(Dix
heures six minutes)
La Présidente
(Mme Guillemette) : Donc, bonjour, tout le monde. Ayant constaté
le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de
l'éducation ouverte. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle
de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.
La
commission est réunie aujourd'hui afin de procéder à des auditions publiques dans le cadre des consultations particulières du projet de loi n° 69, Loi modifiant la Loi sur le patrimoine culturel et d'autres dispositions législatives.
Mme la secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
La Secrétaire :
Oui, Mme la Présidente. Mme St-Pierre (Acadie) est remplacée par Mme Weil
(Notre-Dame-de-Grâce); Mme Labrie (Sherbrooke) par Mme Ghazal
(Mercier); et Mme Hivon (Joliette) par M. Bérubé (Matane-Matapédia).
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci. Y a-t-il des droits de vote par
procuration?
La Secrétaire :
Oui, Mme la Présidente. M. Lemieux (Saint-Jean) dispose d'un droit de vote
par procuration au nom de M. Chassin (Saint-Jérôme), de M. Émond
(Richelieu), de M. Poulin (Beauce-Sud); et Mme Melançon (Verdun)
dispose d'un droit de vote par procuration au nom de Mme Rizqy
(Saint-Laurent).
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci. Ce matin, nous allons débuter les remarques
préliminaires puis nous entendrons, par visioconférence, les organismes
suivants : Action Patrimoine et Héritage Montréal.
Remarques préliminaires
Donc, je cède la
parole à la ministre de la Culture et des Communications pour ses remarques
préliminaires. Mme la ministre, vous disposez de 5 min 34 s.
Mme Nathalie Roy
Mme Roy
(Montarville) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, je
suis très, très contente aujourd'hui d'entamer ces consultations sur le projet
de loi n° 69 qui modifie principalement la Loi sur le
patrimoine culturel. C'est un chantier important pour notre
gouvernement. On sait qu'au cours des dernières années, on l'a vu, la
protection du patrimoine immobilier est devenue un enjeu sensible pour les
citoyens du Québec, et je crois qu'il fallait donner un coup de barre pour
moderniser cet outil qui est la Loi sur le patrimoine culturel.
Alors,
avant d'entrer dans le vif du sujet, Mme la Présidente, je veux saluer mon
équipe et mes collègues du gouvernement qui
sont ici, les remercier pour leur participation. Et je tiens aussi à saluer et
remercier mes collègues des partis d'opposition. Et je n'avais pas
encore salué le collègue du Parti québécois qui est caché à l'arrière. Bonjour.
Une
voix : ...
• (10 h 10) •
Mme Roy
(Montarville) : Je n'en doute
point. Et naturellement je suis enthousiaste d'entreprendre ce travail-là parce
qu'avec vous on fait ça pour les citoyens, pour les villes, et je suis
confiante qu'on va arriver à donner un petit
peu plus de mordant à la Loi sur le patrimoine culturel et qu'on pourra mieux
protéger notre patrimoine bâti qui en a bien besoin.
Je veux aussi
remercier à l'avance celles et ceux qui viendront nourrir la réflexion
aujourd'hui, au cours des prochains jours. Je suis convaincue que chacune et
chacun apportera un éclairage pertinent sur les différents aspects de ce projet
de loi qui vise à donner plus de force à la loi actuelle.
Avec
le projet de loi n° 69, notre gouvernement veut apporter d'importants
changements à la gestion du patrimoine immobilier. Ces modifications
sont essentielles pour assurer la pérennité de nos bâtiments à caractère
patrimonial qui font partie de notre mémoire et de notre identité collective.
Alors,
dès le début de mon mandat, j'avais déjà constaté que nous manquions d'outils
pour protéger adéquatement notre
patrimoine et que ceux que nous avions étaient incomplets. C'est là aussi...
C'est ce qu'a aussi noté la Vérificatrice générale dans son rapport,
déposé en juin, dans lequel elle déplore notamment l'absence d'une stratégie d'intervention pour préserver et
valoriser le patrimoine bâti. Alors, compte tenu de ces observations partagées,
nous nous sommes engagés non seulement à corriger les lacunes révélées, mais
aussi à aller plus loin en modernisant les façons de faire.
Je suis donc très
fière du projet de loi n° 69 que j'ai déposé à l'Assemblée
nationale le 29 octobre dernier et qui vient renforcer les actions de
notre gouvernement pour mieux protéger et valoriser nos bâtiments patrimoniaux.
Nous y proposons des solutions pour rendre
plus prévisible, plus transparente et plus juste la gestion de notre
patrimoine.
Parmi les modifications
soumises, nous souhaitons doter les MRC et les municipalités de certains
pouvoirs et obligations en matière de patrimoine culturel. Ainsi, une MRC, tout
comme une municipalité locale, pourrait, par exemple, citer un bien patrimonial
et constituer un conseil du patrimoine pour la conseiller à cette fin. Elle
aurait aussi le pouvoir d'autoriser certains actes à l'endroit de ce bien
patrimonial et de prendre des ordonnances pour assurer la protection d'un bien qui pourrait présenter une valeur
patrimoniale. Quant aux obligations, bien, une MRC devrait entre autres
adopter et mettre à jour un inventaire des immeubles à caractère patrimonial.
Le projet de loi n° 69
vise également à apporter des modifications à la Loi sur l'aménagement et
l'urbanisme pour encadrer les pouvoirs réglementaires des municipalités locales
concernant la démolition d'immeuble. Ainsi, une municipalité serait tenue de
maintenir en vigueur un règlement relatif à la démolition d'immeuble qui vise ceux
inscrits dans l'inventaire de la MRC, tout comme pour les bâtiments cités ou
situés dans des sites patrimoniaux cités. Une MRC
aurait aussi la possibilité de réviser une autorisation de démolition
accordée par une municipalité locale. De plus, il est prévu que le
Conseil du patrimoine culturel du Québec soit consulté, par exemple, à propos
de la démolition totale d'un bâtiment principal ou de la construction d'un
nouvel immeuble dans un site patrimonial déclaré ou classé.
Les modifications envisagées à l'actuelle Loi
sur le patrimoine culturel permettraient également de favoriser l'acceptabilité
sociale des projets par la mobilisation des citoyennes et citoyens autour de la
conservation et de la valorisation de notre patrimoine bâti. Une table des
partenaires découlant d'une politique de consultation serait d'ailleurs créée à
cette fin.
Pour favoriser cet engagement citoyen, le projet
de loi n° 69 prévoit que le ministère rende publiques
ces orientations concernant la connaissance,
la protection, la mise en valeur et la transmission du patrimoine culturel.
Une méthode d'évaluation de l'intérêt patrimonial des immeubles et des sites
sera également rendue publique, de même qu'une grille de catégorisation des
immeubles et des sites patrimoniaux classés et la liste des éléments du
patrimoine culturel à l'étude en vue de l'attribution d'un statut.
Dans le but
de rendre les décisions en matière d'autorisation plus prévisibles pour les
citoyens et les propriétaires d'immeuble, le projet de loi ajoute un
pouvoir réglementaire au pouvoir discrétionnaire du ministre. La mise en place
d'une évaluation des dossiers sur la base de règlements qui viendraient
remplacer les plans de conservation permettrait aux demandeurs d'avoir accès à
des normes claires, à des exigences précises avant de soumettre leur demande
d'autorisation.
Aussi, les modifications prévues visent une
accélération du traitement des demandes d'autorisation et une prise de décision
dans des délais raisonnables. Avec ce projet de loi, un délai maximal de 90 ou
de 120 jours serait imposé pour rendre une décision, sauf exception. La
création d'un mécanisme de révision de certaines décisions du ministère
concernant les autorisations de travaux est aussi prévue, de même que la
possibilité de contester une décision rendue en révision devant le Tribunal
administratif du Québec.
Enfin, en vue de mobiliser aussi les ministères
et organismes, une table de concertation en matière de patrimoine immobilier
gouvernemental sera mise en place. L'objectif est de développer la cohésion et
de favoriser l'exemplarité de l'État relativement au patrimoine culturel
immobilier.
Alors, voilà, pour l'essentiel, ce que contient
le projet de loi n° 69. Son adoption constituerait une étape fondamentale sur la voie d'une meilleure
protection du patrimoine bâti. Alors, je suis convaincue que les
modifications proposées nous permettraient d'augmenter la prévisibilité et la
transparence dans la gestion de notre patrimoine, qui est un, il faut le dire,
de nos plus précieux héritages à léguer aux générations futures.
Alors, en terminant, je veux réitérer mes
remerciements à tous ceux et celles qui s'exprimeront lors de ces consultations
et qui se sont engagés à protéger et à valoriser notre patrimoine. Je les en
félicite. Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la ministre. Donc, j'invite maintenant la porte-parole de
l'opposition officielle et députée de Verdun à faire ses remarques préliminaires
pour une durée maximale de 3 min 43 s. Mme la députée.
Mme Isabelle Melançon
Mme Melançon : Merci beaucoup, Mme
la Présidente. C'est un plaisir de vous retrouver. Je vais débuter en saluant
la ministre, son équipe, les fonctionnaires aussi qui l'accompagnent aujourd'hui
sur cet important dossier. Bien sûr, les collègues de la banquette ministérielle,
je tiens à vous saluer. Je tiens à remercier ma collègue qui m'accompagne aujourd'hui,
de Notre-Dame-de-Grâce. Donc, merci beaucoup d'être présente avec moi pour
cette étude de projet de loi. Et, bien sûr, les collègues des oppositions,
considérez-vous salués.
Donc, après une décennie — c'est
une décennie, hein, ou tout près, là — de l'entrée en vigueur de la Loi
sur le patrimoine culturel, je crois qu'il est très approprié, aujourd'hui, de
revoir certains principes, améliorer l'outil de gestion du patrimoine qu'on
s'est donné.
Je veux quand même rappeler, parce que c'est
important de le faire, le projet de loi n° 82, donc, à l'époque, en 2011, a été longuement réfléchi. Ça a été un
exercice majeur qui a été entamé avec un chantier où il y a
eu 48 groupes qui ont été
rencontrés en commission
parlementaire, 202 mémoires,
202 mémoires, quand même, qui ont été déposés. À terme, il y a eu
des résultats indéniables, mais, après 10 ans, je crois qu'il est temps
qu'on puisse revoir le tout. Tout est perfectible dans la vie, Mme la
Présidente. Et aujourd'hui c'est exactement l'exercice que nous nous donnons en
étudiant le projet de loi n° 69, mais, pour moi, il était tout de même
important de rappeler le travail qui avait été fait en amont, il y a une
dizaine d'années, par notre collègue la députée d'Acadie qui avait travaillé
avec de nombreux groupes pour pouvoir arriver avec la Loi sur le patrimoine
culturel.
Donc, notre devoir, en commission
parlementaire, c'est d'améliorer un projet de loi. Et je tiens à souligner et à
dire à la ministre qu'elle aura toute ma collaboration en ce sens-là, parce que
le patrimoine, c'est trop important pour qu'on puisse en faire une affaire de
partisanerie. Et nous serons là pour, bien sûr, améliorer le projet de loi, parce
que, je venais de le dire, hein, tout est perfectible.
Alors, on va pouvoir entendre des groupes extraordinaires,
qui nous ont déposé des mémoires, certains déjà, d'autres, on va attendre quand
même ce qu'ils auront à nous dire, parce que c'est important, hein, ce que les
groupes vont venir nous dire. Comme législateurs, là, on est à l'écoute,
sachez-le. On va vouloir, par la suite, dans les étapes subséquentes, améliorer tout ça. Et c'est grâce à la lumière que vous
allez nous apporter du terrain, bien
entendu, parce que
parfois on voit sur papier que tout peut être formidable, mais, dans l'action
sur le terrain, ça peut être bien différent.
Alors, je
veux remercier les groupes qui vont venir aujourd'hui. Je sais que ce
n'est pas simple. On est actuellement dans une pandémie, puis les gens
vont être avec nous par visioconférence, mais sachez-le, là, on va vous écouter
comme si vous étiez avec nous, et même plus, parce que, parfois, il faut tendre
l'oreille.
J'espère qu'on se dira, tout le monde ensemble,
qu'on peut être audacieux aujourd'hui pour un projet de loi, parce que, quand
on ouvre une loi comme celle-ci, je pense que ça va prendre de l'audace pour
poursuivre. J'ai des enfants et j'espère qu'ils auront droit, eux aussi, de
jouir du patrimoine culturel du Québec. Alors, sur ces paroles, je nous
dis : Bons travaux, tout le monde ensemble. Merci. Merci, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la députée. Donc, maintenant, j'invite la porte-parole du deuxième
groupe d'opposition et députée de Mercier à bien vouloir nous adresser ses
remarques préliminaires. Vous disposez de 56 secondes.
Mme Ruba Ghazal
Mme Ghazal : Ah! même pas une
minute? Très bien. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Salutations à tout le
monde. Rapidement, j'ai envie de dire : enfin. Il y a eu beaucoup
d'inaction, au cours des dernières années, pour la protection du patrimoine naturel...
pas naturel, je me mélange de dossier, du patrimoine culturel, et donc cette
loi-là était attendue.
Les questions
auxquelles il faut répondre : Est-ce que ce projet de loi là va permettre
d'arrêter les démolitions qu'on a vues au cours des dernières années? La
ministre elle-même s'en plaignait, elle se réveillait le matin puis elle
apprenait qu'un bâtiment allait être démoli. Est-ce que ça va répondre aux
critiques de la Vérificatrice générale concernant l'exemplarité de l'État? Il y
a toute la question aussi... l'éléphant dans la pièce, les municipalités.
Est-ce que ça va devenir plus attrayant pour
les municipalités de protéger le patrimoine bâti et de renoncer à des taxes
foncières? J'ai très, très hâte d'entendre les groupes. Ce sont eux les experts
après tout. Merci beaucoup. Et la ministre a aussi ma collaboration pour
améliorer ce projet de loi là.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme la députée.
Donc, nous allons suspendre quelques instants,
le temps d'accueillir nos invités.
(Suspension de la séance à 10 h 19)
(Reprise à 10 h 20)
Auditions
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, nous reprenons nos travaux. Et je souhaite la bienvenue aux représentants
d'Action Patrimoine, M. Guy Drouin et Mme Renée Genest. Donc, je vous
rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous
procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous
invite donc à vous présenter ainsi que la personne qui vous accompagne et à
procéder à votre exposé. La parole est à vous.
Action Patrimoine
M. Drouin
(Guy) : Merci, Mme la Présidente. Guy Drouin, président d'Action
Patrimoine, et Mme Renée Genest, directrice générale d'Action
Patrimoine. Est-ce que je peux débuter, Mme la Présidente?
La
Présidente (Mme Guillemette) :
Oui, oui, allez-y. Vous avez 10 minutes qui vous est consacré pour
nous présenter votre...
M. Drouin (Guy) : Bien, je tiens à
vous saluer, Mme la Présidente, Mme la ministre, Mmes les députées et MM. les
députés. Je tiens à vous remercier de nous entendre pour cette audition
publique du projet de loi n° 69.
J'irai directement au but en vous présentant
Action Patrimoine, qui est un organisme national reconnu comme organisme de
regroupement par le ministère de la Culture et des Communications et qui oeuvre
depuis 45 ans à la protection du patrimoine.
Au
fil des ans, Action Patrimoine a produit divers documents, notamment, en 1991, Pour
une politique globale de la culture sur la
conservation et la mise en valeur du patrimoine. Et on a aussi réagi, à l'époque, sur le
rapport Arpin en mentionnant le besoin d'un
projet de politique du patrimoine. En 1999, nous avons réagi aussi aux Éléments
pour une politique du patrimoine bâti au Québecafin de définir les attentes
à l'égard d'une politique du patrimoine au niveau des objets, de l'approche de
la politique, des orientations, des objectifs et des principes d'une telle
politique.
En 2010, nous avons
déposé un mémoire pour le projet de loi n° 82, la Loi
sur le patrimoine culturel, où on soulevait déjà les
problématiques vécues par les municipalités et les limites de la loi à ce
niveau-là. Les éléments de nos
recommandations, à l'époque, étaient le besoin de définir une vision
d'ensemble, d'avoir une approche multisectorielle et interministérielle
et le besoin d'un réel support pour les propriétaires de maisons anciennes.
En
2016, nous avons écrit un mémoire de consultation sur le renouvellement de la
politique culturelle. Nos recommandations
étaient à l'effet que le gouvernement se dote d'une vision claire en matière de
patrimoine, d'un discours de valorisation démontrant la valeur sociale
et économique du patrimoine et une politique d'entretien du patrimoine.
En
2020, en partenariat avec la coalition, nous avons réagi sur le projet de loi
n° 66, qui abordait les mécanismes de protection fragilisés, l'impact de
cette loi sur les bâtiments non protégés par la loi et la perception du
patrimoine comme un actif à reconnaître et à enrichir.
Voilà.
Je voulais vous situer par rapport à Action Patrimoine et ses actions. Écoutez,
c'est un résumé rapide, là, sur ses actions, là, des 20 à 30 dernières
années. Je cède la parole à ma directrice générale, Mme Genest.
Mme Genest
(Renée) : Oui, merci, Guy. Bonjour à tous et à toutes, Mme la
Présidente, Mme la ministre, Mmes, MM. les
députés. Donc, Action Patrimoine a émis ses recommandations en fonction du
projet de loi n° 69, mais
nous tenons tout de même à souligner qu'il est, selon nous, essentiel d'envisager
une refonte globale de la loi et donc d'aller plus loin que la présente
proposition.
Notre
mémoire, que vous devez avoir reçu, donc, aborde cinq enjeux qui nous
apparaissent importants, c'est-à-dire la
vision, les responsabilités des ressources des MRC et des municipalités, la
connaissance du patrimoine, les interventions sur le patrimoine ainsi que les paysages culturels. Donc, à partir de
ces enjeux mentionnés, nous émettons 10 recommandations. Sans
toutes les énumérer, j'aimerais tout de même en soulever quelques-unes.
Tout d'abord, pour
faire écho à ce que M. Drouin disait, donc, la recommandation n° 1 :
«Que le gouvernement du Québec se dote d'une vision claire et cohérente en
matière de patrimoine bâti et de paysage culturel
et que cette vision soit au coeur de la décision et des actions
gouvernementales en matière d'aménagement du territoire.» Nous croyons
donc qu'il est essentiel d'intégrer cette vision à une politique du patrimoine
gouvernemental et d'inclure une notion plus large du patrimoine.
Et par là nous
entendons notamment la reconnaissance du patrimoine moderne, donc la
recommandation n° 7 de notre mémoire qui propose de prolonger la date de
1940 pour les inventaires à 1975, de revoir aussi les paysages culturels, grand
absent de ce projet de loi. Donc, huit ans après l'adoption de la Loi sur le
patrimoine culturel, aucun paysage n'a encore été désigné. Même si certaines
municipalités ou MRC font des démarches, c'est très lourd pour les personnes
qui le désirent.
Et,
bien sûr, d'arrêter de considérer les bâtiments à la pièce et qu'on réalise des
études de caractérisation, donc la recommandation n° 8 de notre
mémoire, notamment via les inventaires, dont le mode uniforme de réalisation
doit être réfléchi en amont avec le milieu et en prenant compte... en prenant
en compte, pardon, les ensembles d'intérêt, donc notre recommandation n° 6.
Cette
vision d'ensemble, ces objectifs clairement établis dans une politique du
patrimoine permettraient certainement d'éviter des situations comme
celle de l'achat, par le gouvernement, d'une église moderne, comme
Saint-Louis-de-France à Québec, en vue de la démolir.
Par la suite, dans
notre recommandation n° 5, on mentionne que des programmes de subvention
doivent être offerts aux municipalités et aux MRC pour leur permettre
d'assurer... d'assumer leurs responsabilités à long terme. Afin d'éviter de
reproduire la situation actuelle, c'est-à-dire de très grandes responsabilités
pour le patrimoine en ce qui a trait... pour les municipalités, pardon, en ce
qui a trait au patrimoine, mais très peu de ressources financières et humaines,
Action Patrimoine a la ferme conviction qu'il est nécessaire d'assurer la
pérennité de ces programmes afin de permettre notamment la mise à jour des
inventaires, mais également d'assurer une permanence qualifiée en patrimoine,
et ce, sur l'ensemble du territoire québécois, et également de donner aux
municipalités et aux MRC l'accès à la formation continue en patrimoine ainsi
qu'à des ressources professionnelles chargées de les accompagner dans leurs
démarches en lien avec le patrimoine.
Nous tenons également
à souligner que le projet de loi mentionne l'obligation de se doter d'un
règlement de démolition, mais ne propose pas de réelles solutions pour agir aux
racines du problème. Que fait-on pour éviter l'abandon menant à la démolition?
Que fait-on pour obliger les propriétaires à assurer l'entretien de leurs
bâtiments? Afin d'y remédier, nous proposons de rendre obligatoire le règlement
d'entretien par une modification à la LAU, soit à l'article 145.41, tel
que mentionné dans notre troisième recommandation.
Autre moyen possible
d'éviter une demande de démolition serait de mieux encadrer l'abrogation d'une
citation. Donc, je fais référence à la recommandation n° 2
de notre mémoire. À l'heure actuelle, une municipalité peut abroger une
citation, c'est-à-dire déciter, en utilisant le même processus que pour une
citation. Aucun mécanisme particulier n'est exigé. Le conseil municipal vote la
citation, mais peut également voter une décitation.
Action Patrimoine croit qu'il est
nécessaire d'exiger une consultation publique préliminaire, le dépôt d'un
rapport public et l'autorisation d'une instance indépendante avant de procéder
à une décitation.
Je pourrais continuer encore longtemps en
entrant dans les détails de nos recommandations et, par exemple, évoquer la Charte de la Ville de Québec, mais,
compte tenu du temps qui nous est alloué aujourd'hui, je tenais à
aborder le mémoire
dans sa globalité. Notre organisme apprécie sincèrement l'opportunité de
partager son expertise à l'invitation de la Commission de la culture et
de l'éducation. Notre volonté est d'agir en partenaire pour une meilleure
gestion du patrimoine. Je vous remercie sincèrement de votre attention. Et je
ne sais pas si, Guy, tu as autre chose à ajouter. Parfait. Donc, ça conclut
notre intervention. Je vous remercie.
La
Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. Merci pour votre exposé. Donc, nous allons maintenant commencer
la période d'échange. Mme la ministre, je vous cède la parole.
Mme Roy (Montarville) : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. M. Drouin, Mme Genest, merci pour votre
présentation, merci pour votre mémoire et merci d'être des partenaires
extrêmement importants dans la protection, la préservation du patrimoine et,
vous l'avez dit à juste titre, depuis 45 ans.
Je vous avais
parlé et j'avais mentionné le fait que je souhaitais inclure les groupes,
justement, de préservation et de protection du patrimoine, mais vraiment
les groupes civils, tout comme le vôtre, et je vous avais dit que j'envisageais
la possibilité de les inclure, de leur donner une importance accrue en les
incluant dans ce projet de loi. J'en ai fait un article, d'ailleurs. Alors, je
voulais vous entendre à cet égard-là. C'est une proposition que nous faisons
dans le projet de loi, et j'aimerais savoir ce que vous pensez de cette proposition
que nous avons faite pour inclure les partenaires, tout comme Action Patrimoine
et les quelques autres que vous connaissez très bien, que nous connaissons
tous, que nous allons entendre au cours des prochains jours. Alors, qu'est-ce
que vous pensez de cette proposition que nous faisons de vous inclure et de
vous asseoir à la table des partenaires?
M. Drouin (Guy) : Écoutez, si je
peux me permettre, Mme la Présidente, si vous me le permettez...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Allez-y.
• (10 h 30) •
M. Drouin (Guy) : Mme la ministre,
écoutez, nous sommes très heureux que le ministère et que vous, en tant que
ministre, ayez pensé à inviter les organismes qui se préoccupent du patrimoine
depuis longtemps et qui, de toute façon, est leur quotidien. Je pense que c'est
un apport positif pour le ministère de connaître, d'expérimenter l'expérience
de ces groupes-là concernant la protection du patrimoine bâti et des paysages
culturels.
Écoutez, je tiens à vous en remercier, parce que
c'est une première. On n'a jamais eu ça. Donc, oui, c'est intéressant, et
j'espère que notre participation amènera vraiment des éléments de solution pour
le ministère pour... de façon à mieux gérer ce patrimoine, là, collectif
québécois. Je vais laisser la parole à ma directrice générale qui a peut-être
des choses à ajouter à ce niveau.
Mme Genest
(Renée) : Je crois que tout a été dit, Mme la ministre. Vous faisiez
référence à l'article concernant la table de partenaires. Donc,
effectivement, Action Patrimoine est ravi de pouvoir collaborer éventuellement.
Et ce qu'on espère, c'est de poursuivre les bonnes relations avec le ministère
puis de pouvoir vous aider à la hauteur de nos connaissances, finalement, et de
notre expertise. Donc, je crois que M. Drouin avait tout dit.
Mme Roy (Montarville) : Par
ailleurs, vous parliez tout à l'heure du besoin de mieux... vous avez employé
le terme «mieux supporter» les propriétaires de maisons anciennes. Je vous
annonce que je suis en train de le faire. Alors, on travaille là-dessus, de
notre côté, parce que c'est une demande qui a été faite.
Vous nous avez parlé aussi des nombreuses
représentations que vous avez faites et des différents mémoires que vous avez
déjà déposés dans le temps. À cet égard-là, ce projet de loi ci vise à
améliorer, naturellement, le projet...
c'est-à-dire l'actuel projet de loi sur le patrimoine culturel. Et, entre
autres, il y a des manquements qui avaient été identifiés et par vous et par d'autres groupes, depuis des années,
auxquels nous répondons : la création, entre autres, d'un
inventaire, mais l'obligation de la création d'un inventaire. Parce
qu'actuellement, vous le savez au premier chef, les inventaires ne sont pas
égaux, ils ne sont pas faits partout et pas avec les mêmes critères
nécessairement. Alors, on a un souci
d'uniformisation dans l'analyse des bâtiments et de centralisation, ultimement,
de faire verser les inventaires au ministère de la Culture pour qu'on
puisse s'y retrouver.
Actuellement,
vous le savez, il y a des municipalités et des villes qui sont exemplaires,
d'autres, pour différentes raisons, n'y arrivent pas. Alors, nous
voulons aussi les accompagner. À cet égard, voyez-vous d'un bon oeil l'obligation pour les villes, MRC,
municipalités qui n'en ont pas de se doter de cet inventaire? Parce
qu'actuellement on parle de protéger le patrimoine bâti, mais on n'a pas le
portrait de ce qu'on a au Québec. Alors, je voulais savoir, de votre côté, que
pensez-vous de cette obligation que nous créons?
M. Drouin (Guy) : Mme la ministre,
si vous me permettez, je pense que c'est essentiel d'avoir un inventaire, un
inventaire aussi qui sera conforme aux besoins du gouvernement et aux besoins
des municipalités.
Je m'explique. Malheureusement, au Québec, on a peut-être
une centaine de municipalités qui ont des inventaires, mais qui sont totalement
inégaux, tant au niveau de l'analyse architecturale qu'au niveau historique, à plusieurs
niveaux. Donc, d'avoir un cadre précis qui va aider les municipalités à se
doter de cet inventaire-là et qui sera le même pour tous au Québec, bien, ça va
être un plus, là, pour nos analyses et surtout pour la protection de notre
patrimoine. Donc, pour nous, ça s'avère essentiel d'aller dans ce sens-là.
Et je parlerai maintenant en tant
qu'ex-responsable de l'inventaire architectural de Drummondville, pour qui je
travaillais à l'époque, où nous avons constitué l'inventaire de nos bâtiments,
et qui est maintenant administré par la MRC de
Drummond. Bien, je pense qu'on a fait oeuvre utile et d'exemplarité aussi.
Donc, j'y crois fortement, ayant travaillé à cet inventaire, et j'y crois
d'autant plus pour l'ensemble des Québécois.
Mme Roy (Montarville) :
Excellent. Alors, on tente de répondre à vos demandes, des demandes qui sont
légitimes. Et nous, on est là en soutien, on est là pour aider, on est là pour
nous assurer... le ministère de la Culture est
là pour s'assurer qu'on travaille tous ensemble puis qu'on parle le même langage. Alors, ce que
vous dites est hyper... résonne à mes
oreilles parce qu'effectivement ces
inventaires sont inégaux. Alors, on veut s'assurer que nous parlions tous le même langage, que nous ayons tous les
mêmes critères, que nous souhaitions tous... et naturellement en
donnant... Ce sont des pouvoirs supplémentaires que nous donnons aux MRC parce
que... aux MRC et aux villes, et il y a des obligations également. Alors, ça,
c'est une obligation, tenir cet inventaire-là, puis nous serons là, et nous
voulons...
Et quand nous disons, entre autres, que vous
êtes des partenaires, il y a cette table de partenaires. Bien sûr qu'au moment opportun nous communiquerons ensemble
pour savoir, bien, dans quelle mesure... ou quel est le langage que nous
adopterons, dans quelle mesure nous pourrons aller de l'avant avec des critères
qui seront compréhensibles et qui seront partagés par tous. Donc, c'est
là-dedans qu'on veut s'en aller, parce que nous considérons que le patrimoine,
c'est... la protection du patrimoine, c'est une responsabilité collective.
Alors, oui, le gouvernement classe, comme vous
le savez, et déclare des sites, mais les villes citent, quant à elles, des bâtiments, et maintenant, on donne
aussi une nouvelle obligation... nous allons permettre aux MRC de citer.
Alors, il y a des obligations et... des
pouvoirs et des obligations. Donc, à l'égard de l'inventaire, on est sur la
même page.
Nous souhaitons également, par ce projet de loi,
nous assurer qu'on rende obligatoire la prise d'un règlement de démolition.
Moi, au premier chef, ça me choque de parler de démolition, quand on parle de
préservation, mais la réalité des choses, c'est que nous travaillons avec le ministère
des Affaires municipales et que tout permis de démolition, bien, tout ça, ça passe par les Affaires municipales,
puisque ce sont les villes qui les autorisent, les permis de démolition.
Et ce qu'on a constaté, c'est que certaines municipalités n'étaient pas dotées
de règlement de démolition, ce qui fait en sorte qu'il y a des démolitions
sauvages ou des démolitions qui sont prises sans que les analyses pertinentes
ne soient faites.
Alors, dans cette optique, pour nous assurer
qu'avant qu'il y arrive une démolition, avant qu'il ne soit trop tard, on ait
minimalement un règlement sur la façon dont on pourra accorder le permis de
démolition. Alors, ça, c'est une nouveauté dans ce projet de loi.
Alors, je voulais vous entendre là-dessus, à
l'égard de ce que nous souhaitons faire, rendre obligatoire la prise d'un règlement
de démolition, par les municipalités, pour améliorer la protection du
patrimoine. Selon vous, est-ce que c'est une bonne piste de solution?
M. Drouin (Guy) : Si je peux me
permettre, Mme la ministre, je dirais que oui, c'est une excellente chose,
d'autant plus que chaque municipalité ou chaque MRC aura fait l'analyse et
l'inventaire de ses bâtiments, hein, et c'est à partir de ça qu'on peut juger
adéquatement de la qualité d'un bâtiment, de la nécessité de le conserver ou de
le préserver. J'abonde dans le sens de vraiment se donner des règlements de
démolition qui auront des critères très précis de façon à pouvoir conserver nos
éléments importants, nos éléments historiques. Là-dessus, je vais laisser la
parole à ma directrice générale, là, qui pourra vous en dire un petit peu plus.
Mme Genest (Renée) : Oui. Merci,
Guy. Donc, en fait, effectivement, on applaudissait, là, dans notre mémoire, on soulignait du moins l'importance
d'obliger les MRC et municipalités à se doter d'un règlement
de démolition, mais on proposait
d'aller encore un peu plus loin. C'est-à-dire, ce qu'on constate sur le terrain, c'est
qu'effectivement on arrive à un point où les municipalités octroient des permis
de démolition, donc, avec tout ce que ça implique. Mais, si on regarde pourquoi
on en arrive là, c'est que certains propriétaires laissent volontairement... et
là ce n'est pas tous les propriétaires qui laissent volontairement dépérir,
mais je parle de ceux que c'est vraiment volontaire. Donc, il y a quelqu'un qui
achète une vieille maison patrimoniale, ou une maison patrimoniale, ou une
maison moderne qu'il laisse dépérir et que, là, finalement, avec l'état avancé
du bâtiment, se retourne vers la municipalité qui octroie le permis de
démolition.
Certainement, le règlement de permis de
démolition va permettre une barrière supplémentaire qu'on n'avait pas, donc comme un deuxième rempart. Mais nous, on
réfléchissait plus : Comment on peut empêcher, finalement, cette dégradation-là menant à une demande de permis de
démolition? Et c'est pour ça qu'on proposait, finalement, de modifier
la LAU pour obliger également le règlement d'entretien dont pourraient se doter
les municipalités, qui pourrait les forcer à obliger un propriétaire à
entretenir, finalement, leur bâtiment.
• (10 h 40) •
Mme Roy (Montarville) :
À cet égard, si je peux me permettre, il y a actuellement dans la loi des
dispositions qui permettent au ministre de forcer l'exécution des travaux, ce
qui n'avait jamais été fait depuis 2012. Nous l'avons fait, nous avons forcé
l'exécution des travaux à Laval, la fameuse maison Charbonneau. Nous avons
obtenu gain de cause en Cour supérieure pour forcer l'exécution des travaux,
alors que nous avions, effectivement, un cas comme celui que vous décrivez,
c'est-à-dire un propriétaire qui possède un bien classé en l'occurrence, qui
négligeait l'entretien. Donc, nous avons eu gain de cause et fait exécuter les
travaux.
Et il faut comprendre également que dans la
mécanique que nous mettons sur pied... Actuellement, la loi, telle qu'elle est
conçue, et vous le savez, les villes jouissent des mêmes pouvoirs que le
ministre en ce qui a trait à leur patrimoine qu'ils peuvent citer. Québec
classe, les villes citent, et, dans les outils qui sont mis à leur disposition,
ils peuvent prendre ces recours. Alors, les recours sont déjà là.
Maintenant, il y a une
question de volonté, je suis d'accord avec vous, et c'est la raison pour
laquelle, entre autres, le projet de loi se veut... Les sanctions demeurent.
Les sanctions qui sont dans la loi demeurent. Les pouvoirs de forcer les
travaux demeurent, mais nous ajoutons, dans le projet de loi, le volet citoyen,
le volet consultation, le volet... Avant de faire quelque chose avec un
bâtiment puis de mettre la pelle mécanique dedans, il y aura un processus de réflexion d'entamé, et nous
souhaitons travailler de concert avec les municipalités puis les villes. Ce ne
sont pas des ennemis, bien au contraire. Et
je pense qu'on a besoin d'accompagnement... elles ont besoin
d'accompagnement, elles ont besoin de ressources.
Nous avons d'ailleurs mis sur pied, justement,
pendant l'année et demie durant laquelle la Vérificatrice générale enquêtait
sur la gestion du patrimoine immobilier au Québec, au sein du ministère, nous
avons travaillé parallèlement pour mettre sur pied un programme pour aider les
municipalités à faire l'entretien des bâtiments. Puis nous avons mis des sommes
substantielles, nous avons bonifié... nous avons mis un premier
30 millions, nous avons rajouté un deuxième 20 millions, donc
50 millions. Et oui, vous me direz, ce n'est jamais assez, ce ne sera
jamais assez, mais on avance. On avance et on met des sommes records qui n'ont
jamais été investies.
Donc, dans ce
programme-là, ce que nous voulions, justement, c'est inciter les municipalités
et les propriétaires de bâtiments à ne pas faire dépérir leurs
immeubles, mais bien plutôt à les restaurer. Parce que ce qu'il faut que nous
comprenions tous, c'est qu'un bâtiment qui ne jouit pas actuellement d'une
mesure de protection, c'est-à-dire qu'il n'est ni classé par le gouvernement du
Québec ni sur un site déclaré, ce qui est accordé aussi comme mesure de
protection par le gouvernement du Québec, ni cité, ce qui est une mesure de
protection accordée par les villes, dorénavant,
nous le souhaitons, par les MRC également, bien, ces bâtiments-là ne jouissent
d'aucune subvention, ceux qui ne sont pas protégés.
Mais la réalité, c'est qu'au Québec on ne sait
pas au total combien de bâtiments patrimoniaux nous avons, alors je ne peux pas
vous donner un chiffre, on va le faire, cet inventaire complet et total, mais
combien de bâtiments patrimoniaux sont entre les mains de propriétaires et qui
n'ont pas de mesure de protection, donc qui ne jouissent pas de subvention. Et
c'est ça qu'on a corrigé avec notre programme, permettre à des propriétaires
qui n'ont pas de subvention, qui ne jouissent pas de mesures de protection
d'avoir accès à des sous pour les restaurer.
Parce que c'est vraiment... On souhaite que ce
projet de loi soit un incitatif, plus qu'un incitatif, plus que des encouragements, mais de l'accompagnement et que ça
se concrétise au bout du compte pour des propriétaires qui auront...
auxquels nous avons déjà donné, accordé un 50 millions de dollars de
ressources. Et vous savez, les demandes, elles ont excédé l'offre, et c'est
pour ça qu'on est allé chercher de l'argent supplémentaire pour répondre à
toutes les demandes. Je me suis dit : Ce n'est pas vrai qu'on va refuser
des demandes, quand les gens veulent entretenir. Donc, on s'en va dans cette direction-là,
et naturellement c'est graduel, mais ce qu'on souhaite, c'est que les
propriétaires de résidences qui ne sont pas des résidences protégées puissent
également jouir de subventions.
Alors, ça, c'est le travail que nous avons fait
en parallèle, parce que souvent, également, ces bâtiments qui sont achetés et
qu'on laisse dépérir ne sont pas nécessairement des bâtiments qui jouissent de
mesures de protection. Alors, c'est là qu'on en est, on n'a pas le portrait
global de notre inventaire. Et là-dedans, il y a des...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme la ministre.
Mme Roy (Montarville) : D'accord.
Je vous remercie beaucoup, madame. Merci, Mme Genest.
