(Neuf heures trente-quatre minutes)
La
Présidente (Mme Nichols) : Alors, à l'ordre, s'il vous
plaît! Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de
la culture et de l'éducation ouverte. Je demande à toutes les personnes
dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils
électroniques, s'il vous plaît.
Alors, la
commission est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre
des consultations particulières concernant le mandat d'initiative
portant sur l'avenir des médias d'information.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire : Oui, Mme la
Présidente. M. Asselin (Vanier-Les Rivières) sera remplacé par
M. Allaire (Maskinongé); Mme Grondin (Argenteuil), par M. Thouin
(Rousseau); Mme Labrie (Sherbrooke), par Mme Dorion (Taschereau); et
Mme Hivon (Joliette), par M. LeBel (Rimouski).
La Présidente (Mme Nichols) :
Merci, Mme la...
M. LeBel : Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Nichols) :
Oui, M. le député.
M. LeBel :
On entend parler, là, que la commission pourrait se déplacer en région, ça
circule partout. Tout le monde... La
décision semble être prise. Mais il faudrait qu'on trouve des dates, et, dans
les prochaines semaines, chacun de nos partis politiques tient des caucus. Il faudrait qu'on réussisse à se parler
aujourd'hui ou demain en séance de travail ou je ne sais pas trop quoi, mais qu'on définisse ensemble notre
calendrier, parce qu'on ne peut pas... Je n'aimerais pas qu'on arrive à
la dernière minute, qu'on se dise :
Bien là, on n'a pas réussi à s'entendre,
on n'ira pas en région. C'est nécessaire, que cette commission-là se déplace en
région. Merci.
La
Présidente (Mme Nichols) : C'est noté. C'est noté, M. le
député. Donc, je pense que les
leaders ont probablement... les
bureaux des leaders respectifs ont probablement entendu le message aussi. Mais vous pouvez être
certain que je vais rapporter le message. Merci. Et, si je ne me trompe
pas, c'était dans l'intention de la présidence, là, d'organiser la commission
dans les régions.
M. LeBel : ...se donner des
dates, parce qu'on a un problème.
La Présidente (Mme Nichols) :
Oui, il reste à déterminer les dates. On va vous revenir rapidement.
M. LeBel : Merci.
Auditions (suite)
La
Présidente (Mme Nichols) : Très bien, merci. Alors, cet avant-midi, nous entendrons Montreal Gazette, TC Transcontinental, M. Marc-François Bernier et Radio-Canada.
Alors, pour
commencer cette matinée, je souhaite la bienvenue aux représentants de Montreal Gazette et je vous rappelle que vous disposez d'une période de 10 minutes pour votre
exposé, puis nous procéderons à la période
d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter, et
présenter votre collègue ou les personnes qui vous accompagnent, et à procéder à
votre exposé. La parole est à vous pour 10 minutes.
Montreal Gazette
Mme Chodan
(Lucinda) : Merci et
bonjour, tout le monde. Merci, Mme la
Présidente et honorables membres de la commission. Merci d'avoir
invité la Gazette à participer à la séance aujourd'hui. Mon nom est Lucinda Chodan, je suis rédactrice en chef de la Gazette, de même que vice-présidente directrice du contenu pour se société mère, Postmédia. Je suis accompagnée par
ma collègue Eileen Flood, qui est chef des ressources humaines.
D'abord, quelques
mots sur l'arrière-plan de mon intervention. La Gazette n'est pas seulement
le quotidien publié depuis le plus longtemps
au Québec, elle est également l'un des plus
anciens journaux en Amérique du Nord. La première édition de la Gazette a été publiée en français
en 1778. La Gazette est devenue un journal bilingue vers la fin du
XVIIIe siècle. Nous n'avons commencé à publier la Gazette
uniquement en anglais qu'au XIXe siècle.
J'aimerais
replacer cet historique de 241 ans dans son contexte. La Gazette était
au service de son lectorat lorsque la Révolution
française a commencé, lorsque Mozart est décédé, lorsque Napoléon a perdu la
bataille de Waterloo. Uniquement au cours des 10 dernières années, nos journalistes
et photographes ont remporté des douzaines de prix provinciaux et
nationaux pour leur engagement sans compromis envers la vérité.
Mais, comme ce
comité le reconnaît, les médias au Québec vivent actuellement une crise. Tout
comme nos collègues, nous luttons contre les perturbations sans
précédent qui touchent la manière dont nos publics reçoivent de l'information et notre capacité à leur fournir
celle-ci. Ça peut sembler paradoxal parce que nous rejoignons un public
plus grand que jamais, plus
d'un demi-million de personnes toutes les semaines, en
édition imprimée et en ligne, mais nous peinons à assurer le financement
de nos opérations, plus spécifiquement à obtenir des revenus suffisants pour
rémunérer les journalistes professionnels
dans notre salle de rédaction. Depuis au moins un siècle, la publicité dans
l'édition imprimée de la Gazette
finance nos journalistes. Il y a encore une décennie, la publicité imprimée
constituait 80 % à 85 % de nos revenus. Au cours de la
dernière décennie, partout en Amérique du Nord, nous avons connu une chute
dramatique des revenus publicitaires de la
presse imprimée, alors que de plus en plus de lecteurs accèdent gratuitement au
contenu en ligne et de plus en plus d'annonceurs cherchent à atteindre
ces publics au moyen de publicités numériques.
• (9 h 40) •
Par exemple, en juillet 2019, Postmédia a déclaré une baisse de 17,6 % des
revenus de la publicité imprimée comparé à la même période en 2018. Il s'agit de 17,6 % au cours d'une seule
année. Ça, c'est un changement alarmant. Les revenus issus de la
publicité numérique ont connu une hausse de 10 %. Cependant, les
annonceurs numériques ne paient qu'une fraction
de ce que versent les annonceurs de publicité imprimée. De plus, nous sommes en
concurrence avec deux géants internationaux,
Google et Facebook, pour ces mêmes annonceurs numériques. Ces deux géants
disposent de publics beaucoup plus
vastes et offrent des outils
sophistiqués pour les cibler. Ils fonctionnent également dans un espace
pratiquement non réglementé et non
assujetti aux taxes et impôts, tout en employant peu de Québécois et en ne
produisant aucun contenu québécois.
Le déclin de
la publicité imprimée s'accélère. Nos tentatives pour tirer des revenus
importants en proposant l'abonnement
en ligne n'ont, pour le moment, pas réussi à remplacer les revenus perdus. Les
effets sur notre fonctionnement sont
évidents. La Gazette a réduit la taille de sa salle de nouvelles à
quatre reprises depuis que je suis devenue rédactrice en chef il y a six ans. Elle a maintenant une taille
réduite de 50 % par rapport à septembre 2013. Cette réduction représente
une menace pour la démocratie au Québec.
Sans la Gazette et d'autres médias qui couvrent l'actualité locale et
provinciale, une bonne partie des nouvelles qui touchent les Québécois
ne sera tout simplement pas communiquée. En effet, malgré la prolifération des sources d'information sur les
médias sociaux, ce sont encore les journalistes professionnels qui jouent
le rôle d'approfondir l'information,
d'obtenir l'accès nécessaire et de poser des questions. La meilleure manière de
prévenir les fausses nouvelles est de
disposer de journalistes professionnels qui participent à la recherche et à la
diffusion de ce qui se passe dans notre province.
Au cours des
deux dernières années, Aaron Derfel, journaliste de la Gazette, a révélé
de sérieuses lacunes de sécurité à
l'Hôpital général de Montréal, où une infirmière a été pratiquement étranglée
par un patient psychiatrique. La journaliste Linda Gyulai, chez nous aussi, a exposé de graves problèmes qui touchent
le programme de recyclage à Montréal alors que le recyclage a virtuellement cessé dans cette ville.
La Gazette a aussi révélé l'identité d'un recruteur néonazi secret qui
tentait d'attirer de jeunes Montréalais dans
un mouvement pour la suprématie blanche. Il s'agit de reportages qui ne
touchent pas seulement les Québécois anglophones, ce sont des sujets qui
nous affectent tous, francophones comme anglophones.
Nous avons
lancé une transformation massive afin de créer une entreprise qui peut survivre
dans cet environnement en plein bouleversement. Mais, si la tendance
actuelle se maintient, des mesures encore plus draconiennes seront nécessaires. Cela pourrait affecter les
calendriers de publication, la quantité de contenu proposé de même que la
taille des effectifs. Nous explorons
des innovations qui peuvent transformer notre modèle d'affaires, mais ces
efforts ne parviennent pas assez rapidement à combler l'écart
grandissant.
Alors,
comment pouvons-nous préserver ces voix québécoises distinctes dans les médias?
D'abord, il y a un aspect purement
commercial. Faites publier des publicités dans la Gazette, La Presse,
Le Devoir, Le Soleil, The Sherbrooke
Record en édition imprimée comme en ligne et explorez des moyens d'inciter
les autres annonceurs à diffuser leurs publicités localement. Actuellement, les
entreprises peuvent déduire le coût des publicités achetées auprès d'entités
numériques étrangères au même taux que pour
les journaux du Québec. Nous souhaitons que le gouvernement songe à adopter un
taux de déduction plus élevé lorsque la publicité est diffusée par un média
québécois.
Nous
aimerions également demander que le gouvernement soutienne l'innovation dans
les organes de presse du Québec non
seulement au moyen d'un crédit unique ponctuel pour la transformation
numérique, mais aussi pour le développement
numérique continuel alors que nous oeuvrons à créer le nouveau modèle que nous
voulons adopter. Dans une lutte pour
la survie, l'investissement dans l'innovation, bien qu'absolument essentiel,
est souvent ce qui est le plus négligé.
Autre chose, supprimer ou réduire la
contribution au recyclage imposé aux médias écrits au Québec. En 2018, la Gazette avait une facture de
320 000 $ pour le recyclage. Il y a une réduction cette année mais
seulement pour 2019. C'est important de continuer à baisser ou cesser
ces frais.
Finalement,
instaurer un crédit d'impôt remboursable pour la masse salariale des employés
de salles de rédaction. Cela permettrait, les journaux du Québec, de
continuer à employer des journalistes professionnels pour accomplir leur
important travail.
Merci encore, Mme la Présidente et membres du
comité, pour avoir invité la Gazette ce matin.
La
Présidente (Mme Nichols) : Je vous remercie, madame, de votre
exposé. Alors, nous allons maintenant commencer
la période d'échange. Est-ce qu'il y avait d'autres choses à ajouter? Il vous
restait quand même un peu de temps.
Mme Chodan (Lucinda) : C'était
terminé.
La
Présidente (Mme Nichols) : Très bien. Alors, on va maintenant
continuer avec les exposés. Nous allons commencer avec la période d'échange
avec la partie gouvernementale. Donc, M. le député de Sainte-Rose.
M. Skeete :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bienvenue à la Gazette. Plus jeune,
un des souvenirs que j'ai le plus
tôt, c'est... j'avais un ami qui était camelot, et, annuellement, on avait
hâte, les deux, parce qu'il y avait la sortie annuelle aux glissades d'eau. Et je ne sais pas si vous
vous souvenez, là, les autobus venaient nous chercher à l'ancien Cott, à
Laval, dans Sainte-Rose, et on partait aux
glissades d'eau. Alors, même jeune, là, c'était pour moi une institution, la Gazette.
Alors, merci pour tout ce que vous faites.
Vous êtes un journal et un média à parts égales au Québec. Alors, merci pour
tout ce que vous faites.
J'ai quelques
questions par rapport aux choix d'affaires que vous avez faits et surtout le
lien avec Postmédia, parce qu'il y a
beaucoup de médias québécois qui n'ont pas l'aide extérieure dans le Canada.
J'aimerais ça, comprendre à quelle hauteur vous êtes financés ou aidés
pour faire des virages technologiques, ou etc., par le parent, Postmédia.
Mme Chodan
(Lucinda) : Je vais répondre en anglais parce que...
M. Skeete :
Absolument.
Mme Chodan
(Lucinda) : Merci. We
receive... It's all part of a family of newspapers, and Postmedia sustains and underwrites the operations of The Gazette.
Postmedia is one of the organizations that has applied for the tax credit announced by the federal Government, but as of now
we have not received anything. So, in terms of the help that we received
from Postmedia, there is a central
«philosophie», but also a central department that helps with innovation,
transformation, experimentation in terms of attracting new readers. Like the
rest of Postmedia, it's pretty hard to break down exactly how much, but it's
certainly part of the operations of Postmedia to complete or proceed down a
path of transformation in order to survive.
M. Skeete : I think everybody
here will agree that English media faces an additional challenge in Québec. But is it fair to say, with no
hidden intention, that you guys actually have an advantage because your parent
company has the ability to leverage its national network to support you
or is that not the way the business plan works with your relationship with
Postmedia?
Mme Chodan (Lucinda) : I
think many people would dispute the theory that Postmedia has an advantage, having plunged into debt to an
extraordinary degree and emerged from creditor protection in 2010 with an
enormous debt load, which it is now trying to pay down.
Having
said that, we have an advantage in that there is a central agglomeration of
some of the finest minds in Canadian digital
thinking. I would also say, however, that, in terms of the day-to-day
operations of the Montreal Gazette, we are one of the smaller newsrooms in Postmedia and
we are competing for audiences with La Presse, Le Journal
de Montréal, Le Soleil, not as much, but Le Devoir
for the same readership. So, I think it's a mixed bag in terms of declaring an
advantage for The Gazette.
M. Skeete : Have you guys
ever compiled any data as to your readership? What percentage of your
readership is actually francophone?
• (9 h 50) •
Mme Chodan (Lucinda) : We
don't have a... It's difficult to find out online exactly whether people are francophone or anglophone. Traditionally, in the print edition,
about 20% of our readership was francophone. In the digital world, I can tell you that about 33% of our readers
online are in Québec, 33% are in Canada and 33% are somewhere else. But,
in terms of their mother tongue, we haven't really been able to pin down
exactly how many Francophones, how many Anglophones.
We do know, of course, that there are people, whoever they are, who do not mind
reading content in English.
M.
Skeete : I think that's interesting. I think my colleagues here would
win to know that we're kind of mixed together in that way. I think that's a
nice story to tell.
You guys have made the choice, like
other medias, to abandon a paywall. I'm curious as to the reasons behind that. For instance, Le Devoir
told us that, in their business plan, a paywall is not only necessary but
required because they have a certain
niche. The Gazette, to me, could be seen by some as having a niche,
and you guys have foregone the paywall. So, I'd be interested in
understanding the business decision behind that.
Mme Chodan (Lucinda) : We
actually do have a paywall. Le Devoir has a paywall involving four
articles; after four
articles, you have to pay. The Gazette's wall is at
10 articles. And I think that, as media have floundered around
trying to figure out how to survive, there
have been different philosophies. We started out without a paywall and then we
added one. And we are now... We have
an incubator where we are trying a new system elsewhere in Postmedia that will
likely come to The Gazette, which involves... you have to register after
five articles, you have to... So, in other words, increasingly, it seems
as if what people pay to read articles is an
important part of our progress, but it's not enough. So, we are going to be
using registration to target advertisements and to provide people with a more
personalized experience in terms of what they receive from us.
M. Skeete : OK.
Thank you.
Mme
Chodan (Lucinda) : Thank you.
M. Skeete : Like
many before you, we spoke with The Suburban as well, who mentioned the
recycling tax. You said it was $320,000?
Mme Chodan (Lucinda) :
Yes, in 2018.
M. Skeete : 2018,
and there was a temporary reduction this year. But that expires next year,
right?
Mme
Chodan (Lucinda) : $58,000 this year, in 2019. But that is a
temporary... We have not heard... We expect that, if there are no further announcements, we
will go back to paying approximately $320,000. In spite of the fact that
our circulation has been going down, the amount that we pay for recycling is
going up.
M. Skeete : And
just before I conclude, M. Giroux, when asked, he said something very
interesting that was, I think, a surprise.
He mentioned demography as one of the issues, one of the challenges that you
guys are going through. He specifically
named The Gazette when he mentioned that. Do you have anything to
offer in terms of how the demography, for you, is a challenge and how
the Québec Government could help in that regard?
Mme
Chodan (Lucinda) : It is a big challenge because like all the other
newspapers, except La Presse, who
have been here, our print readers are aging
out and, as they disappear, there are not many print readers coming on board.
So, demographically, that part of our readership is, I would say, over 65 at
this point, and there are not new recruits.
In
terms of demography, we have... I actually have some statistics that the
majority of our readers online are between the ages of 35 and 54, slightly more male than
female. So, our challenge is to continue or find a way to attract younger
readers, readers who may be language agnostic, because we know that those
younger readers are brand agnostic. They're not subscribing to the Gazette app or La Presse
app. They have that on, but they have a newsfeed, and it's whoever
provides them with the most interesting news to them and the most relevant news
at the right time. So, it is a great challenge. Further research on how to
attract that critical demographic in order to sustain our medias, it would be
really important.
M.
Skeete : And just quickly, yes or no, M. Giroux also was quoted as
saying... to counter the fact that, you know, English
people have access to all kinds of media, he said that the New York Times
won't tell you what's happening with your city. Do you agree, yes or no?
Mme Chodan (Lucinda) :
Yes.
M. Skeete : Thank you.
La Présidente (Mme Nichols) :
Alors, la parole est au député de Saint-Jérôme. Il vous reste
5 min 45 s.
M. Chassin : Merci. Merci, mesdames, de votre présentation.
C'est fort apprécié de comprendre votre réalité. Je voudrais attirer peut-être votre attention aussi sur le fait que, dans cette commission,
on a entendu de nombreux groupes qui ont
présenté différentes réalités. Puis vous mentionnez que, dans la lutte à la
survie pour certains médias, l'investissement dans l'innovation est essentiel, et en même temps c'est souvent le
premier poste, là, qui souffre de compressions. Puis, dans une perspective où on cherche une façon d'appuyer
nos médias et l'information locale, comment est-ce que vous considérez qu'on devrait prendre en compte le fait que
certains ont fait cet investissement dans l'innovation, ont réussi à prendre
un certain virage, et donc ne demandent pas
autant de support, par rapport à d'autres médias qui, effectivement, ont
davantage besoin de l'appui pour, par
exemple, une transition vers le numérique? Comment vous vous placez dans cet
enjeu où toutes les situations ne sont pas les mêmes que la vôtre?
Mme Chodan (Lucinda) : I think I would say that, you know,
one of the things that is the most challenging in terms of... it's not just that compagnies decide
not to invest in innovation as a concrete choice. We are a unionized
newsroom and, as is the case with all unionized places, it's certainly not
anti-union, it's just that, in terms of layoffs, in terms of voluntary buyouts, but particularly layoffs, the
youngest people in our newsroom are the people who are the most
vulnerable to being laid off if there is a
need to do so. We've been very jealously guarding them through various means
that I don't really want to go into
here, but I think that something that would recognize the fact... or subsidize
young journalists and young innovators.
Another
thing that we have tried to do is hire people from outside the news industry to
try and get them to lead us. Digital natives, we call
them in English, but also people who are experts in attracting a digital
audience, which is not necessarily the forte
of people who come from journalism schools. You know, that kind of... A program
that would help sustain a steady mentorship and a cultivation of young
journalists and young innovators would be very helpful. Merci.
La Présidente (Mme Nichols) :
Alors, la parole est au député de Saint-Jean pour 2 min 30 s.
M. Lemieux :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Mme Chodan, on vous a déjà posé une
question au sujet de Postmédia, mais
j'aimerais y revenir. Dans la mesure où vous êtes mieux placée que nous pour
nous dire comment ça se passe avec les propriétés de Postmédia en particulier et
La Presse canadienne en général par rapport au Québec,
est-ce que, chez Postmédia, vous êtes
l'enfant pauvre, ou vous êtes l'exception qui confirme la règle, ou vous êtes
dans la moyenne de ce qui se passe dans ce qu'on appelle la crise des
médias?
Mme Chodan
(Lucinda) : En moyenne, oui, comme tous les autres journaux canadiens.
C'est la même crise et les mêmes défis.
M. Lemieux : Est-ce que c'est
plus dur pour vous par rapport à la... je n'ose pas dire la débarque, là, mais
à la décroissance? Vous nous avez parlé
d'une décroissance phénoménale depuis six ans. Est-ce que ça a été plus dur, ou
plus soudain, ou plus compliqué?
Mme Chodan (Lucinda) : Pareil. It's similar to The Toronto
Star. The Globe and Mail is impossible to see inside their closed world, but
we believe the Winnipeg Free Press is in the same situation as us, that's an
independent company, même que Toronto Star.
• (10 heures) •
M. Lemieux :
Et il me reste peu de temps, mais je voudrais vous faire faire le même exercice
par rapport au reste de la presse
anglophone au Québec, la radio, la télé, qui font de l'information aussi parce
que c'est les médias d'information. On a
compris, depuis le début de la semaine, que les radios, en particulier, avaient
souffert, mais il y a une particularité avec la communauté anglophone, qui est concentrée à Montréal. Est-ce que la
radio puis la télé anglophones à Montréal ont mieux subi les contrecoups
parce qu'ils avaient cette métropole énorme avec cette communauté qu'elles peuvent
rejoindre, contrairement à d'autres médias du reste du Canada qui sont un peu
disséminés, là?
Mme Chodan
(Lucinda) : It's a very similar situation for them as well. They are
reducing staff, people are disappearing from the airwaves. It is a big
challenge for anglophone media, even in Montréal.
M. Lemieux : Les deux solitudes
vivent à la même place. Merci beaucoup, madame.
Mme Chodan (Lucinda) : Oui, exactement.
On espère que non.
La
Présidente (Mme Nichols) : Très bien, merci. Alors, nous poursuivons la période
d'échange avec l'opposition officielle. Mme la députée de Verdun.
Mme Melançon : Bonjour, mesdames. Merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui. Je serai très brève ce
matin. Je lis, à l'intérieur de votre
mémoire, bien sûr, que vous parlez du déclin dramatique des revenus
publicitaires. Vous abordez très peu
la problématique de l'iniquité avec, justement, les grands géants du Web. Vous
en parlez un petit peu, là, à la toute fin lorsque vous parlez d'entités numériques étrangères. Donc, on comprend
que vous vivez exactement la même situation que les autres groupes qui sont venus nous en... que nous avons entendu.
J'ai une question très courte pour vous : Est-ce que le gouvernement du Québec doit faire, actuellement,
une taxation auprès des géants du Web? Est-ce qu'on doit le faire de
façon urgente pour qu'ils puissent payer des
impôts et des taxes au Québec, rapidement, pour qu'on soit sur un même pied
d'égalité et entre les géants du Web et les différentes entreprises de presse?
Mme Chodan (Lucinda) :
Réponse : Bien oui.
Mme Melançon :
Rapidement : Est-ce qu'on doit attendre l'OCDE?
Mme Chodan
(Lucinda) : Aussitôt que possible. I mean, the sooner we can begin to... I thought
Stéphane Giroux was
very powerful in his statistics revealing how much exactly Facebook was able to
make from Canadian and Québec sources of information. There was a very
powerful example... I can't remember if it was him who said : You know,
you're the restaurant, you pay a delivery...
you get a delivery person to deliver the food, and they keep the money. It's a
very unfair playing field. And, I
mean, it's a precious commodity, the news that we have about our province. To
have people profit from that, yet without investing in the cost of
gathering that information, I think, is wrong.
Mme Melançon :
Parce qu'hier on a entendu le premier ministre parler, justement, qu'il n'y
avait pas beaucoup d'appétit, du côté gouvernemental, pour aller faire
cette guerre-là sans le gouvernement fédéral, alors qu'il y a un gouvernement
qui a déjà décidé d'aller chercher l'argent à Netflix. Nous, on l'a fait, de
notre côté. Il y a un combat qui est à
faire, du côté gouvernemental. Je pense que le gouvernement et le premier
ministre vont devoir être moins insensibles devant l'inéquité qui sévit
actuellement. Alors, je vous remercie d'être présentes. Mme la Présidente, je
demanderais...
La
Présidente (Mme Nichols) : Oui, très bien. Alors, avant de donner
la parole au député de Jacques-Cartier, j'aurais besoin de votre
consentement.
Des voix : ...
La Présidente (Mme Nichols) :
Très bien. Alors, avec enthousiasme, consentement.
M. Kelley :
Merci, mes collègues. Thank
you for your presentation. You left out a very important aspect of things you cover, which is the
Montréal Canadiens. Because, in all seriousness, I grew up reading Red Fisher,
Pat Hickey. I had trouble reading,
but my mom was always reassured that I could read out the box scores that the
Philadelphia Flyers beat the Pittsburgh
Penguins, no problem, in the morning. But that was the truth to the story, I
grew up reading The Gazette, it's one of the ways I learned how to read. And I think there are countless other
English-speaking Quebeckers who share that example. It's extremely
important for us to have good local content.
And you bring up so many examples of
all the good hard work your journalists did in Québec on so many different subjects, but it is so
important to remind everyone that it takes good journalists who know our
community to do that work. And the
centralization of the English-speaking media in Québec, when we talk about
that, it doesn't pass in the hands of a single entity, we're talking about a centralization of the media in
Toronto. English-speaking Quebeckers want news from Québec. We care deeply about that. The issues,
they're pertinent to us here, and we do not want journalists or people
in Toronto just taking press releases from
the Government and making a story, it's not adequate for us. It's not what we
have learned from one of the longest-serving
daily newspapers from the English-speaking community in the world... sorry,
in North America. So, just that point is so important to us.
I
know we don't have a lot of time, so I'm going to ask you to be pretty brief on
the two questions I have. The Government has
announced a tour that will be done by the Secretary for relations with
English-speaking Quebeckers. Of course,
this committee here will come up with recommendations, that's very important,
but do you think that that tour should take
into account local media, Québec English-speaking culture and what is its place
and future here, in Québec? And also, to tell us here, as a Government, what do you expect of us to do with our
relations with the federal Government. Where can we go to bat for English media with the federal
Government for certain programs? I would just like to hear your thoughts
on those two issues. Thanks.
Mme
Chodan (Lucinda) : I think it's very important for our Government to
work together with the federal Government.
It is the same crisis taking place in the rest of Canada, but particularly in
Québec, where we are a distinct society, anglophone as well as francophone. And it's very important to continue
to... I mean, if the Government were able to work with the federal Government, for instance, to
collaborate on labour taxes for reimbursable... labour taxes, to work
together, certainly, against the... making
sure that Facebook and... not Netflix, Facebook and Google pay their fair
share, I mean, if we present a united
front across the country, I think it's going to be a lot more powerful and
successful in succeeding in making sure that some of that revenue comes
back to the enterprises that actually create content.
M. Kelley : And for
the tour of the secretariat, is there anything in particular that you would
look for or hope that there is a block that's focussed
specifically on Québec local media and local culture?
Mme Chodan (Lucinda) :
Well, I think that... I mean, we more than anyone else, I think, in North
America know how
important language and communication is to the thriving of culture, so I think
it's very important for the tour to touch upon those things in communities. If The Gazette were to
cease to exist, there would still be other media, at least for some time, in Montréal. If we lose The Sherbrooke
Record or some of the smaller, you know, in Western Québec, some of
the anglophone media... Sometimes there aren't
other opportunities, and no one will know what's going on at city council,
no one will know, you know, the changes that
are being instituted or things that may affect their lives, such as flooding.
It doesn't... I mean, there are lots
of people commenting on things, but without people actually gathering and
reporting the new, how can we operate as a democratic society?
M. Kelley :
Thank you. Je vais céder la parole à ma collègue de Westmount—Saint-Louis.
La Présidente
(Mme Nichols) : Alors, la parole est à vous pour
2 min 40 s.
Mme Maccarone :
Merci, Mme la Présidente. Merci, mesdames, pour votre présence ici aujourd'hui.
I
remember the days when the Montreal Star
was still in print. And my mother still has the last printed copy, so I think
we knew, way back then, that there was an urgency to act.
You and I both attended the University
Women's Club event, just a few months ago, and I was appalled and really shocked to see the
community speak up in anger about the changes that The Gazette was
going through. I think that it would be
beneficial for the Members of this committee to hear a little bit from you
about that reality, about what you have had to do, as a newspaper, to
stay alive, to stay vital and the things that you have had to cut that were
clearly important to those people that were present.
Mme Chodan (Lucinda) :
Some of the things that we... I mean, our number one goal has been to protect journalists and protect our
ability to cover the news. What that has meant, however, is that we have cut
back on arts coverage, we've cut back on community service items like...
Two of the things that people at that meeting of the University Women's Club mentioned were : We had a very elaborate
system of reporting small movie summary and then where those movies were
playing all over in French and English,
super useful, also took up a day and a half to two days of journalists' time.
We said : We can't afford that
anymore. Tip Sheet and It's a date, two features that told the community, you
know : There is a rummage sale
in the church basement here, in Pointe-Claire, or, you know, in Pierrefonds,
there is a lecture on this, we don't have the staff anymore to do those kinds of things because, although they are
important to our community, they aren't at the heart of what we had decided to focus on, which is
reporting news and information that is crucial for people to make decisions
about our lives here as citizens of Québec.
Mme
Maccarone : Briefly, can you just give us a little bit of an overview
of what distribution is like for you — we
understand that we are symbiotically tied to the francophone news distribution
network — and
the impact of what will happen at large on newspapers like TheGazette?
Mme
Chodan (Lucinda) :
Unfortunately, our carriers are no longer intelligent, young future
politicians. We are mostly
people that get up at 3 :30 in the morning and have to drive around to
deliver things within Montréal. We split up the territory with
«camionneurs» from the Journal de Montréal, La Presse is no longer delivering a print edition. So, if the Journal de Montréal has a different deadline and they print before we do, we can't get to
those readers. If there are problems with the Journal de Montréal, we can't get to our readers either. So, we've
had deep problems. The Journal
de Montréal does not go very much to the Eastern
Townships, so that's an English-language community that we...
• (10 h 10) •
La
Présidente (Mme Nichols) : Je vous remercie. Je suis désolée de vous interrompre. Je suis la
gardienne du temps. Je suis désolée,
je me trouve presque impolie. On doit cependant continuer la période d'échange avec Mme la députée de Taschereau pour
2 min 30 s.
Mme Dorion : Merci. Merci d'être là. J'ai l'impression qu'on
va peut-être parler entre nous de... est-ce qu'on veut un programme pour sauver les médias, le temps qu'ils
s'organisent et qu'ils traversent la crise, ou est-ce qu'on a besoin... si on considère l'information comme un bien
essentiel, comme un service, finalement, nécessaire, important
pour la bonne vie de notre
démocratie, est-ce qu'on va avoir besoin de financer ça à long terme, un peu
comme on l'a fait avec les arts. Quel est votre avis là-dessus?
Mme Chodan (Lucinda) : On
espère que non, pas longtemps. I mean, really, what we believe
and continue to believe is we need some time
to innovate. Being very honest, the landscape is changing so quickly. Three
years ago, we thought it was not a
good idea to have a paywall; two years ago, we thought it was. The landscape is
changing very quickly, so our goal would be to innovate our way to a
successful, sustainable future. Mes doigts sont croisés.
Mme Dorion : Et est-ce que vous imaginez que, dans le futur,
ça pourrait être possible de penser à d'autres structures d'entreprise ou d'aller vers l'économie sociale, par exemple, comme le proposent les travailleurs du Groupe Capitale Médias ou comme l'a
fait La Presse?
Mme Chodan (Lucinda) : I don't know. We are continuing to
experiment and to try to find ways to interrupt the disruption but, I would say, anything is possible.
Journalists and journalistic organizations are highly motivated to keep doing what we do, which is serve the public with important information. So, I
think any combination, any possibility of innovation is possible in the future, but
it's not obvious how to solve the issue.
Mme Dorion : Dernier petit truc. Il y a
une mesure qui est pratiquement universelle dans les pays européens, qui
exonère les achats d'abonnements aux médias
à la taxe, à la TVQ, par exemple, si c'était le cas au Québec.
Est-ce que c'est quelque chose à quoi vous avez réfléchi et que vous
penseriez que ce serait une bonne idée?
Mme Chodan
(Lucinda) : I think it's a very good idea.
Mme Dorion : O.K. Merci.
La Présidente (Mme Nichols) : Très
bien. Merci. Alors, nous poursuivons les échanges avec M. le député de Rimouski
pour 2 min 30 s. Merci.
M. LeBel : Merci, madame. Je
pense qu'il va falloir que je prenne une bière plus souvent avec le député de Jacques-Cartier
pour qu'il m'apprenne à parler anglais un peu mieux. Mais vous me faites
travailler fort, j'essaie de comprendre vos
réponses. Je ne suis pas bilingue, ça fait que je vais vous poser la question
en français, essayez de me répondre en français, s'il
vous plaît.
Plusieurs
des gens qui sont venus ici nous ont expliqué qu'il faut une politique
pour sauver les médias, qu'il y
a une crise dans les médias, il faut une politique globale. Dans la politique
globale, il y a beaucoup d'éléments qui viennent du fédéral, entre autres, pour taxer les GAFA, les
droits d'auteur, la radiodiffusion, télécoms, l'impôt, le revenu. Ça fait
que le fédéral est un joueur important si on
veut trouver une vraie solution. Et il y a des élections fédérales qui s'en
viennent, on devrait être capables de
demander aux partis politiques de se positionner par rapport à cette crise
qu'on vit ici. Est-ce que vous êtes de cet avis? Et comment on pourrait
faire cet appel au fédéral?
Mme Chodan (Lucinda) : Je ne
sais pas. Je pense que c'est très important de demander au fédéral, mais, s'il y a des partis qui ne sont pas d'accord... Par
exemple, M. Trudeau a dit : Oui, je vais continuer à donner des fonds
aux journaux par la taxe
remboursable, mais M. Scheer, non, il n'a dit rien. Ce n'est pas évident,
mais c'est important de demander aux deux comment il veut faire.
M. LeBel :
O.K. Moi, je pense, ce serait
important, puis de le faire avant les élections. Et on a une belle liste
d'épicerie, là, qu'on devrait être capables
de s'entendre, tout le monde, sur nos revendications par rapport au gouvernement fédéral.
Dernière question, plus précise. Tout
le monde nous parle des crédits d'impôt sur la masse salariale. Certains
nous disent qu'il faudrait que ce ne soit
visé qu'aux journalistes, que les crédits d'impôt ne soient que pour les salles
de presse, pour les journalistes. Plusieurs... d'autres nous disent
qu'il faudrait que ce soit sur l'ensemble des employés des médias. Comment vous
voyez ça, vous?
Mme Chodan
(Lucinda) : Salle de
rédaction. Et je pense que c'est la meilleure chose, de donner l'argent
directement aux gens pour la masse salariale dans la salle de rédaction.
M. LeBel :
Pour l'ensemble?
Mme Chodan
(Lucinda) : Je pense, oui.
M. LeBel :
Merci, madame. Merci beaucoup.
Mme Chodan
(Lucinda) : Merci.
La Présidente (Mme Nichols) : Alors, nous concluons la période d'échange avec Mme la députée de Marie-Victorin,
pour un temps de deux minutes.
Mme Fournier : Merci beaucoup
pour votre présentation. Je comprends
que vous vous croisez les doigts, que ça va aller mieux d'ici quelques années. Par contre, cela dit, en entendant
l'ensemble des intervenants, j'ai plutôt l'impression, personnellement,
que ça va prendre une aide financière à long terme de la part de l'État.
Vous
nous avez parlé de votre virage numérique, comme quoi vous avez décidé, il y a
très peu de temps, d'aller vers le mur payant. Vous avez, bien sûr, une
application. Vous voulez continuer d'innover. Vous avez mentionné vouloir
attirer davantage de jeunes dans votre lectorat. Quelles sont les prochaines
étapes pour la Gazette en ce sens-là?
Mme Chodan
(Lucinda) : Continuer à
expérimenter avec... Par exemple, on a «artificial intelligence» pour
cibler des lecteurs, le lectorat avec la publicité mais aussi les contenus qui
sont plus «relevant» pour eux, un système de... «system of registration», suivi
par inscription pour obtenir de l'argent mais aussi pour obtenir de
l'information qui est importante pour donner
de l'information plus «relevant» pour eux. Après ça, on ne sait pas, on a regardé... We have an experiment taking place right
now in London, Ontario, at The London Free Press. Si ça marche, ça vient à Montréal,
à la Gazette, mais sinon on va essayer quelque chose d'autre.
Mme Fournier : O.K. L'inscription, vous parlez des abonnements ou il y a une nuance à faire entre
l'inscription et l'abonnement?
Mme Chodan
(Lucinda) : «Registration», donner le courriel et probablement des
renseignements, on peut suivre leurs habitudes, les choses qu'ils ont
lues, etc., et suivi par «inscription», quand on paie pour obtenir les
contenants.
La
Présidente (Mme Nichols) : Merci. Alors, je vous remercie,
mesdames, pour votre contribution aux travaux de la commission.
Je suspends quelques
instants, le temps de permettre au prochain groupe, soit à TC Transcontinental,
de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à
10 h 18)
(Reprise à 10 h 21)
La
Présidente (Mme Nichols) : Alors, je souhaite la bienvenue aux
représentants de TC Transcontinental. Je vous rappelle que vous disposez d'une période de 10 minutes pour votre
exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite
donc à vous présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent et à
procéder à votre exposé. La parole est à vous.
TC
Transcontinental
M. Olivier
(François) : Merci, Mme la Présidente. Je vous remercie très
sincèrement de nous recevoir ici aujourd'hui. Je me présente, je suis François
Olivier, président et chef de la direction de TC Transcontinental. Je suis accompagné de mes collègues Pierre Marcoux,
président de TC Media, avec qui je vais partager cette présentation, et
Benoit Caron, vice-président Distribution chez Transcontinental.
Tout
d'abord, quelques mots sur qui nous sommes. Fondée en 1976 par l'un des grands
bâtisseurs du Québec, Rémi Marcoux,
Transcontinental a fait ses débuts dans l'impression, la distribution et
l'édition. Aujourd'hui, TC Transcontinental est un chef de file en
emballage souple en Amérique du Nord et le plus important imprimeur au Canada.
La société est également un leader canadien
dans ses activités de médias spécialisés. Nous comptons sur 9 000 personnes à notre emploi,
dont 2 400 ici, au Québec.
Nous nous présentons
devant vous aujourd'hui avec un point de vue unique. Notre entreprise a plus de
40 ans d'expérience en tant qu'éditeur,
imprimeur et distributeur de produits médias. La crise des médias écrits est à
un moment critique. Les journalistes,
dont le nombre diminue de façon alarmante, racontent des histoires d'ici, des
points de vue de gens d'ici et
enrichissent notre vie en société. Il serait dramatique de laisser disparaître
la diversité des voix, l'information locale, régionale, spécialisée, qui
contribuent tous, d'une manière ou d'une autre, à une saine société.
Les médias
écrits ont besoin d'aide pour survivre, et il n'y aura pas de retour en arrière.
Il faut les soutenir, comme nos gouvernements soutiennent, depuis... de
longue date nos institutions culturelles dans le domaine du cinéma, de la télévision, de la musique, du livre et des arts de
la scène. Ces institutions culturelles qui enrichissent notre vie en
société ne pourraient pas exister sans fonds publics. Aujourd'hui, il en va de
même pour la presse écrite. Comme nos institutions culturelles, elle a besoin
de mesures simples, équitables, accessibles et surtout permanentes pour
stimuler de nouveaux investissements dans la
création de contenus québécois. C'est pour cela que nous nous sommes joints, en
2016, à la Coalition pour la pérennité de la presse d'information au
Québec et que nous continuons d'appuyer leurs demandes.
Au cours des
deux dernières années, nous avons vendu quelque 90 hebdos du Québec à des
entrepreneurs locaux dynamiques,
enthousiastes, proches de leur communauté. Ce faisant, nous avons voulu assurer
leur pérennité. En même temps, nous
sommes demeurés engagés dans cette industrie en restant leur imprimeur et leur
distributeur avec le Publi-Sac. Nous sommes
aussi demeurés un éditeur important de médias spécialisés, comme le journal Les Affaires,
des publications qui contribuent à la vitalité économique et sociale du
Québec.
Depuis, la
situation s'est encore détériorée. Des efforts ont été faits, des
investissements dans le numérique ont été réalisés, mais rien n'y fait, le choc publicitaire est trop rapide et
trop grand. L'arrivée des géants américains tels Google, Apple, Facebook et Amazon a porté un coup dur, et ça
continue. Ensuite, il y a les coûts d'opération, les salaires, les loyers,
le papier, l'imprimerie et la distribution.
Nous savons que les éditeurs ont fait le maximum pour contenir leurs coûts,
mais, quand on coupe dans les salles
de nouvelles, on coupe le nombre de pages, on diminue le tirage, un mal
s'ajoute à un autre, c'est la spirale
vers le bas. Lorsqu'on atteint un certain seuil critique, ce sont l'intégrité,
la crédibilité et la pertinence même de la publication qui sont mises en
cause. Plusieurs en sont rendus là, malheureusement.
TC
Transcontinental, comme partie prenante de l'industrie en tant
qu'imprimeur et distributeur, entend faire sa part pour continuer à soutenir ses clients éditeurs de
journaux. Nous voulons notamment continuer d'accompagner les hebdos en leur
permettant de rayonner partout au Québec grâce à la portée, l'efficacité et le
prix inégalé de la distribution par Publi-Sac. En tant qu'éditeur de médias
spécialisés, nous vous demandons aussi de considérer des mesures de soutien semblables pour les périodiques spécialisés au
même titre que la presse d'information généraliste. Mon collègue Pierre vous en
parlera dans un instant.
La distribution de porte en porte de 95 %
des hebdos au Québec passe par le Publi-Sac. Le Publi-Sac est la courroie de transmission entre 3 millions de
foyers québécois et leur information locale. Il est le seul véhicule de
distribution à grande échelle abordable qui
rejoint directement l'ensemble des foyers québécois. Il fait partie intégrante
de l'écosystème économique des
hebdos. Été comme hiver, beau temps, mauvais temps, chaque semaine,
2 000 camelots se déploient pour sillonner une par une toutes les rues du Québec et livrer aux Québécois
leur hebdo local. Le Publi-Sac permet aux hebdos de bénéficier d'importantes économies d'échelle. Il
faut comprendre que le coût de distribution des hebdos est partagé avec
les détaillants et les commerçants locaux
qui insèrent du matériel publicitaire dans le Publi-Sac. Les alternatives comme
Postes Canada coûteraient aux éditeurs de
trois à cinq fois plus cher. Un tel coût additionnel, qui représenterait des
millions de dollars par année, ne
pourrait pas être absorbé par eux. Portée, efficacité, prix raisonnable, c'est
la formule du Publi-Sac dont les hebdos ne peuvent se passer.
Certains contestent le Publi-Sac pour des
raisons environnementales. Nous partageons ces préoccupations, et c'est pourquoi nous lançons différentes
initiatives de réduction à la source. Dès cet automne, nous réduirons de
30 % le plastique utilisé. De
plus, nous introduirons un nouveau sac fait à 100 % de plastique recyclé
et encore 100 % recyclable, et ce
sac sera fait ici au Québec, et nous sommes fiers d'en être le fabricant. C'est
donc une première dans l'établissement d'une économie circulaire du
plastique au Québec.
Certains cherchent aussi à nous imposer un
renversement de notre modèle d'affaires. Ils demandent que le Publi-Sac ne soit pas distribué, seulement à ceux
qui en feraient la demande expresse, ou créer un système sur demande.
Ceci remplacerait le système actuel, soit le
libre-choix de ceux qui ne veulent pas le recevoir, par lequel nous envoyons
gratuitement un pictogramme à ceux qui en
font la demande. Un tel hypothétique modèle par abonnement n'est pas viable, ce
serait la fin du Publi-Sac. Et la fin du Publi-Sac, ce serait la fin des
hebdos.
Nous
recommandons donc que la commission reconnaisse le rôle primordial que joue le
Publi-Sac pour assurer aux hebdos la
portée et l'efficacité dont ils ont besoin à des coûts qui leur permettront de
continuer d'exister. Nous recommandons aussi
que la commission appuie le maintien du modèle d'affaires actuel du Publi-Sac
en tant que composante essentielle de l'écosystème économique des hebdos
à travers le Québec.
Je passe maintenant la parole à mon collègue
Pierre Marcoux.
• (10 h 30) •
M. Marcoux
(Pierre) : Merci, François. Mme la Présidente, d'abord je vous
remercie, à mon tour, de nous recevoir. Je suis associé au journal Les Affaires depuis 20 ans,
tout d'abord comme journaliste puis comme gestionnaire. J'ai vécu autant
les années fastes que celles des vaches maigres.
TC Media
compte maintenant 14 marques, dont le journal Les Affaires,
qui dessert les gens d'affaires, et d'autres publications spécialisées ciblées pour la finance, les ressources
humaines et la construction au Québec, par exemple. Ces marques créent des contenus pertinents permettant
aux gens d'affaires et aux professionnels des industries desservies de
mieux comprendre leurs enjeux, de mieux
comprendre leur environnement. Ces gens peuvent ainsi prendre de meilleures
décisions afin que leur entreprise soit plus
saine, adopte de meilleures pratiques de gestion et soit ultimement plus
performante, moderne et accueillante, ceci sans compter l'évolution de la littératie
économique et financière des Québécois, à laquelle nous avons grandement
contribué au fil des ans et continuons de le faire.
Depuis
2015, les revenus publicitaires des marques spécialisées de TC Média au
Québec ont chuté d'environ 40 %. Au journal Les Affaires,
c'est plus de 50 % de nos revenus que nous avons perdus. Nous avons dû
donc procéder à des réorganisations qui ont mené à des pertes d'emplois, entre
autres, évidemment, également dans les salles de rédaction. Au Québec, depuis 2015, TC Media a perdu
25 % de son personnel éditorial, parfois plus, dans différentes
publications. Nous avons aussi dû revoir à
la baisse la fréquence de parution de nos titres. Par exemple, le journal Les Affaires
était publié 52 fois par année
vers la fin des années 2000. En 2017, le journal est passé d'une fréquence
déjà réduite de 42 numéros à 26 par année, et la baisse des revenus publicitaires nous rattrape encore. Si
les revenus publicitaires sont de moins en moins au rendez-vous, il n'en
demeure pas moins que le lectorat des publications de TC Media demeure
important. Depuis son changement de
fréquence, le journal Les Affaires maintient un niveau d'abonnement
relativement stable — dans les
circonstances, c'est intéressant — à environ 55 000 abonnés. C'est la
preuve que notre enjeu n'en est pas un de lecteurs mais bien
d'annonceurs.
Nous
recommandons donc, dans ce contexte, de mettre en place des mesures de soutien
aux éditeurs des périodiques spécialisés,
au même titre que la presse généraliste. Nous proposons, évidemment, un crédit
d'impôt remboursable de 25 % sur la masse salariale dédiée à la
création et à la production de contenu journalistique, nous proposons aussi un
fonds couvrant 50 % des investissements numériques pour des projets
innovants et, troisièmement, une exemption de la contribution aux coûts nets de la collecte sélective municipale,
contribution en placement publicitaire, cependant, qui devrait être
maintenue.
Je
vous remercie de votre écoute. Mme la Présidente de la commission
parlementaire, merci. Je redonne la parole à François.
M. Olivier
(François) : Alors, en conclusion, les lecteurs sont toujours...
La Présidente
(Mme Nichols) : Très rapidement, la conclusion, s'il vous plaît.
M. Olivier (François) :
Une minute, est-ce que ça va?
La Présidente
(Mme Nichols) : Oui.
M. Olivier
(François) : Bon. En conclusion, les lecteurs sont toujours là, mais
les revenus n'y sont plus, tandis que les
coûts augmentent. Des tours de force sont réalisés chaque jour par les éditeurs
pour continuer d'offrir des produits de qualité. Il faut les appuyer, reconnaître leur valeur dans la société.
Des solutions doivent être apportées urgemment par les différentes
instances gouvernementales. Comme nos institutions culturelles, nos médias sont
une richesse collective et démocratique. L'industrie a besoin qu'on lui tende
la main avant qu'il ne soit trop tard.
Les
hebdos ont plus que jamais besoin aussi du Publi-Sac dans leur modèle actuel,
et nous ne voulons pas les laisser tomber.
Au moment où on s'apprête à les soutenir financièrement, il serait absurde de
priver les hebdos, en même temps, du mode de distribution le plus
efficace et le moins dispendieux. On donnerait d'une main et on reprendrait de
l'autre. Un changement de modèle d'affaires
du Publi-Sac vers l'abonnement signifierait la fin du Publi-Sac et, par
conséquent, la fin des hebdos au
Québec. TC Transcontinental veut faire sa part pour soutenir l'avenir des
médias, et nous espérons ardemment que le gouvernement du Québec fera
aussi la sienne. Merci de votre attention.
La Présidente
(Mme Nichols) : Très bien. Merci, messieurs, merci pour votre
exposé. Nous allons maintenant commencer la
période d'échange et nous allons commencer... la période est... voyons, la
parole est au député de Beauce-Sud.
M. Poulin :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. M. Olivier, M. Hénault,
M. Marcoux, quel plaisir de vous retrouver.
Très content également de pouvoir vous entendre, parce que les racines
profondes de Transcontinental sont en Beauce,
n'est-ce pas, M. Marcoux? Et Dieu sait que les racines de plusieurs
entreprises au Québec sont en Beauce. Qu'est-ce qu'on ferait sans la Beauce? Ça, c'est un autre enjeu. Alors, très
content de pouvoir vous entendre. Sans compter qu'il y a des membres de votre conseil d'administration qui sont
aussi de la Beauce, je pense à Mme Thabet, entre autres, alors,
bien content de pouvoir vous entendre.
Merci
de nous rappeler l'importance des médias écrits, des journaux. Merci de nous
rappeler également l'importance du Publi-Sac, on l'a témoigné ici, en
commission parlementaire, aujourd'hui. Et ce n'est pas de vivre dans le passé,
de comprendre qu'il y a encore des
utilisateurs du Publi-Sac, il y a encore des utilisateurs de nos médias écrits.
Je pense aux revues spécialisées que
vous avez. Très souvent, les tablettes sont vides parce que ça s'envole
rapidement, alors ça démontre qu'il y
a des utilisateurs. Et, vous l'avez bien mentionné, vous dites : L'enjeu,
ce n'est pas du lectorat, c'est un enjeu d'annonceurs.
Je veux parler avec
vous de la vente des médias que vous avez faite il y a déjà quelques années,
entre autres, en 2017. Il y a eu différentes
vagues, là. Vous avez vendu des hebdos régionaux à différents groupes. Vous
avez exprimé un peu, bon, la perte de
revenus, l'arrivée de nouveaux joueurs, qui sont les géants du Web. Mais
qu'est-ce qui a manqué, dans ces
années-là, pour qu'on puisse vous aider, qui aurait empêché cette vente-là puis
qui aurait encouragé Transcontinental à continuer cette administration-là d'hebdos régionaux et à posséder ces
hebdos régionaux là? Est-ce qu'on aurait dû faire quelque chose à l'époque, ou, pour vous, c'était
tout simplement inévitable, que vous deviez vous en départir à ce moment-là?
M. Olivier
(François) : Bien, notre décision de changer de cap et de vendre
beaucoup de nos médias — on n'a pas seulement vendu nos journaux, on a vendu nos
magazines — c'est
plus une décision d'entreprise stratégique où on a réinventé Transcontinental, au cours des cinq dernières années, dans
l'emballage flexible. Donc, c'était une grande stratégie de portefeuille, donc,
et c'est une stratégie globale, je dirais.
Mais, si je
peux parler — parce qu'on a été propriétaires de médias
pendant très, très longtemps — de ce qui se passait et pourquoi on est venus à la conclusion, il y a trois, quatre
ans, que probablement que ces médias-là auraient besoin de l'État... C'est un médium qui était somme toute
simple : si on créait du contenu de grande qualité et on augmentait
notre audience, les publicitaires voulaient
avoir accès à cette audience-là, et les revenus venaient avec l'audience. Et, il
y a à peu près 10 ans, cette
formule-là, qui a toujours marché dans les médias et qui faisait que les médias
étaient une industrie très rentable... Parce que les gens, dans la
société, qui payaient pour la création de contenu de grande qualité, c'étaient
les publicitaires. Mais, avec l'arrivée de l'Internet, ça a donné des nouveaux
médiums de communication, ça a fragmenté l'industrie,
et les revenus publicitaires se sont déplacés vers ces plateformes-là,
indépendamment de la qualité de l'audience et indépendamment de l'audience. Donc, Pierre a plus d'audience, au
journal Les Affaires, qu'il n'en a jamais eu, mais on a 50 % moins de revenus. Dans le système
passé, avant l'Internet, on aurait probablement 50 % plus de revenus. Donc,
le modèle est brisé. Alors, c'est comme de
demander à une compagnie de danse ou à l'orchestre symphonique de vivre
des gens qui achètent des billets, tu sais,
le modèle économique ne tient plus. Donc, l'Internet a brisé le modèle
économique des médias traditionnels.
M. Poulin :
Vous nous parlez également de virage numérique, et ce n'est pas d'hier qu'on
parle du virage numérique, à la fois
pour les hebdos régionaux ou pour les médias écrits. J'ai l'impression... Puis
souvent, bon, ça fait des grands mots, ça fait des grands titres, de dire : Il y a des gens qui ont raté le
virage numérique. Moi, je n'ai pas l'impression qu'on l'a raté, j'ai l'impression que ça va tellement vite qu'une fois
qu'on l'a réglé, qu'on l'a fait, on est déjà rendu ailleurs, on est déjà
rendu à un autre moment. Ça, c'est une chose.
Mais vous
m'avez parlé de revenus tout à l'heure. Est-ce que les agences de publicité
n'ont pas manqué également, dans
cette considération-là envers à la fois les revues spécialisées, envers les
hebdos régionaux, envers la presse régionale, en recommandant trop vite, trop rapidement de se tourner vers, justement,
les médias sociaux? Et je pense qu'à un moment donné il va falloir étudier aussi la force d'une
publicité dans un journal, dans une revue et la force d'une publicité sur
Internet, qui... je ne dis pas
qu'elle n'a pas de valeur, mais dont il y a également beaucoup de consommation
puis il y a beaucoup de publicités sur Internet. Alors, est-ce que les
agences de publicité ont été des partenaires de Transcontinental ou ont plutôt
été plus des obstacles?
