(Neuf heures trente-trois minutes)
Le
Président (M. Tanguay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît!
Bon matin à toutes et à tous. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la
culture et de l'éducation ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la
salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.
La commission
est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre des
consultations particulières concernant le mandat d'initiative portant
sur l'avenir des médias d'information.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Asselin (Vanier-Les
Rivières) sera remplacé par M. Allaire (Maskinongé);
Mme Grondin (Argenteuil), par M. Thouin (Rousseau); Mme Labrie
(Sherbrooke), par Mme Dorion (Taschereau); et Mme Hivon (Joliette),
par M. LeBel (Rimouski).
Auditions (suite)
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Cet avant-midi, nous
entendrons les représentantes, représentants de Groupe Capitales Médias,
Néomédia, Métro Média et Le Devoir. C'est l'ordre du jour pour
notre avant-midi.
Alors,
maintenant, sans plus tarder, je souhaite la bienvenue au représentant du
Groupe Capitales Médias. M. Claude
Gagnon, bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous disposez d'une période de
présentation de 10 minutes et, par
la suite, vous aurez l'occasion d'échanger avec les collègues députés.
Peut-être, pour fins d'enregistrement, juste préciser vos fonctions au
sein du Groupe Capitales Médias. Sans plus tarder, la parole est à vous.
Le Groupe Capitales Médias inc.
M. Gagnon
(Claude) : Merci beaucoup. Claude Gagnon, président-directeur général
de Groupe Capitales Médias. Merci à tous de me recevoir ce matin, c'est
bien, bien gentil de votre part.
Écoutez, il y
a beaucoup de choses qui se sont passées. Je vais passer les formules de
politesse usuelles, vous comprendrez
qu'on a très, très peu de temps. Vous savez, depuis quelques semaines, il y a
eu quand même beaucoup de chambardements au niveau de notre industrie,
beaucoup de chambardements au niveau de notre organisation à nous, qui nous a inspiré certaines réflexions, bien entendu,
dont une que j'aimerais vous partager avant d'aller plus dans le détail
de nos recommandations.
Depuis
20 ans, entre autres, les médias d'information ont évolué énormément, on le voit tous, là. La collecte d'information a changé, le traitement de l'information a changé énormément.
On voit de l'audio, du vidéo, de l'écrit dans à peu près toutes les
plateformes, que ce soit la télévision, la radio, les journaux. La diffusion
multiplateforme donne accès maintenant à ce
qu'on appelle un environnement mondial. Ça a changé énormément,
Internet a vraiment éliminé les
frontières. Les fameuses frontières physiques qu'on avait auparavant, on
les a moins maintenant parce que tout passe par les ondes.
Et il y a à
peu près une seule chose qui n'a pas changé à venir jusqu'à maintenant, c'est
le style de propriété des médias
qu'on a au moment où on se parle, qu'on n'a jamais remise en question, qui est
encore bonne, bien entendu, mais je
pense que ce qui se passe, actuellement, dans l'industrie au niveau mondial, au
niveau canadien, au niveau québécois est l'occasion de commencer à regarder d'autres modes de propriété des
médias. On en voit beaucoup qui se pointent, actuellement, depuis quelques jours, depuis l'annonce, entre autres. Ça
serait important de regarder tout ça dans son ensemble, que ce soit du public,
du privé, l'occasion, au comité, entre autres, de pouvoir se pencher à ça
également, parce qu'on ne parle pas
d'une période ou de régler un problème qui existe et qui va disparaître dans un
an, deux ans, on parle d'un problème
qui est récurrent, au moment où on se parle, et qui devra avoir une solution à
long terme, pas une solution à court
terme, parce qu'on va recommencer à tous les deux, trois ans à se rencontrer
autour d'une table de ce genre-là pour être capables de trouver de
nouvelles solutions.
Ceci étant dit, c'est bien important de
comprendre que le problème de notre industrie, ce n'est pas un problème de... on a parlé d'adaptation, entre autres, ce
n'est pas un problème d'adaptation. Ça fait déjà beaucoup, beaucoup d'années,
depuis les années 80, qu'on a commencé à s'adapter à Internet. Au cours
des dernières années, on a investi énormément d'argent par rapport à ça. Ce
n'est pas un problème, non plus, de gestion de la dette ou de gestion des dépenses.
Au cours des 10 dernières années, on a
réduit notre personnel de 53 % — je parle du groupe, puis à peu près tous les
autres groupes pourraient vous faire
les mêmes commentaires — de 53 %, on a coupé énormément d'argent. Je regardais hier,
ça fait depuis l'année 2009,
qu'on a des programmes de rationalisation des opérations. J'ai eu des années
que j'en avais même deux par année.
Donc, ce n'est pas un problème de dépenses folles ou des éléments de ce
genre-là. Le problème est vraiment un problème de revenus, on vous l'a
dit sûrement à de multiples occasions ici, autour de ces tables. C'est un
problème de revenus, c'est un problème de
revenus qui est important. Dans notre cas à nous, par exemple, au cours des
dernières années, des 10 dernières
années, nos revenus ont diminué de plus de 50 %, c'est énorme, énorme,
énorme. Il faut ajuster les dépenses en conséquence de ça.
Et on sait tous où sont
allés ces revenus-là. J'oserais vous dire qu'il n'est pas normal, dans notre
société dans laquelle on vit, une société démocratique, une société de droit,
une société qui a des règles de fonctionnement, que des organisations de multinationales mondiales viennent s'établir dans nos
champs d'activité au niveau des organisations, au niveau de la finance, à tous les niveaux et
décident des règles par eux-mêmes, qu'ils vont utiliser pour être capables de
fonctionner. Ce n'est pas normal dans le contexte où on est, actuellement.
Dans notre
domaine à nous, aujourd'hui, si vous regardez rapidement, on paie des droits
d'auteur dans le domaine de la
musique, on paie des droits d'auteur dans le domaine du cinéma, on paie des
droits d'auteur dans le domaine du vidéo. Il y a un seul endroit où on ne paie pas des droits d'auteur, qu'on ne
paie absolument rien, c'est dans le domaine de l'information. Pourtant, on reprend notre information à tous azimuts, on
la distribue par différentes méthodes, on la passe sur des... on s'en
sert dans des engins de recherche et, au bout de ça, bien, on nous dit :
Écoutez, on garde 100 % des revenus et vous, vous n'avez rien. C'est un
modèle d'affaires qui est impossible à appliquer.
Je pense
qu'il faut toujours considérer ce qui est bien important — dans toutes les recommandations que vous
avez eues, c'est probablement la même
chose — on ne
parle pas d'éliminer les Facebook et les Google de ce monde. On s'en
sert, nous aussi, on travaille avec eux. J'ai des groupes de travail qui
travaillent avec Google à New York, actuellement, à San Francisco avec les gens de Facebook pour connaître les méthodes
d'être plus efficaces encore. On a besoin de ces plateformes-là. Ce qu'on revendique, c'est tout simplement d'avoir une
équité dans le partage des revenus, ce n'est pas d'éliminer ces gens-là
de la planète, c'est bien certain.
• (9 h 40) •
Je vous
parlerais rapidement de six pistes de solution que nous, on a regardées. Les
six pistes de solution, il y en a sûrement
une partie qui vous a été présentée jusqu'à maintenant. Par exemple, on a parlé
des contributions gouvernementales soit
sous forme de crédit d'impôt, comme le fédéral l'ont fait, dernièrement, sur la
masse salariale ou soit sous toute autre forme qui peut être définie par les autorités gouvernementales. C'est
bien certain, ça va prendre ça. C'est une nécessité si on veut sauver notre
industrie, pas strictement Groupe Capitales Médias, toute l'industrie en
général et pas seulement les journaux.
Éventuellement, il va y avoir d'autres groupes qui vont y passer également,
dans la moulinette de cette
nature-là.
Il faut également
regarder l'élimination permanente de la contribution pour le
recyclage. Le recyclage est un problème majeur pour nous, l'industrie des journaux. Vous savez, on paie des
taxes provinciales, on paie des taxes fédérales sur les abonnements au
moment où on se parle. Le recyclage, on paie... au cours des dernières années,
ça a augmenté. Le coût du recyclage de 2019
a été multiplié par 10 pour nous. Pendant cette période-là, ce qu'on place dans
les bacs de recyclage a diminué de 68 %, ça fait que vous voyez à peu près la
distance. Et ce n'est pas fini, on va avoir encore des augmentations au moins de 10 %, ça peut aller jusqu'à
30 %, 40 %, par année au cours des prochaines années. Et, en plus de
ça, on donne, entre autres, ce qu'on appelle en «in kind» ou en équivalent
publicitaire, des montants encore substantiels qui vont au-delà de ça, ce qui est une obligation qui est
incroyable, qui est extrêmement difficile, dans le contexte actuel, qui est
insupportable. Le gouvernement du Québec a fait déjà des choses, mais il
faudrait que ça devienne permanent.
Également, l'État a pris de bonnes décisions.
Nos dirigeants ont décidé dernièrement, au niveau fédéral et au niveau provincial, de demander aux gouvernements,
aux intervenants gouvernementaux, ministères et aux sociétés d'État de réattribuer une partie de leur publicité aux
différents médias. C'est une très, très, très bonne chose. Sauf qu'il faut être
réaliste, demander une action de ce
genre-là, ça ne veut pas dire que ça se réalise. Et, on le voit, ça ne se
réalise pas au moment où on se parle, ça se fait sous de très, très, très
petites formes. Donc, il faudrait qu'il y ait une obligation légale qui soit
décrétée par les dirigeants gouvernementaux,
dire : Écoutez, là, on va commencer par protéger nos institutions, qui
sont capables de nous donner
l'équivalent en termes de couverture, plutôt que d'aller placer ça dans les
Google et Facebook de ce monde, qui n'apportent absolument rien ni en
contributions fiscales ni en contributions sociales.
Il faudrait
regarder également le retour des avis publics au niveau des médias écrits.
C'est un phénomène qui est important.
On a voulu mieux desservir les municipalités en autorisant la publication
d'avis publics des municipalités dans les sites Internet. Et j'oserais vous
poser des questions, à tout le monde ici, dans la salle : Combien d'entre
vous êtes allés sur le site Internet de votre municipalité au cours de
la dernière année?, et je ne suis pas certain qu'il y a 10 % des gens qui lèveraient leur main, malgré que vous êtes des
gens qui êtes quand même des décideurs. Ce n'est pas vrai, qu'on a aidé le public, d'abord, à rendre des choses beaucoup
plus limpides et visibles. On est en train de pousser ça encore, d'un peu
plus cacher à la population et en plus on
n'aide pas les médias d'information. Donc, il faudrait faire un retour en
arrière par rapport à ça, ça ne dessert personne.
Il faudrait également obliger les
multinationales — vous
le savez, on vous l'a dit à plusieurs occasions — de l'Internet, du monde à contribuer de façon
équitable monétairement, comme tous les autres citoyens, comme toutes les
autres entreprises contribuent,
c'est-à-dire de faire un juste partage de ce qui se récolte de leur part avec
nos contenus, ce qui nous aiderait énormément.
Et la sixième, puis je m'arrête après ça, parce
que je sais que vous allez avoir beaucoup de questions, la sixième, qui, à mon sens, pourrait être un élément
important, on a commencé à travailler il y a un an, entre autres, la
possibilité de créer une régie
publicitaire provinciale. C'est-à-dire que, quand on s'appelle Facebook et
Google, on a un pouvoir d'attraction qui
est énorme parce qu'on a une clientèle vraiment au niveau mondial, et, quand
quelqu'un veut avoir une segmentation de
marché, atteindre une segmentation de marché précise, ils peuvent les offrir de
façon assez large, ce qu'on ne peut pas faire quand on est des médias régionaux ou des médias, même, comme La Presse,
où c'est très, très, très difficile. Donc, le fait de pouvoir créer une régie provinciale qui regrouperait tous les
médias au Québec, qui pourrait donner une force et de pouvoir donner un
pouvoir à ces organisations-là, en termes d'offrir un potentiel aux différents
annonceurs, ça pourrait être quelque chose
d'intéressant, ce n'est pas très coûteux. Il faudrait qu'il y ait une structure
qui soit mise en place par rapport à
ça, et ça nous aiderait. Pour une fois, on se prendrait en charge, nous tous,
et on laisserait les grandes compagnies agir de leur façon, on serait en
mesure de les compétitionner.
C'est
à peu près les seules choses que je voulais vous dire en 10 minutes. Je
pense que c'est à peu près le seul temps que j'avais pour vous parler.
Est-ce que ça vous convient, M. le Président?
Le Président (M. Tanguay) : Ah!
parfaitement. Merci beaucoup, M. Gagnon. Alors, nous allons poursuivre, maintenant, les échanges, avec un premier bloc de 15 minutes, avec les
collègues représentant la banquette ministérielle, et je cède la parole
au collègue de Beauce-Sud.
M. Poulin
(Beauce-Sud) : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, M. Gagnon, très content de vous
retrouver aujourd'hui devant cette commission parlementaire là,
surtout que, j'imagine, à l'interne et au sein de votre institution, dans les derniers mois, les
dernières semaines, vous avez vécu des moments extrêmement difficiles, des
moments qui ne datent pas d'hier, soit dit en passant. On sait que la crise dans laquelle les médias québécois
sont plongés dure depuis plusieurs années et particulièrement en ce qui a
trait à la presse écrite.
Comme nous l'avons fait pour plusieurs
intervenants qui sont venus devant nous, il est important de refaire un plaidoyer pour nos médias régionaux dans les
régions du Québec également, surtout pour nos médias écrits aussi
et le papier, à quel point qu'il est important
et à quel point qu'il fait la différence, qu'il permet de rejoindre des gens et dont c'est la source d'information pour de nombreux Québécois
depuis plusieurs années. Dans les différentes régions du Québec, le journal, chaque matin, est important, est
fondamental, c'est un outil de démocratie. Et on sait que l'information, c'est
la liberté, alors il est important de le rappeler.
Groupe Capitales Médias, comme je le disais, a
vécu des moments plus difficiles, qui datent déjà depuis déjà plusieurs
années. Vous avez reçu, en 2017, un prêt de 10 millions de dollars de
la part du précédent gouvernement. On
sait que ça va vite, M. Gagnon,
dans l'univers des médias. J'aimerais savoir qu'est-ce qui s'est passé entre
2017 et 2019, entre la nouvelle aide
qui a été accordée par notre gouvernement, pour laquelle on est extrêmement
fiers, là, soit dit en passant, d'avoir
pu vous appuyer en 2019... Mais j'aimerais... Pour démontrer aux gens comment
ça va vite, l'univers des médias, qu'est-ce qui s'est passé entre 2017
et 2019?
M. Gagnon
(Claude) : Oui. D'abord, quand on regarde les scénarios financiers qui
avaient été présentés au moment du
prêt de 10 millions, il y a 10 millions puis il y a 7 millions
supplémentaires qu'on a ajoutés, nous, par la vente de nos édifices, entre autres. Je vous disais, tout à
l'heure, que les ventes ne se concrétisent pas de la façon dont ça devait se
concrétiser. Les prévisions qu'on avait faites... on avait fait des
prévisions sur une période de trois ans, trois ou quatre ans... c'était trois ans, si je me souviens bien, au niveau des
dépenses, des budgets de dépenses et des budgets de revenus comme tels. Ce qui est arrivé, c'est que les budgets de
dépenses se sont concrétisés, comme ça devait se faire, même un peu mieux,
c'est les budgets de revenus qui
n'ont pas été là. On anticipait des baisses de... la baisse de... la diminution
des revenus, au cours des trois années comme telles, on disait : Écoutez,
on passe dans un créneau d'à peu près 12 %... 15 %, en termes
publicitaires, d'une baisse de
15 % annuelle au niveau publicitaire, et on devrait diminuer à 12 %,
à 8 % — et je
vous dis ça de mémoire, là,
12 %, 8 % — et pour
en arriver à un niveau d'équilibre après quelques années. Ce n'est pas les
scénarios qui se sont réalisés. C'est que les scénarios ont continué à
s'amplifier, à demeurer au moins stables et sinon à s'amplifier légèrement,
ce qui crée des écarts extrêmement importants au niveau des revenus de caisse,
à ce moment-là.
Et, vous
savez, en parallèle de ça, c'est qu'on a voulu accélérer les investissements au
niveau du numérique, parce que, quand
on voit que les revenus ne se stabilisent pas, on essaie d'accélérer la
transformation, en disant : Bien, écoutez, on va essayer d'aller
reprendre sur les autres plateformes ces choses-là. Donc, les investissements
se multiplient, et la conjugaison de ces
deux éléments-là font que ça crée des déficits rapidement. Et, quand on a
commencé à retourner avec Investissement
Québec, on a donné les programmes, on a tout expliqué ça au complet, les
différences, d'où elles provenaient et
pourquoi on avait besoin d'accélérer encore plus la transformation. Et, bien,
la décision s'est prise dernièrement sur la forme dont l'argent allait être versé et le fait de changer de
propriétaire, ce qu'on avait déjà offert déjà, de toute façon. On disait : Ce n'est pas une question
financière, c'est une question de pérennité des médias, donc, si ça prend une
autre forme d'actionnariat ou de
compagnie, il n'y a aucun problème... de propriété comme telle, il n'y a aucun
problème, on acquiescera à ça. Ce qu'on veut, c'est vraiment la
pérennité des organisations.
M. Poulin
(Beauce-Sud) : Vous nous amenez, M. Gagnon, sur les revenus
publicitaires. On sait que c'est le nerf de la guerre. L'argent, c'est le nerf
de la guerre, on en parle depuis le début de cette commission parlementaire là.
On tente de nous amener beaucoup,
bon, sur les GAFA, la taxation. Je pense qu'on est tous bien contents qu'il
faut créer des mesures d'atténuation, bon, puis en créer plusieurs, concernant
ce phénomène. Il n'en demeure pas moins que nos entreprises, dans nos
régions, se doivent d'appuyer également les médias régionaux.
Est-ce que
vous ressentez, depuis 2007, 2019... Je vois des gens du Quotidien, on a
vu des gens de La Voix de l'Est, du Nouvelliste également. Est-ce que vous ressentez un élan, dans
nos régions du Québec, pour investir davantage dans nos journaux? Si on
ne l'a pas ressenti en 2017 avec ce qui s'est passé, ce prêt de
10 millions là, là... Le gouvernement fait
le choix de remettre 5 millions, est-ce que vous sentez qu'il pourrait y
avoir un nouvel élan du fait de recroire en notre... de croire à
nouveau, plutôt, en notre presse régionale et d'investir des sommes financières
importantes en publicité?
• (9 h 50) •
M. Gagnon
(Claude) : Je crois que la conscientisation est plus importante que
jamais. On le voit, nous, on reçoit des
milliers et des milliers de lettres d'appui. Vous avez vu ce matin, on a parti
un site demandant à certaines gens de contribuer volontairement. Je ne
sais pas si vous avez vu ça, entre autres, ça se manifeste rapidement. Les gens
veulent contribuer. Oui, pour répondre à
votre question, oui, on ressent. Mais, vous savez, les Je suis Charlie,
ça fait un temps, hein? Je veux dire,
ça monte, à un moment donné, on est tous là, on est tous là le poing levé puis
on y va, mais, après un certain temps, tout ça redescend.
Donc, ce qu'on ne sait pas, c'est la durabilité de cette mesure-là ou la continuité,
combien de temps ça va pouvoir...
Il y a une
chose qui est certaine, c'est que la conscientisation, actuellement, là, on a
du concret, ça fait des années qu'on
le crie sur différentes plateformes pour l'ensemble des médias au Canada, entre
autres, partout au Canada. Nous, on s'est
fait un défenseur, avec la coalition, on est allés à peu près à toutes les
tables pour expliquer la difficulté que les médias connaissaient. Et
aujourd'hui on ressent vraiment que les gens se sentent vraiment interpelés, ce
qui n'était pas le cas auparavant, parce
qu'il y a un geste concret, on a un groupe qui est menacé. Donc là, on parle de
toutes les régions du Québec ou
plusieurs régions du Québec qui sont menacées de façon évidente, donc là on
commence à se rendre compte de l'importance de ça.
On a eu tendance à croire, au cours des
dernières années, que l'information était gratuite, que ça ne se payait par lui-même, que ça, il
n'y avait pas de problème, tout ça allait... mais ce n'est pas le cas. Il faut, à un moment donné, qu'il y ait des revenus en quelque part. On ne peut pas strictement collecter, traiter l'information, en payer le coût et dire : Bien, écoutez, on vous la donne
gratuitement, ça ne fonctionne pas.
Le Président (M. Tanguay) : Alors,
on poursuit avec le collègue de Saint-Jérôme.
M. Chassin : Merci,
M. le Président. Merci,
M. Gagnon. Je trouve intéressant que vous ayez systématiquement établi, dans le fond, les pistes de solution que vous nous proposiez.
Et il y en a une qui m'apparaît particulière, sur laquelle j'aimerais peut-être vous entendre davantage. Vous parlez d'une régie publicitaire
provinciale. Ce que je comprends, c'est d'avoir un modèle d'affaires qui permette de concurrencer, en
termes de revenus publicitaires, notamment au niveau du ciblage, en
ayant... puis là ce que je comprends, en ayant une force de frappe, là, à ce
que plusieurs soient intégrés dans un même ensemble,
que ce soient, justement, des hebdos, des quotidiens locaux et régionaux.
Est-ce que ce serait le gouvernement qui créerait ça? Est-ce que ce
serait une initiative privée? Est-ce que vous pourriez nous en parler
davantage?
M. Gagnon (Claude) : Oui,
écoutez, il y a à peu près un an, un an et demi, en gros, on a commencé à
rencontrer différents intervenants de
l'industrie dans le domaine de la radio, entre autres, le domaine des journaux.
On a réuni tout le monde à Montréal
autour d'une table en disant : Écoutez, il faudrait peut-être regarder
cette option-là, de faire les choses, de se créer une régie publicitaire, parce
qu'on sait que de grands, grands, grands annonceurs demandent un minimum,
par exemple, à l'oeil, là, à 1 million
d'impressions par période fixe pour être capables de soutenir leurs besoins à
eux, etc., et on n'est pas capables,
individuellement, de fournir des éléments de ce genre-là. Donc, on parle en
millions, c'est peut-être... le
million n'est peut-être pas le bon chiffre, là, je ne l'ai pas en mémoire, mais
on parle en millions d'impressions. Donc, on a commencé à regarder ce
système-là.
Bien entendu,
on est dans une industrie qui est en compétition, au moment où on se parle. Ce
n'est pas simple, de réunir tout le monde autour d'une table et de créer
l'unanimité, il y a toujours des éléments qui ressortent puis ramènent à chacune des organisations. Moi, je pense que
l'entreprise doit se prendre en partie en main. S'il est besoin d'un soutien
d'État ponctuel, qu'on le manifeste, je ne
pense pas que l'État dise non à quelque chose de ce genre-là. Mais il faut, à
un moment donné, s'en sortir, tu
sais. Il faut, à un certain moment donné, être capables de concurrencer par nos
propres moyens, si c'est possible de
le faire, bien entendu. Mais ça va prendre un certain temps avant que tout ça
se stabilise, mais ça serait une
façon, effectivement, de compétitionner les grands de ce monde. Il y a des
groupes qui sont plus importants que d'autres, qui réussissent à avoir quand même une quantité assez intéressante
d'impressions à offrir. Mais, dans l'ensemble du marché, il n'y a pas beaucoup de monde qui sont capables
d'arriver à compétitionner ces grandes organisations là, qui ont réussi à
fédérer énormément, énormément, énormément d'organisations.
M. Chassin :
Merci.
Le Président (M. Tanguay) :
Maintenant, je cède la parole au collègue de Sainte-Rose.
M. Skeete :
Merci beaucoup, M. le Président. Je suis très content... Bienvenue, en passant,
puis sachez qu'on est solidaires avec vous et votre organisation.
J'aimerais ça mieux comprendre, parce que vous avez évoqué un point sur les... un petit peu les droits d'auteur ou les
droits, là, puis c'est intrigant, parce que moi, je suis un amateur de
football, et on n'a même pas le
droit, par égard... de dire le résultat d'un match de football sans que la NFL
s'intéresse puis vienne cogner assez
fort. Puis je suis un peu un... je ne connais pas très bien les rouages des
médias, mais me semble qu'on devrait protéger l'information de la même manière. Alors, j'aimerais ça vous entendre sur
ça puis j'aimerais ça aussi que vous m'éduquiez un petit peu par rapport à pourquoi ça ne se fait pas. D'où vient cette
notion de partir avec les informations qu'on a produites non
gratuitement et ensuite les donner? Juste m'aider à situer ça un petit peu.
M. Gagnon
(Claude) : C'est un grand mal historique depuis l'arrivée de
l'Internet, entre autres. On a commencé, au départ, à vouloir restreindre cette diffusion d'information là. Il y
a deux côtés. D'un côté, entre autres, ça nous sert bien, que
l'information soit diffusée sur ces plateformes-là, parce que ça rabat du
lecteur sur nos propres plateformes à nous partiellement,
parce qu'il y a beaucoup d'organisations, comme Apple, comme Google, Apple
News, etc., qui, eux, les conservent directement sur leurs plateformes.
Microsoft, entre autres, elles les conservent sur leurs plateformes, donc elles ne les rabattent pas sur nos plateformes à
nous, et tout ça, bien, ça crée un problème majeur. Donc, d'un côté, tu veux
être présent dans ces organisations-là pour
être capable... Par exemple, quand on regarde les engins de recherche, il y a
peut-être jusqu'à 40 %, dépendamment
des médias, 40 % de leur trafic sur leurs propres sites qui provient des
engins de recherche.
Je recherche une nouvelle, je vais sur le site et je continue à faire une
lecture beaucoup plus détaillée de l'information. Donc, c'est un besoin,
je veux dire, dans l'univers actuel, là, c'est une nécessité, il faut
fonctionner avec ça.
De l'autre
côté, ces gens-là ont été habiles à trouver des façons de commercialiser ces
éléments-là par, entre autres, les
engins de recherche. Donc, tu cherches une nouvelle sur la commission actuelle,
on va dans Google, et puis, Google, il apparaît
une série de possibilités, avec en avant-plan quatre, cinq, six annonceurs qui
se positionnent en ordre, dépendamment de
ce qu'ils sont prêts à payer par rapport à ça pour être placés dans un certain
ordre, et c'est là que l'argent se fait en grande partie, à part les annonces Google, etc. Donc,
c'est difficile pour nous de contrer ce phénomène-là. C'est un nouveau modèle
d'affaires qu'ils ont développé, qui
fonctionne, qui fonctionne mais qui fonctionne pour leurs organisations, il ne
fonctionne pas pour le reste. Et n'essayez pas, demain matin, de
demander à Google ou à Facebook, de dire : Écoutez, vous allez maintenant avoir le devoir de collecter et de
traiter l'information régionale, vous allez voir qu'est-ce qu'ils vont répondre.
Ils vont dire : Ah! on ne touche pas à
ça, mais pas du tout, mais pas du tout, là, c'est juste à de l'argent à
dépenser qu'on a affaire. Bien, c'est
ce qu'on leur dit, on dit : Nous, on le dépense, cet argent-là, il
faudrait être capable de collecter des revenus à quelque part pour
compenser un peu, au moins payer ce que ça coûte.
Le Président (M. Tanguay) : Merci.
Je cède maintenant la parole au collègue de Saint-Jean.
M. Lemieux :
Merci beaucoup, M. le Président. M. Gagnon, je suis d'accord avec vous, la
conscientisation, en ce moment, est à
son maximum, mais combien de temps ça va durer? Heureusement ou malheureusement
pour vous, la crise chez Groupe
Capitales Médias a fait en sorte que cette commission puisse avoir plus les
projecteurs, mais, là encore, pour combien de temps? Mais effectivement
il y a de la bonne volonté partout, alors on va partir de ces idées-là.
Je voulais
vous demander un petit mot sur la régie publicitaire. Vous avez déjà répondu à
une question là-dessus, mais, sauf
erreur, cette régie-là, elle pourrait aussi gérer les demandes pour les médias
sociaux, là. On n'est pas obligés d'aller sur Facebook directement pour annoncer Facebook ou Google. Votre régie
publicitaire dont vous parliez, qui me semble être une voie... et le commun des mortels n'en entend pas parler. Déjà
hier, on s'est fait parler du placement média puis on a de la misère à s'y retrouver, là. C'est comme
une espèce de boîte de Pandore. Mais cette régie-là, elle serait très porteuse,
y compris pour permettre l'utilisation des
médias sociaux, mais avec une partie des profits qui passerait par la régie, et
donc ses membres, là.
M. Gagnon
(Claude) : Bien, ça pourrait, ça pourrait être quelque chose de ce
genre-là, effectivement. Il faudrait que
ça se fasse par réglementation, dans ce cas-là, parce que, dans les médias
sociaux, ils ont leur propre porte d'entrée. Quand on va chez Facebook, par exemple, ils ont leur
porte d'entrée pour pouvoir placer des annonces publicitaires. Si on oblige,
maintenant, à passer par une régie qui est
existante, bien, ils n'auront pas le choix, mais il faut que ça se fasse par
législation.
M. Lemieux :
Au cours des dernières années... on comprend, là, vous avez expliqué les
10 millions, et tout ça, mais pensez-vous que vous l'aviez, à un
moment donné? Où ça a brisé? Parce que je me souviens, au début, là, il y a
cinq, six ans... C'est six ans?
M. Gagnon (Claude) : Quatre
ans... cinq ans... quatre ans.
M. Lemieux : Quatre ans?
C'était un beau projet, Groupe Capitales Médias. Vous l'aviez, là, on avait...
M. Gagnon (Claude) : Ah! oui,
oui.
M. Lemieux :
Tu sais, on cherche le modèle d'affaires. Vous en aviez un. Ce n'était
peut-être pas le meilleur, mais vous aviez une idée.
M. Gagnon (Claude) : Tout à
fait.
M. Lemieux :
Est-ce qu'il y a des choses que vous n'avez pas pu faire puis que vous avez
encore dans votre sac, en vous disant : Zut! On aurait pu, si ce
n'était de... Alors, qu'est-ce que vous aviez, et si ce n'était de quoi?
M. Gagnon
(Claude) : Absolument, absolument, absolument. Notre transition
numérique n'était pas complétée. On a encore une transition qui est dans
les coffres, qui est à compléter. Vous savez, le papier est encore là,
actuellement. Il y a une diminution du
lectorat papier qui se produit au moment où on se parle. Il y a une progression
fulgurante dans nos médias
numériques, on parle en millions de lecteurs, ce qu'on n'a jamais eu dans le
passé. Donc, on n'a pas un problème de
lectorat au moment où on se parle, on a un problème de revenus, bien entendu.
Ce qu'on prévoyait faire, ce qu'on avait discuté avec les intervenants gouvernementaux, Investissement Québec,
entre autres, c'est d'accélérer cette transformation-là. Donc, ça demandait des fonds supplémentaires pour
pouvoir accélérer tout ça, en disant : Bien, on va commencer à aller
beaucoup plus rapidement vers le numérique.
Le grand
drame qu'on connaît au moment où on se parle, un des grands drames qu'on
connaît au moment où on se parle,
c'est que, si vous prenez, par exemple, un journal qui se distribue à travers
le Québec... Le Soleil, par exemple, se distribuait au Nouveau-Brunswick, au Québec, dans
plusieurs, plusieurs endroits. Quand vous regardez, au kilomètre carré,
la densité de lecteurs aujourd'hui par rapport à il y a 10 ans, par exemple, il
y a 10 ans, on pouvait distribuer, dans un kilomètre carré, hypothétiquement, 100 exemplaires; aujourd'hui, on
va en distribuer peut-être 30, 35, 40, quelque chose de
ce genre-là. Par contre, le coût de distribution demeure le même, donc, par
rapport aux revenus que ça rapporte, l'équation n'arrive plus, ça n'a
pas de sens. Donc, il faut être capables de dire : On soutient encore un
certain temps ce phénomène-là, c'est-à-dire
de lecture papier, parce que nous, on a encore 700 000 lecteurs dans
le groupe qui sont des lecteurs papier,
et il faut en même temps être capables de faire l'ajout dans le numérique.
Donc, on compose avec les deux univers. Quand les deux univers... l'univers numérique ne se remplit pas au
rythme où il devrait se remplir en termes de revenus et l'univers papier est en décroissance graduelle,
c'est extrêmement difficile. Le nombre de lecteurs est phénoménal, phénoménal,
les gens veulent s'informer.
Le Président (M. Tanguay) : Merci.
M. Gagnon. Maintenant, nous allons céder la parole à la porte-parole de
l'opposition officielle, la députée de Verdun.
• (10 heures) •
Mme Melançon :
Merci, M. le Président. M. Gagnon, bonjour. Je vais aussi exprimer qu'on
est vraiment solidaires avec ce qui se passe, bien sûr, dans les six
quotidiens mais aussi les deux hebdos, les deux magazines. On ne le dit pas suffisamment,
selon moi.
Donc, je vous
entends, ce n'est pas un problème de lectorat. Clairement, ce n'est pas un
problème de qualité non plus. J'ai entendu, en introduction, que vous avez
perdu 50 % de vos revenus publicitaires. Et peut-être pour bien exprimer
ce qui s'est passé, dans le fond, c'est que les géants du Web, qui sont une plateforme, profitent du
contenu, du fruit de votre travail, qu'ils mettent sur leurs réseaux,
puis qui empochent sans jamais verser un sou vers Le Groupe Capitales Médias mais vers tous les médias, au final, québécois,
parce que c'est ce qui est question aujourd'hui. La question est donc la suivante : Pensez-vous qu'on doive
attendre jusqu'en 2020 pour pouvoir se pencher sur le paiement de taxes ou
d'impôt par les géants du Web au Québec?
M. Gagnon
(Claude) : Je pense
qu'actuellement on a la Nouvelle-Zélande qui ont pris leurs responsabilités, on a la France qui prend ses responsabilités, on a
l'Espagne qui y travaille également. On a beaucoup de pays à travers le
monde qui constatent les mêmes
problèmes qu'on constate, nous, au niveau de l'information et qui ont décidé de
prendre le taureau par les cornes et dire : Écoutez, on va vivre... on a
un géant, qui s'appelle les États-Unis, entre
autres, là, qui dicte des
règles dans cet univers-là, il y a
des gens qui répondent : Écoutez, malheureusement, on vit dans des sociétés de droit et on va,
nous, comme société, imposer nos propres règles,
ce qui se fait actuellement en France, entre
autres, les débats, et dans les
autres pays. Je pense que, plus tôt que plus
tard, on doit agir dans ce domaine-là. Je veux dire, le fait d'attendre
n'amènera rien de mieux ou de plus,
il faut agir. À moins qu'on dise : Écoutez, on va attendre encore
plusieurs années et on compensera entre-temps, mais ce n'est pas vrai,
que les...
Mme Melançon : ...urgence,
actuellement.
M. Gagnon
(Claude) : Bien, l'urgence
est là, et ce n'est pas vrai, que l'industrie va se tenir toute seule dans le
contexte actuel, c'est impossible. Je veux dire, il va arriver quelque chose,
là, c'est impossible.
Mme Melançon : C'est clair. Moi, ce matin, j'ai demandé... parce que,
les deux derniers jours, on nous a clairement expliqué ici, en commission,
que le noeud du problème, c'était, bien sûr, la perte des revenus
publicitaires. Et, le 2 mai dernier, je
déposais ici, au salon bleu, une motion qui a été adoptée à l'unanimité, à
savoir que la publicité gouvernementale doit venir dans les médias ici, au Québec, parce que chaque sou qui est
investi — et ça,
il faut vraiment le dire et le répéter — chez les géants du Web, c'est de l'argent qui est perdu, qui s'en va
directement dans des paradis fiscaux. Alors, pour moi, ce qui est important aujourd'hui, et c'est ce que j'ai
demandé... Moi, j'étais surprise, hier, d'apprendre, par d'autres groupes qui
sont venus avant vous, qu'il n'y a aucune
directive qui a été donnée, du côté de la ministre de la Culture et des
Communications, pour dire : On
va avoir une directive, puis le gouvernement, là, chaque sou investi va s'en
aller chez les médias québécois. Ça fait 118 jours, je pense, qu'il y a
urgence d'agir, et je vois des gens, là, qui étaient avec nous hier, là, qui
sont aussi derrière avec vous, qui sont dans la même situation que vous, il
faut bouger et rapidement. C'est l'urgence que j'entends aujourd'hui.
M. Gagnon (Claude) : Je pense
que vous tous, comme décideurs, là, êtes vraiment conscients du problème. Il y a des bonnes décisions qui se prennent,
actuellement. Il faut être réaliste et correct, il y a de bonnes décisions,
mais le problème ne se règle pas de
lui-même, c'est certain, certain, certain, il faut agir. Il y a différentes
façons d'agir. Ça peut être par du soutien, ça peut être du soutien
temporaire, dire qu'on va attendre qu'il se passe quelque chose, mais il faut
absolument qu'il y ait des gestes de posés par l'État, c'est certain.
Mme Melançon :
Est-ce que la situation précaire que vous viviez déjà au printemps passé... On
avait lu, dans certains journaux, que
Le Groupe Capitales Médias était en difficulté. J'imagine que vous avez
rencontré les gens du gouvernement pour quand même leur faire part de la
précarité de votre groupe.
M. Gagnon
(Claude) : Depuis plusieurs, plusieurs mois, on est en contact avec le
gouvernement. On a remis des rapports,
on a remis un plan stratégique, on a remis des budgets, on a remis beaucoup,
beaucoup, beaucoup d'éléments depuis plusieurs mois...
Mme Melançon : Parfait. Alors,
c'est surprenant, de savoir...
M. Gagnon (Claude) : ...et plusieurs rencontres, plusieurs demandes
supplémentaires, des vérifications de firmes indépendantes, qui sont venues vérifier toutes nos données, qui ont
confirmé les données qu'on avait données, donc, oui, effectivement.
Mme Melançon : C'est épouvantable, alors, de savoir que la ministre de la Culture ne semblait pas être au courant avant il y
a deux semaines. Parfait.
M. Gagnon
(Claude) : Bien, écoutez,
si vous me permettez, je ne connais pas les règles parlementaires et comment
ça fonctionne, nous, on travaillait avec
l'équipe de fonctionnaires, entre
autres Investissement Québec, du ministère
de l'Économie et du ministère de la Culture, ministère
des Finances, etc. De quelle façon ça
s'est rendu à la ministre? Je ne peux pas en témoigner, mais on a fait
notre travail au niveau des directeurs et des fonctionnaires.
Mme Melançon :
Merci. Avec le 5 millions de dollars qui a été consenti par le
gouvernement au départ, on nous disait jusqu'au 31 décembre.
Là, on semble rapprocher la date. Est-ce que la mi-novembre est toujours...
M. Gagnon
(Claude) : Il y a deux scénarios. D'abord, le scénario qui a été remis
par le séquestre est un scénario qu'on
appelle un scénario pessimiste, c'est-à-dire que lui entrevoyait, par exemple,
des baisses par-dessus les baisses que nous,
on avait prévues, ajoutait des baisses de 15 % supplémentaires au niveau
des revenus pendant une certaine période, 20 % et 15 %. C'est-à-dire qu'il a été extrêmement
conservateur dans sa prévision en disant, et avec raison : Est-ce qu'on
va assister, entre autres, à un
désabonnement massif au niveau des lecteurs? Est-ce qu'on va assister à un
désintéressement au niveau des annonceurs? Parce que se placer sous
séquestre, ça a un effet public, hein? Il a fallu gérer ça, là. J'ai fait 1 500 kilomètres dans les derniers jours
juste pour sécuriser nos employés, entre autres, et c'est sûr que ça a un...
Donc, de façon conservatrice, le
scénario nous menait à milieu novembre. Maintenant, si tout se confirme tel
qu'on a prévu au départ, ça va jusqu'à la fin décembre pour être
capables d'opérer.
Mme Melançon :
Parfait. Dans votre mémoire, vous parliez d'effet domino, notamment dans la
distribution, là, parce qu'on le voit
clairement, là, vous distribuez aussi d'autres quotidiens, donc, on peut les
dire, là, The Gazette, que ce soit The Record, bref, il y a une liste. Mais il y a aussi un
autre effet domino, La Presse canadienne, hein, qui vous alimente,
dans le fond, comme agence de presse. Est-ce
que vous pouvez expliquer comment ça fonctionne, chez Groupe Capitales
Médias, avec La Presse canadienne, s'il vous plaît?
M. Gagnon
(Claude) : Écoutez, pour La Presse canadienne, j'aimerais mieux
qu'ils vous en parlent eux-mêmes, parce qu'ils ont beaucoup, beaucoup de
clients, c'est une grosse organisation. Nous, ce qu'on a, au niveau de La Presse
canadienne... On travaille avec deux agences de presse, La
Presse canadienne et France-Presse, principalement, parce que
La Presse canadienne nous donne également accès à AP, American
Press, qui nous donne l'ensemble. Puis ce qu'on veut offrir à la population, c'est des vues différentes
de l'information, des vues qui sont... quand on regarde la vue européenne, la
vue canadienne. Mais ce qui est certain, c'est que, si un groupe comme Groupe
Capitales Médias n'était plus là demain matin, ça mettrait en cause beaucoup d'organisations, quand on parle...
le Conseil de presse, auquel on cotise, un des cotisants principal, quand on parle... la FPJQ, on a un
paquet de journalistes qui sont membres de ça. Il y a beaucoup d'organisations
au Québec, il y a un phénomène, là, de cascade qui se produirait. On ne serait
pas les seuls, c'est certain.
Mme Melançon :
Moi, j'aimerais beaucoup qu'on puisse dire que La Presse canadienne...
leur poser les questions. On ne les
entendra pas en commission, c'est pour ça que je me permettais de vous poser la
question. À ce que je comprends, le premier client, quand même, de La
Presse canadienne, c'est Le Groupe Capitales Médias.
M. Gagnon
(Claude) : On est un gros client de La Presse canadienne,francophone.
Mme Melançon :
Voilà, exactement, on s'entend là-dessus. J'aimerais vous entendre sur le
pourcentage, hein, vous avez fait une
proposition, dans le fond, pour le crédit d'impôt. Il n'y a pas nécessairement de pourcentage que vous avez mis autour du crédit d'impôt. Vous, est-ce
que vous le voyez sur l'ensemble de la masse salariale? Comment est-ce que
vous...
M. Gagnon
(Claude) : Bien, idéalement, idéalement, ce serait un crédit d'impôt
sur l'ensemble de la masse salariale. On dit
souvent... Dans toutes les représentations
qu'on a faites au niveau des organismes gouvernementaux, les sociétés d'État, etc., ce qu'on dit, c'est que, si
vous nous votez des mesures qui ne règlent pas le problème de l'industrie, ne
votez pas les mesures, vous allez mettre de
l'argent dans le feu, ça ne donne rien. Si vous donnez des sommes qui ne sont
pas suffisantes pour passer au travers,
faites-le pas, c'est dépenser l'argent du public. Il faut régler le problème.
Si vous votez des sommes, votez des
sommes pour régler le problème, le véritable problème. Sans ça, il ne faut pas
dépenser l'argent de tout le monde pour rien.
Mme Melançon :
J'entends bien. Je terminerais, de mon côté... Combien de temps, M. le...
Le Président (M.
Tanguay) : ...
Mme Melançon : Oh! une minute,
alors je suis mieux de faire vite. Pour vous, la diversité des voix au Québec,
c'est important dans la presse, dans les médias, dans l'information?
M. Gagnon
(Claude) : C'est fondamental, c'est fondamental. Encore une fois, si
on règle un problème puis on s'en crée
d'autres, ce n'est pas plus brillant. Je veux dire, ce n'est pas une décision à
court terme qu'on a à prendre, actuellement, par rapport à l'industrie des médias, c'est une décision à long terme.
Il faut regarder toutes les répercussions de ça, c'est majeur. Quand on parle de qualité d'information,
de diversité d'information, c'est un phénomène qu'il faut absolument mettre
dans la balance, c'est vraiment important, vraiment.
Mme Melançon : On va suivre la
suite avec beaucoup d'attention, M. Gagnon. Merci d'avoir été avec nous
aujourd'hui.
M. Gagnon (Claude) : Merci
beaucoup, madame.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci. Et maintenant, pour une période de
2 min 30 s, je cède la parole à la collègue de
Taschereau.
Mme Dorion : Merci. Bonjour.
M. Gagnon (Claude) : Bonjour.
• (10 h 10) •
Mme Dorion : Le député de
Beauce-Sud disait, un petit peu plus tôt, que les entreprises en région se
doivent d'appuyer leurs médias régionaux, et
je vous avance humblement que, de dire ça, c'est un peu une incompréhension du système capitaliste dans lequel on vit. Les gens
ne font pas de façon récurrente les choses parce qu'ils y croient, quand ils
veulent faire fonctionner une entreprise. Et
ce n'est pas la première fois que j'entends ça de la part de députés du
gouvernement. J'ai peur qu'on en
vienne, au bout de cet exercice-là, à dire aux gens : Tout le monde,
encouragez vos médias locaux; nous, l'État, on va prendre un petit peu
plus de pubs dans nos médias locaux, et qu'on ne compte que là-dessus.
J'aime beaucoup l'idée d'une régie de la
publicité, je trouve ça très intéressant. Mais, si je vous demande... Réalistement, dans le contexte de la révolution
numérique actuelle, est-ce que cette solution-là pourrait suffire, à long terme,
à assurer la survie de nos médias régionaux?
M. Gagnon (Claude) : Non, non.
Mme Dorion : Donc, de l'argent
public récurrent va être nécessaire de toute façon?
M. Gagnon
(Claude) : Soit de l'argent public récurrent ou soit une contribution
de grandes corporations internationales
ou multinationales qui paient leur juste part. Il faut que ça aille dans un
sens ou l'autre. Il faut qu'il y ait une entrée de fonds qui se fasse,
supplémentaire, dans les médias.
Mme Dorion :
Et est-ce qu'il y a une bonne raison, selon vous, de retarder le travail, la
mise en place, finalement, d'une
feuille de route, là, pour en arriver jusqu'à l'imposition, un système de
redevances, quelque chose, là, par rapport aux géants du numérique?
M. Gagnon
(Claude) : Malheureusement, je n'ai pas tous les éléments pour juger
de la complexité de tout ça, parce que
vous êtes là pour pouvoir l'analyser, mais, vu de notre siège à nous, on pense
que, tout ça, il faut que ça se fasse plus vite que plus tard.
Mme Dorion : Ça va être tout
pour moi. Merci.
M. Gagnon (Claude) : Merci
beaucoup.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Maintenant, j'aimerais
vérifier le consentement pour qu'on puisse permettre au collègue de Jonquière de participer au débat. Y a-t-il
consentement? Oui, consentement. Alors, collègue de Jonquière, pour une
période de 2 min 30 s, la parole est à vous.
M. Gaudreault : Oui, merci, M.
le Président. Alors, M. Gagnon, vous êtes un gars du Saguenay.
M. Gagnon (Claude) : Eh oui.
M. Gaudreault :
Vous savez qu'il y a trois vaches sacrées au Saguenay—Lac-Saint-Jean : le lac, le fjord, LeQuotidien...
M. Gagnon (Claude) : Et Le
Quotidien, oui.
M. Gaudreault : ...puis LeProgrès. Alors, on ne peut pas s'imaginer notre région sans cette
institution. J'ai l'impression que
l'éléphant dans la pièce dont personne ne parle ni dans votre mémoire ni ici,
c'est les régimes de retraite, vous
avez plus de retraités que de cotisants. Alors, je n'ai pas beaucoup de temps,
question brève, réponse brève, s'il vous plaît. J'aimerais savoir, de
2015 à 2019, quel est le déficit actuariel des régimes de retraite, le taux de
solvabilité. Donc, en cas de faillite ou de reprise de
Capitales Médias par des repreneurs, il faudrait injecter combien pour
maintenir les prestations des retraités, s'il vous plaît?
M. Gagnon
(Claude) : Je vais essayer de répondre du mieux possible, parce que
c'est une question qui est extrêmement
complexe, qui demanderait peut-être des actuaires. Le déficit actuel est autour
de 65 millions. Le régime... On
a plusieurs régimes de retraite. N'oubliez pas, on a six journaux, on a 14
unités syndicales, donc plusieurs régimes de retraite. Il est autour de 65 millions. On a à peu près
225 millions d'actifs dans nos régimes de retraite, au moment où on se
parle. Le taux de solvabilité est actuellement... va varier entre 75 % et
78 %, dépendamment des régimes.
M. Gaudreault :
75 % à 78 %.
M. Gagnon
(Claude) : Pour cent, pour cent.
M. Gaudreault :
Et, vous dites, 65, 66 millions de...
M. Gagnon
(Claude) : 65 millions, environ, là, parce que ça varie d'une
journée à l'autre. Je vais vous donner un exemple : au mois de décembre dernier, au 31 décembre, quand vous
avez vu, entre autres, le bilan qui a été remis, on parlait de 26 millions ou 25 millions de dettes.
Dans ça, il y avait 17 millions qui provenaient de la descente des marchés
financiers d'octobre, novembre,
décembre. Ça a créé un trou de 17 millions actuariel, c'est-à-dire un
déficit actuariel, donc ce 17 millions là devenait un déficit. Les trois mois qui ont suivi, janvier, février,
mars, les bourses se sont mises à remonter. Du 17 millions, il en reste 4 millions après trois mois, donc ça a
peut-être disparu, là. C'est peut-être rendu, je ne sais pas, avec les... Ça
varie beaucoup à partir des marchés boursiers.
M. Gaudreault :
Donc, 65 millions. Il était à combien en 2015, quand vous avez...
M. Gagnon
(Claude) : Malheureusement, je n'ai pas le... Ça devait être... Ça
dépend beaucoup, beaucoup, beaucoup du taux d'intérêt... deux
éléments : le taux d'intérêt des obligations à 10 ans et des rendements
des marchés boursiers.
M. Gaudreault :
Dans vos négociations avec le gouvernement actuel, est-ce qu'il est en jeu de
mettre des conditions, pour toute reprise éventuelle, de combler le
déficit actuariel pour maintenir les prestations?
M. Gagnon
(Claude) : Je ne suis pas au courant des conditions qu'ils vont
émettre parce qu'on n'est pas rendus là. Et je ne sais pas s'ils vont
les partager.
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup.
M. Gagnon
(Claude) : C'est Investissement Québec, là, par rapport à ça, donc je
ne suis pas au courant de cette partie-là.
Mais vous comprendrez qu'une de nos préoccupations les plus grandes, actuellement,
c'est les fonds de retraite...
Le Président (M.
Tanguay) : Merci, M. Gagnon.
M. Gagnon
(Claude) : ...pour nous, pour les gens et pour...
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup. C'est mon rôle...
M. Gagnon
(Claude) : Je comprends.
Le
Président (M. Tanguay) : Maintenant, pour deux minutes, je cède la
parole à la collègue de Marie-Victorin.
Mme Fournier :
Merci pour votre présentation et votre résilience.
M. Gagnon
(Claude) : Merci, madame.
Mme Fournier :
J'ai deux questions, donc je vais y aller rapidement. D'abord, la question de
la régie publicitaire provinciale,
c'est intéressant, mais vous savez bien, bon, le nerf de la guerre, c'est
d'avoir des outils aussi efficaces que ceux qu'offrent, par exemple, les GAFA.
Donc, vous avez parlé d'impressions, mais comment est-ce que vous voyez
la notion de ciblage, là-dedans, à laquelle vous avez fait référence dans votre
présentation?
Deuxième question. On
parle, évidemment, d'augmenter les revenus. Est-ce qu'il y a un moyen de
réduire la dépendance à la publicité? Vous
avez parlé des redevances, évidemment, qu'on pourrait obtenir des GAFA, mais
est-ce qu'il est question, du côté du
Groupe Capitales Médias, d'analyser la possibilité de demander une contribution
aussi aux lecteurs? Parce que la notion du journal papier... On achète le journal papier, mais, sur
le Web, on consomme l'information
gratuitement. À l'heure actuelle, je crois qu'il y a
juste Le Devoir et L'Actualitéqui
demandent ou qui imposent, en tout
cas, une certaine limitation dans le contenu sur le Web. Est-ce que c'est une
avenue que vous envisagez?
M. Gagnon
(Claude) : Pour votre
première question, les régies publicitaires, il y a déjà des
régies publicitaires qui existent. Par exemple,
vous avez le groupe M32, au Québec, qui sont des plus petites régies
publicitaires, mais qui ont déjà
tous les mécanismes qui sont en place pour
être capables d'opérer sur une plus grande... plus largement au niveau du Québec. Il y a plusieurs
groupes comme ça qui existent, c'est-à-dire plusieurs... quelques groupes comme ça, au Québec, qui ont
déjà développé les instruments mathématiques et informatiques pour être
capables... pour fonctionner et qui le font partiellement
avec un certain nombre d'organisations. Donc, ce n'est pas incontournable, au
contraire. Déjà, on a déjà des instruments
qui sont en place. Il y a moyen de faire ça et de s'associer à des groupes
de ce genre-là pour pouvoir le réaliser sur la scène provinciale.
Pour la
deuxième partie, vous avez totalement raison. Dans notre plan d'affaires qu'on a déposé
au gouvernement, le
dernier, entre autres, il y a une mutation vers ce qu'on appelle le numérique
payant qui s'opérait. Parce que, de notre côté, pour ce qui est, entre
autres, des médias régionaux, on ne croit pas au phénomène de la gratuité, de
la possibilité de pouvoir continuer
dans un phénomène de gratuité. Ça crée l'illusion que tout est gratuit puis ça
ne peut pas durer comme ça, en tout
cas, pour nous. Il y a d'autres groupes de presse qui pensent différemment,
chacun y va de sa façon, mais de notre côté, non.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, M. Gagnon, au nom
de la commission, d'avoir participé à nos travaux.
Et, afin de
permettre aux représentants de Néomédia de prendre place, je suspends nos
travaux quelques instants.
(Suspension de la séance à 10 h 17)
(Reprise à 10 h 19)
Le Président (M. Tanguay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons maintenant continuer nos
travaux.
Je souhaite la bienvenue aux représentantes,
représentants du groupe Néomédia. Bienvenue à votre Assemblée nationale.
Vous disposez d'une période de 10 minutes de présentation et, par la suite,
vous aurez l'occasion d'échanger avec les collègues. Pour les fins
d'enregistrement, je vous demanderais de bien préciser vos noms et fonctions,
et, sans plus tarder, la parole est à vous.
Néomédia inc.
M. Poulin (Claude) : Merci
beaucoup. Bonjour à vous tous, gens de la commission, chers élus parlementaires,
représentants. Claude Poulin, président de Néomédia. Je suis accompagné de
Patrica Ann Beaulieu, directrice générale régionale.
Donc, ça nous
fait plaisir d'être ici. Merci de nous recevoir aujourd'hui, lors de cette commission
sur l'avenir des médias. Je tiens à
souligner d'entrée de jeu la qualité des interventions qu'on a depuis trois
jours. Ça amène des pistes de solution,
ça nous présente une industrie, justement, pertinente, bien vivante puis, plus que jamais,
qui a à coeur, justement, la
quête de se sortir de cette crise-là, qui, on l'espère, ralentira l'érosion des
revenus et, par le fait même, assurer, justement, la survie puis le maintien des
entreprises médiatiques.
• (10 h 20) •
Donc, je suis
Claude Poulin, président de Néomédia. Je suis propriétaire d'un groupe médiatique numérique, donc 100 % numérique. Je vais le répéter plusieurs
fois, parce que ça fait 13 ans qu'on le répète, et puis ça rentre
difficilement. Pour nous, justement, on veut interpeler la commission
aujourd'hui sur l'importance du débat quant à la santé de notre démocratie. Il est important d'agir, de comprendre
puis de mettre en perspective tous les aspects, tous les modèles d'affaires
existants et à venir, d'écouter
attentivement les nouvelles avenues et les différents scénarios. Nouvelles
avenues, on va revenir là-dessus.
En premier
lieu, permettez-moi de vous parler de notre modèle d'affaires, de notre groupe
de presse, présent depuis déjà 13 ans
dans 15 régions du Québec. Nous sommes déjà un média 100 % numérique. Notre
discours va vous apporter, on l'espère, une vision, une expérience et
une réalité différentes des autres. Nous avons accompli ceci sans les revenus publicitaires des avis publics, sans les revenus
des annonces classées et sans les revenus des agences nationales. Ça fait
déjà plus de 13 ans que nous exploitons un
quotidien local, EnBeauce.com, 100 % numérique, je le répète, et ce,
quatre ans avant la venue de Facebook.
