(Quatorze heures six minutes)
Le Président (M. Ciccone) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation
ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir
éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques, s'il vous plaît.
La commission est réunie afin de procéder aux
auditions publiques dans le cadre des consultations particulières concernant le
mandat d'initiative portant sur l'avenir des médias d'information.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements
pour ce mandat?
La
Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Labrie (Sherbrooke) sera remplacée par Mme Dorion (Taschereau) et Mme Hivon (Joliette), par M. LeBel
(Rimouski).
Le Président (M. Ciccone) : Est-ce
qu'il y a consentement pour les remplacements suivants?
La
Secrétaire : M. Asselin (Vanier-Les Rivières) serait remplacé par Mme Tardif (Laviolette—Saint-Maurice); M. Chassin
(Saint-Jérôme), par M. Lévesque (Chauveau); Mme Grondin (Argenteuil),
par M. Allaire (Maskinongé); et M. Skeete (Sainte-Rose), par M. Provençal
(Beauce-Nord).
Le Président (M. Ciccone) : Y a-t-il
consentement?
Des voix : Consentement.
Auditions
Le Président (M. Ciccone) :
Consentement, merci. Aujourd'hui, nous entendrons Mme Marie-Ève Martel, M. Patrick White, la Confédération des
syndicats nationaux conjointement avec la Fédération nationale des
communications, le Syndicat des travailleurs de l'information de La Presse
et la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Cependant, nous
commencerons avec M. Patrick...
La Secrétaire : Elle est là,
Mme Martel...
Le Président
(M. Ciccone) : Elle est là?
Ah! elle est là, elle est revenue. Formidable! Bon, je vous souhaite la
bienvenue, Mme Martel. Je vous rappelle que vous disposez de
10 minutes pour votre exposé...
Une voix : ...
Le
Président (M. Ciccone) : Non.
O.K.? Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre
exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de
la commission. Je vous invite donc à vous présenter et à procéder à votre
exposé, la parole est à vous.
Mme Marie-Ève Martel
Mme Martel
(Marie-Ève) : Bonjour, M. le Président, Mmes et MM. les parlementaires membres de la commission. Mon nom est Marie-Ève Martel, je suis journaliste
à La Voix de l'Est et auteure d'Extinction de voix — Plaidoyer pour la sauvegarde de l'information régionale.
Je vous remercie de m'avoir invitée à témoigner dans le cadre de ce mandat
d'initiative sur l'avenir des médias.
Il va sans
dire que l'urgence d'agir n'est plus à prouver. Au cours de la dernière
décennie, au moins une cinquantaine de
médias d'information, particulièrement dans la presse écrite régionale, ont disparu de
l'écosystème médiatique québécois. On
recense la perte de plus d'un emploi de journaliste sur 10 mais aussi de près
de la moitié de tous les emplois dans les entreprises de presse. Il y a à peine une semaine, c'est mon monde qui a
failli s'écrouler. Cette hémorragie n'est pas en voie de s'arrêter, bien au contraire. À l'heure
actuelle, ce sont presque tous les médias d'information québécois qui risquent
de disparaître, avec de lourdes et
irréversibles conséquences pour la démocratie si rien n'est fait pour les
soutenir. Le cas échéant, ce seront
des villes, des MRC, des pans de vos circonscriptions qui deviendront des déserts médiatiques, des lieux
où se dérouleront tout plein de choses dont personne ne parlera.
Aux prises
avec une crise financière sans précédent, ces entreprises de presse cherchent à
se réinventer, à trouver une manière
de traverser la tempête avant de faire naufrage. Je peux personnellement témoigner des nombreux efforts effectués par les artisans de Groupe Capitales Médias mais aussi d'autres journaux
pour garder la tête hors de l'eau. Mais la recette magique n'existe pas.
Comme disait la célèbre publicité : Si ça existait, on l'aurait.
Si
les médias se trouvent à un carrefour déterminant de leur avenir, leur
pertinence, elle, n'a pas à être à nouveau établie, et ce, bien que leur vocation mercantile entre en contradiction
avec leur mission de servir l'intérêt public. Dans les milieux respectifs, les médias jouent un rôle
social, démocratique, économique et culturel de premier plan, le tout en
étant les témoins de ce qui se déroule dans des centaines de communautés
réparties dans plusieurs régions du Québec.
• (14 h 10) •
Les nouvelles
technologies d'information ont permis l'avènement de ce qu'on appelle
l'économie du savoir. Or, il est rarement
question, grâce à celles-ci, d'une démocratie par le savoir. En ce sens, les
médias d'information sont un rempart indispensable
à la désinformation pour remettre les pendules à l'heure et pour permettre aux
citoyens de faire un choix éclairé sur
une pléthore d'enjeux publics. Surtout,
afin d'obtenir un son de cloche équilibré, il est primordial que les citoyens
aient accès à une diversité de sources d'information qui ne traitent pas toujours de ces enjeux de la même manière et qui
font appel à des intervenants différents.
Les retombées
locales des médias ne se mesurent pas toujours de manière tangible. Des études ont démontré
que, dans les communautés où les médias se
sont éteints, le coût des contrats publics octroyés et le salaire des
fonctionnaires sont plus élevés qu'ailleurs, signe qu'il n'y a pas de chien de garde de la démocratie pour les
surveiller ainsi que la gestion des deniers
publics, que le débat politique est davantage polarisé et que moins de personnes
s'impliquent activement dans la vie publique ou se portent candidates à
des postes électifs.
En région, ce
constat est encore plus frappant. Les grands médias n'ont pas les ressources et
l'espace pour traiter de tout ce qui
se déroule hors des grands centres, il faut donc qu'une nouvelle soit hors
normes pour qu'elle se fraie un chemin jusqu'à eux. Pourtant, de nombreuses initiatives
locales méritent d'être soulignées et de faire parler d'elles. Des
injustices et des drames doivent aussi être
dénoncés, et c'est plus souvent qu'autrement via les médias locaux que ces cris
se font d'abord entendre. N'oublions
pas non plus que les médias sont des acteurs de construction identitaire
locale, des adjuvants à la cohésion
sociale et une agora populaire où s'échangent les idées. En décrivant les initiatives
locales et en laissant la place à des débats, en rappelant des moments et des personnages marquants de l'histoire
locale et en usant de référents propres à la région, les médias posent
les balises d'une identité et d'une culture qui caractérisent leur communauté
d'ancrage.
À la suite de
la publication de mon essai Extinction de voix,j'ai eu l'occasion
de visiter plusieurs régions du Québec pour parler d'information locale non
seulement avec des journalistes, mais
aussi avec des citoyens qui se sentent concernés par l'avenir de leurs médias locaux. Plusieurs constats ont émergé
de ces rencontres, démontrant des constantes d'une région à l'autre. En général, la population
est certes attachée à ses médias d'information, mais elle ne comprend pas nécessairement qu'il y a
péril en la demeure. Elle prend ses journaux et ses stations de radio et
télévision communautaires pour acquis et ne comprend pas que ceux-ci
sont pris avec une crise économique, et pour cause, les questions et les
affirmations m'étant parvenues du public
m'ont fait réaliser que celui-ci comprend très mal notre métier et ses objectifs.
Il serait possible d'endiguer cette
confusion grâce à des initiatives en éducation aux médias qui permettraient aux
citoyens d'apprendre à mieux consommer
ceux-ci. Une éducation aux médias doit aussi être offerte aux élus, dont
certains ont, encore aujourd'hui,
une mauvaise perception ou une
méconnaissance du rôle du journaliste. Cela donne lieu à des entraves à la
liberté de presse mais aussi au droit
du public à l'information. La transparence, dans certains lieux, est
hermétique et vise d'abord à maintenir une image plutôt que
d'informer.
On pourrait se laver les mains et laisser la loi
du marché dicter l'avenir des médias d'information, que les plus innovants et
ceux ayant le plus de moyens survivent, tant pis pour les autres, mais l'entrée
en jeu de nouveaux joueurs étrangers auxquels les règles ne semblent pas
s'appliquer a créé un déséquilibre important dont il faut se préoccuper.
Advenant la disparition des médias, dont les revenus publicitaires ont été
vampirisés par les fameux GAFA, ce ne sont ni
Google ni Facebook et compagnie qui enverront des journalistes professionnels
couvrir les séances des conseils municipaux ou enquêter sur de nombreux
sujets d'intérêt public. Ajoutons à cela le fait que moins d'une personne sur
10 paie pour s'informer, ce qui a effet
d'occulter le fait que l'information a un coût à produire mais a aussi une
valeur. Collectivement, nous avons
oublié la valeur du journalisme et nous nous sommes détournés de sa mission
première, croyant à tort qu'ici, au Québec, la liberté de presse et
l'accès à l'information étaient acquis pour toujours.
Le coeur du
problème est un peu là : tout le monde est pour la sauvegarde de
l'information, mais personne ne veut payer
pour. La situation se résume pourtant bien simplement : désormais, les
médias d'information financent à grands frais la production de
reportages d'intérêt public, mais ils ne peuvent plus compter sur les revenus
publicitaires ou les revenus d'abonnement
d'autrefois pour y parvenir. Connaissez-vous beaucoup d'entreprises qui
parviendraient à survivre dans de telles
circonstances? Le simple libre marché ne peut pas s'appliquer dans l'industrie
de l'information, car celle-ci n'est pas un produit qui peut être sous-traité ailleurs pour moins cher. Le fruit du
travail des journalistes n'est pas un simple produit de consommation qui pourrait être remplacé s'il
disparaissait. L'information est un bien public dont bénéficie la société
tout entière. S'il est donc une seule chose
que vous devez retenir de mon témoignage, c'est que la pérennité de ce bien
public dépend des efforts de la communauté
tout entière pour le faire survivre. C'est donc pour vous demander, à titre
d'élus, de préserver l'information régionale québécoise que je m'adresse
à vous aujourd'hui.
Le débat entourant la survie des médias d'information
s'est longuement attardé sur le virage numérique à entreprendre. Nous avons
beaucoup entendu parler du contenant transportant les nouvelles, mais très peu
du contenu lui-même. Je considère plutôt que
le véhicule importe peu, en autant que les contenus qui s'y trouvent soient
pertinents. Papier ou numérique, un
média d'information trouvera sa pertinence dans la qualité de ses reportages,
de ses enquêtes journalistiques et des analyses que ses artisans en
tireront. Ainsi, je recommande à la commission d'étudier la possibilité
d'établir des crédits d'impôt sur les masses
salariales des médias, qui pourraient encourager ceux-ci à embaucher et
investir dans leurs salles de rédaction plutôt que d'effectuer des
compressions, avec pour impact direct une augmentation de la couverture journalistique, particulièrement au niveau local.
La reconnaissance de l'information journalistique en tant que produit
culturel pourrait également assujettir
celle-ci aux différentes mesures fiscales qui existent déjà. Il ne suffirait que de bonifier les enveloppes
existantes pour ne pas pénaliser les actuels bénéficiaires de ces programmes. Évidemment,
j'encourage le gouvernement du Québec à poursuivre ses investissements
publicitaires dans les médias d'information québécois afin de donner l'exemple aux entreprises
privées qui les ont délaissés au profit des GAFA. Il m'apparaît contradictoire
de prêcher pour l'achat local sans être conséquent à ce sujet.
Je lance
aussi l'idée de créer un fonds dédié au financement de reportages d'information d'intérêt public, un fonds auquel auraient accès tous les médias généralistes québécois,
tout en respectant leur indépendance journalistique. Je propose, par exemple, que l'accessibilité de l'aide financière issue de ce fonds soit
proportionnelle au contenu original et local produit par chaque média sous forme de retour sur investissement. Le fonds pourrait aussi être géré par un comité indépendant et
chapeauté par la Fédération professionnelle des journalistes du Québec.
Membres de la commission, vous avez le pouvoir, le devoir, dis-je, de
maintenir l'un des piliers de notre démocratie. Vous devez vous élever au-dessus du débat partisan à propos de la
propriété de la presse et mettre en place des mesures qui soutiendront les médias d'information, peu importe à qui ceux-ci appartiennent et
surtout peu importe leur taille, en autant qu'ils continuent leur mission de servir l'intérêt
public, car qui, à l'heure actuelle, pourrait répondre à cette prérogative
si les médias disparaissent? Vous devrez
toutefois agir vite. Plus le temps passe et plus la précarité des médias
s'accroît. Si rien n'est fait à court
terme, cela représenterait une atteinte importante au droit du public
à l'information, au droit du public à avoir accès à une
pluralité de sources de points de vue. Ne laissez pas des régions sombrer dans
le noir.
Je vous remercie à nouveau de m'avoir offert
l'occasion de présenter ces quelques constats et je suis maintenant disposée à
répondre à vos questions.
Le
Président (M. Ciccone) : Je
vous remercie beaucoup, Mme Martel. Nous sommes maintenant
prêts à entendre la partie gouvernementale pour une durée de
15 minutes, et je reconnais le député de Beauce-Sud.
M. Poulin : Merci beaucoup, M. le
Président. Vous me permettrez,
Mme Martel, puisque nous sommes dans nos premiers échanges dans le cadre de cette commission parlementaire,
avant qu'on puisse débuter notre discussion, de saluer mes collègues, évidemment, du gouvernement, qui... chacun et chacune a un fort intérêt pour l'avenir de nos médias, bien
évidemment, saluer également l'opposition officielle, les gens également des
autres oppositions.
Très content
de vous retrouver, parce qu'on attendait, vous aussi et nous aussi, cette
commission parlementaire là. On a
beaucoup de journalistes qui sont dans la salle, alors ça démontre l'intérêt
très prononcé envers cette question-là, qui est vitale pour notre démocratie, qui est vitale pour l'avenir de
l'information que l'on donne à nos citoyens, que ce soit dans les grands centres ou encore en région. Un problème
qui, vous l'avez exprimé dans votre livre, Extinction de voix, que j'ai
eu un grand privilège de lire... qui dit
très clairement que ça n'a pas commencé la semaine dernière puis qu'il y a une
importance d'agir. Vous l'avez dit, si on
avait la solution magique, probablement que les précédents gouvernements, le
gouvernement actuel l'auraient mis en place,
ça, c'est clair. Mais il y a des défis qui sont superimportants, et vous le
relevez dans votre livre, et vous le relevez également dans votre
mémoire de façon assez claire.
Avant de
peut-être aller au fond des solutions, j'aimerais que vous me parliez un peu de
vous puis peut-être de la perception
qu'il y a, présentement, dans une salle des nouvelles au Québec, de la
perception qu'il y a quand vous parlez avec les conseillers publicitaires, que vous parlez avec les patrons des
différents médias. Ils sont rendus où? Comment ils se sentent? Comment ils ressentent l'avenir? Comment ils
entrevoient l'avenir? Quel est l'état d'âme? Vous, ça vous a poussé à
écrire un livre, à prendre la parole
publiquement, à dire clairement ce qui va et ce qui ne va pas puis à coucher
des solutions, mais il y a beaucoup
de gens qui sont dans l'univers des médias qui n'ont pas la chance de venir
s'exprimer devant nous aujourd'hui puis
de nous dire comment ils entrevoient l'avenir, donc j'aimerais que vous nous
dites, à l'interne, comment ça se passe et comment ça se vit.
• (14 h 20) •
Mme Martel
(Marie-Ève) : Je porte un peu de vert aujourd'hui, c'est l'espoir, on
a tous espoir qu'on va réussir. En fait,
on se trouve devant une grande vague et on ne sait pas encore ce qui va arriver
de l'autre côté de cette vague-là. Certains pensent que le salut va passer par un virage numérique, mais on a tous
conscience... parce que, de la nature de notre travail, ça amène un certain idéalisme, on a tous confiance
que la démocratie, le droit du public à l'information vont triompher. On
est tous motivés par un certain idéal, qui
passe par l'information. Je ne vous cacherai pas que, évidemment, on sent,
par contre, une grande méconnaissance de
notre travail au sein du grand public. Beaucoup de gens... Il y a encore des
gens qui pensent qu'il faut payer pour
faire un article dans le journal, pour passer dans le journal. Il y a beaucoup
de gens aussi, et ça, ça a été d'abord
mentionné par Éric-Pierre Champagne sur un billet de blogue qui était fort
intéressant, que les gens nous associent beaucoup aussi aux propriétaires, hein? Jusqu'à la semaine dernière,
moi, je travaillais pour les journaux à Cauchon, quelques années auparavant je travaillais pour les journaux
à Desmarais, et j'ai certains collègues, ici même et au Québec, qui
travaillent pour le journal à Péladeau.
Pourtant, ce ne sont ni M. Desmarais, ni M. Cauchon, ni
M. Péladeau qui font les articles de journal, ce sont des journalistes passionnés qui
travaillent jour après jour à faire de leur mieux. Puis des fois il y a des
articles qui sont moins intéressants,
qui sont peut-être un peu plus
divertissants, mais ça fait partie du produit qu'on a à offrir, hein,
parce que nous, on ne peut pas créer de la
nouvelle, on doit attendre qu'elle se présente à nous. Et je pense que, justement,
c'est pour ça que c'est important
d'éduquer aussi les Québécois à l'importance des médias, parce que c'est pour
eux qu'on écrit, ce n'est pas pour
M. Cauchon, M. Desmarais ou M. Péladeau, c'est pour la population.
Et, si la population comprend mal à quoi on sert, si la population comprend mal
comment interpréter et consommer un média, ça va mal les servir. Donc, je pense qu'il faut qu'on soit... à ce
moment-là, donc, oui, c'est l'espoir.
M. Poulin : Oui, c'est l'espoir. Et, quand on voit également
l'évolution du métier... puis j'aimerais vous entendre
également là-dessus, parce que ça fait plusieurs années que vous êtes
dans la profession, ça a bougé, ça a évolué. Moi, j'ai fait de la radio, j'ai été
dans des journaux coopératifs, dans la radio privée, la radio communautaire,
j'ai eu à congédier des gens parce
que, justement, on devait faire certaines restructurations.
Alors, tout ça ne date pas d'hier non plus. Donc, comment votre métier a si changé, si évolué avec le temps?
Puis quelle est la meilleure façon de convaincre quelqu'un de faire du journalisme dans ces conditions-là? Vous en
parlez, justement, comment le métier a évolué, comment on fait du
numérique, comment on fait du Web, comment
on doit faire du vidéo, Twitter, Facebook, être en ondes le plus rapidement
possible pour livrer l'information, écrire le texte le plus tôt possible, tout en préservant une qualité à
titre de journaliste aussi. Les salles de nouvelles fonctionnaient avec plusieurs journalistes il n'y a pas tellement
longtemps, on les a restreintes à son maximum. C'est souvent le premier endroit où on coupe. On
met plus de vendeurs sur la route en disant : Ils vont nous ramener
plus de revenus publicitaires, mais, pendant
ce temps-là, les journalistes, eux, doivent remplir les pages ou encore remplir
le temps d'antenne. Alors,
parlez-moi, un peu de l'évolution de ce métier-là puis à quel point... des
exemples très précis que vous avez vécus dans des salles de nouvelles
qui ont particulièrement affecté la profession journalistique.
Mme Martel
(Marie-Ève) : Quand j'ai
commencé mes études universitaires,
c'était en 2006, on commençait à peine
à parler de Facebook et de YouTube, on ne savait pas c'était quoi et on ne
savait pas dans quelle mesure ces outils-là allaient révolutionner la manière
de travailler. J'ai commencé ma carrière de journaliste en 2009‑2010, et, dans
les hebdomadaires, en fait, on était deux,
et j'ai même été toute seule pour alimenter un hebdomadaire chaque semaine.
Je suis arrivée à La Voix de l'Est en fin février 2013. À ce moment-là, on était 21 dans la salle de
nouvelles. On est aujourd'hui
14, dont la moitié n'ont pas de poste
permanent, ce sont des surnuméraires. Donc, quand les employés sont moins
nombreux, nous, on doit quand même
publier un journal à tous les jours. On m'a élevée en me disant : Si tu
n'as rien à dire, tu te tais. Malheureusement, dans un journal, ça ne fonctionne pas comme ça,
on publie pareil, parce qu'on a une tombée, donc on doit mettre les bouchées doubles. Je peux écrire, des
fois, quatre textes par jour avec des brèves, des faits divers. On peut
aussi faire des «breaking news». On peut
être amenés à faire autant un texte de sport que de culture, un texte municipal,
un organisme communautaire. Ça resserre beaucoup les liens aussi entre
collègues, parce qu'on a le syndrome du survivant, hein, c'est vraiment
prouvé qu'on a ça, et on continue parce qu'on y croit. Des fois, on a des
moments de découragement, mais il y a toujours un collègue qui dit : Ça va aller, on va
passer à travers. C'est sûr que la charge de travail s'est décuplée. La
mission reste la même, mais il y a des limites à faire plus avec moins, puis on
est rendus là.
M. Poulin : Vous en avez abordé, différentes solutions, à l'intérieur du mémoire, qui sont super,
superintéressantes. Vous avez parlé, entre
autres, d'éducation, l'importance que nos jeunes comprennent le vrai du faux,
de qu'est-ce que c'est, des médias
d'information. Alors, je veux vous entendre peut-être... Je vais tout de suite
venir à la question des annonceurs et le
fait que des entreprises doivent prendre le réflexe davantage de se tourner
vers les médias traditionnels pour investir de la publicité. Vous
dites : «En 2005, les annonceurs canadiens avaient dépensé
562 millions de dollars en publicité en ligne et 2,7 milliards de
dollars dans les journaux imprimés. 11 ans plus tard, la situation s'est
inversée : le numérique représentait des investissements publicitaires de
5,6 milliards de dollars, une hausse annuelle et soutenue de plus ou moins 20 %,
pendant que les publicités imprimées dans les médias écrits ont dégringolé de
48 % pour atteindre 1,4 milliard de dollars», et ça, vous le
tirez d'un forum des politiques publiques qui a été dévoilé en 2017.
Quel
est le meilleur outil, selon vous, pour convaincre le concessionnaire, pour
convaincre l'entreprise qui est dans la municipalité ou est dans la
région depuis plusieurs années d'investir dans son média local? Je crois
également que plusieurs éditeurs n'ont pas manqué d'imagination dans les
dernières années pour les convaincre. Je vous raconte une anecdote très rapidement. Chez nous, il y a une
éditrice qui a dit : On ne publiera plus le journal dans cette
municipalité-là parce qu'il n'y a
plus d'annonceurs qui font affaire, et elle a reçu 700 messages de citoyens qui
lui disaient : Pourquoi je ne reçois
plus mon journal? Alors, elle est allée voir les annonceurs puis elle a
dit : Voyez-vous? Je suis lue dans votre communauté, et elle a pu recommencer à imprimer à l'intérieur de la
municipalité. Alors, c'est la
solution qu'elle avait trouvée pour
convaincre les gens que ça valait la peine d'investir à l'intérieur de médias écrits. Moi, j'en suis convaincu. On fait de la politique,
on doit faire des choix publicitaires à
l'occasion, et
j'y crois foncièrement, à ce journal-là, en termes d'information puis
en termes de communication avec le public. Alors, oui, il y a l'aspect financier, où on se doit de convaincre les
gens d'investir dans nos médias locaux, et qu'est-ce qu'on peut encore faire de
plus pour le faire? Il y a un volet éducatif, il y a un volet créatif
également, mais qu'est-ce qu'on doit faire de plus?
Mme Martel
(Marie-Ève) : Je pense que c'est une question de sensibilisation.
C'est donnant-donnant, c'est l'achat local.
C'est aussi simple que ça. Je veux dire, la plupart des gens qui travaillent
dans un média, à l'heure actuelle, se font
dire que, le papier, c'est fini, par exemple, qu'il faut aller sur Facebook parce que c'est là
que les gens se trouvent. Ce n'est pas ça,
la solution. C'est un peu hypocrite de dire : Achetez local, achetez à ma
boutique, allez dans mon commerce parce que j'ai pignon sur rue, je crée des emplois, je paie mes impôts, je paie
mes taxes, alors que ces mêmes personnes là ont choisi de ne plus annoncer dans leur média local pour aller
donner leur argent à une multinationale américaine qui avale tout ce
qu'il y a de revenus publicitaires au Canada
en ce moment, là, on parle de 80 %. Un journal... À La Voix de l'Est,
là, c'est presque une quarantaine
d'employés, donc c'est 40 familles qui vivent grâce à ça, c'est
40 familles qui paient des taxes foncières, c'est 40 familles qui consomment localement, c'est
40 familles qui interagissent dans le milieu. Donc, si un annonceur
choisit de ne plus s'annoncer dans un média,
bien, ça fait aussi 40 familles qui n'iront peut-être pas dépenser chez
lui. Donc, c'est une roue qui tourne,
ça fait partie du réseau local. On est un acteur qui témoigne de la vitalité de
cette localité-là, mais on doit aussi être alimentés par cette
localité-là. C'est aussi simple que ça.
M. Poulin :
Merci beaucoup. Je vais laisser la parole à mon collègue.
Le Président (M. Ciccone) : Je
reconnais maintenant le député de Saint-Jean.
M. Lemieux :
Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Martel.
Mme Martel
(Marie-Ève) : Bonjour.
M. Lemieux :
Vous terminez votre mémoire — pas votre présentation, mais votre mémoire — en disant qu'«il importe d'agir avant que le Québec ne devienne un
immense désert médiatique». Je pense que vous avez raison, et je
voudrais vous entendre par rapport à
l'urgence qui a pris toute la place sur la scène publique depuis une dizaine de
jours, le groupe qui vous engage, Le
Groupe Capitales Médias, qui a saisi un peu la place publique avec une urgence.