M. Olivier
(François) : Je dirais que
les agences de publicité ont suivi ce qui s'est passé technologiquement, et, à un moment donné, si tu n'étais pas sur Internet,
tu ne faisais pas ton travail de publicitaire, à un moment donné, si tu
n'étais pas sur les médias sociaux, tu ne
faisais pas ton travail de publicitaire. Et les gens ont déplacé beaucoup
d'argent, à mon sens, à tort, vers
ces médias-là, beaucoup trop d'argent, et ont trop délaissé les médias
traditionnels, qui sont les journaux, les magazines, la télévision généraliste. Mais il y a des publicitaires, maintenant,
qui commencent à s'apercevoir qu'avoir mis tant d'argent en publicité dans les médias sociaux ça ne me fait pas
vendre plus de produits. Ça fait des beaux rapports, ça a l'air cool,
j'ai des pages vues mais je n'ai pas de ventes. Alors là, il y en a qui
commencent à remettre de l'argent, et c'est cette balance-là...
Et les
agences de publicité aussi, eux, se sont transformées aussi. Beaucoup de jeunes
qui décident maintenant où les budgets
publicitaires vont, ils savent c'est quoi, Google, je ne suis pas sûr qu'ils
connaissent l'hebdo de Lac-Etchemin dans nos régions. Donc, il y a toute une éducation à faire. On ne peut pas
les empêcher de suivre la technologie, mais l'audience se fragmente et
les revenus se fragmentent. Donc, pour un publicitaire, c'est beaucoup plus
dur, de créer une campagne médiatique efficace parce qu'il y a beaucoup plus de
choix. Il y a 20 ans, tu avais la radio, la télévision puis les journaux. Un coup que tu avais mis ton budget dans
ces trois plateformes-là, tu pouvais faire un bon travail. Aujourd'hui,
il y a 10, ou 15, ou 20 plateformes.
Donc, ne pas jeter toute la pierre aux publicitaires, leur travail est beaucoup
plus complexe qu'avant. Mais je
dirais que mon opinion, c'est qu'ils délaissent trop les médias traditionnels.
Puis les médias traditionnels, ils sont encore beaucoup plus efficaces
pour rejoindre l'audience de qualité qu'ils le pensent, à mon sens. Ça, c'est
mon opinion personnelle.
• (10 h 40) •
M. Poulin : Oui, absolument.
Puis, juste avant de céder la parole à un collègue, puisque vous avez parlé de Lac-Etchemin, je salue Caroline Gilbert, qui a
travaillé chez Transcontinental pendant plusieurs années, et qui est
encore là, et qui travaille très fort.
Mais moi, je
me souviens d'une éditrice dans une région, dans une municipalité de
2 000 personnes, elle a dit : Une semaine, on n'envoie pas le journal dans le Publi-Sac parce que les
annonceurs de la municipalité ne supportaient pas le journal, et elle a eu 700 messages, de
dire : Pourquoi je n'ai pas eu
mon journal? Alors, elle est allée voir les annonceurs, et elle a dit : Voyez-vous, je suis lue dans
votre municipalité, j'ai reçu 700 messages. Et la semaine
d'après, elle, elle leur a envoyé le
Publi-Sac, et là les annonceurs se sont mis à rembarquer. Alors, je pense, des
fois, quand on perd notre journal, on s'aperçoit également à quel point il est
important dans une communauté. Merci pour le travail que vous avez fait également
dans le passé.
M. Olivier (François) : Merci.
La Présidente (Mme Nichols) : ...député
de Saint-Jérôme.
M. Chassin :
Merci, Mme la Présidente. M. Marcoux, M. Olivier, M. Caron,
merci de votre présentation. Je comprends
que vous avez, donc, encore le journal Les Affaires et certains autres
médias spécialisés, si je ne m'abuse, qui... La justification de conserver des médias comme
ceux-là qui sont, justement, spécialisés, un peu plus nichés, j'ai envie de
vous poser la question, est-ce que c'est rentable ou est-ce que vous les
conservez en dépit d'une situation financière difficile?
M. Marcoux
(Pierre) : Bien, merci pour votre question, M. le député. En réalité,
on a fait une certaine transformation à
l'intérieur de ces produits-là dans les dernières années. On a greffé à ces
produits-là d'autres plateformes, comme l'événementiel, par exemple. On crée beaucoup d'événements sous la
marque Les Affaires, sous la marque Constructo, via une boîte de production qui s'appelle Contech.
Également, sur Benefits Canada, Avantages, on crée, en fait,
plusieurs conférences qui sont devenues un modèle très intéressant et
qui fait que l'ensemble de l'écosystème fonctionne relativement bien.
Ceci
dit, si on regarde uniquement les produits papier de ces business-là, c'est là
que le bât blesse, c'est là que c'est beaucoup
plus difficile, pour toutes les raisons qu'on vous a déjà données puis que les
intervenants à la commission ont aussi données.
On vit la même réalité à ce niveau-là. On a juste, dans le fond, peut-être
réussi à s'en sortir autrement en créant des activités à côté de ça. Il n'en demeure pas moins que plus ça va et plus
ces publications-là, financièrement, peuvent devenir un poids pour l'ensemble des activités. Et,
tranquillement, on continue et on s'en va là, ce pourquoi il est important de
se pencher sur la viabilité même de ces produits-là au sein d'un ensemble.
M. Chassin : Et est-ce que vous diriez, dans ce cas-là, que le modèle... Vous parlez
que les versions papier sont de plus
en plus difficiles. Bien évidemment, pour Transcontinental, il y a peut-être un
attachement particulier aux versions papier. Mais néanmoins est-ce que vous seriez d'accord pour qu'on considère,
s'il y a un appui financier de la part de l'État, qu'on soit neutres par rapport au format, c'est-à-dire
qu'on n'ait pas l'imprimé papier, spécifiquement, au détriment de
d'autres, qu'on soit... puis, dans vos
recommandations vous en avez parlé un peu, mais qu'on soit plus universels dans
notre façon, notre approche?
M. Marcoux
(Pierre) : Bien, nous, notre approche, c'est les... tous les
journalistes travaillent sur deux plateformes, ils travaillent sur l'imprimé et sur le numérique. Il y a des contenus
qui vont être pensés, crées, réfléchis en fonction du papier, d'autres qui vont être créés en fonction du
numérique. Parfois, c'est un peu les mêmes sujets mais traités de manière
différente. Donc, oui, on est très, très
ouverts à ça. Parce que la réalité, c'est : au moment où la publicité
baissait dans le papier, puis on a investi
dans le numérique, ça a fonctionné pendant un temps. Après ça, les GAFA sont arrivés puis ils ont pris
également ces revenus-là, ce qui fait qu'on
se retrouve dans une situation où les revenus papier ont beaucoup diminué, et,
du jour au lendemain, après des
investissements importants dans le numérique, eux aussi sont sous pression.
Donc, de voir ça dans son ensemble, je pense
que c'est très, très, très important. Et, dans les deux cas, en fait, ça
rejoint souvent des audiences qui sont similaires, qui sont des audiences de qualité mais qu'on rejoint
sur différentes plateformes pour différentes raisons. Alors, c'est
excessivement important pour nous.
M. Chassin :
Merci, bien gentil.
La Présidente
(Mme Nichols) : Alors, M. le député de Saint-Jean, pour une
période de deux minutes.
M. Lemieux :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. M. Marcoux, en politique, on dit... en
tout cas, on entend souvent dire qu'on ne
peut pas remettre le dentifrice dans le tube, on comprend l'image. En Internet,
ils disent qu'on ne peut pas remettre le génie dans la bouteille.
Tantôt,
vous avez parlé de Postes Canada comme si votre vieux réflexe, c'était de
dire : Écoutez, Postes Canada, ça coûterait
une fortune, faire ça, ce qu'on fait avec le Publi-Sac. Mais le génie continue
de travailler, lui. Vous n'avez pas peur que, dans le fond, le problème, c'est que la crise de publicité, elle se
retrouve aussi dans le Publi-Sac puis qu'à un moment donné on va continuer tout le temps... C'est comme
si, en faisant tout ce que vous nous avez dit, que je conçois très bien,
puis on l'a entendu de bien du monde... Mais,
à quelque part, ce n'est plus une hérésie, de dire que le papier, là, il va
y en avoir de moins en moins, on le sait
déjà. Non seulement il va y en avoir de moins en moins, mais il
y a certaines choses, comme le
Publi-Sac... Je vous suggère, en tout cas, là, sans vouloir être oiseau de malheur, que ça se peut que vous ayez
la même crise dans le Publi-Sac par rapport à l'Internet puis au Web,
là.
M. Olivier
(François) : Oui, le
Publi-Sac... 95 % du volume, dans le Publi-Sac, c'est des commerçants
locaux et des détaillants locaux et nationaux qui annoncent à chaque
semaine les rabais qu'ils veulent offrir aux Québécois. Les Québécois
consultent le Publi-Sac à 87 % et économisent en moyenne 2 000 $
par année dans les biens essentiels. Les grands utilisateurs de
Publi-Sac, c'est les détaillants alimentaires, les détaillants de pharmacie et
les détaillants de biens de consommation, et
le médium que les consommateurs préfèrent encore consulter pour faire des économies
à chaque semaine puis savoir ce qui
se passe dans leur communauté, c'est sur le format papier. Donc, je vous dirais
que, dans certains des créneaux
d'imprimerie de Transcontinental, la décroissance peut atteindre jusqu'à
10 % ou 15 % par année. On parle de journaux, on parle de magazines. Mais, au niveau de l'outil qui est
une circulaire promotionnelle, il y a eu des années, dans les cinq dernières années, où on a eu de la
croissance. C'est un médium que le consommateur attend, recherche. On
reçoit 2 000 appels par semaine
parce qu'on est en retard d'une demi-heure ou d'une heure à livrer le Publi-Sac
ou on ne l'a pas accroché à la bonne
place. On reçoit à peu près 20 à 25 appels parce qu'on n'a pas vu le
pictogramme que la personne avait mis
dans le bas de la fenêtre. Mais c'est un produit qui a de l'air à être
résilient. Toutes ces promotions-là sont disponibles sur le Web, mais, partout au Canada,
les Canadiens préfèrent encore le consulter de façon papier. Mais vous avez
raison, à long terme, ça peut
changer. Mais, quand on regarde les trois, à quatre, à cinq prochaines années,
on pense que le Publi-Sac est un modèle
encore très viable qui va permettre de continuer à diffuser et donner de la
portée à toutes les histoires locales que les 120 hebdos,
150 hebdos au Québec racontent à chaque semaine.
La Présidente
(Mme Nichols) : Je vous remercie. Nous poursuivons la période
d'échange avec Mme la députée de Verdun pour une période de
10 minutes.
Mme Melançon :
Merci. Merci, Mme la Présidente. Messieurs, merci de votre présence. Je pose la
question à chaque personne qui vient
devant nous : Taxer les géants du Web pour pouvoir assurer une équité
entre un groupe comme celui de TC Transcontinental et les géants du Web,
c'est une bonne idée?
M. Olivier
(François) : Bien, moi, mon propos, c'est que je pense qu'on est
rendus à un endroit où, comme société, on doit décider si les
journalistes professionnels, qui ont une éthique de travail, qui racontent la
vérité, qui donnent les deux points de vue
de chaque histoire puis qui laissent le citoyen ou le lecteur décider quelle
est son opinion... a besoin d'être supporté
et a besoin d'être supporté de façon permanente. Comment vous voulez financer
cette aide-là, avec quels moyens? Je vais vous laisser la créativité.
Mais
ce que je peux vous dire, c'est que Transcontinental paie beaucoup d'impôts,
paie tous ses impôts, paie pour le recyclage au Québec, on paie beaucoup
de choses. Donc, ceux qui viennent opérer ici, qui viennent prendre nos revenus
publicitaires sans investir une cent dans le
contenu puis qui revendent notre contenu gratis avec des programmes de
publicité digitale, il y a quelque chose à
regarder là. Je n'étais pas préparé pour parler de ce dossier-là, mais...
J'aurais tendance à être d'accord
avec vous mais je vais vous laisser, comme parlementaires, parler de taxation
peut-être à une autre table que celle d'ici.
Mme Melançon :
Une chose est certaine, on parle d'inéquité, actuellement.
M. Olivier
(François) : À haut niveau, je pense que oui.
Mme Melançon :
Merci. Je veux aussi en venir à un autre point que j'ai abordé à plusieurs
reprises, mais... je vais faire
sourire les collègues de la banquette gouvernementale. Il y a aujourd'hui
119 jours — hier, on
était à 118, aujourd'hui, on est à
119 jours — où j'ai
déposé une motion à l'Assemblée nationale demandant que la publicité
gouvernementale... que le
gouvernement puisse y aller de l'exemplarité de l'État, donc, de cesser de
mettre beaucoup de publicités à l'intérieur des géants du Web et de les
investir dans les médias québécois.
Moi,
j'ai fait... je ne sais pas si c'est oeuvre utile, je vais dire ça comme ça,
mais j'ai voulu dire que je soutenais mon journal local. Je suis allée avec la Fédération professionnelle des
journalistes du Québec, j'ai embarqué dans leur mouvement. Pour moi, c'était important qu'on puisse le dire
haut et fort. Mais une chose est certaine, moi, je veux savoir : Est-ce
que ça peut faire une différence, la publicité gouvernementale chez vous?
• (10 h 50) •
M. Olivier
(François) : Bien, c'est sûr que ça peut faire une différence, ça veut
dire, c'est des revenus. Et je
pense que ce qu'on a décrit tantôt, dans la question
du député de la CAQ, sur ma vision des publicitaires qui ont,
à mon sens, trop rapidement délaissé les médias traditionnels, je pense que
mon commentaire s'applique au gouvernement du Québec et au gouvernement du Canada.
On va selon ce qui est la tendance, ce qui est le fun, pas sûr qu'on s'inquiète
beaucoup de l'efficacité de nos dépenses, puis on
abandonne nos médias.
Donc,
oui, si on redonne des revenus publicitaires aux hebdos, si on ramène les avis
publics dans les hebdos, si on réinvestit
dans ça, bien, ça, ça fait tout partie de l'aide. Ça peut être de l'aide gouvernementale ou ça peut être des revenus. Et, à mon sens, il devrait y avoir une réflexion du gouvernement à voir tout l'argent que nous dépensons comme gouvernement. Est-ce
qu'on l'envoie tout en Californie ou on l'investit ici, au Québec, pour qu'il y
ait des créateurs qui racontent l'histoire de chaque communauté au Québec? Et, dans le moment, dans plusieurs
communautés il y a plusieurs histoires qui ne sont pas racontées que les
gens voudraient lire.
Et,
quand on était propriétaire des hebdos, j'ai vécu ça, me faire dire... J'ai eu
des députés qui m'ont fait venir dans leur
bureau : Vous n'avez pas couvert tel événement, M. Olivier, c'était
un événement important dans mon comté, c'était une affaire communautaire, sociale importante, vous
n'avez pas couvert ça. Bien non, mais j'avais cinq journalistes, et il
m'en reste deux, ils ne peuvent pas tout couvrir. Et les gens qui étaient dans
la salle annonçaient tous sur Google puis ils n'annonçaient
pas dans l'hebdo. Je leur ai expliqué que, s'ils annonçaient dans l'hebdo,
peut-être que je pourrais plus couvrir ce qu'ils vivent. S'ils ne nous
encouragent pas, on ne peut pas faire des miracles si on n'a pas de revenus.
Mme Melançon :
Je vais faire une parenthèse ici. Je ne suis pas de celles qui parlent le plus de
ce que j'ai fait, là, dans la vie,
mais moi, j'ai travaillé pour Transcontinental et je me rappelle très, très
bien les bonnes années où il y avait plusieurs
journalistes, justement, qui pouvaient aller couvrir chacun des événements. Je
me souviens de ça comme si c'était hier. Alors, j'entends très bien
votre message, et comptez sur nous pour continuer à porter le tout.
Moi,
ce que j'ai trouvé très intéressant à l'intérieur de votre présentation, vous
avez fait un parallèle entre la culture et l'information. Et, dans le fond, on se bat pour notre culture, on se
bat pour notre identité, on se bat pour faire parler de nous, je vais le dire comme ça, chez nous, dans nos
régions, de ce qui se passe dans nos quartiers. Pour moi, c'est le nerf de
la guerre, actuellement. Et c'est là-dessus
où on se bat, sans quoi on n'aura pas de journalistes, ça va être de
l'information qui va provenir d'ailleurs. On en a même parlé tout à
l'heure avec les gens de The Gazette, en disant : Est-ce qu'on
s'attend à ce que l'information vienne
uniquement de Toronto, par exemple, ou est-ce qu'on s'attend à ce que ce soit
de l'information qui vient... Moi, je
trouve ce rapprochement-là intéressant. Et il y a une phrase qui est attribuée
à Winston Churchill, qui dit : «Then what are we fighting?», hein,
après ça, on va se battre pour quoi? Alors, je pense que c'est ce qu'on est en
train de faire ici à la commission.
Rapidement,
vous parliez des périodiques spécialisés, et là je vais poser une question qui
n'a pas été abordée du tout, du tout dans cette commission-là, je
voudrais parler des médias de diversité culturelle. Parce qu'on a aussi des citoyens québécois qui sont Italiens, Créoles, bref, on
pourrait en parler longtemps, et qui ont, eux aussi, des médias, principalement à Montréal. Je crois que certains
d'entre eux sont distribués, notamment, ou même sous impression chez
vous. Est-ce que, pour vous, c'est important
que les programmes auxquels nous sommes à réfléchir puissent être introduits
à l'intérieur... bien, dans le fond, il faut que ça fasse partie du groupe
qu'on veut viser?
M. Olivier
(François) : Bien, c'est sûr. Nous, notre propos, c'est tout ce qui
touche autour de la création de contenu, c'est-à-dire les journalistes, les photographes, les pupitreurs, les
gens qui créent le contenu, qui témoignent de ce que les Québécois font, vivent et interprètent les faits
extérieurs pour les Québécois. C'est ces gens-là qui devraient être
subventionnés. Que ça soit un journal
francophone, anglophone, portugais, italien, arabe, on devrait subventionner le
reflet des gens qui racontent l'histoire des Québécois.
Mme Melançon :
C'est intéressant, parce qu'on n'en avait pas parlé durant les quatre jours où
on est, donc je trouvais intéressant qu'on puisse l'amener ensemble aujourd'hui.
J'ai besoin
de savoir, de votre côté, vous avez
besoin d'une aide... Parce qu'hier on a entendu les gens de La Presse
dire que c'était plus qu'urgent, on a parlé
de fragilité avec eux, on a vu Le Groupe Capitale Médias venir nous dire :
Bien, on connaît très bien
la situation. Qu'est-ce qu'il en est des hebdos en région, actuellement? Selon moi, ce n'est pas égal partout,
là, mais est-ce que c'est une situation... Vous parliez de situation critique
lors de votre introduction. Critique, est-ce que ça veut dire dans le
temps, rapidement? On est situés où?
M. Olivier
(François) : Écoutez,
Transcontinental a une vision très mathématique de la santé des hebdos au
Québec, parce qu'on a des comptes à recevoir
avec l'ensemble des éditeurs au Québec pour leurs coûts d'impression et de
distribution à chaque semaine, et ça fait rapidement
des centaines de milliers de dollars. Et, à la vitesse que les gens nous
paient, on a une bonne idée si le
journal est en forme ou pas en forme, et je peux vous dire qu'il y en a plusieurs
qui ne sont pas en forme, et qu'on
supporte, et que, si on arrêtait de supporter et on prenait les termes des
ententes qu'on a prises, ils cesseraient de publier, et on les aide, et on les supporte. Donc, je vous
dirais, oui, vous avez raison, ils ne sont pas tous égaux, il y en a qui
sont plus en forme, il y en a qui sont moins
en forme. Mais, je peux vous dire, ils ont tous, tous besoin d'aide, et, si
vous ne les aidez pas... Il y en a au
moins 40, hebdos qui ont disparu au Québec dans les cinq dernières
années. Plusieurs hebdos publiaient deux éditions, une le week-end, une le samedi. Il n'y en a plus aucun
qui produit deux éditions. Et je dirais que, dans les hebdos, il doit y
avoir le tiers ou 40 % — je n'ai pas les chiffres exacts parce que
je ne sais pas ce qu'ils ont fait depuis deux
ans, là, mais autour de ça — de
journalistes qui a disparu. Donc, quand tu as deux journalistes pour couvrir
huit municipalités, il y
a des municipalités qu'il y a
des tournois de hockey, puis il y a des concerts, puis il y a des spectacles
de danse qui ne sont plus couverts qui étaient couverts avant.
La Présidente (Mme Nichols) :
En 20 secondes, Mme la députée.
Mme Melançon : Oui, bien
sûr. Je vais terminer en
disant : Les travaux de la commission sont très attendus, bien entendu, et vous pouvez compter sur moi pour
continuer à faire le travail. J'espère simplement que la commission qu'on tient, actuellement, ne sera pas bidon. Hier, on a entendu le premier ministre dire qu'il ne
voulait pas de commission
parlementaire qui était pour gérer à la
place du gouvernement. J'espère honnêtement que tout le monde ici présent, là, a mal reçu cette information-là, sur les
différentes banquettes où nous sommes, et qu'on va pouvoir vraiment
assurer des programmes et surtout la survie de tous nos médias
en région. Merci, messieurs.
La
Présidente (Mme Nichols) : Nous poursuivons la période
d'échange avec Mme la députée de Taschereau pour une
période de 2 min 30 s.
Mme Dorion : Merci. Bonjour. Merci d'être venus. Je suis en
accord avec la presque totalité de vos suggestions, de vos propositions.
Il y a, sur le Publi-Sac... Je pense que vous connaissez peut-être notre
position là-dessus, mais je me demandais...
Petite question sur le Publi-Sac. En fait, tu sais, il y a
des groupes qui sont sortis, il y a beaucoup de groupes environnementalistes qui ont dit : Ça n'a pas de bon sens, ça
devrait être seulement à la demande plutôt que de demander
à la personne qui habite là de dire : Non, je n'en veux pas. Il y a
eu des pétitions, il y a eu 15 000 noms à Montréal
pour... qui disaient : Bon,
bien, c'est une nuisance, ça, nous, on ne veut pas. Il y a
une pétition, aussi, de 3 000 noms, des groupes qui se sont mobilisés. Il y a beaucoup
de gens qui sont contents de recevoir les journaux mais il y a, malheureusement pour vous, beaucoup de gens qui sont mécontents de recevoir le
Publi-Sac. Puis je comprends toute la complexité de la chose, ce que ça signifie pour les journaux. Vous voyez ça comment
dans l'avenir? Est-ce que vous vous dites : Bien, c'est le temps
qu'on puisse... Comment vous voyez ça, en fait?
M. Olivier
(François) : Il faut
améliorer notre performance. Puis on parle avec le gouvernement pour, probablement, faire une
législation là-dedans pour mieux encadrer le droit de ceux
qui ne veulent pas le recevoir. La vérité, c'est qu'on pense qu'il
y a à peu près 13 % des Québécois
qui ne veulent pas recevoir les encarts publicitaires. Je ne suis pas sûr
que ces 13 % de gens là comprennent
que, quand ils font ça, ils ne recevront plus leur hebdo parce que les deux
sont distribués ensemble. Et nous, on
met sur le sac à chaque semaine : Si vous ne désirez pas recevoir le
Publi-Sac, appelez-nous. Et c'est important de nous appeler parce que, quand on nous appelle,
on a un système informatique, on prend le nom et le code
postal et on coupe à la source. Il faut
comprendre que les circulaires qui sont imprimées, ce n'est pas
Transcontinental qui décide. Nous, il faut aller voir Metro, Provigo,
Walmart. Quand la personne nous appelle, on fait deux choses : on envoie
le pictogramme, on le dit
à nos camelots puis, quand on envoie au citoyen, on dit comment
l'apposer, quel apposer puis on entraîne nos camelots...
• (11 heures) •
Mme Dorion : Mais... excusez-moi, je suis désolée, je n'ai pas
beaucoup de temps. Ça fait que c'est quand même... c'est un peu comme les courriels qu'on reçoit, les appels qu'on reçoit,
tu sais, à un moment donné, les gens n'en peuvent plus puis ils se disent : Pourquoi c'est toujours
à moi? J'en ai beaucoup à faire, tu sais, donc de dire : Envoyez-moi
plus ça, je peux-tu avoir la paix,
entre guillemets... Puis en
même temps je comprends vraiment,
pour les journaux, l'importance de tout ça. Est-ce que vous avez
pensé...
M. Olivier
(François) : Bien, la
réponse, c'est : Ceux qui ne veulent pas le recevoir, il y a
un système qui est assez efficace qu'on veut améliorer pour respecter leur droit de ne pas le
recevoir. On ne va pas faire un système pour la majorité qui veulent le recevoir,
leur donner une obligation puis créer un système qui va ajouter de la complexité,
des coûts à Transcontinental qui fait qu'on va fermer boutique.
Mme Dorion :
Puis, dernière question, super rapidement : Est-ce que vous pensez qu'il
faut une aide... en 10 secondes : Est-ce qu'il faut une aide juste
pour une transition ou on va avoir besoin d'une aide au long terme?
M.
Olivier (François) : L'opinion de Transcontinental, après avoir géré
ces publications-là pendant 25 ans et avoir investi 10 ans
dans l'Internet, on est rendus... à mon sens, il faut une partie permanente.
La Présidente
(Mme Nichols) : Merci. Alors, la parole est au député de Rimouski
pour 2 min 30 s.
M. LeBel :
Oui, merci. Bonjour. J'ai eu quelques textos, des courriels qui m'arrivaient
hier, qui disaient qu'on ne parlait
pas assez souvent des hebdos dans cette commission-là, ça fait que je suis
content d'en parler puis de parler de votre expérience. Puis j'ai un
certain malaise sur... On me dit que la moyenne d'âge des hebdos est assez
âgée. Souvent, en région, les lecteurs des
hebdos, il y a une moyenne d'âge assez âgée. Et on parle beaucoup qu'il faut
aller vers le numérique, aller...
Moi, j'ai une certaine crainte. Il y a des gens de 65 ans et plus qui sont
dans des villages, ils s'informent encore beaucoup par l'hebdo. C'est par là, c'est par le papier de
l'hebdo qu'ils vont s'informer. Puis on sait que la démocratie, ça passe
par l'information. J'ai comme une peur
qu'on... ce n'est pas de l'âgisme, là, mais, quand on se met à dire : Là,
il faut aller vers la jeunesse, vers
le numérique et qu'on oublie qu'il y a une certaine partie de la population
plus âgée qui ont encore besoin des médias
traditionnels. Puis les hebdos, c'est majeur là-dedans. C'est pour ça que je
pense... Est-ce que, le soutien aux hebdos, on devrait parler du long
terme puis on devrait s'assurer que le média papier puisse toujours être là?
M. Olivier
(François) : Bien, pour moi... Je ne parlerai pas pour ma paroisse, je
suis le plus grand imprimeur au Canada,
mais, pour moi, comme homme d'affaires, pour les éditeurs d'hebdos, ils
devraient donner aux citoyens la plateforme que le citoyen veut avoir. S'il veut avoir de l'Internet uniquement,
c'est ça qu'on devrait lui donner, et, s'il n'en veut plus, de papier, on devrait arrêter d'en faire. Dans le
moment, il y a plusieurs citoyens qui veulent encore du papier. Qu'est-ce
que ça va être dans cinq ans, dans
10 ans? On verra. Mais tout bon homme d'affaires devrait donner le contenu
dans le format et dans les canaux de distribution que le consommateur
veut l'avoir, qui lui permet de faire des revenus et de créer du contenu.
M. LeBel :
Mais il y a une réalité qu'on n'entend pas assez, qu'on ne dit pas assez
souvent, dans les régions comme la mienne,
dans le Bas-Saint-Laurent, une personne sur quatre a 65 ans et plus. Il y
a une réalité qui est là. Il y a des grosses
parties de ma région qui n'ont pas Internet. Mon village natal, tu ne peux pas
faire... un téléphone cellulaire, il n'y a pas de ligne. Ça fait qu'à un moment donné il faut bien se parler, là,
il faut dire les vraies affaires, on a encore besoin du papier.
M. Olivier
(François) : Je suis d'accord avec vous.
M. LeBel :
Peut-être c'est parce que je suis le plus vieux ici, autour de la table.
La Présidente
(Mme Nichols) : Un dernier commentaire, en 15 secondes, M.
le député.
M. LeBel :
Non, ça va aller, merci. Le message est passé.
La Présidente (Mme Nichols) : Très bien. Alors, la parole est à Mme la députée
de Marie-Victorin pour deux minutes.
Mme Fournier :
Merci beaucoup pour votre présentation. J'ai deux questions, donc je vais y
aller en rafale. Je veux juste être
bien certaine de comprendre. Si le gouvernement du Québec décidait d'instaurer
une aide universelle récurrente, à long
terme, équitable pour l'ensemble du milieu médiatique québécois, est-ce que
vous êtes absolument certains qu'à ce moment-là la question de l'abandon
du Publi-Sac ne pourrait pas être envisagée ou, même s'il y a cette aide
importante de l'État, vous croyez que votre modèle doit absolument garder le
Publi-Sac? Donc, ça, c'était ma première question.
Je
vais juste y aller avec ma deuxième, rapidement, vous pourrez répondre. Vous
avez parlé que, s'il n'y avait pas le soutien
de Transcontinental, vous avez certains hebdos, plusieurs seraient à risque de
fermeture. Combien y en a-t-il, en proportion, par exemple?
M. Olivier
(François) : Bon, premièrement, le futur du Publi-Sac ne dépend pas des hebdos. Les hebdos paient
moins de 5 % du coût d'envoyer un camion à 3,3 millions de portes. Le
coût de la distribution de masse au Québec, que les hebdos bénéficient, est payé à 95 % et plus par les
détaillants. Donc, s'il n'y a pas plus d'hebdos au Québec, là, le Publi-Sac
va très bien aller. S'il n'y a pas de
Public-Sac, je ne suis pas sûr que l'inverse est... O.K.? Par rapport...
Transcontinental est éditeur de
magazines spécialisés, on n'est plus dans les hebdos, mais on est ici parce que
nos clients, c'est tous les hebdos. Et, je vous dis, je suis très au courant de leur santé avec leurs comptes à
recevoir. On comprend bien cette business-là puis on est ici pour les supporter. Puis, comme société
publique importante au Québec, on pense que l'information locale, les
histoires des Québécois, avoir des gens qui couvrent les conseils de ville, qui
couvrent ce qui se passe dans chaque région, c'est important, comme société. Puis on est venus ici pour supporter nos
clients puis pour dire que, comme citoyen corporatif, on pense que c'est important et qu'on est rendu que
raconter les histoires des Québécois aux Québécois, pour un
gouvernement, à notre sens, c'est aussi important qu'encourager une compagnie
de danse.
Mme Fournier : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Nichols) :
Alors, merci. Alors, je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la
commission.
Je suspends les travaux le temps que le
prochain... enfin, le prochain représentant prenne place. Merci.
(Suspension de la séance à 11 h 06)
(Reprise à 11 h 09)
La Présidente (Mme Nichols) : Très
bien, très bien. Alors, on reprend les travaux. Je vous remercie de votre
discipline, chers collègues.
Alors, je
souhaite la bienvenue à M. Marc-François Bernier. Je vous rappelle
que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à
procéder à votre exposé. La parole est à vous.
M. Marc-François Bernier
M. Bernier
(Marc-François) : Merci beaucoup. Alors, Marc-François Bernier,
je suis professeur de journalisme à l'Université d'Ottawa. J'ai été
journaliste pendant une vingtaine d'années, donc, et je fais de la recherche
aussi sur le journalisme depuis plusieurs années.
D'abord, bonjour, et merci de m'avoir d'abord
invité à soumettre un mémoire et à le présenter ce matin. Depuis plusieurs semaines, même mois et quelques
années, ici et ailleurs, de nombreux intervenants, particulièrement des journalistes, leurs associations,
leurs syndicats, des propriétaires
et des gestionnaires de médias ont plaidé l'urgence pour aider financièrement les médias écrits locaux et
régionaux. Je suis en très grande partie
du même avis qu'eux, alors je ne vais pas répéter ici tout ce qui a été dit. Je voudrais aller ailleurs
aussi, mais je voudrais quand même attirer l'attention de la commission sur l'importance d'assurer que toute aide publique aux médias d'information soit l'objet de transparence importante, qui cible la production et la diffusion d'informations
pertinentes à la vie démocratique pour que l'investissement public soit accompagné de réelles retombées positives pour
l'ensemble des citoyens et, bien sûr, pour la vitalité démocratique de
notre société. Donc, il faudrait
éventuellement concevoir des outils de mesure, des indicateurs objectifs, des
dispositifs indépendants de reddition
de comptes de la part des entreprises bénéficiaires pour savoir avec précision
l'usage qui sera fait des fonds publics dont ils vont profiter. Je crois
que cette information, elle est d'intérêt public.
• (11 h 10) •
On voit par
certaines recherches qu'il y a certains contenus médiatiques qui sont en
croissance : le sport, la météo, le
divertissement. Il y a des contenus médiatiques qui sont en décroissance :
l'éducation, la science, etc., la politique locale également, l'information locale et régionale. Ça,
les recherches nous le montrent. Donc, c'est important d'avoir un peu de
ciblage pour ne pas saupoudrer de façon très large.
Je vais insister ici sur deux points
particulièrement : l'indépendance des médias et de leurs journalistes, et
la présence régionale, et la valorisation du
rôle local de l'information. Je vais proposer... ou je propose la création d'une
agence d'information, ce que j'appelle
l'agence Télé-Québec, qui va enrichir l'offre d'information locale et régionale
indépendante et de qualité, et puis je vais y revenir dans quelques minutes.
Je veux dire
quelques mots sur l'indépendance journalistique. Il y a deux types
d'indépendance auxquels on fait souvent
référence dans les écrits sur le journalisme. Il y a l'indépendance des salles
d'information ou des médias d'information, l'indépendance face aux pressions économiques et politiques de leur milieu,
et puis il y a aussi l'indépendance des journalistes face aux pressions
du milieu et face aussi à leur employeur.
On
sait par la recherche puis par l'histoire du journalisme que l'indépendance
journalistique, c'est étroitement associé à la vitalité économique des médias. Plus les médias sont fragiles sur
le plan économique, plus leurs journalistes sont soumis aux pressions des annonceurs, hein, des annonceurs
privés, des entreprises, des commerces et aussi parfois des annonceurs publics. Je pense aux municipalités qui, dans
certaines circonstances, menacent de retirer des budgets publicitaires.
Donc, l'engagement politique, dans d'autres
circonstances, l'engagement politique de leur propriétaire et dirigeant peut
nuire aussi à l'indépendance des journalistes
ou à la perception de l'indépendance des journalistes dans l'espace public, ce
qui est aussi dommageable,
d'une certaine façon. Je n'irai pas répéter les statistiques que vous retrouvez
dans mon mémoire, mais vous savez
qu'à partir d'une recherche que j'ai faite en 2008 et puis une autre en 2013,
il y a plusieurs journalistes, dans les salles de presse en région, dans
des médias privés, dans des hebdos surtout, qui font état qu'ils sont soumis à
des pressions économiques pour servir les
intérêts des annonceurs. À peu près deux journalistes sur trois mentionnent que
ça leur est arrivé plus ou moins
souvent. Donc, c'est quand même... ce n'est pas banal, cette histoire-là, et
ça, c'est de la recherche empirique, c'est une recherche menée auprès de
400 journalistes du Québec, là, il y a quelques années, qui a révélé ça.
Je ne suis pas très
catastrophiste, là, il n'y a pas une catastrophe qui nous pend au bout du nez,
mais les résultats montrent qu'il y a une
menace, qu'il y a un sentiment de fragilité de la mission démocratique des
médias, que les journalistes eux-mêmes
peuvent... nous déclarent dans les enquêtes qui leur permettent d'être
anonymes, bien entendu. Pour le législateur, les législateurs que vous êtes, c'est difficile d'intervenir pour limiter
le poids des pressions internes dans les salles de presse. Ce n'est pas vraiment votre rôle ni le mien ici,
mais, quand même, on peut atténuer la pression économique qui pèse sur
les médias et qui percole souvent jusque chez les journalistes. Donc, il est
possible d'implanter des politiques strictes qui interdiraient aux élus puis aux fonctionnaires, par exemple, d'exercer
des pressions indues sur les médias et leurs journalistes, ne serait-ce que par un quota minimal de publicité
en dessous duquel une municipalité ne pourrait pas retirer sa publicité
d'un média en termes de représailles.
Je
veux aborder quelques... plus rapidement, de façon un peu plus longue même,
l'agence Télé-Québec dont je vous ai
parlé. Pour moi, c'est un ajout à l'écosystème démocratique. On peut faire
plus, on peut faire mieux que de simplement aider au financement des médias privés. Il faut aider les médias privés.
Je pense que tous ceux qui sont venus avant moi et après moi vont continuer à plaider leur cause
beaucoup mieux que je peux le faire. Mais néanmoins il y a certaines
régions au Québec qui sont des déserts
médiatiques où il n'y a pas de médias, où, même où les médias existent, ils
sont très fragiles. Donc, il y a des
réelles difficultés à produire de l'information à l'abri des pressions
économiques, politiques, locales et régionales. C'est pour ça que je
propose la création de l'agence Télé-Québec, qui est un média public
indépendant et pleinement légitime. Le
projet consiste à créer un média public d'information accessible à tous les
Québécois pour favoriser la production et la diffusion d'information
locale et régionale. Ça favorise la vitalité démocratique. Bien sûr, c'est une proposition qui est... ma proposition, c'est un
premier pas. Il y a beaucoup de modalités dont on pourrait discuter, mais
je crois que c'est quelque chose qui peut
être très intéressant pour les régions, pour le droit du public à l'information
en dehors des grands centres.
Ce
système-là ou l'agence Télé-Québec que je propose, elle ne nuit pas aux médias
existants en ce moment. Au fond, au
contraire, elle va ajouter à l'offre, à la diversité et à la qualité de
l'information démocratique au Québec, en priorisant, bien sûr, l'information locale et régionale. Je la conçois comme une division de Télé-Québec. Son directeur général ou sa
directrice générale seraient bien sûr nommés
à la suite d'une recommandation du conseil d'administration de Télé-Québec qui
pourrait être entérinée par les deux tiers de l'Assemblée nationale.
J'y
vois aussi un organigramme allégé. J'enseigne le journalisme à l'Université
d'Ottawa, et de plus en plus la tâche des journalistes peut très bien se
faire avec des équipements moins lourds. C'est fini... On n'est pas obligés
d'avoir un bulletin de nouvelles pour faire de l'information, on n'est plus
obligés d'avoir d'immenses studios. Il y a quand même beaucoup de mobilité chez les journalistes, donc on peut avoir un
organigramme très allégé également pour une telle salle de presse qui
est décentralisée.
Bien
sûr, l'agence Télé-Québec, c'est avant tout un site, une plateforme multimédia d'information, de la
nouvelle, des reportages, des comptes rendus. Elle emploierait idéalement des
journalistes qui sont membres de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec ou de l'Association des
journalistes indépendants du Québec,
des journalistes qui, dans tous les cas, s'engagent à respecter les
règles déontologiques de leur milieu. Je pense que c'est important pour la
crédibilité, d'abord, de l'agence et de l'information qui sera produite et
aussi pour sa légitimité.
Bien
sûr, cette agence-là n'est pas destinée à produire des blogues, des chroniques,
des commentaires, des opinions. Nous
sommes déjà saturés, dans notre société, de blogues, de chroniques, de
commentaires et d'opinions, et je ne pense pas que c'est ça dont les
gens ont besoin en région, ils les entendent sur toutes les tribunes et sur
toutes les ondes.
Cette
agence-là, bien sûr, respecte le droit du public à une information de qualité.
Qualité, c'est l'impartialité dans le compte rendu, la diversité des
sources qui sont mobilisées, qui sont recherchées par les journalistes,
l'équité dans le traitement des sujets et
l'intégrité aussi. L'intégrité, c'est important, c'est une question d'accorder
beaucoup de crédibilité et de
légitimité dans l'espace public face à cette nouvelle plateforme là. Ces
informations seraient offertes en ligne, puis, bien sûr, c'est des applications mobiles. Il n'y aura
pas de papier, il n'y aura pas de téléjournaux, et puis possible de faire
des balados, des entrevues, des reportages.
Et
puis, bien sûr — je vois
que le temps file — je
propose aussi que leur production, tout le contenu qui va être fourni, produit par l'agence Télé-Québec soit gratuitement
disponible à tous les médias, tous les médias, même, du Groupe Capitales
Médias. Les autres pourraient se
l'approprier, sous réserve d'en indiquer la provenance. Donc, c'est une sorte
d'agence de presse qui sert à tout le
monde, que vous pouvez consulter directement, comme citoyen, sur la plateforme,
mais que les médias traditionnels
peuvent reprendre. Et c'est une façon aussi de les aider à diversifier leur
offre. Si ce n'est pas sur leur version matérielle, qui est le papier dans bien des cas, ça peut être sur leur
site Internet, parce qu'il y a facilité de développer des onglets
régionaux sur les plateformes Internet de ces médias-là, bien sûr.
Donc,
je ne vais pas m'allonger plus que ça là-dessus, mais il y a quand même des
choses importantes à retenir. Il faut chercher
des nouvelles façons d'ajouter à l'offre des médias, à l'offre de l'information
locale et régionale, à la diversité. Et nous sommes dans une société où il y a beaucoup de concentration de la
presse, et je pense que c'est une proposition qui permet... qui ne nuit
aucunement à ceux qui existent et qui ajoute à l'écosystème médiatique du
Québec. Merci.
La
Présidente (Mme Nichols) : Je vous remercie, M. Bernier, de
votre exposé. Nous allons maintenant commencer la période d'échange, et
je cède la parole au député de Beauce-Sud pour une période de 15 minutes.
M. Poulin : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, M. Bernier. Merci pour vos
recherches. J'ai été quand même
étonné de certaines conclusions pour lesquelles vous en êtes. Je crois
fermement que les journalistes sont indépendants. Je crois fermement que les journalistes ne
subissent pas de pression, et, si jamais c'est le cas, ils s'arrangent pour que
ça ne se reproduise pas. Alors, il faut
croire à cette indépendance journalistique là. Mais, quand même, vous avez fait
une recherche qui a été menée à
l'automne 2013, vous dites, auprès de 397 journalistes syndiqués et non
syndiqués pour le compte du Conseil
de presse, vous dites : «...32 % étaient d'avis que les revenus
publicitaires — c'est
important — influencent
le contenu journalistique de leur média.» Je
suis animateur radio, j'ai été journaliste, j'ai de la difficulté à voir
comment des revenus publicitaires peuvent influencer le contenu du média
comme tel, quand on parle de journalisme.
M. Bernier
(Marc-François) : Dans l'enquête, parce que l'enquête n'a pas été
publiée, malheureusement, ça appartient au Conseil de presse, mais ce qui
ressortait de ça, c'était souvent qu'ils étaient obligés de donner du contenu journalistique en échange de contrats de
publicité. Donc, c'est ce qui fait en sorte que, quand il y a un contrat de
publicité, il vient avec ça, de façon
officielle ou officieuse, une garantie de couverture journalistique qui percole
entre le mur de Chine qui existe plus
ou moins dans certaines salles de rédaction, et ça percole... ça se répercute
dans le travail des journalistes. J'ai travaillé dans des hebdos, moi
aussi, et il fallait se battre tous les jours pour mettre des briques sur ce
mur.
• (11 h 20) •
M. Poulin :
Oui, bien, je pense qu'il peut y avoir
une différence entre un texte de rédaction pour lequel le commerçant
paie pour avoir, effectivement, un texte de rédaction pour présenter des
nouveaux produits et une salle de rédaction journalistique
qui a à traiter des événements, qui a à traiter des choses. Parce que, si vous
dites : Ce n'est pas public, donc... Vous me dites... C'est la
première fois que cette étude-là, elle est publique?
M. Bernier (Marc-François) :
Dans celle-ci, en fait, moi, j'en ai déjà rapporté, des résultats, dans
diverses publications, mais le Conseil de presse ne l'a pas rendue publique,
cette étude.
M. Poulin :
O.K. d'accord. Vous nous parlez, bien évidemment, de Télé-Québec, de cette
proposition que vous faites. En quoi celle-ci serait si miraculeuse sur
l'indépendance?
M. Bernier
(Marc-François) : Il n'y a jamais de miracle dans la réalité. Donc,
elle favorise l'indépendance, c'est-à-dire
que le modèle économique d'une société publique où il n'y a pas de publicité
non plus, il n'y a pas de pression économique
de la... ça laisse plus de marge, plus d'autonomie aux journalistes. Ça, c'est
une tendance, c'est une constance qu'on voit dans la recherche
internationale.
L'autre
chose qui protège les journalistes, on n'est pas rendus là, mais, de l'aveu
même des journalistes, c'est le fait d'être
syndiqué. J'avais fait une grande enquête, en 2008, auprès des journalistes
québécois, et c'était très clair, statistiquement, que le fait d'être syndiqué, ça leur donnait une
protection face aux pressions internes, parce que les journalistes
subissent des pressions internes également.
Vous dites : L'indépendance, il faut y croire. Je dis : Oui, il faut
y croire, mais, dans les faits, là, statistiquement,
empiriquement, quand on va sur le terrain, quand on parle à ces gens-là puis on
fait des enquêtes, eux-mêmes nous
le... ce n'est pas une vue de l'esprit, ce que je vous dis, eux-mêmes nous le
dévoilent, mais eux ne viendront pas vous le dire ici, là, vous comprenez? Moi, je pense, c'est une façon de les
aider que de le dire, de temps à autre, dans un espace public. Ils ont
besoin de cette aide-là aussi parfois pour se protéger.
M. Poulin :
Et c'est sûr que notre commission parlementaire se penche sur l'indépendance,
la diversité de la presse et que c'est de bon aloi que vous nous
l'apportiez. Ça complétait mes questions, de mon côté. Merci.
M. Bernier
(Marc-François) : D'accord, merci.
La Présidente
(Mme Nichols) : Merci. Alors, la parole est au député de
Saint-Jérôme.
M. Chassin : Merci. Merci, M. Bernier, de votre présentation. Vous vous
intéressez beaucoup à l'indépendance des médias. C'est une question qui m'intéresse aussi. J'ai envie un peu de
vous poser la question, parce qu'évidemment, dans un contexte où il y a des annonceurs, il y a des
publicitaires, il y a évidemment une variété d'annonceurs et de clients.
Dans le cas où il y a une aide, par exemple,
du gouvernement, il y a une source d'aide très particulière et très définie,
est-ce que vous voyez... ou s'il y a
un risque pour l'indépendance des médias de ce côté-là? Parce que vous semblez
plutôt dire que non, ça garantit l'indépendance, de recevoir des
subsides de l'État. Je ne suis pas sûr de vous suivre dans la distinction que
vous faites, là.
M. Bernier (Marc-François) : O.K., bien... excusez-moi. Le subside étant non
ciblé sur certaines fonctions, ou certains
articles particuliers, ou certains enjeux, au fond, dégage un peu les
journalistes de cette pression-là. Le subside étant normé, étant programmé, étant basé sur des
critères objectifs, ça aide aussi à ce que les médias se sentent plus libres
là-dedans.
Donc,
ce n'est pas... Dans beaucoup de pays, il y a des aides publiques à
l'information, et ce que nous montrent les index, par exemple, de liberté de presse sur la planète, c'est que c'est
dans ces pays-là que la liberté de presse est la mieux respectée. Donc, c'est assez intéressant de voir
que, quand il y a une aide publique qui est bien ciblée, qui est
programmée puis qui est transparente, ce
n'est pas nécessairement porteur d'une contrainte sur le travail des
journalistes. Ça va un peu contre le paradigme qu'on a depuis
200 ans en Amérique du Nord, il faut le dire.
M. Chassin : Et vous ne pensez pas qu'à travers les normes,
les critères, il y a certains choix qui sont faits, il y a certaines prémisses qui sont reflétées? On essaie,
évidemment, d'avoir le maximum de neutralité, mais il y a toujours des risques à travers tout cela. On pense, par
exemple, à des demandes qui nous sont faites d'avoir des subventions à la
masse salariale pour des gens qui font de
l'information. Là, vous-même, vous faites, par exemple, la distinction entre
des chroniqueurs, des analystes, des
journalistes. Ce n'est pas nécessairement facile à calibrer, et donc vous
comprenez qu'il y a toujours un risque de dérive.
M. Bernier (Marc-François) : Il y aura toujours un risque de dérive, et je
pense que la meilleure protection, c'est la transparence, puis l'imputabilité, et la reddition de comptes en cette
matière. Je crois que ce qui nuit beaucoup — et les enquêtes nous le montrent depuis les années 80 — à la crédibilité ou à la confiance que les gens
ont envers les journalistes et les
médias, c'était le côté manque de transparence, le côté un peu arrogant que les
gens percevaient des médias. C'est bien documenté aux États-Unis, moins bien ici, parce qu'on n'a pas les
ressources pour faire la recherche de la même façon. Donc, je crois que la transparence, la reddition de
comptes, la bonne foi, ça se présume aussi, et qu'il n'y aura jamais de
système parfait non plus. Mais, en ce
moment, la machine va très mal aussi, hein? Il faut l'aider, il faut mettre de
l'huile dedans un peu.
M. Chassin : Puis, je pense, c'est ça qui fait, d'ailleurs, notre mandat
d'initiative, c'est cette crise qu'on reconnaît tous et qui nous
inquiète.
Je
vous amène sur une autre de vos
propositions, l'agence Télé-Québec, rapidement. J'ai envie de vous poser un peu la question :
Comment pensez-vous que va réagir La Presse canadienne, d'avoir un
concurrent gratuit?
M. Bernier (Marc-François) : Je pense qu'en principe ça ne devrait pas lui
nuire beaucoup. D'abord, La Presse canadienne couvre de moins en moins les régions, et c'est... diminué beaucoup
d'importance, La Presse canadienne, elle est peu dans les régions. Elle est dans les régions
quand il arrive quelque chose d'important,
mais, pour le suivi quotidien de ce qui
se passe dans les hôtels de ville, dans les conseils municipaux, dans les soins
de santé, dans plein de choses importantes pour les citoyens locaux, La Presse canadienne, ce n'est pas son
mandat, d'aller faire ça, elle a un mandat souvent très national. Donc, ça ne duplique pas ou très peu, peut-être
dans certains événements... je pense au Lac-Mégantic, tout le monde est
là, bon, mais ce n'est pas l'ordinaire, ça,
c'est l'extraordinaire. Généralement, il n'y aura pas beaucoup... je n'ai pas
beaucoup de craintes qu'il y ait
duplication, d'autant plus que La Presse canadienne nous
annonce toujours la veille qu'est-ce qu'ils vont couvrir le lendemain,
donc tout le monde peut s'ajuster.
M. Chassin :
Merci.
La Présidente
(Mme Nichols) : Alors, la parole est au député de Saint-Jean pour
7 min 30 s
M. Lemieux :
Oui, merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Bernier. Vous arrivez à point
nommé pour nous parler de votre
projet de l'ATQ, l'agence Télé-Québec, comme vous le nommez si bien, parce
qu'on en a parlé énormément, tellement qu'hier
je me sentais le besoin d'essayer de faire une espèce de... pas de bilan, mais
de condensé de ce qu'on nous en avait dit. Parce que certains réagissent à des suggestions d'un retour de
l'information à Télé-Québec. Ce serait la troisième fois, et les deux premières n'ont pas été très édifiantes,
mettons. Mais ce n'est pas ce qu'on avait entendu ni de la part de Télé-Québec
ni de la part des employés de Télé-Québec,
leur syndicat est venu nous voir. Mais on a entendu ça parce qu'à partir du
moment où on dit «information»,
«Télé-Québec», bien là, on imagine tous un autre téléjournal. Bon, on s'est
fait dire que ce n'était pas vraiment ça, l'idée, c'était plus une
plateforme, ça remontait au projet de 2012‑2013.
D'ailleurs,
quand je dis que vous arrivez à point nommé, c'est que ce n'est pas nouveau
pour vous non plus. Je me souviens
d'articles de votre part et de papiers d'opinion qui datent de quelques années
déjà, où vous étiez toujours en train de faire un appel du pied : Télé-Québec pourrait faire plus. Dans ce
cas-ci, l'occasion fait le larron, vous venez de trouver une solution. Mais le mot «régional» est important
là-dedans. La question de La Presse canadienne était
pertinente à cet égard-là, c'est vraiment... on parle de régions, là, on
ne parle pas de couvrir l'actualité nationale au Québec, là.
M. Bernier
(Marc-François) : Non, je ne pense pas que l'agence Télé-Québec irait
couvrir l'inauguration du pont Champlain une
troisième fois. Effectivement, moi, ça fait depuis 2009 que je soumets cette
idée. Il y avait eu un numéro spécial
du magazine le Trente, de la Fédération professionnelle des
journalistes, 10 grands chantiers pour les prochaines années,
et on m'avait demandé une contribution, et
c'est ce que j'avais déjà lancé comme idée. Donc, ça fait depuis 2009 que ça se
fait.
Ce n'est pas non
plus... Contrairement au site de 2012 qui a été évoqué — parce
que j'ai écouté, je vous ai suivis — qui était une plateforme d'agrégation de ce
que faisaient les autres médias, donc c'était une plateforme de mise en commun de plusieurs plateformes différentes, ce
qui posait des défis informatiques sans doute très, très grands — moi qui ne suis pas informaticien, j'imagine que ça ne devait pas être facile — ce que je propose, ce n'est pas de faire de
l'agrégation, c'est d'ajouter à l'espace
démocratique ou à l'écosystème médiatique au Québec de nouveaux journalistes
sur leur plateforme et avec une
plateforme qui va être accessible à tous. Malheureusement, il y a des régions
où ce n'est pas accessible facilement, Internet,
malheureusement, mais accessible, en tout cas, au plus grand nombre. Puis
bientôt, ça va être accessible dans toutes les régions, Internet. Mais je pense que la plateforme se prête bien à
ça. C'est léger, c'est moins coûteux, ça n'a pas besoin d'un grand studio, ça n'a pas besoin de
micro-ondes. Ces grands équipements pour le direct, ce n'est pas tellement
dans l'ADN de ce que je propose, de ce que je vois.