Nous sommes
présents dans plusieurs régions du Québec. Notre quotidien Web, pour ne nommer
que celui-ci, de la Beauce rejoint chaque jour 22 000 personnes, plus d'un
demi-million de visites par mois pour un seul marché. Pour l'ensemble du groupe Néomédia, c'est près de
1 million de visiteurs chaque mois, donc 1 million de citoyens
québécois qui s'informent sur nos plateformes 100 % numériques
locales. Nous livrons l'information instantanée via nos différentes plateformes sur une base quotidienne à tous les
types de clientèles, peu importe leur âge, leurs habitudes de consommation
ou leur profil. Nous sommes prêts à déployer
davantage nos efforts afin de poursuivre notre développement dans plusieurs
régions où nous possédons déjà des journaux Web connus et reconnus. Nous avons
des idées différentes, viables pour assurer l'avenir du journalisme au
Québec. Laissez-nous vous présenter nos solutions.
Vous avez
déjà la réponse en tête, je suis convaincu, mais on va se la reposer
encore : Qu'est-ce qui rend si attractif l'achat de publicité sur
les réseaux sociaux pour déplacer d'aussi grands budgets de la part de
plusieurs organisations, et ce, sur toute la
planète? Un, la capacité de mesurer nos actions, deux, le ciblage, trois, la
faiblesse de l'investissement de départ — donc le faible coût de départ, tout le monde
a dépensé 20 $ sur Facebook, je suis convaincu, pour l'essayer — et la
facilité d'utilisation. Rendre l'achat de publicité facile, c'est la clé du
succès. Il faut devenir compétitifs avec Facebook et Google. C'est leur principal outil, c'est la
facilité d'utiliser leurs applications pour acheter de la publicité. Partout,
les gens ont été exposés à la même
formule, les géants ont simplifié l'achat publicitaire. Il faut que l'acheteur
de publicité ait accès rapidement aux
données et à une plateforme de réservation commune. Je suis content d'avoir
entendu, tantôt, les gens de
Capitales médias. Une plateforme, une régie publicitaire, ça fait trois ans
qu'on en parle. Les médias du Québec ne proposant pas de solution intégrée facile et rapide pour
l'annonceur qui voit ses investissements fragmentés en des dizaines, voire des
centaines de possibilités au Québec, nous
devons nous unir pour mieux cohabiter avec nos nouveaux compétiteurs, les
GAFAM.
Saviez-vous
que, présentement, plusieurs de nos clients sont intéressés à acheter partout
au Québec et qu'il nous est quasi
impossible de gérer ces campagnes ou de les réserver chez Québecor, La Presse,
Capitales Médias, Le Devoir, et tous les sites Web régionaux, et les médias du Québec de façon rapide et
transparente? Le client se tourne à coup sûr vers la facilité qu'offrent
Facebook et Google. Notre avantage en tant que médias québécois — là,
je parle de l'ensemble des médias — est grand : on a une meilleure
connaissance du terrain, on a une meilleure connaissance de nos marchés, on est
présents sur le terrain, on connaît nos
communautés puis on connaît nos marchands annonceurs. Il faut capitaliser sur
cette force unique de proximité et
offrir une solution complète d'offre publicitaire locale, ciblée, mesurable et
facile, une plateforme unique pour l'ensemble
du numérique québécois, et ce, sans intermédiaire. Nous sommes donc la preuve
vivante que le modèle fonctionne.
Bien honnêtement, on reconnaît la crise auprès de nos consoeurs de l'industrie,
mais en sommes-nous réellement
affectés, chez Néomédia? Nos revenus sont en croissance, nos équipes sont
créatives, mobilisées, motivées et performantes, et nous sommes
profitables.
On
croit, par contre, qu'il est impératif de régler le déséquilibre fiscal entre
les GAFAM et nos entreprises. Comme solution,
nous souhaitons voir imposer une taxe à l'utilisateur-payeur. On croit qu'une
imposition de 15 % sur les achats de
publicité par les entreprises québécoises utilisant les services de Google et
Facebook serait une autre façon créative de financer les différents programmes. Pas plus tard qu'hier Amazon
répondait, suite à l'entente de la France et des États-Unis, en disant vouloir refiler la taxe de 3 % à
ses vendeurs si on devait lui en imposer une. Tôt ou tard, ce sont les
entreprises d'ici qui vont payer, alors pourquoi attendre?
Parlant d'aide financière,
j'aimerais aborder le sujet du programme d'aide à la transformation numérique
des médias écrits, un programme déjà
existant depuis décembre 2017, programme proposé par le gouvernement. Or, il est à noter que cela
semblait simple et mis en place pour aider les médias écrits à prendre le
virage numérique facilement. Ça va faire deux ans, en décembre, qu'on attend l'aide de ce programme-là. Nous en
sommes à notre troisième demande. Les projets de développement, chez nous, ont été mis en attente, car une des
conditions du programme pour obtenir le financement est qu'on ne peut pas avoir commencé le projet, sinon
on n'est plus admissibles, on n'est plus recevables. Nous avons démontré
que la formule fonctionne. Qu'est-ce qu'on attend?
L'éligibilité
de ce programme devrait être élargie afin d'inclure les start-up Web, car elles
pourraient devenir les plus beaux
modèles d'affaires médiatiques numériques que le Québec ait connues. Sur l'ensemble
de la planète, la communauté
d'affaires reconnaît le fait que ces entreprises issues du Web, ou start-up,
ont une flexibilité, une agilité et beaucoup plus de chances de réussite que les entreprises
traditionnelles, qui tentent de sauver et de diminuer la décroissance et les pertes. Des entreprises qui ont déjà un
ADN numérique pour réaliser la création de contenus d'information avec des
outils et des approches 100 %
Web seraient une solution plus gagnante et performante que de transformer une
entreprise qui a un vieux modèle
d'affaires totalement différent et dépendant d'une imposante structure
incontournable pour bien opérer. Et nous citons Nathalie Roy...
Mme Beaulieu
(Patricia Ann) : Oui, pas
plus tard qu'hier Nathalie Roy acheminait, sur le fil de presse de nos
quotidiens et de tous les médias au Québec, une lettre ouverte... enfin, le message suivant,
et je cite une partie de la lettre : «Le développement des régions
dépend nécessairement de leur capacité à innover et à mettre en place des moyens
de prospérer. L'entrepreneuriat et la
prospérité économique passent aujourd'hui par la création de solides
partenariats et [des] maillages entre
plusieurs secteurs d'activité[...]. L'industrie de la presse écrite n'échappe
pas à ces nouvelles réalités. Des acteurs
de milieux variés ont maintenant l'occasion d'imaginer de nouveaux modèles
d'affaires viables, privés ou collectifs qui offriront une information
objective et de qualité accessible à tous les Québécois.»
M. Poulin
(Claude) : Donc, je repose encore la question : Pourquoi
sommes-nous toujours en attente de l'aide financière
du programme de transformation numérique de la presse écrite alors que les
grands médias traditionnels ont reçu cette
aide et ont toujours un besoin criant de support? Je vous rappelle
que, dans le nom «entreprises de presse», se trouve le nom «entreprises» et qu'il en va de la
responsabilité de chaque entrepreneur et dirigeant d'avoir le courage de
prendre les bonnes décisions pour assurer la pérennité de son
entreprise.
Bref,
voilà nos recommandations afin d'assurer la pérennité des médias d'information
de façon globale et inclusive et non
juste la sauvegarde d'une industrie papier en péril. Ce que nous nous devons de
protéger, c'est l'information, le droit de celle-ci à la population, à nos communautés, aux nouvelles générations
pour une démocratie juste, transparente et équitable et non, je le répète, le sauvetage d'un modèle ou
des modèles médiatiques traditionnels et surtout non adaptés aux nouvelles
technologies actuelles et celles de demain. Merci.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Et maintenant, pour un premier bloc d'échange de
15 minutes, je cède la
parole au collègue de Beauce-Sud.
M. Poulin
(Beauce-Sud) : Bonjour, Claude, ça va bien? Merci pour la
présentation, très intéressant. On était ensemble, samedi, au Triathlon du
Lac-Poulin, avec énormément de plaisir, et merci également pour l'implication.
On s'est
parlé souvent de l'avenir des médias, des enjeux qui se posent, entre autres concernant l'ère numérique, et
Dieu sait que vous avez été parmi les premiers au Québec à
développer un média 100 % numérique, particulièrement dans les régions du Québec. À un moment où personne n'y croyait,
vous y avez cru et vous avez réussi à regrouper différents médias à travers le Québec
également autour de Néomédia. Certains qui se retrouvaient à l'écrit sont
devenus 100 % numériques également. Alors, vous avez été des visionnaires.
Vous avez une vision à long terme, et il n'en demeure pas moins qu'aujourd'hui
on se doit de passer à la prochaine étape.
On s'est
parlé également plusieurs fois du programme d'aide à la transformation
numérique, qui avait été annoncé sous
le précédent gouvernement, qu'il y avait des défis pour mieux accompagner
les régions, mieux les aider, mieux les appuyer. L'objectif n'est pas juste d'appuyer les gros joueurs, mais effectivement d'appuyer les gens qui se retrouvent, dans les régions, à faire
ce virage vers le numérique. J'ai bon espoir qu'à court terme on puisse
annoncer de bonnes nouvelles à l'intérieur
de ce programme-là existant, pour lequel, dans l'ancien budget, des sommes
financières ont été allouées. Alors, ça, je pense, c'est un souhait qui
est superimportant.
Concernant
les revenus publicitaires, je ne peux pas ne pas dire que les entreprises en
région ne doivent pas également appuyer
les médias régionaux. Je pense qu'on a cette responsabilité-là. On ne peut
pas se baser que là-dessus, c'est bien évident,
mais on se doit de rappeler que, lorsqu'il y a des investissements publicitaires qui sont faits... de l'importance de rejoindre
nos médias régionaux et de rejoindre notre population, on se doit de le
rappeler et de le dire.
• (10 h 30) •
Maintenant,
j'aimerais vous amener sur différentes pistes de solution. Je veux revenir sur
la régie publicitaire dont vous nous
avez parlé. On a parlé, hier, beaucoup des agences de publicité, vous y étiez, qui
conseillent à leurs clients de se tourner,
très souvent, vers les réseaux sociaux, parce qu'ils disent : C'est là que
ça marche, que l'avenir est là, que tout est beau, donc délaissent les médias traditionnels, que ce soient des médias
régionaux numériques ou encore des médias qui se retrouvent au niveau de la presse écrite. Si on crée cette régie-là,
quelles seraient, pour vous, les balises essentielles pour ne pas qu'il
y ait un parti pris envers un média plus qu'un autre? Parce que vous nous avez
dit : Nous, là, on pense que l'avenir,
c'est sur le numérique, et vous l'avez dit très clairement. Mais tout juste
avant, on vient de parler de l'avenir du papier puis l'importance des médias papier également. Alors, de quelle
façon on pourrait s'assurer qu'il y ait une certaine équitabilité, que chaque région puisse avoir sa part du gâteau et qu'en même temps les médias puissent réellement y gagner, qu'il n'y ait pas de
parti pris?
M. Poulin (Claude) : En fait,
l'acheteur... Sur cette régie-là, elle a deux volets. Premier volet, c'est lui
que, s'il n'y a personne qui embarque, on va
le faire tout seul. On est quand même un groupe, on a 17 publications en tout
puis on a d'autres joueurs, là, qui
veulent se joindre à notre projet. Parce que ça fait longtemps qu'on en parle,
là, ça fait plusieurs... Puis
M. Gagnon en parlait tantôt, effectivement, j'étais au courant de cette
réunion-là, puis la réticence au changement est très, très forte.
Donc, comment
ça va se faire? Bien, si ça fait chez nous, c'est simple, là, c'est à
l'interne. Si ça se fait avec l'ensemble des médias, ce que je souhaite énormément, c'est que ça va être
totalement transparent pour l'utilisateur. Parce que, présentement, l'acheteur publicitaire ne contrôle
pas à quel endroit il apparaît, ça fait que je ne verrais pas qu'est-ce qui
changerait. Quand la personne achète une publicité sur Google, elle peut se
ramasser aussi bien sur n'importe quel site Web
sans qu'elle le sache, puis il y a peu de chances qu'elle le sache aussi. Donc,
chez nous, ça va être la même chose, les gens vont acheter une publicité, ils vont acheter un ciblage. Les gens,
aujourd'hui, ce qu'ils veulent, c'est de cibler la bonne personne au bon moment
dans la bonne région, bien, c'est ça qu'on va leur offrir. Ça fait que la
plateforme, maintenant, n'a plus de raison d'être.
Puis c'est ce qui va aussi réunir l'ensemble des
médias. On sent encore une espèce de petite guerre entre les médias, mais le vrai compétiteur, c'est Facebook
et Google. Et nous, on n'est pas contre Facebook et Google, là, ils sont là,
puis on les aime, on les aime bien, puis en
même temps ils nous montrent la voie. Maintenant, ils nous ont montré comment
faire, on a juste à les copier. C'est
extrêmement simple, d'appliquer la même recette, parce qu'ils ne livrent rien
de plus que nous autres. Ils livrent des vidéos, ils livrent des mandats
publicitaires. On a des solutions plus importantes qu'eux autres, donc, quand on va mettre ça en place puis
qu'on va avoir 75 millions d'affichages à livrer par jour, je vais vous
avouer que les agences, elles vont
revenir assez vite vers nous puis elles vont être très contentes de travailler
avec nous, elles ont fait ça toute leur vie.
Mme Beaulieu (Patricia Ann) :
Juste... pardon, je ne veux pas...
M. Poulin (Beauce-Sud) : Oui,
allez-y.
Mme Beaulieu
(Patricia Ann) : On parlait d'impressions, tantôt, et de volume
d'impressions à livrer, le monsieur de
Capitales Médias, avant, l'a bien mentionné. Tu parlais... en dedans de trois
jours, on est capables de livrer, juste dans le marché de la Beauce, 2 millions d'impressions, puis là on a juste
parlé d'un marché local très précis. Alors, je pense que la preuve est démontrée que, quand le lecteur est au
rendez-vous, l'internaute est au rendez-vous, les volumes sont là, on peut
mesurer les retours sur les investissements.
M. Poulin (Claude) : C'est
certain...
M. Poulin (Beauce-Sud) : Oui,
allez-y.
M. Poulin
(Claude) : ...là-dessus,
mais c'est certain que, si on continue à traîner le papier, qui est un outil de
diffusion de l'information, puis qu'on se concentre à 100 % sur le Web, les taux d'affichage
vont augmenter. L'utilisateur qui était sur papier... Pourquoi, en Beauce, la personne
lit ses nouvelles sur Internet puis qu'à Saguenay elle ne serait pas capable de
le faire? C'est complètement... c'est un non-sens. C'est juste que, présentement,
le produit est offert, puis les gens le consomment.
Mais, si le produit n'est plus offert, les gens vont aller ailleurs. Ça fait
que ça, c'est notre expérience, ce n'est pas... On l'a vérifié dans plusieurs
régions, puis ça fonctionne bien, donc il n'y a pas de...
M. Poulin
(Beauce-Sud) : Bien, c'est
sûr qu'à un moment donné, quand on n'offre plus un produit, il y a
des gens qui vont se tourner vers
d'autres produits. Maintenant, la diversité des sources d'information, la diversité d'accessibilité, elle
existe aussi, l'Internet haute vitesse n'est pas partout, à la grandeur du Québec. Effectivement, il y a des gens qui achètent un iPad, il
y a des gens qui achètent... donc
s'abonnent à différentes ressources numériques, mais le journal peut demeurer
encore une source de diffusion. Puis elle
était là, ma question : Dans une régie publicitaire, si on doit effectivement cibler des gens, que tout le monde puisse avoir sa vision et sa part du gâteau. La radio est aussi un
média extrêmement important,
on en parlait hier, qui rejoint de nombreux auditeurs. Et donc il y a cette
vision-là que nous, comme élus, comme parlementaires, on se doit d'avoir aussi.
Alors, oui, on peut faciliter un virage vers le numérique, parce qu'on sait que
c'est là, on sait que les réseaux sociaux ont ouvert la voie à tout ça, mais il
n'en demeure pas moins qu'il y a des médias traditionnels qui fonctionnent
encore très bien. Alors, il y a le juste équilibre à travers tout ça.
Avant de céder la
parole à un de mes collègues de la partie gouvernementale, je veux vous
entendre parler du métier de journaliste
numérique, parce que faire 100 % du numérique, ça amène aussi certains
défis, dans le sens où on souhaite
bien rémunérer nos journalistes, on souhaite avoir une salle des nouvelles qui
est performante, qui attire de l'exclusif. Alors, parlez-moi de vos défis dans le recrutement de journalistes, en
région, numériques et, du même coup, du travail qu'ils font dans une
salle de nouvelles, là, comme chez vous.
M. Poulin (Claude) : Je vais terminer une seconde, si tu me le
permets, sur la disponibilité de l'information, mais la notion d'Internet pas disponible partout, je
n'y crois pas, là, parce que, oui, il
n'est pas disponible partout, mais ça reste que les journaux ne sont pas distribués partout, puis ils ont été
100 ans comme ça, puis on a très bien vécu quand même, là. Donc, la diversité... j'ai un petit peu de misère
avec ce discours-là, pour dire que l'Internet n'est pas partout puis on n'a
pas le droit à donner ça. Il y a des radios, il y a plein d'autres choses qui
existent.
Je
continue avec la question. Le travail du journaliste, chez nous, là, les gens
tripent, premièrement, là, ils ont vraiment à coeur le travail. Ils travaillent très fort, comme tous les
journalistes travaillent très fort. C'est un monde différent, il faut
livrer l'information beaucoup plus vite quand on est 100 % Web, parce que
les gens... on n'a pas sept jours pour sortir l'information, puis là je parle
pour les hebdomadaires.
Puis
le travail, bien, c'est multidisciplinaire. Les gens qui sont chez nous, ils
font du vidéo, ils font la captation audio, ils font de la photo, ils font
tout, parce qu'aujourd'hui, partout sur la planète, c'est la même chose, là,
les journalistes travaillent très,
très fort, mais il n'y a personne, justement, qui est à bout ou des gens... On
n'exploite pas les gens. Les gens, en
passant, sont payés le même prix qu'à Québec ou Montréal au niveau du
journalisme. Je regardais la charte de prix hier, puis on est dans les mêmes prix. Donc, ce n'est
pas vrai, qu'en région c'est moins cher que les autres. On a une pénurie de
main-d'oeuvre incroyable, en Beauce. On a
même de la misère à recruter des journalistes, il n'y en a pas. Ça fait que le
travail... C'est mon point de vue, justement, sur le travail de journaliste.
Mme Beaulieu
(Patricia Ann) : J'aimerais ajouter, la profession du journalisme,
elle demeure la même. Depuis lundi, on
entend parler... ah! le journalisme a changé, puis le journalisme, c'est
difficile, puis parlez-nous du travail de journaliste.
La
profession du journaliste demeure la même — puis vous me permettrez de lire un extrait
que j'ai préparé — avec
ce besoin de vérité, d'enquête, de
recherche, de validation de l'information et de transparence aussi. Qu'on parle
de journalisme papier ou de
numérique, vous connaissez tous des grands journalistes au Québec, et même dans
vos marchés locaux, que vous côtoyez
régulièrement dans vos séances de conseil, ou peu importe, dans vos fonctions.
Il y a des noms qu'on reconnaît, qui
sont des noms crédibles, et qu'ils écrivent ou qu'ils soient à la radio, ou à
la télévision, ou dans un papier, ils vont demeurer extrêmement crédibles. Plusieurs professions aussi
ont dû s'ajuster au fil... ça, c'est l'évolution. Que ce soit la médecine,
que ce soit en mécanique, que ce soit dans
le domaine de l'enseignement, on a tous dû s'ajuster. Donc, pour la profession
de journaliste, bien que le mandat et
l'objectif demeurent le même, la tâche, oui, elle a changé — Claude l'a mentionné : plus de
vidéos, plus de photos, on doit faire la mise en ligne rapidement. Mais les
outils et les programmes, aujourd'hui, sont
là. La beauté de la chose, c'est qu'un journaliste peut venir, en dedans de
30 minutes, couvrir une conférence de presse, rédiger son texte, faire un court vidéo avec un
téléphone. Et ce n'est pas parce que l'outil et l'application de montage est
facile et accessible que le contenu ne sera
pas pertinent, éthique et crédible. Arrêtons de penser ça. Et, oui, la
profession, elle a changé mais elle se devait d'évoluer, comme tous les
autres secteurs d'activité.
Le Président
(M. Tanguay) : Merci. Je cède maintenant la parole au collègue de
Saint-Jérôme.
M. Chassin :
Merci. Merci de votre présentation. On sent, M. Poulin, dans votre
intervention, que vous aimez beaucoup
l'entrepreneuriat. Ce qu'on comprend, c'est que vous venez de Beauce, c'est ça?
Évidemment, je comprends que vous
avez un modèle d'affaires particulier, qui vous donne un regard, aussi,
intéressant puis particulièrement pertinent sur ce qui se passe comme crise dans les médias actuels. Et en fait, dans
les Laurentides, j'ai, à Saint-Jérôme, un média entièrement numérique, qui s'appelle TopoLocal, qui nous a
d'ailleurs envoyé un mémoire, qui tient un peu ce même discours, enfin assez similaire au vôtre, et effectivement le
modèle numérique, qui présente une agilité, une flexibilité pour s'adapter, est
intéressant, je le comprends.
Dans le cas
du mandat qui nous occupe, est-ce que vous avez, dans le fond, des craintes,
par exemple qu'une aide financière du
gouvernement soit... puis je reprends un peu, finalement... mon collègue de
Beauce-Sud avait une question un peu similaire. Est-ce
que vous avez une crainte qu'une aide financière du gouvernement soit un peu
calquée sur le modèle d'affaires
précédent, en quelque sorte, puis qu'on ne tire pas son épingle du jeu si on
est agile, si on se transforme? Est-ce que c'est ça que j'entends
derrière votre présentation aussi?
• (10 h 40) •
M. Poulin
(Claude) : Là, je pense que
vous avez résumé très, très bien. C'est ce qu'on entend depuis plusieurs jours,
j'ai écouté toutes les interventions. Écoutez, on parlait de revenir en
arrière, de ramener les avis publics, on rappelle... on ramène... tu sais, il y a des choses... à un
moment donné, il faut passer à autre chose, là. Présentement, on le disait il y
a 13 ans, j'ai fait des
conférences en quantité, puis la réticence au changement est incroyable.
Pourquoi on reste accrochés à cette
machine-là qui est le papier, qui a été instauré pour virer des presses, là?
Puis c'était la seule option dans le temps, je comprends. Mais, depuis les 20
dernières années, c'était pour faire fonctionner des presses puis amener des
jobs, là. On est en pénurie de
main-d'oeuvre, présentement, il n'y a personne qui va perdre sa job, qui ne va
pas s'en retrouver une demain matin, le timing est parfait pour faire la
transition. Puis, si on veut continuer puis que le gouvernement continue
d'injecter de l'argent dans des entreprises... C'est 15 millions, ce n'est
pas rien, d'injectés dans Capitales Médias, il va peut-être falloir les obliger
aussi à faire des choses qu'ils n'étaient pas habitués de faire dans le temps
puis sortir des sentiers battus, mais ça, ce n'est pas ma job.
Mme Beaulieu
(Patricia Ann) : Puis, si
vous permettez, pardon, d'ajouter, j'ai eu la chance de travailler pendant
15 ans de temps chez Transcontinental
Médias, où j'ai occupé des postes de direction, à titre d'éditrice, d'ailleurs, Le Messager de
Verdun et Le Magazine
Îles-des-Soeurs, que j'ai bien connus, et, pendant ces 15 années là, il y a
eu une décroissance. Je vous dirais
que, même les sept dernières années, et là
je parle des années 2000 — moi,
j'ai quitté en 2014 — et,
quand j'étais directrice générale, à
l'époque, d'un très gros marché à Laval, on était déjà en
décroissance, on gérait déjà des plans de contingence, alors ce n'est pas d'hier. Et, quand j'ai commencé ma
carrière il y a 15 ans chez Transcontinental, on parlait aussi, déjà là, de baisses de taux de lecture et baisses de
taux de pénétration, de difficultés de distribution et d'impression. Donc, le modèle d'affaires papier est désuet, et
ce n'est pas d'hier. Et, quand on parle... oui, l'avenir des médias est là,
bien, je ne veux pas vous reprendre,
mais on n'est plus dans l'avenir, là, on est dans le présent, puis je pense
qu'on est même un peu dans le passé. Il est vraiment
temps de réagir.
M. Chassin : Merci beaucoup.
Le
Président (M. Tanguay) :
Merci. Je cède maintenant la parole au collègue de Saint-Jean
pour deux minutes.
M. Lemieux : Pour deux minutes?
Le Président (M. Tanguay) : Deux
minutes.
M. Lemieux : Vous avez parlé d'éthique tantôt,
j'ai juste deux minutes, mais, rapidement, pouvez-vous me donner une idée de comment ça se concrétise, l'éthique
journalistique, les normes et pratiques, code de déontologie? Est-ce que,
d'abord, vos journalistes sont syndiqués? Est-ce qu'ils sont pigistes? Est-ce
qu'ils sont permanents? Ils sont quoi?
M. Poulin
(Claude) : C'est la même chose, un journaliste, c'est un journaliste, qu'il soit sur numérique ou non.
Puis je pense que les gens ici,
dans la salle, les journalistes, ils font le même travail que les
journalistes chez nous, c'est juste
qu'ils sont ralentis peut-être un peu dans la diffusion. Il y a
une étape de plus, justement, dans la diffusion de l'information parce qu'ils doivent le publier sur le Web et sur le papier. Ça fait
que, votre question, là, ils ne sont pas syndiqués...
M. Lemieux : ...au code de
déontologie du Conseil de presse?
M. Poulin (Claude) : Bien,
c'est la FPJQ, dans le sens, là, certains sont membres de la FPJQ s'ils veulent
puis d'autres ne le sont pas. Il y a des
gens qui ont des formations en journalisme, il y en a qui ne l'ont pas,
parce que, malheureusement, on manque de main-d'oeuvre dans notre région, alors... Par contre, chacun des
journalistes qui sont là, on s'affaire à être au congrès de la FPJQ à
chaque année.
M. Lemieux :
Il me reste juste une minute. Donc, vous voulez quoi? Je sais que vous voulez
que votre demande d'aide au virage
numérique soit étudiée plus rapidement, là, mais ça, je n'ai pas de poignée
là-dessus, là. Mais vous voulez que
le gouvernement fasse quoi, dans les circonstances, après, que la commission
lui dise quoi? Qu'est-ce que vous voulez que la commission dise au gouvernement de faire, dans la mesure où c'est
l'avenir des médias d'information qui est en jeu? J'essaie de trouver...
je sais que le papier, ça ne vous intéresse pas, là...
M. Poulin (Claude) : Deux
choses, là. Je comprends bien votre question, mais...
M. Lemieux : ...mais vous
voulez qu'on leur dise quoi?
M. Poulin
(Claude) : Il y a
deux choses : premièrement, c'est d'imposer les entreprises
qui achètent de la publicité sur
Facebook et Google, ça, c'est simple, là, on ne taxe pas les GAFA, on
taxe les entreprises d'ici,
puis, deuxièmement, c'est
d'obliger ou de forcer, s'il y a des gens qui reçoivent de l'argent, de
convertir leur modèle puis de présenter un modèle, tu sais, qui va tenir la route pendant plusieurs
années, et puis les sommes engagées dans la distribution du papier, les sommes
engagées dans l'impression du papier, les sommes engagées dans le recyclage,
tous ces problèmes-là vont s'envoler. Puis
je suis ici pour vous montrer... on est la preuve vivante, on l'a fait dans plusieurs
régions, les gens sont au rendez-vous. Ce n'est pas parce que le papier arrête
que l'information va arrêter d'être diffusée. On a même mis...
Le Président (M. Tanguay) : Merci.
M. Poulin (Claude) : Oui,
parfait.
Le Président (M. Tanguay) : Merci.
Finissez votre phrase, je vous en prie.
M. Poulin
(Claude) : On a mis en place
un réseau de télévision pour les gens, justement, qui ont de la difficulté à entendre, les analphabètes, ils peuvent écouter
les nouvelles, voir les images, ça fait que c'est diffusé sur... on va savoir
ça bientôt. Donc, il n'y a pas de raison, justement, que le numérique ne
prenne pas toute la place.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Maintenant, pour le bloc suivant de 10 minutes, je cède la
parole à la collègue de Saint-Laurent.
Mme Rizqy : Merci
beaucoup. Merci beaucoup et merci aussi d'avoir été présents dès le départ et de suivre nos
travaux avec un grand intérêt, c'est vraiment apprécié. Et votre mémoire fait beaucoup
état de justice, démocratie, et, j'ajouterais,
d'équité et équité fiscale. Alors, d'emblée, vous comprendrez que je vais aller
là-dessus, car, hier soir, j'ai lu une réponse, parce qu'on a interpelé le ministre des Finances du Québec pour qu'il puisse, déjà maintenant,
dès la mise à jour économique, aller
de l'avant et dire qu'il va imposer la taxe GAFA, à l'instar de la France. J'ai
dit : On est au Québec, on est
autonomes, nous avons notre propre loi d'impôt et notre propre Agence du revenu
du Québec. Par la bouche de son porte-parole, il a dit : Non, il
faut attendre à l'OCDE.
Tantôt,
vous avez dit : Ça fait un petit peu longtemps qu'on attend. Je me
permets de reprendre mon chapeau de fiscaliste
mais aussi de professeure, où est-ce que j'ai fait toute l'étude là-dessus,
de la fiscalité numérique, un livre complet. En 1936, il y avait déjà la première question, au niveau de la Société
des Nations, à savoir qu'est-ce qu'on taxe, la présence physique ou quelque chose qui est
immatériel, parce que les radios, déjà à l'époque, c'est immatériel, c'était dans les
ondes. Alors, ils ont dit : Bien, on va aller avec la présence
physique. En 1996, lorsqu'il y a l'apparition, déjà, d'Apple, parce qu'Apple,
avant d'avoir un magasin physique, vendait d'abord en ligne, alors, dans ce
cas-là, qu'est-ce qui est arrivé? Il y a eu
la question : Qu'est-ce qu'on fait avec le numérique?, parce qu'Amazon
aussi a existé. On a dit, en 1996 : On va attendre. En 1998, il y a eu une conférence ici, au Canada,
à Ottawa, sur la question du numérique avec les gens de
l'OCDE. Savez-vous c'était quoi, la réponse? On va attendre de voir
qu'est-ce qu'on va faire.
Après la
crise financière de 2008, puis que tout
le monde s'est réveillé, il a
dit : Aïe! Cochonnerie, Apple fait des millions puis il ne paie pas d'impôt, Amazon fait des milliards, ne paie
pas d'impôt, Facebook fait de l'argent, ne paie pas d'impôt, alors là, on a dit : Il faut se
pencher sur la question. L'OCDE dit : Laissez-nous faire le travail. En
2013, on prend un mandat d'initiative, à l'OCDE, pour faire le travail,
ils font un rapport en 2015. Constat : On va attendre. Emmanuel Macron s'est tanné d'attendre puis il a dit :
Laissez faire, faites-le, votre travail de pelleter par en avant, nous, on va
faire la taxe GAFA, puis, quand vous
aurez, vous, l'OCDE... de toute façon, vous n'avez pas aucun pouvoir législatif
dans aucun pays, bien, à ce
moment-là, quand les 140 pays vont s'entendre, bien, nous, à ce moment-là, on
va voir puis... mais, en attendant, on avance.
Moi, je me
pose la question, parce que moi, je peux vous le dire, je suis vraiment
fatiguée d'attendre, je suis vraiment
fatiguée d'avoir des pseudo-experts en
fiscalité qui disent qu'on n'est pas capables d'agir, au Québec.
Dans le dossier Netflix, on l'a
faite, la bataille. Là, maintenant, c'est Facebook, c'est Alphabet, c'est ces géants
du Web. On peut tergiverser, on peut faire... paquet de subventions,
mais la vérité, là, c'est que c'est vampirisé par ces entreprises.
En 2006,
ExxonMobil, c'était une entreprise pétrolière, qui l'est toujours,
elle était la première cotée en bourse, la plus capitalisée en matière boursière. Aujourd'hui, c'est tous les
géants du tech, ils ne sont pas plus imposés. Vous, vous payez des impôts, vos lecteurs paient des impôts.
Il me semble que la moindre des choses, c'est qu'on arrête de tergiverser
puis, dès novembre, dès la mise à jour économique, que le gouvernement dise : Effectivement, au Québec,
on l'a fait avec Netflix, là, c'est le temps de le faire avec Facebook. Est-ce
que je me trompe?
M. Poulin
(Claude) : Vous ne vous
trompez pas, mais je vous dirais que ça fait neuf ans que je travaille avec...
en premier, Robert Dutil, qui était député libéral, Paul
Busque aussi, qui était député libéral, puis on avait les mêmes réponses aussi, là : Mais c'est long à
avancer, c'est le fédéral, il faut attendre, on attend après tout le monde. Ça fait que je pense que c'est une question que, peu importe le parti, on
est tous dans le même bateau. Travaillons ensemble, tu sais, serrons-nous
les coudes puis mettons-le en place, là. Ça fait que ce n'est pas un parti plus
que l'autre, là, mais...
Mme Rizqy : Bien, en 2017, je me rappelle de l'avoir
faite, la bataille Netflix, sur les ondes radio, parce que le fédéral disait : On ne peut
pas taxer Netflix, ça ne se fait pas. Mais je me rappelle aussi d'un Carlos Leitão, qui a dit : Bien, nous, au Québec, on va le faire, puis ça a été fait dès 2018. Donc, au moment qu'il y a eu le scandale Netflix en septembre 2017, pour être plus précise, le
21 septembre 2017, et le moment que ça a été annoncé, c'était, après ça,
au budget 2018. En l'espace de six
mois, ça a été fait au Québec. Ailleurs dans le monde, ça a pris cinq à
six ans, faire le même type de législation, alors qu'au Québec, dès qu'il y a eu le scandale Netflix, six mois plus tard, le député de Robert-Baldwin, qui était le ministre des Finances du Québec... oui, c'est
un libéral, mais il l'a fait, puis là aujourd'hui, moi,
sincèrement, c'est que je ne pense plus qu'on doit
attendre.
M. Poulin
(Claude) : ...clair aujourd'hui puis depuis lundi. Je pense, ce n'est même plus une question qu'on
devrait parler, là, c'est réglé.
Mme Beaulieu (Patricia Ann) : Il faudrait arrêter. Oui, la question,
elle est cannée, là. J'ai l'impression qu'on peut...
Mme Rizqy : La question est cannée, mais c'est le...
Mme Beaulieu (Patricia Ann) : Ça fait trois jours qu'on est ici, là, et
les questions sont récurrentes. Celle-là, elle est cannée.
Je pense qu'on peut avancer la discussion.
Mme Rizqy : Parfait, vous avez raison. Toutefois, la personne
qui peut déposer un projet de
loi en matière fiscale, c'est le ministre des Finances. Et quand bien même que tout le monde ici est d'accord, là, puis que
vous, vous dites que c'est canné, tant et aussi longtemps qu'Eric Girard n'a pas réalisé
que c'est canné, ça n'avancera pas plus, au Québec.
Mme Beaulieu
(Patricia Ann) : ...madame, excusez l'expression. Ce que je voulais
dire, c'est que je pense qu'on l'a bien entendu haut et fort partout
dans les médias, là. J'espère qu'il écoute bien, qu'il est bien branché.
Mme Rizqy :
J'espère aussi qu'il est bien branché puis qu'il va nous regarder davantage
avant de le dire, qu'au Québec on n'est pas capables de le faire.
Tantôt,
Mme Beaulieu, vous avez lu la lettre de Mme Nathalie Roy...
Une voix :
...
Le
Président (M. Tanguay) : Non, O.K., regarde, ça fait deux fois, là. Je
vais faire le point puis je vais prendre les quelques secondes pour faire le
point pour nous inviter, mais surtout pour les collègues qui doivent donner le
ton et l'exemple, on s'appelle, entre
collègues, par nos fonctions. J'espère que je n'aurai plus à le redire pour le
reste de la séance jusqu'à 6 heures. La parole est à vous, députée
de Saint-Laurent.
Mme Rizqy :
Alors, vous avez lu la lettre de la ministre de la Culture. À quel effet vous
la lisez? Est-ce que c'est parce
qu'elle disait qu'il fallait que les entreprises se modernisent et que, vous,
au fond, c'était... Vous avez dit, d'entrée de jeu, que ça fait déjà quatre ans que vous existez, avant l'arrivée de
Facebook. Est-ce que c'est parce que vous avez déjà innové puis qu'on
vous demande encore d'innover?
• (10 h 50) •
Mme Beaulieu
(Patricia Ann) : Non, c'est parce que je trouvais intéressant qu'elle
parle de créativité et de nouvelles entreprises,
de partenariats, d'entrepreneuriat. J'ai la chance de côtoyer Claude au
quotidien et je peux vous garantir que ce groupe de presse là... et je
pense que monsieur ici peut en témoigner, de par l'acquiescement de son visage,
c'est beau, de voir l'entrepreneuriat et
c'est possible de faire des modèles d'affaires qui sont différents — votre collègue à côté de vous parlait de penser à l'extérieur de la boîte,
là — ça
aussi, il faut y croire, et j'ai l'impression qu'on revient souvent avec
des modèles d'affaires qui sont désuets.
Comme
je vous ai dit, j'ai une expérience de 15 ans passés dans la presse
écrite, et déjà, quand j'étais là... les taux de lecture, les taux de
pénétration, vraiment, c'est une industrie qui n'est plus viable, il faut se le
dire. Et pourquoi? Parce que le
lectorat n'est pas présent, le lectorat n'est plus au rendez-vous aussi. On a
beau me dire qu'on imprime 30 000 copies, si on les distribue maintenant en points de dépôt parce qu'on n'a plus
les moyens de payer la distribution avec Publi-Sac et que, sur nos points de dépôt, il y a 50 %
de retours, parlez-moi pas qu'il y a un taux de pénétration très, très fort du
journal local. Et ça, on n'a même pas
parlé des zones en région et aussi en ville où on a des pictogrammes, la
conscientisation ou le niveau écologique où les gens ne veulent pas
recevoir la distribution, les pictogrammes de «non, je ne veux pas recevoir de Publi-Sac». Il y a beaucoup de barrières à la
distribution. Et, cela dit, c'est ça, ce n'est pas parce qu'on imprime un
nombre de copies et qu'on espère le
distribuer porte-à-porte ou en points de dépôt... Demandez à tous ces
éditeurs-là de mesurer les retours, vous allez le voir vous-mêmes.
Promenez... Si vous avez des... dans des quartiers, des hebdomadaires qui sont distribués en points de dépôt, souvent la date de
parution se terminait le samedi, puis la pile est encore grosse comme ça, là.
Il faut comprendre que ça a évolué.
Et pourquoi les
annonceurs... On a beaucoup parlé de l'implication du commerce local, que les
gens en région devraient se réapproprier
leurs journaux, qu'il faut demander aux gens en région de supporter leurs
médias. On veut bien supporter le
média, mais la première personne à ne plus croire au média, c'est l'annonceur.
Les sept dernières années, quand j'étais en poste comme directrice là-bas, je ne
savais plus quoi dire à mes équipes de vendeurs pour les mobiliser, pour
tenter de les motiver à aller faire leur
pitch de vente, parce que le concessionnaire lui-même ne lit plus le journal,
il reçoit ses leads via Facebook.
Pourquoi? Parce que les gens vont sur Internet pour trois choses :
magasiner, s'informer, se divertir. On
est là, et, si on fait fi de la génération... je ne vous parle pas des 18-34,
je vous parle des 18-54, si on fait fi de tout ça, c'est abdiquer à
évoluer, et là il faut faire face à ce changement-là.
On
a une situation et une entreprise hyperpertinente et fonctionnelle, mais je
suis convaincue qu'il y a encore place à
l'amélioration et qu'ensemble on pourrait devenir juste plus forts et plus
pertinents. Il n'y a rien d'impossible, c'est juste qu'il faut lâcher
les modèles traditionnels.
Mme Rizqy :
Est-ce que vous avez des pistes de solution, en matière de regrouper des
joueurs, à nous proposer?
Mme Beaulieu
(Patricia Ann) : Bien, déjà là, c'est un grand pas, d'être assis ici,
à l'Assemblée nationale aujourd'hui, de
nous permettre de nous entendre. Je pense que, déjà là, il y a une belle
ouverture. Et ce n'est pas d'hier, et, sur le terrain, oui, on est des compétiteurs, mais ne pensez pas
qu'on n'a pas des discussions avec nos pairs et qu'on n'a pas tous intérêt
à vouloir se sortir de ça. Puis en même
temps j'aime le discours de Claude, qui dit : Arrêtons de vouloir se
battre contre les géants, mais de... plutôt de cohabiter avec ces
gens-là. Alors, voilà.
Puis moi, je vois bien, là, la crise des médias,
oui, la crise des médias, mais je la vois vraiment en trois silos. Il y a le gouvernement, qui doit prendre ses
responsabilités avec les GAFAM et taxer rapidement, imposer, ça, c'est réglé.
Effectivement, il y aura à voir quelle forme
ça va prendre et qui prendra le leadership là-dessus, ça, c'est une chose.
Après ça, la crise des médias, c'est
quoi? C'est une industrie papier qui est en décroissance, le modèle d'affaires
ne tient plus la route. Et l'autre aspect, c'est... oui, le travail de
journalisme a évolué, comme tout autre secteur d'activité.
Alors, il y a
une crise des médias. Depuis lundi, ce qu'on entend, c'est : Le travail du
journalisme a changé, la presse écrite
est en décroissance, puis il faut taxer. Alors, la crise des médias, là... Il y
a des médias qui sont encore en super bonne santé, au Québec. On a une démocratie qui est forte, on a un pouvoir
d'informer la communauté, on a des grands joueurs qui sont très pertinents, qui
ont de grandes volontés. Ça ne va pas changer, là, ça. Ça fait que je pense
que, oui, la crise, elle est réelle, mais il faut bien la compartimenter
et adresser chaque objectif, là.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci beaucoup. Il reste encore 15 secondes.
Mme Rizqy : Bon, bien, non, je
veux tout simplement vous dire merci.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci.
M. Poulin (Claude) :
...personne n'a amené son journal papier ce matin, je pense, pour le lire.
Une voix : ...
M. Poulin (Claude) : Ah! bien,
félicitations!
Le
Président (M. Tanguay) : Alors, le test est passé. Merci
beaucoup. Maintenant, pour une période de 2 min 30 s, je
cède la parole à la collègue de Taschereau.
Mme Dorion :
Merci. Bonjour, merci d'être là aujourd'hui. Vous parlez beaucoup... vous avez
parlé beaucoup de résistance au
changement, c'est intéressant. C'est, dans la plupart des crises et des
problèmes, une des choses qui nuisent à la résolution du problème.
J'aimerais
savoir ce que vous pensez de la résistance au changement en regard de
l'hésitation de nos gouvernements à
faire contribuer les géants du numérique. C'est une réalité, là, on a comme un
problème de... Il va falloir quand même, pour la qualité de l'information... Vous-mêmes, vous demandez plus, vous
demandez à avoir accès à des fonds publics, donc on va avoir besoin d'aller chercher de l'argent à quelque part, tout le
monde en a parlé. Tu sais, vous dites : La question est plantée, mais ce n'est pas pour rien qu'on... ça
fait partie du truc, tu sais, puis tout le monde ici, en avant, à votre place
aussi, en ont parlé. Il y a
clairement une résistance au changement des gouvernements par rapport à ça. Il
y en a beaucoup qui se remettent dans
les mains de l'OCDE, il y en a... Au fédéral, tout le monde est sur le neutre.
Au provincial, ça semble être le cas
de plus en plus. C'est, pour moi, un réel problème. J'aimerais avoir votre avis
là-dessus. Qu'est-ce qu'on fait face à cette résistance au changement
là?
M. Poulin (Claude) : Résistance
au changement, la meilleure façon de la vaincre, là, c'est de voyager, d'aller voir ce qui se passe ailleurs, pas juste entendre,
puis lire, puis écouter ce qui se passe sur les médias, parce que, quand on le
vit réellement, on s'aperçoit que c'est
complètement différent, donc, sortir, amener des gens qui ne sont pas habitués
à le faire, puis ça, c'est tous les secteurs d'activité.
Les
entrepreneurs qui sont dans le domaine manufacturier, il faut aussi... eux
autres, justement, qui baignent dans les technologies, il faut qu'ils voient ce
qui se passe ailleurs dans l'Internet des objets puis tout ce qui concerne le
futur. Alors, c'est la même chose, je
pense, pour les députés, c'est la même chose pour les fonctionnaires, c'est la
même chose pour tout le monde.
Ici, à Québec, on a une belle communauté
technologique. Mais il y a un événement, qui est reconnu bientôt mondialement, le WAQ, à Québec, là, Le Web à
Québec, là, que le gouvernement finance, on ne voit pas beaucoup de gens, politiciens sur place pour venir comprendre
c'est quoi, les enjeux, comment ça se passe, les villes connectées puis tout ce qui se passe là. Ça fait que je pense que
la résistance au changement, elle va se vaincre si on sort les gens de leur...
Je comprends que vos agendas sont très, très serrés, là, mais je pense...
Mme Dorion :
T'as vu que les agendas, surtout du gouvernement, sont... Ça aurait-u été une
idée pas pire, de... ou, dans
l'avenir, est-ce que ça pourrait être une bonne idée, de faire venir les gens
qui ont réfléchi à ces impôts-là, par exemple, en France ou en Nouvelle-Zélande, qui se sont penché sur comment est-ce
qu'on peut faire ça, puis qu'ils puissent nous amener...
M. Poulin
(Claude) : Comme j'ai dit,
l'événement le WAQ ici, à Québec, rassemble pendant une semaine tous les
spécialistes de la planète qui viennent parler de n'importe quoi, ça fait que
prenez 15 minutes ou une demi-heure, une heure, puis allez-y, vous allez
être imprégnés.
Mme Dorion : C'est une
invitation.
Le Président (M. Tanguay) : Merci.
Maintenant, pour un bloc de 2 min 30 s, je cède la parole au
collègue de Rimouski.
M. LeBel :
Merci. Bien, moi aussi, je suis pour l'évolution, il faut qu'on évolue, mais en
même temps j'aime bien ça, moi, quand
je fais une conférence de presse, que j'aie un journaliste en chair et en os
qui me pose des questions, qui vienne, puis qui analyse, puis prenne ce
que je dis mais qu'il le redistribue à sa façon, qu'on ne distribue pas juste
les communiqués de presse.
Je regarde, dans votre réseau, là, à
Rivière-du-Loup, c'est infodimanche.com. Ce que je vois sur votre site, dans le
fond, c'est des nouvelles du papier
que vous remettez dans votre site avec des journalistes. Je regarde, à Rimouski,
GoRimouski, je ne trouve pas le nom du journaliste, c'est marqué «salle des
nouvelles» et, dans le fond, c'est des communiqués de presse qui sont repris. Moi, je comprends, ça va vite,
ces affaires-là, mais il faut conserver les journalistes en chair et en os qui
viennent voir le monde, non? L'évolution,
ça... il faut qu'on garde des journalistes en chair et en os qui viennent voir
le monde.
M. Poulin
(Claude) : 100 %
d'accord. Ce que je vous dis là-dedans, c'est que notre groupe médiatique, on a
acheté les journaux de Québecor et
Transcontinental lorsqu'il y a eu la vente en 2014. La plupart, on les a
justement démarrés, on les a mis en
place. Par contre, le modèle de vente qu'on est en train... on attend,
justement, de mettre en place est essentiel à l'amenée de revenus puis à
l'embauche de journalistes.
Donc, il y a
des secteurs, Laval, le Saguenay, Vaudreuil, Valleyfield, la Beauce, il y a des
journalistes, justement, qui traitent l'information qu'il y a là. Chaque
communiqué qui est mis en ligne est traité par un journaliste. Même s'il
s'appelle «salle des nouvelles», c'est un
communiqué qu'on va mettre en ligne, puis il est là. Mais je comprends, ce
n'est pas parfait, tu sais, puis on
n'arrive pas ici en disant qu'on est parfaits dans tous les secteurs, mais les
secteurs où est-ce qu'on est présents, puis il y a une équipe, puis il y
a des bureaux, il y a des journalistes à temps plein qui travaillent là.
Mme Beaulieu (Patricia Ann) :
Mais, oui, je me permets de complémenter, entre autres, à Vaudreuil ou même en
Beauce, on a cinq journalistes temps plein et même, à Vaudreuil, ils sont aux
séances de conseil à Saint-Lazare, à Vaudreuil-Dorion,
où ils se déplacent. Je ne comprends pas quand vous dites : Est-ce que,
parce qu'on est un média numérique, on n'est pas présents aux
conférences de presse?, mes journalistes sont sur le terrain, se déplacent...
M. LeBel : Mais je comprends que vous vous développez, mais
à Rimouski, là, il n'y a jamais eu un journaliste de GoRimouski à
mes conférences de presse, mais ça se peut, là, que ce n'est pas égal partout,
là, je peux comprendre ça.
M. Poulin (Claude) : ...mais
pas dans les dernières semaines.
Mme Beaulieu
(Patricia Ann) : C'est ça, exactement.
Il y a des marchés forts où on est beaucoup plus présent, c'est sûr et certain.
M. LeBel : Mais tout ce que je voulais dire, c'est que, dans
le développement du numérique ou de l'évolution, et tout ça, là, il faut aller vite, mais il faut quand même
conserver du monde en chair et en os, qui vont aller rencontrer les
gens, qui vont parler, qui vont avoir des sensibilités par rapport aux
réalités.
Hier, les
gens des hebdos nous disaient : On se connaît tous. Moi, je connais les
gens des hebdos. Je connais la journaliste
de L'Avantage, à Rimouski, qui vient nous voir, on se rencontre à
l'épicerie, on se parle. C'est important, ce bout-là, dans nos
communautés. Et le numérique, c'est bien beau, mais il faut que ça reste
humain.
Mme Beaulieu (Patricia Ann) :
100 % d'accord avec cette réflexion-là.
Le
Président (M. Tanguay) :
Merci. Merci beaucoup. Et, pour un dernier bloc de deux minutes, je cède
la parole à la collègue de Marie-Victorin.
• (11 heures) •
Mme Fournier : Merci
beaucoup pour votre présentation et
votre franchise, je dirais. Moi, j'abonde dans le même sens que vous quand on parle du taux de
pénétration, par exemple, de certains médias papier. Pour avoir fait souvent le
tour dans les tours à condos,
blocs-appartements, on voit que ça s'accumule de semaine en semaine, puis donc
on peut se questionner sur le fait est-ce que les gens lisent réellement
le journal papier. Par contre, il y a cette volonté d'avoir des nouvelles locales, donc j'ai bien aimé avoir votre
point de vue à cet égard-là. Et est-ce qu'on peut résumer, dans le fond,
votre message lancé aux autres médias à ça? Est-ce que c'est tout simplement «lâchez le papier» ou est-ce qu'il
y a d'autres facteurs que vous voulez amener, les autres médias
qui ne sont pas encore 100 % numériques,
à considérer dans votre modèle d'affaires?
Ma deuxième
question se réfère aux critères dont vous avez fait mention en ce qui concerne,
disons, la différence entre la
publicité sur les réseaux sociaux versus dans les médias québécois plutôt traditionnels.
Vous avez parlé des capacités de mesure, de ciblage, de coût d'entrée, facilité
d'utilisation, donc quatre critères. J'en rajouterais, par contre, je crois, un
cinquième, en ce qui a trait au format, la
capacité de capter, en fait, les utilisateurs qu'on retrouve sur les réseaux
sociaux, et je m'interroge, en fait,
sur la possibilité pour des médias, disons, plus conventionnels de
compétitionner avec ce facteur-là, le
fait que les utilisateurs peuvent continuer à suivre, par exemple, la page
d'une entreprise dans le cas des réseaux sociaux. Comment est-ce qu'on peut répondre à ça, qui
m'apparaît un facteur assez déterminant, en fait, dans le fait de recourir à la
publicité en ligne?
M. Poulin
(Claude) : Bien, le fait de,
bien, lâcher le papier, vous avez compris, je pense, l'essentiel de notre
message, là. Puis on ne veut pas
faire une guerre contre ça, on fait juste dire au gouvernement : Si vous
investissez de l'argent dans quelque
chose, il faudrait l'investir dans quelque chose qui va passer les 100
prochaines années ou les 50 puis les 20 prochaines années. Mais, tu sais, on connaît les difficultés
qu'il y a, présentement, puis elles sont principalement liées à cette notion-là
en particulier.
Le ciblage,
Facebook et compagnie... On est nés avant Facebook, donc on était là avant, on
sait comment ça fonctionne, on sait
comment générer du trafic. Mais présentement, sur notre site Web, juste pour
vous dire, les réseaux sociaux correspondent à 25 %, à 30 % de
notre trafic, ça fait que ce n'est pas si... C'est fini?
Le Président (M. Tanguay) : Merci. Peut-être
compléter votre phrase, je vous en prie.
M. Poulin
(Claude) : Donc, ce n'est
pas si grave que ça. Si Facebook disparaît demain matin, on répond encore, on va encore répondre à la demande. Puis, si c'est
Instagram ou Twitter, ça va être ces réseaux sociaux là qui vont
prendre la relève.
Le Président (M. Tanguay) : Merci à
vous, représentants de Néomédia.
Et maintenant,
afin de permettre aux représentants de Métro Média de prendre place, je
suspends nos travaux quelques instants.
(Suspension de la séance à 11 h 02)
(Reprise à 11 h 04)
Le Président (M. Tanguay) : Alors, à
l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons poursuivre nos travaux.
Nous accueillons maintenant la représentante et
le représentant de Métro Média. Bienvenue à votre Assemblée nationale.
Vous disposez d'une période de 10 minutes de présentation et par la suite
vous aurez l'occasion de discuter et d'échanger avec les collègues députés. Je vous demanderais de bien
préciser vos noms et fonctions pour les fins d'enregistrement. Et, sans plus tarder, la parole est à vous.
Métro Média
M. Mulé
(Andrew) : Merci, merci.
Bonjour, M. le Président, Mmes
et MM. les députés. Mon nom est
Andrew Mulé, et je suis vice-président et directeur général à Métro Média. Je suis accompagné par ma collègue Sylviane
Lussier, directrice principale à l'information.
Constituée le 15 mars 2018, Métro Média est
une entreprise qui regroupe le quotidien Métro ainsi qu'une trentaine de
publications distribuées à Montréal et dans la région de Québec, tous acquis
dans la foulée de la vente de 93 publications par TC Transcontinental en
avril 2018. Ayant son siège à Montréal, Métro Média compte actuellement 130 employés et retient les services d'une
vingtaine de pigistes. Métro Média regroupe un quotidien, le Journal Métro,ainsi qu'une trentaine de publications étant pour la plupart des
hebdomadaires. Pour les fins du présent exercice, nous allons concentrer nos propos sur le Journal Métro,
et ce, considérant que les intérêts et revendications des hebdomadaires sont
bien représentés par les autres participants
à la présente audition, notamment Hebdos Québec et l'association des journaux
hebdomadaires du Québec.
Le Journal Métro, avec presque 20 ans
d'existence, contribue aux différents objectifs de la commission. Cela justifierait par conséquence la nécessité d'une
intervention gouvernementale pour le préserver. À cet égard, les principales composantes
du modèle d'affaires du Journal Métro sont un quotidien d'information gratuit qui compte plus de 1 000
points de distribution, dont
principalement dans le réseau de transport en commun de la ville de Montréal,
et un contenu s'adressant à un
lectorat urbain. Ceci permet de rejoindre, de joindre un lectorat très
diversifié. Le Journal Métro donne accès à une information de qualité. Il contribue à
l'information publique et protège ainsi la démocratie et le droit public à
l'information. La pérennité de ce modèle d'affaires repose uniquement
sur les revenus publicitaires. En bref, le Journal Métro rejoint environ 1,2 million de lecteurs par semaine
avec le journal imprimé, et ce, gratuitement. Les sources principales de
revenus du Journal Métro proviennent de la publicité des petites
et des grandes entreprises. Dans le passé, les différents paliers gouvernementaux ont contribué, via la publication
d'avis publics, à la viabilité du journal. Quant aux statistiques numériques,
1,3 à 5 millions de visiteurs uniques consultent le site par mois.
Le
Journal Métro est à l'affût de ce qui intéresse la génération montante
en mettant à l'avant-plan des sujets comme l'environnement, et ce, depuis sa fondation il y a près de 20 ans,
alors que le sujet n'intéressait pas la majorité des générations plus âgées. Métro contribue par ailleurs au
débat public sur une multitude de sujets d'actualité et d'enjeux sociaux
politiques d'importance
tels que la Loi sur la laïcité ou la réalité des Roms. Nous savons que les
changements sociaux sont souvent initiés
par les jeunes en milieu urbain. Ces faits font du Journal Métro un
journal progressiste. Le Journal Métro a un rôle informationnel important
à jouer dans la grande région de Montréal, car il porte une attention
particulière aux enjeux sociaux et culturels
qui intéressent un lectorat jeune et actif. Le Journal Métro est en
diapason avec les aspirations de son lectorat qui a, 50 %, entre 18
et 49 ans.