La
Présidente (Mme Guillemette) : Désolée. Votre temps de parole étant écoulé, je cède maintenant la
parole à la députée de... Verdun? Parfait. Je cède maintenant la parole à la
députée de Verdun pour 9 min 52 s.
Mme Melançon :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, à mon tour de saluer M. Drouin
et Mme Genest. Merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui et de
pouvoir apporter un éclairage grâce à votre mémoire que j'ai pris le temps de lire. Et j'ai quelques questions. Vous
allez voir, on a neuf minutes, donc ça va rapidement. Donc, peut-être,
je peux aller en rafale sur certaines questions puis... pour pouvoir obtenir
des réponses de votre part.
Première question, concernant le patrimoine
moderne, vous parlez de... bon, qu'on peut aller jusqu'à 1975. Votre lecture à
vous, là, concernant le patrimoine moderne, j'aimerais juste avoir un éclairage
parce que je ne sais pas pourquoi 1940 a été arrêté à l'intérieur du projet de
loi. Honnêtement, on pourra en discuter, on aura plein de temps, mais
j'aimerais entendre les gens d'Action Patrimoine là-dessus et pourquoi 1975 de
votre côté. Peut-être que vous allez pouvoir m'amener un éclairage.
J'aimerais qu'on reparle de l'inventaire. À
l'intérieur du projet de loi, actuellement, on parle de cinq ans pour
l'inventaire. Est-ce que ça vous paraît trop court, trop long? Est-ce qu'on est
capable de faire ça dans un temps... s'améliorer? Parce que ça nous amène quand
même en 2026, là, et, d'ici là, il y a quand même de l'inquiétude à voir
certaines maisons disparaître sous nos yeux en temps réel. Ça, c'était ma
deuxième question.
Et ma troisième question, puis, par la suite, on
pourra continuer, c'est concernant les plans de conservation. À l'intérieur du projet
de loi, on parle justement d'abolir les plans de conservation. J'aimerais vous
entendre aussi sur cela. Voilà.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Mme Genest.
Mme Genest (Renée) : Ah! est-ce que
M. Drouin voulait prendre la parole — je voyais que le micro
n'était pas ouvert — avant?
M.
Drouin (Guy) : Merci, j'oublie toujours.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Parfait. La parole est à vous, M. Drouin.
M.
Drouin (Guy) : Merci, Mme la Présidente. Mme la
députée, écoutez,
je suis... je vais essayer de répondre le plus adéquatement, là, à vos questions.
Concernant... Voulez-vous me répéter la première, là, pour être certain que...
Mme
Melançon : Tout à fait. On y était avec le 1940 ou le patrimoine
moderne.
M. Drouin
(Guy) : Bien, écoutez, pour 1940, on a trouvé cette date-là assez
aléatoire puis assez loin merci, parce que plus le temps passe, bien, plus il y a
des bâtiments aussi qui deviennent patrimoniaux, hein? Ce
n'est pas figé dans le temps. N'est
pas patrimoine tout ce qui s'est fait avant 1940, il y en a
aussi après 1940. Puis ce qu'on construit aujourd'hui deviendra le
patrimoine de demain. Donc, il faut pouvoir s'ajuster à travers le temps.
Et là, nous, on
suggère 1975. C'est aléatoire, ça pourrait être 1980, ça pourrait être 1970.
Mais on s'est dit : En se laissant un 40, 50 ans entre le temps
actuel et la date que l'on proposerait, bien, on peut s'ajuster avec le temps.
Il faudrait réviser ça, selon nous, à tous les 10 ans pour justement
ajuster, parce que ce qui est aujourd'hui ordinaire devient du patrimoine un
peu plus tard. Donc, quant à nous, là, 40, ça nous apparaissait assez loin
merci. Quand on regarde ce qui se fait ailleurs au Canada, aux États-Unis ou
même en Europe, bien, on parle plus des années 70 et début des
années 80.
Je laisserais la
parole à Renée qui pourra peut-être en rajouter là-dessus, là.
• (10 h 50) •
Mme Genest
(Renée) : Oui, effectivement, puis 1975, en fait, effectivement, c'est
une date à revoir. Par contre, si on
regarde le Conseil du patrimoine religieux du Québec, dans les inventaires du
patrimoine moderne, allait jusqu'à 1975 déjà. Donc, c'est pour ça, en
fait, qu'on proposait la date de 1975, effectivement, avec la nécessité de
revoir cette date-là avec l'évolution, finalement.
Concernant
votre question pour les inventaires cinq ans, je comprends peut-être votre
inquiétude de voir un délai de cinq
ans. Par contre, ce qu'il faut comprendre aussi, c'est que ça prend du
personnel qualifié, ça prend... non seulement il faut que le programme
soit accepté, que les MRC, les municipalités puissent avoir accès à un agent
d'inventaire, là, le programme dont parlait la ministre tout à l'heure, mais,
en fait, il faut prévoir l'embauche, prévoir la formation, prévoir la formation
et le fait de dépêcher des agents un peu partout sur le territoire. Donc, on
sait qu'il y a des régions que c'est peut-être un peu moins évident. Il y a de
moins en moins de formation en patrimoine. Donc, c'est pour ça qu'on disait : une formation continue est nécessaire. Donc,
trouver ce personnel qualifié là, les
mettre en place, faire un préinventaire pour voir ce qu'il y a sur le
terrain, ensuite faire l'inventaire, donc, effectivement, ça se fait sur plus
qu'un délai d'un, deux ou trois ans.
Donc, pour nous, on
souhaiterait que ce soit avant. Mais, si on veut être réaliste, effectivement, peut-être
qu'un cinq ans... En tout cas, on va voir
comment évoluent les choses, mais c'est important pour nous vraiment
d'avoir une bonne connaissance du patrimoine avec du personnel qualifié sur
l'ensemble du territoire du Québec.
Et concernant les
plans de conservation, j'y vais en rafale, là, pour essayer de répondre le plus
rapidement possible — Guy,
interviens, si jamais il y a quoi que ce soit — donc, en fait, ce qu'on
constate de l'application des plans de conservation, c'est que ce n'était
peut-être pas un outil aussi efficace qu'on l'aurait souhaité, et donc on
n'était pas en désaccord avec le principe des grilles, et c'est ce qu'on
mentionne dans le mémoire.
Par contre, ce qu'on
voudrait éviter, c'est une catégorisation à l'intérieur même de biens classés
ou de sites patrimoniaux. Et par «catégorisation», je vais émettre peut-être un
autre terme, «hiérarchisation». Donc, notre crainte,
c'est qu'il y ait une hiérarchisation au niveau du patrimoine déjà reconnu et
protégé, c'est-à-dire un peu comme les mêmes catégories, là, de a, b, c,
d ou d'incontournable, et tout.
Donc, en fait, la
problématique qu'on peut voir par rapport à ça, c'est qu'on va protéger ce qui
est le mieux coté — désolée,
le terme, là — donc,
ce qui est en haut de la pyramide, puis alors que ce qui se trouve en bas,
c'est du patrimoine tout aussi important, donc, qui est déjà reconnu par un
statut particulier et qui pourrait être délaissé. Donc, c'est pour ça qu'on disait que c'est vraiment important de bien
prévoir cette grille-là qui va permettre d'émettre, par la suite, des
recommandations au niveau de l'entretien des bâtiments.
Mme Melançon :
Ce qui est important, c'est justement de faire ce travail-là avec les gens de
terrain, comme votre organisation, là, pour arriver avec une grille qui va
être... en tout cas, qui va être acceptée de tout le monde. C'est ce que je
comprends bien.
Mme Genest
(Renée) : C'est ce qu'on espère, oui, effectivement, et avec les gens
aussi, les compagnies, les organismes qui font aussi, sur le terrain, les
inventaires.
Mme
Melançon : Petite question rapide, parce que je le vois que le temps
file, concernant les consultations publiques. Je pense que tout le monde est
d'accord, là, puis je ne pense pas qu'on va voir personne dire : Non, non,
non, ça ne prend pas de consultations publiques, au contraire.
Moi, j'ai besoin
d'entendre de votre part qu'est-ce qui a fait le succès, parce que je
pense qu'on peut parler de succès, des consultations publiques, par
exemple, qui ont lieu dans le Vieux-Québec ou encore même avec le mont Royal,
là. Je pense qu'on a là quand même des outils de base sur lesquels on peut se
fier. Qu'est-ce qui fait qu'une consultation publique, là, va bien fonctionner,
la table va bien fonctionner?
M.
Drouin (Guy) : Écoutez, pour l'avoir fait à Drummondville, à l'époque,
tu parles, à la fin des années 90 ou au
début des années 2000, c'est la transparence, l'honnêteté et la participation
de tout un chacun à cette consultation-là. Chez nous, ça a fonctionné.
Écoutez, on a fait l'inventaire de 1 600 bâtiments, on en a privilégié 140
qu'on a catégorisés. Puis je vous dirais que
la participation citoyenne a été forte, hein? On a eu je ne sais pas combien
d'assemblées citoyennes qui se sont penchées sur notre règlement et sur nos
propositions. Et je vous dirais, écoutez, c'est plus de 200 personnes à Drummondville qui ont participé à l'époque, là, à ces
consultations-là qui ont mené à un règlement, qui ont mené à un inventaire qui a été
adopté par la MRC et qui aujourd'hui est administré par la MRC de Drummond.
Donc, je pense qu'on
a fait un beau parcours, mais encore faut-il laisser à la population un
véritable droit de parole. Ce n'est pas une consultation bidon, là, il faut
écouter ce que les gens ont à nous dire. Puis, comme disaient les gens qui ont été consultés, ce n'est pas tout,
là, qu'on doit conserver, puis ce n'est pas ça qu'on dit non plus à
Action Patrimoine, mais il faut... le patrimoine, il est à la hauteur de ce que
chaque communauté décrit comme important. Tu sais, le patrimoine de
Drummondville, il est bien différent de celui de la ville de Québec, hein? On
n'a pas le même âge, on n'a pas la même
histoire, etc., mais il y a des choses qui sont importantes. Je prends juste
les maisons de gens qui travaillaient
à l'époque à la Dominion Textile ou à la Celanese, qui ont été construites par
ces deux compagnies-là, bien, pour nous, c'est du patrimoine, hein, et
il est important pour les Drummondvillois. Bien, c'est la même chose pour
toutes les communautés. Il s'agit de l'identifier, de bien le catégoriser et
d'écouter, d'écouter nos citoyens.
La Présidente (Mme Guillemette) : Merci, M. Drouin. Donc, votre temps de
parole étant écoulé pour le groupe d'opposition officielle, je céderais
la parole au deuxième groupe d'opposition. Donc, Mme la députée de Mercier, la
parole est à vous pour 2 min 29 s.
Mme Ghazal :
Très bien. Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup pour votre présentation. Je
voudrais revenir sur la date de 1940 qui est dans le projet de loi. En fait, il
y a vraiment une incohérence là, parce que le programme d'aide qui avait été
annoncé par... qui a été mis sur pied l'année passée par la ministre donnait de
l'aide aussi pour des bâtiments de 1975. Donc, pourquoi est-ce que, dans le projet
de loi, on mettrait 1940? Donc, je voulais l'affirmer puis le dire que c'est
important, dans le fond, de prendre en considération votre proposition qui est
contenue dans le mémoire, c'est beaucoup plus logique.
Moi, j'aurais une
question pour... peut-être d'ordre un peu plus général. Dans votre
recommandation 9, vous parlez d'assurer un soutien financier pour les
propriétaires de bâtiments, des avantages fiscaux pour leur donner plus,
disons, le goût ou les inciter plus à protéger leur bâtiment plutôt qu'à le
laisser se détériorer puis après ça qu'il soit détruit. Est-ce qu'il ne devrait
pas aussi y avoir des incitatifs pour les municipalités, autres que, par
exemple, des sanctions si elles ne
respectent pas la loi? Parce qu'il y a vraiment un attrait très, très grand
pour les taxes municipales qui fait que peut-être les municipalités, des
fois par méconnaissance mais aussi par manque de ressources et de moyens,
préfèrent démolir un bâtiment plutôt que de le protéger.
Qu'est-ce qu'il y a
comme risques dans la loi? Qu'est-ce qu'il y a comme dispositions qui... Dans
le fond, est-ce qu'avec ce projet de loi, ce qu'on est en train de vivre en ce
moment, depuis quelques années, ne risque pas de se reproduire s'il n'y a pas un changement qui doit être fait ou une
disposition qui doit être mise dans le projet de loi?
M. Drouin
(Guy) : Si vous permettez, Mme la Présidente, je vous dirais que le
projet de loi ne règle pas tout, loin de là,
mais je pense qu'on avance. On avance très bien, sauf qu'il faudra qu'il y ait
beaucoup de concertations dans les municipalités pour en arriver à
répondre aux enjeux que ce soit de la conservation ou de la démolition. Oui, il
faut de l'aide et il faut de l'aide aux municipalités comme aux particuliers.
Puis je vous dirais que dans les 20 dernières années, l'aide aux particuliers a été quand même assez peu présente, là, au niveau gouvernemental. Même les bâtiments reconnus par le gouvernement, les
bâtiments classés, les gens avaient très peu d'accès à des subventions pour les
aider à conserver leurs bâtiments ou à les entretenir même. On sait qu'il y a
des coûts supplémentaires à conserver un bâtiment classé, et l'aide de l'État
ne serait pas superflue. Encore faut-il aussi que le propriétaire fasse siens
les mêmes intérêts et qu'il soit un bon citoyen, là, pour entretenir son
bâtiment. Tu sais, ce n'est pas quand le bâtiment est à la veille de tomber
qu'on demande l'aide de l'État, c'est avant ça. Mais on...
La Présidente (Mme
Guillemette) : ...M. Drouin.
Mme Ghazal :
Bien, merci.
La Présidente (Mme Guillemette) : Donc, je vais céder la parole maintenant
au député de Matane-Matapédia,
donc, pour 2 min 29 s.
M.
Bérubé :
Merci, Mme la Présidente. Bienvenue parmi nous. Tout à l'heure, vous avez
indiqué que votre vision du patrimoine avait évolué, que c'est plus que des
bâtiments, c'est des ensembles, voire même des paysages.
Alors,
la ministre indiquait que vous parliez le même langage que
votre organisme... qu'elle parlait le même langage que votre organisme. Est-ce
que vous pouvez préciser votre
définition du patrimoine pour voir si on parle le même langage?
M. Drouin
(Guy) : Je vais laisser la parole à Renée. Vas-y, Renée, puis
j'ajouterai.
Mme Genest (Renée) : Oui. Bien, en
fait, je ne me lancerai pas dans une définition claire et précise, là, très théorique du patrimoine. Mais ce qu'on demandait,
c'est notamment d'avoir une vision claire de ce qu'est le
patrimoine, donc incluant, là... on a parlé beaucoup du
patrimoine moderne, donc il va beaucoup plus loin que 1940, qui intègre des constructions plus récentes et qui ont
contribué au développement du Québec tel qu'on le connaît, mais également la
notion de paysage culturel, qui est présente dans la Loi sur le patrimoine
culturel et qui permet à des municipalités et MRC de désigner ces paysages-là. Par
contre, ce qu'on comprend, avec le projet de loi n° 69
tel que proposé, il n'y a aucune modification, finalement, à la problématique
vécue par les MRC, les municipalités qui tentent de protéger, désigner leurs
paysages.
Et ce qu'on demandait, notamment par rapport aux
inventaires, et c'est là que j'en viens avec une notion plus large du
patrimoine, c'est que les inventaires vont inventorier un bâtiment, un par un,
et il n'y a pas nécessairement de croisement de ces bâtiments-là dans les
inventaires parce que les MRC, les municipalités ou les gens qui font les
inventaires, ils ont un budget restreint, et ça ne permet pas d'aller un peu
plus loin. Donc, ce qu'on demandait, avec une vision plus large, c'était cette
notion-là de considérer les ensembles.
• (11 heures) •
M.
Bérubé : J'ai peu
de temps, alors ça me va comme réponse.
Mme Genest (Renée) : Oui. Parfait.
M.
Bérubé : Également,
le gouvernement se réjouit de présenter cette politique, mais il avait déjà...
il s'était déjà engagé, en campagne électorale, sur une politique nationale de
l'aménagement du territoire qui pourrait inclure le patrimoine. Est-ce que vous
trouvez que ça serait judicieux qu'une telle politique d'aménagement du
territoire puisse aider à, justement, atteindre les objectifs que vous vous
êtes fixés?
La Présidente (Mme Guillemette) : Une
réponse en 30 secondes, s'il vous plaît. Merci.
Mme Genest (Renée) : Oui. Guy, j'y
vais?
M. Drouin (Guy) : Oui.
Mme Genest
(Renée) : Oui. Donc, en
fait, on milite avec l'Alliance Ariane, justement, pour cette politique-là d'aménagement du territoire. Mais ce qu'on constate, c'est, un peu comme la politique
culturelle, la place du patrimoine est
toujours infime. Donc, c'est important
que le patrimoine soit pris en considération dans une politique d'aménagement du territoire. Mais
ce qu'on demande, c'est vraiment une politique du patrimoine gouvernemental,
également, donc, qui s'arrimerait,
effectivement, avec la politique d'aménagement du territoire et avec la
stratégie québécoise d'architecture et, en fait, que tout ça se
parlerait, serait interrelié et que la politique du patrimoine parlerait
vraiment des éléments spécifiques au patrimoine, donc des orientations, des
principes, des objectifs, finalement, d'entretien.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Parfait. Merci, Mme Genest. Merci, M. Drouin. Merci pour
votre contribution aux travaux de la commission.
Donc, nous allons suspendre quelques instants,
le temps d'accueillir le nouveau groupe. Merci.
Mme Genest (Renée) : Merci à vous.
(Suspension de la séance à 11 h 01)
(Reprise à 11 h 08)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, nous reprenons nos travaux. Comme on a eu quelques minutes de retard,
j'aurais besoin d'un consentement pour prolonger les travaux pour terminer
cette audition. Donc, est-ce...
Des voix : ...
La Présidente (Mme Guillemette) : Consentement.
Donc, il y a consentement. Je souhaite la bienvenue aux représentants
d'Héritage Montréal. Bonjour, monsieur. Bonjour, madame. Donc, je vous rappelle
que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis, ensuite, nous
procéderons à l'échange avec les membres de la commission. Donc, je vous invite
à vous présenter et à débuter votre exposé. La parole est à vous.
Héritage Montréal
(Visioconférence)
M. Bumbaru (Dinu) : Merci,
Mme la Présidente. Merci, membres de la commission de l'Assemblée
nationale. Mon nom est Dinu Bumbaru, je suis employé d'Héritage Montréal et je
suis accompagné de Marie-Odile Trépanier, juriste, professeure émérite, je
crois, en urbanisme, et membre du Comité Patrimoine et aménagement de notre
organisme.
Héritage
Montréal est une association, elle a été fondée en 1975, et son travail
repose sur trois grands thèmes qui sont au coeur des discussions que vous avez,
à travers ce projet de loi, à savoir le patrimoine, l'aménagement du territoire
et la participation des citoyens à la consultation. Donc, ce sont les trois
grands sujets sur lesquels Héritage Montréal s'est penché depuis sa fondation,
puis ça s'adonne que les trois sont très présents dans le projet de loi sur
lequel nous avons quelques commentaires à vous transmettre.
Nous
avons produit un mémoire qui vous a été communiqué, je crois. Ce mémoire est le
fruit du travail de nos bénévoles du Comité Patrimoine et aménagement,
avec le soutien et l'action diligente de rédaction de ma collègue Taïka Baillargeon, que je remercie ici. On ne va pas passer à travers le mémoire car
beaucoup de choses y sont présentes. On est là également pour répondre à
vos questions, et, si des éléments complémentaires étaient nécessaires, ça nous
fera plaisir de les transmettre au secrétariat de la commission par la suite.
• (11 h 10) •
Mais d'emblée, on
voulait mentionner, pour Héritage Montréal, un élément qui mérite d'être
rappelé, c'est qu'il y a une grande lacune
au Québec. Depuis plusieurs décennies, le Québec n'a toujours pas de politique
du patrimoine, malgré les efforts de ministres comme Jean-Paul L'Allier,
Lise Bacon ou Agnès Maltais. Cette lacune est importante, on y reviendra. Et
compte tenu de l'importance, également, du patrimoine culturel, les bâtiments,
les paysages, les sites archéologiques et autres formes de patrimoine que nous
avons au Québec, l'absence d'une telle politique fait qu'on se concentre énormément sur un texte de loi, celui qui fait
l'objet du projet de loi n° 69, la Loi sur le patrimoine culturel, et,
de plus en plus, sur un corpus de cadres juridiques. Et il est de notre avis
qu'il faudra peut-être réfléchir au-delà du projet de loi qui nous est
présenté.
Cela
dit, ce projet de loi, à notre avis, est très recevable. Il apporte des
avancées importantes. On est généralement favorables aux propositions
qui y sont contenues. Tant qu'à reposer l'action du Québec sur une loi, bien, aussi bien qu'elle soit le plus performant
possible et surtout le plus digne du XXIe siècle. Parce que, le
patrimoine, s'il a été produit dans le passé, l'action qui nous incombe, c'est
de le projeter dans l'avenir. C'est un de nos slogans, à Héritage Montréal, et ça, ça demande beaucoup de mobilisation, de
sensibilisation, de connaissance mais également d'innovation, à notre
avis. C'est étonnant peut-être pour certains, de voir le mot «innovation»
associé au mot «patrimoine». Bien, nous, on
ne se gêne pas à le faire, en regardant ce qui se passe dans d'autres pays, en
France, aux États-Unis, au Japon, en Grande-Bretagne ou encore au
Brésil, où vous avez énormément de nouvelles formules qui sont en
développement, et le Québec pourrait faire figure de modèle.
Sur le projet de loi
lui-même, nous avons... nous le recevons favorablement. À travers les
nombreuses modifications qui sont proposées, j'en soulèverais... je
soulignerais quelques-unes. Les avancées remarquables sur la question de la politique
de consultation, avec l'ouverture d'une table des partenaires entre le gouvernement
et la société civile, c'est quelque chose de très important. On a besoin de
réunir les acteurs plutôt que de les cantonner chacun dans sa petite
forteresse. On a également trouvé fort intéressantes les propositions qui sont
faites par rapport au déploiement de
l'appareil public, avec non seulement des pouvoirs qui sont conférés au niveau
municipal, au niveau des MRC, mais également certaines obligations pour
que l'appareil public, qui quand même découle des pouvoirs constitutionnels du Québec,
soit cohérent et soit un acteur en soutien au patrimoine plutôt qu'occasionnel.
Donc, ça, ce sont des choses qu'on a trouvées intéressantes.
On
a, par ailleurs, noté avec grand intérêt la table de concertation
sur le patrimoine gouvernemental. Le devoir d'exemplarité de l'État,
pour nous, c'est important. On n'est pas les seuls à le réclamer, la Vérificatrice
générale du Québec l'a également souligné en juin dernier, mais c'est une préoccupation
de longue date à laquelle on souhaite apporter certaines suggestions.
Il y a
des... Un certain nombre d'éléments du projet
de loi soulèvent, chez nous, des
demandes, des questionnements, non pas qu'on est fondamentalement
réfractaires ou... on n'a pas d'objection mais on aimerait comprendre. Par
exemple, l'abolition des plans de conservation. Alors, en regardant attentivement,
dans les quelques jours qui nous ont été
offerts pour le faire, le projet de
loi, on peut sentir que l'abolition n'est pas une abolition sèche mais que c'est plutôt une mutation
de ces plans, qui, dans bien des cas, sont très détaillés, peuvent prendre une
incarnation réglementaire assez facile, mais on n'a pas les justificatifs.
Alors, comme c'est un
geste très important, majeur, il y a beaucoup d'énergie bénévole qui a été
investie dans les consultations publiques... Nous pensons au cas du mont Royal à Montréal,
mais également on était présents à celui de Sillery, c'était la première consultation publique sur un tel exercice. Ça a été un moment assez fondateur, même si
c'est problématique dans certains cas, comment on ramasse des gens qui ont...
ils ont l'habitude de se disputer et...
Alors, il y a des clarifications
à faire. La question des inventaires et la catégorisation, également, le fait
de les avancer dans le projet de loi d'une manière plus ordonnée, ça nous
semble un geste important, mais il y aura besoin d'éclaircir comment ces inventaires vont se coordonner pour éviter
d'avoir un foisonnement de documents, d'inventaires, et tout ça. Il y a besoin
de mettre un peu d'harmonie dans le système, ce sera important, quant à nous.
La même chose avec la
catégorisation. Depuis des années, il y a ce sentiment qui plane au-dessus de
nos têtes qu'il existe un patrimoine dit
«national» et un patrimoine dit «le reste». Et nous, on pense — regardez
ce qui se passe dans d'autres pays à
travers le monde — que
peut-être ce qui est mieux, c'est de reconnaître que c'est
du patrimoine puis, après ça, d'avoir
des concertations pour voir quelle est la meilleure façon, au niveau du pouvoir responsable, de s'en occuper.
La question d'ensemble.
On s'explique mal qu'un amendement, une proposition du projet de loi soit d'attribuer la notion d'ensemble
uniquement à ce qui pourrait être décrit plus heureusement sous forme de «collection». Les ensembles patrimoniaux, ce sont
des bâtiments, ça, ce sont des ensembles urbains, des noyaux villageois, les
définitions internationales vont dans ce sens. Et rappelons-nous que le
Vieux-Québec, l'arrondissement historique qui est devant le Parlement de l'Assemblée
nationale, est sur la liste de l'UNESCO sous titre d'ensemble. Alors, il
faudrait quand même être un petit peu conscients de cela.
Une objection qu'on
aimerait transmettre, c'est l'utilisation de la date de 1940 comme date butoir.
On ne se l'explique pas. C'est une date qui s'éloignera chaque année plus loin
alors qu'on veut, à travers ce projet de loi, notamment, rapprocher le
patrimoine des citoyens, de la société actuelle et future. Et là c'est comme si
on cherchait à l'éloigner. Il y a lieu, certainement, de remplacer une date
comme ça par, peut-être, des critères un petit peu plus riches de ce côté-là.
Des souhaits qu'on a manifestés dans notre mémoire
et des demandes. En fait, tout d'abord, l'établissement d'une fonction de commissaire
au patrimoine, un peu l'équivalent du Scientifique en chef qu'on a au Québec et
qui nous aide beaucoup, ces temps-ci en
particulier, mais pas juste quand il
y a une crise. Ça fait progresser. Et
peut-être d'avoir un point de référence comme ça, c'est une proposition qui est également présente dans le rapport de
Mme Courchesne et de M. Corbo, de 2016, mais, quant à nous, on voit
que c'est important d'avoir cette fonction. Est-ce que c'est un renouvellement du rôle du Conseil du patrimoine
culturel? Est-ce qu'il sera en
mesure de le faire? Il y a
des pistes là-dessus, mais il nous semble qu'une instance qui soit
capable de donner l'heure juste sur l'état du patrimoine, pas de
sanctionner mais plutôt de synchroniser...
Au niveau, par exemple, de la Communauté
métropolitaine de Montréal, et probablement de Québec également, mais comme nous connaissons plus la CMM, il
nous semble qu'une reconnaissance de sa capacité, compte tenu de la
concentration de patrimoine qu'il y a dans la région métropolitaine et dans la
région de la Capitale-Nationale tout autant, on parle même de l'UNESCO à cet
endroit-là, peut-être de reconnaître la capacité de ces instances de mener des
concertations et d'établir des mécanismes de soutien auprès des municipalités
et des MRC, ça nous semble une piste très prometteuse à explorer.
La ville de Montréal. En 2017, l'Assemblée
nationale a concédé l'abolition du Conseil du patrimoine de Montréal,
qui était une instance remarquable, en l'éliminant de la charte de la ville, et
on souhaiterait que ça soit réintroduit. Et, d'une manière plus
générale, on souhaiterait que les mesures de contrôle intérimaires soient
introduites d'une manière un petit peu plus conséquente. Il y a certains éléments, dans le projet de loi, qui nous rappellent que la ministre et les rédacteurs du projet
sont conscients de cela, mais il faudrait être un petit peu plus tangibles,
plus fiables.
En terminant, on revient avec cette lacune qui
nous semble importante et qui ne serait peut-être pas corrigée par un projet de
loi, quoique plusieurs pays se sont donné des textes de loi... la France en
2016, avec sa loi sur la liberté de création, l'architecture et le patrimoine, justement,
pour renforcer les visions d'organisation générale de l'État. Bien, il nous semble
que peut-être un mandat pour cette table des partenaires serait
de diligemment commencer un chantier
pour rédiger une politique-cadre du patrimoine pour le Québec
afin de donner de la pérennité. Les lois ont leur rôle très important,
mais les lois ne peuvent pas tout régir. Et de la cohérence, c'est aussi à
travers des organisations, des programmes, des projets, des politiques, et le
patrimoine ne peut pas être qu'un wagon de queue dans les politiques des
autres.
• (11 h 20) •
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. Bumbaru. Nous allons maintenant débuter nos échanges, et je vais
céder la parole à la ministre pour une période de 14 min 51 s. Mme la
ministre, je vous cède la parole.
Mme Roy (Montarville) : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Et je m'applique à mettre mon chronomètre dès
maintenant pour nous assurer que je ne parle pas trop pour laisser la place à
nos invités. Merci beaucoup, Héritage Montréal, M. Bumbaru et
Mme Trépanier. Merci pour votre présentation.
Je suis très contente de voir qu'à plusieurs
égards il y a des choses avec lesquelles vous êtes très d'accord et plutôt d'accord avec ce projet
de loi, entre autres, l'instauration d'une politique
de consultation, la création d'une table de concertation en matière de
patrimoine immobilier gouvernemental. Ça, c'est très important. On en a déjà
discuté. C'est inconcevable que les ministères, entre eux tous, ne sachent pas
ce qui se passe dans la cour de l'autre lorsqu'on parle de patrimoine, et on le
vit au quotidien aussi. Alors, ça, ça va changer, soyez-en assurés. On va se
parler puis on va régler les dossiers.
Vous êtes aussi en faveur de l'introduction de
la disposition visant à préciser les méthodes d'évaluation, le renforcement des
mesures de contrôle des démolitions dans la loi sur l'aménagement de
l'urbanisme. Parce que, ça aussi, c'est important, on rajoute des bretelles à
la ceinture, c'est l'expression que j'ai apprise ici. Également, vous êtes d'accord
avec ce souci accru du respect du citoyen face à l'administration publique, là,
un souci d'encourager la participation citoyenne. Et il y en aura, ça... entre
autres, avec les nouveaux pouvoirs que nous donnerons aux MRC, bien, il y aura consultation
aussi. Et par ailleurs le renforcement des pouvoirs de la ville de Montréal,
vous nous parlez... puis ça, c'est un aparté, là, le Conseil du patrimoine qui
n'est plus dans la charte, ça, ça pourra faire l'objet d'autres discussions.
Mais il y a quelque chose dans votre mémoire,
puis je veux juste vous réconforter à cet égard-là, vous nous dites, à la page 2, dans votre sommaire, au
point b, vous êtes inquiets «que l'interdiction de démolition sans autorisation
soit maintenue dans la Loi sur le patrimoine culturel, tout en la
renvoyant à la loi de l'aménagement et de l'urbanisme...» Elles demeurent là, là, il n'y a pas de... les obligations
pour les bâtiments classés et les demandes qui sont nécessaires,
d'obtention d'autorisation, avant qu'il y ait quelque modification ou intervention
de faite sur le domaine classé ou encore déclaré, demeurent. Alors, ça, ça
reste là, c'est bien important que vous le compreniez.
Par ailleurs, à cet égard, en ce qui a trait aux
plans de conservation, j'aimerais que vous m'en parliez un petit peu plus.
Parce que, contrairement à ce que j'ai entendu tout à l'heure, puis là je
profite du temps que j'ai pour apporter des précisions, pour ne pas qu'on parte
sur une fausse piste, les plans de conservation seront transformés en règlements.
Ça ne disparaît pas, toutes les consultations publiques qu'il y a eues, tout le
travail qui a été fait. Tout ce qui a été colligé deviendra des règlements. Et
ça, c'est pour répondre, entre autres, à la Vérificatrice générale qui, comme vous le savez, avait dit, dans son rapport, que les
plans de conservation étaient incomplets, complexes, mal adaptés, ambigus. Et
donc on va les convertir en règlements.
Et, à cet égard, j'aimerais vous entendre, parce
qu'actuellement les plans de conservation, malheureusement, il faut être un
initié pour les trouver. Et ce que nous souhaitons faire, avec ce projet de loi
là, c'est donner plus de transparence, informer la population sur ce qu'elle
peut ou ne peut pas faire, et aussi plus de prévisibilité. Vous allez vivre à l'île
d'Orléans, bien, le plan de conservation qui deviendra un règlement va vous
dire ce que vous pouvez ou vous ne pouvez pas faire, et, actuellement, les gens
l'ignorent. J'aimerais vous entendre parler sur cette prévisibilité qu'on
souhaite donner en convertissant ces plans-là puis en leur donnant une force de
loi, parce qu'un plan, c'est un plan, puis un règlement, bien, ça a force de
loi.
Je ne vous entends pas, monsieur. Le micro.
M. Bumbaru
(Dinu) : Oui... On apprend.
On apprend, hein? On apprend en bâtissant l'avion, comme disait l'autre.
Écoutez, merci, Mme la ministre, pour vos
observations. Certainement que Marie-Odile Trépanier aura des éléments
plus particuliers sur cette question de la métamorphose, hein, peut-être que...
un terme, là, des plans de conservation en règlements.
Une des choses sur lesquelles on aimerait
peut-être attirer votre attention — j'attirerais votre attention avant
de passer la parole à mon éminente collègue — c'est le fait que, dans la
loi actuelle, il y avait une obligation, de la part des ministres titulaires, de dénoncer ces orientations à travers ce
qu'on a appelé les plans de conservation. L'article... Je ne m'en
rappelle plus du numéro, mais l'article sur les plans de conservation parle
d'orientation plutôt que d'un élément très, très détaillé. Alors, il nous
semble quand même heureux, dans un régime où on attend beaucoup des citoyens,
qu'on crée des obligations sur les municipalités, et elles sont justes, et les
MRC également, que les ministres également
aient certains devoirs. Et ça, ça nous semblerait être, dans un équilibre
moderne d'une société, non pas... ce
n'est pas une question de méfiance, c'est juste que, quand tout le monde fait
ses devoirs, là, on est pas mal mieux.
Mais je passerais la parole, pour quelque chose
de plus concret, à Mme Trépanier, que cette métaphore sur les plans de
conservation.
Mme Trépanier (Marie-Odile) :
Oui, merci. Merci, Mme la ministre. Merci de m'accueillir.
Oui, effectivement, les plans de conservation
ont un rôle aussi pédagogique, parce qu'il y a toute une partie, dans le plan
de conservation, qui définit ce qu'est le territoire ou l'immeuble en question,
quelles sont les valeurs, et tout. Et donc, ça, c'est très important et ça aide
à comprendre, de même que... qui accompagnent la préparation des plans de
conservation, surtout quand on parle des sites patrimoniaux déclarés, ceux qui
ont surtout fait l'objet de plans de conservation. Pour ces aspects-là, la
connaissance, la consultation sont des éléments majeurs des plans de conservation... intéressant de voir que, par ailleurs, les plans de conservation comprennent les orientations du ministre,
et ça, ça aide beaucoup
à comprendre vers où on s'en va. Et je suis d'accord que ça ressemble beaucoup
à des règlements, mais il y a d'autres dimensions qui nous paraissent
également très importantes dans ces plans.
Mme Roy (Montarville) : Je
vous écoute. Oui, bien, à cet égard-là, vous dites : Il y a également
d'autres choses de très important dans ces plans. Vous pouvez poursuivre, je
vous écoutais attentivement. Parce que ça sera quand même... c'est un travail
rigoureux et laborieux qui a été fait. Et moi, c'est vraiment le souci de
transparence et d'information du public...
Je pense qu'on va tous y gagner lorsque ces plans seront... deviendront règlements,
ne serait-ce que pour la prévisibilité. On n'a qu'à penser, puis
dites-moi ce que vous en pensez, à ces personnes qui acquièrent des
édifices ne sachant pas quelles sont les responsabilités ou les obligations
qu'elles ont à l'égard d'un bien qui est classé ou sur un site déclaré, par
exemple. Alors, ce qu'on tente de faire, entre autres, c'est d'informer davantage
la population. Et vous connaissez l'adage : Nul n'est censé ignorer la
loi. Alors, le règlement sera là pour les guider à l'achat. J'aimerais vous entendre là-dessus, pour ce souci d'information
et de transparence à l'égard des citoyens qui ont un rôle à jouer, un
rôle de préservation, mais pour qu'ils sachent à quoi s'attendre. Vous en
pensez quoi à cet égard?
Mme Trépanier (Marie-Odile) : La
difficulté, c'est qu'on sait ce qu'il y a dans les plans de conservation, mais
on ne sait pas de quelle manière vont être rédigés les règlements, on ne sait
pas comment vont être faites les méthodes
d'évaluation. Et ce que nous proposons, ce n'est pas tellement... on n'est pas
contre ces mesures-là, mais on aimerait
s'assurer que ça soit débattu collectivement, qu'on puisse discuter des
bienfaits des plans de conservation jusqu'à présent, des lacunes,
essayer de voir de quelle manière on peut les corriger. Et c'est pour ça qu'on
suggère que ce soit débattu à la table des partenaires que vous proposez, et
avant de les éliminer trop rapidement, en d'autres termes.
M. Bumbaru (Dinu) : Je peux peut-être
compléter, Mme la ministre.
Mme Roy (Montarville) : Oui,
allez-y, oui.
• (11 h 30) •
M. Bumbaru
(Dinu) : Parce
qu'effectivement, Marie-Odile Trépanier l'a rappelé, des documents, prenons
celui du mont Royal ou de Sillery, il y a
des chapitres, au début, qui expliquent le site. Alors, c'est clair que ça, ça
va... je ne sais par quel miracle d'écriture juridique ça se
retrouverait dans un règlement, ce genre de connaissances là. Or, c'est une
connaissance importante à partager. C'est presque... On pourrait presque
reprendre des formules d'énoncés d'intérêt patrimonial pour reprendre le volet
connaissances et orientation, alors que les aspects plus prescriptifs, plus
détaillés que vous souhaitez mettre dans un règlement,
eux, pourraient effectivement être traduits plus directement à règlement.
