je pense que ce n'était pas à nous que vous devez nous demander d'où vient ce
six mois.
Mme David : Mais vous comprenez que
je profite de l'occasion pour vous entendre dire que vous n'avez pas la
réponse, et puis le ministre est à l'écoute, alors je suis sûre qu'il entend
très bien. Parce que vous n'êtes pas du tout les premiers ni les derniers à
dire que ça n'a pas de bon sens, six mois. En fait, personne n'a dit, à
date, que c'était réaliste, six mois. Personne. Alors, c'est soit
un an, et même d'autres sont venus avec deux ans, deux ans.
M. Carmona (Carlos) : Oui, effectivement...
Mme David : Puis on peut... Disons
qu'on donne un peu... je me mets dans la tête du ministre qui se dit :
Oui, mais plus on va donner de temps, plus ils vont prendre leur temps. Mais il
y a quand même une limite à dire que c'est facile et que ça va se faire en six
mois. Madame, je pense, vous vouliez répondre ou...
Mme Aleksanian (Anait) : Non, non,
ça va. Je suis tout à fait d'accord avec Carlos. Effectivement, c'est un peu
compliqué. Je pense que, peut-être, avec un an, ça devrait être un peu plus
raisonnable.
Mme David : Et est-ce que... Ça,
c'est une autre de mes inquiétudes, est-ce que les professeurs peuvent être au rendez-vous
pour rapidement franciser tout le monde, tout le monde? Parce que ça va être
dans la loi, tout le monde a le droit d'apprendre le français. Mais, si on lui
dit : Bien, ton cours va être dans quatre ans, ce n'est pas tellement
efficace.
Mme Aleksanian (Anait) : Vous
connaissez très bien la situation du marché du travail actuelle, la pénurie de main-d'oeuvre qui frappe tous les domaines de
compétence, notamment dans les organismes communautaires, dans les usines, en fait dans tous les domaines. Et
j'imagine que ça a un impact aussi sur le recrutement des enseignants.
Déjà...
Mme David : ...tient à ça. S'il n'y
a pas d'enseignant, on est un peu foutus avec le projet de loi n° 96. Il
faut absolument énormément d'enseignants.
Bien, je vais laisser la parole à mon collègue
de La Pinière, Mme la Présidente. Merci beaucoup.
Mme Aleksanian (Anait) : Merci à
vous.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. M. le député.
M. Barrette : Merci, Mme la
Présidente. Madame, monsieur, je suis très heureux que vous soyez là. Vous
savez, dans mon comté, il y a deux de vos membres qui offrent des services de
francisation : grands efforts, grands résultats. C'est absolument notable. À date, on a rencontré,
en commission... on a reçu, en commission parlementaire, en
consultations, des groupes ou des individus qui ont tous été consultés pour
l'élaboration du projet de loi. Avez-vous été consultés?
M. Carmona (Carlos) : Pour
l'élaboration du projet de loi?
M. Barrette : Oui.
M. Carmona (Carlos) : Moi, de mon
côté, non. Je ne sais pas, Anait, si... Non.
M. Barrette : Parfait. Et c'est bien
dommage parce que je pense que vous avez à jouer un rôle très important. Vous
n'avez pas été consultés. Et on voit bien que le projet de loi vise une
catégorie très spécifique de nouveaux arrivants, et c'est très orienté vers le
milieu du travail, ce qui est très bien, mais on oublie, dans le discours que l'on entend, ce que vous faites, notamment en
termes de francisation de tous les membres d'une famille immigrante.
Moi, je le vis dans mon comté. Il y en a
beaucoup. Et, quand les gens arrivent, c'est assez spectaculaire, hein? Je
donne l'image suivante, ça ne vous surprendra pas : Une famille d'immigrants
avec deux enfants, qui arrive au Québec au mois d'août ou au mois de septembre,
à Noël les enfants parlent français parce qu'ils vont à l'école. Souvent,
l'homme, parce que culturellement c'est comme ça, va être pas trop pire, mais
les femmes ne le sont pas, et vous faites
ça, là, vous vous adressez, vous, par vos organisations communautaires, à
permettre d'avoir des opportunités de francisation dans des situations
qui ne sont pas les habituelles que sont celles de l'emploi. Pouvez-vous
élaborer un petit peu là-dessus?
Parce que moi, je le vois, là, ce que vous
faites, là. Et je pense qu'il est aussi important de franciser les enfants, c'est pas mal simple avec l'école, ça va
bien, les parents, mais il y a deux parents la plupart du temps, et vous
avez un rôle à jouer, majeur, pour ce qui
est de la francisation des femmes. Et on sait que, bien, les mères ont encore
aujourd'hui, dans toutes les sociétés, une influence importante dans la société et
dans les familles, et, si on les omet, en termes de francisation, et
c'est un trou dans cette loi-là, je pense qu'on fait une erreur. Alors, d'où
l'importance de votre rôle.
Allez-y, prenez toute la place, parce que vous
travaillez très fort à cet égard-là, et je dois le souligner, et on doit le
reconnaître. Et que vous n'ayez pas été consultés sur cet angle-là... parce que
découle tout le reste, hein? Le financement, vous pouvez en parler aussi, parce
qu'en général vous ne nagez pas dans les dollars, en termes d'organisation
communautaire. Allez-y, prenez le temps.
• (12 h 40) •
Mme Aleksanian (Anait) : Effectivement,
les organismes communautaires, ils jouent un rôle très important pour l'intégration des nouveaux arrivants, mais notamment
pour des femmes, comme vous venez de dire, parce que c'est des véritables milieux d'intégration. La plupart
des organismes sont multiservices puis ils offrent notamment
le service de halte-garderie. On sait
que ce n'est pas toujours évident de trouver une place dans les CPE. Alors,
c'est pour ça qu'en partenariat avec le ministère de la Famille les
organismes offrent aussi un service de halte-garderie, pour donner la
possibilité aux femmes, parfois aux hommes aussi, apprendre le français,
surtout temps partiel, hein, dans le milieu communautaire.
Mais ce n'est pas uniquement ça, nous avons
aussi plusieurs autres programmes, soit par Emploi-Québec au ministère de l'Emploi, soit par le ministère de
l'Immigration, qui nous permet de favoriser tous les aspects
d'intégration de la famille. Il faut dire
aussi que dernièrement on a salué très favorablement l'admissibilité des
travailleurs temporaires et les étudiants étrangers à nos services
d'accueil et d'intégration, notamment au cours de français. On salue aussi
l'allocation de la francisation, ce qui les amène à s'inscrire au cours de
français en grand nombre. Il y a quand même des choses très positives qui ont
été faites, qu'on veut aussi souligner.
M. Barrette : Il me reste combien de
temps, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Cinq secondes.
M. Barrette : Bon. Merci encore
infiniment pour tout ce que vous faites et que, j'ose espérer, vous allez
pouvoir continuer de faire.
Mme Aleksanian (Anait) : Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le député. Donc, je cède maintenant la parole au deuxième groupe
d'opposition.
Mme Ghazal : Merci infiniment pour
votre présence et votre présentation. Vous avez raison quand vous dites que c'est le travail qui rend le français
attractif, là, c'est la langue du pain. Il ne suffit pas juste d'aimer le
français pour vouloir l'apprendre, il faut
que ça serve à quelque chose. Puis il y a même des francophones, hein, des
immigrants francophones qui arrivent au Québec, puis on les choisit parce
qu'ils parlent français, puis ils restent finalement au chômage parce qu'ils ne
parlent pas anglais. Et ça, c'est vraiment, vraiment dommage.
Vous savez,
par rapport aux six mois... On prend souvent pour acquis que les
immigrants qui arrivent ici, s'ils ne parlent
pas français, donc nécessairement ils parlent anglais. C'est souvent vrai, mais
ce n'est pas toujours vrai. Il y en a qui ne parlent pas les deux langues. Il y a des
gens aussi... surtout, vous avez parlé des réfugiés, probablement encore
plus dans leurs cas. Donc, au lieu que l'État s'adresse directement à eux en
anglais, il y a une proposition intéressante, deux même, du Syndicat de la
fonction publique du Québec, qui sont venus avant vous, et qui ont dit :
Bien, le six mois, c'est trop court, faisons ça deux ans. C'est ce
qu'ils proposent. Je voudrais vous entendre là-dessus.
Et leur
deuxième proposition : Au lieu d'amener des immigrants puis de leur parler
en anglais, pourquoi est-ce qu'on
n'aurait pas un service d'interprétariat au gouvernement pour qu'ils puissent
s'adresser dans la langue maternelle des
gens qui viennent ici, le temps qu'ils apprennent le français? Qu'est-ce que
vous pensez de ces deux propositions?
M. Carmona (Carlos) : Vas-y.
Mme Aleksanian (Anait) : Bien, je
pense...
Mme Ghazal : Bien, le deux ans, disons
le deux ans, parce que vous dites que six mois, c'est trop court.
Mme Aleksanian (Anait) : Bien, nous,
on avait discuté d'un an, mais deux ans, c'est mieux encore. Et en même temps il ne faut pas que le temps soit trop
long, hein, il faut quand même mettre un temps pour que les nouveaux
arrivants soient très, très, très motivés à apprendre le français. Maintenant,
c'est sûr que ce n'est pas six mois, mais, si c'est un an, une année et
demie, deux ans, bien, O.K., à condition que toutes les mesures, tous les
moyens de la francisation soient mis en place, toutes les mesures sont là pour
permettre aux personnes immigrantes d'accéder aux cours de français aussitôt
que possible et le plus rapidement possible. C'est ça, notre préoccupation. Le
temps, ce n'est pas vraiment... Ça peut être, je ne sais pas, un an, un an
et demi.
Mme Ghazal : Ça dépend des
conditions, c'est ça.
Mme Aleksanian (Anait) :
Effectivement, conditions qui sont mises en place, qui favorisent la
francisation le plus rapidement possible.
Mme Ghazal : Parfait. J'ai peu de
temps. Francisation Québec, moi, dans mon esprit, c'est une demande historique
d'avoir un guichet unique, c'est ce que vous vouliez, et, Francisation Québec,
je croyais que ça répondait à ça. Vous avez entendu le ministre nous dire que,
dans le fond, l'objectif, c'est que... Ce que je comprends, c'est que ça ne
change rien, les organismes communautaires pourraient continuer à offrir les
services. Si c'est le cas, l'idée, c'est de ramener tout ça dans un seul
endroit pour éviter l'offre éclatée, pour que les gens qui veulent apprendre le
français, ils n'aient pas besoin d'aller partout, un seul endroit, et après ça
ils pourraient être référés à la bonne place. Qu'est-ce que vous en pensez?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci, Mme la députée. C'est tout le temps que nous avions, malheureusement. Donc, merci beaucoup, Mme Aleksanian et M. Carmona, de votre présence
et de votre contribution aux travaux de la commission.
Et, compte tenu de l'heure, je suspends les
travaux jusqu'à 14 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 46)
(Reprise à 14 h 05)
La Présidente (Mme Guillemette) : La
Commission de la culture et de l'éducation reprend ses travaux. Et nous
poursuivons cet après-midi les auditions publiques dans le cadre des consultations
particulières... — oh!
je pense qu'on n'était pas en ondes, hein? O.K. — dans le cadre des consultations
particulières sur le projet de loi n° 96,
la Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français.
Donc, cet après-midi, nous entendrons
M. Jean Leclair, professeur titulaire à l'Université de Montréal,
spécialiste en droit constitutionnel et du droit autochtone, le Conseil
interprofessionnel du Québec et la Fédération étudiante collégiale du Québec.
Donc, bienvenue, M. Leclair, merci d'être
avec nous cet après-midi. Donc, vous disposerez de 10 minutes pour votre présentation,
et par la suite il y aura un échange avec les membres de la commission. Donc,
je vous cède la parole dès maintenant.
M. Jean Leclair
M. Leclair (Jean) : Mme la
Présidente, Mmes, MM. les députés, bonjour. Ma courte allocution portera uniquement sur la partie de mon mémoire relative
aux pouvoirs du Québec de modifier sa propre constitution. Et plus spécifiquement
je m'arrêterai aux conséquences politiques de la théorie constitutionnelle que
le gouvernement mobilise aujourd'hui
pour soutenir qu'il peut modifier en même temps la Constitution du Québec et la
constitution formelle du Canada.
Mettons une chose au clair. L'article 45 de
la Loi constitutionnelle de 1982 reconnaît aux provinces le pouvoir de se donner une constitution dans les
limites de ce qu'autorise la Constitution du Canada. Le Québec pourrait donc adopter les articles Q.1 et Q.2 du projet de loi dans une
loi appelée Constitution du Québec. Q.2 devrait cependant être légèrement reformulée afin de respecter les garanties
linguistiques prévues dans les lois constitutionnelles de 1867 et 1982.
Mais la théorie constitutionnelle développée par le Pr Taillon et reprise par
le gouvernement va plus loin. Ils soutiennent que cet article permet de
modifier en même temps la constitution du Québec et la Constitution du Canada.
Ils soutiennent que les normes constitutionnelles québécoises ainsi modifiées
jouiront d'une primauté sur les autres lois provinciales en raison du
paragraphe 52.1 de la Loi constitutionnelle de 1982, c'est-à-dire qu'elles
auront un statut supralégislatif, ce qui signifie qu'elles seront placées
au-dessus des autres lois du Québec.
Toutefois, ce sur quoi ils n'insistent pas,
c'est sur le fait que ces modifications à la constitution du Québec, et par la
même occasion du Canada, passent par l'adoption d'une simple loi provinciale,
rien de plus. On aurait pu penser, par exemple, que l'adoption d'une norme
constitutionnelle appelée à définir la nature de la nation aurait dû exiger l'assentiment d'une majorité renforcée des
deux tiers des députés qui la représentent, ou encore une approbation
par voie référendaire. Rien de tout cela n'est nécessaire. L'utilisation de la
procédure du bâillon n'est même pas exclue.
Selon l'interprétation du gouvernement,
l'adoption d'une loi permettant une modification à la constitution du Québec ne
requiert donc qu'une majorité absolue des voix à l'Assemblée nationale. Or,
lorsque le parti au pouvoir détient une majorité absolue des sièges, personne
n'est dupe. C'est la volonté du premier ministre et de son cabinet qui
déterminera ultimement ce qui mérite de figurer dans la constitution formelle
du Québec. L'article 159 du projet de
loi changera la constitution du Québec. Et son adoption ne requerra pourtant
rien d'autre que l'appui d'une majorité simple de députés.
Au-delà de
l'importante victoire symbolique, que je ne nie pas, que la théorie
constitutionnelle du gouvernement permet de réaliser, inscrire la
différence québécoise dans le marbre constitutionnel canadien, les conséquences
juridiques et politiques de leur interprétation sont troublantes. Premièrement,
parce que cette théorie concentre dans les
mains du parti détenant la majorité des sièges à l'Assemblée nationale le soin
de décider ce qui mérite ou non d'être hissé au statut de norme
supralégislative dans la hiérarchie du droit constitutionnel provincial et,
deuxièmement, parce qu'elle encourage une
dynamique où la rédaction d'une constitution est vue comme une démarche où la
volonté de la nation se limite à ce qu'un gouvernement majoritaire du jour,
aujourd'hui la CAQ, demain le PLQ, ou peut-être QS, dégagera des commentaires
militants tirés de sa page Facebook.
• (14 h 10) •
L'approche gouvernementale oublie que la
supralégalité ou primauté de la constitution du Québec n'est pas une simple
affaire technique relative au statut d'une norme dans la pyramide des règles de
droit constitutionnel. Politiquement, la primauté de la constitution vient
consacrer l'idée que certaines parties du contrat social d'une nation sont
d'une telle importance qu'elles doivent prévaloir sur les lois ordinaires qui y
contreviennent. Et, parce qu'elles ont une
telle importance, l'adoption et la modification des normes les plus
fondamentales du contrat social d'une communauté politique sont
assujetties à une procédure complexe de modification. Ce qui permet d'éviter
que le gouvernement du jour ne les modifie selon ce que son humeur lui dicte.
Autrement dit, ces normes fondamentales ne sont généralement pas modifiables au
moyen d'une loi dont l'adoption dépend de la seule volonté de la majorité
parlementaire du moment.