• (11 h 30) •
M. Lemieux :
Dans l'environnement général de votre proposition mais du reste de ce que vous
avez écrit, il y a deux sujets sur
lesquels je veux revenir : la reddition de comptes, ça, c'est fondamental,
mais vous avez glissé comme ça, un peu comme une pelure de banane que vous nous
laissiez sur le plancher, qu'il y a beaucoup d'opinions en ce moment.
Quelle que soit la solution retenue, si c'est une solution ou le plan d'aide
qui pourrait être déployé... Effectivement, le journalisme traditionnel est en train de prendre la place sur le banc
d'en arrière dans une presse québécoise, à l'exemple de la presse américaine et canadienne, où c'est
vraiment la presse d'opinion, chroniques, analyses puis nommez-les, on
les a tous, là, mais on a de plus en plus de
ça. Quand vous nous parlez d'indépendance, il n'y a pas une espèce de problème,
là, ou, en tout cas, de vision d'un problème?
M. Bernier (Marc-François) :
Bien, je vais dire deux, trois mots sur le journalisme d'opinion. Tout d'abord,
historiquement, c'est ça qui a été à la fondation
du journalisme en Occident depuis 400 ans, ça a commencé avec de
l'opinion. Journaliste d'information, ça a
été très populaire au XXe siècle. Donc, il y a plusieurs types de
journalisme qui coexistent.
Ma crainte,
moi, avec les mesures générales, avec l'aide aux salles de rédaction
indifférenciées, c'est qu'éventuellement des fonds publics servent à financer de la chronique, de l'opinion, des
chroniques de voiture, des chroniques de mode, des chroniques de voyage et que, progressivement, les
citoyens vont savoir qu'ils paient pour ça, vont avoir encore plus de doutes — certains
citoyens, en tout cas — face
aux médias, vont être encore plus mécontents. C'est pour ça que je me
dis : Il va falloir qu'il y ait une
aide aux médias, je pense, pour moi, c'est indéniable. Il va falloir essayer de
faire en sorte que les médias nous
disent qu'est-ce qu'ils ont fait avec cet argent-là. Est-ce qu'ils ont fait plus de chroniques de mode? Est-ce qu'ils ont fait plus de couverture du Canadien de Montréal,
plus de météo ou ils ont fait plus de couverture de conseils municipaux, d'établissements qui sont importants
pour le bon fonctionnement de notre société? Parce que c'est un
investissement public, et tous ceux qui demandent l'aide nous parlent de
l'associer à la vie démocratique.
M. Lemieux : On oublie que, «avenir des médias», il y a toujours
le mot «information» qui est enchâssé là-dedans, sous-entendu, en tout cas, et qu'on n'a pas parlé de ce que c'était que
l'information, on a juste rajouté «information». Moi, j'ai répété à qui voulait l'entendre que, en ce qui me
concerne, c'était de l'information civique d'intérêt public. Et là vous
utilisez des exemples de ce que certains
pourraient faire avec de l'aide gouvernementale, effectivement, il y a des questions à se poser là-dessus. Je ne veux pas nécessairement donner mes réponses, mais je pense que la
question est bonne, vous la soulevez. Merci beaucoup.
Il me reste à peine le temps de vous demander de
m'expliquer la reddition de comptes, et puis ensuite on va pouvoir parler du
désert médiatique auquel vous faisiez allusion dans les régions. La reddition
de comptes, on va faire ça comment?
M. Bernier
(Marc-François) : Bonne
question. Et puis d'abord il faut que ça se fasse mais il faut que ça soit
léger. Il n'est pas question de demander aux
médias de faire un rapport écrit de 75 pages. Déjà, ils ont du travail sur
le terrain à faire. Mais il y a des outils technologiques qui permettent
de voir les types de contenus qui sont en croissance ou en décroissance, et on peut facilement se servir de
ces outils technologiques là, notamment grâce à l'intelligence
artificielle, pour rapidement identifier les
contenus qui sont en croissance et les contenus qui sont en décroissance dans
chaque média, et ça se fait assez
facilement. Influence Communication le fait tous les jours. Il fait son bilan
annuel basé là-dessus, puis on voit très bien, l'éducation, moins de
1 % des contenus médiatiques, quand
même, et le sport, la météo, ça prend
quasiment le tiers des contenus médiatiques.
La Présidente (Mme Nichols) :
En une minute.
M. Lemieux : Le fameux désert médiatique, et j'en suis, là...
je parlais de peau de chagrin, mais je trouve que peau de chagrin, c'est devenu presque trop poli, en
tout cas, c'est un gruyère, minimalement, puis le territoire québécois dans son ensemble. Évidemment, la crise de Groupe Capitales Médias, elle vient
exacerber l'idée, là, c'est six quotidiens, là. Mais, même s'il n'y avait pas eu la crise Groupe
Capitales Médias, qui aurait été bringuebalant quand même mais qui aurait
été dans le décor, on a un problème régional, au Québec, avec la presse, là,
locale et régionale.
M. Bernier
(Marc-François) : Bien,
c'est ce que des gens nous disent. Je pense qu'il faudrait faire une
cartographie de la présence des médias,
vraiment, sur le plan géographique, de montrer où ils sont, où étaient les
autres, où ils sont, ceux qui
demeurent. Donc, il y a peut-être
au moins une cartographie à faire, qui peut se faire, j'imagine, assez
facilement au ministère des Communications et de la Culture.
La
Présidente (Mme Nichols) : Je vous remercie. Alors, nous
continuons la période d'échange avec la députée de Verdun pour une
période de 10 minutes.
Mme Melançon :
Bonjour, M. Bernier. Merci d'être avec nous. Vous nous amenez une autre
lecture complètement... ce sur quoi
on a discuté depuis les trois derniers jours. Et moi, j'aimerais vous entendre
tout de même, parce que je trouvais la
question du député de Saint-Jérôme tout à fait à propos, lorsqu'il posait la
question sur... une agence comme celle-là, bien sûr que, probablement, on ne traiterait pas de la réouverture du pont
Champlain, là, comme vous faisiez mention, mais à un moment donné la ligne est mince, là. Qu'est-ce qui
devient... Qu'est-ce qui est une région? Qu'est-ce qui ne l'est plus?
Est-ce qu'il y a un doublon? Est-ce qu'il
n'y en a pas? La Presse canadienne — moi, j'ai rencontré des gens de La Presse
canadienne dans les derniers jours — vit des moments difficiles, et avec les six
journaux de Capitales Médias qui sont en mauvaise posture actuellement, ils sont fragilisés. Alors là, si
vous m'amenez un joueur supplémentaire sur la patinoire, bien, moi, j'ai
peur qu'on perde des joueurs au nom de nouveaux.
M. Bernier
(Marc-François) : Bien,
l'agence Télé-Québec étant gratuite, elle n'aura pas à chercher... n'aura
pas siphonné les fonds des médias qui sont
abonnés à La Presse canadienne. La Presse
canadienne a de moins en moins de mandats
régionaux aussi. Et c'est le problème qu'il y a dans beaucoup de régions du
Québec, c'est l'absence de médias. On ne
peut pas demander à La Presse canadienne d'être partout.
Surtout qu'elle-même, hein, son service français... même le service de radio n'existe plus, le service
français a diminué beaucoup, et il ne tient à peu près, de ce que j'ai lu, qu'à
la survie du Groupe Capitales Médias, parce
qu'au fond, si Le Groupe Capitales Médias tombe, il ne reste plus grand-chose
d'abonné à La Presse canadienne.
Donc,
l'agence Télé-Québec, pour moi, ne vient pas concurrencer, elle vient ajouter à
l'écosystème médiatique des citoyens
québécois. Je ne vois pas la zone de concurrence ou de duplication, sauf
exception, là, de certains événements, là, qui sont ponctuels.
Mme Melançon : Ponctuels, mais
parfois, quand même, si on est dans un milieu fragile, moi, j'ai certaines inquiétudes. Faites juste m'expliquer, cette
agence-là, donc, avec de nouveaux journalistes sur le territoire, partout en
région, est-ce que vous n'avez pas peur que certains hebdos disent : Bien,
moi, plus besoin d'avoir de journalistes, je vais aller directement à cette agence-là? Et là on parle de diversité et de
concentration. Est-ce que vous n'avez pas peur que ça devienne aussi un
enjeu majeur?
M. Bernier (Marc-François) : Ça
pourrait être un enjeu si des hebdomadaires décident de congédier, ou d'abandonner, ou d'abolir leurs services de
rédaction. Je pense que ça pourrait être aussi une question qui fait partie
des modalités d'une éventuelle agence
Télé-Québec. Effectivement, ça peut être... Mais je vois difficilement ça parce
que les hebdos aiment ça pouvoir
aussi avoir la mainmise... je ne dirais pas la mainmise, mais contrôler leur
politique éditoriale, ce qu'on couvre, ce qu'on ne couvre pas. Ils ne
pourraient pas exiger de l'agence Télé-Québec d'aller couvrir des choses, l'agence Télé-Québec serait autonome. Donc, les
hebdos aiment bien avoir une autonomie éditoriale aussi, ce dont vont
parler nos journalistes. Je vous l'ai dit,
j'ai travaillé dans l'hebdo, dans la presse régionale, dans l'hebdo aussi, et
on avait beaucoup d'autonomie, mais c'était à l'époque aussi... Quoique
j'étais dans un hebdomadaire qui était déficitaire également, là, à l'époque.
Mme
Melançon : Parce que la situation étant tellement grave, je vais le
dire comme ça, moi, vraiment, là... avec ce qu'on entend depuis quelques jours, les hebdos vont nous dire :
Honnêtement, s'il y a un endroit où je suis capable de sauver, puis si c'est des salaires, puis si je suis
capable d'aller chercher gratuitement une information, moi, je pense qu'il y en
a plusieurs qui vont flairer la bonne
affaire, vont y aller. Et, à un moment où on parle, justement, de l'importance
de ne pas succomber à cette concentration qui peut être possible dans
nos médias, moi, je vois... en tout cas, j'avais une certaine crainte en
lisant.
Mais il faut
qu'on réfléchisse à l'extérieur de la boîte. C'est ce que je demande aux gens
qui viennent nous voir aujourd'hui,
et vous l'avez bien fait en ce sens-là. Et là vous parliez de la ligne
éditoriale. J'imagine que vous avez suivi les travaux hier.
M. Bernier (Marc-François) :
Oui.
Mme Melançon : On s'est quand
même fait dire que certains n'avaient pas de ligne éditoriale. Est-ce que vous
croyez à ça?
M. Bernier
(Marc-François) : C'est un
grand terme, la ligne éditoriale, hein? Ce n'est pas parce qu'on n'a pas d'éditoriaux qu'on n'a pas de ligne éditoriale.
Mme Melançon : C'est là-dessus
que je veux vous entendre.
M. Bernier
(Marc-François) : Bien, la
réponse est là. Effectivement, on peut avoir une ligne éditoriale par,
d'abord, l'embauche des cadres, et la volonté du propriétaire ou du
gestionnaire peut percoler jusqu'à la salle de rédaction par l'intermédiaire des cadres. C'est ce que la
recherche nous dit. Et, un peu paradoxalement, c'est ce que M. Pierre
Péladeau père disait à Radio-Canada il y a peut-être 40, 50 ans, il dit : Ce n'est pas moi qui
appelle, mais, il dit, j'embauche des cadres pour faire passer des messages. Donc, c'est de même
dans toutes les salles de rédaction. C'est plus ou moins subtil, par exemple. Après ça, il y a des... puis il y a des patrons de presse
qui sont plus réticents à user de leur pouvoir. Il y a la personnalité
des gens aussi, puis le mode de propriété influence aussi beaucoup dans ces
choses-là.
Il y a beaucoup
de nuances différentes, quand on fait des enquêtes, beaucoup
de différences dans le type de gestion qui
se fait. Il y a des médias où il y a une résistance entre
les différents niveaux hiérarchiques, et c'est souvent ceux qui sont pris entre les deux qui sont les plus mal pris, parce que,
dans la salle de presse, on est protégés par notre supérieur immédiat, mais, lui, il faut qu'il se batte en haut. Ça
dépend toujours des personnalités aussi puis des jeux de pouvoir qui existent
dans une entreprise, dans une organisation.
• (11 h 40) •
Mme Melançon : Merci. Merci de
l'éclaircissement. On a parlé du journalisme versus la chronique, beaucoup. Est-ce que
vous croyez important qu'on définisse le statut de journaliste? Ça a
été, en tout cas, une longue réflexion il y a plusieurs années. Je vais poser la question
à plusieurs personnes qui viennent nous visiter aujourd'hui, mais j'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Bernier (Marc-François) : C'est une bonne question. Parce que
vous savez que c'est très contesté de... La FPJQ a été longtemps en
accord, jusqu'à un moment donné où elle n'était plus d'accord. Le statut de
journaliste, ce qui est intéressant, c'est
que c'était associé... D'abord, c'était volontaire, ce n'était pas contraignant. Quelqu'un pouvait
décider qu'il adhérait au statut de
journaliste professionnel et, implicitement ou explicitement, il adhérait aussi
au guide de déontologie de la
Fédération professionnelle des journalistes du Québec, mais c'était volontaire.
Et je pense que, si un statut est volontaire, il ne cause pas de dommages. Moi, je pense
même que, si un journaliste a écrit... si j'étais encore journaliste, «Marc-François
Bernier, FPJQ» ou «journaliste
professionnel, FPJQ» dans ma signature, peut-être que ça donnerait un
peu de crédibilité, peut-être pas, mais peut-être un peu de crédibilité, en tout cas, envers mes sources puis envers mes lecteurs ou
mes publics. Je pense que ça ne nuit pas. Mais il faut que le...
L'idée, à l'époque, c'était que c'était volontaire, c'était une contrainte
librement consentie. C'est important,
ça, de garder cette notion-là de contrainte librement consentie. C'est comme
dire : Nous, on va se donner des critères un peu plus élevés, on
n'empêche pas les autres de faire leur travail pour autant.
Mme Melançon : Et, pendant que j'y suis, le Conseil de presse — parce que, là aussi, il y a certaines problématiques, je vais
l'exprimer ainsi, parce que ce n'est pas un tribunal, hein, c'est les pairs, quand
même, qui sont là, qui sont sur place — est-ce que vous pouvez expliquer, pour la bonne connaissance de l'ensemble
des membres, un peu le fonctionnement?
M. Bernier (Marc-François) : Bien, grosso modo, je vais juste mentionner que
les conseils de presse... la recherche internationale
est très mitigée. Ils livrent rarement la marchandise qu'ils ont promise, ils
n'ont pas l'autonomie financière, ils sont
toujours aux prises avec des tensions. D'ailleurs, dans Le Devoir
aujourd'hui, il y a quelqu'un qui écrit à ce sujet-là, un ancien membre
du Conseil de presse, l'ancien président du Conseil de presse aussi, Richard...
Raymond...
Mme Melançon :
L'ancien sous-ministre.
M. Bernier (Marc-François) : En fait, M. Corriveau a écrit amplement
là-dessus. On sait que le Conseil de presse souffre de sous-financement et il souffre aussi du fait que les médias,
quand ils ne sont pas contents, ils menacent de se retirer, ce qui donne une sorte de jurisprudence qui n'est
pas toujours cohérente. Ça a été montré dans les recherches passées. On
n'a pas de recherche très récente là-dessus,
mais on voyait que la jurisprudence n'était pas très cohérente et qu'il pouvait
y avoir aussi des décisions un peu basées sur le pouvoir du média au sein du
Conseil de presse.
Mme Melançon :
Mais, si, par exemple, on met un programme sur pied et que les différents
journaux ou les médias, en tout cas, très largement, viennent cherche de
l'argent public, croyez-vous qu'on devrait soumettre une obligation, à ce
moment-là?
M. Bernier (Marc-François) : Je pense que ce serait une bonne chose. Ça ferait
partie de la reddition, hein, d'abord, de
l'imputabilité. Et également je pense qu'il faudrait procéder à une réforme en
profondeur du Conseil de presse parce que, d'abord, il y a beaucoup de journalistes qui ne le prennent pas au sérieux.
Ceux qui le prennent au sérieux, c'est souvent ceux qui en ont le moins besoin parce qu'ils font déjà
des efforts pour être de bons journalistes. Or, le Conseil de presse,
souvent, il devrait être là pour protéger le
public contre ceux qui trouvent ça moins important de faire du bon journalisme.
Donc, il faudrait, je crois, réviser,
réformer le Conseil de presse, peut-être mieux le financer, encore une fois,
pour atténuer la pression ou le
pouvoir que certains médias membres ont dessus, sur son fonctionnement. Les
conseils de presse, moi, je trouve que c'est
une bonne idée qui ne fonctionne pas assez bien, par exemple. C'est mieux que
rien, mais il faut... Parfois, ça fait un peu illusion. Il faut faire
attention à ça.
Mme Melançon :
Je ne sais pas si vous avez entendu hier l'échange que nous avons eu avec
Télé-Québec et Marie Collin, qui nous
disait ne pas avoir suffisamment, actuellement, là, de ressources humaines à
l'intérieur, parce que, dans chaque région, il y a trois personnes...
La Présidente
(Mme Nichols) : Je suis vraiment désolée de vous interrompre. Je
m'excuse.
Mme Melançon :
Ah non!
La
Présidente (Mme Nichols) : Très bien. Alors, nous poursuivons la
période d'échange avec Mme la députée de Taschereau pour
2 min 30 s.
Mme Dorion :
Merci. Je ne peux pas, avant de vous poser ma question, ne pas revenir sur ce
que vous disiez, notamment le sympathique
député de Beauce-Sud. Je pense qu'il faut enlever nos lunettes roses par
rapport à l'indépendance dans les
médias privés. Je ne sais pas d'où ça vient, qu'on ne s'inquiète pas de ça puis
qu'on s'inquiète vraiment de l'indépendance
face à l'argent qui vient du public. On a eu des gens ici qui sont venus nous
dire : Dans mon journal local, les gens du côté de la pub viennent voir les journalistes pour dire :
Là, lui, il nous donne beaucoup d'argent, il faudrait que tu ailles couvrir son événement. Les cahiers spéciaux
qui passent pour du reportage, qui sont écrits par des journalistes,
sont payés par des compagnies privées dans
les grands journaux. Ce n'est pas rien, puis j'aimerais qu'on arrête de faire
comme si ça n'existait pas.
Maintenant,
la montée des chroniques, des opinions, des blogues, tout ça, qui attirent le
clic, qui vendent de la pub, c'est
aussi lié à la publicité. Je ne sais pas si vous avez un côté sociologue dans
votre analyse des choses, mais qu'est-ce que ça a créé dans la société,
d'un point de vue social et démocratique, cette montée, dans les dernières
années, de ça?
M. Bernier
(Marc-François) : C'est bien
difficile à mesurer, ces choses-là. Je pense que ça a contribué à une
certaine polarisation de la société, parce
que, oui, il y a un marché du clic. Il y a un marché du clic, et certaines
recherches qui ont été faites aux
États-Unis et en France nous montrent que les journalistes professionnels sont
mal à l'aise dans ça parce qu'ils savent quelles sont les attentes de
leurs employeurs, puis, d'un autre côté, ils savent que ces attentes-là peuvent
être en porte-à-faux avec leurs normes
professionnelles. Donc, il y a un malaise lié à ça, puis ils se disent :
Bien, il faut que je fasse ça pour
garder mon emploi, puis, d'un autre côté, il me semble que j'aimerais mieux
faire autre chose. Donc, c'est un malaise chez les journalistes, et ça existe, cette tension-là qui existe. Mais
je pense que, quand le marché du clic favorise des opinions très tranchées, où il n'y a pas beaucoup de
nuances, il n'y a pas beaucoup, par exemple, de fondements factuels, bien,
ça nuit beaucoup à la qualité du débat
démocratique. Mais, dans une société de liberté presse, il faut vivre avec ça
aussi. Il y a beaucoup plus de contre-pouvoirs, maintenant, qu'il n'y en
avait.
Maintenant,
les gens, les citoyens, vous et moi, tout le monde peut intervenir dans les
médias sociaux pour peut-être rappeler
à l'ordre les médias, leur dire : Vous savez, vous avez oublié cette
information-là, voici une information inexacte. Il y a une forme d'imputabilité sociale qui s'est
créée, au-delà du Conseil de presse, qui fait en sorte que les médias
réagissent plus à l'opinion des publics que
ce n'était le cas quand, moi, j'étais journaliste. Les gens nous appelaient de
temps en temps et, si on ne leur
donnait pas la parole, personne n'entendait leur parole. Maintenant, avec les médias
sociaux, avec tous ces débordements, il y a aussi cette qualité-là qui
fait qu'il y a un cinquième pouvoir qui surveille le quatrième pouvoir.
La Présidente (Mme Nichols) :
Je vous remercie. Alors, la parole est au député de Rimouski pour 2 min 30 s.
M. LeBel : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour.
M. Bernier (Marc-François) :
Bonjour.
M. LeBel :
Demain, Mme Brin, Colette Brin, va venir, puis je vais sûrement lui
poser des questions sur les fameux déserts
médiatiques, là. J'ai de la misère à comprendre ça, exactement. Je sais qu'il y
a beaucoup... il y a moins de médias, je le vois dans ma région, mais, si je pars de La Pocatière jusqu'aux
Îles-de-la-Madeleine, je regarde, là, puis je ne vois pas quelles places il y a un désert médiatique. Il y a
des médias partout : communautaires, des hebdos, Radio-Canada, TVA,
et ils sont là partout. Ça fait que,
Télé-Québec, arriver avec une salle de nouvelles en région... Moi, je pense que
nos médias qu'on a chez nous, autant communautaires que les hebdos, et
tout ça, ont besoin d'être aidés, ils n'ont pas besoin d'une compétition de plus. En même temps, ce que je vois
chez nous, c'est que nos... on se parle entre nous autres, nos médias se
parlent, on se parle entre nous autres, mais
on ne réussit pas à propulser la nouvelle au plan national. Peut-être que, là,
Télé-Québec aurait un rôle à jouer. Avec les
médias qui sont déjà chez nous, est-ce que Télé-Québec pourrait peut-être jouer
ce rôle-là de propulser, là, de ce qu'on se
parle entre nous autres, en région, nous propulser cette nouvelle-là au plan
national? Est-ce que ce n'est peut-être pas plus ça son... que venir nous
compétitionner?
M. Bernier
(Marc-François) : Bien, moi...
encore une fois, dans tous les déserts, il y a des oasis aussi, hein, il
ne faut pas oublier.
M. LeBel : Mais il y en a pas
mal.
M. Bernier
(Marc-François) : Mais,
encore une fois, je ne le vois pas comme une compétition, je le vois
comme un ajout. On sait très bien,
factuellement, que les médias qui existent sont dans une situation financière
très difficile et qu'ils ne font pas
toute la couverture qu'ils pourraient ou qu'ils devraient faire ou à laquelle
les communautés peuvent s'attendre. Et plus
la situation économique est fragile, plus ils sont eux-mêmes soumis à ça. Ce
sont les journalistes qui nous le disent.
Donc, je
pense que, bien sûr, il faut les aider à se sortir de la crise, mais, même là,
il y a tellement d'hebdos qui sont morts, qui sont tombés, il y en a
tellement d'autres qui vont couvrir moins que qu'est-ce qu'ils pourraient ou
qu'ils voudraient que l'ajout de l'agence
Télé-Québec ne vient pas leur nuire. L'agence Télé-Québec, leurs journalistes
vont couvrir des choses différemment, plus en profondeur. Dans les
hebdos, on n'a pas toujours le temps d'aller en profondeur. Il y a beaucoup de... on se promène beaucoup avec la
voiture, on fait des photos, on fait des entrevues, ça fait partie de la
couverture locale et régionale. D'après ce
que je vois, la façon que je le propose, l'agence Télé-Québec ne ferait que
des choses un peu plus en profondeur et moins dépendantes de la bonne volonté
de certains pouvoirs également.
M. LeBel :
Moi, je pense que Télé-Québec, effectivement, a un rôle à jouer plus en région,
et j'essaierais de trouver la formule
où on pourrait se baser ou s'appuyer sur ce qu'il se fait déjà. Les artisans en
information en région qui travaillent très
fort dans nos hebdos, dans nos radios communautaires, les télés communautaires,
TVA, Radio-Canada, tout le monde travaille
déjà très fort. Est-ce qu'on pourrait trouver la formule où Télé-Québec
pourrait être un miroir de ce qui se passe dans les régions, peut-être?
La
Présidente (Mme Nichols) : Je vous remercie. Le temps est cependant écoulé, alors il pourra aller
vous voir aussi.
M. Bernier (Marc-François) :
...ça aussi.
La Présidente (Mme Nichols) :
Vous allez être occupé après. Alors, Mme la députée de Marie-Victorin pour deux
minutes.
Mme Fournier :
Oui. Merci beaucoup pour votre contribution, c'est très, très intéressant. On a
parlé, il y a quelques minutes, du fameux marché du clic, dont vous
reconnaissez l'existence, notamment avec la montée du phénomène des chroniqueurs, des blogueurs. Hier, j'ai demandé à
Québecor de nous expliquer, au bénéfice du public, le système
d'incitatifs qu'ils ont mis en place,
incitatifs, notamment, à la rémunération pour ce qui est des clics obtenus par
leurs blogueurs sur le Web. Ils n'ont
malheureusement pas voulu répondre à ma question. Moi, je serais curieuse de
savoir si vous avez étudié ou mesuré ce phénomène-là.
• (11 h 50) •
M. Bernier (Marc-François) : Non, pas du tout. C'est que ce sont quasiment des
secrets d'industrie, ces choses-là. Il
faut peut-être avoir été chroniqueur, avoir connu la rémunération aux
1 000 ou aux 5 000 clics pour vous répondre à ça, et je n'ai pas... Ce que je comprends, c'est que ce
n'est pas des fortunes, mais, quand même, je n'ai pas d'information
précise à ce sujet-là.
Mme Fournier : Mais vous comprenez... vous avez
quand même des informations selon lesquelles ces incitatifs-là existent
bel et bien?
M. Bernier (Marc-François) : Bien, ils sont rémunérés, en bonne partie, en
tout cas... il y a des incitatifs pour que leurs chroniques ou leurs propos prennent de l'ampleur et soient...
aient de l'impact, disons, aient de l'impact. C'est plus neutre, comme
formulation.
Mme Fournier :
Merci beaucoup.
La Présidente
(Mme Nichols) : Alors, je vous remercie, M. Bernier, pour
votre contribution aux travaux de la commission.
Et
nous allons suspendre quelques instants, le temps de laisser la place au
prochain groupe pour s'installer. Merci.
(Suspension de la séance à
11 h 51)
(Reprise à 11 h 53)
La
Présidente (Mme Nichols) : Alors, très bien, merci. Je
souhaite la bienvenue aux représentants de Radio-Canada. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes
pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les
membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter ainsi que les
personnes qui vous accompagnent et à procéder à votre exposé.
Juste
avant de vous céder la parole, j'aurais besoin du consentement, étant donné
qu'on a pris un petit peu de retard. On a commencé un petit peu en
retard et on a pris un petit peu de retard. Est-ce qu'il y a consentement pour
prolonger au-delà de la période prévue?
Des voix :
Consentement.
La Présidente
(Mme Nichols) : Très bien. Alors, merci. Et voilà, la période est
à vous.
Société
Radio-Canada (SRC)
M. Bissonnette
(Michel) : Merci, Mme la Présidente. Mon nom est Michel Bissonnette,
et je suis vice-président principal
de Radio-Canada. Et, pour commencer, j'aimerais vous présenter les gens qui m'accompagnent
aujourd'hui : à ma droite, Luce
Julien, directrice générale de l'information, et, à ma gauche, Jean-François
Rioux, directeur général des services régionaux, et Meredith Dellandrea,
directrice régionale de CBC pour le Québec.
Je
voudrais remercier les membres de la commission de nous donner la chance de
participer à cette consultation, qui est
fort importante. L'actualité des dernières semaines nous rappelle à quel point
l'équilibre de notre écosystème est fragile. Le fait qu'un seul joueur trébuche remet à l'avant le problème de fond
auquel nous devons faire face comme industrie. La crise qui ébranle les médias d'information n'est
pas que financière, elle touche les institutions, la science, la vérité,
elle est sociale, humaine, profonde et elle menace les fondements mêmes de
notre démocratie.
Plusieurs
solutions vous ont été présentées depuis le début de la semaine : crédit
d'impôt, taxation des GAFA, mandat d'information
pour Télé-Québec, pour ne donner que quelques exemples. Radio-Canada est
favorable à une éventuelle aide du
gouvernement, quelle qu'en soit la forme, dans la mesure où celle-ci respecte
l'indépendance journalistique, l'intérêt public et le bien commun.
À
Radio-Canada, nous croyons en l'importance d'un journalisme crédible, indépendant
et de qualité pour une société démocratique
en santé. Nous croyons aussi en
l'importance de la diversité : diversité des voix, diversité de propriété,
diversité culturelle, diversité des points de vue. Aujourd'hui, cette diversité est menacée. Comme élus, votre responsabilité est de nous amener vers une
plus grande diversité plutôt que vers une plus grande concentration, qui est également
en danger. Pour ce faire, il faut des entreprises de presse solides et
viables, capables d'assurer cette diversité qui est essentielle à la vitalité
de notre société.
Nous venons devant vous aujourd'hui dans un
esprit de solidarité et de collaboration. Nous souhaitons profiter de cette tribune pour vous faire part de nos
réflexions mais surtout pour réaffirmer la volonté de Radio-Canada de faire partie des solutions. À plusieurs reprises, Radio-Canada a exprimé sa
volonté de travailler en partenariat avec l'industrie. Nous sommes
convaincus que c'est en mettant nos forces en commun que nous réussirons à nous
imposer face aux géants du numérique.
L'information fait partie de notre ADN. Dans cet esprit, il y a
un peu plus de 20 ans, nous avons créé la première chaîne d'information en continu de langue française pour couvrir
l'actualité partout au pays. Je parle, bien
sûr, ici d'ICI RDI. En diffusant nombre de conférences de presse et
autres événements en direct, ICI RDI rend cette information disponible, bien sûr, aux citoyens mais aussi aux
médias locaux lorsqu'il leur est impossible de se déplacer.
Radio-Canada
accorde beaucoup d'importance à son rôle en région. Pour nous, la relation de
proximité entre les citoyens et leur
diffuseur public fait partie intrinsèque de notre mandat. J'inviterais
Jean-François à vous en parler davantage.
M. Rioux
(Jean-François) : Merci, Michel. Au coeur de notre stratégie, il y a
un souci constant de parler aux gens de
ce qui se passe chez eux mais aussi d'assurer un reflet national dans
l'ensemble du pays. Au Québec, Radio-Canada est présente dans presque toutes les régions du Québec. On parle de six
stations multiplateformes, radio, télé, Internet, numériques, trois
stations de radio qui font aussi du numérique et neuf bureaux journalistiques,
que ce soit à Carleton, Roberval, Baie-Comeau
ou Amos en Abitibi-Témiscamingue. On est en information sept jours sur sept, 18
heures par jour sur toutes nos
plateformes. Notre offre régionale au Québec compte sept téléjournaux, 10
émissions matinales, 10 émissions de retour à la maison, 10 sites Internet et aussi qui sont disponibles sur le
mobile. Notre présence sur le terrain nous permet d'approfondir notre couverture des enjeux régionaux. Elle nous
permet aussi de connecter les grands enjeux nationaux et internationaux
à la réalité des citoyens un peu partout sur le territoire.
M. Bissonnette
(Michel) : Merci,
Jean-François. Comme Radio-Canada le fait partout au pays pour les communautés
francophones en milieu minoritaire, CBC est
présente au Québec avec une offre régionale destinée principalement à la
minorité anglophone, et j'inviterais Meredith à vous en parler davantage.
Mme Dellandrea
(Meredith) : Merci, Michel. Refléter la réalité des communautés
anglophones du Québec est au coeur de
nos priorités, à CBC Québec. De Gaspé à Montréal en passant par Mont-Tremblant,
nous informons les citoyens anglophones
sur ce qui se passe chez eux. Nous avons aussi la responsabilité d'informer
l'ensemble des Canadiens sur ce qui se passe au Québec.
En
information, CBC offre une couverture régionale numérique sept jours sur sept.
Nous proposons aussi des bulletins d'information
quotidiens à la télévision et à la radio. De plus, CBC propose à la communauté
anglophone du Québec une variété
d'émissions locales radio que l'on trouve aussi regroupées sur la nouvelle application
CBC Listen, lancée cette semaine.
Finalement,
CBC s'associe avec des organismes et événements culturels, et, grâce à nos
partenariats, nous pouvons diffuser
des contenus créés au sein même des communautés. Je pourrais vous donner
plusieurs exemples sur ce que nous faisons en diversité en région ou
avec des communautés autochtones, et il me fera plaisir de répondre à vos
questions tout à l'heure.
• (12 heures) •
M. Bissonnette
(Michel) : Merci, Meredith. Comme je le disais en ouverture, nous
souhaitons faire partie de la solution.
Dans notre mémoire, nous avons identifié différentes pistes de collaboration
possibles que Radio-Canada pourrait envisager
pour appuyer les autres entreprises de presse. Par exemple, lors des dernières
élections au Québec, Radio-Canada a offert
gratuitement la production du débat des chefs clés en main. La diffusion a été
reprise par plusieurs médias, principalement
sur leurs plateformes numériques. C'est une formule que nous pourrions
reprendre pour d'autres événements qui s'y prêtent. Nous pourrions
offrir aussi de la formation journalistique.
Dans les
autres pistes que nous envisageons, nous sommes prêts à considérer des
collaborations ponctuelles en journalisme
d'enquête et même des échanges de contenu, marché par marché. En fait, ce qui est important pour nous, c'est de voir avec les entreprises de presse elles-mêmes le
type collaboration qui serait le plus approprié selon leurs propres
réalités. Jusqu'à tout récemment, nous
vivions dans un environnement relativement protégé, où chacun arrivait à tirer son
épingle du jeu. Le numérique et les géants
mondiaux comme Facebook, Google et compagnie ont fait tomber les
barrières. Devant cette menace, nos concurrents d'hier doivent devenir
nos alliés d'aujourd'hui.
Pour Radio-Canada, le meilleur exemple est probablement le modèle de partenariat que nous avons
développé avec ICI Tou.tv. Nous avons
réussi à amener d'autres diffuseurs, des concurrents à travailler ensemble dans
un but commun. Dans un environnement qui évolue constamment et où la concurrence est mondiale, il faut
mettre de côté nos vieilles façons de penser. Nous devons être créatifs
et solidaires.
Avant de
terminer, j'aimerais aborder la question de la confiance. J'inviterais Luce à vous parler davantage
de la façon dont Radio-Canada aborde cet enjeu crucial en information.
Mme Julien
(Luce) : Merci, Michel. En effet,
au-delà des enjeux économiques, garder la confiance des citoyens envers les médias est sans doute le plus gros défi
que nous avons tous à relever. En information, la confiance des citoyens est
essentielle, surtout à l'ère de la désinformation. Et, s'il faut du temps pour
obtenir leur confiance, il suffit de bien peu pour qu'elle s'évapore.
Comme la
plupart des grands médias, Radio-Canada a mis en place des initiatives journalistiques
pour aider le citoyen à démêler le vrai du faux. Chaque jour, nous nous
engageons à faire preuve d'exactitude, d'intégrité, d'équité, d'impartialité et d'équilibre dans notre couverture journalistique. Si un citoyen a des
doutes, il peut porter plainte auprès de l'ombudsman, et ses décisions sont publiques. Le processus est
totalement transparent, et Radio-Canada n'hésite pas à reconnaître ses
erreurs et à publier des correctifs.
Transparence et indépendance
journalistique sont fondamentales pour que les citoyens aient confiance dans
les médias et, évidemment, encore plus
aujourd'hui. C'est d'ailleurs dans cet esprit que Radio-Canada recommande, dans
son mémoire, qu'une éventuelle aide publique
soit conditionnelle au respect scrupuleux de l'indépendance journalistique.
Il ne doit y avoir aucun doute dans la tête
des citoyens que les médias d'information ont toute la liberté nécessaire pour
faire leur travail, même s'ils reçoivent une forme ou une autre d'aide
publique.
Permettez-moi de
revenir sur l'importance de la diversité des voix. Au fond, l'équation est
assez simple : plus il y a de
journalistes sur le terrain, plus il y a d'entreprises de presse dans un
marché, meilleure sera la qualité de l'information pour le citoyen et, bien sûr, meilleure se portera
notre démocratie. Dans un petit marché comme le Québec, le défi est
d'autant plus grand. C'est pourquoi il est
plus important que jamais d'être solidaires et d'explorer de nouvelles formes
de collaboration.
M. Bissonnette
(Michel) : Merci, Luce. Comme tous ceux qui sont venus devant vous,
nous croyons qu'il nous faut prendre
action, et Radio-Canada, comme je vous l'ai dit, s'engage à faire partie de la
solution. Il est d'ailleurs rassurant de voir les populations locales se mobiliser pour soutenir leurs médias locaux,
comme on a pu le voir dans plusieurs régions. Les habitudes de consommation vont continuer de
changer, les sources, fiables ou non, vont continuer de proliférer. Mais
les citoyens auront toujours besoin de
savoir ce qui se passe au coin de la rue, dans leur coin de pays et partout
dans le monde. Il en va de la survie
de notre démocratie et de notre culture, comme francophones. Nous sommes
maintenant disponibles à répondre à vos questions.
La Présidente
(Mme Nichols) : Je vous remercie. Je vous remercie beaucoup pour
votre exposé. Nous allons procéder à la période d'échange. Alors, je cède la
parole au député de Beauce-Sud pour 15 minutes.
M. Poulin :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci pour votre exposé. Merci également de
vouloir faire partie de la solution.
Bien évidemment, vous êtes une télévision d'État financée en très grande partie
par le gouvernement fédéral. Pour
plusieurs, on se dit : Ça permet de traverser la crise plus facilement
quand on a un minimum de sources de revenus qui est assuré, on ne peut
pas se le cacher.
Cependant, le
choix que vous faites également, c'est d'aller dans les valeurs spécifiques
qu'on souhaite se donner, entre
autres l'information en région. J'aimerais savoir, au niveau des choix de
programmation, quels efforts ont été faits par Radio-Canada pour que les émissions nationales se déplacent en région et
quels efforts ont été faits pour qu'on voie plus, également, ce qui se
passe dans les régions du Québec à la télévision nationale, au-delà des
structures que vous avez, actuellement.
M. Bissonnette
(Michel) : Bien, juste en introduction, peut-être corriger qu'on est
une télévision publique et non une télévision d'État, ce qui est une
nuance fort importante.
M. Poulin :
Vous avez raison.
M. Bissonnette
(Michel) : Parce qu'il existe un mur de Chine total et absolu entre le
gouvernement et les salles de presse qu'on a chez nous.
Le
point que vous soulevez au niveau de la présence du régional au national et
cette activité-là en région est quelque chose qui nous anime tous les jours. Grâce aux réinvestissements qu'il y
a eu du fédéral, ça nous a permis de
rouvrir nos salles de nouvelles en région sept jours sur sept. Quand on
a eu nos coupures, on fermait nos salles de nouvelles le vendredi à 5 heures et on les rouvrait uniquement le
lundi matin, et, s'il se passait quelque chose pendant le week-end, bien, ce
n'était malheureusement pas possible de le couvrir. Donc, cette
présence-là en région nous assure maintenant que chacune des communautés est bien couverte. Et, comme l'expliquait Jean-François, le
fait d'être présents en radio tous les matins, en radio tous les
après-midi et d'avoir des TJ qui sont dans chacun des marchés pour couvrir les
locaux est très important.
Après
ça, l'autre défi, et c'est surtout à la radio mais également à la télévision,
c'est comment ce reflet régional là se retrouve
présent dans les émissions nationales, et je vous dirais : De plusieurs
façons. C'est-à-dire que, si le dossier local est d'intérêt national, on va le retrouver dans les
bulletins d'information, qu'ils soient à la radio ou qu'ils soient en
télévision, on va le retrouver dans les émissions de radio nationales et également
on va le retrouver sur notre plateforme numérique.
M. Poulin :
Évidemment que, si une nouvelle est d'intérêt local et s'en va au niveau
national, on pense à des grandes tragédies,
entre autres, mais on doit dépasser ça aussi. Bien évidemment, on se doit
également d'amener des bonnes nouvelles régionales au niveau national, à RDI, dans vos émissions d'affaires
publiques, dans vos émissions de divertissement, tout en maintenant
votre mission, également, de couvrir d'un océan à l'autre. Alors, ça, j'imagine
que c'est un enjeu spécifique également.
Est-ce que vous êtes
en augmentation d'embauche de journalistes dans vos salles de rédaction,
présentement?
M. Bissonnette
(Michel) : La réponse, c'est oui.
M. Poulin :
O.K. Est-ce que vous pouvez nous donner un ordre de grandeur, à peu près?
M. Bissonnette
(Michel) : Bien, c'est-à-dire que... Oui.
M. Rioux
(Jean-François) : Bien, je peux peut-être vous dire que, depuis trois
ans, on a augmenté de 21 le nombre de journalistes sur le territoire,
uniquement au Québec, puis là c'est les régions en dehors de Montréal.
M. Poulin : O.K.
Radio-Canada, également, dispose de moyens pour faire son travail. Je pense
entre autres à des équipes de
recherche, à des réalisateurs, à des producteurs, entre autres à la radio de
Radio-Canada. Est-ce que ces équipes sont également en augmentation?
M. Bissonnette
(Michel) : Je vous dirais que c'est relativement stable, à ce
niveau-là.
M. Poulin :
O.K. Au niveau du recrutement de journalistes dans les régions du Québec, ça se
passe bien aussi?
M. Rioux
(Jean-François) : Je vous dirais que le recrutement de journalistes,
en général, est un problème. C'est un problème
d'industrie, on a de la difficulté, la relève est très difficile. J'ai assez
d'ancienneté à Radio-Canada pour vous dire que, quand je suis rentré, il n'y avait aucune possibilité de rentrer au
Québec, il fallait que tu passes par l'Ouest canadien et que tu fasses ton chemin tranquillement pour
revenir. Aujourd'hui, on a de la difficulté à recruter pour Québec, on a
de la difficulté à recruter pour Ottawa, on a de la difficulté à recruter pour
l'Ouest. C'est une difficulté, honnêtement.
M. Poulin :
Parfait. Et ça m'amène à vous parler du virage numérique, parce que ça en
prend, des journalistes, ça prend des rédacteurs, ça prend des
visionnaires, ça prend des gens qui réalisent tout ça. Est-ce que vous jugez,
en date d'aujourd'hui, que Radio-Canada,
avec les outils que vous avez, avec les sommes financières que vous avez, que vous
avez réussi votre virage numérique?
M. Bissonnette
(Michel) : Totalement. Vous savez, la croissance, elle est... de mois
en mois, on a une plus grande croissance
sur nos plateformes numériques. Et, je le dis souvent à la blague, il fut une
époque où est-ce que, quand tu étais journaliste,
tu avais réussi ta carrière quand ton topo passait au 22 heures, tu avais
moyennement réussi quand tu étais au 18 heures
et tu étais décidément le petit nouveau si tu étais sur le numérique. Le
quotidien du journalisme a complètement changé aujourd'hui. Quand un journaliste couvre, il couvre d'abord sur
le numérique parce que les gens veulent prendre leurs téléphones pour
consommer l'information, et, par la suite, on vient raffiner la couverture
qu'on va retrouver au TJ de 18 heures,
au TJ de 22 heures pour remettre la nouvelle en contexte. Mais le rôle du
numérique est vraiment important, et on a mission accomplie dans chacune des régions. Et d'ailleurs c'est pour
ça que, sur notre application maintenant, les gens peuvent sélectionner
leur région, et c'est automatiquement des nouvelles régionales qui vont
apparaître au départ.
M. Poulin :
Oui, absolument. Puis, quand c'est publié à 5 heures le matin aussi, ça
nous force à être alertes.
Dites-moi,
en terminant, je veux vous parler de nouvelles internationales. Donnez-moi un
portrait, est-ce que vous êtes en
augmentation d'investissements également dans les nouvelles internationales?
Est-ce que c'est un des plus grands mandats
de Radio-Canada au niveau des correspondants à l'étranger? Est-ce que, encore
une fois, on a investi des sommes?
Mme Julien
(Luce) : Je vous dirais, c'est stable. On a effectivement fermé le
bureau de Beyrouth en janvier ou février dernier, sauf qu'on a réinvesti totalement l'argent qui était investi,
les frais fixes, dans le fond, d'avoir un bureau. Donc, on a toujours
six correspondants. On a nommé d'ailleurs, la semaine dernière, Marie-Ève
Bédard à Paris et Jean-François Bélanger à Washington.
Juste
pour vous donner un ordre de grandeur, au cours de l'année 2018, on a fait
2 300 reportages internationaux, radio, télé, Web. Pour nous, à la direction de l'information et à
Radio-Canada, l'inter fait vraiment partie de notre mission, c'est notre
rôle, et on va continuer. Vous avez vu Céline Galipeau à Hong Kong la semaine
dernière. Donc, absolument, c'est fondamental. Et je vous dirais même qu'il est
tellement important de pouvoir avoir un point de vue canadien sur ce qui se
passe à l'international, surtout dans le contexte actuel, qu'on prend ce
mandat-là vraiment à coeur.
M. Poulin :
Merci beaucoup.
La Présidente
(Mme Nichols) : Alors, je cède la parole au député de
Sainte-Rose.
• (12 h 10) •
M. Skeete :
Merci, Mme la Présidente. Et merci pour, justement... C'est vrai que c'est
important, surtout maintenant, d'avoir de l'information internationale,
dirais-je, moins américanisée.
J'ai une question pour votre collègue de CBC, je
pense que je ne vous surprends pas. On a parlé avec le Suburban, on a parlé avec le Quebec Community Newspapers Association, on a parlé aussi avec la Gazette récemment, ce matin. Surtout, je
voulais soulever les défis particuliers qu'on trouve dans le réseau anglophone.
Je me demandais si peut-être vous pouvez m'aider à mieux les comprendre
dans votre contexte, dans votre quotidien.
Mme Dellandrea
(Meredith) : Bien, on
connaît bien les défis pour les communautés anglophones parce que la plupart
des anglophones au Québec habitent à Montréal, mais il y a beaucoup d'autres qui sont partout en province
dans les petites communautés. Alors, c'est
un défi, de faire certain qu'on a l'information pour refléter les réalités des
personnes dans les communautés soit
pour eux-mêmes, aussi pour le refléter pour les autres Québécois et au Canada.
Alors, nous, on a une relation avec
le Quebec Community Newspapers Association, on couvre les changements...
les fermetures de journaux en région
comme nouvelles sur nos émissions, c'est sûr, et ça fait des années qu'on voit
les changements là. Il y avait, à l'époque, des correspondants de ces journaux, où on pouvait les inviter sur nos
émissions de radio, mais maintenant il faut trouver des autres stratégies pour faire certain de refléter
la réalité des communautés. Alors, il faut inviter les citoyens, les
entrepreneurs, les représentants eux-mêmes
d'être sur nos émissions parce qu'on ne peut pas compter seulement sur les
correspondants des journaux régionaux.
M. Skeete : Je vais
poser une question, puis je ne veux pas être plate, là, mais je vais être plate
pareil. Moi, j'ai la chance de faire
des entrevues en anglais et en français, et, quand on va à Radio-Can, on voit
manifestement des différences de
financement, tant en infrastructures, tant en personnel, dans le réseau
francophone, dans le réseau anglophone. Je n'ai pas eu la chance d'aller à Radio-Can dans les provinces anglaises, là,
mais je peux vous dire qu'il y a... Est-ce que vous souffrez de sous-financement, à CBC? Je sais que
vous direz que les deux réseaux souffrent de sous-financement, mais
est-ce que vous êtes capables de le faire
avec les ressources actuelles, le travail qui doit se faire? Je pense notamment
à CBC Québec, qui doit couvrir, bien,
la majorité du territoire québécois. Alors, avez-vous les ressources
nécessaires pour faire le travail?
Mme Dellandrea
(Meredith) : C'est sûr qu'il y a
une différence quand on va à la Maison Radio-Canada,
parce que notre salle de nouvelles, c'est
une salle régionale, c'est plus petit, c'est sûr. Mais en même temps on fait ce qu'on peut faire avec nos moyens, on trouve les
façons de faire certain qu'on peut garantir notre mandat aux citoyens.
Alors, nous, on a
fait notre virage numérique, c'était tellement important de le faire. On a
ajouté une journaliste numérique à l'équipe
ici, à Québec, pour faire certain que les histoires en région
peuvent être présentes sur notre site
Web, plus nombreux sur notre site Web,
disponibles pour les citoyens. Et aussi on a créé un poste de journaliste
mandatée de voyager tout le temps,
elle voyage à toutes les communautés. Et en fait on ne peut pas être présents
dans chaque communauté tout le temps, alors on dédie nos ressources pour être là avec
cette journaliste, faire certain que, quand on est là, on consulte aussi avec les citoyens, d'avoir du
feed-back, de savoir c'est quoi, les enjeux majeurs, pour trouver s'il y a
des partenariats ou des collaborations qu'on peut faire avec organismes
communautaires.
Je pense, récemment, on a parlé avec des organismes qui
travaillent sur l'emploi pour les jeunes en Estrie. Alors, on a eu une
réunion avec eux, et nos journalistes ont été là aussi pour entendre les défis,
pour avoir la chance de faire des reportages sur ces défis aussi et tisser des
contacts avec les communautés.
M. Skeete :
Merci beaucoup.
La Présidente
(Mme Nichols) : Alors, la parole est au député de Saint-Jérôme.
Il vous reste quatre minutes.
M. Chassin : Je vais vous poser des questions assez rapides parce que je veux laisser à mon
collègue de Saint-Jean le temps aussi. S'il y a aide publique... Vous
exprimez votre solidarité, vous voulez, dans le fond, qu'on puisse
apporter un certain support. S'il y a effectivement aide publique,
est-ce que vous comptez là-dessus? Est-ce que vous vous attendez à en recevoir?
M. Bissonnette
(Michel) : Aucunement.
M. Chassin : D'accord. Et, dans une perspective, disons, de diversité
des voix, vous avez mentionné la diversité des propriétés. Pour vous,
c'est important qu'il y ait des médias privés et publics? C'est ce que je
comprends derrière ce commentaire-là?
M. Bissonnette
(Michel) : Bien, tout à fait. C'est-à-dire qu'à la base moi, je
pense que plus il y a de journalistes, plus il y a d'entreprises de presse, mieux va se porter notre démocratie. Et
cet équilibre-là peut se faire entre des médias privés et des médias publics, mais il faut également qu'il y
ait plusieurs médias privés et plusieurs sources qui puissent exister
dans chacune des régions du Québec.
M. Chassin :
Merci.
La Présidente
(Mme Nichols) : Alors, la parole est au député de Saint-Jean pour
trois minutes.
M. Lemieux :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. M. Bissonnette, je n'ai pas eu le
bonheur de travailler sous vos ordres.
M. Bissonnette
(Michel) : Si vous saviez ce que vous avez manqué.
M. Lemieux :
Oui, je sais. Mais ça fait six ans déjà que je suis à la retraite, hein,
n'est-ce pas, Mme la patronne Julien, sous les ordres de qui j'ai
travaillé?
Ceci dit, je prends
le temps de le dire comme ça, parce qu'il est important pour moi de vous dire
que j'ai lu les 65, 66, 67 mémoires qu'on a
reçus et j'avoue que vous m'avez surpris, agréablement surpris. Vous m'avez
même impressionné. Quand vous dites,
à la page 6 : «Finie l'époque où nous étions en concurrence les uns
avec les autres. La vraie concurrence
est maintenant constituée de ces puissantes entreprises numériques.» Et le
reste, là, parce qu'il faut que je fasse
vite... et vous enchaînez en disant : «Quoi qu'il en soit, le portrait de
l'écosystème médiatique est tel qu'il menace le droit du public à une information de qualité...» Ce
n'est pas «ce sera», c'est maintenant, là, on est là-dedans. Il y a une
lucidité dans vos affaires et dans la façon dont vous vous présentez ici
aujourd'hui, et je l'apprécie, et j'en suis fier. Merci beaucoup.
Expliquez-moi deux
choses. La première, c'est la collaboration. J'ai deux minutes, une minute par
chose. La collaboration, c'est bien beau
dire : On va vous laisser nos affaires, on va vous faire de la formation,
bon, on peut faire plus que ça, non?
M. Bissonnette
(Michel) : On peut faire plus que ça, sincèrement, absolument. Ce qui
est important de la collaboration,
sincèrement, l'offre de collaboration ne doit pas se substituer à l'importance
d'une aide gouvernementale. C'est le
premier point que je vais faire. Pour moi, elle doit s'ajouter de façon à faire
des médias, dans chacune des régions, qui sont encore plus forts.
Et, oui,
comme je le disais, ça peut être des collaborations sur des dossiers d'enquête,
parce que c'est très coûteux de faire
de l'enquête. Ça peut être des collaborations sur certains partages de contenu,
en prenant le soin toutefois de ne pas venir cannibaliser La Presse
canadienne parce qu'elle a son rôle à jouer. Mais ça peut être également
une partie, dans notre inventaire publicitaire, qui peut être mise à la
disposition de façon à faire la promotion des journaux en région.
Il y a
plusieurs formes qui peuvent être utilisées pour pouvoir soutenir les médias
régionaux. Parce que, si on se retrouve dans des régions où est-ce qu'il
n'y a qu'un seul média ou que deux médias, ce n'est pas suffisant. Il y a une importance pour les quotidiens régionaux, pour les
journaux qui sont des hebdomadaires communautaires et qu'on puisse
également avoir des médias de télévision.
M. Lemieux :
Petite parenthèse de 10 secondes, je me trompe ou vous êtes quasiment
devenu le média le plus lu? Parce
que, quand je regarde sur votre site, Radio-Canada Info, je vois énormément de
matériel. C'est comme si vous aviez trouvé le secret de la Caramilk puis
que vous aviez réussi à mettre en écrit tout ce que vous faites partout.
M. Bissonnette (Michel) : On
est le site d'information numéro un au Québec et au Canada en français.