Personne n'est censé
ignorer la loi, mais je ne sais pas si les gens la lisent avec autant de
plaisir qu'une histoire du quartier dans lequel ils habitent. Tu sais, c'est
une observation citoyenne, là. Et ma défunte mère avait l'habitude de parler de
l'écriture juridique comme... elle disait : Raide ou sec comme la justice.
Alors, ça ne veut pas dire que c'est mauvais, mais ça ne veut pas dire qu'on
va... les gens vont se passionner pour le patrimoine à lire un règlement, alors
qu'un message venant d'une ministre de la Culture qui dit : Cet endroit,
il est important pour l'ensemble de la collectivité, voici les
10 orientations fondamentales, ça peut être un outil à inventer. Je pense
qu'on est dans une phase où il y a un travail à faire.
De toute façon, la notion de plan de
conservation, l'expression elle-même est peut-être un peu ambiguë parce que,
dans le fond, c'est un... le terme «orientation» serait peut-être plus
opportun, tel qu'il est prévu dans la loi.
Mme Roy (Montarville) : Et je
vous ramènerais au fait que ce projet de loi vise aussi à répondre aux lacunes
qui ont été soulignées à grand trait par la Vérificatrice générale, surtout à
l'égard des plans de conservation. Donc, dans cette optique, la vérificatrice
nous disait, comme je vous disais : incomplet, complexe, mal adapté, ambiguë. Alors, on cherche un chemin de passage
pour contrer ces lacunes et puis améliorer, si c'est possible, sûrement,
ça l'est, l'information qui sera donnée, et la voie de passage trouvée était le
règlement.
Mais vous avez parfaitement raison à l'égard de
l'information pure et simple. C'était également une lacune soulevée par la Vérificatrice
générale, que la population, de façon plus large, n'est pas nécessairement
informée sur les devoirs, les obligations et la réalité du patrimoine. Alors,
ça, c'est quelque chose qui peut se faire d'une autre façon, de l'information
de la publicité, puis nous y veillerons parce que je considère que c'est
important.
À la suite de nombreuses conversations avec des
élus du domaine municipal, force est de constater que certains ignorent encore
qu'ils ont le pouvoir de citer. Alors, il y a tout ça, là, qui entre en
considération. Nous avons des élus qui ignorent les outils qu'ils ont entre les
mains. Donc, on a un devoir, tous ensemble et au gouvernement, de bien les
informer à cet égard-là pour qu'ils puissent en jouir puis en profiter aussi.
Par ailleurs, j'aimerais vous entendre parler
sur le fait que nous souhaitions... que nous souhaitons, pardon, modifier la Loi
sur l'aménagement et l'urbanisme pour y inclure ces fameux... Je sais que vous
êtes à Montréal. Montréal, c'est particulier, mais, pour l'ensemble du Québec...
parce que Montréal et Québec sont considérées de façon différente compte tenu
de leurs juridictions acquises au cours des dernières années. Mais, pour ce qui
est du fait que nous souhaitions maintenant
que toutes les municipalités, MRC, villes et municipalités se dotent obligatoirement d'un règlement pour la
démolition, ce qui n'existe pas actuellement puis ce qui permet des démolitions
sauvages à des vitesses
catastrophiques — on n'a
qu'à penser à une vente qui se fait un vendredi matin puis un permis de
démolition avec la pépine le lundi — pour éviter ça, nous mettons
ce mécanisme en place.
J'aimerais que vous nous parliez de l'analyse ou
de la compréhension que vous faites de l'analyse... du mécanisme, pardon, qu'on
met en place pour nous assurer qu'avant d'en arriver à une démolition il y a
une étude qui est faite, puis ce ne sera pas fait de façon sauvage.
M. Bumbaru (Dinu) : Je m'en
remettrais peut-être à Marie-Odile Trépanier sur ces questions spécifiques.
Mme Trépanier (Marie-Odile) : Oui,
merci. Oui, effectivement, nous sommes globalement d'accord avec cette mesure
qui impose aux municipalités d'adopter un règlement sur les démolitions. Nous
sommes extrêmement contents de voir que les immeubles patrimoniaux sont clairement
identifiés dans le cadre de ce mécanisme. Ce qui nous inquiète un petit peu,
c'est la difficulté pour les municipalités de concilier les différentes
missions qu'elles ont. Et, par rapport à ça, nous aimerions suggérer que les municipalités
soient accompagnées d'experts en patrimoine soit dans leur conseil du
patrimoine soit dans les différentes missions qu'elles auront à remplir en
matière de patrimoine.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, votre temps étant écoulé, je céderais maintenant la parole à la députée
de Verdun. Donc, votre groupe parlementaire dispose de
9 min 54 s.
Mme Melançon : Merci beaucoup, Mme
la Présidente. Alors, salutations à M. Bumbaru, à Mme Trépanier.
Merci d'être avec nous. M. Bumbaru, je veux juste vous dire que de
l'innovation, quand on parle de patrimoine, vous avez raison de le
mentionner... D'ailleurs, c'est un beau clin d'oeil lorsqu'on parle aussi de développement
durable lorsqu'on parle de patrimoine. Alors, je suis tout à fait d'accord avec
vous.
Concernant les plans de conservation, j'aimerais
qu'on poursuive quand même la discussion. Parce que je comprends qu'il y a une
lourdeur administrative lorsqu'on parle principalement des bâtiments, mais je
pense que, pour les 13 sites patrimoniaux, je pense qu'il y a une façon,
quand même, parce qu'il y avait du travail qui avait été fait en amont. Est-ce
que vous seriez d'accord peut-être pour regarder d'un oeil la réglementation quant
aux bâtiments puis de garder de l'autre côté pour les sites patrimoniaux?
M. Bumbaru (Dinu) : Bien, écoutez,
c'est certainement une avenue. Je pense que... On partage une certaine lecture
que ça peut être un outil imposant, et il y a des sites qui sont... Enfin,
nécessairement, le patrimoine, les sites patrimoniaux,
ce n'est pas parce qu'ils sont tous pareils, identiques et semblables qu'on les
reconnaît, c'est souvent par la diversité des situations, l'aménagement,
la nature du territoire. Vous savez, le patrimoine, c'est à la jonction entre
le territoire, les sociétés et le temps que
ça apparaît. Cette confluence donne, des trois ingrédients... bien, tous les
territoires ont une identité propre, les
sociétés rurales, urbaines, industrielles, très multiple. Et le temps, bon,
bien, il y a des endroits qui sont
plus anciens, plus récents. Donc, l'idée d'avoir des approches pondérées ou
différenciées, nous, on est sensibles à cela.
Est-ce
que ça veut dire qu'il faut... Moi, je pense qu'on peut peut-être remarquer
qu'il y a lieu d'avoir peut-être une décantation, si je peux dire, entre
les éléments de connaissance, des éléments de politique publique, plus les
outils plus spécifiques, parce que je pense qu'il y a des préoccupations
légitimes qui ont été soulevées par Mme la ministre, mais également par
plusieurs citoyens et personnes propriétaires. Nous, on reconnaît que les
citoyens et citoyennes sont aussi les
propriétaires. Ce n'est pas juste une masse anonyme et c'est pour ça qu'on
aimerait ça qu'il y ait, mettons,
dans les niveaux politiques, on l'avait suggéré d'ailleurs, également
des stratégies d'ordre... qui sont peut-être moins, évidemment,
patrimoniales, mais la fiscalité, par exemple, tu sais, qu'on ait une réflexion
d'aidants.
On a eu un historique général des lois sur le
patrimoine qui ont été, au Québec... Vous savez, dans deux ans, c'est le
centenaire de la première loi québécoise sur le patrimoine, et le Québec était
la première province à s'en être dotée. Donc, j'espère que quelqu'un va penser
à souligner cet anniversaire-là, pas juste dans les facultés de droit.
Mais ce serait intéressant d'observer combien
d'énergie a été mise pour ériger des défenses. Dans les années 70, on
avait besoin d'ériger des défenses et de déployer un appareil défensif à
l'égard du patrimoine, alors qu'en 2020 on a besoin de faire un équilibre entre
le défensif et l'incitatif, voire l'enrichissement. Et à ce niveau-là peut-être
qu'il y a un travail à faire pour distinguer la composante plus administrative,
réglementaire de ces plans de composantes plus scientifiques, d'autres de
composantes peut-être plus politiques. Ça ne veut pas dire que l'une est
meilleure que l'autre, mais elles forment un écosystème qui serait peut-être
intéressant de préciser.
Les réponses de Mme la ministre nous aide à
comprendre un petit peu mieux vers où on peut aller, mais, je pense, le travail
de la commission pourrait l'enrichir, et, comme Marie-Odile Trépanier le
suggérait, peut-être une réflexion à la table des partenaires pour vraiment
établir un consensus sur ces outils-là, parce qu'on aura besoin d'outils
semblables à l'avenir.
Peut-être,
j'en profite pour souligner que, dans le projet de loi, il y a quand même des
introductions de concepts qui sont généralement oubliés dans un projet
de loi. Je pense, par exemple, à la notion d'authenticité et d'intégrité qui
est introduite, qui est un indice d'une sensibilité aux conventions
internationales qui pourraient inspirer encore plus le Québec dans son travail.
• (11 h 40) •
Mme Melançon : Merci. Je vais y
aller aussi rapidement, parce que le temps file. Malheureusement, les
oppositions, on n'a pas beaucoup de temps. Donc, concernant 1940, vous proposez
de retirer tout simplement cette date-là parce que ça vous semble totalement
aléatoire. Est-ce que vous avez une autre date en tête?
M. Bumbaru
(Dinu) : Bien, on n'a pas vraiment
de date, mais, vous savez, il existe, dans certaines législations, des
dates comme ça, mais elles correspondent à des grands cataclysmes ou des grands
événements de libération nationale. 1940, je ne sais pas trop, on n'a pas
réussi à rationaliser ça. Et, en plus, c'est une date qui nous semble
lointaine, alors que, déjà, de parler d'une période à partir d'aujourd'hui, peut-être
le temps de deux générations minimum, ça pourrait être une échelle de temps
mobile qui nous ramènerait aussi à des grandes réalisations. Dans les
années 50, les années 60, le Québec a fait de grandes choses qui
devraient être reconnues aussi. Ça ne veut pas dire qu'elles sont reconnues
avec la ceinture et les bretelles, là, mais une reconnaissance du patrimoine,
c'est aussi important. Puis, si on commence à dire que le patrimoine n'existe
que quand il est le plus loin possible dans le temps, on n'avance pas avec ça.
Mme Melançon : Merci. Je veux juste
vous dire, j'ai vu des gens prendre des notes concernant le centenaire. Je
pense que vous avez bien passé votre point ici, à la commission, c'est bien
fait.
J'aimerais vous entendre... parce qu'on parle du
projet de loi n° 66 aussi à l'intérieur de votre mémoire, notamment. On a
entendu tantôt la ministre dire : On va se parler, on va régler des
dossiers, là, interministériels. Le projet de loi n° 66... Ce que vous
dites, c'est qu'il y a des démolitions de sites qui sont prévues actuellement
dans les 181 dossiers, là, qui ont été retenus pour le projet de loi
n° 66, plutôt que de parler de requalification. J'imagine que c'est pour
ça que vous parlez d'une politique patrimoine, pour que ce soit l'ensemble du gouvernement
qui ait la même vision, dans le fond, en patrimoine, n'est-ce pas?
M. Bumbaru (Dinu) : Bien, par
exemple, oui, c'est que c'est une parole qui est... Une politique, on sait que
ça donne une vision à long terme. Comment est-ce que les gestes posés aujourd'hui
sont responsables envers la prochaine génération? On le sait que c'est un
élément important dans bien des domaines. On parle d'environnement, on parle de
finances publiques, on parle de stratégies, éducation, et tout ça, mais le patrimoine
est également un élément du futur, et il nous semblerait qu'une politique
serait une façon de le faire naviguer à travers ce qui a été, souvent,
des écueils causés par l'incohérence ou l'insouciance. Vous savez, des morceaux
de l'Hôtel-Dieu, à Montréal, qui sont
démolis pas de permis par des instances publiques, bien, ça démontre qu'à l'intérieur de l'appareil gouvernemental... Et le souhait du gouvernement, on
le partage entièrement. On sait que c'est le souhait de plusieurs gouvernements
par le passé, mais il faut y arriver et, pour nous, il faut aller au-delà de
l'intention, et une politique du patrimoine pourrait nous donner cela.
L'UNESCO, article 5 de la convention du
patrimoine mondial, nous donne une façon de donner une mission à ce document,
qui n'est pas juste un gros paquet de papiers avec une reliure brochée, là,
mais qui est quelque chose de très ciblé, très efficace, à la limite quelque
chose que les écoliers, les gens dans les écoles pourraient comprendre en étant
le message qu'ils vont apprendre sur le patrimoine.
La
Présidente (Mme Guillemette) : Merci, M. Bumbaru. Je laisserais la parole à la députée de
Notre-Dame-de-Grâce.
Mme Weil :
Mme la Présidente, combien de secondes?
La Présidente
(Mme Guillemette) : 1 min 30 s.
Mme Weil :
Bon, parfait. D'ailleurs, je vais en continuation de la question sur le projet
de loi n° 66. Et, la préoccupation, vous l'avez fait... vos interventions
lors de l'étude du projet de loi n° 66. Quelles sont les mesures qui sont dans
le projet de loi actuel qui empêcheraient, justement, ce qu'on est en train de
voir avec 66? Parce que le projet de loi est venu avant, puis, bon, on sait
l'historique du projet de loi n° 66. Est-ce qu'il y a des mesures qu'on pourrait tout de suite rajouter dans le projet de
loi? Évidemment, ce que vous demandez ici, c'est que le gouvernement se
parle pour remédier à ce que vous voyez comme une menace au patrimoine. Mais,
dans le projet de loi... Nous, on a le projet de loi devant nous. Voyez-vous
une mesure qui est déjà dans le projet de loi qui empêcherait ce que vous mentionnez à votre page 17, c'est-à-dire ce manque de cohérence entre les actions, d'une part, et l'intention du
projet de loi?
M. Bumbaru
(Dinu) : Oui, merci. Bien, peut-être Marie-Odile pourra compléter,
mais il me semble que, déjà, que la table de concertation intergouvernementale soit plus rapidement mise en place et qu'elle soit, par exemple, coprésidée par la ministre de
la Culture et la présidente du Conseil du trésor pour que des choses puissent
embrayer le plus vite possible de ce côté-là, quitte à suspendre certains... ou
à mettre un astérisque sur certains des cas, des 141, pour qu'ils fassent
l'objet d'un travail dans ce contexte-là.
Si on voulait la
solution pleine et entière, vous avez ce qu'on appelle aux États-Unis le
Section 106 qui remonte à un acte du Congrès de... à une loi du Congrès de
1966 qui crée l'obligation pour tout dollar investi par le gouvernement américain d'être responsable à
l'égard des biens patrimoniaux
inscrits sur le National Register. Alors, ça, ça pourrait être... et ça
dépend direct du président, ça. Mais on n'est pas rendus là, on est dans le
régime britannique.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Parfait. Merci beaucoup. Donc, le temps étant
écoulé, je vais passer la parole à la députée de Mercier pour une période de
2 min 29 s.
Mme Ghazal :
Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup pour votre présentation. Moi, j'ai une
question par rapport à la création d'un poste de commissaire général du
patrimoine du Québec, qui est une recommandation du rapport 2016 Courchesne-Corbo. Est-ce que c'est la même chose
que... Est-ce que ça s'apparenterait, par exemple, à la Commission de
protection du territoire agricole? Parce que, dans le fond, c'est un poste de
commissaire qui va avoir une équipe. Moi, dans mon esprit, bien, juste un
commissaire, peut-être c'est mieux d'avoir une commission permanente. Est-ce
qu'on parle de la même chose?
M. Bumbaru (Dinu) : Bien, écoutez, nous, on pense à l'acte plutôt
qu'à l'instance. Et l'acte, c'est notamment d'aider aussi bien les
parlementaires que la population, les citoyens qu'on veut associer davantage à
cette action sur le patrimoine, à comprendre l'évolution de l'état du
patrimoine. L'objectif n'est pas de geler le Québec ou de mettre le Québec sous
cloche de verre, mais plutôt d'améliorer le sort du patrimoine qui demande,
dans le cas de patrimoine bâti et paysager notamment, des efforts de
concertation.
Alors, est-ce que...
Les mécanismes de protection existent dans la loi. Mais qui peut rendre acte de
l'état du patrimoine? Un commissaire... L'origine de ce genre de fonction, on
la retrouve à la Révolution française. Et la suite, là, finalement, l'invention
des monuments historiques, ça a été fait pour chasser les vandales et les
démolisseurs. Et, dans les années 1830, on a eu la création de
l'inspecteur général du patrimoine en France. Un inspecteur, c'est un genre, mais je pense qu'au XXIe siècle, on
peut penser à une fonction plus analogue à celle du Scientifique en chef,
qui est capable d'aider à la coordination de programmes et rendre acte des
progrès.
Mme Ghazal : Mais est-ce
que c'est important
aussi qu'il soit indépendant du gouvernement ou pas nécessairement?
M. Bumbaru
(Dinu) : Bien, écoutez, ça peut certainement aider. Je pense, ça
pourrait... Nous, on voit le travail que la Vérificatrice générale du Québec a
réalisé, Mme la ministre l'a souligné en présentant le projet de loi, mais
c'est arrivé une fois en un siècle et quelques, alors que, pour savoir
l'avancement des choses, on a besoin de rapports périodiques. Au niveau des
sites du patrimoine mondial, ces rapports doivent être fournis aux cinq ans. À
l'échelle du Québec, on devrait imaginer qu'à tous les deux ans, on devrait
savoir ce qui se passe un petit peu avec... Donc, l'indépendance est utile, et
la connaissance encore davantage.
Mme Ghazal :
O.K. Bien, peut-être, si j'ai quelques secondes...
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci. On est déjà dépassé notre temps.
Mme Ghazal :
Non. O.K. Bien, merci.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci, Mme la députée. Donc, je céderais la parole au
député de Matane-Matapédia pour 2 min 29 s.
M.
Bérubé :
Merci, M. Bumbaru. C'est un plaisir de vous accueillir. Je veux vous féliciter
pour toutes ces années à défendre le
patrimoine de Montréal. Sachez que, très près d'ici, de l'Assemblée nationale,
une église, Saint-Louis-de-France, une des
premières églises modernes de la région de Québec, qui est reconnaissable
notamment avec sa façade faite de
fleurdelisés sur fond bleu, sera démolie au profit d'une maison des aînés.
Alors, l'exemplarité de l'État, c'est ça aussi.
La question du développement durable. On indique
que le bâtiment le plus vert est celui qui existe déjà. C'est un principe qui a
été abordé par la Vérificatrice générale. J'aimerais vous laisser l'opportunité
de pouvoir nous en parler davantage, vous offrir cette tribune.
• (11 h 50) •
M. Bumbaru (Dinu) : Bien, merci, M.
le député. On rappelle qu'Héritage Montréal aussi s'intéresse et aide le
patrimoine à travers le Québec, là. Montréal... On n'est pas juste 514 ni même
872.
Le cas des bâtiments. De plus en plus, avec la
préoccupation pour le développement durable, le Québec, vous savez, fait figure
d'exception à travers le monde par sa Loi sur le développement durable qui
instaure la protection du patrimoine culturel comme principe de développement
durable, là. Ce n'est pas un alinéa dans les évaluations d'impact, là, c'est
dans les principes de développement durable. C'est exceptionnel, mais des
études démontrent, en Amérique du Nord ou en Europe, que même avec les
meilleures intentions, les meilleures normes environnementales pour les
nouvelles constructions, lorsqu'on démolit un bâtiment pour le reconstruire
avec un bâtiment super vert, passez-moi
l'expression, ça prend une quarantaine d'années à éteindre l'hypothèque
environnementale de cette démolition.
Vous avez, en France, la loi à laquelle je
faisais référence en 2016. Elle est notamment là pour moderniser l'action en
patrimoine et en architecture dans un contexte de transition écologique. Ce
sont les termes de la loi. Alors, vous voyez
qu'il y a moyen de faire avancer, je pense. Le Québec a des options de ce
côté-là. La démolition est très coûteuse au niveau de l'environnement.
Elle n'est pas toujours évitable. Donc, il faut quand même mentionner ça.
Et vous avez,
dans les annexes du document, des réflexions de groupes qui se sont formés dans
les années 90, mais également une résolution de notre assemblée
générale de membres, parce que nous aussi prenons des résolutions comme assemblée générale, qui porte sur la
gouvernance et dans laquelle on propose l'instauration d'un indice
patrimoine pour apprécier, justement, le
plus et le moins, la balance des bénéfices et des coûts environnementaux et
patrimoniaux de certains projets. Vous parlez de l'église
Saint-Louis-de-France. Ça serait une belle occasion de mesurer ça, et je pense
que, même avant d'avoir fait le calcul, on peut deviner que la balance penchera
du côté du patrimoine.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. Bumbaru.
M. Bérubé : On est d'accord.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, notre temps étant écoulé, merci à vous et à Mme Trépanier pour la
contribution à nos travaux.
Donc, je
suspends maintenant les travaux de la
commission jusqu'après les affaires courantes aujourd'hui. Merci.
(Suspension de la séance à 11 h 53)
(Reprise à 15 h 32)
La
Présidente (Mme Guillemette) : Bonjour, tout le monde. Donc, à
l'ordre, s'il vous plaît! La Commission de la culture et de l'éducation
reprend ses travaux. Donc, je demanderais aux personnes présentes dans la salle
de bien vouloir éteindre leurs appareils électroniques.
Donc, cet après-midi, nous poursuivons les
audiences publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet
de loi n° 69, la Loi modifiant la Loi sur le patrimoine
culturel et d'autres dispositions législatives. Et nous entendrons par visioconférence, donc, la Fédération
Histoire Québec, la Fédération québécoise des municipalités et l'Union
des municipalités du Québec.
Donc, je souhaite la bienvenue à MM. Bégin
et Locat de la Fédération Histoire Québec. Vous disposez d'un temps de parole
de 10 minutes pour nous exposer votre dossier, puis nous procéderons par
la suite à la période d'échange avec les membres de la commission.
Je vous
invite donc à vous présenter, ainsi que la personne qui vous accompagne, et à
procéder à votre exposé. Donc, la parole est à vous.
Fédération Histoire Québec
M. Bégin (Richard M.) : Merci
beaucoup. Mesdames et messieurs, bonjour.
En premier lieu, permettez-nous de vous
remercier de nous avoir invités à vous soumettre un mémoire au sujet du projet
de loi n° 69, mais aussi, plus
globalement, au sujet du dossier du patrimoine culturel au Québec. Je suis le président de la Fédération
Histoire Québec, depuis 2005, ainsi que membre du C.A. et du Comité du
patrimoine depuis 2001. Je suis accompagné aujourd'hui de Clément Locat, premier vice-président de la fédération, mais également président
et membre du Comité du patrimoine depuis 2005. Chacun de nous a plus de
30 ans d'expérience dans le domaine du patrimoine.
Quelques
mots tout d'abord sur la Fédération Histoire Québec, dont
l'acronyme sera par la suite FHQ. Fondée en 1965, donc avant même la Loi sur les biens culturels du Québec adoptée
en 1972, la fédération regroupe présentement quelque 300 sociétés affiliées à travers tout le Québec
dans les domaines de l'histoire, du patrimoine, de la généalogie, des archives, de l'ethnologie, de l'archéologie, de la
muséologie, bref, dans l'ensemble des secteurs reliés à l'histoire et au patrimoine
culturel. À la fin des années 90, dans le cadre de la réflexion globale
entamée par le milieu du patrimoine et la commission Arpin, nous avons mis en
place un comité du patrimoine pour suivre de plus près les dossiers reliés au
patrimoine immobilier en particulier.
Comme nous l'avons indiqué dans notre communiqué
de presse du 29 octobre dernier, il y a, dans le projet de loi n° 69, deux ou trois éléments qui semblent répondre à nos préoccupations et
attentes. Premièrement, on y propose une politique de consultation
visant à favoriser la participation des personnes et des organisations
concernées par les orientations à privilégier en matière de protection, de mise
en valeur et de transmission du patrimoine culturel. Excellent. Et la FHQ
espère bien être aux premières loges.
Deuxièmement, l'exemplarité de l'État, c'est une
revendication de longue date, et nous saluons la création d'une table de
concertation en matière de patrimoine immobilier gouvernemental.
Et, trois, le
projet de loi va également imposer aux MRC et aux municipalités
certaines obligations, notamment celle
de tenir des inventaires et de favoriser une meilleure communication entre le ministère,
les MRC et les municipalités.
Par ailleurs, le plan d'action du ministère se
veut en appui à ces grandes orientations et paraît vouloir même aller plus loin
encore. Tout ça nous convient très bien. Rappelons cependant que,
techniquement, la Loi sur le patrimoine culturel de 2011 nous semblait établir
déjà l'engagement du gouvernement dans son ensemble face au patrimoine culturel, grâce à l'article 3
qui déclare que les dispositions de cette loi «lient le gouvernement, ses
ministères et les organismes mandataires de
l'État». Par ailleurs, l'article 4 de la même loi stipulait que ces
dispositions «s'appliquent malgré toute disposition inconciliable d'une
loi générale ou spéciale ou de lettres patentes d'une municipalité».
On comprend bien que le p.l. n° 69
et le plan d'action du ministère soient essentiellement une réponse rapide,
voire urgente au rapport et aux recommandations de la Vérificatrice générale du
Québec le 3 juin dernier. Cependant, est-ce réellement suffisant? Nous ne
croyons pas et nous demeurons pour le moment circonspects quant à la suite des
choses. Par exemple, nous éprouvons toujours de l'inquiétude quand on nous
indique que le nouveau projet de loi va augmenter les pouvoirs municipaux et de
protection du patrimoine.
Deuxièmement, nous nous demandons comment, dans
la pratique, se concrétisera le partenariat énoncé face à la société civile et
les organismes concernés. Est-il nécessaire de souligner à nouveau, comme l'a
fait notamment le rapport Courchesne-Corbo,
que le financement des organismes en patrimoine stagne depuis plus d'un quart
de siècle? En fait, il a été réduit et même coupé pour certains
organismes affiliés à la Fédération Histoire Québec sous le précédent
gouvernement.
Troisièmement, à l'article 78 du projet de
loi, que doit-on déduire de cet énoncé relatif à la LAU, selon lequel le
règlement prévu à l'article 148.0.2.1. et qui fait référence aux
démolitions, peut, et non doit, «exiger que, préalablement à l'étude de sa
demande d'autorisation, le propriétaire soumette au comité une expertise,
notamment une étude patrimoniale ou un programme préliminaire de réutilisation
du sol dégagé»?
Quatrièmement, le projet de loi ne parle pas non
plus d'ajustement périodique des amendes, alors que l'on sait bien que, pour un
gros promoteur, les amendes actuelles sont inférieures à la valeur d'un seul
condominium.
Cinquièmement, aucune mention non plus d'un rôle
élargi du Conseil du patrimoine culturel du Québec comme bureau d'audiences
publiques du patrimoine ou, tout au moins, de la mise en place d'un ombudsman,
vérificateur, protecteur du patrimoine ou commissaire à la valorisation du
patrimoine immobilier ou, tout au moins, une instance d'appel indépendante et
impartiale quelconque vers laquelle se tourner. Ce n'est pourtant pas une idée
totalement nouvelle. Déjà, en 1976, dans son livre vert, Jean-Paul L'Allier
proposait la mise en place d'une régie du patrimoine, indépendante du ministre
et du ministère, une suggestion reprise dans le rapport Arpin de 2000, et dans
le rapport Courchesne-Corbo de 2016, ainsi que dans plusieurs mémoires, dont
ceux de la FHQ.
Sixièmement, rien à propos des archives ou des
artéfacts qui font également partie du mandat de la FHQ et dont on fait mention
très clairement à l'article 1 de la LPC, et je vous cite la Loi sur
le patrimoine culturel : «Le patrimoine culturel est constitué de
personnages historiques décédés, de lieux et d'événements historiques, de
documents, d'immeubles, d'objets et de sites patrimoniaux, de paysages
culturels patrimoniaux et de patrimoine immatériel.» Doit-on rappeler le
dossier des archives et artéfacts des Sulpiciens récemment? Doit-on réitérer
que notre société est présentement confrontée à une crise majeure en ce qui a
trait aux archives privées, aux centres d'archives privées agréés et aux
archives religieuses?
Septième point, le ministère de la Culture et
des Communications, le MCC, semble bien intentionné quand il affirme vouloir
mieux accompagner les municipalités. Mais comment le fera-t-il quand on sait
que, depuis les années 70, son budget et ses effectifs, notamment en
patrimoine, ont chuté de façon inimaginable? Selon le rapport Courchesne-Corbo,
il y avait en 1975, à la direction générale du patrimoine, 160 employés,
dont 57 professionnels. Il n'y en avait plus que 27, dont
21 professionnels, en 2016.
• (15 h 40) •
Ce qui est intéressant en matière de patrimoine,
mais, en même temps, quelque peu décevant et démoralisant, c'est qu'on peut
retourner aux rapports et mémoires rédigés au cours des 30 dernières
années et les trouver toujours pertinents. Dans le mémoire de la FHQ en 2008,
nous faisions 11 recommandations majeures. Qu'on nous permette d'en
extirper quelques passages.
Dans les recommandations 3 et 4, on
disait : «En dépit du fait que les municipalités soient plus près des
objets visés par le concept de patrimoine culturel, la FSHQ s'oppose pour le
moment à un transfert de responsabilités accrues aux municipalités dans ce
domaine.» En contrepartie, on proposait, entre autres, «que la représentation
du milieu patrimonial au sein des comités consultatifs d'urbanisme devienne une
exigence», «que les villes ou MRC se dotent de personnel qualifié et spécialisé
en patrimoine, incluant des architectes et urbanistes spécialisés dans ce domaine», «que l'on harmonise les diverses lois et le Code
du bâtiment pour qu'il ne soit pas une menace au patrimoine et que l'on forme
les inspecteurs en bâtiment en conséquence»; «que les subventions aux
municipalités soient fonction de leur performance véritable en matière de
préservation et de mise en valeur du patrimoine».
Dans la recommandation 7, qui portait sur
l'exemplarité de l'État, on constate que le projet de loi actuel va dans la
bonne direction. On demandait que l'État donne l'exemple «quant à la
conservation et à l'entretien de ses propres édifices patrimoniaux, incluant le
réseau de l'éducation, le réseau municipal, le réseau hospitalier, le réseau
des services sociaux et les sociétés d'État». Et on ajoutait : «Pas de
nouvelle construction sans analyse sérieuse et approfondie des possibilités de
réutilisation d'édifices patrimoniaux».
La recommandation 9 portait sur le rôle des
intervenants. Et, à ce sujet, on disait qu'il fallait «doter les directions
régionales du MCC du personnel approprié, dédié et spécialisé en matière de
patrimoine, mais également mettre en place, à Québec et Montréal notamment, des
équipes de spécialistes et professionnels en patrimoine qui pourraient appuyer
les agents de patrimoine régionaux, mais aussi se déplacer comme équipe
volante». Et on ajoutait : «...le milieu associatif étant sans l'ombre
d'un doute le meilleur garant de la sauvegarde de notre patrimoine à un coût
dérisoire, reconnaître cette contribution, en tenir compte et en faire son
partenaire privilégié.»
La recommandation 10 portait sur le financement et l'éducation. Alors, on disait : Mettre en place de
véritables incitatifs fiscaux et ne pas pénaliser par des hausses de taxes ceux
qui investissent dans la restauration de bâtiments patrimoniaux; deuxièmement,
instituer des taxes et impôts pour les bâtiments patrimoniaux laissés à
l'abandon; et, enfin, combattre les préjugés à l'effet que la préservation d'un
édifice patrimonial n'est pas investissement mais une source d'ennuis et de
dépenses outrancières.
En conclusion, de notre point de vue, le projet
de loi et le plan d'action actuel vont dans la bonne direction, mais il reste encore énormément à faire pour
constater sur le terrain une amélioration sensible en matière de
patrimoine culturel. La Fédération Histoire
Québec demeure à la disposition du gouvernement québécois pour travailler à
corriger les énormes lacunes actuelles de la
loi et de son application. Grâce à notre expérience et nos connaissances
acquises depuis plus d'un demi-siècle, grâce à notre réseau unique à
travers tout le Québec, nous sommes un partenaire clé qui, comme la ministre, est fatigué de jouer aux
pompiers à chaque fois qu'un bâtiment patrimonial, une collection
d'archives ou d'artéfacts, un paysage culturel sont menacés.
Si on nous fournit l'appui, l'écoute et les
ressources nécessaires, nous serons heureux de mettre davantage nos énergies en amont en renseignant, éclairant,
éduquant, sensibilisant et guidant les citoyens et municipalités
désireux de préserver notre patrimoine, de les mettre en valeur et de
contribuer ainsi à notre identité collective ainsi qu'à notre économie par la
voie du tourisme, notamment. Nous sommes régulièrement à l'origine de comités
ou OBNL dans le domaine du patrimoine, et ce
genre de démarches est sans aucun doute beaucoup plus valorisant et
satisfaisant que d'assister impuissants,
après plusieurs années d'effort, à la démolition, un beau matin, de la maison
Boileau, par exemple. Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, M. Bégin. Donc, nous allons, donc, procéder aux échanges
avec les membres de la commission. Mme la ministre, je vous cède la parole pour
14 min 51 s
Mme Roy (Montarville) :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, vous allez me permettre de mettre ici
mon petit chronomètre. M. Bégin, bonjour. M. Locat, bonjour. Merci
d'être avec nous aujourd'hui. On a eu le plaisir d'échanger à quelques reprises déjà, et je connais votre amour du
patrimoine, M. Bégin. Disons que vous n'avez plus... vous n'avez
pas besoin de nous convaincre. Et c'est d'ailleurs notable à l'égard de tous
les intervenants qu'on entend depuis ce matin, vous êtes les groupes de
référence. Et c'est la raison pour laquelle, entre autres, j'ai tenu à mettre
dans ce projet de loi... à l'inscrire, inscrire votre participation en créant
cette table des partenaires, parce que vous nous avez parlé d'un nombre considérable
de mémoires que vous avez fait parvenir au gouvernement, de demandes répétées
que vous faites depuis des décennies.
Alors, naturellement, on ne peut pas acquiescer
à toutes les demandes qui ont été faites, mais nous en avons identifié
certaines, et plusieurs, et que nous avons décidé de colliger et de mettre à
même cette loi, entre autres, cette création
de la table des partenaires. Parce que, force est de constater, oui, le
ministère a des spécialistes extraordinaires, mais il y a aussi, dans la
communauté, de ces organisations qui sont des incontournables.
À cet égard, selon vous, quel rôle devrait
prendre ces tables des partenaires? Parce qu'on les crée dans la loi, on les
met... Je pense que c'est à l'article... le projet de loi, article 11, à moins
que je ne m'abuse, 11.1 et suivants, par la suite, on parle des tables des
partenaires. Quels rôles, selon vous, vous devriez jouer en tant que table des
partenaires ou pour lesquels vous pourriez nous aider à l'égard, entre autres,
des modifications qu'on veut apporter?
M. Bégin (Richard M.) : Bon,
bien, je vais me lancer puis j'espère que mon collègue Clément Locat pourra
compléter. Bien, je pense... Par exemple, on sait qu'il y a des failles
considérables et des variations considérables au niveau des inventaires qui
circulent à travers le Québec et qui sont parfois accessibles, parfois pas
accessibles, qui sont parfois faits de façon méticuleuse et professionnelle, et
parfois autrement. Alors, je pense que, si j'ai bien compris votre souhait,
c'est d'amener une certaine uniformisation de tout ça et d'établir des
paramètres. Alors, je pense que, basé sur
notre expérience sur le terrain, on pourrait peut-être participer à une
discussion puis échanger là-dessus puis voir comment on peut améliorer
le système.
Moi-même,
personnellement, à la fin des années 90, j'ai été en charge d'un
inventaire de patrimoine pour le coin de pays où je demeure. Et puis je peux
vous dire qu'on avait fait ça de façon extrêmement professionnelle avec des
historiens, des architectes, des environnementalistes et on a passé devant
chacune des maisons qui sont dans l'inventaire du patrimoine très local. Et je
ne parle pas de l'inventaire de la grande ville, je parle du secteur Aylme, l'ancienne ville d'Aylmer qui était reconnue pour son
patrimoine remarquable. Alors, ça, je pense que c'est un des endroits où on
pourrait intervenir.
Lorsque le ministère
envisage des délégations de pouvoirs aux municipalités, bien, malheureusement, l'expérience nous a appris jusqu'ici, et c'est
pour ça qu'on avait des réticences en 2008 et on en a encore, que la
sensibilité des... ce n'est pas juste une question de connaissances, parce
qu'il y a des lois qui existent déjà, mais la sensibilité des élus municipaux
n'est pas très, très haute. J'ai été moi-même, comme vous savez, président du
comité consultatif d'urbanisme d'une des grandes villes du Québec. Et même
quand mon comité, grâce à la participation des citoyens, parvenait à faire des
recommandations qui favorisaient le patrimoine et qui atténuaient les
entreprises de démolition, bien, quand je suis arrivé au conseil municipal, la
majorité des élus rejetait même les recommandations du CCU.
Alors, je pense que
là encore, basé sur notre expérience, on pourrait peut-être peaufiner les
règlements concernant les CCU, les CDD, les comités de demandes de démolition
qui... Bien, comme c'est indiqué dans la Loi sur
l'aménagement et l'urbanisme, on
dit : Un conseil municipal peut créer un comité de démolition. Bien, évidemment,
s'il n'y en a pas, s'il n'y a aucun garde-fou, bien, c'est sûr que ça devient beaucoup
plus facile de démolir. Et il faut aussi que les règles du jeu soient très
claires. Quand un comité de demandes de démolition accepte ou rejette une
démolition, il faut que les citoyens aient la chance de savoir qu'il y a une
demande de démolition dans le circuit.