Le
Journal Métro a aussi la particularité de rejoindre les nouveaux
arrivants à hauteur de 29 %, soit le taux le plus élevé à Montréal. Cette clientèle ne demande qu'à
être intégrée au sein de la société québécoise, et le Journal Métro
permet de leur faire connaître les
priorités, les politiques et les programmes du gouvernement. Pour certains
nouveaux arrivants, le Journal Métro peut s'avérer la seule
interaction avec l'actualité locale, régionale ou nationale.
Le
Journal Métro se veut également un forum pour tout lecteur souhaitant
exprimer son opinion. Cette communication est à double sens, car le
gouvernement peut aussi prendre la juste mesure des griefs, des opinions et des
attentes de la population. À l'heure des
débats sur les enjeux d'une immigration croissante demandée par le monde des
affaires, par exemple, un journal tel
que le Journal Métro est essentiel pour assurer un débat public et
démocratique. Le Journal Métro présente plusieurs opinions sur les minorités via les nombreux chroniqueurs tels
qu'Houssein Ben-Ameur, Maïté Labrecque-Saganash ou Frédéric Bérard.
La
situation actuelle. Tout comme les autres médias, la perte de revenus a été
dramatique au sein de la presse écrite. Dans le cas du Journal Métro,
nous parlons d'une perte de plus de 70 % en cinq ans. Au Canada, on évalue
cette perte à 7 milliards cette année
seulement. La perte de revenus est attribuable à la migration des revenus vers
les géants du Web. Non seulement ces derniers sont venus gruger les
revenus publicitaires, mais ils restreignent la disponibilité du contenu
informationnel par l'effet de la monopolisation de la diffusion de
l'information. Le meilleur exemple est la refonte majeure de l'algorithme de Facebook en janvier 2018, qui ne priorisait
plus les médias auxquels les internautes étaient abonnés, rendant la découvrabilité des contenus beaucoup
plus ardue, le tout de façon unilatérale et sans explication. Ce contrôle leur
donne un pouvoir immense sans avoir à produire une seule ligne de contenu.
Les producteurs de contenu de qualité n'ont eu le
choix que de rogner sur cette qualité pour survivre, sans compter les
nombreuses pertes d'emploi qui en ont découlé. Plusieurs publications
hebdomadaires de Métro Média ont dû se résoudre
à changer la fréquence de leur sortie, qui est dorénavant bimensuelle ou
mensuelle. En plus de priver la population d'une information à une fréquence hebdomadaire, cela a pour effet de
transformer des emplois permanents temps plein en emplois précaires
pigistes.
• (11 h 10) •
Nos
solutions. Si nous nous entendons pour dire que la crédibilité de l'information
passe par une information vérifiée par
une tierce partie neutre et objective, deux, que Montréal est le centre
névralgique de l'économie québécoise avec un Québécois sur deux qui y
vit et où la majorité des immigrants s'installent en premier lieu à leur
arrivée, trois, que la communication est la pierre angulaire de l'engagement
social de la population et, quatre, que la diversité des sources d'information est essentielle à l'activité
démocratique, il est impératif de préserver le travail important que réalisent
les médias écrits indépendants. Nous
ne pouvons et ne voulons pas revenir en arrière et faire fi des immenses
progrès technologiques qui ont
été réalisés mais nous pouvons encadrer ces géants, qui peuvent quelquefois
sembler plus puissants que les gouvernements
nationaux. De plus, qui dira et publiera le travail colossal
que les députés font à l'Assemblée nationale s'il n'y a plus de médias locaux
pour diffuser les gestes qui se posent et les dossiers qui se portent, qui
le fera? De quel genre de crédibilité bénéficierez-vous si vous devez
autoproclamer votre bon travail?
Les
arrondissements de Montréal sont la plupart du temps plus populeux que bien des
municipalités au Québec. Qui couvrira
les activités et les décisions prises dans les arrondissements? Comment se
jouera la démocratie dans ces arrondissements?
Les journaux hebdomadaires et le Journal Métro, par leur couverture,
contribuent à nourrir la démocratie et
l'engagement des résidents de Montréal dans la vie citoyenne de leurs
arrondissements respectifs et de leur ville. Bien sûr que la presse
écrite n'est pas toujours tendre avec les politiciens, mais une information
véhiculée via les réseaux sociaux dont on
connaît mal la source peut être 1 000 fois plus dommageable et
pernicieuse si utilisée dans un dessein douteux.
Si
les géants du Web bénéficient du fruit du travail des autres comme matière
première, ils doivent les rémunérer. Soit
le gouvernement exige de ces géants une part du gâteau, soit le gouvernement
finance la création de contenus d'information, étant donné que les
revenus numériques seuls ne peuvent toujours pas supporter les dépenses en
matière rédactionnelle. De notre point de vue, des mesures fiscales seraient
une excellente solution.
Nous
saluons la volonté des parlementaires et du gouvernement de mettre en place une
solution à la crise actuelle que
traversent les médias d'information. Nous proposons que le gouvernement
provincial s'arrime sur le même pourcentage que le gouvernement fédéral, minimalement. S'il s'avère que la
proposition du panel d'experts en journalisme et médias écrits, autour de 25 %, est acceptée, le
total serait un financement de 50 % des salaires du personnel éditorial.
Il nous incombera alors de trouver de
nouvelles sources de revenus afin de rentabiliser les opérations autant sur
support papier que sur support numérique.
Nous ne désirons pas dépendre des deniers publics pour toujours mais nous ne
pouvons pas non plus concurrencer les
GAFA de ce monde. Nous désirons une aide transitoire afin d'avoir le temps de
stabiliser nos revenus et de protéger le journalisme réalisé en français au sein d'une culture unique en Amérique
du Nord. Demeurons les artisans, demeurons les producteurs de contenu pour des lecteurs dont nous connaissons la
culture et les aspirations, c'est ce que nous faisons de mieux. Merci.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Et maintenant, pour un
premier bloc d'échange de 15 minutes, je cède la parole au collègue
de Beauce-Sud.
M. Poulin (Beauce-Sud) : Merci,
M. le Président. M. Mulé, Mme Lussier, merci pour votre présentation
fort intéressante. Effectivement, on pense entre autres au Journal Métro
mais on sait que maintenant vous en avez beaucoup plus.
Mais, si je prends une seconde pour parler du Journal Métro, à quel
point que vous faites un travail extraordinaire, différent mais qui ne passe pas à côté des vraies nouvelles et de la
vraie information... Alors, merci pour le travail journalistique que
vous faites puis également qui vous a amenés, effectivement... parce qu'on
parle d'une vingtaine de publications distribuées
à Montréal et dans la région de Québec, toutes acquises dans la vente de TC Media,
alors vous avez su saisir une
occasion dans un moment qui n'était pas, quand même, facile, alors vous êtes
des entrepreneurs certainement visionnaires et dévoués.
Je
veux qu'on parle du Publi-Sac, on l'a effleuré hier quelques fois lors de nos rencontres.
Il faut croire au Publi-Sac, d'abord
et avant tout, parce que, oui, c'est un outil de distribution important pour
les hebdomadaires. Et, moi, chez nous, dans
mon quartier en Beauce, c'est drôle, il en manque, de Publi-Sac, à côté de
Postes Canada, ça fait que des fois il faut que j'aille le voler dans un autre quartier, là. C'est plate, mais je
n'ai pas le choix. Sinon, je ne le fais pas, mais je confesse, parce qu'il en reste toujours à cet endroit-là.
Parce que j'entendais ma collègue de Marie-Victorin, qui disait qu'il y a des
gens qui ne le prenaient pas; chez nous, on en manque, de Publi-Sac, alors
c'est quand même bon signe.
Alors,
je veux savoir quelles représentations vous avez faites, entre autres au niveau
de la ville de Montréal et de d'autres
institutions, au niveau de l'importance du Publi-Sac et de préserver ce
modèle-là, malgré certains enjeux environnementaux qui sont présentés.
M. Mulé (Andrew) : À date, je pense qu'il y a une commission qui
sort en septembre, justement, alentour de ça à Montréal. Alors, ça, on pense... on est engagés, on est très proches
avec TC Transcontinental. Alors, pour nous, dire la vérité, pour nos
hebdomadaires ou nos journaux locaux, sans le Publi-Sac, la distribution serait
impossible, en effet. Et l'exemple
qu'on a mentionné, de la députée tantôt, avec des piles puis des piles de
journaux, ça n'existe plus à Montréal. S'il
en existe, j'aimerais le savoir, parce que nous autres, on étire notre tirage
au maximum partout pour assurer que les copies sont bien lues et de
partout.
En
ce qui est de TC Transcontinental, je crois qu'ils ont fait beaucoup de progrès
depuis plusieurs années. En ce moment,
ils ont vraiment la cible sur le dos. Je crois que M. Olivier, il a un
gros challenge en avant de lui pour essayer de trouver des solutions pour mieux gérer le Publi-Sac. Par contre, pour
nous, c'est vraiment un allié puis un partenaire important dans la
presse écrite. Sans sa force de distribution, là, vous allez voir des journaux
disparaître partout, c'est certain.
M. Poulin (Beauce-Sud) : Absolument, et je pense qu'on vous entend bien
ici, dans cette commission. Je veux revenir à votre mission. Vous dites : «...Métro Média cherche
à permettre au plus grand nombre de lecteurs, issus de différents
profils socioéconomiques et culturels — je le répète, issus de différents profils
socioéconomiques et culturels — à avoir accès, gratuitement, par le
biais d'un réseau de distribution étendu, à de l'information diversifiée de
qualité.»
Au
même moment où on nous dit que l'information coûte quelque chose, vous nous
dites également qu'il y a un volet de
le rendre accessible à tout profil socioéconomique. On sait que l'information,
c'est un droit, mais plusieurs intervenants sont venus nous dire : Ça coûte quelque chose, faire des nouvelles,
on doit engager une salle de rédaction, on se doit de le publier.
Comment
vous essayez de trouver le juste équilibre, comme propriétaire de presse, en
disant : Il faut que ce soit gratuit,
mais on sait que l'information coûte quelque chose? Est-ce que, pour vous, dans
votre modèle d'affaires, vous excluez totalement
la possibilité que vos lecteurs puissent un jour éventuellement payer pour
avoir de l'information chez vous, par exemple?
M. Mulé (Andrew) : Je crois qu'il y a plusieurs modèles d'affaires
qui doivent coexister pour avoir de la presse écrite de différentes qualités. Par contre, notre mission, vraiment,
c'est de passer de l'information crédible à du monde qui n'ont pas nécessairement les moyens pour l'avoir,
et ça, c'est très important de... ce qu'on fait depuis le début. Et de là les
modèles d'affaires... on doit le dire, que
l'abonnement ou le gratuit ont tous eu du succès à un moment donné. Alors, il y
a deux différents modèles d'affaires
qui peuvent coexister dans un marché. Est-ce que je suis contre l'éventualité
d'avoir une version de... une qualité
plus élargie de mon équipe rédactionnelle payante? Non, pas du tout, c'est une
possibilité. Je suis ouvert à toutes
les possibilités. En ce moment, notre modèle, c'est de servir une population
qui n'a pas les moyens, nécessairement, pour payer pour leur
information.
M. Poulin
(Beauce-Sud) : Merci beaucoup.
Le Président (M.
Tanguay) : Merci. Je cède maintenant la parole au collègue de
Saint-Jean.
M. Lemieux :
Merci, M. le Président. Dans votre mémoire, vous reprenez à votre compte les
recommandations, les demandes de la
Coalition pour la pérennité de la presse d'information au Québec, dans
lesquelles il y a, entre autres, le crédit
d'impôt qu'à peu près tout le monde s'entend pour dire et nous demander que
c'est nécessaire. Mais vous, dans votre présentation, vous avez cru bon de dire
que vous trouviez que c'était... que la bonne idée, ce serait d'arriver à la
même hauteur que le fédéral, parce
qu'on attend, là, très bientôt le crédit d'impôt fédéral. Est-ce que vous
pensez qu'il faudrait qu'on copie à ce point le crédit d'impôt fédéral,
qu'on arrive avec les mêmes critères et les mêmes paramètres?
M. Mulé
(Andrew) : Souvent, les précédents sont très faciles à aider à
développer des solutions rapides. Alors, essentiellement, le fédéral est là-dessus depuis un peu plus de
temps que le provincial. Dans mon opinion, on est dans une situation
critique et urgente, alors, si le fédéral a fait du chemin, pourquoi ne pas
prendre le chemin et continuer avec?
M.
Lemieux : Et vous rajoutez,
dans vos recommandations, même si ce n'est pas écrit comme des recommandations... vous parlez beaucoup
de la formation de mise à niveau, au-delà d'endosser les demandes de la
coalition. Vous avez, avant les conclusions, une large section sur la
formation de mise à niveau. Vous dites, entre autres, que la
transition inévitable vers la presse
numérique et virtuelle pose de nouveaux défis. Chez vous, ça se passe comment,
et vous auriez besoin de quoi de plus?
M. Mulé
(Andrew) : Les hebdos, historiquement,
étaient toujours la première étape pour le journalisme au Québec. Alors,
vous sortez de l'école, vous commencez dans les hebdos, ensuite vous progressez
à un quotidien ou à la radio, à la télévision.
Alors, pour nous, si on parle de formation dans ce genre-là, c'est hyperimportant
d'avoir une continuité et des différentes étapes dans le journalisme.
En ce moment, les hebdos sont en train de disparaître partout au monde, bien, en Amérique du Nord en plus, et c'est difficile
de voir comment on progresse dans ce modèle d'affaires là en ce moment. Et c'est-u intéressant, d'attirer de la relève dans notre industrie?
C'est aussi très difficile de le faire.
Mme Lussier
(Sylviane) : Et
j'ajouterais, si vous me permettez, que le roulement de personnel est beaucoup
plus grand qu'avant, alors ça demande
des ressources à l'interne beaucoup plus grandes pour
s'assurer que ces gens-là sont bien encadrés.
Vous savez, tout ce qu'on fait est publié. On a une grande responsabilité qui va avec notre privilège, alors c'est important, que nos gens
soient bien encadrés.
• (11 h 20) •
M. Lemieux : Je vous pose la question
parce que, des nombreux mémoires, au-delà de ceux qu'on va entendre cette semaine en consultations particulières,
il y en a une trentaine de plus... Ce n'est pas souvent, qu'on insiste ou que,
dans les mémoires, les gens insistent sur la
formation, mais hier, pendant les audiences, les hebdos régionaux sont venus
nous dire qu'ils avaient besoin de
formation mais ils ont précisé qu'ils avaient surtout besoin de formation pour
leurs vendeurs, leurs représentants, parce qu'ils avaient des nouveaux produits à vendre puis qu'ils avaient besoin de les mettre à
niveau, pas juste le produit, mais ceux qui en font la représentation.
Est-ce que vous allez avoir de nouveaux
produits? Quand vous parlez du virage... puis on s'entend, là, le virage, ça fait longtemps que tout le monde est dedans,
là, puis même que... je n'ose pas dire qu'on tourne en rond mais, en tout
cas, on cherche la porte du nouveau modèle,
là, dans ce virage-là. Vous, est-ce que vous en avez, des projets comme ça?
M. Mulé
(Andrew) : Je crois que vous
allez constater aujourd'hui, quand vous rencontrez la majorité des patrons
de presse, qu'on tire de partout pour
essayer de compenser pour la chute de revenus. En effet, nos vendeurs sont
rendus des multiproduits. Ce n'est pas juste vendre le journal, c'est le
Web puis c'est des produits alternatifs.
Si je veux
adresser la formation, en effet, les changements se font tellement rapidement
dans l'industrie que, même avec le
roulement de personnel et le changement de produits qui se développent, bien,
la formation se fait aux six mois, là. On n'est jamais un expert à vie,
en ce moment, dans ce qui est de la vente, de la publicité.
M. Lemieux :
Vous avez sûrement remarqué, si vous étiez là, qu'à chaque fois qu'on nous
parle de régie publicitaire on est
comme : Ah! wow! On ne connaît pas ça, nous autres, expliquez-nous ce que
ça fait puis ce que vous voulez en faire. Vous, une régie publicitaire,
pour vous, ça changerait quoi? Là, si vous n'étiez pas là, je vous résume
rapidement.
M. Mulé (Andrew) : S'il vous
plaît.
M. Lemieux : Il y a Le Groupe Capitales Médias qui nous disait
que c'était quelque chose auquel ils avaient non seulement rêvé, mais
qu'ils avaient essayé de mettre au monde avec... Mais l'idée, c'est que ça
prend tout le monde.
Seriez-vous un joueur là-dedans, vous autres?
M. Mulé (Andrew) : J'ai une ouverture
à tout. En effet, dans mon environnement, je crois que je suis ouvert à rencontrer tous mes compétiteurs pour essayer de
faire des alliances, c'est nécessaire dans cette industrie. On n'est plus
compétiteurs un contre l'autre, on est compétiteurs vraiment contre GAFA, c'est
la réalité. On est tous dans le même bateau,
même si on essaie de... on a des gros ego en termes de patrons dans
cette industrie. Par
contre, la réalité, c'est ça, on ne peut pas se cacher cette
réalité-là.
M. Lemieux :
C'est bon de vous l'entendre dire en réponse, parce que, dans la plupart des
mémoires, on devine — et
certains sont allés jusqu'à l'écrire — que l'heure n'était plus à se battre entre
nous, qu'il fallait se battre ensemble contre. Même Radio-Canada, demain — je ne veux pas les scooper
nécessairement — va nous
dire ça en toutes lettres, là. Pourquoi est-ce que c'est si difficile?
Hier, les
radios, les télés et les médias imprimés communautaires nous avouaient avec un
peu de dépit qu'ils ont beau avoir
essayé de faire front commun, juste eux trois ne pouvaient pas. Ce n'est pas
illusoire, de penser, même si les ennemis, c'est les autres, qu'il faut
se battre contre les autres, qu'il faudrait se réunir, qu'on est loin du
compte? On a l'impression que, depuis trois
ans, ça n'a pas vraiment allumé personne ou, en tout cas, ceux qui se sont
allumés n'ont pas réussi à jouer, là.
M. Mulé
(Andrew) : Encore une fois,
je vais répéter, je pense que, dans ce qui est de la presse en général, il y a
des ego et il y a du monde qui ont leur propre opinion et leur version de
comment gérer leur entreprise. Gérer ça, c'est compliqué, c'est très compliqué. Il y a du monde qui sont dans l'industrie
plus de 20 ans, certains qui ont, dans l'industrie, beaucoup plus long que mon âge, en effet. Alors,
tu sais, c'est vraiment... c'est un changement. Ça prend quelque chose
de dramatique qui doit
se faire. On l'a vu il y a deux semaines, le dramatique, bien, peut-être on va
s'allumer, peut-être on va avoir une ouverture, peut-être on va en
parler un peu plus. C'est vraiment ça.
M. Lemieux :
Vous êtes dans de meilleures dispositions maintenant, pas juste vous, mais les
autres.
M. Mulé
(Andrew) : C'est la réalité.
M. Lemieux : J'allais vous demander, en terminant, ce que vous
attendez de la commission. Il y a vos recommandations, là,
mais on parlait, tout à l'heure, avec Groupe Capitales Médias, du fait que les
projecteurs, à cause des dispositions dans lesquelles on est maintenant, sont
là. Et vous y croyez, vous, à la capacité qu'a le gouvernement de soutenir, toujours
avec la distance nécessaire, parce qu'on parle de journalisme ici, là, mais de participer à l'effort de
transition? Puis là le mot «transition» est important, parce que ceux
qui étaient là avant vous, eux autres, ils ne donnent pas grand-chose de la peau de vos journaux, là. Eux autres sont dans
le numérique, alors il y a déjà, en partant, un paquet d'intérêts divergents
puis il y a des gens qui
disent : Oubliez ça, le papier, là, on est rendus ailleurs.
Moi, j'assume qu'il y a minimalement une transition à faire. Vous,
vous voyez ça comment? Puis vous voulez qu'on le voie comment, nous?
M. Mulé (Andrew) : Bien, moi, je le vois comme quelque chose de transitoire seulement, et la raison, c'est... on est dans une industrie très unique où est-ce qu'on doit porter deux
chapeaux en même temps. On doit survivre par nos revenus publicitaires
imprimés et on doit innover dans le numérique qui évolue constamment. Et ce
qu'on a constaté au Québec, en
Amérique du Nord, là, ce n'est pas juste unique au Québec, que toutes les industries
qui ont beaucoup innové dans le numérique, ils ont réalisé rapidement, dans les 15
dernières années, qu'ils ne sont pas des experts dans le développement numérique, ils sont des
experts dans le journalisme et dans la vente de publicité. Ils sont tous
retournés là, puis tout le monde
se regarde maintenant puis ils
disent : Donnez-nous un outil pour exploiter, s'il vous plaît, on n'est pas un expert dans le numérique. Notre expertise, ça
fait longtemps, c'est le journalisme, et on doit se remettre sur
ça uniquement. Et le médium qu'on distribue, Twitter, ou imprimé, ou
Facebook, c'est un détail de ce qu'on fait, alors on doit se remettre sur ça.
M. Lemieux :
Si ce n'était pas des médias sociaux, dont on dit qu'il faut se battre contre
eux, là...
M. Mulé
(Andrew) : Ça fait partie du problème, certainement.
M. Lemieux :
Mais aussi ça fait partie de votre réalité au quotidien, vous en avez autant
besoin que vous...
M. Mulé (Andrew) : La distribution et les yeux, c'est le nerf de la
guerre dans les médias. Si tu n'as personne qui te lit, tu n'es pas bon.
Alors, comment, aujourd'hui, on utilise les moyens qu'on a entre nos mains
pour aller chercher le maximum de lecteurs? Et en effet le plus de lecteurs, dans l'historique de cette
entreprise, c'est aujourd'hui, avec le moins de revenus en l'historique
de l'entreprise. Alors, c'est dans deux sens opposés.
M. Lemieux :
C'est vraiment... On parle souvent de ne pas mordre la main qui nous nourrit,
mais, dans votre cas, vous n'avez pas le choix, il faut la flatter puis
la mordre.
M. Mulé
(Andrew) : Voilà.
Mme Lussier
(Sylviane) : C'est ironique, c'est le fait qu'on a encore du papier et
qu'on se diversifie sur le numérique, qu'on
a plus de lecteurs. Et c'est ça qui est intéressant, parce que, justement, on
est en transition, et c'est pour ça que c'est important, d'appuyer la
transition, pour que le journalisme reste de qualité.
Je
vois des compétiteurs arriver, puis il y a des journaux que je vois en ce
moment, oui, ils ont réussi à opérer à des coûts très bas, mais ce n'est plus du journalisme qu'ils ont dans leurs
publications, c'est souvent des publireportages déguisés. Alors, ça coûte pas mal moins cher faire ça, là,
ce n'est pas du journalisme où on a à faire de la recherche et à faire des
efforts supplémentaires.
M. Lemieux :
Les gens de la banquette d'en face vont avoir des questions pour vous. Avec les
quelques secondes qu'il me reste, ça va prendre combien de temps,
transitionner, encore?
M. Mulé (Andrew) : Quelle bonne question. Si j'avais la boule de
cristal, je l'aurais utilisée il y a longtemps. Alors, on est là
ensemble, en groupe aujourd'hui, je crois, pour aller se réunir et trouver la
solution.
Le Président
(M. Tanguay) : Merci beaucoup. Et nous poursuivons nos échanges
pour un bloc de 10 minutes. Je cède la parole à la collègue de Verdun.
M. Émond :
M. le Président, sans en faire un point de règlement, juste avant de passer de
passer la parole à nos collègues d'en
face, je demanderais gentiment à notre collègue si elle peut déposer à la
commission son intéressant tableau très
pertinent pour qu'on puisse en avoir, tous ensemble, une copie mais surtout
aussi pour éviter que cette majestueuse salle de commission soit un lieu d'affichage permanent d'affichettes de tout
genre, là, pour qu'on puisse enfin avoir l'information.
Le
Président (M. Tanguay) : Alors, je veux juste vérifier, est-ce
que la collègue... Est-ce que vous désirez le déposer? La réponse vous
appartient.
Mme Rizqy :
...M. le Président, évidemment, je ne déposerai pas le carton, mais évidemment,
là, juste la faire... on va l'envoyer par courriel, tout simplement.
Le
Président (M. Tanguay) : O.K. C'est bon. Et, pour la suite de nos
travaux, je pense qu'on l'a vu, si on pouvait juste le rabaisser pour le décorum, la suite de nos travaux, si on peut
effectivement le déposer. Je donne suite à cet élément-là si on peut le...
Alors, maintenant, fin du débat, collègue de
Verdun, la parole est à vous.
• (11 h 30) •
Mme Melançon :
Merci, M. le Président. Je veux vous souhaiter la bienvenue à l'Assemblée
nationale. Je vous accueille avec
vraiment beaucoup de plaisir, parce que, je vais le dire, là, très humblement,
à Verdun, on fait affaire ensemble, on
se connaît bien. Vous êtes le tissu social, bien entendu, et je l'ai dit à
plusieurs reprises, là. Chez nous, c'est Île-des-Soeurs et Verdun, et c'est deux réalités que vous êtes
capables de conjuguer au quotidien, et je vous en remercie infiniment, parce
que c'est important qu'on puisse avoir, bien
sûr, dans chacune des régions mais aussi dans nos quartiers, là, c'est de la
vie de quartier dont il est
question... Et c'est vrai, que c'est une pépinière. Moi, j'ai eu le bonheur,
dans les deux années et quelques mois,
là, comme députée, de voir quelques journalistes passer, et souvent on leur
dit, bien, bienvenue puis, rapidement assez, au revoir, parce qu'il y a des opportunités, et on ne peut pas empêcher
un coeur d'aller vers d'autres cieux. Mais, bref, merci, merci d'être
avec nous aujourd'hui.
Très rapidement, dans votre mémoire, vous parlez
d'enjeux. Le premier enjeu est — et
je vais le lire : «Augmentation significative
du budget gouvernemental à l'égard des placements publicitaires dans les
journaux québécois, qui ne reçoivent pas
leur juste part des investissements publicitaires de l'État.» Est-ce que
vous avez une idée à combien est-ce
qu'on devrait chiffrer le tout? Parce
que moi, ce matin, j'ai fait une demande. Le 2 mai dernier, donc, il y a
une motion qui a été adoptée à
l'unanimité à l'Assemblée nationale. 118 jours plus tard, il n'y a toujours
pas de directive, et 118 jours, là, je tiens à le répéter, c'est quatre mois qu'on vient de perdre, malheureusement, dans des revenus qui peuvent
faire la différence dans nos hebdos mais partout au Québec, quatre mois
qu'on vient de perdre parce qu'il n'y a pas eu de directive de donnée. J'espère que le message aura passé. J'ai demandé à
la ministre de la Culture de faire une directive d'ici vendredi. Si vraiment
ça l'intéresse, là, on aura... on verra. Moi, je
veux savoir la part... dans le fond, est-ce que vous avez chiffré, de votre
côté, à quoi devrait ressembler la publicité gouvernementale?
M. Mulé (Andrew) : La réponse,
elle est très simple : Le maximum. Ça nous intéresse certainement, par
contre je comprends très bien la mission et
la communication que le gouvernement a. Alors, il y a certainement une division
de ce budget-là qui pourrait être
complètement logique, mais retourner un peu plus dans le journal hebdomadaire,
d'après moi, c'est une demande très
petite dans tout ça. Et, si c'est du 20 %, du 50 %, honnêtement,
c'est à la discrétion de vos agences de
publicité d'en décider, de voir comment plus retourner et être beaucoup plus
efficaces pour atteindre vos... nos lecteurs.
Mme Melançon :
Parlons-en, des agences de publicité. De votre côté, ça fonctionne comment?
Parce qu'hier on recevait un groupe,
en fin de journée, là, qui nous disait : Ça n'a aucun bon sens, là, c'est
un peu n'importe quoi, ce qu'on vit,
actuellement. Il peut se passer une crise dans une région, puis finalement,
bien, l'agence de publicité a décidé que c'était dans une autre région
où s'en allaient les sommes. Est-ce que vous vivez ça, vous aussi, au
quotidien?
M. Mulé
(Andrew) : Certainement,
oui, en effet. Nos agences... on a des très belles relations avec certaines de
nos agences, mais en effet ce qui est le plus pire dans notre expérience
au fil des cinq dernières années, c'est vraiment des agences qui proviennent du Canada anglais qui ont pas mal complètement
arrêté d'investir leur argent au Québec, dans nos produits. Alors, si on
regarde ça, il y a des grosses industries, des grosses compagnies canadiennes
représentées par ces agences-là qui sont...
ils ont tourné le dos sur la presse écrite, carrément, sur les
télécommunications, automobiles, on peut
en mentionner plusieurs, le détail. C'est vraiment quelque chose qui a changé.
Par contre, au Québec, notre industrie nous
supporte beaucoup mieux. Alors, c'est très différent, ce qui se passe dans nos
agences québécoises versus les agences aux États-Unis.
Ce qui est
dans le numérique, je pense, les agences, ils ont une mission impossible en ce
moment. C'est très compliqué. Ils ont
des clients qui ont plusieurs... une variété de demandes et ils ne savent pas
nécessairement comment bien y répondre et les adresser.
Mme Melançon :
O.K. Depuis trois jours maintenant, on entend qu'il y a une urgence, hein,
urgence d'agir. On doit être en action, passons à l'action. On entendait hier,
comme le disait ma collègue de Saint-Laurent, le gouvernement dire qu'on voulait attendre après un rapport de
l'OCDE, qui est prévu en 2020, avant de penser à taxer les GAFA, les GAFA,
qui sont... à chaque fois je veux le
mentionner parce qu'il y a des gens qui suivent nos travaux puis pour qui les
GAFA... c'est quoi, ça, GAFA? Alors, ce sont ces géants du Web comme les
Google, Amazon et Facebook. On ne peut pas attendre après 2020 pour commencer à penser à agir, je pense qu'on doit le faire le plus rapidement
possible. Êtes-vous d'accord avec nous là-dessus?
M. Mulé
(Andrew) : Entièrement
d'accord. J'ai vraiment... Dans mon opinion, l'urgence, elle est maintenant,
elle n'est pas dans deux mois, elle n'est pas dans trois mois. C'est
maintenant qu'on doit agir et bouger vite.
Mme Melançon : Et
j'avais fait une réaction à l'époque, dans le Journal Métro,
proposant justement un fonds dédié à
la culture et aux communications avec Netflix, parce que nous, on a décidé
d'agir pour Netflix. On l'a fait, on a pris le taureau par les cornes puis on a dit : Voilà, on va être capables,
nous, de taxer. On annonce autour de 65 millions de dollars pour cette année. Alors, j'imagine qu'avec un
fonds dédié on peut se tourner aussi vers les hebdos. Parce que le problème,
dans le fond, ce n'est pas tant le
contenant. Oui, il y a certaines problématiques avec le papier, là, vous nous avez exprimé toutes ces problématiques-là, mais au final c'est de créer le contenu, et
c'est là où il y a des coûts — puis
là je me tourne un peu vers vous,
Mme Lussier — où
ce sont des salles de presse qui sont coûteuses parce que vous avez de vrais
journalistes qui sont sur le terrain,
qui viennent faire des entrevues et qui, par la suite, vont écrire, et, bon,
ça, c'est coûteux. Mais, si on pouvait
faire un fonds dédié pour pouvoir aider notamment les salles de
presse... parce que je vois, bien
sûr, qu'il y a
des pourcentages, le 35 %... parce que, là, ça oscille,
hein, depuis deux, trois jours, là, ce qu'on entend, c'est entre 25 % et
35 % de crédit d'impôt pour les salles de presse. Mais avec un fonds dédié supplémentaire pour
pouvoir continuer à donner un peu
d'oxygène, vous, là, à quoi est-ce que vous allez... Votre besoin numéro un, il
est où, actuellement? De l'argent, oui, mais pour investir où?
M. Mulé (Andrew) : C'est vraiment pour supporter la salle de rédaction. Tu sais,
là, si j'avais 10 journalistes de plus,
mon contenu serait 10 fois plus intéressant, c'est certain, et plus pertinent. L'île de Montréal est énorme, il y a 3 millions
de personnes qui habitent dessus, là, c'est important.
Couvrir tout ça et tout ce qui se passe sur l'île de Montréal, c'est beaucoup. Je
suis également dans la ville
de Québec, alors couvrir la ville de Québec...
elle n'est pas petite non plus, alors ça prend du monde pour le faire.
Alors, si je pouvais doubler mon nombre de journalistes, je le ferais demain.
Mme Melançon : Je ne veux pas entrer en contradiction avec ce
que d'autres gens sont venus dire, mais, pour moi, la version papier, en tout cas, Verdun IDS, là,
on est passé parfois à de petites versions, et là je vois le journal qui
reprend du poil de la bête, je vais
dire ça comme ça, là, qu'il est beaucoup plus cossu. Comment est-ce que vous pouvez
expliquer ça aussi? Est-ce que le fait d'avoir notamment fait des choix...
Parce que vous avez fait des choix, on avait un journal à L'Île-des-Soeurs, un journal à Verdun, maintenant c'est devenu un
hebdo. Vous en avez fait, des choix, déjà, il y a du travail qui a été fait de votre côté.
Mme Lussier
(Sylviane) : Absolument. Les
crises ont du bon, hein, ça nous permet d'être... ça nous oblige, ça ne nous permet pas, ça nous oblige à être plus
créatifs, à se poser des questions, et c'est ce qu'on a fait dans le cas de Verdun
et de L'Île-des-Soeurs, qui étaient deux
clientèles lectrices. Moi, il y a 10 ans, je n'aurais pas fait ça. J'étais là il y a 10
ans, je n'aurais jamais
jumelé ces deux territoires-là, et c'est quelque chose qu'on a remis
sur le tapis en disant : Bon, maintenant, est-ce
que... et le marché était prêt, parce que beaucoup de choses ont changé à Verdun, c'est un territoire qui s'est
beaucoup transformé. Alors, oui, les crises sont vraiment des moments
pour saisir les occasions, être plus créatifs.
Mme Melançon :
Le Publi-Sac, on a entendu plein de choses, là, se dire au cours des dernières
semaines. Je lisais que, si on abandonnait
le Publi-Sac et si on passait à Postes Canada, comme certains ont manifesté
comme idée, c'était de deux à trois fois plus coûteux pour vous, donc le
modèle d'affaires tombe complètement à plat.
M. Mulé (Andrew) : La seconde que la cible était sur le Publi-Sac,
des représentants de Canada Post m'ont visité rapidement, ils m'ont proposé plusieurs solutions pour voir quel était
le prix. En effet, c'était deux fois ou trois fois le prix de là. Et en plus, pour nous, Canada Post... je
peux vous confirmer quelque chose, le monde ne visite plus leur boîte à lettres
quotidiennement, là, c'est rendu une fois
par semaine, une fois aux deux semaines. Alors, aller chercher un lecteur dans
la boîte à lettres, ce n'est plus la même
affaire que ce l'était quand la poste était livrée chez eux. Alors, pour nous,
le Publi-Sac reste une méthode de distribution très effective pour nos
produits.
Mme Lussier
(Sylviane) : Et les délais aussi. Postes Canada distribuerait sur deux
à trois jours, ce ne serait pas au
courant de la même journée comme c'est le cas en ce moment, parce que, bon, ils
ne vont pas dans tous les marchés à tous les jours, parce qu'eux aussi
ont eu des décisions d'affaires à prendre, alors leurs routes ont été
réaménagées.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci à vous. Je cède maintenant la parole,
pour 2 min 30 s, à notre collègue de Taschereau.
Mme Dorion :
Merci. Bonjour, merci d'être là. J'aimerais qu'on parle des journaux de
Capitales Médias. Je serais curieuse
d'avoir votre avis sur les avantages, s'il y en a, et les désavantages de
l'idée de rachat par Québecor des journaux de Capitales Médias.
M. Mulé
(Andrew) : Ouf! Quelle question. Regarde, moi...
Mme Lussier
(Sylviane) : On a combien de temps?
Des voix :
Ha, ha, ha!
Mme Dorion :
Oui, on a deux minutes.
M. Mulé (Andrew) : Je suis beaucoup... vous m'avez entendu parler,
je crois beaucoup dans l'indépendance du journalisme, je crois beaucoup dans la compétition. Je crois que c'est
important, c'est ça qui nous fait faire des bonnes choses. Je crois que c'est important d'avoir plusieurs
voix au Québec, d'avoir plusieurs angles. Les salles de rédaction très, très
indépendantes, c'est primordial à ce qu'on fait, en effet. Alors, pour moi,
si... Par contre, je ne connais pas la solution magique. Moi, je suis intéressé aussi, j'ai déjà annoncé ça
publiquement. Pourquoi? Parce que je crois dans la presse écrite et je
crois qu'il y a probablement une solution pour sauver Capitales Médias dans
tout ça.
Mme Dorion :
Et qu'est-ce que vous pensez d'une idée de coopérative ou de...
• (11 h 40) •
M. Mulé
(Andrew) : En effet, j'ai exprimé cet intérêt aussi publiquement. Pour
moi, que les employés sont très engagés dans
le processus des affaires, c'est très important. Historiquement, les
journalistes n'ont pas vraiment... puis ils me l'ont exprimé au congrès de la FPJQ l'année passée, ils ne sont
pas au courant de comment les affaires fonctionnent dans leur environnement. Alors, c'est intéressant
de tout à coup avoir un petit bout de tout ça et avoir de la transparence, leur
montrer qu'un, deux, trois ne marche pas
mais un, deux, trois, quatre, cinq pourrait marcher, et ça, c'est quelque chose
qui m'intéresse beaucoup.
Mme Dorion :
Et vous disiez : C'est important, l'indépendance des médias. On a beaucoup
parlé du problème que ça pourrait
être : S'il y a de l'argent public, il faut préserver l'indépendance, mais
on a très peu parlé de : Oui, mais si cet argent-là est privé, aussi il y a une question d'indépendance à
préserver. Donc, vous avez lié un peu ma question sur Québecor à l'idée
d'indépendance, pouvez-vous développer un petit peu en 43 secondes?
M. Mulé
(Andrew) : Sur? Bien, je ne comprends pas. Peux-tu...
Mme Dorion :
Bien, c'est parce que vous parlez d'indépendance, tu sais, c'est important que
les journaux aient leur indépendance,
les journalistes aient leur indépendance. Puis, par rapport à Québecor, est-ce
qu'il peut y avoir un souci d'indépendance par rapport soit au boss, aux
actionnaires?
M. Mulé (Andrew) : Ah! bien, je peux... je ne vais pas parler à ce
sujet-là, je ne vis pas dans cet environnement. Toute ma carrière,
j'étais en compétition contre Québecor, alors je ne peux pas vraiment parler à
ce sujet-là.
Mme Dorion :
Parfait.
Mme Lussier
(Sylviane) : Et les journalistes sont bien protégés eux-mêmes avec
leurs associations, alors il y a des choses
qu'ils peuvent faire. Dans notre environnement, ils sont syndiqués, donc ils
sont protégés de pressions indues qui pourraient être faites par des
patrons, quels qu'ils soient, là, dans quelque organe de presse qu'ils soient
au Québec.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Maintenant, pour
2 min 30 s, je cède la parole au collègue de Rimouski.
M. LeBel :
Merci, M. le Président. Bonjour. Vous aussi, vous déplorez, là, le retrait des
avis publics, là, par les municipalités.
Plusieurs l'ont fait. Il faudra sûrement interpeler le monde municipal,
éventuellement. Mais vous rajoutez : «...la tendance des municipalités est aussi de concentrer la
distribution de leurs informations dans des cahiers ou publications parallèles
aux journaux locaux, privant [...] de revenus...» J'aimerais ça que vous
m'expliquiez c'est quoi. Dans nos régions, on ne le voit pas comme ça,
mais vous...
M. Mulé (Andrew) : À Montréal, c'est très typique que
l'arrondissement ou la ville de Saint-Laurent publie un cahier peut-être mensuel ou... je pense, c'est
mensuel, qui informe de toutes les bonnes choses que la ville apporte à tous
leurs citoyens. Ça, on le voit dans tous nos arrondissements, dans toutes les
municipalités à Montréal. C'est «at large», vraiment, dans ce qu'on fait.
M. LeBel :
O.K. C'est des publications faites par les municipalités qui relaient leur...
Mme Lussier
(Sylviane) : Exact.
M. Mulé (Andrew) : Tous les nouveaux parcs sont publiés là, tout ce
qui se fait de bon dans ce programme, dans ce cahier-là.
M. LeBel :
Ça, c'est des revenus qui avant transitaient par chez vous.
M. Mulé
(Andrew) : 100 %.
Mme Lussier
(Sylviane) : Exact.
M. LeBel :
Le manque à gagner, vous évaluez ça à combien, à peu près?
M. Mulé (Andrew) : Bien, je ne le sais pas, mais je peux vous dire
qu'il y a un gros coût à développer un produit aussi pour la ville. Alors, ils ont décidé que c'était mieux... ils
étaient mieux servis de créer quelque chose, d'avoir quelqu'un du côté communications, d'écrire des textes comme
des communiqués pour les différents arrondissements et de la ville, et
de publier, et prendre les photos, et de dépenser sur l'impression que de
participer dans leur journal local.
M. LeBel :
Et ça, c'est des frais publics.
M. Mulé
(Andrew) : C'est sûr.
Mme Lussier
(Sylviane) : Exact.
M. Mulé
(Andrew) : Je les connais-tu? Non, mais...
Mme Lussier
(Sylviane) : Bien, on l'a chiffré il y a quelques années. Pour la
ville de Montréal, il y avait à peu près 500 000 $ pour la promotion
d'activités et un 500 000 $ en avis publics. Alors, c'est
1 million, quand tout ça est... Mais il y a encore des arrondissements qui continuent d'utiliser le journal de
leur arrondissement, de leur quartier pour promouvoir leurs activités ou
pour des activités...
M. LeBel :
Ça fait que c'est à peu près 1 million de dollars qui transitaient par
chez vous et qui n'est plus là maintenant.
Mme Lussier
(Sylviane) : Exact.
M. Mulé
(Andrew) : Là, on parle de 2015. Alors, si ça a évolué, moi, je te
dirais, ajoute un peu sur ça.
M. LeBel :
Ça fait que, quand on se pose la question : Est-ce qu'on est d'accord que
les deniers publics viennent soutenir
les médias?, dans le fond, les deniers publics sont un peu... servent déjà mais
via les municipalités, via dans leurs propres productions...
M. Mulé
(Andrew) : En effet, oui.
M. LeBel :
...qui est plutôt de la promotion que de l'information.
M. Mulé
(Andrew) : C'est vous qui l'a dit, pas moi.
Mme Lussier
(Sylviane) : Mais, quand on fait du journalisme objectif, c'est ce qui
peut arriver malheureusement, parce
qu'on va publier des choses qui ne mettent pas toujours en valeur le conseil
municipal, alors des fois c'est mal reçu.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Maintenant, pour une
période de deux minutes, je cède la parole à la collègue de
Marie-Victorin.
Mme Fournier :
Merci beaucoup pour votre présentation. Laissez-moi quand même émettre un léger
doute sur le fait qu'il y a juste à
Longueuil que les Publi-Sac s'accumulent dans les tours à condos et les
blocs-appartements, je ne suis pas certaine de ça.
Ceci
étant dit, en ce qui concerne, par exemple, le Journal Métro, qui
est distribué, d'ailleurs, aussi dans ma circonscription, à la station du métro Longueuil, on sait qu'il est
distribué quand même très largement en version papier, ce qui doit quand même
occasionner des coûts importants. Je serais curieuse de savoir quelle est,
disons, la distribution entre la portion numérique et la portion papier, donc, du Journal Métro
que vous distribuez, combien de personnes le consultent vraiment en version
papier versus le numérique. Puis aussi je me demandais si vous aviez entamé une
réflexion, particulièrement peut-être pour
le Journal Métro, qui est distribué plus largement, sur la gratuité de l'information. Quand on parle de revoir les modèles d'affaires, tout ça, je pense que c'est une question qui doit être
abordée. Vous, dans votre cas, le journal papier autant que le contenu numérique est actuellement disponible gratuitement. Donc, est-ce que vous avez réfléchi à cette
question-là?
M. Mulé (Andrew) : Alors, pour répondre à la première question, le Journal
Métro a 1,2 million de lecteurs par semaine et, dans le numérique,
1,35 par mois. Alors, si tu divises ça, le numérique est moins lu que le
journal, et avec raison. Dans le
réseau de métro à Montréal, on a je ne sais pas combien de passagers, mais c'est des millions par semaine, alors, de là, on en passe, et il ne nous en reste plus,
de journaux, du côté papier. Alors, pour nous, ça reste très important, d'avoir
les deux modèles d'affaires parce qu'on
reste avec un produit à succès dans l'imprimé autant que dans le numérique,
chez nous. Puis c'était quoi, la deuxième question?
Mme Fournier :
Sur la gratuité de l'information, est-ce que vous avez réfléchi à ça?
M. Mulé (Andrew) : Ah! mais ça, je vais répéter ce que j'ai dit,
nous autres, on croit dans notre mission, qu'on a un milieu socioéconomique notamment parce qu'on
dessert dans du porte-à-porte et dans les stations de métro qui viennent
des différents milieux socioéconomiques, et de là la gratuité. Je ne dis pas
que pas toute l'information doit être gratuite, mais il doit en avoir du
gratuit pour certains de nos citoyens au Québec.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, merci aux
représentants, représentantes de Métro Média d'avoir participé à nos
travaux.
Et afin de permettre aux représentants du
journal Le Devoir de prendre place, je suspends nos travaux
quelques instants.
(Suspension de la séance à 11 h 47)
(Reprise à 11 h 49)
Le
Président (M. Tanguay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons poursuivre nos travaux, et je suis
heureux d'accueillir... nous sommes heureux d'accueillir les représentants du journal Le Devoir. Bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous disposez d'une période de 10 minutes de
présentation, par la suite vous aurez l'occasion d'échanger avec les collègues députés. Pour les fins d'enregistrement, je vous
demanderais de bien vouloir préciser vos noms et fonctions. Et, sans
plus tarder, la parole est à vous.
Le Devoir
M. Myles
(Brian) : Bonjour, MM. et
Mmes les députés. Merci beaucoup de nous recevoir ici aujourd'hui. Je vous présente André Ryan, président du conseil d'administration du Devoir, un de nos nombreux bénévoles
dédiés, moi-même, Brian Myles, directeur du Devoir
depuis bientôt trois ans.
• (11 h 50) •
Aujourd'hui, nous voulons vous entretenir de notre mémoire. Nous allons passer sur
les grandes recommandations, les
principales, mais d'abord il m'apparaît important de vous rappeler les
principes qui nous guident, principes que nous vous invitons à suivre ou
à vous inspirer afin d'élaborer d'éventuelles mesures de soutien.
D'abord,
il y a un enjeu d'équité et d'universalité. On souhaite mettre fin aux aides
temporaires et à la pièce dans le
domaine des médias, qui viennent fausser le jeu de la concurrence. On souhaite
aussi préserver l'indépendance des médias et on croit qu'on peut y arriver avec des mesures fondées sur des
critères quantitatifs et non pas sur des jugements de valeur.
On veut
parler de transparence, parce que nous, au Devoir, on croit que, si
on reçoit de l'aide publique, il faut avoir le minimum de transparence requise, et de l'afficher publiquement, qu'on
reçoit des aides, et de s'assurer qu'on consacre ces aides-là à
l'essentiel, c'est-à-dire la production de journalisme, d'information de
qualité.
On a un souci
de pluralité et de diversité des voix, et donc on vous fera des recommandations qui vont peut-être
profiter davantage à des hebdos qu'au Devoir lui-même, mais le tout est
fait dans un souci de stabiliser l'ensemble des médias québécois, peu importe leur modèle d'affaires, et le
critère d'intérêt public, qui nous guide, qui nous unit tous, parce qu'au
fond les médias, je n'ai pas besoin de le répéter, vous le savez tous, c'est un
indispensable d'une démocratie en santé.
Alors, pour l'instant, avant d'aller plus loin,
je cède la parole à Me Ryan.
M. Ryan
(André) : Bon, alors donc, pour commencer, j'aimerais vous dire que Le Devoir
se porte bien, c'est une bonne
nouvelle. Le succès du Devoir est fragile mais il est bien réel. Nous
avons généré des surplus au cours des deux derniers exercices, au cours
de quatre des six derniers exercices. Ce succès repose principalement sur les
nombreux sacrifices qui sont faits par les
artisans du Devoir, dont le travail augmente, change, se transforme,
mais qui continuent à donner tout ce
qu'ils ont pour produire un journal de qualité à chaque jour. Il repose aussi
très, très fortement sur une relation intime avec une communauté de
lecteurs, que nous entretenons. Et les lecteurs supportent Le Devoir.
On reçoit des donations de 5 $, qui sont importantes pour le donateur,
comme on reçoit des offres de fondations bien nanties pour des donations
beaucoup plus significatives, dont nous parlerons plus tard.
Moi, mon
rôle... En commençant, je voudrais vous parler de deux choses, parce qu'on
parle beaucoup de modèle d'affaires
et on parle beaucoup de structure juridique — ce sont deux choses complètement
différentes — de
structure de détention. Le modèle
d'affaires du Devoir repose sur trois axes, et je les expose très, très
rapidement. D'abord, vous le savez,
l'abonnement est le mur payant. Donc, nos lecteurs contribuent à notre santé
financière en payant pour de l'information. Deuxièmement, le maintien du papier. Alors, on a fait le choix, il y a
quelques années, de continuer dans le papier tout en adoptant et en prenant le virage numérique. Nos
revenus numériques aujourd'hui sont supérieurs à nos revenus papier, mais
nos revenus papier sont une part essentielle
de notre succès. Troisièmement, trois plateformes numériques : la
tablette, le site Internet et le
portable. Le portable ou le téléphone mobile est un axe principal pour notre
plateforme numérique. Vous le savez tous, la monétisation sur le
portable est plus délicate, mais on a investi beaucoup dans le portable.
Au niveau de
la structure juridique maintenant, la structure de détention, notre modèle
d'opération, il repose également sur trois axes. D'abord, Le Devoir
inc. Le Devoir inc. est une société par actions au sens de la Loi sur
les sociétés par actions. Nous avons des
actionnaires qui ont capitalisé. Le Devoir est bien capitalisé. Les
actionnaires sont très patients, on les
remercie. Le Devoir est aussi administré par une équipe de
direction, bien sûr, mais un conseil d'administration dont les membres proviennent de six secteurs d'activité
différents et qui contribuent tous sur une base bénévole, dont le soussigné.
Le deuxième axe, c'est bien sûr la Fiducie Le
Devoir. La Fiducie Le Devoir est au coeur de l'indépendance
éditoriale du journal. La Fiducie Le
Devoir détient 51 % des actions votantes du Devoir et la
fiducie place entre les mains du directeur du Devoir lesdites actions pour la durée de son mandat, ce qui
assure ainsi l'indépendance éditoriale de la direction. Et je vous dirais que la règle d'or au conseil
d'administration du Devoir, c'est qu'on ne se mêle pas de contenu, et
c'est compris et accepté de tout le monde, y compris du président.
Le troisième axe, qui est également
très important et qui participe activement à notre relation avec le lectorat,
ce sont Les Amis du Devoir. Les
Amis du Devoir, c'est une fondation qui existe, et qui accompagne Le Devoir
depuis ses tout débuts, et qui joue
un rôle des fois ponctuel mais qui est toujours là en sourdine prête à
contribuer. Au cours des... je ne veux
pas tromper les chiffres, mais au cours des quatre dernières années, ce sont
plus de 2 millions de dollars qui ont été recueillis par
l'intermédiaire des Amis du Devoir au soutien de la cause du Devoir.
Je
voudrais vous signaler en terminant, de mon côté, que les récents changements, les
programmes fédéraux qui ont été
annoncés n'ont pas qualifié Les Amis du Devoir comme organisme qui est
apte à émettre des reçus de charité, et on compte sur le soutien de tous les partis représentés à l'Assemblée
nationale pour porter notre message à Ottawa à l'effet qu'il n'y a pas
de raison pour laquelle Les Amis du Devoir ne devrait pas être reconnu à
ce titre. Brian.
M. Myles
(Brian) : Bon, Me Ryan a parlé des distinctions à faire entre
structure juridique et modèle d'affaires, je vais vous parler de qualité d'information, parce que c'est le coeur du
propos aujourd'hui, c'est ce qu'on souhaite tous soutenir, autant vous que nous. Que l'on soit à but
lucratif, ou incorporé, ou en modèle coopératif, que l'on mise sur la gratuité
des abonnements ou le modèle payant,
la gratuité des contenus ou le modèle d'abonnement, ce n'est pas ça qui
garantit la qualité de l'information.
La qualité de l'information vient du fait qu'on a des journalistes compétents,
rigoureux, qui se dédient, se
consacrent à la tâche d'informer, à l'exclusion de toute autre activité
incompatible, et qui sont supportés par des éditeurs, des patrons de
presse courageux.
Alors,
il se fait de la très bonne qualité dans un média 100 % gratuit comme La Presse,
dans un média 100 % financé par l'État comme Radio-Canada, dans un
modèle mixte comme Le Journal de Montréal, qui a un bout de gratuité numérique, un bout payant en papier, et au Devoir,
où tout est payant. Ce n'est pas un enjeu. Alors, nous, on vous dit :
Soyez, s'il vous plaît, agnostiques dans vos propositions, visez
l'universalité dans vos interventions.
Le
mémoire comporte 17 recommandations, il y en a qui sont basées sur un soutien.
Le soutien va être nécessaire. Je ne
referai pas le portrait de la crise des médias et de l'exode des revenus
publicitaires. Nous, on se positionne d'entrée de jeu en faveur du crédit
d'impôt sur la masse salariale. On a mis un seuil de 25 % pour, je veux
dire, faire la parité avec ce que le
gouvernement fédéral a proposé mais on est flexibles. 25 %, avec un
salaire de 55 000 $ maximum, c'est une piste de départ. On peut très bien amener le crédit à
35 % mais on tient au moins à un plafond. Et, si on devait monter le
plafond, on vous suggère le salaire
moyen en journalisme. Pourquoi? Parce qu'on veut éviter une inflation
salariale, une concurrence indue pour
recruter les talents. Et on garde en mémoire l'aventure, qui devient
désastreuse, du crédit d'impôt dans l'industrie du jeu vidéo, qui est parti d'une très bonne intention et qui finit par
être critiqué par les gens qui n'en bénéficient pas, parce qu'on a créé
une chasse aux meilleurs programmeurs dans l'industrie à Montréal.
On estime que
d'autres mesures sont importantes aussi, notamment pour les hebdos puis les
quotidiens qui ont encore des versions
imprimées. On pourrait envisager un soutien à la distribution, un soutien à
l'abonnement puis à la diffusion tant
et aussi longtemps que ces clientèles-là voudront leurs journaux papier. C'est
un enjeu d'équité intergénérationnelle, je vous dirais. Il y en a qui y tiennent encore, au papier. Ces
citoyens-là y ont droit, à plus forte raison dans des régions où on
n'est même pas capables de donner une connexion Internet décente encore en
2019.
On
souhaite également une politique de placement éthique en matière de publicité. Le Devoir
ne reçoit pas sa juste part en
publicité nationale. Et on veut qu'il y ait un registre de la publicité
gouvernementale, un plafond de 5 % sur la publicité qu'on place
dans le GAFA, un fonds pour récupérer les recettes fiscales du GAFA et soutenir
l'industrie culturelle et médiatique. Et
tout ça, c'est un bouquet de mesures qui, si on les prend ensemble, vont nous
permettre de soutenir d'une manière
durable et pérenne la presse d'information au Québec. Et enfin on vous propose,
pour ceux qui misent sur le modèle d'abonnement,
un crédit d'impôt de 25 % qui est donné aux contribuables, qui viendrait
faire une bonification par rapport au crédit actuel de 15 % au
gouvernement fédéral.
Évidemment
qu'on compte sur vous pour interpeler le gouvernement fédéral et faire corriger
la situation inique dans laquelle se
trouve Les Amis du Devoir. La plus vieille organisation philanthropique
au Canada dans le domaine des médias, fondée
pour la première fois en 1916, est exclue d'un programme qui vise à encourager
la philanthropie dans les médias au
Québec. Aujourd'hui, nous faisons une campagne de financement avec une main
attachée dans le dos. Et les contributions dont André vous a parlé, une
fondation privée plus d'autres donateurs, cette inéquité de traitement fait en
sorte qu'on a un impact financier potentiel
qui peut aller de 500 000 $ à 750 000 $ dans les deux,
trois prochaines années. Alors, pour nous,
c'est important. Ça ne va pas faire en sorte que Le Devoir va
glisser sous le seuil de la rentabilité. On bataille très ferme pour
arriver à maintenir tout ça à flot et on le doit à des journalistes dédiés, des
lecteurs qui ont Le Devoir tatoué sur
le coeur et des bénévoles, au conseil d'administration, qui donnent du temps
généreusement, dont André fait partie, et le succès du Devoir repose
dans cet engagement-là. Merci.