Afin de s'assurer qu'une norme constitutionnelle
reflète véritablement un contrat social, pour être en mesure d'affirmer qu'elle
est le miroir de la volonté du plus grand nombre possible de citoyens et
citoyennes de la nation, cette norme doit être assujettie à un mécanisme
d'adoption qui embrasse le plus d'acteurs et d'actrices possible. Faute de
procédure d'adoption extraordinaire : majorité renforcée, référendum, la
constitution du Québec ne sera pas nécessairement
le reflet de la nation tel que la conçoivent les Québécoises et les Québécois.
Faute de procédure d'adoption extraordinaire, elle sera plutôt le reflet
de la nation tel que le parti détenant la majorité parlementaire se la
représente.
La preuve, c'est qu'au cours des années 70
le PLQ et le PQ se sont reliés autour de ce qui était alors considéré comme
l'une des pièces maîtresses de l'ordre constitutionnel québécois, la charte
québécoise des droits et libertés. Aujourd'hui, au moyen d'une clause de
dérogation adoptée à la majorité simple des députés, on relègue ce document
infraconstitutionnel dans le placard des objets perdus. Aujourd'hui...
La Présidente (Mme Guillemette) :
On ne vous entend plus, M. Leclair. Votre micro est peut-être fermé. Non,
on n'entend plus. On va suspendre quelques instants, le temps de voir si c'est
de notre côté qu'on a un problème technique. On vous revient.
(Suspension de la séance à 14 h 12)
(Reprise à 14 h 13)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Vous pouvez recommencer, M. Leclair.
M. Leclair (Jean) : Maintenant?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Oui.
M. Leclair
(Jean) : Alors, aujourd'hui
donc, comme je le disais, la majorité parlementaire propose
l'article 159, demain un autre parti
proposera autre chose. Et, si un parti d'opposition soulève une objection, la
majorité parlementaire associée à la discipline de
parti et à la procédure du bâillon viendra dicter le contenu de la constitution
du Québec. Si l'intention ici est de faire autre chose que de simplement dire
son fait au Canada anglais, si l'intention était vraiment d'affirmer haut et
fort ce que les Québécois et les Québécoises, entre eux, pour eux, estiment
être au coeur de l'identité de la nation québécoise, alors ce n'est pas vers la
constitution (panne de son)...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Une petite minute, M. Leclair. Est-ce qu'on est en ondes?
Une voix : ...
La Présidente (Mme Guillemette) :
O.K. Parfait. Je m'excuse infiniment. Vous pouvez y aller.
M. Leclair (Jean) : ...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Non, là on ne vous entend plus. On va être obligés de suspendre encore quelques
instants. Je vous reviens, désolée, vraiment.
(Suspension de la séance à 14 h 14)
(Reprise à 14 h 48)
La
Présidente (Mme Guillemette) :
La commission reprend ses travaux. Bienvenue. Donc, on entendra
maintenant le Conseil interprofessionnel du Québec et leurs représentants, Mme
Gyslaine Desrosiers, présidente, et M. Marc Beaudoin, directeur général.
Merci d'être avec nous cet après-midi. Bienvenue. Donc, vous disposez de
10 minutes pour nous présenter votre exposé. Par la suite, il y aura un
échange avec les membres de la commission. Je vous cède la parole.
Conseil interprofessionnel du Québec (CIQ)
Mme
Desrosiers (Gyslaine) :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. le ministre, bonjour, mesdames et
messieurs, membres de la commission. Alors, notre organisme, le Conseil
interprofessionnel, regroupe les 46 ordres professionnels du Québec
qui encadrent 55 professions réglementées. Et ces professions totalisent
environ 410 000 personnes. C'est toujours
bon de commencer avec quelques statistiques. Outre notre mandat associatif, le Code des professions confère à notre organisme un rôle-conseil auprès du
gouvernement pour tout ce qui touche de près ou de loin les ordres
professionnels et le système dans son ensemble. C'est afin de représenter
l'opinion de nos membres, les 46 ordres, sur ce projet de loi que nous
sommes devant vous aujourd'hui.
Alors, d'entrée de jeu, je tiens à souligner le
courage du ministre parce que M. le ministre nous... convie le Québec à une
grande discussion nationale sur la langue française, sachant, a priori, qu'il
ne fera pas que des heureux. Cette discussion s'avère, en ce qui nous concerne,
non seulement souhaitable, mais elle a été rendue nécessaire par le recul du
français auquel nous faisons face.
• (14 h 50) •
Alors, nos membres, de façon générale, appuient
les objectifs du projet de loi et la volonté gouvernementale en matière de protection de la langue française.
Nos recommandations touchent plutôt des ajustements dans l'application.
Alors, d'entrée de jeu, j'attire votre attention sur notre première proposition
qui touche la question de la traduction certifiée. C'est mentionné à plusieurs
reprises dans le projet de loi que ça prend une traduction certifiée, et nous
recommandons aux membres de la commission de préciser aux articles en question
qu'il s'agit de requérir les services d'un
traducteur agréé. Parce que je rappelle à la commission que le seul organisme au
Québec avec une structure en place qui permet de certifier les
compétences de ses membres, c'est l'Ordre des traducteurs, terminologues et
interprètes agréés du Québec, l'OTTIAQ.
Alors, dans une perspective plus systémique, le
Conseil interprofessionnel appuie le resserrement en matière de communication
entre les ordres et leurs membres qui vise à lutter contre le bilinguisme
institutionnel. Alors que chaque professionnel doit démontrer une connaissance
du français appropriée à l'exercice de sa profession et que le projet de loi
exige de maintenir cette connaissance au-delà de l'admission, tout au long de
sa carrière, le Conseil interprofessionnel
considère qu'il sera apte à recevoir de l'information uniquement en français de
la part de son ordre.
Cependant, le projet de loi a soulevé certaines
questions sur l'étendue de cette obligation, notamment pour les communications qui visent à la fois les
membres et le grand public. On pense ici aux différents médias
numériques de l'ordre, comme son site
Internet, ses réseaux sociaux. Ça a l'air d'un détail, mais il reste que c'est
des questions qui se posent.
On a eu aussi d'autres questions concernant
surtout la possibilité de communiquer dans une autre langue avec les étudiants
anglophones, le projet de loi indique les membres et les candidats, mais les
étudiants ne sont ni l'un ni l'autre, alors ces établissements-là qui mènent à
un titre professionnel, sur la possibilité qu'ils puissent passer leurs examens
d'admission en anglais quand cette option est disponible. Dans certains cas,
c'est des examens canadiens, il y a toujours l'option français ou anglais.
J'ajouterais
aussi que certains ordres ont des membres extraterritoriaux, qui demeurent dans
d'autres provinces. Alors, on pense que certaines précisions pourraient
être apportées.
Par ailleurs, vous avez
remarqué que quelques ordres ont souhaité des exceptions, dans des mémoires
qu'ils vous ont soumis. Nous, on n'est pas
en mesure de commenter ces cas particuliers ou spécifiques à quelque
profession.
Alors, depuis l'adoption de la loi 101, en
1977, les personnes qui souhaitent d'obtenir un permis de pratique dans une
profession réglementée doivent démontrer qu'ils ont une connaissance du
français appropriée à l'exercice de leur profession. C'est évalué à
l'admission. Jusqu'à maintenant, ce n'était pas remis en question par la suite.
Le fait que le projet de loi prévoit qu'ils devront maintenir cette
connaissance tout au long de leur carrière, c'est vraiment, comment dirais-je,
une nouveauté. Et, afin de respecter cette exigence, le projet de loi prévoit
que l'ordre doit utiliser les mécanismes usuels d'accompagnement et de
surveillance que sont l'inspection et le syndic.
Nous, on est d'avis que certains aspects dans
cette portion-là du projet de loi, certains aspects sont trop lourds et
risquent d'être difficilement applicables. Alors, afin de pallier des problèmes
de concordance entre la charte et le Code des professions, on propose une série
de simplifications qui ne devraient pas affecter la capacité des ordres d'agir
et rencontrer, malgré tout, les objectifs de la loi.
Ainsi, nous avons proposé de retirer
l'article 35.2 proposé par l'article 23 du projet de loi.
Premièrement, simplement, en contrepartie, on suggère d'ajouter des articles au
Code des professions, aux articles 55, 113 et 160 du code, d'ajouter la
possibilité d'exiger qu'un professionnel obtienne une attestation délivrée par
l'OQLF, de le faire directement dans les
articles du code. Et il nous apparaît aussi que le comité d'inspection a déjà...
professionnel a déjà tous les pouvoirs pour obliger un membre à suivre
un cours, un stage, et le comité peut même à cet effet recommander la limitation ou la suspension d'exercice. Introduire
l'obligation d'un nouveau règlement en vertu de l'article 90, vous
aurez compris que ça signifie
46 règlements. Avec le goulot d'étrangement qu'il y a déjà au niveau du
traitement réglementaire à l'Office
des professions, on pense que ça prendrait des années à se mettre en
application et que ce n'est pas nécessaire.
L'autre
aspect qu'on souligne, c'est : le Code des professions permet actuellement
aussi au comité d'inspection professionnelle,
s'il le juge pertinent, d'acheminer de l'information au syndic afin que ce
dernier puisse faire enquête. Donc, il y a un pont entre les deux. Donc,
il ne nous apparaît pas, en conclusion, sur ce point-là, nécessaire de créer de
nouveaux mécanismes en sus de ceux actuellement prévus au code.
Passons maintenant au rôle du syndic. Nous souhaitons
le retrait de l'article 142 du projet de loi. Cet article établit comme
acte dérogatoire à la dignité de la profession le fait de ne pas maintenir une
connaissance suffisante du français ou encore de refuser d'offrir des services
en français. On pense que cette étiquette est très lourde de conséquences pour
un professionnel parce que cet ajout-là à l'article 59.2 du Code des
professions le met dans une liste d'actes dérogatoires qui vont de l'inconduite
sexuelle à la fraude, à la conduite de... à la question des thérapies de
conversion. Nous suggérons au législateur d'envisager d'introduire une autre
disposition que celle du 59.2 pour s'assurer de la capacité d'intervention du
syndic et du conseil de discipline.
Autant pour l'inspection professionnelle que
pour les enquêtes du syndic, il nous apparaît que l'ordre devrait pouvoir
bénéficier gratuitement de services experts de l'Office québécois de la langue
française pour certains cas pour lesquels on requiert des évaluations plus
poussées.
Ensuite, on a abordé dans notre mémoire la
question des permis. La charte prévoit notamment que les professionnels formés
à l'étranger doivent réussir un examen qui atteste de leurs connaissances, là,
l'examen de l'OQLF. On pense que la formulation actuelle de l'article 37
de la charte est large et vous apportez des... des modifications qui nous
apparaissent trop restrictives. Et ça pourrait freiner la capacité des ordres à
délivrer des permis temporaires, parce que les ordres fonctionnent avec la
notion d'équivalence de diplôme et de formation. Puis le nouveau libellé que
vous mettez, c'est vraiment de reconnaître le diplôme ou la formation. Donc, ce
n'est pas tout à fait les mêmes termes. Donc, on vous recommanderait plutôt de
maintenir l'article... de retirer l'article 24 du projet de loi puis de
maintenir les modalités prévues à la charte actuelle.
On en a
profité, dans notre mémoire, pour
rappeler que les employeurs devraient jouer un rôle d'accompagnement
accru auprès des titulaires des permis temporaires. Ce n'est pas normal
qu'après trois essais, puis ça fait trois ans qu'ils travaillent dans un
milieu, ils ne sont toujours pas capables de réussir l'examen de la langue
française. Même si ce n'est pas un nombre
énorme, il reste qu'on pense que les employeurs qui ont des employés qui,
justement, doivent... sont dans le cheminement de réussite de l'examen
de l'OQLF pourraient avoir un soutien plus large de la part des employeurs.
Alors... et finalement on n'a pas introduit de modalité spécifique sur cette question-là,
des employeurs, mais on vous invite à considérer peut-être le cas.
Et finalement
le projet intègre des modifications à l'article 40 de la charte, portant sur les permis
restrictifs pour une personne qui ne maîtrise pas la langue française. C'est un genre de permis qui est très rarement délivré, mais le
conseil souhaite attirer votre attention sur
le fait que le libellé que vous avez mis dans le projet de loi permet à l'OQLF
d'imposer des conditions à l'émission de ce genre de permis. Et on voudrait juste
être sûrs qu'on parle bien de conditions à caractère... de nature administrative
et que l'OQLF ne s'immisce pas dans des conditions qui pourraient toucher de
près ou de loin la compétence des membres. Peut-être que c'est implicite pour
vous, mais ça a suscité des questions.
Alors, écoutez, en conclusion, on réitère notre
appui au gouvernement quant aux objectifs poursuivis par ce projet de loi qui
vise à consolider l'usage de la langue française au Québec, qui est un des
fondements de notre identité collective. Les ordres et les professionnels au
Québec avaient déjà des obligations en vertu de la charte. Vous proposez qu'ils
s'investissent encore davantage, notamment par le maintien d'un usage approprié
de la langue française tout au long de leur carrière.
Pour certaines professions ou certains ordres,
ce projet de loi pourrait exiger des ajustements importants, mais il était
clair, pour la grande majorité des ordres professionnels, qu'eux-mêmes, les
ordres et les professionnels au Québec, devaient mettre l'épaule à la roue et
soutenir ce projet de loi, qui est quand même un enjeu de société.
Alors, je
répète qu'on a proposé des modifications, mais c'était... dans notre tête,
c'étaient des simplifications...
La
Présidente (Mme Guillemette) : Merci, Mme Desrosiers.
Mme Desrosiers
(Gyslaine) : ...au projet de loi.
La Présidente (Mme
Guillemette) : On va continuer les échanges avec les membres de la commission.
Donc, on est un petit peu serré dans notre temps. Donc, merci pour votre présentation.
Et je céderais sans plus tarder la parole à M. le ministre pour
12 minutes.
M.
Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. Mme Desrosiers,
M. Beaudoin, merci d'être présents et pour la présentation de votre
mémoire. Et, d'entrée de jeu, le CIQ représentent les 46 ordres
professionnels qui existent au Québec. Pourquoi est-ce important de renforcer
les mesures dans la Charte de la langue française relativement à la maîtrise du
français et la communication des ordres envers leurs membres en français?
• (15 heures) •
Mme Desrosiers
(Gyslaine) : Bien, les ordres sont des organismes qui n'ont pas
échappé à toutes les tendances de la société québécoise. Les sièges sociaux sont à Montréal,
il y a eu quand même de l'admission
importante de professionnels de différents pays. Bref, il peut s'être installé,
avec le temps, des pratiques qu'on pourrait appeler de bilinguisme
institutionnel. Moi-même, j'ai été présidente de l'Ordre des infirmières et
infirmiers du Québec pendant 20 ans,
et, dans des assemblées générales de 1 000 personnes, on avait la
région de Montréal qui nous demandait de tout envoyer en bilingue,
français, anglais. C'était rejeté, mais il pouvait rester certaines
documentations. Je me rappelle d'avoir déjà dit à l'Hôpital Royal Victoria
associé à l'Université McGill, j'ai dit : On va vous autoriser une traduction libre, mais ne nous demandez-nous pas,
nous, de tout vous fournir en anglais, alors que tous les professionnels
sont supposés avoir une connaissance du français à l'admission, puis, trois,
quatre ans, cinq ans plus tard, ils ne l'ont plus, ils ne parlent plus, c'est fini, ça a disparu dans la nature.
Donc, je pense que notre proposition, c'est de... on a compris l'esprit
dans lequel vous introduisez le projet de loi, et les ordres sont des
organismes qui doivent collaborer.
M.
Jolin-Barrette : Et notamment je crois qu'on doit, au niveau de
l'État, mettre fin au bilinguisme institutionnel,
et, les ordres professionnels, puisque c'est un pouvoir délégué de l'État
envers les ordres, c'est important que...
c'est le continuum de services, puis je pense que vous avez raison. Quelle est
l'importance pour un professionnel au Québec, membre d'un ordre
professionnel, de maintenir une connaissance appropriée du français dans
l'exercice de ses fonctions, sa carrière durant? Pourquoi est-ce qu'un
professionnel devrait avoir la maîtrise du français?