M. Lemieux :
Il me semblait aussi. Et l'aide conditionnelle, puis ça, c'est le «crunch», là,
il vous reste une minute, vous ferez
comme vous voulez avec, mais vous dites... Si vous aidez, dans votre plan
d'aide, les médias, il faudrait que ça soit conditionnel à quoi,
Mme Julien?
La Présidente (Mme Nichols) :
En 30 secondes.
Mme Julien
(Luce) : Alors, je vous dirais, à des normes et politiques
journalistiques très, très rigoureuses, d'une part. Est-ce que, par exemple... Je vais poser une
question à un ombudsman dans chacun des médias... On a parlé tout à
l'heure du Conseil de presse et on sait que
le Conseil de presse est sous-financé. Et le mur de Chine entre l'entreprise de
presse et la salle des nouvelles, ça, c'est fondamental.
La Présidente (Mme Nichols) :
Merci. Alors, à titre informatif, nous avons reçu 63 mémoires. Alors, nous
poursuivons avec la députée de Verdun.
Mme Melançon :
Alors, merci. Merci d'être présents aujourd'hui. Et je vais abonder dans le
même sens que le député de
Saint-Jean, j'avais hâte de lire, lorsque j'ai su que Radio-Canada déposait,
j'avais hâte de lire. J'ai trouvé ça intéressant. Le député de Saint-Jérôme en a fait mention, ça a
été court et direct : Est-ce qu'actuellement Radio-Canada reçoit de
l'aide directe du gouvernement du Québec?
Une voix : ...
Mme Melançon :
Alors, j'ai bien entendu qu'advenant un nouveau programme, selon ce que la
commission, dans le fond, fera comme
proposition ou ce que le gouvernement en fera par la suite, Radio-Canada n'est
pas là aujourd'hui pour vouloir obtenir des sommes du gouvernement du
Québec.
M. Bissonnette (Michel) :
Absolument pas.
• (12 h 20) •
Mme Melançon :
Cela étant dit, vous le mentionnez, d'ailleurs, à l'intérieur de votre mémoire,
partout dans le monde, actuellement,
on est en train de se gratter la tête, parce que, justement, les géants du Web
viennent complètement chambouler nos
façons de faire dites traditionnelles. Comme Radio-Canada est «coast to coast»,
est-ce qu'à votre connaissance il y a une commission, actuellement, qui
se penche comme ça dans d'autres provinces en ce moment?
M. Bissonnette
(Michel) : Dans d'autres provinces, non. Et, bien entendu, au niveau
fédéral, il y a la révision sur la loi sur la radiodiffusion et les
télécommunications qui vont venir préciser, dans le futur, quel doit être le
mandat du diffuseur public, et ce
processus-là est fait avec beaucoup de rigueur, présentement, et devrait
accoucher de quelque chose dans les prochains mois.
Et, vous
savez, en 1936, quand le gouvernement canadien a décidé de créer Radio-Canada,
c'est parce que les ondes radio
américaines rentraient sur le territoire, puis on avait peur de perdre notre
culture canadienne. On a vécu des années de bonheur où on était dans un environnement protégé, où le CRTC décidait
qui avait le droit de jouer sur la patinoire canadienne, et cet
écosystème-là a fait en sorte que tous les joueurs ont bien vécu pendant
plusieurs années.
Maintenant
que les géants du Web sont arrivés, l'envahissement américain est à nouveau
présent, et on doit s'assurer encore
plus, comme francophones, qu'on puisse encadrer et soutenir les médias, parce
que sinon... les jeunes sont de plus en
plus bilingues, et, si on revient où est-ce que la seule consommation qui se
fait, c'est du produit américain, bien, nos références culturelles
québécoises et canadiennes en français vont disparaître, et ça, c'est quelque
chose qui me préoccupe beaucoup.
Mme Melançon :
D'ailleurs, c'est exactement en ce sens-là où, tout à l'heure, je disais aux
représentants de TC Transcontinental que
j'aimais beaucoup le parallèle qu'ils faisaient avec la culture québécoise.
Parce qu'au final qu'est-ce qu'on
essaie de sauver, actuellement, c'est notre identité. On veut pouvoir avoir des
médias qui nous donnent de l'information avec l'oeil du Québec et l'oeil d'ici, de notre monde, mais de parler
aussi de notre monde, pas uniquement entendre parler... Parce que, malheureusement, on le voit chez le
voisin américain, actuellement, ce n'est pas joli, ce qui se passe là-bas.
Alors, il faut pouvoir sauvegarder le tout. Là-dessus, on est d'accord.
Concernant
l'indépendance et la confiance, je voudrais continuer à vous entendre sur
l'importance d'un conseil de presse.
J'ai posé la question tout à l'heure au Pr Bernier, à savoir : S'il y
a une aide qui est consentie à des médias, il doit y avoir un retour, on ne peut pas uniquement
donner de l'argent et laisser aller la chose. Comment est-ce que vous
voyez ça? Parce que j'ai besoin... puis je
pense que, pour l'ensemble de la commission, c'est important de savoir le geste
que nous allons probablement poser,
là. Je ne veux pas... Mais, comme c'est fait, actuellement, en Norvège ou en
France, où il y a de l'aide étatique,
hein, qui est consentie à l'indépendance, je veux vous entendre. Parce que
Radio-Canada est un exemple où vous êtes
financés entièrement par un gouvernement, et pourtant il y a une distance.
Donc, je veux vous entendre sur ce sur quoi on devrait travailler.
Mme Julien (Luce) : Il y a
toutes sortes de modèles, hein, à travers le monde. Je pense, entre autres, à
France Télévisions, avec... on appelle ça
des médiateurs plutôt qu'un ombudsman. À Radio-Canada, on a des ombudsmans.
Et vous savez que, lorsqu'un journaliste de
Radio-Canada reçoit un blâme de l'ombudsman, ça fait très mal à la réputation
du journaliste et même à Radio-Canada,
évidemment. Donc, est-ce que... Ce n'est pas à moi à déterminer comment on
doit, effectivement, dessiner ce qui pourrait
garantir l'indépendance journalistique de chaque média. Est-ce que c'est un
ombudsman, par exemple, par média? Je
ne le sais pas. Mais c'est certain que la notion d'imputabilité, la notion de
transparence, surtout à l'ère du numérique... Vous savez, le New York
Times publie même, chaque année, ses erreurs. Donc, la question de transparence, de relation avec le citoyen, c'est
fondamental, et les attentes aussi, je vous dirais, de la nouvelle
génération, de ceux qui consomment l'information sur le numérique, c'est cela,
et on doit tous faire des efforts en ce sens-là.
On n'est pas
parfaits, hein? Je ne suis pas en train de dire que Radio-Canada est parfaite,
au contraire, mais on a vraiment décidé d'être beaucoup plus
transparents et de mettre en place toutes sortes de mesures à cet égard-là et
même d'expliquer, dans certains cas, les
coulisses et notre démarche journalistique pour renforcer le lien, justement,
du citoyen à l'endroit des médias.
Parce que ce qui est le plus préoccupant, c'est justement ça, le fait que...
l'effet de bulle, quand les citoyens
ne s'informent que par l'entremise des réseaux sociaux. Cela dit, nous y sommes
et nous devons y être pour atteindre l'auditoire
qui ne consomme pas les médias dits traditionnels, la radio et la télé.
Néanmoins, c'est fondamental quand même que notre information soit
totalement crédible.
Mme Melançon : Je voulais venir
rapidement sur ce qu'on appelle les «fake news». Lorsqu'on a entendu, de mémoire, là, c'est les journalistes indépendants,
je pense, qui sont... la fédération des journalistes indépendants, qui
sont venus nous parler du 30 secondes
avant d'y croire. Hier, j'en ai parlé avec Télé-Québec aussi. Lorsqu'on parle de s'unir, et vous parlez de collaboration, moi, je pense que tout le monde devrait mettre l'épaule à la roue parce que, finalement, ça
devient un problème sociétal.
Mme Julien
(Luce) : Vous avez raison.
Mais juste pour vous dire que nous avons collaboré avec la fédération
des journalistes du Québec
sur cette initiative-là, et que je suis extrêmement préoccupée aussi par la
survie de la fédération des journalistes
du Québec, et qu'on regarde... J'ai des discussions avec
Mme Lafrance sur comment, Radio-Canada, on peut aussi soutenir la fédération.
Mais, dans le fond, ce n'est pas soutenir la fédération, c'est soutenir la
liberté de presse, l'indépendance journalistique.
Mme Melançon : Merci.
La Présidente (Mme Nichols) :
...la députée de Westmount—Saint-Louis.
Il vous reste trois minutes.
Mme Maccarone : Merci. Je vais faire le pouce un peu sur
qu'est-ce que ma collègue la députée
de Verdun a parlé, de collaboration, puis la question est vraiment
pour Meredith — désolée,
votre nom de famille m'échappe. J'ai lu avec grand intérêt votre mémoire, mais aussi celui de SOCAM,
SOCAM, la Société de communication Atikamekw-Montagnais, qui dessert vraiment la communauté autochtone. Ils ont
14 stations de radio du Québec et Labrador, puis, eux, leur raison
d'être, c'est vraiment la préservation de leur langue et culture. Ils vivent
vraiment des enjeux financiers qui sont extrêmement difficiles. Et, quand vous parlez de qu'est-ce que vous faites côté
collaboration puis les choses que vous faites, Radio-Canada, CBC, pour la communauté autochtone, je voulais
savoir s'il y avait des mesures de collaboration ou si c'était plutôt
concurrentiel, des partenariats, qu'est-ce que vous faites ensembles.
Mme Dellandrea
(Meredith) : Non, tout à
fait, c'est les collaborations. Mais aussi je vais préciser qu'on a une équipe qui travaille à Montréal qui produit des
émissions en cri pour les territoires du Nord. Et alors ça, c'est une façon
où, CBC, on peut servir les communautés
autochtones. Et ça, c'est de faire vraiment de la programmation en leur langue
et c'est des journalistes cris qui le font. Ça, c'est la première façon de le
faire.
On fait des
consultations par... c'est informel, avec les communautés autochtones au Québec
pour voir comment est-ce qu'on peut
trouver des projets où on peut travailler ensemble pour servir leurs
communautés et aussi pour avoir des contenus
pour offrir aux anglophones au Québec, pour apprendre leur réalité. Alors, l'année
passée, on a consulté à Kahnawake, on est allés là et aussi à CBC Indigenous, ça, c'est...
qui travaille... une équipe de nouvelles. On a embauché une journaliste
mohawk qui travaille dans notre salle de nouvelles à Montréal. Alors, oui, elle
couvre les communautés autochtones au Québec mais aussi elle travaille en
partenariat avec nos journalistes à la salle des nouvelles à Montréal.
Mme Maccarone : Est-ce que cela vous amène des difficultés de
pénurie de main-d'oeuvre? Parce que, quand on parle de communautés minoritaires culturelles
spécialisées, il doit être très difficile pour vous de trouver du monde,
des journalistes qui peuvent vous appuyer dans ces démarches.
Mme Dellandrea
(Meredith) : C'est, comme on
a parlé, le défi de recrutement. Oui, c'est sûr, c'est sûr, c'est difficile,
mais il faut investir. Il faut trouver les
moyens soit d'aller parler avec les communautés pour parler du rôle du
journaliste dans la société, c'est quoi
qu'on fait pour... juste pour avoir l'information, de l'intérêt même de
poursuivre ce métier. Ça, c'est une
façon de le faire, mais aussi de tisser des liens avec les écoles de
journalismes pour savoir : O.K., on cherche, on a besoin des personnes qui
connaissent ces communautés-là.
M. Rioux (Jean-François) : Peut-être
ajouter que, depuis le mois d'octobre l'année dernière, on a redirigé des antennes de Radio-Canada dans certaines
localités, dont Chisasibi, pour pouvoir leur permettre de recevoir ce qu'ils
voulaient recevoir. Donc, par exemple, il y a trois communautés dans la
Haute-Mauricie qui reçoivent maintenant un signal de Trois-Rivières plutôt que Montréal, c'était leur demande, et où il
y a une programmation en attikamek. Alors, on est en train de passer par le processus au fédéral, au
CRTC... bien, en fait, Transports Canada, pour faire changer 10 autres
émetteurs dans le Nord du Québec pour pouvoir rediriger.
La
Présidente (Mme Nichols) : Très bien. Merci. Alors... (panne de son) ...députée de
Taschereau pour 2 min 30 s.
• (12 h 30) •
Mme Dorion : Oui, merci. Bonjour, merci d'être là. On vous a
entendu défendre, finalement, la diversité de la presse puis dire que la concentration de la presse, ce n'était pas une
bonne chose, finalement, qui n'était pas souhaitable. Hier, Pierre-Karl Péladeau nous a beaucoup
parlé des avantages de la concentration de la presse, donc, c'est un modèle qui
avait permis la survie des médias, qui
permettait des économies d'échelle, ça ne sert à rien, d'avoir deux
photographes, trois journalistes pour
le même événement, mais personne ne nous parle des désavantages de
la concentration de la presse. Tout
le monde nous dit... beaucoup
de monde nous dit que ce n'est pas idéal. Pouvez-vous nous donner quelques
arguments, nous expliquer en quoi la concentration de la presse est une
mauvaise chose, selon vous?
M. Bissonnette
(Michel) : Bien, c'est-à-dire que le principe est assez large, c'est que plus il y a
de journalistes et plus il y a d'entreprises de presse, plus il va y avoir une variété de points de vue qui vont être présents et une couverture qui va être large et, à
l'inverse, moins il va y avoir d'entreprises de presse et moins il va y avoir
de journalistes, plus on va appauvrir la couverture journalistique. Donc, si on
veut s'assurer... Parce que, vous savez, le pouvoir médiatique est important,
mais c'est important qu'il soit en santé, parce que
sinon ça devient juste une image mais qui n'a pas de moteur pour pouvoir
livrer son résultat. Si on ne s'assure pas de cette diversité-là, on appauvrit l'ensemble.
Et, pour nous,
c'est très sain d'avoir de la concurrence. Quand on voit de la concurrence dans
les marchés, ça nous force à être
meilleurs. Puis sincèrement, quand je vois TVA sortir quelque chose avant nous, ça me choque, parce
que je me dis : On aurait pu
être plus vite sur la nouvelle puis le sortir avant, mais c'est dans la nature
même d'une entreprise
médiatique. Et c'est pour ça que la
diversité des entreprises, et des médias, et du nombre de journalistes est
si importante. Je ne sais pas si je réponds correctement
à votre question, mais c'est vraiment... pour nous, l'important, c'est ça.
Mme Dorion : Donc, c'est nécessaire
d'avoir plusieurs angles sur un enjeu pour avoir une vision plus claire.
Mme Julien
(Luce) : Vous pouvez avoir, par exemple, plusieurs journalistes, et vous connaissez ça, chacun,
comme députés, lorsque
vous avez un scrum, chaque média n'aura pas nécessairement la même question,
et ce n'est pas... Alors, c'est là-dessus aussi que c'est fondamental. Chacun a ses
propres enquêtes, etc. Et donc, s'il
y a juste un journaliste qui
couvre, par exemple, un conseil municipal, bien, c'est sûr qu'on appauvrit la
presse locale.
Mme Dorion : Et, parce
qu'il y a eu une diminution de la
diversité dans les dernières décennies, une concentration de la presse, justement,
considérez-vous qu'on commence déjà à vivre ou qu'on a vécu, dans les
dernières... avec cette concentration-là, déjà, des désavantages par rapport à
la qualité de l'information?
La Présidente (Mme Nichols) : En
quelques secondes.
M. Bissonnette
(Michel) : ...s'il y avait
une disparition de Capitales Médias, on viendrait appauvrir la
diversité.
Mme Julien (Luce) : ...un effet
domino potentiel.
M. Bissonnette (Michel) : Et
l'effet domino étant le Conseil de presse et, bien entendu, La Presse
canadienne, surtout.
Mme Dorion : ...Québecor, ce
n'est pas une solution qui vous...
M. Bissonnette
(Michel) : Non, comme diffuseur public, sincèrement, on n'a pas à
commenter une transaction entre deux
entreprises privées, puis ce n'est pas un territoire où je veux aller. Mais, au
niveau du principe, je veux juste réitérer l'importance, pour nous, qu'il y ait une variété de voix puis une
variété de points de vue, puis c'est la base même de la démocratie et de
notre rôle comme média.
Mme Dorion : Merci.
La Présidente (Mme Nichols) :
Merci. La parole est au député de Rimouski.
M. LeBel :
Oui, merci. Bonjour. Radio-Canada, c'est important pour nous autres, en région.
En 1990, vous avez fermé les trois
télés : Rimouski, Matane, Sept-Îles, il y a eu une levée de boucliers. 22
ans plus tard, vous êtes revenus, puis on ne vous laissera pas partir.
Mais, juste
pour préciser, quand on parle... Radio-Canada parle de national, on parle de
Canada, quand on parle de régions, on
parle Maritimes, le Québec, l'Ouest canadien, juste pour qu'on s'entende dans
notre vocabulaire. Et vous avez un mandat
de refléter la globalité canadienne et rendre compte de la diversité régionale
du pays. J'aimerais savoir, par rapport à la production nationale québécoise, est-ce qu'il y a des directives ou
des volontés de représenter aussi les réalités régionales québécoises
dans vos émissions nationales.
M. Bissonnette
(Michel) : Tout à fait. Bien, c'est-à-dire, autant au niveau de la
télévision généraliste, c'est une condition
de licence qu'on a avec le CRTC, où il y a une partie de notre programmation
qui doit originer des francophones hors
Québec puis une partie de notre programmation qui doit originer des
francophones hors Montréal, donc de s'assurer qu'il y a des productions
qui se fassent à l'extérieur du centre de production qui est Montréal.
Mais, au-delà
de ça, sur les émissions qu'on produit nous-mêmes à l'interne, en radio ou en
information, je le disais tantôt, la
variété des points de vue régionaux, c'est ce qui fait la différence entre
Radio-Canada puis les autres médias. Donc, il faut qu'on s'assure, quand
il y a un topo qui est fait à Trois-Rivières, qu'il puisse se retrouver sur les
plateformes de Radio-Canada dans les émissions nationales.
M. LeBel :
Excellent. Ça, c'est important pour nous autres. Mais l'autre question, bien,
il faut que j'aille vite. De plus en
plus, je vais consulter Radio-Canada par la lecture, je vais lire Radio-Canada.
D'habitude, on l'écoutait ou on la voyait,
mais là, de plus en plus, on va lire. Est-ce que Radio-Canada devient un peu
aussi un média écrit de plus en plus?
M. Bissonnette
(Michel) : De facto, la réponse, c'est oui, parce que les gens
consomment de plus en plus sur le numérique,
et la première connexion qu'on fait avec le numérique, c'est au niveau de
l'écriture. Et ça repositionne également nos rendez-vous qu'on a à la télévision. Si vous voyez, Le
téléjournal, pendant plusieurs années, de 22 heures était vraiment une émission où en enlignait les nouvelles une
après l'autre. Maintenant, comme les gens sont au courant de l'actualité
parce qu'ils l'ont consommée sur leur
téléphone, on profite du 22 heures pour remettre la nouvelle en contexte, en
perspective, de pouvoir avoir des reportages
qui sont plus longs, des spécialistes qui viennent commenter. Donc, les
rendez-vous d'information ont évolué dans le temps.
M. LeBel :
Mais est-ce que c'est toujours conforme à votre licence d'y aller par l'écrit
ou ça reste... C'est parce que plusieurs m'ont posé la question.
M. Bissonnette
(Michel) : C'est-à-dire que notre licence n'est pas par plateforme. Notre mandat, c'est d'informer,
éclairer et divertir les Canadiens. Puis,
dans notre rôle d'information, c'est intrinsèque qu'on doit être présent sur le
numérique parce qu'il y a une clientèle de
plus en plus grande qui consomme pour le numérique, au même titre que Tou.tv
n'existait pas voilà quelques années, et maintenant on offre nos émissions de
télévision en rattrapage ou en primeur sur une plateforme numérique.
M. LeBel : Merci.
La Présidente (Mme Nichols) :
Mme la députée de Marie-Victorin, pour deux minutes.
Mme Fournier :
Merci beaucoup à vous quatre pour votre présentation. Je salue sincèrement
toutes vos démarches pour cultiver une meilleure confiance dans la
population. Je crois que c'est vraiment fondamental, voire essentiel.
Cela dit, j'ai
quand même une question, parce que vous parliez beaucoup d'indépendance des
médias. Mais est-ce que la mission
même de Radio-Canada, qui a été fixée en 1991 par une loi du gouvernement
canadien et qui vous demande notamment,
explicitement, dans la mission, de contribuer au partage d'une conscience et
d'une identité nationale canadiennes, on
s'entend... n'entre-t-il pas en contradiction, du moins dans la perception,
envers le principe d'indépendance politique des médias?
M. Bissonnette
(Michel) : Non, aucunement, parce que, sincèrement, il y a une
différence fondamentale entre le mandat
au sens large et le rôle que l'information vient jouer dans ça. Il y a un mur
de Chine qui est haut comme ce n'est pas
possible et qui est épais comme ce n'est pas possible entre le gouvernement et
la salle de rédaction, entre la direction de l'entreprise et la salle de rédaction. Et, je le dis souvent à la
blague, si je demande quelque chose, ça va être assez pour que ça ne se fasse pas.
Donc, c'est vraiment important qu'il y ait cette autonomie-là, et c'est ma plus
grande fierté, ça, d'avoir une salle avec des journalistes qui sont
autonomes et indépendants.
Ceci étant
dit, notre mandat, c'est de pouvoir s'assurer de refléter la culture
canadienne. Donc, notre programmation, quand
on arrive en heure de grande écoute, comme en journée, est composée à
99,5 % de contenu canadien. Les émissions qu'on produit en radio sont 100 % produites au Canada également.
Donc, on reflète la culture canadienne puis, dans certains cas, en tout cas, au Québec, la culture québécoise
par les productions qu'on fait, parce que c'est notre mandat, de pouvoir
soutenir le contenu d'ici.
Mme Fournier : Donc, selon
vous, le mandat n'a pas d'influence sur le contenu.
M. Bissonnette (Michel) : Non.
Mme Fournier : O.K. Merci.
La
Présidente (Mme Nichols) : Alors, merci. Je vous remercie pour votre contribution aux travaux de
la commission.
Et la commission suspend ses travaux jusqu'à
14 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 37)
(Reprise à 14 h 04)
La Présidente
(Mme Nichols) : Alors,
voilà, la commission reprend ses travaux afin de poursuivre les auditions
publiques dans le cadre des consultations particulières concernant le mandat
d'initiative portant sur l'avenir des médias d'information. Je demande à toutes
les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs
appareils électroniques.
Et cet
après-midi nous entendrons Urbania, Monquartier,
Mme Rhonda Massad, M. Alain Saulnier et Mme Dominique
Payette.
Alors, je
souhaite la bienvenue au premier groupe cet après-midi. Je vous demande de vous présenter, et vous aurez 10 minutes
pour la présentation de votre mémoire.
Urbania
M. Lamarre
(Philippe) : Merci. Tout
d'abord, je tiens à remercier la commission de nous avoir invités à
prendre la parole et à répondre à vos questions. C'est un honneur d'avoir cette
tribune et de pouvoir contribuer à la réflexion.
Je suis Philippe Lamarre, fondateur et président d'Urbania, et
je suis accompagné de
Raphaëlle Huysmans, mon associée. Nous sommes à la tête d'un groupe
média né à Montréal en 2003.
Urbania est une entreprise indépendante
québécoise comptant une quarantaine d'employés permanents qui fait travailler un réseau de quelques centaines de
pigistes chaque année. Nous créons et publions du contenu sur le Web à
travers les divers canaux numériques, en imprimé et à la télévision. Notre
modèle est le résultat d'un désir d'innovation et d'expérimentation mais est
aussi né d'un pragmatisme et d'un réalisme par rapport à un secteur et à un
marché en transformation. Nous nous sommes adaptés et diversifiés à mesure
que les modèles ont évolué et se sont multipliés, tant en termes de
distribution des contenus que de leur monétisation.
Notre modèle
d'affaires ressemble en quelque sorte à celui des médias appelés «pure
players», soit un modèle de média
nouveau genre, pour qui le numérique est intrinsèque et qui, dans plusieurs
cas, combine trois branches d'affaires principales :
la création d'une audience propre avec nos canaux propriétaires, la production
audiovisuelle et une agence de contenu
au service des marques. Nous obtenons des revenus de plusieurs sources :
la publicité, les services de création de contenu, les licences de diffuseur télé, des partenariats de services
avec d'autres médias, des ventes de contenu télévisuel à l'international, des crédits d'impôts provinciaux
et fédéraux, des crédits de recherche et développement, des revenus
directs de vente en ligne, etc. Cette
diversification a fait en sorte que nous sommes un des rares groupes médias qui
ait connu une croissance ces dernières années au Québec.
Cela dit, notre modèle repose sur un fragile
équilibre, et d'aucune manière nous ne pouvons prétendre que nous détenons une
recette qui puisse être reproduite ou qui puisse tenir la route des années
durant. C'est une gestion serrée combinée à une astucieuse alchimie entre nos
branches d'affaires qui nous ont permis de tirer notre épingle du jeu.
Ces dernières
années ont été catastrophiques pour les médias. La migration des revenus
publicitaires vers Facebook et
Google, sans compter les changements d'algorithme de ceux-ci, jumelée aux
désabonnements du câble ont fait en sorte que nous sommes entrés dans
une spirale dangereuse qui met en péril l'écosystème média tel que nous le
connaissons.
Le Québec,
protégé par sa langue et son caractère distinct, n'a pas été épargné par cette
vague, mais elle est a été différée
de quelques années. Sans vouloir être alarmiste, je crois qu'il est crucial de
regarder la réalité en face, car ce qui nous attend n'est rien de moins qu'un tsunami. Et, comme cela a toujours
été le cas avec la culture francophone québécoise, le gouvernement a un
rôle central à jouer dans la création d'un écosystème d'entrepreneuriat média
propre au Québec.
Avant
de vous proposer des pistes de solution, je tiens à vous raconter notre
parcours, car celui-ci vous éclairera sur les solutions que nous préconisons. Lors de la création du magazine Urbania
en 2003, nous étions jeunes et sans expérience, car nous ne savions pas
trop dans quoi nous embarquions au point de vue des affaires. S'il est assez
facile de trouver des
idées de thématiques et de sujets pour combler les pages d'un magazine,
l'apprentissage de tout ce qui consiste au métier d'éditeur, soit les ventes publicitaires,
l'impression, la distribution, les ventes d'abonnements, etc., sont rapidement
devenus des enjeux auxquels nous étions
confrontés. Nous avons vite compris que, si nous voulions que ce projet perdure,
il fallait apprendre ce nouveau
métier sur le tas. Nous l'avons fait, parfois à nos dépens, mais nous avons,
par le fait même, inventé un modèle différent de celui dit des médias
traditionnels.
Nous
avons eu la chance, en 2007, de vendre une série documentaire à TV5. C'est
alors qu'un nouveau monde s'est révélé
à nous. Nous avons découvert qu'en télévision un modèle économique différent
régnait. Bien que notre position de producteur
nous laissait un petit peu moins libres que celle d'éditeur, nous avions la
chance de créer du contenu financé grâce à un partenaire qui le distribuait ensuite à ses clients via sa chaîne
câblée. Le diffuseur en question nous versait une licence qui était par la suite bonifiée grâce aux crédits
d'impôt et aux investissements du Fonds des médias du Canada. De plus,
nous nous sommes rendu compte qu'il existait
des fonds privés, tels que le Fonds Bell ou Québecor, qui offraient des
subventions pour la création de sites Web
accompagnant les émissions de télévision dans le but d'innover et de développer
l'offre de contenu canadien sur le
Web. Pour nous, ça a été une révélation. Nous avons découvert un écosystème qui
nous permettait de financer nos activités de création de contenu tout en
faisant vivre la marque Urbania.
Je dirais que c'est
là que notre système a commencé à prendre forme, tant en ce qui a trait au
développement multiplateforme de la marque Urbania
qu'au plan du modèle d'affaires média, où le magazine et le site Web devenaient
des vecteurs de promotion de nos émissions
de télé, ce qui est alléchant pour un partenaire diffuseur, et, inversement,
les émissions de télé devenaient des opportunités d'élargir l'offre de
services de notre agence de création.
Bien
des magazines sont nés et disparus depuis 2003, mais notre capacité à bâtir une
marque et un auditoire de façon multiplateforme nous a permis d'émerger
et de ne pas dépendre uniquement des revenus publicitaires, de kiosque ou d'abonnement. Nous avons réussi à nous développer
au fil des années parce que nous avons misé sur la force de la marque et
du contenu Urbania, tout en gagnant
de l'argent avec nos services de création ainsi qu'avec la production
audiovisuelle qui combine argent privé et soutien de l'État.
Contrairement
aux médias traditionnels, qui ont connu des années de vaches grasses, où la
publicité générait des sommes
faramineuses, nous avons dû être inventifs, agiles et stratégiques dans notre
développement. Ces qualités ont fait en sorte qu'au lieu de générer de la décroissance nous avons investi de
nouveaux marchés et développé de nouvelles expertises afin de survivre,
gagner notre vie et financer notre croissance.
Aujourd'hui,
l'existence même de cette commission illustre combien les temps ont changé et
combien il est temps que le gouvernement agisse et prenne ses
responsabilités dans l'établissement d'un nouvel écosystème. La commission s'intitule «avenir des médias d'information», et
loin de moi le désir de tracer la ligne entre médias dits d'information
et de divertissement. Je crois que, à l'heure
qu'il est, l'important est de définir le rôle que l'État québécois désire jouer
dans la régénération d'un écosystème média tout court.
Les médias d'information québécois au Québec sont
rares. Quand ils ne font pas partie d'un grand groupe — Bell, Québecor, Cogeco, etc. — ils sont souvent la propriété d'un ou des
passionnés qui les portent à bout de bras. Dans le cas du Devoir,
de La Presse ou de L'Actualité, chacun a ses enjeux propres, mais
qui aurait pu croire, il y a 10 ans, que l'avenir de La Presse ou de L'Actualité
serait compromis ? Il devient évident que c'est le cas, et il est essentiel de
ne pas se poser la question à savoir si mais plutôt comment l'État doit
intervenir.
• (14 h 10) •
L'information
est-elle le seul apanage des médias traditionnels? Je ne le crois pas. La
nouvelle génération ne consomme plus les
médias de la même manière que ses parents, et surtout leurs sources
d'information ne sont plus les mêmes. La
plupart des gens consomment désormais l'information à partir des réseaux sociaux
sur leur téléphone, en fonction des médias
qu'ils suivent ou des suggestions de leurs amis. À l'époque, la consommation
média était d'abord définie par l'accès à ces médias, qu'il s'agisse de distribution papier ou de chaînes télé
ou radio octroyées par le CRTC via de coûteuses licences. Dorénavant, rien ne régit l'accès à quoi que ce
soit. Un jeune qui cherche à s'informer peut le faire à partir d'une
recherche sur Google qui le mènera à une
pléthore de contenus dont la grande majorité n'est ni québécoise ni
francophone. C'est une réalité qui n'est pas près de changer, et je ne
crois pas qu'à court terme il soit possible de renverser cette tendance.
Le
citoyen père de famille que je suis angoisse un peu quand je vois mes enfants
consommer du contenu qui ne leur dit
rien sur qui ils sont ni d'où ils viennent. Qu'il s'agisse de youtubeurs
français ou américains, de séries sur Netflix, l'offre est attrayante. Et, dans un monde numérique où
nous sommes à un clic de tout, il faut se rendre à l'évidence que le
combat est inégal en ce moment, car l'offre
québécoise est rare et presque inexistante sur YouTube, Snapchat ou Netflix.
Sans vouloir paraître fataliste, je crois que, dans deux générations, si
rien n'est fait, la culture québécoise telle qu'on l'a connue va commencer à disparaître brutalement. On ne parle
pas d'une lente agonie mais d'une fin assez abrupte. C'est notre
existence en tant que peuple et nation qui en dépend, rien de moins.
Je
pense qu'il faut fourbir nos armes et combattre l'offre par l'offre. Si on veut
un Québec doté de médias forts et diversifiés,
il faut un écosystème qui survit et prospère économiquement. De la même manière
qu'à un moment de l'histoire nous
avons collectivement décidé de nous doter d'une télé et d'une radio publiques,
qu'a été créé le Fonds des médias du Canada
ou la SODEC, il faut maintenant passer à l'ère numérique et créer un levier de
financement pour le contenu québécois au
sens large. Nous pouvons restreindre le programme aux médias d'information,
mais, à mon avis, cela consisterait à soigner le canari alors que la
mine s'apprête à exploser.
Ce
dont on a besoin, c'est d'une véritable volonté politique. L'urgence actuelle
ne consiste pas seulement à sauver de la faillite des organisations qui
n'ont pas eu le courage ou la volonté de se transformer suffisamment rapidement
pour s'adapter à une nouvelle réalité. Soit,
on peut exiger que le gouvernement, dans le cadre de ses investissements
publicitaires, encourage d'abord les médias
d'ici. C'est un début, c'est facile à implanter et ça donne l'exemple. Il en va
de même avec les crédits d'impôt à la
transformation numérique. C'est bien, mais je crois que c'est un pansement sur
une hémorragie. Si on veut réellement renverser le cours des choses, il
faut un cadre et des objectifs plus ambitieux.
Au
Canada, le CRTC protège de la concurrence étrangère les compagnies de
télécommunications à propriété canadienne.
En échange de cette protection, le fameux «walled garden», tel qu'on l'appelle
en anglais, les entreprises offrant des services de câblodistribution
versent au Fonds des médias du Canada une contribution servant à financer le
contenu télévisuel conçu et fabriqué ici.
C'est un système qui a fait ses preuves, mais aujourd'hui les gens se
désabonnent du câble, et les revenus vont s'amenuiser. L'industrie
télévisuelle a commencé à sentir les contrecoups de cette situation, et cette
tendance ne sera pas renversée.
À l'ère numérique, où
tout le contenu transite par les mêmes tuyaux, il apparaît évident qu'il faut
élargir les contributions des entreprises de
télécommunications non seulement à la câblodistribution, mais également aux
services de téléphonie mobile et de
services Internet. Cette piste est évoquée depuis belle lurette au Canada, mais
le lobbying des grands groupes de
télécommunications, jumelé à un manque de courage politique au niveau fédéral,
ont fait en sorte que nous sommes pris dans un système en décroissance,
sans réelle vision d'avenir.
L'argument
principal qu'utilisent les Bell, Vidéotron ou Rogers quand ils dénoncent la
réglementation canadienne, c'est que
la concurrence est désormais mondiale et qu'à ce titre les contraindre à une
contribution obligatoire alors que leurs concurrents que sont les Netflix et Spotify de ce monde n'y sont pas
tenus fait en sorte que les règles du jeu ne sont pas les mêmes pour tous et qu'ils sont par conséquent
désavantagés. Quand on évoque une augmentation de leur contribution, ils
répondent qu'au final la facture sera refilée aux consommateurs et que ça
devient une taxe déguisée.
Dans
ce contexte, comment le gouvernement québécois pourrait-il prendre une position
de tête et mettre en place un système
qui puisse donner un souffle au contenu et médias québécois? Un changement
législatif est difficile à envisager, car
c'est le CRTC qui légifère, et il s'agit d'un champ de compétence fédéral. Je
crois qu'il faut plutôt miser sur une volonté politique forte et
affirmée, comme ce fut le cas avec le précédent gouvernement et l'imposition de
la TVQ aux services Internet provenant de
l'étranger. La population s'est indignée du fait que Netflix ne récoltait pas
de taxe de vente. Le ministre Leitão a alors pris la balle au bond et
décidé de faire passer une loi en ce sens, loi à laquelle la majorité des
acteurs numériques s'est conformée.
Dans l'optique d'imposer des règles du jeu
uniformes à tous sans désavantager nos entreprises de télécommunications
par rapport aux joueurs étrangers, pourquoi
ne pas simplement additionner les montants de TVQ à percevoir sur les
services numériques? Et par services
numériques, j'inclus la câblodistribution, l'accès Internet, la téléphonie
mobile mais aussi les abonnements à
Netflix, Spotify, Apple Music, la publicité sur Facebook ou Google. Bref,
évaluer la somme totale de TVQ que
cela représente et d'ensuite déterminer le pourcentage de cette somme qui, au
lieu d'être versé dans le fonds consolidé du revenu du Québec, servirait
à la création d'un fonds des médias du Québec et reverserait l'argent aux
créateurs de contenus québécois.
La Présidente
(Mme Nichols) : En conclusion.
M. Lamarre (Philippe) : Ainsi, tous les services, qu'ils soient locaux ou
étrangers, cotiseraient indirectement via la TVQ perçue sur leurs services et, par conséquent, contribueraient au
nouveau fonds. Plus personne ne pourrait prétendre que les règles du jeu
ne sont pas les mêmes pour tout le monde.
La Présidente
(Mme Nichols) : Je vous remercie de votre exposé. Je comprends
que vous en avez beaucoup à dire, mais...
M. Lamarre (Philippe) : J'avais juste, là, deux paragraphes de plus, mais
c'est beau, je le dirai dans les questions.
La
Présidente (Mme Nichols) : Bien, en fait, la période d'échange va
vous permettre, probablement, de compléter votre exposé.
M. Lamarre
(Philippe) : Merci.
La Présidente
(Mme Nichols) : Donc, la parole est au député de Beauce-Sud pour
15 minutes.
M. Poulin :
Pour deux paragraphes, monsieur, je vais vous laisser compléter.
M. Lamarre (Philippe) : Bien, écoutez, je vais terminer avec un seul paragraphe,
puis je pense que c'est lui qui nécessite une vision d'ensemble.
M. Poulin :
Pas de problème.
M. Lamarre (Philippe) : Le Québec a été ambitieux par le passé, qu'il
s'agisse de la nationalisation de l'électricité ou de la loi 101. Il faut parfois prendre des grandes décisions qui
seront déterminantes pour notre avenir politique, économique et
identitaire, et je crois que la situation actuelle requiert ce niveau
d'ambition.
M. Poulin :
Ça a valu la peine, hein?
M. Lamarre (Philippe) :
Voilà.
M. Poulin : Merci,
M. Lamarre, Mme Raphaëlle, qui vous a accompagné, très intéressant.
Bien entendu, on connaît tous et
toutes Urbania, parce que vous avez été, je pense, des leaders, des
précurseurs également dans les informations de niche mais aussi avec des textes percutants, des photos percutantes qui
nous réveillaient collectivement sur plusieurs enjeux. Alors, merci pour
le travail que vous faites.
Peut-être
nous parler, d'entrée de jeu, de votre équipe, parce que ça semble être... on a
le goût de connaître un peu ces gens-là.
Vous êtes combien de personnes? Comment vous travaillez? Comment vous vous
séparez les sujets? J'ai l'impression que c'est beaucoup par intérêts,
par connaissances. Mais juste nous parler un peu de votre équipe, chez Urbania.
M. Lamarre (Philippe) : Bien, la façon que l'équipe est structurée, en
fait, on a notre équipe de contenu qui est au coeur de l'entreprise, en fait, là. Il y a trois branches d'affaires
principales, donc : la production audiovisuelle, une agence de
services, qui est, en fait, notre service publicitaire de contenu de marque, et
une branche qui est spécialisée en...
Mme Huysmans
(Raphaëlle) : Bien, qui est un média qui développe des médias.
M. Lamarre (Philippe) : Exactement. Bien, au sein de l'équipe, justement,
de contenu, on a vraiment des journalistes, on a des designers, on a des développeurs, on a des réalisateurs. Donc,
on a vraiment des gens qui travaillent sur toutes les plateformes, mais en équipe. Il n'y a pas de silo
au sein de l'entreprise, c'est vraiment le contenu qui est au coeur. Puis
ensuite les canaux de distribution, bien, c'est en fonction des plateformes.
Mais
l'équipe de contenu est centralisée, un petit peu de la même façon que les
grands médias, justement... je sais qu'à
Radio-Canada ils ont fait l'effort de centraliser l'équipe de contenu, mais
c'est... mais on est une quarantaine d'employés, avec vraiment des expertises
diversifiées, mais beaucoup, beaucoup de technologie, de contenus.
M. Poulin :
Vous êtes combien de personnes, à peu près?
M. Lamarre
(Philippe) : 40... 42 personnes, oui.
M. Poulin :
42 personnes. O.K., parfait. Vous avez mis des éléments fort intéressants dans
votre mémoire. Vous dites :
«Notre auditoire est principalement constitué de jeunes entre 25 et 44 ans à
70 %...» Vous avez fait un témoignage fort important sur l'importance que nos jeunes consomment la culture québécoise.
C'est un vecteur d'identité, on le sait tous. Puis on a un grand défi,
au Québec, de mieux positionner nos émissions de télévision, mieux positionner
notre information également.
Alors,
vous, vous réussissez à rejoindre les jeunes, d'ailleurs votre cible, 25-34 ans
à 44 %. Vous dites que vous rejoignez mensuellement, à travers vos
divers canaux, 1,8 million de gens, en grande majorité au Québec, donc
c'est énorme. Et vous nous dites — et la phrase, je la trouve fort
intéressante — vous
dites : «Nous avons bâti ces auditoires principalement
grâce aux réseaux sociaux...» Et on parle beaucoup des GAFA, à juste titre, où
on devra trouver des mesures d'atténuation,
et ça, je pense qu'on en est tous. Mais de quelle façon on se doit d'avoir
cette relation-là avec les réseaux sociaux, qui, j'ai l'impression, est un peu une relation amour-haine, dans le
sens où elle nous sert, elle nous permet de rejoindre un auditoire qui, par la suite, vient sur nos
plateformes? Alors, de quelle façon, vous, vous avez réussi à conjuguer tout
ça et à faire en sorte que les réseaux sociaux soient des partenaires, non pas
seulement des gens qui vous mettent les bâtons dans les roues?
M. Lamarre (Philippe) : Bien, tout d'abord, les réseaux sociaux, il y a
un aspect générationnel à tout ça. Nous, on est nés en 2003, Facebook est arrivé autour de 2006, 2007. C'est certain
que notre auditoire... Nous, on faisait un magazine papier qu'on distribuait avec des camions aux
quatre coins du Québec et à travers le Canada. On faisait des émissions
de télé sur le câble qui étaient regardées
par des gens de 45-50 ans. Et, quand les réseaux sociaux sont arrivés, c'est
comme si on avait accès à un réseau de
distribution extrêmement puissant qui rejoignait les auditoires qu'on
souhaitait cibler, alors que, quand
on travaillait dans le contexte traditionnel de distribution, bien, notre
auditoire était beaucoup plus vieux, alors que le contenu qu'on faisait s'adressait à un auditoire plus jeune. Et c'est
toujours un petit peu paradoxal, justement, d'être une marque comme Urbania, qui prétend parler
aux jeunes, puis, quand on regarde les moyennes d'âge de gens qui
regardent les émissions de télé qu'on
produit, il y a un énorme décalage. Mais ça, c'est une question de plateforme,
de distribution.
Donc,
pour nous, on a vu les réseaux sociaux comme des camions de livraison, en fait,
vraiment de cette façon-là, comme un
réseau de distribution. Puis c'est comme ça qu'on le voit aujourd'hui, même à
travers le modèle publicitaire. Nous, la
publicité traditionnelle, on n'en a jamais bénéficié de la même façon que les
médias traditionnels. Donc, nous, ce qu'on fait, c'est qu'on crée du contenu, en partenariat avec des marques qu'on
distribue ensuite sur les réseaux sociaux. Donc, nous, on a comme pris
le problème à l'envers, on s'est servi de ce qu'il y avait de fort chez les
réseaux sociaux. Au lieu de se plaindre
qu'ils venaient nous voler nos revenus, bien, on a développé une expertise à
distribuer le contenu à travers les réseaux sociaux puis on facture les
marques pour cette distribution-là.
Mme Huysmans
(Raphaëlle) : Mais le problème, c'est quand même que, ce réseau de
distribution là, on ne le contrôle pas. Eux peuvent changer leurs
algorithmes et diminuer drastiquement...
M. Lamarre
(Philippe) : Oui, puis on l'a vu.
• (14 h 20) •
Mme Huysmans
(Raphaëlle) : ...exactement, le trafic qu'on peut avoir sur une autre
plateforme. Puis c'est là où il faut
se créer une certaine forme d'indépendance dans nos réseaux de distribution,
que ce soit via une infolettre, par exemple, ou, encore une fois, notre
magazine imprimé qui subsiste.
M. Lamarre
(Philippe) : Puis il y a un
autre aspect aussi par rapport, justement, aux Facebook de ce monde.
C'est certain que c'est des entreprises qui,
quand ils voient le Canada comme marché, ils ne voient pas le Canada et le
Québec. Tu sais, eux, ils ont mis quelqu'un
en charge des médias à Toronto, qui est un unilingue anglophone, qui fait les
partenariats médias puis qui répond à un
e-mail sur deux. Ça fait que c'est certain que notre relation avec les
médias... quand on compare en France ou aux États-Unis, disons que la
relation n'est pas très collaborative.
M.
Poulin : Je pense que la commission devra s'adresser également au fait...
de la façon dont on livre l'information et comment on peut rejoindre les jeunes davantage. Je crois à des
possibilités d'amener les médias québécois à plus rejoindre nos jeunes au-delà du numérique mais également
dans la livraison des nouvelles. On a vu même les bulletins de nouvelles
télévisés changer de formule plusieurs fois
pour rejoindre les gens. À un moment donné, on lisait les nouvelles avec
un ton très neutre, très calme, on a voulu
rendre ça plus accessible, on a voulu aller sur le terrain. Il y a eu plus
d'éditoriaux, plus de commentateurs qui entraient dans les bulletins de
nouvelles dans les cinq premières minutes.
Vous, si les
jeunes sont autant au rendez-vous, selon vos chiffres, c'est quoi qu'ils aiment
chez vous? Est-ce que c'est le franc-parler de la livraison de la
nouvelle, la photo, le sujet, le texte? Parce que vous dites : Je ne veux
pas délimiter qu'est-ce qui est de l'information ou qu'est-ce qui est du
divertissement. Des fois, le divertissement est souvent et de l'information
également, puis l'information peut être aussi très divertissante.
Alors, ma question est simple : Qu'est-ce
que les jeunes aiment tant chez vous, puis qu'est-ce que les médias devraient faire pour les rejoindre davantage?
Au-delà de juste parler du numérique, est-ce que c'est également dans la
livraison de l'information qu'on a un devoir à faire au Québec?
M. Lamarre
(Philippe) : Bien, c'est
sûr, je pense, que c'est un ensemble de facteurs. Je ne pourrais pas pointer
un seul aspect qui fait en sorte que ça
fonctionne, mais je pense que le fait que, premièrement, ce soient des
personnes de leur âge qui leur parlent, ça aide beaucoup, parce que
c'est des préoccupations que la nouvelle génération a.
La forme, la
forme aide beaucoup, c'est certain. Moi, j'ai un passé de designer graphique.
La forme a toujours fait partie de l'identité d'Urbania. Donc, de
penser... Tu sais, pour nous, la forme, c'est du contenu aussi. «The medium is
the message.» C'est vraiment une question de penser autant au fond qu'à la
forme et puis de penser à des réseaux de distribution,
justement, qui vont rejoindre les gens là où ils sont. Que ce soit Instagram,
Facebook, ou peu importe, ou un journal
imprimé, bien, il faut le faire puis aller rejoindre les gens, le distribuer là
où les gens sont. Ça fait que c'est un ensemble de facteurs auxquels il
faut penser.
Puis c'est
certain que, quand on a été habitués, comme les médias traditionnels, à avoir
les gros canaux de distribution, bien,
de se mettre à mettre plein d'efforts sur plein de petits canaux de niche,
justement, bien, c'est une révolution qui est difficile. Pour nous, on est nés dans cet univers-là, ça fait que c'est
comme ça qu'on a grandi. C'est pour ça qu'une marque comme nous est en
croissance, puis on est en train d'investir tous ces canaux-là. Mais, pour les
traditionnels, de se transformer puis de devenir une espèce de tentacule
multiple, c'est vraiment tout un défi.
M. Poulin :
Parce qu'on est beaucoup dans la réflexion sur la distribution, sur le
numérique, sur la transition, sur la façon
dont on rejoint les gens, mais on peut avoir le meilleur canal de distribution
puis être inintéressant pour bien du monde aussi. Alors, il y a ce devoir-là d'être innovateur dans la façon dont
on livre la nouvelle, dont on livre l'information aussi.
M. Lamarre (Philippe) : Et
d'être intéressant aussi.
M. Poulin : Et d'être
intéressant et passionnant.
M. Lamarre (Philippe) : Mais
ça, ce n'est pas donné à tout le monde.
M. Poulin : Ça, vous avez
raison. Je vous remercie. Je vais céder la parole à un de mes collègues.
La Présidente (Mme Nichols) :
La parole est au député de Saint-Jean.
M. Lemieux : Merci, Mme
la Présidente. M. Lamarre, ça va
nous prendre plus que le huit minutes qu'il me reste pour qu'on règle, vous et moi, une fois pour
toutes, culture, information, nouvelle, marketing de contenu,
divertissement, mais on ne fera pas ça là.
Ce que je veux, c'est que vous m'expliquiez davantage ce que vous annoncez
dans votre mémoire, que je voudrais
être capable de comprendre, par
rapport au tsunami. J'ai bien compris
la mécanique au Québec, qu'on est une société un petit peu distincte et qu'on a une période de retenue un
petit peu plus longue qu'ailleurs dans les modes, puis tout ça, mais, quand ça nous arrive, ça nous frappe d'aplomb.
Si j'ai bien compris, le tsunami, c'est ça. Mais c'est quoi, la... pas
la mécanique, mais le processus qui fait en
sorte que ce tsunami-là nous arrive dessus, puis on ne le voit pas parce qu'on pense qu'on vient de subir le
pire déjà, nous autres, là?
M. Lamarre
(Philippe) : Bien, en fait, il y a
le tsunami économique, on le sait, là, je pense que tout le monde qui est passé ici vous a parlé des enjeux des revenus publicitaires. Ça, ça
a été extrêmement rapide, là. Une chute des revenus publicitaires,
annuellement, c'est 10 % à 15 % qui disparaît, puis on sait où ça
s'en va. Ça fait que ce tsunami-là, en fait, c'est que les entreprises ont des trésors de guerre accumulés, puis à un
moment donné ils s'épuisent, puis à un moment donné tu tombes en déficit, et puis tu ne survis pas. Ça
fait que ça, c'est... On l'a vu, Capitales Médias, c'est le premier à
vivre ça. Mais c'est certain que c'est un
effet systémique, là, tout ça se transmet chez tous les acteurs. Ils le vivent
tous s'ils ne se renouvellent pas ou on ne trouve pas des façons.
Puis, quand
j'ai nommé l'exemple, justement, que nous, on s'est mis à produire de la télé,
bien, l'exemple, justement, d'un soutien sous forme de crédit d'impôt et d'un
fonds d'investissement, pour moi, c'est une façon d'atténuer cette
frappe-là qu'on vit. Tu sais, la
télévision a connu une espèce d'essor au Québec grâce au soutien. S'il
n'y avait pas eu de soutien de l'État,
il y aurait deux postes de télé au Québec, puis je pense que ce serait tout. Donc, le tsunami, je pense qu'il est partout. Il est international, il est mondial, là. Ce n'est
vraiment pas quelque
chose qui est spécifique à nous.
C'est juste que, nous, il arrive, on dirait, deux, trois ans après tout
le monde.
Mais après
ça, moi, l'autre fracture qui me fait peur, puis ça, c'est un tsunami plus
identitaire, c'est vraiment par
rapport à la... Tu sais, on regarde la consommation des médias télévisuels, par exemple, après 35 ans, les gens ne s'abonnent plus au câble, ne regardent plus la télévision comme nous, on l'a
regardée. Et là, ça, ça a un effet extrêmement abrupt, dans le sens que, si on n'a pas grandi en regardant des émissions comme Passe-Partout,
puis on n'a pas grandi avec la culture québécoise, puis en lisant La Presse, puis en s'abreuvant de médias qui nous ressemblent, bien, on consomme
des contenus qui sont disponibles sur YouTube, et en général c'est des
contenus américains ou français.
Donc, quand
je dis qu'il faut combattre l'offre par l'offre, il faut être présents. Puis,
si on veut être présents, bien, je
pense qu'il faut que l'État ait un rôle à jouer pour soutenir les compagnies,
les créateurs puis créer des nouvelles entreprises qui vont vraiment
occuper cet espace-là qui, en ce moment, est assez laissé aux autres.
M. Lemieux : Et ça nous amène à
ce débat dont je parlais où, entre autres, ils ne sont pas en opposition,
culture et information, mais vous faites...
et c'est éloquent de le dire comme ça, vous dites que vous êtes en train de vous
intéresser à l'information. Mais, quand vous
allez avoir... pas réussi, mais quand vous allez être rendus là, peut-être
qu'il n'y en aura plus, de culture à
défendre, dans le fond. Il y a une espèce de fossé, là, qui nous attend, que
vous dites. Alors, c'est bien beau, l'information,
mais il y a tout le reste. Mais ça, ça colore le reste de votre vision, parce
que, pour vous, marketing de contenu contre
une marque... nouvelles, divertissement, c'est tout ensemble, c'est à prendre
ou à laisser tout ensemble, parce que sinon on va tout perdre.
M. Lamarre
(Philippe) : Bien, ça, c'est
une question de modèle d'affaires. Ça, ce n'est pas tant qu'on mélange
tout. Nous, l'approche qu'on a, c'est que la
publicité traditionnelle, comme les prix ont extrêmement chuté, on ne met pas
nos efforts à développer ce créneau-là, car
c'est un créneau qui est en train de disparaître. On met nos efforts à faire du
marketing de contenu pour des marques, donc
c'est du contenu commandité. Les marques viennent nous voir pour intéresser un
auditoire, et, nous, ce qu'on leur dit,
c'est que nous, on sait parler à ces auditoires-là, on sait s'adresser à eux de
façon intelligente, donc laissez-nous
le faire et donnez-nous des sous pour les rejoindre, puis on va trouver des
valeurs qu'on a en commun avec vous pour
les communiquer à travers tout ça. Mais ce n'est pas... Puis c'est toujours de
façon très transparente. Il n'y a pas de jeu caché derrière tout ça. On n'est pas dans des publireportages déguisés.