Là, moi, j'ai la
chance d'habiter une municipalité où ça se fait spontanément. Et c'est comme ça
qu'on a pu arrêter certaines démolitions ou certaines demandes de démolition,
parce que les sociétés d'histoire ou de patrimoine local ont lu une pancarte
devant un édifice, dont un promoteur demandait la démolition, et tout de suite
ils ont commencé des démarches. Ils ont
analysé le cas et ils ont demandé à être entendus au comité de demandes de
démolition. Et, dans un cas, je me rappelle même qu'on s'est même rendus au
conseil municipal pour faire valoir notre point de vue. En fait, la société
locale s'est rendue au conseil municipal, et moi, j'ai appuyé la société
locale. Je me suis rendu comme président de la Fédération Histoire Québec.
Alors, je pense que,
compte tenu de notre expérience sur le terrain, on pourrait peut-être ajuster
le tir un peu mieux. Et évidemment, comme je l'ai mentionné un peu plus tôt, ça
va prendre des experts quelque part. La plupart des villes n'en ont pas. C'est
sûr qu'une petite municipalité n'en a pas. Les MRC, pour la plupart, vont
peut-être avoir une personne qui s'occupe de patrimoine, ou un agent culturel
qui va s'occuper de patrimoine, mais c'est plutôt rare qu'elles vont avoir embauché un architecte professionnel ou un
urbaniste professionnel en patrimoine. Puis, même dans les grandes
villes, c'est extrêmement rare qu'on ait ce genre de compétence là, d'où la
nécessité soit d'avoir une équipe volante qui provient du ministère de la
Culture et qui est prête à guider.
On peut aussi... Une
municipalité peut avoir recours à des soi-disant experts externes, mais ce
n'est pas toujours facile de trouver les experts externes quand on parle
d'architectes qui travaillent pour des promoteurs qui se retrouvent dans des
situations un petit peu conflictuelles. S'ils rejettent un projet de démolition
d'un promoteur qui veut construire une grande tour, bien, il est possible qu'il
n'ait pas un contrat la fois suivante.
Alors, c'est toutes sortes
de choses qu'on a vécues, nous, au quotidien, qu'on continue de vivre, et je
pense qu'on pourrait avoir un apport intéressant à cet égard-là. Est-ce que
Clément Locat veut ajouter quelque chose?
• (15 h 50) •
M. Locat
(Clément) : Bien, je dirais plus généralement que ça va nous permettre
de faire un suivi de l'application de
la loi puis intervenir pour la modifier, pas attendre des révisions après plusieurs
années. Donc, faire un suivi en commun avec
le ministère, avec les instances, bien, je pense que ça va permettre à la loi d'évoluer
puis d'être mieux appliquée.
Mme Roy
(Montarville) : Merci. Mais cette table des partenaires, on l'a
vraiment... moi, j'ai voulu la créer pour vous, pour les groupes, parce que
c'est une expertise... Je crois que cette expertise-là, nous devons la partager
ensemble, autant le gouvernement, le ministère, et les citoyens, et les
groupes.
Par ailleurs, je
voulais vous entendre sur la proposition que nous faisons de rendre obligatoire
la prise de règlements de démolition partout. Parce qu'actuellement c'est une
des problématiques, et, vous l'avez soulevé, ce ne sont pas toutes les petites municipalités qui ont nécessairement de tels
règlements. Alors, je voulais vous entendre là-dessus, à savoir si, pour
vous, c'était déjà un pas dans la bonne direction pour améliorer la protection
du patrimoine bâti.
M. Bégin
(Richard M.) : Absolument. Bien, comme je l'ai mentionné un petit peu
plus tôt, pour moi, c'était une lacune.
Alors, un comité de demandes de démolition... Je comprends que dans une petite
municipalité de 500 personnes ou de 1 000 personnes,
c'est un petit peu plus compliqué. Mais, si on s'assure que, lorsqu'il y a une
demande de démolition à quelque part, qu'il y ait au moins un comité de
demandes de démolition au niveau de la MRC, bien, déjà, on a le garde-fou que
je souhaiterais avoir.
Mme Roy (Montarville) :
Parce qu'on couvre plus de petites municipalités si on en a un au sein de la
MRC. On couvre plus de monde, c'est un peu l'idée derrière ça. C'était de
s'assurer que les petites municipalités, qui ont moins de moyens et
d'expertise, et ce n'est pas nécessairement toujours de la mauvaise foi,
loin de là, puissent jouir de
l'expertise au sein de la MRC. Et c'est d'ailleurs pour ça qu'on a fait le
programme en partenariat avec le ministère de la Culture et le MAMH,
pour nous assurer de pouvoir donner cette expertise, de payer des agents de
développement en patrimoine. Et je pense qu'à l'égard des agents de
développement en patrimoine il y aurait aussi un beau lien à faire avec la
table des partenaires et votre expertise aussi parce qu'il faut que tout le
monde parle le même langage et partage l'expertise, parce que c'est difficile,
trouver des experts. Et ces agents de développement en patrimoine, ce sont
quand même des bacheliers en semblable matière, alors c'est vraiment une
expertise assez pointue.
Par ailleurs, je vous entendais parler...
M. Bégin, vous parliez des amendes, à l'effet que c'était peut-être
insuffisant dans la mesure où un promoteur qui voudrait détruire un bâtiment
qui a une certaine valeur ou qui a une valeur de
protection, les amendes, ce n'est rien. Je tiens à vous rassurer dans la mesure
où les amendes qui existent actuellement
pour les personnes morales, c'est-à-dire les entreprises, les compagnies,
demeurent. Elles ne disparaissent pas et peuvent atteindre
1 million de dollars lorsqu'on est en contravention de la loi actuelle.
Alors, c'est pour vous dire qu'il y a quand même... Il y a des amendes qui sont
un peu moindres pour les personnes physiques, qui sont les propriétaires, que
nous sommes tous en grande majorité, mais, pour les personnes morales, les
amendes salées qui sont là ne sont pas abrogées, là, elles demeurent là.
Par ailleurs, le fait est que... force est de
constater que c'est qu'elles ont très peu de fois été utilisées. Elles sont dans la loi, mais jamais les gouvernements n'ont décidé d'aller là, tout comme je mentionnais un peu plus tôt,
cet après-midi... ce matin, pardon. Je mentionnais un petit peu plus tôt... à
l'égard du fait que, pour obliger quelqu'un à entretenir son bâtiment, il y a actuellement
des moyens, c'est-à-dire que l'État peut forcer la réalisation de travaux. Et
c'était dans la loi, mais ça n'a jamais été utilisé. Alors, nous l'avons
utilisé. C'est pour vous montrer qu'on est sérieux à cet égard-là et qu'on a
l'intention de nous assurer qu'on préserve davantage notre patrimoine.
Mais moi, je veux vous remercier pour le travail
que vous faites, dans la mesure où, au fil des années, bien, vous êtes... Je n'aime pas l'expression «chien de
garde», mais vous êtes là, des sonneurs d'alarme pour nous dire :
Faites attention. Et je pense qu'on est rendu à un stade au Québec, à une
certaine maturité, je pense, en tant que nation, en tant que peuple. On
constate toute l'importance de ces bâtiments et on voit certains bâtiments
disparaître. Et il faut agir, et c'est ce que nous faisons. Et il y aura,
naturellement, d'autres choses qui s'en viennent, mais on doit agir,
effectivement, vous l'avez dit, dans l'urgence. Et c'est toujours dans
l'urgence, à la dernière seconde, qu'on apprend malheureusement des choses. Et
la loi est déjà un bon véhicule, mais effectivement il y a dans la loi, de
prévu, politiques, tables... Et également, à l'égard de l'État... Vous nous
parliez de l'exemplarité de l'État. Je suis tout à fait d'accord avec vous.
J'apprends à tous les jours des choses concernant des bâtiments patrimoniaux
qui relèvent d'autres collègues et de d'autres instances. Et je pense qu'il
faut qu'on se parle puis qu'on mette nos connaissances ensemble à l'égard de
l'exemplarité de l'État.
Et j'aimerais peut-être vous entendre sur un des
programmes que j'ai mis en place, qui n'est pas dans le projet de loi, mais qui est complémentaire. Alors, depuis notre arrivée,
on a laissé la Vérificatrice générale travailler... Là, je surveille le
temps pour être sûre que je ne défonce pas trop. Deux minutes. Donc, j'aimerais
vous entendre brièvement. Parce que ma
vision du patrimoine, c'est de faire vivre nos bâtiments, O.K., de les faire
vivre, de garder ceux qu'on a, et de leur donner une nouvelle vie, et de
les entretenir, et de les restaurer, d'où ça... c'est le 51 millions pour la restauration, pour les gens, pour des maisons
qui ne sont pas nécessairement protégées. Mais j'ai également mis sur
pied un programme de requalification, entre autres, des lieux de culte pour
donner une seconde vie à ces bâtiments qui sont absolument magnifiques, pas
juste les églises, mais tout ce qui entoure les coeurs de village.
Alors, moi,
je veux juste vous entendre parler sur ce type de programme là. Pour vous,
est-ce que c'est porteur? Parce que c'est la vision dans laquelle je
veux amener notre gouvernement.
M. Bégin (Richard M.) : Bien,
comme vous le savez, je siège également au conseil d'administration du Conseil
du patrimoine religieux du Québec, et, pour nous puis pour moi, ça a été une
excellente idée, une excellente initiative. On est en train de l'expérimenter.
On a quelques cas, là, mais je pense qu'on peut fonder de grands espoirs là-dessus. Et on sait que les édifices religieux,
particulièrement les églises, sont probablement les édifices les plus
difficiles à recycler, auxquels donner une
nouvelle vie. Alors, ça demande de l'argent, oui, mais ça demande beaucoup de
collaboration de la part d'une communauté.
Il y a
quelques mois, j'ai eu la chance de me rendre à Saint-Modeste, qui est un peu
plus loin que Rivière-du-Loup, et j'ai jasé avec le maire. En fait,
j'avais une réunion à cet endroit-là. Le maire qui a dû convaincre l'ensemble
de la population, les divers organismes, l'école, etc. pour...
(Interruption)
Voyons, pardonnez-moi. Je pensais l'avoir fermé avant. Alors, le maire a
travaillé pendant 10 ou 12 ans à convaincre tout le monde autour de
lui pour convertir l'église en lieu multifonctionnel, qui retient la fonction
cultuelle, donc le culte, mais aussi spectacles, etc. Et je dois dire chapeau à
ce maire-là. Si on en avait plus comme lui, probablement que ça serait
beaucoup... la tâche serait beaucoup moins difficile.
Donc, transposer ça à d'autres bâtiments, les
monastères, les couvents, etc., qui sont généralement beaucoup mieux construits
que n'importe quelle école actuelle, bien, je pense que ça a certainement un
mérite, un mérite important. L'architecture est... Non seulement ils sont mieux
construits... Ils ne répondent pas nécessairement aux normes actuelles de la
RBQ, et, des fois, il y a des ajustements à faire, mais généralement, c'est des
édifices en pierre ou en brique, avec une architecture intéressante, qui a été
développée par des architectes vraiment audacieux, comme ça a été le cas pour
nos églises. Et je pense que c'est vraiment dommage de les laisser abandonnés,
se détériorer jusqu'au point où un jour le service de pompier ou quiconque
dit : Bon, bien là, il faut les démolir, là, c'est trop dangereux. En
général, ce n'est pas rentable pour une société de démolir ce genre d'édifice
là. Et, même du côté écologique, ce n'est pas une bonne idée.
• (16 heures) •
La
Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup, M. Bégin. Donc,
merci, Mme la ministre. Je vais maintenant passer la parole à Mme la députée de Verdun.
Votre groupe parlementaire dispose de 9 min 54 s. La parole est à vous.
Mme
Melançon : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs. C'est un plaisir de vous
retrouver. C'est le cas de le dire, M. Bégin, là, on vient de vous
retrouver. Écoutez, j'ai quelques questions sur lesquelles j'ai besoin un peu
de votre éclairage, bien entendu, à titre d'experts, disons-le. La ministre a tout
à fait raison de parler de vous comme des experts.
Concernant le commissaire
au patrimoine, je vous entendais, là, tout à l'heure. Il n'en était pas tout à
fait question, mais je voulais voir. On a rencontré tout à l'heure les gens
d'Héritage Montréal, et, pour eux, ils disaient que ça pouvait
être intéressant d'avoir un commissaire au patrimoine, un peu comme le
Scientifique en chef, hein, pour avoir une personne sur qui on peut se déposer.
Est-ce que vous êtes d'accord avec un commissaire au patrimoine?
M. Locat (Clément) : Bien, on est clairement...
M. Bégin (Richard M.) : Ah oui! absolument,
parfaitement d'accord...
M. Locat (Clément) : Vas-y, Richard.
M. Bégin
(Richard M.) : Oui, bien, ce que j'allais dire, c'est : On est
entièrement d'accord avec ça. D'ailleurs, c'était dans notre mémoire de
2008. Et je dois vous signaler en passant qu'Héritage Montréal est un des
organismes qui fait partie de notre fédération, et, lorsqu'on a préparé notre
mémoire de 2008, naturellement... Et, je dois dire, vous devez connaître Dinu
Bumbaru, il fait partie aussi de notre comité du patrimoine. Donc, c'est sûr
que c'est quelque chose sur lequel on se bat conjointement depuis des années.
Je m'excuse, j'ai interrompu mon collègue. Clément, est-ce que...
M. Locat (Clément) : Bien, moi, je
rajouterais tout simplement que, dans la défense qu'on fait des bâtiments
menacés, on l'a fait à plusieurs reprises pour des bâtiments qu'on juge
exceptionnels. On ne fait pas, évidemment, des actions pour tous les bâtiments
qui sont menacés, là, et il vient un moment où on rencontre un mur, la
municipalité ne veut pas agir. La ministre ne classera pas tous les bâtiments
au Québec, et, malgré l'intérêt supérieur, la qualité des bâtiments, bien, on
arrive à une démolition parce qu'on n'a pas d'instance d'appel qui pourrait
faire faire une juste évaluation du bâtiment et rendre une décision. Par
exemple, deux maisons du XVIIIe siècle ont été démolies l'an passé à Québec. Est-ce que c'est justifié qu'on laisse
aller des maisons de cet âge-là et de cette qualité? Parce que c'étaient des maisons en bon état. Ça fait que
c'est dans ces situations-là où un arbitre indépendant serait vraiment
utile.
Mme
Melançon : Merci. Merci beaucoup. J'ai bien vu, là, que vous recommandez de ne pas considérer 1940.
Je pense que ça a été dit aussi ce matin, là, avec les groupes que nous avons
entendus. Donc, je ne veux pas aller plus loin, mais je tenais simplement à le
souligner.
Concernant la
recommandation n° 11,
je suis intéressée à vous entendre sur les grands chantiers, sur la fiscalité des villes, parce qu'on le sait, là, et vous en faites bien
mention, d'arriver, de faciliter l'implication de l'industrie du secteur privé, justement, dans le patrimoine... Est-ce
que vous aviez un modèle en tête, particulièrement? Parce que j'ai lu un
peu pour arriver, justement, lorsqu'on sera à d'autres étapes du projet de loi,
de l'étude du projet de loi, et ce que je trouvais intéressant... bon, j'ai lu
un peu sur l'Australie, la Nouvelle-Angleterre. Est-ce qu'il y a un modèle sur
lequel vous vous êtes arrêtés ou vous n'êtes pas allés de ce côté-là?
M. Bégin (Richard M.) : À la
fédération même, on n'est pas allés dans... Je suis au courant qu'il y a des modèles intéressants, aux États-Unis
en particulier, au Royaume-Uni, et même un coin dans les Antilles parce qu'il y
a un promoteur qui m'avait déjà approché à ce sujet-là. Alors, je pense que la
meilleure démarche qu'on pourrait adopter,
ce serait de regarder les différents modèles qui existent, en discuter puis
voir qu'est-ce qui peut se transposer à notre situation particulière au
Québec.
C'est certain qu'à l'heure actuelle... Et je
suis en contact étroit avec un promoteur qui a eu le courage d'investir de 5 à
10 millions de dollars dans un bâtiment patrimonial, et je peux vous dire
que ça a été l'enfer pour lui. Et il m'a dit qu'il ne recommencerait pas ce
genre d'expérience là, que c'était bien dommage parce qu'il aimait beaucoup le patrimoine, mais que ça a été l'enfer
sur toute la ligne, la RBQ, la CSST, les spécialistes qu'il ne trouvait
pas, les... Et puis, comme récompense, quand
il a eu fini : augmentation de taxes considérable et, quelque temps après,
une mise en demeure parce qu'il n'avait pas été capable de trouver les
150 000 $ additionnels qu'on réclamait rétroactivement.
Alors, c'est dire que ça a été vraiment un sujet
majeur. Et ce n'est pas juste une question de programme de subvention, il y en
a, mais il y a aussi tout le système fiscal qui entre en ligne de compte puis
qui fait que c'est un handicap pour un propriétaire ou un promoteur majeur
d'édifice patrimonial de grande envergure.
Mme Melançon : Bien, c'est
exactement la raison pour laquelle je vous posais la question, parce que je trouvais intéressant que vous le notiez très
clairement à l'intérieur de votre mémoire. Donc, on pourra se pencher là-dessus
et, au besoin, on pourra peut-être vous rappeler, là, pour avoir quelques
détails supplémentaires.
Dites-moi, concernant les plans de conservation,
avec la volonté d'abolir les plans de conservation, j'aurais voulu vous
entendre à ce sujet-là, principalement pour... pas nécessairement pour les
bâtiments, j'irais plutôt pour les sites patrimoniaux. Est-ce que vous êtes à
l'aise avec l'abolition des plans de conservation?
M. Bégin (Richard M.) : Disons que
je suis ambivalent. Je pense que c'est utile d'avoir des plans de conservation
pour surveiller l'évolution d'un projet. Moi, ce qui me dérangeait dans la loi
précédente, c'était l'espèce de fardeau qu'on imposait aux municipalités, aux
MRC qui songeaient à créer un site du patrimoine. Or, compte tenu des ressources
locales, je me disais... et compte tenu aussi de la volonté générale de la
plupart des conseillers municipaux, je me disais : Bien, c'est certain
que, par cette voie-là, en créant autant d'obstacles, ça n'arrivera pas, il n'y en aura pas, de sites. Il va peut-être y en avoir à
Québec puis à Montréal, mais ailleurs il n'y en aura pas parce que c'est un
fardeau trop lourd.
Alors, si on veut
établir des plans de conservation, en soi, c'est une bonne chose, mais pas
imposer ça comme exigence supplémentaire pour ceux qui en font la demande. S'il
y a des ressources au ministère pour aider à développer des plans de
conservation, je n'ai aucun problème avec ça.
Mme
Melançon : Mais, pour les plans de conservation déjà existants, est-ce
que vous dites : On doit y aller sous
forme de règlement, un peu comme ce qui est proposé, ou on les garde pour
pouvoir, justement, puisqu'il y aurait une orientation... parce que
l'orientation a déjà été donnée pour les plans de conservation déjà existants?
M. Bégin (Richard
M.) : Bien, je pense que ceux qui ont déjà été établis ont été bien
réfléchis. Je ne vois pas pourquoi on se débarrasserait d'un outil qui... puis
je pense qu'ils pourraient s'avérer utiles.
Mme
Melançon : D'accord. Merci. Concernant l'inventaire, parce que c'est
vrai que l'inventaire sera nécessaire, et
je sais qu'il va y avoir, donc, les tables avec les différents partenaires, là,
qui seront mises sur pied, j'imagine que vous souhaitez être aussi partie prenante pour définir la grille. Est-ce que
c'est ce que j'ai bien compris tout à l'heure? Est-ce que vous voulez
être dans la réflexion de qu'est-ce qu'il y aura dans la grille pour bien
déterminer qu'est-ce qui est patrimonial, qu'est-ce qui ne l'est pas? C'est ce
que j'ai compris, n'est-ce pas?
M. Bégin (Richard
M.) : C'est ce que j'ai dit. Vous avez très bien compris.
Mme Melançon :
Extraordinaire. Et cinq ans, est-ce que ça vous paraît trop court, trop long? Est-ce
que vous pensez qu'on peut faire ça en moins de cinq ans?
M. Bégin
(Richard M.) : Bien, disons que le plan global est ambitieux. Alors...
• (16 h 10) •
La Présidente
(Mme Guillemette) : Vous avez 30 secondes pour répondre.
M. Bégin (Richard
M.) : Oui. Alors, je comprends que ça puisse s'étendre sur cinq ans,
mais je pense qu'on a besoin de se fixer certaines étapes qui vont être
respectées à plus court terme. On a besoin d'encouragement dans le milieu du
patrimoine, à l'heure actuelle, et on a besoin d'envoyer un message clair qu'on
bouge, qu'on est déterminés à préserver le patrimoine.
Mme Melançon :
Merci. Merci beaucoup d'avoir été avec nous aujourd'hui.
La Présidente
(Mme Guillemette) : Merci, M. Bégin et M. Locat.
M. Bégin (Richard
M.) : Merci à vous.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Donc, je passerais maintenant la parole à la députée de
Mercier, avec 2 min 29 s pour vous.
Mme Ghazal :
Très bien. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci pour votre présentation. Vraiment
très intéressant. En vous écoutant puis aussi en parcourant le mémoire pendant
que vous parliez, vous faites... C'est très important pour vous, les budgets.
Vous parlez du budget du ministère des Communications et de la Culture, la
fiscalité des municipalités pour, aussi, les propriétaires privés, les
ressources qu'on donne aux municipalités, qu'elles soient humaines ou
financières, le financement des groupes comme vous. Moi-même, j'interpellais la
ministre pour dire qu'il faudrait rehausser le financement des groupes
nationaux en patrimoine.
Selon vous, même avec
le meilleur projet de loi, ce qui n'est pas le cas en ce moment parce qu'il y a
des éléments que vous dites qu'il manque, notamment une instance indépendante,
si les budgets ne suivent pas, est-ce qu'on peut dire que, même avec le
meilleur projet de loi, ça sera comme un coup d'épée dans l'eau?
M. Bégin
(Richard M.) : Bien, je pense qu'effectivement, dans une bonne mesure,
ça va être un peu un coup d'épée dans l'eau. Comme vous savez, l'argent, c'est
le nerf de la guerre. Je ne pense pas que... Comme je représente un milieu qui
est plutôt bénévole, on ne parle pas de sommes considérables du côté de la
Fédération Histoire Québec, mais il faut
quand même réaliser que la Fédération Histoire Québec, pour ne citer que cet
exemple-là, a le même budget depuis... la même allocation depuis 1995.
Il y a eu un taux d'inflation de 2 % par année en général. Alors, je ne
sais pas qu'est-ce que le gouvernement ferait s'il en avait été réduit à
continuer de fonctionner sans pouvoir augmenter les impôts.
Mme Ghazal :
Pour donner une idée pour...
M. Bégin
(Richard M.) : Je pense qu'il faut être réaliste.
Mme Ghazal :
Pour donner une idée, un organisme comme vous, ça serait combien, par exemple?
Quand on dit «rehausser», est-ce que vous avez estimé ça? Parce que, des fois,
on dit «rehausser», on a l'impression que c'est beaucoup, mais est-ce que vous
l'avez estimé?
M. Bégin
(Richard M.) : Non. Bien, écoutez... mais je vais vous donner les
chiffres clairs, là. À l'heure actuelle, et, en fait, depuis à peu près...
depuis plus de 25 ans, là, l'allocation du ministère est autour de...
entre 95 000 $ et 98 000 $ par année. On représente
300 sociétés membres à travers le Québec, 55 000 personnes
individuelles, alors je pense que... puis, en bout de piste, on n'a pu avoir
que deux employés : une directrice générale mal payée puis une adjointe
administrative mal payée. Alors, faites le calcul vous-mêmes. Vous verrez qu'on
ne peut pas aller beaucoup plus loin que ce qu'on a fait. Et, franchement, on a
été d'excellents administrateurs parce qu'on a coupé dans les dépenses, on
s'est arrangés pour produire notre magazine à moindre coût, je pourrais vous
énumérer une série de choses, mais il y a des limites à ce qu'on peut faire.
Originalement,
un des buts de la Fédération Histoire Québec, c'est d'avoir des réunions dans
les diverses régions pour avoir... enfin, des réunions de notre conseil
d'administration ou de notre comité du patrimoine pour rencontrer sur place nos
sociétés membres. Bien, depuis deux, trois ans, on ne peut plus faire ça parce
que c'est trop coûteux, les frais de déplacement. Alors là, il y a comme une
espèce d'absurdité, là, dans notre situation. Bien, je comprends qu'en période
de pandémie c'est moins grave, là, on peut fonctionner par Zoom et tous ces
moyens-là, mais vous savez comme moi que le contact personnel est également
important. Il y a des choses qui se discutent en dehors des réunions formelles,
lors d'un dîner, lors d'une prise de café. Alors, c'est ce genre de chose là.
Et je me rappelle...
Je vais vous citer un cas, juste un cas. Le comité du patrimoine, à un moment
donné, était interpelé à Chambly. C'est... un peu spécial, Chambly,
n'est-ce pas, il y a quelques années, parce qu'il y avait une divergence
de vues, disons, je vais appeler ça comme ça, entre la société locale et le
maire. Le maire, il ne voulait absolument
rien savoir de toute politique de patrimoine. Il trouvait que c'était une
menace, etc. Alors, on s'est déplacés, le comité du patrimoine, et on a
jasé avec lui. Moi, je lui ai parlé de l'expérience qu'on avait dans la
municipalité que j'habitais, puis que,
finalement, le conseil municipal, après quelques années, trouvait que c'était
excellent, le travail qu'on avait fait au niveau du patrimoine et s'en
vantait. Bon, ça a atténué un peu la tension, mais c'est le genre de chose que je pense qui pourrait être faite et qui
devrait être faite, mais ça prend un budget minimal pour ce genre de chose
là.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Parfait. Merci.
Mme Ghazal :
Puis la ministre elle-même a reconnu...
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci. Votre temps est écoulé.
Mme Ghazal :
Oui, très bien. Bien, merci beaucoup. Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) : Merci. M. Bégin, M. Locat, merci pour
votre contribution à nos travaux.
Donc, on va suspendre
quelques instants, le temps d'accueillir nos nouveaux invités. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à
16 h 15)
(Reprise à 16 h 16)
La Présidente (Mme
Guillemette) : Je souhaite la bienvenue aux représentants de la Fédération
québécoise des municipalités. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes
pour votre exposé, puis nous procéderons par la suite à l'échange avec les
membres de la commission. Donc, je vous invite à vous présenter ainsi que la personne
qui vous accompagne et à procéder à votre exposé. Donc, la parole est à vous.
Fédération québécoise des
municipalités (FQM)
M. Arcand
(Gaston) : Merci. Mme la Présidente, Mme la ministre de la Culture et
des Communications, Mmes, MM. les députés, bonjour. Alors, je me présente, mon nom
est Gaston Arcand. Je suis maire de la municipalité de
Deschambault-Grondines dans le comté de Portneuf, membre de l'exécutif et
porte-parole officiel de la Fédération québécoise des municipalités en matière
de patrimoine. Je suis accompagné cet après-midi de M. Pierre Châteauvert,
directeur des politiques à la FQM.
Alors, je remercie
les membres de la commission pour l'opportunité donnée à la FQM, qui représente
1 000 municipalités locales et
régionales, de vous présenter nos commentaires sur le projet de loi n° 69,
Loi
modifiant la Loi sur le patrimoine culturel.
À titre
de porte-parole des régions, la Fédération québécoise des municipalités
accueille favorablement le projet de loi n° 69. Ce projet de loi est un
premier pas pour relever les défis importants auxquels sont confrontées les
municipalités en matière de préservation et de protection du patrimoine et une
réponse aux demandes de la FQM exprimées à maintes reprises depuis plusieurs
années. La fédération salue les principes et objectifs de cette pièce
législative qui vise à plus de transparence, à l'amélioration des
connaissances, à la simplification des processus et à une meilleure protection
du patrimoine bâti québécois.
Ainsi,
il est connu depuis déjà longtemps que les problématiques liées à la sauvegarde
du patrimoine proviennent de l'absence d'inventaire des bâtiments
patrimoniaux, du manque de ressources humaines et financières ainsi que de l'absence de leviers et outils réglementaires
efficaces et suffisants permettant une meilleure sauvegarde des
bâtiments jugés d'intérêt. Le premier
problème auquel il est nécessaire de s'attaquer est la connaissance. Avoir un
état des lieux du patrimoine bâti par territoire de MRC est primordial
pour le Québec pour guider les élus dans le choix à faire en ce domaine. Cet
ajout au projet répond aux attentes de la FQM.
Toutefois, la FQM demande au gouvernement du
Québec que soit prévu, dès le prochain budget, un soutien financier adéquat
dédié aux MRC pour la réalisation et la tenue à jour des inventaires des immeubles
à valeur patrimoniale. Sans budget, ce besoin ne sera jamais comblé.
Il est
également attendu que le ministère accompagne les MRC dans cette démarche
d'identification des immeubles présentant un intérêt et une valeur
patrimoniale afin d'avoir un portrait juste et complet sur l'ensemble du
territoire québécois. Les critères permettant de mesurer la valeur patrimoniale
d'un immeuble devront être clairs et précis afin d'assurer une uniformité dans
l'application de ceux-ci tout en intégrant une souplesse et un ajustement selon
les régions et les territoires. Sur ce
point, la FQM offre à la ministre son entière collaboration au processus
d'identification des critères et outils qui devront être développés.
• (16 h 20) •
Par ailleurs, la FQM souhaite la bonification et
la pérennisation des programmes de financement dédiés aux municipalités afin
d'appuyer la volonté du milieu municipal d'exercer ses responsabilités de
protection et de mise en valeur du
patrimoine immobilier, autant public que privé. La ministre a annoncé un
programme dédié lors de l'Assemblée des MRC de décembre 2019, mais les
sommes disponibles ont vite été écoulées, preuve de l'existence des besoins.
Concernant le nouveau pouvoir de citation
accordé à la MRC, celui-ci devra aussi être exercé en fonction des consensus
qui auront été préalablement établis par les membres du conseil. En ce qui a
trait au nouveau pouvoir de désaveu, la FQM reconnaît que l'exercice de ce
pouvoir accordé à la MRC devra s'appuyer sur des consensus forts de la part des membres du conseil. Pouvant être
perçue comme une atteinte à l'autonomie de la municipalité, une décision
prise en ce sens sera possible si elle s'appuie sur des orientations claires
adoptées préalablement par les membres du conseil représentant toutes les
municipalités du territoire. Les enjeux de sauvegarde de notre patrimoine bâti
sont importants et les décisions à rendre en ce domaine peuvent donc être
collectives et à portée régionale. Dans le cas de désaveu pour des motifs
d'intérêt collectif, des mesures de soutien financier devraient être prévues
afin que les immeubles patrimoniaux d'intérêt visés puissent être sauvegardés
et restaurés.
En conclusion, nous tenons à rappeler que le projet
de loi est un premier pas pour la mise en valeur de notre patrimoine. En fait,
la protection et la mise en valeur du patrimoine ne doivent plus seulement
compter sur le ministère et les groupes de... et les personnes intéressées,
cela doit s'appuyer sur la mobilisation des décideurs. Pour ce faire, nous tenons
à rappeler aux membres de l'Assemblée nationale et au gouvernement la
résolution adoptée par nos membres qui indique la nécessité d'intégrer la
notion de patrimoine au processus d'aménagement du territoire et donc d'aller
au-delà de ce projet de loi. En ce sens, le processus d'aménagement du
territoire, qui associe déjà les forces vives de nos communautés et de nos
régions, doit être le vecteur pour atteindre cet objectif.
Pour la FQM, il s'agit de passer d'un mode
principalement axé sur le contrôle de l'État central au profit d'une
mobilisation des intervenants sur le territoire. Le patrimoine ne peut plus
seulement être l'affaire de ceux qui, par leur travail et leur engagement, ont
permis de sauvegarder cette richesse. Il faut intégrer cette notion dans nos
outils de planification. Il faut créer davantage de partenariats entre l'État,
le ministère, les MRC, les municipalités, les
groupes et les professionnels et abandonner les interventions conçues au
centre, souvent mal expliquées, qui créent des conflits et de
l'incompréhension chez les citoyens qui les subissent. La FQM espère que la
grande conversation nationale sur l'aménagement du territoiresera
l'occasion pour mettre fin à la gestion en silo au profit d'une vision du
territoire intégrant le patrimoine inscrit au schéma d'aménagement, un outil
dont toutes les régions et tous les élus connaissent la valeur et l'importance.
En terminant, permettez-moi de déposer deux
lettres, membres et collaborateurs de la FQM. La première provient du conseil de la MRC de L'Île-d'Orléans.
Ma municipalité est un joyau, mais je dois admettre que l'île occupe une
place particulière dans le coeur de notre nation. Aussi, la gestion du
patrimoine représentant un défi important pour cette communauté régionale, la
FQM a cru important de vous présenter le point de vue de ses élus sur le projet
de loi. Je vous invite donc à prendre connaissance de la lettre du préfet de la
MRC, M. Harold Noël. La seconde lettre est celle de Mme Linda
Phaneuf, présidente de l'Association des directeurs généraux des MRC du Québec.
L'ADGMRCQ est un partenaire de la
fédération, et c'est avec plaisir que nous vous transmettons leur point de vue.
Merci.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. Arcand. Et je voudrais mentionner que les lettres sont déjà sur le Greffier pour ceux qui voudraient... Dans
l'annexe du mémoire, les deux lettres sont incluses déjà dedans. Donc,
merci, M. Arcand. Maintenant, je céderais la parole à Mme la ministre pour
son échange avec vous pour une période de 14 min 51 s, Mme la
ministre.
Mme Roy (Montarville) : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Alors, je mets mon petit chronomètre. M. Arcand, M. Châteauvert, merci de
votre présence. Merci d'être avec nous aujourd'hui. C'est très important. Je
vous écoutais et je prenais des notes. J'en
prends tout le temps énormément. Quand vous parlez... Vous avez dit des
choses qui résonnaient beaucoup, beaucoup.
Quand vous dites qu'on est prêts pour plus de partenariats dans la gestion du
patrimoine, du patrimoine bâti, là, c'est exactement la vision que nous avons.
On est rendus là, je pense. Je disais qu'on a atteint une maturité en tant que
société, et on comprend l'importance de notre patrimoine bâti. Il faut que tous
les joueurs se parlent,
autant les groupes de protection qui sont des spécialistes que les
municipalités qui, elles et les MRC, sont là, qui gèrent leur territoire, que les villes et que le
ministère, tout le monde a un rôle à jouer, et les propriétaires
d'immeubles.
Et ce partenariat-là, je vous remercie parce que
je le souhaite pour la suite des choses et pour l'adoption de cette loi-là,
parce qu'on devra tous travailler ensemble. C'est pour le bien commun et puis
c'est pour l'héritage que nous allons laisser aux générations futures, ces
bâtiments-là.
Naturellement, il y a de l'arbitrage à faire. On
ne peut pas tout préserver. Nous ne sommes pas la France. Le gouvernement du
Québec ne va pas acheter tous les immeubles religieux, ils ne deviendront pas
les immeubles de l'État. Donc, il y aura du travail à faire, du travail
d'arbitrage, de discussion, mais on tente de mettre des mécanismes en place
pour vous aider, parce que, vous nous l'avez dit et répété, cette loi-là, je
l'espère, répond à ce besoin, ce besoin d'expertise, ce besoin
d'accompagnement.
Et, vous l'avez dit à juste titre, le programme
que nous avons mis sur pied, déjà, les demandes ont dépassé les premières
sommes qui ont été mises sur la table. C'est la raison pour laquelle, pour répondre
à toutes les demandes, j'ai dit à mon équipe, et je regarde ma
sous-ministre au fond là-bas : Il n'est pas question qu'on coupe parce
que... pour diminuer les montants promis parce qu'il y a trop de demandes. On
va donner à tout le monde ce qu'on a promis.
Et je suis allée chercher un 20 millions de dollars supplémentaires — et cet argent-là est parti,
d'ailleurs, les chèques sont partis
récemment, vous devriez déjà les avoir reçus — pour que des bâtiments puissent être
restaurés partout à la grandeur du Québec.
Bon, la fédération que vous représentez compte
un petit peu plus de 1 000 municipalités. Naturellement, ce n'est pas
tout le monde qui a embarqué dans le programme, parce qu'effectivement c'est un
nombre limité, mais je souhaite que, d'année en année, davantage de MRC, de
municipalités, de villes puissent embarquer.
Mais, cela
dit, il y a de belles choses qui se font. Donc, certaines d'entre vous,
certaines municipalités ont déjà aussi des ressources, sont déjà
sensibilisées à la garde du patrimoine, ont déjà des inventaires qui sont à
jour, nous le souhaitons, ont déjà des
spécialistes ou des experts en patrimoine. Donc, vous nous dites, entre autres,
qu'il y aura... on a besoin de ce
soutien financier. Puis on est là, là, on est avec vous. Oui, ce sera graduel,
mais il en faut, et on le comprend.
Mais ma
question, c'est : À l'égard des 1 000 municipalités que vous
représentez, avez-vous une idée ou un portrait de combien d'entre elles ont déjà, par exemple, une expertise en
patrimoine? Donc, ce n'est pas à cet égard là qu'ils auront besoin de
ressources, mais c'est à d'autres égards, peut-être pour de la restauration
purement parlant. Alors, combien d'entre elles — vous pouvez me donner
un pourcentage — ont
déjà des ressources, sur le millier de municipalités?
M. Arcand (Gaston) : Je ne peux pas
vous dire pour l'ensemble des MRC, peut-être que M. Châteauvert pourra en reparler, mais chez nous, moi, on est
dans le comté de Portneuf, il y a trois municipalités, là, qu'on est
membres de l'Association des plus beaux villages du Québec et où c'est vraiment
une préoccupation pour nous, patrimoine bâti.
À Deschambault-Grondines, ça fait 50 ans, là, qu'on s'intéresse à ça. Puis
dans toutes les personnes... les partenariats que vous avez mentionnés, il y a le citoyen au coeur de ça, hein? Il
faut absolument que le citoyen embarque là-dedans.