Mme Desrosiers
(Gyslaine) : Bien, écoutez, on n'a pas à creuser de façon très
philosophique la chose, mais il demeure que les professionnels donnent des
services aux citoyens du Québec, et de deux choses l'une, ou c'est le citoyen
qui doit être bilingue pour obtenir un service, ou c'est le professionnel qui
est bilingue pour être en mesure de donner un service en français et avoir une
conduite exemplaire quant à l'usage de la langue officielle qui est le français
au Québec. Je veux dire, c'est ce qu'on a compris de votre projet de loi...
M.
Jolin-Barrette : Est-ce que ça fait part de la protection du public,
le fait qu'un citoyen puisse se faire servir dans sa langue et de comprendre ce
que le professionnel dit?
Mme Desrosiers
(Gyslaine) : Bien, quand même, les ordres nous ont soumis qu'il y
avait quand même des enjeux, parce que vous introduisez... vous faites une
proposition, mais, si ça fait 40 ans qu'un professionnel travaille
uniquement en anglais auprès d'une clientèle en anglais, ce n'est pas demain la
veille qu'il va commencer à servir des clientèles en français. Donc, il reste
qu'il y a une transition nécessaire qui va s'installer dans le temps. Le fait
que vous obligiez les communications
institutionnelles en français, c'est déjà beaucoup. Pour la protection du
public, dans certains cas, c'est clair qu'il
faut être servi dans sa langue. Donc,
un francophone espère être servi en français...
Voilà.
M. Jolin-Barrette :
Ce n'est pas normal que le Barreau vienne dire en commission
parlementaire : Écoutez, c'est correct, dans le fond, de communiquer
exclusivement en français avec nos membres, mais, pour certaines communications
précises avec des avocats, hein, que c'est leur travail, et théoriquement ils
doivent avoir une connaissance appropriée de textes quand même complexes, hein,
parce que les avocats travaillent avec la loi, les textes de loi, les textes de règlement... mais que, pour une décision particulière, le Barreau
voudrait se réserver le droit de communiquer dans une autre langue que
le français, alors que, pour les autres ordres, ça serait correct, mais, pour
un avocat, ça, le Barreau a un enjeu là-dessus?
Mme Desrosiers (Gyslaine) : Ça m'est difficile de commenter les positions
d'un ordre en particulier. Cependant, comme
je viens de vous expliquer, s'il s'est installé dans le temps, pour certains
ordres, des pratiques bilingues, et les membres de ces ordres n'ont pas cru nécessaire de voir l'usage de
la langue française, c'est clair que, du jour au lendemain, on l'a dit dans... je viens de les dire dans ma présentation tantôt, que ça peut demander des ajustements de la part des
pratiques corporatives des ordres,
mais également peut-être que certains professionnels vont être surpris de
ne plus pouvoir s'exprimer en anglais auprès de leurs ordres. Donc,
c'est un changement qui, dans plusieurs cas, peut s'avérer important.
M. Jolin-Barrette :
Et c'est un changement de culture. Mais c'est un changement qui est nécessaire parce
que... je ne me souviens plus précisément du nombre de professionnels qui
existent au Québec qui sont membres des ordres professionnels.
Mme Desrosiers
(Gyslaine) : 410 000.
M. Jolin-Barrette :
410 000 personnes aujourd'hui, donc, professionnels qui travaillent au
quotidien. Donc, sur 8 millions
quelques habitants au Québec, c'est quand même une part... Puis on parle de
plus de 400 000 personnes qui sont actives, donc sur le marché
du travail actif.
Donc,
lorsqu'on parle du marché du travail, les professionnels ont un rôle important
parce que les professionnels souvent, aussi, c'est des employeurs, hein,
dans leur propre bureau. Qu'on pense à des avocats, à des pharmaciens, à des comptables, à des acupuncteurs, à des
physiothérapeutes. Le professionnel, bien souvent, est en affaires. Il
exerce ses activités au bénéfice des citoyens, mais il embauche également.
Alors, bien entendu que, si la langue française
n'est pas au coeur de la pratique professionnelle du membre de l'ordre
professionnel, ça va peut-être avoir un impact aussi sur les employés, donc,
d'où l'importance de valoriser la langue française.
Mme Desrosiers (Gyslaine) :
Oui, c'est les objectifs que vous poursuivez, c'est certain. Mais j'ai quand
même attiré votre attention, dans le cadre de notre mémoire, sur
l'article 142 que moi, je dirais que c'est un enjeu de recevabilité
sociale pour les 410 000 personnes que le fait de ne pas maintenir ou
de... l'usage approprié de la langue française... approprié à leur profession,
ou encore de refuser de donner un service, ça peut entraîner des conflits
éthiques importants pour certains. Donc...
Et, le fait d'être associé à des choses aussi
graves que les assauts sexuels comme actes dérogatoires, je pense que vous
auriez à coeur, M. le ministre, de trouver une façon d'introduire dans le Code
des professions un article qui ne vient pas amalgamer les assauts sexuels avec
une difficulté dans le maintien de l'usage approprié de la langue française,
parce qu'il y a une certaine gradation là-dedans, et/ou, encore, le refus. Ça,
je pense que ça aiderait beaucoup la recevabilité ou la transition.
M.
Jolin-Barrette : Donc, je
vous entends bien : vous souhaitez qu'on fasse un article distinct
relativement à ce...
Mme Desrosiers (Gyslaine) : Je n'ai
pas passé au vote la notion d'article distinct, mais c'est clair que ça vous
prend un article pour que le syndic puisse agir et que le conseil de discipline
puisse trancher. Mais vous avez entendu le cri du coeur de plusieurs ordres que
ça ne doit pas être associé à la dignité de la profession. Je sais que, pour un juriste, ça a l'air facile, 59.2, on
rajoute une ligne, mais je pense qu'il y a un petit effort, là-dessus, c'est,
au-delà de la facilité juridique, d'avoir un article qui est plus
acceptable.
M. Jolin-Barrette : O.K. Je vais
céder la parole à mes collègues. Juste un commentaire sur ce point-là.
Effectivement, l'atteinte à la dignité de la profession, c'est quelque chose
d'important, et c'est Mme Vallée qui a inséré les peines plus sévères
notamment en lien avec les agressions sexuelles, tout ça, et c'était une bonne
chose que ça soit fait. Bon, il y a la corruption, la fraude aussi. Mais il y a
un message clair aussi qui doit être envoyé : qu'au Québec, le fait d'exercer une profession, dans un
premier temps, c'est un privilège, mais qu'également la langue commune,
c'est le français.
Alors, je
retiens votre suggestion, on va la regarder avec intérêt pour voir comment on
peut amender, peut-être, le texte. Mais fondamentalement il faut que les
ordres prennent conscience que c'est une priorité qu'au Québec ça se passe en
français.
Mme Desrosiers (Gyslaine) : On vous
entend très bien, c'est pour ça qu'on n'a pas... on vous a invité à trouver une
autre avenue pour justement soutenir le pouvoir d'agir soit des syndics ou des
conseils de discipline.
M. Jolin-Barrette : Parfait. Merci
beaucoup pour votre présentation.
Mme Desrosiers (Gyslaine) : Je vous
en prie.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. le ministre. Je passerais la parole au député de Saint-Jean pour
trois minutes.
M.
Lemieux : Oupelaïe! Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour,
Mme Desrosiers, M. Beaudoin. Juste pour fermer cette parenthèse qui venait d'être ouverte,
puis en fait c'est un gros morceau de ce que vous venez de demander au
ministre, l'article 142 et 59.2, là, l'acte dérogatoire, si je comprends
bien, ce n'est pas que c'est de la sémantique, là, mais, je veux dire, pour le commun des mortels qui n'est pas un juriste,
là, au final, ce n'est pas sur le fond, le problème, c'est sur la forme
et l'association ou l'amalgame qui vient avec. Mais, sur le fondamental du
fond, vous n'avez pas de problème.
Mme Desrosiers (Gyslaine) : Écoutez,
les ordres sont des créatures de l'État, et l'État, s'il installe une obligation
de maintenir l'usage de la langue française et de ne pas refuser de donner des
services en français... quoique le refus pourrait... ça pourrait être un
refus... ce serait plutôt une disposition qui permette de référer le client à
quelqu'un d'autre, il reste qu'il faut que... La discipline, c'est un outil
très important du Code des professions. Il faut trouver une façon d'actualiser
la capacité d'agir des syndics et du conseil de discipline.
Donc,
comme vous dites, on n'est pas dans la sémantique, mais il reste que, pour M.
et Mme Tout-le-monde, et les
professionnels... vous avez entendu cette semaine le Collège des médecins dire
qu'ils ne veulent pas être associés à un comportement indigne, parce que
c'est... Les juristes vont dire : C'est juste une disposition, dans la
loi, qui permet d'agir, mais l'autre va dire : Bien, j'ai été considérée
indigne. Tu sais, ça semble être une...
• (15 h 10) •
M. Lemieux :
C'est pour ça que je parlais de sémantique. Mais je pense qu'on se comprend...
Mme Desrosiers
(Gyslaine) : On s'entend.
M. Lemieux :
...puis on s'entend. J'aurais dû commencer... parce que j'enchaînais, tout
simplement, mais j'aurais dû commencer par vous dire que c'est bon de vous
entendre, parce qu'à un certain moment, pendant ces consultations, on se demandait si le français était en péril, si le
français était en recul. Vous arrivez en disant : Le français est
en recul, il faut le protéger, on va toujours en avoir besoin. Là, vous... Là,
je suis dans un environnement où j'apprécie davantage vos recommandations et
vos remarques sur le projet de loi.
Et
ça me fait vous demander... Au sujet de la francisation, il y a plusieurs
portes, en ce moment, d'entrée pour quelqu'un qui veut apprendre le
français, mais Francisation Québec va nous donner, on l'espère, avec le projet
de loi, un guichet unique. Vous avez parlé,
dans votre mémoire, de l'obligation pour les travailleurs de faciliter la
francisation des professionnels avec des
permis temporaires. Est-ce qu'à cet égard-là, Francisation Québec, vous voyez
ça comme un bon chemin, une bonne proposition?
Mme Desrosiers
(Gyslaine) : Bon, je laisserais le directeur général, qui a regardé
d'un peu plus près la question du rôle des employeurs et de leur intégration
dans les milieux de travail...
La Présidente (Mme
Guillemette) : En 30 secondes.
M. Beaudoin
(Marc) : Oui, merci. Donc, oui, effectivement, Francisation Québec
pourrait être une bonne porte d'entrée. En fait, ce que le mémoire propose, la recommandation,
ce qu'on propose, c'est de donner des outils supplémentaires, des obligations supplémentaires
aux employeurs pour accompagner les professionnels formés à l'étranger qui
sont... qui ont fait une demande en vertu de l'article 37 de la charte,
là, pour avoir un permis, donc.
M. Lemieux :
Merci, M. Beaudoin, et merci, Mme Desrosiers.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci beaucoup, M. le député. Donc, je céderais la
parole à la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Rebonjour, monsieur, madame. Alors, on va se
mettre ensemble, Mme Desrosiers, comme femmes, je pense
qu'on va convaincre le ministre de... on va être très convaincantes sur la
question de l'acte dérogatoire à la dignité de la profession. Parce que c'est une
chose de dire : Le français, c'est
important, mais c'est une autre chose d'en voir les conséquences. Moi, je suis
embêtée sur le qui, quand, comment,
où, toute cette question autour du maintien du français. On est tous pour le
maintien du français, c'est important, mais, pour l'instant, de ce que j'en connaissais, puis j'ai
été inspectrice moi-même et puis j'ai été membre d'un ordre professionnel pendant des années,
c'est une chose de passer l'examen de l'OQLF au début pour être sûr d'avoir la
certification si on a fait notre diplôme dans une université anglophone ou si
on a... vient d'un autre... bon, mais c'en est une autre, le maintien.
Donc, qui fait le
maintien? Qui évalue le maintien du français? Quand on évalue le maintien du
français? Aux deux ans, aux trois ans aux cinq ans, aux 10 ans? Qui
évalue? Où se passe la correction, si le maintien n'est pas maintenu? Et
quelles sont les conséquences? Alors, je pense qu'on est dans quatre parties
d'un continuum qui est nouveau, parce qu'avant c'était «réputé», hein, le mot dans
la loi, c'était «réputé». Réputé un jour, maintenu toujours. C'était ça,
l'idée. Là, c'est : Jamais réputé, puis il est constamment à reprouver
qu'il possède son... qu'il ou elle possède bien la maîtrise du français. Alors,
oui, il y a les conséquences, l'acte dérogatoire, que vous n'êtes pas les seuls... Vous le savez, vous avez écouté les
autres, tout le monde trouve que ça n'a pas de bon sens que ça soit un
équivalent de collusion, corruption, assaut sexuel, usurpation de titre, mais
il... et je suis d'accord avec vous, puis je pense que le ministre a bien
écouté, qu'il pourra trouver une façon de le rendre plus comestible, sans
nécessairement négliger l'objectif qu'il veut atteindre.
Alors, comment vous
voyez le qui? Qui évalue? L'inspecteur? Quand il évalue? À quelle fréquence?
Puis le rôle de l'OQLF dans tout ça? Ce n'est pas clair pour moi.
Mme Desrosiers
(Gyslaine) : Nous, ce qu'on a compris dans la discussion avec les
ordres, mais aussi de ma propre expérience comme ancienne présidente d'un
ordre, c'est que les mécanismes usuels vont s'appliquer. Alors, l'inspection
professionnelle fonctionne sur enquête particulière ou sur un programme de
surveillance. Il n'y aura pas une équipe consacrée à on va aller
surveiller si le monde parle français. Ce n'est pas ça, c'est qu'à partir du
moment où les inspecteurs eux-mêmes doivent s'adresser en français aux membres,
ils vont arriver chez un professionnel pour faire de l'inspection ou dans un
milieu, ils vont s'adresser en français, ils vont s'apercevoir assez vite s'il
parle français ou non, et, s'ils ont un doute sur sa capacité à offrir un
service qu'on appelle un usage approprié de la langue, ils pourront demander ce
qu'on demande, la possibilité d'une évaluation avec l'OQLF. Ça, ce n'est pas
une sanction, c'est une expertise.
Éventuellement, ils vont faire la même chose qu'ils font d'habitude, une
certaine gradation. Ça peut être un avertissement,
ça peut être une recommandation de mise à jour, ça pourra... Alors là, il y
aura une gradation. Éventuellement, en cas de refus, je ne sais pas, moi,
idéologique à vouloir parler français, ils pourront référer le cas au syndic,
qui, lui, devra faire la preuve, etc.
Donc, on pense que ça
va s'intégrer dans les mécanismes actuels. Il y a des ordres qui nous ont dit
que le langage fait partie de la compétence, donc ce n'est pas une équipe pour
ça, c'est intégré aux outils actuels. C'est sûr qu'il y a des ordres, ce qui
les inquiète, c'est que cette dimension-là n'était pas prise en compte avant,
donc quand ils rencontraient un professionnel anglophone, ils envoyaient un
inspecteur anglophone pour inspecter un professionnel anglophone, puis ça se
faisait en anglais. Là, les règles du jeu vont changer, donc ça va amener des
conséquences.
Donc, qui le fait,
quand le fait, on vient de le dire. Pour ce qui est du syndic, bien,
évidemment, le syndic, il fonctionne sur plainte, alors il doit faire enquête,
et, comme vous avez dit, bien, pour faire enquête, il faut quand même qu'il y
ait certaines preuves, qu'il y ait un dossier. Et, pour être capable de mener
le dossier jusqu'au conseil de discipline, ça prend un acte dérogatoire, comme
vous avez dit. Et donc la discussion que j'ai eue avec M. le ministre, je
pense, est assez claire là-dessus, là, et il connaît bien les mécanismes qui
vont pouvoir s'appliquer.
Mme David :
O.K. Donc, ça va demander quand même de l'OQLF, c'est un gros nouveau mandat,
parce que 410 000 professionnels...
Mme Desrosiers
(Gyslaine) : Bien oui, mais, écoutez, c'est, en temps réel, là,
l'inspection professionnelle... on n'a pas fait une enquête détaillée de... Il
y a des ordres qui nous ont dit qu'il y avait un membership, important,
anglophone. Est-ce que c'est anglophone total, anglophone partiel? Jusqu'où ce
qu'il en est? Donc, on a demandé simplement de pouvoir... que les ordres...
parce qu'il y a des ordres qui ont 70 000 membres, puis il y a des
ordres qui en ont 300, alors tout le monde
n'aura pas un service d'expertise, donc, de pouvoir requérir gratuitement des
services d'expertise de l'OQLF, si nécessaire. Et les amendements qu'on a
suggérés au code, là, articles 55, 160, l'autre, je l'ai oublié, de
pouvoir permettre, sur recommandation du comité d'inspection professionnelle,
d'obliger quelqu'un à refaire l'examen de l'OQLF. Donc, c'est des mécanismes.