Mais je voudrais vous entendre... je
ne veux pas vous suggérer la réponse, mais je veux savoir, même si c'est de
vous un peu dont il s'agit, comment vous
voyez ça par rapport au reste du Québec. Vous avez dit le mot «local» et
«régional» très souvent dans votre présentation, vous l'avez écrit énormément, c'est de la musique à mes oreilles. Mais
maintenant qu'on est en train de réagir, on est en réaction à ce qui
s'est passé, est-ce qu'on ferait une erreur si on ne lisait pas la dernière
ligne de votre mémoire?
Mme Martel
(Marie-Ève) : En fait, c'est ça, cette semaine, la semaine dernière,
il y a une dizaine de jours, c'était l'entreprise
qui m'emploie qui était sous les projecteurs, mais il y en a tellement
d'autres, au Québec, qui sont dans la même situation puis qui n'ont pas nécessairement mis leurs problèmes sur la
place publique, parce que, justement, d'aller sur la place publique puis de dire «ça ne va pas très bien», ça
peut faire peur à des gens, qui décident de nous lâcher au lieu de nous soutenir. On a été très chanceux d'avoir une vague
de soutien aussi forte, et j'espère que cette vague de soutien là va
s'étirer dans le temps pour nous permettre
d'arriver à une solution, là, pérenne sur la survie de l'entreprise Groupe
Capitales Médias, peu importe la
forme qu'elle aura. Mais cette vague-là doit aussi s'étendre aux autres médias,
parce que nous, on est un groupe de
six journaux, on a beaucoup, beaucoup de ressources, mais imaginez un
hebdomadaire qui a un, peut-être deux journalistes, peut-être autant de représentants publicitaires,
et des fois c'est dans des municipalités ou des régions où ils sont tout
seuls pour couvrir une dizaine de
municipalités, avec des maires pas toujours sympathiques et collaborants, on va
dire. Donc, c'est important, parce
qu'il n'y aura jamais assez de journalistes pour couvrir l'ensemble des
municipalités du Québec alors qu'il y
a des choses qui se passent qui doivent être mises au grand public. Et souvent,
quand on entend parler des régions dans un média national, un média montréalais ou peut-être même des médias de la
ville de Québec, c'est souvent parce que ça a eu écho localement avant. Donc, je pense qu'il faut prendre ça, là, en
considération, c'est tout le monde qui a besoin d'aide en ce moment.
M. Lemieux :
On a beaucoup entendu parler de tout plein de propositions de solutions. Dans
votre livre, effectivement, il y en a
encore plus. Bien, en fait, c'est les mêmes, mais vous les avez synthétisées
là-dedans. Mais tout le monde a
l'impression qu'il n'y a pas un coup de baguette magique, un levier qui va tout
régler. Il y a énormément de travail et, au-delà de l'aide d'urgence et
au-delà d'un programme d'aide, il y a beaucoup de ménage à faire, entre
guillemets?
• (14 h 30) •
Mme Martel
(Marie-Ève) : Tout à fait. La solution, ce n'est pas une recette
magique, c'est un florilège de mesures. Effectivement, en tant
qu'élus, vous avez votre rôle à jouer, parce que, comme je vous dis, je pense
que l'information doit être reconnue
comme un bien public, et, en tant qu'élus représentant les Québécois, c'est
votre rôle de vous assurer que ce bien public là survit à la crise.
Néanmoins,
comme citoyens, on a aussi un rôle à jouer, que ce soit en s'abonnant, il y a
des dons des fois, il y a des médias
aussi qui récoltent des dons, en continuant de consommer l'information mais en
ayant aussi la volonté de vouloir devenir
un meilleur consommateur d'information, donc en devenant un lecteur plus avisé,
en faisant le tri dans les différentes informations
qui nous sont présentées, donc, d'où l'importance de l'éducation aux médias, ne
serait-ce que, justement, pour lutter
contre la désinformation. Ça, c'est très important. Et on parlait, bon,
beaucoup des jeunes, mais je pense aussi que les plus vieux doivent s'y mettre. D'ailleurs, il y a une étude qui disait
que c'étaient les baby-boomers qui partageaient le plus de «fake news», mais... Et aussi, évidemment, en tant qu'annonceurs, bien, c'est de contribuer
à la vitalité économique locale
en annonçant. Il y a plusieurs manières, mais chaque Québécois, en ce moment, a
le pouvoir de contribuer à la solution.
M. Lemieux :
Je suis content de vous l'entendre dire... (Interruption)... Woups! C'est
terminé, je pense.
Le Président (M. Ciccone) : Je suis prêt à reconnaître la députée
de Laviolette—Saint-Maurice pour 30 secondes.
Mme Tardif : 30 secondes? Alors, rapidement,
une question. Vous parlez de la création d'un fonds qui serait
dédié à l'information, et je suspecte aussi, comme vous l'avez laissé
sous-entendre ou comme vous l'avez dit, que ce ne serait pas géré par les
patrons, mais que ça pourrait être géré par les journalistes. Pouvez-vous en
dire un peu davantage par rapport à ça?
Le Président (M. Ciccone) :
En cinq secondes.
Mme Martel
(Marie-Ève) : En fait, le fonds ne devrait pas être géré par des
journalistes, mais par une entité indépendante à la fois du gouvernement et des
entreprises de presse.
Le Président (M. Ciccone) : Merci
beaucoup. Merci beaucoup. Nous sommes maintenant prêts à entendre un membre de l'opposition
officielle pour une durée de 10 minutes, et je reconnais la députée de Verdun.
Mme Melançon : Merci. Merci
beaucoup, M. le Président. À mon tour, je vais prendre quelques secondes, mais rapidement,
parce qu'on n'aura pas beaucoup de temps ensemble, pour saluer l'ensemble des
collègues qui sont là aujourd'hui, parce
que, rappelons-le, c'est quand même un mandat d'initiative que nous nous sommes
tous donné ensemble.
Alors, très
heureuse de pouvoir vous accueillir, Mme Martel. Moi aussi, j'ai eu la
chance de lire votre livre, et, je l'ai dit à quelques reprises dans les dernières semaines, tous ceux qui
s'intéressent à la chose, actuellement, devraient lire votre livre. Moi, il y a différentes choses qui m'ont
vraiment marquée. Je vais sortir même un peu de votre mémoire, si vous
me le permettez d'entrée de jeu, parce qu'il
y a des passages qui m'ont fait peur, je vais le dire comme ça, notamment
toute la problématique que vivent
actuellement des journalistes dans des régions pour entrer dans les conseils
municipaux ou voire même de se voir
bloquer l'accès à des conseils municipaux. J'aimerais ça juste que vous
puissiez nous en parler, parce que je suis très d'accord avec le
collègue de Beauce-Sud lorsqu'il dit que le métier a changé. Vous êtes devenue
une femme-orchestre lorsque vous êtes
journaliste : il faut faire de la vidéo, il faut écrire, il faut essayer
de faire aussi la photo. Puis, pendant
qu'on est là, on peut envoyer, sur les réseaux sociaux, des informations, mais
encore faut-il que vous ayez accès à la source, accès à l'information.
Juste vous entendre quelques minutes à peine là-dessus, parce que, par la
suite, j'ai d'autres questions pour vous.
Mme Martel
(Marie-Ève) : En fait, il y a certains maires — on va y aller au niveau municipal, parce que
c'est là où le bât blesse — qui comprennent mal notre rôle de
journaliste. Ils pensent qu'on est des empêcheurs de tourner en rond, des fauteurs de troubles, alors qu'on devrait
plutôt être des courroies de transmission qui ne remettent pas en question
le message. Évidemment, on n'est ni un ni l'autre.
Au Québec, à
l'heure actuelle, il y a une cinquantaine de villes et municipalités qui ont
des règlements adoptés en vigueur qui
interdisent la captation d'images et de son lors des séances publiques. Je
considère que c'est contraire à l'esprit de la Loi sur les cités et villes et au Code municipal. Il y a également
parfois des maires qui expulsent des journalistes, avec l'argument qu'ils nuisent au décorum. Donc, ça,
c'est un dossier qui est mené de front par la Fédération professionnelle
des journalistes du Québec, et des
changements législatifs pourraient s'appliquer, là, pour en venir à ça, parce
qu'à l'heure actuelle un citoyen qui
conteste les règlements qui empêchent l'enregistrement, parfois ça permet les
journalistes, parfois pas, c'est vraiment
au cas par cas. On peut faire une plainte au ministère, mais malheureusement le
commissaire aux plaintes n'a aucun pouvoir pour forcer une ville à
modifier son règlement. Ainsi, la ville a le libre arbitre, en fait, d'empêcher
à des gens d'enregistrer les séances, il peut les sortir aussi pour cette
raison-là.
Mme Melançon : On a vu, donc, à quelques reprises, là... je me
rappelle d'avoir vu des articles, justement, où on en
faisait mention. Je voulais vous entendre, parce que, bien entendu, on le sait, là, on fait de la
sensibilisation aussi avec la commission
qu'on est en train de tenir, tout le monde ensemble, là, auprès du public. On
vous a entendue, tout à l'heure, parler
de votre métier, qui a changé au fil des années. J'aimerais que vous puissiez
me parler du lectorat, parce qu'on a vu un peu partout que le lectorat a augmenté, donc ce n'est pas un problème où
vous devez aller vous battre pour dire aux gens : Voici, lisez l'information que nous venons de vous
transmettre. Pouvez-vous parler un peu du lectorat, ce que vous sentez,
actuellement, sur le terrain?
Mme Martel
(Marie-Ève) : En fait, les médias québécois, je dirais, toutes
catégories confondues, n'ont jamais été autant consommés. C'est grâce aux médias sociaux, aux médias sociaux que
je suis venue pourfendre devant vous aujourd'hui. Ça permet le partage, là, des nouvelles plus que
jamais. En fait, on est convaincus que, si on n'était pas sur les médias
sociaux, on n'aurait pas la même situation
qu'à l'heure actuelle. Le problème, c'est que ces partages sur les médias
sociaux ne nous apportent aucun sou. Donc, on continue de financer
l'information, et celle-ci est diffusée, mais on n'en fait pas de redevances. Mais effectivement, à travers toute
cette situation-là, le positif, c'est que les gens sont encore au rendez-vous,
les gens veulent savoir ce qui se passe chez eux.
Mme Melançon : Donc, le fruit
de votre travail, où il y a des gens qui vous paient un salaire, est repris sur
les plateformes, hein, numériques,
disons-le, là, sur les Google, Facebook de ce monde, et eux ne versent pas un
dollar en droits d'auteur, disons ça
comme ça. Et souvent je fais le parallèle avec la musique, hein? Les gens de la
musique ont vécu cette même
problématique-là, en disant : On crée de la musique, malheureusement il
n'y a comme plus de valeur, personne ne va payer, maintenant, pour obtenir notre musique, qui peut être téléchargée
de façon illégale. Alors là, c'est fait en toute légalité parce que,
finalement, il n'y a pas de législation. C'est ce que vous dites, n'est-ce pas?
Mme Martel (Marie-Ève) : Tout à
fait.
Mme Melançon :
Alors, si on va un petit peu plus loin, si on parle de la problématique de
publicité, vous parliez de 80 %,
actuellement, là, de l'argent de la publicité qui s'en va vers la Californie,
vers les Google, Facebook de ce monde. Si
on veut être dans l'exemplarité de l'État, est-ce que vous avez été en mesure
de définir quel devrait être, dans le fond, le pourcentage qui provient, par exemple, de la publicité gouvernementale
sur les médias traditionnels? Et est-ce qu'il y a une partie... Parce qu'on ne veut pas non plus se couper
d'une génération, hein? On le sait, les jeunes sont beaucoup plus
réseaux sociaux. Est-ce que vous avez regardé le pourcentage qui pourrait être
intéressant ou qui pourrait faire basculer le tout?
Mme Martel
(Marie-Ève) : En fait, je n'ai pas de pourcentage à suggérer, mais
c'est sûr que le gouvernement du Québec
doit donner l'exemple. Je vous cite des chiffres qui ont été rapportés par Le Devoir :
pour l'année 2017‑2018, le gouvernement
du Québec avait investi au moins 120... pardon, 6 millions de dollars en
publicité chez GAFA, c'est une hausse de 120 % en un an; la SAQ, plus 600 % en
un an; Emploi, Travail et Solidarité sociale, plus 566 % en un an;
ministère de l'Éducation, plus
271 %; Revenu Québec, plus 272 % — et doit-on rappeler que Facebook et Google
ne paient pas d'impôt au Québec;
placements Québec, 44 % du budget destiné à l'achat de publicité en ligne
est allé uniquement chez Google et Facebook.
Donc, je pense que c'est à vous d'en tirer vos conclusions, mais je crois
effectivement qu'un virage doit être fait pour revenir vers des sources
d'information et des annonces plus traditionnelles.
Mme Melançon :
Bien, d'ailleurs, en ce sens-là, on a proposé une motion, qui a été adoptée à
l'unanimité le 2 mai dernier.
Mme Martel
(Marie-Ève) : Qui a été appréciée.
Mme Melançon :
Alors, c'est en ce sens-là où on veut, nous aussi, continuer, bien sûr, à
travailler.
Rapidement,
la diversité des voix, hein, on en parle beaucoup, actuellement, il y a des groupes
de presse qui ont aussi levé la main.
Moi, j'ai toujours dit qu'il fallait sauver les six journaux, là, parce qu'on
parlait de quotidiens dans les régions, parce que d'en fermer un, ça
voulait dire qu'on n'était pas capables de redémarrer les presses par la suite.
Alors, c'était important de pouvoir sauver
ces six journaux, pour la diversité des voix. Comme journaliste, qu'est-ce que
vous en pensez?
• (14 h 40) •
Mme Martel
(Marie-Ève) : C'est d'une importance capitale. En fait, on peut
couvrir une nouvelle d'une façon, mais on
peut être un autre journaliste et couvrir la nouvelle d'autre façon. On parle
beaucoup de l'objectivité journalistique, qui, en fait, devrait être plus l'impartialité
journalistique. Mon travail, comme journaliste, c'est de rapporter une
situation sans prendre parti pour
l'une ou l'autre des personnes que j'interroge. Cela étant dit, le choix du
titre, le choix des citations, le choix des intervenants, tout ça, c'est très subjectif parce que ça représente ce
que moi, j'ai trouvé le plus important, ce que moi, je pense que mes
lecteurs devraient retenir de cette situation-là. Donc, si on avait une
concentration de la presse, tous les médias rapporteraient
la nouvelle de la même façon, et ça, ça peut poser un risque, je dirais, qu'on
manque une certaine partie de la
nouvelle. Parce que ce qui est merveilleux dans le monde de
journalistes, c'est qu'on est des drôles de bibittes, et des fois on ne
voit pas les choses de la même façon.
Mme Melançon : Je tiens à vous remercier beaucoup
d'être avec nous aujourd'hui. Merci pour l'essai, qui est une réussite. Et pour moi... pour la suite des choses,
je vais quand même laisser la parole à ma collègue.
J'espère qu'on pourra, encore une
fois, compter sur vous, parce que
c'est des éclairages comme ceux-ci qui nous permettent d'avancer. Merci beaucoup.
Le Président (M.
Ciccone) : Je reconnais maintenant la députée de Saint-Laurent pour
1 min 15 s.
Mme Rizqy : Mme Martel, je vais prendre mon 1 min 15 s pour aller directement
vers les GAFA en matière d'impôt. Vous
avez parlé d'un fonds. Si je vous dis que Facebook, par exemple, en 2016, quand
je me suis penchée sur les recettes publicitaires de Facebook, c'était
environ 1,2 milliard déjà qu'ils faisaient partout au Canada, qui ne sont
pas imposés. Pensez-vous que, justement, on
pourrait faire comme la France puis avoir une taxe GAFA, qui pourrait venir
aider directement, entre autres, les journaux et la démocratie?
Mme Martel
(Marie-Ève) : Tout à fait. En fait, s'il y avait une redevance qui
pouvait être versée aux médias traditionnels
à partir de ce que Facebook engrange comme revenus en raison de nos contenus,
ça pourrait être une manière d'alimenter la roue, si on veut. Pour citer
Jean-Hughes Roy, je pense que c'était...
Mme Rizqy : ...d'ailleurs, sur certaines études. J'aimerais vous poser une
deuxième question, si vous permettez, parce que
le temps file. En 2018, le gouvernement
libéral avait instauré ce que les
gens appellent communément la taxe Netflix.
Vous êtes au courant qu'au niveau fédéral ils ne l'ont pas fait. En mars dernier,
le Vérificateur général du Canada a annoncé une perte de 62 millions.
Pensez-vous que, justement, le gouvernement fédéral — il y
a aussi une campagne électorale qui se dessine devant nous — devrait
justement agir immédiatement pour assurer l'équité fiscale pour tous les GAFA versus aussi les journaux?
Mme Martel
(Marie-Ève) : Le gouvernement... En fait, on est ici pour... au
niveau...
Le Président (M.
Ciccone) : En terminant.
Mme Martel
(Marie-Ève) : Oui. Bien, on est au niveau provincial aujourd'hui, donc
je viens m'adresser à vous pour ces questions-là. Si le gouvernement
fédéral est ouvert à m'entendre, j'irai me présenter.
Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup, Mme la députée. Je reconnais
maintenant un membre du deuxième groupe d'opposition pour une durée de
2 min 30 s. Je reconnais la députée de Taschereau.
Mme Dorion : Bonjour, tout le monde. Je vais y aller
rapidement, j'ai 2 min 30 s. Je vais vous poser mes deux
questions, puis vous répondrez selon ce qui vous stimule le plus.
Votre
avis sur le fait que, dans cette commission, on ne pourra pas entendre des
spécialistes, des experts de la question de l'imposition des GAFAM, qui
aurait pu être une source de long terme pour financer les médias. Donc, ça,
c'est la première question.
Deuxième question. Vous disiez tantôt, dans votre
présentation, que le but mercantile des médias entrait en contradiction avec la qualité de l'information. Puis donc une
deuxième question : votre avis sur l'idée que Québecor devienne
propriétaire de la La Voix de l'Est, lui qui est déjà, avec ses
journaux, dans la région de Granby. Votre avis là-dessus.
Mme Martel
(Marie-Ève) : Bien, M. Péladeau n'a pas de journaux dans la
région de Granby, là.
Mme Dorion :
Non, effectivement, mais ses journaux se rendent là.
Mme Martel
(Marie-Ève) : Bien, c'est sûr que, s'il y avait des représentants des
GAFA qui s'étaient présentés devant vous,
ils auraient peut-être été en désaccord avec ma position et peut-être celle
d'autres témoins qui vont défiler après moi. C'est sûr que, quand on a le gros bout du bâton, c'est difficile de
vouloir en laisser ne serait-ce qu'un pouce ou deux, mais je pense que ces entreprises-là, sur la place
publique, se disent en faveur de l'information, se disent en faveur de
la transparence. Leur collaboration sera la
preuve que les bottines suivent les babines. Pour l'instant, on n'en a pas eu
la preuve.
Par
rapport à la possibilité que les journaux soient achetés par Québecor, pour
l'instant, c'est une hypothèse. Je préfère attendre de voir les scénarios qui vont se dessiner. Il y a beaucoup de
choses qui sont sur la table, beaucoup de projets, des acheteurs potentiels, aussi un projet de coop de
travailleurs actionnaires. Donc, je serai ravie de commenter le scénario
qui sera réalisé, mais pour l'instant, le reste, ce ne sont que des
suppositions.
Mme Dorion :
Parfait. Il reste 45 secondes. Dans le fond, ce que je vous demandais, ce
n'était pas nécessairement qu'est-ce
que vous pensez du fait que Facebook n'envoie pas de représentant ici, mais des
gens, des experts de la taxation des GAFAM,
par exemple, comme ceux qui ont conseillé le gouvernement français dans l'idée
d'imposer une taxe Google à tous les
GAFAM de 3 % sur leurs revenus en France. Ça, dans la plupart des
mémoires, en fait, on fait mention de cette idée-là, de s'inspirer de ça pour faire ça ici. Et je
voulais savoir, c'est ça, ce que vous pensiez par rapport au fait que, la
commission, on ne va pas se pencher là-dessus, et il n'y aura pas d'experts en
la matière qui vont venir nous parler de ça.
Mme Martel
(Marie-Ève) : Bien, j'imagine qu'après coup vous allez pouvoir les
solliciter pour complémenter l'information.
Mme Dorion :
J'espère aussi.
Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup, Mme la députée. Je reconnais
maintenant un membre du troisième groupe d'opposition pour une durée de
2 min 30 s. M. le député de Rimouski, la parole est à vous.
M. LeBel :
Merci, M. le Président. Bonjour. Je vais commencer par dire : Le mandat de la commission ici,
c'est de trouver des pistes de solution.
C'est un mandat qui est important, puis on l'entend, là, depuis un bout de temps,
le monde attend après ce que la commission va dire, mais je veux juste
réitérer que le gouvernement a toujours une responsabilité. Il y a
encore un comité ministériel qui est là, qui devrait déposer des solutions
aussi. J'espère que tout le monde n'est pas sur le neutre en regardant ce qui se passe dans la commission, qu'il y a
d'autre monde aussi qui travaille à trouver des solutions, parce que sinon... Moi, je ne veux pas faire
partie d'un jeu où on se dit : On attend, on attend ce que la commission
va nous dire. Non, non, nous, on va
accueillir les gens, mais il faut qu'il y ait du monde qui travaille aussi puis
qui nous propose des choses, au gouvernement. Ce n'est pas le temps de
se déresponsabiliser, surtout là, il y a des urgences.
Je
réitère aussi la volonté d'aller en région. On a pris une décision ici
ensemble, là. Ça retarde, mais il faut absolument aller en région. On ne peut pas parler de l'avenir
des médias, notamment en région, sans aller voir ce qui se passe en
région, et j'y tiens. Il faut absolument
aller au moins deux ou trois fois en région, aller rencontrer les artisans de
l'information dans les régions. Si
vous demandez aux gens du Québec
qu'est-ce qui s'est passé dans le Bas-du-Fleuve puis en Gaspésie la
dernière année, ils vont vous dire :
Vous avez des problèmes de traversier. Tout le monde sait que le traversier à
Matane-Godbout, ça ne marchait pas,
un peu tout le monde au Québec le sait. Mais ils ne savent pas bien, bien
d'autres choses, parce qu'on n'a pas
parlé de rien d'autre du Bas-du-Fleuve puis de la Gaspésie. C'est un gros
problème. Si on n'est pas capables de dire qu'on existe puis dire qu'est-ce qui se passe dans nos régions dans le
reste du Québec, bien, c'est la démocratie qui en souffre. C'est aussi les décideurs qui sont ici, à Québec,
qui disent : Bon, il n'y a pas de problème dans le Bas-du-Fleuve puis
en Gaspésie, on va régler leur problème de
traversier, puis tout est beau. Ça fait qu'il y a un... C'est hyperimportant,
là, qu'est-ce qui se passe avec la... les besoins de nos médias
régionaux.
On
a parlé beaucoup des quotidiens. J'aimerais ça que vous me parliez des hebdos.
Les hebdos sont importants, et c'est
encore des... beaucoup de choses que les gens consultent, les hebdos. Votre
solution de la... crédit d'impôt sur la masse salariale, est-ce que ça
pourrait être aussi une façon d'aider nos hebdos dans nos régions?
Le Président (M.
Ciccone) : En 30 secondes, s'il vous plaît.
Mme Martel
(Marie-Ève) : Tout à fait. En fait, les mesures que je suis venue vous
proposer aujourd'hui devraient s'appliquer
à tous les médias. On parle des quotidiens, des hebdos, radios, télés.
L'important, c'est la production de nouvelles locales, la structure
autour importe peu. Il faut soutenir la production d'information, c'est ce que
j'ai à vous dire.
Le Président (M.
Ciccone) : Merci, M. le député. Je reconnais maintenant la députée de
Marie-Victorin.
Mme Fournier :
Merci beaucoup, Mme Martel, pour votre engagement et également pour votre
travail de sensibilisation. Vous en avez
fait état à de nombreuses reprises dans votre présentation, vous parlez d'une
méconnaissance du travail des journalistes
par le public. On sait aussi qu'il y a quand même un certain effritement de la
confiance de la population à l'égard
des médias de façon générale, puis j'ai cru comprendre que vous évoquiez
l'éducation aux médias en guise de
piste de solution. Je serais curieuse de voir comment est-ce que vous la voyez.
Est-ce que c'est dans le cadre d'un cours
d'éducation à la citoyenneté au secondaire? Est-ce que ça pourrait se déployer
auprès de l'ensemble du grand public? Donc, comment, concrètement, on
pourrait appliquer ça?
Mme Martel
(Marie-Ève) : Actuellement, la Fédération professionnelle des
journalistes du Québec a développé la
formation 30 secondes avant d'y croire, qui vagabonde d'une école secondaire à
l'autre grâce à des journalistes bénévoles. Ça a un franc succès.
D'autres mesures
seront à venir effectivement, là, pour une clientèle adulte, mais je crois que
l'intégration d'un volet sur la
consommation des médias, sur l'information au sein d'un cours en éducation
civique pourrait être une piste de solution, et ça devrait se commencer dès le secondaire. Et puis, bien, en fait,
intégrer aussi les médias dans le cursus scolaire, dans les cours, il y a déjà beaucoup de professeurs qui le
font, mais c'est une manière de se familiariser avec cette bibitte-là qui
est un journal papier, entre autres, ou sur
Internet, peu importe. C'est une manière de prendre connaissance de son monde,
de ce qui nous entoure, finalement.