Nous, on a 10 bâtiments classés chez nous,
et six que la municipalité a cités au fil des années. Donc, on a des bonnes
ressources et dans la MRC aussi, là. D'ailleurs, chez nous, tout a été déjà...
l'inventaire a été fait, là, à la grandeur de la MRC. Mais, ceci étant dit, ça
nous permet de prendre des décisions puis de faire une analyse.
Avec votre projet de loi, que je trouve fort
intéressant, bien, c'est évident qu'à ce moment-là, bien, ce sera l'oeil de la
MRC qui va se poser, là, sur tout ce qu'on a comme bâtiments patrimoniaux et
puis de quelle façon on pourra les traiter, alors qu'actuellement c'est en
fonction de chacune des municipalités. Ce n'est pas toujours évident. Il y a des petites municipalités qui n'ont pas les
moyens de sauvegarder ou de restaurer ces bâtiments qu'ils ont. Ça fait qu'au niveau des MRC, Pierre, je ne sais pas si tu
as des... pour l'ensemble du territoire, si tu as plus de données que
moi, là.
• (16 h 30) •
M. Châteauvert (Pierre) :
Bonjour, Mme la ministre. Alors, merci pour la question. En fait, on n'a pas
d'inventaire complet, mais effectivement, il y a des endroits où est-ce qu'on
le sait, parce qu'on discute énormément avec
notre monde. Pour vous dire, lors de la dernière assemblée générale, le dernier
congrès, on a fait salle comble, avec la problématique du patrimoine,
dans un atelier. On n'avait jamais vu ça. Donc, c'est ça, dans le coin de
Kamouraska, Charlevoix, les gens des
Pays-d'en-Haut qui, avec leur société historique, ont fait un inventaire
complet, un peu partout.
Mais ce qu'on peut vous dire, c'est
qu'actuellement à peu près tout le monde veut embarquer dans... en fait, a
besoin d'un inventaire à partir des critères, comme on vous disait, à partir
des critères pour savoir la définition. Parce qu'en Haute-Côte-Nord, en Estrie,
ça ne se définit pas de la même façon. Puis même en Haute-Côte-Nord, vous avez Tadoussac où est-ce que c'est beaucoup plus clair,
mais l'ensemble, le reste, les vieux villages, ces vieilles occupations
de territoire, il y a Essipit, puis Les
Escoumins, et tout ça, bien, plus qu'on va vers l'est, la notion de patrimoine
se transforme.
Mais qu'est-ce que c'est, exactement, le
patrimoine? Ça, là-dessus, il y a des débats un peu partout. Ça, ce qu'on peut
vous dire, c'est qu'il y a des débats partout. Et en fonction de... comme on
vous disait, que le côté financier, qui est
un élément fondamental, s'en vient, on est en train de préparer, justement, nos
demandes budgétaires. On travaille avec énormément de monde,
actuellement, sur le territoire, des groupes de travail, pour vous arriver avec
quelque chose, dans le cadre de nos demandes
budgétaires, pour le prochain budget. Mais nous, c'est certain que les
gens veulent vraiment s'impliquer là-dedans,
et, en fait, il y a un besoin puis il y a une pression de la population qui est
claire.
M. Arcand (Gaston) : Puis on le
sent. Mais il y a aussi, du côté de la protection des paysages, hein, qui,
selon nous, là, fait partie aussi, là, du
patrimoine bâti ou immatériel, il y a des points de vue absolument
hallucinants, il y a des municipalités
qui se sont assurées, par exemple, que ces points de vue là, ces paysages-là
soient préservés le plus possible. Mais
je pense que M. Châteauvert a tout à fait raison, il y a un engouement...
il y a une réalisation plus qu'un engouement.
Les
gens disent... bien, surtout, là, les mauvaises nouvelles qu'on a eues :
C'est bizarre, ça prend toujours une couple
de désastres... bien, «désastres», le mot est peut-être fort, là, mais de
mauvaises aventures. Dans le cas de Chambly puis Mascouche, là, c'est ce
qui s'est passé là-bas. Donc, encore là, les gens commencent à prendre un petit
peu plus conscience de leur patrimoine, de qu'est-ce qu'ils ont chez eux. Puis
moi, je dis souvent qu'un bâtiment patrimonial c'est soit une phrase ou un
paragraphe de l'histoire du Québec, hein? Tout a parti de ça, ça a évolué.
Donc, on a un attachement assez profond, chez nous, là, au niveau du
patrimoine.
Mme Roy (Montarville) :
Alors, je vais poursuivre dans la même veine. Et je trouve ça encourageant, ce
que vous me dites, parce que certains pourraient dire : Bien, c'est peu,
sur 1 000 municipalités, il y en a 96 qui ont embarqué,
96 projets. Mais, si c'est un dixième, soit, mais, si on a déjà plusieurs
municipalités qui sont déjà sensibilisées, qui ont déjà des expertises en
patrimoine, qui ont déjà des groupes qui travaillent avec eux... Donc, ce que j'aime, c'est qu'il y a déjà du travail qui
s'est fait, et c'est ce travail-là qu'il ne faut pas perdre, mais, au
contraire, le soutenir et le promouvoir.
Par ailleurs, à l'égard de l'argent, là, vous me
dites que vous êtes en train de faire un travail. Alors, j'allais vous demander,
à combien... quand vous dites : On a besoin, j'ai pris des notes, besoin
de votre soutien financier adéquat, ma
question, c'était : Vous l'estimez à combien, ce soutien financier
adéquat? Et puis vous le divisez comment, pour la restauration ou pour
l'expertise? Parce que ce sont deux... Certains n'auront pas besoin
d'expertise, mais ont besoin plus de restauration, certains ont besoin des
deux, certains ont besoin de beaucoup d'expertise puis pas tant de restauration
parce qu'ils n'ont pas tant de bâtiments. Alors, pour avoir un indicatif,
voilà, c'était ma question, là : Ça va ressembler à combien, vos besoins?
Je sais que vous êtes en train d'y travailler.
M.
Châteauvert (Pierre)T : Si
vous permettez, bien, effectivement, on est effectivement en train de travailler, parce qu'e ce n'est pas... c'est quand... à partir du moment
où est-ce qu'on veut mettre des chiffres, ce n'est pas simple, mais il faut vraiment... Mais pour ce qui
est de... puis on va vous arriver... dans le cadre de nos demandes budgétaires,
là, d'ailleurs, on va vous parler, au niveau du ministère, là, sur quoi... Tu
sais, on n'arrivera pas comme ça, un cheveu sur la soupe, comme on dit, mais on
va vous informer puis essayer d'échanger avec vous là-dessus.
Mais il ne faut pas s'arrêter au nombre de
demandes du programme. Vous êtes la première ministre à avoir mis un programme
dans ce sens-là. Tu sais, nous autres, on était supercontents de vous
accueillir à l'assemblée des MRC, il y a un an, parce qu'enfin vous aviez...
Vous vous souvenez de la réaction des gens dans la salle, ils étaient
superintéressés, puis : Enfin! Tu sais, la MRC de Brome-Missisquoi vient
d'adopter une grosse politique sur les paysages dans son coin, dans le coin de
tout Lanaudière. Ils sont en train de se poser des questions, le patrimoine
versus les beaux villages, mais aussi le long des rangs. Ils n'ont pas fait de
demandes, ces gens-là, là, mais ils sont en réflexion. C'est parti, la roue est
partie, parce que les gens savent que c'est important. L'Abitibi, qu'est-ce qui
est patrimonial? Tantôt, on se parlait, M. Arcand et moi, sur les villages
dans le coin de Bécancour. Un village qui est un hameau, il y a une vieille
église en bois à côté de Gentilly. Bon, est-ce qu'il faut garder la vieille
église en bois? Mais on sait que le presbytère est déjà devenu le centre
communautaire puis la bibliothèque de la place.
Comment on fait? Qu'est-ce qu'on garde?
Qu'est-ce qu'on ne garde pas? Ça, c'est la première question, les inventaires.
M. Demers, le président chez nous, il pose... il nous dit toujours ça, il
dit : Moi, je veux savoir ce qui est patrimonial de ce qui ne l'est pas.
Donc, ça prend une réflexion. L'inventaire, tout le monde... L'urgence, entre guillemets, c'est de s'équiper d'inventaires bien
faits sur l'ensemble du territoire, et des critères un peu communs. On le fait dans d'autres domaines, les inondations,
ces choses-là... toujours des bases, mais là tout le monde doit
travailler.
Mais aussi, dans le programme, les travaux ont
été pour des bâtiments publics, mais il y a tous les bâtiments cités. On ne
s'occupe jamais... quand tu es classé... ayant résidé dans le Vieux-Québec, je
sais qu'est-ce que ça veut dire, bon, l'importance d'avoir un appui, quand tu
rénoves ta maison. Mais si...
Mme Roy (Montarville) : Je
vais vous arrêter ici parce que...
M. Châteauvert (Pierre) :
Excusez-moi.
Mme Roy (Montarville) : Non,
non, parce que ce que vous dites, c'est que, dans le programme, les cités, les
classés, les non-cités, les non-classés, tout est admissible, là. C'était
vraiment... Tout le monde est admissible, ça fait que, si vous avez des
bâtiments cités, ils étaient admissibles. Alors, je voulais juste vous glisser
ça.
M. Châteauvert
(Pierre) : Oui, c'est ça, oui, effectivement. Mais ce qu'on
sait, c'est que l'argent n'a pas été là. L'argent, actuellement, a été dans les
bâtiments publics, mais les bâtiments privés, il n'y a presque pas d'argent qui
a été jusque-là, parce que les besoins sont plus sur... Actuellement, là, les
gens disaient : Bon, bien, l'urgence... les inventaires, de s'équiper de ressources,
mais aussi de certains bâtiments publics...
Mme Roy (Montarville) :
Et, à cet égard-là, vous allez me permettre... Le programme est ainsi fait que
ce sont, justement, les élus municipaux qui, à la demande... à la lumière des
demandes de leurs propres citoyens, peuvent eux-mêmes décider de programmes,
décider que, cette année, c'est les portes, l'année prochaine, c'est les
toitures, c'est les fenêtres.
Donc, vous avez votre autonomie. On vous laisse
toute votre autonomie pour décider où vous allez envoyer l'argent puis quels programmes
vous allez faire pour les citoyens.
M. Châteauvert
(Pierre) : En effet.
Mme Roy (Montarville) :
Alors, ça, c'est vraiment... vous avez le pouvoir de le faire, ce programme-là
vous le donne.
Vous mentionniez tout à l'heure, puis ça, ça m'a
beaucoup touchée : Il est temps d'inclure la notion de patrimoine dans l'aménagement
du territoire. Monsieur, on pense la même chose. Et cela dit, je suis en
discussion constante avec ma collègue la ministre des Affaires municipales,
puis je pense que cette loi-ci, en montrant que nous ouvrons la LAU pour y inclure du patrimoine, pour nous assurer, un, qu'il y ait des inventaires de faits,
deux, qu'il y ait également des règlements sur la démolition avant qu'il
se passe quelque chose, que ce soit entouré, vérifié, validé, ça vous démontre
que je travaille déjà une entrée du patrimoine dans la LAU.
Bien, sachez que je travaille avec ma collègue
des Affaires municipales, Mme Andrée Laforest, et qu'on est totalement conscientes, et qu'on voue la plus
grande importance à notre patrimoine bâti. Et on dit : Il faut que ça
fasse partie d'un ensemble plus grand. Il faut en prendre soin de ce
patrimoine-là qui nous définit en tant que nation, en tant qu'identité, en tant
qu'histoire, et c'est important, et on travaille ensemble à cet égard-là.
Donc, on aura l'occasion... Comme je vous
disais, ça, c'est une chose. C'est une première chose, la loi, mais on aura l'occasion
d'aller encore plus loin pour valoriser le patrimoine. Et, entre autres, je
parlais tout à l'heure de la requalification, donner une seconde vie aux
bâtiments, quand nous pourrons le faire, bien, je pense que ça fait partie
d'autres choses qui s'en viennent. Mais, quand vous avez dit : Inclure la
notion de patrimoine dans l'aménagement du territoire, on s'en va là, là. Pour
nous, c'est extrêmement important, et je veux que vous le sachiez, et je vous
le dis, c'est une primeur, à ceux que ça intéresse.
Par ailleurs...
M. Châteauvert
(Pierre) : Merci beaucoup, merci beaucoup.
Mme Roy (Montarville) :
Là, il me reste 30 secondes à peu près?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Une minute.
Mme Roy
(Montarville) : Une minute. À l'égard du fait que les MRC,
maintenant, auront le pouvoir d'intervenir, qu'est-ce que vous pensez...
lorsqu'il y aura une demande de démolition de faite, qu'est-ce que vous pensez
de ce pouvoir-là, qu'on leur accorde, et du pouvoir de citer? Parce que les MRC
ne pouvaient pas citer. Alors, allons sur le pouvoir
de citer. Maintenant, les... Seules les villes pouvaient citer. Québec classe,
les villes citent, et c'est tout. Alors là, les MRC pourront citer
également. Vous pensez quoi de ce pouvoir-là qui vous est dévolu?
• (16 h 40) •
M. Arcand (Gaston) : Bien, moi, je
pense que c'est une bonne chose, cet élément-là, parce que, maintenant, comme
je disais tantôt, au niveau de la MRC... une vue régionale. Alors, les
municipalités, ça pourra être un avantage et un partenaire intéressant, d'aller
à la MRC et de regarder de quelle façon on peut... pas accommoder, là, mais
qu'on peut travailler ça tous ensemble. Alors, peut-être que la MRC, à un
moment donné, parce qu'il y aura des ressources,
sûrement, là, qui seront placées pour s'occuper de ce genre de dossier là, mais
que la MRC ait ce pouvoir-là, bien, à ce moment-là, en autant, là, qu'il
y aura discussion avec les MRC... avec les municipalités, bien sûr, avant d'y
aller de l'avant, moi, je pense que c'est... personnellement, je pense que
c'est vraiment une bonne chose.
Mme Roy (Montarville) : Merci
beaucoup.
La
Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. Arcand. Merci, Mme la ministre. Donc, j'inviterais
maintenant la députée de Verdun à sa période d'échange avec vous.
Mme Melançon : Merci. Merci,
Mme la Présidente. Bonjour, M. Arcand. Bonjour, M. Châteauvert.
C'est un plaisir de vous recevoir aujourd'hui.
Écoutez, je vais continuer à faire du pouce un
peu là où était rendue la ministre, sur le pouvoir de désaveu aussi des MRC. Ce
matin, on a accueilli Action Patrimoine, qui nous ont dit, à l'intérieur de
leur mémoire, qu'ils avaient quand même certaines inquiétudes quant à ce
pouvoir de désaveu là puisque, souvent, ce sont les mêmes élus qui siègent au
conseil de la MRC qui sont aussi des élus des municipalités locales. Ils ont
peur aussi, bien, que ça puisse faire un peu de bisbille, là, je vais dire ça
comme ça. Ce n'est pas comme ça que c'est écrit, mais on va faire court. Est-ce
que vous aviez cette inquiétude-là de votre côté?
Puis je sais
qu'on rencontre, tout à l'heure, l'UMQ, qui en font même une recommandation,
leur recommandation n° 7. Ils recommandent «au gouvernement du
Québec de retirer l'article 87 de son projet de loi qui accorde à la MRC
la possibilité de désavouer la décision prise par la municipalité locale en
vertu de son règlement de démolition.» J'aimerais vous entendre, vous, à ce
propos-là.
M. Arcand (Gaston) : Pierre...
M. Châteauvert (Pierre) :
Merci de la question. En fait, ça a été débattu, nous, dans plusieurs
commissions, dans des commissions
permanentes, et tout. Ce débat-là remonte à plusieurs années, à la FQM,
notamment, la résolution dont on fait état dans
notre mémoire. Mais une chose est certaine, bon, tout débat... il y a débat,
donc, et tout ça, mais que ça devra s'appuyer, comme M. Arcand disait
tantôt, sur des consensus, sur une discussion. De là l'importance fondamentale
de l'inventaire. À partir du moment où est-ce qu'il va y avoir un inventaire,
les choix pourront se faire sur des consensus, devront se faire sur de la
connaissance, sur la réalité du domaine bâti, du cadre bâti, de la... et à ce moment-là... Le problème, c'est que c'est certain
que, tu sais, on arrive... on ne peut pas... une MRC ne pourra pas
dire : Bon, bien, on désavoue sur rien,
là. Cette décision-là devra s'appuyer autant sur la connaissance que sur, bon, la discussion puis les orientations qui auront été
identifiées par le conseil de la MRC. C'est ce qu'on dit dans notre mémoire.
Donc, c'est pour ça que, nous autres, dans ce
contexte-là, on appuie la proposition. Puis la FQM est totalement d'accord,
puis les membres et autour de la table... En fait, il y a trois commissions
permanentes... discuté chez nous, il y a des municipalités de tous types, là,
des petites, des moyennes, des assez importantes, municipalités, villes
centres, villes... et tout ça, puis les préfets, mais c'est toujours sur l'importance
de s'appuyer sur la connaissance et le débat et la discussion.
Mme Melançon : Je vous entends. Cependant, je veux juste vous
rappeler, quand il y a un consensus, il n'y aura pas de désaveu.
Donc, s'il n'y a pas de consensus... Moi, c'est plus dans la perspective où,
s'il n'y a pas de consensus, est-ce que ça vous inquiète? Tout
simplement, je veux juste aller au bout de la réflexion.
M. Châteauvert
(Pierre) : Bien, c'est un processus. En aménagement du
territoire, lorsqu'il y a des choix qui sont faits puis, des fois, des choix
qui sont... c'est déchirant, c'est un processus qui existe déjà dans le monde
municipal. Il y a des choix qui doivent être faits. C'est comme dans n'importe
quel niveau, à partir du moment où est-ce qu'on fait des choix... Quand on
inscrit une orientation au schéma d'aménagement, puis on fait des choix, puis
on dit : Cette partie-là, on la protège, c'est un peu le... c'est le même
processus qui va s'appliquer.
Mme Melançon : Parfait. Donc,
j'entends que vous n'êtes pas inquiets à ce niveau-là du tout.
M. Châteauvert
(Pierre) : Ah! mais c'est certain qu'il va y avoir des débats,
c'est certain.
M. Arcand (Gaston) : Bien, moi,
je le vois aussi un peu comme la discussion de la dernière minute, là, avant,
là, que la MRC puisse... Bon, ça pourra finir comme un désaveu, bien sûr. Mais surtout
elle nous dit de dire : Avant d'aller au bout de la démarche ou de
dire : Bon, attendons un peu, assoyons-nous, regardons qu'est-ce qu'on a
mis en place pour la protection de notre patrimoine. Est-ce qu'on a fait le
tour de tout ça? Oui, peut-être qu'à terme, là, la MRC pourra utiliser son
désaveu, mais c'est surtout une façon d'amener les gens à s'asseoir tout le
tour de la table puis à s'expliquer.
Mme Melançon : Parfait. Merci.
Pour moi, c'est éclairant.
Dites-moi, je vais aller aussi ce sur quoi la ministre
vous a posé quelques questions tout à l'heure. Dans la recommandation n° 1, la recommandation n° 3, la recommandation n° 6, il est question de soutien financier.
Vous avez dit tout à l'heure à la ministre que vous n'aviez pas encore
chiffré. Pour nous, ce qui serait important, par contre... parce qu'on peut
mettre bien des attendus, on peut ajouter beaucoup de mordant, mais, au final,
si on n'est pas capables de chiffrer puis si
on n'est pas capables d'accompagner, ce qui était une des problématiques sur
lesquelles vous nous avez éclairés un
peu tout à l'heure, bien, ça
va être difficile, pour nous, comme
élus, d'aller donner tout le mordant.
Est-ce que vous avez une idée globale générale?
Je ne veux pas vous faire sortir les chiffres. J'entendais M. Châteauvert,
tout à l'heure, dire : Vous étiez au travail, mais, en même temps,
j'entendais M. Châteauvert dire : Ça fait plusieurs années que le
soutien n'est pas là. Ça fait que j'imagine que vous avez quand même une marge
ou une idée, en tout cas, générale.
M. Châteauvert (Pierre) :
En fait, il n'y en a pas, d'aide, au niveau... avant. Le programme qui a été a
rendu public, il y a un an, c'est une première. C'est avec ça... Puis d'ailleurs
la ministre des Affaires municipales aussi était associée au dossier, donc on
a, tout le monde, discuté, et l'annonce a été faite, on était très contents des
montants. Et là il y avait une forme un peu de laboratoire pour voir comment la
réponse... et la réponse a été extraordinaire, sur le terrain, tout le monde...
Et là on sait, on est en train de ramasser l'ensemble de nos informations...
toucher nos membres. On est dans ce processus-là. Là, il y a le projet de loi,
et là on est en train de ramasser l'information.
Et soyez certaine, Mme la députée, qu'on va
effectivement, dans le cadre de nos demandes budgétaires, déposer des demandes
un peu plus concrètes, comme on l'a fait l'an dernier, en matière de voirie. On
l'a fait avec l'aide de nos membres. Et là, actuellement, on est dans le
processus de travail. C'est de la planification qu'on fait, là, c'est toujours
l'automne, un peu de façon parallèle, avec le gouvernement, pour,
justement, ce genre de dossier là. Mais là je ne suis pas capable de vous
dire : On a besoin de tant de millions, on a besoin de ci. Mais ce qu'on
sait, c'est qu'on a besoin d'argent pour finir les inventaires, on a besoin
d'argent au niveau des ressources, au niveau des MRC. On vient de le faire avec l'Immigration, et tout ça, puis ça
fonctionne... déjà bien parti, mais aussi pour faire des interventions
sur le cadre bâti, autant public que privé. Donc, ça va être, grosso modo, la
structure de notre demande.
Mme
Melançon : Le seul... Pour
nous autres, c'est aussi une question de timing, vous m'excuserez l'expression, sauf que, puisqu'on va étudier,
bien, on ne sait pas exactement quand le leader du gouvernement va appeler
pour l'étude article par article... et, pour nous, le plus rapidement possible.
M. Châteauvert, c'est possible quand même de partager. Je comprends que vous serez en relation directement avec les différents membres, les ministres du gouvernement.
Mais, si on est capables aussi d'avoir une idée, pour nous, là, ça va nous
permettre... ça va nous donner, en tout cas, faciliter peut-être la tâche, à
toute la commission, à chacun des élus autour de la table, de pouvoir aussi
arriver à une attente et à des atteintes que nous souhaitons tous, arriver à l'objectif,
là, qui est de protéger le patrimoine. Mais pour ça... J'ai posé quelques questions, là, ce matin, déjà, sur du
financement, puis c'est difficile. Je comprends que l'exercice n'est pas
simple, mais, si c'est possible d'arriver le plus rapidement possible avec ça.
Et je connais votre talent, M. Châteauvert, au niveau des chiffres, donc
je ne suis pas trop inquiète.
M.
Châteauvert (Pierre) : Mais
je vous rassure, parce que, nous autres, c'est janvier qu'on dépose,
normalement, et, tous nos membres, on diffuse nos demandes budgétaires. Ça nous
fera plaisir.
Mme Melançon : Génial. Formidable.
Rapidement, oui, très rapidement, lorsque vous parlez des ressources expertes,
vous dites même qu'on peut partager peut-être même des ressources avec le
ministère, hein, le ministère de la Culture et des Communications pour appuyer
certaines municipalités qui n'ont, bien entendu, pas les moyens d'avoir une
ressource à temps plein. Combien de ressources est-ce que vous pouvez imaginer
qu'on aurait besoin sur le terrain pour vous accompagner dans tout ça?
M. Châteauvert (Pierre) :
M. Arcand? Ou j'y vais ou... En fait, c'est au minimum une par MRC.
M. Arcand (Gaston) : Ah! c'est... Oui.
M. Châteauvert (Pierre) :
Oui. Mais regardez, comme chez M. Arcand, il y a énormément de gens, dans
sa municipalité, la MRC de Portneuf a aussi des gens. Mais regardez les
Pays-d'en-Haut, eux, ils font affaire... ils ont une entente avec la société
d'histoire des Pays-d'en-Haut, et tout le travail et toutes les ressources
techniques, et tout ça, sont, à cette
société d'histoire là, financés par les municipalités et la MRC. Il n'y aura
pas... il ne devra pas y avoir un moule unique, mais plutôt une... et on
le fait dans plusieurs autres domaines, plutôt une offre, un soutien, puis les
gens vont s'organiser pour livrer. Mais ça peut prendre différentes formes
selon les milieux.
• (16 h 50) •
M. Arcand (Gaston) : Moi, je verrais
ça, genre, un peu, la gestion des cours d'eau, hein? Il y a une ressource
spécialisée dans la plupart des MRC. Ça pourrait être la même chose. Puis cette
ressource-là pourra aider les municipalités... moins de moyens, et puis de les
guider là-dedans, là. Mais je pense qu'une ressource par MRC, je pense que ça serait
un bon départ.
Mme Melançon : 104 MRC, au
Québec, c'est bien ça?
M. Châteauvert (Pierre) :
En fait, 87 plus celles qui sont des villes MRC. On tourne autour de 100.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Donc, je passerais maintenant la parole à Mme la députée de
Mercier. La parole est à vous.
Mme Ghazal : Merci. Oui. J'ai
deux minutes quelque chose, donc ça va aller vite.
La Présidente (Mme Guillemette) :
2 min 29 s.
Mme Ghazal : Alors, bien, merci
beaucoup pour votre présence puis votre présentation.
Moi, j'avais une question par rapport à une
proposition qui a été faite par Action Patrimoine, le fait que, oui, les MRC
ont le pouvoir de déciter, c'est-à-dire d'abroger une citation. Et eux, ce
qu'ils demandent, c'est que c'est tellement important, parce que c'est
irréversible, si un bâtiment patrimonial est démoli, c'est irréversible, on ne
peut plus reculer en arrière, qu'il y ait une consultation publique
préliminaire. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça?
M. Arcand (Gaston) : Ça, ça va
être... On ne peut pas être en désaccord avec ça, parce que, même chez nous, on
a vécu ça. À un moment donné, il y a un bâtiment, on a fait des pieds et des
mains pour essayer d'informer le propriétaire, puis ça s'est quand même terminé
par ça. Une séance publique, est-ce que vous parlez au niveau de la MRC ou au
niveau de la municipalité?
Mme Ghazal : Bien, en fait, eux, ce
qu'ils disent, c'est qu'il faut qu'il y ait une... un petit peu... même, c'est
un peu plus large que seulement la MRC qui organise ça, un peu comme un bureau
d'évaluation pour l'environnement, là, un BAPE, mais pour le patrimoine, qu'il
y ait une consultation large où les citoyens, là, qui ont un intérêt ou
n'importe qui puisse en parler, pas nécessairement organisée par vous, ça, ils
n'en ont pas parlé, mais le fait que ça ne soit pas... qu'il y ait des
conditions, que ça ne soit pas juste vous qui le fassiez. Il y a une décitation
ou une abrogation d'une citation, et que ça se fasse, il faut qu'il y ait une
consultation à l'avance. Je voulais juste savoir si vous êtes à l'aise que ça
soit dans la loi puis je vous sentais l'être.
M. Châteauvert (Pierre) :
Dans le cadre d'une décitation? Dans le cadre d'une décitation...
Mme
Ghazal : C'est-à-dire d'abroger une citation.
M. Arcand
(Gaston) : La MRC va avoir le droit de citer.
Mme Ghazal :
Ça veut dire de l'enlever, que ce ne soit plus cité, qu'un bâtiment ne soit
plus cité, qu'il ne le soit plus, qu'il soit retiré.
M. Arcand
(Gaston) : La MRC, avec la loi, va avoir l'autorité de citer un
bâtiment, mais de le...
Mme Ghazal :
Mais elle peut...
M. Arcand
(Gaston) : Bien, elle pourra désavouer celles qu'elle aura citées, là.
Je ne vois pas comment ça viendrait à la municipalité de dire... de déciter un
bâtiment, là. Peut-être pas au niveau de la MRC.
M.
Châteauvert (Pierre) : Et, en plus, il va y avoir un inventaire.
Donc, avec la base de l'inventaire, on ne comprend pas vraiment le processus de
décitation au niveau de la MRC. Je ne comprends pas.
Mme Ghazal :
O.K. Bien, écoutez, comme on a peu de temps, j'avais une autre question pour
vous. Les experts aussi disent qu'il
faudrait protéger les bâtiments modernes, pas seulement ceux de 1940 et
avant. Il y en a même qui ont dit, je pense, c'est Action Patrimoine ou
un autre, 1975. Est-ce que ça, c'est quelque chose pour lequel vous aurez une
ouverture?
La Présidente (Mme
Guillemette) : Rapidement, monsieur...
M. Arcand
(Gaston) : En fonction de l'évaluation qui sera faite de notre
territoire, il y a des endroits qu'un bâtiment de 1975 va faire école et on va
vouloir le transmettre aux générations futures alors qu'ailleurs ça serait
différent. Ça, c'est à l'intérieur soit de la municipalité ou de la MRC. On
souhaite que ça se fasse au niveau de la MRC... et une analyse de ça. Si on a
un bâtiment qui remonte dans ces années-là, qui est typique et puis qui est au
coeur même du développement de la municipalité sur le territoire duquel il est
installé, bien, c'est évident, là, que ça va valoir vraiment la peine.
Mme Ghazal :
Puis que ça soit obligatoire.
M. Arcand
(Gaston) : Pardon?
Mme Ghazal :
Parce qu'en ce moment vous pouvez, mais que ça soit obligatoire, oui.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci.
Mme Ghazal :
Très bien, merci. Merci beaucoup.
M. Arcand
(Gaston) : Merci.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci beaucoup, Mme la députée de Mercier. Merci,
M. Arcand et M. Châteauvert. Merci pour votre contribution aux
travaux de la commission.
Donc, on va suspendre
quelques instants, le temps d'accueillir nos prochains invités. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à
16 h 54)
(Reprise à 16 h 55)
La Présidente (Mme
Guillemette) : ...de l'Union des municipalités du Québec. Donc, je
vous rappelle que vous avez 10 minutes
pour faire votre exposé, puis nous procéderons, par la suite, à l'échange avec
les parlementaires. Donc, je vous invite à vous présenter et à nous
présenter votre exposé. Je vous cède la parole.
Union des municipalités du
Québec (UMQ)
(Visioconférence)
Mme Roy
(Suzanne) : Mme la Présidente de la Commission de la culture et
de l'éducation, distingués membres de la commission, merci de recevoir les
commentaires de l'Union des municipalités du Québec dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 69, Loi modifiant la Loi sur le patrimoine
culturel et autres dispositions législatives.
D'abord, au bénéfice des parlementaires,
j'aimerais rappeler que, depuis maintenant plus de 100 ans, l'UMQ
rassemble les gouvernements de proximité de toutes les régions du Québec afin
de mobiliser l'expertise municipale, accompagner ses membres dans l'exercice de leurs
compétences et valoriser la démocratie municipale. Nos membres, qui
représentent plus de 85 % de la population et du territoire du Québec,
sont regroupés en caucus d'affinité : les municipalités locales,
municipalités de centralité, cités régionales, grandes villes et municipalités
de la métropole. C'est en ma qualité de présidente de l'UMQ que je prends
aujourd'hui la parole, et je veux également mentionner la présence de
Mme Sylvie Pigeon, conseillère aux politiques de l'UMQ.
Alors, le sujet de cette législation nous
concerne tous, c'est notre capacité collective à prendre soin de notre
héritage. Et ce n'est pas simple, particulièrement au Québec. Rappelons-nous
trois données de base. Premièrement, la longueur du temps passé, la grande aventure
du Nouveau Monde a commencé chez nous il y a plus de 400 ans. De ce fait,
nous avons de très nombreux bâtiments patrimoniaux de différentes époques.
Deuxièmement, notre climat rigoureux qui
accroît la complexité et les coûts de préservation et d'entretien de notre
patrimoine bâti. Troisièmement, une
rigidité, dans la réglementation, qui tend parfois à nous enfermer dans une
approche du tout ou du rien. Selon cette approche, soit on préserve à l'identique à fort prix, soit on laisse
dépérir. Or, avec un peu de souplesse et de créativité, on pourrait
reconvertir des lieux. Pour nous, la meilleure façon de conserver le
patrimoine, c'est de le rendre vivant.
Dans l'ensemble, le projet de loi qui nous est
proposé amène plusieurs avancées intéressantes, et nous en sommes fort heureux.
Nous jugeons toutefois que des améliorations peuvent y être apportées. Nous
formulons une dizaine de recommandations. La protection, la préservation et la
mise en valeur de notre patrimoine sont des responsabilités partagées entre le
gouvernement du Québec, avec les municipalités mais aussi avec les
propriétaires privés. Le financement est un enjeu et est l'enjeu le plus
criant. La création, il y a un an, du Programme de soutien en milieu municipal
en patrimoine immobilier puis l'annonce de sa bonification représentent, pour
les villes du Québec, dans toutes les régions, une très bonne nouvelle, mais
les sommes annoncées sont malheureusement nettement insuffisantes, compte tenu
des besoins actuels. L'UMQ s'inquiète aussi de la fin du programme, prévue en
mars 2022. Deux ans d'avenir, c'est bien trop court pour autant d'histoire. Le
soutien du patrimoine doit devenir une valeur, une constance. L'UMQ demande au
gouvernement d'assurer un financement prévisible, adéquat et à long terme, qui
nous permettra d'atteindre nos objectifs collectifs de protection et de
préservation de notre patrimoine.
• (17 heures) •
D'autre part, depuis plusieurs années, les
municipalités ont un pouvoir de citation de bâtiments patrimoniaux. Elles sont
toutefois hésitantes à l'utiliser pour les biens patrimoniaux appartenant à des
propriétaires privés. Cette retenue vient d'une réticence à imposer des
contraintes, des coûts à un particulier sans pouvoir offrir, en contrepartie, une aide financière. La possession d'un bâtiment
patrimonial entraîne, en effet, souvent des dépenses supplémentaires. Il
faut trouver des solutions fiscales innovantes pour encourager ces
propriétaires qui sont prêts à soigner notre mémoire. L'UMQ demande au gouvernement
la mise en place d'un chantier de réflexion sur le financement et la fiscalité
afin d'identifier les meilleurs outils pour que la possession d'un immeuble
patrimonial qui comporte des contraintes comporte aussi des avantages.
La Loi sur le patrimoine culturel, adoptée en
2011, a accordé davantage de pouvoirs aux municipalités en leur permettant de
citer et d'identifier des sites, des immeubles, des documents, des personnages
et autres ayant une valeur patrimoniale. La mise en oeuvre de cette loi aurait
toutefois nécessité davantage de ressources expertes et un plus grand soutien
de la part du ministère de la Culture et des Communications, d'autant plus que
le programme qui avait permis l'embauche d'agents de développement en patrimoine
a été aboli. Nous demandons au gouvernement du Québec de supporter adéquatement
et à long terme l'expertise des municipalités en matière de patrimoine.
Le pouvoir de citation est complexe à invoquer à
cause d'un manque d'expertise, comme je viens de le mentionner, mais aussi
parce qu'il n'existe pas de balise claire sur qui doit protéger quoi. C'est
toujours du cas par cas. Or, le projet de loi à l'étude risque d'ajouter de la
confusion puisqu'il propose d'accorder le même pouvoir aux MRC. Alors, pourquoi
ce doublon bureaucratique? À tout le moins, il faut éviter les désaccords.
L'UMQ demande au gouvernement de préciser le projet de loi afin que l'entité
municipale qui utilise son pouvoir de citation en assume aussi la
responsabilité par la suite.
Le projet de loi appelle par ailleurs les
municipalités et les MRC à réaliser l'inventaire des immeubles présentant une
valeur patrimoniale sur leurs territoires. Sur ce point, l'UMQ demande au
gouvernement du Québec de reconnaître les inventaires déjà réalisés par les
municipalités et les MRC et de bonifier l'aide pour les autres. L'exercice de
répertorier tous les immeubles antérieurs à 1940 peut être très fastidieux.
Le projet de loi n° 69
aborde aussi la question désagréable mais bien réelle de la démolition. Il y a
des questions de sécurité dans certains cas, et ce ne sont pas tous les vieux
immeubles qui ont une valeur patrimoniale. L'UMQ est d'accord pour que
l'ensemble des municipalités se dotent d'une réglementation claire à ce sujet.
Encore ici, toutefois, nous ne comprenons pas pourquoi on accorderait aux MRC
le pouvoir de désavouer une décision d'une municipalité. Notre recommandation
est de retirer l'article 87.
Le principal pouvoir des municipalités est un
pouvoir de zonage. Les municipalités sont restreintes dans l'exercice de ce
pouvoir, qui peut rencontrer des limites lorsqu'il est question de patrimoine, justement.
L'UMQ demande au gouvernement du Québec d'élargir le pouvoir de zonage des
municipalités pour qu'elles puissent prévoir toutes les mesures complémentaires
destinées à protéger et à mettre en valeur le patrimoine.
L'UMQ souhaiterait également attirer l'attention
de la ministre sur la gestion immobilière d'un bâtiment patrimonial acquis par une municipalité. De manière générale, l'occupation des immeubles
patrimoniaux favorise leur maintien
en bon état. Dans un monde idéal, le secteur privé prendrait plus souvent d'initiatives de projets de réhabilitation, mais nous savons cependant que les
coûts font reculer bien des promoteurs, et de nombreux immeubles dépérissent.
Nous proposons une solution. L'UMQ demande au gouvernement
de permettre aux municipalités d'utiliser un immeuble cité qui leur appartient,
de le louer à une organisation à but lucratif et d'en tirer des revenus. C'est simple, mais la législation
actuelle l'interdit. Ouvrir cette voie rendrait possibles et financièrement
réalisables de nombreux projets de réhabilitation, ce qui représenterait
que ces immeubles prendraient vie dans la communauté et seraient mieux entretenus.