Mais, quand vous
dites un gros mandat, on n'a pas évalué la lourdeur ou l'importance de ça, mais
je pense que personne ne veut se mettre dans
la chasse aux sorcières. On est quand même dans un univers de protection du
public et d'un usage approprié, donc
raisonnable, de la langue française, pour être en mesure de donner un service.
Il y a quand même des ordres qui sont
inquiets, parce qu'ils fonctionnent plus à un niveau, disons, international, et
ils ont peut-être plus de
membres habitués à travailler dans une autre langue, dans des comités
particuliers ou ad hoc, mais il y aura une adaptation nécessaire.
Mme David :
Je vais juste prendre le deux minutes qui me reste pour parler un peu,
justement, des professionnels formés à l'étranger. Dieu sait que ça a fait
couler beaucoup d'encre depuis plusieurs années, cette question des professionnels formés à l'étranger et là c'est resserré, il
y a un nouvel article 37, et puis là le permis doit être
temporaire. Il y a la question de la formation... obtenu le diplôme. Comme vous
dites, Mme Desrosiers, le diable est
dans le détail des mots employés, puis on sait que c'est... Par définition, des professionnels formés à
l'étranger, c'est sur équivalence de diplôme. Alors, j'ai compris, avec
le ministre, que vous dites : Attention, ça a l'air d'un détail, mais c'est loin d'être un détail, une équivalence de
diplôme. Il y a des gens payés à ne faire que ça, des équivalences de
diplôme.
Mme Desrosiers
(Gyslaine) : Bien, ça, je pense, c'est vraiment quelque chose,
peut-être, qui a été échappé, là, au niveau des rédacteurs, là.
Mme David :
O.K. Bon, bien, je pense qu'ils ont pris bonne note.
Mme Desrosiers
(Gyslaine) : Parce que de s'assurer que c'est les mêmes... qu'il y a
une concordance avec le code, puis, en tout temps, on parle de reconnaître un
diplôme, une formation ou l'équivalence. Donc, en enlevant... en ne voyant pas
le mot «équivalence», on serait obligés de s'en tenir au texte très restrictif.
Mme David : L'autre
chose qui vous inquiétait beaucoup, mais vous l'avez discutée, je ne sais pas
si vous êtes rassurée à 100 %, la question du rôle de l'OQLF, quand on
dit : «L'office peut, au moment où il autorise un ordre à délivrer un
permis, en déterminer la durée et les autres conditions qui s'y rattachent»,
l'office voulant dire l'OQLF, là. Vous dites : Non, non, ça ne se peut
pas. C'est seulement pour la partie langue française. Il ne peut pas déterminer
d'autres conditions liées à l'exercice de la profession.
Mme Desrosiers
(Gyslaine) : Ça serait surprenant. C'est marqué «établir clairement
les autres conditions». Quelles autres conditions? Tu sais, ça nous a surpris.
Mme David :
Donc, ça vous inquiète assez pour le soulever dans le mémoire, mais...
Mme Desrosiers
(Gyslaine) : Bien, on le soulève parce que, vous savez, quand même, on
a des juristes qui regardent les choses. Il y a des juristes partout, dans tous
les partis, mais les juristes nous l'ont signalé. Puis, comme ce n'est pas
compliqué à...
Mme David :
À corriger.
Mme Desrosiers
(Gyslaine) : ...modifier, là, on n'est pas dans le noeud de
l'affaire... Je pense bien que le ministre nous a bien entendus là-dessus, là,
qu'il ne cherchait pas à donner un rôle indu à l'OQLF, là.
• (15 h 20) •
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme la députée.
Mme David : Merci.
La
Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, je céderais maintenant la parole au deuxième groupe d'opposition.
Mme la députée de Mercier.
Mme Ghazal : Merci, Mme la Présidente.
Ça, c'est... On aime beaucoup ça quand ça arrive... Bien, merci beaucoup pour
votre présentation. J'avais deux questions qui viennent d'être posées.
Justement, par rapport à la reconnaissance des diplômes, hein, on en parle
beaucoup, il y a beaucoup de personnes qui viennent de l'étranger, qui ont de
la difficulté à faire reconnaître leurs diplômes, hein? Vulgairement, l'exemple
qu'on connaît, c'est celui du médecin qui
est chauffeur de taxi. C'est toujours problématique. On dirait qu'on en entend
moins parler dans l'espace public,
mais ça existe. Puis, si je comprends bien, le projet de loi n° 96 vient
rendre... à cause de la formulation puis ce qui a échappé aux juristes,
vient rendre ça encore plus difficile, la reconnaissance des diplômes. C'est ce
que vous dites?
Mme
Desrosiers (Gyslaine) : En
fait, ça pourrait peut-être rendre ça plus difficile parce que, dans
l'admission des étrangers, il n'y a personne qui a étudié hors Québec qui a
fait exactement le même programme d'études qu'ici à l'heure près. Donc, on est toujours
dans une équivalence de diplôme, le niveau est regardé, le nombre d'heures, le nombre de crédits et puis est-ce que,
substantiellement, c'est à peu près la même chose. Donc, on est dans
l'équivalence de diplôme ou encore il y a
des profils atypiques. Des fois, il y a des professions qui existent au Québec
puis qui n'existent pas dans d'autres pays, mais c'est quelque chose qui
s'y rapproche. Donc, on est dans l'équivalence de la formation. Il faut juste
être certain qu'à l'article 37 on n'échappe pas cette notion-là.
Mme Ghazal : Mais il y a des choses
à améliorer même en dehors du projet de loi n° 96.
Mme Desrosiers (Gyslaine) : Bien,
là-dessus, là-dessus, vraiment...
Mme Ghazal : C'est un autre sujet.
Mme Desrosiers (Gyslaine) : Oui,
bien, je peux vous dire quand même qu'il y a eu un très, très gros progrès de
l'ensemble des ordres sur toutes les modalités de reconnaissance par
équivalence.
Mme Ghazal : Puis pour la... — merci — pour
la recommandation n° 9, vous dites : Que les employeurs fassent du renforcement pour accompagner les
professionnels, justement, étrangers à améliorer leur compétence en
français.
Mme Desrosiers (Gyslaine) : Bien,
oui, parce que... Je ne veux pas me prendre comme exemple, mais je vais vous
donner mon exemple. Moi, j'étais présidente de l'ordre puis je recevais un
téléphone d'un très haut dirigeant d'un hôpital à Montréal, réputé anglophone,
pour dire : On va perdre sept infirmières parce qu'elles n'ont pas réussi l'examen de la langue française. Mais
j'ai dit : Ça fait trois ans qu'elles travaillent pour vous. Vous
n'avez pas trouvé une minute pour les aider dans leur
apprentissage? Comme si ça ne les intéressait pas. Donc, est-ce que les employeurs peuvent se responsabiliser pour garder
ces employés-là qui sont dans le cheminement de réussir l'examen?
Mme Ghazal : Tout à fait, la
francisation dans le travail, c'est fondamental puis... bon, O.K.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme la députée. C'est tout le temps que nous avions. Merci
beaucoup, Mme Desrosiers et M. Beaudoin pour votre contribution aux
travaux de la commission.
Et je suspends les travaux quelques instants.
(Suspension de la séance à 15 h 23)
(Reprise à 15 h 29)
La
Présidente (Mme Guillemette) : Bonjour, M. Leclair, rebonjour, dirais-je. Est-ce que vous
m'entendez bien?
M. Jean Leclair (suite)
M. Leclair (Jean) : Oui, très
bien, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Encore une fois, vraiment, vraiment désolée. Excusez-nous pour ce contretemps. Mais c'est vraiment hors de notre
contrôle. Donc, je vais seulement demander à mes collègues l'autorisation de terminer un petit peu plus tard nos travaux,
de cinq, 10 minutes, s'il y a consentement de tous. Je présume que oui.
D'accord.
M. Leclair (Jean) : Mais moi,
Mme la Présidente, je peux vous assurer que j'en ai pour 10 minutes flush.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Allez-y, M. Leclair, on vous écoute.
M. Leclair (Jean) : D'accord.
Bien, bonjour...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Plus rien.
M. Leclair (Jean) : ...mémoire.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Oui, d'accord. Vous nous entendez?
M. Leclair (Jean) : Oui, je
vous entends très bien.
La Présidente (Mme Guillemette) :
D'accord, allez-y. J'ai comme eu un... on vous écoute, M. Leclair.
• (15 h 30) •
M. Leclair (Jean) : D'accord.
Alors, ma courte allocution, comme je le disais, portera uniquement sur la partie de mon mémoire qui est relative au
mémoire... au pouvoir du Québec de modifier sa propre constitution, et
plus spécifiquement je m'arrêterai aux
conséquences politiques de la théorie constitutionnelle que le gouvernement
mobilise aujourd'hui pour soutenir qu'il
peut modifier en même temps la
constitution du Québec et la constitution formelle du Canada.
Alors, mettons une chose au clair,
l'article 45 de la Loi constitutionnelle de 1982 reconnaît aux provinces
le pouvoir de se donner une constitution
dans les limites de ce qu'autorise la Constitution du Canada. Le Québec
pourrait donc adopter les articles Q.1
et Q.2 du projet de loi dans une loi appelée Constitution du Québec, Q.2
devrait cependant être légèrement reformulé afin de respecter les
garanties linguistiques prévues dans les lois constitutionnelles de 1867 et de
1982.
Mais la théorie constitutionnelle développée par
le Pr Taillon et reprise par le gouvernement va beaucoup plus loin. Ils soutiennent que cet article 45
permet de modifier en même temps la constitution du Québec et la
Constitution du Canada. Ils soutiennent que les normes constitutionnelles
québécoises ainsi modifiées jouiront d'une primauté sur les autres lois provinciales québécoises en raison du
paragraphe 52.1° de la Loi
constitutionnelle de 1982, c'est-à-dire
qu'elles auront un statut supralégislatif, ce qui signifie qu'elles seront
placées au-dessus des autres lois du Québec.
Toutefois, ce sur quoi ils n'insistent pas,
c'est sur le fait que ces modifications à la constitution du Québec et, par la
même occasion, du Canada passent par l'adoption d'une simple loi provinciale,
rien de plus. Alors, on aurait pu penser,
par exemple, que l'adoption d'une norme constitutionnelle appelée à définir la
nature de la nation québécoise aurait dû exiger l'assentiment d'une
majorité renforcée des députés qui la représentent, majorité des deux tiers,
par exemple, ou encore une approbation par voie référendaire. Rien de tout cela
n'est nécessaire. L'utilisation de la procédure du bâillon n'est même pas
exclue.
Selon l'interprétation du gouvernement, l'adoption
d'une loi permettant une modification à la constitution du Québec ne requiert donc qu'une majorité absolue des voix
à l'Assemblée nationale. Or, lorsque le parti au pouvoir détient
une majorité absolue des sièges, personne
n'est dupe, c'est la volonté du premier ministre et de son cabinet qui
déterminera ultimement ce qui mérite de
figurer dans la constitution formelle du Québec. L'article 159
du projet de loi changera la constitution du Québec, et son adoption
ne requerra pourtant rien d'autre que l'appui d'une majorité simple de
députés.
Au-delà de l'importante victoire symbolique que
la théorie constitutionnelle du gouvernement permet de réaliser, inscrire la
différence québécoise dans le marbre constitutionnel canadien, les conséquences
juridiques et politiques de leur interprétation sont troublantes, premièrement,
parce que cette théorie concentre, dans les mains du parti détenant la majorité
des sièges à l'Assemblée nationale, le soin de décider ce qui mérite ou non
d'être hissé au statut de norme supralégislative dans la hiérarchie du droit constitutionnel
provincial, et, deuxièmement, parce qu'elle encourage une dynamique où la
rédaction d'une constitution est vue comme une démarche où la volonté de la
nation se limite à est-ce que le gouvernement majoritaire du jour, aujourd'hui
la CAQ, demain le PLQ ou peut-être QS, dégagera des commentaires militants
tirés de sa page Facebook.
L'approche gouvernementale oublie que la
supralégalité ou la primauté d'une constitution du Québec n'est pas une simple
affaire technique relative au statut d'une norme dans la pyramide des règles de
droit constitutionnel. Politiquement, la primauté de la constitution vient
consacrer l'idée que certaines parties du contrat social d'une nation sont
d'une telle importance qu'elles doivent prévaloir sur les lois ordinaires qui y
contreviennent. Et parce qu'elles ont une telle importance, l'adoption et la
modification des normes les plus fondamentales du contrat social d'une
communauté politique sont assujetties à une procédure complexe de modifications
qui permet d'éviter que le gouvernement du jour ne les modifie selon ce qu'on
son humeur lui dicte.
Autrement dit, ces normes fondamentales ne sont généralement
pas modifiables au moyen d'une loi dont l'adoption dépend de la seule volonté
de la majorité parlementaire du moment. Afin de s'assurer qu'une norme
constitutionnelle reflète véritablement le contrat social, pour être en mesure
d'affirmer quel est le miroir de la volonté du plus grand nombre possible de
citoyens et de citoyennes de la nation, cette norme doit être assujettie à un
mécanisme d'adoption qui embrasse le plus d'acteurs et d'actrices possible.
Faute de procédure d'adoption extraordinaire — majorité renforcée ou référendum... et/ou...
et référendum — la
constitution du Québec ne sera pas nécessairement le reflet de la nation telle
que la conçoivent les Québécoises et les Québécois.
Faute de procédure d'adoption extraordinaire, elle sera plutôt le reflet de la
nation telle que le parti détenant la majorité parlementaire se la
représente. La preuve, c'est qu'au cours des années 70, le PLQ et le PQ se
sont ralliés autour de qui était alors considérée comme l'une des pièces
maîtresses de l'ordre constitutionnel québécois, la charte québécoise des
droits et libertés. Aujourd'hui, au moyen de clauses de dérogation adoptées à
la majorité simple des députés, on relègue ce document infraconstitutionnel
dans le placard des objets perdus.
Aujourd'hui, la majorité parlementaire propose
l'article 159. Demain, un autre parti proposera autre chose. Et, si un parti d'opposition soulève une
objection, la majorité parlementaire associée à la discipline de parti et peut-être
à la procédure du bâillon viendra dicter le contenu de la constitution du
Québec.
Si l'intention, ici, est de faire autre chose
que de simplement dire son fait au Canada anglais, si l'intention était vraiment d'affirmer haut et fort ce que les
Québécois et les Québécoises, entre eux, pour eux, estiment être au
coeur de l'identité de la nation québécoise,
alors ce n'est pas vers la constitution formelle du Canada qu'on devrait se
tourner.
Un véritable
acte d'autodétermination ne devrait pas consister à fonder la supériorité des
normes constitutionnelles québécoises sur le socle technique de la Loi
constitutionnelle de 1982 ou 1867. Il devrait résulter d'un acte purement
québécois qui permettrait de fonder la supériorité de ces normes sur la
volonté, non pas du parti majoritaire au pouvoir, mais du plus grand nombre
d'acteurs et d'actrices représentant la nation.
Il ne manque pas de grands prêtres et de grandes
prêtresses pour nous dire ce qu'est ou n'est pas la nation et pour nous la
présenter comme une masse unanime, anonyme et homogène, ou pour dire ce qu'elle
désire, ou ce qui la terrorise, le multiculturalisme, par exemple. Il serait peut-être
temps qu'ils se taisent et donnent la parole à cette fameuse nation.
Au minimum,
tout véritable projet de constitution québécoise devrait requérir pour son adoption
et sa modification ultérieure
l'approbation d'une majorité renforcée des représentants et représentantes de
la nation. Pourquoi? Parce
que les 125 députés de l'Assemblée nationale sont l'incarnation
institutionnelle de la «nation assemblée», pour employer la belle expression du révolutionnaire français
Bailly, une nation qui n'est pas aussi homogène et unanime qu'on le
soutient.