• (12 heures) •
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup pour votre présentation.
Maintenant, pour un bloc de 15 minutes, je cède la parole au collègue de
Beauce-Sud.
M. Poulin
(Beauce-Sud) : Merci, M. le Président. M. Ryan, M. Myles, content de vous
retrouver et de vous entendre également
nous partager de bonnes nouvelles dans l'univers des médias, parce qu'on sait qu'il y a des médias pour qui ça va bien, d'autres ont des défis, mais pour qui, déjà,
plusieurs années ont certainement concentré et surtout diversifié leurs sources
de revenus.
Vous nous avez parlé
des Amis du Devoir, exclue au niveau fédéral. J'aimerais juste savoir
quelles ont été les réponses préliminaires du fédéral qui expliquent cette
décision?
M. Myles
(Brian) : Bien, écoutez, là,
on est dans une partie de tennis où le politique renvoie la balle à la fonction
publique et vice versa. Essentiellement, la loi a été ainsi faite et interprétée
qu'il faut avoir deux choses pour obtenir cette mesure-là : d'une part, produire le
contenu journalistique, d'autre part, être à but non lucratif. Nous, on se
trouve avoir la moitié dans chacune de nos organisations. Le Devoir
est à but lucratif et produit le contenu. Les Amis du Devoir ne produisent pas le contenu mais sont à but non
lucratif. Et l'argument, c'est qu'il faut qualifier des fondations de soutien
comme Les Amis.
Et il y en a d'autres aussi, en passant. Le Winnipeg
Free Press est privé de dons qui sont dans les sept chiffres en ce moment,
parce qu'ils sont exclus également. Et notre argument, c'est qu'on ne peut pas
attendre ou envisager que tous les
médias vont adopter le statut d'OBNL. L'OBNL, ce n'est pas une panacée, là. On
l'a très bien expliqué, il faut être capable de qualifier les
fondations, et c'est là qu'il y a un bras de fer important entre le politique
et la fonction publique.
M. Poulin
(Beauce-Sud) : Sans compter, dans l'univers médiatique dans lequel il
évolue, il pourrait y avoir une ouverture fort intéressante face à la
situation que les médias vivent, sur le fait que vous jumelez vos sources de
revenus provenant de différents endroits.
Alors, c'est un modèle qui est pérenne, qui est innovateur puis qui est important.
Alors, il devrait y avoir une ouverture, effectivement, du côté du
gouvernement fédéral.
Je
veux vous entendre, parce qu'on parle beaucoup de revenus, bien évidemment,
dans cette commission parlementaire, c'est
très important, mais, dans les premiers mots que vous nous avez signifiés, ce
sont les sacrifices que vous avez faits comme média. Vous avez parlé
également de vos employés qui ont fait des sacrifices dans la réorganisation du
travail. J'aimerais que vous nous en parliez
un peu, parce que, bien évidemment, comme gouvernement, comme État public,
lorsqu'on remet de l'aide aux institutions, on souhaite bien évidemment
savoir ce qu'ils vont faire avec.
Alors,
vous, vous avez ciblé des niches importantes. Vous avez tenu à garder une salle
de rédaction importante, un bureau parlementaire ici, à l'Assemblée
nationale, et Dieu sait que c'est important, de conserver nos journalistes ici,
compte tenu qu'ils vivent le quotidien du
Parlement. Vous avez fait ce choix-là, et j'invite l'ensemble des médias qui
nous écoutent à continuer de le
faire. Alors, j'aimerais que vous nous parliez de ces choix-là que vous avez
faits et qui pourraient éventuellement peut-être en inspirer d'autres.
M. Ryan
(André) : Tout ce
que je vous dirai comme... Du point
de vue du conseil, par exemple, quand on regarde les diverses négociations qu'on a avec nos
unités d'accréditation, les ajustements dont nous discutons avec les membres syndiqués, je veux dire, c'est très, très
modeste. Et ce qu'on se bat pour faire de manière responsable, c'est de
maintenir leur capacité d'achat, leur
pouvoir d'achat. On n'est pas dans les... On ne peut pas envisager avec eux
d'aller au-delà de ces choses-là, et c'est très bien compris et accepté.
Donc, a priori, moi, c'est l'élément que je voudrais partager. Bryan peut
ajouter...
M. Myles
(Brian) : Bien, en complément de ça, on a fait aussi des employés des
partenaires du projet. Le syndicat de la rédaction du Devoir a pris
200 000 $ dans sa caisse syndicale et l'a investi dans Le Devoir
pour avoir un siège au conseil, non
seulement au conseil d'administration, mais au comité exécutif. Ils obtiennent
tous les chiffres, ils savent de quoi
est faite la nature de la bête. Et, quand on leur dit qu'on doit se serrer la
ceinture, parce que ça arrive par moments, ils comprennent pourquoi.
Maintenant, l'autre
bout de la réponse, sur l'axe des contenus, c'est qu'on a fait des choix. Ce
n'est pas dans Le Devoir qu'on trouve l'essentiel des résultats sportifs.
On a certains secteurs qu'on ne couvre pas ou très peu, et on mise sur certaines forces, puis on mise sur des
contenus qu'on estime utiles pour nos lecteurs. On n'est pas parfaits, on ne
réussit pas tout le temps. Mais on
sait qu'on a des niches fortes en éducation, en débat d'idées, dans l'environnement,
la politique, évidemment, fédérale,
provinciale, et tous les sujets qui nous amènent à penser un peu plus loin que
le bout de notre nez. Et c'est comme ça qu'on y arrive.
Et
le crédit d'impôt — parce
que je vous vois venir — il va servir à quoi? À stabiliser ce qui coûte le plus cher, c'est
la salle de rédaction, le journaliste, et à
prendre plus de risques dans les embauches, dans le maintien des emplois et
dans la croissance. Mon collègue
Andrew Mulé en a parlé, de ça. Si j'ai plus de crédits d'impôt, aussi plus de
flexibilité, bien, ce n'est pas
sorcier, je vais investir dans le contenu, parce que, quand on cherche à créer
un contrat fort avec le lecteur, il faut lui donner du contenu.
M. Poulin
(Beauce-Sud) : Merci.
Le
Président (M. Tanguay) : Alors, nous allons poursuivre avec le
collègue de Saint-Jérôme et, par la suite, nous irons avec le collègue
de Sainte-Rose. Collègue de Saint-Jérôme.
M. Chassin : Merci beaucoup de votre présentation. Évidemment, en 10 minutes,
vous nous faites un survol. Donc, je
voudrais peut-être parler avec vous des moyens pour préserver l'indépendance
des médias, vous avez insisté là-dessus. Évidemment, dans une perspective où on met fin aux aides à la pièce, on
va vers une aide, par exemple, universelle, on aide beaucoup de médias, y compris des nouveaux médias qui pourraient
apparaître, ça devient peut-être complexe, de calibrer le système d'aide
pour être certains qu'on atteigne les bonnes cibles.
Dans
votre mémoire... puis j'attire peut-être principalement votre attention sur les
recommandations 15, 16, 17, mais
on mentionne notamment qu'il faut éviter, par exemple, que le soutien soit
conditionnel à l'adhésion au Conseil de presse ou à des critères qualitatifs,
que le gouvernement ait à juger, par exemple, de la pertinence ou de
l'exactitude et de la qualité de l'information. Puis vous avez mentionné, dans
votre présentation, rapidement, qu'il pourrait y avoir des critères non
pas qualitatifs, cette fois-ci, mais quantitatifs. Est-ce que vous pourriez
élaborer là-dessus?
M. Myles (Brian) :
Sur la question du Conseil de presse, Paule Beaugrand-Champagne, présidente du
conseil, a publié une lettre cette
semaine, et elle-même disait qu'elle ne souhaite pas l'autorégulation forcée
qui devient de la régulation obligatoire,
et elle souhaite que l'on préserve l'importance de la liberté de presse.
Comment on peut y arriver? C'est très simple, on y est déjà arrivés. Je
vous invite à retourner dans le libellé de la mesure, le crédit d'impôt de
35 % sur le développement numérique,
qui a été voté dans le dernier budget Leitão, qui était l'oeuvre du
sous-ministre Luc Monty et son
équipe. C'est un crédit génial, et d'ailleurs on y tient. J'ai oublié de
mentionner l'importance de maintenir les programmes actuels, qui ont un
impact réel. Ce crédit de 35 %, pour Le Devoir, est très
important et il est important pour tous les petits
joueurs dans l'industrie qui n'ont pas les moyens de se payer des gros
planchers technologiques. C'est un crédit qui permet de financer
d'autres types de dépenses comme les licences, les consultants, etc.
Maintenant,
si vous embarquez dans la logique du qualitatif, vous allez devenir les
arbitres du bon et du mauvais goût dans l'industrie des médias, et c'est
ce qu'on veut éviter. La mesure fiscale du budget Leitão prévoyait que l'aide s'appliquait à des médias qui étaient en activité
depuis au moins un an, qu'ils soient numériques ou papier, qu'ils aient un
seuil minimum de journalistes rémunérés à
temps complet, parce que l'information devient sérieuse quand on est capables
de payer quelqu'un pour s'y consacrer, et
les seuils étaient très bas, on parlait de deux journalistes — on peut faire des seuils plus élevés pour les quotidiens, des seuils moins
élevés pour les marchés régionaux et les hebdos — et
ensuite couverture d'actualité
d'intérêt général, et on mentionnait qu'il fallait couvrir au moins trois
familles d'actualité parmi une liste de sept, la liste comportant la politique, les affaires municipales,
l'économie, l'environnement, etc. Alors, ça, ce sont tous des paramètres d'ordre quantitatif qui existent déjà.
Et je vous invite à vous inspirer de ça, d'autant plus que le fameux groupe
d'experts indépendants qui a validé les mesures fédérales, groupe qui a fait un
très bon travail, soit dit en passant, est allé chercher cette mesure du budget Leitão et l'a importée dans son propre
rapport. Alors, c'est un peu la... c'est une boucle complète. Vous
l'avez, cette réponse-là, on n'a pas besoin de chercher si loin.
Le
Président (M. Tanguay) :
Pour les fins de procédures, peut-être juste préciser «de l'ex-ministre des Finances».
On ne peut pas se nommer par... C'est un détail, mais merci pour votre
collaboration, oui.
M. Myles
(Brian) : Pardon.
Le Président (M.
Tanguay) : Collègue de Saint-Jérôme.
M. Chassin : Merci beaucoup.
Le Président (M.
Tanguay) : Ça vous va? Collègue de Sainte-Rose.
M. Skeete :
Merci, M. le Président. Bienvenue, en passant, à la commission. Je serais
curieux de vous entendre. Il y a beaucoup de médias qui ont fait le choix d'offrir le
contenu gratuitement. Vous, vous avez opté pour un «paywall». Puis je
serais curieux d'entendre le moment de cette décision-là, comment cette
décision-là a été prise, comment vous voyez
la décision d'autres médias qui ne l'ont pas prise comme ça, parce que
je pense que beaucoup de l'enjeu est là, là. Est-ce
que l'information, elle est
gratuite ou pas? Est-ce qu'elle est... Tu sais, je pense que le gros débat, il
est là. Vous, vous avez fait un choix qui est différent de beaucoup de
médias, et je serais curieux de vous entendre.
• (12 h 10) •
M. Ryan
(André) : Je vais me
permettre de donner quelques éléments de réponse. D'abord,
dans notre cas, on parle d'une
décision, bien sûr, parce
que c'est un choix stratégique, mais
c'était aussi une non-décision, parce
que, historiquement, on a toujours eu des abonnés, et donc, je vous dirais, le mur
payant sur les médias numériques, c'est une extension de notre modèle
existant, qui, lui, est fondé sur l'abonnement.
On
a beaucoup d'échanges avec nos confrères, consoeurs des
autres médias qui ont fait d'autres choix stratégiques, et on est confiants, là, et d'ailleurs Brian l'a exprimé
en commençant, que l'un ou l'autre modèle n'est pas un gage de succès ou encore de qualité de l'information. Il y a de la place pour tous. Nos prédécesseurs à la
table ont aussi choisi la gratuité, et
ça leur sied. Je trouve qu'on est un peu mal placés, de façon bien candide...
Je comprends votre question et son intérêt, mais moi, j'ai envie de vous dire qu'on
respecte les choix qui sont faits par les autres.
Il est évident, par
contre, que nous croyons dans le modèle que nous avons choisi et épousé, dans
lequel nous investissons. On va se dire les
vraies choses, là, aujourd'hui, 70 %
de nos revenus, 70 % de nos revenus, proviennent de nos lecteurs soit à travers l'abonnement, le mur
payant ou encore à travers les contributions volontaires qu'ils nous font
par l'intermédiaire de donations.
Donc,
pour nous, c'est fondamental mais ça ne veut pas dire qu'un média comme celui
auquel vous aurez l'occasion de vous
adresser cet après-midi, qui est La Presse+, n'a pas entre les mains un
modèle qui est porteur et qui peut leur garantir un succès. Je... très délicat pour nous de nous avancer plus loin sur ce
sujet-là, malgré l'intérêt qui est suscité par votre question.
M. Skeete : C'est délicat, certes, mais c'est très important,
parce qu'on parle ici de financement, et moi, le
premier... Moi, je suis un jeune de
l'Internet, j'adore mes nouvelles gratuites. Pour moi, la question
de la gratuité ou pas, elle est fondamentale. Sans
vouloir critiquer les autres qui ont fait des choix différents, pouvez-vous peut-être
me donner une idée, là... Vous avez dit que 70 % provenaient des
abonnements. Est-ce que vous avez vu fondre vos revenus publicitaires? Comment
votre modèle d'affaires est supporté par vos choix stratégiques?
M. Ryan
(André) : D'abord, comme tout le monde, les revenus publicitaires ont
chuté dramatiquement. Cependant, je
vous dirais, au cours des deux dernières années, on les a stabilisés et on a
même eu une légère hausse l'an dernier. Donc, en ce qui nous concerne, on pense que notre modèle
répond à un marché puis que les annonceurs, chez nous, supportent les
choix qu'on a faits.
Je voudrais
porter à votre attention... J'ai vu cette semaine, comme plusieurs d'entre
vous, un choix qui a été fait par Le Groupe Capitales Médias de lancer un appel
au soutien du public. Et, dans la formule qui est utilisée, et que j'ai regardée de façon très préliminaire, là, je vous
le dis, ce que l'on voit, c'est qu'ils proposent à un certain public qui va
faire des donations d'avoir accès à
certains privilèges ou certaines pièces d'information qui ne seront pas, par
ailleurs, disponibles, par exemple,
universellement et gratuitement sur leur plateforme numérique. Je vous dis ça,
pas pour valider ce choix-là ou
encore le comparer à un autre choix qui est fait par un autre média, mais pour
vous dire que, même pour un média comme Groupe Capitales, qui a un modèle mixte — d'un côté, vend de l'abonnement, d'un autre
côté, rend, sur ses plateformes numériques,
l'essentiel de son contenu disponible gratuitement — dans leur réflexion, aujourd'hui ils
disent : Bien, nous, on va adopter, dans notre mixité, une nouvelle
forme de contribution de nos lecteurs.
M. Myles
(Brian) : En complément, si je peux me permettre, la publicité, chez
nous, a subi une chute de 30 % par rapport au niveau de 2013, et on a préservé nos recettes parce qu'on a
fait des augmentations ailleurs. André a parlé d'une stabilisation, c'est vrai. On a projeté de la
croissance dans les ventes publicitaires l'an passé, et, encore cette année, croissance
cette année dans les... plus de 10 %
même, ce qui est exceptionnel dans le marché, mais c'est parce qu'on ne dépend
pas exclusivement de la publicité.
Maintenant,
la grande question quand on choisit la gratuité, c'est qu'on va se retrouver en
concurrence frontale avec le GAFA
pour les revenus de publicité. Et nous, on n'est pas capables de faire ce
choix-là, on n'est pas capables de faire ce pas-là. On a toujours été
une niche. Le Devoir n'a pas les succès d'audience et de masse de
ses concurrents dans le marché. C'est, des
fois, des choix qui se font d'une manière indirecte. Ils sont conditionnés par
ce qu'on est, c'est des choix de
nécessité. Mais, à partir du moment où on est une niche, on estime que notre
avenir repose davantage dans le contrat social avec le lecteur et le
donateur, et c'est ce qui nous permet d'arriver à l'équilibre.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci. Pour la dernière 1 min 20 s, je cède la parole au
collègue de Saint-Jean.
M. Lemieux :
Merci beaucoup, M. le Président. Il est ironique, à certains égards, même
cynique que ceux qui ne voudraient
pas qu'on vienne en aide aux médias vous citent en exemple parce que vous avez
passé au travers. C'est de ne pas voir le reste de la crise et des problèmes
auxquels vous faites face vous-mêmes.
Il me reste
juste une minute, puis j'ai compris tout ce que vous avez écrit, et j'avais
jauni à peu près tout ce que vous
avez dit, mais je suis quand même curieux. On s'est fait dire, puis il y
en a d'autres qui vont venir nous le dire aussi, que des incitatifs à l'achat de publicité pour la
presse locale et régionale, parce que c'est un énorme pan de cette commission,
ne seraient pas plus bénéfiques mais
seraient aussi bienvenus que des crédits à l'emploi. Vous parlez de programmes
d'aide universelle, et tout ça.
Est-ce que vous faites des différences qui nous permettraient de moduler l'aide
pour le local et le régional?
M. Myles
(Brian) : La presse régionale va devoir être traitée d'une manière
différente des grands quotidiens. Ça paraît paradoxal, ce que je vous
dis, en même temps, on peut attacher ça dans une recherche d'équité, d'où
l'expression «bouquet de mesures». Le
soutien à la diffusion puis à l'abonnement numérique peut avoir son utilité
pour ces joueurs-là. Le retour des
avis publics dans les hebdos locaux est essentiel. Je ne comprends pas les maires d'avoir fait tant de pressions
pour avoir la possibilité de ne plus annoncer leurs avis publics dans les
hebdos locaux et de pleurer aujourd'hui la mort imminente de l'information locale. L'UMQ est en contradiction flagrante là-dessus.
Notre bouquet de mesures, c'est très important,
surtout pour le local, où on a moins de journalistes. Donc, le crédit sur la
masse salariale pèse moins lourd.
Le Président (M. Tanguay) : ...bloc
de 10 minutes, je cède la parole à la collègue de Verdun.
Mme Melançon : Merci. Bonjour,
messieurs. Merci de votre présence aujourd'hui.
Très
rapidement, parce que j'ai plusieurs questions pour vous, je suis allée rapidement
voir la recommandation n° 7, là, les collègues en face vont sûrement
sourire, mais «que le gouvernement adopte par décret la politique de placement publicitaire du Québec, laquelle limitera à
5 % du budget publicitaire annuel, pour tous les organismes
publics, la part [de] placements
faits dans des entreprises étrangères». Vous êtes le premier groupe à le
chiffrer, je le garde bien en mémoire, là. Ce matin, j'ai fait une demande auprès de la ministre de la Culture, justement, pour aller rapidement avec une directive
pour la publicité gouvernementale. Je le répète, ça fait 118 jours qu'on attend un geste de sa part
concernant une directive pour la
publicité gouvernementale, j'espère qu'on sera entendus, et, ce
5 %, je le trouve vraiment très intéressant.
Alors, c'était un remerciement.
Rapidement
aussi, vous en parlez, là, ces géants du Web, qui sont terrifiants, là,
j'imagine, lorsqu'on fait partie de ce groupe média puis qu'on voit ces gens-là
arriver. L'idée de taxer ces géants du Web, je pense que, clairement, vous avez
dit que vous étiez en accord. J'imagine que vous sentez, vous aussi, l'urgence
d'agir?
M. Myles (Brian) : Oui, parce
qu'au fond, là, on a laissé une sorte d'éthique libertarienne investir nos
sociétés démocratiques. Ces compagnies
transfrontalières qui ont délocalisé la main-d'oeuvre, les profits, leur marché
mondial, et ils échappent
complètement à l'encadrement fiscal puis aux obligations qui sont imposées à
d'autres, et on le voit dans le commerce
électronique aussi, le commerce de détail, dans l'hôtellerie, dans l'industrie
du taxi, partout. Il faut ramener l'équité fiscale. Et maintenant il faut faire un pas de plus, c'est de prendre
les revenus de taxation pour créer un fonds qui va financer à
la fois la production culturelle et médiatique. Et là j'en viens à une
recommandation qu'on passe rapidement, mais il faut plaider l'exception culturelle, là. On reste une
petite nation, et il faut défendre, d'une manière ferme et courageuse, notre
singularité en Amérique du Nord.
Mme Melançon :
C'est une proposition que j'ai faite déjà l'année dernière, d'avoir un fonds
dédié, justement, à la culture. Et,
lorsqu'on parle de souveraineté culturelle, on en a parlé amplement hier et
avant-hier, mais, si le gouvernement fédéral
veut laisser sur la table certaines... bien, certains... ne serait-ce que des
points, même, de TPS, mais on sera prêts à aller faire ce débat-là puis
de mettre notre pied à terre.
Cela étant
dit, il y a aussi une proposition... Et, un peu plus tard aujourd'hui, on va
entendre Télé-Québec devant nous. Il
y a des gens qui pensent que d'entrer Télé-Québec dans la course peut sauver
une forme de... mais la partie des régions,
je dirais ça ainsi. Qu'est-ce que vous en pensez, vous, de voir Télé-Québec...
parce que c'est une idée qui avait vu le jour à quelque part en 2011,
alors que vous étiez aussi à la tête de la FPJQ.
M. Myles
(Brian) : Oui, puis cette idée-là... On me fait porter beaucoup de
responsabilité pour l'échec du projet, là,
mais personne dans l'industrie n'en voulait, et la FPJQ était un interlocuteur
parmi tant d'autres qui ne voyait pas un rôle accru pour Télé-Québec. Télé-Québec fait très bien son mandat
éducatif et culturel, et pourrait le faire mieux avec plus de ressources,
et, je le dis, ils le font très bien, et dans le domaine de l'enfance
également.
Maintenant,
leurs capacités en information ne sont plus là, sont inexistantes, il faudrait
tout reconstruire. Ce n'est pas vrai,
que tout est en place à Télé-Québec pour devenir un grand média d'information,
et ça viendrait encore plus mettre de
pression sur les joueurs qui existent déjà. Je ne pense pas que c'est une
solution pérenne. Au contraire, il y a d'autres choses à faire pour
soutenir la diversité et l'industrie actuelle des médias.
M. Ryan
(André) : Donc, en complément, puis, j'imagine, de manière très, très
simple, on ne voit pas comment l'addition d'un joueur dans l'industrie,
financé par l'État, viendrait régler les problèmes du secteur.
• (12 h 20) •
Mme Melançon :
Parlant des problèmes du secteur, on a rencontré, ce matin, Le Groupe Capitales
Médias. On a lu, dans différents
journaux, on a entendu aussi l'intérêt que Le Devoir portait au journal Le Soleil. Est-ce que vous
pouvez nous en dire peut-être un peu plus?
M. Ryan
(André) : On peut élaborer
un peu pour vous expliquer la source de notre intérêt. Le Soleil, en
fait, ça repose, encore une fois, sur trois principes assez simples. Le
premier, c'est que Le Soleil a un modèle qui est fondé sur l'abonnement dans la grande région. Ils ont des
abonnés, ils ont du monde, donc, qui adhère à un modèle qui ressemble au
nôtre, qui a une identité à ce niveau-là. On
pense que la marque Le Soleil jouit encore d'un grand prestige dans la
région, qu'il y a une identité. Cette relation un peu particulière qu'on
a décrite, que Le Devoir vit avec son lectorat, on pense que cette
relation existe aussi entre Le Soleil et son lectorat. Et, je vous
dirais, historiquement aussi, peut-être, sur un troisième point, c'est un média qui est associé à une qualité
d'information, à de l'analyse, et, là encore, on a une identité.
Maintenant, je dois mettre deux bémols sur ce
que nous avons dit. Premièrement, contrairement à d'autres, on n'a eu aucun
accès à des données particulières. On a entendu, comme vous, ce matin,
M. Gagnon venir fournir certaines explications
additionnelles, et il y a des choses très, très préoccupantes dans ce qu'il
dit. Nous, on est... Tantôt, j'entendais le député de Saint-Jean vous dire : On a tellement de succès qu'on
se demande pourquoi on vient vous demander de l'aide. Notre succès, je l'ai dit, il est bien réel mais
il est très fragile. Il repose notamment sur les programmes qui sont mis en
place et déployés par les paliers de
gouvernement. On ne voudrait pas que ça... On n'a pas un capital infini pour
investir. On ne mettra certainement
pas Le Devoir à risque pour sauver Le Soleil. Cependant,
l'intérêt est bien réel, et on a une identité qui est bien sentie.
Je voudrais
juste ajouter un point. On a dit : Le Soleil... On ne pense pas
qu'on puisse imaginer une collaboration de même nature avec les autres médias du Groupe Capitales Médias, non
pas par manque d'intérêt ou par manque d'empathie, c'est parce qu'on en
a énormément, mais les données qu'on a observées, qui sont disponibles
publiquement, ne nous permettent pas de voir
ça. On l'a imaginé tantôt, là, le soutien doit, en partie, pour ces médias-là,
venir des régions. Et moi, j'étais
bien touché, tantôt, de voir que vous aviez, dans la salle, les maires et
mairesses de Sherbrooke, Trois-Rivières et Saguenay, que j'ai vus, avec qui j'ai pu converser. Donc, on sent qu'il
y a une mobilisation, et je pense que, dans leur cas, ça va venir plutôt
à travers ça que par l'intermédiaire du Devoir.
Mme Melançon :
D'ailleurs, la mairesse de Saguenay a dit clairement, au sujet des géants du
Web, au gouvernement : Mettez vos culottes, hein? Ça a été dit
ouvertement, et je pense qu'on doit entendre ce signal-là.
J'entends
aussi... lorsque vous parlez de fragilité, donc de toute l'importance de votre
fondation, hein, là-dessus, je pense
qu'on est clairs, on a bien entendu le message. Et j'aimerais faire un petit
clin d'oeil ici à un ami qui est disparu, qui est Jean Lamarre. Alors, en 2015, je me rappelle tout le succès,
d'ailleurs... où on avait reparti la fondation. Je tenais à le dire,
parce qu'il y a plein de bénévoles, du côté du Devoir, et je tiens à
saluer ça.
Je pense
qu'il me reste à peine... Je vais prendre 30 secondes avant de donner la
parole à la députée de Saint-Laurent, mais,
avant que vous le fassiez, M. le Président, c'est au sujet de la concentration
et de la diversité de la presse. J'aimerais vous entendre, peut-être, en
45 secondes, là, pour donner l'occasion... mais n'est-ce pas qu'on a
besoin de diversité?
M. Myles
(Brian) : On a besoin de diversité, tout à fait. Et, sur la question
d'information locale et de l'avenir de Capitales Médias, ça va passer
par les élites et les collectivités locales. Ils devront s'approprier l'enjeu
de leur propre information,
jusqu'à un certain point, et soutenir leurs médias. Maintenant, si on
s'en va vers une vente en bloc, on vous amènera une position éclairée à ce moment-là. On ne peut pas prédire
l'avenir, on ne sait pas qu'est-ce qui nous attend. On partage, comme n'importe qui d'une société, des
préoccupations sur la concentration de la presse, et ça fait longtemps qu'on
n'en a pas parlé, au Québec, depuis 2008, et
le contexte a changé aussi. Le numérique a fait éclater les frontières et les
barrières, et on ne peut pas refaire
le débat sur la concentration de la presse avec la même terminologie qu'en
2008, laquelle reposait sur des
diagnostics puis des idéologies qui traînaient depuis les années 70-80.
Alors, on est dus pour une conversation nationale. Quand? Ce sera à vous de le voir. Mais je vous
soumets, avec égards, qu'on ne peut pas juste dire que c'est la responsabilité
du fédéral. De tous les temps, le Québec
s'est soucié également de la concentration de la presse, et on devra s'en
soucier encore.
Le Président (M.
Tanguay) : Merci. Pour les dernières 35 secondes, la collègue de
Saint-Laurent.
Mme Rizqy :
Ah! bien, rapidement, écoutez, j'ai entendu vos principes qui devaient nous
guider : équité, universalité, critères...
transparence, pluralité des voix.
J'ai l'impression qu'on a beaucoup parlé de chiffres, ce qui est très normal, mais
pas de quelque chose aussi qu'on
devrait toujours parler davantage, c'est le droit à l'information, un droit qui
est... un droit fondamental, le droit
à l'expression, et qu'on a aussi une obligation, nous aussi, de garder en tête qu'on veut former
des citoyens et que, pour bien exprimer la voix des citoyens, encore
faut-il avoir de l'information juste, vérifiée.
M. Myles
(Brian) : Bien, écoutez,
nous, on s'appuie sur la liberté de presse, qui est le corollaire de la liberté
d'expression. Le droit du public à l'information est plus un concept théorique qu'on utilise, et sa référence est dans
la charte québécoise, dans la partie des droits économiques et
sociaux, mais on en a fait une extension pour parler du droit du public en général
à l'information. On a des politiques d'information, des conventions collectives qui ont des clauses de conscience, des guides de déontologie, des balises du
Conseil de presse, qui font en sorte qu'on essaie de faire tout ce travail de vérification, de correction des erreurs et
on assume ces responsabilités-là.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Maintenant, pour un bloc de 2 min 30 s, je
cède la parole à la collègue
de Taschereau.
Mme Dorion : Merci. Bonjour. Merci d'être là. Depuis le début
de la commission, en fait, j'écoute attentivement les questions des députés du gouvernement puis je me dis : Bon, je peux déjà imaginer de quoi le
rapport va pouvoir avoir l'air, même
si on va avoir des belles discussions. Mais je vois que leurs questions sont beaucoup
orientées autour de la publicité,
comment est-ce qu'on peut en avoir plus, l'État va pouvoir en mettre plus. Ils
sont intéressés aussi par le crédit d'impôt
sur la masse salariale, par les murs payants. Puis je crois sentir une forme de
vision : Bon, bien là, on est dans un moment de transition, à un
moment donné, il va falloir que vous soyez rentables, avec votre publicité puis
avec vos consommateurs, comme toute autre entreprise, finalement.
Je suis plutôt de
votre avis, qu'il faut un fonds québécois des médias qui puisse considérer un
peu... puisque l'information est un droit
essentiel et un service essentiel à la population puis à notre démocratie,
qu'on ait une façon de considérer
cette information-là puis la création de cette information-là, un peu comme on
a considéré, jusqu'à maintenant, le
monde des arts, où on dit : Bon, bien, c'est essentiel, il faut financer
ça, c'est comme ça, avec de l'argent public. Maintenant, d'où viendrait
cet argent public là? Bien là, tout le monde en a parlé, il y a toutes sortes
de... Tu sais, on parle beaucoup d'impôt sur
les GAFA. Là, vous dites : La TVQ pourrait aller dans ce fonds-là. Il y a
un impôt sur le chiffre d'affaires. Il y a des redevances, pour le
contenu qui est utilisé, qui sont proposées, des redevances aussi qu'on
pourrait demander aux fournisseurs d'accès
Internet. Si les gens se branchent sur Bell ou sur Vidéotron sur Internet,
c'est pour consommer du contenu artistique, journalistique, entre
autres.
Mais
je vois peu d'appétit en face, pour l'instant, pour ces mesures-là, puis à peu
près pas non plus au fédéral, puis je me dis : D'habitude, les industries,
bien, les travailleurs se battent, sortent dans la rue, militent. Mais vous
êtes dans une situation un peu
contradictoire, puisque vous êtes un peu le quatrième pouvoir, vous faites
partie de cette démocratie-là de façon très active. Comment on peut
imaginer faire pression dans ce contexte-là? Et là c'est autant la politicienne
dans l'opposition que la militante qui vous pose la question. Grosse question,
hein?
M. Myles
(Brian) : Grosse question. Sur la notion d'indépendance, je vous
répondrai que l'industrie du cinéma, du livre et toute l'industrie culturelle
québécoise n'existeraient pas sans un soutien de l'État, et ça a permis la
critique sociale virulente de la
classe politique au fil des décennies, et il n'y a pas de censure. L'État est
capable de rester à distance, pour autant qu'on ne devienne pas un
arbitre du bon goût, tu sais. Il faut respecter ce principe-là, et vous en êtes
capables.
Maintenant,
comment on fait pour mobiliser? Bien, moi, je vous dirais juste que, si on ne
fait pas un programme unifié avec un bouquet de mesures, on va retourner
à la case départ, d'ici quatre, cinq ans, pour certains joueurs de l'industrie.
S'il y avait une solution unique, on serait
venus à 20 vous la proposer d'une voix. Il n'y a pas de solution unique. Et
c'est pourquoi nous autres, on a misé sur plusieurs éléments de réponse,
incluant un sens de la responsabilité des médias à l'égard des aides publiques
aussi.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Pour un dernier bloc de
2 min 30 s en ce qui le concerne, je cède la parole au
collègue de Rimouski.
M. LeBel :
Merci. Bonjour. Moi, directement à la recommandation 13... Vous êtes un
des... vous êtes le seul qui nous
a parlé beaucoup de la diversité sociale et culturelle, l'importance de
maintenir ça au Québec. On est dans une situation particulière. Et là vous parlez de la Déclaration
de Montréal, qu'on devrait légiférer pour que... on dit : «...les
algorithmes qui président [dans] la
découvrabilité des contenus [des] univers médias numériques...» J'aimerais ça
que vous m'expliquiez qu'est-ce que vous entendez par là, c'est quoi,
ce... parce que vous êtes les seuls à nous avoir amené ça.
M. Myles
(Brian) : Oui. Bien, écoutez, ça rejoint la recommandation sur la
protection de l'exception culturelle puis la notion qu'on puisse exister et vivre en français puis retrouver nos
contenus, nos créateurs. Et là c'est une recommandation qui est plus
large et qui ne concerne pas juste le monde journalistique mais le monde
culturel également.
Et, on l'a
vu, on a une coalition, qui est dirigée par Solange Drouin en ce moment, qui
sonne l'alarme sur la concurrence
du GAFA puis l'espèce d'homogénéité qui
résulte de ces algorithmes. Au fond, on va donner un exemple bien concret,
prenez votre Netflix, là, puis essayez de trouver Mon oncle Antoine,
c'est très difficile, nos contenus n'existent plus.
Alors, il
faut au moins qu'on retrouve le sens du contrôle démocratique sur ces
entreprises-là, parce qu'autrement
ils vont faire des choix uniquement en
fonction d'une performance et de grands succès planétaires ou américains. Et ce
n'est pas parce qu'on parle trois langues
dans un film produit au Mexique, avec des acteurs guatémaltèques puis un
financier américain, qu'on a créé de
la diversité. Et on n'a certainement pas créé une voix québécoise sur ces
plateformes-là, et ça vaut autant pour l'information, pour la culture.
M. LeBel :
Merci. Je vais tenir à ce qu'on en parle, à notre rapport. C'était vraiment
important, ce bout-là, parce que, comme je dis, vous êtes les seuls à
l'avoir amené.
L'autre
élément, rapidement, parce que je n'ai pas beaucoup de temps, l'aide de
l'État par différentes façons, on parle qu'il faut que ça maintienne
l'indépendance des médias. Cette indépendance des médias, est-ce que ça doit
aller... Parce qu'il y a certains médias qui ont des lignes
éditoriales très claires. Je posais la question... Les élections fédérales
arrivent, il y a certains médias qui
vont prendre des positions directement pour des partis politiques ou pour le
fédéralisme par rapport à la souveraineté. Est-ce que l'aide de l'État
vient mettre en danger cette indépendance des médias et est-ce que
ça convient avec ces lignes éditoriales?
M. Ryan
(André) : Alors, nous, on
est d'avis, clairement, que non. Puis, quand les programmes sont bien normés,
puis avec les paramètres dont on a déjà discuté, qui existent déjà, on est très
confortables que ça puisse continuer.
Je voudrais aussi vous dire que, pour
l'indépendance, pour nous, et en lien avec une question de la députée de Taschereau
pour la mobilisation dans l'industrie, nous, ce qu'il faut qu'on redonne aux
artisans des journaux, c'est aussi de
la confiance dans le futur, de voir qu'il y a une pérennité qui s'installe,
donc qu'il y a une... qu'ils croient dans leur métier de nouveau.
Et on
aimerait aussi... et l'aide... Tu sais, on a un succès relatif, comme j'ai dit,
fragile, mais, si on peut dégager des marges
additionnelles... Ce qu'on veut, nous, ce n'est pas juste venir, dans cinq ans,
vous dire : Bien, on est encore là, on est encore là, on voudrait prendre de l'expansion, augmenter notre
couverture, et ainsi assurer une plus grande indépendance.
Le
Président (M. Tanguay) :
Merci. Maintenant, pour un bloc de deux minutes, je cède la parole à la collègue de Marie-Victorin.
Mme Fournier : Merci
beaucoup. Dans la même foulée que la
collègue de Taschereau, ça fait plusieurs intervenants qu'on entend maintenant
à la commission, mais est-ce qu'au
final ce qu'on entend de la part du milieu médiatique, ce n'est pas, justement, un cri d'aide envers l'État, qui
devrait avoir une obligation de contribuer financièrement, de soutenir
financièrement les différents médias?
M. Myles,
vous dites qu'il n'y a pas de solution unique. En même temps, vous parlez du
principe d'universalité, donc il
faudrait une aide récurrente, équitable pour tous. Puis, de cette façon-là, le
gouvernement a les incitatifs de faire passer cette aide-là par une forme de publicité pour aller chercher les revenus
à la source, où ils se trouvent, c'est-à-dire, évidemment, chez les GAFA. Alors, ce principe-là, à mon sens,
doit être reconnu. Puis ensuite c'est au gouvernement de voir où est-ce
qu'il trouve pertinent d'aller chercher cette aide-là. Je pense que, ça, il
faut le mettre à l'avant-plan.
Maintenant,
peut-être spécifiquement sur le modèle du Devoir, je pense que c'est en
2015 que vous avez établi le mur payant ou c'est avant ça?
M. Myles (Brian) : Non, on a
commencé en 1997.
Mme Fournier : Non, mais
je parle... sur le Web, est-ce que c'est dès le moment où vous êtes arrivés?
M. Myles (Brian) : Dès 1997.
Mme Fournier : O.K., dès
1997.
M. Myles
(Brian) : Et c'était une décision de Bernard Descôteaux, j'oserais
dire «un grand visionnaire», pour le faire rire, parce qu'il dit : On ne
savait pas ce qu'on faisait vraiment, on savait juste qu'on n'avait pas le
choix. Parce que la prémisse, au Devoir,
c'était : Si on donne notre contenu, on est morts. On dépendait déjà
lourdement des abonnements et on ne voyait pas un avenir publicitaire
pour nous dès 1997.
Alors, c'est
un choix de nécessité que Bernard a fait, qui s'est avéré le bon choix, et
c'était un cadenas au départ. C'étaient seulement les cadenas sur
certains articles, puis on essayait de convertir à l'abonnement, ce qui fait
que nous, on a de
l'abonnement numérique depuis 2013, et l'abonnement numérique fait de la croissance
de 40 % par année, à peu près. Je dirais qu'on a projeté 117 %
de croissance de l'abonnement numérique sur un horizon de 2013 à 2018.
Le Président (M. Tanguay) : Merci
beaucoup.
Mme Fournier : O.K.,
parce que j'allais justement vous demander la différence.
Le Président (M. Tanguay) : Merci à
vous. Alors, nous vous remercions, chers représentants du journal Le Devoir.
Et maintenant, chers collègues, la commission
suspend ses travaux jusqu'à 14 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 35)
(Reprise à 14 h 01)
Le
Président (M. Tanguay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières concernant le mandat d'initiative portant
sur l'avenir des médias d'information. J'invite toutes les personnes présentes dans la salle à bien vouloir
éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.
Nous allons
débuter nos travaux aujourd'hui en accueillant les représentants, représentantes de Cogeco Média. Merci
beaucoup. Bienvenue à votre Assemblée
nationale. Vous disposez d'une
période de 10 minutes de présentation, par la suite vous aurez l'occasion d'échanger avec les
collègues députés. Pour les fins d'enregistrement, je vous prierais de bien vouloir préciser vos noms et
fonctions. Et, sans plus tarder, bien, la parole est à vous.
Cogeco Média inc.
M. Lorrain (Michel) : Merci, M.
le Président, M. le vice-président, Mmes et MM. les députés. D'abord, nous sommes heureux de répondre à l'invitation de la commission de l'éducation de l'Assemblée nationale
portant sur l'avenir des médias d'information du Québec et d'exprimer le
point de vue de Cogeco Média. Mon nom est Michel Lorrain, je suis président de Cogeco Média. Je suis accompagné
de Marie-Hélène Labrie, première vice-présidente, Affaires publiques et
communications chez Cogeco.
Donc, nous
vous remercions pour cette invitation de participer aux travaux. Nous y voyons
une opportunité d'assurer non
seulement la pérennité des médias d'information provinciaux, régionaux et
locaux, mais également de permettre une meilleure compréhension de l'apport important de la radio dans
l'écosystème informatif québécois. J'aimerais tout d'abord vous présenter Cogeco et Cogeco Média.
J'expliquerai ensuite les défis auxquels nous faisons face, actuellement, et
présenterai nos recommandations sous trois grands thèmes, c'est-à-dire
l'équité fiscale, l'ajustement des placements publicitaires gouvernementaux et
finalement la mise en place d'un crédit d'impôt pour les médias.
Fondée à Trois-Rivières il y a maintenant plus
de 60 ans, Cogeco, la maison mère de Cogeco Média compte aujourd'hui 4 500 employés.
L'entreprise, dont le siège social est à Montréal, oeuvre dans les secteurs des
communications et des médias. Sa
filiale Cogeco Connexion au Canada et sa filiale américaine, Atlantic
Broadband, offrent des services de connectivité
Internet haute vitesse, de vidéo et de téléphonie. Cogeco Connexion exploite
aussi 36 stations de télévision communautaire au Québec et en
Ontario.
Cogeco Média,
une filiale de Cogeco, détient et exploite 22 stations de radio au Québec,
une station de radio en Ontario ainsi
que l'agence Cogeco Nouvelles, qui est la plus importante agence d'information
radiophonique privée au Québec. Nous
sommes présents dans l'écosystème québécois radiophonique depuis 30 ans.
Aujourd'hui, c'est 5,3 millions de
Québécois qui syntonisent l'une ou l'autre de nos stations de radio. Nous
employons 650 employés, avec une présence radio dans plus de
200 communautés de diverses régions québécoises : Montréal, Québec,
en Outaouais, en Estrie, en Mauricie, au Saguenay, au Lac-Saint-Jean, en
Abitibi, dans les Laurentides et dans l'Est ontarien.
Avec notre
agence Cogeco Nouvelles, créée en 2011, Cogeco Média a bonifié son offre
radiophonique d'information. Notre
agence constitue un écosystème novateur d'échange de contenu et de nouvelles
dont l'objectif consiste à alimenter les
stations régionales ainsi que des stations communautaires indépendantes en
contenu d'information et d'affaires publiques. Reconnue à maintes
reprises pour la qualité de son information, cette initiative a grandement
contribué à réanimer le leadership de la
radio d'information au Québec et à enrichir l'information locale et régionale,
contribuant du même fait à la vitalité
des communautés. L'apport de notre agence dans l'écosystème radio local,
régional et national est indéniable et d'autant
plus important depuis que La Presse canadienne a cessé de
diffuser ses bulletins de nouvelles radiophoniques en français à l'intention des stations membres le
28 février dernier. Nos bulletins d'information sont offerts gratuitement
aux stations communautaires.
Nos défis, parce que nous assistons à une
profonde mutation dans le monde de l'info, laquelle a entraîné la fermeture d'une soixantaine de journaux locaux et
régionaux à travers le Québec... Plusieurs quotidiens d'envergure, aux
prises avec une érosion de leurs revenus publicitaires, ont également, comme
vous le savez, lancé un cri d'alarme. Or, nous
voulons attirer l'attention des membres de cette commission sur ce qui, selon
nous, demeure un angle mort de l'enjeu présentement à évaluer. Dit
simplement, la crise des médias d'information n'affecte pas que les journaux.
La radio demeure un médium de masse toujours des plus pertinents. Chaque
semaine, c'est entre 84 % et 93 % de la population locale des différents territoires qui écoute la
radio. Malgré tout, nous faisons face aux mêmes problèmes, mêmes problèmes
structurels, avec un déplacement massif des
engagements publicitaires vers les plateformes numériques étrangères, et notre
modèle d'affaires se fragilise également. Et cette situation est aussi vraie
hors des grands centres.
Ainsi, en
dépit du rôle essentiel d'information que joue la radio dans les communautés
qu'elle dessert, exploiter des stations,
notamment à prédominance verbale, c'est onéreux. Nos
stations parlées ont besoin de ressources importantes, de journalistes, de recherchistes, de chroniqueurs,
d'éditorialistes pour offrir un produit de qualité qui répond aux attentes des
Québécois et Québécoises. Même à Montréal et Québec,
nos stations parlées sont confrontées à une baisse préoccupante de leurs revenus publicitaires dans leurs marchés
radiophoniques respectifs, et tout ça, bien
sûr, avec ce déplacement des
investissements publicitaires vers les plateformes numériques. En Mauricie, à Trois-Rivières,
à Sherbrooke, en Estrie, à Gatineau, nos trois stations parlées essuient annuellement
des pertes significatives.
Dans les
dernières années, la radio québécoise a certes vu ses revenus décroître de
manière moins dramatique que les autres types que les autres types de
médias, mais, de façon générale, ses dépenses sont sous contrôle et le bénéfice
d'exploitation est maintenu dans un
équilibre qui est maintenant fragile. L'industrie a conservé une certaine
stabilité grâce, notamment,
à des réductions de dépenses, particulièrement
en matière de programmation, de production et en administration de frais généraux. Mais, malgré tout, l'industrie
est en perte de vitesse. Cela n'augure rien de bon pour l'avenir de la
programmation parlée et des nouvelles radiophoniques locales dans les marchés
régionaux. À défaut d'un soutien concret et adéquat, plusieurs stations régionales et locales, qui sont vitales aux
collectivités, selon nous, n'auront d'autres alternatives qu'éventuellement de réduire encore davantage
leurs dépenses d'exploitation. Cela entraînera nécessairement une baisse
du volume, de la qualité de l'information locale qui est produite.
À la lumière
de ces quelques défis mentionnés et afin de soutenir l'ensemble de l'accès à
l'information nationale régionale, et
ce, peu importe le médium utilisé, nous proposons à cette commission les
recommandations suivantes applicables à l'ensemble des médias
d'information québécois.
La première
recommandation consiste en la nécessité d'appliquer aux entreprises numériques
étrangères les mesures de taxation
auxquelles sont assujetties les entreprises médiatiques traditionnelles et
numériques canadiennes afin de permettre aux entreprises d'être sur un pied d'égalité en matière de
compétitivité. En ce sens, les mesures déjà prises par le gouvernement du
Québec afin de prélever la TVQ sur les frais d'abonnement des services
numériques étrangers sont un pas dans la bonne direction, et le gouvernement du Québec devrait fortement encourager le
gouvernement fédéral à emboîter le pas et l'imiter.
La seconde recommandation encourage fortement le
gouvernement du Québec à exercer des pressions auprès de leurs homologues fédéraux afin qu'ils éliminent l'échappatoire
fiscale qui permet aux entreprises canadiennes de déduire des dépenses publicitaires faites sur des
plateformes numériques étrangères comme Google et Facebook. De telles mesures
égaliseraient les chances d'un point de vue concurrentiel.
La troisième
recommandation consiste à consacrer une plus grande part des placements
publicitaires des ministères, organismes
et sociétés d'État du gouvernement du Québec à l'intérieur même de l'écosystème
des médias d'information québécois.
• (14 h 10) •
Et,
finalement, la quatrième recommandation propose l'instauration d'un crédit
d'impôt remboursable provincial applicable à trois catégories de frais
essentiels à la réalisation et au partage de l'information locale et
régionale : un, il s'appliquerait aux
coûts de main-d'oeuvre liés à la production de contenu de nouvelles et
d'informations locales nationales en
ce qui concerne... que ce soient les animateurs, les journalistes, les recherchistes, en s'inspirant un peu du modèle qui
s'applique avec beaucoup
de succès aux entreprises multimédias, les frais de main-d'oeuvre liés à la production de contenu original d'information accessible sur demande en balado diffusion, afin
de soutenir la transformation numérique de l'industrie médiatique québécoise, et finalement les frais de main-d'oeuvre liés au développement d'applications et de plateformes
numériques visant la distribution du contenu d'information, que ce soit sous
forme audio, vidéo ou écrite.
Nous sommes
d'avis qu'une aide financière sous cette forme est une mesure efficace,
équitable et facilement applicable à l'ensemble des médias d'information
dont le modèle d'affaires repose essentiellement sur des recettes publicitaires. Elle favoriserait l'innovation technologique et faciliterait la transition vers
l'environnement numérique tout en préservant l'indépendance des médias.
Cogeco est
confiante que ces recommandations sont appropriées et qu'elles constituent une
réponse mesurée aux enjeux identifiés
dans le cadre de la présente consultation. Nous vous remercions à nouveau de
nous avoir donné l'occasion d'exprimer notre point de vue et nous sommes
maintenant disponibles pour répondre à vos questions.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup pour votre présentation. Donc,
sans plus tarder, pour un bloc de 15 minutes, je cède la parole à
notre collègue député de Beauce-Sud.
M. Poulin
(Beauce-Sud) : Merci beaucoup, M. le Président. Je vous salue et je
vous remercie pour votre mémoire et votre
cri du coeur, également, radiophonique. Vous le mettez noir sur blanc, il ne
faut pas seulement aider les journaux ou la télévision, vous nous parlez de
l'importance d'appuyer la radio. Et combien de fois dans l'histoire on a parlé
de la mort de la radio? On dit :
Il n'y a pas d'images, donc les gens n'aimeront pas ça, là. Et ça a réussi à
traverser le temps dans toutes les régions. Et moi, je suis convaincu
que la radio, elle est là pour rester.
Bien sûr, on
est à l'ère de la baladodiffusion, on est à l'ère du podcast, du MP3, où on
peut consommer de la radio lorsqu'on le veut, mais il n'en demeure pas
moins que d'écouter la radio dans l'auto ou encore à la maison a toujours sa place. Et ça a apporté également certains défis
dans les équipes de vente aussi, hein, parce qu'on vend un peu du vent, là, hein, on dit : Tu vas avoir un
30 secondes, un 15 secondes, donc c'est parfois plus difficile à
vendre que, par exemple, une publicité à la télé ou encore dans les
journaux.
M. Lorrain
(Michel) : On vend les résultats.
M. Poulin
(Beauce-Sud) : Vous vendez des résultats, effectivement, et toujours à
l'ère des reportages en direct, aussi, qui sont très, très bons.
M. Lorrain (Michel) :
Absolument.
M. Poulin
(Beauce-Sud) : Je veux vous amener sur les salles de nouvelles, parce
que vous avez un élément fort important
dans votre mémoire, vous dites : La radio parlée est populaire dans les
grands marchés mais sous pression en région.
Et tout est également l'enjeu de se connecter sur le réseau, là, quand on
dit : On se plogue sur le réseau, où on peut avoir des émissions matinales, le midi ou le soir,
qui sont faites à Montréal mais qui sont diffusées dans l'ensemble des régions
du Québec. Quand on arrive, comme
gouvernement, pour donner de l'aide à nos médias régionaux, on est préoccupés
par le fait que le contenu sera local, qu'on engagera des gens qui vont
parler de la région et qui vont arborer l'enjeu local.
Donc,
j'aimerais savoir quels sont les plans pour Cogeco, dans les prochaines années,
pour ces stations de radio. On sait que vous avez plusieurs émissions
locales, là, entre autres le matin et à l'émission du retour à la maison, mais
également pour les salles de nouvelles. Parce que, vous l'avez dit, les radios
parlées sont fort présentes, alors on a des animateurs,
des coanimateurs, des chroniqueurs qui font un excellent travail, mais il y a
l'enjeu également des journalistes proprement dits, et on sait qu'on
peut également aller du côté du réseau. Alors, je veux vous entendre sur vos
plans de déploiement en région, dans les prochaines années... et nous rassurer
à cet effet-là.
M. Lorrain
(Michel) : Bien, je pense
que notre modèle d'affaires est très clair à ce sujet-là, et il y a un
engagement très net envers la radio locale et les collectivités locales.
D'ailleurs, tout le modèle de Cogeco Nouvelles repose sur l'implication des stations locales et régionales,
avec un partage de l'ensemble de l'information qui est accessible à l'ensemble
des stations qui sont membres de l'agence et
qui sont en mesure, par la suite, de monter et de proposer des bulletins de
nouvelles à partir de la communauté locale,
que ce soit à Sherbrooke ou à Roberval, et en fonction des intérêts des
communautés locales.
Ce qui
fait... Ce qu'on veut éviter, c'est d'arroser l'ensemble du territoire
québécois avec des nouvelles qui sont produites uniquement à Montréal,
alors que le modèle est tout autre, et le modèle insiste énormément sur la
pertinence et l'importance de produire des nouvelles locales, de produire des
bulletins de nouvelles en fonction de l'intérêt des collectivités locales. Et une nouvelle qui est fort importante sur
l'industrie forestière, à ce moment-là, va prendre tout son sens en
Abitibi ou à Roberval mais sera peut-être traitée de manière moins importante
dans les grands centres comme Montréal et Québec. Alors, le modèle est monté
comme ça, et c'est notre intention de poursuivre cet engagement-là, c'est-à-dire
d'offrir un produit qui est unique aux collectivités.
Et, si vous
me permettez, peut-être, pour conclure là-dessus... parce que j'ai passé quatre
jours, cet été, dans le cadre de la
Traversée internationale du lac Saint-Jean. Un, d'abord, j'ai eu l'occasion de
vivre la traversée, de voir l'expertise qui a été développée par les
gens de la Traversée internationale du lac Saint-Jean, à tel point, d'ailleurs,
que les gens des Jeux olympiques de Tokyo
sont venus voir les gens de la traversée du lac Saint-Jean pour profiter de
cette expertise-là. Et les seuls médias qui couvrent en direct, du début à la
fin, la traversée du lac Saint-Jean, parce que c'est un événement qui est important au Lac-Saint-Jean... les seuls
médias qui sont là en direct du début jusqu'à la fin, lorsque la nageuse, la
dernière nageuse est arrivée à Roberval
10 heures plus tard, c'est la radio locale de Roberval, avec les équipes
de Cogeco qui étaient déployées sur
le terrain, et les télévisions communautaires NousTV et MAtv, dans un partenariat
pour couvrir l'événement. C'étaient
les seuls médias qui couvraient en direct cet événement-là. Puis, je pense, ça
répond assez bien à votre question,
ça témoigne très bien de l'engagement, de la part de Cogeco, de travailler
localement avec les communautés, parce que la radio, d'abord et avant
tout, c'est un média qui est local.
M. Poulin
(Beauce-Sud) : Absolument, et ça, je l'entends bien. Puis on connaît
bien les règles du CRTC aussi, que, lorsqu'on
dépose une licence... souhaite qu'on soit présents dans les régions du Québec.
Mais on a été très créatifs dans le
domaine radiophonique en région, on a passé de salles de nouvelles où on était
à peu près trois, quatre journalistes, à un journaliste qui fait aussi l'émission du retour, qui fait du «pre-tape»
pour la fin de semaine, que sa météo n'a pas été... Puis, je vous le dis, des fois, dans les radios, la
météo, ça va vite, là, mais... des fois, elle peut changer, mais elle est
«pre-tapée» trois heures ou quatre heures d'avance.
Alors, on a
été très créatifs dans le monde radiophonique, et c'est sûr que ça met de la
pression sur les salles de nouvelles, et ça ne nous permet pas toujours... Puis
Dieu sait que j'en ai visité, des stations de radio en région, encore
une fois, cet été, puis les animateurs nous
le disent, il y a des défis pour livrer la nouvelle, il y a des défis pour
livrer l'information. On ne peut pas
être dans tous les points de presse quand on est en ondes pour l'émission du
retour puis on doit également couvrir la journée.
Alors, moi,
je suis content de vous entendre dire aujourd'hui qu'il y a un engagement ferme
de Cogeco d'être présent dans les
régions du Québec, d'équiper ses salles de nouvelles, parce que, dans une aide
du gouvernement du Québec, ce sera important
de ressentir cet engagement-là et de faire en sorte que la profession de
journaliste en région, que l'émission du matin ou l'émission du retour
puisse avoir les outils pour bien faire son travail.