Finalement, l'UMQ tient à rappeler une demande déjà
formulée au gouvernement pour que les municipalités puissent interdire l'hébergement
touristique dans une résidence principale par règlement d'urbanisme dans les secteurs de grande valeur patrimoniale, parce que
nous voulons que ces secteurs prennent vie, que les familles y habitent,
que les gens habitent ces maisons patrimoniales. Il va de soi que la quiétude
des résidents, le bon voisinage dans les secteurs patrimoniaux et
touristiques... Alors, voilà, mesdames, messieurs, pour nos commentaires. Et je
vous remercie de votre attention.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme Roy. Je céderais maintenant la parole à Mme la
ministre pour son échange d'une période de 14 min 51 s.
Mme Roy (Montarville) :
Oui. Bonjour. Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Roy, ma voisine de circonscription. Bonjour à vous, Mme la
présidente de l'UMQ, Mme Pigeon.
Merci d'être avec nous. Toujours intéressant
de vous entendre. Et ça soulève des questions parce que vous avez dit quelque
chose et vous nous faites certains commentaires qui ne relèvent pas nécessairement
de ma compétence en tant que ministre de la Culture et des Communications, là.
Mais je vous entends et je travaille en collaboration avec ma collègue du ministère
des Affaires municipales, donc je lui ferai le message.
Il y a quelque chose... je vais peut-être tout
de suite aller avec ça, et c'est vraiment en dehors de la boîte. Quand vous
nous dites, au point 9, «permettre aux municipalités d'utiliser un
immeuble cité qui leur appartient aux fins
de le louer à une organisation à but lucratif et d'en tirer des revenus»,
quelle loi vous interdit de le faire? Je serais très surprise que ce
soit la Loi sur le patrimoine culturel. Qu'est-ce qui vous
interdit, vous empêche de louer un édifice qui
est à vous? Je ne suis pas la spécialiste des affaires municipales, mais je
vous pose la question puisque vous l'êtes.
Mme
Roy (Suzanne) :
Bien, Sylvie, peut-être, au niveau technique, tu pourras compléter, mais effectivement il est possible de louer ou de... organismes
communautaires, par exemple, mais quand c'est d'aller, par exemple, avec une
organisation à but lucratif, un commerce, là, il semble qu'il y ait des
restrictions et que ça soit impossible pour les municipalités, dans le cadre,
évidemment, d'un immeuble qui est cité. Peut-être, Sylvie, si tu peux
compléter.
Mme Pigeon (Sylvie) :
Oui. C'est dans la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme où cette restriction-là
est imposée. On avait spécifié, là, si ma mémoire est bonne... C'est ça,
j'essaie de regarder en même temps dans le mémoire, là, l'article, là, mais
c'est vraiment dans la LAU qui empêche les municipalités de louer à un
organisme à but lucratif, par exemple, une entreprise, un petit commerce, un
café, par exemple, dans un immeuble patrimonial qui appartient à la
municipalité.
Mme Roy (Montarville) : Je le
prends en note parce que, je trouve, c'est quand même intéressant. Parce que je
partage avec vous le fait qu'il faille protéger notre patrimoine. On en a
besoin. C'est notre histoire, c'est notre identité, ce sont nos racines, c'est
ce qui fait la beauté du Québec.
Mais par ailleurs, le patrimoine, quand vous
dites... j'ai pris des notes parce que je trouvais que c'était très beau ce que
vous disiez à l'égard de le faire vivre, justement. Oui, je pense qu'il faille
le faire vivre aussi. Il ne faut pas nécessairement que les bâtiments
patrimoniaux qui jouissent d'une mesure de protection ne vivent pas. Et d'ailleurs
c'était un des commentaires qui avait été fait par la Vérificatrice générale du
Québec, qui nous dit... je paraphrase, là, mais, en quelque part, l'esprit de
ce qu'elle nous disait, c'est : À quoi bon classer des bâtiments, les
protéger, s'ils ne servent à rien, s'ils n'ont plus de destination, si on en
fait des coquilles vides?
Alors, moi, je pense qu'au contraire les
bâtiments que nous choisirons de les protéger, naturellement, il y a classé,
c'est un statut particulier, mais il y a cité, et ça, vous avez ce pouvoir de
le citer, mais il faut également que ces bâtiments puissent vivre. Alors, comme
je vous dis, je ne suis pas la ministre titulaire de la LAU, mais j'en parlerai
avec ma collègue aux Affaires municipales pour voir dans quelle mesure...
enfin, l'origine de cet article-là, dans quelle mesure on peut travailler avec.
Par ailleurs, la grosse question, Mme Roy,
l'éléphant dans la pièce, c'est que vous demandez de retirer l'article 87
du projet de loi, qui accorde à la MRC la possibilité de désavouer la décision
prise par la municipalité locale. Quand vous vous demandiez pourquoi c'est là,
je vais vous l'avouer très candidement, ce projet de loi là vise, et on a tous
cet objectif-là, à protéger le patrimoine. Et ce qu'on s'est rendu compte, puis
vous aussi la première, c'est qu'on apprend en catastrophe la démolition éventuelle
d'un bâtiment, à quelques minutes d'avis, par un coup de téléphone. Et là je
vous parle de bâtiments qui ont de belles valeurs patrimoniales. Et ça, c'est
la réalité, la réalité au ministère, ma
réalité en tant que ministre de la Culture. Depuis mon entrée en fonction, je
ne peux pas vous dire le nombre de fois où c'est un appel en
catastrophe, et la pelle mécanique a déjà fait son oeuvre ou est sur le point
de la faire.
• (17 h 10) •
Et c'est ça qu'on veut éliminer, on veut
éliminer le fait que nous soyons les derniers et, oui, qui pouvons aider, mais
encore faut-il aider avant qu'il ne soit trop tard. Et la raison pour laquelle
nous avons permis... ou nous souhaitons permettre aux MRC, un, de citer des
bâtiments et, deux, de dire : Holà! Attention, il y a une démolition qui
s'en vient sur un bâtiment, ce pouvoir de désavouer en quelque sorte, c'est
pour ouvrir un dialogue, c'est pour se donner du temps et c'est pour nous
assurer que, si démolition il y a, toutes les parties prenantes seront, un, informées,
deux, conscientes de ce qu'elles font et en prendront
l'entière responsabilité. Mais c'est un pare-feu, voilà, c'est le terme que je
veux employer.
Et je vais vous donner l'exemple patent qui nous
a inspiré cet article, et je ne vais pas m'étendre sur cet exemple, parce
qu'actuellement le propriétaire du bâtiment me poursuit et poursuit le
gouvernement parce qu'il n'a pas aimé que j'intervienne, alors que j'exerce mes
propres pouvoirs, c'est le fameux monastère des Moniales, à Berthierville.
Bien, des comme ça, vous et moi, on n'en veut pas.
Et la problématique... à Berthierville, ce
bâtiment absolument magnifique, qui était en vente pour plusieurs millions de
dollars, sur le bord de l'eau, était dans l'inventaire de la MRC. La MRC nous
avait dit : C'est important, ce bâtiment-là, il faut en prendre soin, il
faut que quelqu'un s'en occupe. On le veut, on doit le conserver. C'est pour ça, les inventaires, on souligne à gros traits les
bâtiments qui ont une valeur, qui méritent d'être cités comme bâtiments
patrimoniaux. Alors, la MRC avait cité... pardon, avait mis dans son inventaire
le monastère des Moniales. La ville de
Berthierville ne voulait rien savoir, et le permis... la vente a été accordée,
contrat signé le vendredi, puis le lundi matin la pelle mécanique était
là, alors... et je l'apprends en catastrophe. Pour éviter ces situations, la
MRC aurait pu lever un drapeau et dire : Attention! Nous ne sommes pas
d'accord, assoyons-nous, réfléchissons à ce que nous allons faire. C'est un peu
ça.
Comprenez bien que ce n'est pas pour policer ou
taper sur la main des municipalités, parce que la grande majorité des municipalités,
des villes sont très sensibles à leur patrimoine. Mais on sait qu'il y a
certains endroits où, pour des raisons obscures ou pas tant, on n'a aucune
sensibilité, et c'est pour prévenir ces cas-là, tout simplement. Et ce n'est
surtout pas pour policer les villes, pour leur enlever des pouvoirs, pour les
empêcher d'avancer, bien au contraire. Mais à partir du moment où la MRC lève
le drapeau, il y a un processus qui s'enclenche, de 90 jours, et, pendant
ce processus, je deviens informée de la situation. Et les différents
intervenants pourront s'asseoir, puis discuter, puis trouver une solution, mais
ça nous donne un tampon, ça nous donne une marge de manoeuvre. Ultimement, si
on n'arrive pas à s'entendre, bien, on va toujours trancher, là. C'est la
prérogative de la ministre de sauver un édifice qui correspond aussi aux
critères patrimoniaux. Il y a ça aussi.
Et d'où l'inventaire également, puisque cette
intervention des MRC ne sera pas faite à tout vent pour... peu importe le
bâtiment. On parle de bâtiments qui sont répertoriés dans un inventaire. Alors,
on ne veut pas enlever des pouvoirs aux villes, mais on veut se donner vraiment
un pare-feu pour nous assurer, bien, que, vous voulez démolir ce bâtiment,
bien, soit, soyons-en tous conscients, et la décision sera prise en
connaissance de cause, et les parties prenantes seront informées. Alors, c'est
pour ça.
Quand vous me disiez, Mme Roy :
Pourquoi c'est là? C'est pour ça. Si vous avez un autre mécanisme de pare-feu,
dites-le-moi, mais c'est vraiment l'optique, là. Puis le groupe avant vous
parlait de travailler vraiment en partenariat, et c'est ça qu'on veut faire, tu
sais, on veut impliquer la partie civile, les citoyens au premier chef.
Et on est tellement au même endroit, et ce que
je dis, c'est qu'il y a tellement de municipalités qui sont exemplaires. Bien,
on en connaît plein autour de nous, Mme Roy, là, qui travaillent fort, qui
tiennent à leur patrimoine. Bon, je vais prêcher pour ma paroisse, le
Vieux-Boucherville, mais il y a de ces endroits un peu partout à la grandeur du
Québec où il y a des vieux villages, des coeurs de villages, et les
municipalités font attention. Alors, c'est pour répondre à votre question.
Maintenant, je veux vous poser d'autres
questions, mais j'espère avoir un peu répondu, que vous comprenez l'esprit, que
ce n'est vraiment pas dans un esprit de policer ni dans un esprit revanchard,
mais pour se préserver d'un pic des démolisseurs, et qu'on reçoit un coup de
téléphone, et il est trop tard.
Maintenant, à
l'égard des critères, quand vous me disiez que c'est confus, que c'est
compliqué, que c'est complexe, bien, vous avez raison. Vous avez totalement
raison, puis la Vérificatrice générale le souligne également. Et c'est la
raison pour laquelle, quand elle nous parle du manque de transparence, du
manque d'information, au premier chef même, je crois que le ministère de la
Culture a une obligation, à l'égard des villes, des municipalités, de bien vous
informer sur vos pouvoirs, sur vos droits, sur les subventions qui peuvent
suivre. Ça, là, on a vraiment un devoir de le faire. Et puis moi, je dis
présente, là. On va être là pour vous accompagner davantage.
Par ailleurs, à l'égard de ce projet de loi là,
quand vous dites : Les critères, c'est compliqué, c'est tellement
compliqué, madame, que personne n'est capable de les trouver... alors là, on
veut s'assurer qu'ensemble puis avec les partenaires on puisse élaborer des
critères. J'entendais tout à l'heure un groupe, puis là je vais me permettre de
faire un commentaire, qui dit : Une
belle maison... deux belles maisons ont été démolies récemment. Mais,
Mme Roy, en fonction des critères élaborés et du critère, entre autres, de
la valeur nationale, je ne peux pas les protéger. Mais les villes peuvent les
citer par exemple.
Alors, ça, c'est un problème parce que je
considère que, pour que nous ayons plus de bâtiments protégés et classés, il
faudra, en quelque sorte, revoir ces critères. Parce qu'un beau bâtiment en
bois peut avoir, oui, une très grande importance patrimoniale, mais
actuellement ne répond pas aux critères qui sont dans la loi, avec lesquels on doit travailler. Alors, c'est pour ça qu'on veut
un peu mettre certaines catégories, parce que, oui, il faut protéger
davantage, mais assouplir certains critères parce que tout ne se vaut pas.
Maintenant,
je veux vous poser une question, parce que je pourrais parler trop longtemps,
puis vous n'êtes ici pas longtemps. À
l'égard des dispositions, par exemple, les inventaires, les municipalités que
vous représentez, je pense, sont quand même assez exemplaires, il y en a
un bon pourcentage qui ont déjà des inventaires. Est-ce que je me trompe?
Mme Roy (Suzanne) : Oui, tout à
fait, et on souhaite que ces inventaires puissent être utilisés, pas refaire le
même travail deux fois, particulièrement dans le cas où c'est déjà fait. Alors,
on souhaite que ces inventaires puissent être réutilisés.
Et, si vous me permettez, Mme
la ministre, je reviendrais un petit peu sur l'article 87, parce que le
pare-feu, vous l'avez dans votre projet de loi. Vous l'avez, le pare-feu, du
fait que chaque municipalité devra avoir un comité de démolition qui devra
tenir compte de l'inventaire qui est fait au niveau de la MRC, donc qui aura
des critères pour déterminer, ce qui n'était pas le cas dans le cas de Berthier.
On a bien vu... En lisant le projet de loi, on voyait le cas que vous venez de
nous mentionner. Mais, avec le projet de loi, justement, qui amène une façon
plus précise d'intervenir au niveau des municipalités, d'encadrer, au niveau
des municipalités, ce qui concerne la démolition, on a déjà là un pare-feu, à
mon sens, important pour éviter que d'autres cas arrivent comme celui-là.
Et, si jamais vous décidiez de conserver cet article,
le délai est extrêmement long. Alors, on le sait, au Québec, quand, les
interventions, on ne peut pas les faire toute l'année, tous les bâtiments n'ont
pas la même valeur. Il y a des questions de sécurité qui peuvent se poser.
Donc, c'est extrêmement long comme délai. Il faudrait minimalement...
idéalement retirer l'article 87, minimalement en limiter le temps. Et,
pour ce qui est des inventaires, effectivement, on peut bonifier ceux qui sont
déjà faits, mais ne perdons pas le travail qui est déjà fait et l'expertise qui
est déjà en place.
Mme Roy (Montarville) : Je suis
tout à fait d'accord avec vous. Je suis assez pragmatique et pratique, et effectivement
il y a du très beau travail qui a été fait dans plusieurs villes du Québec et
municipalités. Et naturellement ce travail-là doit quand même... on doit quand même
s'assurer qu'il a été bien fait, mais le travail qui a été bien fait, moi, mon
souhait, c'est qu'il soit versé dans un inventaire qui, éventuellement, sera
centralisé d'une certaine façon, mais versé au sein même du ministère de la
Culture.
Parce qu'actuellement — puis
on parle de sous aussi puisqu'il nous reste un peu de temps — c'est
assez... on est dans une situation où nous voulons protéger, mais avant de dire
combien ça va nous coûter pour protéger ce qu'on a puis ensuite aider à la
restauration de ce qu'on aura choisi de valoriser, bien, c'est assez dur dire
un chiffre, alors qu'on ne sait même pas exactement combien de bâtiments et
quels sont les bâtiments que nous disons et que nous allons dire
collectivement, ensemble, les municipalités, le gouvernement : Ceux-ci ont
suffisamment de valeur pour que nous les protégions. Ça fait que c'est un
exercice... c'est difficile mettre un chiffre, alors qu'on ne sait même pas
quelle est l'étendue des bâtiments qui seront, justement, patrimoniaux, retenus
dans cet inventaire.
Mais, oui, je retiens la proposition que vous
nous dites. Et moi, je suis tout à fait à l'aise avec ça, le travail qui est
fait et qui est bien fait, bien, on va le poursuivre. Puis, si on peut aider
puis si on peut bonifier ou mettre à jour, parce qu'il y a certaines
inégalités... Mais j'ai eu une information qui est très intéressante. Sur
87 MRC, il y a plus du tiers, il y en a 30 qui ont déjà un inventaire. Et
sur sept des 14 villes qui, elles, exercent les pouvoirs des MRC, bien, il y en a la moitié qui ont déjà leur
inventaire. Donc, il y a déjà beaucoup de travail qui a été fait. Il faut
aller chercher les autres. Il faut embarquer tout le monde, et c'est là, je
pense, qu'il y a un travail de collaboration à faire.
Par ailleurs, et vous en avez parlé,
brièvement... Je regarde la présidente, je pense que je suis rendue au bout de
mon temps.
• (17 h 20) •
La Présidente (Mme Guillemette) :
10 secondes.
Mme Roy (Montarville) :
Merci infiniment, Mme Roy. Toujours un plaisir, Mme Pigeon. Mais je
vous ai bien entendues puis j'ai pris des notes. Je vais parler avec ma
collègue.
La
Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Donc, je céderais maintenant la
parole à la députée de Verdun pour son échange avec vous, pour
9 min 54 s.
Mme Melançon : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, mesdames. Un immense plaisir de vous avoir avec nous aujourd'hui. Je voulais juste... puis loin de
moi, là, l'idée de vouloir reprendre quoi que ce soit, mais je crois que
c'est en page 14, c'est la Loi sur les cités et villes qui ne permet pas
les locations dont on parlait tout à l'heure, et non pas la LAU, juste le
souligner au passage. À moins que, Mme Pigeon, je fasse erreur, là, mais
j'ai retrouvé, à la page 14, donc c'est vraiment en raison de la Loi sur
les cités et villes, et à l'article 28. Est-ce que c'est possible?
Mme Roy
(Suzanne) : L'important,
c'est qu'on le modifie et qu'on puisse maintenant donner vie à notre patrimoine.
Mme Melançon : Exactement. Bon,
parfait. Merci beaucoup. Je voulais vous dire, juste au passage, parce que
j'avais mis des astérisques puis des petits coeurs, j'ai beaucoup aimé votre
passage lorsque vous marquez : «Pour demeurer vivant, le bâti patrimonial
doit être habité.» Et je pense que là-dessus nous sommes tous d'accord.
D'ailleurs, concernant... Je vais commencer par
la fin. Bien, vous voyez, j'y vais dans l'ordre, dans le désordre, on est entre
nous. À l'intérieur de votre recommandation, la recommandation n° 10,
je sais qu'on s'est... on vous a vues sur l'article... sur le projet de loi
n° 67 et sur l'article 81, je sais que la ministre des Affaires
municipales est bien au fait, parce que vous avez été très claire, et je vous
en remercie, de l'avoir fait avec autant de clarté quant à la possibilité
d'interdire et de garder, hein, ce pouvoir-là, parce que c'est vous, souvent,
qui avez les problématiques. Quand ça tourne un peu mal avec le touristique, ce
sont les maires qui reçoivent l'appel. Et je crois en effet qu'on doit demeurer
très vigilant pour les hébergements touristiques, surtout avec les résidences
principales, là, et le règlement d'urbanisme. Donc, je vous le dis, là, on est
à la même place, vous et moi, là-dessus, et puis je vais pouvoir le ramener
lorsqu'on sera rendus dans l'article par article. Je penserai à vous, je vous
rassure.
Je voulais aussi parler
avec vous de financement et de fiscalité. Et je vous le dis puis là je vais
faire... Je ne veux pas qu'il y ait d'interprétation, là, moi, c'est juste dans
la compréhension puis pour que les gens aussi qui suivent nos travaux puissent
bien comprendre. Actuellement, une maison patrimoniale... Il y a certains
maires, puis on l'a vu, puis la ministre en
parlait aussi tout à l'heure, là, il y a des maires qui préfèrent voir une
maison peut-être mal vieillir pour
pouvoir avoir le terrain, qui vaut souvent plus cher que la maison patrimoniale
elle-même, malheureusement, pour pouvoir voir s'ériger des condos et
pouvoir avoir des taxes.
Aux lectures que j'ai pu faire dernièrement,
j'ai vu qu'il y a des pays qui ont donné des valeurs, justement, aux maisons
patrimoniales, qui ont permis, justement... Parce que vous, comme mairesse et
comme présidente de l'UMQ, vous, ce qui est
important, c'est aussi de savoir...
bien, il faut que les chiffres balancent, là, à la fin de l'année. Puis
vous, vous offrez des services, comme le gouvernement du Québec offre des
services, puis vous voulez vous assurer qu'avec
les taxes que vous êtes capable d'aller percevoir, bien, vous êtes capable de
donner des services à la population.
Est-ce que vous avez des idées quant à la
fiscalité? Est-ce que vous avez une idée déjà arrêtée ou si vous laissez ça
plus à la commission, ce soin-là d'aller fouiller un peu plus?
Mme Roy (Suzanne) : On pense
qu'on doit aller plus loin. Puis je vais vous donner un exemple. Puis je pense
que c'est important parce que, quand on pense au patrimoine, on donnait
l'exemple, là, de grands couvents, et tout ça, mais c'est aussi... dans une
ville comme Sainte-Julie, un coeur de village où il y avait
1 500 personnes en 1940, c'est des petites maisons familiales, c'est
la forge de l'époque, c'est le magasin général de l'époque et ce ne sont souvent pas nécessairement des familles qui
ont un grand revenu qui habitent ces maisons, qui habitent la maison de
leurs parents, souvent. Et malheureusement on voit trop souvent notre
patrimoine ne pas pouvoir être entretenu parce que les gens ne sont pas
capables de répondre aux exigences pour pouvoir maintenir l'attrait de
l'époque, de mettre le toit en tôle, par exemple, parce qu'ils n'ont pas le
25 000 $ que ça prend pour le mettre.
Alors, ça, pour nous, c'est des éléments qui
sont importants. C'est pourquoi on trouvait qu'il était intéressant de
présenter la maison patrimoniale non pas seulement comme une maison à problèmes
qui coûte une fortune à réparer, mais, au
contraire, une maison où on pourrait retrouver, en termes de fiscalité,
certains avantages, par exemple. Donc, on dit : Il serait
intéressant de regarder plus loin et de voir à faire un chantier de réflexion
sur comment on peut faire, parce que, malheureusement, quand on parle de
patrimoine maintenant, on parle souvent de maisons qui se sont détériorées avec
les années, et, si ces maisons avaient été habitées, si ces maisons, les gens
avaient pu, parce qu'ils auraient eu les moyens ou le soutien, l'entretenir au
fur à mesure, bien, on ferait peut-être beaucoup moins face à ces demandes de
démolition.
Et ça donne aussi toute l'image d'un coeur de
village, d'un vieux village. Alors, on peut ressentir l'histoire, mais il faut
permettre à ces gens-là de le faire et de le vivre, tout comme on le
mentionnait pour ce qui touche la résidence principale. Pensons au Vieux-Québec.
Il doit continuer d'être habité par des familles, par des couples qui doivent y vivre. Tout ne doit pas devenir
touristique, parce qu'à ce moment-là nous n'aurons pas le même niveau
d'entretien que quand c'est véritablement l'endroit où tes enfants grandissent
et où tu vis au jour le jour.
Mme Melançon : Mme Roy,
j'ai une question. Puis je ne veux pas vous mettre porte-à-faux avec la ministre,
là, je sais que vous êtes des voisines, mais quand même, après avoir
entendu le plaidoyer de la ministre
quant au pouvoir de désaveu de la MRC, est-ce qu'en temps réel, là, la recommandation
n° 7 de l'UMQ, est-ce que vous la maintenez? Est-ce
que vous demandez toujours le retrait de l'article 87?
Mme Roy (Suzanne) : Ça provoque
un... et le projet de loi, ce qu'il a de beau, c'est que, dans le projet de loi
qui nous est présenté aujourd'hui, on a ce pare-feu en disant : Chaque municipalité
devra suivre l'inventaire, en tenir compte
dans son comité de démolition. Voici, il y aura des règles à appliquer. Donc,
on voyait très clairement pourquoi il était là, quel était le cas qui
avait amené ça, mais on pense que ce qu'il y a dans le projet de loi
actuellement est suffisant pour être un bon pare-feu, pour éviter qu'on revoie
d'autres cas comme celui dont la ministre nous a parlé.
La
Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Donc, je céderais la parole à la députée de Notre-Dame-de-Grâce.
Il vous reste 2 min 20 s.
Mme Weil : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, Mme Roy et Mme Pigeon.
J'aimerais vous entendre sur cette question de
zonage. J'ai trouvé ça intéressant d'un point de vue juridique. Vous parlez de
la possibilité, avec cette notion de gouvernement de proximité et les
modifications qui ont été apportées à la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme,
que peut-être que l'article, même, et je pense que c'est le paragraphe 25, vous en parlez dans votre...
113, c'est bien ça, le pouvoir de zonage, je pense, c'est le
paragraphe 23... Pouvez-vous peut-être nous expliquer votre vision et
comment vous le voyez, d'un point de vue juridique, que ça pourrait être
possible, ou est-ce que ça prendrait un amendement? Et pourquoi... Je comprends
votre désir, vous l'expliquez bien dans le mémoire, mais peut-être vous
entendre là-dessus.
Mme Roy (Suzanne) : Parce que c'est
lourd, hein, puis on veut avoir des outils pour pouvoir le protéger ce
patrimoine. Malheureusement, quand on arrive, on est toujours dans des dossiers
de problématiques puis c'est souvent des exemples problématiques. Mais si, au
quotidien, on pouvait, par exemple, s'assurer certains éléments de souplesse
par rapport à des secteurs plus patrimoniaux, par rapport à des bâtiments plus
patrimoniaux, par rapport à des ensembles, hein, parce que, dans une
municipalité, on va retrouver, à ce moment-là, souvent, des ensembles, donc, si on pouvait, à ce
moment-là, assouplir au niveau de la législation ce que peuvent faire les
villes dans le domaine patrimonial, donc, pour pouvoir, justement,
préserver, avoir des actions, faire les choses un peu différemment, alors, bien
sûr, ce sont des gestes qui nous permettraient de faire en amont et ne pas
toujours faire face à des bâtiments ou à des quartiers qui vont se défaire, qui
vont s'effriter au fil des années.
• (17 h 30) •
La Présidente (Mme Guillemette) : Merci.
Il vous reste 30 secondes.
Mme Weil : Il reste
30 secondes?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Oui.
Mme Weil : Bien, donc, j'ai
commencé à regarder dans d'autres juridictions, évidemment, c'est toujours intéressant
de comparer parce que... On voit, l'Ontario a fait beaucoup, beaucoup de choses
en matière de protection du patrimoine. J'ai
essayé de voir s'il y avait... si vous, vous avez fait des recherches
dans ce sens pour voir si d'autres provinces,
d'autres villes ont utilisé ce pouvoir de zonage pour agir dans ce sens, pour
donner cette flexibilité
instantanée, finalement, avec ce pouvoir-là.
Mme Roy (Suzanne) : Alors, tout
simplement d'avoir un peu plus de souplesse, hein? Je trouve que... C'est
drôle, je vais l'exprimer comme ça, je trouve qu'on commence à penser à une
préservation du patrimoine en amont, et ça, c'est essentiel. Mais, pour ce
faire, ça va nous prendre des outils, des outils peut-être qu'aujourd'hui même
on ne connaît pas encore, pour pouvoir
interagir en amont. Mais ces outils-là, on va devoir pouvoir avoir de la
souplesse, ne pas être obligé de revenir. On
donnait juste l'exemple de pouvoir avoir des éléments récréatifs dans un
bâtiment. Alors, c'est un bel exemple,
puis on le sait, là, si on a des commerces, un bureau à l'intérieur d'un bâtiment patrimonial, bien, ça va amener une vie, ça va
amener à l'habiter et ça va surtout amener à mieux l'entretenir. Et c'est ça,
quand je parle d'être en amont, c'est de pouvoir mieux l'entretenir. Et avec
les inventaires qui vont être faits, ça va être un outil aussi supplémentaire
pour savoir justement qu'est-ce que c'est, une valeur patrimoniale pour un
bâtiment.
Alors, je pense que, là-dessus, on est dans la
bonne voie. Et en ce sens-là, bien sûr, il ne faudra pas arrêter, étant donné
qu'on est dans la bonne voie, il faudra se donner le moyen de nos ambitions.
Alors là, on se donne des outils, avec ce projet de loi, mais il faudra se donner le moyen, donc, les moyens de pouvoir
soutenir les gens, de pouvoir avoir des règles fiscales qui soient intéressantes
pour ceux qui habitent ces bâtiments patrimoniaux là et de maintenir
l'expertise municipale, justement, pour mieux intervenir, pas toujours quand le
bâtiment n'est plus intéressant.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme Roy. Je céderais maintenant la parole à Mme la députée de
Mercier.
Mme
Ghazal : Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup, mesdames, pour la présentation. J'ai
deux minutes quelque chose, donc... Bien, quand... vous en avez parlé un
peu, puis il y a beaucoup de gens qui en parlent, toute la question de la
fiscalité pour encourager l'entretien des bâtiments pour les gens privés, puis
vous dites, pour les propriétaires privés,
que vous êtes prêtes à discuter avec la ministre pour trouver des
solutions innovantes, qu'il faut qu'il y
ait un chantier. Est-ce que
vous pouvez nous donner des exemples très,
très concrets, une mesure que le
gouvernement, par exemple, pourrait mettre en place, qui se fait peut-être
ailleurs au Canada ou ailleurs dans le monde?
Mme Roy (Suzanne) : Je vous
donnerais une mesure simple, c'est-à-dire, par exemple, avoir des crédits
d'impôt supplémentaires pour ces maisons-là, puis là je pense surtout à ces
résidences qui ont une valeur potentielle patrimoniale, alors pas nécessairement
celles qui sont citées, mais celles qu'on doit préserver parce qu'elles vont
devenir notre patrimoine de demain aussi. Alors, par exemple, des crédits lors
de la rénovation, qui pourraient apparaître sur le rapport d'impôt en leur
permettant de dire : Oui, ça me coûte plus cher. Parce qu'il faut réaliser
que, quand on intervient sur un bâtiment patrimonial, bien, les artisans sont
plus rares, les matériaux sont différents, donc les coûts sont de beaucoup
supplémentaires à la simple résidence chez nous qui veut changer ses fenêtres
ou la porte d'entrée, là. Alors, ça peut coûter le double pour ces
résidences-là. Alors, il faut trouver comme ça des incitatifs fiscaux où on
permet de dire : Même si j'ai payé un peu plus cher, j'ai un crédit, donc
je me reprends un peu.
Mme Ghazal : Est-ce que ça a déjà
été estimé? Peut-être, je ne sais pas, ça existe quelque part. Je ne sais pas
si vous êtes au courant combien, par exemple, ces aides-là pourraient coûter
pour préserver ces maisons-là. Est-ce que ça a déjà été évalué? Est-ce que vous
êtes au courant?
Mme Roy
(Suzanne) : Bien, c'est
difficile à dire parce qu'on n'a pas l'inventaire complet de ces maisons-là.
On est en plein dans le travail. Mais une chose est certaine, on peut faire
mieux et on peut mieux soutenir ces propriétaires.
Mme Ghazal : Ça serait quoi, les restrictions à la démolition?
Parce que vous dites que le fait de désavouer...
qu'une MRC désavoue qu'une municipalité démolisse, c'est... vous êtes contre ça
à cause des délais. J'ai lu ce que vous avez mentionné dans le mémoire. Mais
l'idée, c'est de ne pas se retrouver avec des démolitions, parce qu'une fois
que ça a lieu, on ne peut plus reculer en arrière. Est-ce que vous trouvez que
ce qu'il y a dans le projet de loi est suffisant pour éviter ces situations-là,
la consultation, tout ça?
Mme Roy
(Suzanne) : Oui, je pense
que ce qui est dans... oui, ce qui est dans le projet de loi permet
justement... Bon, on doit tenir compte de ce qu'il y a dans l'inventaire. Donc,
déjà là, une municipalité ne peut pas faire semblant que ce n'est pas dans
l'inventaire puisque ça existe dans l'inventaire de la MRC. Donc, c'est déjà
des éléments, la véritable valeur patrimoniale, donc, tous ces éléments-là et,
évidemment, le fait que ça doit être connu, hein, ça ne se fait pas en
cachette, un comité de démolition, donc, bon, l'affichage, le fait d'informer
les citoyens et l'entourage qu'il y a une analyse qui est faite par le comité
de démolition. Et ce n'est pas parce que ça passe à un comité de démolition que
ça va être accepté. Mais je pense que ce qu'on retrouve actuellement dans le
projet de loi donne un bon pare-feu et amène plus un travail de collaboration
avec la MRC, l'inventaire à la MRC, que de dire : Je vais donner à la MRC
un pouvoir de désaveu, et on va assister à des guerres entre la MRC et la
municipalité, alors que ce qu'il y a actuellement dans le projet de loi, à mon
sens, permet d'éviter ce qu'on a vu par le passé.
Mme Ghazal : Oui. Merci.
La
Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup, Mme Roy. Merci beaucoup, Mme Pigeon. Donc,
merci pour votre contribution à nos travaux.
Donc, la commission suspend ses travaux jusqu'à
19 h 30 ce soir. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 36)
(Reprise à 19 h 32)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, bonsoir, tout le monde. La Commission de culture et éducation reprend ses
travaux. Je vous demande de bien vouloir éteindre vos appareils électroniques.
Nous poursuivons les audiences publiques dans le
cadre du projet de loi n° 69, Loi modifiant la Loi sur le
patrimoine culturel et d'autres dispositions législatives. Donc, ce
soir, nous entendrons par visioconférence le Regroupement des citoyens du site
patrimonial de l'Île d'Orléans et la ville de Montréal.
Donc, Mmes Roberge et Delisle, bienvenue. Je
vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour nous faire votre
exposé, puis ensuite nous procéderons aux échanges avec les membres de la commission.
Donc, vous pouvez vous présenter et nous faire votre exposé. Je vous cède la
parole.
Regroupement de citoyens du
site patrimonial de l'Île d'Orléans
Mme Delisle (Jeanne d'Arc) : Merci, Mme
la Présidente. Mon nom est Jeanne d'Arc Delisle, et je suis accompagnée de
Caroline Roberge. On est ici toutes les deux à titre de représentantes du Regroupement
de citoyens du site patrimonial de l'Île d'Orléans.
Le regroupement, c'est une initiative citoyenne
et bénévole qui a été formée en mai 2018 en réaction, je dirais, à une
application stricte des orientations du plan de conservation de l'île par le ministère
de la Culture et des Communications, et ce, dans le cadre des demandes
d'autorisation qui étaient présentées en vertu de l'article 64 de la Loi
sur le patrimoine culturel. Il faut savoir que le site patrimonial de l'île
d'Orléans, c'est le plus important en termes de bâtiments, de superficie et de
propriétaires touchés. Contrairement aux autres sites patrimoniaux, à l'île
d'Orléans, tout le territoire et les bâtiments sont inclus dans le site
patrimonial.
Nous avons jugé important de partager
l'expérience vécue par les Orléanais depuis l'adoption du plan de conservation
et d'en tirer profit dans l'analyse du projet de loi n° 69 modifiant
la Loi sur le patrimoine culturel. Notre mémoire et notre présentation
d'aujourd'hui sont vraiment basés sur des faits réels, des exemples concrets
vécus par de vraies personnes.
Dès la publication du plan de
conservation, en décembre 2017, les citoyens ont commencé à ressentir les
effets d'un resserrement des exigences du ministère et ont été confrontés à des refus, à des avis d'infraction et même,
dans certains cas, à des poursuites judiciaires.
Le 6 juin 2018, le
regroupement a publié un manifeste qui résumait les constats et les problèmes
qui avaient été identifiés dans l'analyse et le traitement des demandes
d'autorisation par le ministère. On savait qu'il y avait un problème, mais
personne auparavant n'avait vraiment été en mesure de mettre des mots sur les
irritants vécus par les citoyens. Une pétition d'appui au manifeste a recueilli
plus de 1 200 signatures, et nous avons tenu trois séances
d'information sur l'application du plan de conservation. Ces réunions-là ont
reçu... ont réuni des centaines de personnes. Plusieurs d'entre elles ont pu
alors expliquer leur situation et exprimer leur mécontentement et leur
incompréhension face à certaines interventions et décisions du ministère.
Parmi les problèmes rencontrés, l'expérience
vécue par des citoyens de l'île d'Orléans dans le cadre des demandes d'autorisation a révélé que le ministère
appliquait les orientations du plan comme des exigences réglementaires.
Alors que le plan lui-même mentionne qu'il ne s'agit pas de normes
réglementaires et que plusieurs orientations visent à favoriser ou à
privilégier certaines interventions, le ministère transforme ces orientations
qui sont souples en normes rigides, transmet des avis d'infraction et a même,
comme je le mentionnais tantôt, intenté des poursuites pénales et civiles dans
certains cas. À l'opposé, en l'absence de processus de révision des décisions
du ministère, les citoyens sont laissés à
eux-mêmes et doivent, pour obtenir justice, entamer de très coûteuses
procédures judiciaires en Cour supérieure.
Par ailleurs, le processus
d'autorisation qui est utilisé par le ministère force souvent les citoyens qui
entreprennent des travaux à procéder par essais et erreurs. Les demandes de
modifications sont fréquentes avec les frais et les délais que cela implique,
et le ministère motive rarement ses refus ou ses exigences. Plus souvent
qu'autrement, quand il le fait, il motive son refus en alléguant un impact
négatif sur les valeurs patrimoniales du site, mais sans préciser davantage.
Or, tout peut avoir
un impact négatif sur les valeurs patrimoniales, selon le ministère : une
nouvelle maison deux pieds trop haute, une autre avec trois pignons, une autre
avec une porte de trop, l'épandage de gravier sur un stationnement, une
porte-patio en cour arrière. Et on pourrait vous donner bien d'autres exemples,
mais ce sont tous des cas où le ministère a jugé qu'il y avait un impact
négatif sur les valeurs patrimoniales.
Le ministère refuse par
ailleurs de reconnaître et d'établir un régime de droits acquis et fait porter
sur les épaules des propriétaires une obligation de restauration, le principe
étant qu'à chaque intervention le bâtiment revienne à son architecture
d'origine de manière à ce qu'il puisse continuer à affirmer son époque de
construction. Cette manière de procéder équivaut à nier les droits acquis et
constitue une atteinte évidente au droit de propriété. Cela fait en sorte
d'augmenter de manière déraisonnable les coûts d'entretien et de rénovation des
maisons existantes, ce qui risque
d'engendrer un bouleversement socioéconomique où seuls les plus nantis pourront se
permettre d'avoir une maison à l'île d'Orléans, au détriment, entre autres, des
familles souches et des jeunes familles.