Et il
faudrait réfléchir sérieusement sur l'articulation des rapports entre nation québécoise
et nations autochtones en gardant à l'esprit qu'elles se chevauchent
bien plus qu'elles ne s'opposent.
On pourrait également reconnaître une primauté à
cette constitution québécoise sur les lois québécoises ordinaires, non par le
jeu compliqué de l'article 45, mais par la technique législative très
simple qui a été employée à l'article 52 de la charte québécoise. Une
technique simple, à la portée de l'Assemblée nationale, et qui n'exige pas de
recourir à la béquille des paragraphes 52.2 et compagnie de la Loi constitutionnelle
de 1982.
Une dernière chose. Ces dernières années, nos
énergies constitutionnelles ont été beaucoup consacrées à protéger la
nation : le recours à deux reprises à la clause dérogatoire pour écarter
la charte québécoise, la stupéfiante opposition,
encore une fois à deux reprises, entre les droits collectifs de la nation et
les droits individuels de ses propres membres, et aujourd'hui ce
camouflet administré au Canada anglais par cette inscription de la différence
québécoise dans la Constitution du Canada.
J'espère
qu'un jour on se rappellera que la vocation des constitutions écrites n'est pas
simplement de constituer
le peuple et le pouvoir étatique afin de faire face à l'ennemi. Il est
indéniable que ce rôle a été historiquement fondamental et continue à
l'être, mais il ne faut pas oublier que les constitutions remplissent aussi,
depuis le XVIIIe siècle, la fonction de limiter le pouvoir que l'État peut
exercer sur sa population.
Or, les deux ordres de gouvernement, fédéral et
québécois, possèdent un pouvoir de contraintes étendu sur la vie des membres de la nation québécoise. Et, au
moment même où l'on discute du projet
de loi n° 96,
le Québec vit une période
marquée par une des plus grandes concentrations de pouvoir entre les mains d'un
premier ministre et de son cabinet.
Le pouvoir exécutif mérite tout notre respect,
mais, quand vient le temps d'exprimer la...
• (15 h 40) •
La
Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. Leclair. Nous allons poursuivre les échanges avec les
membres de la commission, les 10 minutes étant écoulées.
M. Leclair (Jean) : Oui.
Parfait.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, je cède la parole à M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Merci, Mme
la Présidente. Alors, bonjour, M. Leclair. Heureux de vous parler. Ça fait
un petit bout que j'ai eu l'occasion de vous parler, mais c'est toujours un
plaisir, et surtout pour la première fois en commission parlementaire dans les
fonctions que j'occupe.
Écoutez, il y a une chose que je crois dire et
ne pas me tromper, je pense que le projet de loi n° 96 a eu, à tout le
moins, le bénéfice d'émoustiller les constitutionnalistes québécois, et de
valoriser leur rôle, et de leur donner une tribune
intéressante. Alors, pour ça, je crois qu'il y a une nette plus-value au projet
de loi n° 96. Et ça amène un débat important sur le rôle de l'État, l'importance de la nation. Et je note
que ça fait débat chez les constitutionnalistes québécois.
D'entrée de jeu, écoutez, j'ai entendu votre
présentation. Vous nous indiquez à la page 7 de votre mémoire que c'est
dans une perspective... «dans cette perspective froidement rationnelle». J'ai
entendu votre argumentaire. Moi, je vous dirais : Vous avez certains
arguments juridiques, mais il y a beaucoup qui relève de l'éditorial aussi.
Cela étant,
vous dites, et vous êtes revenu à plusieurs reprises, vous dites :
Écoutez, c'est uniquement la volonté de la majorité du parti qui est au
pouvoir avec une majorité simple. Moi, je ne suis pas devin, et là on n'a même
pas commencé à étudier le projet de loi, mais
qu'arrive-t-il avec vos propos si jamais le Parti libéral vote pour le projet de loi, Québec solidaire vote pour le projet de
loi puis le Parti québécois vote pour le projet de loi? Alors, si jamais il
y a unanimité à l'Assemblée nationale, est-ce que vous tiendriez les mêmes
propos? Parce qu'on ne peut pas savoir qui va adopter le projet de loi.
M. Leclair (Jean) : Tout à
fait. Absolument. Vous avez parfaitement raison, mais à ce moment-là, c'est la
nation assemblée qui se serait prononcée. La seule chose, c'est que, moi, la population,
la nation québécoise peut bien faire ce
qu'elle veut à travers ses représentants, mais dans la mesure où on prévoit que
ses représentants puissent s'exprimer.
Maintenant, vous disiez que je tenais un propos
qui était éditorialiste. Bien, je m'excuse, mais, quand même, la question de
savoir comment on peut s'assurer que la volonté de la nation soit exprimée, de
dire que ça supposerait que le gouvernement adopte une loi en acceptant de
faire contribuer des députés qui ne sont pas nécessairement partie à son parti,
ce n'est pas une position éditoriale, c'est dire que la nation, c'est plus que
la voix du parti qui est au pouvoir, c'est tout.
Et, vous savez, je dirais la même chose si c'était
le Parti libéral qui était au pouvoir. Moi, c'est le potentiel d'abus de
pouvoir qui m'intéresse. Je suis aussi inquiet par la concentration du pouvoir
de Justin Trudeau, de Harper, du vôtre, ou d'un éventuel Parti libéral, ou QS
qui serait appelé à gouverner.
M. Jolin-Barrette : Mais vous
êtes conscient que, dans la procédure législative qui gouverne l'institution
qu'est l'Assemblée nationale... et c'est ce qu'on fait présentement en tenant
des consultations, puis c'est gouverné par le règlement de l'Assemblée
nationale, et je suis un peu surpris quand les gens évoquent la procédure
législative d'exception, parce que ça n'a jamais été abordé et il n'y a pas de
raison de croire que la procédure législative d'exception pourrait être
utilisée, mais c'est quelque chose qui fait partie du règlement de l'Assemblée
nationale que les parlementaires se sont dotés.
Cela étant, j'aimerais qu'on revienne davantage
sur la question de la partie V, l'article 45. Le constituant
canadien, lui-même, a prévu plusieurs procédures de modifications
constitutionnelles. Et là je comprends que votre position, et c'est celle qui
est partagée également par votre collègue Saint-Hilaire, Université de
Sherbrooke, dise : Bien, écoutez, ce qui est écrit, dans le fond, à la partie V,
on ne peut pas l'utiliser pour ça. Or, si le constituant canadien n'avait pas
voulu qu'on utilise l'article 45... je m'explique difficilement pourquoi
on ne peut pas lui faire confiance, au constituant canadien, s'il a prévu,
justement, l'article 45, que les provinces pouvaient modifier leur propre
constitution.
M. Leclair
(Jean) : Première chose, à
propos de la première chose que vous avez dite, vous avez dit : Peut-être
que la procédure spéciale pourrait être employée. La grosse différence entre ce
que vous dites et ce que je dis, c'est que, dans des constitutions, quand on
prévoit explicitement le mécanisme d'adoption et de modification, c'est
juridiquement et symboliquement infiniment plus puissant que simplement
dire : On pourrait le faire, mais parce que la procédure l'autorise.
Maintenant, sur le fond de votre question — et je
dois avouer que ce n'est pas facile de vous parler, parce que je m'entends,
moi, constamment en réverbération — je vous dirais ceci :
C'est que l'approche du Pr Taillon se fonde sur une interprétation
plausible mais extrêmement littérale des articles 45 et 52. Ce que je vous
dis, moi, c'est que... si on revient à ce que j'expliquais, à savoir que ce qui
fait partie de la constitution formelle, c'est ce qu'on veut protéger contre
l'intervention unilatérale d'un des membres du contrat social. Ça fait que la
Loi constitutionnelle de 1982, c'est le contrat social d'un État fédéral. Et
donc ce qu'on veut soustraire à l'intervention unilatérale d'un partenaire, soit une province ou le fédéral, ce
sont les matières qui sont décrites à l'article 41, 38 et 43. Dans ces
trois cas-là, pour modifier les matières qui y sont mentionnées, on
prévoit un mécanisme d'adoption particulier qui empêche un seul des acteurs de
la fédération d'intervenir.
Mais, quand
on regarde les articles 44 et 45, qui portent sur la constitution interne
du fédéral et la constitution interne d'une province, la constitution
fédérale ne prévoit pas leur enchâssement dans la Constitution. Parce que,
quand la province agit comme elle l'entend, qu'elle adopte la constitution
qu'elle veut, vous le savez fort bien, la constitution que le Québec va
adopter, elle n'aura d'impact juridique qu'à l'intérieur de l'ordre
constitutionnel provincial. C'est une constitution provinciale. Ce qui fait
que, quand vous légiférez pour adopter une constitution provinciale, les
intérêts des autres partenaires ne sont absolument pas remis en question. D'où
le fait que c'est absolument inutile de prévoir l'enchâssement de ce qui est...
de l'ensemble des règles d'une constitution provinciale. C'est pour ça que
c'est uniquement certaines matières. C'est uniquement les matières qui
remettent en question l'alliance fédérale.
Ce que vous faites à l'intérieur de la constitution provinciale, c'est votre
affaire. En quelques mots, je dirais que, ce qu'on fait à l'intérieur
d'une constitution provinciale, la Constitution canadienne n'en a rien à cirer.
C'est pour ça qu'elle dit bien à l'article 45 que le pouvoir de modifier
la constitution provinciale, c'est un pouvoir exclusif à la province. Ça prouve
bien que ça ne touche pas les intérêts des autres partenaires.
M.
Jolin-Barrette : D'accord.
Et, lorsque vous faites référence, là, au contrat social, là, de la Loi
constitutionnelle de 1982, là, c'est toujours intéressant, dans notre
fédération, de constater que l'Assemblée nationale n'a jamais ratifié cette
Constitution-là et qu'elle lui a été imposée. Et là peut-être vous me
répondrez : Bon, bien, s'il y avait des députés fédéraux du Québec qui
étaient à Ottawa... Mais moi, je trouve qu'en termes de contrat social c'est
tout de même particulier d'être gouvernés par une constitution canadienne dont
l'Assemblée nationale d'un peuple, d'une nation, ici, ne
l'a pas ratifié, mais nous-mêmes, on ne pourrait pas inscrire dans notre propre
constitution que les Québécoises et les Québécois forment une nation puis que
la langue officielle du Québec, c'est le français.
Peut-être un point sur d'autres volets de votre
mémoire en lien avec l'article 133, je crois avoir noté que vous indiquez que celui-ci est respecté par le projet
de loi, notamment par l'article 7.1 qu'on insère dans le projet de loi
n° 96, relativement aux règles d'interprétation. Est-ce que j'ai bien
compris?
• (15 h 50) •
M. Leclair (Jean) : Oui. Je
répondrai premièrement à la première chose que vous avez dite. Si vous pouviez
baisser le volume pour que je puisse m'entendre. Je dirais simplement ceci,
c'est que, la question de la légitimité de la Loi constitutionnelle de 1982, on
nous la sert toujours, et c'est vrai, je le veux bien. Mais, à partir de moment
où vous choisissez d'exercer le pouvoir qui
est reconnu, moi, ce que je dis, c'est que, bien, à ce moment-là, si vous
l'exercez, ça ne vous empêche pas de l'exercer en cherchant à obtenir le plus
grand consensus possible à l'intérieur du Québec.
Tu sais, l'argument de l'illégitimité de la Loi
constitutionnelle de 1982, pour moi, c'est complètement non pertinent. Quand la
question se pose de savoir : Qu'est-ce que les Québécois veulent se donner
comme constitution à eux et pour eux?, tout ce que je dis, puis il ne faut pas
penser que je suis un... que je me prosterne devant un buste de Pierre Elliott
Trudeau — j'ai
écrit des articles féroces contre Trudeau — tout ce que je dis, c'est
que, quand la question se pose, au Québec, pour le Québec, de se donner une
constitution, il n'y a rien qui empêche qu'on élargisse le nombre d'acteurs qui
sont nécessaires à l'adoption et qu'on élargisse le nombre d'acteurs qui sont
nécessaires pour la modification de la loi. Et il y a plein de pays qui se sont
donné des normes comme ça, on pourrait faire la même chose. On a choisi de
donner une primauté à l'article 52, on a choisi de faire ça, donc c'est
possible de le faire. On pourrait, et c'est parfaitement constitutionnel, se
contraindre en exigeant une majorité renforcée.
Maintenant, je reviens à votre question. Oui, à
mon sens, la province a les pouvoirs, tous les pouvoirs qu'il lui faut pour
adopter le projet de loi en ce qui concerne les dispositions linguistiques. D'après
moi, comme vous venez de le dire, je pense qu'on peut faire une lecture constitutionnelle
de l'article 7.1, une lecture qui permet de soutenir que cet article-là
n'enfreint pas l'article 133 de la Constitution de 1867. Je le confirme.
M. Jolin-Barrette : O.K. Donc, vous exprimez une opinion dissidente de
celle du Barreau. Puis là-dessus, Pr Leclair, je suis d'accord avec
vous. Peut-être une autre question relativement à l'application de la Charte de
la langue française aux entreprises de juridiction fédérale. Vous, vous
concevez qu'il est possible de soutenir que les dispositions de la Charte de la
langue française pourront s'appliquer aux entreprises de juridiction fédérale.
M. Leclair (Jean) : Là-dessus,
il y a de très bons arguments qui sont présentés pour soutenir que la chose est
possible. Par contre, comme je vous ai dit, le gouvernement fédéral, lui, n'a
pas a demandé la permission du Québec pour exercer ses propres compétences,
hein, pour adopter des dispositions linguistiques qui seraient... pourraient
s'apparenter, d'ailleurs c'est l'intention de la ministre Joly, qui
pourraient s'apparenter aux dispositions qu'on trouve dans Charte de la langue
française. La seule chose c'est que, d'une part, le fédéral, lui, il a à
l'esprit que les dispositions sur la langue française ne s'appliqueront pas aux
entreprises fédérales uniquement dans leur application au Québec. Et donc il
faut qu'il réfléchisse à la possibilité de...
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci,
M. Leclair. Nous allons poursuivre. C'est tout le temps qu'on avait
pour ce bloc-là. Nous allons poursuivre les échanges avec la députée de
Marguerite-Bourgeoys. Mme la députée.
Mme David : Oui. Bonjour, cher collègue.
Je ne suis pas une collègue en droit constitutionnel, loin de là, mais j'étais
une collègue de l'UdeM. Et donc je... vous allez peut-être trouver que ça
baisse de niveau au niveau intellectuel, juridique, mais vous allez... disons
que je représente le commun des mortels, O.K., puis que j'ai quand même
beaucoup, beaucoup travaillé avec des constitutionnalistes. Bon, je ne suis
peut-être pas si mauvaise que ça, mais il y
a des choses que je ne comprends pas. Vous dites : Ce n'est pas
supralégislatif. Ce n'est pas supralégislatif. Bien d'autres nous l'ont dit aussi, dont Benoît
Pelletier, hier, qui nous l'a dit et redit, que l'article 159 n'est
pas supralégislatif. C'est une simple loi, vous l'avez dit vous-même
aussi. Si c'est une simple loi, cet ajout via l'article 45, pourquoi
faudrait-il une approbation aux deux tiers ou un référendum? Première partie.
Et vous dites, par ailleurs : Oublions tout
ça — si
je comprends bien — et
allons vers une constitution du Québec, qui
est le rêve depuis toujours de Benoît Pelletier, d'avoir une constitution.
D'autres aussi, Christian Dufour, André Binette, sont venus dire :
On peut rajouter société distincte. On peut rajouter interculturalisme. On peut
rajouter Charte des droits et libertés, on peut rajouter tout ce qu'on veut
dans une constitution du Québec.
Ma question la plus basique, la plus niaiseuse,
c'est : C'est quoi, ça, une constitution du Québec, si ce n'est pas via
l'article 45? Une constitution qui est mise où, elle sort d'où, on fait
quoi? Vous dites : On fait une tournée du Québec. Ça, Benoît Pelletier l'a
dit aussi, André Binette l'a dit aussi. Mais on la met dans quel univers, cette
constitution-là, d'une part, puis pourquoi c'est si compliqué,
l'article 45, de faire une constitution, ou une petite partie
constitutionnelle avec deux articles, Q.1, Q.2?