Mme Fournier :
Puis est-ce que vous le sentez sur le terrain, justement, cette baisse de la
confiance de la population à l'égard du travail que vous exercez?
Mme Martel
(Marie-Ève) : Bien, ça dépend, en fait. C'est sûr que les gens,
normalement, qui prennent la peine de nous
contacter sont soit très contents soit très mécontents, donc ça se situe un peu
entre les deux. Mais je sens que, souvent, on ne pense pas à tout ce qu'il y a de travail derrière, ne serait-ce
que le coût de production d'une nouvelle, parce qu'on ne paie plus pour la consommer, on oublie qu'elle
coûte quelque chose puis on oublie sa valeur. Donc, je pense que c'est
des choses qui sont prises pour acquis puis qui se sont un peu effacées au fil
du temps.
Mme Fournier : Merci.
Le
Président (M. Ciccone) :
Merci beaucoup, Mme Martel, pour votre contribution aux travaux de cette
commission.
Je suspends les travaux pour quelques instants
pour permettre à M. White de prendre place.
(Suspension de la séance à 14 h 50)
(Reprise à 14 h 51)
Le
Président (M. Ciccone) :
Nous reprenons nos travaux, et je réitère, s'il vous plaît, le fait de
fermer la sonnerie de vos appareils électroniques. Merci beaucoup.
Je souhaite maintenant la bienvenue à
M. Patrick White. Je vous rappelle, M. White, que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous
procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission.
Je vous invite donc à vous présenter et à procéder à votre exposé. La
parole est à vous.
M. Patrick White
M. White
(Patrick) : Alors, j'ai
apporté les deux journaux de Québec pour vous montrer à quel point c'est
important de continuer à appuyer nos médias locaux ici, dans la capitale, et
partout au Québec, dans la province.
Je tiens à
remercier la commission de m'avoir invité pour exprimer mes opinions sur
l'avenir des médias. Mon nom est
Patrick White, je suis professeur de journalisme à l'École des médias de l'Université du Québec à Montréal depuis le
1er juillet. Auparavant, j'étais
l'éditeur et le rédacteur en chef du Huffington Post Québec, et mon
poste a été aboli pour des raisons budgétaires en octobre 2018. Et donc
je suis à même de vous parler de la crise des médias de l'intérieur.
Je tiens à
féliciter le gouvernement pour le sauvetage d'urgence de Groupe Capitales
Médias la semaine dernière. C'était
la bonne solution dans les circonstances, c'est-à-dire ne pas laisser fermer la
moitié des quotidiens du Québec. On ne peut
pas accepter ça, la démocratie et la diversité des voix en dépendent. Groupe
Capitales Médias, ce qui est arrivé la semaine dernière, donc, la protection de la faillite, c'est le début de cette
crise-là et ce n'est pas la fin, parce que la crise des médias n'est pas temporaire, elle est permanente. Ça
touche tous les médias, les radios du Québec, les télévisions du Québec,
les sites Internet, comme Vice Québec, qui
vient de fermer il y a quelques mois, les hebdos, évidemment, et les agences de
presse, comme La Presse canadienne et l'Agence QMI,et les
pigistes, qu'il ne faut surtout pas oublier.
Il ne faut
pas se leurrer, à chaque fois que le gouvernement, un député, un organisme, un
ministère dépensent un sou sur
Facebook, ou Google, ou une autre plateforme numérique internationale, ce sont
des revenus qui sont enlevés aux médias québécois. Chaque dollar donné à
Facebook contribue à précipiter la fermeture d'un média au Québec.
Mais je suis
en mode solution aujourd'hui. Qu'est-ce que les médias peuvent faire?
Premièrement, développer des contenus
spécialisés. Je donne juste l'exemple de New York Times. Ce qui marche
très fort au New York Times... oui, c'est un journal avec 1 400 journalistes et
150 ans d'histoire, mais ce qui marche très fort de leur côté en ce
moment, c'est l'application des mots croisés et les recettes. Bon, alors, eux,
ils se sont beaucoup diversifiés au fil des années, et les revenus numériques,
c'est l'essentiel de leurs revenus, donc ils
ont compris quand même que c'est important de faire un virage, mais un
virage complet.
Le
sociofinancement aussi est très important, à travers les diverses applications,
comme La Ruche, par exemple, qui
existent au Québec, la philanthropie. Et je pense beaucoup... je pense que les
médias québécois, les journaux en particulier, doivent en arriver à offrir des contenus payants, c'est-à-dire d'avoir
un mur payant, ce qu'on appelle un «paywall», pour que les gens paient 3,99 $ par mois, ou
5,99 $, ou 12 $, parce qu'évidemment c'est important que ce
contenu-là soit monétisé.
Ensuite,
l'avenir pour les médias, c'est les nouveaux formats, les balados, qu'on
appelle les podcasts en anglais, la vidéo
sur les téléphones, TikTok, WhatsApp, et la réalité immersive, la vidéo en
réalité virtuelle, le journalisme de données, le journalisme d'enquête,
les infographies et les infolettres, qui font un grand retour en force en ce
moment, les alertes transmises sur les
téléphones cellulaires. Il ne faut pas oublier les progrès de l'intelligence
artificielle, qui font des bonds incroyables
en ce moment. Mais je demeure convaincu que les citoyens, plus que jamais, ont
besoin des journalistes pour comprendre le monde, faire le tri des
grands événements du jour et aider les citoyens à prendre des décisions
éclairées.
Du côté des
gouvernements, qu'est-ce qu'on peut faire ici, à Québec? Bien, l'idée fédérale
existe déjà, c'est l'idée de la
création d'un crédit d'impôt de 35 % sur la masse salariale de tous les journalistes
et producteurs de contenu de tous les médias
québécois sans exception, afin d'être équitable envers tous, avec, évidemment,
probablement, une collaboration de la FPJQ pour la reconnaissance du
statut officiel de journaliste. La fin des aides ponctuelles, et des
subventions, et des prêts sur mesure pour
des groupes de presse et des médias précis en particulier, la même aide doit
être offerte à tous et à toutes sous
la même forme. Donc, pas d'aide en particulier pour un groupe mais pour tous,
même les petits médias, même les médias communautaires.
On pourrait
penser à des idées comme une participation financière du gouvernement du Québec
au Fonds québécois du journalisme
international, qui existe déjà depuis deux ans, je crois. Peut-être une réflexion
du côté de Revenu Québec, avec l'Agence
de revenu du Canada également, pour regarder qu'est-ce qu'on peut faire,
quelles sont les options de l'Agence de revenu du Québec concernant le fait que les multinationales Google,
Netflix, Apple, Amazon, Facebook et Spotify ne paient pas d'impôt au
Québec et ne paient pas d'impôt au Canada.
Dans les
autres réflexions, je crois qu'on pourrait envisager de permettre aux médias
d'émettre des reçus de charité pour
tous les dons reçus, cesser ou limiter les dépenses gouvernementales
publicitaires au Québec sur Facebook et Google, on pourrait limiter peut-être à 25 % de chaque ministère. Chaque
dollar remis à Facebook ou à Google est un dollar qui ne va pas à nos
médias.
Revenu
Québec, on en a parlé. Revenu Québec, donc, va devoir statuer, éventuellement,
sur cette assiette fiscale là en collaboration avec l'Agence de revenu
du Canada pour que des éventuelles redevances aux médias québécois soient distribuées pour assurer l'équilibre des choses.
En ce moment, Facebook fait 35 millions de dollars par année avec le
contenu des médias québécois, c'est un
calcul scientifique qui a été établi par Jean-Hugues Roy, professeur à l'École
des médias de l'UQAM. On pourrait
penser à ce que le gouvernement du Québec double son aide aux médias
communautaires. Moi-même, j'ai été longtemps à CKRL, à CHYZ-FM et
d'autres radios communautaires à Montréal, et je pense que nos médias communautaires méritent beaucoup plus d'attention.
Est-ce qu'on pourrait bonifier le Programme d'aide aux médias du
ministère de la Culture et des Communications du Québec, qui est limité à
400 000 $ en ce moment? Pourquoi ne pas augmenter le cap à
1 million de dollars?
Quelque chose
qui a été demandé à de nombreuses reprises, éliminer la taxe sur le recyclage pour
les magazines, les hebdos, les
journaux. En ce moment, c'est des subventions temporaires qui règlent le
problème en raison des coûts élevés. Donc, si ça pourrait être
permanent, ça serait très, très bien.
Est-ce qu'on pourrait également, je crois... Je
propose qu'on redonne un nouveau mandat d'information à Télé-Québec, créer une division d'informations
régionales au sein de Télé-Québec. Ça pourrait être en regroupant les
bureaux régionaux, qui existent déjà depuis
la fin des années 60, des bureaux qui seraient amenés à produire du
contenu quotidien pour le site
telequebec.tv. Évidemment, on ne veut pas que Télé-Québec vampirise ce que fait
déjà Radio-Canada en région, et TVA,
et d'autres médias, donc il faudrait que ce soit éducatif également et dans le
cadre de diverses émissions d'affaires publiques, et le budget de
Télé-Québec pourrait être bonifié d'environ 15 millions par année.
Le
gouvernement pourrait contribuer également à un fameux fonds, un fonds annuel
pour les grands reportages locaux des
hebdos régionaux, qui en ont bien besoin, pour les sites Web d'information
hyperlocale. Il y en a d'ailleurs deux à Montréal qui ont fermé
récemment. Donc, il faut endiguer la dégradation des contenus en région et
partout.
Le ministère
de l'Éducation pourrait augmenter l'éducation civique, effectivement, pour
informer les jeunes dans les écoles
primaires et secondaires sur l'importance de combattre les fausses nouvelles,
comprendre comment les médias fonctionnent et peut-être financer mieux
les facultés de communication et de journalisme à l'extérieur de Montréal et de
Québec.
Également, peut-être confier éventuellement un
mandat régional à La Presse canadienne pour l'ouverture de minibureaux dans les 14 régions
administratives hors de Montréal et de Québec afin de faire mieux circuler les
informations régionales partout au Québec avec, évidemment, contributions
gouvernementales.
La viabilité
des modèles d'affaires à l'ère du numérique. Moi, je pense que le gouvernement
pourrait allouer au moins 50 % de ses dépenses en publicité aux
sites d'information numériques québécois qui sont actifs, peu importe la plateforme. Un crédit d'impôt pourrait être
également mis sur pied pour les initiatives numériques des médias dans les
secteurs importants de la «blockchain» :
recherche et développement, l'intelligence artificielle, la vidéo en réalité
virtuelle, la réalité immersive et la production vidéo de plus de
30 minutes, donc l'équivalent de minidocumentaires. Et possiblement, en concertation avec l'Agence de revenu du Québec,
faire comme en France, une baisse des impôts temporaire pour les médias
québécois dans un contexte de crise sans précédent.
L'objectif de tout ça, en
gros, c'est d'assurer le droit du public à l'information. La démocratie
québécoise est directement menacée par la faiblesse des médias, et leur
disparition éventuelle serait un déni de démocratie. Le gouvernement doit agir cet automne, parce que je crois qu'il sera
peut-être trop tard en 2020 ou en 2021. Merci d'avoir pris la peine de
me recevoir, et je suis très heureux de répondre à vos questions.
• (15 heures) •
Le
Président (M. Ciccone) :
Merci beaucoup pour votre exposé, M. White. Je suis maintenant prêt à
reconnaître un membre du parti gouvernemental. M. le député de Beauce-Sud.
M. Poulin :
Merci beaucoup, M. le Président. Merci, M. White, pour votre exposé, un
mémoire, encore une fois, hyperintéressant,
dans des mots simples, clairs, directs, qui nous permet de bien saisir
certaines problématiques. Merci de parler
des médias communautaires aussi, qui sont très importants pour le Québec. J'ai
été, moi, dans les médias communautaires pendant trois ans. J'ai même animé un bingo le mardi soir pour financer
les salaires des journalistes, mais je lisais les boules trop vite, ça fait
que, là, les gens se plaignaient, ça fait qu'il a fallu que je ralentisse mon
débit de voix. Mais ça a été hyperrentable et ça l'est encore aujourd'hui, de
moyens créatifs pour financer nos médias communautaires qui sont très, très
importants.
Je veux vous
amener sur la confiance, parce que vous nous avez parlé de la confiance envers
les médias. Vous dites : «On
aime bien se moquer du président américain, qui adore qualifier à peu près tous
les médias de "fake news". Mais force est de constater que son discours rejoint bien des gens, même de ce
côté-ci de la frontière. Seulement 37 % des Canadiens feraient
confiance aux médias, selon les résultats d'un sondage Léger publié en
mars 2019 dans [Le Huffington Post].
«Le Québec
est la province où les gens accordent le plus leur confiance aux médias, 49 %. À l'opposé, en Saskatchewan et
au Manitoba, ce nombre chute à 26 %.»
Donc, une
bonne nouvelle quand on se compare, mais, somme toute, ça commence à être moins
là. Quand on parle de la confiance,
c'est aussi la confiance des annonceurs, c'est la confiance des publicitaires,
c'est la confiance des gens qui consomment les médias. Si on a un
investissement à faire, comme gouvernement, comme Assemblée nationale, pour
redonner cette confiance-là aux citoyens envers les médias, ce serait lequel?
M. White
(Patrick) : Bien, de bien faire fonctionner la loi d'accès à
l'information, ça, c'est sûr, et puis de remettre très rapidement les
avis publics dans les hebdos et les journaux pour vraiment s'assurer une base
de financement stable temporaire pour les
médias. C'est sûr que les médias... c'est un grand enjeu quand tu penses qu'il
y a uniquement 49 % des Québécois
qui font confiance à nos institutions médiatiques. Le chiffre que j'avais vu
quand j'étais à l'Université Laval, à la
fin des années 80, je pense que c'était proche de 75 % de confiance
envers le métier de journaliste. Donc, il y a eu un grand revirement de
situation. Et effectivement ce que j'explique, c'est que, peut-être avec un
programme conjoint FPJQ-gouvernement du
Québec, on pourrait, avec l'éducation civique, soit à l'école primaire, ou
secondaire, ou même dans les cégeps, aller quand même aider les jeunes à
mieux comprendre les médias et à combattre le phénomène des fausses nouvelles,
qui n'est pas un nouveau phénomène, évidemment.
M. Poulin : Merci.
Le Président (M. Ciccone) : Je
reconnais maintenant le député de Richelieu.
M. Émond :
Merci, M. le Président. Merci pour votre présence, M. White, un mémoire
étoffé, vous apportez de nombreuses
recommandations ou suggestions. Moi, j'aimerais m'adresser au professeur.
Mme Martel, tantôt, a évoqué... et, comme adjoint parlementaire au ministre de l'Éducation, c'est quelque
chose qui m'interpelle, d'investir dans des initiatives en éducation aux médias. J'aimerais que vous
puissiez nous éclairer, vous qui les côtoyez au quotidien, les jeunes
étudiants. Quelle est la perception de vos étudiants face à la crise actuelle,
eux qui ont grandi un peu à cheval entre les médias traditionnels et les nouveaux médias d'information? Est-ce qu'ils
pensent qu'ils ont un rôle à jouer dans la survie des médias?
M. White
(Patrick) : Bien, l'information est prise pour acquis parce qu'elle
vient gratuitement sur les téléphones, les
petites vidéos «cute» sur TikTok, sur
WhatsApp, sur Instagram, Facebook, évidemment. Donc, il y a une culture
qui est un peu perverse, qui fait que ce
contenu-là est gratuit et que les jeunes le prennent pour acquis. Ça, c'est une
réalité. Également, je pense que la
réflexion des médias qu'on doit avoir en ce moment, c'est de rejoindre ces
jeunes-là où ils sont, c'est-à-dire, à 99 %
des cas, sur leur téléphone. Donc, la production de contenu pour les jeunes sur
les téléphones, sur la chaîne YouTube, ou
d'autres chaînes québécoises, ou que ce soit Vimeo, je pense que ça devrait
faire partie de la priorité des médias. Donc, ces jeunes-là ne sont pas prêts à payer. Il y a 85 % des Québécois
qui ne sont pas prêts à payer pour du contenu local au Québec, donc,
c'est une réalité, pas juste les jeunes, en fait.
M. Émond : Merci.
Le Président (M. Ciccone) : Merci
beaucoup, M. le député. Je reconnais maintenant le député de Saint-Jean.
M. Lemieux :
Merci, M. le Président. Bonjour, M. White. Vous avez beaucoup de
suggestions, de propositions. On
pourrait dire que vous avez un bouquet de mesures que vous mettez de l'avant,
mais il y a des fleurs, dans votre bouquet, qu'on ne retrouve pas dans les autres bouquets des autres mémoires, je
vais m'attarder à ceux-là pour les comprendre. Parce que je vous avoue que le crédit d'impôt à
l'emploi, là, je pense qu'il n'y a pas personne qui ne l'a pas mis dans la
liste quelque part.
On s'entend, je ne sais pas ce qu'on fera avec ça, mais tout le monde comprend
ce qu'on dit. Par contre, vous, vous arrivez avec quelques mesures qu'on
entend moins, puis je les ai tous lus, les mémoires. Entre autres,
commençons... Il y a Télé-Québec puis il y a La Presse
canadienne aussi, ça se
ressemble, mais ce n'est pas la même
chose. Parlez-moi de ces deux fleurs-là, puisqu'on parle d'un bouquet
de mesures. Qu'est-ce que ça ferait pour vous? Puis vous chiffrez
même combien ça coûterait.
M. White
(Patrick) : Oui, bien, alors, si on regarde La Presse
canadienne, c'est une agence de presse qui est là depuis quasiment 100 ans, qui est la seule agence de
presse nationale au Canada et au Québec avec l'Agence QMI — donc,
il y a deux agences de presse — c'est un rôle superimportant pour les
nouvelles nationales qui viennent des collines parlementaires. Et La Presse
canadienne est le distributeur exclusif de l'Associated Press au Canada en
français et en anglais, donc ce serait une
énorme perte pour tous les journaux au Québec si on arrivait un jour à la
disparition de La Presse canadienne. Ce n'est pas quelque chose qu'on peut accepter, en
fait. Et, juste pour les journaux au Québec, de perdre l'Associated
Press, ce serait énorme parce qu'on perdrait
la couverture des faits divers américains, de l'actualité internationale et de
tous les grands événements sportifs couverts par AP depuis une centaine
d'années.
Dans le cas de Télé-Québec, bien, Télé-Québec a
toujours eu un rôle éducatif, a déjà eu beaucoup d'émissions parlementaires, des émissions d'affaires
publiques, et je pense qu'avec telequebec.tv, qui est une structure assez
souple, on serait capables. On a déjà
des bureaux régionaux un peu partout, on pourrait embaucher davantage de
producteurs de contenu, de
journalistes pour en arriver à une couverture qui serait axée sur les régions,
en fait, une vitrine qui serait excellente pour le Bas-Saint-Laurent,
par exemple, la Gaspésie, où enfin on entendrait parler des régions et non
juste du trafic sur le pont Jacques-Cartier.
M. Lemieux :
La montréalisation des ondes, ça, on pourrait en parler longtemps. La
commission n'a pas ce mandat-là, mais
je pense que ça fait partie du décor, il faut se l'avouer. Dans les régions, on
entend parler de Montréal beaucoup plus et, à Québec, de Québec que de tout le reste. Et d'ailleurs, en parlant
du reste, vous dites même : Pour La Presse
canadienne, ça coûterait 1 million
pour avoir 14... je ne sais pas si c'est 14, mais des minibureaux dans les 14 régions
administratives.
M. White
(Patrick) : Ça pourrait être un superpigiste à temps plein qui
pourrait, de façon quotidienne, alimenter de l'information qui nous vient de ces régions-là. En général, quand on
reçoit des nouvelles de l'Abitibi-Témiscamingue, c'est uniquement des faits divers, comme l'incendie qui
a eu hier ou avant-hier, je crois. Donc, ce serait bien d'aller au-delà
des faits divers et d'avoir des couvertures
régionales qui pourraient être assurées via une contribution gouvernementale,
soit du fédéral ou du provincial, pour, en
tout cas, au moins assurer l'avenir du service français de La Presse
canadienne, qui est plus qu'un... Ce n'est pas juste un service de
traduction des dépêches de Canadian Press, là, on parle de journalistes
parlementaires à l'Assemblée nationale, à
Ottawa, à Montréal, et sans compter la couverture qu'ils font lors des Jeux
olympiques et les grands événements internationaux. Donc, je pense que,
pour La Presse canadienne, ça pourrait être une idée viable.
Et, pour Télé-Québec, bien, c'est un projet
en gestation. Je pense qu'il faudrait entrer dans les détails plus tard, mais,
si Télé-Québec peut être un élément de solution, tant mieux.
M. Lemieux :
Ce n'était pas exhaustif, ces deux points-là. Il y en a plein d'autres,
suggestions de votre part, qui diffèrent
de ce que l'ensemble des mémoires nous proposent. Est-ce que, pour vous, la
dimension... puis vous en parlez bien, les
«fake news» et le reste des mauvais côtés de ce qu'on vit en ce moment, avec un
appauvrissement, je pense... en tout cas, vous me le dites si je me trompe, mais la peau de chagrin commence à ne
plus être épaisse pantoute, là, un peu partout sur le territoire, et il
y a donc des conséquences à ça, dont, entre autres, les «fake news», qui
prennent plus d'ampleur, disons le comme ça. Est-ce que, pour vous, ça fait
partie du... pas des solutions, mais du problème?
M. White (Patrick) : Bien,
c'est un immense problème. Si on pourrait juste parler 30 secondes des
«deepfake» vidéos, donc, des fausses vidéos
faites avec des déclarations coupées, l'intelligence artificielle permet, en
fait, aujourd'hui de faire diffuser
un faux discours de Barack Obama, et les gens ne verront pas la différence
entre un vrai et un faux discours. Donc,
on est rendus là. Ça va être un énorme problème pour l'élection présidentielle
américaine de l'an prochain. Je n'ai pas vu de ces vidéos-là pour l'élection fédérale du 21 octobre, mais on
peut imaginer que les médias vont devoir développer, à l'interne, davantage de vérificateurs de faits
pour en arriver à stopper ce genre de vidéo là très, très rapidement dès
qu'ils sont mis en ligne sur Facebook ou
YouTube. Donc, les fausses vidéos vont devenir encore plus problématiques que
les fausses nouvelles à certains égards.
M. Lemieux : On tient peut-être
trop pour acquis les appels d'à peu près tous les mémoires, y compris le vôtre,
à l'importance que la presse a pour la démocratie. Et je rajoute, et je vous
demande, à plus forte raison, dans les régions — je parlais de peau de chagrin — où on est dans un gruyère, à la limite, pour
ne pas dire un désert médiatique. La démocratie, ce n'est pas seulement
un beau principe, c'est la raison pour laquelle on fait ça, là.
• (15 h 10) •
M. White (Patrick) : Les
déserts médiatiques existent déjà aux États-Unis, et c'est dramatique, parce
qu'on parle de grandes villes américaines où il n'y a plus de journaux maintenant. Et, même en Ohio, c'est arrivé récemment et c'est un choc pour les gens. Donc, les fermetures
d'hebdos se sont précipitées dans les régions, même à Montréal, en ce moment, c'est un gros problème.
Donc, effectivement, les mesures du gouvernement vont devoir
inclure un plan de sauvetage pour les
hebdos régionaux également parce que, sinon, tout ce qui va rester dans deux ou
trois ans, c'est Radio-Canada
télé, radio et TVA Nouvelles.
M. Lemieux : Vous venez de rajouter les hebdos régionaux.
Est-ce que, dans votre tête, il y a un plan d'urgence pour les quotidiens puis ça en prend un autre, éventuellement, pour le reste ou il faut que ça soit la même chose pour tout le monde?
M. White
(Patrick) : Non, c'est un
seul plan d'urgence pour tous les médias, en n'oubliant pas les pigistes,
les agences de presse, les télés, les radios. Et là peut-être décliner,
lorsqu'on donne une aide, si on donne un montant x à Québecor Média, par exemple, bien, il
y a peut-être des critères pour
les stations régionales, par exemple, pour s'assurer que certains emplois sont préservés, que de nouveaux
emplois soient créés en région, pas uniquement à la Tribune de la presse au Parlement ou à
Montréal.
Le
Président (M. Ciccone) :
Merci, M. le député. Je reconnais maintenant le député de Beauce-Sud. Il vous
reste quatre minutes.
M. Poulin :
Merci, M. le Président. Vous dites quelque chose d'assez intéressant concernant
le numérique. Parce qu'on dit
beaucoup, depuis des années : Les médias doivent prendre le virage du
numérique, mais le mot «numérique», là, il est très large. Et là vous nous rappelez que «83 % des adultes
québécois ont utilisé au moins un réseau social dans le cadre de leur
utilisation personnelle d'Internet, [...]une hausse de 16 points», quand même,
depuis 2016, alors ça ne fait pas tellement
longtemps. Et vous dites : «La consommation des nouvelles sur les
téléphones mobiles a également eu un impact majeur sur la lecture des journaux québécois, qui ont été nombreux à
rater le virage numérique dans les années 2000. Dans les années 2010, il
était déjà presque trop tard pour rattraper ce retard.»