D'un autre côté, il
faut souligner que la presque totalité du territoire de l'île est soumise à la
Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles ainsi qu'à la
planification territoriale de la MRC et de ses six municipalités. Or, dans le
cadre des demandes d'autorisation, le ministère prend ses décisions en rejetant
assez régulièrement du revers de la main la planification territoriale municipale
et celle de la CPTAQ.
Trois types de
dossiers en particulier témoignent des problèmes rencontrés par manque de
cohérence et de compatibilité entre les
exigences ou les autorisations des divers intervenants. On pourrait parler des
îlots déstructurés, ces espaces qui
sont en zone agricole mais qui sont non récupérables pour l'agriculture. On peut aussi parler du morcellement d'une propriété par
testament et des morcellements qui sont intervenus sans l'autorisation du ministère.
Donc, le refus du ministère
d'autoriser les morcellements et les lotissements a quand même des conséquences
importantes pour les citoyens, les empêche de se lotir et de construire sur des
lots qui, en principe, sont constructibles. Il rend aussi impossible le règlement
de certaines successions et porte atteinte à la sécurité des droits de propriété
en refusant d'autoriser des morcellements intervenus depuis 1970.
Je vais maintenant
laisser la parole à Caroline Roberge pour vous parler des recommandations qui
sont faites par le regroupement.
• (19 h 40) •
Mme Roberge
(Caroline) : Merci et bonsoir à tous. De manière générale, le regroupement
accueille favorablement le projet de loi n° 69. Certains des ajouts qui
sont apportés à la loi permettront de régler certains des irritants rencontrés
dans le cadre des demandes d'autorisation. Soulignons notamment l'encadrement
des demandes d'autorisation, l'ajout des délais de traitement, la mise en place
d'un mécanisme de révision des décisions prises par le ministère de la Culture
et le recours possible au Tribunal administratif du Québec, l'adoption d'une politique
de consultation, l'adoption et la mise à jour des inventaires des bâtiments
patrimoniaux, de même que l'obligation, là, par les municipalités, d'avoir un règlement
relatif à la démolition d'immeuble.
Mais le projet de loi
ne règle pas tout. C'est ainsi, là, que le regroupement vous soumet bien
humblement, là, certaines recommandations visant à régler les problématiques
rencontrées à l'île d'Orléans, le plus important site patrimonial au Québec,
rappelons-le, et aussi le site qui a engendré probablement le plus gros
contentieux en matière de protection du patrimoine.
Et il faut dire, c'est
important aussi de garder ça en tête, pendant qu'ailleurs au Québec on a
dénoncé, on dénonce, on a dénoncé la démolition, la perte du patrimoine, des
bâtiments patrimoniaux, à l'île d'Orléans, les propriétaires ont été poursuivis et le sont encore pour avoir entretenu
leurs bâtiments ou encore pour en avoir construit de nouveaux. Donc, on
n'est pas... les propriétaires ne sont pas poursuivis pour les avoir démolis,
pour perdre leur bâtiment, mais bien pour les entretenir. Donc, on est dans un
paradigme qui est complètement différent.
Bien entendu, les
recommandations du regroupement sont bien détaillées dans notre mémoire. Je
vais résumer certaines d'entre elles. D'une
part, de manière à éviter, là, le bouleversement socioéconomique dont parlait
ma collègue, il nous semble vraiment
important que la loi prévoie un régime de droits acquis. Des régimes de droits
acquis, il y en a dans toutes les
lois d'aménagement du territoire, et il devrait également y en avoir une en
matière de protection du patrimoine. Et notre proposition est à l'effet
que... et ce qui nous apparaît être le plus simple, c'est de soustraire les
travaux qui ne modifient pas l'apparence extérieure d'un bâtiment, mais qu'ils
soient tout simplement exclus de l'autorisation de l'article 64. De cette
manière, on protège le droit de propriété et tout en protégeant le patrimoine.
D'un autre côté, pour
éviter l'incohérence entre les interventions des différents acteurs de
l'aménagement du territoire, notre solution, encore une fois, la plus... qui
nous apparaît la plus simple, serait que les opérations cadastrales, donc les
subdivisions, les divisions ou les morcellements, soient exclues du régime
d'autorisation de l'article 64. Parce qu'à l'île d'Orléans, comme ma collègue
l'a dit, on est déjà... il y a déjà la loi sur la protection du territoire
agricole ainsi que la planification territoriale et municipale. Ou, à tout le
moins, il faudrait que les morcellements qui sont permis, qui sont conformes à
la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles... devraient
aussi être autorisés par le ministère de la Culture pour qu'il y ait une
cohérence. Et, à cet effet, notre solution qu'on préconise serait que la Loi
sur la protection du territoire et des activités agricoles ait préséance sur la
Loi sur le patrimoine culturel et non l'inverse, comme cela est à l'heure
actuelle.
De plus, et ça, c'est vraiment... ça peut peut-être
paraître un détail, mais c'est extrêmement important, il nous apparaît, là, important, impératif même que la présomption
de validité des morcellements qui sont intervenus sans avoir été autorisés par le ministère de la Culture, donc, cette
présomption-là, là, qui est introduite, là, à l'article 100 du projet de
loi et que cette présomption de validité soit étendue aux morcellements qui
sont faits par testament et aussi aux morcellements qui ont fait l'objet d'un
refus du ministère de la Culture, parce que, sinon, on y voit une injustice.
Les personnes qui auraient demandé de bonne foi
une autorisation mais qui auraient eu un refus pour le motif que la ministre ne
peut pas accorder une autorisation après coup, a posteriori, bien, ces gens-là,
qui auraient déposé une demande d'autorisation, auraient moins de droits que
ceux qui n'en ont pas déposé, qui n'ont rien fait. Donc, on trouve qu'il y
aurait... il y a ici, là, une injustice, là, entre les différents propriétaires
et citoyens à l'île d'Orléans.
De manière
aussi, finalement, là, de manière à prévenir les autres problèmes pouvant
survenir dans le cadre des demandes
d'autorisation... parce que, là, le plan de conservation est encore en vigueur,
et on comprend que ça peut aller jusqu'à
cinq ans avant qu'un règlement soit adopté, il sera... il est important que la
table de concertation qui a été mise sur pied soit maintenue et que des
citoyens, là, puissent continuer à y intervenir. De même, lors de l'adoption
éventuelle d'un règlement en remplacement du
plan de conservation, il serait vraiment important que les citoyens soient
consultés, comme ils l'ont été lors de l'adoption du plan de conservation, et
le projet de loi devrait être modifié à cet effet.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup.
Mme Roberge (Caroline) : Et
pour conclure...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Ah! je vais vous laisser conclure. Je vais vous laisser conclure.
Mme Roberge
(Caroline) : Oui. Pour conclure, donc, le dépôt du projet de loi
n° 69, c'est une belle opportunité de se questionner sur la manière
de concilier le respect d'un site patrimonial avec le respect de ceux qui y
habitent. Et, pour trouver un juste
équilibre, il faut nécessairement une concertation entre les divers
intervenants et une volonté réelle de tenir compte de la situation des
personnes directement concernées.
Une dernière chose. La majorité des irritants
vécus par les citoyens à l'île d'Orléans avaient déjà été dénoncés lors des consultations sur le plan de
conservation mais n'ont pas trouvé écoute, ce qui a amené aux problèmes
vécus par la suite. Je vais m'arrêter là.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme Roberge. Donc, je vais céder la parole à Mme la
ministre pour son échange de 14 min 51 s. Mme la ministre.
Mme Roy (Montarville) :
Oui. Et, Mme la Présidente, je vous annonce tout de suite que je vais arrêter
aux alentours de neuf, 10 minutes pour laisser un petit peu de temps à ma
collègue la députée de...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait. La députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré.
Mme Roy (Montarville) :
...Côte-de-Beaupré, voilà, désolée.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait, merci.
Mme Roy (Montarville) :
Je n'ai pas le droit de dire Émilie. Désolée, Émilie.
Mesdames,
bonjour... bonsoir, on est déjà rendus le soir. Merci d'être là.
Me Roberge, vous êtes avocate, hein, également, à moins que je ne m'abuse? Mme Roberge qui est avocate
ou Mme Delisle qui est avocate? C'est Mme Roberge.
Mme Roberge (Caroline) :
Me Roberge.
Mme Roy (Montarville) :
Bon, Me Roberge, voilà. Alors, je vous salue, Me Roberge,
Mme Delisle.
Vous savez, l'île d'Orléans, tout un dossier,
c'est le premier dossier en patrimoine qui a atterri sur mon bureau alors que
je venais... non, c'est le deuxième, c'est faux, le château Beauce juste avant,
le 19, et l'île d'Orléans le surlendemain, après que j'aie eu le privilège
d'être nommée ministre de la Culture. Et les récriminations dont vous parlez,
le comité s'est formé en mai 2018, ensuite, en juin... par la suite, on a
travaillé fort parce qu'on a vu ce que vous
constatez à l'application du fameux plan de conservation. On a vu qu'il y a de
la... c'est difficile dans l'application, c'est difficile dans la
quotidienneté.
Pour les gens qui nous écoutent, c'est important
de dire que l'île d'Orléans est particulière, une île, et, vous l'avez dit,
c'est un site déclaré. Et un site déclaré, pour les gens qui nous écoutent,
c'est le plus haut statut de protection qui puisse être accordé pour du
patrimoine, dans le cas ici pour tout le site. Et vous le dite, à juste titre,
hein, partout, on est sur un site déclaré. Et ce statut de protection, il est
accordé par le gouvernement du Québec et non uniquement par le ou la ministre
de la Culture, comme, par exemple, pour un bâtiment classé. Je peux, en tant
que ministre, classer un bâtiment sans problème, mais déclarer un site, alors
on est vraiment ailleurs, et c'est un geste gouvernemental fort qui a été fait
par les administrations précédentes.
Lorsqu'il y a des sites déclarés — nous
en avons 13 au Québec, et la vieille ville d'Arvida est la dernière en
liste, est le dernier site déclaré en liste — il y a ces plans de
conservation là qui sont créés pour essayer d'harmoniser la protection et les
demandes qui seront faites par la suite sur ces bâtiments, sur ces terres, etc.
Je vous disais qu'à mon
arrivée on a constaté rapidement qu'il y avait une problématique qui était
sérieuse, d'ailleurs, plusieurs poursuites de part et d'autre. D'ailleurs, je
pense qu'actuellement il y a des causes pendantes avec vous, Me Roberge, donc je ne vais pas entrer dans les détails
des causes, mais vous agissez aussi à titre d'avocate dans des dossiers
pour des citoyens de l'île. Mais cependant, très vite, ce qu'on a voulu faire,
c'est qu'on a mis sur pied une table de concertation qui ne fait pas partie de
la loi, qui ne fait pas partie du plan de conservation, mais qui est
vraiment... qui a été conçue pour que les deux parties se parlent, c'est-à-dire
pour que le regroupement des citoyens, pour que le ministère, on puisse trouver
des terrains d'entente pour faire débloquer les irritants.
Entre autres, ce qu'on a remarqué et ce qui
était enfin un heureux problème, c'est qu'il y avait beaucoup de citoyens qui
avaient des demandes de restauration, il y avait une liste d'attente pour des
subventions pour pouvoir procéder entre autres aux restaurations. Donc, c'est
bon signe, les citoyens veulent préserver leur patrimoine bâti, entre autres. Et ce qu'on a fait, pour le bénéfice
des gens qui nous écoutent, c'est que je suis allée chercher un
2 millions de dollars pour débloquer
cette liste d'attente là pour que les gens puissent procéder à des travaux, de
concert, naturellement, avec les élus de l'île d'Orléans, le comité, le
regroupement que vous représentez d'ailleurs.
• (19 h 50) •
Donc, on est très conscients que l'île
d'Orléans, c'est un beau patrimoine à protéger, qui est différent, avec des
problématiques différentes, vu la géographie des lieux et la complexité. Cela
dit, ce projet de loi ci, ce qu'il fait, c'est que les plans de conservation,
bien, on ne les met pas à la poubelle, mais, cependant, on s'en inspire
fortement et on les transforme en règlements.
Vous avez dit, à juste titre, qu'on
appliquait... que le ministère appliquait — c'est votre analyse, mais que
je considère à propos — appliquait
ses plans de conservation comme des exigences réglementaires, alors que ce ne
sont pas des règlements, c'est un plan. Et on s'est dit : Bien, peut-être
qu'effectivement il faudrait que ce soient des exigences réglementaires et que
nous ayons tous la même lecture, la même interprétation des lois et des
règlements pour que les gens... pour qu'il y ait de la prévisibilité, pour que
les citoyens de l'île sachent à quoi s'attendre, pour que les gens qui iront
s'y établir sachent à quoi s'attendre.
Alors,
j'aimerais vous entendre à l'égard du fait que nous allons remplacer... Là,
c'est important, parce qu'il y a beaucoup de travail qui a été fait, et
je pense aussi à tous les autres sites où il y a des plans de conservation, on
ne jette pas ça à la poubelle, mais on va essayer de l'améliorer puis, quand on
sera rendus au règlement, d'améliorer certains irritants qui sont justement à
l'île d'Orléans. Ce sera l'occasion d'améliorer la situation, parce que, d'une
certaine façon, c'est comme si on rouvre ces plans de conservation là pour les
rendre encore plus applicables et puis réalistes aussi. Il faut être réaliste
dans l'application des choses pour les citoyens tout en préservant le
patrimoine.
Alors, j'aimerais vous entendre. Qu'est-ce que
vous pensez de l'idée de les remplacer, de les convertir en règlements, ces
fameux plans de conservation qui, chez vous, ont fait l'objet de moult
contestations?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Mme Roberge, la parole est à vous.
Mme Roberge (Caroline) : Je peux y
aller, oui, Jeanne d'Arc? O.K.
Mme Roy (Montarville) : Oui,
oui, oui, allez-y.
Mme Roberge (Caroline) : Oui. Bien,
en fait, le problème de... En fait, le problème avec les plans de
conservation... En fait, nous, là, on l'aime, notre plan de conservation, et on
trouve que c'est un outil qui est vraiment formidable pour informer les gens,
sensibiliser à l'importance du patrimoine. C'est bien qu'il ne soit pas mis à
la poubelle parce que, justement, là, il y a vraiment beaucoup d'informations
là-dedans. Le problème, c'est vraiment son application. S'il était appliqué de
manière souple... Je comprends que c'est difficile, mais s'il était appliqué de
manière souple, c'est vraiment un véritable... à notre sens, là, un véritable
outil, là, pour pouvoir sensibiliser et même protéger le patrimoine. Le
problème, c'est que, comme vous l'avez dit, on applique les orientations. Donc,
au lieu de favoriser, privilégier, bien, on exige, donc on ne prend pas en
considération la situation des demandeurs, et c'est là que ça pose un problème,
parce qu'il y a plein de choses qui pourraient être prises en considération.
Donc, pour les remplacer par des normes
réglementaires, notre crainte... en fait, on est... on voit ça de... c'est une
bonne et une mauvaise chose. D'une part, une bonne chose, parce que, comme vous
l'avez dit, ça va permettre une plus grande prévisibilité. Parce que, là, les
gens lisent le plan de conservation, ils se disent : Bon, bien... et c'est
dans les premières pages qu'ils lisent : Ah! ce n'est pas un règlement,
donc ce n'est pas nécessairement ça qui va être appliqué. Mais finalement,
c'est ce qui est appliqué. Donc, ça crée vraiment une incompréhension complète.
Donc, avoir un règlement, ça va permettre une
plus grande prévisibilité, mais, par contre, là où on s'inquiète, c'est qu'il y
a certaines des orientations, si elles sont transformées en normes réglementaires,
bien, ça va avoir des conséquences importantes pour les citoyens. Et l'exemple
qu'on prend toujours, c'est toujours l'exemple des toitures... des toits de
tôle, comme on les appelle. Ces travaux-là peuvent... une toiture en tôle peut
aller jusqu'à 50 000 $,
60 000 $, 70 000 $, même jusqu'à 100 000 $. Donc,
si soudainement ça devient une exigence réglementaire que, lorsque
viendra le temps de changer une toiture, il faut la mettre dans un matériau
traditionnel, ça devient une norme réglementaire avec des... et que ça devienne
encore une dépense énorme pour le propriétaire, là, on vient changer un peu les
règles du jeu, et ça pourrait faire en sorte que certaines personnes ne soient
pas capables d'entretenir leur maison et pourraient être obligées de s'en
départir.
Et
ces gens-là qui sont derrière ces normes-là, bien, c'est des familles souches,
ça peut être des jeunes familles, ça peut être... Tu sais, c'est important
de dire qu'à l'île d'Orléans ce ne sont pas tout le monde... ce n'est pas tous
les propriétaires de l'île d'Orléans qui sont très, très
riches. C'est majoritairement de la classe moyenne. Donc, ils n'ont pas
nécessairement, dans le fond, l'argent pour pouvoir respecter ces exigences
réglementaires. Donc, c'est ce qui nous inquiète un peu, beaucoup même, donc,
que les orientations soient transformées en normes réglementaires, que toutes
les orientations, devrais-je dire, soient transformées en normes
réglementaires.
Et on aimerait aussi,
là, que les citoyens soient consultés lorsque ce fameux règlement là sera
adopté, parce que, de mémoire, je crois que
la loi ne prévoit pas... prévoit, dans le fond, que la municipalité ou la MRC
sera consultée, mais pas les citoyens. Et là on voit un peu qu'on perd
un peu de pouvoir, le citoyen, parce que, lors de l'adoption des plans de
conservation, on était consultés, alors que, là, on ne le serait pas. Donc, on
trouverait ça dommage.
Je laisserais
peut-être compléter, là, ma collègue Mme Delisle pour la perte du plan de
conservation. Je ne sais pas si tu as quelque chose à dire.
Mme
Delisle (Jeanne d'Arc) : Bien, oui, un peu. En fait, comme le
mentionnait Caroline, on n'a absolument rien contre le plan de
conservation, au contraire, parce que justement on y retrouve des orientations
qui sont fort intéressantes. Ce qui complique vraiment les choses, puis on l'a
mentionné à plusieurs reprises, c'est l'application rigide. Le fait de
transporter plusieurs de ces orientations-là dans un règlement crée problème,
selon nous.
Il faut dire que
l'application rigide des orientations a fait que plutôt que, finalement, d'axer
sur l'entretien du patrimoine, on parle d'abord de restauration. Et c'est là
qu'il y a vraiment un problème. Et c'est pour ça que tantôt on parlait de la
possibilité de reconnaître les droits acquis, donc de laisser les citoyens
entretenir leurs bâtiments. On se dit que, dans beaucoup de cas, il vaut mieux
les autoriser à entretenir leurs bâtiments plutôt que d'obliger une
restauration qui va faire que, faute de moyens financiers ou pour différentes
raisons, le citoyen ne le fera pas, et là on peut avoir des problèmes au niveau
de la préservation du patrimoine.
Donc, en acceptant un
régime de droits acquis, on vient combler... on vient répondre et éviter la
majeure partie des problèmes qu'on rencontre actuellement. La majorité des
citoyens à l'île veulent préserver leurs bâtiments, les entretiennent. On a
très peu de problèmes de démolition. Le problème ne se pose pas à ce niveau-là,
c'est vraiment au niveau... la distinction entre l'entretien pour préserver le
patrimoine et l'obligation de restauration qui nous est arrivée avec l'application
un peu trop rigide, et même beaucoup rigide, du plan de conservation.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Merci, Mme Delisle.
Mme Roy
(Montarville) : Oui, je vais...
La Présidente (Mme
Guillemette) : Il vous reste 2 min 50 s, Mme la
ministre.
Mme Roy
(Montarville) : Sur mon petit temps. O.K. Parfait. Je vous
entends. Pour le bénéfice des gens qui nous écoutent, lorsque vous nous parliez
des toitures qui peuvent coûter très cher, il faut quand même spécifier que le
gouvernement du Québec, depuis des années et particulièrement depuis
l'avènement du nouveau programme que nous avons mis sur pied, offre quand même
des subventions qui peuvent aller jusqu'à 70 % du coût des travaux pour
les citoyens. Alors, je pense que ça, les gens ne le savent pas, et c'est quelque
chose qui vient compenser le fait que, oui, ça coûte cher, mettre de beaux
matériaux nobles, s'il le faut, dans certaines circonstances, mais, en
contrepartie, le gouvernement va tenter de dédommager au maximum la différence
qu'auraient coûté ces matériaux-là.
Naturellement, le programme que nous avons mis sur pied, bien, on demande aux MRC,
aux villes d'embarquer, et elles peuvent mettre ce qu'on appelle un
montant maximal, entre 35 000 $ ou 40 000 $, celles qui le
décident, là, on leur donne l'autonomie de décider ce qu'elles
donneront pour les restaurations dans leur municipalité ou leur MRC.
Mais, cela dit, je pense
que c'est important aussi de souligner que le citoyen n'assume pas seul, et
c'est pour ça qu'on est là, et c'est pour ça qu'on fait des programmes, pour
aider les gens, pour conserver, parce que la conservation du patrimoine, c'est
une responsabilité collective. Alors, on veut vous aider.
Je vais prendre une
petite dernière minute pour vous demander et je passerai la parole à ma collègue...
La Présidente (Mme
Guillemette) : Il va rester deux minutes à votre collègue.
Mme Roy (Montarville) :
Ah! il va... à elle. J'arrête ici, je vous remercie. Je pensais que c'était sur
mon huit minutes, madame, excusez.
La Présidente (Mme
Guillemette) : Il reste 1 min 50 s à la collègue de Charlevoix—Côte-de-Beaupré.
Mme Roy (Montarville) :
Excusez. Merci, madame.
• (20 heures) •
Mme Foster :
Ce n'est pas grave. Ce n'est pas grave. Aucun problème, Mme la ministre.
Alors,
Me Roberge, Mme Delisle, bonsoir. C'est un réel plaisir de vous
retrouver. Je dis «retrouver», parce que nous avons travaillé à maintes
reprises ensemble. Même avant le début de mon mandat, je nous revois, en
campagne électorale, assises quelque part à Saint-François, puis vous m'avez
tout exposé vos affaires. Ça a commencé là, j'oserais dire, notre belle
histoire, parce qu'on a eu une belle collaboration. Et, comme la ministre l'a
dit, ça a été un des premiers dossiers qui a abouti sur son bureau à son
arrivée. Elle n'a jamais manqué de me le dire.
Donc, c'est un plaisir de vous retrouver ce
soir. On sait que le site de l'île d'Orléans, c'est un site déclaré et c'est le
plus important au Québec. L'histoire remonte en décembre 2017, lors de l'adoption
du plan de conservation. Ça a été, même déjà à l'époque,
un peu controversé. Mais moi, ma principale question, je prends la balle au
bond sur ce que disait la ministre : Est-ce que vous ne pensez pas, au
contraire, que présentement, là, les travaux de la table de concertation... Je sais que dans votre mémoire
vous dites : On ne veut pas trop en parler, tout ça. Mais il y a quand même des assouplissements là, qui
vont pouvoir... des gains qui vont pouvoir être traduits en règlements concrets
qui sont disponibles à tout le monde, qui sont publics. On sait davantage où on
s'en va. Il y a plus de prévisibilité. Est-ce que vous voyez vraiment
l'adoption, la transformation, comme vraiment, uniquement négative, surtout à
la lumière des gains que vous obtenez à la table?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Mme Delisle.
Mme Roberge (Caroline) : ...
Mme Delisle (Jeanne d'Arc) : En
fait... Ah bien! Excuse-moi Caroline, veux-tu intervenir avant? En fait, effectivement,
la table de concertation, j'en fais d'ailleurs partie, là, comme représentante
du regroupement, c'est un moyen qui a été mis à notre disposition. Et je pense
que c'est un moyen efficace, là, pour essayer d'arriver à trouver des solutions
aux différents irritants, là, qui ont été identifiés. Ça permet effectivement
des échanges fort positifs, là, entre les
différentes parties. C'est sûr que de la table, ou des recommandations qui vont émaner de la table, on présume et on espère que tout
ça va amener un allègement dans certains cas ou, en tout cas, à tout le moins,
régler un certain nombre de problèmes, là, qui ont été mentionnés. Mais on ne dit
pas qu'une réglementation est... on n'est pas contre complètement. On se questionne
simplement sur le contenu éventuel de la réglementation, et jusqu'où on va aller au niveau de la réglementation, et à quel point... En fait, on ne voudrait pas, dans le fond, là, si on se résume, se retrouver avec un plan de conservation qui serait intégré à peu près
tel quel dans la nouvelle réglementation, avec les mêmes contraintes.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, Mme Delisle. Donc, le temps du gouvernement étant écoulé, je
passerais la parole maintenant à la députée de Verdun.
Mme Melançon : Alors, bonsoir, Mme Delisle,
Me Roberge. Merci beaucoup d'être avec nous ce soir, mesdames.
Je débuterais peut-être par... Je vais faire du
pouce un peu sur ce que disait la députée parce que je pense que c'est
important, là. J'imagine que vous avez... autour de cette table que vous avez
bâtie, là, je pense que vous pouvez inspirer d'autres MRC, parce que je pense
que ça a bien fonctionné. Et je ne sais pas si vous avez des trucs que vous
allez pouvoir nous refiler, sinon je pourrai parler directement avec la députée,
parce qu'il va y avoir des ouvertures pour avoir des consultations citoyennes.
Et qu'est-ce qui fait, selon vous... à l'intérieur de la table, là, qui a fait
le succès de cette table-là, selon vous?
La Présidente (Mme Guillemette) :
Mme Roberge. Mme Delisle.
Mme Delisle (Jeanne d'Arc) :
...je voudrais justement préciser que la table a été... oui, que la table a été
formée à l'initiative du ministère de la Culture et des Communications. Donc, à
la table, on retrouve des intervenants qui représentent les différentes
parties, à la fois résidents, commerçants, architectes, commerces, donc c'est
vraiment très représentatif. Et évidemment on a des représentants du ministère
et de la MRC, et c'est un médiateur qui anime la table. Mon Dieu! Le fait
que... Bien, je pense que tous ceux qui sont autour de la table avaient
vraiment la volonté d'abord de bien comprendre c'était quoi, les enjeux,
c'était quoi, les problèmes qu'on rencontrait et d'identifier des pistes de
solution à partir de l'expertise variable, là, des différentes personnes, là,
qui sont à la table.
Donc, ça, bien, je pense que c'est un critère de
base, là, pour arriver à trouver et à émettre des recommandations qui vont
faire consensus, là, au sein de la table. On est arrivés justement à émettre un
certain nombre de recommandations, là, qui ont été transmises au ministère et à
la MRC. Et on présume que d'ici quelque temps il pourra y avoir effectivement
des annonces par rapport à ça, mais on laisse le privilège, là, aux autorités
concernées de le faire. Il faut évidemment, pour que ça fonctionne, qu'il y ait
vraiment une volonté d'écouter les différentes parties. Bon, j'avoue que la
présence d'un médiateur neutre et indépendant est pour beaucoup dans la
réussite des échanges, vraiment. C'est un modèle, je pense, à utiliser.
Mme Melançon : C'est
exactement... C'était ma prochaine question. Mais je voyais bien, là, dans ce
que vous disiez, qu'il y a un médiateur autour de cette table-là, justement,
pour ramener tout le monde, pour parfois nous ramener aussi sur ce qu'on
recherche, hein, parce qu'il y a un peu de ça aussi. Donc, parfait. Merci
beaucoup.
J'aimerais savoir, selon vous... Puis là
honnêtement, ce n'est pas une attrape, là, mais je fais simplement poser la
question : L'inventaire sur l'île, est-ce que c'est pas mal avancé? On en
est où?
Mme Roberge
(Caroline) : Oui, il est pas
mal avancé, là. Dans le fond, l'inventaire est fait. Je ne peux pas
dire depuis quand, là, mais il est fait
depuis longtemps. C'est bien avancé. En fait, ce qui manque... le suivi
des inventaires.
Donc, dans le fond, on a un inventaire des
bâtiments, mais il n'y a aucun mécanisme, à l'heure actuelle, pour éviter que ces bâtiments-là manquent d'entretien
et, finalement, en viennent qu'à être démolis. Et ce qui est le plus...
Pour les maisons... Les maisons sont habitées, donc ce n'est pas vraiment un
problème. C'est surtout les bâtiments agricoles, donc on peut peut-être... Il y
a certains bâtiments agricoles qui peuvent être classés, mais sans suivi. Dans
le fond, bien, on n'arrive pas vraiment à les protéger, là, mais l'inventaire
est pas mal complété, là.
Mme Melançon :
Extra. J'ai une question puis là je vais parler à deux propriétaires, puis pour
moi, là, c'est important. Lorsqu'on parle des mesures fiscales... La ministre
parlait, tout à l'heure, là, du 70 % du ministère qui peut vous
accompagner, justement, lorsqu'on parle des changements de toitures ou... Moi,
je veux savoir, comme mesures fiscales, là, qu'est-ce qui peut aider des
propriétaires comme vous, justement, dans la sauvegarde du patrimoine. Parce que je lisais à un endroit puis
j'ai un peu sursauté, là, parce que vous disiez... Je veux juste le
trouver, exactement, parce que vous parliez de travaux d'entretien qui ne
modifient pas l'apparence extérieure du bâtiment, comme la peinture. Moi, ce que je comprends, c'est que la peinture peut
changer quand même l'apparence extérieure. Pouvez-vous juste nous
éclairer d'abord là-dessus puis, par la suite, en venir à qu'est-ce qui ferait
la différence pour des propriétaires comme vous en mesures fiscales?
Mme Roberge
(Caroline), : Bien, pour ce
qui est de la peinture, je ne me rappelle plus trop dans le mémoire, là,
mais on comprend que si... Je pense que ce qu'on voulait dire, c'est que, si on
repeint de la même couleur, on ne devrait pas être obligé de demander une autorisation.
Dans le fond, un peu... ce qui est derrière tout ça, c'est... lorsqu'on ne modifie pas l'apparence de la maison,
bien, on devrait avoir le droit de juste... la maison ou le bâtiment, on
devrait juste avoir... on ne devrait même pas devoir déposer... demander une autorisation,
parce que, dans le fond, le bâtiment, il n'a
pas changé ou... C'est pour ça, en fait, c'est une espèce de... forme, là, de
droits acquis, là, qu'on se donnait.
Donc, ce serait vraiment ça. Si la toiture est
en bardeaux d'asphalte, s'il y a un bardeau qui lève, bien, on peut la réparer
avec le même matériau sans devoir déposer une demande d'autorisation. S'il y a
une fenêtre qui est brisée, qui est en PVC
ou qui est en bois, peu importe, tant qu'on ne modifie pas l'apparence
extérieure, bien, on reste... on n'a pas besoin de... on ne demanderait
pas d'autorisation. Donc, ça diminuerait les demandes d'autorisation et ça permettrait au propriétaire de savoir comment se
comporter. Et je fais juste refaire... je fais juste maintenir ce qui est
en état.
Et, pour ce qui est des mesures fiscales, c'est
important de dire...
Mme Melançon : ...des délais
aussi.
• (20 h 10) •
Mme Roberge (Caroline) : Oui,
bien oui, c'est ça. Donc, ça serait beaucoup plus simple.
Pour ce qui est des mesures fiscales, le
programme d'aide à la restauration, effectivement, c'est un programme d'aide
qui est très généreux et qui peut être intéressant pour bon nombre de
personnes.
Par contre, le problème, et nous, on le
voit vraiment comme un problème, c'est les plafonds, parce que le plafond... À
l'île d'Orléans, le plafond est à 35 000 $ ou 40 000 $, je
pense, mais il y a certains travaux qui... et, encore une fois, c'est surtout
les toitures, mais il y a certains travaux qui dépassent les 35 000 $
et qui peuvent aller jusqu'à 60 000 $, 70 000 $,
80 000 $, donc... Et là on voit vraiment un problème, donc ça a causé
des problèmes à plusieurs propriétaires. Et ça nous dérange un peu que, dans le
fond...
En fait, ce plafond-là nous dérange, et on se
questionne sur est-ce que c'est vraiment nécessaire que la MRC vienne moduler
ce programme-là. C'est un programme qui est provincial, qui vient appuyer des
normes ou des exigences provinciales, donc
on se questionne un peu pourquoi une municipalité ou une MRC viendrait...
aurait besoin de le moduler, parce
qu'à l'heure actuelle, la manière dont le programme est appliqué, il y a
vraiment... il n'est pas équitable entre certains propriétaires. Parce
que, si tu as une petite toiture, par exemple, bien, lui, là... ça ne te
coûtera pas trop cher, mais si tu es le malheureux propriétaire d'une grande
toiture, bien là, il faudrait que tu débourses des sommes.
Donc, on se questionne vraiment là-dessus, là,
sur la nécessité que le programme soit modulé par les MRC et par les
municipalités, et surtout quand il n'y a pas de... En fait, pour notre part, on
ne voit pas c'est quoi, le... quel est le motif, là, à ce plafond de
40 000 $, 35 000 $ ou 40 000 $, là.
Mme Melançon : Parfait. Je
termine avec une petite dernière, et ce n'est pas la question qui tue, loin de
là. Vous parliez tout à l'heure de la CPTAQ puis vous disiez que la CPTAQ
devrait avoir préséance sur le MCC, sur le ministère de la Culture et des
Communications. Pourquoi?
Mme Roberge
(Caroline) : À l'île d'Orléans, bien, en zone agricole, donc, la loi
sur la protection du territoire agricole s'applique depuis les
années 70. C'est un régime qui est connu de tous, qui est appliqué, qui
est connu, qui est rigoureux. Et il y a des
décisions à portée collective qui ont été prises par la Commission de protection du territoire agricole à la demande de la MRC. Il y a du travail qui a été
fait dans le développement pour planifier le développement à l'île
d'Orléans. Il y a énormément d'intervenants qui sont arrivés. Et là,
soudainement, une fois que les décisions à portée collective ont été rendues,
une fois qu'on sait où on va développer, le propriétaire demande une
autorisation pour lotir, et le ministère de la Culture, à la toute fin,
intervient et refuse le morcellement ou le lotissement. Donc, c'est ça qu'on
disait, qu'on vient rejeter, dans le fond, du revers de la main toute cette
planification-là. Et, vous le savez, ça prend beaucoup de temps, beaucoup d'énergie.
Donc, c'est pour ça qu'on s'est dit : Étant
donné que le ministère... À l'île d'Orléans... peut-être que ce n'est pas partout de la même manière, mais en zone
agricole, c'est déjà bien planifié, c'est déjà bien encadré, le
développement. Donc, pourquoi la Loi sur le patrimoine culturel devrait avoir
préséance? Parce qu'en principe, à moins que je me trompe, la Loi sur le
patrimoine culturel ne devrait pas avoir pour objet d'interdire la
construction, d'interdire l'usage de... un usage résidentiel sur un lot. Mais,
à l'heure actuelle, en interdisant, en refusant un lotissement, bien, on vient
interdire de lotir, de construire et donc d'exercer un usage résidentiel.
C'est pour ça
que nous, notre solution, ce serait que la Loi sur la protection du territoire
agricole ait préséance sur la Loi sur le patrimoine culturel, mais ça
n'empêcherait pas que la Loi sur le patrimoine culturel demeure. Et, lorsqu'il y a un lotissement, lorsqu'il y a une
construction, bien, toutes les exigences sur l'apparence, sur l'insertion du
bâtiment dans son milieu, continuent. Le ministère aurait quand même son mot à
dire, mais, au moins, on ne viendrait pas priver les propriétaires, là, de leur
droit de construire.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Me Roberge, Mme Delisle, merci beaucoup pour ces beaux échanges.
Donc, nous suspendons quelques instants, le
temps de faire entrer nos nouveaux invités. Merci.
(Suspension de la séance à 20 h 14)
(Reprise à 20 h 16)
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc, merci. Bonsoir, Mme Thuillier et M. Therrien. Bienvenue ici,
dans la Commission de la Santé et... excusez, je suis mêlée de commission, à
la Commission culture et éducation. Donc, je vous invite pour faire une
présentation pour 10 minutes. Donc, vous pouvez vous présenter, et, suite
à ça, il y aura un échange avec les membres de la commission. Donc, je vous
laisse la parole.
Ville de Montréal
Mme Thuillier (Émilie) :
Bonjour. Donc, je m'appelle Émilie Thuillier. Je suis mairesse
d'Ahuntsic-Cartierville, un arrondissement de Montréal, et membre du comité
exécutif de la ville de Montréal, responsable notamment du patrimoine. Et je
suis accompagnée aujourd'hui de plusieurs employés municipaux, dont
M. Jean Therrien que vous voyez également à l'écran. Donc, c'est moi qui
ferai la présentation.
Alors, Mme la ministre Nathalie Roy — je ne
sais pas si elle est présente, je n'ai pas eu l'occasion de la voir, oui — bonjour.
Mme la Présidente de la commission, Mme Guillemette, Mmes et MM. les
parlementaires de la Commission culture et éducation, bonsoir.
Alors, je commencerais par féliciter Mme la
ministre pour le dépôt de ce projet de loi, que la ville de Montréal accueille
favorablement sur plusieurs plans. Il est plus que nécessaire de revoir les
façons de faire afin de mettre fin aux destructions intempestives des bâtiments
qui portent en eux l'histoire du Québec. Et comptant sur notre territoire un nombre très significatif de
sites et d'immeubles patrimoniaux déclarés, classés et cités, Montréal
offre sa collaboration et son expertise pour
collaborer avec le gouvernement dans le cadre de cette démarche visant à
protéger et mettre en valeur notre histoire et notre patrimoine commun. Selon
nous, l'ensemble des acteurs gouvernementaux et propriétaires privés doivent être impliqués dans cette démarche. Il en
va, évidemment, de la survie et de la préservation de
notre patrimoine.
Donc, c'est pour cette raison que nous
soulignons les avancées de ce projet de loi en matière de transparence pour les
citoyens. Nous saluons la démarche qui permettra une meilleure circulation de
l'information et plus de clarté en rapport aux processus et encadrements
municipaux. Les modifications qui sont proposées à la Loi sur le patrimoine
culturel facilitent et améliorent aussi les démarches administratives pour les
municipalités, et toutes ces démarches et ces avancées rendent la protection du
patrimoine plus étendue et plus efficace.