Et puis, pour finir — parce que je sais que
vous avez beaucoup de misère parce que vous vous entendez en écho, ça doit être
insupportable — vous
dites, dans le Q.2, puis là ça semble être le contraire de ce que vous venez de
dire au ministre, alors je suis encore plus mêlée, vous dites :
L'article 133, il n'y a pas de problème. Or, vous dites quand même dans
votre mémoire, à la page 5, que ça devrait être «le tout sous réserve des
droits prévus à l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 et aux articles 23
et 35 de la loi de 1982». Voilà mes trois questions en quelque deux minutes.
M. Leclair
(Jean) : C'est une question fondamentale, Mme la députée, et je
comprends la complexité. Mais c'est parce que ce qu'il faut savoir, c'est que l'article 159
ne vise pas à adopter une loi québécoise qui s'appellerait la Constitution du
Québec et puis qui comporterait la disposition dont on parle. Autrement dit,
les choses pourraient être très, très simples si on se disait, bon : On va
adopter une loi qui s'appelle la Constitution du Québec et puis on va choisir
d'y mettre telle, telle, telle chose. L'article 159, ce qu'il dit, c'est
qu'il insère dans la Loi constitutionnelle de 1867 les deux articles en question.
Donc, la chose est complètement différente d'un point de vue...
Vous, vous allez me dire : Oui, mais «so
what»? Et puis je comprends votre réaction. Mais c'est une chose que de
dire : La province peut se donner une constitution dans le cadre de l'article 45
de la Loi constitutionnelle de 1982 et l'autre, de modifier, d'inscrire cette
constitution-là dans le texte de la Loi constitutionnelle de 1867.
Ce que j'aimerais que vous reteniez, là, c'est
que... en fait, M. Taillon, j'imagine, vous l'a expliqué, c'est que, si on
oublie la théorie de M. Taillon, là, la façon dont l'article 45 a
toujours été interprété, c'est de dire : Écoutez, les provinces peuvent
adopter des lois comme la charte québécoise, comme la Loi sur la laïcité, comme
une éventuelle loi qui reconnaîtrait la nation, comment est-ce qu'elle est
composée. Ça, ils peuvent faire ça, ils peuvent faire ça dans les limites de
leurs compétences à eux. On est dans une fédération, on en fait toujours
partie, ce qui fait qu'en adoptant une loi comme ça, que ce soit la charte
québécoise, ça ne s'applique qu'à l'intérieur du Québec, d'accord.
Alors... Mais là ce que M. Taillon dit et ce que le gouvernement soutient,
c'est que ce n'est pas juste ça qu'on peut faire, ils disent : On peut
aussi modifier le texte de la vieille Constitution de 1867. C'est compliqué,
parce qu'ils ont raison de dire qu'on peut changer le contenu de cette vieille
loi, mais c'est parce que leur objectif, là, et bien franchement, là, c'est qu'ils voudraient, au fond, gifler le Canada
anglais avec sa propre Constitution. D'accord, je pense que c'est ça,
là, qui se passe. Et, pour faire ça, bien, il faut qu'ils puissent dire que
l'article 45 permet de modifier le texte de la Loi constitutionnelle de
1867. S'ils n'arrivent pas à dire ça, l'objectif politique se dégonfle. Moi, je
me dis... moi, ce que je dis, c'est que ça, ils...
Mme David : Je pense que je
comprends beaucoup mieux.
M. Leclair (Jean) : Ce que je dis,
c'est... O.K.
Mme David : Je pense que je
comprends beaucoup mieux ce que vous suggérez — parce que Benoît Pelletier
aimerait ça beaucoup aussi, mais par ailleurs, bon, il dit autre chose, mais... — que
la loi... une constitution du Québec, ça serait une loi comme une autre loi qui
serait déposée au Québec, sans demander la permission à personne, ça serait
notre loi, qui s'appellerait la Constitution du Québec, avec tout un processus
de consultations parlementaires, et tout ça,
mais là ce à quoi on a à faire face ou qu'on étudie, c'est une simple loi, mais
via l'article 45, qui est de
dire, avec l'article 159 du projet
de loi n° 96, qu'il y aura donc
Q...c'est 90Q.1, 90Q.2, «est une nation» et aussi que la seule langue
officielle est le français, et là vous dites : Ça prend l'article 133
absolument, ça, vous l'avez écrit. Là, je comprends plus ou moins pourquoi.
Benoît Pelletier nous a dit hier : Pas nécessaire du tout, vous pouvez le
faire si vous avez le goût, mais ce n'est pas nécessaire.
• (16 heures) •
M. Leclair
(Jean) : Très bonne
question, Mme la députée, encore là. Permettez-moi d'être le plus clair
possible. Je vous ai dit qu'une constitution québécoise, c'est une constitution
qui doit viser des choses qui touchent l'ordre constitutionnel provincial. Et,
comme je l'explique au... dans le premier paragraphe de mon mémoire, le pouvoir
d'une province est limité par les garanties linguistiques qui sont dans la
constitution. Vous me suivez jusqu'à date? Et donc ce que ça signifie, ce que
ça signifie, c'est que, si on adopte l'article Q.2 tel quel, hein, Q.2 tel
quel, ce qu'il dit, c'est : Le français
est la seule langue officielle du Québec. Et donc, si vous lisez ça comme ça,
il n'y a aucun doute, cette formulation-là entre en contradiction avec
l'article 133. Qu'est-ce qu'il dit, l'article 133? Il dit qu'au
Québec la langue des lois, la langue pouvant être parlée devant les tribunaux
et la langue qui peut être parlée à l'Assemblée nationale, c'est à la fois l'anglais
et le français. Dans ces trois secteurs-là très limités, le bilinguisme est
présent. Et donc, quand on lit l'article... la phrase : Le français
est la seule langue officielle du Québec, bien, on pourrait considérer que
c'est inconstitutionnel parce que ça voudrait dire que c'est la seule langue
des lois, c'est la seule langue des débats parlementaires et c'est la seule
langue qui peut être parlée devant les tribunaux...
La Présidente (Mme Guillemette) :
...M. Leclair, merci beaucoup. C'est tout le temps que nous avions avec la
députée de Marguerite-Bourgeoys. Je cède maintenant la parole à la députée de Mercier.
Mme Ghazal : Oui. Merci. Merci
beaucoup, M. Leclair, pour votre présentation. Puis j'écoute les échanges
depuis tantôt, et, si je comprends bien, vous me corrigerez si ce n'est pas le
cas, dans le fond, vous êtes pour une assemblée constituante?
M. Leclair (Jean) : Bien, je pense
que c'est la meilleure idée, si on veut, parce que, vous savez, vous, là, vous
êtes à l'Assemblée nationale, vous adoptez des lois quotidiennement, puis c'est
normal, sur des choses qui sont parfois
très, très, très importantes. La différence avec une constitution, c'est que
c'est supposé de représenter la volonté du plus grand nombre de citoyens et de citoyennes du Québec. Alors, comme
vous le dites, Mme la députée, bien, idéalement, ça pourrait
être une assemblée constituante. Ça s'est fait dans d'autres pays.
Évidemment, en bout de ligne, pour que ce soit
constitutionnel, je m'excuse de toujours dire ces mots-là, il faudrait que la proposition de l'assemblée
constituante soit adoptée par l'Assemblée
nationale, parce que c'est
uniquement l'Assemblée
nationale, vous, les
125 députés, qui détenez la souveraineté requise pour adopter une loi. Une
assemblée constituante ne pourrait pas le faire. Sauf que l'assemblée
constituante pourrait au moins proposer des choses, essayer de représenter au mieux
qu'on peut, parce que c'est sûr qu'on ne peut pas produire l'unanimité, mais on
peut s'en rapprocher. Alors, oui, c'est ce que je dirais... répondrais à votre
question.
Mme Ghazal : ...bien, je suis
contente que vous disiez que c'est une excellente idée, puisque c'est dans le
programme de Québec solidaire depuis toujours, puis je suis sûre que vous le
savez.
Avec le peu de temps qu'il me reste, vous dites,
dans votre mémoire : «Le gouvernement fédéral est compétent pour légiférer sur l'usage de la langue dans les secteurs de
son ressort.» À l'article 56 du projet
de loi n° 96, où on... ce que ça dit, c'est que la loi 101
peut s'appliquer aux entreprises de compétence fédérale. Est-ce que vous dites
que cet article-là est inconstitutionnel, ou c'est possible d'appliquer la
loi 101 dans les entreprises de compétence fédérale, comme le propose le projet
de loi?
M. Leclair (Jean) : Attendez, c'est
à l'article 56, ce que vous dites, là? Je ne l'ai pas à l'esprit.
La
Présidente (Mme Guillemette) :
On n'aura pas de temps pour la réponse. C'est tout le temps nous avions.
M. Leclair (Jean) : Ah! Bien,
enfin... formulé comme ça, c'est... O.K. Excusez-moi, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup, M. Leclair, d'avoir été avec nous. Merci de votre
patience, également, et de votre contribution aux travaux de la commission.
Je suspends
les travaux quelques instants, le temps d'accueillir nos nouveaux
invités. Merci encore, M. Leclair, et désolée des inconvénients.
M. Leclair (Jean) : Bien, merci du
privilège que vous me faites de m'avoir écouté. Bonjour.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Bonne fin d'après-midi.
(Suspension de la séance à 16 h 04)
(Reprise à 16 h 07)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, la commission reprend ses travaux. Je souhaite maintenant la bienvenue à la Fédération étudiante collégiale du
Québec et ses représentants, Mme Claudie Lévesque, vice-présidente, et M. Samuel Vaillancourt,
président. Donc, bienvenue. Merci d'être avec nous cet après-midi.
Donc, vous disposez de 10 minutes pour
votre présentation, et il y aura un échange avec les membres de la commission
par la suite. Donc, je vous cède la parole.
Fédération étudiante
collégiale du Québec (FECQ)
M. Vaillancourt
(Samuel) : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Donc, je me présente : Samuel Vaillancourt,
président de la Fédération étudiante collégiale du Québec.
Mme Lévesque
(Claudie) : Claudie
Lévesque, vice-présidente de la Fédération étudiante collégiale du
Québec.
M. Vaillancourt (Samuel) :
Donc, la Fédération étudiante collégiale du Québec, c'est un regroupement de
78 000 étudiants et étudiantes de niveau collégial à travers
27 associations étudiantes pour... En fait, nous sommes le seul regroupement étudiant national collégial. Et
on tient à remercier, justement, là, la commission de nous recevoir afin
de se prononcer sur le projet de loi n° 96 qui a, somme toute, de grandes
dispositions visant l'enseignement collégial. Donc, évidemment, la fédération
se prononce seulement sur les dispositions qui concernent l'enseignement
collégial. Et conséquemment il y a également un travail, oui, qui passe par des
amendements potentiels au projet de loi
n° 96, mais également d'un travail supplémentaire ou complémentaire en
fait de la part du ministère de l'Enseignement supérieur.
Le projet de loi n° 96 a, somme toute, été
bien reçu de la part de la FECQ. Par contre, il y a plusieurs mesures additionnelles, là, que l'on juge
nécessaires afin de vraiment valoriser le français au sein de tous les
établissements, qu'ils soient francophones ou anglophones. Et il y a également
certaines mesures proposées par le biais du projet de loi que l'on considère
comme étant un certain frais... un frein, pardon, à la réussite étudiante. Et
c'est ce vers quoi nous allons porter votre attention aujourd'hui dans le cadre
de notre exposé.
Donc, tout d'abord, je vous dirais, par rapport
au fait de baliser l'effectif étudiant dans les établissements anglophones, la
crainte de la FECQ, elle, elle était située vraiment au fait que les
établissements anglophones, dans les dernières années, ont vu une croissance
qui était plus rapide que les établissements collégiaux francophones. Et c'est
justement le fait de baliser l'effectif étudiant dans les établissements
anglophones vient répondre à cet enjeu-là. Par
contre, une telle mesure apporte avec elle d'autres enjeux additionnels. Et,
justement, dans le cadre de nos propositions additionnelles, on veut,
d'une certaine façon, amenuiser les enjeux qui naissent du fait de baliser
l'effectif étudiant.
Par rapport, justement,
aux balises de l'effectif étudiant, on considère nécessaire de doter, par le
biais du projet de loi, au ministère de l'Enseignement supérieur, d'une date
butoir en vue d'informer les établissements sur leurs effectifs totaux
particuliers, considérant le fait que l'effectif total particulier va affecter
le financement de l'établissement, mais également le processus d'admission.
Notre objectif derrière ça, c'est surtout d'éviter une situation où
l'information est transmise envers l'établissement de façon tardive, et ça fait
en sorte qu'un établissement admet un nombre d'étudiants qui ne respecte pas
l'effectif total particulier et qui vient affecter, au final, le financement
qui est offert à chaque étudiant et étudiante.
• (16 h 10) •
Mme Lévesque (Claudie) : On
aimerait, dans le même ordre d'esprit, que cette date butoir là s'applique
aussi pour les établissements francophones qui sont autorisés à dispenser de la
formation en anglais. Justement, pour ce qui est de la répartition des places
pour les personnes qui étudient en anglais dans les cégeps francophones, on se
permet d'émettre certaines réserves. Si on comprend, pour le moment, que les
cégeps francophones qui offrent de la formation en anglais maintiennent leur
droit de le faire, lorsqu'on va avoir une hausse dans le réseau collégial des
étudiants et des étudiantes, on aimerait qu'un mécanisme objectif soit mis en
place pour s'assurer que soient distribuées équitablement ou, du moins, selon
des critères objectifs comme des critères démographiques ou de vitalité des
cégeps, les places pour les étudiants en anglais dans les cégeps francophones.
M. Vaillancourt (Samuel) : Donc, également,
le projet de loi n° 96 prévoit, là, des dispositions sur les politiques
linguistiques des établissements collégiaux. Il prévoit également la
consultation de la population étudiante dans le cadre de l'élaboration des
politiques, la révision des politiques ainsi que les rapports d'application.
C'est quelque chose que l'on accueille très
bien. Par contre, on voudrait apporter un léger amendement. En fait, dans le
fond, la Loi sur l'accréditation et le financement des associations d'élèves ou
d'étudiants, de son petit nom la loi n° 32, prévoit que l'association
étudiante est la seule représentante officielle de la population étudiante, et
qu'elle est, par elle-même, apte à désigner les personnes qui sont appelées à
représenter la population étudiante. Et on considère que, malgré le caractère
d'ordre public de la loi n° 32, il y a une nécessité de préciser aux
articles 60 et 62 du projet de loi que les modalités de consultation de la
population étudiante doivent se conformer aux dispositions de la loi
n° 32.
Il y a deux objectifs principaux, je vous
dirais, derrière ça, c'est considérant le fait que la Charte de la langue française n'est pas une loi dont la responsabilité
d'application revient au ministère de l'Enseignement supérieur, qui est,
veux veux pas, le ministère habitué à la Loi
sur l'accréditation et le financement des associations d'élèves ou
d'étudiants, mais il y a aussi l'idée de garantir les droits qui sont garantis
aux associations étudiantes par le cadre de cette loi.
Mme Lévesque (Claudie) : Maintenant,
j'aimerais qu'on insiste sur l'article 88.0.12, l'article qui prévoit
imposer l'épreuve uniforme de français à l'ensemble des étudiantes et des
étudiants, à l'exception, bien sûr, de celles qui peuvent, selon la Charte de
la langue française, faire leur primaire et leur secondaire dans un
établissement anglophone. À notre sens, c'est inconcevable de rendre
l'obtention du diplôme d'études collégiales conditionnel à la réussite de
l'épreuve uniforme de français pour les personnes qui étudient dans un cégep
anglophone. Et c'est pour cette raison-là qu'on demande le retrait de
l'article 88.0.12. On invite les parlementaires à se demander comment on
pourrait mettre sur le même pied d'évaluation des personnes qui vont avoir entre
180 et 240 heures de préparation strictement dédiées à l'épreuve uniforme
de français, dans le réseau francophone, contre des personnes qui vont avoir,
tout au plus, 90 heures de formation en français, dans les cégeps
anglophones, et ce, sans nécessairement aborder la littérature francophone, la
littérature québécoise. À notre sens, ce n'est pas une mesure qui permet
réellement de valoriser la langue française et pourrait même être un frein à
l'accessibilité aux études supérieures, puisque c'est plus difficile de rentrer
directement à l'université sans diplôme d'études collégiales.