Et qu'est-ce
que c'est, avec votre expertise, vos études et votre travail, un bon virage
numérique? Qu'est-ce qui fonctionne sur le Web? Quelle est la meilleure
façon de pouvoir rejoindre les gens? Parce que, comme gouvernement, il y en a déjà, des programmes, qui existent
depuis un certain temps pour appuyer les médias vers le virage numérique,
mais ça peut être très vaste. On ne fait pas un virage numérique, par exemple,
pour un journal local dans un quartier x de Montréal,
que dans la région de l'Estrie, par exemple, pour rejoindre nos gens. Alors,
c'est parfois très différent. Et toute cette relation-là, que moi, j'appelle d'amour-haine avec les réseaux sociaux...
dans le sens où, par moments, Facebook a bien servi à relayer des
informations, qui nous a amenés au site d'un journal, mais, à d'autres moments,
on sait très bien, également, que ce n'était
pas toujours la bonne information et/ou que les revenus publicitaires ne
revenaient pas aux journaux comme
tels. Alors, c'est de l'amour puis de la haine. Donc, cette relation-là avec
les réseaux sociaux, ce virage numérique là, qu'est-ce qui fonctionne,
avec votre expérience, et qu'est-ce qui fonctionne le moins?
M. White
(Patrick) : Bien, il faut que les contenus soient adaptés aux
téléphones, ça, c'est clair. On a vu qu'avec les tablettes on pensait que ça allait être la panacée, ça n'a pas été
le cas. Donc l'avenir est dans la vidéo mobile, ça, c'est clair. On veut continuer à favoriser les contenus
sur des enjeux publics importants, comme les couvertures parlementaires.
Selon moi, c'est très, très important pour protéger la démocratie. La
couverture en région, est-ce qu'on est capables de développer encore plus de journalisme d'enquête au Québec, tant mieux,
de journalisme régional, tant mieux. Et puis, avec l'intelligence artificielle, on va pouvoir donner
certaines tâches fastidieuses à des robots, qui vont produire des comptes
rendus des cotes de la bourse, par exemple,
ou des résultats de matchs de baseball entre Dolbeau puis Mistassini, mais le
journaliste, il va être affecté à d'autres
choses pendant ce temps-là, il va faire de la valeur ajoutée. Donc, l'avenir du
journalisme passe par le contenu à
valeur ajoutée, surtout la vidéo, évidemment, des textes. Les gens apprécient
beaucoup les documentaires, également, de
plus de 50 minutes, c'est très consommé sur les médias sociaux, et les gens
veulent du contenu sérieux également, du journalisme qui explique la
société, qui décortique les choses, qui met les choses en contexte, qui donne
du background.
M. Poulin : Ça me fait penser, M.
le Président, également à tout ce qui... bon, les longues entrevues, avec les podcasts, tout ça, on est dans une mouvance intéressante. Donc, dans un futur programme — et
je «brainstorme» avec vous, M. White — qui
pourrait être mis en place, on pourrait supporter ça. Donc, ce qui est dans
l'air du temps, c'est ce souhait-là, d'avoir
des contenus exclusifs, d'encourager chaque média, exemple, à développer x
nombre de contenus exclusifs puis de faire en sorte qu'on puisse le
retrouver, bien évidemment, au niveau numérique. Donc, tout ça fait partie
d'alignements qu'on devrait supporter.
M. White
(Patrick) : Oui, c'est ce
que je disais au début, donc être superdiversifiés du côté des
balados, du contenu mobile, du contenu vidéo et du contenu texte, qui
est encore très, très important aujourd'hui.
Le Président (M. Ciccone) : Il reste
20 secondes, M. le député.
M. Poulin : Bien, merci, M. White. Puis ce que je
souhaite également dans... bien, quand vous nous parlez de l'avenir des niches, là, qui sont superimportantes, c'est
qu'on puisse inciter, également, la formation des journalistes sur le journalisme d'enquête, sur comment trouver de l'information, sur comment la fouiller. Vous avez parlé de la loi d'accès à l'information,
c'est hyperimportant, mais nos procès-verbaux de municipalités sont remplis d'informations
pour nos journalistes.
Le Président (M. Ciccone) : Merci
beaucoup, M. le député. Je suis prêt maintenant à entendre un membre de l'opposition
officielle pour une période de 10 minutes. Je reconnais la députée de Verdun.
Mme Melançon : Bonjour, M. White. Merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui. Rapidement, je veux revenir sur une partie de
discussion qui a eu lieu il y a quelques instants. On parle beaucoup des hebdos
régionaux. On ne doit pas
oublier les hebdos, aussi, qui font partie de notre vie de quartier. Moi, je le
vis à Verdun, là, comme députée de Verdun, je le vis.
Moi, mon journal, qui était Le messager de Verdun, puis
j'avais aussi un hebdo du côté de L'Île-des-Soeurs, bien, a fusionné
pour ne former qu'un seul journal. On en voit beaucoup, oui, dans les
régions, là. Je peux vous le dire, j'ai habité sur la Côte-Nord pendant plusieurs années, et je peux vous parler de l'information et de l'importance de l'information
régionale, mais c'est aussi vrai à Montréal,
et je tenais quand même à le souligner. Vous en parlez à l'intérieur de votre mémoire, mais je voulais quand même le soulever.
Bien
qu'on ait parlé... et le collègue, ici, de Saint-Jean
le mentionnait tout à l'heure, il y a...
dans plusieurs mémoires où on répète
la possibilité de mettre un crédit d'impôt sur la masse salariale de 25 %
à 35 %, là, ça oscille selon différents mémoires. Moi, je veux quand même vous parler, vous, comme spécialiste...
vous avez été et dans la chaise du journaliste, aujourd'hui dans la
chaise de Pr White, j'ai besoin de connaître qui, dans la masse salariale,
doit entrer. Parce qu'à un moment donné on
va devoir définir qui fait partie ou non de la masse salariale, que nous
souhaitons ou pas, là, on verra à la suite
de cette commission, voir défini clairement c'est à qui on s'adresse dans le
35 % ou dans le 25 %, parce qu'actuellement le gouvernement fédéral a posé le geste,
maintenant il manque un peu de contenu pour, justement, définir. Moi, je
voudrais qu'on le fasse peut-être préalablement, je pense que ce serait juste
de le faire.
M. White
(Patrick) : Oui, le fédéral a fait ça, mais ce n'est pas réglé, puis
on n'a pas les détails, puis c'est supposé être rétroactif au 1er janvier 2019, et l'élection s'en vient, donc le
temps tarde. Donc, pour le statut de journaliste, ça pourra être
journaliste qui a une carte de l'AJIQ ou de la FPJQ, donc des journalistes
professionnels qui sont à l'intérieur de médias
reconnus, qui ont plus de peut-être deux à trois journalistes ou plus de cinq
journalistes. Est-ce qu'ils ont une carte professionnelle? Quelles sont
les tâches dans la salle de nouvelles? Est-ce qu'ils font de la mise en pages,
journalistes, photographes, vidéastes? Donc, ce sont tous des critères qui
pourraient être établis assez facilement avec la Fédération professionnelle des journalistes du Québec et
l'AJIQ pour en arriver, justement, à... pas décider qui est journaliste, qui
ne l'est pas, mais, dans une salle de
rédaction, bon, est-ce qu'on exclut les postes de secrétaire, les postes de...
quelqu'un qui répond au téléphone, par
exemple, qui ne fait pas des tâches journalistiques? Donc, ça, on va pouvoir
entrer dans le détail, éventuellement,
mais je pense que les critères d'avoir une carte de membre de la Fédération
professionnelle des journalistes ou d'être reconnu comme un journaliste
professionnel par son employeur et puis par l'AJIQ ou la FPJQ, ce serait déjà
un bon début.
Mme Melançon :
Parce que rappelons-nous qu'il y a une partie de la discussion que nous avons,
actuellement, qui avait été entamée au tournant de 2011‑2012 et où,
justement, avec la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, il y avait, même à l'intérieur des
membres, une certaine division — et là je regarde le député de Saint-Jean,
qui fait signe, oui, de la tête. Donc, déjà
à l'intérieur de la Fédération professionnelle des journalistes, on n'est pas
nécessairement d'accord sur la définition même. Est-ce que vous pouvez nous
éclairer quand même un peu, comme professeur?
• (15 h 20) •
M. White
(Patrick) : Bien, dans une entreprise
de presse, tu regardes qui sont les gens qui font du contenu journalistique pur et dur — et
ça doit être, en général, plus de trois quarts du personnel — et
on exclut les gens qui ont des tâches
administratives, qui ne sont pas impliqués dans la confection au quotidien du
journal ou du média, là. Donc, en
général, les chefs de pupitre, les gens qui
font la mise en ligne, la mise en pages, ce sont des journalistes
professionnels, les journalistes, les
vidéastes, les photographes, les recherchistes, les réalisateurs, les
documentalistes, ce sont des journalistes, les archivistes aussi. Donc, si tu contribues à la production
quotidienne de ton média, ça devrait être le critère automatique pour être
reconnu pour le crédit d'impôt qui existe au fédéral mais qui n'a pas été mis en place officiellement,
rétroactif au 1er janvier 2019. Et, si vous le mettez en place pour le Québec,
ce serait bien que ce soit rétroactif au 1er janvier 2019 également.
Mais,
oui, évidemment, il va y avoir des discussions philosophiques avec
la FPJQ, et l'AJIQ, et peut-être
L'Association canadienne des journalistes, mais, à la fin de la
journée, ce sera un comité indépendant qui va décider, selon les
critères des médias et des fédérations et les critères du gouvernement également.
Mme Melançon : Bien, d'ailleurs, on va recevoir la fédération
des journalistes mercredi, si ma mémoire m'est fidèle, alors on pourra
poser les questions.
Très
rapidement, parce que je veux quand même laisser du temps à ma
collègue, sur l'effet domino pour La Presse canadienne, je veux quand
même y venir, parce que c'est important,
et je vais soulever quand même auprès des membres de la commission, actuellement... Avec les six hebdos, là, parce que l'actualité nous a quand même
rattrapés au courant de l'été... Je
sais que la La Presse canadienne avait déposé un mémoire, mais pas à la lumière de
ce qui s'est passé il y a deux semaines à peine. Je sais que La Presse
canadienne va vouloir, sans doute, faire une demande auprès de la commission
pour être entendue. La Presse canadienne, ça représente
quoi, au Québec, en quelques mots?
M. White
(Patrick) : Bien, moi, j'ai été patron de La Presse
canadienne de 2004 à 2006.
Mme Melançon :
Je le sais.
M. White (Patrick) : Bien, c'est un média national, une agence de
presse, c'est comme Reuters ou l'AFP, Bloomberg, anciennement
UPI, dans les années 70-80. C'est le nerf de la guerre, une agence de
presse, qui alimente en temps réel, 24 heures
sur 24, les médias au Québec, en Ontario et en Acadie. Donc, La Presse
canadienne, le service français,
c'est basé à Montréal, avec un petit peu plus qu'une vingtaine de journalistes.
Il y avait un service radio, qui a été aboli en février, qui s'appelait NTR, les nouvelles télé-radio. Maintenant,
il n'y a plus de bulletin de nouvelles, mais il y a encore des clips
qui sont envoyés aux stations.
Donc, le rôle de La Presse
canadienne, c'est aussi, donc, de
couvrir le pays, les élections fédérales, provinciales, et c'est aussi de redistribuer de façon exclusive
toutes les nouvelles américaines et internationales de l'Associated Press,
qui est la plus grande agence de presse au
monde, avec Reuters et l'AFP. Alors, s'il arrive quelque chose à La Presse canadienne... je ne parle pas de fermeture, mais on est quand même
rendus à un niveau très critique du côté de la PC puis du côté anglais également,
qui alimente tous les journaux, tous les sites Web du pays. Donc, on ne peut
pas imaginer le Québec sans La Presse canadienne,
et c'est pareil du côté anglais, là, donc, avec Canadian Press.
Donc,
il faut appuyer La Presse canadienne. C'est peut-être davantage de juridiction fédérale, comme, je crois, ils ont une charte fédérale, mais je sais qu'eux, ils font
partie des médias qui veulent avoir de l'aide et ils ont déjà été
exclus du programme provincial, je crois, il y a
deux ans. Il faudrait que les critères soient élargis pour protéger les agences
de presse et même les agences de
presse régionales. Ça pourrait être une agence de presse locale pour le Bas-Saint-Laurent, le Lac-Saint-Jean, affiliées à La Presse
canadienne ou à d'autres agences,
parce que l'Agence QMI aussi a eu des problèmes financiers dans les
dernières années, ce n'est pas juste La Presse canadienne,
là, mais la PC est un élément fondateur de la démocratie au Québec et au Canada
anglais.
Mme Melançon : Merci
beaucoup. Je voudrais simplement
continuer sur un autre aspect, parce que, sinon, je vais me le faire dire, je le sens. Lorsque j'ai fait la
tournée des médias pour qu'on puisse parler, bien sûr, de la commission sur laquelle nous siégeons aujourd'hui, dans nombreuses radios et télévisions, on m'a
dit : Vous ne parlez que de la presse écrite, il faut aussi parler de la télévision, il faut
aussi parler de la radio, parce qu'on a perdu quand même... de mémoire,
c'est le quart des radios au Québec, là, qui ont disparu.
En
télévision, comment est-ce qu'on peut expliquer... moi, j'ai mon explication à moi, mais l'importance
d'avoir le bulletin régional, là? Lorsque je
suis à Baie-Comeau, j'ai envie
d'ouvrir le poste et d'entendre parler de ce qui se passe chez nous puis, bien sûr, peut-être, à un moment donné,
parler du tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine, que je ne verrai pas
de sitôt si je suis sur la Côte-Nord, à moins que j'aie un déplacement. Mais,
cela étant dit, comment est-ce que vous expliquez que nous parlions plus de la
presse écrite que des radios et des télévisions?
M. White
(Patrick) : Bien, d'abord,
l'aide aux médias devrait vraiment aller beaucoup aux régions, là, tu sais, je pense que ça, on revient là-dessus. La crise des
médias, les revenus publicitaires, de plus en plus, maintenant,
c'est programmé par des robots, ça
s'appelle la programmatique, ce qui a fait baisser énormément
le coût de la publicité. Mais, si tu regardes à la télévision régionale... on pourrait envisager que l'aide gouvernementale du Québec est conditionnelle à une amélioration de la couverture de ces médias-là dans les régions
puis exiger, peut-être sept jours sur sept, un bulletin régional pour...
si ça n'existe pas en Gaspésie ou sur la
Côte-Nord, sur la Basse-Côte-Nord, donc que l'aide soit conditionnelle à une
amélioration continue, l'augmentation du
nombre de journalistes affectés le jour, le soir, la fin de semaine, sept jours sur sept, 365 jours par année, pour éviter, justement,
trop forte concentration à Montréal et à Québec.
Mme Melançon :
Et la question...
Le Président (M. Ciccone) :
Deux secondes, Mme la députée.
Mme Melançon :
Bon, bien, la question qui tue, je vous la poserai hors micro tout à l'heure.
Le Président (M. Ciccone) : Merci
beaucoup, Mme la députée. Je suis prêt maintenant à entendre la députée de Taschereau pour
une durée de 2 min 30 s.
Mme Dorion : Merci, M.
le Président. Bonjour, M. White.
À mon bureau de comté, on fait beaucoup de dépenses dans les médias locaux, donc on... de publicités pour nos événements,
radios, journaux, on tient à les faire vivre, puis on en fait un peu aussi sur Facebook. Quand on demande
aux gens qui viennent à nos événements comment ils ont entendu parler de
notre événement, c'est la grande majorité, sinon la totalité des gens, qui ont
vu la publicité sur Facebook. Dans ce contexte-là,
je pense aux petites PME qui naissent autour de chez nous puis qui n'ont pas
tant d'argent à mettre dans la pub, qui
veulent que ça marche, quelle attitude est-ce
qu'on devrait avoir? Est-ce que
vous pensez que la tendance de la fuite des revenus publicitaires vers
les GAFAM est réversible d'une façon ou d'une autre? Et, si non, quelle
attitude ou quelle option les pouvoirs publics devraient, finalement, avoir
face aux géants du numérique?
M. White
(Patrick) : Bien, ce n'est
pas réversible pour le moment. On n'exclut pas un éventuel démantèlement
de Facebook et de Google par les autorités
antitrusts américaines. Je pense, ça pourrait peut-être arriver d'ici cinq à
10 ans, comme c'est arrivé avec les grandes pétrolières dans les années 20.
Mais les gestes
concrets, j'en ai parlé tout à l'heure, c'est que chaque député limite peut-être
à 25 % ou un pourcentage entendu avec le gouvernement la publicité sur
Facebook, qu'on recommence le plus rapidement possible, peut-être d'ici le 1er septembre
s'il faut, les avis publics dans les hebdos régionaux, demander aux municipalités
de recommencer à publier les avis publics
dans Le Devoir et tous les autres journaux régionaux à Montréal
et un peu partout et, après ça, bien, prêcher par l'exemple, et vous
êtes vraiment les personnes concernées au plus haut point.
Après
ça, oui, on a toujours besoin des Facebook de ce monde. C'est le tiers du
trafic des sites d'information au Québec
avec 0 % de revenus. Il n'y a pas de revenus qui viennent de Facebook en
ce moment, mais c'est le tiers du trafic, donc il ne faut pas l'oublier,
et c'est là qu'on rejoint les gens sur les téléphones, comme vous le disiez.
Donc,
l'équilibre, c'est peut-être augmenter les budgets auprès des médias régionaux,
les médias communautaires, surtout du côté papier, ne pas oublier les
radios, les télés, les pigistes, les agences de presse, et tout le tralala,
oui.
Mme Dorion :
Dans ce contexte-là, donc, comme c'est beaucoup de fonds, finalement, qui
doivent être investis, qui doivent
être redonnés, retournés aux régions, quelle attitude, dans ce contexte-là,
est-ce que les pouvoirs publics devraient avoir face aux GAFAM? Je ne dis pas eux, chaque député, chaque
ministère, mais comme législateurs, là, par rapport aux géants du
numérique.
M. White
(Patrick) : Les forcer à payer des impôts au Québec et au Canada — ils collectent déjà la TPS et la TVQ,
c'est un début mais ce n'est pas assez — et puis vraiment s'assurer qu'il y ait
éventuellement des redevances, soit, là, un pourcentage fixe des revenus de Google ou Facebook au Québec ou au
Canada qui sont envoyés directement aux médias.
Le Président (M. Ciccone)
:
Merci beaucoup, M. White. Je suis prêt maintenant à reconnaître la... le
député de Rimouski. Excusez-moi. Vous êtes entouré de femmes, M. le député,
oui.
M. LeBel :
Je suis le seul gars dans l'opposition. Quand le monde disent :
L'Assemblée nationale n'a pas changé, ce n'est pas vrai, ça a changé.
Le numérique,
moi, c'est bien O.K., là, tout ça est bien correct, mais juste rappeler au
monde que la couverture Internet n'est
pas encore partout au Québec, rappeler aussi aux gens — puis c'est des chiffres de 2013 — que 19 % des Québécois sont analphabètes, 34 % des Québécois
éprouvent de grandes difficultés de lecture. Il y a de plus en plus une
cassure, là, entre ceux qui sont
capables d'utiliser ça puis s'informer puis ceux qui ne sont pas capables, qui
prennent du retard. Ça fait que les hebdos, la radio, c'est encore bien
important pour rejoindre ces gens-là, la télé aussi.
Radio-Canada, c'est quand même... on est encore
dans ce pays-là, ils ont un mandat de couvrir les régions puis ils sont subventionnés, c'est dans leur mandat. Est-ce
que vous pensez que Radio-Canada pourrait faire plus pour parler des
régions, puis être présent en région, puis parler des régions au national?
• (15 h 30) •
M. White
(Patrick) : Oui, absolument. C'est vrai qu'on peut constater, à
l'occasion, qu'on entend peu parler du reste
du Canada aux nouvelles de Radio-Canada et on entend peu parler souvent des
régions du Québec. Donc, oui, c'est un
point d'interrogation. Radio-Canada est partout, mais souvent on ne le voit pas
nécessairement à RDI ou dans Le téléjournal. Donc, il y a peut-être du travail à faire de ce
côté-là, mais Radio-Canada, c'est une instance fédérale et c'est géré par
le gouvernement fédéral. Mais, en tant que
députés ou en tant qu'observateurs, si Radio-Canada peut en faire davantage,
tant mieux, mais ils sont déjà très, très présents dans leurs milieux un peu
partout. On voit des textes d'ICI Radio-Canada Témiscamingue, ce qu'on ne voyait pas avant, sur radiocanada.ca, les
balados qui viennent un peu de partout, donc ils font un travail
exceptionnel en région. Est-ce qu'il pourrait y en avoir plus? Bien, j'aimerais
ça d'avoir plus de nouvelles des régions au Téléjournal national de
Radio-Canada, autant du Québec que du reste du pays.
M. LeBel :
Je reviens aussi aux hebdos. Les hebdos, c'est encore... À Rimouski, il y avait
trois hebdos il n'y a pas très
longtemps, là il y en a un. C'est encore... ça traîne partout sur les tables,
ça traîne... Les gens consultent encore ça, c'est encore ça qui est disponible, c'est ça qui parle à
nos communautés. Et moi, je suis très d'accord avec vous quand vous
écrivez, là... c'est vrai qu'il faut trouver
des façons pour les grands quotidiens pour les sauver, mais il faut absolument
intervenir auprès des hebdos. Il faut s'assurer qu'il y ait encore des
hebdos dans chacune de nos communautés.
M. White
(Patrick) : Il ne faut pas que les hebdos soient oubliés dans le plan
de sauvetage, un plan de sauvetage qui doit
focaliser sur tous les médias sans exception et ne pas laisser tomber les
hebdos, ça, c'est très, très clair, ça doit être au coeur de la
stratégie gouvernementale.
Le
Président (M. Ciccone) :
Merci beaucoup, M. White. Merci, M. le député. Je reconnais maintenant
la députée de Marie-Victorin pour une durée de deux minutes.
Mme Fournier :
Merci, M. White. Je ne peux pas m'empêcher de penser qu'il y a une
certaine ironie quand même dans le
fait qu'on cite souvent, notamment, le virage numérique comme étant une
solution à la crise des médias, mais pourtant vous avez été vous-même victime de cette même crise dans une entreprise
médiatique qui était pourtant 100 %
numérique, donc comme quoi personne ne fait exception dans le milieu,
actuellement, puis ça touche vraiment tout le monde.
Donc, cela
dit, tantôt vous avez fait référence au contenu payant, comme quoi c'était une
des pistes d'avenir pour les différents
médias, qu'on devait aller vers là. De mémoire, je crois qu'il y a seulement Le Devoir
et L'Actualité,dans le domaine
politique au Québec, là, qui demandent un contenu payant. Donc, j'ai trois
petites questions en rafale pour vous. D'abord,
est-ce que ça a suscité une baisse du lectorat de ces deux médias-là, en termes
de proportion, par rapport aux autres médias?
Deuxièmement, est-ce qu'il faudrait une solidarité de l'ensemble du monde
médiatique au Québec? Est-ce que tout le
monde devrait faire payer les utilisateurs pour le contenu en même temps? Et,
troisièmement, le cas échéant, est-ce que ça ne risque pas de provoquer
une fuite, justement, du lectorat, qui sont 85 % à ne pas vouloir payer
pour du contenu, vers des médias étrangers?
M. White
(Patrick) : Bien, il pourrait y avoir une fuite de trafic, comme vous
dites, vers des sites qui vont demeurer gratuits, là, comme
radiocanada.ca, qui est entièrement payé par les contribuables, bien qu'il y
ait des annonceurs à Radio-Canada.
Au niveau des
murs payants, ce qu'on appelle les «paywalls» en anglais, effectivement, LeJournal de Montréal, LeJournal de Québec, ils ont abandonné ça
dans les dernières années parce qu'il y avait eu une baisse du trafic et
qu'on voyait, là, que
ce n'était pas le bon modèle. Je pense que, dans des cas comme La Presse+
et Groupe Capitales Médias, dans leur
cas à eux, ce serait l'idéal, d'avoir un mur payant pour valoriser
l'information qui mérite d'être payée puis mettre en valeur ce contenu à valeur ajoutée là, que ce soient les
enquêtes, ou les chroniques, ou les scoops, en fait, qui pourraient être
derrière le mur payant. Mais un des
problèmes, c'est que ça peut amener une baisse de trafic s'il y a uniquement
10 % ou 15 % du lectorat qui s'abonne.
Solidarité,
oui, ça pourrait être tous les médias en même temps, mais je crois que ça va
être difficile à appliquer, en fait.
Le
Président (M. Ciccone) :
M. White, je vous remercie grandement de votre témoignage et de votre
contribution à cette commission.
Je suspends les travaux quelques instants afin
de permettre aux représentants de la Confédération des syndicats nationaux,
conjointement avec la Fédération nationale des communications, de prendre
place. Merci.
(Suspension de la séance à 15 h 33)
(Reprise à 15 h 35)
Le
Président (M. Ciccone) :
Nous reprenons maintenant nos travaux. Je souhaite maintenant
la bienvenue aux représentants de la Confédération
des syndicats nationaux, conjointement avec la Fédération nationale des communications. Je vous rappelle que vous disposez de
10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange
avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter ainsi
que les personnes qui vous accompagnent et à procéder à votre exposé. La parole
est à vous.
Confédération des syndicats nationaux (CSN) et Fédération
nationale des communications-CSN (FNC-CSN)
M. Létourneau
(Jacques) : Bien. Alors,
merci infiniment pour cet accueil, messieurs dames les députés. Jacques Létourneau, président de la Confédération des syndicats nationaux,
accompagné de Pascale St-Onge, qui est présidente de la Fédération nationale des communications, et
M. Claude Dorion, qui est directeur du groupe-conseil MCE Conseils,
qui est un groupe-conseil indépendant avec
lequel la CSN et la fédération travaillent sur une multitude de sujets, dont
notamment la question de l'avenir de la presse, la presse écrite au
Québec.