Mais, nous, c'est notre façon de réinventer le modèle d'affaires des
médias, puis on le fait de façon très transparente, puis on le fait sans rien
cacher à personne. Donc, c'est vraiment... c'est une question de survie puis
d'essayer d'exister dans le modèle actuel.
M. Lemieux : Et, pour vous, ça
fonctionne, et c'est tant mieux. Félicitations! Mais pour le droit...
M. Lamarre
(Philippe) : Mais le New
York Times le fait, le Gardian le fait, La Presse
le fait. Tous les grands médias ont
développé des services de création de contenu sur mesure dans les dernières
années. C'est devenu la façon de répondre à la chute des revenus
publicitaires, et ça fonctionne, il y a un appétit pour ça.
M. Lemieux : Mais notre
préoccupation est, si on parle d'un plan d'aide, éventuellement, et, avec un
peu de chance, ce sera un plan d'aide universel et pérenne pour tout le
monde — universel,
évidemment, c'est pour tout le monde — c'est à cause du droit du public à
l'information. On peut convenir ensemble — puis on peut régler ça avec une
bière — que
le droit de se divertir, c'est bon aussi, puis le droit à la culture, c'est
parfait. Mais ce qui nous amène ici aujourd'hui,
c'est le droit du public à l'information. Et le modèle dont vous parlez, il est
difficilement — vous
l'avez dit dès le début, d'ailleurs — transférable à ceux qui ont
le problème que vous avez contourné, vous, là, en information.
M. Lamarre
(Philippe) : Bien, c'est la
question que vous avez à vous poser. Est-ce que vous voulez seulement
lancer des bouées de sauvetage à des gens en train de se noyer ou vous voulez
propulser d'autres joueurs vers l'avenir? C'est ça, la question.
C'est parce
que moi, je pense qu'il faut faire les deux en même temps. Je pense qu'on
peut... Si on concentre toutes nos
énergies à essayer d'atténuer la chute des géants, ça va être beaucoup
d'énergie, ça va être beaucoup d'argent investi, mais on va se reposer la même question dans trois ans
ou dans cinq ans parce que, là, ils vont encore dégringoler d'un autre
étage, puis là il va falloir encore envoyer
de l'argent. Moi, je pense... puis c'est pour ça que, dans les mesures à
prendre, je pense que les crédits d'impôt sont une façon d'aider,
justement, ces joueurs-là qui ont des grosses salles de presse avec beaucoup d'employés, d'atténuer leurs frais fixes puis de
revenir peut-être à un équilibre budgétaire. Moi, je pense, c'est la partie
de mon mémoire où je suis plus en mode
offensif. Tu sais, pour moi, les crédits d'impôt, c'est défensif. La partie
offensive, c'est de créer un fonds
des médias québécois. Donc, c'est d'investir dans des projets, des entreprises
qui ont une vision vers l'avenir, qui sont porteurs, qui ont un potentiel
d'exportation ou d'aller séduire des nouveaux auditoires dans les nouvelles
plateformes. Et là, ça, c'est une vision
d'avenir, puis une vision qui doit être ambitieuse, puis qui doit correspondre
à l'espèce de vision qu'on a pour la société québécoise des 20, 30, 50
prochaines années.
M. Lemieux :
Radio-Canada était assise là où vous êtes il y a à peine deux heures, ils nous
disaient : Si vous donnez de
l'aide à quelqu'un — on
parlait d'information, là — il faut que ce soit en fonction de paramètres de
professionnalisme journalistique minimum, là, quelque part, là, tu sais. On est
loin du marketing de contenu, là.
• (14 h 30) •
M. Lamarre
(Philippe) : Bien, écoutez,
ça, c'est certain... Oui, tu sais, il peut y avoir un débat là-dessus, je
pense que c'est essentiel. Je pense que le
lien avec le Conseil de presse est nécessaire. Mais je pense que, dans une
entreprise à soutenir, il n'y a pas
que le journalisme, je pense — puis j'ai vu le témoignage des gens de La Presse
aussi — c'est
un ensemble. Une entreprise média, là,
justement, c'est des développeurs technologiques, c'est des journalistes, des
designers. Il y a un ensemble de corps de métier qui sont autour, en périphérie
de la profession journalistique. Donc, c'est ça.
Mais je pense
que, oui, il y a des critères à
mettre en place, mais je ne pense pas qu'en ce moment il faut essayer d'être plus catholique que le pape. Il faut
essayer de voir l'ensemble du système, puis c'est pour ça que je dis d'élargir
un petit peu le champ de vision sur
l'ensemble des contenus québécois dans le monde numérique, parce que, si on se
concentre sur l'information, écoutez,
dans trois ans, là, vous allez faire une autre commission sur les enjeux
culturels de contenu, puis ça va être
les mêmes débats, puis ça va être les mêmes enjeux, puis il n'y aura
pas eu de vision d'ensemble. Je
pense qu'en ce moment c'est le
temps de mettre une vision d'ensemble en place.
La Présidente (Mme Nichols) :
Merci. Nous poursuivons les échanges avec la députée de Verdun.
Mme Melançon : Alors, bonjour. Merci beaucoup d'être avec
nous. M. Lamarre, Philippe, je connais plutôt bien ce que vous créez,
ce que vous faites. Moi, où je suis très interpelée par ce que vous dites,
c'est probablement... puis là je vais le dire, puis je ne veux pas faire dans les âges, ou quoi que ce
soit, mais j'ai des enfants qui ont à
peu près le même âge que les vôtres, et, quand je regarde ma fille
aller sur TikTok, parce que c'est ça, la réalité maintenant,
là, j'ai beau essayer de la brancher
uniquement sur Télé-Québec, là, puis essayer de lui donner... mais ils s'en
vont sur ces plateformes-là, et c'est vrai
que c'est inquiétant. Puis de savoir... on ne sait plus trop à qui puis à quoi ça va
appartenir, à un moment donné.
Puis c'est vrai que c'est l'identité pure et simple. Là-dessus, je suis totalement
d'accord avec vous.
En page 7,
vous écrivez : Ce n'est pas si, mais c'est comment on va aider. Donc, pour
vous, je pense que c'est très, très clair qu'il doit y
avoir de l'aide étatique.
M. Lamarre
(Philippe) : De l'aide
étatique sous forme de crédits d'impôt et sous forme d'un fonds; pour moi,
une formule défensive et une formule offensive.
Mme Melançon : Oui, tout
à fait, et ça, j'ai bien saisi. Bon,
sur le fonds, moi, j'en parle depuis à
peu près un an, là, de dire : Oui, ça prend un fonds dédié,
un fonds dédié pour la culture, parce que tout est une histoire de contenu.
Et, dans une autre vie, lorsque j'étais à la
SODEC, on a déjà eu cette discussion-là ensemble, je me rappelle très bien,
dans la grande salle, où on se
disait : C'est parce que, là, ce n'est plus le contenant, c'est le contenu
et c'est là-dessus où on doit miser. Alors, je suis persuadée
qu'on doit aller sur le contenu.
Là, on parle
plus de médias, on essaie de... on va essayer de ramener... parce que le député
de Saint-Jean a quand même dit vrai, lorsqu'on... on veut parler plus des
médias, actuellement, là, puis on pourra élargir, à un autre moment
donné, mais je pense qu'on ne doit pas
perdre de vue, quand même, l'idée de dire qu'une ne va pas sans l'autre puis
qu'on parle d'identité pure et simple. Alors, je tenais à le souligner.
Il y a
un passage, que j'essayais de trouver dans les derniers instants, où vous
faites la part aussi entre le payeur... le contribuable et le
consommateur, hein, vous faites la distinction...
M. Lamarre (Philippe) : Oui.
C'est un des paragraphes que je n'ai pas eu le temps de lire, mais, bon.
Mme Melançon : Bien, j'aimerais ça si on pouvait prendre quelques
instants, parce que, bien sûr, on parle du droit à l'information, on est
là-dedans, mais je pense que c'est important. Si vous pouvez peut-être juste
nous ramener...
M. Lamarre
(Philippe) : Bien, juste...
la nuance que je faisais, en fait, c'est par rapport, justement,
aux cotisations qui sont faites au
Fonds des médias. Au fédéral, justement, les entreprises de câblodistribution sont obligées de verser
un pourcentage de leurs revenus bruts. Et, dans le cas ici, justement,
l'idée d'utiliser les montants recueillis en TVQ, bien, pour moi, ce n'est pas une façon de taxer le citoyen,
c'est une façon de taxer le consommateur. Donc, si on utilise les
services de Netflix ou de Spotify, choses
que les citoyens ont droit, bien, au moins, la partie de taxe de vente qui est prélevée sur ces services-là, bien, va être réinvestie
en culture.
Puis après ça moi, je ne suis pas à votre place
pour faire les détails des règles, mais, à mon avis, on devrait surpondérer quand c'est des services étrangers.
Donc, on devrait faire en sorte que les services étrangers... Un petit peu comme en France, quand les films américains en salle versent une cotisation
pour la création du cinéma français, bien, je trouve que c'est un petit
peu la même chose ici. Donc, c'est de surpondérer la taxe prélevée sur les
services étrangers, et qui serve vraiment entièrement, peut-être à 100 %,
à créer du contenu local, tandis que, quand on... la TVQ qui est perçue sur
les services de télécommunications, sur les
services de Vidéotron, Illico, etc., bien, peut-être que, dans ce cas-là, on
est à 80 % ou
60 %. Mais c'est de trouver une espèce de système qui fait en sorte,
justement, que les services étrangers viennent vraiment contribuer au système.
Mme Melançon :
Pour aller dans le même sens... et là je suis totalement d'accord, parce qu'il
faut bien expliquer aux gens de la
commission, c'est sur la valeur. On a l'impression, et là on l'a beaucoup
entendu dans les derniers jours, que faire
de l'information, bien, c'est gratuit, ça ne coûte rien parce que les gens
n'ont pas besoin de payer. Il reste encore, on le disait, là, des... Il y a des «paywalls» pour
certains, il y en a qui n'en ont pas, il y en a qui sont dans la gratuité, les
hebdos, par exemple. C'est comme si on avait
perdu... Mais c'est aussi vrai dans l'espace créatif, parce que la musique a
vécu cette même problématique là,
hein? Les gens allaient chercher, allaient télécharger de la musique de façon
illégale. Puis, quand on entre avec Spotify, ce n'est pas la valeur de
ce que ça coûte, finalement, puis... Donc, tout est une question de valeur,
est-ce que je fais erreur?
M. Lamarre
(Philippe) : Oui, mais ça,
c'est vraiment quelque chose sur lequel on n'a pas de contrôle parce
que ça, c'est quelque chose que,
justement... En ce moment, Netflix a décidé que la valeur du contenu vidéo,
c'était 10 $ ou 12 $ par
mois. Est-ce que c'est la vraie valeur des choses? Non. C'est eux
qui ont décidé, puis là tout le monde doit suivre parce que, là... Tou.tv Extra doit
être à 8,99 $, Illico aussi. Ça fait que, tu sais, on ne dicte pas les
prix en ce moment, c'est des joueurs étrangers qui le font.
Mme Melançon : Vous semblez donc être d'accord avec l'idée qu'il
y a iniquité en ce moment, donc on ne joue pas sur le même... comme entrepreneur. Parce que, comme entrepreneur,
chez Urbania, vous ne jouez pas sur le même plan équitable que
pour un géant du Web parce qu'eux ne paient pas de taxes et d'impôts, et vous,
oui.
M. Lamarre
(Philippe) : Bien, c'est
sûr. Moi, dans ce cas-là, je trouve que ça relève de la fiscalité. C'est
justement... pour moi, ce n'est pas tant
d'où aller chercher l'argent qui m'importe, c'est qu'est-ce qu'on va faire une
fois qu'on prend la décision de faire
un geste. Après ça, c'est au gouvernement de choisir ses combats. Moi, je suggère que ce
soit sur la TVQ perçue sur les
services étrangers et les services où transitent la culture et l'information
sur le Web. Après ça, c'est sûr que moi, je suis d'accord... Et c'est certain que les GAFA, dans les prochains
10 ans, c'est eux qui vont vivre la réglementation la plus sévère,
là, mais ça, c'est au gouvernement puis à tout le monde de se prendre en main
puis de réagir.
Mme Melançon : Et, malgré le
fait que votre entreprise ait vu le jour...
M. Lamarre (Philippe) : 2003.
Mme Melançon : ...2003, j'imagine que... Parce que
vous êtes tout jeunes, là, mais, quand
même, ça fait, on va le dire,
là, 16 ans, c'est assez formidable. Il y a urgence, pour une jeune
compagnie comme la vôtre, quand même d'agir, actuellement?
M. Lamarre
(Philippe) : Ah! bien, écoutez,
on n'est pas en danger d'extinction, mais c'est certain que, chaque
année, c'est... puis c'est Raphaëlle, la
gestionnaire d'entreprise, c'est vraiment une gestion serrée de l'entreprise
qui fait en sorte qu'on est passés à
travers toutes ces années-là, tu sais. Tu sais, on ne se paie pas des salaires
de millionnaires, on vit sobrement, mais
on est libres, et on fait ce qu'on a envie, puis on est un vrai média
indépendant qui dit ce qu'il veut. Puis nous, nos journalistes sont libres d'écrire sur ce qu'ils
veulent, on n'intervient pas, puis il
y a une liberté, puis, je pense,
c'est ça que les gens apprécient de notre contenu.
Donc,
l'aspect économique derrière tout ça, c'est certain que ça nous donnerait une
bouffée puis une erre d'aller pour faire
encore mieux, embaucher plus de journalistes, faire plus de contenu. Donc,
nous, l'aide, elle servirait à ça. Elle ne servirait pas à nous sortir du trou, elle servirait à nous
propulser puis à convertir la nouvelle génération au fait français, à
connaître notre culture, à s'intéresser à des choses qui leur ressemblent.
Donc, moi, le
plus important de mon mémoire, là, c'est de combattre l'offre par l'offre. Il
ne faut pas une stratégie défensive, il faut être offensif en ce moment.
Une stratégie défensive, ça ne va mener qu'à notre extinction.
Mme Melançon : Il ne faut pas
jouer la trappe, comme on dit au hockey.
M. Lamarre (Philippe) :
Exactement, il faut jouer offensif.
Mme Melançon : Si je vous demandais... Et vous en parlez
rapidement dans votre mémoire, vous dites que, dans le fond, l'aide, le financement
ou l'investissement publicitaire gouvernemental, c'est une petite partie, là,
ce n'est pas là-dessus... je pense que tout le monde en convient, mais on doit
agir rapidement.
M. Lamarre
(Philippe) : Moi, je pense,
ça serait une mesure à mettre en place, au moins qu'il y ait un
pourcentage, 60 %, 80 % qui...
puis que ce soit une politique générale, ne serait-ce que pour donner
l'exemple. Mais je ne pense pas que c'est une solution sur laquelle je
miserais. Je ne mettrais pas toutes mes énergies à mettre ce programme-là en
place.
Mme Melançon : Non, bien, moi
aussi, je pensais que c'était pour être rapide, mais je veux juste rappeler aux
collègues l'autre côté : Savez-vous ça fait combien de jours qu'on a
déposé la motion? 119 et demi.
M. Lamarre
(Philippe) : Je ne veux pas
interrompre vos débats partisans, mais je pense qu'il y a quelque
chose...
Des voix : Ha, ha, ha!
M. Lamarre
(Philippe) : ...mais il y a
des gens qui n'ont pas été invités à la commission que je pense qu'il
serait nécessaire d'inviter, c'est des
agences médias, donc les agences médias qui placent la publicité, qui
conseillent leurs clients. Je ne
comprends pas pourquoi personne n'était venu, parce que ces gens-là, c'est eux
qui sont la courroie de transmission entre
les acheteurs et les médias, et ces gens-là ont un rôle crucial dans l'économie
des médias, et, je pense, ça aurait été intéressant de leur poser des questions pour que vous compreniez comment
les décisions se prennent dans cet univers-là.
Mme Melançon :
Moi, je veux juste vous rappeler que ce n'était pas tant un débat partisan.
Moi, ce que je voulais surtout démontrer, c'est : quand on vote
quelque chose à l'unanimité à l'Assemblée nationale, c'est bien de le
respecter.
M. Lamarre (Philippe) : Je suis
d'accord.
Mme Melançon :
Sur ce, pour ce qui est des groupes qui font le placement publicitaire, moi, je
pense que c'est eux qu'on va devoir,
nous, rencontrer par la suite, et ça, c'est vraiment faisable. Puis je pense
qu'on est tous d'accord, là, à dire : On va devoir faire un petit
travail de ce côté-là, sur un...
Une voix : ...
Mme Melançon : Pardon?
Une voix : ...
Mme Melançon :
Oui, oui, tout à fait. Mais, pour les autres pans dont on faisait mention, il
va falloir qu'on en voie d'autres, ceux qui font, nécessairement, les
placements pour le gouvernement du Québec, on s'entend bien là-dessus. En
terminant...
La Présidente (Mme Nichols) :
En 20 secondes.
• (14 h 40) •
Mme
Melançon : Ah! en
20 secondes, parce que vous disiez tout à l'heure : Je ne veux pas
que vous soyez pessimistes sur la
suite des choses, nous, on veut vraiment
changer les choses, et j'espère que cette commission-là aura la latitude
pour amener la réflexion aussi loin que sont vos espoirs.
La Présidente (Mme Nichols) : Merci,
Mme la députée. Alors, la parole est à Mme la députée de Taschereau pour
2 min 30 s.
Mme Dorion : Merci beaucoup. Merci de vous être déplacés, d'être venus nous
parler de ça. C'est superintéressant, c'est
un point de vue vraiment actuel, puis vous êtes nés dans ça, ça fait que
ça... L'idée du fonds des médias, avec... qui peut être financé par les
montants de TVQ, que vous avez mentionnée, c'est superbon.
Maintenant, j'aimerais ça avoir votre avis sur
d'autres possibilités d'où on pourrait aller chercher de l'argent. Beaucoup
disent : Oui, bien là, c'est à vous de voir où vous irez chercher l'argent
pour financer ça, mais en même
temps c'est... comment vous le présentez,
que c'est une question de sauvegarde culturelle, de promotion de notre
culture. Puis je suis vraiment de votre avis quand vous dites : Avec ce qui
se passe aujourd'hui, en dedans de deux générations... Mes amis
qui sont un peu plus jeunes que moi,
juste 10 ans, là, qui consomment juste Netflix, et tout ça, qui sont beaucoup
sur les nouvelles plateformes, c'est
du monde de Québec, là, puis ils parlent plus chiac que moi. Puis, de plus en plus, ça va extrêmement
vite, là, je vous dis, là. Donc, je me disais : Dites-moi si vous êtes
plutôt en accord, plutôt en désaccord avec tout ça, O.K.?
M. Lamarre (Philippe) : On va
faire un jeu, allons-y.
Mme Dorion : On va faire un jeu, O.K.? Pour
financer ce fonds des médias, parce
qu'on sait qu'ils vont avoir
besoin de pas mal d'argent
pour réaliser ça, est-ce qu'on devrait... le gouvernement devrait aussi se
pencher, étudier ces solutions-là, donc, à part l'idée de TVQ, imposer
les géants du Web sur leur chiffre d'affaires au Québec?
M. Lamarre (Philippe) : Si, en
termes de fiscalité, vous êtes capables de le faire, allez-y.
Mme Dorion : Exiger du contenu local non seulement
sur des plateformes comme Netflix, mais ça peut être aussi YouTube,
Facebook Watch, et autres?
M. Lamarre (Philippe) : Oui.
Mme Dorion : Exiger une redevance des fournisseurs d'accès
Internet, qui, eux aussi, profitent du contenu qui est créé?
M. Lamarre
(Philippe) : Téléphonie aussi, accès Internet, oui, absolument.
Mme Dorion : Comme on
l'exigeait des câblos pour le Fonds des médias?
M. Lamarre
(Philippe) : Exactement. Puis ça, c'est quelque chose qui est... Ça fait longtemps que les
producteurs télé du Québec militent pour ça.
Mais évidemment il y a des groupes de lobby extrêmement puissants qui militent contre ça. Et d'ailleurs il y a des joueurs de... Tu sais, la fameuse taxe
Netflix, là, je sais que ça a été... c'est devenu comme l'obsession des Québécois, mais c'était une très belle façon de distraire
le débat sur le fait de faire contribuer les telcos et les fournisseurs
Internet au Fonds des médias. Ça a été une excellente opération de relations
publiques.
Mme Dorion : Effectivement. Exiger une taxe sur les téléphones portables,
les ordinateurs, comme ça se fait ailleurs, en disant : Bien, si on
achète ça, c'est aussi pour le contenu?
M. Lamarre (Philippe) : Oui, ça
pourrait faire partie de ce fonds.
Mme Dorion : Beaucoup de ces choses-là se décident au CRTC ou se
décident à Ottawa. Si Ottawa ne bouge pas, reste sur le neutre, comme
il est en ce moment, est-ce que le gouvernement pourrait étudier l'option de
faire pression sur Ottawa?
La Présidente (Mme Nichols) :
En 10 secondes.
M. Lamarre
(Philippe) : Ah! il faut
que ça se fasse. Moi, c'est pour ça que j'ai misé sur l'idée de la TVQ.
Comme ça, c'est qu'on n'a pas besoin d'Ottawa, c'est quelque chose qui est
simple, rapide et efficace.
La Présidente (Mme Nichols) :
Je suis désolée...
Mme Dorion : Et, si la pression
ne marche pas, est-ce qu'on devrait rapatrier les pouvoirs en culture et communications,
militer pour ça? Est-ce que ça serait une idée?
La Présidente (Mme Nichols) : Rapidement.
M. Lamarre
(Philippe) : Bien, «go for it».
La Présidente (Mme Nichols) : Très
bien, merci. Alors, M. le député de Rimouski, pour 2 min 30 s.
M. LeBel : Oui, merci. Vraiment très content de votre
mémoire. Il y a un côté... vous dites vous êtes
pessimistes un peu, puis des fois, l'avenir, si on ne fait rien...
mais en même temps c'est un mémoire qui est plein d'optimisme et puis plein
d'affaires nouvelles à proposer. Ça fait du bien. Vous êtes de la génération Passe-Partout;moi, je suis plus Bobino.
M. Lamarre (Philippe) : Un peu
aussi.
M. LeBel : Puis j'ai même un
peu écouté Pépinot et Capucine, ça fait que ça, c'est...
M. Lamarre (Philippe) : Ah!
bien là, vous me perdez.
M. LeBel : Ça fait longtemps, ça, pas mal. Vous, l'avez-vous vu, vous, hein?
Mais c'est vrai que ça nous fait, comme individu, pour l'avenir. Et moi aussi, j'ai des enfants, j'ai un gars de
23 puis un de 19 ans. Je les regarde aller, puis c'est vrai qu'il y a
moins de productions locales qu'ils voient, ou tout ça, mais en même temps ils sont ouverts sur le monde, beaucoup plus que moi, j'étais.
Ils connaissent tout ce qui se passe sur la planète, les discussions...
Mais je suis quand même...
je suis d'accord un peu avec vous autres sur le fait... si on ne fait
rien, dans deux générations... Doris
Lussier, dans les années 70-80, il parlait de la louisianisation du Québec si
on ne faisait rien. Là, je regarde ce que vous dites, ça s'en vient si on ne fait vraiment rien, et j'aimerais
ça que vous m'en parliez plus. C'est un cri du coeur important, là, tu sais. Dans
le fond, on est autour de la table
pour parler de l'avenir des médias, mais c'est l'avenir de notre culture,
puis de notre langue, puis de l'avenir du Québec qu'on parle, plus qu'on pense.
Ça fait que j'aimerais...
M. Lamarre
(Philippe) : Bien, je vais
vous donner un exemple très concret qui va peut-être vous interpeler,
comme vous êtes de Rimouski.
Nous, on a produit une série documentaire sur un gars qui s'appelle Samuel
Côté. Samuel Côté, c'est un chasseur d'épaves qui tripe sur le
Saint-Laurent, qui s'intéresse à son histoire.
M. LeBel : C'est vraiment fin.
J'ai des frissons.
M. Lamarre
(Philippe) : C'est ça. Puis
Samuel Côté, c'est un gars qu'on a découvert... on l'a interviewé pour
notre site Web, comme ça, puis c'est un
petit portrait d'un jeune tripant qui plonge dans le fond du Saint-Laurent,
puis on a fait une série documentaire avec lui pour Historia, la chaîne
Historia. Puis cette série-là, bien, c'était vraiment une histoire québécoise avec des gars qui ont des accents du
Bas-du-Fleuve, puis des tripeux, puis des gens qui boivent une petite
Labatt Bleue à la fin de la journée, parce qu'ils sont fiers, puis, tu sais,
c'était vraiment un produit 100 % québécois.
Puis, quand vous parlez de l'ouverture au monde
de vos enfants, bien, cette série-là a été vendue dans huit pays d'Europe. Maintenant, là, le Samuel Côté en
question est en Russie, doublé en russe,
il est en France, il est en Pologne, il est en Italie, tu sais. C'est qu'on a pris un produit 100 %
québécois, on a en fait quelque chose dont on était fiers, donc qui
parlait aux gens d'ici, mais en plus ça parle aux gens de l'extérieur.
Donc, moi, je pense, c'est ça, la vision que
j'ai pour ce... bien, ce fameux fonds des médias ou la vision du contenu québécois de l'avenir. Puis c'est aligné
avec un peu ce que Xavier Dolan peut faire, qui fait des films dont les
propos sont québécois, dont l'âme est
québécoise mais qui parlent au monde entier. Donc, un n'empêche pas l'autre. Je
ne dis pas qu'il faut être
protectionniste, puis se regarder le nombril, puis, tu sais, faire des films
sur les raquettes en babiche, là, tu sais. Je pense que le but, c'est d'avoir une culture qui nous interpelle, puis
de regarder le potentiel d'universalité derrière ce qu'on est comme
Québécois, et de l'exporter, de le faire voir au monde.
M. LeBel : J'adore ce que vous
dites. On n'a pas peur de ce qu'on est.
La
Présidente (Mme Nichols) : Merci, M. Lamarre. Merci. Alors,
je cède la parole à la députée de Marie-Victorin pour deux minutes.
Mme Fournier :
Oui, merci énormément. C'est vraiment une bouffée d'air frais, je pense, que
vous nous apportez cet après-midi.
Parce que, bon, évidemment, c'est sûr, on a parlé beaucoup, beaucoup des
modèles d'affaires traditionnels, la publicité, la publicité, la
publicité...
M. Lamarre (Philippe) : C'est
fini.
Mme Fournier :
Bien, c'est un peu ça que j'ai envie de dire. Puis j'espère sérieusement qu'on
va pouvoir faire preuve d'audace ici, à la commission, puis de ne pas se
limiter à des solutions qui vont être bonnes pour...
M. Lamarre (Philippe) : Quatre
groupes.
Mme Fournier :
...peut-être les deux, trois prochaines années, quatre groupes, comme vous le
dites.
M. Lamarre (Philippe) : Pour
quatre groupes médias.
Mme Fournier : Parce
que les enjeux, là, sur lesquels
on... qu'on regarde aujourd'hui, ils sont tellement importants, vous
l'avez bien dit, pour la culture, pour l'identité, de ce qu'on est comme Québécois,
donc, merci.
Puis je pense
qu'il faut aussi qu'on distingue... On dit qu'on traite des médias d'information, mais l'information, c'est plus
large aussi que juste qu'est-ce qu'il y a dans l'actualité, puis l'actualité, ça va tellement
vite, comme vous le dites. Le reportage
sur Samuel Côté, par exemple, à Rimouski, c'est de l'information. Bien sûr qu'il y a
une notion de divertissement, d'en apprendre davantage, mais c'est de l'information,
donc moi, je pense que vous devriez revendiquer votre contenu d'information.
M. Lamarre
(Philippe) : Ah! bien, moi,
je le revendique, le contenu d'information. Je sais que, oui, on fait un marketing de
contenu qui semble... mais, tu sais...
Mme Fournier : Mais il y
a de la transparence.
M. Lamarre
(Philippe) : Mais le débat
sur Slav est né dans Urbania. C'est un article
qu'on a publié qui a déclenché cette
discussion-là, tu sais. Il y a plein de choses qu'Urbania a... Puis, oui,
on fait du marketing de contenu puis on gagne notre vie comme ça, je ne
m'en excuserai pas.
Mme Fournier : Tout à
fait. Puis, oui, bien sûr,
je pense que le Québec, considérant tous les enjeux auxquels on
fait face présentement, n'aura pas le
choix, si on veut s'assurer, justement, de la survie de notre culture à long terme, de
rapatrier des pouvoirs en matière de culture. Je pense que tout
le monde s'entend, autour de la
table, à assumer la souveraineté
culturelle du Québec, même si on peut différer sur d'autres enjeux.
M. Lamarre
(Philippe) : Mais au moins
être offensifs, parce que, tu sais, moi, j'aperçois, quand on a un
magazine... les seules subventions qu'on
peut avoir quand on a un magazine un peu grand public, c'est à travers
Patrimoine Canada. Quand on
produit de la télé, c'est le Fonds des médias du Canada. Donc, quand on fait du
contenu qui s'adresse au grand public, là, l'argent vient tout du
fédéral, et il n'y a presque rien qui vient du provincial.
Mme Fournier : Tout à
fait. Puis même le fonds des médias pourrait aussi être alimenté non seulement
par la TVQ, mais... si le fédéral ne taxe pas les géants du Web, il n'y a rien
qui empêche le Québec d'assumer la part fiscale du gouvernement canadien, à
l'heure actuelle, et de taxer à la hauteur pour financer encore davantage un
futur fonds des médias.
La Présidente
(Mme Nichols) : Alors, je vous remercie. Malheureusement, le
temps est restreint. Je vous remercie de votre grande contribution aux présents
travaux.
Et je suspends le temps que le prochain groupe
puisse prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 14 h 48)
(Reprise à 14 h 51)
La
Présidente (Mme Nichols) : Alors, nous poursuivons les travaux. Je souhaite la bienvenue aux
représentants de Monquartier... bien,
pas mon quartier, mais la dénomination Monquartier. Je vous rappelle que vous
disposez de 10 minutes pour
votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de
la commission. Je vous invite donc à vous présenter ainsi que la personne
qui vous accompagne et à procéder à votre exposé. La parole est à vous.
Réseau Monquartier
M. Bertrand (Arnaud) : Bonjour
à tous, Mme la Présidente, Mmes et MM. les députés. Donc, je suis Arnaud Bertrand, je suis le fondateur du réseau média
hyperlocal Monquartier.quebec. On est vraiment... on se trouve à Québec, ici. Je suis
accompagné par Suzie Genest, qui est directrice de l'information et rédactrice
en chef de notre média.
Donc, bien,
nous, on vous remercie beaucoup pour l'invitation, de nous permettre de
partager nos perspectives Web hyperlocales
dans le cas de ce mandat d'initiative sur l'avenir des médias d'information.
C'est avec beaucoup d'humilité que nous l'avons accepté et en prenant
compte de la situation ou le point de vue d'autres médias Web hyperlocaux.
Fondé en 2008
de ma propre initiative, sans aide financière, Monlimoilou.com est au départ un
portail Web pour faire connaître et rayonner la diversité, le dynamisme,
les forces vives du quartier Limoilou à Québec. Comme vous pouvez l'entendre par mon accent, certainement, je ne
suis pas... je n'ai pas l'accent de Limoilou. Il faut croire que c'est
peut-être mes origines européennes qui m'attachent au quartier, à la vie
de quartier. C'est ça que j'ai voulu créer en créant Monlimoilou.com. Et s'ajoute, l'année suivante, un blogue alimenté par
des bénévoles, en plus de l'agrégation d'articles et de reportages des
médias régionaux sous forme de revues de presse.
En 2012,
Monsaintroch.com et Monsaintsauveur.com sont lancés, donc, dans deux quartiers
voisins de Québec, puis, en 2014,
Monmontcalm.com. Chacun des quatre sites comporte alors un blogue, un
répertoire de commerçants et d'organismes, un calendrier d'événements,
des offres d'emploi, des espaces publicitaires, donc, pour les annonceurs
locaux.
Nos revenus,
encore aujourd'hui, proviennent de l'achat de forfaits publicitaires par les
commerçants, les entreprises, les
organismes des quartiers qui permettent, à mesure, d'alimenter les budgets de
rédaction. Donc, plus on a des revenus plus stables, plus on peut
produire d'articles.
Délaissant la
revue de presse, les «Mon», comme on les appelle communément à Québec, prennent
le pari, en 2015, de couvrir
l'actualité hyperlocale dans les limites de leurs ressources. Donc, c'est à
partir de ce moment-là qu'on produit notre contenu à 100 %. C'est à partir de ce moment-là, donc, que nous
avons délaissé l'appellation de blogue également, qui ne reflétait plus,
en fait, la totalité des contenus qu'on produisait.
En 2017, avec
la refonte des sites, s'ajoute Monquartier.québec, rassemblant les contenus,
donc, des quatre quartiers et la
création d'une boutique en ligne, Monquartier en boîte. Donc, c'est une plateforme
de promotion pour les commerces locaux,
encore là, et de livraison, puisqu'on peut y commander en ligne et se faire
livrer des produits locaux. L'objectif de ce service qu'on a créé en parallèle
aux médias est, encore là, donc, de contribuer au financement et à la survie de
notre média.
Trois à six articles sont produits, actuellement,
sur Monquartier.quebec, par quartier et partagés sur les pages Facebook et Twitter, sur nos pages Facebook et
Twitter. Nos collaborateurs sont journalistes, chroniqueurs experts,
donc, en architecture, en histoire, en art.
On a des auteurs professionnels, des blogueurs, des citoyens, majoritairement
rémunérés, certains bénévoles par choix.
Ce sont
aujourd'hui 60 000 à 70 000 lecteurs qui sont rejoints par mois
dans la ville de Québec. Près de 500 commerces, organismes, institutions
profitent de nos services publicitaires. 60 % de notre trafic provient de
Google, organique, 25 % des réseaux
sociaux, et notre trafic est en croissance, comme la plupart des médias qui
sont passés ici, malgré l'algorithme de Facebook, qui tend à empêcher la
fuite des clics vers les sites externes, notamment les sites de médias.
Les valeurs.
La dimension citoyenne-école, je dirais, le modèle de gestion et la réalité
budgétaire de Monquartier le rapprochent
plus des médias communautaires, de l'économie sociale. Malgré que nous n'ayons
pas cette forme juridique, on n'est
ni un OBNL ni une coop, on est une entreprise incorporée. Moi, je vais laisser
la place à ma collègue Suzie Genest.
Mme Genest
(Suzie) : Les médias Web
hyperlocaux à Québec, comme Monquartier ou Le Bourdon du Faubourg dans le quartier Saint-Jean-Baptiste, sont
complémentaires aux hebdos et aux quotidiens dans un contexte où des
journaux de quartier imprimés ont disparu ou
ont dû réduire leurs activités. Ils véhiculent la valorisation du sentiment
d'appartenance, de la consommation locale,
l'engagement dans la communauté, etc. Nos quartiers centraux sont dotés
d'identités collectives qui sont réelles et distinctives à Québec. Ils
foisonnent d'activités, il y a beaucoup d'actualité en développement urbain. La
réponse de nos lecteurs à la couverture de ces sujets nous démontre qu'en tant
que médias Web hyperlocaux on répond à un besoin.
La dimension de média
citoyen qu'on avait à l'origine est en mutation. Il y a plusieurs facteurs
qu'on observe à ça. Il y a une multiplication
d'initiatives qui sont portées par les citoyens dans les quartiers centraux.
Les réseaux sociaux sont devenus des tribunes privilégiées, ce qui était beaucoup moins le
cas en 2008, à la création de Monlimoilou. Bon, le plein-emploi et ses conséquences aussi changent un
peu la disponibilité des gens. Il y a de nouvelles habitudes
d'implication citoyenne aussi chez les plus jeunes générations, les milléniaux.
Du côté des
organismes qui seraient des partenaires naturels pour collaborer ou rejoindre
divers groupes de citoyens, il y a des
débordements qui font que c'est difficile un peu, d'établir des collaborations.
Même notre Carrefour des lecteurs est
plutôt désert. On constate que le citoyen est davantage dans une position de
lanceur d'alerte ou de lanceur d'idée que
de collaborateur à la rédaction. Il y a une dimension média-école qui a
parallèlement émergé d'elle-même, pour nous entre autres, ce qui pose des
défis d'encadrement d'amateurs ou de débutants dans un contexte où on est tous
pigistes à mi-temps en télétravail.
Les
médias Web hyperlocaux ont des défis particuliers, notamment quant à
l'indépendance de l'information et aux choix
éditoriaux, d'une part, à cause de la proximité entre les sujets et les gens
qui font l'actualité et ceux qui vont la couvrir, une proximité qui est
territoriale, là, géographique mais aussi parfois professionnelle dans d'autres
contextes que la rédaction. Il y a des
attentes aussi des acheteurs de publicité ou des membres lorsque la formule est
un OBNL avec des cotisations. Parce
que les gens paient, ils ont une certaine attente par rapport à nos
couvertures. Bon, aussi, il peut, dans certains dossiers un peu plus délicats, y avoir des risques de sécurité ou, en
tout cas, sur le plan légal, qui peuvent être associés à certains sujets pour des pigistes qui sont sans filet ou
sans département légal, et ça peut être difficile aussi de couvrir certains
sujets dans les limites du nombre d'articles qu'on peut y consacrer quand ce
sont des grands dossiers.
Par
ailleurs, les médias Web hyperlocaux, on est aux premières loges pour constater
et pour avoir à dissiper souvent une
confusion des genres, ou des amalgames, ou des préjugés qui existent dans le
public par rapport aux médias d'information, par rapport aux types de textes, que ce soient chroniques, articles,
critiques, points de vue, éditoriaux. Cette difficulté-là existe dans le public mais notamment aussi, je dirais,
dans le milieu numérique, qui est quand même concerné par ce qui nous
amène ici aujourd'hui. Voilà.
M. Bertrand (Arnaud) : Rapidement, sur le modèle d'affaires, on est un
média, comme j'ai dit tout à l'heure, dont le contenu se développe au gré des revenus publicitaires, ce qui nous
place, en fait, un peu en marge de la crise des médias.
On
est quand même... on considère qu'on est bien placés pour affirmer ceci :
qu'un modèle de ce genre est difficile à adopter pour des journalistes seuls développant ou reprenant un média en
se regroupant en OBNL, par exemple, car difficile à concilier avec l'éthique — donc, on ne pourrait pas avoir un
journaliste qui est à la fois vendeur publicitaire et journaliste; un modèle de ce genre ne saurait assurer à lui
seul la survie d'un quotidien régional — un quotidien dans un petit village,
une petite ville, un quartier, oui, pas dans
une région; que notre modèle ne permet non plus l'embauche de professionnels
des médias sociaux à leur tarif habituel, ni la gestion de communauté
24 heures sur 24, pour des raisons de moyens, ni la production de contenu vidéo encore moins; que
l'avenir de l'information ne saurait que reposer sur des pigistes
slasheurs sans filet ou à risque de «ghoster».
• (15 heures) •
Mme Genest (Suzie) : Bien, en fait, pour ce qui est des recommandations
qui ont déjà été faites par rapport au financement,
si je reprends l'exercice de la liste de la députée de Taschereau, imposer les
géants du Web, oui, ça fait partie de
ce avec quoi on est d'accord, exiger les redevances des fournisseurs d'accès
Internet aussi. Par contre, on a aussi la question à se poser par rapport au public. Si on lui
demande de commencer à payer pour du contenu qui est considéré gratuit et
qu'en même temps on lui demande de peut-être
couvrir la différence de ce que ça va
représenter pour les services d'accès Internet, qui ne sont pas nécessairement les moins chers chez nous, peut-être
que ce n'est pas stratégique, d'y aller sur les deux fronts en même
temps.
Bon,
évidemment, là, ce qui a été apporté par Urbania, un fonds des médias,
qui rejoint un peu ce qui avait été apporté par l'AJIQ aussi, s'inspirer
des modèles qui existent en culture pour qu'il y ait une variété d'enveloppes
de soutien au fonctionnement, aux projets,
l'équivalent des bourses d'artistes pour les journalistes, les crédits d'impôt,
ce qui existe à la SODEC, ça nous semble
toutes des bonnes pistes parce qu'il
y a beaucoup de parallèles à faire
avec la culture. J'en vois d'autres également, là, en tant qu'ancienne
travailleuse culturelle.
Je pense
que d'encourager une mutualisation des ressources entre les médias, ce qui
n'est pas nécessairement un réflexe naturel mais qui n'est pas impossible à
envisager dans les circonstances, ne serait-ce que des partages de
ressources matérielles, des enveloppes
pour le développement organisationnel, le perfectionnement professionnel, le
mentorat, des approches de développement public qui se reflètent aussi
pour les médias en développement de lectorats, d'adapter la formule de médiation culturelle aussi à une
médiation médiatique qui nous semble nécessaire parce
qu'il y a visiblement un
besoin d'éducation, de...
La
Présidente (Mme Nichols) : Je vous remercie pour votre exposé. J'ai l'impression que vous
avez déjà répondu à plusieurs questions,
mais, à tout le moins, on rentre dans la période d'échange, et je vais céder la
parole au député de Beauce-Sud pour 15 minutes.
M. Poulin :
Merci beaucoup. Mme Genest, M. Bertrand, merci pour votre exposé également.
Effectivement, hyperlocal, c'est un sujet très important, parce que vous avez également...
Quand je pense, entre autres, à Limoilou, Saint-Roch,
vous êtes collés à cet essor incroyable que les quartiers vivent depuis déjà plusieurs
années, donc tant mieux si on peut avoir un média qui suit cette
trajectoire d'essor économique et social.
Vous dites que vous
publiez de trois à six articles par semaine. Est-ce que c'est vraiment à cause
des défis de main-d'oeuvre en tant que tels?
M. Bertrand
(Arnaud) : Bien, oui, je vais répondre, trois à six articles, c'est
par quartier, donc on est plus, quand même,
à une vingtaine d'articles par semaine. Donc, oui, bien, c'est ce qu'on a
expliqué tout à l'heure, c'est ce que nos revenus, actuellement, nous permettent de produire, premièrement. Nos
revenus publicitaires, nous autres, augmentent, par contre, depuis 2008. Donc, on n'a pas de fonds de pension
à payer, on n'a pas de voitures de fonction, on n'a pas de bureaux dans une tour de verre. Oui,
O.K., donc on a des... voilà, on
construit tranquillement et on produit de plus en plus de contenu. On en
produit beaucoup plus qu'on en produisait il y a 10 ans. Donc, ça, c'est la
première chose.
La deuxième
chose, on a parlé, tout à l'heure, un petit peu de pénurie de main-d'oeuvre à
Québec, de trouver des... On
fonctionne principalement avec des pigistes, donc, des pigistes qui sont un
petit peu partout, donc c'est en réflexion à l'interne, actuellement, justement, pour avoir des personnes plus
permanentes au sein de l'équipe pour ne pas juste compter des pigistes
qui sont parfois disponibles, parfois indisponibles. Donc, actuellement, je
vous dirais même qu'on manque de main-d'oeuvre pour produire plus de contenu.
M. Poulin :
Vous dites que vos revenus publicitaires sont en hausse. Est-ce que vous avez
des relations, des contacts, des
partenariats établis avec des agences de presse... des agences publicitaires,
pardon? Est-ce que vous avez des relations avec eux? Est-ce que les
agences publicitaires vous reconnaissent et vous conseillent dans le
portefeuille de placement publicitaire d'une entreprise?
M. Bertrand
(Arnaud) : Pas du tout, c'est des relations qui ont été créées au fil
du temps, sur les 10 dernières années. On
parlait, tout à l'heure, de média hyperlocal, proximité avec le milieu, donc je
pense qu'il y a un bon écho de la part des institutions, des entreprises locales, des commerces locaux, même de la
ville de Québec, qui s'aperçoit que, là, tout d'un coup... On a des placements publicitaires qui
viennent de la ville de Québec parce qu'on est, en fait, une tribune qui
permet de rejoindre de manière très ciblée
une population. Donc, un commerce qui arrive dans un quartier puis qui veut se
faire connaître dans un rayon de cinq
kilomètres parce qu'il veut rejoindre cette clientèle-là, on est une bonne
plateforme pour eux. Donc, c'est
vraiment une clientèle qui s'est bâtie avec le temps, puis, oui, qui voulait
rejoindre une clientèle locale, puis peut-être aussi qui, sans aller
chercher... On n'a pas, actuellement, de système de dons. Je suis conscient
qu'il y a beaucoup de commerces qui nous
appuient parce qu'ils aiment ce qu'on fait, ils aiment nos contenus, puis c'est
une manière pour eux de s'impliquer dans la communauté.
M. Poulin :
Ces commerces-là qui, actuellement, achètent de la publicité chez vous,
j'imagine, en achètent également ailleurs.
Est-ce qu'ils ressentent assez rapidement l'impact, j'imagine, dans la
communauté, dans la localité? Parce que je regardais... Donc, vous êtes sur la gastronomie, l'environnement, les
arts, la culture, également des sujets municipaux et politiques. Donc, vous venez... On parle beaucoup
d'influenceurs, de grands influenceurs, mais d'une certaine façon, quand
vous mettez en valeur des produits locaux,
vous influencez aussi les gens à se tourner vers de l'achat local et tout.
Alors, qu'est-ce qu'ils vous disent, essentiellement, vos annonceurs?
M. Bertrand (Arnaud) : C'est
difficile. D'abord, aujourd'hui, surtout avec l'arrivée des réseaux sociaux,
les annonceurs font leurs placements
publicitaires de manière, à mon avis, un
petit peu désordonnée, sans nécessairement
suivre les impacts, donc c'est difficile. On
travaille beaucoup avec des artisans, des petits commerçants pour
qui les communications et le
numérique, ce n'est pas nécessairement leur tasse de thé. Ce qu'on entend beaucoup,
c'est que la clientèle qui va venir les
voir les a vus sur Facebook, O.K.? Sauf qu'aujourd'hui voir sur Facebook, c'est quoi? C'est voir... Est-ce qu'ils ont vu la publicité sur le Facebook du commerçant? Est-ce qu'ils l'ont vue sur
le Facebook d'un ami qui a partagé une publication? Nous, on offre... on est allés aussi... toujours
le modèle amour-haine avec les réseaux sociaux, on profite de la
communauté Facebook qu'on a développée pour
offrir cette plateforme-là à nos commerçants, donc on fait des publications sur
notre plateforme Facebook pour les
commerçants. Alors, est-ce que les commerçants... On n'a pas de réponse claire
par rapport à ça. Est-ce que la
clientèle qui va venir les voir les a vus chez nous ou dans un autre média?
Puis, de toute façon, je pense que,
pour avoir oeuvré en communications, il n'y a pas une solution publicitaire, il
faut aller chercher plusieurs canaux, là, pour aller rejoindre sa
clientèle.
M. Poulin :
Bien, merci beaucoup. Merci pour le travail que vous faites, ça prend de la
passion, de la détermination puis le goût de s'engager également dans
son quartier. Alors, merci infiniment, fort intéressant.
M. Bertrand (Arnaud) : Merci.
La Présidente (Mme Nichols) :
Alors, je cède la parole à M. le député de Saint-Jérôme.
M. Chassin : Merci,
Mme la Présidente. Alors, en toute
humilité, je vous découvre aujourd'hui, cet après-midi,
parce que je ne vous connaissais pas, n'étant pas de Québec.
J'ai peut-être quelques questions pour bien comprendre. Donc, on
a eu un intervenant juste avant vous, Urbania,
qui parlait de la disparition des revenus publicitaires. Pour vous, la réalité,
c'est plutôt que vos revenus augmentent tranquillement au fil, j'imagine, d'une
notoriété, aussi, grandissante. Comment vous réconciliez les deux? Est-ce que
vous avez l'impression, dans le fond, que, dans deux ou trois ans, cette source
de revenus va se tarir?
M. Bertrand
(Arnaud) : Non, je ne le
vois pas comme ça, je ne m'en vais pas là. Je vous dirais qu'il faut
qu'on développe, par contre...
On a des choses à régler, nous, à l'interne, à développer nos contenus pour
continuer à progresser, comme on disait tout à l'heure, avoir plus de moyens pour produire plus de
contenu et des moyens vidéo, des capsules vidéo, par exemple. Je n'ai pas... je
pense qu'on est encore, comme vous dites, en croissance de notoriété, donc je
ne vois pas de décroissance de chiffre d'affaires à l'horizon.
Mais c'est sûr qu'on se questionne aussi, à
l'interne, sur d'autres avenues de création de contenu... pardon, de revenus publicitaires, peut-être
aller chercher des... créer un espace pour la population aussi pour peut-être
plus intégrer les citoyens à leur plateforme de quartier. On s'est souvent
comparé aux parvis d'église un petit
peu, là. Quand on veut savoir
ce qui se passe dans le quartier, c'est sur notre plateforme que ça se trouve.
M. Chassin :
...public, en quelque sorte.
M. Bertrand
(Arnaud) : Voilà. Peut-être
trouver un système de membership où le citoyen peut davantage prendre part à notre média
puis amener aussi une forme de financement, mais je...
M. Chassin : Parce qu'en même temps... donc, ça, je vous
découvre, mais je découvre aussi une réalité que je ne connaissais pas, donc, notamment ce que vous
appelez des nouvelles hyperlocales ou un média hyperlocal, qui
m'apparaît un modèle intéressant mais qui,
évidemment, pose un peu un défi aussi dans le cadre d'une commission qui se
rassemble pour réfléchir sur de l'aide publique aux médias d'information.
Il y a des
critères, par exemple, qui peuvent être utilisés et qui sont déjà utilisés pour
certains programmes, bien, notamment, par exemple, est-ce
que le média embauche trois journalistes à temps plein ou des trucs comme ça.
Puis évidemment, là, vous, vous vous
retrouvez dans une situation où vous faites de l'information, mais vous seriez
probablement laissés de côté par des
programmes d'aide publics très normés. Comment vous vous voyez cette
possibilité d'être considérés ou non dans un programme d'aide public à
l'information?
• (15 h 10) •
Mme Genest
(Suzie) : Bien, à la base,
nous, on ne vient pas ici en prétendant qu'on devrait être soutenus,
disons, au fonctionnement ou qu'on
devrait... peu importe, là, quel serait le type de fonds qui existerait. Comme
disait Arnaud, on est plus dans une
situation de consolidation, si je peux dire, mais notre survie n'est pas
menacée, et on n'est pas non plus un élément clé de l'avenir de
l'information, là, au sens où on l'entend ici. Donc, nous, en fait, il y a déjà
certaines... bien, il y a déjà certains programmes qui existent où on a pu déposer... par exemple, pour faire une planification
stratégique. Donc, je présume que,
s'il y avait un ensemble de mesures variées qui étaient instaurées au sens où
l'AJIQ le suggère, par exemple qu'il
y avait une... il y a certaines choses auxquelles on aurait accès qui nous
permettraient de développer des projets ponctuels ou d'avoir accès à des
enveloppes pour des besoins précis, pour nous... oui...
M. Chassin :
Je comprends. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Nichols) :
Alors, je cède la parole au député de Saint-Jean.
M. Lemieux :
Merci, Mme la Présidente. Moi, je pense vraiment que vous devriez... Mais,
avant de poursuivre, je vais préfacer
ce que je vais vous dire, en vous prévenant que, si ça a l'air du snobisme
professionnel, ce que je dis parfois, ce n'en est pas, c'est juste que
j'ai toujours eu un mal de chien avec le journalisme citoyen. Mais j'adore le
média citoyen, tellement que, l'hyperlocal,
par rapport à tout ce qu'on a dit de toute la semaine, j'avais hâte qu'on en
parle, parce que moi, j'ai pas mal
plus peur à nos villages puis à nos quartiers qu'à nos grands quotidiens. Là, on en a six qu'on va peut-être perdre, là, ça, c'est une autre paire de manches, puis c'est là où il y a
péril en la demeure. Mais, pour les fins de la discussion théorique, ce que vous êtes en train de faire, en ce qui me concerne, c'est de ça dont on a cruellement besoin au Québec, parce que l'information civique, l'information citoyenne, pour pas mal de monde, c'est le Spotted de
leur Facebook de leur coin, puis ce n'est pas recommandable, on s'entend-u, là? Alors,
ce que vous faites, pour moi, dans l'écosystème, c'est la base, et je
serais curieux... je suis curieux de vous
entendre m'expliquer jusqu'à quel point c'est à la fois stimulant mais
décourageant aussi.
Mme Genest
(Suzie) : Oui, bien, c'est
un bon résumé, stimulant et décourageant. C'est sûr que, en fait, on est
bien placés pour voir que le besoin existe
cruellement. On est bien placés parce
que, sur le terrain, on connaît les
gens. M. Bertrand a fondé
Monlimoilou parce qu'il était déjà une personne très impliquée dans le quartier
Monlimoilou. Je suis la rédactrice en chef,
à la base, de Monsaintroch et Monsaintsauveur à l'origine, parce que
je viens de ces quartiers-là, j'y ai habité pendant des années, j'y habite encore, donc j'étais
impliquée dans mon quartier de différentes façons. À travers tout ce cheminement
personnel et professionnel là, on est à
même de constater que ce n'est pas parce
que c'est un petit territoire
que l'information est fluide, circule
bien, qu'il n'y a pas de malentendus. Les gens ne sont pas très au
fait... on n'est pas éduqués à comment fonctionne,
bon, l'administration municipale, par
exemple. Mais là on est dans une situation
où il y a beaucoup
d'enjeux de développement urbain, les citoyens sont invités à des consultations, on développe des places
éphémères qui doivent être soutenues
par le milieu. Les gens s'investissent bénévolement dans plein de choses, ont
des attentes qui ne sont pas réalistes par
rapport à leur administration, par rapport à l'élu de leur district. Donc, oui,
c'est stimulant de voir qu'on peut répondre à ce besoin-là, puis c'est un peu décourageant de voir l'ampleur de ce
besoin-là en regard de ce qu'on a comme ressources pour essayer d'y répondre, là. Puis même parfois
on finit par être la courroie de transmission entre un commerçant puis
un organisme ou... oui.