M. Lorrain
(Michel) : Absolument. Je
pense qu'on loge vraiment au même endroit. Mais il faut que les revenus
suivent les dépenses, puis on a aussi la responsabilité de ne pas amener ces
entreprises-là dans un modèle d'affaires, éventuellement,
qui ne tiendra plus la route. Mais c'est clairement notre volonté de poursuivre
dans cette dimension-là.
M. Poulin
(Beauce-Sud) : Très intéressant. Merci beaucoup. Je cède la parole
à...
M. Lorrain (Michel) : Je vous
en prie.
Le Président (M. Tanguay) : Oui. Je
cède la parole maintenant à notre collègue de Saint-Jérôme.
M. Chassin : Merci de votre présentation. Désolé de mon
retard. Je me fais un point d'honneur, d'habitude, d'arriver un peu
d'avance, puis ça n'a pas été le cas.
Ceci étant
dit, je trouvais intéressant... Dans vos propositions, vous faites mention d'un
crédit d'impôt sur les coûts de
main-d'oeuvre et vous évoquez le succès de celui pour le multimédia. Et puis,
dans le fond, dans votre mémoire, vous n'expliquez pas nécessairement
les éléments de succès du crédit d'impôt pour le multimédia. J'aimerais ça que
vous m'en parliez un peu plus. Parce
qu'évidemment, puis sans présumer de rien du fonctionnement ou non, c'est
certain que vous avez sans doute vu comme moi, là, qu'il y a une
certaine controverse, il y a certaines personnes qui soulèvent des difficultés avec, notamment, celui sur le
multimédia et que... Moi, j'ai déjà entendu des gens qui me disaient :
Bien, il y a pas mal de gens qui
deviennent des développeurs parce que le crédit d'impôt est associé à cette
catégorie d'emploi là. Et, quand on
regarde, par exemple, les catégories qui seraient couvertes dans votre
proposition, est-ce que, finalement, tout le monde ne va pas devenir
recherchiste, y compris la technicienne comptable de l'entreprise, par exemple?
Donc, il y a
peut-être des balises à fixer. J'imagine que vous avez une réflexion là-dessus.
Puis la comparaison avec le crédit
d'impôt multimédia doit reposer sur un certain nombre de facteurs qui, vous,
vous semblent pertinents. J'aimerais vous entendre là-dessus.
• (14 h 20) •
M. Lorrain
(Michel) : Absolument. Bien,
en fait, deux volets, je pense, à votre question. Dans un premier temps,
effectivement, il faut baliser, si jamais on
se dirigeait vers un crédit d'impôt pour la production de contenu,
effectivement, de baliser que ce soit
tout ce qui est de personnel qui produit des contenus d'information, que ce
soit pour la presse écrite, la radio
ou encore la télévision, effectivement, pour éviter des situations malheureuses
que vous décrivez là. Mais ça, c'est possible
de travailler à l'intérieur de groupes de travail et de bien baliser cette
opération-là mais de ne pas limiter non plus la définition d'un journaliste à une définition extrêmement précise qui
nous amènerait un peu tout le monde dans un cul-de-sac.
En ce qui
concerne le crédit d'impôt pour le multimédia... et je suis content que vous
m'en parliez, dans le sens où, un,
d'abord, ça a propulsé l'industrie du multimédia au Québec, on l'a très bien vu
au cours des 10 dernières années. Par contre, les autres entreprises qui travaillent en parallèle du
multimédia et qui veulent développer des environnements numériques, comme la radio, par exemple, bien, on se retrouve
entraîné dans une forme de surenchère, dans une surenchère lorsque vient
le moment d'embaucher des développeurs, des
développeurs Web, puis on fait face à des gens, évidemment, qui ont un
avantage concurrentiel qui est indéniable par rapport à une entreprise média
qui veut développer ses propres produits numériques.
Demain matin, par exemple, si je songe à embaucher un développeur Web à
Chicoutimi, bien, mon principal concurrent
est sur la rue Racine, à Chicoutimi, qui a embauché 100 programmeurs Web
pour développer des jeux vidéo et qui bénéficie des... il va bénéficier
d'un crédit d'impôt de l'ordre de 30 %, 35 %, 37 % ou 40 %.
M. Chassin :
...ne sera pas beaucoup, là, oui.
M. Lorrain
(Michel) : Là-dessus, c'est
certain qu'il n'y a pas... il y a loin d'avoir un avantage, il y a un
désavantage concurrentiel, à ce moment-là,
et c'est la raison pour laquelle on le soulève dans notre mémoire, que ça
mériterait à tout le moins d'être exploré par cette commission.
M. Chassin : Puis ce que je comprends de votre recommandation,
c'est aussi cette réflexion de dire que, dans des médias, par exemple
pour la radio, ce n'est pas simplement le journaliste qui est producteur de
nouvelles, il a d'autres professionnels autour de lui, en quelque sorte. Vous
parleriez d'une équipe.
M. Lorrain
(Michel) : Absolument, tout
à fait. Bon, je vais vous donner le plus bel exemple, qui est Paul Arcand.
Est-ce que Paul Arcand est un journaliste? On pourrait en faire un grand débat.
L'équipe qui travaille avec lui à la recherche de contenu, l'ensemble de l'équipe de recherche d'une émission comme
Paul Arcand, est-ce que ce sont des gens qui sont considérés comme des journalistes? Dans mon livre
à moi, la réponse est oui, parce qu'ils sont soumis aux mêmes règles de vérification, de déontologique, etc., et, dans
mon sens à moi, ils contribuent à l'écosystème informatif québécois de manière extrêmement claire. Alors, ces gens-là, au
même titre que la définition pure et dure d'un journaliste qui écrit des
nouvelles ou qui lit des nouvelles à la
radio, devraient à tout le moins être considérés. Et je connais d'excellents
recherchistes, en passant, à La Presse, qui, je
pense, sont considérés aussi par les gens de La Presse comme
d'excellents journalistes.
M. Chassin :
Bien, merci de ces réponses. Je retiendrai le point Paul Arcand. C'est bien
gentil.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci. Je cède la parole au collègue de Saint-Jean.
M. Lemieux :
Merci beaucoup, M. le Président. De toute façon, M. Lorrain, vous savez
bien qu'il n'y a pas de grands animateurs sans de grands recherchistes.
M. Lorrain (Michel) :
Absolument.
M. Lemieux : Voilà.
Deux petits points, pour avoir votre réaction surtout. Je ne sais pas si vous
avez suivi... en tout cas, ça fait
déjà trois jours que ça roule, puis on n'a pas fini, là, mais au sujet de votre
échappatoire fiscale, en disant : N'oubliez pas d'en parler au
fédéral, l'échappatoire fiscale. Je ne sais pas jusqu'où nos ministres vont se
comprendre, rendu là, mais, si je comprends
bien, moi, c'est la partie où le fédéral laisse un acheteur de publicité
déduire de ses revenus ce qu'il dépense en publicité, y compris la
publicité à l'étranger.
M. Lorrain
(Michel) : Exact.
M. Lemieux :
O.K. Bon, mettons que, eux autres, ça peut être long avant qu'ils se
comprennent puis qu'ils se parlent, là, mais
nous autres, on peut peut-être proposer des choses. Et on s'est fait proposer,
justement, un incitatif à l'achat de
publicité, mais c'était plus pour le local et le régional. Je ne sais pas
jusqu'où le plan qu'on nous a proposé, que les hebdos régionaux nous ont
proposé pourrait aller dans votre marché à vous, mais on nous disait :
Bien, vous pourriez nous donner un
incitatif pour... pas à nous mais à ceux qui nous achètent de la publicité,
pour un peu faire le contraire de ce que le fédéral ne fait pas. Comment
vous réagissez à ça, vous?
M. Lorrain (Michel) : Je pense que c'est une alternative qui mériterait
d'être à tout le moins étudiée et regardée en profondeur. Ce sont des
choses que j'ai entendues au cours des dernières semaines. Ce sont des
hypothèses qui ont été aussi avancées, à
savoir : Pourquoi ne pas offrir, possiblement, un crédit quelconque aux entreprises
qui placent de la publicité à l'intérieur des médias traditionnels, à
tout le moins, à l'intérieur des médias québécois et canadiens?
M. Lemieux :
...médias sociaux québécois aussi, là, la partie québécoise.
M. Lorrain (Michel) : Aussi, absolument, ou une plateforme, une
plateforme numérique québécoise. C'est une option qui mériterait
absolument d'être étudiée.
M. Lemieux :
Une autre vérification que je vais faire avec vous, c'est... On nous a beaucoup parlé de régie publicitaire. En tout cas, nous,
c'est quelque chose qui nous a interpelés, et je veux valider avec...
Vous, vous n'avez pas besoin de ça. Vous êtes assez gros, vous n'avez
pas besoin de ça, une régie publicitaire unifiée au Québec, vous, là?
M. Lorrain
(Michel) : Bien, en fait, pour notre publicité nationale, qui vient de
Toronto, on travaille sous une certaine
forme de régie publicitaire à travers le pays puis qui représente l'industrie
de la radio, des différents partenaires médias. Pour le Québec, c'est Cogeco; c'est Corus et Rogers à travers le
reste du pays. C'est une forme de régie publicitaire mais pour un média unique. Le principe d'une régie
publicitaire qui représenterait de la radio, de la télévision, des plateformes
numériques ou de l'imprimé traditionnel, ça m'apparaît difficilement applicable
dans le contexte actuel.
M. Lemieux : Mais l'idée, le principe, en tout cas, si j'ai
bien compris... Dans la mécanique, là, je suis perdu, mais l'idée,
c'était : On va travailler ensemble contre ceux qui nous font mal au lieu
de se battre entre nous.
M. Lorrain (Michel) : Non, mais on a intérêt à travailler ensemble, de
toute façon. Et, avec certains médias au Québec, on travaille déjà
ensemble. Le problème, ceux contre qui on se bat ont tellement un inventaire
énorme, puis il y a certainement des gens qui vous en ont parlé, que
ça fait chuter les prix de la publicité en ligne, tout simplement, et ce
qui fait que vous développez n'importe quoi comme produit, vous vous en allez
dans le mur, parce que vous êtes dans l'incapacité,
exemple, de développer un balado qui va être rentable demain matin. C'est
mathématique, ça ne peut pas marcher.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Merci. Maintenant, nous allons poursuivre avec un bloc de
10 minutes avec la collègue de Verdun.
Mme Melançon : Merci,
M. le Président. Alors,
M. Lorrain, bonjour. Je veux saluer aussi Mme Labrie. On s'est
connues dans une autre vie, alors bien heureuse de vous retrouver.
Je
veux vous remercier, d'entrée de jeu, d'avoir parlé de Netflix. Parce que
souvent on se demande est-ce qu'il y a eu des
gestes concrets qui ont été posés, et, pour moi, Netflix est un des gestes les
plus nationalistes que nous ayons pu poser, et c'est bien ainsi. Et là on sait
qu'il va y avoir autour d'une soixantaine de millions de dollars, là, qui vont
garnir les coffres de l'État d'ici la fin de l'année. Alors, très
heureuse de vous l'entendre dire.
Vous
parlez de la baisse des revenus en radio. Je voyais les chiffres, qui sont quand même
importants. Parce que, pour
plusieurs, hein... plusieurs pensaient qu'en radio ça allait plutôt bien. Et
hier on avait l'occasion de parler... et d'ailleurs je vais la saluer, Isabelle Vachon est encore avec
nous aujourd'hui, travail assidu. Donc, les gens de MPV, qui étaient
avec nous et qui nous parlaient,
d'abord, de la problématique en coordination entre le gouvernement du Québec en publicité et là où c'est envoyé, un peu partout, et comment il faut envoyer... en tout
cas, tout le monde a été et surpris et très déçu, je vais
dire ça ainsi.
Mais revenons à la
base. Pour nous, ce qui est important, actuellement, c'est qu'on puisse avoir
la publicité gouvernementale, qu'on puisse parler d'exemplarité de l'État.
Il faut arrêter de mettre de l'argent dans les GAFA, donc dans les géants du Web, et ramener ça dans nos médias
locaux québécois. J'imagine que vous êtes d'accord avec ça, on l'a
lu.
• (14 h 30) •
M. Lorrain
(Michel) : On est à la même
place. Deux choses. Les investissements publicitaires à la radio sont en
baisse depuis six ans, de manière
consécutive, d'un océan à l'autre. Ça a été moins dramatique que d'autres
médias traditionnels, mais à coup de 3 %, 4 % chaque année et multiplié par six ans — en
2019, c'est la sixième année consécutive — vous vous retrouvez
avec une baisse de l'ordre de 25 % à 30 % au cours des six dernières
années. Puis, visiblement, il n'y a rien qui nous
indique qu'il va y avoir une solide correction pour amener le marché
publicitaire autrement, qui est le premier point.
Deuxième
point, évidemment, on encourage le gouvernement québécois à soutenir les médias québécois,
et à donner l'exemple, et à
poursuivre les investissements publicitaires dans les médias, dans les médias
québécois. Je ne veux pas faire de
politique, mais le gouvernement québécois et ceux des dernières années ont
continué néanmoins, comparativement au gouvernement fédéral, à injecter
de l'argent dans les médias traditionnels québécois, puis je tiens à le
souligner ici, et, parallèlement à ça, a
contrario, le gouvernement fédéral a dépensé 400 000 $ d'un océan à
l'autre l'an dernier dans l'industrie radiophonique canadienne.
Mme Melançon :
Ce qui m'amène donc à vous parler de l'urgence, quand même, d'agir. On a voté,
tout le monde ici, le 2 mai
dernier, une très belle motion que j'avais la fierté de déposer à l'Assemblée
nationale. Ça fait quatre mois de ça, on attend toujours une directive de la
ministre, mais quatre mois. S'il y avait de l'entrée d'argent, j'imagine que
c'est toujours bienvenu. J'espère que, d'ici la fin de la semaine, on
aura une directive.
Mais ce qui
m'amène aussi à vous parler de la taxation, la taxation des géants du Web. Je
lisais aussi, à l'intérieur de votre
mémoire, que vous êtes d'accord que nous puissions taxer ces géants du Web, par
équité. Est-ce que, selon vous, on
doit attendre le rapport de l'OCDE avant de taxer, donc, quand on parle de 2020
et années subséquentes, ou si on pense que c'est suffisamment clair pour
agir immédiatement?
Mme Labrie (Marie-Hélène) :
Donc, sur ce sujet-là, le principe de l'équité fiscale, pour nous, est
primordial, et c'est pour ça qu'on prend du
temps aussi à travailler avec le gouvernement fédéral à ce sujet-là. Et donc on
est clair, pour nous, qu'il faut agir
à cet effet-là. Attendre toujours d'avoir une décision qui se prenne avec
plusieurs pays, ça peut être long.
Donc, évidemment, c'est souvent la position idéale, mais, à notre avis, tout
comme la France a emboîté le pas au sein de l'OCDE, on pense qu'il y
aurait moyen d'être proactif aussi pour travailler à avancer dans ce
dossier-là, oui.
Donc,
l'équité fiscale, il y a plusieurs aspects. Au niveau du fédéral, on parle de
prélever la taxe fédérale, donc, par les
GAFA, on parle aussi de l'échappatoire fiscale, la section XIX de la Loi
sur l'impôt, et ça, pour nous c'est quelque chose qui peut être fait rapidement. Donc,
l'intention... Donc, ça s'applique, actuellement, aujourd'hui pour tous les
autres médias, mais il y a cette
échappatoire-là pour les plateformes numériques étrangères. Donc, pour nous,
ça... et ça, on le répète aussi auprès de nos interlocuteurs fédéraux.
Mme Melançon :
...sur la Loi de l'impôt sur le revenu, au fédéral, là, juste pour être bien
claire, pour que les gens qui suivent les travaux puissent se retrouver.
Mme Labrie (Marie-Hélène) :
Exact, sur les... oui.
Mme Melançon :
Alors, le message est bien passé. D'ailleurs, vous, en radiodiffusion, on le
dit souvent, malheureusement, c'est
le CRTC, hein, quand même, qui vient... c'est ce conseil qui vient gérer la
radiodiffusion. Je sais que vous avez déposé, en début d'année dernière, vous,
un mémoire face... pour le CRTC, parce qu'on réouvrait les deux lois.
Étiez-vous surpris de voir que le gouvernement du Québec n'avait pas
déposé auprès du CRTC?
Mme Labrie
(Marie-Hélène) : Donc, nous, on est proactifs, justement, on veut
travailler avec tous les interlocuteurs. Donc, on pense que le gouvernement du Québec a un rôle à jouer
là-dedans, donc, avec le fédéral, évidemment. Il y a des leviers purement provinciaux que le Québec doit
utiliser, et c'est pour ça, je pense, que l'initiative de cette commission-là
est essentielle. Mais l'interlocuteur
fédéral est très important, donc je pense qu'il ne faut pas hésiter à rappeler
l'importance des éléments, des
leviers du gouvernement fédéral, que ce soient leurs dépenses publicitaires,
que ce soit au niveau de l'équité fiscale.
Mme Melançon :
Excellent. De mon côté, lorsque je lisais votre mémoire, vers la fin... je veux
juste retrouver la bonne page...
Parce que j'ai souri tout à l'heure, M. Lorrain, lorsque vous avez
dit : Il ne faut pas uniquement penser à la presse écrite. Je peux
vous dire que, dans les dernières semaines, j'ai fait beaucoup d'entrevues, je
peux vous dire que même vos animateurs nous
l'ont dit et nous l'ont rappelé. Alors, je pense que, là-dessus, le message est
clair auprès de la commission. On a bien saisi le message, et il y en a
d'autres qui ont été porteurs.
Mais, à la
radio, là, actuellement, comment est-ce que... D'une région à l'autre, là, je
sais comment vous fonctionnez avec
votre agence, là, mais, vos journalistes sur le terrain, est-ce que vous êtes
capables de les garder très longtemps ou s'ils partent rapidement?
M. Lorrain
(Michel) : Non,
généralement, on a une bonne capacité de rétention avec l'ensemble de notre
personnel, que ce soit à Montréal ou
encore dans plusieurs régions à travers le Québec. On vit, comme bien d'autres,
occasionnellement, des gens qui
décident d'aller voir si l'herbe est plus verte ailleurs, et c'est tout à fait
normal, mais, somme toute et globalement, nous avons une assez... je vous
dirais, une très bonne rétention de l'ensemble de notre personnel un peu
partout à travers le Québec.
Mme Melançon :
Et, dans vos stations, actuellement, pour, justement, parler, là... Parce que
vos cotes d'écoute sont bonnes, on voit que les gens sont à l'écoute,
là. Vous avez parlé tout à l'heure de 5 millions?
M. Lorrain
(Michel) : 5,3 millions d'auditeurs à travers le Québec.
Mme Melançon :
Donc, à 5,3 millions d'auditeurs, j'imagine que les gens sentent que vous
parlez d'eux.
M. Lorrain
(Michel) : Absolument.
Mme Melançon :
Et c'est ce qui fait le succès d'une radio?
M. Lorrain (Michel) : Absolument. La radio, c'est un média local, c'est un média
de proximité qui est ancré dans sa communauté.
C'est le plus bel exemple que je vous ai donné, tout à l'heure, d'une part, avec ce qui s'est passé avec la couverture de la
Traversée internationale du lac Saint-Jean.
Puis je vous donnerais
un deuxième exemple, plus près de la région métropolitaine, lorsque la digue a
cédé à Sainte-Marthe-sur-le-Lac. À partir de minuit le soir, tout le monde a
fermé boutique, à l'exception de la radio. La radio a été là toute la nuit, à
Sainte-Marthe-sur-le-Lac, pour accompagner les gens qui avaient été chassés en
urgence de leur résidence. Puis, croyez-moi,
on ne le faisait pas pour faire de l'argent, on le faisait pour être proches de
notre communauté, parce que
c'est un engagement qu'on prend, d'accompagner les communautés.
Et, dans certaines périodes d'une année, la radio demeure le seul et unique média en mesure de jouer ce rôle
d'intervenant, d'urgent auprès d'une communauté, puis c'est le plus bel exemple qui s'est
passé, cette fameuse nuit là à Sainte-Marthe-sur-le-Lac.
Mme Melançon : On en parlait hier, justement,
on parlait de l'importance en radio,
en sécurité publique, hein? Il y a des
radios, de plus petites radios aussi, qui sont éloignées, où souvent c'est le
seul moyen de rejoindre la population, alors, vous l'exprimez très, très
bien.
M. Lorrain (Michel) : Absolument. D'ailleurs, vous entendrez mon
collègue, tout de suite après, qui exploite des stations de radio du groupe Arsenal un peu partout à travers le Québec,
M. Chamberland, il sera en mesure de vous en parler. Mais, demain matin,
allez voir le maire de Chibougamau puis dites-lui que Cogeco va fermer sa
station de radio, croyez-moi, vous allez en entendre parler. Ce n'est pas notre
intention, de faire ça. Mais souvent, dans bien des petites communautés, le
dernier rempart qu'il reste pour bien informer la population, c'est la
radio, puis ça, c'est comme ça depuis 100 ans.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous poursuivons, pour
un bloc de 2 min 30 s, avec notre collègue de Taschereau.
Mme Dorion :
Merci. J'aimerais savoir... Bonjour. Merci d'être là. On n'en a pas beaucoup
entendu parler par les gens de radio qui
venaient, c'est une question que je me pose depuis longtemps. La radio a vécu
mieux, en fait, la crise médiatique que les journaux écrits, que
d'autres médias. Et je me demandais, maintenant, avec l'arrivée... On écoute
beaucoup la radio dans nos autos, puis là, dans les autos, il y a tout un
système, Sirius, les balados qui arrivent, le Bluetooth,
on peut se connecter. Et je vois autour de moi un petit échantillon, là, il
n'est peut-être pas représentatif, mais les gens écoutaient de moins en moins
la radio, syntonisaient la radio FM. Est-ce que vous voyez, en avant de vous,
peut-être arriver une transformation qui pourrait ressembler à ce qui est
arrivé à la presse écrite dans les dernières années?
M. Lorrain (Michel) : Peut-être pas de cet ordre-là. Par contre, on
constate la même chose que vous... C'est-à-dire que les gens sont aussi présents qu'avant à la radio, par contre ils
l'écoutent moins longtemps et se tournent vers d'autres produits
audionumériques, que ce soient les plateformes d'écoute en ligne ou encore les
balados. Mais je pense que le succès de la
radio va demeurer, son effet de proximité et d'être très, très collé à ses
communautés et aux localités diverses.
Mais, d'autre part
aussi, elle doit accentuer le développement de produits spécifiques destinés
aux plateformes numériques. Puis vous parlez, exemple, des balados, c'est un
exemple de produit auquel la radio va devoir s'attaquer et développer encore davantage. Mais le problème, il est dans le modèle.
Si, demain matin, ensemble, on développe un formidable balado et il est
écouté 15 000 fois, je vais la mettre sur le marché, dans la structure
actuelle, je vais réussir à la vendre
450 $. S'il est écouté 30 000 fois, je vais faire 900 $ avec ça.
C'est quoi, mon coût de production d'un balado en retour du bénéfice? Au moment où l'on se parle, il n'y en a pas parce
que l'inventaire des géants du Web est tellement énorme, il pousse les prix vers le bas, et n'importe quel développeur,
dans un environnement dans lequel on vit, va avoir extrêmement,
énormément de difficultés à arriver avec un produit, un produit qui va, à tout
le moins... bien, qui va être «break even», là.
Mme Dorion :
Il y a beaucoup de choses qui dépendent du CRTC, ça m'inquiète, ça m'importe.
Qu'est-ce qu'on fait? Est-ce qu'on demande au gouvernement du Québec de faire
pression sur Ottawa? Est-ce que ça peut être une des façons?
Le Président (M.
Tanguay) : En quelques secondes.
• (14 h 40) •
M. Lorrain (Michel) : Oui. Bien, ne serait-ce qu'au point de vue de l'équité fiscale, je pense que le gouvernement du Québec a
intérêt, effectivement, à faire pression sur le gouvernement fédéral pour qu'on joue tous sur la même patinoire, avec les mêmes
règles du jeu.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. On poursuit avec 2 min 30 s pour notre collègue...
avec notre collègue de Rimouski.
M. LeBel : Merci, M.
le Président. Bonjour. Exercer des
pressions auprès du gouvernement
fédéral, c'est une phrase qui revient dans presque tous les mémoires qu'on a
eus, 99 %. Ça fait que, là, j'invite tout le monde... on est tous
nationalistes, maintenant, ici, autour de la table, j'invite tout le monde à commencer à préparer la liste puis à faire vos valises, il va falloir
y aller, à Ottawa. Puis il faudrait y
aller avant les élections parce que, là, si on y va après les élections, il va
être trop tard, ça fait qu'il faut
bouger assez vite. Et je sais qu'on a un rapport à faire, puis le rapport va
arriver probablement après les élections, mais, si on était capables de bouger vite puis de
montrer qu'il y a un consensus
pas mal national ici, au Québec, là-dessus... Ça fait qu'il me semble
qu'on devrait commencer ça.
Je voudrais
aussi... Il y a un élément que vous n'avez pas dit mais que j'aimerais ça
ressortir. À Rimouski, il y a les Terrasses
urbaines Cogeco. Là, il va y avoir le Festi Jazz Québecor. Les câblos comme
vous autres, là, vous êtes aussi des bons
citoyens corporatifs et vous êtes sur le terrain, vous êtes dans les régions,
vous financez des activités. C'est rare que je vais voir Google financer une activité à Rimouski, là, puis ces
patentes-là. Ça fait qu'il y a ça aussi qui est important, là, à mentionner, vous êtes dans les régions, vous
êtes impliqués, vous financez des activités. Vous êtes des citoyens dans nos
régions, contrairement aux autres patentes qu'on ne veut pas.
Question, par
exemple, crédit d'impôt. Hier, j'ai posé une question à des... on me
disait : Un chroniqueur, ça coûte beaucoup
moins cher que des journalistes, que faire une enquête journalistique, tu sais,
qu'un journaliste qui prépare des enquêtes longues. Un chroniqueur, c'est moins
cher. Il vient faire sa chronique aux nouvelles, et c'est moins cher. Crédit
d'impôt, vous dites : Il faudrait
intégrer les chroniqueurs dans les crédits d'impôt. Je ne le sais pas, là.
Hier, ce n'était pas ce que j'entendais, en tout cas.
M. Lorrain
(Michel) : Je suis d'accord,
oui et non. Être chroniqueur, c'est un travail à temps plein, pour la plupart
du temps, parce que ça va demander un travail, un certain travail de recherche
pour être en mesure de livrer une chronique x, y, z qui repose d'abord et avant
tout sur des faits et des éléments d'information. Je vous suis, à savoir qu'une
enquête journalistique de trois mois
coûte effectivement beaucoup, beaucoup plus cher que le travail quotidien
journalistique. Un n'exclut pas l'autre,
mais, écoutez, si vous publiez six enquêtes par année, là, bonne chance pour le
reste. Donc, les deux vont ensemble. Vous
devez avoir, que ce soit dans votre journal ou dans l'industrie radiophonique,
un équilibre entre le travail d'enquête, comme on a pu en faire dans le passé, chez Cogeco, avec l'histoire de
Gilbert Rozon, et qui nous a demandé des ressources considérables pour venir à bout d'une enquête
comme celle-là... tout ça va en équilibre aussi avec le travail de couverture
au quotidien. Et cette couverture au
quotidien, ça aussi, c'est onéreux, et ça coûte passablement d'argent à
l'ensemble des diffuseurs puis des entreprises de presse québécoises.
Le Président (M. Tanguay) : Merci.
Merci à vous. Pour deux dernières minutes, avec notre collègue de
Marie-Victorin.
Mme Fournier : Merci beaucoup
pour la présentation. Effectivement, ça nous fait beaucoup de choses à aller revendiquer du côté d'Ottawa. On pourrait aussi choisir,
au lieu d'aller chercher chaque petite chose sur laquelle on débat depuis maintenant trois jours, d'assumer aussi la
souveraineté culturelle du Québec et peut-être même d'aller plus loin, qui
sait?
Cela étant
dit, on entend souvent les différents intervenants — vous faites partie du lot — nous parler, justement, des crédits
d'impôt qui sont nécessaires, des fonds d'aide, j'en suis. Cela dit, on parle
toujours également de la nécessité d'augmenter
la publicité gouvernementale. Mais est-ce qu'on ne passe pas, à ce moment-là,
un peu à côté de l'enjeu de la dépendance
à la publicité, dans le sens que, même si le gouvernement réinvestit de la
publicité dans les différents médias, si les entreprises continuent, elles, de
se tourner vers les grands GAFA de ce monde, bien, on va continuer à aller un
peu dans la même direction que celle que l'on prend, actuellement? Donc, je me
demandais si, du côté de Cogeco, vous aviez entamé, justement, une
réflexion sur les solutions pour s'affranchir le plus possible de la dépendance
à la publicité.
M. Lorrain
(Michel) : Bien, en fait, le
modèle médiatique privé repose sur les investissements publicitaires, et je
pense qu'il va continuer de reposer sur les
investissements publicitaires si on veut préserver une indépendance des salles
de nouvelles et de l'industrie médiatique en
général, et je pense que l'approche essentielle doit continuer de reposer sur
la publicité. C'est à nous d'être créatifs et de développer de nouveaux
produits pour les publicitaires et pour d'autres médias. Certains l'explorent, actuellement. Il y a le modèle d'abonnement payant qui peut certainement être exploré. Mais, encore là, je
vous donne mon opinion personnelle en ce qui concerne le modèle québécois, et, compte tenu de la grandeur du marché, je pense que
c'est un modèle qui est voué à un échec.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci. Merci beaucoup à vous, représentante, représentant de Cogeco Média.
Et, afin de
permettre aux représentants d'Arsenal Média de prendre place, je suspends nos travaux
quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 14 h 46)
(Reprise à 14 h 48)
Le Président (M. Tanguay) :
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous poursuivons nos travaux.
Et maintenant
nous accueillons les représentantes, représentants d'Arsenal Média. Bienvenue à
votre Assemblée nationale. Je vous
réitère que vous avez une période de 10 minutes pour faire votre
présentation. Par la suite, vous aurez l'occasion d'échanger avec les collègues des
différentes formations politiques représentées autour de la table. Je vous
prierais, pour les fins
d'enregistrement, de bien vouloir préciser vos noms et fonctions. Et, sans plus
tarder, bien, la parole est à vous.
Arsenal Média
Mme Chevalier
(Elisabeth) : Bonsoir.
Elisabeth Chevalier, directrice générale pour la région de la Côte-Nord chez
Arsenal Média.
Mme Chicoine (Krystel) :
Krystel Chicoine, vice-présidente au marketing.
M. Chamberland (Sylvain) : Et
Sylvain Chamberland, donc, président et fondateur d'Arsenal Média.
D'abord,
j'aimerais vous remercier vraiment de nous permettre de vous faire part de nos
observations et commentaires à ce sujet si important. C'est franchement
apprécié.
Pour bien
situer mon intervention, j'aimerais vous dire quelques mots au sujet d'Arsenal
Média, sans doute l'entreprise médiatique
la plus méconnue et la plus inattendue au Québec, une entreprise complètement
indépendante qui a bâti un modèle d'affaires
unique, une entreprise qui n'est pas publique, qui n'appartient pas à un
conglomérat et qui n'est ni subventionnée ni financée par le
gouvernement.
Je travaille
dans le monde fascinant des médias depuis maintenant plus de 30 ans. Il y
a sept ans, j'ai fondé Attraction Radio
avec un partenaire d'affaires et j'ai fait le pari de l'information et des
médias régionaux. Notre volonté a toujours été claire : acquérir des stations de radio en région afin de leur
redonner une toute nouvelle voix et d'en faire des chefs-lieux au sein de leurs communautés respectives. Pour
m'assurer que cette mission demeure notre raison d'être, j'ai acquis, l'an
passé, la totalité d'Attraction Radio, qui
est devenue Arsenal Média, le plus important groupe indépendant, je le répète,
de stations de radio commerciale à l'extérieur des marchés de Montréal
et Québec.
• (14 h 50) •
Arsenal
Média, c'est d'abord près d'une centaine d'employés répartis sur le territoire
entre Sept-Îles et Lac-Mégantic, de
Matane à La Tuque, en passant par le Bas-Saint-Laurent, la Beauce, le
Saguenay et le Centre-du-Québec, des employés à qui je tiens à rendre un
vibrant hommage parce qu'ils croient dans leur métier, parce qu'ils sont animés
d'une passion exceptionnelle et qu'ils ont accepté de revoir leurs façons de
faire pour s'adapter au monde dans lequel nous évoluons.
Arsenal Média, c'est aussi sept plateformes
numériques de nouvelles régionales, des sites Internet sur différents sujets, une boutique en ligne et surtout deux
studios de création numérique. Et, bien sûr, Arsenal, c'est la voix de 14
stations de radio et deux
réémettrices suffisamment rentables pour démontrer que notre plan d'affaires
tient la route. Plusieurs des premières
stations que nous avons acquises étaient déficitaires ou très peu rentables;
aujourd'hui, elles sont toutes, sans exception, en bien meilleure santé,
et j'en suis fier.
J'aimerais
partager avec vous un fait vécu. Notre station de Lac-Mégantic a été en direct
24 heures sur 24 pendant sept jours consécutifs lors des tragiques
événements de juillet 2013. Avec l'aide de certains journalistes de nos radios régionales, nous avons pu diffuser en continu avec
une perspective purement locale, pas nationale. Nous étions en contact
avec les réels enjeux humains qui obsédaient, à juste titre, les habitants de
Mégantic. Il fallait être avec eux au téléphone pendant la nuit pour comprendre leurs angoisses, leur incapacité à
fermer l'oeil, exprimant le désir d'entrer en contact avec un voisin, un proche, un centre d'hébergement, des
services de sécurité, les fournisseurs d'eau des régions avoisinantes ou
encore pour savoir si le Tim était ouvert. On négociait en direct avec les
petits restos du coin pour qu'ils puissent se rendre à tel ou tel endroit pour
apporter du bon café chaud. Qui, croyez-vous, servait sa population locale?
CJIT 106,7, à Lac-Mégantic. Évidemment, il
s'agit d'un exemple extrême, mais, de façon quotidienne, nos journalistes,
basés un peu partout à travers la
province, s'affairent à informer nos auditeurs mais aussi nos lecteurs via nos
plateformes numériques. Telle est l'essence d'Arsenal Média.
Cela m'amène à
vous parler de la transition des médias vers des modèles d'affaires viables.
Comme tous ceux qui oeuvrent dans le
monde de l'information, quand un média est menacé de fermeture, je suis
préoccupé. Cependant, en regard de la situation que vivent les médias
traditionnels, je préfère adopter une approche plus globale.
Je crois que
le premier défi à relever est d'accepter que le monde a changé et que nous ne
reviendrons pas en arrière. L'histoire
trace la voie, des journaux à la radio, de la radio à la télé, et aujourd'hui
nous vivons à l'ère du numérique. Pour progresser dans le monde
d'aujourd'hui, nous devons cesser de démoniser la technologie et les géants
médiatiques et accepter qu'ils font partie
de nos vies et que ce n'est pas avec des solutions du passé que nous allons
répondre aux besoins actuels et construire l'avenir.
Le deuxième
défi est d'éviter les solutions qui n'en sont pas. Je pense à l'État sauveteur
qui, en panique, donnerait indéfiniment la respiration artificielle à une ou
des entreprises médiatiques dont le modèle d'affaires n'est plus viable.
Je pense aussi à l'État sauveur qui
déciderait de devenir lui-même le responsable de l'information en région. Quand
j'entends qu'on pourrait accorder à
Télé-Québec un nouveau mandat pour qu'elle prenne en charge l'information
régionale, je me dis que le risque de dérive est bien réel. J'espère que
vous me poserez des questions là-dessus tantôt.
Pour avoir un
impact positif, nous devons tous aborder la situation avec franchise,
transparence et lucidité. L'État et
les entreprises doivent apprendre à gérer correctement les opportunités que les
technologies de l'information nous apportent. Et il y a une chose qui demeure toujours vraie : quand le modèle
d'affaires ne fonctionne pas, il ne suffit pas de changer le nom du propriétaire, il faut changer le modèle
d'affaires. On doit embrasser le changement sans réserve. C'est à nous, les
médias, de faire ce qu'il faut, et au gouvernement de supporter, s'il y a lieu,
ces changements.
Ma première
recommandation irait dans le sens, évidemment, que vous avez déjà entendu, les
médias indépendants doivent s'unir
pour offrir une alternative aux GAFA. Nous devons créer notre propre régie
publicitaire et s'unir pour mieux concurrencer, c'est notre responsabilité. De plus,
le gouvernement devrait donner un crédit d'impôt aux entreprises qui
soutiennent les médias indépendants en prenant de la publicité numérique dans
un média local. Ça, ça serait intéressant et différent, comme proposition.
Le soutien de l'État
aux médias pour faciliter un virage numérique, qui est ma deuxième proposition,
ou pour être en mesure de déployer des équipes de journalistes plus importantes
doit être clairement balisé. Ce soutien doit être évalué en fonction de son efficacité et de sa neutralité. L'efficacité
suppose qu'on écarte toute forme d'aide d'urgence qui ne comporte pas un plan pour la mise en oeuvre
d'un modèle d'affaires pérenne. La neutralité suppose que l'aide ne soit
pas liée à la situation géographique ni à la nature du média.
Dans un autre ordre
d'idées, nous devons nous demander si l'État québécois, en tant que client des
médias, est un bon client, un client
visionnaire et responsable. Je sais qu'il y a eu une trâlée de personnes qui en
ont parlé, mais, quand même, l'État, ai-je besoin de vous le rappeler, n'est
pas un client comme les autres, il ne peut oublier les effets de ses actions
dans l'exercice de ses responsabilités. Et
il y a des chiffres qui font mal. Depuis le début de la semaine, plusieurs
intervenants l'ont soulignée à grands
traits, avec des chiffres à l'appui que je ne répéterai pas, la dangereuse
pente que prend le gouvernement
lorsqu'il décide d'investir sur Facebook et Google, notamment. L'État québécois
ne peut évidemment pas ignorer les
géants du Web mais il ne peut plus ignorer que ceux-ci mettent de la pression
sur les médias dits traditionnels.
Ma troisième
proposition est que l'Assemblée nationale et le gouvernement s'assurent que les
choix de l'État client en matière de placement publicitaire soient responsables
et équitables. Il faut ajuster la pondération pour restaurer l'équité compromise par les géants du Web, qui
paient peu ou pas d'impôt ici, qui paient peu ou pas de droits d'auteur et,
en plus, qui n'emploient à peu près personne localement.
Évidemment,
c'est parfait, de mettre plus d'argent au Québec plutôt qu'à l'étranger, mais
encore faut-il dépenser cet argent
dans l'ensemble du Québec et non seulement dans les grandes villes. Les
ministères, organismes et sociétés d'État sous votre contrôle, par le biais de leurs agences de publicité,
privilégient essentiellement et presque toujours exclusivement Bell et
Cogeco, dont les principales radios sont évidemment à Montréal et à Québec. Et,
quand ces agences proposent d'annoncer en région, ça se résume à Sherbrooke,
Chicoutimi, Trois-Rivières et Gatineau. En agissant de la sorte, ils surexposent la population métropolitaine et celle
de la capitale nationale aux messages gouvernementaux et négligent toujours
les populations régionales.
Comme
le démontrent les statistiques jointes à notre mémoire, les heures d'écoute des
stations indépendantes dans les
petits marchés du Québec représentent près du tiers des heures totales d'écoute
de la radio. On devrait s'attendre à un niveau de placement publicitaire qui reflète cette proportion.
Évidemment, je peux vous dire qu'on est très loin du compte, bien évidemment.
Pourtant, la communication sur les textos au volant, le port de la ceinture de
sécurité, les conditions de conduite
hivernales, l'importance de la vaccination contre la grippe ou la gestion de
l'électricité en hiver n'est pas moins essentielle parce qu'on vit loin
de la métropole ou de la capitale nationale, bien évidemment.
En
tant que client, on le constate depuis des années, l'État québécois ne gère pas
de façon la plus efficace et la plus efficiente sa stratégie
publicitaire et, j'ajouterais, ni de façon équitable ni de façon responsable.
Comme président de l'Association des radios
régionales francophones, ça fait des années et des années que je rencontre le
personnel politique responsable des communications des députés jusqu'au
premier ministre, puis on en parle encore aujourd'hui. En étant équitable et soucieux d'informer l'ensemble de ses
citoyens, l'État client peut aider les médias d'information régionaux. Ainsi, il joindrait l'utile à l'agréable, et en
permettant aux médias régionaux de dégager de meilleures marges de manoeuvre
et d'être en mesure d'améliorer la qualité de l'information locale, pourquoi
pas?
Quatrième
recommandation, à coût nul, parce que c'est important de le mentionner, à coût
nul et dans un esprit d'équité envers tous
les Québécois, l'État devrait tout simplement maximiser la portée des campagnes
de communication en accordant aux
radios privées indépendantes en région un budget proportionnel à leur
auditoire, et j'insiste là-dessus. C'est tellement le gros bon sens que
ce n'est pas possible qu'on parle de ça encore aujourd'hui.
En
terminant, l'État québécois, il fut un temps, a déjà accordé beaucoup
d'importance aux communications. Le monde
a bien changé, la façon de s'informer aussi. On ne peut parler du rôle des
médias sans considérer leur environnement technologique, politique, social, culturel et économique. En l'absence
d'une politique québécoise de communications, sans vision d'ensemble, on
risque d'agir à la pièce au lieu de le faire de façon structurée, il faut
ajouter...
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup.
M. Chamberland (Sylvain) : ...sans une véritable connaissance sur ce qui se
passe vraiment sur le terrain, où une multitude d'initiatives locales
permettent aux citoyens d'être mieux informés.
Le Président (M.
Tanguay) : Merci.
M. Chamberland
(Sylvain) : Cette commission est un premier pas dans la bonne
direction.
Et je termine en disant que ma proposition est que
le gouvernement québécois prépare, avec les acteurs du monde des médias et des
technologies de l'information, une politique globale pour la soumettre aux
parlementaires avant la présentation du budget 2020‑2021. Cette
politique devrait évidemment inclure des chapitres sur le droit du public à l'information et les nouveaux médias. Elle devrait
aussi contenir un portrait détaillé des médias et plateformes en émergence
partout au Québec et même ailleurs dans le monde.
Le Président (M.
Tanguay) : Merci.
M. Chamberland
(Sylvain) : Et, si je peux me permettre, pourquoi ne pas appeler la
commission «culture, éducation et communications»? Merci.
• (15 heures) •
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, M. Chamberland. Contrairement à la radio, ici le temps n'est pas de l'argent, mais, quand même,
c'est notre démocratie. Alors, à la demande du gouvernement, vous avez dépassé
de deux minutes, on l'a amputé de leur
temps. Maintenant, si vous le permettez bien, on va échanger.
Alors, pour le gouvernement, il reste 13 minutes. Alors, la
parole est à vous, collègue de Beauce-Sud, et merci pour ce temps donné.
M. Poulin
(Beauce-Sud) : Merci, M. le Président. Ça me fait plaisir de pouvoir vous laisser un peu plus de temps. Donc, merci,
M. Chamberland, Mme Chevalier et Mme Chicoine, pour votre
présence aujourd'hui en commission
parlementaire. Effectivement, la radio, on ne le dira jamais
assez, l'importance. Vous avez fait l'exemple de Lac-Mégantic, qui est
important, mais ne serait-ce que le
24 décembre, moi, je me souviens d'avoir mis de la musique le 24 décembre au
soir, et le nombre de gens qui
m'appelaient pour me raconter ce qu'ils avaient sur le coeur et les moments
difficiles dans leur vie, la radio devient souvent leur meilleure amie
dans des moments extrêmement difficiles. Et, quand on entre dans leur maison et
qu'ils entendent une voix, c'est beaucoup
plus rassurant que n'importe quel autre média. Alors, vous avez bien fait de le
souligner, de le dire, que la radio a cette force-là et cette particularité-là.
Évidemment,
vous avez acheté des stations de radio dans les régions mais vous avez toujours
le défi de l'information locale. Il n'en demeure pas moins qu'il y a
des émissions qui sont réseau, il y a des salles de nouvelles pour lesquelles vous
avez certains défis également.
Donc, j'aimerais que vous me parliez de votre plan de déploiement dans les
prochaines années au niveau des régions, et je vais revenir sur
Télé-Québec tout juste après.
M. Chamberland (Sylvain) :
Bien, en fait, notre plan de déploiement se fait autour de la radio mais il est
plus particulièrement, je dirais, concentré sur le développement du numérique. On continue de faire des acquisitions. On a fait une autre acquisition ce lundi, donc avant-hier,
dans la région du Témiscouata, donc une lointaine région près du Nouveau-Brunswick, puis on en est très fiers, mais évidemment en attente toujours, évidemment, de la décision du CRTC,
si le CRTC, évidemment, approuve cette transaction-là.
M. Poulin (Beauce-Sud) : ...
M. Chamberland (Sylvain) :
Exactement, oui, la radio de Dégelis.
M. Poulin : C'est bon, je
connais bien.
M. Chamberland
(Sylvain) : Oui. Donc,
évidemment, on a l'intention de continuer à se déployer avec la radio mais
comme base pour continuer de développer nos
plateformes numériques. Et moi, je pense que c'est essentiel de faire ça, et
rapidement, et c'est pour ça qu'on accélère ce développement-là, et aussi qu'on
fasse une transition du travail de nos employés.
Si 98 % de nos employés travaillent en radio, alors que, comme Michel l'a
exposé tantôt, précédemment, la radio
est quand même avec des résultats en baisse, il faut aller chercher notre
argent ailleurs. Et c'est pour ça qu'on propose, par exemple, de faire une régie publicitaire où, par exemple, on serait
capables, tous les médias ensemble, indépendants, d'aller chercher des
sommes supplémentaires auprès de nos commanditaires.
Mais c'est
clair que, pour nous, la survie va passer par la transition des revenus. On ne
peut pas seulement s'en tenir à des revenus publicitaires de radio. Autrement,
comme on dirait dans notre jargon, bien, un «pure-play player» qui ne fait
que de la radio, c'est souffrance garantie, là.
M. Poulin (Beauce-Sud) :
Parlez-moi de Télé-Québec. J'ai posé la question, justement, à quelques joueurs
en disant : Si on ajoutait un
Télé-Québec Information dans les régions, de quelle façon ça pourrait
chambouler un portrait, bien, qui a déjà des défis, qui est déjà
important? Alors, j'imagine que ça pourrait avoir un impact chez vous.
M. Chamberland (Sylvain) : Ah
oui, c'est sûr. En fait, pour moi, ça... je ne peux pas croire qu'on va mettre ça sur la table, là. Je comprends le principe,
mais... D'ailleurs, Télé-Québec a quand même une mission éducative qui doit
dater d'à peu près 50 ans. Sa mission est
claire, et tout ça. Là, il faudrait changer la mission de Télé-Québec, les
envoyer en région, former des gens.
Et je n'ai pas besoin de vous dire... Tout comme Radio-Canada. Quand
Radio-Canada décide, par exemple, d'étendre son réseau, c'est simple, simple,
simple, ils font des demandes, des demandes, des demandes. Ils ont des antennes
à tous les coins de rue. Ils ont à peu près 800 antennes réémettrices, puis il
n'y a pas de problème. Je veux dire, «money is no concern», donc il n'y
a pas de problème.
Mais alors, si Télé-Québec devient comme ça
aussi, on devient quoi? Je veux dire, ça devient deux réseaux subventionnés par les gouvernements, bien, je veux
dire, ça ne tient pas la route. Moi, je pense qu'il faut absolument que les réseaux privés puissent survivre, et, à cet
effet-là, c'est clair que, pour moi, c'est un non-sens, on va fragiliser encore
plus le système en donnant la chance à Télé-Québec.
Par contre, est-ce
que Télé-Québec peut ajouter une notion, par exemple, d'émission d'affaires
publiques? Là, j'en suis, parce que
probablement qu'en déployant des ressources qui ont de l'expérience et qui sont
habilitées à le faire, on peut... on
pourrait, en fait, avoir des émissions d'affaires publiques régionales qui
donneraient de la couleur et qui donneraient de la profondeur à
l'information qui est donnée dans notre province, ça, oui. Mais par contre d'y
aller avec une gestion d'information, et
tout ça, ou d'avoir un portail d'information, c'est un non-sens. Au même titre,
d'ailleurs, que... je me permets de le dire, mais on est très proches, évidemment,
du palier municipal dans nos régions, et pour moi, c'est un non-sens quand
les municipalités lancent des portails d'information, évidemment faits par les municipalités,
donc on peut s'imaginer un peu
l'affaire. Tu sais, c'est sûr qu'on est moins, là, dans le portail
d'information en tant que tel, donc, mais, de plus en plus, ça prend forme, et on en fait en plus la
promotion, et tout ça, et ça vient concurrencer directement les plateformes
d'information numériques dans chacune
des municipalités. Et, pour un groupe comme nous et des plus
grands groupes, comme Cogeco, qui
sont en région, il y a aussi des individus dans une région donnée qui ont un
portail et qui fonctionne, où il y a 400 000, 500 000, 600 000 pages vues par
mois, où les gens réussissent à se faire une paie puis ils réussissent quand
même à faire de l'information. Ils
sortent, ils vont prendre des photos, ça écoeure le maire un peu. Le maire
n'est pas content, mais il fait son portail, puis il est suivi puis il
est écouté.
Donc, pour moi, la
relation avec le municipal aussi est importante, et moi, je pense qu'il faut
aussi mettre les municipalités dans le bateau pour qu'elles puissent
participer à cet effort-là et pour ne pas quelles deviennent, elles-mêmes,
un compétiteur des médias régionaux.
M. Poulin
(Beauce-Sud) : Merci, M. Chamberland.
Le Président (M.
Tanguay) : Alors, on va poursuivre avec le collègue de Saint-Jérôme.
M. Chassin :
...M. le Président?
Le Président (M.
Tanguay) : Il reste 7 min 25 s.
M. Chassin : D'accord. Merci beaucoup de votre présentation. Vous allez presque loin,
M. Chamberland, dans votre critique,
finalement, indirectement, de la concurrence subventionnée. Est-ce que je
comprends que, dans le fond, indirectement,
vous dites que la présence de radios, par
exemple, déjà subventionnées vous nuit, puis c'est pour cette raison-là que
vous ne souhaiteriez pas, par exemple, que Télé-Québec rentre dans ce mandat-là
où, dans l'état actuel, chacun a un peu sa mission, puis on parvient,
disons, à cohabiter?
M. Chamberland (Sylvain) : Oui, je pense que chacun a sa mission,
effectivement. Et aussi, bien évidemment, je pense que la démonstration n'est pas dure à faire, le jour où on
envoie un concurrent subventionné contre un concurrent qui ne l'est pas,
au départ, ça devient inéquitable, comme combat. Et je pense que ça, c'est,
évidemment, éternel.
Et moi, comprenez-moi
bien, j'ai moi-même dirigé l'information à Radio-Canada et je suis pour le fait
que... Radio-Canada a toujours été un
rempart pour la qualité de l'information et a permis un minimum. Donc, c'est
correct, on admet ça, là, puis ça a toujours
sa nécessité. Mais, pour moi, ce dont il est question, actuellement, c'est
d'envoyer en région, dans les petites
régions, en fait... Et on parle comme si les gens des régions n'étaient pas
bien renseignés, et c'est pour ça, ma dernière
recommandation. Ce que je dis, c'est qu'il devrait y avoir une table, ou peu
importe, où les gens des médias sont inclus
là-dedans et... une question de prendre connaissance de ce qui se passe. Vous
ne pouvez pas être au courant de tout, je
veux dire, à un moment donné, il y a 24 heures dans une journée. Mais, si
vous preniez connaissance vraiment de toutes les initiatives locales qu'il y a à gauche et à droite, ça changerait
peut-être votre perspective, vous diriez : Hum, doit-on vraiment envoyer Télé-Québec là-dedans? Peut-être
pas en information, parce qu'il y a déjà beaucoup, beaucoup d'initiatives;
peut-être, par contre, qu'on pourrait
soutenir les petites initiatives locales et leur donner une chance, pour les
gens qui sont seuls ou qui ont deux
employés, de se donner une chance de pouvoir grandir parce que tout le monde a
le droit au soleil, sans jeu de mots, là.
M. Chassin :
Merci, c'est une précision que je pense intéressante. Je reviens un petit peu
en arrière dans votre déclaration, vous
parlez de votre modèle en parlant d'une entreprise qui n'est pas publique, qui
n'appartient pas à un conglomérat, qui
n'est ni subventionnée ni financée par le gouvernement. Là, j'ai presque envie
de vous dire : Il manque comme un mot. Est-ce que vous êtes
rentables?
M. Chamberland (Sylvain) : Oui, bien, je l'ai dit, en fait. J'ai dit, un peu
plus tard, que notre modèle d'affaires était rentable, oui, absolument.
M. Chassin :
Parce que, quand vous dites...
M. Chamberland
(Sylvain) : Nos chiffres sont publics, d'ailleurs.
M. Chassin : D'accord. Parce que, quand vous dites que vous recommandez qu'on
accompagne d'efficacité les interventions
et que vous dites, par exemple : L'efficacité suppose qu'on écarte toute
forme d'aide d'urgence qui ne comporte pas
un plan pour la mise en oeuvre d'un modèle d'affaires pérenne, j'ai un peu
envie de vous challenger, permettez-moi l'expression, là-dessus : Si seulement on connaissait le modèle
d'affaires pérenne. Je pense qu'il y a une variété de modèles. On a entendu Le Devoir, on a entendu
des gens qui sont tout au numérique et vous, par exemple. Donc, évidemment,
c'est un peu, peut-être, difficile
que l'État juge d'un modèle d'affaires. Comment vous voyez ça? Est-ce que vous
pensez qu'il y a une avenue praticable là-dessus?
• (15 h 10) •
M. Chamberland
(Sylvain) : Oh! je pense que
oui, et c'est pour ça que je dis : Je pense que c'est nécessaire, qu'il
y ait des gens des médias pour vous
accompagner là-dedans pour que tout le monde... au moins, que vous ayez l'information.
Après, c'est à vous de
prendre l'information ou de prendre les décisions qu'il faut, mais je pense que
c'est important pour vous d'avoir l'ensemble de l'information.
Et Brian
Myles, avec Le Devoir, a quand même réussi quelque chose...
D'abord, ils sont rentables, ce n'est pas rien, et, deuxièmement — et moi, je pense que ça, c'est la voie — ils
ont quand même été très,
très agressifs sur le Web. Ils ont
été très insistants, très précurseurs à plusieurs égards, et aujourd'hui je
pense que ça leur rapporte.
L'idée, c'est
que le Québec, dans son ensemble, a été très lent à prendre le
virage numérique, et je pense qu'encore aujourd'hui on s'en ressent.
Et, quand on... il y a des thèmes sur lesquels on discute, là,
honnêtement, ça devrait être réglé. Donc,
je pense que notre retard nous suit encore aujourd'hui, et c'est aussi
une des raisons, probablement, où on n'a pas été assez rapides pour aller prendre ce virage-là et, nous-mêmes, se
positionner comme média. Donc, aujourd'hui, je pense qu'on en paie un peu le prix.
M. Chassin :
Merci.
Le
Président (M. Tanguay) :
Merci. Pour les quelque trois minutes restantes, je cède la parole au collègue
de Saint-Jean.
M. Lemieux : Merci,
M. le Président. M. Chamberland,
si on est en retard, il y en a-tu d'autres qui sont en avance? Parce
que, le modèle, il n'y a pas personne qui l'a trouvé, quand même, là.
M. Chamberland (Sylvain) : Oui.
En fait...
M. Lemieux : Ah! à part vous,
je veux dire, là.
M. Chamberland
(Sylvain) : Oui, non, non,
mais en fait, d'abord, je ne l'ai pas dit de façon arrogante, là. Si vous
me demandez si je suis rentable, la réponse,
c'est oui. Et je n'ai pas la prétention d'avoir inventé les boutons à quatre
trous, là, mais n'empêche qu'on a un
modèle rentable, cela dit, et évidemment on est dans une situation complètement
différente. Et c'est ce que je dis,
chaque média doit être évalué dans la façon dont il est constitué et comment
l'entreprise est organisée.