Alors, je
vais prendre, là, les cinq premières minutes puis je vais laisser les cinq
dernières à Pascale, parce qu'on pense que,
de façon générale, nous partageons tous et toutes le même niveau de préoccupation
par rapport à l'avenir de la presse écrite
au Québec. Je le disais tantôt aux journalistes qui nous posaient la question,
disons que la commission tombe au bon moment,
parce qu'avec ce qu'on a vécu récemment dans le dossier de Capitales Médias on
nous a entendus, on a entendu l'ensemble
de la classe politique manifester son inquiétude par rapport à l'avenir de la
presse écrite. Et, quand une organisation syndicale comme la CSN se présente devant une commission comme celle-là,
bien sûr, elle représente des travailleuses et des travailleurs dans
l'industrie du monde des communications et de la presse écrite, mais nous
représentons aussi des travailleuses, des
travailleurs — c'est
300 000 membres à la CSN — donc, dans toutes les catégories d'emploi,
dans tous les secteurs d'activité,
dans toutes les régions du Québec, qui sont, bien sûr, des travailleuses et des
travailleurs mais aussi des citoyennes
et des citoyens qui comprennent, je pense, l'importance et la nécessité d'avoir
une presse libre, accessible pour, justement, être capables d'avoir,
dans une société démocratique comme la nôtre, accès à une information de
qualité.
Donc, la
commission tombe à point dans un contexte où nous pensons, comme organisation
syndicale, qu'il faut prendre carrément
le taureau par les cornes. Nous, ça fait peut-être une dizaine d'années qu'on
tire la sonnette d'alarme en rappelant aux politiciens, aux
politiciennes, pas juste à Québec mais aussi à Ottawa, la responsabilité que
nous avons collectivement puis la responsabilité
première qui relève, justement, des pouvoirs politiques, parce que, dans une
démocratie, je le disais encore récemment,
si un journal ferme, bien, c'est la démocratie qui recule, et, quand un journal
ferme, bien, c'est assez difficile de
le voir renaître de ses cendres, surtout dans un contexte où la classe
capitaliste en général ne trouve pas qu'il y a de l'argent à faire avec
la presse écrite au Québec. Donc, nous, on pense qu'on doit se mettre à pied
d'oeuvre dès aujourd'hui pour, justement, trouver
des solutions qui sont à portée de main. On va vous les présenter et échanger
avec vous, là, sur des choses qui
sont extrêmement concrètes. Mais je tiens quand même à mentionner que, si la
classe politique a une responsabilité,
le gouvernement a aussi une responsabilité, et, nous, ça fait longtemps qu'on
dit : Il faut que le gouvernement réinvestisse
dans la publicité gouvernementale dans nos médias québécois. On a entendu le
premier ministre dire : Oui, mais maintenant
les gens vont chercher l'information ailleurs. C'est vrai, c'est une nouvelle
réalité, mais en même temps, si on ne prêche
pas par l'exemple, si on n'est pas capables de se donner des objectifs puis des
quotas pour être capables, justement, de soutenir par la publicité la presse écrite... parce qu'on sait que ça a
chuté drastiquement, alors que la publicité sur les sites des grands des Webs, des Facebook et compagnie de ce
monde a augmenté de façon considérable, je pense, à la hauteur de 120 % au cours des quatre, cinq dernières
années. Donc, premier geste politique, il faut que le gouvernement annonce
sa volonté, là, d'investir dans la publicité.
Nous,
on pense aussi, dans un contexte où le gouvernement fédéral tarde à agir devant
les GAFA... on l'a vu encore récemment,
là, cette timidité à vouloir prendre le problème de front en disant : Ce
n'est pas vrai que Netflix, Facebook et les Google de ce monde vont faire la pluie et le beau temps à partir
d'ailleurs. J'entendais des gens dire : C'est le G7 qui se réunit en ce moment, là, il faudrait que la classe
politique se responsabilise. Bien, si le gouvernement canadien n'est pas
capable de le faire, nous, on pense que le
gouvernement du Québec devrait réclamer le rapatriement de ces pouvoirs-là
par rapport,
justement, aux GAFA pour être capable de dire : Au Québec, on va mettre en
place... pas des barrières mais des mesures
qui vont être tout à fait équitables et qui sont appliquées déjà pour les
entreprises qui ont pignon sur rue au Québec, au même titre que les entreprises qui veulent vendre des services à la
population, donc revendiquer auprès du gouvernement fédéral cette
juridiction.
Un
autre phénomène qui a une dimension, aussi, politique, c'est celui des municipalités.
Avec Mme St-Onge, on avait eu la
chance, dans le passé, dans la foulée de l'adoption de la loi n° 122, où les municipalités ont décidé de se désengager avec leurs avis publics, notamment,
de ce qui était annoncé dans les quotidiens... Nous, on pense que les municipalités
doivent prendre aussi leurs responsabilités. J'étais très heureux d'entendre
le maire Labeaume dire : Il ne faut pas que Le Soleil ferme,
j'étais très heureux d'entendre le maire de Granby dire : La Voix de
l'Est, il faut la sauver, le maire d'Outaouais puis probablement d'autres qui se sont prononcés là-dessus, mais il ne faut
pas juste le dire, il faut prendre les moyens puis il faut se donner les
outils, justement, pour permettre d'assurer la pérennité puis le développement
de la presse écrite.
Donc, sur le plan
syndical, sur le plan politique, oui, bien sûr, on représente les intérêts des
travailleuses, des travailleurs dans ce
secteur d'activité important, puis on parle de l'avenir de centaines et de
centaines d'emplois — déjà
qu'on en a perdu pas mal dans les salles de
nouvelles au cours des dernières années — mais c'est aussi et surtout, je dirais,
pour l'ensemble des citoyens et des
citoyennes que nous sommes puis la société civile en général, une
responsabilité collective par rapport au droit à l'information. Donc, je
vais laisser la parole à Pascale pour la suite de la présentation.
• (15 h 40) •
Mme St-Onge (Pascale) : D'entrée de jeu, j'aimerais démystifier peut-être
une idée préconçue, on l'entend souvent répéter, de dire qu'il faut que les médias prennent le virage numérique.
Alors, je dirais que c'est chose faite dans tous les médias, et ce, depuis longtemps. Ils ont tous des
sites Web, de multiples applications sont disponibles, même sur les
réseaux sociaux et partout. Alors, ça, c'est
un mythe, de dire qu'il faut que les entreprises de presse prennent le virage
numérique. Je dirais plutôt que c'est au
gouvernement aujourd'hui à prendre le virage numérique, c'est-à-dire qu'il est
temps d'adapter nos lois, nos
règlements à l'univers dans lequel on vit et qu'il y a des impacts nombreux non
seulement sur les médias, mais toutes
sortes d'autres secteurs d'activité, pensons à l'industrie du taxi ou autre.
Alors, il est temps que nos lois et nos règles soient adaptées à cette nouvelle réalité là. Et je dirais que, dans le
contexte actuel, on doit prendre la situation des médias à courte et à longue durée. Donc, à court terme, on
doit absolument prendre des mesures qui vont permettre à nos médias de
perdurer, parce que, quand une salle de nouvelles ferme ses portes, c'est très
difficile de la remettre sur pied. On a vu de nombreux médias numériques tenter
leur chance également, et c'est très difficile pour eux aussi.
Donc,
en ce sens-là, on insiste pour dire qu'il faut mettre en place, et le plus
rapidement possible, un fonds qui irait à soutenir le journalisme. Ce fonds-là, on suggère de le financer de
différentes façons. Il pourrait y avoir, par exemple, une partie des
taxes de la TVQ qu'on va chercher aujourd'hui auprès des produits numériques,
justement. Donc, pourquoi ne pas rediriger
une partie de cette taxe-là dans un fonds qui irait à soutenir la production de
contenu d'information journalistique? Une autre façon — je
sais qu'elle est moins populaire — ça pourrait être de mettre une taxe de
1 % sur l'achat d'outils électroniques
comme les téléphones, les tablettes et tout. Pourquoi? Parce que la raison
principale pour laquelle on fait ces achats-là,
c'est pour avoir accès à du contenu. Or, le contenu, il n'est pas gratuit. Et,
moi, depuis des jours, on entend les gens se renvoyer la balle : Est-ce que c'est aux annonceurs à payer?
Est-ce que c'est à la population à payer? Est-ce que c'est au
gouvernement? Est-ce qu'on doit mettre des taxes? Tout le monde dit non à
chacune de ces mesures-là, comme si l'information
devait être gratuite. Alors, malheureusement, ce n'est pas le cas. Il faut
qu'on arrête de se renvoyer la balle et que tout le monde prenne leurs responsabilités, et ce, de différentes
façons. Donc, on parlait de la publicité, on parlait peut-être aussi de revoir la taxe au recyclage, parce que ça
devient un poids qui est de plus en plus grand pour les médias de la
presse écrite, ils sont de moins en moins
nombreux à publier sur papier. Donc, ceux qui continuent à distribuer le
journal dans les foyers québécois paient de plus en plus, et c'est un
fardeau qui est très lourd.
Ensuite
de ça, on parle de revoir les exemptions fiscales sur les investissements aux
publicités des entreprises afin de favoriser
la publicité dans nos médias, parce qu'en effet les entreprises peuvent
bénéficier des mêmes déductions fiscales qu'ils annoncent sur Facebook ou qu'ils annoncent dans nos médias
québécois, alors que nos médias québécois paient leurs impôts et leurs
taxes, ce qui n'est pas le cas des géants du Web. Donc, pour bénéficier
d'exemptions, encore faut-il qu'ils participent à notre fiscalité.
Ensuite,
devant... Bon, M. Létourneau l'a
dit, le Québec a toujours été un champion pour défendre et protéger
sa souveraineté culturelle et sa souveraineté linguistique, et
c'est de ça dont il est question présentement. Et malheureusement, le fédéral, il n'y a aucun parti qui s'est
engagé de façon assez claire, aucun parti qui, à l'heure actuelle, aspire au pouvoir qui s'est
engagé de façon claire pour protéger notre spécificité culturelle
dans l'univers du numérique. Alors, le gouvernement du Québec a
un rôle à jouer en ce sens pour réclamer que le gouvernement fédéral prenne
ses responsabilités ou qu'il les cède.
Et
enfin pourquoi ne pas se servir de notre diffuseur public, Télé-Québec, pour appuyer les médias d'information de différentes façons? C'est important pour nous de
dire qu'on ne souhaite pas que Télé-Québec développe des médias ou des salles de
nouvelles dans les endroits où il y a déjà des médias.
Le Président
(M. Ciccone) : En terminant, s'il vous plaît.
Mme St-Onge
(Pascale) : C'est terminé? Parfait.
Le Président
(M. Ciccone) : En terminant.
Mme St-Onge
(Pascale) : En terminant? Donc, ce n'est pas une question d'avoir plus
de concurrence dans différentes régions, que
Télé-Québec concurrence, mais plutôt qu'il soit en support
avec l'information et peut-être
présent là où il y a des déserts médiatiques.
Le Président
(M. Ciccone) : Merci beaucoup. Je suis maintenant prêt à
reconnaître un membre de la partie gouvernementale pour une période de
15 minutes. M. le député de Beauce-Sud, la parole est à vous.
M. Poulin : Merci
beaucoup, M. le Président, que je pourrai partager avec des collègues, là, tout dépendant
si on se fait signe. Merci pour votre
mémoire extrêmement complet et très bien au niveau politique
également, lorsque vous nous parlez de rapatrier des pouvoirs. C'est fort intéressant que votre fédération
l'amène dans ce mémoire-là. Sujet très simple, conditions de
travail des journalistes au Québec, avez-vous une idée? Parce que je lisais,
dans le prochain mémoire du Syndicat des travailleurs de l'information de La Presse... Avez-vous une idée de combien gagne, en moyenne, un
journaliste au Québec,
tout dépendant, dans les régions, télés, radios, journaux? Pouvez-vous nous
dresser peut-être un portrait de la rémunération? Parce
qu'on sait que c'est important pour l'avenir de la profession.
Mme St-Onge
(Pascale) : Ça varie énormément.
Par exemple, en région, on voit, dans les régions, le salaire
est moins élevé, en général, que dans les grands centres, et c'est normal parce que
le coût de la vie est plus élevé dans les grands centres. Et également on voit une grande différence entre, par exemple, des journalistes qui travaillent à la pige, où là, on tente... il
y a
beaucoup de difficultés, disons, à joindre les deux bouts, et des
journalistes des quotidiens. Donc, je dirais, pour les hebdomadaires, ça peut varier entre 40 000 $... aux alentours de
40 000 $ à 45 000 $, 50 000 $; pour les
quotidiens, aux alentours de 65 000 $, 70 000 $.
Mais, de façon générale, là, je dirais qu'au cours des cinq à 10 dernières
années les journalistes et l'ensemble des
travailleurs des médias ont consenti jusqu'à 30 % de leurs avantages, que
ce soit en termes de salaire ou que
ce soit en termes de conditions de travail. Les employés eux-mêmes font
grandement leur part pour maintenir ces
journaux-là et ces salles de nouvelle là ouverts, et malheureusement ça ne
suffit plus, je crois qu'il faut regarder ailleurs.
M. Poulin :
Puis vous avez entièrement raison, effectivement. Puis même 40 000 $
en région, à certains endroits, vous
avez été généreux, là. Moi, j'en connais qui commencent à 12,30 $ de l'heure,
là, 12,50 $, puis, si tu fais des «remotes», donc, des reportages en direct, tu es bien
chanceux parce que ça te permet de pouvoir avoir une paie qui est plus grosse.
Donc, ça, c'est extrêmement difficile. Sans
compter qu'également les conseillers publicitaires ont énormément de pression
pour vendre des revenus, et la cote qu'ils
ont sur le 30 secondes, le 15 secondes à la radio, sur la page ou la
demi-page dans les médias a extrêmement diminué. Alors, être conseiller
publicitaire aujourd'hui, là, prendre son auto, aller sur la route, vendre de
la pub, là, c'est extrêmement difficile, puis il faut se battre, justement,
comme on l'a signifié tout à l'heure, avec d'autres joueurs.
Je veux
revenir sur votre fonds du journalisme, puis je fais un lien avec le salaire
comme tel, parce que vous nous avez
donné des exemples de comment on pourrait financer ce fonds-là sur le
journalisme, mais de quelle façon on pourrait l'attribuer? Parce que, si on dit que l'équité doit nous guider,
qu'avoir une solution durable doit nous guider, de quelle façon on peut facilement l'appliquer auprès d'un média
de presse, de dire : Vous pouvez aller chercher des sommes dans ce
fonds sur le journalisme là pour équiper votre salle de rédaction, votre salle
des nouvelles? De quelle façon on pourrait bien l'attribuer, bien le faire, selon vous, en maintenant, effectivement,
une certaine équité dans la façon dont on peut avoir une bonne
information dans la salle des nouvelles puis une bonne source d'information
également?
• (15 h 50) •
Mme St-Onge
(Pascale) : Bien, la
redistribution va toujours être un défi en soi parce que... ne serait-ce que
pour ces questions d'équité là. Puis, pour avoir participé au comité d'experts
du côté fédéral, pour le crédit d'impôt de 25 %, il y a toujours des gens ou des entreprises qui vont
être ou qui vont se sentir laissés-pour-compte. Donc, ça fait en effet
partie du défi, de bien redistribuer les
sommes, mais je crois qu'il faut d'abord et avant tout s'appuyer sur des
critères qui sont le plus objectifs
possible et peut-être regarder sur la question de la quantité de contenu
d'information originale qui est produit et, évidemment, déterminer quel type de contenu on veut soutenir. Donc,
toutes ces questions-là vont mériter d'être largement débattues, puis il va falloir y réfléchir
amplement. Mais déjà, si on peut mettre sur pied ces fonds-là puis se donner
une période de temps, par la suite,
pour la réflexion, je crois qu'on va y arriver. On y est parvenus, du côté
fédéral. Puis il y a déjà des programmes
aussi, du côté du Québec, qui ont été mis sur pied pour soutenir les
entreprises de presse, puis on réussit à établir des critères. Donc,
l'important, c'est que ce soient des mesures universelles, dont les critères
sont le plus objectif et le plus large possible.
M. Poulin : Merci beaucoup.
Le Président (M. Ciccone) : Merci
beaucoup. Je reconnais maintenant le député de Chauveau.
M. Lévesque (Chauveau) : Merci
beaucoup, M. le Président. Messieurs dames, merci beaucoup pour votre présentation très intéressante. Je voudrais vous
parler davantage du crédit d'impôt que vous proposez. Tout à l'heure, un
autre intervenant nous parlait, lui, plutôt d'un fonds, un crédit d'impôt de
35 %. Là, vous, vous proposez l'ensemble des travailleurs dans... On a entendu, un peu plus tôt, aussi que ça pouvait
être une catégorie, seulement les journalistes. Comment faites-vous pour en arriver à cette
proposition-là, premièrement, du montant, du 25 % au détriment du
35 %? Quel est votre rationnel, votre logique derrière ça?
Et est-ce que
la... bien, en sous-question également, j'aimerais en savoir davantage sur
votre perception. Est-ce que c'est
seulement des types de médias qui devraient être ciblés pour le crédit d'impôt
ou l'ensemble des médias du Québec qui devraient
être ciblés? Tout à l'heure, on nous proposait... le Pr White nous
proposait que ce soit l'ensemble des médias sans distinction, mais on sait qu'il y a certains médias, malgré tout, qui
sont assez rentables, et c'est tant mieux, souhaitons-le. Et comment on peut vraiment vous aider davantage
avec cette logique-là? J'aimerais entendre votre rationnel à ce
niveau-là.
M. Dorion (Claude) :
À cet égard, il y a un certain nombre d'éléments qui sont importants. Comme
disait Pascale, afin d'assurer le
caractère indépendant de la presse, on estime que le périmètre qui doit être
touché par ces mesures-là doit être
très bien défini, tant au niveau de la qualité et du professionnalisme du
contenu. Et, d'autre part, une fois à l'intérieur du périmètre, il faut que la mesure soit universelle,
de façon à ce qu'il n'y ait aucune espèce d'enjeu d'influence politique
sur l'attribution des sources. Ça, c'est des éléments très importants.
Nous,
on a estimé notre mesure de crédit d'impôt avec une fonction assez claire. On
regarde depuis 15 ans le déclin progressif
des revenus publicitaires, malgré que le lectorat est relativement stable,
quoiqu'avec des méthodes diversifiées d'avoir
accès aux informations provenant de nos médias écrits. Et on estime que nous avons
environ une masse salariale de 180 millions
de dollars parmi les journaux ou les éditeurs de presse écrite au Québec. Ce
n'est pas tout à fait facile d'arriver à ce chiffre-là, dans la mesure où, évidemment, tous les journaux ne sont
pas publiés uniquement par des organisations qui ne font que ça. Si on prend le groupe Québecor, par exemple, les
journaux ne sont qu'une petite partie de l'ensemble de l'organisation. Donc, on a fait cette
estimation-là à partir des données de Statistique Canada sur le profil des
éditeurs de journaux au Québec, d'une
part, et on a croisé ça avec les données provenant de 19 des principaux
journaux au Québec, à partir des
données provenant directement des cotisations syndicales, donc le réel très
précis de la réalité des journaux qui sont représentés par la CSN. C'est
en croisant ces deux éléments-là que nous sommes arrivés à une masse salariale
de 180 millions. On estime à peu près à 650 millions de dollars les
dépenses et les revenus, parce qu'on est rendus, soit globalement, à un seuil
de rentabilité extrêmement précaire pour le secteur et qui est en déclin
rapide. Depuis deux ans seulement, on a une
chute de 15 % des dépenses liées aux éditeurs de journaux. Et donc en
prenant les chiffres de Statistique Canada et imputant une tendance au
déclin progressif et la réalité des masses salariales qu'on a connues, on
arrive à 180 millions.
Pour
nous, la question d'est-ce que ça ne doit être vraiment que les journalistes
qui bénéficient d'un crédit d'impôt ou l'ensemble
de la masse salariale, l'important, c'est que la somme du pourcentage des
personnes qui sont touchées et le taux du
crédit d'impôt permet d'avoir un impact sur la réalité économique des journaux.
Alors, pour nous, on estime qu'une mesure qui va environner quelque chose comme 40 millions va avoir un
impact qui tourne alentour de 10 % du chiffre d'affaires des journaux, et on est à un niveau qui nous permet de
stabiliser la grande majorité des publications dans l'environnement
actuel. Évidemment, la situation en 2019 est
en net retrait par rapport à ce qu'on connaissait en 2005. Alors, on a perdu la
moitié de la main-d'oeuvre en 14 ans dans ce secteur. En 2022, la masse salariale va être inférieure à ce que nous observons aujourd'hui, et, si
on veut stabiliser la situation, on a besoin d'une mesure qui est à peu près de
cette ampleur-là.
Le Président (M.
Ciccone) : Merci, M. le député. Je reconnais maintenant le député de Saint-Jean.
M. Lemieux : Une courte sous-question par rapport à ce que vous venez de dire, juste pour m'assurer que j'ai bien compris, avec une courte réponse, s'il vous plaît, parce que je voudrais qu'on passe à autre chose, mais vous parlez
toujours d'écrit, là. Dans tous les chiffres que vous venez de nous donner, on
n'est que dans l'écrit.
Mme St-Onge (Pascale) : Sur la question des crédits d'impôt sur la masse salariale, pour nous, on l'a toujours
vu comme étant une mesure d'urgence qui
devait s'appliquer aujourd'hui pour les médias de la presse écrite. Cependant,
le fonds québécois pour le journalisme, peu importe la façon dont il sera
soutenu, à ce moment-là, on pourra l'ouvrir à un plus large éventail de médias d'information,
mais là on est dans l'urgence, il y a l'urgence, le moyen terme et le long
terme.
M. Lemieux : Et est-ce qu'à quelque part il n'y a pas
nécessité de s'arrimer aux règles fédérales pour ne pas que ça devienne une maison de fous, là, en termes de
crédit d'impôt sur la masse salariale? Est-ce que ce ne serait pas souhaitable
ou est-ce qu'on est tous suffisamment intelligents pour être capables de vivre
avec nos règles, nos contraintes et nos propres critères?
Mme St-Onge (Pascale) : Dans un monde idéal, je dirais qu'il faudrait
qu'on s'arrime avec le fédéral, mais en même temps le fédéral, bon, s'en va en période électorale, ce qui veut dire
que le prochain gouvernement, véritablement, ne légiférera pas et n'aidera pas à... n'arrivera pas avec de nouvelles mesures avant
2020, et, en 2020, il va y avoir d'autres médias qui vont avoir fermé leurs
portes. Donc, je pense que le gouvernement du Québec a une responsabilité
d'agir maintenant.
M. Lemieux : Mme St-Onge, vous aviez tout à fait raison au sujet du virage, tellement qu'on n'a pas fini de virer. Ça s'accélère puis, à quelque part, ça devient un
cercle vicieux, si je comprends bien l'état de la situation, là. Par contre, modèle d'affaires, ça, on ne l'a pas
encore trouvé, parce que, si ça existait, on l'aurait, hein?
Mme St-Onge
(Pascale) : Effectivement, je pense qu'il va falloir continuer
d'explorer de nouveaux modèles d'affaires. La
Presse en explore un, actuellement, avec l'OBNL. Pour Le Groupe Capitales Médias, véritablement, il va falloir qu'on trouve
une autre solution. Présentement, nous, on explore l'idée de la coopérative de
travailleurs actionnaires, qui
pourrait être jumelée avec des coopératives locales puis également
des partenariats avec le privé. Une chose est sûre, ça se renvoie toujours le même concept, c'est-à-dire qu'il faut qu'on arrête de se renvoyer la balle. L'information n'est pas gratuite. Ça prend de l'argent pour soutenir les
salles d'information puis il faudra que tout le monde mette la main à la pâte,
y compris dans notre imagination pour se projeter dans l'avenir avec des
nouveaux modèles d'affaires.
M. Lemieux : Quand j'ai dit à M. White, tout à l'heure, que, dans son bouquet, il y avait des fleurs que pas beaucoup de monde avait apportées, vous aviez aussi une
fleur Télé-Québec dans votre bouquet de recommandations, mais ce n'est
pas tout à fait comme ce que lui nous disait. Vous, vous entrevoyez quoi pour Télé-Québec?
Mme St-Onge
(Pascale) : Bien, Télé-Québec a une large expertise déjà en
termes numériques, avec La Fabrique culturelle, notamment,
avec une forte présence régionale. Donc, d'un côté, est-ce qu'on pourrait explorer la possibilité que Télé-Québec vienne en appui
avec les médias existants? Une des problématiques qu'on a avec la plupart des
médias, notamment de la presse écrite, là, mais c'est une
dichotomie entre le fait que le principe et la raison d'être
de ces organisations-là, c'est de
produire de l'information journalistique et de vendre de la publicité. Là,
on se retrouve à devenir des entreprises technologiques, il y a beaucoup d'argent qui est investi à développer
des nouvelles plateformes, et tout ça. Alors, pourquoi ne pas se servir de l'expertise de Télé-Québec, d'une
part? Et, d'autre part, de par leur ancrage dans les régions, là où il
n'y a plus d'hebdomadaire, là où il n'y a
pas de radio communautaire, où, finalement, ce sont des déserts démocratiques,
bien sûr, et médiatiques, pourquoi est-ce que Télé-Québec ne pourrait
pas jouer un rôle à cet effet-là?