M. Bertrand
(Arnaud) : Je crois qu'on a un rôle à jouer, aussi, d'éducation, c'est-à-dire
que, quand un commerçant m'appelle
dans le département des ventes pour faire un article sur la côte de porc qui
est en spécial cette semaine, bien là, on va lui expliquer que ce n'est pas possible de
faire ça. Par contre, bien avant que... parce qu'on ne fait pas de
publireportage, on ne fait aucun reportage
payé. Puis, bien avant que les médias développent cette formule de marketing de
contenu, on avait... j'ai parlé tout à l'heure, de répertoires. Donc, si
un commerçant nous appelle pour une information qui n'est pas de l'information d'intérêt public, on va le diriger
vers des sections payantes, qui sont le répertoire des offres d'emploi, le
répertoire des événements, etc. Donc, ça
nous permet de sensibiliser, quelque part, le citoyen, le commerçant et
qu'est-ce que c'est, un article de journal, puis qu'est-ce que c'est,
une chronique, qu'est-ce que c'est, une publicité. Voilà.
Puis, pour
terminer sur le journalisme citoyen, ce n'est pas facile de faire du
journalisme de citoyen, on l'a dit tout à l'heure, parce que les gens vont aller s'exprimer sur Facebook
aujourd'hui. Donc, on est au tournant, aujourd'hui, où on est à la recherche vraiment de journalistes
professionnels qui sont quand même intéressés, bien impliqués dans les
quartiers mais qui vont... sur qui on va pouvoir compter pour couvrir
des sujets locaux.
M. Lemieux : De toute évidence,
vous faites de l'éducation aussi, et c'est bien nécessaire. Je vais vous
confier quelque chose, parce que vous parlez
de Facebook puis vous parlez des problèmes d'algorithmes, j'ai longtemps rêvé,
à la retraite, à ne rien faire, essayer de
fonder un Facebook québécois. On s'entend, là, c'est un rêve de fou, puis je
n'y arriverai pas, personne ne va y
arriver, là, mais c'est ce que ça nous prendrait, dans le fond. Si on n'avait
pas à se battre contre les algorithmes
pour faire circuler de l'information...
Moi, je rêve du jour où je vais me réveiller puis je vais être capable
d'aller quelque part pour savoir...
Je vous
raconte une histoire. À Marieville, O.K., aux dernières élections provinciales... municipales,
je me suis couché sans savoir qui
avait gagné, à la mairie de Marieville. C'est insultant parce que j'avais animé
un débat entre les deux candidats trois
semaines avant, puis pas capable de le savoir parce que personne ne s'y
intéressait. Il y a 10 000 habitants à Marieville. Bon, on mérite tous, en se levant le matin, de
répondre à nos questions de ce qui s'est passé autour de chez nous. Oui,
ailleurs dans le monde, j'en suis, j'en
veux, je regarde mon téléjournal, moi aussi, là, mais le Québec, en ce moment, quand je parle de gruyère,
ce n'est pas qu'il n'y a pas de journaux, ce n'est pas qu'il n'y a pas de
services, c'est que le service dont on a le plus cruellement besoin, c'est vous qui le faites puis vous le faites à
bout de bras. Et j'en suis, je pense qu'il faudrait que ce soit le genre
d'hyperlocal dont on bénéficie sur le Web si on n'était pas pieds et poings
liés avec Facebook.
La Présidente (Mme Nichols) :
En quelques secondes.
M. Bertrand (Arnaud) : Je n'ai
pas de commentaire. Merci.
M. Lemieux : Êtes-vous un petit
peu d'accord?
M. Bertrand (Arnaud) : Oui,
oui, tout à fait, j'approuve.
M. Lemieux : Ah! bon, parfait.
O.K., c'est bon. Au moins, on s'entend là-dessus.
M. Bertrand (Arnaud) : Pas de
commentaire à ajouter.
La
Présidente (Mme Nichols) : Très bien, merci. Alors, on poursuit
la période d'échange avec Mme la députée de Verdun.
Mme Melançon :
Bonjour. Merci d'être parmi nous. Ce qui est intéressant dans ce que vous
apportez et qui est totalement
nouveau, parce que c'est vrai, là, là on est dans de l'hyper... par quartier,
c'est chouette parce que c'est un peu ce qu'on vit dans nos quartiers aussi à Montréal. Donc là, il va falloir
peut-être penser, à un moment donné, à exporter le tout. Mais il y a différents modèles d'affaires, hein?
Et ça, c'est ce à quoi on va devoir jongler, nous, avec la commission
aussi parce qu'on fait affaire à toutes sortes de modèles. Ma question est la
suivante : Est-ce que votre modèle est né d'un désert médiatique?
M. Bertrand
(Arnaud) : Non, je ne dirais pas ça, plutôt d'un contrepoids.
C'est-à-dire, c'était assez simple, c'était que le... je trouvais que le traitement médiatique du quartier Limoilou,
en 2008, était dramatique. On ouvrait les journaux, c'était le pire des quartiers, il y avait des
meurtres, il y avait du sang qui coulait sur les trottoirs, c'était infernal.
Puis moi, je suis arrivé...
j'arrivais, de manière très neutre et objective, d'Europe dans ce quartier-là,
que je trouvais fabuleux, très vert, très
agréable, un quartier en plein essor, avec des familles qui voulaient se
réapproprier ce quartier-là, les petits commerces qui s'installaient, donc j'ai voulu faire, tout
simplement, plus un contrepoids à ce qui se disait sur le quartier plutôt
que... Non, je ne trouvais pas que... Bien, un quartier manque toujours de
couverture médiatique, c'est sûr, parce qu'on va vraiment dans le très pointu,
mais, non, ce n'était pas...
Mme Melançon : Ce n'était pas
le désert médiatique.
M. Bertrand (Arnaud) : Non.
Mme Melançon : Mais vous
vouliez amener une autre vision, une autre façon de voir votre réalité.
M. Bertrand (Arnaud) :
Absolument.
Mme
Melançon : Et, lorsque je parcours... je suis allée voir, parce que
c'est vrai que la députée de Taschereau nous a parlé de vous, à un certain moment donné, lorsqu'il était le temps de
faire cette liste-là, alors nous... moi, en tout cas, j'étais allée parcourir de quoi il était question. Et ce
qui est intéressant dans l'histoire, c'est que vous faites quand même
affaire avec des journalistes
professionnels, et c'est là où il y a aussi une distinction à faire entre ce
que vous êtes en donnant à la pige. Mais
au final vous faites des sous? Est-ce que ça fonctionne suffisamment bien pour
que vous puissiez dire : On pense que ça peut fonctionner ailleurs
dans le même modèle?
M. Bertrand
(Arnaud) : Oui. En fait, la formule est très légère, je vais répondre
ça. C'est-à-dire que, demain, un journaliste
et un homme d'affaires s'associent ensemble dans une petite ville, peuvent
démarrer une plateforme avec notre modèle
d'affaires et en vivre tous les deux. Je pense, avec suffisamment, c'est ça, de
contacts dans une région, il y a moyen de...
Et notre plateforme aussi est exportable, je dirais, est faite pour ça. Donc,
je dirais, la plateforme existe peut-être pour des gens qui veulent se partir en affaires pour créer
une petite structure. Je ne pense pas, on l'a dit tout à l'heure, qu'elle
pourrait être applicable, utilisée pour un grand média régional, mais, oui,
c'est viable, tout à fait.
Mme Melançon : Je vais demander
à la présidente...
La Présidente
(Mme Nichols) : ...je cède la parole à Mme la députée de
Westmount—Saint-Louis.
• (15 h 20) •
Mme Maccarone :
Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup de votre présence aujourd'hui. Je vais
faire un peu de pouce sur ma collègue
la députée de Verdun. Et, comme elle également et mon collègue le député
de Saint-Jérôme, vous êtes une découverte pour moi, et je
suis bien contente de voir qu'est-ce que vous avez en place, mais j'aimerais
mieux comprendre votre façon de se financer.
Vous avez dit que vos revenus augmentent. C'est sûr, c'est une plateforme de
Web. Auparavant, moi, j'ai fait une
recherche sur la société de sclérose en plaques — j'ai
l'honneur d'être la présidente d'honneur en mai 2020 — et,
c'est sûr, j'ai une publicité qui vient d'apparaître sur votre site par rapport à la sclérose en plaques. Alors, c'est de la publicité ciblée. Ça fait que vous avez dit que vous faites
affaire avec Google. Alors, vous, pour vous, Google, c'est une source de
revenus également, n'est-ce pas?
M. Bertrand
(Arnaud) : C'est une très
petite source de revenus, c'est 200 $
par mois. Les revenus Google, en tout cas, pour le trafic que nous, on
a, vous pouvez faire une règle de trois, on a 60 000, 70 000 visites
par mois, ça va nous donner 200 $ de
Google, de publicités Google. Donc, on dit toujours que les revenus Google
permettent de payer des petits frais
d'hébergement, des choses comme ça. La majorité de notre revenu ne vient pas de
là. Google va être utilisé, en fait, dans
l'espace publicitaire quand nous avons fini de distribuer la publicité locale,
parce que vous allez voir beaucoup plus de publicité locale sur nos plateformes. C'est ça aussi qu'on pense, que
les gens sont plus attentifs à la publicité qui est proche d'eux qu'une publicité de voiture
distribuée par Google. Donc, c'est ça, c'est minime, là. Je dirais, pour
répondre à votre question, la majorité du
chiffre d'affaires vient donc d'abonnements que les commerçants vont prendre,
qui donnent plusieurs options de visibilité dans les plateformes.
Mme Maccarone : Ça fait que,
mettons, un pourcentage de source de revenus, côté des annonceurs, Google
représente quoi, par exemple?
M. Bertrand (Arnaud) : Les
annonceurs versus Google?
Mme Maccarone : Oui, c'est
2 %, 3 %, 5 %?
M. Bertrand (Arnaud) : Google,
c'est 1 % de revenus, oui.
Mme Maccarone :
1 %, ça fait que c'est très mineur, O.K. Puis, parmi vos annonceurs,
est-ce que le gouvernement... est-ce qu'eux, ils font partie de vos
annonceurs?
M. Bertrand
(Arnaud) : Non. La ville de Québec, oui, le gouvernement, non. Puis on
a essayé d'approcher des régies qui
placent de la publicité pour le gouvernement, vu qu'on n'est pas un média
communautaire, on nous a dit que ce n'était pas possible de recevoir ce
genre de publicité là. C'est sûr, c'est un sujet que je n'ai pas creusé, là,
mais qui pourrait peut-être...
Mme Maccarone : On vous a dit
que vous n'êtes pas éligible?
M. Bertrand
(Arnaud) : Ah! parce que c'était une agence qui travaillait
essentiellement avec des médias communautaires,
on n'est pas communautaire en tant que tel. Peut-être que, là, si je creusais
la question du côté des agences qui travaillent avec tout type
d'entreprise, ce serait possible, mais j'avoue que ce n'est pas une avenue que
j'ai creusée plus que ça.
Mme Maccarone :
Je ne sais pas si vous avez pris connaissance des autres intervenants qui sont
passés ici avant vous, il y en a
plusieurs qui ont parlé d'une régie publicitaire. Que pensez-vous de ceci, si
on peut déterminer que vous êtes éligible pour en faire partie?
M. Bertrand
(Arnaud) : C'est possible,
mais, je l'ai dit tout à l'heure, moi, je tiens beaucoup à ce que la
publicité de mes sites soit en lien avec le
quartier, donc je vais préférer mettre de l'énergie à trouver des annonceurs
qui ont un lien avec la communauté,
qui vont chercher à rejoindre cette clientèle locale, parce que la clientèle
locale aussi, elle va être plus captive
de la publicité locale qu'une publicité plus institutionnelle ou qui... pas
d'intérêt d'annoncer de la publicité pour des entreprises qui ne sont pas
dans la ville de Québec. C'est vraiment l'hyperlocal qui nous tient à coeur, donc on va
toujours privilégier des annonceurs locaux, hyperlocaux à des annonceurs
extérieurs aux quartiers.
Mme Maccarone : Mais les annonces du gouvernement sont quand même assez hyperlocales. On parle de santé, on parle d'Hydro-Québec, on parle vraiment de la publicité quand
on dit... souvent, on le dit : Pas de cellulaire au volant, etc.
Vous pensez que ce serait intéressant et important pour vous?
M. Bertrand
(Arnaud) : Oui, tout à fait, tout à fait. Oui, oui, ça pourrait être
pertinent de creuser cette avenue.
Mme Maccarone : L'âge moyen des
gens de vos 60 000 à 70 000 personnes qui fréquentent votre site?
M. Bertrand (Arnaud) :
30 à 60, le plus gros de notre lectorat, donc pas de personnes très
jeunes, plus des familles, des jeunes professionnels et des jeunes retraités,
je dirais.
Mme Maccarone :
Étant donné qu'aujourd'hui on parle vraiment de l'avenir des médias puis on
sait qu'on a une crise auprès des
médias imprimés, avez-vous une stratégie pour essayer de rejoindre une
communauté qui est plus âgée pour s'assurer
que, peut-être, eux, ils auront accès à des informations que vous avez ici?
Entre autres, j'ai vu un article de ma collègue de Taschereau, c'est
daté de l'année dernière, mais quand même. Avez-vous une telle stratégie pour
rejoindre une clientèle plus âgée?
Mme Genest
(Suzie) : En fait, on est en cours d'essayer de développer une telle
stratégie. Question de disponibilité...
C'est quelque chose qu'on réfléchit
depuis longtemps, essayer de rejoindre des plus jeunes, d'une part,
puis essayer de rejoindre des
préretraités, retraités, aînés, dont on sait déjà qu'il y a un intérêt, parce que,
notamment, on traite des sujets d'histoire, patrimoine, on voit qu'il y a
des périodes dans la semaine où cette clientèle-là est plus présente, mais ils
ne sont pas nécessairement toujours à l'affût sur les réseaux sociaux. Donc, on
aimerait trouver une façon d'avoir des collaborations pour aller dans le... sur le terrain, dans la
vraie vie pour être plus en contact direct avec des gens qui ne sont peut-être pas toujours sur les réseaux
sociaux puis nous découvrent moins facilement, là, toujours l'enjeu de la découvrabilité aussi. On
travaille aussi à essayer d'intégrer une collaboratrice qui est de cette
génération-là, donc c'est un peu, là, ce qu'on est en train de réfléchir.
Mme Maccarone : Vous avez parlé de collaboration. Est-ce que
c'est possible d'avoir de la collaboration
entre autres médias dans votre région plus locale, que ce soit radio ou
imprimés?
Mme Genest
(Suzie) : C'est quelque chose qu'on est... C'est qu'on a commencé à avoir des discussions avec
un média, notamment imprimé, un hebdo, là, un média de notre...
Mme Maccarone : Mais quelle est
votre vision là-dessus? Ça fonctionnerait de quelle façon?
Mme Genest
(Suzie) : Bien, c'est ça qu'il faut essayer de déterminer, parce
que chacun est dans sa situation un peu de débordement ou d'urgence, ça fait qu'on n'est pas très avancés dans
les pourparlers mais on est intéressés mutuellement.
La
Présidente (Mme Nichols) : Merci. Alors, nous poursuivons les échanges avec Mme la députée de Taschereau...
Mme Dorion : Merci. Merci d'être venus. Il y a Télé-Québec qui sont venus nous... C'est-u Télé-Québec
qui nous a parlé de l'agence
Télé-Québec? Excusez-moi. En tout cas,
il y a des gens qui sont venus nous parler de l'idée d'une agence de presse qui pourrait être Télé-Québec, qui remplirait les trous d'information au Québec, là où il
n'y a pas ni d'agence ni assez de journalistes pour aller... donc, ça peut
être dans les villages éloignés mais ça peut être aussi, comme vous le
dites, dans l'hyperlocal, dans des
quartiers, même, dans les villes. Est-ce
que c'est quelque chose qui pourrait vous servir ou vous auriez plutôt peur que ça vous
fasse concurrence?
Mme Genest
(Suzie) : C'est quelque chose qui nous donnerait envie de faire des partenariats, si c'est possible,
en tout cas, ça, c'est certain. Et j'imagine qu'ils auraient,
eux, une possibilité de produire du contenu audiovisuel plus facilement
que nous, pour des raisons évidentes, nous,
on a du personnel pour écrire. Il y a peut-être quelque
chose à faire là si l'ouverture
existe.
Mme Dorion : O.K. Donc, si ça se faisait en collaboration avec ce qu'il y a déjà sur le terrain, ça pourrait être une bonne idée. Puis vous avez... Dans vos
suggestions, vous parlez de prélever une taxe, une redevance chez les
fournisseurs d'accès Internet, c'est quelque chose dont on a peu parlé depuis le début de la semaine. Je ne sais pas si tout le monde est au fait de c'est quoi, mais en fait c'est qu'il n'y a pas juste les GAFAM qui profitent du contenu puis qui ramassent l'argent,
en passant, il y a aussi les fournisseurs d'accès Internet. Si les gens se
branchent sur Bell ou sur Vidéotron, ce n'est pas pour le plaisir d'être branchés, c'est parce qu'ils veulent avoir accès à du contenu. Et donc vous parlez de ça, mais
c'est de compétence fédérale. Est-ce que
vous seriez d'avis qu'on devrait, au gouvernement
du Québec, puisqu'il y a un
mandat du gouvernement de protéger, promouvoir la culture et donc aussi l'information
québécoise locale dans notre langue, etc., est-ce
qu'on devrait, en tant que gouvernement et que parlementaires, faire pression
sur Ottawa? Puis, si on ne réussit pas, est-ce que ça pourrait être une bonne idée que de tenter de rapatrier
les pouvoirs en culture, communications en général? Votre avis
là-dessus. Bien, je comprends que c'est très large, mais...
M. Bertrand
(Arnaud) : Je ne sais pas. Je ne répondrais pas comme ça à la
question, j'irais plus... C'est primordial, je crois, que les utilisateurs paient pour des contenus, mais pas
nécessairement... Il y a des gens qui profitent, c'est clair, des contenus gratuits, qu'ils soient musicaux, vidéo,
cinématographiques, médiatiques, mais on n'est pas capables, au Québec,
de taxer un fournisseur d'accès pour... C'est ça que vous me dites, on n'est
pas capables de taxer un fournisseur d'accès?
Mme Dorion :
C'est de compétence fédérale, c'est ça, c'est... Internet, en tant que
nouveauté, tombe dans la compétence du fédéral, ce qui est un problème quand on
veut protéger notre culture.
M. Bertrand
(Arnaud) : O.K., oui, bien, c'est sûr qu'il faut taxer.
La Présidente
(Mme Nichols) : Je suis désolée de vous interrompre...
M. Bertrand
(Arnaud) : La mécanique, je ne connais pas bien la mécanique.
La Présidente
(Mme Nichols) : Nous allons poursuivre les échanges avec M. le
député de Rimouski.
• (15 h 30) •
M. LeBel :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Vous avez dit quelque chose qui m'a... bien,
c'est venu me chercher, mais c'est
parce que vous avez dit : Avant, c'était le parvis de l'église,
maintenant, pour savoir ce qui se passe dans mon quartier, maintenant, c'est par vos plateformes, qu'on peut savoir un
peu plus ce qui se passe dans nos quartiers. Il y a un mot que je ne connaissais pas, là,
«l'illectronisme», c'est des gens qui ont de la difficulté à aller sur les
plateformes. Vous êtes dans des
quartiers... puis vous les connaissez, parce que vous faites de l'hyperlocal,
vous êtes dans des quartiers populaires. Tu sais, le taux de revenus dans Limoilou, c'est un des plus bas dans la
région de Québec, le taux de scolarité, il y a 17 % qui sont sans
diplôme, 20 % qui ont un diplôme d'études secondaires seulement, et là ce
monde-là... moi, j'ai peur que, tranquillement,
c'est une partie de la population qui va être exclue s'ils n'ont pas accès à
ces plateformes, ils vont être exclus parce
qu'ils n'auront pas accès à l'information et vont être isolés. Et j'hésite,
moi, à parler de taxe pour aller se payer ces affaires-là. On va encore
s'assurer qu'il y a encore du monde qui n'auront pas accès à ça, puis ils vont
s'exclure encore davantage, la pauvreté, et
tout ça. Vous connaissez votre secteur. Qu'est-ce qu'on peut faire pour faire
en sorte d'éviter que ces gens-là
soient exclus? Par la formation? Qu'est-ce qu'on peut faire pour éviter qu'il y
ait des gens qui soient complètement isolés, s'exclure des discussions qu'il
y a sur vos plateformes?
Mme Genest
(Suzie) : Bien, il y a
deux éléments dans ce que vous dites. On a, disons, l'accessibilité
économique mais on a aussi les fractures
numériques — j'insiste, c'est pluriel — puis les fractures numériques, ça n'existe
pas que chez les gens défavorisés
socioéconomiquement, là, je veux dire, il y a de multiples formes de fractures
numériques. On pourrait en énumérer
plusieurs, je ne le ferai pas, mais, bon, des gens très aisés qui possèdent des
appareils mobiles, qui les utilisent tous
les jours ne seront pas nécessairement à l'abri des fractures numériques. Les
gens vont sur les réseaux sociaux parfois sans trop savoir comment ça
fonctionne. Ce n'est pas parce qu'ils sont sur les réseaux sociaux qu'ils
voient ce qu'ils voudraient voir. Comment on
fait pour adresser tous ces enjeux-là? Moi, je dis souvent qu'il existe
différentes initiatives qui ont été
mises en place dans le culturel, notamment, ensuite avec les commerçants pour,
disons, aider les gens à prendre le virage
numérique en tant que professionnels mais aussi en tant qu'utilisateurs. Il y a
un besoin dans le milieu communautaire mais
il n'y a pas d'enveloppes qui sont dédiées à ça. Les organismes communautaires
sont des lieux qui sont fréquentés par les
gens que vous avez décrits précédemment, c'est les personnes les plus aptes.
C'est sûr que, dans les bibliothèques, il existe des cours d'initiation à l'utilisation des ordinateurs, il y a
des ordinateurs en utilisation libre, et tout ça, mais on n'a pas encore
fait le tour de ça en tant que société, là, je pense qu'il y a encore des
besoins.
La
Présidente (Mme Nichols) : Encore merci. Nous pourrons continuer
avec Mme la députée de Marie-Victorin.
Mme Fournier :
Merci beaucoup. C'est vraiment superintéressant, ce que
vous faites, d'autant que je pense que, maintenant, on est à une époque où il y a un retour vers le local qui
s'exerce beaucoup, et les gens sont très, très intéressés par ce qui se passe tout près d'eux dans leur
quartier, tout ça. Donc, vous répondez bien à ça, vous êtes comme des
superniches, en quelque sorte. Je pense que vous faites aussi... vous êtes aussi
un important contrepoids à tous, justement, les Spotted de ce monde dont
faisait état le député de Saint-Jean tantôt, donc, bravo pour ça.
Il
y a une phrase dans votre mémoire qui m'a peut-être interpelée. À la
page 8, vous dites que vous vous rapprochez de l'économie sociale, que, toutefois, votre forme juridique n'est pas
celle d'un OBNL ni d'une coopérative. J'aurais envie juste de vous
demander pourquoi.
Mme Genest (Suzie) : Parce que ça a été fondé par une personne qui, au
début, a démarré une compagnie toute seule...
Mme Fournier :
Est-ce que ça vous intéresse? Est-ce que c'est un modèle sur lequel vous vous
tournez pour l'avenir?
M. Bertrand
(Arnaud) : Oui, possiblement. C'est des discussions qu'on a, tout à
fait, de changer la forme juridique, oui, c'est dans les discussions.
Mme Fournier : O.K.,
bon. Merci.
La
Présidente (Mme Nichols) : Merci. Alors, je vous remercie pour
votre contribution aux travaux de la commission.
Et je vais suspendre quelques instants, le temps
de faire place au prochain groupe. Merci.
(Suspension de la séance à 15 h 33)
(Reprise à 15 h 37)
La Présidente
(Mme Nichols) : Alors, je souhaite la bienvenue à notre prochaine
représentante, soit Mme Massad. Je
vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous
procéderons ensuite à la période d'échange avec les membres de la
commission. Je vous invite donc à vous présenter et à procéder à l'exposé.
Je me permets
de souligner aux collègues, s'il y a... ça se peut que... en fait, on met à
votre disposition l'interprétation. Donc,
madame, aussi, sachez que c'est à votre disposition si vous souhaitez en
bénéficier. Très bien? Alors, voilà, vous disposez de 10 minutes.
Mme Rhonda Massad
Mme Massad
(Rhonda) : Merci, Mme la
Présidente. Mmes et MM. les députés, mon nom est Rhonda Massad, je suis
fondatrice du West Island Blog, un journal en ligne qui s'élève à plus de
12 millions de visites dans les dernières cinq années. As a
freelance journalist, I have contributed to such news agents as The Suburban,
The Gazette, Global NewsMontreal. During
the flood of 2017, I reported live from the site for CBC National News. Je siège au conseil des refuges d'urgence pour jeunes Ricochet et je suis
cofondatrice de Neighbours for Neighbours Food Drive. Je suis ambassadrice
auprès de la fondation de l'hôpital Lakeshore de l'Ouest-de-l'Île et du Refuge pour femmes de l'Ouest-de-l'Île. Je suis éditrice et chef du Westmount Neighbours Magazine.
While
community news is in transition, is it also on the rise. People need to connect
to feel soothe in a time where national and international news is not only disappointing, but very
scary. A sense of helplessness with regards to the world's events has readers reaching for local news sources
more than ever. Local news provides positive feedback in the world they
live in, in a world that they can impact themselves. Les agences de nouvelles
en ligne réunissent les communautés.
I'll
be putting these slides up periodically, you'll see my reach. You can see here
that, in one week, this last week, we reached 136,000 people in the week and 41,000 people engaged
in my content, so they spoke to me, they liked the
page, they asked a question. So, that's 41,000 people in one week and 107,000
people this month.
• (15 h 40) •
The
reason our readership has grown exponentially is because we strive to deliver
an ethical news in an ethical way, with timely facts and non-partisan reporting. The West Island
community trusts our team to deliver ethically curated
news. There's a high demand for local news.
We soft launched both the Montréal and Laval
recently, and it's doing well. We hope to unite the communities in those areas as well,
like we have on the West Island. The confidence people have in our
reporting is spreading, and the demand is there.
We
report in the area of the West Island. Because the West Island Blog team lives
in the community, we see and understand the history and
the news in its context. We're not strangers when we're reporting the news, we
are actually reporting the news that you
know, we are there with you and we feel the news, so it's not out of context.
It is the first time in history that
people can know their reporters as much as they know the topics of discussion.
Viewers can choose who they align with both ethically and
journalistically.
My
particular blog that we're talking about today represents the green portion. We
represent 234,000
residents in a concentrated
area, but we do bleed out, and I do have Google analytics that show people not
expats that follow us from Europe that
have moved away, and so on. Many videos are shot in both official languages, en
français et en anglais. Our objective is to cover local and regional news. The mission is to provide everyone the
right to receive local information. We cover events at John Abbott, our local cégep, and cégep
Gérald-Godin, that was built with a mission to preserve the French culture.
Our goal is to have the trust of this very diverse community with all its
various languages and cultures.
News
today is interactive. With the rise of traffic on social media, where articles
are posted and shared, comments are quick and easy to post. Updates can be made instantly, so articles
are never dry and out-of-date, we update them as news occurs. If there's an accident on the highway, we
announce that, and, further during the day... I have four volunteers
that work with me, we will all be updating that information as the day goes
along.
Aujourd'hui, un aspect crucial des nouvelles
locales en ligne est la touche personnelle offerte par les différents
médias. Grâce à l'aspect interactif du Web,
mes abonnés me connaissent, et je les connais. Ils me voient à mon meilleur en
tenue de gala et me voient prête à remplir
des sacs de sable lors d'une inondation. Ce lien de proximité n'aurait jamais
été possible auparavant pour toute source de nouvelles locales.
News shoppers know they can get
national and international news from the larger outlets. When it comes to local community-driven news,
they are checking with a team they have met, they know us. You can see here the
social impact of this particular
slide. We are showing the... This broadcast shows the mats for the homeless.
There's a church in our area that is
asking for bags. So, it's an
environmentally sound initiative, they're making mats for the homeless, so
people that sleep on the streets... ceux qui restent dans la rue ont un
matelas fait par cette église, les femmes dans cette église, qui vraiment...
elles tissent le matelas même. Alors, on a reçu plus de 100 partages et plus de
11 millions de personnes... 11 000 personnes ont vu ce «post», puis
on aura beaucoup de sacs pour ces femmes-là.
Ça, c'est une autre... We change lives
by being able to reach out for help from the community. During the flood and a search for a missing
teen, you can also see here we reached 98,000 people in three days. It's an
important aspect of what we do. More
than 2,000 people shared this post, there was a missing teenager. It took four
or five days, but this teenager was found,
and I'm quite certain... I'm not the only one that shared it, but with all of
us together, we certainly made an impact on how to find her.
We
can also poll instantly. As an example, we recently polled an audience asking
them what questions they would like us to ask and what their concerns are for the federal election. We
had 298 comments to sift through to figure out our interview questions moving forward. I don't just
ask questions that I'm interested in. I need to know what my readership
wants and needs. So, we poll them first, then our upcoming interviews will make
sense to them.
Trust
is a major factor in connecting with the community. News must be relevant and
factual. I can assure you that, if I make a mistake, I'm guessing, much like yourselves, we will be
called out, it doesn't take more than a second. So, there are no errors allowed. During the first flood of
2017, the readers came to help me. I opened up a location for a food
drive, and people could see that I couldn't
manage the blog and the food drive simultaneously. They themselves came, and
walked up, and said : Give me your
computer, we're going to help you. They feel this blog belongs to them. They're
very much engaged in what I do. And, what, now, we have four volunteers,
like I said, it's... people are coming to help me because they believe in this as
well.
The
West Island Blog has an impact by helping people in the community. From an
on-site coverage to the recent flood, to the celebration of the Cancer Wellness Center, to being
instrumental in getting much needed drugs to the youth in need, we are not just a place to get news. Web is
a resource that people seek out in a crisis to know what is happening
and how to reach resources in their community.
You
can see here... Oups! I missed one. OK. So, I'm going to show you the very
first experience I had with the West Island Blog. During the 2017 flood. I was on the
ground, and people called me from the location in Île-Bizard and
said : We are not seen, we have no way
of communicating with the Government, can you please come here and maybe help
us show the right people the right information? And this is what it
looked like for me... How do I do that?
Une voix : ...
Mme
Massad (Rhonda) :
What do I do? I'll try that. At home, I just press every button until something happens.
Des voix :
Ha, ha, ha!
Mme Massad
(Rhonda) : That's all, that's how I do it. OK.
I'll let you find the video. If you go back to my slides. OK.
The business model... We saw
569,000 people this month of April in this flood, the flood for the...
Une voix : ...
Mme Massad (Rhonda) : What we're trying to show you is a 2017 video, but the 2019
information is... we received... 569,000
people watched the videos during the flood, and they watched what the city gave
us as well, both... the cities that
were impacted. In fact, all three were communicating to me, and we were doing
live videos, so the city officials could in fact reach their residences
«à la minute». So, they knew where to go, what... don't everybody run to the
same location. In 2017, we refunnelled the
traffic away from the site. It was a very important part of what happened, and
it saved a lot of energy, and time, and traffic.
Of course, it's not going to
happen... There we go. OK. There's me. There I am. I'm
in a canoe in this video.
(Présentation audiovisuelle)
Mme Massad (Rhonda) : Can you hear that? I'm in a canoe. There's a gentleman bringing
home his groceries, and I'm in a canoe that is taking me through the streets.
(Présentation audiovisuelle)
• (15 h 47 — 15 h 48) •
Mme Massad (Rhonda) : OK. Somebody's got to get me back to my slides.
OK.
So, our social impact is quite relevant, and it's become... There we go. OK. I
want to also point out that we did reach 500,000 in our
videos during the 2019 flood. It was the place to go to look for what you
needed during that time.
I wanted to point out that we want to introduce you to
Dario. He is our youth... Right now, the blog has become so intrenched in the community that the youth have reached out to
me : Can we do some work for you? Can we get some experience journastically? And we have been very, very well received
with that. The community loves to see their youth participating.
Freelance
news reports range from $35 to $100. That's what people get paid. If you're
wondering why investigative journalism is at a lack or why people don't show up when you call them
to do a press conference, it's because it's $35 and it's more expansive
to put the gas on that. So, take your taxes from that, you're not walking home
with a lot of money.
En 2019, à Montréal, un reporter pigiste
peut être payé entre 40 $ et 100 $ par article au niveau local. Dans
cette échelle de prix, il y a
peu de place pour l'enquête. La qualité des nouvelles est dictée à la fois par
le prix et par besoin de livraison
rapide. Les médias auront de plus en
plus de difficulté à embaucher les
journalistes et à tirer le meilleur de leurs capacités et assurer les informations... est vrai. Les nouvelles
continueront d'être superficielles, ce qui, en retour, nuit au système démocratique. A lack of subsidy threatens our quality of
reporting. I do not believe government involvement
would compromise this mission if we use CBC as an example of a news agent.
Here's
some costs that it costs in the new world of online reporting :
translation is $150 for a 600 word article, tech support is $80 an hour, SEO management is $100 an
hour, and so on. You can see that. So, you reached out to me... — to me! — to people to find out what was the
future of media. This is the future of media, this is what it looks like,
locally speaking, I can't speak to national or
international.
Subsidies
would be great, tax credits, even on translation, would be great, redefining
journalism. I would love to see some regulation for social media. There has to be some way of qualifying
us as journalistic people. And the actual pathways that are being delivered, Facebook and LinkedIn,
are in charge of our media and the delivery. So, it's time to recognize
and include online sources and make them
part of the conversation. Thank you. And, oh! this is my special slide for you,
guys. There you are. There you are.
• (15 h 50) •
La
Présidente (Mme Nichols) : Merci. Une
dernière photo bien diversifiée. Merci
beaucoup. Merci,
Mme Massad. Alors, merci pour votre exposé. Désolée pour le technique, là,
qui a été un petit peu...
Mme Massad (Rhonda) : Ah! ce
n'est pas grave.
La
Présidente (Mme Nichols) : ...un petit peu plus compliqué. Mais
on vous a alloué, là, le temps, là, pour vous permettre de terminer votre exposé. Et maintenant, dans la période
d'échange, je vais céder la parole au député de Sainte-Rose.
M. Skeete : Merci, Mme la
Présidente. Welcome, Rhonda.
Mme Massad
(Rhonda) : Thank you.
M.
Skeete : I have a
few questions specifically about your business model. If you could just give me
a sense of what it
is, what it's like. For instance, are you full-time staff yourself? Do you
operate only with volunteers? Can you give me a sense? Because it seems to me that you do very well, considering the
current media climate. So, I think, understanding your business case a little bit... your business plan
or your business profile a little bit better would help us in these
proceedings.
Mme Massad (Rhonda) : OK. I'm going to tell you what happens to
me, because this was a passion product. I
started to do this to unite the community, so it was a volunteer initiative on
my part. I was filling a personal void to help the community.
That
being said, over time, many businesses in the community would like to be
highlighted, so there is space for ad revenue. I do some of that. My passion lies in
the reporting, so I neglect my sales. If I had a sales force of my own,
which is costly, I would... There is room
for much more revenue than I have. We could do Google ad words, we could do...
but like the gentleman before, it's a
minimal amount of money, but ad revenue is the way to go. Video vlogging is the
way to go. I'd like to introduce the
businesses to the community. So, there is more money to make, but I'm one
person. «Full time» is an underestimated word that you could use for me.
I have my readers actually concerned : Are you overdoing it? No, I'm good. But we have four volunteers that jumped on
board this summer, so that helps. It would help to have a writer and a
full-time reporter because all of us are managing our daily lives and helping,
but there is room for growth in this business,
and it would be absolutely amazing to have students from every jurisdiction
reporting for us. It would be great, and giving them experience, and
letting them get to know how the business works.
M.
Skeete : I
have... I think your model is... I agree with you, I think that what you are
doing, sort of, it looks a little bit like the future. I have a concern, though, because the
scalability of that future, the viability of the information and
the quality of the information... Can you give me a sense of your abilities, not
personally, but, you know, structurally, within your organization as to the quality control
that goes into your media output, the journalistic standards that you have so
that, you know,
maybe this commission could say : Maybe this is the way to go forward,
because the quality and the standards are there?
Mme
Massad (Rhonda) :
The quality and standards are there, are going to be driven by the person at
the company itself.
We trust certain news outlets in traditional news as well. I don't believe you
would survive if your ethics were out of line. I think you would last probably a very short period of time
because, like I said, if we mess up our facts, we are told. And I can
tell you that if I mess up my facts too much, I won't have any listeners.
So, I think the actual
ethics and the actual journalistic standard will be elevated by virtue of the
actual interaction we have.
You don't... It's not like I got my paper on Wednesday, and then maybe there's
an error, and it comes out next week. The
errors are called
out within seconds. So, as far as quality of workmanship, even the people that
we're interviewing will tell us : That's not right. From my perspective, my ethics lie in
factual reporting, and I make sure that we have both sides of every
coin. C'est les deux bords qui doivent être entendus à chaque fois.
M. Skeete : And the local community aspect of, you
know, the truly grassroots of what you do is very
appealing. I'm wondering, if we decided that
we wanted to help you, if the Government decided
that it wanted to help people like you, how could we do it, considering you're not — unless you are — a
recognized media outlet? You know, what form... what can we anchor that help in, in terms of getting
you the help that you would need if we decided that your model was one
that we wanted to support?
Mme Massad (Rhonda) : You could help me by giving me
business, you could... There are two cities that
already use my site to announce things, if
there's a specific event or whatever. Maybe that would be a way to legitimately
help and not just hand out dollars,
mind you. Like grants and stuff are obviously welcome, but if you advertise
with us, then it gives us
credibility, it also gives the reader a chance to know that we're well backed,
we're supported by the community and the Government in our community. So, I think that would be a simple way. Tax
credits are another way. Translation, to have your site in both
languages is a really rough thing to do, it's a very expensive thing to do, so
that would be a way to help us. Tech
support, SEO management costs me $1,000 a month, and if I don't have SEO
management, I have errors, which means I
don't qualify, which... I have a body of people to deal with, but I have Google
to deal with, I have a lot to contend with in terms of tech support.
Tech support would be something... that would be somewhere a subsidy which I
would relish.
M. Skeete : What you're
saying is interesting, because we've had a lot of different groups come in here
and tell us that the
advertising model is... well, at least in my eyes, it seems to be a dying
model. And here you are, telling me that your business model rests on revenue from advertisers, and the best way we
can help you is just to give you what the Government used to or should
be doing in terms of the amount of public notices and whatnot.
Mme
Massad (Rhonda) : Yes, cause that's ads for
me.
M. Skeete : What would you
say to those people who are saying that, really, the advertising dollars aren't there anymore because of these giant GAFA players and that it's not
viable going forward?
Mme Massad (Rhonda) : I think it also depends on how much
you're looking to make in terms of revenues. Like, I can definitely subsist if I had somebody else
selling besides me, because when I sell, I'm not writing, and I prefer to
write, but I think if I had a salesperson or an extra person in my company,
definitely, it would help. It's not the revenues that you're thinking, you
know, let's say, for an example, an article in a newspaper or an add in a
newspaper costs $300 to $400 a week. We're
talking about $300 to $400 a month, so it's a different scale. So, does it work
for me? Could I support four people
on this business and have a family? Absolutely not, absolutely not, there's no
way. But there is room to grow and there are branches... And at the end
of the day, how else are we going to get our news?
M. Skeete : So, what
you're saying is very important, because viability becomes a question. Your
model is very interesting,
but, I mean, if people can't eat in this model, then what... other than just
giving you ads, is there anything else that you would think would be
useful?
Mme Massad (Rhonda) : The tech support would provide revenue
by virtue of having... The stronger I get, the more revenues I can get. I would get not
necessarily my local advertisers, I would be able to charge a little bit more
and get a bigger company, like a mobile
company, or IKEA, or something like that, like... I'm very, very local, but as
my numbers grow with tech support...
It's all one big thing. Tech support would grant me more revenues, because I
would be properly supported. A custom
website, which I can't afford, would be a way to garner more. I could get
revenues from other people.
M. Skeete : So, when we
met with The Suburban, they mentioned a government program that exists
to help media outlets transition from paper to digital
era. Things like that would be things that you could benefit from, provided you
were allowed...
Mme Massad (Rhonda) : But, since I'm not transitioning, I
don't qualify, nobody will help me because I'm not
transitioning from paper to online. I can't get the subsidies to be online...
to be in paper, I can't produce a paper. And I
can't get the help form the Government because I don't qualify because I don't
have paper. And you're not helping me transition my business, it is my
business, so that's where we're left out here in the cold a little bit, I got
to say.
M. Skeete :
Thank you. C'est tout pour moi, Mme la Présidente.
La Présidente
(Mme Nichols) : Très bien. Alors, je cède la parole au député de
Saint-Jérôme.
• (16 heures) •
M. Chassin :
Merci, Mme la Présidente. Mon collègue le député de Sainte-Rose a posé quelques questions que j'avais en tête. Dans le fond, merci de venir
nous rencontrer, parce qu'avec vous
on explore un petit peu la limite de ce qu'il serait possible de faire, jusqu'où, par exemple,
une aide publique devrait s'étendre, en quelque sorte. Et je trouve votre
modèle très intéressant. Le succès que vous
avez à l'intérieur de votre communauté est remarquable. Et, en même temps, j'ai
envie de vous poser la question un peu effrontée, si vous me permettez.
Mme Massad (Rhonda) : Vas-y.
M. Chassin :
Si un programme gouvernemental vous venait en aide, finalement, qu'est-ce qui
empêcherait un peu n'importe qui
d'ouvrir un blogue citoyen puis de dire : On répond à un besoin dans notre
communauté? Vous-même, vous avez un background en journalisme. Mais qu'est-ce
qui empêcherait, finalement, que d'autres médias apparaissent et réclament aussi un traitement équitable en ayant
accès au même programme auquel vous, vous auriez accès si c'était le
cas?
Mme Massad
(Rhonda) : Il n'y a rien à
empêcher un autre organisme à faire la même chose. C'est ça, la
question?
M. Chassin : Oui.
Mme Massad
(Rhonda) : Et pour recevoir...
Il n'y a rien, mais c'est comme n'importe quelle affaire, si on est... Premièrement, l'Internet est assez grand pour tout
le monde. C'est ça, ma perception. Moi, quand je travaille, je travaille
avec des «blinders», il n'y a pas d'autre
personne, il n'y a pas d'autre journal, il n'y a rien d'autre. Alors, dans
mon... tout le monde peut faire ce
que je fais. C'est le public même, c'est les... C'est différent que les
journaux à ancien temps. C'est nouveau, dans le sens que le citoyen même est capable de réagir instamment sur mes
«post». Alors, si je suis bon, ça va être correct, si mes informations sont
mauvaises, ça ne marchera pas. C'est à moi d'assurer que mon business est
effectueux.
M. Chassin : Combien de temps?
La Présidente (Mme Nichols) : ...
M. Chassin : Ah!
Une voix : ...
M. Chassin : Oui? Alors, je
vais me permettre une autre question. In this sense, if we
rely on clicks and interaction to judge the
validity, the program, the aid, the public aid program wouldn't be a real
support, it would recompense the success, right?
Mme
Massad (Rhonda) :
Well, you... it won't be a real support... What I think what needs to happen,
it's just... there has
to be a certain amount of regulation for people like me. If I had an emblem
that said I had followed... taken a course that was allocated by the Government or I had followed certain steps we must
include, I don't know, whatever credentials we can come up with, let's say we have to include so many
business posts, so many... this post or that post, so we would have...
If I could... It would help me if you regulated me so that people could trust
me even further. So, that's important. C'est important, this part, cet
aspect. Est-ce que ça répond aux questions?
La
Présidente (Mme Nichols) : Merci. Nous allons poursuivre la
période d'échange avec la députée de Westmount—Saint-Louis. La parole est à
vous.
Mme Maccarone :
Merci, Mme la Présidente. Rhonda,
we only have 10 minutes, so we're going to have to
go fast. I think, first and foremost, I want
to thank you for the local media coverage in the face of a real crisis and
receiving local media, local news.
What you provide is a vital resource. And so, when we're talking about the
future and the viability of the future,
I do think that there is something to be said about exactly what you're doing,
because you've already adapted your model, and you're not alone.
Collègues, je vous invite à lire les commentaires
qu'on reçoit sur le Greffier, entre autres un qui a été déposé juste hier par Pierre-Olivier Bédard de Longueuil. Je ne
lirai pas en entier, mais il dit : «J'aimerais que les blogues spécialisés
soient pris en compte dans les travaux de la
commission. Ce ne sont pas que les médias imprimés généralistes qui doivent
rivaliser avec Facebook et autres. Il
faut permettre aux petits joueurs d'avoir accès aux programmes qui seront
développés. Principalement, les aides
devraient cibler ce qui touche directement la création de contenu, comme les
frais d'hébergement de site Web, les noms de domaine, etc.» So, really, exactly in line with what you're saying. So, I think one
of the things that would be beneficial for our commission to understand is how
do you compare to other media outlets.
Mme
Massad (Rhonda) :
I'm going to show you, actually. I did this big thing in case we had technical difficulties, so I'm going to show you exactly how I compare. I can actually say I compare quite well. During the flood
itself, I had 275,000 interactions on my site,
whereas other local media had less. I don't know if I'm allowed to say names of
other medias, but
the big guys, the big boys were struggling to keep up with me. So, it's... as
you can see here... you can see here we had a great success during that
time and how we compare to other media. Can you see that?
Mme Maccarone : No,
but that's OK.
Mme Massad (Rhonda) : We have Montreal Gazette at
368,000 during that month, we have Global at 83,000,
CJAD at 122,000, West Island Blogat
214,000 and the local main newspapers, TheSuburban had 2,000,
and Jewel 106, local radio station,
had 3,000. So, different groups had different... you absolutely can... I've
brought you all a copy. So, we do compare, we are in line...
Mme
Maccarone : You're out there with the big players.
Mme
Massad (Rhonda) : We are. We're not treated as
a big player because we are not accredited.
Mme Maccarone : But in
part... I know we were talking a lot about advertising models; your advertising model is actually quite particular. Can you share a little bit on
how it works for you, for your blog?
Mme Massad (Rhonda) : Absolutely. The most important thing
that I do is videoblogging, it's the videos which will... when you're in a business, I go show off
your business, I show off whatever you're doing. Recently, I did one
post on a business that is doing a new app
for geohistory learning. 5,000 people, like, that's how you're going to...
You're going to want me to do that for your business in the area, so
everybody knows. If I eat somewhere and I post what I'm eating, generally,
people are interested. My team does the same.
Mme
Maccarone : But you have a social clause with your advertisers, do you
not?
Mme Massad (Rhonda) : I do have a social clause. Any
partner, any serious partner that's coming onto the
blog does in fact have to participate in a
fund raising or a community aspect. They have to involve, implicate. I don't
want just a partner that is going to put a sign and leave. You have to
get engaged in the community and help.
Mme Maccarone : OK. You
know, we're talking a lot about future of advertising and there's some
questions about should you be eligible. What's your
definition of journalism, a journalist? And do you feel that you qualify?
Mme Massad (Rhonda) : I do feel that I'm qualified. I think
journalism today is... yes, we need our courses, we need to be educated, and so on, but it's reporting
factual, honest information and making sure it's non-partisan. That, to
me, is what a journalist, a journalistic
person should do. I've been trained by my mentor, and he trained me very
carefully in the fact that we had to
have both sides of the coin, it was very specific training. So, I do believe
that I do qualify as a journalist.
Mme
Maccarone : One of the things that we were talking about with other
individuals that have come here, partnerships,
what we're going to be doing to help those local communities and the local news
stay vital. What's your vision of partnerships with the type of news
that you offer?
Mme Massad (Rhonda) : I welcome partnerships. I really do
welcome a partnership. I had no idea that this was going to happen to me. I didn't know it was going
to be so viral. And a partnership with maybe one of the big boys,
again... If one of the big boys decided that I can handle their local coverage,
I would be more than welcome to partner because, like I said, I didn't really realize this was going to happen. And now I
have a certain aspect of social responsibility to use the blog for good, it's not... And it's unfortunate
that I named it a blog because I didn't know... it was supposed to be
personal when I started it five years ago,
but it's not personal anymore. It doesn't belong to me anymore; it belongs to
the community that it's serving.
Mme Maccarone : So,
talking about the community, how do the municipalities benefit from the news
that you report and then you provide to the community?
Mme Massad (Rhonda) : The municipalities use me often to...
if there's something that needs to be said or done
quickly, oftentimes I've got more reach and I've got a global reach, whereas
the cities have their particular reach. So, I
reach the entire region as opposed to a municipality that would reach only
their area or their city. So, in a crisis... in the last flood I was
called on to orchestrate the volunteers.
Mme
Maccarone : Do they advertise on your blog?
Mme Massad (Rhonda) : Two cities already do, yes, I'm very
proud of that, to be honest, because you have to be non-partisan to get... you are not going to get
somebody to advertise on your site if you're bashing people here and
there. There's no... I cannot... There can be no emotions in my reporting,
zero, it's not Rhonda's opinion that matters at all.
• (16 h 10) •
Mme Maccarone : What's the
average age of the visitors that come to your site? Do you have that information?
Mme Massad (Rhonda) : Originally, it was 35 to 65, and now
it spread to the 18-year-olds. We are starting at 18,
now, to 65 and we do have a range up to 70.
Mme
Maccarone : It's very interesting, because I know one of the things
that you mentioned was you've got a youth component, you have a lot of young
reporters. So, my colleague once called... a «pépinière», right, so, you've got your own «pépinière»
that maybe you're starting. But a concern that many members here, around the
table, have, and rightfully so, is
reaching our seniors. We want to make sure that we are working against
isolation and reaching out to them. Do you have a plan for that as well?
Mme Massad (Rhonda) : I don't have a specific plan for
seniors, but that partnership you were discussing would
help me solve that problem. I think, if we
were unified in general, it would help reach the seniors. Maybe we could do
that through a printed version, maybe a
once-a-month printed version so that everybody's up to date. It's more
difficult to print from my perspective.
I have absolutely no knowledge of print, so it would be difficult, but if I
partnered up with somebody that did, that would be great.
Mme Maccarone : You
mentioned earlier that your revenue stream isn't one where you could support a family, for example, and you
said that you have a lot of volunteers coming to help you. Would you give any
consideration to adapting your
business model so that you would be eligible for funding, for example, from the
Secretariat? Because the service that you
provide, again, is in part the future, you are open to partnerships. Is that
something that would be a viable conversation to have with you?
Mme Massad (Rhonda) : I think so, yes, I think we could...
I'm willing to compromise. I'm in a learning process myself, as we all are, because it's a brand new
way of delivering news, and it seems to be the way that people are
receiving it. 500,000 people checked in with me during the flood. So, it's
vital. How we proceed forward, I'm open because, like I said, we are learning
here, it's new.
Mme Maccarone : In your
experience with other people that are doing a similar type of news media as
what you are doing,
do you think that they would benefit from being part of a registry for
advertisers? Again, one of the things, if you've been paying attention a
bit to the commission, that has been presented here is that to make sure that
there in an equitable balance of government
advertising, to make sure that it gets out to the community, we have talked
about this famous 4% that we don't
seem to be able to achieve. Is that something that you think that you could
benefit from as well and partner with?
Mme Massad (Rhonda) : Yes, I do. I think... You have to look
at the people like me, we have... it's self-employed, we have no pension, we have no insurance, we have
no way of doing that. Even if I was receiving all my ads, I don't think
I would still be able to manage that kind of thing. So, yes, it's definitely
something to consider for us.
Mme Maccarone : You talked
a lot about the social impact, about the news that you provide. What do you think the social impact would be
if the blog was gone? Because now you've expanded, right, you are not just West
Island, you are Montréal, you've
(DT : 5731)got... in Laval(/DT : 5731) now, right, so you have really expanded your model.
What do you think is
the social impact of the demise of what you are doing because it's no longer
financially feasible for you to continue?
Mme Massad (Rhonda) : I think it would be detrimental to my
community. I think it's now... Now, we are entrenched and people looking to us for this as a resource.
If it was gone, do I think somebody else might do it? Possibly, but if
it's not viable for me, it's not going to be
viable for them, and we are going... I think democracy is in jeopardy here. We
need to have our voices heard. People
need to be spoken to, and issues need to be addressed, and people need... I
will be interviewing every federal candidate. So, my readers need to
know who... It's very important
that they vote and it's very important that they know who they are
voting for. I don't believe in voting for somebody I don't know. And I feel
it's my personal job to get them every single interview and meet every
single person.
La Présidente (Mme
Nichols) : Merci, Mme Massad. Alors, je cède la parole au député
de Rimouski pour 2 min 30 s.
M. LeBel :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour.
Mme Massad
(Rhonda) : Bonjour.
M. LeBel : Vous avez l'air d'être une femme en symbiose avec
votre communauté, et je pense que c'est ça qui est beau à voir dans ce que vous avez présenté tantôt.
Mais vous considérez-vous comme blogueuse, journaliste ou influenceure?
Mme Massad (Rhonda) : Je suis journaliste, c'est sûr. C'est dommage que
j'aie appelé the West Island Blog au lieu de West Island News, c'est dommage, mais je ne savais pas ce que je
faisais dans le temps. Alors, on est là pour changer le nom, ce n'est
pas vraiment efficace.
M. LeBel : O.K. Parce qu'il
y a des règles dans le milieu
journalistique, là, le CRTC. Tu pars un journal, tu as des règles, le gouvernement te demande de
faire des déclarations, on a des règles... Comment on peut régler... régir ou
donner certaines règles avant de
subventionner ou de donner des crédits
d'impôt à un blog ou quelque
chose comme ce que vous faites? Parce qu'il peut y en avoir dans
différents domaines, là, il peut y en avoir... Vous, vous êtes très proche de
votre communauté, mais il peut y en avoir
dans le sport, sous différentes choses, il peut y en avoir... d'idées politiques
d'extrêmes, il peut y avoir n'importe quoi, là, un peu, là-dedans. Comment le gouvernement
peut trouver une façon de supporter ça avec des règles... puis surtout, si on
pense... d'achat de publicité?