Vous le savez certainement, depuis 2018, la
ville a acquis certains pouvoirs qui lui ont permis d'étendre son expertise. Et
aujourd'hui, ça nous amène à vous transmettre le fruit de notre expérience, en
matière de protection du patrimoine, et de
nos analyses visant à améliorer la portée et l'efficacité du projet de loi qui
est devant vous aujourd'hui. Nous
sommes confiants que les recommandations que nous vous soumettons aujourd'hui
permettront, entre autres, au projet de
loi de mieux encadrer les demandes de démolition. Et la ville sera heureuse de
contribuer avec le gouvernement du Québec, le ministère, au développement
des règlements de mise en oeuvre, tels que mentionnés dans le projet de loi.
• (20 h 20) •
Vous le
savez, la ville de Montréal compte sur des ensembles patrimoniaux aux origines
diverses, hein? Depuis 2005, avec notre... une politique du patrimoine,
nous soulignons à quel point Montréal est une des rares villes nord-américaines
dont la culture et les patrimoines sont redevables, évidemment, aux Premières
Nations, aux origines française et britannique, mais aussi à la contribution de
nombreuses communautés culturelles qui s'y sont installées depuis. Et nous
avons donc de nombreux bâtiments et sites qui sont visés par la Loi sur le
patrimoine culturel. Vous l'avez sans doute vu, mais, je pense, ça vaut la
peine de rappeler les chiffres, à quel point c'est significatif. Ce sont
113 immeubles patrimoniaux classés et 11 sites patrimoniaux classés,
28 aires de protection qui sont associées à des immeubles patrimoniaux classés, trois sites patrimoniaux déclarés, huit
sites cités et 45 immeubles patrimoniaux cités.
Donc, évidemment, la ville, depuis de nombreuses
années, elle a mis en place des mesures de protection, via son plan
d'urbanisme, afin d'assurer la protection de grands ensembles qui font notre
richesse architecturale et historique. Et ce sont près de
2 700 bâtiments qui sont désignés au plan d'urbanisme de Montréal ou
répertoriés par la Direction de l'urbanisme.
Il y a aussi 441 secteurs et propriétés institutionnels d'intérêt
patrimonial qui sont désignés au schéma d'aménagement et de
développement de l'agglomération de Montréal. On a aussi 363 sites
archéologiques qui sont recensés ou en réservation.
Donc, évidemment, beaucoup de patrimoine à
s'occuper et parfois ce sont des quartiers entiers qui sont à protéger ou à
mettre en valeur. Et les sites classés et cités abritent des immeubles qui
vraiment sont au coeur, là, de l'histoire sociale, économique et politique du
Québec, et, évidemment, ils sont aussi les témoins de notre histoire, et on veut
les protéger pour les générations futures.
Donc, puisque la ville de
Montréal est engagée depuis de nombreuses années dans la protection et la
valorisation de son patrimoine, nous saluons la volonté de la ministre de
favoriser la transparence et la prévisibilité de son action par les
modifications qui sont proposées à la Loi sur le patrimoine culturel. La ville
est notamment favorable à l'ajout des articles 53.4, 53.5 et 67.2, et plus
particulièrement en ce qui a trait à l'élargissement des critères d'analyse,
des interventions dans les aires de protection, dépassant la pratique actuelle
qui ne considère que l'impact de l'acte sur l'immeuble classé et non sur le
contexte ou son environnement. Cette bonification de la loi reflète l'approche
prônée par la ville depuis 2018, et, vraiment, nous la saluons.
Dans les dernières années, la ville de Montréal
a mis en place de manière proactive plusieurs mécanismes pour renforcer la
protection du patrimoine, et nous souhaitons être des partenaires privilégiés
dans la rédaction et dans le déploiement des nouveaux règlements pour les sites
patrimoniaux déclarés qui remplaceront les plans de conservation actuels
puisque, malgré les dispositions du nouvel article 80.1, la ville réitère
qu'il est essentiel que l'élaboration des règlements soit le fruit d'une
étroite collaboration entre la ville et le gouvernement.
Par ailleurs, nous notons que le projet de loi
ne précise pas la différence entre une démolition totale ou partielle, ce qui
nous paraît problématique dans la pratique. Donc, nous invitons le ministère à
apporter des modifications et des précisions qui sont nécessaires au projet de
loi. L'interprétation aussi, faite par cet article, fait peser un risque
important sur les ressources de la ville et sur les délais de traitement des
demandes, comme elle pourrait introduire des complications, là, dans
l'application et l'exécution de la loi.
Aussi, le nouveau libellé de l'article 141
élimine complètement la question de la démolition en tout ou en partie d'un
immeuble patrimonial cité ou d'un immeuble situé sur un site patrimonial cité.
Cela fait en sorte qu'une autorisation du conseil ne serait plus requise pour
démolir tout, ou en partie, un tel immeuble. Et, selon nous, ceci constitue un
affaiblissement important de la loi qui va à l'encontre de la volonté de mieux
encadrer les démolitions d'immeubles d'intérêt.
Donc, la ville de Montréal suggère que le
gouvernement reconsidère cet article afin que la décision de démolir tout, ou
en partie, d'un immeuble cité ou situé dans un site relève toujours du conseil
de la municipalité, comme c'est le cas pour l'abrogation d'un règlement de
citation. J'offre ici, au nom de la ville de Montréal, à Mme la ministre,
l'expérience que la ville a pu développer au fil des ans pour la protection du
patrimoine, autant au niveau de la ville centre que des arrondissements. Et,
comme le projet de loi prévoit de réguler la protection du patrimoine par l'adoption de règlements, je me permets de
rappeler que la ville de Montréal souhaite travailler conjointement avec
le gouvernement du Québec pour préparer les règlements en amont pour qu'ils
correspondent au mieux à la réalité du terrain et au besoin de protection de la
métropole ainsi que... évidemment de la gouvernance de la métropole.
Donc, nous saluons évidemment la démarche de
mettre sur pied un inventaire provincial. La ville demande toutefois de pouvoir
déterminer elle-même la méthode d'évaluation et le niveau de précision de
l'inventaire des sites et immeubles patrimoniaux afin de tenir compte de notre
réalité complexe et de la notion de secteur d'intérêt qui est déjà prévue dans
notre schéma d'aménagement et de développement.
En conclusion, la ville se met à la disposition
du gouvernement pour mieux protéger notre patrimoine commun. Nous avons évidemment déposé un mémoire beaucoup plus complet
avec plusieurs propositions, j'imagine, dont vous avez pu prendre
connaissance ou vous en prendrez connaissance. Nous avons aussi, la ville de
Montréal, remis, à la fin du mois d'août, au ministère de la Culture et des
Communications, notre premier rapport sur l'exercice des pouvoirs du ministre
couvrant les années 2018‑2019, et ce rapport contient plusieurs
propositions d'amélioration qui pourraient inspirer la commission, donc nous
vous y référons à nouveau.
Alors, le projet de loi, tel que rédigé, ouvre
la porte à de nombreuses occasions de collaboration que la ville souhaite
saisir pour assumer non seulement la protection, mais aussi la mise en valeur
de notre patrimoine collectif. Et, vous le savez, toutes les définitions, aussi
précises soient-elles, ne pourront jamais protéger adéquatement notre
patrimoine si les ressources financières adéquates ne sont pas prévues.
Et je tiens à vous rappeler que Montréal a un
patrimoine immobilier qui va vraiment au-delà des immeubles classés ou cités. C'est un patrimoine qui est
d'une valeur historique pour tous les Québécois et toutes les
Québécoises. Et la mise en valeur, évidemment, requiert des ressources, du
temps et évidemment de l'argent. Alors, nous espérons que le gouvernement saura
nous suivre sur ce chemin.
Voilà, Mme la Présidente, j'ai tenté de faire
court pour laisser plus de place aux échanges. Je vous remercie.
La
Présidente (Mme Guillemette) : Merci beaucoup à vous, Mme Thuillier. Donc, nous passerons
aux échanges en débutant par Mme la ministre. La parole est à vous, Mme
la ministre.
Mme Roy (Montarville) :
Voilà. Merci. Merci à vous deux d'être là, Mme la mairesse, M. Therrien.
J'aime beaucoup que vous dites que vous... que nous travaillions en collaboration
parce que c'est vraiment, vraiment l'esprit qui
est derrière... je ne veux pas dire l'esprit de la loi, mais l'esprit qui est
derrière les intentions que nous avons. Parce que, comme vous le dites
si bien, le patrimoine, notre patrimoine bâti, c'est à nous tous. Et moi, je
rajoute à ça, c'est notre histoire, c'est notre identité, c'est ce qui fait la
beauté des lieux. Et Montréal étant une île, grande île, possède plusieurs, et
vous l'avez dit à juste titre, sites déclarés, bâtiments classés, sites
classés, immeubles cités et sites cités. Alors, ça fait... vous avez l'ensemble
de l'oeuvre. Il y a de tout à Montréal.
Vous avez une expertise. Vous avez aussi... Naturellement,
il y a Héritage Montréal, qui est venu nous parler un petit peu plus tôt, que
vous connaissez très, très bien, qui doit vous suivre de très, très près et
vous parler souvent également. À cet égard, cette collaboration que vous
souhaitez, vous la dites entre autres à l'égard des plans de... de
conservation, pardon, à l'égard des sites déclarés.
J'aimerais que vous
commentiez sur le concept que nous voulons mettre de l'avant, qui est de
transformer nos plans de conservation en règlements.
Dans quelle mesure cela pourrait être une façon de rendre plus
transparent... de donner plus de prévisibilité aux citoyens et aux villes également?
Est-ce que c'est une mesure... Et je vois aussi que vous nous dites ici... que
vous nous recommandez de travailler en amont avant que ce règlement soit arrivé
là.
Alors, ça, on s'entend bien là-dessus parce
qu'on veut qu'il y ait de la collaboration, que les gens se parlent. Mais la conversion de ces plans de conservation,
en fait, qu'en pensez-vous, si je vous permets d'élaborer? J'aimerais
entendre ce que vous avez à dire plus en détail là-dessus, sur cette
conversion.
• (20 h 30) •
Mme Thuillier
(Émilie) : Oui. Donc, en
fait, il y a deux aspects. Sur l'aspect de travailler les règlements
ensemble, en amont, c'est pour l'ensemble
des règlements, là, qui viendront suite à la loi. Parce qu'il y a
vraiment une particularité à Montréal, déjà
avec la gouvernance, mais aussi avec tout le patrimoine qu'on a, et des outils
qu'on a déjà en place, je pense au PIIA, notamment, on a déjà beaucoup
d'outils en place. Donc, ça serait intéressant qu'on puisse travailler les
règlements ensemble, avant qu'ils aillent trop loin, pour qu'on puisse vraiment
les développer de la manière la plus efficace possible.
Par rapport au plan de conservation, bien, c'est sûr que les règlements
seront probablement... parce que, le plan de conservation,
nous y voyons quand même un intérêt, parce que c'était une façon d'aborder un territoire,
hein, d'une façon globale avec une certaine
latitude. Là, si on transforme des plans de conservation en règlements,
il faut vraiment qu'on puisse
dialoguer ensemble, parce que ça rend les choses, effectivement, plus précises. Et, si on les précise beaucoup en amont,
bien, il faut être certains que c'est vers la... dans la bonne direction qu'on
souhaite aller, donc il faut vraiment s'asseoir
ensemble, si la volonté est vraiment de transformer
certains plans de conservation actuels ou à venir en règlements.
Mme Roy (Montarville) : Des
plans de conservation, la Vérificatrice générale nous disait qu'il y en avait
très peu, et qu'ils sont très peu, et connus, et utilisés, et qu'à cet effet — on en
a une treizaine, hein, la treizaine de sites déclarés — à
peine quelques-uns sont des immeubles classés. Donc, pour le futur, ce sera des
règlements pour les autres sites qui viendront, si sites déclarés éventuels il
y a ou autres.
Vous avez dit également que, pour préserver le
patrimoine, naturellement, ça prenait aussi des ressources adéquates, entre autres, avec la ville de Montréal.
Montréal et Québec sont des villes qui ont des pouvoirs, hein, qui ont été amplifiés, si je peux dire, au cours des
dernières années, des statuts différents, voilà. Et à cet égard, entre autres,
à l'égard du ministère de la Culture et des Communications, il y a des
ententes de développement culturel avec toutes les villes qui veulent bien, à
travers le Québec. Mais, encore là, Québec et Montréal ont des enveloppes et
des ententes de développement culturel plutôt substantielles et dans lesquelles
elles peuvent puiser aussi pour les interventions en patrimoine. Ça, la
Vérificatrice générale en parlait également.
Par ailleurs, on y revient, on parle d'argent
ici, les ententes de développement culturel sont des enveloppes d'appariement. Nous en mettons autant que vous
souhaitez en mettre en culture, et donc en patrimoine, parce qu'elles
couvrent les interventions en patrimoine. Donc, quelles seraient, pour la ville
de Montréal, des ressources adéquates? Parce
qu'on sait qu'on ne pourra pas répondre à toutes les demandes et que les...
nous ne sommes pas l'Europe et nous n'avons
pas des ressources infinies. Mais dans quelle mesure... quels seraient des
besoins pour faire encore une préservation du patrimoine, une valorisation du patrimoine, une amélioration des édifices,
des lieux? Vous auriez... vous espéreriez quel type de ressources
adéquates?
Mme Thuillier (Émilie) : Bien, en
fait, deux types de ressources. Le premier type de ressources, c'est des
ressources humaines pour traiter les dossiers. Donc, en 2018, là, quand la
ville a reçu plus de pouvoirs de la part du ministère...
donc, encore faut-il abattre le travail qui est nécessaire, donc on en a
vraiment besoin. Même si on a beaucoup... Ça peut paraître, de loin...
il y a déjà beaucoup d'employés qui y travaillent, mais on a besoin d'avoir
encore plus d'employés pour traiter adéquatement et surtout rapidement les
demandes, hein? Je pense que c'est ça, les gens veulent de l'efficacité, veulent
que leurs dossiers soient traités rapidement. Donc, au niveau de l'étude des
demandes, ça, c'est d'abord des ressources humaines à la ville de Montréal.
Et, par rapport à l'entente sur le développement
culturel, on pourra peut-être vous transmettre des chiffres par la suite, mais
oui, on a besoin de ressources, mais on a surtout besoin de flexibilité. Parce
qu'il y a des fois des projets qui sont sur le long terme, on sait qu'ils vont
arriver, mais il y a, des fois, des projets qui, rapidement, arrivent sur
l'écran radar, qui n'étaient pas prévus et donc qui n'ont pas nécessairement
été négociés dans l'entente. Donc, si l'entente est vraiment fixe sur certains
bâtiments ou sites et qu'il y a moins de flexibilité, là, ça ne nous aide pas
vraiment à attraper, on va dire, des opportunités ou à développer des dossiers
et des sites qui viendraient rapidement.
Puis je vous dirais qu'on a aussi un volet qu'on
travaille, à la ville de Montréal, avec lequel on veut travailler de plus en
plus avec le gouvernement du Québec, donc à votre niveau mais au niveau du MAMH
également, c'est un programme d'urbanisme transitoire. Donc, on le sait, la
principale faille, dans la perte du patrimoine, c'est la vacance. Donc, quand
un édifice n'est pas occupé, c'est là qu'il commence à se détériorer à vitesse
grand V. Donc, l'urbanisme transitoire permet d'occuper des bâtiments
d'une autre façon, avec un autre usage qu'il avait au départ pour tester des usages futurs et construire,
finalement, un nouvel usage pour ce bâtiment-là, avec des nouveaux
occupants aussi, qu'ils soient communautaires, privés ou encore municipaux. Et
ce programme d'urbanisme transitoire, en fait, c'est une tendance mondiale,
hein? La ville de Montréal est à peaufiner son programme, et on souhaite
vraiment travailler avec le gouvernement du Québec, parce qu'on a besoin,
notamment, de changements réglementaires au niveau du zonage, et tout ça, donc
plus volet MAMH, mais aussi à votre niveau pour qu'on puisse développer,
justement, des projets dans les édifices patrimoniaux et de pouvoir les
sauvegarder, là.
Mme Roy
(Montarville) : Ce que vous dites est très intéressant, parce
que ça rejoint ma vision et ça rejoint aussi
des commentaires qui ont été faits par la Vérificatrice générale qui disait, en
quelque sorte, et là je la paraphrase, je ne la cite pas, là, mais à
quoi sert de classer un bâtiment, s'il ne vit pas, si on ne lui donne pas une
vocation.
Et, pour ce qui est de ma vision, ce que je
souhaite, c'est que nous donnions des vocations à des édifices que nous
protégions, et peu importe la vocation, mais qu'ils vivent, et surtout que les
citoyens puissent se les accaparer, lorsqu'on
parle de bâtiments qui appartiennent ou qui peuvent appartenir à des citoyens.
Mais, lorsqu'ils appartiennent à des
villes, à des municipalités ou à qui sais-je encore, des corporations, des
OSBL, des entreprises privées, donnons une seconde vie à des bâtiments. Moi, j'en suis, j'ai même créé un programme
de requalification. Moi, je préfère seconde vie ou, encore là, on pourra
parler de recyclage mais c'est du développement durable, ça, et on en parle. On
prévient les démolitions et puis on s'assure qu'on valorise un édifice qui est
déjà là.
Alors, je
trouve ça très intéressant, votre programme d'urbanisme transitoire. Effectivement,
on est en urbanisme, mais sachez que, je l'ai dit à d'autres
intervenants qui sont venus devant nous aujourd'hui, que je travaille en
étroite collaboration avec ma collègue la ministre des Affaires municipales,
Mme Andrée... Mme la ministre, et que nous avons la même vision,
l'importance de faire vivre nos bâtiments, nos beaux bâtiments, naturellement.
Parce que tout n'a pas la même valeur, et c'est faux de croire que, parce que
quelque chose est ancien, il doit absolument être protégé et fasse partie
absolument du patrimoine. Et il y a des choix à faire, et nous aurons des choix
à faire, en tant que société, en tant que collectivité, et puissions-nous les
faire tous ensemble, et avec les citoyens également, et les différents paliers
de gouvernement.
En ce qui a trait aux ressources, vous avez
dit : On a beaucoup de ressources à Montréal, entre autres, des ressources
humaines pour traiter des demandes en patrimoine, les demandes qui nous sont
faites. Pouvez-vous me donner une idée de grandeur? Vous avez combien de
ressources disponibles pour répondre aux demandes des citoyens relativement au
patrimoine? C'est peut-être... Ce n'est pas une question piège, mais juste pour
me donner une idée de grandeur, oui.
Mme Thuillier (Émilie) : C'est
une question un peu technique. Je ne sais pas si M. Therrien ou si
d'autres personnes pourraient nous orienter vers le nombre de personnes à la
division du patrimoine.
M. Therrien (Jean) : Oui. La
Division du patrimoine, au service de l'urbanisme... à la Direction de
l'urbanisme, c'est une petite division, on parle d'une dizaine de ressources,
là, de mémoire, puis on pourrait vérifier de façon plus précise le chiffre
exact, là, mais c'est une division à l'intérieur de la grande Direction de
l'urbanisme.
Mme Roy (Montarville) :
Merci. Merci pour la réponse, ça m'éclaire. Et par ailleurs, quand vous parliez
de ressources — bien là, on va parler d'argent — quels
seraient les... selon vous, pour avoir un entretien ou tenter d'avoir
une amélioration à l'égard de la préservation et de l'entretien du patrimoine, c'est
énorme, là, sur l'île de Montréal, est-ce qu'on a une idée des besoins?
• (20 h 40) •
Mme Thuillier (Émilie) : Bien, vous
savez, juste... En fait, Montréal s'est dotée, en 2017, là, de plans d'action
en patrimoine. Et un de nos axes, je pense que c'est même le premier, c'est
faire de Montréal un propriétaire exemplaire. Et donc on s'est donné la mission
de faire en sorte que nos propres édifices, notamment nos édifices patrimoniaux, qu'on les entretienne bien et qu'on
les conserve, et même ça, on peine à le faire. On peine à le faire parce
que c'est beaucoup d'argent en entretien. On
a toute une question de mise aux normes aussi, on a une question de
faire vivre les bâtiments. Et donc ce n'est
pas que refaire l'enveloppe, mais c'est de faire... Vous savez, on a un projet,
en ce moment, là, de restauration de
l'hôtel de ville de Montréal, mais c'est gigantesque comme projet, donc, et ça,
ce n'est qu'un seul bâtiment. Il y a
tout plein d'autres bâtiments. Alors, ça, c'est pour les bâtiments patrimoniaux
municipaux.
Et ensuite, évidemment, on a les propriétaires
privés. On a quelques... une petite enveloppe, là. Récemment, il y a une enveloppe de 1 million de dollars,
là, en collaboration entre le gouvernement et la ville, là, qu'on a remise
aux citoyens pour des balustrades, des balcons, donc, des éléments décoratifs,
pour qu'ils les préservent. Parce que c'est les premiers à partir, hein? Ça
coûte cher de refaire un élément décoratif patrimonial, et donc les gens
souhaitent avoir ce programme de financement. C'est très apprécié.
Puis on a tout un autre volet aussi pour... à
Montréal, on a du patrimoine modeste. Et le mot le dit, c'est que c'est du
patrimoine, c'est modeste, et les gens qui y habitent sont des personnes qui
n'ont pas forcément beaucoup d'argent non
plus. Et donc on leur demande de préserver leur patrimoine, mais ils ne sont
pas nécessairement toujours en moyen de le faire.
Donc, vous
voyez à quel point il y a différents niveaux, autant pour la municipalité, de
pouvoir bien entretenir et conserver ses propres bâtiments, par rapport
aussi à subvenir aux besoins et aider les propriétaires privés, les plus gros
et les plus petits aussi, à bien entretenir leurs bâtiments et à les préserver
pour la postérité.
Mme Roy (Montarville) : À
l'égard des inventaires maintenant, il y a cette obligation que nous voulons mettre de l'avant, avec le projet de loi, de créer
des inventaires — tout le
monde aura ses inventaires — et de les faire basculer dans un
inventaire centralisé. Mais à Montréal plus précisément, avez-vous l'inventaire
centralisé ou chaque ville, chaque arrondissement possède un inventaire?
Comment vous fonctionnez à cet égard?
Mme Thuillier (Émilie) : Bien, on a
plusieurs types d'inventaires qui sont, donc, sur le site Internet, là, de la
ville. On a les inventaires qui sont dans le plan d'urbanisme, donc, ça, c'est
toute la ville, les arrondissements. On a le grand répertoire du patrimoine bâti qui est
aussi un site Internet. Il y a des répertoires aussi dans le cadre, là, du
site officiel du Vieux-Montréal, le site officiel du mont Royal. On a un
inventaire des propriétés municipales d'intérêt patrimonial. On a aussi un répertoire des oeuvres d'art, et tout ça. Et,
bien, comme je le disais, il y a tellement d'édifices que de faire un
inventaire...
C'est pour ça que, dans notre mémoire, on
souhaite vraiment travailler avec le gouvernement du Québec pour savoir, à
Montréal, comment se ferait un tel inventaire. Parce que c'est impossible, du
jour au lendemain, de dire : On met quelqu'un à travailler, puis de lister
un inventaire, ça va prendre un nombre incalculable d'années. Parce que ce
n'est pas juste en voyant un immeuble qu'on dit : Ah! voici un immeuble
patrimonial. À Montréal, parfois, c'est un quartier complet. Et ce n'est pas,
en tant que telle, chacune des maisons qui est patrimoniale, mais c'est
l'ensemble que ça génère, le quartier qui est d'intérêt patrimonial, parfois,
ça va être une série de maisons. Souvent,
aussi, on a décidé de mettre des sites, donc, des grandes propriétés
institutionnelles. Et, encore là, à l'intérieur de la grande propriété
institutionnelle, ce ne sont pas tous les bâtiments qui sont forcément de grand
intérêt patrimonial, mais ça peut être l'agencement, ou un des bâtiments, ou le
fait, justement, que ça soit une grande propriété. Parfois, sur un site, ce
n'est pas tant le bâtiment que la valeur paysagère ou la valeur identitaire.
Donc, nous, comment on fonctionne, à Montréal,
officiellement, depuis 2012, on avait commencé un petit peu avant, on fait ce
qu'on appelle des énoncés d'intérêt patrimonial. Donc, quand une personne veut
agir sur... puis là c'est autant côté public que privé, quand on veut agir
sur un immeuble ou un bâtiment où on soupçonne... où ils sont déjà classifiés
dans le plan d'urbanisme d'intérêt patrimonial, où on sent qu'il y a vraiment
un intérêt, bien, c'est un document... Puis c'est long à faire, parce que c'est
un groupe multidisciplinaire de personnes qui se rencontrent, qui vont sur le
site, qui font toute une journée d'étude du bâtiment et du site et qui
produisent un document qui fait plusieurs pages. Il y a aussi de la recherche
documentaire avant, et l'énoncé d'intérêt patrimonial, finalement, donne des
lignes directrices pour la transformation ou la restauration dudit bâtiment, ou
immeuble, ou terrain. Donc, vous voyez que, juste de faire ça, pour chacun...
Et c'est à ce moment-là seulement qu'on sait qu'est-ce qui est important de
préserver à l'intérieur de ce site, de cet immeuble-là ou de ce bâtiment.
Donc, l'inventaire, à Montréal, c'est en... les
quantités sont élevées, la qualité est différente, il y a plusieurs niveaux,
aussi, différents, alors on souhaite vraiment... puis on comprend très bien une
volonté d'avoir un inventaire centralisé puis d'avoir peut-être quelque chose
au niveau national, mais je pense que ça va être vraiment important de discuter
avec la ville de Montréal, d'avoir des caractéristiques et une méthodologie qui
correspondent, finalement, aux enjeux. Parce qu'en fait on a aussi du
patrimoine industriel, par exemple...
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci. Merci beaucoup, madame.
Mme Thuillier (Émilie) : ...qui
n'est peut-être pas nécessairement dans d'autres villes.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci beaucoup, Mme Thuillier.
Mme Thuillier (Émilie) : Oui,
excusez-moi. Je m'emporte, c'est trop intéressant.
Mme Roy (Montarville) : Mais
il y a beaucoup de travail qui a été fait, en tout cas. Ça, c'est bon. Le
travail n'est pas perdu. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Non. Et je vais quand même céder la parole à la députée de Verdun, qui a un
moment d'échange avec vous également. Donc, Mme la députée de Verdun, la
parole est à vous.
Mme Melançon : Mme la mairesse,
bonsoir. Bonsoir aussi à M. Therrien. C'est un grand plaisir de vous
retrouver ce soir. Écoutez, je ne veux pas arrêter votre enthousiasme, là, au
contraire, on en a besoin. On a besoin d'élus très enthousiastes sur le sujet
du patrimoine, et merci. Je pense que vous êtes contagieuse, pas parce qu'on
est dans un temps de pandémie, au contraire, c'est de la bonne contagion qu'on
a ce soir avec vous.
Écoutez, je vais débuter. J'ai une petite pensée
pour soeur Juneau, ce soir. Je suis persuadée que soeur Juneau aurait
souhaité venir parler de patrimoine avec nous. D'ailleurs, les derniers
échanges que j'ai eus avec elle étaient en lien avec du patrimoine. Donc, je
voulais quand même le déposer ici, parce qu'en pleine pandémie on a des êtres chers comme ça qui sont partis et qui faisaient
partie, justement, de notre quotidien. Alors, voilà, je voulais le
déposer ici, c'est un petit clin d'oeil pour une femme que je porte dans mon
coeur.
Je veux revenir sur l'inventaire, parce que, là,
je vous entends et j'imagine... Ah! là, il faut que j'arrête de dire ça, parce
que je vais me faire gronder, puis là vous allez rire, encore une fois, parce
que je vous ai fait rire avec ça. J'imagine ma mère, pauvre maman, je la prends
souvent en exemple, dans le salon, là, puis qui essaie de vous suivre avec les
nombreux inventaires puis... Ça devient complexe, parce qu'il y en a de
différents niveaux, on le sait. Mais pour l'inventaire qui aura cours, pour les
travaux d'aujourd'hui, vous avez dit que c'était impensable de faire le travail
en cinq ans. Selon vous, combien de temps ça peut prendre?
Mme
Thuillier (Émilie) : En fait, bien, on a déjà beaucoup d'inventaires,
hein, que je vous ai nommés. Donc, on a déjà des inventaires qui sont
faits, qui sont publics sur le site Internet, mais ça ne comprend pas tout. Je
vous donne un exemple, les shoebox, hein, ça fait partie du patrimoine modeste.
Bon, il y a certains arrondissements qui ont
fait le travail de recenser, puis je pense, par exemple, à Rosemont—La Petite-Patrie qui a fait le travail
gigantesque de recenser des centaines de shoebox, de les
classifier puis de vérifier les shoebox qui avaient un intérêt patrimonial et
ceux qui n'en avaient pas, hein? Ce n'est
pas parce que la maison est un shoebox que de facto elle a un intérêt
patrimonial. Il y en a qui en ont puis il y en a qui n'en ont pas, puis
encore, il y a différents degrés.
Donc, c'est là où je dis que ce n'est pas
évident de faire un inventaire, parce que, dans le domaine patrimonial, ce
n'est pas juste en regardant quelque chose qu'on dit : Ah! voilà, là il y
a un intérêt ou là il n'y en a pas, donc... Et, par exemple, les shoebox, en ce
moment, c'est n'est pas tous les arrondissements qui ont fait ce travail-là. Certains l'ont fait, d'autres ne l'ont
pas fait. En patrimoine industriel, on a répertorié des grands
ensembles, mais il y a tout plein d'édifices
industriels à Montréal puis, en fait, il faut les regarder un par un et
vérifier : Est-ce que celui-là a
un intérêt patrimonial, si oui, à quel niveau. Donc, je serais bien embêtée
aujourd'hui de vous dire de combien d'années on aurait besoin. Je pense
qu'on doit surtout s'attarder sur la méthodologie, la méthodologie pour savoir
quel type d'inventaire fait-on, à quel niveau, quel type de classification.
Et par exemple, là, je vais sûrement en parler,
mais la date de 1940, pour nous, de mettre une date spécifique, ça ne nous paraît peut-être pas tout à fait
adéquat. Il y a des choses qui sont plus récentes que 1940 qui sont d'intérêt
aussi, donc... Puis on a fait beaucoup de
travail aussi sur le patrimoine religieux. Donc, tout ça fait déjà partie de
nos inventaires, mais disons que
c'est énormément de travail. Puis c'est d'abord de s'entendre sur une
méthodologie, qu'est-ce qu'on veut cibler,
qu'est-ce qu'on veut... sur quoi on veut s'attarder puis qu'est-ce qu'on
voudrait, finalement. Puis conserver, oui, mais aider les gens à les conserver aussi, autant les publics que les
privés. Je pense aux grandes propriétés institutionnelles aussi. Elles sont dans les inventaires, soit, mais
encore faut-il se donner les moyens de pouvoir les préserver, également.
• (20 h 50) •
Mme Melançon : Merci. Bien, vous
êtes venue exactement là où je m'en allais, pour le 1940, pour la date avec le patrimoine moderne. Vous, dans vos
inventaires, est-ce qu'il y a une date à laquelle vous cessez les activités?
Parce que, c'est drôle, parce que, lorsque j'ai lu le projet de loi la première
fois, tout de suite, j'ai pensé à Habitat-67 puis
je me suis dit : Ah là là! C'est comme si on était pour laisser
complètement Habitat-67 de côté alors qu'on sait, à Montréal, toute
l'importance. Donc, est-ce que vous avez une date dans vos inventaires, vous?
Comment vous avez procédé?
Mme Thuillier (Émilie) : Je ne crois
pas qu'on ait de date, spécifiquement, qu'on... parce que ce n'est pas par date
qu'on fonctionne, c'est plutôt par type d'objet et par objectif, finalement, de
préservation. Et M. Therrien, peut-être, pourra donner un complément d'information, là, mais à mon avis... pas à
mon avis, mais à ma
connaissance, la ville ne s'est pas donné de date précise pour dire : À
partir de telle date, on ne regarde plus.
M.
Therrien (Jean) : Je
confirmerais qu'on... Mon micro était fermé, pardon. On n'a pas de date, mais
on y va par intérêt patrimonial, qu'on nous dit au service.
Mme Melançon : Parfait. Merci.
Merci, M. Therrien, c'est gentil. Écoutez, juste avant de céder la parole
à ma collègue, là... je pense que ce n'est pas à vous que je devrais poser la question
puis ce n'est pas le temps que je puisse
poser une question à la ministre, mais, quand
même, à l'intérieur du projet de loi, il y a des pouvoirs de désaveu pour les MRC face
aux villes. Je ne sais pas comment on entend le gérer du côté de Montréal, là,
si jamais la ville centre prenait une décision puis qu'il y avait une volonté de
désaveu. Vous, vous voyez ça comment, du côté de la ville de Montréal?
Mme
Thuillier (Émilie) : Bien,
ça, c'est vraiment une belle illustration, quand on dit qu'on
souhaite travailler les règlements en amont, ville de Montréal et gouvernement du Québec. Parce que, vous voyez, dans les arrondissements, on a des comités
consultatifs d'urbanisme qui se transforment en comités de démolition, donc ils
sont eux-mêmes des comités de démolition. On a un comité aviseur en patrimoine,
au niveau de la ville centre, le Conseil du patrimoine de Montréal, qui croule déjà sous les dossiers, parce
qu'on souhaite beaucoup... on souhaite avoir leur avis sur beaucoup de
dossiers. Alors, ils travaillent très, très fort.
Il y a vraiment un enjeu de ressources déjà à
cet endroit-là, donc, si c'était le Conseil du patrimoine de Montréal, par
exemple, qui aurait un peu ce rôle d'aviseur pour que le désaveu d'un conseil d'arrondissement
aille au conseil municipal, par exemple, bien là, c'est sûr que, par exemple,
le délai de 90 jours, là, on n'y arrive pas, là. On est vraiment dans des
enjeux de logistique de ressources. Puis probablement que... tu sais, à
Montréal, bien, on n'a pas de MRC, là, on est au niveau de l'agglomération,
donc c'est probablement un des endroits où la gouvernance de Montréal devra
faire l'objet, sans doute, d'un règlement qui serait différent des autres
municipalités du Québec.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce, pour deux minutes.
Mme Weil :
Merci. Bonsoir, Mme la mairesse. J'ai juste une question, en fait, très
technique. J'aurais d'autres questions, mais avec juste
deux minutes... Une de vos recommandations, ça concerne la cour
municipale, donc l'identification de la cour compétente, «compétence de la cour
municipale en matière de recours et sanctions». Votre recommandation, là, je
l'ai perdue... En tout cas, vous avez une recommandation qui touche ça, pour
clarifier quelle est la cour compétente, parce que ça semble être bien
complexe, cette question-là. Est-ce que vous pourriez peut-être vous adresser à
cette question-là?
Mme Thuillier (Émilie) : En fait,
c'est la recommandation 8. Donc là, peut-être, M. Therrien pourra
donner plus d'information, mais je pense que l'enjeu, c'est qu'on a déjà des
enjeux de délai et de... Il y a beaucoup de choses à la
cour municipale, en ce moment, donc, si d'autres dossiers doivent y être
amenés, c'est sûr qu'il y a un enjeu de ressource qui se pose.
Mais, M. Therrien, avez-vous un complément d'information
sur notre recommandation 8?
M. Therrien (Jean) : Écoutez, malheureusement,
non, on n'a pas plus de... Il va falloir qu'on ait quelques secondes de plus
pour aller chercher la réponse. Excusez-moi.
Mme Weil : ...cadre de ce projet
de loi. C'est un peu dans le sens de la question de ma collègue. C'est qu'on dirait que c'est comme une loi dans une... ou
l'idée, c'est qu'il y aurait des dispositions qui ne rentrent
pas nécessairement dans ce projet de loi. Je regarde la ministre aussi
pour voir comment la ministre voit ça, mais on aura l'occasion d'échanger. Mais
la ville de Montréal, c'est vraiment une situation particulière avec une
autonomie particulière. Et donc il y a
des demandes, et j'ai l'impression qu'il
y a beaucoup de travail à faire
entre la ville de Montréal et la ministre et le ministère de la
Culture. Mais vous en profitez pour étaler votre vision, vos enjeux, vos
besoins, etc. C'est un peu tout ça que je
vois. Je ne suis pas capable de dire dans quelle partie du projet de loi les demandes s'insèrent. On verra. On aura l'occasion peut-être... le gouvernement, d'ailleurs, le ministère et la ministre, vous allez avoir l'occasion de voir, si vous êtes capables, dans le cadre de ce projet de loi, de répondre à certaines de ces demandes. Et c'est peut-être
un de ces genres de demandes qui n'est peut-être pas nécessairement dans
le cadre du projet de loi, mais je trouvais ça intéressant que vous le
demandiez. Donc, j'aurai... peut-être que, dans les prochaines secondes, vous
allez avoir la réponse.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Donc... Ah! votre micro est...
M. Therrien (Jean) : C'est Jean
Therrien.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Parfait.
M. Therrien (Jean) : On a un pouvoir
de poursuite, on n'a pas de pouvoir... La cour n'a pas une compétence pour juger d'un citoyen, là, qu'on aurait trouvé
en... enfin, qui n'est pas conforme à la réglementation. On peut
signaler le problème, mais on ne peut pas le juger, la cour n'a pas la
compétence de juger... ce pouvoir qu'on a, qui nous a été délégué du ministre,
dans la délégation de pouvoir qu'on a eue en 2018. Donc, il restait un bout
manquant qui ne donne pas à la cour municipale le pouvoir d'aller jusqu'au bout
et de juger du litige.
La Présidente (Mme Guillemette) :
Merci, M. Therrien. Merci beaucoup, Mme Thuillier. Donc, merci pour
votre participation à nos travaux.
Et la commission ajourne les travaux pour aujourd'hui
et reprendra demain le 25, après les affaires courantes. Bonne fin de soirée, tout
le monde.
(Fin de la séance à 20 h 57)