Et ça me permet justement de parler de
valorisation de la langue française. Donc, à notre sens, par les dispositions,
le projet de loi pourrait être plus ambitieux en ce qui concerne la
valorisation de la langue française par les établissements d'enseignement
supérieur. On considère qu'il y a un travail à faire, et un travail qui
pourrait être fait par le ministère de l'Enseignement supérieur, de mettre en
place des mesures concrètes pour valoriser justement la langue française, mais
surtout pour qu'autant les cégeps anglophones que francophones deviennent des
vecteurs de la langue française. Donc, rapidement, on peut penser notamment au
renforcement des mesures d'aide à la réussite
en français spécifiquement pour les personnes anglophones et allophones si
elles veulent fréquenter notamment des cégeps francophones, à
l'accessibilité accrue à des cours de français sur les campus collégiaux
directement et aussi à ajouter au levier ministériel anglophone des notions de
littérature québécoise, donc à la manière... dans les cégeps francophones. Par
ce genre de mesures concrètes, on pourrait vraiment s'assurer de valoriser la
langue française plutôt que pallier avec des mesures réactionnaires comme
l'épreuve uniforme de français.
En terminant, le fait de garantir le droit à la
remise des travaux en français dans les cégeps anglophones, à notre sens, pourrait passer par la Charte de la langue française qui permettrait autant aux étudiants
francophones, mais aussi aux
étudiants allophones, anglophones de remettre leurs travaux en français dans le
cadre de leur cours en anglais. Cette mesure permettrait non seulement
de garder un contact avec la langue française, mais aussi de mettre en application
concrètement des dispositions du projet de loi n° 96
qui prévoient l'apprentissage des termes techniques du vocabulaire francophone
liés au domaine d'étude d'une personne étudiante.
M. Vaillancourt (Samuel) : Et
finalement on constate, en ce moment, que... en fait, qu'il y a de plus en plus
d'étudiants francophones qui se dirigent vers les établissements anglophones,
alors que, d'un autre côté, on observe une hausse des personnes allophones et anglophones
qui se dirigent vers les établissements francophones. Et la question
se pose à savoir : Qu'est-ce qui fait en sorte qu'on voit ce phénomène en
ce moment où, de plus en plus, le français
est attirant pour les étudiants, de niveau collégial, allophones et
anglophones, alors qu'au niveau francophone c'est davantage les
établissements anglophones qui sont attrayants.
Et, en ce moment, ce qu'on constate, c'est qu'il
y a énormément d'hypothèses à savoir qu'est-ce qui mène à ces différents
phénomènes, mais pourtant il n'y a pas de données actuelles et panquébécoises
qui vont vraiment identifier les motivations derrière la langue d'études. Et,
justement, on souhaite agir, nous, de notre côté, sur l'attractivité des
établissements anglophones, et à cet effet on voit une nécessité d'enquêter,
comme je disais, sur les motivations derrière le choix de la langue d'études.
L'objectif, je dirais, serait d'enquêter afin d'identifier et d'agir à la
source, afin, justement, de ramener l'attractivité des établissements
francophones et anglophones au même niveau, je
vous dirais, tout en... en fait, justement, d'encourager les francophones à
aller dans les établissements francophones, mais également les
allophones et les anglophones, donc comment qu'on peut poursuivre dans notre
lancée auprès des allophones et anglophones, tout en encourageant davantage les
francophones. On demande, justement, à ce que le ministère de l'Enseignement
supérieur et le futur ministère de la Langue française... de travailler
conjointement à la tenue d'une enquête de grande envergure sur la question des
motivations qui mènent à la langue d'études d'un étudiant au niveau collégial.
Donc, en
conclusion, la FECQ reçoit bien le projet de loi n° 96.
Nos demandes, en fait... on demande notamment l'établissement d'une date
butoir pour les effectifs totaux particuliers. On demande d'établir un
mécanisme objectif d'attribution des places
pour les formations anglophones données dans les cégeps francophones. On
demande de ne pas imposer l'épreuve
uniforme de français aux personnes qui poursuivent leurs études collégiales, vu
l'iniquité du processus en préparation avec les étudiants des
établissements francophones. Et je pense que mon temps est terminé. Parfait.
La
Présidente (Mme Guillemette) :
Oui. Merci. Votre temps est écoulé, mais on va quand même continuer les
discussions avec M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Merci, Mme
la Présidente. M. Vaillancourt, Mme Lévesque, bonjour. Merci de
participer aux travaux de la commission parlementaire. Je tiens à vous
remercier, à saluer la qualité de votre mémoire, de vos recommandations, et le
sérieux aussi de votre mémoire. Je pense que vous avez fait un très bon travail
de réflexion et de recherche, donc je souhaite souligner cette qualité-là.
L'autre élément sur lequel je souhaite faire un
commentaire, c'est à l'effet que je constate que vos membres ont un souci de
protéger, de promouvoir la langue française aussi. C'est ce qu'on dénote de
votre mémoire.
Je crois comprendre aussi que vous êtes en
accord avec le fait qu'on vient mettre un plafonnement par rapport aux cégeps
anglophones et que, la solution que nous proposons, vous semblez y adhérer.
M. Vaillancourt (Samuel) : Oui,
exactement. Donc, on considère que, pour le moment, la meilleure façon de
répondre aux enjeux qui naissent dans le réseau collégial par rapport à la
langue d'enseignement, c'est de baliser l'effectif.
Sauf qu'avec ça vient la nécessité d'implémenter d'autres mesures, comme on
dit, là, justement, d'identifier les... les motivations,
pardon, qui vont mener à la langue d'enseignement.
Donc, oui, de baliser l'effectif, c'est une
bonne mesure. Par contre, il va falloir faire plus. Puis le travail additionnel
peut passer par le projet de loi n° 96, mais il y aurait également un
travail nécessaire de la part du ministère de l'Enseignement supérieur.
M. Jolin-Barrette : Qu'est-ce que
vous pensez du fait que, dans le projet de loi, on va donner priorité aux
ayants droit dans les établissements collégiaux anglophones?
M. Vaillancourt (Samuel) : Je vous
dirais que, de notre côté, on n'a pas vraiment soulevé d'enjeu à ce niveau-là,
surtout considérant que, justement, comme on l'a dénoté dans les dernières
années, il y a une attractivité qu'on a vue, en fait, donc il y a une croissance de 3 % de l'effectif étudiant anglophone dans les
établissements francophones. Donc, la croissance est plus grande que,
par exemple, si on compare les étudiants francophones qui vont dans les
établissements anglophones. Donc, de notre côté, ce n'est pas un enjeu, là,
qu'on a soulevé.
M. Jolin-Barrette : O.K. Pourquoi
c'est important de venir imposer un plafond aux établissements d'études collégiaux? Pourquoi la FECQ fait la réflexion de
dire : Oui, il faut limiter le nombre de places dans les établissements collégiaux anglophones?
Sociétalement, là, quel est l'impact pour le Québec de faire ça? Puis pourquoi
vous prenez cette position-là?
• (16 h 20) •
M. Vaillancourt (Samuel) : Eh bien,
on prend cette position-là justement parce que ce qu'on a constaté dans les
dernières années, c'est la croissance beaucoup plus rapide du réseau anglophone
comparé au réseau francophone. Et, des solutions qui ont été, comment dire,
mises de l'avant, c'était celle qui résonnait le plus avec la FECQ, parce que
nous, on promouvoit le libre choix de la langue d'enseignement, et c'est
quelque chose qu'on met de l'avant tout en promouvant, justement, la
valorisation, en fait, là, de la langue française.
Donc, justement, le fait de baliser l'effectif
étudiant, ça va faire en sorte que la croissance des... En fait, la croissance
des effectifs étudiants au sein du réseau va être équitable selon le
pourcentage vraiment qui est francophone et anglophone. Et on considère que
c'est vraiment la façon de s'assurer que la croissance ne soit pas démesurée,
ce qui était un petit peu la crainte qu'on avait de notre côté.
M.
Jolin-Barrette : Est-ce que le fait... Et je vous pose la question,
là, peut-être vous ne pourrez pas me répondre, là, mais on a beaucoup parlé, à
la commission, de langue et de culture. Beaucoup de groupes sont venus nous
parler de l'importance d'inscrire la culture dans le projet de loi. Et il y en
a beaucoup qui nous ont dit : Bien, écoutez, on devrait imposer la loi 101
au cégep parce que, notamment, à l'âge où on entre au cégep, généralement vers
l'âge de 17 ans, 17‑18 ans, bien, c'est vraiment là où on va adhérer
également à la culture. Puis beaucoup d'intervenants ont fait le lien entre la
culture et la langue et ont dit : Bien, c'est important justement pour ça
d'imposer la loi 101 au cégep, parce que... à la fois pour les francophones,
de les maintenir dans la culture commune francophone,
pour le choix également de l'institution universitaire en français, et à la
fois, également, pour les personnes allophones ou issues de
l'immigration, l'importance de les intégrer en français à la société
québécoise. Est-ce que vous êtes du même avis, que le cégep a un impact
considérable sur les choix de vie futurs et l'intégration au choix de la
culture que la personne va choisir?
M. Vaillancourt (Samuel) : Oui.
Donc, justement, dans les recherches qu'on a menées, là, dans la dernière année, c'est quelque chose qu'on a soulevé
également, là, l'impact de la langue d'étude sur les habitudes de vie
d'une personne. Par contre, d'appliquer la loi 101 dans les cégeps, c'est quelque
chose qui ne va pas répondre à l'ensemble des enjeux qui naissent de ça.
Donc, en ce moment, justement, c'est pour ça
qu'on veut vraiment se pencher sur les motivations derrière le choix de la
langue d'étude, parce qu'en ce moment on entend... les hypothèses sont que ce
sont les milieux de travail, les
motivations. Ah! je vais aller dans le milieu de travail anglophone.
Ah! il y a des discussions à l'effet
qu'il y a une meilleure... en fait,
ce n'est pas une discussion, ça, c'est des données, là, qu'il y a une meilleure
réussite de la formation générale en
anglais dans les établissements, parce qu'il y a plus de choix face aux
différents cours de formation générale.
On voit aussi un besoin... ou, en fait, les
données prouvent le contraire, là, même, les étudiants ressentent un besoin de perfectionner leur anglais, mais, dans
les faits, ils maîtrisent déjà la langue. Pourquoi est-ce que les
étudiants ressentent ce besoin-là en en
entrant au cégep, malgré qu'ils maîtrisent déjà la langue? Donc, on considère,
justement, que c'est plus proactif d'aller à la source même des enjeux puis de
régler les enjeux à la source plutôt que de simplement imposer la loi 101
dans les établissements.
Et, même à ça, il y a des enjeux qui ne seraient
pas réglés par ça. On peut penser au fait que la langue de la recherche
scientifique, c'est l'anglais en ce moment. Puis nos collègues universitaires
pourraient vous en parler longtemps de cela.
Mais ça ne règle pas l'ensemble des enjeux. Mais justement on pense que de
travailler sur l'attractivité des cégeps, c'est vraiment la façon d'y
aller.
Puis, pour ce qui est de la culture à proprement
dit, je pense que ma collègue... le temps est court, là, mais ma collègue
pourrait compléter, là, sur la littérature québécoise, là.
Mme Lévesque (Claudie) : Bien,
rapidement, justement, à notre sens, on ne se poserait pas la question de la
loi 101 dans les cégeps si les cégeps anglophones étaient vecteurs davantage
de la langue française, donc notamment en ayant dans leur cursus des notions de
culture québécoise, des notions de littérature québécoise, à notre sens, qui s'inscriraient vraiment bien dans le cursus de français
langue seconde. Parce que, bon, de
toute façon, il y a des
oeuvres qui sont étudiées, donc pourquoi ne pas faire étudier des oeuvres
francophones, comme le cours de français prévu à cet effet, je pense, c'est le
103?
Donc, bref,
tout ça pour dire qu'on ne se poserait pas cette question-là si non seulement
les cégeps anglophones étaient des vecteurs de la culture québécoise,
mais aussi des vecteurs de la langue française, mais aussi si les cégeps
anglophones étaient moins... bien, si on résolvait la question de l'attractivité
des cégeps anglophones.
M. Jolin-Barrette : O.K. Un commentaire,
puis je cède la parole à mes collègues. Vous avez dit, M. Vaillancourt : Il
y en a certains qui vont vouloir
choisir le cégep en anglais parce que le marché du travail va être en anglais.
Et ça je pense que c'est un des enjeux importants que nous avons. Si les jeunes
d'aujourd'hui se disent : Pour réussir au Québec, pour occuper un emploi,
pour avoir une belle carrière, il faut absolument que j'étudie en anglais parce
que je vais devoir travailler en anglais, et comprenez-moi bien, là, pas parce
que vous avez une carrière à
l'internationale ou vous avez des clients à l'étranger, mais, sur le territoire
québécois, de se dire : Il faut absolument que
j'aille dans un établissement anglophone parce que je vais devoir travailler en
anglais, il y a peut-être un enjeu de société. Mais je cède la parole à mes collègues.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Mme la députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré.
Mme
Foster : Merci beaucoup, Mme la Présidente. D'entrée
de jeu, je veux saluer,
M. Vaillancourt, Mme Lévesque, le sérieux de votre démarche,
de votre mémoire également, là. Tout comme le ministre, j'ai été très
impressionnée, là, c'est très bien expliqué, c'est concis, c'est clair. Vraiment,
bravo pour votre excellent travail! Merci de votre présence ici aujourd'hui.
Ma première question porterait sur votre
position à l'égard... là, je cherche le numéro de page, mais je pense qu'il n'y
a pas de numéro de page. En tout cas, la page où vous parlez de l'épreuve
uniforme de français. Donc, je voudrais aller avec vous sur ce sujet-là. Bien
sûr, on s'entend pour dire que cette épreuve-là serait passée, dans le fond,
avec le projet de loi n° 96, pour les étudiants qui sont francophones ou
allophones, puisque ceux dont la langue d'enseignement au primaire, au
secondaire était l'anglais n'y seraient pas soumis. Dans cette optique-là, vous
dites que c'est un frein à la réussite que d'exiger l'épreuve uniforme de
français. Ça m'intrigue. J'aimerais vous entendre plus
amplement là-dessus, parce que vous avez abordé rapidement le point, mais je
voudrais qu'on approfondisse un peu là-dessus.
Mme Lévesque (Claudie) : Bien,
rapidement, l'épreuve uniforme de français, elle évalue non seulement des
notions, bon, bien sûr, la maîtrise de la langue française, l'orthographe, la
grammaire, etc., mais elle maîtrise aussi la connaissance et la capacité de
décortiquer des oeuvres littéraires. Présentement, dans les cursus scolaires
d'anglais... de français langue seconde, pardon, on a deux cours qui sont
répartis en quatre niveaux. Donc, on peut supposer quand même que les
francophones seraient dans le niveau le plus élevé, du moins, mais pas
nécessairement les allophones. Mais, ces quatre niveaux-là, le
niveau 1, c'est vraiment de maîtriser le français parlé. Donc, on ne peut
pas, à notre sens, mettre sur le même pied d'égalité des personnes qui vont
avoir un cours français langue seconde 101, donc où est-ce qu'on apprend simplement
à vraiment maîtriser le français oral, et des personnes qui vont faire, justement,
jusqu'à 240 heures de préparation à l'épreuve uniforme de français, où on
apprend... en fait, on décortique les oeuvres qui, potentiellement, vont se
trouver à l'épreuve uniforme de français. Parce que ces cours-là de... bon, les
cours dans le cursus francophone sont vraiment dédiés à analyser les oeuvres
qui, potentiellement, pourraient se retrouver à l'épreuve uniforme de français.
Donc, on a déjà un bagage qui est vraiment... lorsqu'on arrive, on a déjà un
bagage qui est suffisant. Malgré ça, il y a quand même un taux d'échec qui
varie entre 15 % et 20 % dans le réseau francophone. Donc, on peut
supposer qu'éventuellement, si on l'impose à toutes et tous, bien, ce taux d'échec
là va potentiellement augmenter si, même avec cette préparation-là de
240 heures, il y a quand même un taux d'échec qui est assez considérable
pour que la ministre décide de faire un comité pour évaluer la langue
française, là, si on se souvient bien, dans le cadre du chantier sur la
réussite.