Mme Massad
(Rhonda) : Un journal, dans mon opinion, il y a une section
«lifestyle», il y a une section sports, il y
a une section... et la section
«lifestyle» et éditoriale, c'est la seule place, c'est... les opinions sont
bienvenues. Alors, un journal, pour
moi, c'est des informations non partisanes qui sont claires, nettes et
factuelles. Pour donner une subvention à quelqu'un qui est une blogueuse
traditionnelle, c'est leurs opinions, ce n'est pas ça que...
M. LeBel :
Et c'est là, la différence?
Mme Massad
(Rhonda) : C'est là, la différence.
M. LeBel : O.K. Un journaliste... puis je l'ai compris tantôt,
puis il y en a plusieurs qui l'ont dit aussi, là, vous
dites : Il faut être neutre, là, il ne
faut pas être partisan, il ne faut pas que je dise quelque chose de méchant contre le maire si je veux être... En même temps, c'est un peu le rôle du journaliste aussi. Si le
maire fait des affaires toutes croches, il faut le dire, là.
Mme Massad
(Rhonda) : Ça, c'est un fait, par exemple, ce n'est pas une opinion.
M. LeBel :
Mais là le maire ne sera pas content.
Mme Massad (Rhonda) : Ça, ce n'est pas mon problème à moi. Moi, c'est
pour être sûre d'avoir les faits. Si les faits sont là, c'est... les faits sont là... Tu as porté un chandail rouge, tu
as porté un chandail vert, ça, c'est les faits. Mon opinion, c'est que
je n'aime pas le vert. Ça, ça n'a pas de place dans les informations.
M. LeBel :
O.K. C'est une ligne éditoriale, là, c'est votre ligne à vous, comme... bien,
blogueuse-journaliste.
Mme Massad
(Rhonda) : Oui. Une blogueuse, c'est... blogue, c'est votre opinion.
M. LeBel : C'est là qu'il peut être difficile pour le gouvernement de trouver la ligne, comment on peut soutenir ce genre de média là. Mais c'est vrai que c'est
moderne, c'est aujourd'hui, il faudra y réfléchir, là. Vous amenez quelque chose de nouveau.
Merci.
La
Présidente (Mme Nichols) : Merci, M. le député. Alors, je cède la
parole à la députée de Marie-Victorin pour deux minutes.
Mme Fournier :
Merci beaucoup. C'est très impressionnant, ce que vous faites. Même, vous avez
eu plus d'engagements sur les réseaux sociaux, au final, que les autres médias,
quand on analyse ça, donc, bravo!
Lorsque, dans votre
mémoire, vous écrivez, à la... je pense que c'est à la dernière page, oui, vous
dites : «Les organismes gouvernementaux
doivent réglementer le montant des frais facturés pour pousser une publication
sur les médias sociaux», qu'est-ce que vous voulez dire par là? Est-ce
que vous pensez que...
Mme Massad (Rhonda) : Présentement, le Facebook, Twitter, Instagram,
LinkedIn, il y a un frais si je veux booster mes annonces, mes «posts». Si ça arrive à un
certain point que ces frais sont très élevés, ce n'est pas bon pour la démocratie parce que c'est la seule façon qu'on dirige les nouvelles. Dans l'ancien
temps, il y avait un petit jeune qui livrait les papiers, les journaux.
Aujourd'hui, c'est Facebook qui a... nos nouvelles sont dans les mains de
Facebook, Twitter, Instagram. Si jamais ils nous chargent, la démocratie est finie. Tout à coup, c'est eux autres
qui décident quoi c'est valide et quoi n'est pas valide.
Mme Fournier :
En termes d'algorithmes, vous voulez dire, si Facebook et tous les autres
réseaux sociaux changent les algorithmes
de sorte que ça soit encore plus difficile pour les médias de percer sans
payer. C'est ce que vous voulez dire?
Mme Massad (Rhonda) : Exact. Déjà, si je ne booste pas, je n'ai pas le
même «reach». Alors, ce n'est pas correct dans le sens des nouvelles,
parce que tout le monde a le droit d'avoir les nouvelles.
Mme
Fournier : Oui, c'est intéressant, ce que vous nous dites — vous êtes la première à l'avancer — parce que souvent on met en compétition, en fait, les publicités dans les différents
médias traditionnels et les publicités sur les réseaux sociaux, et beaucoup de gens vont dire que c'est
peut-être plus attractif de faire la publicité sur les réseaux sociaux
parce qu'à l'heure actuelle c'est moins
cher. Mais au final, sur les réseaux sociaux, ce que vous avancez, c'est que ce
n'est pas tant la publicité que...
vous concevez les réseaux sociaux comme étant un canal de distribution, comme
l'étaient avant les réseaux de camelots, par exemple.
Mme Massad
(Rhonda) : Oui.
Mme Fournier :
C'est intéressant.
La Présidente (Mme Nichols) : Merci, Mme la députée. Alors, merci,
Mme Massad, pour votre contribution aux travaux.
Nous allons suspendre
quelques instants, le temps de changer de représentants. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 20)
(Reprise à 16 h 21)
La
Présidente (Mme Nichols) : Très bien, alors, je souhaite la bienvenue à
M. Saulnier. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à
la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite
donc à vous présenter, bien que je l'aie déjà fait en partie, et à procéder à
votre exposé. Bienvenue.
M. Alain Saulnier
M. Saulnier (Alain) : Alors,
bonjour. Alain Saulnier, je suis professeur et chercheur invité au Département
de communication à l'Université de Montréal, j'y enseigne le journalisme. Je
parle ici en mon nom personnel. En toute transparence,
je dois toutefois préciser que je siège au conseil d'administration du journal Le Devoir, mais je suis
avant tout une personne à l'esprit libre, très indépendant, voilà.
Dans une
autre vie, j'ai dirigé les services français de l'information de Radio-Canada
de 2006 à 2012. Dans ce rôle, la
meilleure décision que j'ai pu prendre a été la création de l'émission Enquête
à Radio-Canada. Au bout de cette carrière de plus de 25 ans à Radio-Canada, j'ai écrit un livre dont le titre
est Ici était Radio-Canada sur le rôle important qu'a joué Radio-Canada pour les francophones en matière
d'information et de culture. Et, à mon avis, ça doit continuer, car le
service public peut être un extraordinaire rempart contre la domination
américaine en matière de culture et d'information.
J'ai suivi
avec intérêt ce qui s'est dit au cours de la semaine, en fait, depuis la crise
du Groupe Capitales Médias la semaine
dernière. En premier lieu, je salue l'intervention rapide du gouvernement pour
éviter le pire. Je constate que, depuis, nous faisons tous, vous faites tous et toutes oeuvre utile de pédagogie
auprès du public sur l'importance cruciale de nos médias pour la
démocratie locale, régionale, nationale, vos travaux de la semaine en
témoignent. Bravo!
La semaine
dernière, j'ai écrit un texte dans La Presse+ à propos du Groupe
Capitales Médias. J'ai insisté sur le fait qu'il faut trouver un repreneur qui puisse enrichir la qualité de la vie
démocratique, et pas seulement trouver un propriétaire à tout prix. Non, non, je ne parlais pas ici
seulement de M. Péladeau. J'ai du respect pour lui et je comprends la
logique de sa stratégie. Il veut
bâtir une mégaentreprise afin de contrer, en toute équité, ce qui est légitime,
les superpuissances numériques américaines
et peut-être aussi Bell Média, mais ça, c'est autre chose. On peut
certainement trouver d'autres modèles, à mon avis, d'affaires et formules d'entreprise que de bâtir un mégaempire
pour contrer les superpuissances du Web. Voilà, c'est dit.
Alors, quel
repreneur pour Capitales Médias? Il faut établir des critères complémentaires à
la solvabilité et à l'allure du plan
d'affaires du fameux repreneur. Quels sont-ils? Des normes journalistiques
éthiques, un enrichissement à la diversité des voix et des sujets, bien mesurer les effets directs d'une
transaction sur l'écosystème existant, par exemple, sur l'avenir de La Presse
canadienne. On souhaite que les hypothèses de repreneur viendront malgré le
tableau très sombre de l'état des finances de l'entreprise, on l'a vu et
on l'a entendu encore cette semaine.
Nous avons
aussi entendu cette semaine de multiples solutions : des crédits d'impôt
pour les abonnements, sur la masse
salariale, 25 % ou 35 %, c'est selon, afin de favoriser la création
d'emplois de journalistes, d'autres pour améliorer les éditions numériques des médias locaux
communautaires, toutes des mesures pertinentes, à mon point de vue. J'ai
particulièrement apprécié cette insistance pour mettre en place des mesures
favorables afin que les gouvernements, les annonceurs
et leurs publicités privilégient les médias québécois plutôt que Facebook. À
mon avis, toutes ces mesures devront être
nécessairement coordonnées et harmonisées avec celles mises de l'avant par le
gouvernement fédéral, mais déjà le gouvernement du Québec peut bouger
pour plusieurs de ces mesures.
Nous avons
aussi entendu des pistes de solution pour le public et les jeunes — j'ai une grande préoccupation à cet égard-là : soutenir les institutions
d'enseignement pour des formations d'appoint sur le rôle des médias et des
journalistes, proposer des formations
ponctuelles pour la lutte à la désinformation auprès des jeunes du primaire et
du secondaire, comme ces initiatives développées par la FPJQ.
Je dis, à
chaque début de session, à mes étudiants et étudiantes que le combat extrême du
XXIe siècle, c'est celui entre l'information
et la désinformation. Or, rappelons-nous, 90 % des 18-34 ans ne
lisent plus les grands quotidiens, n'ont pas de tablette ni de téléviseur, peut-être un ordinateur partagé, pour suivre
les bulletins de nouvelles, allez voir. Ils et elles s'informent par le truchement des réseaux sociaux, en
consultant principalement leur portable. On ne les récupérera pas s'il n'y a
pas une stratégie particulière pour les
rattraper. En ce sens, je considère que les médias et les journalistes ont un
immense travail à faire et aussi un
examen de conscience pour aller chercher les jeunes avec de nouveaux formats
adaptés à leurs nouvelles habitudes
de consommation des médias : les baladodiffusions, les expériences comme
Rad, à Radio-Canada, les reportages en réalité virtuelle, et bien
d'autres.
La course à
la nouvelle a aussi un fort concurrent, ça s'appelle les réseaux sociaux. Pour
ma part, je soulève aussi le fait que
nous avons au Québec des leaders mondiaux en intelligence artificielle, on
l'oublie. Peut-être, on pourrait les mettre à contribution pour nous aider à développer des formules novatrices avec
nos propres algorithmes qui aideront à percevoir les droits d'auteur sur chaque clic vers un texte, un
reportage, une chronique, une chanson, une vidéo, un documentaire, nous aider à rendre opérationnel ce genre de formule,
obliger les géants numériques à faire preuve de plus de transparence sur
leurs algorithmes, sur la collecte de nos
données personnelles. Ces leaders mondiaux en intelligence artificielle
habitent ici, ils peuvent nous aider
pour faciliter la traçabilité des informations et la désinformation, pour
favoriser la découvrabilité de nos contenus en information et en
culture. Faisons appel à eux et à elles.
Plusieurs ont
parlé de Télé-Québec et de sa plateforme numérique. La Fabrique culturelle
est une superbe initiative. Développer
des salles de nouvelles à Télé-Québec, on peut en discuter. Je signale que j'ai
travaillé deux ans à Radio-Québec, c'est comme ça qu'on l'appelait dans
le temps.
Plus la
semaine avance, plus je perçois qu'il se dégage quand même une tendance lourde,
un consensus de tous les partis
politiques ici réunis, c'est qu'il faut s'attaquer aux GAFAM. On ne peut plus
les ignorer. Par contre, il y a divergence entre vous sur quand et comment passer à l'action,
ai-je tort? Sauf qu'en attendant, comme le disait le député de Saint-Jean,
Louis Lemieux, et ancien collègue, on fait
quoi? Il faut agir, et vite. C'est exact, particulièrement pour les médias
régionaux et locaux.
Aussi, voici
quelques conclusions. À mon avis, on ne doit pas rechercher le modèle
d'affaires, il n'y en a pas qu'un seul.
Québecor a le sien, Le Devoir a le sien, La Presse+ a le sien, le
Guardian a le sien, le New York Times également. Mais ne soyons pas naïfs, tous les médias vont un jour
ou l'autre être confrontés à un mur — pas très payant, celui-là — celui des superpuissances numériques, les GAFAM, auxquels s'ajouteront les
Netflix, Spotify bientôt Disney, qui s'en vient avec ses gros sabots, et quelques autres encore. Aux
États-Unis seulement, 1 760 quotidiens américains sont disparus entre
2004 et 2018. Même les grands réseaux
américains sont confrontés à une baisse de leurs revenus. Nos réseaux de radio
sont déjà durement heurtés par la baisse des revenus, on l'a entendu
ici. Les réseaux de télévision n'y échapperont pas, eux aussi seront touchés,
et il faut voir venir le gros iceberg avant qu'il ne soit trop tard.
À court
terme, il y a des mesures d'urgence à prendre : crédits d'impôt sur la
masse salariale des journalistes, j'en suis;
forcer le gouvernement et les sociétés d'État à placer leurs publicités dans
les médias locaux, régionaux et nationaux, pas seulement de l'écrit, les radios également, j'en suis; rétablir les
avis publics des municipalités dans les médias locaux, j'en suis également; augmenter les crédits d'impôt pour
les entreprises et organisations qui font du placement publicitaire dans
les médias d'ici; a contrario, enlever
la possibilité d'obtenir des crédits d'impôt lorsque ces publicités sont
déposées sur des plateformes comme Facebook. Le gouvernement du Québec
pourrait rapidement donner des crédits d'impôt pour la philanthropie. Il n'y a
rien qui l'en empêche. Voilà une autre avenue complémentaire à un modèle
d'affaires. Pourquoi attendre? Offrir un
crédit d'impôt à l'abonnement là où cette formule existe, éliminer
immédiatement la taxe sur le recyclage pour les journaux et hebdos
papier, favoriser les nouveaux modèles, la formule de coopérative lancée par
les employés de Capitales Médias, pourquoi pas, d'autres initiatives régionales
novatrices également.
• (16 h 30) •
Mais, comme
je l'ai écrit dans mon mémoire, on ne panse pas une blessure ouverte avec un
simple sparadrap, un diachylon, si
vous préférez — ou
moi, plus jeune, j'appelais ça un plasteur — alors, à moyen et à long terme, c'est pourquoi
j'invite le gouvernement du Québec et les ministères
concernés, le bureau du premier
ministre, le ministère des Finances, Éducation, Culture, Communications, Économie et
Innovation, Relations internationales et Francophonie à développer une stratégie interministérielle globale afin de concevoir dès maintenant
un plan pour assurer une saine cohabitation avec les superpuissances
numériques, américaines, faut-il le rappeler.
Attendre 2020
et l'OCDE? Ce que je souhaite, c'est qu'on démarre et travaille tout de suite sur ce plan
stratégique. On traîne trop la patte. Je le répète, la vraie menace à la langue
et à la culture françaises provient des superpuissances numériques américaines qui marginalisent tout ce que nous produisons,
créons, écrivons, qui décident de ce que nous devons écouter, regarder, lire sans verser de droits
d'auteur, parfois sans payer de taxes, sans verser d'impôt à l'État.
Nous serons de plus en plus inondés de contenu américain, comme le disait un
des témoins cet après-midi. Il faudra bien se découvrir un espace dans cet univers numérique contrôlé par les
grands propriétaires fonciers que sont les géants du Web. C'est l'État québécois
qui doit donner le ton. Alors, accélérons la cadence, 2020 devrait être la date
d'entrée en vigueur de ce plan stratégique que nous aurons déjà bien préparé,
pas la case départ.
Les deux gouvernements doivent s'impliquer. Il faut quand
même saluer le fait que le gouvernement Trudeau ait porté le débat de
l'avenir des médias au G7. Sauf que,
maintenant, le gouvernement du Québec et tous les partis à l'Assemblée nationale doivent faire pression sans relâche sur
le gouvernement canadien afin qu'il développe ce plan stratégique global
avec le gouvernement du Québec pour contrer
l'omnipuissance des géants américains du Web, favoriser une cohabitation
tranquille avec eux, qu'Ottawa et le
Québec — berceau
de la francophonie, j'insiste — structurent cette stratégie. Le
Québec doit exercer ce leadership. Le Canada doit rejoindre au plus vite le
camp des pays qui ont décidé de réglementer la cohabitation avec les géants du
Web.
La Présidente (Mme Nichols) :
En conclusion.
M. Saulnier
(Alain) : Il est vrai que ces mesures ne peuvent se faire sans une
concertation entre tous les États, mais il faut dès aujourd'hui poser
des jalons pour cette nouvelle cohabitation, rejoindre le camp de la France,
bientôt la Nouvelle-Zélande et d'autres encore, pas celui des GAFAM.
En terminant,
je veux dire une chose : La France maintient ainsi la taxe de 3 %
avec l'entente qu'il y a eu entre les États-Unis,
et la France, ça veut dire 750 millions d'euros. Si le Canada avait
appliqué le 3 %, selon un de mes collègues, Jean-Hugues Roy, on
aurait recueilli en 2018 110,6 millions uniquement pour Facebook. Alors,
voilà. Merci.
La Présidente (Mme Nichols) :
Je vous remercie. Je vous remercie, M. Saulnier, de votre exposé. Nous
allons maintenant commencer la période
d'échange avec la partie gouvernementale pour 15 minutes, le député de
Beauce-Sud.
M. Poulin :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Saulnier. C'est un plaisir de
pouvoir vous avoir en commission parlementaire
aujourd'hui. Je me souviens d'avoir lu votre livre pendant les vacances de
2014, c'est sorti en novembre, je me souviens de Noël 2014, Ici
était Radio-Canada. Vous sonniez l'alarme sur plusieurs éléments :
bien évidemment, les compressions qu'il y a
eu à Radio-Canada dans son histoire, les bâtons que vous avez eus dans les
roues, entre autres, pour faire
bouger une salle des nouvelles, les investissements dans une salle des
nouvelles pour du journalisme de qualité, du journalisme d'enquête,
évidemment aussi, bien évidemment, les différentes façons de penser dans une
salle de rédaction, dans une salle de
nouvelles et l'importance d'un mur de Chine, à Radio-Canada, entre les intérêts
du gouvernement fédéral et, bien
évidemment, le fait que c'est une télévision publique, comme Radio-Canada a
aimé nous le rappeler ce matin. Donc, j'ai beaucoup appris avec votre livre et
j'ai beaucoup appris également avec Mychel St-Louis, qui a travaillé
avec nous pendant de nombreuses années dans
l'opposition, que je salue, qui, je sais, suit nos travaux parlementaires, qui
vit également certains ennuis de santé.
Alors, je suis en pensée avec Mychel, parce que Mychel est un grand de
l'information au Québec, qui a travaillé chez nous, à la Coalition avenir
Québec, donc je tiens à le saluer chaudement.
J'aimerais savoir, l'alarme que vous avez sonnée
en 2014 sur Radio-Canada mais également l'ensemble de l'information au Québec versus aujourd'hui, est-ce que ça a changé,
est-ce que ça a évolué ou est-ce que ça a rempiré. Je pense que j'ai...
M. Saulnier
(Alain) : Cinq ans de plus des GAFA, GAFAM, comme on les appelle
maintenant, c'est beaucoup. Ils ont
réussi à bousculer, à bulldozer systématiquement l'ensemble de nos
institutions, de nos médias, institutions pas juste dans le domaine médiatique, mais institutions
culturelles également. Il faut qu'on comprenne une chose, on est
effectivement assiégés, d'une certaine
manière, par les GAFAM sur le plan médiatique, sur le plan culturel. Alors,
depuis cinq ans, je peux vous dire une chose, c'est que ça a déferlé complètement.
Vous savez, il y a quelques années, quand on
disait : La course à la nouvelle, c'est ce qui nous motive, les journalistes... Quand M. Parizeau est décédé,
Mme Lapointe, elle n'a pas appelé un journaliste, elle a mis ça sur
Twitter. Alors, ce que ça veut dire, c'est
que, maintenant, on est en train de vivre une nouvelle façon de faire
l'information, de faire circuler l'information. C'est ça qui a changé
depuis les cinq dernières années, et, à mon point de vue, on va assister à des
changements encore plus importants au cours des prochaines.
M. Poulin :
Mais on a vu des politiciens, puis on fait partie également de ce film-là, qui
font des Facebook Live et répondent
aux questions des journalistes beaucoup plus tard, Alors, c'est vrai que
l'information a changé, mais c'est surtout la façon dont on parle aux
gens.
Radio-Canada
a été avec nous ce matin. En 2014, votre livre a ébranlé. Est-ce que vous
considérez que Radio-Canada remplit, actuellement, sa mission
d'information régionale comme elle devrait la remplir avec les sommes
financières qu'elle a?
M. Saulnier
(Alain) : Bien, écoutez, je ne suis pas au courant de tous les détails
et la proportion budgétaire, mais, de loin,
ce que je peux vous dire, c'est que je suis plutôt satisfait d'avoir entendu ce
que j'ai entendu ce matin et je les suis, évidemment, avec beaucoup d'intérêt. Je pense qu'il y a eu une trop
mauvaise parenthèse à Radio-Canada. Il y a eu l'ère Harper, il y a eu aussi une direction qui, à mon
point de vue, ne se tenait pas debout face au gouvernement canadien,
j'en ai longuement parlé dans mon livre. Et
puis aujourd'hui on assiste à tout à fait autre chose, alors donc il y a eu
progression. Puis, pour ce qui est
des régions, je pense qu'il y a l'injection de 675 millions qui a été
faite sur Radio-Canada qui va sûrement enrichir davantage les contenus
régionaux, comme on l'a entendu ce matin.
M. Poulin :
Parfait. En terminant, de mon côté, puisque vous êtes enseignant, j'imagine que
vous avez une opinion sur la façon
dont on forme nos journalistes au Québec. Demain, on aura les gens d'ATM, à
Jonquière, qui vont venir nous parler,
entre autres. Quel est votre avis, votre opinion sur la formation qui est
offerte aux journalistes? Est-ce qu'on réussit à former les journalistes
que l'on souhaite, avec tous les outils pour traverser le travail qui doit se
faire aujourd'hui?
M. Saulnier
(Alain) : C'est une grande question sur laquelle il y a plusieurs
opinions. Moi, je n'ai jamais étudié en journalisme. J'ai été journaliste très longtemps, j'ai été patron d'une
entreprise de presse et je pense qu'il ne faut pas avoir une seule
formation pour faire du journalisme. Moi, j'ai une formation en sciences
politiques, il y en a d'autres qui ont des formations
en histoire, en littérature, en économie. Alors donc, ce qui est le plus
important, à mon point de vue, c'est qu'une fois qu'on a une formation personnelle qui est vraiment riche et qu'on a
une maîtrise de la langue française, aussi, qui est à la hauteur de ce à quoi on doit s'attendre lorsqu'on
travaille dans un média il faut se donner les outils pour performer,
pour maîtriser, en fait, les outils de
production, et ça, il y a plusieurs écoles, plusieurs universités qui le font
très bien, comme on le fait nous ici, à l'Université de Montréal, au
D.E.S.S. en journalisme où je travaille.
M. Poulin :
Et, si je peux me permettre, le fait de bien maîtriser la langue française ou
d'avoir une bonne diction devrait commencer également dès le primaire et
le secondaire. Alors, ce n'est pas seulement un enjeu collégial ou universitaire pour former de bons journalistes.
Peu importe le métier qu'on fait, on doit la protéger puis on doit surtout
la valoriser. Merci, M. Saulnier.
M. Saulnier (Alain) : Merci.
La Présidente (Mme Nichols) :
Très bien. Je cède la parole au député de Richelieu.
M. Émond :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci pour votre intéressant mémoire. Vous
l'avez dit d'entrée de jeu, il y a
plusieurs mesures qui se dégagent dans nos travaux, dans les dernières journées,
des mesures à court terme qui se retrouvent dans plusieurs présentations
et qui sont intéressantes et pertinentes. Je vais m'appliquer à discuter avec
vous de mesures à court, moyen, mais long terme — vous me voyez
venir — avec
nos jeunes, entre autres, avec l'éducation.
Vous avez
parlé, dans vos recommandations, d'offrir, dans toutes les régions du Québec,
des formations aux jeunes dans le
cadre de cours à la citoyenneté des jeunes, parce que, vous l'avez dit tantôt,
la plupart d'entre eux — puis je le vis à la
maison — tirent
leurs informations au travers de leur portable en naviguant au travers de
contenus dont ce n'est pas à nous de juger de la pertinence aujourd'hui, là, mais parmi des
photos d'amis, de vidéos d'artistes, puis là ils voient passer une nouvelle, souvent vraie, parfois fausse. Alors, je
crois que c'est important de les éduquer à la citoyenneté et sur la
manière de recevoir cette information-là.
Et je fais une parenthèse en saluant votre idée
de mettre à contribution nos spécialistes en intelligence artificielle, un très bon flash qui ne nous avait
pas été mentionné jusqu'à maintenant. Donc, Pr Saulnier, j'aimerais vous
entendre davantage sur comment, au niveau
pédagogique... et qu'est-ce que vous aimeriez voir se retrouver à l'intérieur
de ces cours pour initier nos jeunes à la citoyenneté.
• (16 h 40) •
M. Saulnier
(Alain) : Bien, écoutez, je n'ai pas un cursus développé, là, sur
qu'est-ce qu'on devrait leur enseigner, mais je pense que ce qu'il faut absolument établir, c'est une plus
grande relation étroite entre les médias, les journalistes et les
institutions d'enseignement, que ce soit au niveau primaire, au niveau
secondaire ou collégial.
Moi,
j'accepte à peu près toutes les invitations qu'on me fait d'aller faire des
conférences dans les cégeps, dans les polyvalentes.
Puis c'est toujours un plaisir de les faire parce qu'on s'aperçoit, finalement,
que les jeunes, oui, ils sont très différents
de ma génération — moi,
j'ai 66 ans, alors donc, c'est certain que les jeunes auxquels je
m'adresse, lorsque je vais faire ces
conférences-là, qui ont en bas de 18 ans, on ne s'adresse pas à eux de la
même façon — mais
sauf que je sais à quel point ces
gens-là cherchent aussi une certaine forme... une quête de qui suis-je et
qu'est-ce que je veux faire dans la vie quand je vais être grand. Alors donc, nous, on peut, quand on partage
notre propre profession, leur expliquer c'est quoi, le journalisme, c'est quoi, les médias, de quelle
façon est-ce qu'on doit voir aussi la culture québécoise dans un contexte
où les multinationales américaines nous
inondent de leurs propres contenus. On a des échanges aussi, dans ces
conférences-là, sur la
radicalisation. J'ai fait quelques conférences là-dessus pour essayer de
prévenir la radicalisation des jeunes. Alors, il faut que les
journalistes, que les gens qui ont de l'expérience s'investissent dans ces
institutions-là.
M. Émond :
Oui, c'est intéressant, ce que vous dites, parce qu'il y a un effet pervers qui
est en train de se produire avec nos jeunes
qui s'informent uniquement à l'aide de leur appareil, et ça vient des fameux
algorithmes. Parce qu'on le vit tous. Il serait très dangereux, selon
moi, que, dans l'avenir, nos jeunes... Ça va accentuer une certaine
polarisation de l'information puis surtout
de la pensée personnelle si nos jeunes sont confrontés uniquement à des pensées
qui les rejoignent dans des canaux très précis. Alors, on risque de se
retrouver avec des gens du même âge qui n'ont pas eu accès à des opinions diverses pour être capables de former la
sienne. Là s'arrêtera mon point éditorial. Je vais passer la parole à un
autre collègue.
La Présidente (Mme Nichols) :
Alors, la parole est au député de Saint-Jérôme.
M. Chassin : Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Saulnier,
de votre présentation. Je vous rassure ou, à tout le moins, vous éclaire, s'il y a un consensus sur les GAFA
et s'attaquer aux GAFA, moi, je ne l'ai pas vu comme ça. Et, même si on choisissait d'aller dans une direction, par
exemple, de taxation, je pense qu'à ce moment-là ce serait un autre mandat
que celui qui nous a été confié, d'où proviendraient les revenus.
Puis je pense qu'il y a quand même un aspect où,
dans le vocabulaire que vous utilisez, il y a des connotations. Quand vous
dites, par exemple, qu'on est assiégés par les GAFA ou que Facebook et Google
accaparent les recettes publicitaires,
est-ce que vous ne pensez pas que, derrière ce choix de mots là, il y a un
peu... puis là je dis ça un sourire en coin,
mais il y a un peu cette présomption que les publics devraient appartenir aux
médias traditionnels et que cette évolution-là ne devrait pas se
produire? Moi, c'est ça que j'entends. Rassurez-moi.
M. Saulnier
(Alain) : Alors, je vais vous rassurer tout de suite, je ne suis
surtout pas ringard de «dans mon temps, c'était meilleur», on s'entend là-dessus. Je suis moi-même sur Facebook,
j'ai un compte Twitter, je suis régulièrement tout ce qui se passe sur ces réseaux sociaux là. Ce que je
dis, par contre, c'est qu'on ne peut pas rester mous face à
l'omnipuissance de ces réseaux sociaux là,
quand bien même ce serait pour des raisons à la fois pédagogiques, comme on
parlait tantôt, ou culturelles, ou le fait qu'ils sont en train de
tasser complètement les médias.
Moi, je ne
veux pas déclarer la guerre à Facebook, je suis un des leurs, j'ai mon compte
Facebook. Mais par contre il faut
établir tout de suite des règles du jeu pour une cohabitation avec les géants
du Web. On ne les mettra pas en dehors du Canada, ils sont là pour rester, sauf qu'il faut trouver une façon de
cohabiter. Ça, c'est comme quand tu as un coloc chez vous, il y a des règles. Alors, il faut nécessairement
qu'on établisse ces règles-là, et ça urge parce que, jusqu'à maintenant,
il n'y en a eu aucune. Le CRTC, en 1997 ou 1999, a décidé qu'Internet ça ne les
concernait pas. Aïe! Je peux vous dire qu'ils
ont été contents, hein, les géants d'Internet, parce qu'ils ont dit : Ça y
est, on débarque. Alors, depuis ce temps-là, on n'a plus rien qui
encadre le travail qui est fait par les réseaux sociaux, par les géants
numériques.
M. Chassin :
Puis j'imagine que, derrière ces règles-là, il y a une certaine préservation de
la concurrence qui, finalement, permet le
choix aux citoyens aussi d'aller utiliser, par exemple, l'intermédiaire d'un
journaliste pour une nouvelle ou
d'aller directement sur le compte de Mme Lapointe sur Twitter pour
apprendre ce qui pour vous est une nouvelle, mais ce qui pour elle est
une nécessité de communiquer.
M. Saulnier
(Alain) : C'est son choix. Mais c'est la raison pour laquelle je
dis : Les journalistes et les médias doivent aussi faire leur
examen de conscience. Qu'est-ce qu'on a fait qui a... on a perdu ce monde-là?
M. Chassin :
Ah! là-dessus, je suis tout à fait de votre avis.
M. Saulnier
(Alain) : Alors, moi, je ne suis pas en train de dire qu'il faut
retourner dans le temps passé, ce que je dis, c'est que, aïe! c'est l'occasion — et peut-être que vous pouvez aussi nous aider
à cet égard-là — dans le
milieu journalistique, pour réfléchir
sur comment on va chercher les moins de 35 ans, comment on peut parler
autrement aux gens qu'avec les
invectives des uns et des autres sur Twitter. Moi, hier, j'ai juste envoyé une
petite remarque sur Twitter, puis, eh!
je me suis fait ramasser comme ce n'était pas permis, là. Mais ça fait partie
de la vie, ça, alors il faut qu'on trouve une façon aussi d'encadrer un
peu tout ça, là.
La Présidente (Mme Nichols) :
Alors, pour le temps restant, 2 min 30 s au député de
Saint-Jean.
M. Lemieux :
Merci, Mme la Présidente. Pour faire du pouce sur le collègue de Saint-Jérôme,
quelqu'un a dit que gouverner, c'était communiquer. Le président Trump a
connu ça puis il a découvert Twitter, bon.
Bonjour, M. Saulnier. Je ne ferai pas comme
si on ne se connaissait pas, Alain, mais je ne vous ai jamais appelé Alain,
puisque vous avez été mon patron, le temps qu'on a travaillé ensemble, et je
disais «patron» ou «M. Saulnier».
Trois petites
choses rapides. D'abord, culture et information, information et culture, je
sens que vous imbriquez les deux. On
peut-u s'entendre que le feu est pogné à l'information, mais que c'est le même
problème, ça fait partie de la même dimension,
GAFAM et le reste, mais, à quelque part, c'est juste une question de
perspective, mais la solution peut être un peu dans la même lignée, dans
le fond, là?
M. Saulnier
(Alain) : Vous avez tout à fait raison, parce que, dans deux mois,
peut-être que c'est Solange Drouin, de
l'ADISQ, qui va débarquer ici puis qui va vous dire : Ça ne va pas bien
dans le milieu de la culture. Et puis moi, je travaille beaucoup avec le milieu culturel, et puis c'est ce
que j'entends également. Alors, il faut être conscients que, quand je
parle, je dirais, de cette bataille qu'il
nous faut mener pour trouver un espace pour la culture et les médias
francophones, ça concerne nécessairement le milieu culturel et le milieu
des médias.
M. Lemieux :
Deux autres petites choses. D'abord, votre idée des crédits d'impôt aux
abonnements, sur le coup, j'ai dit :
Ah! c'est vrai, c'est une bonne idée. Mais là, si on veut une mesure
universelle, il y en a qui ont des «paywalls», il y en a qui ont des abonnements, il y en a qui sont
gratuits. Comment on va faire? Ça va juste être une prime à l'abonnement
ou ça va être...
M. Saulnier
(Alain) : C'est leur choix. C'est-à-dire, comme je l'ai dit, il n'y a
pas un seul modèle, c'est chacun qui décide de son modèle...
M. Lemieux : Oui, oui, mais
l'aide que le gouvernement donnerait, ce serait un crédit d'impôt à
l'abonnement. Mais, s'ils n'en ont pas, d'abonnement, on ne les aide pas puis
on aide seulement ceux qui en ont, là?
M. Saulnier
(Alain) : Bien, c'est-à-dire qu'à ce moment-là on verra comment les
choses vont évoluer. Mais moi, je peux penser qu'il y aura peut-être des
modifications qui vont se faire dans le milieu des médias.
M. Lemieux :
30 secondes. Vous avez signé votre mémoire le 6 mai 2019. Il s'en est
passé, des choses, depuis ce temps-là.
Et vous aviez une section sur l'«e-government» ou, si vous préférez, l'«open
government», ça reste un anglicisme pareil. Vous n'en avez pas parlé
aujourd'hui, mais ça ne fait pas partie de l'ensemble de l'oeuvre, ça?
La Présidente (Mme Nichols) :
En 20 secondes, s'il vous plaît.
M. Saulnier (Alain) : Écoutez,
à la pause, est-ce qu'on peut en parler?
M. Lemieux : ...
La
Présidente (Mme Nichols) : Très bien. Alors, nous poursuivons les
échanges, pour une période de 10 minutes, avec Mme la députée de
Verdun.
Mme Melançon :
Un grand plaisir de vous recevoir, en effet, aujourd'hui à la commission. Ça va
dans plein de sens, les questions que j'ai. D'abord, je veux vous
entendre sur la diversité qu'on... bien, face à la concentration ou la concentration face à la diversité, ça dépend
toujours de qui est dans la chaise devant nous, là, l'importance pour le
Québec d'avoir une diversité des voix, surtout dans les médias.
M. Saulnier (Alain) : Écoutez,
moi, je suis quelqu'un qui, dans mes années de jeunesse, était quelqu'un de l'extrême gauche, alors vous voyez un peu mon
point de départ. Donc, la pensée unique, j'ai connu ça dans les groupes
de gauche où j'étais. Alors, par conséquent,
moi, ce que je dis, c'est que, pour éviter la pensée unique, il faut avoir la
diversité d'opinions, la diversité des voix.
Et, par conséquent, ça signifie que les médias doivent nous permettre d'offrir
ça ou même que, dans un seul et même
média, on puisse offrir différents points de vue, et ça, ça ajoute à la
richesse. Puis, moi, la plus grande découverte que j'ai faite, après mes
années folles de jeunesse, ça a été, justement, de découvrir que la liberté d'expression, que la diversité d'opinions, le
pluralisme, c'était une immense richesse de cette société-là. Et ça, il faut
préserver ça, puis nos médias peuvent nous aider à le faire.
Mme Melançon : Je
lisais, je crois que c'est cette semaine, quelqu'un qui écrivait sur le sujet
en parlant... en disant : La
cassure, à un moment donné, vient de la polarisation, hein, parce que je pense
que le monde est en train de se polariser énormément puis... Est-ce qu'il y a une façon de contrer ça? Vous, là,
qui avez été à la tête de l'information, là, on peut arriver à ça
comment dans nos médias?
• (16 h 50) •
M. Saulnier
(Alain) : Oui, bien, la
polarisation, elle vient un peu de l'extérieur, elle est venue beaucoup
avec les réseaux sociaux. C'est
incroyable de voir comment on peut lancer une opinion puis comment on peut se
faire ramasser au bout des trois,
quatre, cinq ou six étapes qui suivent. Chacun s'enferme dans sa bulle. C'est
ça, le propre des réseaux sociaux, on a notre bulle. Dans Facebook, c'est ça, on a notre bulle : j'ai ma
gang, puis une autre personne a sa propre gang, puis c'est comme si ces
groupes-là ne pouvaient pas se parler.
Je
pense qu'on est dans une société où la polarisation, elle est de plus en plus forte. Et ça, ce n'est pas de ma faute, ce n'est pas de votre faute, c'est arrivé un peu de façon insidieuse, un
peu comme ça. Il y a Umberto Eco qui disait qu'avant quelqu'un
qui avait quelque chose contre l'autre pouvait, dans une discussion de
taverne, dire ce qu'il pensait. Aujourd'hui, avec les réseaux sociaux, vous faites cette discussion-là sur les
réseaux sociaux, puis là lui disait que ça peut donner autant
d'importance à quelqu'un qui fait ça qu'un prix Nobel.
Alors
donc, on se retrouve dans une société qu'on ne contrôle pas tant que ça, où les
idées circulent, et c'est une bonne chose
en même temps, c'est une richesse, mais les idées circulent, puis on a comme
l'impression de ne pas toujours
être capables de pouvoir gérer cette
surabondance d'information là. C'est ça qui caractérise notre société aujourd'hui. Comment faire en sorte qu'on soit capables de trouver un
espace où le respect... où on est capables d'être contents d'entendre
une opinion contraire puis on peut avoir une bonne discussion? C'est le fun,
des bonnes discussions aussi.
Mme Melançon : Tout à
fait, mais encore faut-il pouvoir
être assez mature pour débattre. Et ça, dans la société...
M. Saulnier
(Alain) : Et, ça aussi, ça s'enseigne jeune.
Mme Melançon : Oui, vous avez tout à fait raison. Il y a des coûts pour une forme de journalisme. Par
exemple, je vais reprendre l'exemple de l'émission Enquête, c'est une
émission qui est coûteuse parce que ça prend beaucoup de temps, ça prend des
recherchistes, ça prend des journalistes. Ce genre de mission là doit être donnée
uniquement à une société comme Radio-Canada ou, si on est capables d'arriver
puis de faire survivre les médias... parce qu'il y a aussi des grands
reportages dans la presse écrite, je tiens à le rappeler, c'est de plus en plus
rare. Est-ce qu'on peut trouver une façon de redorer, je vais dire ça comme ça,
là, pas tant le journalisme d'enquête ou qui est très long, parce qu'il y en a plein qui en font... mais comment
est-ce qu'on peut relancer tout ça, vu les coûts et vu la problématique
qu'on a, actuellement, au Québec?
M. Saulnier
(Alain) : Bien, c'est beaucoup de travail, ça prend une rigueur, ça
prend des faits, ça prend de la recherche.
Et puis il faut prévoir aussi qu'un jour on va peut-être se retrouver en cour
puis se faire ramasser si on a commis une
erreur. Alors, c'est certain que ça prend de bons journalistes qui ont de
l'expérience, ça prend des avocats qui sont capables de nous défendre et ça prend surtout des patrons
qui ont du courage, et je peux vous dire que ce n'est pas toujours le
cas.
Alors,
il y a d'autres formules. En France, vous avez Mediapart qui existe, Mediapart
qui fonctionne sur la base de l'abonnement
et qui ne font à peu près que ça, de l'enquête. Eux autres, ils ne font que de
l'abonnement. Leurs recettes, c'est l'abonnement.
Évidemment, ils ont plus de population que nous, on en a ici. Alors, j'ai déjà
discuté avec M. Plenel, qui est le grand patron de Mediapart, et puis je lui disais : Bien, ici, c'est
parce que, quand tu as une population de 8, 9 millions, le nombre d'abonnés que tu pourrais avoir, il n'est
pas élevé comme c'est le cas quand tu es en France. Mais il y a peut-être
d'autres modèles à développer, éventuellement.
Mme Melançon :
On parlait de l'indépendance des journalistes. Et, si jamais on arrivait à une
aide étatique pour les médias, certains voient que l'indépendance
pourrait être mise à mal. Est-ce que vous êtes inquiet de ça, vous?
M. Saulnier
(Alain) : Moi, je ne suis pas inquiet de ça. Je pense qu'il faut
trouver des mesures qui soient non pas de l'ingérence dans la gestion éditoriale, dans la gestion de l'entreprise.
Des formules indirectes comme des crédits d'impôt, ça va très bien. Je pense que ça, ce n'est pas une
façon pour l'État de prendre le contrôle d'une entreprise médiatique.
Alors donc, il faut trouver des formules de
soutien indirect, puis les médias et les journalistes sont capables de faire la
part des choses.
Mme Melançon :
Lorsque vous vous êtes adressé à nous, en introduction, je crois que, juste par
votre non-dit sur attendre après 2020 pour pouvoir taxer ou encore
imposer ces géants du Web, c'était attendre trop longtemps?
M. Saulnier
(Alain) : Le non-dit est dit. Alors, il ne faut pas attendre.
C'est-à-dire, moi, ce que je dis, c'est que, si on attend à la toute fin des discussions sur l'OCDE, on risque de perdre
beaucoup de temps. L'OCDE, ça fait des années qu'ils parlent des paradis fiscaux puis qu'ils vont essayer de régler
ça, ça s'en vient. Ça fait neuf ans, à peu près — Mme Rizqy,
vous le savez — alors...
Mme Rizqy :
Oui.
M. Saulnier (Alain) : ...qu'ils nous annoncent ça. Donc, moi, je ne
voudrais pas donner le bon Dieu sans confession à l'OCDE. Je voudrais
m'assurer qu'on travaille dès maintenant sur le plan stratégique et que tous
les partis politiques y contribuent. Puis
ça, ça va vouloir dire aussi d'impliquer le gouvernement canadien, et rapidement. Puis on verra, après l'élection, qui formera le prochain gouvernement,
mais il va falloir qu'on s'assoie puis qu'on bâtisse ce plan stratégique
là.
Alors, c'est pour ça que je disais dans ma
présentation : Il ne faut pas que ça soit la case départ, 2020, il faut déjà y travailler maintenant pour qu'en 2020...
c'est parce qu'on est prêts, on a créé un comité interministériel, on aura
fait toutes les études nécessaires, on a
trouvé les moyens d'organiser la taxation, comment faire payer de l'impôt, quel
est le bon taux d'impôt, etc. Je ne suis pas un fiscaliste, mais vous
avez plein de ressources pour le faire.
Mme Melançon :
Heureusement, on en a une bonne dans notre équipe, alors on pourra même donner
des idées à ceux qui n'en ont pas. Sur l'aide, est-ce que vous voyez que
ce soit une aide permanente ou encore une aide transitoire?
M. Saulnier
(Alain) : Bien, écoutez, il y a peut-être des mesures qui devraient
être permanentes. Je pense entre autres
à la question de la taxe sur le recyclage des éditions papier, là, on ne va pas
dire que c'est juste pour trois ans, je veux dire, je pense qu'on est capables de dire : Bon, très bien, on
l'abolit puis on va faire autre chose dorénavant. Il y a certaines mesures qui peuvent être établies de façon
permanente, quitte à ce qu'un jour on dise : Bien là, on a exagéré, puis
il faut revenir en arrière. Mais il y
a certainement... il faut avoir un plan soit pour trois ans, soit pour cinq
ans, mais on ne peut pas juste dire : On va faire ça, O.K., pour
une année, là, je pense qu'il faudra peut-être avoir un horizon de cinq ans.
J'ai entendu certains des témoignages qui allaient dans...
Mme Melançon :
La Presse.
M. Saulnier
(Alain) :
La Presse, je pense, allait dans ce
sens-là. Je trouve que c'est une bonne idée, d'avoir au moins un horizon
de cinq ans. Comme à Radio-Canada, d'ailleurs, quand j'étais là, on demandait
toujours un budget pour les cinq années à
venir, sauf que le gouvernement canadien voulait changer ça à chaque année,
lui, alors ça devient un petit peu difficile, dans ce temps-là.
Mme Melançon :
Et vous étiez parmi nous, tout à l'heure, lorsqu'on a entendu Philippe Lamarre,
d'Urbania, nous parler, justement, du parallèle, et vous l'avez
fait tout à l'heure, avec la culture. Je suis d'avis que le contenu, qu'il soit
journalistique, qu'il soit en cinéma, qu'il
soit... on parle d'identité, et je pense qu'il faut introduire cette
discussion-là. Et on a une politique
culturelle, hein, qui est nouvellement... qui a été mise sur pied par l'ancien
gouvernement et que la ministre a annoncée.
Je pense que, là, on a aussi des poignées intéressantes, vous en avez fait
mention. Est-ce que vous avez des idées là-dessus? Est-ce que vous avez
réfléchi à ça?
M. Saulnier (Alain) : Bien, c'est-à-dire
qu'il faut...
La Présidente (Mme Nichols) :
En quelques secondes...
M. Saulnier
(Alain) : ...il faut nécessairement rapprocher le monde des médias et le monde de la culture, parce qu'on a le même obstacle, les mêmes enjeux. Par exemple, dans le cadre de
la campagne électorale, je vous annonce en primeur qu'il y aura un débat lectoral pour l'élection
fédérale, avec des tables des médias et des tables de la culture ensemble
pour recevoir les représentants de tous les partis
politiques fédéraux, et on va leur poser
ces questions sur les médias et sur la culture. Vous êtes invités, c'est
au Monument national le 18 septembre en après-midi.
La
Présidente (Mme Nichols) : Merci, M. Saulnier. Alors, la parole est à la députée de
Taschereau pour 2 min 30 s
Mme Dorion : Merci. Merci, M. Saulnier, d'être venu.
J'observais, récemment... je lisais sur l'évolution des médias depuis l'arrivée des GAFAM, puis comment ça a
transformé l'intérieur des
entreprises, les choix, tout ça, comment ça a dû être fait. On a vu apparaître des sections opinions, commentaires, même
chez les radios, les animateurs, tout ça. C'est des nouveautés, plus ou moins des nouvelles, en fait,
plus ou moins des nouveautés mais qui ont pris de l'ampleur. Puis je me demande comment on va faire ou est-ce que vous
avez des idées à nous donner sur comment on va faire pour dire :
Bon, bien, O.K., un média qui, d'abord, se
dédiait à l'information... puis là je ne parle pas de Radio-Canada, évidemment,
mais qui, d'abord, se dédiait à l'information
puis qui, là, pour attirer des gens sur son site, a mis de plus en plus
d'efforts, donc, faire des trucs
sensationnalistes, plus basés sur l'opinion, sur le scandale, sur les petites
guerres d'idées, attire le monde sur son site dans le but, au début, de les envoyer vers leurs
nouvelles, mais finalement la nouvelle, l'information devient superflue,
puisque c'est ça qui attire le plus de
monde... Comme c'est une tendance puis que les médias qui sont en crise ont
embarqué plus ou moins, selon chacun,
dans cette tendance-là, comment on fait pour dire : Bien oui, mais nous,
ce qu'on veut aider, c'est l'information ou l'analyse fine, poussée? Où
on met le... Comment on fait pour faire ça? On voit que, dans certains médias,
c'est très mélangé.
• (17 heures) •
M. Saulnier
(Alain) : On m'a souvent posé la question : Est-ce qu'il y a trop
d'opinions au Québec? Moi, ce que je dis
souvent, c'est que ce qu'il y a trop, c'est de l'opinion qui ne s'appuie pas sur des faits. Alors, ce qu'il faut,
c'est de favoriser que l'opinion, que
les chroniques qui sont écrites puissent s'appuyer sur des faits, et c'est en
ce sens-là qu'on va évoluer. Mais en
même temps le bon goût d'une chronique, le bon goût d'une radio, ou d'une
télévision, ou d'un média qui décide de faire un peu plus de sensationnalisme... Vous avez votre
interprétation, j'ai la mienne, M. le
député de Saint-Jean
également. Alors donc, il faut juste être conscients
que c'est difficile d'établir c'est quoi, les limites et puis c'est quoi, le
bon goût.
Mme Dorion : Est-ce qu'on pourrait, par exemple, avoir une façon, bien, de faire en sorte que, quand il y a des
erreurs factuelles, quand il y a des exagérations qui décollent de la réalité,
on puisse avoir une forme de...
M. Saulnier
(Alain) : Oui, bien, c'est
pour ça que le Conseil de presse avait été créé, à l'origine, dans les
années 70. D'ailleurs, c'étaient les
journalistes eux-mêmes qui avaient demandé la création de ce Conseil de presse
là. Puis, bon, le Conseil de presse a
évolué, il y a des choses à améliorer, mais ça reste encore un outil qui peut
jouer un rôle à cet égard-là. Les
gens peuvent se plaindre, les gens peuvent aussi faire des poursuites en
diffamation s'il y a des problèmes. On a des lois qui existent déjà, il
faut juste les appliquer.
La Présidente
(Mme Nichols) : Merci. Alors, la parole est au député de Rimouski.
M. LeBel : Merci, Mme
la Présidente. Merci pour vos
propositions. Sur la partie éducation, je rajouterais peut-être deux
éléments, parce que je trouve que ce que vous proposez là est très bon, mais il
y a la partie... vous le savez, je l'ai dit tantôt, je viens d'une région où le vieillissement de la population est
assez élevé, une personne sur quatre, 65 et plus, on est en train de perdre cette partie-là. Je parlais avec
une dame, l'autre jour, qu'on lui proposait de faire son épicerie par
Internet, elle m'a dit : Tu sais, ce n'est pas vrai, que je vais faire ça
par Internet, on a des problèmes avec Desjardins, tout ça.
Il
y a de la formation à faire aussi auprès des aînés. Il faudra investir pour
faire en sorte que les aînés ne soient pas exclus de tout le virage numérique. Même chose pour les gens qui vivent
dans la pauvreté ou qui sont un peu... parce que, là, on va avoir une cassure encore plus énorme qu'on a
là, et ça, je pense que, dans tout ce qu'on a à réfléchir, il y a ça
aussi.
Sur
Internet, vous avez raison, c'est un gros, gros, gros problème dans plusieurs
régions du Québec. On voulait faire, dans quatre ou cinq ans... pluguer tout le Québec,
là, à Internet haute vitesse, mais on parle de sept ans maintenant.
C'est des retards énormes, puis ça a des impacts majeurs.
Mais
ma question... Vous êtes celui... un autre qui a dit qu'il faut faire des
pressions sans relâche sur le gouvernement fédéral, et vous dites qu'il faut une stratégie globale, qu'il faut
coordonner l'action des paliers. Comme, tantôt, je vous ai vu, vous avez
connu Pépinot et Capucine, vous avez de l'expérience. C'est quoi, les
conditions du succès d'un travail coordonné entre ces deux gouvernements-là,
étant donné la...
M. Saulnier
(Alain) : Alors, ça dépend toujours de c'est quoi, la relation qui
existe entre les deux paliers de gouvernement. Mais c'est certain qu'il y a
comme une tension, actuellement, qui peut exister entre ces deux ordres de gouvernement là parce que les deux n'ont pas les mêmes responsabilités. Et, si on remonte il y a quelques années, moi, j'ai connu le rapport de la commission Arpin, qui
demandait que tous les directeurs des communications et de la culture
soient rapatriés au gouvernement du Québec. Robert Bourassa lui-même, il parlait de
souveraineté culturelle. Alors donc, il faut juste qu'on s'inscrive aussi dans cette trajectoire
historique là. Alors, peut-être qu'un jour il faudra se poser ces questions-là.
Liza Frulla, à l'époque, quand elle était ministre
de la Culture et de Communications, elle avait bien reçu ce rapport-là,
elle était dans le gouvernement de M. Bourassa. Alors, je pense qu'il faut
peut-être qu'on réfléchisse à ces questions-là.
Mais,
quoi qu'il en soit, le gouvernement du Québec doit exercer ce leadership-là, parce que c'est le
berceau de la francophonie et c'est
donc au gouvernement du Québec de montrer la trajectoire, la direction où il
faut s'en aller là-dedans, et c'est ça que ça veut dire, quand on dit
qu'il faut faire des pressions.
M. LeBel :
Merci.
La Présidente
(Mme Nichols) : Merci. La parole est à la députée de Marie-Victorin.
Mme Fournier : Merci beaucoup. C'est superintéressant de vous entendre. Dans la
même veine, si le gouvernement canadien refuse d'agir pour l'équité et
de taxer les géants du Web, croyez-vous que le gouvernement du Québec devrait
occuper le champ fiscal laissé vacant par le gouvernement du Canada?
M. Saulnier
(Alain) : Tout à fait. Je ne vois pas pourquoi il ne le ferait pas.
Mme Fournier :
Super. Merci. Puis peut-être plus globalement, on l'a dit dans la commission un
peu plus tôt, qu'il y a seulement
maintenant 49 % des Québécois qui ont confiance dans les médias
d'information. Selon vous, c'est quoi, les principales causes de
phénomène-là qui est vraiment préoccupant?