Mais moi, je vais
vous dire, une des clés... parce que, par-dessus le marché, je pense que, dans
l'ensemble, le salaire moyen de nos
employés est quand même relativement très intéressant, donc, et on a
amélioré la condition de l'ensemble des employés qu'on a acquis à travers
les transactions. Ce qu'on a changé, c'est de dire : On ne peut pas mettre
toute notre énergie, par exemple, à... Tu ne peux pas arriver le matin, faire ton émission de radio puis
t'en aller chez vous, en région, c'est impossible. Quand tu as fini ça,
bien, sais-tu quoi? On va recrinquer un peu de contenu puis on va réutiliser ce
contenu-là pour autre chose. On va faire
deux jobs où on va... Puis évidemment on est en région, c'est plus simple, puis
les gens, en plus, sont volontaires, en
plus, sont volontaires, heureux, et ils le font, ça leur tente, ils sont
dynamiques. C'est une tout autre
approche que de dire : Je suis contre le changement, je m'oppose à tout ce
qui est différent, je ne veux pas changer, je ne veux pas prendre le
virage, etc.
M. Lemieux : Donnez-moi les petites secondes qui restent pour
vous permettre de répondre à une dernière question au sujet de la fameuse régie de la publicité.
M. Chamberland (Sylvain) : Je
vous en prie.
M. Lemieux : Celui qui vous a précédé n'était pas vraiment
intéressé à la chose. Vous, vous avez beaucoup plus d'intérêt
à être intéressé. Pourquoi ça nous prend ça? Et puis est-ce que
c'est ça qu'il faut mettre à l'ordre du jour? Parce que la réunion que vous proposez, là, dans le fond, c'est pour le droit du public à l'information. Là, vous avez 14
stations dans 14 localités bien informées. Il y a encore, quand même,
des grands bouts qui n'ont pas de bout, au Québec, là.
M. Chamberland
(Sylvain) : Oui, bien, effectivement. Mais je vais reprendre votre premier point, qui était... C'était
quoi, votre première question, en fait?
Une voix : La régie publicitaire.
M. Chamberland (Sylvain) : La
régie publicitaire, oui. En fait, bien, moi, je pense que c'est une bonne
chose, d'avoir une régie publicitaire, dans
la mesure où les plus petits groupes indépendants en ont besoin, autrement on
n'est pas de taille avec le GAFA. Donc, par définition, moi, je pense
qu'on doit le faire. Et ça, c'est notre responsabilité, ce n'est pas la responsabilité du gouvernement. Il y a déjà des discussions qui avaient été entamées, entre autres avec Le Soleil, avec... même
Cogeco était là, Le Devoir, et tout ça, il y avait beaucoup
de gens qui étaient autour de la table pour ça. Donc, je pense que ça
aurait dû et ça devrait aller beaucoup plus loin, ça...
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Merci beaucoup. Vous aurez l'occasion d'étayer dans le prochain bloc,
je vous en prie, 10 minutes, et c'est le bloc que nous débutons avec la
collègue de Verdun.
Mme Melançon : Merci
beaucoup. Bonjour.
M. Chamberland, c'est clair, là, c'est des propos clairs, c'est passionné,
c'est formidable, merci. Je vais commencer par vous demander : Les géants
du Web, ils devraient payer leurs impôts, leurs taxes au Québec?
M. Chamberland
(Sylvain) : J'ai évité de l'écrire comme ça...
Mme Melançon : Oui, c'est ça,
c'est pour ça que je vous pose la question.
M. Chamberland
(Sylvain) : ...parce qu'on
voit ce que ça a coûté à la France, là, d'imposer... Je veux dire, moi, en fait, là, un, je ne suis pas en politique et,
deux, je n'ai pas l'intention de prétendre que tout est facile en politique, tu
calles une shot, puis tout... tu sais, dans
le fond, tu calles une shot, puis ça a plein de dommages collatéraux. Donc, je
comprends que ce n'est pas aussi simple, et c'est pour ça que je ne l'ai
pas écrit.
Pour moi, ils
sont là. D'essayer de les... S'il faut les taxer, parfait, vous faites ce que
vous avez à faire. Mais, moi, ce que
je propose, par contre, ce qu'on contrôle, là, rapidement, c'est d'arrêter d'en
mettre là, par exemple. Mettez-en 5 % puis arrêtez, mettez-en plus,
mettez-en pas, mettez-les dans les médias québécois. Il n'y a aucune raison
pour que ça ne soit pas dans les médias québécois, mis à part le fait
que je comprends qu'on est en 2019, qu'on doit rejoindre les jeunes par les
médias sociaux et que c'est normal que le gouvernement, pour atteindre l'ensemble
de la population... Comme nous-mêmes, on le
dit dans notre mémoire, qu'on utilise un moyen qui s'appelle les médias
sociaux, c'est normal et c'est O.K., mais moi, je pense que ce qu'il faut, c'est
contrôler la gestion de ça, autrement les agences vont emberlificoter les
gens des coms et vont finir par, finalement, leur faire dépenser tout le budget dans les places où les agences
décident. Ce n'est pas les agences qui devraient décider, c'est le gouvernement qui décide. C'est le gouvernement qui calle les shots puis qui dit à l'agence : Toi, «like it or
not», c'est ça que tu vas faire, ou, sais-tu quoi, on va prendre une autre
agence, puis ça finit là. Ça, ça devrait être dit.
Mme Melançon : Bien, c'est ce
qu'on entend pas mal depuis hier, là, puis les agences de placement...
M. Chamberland (Sylvain) : Oui,
je sais. Je sais, oui.
Mme Melançon :
Non, mais c'est bien, qu'on puisse le répéter, parce que je pense que ça va
être clair, quand même, ce bout-là de la commission.
Justement, en
pourcentage, parce qu'il va falloir que nous, là, comme membres de cette
commission-là, on puisse dire :
Est-ce qu'on a un pourcentage?, qu'est-ce qu'on devrait proposer? Il y en a un
qui l'a chiffré, c'est Le Devoir, ce matin, avec 5 %.
Avez-vous un chiffre? Avez-vous une idée?
Mme Chicoine (Krystel) : ...on
irait vers 5 % aussi.
Mme Melançon :
Vers 5 %? Parfait. Puis j'imagine que ça, M. Chamberland, ça vient
dans votre liste de «ça devrait être réglé»?
M. Chamberland
(Sylvain) : Bien, c'est sûr
qu'honnêtement je... Franchement, là, c'est comme si on était en train de discuter du réel pouvoir du gouvernement à
prendre des décisions, alors que, honnêtement, le gouvernement a toutes les
marges de manoeuvre pour prendre la décision. Ça ne se peut pas, que ça soit
des agences de publicité qui branlent la queue du chien puis qui, finalement, décident de ce qui se passe. Le
gouvernement décide : Sais-tu quoi, c'est 5 %, «take it or leave it», tu nous donnes des rapports, puis on
ne veut plus en entendre parler, c'est tout. Tu investis en région, tu investis
en région, ce n'est pas compliqué, là.
Tout le monde
dit : Ah! c'est compliqué. Ce n'est pas compliqué, il y a deux agences, il
y a Target puis il y a MPV, que vous avez vue hier. Il y a deux agences
qui représentent l'ensemble des stations de radio régionales, tu appelles les deux stations, ça finit là. Que ça fasse son
affaire ou pas, là, que tu restes à Montréal puis que tu ne connaisses pas...
on ne te demande pas de connaître la
géopolitique du Québec, là. Sais-tu quoi, tu appelles les deux agences :
Tu investis partout, merci, bonsoir. Ce n'est pas plus compliqué que ça,
mais il faut l'imposer.
Mme Melançon : Il faut sortir
de ce qu'on appelle, dans le jargon gouvernemental, des pôles médias.
M. Chamberland (Sylvain) : Bien
oui, là, c'est sûr.
Mme Melançon : C'est ce que
j'entends là.
M. Chamberland (Sylvain) :
C'est sûr.
Mme Melançon :
Parfait. Parce que, nous, ça fait quand même 118 jours — je ne l'avais pas dit, ça fait que, là,
j'avais besoin de le dire — qu'on attend après une directive qui devrait
venir et qui est facile, là. Vous le dites vous-même, là, ça peut être
très facile.
M. Chamberland (Sylvain) : De
mon point de vue, évidemment.
Mme Melançon : Oui, oui, bien
sûr.
M. Chamberland (Sylvain) :
Assis dans ma chaise, c'est facile. Moi, je ne suis pas assis dans la vôtre.
Mme Melançon :
Tout à fait, tout à fait, j'entends bien. Sur Télé-Québec, je voudrais qu'on
puisse revenir. Et les gens de
Télé-Québec viennent tout de suite après, là, j'ai vu Mme Collin, oui, qui est
là. Je veux juste vous entendre sur... Vous
voyez une possibilité, vous, où ils peuvent faire un travail en affaires
publiques. Parce qu'affaires publiques ça coûte cher, c'est ce que vous
voulez démontrer, hein?
M. Chamberland (Sylvain) :
Exactement, exactement.
Mme Melançon : Voulez-vous,
juste pour le bien de la commission...
M. Chamberland
(Sylvain) : Oui, exactement.
En fait, c'est ça, mon point, c'est que, si on veut vraiment compléter l'offre
d'information puis on veut vraiment donner un mandat à Télé-Québec, moi, je
pense que de donner de l'argent... Parce
qu'effectivement ça coûte une fortune. Il n'y a pas un média local qui pourrait
se permettre de faire des grandes affaires publiques, à ce moment-là, et c'est là que Radio-Canada s'est
distinguée, entre autres choses. Et, pour moi, le... Parce qu'on parle quand même de démocratie ici et de chien de
garde, là. Je pense qu'en donnant de l'argent ou en finançant Télé-Québec
pour qu'il puisse faire des reportages
d'affaires publiques, là on est en affaires. Moi, je pense qu'on parle de
quelque chose d'important qui, en
plus, viendrait équilibrer l'offre, plus que ça même, viendrait aussi donner
une contrepartie à Radio-Canada, ce qui serait très bien.
Mais, si vous
les envoyez en information régionale sur le terrain, là, moi, je vous
dis : Un, on se perd, deux, vous n'aurez
pas nécessairement de plus-value, et moi, je vous dis, trois, si vous saviez
exactement ce qui se passe sur le terrain dans chacune des municipalités, vous seriez tellement surpris que vous
diriez : Ah! finalement, tabarouette, ce n'est pas comme on pensait. Donc, moi, je pense qu'il faut
prendre la mesure de ça avant de donner un mandat à Télé-Québec dans ce
sens-là. Par contre, en affaires publiques, moi, j'appuierais ça à 100 %.
Mme Melançon : Je vais me
tourner vers Mme Chevalier quelques secondes, là. Vous, c'est la
Côte-Nord?
Mme Chevalier (Elisabeth) :
Oui, absolument.
Mme Melançon : Donc, ce que
vous êtes en train de nous dire aussi, dans la question d'équité, dans toute la
présentation que vous avez faite, là, ce qui
se passe sur la Côte-Nord, ce n'est pas ce qui se passe, actuellement, dans la région de Sherbrooke.
• (15 h 20) •
Mme Chevalier
(Elisabeth) : Non, absolument
pas. Puis je peux vous dire que, quand je vais à l'extérieur de la ville, de ma ville, en vacances, j'entends beaucoup
de publicité sociétale qui n'est pas diffusée chez nous, puis ça, ça me fait beaucoup
de peine. Ça nous fait grincer des dents, parce qu'évidemment c'est le nerf de
la guerre, hein, en région également comme
les grands centres, d'entendre les publicités qui sont destinées à tous les
Québécois mais pas aux Septiliens puis pas aux Nordcôtiers.
Mme Melançon :
Et là je veux juste être claire, vous ne l'entendez pas chez vous pas
uniquement... pas dans votre radio, mais pas dans votre région totale?
Mme Chevalier (Elisabeth) :
Absolument, absolument.
Mme Melançon :
Ça, c'est important, là. Je pense que, ça, il faut bien entendre le tout. Il me
reste combien de temps?
Le Président (M. Tanguay) :
3 min 20 s.
Mme Melançon :
Ah! bien, je vais... M. le Président, je laisserais quelques instants à ma
collègue, s'il vous plaît.
Le
Président (M. Tanguay) : Sur votre invitation, on va céder
ensemble la parole à la collègue de Saint-Laurent.
Mme Rizqy :
Merci. Merci beaucoup. Merci pour votre présentation bien sentie. Tantôt, vous
le mentionniez, on parlait justement
de la taxe GAFA, puis vous avez dit : Moi, je ne fais pas de la politique.
Mais, quand même, c'est important, parce
que souvent les gens... Quand M. Macron, le président français, a décidé
d'instaurer la taxe GAFA, plusieurs ont dit : Faites-le pas, vous ne pouvez pas le faire, hein, parce qu'il
faut attendre, là, les travaux de l'OCDE. Puis sachez que ça tarde
depuis 1998, les travaux de l'OCDE, sur la fiscalité numérique, alors il faut
être patient. Et, oui, effectivement, immédiatement,
on sait qu'est-ce qui est arrivé, le président américain a tweeté et menacé les
exportations de vins français, mais la situation est réglée, il y a eu
une entente.
Alors, je
pense que, si M. Macron et M. Trump ont été capables de s'entendre
rapidement, au G7, et que, d'un commun accord,
les pays membres du G7, dont le Canada, ont dit : Bien effectivement, plus
tard, lorsqu'il y aura le fameux projet de loi de l'OCDE et que les pays membres du G7 l'appliqueront, eh bien,
on fera, à ce moment-là, un appariement entre les recettes qui ont été payées en impôts en France et qu'est-ce qui
aurait dû être payé... Mais moi, je me dis : Bien, au Québec, on a notre propre loi d'impôt qu'on est capables
de voter ici, au salon bleu, on a notre propre agence, Revenu Québec,
alors que les autres provinces n'ont
pas cela, puis je me suis dit... Moi, il me semble que j'ai déjà été assise à
votre chaise à vous lorsque je venais
plaider contre les paradis fiscaux et pour, justement, l'équité fiscale et je
me rappelle qu'il y a des gens qui ont dit : Non, ça
prend un pays. Moi, j'ai dit : Non, on est capables de le faire, au
Québec. Et un certain ministre des Finances
de l'époque a dit : Bien, on n'attendra pas après Ottawa, on va faire la
taxe Netflix, puis, quand Ottawa voudra le faire, ils le feront. Moi, je me suis dit : Si, au Québec, la
dernière fois qu'on a parlé de la taxe Netflix, puis que tout le monde nous a dit que c'était bien trop compliqué,
puis qu'on l'a fait à l'intérieur de six mois... Là, il y a une mise à jour
économique là, là, en novembre au Québec, moi, je me dis : Bien, on
pourrait avoir un ministre des Finances du Québec qui va dire : On va faire notre taxe GAFA. Puis, pire que cela,
j'avance la chose suivante, on sait pertinemment qu'en ce moment il n'y a pas d'appétit, à Ottawa, pour collecter
la TPS sur les produits numériques, donc ils laissent cinq points de pourcentage. Le dernier rapport du Vérificateur
général du Canada disait que, si le gouvernement canadien avait adopté le
même principe qu'au Québec, bien, ils
auraient cherché 62 millions. Là, je me dis : Bien, si Ottawa n'en
veut pas, de ces points de
pourcentage, pourquoi qu'on ne prendrait pas ce point de pourcentage laissé
vacant puis qu'on le mettrait dans un fonds qui pourrait aider notre
culture, notre presse écrite? Qu'est-ce que vous en pensez?
M. Chamberland (Sylvain) :
J'allais vous dire : Si vous nous renvoyez juste 50 % de l'argent,
nous, on est complètement preneurs. Dans ce cas-là, on est avec vous.
Mme Rizqy :
Bon, là, dans ce cas-ci, vous comprendrez que... Est-ce que, pour vous, c'est
une urgence, que même déjà, dans la mise à jour économique de cet automne, nous
aussi, au Québec, le gouvernement décide d'aller de l'avant puis dire
qu'effectivement il faut occuper tous nos pouvoirs fiscaux que nous avons le
droit de faire?
M. Chamberland (Sylvain) :
Bien, en fait, je pense qu'il y a une forme d'urgence, c'est clair. Maintenant, évidemment, pour moi, l'utilisation de la somme
d'argent l'est tout autant. Donc, si, par exemple, le gouvernement décide
de prendre cet argent-là pour vraiment le
réinvestir dans le domaine de la culture en général au Québec, c'est sûr que,
là, on fait une affaire d'or, si
c'est ça qu'on fait. J'ai toujours une petite méfiance, là, mais, si,
admettons, c'est vraiment ça qu'on fait, qu'on prend le produit des
taxes et qu'on l'applique dans notre... pour élaborer et mettre en valeur la
culture québécoise par le biais de ces
médias, par exemple, ou de ces entreprises culturelles en général, c'est une
très bonne idée.
Le Président
(M. Tanguay) : Merci. Alors, on va poursuivre, avec
2 min 30 s, avec notre collègue de Rimouski.
M. LeBel :
O.K. Bien, merci, M. le Président. Bonjour. Dans une de vos propositions, à la
proposition n° 5, là, vous
dites que le gouvernement devrait préparer, avec les acteurs du monde des
médias, une politique globale. Vous savez, au fédéral, ils ont le pouvoir sur les droits d'auteur, sur la
radiodiffusion, télécoms, l'impôt sur le revenu, conditions de licence, CRTC. Comment vous pensez qu'on peut se
donner une politique globale sans ces patentes-là avec nous autres?
M. Chamberland
(Sylvain) : Oui, puis vous
avez raison, puis je pense, je pense... puis tout à fait, et je pense que
les représentants du fédéral devraient être
là, à la table, aussi, ça devrait être des acteurs impliqués dans cette
démarche-là. Évidemment, là on est à l'Assemblée nationale, là, donc...
mais il reste qu'effectivement il devrait y avoir des acteurs au fédéral. Je pense que le CRTC, de toute façon, a quand
même un pouvoir immense. Et je parle
juste de la radio, il y a toutes sortes de mécanismes qui pourraient exister
pour faciliter la vie des radios. Comme Michel disait tantôt,
ça fait six ans que les revenus sont
en baisse, donc c'est important. Et évidemment ils ont les guidons dans les mains, donc c'est
clair qu'il devrait y avoir des représentants. Mais, cela dit, ça n'empêche pas le Québec de, minimalement, en tout cas, s'assurer qu'il fait ce qu'il peut pour comprendre son univers
médiatique.
M. LeBel : Mais ça fait longtemps qu'on fait ce qu'on
peut, mais je pense qu'il faut faire plus que ce qu'on peut,
il faut arriver avec quelque chose de solide. Et je pense que, tant qu'on n'a pas ces pouvoirs-là, on
n'arrivera pas à une politique
solide, globale comme vous voulez, c'est
bien dommage. Puis amener le fédéral autour d'une table... puis je comprends
aussi que vous voulez que le municipal
soit là, ils ont une responsabilité aussi, ça fait que ça fait pas mal de monde
autour de la même table à essayer, chacun avec son petit pouvoir, à
essayer de régler. Revenons-en au... Moi, je pense qu'il faudrait
rapatrier tous ces pouvoirs-là ici, au Québec.
M. Chamberland (Sylvain) :
Bien, je suis un naïf, un naïf heureux.
M. LeBel : Ah! non, non, il ne faut pas être naïf, mais je pense
qu'on serait capables de rapatrier ces pouvoirs-là puis on pourrait se
donner une vraie politique globale pour les communications.
Le monde
municipal, vous en avez parlé, vous trouvez qu'il a une responsabilité. J'aimerais ça vous en entendre parler un peu plus. On a souvent
parlé des avis, là, publics dans les journaux.
M. Chamberland (Sylvain) : Oui,
oui, c'est ça.
M. LeBel : C'est quoi, selon vous, la responsabilité du monde municipal puis des régions dans l'avenir des médias
régionaux?
M. Chamberland
(Sylvain) : Mais, comme je
disais, il y a deux choses, pour moi, qui me frappent, en tout cas. Il y a un désinvestissement total des municipalités dans leurs régions
ou dans leurs municipalités, et ça, et je dirais un peu, c'est l'effet Trump, c'est-à-dire : Je passe
directement par les médias sociaux pour adresser mes messages, je contrôle mon message, puis il n'y a
pas besoin de journalistes qui vont venir me dire ou suivre ce que je dois faire.
Donc, ça, pour moi, ça devient une tendance dangereuse parce que, de plus en
plus, on voit des municipalités qui non seulement gèrent leur site Web, gèrent leurs messages, gèrent l'information... ça
ressemble à un portail d'information, et finalement le citoyen, là, lui, il se
perd. Puis c'est de l'information...
Le Président (M.
Tanguay) : Merci.
M. Chamberland (Sylvain) : ...puis, oui, je comprends, mais ce n'est pas de
l'information, ce n'est pas un média d'information.
Et ça, moi, je pense que les municipalités devraient un peu être encadrées dans
une certaine forme, et dire :
Écoute, il y a toujours bien une limite à ce que tu peux faire ou mettre en
ligne, et tout ça.
Le
Président (M. Tanguay) :
Merci. Merci beaucoup. Pour un dernier bloc de deux minutes avec notre
collègue de Marie-Victorin.
Mme Fournier : Merci beaucoup pour votre présentation. Vous avez dit que vous
compreniez que le gouvernement puisse investir jusqu'à, à peu près, 5 % de ses revenus
publicitaires sur les GAFA parce que c'est important, de rejoindre les jeunes. Bien, les jeunes, on s'entend, vont
finir par vieillir, il va y avoir d'autres jeunes aussi qui vont arriver au
Québec. Ce qui m'amène à dire, puis
je vais être franche avec vous, je me demande si ce n'est pas un peu illusoire,
de croire qu'on peut revenir en
arrière en ce qui a trait à l'investissement en publicité, par exemple, sur les
GAFA de ce monde. Même avec une régie
publicitaire québécoise, est-ce qu'on peut vraiment compétitionner contre des
outils, on ne va pas se le cacher, où sont investis des centaines de
millions, voire des milliards de dollars à chaque année pour augmenter la
technologie? Donc, je pense qu'il faut avoir
cette préoccupation-là si on veut réussir à trouver des solutions qui ne vont
pas seulement être bonnes pour les
cinq prochaines années mais qui vont pouvoir assurer une pérennité à
l'industrie médiatique québécoise à long terme.
Alors, ce qui m'amène
à ma question. J'ai vu, dans votre mémoire, donc, vous vous êtes positionnés,
disons, à l'encontre d'une aide
gouvernementale ou, du moins, à long terme. Mais pourquoi, si cette aide
gouvernementale... Par exemple, si cette aide était récurrente, si elle
était équitable envers tous, pourquoi est-ce que vous vous y opposez?
M. Chamberland (Sylvain) : Ah! si elle était équitable pour tous, il n'y a
pas de problème. Ce que je dis bien dans le mémoire, c'est : Je ne
suis pas pour les aides de façon catastrophée, je ne suis pas pour l'aide à la
pièce...
Mme Fournier :
...récurrent.
M. Chamberland (Sylvain) : Oui. Bien, en fait, si c'était récurrent mais
surtout équitable, moi, là-dessus, j'en suis. Et moi, je pense qu'il y
a des façons, effectivement, peut-être d'aider les médias, et tout ça, mais moi, je
pense qu'on doit le faire de la bonne
façon. On doit le faire de la bonne façon, on doit réfléchir vraiment
au mécanisme fiscal qui va venir. Ça
ne doit pas être juste une compensation pour dire : Ah! je donne un crédit
d'impôt sur tous les emplois, na, na, na. Tout ça, c'est... O.K., mais moi, je pense qu'il faut
vraiment y réfléchir, comment on veut faire ça et comment on veut vraiment relancer l'industrie, si c'est ça,
le but, et ça devrait être ça, le but.
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, ceci termine nos échanges. Merci aux
représentants d'Arsenal Média.
Et,
afin de permettre aux représentantes de Télé-Québec de prendre place, je suspends nos travaux quelques
instants. Merci.
(Suspension de la séance à
15 h 30)
(Reprise à 15 h 32)
Le
Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous
reprenons nos travaux et accueillons maintenant les représentantes de Télé-Québec. Bienvenue à votre Assemblée
nationale. Vous disposez d'une période de 10 minutes de présentation et, par la suite, vous aurez
l'occasion d'échanger avec les collègues députés. Je vous demanderais, pour les
fins d'enregistrement, de bien préciser vos noms et fonctions. Et, sans plus
tarder, la parole est à vous.
Société de télédiffusion du
Québec
Mme Collin (Marie) : Merci. Alors, mon nom est Marie Collin, je suis
présidente-directrice générale de Télé-Québec.
Mme Tardif (Nicole) : Bonjour. Mon nom est Nicole Tardif, je suis
directrice générale des communications de Télé-Québec.
Mme Collin (Marie) : M. le Président, Mmes et MM. membres de la
commission et les députés, je remercie les membres de m'avoir invitée pour présenter les observations de
Télé-Québec sur l'avenir des médias d'information et pour témoigner de 50 ans
d'expérience du seul diffuseur public du Québec dans l'univers des médias
traditionnels et numériques.
Laissez-moi
d'abord vous présenter brièvement ce qui caractérise Télé-Québec d'aujourd'hui.
Depuis 1968, Télé-Québec est une entreprise
de diffusion publique unique au sein du paysage médiatique québécois. La
particularité de Télé-Québec provient
de sa loi constitutive, qui fait d'elle un service de diffusion essentiellement
éducative et culturelle et qui doit
assurer, par tout mode de diffusion — et je dis bien tout mode de diffusion — l'accessibilité de ses produits au
public.
En
plus de sa mission éducative, Télé-Québec a également reçu du gouvernement
québécois une mission de promotion des
contenus culturels d'ici, des réalités régionales et de la diversité du Québec.
Bien que son mandat soit régi par la législation québécoise, Télé-Québec doit opérer avec une licence de radiodiffusion
de station de télévision éducative de langue française émise par le CRTC. Le diffuseur public joue un
rôle de premier plan dans le paysage médiatique national en permettant à
toutes les Québécoises et à tous les
Québécois et particulièrement aux enfants de découvrir des contenus innovants
de qualité en langue française et sur toutes les plateformes
disponibles.
En
donnant l'accès à des contenus audiovisuels qui reflètent nos valeurs, qui
véhiculent notre langue, Télé-Québec a
eu des impacts importants sur plusieurs générations d'enfants en agissant comme
moteur de leur identification culturelle et dans la stimulation de leur apprentissage. De plus, La Fabrique
culturelle est la première et la seule plateforme Internet
entièrement consacrée à la culture vivante du Québec, toutes disciplines et
toutes régions confondues.
Alors que la majorité
des médias sont la propriété de groupes privés à but lucratif, notre rôle
consiste à innover, prendre des risques avec
de nouveaux talents, être le reflet de notre diversité culturelle et contribuer
à la diversité des voix. Ainsi, le
rôle du diffuseur public québécois
est plus que jamais essentiel dans un univers où l'on assiste à une
standardisation de l'offre. Avec plus
de 3,9 millions de téléspectateurs en moyenne chaque semaine, Télé-Québec rejoint plus de la moitié des francophones du Québec et les deux
tiers des jeunes de deux à 11 ans grâce à sa programmation composée à 40 %
d'émissions jeunesse.
Largement
présente sur Internet, Télé-Québec a enregistré, l'année dernière, un total de
28,7 millions de visites sur ses
différents sites et 13,5 millions de branchements vidéo. De son côté, La
Fabrique culturelle a enregistré, l'an dernier, près de 1 million de visites pour plus de
2 millions de visionnements provenant de toutes les régions du Québec.
En cinq ans, ce sont plus de 5 500 artistes qui ont bénéficié de
cette tribune unique.
Sur
le plan financier, les ressources de Télé-Québec sont mixtes. Les subventions de fonctionnement
attribuées par le gouvernement du Québec représentent environ 77 %
de nos revenus. Le solde provient de nos revenus autonomes, pratiquement et essentiellement ceux qui
découlent de la publicité. À l'instar de l'ensemble du marché publicitaire,
Télé-Québec voit ses revenus baisser à mesure que l'écoute se déplace vers les
plateformes en ligne.
Il
est important de rappeler que, l'année dernière, pour la première fois, au Canada,
les dépenses publicitaires sur les plateformes numériques ont dépassé
celles sur les médias traditionnels. Mais les grands gagnants de cette
évolution, vous en avez entendu parler
depuis le début de la semaine : Google, Facebook, qui s'accaparent près
des trois quarts des dépenses
publicitaires sur les plateformes numériques, une proportion plus importante au
Canada qu'aux États-Unis et qu'au Royaume-Uni.
Au
Québec comme ailleurs dans le monde, les services de diffusion en ligne
peinent à récolter autant de revenus que la télévision dite
traditionnelle. Selon le CRTC, les revenus des plateformes numériques liées aux
services privés de télévision ne
représenteraient, en 2017, qu'à peine 5 % de leurs revenus totaux. Télé-Québec s'inscrit dans la même tendance.
Le
coeur du problème auquel fait face l'ensemble des médias de la planète est
principalement une crise des ventes publicitaires, qui rend les modèles
d'affaires obsolètes. Or, l'information a un coût, qui doit être partagé par
l'ensemble de la société. C'est pourquoi des
pays comme la France, la Nouvelle-Zélande mais aussi le Royaume-Uni et l'Espagne ont
pris des mesures législatives structurantes
pour imposer les géants du Web sur leurs revenus générés sur leurs territoires
mais aussi obliger les grandes plateformes numériques à rémunérer les
éditeurs de presse pour l'utilisation de leurs contenus.
Télé-Québec est en
effet... Pardon, j'essaie de parler trop vite, je veux rentrer dans le
10 minutes. Je ralentis. Télé-Québec est en effet persuadée que, pour permettre au
citoyen de jouer librement son rôle dans la société, par exemple voter avec clairvoyance, les médias doivent fournir une information de
qualité que seules des salles de nouvelles adéquatement financées sont capables
de fournir. C'est pourquoi de nombreuses entreprises médiatiques se sont
regroupées, entraînant une concentration de plus en plus importante des
médias au Québec.
Dans
ce contexte, Télé-Québec a choisi sa niche. Nous voulons offrir à nos
auditoires des contenus qui permettent de
prendre du recul, d'analyser, de comprendre et de mettre en perspective la
masse toujours plus grande d'information qui nous submerge. Si Télé-Québec n'offre pas de
bulletin d'information, elle diffuse des émissions d'information d'intérêt
général pour nous faire réfléchir : Les
francs-tireurs, Dans les médias, Zone franche, mais aussi des
documentaires et des séries de baladodiffusion qui traitent de sujets
d'actualité qui portent sur les grands enjeux de la société.
Dans un monde où la
diversité des voix est menacée par la concentration médiatique, notamment en
région, Télé-Québec est une garantie d'indépendance éditoriale
précieuse pour notre démocratie. En contrepartie, tout en n'étant pas un média intégré verticalement sur le plan de
la propriété, Télé-Québec est certainement un des médias ayant le plus
grand nombre de partenaires d'affaires avec les autres médias québécois.
Suite
au dépôt du rapport de Mme Payette en 2010, Télé-Québec avait reçu le
mandat de la ministre de la Culture
et des Communications de l'époque, Mme St-Pierre, d'étudier la
faisabilité d'une plateforme d'information interrégionale qui réunirait les médias communautaires,
coopératifs et indépendants du Québec. Cette étude de faisabilité, déposée en 2012,
a révélé que les défis étaient importants. Par exemple, la mise à jour
permanente de la plateforme, la mobilisation de l'ensemble des partenaires, la qualité professionnelle des contenus
ainsi que le financement pérenne d'un tel projet avaient été identifiés.
Huit ans plus tard, il est fort probable que ces défis seraient encore plus
grands dans le contexte actuel.
• (15 h 40) •
En l'absence
d'un financement pour ce projet d'information, en 2013, Télé-Québec s'est lancée dans l'élaboration d'une plateforme culturelle
panquébécoise. Est ainsi née La Fabrique culturelle en 2014. Avec La
Fabrique culturelle, Télé-Québec remplit non
seulement son mandat, mais elle s'impose comme actrice de la mutation des
médias vers le numérique. Les 10 bureaux
régionaux de Télé-Québec travaillent conjointement avec 140 partenaires du
milieu culturel et des milieux de la
communauté pour permettre la diffusion de contenu culturel de toutes les
régions. Elle rayonne à l'intérieur comme à l'extérieur des frontières
du Québec.
Par exemple, au Sommet de la Francophonie, à Erevan, nous avions une expérience
360° qui a été diffusée. Sans le
partenariat, par exemple, du ministère
des Relations internationales, ceci
aurait été impossible. Bénéficiant d'un budget de 4,6 millions par année à même les budgets de Télé-Québec, La Fabrique culturelle est accessible gratuitement et sans
publicité, comme dans la plupart des cas des autres sites culturels en ligne.
Télé-Québec pense que des mesures structurantes, économiques, fiscales et
réglementaires doivent être mises en place
rapidement. Télé-Québec se sent également très concernée par l'éducation et la protection
des citoyens, et particulièrement les plus jeunes, et croit qu'ils doivent
développer des compétences en littératie médiatique et en citoyenneté
numérique pour devenir des citoyens éclairés.
Télé-Québec croit que les industries culturelles nationales, les médias d'information et les organisations
institutionnelles doivent se
mobiliser pour assurer l'accès à une programmation nationale de qualité en
langue française dans un univers où la découvrabilité d'un contenu est
ultimement liée à sa capacité à attirer et à retenir l'attention d'un public
extrêmement sollicité. Mais l'enjeu du
numérique réside également dans la maîtrise et l'exploitation des données des
utilisateurs afin d'offrir aux
annonceurs, à l'instar de Google et Facebook, la possibilité de mieux cibler
les publicités. Dans plusieurs pays, des
entreprises médiatiques se regroupent, adoptent des environnements fermés
nécessitant une identification permettant de constituer et de partager une large base de données sur les usagers
et ainsi les utiliser pour offrir des publicités et des services
personnalisés.
Télé-Québec
estime que, dans la diversité des voix dans les médias d'information, la
présence des différentes régions dans
les nouvelles et l'accessibilité de tous à une information d'intérêt général en
français, fiable et factuelle ne pourrait être assurée que par des partenariats entre les entreprises, les syndicats,
les organismes gouvernementaux et les acteurs locaux. Télé-Québec pourrait considérer divers partenariats
avec des médias d'information régionaux et locaux, que ce soit pour offrir des
fenêtres de visibilité sur ses plateformes numériques, pour créer ou présenter
des contenus d'information originaux, pour partager son expertise en
production audiovisuelle ou pour faire profiter de son implantation régionale.
Enfin, compte
tenu de son expertise auprès de la jeunesse québécoise, Télé-Québec pourrait contribuer à la formation des futurs citoyens à la littératie numérique en procurant aux
enseignants du Québec les outils nécessaires pour les
accompagner.
M. le Président, Mmes et MM. les députés, je
vais répondre à vos questions avec plaisir.
Le
Président (M. Tanguay) :
Merci beaucoup. Alors, merci pour cette présentation, qui a
excédé quelque peu de 10 minutes,
mais le temps a été pris sur le temps du gouvernement. Donc, à leur
demande, nous avons permis que vous puissiez conclure. Alors, sans plus
tarder, pour 14 min 30 s, je cède la parole au collègue de Beauce-Sud.
M. Poulin (Beauce-Sud) : Merci,
M. le Président. Mme Collin, Mme Tardif, c'est un plaisir de vous
retrouver aujourd'hui en commission
parlementaire pour parler de télé,
mais parler de notre télévision québécoise tout particulièrement.
Tout d'abord,
merci pour le travail que vous faites à chaque jour. On sait que l'univers
télévisuel est extrêmement compétitif. Ça prend de l'imagination, il faut
être créatif. Et, moi, quand je regarde, depuis que j'étais jeune, quand
j'écoutais Télé-Québec, à aujourd'hui, l'évolution incroyable de cette télévision-là,
vous avez eu des directions très fortes. Vous avez eu des directions à
la programmation qui étaient également très fortes... qui a permis d'ajouter
des émissions d'affaires publiques fort intéressantes aussi, qui nous
questionnent, qui nous amènent certainement à voir l'actualité sous d'autres
sens, et je pense que vous remplissez très bien votre mandat. D'ailleurs, le
dernier budget du gouvernement du Québec confirmait
de nouvelles sommes financières pour la production, un excellent travail qui a
été accompli par la ministre de la Culture. Alors, j'en suis très fier et je
suis convaincu que ça va pouvoir permettre à Télé-Québec de se propulser encore
plus loin.
Maintenant,
vous avez déjà fait des études, en 2012, concernant l'information régionale.
C'est évident que les états de fait de 2012, j'imagine, versus en 2019 doivent
être très différents dans l'univers dans lequel on vit. J'aimerais... Vous en faites quelques faits saillants à
l'intérieur de votre rapport, mais quels seraient les principaux défis que vous
avez remarqués, dans votre étude de faisabilité en 2012 mais pour la suite des
choses également, qui feraient que ça deviendrait peut-être difficile ou, du
moins, plus complexe d'avoir ces antennes régionales d'information, peut-être,
très précises? Vous parliez, entre
autres, là, de 13 rédacteurs en chef régionaux, 23 personnes. Donc, je veux
peut-être vous entendre sur les principaux défis à ce niveau-là.
Mme Collin
(Marie) : D'abord,
vous l'avez bien dit, hein, c'est une étude qui date de 2012, et vous voyez à
quel point la situation évolue très,
très rapidement. Je pense
qu'avant de développer ou de penser redévelopper un projet de ce type-là
il faudrait aller prendre le pouls.
Il faut d'abord comprendre que le projet de 2012, là — même
si je n'y étais pas, j'ai pris beaucoup d'information — était un projet
d'agrégateur. Télé-Québec avait un statut d'agrégateur, et travaillait avec des
médias communautaires et coopératifs pour développer une plateforme, et faisait
de l'encadrement et, je dirais, jusqu'à de la formation. C'était le
projet initial.
Au moment où
je vous parle, c'est difficile de vous dire si on pourrait reprendre ce
projet-là tel quel, parce qu'avant de décider de faire ça il faudrait aller
voir l'état de la situation des médias communautaires sur le terrain,
clairement. Deuxièmement, une plateforme en 2012 puis une plateforme
aujourd'hui, technologiquement, clairement, il y aurait, je dirais, des avancées technologiques qui nous
obligeraient à des dépenses beaucoup plus importantes... qui étaient prévues
au départ, clairement.
M. Poulin
(Beauce-Sud) : Je vais laisser la parole à mes autres collègues, mais
peut-être, en terminant, Mme Collin, vous dire qu'un des plus grands défis que nous aurons dans les
prochaines années, et j'en suis convaincu, que vous en êtes extrêmement sensibilisée, c'est l'offre culturelle
au Québec et son accessibilité. Lorsqu'on tape sur Internet — on va parler des géants quelques minutes, quelques secondes — lorsqu'on tente de trouver des émissions
québécoises, c'est extrêmement difficile.
Lorsqu'on tente d'avoir accès à des archives de nos émissions québécoises,
c'est très difficile. Alors, il y aura un devoir, je pense, de fédérer, pour une des rares fois de l'histoire du
Québec, différentes télévisions ensemble et de dire de quelle façon, quand on est le seul îlot
francophone en Amérique du Nord, on peut mieux se positionner. Peut-être qu'on
aurait dû faire ça il y a longtemps, mais moi, je crois qu'il n'est jamais trop
tard, quand on parle de l'avenir de la langue française puis l'accès à la
culture québécoise.
Je
suis adjoint parlementaire au premier ministre du Québec, responsable du
Secrétariat à la jeunesse. On va se parler
bientôt, je prépare un plan assez intéressant pour la jeunesse québécoise. J'ai
ajouté un volet culturel parce que je souhaitais
que nos jeunes puissent avoir accès plus facilement à cette culture québécoise
là. Que ce soient les métiers dans la
production, dans la diffusion, dans la réalisation, qui sont méconnus chez nos
jeunes, que ce soit la culture québécoise comme telle, qui doit entrer davantage dans le cursus scolaire, et, à la
base, la consommation culturelle, devant YouTube, devant Netflix, on a
un devoir, comme parlementaires ici, de mieux positionner la culture
québécoise, et moi, je vois Télé-Québec comme un très grand partenaire.
Mme Collin (Marie) : Si vous me permettez de commenter votre
commentaire, vous êtes dans un de mes dadas. Je suis extrêmement préoccupée de la curation des produits. Si on laisse
la curation des contenus à Netflix, Google, Amazon et Disney, à compter du
12 novembre prochain, sur notre territoire, c'est ce que nos jeunes vont
consommer, et ça sera leur référent culturel et identitaire. Donc, je
pense que nous avons tous, globalement, une responsabilité sociale à s'assurer qu'au-delà de produire des contenus dans lesquels
nos jeunes reflètent les valeurs de notre société, la diversité de notre
société, il faut aussi qu'ils puissent les trouver. Ils doivent les
découvrir, et c'est un enjeu majeur auquel on fait tous face.
M. Poulin
(Beauce-Sud) : Je vous confirme qu'on sera des partenaires à ce
niveau-là. Merci.
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole au collègue de
Richelieu.
M. Émond :
Merci, M. le Président. Mme Collin, Mme Tardif, heureux de vous
revoir. Mme Collin, nous nous sommes rencontrés dans un autre événement.
Vous étiez plus... à titre de présidente du conseil d'administration de Savoir
Média, lors d'une belle annonce du ministère
de l'Éducation pour l'ajout de sommes. Puis il y a quand même un parallèle
à faire, puisque vous avez produit, à Savoir
Média, un virage, vous avez entrepris un virage, avec une production de
capsules numériques qui sont délicieuses, vraiment très bien.
Mon collègue de
Beauce-Sud parlait de jeunesse et des jeunes, et mon propos va se diriger vers
là. Vous avez mentionné, dans votre mémoire,
que vous avez un rôle pédagogique envers les jeunes à jouer, entre autres en ce
qui a trait à la littératie numérique, mais aussi à les aider à devenir de
meilleurs citoyens, et puis j'aimerais vous entendre davantage. À titre d'adjoint parlementaire au ministre de
l'Éducation, ça m'interpelle. Quelles formes d'outils pédagogiques
proposez-vous de fournir aux enseignants dans votre proposition?
• (15 h 50) •
Mme Collin (Marie) : Alors, Télé-Québec offre déjà des trousses
pédagogiques aux enseignants en littératie du primaire, en mathématiques
et en sciences, alors on a déjà une relation. C'est des outils qui permettent
aux enseignants en classe d'avoir du contenu interactif et qui leur permettent
d'interagir avec les jeunes et leurs enfants. Je pense que Télé-Québec est très bien placée, un, parce qu'on
maîtrise très bien les enfants, leur développement, leur relation par rapport
aux médias. On serait en bonne position pour
développer des outils qui permettraient à nos enseignants d'aider nos jeunes à
être des citoyens qui sont capables, par
exemple, de faire la différence entre une nouvelle qui a une source
professionnelle et une qui n'en a
pas, par exemple entre une chronique et un retour factuel d'un journaliste.
Donc, je pense qu'on se doit d'offrir
cette information-là. Je ne vous cacherai pas que j'ai des collègues qui enseignent
à l'université, à l'École des médias, et qui me disent que leurs propres
élèves — on parle
de l'université — ne font
pas la différence, et là on est à l'École des médias. Donc, si on n'intervient pas très rapidement, probablement
au secondaire et au collégial, on va être en rattrapage. C'est très
important, à mon avis, que les jeunes qui consomment énormément les médias
sociaux soient capables de comprendre et
d'aller trouver la traçabilité, hein, qu'on soit capables de dire : Cette
information-là, excusez-moi l'expression anglaise, c'est une «fake news», et
celle-là, elle provient d'un média fiable qui est allé chercher l'information
d'une façon factuelle. Mais aussi c'est
d'être capable d'être un citoyen qui, au niveau du numérique, a un comportement
de citoyen dans la façon dont il interagit aussi sur le numérique.
Donc,
je pense que Télé-Québec a à la fois des relations avec le ministère de
l'Éducation, une bonne connaissance des jeunes pour être capable de
développer ce type d'outil là pour nos enseignants.
M. Émond :
Merci beaucoup. Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à notre
collègue de Saint-Jérôme.
M. Chassin : Merci beaucoup, mesdames. Je suis certain que mon collègue de
Saint-Jean aura peut-être d'autres questions sur les aspects de
solutions que vous apportez, qui sont intéressants.
Par ailleurs,
comment dire, en toute humilité, moi, qui connais peu le monde médiatique, je
cherche à bien comprendre ce que vous
proposez quand vous parlez de l'intérêt de Télé-Québec d'établir des
partenariats, notamment pour offrir, par exemple, une fenêtre de
visibilité à certains contenus.
C'est sûr que
toute la difficulté — puis je
teste un peu, là, votre opinion — des médias, à l'heure actuelle, n'est pas
tant la visibilité, parce qu'ils en ont
beaucoup, puis même que les plateformes Web génèrent une visibilité en partage
de contenus mais pas en termes de
revenus, toutefois, et c'est là où je me demandais... Les partenariats que vous
avez en tête, vous qui avez une certaine expérience, vous mentionniez
que vous en avez déjà beaucoup, des partenariats avec des plateformes médiatiques québécoises et régionales,
quelle forme ça pourrait prendre, qui serait, finalement, intéressante
pour nos médias locaux, régionaux?
Mme Collin
(Marie) : Bien, d'abord, je
pense que Télé-Québec ne peut pas être un concurrent à ce que font déjà les
médias régionaux, qui, vous l'avez vu depuis une semaine, ont beaucoup
de difficultés, financièrement. Tantôt, l'intervenant précédent, M.Chamberland, a parlé d'émissions d'actualité pour Télé-Québec. Je vais vous donner un exemple. En
ce moment, on a un partenariat avec Capitales Médias et La Fabrique
culturelle. Les gens de Capitales Médias reprennent, selon les marchés, des contenus de La Fabrique
culturelle qu'ils mettent sur leurs plateformes. On leur cède ces
contenus-là, La Fabrique culturelle n'étant pas un enjeu de
monétisation, puisqu'il n'y a pas de revenus publicitaires sur ce site-là. On pourrait très bien penser que, pour
donner beaucoup plus de place en région, on développe, par exemple, avec trois de nos bureaux — la
Gaspésie, le Saguenay,
l'Abitibi — un topo
ou un contenu qui se rapproche des affaires publiques pour parler, par exemple, de la situation des
travailleurs forestiers. Nous, on a des équipes de diffusion. On pourrait
ajouter des équipes à la diffusion.
On est déjà présents sur ces territoires-là. On pourrait les combiner avec des
équipes de journalistes de ces
médias-là et créer des contenus qui parlent des régions aux régions. Je pense
qu'il ne faut surtout pas s'en aller vers une proposition où on va
recréer tout en double. À mon avis, ce serait une erreur, il y a déjà un enjeu
de rentabilité, de revenus publicitaires.
On vous a
aussi parlé de régie publicitaire commune, de... Bon, je pense que, dans
l'enjeu principal avec Google, et Netflix, et la GAFAM, c'est qu'ils
possèdent une somme étonnante de données. Et d'ailleurs j'entends souvent
dire : C'est gratuit. L'utilisateur
pense que c'est gratuit, mais en fait il donne ses données, qui servent à ces
gens-là à lui pousser de la publicité
très ciblée. Donc, on dit : Il n'y a rien de gratuit dans la vie, ce n'est
pas gratuit. Et, cette maîtrise-là des données et cette masse-là, si on veut,
dans le territoire du Québec, pouvoir lui donner un sens par rapport au volume
que possède un Facebook ou un Google, il va falloir trouver une façon de se
rassembler — et
Télé-Québec pourrait être parmi ces
joueurs-là — sous
forme d'une régie publicitaire, faire
des revenus. Nous-mêmes, on assiste à
une baisse de revenus. Tantôt,
j'entendais les gens de la radio dire que, depuis six ans, ils assistaient à
une basse des revenus publicitaires. C'est la même chose en télévision,
nos revenus sont en décroissance constante.
Et ce que je vous annonce, vous n'aimerez pas
entendre ça aujourd'hui. Aujourd'hui, vous êtes rassemblés parce que vous parlez de la crise de l'information dans
les médias. Mais, dans quelques mois ou années, on va venir vous parler de la
crise dans les médias tout court, parce que ce n'est pas nécessairement plus
facile de l'autre côté. C'est moins criant, et j'en conviens, que la situation
des médias d'information... mais en ce moment les règles ne sont pas égales.
Netflix est dans notre territoire sans contribuer aux contenus, Disney s'en
vient pour parler à nos enfants. On va devoir trouver un système plus équitable où ces joueurs-là vont devoir redonner au
système, contribuer au système, sinon on va avoir de la difficulté à
faire vivre nos contenus audiovisuels et à les découvrir.
M. Chassin :
Merci beaucoup.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci beaucoup. Collègue de Saint-Jean, deux minutes.
M. Lemieux : Effectivement, on
a déjà des mémoires qui nous parlent d'une crise des médias, point.
Il faut que
je revienne sur Télé-Québec, parce que c'est parti dans toutes les directions,
parce que tout le monde a des intérêts là-dedans. Mais tout le monde se
souvient aussi que, pas une mais deux fois, ça a été essayé, là, de mémoire
de mon homme, à moi, là, puis je ne parle
pas de 2012, je parle... quand on l'a vraiment essayé en ondes, à l'époque, et
donc ça a laissé des traces. Et, aussitôt qu'il est question de quelque
chose... ça part dans toutes les directions.
N'empêche que
votre projet de 2012, encore, M. Myles, tout à l'heure, nous disait :
Oui, tout le monde disait que c'était la FPJQ qui ne voulait pas ça, mais, dans
le fond, ce n'était pas juste la FPJQ, c'était l'industrie dans son ensemble.
Mais c'était en 2012, on est en 2019. L'idée
de l'agrégation de ce qui se fait partout au régional puis au local, dans la
mesure où ces gens-là n'ont pas nécessairement la puissance, la force de frappe
en ligne, numérique, pour transporter leurs affaires, vous autres, vous
êtes équipés, vous autres, vous pourriez faire ça.
Dans le fond,
c'est ce que... Je ne veux pas vous dire qu'il faut que vous le fassiez ou que
je veux que vous le fassiez. Ce que je veux dire, c'est : La conversation
est partie dans toutes les directions depuis 10 jours. On s'entend, on l'a
entendu, tout le monde a son opinion, mais
il n'y a pas personne qui ne parle encore de ce que vous voudriez pouvoir
faire, parce que vous ne voulez rien faire pour l'instant. Vous attendez
qu'on vous le demande, si j'ai bien compris.
Mme Collin
(Marie) : On n'attend pas
qu'on nous le demande, ce que je vous dis, c'est qu'avec le mandat que nous avons, actuellement, au moment où on se
parle, nous, on a décidé de faire réfléchir, de prendre du recul avec les gens.
C'est ce qu'on fait. C'est ce qu'on propose tant en modèle linéaire, à la
télévision traditionnelle, que numérique.
Ce que je vous dis, c'est
que le projet de 2012 a été bâti à partir d'un état des faits, qui était le
rapport Payette. Est-ce qu'en 2019 c'est le
même état de fait? Je ne suis pas certaine. Il faudrait vraiment... quand même,
je ne dis pas prendre des années, il faudrait prendre le temps et le
pouls... de l'analyser.
Quand vous dites : Vous êtes en mesure de
transporter toute cette information-là, je vous rappellerai que La Presse — et les gens de La Presse
vont être là — ont mis
40 millions dans leur plateforme. Alors, je n'ai pas... En ce moment, Télé-Québec n'a pas la plateforme qui
permettrait de gérer tous les contenus de tous les diffuseurs. Il y aurait des
investissements à faire, des investissements
importants pour le faire. Je ne vous dis pas qu'on est fermés à le faire, mais
moi, je souhaiterais profondément que l'apport de Télé-Québec soit...
Le Président (M. Tanguay) :
Merci beaucoup.
Mme Collin (Marie) : ... — oui,
je sais, je coupe votre temps mais je veux juste terminer — que
l'apport de Télé-Québec soit pertinent et complémentaire à ce qui se fait
présentement.
Le
Président (M. Tanguay) : Alors, échange de bons procédés, vous
aurez pu terminer sur le temps de l'opposition officielle. Alors, pour
les 9 min 10 s qui restent, collègue de Verdun, la parole est à
vous.
Mme Melançon : Non, mais
c'était important que vous puissiez terminer, parce qu'on avait...
Le Président (M. Tanguay) :
Oui, oui, oui, tout à fait.
Mme Melançon : Non, mais il
faut donner le temps. Ici, tout est compté, tout est calculé.
Moi, je veux
d'abord vous remercier d'être présentes. Ce matin, j'ai posé la question, parce
que, je pense, en effet, c'est parti dans toutes les directions... Et, pour
moi, ce qui est important, c'est qu'on puisse regarder, actuellement, là où on
est, faire le portrait actuel, et c'est ce qu'on est en train de faire.
Pour la
suite, bien entendu, on devra, à un moment donné, lever la main s'il y a un
besoin qui se fait sentir en ce sens-là.
Donc, c'est là où on doit être clairs. Mais, si jamais on devait aller dans ce
sens-là, est-ce que vous avez, actuellement, les ressources de ce qui était demandé à l'époque à Mme Fortin, les
ressources... et là je ne parle pas financières, on ne parlera pas
d'argent tout de suite, mais en ressources humaines?
• (16 heures) •
Mme Collin
(Marie) : Non. En ce moment,
en région, essentiellement, toutes nos équipes régionales — nos équipes régionales, là, c'est trois ou cinq personnes par bureau et c'est plutôt
trois que cinq — sont
dédiées à La Fabrique culturelle. Alors, clairement,
on n'a pas les ressources sur le terrain, en ce moment, pour le faire.
Mme Melançon : On va prendre quelques secondes, parce qu'on est
quand même en ondes, mais je veux applaudir très fort cette Fabrique
culturelle, qui a cinq ans. Moi, je me rappelle, j'étais là, là, au
jour 1, où ça a été lancé, où tout le monde disait : C'est quoi, cette bébelle-là, là? Je me souviens très bien
de ce jour-là. Et ça fonctionne, et il faut le dire et le répéter.
À la maison,
on a plusieurs postes de télévision, là, qui sont disponibles, et j'ai de
jeunes enfants. Et je vous ai déjà dit, Mme Collin, à quel point, pour
moi, c'est important, la télé que vous faites, actuellement. Elle est
éducative, certes. Moi, je pense à
Martin Carli, à chaque fois, qui donne le goût de la science à nos jeunes.
Gardez-le précieusement, cachez-le, attachez-le parce qu'il ne faut pas
qu'il... il faut qu'il reste vraiment avec nous.
Mais j'amène
ce propos-là parce que, dans tout ce qu'on a parlé, et hier on en a parlé
encore, il y a 30 secondes avant d'y croire, on a parlé de ça hier, où on
veut faire de l'éducation sur ce qui est vrai, ce qui n'est pas vrai, on
cherche à parler aux jeunes, on
cherche aussi à parler aux moins jeunes. Et c'est le genre de mandat, je crois,
qui est directement dans votre cour, sur lequel on devrait miser
énormément parce que... Et ça n'enlève rien, là, à la réflexion, puis je ne
veux vraiment pas... je veux vraiment être en réflexion avec les autres membres
de la commission, mais j'entends très bien que
de mettre un joueur supplémentaire sur la glace dans l'état des choses,
actuellement, ça fait craindre, on l'a entendu à deux reprises, là, au
courant de la journée, ce qui n'enlève pas à Télé-Québec qu'on devrait donner
des mandats, en tout cas, ou des sommes
supplémentaires pour pouvoir développer dans la problématique qu'on vit
aujourd'hui avec les médias. La «fake news», ce n'est pas de la «fake
news», hein? C'est vrai, ça existe, on le voit. Il faut donner l'intérêt aux gens de dire : Qu'est-ce que je peux
faire, là, avant de croire exactement ce qu'on est en train de me servir, là?
Il y a même de grands et de grandes journalistes qui se sont fait avoir par des
«fake news» puis qui ont... Je vois les collègues de l'autre côté sourire, mais c'est vrai. Et parfois
nous-mêmes, là, sur nos appareils, on va lire quelque chose rapidement, puis
il faut se poser la question.
Alors, moi,
en ce sens-là, j'espère que Télé-Québec pourra être un de nos premiers acteurs,
parce qu'il faut développer absolument quelque chose, et pour les générations...
les adultes que nous bâtissons, qui sont en formation, actuellement,
mais aussi pour les gens... puis là je ne
veux pas aller dans l'âgisme, là, parce que, si je fais ça, ma mère va m'en
vouloir, mais, pour les personnes,
les baby-boomers, notamment, là, qui, eux, ont appris la tablette un peu plus
tard, puis comment ça fonctionne, il faut absolument qu'on donne des
outils. Et vous avez une porte d'entrée directement avec les Québécois. J'espère que vous sentez tout l'amour, parce que
je sentais tantôt... Les gens ont peur — puis je ne veux pas que ce soit mal interprété — pour Télé-Québec, là. Au contraire, tout à
fait, il y a une histoire d'amour entre Télé-Québec et les Québécois. Il
faut continuer à avoir le tout.
On parlait
de... et là c'est le collègue de Beauce-Sud qui en parlait tout à l'heure,
c'est difficile de retrouver certaines émissions
du passé, qui sont toujours d'actualité, je tiens à le dire, là, et de voir...