Mme Foster : Si on enlevait cet
aspect qui, actuellement, dans le cursus, est, ce que vous jugez, là, d'une
préparation qui ne serait pas suffisante, 90 heures comparativement à
plusieurs centaines d'heures axées également sur la littérature dans le réseau
francophone, si on enlevait cet aspect-là, si on disait : On peut réussir,
au ministère de l'Enseignement supérieur, à faire une préparation adéquate pour
une épreuve uniforme de français qui serait obligatoire dans les cégeps
anglophones, quelle serait votre position? Est-ce qu'elle changerait?
Mme Lévesque (Claudie) : J'ai quand
même un grand doute à ce que ce soit réaliste, dans les cégeps anglophones,
d'avoir une préparation qui soit équivalente parce qu'en fait, présentement,
les devis sont très, très remplis, là. Est-ce qu'on ajouterait des cours
supplémentaires? Est-ce qu'on ajouterait des notions supplémentaires? Est-ce
qu'il y aurait plus... C'est vraiment abstrait, à notre sens, de se demander
comment ce serait possible d'avoir autant de préparation dans les cégeps
anglophones. Parce qu'on n'ajoutera pas autant de cours qu'on peut à la
population étudiante anglophone. À un moment donné, il faut quand même rester
dans un certain nombre d'heures par session. Donc, à notre sens, ce serait
vraiment une lourde tâche sur la population étudiante anglophone de se voir
ajouter une préparation supplémentaire dans le cadre de son cursus scolaire de
cégep.
Mme Foster : Il me reste combien de
temps, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Guillemette) :
30 secondes.
Mme Foster : Oh! O.K. Bon. Bien, je
vous aurais envoyée sur la qualité du français chez nos étudiants du cégep,
parce qu'on a beaucoup parlé du fait d'aller étudier francophone ou anglophone,
mais la qualité du français en tant que telle... parce que vous en parlez dans
votre mémoire. Donc, je vous aurais envoyée sur la question simple :
Comment trouvez-vous la qualité du français chez nos étudiants? Et également
est-ce qu'on devrait carrément inscrire dans la loi, là, une obligation d'avoir
des cours de français complémentaires?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci, Mme la députée. Nous poursuivons nos échanges avec la députée de
Marguerite-Bourgeoys.
• (16 h 30) •
Mme David : Merci beaucoup. Je ne
vais pas aller très loin de votre sujet, alors peut-être qu'on va pouvoir être
complémentaires. Alors là, moi, j'ai une autre approche. Vous savez, dans notre
plan d'action, on a proposé trois cours en français, pas d'apprentissage du
français, on suppose qu'ils savent assez bien le français après le primaire,
secondaire en anglais, trois cours en français obligatoires dans le cursus d'un
cégep anglophone. Vous n'êtes pas loin de ça en disant, à la
proposition 9, de prescrire l'enseignement de notions de littérature
québécoise. Bien, j'imagine que ça risque d'être pas mal en français aussi, à
moins qu'on fasse lire Michel Tremblay en anglais. Ça m'étonnerait.
Moi, je voudrais regarder ça à l'inverse puis
secouer un peu le prunier du ministère de l'Enseignement supérieur, que je
connais un petit peu. Quand vous dites : Ah! ça serait trop lourd, les
devis sont pleins, le programme est plein, bien, allons piger dans le devis
actuel pour qu'en anglais, quitte à aller dans les «humanities» puis faire
deux, trois cours en français au lieu d'en anglais... qu'ils soient de cours
équivalents au cégep en français, pour
préparer à l'épreuve uniforme de français. Je rejoins la collègue, qui
dit : On pourrait les amener au même niveau. Comment? En enseignant plus en français, des cours
de littérature, des cours de culture, etc. Donc, ils se retrouveraient
au même point, puis on aurait francisé en même temps les cégeps anglophones.
C'est-u si fou que ça? On dirait que je le dis
tout le temps, puis les gens... Ça fait que j'ai hâte que le ministre me donne
son opinion là-dessus, parce que je ne la trouve pas si mal que ça, mon idée.
Mme Lévesque (Claudie) : À mon sens, c'est intéressant, tout ce qui est valorisation, francisation, mais est-ce
qu'on est véritablement obligé d'imposer une épreuve uniforme de français si,
justement, on accomplit notre mission de valoriser la langue française par le
cursus puis de franciser? Donc, c'est la question que je me pose. Est-ce qu'on
est obligé vraiment d'avoir cette mesure punitive là pour les personnes
étudiantes qui auraient peut-être...
Mme David :
Vous appelez ça une «mesure punitive», l'épreuve uniforme de français.
Mme Lévesque
(Claudie) : À mon sens, oui, c'est la...
Mme David :
Autant pour les francophones que les anglophones, là, tout le monde, l'épreuve
uniforme de langue, là...
Mme Lévesque
(Claudie) : Non, mais dans le...
Mme David :
...au cégep francophone aussi, ça serait punitif, c'est ça?
Mme Lévesque
(Claudie) : À mon sens, c'est plus réactionnaire. Peut-être, le mot
que j'aurais dû utiliser, c'est
«réactionnaire», mais, à mon sens, c'est plus... Si on est capable d'amener,
justement, à ce niveau-là de francisation, à ce niveau-là de valorisation,
à intégrer l'écriture, on s'entend que l'évaluation à la fin, c'est juste un
papier qui nous permet de valider.
Mme David :
Donc là, on vient de changer de discours, là. On n'est plus dans mon hypothèse,
parce que je pense que vous dites : Dans le fond, nous, on ferait sauter
ça, l'EUF, autant dans les cégeps francophones...
Mme Lévesque
(Claudie) : Vraiment pas.
Mme David :
Non?
Mme Lévesque
(Claudie) : Il y a des réflexions qui se posent, mais on n'est
vraiment pas dans le fait de faire sauter l'épreuve uniforme de français.
M. Vaillancourt (Samuel) : Non, exactement. Puis, dans le fond, c'est...
L'élément qu'on veut surtout mettre de l'avant, c'est le fait que, dans
le cursus collégial francophone, les cours de français sont des cours de
littérature qui sont construits de façon à vraiment mener l'étudiant, petit à
petit, vers l'épreuve uniforme de français.
Moi, je me souviens,
là, quand moi, je faisais mon parcours collégial, là, dans mon premier cours,
je voyais l'introduction, la conclusion. Ensuite, je voyais les deux
paragraphes de contenu. Ensuite de ça, je voyais l'analyse littéraire complète.
Donc, c'est vraiment construit de façon à mener l'étudiant vers l'épreuve
uniforme de français. Et, malgré ça, on a des taux d'échec de 15 % à
20 % dans le réseau francophone.
Donc, comment...
Justement, ce que l'on veut amener, c'est que la proposition de mettre
l'épreuve uniforme de français à tout le monde qui ne peut pas avoir
l'enseignement scolaire secondaire et primaire en anglais, ça ne peut pas
fonctionner dans un établissement anglophone, alors que la préparation n'est
pas là, puis que de mettre la préparation nécessaire, ça va venir alourdir le
parcours collégial, à moins qu'on vienne fondamentalement changer la structure
de la formation générale. Et là ça ferait en sorte...
Mme
David : Voilà, voilà, on se
rejoint : à moins que. Parce qu'à un moment donné c'est sûr que ça
confronte, là, la proposition du gouvernement de mettre l'épreuve uniforme de
français. Je suis sûre qu'ils ont travaillé ça avec le ministère de
l'Enseignement supérieur ou, s'ils ne l'ont pas fait, ils vont trouver
qu'effectivement ça prend beaucoup,
beaucoup, beaucoup de discussions. Mais le «à moins que», pourquoi ça ne serait
pas possible de le regarder, mais des deux bords, autant du côté
francophone? Peut-être que l'EUF, il y a moyen de l'arranger. C'est un
chantier, c'est un chantier, vous avez raison.
M. Vaillancourt
(Samuel) : Oui, exactement, c'est quelque chose qui nécessiterait énormément
de travaux. Mais, moi, l'enjeu que je vois avec ça, c'est que, si on vient
adapter le cursus anglophone afin de rendre prêt à l'épreuve uniforme de
français, on créerait tout simplement deux classes de diplôme, il y aurait...
Mme David :
Comment ça?
M. Vaillancourt
(Samuel) : Parce que la formation générale ne pourrait pas être la
même d'un endroit à l'autre. La formation...
Mme David :
Mais elle n'est pas la même, vous le dites, elle est totalement différente dans
un cégep anglophone et francophone.
M. Vaillancourt (Samuel) : Les cours
sont tout de même... les cours sont les mêmes. L'offre spécifique... par
exemple, dans les cours de littérature, il y a des options qui peuvent être
choisies, mais c'est tout de même de la littérature. Mais
là, si je comprends bien votre proposition, ce serait de changer certains cours
pour davantage en avoir qui vont préparer à
une certaine forme, là... du moins qui vont contribuer à la francisation des
étudiants anglophones. Mais, justement, c'est que, là, de changer la
formation générale de cette façon-là sans l'adapter également du côté francophone, il y aurait un enjeu où est-ce que,
là, un diplôme dans un établissement anglophone aurait un cursus
différent de celui dans un établissement anglophone.
Mme David : Je vais le dire
différemment de vous : La proposition est audacieuse, parce que le diable
est dans les détails, quand on rentre dans un réseau normé, collégial, avec une
formation générale obligatoire. Ça fait 50 ans que ça dure. Changer un
programme, ça prend huit ans. On va voir pour les soins infirmiers, n'importe
quel... c'est très... tout ça est très lourd, je le sais. Mais ce n'est pas en
disant : Parce que c'est lourd, il faut qu'on abdique une sorte de
sensibilisation à la société et à la culture québécoise francophone et
anglophone, parce qu'il y a quand même des grands auteurs aussi anglophones.
Mais j'essaie de voir comment rendre ça réaliste, j'essaie d'aider le ministre
dans ce sens-là, là, de rendre ça réaliste. Parce que juste dire : L'EUF,
l'épreuve uniforme en français, à tous les francophones et allophones qui ont
fréquenté première secondaire, on va mettre ça, ça va être simple... Non, ce
n'est pas si simple, là je suis d'accord avec vous. Mais de dire : Parce
que ça va être compliqué, on ne fait rien, c'est là où moi, j'ai un peu plus de difficultés. D'où notre proposition de
donner des cours en français aux cégeps anglophones, pour mélanger les cultures un peu plus. Après
tout, on a bien inventé des bacs...
des «bacs», excusez, D.E.C.
bilingues, Vanier, collège Saint-Laurent, cégep Saint-Laurent.
M. Vaillancourt (Samuel) : Bien,
d'abord, je pense qu'on se rejoint sur le point qu'en ce moment, dans la formule actuelle, c'est impossible de mettre
l'épreuve uniforme de français et que ça réussisse. On s'entend
également sur le fait que, si jamais il
était pour y avoir des changements tels que vous proposez, c'est un chantier
qui serait nécessaire.
Mme David : Tout à fait.
M. Vaillancourt (Samuel) : Et,
justement, c'est pour ça que c'est... il n'y a pas de réponse définitive de
notre part. Parce qu'il faudrait vraiment se pencher sur la question et évaluer
le pour et le contre. Pour vous donner une idée, chaque fois qu'il y a une
révision de programme, nous, on va identifier la charge supplémentaire ou la
charge que ça retire à un étudiant sur son parcours collégial. Donc, c'est pour
ça qu'en ce moment, la proposition que vous apportez, puis qui ne passerait pas
non plus par le projet de loi, c'est ça qui rend l'élément difficile. Tu sais,
c'est qu'une proposition comme ça, ça va passer beaucoup plus par le ministère
de l'Enseignement supérieur, mais, justement, c'est pour ça qu'en ce moment il
n'y a pas de réponse définitive de notre côté. C'est quelque chose qui devrait
passer à travers de longues analyses.
Mme David : Mais vous êtes sage de
dire qu'il n'y a pas de réponse définitive parce que je ne prétends pas avoir
la réponse définitive. Je sais que tout ça est immensément long. C'est pour ça
que j'imagine, j'ose croire, j'espère que le ministère de l'Enseignement
supérieur a été partie prenante de cette idée-là, parce que, s'il ne l'a pas
été, il va falloir qu'il passe des heures, et des heures, et des heures...
Alors, c'est facile d'adopter une loi qui ne concerne pas seulement ça, c'est
très large, hein, le p.l. n° 96, mais, quand va
venir le temps de l'adapter au collégial, dans ces articles-là, bien, il va
falloir être prêt à un grand chantier. Ça, je suis d'accord avec vous, mais je
ne dirais pas qu'il ne faut pas entreprendre, éventuellement, de chantier pour
réfléchir à ces questions-là.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci...
M. Vaillancourt (Samuel) : De notre
point de vue...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. Nous allons poursuivre nos échanges avec la députée de
Mercier.
Mme Ghazal : Merci. Merci beaucoup
pour votre présentation, votre mémoire. J'aurais eu des choses à dire pour
l'évaluation, aussi, du français et de la culture, là, parce que c'est
important que tout le monde ait cette culture commune. Mais je vais vous parler
plus de financement. Je comprends que dans... vous êtes pour le
contingentement. Ce n'est pas comme ça que vous le nommez, là, vous
dites : Baliser l'effectif des personnes, mais c'est la même chose, qui
est la proposition du ministre. Donc, vous êtes pour ça. J'avais... je veux vous
parler du financement des cégeps. Est-ce que... si, par exemple, on maintenait
la façon de financer qui... en ce moment, là, les cégeps, et qu'on n'ajoutait
pas beaucoup plus d'argent, puis qu'on fermait un petit peu la porte pour les
francophones, les allophones pour les cégeps anglophones, qu'est-ce que vous
pensez de ça? Est-ce que vous ne pensez pas qu'il faut qu'il y ait aussi une
révision du financement, surtout, aussi, dans les cégeps en région qui ne sont
pas très attractifs?
M. Vaillancourt (Samuel) : Bien, le
financement des cégeps a été changé récemment, là, en 2018, si je ne me trompe
pas. Et depuis ça a été dur de se faire une nouvelle tête sur la nouvelle
formule de financement, à cause des
nouvelles, comment dire... de tout ce qui s'est passé avec la COVID-19, et
tout. Et c'est un travail que, justement, la FECQ doit tenir. Autrement
dit, la FECQ était partie prenante, là, dans le cadre de la révision de la
formule de financement des cégeps. Et, mettons, en ce moment, quand on regarde la situation, les établissements anglophones, ils vont bien, là.
Tu sais, comment dire, au niveau du financement, ça semble bien répondre aux
besoins. Puis là je dis ça sous toute réserve parce qu'il n'y a pas encore
d'analyse, vraiment profonde...
• (16 h 40) •
Mme Ghazal : Ce que vous
demandez.
M. Vaillancourt (Samuel) :
... — exactement — qui a
été faite dans la nouvelle formule de financement, mais il y a des enjeux qui
vont naître.
Mme Ghazal : Mais ils sont très
attractifs. Ça, vous le savez, là.
M. Vaillancourt
(Samuel) : Oui. Oui, oui.
Puis ça, on s'entend là-dessus. Puis, de notre côté, nous, mettons...
Par exemple, vous faisiez mention aux établissements de région, nous, il y a
d'autres mesures que l'on met de l'avant pour l'attractivité des établissements
de région. On peut penser, entre autres, au Programme de mobilité étudiante interrégionale, qui est un programme qui permet à
un étudiant de se délocaliser en région pour ses études. Sinon, il y a
une enveloppe, dans le financement des cégeps, pour les cégeps plus en région.
Mais, justement, dans le cadre d'une analyse complète de la formule de
financement des cégeps, il va pouvoir y avoir des analyses qui seront faites
sur à quel point le financement répond aux besoins réels. Puis il y a...
Mme Ghazal : Donc, vous ne le
demandez pas maintenant.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci.
Mme Ghazal : En ce moment, vous
ne le demandez pas.
M. Vaillancourt (Samuel) : Non,
pas en ce moment.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup. Merci beaucoup, Mme Lévesque et M. Vaillancourt,
d'avoir été avec nous. Merci de votre contribution aux travaux de la
commission.
Et la commission ajourne ses travaux, compte
tenu de l'heure, jusqu'au mardi 5 octobre, à 9 h 45.
Et merci, tout le monde, pour votre
collaboration. Et pour la technique et le secrétariat, un merci très spécial.
(Fin de la séance à 16 h 41)