M. Lemieux :
Et ma dernière question,
c'est au sujet des exemptions fiscales, parce qu'à la lecture du mémoire je fais : Bien oui, regarde donc ça, toi, parce que les entreprises
déduisent de leur rapport d'impôt les frais de publicité, et vous, vous
dites : Oui, mais on devrait s'organiser pour déduire les bonnes affaires
puis ne pas déduire ce qu'on ne voudrait pas déduire.
Mme St-Onge (Pascale) : Bien, exactement.
D'un côté, en fait, c'est que les entreprises peuvent déduire leurs dépenses publicitaires, même
quand ils annoncent sur Facebook et Google, parce qu'on prend pour acquis
que les médias, de toute façon, vont payer des impôts à la fin de l'année, et ce
qui n'est pas le cas de Facebook et Google, et pourtant c'est les entreprises
les mieux capitalisées de la planète. Alors, il y a là une contradiction
qui est insoutenable en termes de
fiscalité puis en termes de souveraineté économique. Donc, il
faut absolument revoir et adapter
nos règles fiscales, donc ceux qui paient
de l'impôt, qu'ils bénéficient des avantages. Mais sinon je
ne vois pas pourquoi on continuerait dans cette voie-là. Je ne sais pas
si, Claude, tu voulais rajouter quelque chose.
• (16 heures) •
M. Dorion
(Claude) : Bien, c'est une
question d'équité, et ce problème dépasse largement
la question de la presse écrite. Mais
toute la question de la fiscalité du commerce électronique qui passe avec des entreprises hors frontières a un impact de concurrence déloyale dans la mesure où,
lorsque les annonceurs, les entreprises achetaient de la publicité dans
les journaux québécois, ils pouvaient déduire ces dépenses de leur impôt, mais
en contrepartie les entreprises de médias, eux, étaient imposées sur ces revenus. Alors, ce qu'on essaie de... ce qu'on souhaite
proposer, c'est que, lorsque des dépenses ne sont pas intégrées dans la
fiscalité de l'entreprise qui vend le service, ça ne devrait pas être sujet à
une déduction pour l'acheteur de cette publicité.
M. Lemieux : Merci.
Le
Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup, M. le député. Je suis prêt, maintenant, à reconnaître un
membre de l'opposition officielle. Mme la députée de Saint-Laurent.
Mme Rizqy : Merci
beaucoup, M. le Président. Bonjour et bienvenue. Contente de vous retrouver,
M. Létourneau, Mme St-Onge.
Bonjour, M. Dorion. Il y a déjà maintenant plus d'un an, on s'était vus à l'UQAM avec plusieurs journalistes. Moi, je me rappelle
d'avoir vu une salle comble de... peu importe la bannière, tout le monde était
présent, parce que la seule bannière qui comptait, c'était la démocratie et de
s'assurer que le quatrième pilier de cette démocratie soit sauvé.
La maison,
elle est en péril, et, clairement, on connaît le problème, on va le nommer, ce sont
les géants du Web, les GAFAM. On peut chercher de midi à quatorze heures
de l'appui du fédéral, je peux vous garantir que le gouvernement précédent, libéral, du Québec le cherchait avec la
taxe Netflix, on ne l'a pas trouvé. Alors, moi, je vous dis tout de
suite, on n'a pas envie d'attendre après le fédéral, je pense que c'est le
temps que nous, le gouvernement du Québec, on agisse.
Je vous amène
tout de suite... On a l'occasion d'avoir avec nous un économiste.
M. Dorion, on va avoir besoin de votre
éclairage. Je me suis déjà penchée, avec le Pr Jean-Hugues Roy, sur les
revenus publicitaires de Facebook. J'ai sorti leurs chiffres de 2018. Vous savez que c'est une entreprise, là,
milliardaire. En 2006, la première entreprise la plus capitalisée à la bourse, c'était Exxon Mobil, une entreprise
pétrolière; aujourd'hui, depuis 2016, Apple, suivie d'Alphabet, qui
appartient à Google, suivie de Facebook.
Prenons juste Facebook. Facebook, dans le quartier de 2018 — c'est loin, hein, mon tableau, mais
inquiétez-vous pas, j'en ai préparé un plus beau — alors, revenus
mondiaux : 71 milliards de dollars, juste pour l'année 2018. C'est une croissance, à chaque
année, importante. Pour le Canada, mes estimations à moi, Marwah
Rizqy : 2,9 milliards. Si on a eu
le courage politique de faire ce que la France a fait, d'instaurer la taxe GAFA
de 3 %, au niveau fédéral, ça
aurait été 86 millions d'entrées d'argent dans la dernière année, puis au
niveau du Québec, 20 millions de dollars. Et là comprenez-moi bien,
c'est seulement Facebook, je n'ai pas fait Alphabet et je n'ai pas fait non
plus Twitter ni Instagram. Pensez-vous que,
justement, là, c'est la première des priorités qu'on devrait avoir? Et, oui,
là, je vous dis «première priorité», parce que je veux vraiment mettre
l'emphase, hein?
Mme St-Onge
(Pascale) : C'est la
première priorité, assurément, il va falloir restaurer l'équité. Je veux dire,
tout le monde le sait, que c'est vers ça
qu'on s'en va, c'est inévitable. Il va falloir y arriver à un moment donné. Je
dirais, par contre, mon seul bémol, c'est que c'est peut-être des
mesures qui vont être un petit peu plus lentes et longues à implanter, et, par
conséquent, en attendant, il va falloir quand même amener des mesures
d'urgence, là, pour nos médias.
Mme Rizqy :
Absolument, puis je tiens à vous rassurer, puis je vais remettre mon petit
chapeau de fiscaliste, parce que cet
argument-là, je l'ai tellement entendu souvent des lobbyistes de ces grandes
entreprises : C'est tellement long, faire bouger les choses, mais, je vous dis, la France,
lorsqu'ils ont décidé d'y aller, ils ont dit : Mais nous, on n'attendra
pas après l'OCDE, on n'attendra pas
après 100 autres pays. Au Québec, on a été capables de le faire avec le dossier
Netflix, on est capables aussi de le
faire en matière d'impôt. Nous sommes souverains, nous détenons notre propre
loi de l'impôt et, en plus, nous sommes autonomes, avec Revenu Québec,
on n'a pas besoin d'attendre. Alors, là-dessus, si vous nous faites confiance puis que le gouvernement entend agir
rapidement, ma collègue et moi, on croit sincèrement que c'est une
avenue qui doit être considérée en marge de nos travaux ici, que ça doit être
instauré assez rapidement.
Je continue.
Jean-Hugues Roy et moi, on s'est parlé énormément sur le contenu, parce
qu'effectivement on sait que c'est
important, que l'information voyage et qu'effectivement il y a un impact
lorsqu'un article de presse est sur Facebook, il est plus vu. Mais toutefois, en matière de redevances, du propre aveu
de M. Zuckerberg, qui est à la tête de Facebook, il sait très bien que, là-dessus, il ne remet
absolument rien à ceux qui sont les créateurs de contenu. Pensez-vous qu'en
plus d'une taxe GAFA, dans un deuxième
temps, on pourrait aller de l'avant avec une demande de redevances pour le
contenu préparé et créé par nos journalistes d'ici?
Mme St-Onge
(Pascale) : Tout à fait.
Quand on parlait du fonds québécois pour le journalisme, il pourrait
très bien être financé à partir d'une
redevance qu'on percevrait aux GAFA,
qui, dans le fond, bénéficient des contenus. En fait, il faut toujours se baser sur un principe, qui est... en tout cas, qui devrait être celui que ceux qui bénéficient de la
production de nos contenus, ils participent
à leur financement. Il y a des problèmes du côté du droit d'auteur, il y a
des problèmes du côté de participer
au fonctionnement, aussi, télévisuel et cinématographique canadien
par le fonds canadien des médias mais aussi par toute la réglementation
du CRTC. Donc, effectivement, quand je disais que le... les gouvernements, pas seulement
le gouvernement du Québec, mais, quand je dis que les gouvernements doivent faire le virage numérique, ça veut dire tout ça.
Mme Rizqy : Merci beaucoup,
Mme St-Onge. Je vais passer la suite de la parole à ma collègue.
Le Président (M. Ciccone) : Merci
beaucoup, Mme la députée. Je reconnais maintenant la députée de Verdun.
Mme Melançon : Merci. Bien, vous venez de parler du Fonds des
médias, par exemple, on le sait, là, ces fonds-là sont en
train de fondre comme neige au soleil. C'est pourquoi, il y a un certain bout
de temps — moi,
je veux être en proposition, je veux être très constructive — j'ai
parlé, justement, d'un fonds dédié, ne serait-ce qu'avec l'argent
de Netflix, qui est nouvellement...
qui entre, là, dans les coffres du gouvernement
du Québec depuis le 1er janvier
dernier. Je pense qu'on doit pouvoir
investir, justement, dans les contenus québécois. Je le disais un
peu, tout à l'heure, en introduction, on a vécu ça aussi avec la musique, la problématique de la musique, hein, avec... Les gens ne voyaient plus... ils pensaient
que c'était la gratuité, puis on
pouvait utiliser et télécharger de façon illégale la musique. Bien, on a encore
cette problématique-là. Cette fois-ci, c'est avec les médias et c'est là où on doit complètement revoir nos modèles d'affaires mais aussi les modèles de gestion. Et souvent ça va tellement
vite, actuellement, que le législatif ne suit pas. Et ça, c'est vraiment
une critique que je nous fais à
toutes et à tous, parce qu'il faut appuyer sur l'accélérateur, législativement
parlant, parce qu'on n'y arrivera jamais, on ne va jamais retrouver le
rythme.
Vous parliez de souveraineté culturelle. Ce
matin, j'ai eu la chance de rencontrer les médias ici, à l'Assemblée nationale,
on en a parlé. Il est vrai que, s'il
y a des... si le gouvernement fédéral décide de laisser sur la table un pan complet, et c'est celui de
la culture, actuellement, dont il est question, et où on est en train de parler
de notre identité à nous, comme Québécois,
comme Québécoises, bien, il faut aller chercher ce pan-là, il faut
appliquer ici, au Québec, comme on l'a fait pour Netflix, comme le
disait ma collègue députée de Saint-Laurent.
Je voulais
venir rapidement sur deux choses. La bonne recette, lorsque l'on
parle du pourcentage dans l'exemplarité de l'État, est-ce que c'est 80 %-20 %, est-ce que c'est
70 %-20 %? Le gouvernement,
là, du Québec, lorsqu'il investit
à l'intérieur des médias régionaux, locaux, la publicité gouvernementale, parce qu'on ne peut pas faire fi complètement, on l'a
dit, là, on est quand même en 2019, est-ce que vous avez mesuré où est-ce que
ça devrait commencer, où est-ce que ça devrait finir?
Mme St-Onge
(Pascale) : Bien, on n'a pas
de pourcentage à vous proposer. Le plus haut pourcentage sera le mieux pour les médias, parce qu'avant c'était 100 %
de la publicité gouvernementale qui était dans les médias québécois, et maintenant
elle se retrouve... pour le gouvernement
du Québec, là, les chiffres qu'on a
ici, c'est qu'elle a augmenté de 120 %, donc, alors le plus haut pourcentage sera le mieux. Et je dirais qu'on va peut-être
devenir moins choqués de voir la part de publicités gouvernementales et autres, là, qui va vers les GAFA la journée
où les GAFA participeront à notre système, donc... Puis
on n'est pas antitechnologie, là, je pense que c'est important
de le dire, on profite tous de ces réseaux sociaux là. Le problème, il n'est pas là. Le problème, c'est de
faire participer ces géants-là, qui se posent à l'extérieur d'un système, et de les faire entrer dans le système pour qu'ils en fassent partie et qu'ils
participent à la même hauteur que tous les autres citoyens corporatifs
du Québec et du Canada.
• (16 h 10) •
Mme Melançon : C'est intéressant que vous puissiez le dire, parce que moi, j'ai
participé au mouvement qui a été mis
sur place par la Fédération professionnelle des journalistes du Québec,
alors, Sauvons l'information régionale, J'appuie mon journal, et je l'ai fait sur les médias sociaux, c'était
gratuit, je n'ai pas mis d'argent en publicité là-dessus, il y a eu beaucoup,
beaucoup de partage de cette information-là. Il faut vivre quand même en 2019, donc, ça, je pense que, pour tout
le monde, c'est clair, puis il fallait faire le point. Cependant,
je veux me pencher sur une chose. Il
y a urgence d'agir, ça fait
des mois que l'on parlait de la situation
d'un groupe, du Groupe Capitales Médias. Certains semblent l'avoir ignorée,
mais, bref, on est arrivés avec une aide d'urgence de 5 millions il
y a deux semaines de cela.
Quand on parle d'urgence et quand on
dit : On peut mettre des choses en place, mais ça va être long, moi, ce
qui m'inquiète dans tout ça, c'est d'arriver à savoir, dans votre 25 % pour le
crédit d'impôt, qui va être inclus, qui ne le sera pas. Je sens qu'on va avoir une certaine petite
bataille entre nous, à l'interne, qui devra être faite. Est-ce que, vous, de
votre côté, c'est très clair, c'est
pour les journalistes reconnus ou les journalistes... pas indépendants, mais...
Est-ce que vous avez défini comment...
à qui on s'adresse exactement? Pour la salle de presse, là, est-ce qu'un
chroniqueur, pour vous, c'est un journaliste? Est-ce qu'il fait partie
de la... C'est ça, ma question, dans le fond, je veux vous entendre là-dessus.
Le Président (M.
Ciccone) : En 20 secondes, s'il vous plaît.
Mme St-Onge
(Pascale) : C'est très large, hein, parce qu'en fait ce ne sont pas
tous les chroniqueurs qui sont journalistes,
par contre plusieurs journalistes sont chroniqueurs. Je crois que tout est dans
le travail et dans la façon de le faire.
Cependant, à mon avis, quand on parle d'une mesure fiscale comme le crédit
d'impôt de 25 %, on ne peut pas commencer à y aller sur uniquement
des critères qualitatifs, au contraire, ce serait une erreur, et...
Le Président (M.
Ciccone) : En terminant, s'il vous plaît.
Mme St-Onge
(Pascale) : ... — oui — de
dire 25 % sur l'ensemble de la masse salariale, ça règle un peu cette
problématique-là aussi.
Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup. Je reconnais maintenant la
députée de Taschereau pour une durée de 2 min 30 s.
Mme Dorion :
Merci, M. le Président. Pour 2 min 30 s? On parle beaucoup de
l'action des GAFAM, de ce que ça a
créé comme révolution et comme pertes au Québec, mais j'aimerais vous entendre
sur les grands groupes de presse, sur la
concentration de la presse qui a eu lieu, dans les dernières décennies, de
façon assez radicale. Et par rapport, notamment, au sauvetage de Capitales Médias, on vous a entendu parler de
coopérative de travailleurs. Dans ce contexte-là, là, après les décennies de concentration de la presse, pourriez-vous
m'expliquer en quoi le modèle de coop pourra être un avantage par rapport à un rachat par un grand groupe de presse
des journaux de Capitales Médias qui sont en difficulté en ce moment?
Mme St-Onge (Pascale) : Bien, premièrement, je pense qu'au cours des 10
ou 15 dernières années on a assisté, effectivement, à un phénomène de concentration et de convergence.
Maintenant, on assiste à un phénomène de désinvestissement de l'entreprise privée dans les entreprises de presse
parce qu'il n'y a plus autant d'argent à faire que par le passé. Par
conséquent, à ce moment-là, un modèle qui serait basé sur la coopération et
également un partenariat avec l'entreprise privée peut devenir un modèle qui
est équilibré puis adapté à notre époque, donc je pense que c'est une alternative qu'il faut absolument explorer. Puis
on voit, de toute façon, avec la situation du Groupe Capitales Médias,
les communautés locales qui se lèvent et qui veulent participer à la relance,
donc pourquoi ne pas trouver une façon de les impliquer? Je pense que le moment
est bien choisi.
Mme Dorion :
Est-ce que ça pourrait avoir un impact positif sur la qualité de l'information,
sur la façon dont... J'ai entendu
beaucoup de journalistes parler de la dictature du profit. Dans leurs mots,
c'est la dictature du clic, c'est-à-dire il faut absolument vendre de la
publicité. Est-ce que, dans ce sens-là, ça pourrait avoir un impact positif si
c'était une coopérative?
Mme St-Onge (Pascale) : Bien, oui, définitivement. Mais ce qu'il faut savoir,
c'est que, dans l'univers des médias, quand
on fait du journalisme, il y a toutes sortes de pressions auxquelles on doit
faire face, et les syndicats, notamment, servent de pare-feu pour les journalistes, par le biais des conventions
collectives, des clauses professionnelles, pour que, justement, les journalistes puissent travailler en toute
indépendance. Cependant, on ne se le cachera pas, les difficultés financières
des médias, récemment, ont mis à mal cette
indépendance-là, et c'est pourquoi il faut assurer la santé économique de nos
médias pour protéger cette indépendance, et la liberté de presse, et également
la diversité et la pluralité des lois.
Mme Dorion :
Merci.
Le Président (M.
Ciccone) : Il vous reste 20 secondes, c'est beau?
Mme Dorion :
Bien... Ah! il me reste 20 secondes? Qu'est-ce qu'on peut dire en
20 secondes?
Des voix :
Ha, ha, ha!
Mme Dorion :
Ah! je n'aurai pas le temps.
Le Président (M.
Ciccone) : Bien, merci beaucoup.
Mme St-Onge (Pascale) :
Bien, Claude, est-ce que tu voulais ajouter quelque chose pour
20 secondes?
Mme Dorion : Bien, voulez-vous
ajouter quelque chose? Il vous reste 15 secondes.
M. Dorion
(Claude) : Oui, je peux occuper 20 secondes facilement.
Le Président (M. Ciccone) : On est
rendus à 10.
M. Dorion
(Claude) : Le modèle coopératif est un modèle qui est largement
utilisé au Québec dans toutes sortes de
secteurs. Notre vision est que, pendant 200 ans, il y avait une
convergence entre une utilité sociale, qui était de donner de
l'information à la population, et une capacité de vendre ce service-là à
travers la publicité qui était acquise par les entreprises, donc il y avait une
entreprise privée rentable qui donnait un service essentiel à la population.
Le Président (M. Ciccone) : En
terminant, s'il vous plaît.
M. Dorion
(Claude) : Aujourd'hui, on est de moins en moins là-dedans, et le
modèle coopératif peut nous amener à regrouper et les travailleurs, qui,
évidemment, sont particulièrement impliqués et qui sont...
Le
Président (M. Ciccone) :
Merci. Merci. Je dois vous arrêter, on est rendus à 40 secondes de plus.
Merci beaucoup.
M. Dorion (Claude) : ...et les
annonceurs et les lecteurs.
Le Président (M. Ciccone) : Merci
beaucoup. Je reconnais maintenant le député de Rimouski.
M. LeBel :
Bonjour. Taxer les GAFAM, tu sais, on taponne encore avec le fédéral, puis on
met à risque l'info, la démocratie,
la culture québécoise, puis on taponne avec le fédéral. Moi, je ne crois pas
qu'on pourrait réussir à rapatrier du fédéral
le pouvoir de taxer ces affaires-là. Moi, je pense qu'il y a une solution,
c'est l'indépendance, mais ce n'est pas le sujet de la commission.
Je voulais
parler de Télé-Québec. Télé-Québec, ce que vous proposez là, c'est bien
intéressant. J'aimerais ça mieux comprendre, par exemple, la... Vous
dites : Il faudrait aller dans les régions où est-ce qu'il n'y a pas de
quotidiens ou d'hebdomadaires. Il n'en reste
plus bien, bien, de ces régions-là, il y a souvent un hebdomadaire ou un
quotidien. Mais j'aimais l'autre
formule que vous avez, c'est-à-dire mettre en place des mutuelles de services.
J'aimerais ça que vous m'expliquiez qu'est-ce que ça pourrait être,
parce qu'il y a quelque chose, peut-être, à faire avec ça, c'est certain.
Mme St-Onge
(Pascale) : Bien, premièrement, il y a quand même une centaine
d'hebdomadaires qui ont fermé leurs portes
au cours des dernières années, et il y a malheureusement des endroits où il n'y
a plus de journalistes qui couvrent les mairies, les assemblées publiques, etc. Donc, oui, malheureusement, on
voit qu'il y a de plus en plus de déserts médiatiques au Québec.
Maintenant,
comme je le disais, normalement, les entreprises de presse, et ça a toujours
été le cas, se sont concentrées sur
faire du journalisme et également vendre de la publicité. Or, aujourd'hui, on
leur demande aussi d'être des champions de la technologie. Ce n'est peut-être pas naturel pour eux, puis peut-être
que, non plus, ils ne devraient pas investir tant d'argent là-dedans. Est-ce que c'est possible, à ce
moment-là, que Télé-Québec, qui possède déjà une expertise, en leur donnant
les moyens... puis ça, c'est très important,
parce que Télé-Québec, on le sait, a eu quand même une stagnation de son
budget de fonctionnement depuis les années 90, donc on ne dit pas que,
présentement, ils sont à même de le faire avec leur budget existant, il faut leur allouer les moyens, mais
est-ce qu'ils peuvent devenir un soutien pour les autres entreprises de
presse puis être un vecteur de diffusion?
Ils le font avec La Fabrique culturelle. Donc, l'idée, ce n'est pas de
déshabiller Jacques pour habiller
Paul, je ne sais pas si c'est ça, la bonne expression, mais donc ce n'est pas
de rajouter un fardeau à Télé-Québec, à l'heure actuelle, mais on peut
faire le choix de le faire tout en leur donnant les moyens d'être un soutien.
M. LeBel : Puis est-ce qu'il
pourrait y avoir un lien aussi avec les médias communautaires? Télé-Québec
et...
Mme St-Onge
(Pascale) : Bien, pourquoi
pas? Je pense que toutes les avenues sont bonnes, puis est-ce qu'il
faut... prendre conscience aussi, c'est que
ce n'est pas une seule mesure qui va réussir à sauver l'ensemble de
l'industrie. Il faut vraiment se
mettre à réfléchir en termes aussi de longévité. Et pourquoi ne pas aider aussi
les communautaires par le biais de Télé-Québec?
Le
Président (M. Ciccone) :
Merci, M. le député, je suis vraiment désolé. Je reconnais maintenant la
députée de Marie-Victorin pour une période de deux minutes.
Mme Fournier :
Merci à vous trois pour la présentation. Moi, je vais tout de suite faire du
pouce sur les propos de la collègue
de Taschereau. Mme St-Onge, j'aimerais vous entendre. Vous avez parlé,
donc, de la pression dans le contexte de difficultés budgétaires pour
produire peut-être un certain contenu dans le contexte de la nécessité d'avoir
des clics, par exemple, sur le Web. Est-ce que c'est quelque chose que vous
entendez dans la réalité du terrain chez les journalistes que vous représentez?
Mme St-Onge
(Pascale) : Bien, on parle
de la dictature du clic. Ce n'est jamais fait de cette façon-là aussi
claire, mais je dirais qu'il y a beaucoup d'incitatifs et de valorisation
d'articles et de publications qui vont chercher le plus d'attention du public, puis ce n'est pas toujours des contenus qui ont
la plus grande valeur, disons, pour l'ensemble de la société, là. Je dirais qu'il n'y a jamais, en tout
cas, à ma connaissance, de pression aussi directe, de dire : Couvre tel
sujet de cette façon-là parce que ça va
aller chercher plus de clics. Par contre, on valorise beaucoup, évidemment, les
contenus qui attirent le lectorat.
Puis c'est compréhensible dans la situation économique des médias,
actuellement, on veut aller chercher des revenus publicitaires, puis
pour ça, ça prend du lectorat.
Mme Fournier :
Merci. Ma deuxième question concerne, évidemment, la taxation. On sait, bon, le
gouvernement du Québec aura beau taxer les
GAFA de ce monde, ça va rester de la concurrence déloyale tant et aussi
longtemps que le gouvernement fédéral
ne fera pas non plus la même chose. Cela dit, moi aussi, comme le collègue de
Rimouski, je pense que l'indépendance
du Québec, c'est une belle solution, mais le Québec peut, dans la situation
actuelle, occuper ce champ fiscal. Et j'ai d'ailleurs déposé une motion,
en juin dernier, qui demandait au gouvernement de prendre ses responsabilités
et d'occuper le champ fiscal laissé
visiblement vacant par le gouvernement fédéral. Est-ce que vous considérez que
ça pourrait être également une solution?
Le Président (M. Ciccone) :
Rapidement, s'il vous plaît.
Mme St-Onge
(Pascale) : Oui, bien, tout
à fait. Je pense que, de toute façon, c'est un concept qui est de plus
en plus admis dans la population générale
aussi. Alors, le gouvernement du Québec a tout à fait la légitimité d'être le
porte-étendard de ce discours-là et de le
porter haut et fort du côté d'Ottawa. Il y a un consensus qui commence à
émerger autour de ces questions-là,
puis on s'aperçoit que c'est impossible, de toute façon, d'avoir un secteur qui
est équilibré économiquement, à
l'heure actuelle. Donc, il faut absolument prendre les mesures qu'il faut pour
donner les moyens à nos médias de continuer d'exister puis de remplir le
service à la population.
Le
Président (M. Ciccone) : Je
vous remercie grandement, à vous trois, pour votre contribution à cette
commission.
Je vais suspendre les travaux quelques instants
afin de permettre aux représentants du Syndicat des travailleurs de l'information
de La Presse de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 20)
(Reprise à 16 h 23)
Le Président (M. Ciccone) : Silence,
s'il vous plaît! Nous reprenons maintenant nos travaux.