Bien entendu, en cinéma, il y a des gens qui ont décidé d'investir pour pouvoir faire
revivre certains films. Je pense qu'en télévision on va aussi avoir un devoir
de mémoire, et, là aussi, je pense
que Télé-Québec pourrait être vraiment la bonne personne. Et là, quand je parle
de personne, je parle de votre chapeau extraordinaire que vous avez.
Alors, pour moi, ça, ça fait pas mal le tour.
Dans
des émissions d'affaires publiques, parce que, là, vous en avez, vous faisiez
une nomenclature tout à l'heure, il y
a encore de la place. Je sais que ça coûte cher, puis tantôt je l'ai fait dire,
là, justement, à M. Chamberland, qui était là avant vous. Est-ce que vous
avez assez de budget, actuellement, pour faire plus d'émissions d'affaires
publiques qui sont coûteuses?
Mme Collin
(Marie) : Pour faire des émissions d'affaires publiques, ça prend des
journalistes, ça prend des recherchistes
derrière. Si on voulait ajouter
des... Je vais vous donner un exemple. TVO, en Ontario, a une émission
d'affaires publiques quotidienne, on va parler de 7,5 millions pour
39 semaines par année. Donc, à
ce moment-ci, évidemment, on
n'a pas les sommes, le budget pour avoir une
émission d'affaires publiques quotidienne, surtout une émission d'affaires
publiques qui serait le reflet des
régions, qui veut dire d'avoir des gens sur le terrain en région pour nous
parler de ce qui se passe dans leur région. Donc, en ce moment, ce
serait effectivement difficile.
Je ne veux pas couper
votre temps, Mme Melançon — je pense qu'il faut que je l'appelle Mme
la députée de Verdun — je
ne veux pas couper votre temps, mais j'aimerais... parce que
c'est passé sous silence cette semaine. Il y a une grosse transaction qui risque d'arriver dans les
prochains mois. Bell Média a demandé de faire l'acquisition du réseau V.
Vous savez que, depuis plusieurs années, le
niveau d'information locale et régionale produit par V est vraiment en deçà
des licences des conventionnels, parce qu'ils étaient en faillite technique au moment où la famille Rémillard les a
achetés. Je pense que Bell Média, qui
a une grande expertise à travers le Canada avec CTV, qui a une expertise avec des stations
de radio à travers le Québec, pourrait apporter, dans l'acquisition, une
diversité des voix locale et régionale. Et moi qui ai été à V, je peux vous
dire qu'il y avait une vraie tradition d'information régionale et locale qui
avait beaucoup de succès. Et donc il ne faut pas oublier que
c'est une avenue qui s'offre à nous dans les prochains mois. Évidemment, c'est
la responsabilité du CRTC, mais on parle ici de la diversité de
l'information, et les gens s'informent encore beaucoup à la télé pour
l'information.
Mme Melançon :
Je ne regarde pas dans sa direction, mais j'imagine que M. Rodrigue doit
avoir un immense sourire, actuellement, dans
le fond de la salle, parce que, oui, c'est important qu'on puisse avoir plus
d'information, d'avoir un joueur
supplémentaire, là, qui va voir à nourrir. Et d'ailleurs, de mémoire, le ministre de l'Économie abondait dans le même sens, en
disant : Bien, il faut que ce soit gagnant, dans le fond, pour les Québécois,
les Québécoises, d'avoir une source
d'information supplémentaire avec des
salles de presse qui sont capables de générer de l'information de partout.
Alors, j'abondais dans le même sens.
C'est
très bien que vous ayez pris ce temps. Je veux vous remercier, mesdames, de
vous être déplacées aujourd'hui et je veux, encore une fois, témoigner
de tout l'amour que j'ai pour Télé-Québec. Merci beaucoup.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Maintenant, pour un bloc de
2 min 30 s, je cède la parole à la collègue de
Taschereau.
Mme Dorion :
Merci. Ça m'intéresse beaucoup quand vous parlez de la crise des médias à venir
aussi, parce que c'est vrai, c'est plus
large, puis on le voit. Moi, je le vois aussi, même à Québec, dans toutes
sortes de milieux artistiques qui,
déjà, ont souffert, en musique par exemple, et le milieu cinématographique, qui
bientôt va se retrouver peut-être avec presque
plus de téléspectateurs si tout le monde se retrouve sur Netflix et qu'il n'y a
pas de contenu. C'est un autre des effets du tsunami, du rouleau
compresseur des GAFA.
Et j'ai l'impression
que, pour être capables de faire survivre une culture et de l'information
québécoise fortes, on n'aura pas le choix de
la financer. On n'aura pas le choix de vraiment avoir un «commitment»,
pardonnez-moi le mot anglais, et je
me demande si ce ne serait pas une idée intelligente que de dire : Bien,
pour faire ça, on est les mieux placés pour savoir comment faire ça, et il faut
à tout prix qu'on rapatrie ou qu'on exige d'Ottawa tout ce qui a rapport à la
réglementation sur Internet, par exemple, et
même aux câblodistributeurs et à tout ce qui concerne la culture et
l'information. J'aimerais avoir votre avis là-dessus.
Mme Collin (Marie) : Alors, écoutez, Télé-Québec a déposé deux mémoires, pas un, dans le cadre de
la révision de l'examen du cadre
législatif des communications. Et nous, on a demandé expressément, dans notre
mémoire, que le CRTC ait un bureau permanent à Montréal pour tenir
compte de la réalité de langue française, parce que, trop souvent, les
décisions sont prises en fonction de la réalité du Canada anglais puis elles
sont traduites pour le marché de langue française.
Alors, je pense que ça pourrait être une avenue pour qu'on reconnaisse la
spécificité de notre marché linguistique, et c'est la proposition qu'on
a faite dans le cadre de la révision.
Mme Dorion :
Et quelle réponse avez-vous eue face à cette proposition-là?
Mme Collin
(Marie) : On n'a toujours pas les réponses parce qu'ils vont déposer
leur rapport en janvier 2020. Le comité
d'experts va déposer son rapport en janvier 2020, alors on va voir si, à ce moment-là, on a eu de l'écoute auprès des experts sur une recommandation
en ce sens-là.
Mme Dorion : Parfait. Et, bon, il s'agit... Pour ce qui est du
Canada, on attendra ça. Donc, pour ce qui est du Québec, est-ce qu'on devrait, selon vous, s'atteler dès
maintenant à préparer soit une imposition soit une forme de redevance des
GAFAM pour nourrir le milieu de l'information et de la culture?
• (16 h 10) •
Mme Collin (Marie) : Il y a beaucoup d'intervenants qui vous l'ont dit. Je pense
que ça prend plusieurs mesures structurantes.
Il y a peut-être des mesures transitoires à y avoir puis il y a
des mesures qui pourront devenir permanentes. Je pense qu'il faut trouver
une façon, absolument, que les grands géants contribuent à notre
système. Est-ce que c'est une imposition? De quelle façon? Est-ce
qu'on leur demande de payer une forme de droits d'auteur pour les contenus
qu'ils utilisent? Il faut trouver, peut-être,
des moyens avec de la fiscalité. Vous savez, la production télévisuelle, au Québec,
et au Canada, et dans plusieurs pays dans le monde, ne vivrait pas si
elle n'avait pas de mesures fiscales à la main-d'oeuvre.
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup. Merci. Nous poursuivons avec le collègue de
Rimouski pour 2 min 30 s.
M. LeBel :
Merci, M. le Président. Bonjour. J'ai connu une époque, à un moment donné, on
allait à Rimouski, à Télé-Québec, il y avait des émissions d'affaires publiques, on faisait...
on discutait de nos réalités, c'était diffusé. Là, c'est un peu...
J'aime bien La Fabrique culturelle, là, c'est vraiment... c'est
très bon, mais, quand vous me dites qu'il y a trois
personnes par région, à peu près, puis elles sont consacrées à La Fabrique
culturelle, il me semble qu'on devrait avoir plus d'ambition que ça, comme société, là, pour Télé-Québec. C'est comme... C'est notre télé
nationale puis c'est notre... On est
le seul pays francophone en Amérique du Nord, on a une culture à protéger et à
promouvoir. Les régions... on n'en entend
presque jamais parler, de ce qui se passe dans les régions. Vous parliez des
forestiers tantôt, mais en général, là, c'est vrai qu'il serait bon de connaître ce qui se passe là. Dans le
milieu de la science, chez nous, là, la science, dans la bio marine, là,
c'est fantastique, ce qui se passe, mais il n'y a personne qui sait ça.
Il
me semble qu'on devrait investir dans Télé-Québec, puis on devrait être
capables de faire de Télé-Québec, dans chacune
des régions, des vitrines de nos réalités régionales, puis on devrait être
capables d'avoir des nouveaux partenariats. Vous parliez, là, tantôt, du milieu communautaire, mais les partenariats
peuvent être plus larges que ça. On pourrait aller avec le privé. Il me semble... Est-ce qu'il y
aurait des... Avec des moyens financiers, avec une vraie volonté politique,
est-ce que Télé-Québec pourrait aller encore plus loin que ce qu'ils
font là maintenant?
Mme Collin (Marie) : D'abord, je veux répondre à votre question.
On est quand même le reflet de ce qui se passe dans les
régions. Je ne vous ferai pas la nomenclature de tout ce qui est fait en
région, mais je vous invite à écouter La course
folle, cet hiver, sur les
pêcheurs de homard des Îles-de-la-Madeleine, puis vous allez voir qu'on parle vraiment d'une réalité.
Oui,
on est ouverts à des partenariats avec le privé. Quand je vous parle de
Capitales Médias, c'est un privé. Pour Télé-Québec, on a des partenariats avec Radio-Canada, avec Illico, avec Unis TV, avec Urbania, avec L'Actualité. On est ouverts à tout ce type de partenariat là.
Pour
la réalité des stations régionales, j'ai un collègue, avec moi, qui est à Télé-Québec depuis de très nombreuses années.
Les régions et... Télé-Québec est une
survivante, hein? On a eu des coupures, à Télé-Québec, on est revenus. On
a fermé des bureaux régionaux, on les a
réouverts. Ça a été difficile, à certains moments, pour Télé-Québec, de garder
le cap et de garder des
infrastructures régionales. Et je pense que ma prédécesseure, Mme Fortin,
a fait ce qu'il y avait de mieux à faire,
en 2014, en donnant naissance à La Fabrique
culturelle. Parce que moi, j'y vais, en région, et, quand je me
trouve sur le terrain... D'ailleurs,
je voyais votre collègue M. Gaudreault ce matin, je me suis retrouvée avec
lui au Festival de Regard au mois de
mars. La présence de La Fabrique
culturelle en région... J'étais
renversée de voir à quel point... l'importance
qu'on avait en région et l'implication.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Merci. Maintenant, pour deux
minutes, je cède la parole à notre collègue de Marie-Victorin.
Mme Fournier :
Oui, merci beaucoup pour votre présentation. Vous nous avez parlé d'une
plateforme que vous aviez envisagé de
mettre en place suite au rapport Payette en 2011. Vous avez dit, cependant,
qu'il y avait eu des difficultés qui, finalement, avaient fait, semble-t-il,
avorter le projet. Est-ce que vous pouvez nous en parler davantage?
Mme Collin (Marie) : Bien, en fait, je n'étais pas là à l'époque.
Alors, ce qu'on m'a dit, ce qu'on m'a relaté, c'est qu'il y avait une unanimité, hein? Il y a eu une
commission comme celle-ci, l'ensemble des membres étaient unanimes pour qu'il y ait une plateforme interrégionale
d'information sur le projet. Il y a deux gouvernements différents qui se sont
succédé, mais le financement n'est
jamais arrivé. Donc, en 2013, Mme Fortin, ma prédécesseure, a décidé de
prendre le taureau par les cornes et de faire La Fabrique
culturelle. C'est essentiellement ce qui est arrivé.
Mme Fournier : O.K. Puis est-ce
qu'il y a encore des discussions sur
le fait d'élargir, par exemple, La Fabrique culturelle
pour intégrer ces autres partenaires?
Mme Collin (Marie) : Bien, en fait, moi, quand je suis arrivée en
poste, un des premiers partenariats qu'on a faits avec La Fabrique
culturelle, c'est Capitales Médias. Et Capitales Médias venait tout juste
d'être racheté par le groupe de
M. Cauchon, à l'époque. Et un des projets que je nourrissais, c'est
d'être, justement... de faire un partenariat avec eux, par exemple sur des contenus de plus longue forme, de longueur plus importante,
pour parler de l'exemple que je vous ai donné, par exemple, des travailleurs forestiers, avec des
partenariats de leurs journalistes, de nos équipes de production. Donc,
oui, on est ouverts. Est-ce qu'on a les ressources en ce moment pour le faire?
Non.
Mme Fournier : Donc, il
y a une question de financement, en ce moment.
Mme Collin (Marie) : Ah! clairement,
il y a une question
de financement, mais ce n'est pas une question de
volonté. Je vous dirais que les
équipes régionales n'attendent que ça, parce qu'elles ont vu à quel point
l'impact de La Fabrique culturelle était bénéfique dans leurs régions. Ces gens-là
sont devenus des gens, pour les acteurs culturels, incontournables.
Évidemment, ils en sont fiers.
Mme Fournier :
Avec raison. Alors, on espère maintenant que le financement suivra.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous vous remercions,
les représentantes de Télé-Québec. Merci beaucoup pour votre passage.
Et, afin de permettre
aux représentants, représentantes de La Presse, je suspends
nos travaux quelques instants.
(Suspension de la séance à
16 h 16)
(Reprise à 16 h 18)
Le Président (M.
Tanguay) : Alors, nous sommes de retour et nous souhaitons maintenant
la bienvenue aux représentants de La Presse. Bienvenue à
votre Assemblée nationale. Vous disposez d'une période de présentation de 10 minutes et, par la suite, vous aurez
l'occasion d'échanger avec les membres de la commission. Pour les fins
d'enregistrement, nous vous demandons
de bien vouloir vous identifier, de préciser vos fonctions. Et, sans plus
tarder, bien, la parole est à vous.
La Presse
M. Levasseur
(Pierre-Elliott) : Merci. Mmes et MM. les députés, membres de la
commission, mon nom est Pierre-Elliott
Levasseur, président de La Presse. Je suis aujourd'hui
accompagné de mon collègue Guy Crevier, éditeur, ainsi qu'Éric Trottier,
éditeur adjoint. Merci de nous accueillir.
D'abord,
nous tenons à saluer l'initiative du gouvernement de mettre sur pied cette
commission parlementaire pour nous permettre de mieux saisir le contexte des
médias d'information. La disparition de centaines de postes de journalistes
au Québec, ces dernières années, démontre l'urgence d'agir.
Le
modèle d'affaires traditionnel des médias écrits est brisé. C'est le cas au
Québec, au Canada et ailleurs dans les pays
industrialisés. Le contexte est le même partout. Le tirage des journaux papier
décroît, leur lectorat vieillit, avec peu de capacité de renouvellement,
et parallèlement les budgets de publicité migrent à grande vitesse vers le
numérique et particulièrement vers des médias qu'on pourrait qualifier de
mesurables. Pour faire face à une telle crise, les médias québécois ont pris des chemins différents. Dans un
contexte où le modèle d'affaires doit être complètement repensé, ils ont
tous le mérite d'innover.
• (16 h 20) •
Au
fil des dernières années, La Presse a rencontré de nombreux
joueurs à l'échelle internationale, réalisé un nombre imposant de recherches et accumulé une foule de
données qui lui ont permis d'analyser les avenues possibles. Suite à ces
démarches rigoureuses, nous avons choisi
d'innover comme peu l'ont fait sur le continent. Dès 2011, nous avons entamé une
transformation numérique dans laquelle nous avons délaissé complètement le support papier pour devenir un
média d'information entièrement
numérique. Et, l'année dernière, nous avons entrepris une deuxième
transformation majeure en transférant
les actifs de La Presse dans une structure à but non lucratif. Dans
les deux cas, ces imposantes transformations avaient comme objectif non seulement la pérennité de La Presse,
mais d'assurer qu'elle puisse poursuivre sa mission, soit de produire
une information de qualité accessible à l'ensemble de la population.
Prenons quelques
moments pour évaluer les résultats de ces efforts. Dans un premier temps, la
transformation numérique qui a débuté en 2011. Entre 2001 et 2011, l'âge moyen
d'un lecteur papier en Amérique du Nord est passé de 47 à 62 ans, donc une augmentation de 15 ans sur les
10 années précédentes. Entre 2006 et 2011, les revenus publicitaires
des quotidiens nord-américains avaient déjà
chuté de 50 %. Le statu quo n'était donc plus une option. La Presse
a ainsi entamé un virage numérique
qui a nécessité trois ans d'efforts : le développement et la modification
de plus de 25 systèmes de production,
la modification de la quasi-totalité de ses processus d'affaires et la
création, en 2013, d'une application unique au monde, La Presse+,
un quotidien gratuit disponible à tous sur tablette numérique.
Aujourd'hui,
cette transformation nous permet d'atteindre 3,5 millions de lecteurs au
Québec sur l'ensemble de nos plateformes.
C'est 63 % de la population adulte francophone qui consulte La Presse.
D'ailleurs, les plus récentes données concernant
la répartition de notre lectorat démontrent l'étendue de notre empreinte dans
la province. 43 % de nos lecteurs sont à Montréal et Laval,
21 % en Estrie et Montérégie puis 37 % dans les diverses autres
régions du Québec. Notre transformation
numérique nous a également permis de considérablement rajeunir notre auditoire.
Sur l'ensemble de nos plateformes, la
proportion de nos lecteurs âgés entre 25 et 54 ans est largement
supérieure à leur proportion réelle dans la population québécoise.
La Presse
a une capacité accrue de jouer son rôle démocratique, puisqu'elle s'adresse à
l'ensemble des adultes francophones du
Québec. Je répète, l'âge moyen d'un lecteur journal papier en Amérique du Nord
est de 62 ans. De plus, nos taux
d'engagement sur chacune de nos plateformes numériques se classent parmi les
taux les plus élevés en Amérique du
Nord. À elle seule, La Presse+ génère une consultation quotidienne
moyenne de plus de 35 minutes en semaine et plus de 45 minutes
le samedi et le dimanche.
Ceci dit,
notre modèle n'est pas parfait. L'impact de Google et Facebook a été beaucoup
plus important que tous les joueurs
de l'industrie auraient pu le prévoir il y a 10 ans. C'est pour cette
raison que La Presse a entrepris une deuxième transformation majeure, soit le transfert de ses actifs dans
une structure à but non lucratif. Les impacts de cette transformation se sont fait rapidement sentir. Dans un premier temps,
nous avons entrepris une démarche philanthropique qui permettra à La Presse
de recueillir 50 millions, au cours de cinq prochaines années, auprès de
nos lecteurs et grands donateurs. Depuis
janvier 2019, nos lecteurs ont formé une réelle communauté de soutien animée
par la mission de La Presse. Nous avons reçu 2,6 millions
de dollars de la part de plus de 30 000 donateurs et nous sommes
confiants d'atteindre notre objectif de
5 millions annuellement au cours des prochaines années. Les entreprises,
fondations et mécènes que nous avons
rencontrés jusqu'à présent ont également répondu à l'appel positivement. Le
crédit d'impôt fédéral annoncé au mois de mars cette année représentera
elle aussi une nouvelle source de financement pour La Presse.
Finalement, La Presse
a continué de s'adresser, et ce, avec une vigueur renouvelée, à sa structure de
dépenses. Au cours des deux dernières années seulement, La Presse
a réduit ses coûts opérationnels de 31 millions de dollars. Afin d'illustration et pour mettre en perspective les
efforts des employés au cours des 10 dernières années, je voulais partager
quelques données avec vous. Le nombre
d'employés à La Presse est passé de plus 900 à 436. C'est une
réduction de 52 % au cours des
10 dernières années, et ce, sans réduire le nombre de journalistes qui
sont au coeur de notre mission d'information. Donc, vous pouvez vous
imaginer l'effort immense des autres départements.
Notre
politique de rémunération est de payer à la moyenne du marché, mais, suite à
six années de gel de salaires au cours des 10 dernières années, La Presse
verse des salaires en dessous de la moyenne pour la grande majorité de ses employés. En ce qui a trait aux journalistes
spécifiquement, ils sont payés un salaire égal à celui des journalistes qui
oeuvrent dans des médias comparables, par exemple Le Journal de
Montréal. Donc, ils sont rémunérés à la moyenne ciblée.
La Presse opérait dans deux
édifices, sur un total de 11 étages, il y a 10 ans. D'ici un an, nous
opérerons sur trois étages dans un édifice.
Bien sûr, cette réduction de dépenses n'a pas fait beaucoup de bruit, car elle
s'est faite sans conflit de travail
et dans le grand respect de nos employés, mais sachez que le travail a été fait
et que La Presse a assumé ses responsabilités.
Encore une
fois, nous ne sommes ni parfaits ni uniques. Tous les médias ont dû faire des
sacrifices et des efforts immenses au cours des dernières années. Je
peux donc affirmer avec conviction que la crise des médias n'est pas reliée à un problème de coûts. La crise des médias n'est
pas reliée à un problème de lectorat, au contraire. La crise des médias est
un problème de revenus, des revenus siphonnés par des géants américains.
Les économies
d'échelle et la consolidation des opérations, dont certains ont évoqué comme
solutions, ne sont que des pansements à court terme. Ces types de
solutions enrichiront peut-être certains actionnaires à court terme, mais les conséquences sur la diversité des sources
d'information, sur le nombre de journalistes et sur la pluralité d'opinions
vont être dévastatrices ou ont le
potentiel d'être dévastatrices, et à moyen terme ils feront de nouveau face à
la vraie cause de la crise, la baisse
des revenus. L'industrie et notre démocratie exigent un programme structurant
qui permettra au trop peu de salles de nouvelles encore en vie de
poursuivre leur travail essentiel à notre équilibre démocratique.
La Presse
est le premier média écrit au Québec à prendre le virage non lucratif, mais
elle n'est pas la seule à l'avoir fait. Le recours aux dons et à la
philanthropie est une avenue qu'empruntent un nombre croissant de médias écrits
dans le monde. On peut penser au Philadelphia Inquirer, devenu OBNL en
2016, ou encore au grand quotidien britannique The Guardian, un
journal qui a vu son nouveau modèle à but non lucratif lui permettre de renouer
cette année avec la rentabilité pour la
première fois depuis plus d'une décennie. Nous avons la ferme conviction qu'un
modèle similaire a de très bonnes chances de réussir au Québec.
Nous sommes
donc ici aujourd'hui dans le cadre d'une démarche structurée et réfléchie que
nous avons poursuivie depuis un bon
moment. Le contexte actuel est particulier. D'un côté, nous observons une
multiplication des nouvelles de sources
douteuses qui peuvent confondre le public, et, de l'autre, les médias écrits,
sur lesquels pouvait se fier la population jusqu'ici, disparaissent à grande vitesse. Face à une telle situation,
il nous apparaît de plus en plus évident que l'information de qualité doit être considérée comme un bien
public et doit être accessible au plus grand nombre, peu importent leurs
revenus.
Nous souhaitons que le gouvernement du Québec
appuie l'industrie en mettant un programme structurant pour permettre la survie des salles de nouvelles du
Québec, pour la production d'un journalisme de qualité qui puisse informer
et alimenter le débat public par la plus
large pluralité d'opinions possible. Les gouvernements ont, par le passé, aidé
plusieurs secteurs d'activité à se
transformer. La souveraineté culturelle des Québécois est soutenue par des
programmes d'aide de plus de 300 millions annuellement. L'industrie
forestière, l'aéronautique et plusieurs autres bénéficient également de programmes structurants. Ce que demande La Presse
n'est pas unique et vise à soutenir un secteur qui joue un rôle majeur au chapitre de la démocratie et de l'éducation
populaire. Il en va ni plus ni moins de la survie de la presse — et «la presse» en minuscules — il en
va de la saine diversité des médias québécois. Merci.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous allons débuter
les échanges avec un premier bloc de 15 minutes, et, en ce sens, je
cède la parole à notre collègue de Beauce-Sud.
M. Poulin
(Beauce-Sud) : Merci beaucoup. Un plaisir de vous revoir,
M. Levasseur, M. Grenier. Je n'avais pas le nom de monsieur
qui vous accompagnait.
M. Levasseur (Pierre-Elliott) :
Crevier et M. Trottier.
M. Poulin
(Beauce-Sud) : Trottier?
Oui, c'est M. Trottier, effectivement. Donc, bien content de vous retrouver.
Différents éléments que j'aimerais aborder avec
vous. On était ici il y a un peu plus d'un an pour parler de ce transfert en OBNL. J'aimerais savoir si, selon
vous, ça a été la bonne décision et si vous entrevoyez l'avenir avec
optimisme — je
parle à assez court terme — concernant
La Presse en général.
M. Levasseur
(Pierre-Elliott) : Oui, nous, on considère que ça a été une excellente
décision puis une décision qui était
nécessaire. Premièrement, comme j'ai dit, ça nous a permis d'adresser avec une
nouvelle vigueur la structure de coûts.
Donc, depuis, on a réduit nos dépenses de 31 millions de dollars, puis
c'était très important de le faire, puis je peux vous dire que c'était très difficile de le faire avec un actionnaire qui
était milliardaire. Donc, de négocier des réductions de dépenses avec un
actionnaire milliardaire, c'est beaucoup plus difficile. Donc, ça, c'est la
première chose.
Deuxièmement,
on a pu entreprendre, comme on vous a dit, d'une façon très structurée notre
démarche philanthropique auprès de nos lecteurs ainsi qu'auprès de
grands mécènes. Et, dans les deux cas, ça va extrêmement bien.
Et puis,
dernièrement, évidemment, on a reçu un appui du gouvernement fédéral, un appui
qu'on nous avait dit qu'il serait très difficile à obtenir, en autant
qu'on était détenu encore par un actionnaire milliardaire.
M. Poulin (Beauce-Sud) : Donc,
la situation financière se porte bien pour La Presse.
M. Levasseur (Pierre-Elliott) :
La situation financière se porte mieux.
• (16 h 30) •
M. Poulin
(Beauce-Sud) : D'accord. Devant le défi du numérique, vous avez été
l'un des premiers médias nationaux à
se consacrer totalement sur une plateforme numérique. Il n'en demeure pas moins
qu'elle est gratuite. J'aimerais avoir votre
vision sur la gratuité, au-delà du fait que, maintenant, on retrouve effectivement un aspect
philanthropique à la fin de certains
articles, entre autres, pour vos excellents reportages d'enquête,
qui nécessitent énormément de travail, mais sur cette vision-là de gratuité d'un média aussi important.
Vous l'avez dit, avec vos différentes plateformes, c'est 3,5 millions de lectorat, donc c'est énorme. On sait que l'information est un droit, on se doit de le rendre accessible. Mais parlez-moi
de ce choix-là, parce qu'on recevait les
gens du Devoir, tout à
l'heure, qui, eux, au contraire, se
sont tournés vers un paiement. Alors, je veux vous entendre là-dessus.
M. Crevier (Guy) : Bien, ce
qu'il faut comprendre, c'est que La Presse n'a pas inventé
la gratuité, hein? Avec l'arrivée de
l'Internet, le phénomène de la gratuité est venu bouleverser plusieurs
secteurs d'activité. Et aussi il faut se rappeler aussi qu'en 2001, dans
le marché de Montréal, il y a eu la naissance du Journal Métro, ça fait
bientôt 18 ans de ça. Le Journal Métro était gratuit.Deux ans après est arrivé le
journal 24 heures, qui était également gratuit. Et ces deux journaux-là se sont livré une bataille, une guerre réelle des
tarifs qui a nui à l'ensemble de l'industrie. Donc, le phénomène de la
gratuité, là, il n'est pas nouveau.
Maintenant, Pierre-Elliott a expliqué que notre
objectif premier était de rajeunir. Nous, on ne voyait pas, à La Presse,
la possibilité de poursuivre à long terme nos activités si notre lectorat était
âgé de 60 ans et plus. Ce n'est pas qu'on
n'aime pas nos lecteurs de 60 ans et plus, on les apprécie, ils sont avec nous
depuis longtemps, mais on voulait rajeunir notre auditoire. Donc, on a mené trois études de marché sérieuses, O.K.,
au fil des ans, et l'étude de marché la plus favorable démontrait que, dans un modèle payant, il y avait
uniquement 60 000 abonnés qui étaient prêts à le payer, 60 000
personnes qui étaient prêtes à payer, O.K., ce qui nous aurait amené des
revenus, à peu près, de 6 millions de dollars. Par la contribution volontaire, on pense arriver à des
revenus annuels de 5 millions de dollars et rester dans un modèle gratuit
qui nous permet de rejoindre 63 % de la population québécoise. Si
on avait eu 60 000 abonnés, on aurait perdu des dizaines, des dizaines et
des dizaines de millions de dollars de publicité. Ça, c'est d'une part,
ça, c'est l'aspect pratique.
Maintenant,
sur l'aspect philosophique, moi, c'est un aspect que je voulais aborder avec
vous, ce qui m'a frappé, quand
j'écoute toutes vos interventions depuis lundi, c'est que tout le monde
s'accorde à dire que l'information de qualité, c'est un bien public. Moi, la question que je soulève ici, c'est :
Depuis quand un bien public n'est disponible qu'aux gens qui ont de l'argent pour se le payer? Si
l'information de qualité, c'est un bien public, elle devrait être accessible à
tout le monde, hein? Ce qu'on
appelle... le terme qu'on appelle dans le métier, c'est un mur payant. Donc,
imaginez, là, disons, que vous avez
50 000 abonnés, il y a un mur
payant, on les met d'un côté, puis eux autres ont le droit à une information de qualité. Il y a 8,3 millions de personnes qui vivent au Québec,
puis eux autres, elles n'ont pas le droit à une information de qualité, mais par contre les «fake news» sont
distribuées à la grandeur avec tous ces gens-là, O.K.? C'est sûr que les
gens qui sont dans le mur gratuit, ils ont
accès à d'autres sources d'information, mais il n'en demeure pas moins... Et moi,
je ne dis pas que tout le monde doit... J'ai beaucoup de respect pour Le Devoir, ils ont
fait un travail fantastique, ils ont raison
d'avoir un mur payant parce qu'historiquement ils n'avaient pas de revenus publicitaires à
grande échelle comme nous on a, à La Presse. Et, tu sais, pour eux, de se battre dans un aussi petit marché avec un
contexte aussi difficile, c'est un miracle, et c'est fantastique, ce
qu'ils ont réussi à faire. Mais nous, étant un média de masse, on voulait
demeurer un média de masse, et la seule
façon pour nous de demeurer un média de masse et de faire une transition
rapide, parce que c'était très
coûteux de maintenir deux plateformes, c'était d'aller vers un modèle gratuit.
Et je pense que ça a été audacieux, mais
aujourd'hui on est fiers de ce modèle-là parce qu'on fait une
contribution majeure, en termes de qualité d'information, à 63 % de la population
adulte francophone au Québec.
M. Poulin
(Beauce-Sud) : Donc, pour
vous, à moyen, court terme, l'aspect de la gratuité va demeurer, à La Presse, tout en maintenant
différentes sources de financement, entre autres, philanthropiques. Est-ce qu'il pourrait y avoir, dans la
prochaine année, des demandes qui sont faites au gouvernement, par exemple, sur
des enjeux précis?
M. Levasseur
(Pierre-Elliott) : Bien,
nous, ce qu'on a dit lors de la commission
parlementaire l'année dernière,
on a été très clairs, tu sais, un média qui
est considéré... ou le journaliste qui est considéré un bien public, ce n'est
pas l'unique responsabilité d'un actionnaire, c'est la responsabilité de tous les acteurs dans la société. On inclut nos lecteurs, on inclut, évidemment, La Presse. Nous, on doit prendre, premièrement, nos responsabilités, mais une fois qu'on l'a fait, c'est la responsabilité également de nos lecteurs, via les contributions volontaires, les entreprises, les fondations, les grands mécènes, via notre campagne de grands donateurs. Après ça,
ce qu'on avait dit, c'est qu'on cherchait l'aide également du gouvernement fédéral et du gouvernement provincial. Donc, ça ne devrait pas
être une surprise pour personne aujourd'hui si nous, on fait partie de
l'industrie qui demande de l'aide au gouvernement provincial.
M. Poulin
(Beauce-Sud) : Merci beaucoup. Très intéressant.
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup. Nous poursuivons avec le collègue de
Saint-Jérôme.
M. Chassin : Merci, M. le Président. Merci beaucoup de votre présentation. Vous
présentez... en fait, dans votre présentation,
vous illustrez à quel point cette crise des médias est ancienne. Elle ne date
pas d'hier, elle ne date même pas, finalement,
de 2011. Vous l'aviez déjà vécue avant et vous vous retrouvez effectivement à
avoir fait oeuvre de pionnier, en quelque sorte. Je vous avoue bien humblement
que vous êtes peut-être, pour moi, le média le plus cher, dans le sens où mon
coût d'abonnement, c'est d'acheter une
tablette, et j'ai probablement une tablette
seulement pour vous. Depuis mon élection, j'en ai une qui m'est fournie,
ça m'aide.
Ceci
étant dit, c'est un modèle qui est particulier et qui montre qu'il y a,
dans votre volonté de transition vers le numérique, un peu un début puis une fin. Évidemment, l'aventure
continue, là, dans le sens où vous avez encore des défis, vous avez encore un contrôle des dépenses serré,
vous êtes encore en train d'améliorer votre situation financière. Et je
vous amène un peu vers une direction.
Dans les différents intervenants qu'on entend, il y a des gens qui
argumentent pour une aide permanente,
il y a d'autres qui argumentent davantage pour une aide temporaire, de transition. Et
j'aimerais, de votre côté, vos réflexions. Où vous vous positionneriez
sur cet enjeu-là?
M. Levasseur
(Pierre-Elliott) : Moi, je
pense que... Premièrement, j'aimerais répondre à la question peut-être
d'une façon un peu plus large.
Premièrement, j'entends beaucoup parler des droits, les droits d'auteur, taxer les
GAFA, etc., puis, pour moi, ça, c'est
une question d'équité. Donc, est-ce
qu'on devrait le faire? Absolument,
mais c'est une question, pour moi, qui va demander un effort collectif. Donc,
ce n'est pas seulement qu'au gouvernement
du Québec à se prononcer, il va
falloir que le gouvernement fédéral s'en mêle. Puis je pense qu'à
l'international il y a plusieurs pays qu'il falloir qu'ils s'en mêlent.
Donc, ça va être une solution, je pense, qui va être relativement collective.
Mais,
pour moi, ça, la question de taxer les GAFA, par exemple, c'est une question de
financement, ça revient à dire : Comment on va financer des
programmes? Puis, pour moi, ce n'est pas le coeur du sujet. Le coeur du sujet,
c'est, un, est-ce qu'on va mettre un
programme en place, et, deux... Puis je salue déjà les propos du premier
ministre et de plusieurs ministres,
qui disent qu'ils vont rapidement mettre un programme d'aide en place. Donc,
pour moi, la prochaine question, puis
c'est la question la plus importante, c'est : Est-ce qu'on va mettre en
place un programme qui est structurant? Puis, quand je dis structurant,
c'est à la hauteur des besoins, puis les besoins, c'est de s'assurer que les
médias reçoivent des montants qui leur
permettent de maintenir la taille de leurs salles d'information, parce qu'on
n'a pas de besoin — je pense
qu'on est tous d'accord là-dessus, là — de moins de journalistes de qualité au
Québec, on en a de besoin de plus. Donc, au minimum, les programmes
devraient nous permettre de maintenir la taille de nos salles d'information.
Mais
le deuxième point qui est également aussi important, c'est de nous permettre de
consolider puis de poursuivre notre
transformation, O.K.? Et puis, pour moi, le gouvernement est le mieux placé
aujourd'hui pour déterminer quels sont les...
Parce que, par exemple, nous, on a partagé toute notre information financière,
ils ont accès à toute notre information financière. Ils ont... le gouvernement
a reçu des projections de notre part et de la part de la majorité des joueurs,
des autres médias, les autres médias au
Québec, donc aujourd'hui ils sont capables de mesurer l'ampleur des défis et
puis ils ont... et pour rendre des analyses, puis faire des analyses
approfondies, puis prendre des décisions éclairées sur des solutions qui
vont être structurantes. Donc, pour moi, la
vraie question, c'est celle-là. Le gouvernement a entre ses mains tout ce qu'il
leur faut pour prendre une décision. La
question, c'est : Est-ce qu'ils vont prendre la décision de faire quelque
chose qui est structurant?
Donc,
j'ai entendu aussi, tu sais, parmi les intervenants auparavant, plusieurs
modèles possibles. Tu sais, on est partis... Tu sais, on parle
d'éliminer la taxe sur le recyclage, on parle jusqu'à des crédits d'impôt sur
l'ensemble de la masse salaire, il y a
plusieurs scénarios possibles. Mais les seuls, aujourd'hui, qui sont outillés à
voir la situation de chacun des médias, de comprendre la situation de
chacun des médias puis de dire : Voici ce que, je pense, est une solution
qui pourrait fonctionner pour l'ensemble ou
un bouquet de solutions qui pourraient peut-être s'appliquer un peu plus ici
puis un peu moins là, mais que, dans
l'ensemble, ça permet à chacun des médias, un, de continuer de protéger la
taille de leurs salles d'information, puis, deux, de consolider leur
transformation...
M. Chassin : Parce qu'il y a, effectivement, différents modèles, mais est-ce que,
dans le fond, puis c'est un peu ça mon point... Est-ce que... Vous dites
que la crise qui affecte généralement les médias. Elle est, finalement...
Une voix :
Structurelle.
M. Chassin : C'est ça. Est-ce qu'elle change tellement la dynamique qu'à partir de
maintenant, de pouvoir compter sur l'appui de l'État, ce doit être une
donnée permanente dans la nouvelle réalité?
M. Crevier
(Guy) : Ça nous apparaît inévitable que l'État doit intervenir pour
sauver les médias...
M. Chassin :
De façon permanente.
M. Crevier (Guy) : De
façon... au moins sur une base assez longue qui permet de nous faire une
transformation ordonnée, O.K.? Je pense que...
M. Levasseur
(Pierre-Elliott) : Bien, moi, je pense qu'un programme...
M. Crevier
(Guy) : ...de cinq ans pourrait...
• (16 h 40) •
M. Levasseur
(Pierre-Elliott) :
Exactement. Moi, je pense qu'un programme de cinq ans pourrait nous permettre... pourrait certainement permettre à La Presse de
consolider son modèle de transformation. Je ne suis pas dans le secret des
dieux en ce qui a trait aux autres médias, mais, dans le cas de La Presse,
c'est clair qu'un programme de cinq ans nous permettrait
de consolider notre transformation puis nous permettrait de continuer, tu sais,
d'honorer notre mission, qui est de produire une information de qualité
et qui est accessible à l'ensemble de la population.
M. Chassin :
Tout en visant une rentabilité...
M. Levasseur
(Pierre-Elliott) : Pardon?
M. Chassin :
Tout en visant une rentabilité, donc, à moyen terme.
M. Levasseur
(Pierre-Elliott) : Absolument, absolument. Puis, nous, quand on parle
de consolider notre modèle puis
consolider notre transformation, c'est... premièrement, on doit consolider
notre démarche philanthropique, donc, on est au tout début de ce
processus-là. On est également toujours à investir dans des technologies qui
vont nous permettre d'aller chercher notre
juste part des revenus publicitaires. Cette année, c'est la meilleure année de
revenus publicitaires pour La Presse depuis, je vous dirais, une
dizaine d'années, en termes de... en pourcentage, donc on... de croissance ou
décroissance. Donc, c'est important de pouvoir poursuivre dans cette
veine-là pour pouvoir concurrencer...
M. Chassin :
Merci beaucoup.
Le Président (M.
Tanguay) : Merci beaucoup. Pour 2 min 20 s, collègue de
Saint-Jean.
M. Lemieux :
Merci beaucoup. Je suis d'accord avec vous, M. Levasseur, sur l'ensemble,
en tout cas. M. Crevier, je vous ai entendu dire «audacieux», «fiers»,
«meilleure option». Là, j'ai besoin de vous, parce que, ça, vous parliez
de ce que vous avez fait. J'imagine... puis
je ne vous poserai pas la question, mais, si j'étais à la télé, je le ferais.
Vous devez être bien tannés de vous
justifier, de vous expliquer, de vous défendre des deux grandes
transformations, La Presse+ puis le modèle OBNL. Parce qu'on
l'entend quand vous le dites, vous êtes confiants, vous êtes conscients d'avoir
fait ce que vous deviez faire. Aidez-nous,
parce qu'il faut qu'on le fasse maintenant pour le reste du Québec. Vous l'avez
fait, le virage. Vous en avez fait un, en tout cas. C'est-u le bon? On
va voir si c'est le bon modèle, mais vous en avez fait un.
Là,
on parle du reste, cinq ans, ce que vous dites, tout ça, là. Sauf que, moi, le
droit du public à l'information, en ce moment, au Québec, il me semble
que notre problème, il est beaucoup dans les régions, il est beaucoup dans les
petites localités, puis eux autres, ils ont
de la misère à faire le virage. Dans bien des cas, ils ont même de la misère
juste à embarquer sur le numérique.
M. Crevier, vous avez fait votre affaire, puis ça a bien marché. En tout
cas, pour l'instant, vous en êtes fiers. Qu'est-ce qu'on devrait faire
avec les régions puis les localités?
M. Crevier
(Guy) : Moi, au départ, je vais vous dire que j'ai commencé ma
carrière comme journaliste à La Tribune et, à 29 ans, j'ai été éditeur de La Voix
de l'Est, à Granby, donc je suis un grand défenseur des journaux régionaux.
Je pense que le Québec ne pourrait pas vivre sans journaux régionaux.
C'est une voix qui est importante, d'autant plus que nous, les grands médias nationaux, hein, on s'intéresse très peu aux
régions. On va s'intéresser à Lac-Mégantic quand il y a un déraillement de train, on va faire un suivi là-dessus, mais
c'est très rare qu'on couvre d'autres types de nouvelles de
Lac-Mégantic. C'est essentiel, dans une province avec un territoire aussi
large, avec une population qui est aussi étendue,
d'avoir des médias régionaux phares. Moi, je fais un appel majeur au
gouvernement d'agir rapidement et de viser à conserver une presse
régionale forte et diversifiée. Ça, ça m'apparaît clair.
Maintenant, vous avez
raison sur l'autre aspect, il y a énormément de commentateurs du modèle de La Presse.
Les gens s'en donnent beaucoup de joie. Mais
il n'en demeure pas moins que ce que Pierre-Elliott, tantôt, a dit est essentiel.
Je pense qu'il n'y a personne, dans un marché de la taille de Montréal ou du
Québec et d'un média de la taille de La Presse... il n'y a personne
aujourd'hui à travers le monde qui a réussi à trouver un modèle pérenne. Et le
nôtre n'est pas pérenne non plus,
O.K., donc, on a fait une tentative. Et, moi, ce que j'écoute et ce que je vois
depuis une certaine... quand j'analyse l'univers médiatique au Québec,
tu sais, le modèle du Devoir, moi, je pense que c'est un succès. Le
modèle de La Presse, je
pense que c'est un succès. Le modèle des journaux régionaux, s'ils ont l'aide
de l'État, pourrait être un succès,
dans un autre mode de propriété. Donc, tu sais... Et c'est là que j'invite le
gouvernement à ne pas faire un modèle... ne pas mettre un programme en
place pour La Presse ni pour Le Devoir mais pour
l'ensemble des joueurs.
Le Président (M.
Tanguay) : Merci. Poursuivons avec la collègue de Verdun pour un bloc
de 10 minutes.
Mme Melançon :
Oui. Bonjour, messieurs. Merci de prendre le temps d'être avec nous. Quand on
parle de programmes, qu'ils soient
permanents ou encore temporaires, on a pris le temps... on a reçu différents
mémoires, mais on nous a aussi souligné qu'en Norvège, par exemple, ou encore en France,
il y a ce genre de programmes, donc, plus permanents, justement, pour assurer la survie de la presse.
Dans un premier temps, ce que je comprends, ce que je constate, c'est que
vous êtes d'accord à ce qu'on puisse quand
même aller percevoir taxes et impôts au niveau des géants du Web. Je pense
que, là-dessus, c'est clair. Vous parlez d'équité, n'est-ce pas?
Une voix : Bien sûr.
Mme Melançon : Le plus
rapidement possible, j'imagine?
M. Levasseur
(Pierre-Elliott) : Bien, encore là, la question du plus rapidement
possible, je pense qu'il y a des efforts dans tous les pays du OECD de tenter
de trouver une solution. C'est un problème qui est mondial, ce n'est pas
nous, au Québec, qui allons résoudre le problème de la taxation des GAFA. C'est
une question, je pense, qui est à l'international.
Je pense qu'on doit mettre la pression nécessaire sur le gouvernement fédéral.
Je pense que le gouvernement fédéral
doit agir avec urgence auprès de plein d'autres gouvernements à travers le monde.
Mais c'est une solution collective, je pense que c'est une solution
mondiale qu'on doit trouver pour faire face aux GAFA.
M. Crevier
(Guy) : Mais, moi, ce que j'aimerais ajouter, puis ça revient un petit peu à la discussion
que vous aviez tantôt, c'est que l'importance de cette commission-là n'est pas surtaxer ou non les GAFA,
l'importance de cette commission-là, c'est
de trouver un programme d'appui aux médias, de vraiment de justifier la
nécessité d'appuyer les médias. Après ça, c'est le rôle du gouvernement
de dire, tu sais : Comment je finance ça?
Maintenant,
quand on regarde dans le passé, une fois qu'un gouvernement a identifié qu'un
programme est essentiel, il y a des
gouvernements qui avaient des déficits puis qui ont quand même mis en place des
programmes essentiels parce qu'ils jugeaient qu'ils étaient essentiels.
Il y a des gouvernements qui ont mis en place des programmes essentiels en coupant dans d'autres programmes, en disant :
Je vais couper là et je vais financer ça comme ça. Puis il y a des
gouvernements qui ont mis des
programmes essentiels en place en ajoutant des taxes supplémentaires. C'est
votre responsabilité. Et vous avez
raison qu'il faut absolument trouver une solution aux GAFA, mais ce n'est pas à
La Presse de faire ça. Et même ce qu'on voit
aujourd'hui, c'est que c'est à l'ensemble des pays industrialisés de s'entendre
ensemble.
Mme Melançon : Vous avez raison. Cependant, de notre côté, on
doit quand même dire : Oui, on peut mettre toutes sortes de programmes,
mais encore faut-il financer le tout. Ça, c'est une façon de faire responsable.
Et à main levée, là, tout à l'heure, on disait : La taxe Netflix, si on
avait attendu après le fédéral, là, bien, on se priverait encore, actuellement,
de 65 millions de dollars.
M. Crevier (Guy) : Vous
attendriez encore, absolument, absolument.
Mme Melançon : Alors, moi, je
pense qu'il faut prendre plutôt le taureau par les cornes et je pense qu'on
peut y arriver. Et il faut être audacieux, parce que, sans audace, je pense
qu'on ne sera pas en mesure d'arriver à nos fins.
M. Crevier (Guy) : Vous avez
raison.
Mme Melançon :
Vous parliez tout à l'heure, M. Levasseur, de... ça va mieux. Donc,
j'entends aussi que c'est encore fragile tout de même, hein? Je pense
qu'on peut parler d'une fragilité.
M. Levasseur
(Pierre-Elliott) : Vous parlez de... si le gouvernement provincial
n'offre par un programme qui est structurant, il menace la pérennité de La
Presse.
Mme Melançon :
Si on ne prenait pas le virage, j'entends que la moyenne d'âge était de 62 ans. Actuellement, votre
moyenne d'âge est combien, pour les lecteurs?
M. Crevier
(Guy) : La population du Québec... Un, le gros des budgets publicitaires se dépense pour les gens qui sont
entre 25 et 54 ans, O.K.? Donc, quand on prend la population du Québec qui a de 25 à 54 ans, il
y a 50 % de la population du Québec qui a entre 25 et 54 ans.
Dans La Presse+, nos lecteurs... c'est 58 % de nos
lecteurs qui sont entre 25 et 54 ans.
Donc, on est un des rares médias généralistes traditionnels qui avons réussi le
tour de force de rajeunir son auditoire.
M. Levasseur
(Pierre-Elliott) : Et puis, ça, Guy vient de mentionner sur La Presse+,
mais c'est encore plus le cas... la surpondération est encore plus
importante sur le Web et sur notre application mobile.
Mme Melançon :
Et vous donniez l'exemple, donc, tout à l'heure, de The Guardian, qui a
été capable d'arriver avec des surplus. Ce n'est peut-être pas des immenses
surplus encore, mais ça viendra. Je pense que la table est tout de même
mise. J'imagine que tout ça a à voir aussi
avec les revenus publicitaires, parce que, on le dit depuis le départ, puis là
je pense que, là-dessus, tout le
monde le sait, là, le noeud du problème, c'est la diminution des revenus
publicitaires au profit, dans le fond,
des géants du Web, actuellement. Du côté de la perte des revenus publicitaires,
à combien environ vous êtes capables d'identifier? Est-ce que vous êtes
capables d'identifier la baisse, un pourcentage?
M. Levasseur
(Pierre-Elliott) : Bien, ça dépend depuis quelle période on parle.
Moi, ce que je peux vous dire, c'est que,
depuis que La Presse a fait son virage numérique, la
performance au niveau des revenus publicitaires, quand on prend versus les comparables, les comparables de la
taille de La Presse, on surperforme, on surperforme nos
comparables. Donc, pendant des
années, on a vu des pertes très importantes dans beaucoup de médias ici, au
Québec, mais également beaucoup de
médias dans le reste du Canada, puis, à chaque année, La Presse
a surperformé. Donc, malgré le fait qu'on a surperformé, on n'a pas
échappé à l'effet, quand même, Google et Facebook.
• (16 h 50) •
Mme Melançon :
On a reçu beaucoup de tableaux dans les différents mémoires qui nous ont été...
on s'en vient des spécialistes des
tableaux. Mais on nous parle aussi beaucoup d'équité depuis trois jours. Et
certains, que ce soit dans les radios
ou encore dans les médias de plus petite taille, démontrent qu'en forme
d'équité il va falloir aller un peu
partout en province. En tout cas, ça veut dire qu'il peut y
avoir là une perte, de votre côté. Je veux quand même qu'on puisse le mesurer,
là, parce que...
Puis
je vais aller au fond de mon idée, c'est qu'actuellement on parle de publicité,
on parle de publicité gouvernementale, et,
sur la publicité gouvernementale, là, c'est là où on parle beaucoup d'équité,
actuellement. Moi, je demande, depuis quelques jours déjà, à ce qu'on puisse parler... qu'on puisse avoir une directive
claire, là. Comment est-ce qu'on va établir la publicité gouvernementale? Ça, je pense que ça peut être assez
simple à mettre sur pied. Je voudrais savoir, de votre côté, est-ce
que vous voyez des pertes possibles du
gouvernement avec un plan ou une directive qui pourrait être donnée clairement
par la ministre de la Culture. Parce
que, si on parle d'équité et si tout le monde pointe du doigt que, ou au Journal
de Montréal ou encore à La Presse,
vous recevez une part trop importante... Vous voyez une diminution? Parce que
ça a été évoqué, là, on va se le dire.
M. Levasseur
(Pierre-Elliott) : Écoutez, je vais vous dire, je ne connais pas les
proportions La Presse versus Le Journal de Montréal versus
les médias régionaux, donc je ne peux pas vous dire si ça impliquerait des
pertes pour La Presse ou pas, je ne le sais pas.
Mme Melançon :
O.K. Ça va être ma dernière question. Si on fait un plan, puis c'est un plan
sur cinq ans, dans lequel vous allez
être, puis là on va devoir voir chaque dollar puis comment on va pouvoir
investir, là... Mais on a besoin de
garder une diversité au Québec, on a besoin de vous, on a besoin des différents
quotidiens partout au Québec, il faut trouver une avenue. Et l'avenue,
pour vous, se retrouve dans des programmes permanents?
M. Levasseur
(Pierre-Elliott) : Nous,
comme on dit... Moi, il y a deux points que je veux faire. Un — puis
je ne peux pas le répéter plus
souvent que je le répète depuis deux ans, tant avec le fédéral que le
provincial — si
vous ne mettez pas en place un programme structurant, vous menacez la
pérennité de La Presse. Ça, c'est un.
M. Crevier
(Guy) : Et des autres médias.
M. Levasseur
(Pierre-Elliott) : Et des
autres médias, c'est clair. Moi, je parle, entre autres, pour notre média. Moi,
c'est clair pour notre média, puis je pense que les autres ont fait des
représentations qui sont similaires.
À
la deuxième question : Est-ce
que le programme doit être
permanent?, moi, je crois que, dans un programme de cinq ans, on va être
en mesure de consolider notre transformation.
Mme Melançon :
Ça, c'est clair.
Le Président (M.
Tanguay) : Collègue de Saint-Laurent, pour 1 min 30 s.
Mme Rizqy : Merci. Merci
beaucoup. On vous a parlé d'équité, on a parlé aussi d'équité fiscale. Je vais
me permettre d'aller dans une autre
forme d'équité, l'équité au niveau des responsabilités. Vous avez parlé des
fausses nouvelles. Vous avez quand même plusieurs journalistes et chroniqueurs
qui en parlent énormément sur La Presse, et on a même pu
lire, en avril dernier, de Patrick
Lagacé, «Je le pense», un article qui disait, au fond : Une fois
que c'est ancré, on l'a vu sur Facebook, ça devient la réalité, puis, peu importe ce qu'on entend, même si on a
une preuve qui nous contredit, ce n'est pas grave, je le pense. J'ai l'impression que c'est vraiment aussi
tout un enjeu que nous avons, collectivement, de démocratie. Et, lors de la
renégociation de NAFTA, l'ALENA 2.0, il y a un article qui est rentré
discrètement qui a fait en sorte que, justement, des plateformes comme Facebook, c'est pas mal plus difficile de les
poursuivre pour diffamation, alors que vous, vous avez une responsabilité très importante que, dès lors
que vous avez un journaliste qui publie, vous, c'est clair, on va vous
poursuivre. Pensez-vous que ce deux
poids, deux mesures devrait être réglé par le gouvernement du Québec, de
s'assurer que, justement, on n'ait pas deux catégories de personnes qui
peuvent publier du contenu?
M. Crevier
(Guy) : Écoutez, encore là, c'est une question qui, je pense... c'est
le rôle des gouvernements de réfléchir à
ça, parce que c'est un... ça touche le domaine légal. Comment, maintenant,
poursuivre quelqu'un qui vit aux États-Unis et qui poste quelque chose sur Facebook? Ce n'est pas simple, comme
question à répondre, parce que c'est que c'est fort complexe.
Mme Rizqy :
Je parle davantage du... celui qui transmet l'information, la plateforme.
M. Crevier (Guy) : Du média
qui... la plateforme.
Mme Rizqy : Par
exemple, vous, vous avez une responsabilité. Que ce soit un journaliste qui poste, c'est quand même La Presse qui
va être poursuivie.
M. Crevier
(Guy) : Oui, mais n'oubliez
pas que nous sommes des éditeurs et non pas des distributeurs. Donc, comme
éditeurs, on a une responsabilité sur la qualité du contenu, sur la véracité des faits, et tout ça. Quand
vous êtes une simple courroie de
transmission, tu sais, à un moment
donné, allez-vous... tu sais, est-ce qu'on va poursuivre le câble, tu sais, qui transmet la nouvelle? Ça devient difficile à... Et, encore une fois, je pense que les pays devront commencer à mettre les... Moi,
j'ai toujours dit que, dans les dernières années, après la crise de 2008, le
côté réglementaire sur les banques, les compagnies
d'assurance, et tout ça, ça a été énorme, le pouvoir réglementaire sur eux.
Moi, je suis convaincu que, dans les
10 prochaines années, le poids réglementaire, ça va être sur les grands joueurs du GAFA. C'est
inévitable, inévitable.
Le
Président (M. Tanguay) :
Alors, nous allons poursuivre maintenant avec la collègue de Taschereau pour 2 min 30 s.
Mme Dorion : Merci
beaucoup. Vous nous avez parlé de
toute la restructuration que vous avez faite, la transformation en OSBL, les salaires, aussi, des employés,
comment ça a été arrangé, entre guillemets. J'aimerais savoir, par rapport à la rémunération des dirigeants, question un peu délicate, mais
est-ce que vous avez aussi revu à la baisse ou restructuré
un peu la rémunération des dirigeants, des vice-présidents, et tout ça.
M. Levasseur
(Pierre-Elliott) : Bien,
sans rentrer dans le détail des salaires de chacun des dirigeants, je peux dire
que, les gels de salaire, tous les
sacrifices qui ont été faits au cours de six des 10 dernières années
étaient faits tant au niveau des employés syndiqués que des cadres. Donc,
ça, c'est la première chose.