M. Saulnier
(Alain) : Je me méfie de ce sondage-là, comme je me méfie de tous les
sondages, comme vous autres, sans
doute, aussi. Je m'en méfie pourquoi? Parce qu'après l'ensemble des scandales
qui ont été révélés par l'émission Enquête à Radio-Canada — et puis Dieu sait qu'on en a révélé, des
scandales — le taux
d'appréciation des journalistes était au top, on ne l'avait pas vu comme ça depuis des années. Quand les journalistes
démontrent leur utilité, ils sont populaires. Alors, c'est la raison pour laquelle je me méfie, parce que ça
fait un peu comme cette allure de dire : Ah! le monde ne nous aime
pas, qu'est-ce qu'on va faire? Regarde, ce
n'est pas ça, là, qu'il faut faire. Il faut agir de telle sorte qu'on fasse du
bon journalisme et qu'on se démarque en montrant la nécessité d'avoir du
bon journalisme au Québec, tout simplement.
Mme Fournier : Merci beaucoup.
La Présidente
(Mme Nichols) : Alors, merci beaucoup, M. Saulnier, pour votre contribution aux travaux de la commission.
Alors, je suspends,
le temps que la prochaine représentante prenne place. Merci.
(Suspension de la séance à
17 h 05)
(Reprise à 17 h 08)
La Présidente
(Mme Nichols) : Alors, je souhaite la bienvenue à notre dernière
représentante de la journée, Mme Payette.
Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis
que nous procéderons à la période d'échange
avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à
procéder à votre exposé. Je m'excuse, juste avant de...
Mme Dominique
Payette
Mme Payette
(Dominique) : Oui, allez-y.
Vous m'arrêterez, parce que je pourrais en parler pendant des heures,
alors...
La
Présidente (Mme Nichols) : Oui, je suis une experte pour arrêter les représentants, mais je dois
préalablement vérifier le consentement pour pouvoir déborder, puisqu'on a pris un peu de retard, entre autres, avec des difficultés techniques. Consentement? Très bien.
Mme Dorion : Excusez-moi, c'est parce
que je vais devoir partir chercher
mes enfants à l'heure dite, mais est-ce que je pourrais échanger avec le
Parti libéral pour parler ou, en tout cas...
La Présidente
(Mme Nichols) : Ce que je propose, c'est qu'on peut peut-être
commencer le...
Une voix :
...
La
Présidente (Mme Nichols) : Parfait. Donc, on va commencer l'exposé, et je vous reviens avant aller
dans la période des échanges. Très bien. Merci.
• (17 h 10) •
Mme Payette
(Dominique) : Je vais juste prendre quelques minutes, je ne peux pas
présumer que vous me connaissez. Alors, j'ai
été journaliste pendant plus de 30 ans, 32 exactement, donc, principalement à la radio et à la télévision, à
Radio-Canada, à Télé-Québec,
mais j'ai aussi été stagiaire à La Presse, à l'époque où La Presse
avait les moyens d'avoir des
stagiaires, et j'ai aussi été journaliste à la salle de nouvelles de CJMS à
l'époque où les radios privées avaient le désir d'avoir des salles de
rédaction.
J'enseigne
le journalisme depuis 20 ans maintenant — oui, bien sûr, des fois, ça s'est chevauché,
là, parce que, sinon, j'aurais la
fontaine de Jouvence — à l'Université de Montréal, à l'UQAM et maintenant à l'Université
Laval. Depuis 2006, je suis
professeure titulaire à l'Université Laval et je suis docteure en sociologie,
spécialiste des médias par le biais de la socio, il n'y en a pas des tonnes au Québec. Donc, par la sociologie,
j'ai une vision très concrète des forces en présence et notamment des rapports de force dans le secteur
des communications, dans l'industrie médiatique, que moi, j'appelle des entreprises de presse, pour les ramener de temps
en temps à leur fonction première qui est de nous rendre... de faire de
nous de meilleurs citoyens.
Je
suis très contente d'arriver... d'avoir assisté à la présentation, tout à
l'heure, de Mme Massad et de son blogue du West Island, parce que
j'avais envie, justement, de parler de ce type d'émergence de médias et je vous
aurais parlé principalement d'un média qui
s'appelle le Journal des Voisins, et qui est un journal d'une extrême... très, très
grande qualité, dans
Ahuntsic-Cartierville, et qui est maintenant disponible aussi sur papier, mais qui a d'abord
été ce qu'on appelle un «pure
player», donc un journal entièrement sur Internet, et qui est dans
l'hyperlocal, c'est-à-dire qu'est-ce qui se passe dans
Ahuntsic-Cartierville, y compris dans des séances du conseil municipal.
Je
vais parler... Je veux partir de ça, parce que le problème... Vous avez un
chantier extraordinaire devant vous. Et, comme j'étais très frustrée, en 2011, après avoir travaillé... On a
rencontré des centaines de personnes, on les a fait travailler pendant toute une année sur des tables distinctes
et on avait à peu près atteint un certain... en tout cas, une adhésion large, à défaut
d'un consensus, et tout ça est tombé à l'eau bêtement, et je me retiens beaucoup
de vous dire : Je vous l'avais dit. Je me retiens beaucoup de vous dire ça, parce que vous allez trouver,
dans les 50 recommandations que nous avions faites à l'époque, en 2011, la plupart des suggestions qui
vous sont faites depuis une semaine sur le financement des modèles
d'affaires en fonction du modèle d'affaires
en question. Donc, on n'a pas inventé beaucoup de choses depuis 2011, sauf peut-être la taxe sur le GAFA, qui n'est pas dans mes recommandations de 2011 parce qu'on m'avait demandé, à l'époque, de ne
pas rouvrir à moi toute seule la
Constitution canadienne. Et je n'ai pas non plus recommandé que le Québec
développe son propre CRTC de manière
à rapprocher les décisions de ce conseil de la communauté francophone
canadienne. Donc, tout ça pour vous dire que je pense que vous avez un formidable chantier, qui est
d'une extraordinaire complexité, mais qui peut être aussi formidablement
rassembleur.
En 2011, quand j'ai remis le rapport, il y avait
encore des entreprises de presse qui disaient : On n'a pas besoin
d'argent. En fait, la majorité des entreprises de presse disaient : On n'en
a pas besoin, la crise, elle est circonstancielle. Rappelez-vous, on sortait de la crise
économique 2008‑2009, il y avait une baisse importante de la publicité.
Mais la plupart des médias, à
l'époque, croyaient que ce serait possible de récupérer tout ça. On a démontré
depuis que ce n'est pas vrai, et ça
ne s'est pas arrangé. Et, s'il y a une chose qui s'est produite, c'est, bien
sûr, une aggravation de la situation telle que moi, je l'avais décrite déjà, en 2011, et notamment,
plus discrètement que ce qu'on a vu cette semaine avec Capitales Médias,
dans les régions. La guerre entre Québecor
et Transcontinental a fait des morts dans les régions. La décision du Bureau
de la concurrence du Canada, qui ne voulait
pas que Transcontinental ait deux hebdos dans la même ville au nom de la
concurrence, bien, ce que ça a fait, c'est
qu'il y en a un des deux qui a fermé. Alors, on a créé des situations
monopolistiques en essayant de protéger la concurrence, cherchez l'erreur.
Maintenant,
la question, c'est : Comment intervenir pour que Mme Massad, que vous
estimez beaucoup, soit soutenue dans
sa démarche, comme le serait peut-être le Journal des Voisins
d'Ahuntsic-Cartierville? Mais en même temps vous savez très bien qu'il y a, par exemple, une jeune
youtubeuse, je n'ai pas besoin de la nommer, qui fait une fortune en recevant
des cosmétiques des compagnies de
cosmétiques et qui dit qu'elle est journaliste, puisqu'elle est critique de ces
cosmétiques-là. Comment... Ce n'est
pas si simple, de tirer la ligne entre les deux, pas si simple. Alors, la
question principale que vous avez à vous poser, c'est : Qu'est-ce
que c'est qu'une entreprise de presse? Et la deuxième, c'est : Qu'est-ce
que c'est qu'un journaliste? Alors, je pense
que je vais essayer de vous aider à mettre un couvercle sur la marmite puis je
vais vous dire que c'est une question
qui ne vous regarde pas, c'est une question qui doit se décider entre pairs. Et
la suggestion que je fais pour éviter
cette boîte de Pandore qui risque de s'ouvrir et de devenir absolument
incontrôlable, c'est d'avoir une organisation qui va déterminer qui est admissible à recevoir de l'aide
gouvernementale et d'avoir une organisation qui va avoir le droit de décider qui est journaliste, et qui ne l'est pas,
et qui le reste, et qui ne le reste pas, donc qui applique un code de
déontologie, qui applique des normes et
pratiques généralement reconnues dans la profession et qui ne le fait pas.
Alors, je dirais, pour moi, c'est le Conseil de presse, et ça allait de soi
jusqu'à tout récemment, jusqu'à ce que le Conseil de presse dise : Non,
nous autres, on ne veut pas.
Bon, le
Conseil de presse, quand il a été fondé, je reviens un peu sur les propos de mon ami Saulnier, les
entreprises de presse n'en voulaient pas.
C'est seulement parce que Robert Bourassa, au cours d'une commission
parlementaire, avait menacé d'introduire une loi sur le contrôle des
médias qu'ils ont décidé de s'autoréguler. Jusque-là, ça ne leur tentait pas du tout et, encore aujourd'hui, ça ne leur
tente pas du tout d'avoir des comptes à rendre à la population. Ça ne leur
tente pas, puis les journalistes non plus,
ça ne leur tente pas. Mais moi, comme représentante de la population, je n'ai
pas envie de financer la jeune
youtubeuse. Je pense que les fonds publics, ça ne doit pas servir à ça. Ça ne
doit pas servir non plus, si par exemple... Et ça, le modèle français,
là-dessus, est une grossière erreur, et il y a la Cour des comptes, en France,
qui a sévèrement blâmé le gouvernement.
Parce que, là-bas, il y a une carte de presse, donc c'est facile, de savoir où
sont les journalistes, alors on a
décidé de donner l'argent aux entreprises de presse directement. Mais qu'est-ce
qui va les empêcher, si vous faites
ça, de décider de faire un cahier cuisine le samedi ou de faire un cahier
décoration puis de rentrer plein de publicités
supplémentaires par des agences immobilières ou de faire plus de mots croisés?
Alors, là-dessus, vous ne pouvez pas
avoir de contrôle, vous ne devez pas avoir de contrôle, mais il y a un
intermédiaire qui doit en avoir un, contrôle, et cet intermédiaire-là, dans ma tête à moi, parce qu'il
y a déjà une loi constitutive, c'est le Conseil de presse. Alors, des
entreprises de presse qui veulent avoir des sous publics, c'est-à-dire mon
argent et le vôtre, doivent se soumettre à un code de déontologie. Il n'y a aucune raison pour que l'État finance des
entreprises de presse qui refusent d'appliquer des codes de déontologie,
aucune espèce de raison.
De la même
façon, une organisation comme la Fédération professionnelle des journalistes
pourrait être celle qui nous dirait :
Vous êtes journaliste ou vous ne l'êtes pas. Comment elle va faire ça? Je n'en
sais rien, hein? J'aurais des tas de suggestions
à leur faire le moment venu, mais, pour l'instant, ce que je sais, c'est que la
FPJQ, telle qu'elle est actuellement, par
son mode d'admission de ses membres, tout ce qu'elle fait, c'est une
tautologie, c'est-à-dire, vous devenez membre de la FPJQ parce que vous êtes embauché comme
journaliste par une entreprise de presse qui, elle, n'est garantie par rien.
Alors, on est dans un système très, très
flou dans lequel moi, je vous invite à ne pas trop plonger mais à tenter de
définir comment vous allez distribuer
cet argent. Et, même si vous avez la taxe du GAFA, ça ne vous donnera pas plus
d'idées d'à qui les donner, ces sommes-là. Voilà, c'est tout.
La
Présidente (Mme Nichols) : Très bien, merci. Alors, je vous
remercie pour votre exposé. Nous allons maintenant commencer la période
d'échange, et je vais céder la parole au député de Beauce-Sud.
M. Poulin : Merci beaucoup, Mme
la Présidente. Bonjour, Mme Payette. Bienvenue à cette commission
parlementaire. Merci...
Mme Payette (Dominique) : Vous
me permettez, juste une petite seconde, de dire que c'est aujourd'hui
l'anniversaire de ma mère, Lise Payette, et que, quelle coïncidence formidable,
je suis aujourd'hui à l'Assemblée nationale. Je vous en prie, allez-y.
M. Poulin :
Oui, absolument, absolument. Et, bien évidemment, on a une pensée pour votre
famille également en cette journée.
C'est quelque chose qui nous marque à vie, des anniversaires de nos proches,
même quand ils nous quittent. C'est très important.
Donc, merci
pour votre contribution, merci pour le travail, également, que vous avez fait
en 2011. Évidemment, le métier de
journaliste a changé, a évolué. On comprend l'importance des pratiques, des
normes journalistiques, de l'éthique dont
on se doit de se doter. Mais il est évident qu'en région ou même dans les
grands centres on assiste présentement à une rareté de main-d'oeuvre en termes de journalistes. Alors, bien sûr, les
entreprises de presse disent : Oui, on veut offrir plus d'information à nos gens,
on souhaite offrir des plus grandes salles de rédaction, des meilleures équipes
de recherche, on souhaite tout faire ça, mais il nous manque des gens.
Alors, moi,
je veux vous entendre parler de la formation de journaliste, comme telle. On
l'a explorée tout à l'heure avec M. Saulnier,
où on disait : Des gens ont été d'excellents journalistes sans avoir de
formation parce que, d'abord et avant
tout, la base d'un journaliste, c'est d'être curieux et d'avoir un bon
français. Après ça, ça aide à faire le travail. Alors, je veux vous entendre là-dessus puis également sur
cet univers où, oui, on a des animateurs radio dans différentes stations
au Québec, où, oui, on a des émissions
d'affaires publiques, également, qui donnent de l'information sans être
nécessairement des journalistes. Alors, je veux vous entendre là-dessus,
Mme Payette.
• (17 h 20) •
Mme Payette
(Dominique) : Bien, en fait, moi, je ne suis pas capable de dire,
comme vous : Ce sont ou pas des journalistes. Moi, je m'appuie sur
la définition du Conseil de presse du Québec. Quand on lit cette définition, il
existe deux types de journalistes :
ceux qui font de l'opinion et ceux qui sont des journalistes factuels. Mais,
quand vous regardez la définition du
journalisme d'opinion, vous vous rendez bien compte que les journalistes
d'opinion, il y en a bien peu qui respectent
ces règles. M. Ryan doit se retourner dans sa tombe quand il lit des
chroniques, hein, parce qu'on demande au journaliste d'opinion d'appuyer sur des faits, on lui demande de tenir
compte de l'ensemble de la diversité des points de vue, et, au bout du compte, moi, ce que je dis à
mes étudiants, c'est : On doit être capable de ne pas être d'accord avec
vous, O.K.? Bon, ce type de journalisme d'opinion, on ne le rencontre plus très
souvent. Ça n'empêche pas que c'est du journalisme.
Vous savez, c'est comme un médecin qui n'est pas très bon — je ne sais pas si vous en avez déjà eu, moi,
ça m'est déjà arrivé — ça ne l'empêche pas d'être un médecin. Ça
nous donne des recours, mais ça ne l'empêche pas d'être un médecin.
Alors, moi,
je ne parle pas d'un ordre professionnel de journalistes parce que, selon des
juristes, ça ne tiendrait pas la route
cinq minutes devant un tribunal à cause de la liberté de la presse et de la
liberté d'expression. Donc, je ne veux pas que les employeurs soient tenus d'embaucher des journalistes professionnels,
mais je pense que des journalistes peuvent avoir envie de devenir des journalistes professionnels si on leur donne ce qui
va avec. Et, à mon avis, ce qui allait avec, c'était le secret des sources et l'accès privilégié à
l'information gouvernementale. Si vous mettez ça dans ma valise, vous
m'aidez beaucoup comme journaliste.
Il y a eu,
bien sûr, la loi Carignan, mais, en tout respect pour M. le sénateur, elle n'a
pas changé grand-chose, la Loi sur la
protection des sources, puisque je dois aller devant le juge pour lui
dire : Je suis journaliste. Alors, on a simplement changé un peu la démarche judiciaire, mais la
démarche judiciaire, elle est toujours là. Alors que, si on mettait ça
dans... Et il y a beaucoup de décisions des
tribunaux, ces dernières années, sur le secret des sources, qui commencent
toutes par le même paragraphe,
c'est-à-dire : Je ne peux pas l'appliquer, le secret des sources, parce
que je ne sais pas à qui ça s'applique. Alors, je dis : Nous, au Québec, on règle ça, ça s'applique aux
journalistes professionnels, et ce sont eux qui vont bénéficier des avantages financiers, ce sont eux dont
l'embauche va être subventionnée à hauteur de ce que vous voudrez. On fait
à 35 % dans le jeu vidéo, on peut toujours bien faire 35 % dans le
journalisme, hein? Bon, sur le plan citoyen, ça se vaut.
M. Poulin :
Oui, absolument. Vous avez parlé des GAFA, vous avez dit, bon : S'il y a
une taxation, après ça, de quelle
façon on gère cet argent-là, via des paramètres, via une certaine équité, et
tout? Puis on sait très bien que ce n'est pas la seule solution pour avoir des mesures d'atténuation concernant les GAFA
puis que, demain matin, s'il y avait une taxation, ça ne sauverait pas
toutes les entreprises de presse non plus au Québec. Comment vous voyez
l'avenir au niveau des sources de revenus
des médias, dans une perspective où on souhaite également maintenir les médias
traditionnels, donc les médias
écrits? On a beaucoup parlé des agences publicitaires, qui ont un rôle à jouer
de ne pas simplement conseiller les gens
de se tourner vers le Web, mais également vers les médias traditionnels. Il y a
la radio qui a réussi à traverser le temps avec les années aussi. Plusieurs patrons de presse nous ont dit :
Vous ne devez pas oublier la télé aussi, la télé vit également des difficultés. Alors, avec votre expertise, avec
votre travail, avec également ce que vous disiez en 2011, est-ce que
vous souhaitez encercler quelque chose en plus grands traits à ce niveau-là?
Mme Payette
(Dominique) : Il y a beaucoup, beaucoup de choses dans votre question.
Personnellement, je n'ai jamais pensé
que de casser des syndicats de journalistes, ça faisait du meilleur
journalisme. Je pense que la loi de l'offre et de la demande, quand on l'applique au journalisme, ça ne tire pas par en
haut. Quand on ne veut respecter aucune autre règle que celle du marché, ça ne tire pas le journalisme
par en haut. M. Péladeau père avait l'habitude de dire : Pour faire
marcher un journal, on sait très bien
comment faire, il y a les trois s : le sang, le sexe et le sport, voilà,
et, bon, maintenant on pourrait rajouter
l'opinion. Alors, j'ai le sang, le sexe, le sport et l'opinion, si possible
polémique. Bon, est-ce que c'est vraiment ce modèle, est-ce que c'est ce type de journalisme qu'on veut défendre?
Est-ce que c'est ce type de journalisme qui fait de nous de meilleurs
citoyens, de meilleures citoyennes? Moi, je ne pense pas.
M. Poulin : Sur les revenus?
Mme Payette
(Dominique) : Les revenus, c'est sûr que ça, c'est un chantier à long
terme. Je ne pense pas que les choses
vont se régler rapidement. Il y a aussi ce que personne n'aborde vraiment, mais
c'est une espèce de désintérêt de la population
par la chose publique. J'ai été mairesse de ma petite municipalité pendant
quatre ans, je sais à quel point c'est difficile,
de traîner nos citoyens, nos concitoyens dans les séances du conseil municipal.
Donc, il y a ce désintérêt de la chose publique. Il y a souvent un
traitement même un peu méprisant, aujourd'hui, de la chose publique et des élus
en particulier. Et ça, c'est comme un cercle
vicieux, c'est-à-dire, si je ne suis pas intéressée à la chose publique, je
n'irai pas voir les médias, si les
médias continuent de dire que ce que font les élus, c'est inutile et ce n'est
pas correct, etc., je suis toujours dans ce cercle vicieux, et je pense qu'on est là-dedans aussi.
Ce désintérêt pour la chose publique est très grave, très sérieux et frappe principalement les moins de 35 ans mais pas seulement. Et ça aussi, c'est
un enjeu très important pour les entreprises de presse, comment réussir
à conquérir... à rebâtir l'intérêt de cette génération pour la chose publique.
M. Poulin : Le sens sociétal
qu'on se doit de retrouver dans notre société.
Mme Payette
(Dominique) : Le sens
sociétal, le bien commun, tous ces... ce sont des enjeux très graves qui
font que... Quand j'avais 25 ans,
j'étais intéressée, je lisais, je ne sais pas, trois ou quatre quotidiens par
jour. Je ne connais personne de cet âge-là aujourd'hui qui fait ça, même
sur son téléphone.
M. Poulin : Absolument. Merci
pour votre travail à Lac-Delage également.
Mme Payette (Dominique) : Ah
oui. Merci.
M. Poulin : Très important, un
beau coin. Je vais céder la parole à l'un de mes collègues.
La Présidente (Mme Nichols) :
Alors, la parole est au député de Sainte-Rose.
M. Skeete : Oui, mais rapidement. Puis merci beaucoup de nous éclairer sur votre point
de vue. J'ai de la misère à suivre. C'est quoi, la première étape? Parce qu'on reçoit énormément de pression de nos collègues pour agir rapidement,
mais
en même temps on dirait que la profession n'est pas prête à
définir ce qu'elle est elle-même. Donc, comment on fait pour agir rapidement, compte
tenu qu'il y a tellement
de travail qui ne nous regarde pas et qui ne devrait pas, vous avez bien
dit, nous regarder?
Mme Payette
(Dominique) : Je pense
que, parmi les journalistes, on a un phénomène générationnel très important. Les journalistes de ma génération ne veulent pas
du tout avoir de comptes à rendre, que ce soit à leurs pairs ou à qui
que ce soit d'autre; à la limite, le juge,
si c'est nécessaire, mais les tribunaux ordinaires, pour eux, suffisent.
Quand je regarde mes étudiants,
depuis 20 ans, j'ai beaucoup d'étudiants au premier cycle qui sont étonnés
d'apprendre qu'il n'y a pas d'ordre professionnel et que n'importe
qui peut se déclarer journaliste au Québec, ce qui est vrai. Donc, il y a ce phénomène
générationnel où, pour les gens de mon âge et d'Alain Saulnier, le Conseil de
presse était un acquis très important et suffisant.
On constate aujourd'hui qu'il est quasi moribond, notamment
parce qu'il a été quitté par l'empire Québecor et que ça fait beaucoup moins de revenus que ce qu'il avait auparavant,
mais aussi parce que le Conseil de presse considère qu'il doit traiter toutes les plaintes, quel que soit le
support. Alors, à la limite, je pourrais même avoir une plainte contre ma
jeune youtubeuse, et le Conseil de presse pourrait être tenu de la recevoir.
M. Skeete : Merci beaucoup.
Mme Payette (Dominique) : Je
pense que je ne réponds pas très bien à votre question, mais...
M. Skeete : Bien, c'est
complexe et...
Mme Payette
(Dominique) : Oui, puis, dès
qu'on lève un aspect dans ce dossier-là, on s'aperçoit que, tiens, ça
bouge ailleurs.
M. Skeete : Donc, la rapidité
et de décider rapidement...
Mme Payette
(Dominique) : Il y a
des choses à faire rapidement. Je
pense que mettre les journalistes
devant leur responsabilité de définir
qu'est-ce que c'est, le journalisme qu'on doit soutenir... C'est eux qui
doivent vous le dire. Enfin, ils ne vous le diront peut-être même pas à
vous mais au moins se le dire entre eux.
La Présidente (Mme Nichols) :
Alors, je cède la parole au député de Saint-Jérôme.
M. Chassin :
Merci, Mme la Présidente. Il me reste combien de temps?
La Présidente (Mme Nichols) :
Cinq minutes.
M. Chassin : Oh! O.K. Je vais laisser du temps aussi à mon
collègue. Merci, Mme Payette, de votre présentation. Vous me faites
énormément réagir, je suis en ébullition, et les questions que vous posez sont
les questions qui me taraudent depuis le
début de l'exercice. Je suis toujours à la recherche d'une voie de passage qui
soit la plus neutre possible. J'ai
moi-même... je ne le dirais pas dans vos mots, je n'ai pas de mépris pour la
chose publique, mais j'ai certainement toujours un oeil prudent par
rapport aux interventions de l'État et à leurs conséquences négatives, souvent
peu anticipées ou mal anticipées.
En
même temps, puis je pense que vous le reconnaissez aussi, notamment par rapport
au fait d'un rapport où vous vous
êtes intéressée à la situation il y a déjà quelques années, il y a 15 ans,
Facebook n'existait pas, mais il y avait déjà une crise, par exemple dans les annonces classées,
pour les journaux papier. Dans 15 ans, quel sera le concurrent? Est-ce
que ce sera encore les GAFA ou autre chose? Donc, cette évolution, elle est, je
pense, assez rapide.
Le
mécanisme que vous proposez, c'est, finalement, un mécanisme un peu permanent
où, de façon tout à fait légitime et
très pertinente, je pense, on aurait comme parlementaires, comme législateurs,
voire comme gouvernement, si le gouvernement
embarquait dans cette proposition-là, l'humilité de dire : Ce n'est pas à
nous de fixer les critères. Alors, je trouve
ça drôlement pertinent. En même temps, de demander aux journalistes ou à un
organe comme le Conseil de presse qui, par exemple, forcerait Québecor à
réintégrer un organe qui...
Mme Payette
(Dominique) : Il ne forcerait pas. Québecor n'est pas obligé d'y aller
s'il ne veut... S'il ne veut pas d'argent, il n'est pas obligé d'y
aller.
M. Chassin :
...bien, ou inciterait vachement, étant donné que ses concurrents seraient
subventionnés.
Mme Payette
(Dominique) : Oui, mais, s'il ne veut pas y aller, il n'est pas obligé
non plus.
M. Chassin :
Exact, c'est ça.
Mme Payette
(Dominique) : Parce que, sinon, ça ne tiendra pas la route, je suis
d'accord avec vous.
• (17 h 30) •
M. Chassin : Disons que ça serait la carotte et pas le bâton. Ou encore
de demander à des journalistes de définir ce qu'est un journaliste, ce qui est aussi particulier. Est-ce que, dans
cette situation-là, vous voyez qu'il y a aussi possibilité de dérive,
même si ce n'est pas les parlementaires ou le gouvernement qui proposent une
définition, compte tenu que, par exemple, le métier de journaliste a
considérablement évolué, que sa formation n'est pas unique?
Mme Payette
(Dominique) : Les fondamentaux, ça reste les mêmes. Le fondamental, ça
reste le même pour le journaliste,
c'est la recherche de la vérité. En fait, il est le seul, de toute la nébuleuse
communicationnelle, à avoir l'obligation absolue de chercher la vérité et de vous la dire. Mon exemple préféré,
c'est Nutella : le publicitaire, il va vous dire que Nutella, c'est très bon au goût; le relationniste, il va
vous le faire goûter; le journaliste, c'est le seul qui va vous dire qu'il y a
trop de sucre dedans. Le journalisme, il se distingue de cette façon-là dans
l'univers communicationnel.
M. Chassin : Bien, je trouve votre exemple très intéressant, parce que «il y a trop
de sucre», c'est un jugement de valeur.
C'est-à-dire que le journaliste ferait, dans le fond, appel à une diététicienne
qui dirait : Attention, consommez du Nutella modérément parce qu'il
y a une quantité de sucre qui correspond à...
Mme Payette
(Dominique) : Bien, absolument, absolument. Le journalisme, c'est ça,
c'est aussi de...
M. Chassin :
Donc, qu'il y a trop de sucre, c'est un jugement. Un journaliste...
Mme Payette (Dominique) :
Donc, disons qu'il y a beaucoup de sucre.
M. Chassin : Bien oui, mais voyez-vous la définition des... Et je trouve ça
intéressant, parce que votre exemple révèle à quel point la définition,
elle est relativement arbitraire.
Mme Payette
(Dominique) : Oui, mais, moi, ce qui me frappait, à l'époque, en 2011,
c'est que ça existe déjà au gouvernement
du Québec, par exemple, pour les traducteurs. Les traducteurs, l'association
des traducteurs admettait des personnes
qui étaient habiles dans une autre langue que la leur après une journée
d'examen. Après, bon, je ne sais plus trop combien de... et après ces tests-là qui étaient faits, on devenait un
traducteur agréé. L'autre phénomène existe aussi avec les libraires. Les
subventions aux libraires sont données, O.K., par une association de
libraires...
M. Chassin : Par manque de temps... J'avais envie de vous demander, par oui ou non,
si, par exemple, le West Island Blog... selon vous, est-ce que c'est une
journaliste, par exemple?
Mme Payette
(Dominique) : Oui, bien sûr, à sa face même.
M. Chassin :
Je laisse le temps restant à...
Mme Payette
(Dominique) : Prima facie, dirait-on, en droit.
La Présidente
(Mme Nichols) : Alors, le solde est de 50 secondes au député
de Saint-Jean.
M. Lemieux :
Vous nous l'aviez dit, Mme Payette, c'est vrai. J'ai même presque eu pitié
de vous en lisant votre rapport
pendant le temps des fêtes en sachant qu'on allait se revoir ici, parce qu'il y
avait bien des choses là-dedans, et vous avez raison, ce n'est pas nos affaires. Mais le journaliste
professionnel que j'ai été, sans... n'a jamais compris le débat, puis je
pense qu'on n'y arrivera jamais. Pourtant,
avant la fin de l'année, il va y avoir des mesures d'aide, il faut, parce que,
là, on est rendus là. Alors, on va faire avec ce qu'on peut, mais, ce débat-là,
je pense que je vous le laisse.
La
Présidente (Mme Nichols) : En 10 secondes.
Mme Payette
(Dominique) : Ah! bien, je...
M. Lemieux :
Non, non, j'ai fini. C'était un commentaire, ce n'était pas une question.
La Présidente
(Mme Nichols) : Ah! très bien. Alors...
Mme Payette
(Dominique) : Mais, je ne sais pas, je vous dirais, en conclusion...
M. Lemieux :
Non, non, non...
La Présidente
(Mme Nichols) : C'est très bien.
Mme Payette
(Dominique) : ...
La Présidente
(Mme Nichols) : Oui, oui, il y aura d'autres périodes d'échange.
Et je vous dirais que, de façon exceptionnelle
et avec la plus grande gentillesse, l'opposition officielle accepte de laisser
précéder l'intervention de la députée de
Taschereau, soulignant à la députée que nous acceptons, puisque nous sommes
aussi des mamans, donc nous comprenons, nous comprenons. D'ailleurs, je
salue ma fille, qui m'attend pour souper. Alors, 2 min 30 s, à
vous, Mme la députée.
Mme Dorion :
Merci beaucoup.
Mme Payette
(Dominique) : Conciliation travail-famille.
La Présidente
(Mme Nichols) : Exactement.
Mme Dorion :
Merci beaucoup pour élever la discussion, pour la structure intellectuelle et
recadrer aussi vers les questions sur lesquelles on va devoir se
pencher. Mais j'aimerais avoir... J'ai une question, en fait, pour la
sociologue. J'espère qu'on n'aura pas une
solution plasteur qui va sauver un peu, pour les prochaines années, les médias,
puis je vois qu'il y a des tendances
à long terme qu'il faudrait stopper ou inverser. Et j'aimerais que vous me
parliez de... Bon, puisque les revenus
ont baissé, les médias se sont beaucoup tournés vers, vous en avez parlé, la
chronique, tout ça, l'opinion. Et vous vous êtes penchée aussi sur l'intimidation médiatique que des gens qui ont de
l'opinion et des grosses tribunes peuvent avoir. Quel impact ça peut
avoir sur notre démocratie, ça a eu sur notre démocratie et ça pourrait
continuer d'avoir?
Mme Payette
(Dominique) : Oui, merci de cette question. En fait, ce que j'ai
constaté... J'ai publié un petit machin, le printemps dernier, qui s'appelle Les brutes et la punaise. La
punaise, c'est moi, c'était à la suite de menaces de me faire écraser comme ces malheureuses petites bêtes que
le titre est né. Ce que j'essaie de dire dans ce petit livre, c'est que
ce que font ces radios-là, c'est totalement
illégal, là. Ce n'est pas me demander si c'est bon, si ce n'est pas bon, si c'est normal, si ce n'est pas
normal, ce n'est pas légal.
Quand
vous lisez attentivement la loi sur la radio, qui est encore de compétence
fédérale, vous allez noter que la loi exige
la diversité des points de vue sur les sujets d'intérêt public pour tous ceux
qui ont une licence. Alors, quand vous avez une station de radio qui va entièrement dans un sens et qui soutient
entièrement, par exemple, le même type de parti politique et le
même type de position politique, c'est contraire à la Loi sur la radiodiffusion.
Alors, moi, mon inquiétude, c'est : Comment
se fait-il que nos parlementaires, partout, soient paralysés au point de ne pas
faire appliquer la loi? Et je pense qu'ils sont pris en otage, parce que ces radios sont d'une extraordinaire violence, et
je comprends tout le monde d'avoir peur, parce que j'ai
eu peur moi-même. Et ce n'est pas normal que ces radios fassent peur à des
citoyens ordinaires comme moi, et à des
élus comme vous, ce n'est pas normal non plus. Donc, pour moi, c'est d'abord
illégal à cause de la Loi sur la radiodiffusion et c'est également illégal en vertu de la loi sur les élections au Québec,
dans laquelle je n'ai pas le droit de faire tout un paquet de choses que ces radios ont faites ces dernières
années, comme par exemple de simuler un débat avec une candidate à
la mairie de Québec comme si elle était
assise devant eux, alors qu'elle ne l'était pas, etc. Donc, il y a
une foule de... C'est totalement inqualifiable, qu'on tolère ce genre
d'opinion et de violence sur les ondes de nos radios.
La Présidente (Mme Nichols) : Merci. Nous allons poursuivre la période
d'échange avec la députée de Saint-Laurent,
pour 10 minutes.
Mme Rizqy :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je vous confirme, le Journal
des Voisins, à Saint-Laurent
ainsi que dans le comté de l'Acadie, on est
contents de l'avoir, et effectivement ça permet d'avoir de l'information de
qualité mais surtout le reflet de la
réalité très terrain. Et particulièrement avec les inondations qu'on a connues,
c'était bien d'avoir de l'information juste et de savoir pratiquement
exactement à quelles rues les gens étaient affectés.
Mme Payette
(Dominique) : C'est de la même façon, à votre avis, que, dans le West
Island, vous avez là affaire à des
journalistes professionnels qui pourraient très bien écrire «JP» à la fin de
leurs reportages, et vous sauriez aussi, vous, élus, à qui vous avez à faire en face de vous quand vous répondez à des
questions. Il n'y a rien qui vous oblige à répondre à toutes les
questions si ce JP là n'y figure pas.
Mme Rizqy :
Dites-moi, dernièrement, on a vu que Facebook demandait aux gens de faire des
vidéos, et, en quelque sorte, de se
transformer eux-mêmes en journalistes, et de mettre en ligne ces vidéos pour
être en mesure de favoriser le partage des nouvelles locales — et je
mets «nouvelles» entre guillemets. Il me semble que ça peut être quand même dangereux, parce qu'habituellement, par exemple,
un journaliste, avant de diffuser de l'information, il met un contexte
et explique, en quelque sorte, la nouvelle,
alors que, par exemple, un simple citoyen comme moi, par exemple, qui n'est
pas un journaliste, mettre une information
sans contexte, ça peut facilement induire les gens en erreur, ou même semer le
doute, ou même, dans des cas, de la panique.
Mme Payette
(Dominique) : Oui, et on l'a vu il n'y a pas si longtemps, je pense
que c'était à Gatineau, où, tout à coup, est partie cette rumeur à
l'effet que, si la ville de Gatineau ne décrétait pas l'état d'urgence au
moment des inondations, les assurances
refuseraient de rembourser les personnes qui étaient sinistrées. C'est
entièrement faux, mais c'est parti de
cette manière-là. Donc, en fait, le seul rempart qu'on a contre la rumeur,
c'est le journalisme professionnel.
Mme Rizqy :
Et là, maintenant, on a de moins en moins de journalistes, et ils doivent faire
un travail double : non seulement
informer la population, mais en plus de vérifier les fausses informations qui
circulent à vitesse grand V sur des plateformes telles que Facebook.
Mme Payette
(Dominique) : ...ils doivent le faire alors qu'ils sont 1,5 pour deux
hebdos.
Mme Rizqy :
Et, en plus de ça...
Mme Payette
(Dominique) : Donc, l'embauche de journalistes avec un crédit d'impôt
m'apparaît, depuis 2011, non
seulement une nécessité, mais une obligation. Et mon inquiétude, maintenant,
c'est : Avec ce crédit d'impôt, est-ce qu'on arrive trop tard? C'est-à-dire, est-ce que certaines entreprises
devraient prendre aussi des start-up? Parce que certaines entreprises n'ont pas le 55 % de plus que le
35 % du crédit d'impôt, et c'est là où ça devient embêtant d'avoir une
seule mesure, il faudra plusieurs mesures. C'est pour ça que je dis : Vous
avez un chantier passionnant, parce qu'il faudra plusieurs mesures pour être en
mesure de rétablir un niveau d'information, à Québec, qui soit acceptable.
• (17 h 40) •
Mme Rizqy :
Absolument. Et je reste encore avec Facebook, car le grand patron a beaucoup de
difficultés à gérer son entreprise, qui a un peu, maintenant, l'âge d'un
adolescent, 15 ans. Donc, Facebook, par exemple, on a vu, quand il y a
eu une tuerie, il y a une vidéo qui a circulé, ça a pris environ
30 minutes pour retirer la vidéo avec des scènes qui ont traumatisé plusieurs personnes, malgré que le
premier appel qui a été logé, c'était immédiat. Il y a un numéro d'appel
où est-ce qu'on peut dire : Non, non, ces images-là ne sont
pas pour le grand public. ça a pris beaucoup de temps. Par la suite, Zuckerberg s'est justifié, mais il n'en reste pas
moins qu'ils jouent un peu un double jeu, dans le sens qu'ils se disent :
Nous ne sommes pas des journalistes, nous ne
sommes qu'une courroie de transmission. J'ai l'impression qu'ils ont le beurre
et l'argent du beurre : on ne paie pas d'impôt, on fait un paquet de profits
sur les revenus publicitaires, mais on ne veut avoir aucune responsabilité ni fiscale ni non plus à titre de personnes qui
diffusent de l'information au grand public à vitesse... à la vitesse
de la lumière, en fait.
Mme Payette
(Dominique) : Et d'ailleurs
cette pression-là s'est exercée sur les journalistes aussi, qui ont
tendance à faire parfois les coins ronds parce qu'ils veulent aller aussi vite. Peut-être qu'à ce
moment-là il faudrait que les journalistes
et les entreprises de presse se
demandent si c'est encore cette course-là qui est leur véritable fonction. Est-ce que
leur véritable fonction, ce n'est pas de prendre un peu plus de temps et
de nous donner un travail de fond?
Moi,
je suis encore très idéaliste par
rapport aux médias, chez nous, c'est-à-dire que je crois encore que, si on retrouvait une information locale et régionale de qualité... Et j'ose dire
ce mot-là parce que, depuis le début de la semaine, je trouve
que c'est... moi, c'est ça que je trouve qui est l'éléphant dans la pièce,
c'est qu'il y a certains journaux qui sont tellement l'ombre de ce qu'ils ont été qu'on se demande à quoi bon les défendre.
Alors, on se dit : Bon, bien, il faut les défendre, parce qu'avec des sous, avec des journalistes
professionnels, on va remonter une information locale et régionale qui va faire
que les citoyens ne vont pas s'en passer.
Parce qu'aujourd'hui ça s'est fait tellement... ça s'est effrité tellement
doucement qu'on ne sait pas ce qu'on
ignore, hein? Alors, je ne peux pas être facilement critique avec mon journal
local, d'abord parce qu'il me raconte
des choses amusantes sur le club des Pee-Wee puis sur ces machins comme ça puis
que... Tout ça est très léger. Mon
journal local, ils ont pris la décision de ne même pas aller aux conseils
municipaux parce que c'est plate, hein? Mais les gens, ils ne s'en plaignent pas, ils sont très satisfaits de ce journal
local là. Alors, donnons-leur les moyens, avec des journalistes professionnels
qui ne sont pas entièrement soumis à leur employeur.
D'ailleurs, c'est une
bonne façon de revamper la profession, que ce soient eux qui soient le porteur
de ce ballon financier là, parce que, jusqu'à maintenant, ils sont plutôt dans
une situation extraordinairement précaire par rapport à l'autonomie professionnelle dont ma génération a bénéficié. Quand je
regarde ce que la profession est aujourd'hui, avec le retour que mes étudiants me font à l'occasion, je
ne suis pas sûre que j'aurais refait le même... je suis même sûre que je
ne choisirais pas la même profession
aujourd'hui. Et des journalistes soumis à leur employeur, ce n'est pas des
journalistes qui remplissent leurs
fonctions, parce que ce sont des professionnels qui doivent être au service de
leur lectorat ou bien au service de
leur auditoire, c'est fondamental. Leur employeur, il vient en deuxième. Alors,
essayer d'expliquer ça aujourd'hui à mes étudiants, c'est comme me faire dire que je suis vraiment idéaliste,
parce qu'ils sont extraordinairement soumis dans le contexte actuel, parce qu'il n'y a pas beaucoup de
jobs, parce qu'ils ont besoin de garder la leur, parce qu'ils savent
que, s'ils la perdent, ils n'en retrouveront
probablement pas une parce que la concentration est très forte. Ça fait des
journalistes soumis puis ça fait des moins bons journalistes, alors
qu'ils n'ont jamais été aussi bien formés.
Mme Rizqy :
J'ai travaillé avec plusieurs journalistes dans la lutte contre les paradis
fiscaux, et je n'ai jamais senti de pression qu'on ne puisse pas sortir
une nouvelle, même si parfois, dans les travaux qu'on faisait, ce n'étaient pas
12 mois mais bien 18 mois
d'enquête avant de sortir une nouvelle. Je m'en rappelle aussi que, quand
j'étais étudiante à l'Université de
Sherbrooke, pour la protection du mont Orford, c'était d'abord une initiative
locale par le journal local, qui est,
en fait, devenue par la suite une nouvelle nationale. Je me rappelle aussi des
jeunes de moins de 35 ans qui, maintenant, prennent la rue pour nous demander, à nous tous, de faire de l'enjeu
environnemental un enjeu immédiat. Alors, je pense qu'il y a encore
beaucoup...
Mme Payette (Dominique) : Vous
êtes idéaliste, vous aussi, alors, comme moi.
Mme Rizqy : Moi aussi, je suis
idéaliste, et nous n'avons pas le choix de l'être, car les défis sont grands.
Mme Payette (Dominique) : Bien
sûr.
Mme Rizqy : Et je maintiens
qu'au XXIe siècle les deux défis les plus importants n'ont pas de
frontières, c'est la lutte contre les paradis fiscaux et la lutte contre les changements
climatiques. Ça, c'est mon opinion à titre de députée de Saint-Laurent,
professeure...
Mme Payette
(Dominique) : ...la lutte à
l'ignorance politique, parce que, là, on est en train de sombrer aussi
là-dedans.
Mme Rizqy :
Bien, il y a beaucoup de luttes, évidemment, il y a beaucoup de luttes.
J'entends très bien ce que vous dites,
et je sais que vous êtes une idéaliste, et j'espère que nous continuerons
d'être idéalistes parce que les défis sont grands et nombreux.
Et j'aimerais
revenir, tantôt vous avez parlé des blogueurs et blogueuses. On a vu qu'aux
États-Unis est arrivé un incident
assez majeur où est-ce que des blogueurs invitaient les gens à aller dans une
île, ils ont payé des frais, et finalement c'était un fiasco, il n'y avait pas d'île. Et on voyait même des
influenceurs qui ont été payés mais qui ne mentionnaient pas avoir été
payés pour ce type d'événement sur Instagram. Pensez-vous que, nous aussi, au
Québec, il est temps qu'on légifère pour s'assurer que les influenceurs doivent
vraiment, un, faire preuve de transparence mais aussi d'avoir une imputabilité
sur les produits qu'ils sponsorent ou qu'ils commanditent?
Mme Payette
(Dominique) : Je dois dire que je n'ai pas travaillé cette question-là
mais qu'elle est intéressante. Ce qui est très... Dans le contexte
actuel, qui est le contexte dans lequel on veut vivre, c'est-à-dire un contexte
où la liberté d'expression est protégée,
c'est très difficile de légiférer. C'est, encore une fois, pour ça que je
parlais, tout à l'heure, de tout
simplement vous aider à mettre le couvercle sur la boîte de Pandore,
c'est-à-dire que je ne peux pas dire ceci... Et je ne voudrais pas qu'on
le fasse, qu'on... dire que cet influenceur ou cette influenceuse ne devrait
pas...
Mme Rizqy :
...mentionner de façon transparente qu'effectivement ils ont... que c'est
commandité et qu'ils ont reçu une rémunération pour dire cela.
Mme Payette (Dominique) : De le
mentionner, certainement, mais vous allez surveiller ça comment?
Mme Rizqy :
Ah! bien, écoutez, inquiétez-vous pas là-dessus. Je suis une personne qui lutte
contre l'évasion fiscale, donc j'ai pas mal d'outils dans ma boîte de
fiscaliste.
Mme Payette (Dominique) : Vous
aurez une autre police.
Mme Rizqy :
Parce que, comment je vais le surveiller, si vous me permettez, je vais vous
répondre — un petit
peu de pédagogie là-dedans — c'est que ces entreprises paient, donc c'est
une dépense, donc, si c'est une dépense, ils veulent, évidemment, la
passer à l'impôt. Alors, s'ils veulent la passer à l'impôt, ça me fait plaisir,
en autant que le...
Mme Payette (Dominique) : De
les attraper là.
Mme Rizqy :
...commandité, c'est-à-dire la personne qui est l'influenceur, la mette, elle
aussi, dans ses déclarations d'impôt.
Mme Payette
(Dominique) : Oui, pas bête. Mais ce qui me paraît vraiment très
important, c'est que les journalistes soient
capables de nous dire : Cette personne n'est pas un journaliste
professionnel, et qu'ils prennent cette responsabilité, et que... Il va
falloir que ce soient eux qui le fassent.
La Présidente (Mme Nichols) :
Merci. Alors, la parole est au député de Rimouski, pour
2 min 30 s.
M. LeBel :
Merci, Mme la Présidente. Je ne peux pas... Tantôt, c'était quand même
intéressant, là, vous saluez votre fille
à la maison, on parle de conciliation famille, la présence des femmes ici.
C'est un beau clin d'oeil à votre mère aujourd'hui, je trouve, ça
adonnait pile.
Tantôt,
votre préoccupation, là, par rapport aux blogues puis aux influenceurs... Puis,
le questionnement, j'ai essayé... Tantôt,
vous m'avez vu, j'ai essayé de poser des questions un peu là-dessus, comment
définir si c'est journaliste, influenceur ou blogue. Mais c'est sûr que, quand il y a moins de journalistes dans
les salles de presse, il faut trouver d'autres façons de passer le
message. Puis ce n'est pas une critique, mais, aux dernières élections, les
journalistes avaient boudé Québec solidaire
dans l'autobus. Et Québec solidaire, pendant une journée ou deux, ont mis des
influenceurs dans l'autobus, et ça a
quand même fonctionné, tu sais. Ça fait qu'à un moment donné il faut... Puis
c'était une bonne idée, ils l'ont fait, ils se sont virés de bord. Mais
il y a... C'est pour ça qu'il faut qu'il y ait des journalistes, parce que,
sinon, quelqu'un d'autre va prendre la place.
Et j'ai posé
aussi une question à des gens ici par rapport à pourquoi que, quand j'ouvre Le
téléjournal, il faut que je me
tape quelqu'un, un commentateur, un chroniqueur qui va me dire pendant cinq
minutes à quoi je vais penser. J'aimerais mieux, moi, voir les nouvelles. Là, on m'a expliqué qu'un chroniqueur,
ça coûte moins cher que des journalistes. Là aussi, il y a un problème,
à mon avis, c'est pour ça qu'il faut bien définir le rôle des journalistes.
Puis ce que vous faites là, c'est très bon...
Mme Payette
(Dominique) : ...le chroniqueur a plusieurs emplois, et souvent un
autre bien mieux rémunéré. Être chroniqueur au Journal de Montréal,
au Journal de Québec, ça va vous rapporter, quoi, 100 $ de la
chronique, alors, évidemment, c'est la porte que ça vous ouvre qui est intéressante,
ce n'est pas le revenu que vous en tirez. C'est très prestigieux... enfin,
c'est prestigieux, tu sais...
M. LeBel : Ça m'amène à une
question, en terminant, parce que je n'ai pas beaucoup de temps...
Mme Payette (Dominique) :
Pardon, excusez-moi.
M. LeBel :
...ça veut dire que les crédits d'impôt qu'on aurait à donner, à offrir, il
faudrait vraiment le préciser pour les
journalistes. Parce que plusieurs nous ont dit que ça devrait être pour tout le
monde : les chroniqueurs, les animateurs. Si on veut que ça ait un
impact, il faudrait qu'ils soient visés aux journalistes.
Mme Payette
(Dominique) : Oui, mais les animateurs, à mon avis, peuvent être des
journalistes. Pour moi, un journaliste, c'est quelqu'un qui accepte de
répondre de ses actes en fonction d'un code de déontologie. Alors, si Pierre Mailloux ou Jean-François Fillion décident
d'appliquer le code de déontologie du Conseil de presse ou celui de la
fédération des journalistes, je n'ai pas
d'objection, aucune, aucune objection. Si mon mauvais docteur décide d'aller
étudier un petit peu plus longtemps pour devenir un meilleur docteur,
tant mieux, qu'il continue d'être docteur.
M. LeBel : Le chroniqueur
aussi.
Mme Payette (Dominique) : Et le
chroniqueur aussi. Le chroniqueur également, il répond aux normes du journalisme d'opinion qu'on trouve dans la
description du journalisme par le Conseil de presse, mais ça veut dire qu'il
va être obligé de travailler probablement un petit peu plus fort.
La Présidente (Mme Nichols) :
Très bien. Merci...
M. LeBel : Merci.
• (17 h 50) •
Mme Payette (Dominique) : Et ce
statut-là, moi, ce que je pense, c'est qu'il n'est pas à vie. Il n'est pas à
vie, c'est-à-dire qu'il va falloir que les journalistes respectent un code de déontologie et
qu'ils n'aient pas plus que, je ne sais pas, moi, trois ou quatre
plaintes sur cinq ans pour rester journalistes. C'est ça, l'enjeu, c'est de
ramener la déontologie au coeur des pratiques.
La Présidente (Mme Nichols) :
Merci. La parole est la députée de Marie-Victorin.
Mme Fournier : Merci énormément pour votre contribution. Je
trouve ça très intéressant, l'idée de voir le Conseil de presse baliser
le statut de journaliste professionnel, par exemple, ou encore quels médias
pourraient obtenir de l'aide financière de la part de l'État. Par contre, ça
m'amène à un questionnement. On sait qu'il y a plusieurs joueurs qui, actuellement, ne font pas partie du Conseil de presse, et je ne parle pas juste de
Québecor, on parle des nouveaux médias, comme Mme Massad, qu'on a rencontrée tout à l'heure. Et n'avez-vous
pas peur que, si on laisse le soin au Conseil de presse de choisir qui reçoit, par exemple, les subventions gouvernementales,
il y ait un blocage à l'entrée de nouveaux joueurs?
Mme Payette
(Dominique) : ...Mme Massad, je ferais une demande en ce sens, et
là le Conseil de presse devrait décider pourquoi il me refuserait, hein?
Mme Fournier : Donc,
vous pensez que ça va aller de soi?
Mme Payette
(Dominique) : Bien, je pense que ça irait de soi et que tous ceux...
toutes les entreprises, petites ou grosses,
qui veulent bénéficier de l'aide gouvernementale auraient tout intérêt à ce
moment-là à rejoindre le Conseil de presse.
Mme Fournier :
O.K., merci. Puis, dernière petite question, on a parlé beaucoup de la montée
des blogueurs, chroniqueurs, tout ça, vous
avez dit, bon : Ce n'est peut-être pas très payant, d'être blogueur pour
un journal. Mais on sait qu'il y a
certains journaux qui donnent des incitatifs, disons, à la rémunération pour
obtenir plus de clics, par exemple, sur le Web, donc, si vous avez un certain nombre de clics, bien, on vous
donne plus d'argent. Est-ce que vous trouvez que c'est une pratique qui
est saine pour la démocratie?
Mme Payette
(Dominique) : Non, pas du tout. Mais c'est une des raisons pour
lesquelles, d'après moi, si on se contente
d'appliquer la loi de l'offre et de la demande, on ne fait pas du journalisme,
on tire le journalisme vers le bas. Et c'est une des raisons pour lesquelles, à mon avis, le rôle de l'État est
extrêmement important, actuellement, pour maintenir le journalisme vers
en haut.
C'est un
paradoxe aussi en information, parce que, si vous demandez aux gens qui lisent
un journal : Qu'est-ce que vous
n'aimez pas?, alors on n'aime pas qu'il y ait trop de sang, on n'aime pas qu'il
y ait trop d'atteinte à la vie privée, on n'aime pas qu'il... etc., mais en même temps on sait très bien que
qu'est-ce que vous lisez dans le journal, bien, c'est ça que vous lisez, précisément. Donc, on est dans cette
espèce de paradoxe où la demande tire par en bas, très souvent, et que
c'est aux journalistes, d'une certaine
manière, de tirer par en haut. Et l'entreprise de presse, plus elle est serrée
financièrement, plus elle va s'en aller vers
le bas. Plus la concurrence va être forte entre les entreprises de presse, plus
ça va les tirer par en bas.
Mme Fournier : Merci.
C'est une belle conclusion.
La Présidente (Mme Nichols) :
Oui, une belle conclusion. Je vous remercie pour votre participation à nos
travaux, Mme Payette.
Et la commission ajourne ses travaux jusqu'à
demain, jeudi 28 août, à 9 h 30, et nous serons à la salle...
Une voix : ...
La
Présidente (Mme Nichols) : ...vendredi, je m'excuse, vendredi, et
nous serons à la salle du Conseil législatif.
(Fin de la séance à 17 h 53)