Je souhaite
la bienvenue aux représentants du Syndicat des travailleurs de l'information de La Presse. Je vous rappelle que vous
disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la
période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter ainsi que les personnes
qui vous accompagnent et à procéder à votre exposé. Vous avez la parole.
Syndicat des travailleurs de l'information de La Presse
(STIP)
Mme Ballivy (Violaine) : M. le
Président, Mmes et MM. les parlementaires, bonjour. Je suis Violaine Ballivy, journaliste à La Presse et présidente par intérim du Syndicat des travailleurs
de l'information de La Presse. Je suis accompagnée aujourd'hui de Laura-Julie Perreault, journaliste à l'international, autrice du
mémoire qui vous a été déposé, cofondatrice du Fonds québécois en
journalisme international et présidente sortante du Syndicat des travailleurs
de l'information de La Presse. Il y a aussi Louis-Samuel Perron, qui est trésorier du
STIP et journaliste aux affaires judiciaires, et Janie Gosselin, secrétaire du
STIP et journaliste aux actualités générales. Je cède tout de suite la parole à Laura-Julie Perreault.
Mme Perreault
(Laura-Julie) : Bonjour, et
merci de nous donner l'occasion de vous parler aujourd'hui. Premièrement, nous tenons à saluer ceux qui
ont témoigné avant nous et qui ont commencé à brosser le portrait de notre industrie,
qui est dans un moment difficile. Et on veut
particulièrement commencer tout ça en saluant nos collègues du
Groupe Capitales Médias, on est de
tout coeur avec eux. D'ailleurs, Violaine et moi avons toutes les deux travaillé
au Soleil avant de travailler à La Presse.
Donc, on les salue. Ils sont ici, donc on leur dit bonjour.
Nous sommes
atterrés de ce qui leur arrive, c'est très difficile à vivre, je pense, pour
tous les journalistes au Québec. Mais
on ne peut pas dire qu'on est surpris, ça fait 10 ans que la presse écrite est
au bord du précipice. Et c'est intéressant de voir que maintenant on est tous là, ici, assis pour trouver une
manière d'agir et trouver des solutions. C'est vrai pour les médias régionaux, mais c'est tout aussi vrai pour
les médias nationaux. Et aujourd'hui, c'est de ces médias nationaux dont on veut
vous parler. On pense qu'on est dans une situation privilégiée pour le faire.
Le STIP
représente 200 journalistes et artisans de la salle de rédaction. C'est la plus
grande salle de nouvelles au Québec. Les grandes salles de rédaction comme celle de La Presse jouent un rôle vraiment unique et crucial au
sein de la société québécoise. Depuis 135 ans, les artisans de La Presse ont couvert tous les grands événements
qui ont façonné Montréal mais aussi
le Québec, le Canada et le monde. Et en plus de couvrir les événements,
les journalistes de La Presse et des grandes salles de
rédaction ont aussi un impact sur ce qui se passe au Québec.
Les enquêtes, les reportages, les grands dossiers
produits par les grandes salles de rédaction
sont, depuis 135 ans, à l'origine de commissions d'enquête, de projets
de loi, de politiques gouvernementales et peuvent faire et défaire des carrières publiques, politiques.
Sans le travail des journalistes d'enquête, il n'y aurait pas eu de commission Charbonneau. Aussi, le mouvement #moiaussi
n'aurait jamais eu la résonnance qu'il a eue sans le travail de
journalistes consciencieux qui ont permis à des victimes de témoigner. Les
grandes salles de nouvelles animent aussi
les débats nationaux, et tous les jours on voit donc ces questions
qui atterrissent devant vous à l'Assemblée
nationale.
Peut-on seulement
s'imaginer une campagne électorale sans journalistes professionnels? Peut-on seulement imaginer si les seules sources de
nouvelles étaient les communiqués de presse des partis politiques, des
multinationales et les communications préparées par des blogueurs dans leur sous-sol? Malheureusement, c'est ce qui nous guette collectivement si on ne met pas en place des mesures pour aider nos médias d'information régionaux et nationaux à garder la tête hors de l'eau. Le public est plus que conscient de l'importance
des médias. La Presse, notre média, n'a jamais eu autant de lecteurs de son histoire, et c'est vrai de tous les médias,
au Québec, professionnels et des médias au Canada.
Ce n'est quand même pas rien, et c'est la bonne nouvelle. À l'ère de la
montée des populismes, de la désinformation qui se répand comme une
traînée de poudre, les citoyens se tournent de plus en plus vers les
journalistes professionnels pour avoir l'heure juste.
La crise des
médias n'en est pas une, donc, d'utilité ou de popularité des médias, c'en est vraiment
une de revenus, et tous ceux qui sont
venus avant nous vous l'ont dit, des revenus qui échappent à ceux qui trouvent,
rédigent et dictent les contenus
journalistiques, des revenus qui ont migré vers les courroies de transmission,
qui font de l'argent en distribuant le contenu
journalistique produit par des journalistes sans y investir un sou. Nous sommes
convaincus que, plus que jamais, l'information produite par les membres de notre syndicat tout comme par les autres
grandes salles de rédaction est un bien public essentiel qu'il faut
protéger et rendre accessible au plus grand nombre possible.
• (16 h 30) •
Mme Gosselin
(Janie) : Merci,
Laura-Julie. Dès les premiers signes de la crise, La Presse et ses artisans ne sont pas restés les
bras croisés. En 2009, on voyait déjà une baisse des revenus à cause de la
crise économique aux États-Unis. La Presse a arrêté de produire son numéro du dimanche et a rétréci un petit peu son format pour économiser du papier. Les syndiqués ont accepté
une augmentation de leurs heures de travail sans compensation financière. À
l'époque, toutes les concessions salariales des syndiqués de La Presse
ont atteint plusieurs millions de dollars d'économies par année.
La Presse a décidé de faire un virage numérique audacieux
en passant sur la tablette en 2013 pour réduire les coûts d'impression et de distribution. Les syndicats ont
soutenu cette décision. Ça n'a pas été suffisant, malheureusement, et les employés ont accepté
d'autres compromis. On a vécu plusieurs vagues de licenciements, de départs volontaires,
de départs anticipés à la retraite
durant les 10 dernières années. Malgré tout, on continue à produire un contenu important
dans tous les sens du terme. Pour les employés, c'est un miracle
quotidien, et la pression est grande. Ce n'est pas toujours sans conséquence pour la santé des travailleurs, qui se donnent à fond, conscients de leurs responsabilités envers la population et passionnés par l'information.
L'an dernier,
La Presse s'est restructurée et est maintenant détenue par une fiducie d'utilité sociale. Notre
syndicat a soutenu cette transformation. Lors de notre dernière négociation, terminée en décembre 2018, on a accepté la
réduction de près de 1 million
annuellement dans nos conditions de travail, notamment avec la modification de
notre régime de retraite. En 12 ans, le
salaire horaire des journalistes et des photographes a augmenté de 0,1 %
seulement. Pendant ce temps-là, l'IPC augmentait de plus de 22 %.
Malgré tout,
les employés de La Presse s'adaptent aux changements. Les journalistes
continuent de produire environ 500
articles par semaine en moyenne. On a une importante équipe de photographes,
même si elle a diminué au cours des dernières
années, qui s'assure d'immortaliser la nouvelle. On a aussi une équipe de
production durement touchée également, depuis
quelques années, par les départs et les coupes. Ce sont des journalistes dans
différentes fonctions, qui travaillent à communiquer la nouvelle de façon visuelle, à réviser et à éditer les
textes, à vérifier les faits. Ça nous semble important pour la qualité du français et de l'information au Québec de ne pas sous-traiter cette partie du travail à
l'extérieur, comme ça se fait dans certains quotidiens du Canada anglais
puis des États-Unis.
Selon nous,
tous nos syndiqués devraient être inclus dans d'éventuels crédits d'impôt, peu importe leur tâche pour participer à transmettre l'information — ce qui inclut les nouvelles, les sujets
d'intérêt, et les sujets plus socioculturels, et les textes d'opinion — pour participer aux débats de société. Le
problème n'est pas un manque de pertinence des journaux ou d'intérêt des lecteurs. Les différentes
plateformes de La Presse sont un succès grâce auquel on joint environ
63 % de la population adulte
francophone au Québec. En moyenne, plus d'un quart de million de personnes téléchargent
La Presse+ chaque jour, c'est énorme.
L'avenir des médias est une question importante.
En presse écrite, par contre, si on veut avoir un avenir, c'est maintenant qu'il faut agir. C'est important pour
les travailleurs et leurs familles, mais surtout pour la démocratie
québécoise. Notre syndicat privilégie la piste des crédits d'impôt sur la masse
salariale — quand
on dit ça, on parle de nos salaires véritables — puis un retour des annonces publicitaires
gouvernementales dans les journaux. On appuie les solutions qui ont été
présentées par la FNC, juste avant nous. Je cède la parole à mon collègue
Louis-Samuel Perron.
M. Perron
(Louis-Samuel) : Merci,
Janie. L'indépendance des médias est d'une importance cruciale. Sans
cette indépendance, c'est impossible de
faire notre travail de chien de garde de la démocratie, c'est impossible de
critiquer les élus et les décideurs,
donc c'est impossible de rester crédibles auprès du public. On le dit et on va
le répéter aujourd'hui, notre indépendance est primordiale.
Maintenant,
est-ce qu'une aide publique pour les médias mettrait nécessairement en péril
notre indépendance? Selon nous, ces
craintes sont peu fondées. On pense qu'une aide publique ne va acheter notre
intégrité, peu importe le montant. Un
programme universel et permanent de crédits d'impôt sur la masse salariale
pourrait facilement être mis en place, selon nous, tout en conservant l'indépendance des salles de presse. Regardez
en France et dans le reste de l'Europe, c'est mis en place, on subventionne la presse écrite sans
aucune intervention politique, c'est un service public, tout simplement. Ici
même, au Québec, il y a des dizaines de
journalistes, à Radio-Canada, qui sont payés par une société d'État, par nos
taxes, eh bien, il n'y a personne qui
peut sérieusement les accuser d'être à la solde des élus, donc ça se fait. Évidemment, il faut des balises très claires. Les élus ne doivent avoir aucun
droit de regard sur le contenu journalistique des salles de presse. Ça doit
être très clair et aussi extrêmement clair dans la population, qu'il n'y a
aucune interférence politique dans notre contenu.
Le Président (M. Ciccone) : En
terminant, s'il vous plaît.
M. Perron (Louis-Samuel) :
Comme syndicat, on croit que, pour maintenir aussi notre indépendance, il faut
maintenir nos conditions de travail. Merci.
Le
Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup. Je vous remercie beaucoup pour votre exposé. Je suis maintenant prêt
à entendre un membre de la partie gouvernementale, le député de Beauce-Sud.
M. Poulin : Merci
beaucoup, M. le Président. Je tiens à vous saluer, chacun et chacune d'entre vous. Très
content de vous retrouver, dans certains
cas, également. Très content d'entendre parler de La Presse
à nouveau et de voir que, somme toute,
ça se passe bien, quand on parle surtout du lectorat. Je me souviens, il y a à peu près
deux ans, lors du projet de
loi qui concernait la transformation en OBNL, à quel point c'était important et à quel point on a réussi à
traverser tout ça. Mais ma première question
va être très, très simple : Comment ça va, à La Presse, au moment où on se parle? Puis comment vous voyez la prochaine
année?
Mme Perreault
(Laura-Julie) : Comment ça
va, à La Presse? Premièrement, comme syndicat, après quatre ans de négociations, on a une convention
collective qui nous amène jusqu'en
2021, où on a fait des concessions importantes mais qui faisaient partie, donc, d'un plan beaucoup
plus global de l'entreprise, et on va
laisser nos patrons vous répondre plus en profondeur quand ils vont
venir vous voir mercredi.
M. Poulin : Si je peux me permettre une relance : En
attendant les patrons, comment ça va? Quel est le feeling dans la salle des nouvelles, avec les conseillers publicitaires, la collaboration avec La Presse canadienne, et tout ça?
Donc, est-ce que cette transformation-là en OBNL, pour vous, elle est salutaire et elle vous permet d'avoir
un optimisme beaucoup plus
grand, surtout en vue de l'année prochaine?
Mme Perreault
(Laura-Julie) : Mais, si je
peux... j'allais compléter ma réponse. Jusqu'à maintenant, ce que nous, on voit, comme journalistes, c'est qu'on est capables de faire notre
travail, qu'on continue à couvrir tous les sujets d'intérêt public et que l'entreprise a un plan auquel
nous, on souscrit pour amener des nouveaux revenus aussi à La Presse. Ça inclut notamment des dons de nos
lecteurs, et ça, ça fonctionne bien. Il
y a aussi une fondation qui a été
mise sur pied et qui va bientôt parler de ses résultats. Il y a
aussi, en plus de ça, des nouvelles mesures qui ont été prises pour la
publicité, pour rendre tout ça
plus... Donc, ça nous a été présenté, comme employés, il y a un
plan, justement, pour diversifier les revenus. Et on pense
aussi que l'aide gouvernementale est absolument cruciale dans les prochaines
années.
Mais, pour ce
qui est de comment ça se passe dans la salle de rédaction, oui, on a beaucoup
de travail, oui, on est moins pour le
faire qu'on l'était avant, mais par contre, quand on regarde les résultats, les
grandes enquêtes qui sont produites par
La Presse, les reportages qu'on fait toujours, on voit qu'on est capables de maintenir le cap
sur la qualité de journalisme qu'on fait.
M. Poulin : Vous m'avez
dit : C'est assez important, l'aide va être cruciale dans les prochaines
années.
Mme Perreault
(Laura-Julie) : Bien, c'est
ce qu'on pense, oui, puis je pense que c'est ce qu'on dit depuis des
années, et on continue de le dire, et nos patrons, ils vont pas mal dans le même
sens que nous.
M. Poulin : Parfait. Vous nous parlez, bien entendu, parce
que vous êtes le syndicat... donc, j'aimerais reparler des conditions de travail des journalistes, parce qu'on sait que c'est important
si on souhaite attirer des gens dans la profession journalistique. On aura les gens d'ATM, un peu
plus tard cette semaine, qui a formé de nombreux journalistes à travers
le Québec. Vous avez également, à La Presse, pondu des reportages d'enquête exceptionnels, au cours des dernières
semaines, des derniers mois, qui ont
nécessité énormément de travail, et on le ressent à la lecture de
chacune des phrases lorsque... ce reportage
d'enquête là, donc, toutes mes félicitations, et vous pouvez en être très
fiers, donc transmettez-les à vos collègues. Puis je sais qu'on ne le fait pas toujours avec les moyens les
plus faciles non plus. Souvent, on le fait simplement avec un cellulaire
puis un bon carnet de contacts, ça nous aide à bâtir un bon reportage
d'enquête.
Et puis juste
pour faire du pouce sur ce que M. Perron disait, l'indépendance des médias, je pense que tout élu qui se retrouve ici, autour de
cette table, reconnaît l'indépendance importante des journalistes. Et jamais,
dans aucun cas, il n'y aura l'implication des élus et il y aura l'implication
du politique dans la rédaction d'un article et/ou encore dans le positionnement d'un article, parce que la
rédaction, c'est une chose, mais le positionnement, la photo, le titre, c'est
aussi une totale indépendance des journalistes, et je pense qu'on
en est tous, autour de cette table, et on le réitérera, si vous voulez
bien, chers collègues, dans le rapport que nous aurons à émettre sur cette
importante indépendance.
Vous nous
dites, par exemple : «Petit aparté. Aujourd'hui, les journalistes sont
loin d'être les bébés gâtés que certains laissent entendre. À ses débuts, un journaliste reçoit un salaire de
50 000 $. Après 10 ans de carrière, ce salaire atteint 88 000 $,
la cime de l'échelon salarial. Ces salaires
sont comparables à ceux des enseignants du secondaire au Québec. Par
ailleurs, à titre indicatif, le salaire
[honoraire] des journalistes et photographes de La Presse,
représentés par [votre syndicat], a augmenté de 0,1 % entre 2017 et
2019», vous nous l'avez bien exprimé.
Est-ce que ça devient, un, difficile
de recruter des journalistes pour faire ces reportages d'enquête là qui sont
si importants, si majeurs? Et, deuxièmement,
comment vous faites, au quotidien, pour avoir cette relation-là avec les
agences de presse également? Parce que c'est
toujours : Toi, tu écris sur quoi, moi, j'écris sur quoi, puis qu'est-ce
qu'on priorise, puis qu'est-ce qu'on
met en place, parce qu'on sait qu'on s'alimente également d'agences de presse.
Donc, comment vous faites, à titre de
journalistes et comme syndicat, pour travailler en collaboration avec les
agences de presse et que chacun puisse avoir sa part du gâteau, si vous
me passez l'expression?
Mme Perreault
(Laura-Julie) : Je pense que, pour ce qui est des agences de presse,
puis mes collègues vont peut-être
compléter, le travail de coordination, s'il y en a un, est fait avec La Presse
canadienne. La Presse canadienne publie tous les jours son budget, donc on regarde ce qu'ils
vont couvrir ce jour-là. Parfois, on y va nous-mêmes parce qu'on
considère que l'événement doit être couvert,
parfois on prend les textes qu'ils vont préparer ou parfois on bonifie nos
textes de leur travail, mais c'est
une relation qui est assez saine. Pour ce qui est de ce que fait l'Agence
France-Presse, Reuters, Bloomberg, dans ce cas-là, il y a beaucoup moins de
coordination, donc, souvent, ils vont amener d'autres choses à la table. Mais
en général, donc, c'est vraiment avec La Presse canadienne
où il y a vraiment un lien plus fort.
M. Perron (Louis-Samuel) : Et, pour ajouter à Laura-Julie, l'existence de La Presse
canadienne, qui couvre de façon...
très bien les conférences de presse et d'autres événements, ça nous permet,
bien, nous, les journalistes, de se consacrer à des enquêtes, à des reportages exclusifs sur d'autres angles de la
société qu'on n'aurait pas pu couvrir si on devait aller, bien, à ces
conférences de presse là quand même importantes pour couvrir l'actualité
politique et sociale.
• (16 h 40) •
M. Poulin :
Et, pour faire du pouce, à ce salaire-là, quand on dit 88 000 $ puis
un départ autour, là, de 50 000 $, est-ce que ça devient difficile de
recruter des journalistes?
Mme Perreault
(Laura-Julie) : Mais, je veux dire, nos salaires ont pas mal stagné
depuis presque 12 ans, mais on n'a
pas eu de diminution de salaire notamment parce que, quand on a négocié nos
conventions collectives, on a choisi d'autres options que de couper dans nos salaires parce que, justement, on ne
voulait pas encore plus dégrader le pouvoir d'achat de nos membres. Donc, on a accepté plus d'heures pour
un salaire équivalent, on a accepté de changer nos régimes de retraite. Donc, un des grands points de notre dernière
négociation, c'est qu'on a réussi à s'entendre sur un régime à prestations
cibles qui, on pense, on espère, va être mis
sur pied bientôt grâce à votre aide et qui permet à l'entreprise vraiment
d'économiser des sommes importantes. Donc,
ce qu'on a essayé, comme syndicat, de faire, c'est d'être le plus créatifs
possible pour maintenir nos conditions de travail mais tout en faisant
des concessions importantes. Donc, c'est vraiment toujours de trouver cet
équilibre-là.
Et on voit... les
jeunes viennent... encore cet été, on a eu des stagiaires pour la première fois
à La Presse depuis plusieurs années,
un programme de stages. Donc, on voit qu'il y a encore de la relève dans le
métier, même si les pronostics ne
sont pas particulièrement brillants, mais donc il y a des gens qui sont là.
Moi, j'enseigne à l'Université de Montréal aussi, et je vois plein de jeunes avec des étoiles dans
les yeux, qui espèrent un jour faire du reportage à l'international, et je
suis contente de leur dire qu'on espère que
ça va vraiment avoir lieu, qu'il va y avoir de la place et qu'on va trouver une
solution à cette crise qui perdure depuis longtemps.
M. Poulin :
Merci beaucoup. Je vais céder la parole à un collègue, je pense, qui a levé la
main, oui.
Le Président (M.
Ciccone) : Merci, M. le député. Oui, je cède la parole maintenant au
député de Richelieu.
M. Émond :
Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour à vous tous. D'entrée de jeu, je vous
dirais que c'est avec un... on a tous
eu, les collègues et moi, un petit pincement au coeur quand vous avez évoqué,
dans votre introduction, une campagne électorale sans journalistes
professionnels. Ce n'est pas quelque chose qui doit arriver, hein?
Le
fils d'imprimeur en moi a toujours un petit quelque chose de ne plus avoir La
Presse dans sa version papier, mais je tiens tout de même à vous féliciter pour le passage au tout numérique
avec La Presse+, transition pour laquelle vos membres ont
assurément collaboré, puis ma question va être dans ce sens-là. Vous avez
évoqué que vous avez fait beaucoup de sacrifices
dans les derniers mois, les dernières années. Comment vos membres ont-ils dû
s'adapter lors de ce passage vers le tout numérique? Et est-ce que vous
avez l'impression de devoir en faire plus avec moins depuis ce passage-là?
Mme Gosselin
(Janie) : Oui, je dirais que
c'est surtout pour l'équipe de la production que le changement a été le
plus flagrant, parce qu'à un moment donné on
roulait avec les deux systèmes, donc le papier et le numérique, donc c'était
très lourd, c'est une machine qui était
lourde, qui était difficile à apprivoiser au début. Pour ce qui est du contenu,
je pense qu'il y a différentes façons
d'écrire une histoire. C'est sûr que, visuellement, La Presse+ est
différente d'un journal, donc il faut s'adapter
un petit peu, comment on va présenter ça, comment on va l'écrire pour que ce
soit aussi accrocheur, que ce soit lu jusqu'au bout.
Sinon,
comment les gens se sont adaptés? Je pense que le travail en tant que tel, le
fond du travail n'a pas changé. On
continue à poser les questions, à trouver les sujets, à faire le travail un peu
de la même façon. C'est plus la livraison qui a changé, je dirais, puis
il y a plus de photos qui sont prises aussi, parce que c'est un média qui est
plus visuel, forcément.
M. Émond :
O.K. Merci.
M. Perron (Louis-Samuel) : Et, pour compléter ce que ma collègue Janie a
dit, on s'est battus, comme syndicat, pour
ne pas que nos membres deviennent des hommes et des femmes-orchestres, parce
qu'on pense que, pour faire notre travail
avec diligence, ça prend quand même du temps, puis ce n'est pas vrai qu'on peut
tout faire, être sur le Web, à la télé, prendre des photos, tweeter en même temps. C'est quand même très, très
exigeant, donc nous, comme syndicat, bien, on s'est battus pour ça.
Le Président (M.
Ciccone) : Merci beaucoup, M. le député. Je reconnais maintenant le
député de Saint-Jean.
M. Lemieux : Je voudrais vous entendre sur le fait que tout le
monde — et
vous l'avez exprimé, vous aussi — avait
de la sympathie pour les gens du Groupe
Capitales Médias. Il y avait comme des astres qui étaient alignés là-dedans
par rapport à notre semaine d'audiences. À
quelque part, c'est comme si les projecteurs étaient encore plus gros, plus
forts, et il y a quelque chose de bon
à ça. Ma mère dirait : À toute chose, malheur est bon, là. Mais avez-vous
peur que ça occulte, à quelque part,
bien, les recommandations de cette commission et les décisions du gouvernement? Parce que, là, on est dans la hâte, éventuellement ça va se
mettre à rouler assez vite pour être capable d'intervenir au bon moment, là.
Mme Perreault
(Laura-Julie) : Bien, au
contraire, on a un sentiment d'urgence, nous, depuis 10 ans puis on
est très content que, maintenant,
ce sentiment d'urgence là soit transmis à toute la population québécoise. Je
pense que ça, c'est... Je veux dire, on a...
Une voix :
...
Mme Perreault
(Laura-Julie) : Oui, comme
vous dites, à tout malheur, il y a quelque
chose qui vient avec. Mais en même temps
c'est un problème qu'on connaissait depuis très longtemps et c'est quelque chose qui nous préoccupait depuis très longtemps. Donc, maintenant,
que ça soit sur la place publique et qu'on va, je pense, collectivement trouver
des solutions, au bout du compte, on va tous en sortir plus forts.
M. Lemieux : Venons-en aux crédits d'impôt, puisque
ça semble être la solution universelle, en tout cas, de la part
de tous les témoins, puis c'est vrai pour la plupart de ce que j'ai lu. D'abord,
est-ce que vous incluez tous les médias ou vous coupez à l'écrit, vous autres?
M. Perron (Louis-Samuel) : Nous, on se penche davantage sur la presse
écrite, mais un programme universel qui serait juste pour tous les
médias écrits.
M. Lemieux :
Et pas les médias, les médias écrits?
M. Perron (Louis-Samuel) : Oui, pour les médias écrits, mais on est ouverts
à d'autres formes d'aide pour les autres médias, évidemment, parce qu'on
est pour la...
M. Lemieux : O.K. Bon, on s'entend que le contenu journalistique,
on pourrait passer une soirée complète là-dessus
puis on serait encore à l'article
1, à quelque part. Bien, il y a d'ailleurs des commissions qui se sont cassé le nez, en tout cas, ça n'a pas bien abouti, justement,
sur ces concepts-là, d'où commence et où finit la partie journalistique du
contenu. Comment vous allez régler ça ou comment vous voulez qu'on règle
ça?
M. Perron (Louis-Samuel) : Je pense qu'avec la création d'un comité
indépendant... serait très en mesure, comme au fédéral, d'établir des critères simples de création de contenu
journalistique, savoir qui est journaliste, avec des médias qui respectent des codes de déontologie, en particulier création de contenus originaux faits avec des règles de
déontologie.