Deuxième chose, quand
on parle de rémunération, nous, ce qu'on fait, c'est des études indépendantes,
on leur demande des études indépendantes sur
la rémunération. Nous, notre politique, c'est de payer à la moyenne du marché.
Puis ce que je peux vous dire, c'est
qu'au niveau des cadres, on paie à moins que 90 % de notre cible, qui est
la moyenne. Donc, on paie déjà moins que la moyenne pour l'ensemble des
cadres de l'entreprise.
Mme Dorion :
O.K. Puis, dans un peu la même veine, est-ce que vous seriez d'avis que, si...
par exemple, imaginons un programme
structurant dont plusieurs médias pourront bénéficier, avec un bon afflux
d'argent public, on devrait avoir une transparence sur les modes de
rémunération des dirigeants?
M. Levasseur
(Pierre-Elliott) : Regardez, moi, c'est... Moi, je ne sais pas c'est
quoi, la politique au niveau de la rémunération
d'entreprises dans notre situation. Nous, on est certainement prêts à partager
une série d'informations, en autant
que cette information-là ne nous mette pas dans une situation désavantageuse
versus les autres empires médiatiques. Donc, moi, autrement...
Mme Dorion :
Vous n'êtes pas contre si ce n'est pas quelque chose qui nuit à...
M. Levasseur
(Pierre-Elliott) : Je ne suis pas...
M. Crevier
(Guy) : De façon générale, votre question est légitime. Puis, si
jamais il y a des programmes d'aide qui sont mis en place, c'est sûr que nous, étant un OBNL en plus, on va
devoir faire preuve de plus de transparence, effectivement.
Mme Dorion :
Merci beaucoup.
Le Président
(M. Tanguay) : Merci. Maintenant, pour 2 min 30 s,
la parole est au collègue de Rimouski.
M. LeBel :
Merci, M. le Président. Bonjour. Au tout début, vous avez dit... vous saluez
l'initiative du gouvernement d'avoir mis en place la commission. C'est
l'initiative des parlementaires, je pense que c'est important de le dire...
M. Levasseur
(Pierre-Elliott) : Oui, les parlementaires, pardon.
M. LeBel :
...surtout que le premier ministre vient de nous dire qu'il ne veut pas de
commission qui décide à la place du gouvernement. En fait, c'est bien de
le préciser.
Dans
votre conclusion, vous parlez de, bon, un programme structurant universel.
C'est bien, j'aime ça entendre ça. Mais
vous dites aussi... Parce que plusieurs nous ont proposé des crédits d'impôt à
la masse salariale. Plusieurs visaient les journalistes, les salles de nouvelle seulement, pour s'assurer que ce
soient les... que plus de journalistes fassent plus de nouvelles. Vous, vous parlez de l'ensemble de
l'entreprise puis vous rajoutez «ainsi que sur des dépenses essentielles
d'entreprises». Ça fait que
j'aimerais ça comprendre c'est quoi, la différence entre l'ensemble de
l'entreprise et des dépenses essentielles d'entreprise pour avoir des
crédits d'impôt.
M. Levasseur
(Pierre-Elliott) : Nous, premièrement, la raison... Puis ça, vous parlez de notre mémoire,
quand on a déposé notre mémoire. Nous, ce qu'on voulait... ce qu'on se disait,
c'est... on a... Ce qu'on a entendu, c'est le message du gouvernement qui disait : On voulait un programme universel. On a
dit : Il n'y a rien de plus universel qu'un crédit d'impôt sur
l'ensemble de la masse salariale versus, exemple, de réduire les taxes sur le
recyclage, qui n'a aucun impact pour un média numérique comme nous.
Donc, ça, premièrement, je voulais juste faire ce point-là.
Deuxièmement, je pense que de juste cibler la salle de nouvelles minimise un peu
l'importance du reste de l'entreprise
pour réussir la consolidation de notre transformation. Si on est pour réussir
la consolidation de notre transformation, on
a de besoin, par exemple, des équipes technologiques pour réussir tous les avancements technologiques qu'on a
besoin, on a de besoin des gens en
intelligence d'affaires qui appuient notre salle de nouvelle, qui appuient nos
gens de produit également, on a de
besoin d'une équipe de représentation publicitaire qui est extrêmement douée
pour maintenir... pour aller chercher notre
juste part des revenus publicitaires. Donc, nous, on considérait qu'un appui à
l'ensemble de l'organisation était une meilleure
approche. Quand je parlais en plus de dépenses structurantes, je fais
référence, exemple, à des licences qu'on doit avoir pour être capables,
exemple, de distribuer notre contenu sur nos plateformes. C'est juste un
exemple.
M. LeBel :
Merci. Bon, avoir des crédits d'impôt, certaines subventions via un programme...
La Presse ne se gêne pas pour prendre des positions politiques, là, vous allez sûrement en
prendre pour les prochaines élections fédérales. Comment vous liez cette possibilité de prendre des
positions politiques avec des crédits d'impôt puis des subventions de l'État?
Comment vous liez ces choses-là et par rapport à l'indépendance, pour
répondre aux gens qui peuvent s'inquiéter?
• (17 heures) •
M. Crevier
(Guy) : O.K., oui, laissez-moi vous rappeler un petit peu
l'historique. Dans un modèle papier, en Amérique du Nord, la majorité des journaux prenaient des positions en temps
d'élection, et tout ça. Vous avez remarqué qu'à la dernière élection on
n'a pas pris position, O.K., on a fait appel aux lecteurs. Les lecteurs nous
ont dit : Bon, bien, il y a trois sujets
d'importance pour nous : l'éducation, les soins de santé, tout ça. Et on a
fait des grands dossiers là-dessus puis on a décortiqué les programmes des partis sur ces dossiers-là mais on n'a pas
pris position, O.K.? Depuis qu'on est un OBNL, c'est notre méthode.
Je
vous dirais d'ailleurs que ça a été assez frappant, parce que la première fois
qu'on a pris position dans des élections fédérales dans un mode numérique, tous nos jeunes lecteurs nous l'ont
reproché, on a eu des tonnes de plaintes. Les gens n'étaient pas habitués au modèle papier. Donc,
c'étaient des nouveaux consommateurs d'information, puis les jeunes nous disaient :
Eh! La Presse, vous ne nous direz pas comment voter, quoi
penser, et tout ça, et, tu sais...
Le Président (M.
Tanguay) : En conclusion, s'il vous plaît.
M. Crevier
(Guy) : ...soulevez ces sujets, éclairez-nous mais pas plus que ça.
Donc, on est en train de changer notre modèle, de s'adapter, nous aussi.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Pour deux minutes, je cède la
parole à la collègue de Marie-Victorin.
Mme Fournier :
Merci beaucoup pour la présentation. Je suis totalement d'accord avec vous pour
ce qui est de la nécessité d'une aide
structurante aux milieux médiatiques québécois, ce qui m'amène à deux
questions. S'il n'y a pas une aide urgente de la part du gouvernement,
est-ce qu'il pourrait y avoir carrément un risque de fermeture, par exemple, à La Presse? Ma deuxième
question : Maintenant que vous avez eu le feu vert pour les reçus d'impôt
d'Ottawa il y a quelques mois
maintenant, si je ne me trompe pas, est-ce que vous avez l'intention d'être
transparents et de divulguer, par exemple, votre liste de donateurs?
M. Levasseur
(Pierre-Elliott) : Bon, bien, à la deuxième question, la réponse est
oui. Je pense que la loi exige que, de
la minute qu'on obtient un numéro qui nous permet d'émettre des reçus de
charité de donateurs reconnus, on doit soumettre la liste, on doit la
rendre publique, la liste de tous les donateurs, je pense, de 5 000 $
et plus, là. Je crois que c'est le...
Mme Fournier :
...pour les 5 000 $ et moins ou pas du tout?
M. Levasseur
(Pierre-Elliott) : Bien, écoutez, je pense qu'on va respecter la loi.
On va respecter...
M. Crevier
(Guy) : Il y a des gens qui nous donnent des dons, aujourd'hui, qui
sont des dons qui sont 10 $ par semaine, et tout ça. On demande aux
gens, ceux qui veulent être identifiés...
M. Levasseur (Pierre-Elliott) : À la deuxième question, on n'est pas sur le bord
de la faillite aujourd'hui, La Presse n'est pas dans cette situation-là. Toutefois, ce
que je peux vous dire, c'est que, s'il n'y a pas une aide rapide et
structurante, on met à risque la pérennité de La Presse,
ça, c'est clair.
Mme Fournier :
Merci.
Le Président (M.
Tanguay) : Merci. Alors, nous vous remercions, représentants de La Presse.
Et, afin de permettre
aux représentants de Québecor Média de s'installer, je vais suspendre les
travaux quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à
17 h 03)
(Reprise
à 17 h 04)
Le Président (M.
Tanguay) : Oui, alors, nous reprenons nos travaux.
Alors,
bienvenue aux représentants de Québecor Média. Bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous disposez d'une période
de 10 minutes de présentation, et par la suite nous aurons l'occasion
d'échanger avec les collègues députés. Pour
les fins d'enregistrement, je vous demanderais de bien préciser vos noms et
fonctions. Et, sans plus tarder, bien, la parole est à vous.
Québecor Média inc.
M. Péladeau
(Pierre Karl) : Merci, M. le Président. Donc, effectivement, bonjour à
tous et à toutes, Mmes et MM. les députés,
les parlementaires. Donc, je suis Pierre-Karl Péladeau et je suis président et
chef de la direction de Québecor. Je
suis accompagné, donc, à ma droite, de Mme France Lauzière, présidente et
chef de la direction du Groupe TVA et chef de contenu de Québecor Contenu, ainsi que de Mme Lyne Robitaille, vice-présidente principale, Journaux, magazines, distribution et imprimerie chez
Québecor, de même que présidente et éditrice du Journal de Montréal.
Alors,
M. le Président, c'est le 15 juin 1964 que mon père, Pierre
Péladeau, fait paraître LeJournal
de Montréal pour la première fois. À l'image des figures de proue
de sa génération, il décide, lui, de s'investir dans l'économie
du Québec et de s'affranchir de l'environnement économique
dominant anglo-saxon. Il lance LeJournal de Montréal en un
week-end alors que sévit une grève au quotidien La Presse.
Quelques mois plus tard, à la fin du conflit de trois mois, le tirage du Journal de Montréal passe de 100 000 exemplaires à moins de 10 000. Les conseillers de
mon père lui suggèrent alors de fermer.
Comme on dit en bon français : «Take the money and run.» Alors, c'était
bien mal connaître mon père. Lui, il s'est dit : On se crache dans
les mains et on recommence... on continue, désolé.
Son
journal, M. le Président, répondait aux besoins des Montréalais et des
Montréalaises. Il a décidé de faire un journal
pour eux et pour elles, pas pour lui, pas pour les journalistes ou
l'intelligentsia de l'époque. Il l'a fait avec ses employés pour les lectrices et les lecteurs. Il lance aussi
LeJournal de Québec le 6 mars 1967 et achète plusieurs autres
journaux et hebdomadaires au cours des décennies suivantes.
Ses
journaux et leurs tirages s'améliorent en permanence, si bien que, 30 ans
plus tard, les quotidiens de Québecor sont
les plus lus et les plus vendus au Québec. À son sommet, LeJournal
de Montréal vendait plus de 350 000 exemplaires et était
rempli de publicités, fréquemment plus de 25 pages de ce qu'on appelait à
l'époque les petites annonces ou les annonces classées.
Déjà
à cette époque, les directions de certains journaux n'ont pas fait le travail
nécessaire à la saine gestion de leurs entreprises.
Beaucoup semblent oublier ici qu'un journal, et M. de La Palice n'aurait
peut-être pas dit mieux, ce n'est pas seulement
un journal, c'est également une entreprise, et une entreprise qui fait
travailler bien d'autre monde qu'uniquement des journalistes. En d'autres mots, il faut générer plus de revenus que
de dépenses pour, justement, être en mesure de payer les dépenses,
comme, entre autres, le salaire de ceux et celles qui produisent le journal.
Alors, déjà à cette
époque-là, le Dimanche-Matin a disparu, Le Jour a disparu.
J'avais 16 ans, je travaillais au Journal
de Montréal comme photographe, et
le Montréal-Matin a cessé sa publication. Alors, ces journaux n'ont pas
su s'adapter, déjà à ce moment-là,
aux besoins des citoyens et des citoyennes. Est-ce que l'État ou la
collectivité ont été appelés, à ce moment-là, à subventionner ces médias
qui étaient tout autant mal gérés que de ne pas répondre aux besoins de la
majorité de la population? Poser la question, M. le Président, c'est y
répondre.
Et
les bouleversements technologiques ont commencé. Je savais, nous savions que
nous devions anticiper un déclin de
la presse écrite, c'était écrit dans le ciel. En 1992, alors que nous devions
réduire les effectifs pour les activités industrielles de fabrication, la préparation, le montage,
l'impression — ça fait
travailler beaucoup de monde, là, il y avait des centaines d'employés, là — eh bien, M. le Président, j'ai essuyé un
échec et un refus complet de la part des organisations syndicales, malgré une proposition de rachat d'emplois qui
équivalait à trois années de salaire. Trois années de salaire, ce n'est pas
rien, ça, là, là. Pourtant, nous ne
demandions que le niveau d'effectifs qui soit requis par les nouvelles
technologies ou ce qu'on appelait à l'époque les changements
technologiques, pour reprendre le vocabulaire syndical.
• (17 h 10) •
Alors,
malgré ce refus injustifiable, nous avons persisté et avons dû, tristement,
nous engager dans un conflit que nous
ne souhaitions pas. Lors du lock-out du Journal de Québec en 2008,
l'ex-président de la FTQ, Henri Massé, avait déclaré : «Péladeau veut imposer au syndicat un lock-out dit sauvage. On coupe les jobs en deux,
on défait la qualité de l'information et
puis on vous impose ça. Et vous allez le prendre, puis sans négociations?» Je
vous épargne le reste de la phrase parce que je pense que ce n'est pas un langage qui doit être tenu ici, à l'Assemblée nationale. Au Journal de Montréal, deux années de lock-out ont été
nécessaires pour éliminer les conditions de travail d'une autre époque, celle
des années florissantes. L'entreprise ne
pouvait plus soutenir la semaine de quatre jours, 32 heures. L'entreprise
ne pouvait plus soutenir six semaines de vacances payées à temps double. Et
l'entreprise ne pouvait plus soutenir le remplacement obligatoire payé à temps
double, entre autres. L'aveuglement
syndical est allé jusqu'à l'indécence, et je m'en souviendrai toujours,
toute ma vie, de manifester sur la tombe de mon père.
Aujourd'hui,
force est de constater, n'en déplaise à M. Massé et également aux
représentants du syndicat des journalistes, le STIJM, au Journal de Montréal, que nous avons
pris les décisions qui s'imposaient pour assurer le maintien des emplois
dans nos salles de nouvelles.
Laissez-moi
céder ici la parole à Lyne Robitaille, qui compte plus de 23 ans au
journal, dont 14 ans à titre d'éditrice. Lyne.
Mme Robitaille (Lyne) : Merci, Pierre Karl. Mesdames messieurs, bonjour. Vous savez, nos trois
quotidiens rejoignent plus de 4 millions de lecteurs par semaine, donc c'est 55 % de la population, c'est plus d'un Québécois sur deux. Et les
ventes papier, à elles seules, de nos
quotidiens rejoignent 3,2 millions de lecteurs par semaine. Donc, c'est
juste pour vous démontrer à quel point ces résultats démontrent de façon
éloquente que ce format est encore très apprécié.
L'anticipation
des changements dans l'industrie de la presse écrite est ce qui a permis et ce
qui permet encore toujours à Québecor de connaître du succès et
traverser les bouleversements liés que nous avons connus, entre autres, par les
changements technologiques mais aussi par la
diminution significative des revenus, principalement la publicité. En 2005,
nous avions établi un plan sur cinq ans afin
de modifier notre modèle d'affaires pour optimiser nos coûts d'opération mais
aussi pour se permettre, et c'était très important, une plus grande flexibilité
pour pouvoir réagir rapidement aux changements du marché. Cela nous a amenés, comme Pierre Karl l'a mentionné,
évidemment, à prendre des décisions extrêmement difficiles mais qui démontre aujourd'hui que nous avons fait
les bons choix pour assurer la poursuite du développement de nos activités
et surtout continuer d'offrir un contenu de
qualité. Alors que plusieurs médias affichent une situation financière
déficitaire, nos journaux demeurent rentables.
Nous avons
également fait le choix d'approfondir notre contenu journalistique par la
création du bureau d'enquête, par
l'élargissement de nos bureaux parlementaires. Nous avons également investi de
façon significative dans la multiplication des plateformes de
distribution afin de rejoindre nos lecteurs là où ils se trouvent et sur la
plateforme de leur choix.
Nous
déplorons l'aide, uniquement dirigée à Groupe Capitales Médias, de
10 millions du gouvernement précédent. Cette aide est venue fausser les
règles de la concurrence et fragiliser encore davantage la presse écrite. S'il
devait y avoir un soutien financier
de l'État, il devrait être universel et non pas favoriser certains groupes au
détriment d'autres groupes. Merci.
M. Péladeau
(Pierre Karl) : Merci, Lyne. D'autres entreprises de même nature ont
fait de l'aveuglement volontaire. Ils
ont joué à l'autruche et se retrouvent aujourd'hui dans la situation que nous
connaissons. Deux exemples flagrants : la faillite de Groupe Capitales
Médias, une création de Power Corporation, qui a trouvé un homme de paille pour
se débarrasser de ses quotidiens
régionaux et qui requiert encore de l'argent public après que le gouvernement
de Philippe Couillard lui a octroyé une subvention de 10 millions
de dollars, la faillite...
Le
Président (M. Tanguay) : Juste faire attention au décorum :
«homme de paille», et il faut appeler les élus ou ex-élus par leurs titres, donc premier ministre
Philippe Couillard. Mais faites attention, s'il vous plaît, ça va bien.
Continuez, je vous en prie.
M. Péladeau
(Pierre Karl) : ... — merci, M. le Président — la faillite certainement probable de La Presse
après le mauvais choix de la gratuité fait par Guy Crevier, l'alter
ego d'André Desmarais, ancien propriétaire de La Presse,
dont il s'est également débarrassé pour la somme de 50 millions de
dollars.
Alors, c'est
un peu invraisemblable de constater l'inertie et l'apathie de la direction des
médias. Dès le début des années 2000,
M. le Président, un pan entier des revenus que constituaient les annonces
classées — chez
nous, c'était plus 30 % des revenus — bien, il a disparu, ce pan, et à vitesse
grand V. Kijiji, Google, probablement que ça vous dit quelque chose. Alors, ce n'est pas d'hier que la
problématique à laquelle nous faisons face existe. Les éditeurs ne se sont pas
adaptés et sont maintenant devenus
des quêteux dont la pérennité dépend du bon vouloir de celles et de ceux qui
sont aux commandes de l'État.
Tristement,
dans ce contexte, l'indépendance des salles de rédaction est fortement mise en
péril, voire terminée. Et nous le constations déjà avec des reportages
tout en complaisance de certains journalistes envers les chefs d'entreprises.
Le Président (M. Tanguay) :
...s'il vous plaît.
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Pardon?
Le Président (M. Tanguay) : En
conclusion, s'il vous plaît.
M. Péladeau
(Pierre Karl) : Alors, en terminant, mesdames et messieurs, nous
savons que le gouvernement du Québec
va nous dire que, pour la télévision, il ne peut rien faire, que c'est une
compétence fédérale. Je sais très bien que d'obliger les géants étrangers du Web à prélever la TPS relève du gouvernement
fédéral, que l'établissement d'un cadre réglementaire pour baliser leurs pratiques, au Québec comme au Canada,
relève du fédéral. Je sais aussi très bien que les changements législatifs concernant le droit voisin
relèvent du fédéral, que les modifications aux droits d'auteur relèvent du
fédéral. Évidemment, malheureusement, France
n'a pas eu l'occasion de le mentionner, notre régime de télédiffusion et de
télécommunications relève du fédéral, relève du CRTC, qui est incapable de
saisir et de comprendre les révolutions technologiques et qui continue
d'imposer des fardeaux réglementaires comme si Internet n'existait pas.
Le Président (M. Tanguay) : En
conclusion.
M. Péladeau
(Pierre Karl) : C'est assez incroyable. Alors, toutefois, comme il le
fait dans bien d'autres secteurs d'activité
économique, le gouvernement du Québec a la responsabilité, je dirais même le
devoir et l'obligation de défendre nos
intérêts à Ottawa, de défendre les entreprises du Québec qui créent de la
richesse chez nous, de défendre les intérêts des Québécois et des
Québécoises.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci. Merci beaucoup, M. Péladeau.
Les députés de la banquette ministérielle vous ont fait un don de leur temps, 2 min 30 s, alors, qui
sera amputé. Alors, il vous reste, pour le début des échanges, donc, un
total de 12 min 30 s.
M. Poulin
(Beauce-Sud) : Merci beaucoup, M. le Président. Mme Robitaille,
Mme Lauzière, M. Péladeau, très content de pouvoir vous voir aujourd'hui. M. Péladeau, rebienvenue
à l'Assemblée nationale également. Comme ancien député de Saint-Jérôme,
j'imagine que c'est un plaisir pour vous de revenir ici aujourd'hui.
Vous avez dit plusieurs choses, plusieurs
éléments. J'aimerais qu'on parle de l'avenir également, comment vous
vous projetez, comme gens d'affaires. Vous
dites, dans votre mémoire : «L'avenir des médias d'information au Québec passe par des entreprises innovantes et
des groupes de presse forts...»
Vous n'êtes
pas sans savoir également que vous avez fait des choix très importants
de continuer avec le Le Journal
de Québec et le Le Journal de
Montréal en copie papier, entre autres, puis qui dit... qui vous confirme que c'est une bonne décision que vous avez prise, également
au niveau de la télévision, où effectivement il y a
des enjeux où on doit se projeter dans
l'avenir. Mais comment vous entrevoyez ça, quand on parle de groupes de médias
de presse qui sont forts? Est-ce que, pour
vous, ça doit se faire par de futures acquisitions pour assurer une certaine
pérennité? Je ne demande pas que vous dévoiliez votre plan d'affaires,
mais est-ce que, pour vous, ça passe essentiellement par ça?
M. Péladeau
(Pierre Karl) : J'aurais
souhaité, effectivement, aussi en
même temps, parce que
vous l'avez mentionné, M. le député, donc, de parler de la télévision, de parler de l'information. Aujourd'hui, il y a une transaction qui va être présentée devant le
CRTV, ça va être Bell qui va acheter V. Vous savez que Bell a des
pratiques prédatoires depuis de très
nombreuses années, et j'ai bien peur que la rentabilité de TVA, qui
participe également aussi de
façon significative à la mise en place, à la cueillette et également à
l'analyse des informations, soit peu à peu fragilisée. Et j'ai bien peur, éventuellement, de devoir me présenter ici dans
cinq ans pour pouvoir vous dire que, là aussi, les salles de nouvelles sont en
péril. La télévision généraliste fait
également aussi face à des dynamiques qui sont celles que la presse écrite...
auxquelles fait référence. Alors, il
ne faut pas penser que nous sommes
invincibles à cet égard. Donc, ce sont les éléments que je souhaite également aussi, donc, vous soumettre pour que,
lorsque le législateur va être appelé à légiférer ou à proposer un projet de
loi, vous considériez cet élément-là, qui m'apparaît essentiel et
incontournable.
• (17 h 20) •
M. Poulin
(Beauce-Sud) : Je pense qu'on vous entend bien sur les télés. Quand
vous dites que vous n'êtes pas invincibles,
effectivement, il y a des défis dans l'avenir, vous venez d'en
nommer quelques-uns. Mais, si je reviens dans le passé, vous nous avez parlé de l'aide à Groupe
Capitales Médias, que vous dénoncez. Cependant, est-ce
que Québecor a fait des représentations — puis je vous pose la question sans avoir la réponse — dans les 15, 20 ou 10... ou même plus
récemment, concernant une aide éventuelle
qui pourrait être portée, je ne sais pas, par exemple, dans les médias
régionaux ou quelconques?
M. Péladeau (Pierre Karl) : Pas
à ma connaissance.
M. Poulin (Beauce-Sud) :
D'accord. Je vais céder la parole à d'autres de mes collègues.
Le Président (M. Tanguay) : Je
cède la parole à notre collègue de Saint-Jérôme.
M. Chassin :
Merci.
M. Péladeau (Pierre Karl) : Un
très bon comté.
M. Chassin : Absolument. Avouez, M. Péladeau, que,
pendant quelques instants, vous vous êtes dit : Est-ce que je peux
poser une question?
Mais, dans le
fond, je voudrais revenir sur... Dans votre mémoire, effectivement, vous parlez
d'un modèle qui est le vôtre, qui a été critiqué, la convergence, qui
permet en même temps d'avoir des économies par la mise en commun. Dans le fond, dans notre réflexion ici, comme
commission parlementaire, on a cette réflexion du modèle d'affaires. Et je me
demandais, de votre point de vue, à quel
point un modèle d'affaires où plusieurs médias partagent, finalement, une
infrastructure d'information... est-ce que c'est en partie votre recette
de succès ou pas?
Évidemment,
je pense que derrière le mot de «convergence» se cache une réalité plus
complexe, là. Il y a quand même une diversité de points de vue qui sont
exprimés, et puis Mme Robitaille pourra nous le dire, mais... à travers
notamment les pages des journaux.
Mais à quel point est-ce que vous évaluez que ce facteur-là est un facteur
important dans votre modèle d'affaires à vous, qui vous a conduit à une
certaine réussite quand même?
M. Péladeau
(Pierre Karl) : Bien, écoutez, je vais vous répondre assez simplement.
Vous savez, lorsqu'effectivement nous avons engagé une modification, je
dirais même une restructuration, un repositionnement de notre groupe, ça s'est
passé en 2000 avec l'acquisition de Vidétron, et donc cet engagement vers la
convergence, ça a laissé énormément de commentateurs
et de commentatrices dubitatifs, c'est le moins qu'on puisse dire. Aujourd'hui,
20 ans plus tard, la convergence existe
partout, pas uniquement ici, au Québec. Bell a fait la même affaire, et aux
États-Unis, en Europe, c'est un modèle qui s'applique partout. Pourquoi? Parce que c'est un modèle qui, justement,
est efficace, c'est un modèle qui permet l'optimisation des dépenses.
Vous
savez, je ne veux pas rentrer dans le détail, mais, tu sais, malheureusement,
des fois le diable est dans les détails, tu sais. Ici, vous allez me prendre en photo. Est-ce qu'on a vraiment
besoin de trois photographes de trois publications différentes ou une seule photo, entre guillemets, va faire la
job? Et c'est vrai à tous égards, parce qu'il faut rentrer dans les détails. Et
c'est pour ça que je disais, dans mon
intervention, que, oui, c'est un média d'information mais c'est également une
entreprise. Et, si vous avez
uniquement comme focus ou comme intérêt ou priorité, donc, le journalisme ou la
salle de rédaction, bien, malheureusement,
vous êtes à côté de vos pompes, parce qu'il y a du monde également aussi qui
travaille en arrière, et ça, tristement, beaucoup de personnes l'ont
oublié.
M. Chassin :
Une question un peu différente mais néanmoins liée : Est-ce qu'il y a, par
exemple, la possibilité pour des médias
locaux régionaux de se regrouper pour offrir une offre publicitaire
intéressante? On nous a parlé aujourd'hui, certains intervenants, d'une espèce de régie publicitaire où on se
réunit pour concurrencer, finalement, des plateformes qui offrent du ciblage particulièrement précis, là, où
on offrirait, finalement, une offre assez diversifiée dans toutes les régions
du Québec. C'est une avenue qui, pour vous, peut être intéressante?
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Moi, écoutez, bien honnêtement, là, je vais vous dire, là, c'est de
l'imagination, heureusement, du désespéré,
là, tu sais. C'est une espèce d'usine à gaz dont on sait qui ne fonctionnera
jamais, là, tu sais. Il faut savoir
également aussi, parce que je le croisais puis j'ai beaucoup d'affection pour
lui parce que je trouve que c'est un gars
qui est extrêmement brillant, Michel Bissonnette, lui, il travaille à
Radio-Canada. Pensez-vous qu'à Radio-Canada, là, qui est alimentée de 100 millions par le gouvernement fédéral, va
jouer à cette partie-là? Radio-Canada, ce n'est pas sa mission, de faire vivre les médias écrits ou les
concurrents. On est en concurrence permanente, là, pour de l'auditoire, de
façon systématique, à tous les jours.
Alors, bon, à
moins qu'on veuille refaire le système économique au Québec, là, puis peut-être
que certains partis politiques le souhaitent, mais je pense qu'en vertu
des principes qui sont ceux qui s'appliquent c'est la concurrence, et, selon moi, c'est un critère d'émulation et
d'amélioration. La preuve, c'est qu'effectivement, et Lyne l'a dit, on investit
de façon significative au niveau de la
cueillette de l'information. Nous sommes très fiers du bureau parlementaire,
nous sommes très fiers du bureau d'enquête. Et ils sont nombreux, ceux
et celles, qui ont dit qu'heureusement que le bureau d'enquête de Québecor est là, parce que c'est lui qui procure aux
citoyens puis aux citoyennes des informations de première qualité et des
informations qui sont essentielles à la démocratie et au renforcement de la
démocratie.
M. Chassin :
Merci beaucoup.
Le Président (M. Tanguay) :
Merci. Alors, on poursuit avec le collègue de Saint-Jean.
M. Lemieux : Puis, avec le
cadeau à M. Péladeau, il me reste...
Le Président (M. Tanguay) :
Toujours cinq minutes.
M. Lemieux :
...cinq minutes, merci beaucoup. M. Péladeau, merci beaucoup pour le
rappel historique jusqu'au début du
journal, les détails, les anecdotes, les opinions qui nous font comprendre le
virage que vous avez senti qu'il fallait prendre. Et, c'est drôle, j'arrive au même endroit, à votre mémoire, en
page 7, où il est question de convergence, que mon camarade. Vous parlez de convergence, et, pour
vous, ça vous a bien servi, il y avait de quoi converger. Mais, pour le petit
hebdo indépendant ou le petit groupe
d'hebdos — puis
vous connaissez ça, les hebdos, vous en avez eu un bon bout de temps dans votre parc — ils vont converger avec qui, eux autres? Ils
vont faire quoi, eux autres? Parce que la commission, ce n'est pas seulement pour les gros joueurs,
c'est aussi pour le reste du Québec. Et, dans le reste du Québec, en ce moment,
ils ne peuvent pas converger, ils ne peuvent même plus vivre.
M. Péladeau
(Pierre Karl) : Oui. Moi, je regarde... évidemment, vous pouvez vous
en douter, là, c'est mon métier, donc,
je regarde les quotidiens régionaux de Capitales Médias puis, bon, je veux
bien, moi, qu'on dise qu'on doit les soutenir, mais, tu sais, la première chose, éventuellement, qu'on devrait faire,
ce sont les commerçants locaux qui devraient soutenir, tu sais, les quotidiens.
Donc, je vous invite à regarder les quotidiens d'aujourd'hui, là, donc Le Nouvelliste,
là, Le Quotidien, puis
d'essayer de compter le nombre de pages de publicité puis également aussi,
donc, les publicités locales, vous allez être étonnés. Il n'y en a pas
beaucoup, il n'y en a quasiment pas, O.K.?
Par contre... et moi, j'ai une maison à Eastman, à
côté du mont Orford, un très bel endroit, et l'hebdomadaire s'appelle Le Reflet du lac,mais Le
Reflet du lac, là, il y en a, de la publicité, là. C'est un hebdomadaire
qui, justement, est en mesure de
pouvoir procurer, un, une information locale et, deux, d'autre part, également
un véhicule pour les commerçants d'annoncer, que ce soit la notaire, que ce soit le salon funéraire, que ce soit
l'agent immobilier. C'est rempli de publicités, donc ils font bien leur travail. Alors, pourquoi? Parce que Le
Reflet du lac, là, bien, le propriétaire est quelqu'un de l'endroit qui est
bien installé. Et Lyne le connaît, parce
qu'on avait un journal directement en concurrence qui s'appelait le Progrès de Magog. C'est
vrai qu'à l'époque il y en avait deux. Maintenant, il y en a un, il y en a un
qui fait très bien le travail.
Moi, je pense
que les hebdomadaires ont un avenir solide parce que, justement,
ils sont en mesure de procurer une information extrêmement locale et une information dont les citoyens et les citoyennes
ont besoin, et ils vont soutenir leur journal.
M. Lemieux : Alors, vous seriez d'accord avec des suggestions
qui ont été faites à la commission jusqu'ici, cette semaine, entre autres pour essayer de compenser une espèce
d'anachronisme qu'on nous a exprimé, que le fédéral permet à quelqu'un qui achète de la publicité de déduire les coûts
de publicité, même si c'est de la publicité qui est achetée à l'étranger? On nous a suggéré qu'on pourrait
bonifier, au lieu de... bien, on peut faire autre chose, mais qu'on puisse
bonifier pour qu'un entrepreneur qui achète... un commerçant qui achète de la publicité puisse être
encouragé, qu'il y ait un incitatif. Ça fait au moins deux, trois
mémoires qui nous parlent de ça. Ce que j'entends de vous, ce n'est pas incompatible,
là?
M. Péladeau
(Pierre Karl) : Bien, bien sûr,
bien sûr, au contraire, et ça, ça fait longtemps
que nous le disons, ça fait longtemps
que nous dénonçons la situation. Le gouvernement fédéral fait de la politique avec nos entreprises
de médias, tu sais. Mélanie Joly, avec la taxe... On demande juste l'application...
Puis je le sais, j'ai déjà participé à un panel avec Mme Marois et... excusez, Mme Rizqy... excusez-moi, non, non, Mme la députée de Saint-Laurent — je
ne me souvenais plus, excusez-moi, M. le Président — et
puis effectivement, donc, tu sais, que Netflix et que toutes les
entreprises étrangères ne soient pas
assujetties, pas à une loi particulière, là, pas à une taxe particulière, à la
TPS, à la taxe que tous les produits et services au Canada
sont assujettis... Et ça, c'est vrai, une autre taxe, et il y en a
beaucoup d'autres. Malheureusement, le gouvernement fédéral fait de la politique
avec ça, dit qu'il va y avoir une taxe Netflix. Il n'a jamais été question
d'une taxe Netflix, il a été question
d'assujettir les entreprises au même régime fiscal pour que l'équité puisse
exister en cette matière.
• (17 h 30) •
M. Lemieux :
Oui. Il me reste juste 30 secondes, mais il faut que je vous dise que, la
taxe québécoise sur Netflix, on taxe le consommateur, on ne taxe pas...
en tout cas.
J'ai bien
compris, et vous le répétez sur tous les tons, vous dénoncez l'aide d'urgence,
celle de 10 millions qu'il y avait eu il y a deux ans, et la
nouvelle aide à Groupe Capitales Médias, dans les circonstances. Est-ce que je
dois comprendre que vous allez vous inscrire
en faux, quoi qu'il arrive, sur des décisions du gouvernement pour venir en
aide dans un programme d'aide à court terme?
M. Péladeau
(Pierre Karl) : Bien, je
pense que Mme Robitaille a été claire et précise là-dessus. Nous ne
croyons pas que ce soit nécessairement
la formule, mais, s'il devait y avoir cette formule, qu'elle soit universelle
et que nous ne privilégions pas un
groupe au détriment des autres, parce que ça vient fausser la concurrence, et
ça, au contraire, je pense que c'est néfaste.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Maintenant, pour un bloc de 10 minutes, je cède la
parole à la collègue de
Verdun.
Mme Melançon : Bonjour.
Bienvenue. Merci, merci de vous être déplacés. C'est intéressant de pouvoir
vous entendre.
D'abord... et là je veux vous garder de bonne
humeur, mais je veux qu'on parle du CRTC quelques secondes. Je le sais, qu'il y a des problématiques au CTRC. Je sais que vous êtes allés très souvent à Ottawa
pour en parler. J'ai une question pour vous : Est-ce que vous trouvez ça
anormal que le gouvernement du Québec n'ait rien déposé lors de l'ouverture des révisions de lois — j'en
ai glissé un mot déjà à Mme Lauzière lorsqu'on s'est vues un peu plus tôt cette année — que
le gouvernement du Québec n'ait pas été défendre les intérêts du Québec,
tant en télédiffusion qu'en radiodiffusion?
M. Péladeau
(Pierre Karl) : Bien, je
suis certain... Peut-être, éventuellement, France peut ajouter un mot, mais je pense que vous ne serez pas étonné de ma réponse,
hein? Bien sûr, bien
sûr. Puis j'ai essayé, donc, de le
mentionner dans ma conclusion, le gouvernement du Québec doit défendre les intérêts des Québécois
et des Québécoises à Ottawa. C'est sa mission également.
Mme Melançon : C'est exactement en ce sens-là, d'ailleurs, qu'on a décidé de
prendre le taureau par les cornes puis,
dans le fond, que l'ancien ministre des Finances a été en
mesure de faire la taxe Netflix, appelons-la ainsi, qui verse dans les coffres
plus de 65 millions, là, pour la prochaine année. Un fonds dédié pour
la culture, les communications, ne serait-ce qu'avec l'argent qui rentre
pour Netflix, est-ce que vous êtes d'accord avec ça, M. Péladeau?
M. Péladeau
(Pierre Karl) : Deux choses
ou trois peut-être, là, rapidement. Effectivement, j'ai salué l'initiative du ministre
des Finances, le député de Nelligan... non, Robert-Baldwin, oui, désolé,
et puis effectivement c'était le courage. Et il aurait même eu... il aurait
dû avoir encore davantage de courage et de dire : Bien, si vous faites
l'économie, vous, le gouvernement fédéral, de ne
pas taxer, on va prendre votre place puis on va le ramasser pour, justement,
éventuellement aussi soutenir les efforts généraux, les efforts
généraux de l'État à l'intérieur de l'univers culturel. Alors, est-ce qu'on doit
faire le... On le fait déjà quand même, tu sais, le gouvernement du Québec est
très actif en cette matière.
Maintenant,
je pense qu'il est important également aussi de souligner, parce que probablement qu'on va vous poser la question, les entreprises de
télécommunications versent déjà des montants importants à l'intérieur, donc, de
ce cadre général du fonds canadien. En
l'occurrence, on l'appelle le fonds canadien des médias. 5 % des revenus
de câblodistribution sont versés à ce
fonds, qui, lui, reverse aux producteurs indépendants pour faire en sorte, justement,
que nous ayons cette richesse culturelle et que nous puissions justement
faire en sorte de mettre à l'écran les talents qui sont les nôtres.
Maintenant,
est-ce que quelque chose de cette nature-là est susceptible d'être proposé
en matière d'information? C'est une avenue qui est susceptible d'être
explorée. Mais je pense surtout qu'il va falloir être extrêmement attentifs, parce que, là, les médias, ce n'est pas Révolution,
l'émission de danse, ce n'est pas Star Académie, ce n'est pas L'Échappée,
c'est vraiment au coeur de la
démocratie. Je ne dis pas que les autres activités ne sont pas importantes,
mais celle des médias a un statut
bien particulier. Et il ne faut pas faire en sorte qu'on instaure à l'intérieur de ce système-là une espèce de couche de
complaisance qui va faire en sorte que la transparence et également aussi... et
surtout l'indépendance des salles de nouvelles puisse exister et perdurer.
Mme Melançon : Merci. Sur les revenus publicitaires, vous dites,
à l'intérieur du mémoire, hein, que les médias sont tous
à la recherche du même dollar publicitaire et qu'actuellement, bien sûr, ces
géants du Web viennent piger exactement dans ce dollar-là. Vous n'avez pas chiffré à quel pourcentage est-ce que... pour la
publicité gouvernementale, là, du
moins. Et je vous remercie, vous avez fait un excellent travail. Mais est-ce
qu'il y a un pourcentage sur lequel le gouvernement
doit dire : Je mise? Est-ce que c'est 100 % de l'argent de la publicité gouvernementale qui doit être mis
dans nos médias? Est-ce que c'est 95 %? Vous ne l'avez pas chiffré.
Pouvez-vous nous donner une idée?
M. Péladeau
(Pierre Karl) : Écoutez, là,
je sais que... Et d'ailleurs c'est un vrai débat, là, et il existe également
aussi chez nous, à l'intérieur de nos collaborateurs, de nos collaboratrices.
Doit-on utiliser les réseaux sociaux pour s'assurer, tu sais, comme l'a
dit le premier ministre, le député de...
Une voix : ...
M. Péladeau
(Pierre Karl) : ...le premier ministre, qu'on utilise les réseaux
sociaux? Oui. Et d'ailleurs nous aussi, nous le faisons. Nous le faisons également aussi, je dirais... je ne dis
pas que c'est pour ramener... mais, oui, c'est aussi pour ramener des lecteurs
et des lectrices dans un créneau. C'est clair que, donc, chez les jeunes, dans
le créneau, disons, 15, 25, 30, là,
on va davantage, évidemment, consulter les réseaux sociaux que la presse en
général. Mais ça ne veut pas dire qu'on ne peut pas, tu sais, faire, entre guillemets, du rabattage, disons, à
partir des réseaux sociaux pour ramener cette clientèle-là à l'intérieur
d'un univers qui est celui où les salles de rédaction, les collaborateurs et
les collaboratrices des salles de rédaction
sont en mesure de procurer de l'information, et les garder dans cet univers-là,
et l'exploiter adéquatement, avec des revenus publicitaires qui vont
faire en sorte, justement, de financer nos salles de rédaction.
Mme Melançon :
Ça fait quatre mois que j'ai déposé une motion à l'Assemblée nationale
demandant justement qu'on puisse
avoir une directive claire. C'est un peu long. J'imagine que vous, comme
patron, vous trouvez ça long aussi.
M. Péladeau
(Pierre Karl) : C'est sûr que, si on devait toujours être à la
remorque de l'État, bien, ça pourrait être long, effectivement. Donc, on a pris
les moyens nécessaires pour s'assurer de la pérennité de nos activités et puis
de nos emplois qui y participent.
Mme Melançon : J'ai lu ceci...
M. Péladeau (Pierre Karl) :
C'est bon, hein?
Mme Melançon :
...j'ai pris le temps de le lire. Et, vous savez, dans cette lecture-là, je
trouvais intéressant de lire : «Québecor, d'hier à demain.» J'aimerais ça
que vous puissiez nous dire, de demain à après-demain, c'est quoi, votre vision.
M. Péladeau
(Pierre Karl) : Écoutez, nous, nous avons toujours... puis, encore une
fois, tu sais, largement critiqué, nous
l'avons été, mais nous avons investi, donc, dans le développement
technologique. Tu sais, s'il y a quelque chose auquel on ne devrait jamais faire l'économie, c'est
vraiment, donc, de cesser d'investir et de penser que nous sommes plus forts
que la technologie. Au contraire, et c'est ce que nous avons fait, et nous le
faisons à tous égards, nous le faisons à la télévision,
nous avons été les premiers à concurrencer Netflix avec le Club Illico, des
productions, tu sais, de qualité disponibles, donc, sur le Web mais
également aussi sur la télévision.
Nous avons
été le premier opérateur historique dans... bien, pas historique, mais, dans le
domaine du câble, à lancer le sans-fil. On sait aujourd'hui que le sans-fil va
être de plus en plus, dorénavant, un véhicule pour procurer du contenu. Nous avons procédé hier au lancement, donc, d'une
nouvelle plateforme technologique, Helix, pour le câble, qui permet de naviguer
très efficacement entre la câblodistribution, donc l'ancien monde, avec le
nouveau monde, qui est celui de l'Internet. Donc, nous allons continuer
à le faire.
Et c'est
certainement, probablement, donc, un enseignement, puis je termine là-dessus,
parce que vous l'avez montré, là, et
évidemment vous pouvez vous en douter, je suis très fier de mon père, mais lui,
il l'avait également aussi implantée, cette
technologie, parce que la première imprimerie qu'il a utilisée, c'était une
imprimerie «offset», alors que ses concurrents avaient ce qu'on appelait
du Linotype ou du... et c'était, tristement, extrêmement lourd, et c'est
notamment par la technologie qu'il a
été en mesure aussi de proposer un produit de qualité.
Mme Melançon : Je vais y aller avec deux dernières. On va y
aller rapidement, en rafale. Alors, la diversité de la presse. J'ai lu, à l'intérieur de ça, là, que votre père
était d'accord avec la diversité de la presse. J'imagine que... Vous
logez où dans cette enceinte-là? Parce qu'on
vous a entendu parler du Groupe Capitales Médias, de dire : Bien, il vaut
mieux que moi, je l'achète que ça tombe complètement. La diversité de la
presse, ça doit être important pour vous aussi.
• (17 h 40) •
M. Péladeau
(Pierre Karl) : Bien sûr, et puis je pense que vous l'avez mentionné.
Donc, si vous faites référence à... Et je pense que nous sommes tout à fait
aussi en continuité avec les enseignements de mon père. Il a souhaité ne
pas dire aux autres quoi dire, quoi penser.
Il n'y avait pas et il n'y a toujours pas d'éditoriaux dans les journaux de
Québecor.
Maintenant, est-ce qu'il y a des
opinions? Oui, il y a des opinions, et toutes sortes d'opinions, des opinions
qui, justement, reflètent la
diversité qu'on est en mesure de rencontrer dans une collectivité riche. Alors,
il y a des syndicalistes, il y a des
souverainistes, il y a des fédéralistes, il y a tout ce qu'il faut pour,
justement, participer à l'illustration de cette diversité. Et nous entendons bien poursuivre dans cette avenue, parce
que je pense que c'est celle qui nous a effectivement montré le succès.
Si le succès existe, c'est que la formule était bonne.
Mme Melançon :
Il me reste 35 secondes, je ne peux pas m'empêcher de vous demander... et
je veux vous garder de bonne humeur, je vous le redis encore une fois. Des
interventions éditoriales, là, il y en a. On a entendu, là, tout à l'heure,
on a entendu le député de Rimouski demander
à La Presse qu'est-ce qu'il en était. Est-ce qu'il y en a chez
vous, chez Québecor?
M. Péladeau
(Pierre Karl) : Bien, je pense avoir répondu à votre question, Mme la
députée de Verdun. Non, il n'y a pas d'éditoriaux. Il n'y en a jamais eu puis
il n'y en aura pas.
Mme Melançon :
Mais il y a de la chronique.
M. Péladeau
(Pierre Karl) : Il y a de la chronique, oui.
Mme Melançon :
D'accord. Merci.
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, pour 2 min 30 s, nous cédons la parole à
la collègue de Taschereau.
Mme Dorion : La semaine dernière, Léolane Kemner admettait,
sur son blogue du Journal de Montréal, un traitement tendancieux de l'information de la part de chroniqueurs de Québecor, et
ce texte a rapidement été retiré du site du journal. On a été plusieurs
à trouver ça étrange.
Mais
ça m'a rappelé quelque chose, et là je veux vous raconter mon expérience de
blogueuse au Journal de Québec,
pour lequel j'ai produit une trentaine de
billets entre 2016 et 2018. À notre première rencontre, en 2016, le responsable de la section Web du journal m'a
dit : Tu peux publier absolument ce que tu veux, tu es libre, mais, quand
même, ne fais pas exprès pour parler
de John Doe. J'ai dit : C'est qui, John Doe? Il a dit : C'est PKP.
J'ai dit : Est-ce que je peux parler de Québecor? Il dit : Bien, si c'est pour critiquer, non,
idéalement, non. Ça fait que je me suis dit : Bon, bien, quand j'aurai
envie de critiquer Québecor, parce que
Québecor est quand même un personnage corporatif qu'on peut difficilement
ignorer au Québec, j'en subirai les conséquences, puis ça sera
intéressant à voir.
En
novembre 2016, le lendemain de la mort de Fidel Castro, je lis Le Journal
de Québec au garage, pendant que je fais changer mes pneus, puis je décide d'écrire, et là pas sur mon
blogue, sur mon compte Facebook personnel à moi, une petite flèche à l'effet que les chroniques du
journal sont aussi diversifiées en opinions que les pages d'un journal cubain.
Avant même que mon auto soit prête à sortir, je reçois un appel de mon
supérieur immédiat qui me dit : Qu'est-ce tu fais là? Tu ne peux pas mordre la main qui te nourrit.
Il me dit que, si ça devait se reproduire une ou deux fois, il faudrait
malheureusement mettre fin à notre collaboration.
Un
an plus tard, je publie sur mon blogue un texte qui répond à une chronique de
Sophie Durocher dans le style direct auquel les lecteurs du journal sont
habitués mais sans insulte personnelle envers Sophie Durocher. Quelques minutes
après la publication, je reçois de mon supérieur un appel dans lequel il
m'apprend que son boss lui a demandé de m'appeler pour me dire que je ne
peux pas vraiment attaquer, critiquer, dans mes billets, des chroniqueurs de
Québecor, en fait, idéalement, personne de
Québecor, et que, là, on ne va pas enlever mon billet mais que, si ça devait se
reproduire, ça deviendrait difficile de continuer avec moi.
M. Péladeau, si
vous achetez Capitales Médias, comment est-ce que vous pouvez nous garantir
qu'il n'y aura pas six journaux de plus où
il va être tabou de vous critiquer, vous ou Québecor, qu'il n'y aura pas six
journaux de plus qui vont faire la
promotion de Helix, de Vidéotron, du Centre Vidéotron puis de toutes les autres
affaires que vous possédez?
M. Péladeau
(Pierre Karl) : J'apprécie vos commentaires. Je n'en ai pas à vous
donner, Mme la députée.
Mme Dorion :
Vous êtes sûr? Il reste 13 secondes.
M. Péladeau
(Pierre Karl) : Non. Je pense que vous avez décidé de faire... de vous
donner en spectacle. Bravo! Je n'ai rien d'autre à ajouter.
Mme Dorion :
C'est une vraie question que je vous pose, M. Péladeau.
M. Péladeau
(Pierre Karl) : Bien oui, mais c'est une vraie réponse que je vous
donne, Mme la députée.
Le Président (M.
Tanguay) : Alors, nous poursuivons avec le collègue de Rimouski pour
2 min 30 s.
M. LeBel : Merci, M.
le Président. Bonjour. Moi, je suis
très préoccupé pas les réalités régionales. On a un grand pays, il faut l'occuper, il faut l'habiter puis il
faut que le monde sache ce qui se passe dans nos régions. Et là, bien, je
comprends que c'est une business, les
médias, mais ce n'est pas toujours rentable, de couvrir les régions, ça coûte cher.
Déjà, Le Journal de Québec
couvrait, avant... c'est un exemple, mais couvrait L'Océanic, à Rimouski, mais
là c'est terminé. Ça fait qu'on ouvre Le Journal de Québec, c'est
Les Remparts mur à mur.
Je peux comprendre, il y a des
décisions, mais on voit ça souvent, là. En région, on va couper dans les salles
de nouvelles, on va couper... Je
trouve ça très dommageable, et c'est dans ce sens-là que je me dis, puis là je
vous demande votre opinion :
Est-ce que l'État a un rôle à jouer pour conserver la vitalité des régions,
d'aider financièrement à la nouvelle en région, à la production de
nouvelles, à la couverture en région?
M. Péladeau
(Pierre Karl) : Écoutez, M. le député de Rimouski, à ma connaissance,
il y avait, à l'époque, un hebdomadaire, là, Le Rimouskois, je ne
sais pas s'il existe encore, ou il y en avait même deux peut-être, Lyne, hein?
Mme Robitaille
(Lyne) : Oui.
M. LeBel :
Il en reste un.
M. Péladeau
(Pierre Karl) : Bon, et maintenant ce n'est pas parce qu'il n'y en a
plus aujourd'hui qu'il ne pourrait pas
éventuellement y en avoir un. Je pense que l'hebdomadaire est en mesure, comme
je l'ai dit tout à l'heure, de faire en sorte de rapporter ce qui est important pour la collectivité de Rimouski. Et ça ne veut pas dire non plus, par ailleurs... Et la couverture de TVA le
fait, bon, peut-être pas, évidemment, aussi élargi que vous le souhaitez, là,
concernant L'Océanic, quoique je les vois des fois, L'Océanic, dans Le
Journal de Québec, parce que...
M. LeBel : ...on a coupé beaucoup dans les productions,
là. C'est vrai que les hebdos, chez nous, ils parlent de nous autres chez nous, mais c'est bien aussi de
parler du Bas-du-Fleuve puis de la Gaspésie ailleurs au Québec
puis ne pas juste parler du
traversier à Matane qui ne marche pas le matin. Tu sais, il y a
d'autres choses qui se passent dans nos régions, et ça prend des médias nationaux qui en parlent de temps en temps. Et, quand on parle juste de la logique rentabilité, bien, c'est
sûr qu'on fait des compressions souvent sur le dos des réalités régionales.
Une
dernière question, je n'ai pas beaucoup de temps. Les gens de
Télé-Québec, tantôt, nous disaient que... puis j'aimerais ça
avoir votre opinion, disaient que l'achat de V par Bell pourrait donner...
propulser la production de nouvelles régionales
que V faisait, et que ce serait une belle façon d'avoir plus de nouvelles
régionales, et que c'était une opportunité qu'ils pourraient avoir.
C'est ce que les gens de Télé-Québec nous disaient tantôt.
M. Péladeau
(Pierre Karl) : Bien, honnêtement, bon, je pense que ça va être au CRTC que tout ça va devoir être débattu. Est-ce que
Bell a l'intention de repartir des salles de nouvelles? À première vue, j'ai
comme tendance à penser que ça ne
serait pas le cas, mais, si c'est le cas, bon, on verra bien. Mais, pour
l'instant, je pense que ça reste extrêmement théorique, là, comme suggestion.
Le
Président (M. Tanguay) :
Merci beaucoup. Merci. Pour un dernier bloc de deux minutes, je
cède la parole à notre collègue de Marie-Victorin.
Mme Fournier : Merci pour votre présentation. Tout le monde s'entend, la crise des médias, c'est une crise des revenus. Et comment on génère des revenus, selon
le modèle actuel, bien, c'est avec la publicité. Maintenant, comment on attire la publicité, c'est avec les clics sur le
Web, et plusieurs groupes nous ont fait part que cette espèce de
guerre aux clics créait quand même
une certaine pression qui pouvait inciter des groupes de presse à offrir des
incitatifs, par exemple, aux blogueurs, chroniqueurs, tout ça.
Il y a d'ailleurs
une blogueuse, justement, qui écrivait sur vos plateformes, la semaine dernière, et je vais la citer : «...on se fait dire d'être plus polémiste,
de privilégier la sortie incendiaire, plutôt que l'argument nuancé, afin de
vous attirer par l'indignation — elle
parlait au public. Et, comme nous devons vivre autant que vous, on
cède en se disant que [ce sont] les exigences de la profession et que
c'est ce qui rapporte.»
Bon, bien sûr, vous
avez beaucoup, justement, de blogueurs, de chroniqueurs, Journal de Montréal,
Journal de Québec, qui présentent, comme vous l'avez bien dit, une
très grande diversité d'opinions. Mais est-ce
qu'au bénéfice du public vous pourriez nous expliquer comment ces
incitatifs aux clics fonctionnent chez vous?
M. Péladeau
(Pierre Karl) : Honnêtement, je ne sais pas. Lyne, si tu as une
réponse, là... Moi, je ne suis pas vraiment familier avec ça, là, donc, les
incitatifs aux clics. Nous autres, ce qu'on souhaite, évidemment, c'est que
l'information soit la plus disséminée possible, d'être en mesure de
pouvoir avoir l'audience la plus large.
Mme Robitaille
(Lyne) : Avoir le plus de contenu diversifié pour être, justement,
capable d'aller chercher le plus de lecteurs... Peut-être, quand vous dites «aux
clics»... mais avoir le plus de visiteurs possible, c'est par les contenus
qu'on met en ligne.
M. Péladeau
(Pierre Karl) : Parce que les clics, là, donc, à l'époque, c'était
effectivement, donc, un des éléments, là, qui était retenu concernant, donc,
l'efficacité de la publicité. Mais il n'y a plus uniquement que les clics, il y
a d'autres éléments ou d'autres facteurs qui sont retenus par les
publicitaires pour, justement, faire en sorte de monnayer, donc, de financer les salles de rédaction à partir,
évidemment, donc, de la transmission des informations qui sont générées et créées
en salle de rédaction, publiées dans le journal
et également aussi, au même moment ou avant, donc, éditées sur le site Web
des journaux.
Mme Fournier :
Il existe des incitatifs...
Le
Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, ceci met fin à
nos échanges. Merci beaucoup, représentant, représentantes de Québecor
Média.
La commission ajourne ses travaux jusqu'à
demain, jeudi 28 août, à 9 h 30. Merci.
(Fin de la séance à 17 h 49)