M. Lemieux :
Ce à quoi je pensais plus précisément, ce n'est pas tellement qui est
journaliste, qui ne l'est pas, là — je
veux dire, on peut s'entendre assez vite sur les postes éditoriaux, n'importe
quelle salle de rédaction, même à la télé,
là — mais
c'est par rapport à la production du contenu. C'est du contenu...
Je ne veux pas... Je n'en ai pas contre les chroniqueurs automobiles, mais hier j'assistais à une exposition de
vieilles voitures, alors je vais reprendre cet exemple-là. Est-ce qu'on est dans l'information journalistique que moi, j'appellerais civique et
d'intérêt public? On va couper les lignes où, au juste?
Mme Perreault
(Laura-Julie) : Bien, pour nous, 100 % du contenu qui est dans La Presse
est du contenu journalistique, il est produit par des journalistes
professionnels. Je vais laisser Violaine...
Mme Ballivy (Violaine) : Alors, moi, je suis journaliste à ce qu'on
appelle... au «soft», donc aux cahiers hebdomadaires, les voyages, l'alimentation. Mon travail, je le
fais avec la même rigueur que tout journaliste, qu'il couvre la politique,
qu'il couvre les affaires judiciaires, les
faits divers, peu importe. Donc, il y a une façon de bien traiter les journaux,
avec une grande éthique. Donc, oui, c'est des sujets qui intéressent la
population, et la population a droit et a besoin aussi d'avoir des informations
de qualité, donc.
M. Lemieux :
Tout à fait, tout à fait, et on le voit dans les clics aussi, c'est souvent
plus populaire que bien d'autres choses. Mais, par rapport au droit du
public à l'information?
Le Président (M.
Ciccone) : 15 secondes, M. le député.
Mme Ballivy (Violaine) : Oui,
le public a le droit à une information de qualité qui est faite par des
journalistes professionnels, qui ont une
éthique, qui n'acceptent pas de cadeaux, qui respectent les codes. Peu importe
le sujet, je pense qu'on a besoin d'un journalisme de qualité.
Le Président (M. Ciccone) : Merci
beaucoup. Je suis prêt maintenant à reconnaître un membre de l'opposition
officielle. Mme la députée de Verdun.
• (16 h 50) •
Mme Melançon : Merci. Merci,
M. le Président. Alors, bonjour,
bienvenue. Vous savez, je me rappelle qu'il
y a eu une commission un peu dans ce
genre-là pour mettre sur pied un OBNL, et aujourd'hui, bien, vous êtes
encore là, vous nous en parlez encore
avec beaucoup de fierté, je vais le dire comme ça, parce que
je pense que tout le monde y croyait, à l'interne. Bien sûr
qu'il y a les patrons, là, on les verra cette semaine. Mais, du côté syndical,
du côté des employés, je pense que c'était nécessaire qu'on puisse faire
un virage.
Moi, je veux
vous amener sur l'indépendance des médias. Vous en parliez tout à l'heure, de cette importance-là de démontrer
l'indépendance des médias. Parce que, depuis plusieurs
semaines, je me penche sur le dossier, et je pensais que nous, les politiciens, on était insultés sur les
réseaux sociaux, je vois qu'on n'est pas les seuls, parce que
les gens se posent beaucoup de questions. Et vous faites un passage rapide,
mais quand même il est là, là, pour parler de la Norvège, pour
parler de la France, justement,
où il y a un soutien gouvernemental qui est fait.
Comment est-ce que vous croyez qu'il est possible que l'on puisse expliquer rapidement,
facilement — parce qu'on est dans de la sensibilisation, hein,
auprès de la population — que cette indépendance-là va être là
malgré le fait qu'il y ait des sommes d'un gouvernement?
M. Perron
(Louis-Samuel) : Très bonne
question. Je pense que les élus comme les médias ont leur rôle à jouer
dans ce travail-là de sensibilisation, voire
d'éducation. Je pense que, comme médias, on doit marteler qu'on est
indépendants, parce que c'est remis en question parfois par certaines
critiques, et les élus, je pense, aussi doivent marteler ce message-là assez
primordial.
Mme Melançon :
Donc, vous donnez l'exemple... pour ceux et celles qui nous écoutent,
actuellement, et qui n'ont pas
nécessairement pris le temps de lire, mais vous donnez l'exemple de la Norvège.
Et, pour moi, la Norvège est un exemple qui peut, en tout cas, assez facilement ressembler à l'exemple du
Québec, où ils sont 5 millions d'habitants, où on donne de l'aide. Est-ce que vous pouvez peut-être dire...
parce que je ne veux pas que ça vienne de moi, mais est-ce que vous
pouvez quand même donner... le fait que ça
fait plusieurs années, quand même, qu'il y a de l'aide gouvernementale dans
différents pays, en Europe principalement?
Mme Perreault
(Laura-Julie) : Oui, puis je pense que juste ici, au Canada, les gens
connaissent Radio-Canada, ils ne se
lèvent pas le matin en se disant que Radio-Canada est télécommandée par le
gouvernement. Les gens ne se lèvent pas le matin en se disant que la BBC est télécommandée par le gouvernement.
On connaît peut-être un peu moins les journaux norvégiens, mais pour,
moi, avoir couvert des crises internationales avec eux, de voir les moyens dont
ils disposaient, justement, même si c'est un petit pays, pour faire du
reportage de qualité, je pense que la plupart des Québécois auraient vu leur
travail et auraient fait : Oui, ça aussi, on veut ça chez nous. Et on l'a
déjà, mais il faut le garder.
Donc, je
pense qu'en effet ce qu'on voit dans ce qui s'est fait ailleurs dans le monde,
il n'y a rien eu d'inquiétant qui nous
est... Par contre, ce qu'on a vu, c'est les endroits où les gouvernements se
sont complètement désintéressés des médias, où le financement des médias s'est effondré, comme la Russie, où, en
fait, du jour au lendemain, des médias qui étaient... donc les médias étatiques sont devenus à la solde
de qui était prêt à payer pour avoir un article dans le journal, et on
est passé... donc on se rend compte
qu'aujourd'hui la Russie n'est pas une grande démocratie comme plusieurs
l'avaient souhaité après la chute de
l'URSS. Donc, on voit aussi ce que ça donne quand il n'y a pas d'investissement
ou quand il manque d'argent dans les médias, ça a un impact immédiat sur
l'éthique et sur l'indépendance du travail.
Mme Melançon :
Vous parlez de sensibilisation. Moi, j'ai voulu, bien sûr, joindre le mouvement
qui a été lancé par la Fédération
professionnelle des journalistes du Québec pour sauver, hein, l'information
locale. D'ailleurs, j'invite tous les collègues
qui ne l'ont pas fait à le faire, parce qu'il faut le dire haut et fort, qu'on
doit sauver l'information locale et régionale. Alors, j'invite l'ensemble des collègues qui sont aujourd'hui avec nous
et ceux qui nous écoutent... j'espère que tout le monde écoute
attentivement nos propos aujourd'hui.
D'ailleurs,
depuis plusieurs mois, je tente de faire des propositions, je veux être
constructive, parce qu'il est urgent d'agir,
là. On n'a pas appris que Le Groupe Capitales Médias n'allait pas bien en
juillet dernier, là, ça fait plusieurs mois qu'on est au courant de ça, c'est une crise qui était
annoncée. Et moi aussi, j'ai une pensée pour les 350 employés, donc, de
ce groupe-là, mais qui sont en partout en
région. Et, pour moi, ce n'était pas une question de garrocher de l'argent que
de les aider financièrement, en tout
cas, à finir l'année, parce que, si on en ferme un seul, on ne sera pas
capables de redémarrer les presses, et ça, ce serait un drame.
Cela étant
dit, on a une motion qui a été votée à l'Assemblée nationale concernant
l'exemplarité de l'État dans la publicité
gouvernementale. Vous, comme syndicat, est-ce que vous avez tenté de trouver il
était où, le juste équilibre? Parce que
bien sûr qu'on ne peut pas complètement ignorer les réseaux sociaux, là, mais
est-ce que vous avez mesuré quand même... parce que je pose la question
à tout le monde, puis tout le monde me dit : Non, pas vraiment. Moi, je
veux quand même essayer de me faire une tête avec des chiffres que vous
pourriez avoir à l'interne.
Mme Perreault
(Laura-Julie) : Mesurer l'impact de...
Mme Melançon :
Bien, de savoir à quel pourcentage. Est-ce qu'on fait du 80 % de
publicités gouvernementales directement
dans les médias traditionnels? Parce que, là, on a vu, là, on a retourné la
machine complètement de côté. Moi, je
veux savoir est-ce que vous savez à quel moment, là, il y a un point de
rupture, peut-être. Je pense que le point de rupture, il est fatal,
actuellement. Mais, si on le revoit, là, est-ce que vous avez une idée du
pourcentage?
Mme Perreault
(Laura-Julie) : On ne s'est pas posé la question. Et, pour être
franche, pour une salle de rédaction de journalistes, vous savez qu'il y
a comme un mur de Chine entre nous et la publicité, donc on va laisser nos
patrons répondre à ça.
Mme Melançon : Parfait,
extraordinaire. Peut-être que je pourrais demander, M. le Président...
Le Président (M. Ciccone) :
Merci, Mme la présidente... pardon, Mme la députée. Je reconnais maintenant la
députée de Saint-Laurent.
Mme Rizqy :
Merci beaucoup. Bien, d'ailleurs, à cet effet, Maxime Bergeron, alors qu'il
était journaliste, avait fait l'exercice
de voir comment que le gouvernement fédéral avait commencé à investir davantage
sur Facebook au détriment de toutes les autres presses et radios
locales.
Et tantôt
j'écoutais M. Perron, puis ça me rappelait, justement, quand on était avec
Mme St-Onge à la salle UQAM avec
tout plein de journalistes pour discuter de cette question. Et, moi, c'est le
sentiment que j'ai eu, que j'ai partagé à l'époque, j'ai l'impression qu'on est gênés, du côté de la presse
écrite, de dire que le gouvernement doit le financer, alors que, dans les quatre piliers, l'exécutif, le
législatif et le judiciaire est financé. Il n'y a personne qui, aujourd'hui,
pense que le judiciaire, nos juges
sont dépendants de nous. Pourquoi que le quatrième pilier, qui est un vecteur
de démocratie... et ce n'est pas moi
qui le dis, c'est la Cour suprême qui parle de : «La liberté de [...]
presse a depuis toujours incarné la liberté d'expression. [La presse est] le principal vecteur d'information
[auprès] du public», leur permettant ainsi de participer aux divers débats sociaux de façon informée. «L'accès
à de l'information vérifiée est essentielle à la participation du public
aux enjeux sociaux significatifs et
d'émettre des opinions, des critiques éclairées. Cependant, il est difficile de
prétendre s'exprimer librement de manière pertinente sur des questions
d'intérêt public ou politique sans avoir accès à de l'information.»
Ça, ça ne
vient pas de moi, ça vient quand même du plus haut tribunal du pays. Alors, je suis
zéro gênée, aujourd'hui, de dire qu'effectivement les gouvernements doivent financer, effectivement, la presse
écrite. Et j'espère que vous aussi, vous ne serez jamais gênés. Et je comprends quand vous dites :
L'indépendance... Sincèrement, moi, je ne me lève pas le matin en pensant sincèrement que j'ai des gens qui vont m'appeler pour savoir
comment que je vais aujourd'hui, là. Ils font leur travail puis, quand je rentre ici, je peux vous assurer
qu'ils font tout un travail, la meute journalistique. Je le sens très bien
depuis que je suis élue. Et, quand on pense à Radio-Canada, il n'y a personne
qui doute de ça.
Tantôt, on a
parlé de chiffres, puis j'ai fait ce tableau-là, j'aimerais vous le présenter.
Ici, c'est clairement Facebook.
Il y a d'autres, hein, je pourrais parler
d'Alphabet, qui est détenu par Google. Mais, quand on regarde à
l'international, les revenus
mondiaux, c'est 71 milliards. Quand on arrive, là... si jamais, nous, là,
on allait de l'avant une taxe GAFA de 3 % seulement pour Facebook, c'est quand même 20 millions de dollars
qui pourraient être injectés dans un fonds qui pourrait venir aider.
Pensez-vous
que, justement, le Québec, étant donné qu'on a notre propre loi de l'impôt du
Québec et notre propre agence de
recouvrement, qui s'appelle Revenu Québec, on devrait y aller de l'avant en
marge de tous nos travaux? Parce que c'est bien beau entendre dans cette
commission, mais peut-être que ça nous prendrait un projet de loi assez actif
pour commencer à financer le fonds.
Mme Perreault
(Laura-Julie) : On a entendu la réponse de la Fédération nationale des
communications, juste avant, et on trouvait que c'était pas mal
approprié, c'est-à-dire...
Mme Ballivy (Violaine) : C'est
du long terme.
Mme Perreault (Laura-Julie) : ...oui,
c'est du long terme. Il faut s'en aller vers ça, en effet, il faut que le G20 travaille là-dessus. Le G7, on le voit, que c'est
déjà, en plus, à l'agenda. On voit que les gouvernements doivent
travailler là-dessus, mais entretemps ça va prendre de l'aide avant tout ça.
Mme Rizqy :
Oui, évidemment, on comprend que ça va prendre de l'aide, mais, à un moment
donné, il faut aussi qu'on le
finance. Et, d'autre part, nous, les députés, on gère nos propres budgets de
fonctionnement et, évidemment, le gouvernement,
les partis politiques. Nous, quand on rentre, on nous explique un peu qu'on est
comme, au fond, une mini-PME, avec
notre propre budget de fonctionnement. Chaque député n'a-t-il pas la
responsabilité de s'assurer que l'argent investi en matière de publicité
ne va pas dans un paradis fiscal...
Le Président (M. Ciccone) : En
terminant, Mme la députée.
Mme Rizqy :
...puis d'abord de faire des financements auprès de ses médias locaux avant de
faire des financements sur Facebook, qui ne paie pas d'impôt?
M. Ciccone : Rapidement, s'il vous
plaît. Non?
M. Perron
(Louis-Samuel) : Quelle est la question?
Mme Perreault
(Laura-Julie) : Je pense que c'était plus un commentaire qu'une
question, oui.
Mme Ballivy
(Violaine) : On ne peut que vous encourager à faire de la publicité
dans nos médias.
Mme Rizqy :
Bien, je vais vous rephraser ma question : Pensez-vous qu'un député, qui
gère son propre budget, devrait d'abord
financer... faire des publicités locales avant de faire des publicités sur
Facebook sponsorisées, alors qu'ils ne paient même pas d'impôt, qu'ils
ne financent absolument rien à notre démocratie?
Mme Perreault
(Laura-Julie) : Tous les syndicats de journalisme étaient contents
quand il y a eu une motion pour proposer que la publicité
gouvernementale soit dans les médias, absolument.
Le Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup. Merci. Je reconnais maintenant la
députée de Taschereau pour un temps de 2 min 30 s.
Mme Dorion :
Merci. Bonjour, bonjour à vous. On est à la recherche de nouveaux modèles qui
pourraient soutenir les médias à long terme dans l'avenir. Vous en
essayez un, vous êtes un peu le fer de lance là-dedans, vous vous êtes transformés en OBNL. Je comprends que c'était en
partie pour recevoir des subventions qui vous permettraient de survivre,
mais est-ce que vous avez remarqué, vécu,
expérimenté d'autres avantages que celui d'avoir la subvention qui était
reliée au statut d'OBNL?
• (17 heures) •
Mme Perreault
(Laura-Julie) : Un autre avantage, c'est que tout l'argent qui va
venir à La Presse va dans la mission de La Presse. Je pense que, ça,
on en est tous très fiers, là. L'idée que c'est une organisation sans but
lucratif qui a une vocation sociale,
tout ça, pour nous, ça veut dire quelque chose aussi, comme journalistes, dans
notre travail au jour le jour. Et on connaît
des modèles comme celui du Guardian,qu'on a regardé de très, très proche, à La Presse, et qui, justement, a lui aussi fait le pari de garder son information gratuite et de
demander à ses lecteurs de contribuer, et l'an dernier, pour la première
fois de leur histoire, ils ont fait de l'argent.
Donc, on le sait, que c'est, donc, un modèle... ce n'est pas le modèle qui va
être pour tout le monde, mais, nous, c'est un modèle qui nous intéresse.
Quand nos patrons ont décidé de faire ce changement-là, le syndicat
était derrière eux. Puis je vais laisser...
Mme Ballivy
(Violaine) : Oui. En fait, je dirais, il faut comprendre qu'à La Presse
il y a un mélange d'inquiétude, évidemment, vu la situation des médias, mais aussi d'excitation ou de
motivation. On voit que nos patrons derrière
essaient des choses. On est motivés, on essaie de s'en sortir. Puis effectivement la transformation en OBNL fait en sorte que, bien, si ça marche, l'argent qu'on va avoir va être réinvesti dans la salle de
rédaction pour continuer à produire du contenu d'information. Donc,
c'est un peu entre les deux sentiments qu'on navigue, en ce moment, dans La Presse.
Mme Dorion : Et est-ce
que vous avez expérimenté une
pression moins grande, depuis la transformation, face à ce que votre syndicat a appelé la dictature du clic — que
j'aime bien l'expression? Quand on dit non à la dictature du clic, c'est
quelque chose qui n'est pas une intrusion du privé dans votre travail, mais qui
est une pression latente, informelle. Avez-vous senti un changement?
Le Président
(M. Ciccone) : En 15 secondes, s'il vous plaît.
Mme Dorion :
En 20 secondes.
Le Président
(M. Ciccone) : En 15 secondes.
M. Perron
(Louis-Samuel) : À La Presse, il n'y a jamais eu une telle
dictature du clic, donc ce n'est pas une préoccupation qu'on avait auparavant,
je dois dire.
Le Président (M. Ciccone) : Merci
beaucoup. Je reconnais maintenant
le député de Rimouski pour un temps de 2 min 30 s.
M. LeBel : O.K. Deux volets... Bien, bonjour. Je m'adresse au syndicat
de La Presse, c'est important de le dire. Moi, je pense qu'il faut aller
chercher de l'argent dans les Google et compagnie avant d'aller
chercher de l'argent dans les poches des contribuables. Mais, s'il faut le faire par des crédits d'impôt à masse salariale ou autrement, je suis très ouvert à ça. Je pense qu'il y en a plusieurs qui le proposent, qu'il faudra le faire, puis je ne pense pas que ça vienne nuire à l'indépendance des médias.
D'ailleurs,
j'aurais peut-être une petite question. Est-ce que
vous pensez que La Presse va appuyer un parti politique aux prochaines élections
fédérales?
Mme Ballivy
(Violaine) : Ce n'est pas
les journalistes, de toute façon, qui vont le faire. Il y a
une ligne éditoriale qui concerne
quatre éditorialistes, mais nous, on est les syndicats des travailleurs de
l'information, qui faisons un travail objectif.
M. LeBel : O.K., mais ils vont appuyer un parti politique,
mais, bon, c'est l'indépendance des médias. C'est juste que... Ma question,
par exemple, c'est... un bout de...
Mme Perreault
(Laura-Julie) : Mais, si je
peux permettre, vous avez quand même vu que, depuis que l'OBNL... en fait, il y
a eu une campagne, et le journal a décidé quand même de changer sa manière de
faire et d'appréhender la campagne, donc il y a
eu quand même... pour les pages éditoriales. C'est ça, comme
disait Violaine, pour ce qui est du reste, la ligne éditoriale ne touche
que les pages débats, dont nous, on représente certains des membres.
M. LeBel : Bien, c'est pour ça qu'au début j'ai dit :
Je parle au syndicat, là, c'était important, ça faisait partie
de...
Mais quelque chose que... puis je n'ai plus beaucoup de temps, mais vous avez parlé des nouvelles
internationales. Ça, vraiment,
ça vient me chercher. Vous dites qu'il
y a 1 % à 4 % de l'espace-temps médiatique pour l'international,
ça n'a pas de sens. Avec tout ce qui se
passe sur la planète, la crise climatique, que les Québécois ne seraient pas
informés de ce qui se passe sur la planète, ça n'a comme pas d'allure.
Vous parliez qu'il y avait un fonds qui est comme sous-financé. J'aimerais
ça... C'est-u une des solutions, de refinancer ce fonds-là?
Mme Perreault
(Laura-Julie) : Bien oui. Bien, ce n'est pas sous-financé, dans le
fond. On l'a mis sur pied puis on a
quand même réussi à aller chercher 250 000 $ de fonds pour financer
des reportages à l'international pendant trois ans. Il n'y a jamais eu, pour tous les médias du Québec,
là, un fonds comme celui-là avant. Il y a aussi celui du Devoir qui a
été mis sur pied, mais qui ne concerne que Le Devoir.
Mais l'autre fonds concerne tous les journalistes du Québec, sauf ceux
qui l'ont fondé, donc moi et mes deux
collègues. Mais donc l'idée, c'est vraiment... on s'est dit : Il manque de
fonds en ce moment, les médias ont à
faire le choix entre garder des journalistes ou financer parfois des
reportages. Nous, notre journal continue de le faire, puis on est
contents de ça...
Le Président (M. Ciccone) :
S'il vous plaît, en terminant.
Mme Perreault
(Laura-Julie) : ...mais il y a plusieurs journaux pour lesquels c'est
difficile de le faire. Donc, le fonds
vient permettre aux journalistes de présenter des projets de reportage, et on
est allés chercher les fonds auprès de compagnies,
d'organismes parapublics et d'organismes syndicaux, là où... mais on a eu zéro
fonds gouvernementaux, même si on a essayé de le faire. Mais c'est
vraiment un projet indépendant, là, qui est complètement à l'extérieur de La Presse.
M. LeBel : On va vous appuyer.
Le Président (M. Ciccone) :
Merci beaucoup. Je reconnais maintenant la députée de Marie-Victorin pour deux
minutes.
Mme Fournier :
Merci beaucoup pour votre présentation. Mme Ballivy, j'aurais voulu vous
entendre sur la question, justement,
de la députée de Taschereau, parce que j'avais exactement la même question,
compte tenu de la fameuse guerre aux
clics et de la pression que vous pouvez ressentir comme journalistes, puis
peut-être dans le contexte, justement, où La Presse a
changé de modèle d'affaires, avec un OBNL,
donc une logique qui ne devrait pas être la logique mercantile comme on peut
retrouver dans d'autres médias d'information. Donc, je voyais que vous vouliez
répondre, et c'est pour ça que j'aimerais vous entendre.
Mme Ballivy (Violaine) : Bien,
en fait, la députée demandait aussi si je trouvais que la pression avait changé
depuis la création de l'OBNL.
Mme Fournier : Oui, exact.
Mme Ballivy
(Violaine) : Je dirais non, parce qu'on sait que notre situation est
quand même assez précaire encore. On
a beaucoup de contenu à produire. La dictature du clic, on ne la sent pas
tellement. Ce qu'on veut, c'est produire du contenu qui va intéresser notre lecteur puis qui va être
fidèle à notre code d'éthique. Donc, moins de pression, non, parce qu'on
a beaucoup de choses à couvrir. Même si on
est nombreux, on n'est pas si nombreux que ça pour produire le journal de
qualité qu'on veut produire. Donc, voilà, en fait.
Mme Fournier : O.K.
Donc, vous ne sentez pas cette pression-là quant à la nature du contenu que
vous devez produire?
Mme Ballivy
(Violaine) : Non. On sent une pression à produire un contenu qui va
plaire à notre lecteur, mais on veut
des nouvelles qui sont dignes d'être publiées puis intéressantes. On ne veut
pas faire du sensationnalisme pour faire du sensationnalisme...
Mme Perreault (Laura-Julie) : Et
du contenu original aussi.
Mme Ballivy
(Violaine) : ...et du contenu original aussi, là.
Mme Fournier : O.K.
Merci beaucoup.
Le Président (M. Ciccone) : Merci
beaucoup. Je vous remercie beaucoup pour votre contribution à ces travaux de la
commission.
Je vais suspendre quelques minutes afin de
permettre aux représentants de la Fédération des travailleurs et travailleuses
du Québec de prendre place.
(Suspension de la séance à 17 h 7)
(Reprise à 17 h 9)
Le
Président (M. Ciccone) : S'il vous plaît, veuillez prendre place. Merci
beaucoup. Avant d'accueillir le
prochain groupe, je crois comprendre que nous avons le consentement pour
dépasser de cinq, 10 minutes?
Des voix : Consentement.
• (17 h 10) •
Le Président (M. Ciccone) : Oui? Merci
beaucoup.
Je souhaite maintenant
la bienvenue aux représentants de la Fédération
des travailleurs et travailleuses du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé,
puis nous procéderons à la période
d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter ainsi que
les personnes qui vous accompagnent et à procéder à
votre exposé. La parole est à vous.
Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec
(FTQ)
M. Boyer
(Daniel) : Merci. Alors,
Daniel Boyer, je suis le président de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec,
la FTQ, qui représente 600 000
membres, dont plusieurs travaillent dans le domaine de l'information et de
la culture, et je suis accompagné de Denis
Bolduc, président du SCFP-Québec et vice-président de la FTQ, et également
de Nathalie Blais, du SCFP-Québec — le SCFP représente 7 300 travailleuses,
travailleurs dans le secteur de la presse écrite, des médias électroniques
et des télécommunications — à ma
droite, Renaud Gagné, directeur québécois d'Unifor et également vice-président de la FTQ, avec Alain Goupil, également d'Unifor — Unifor
représente 7 000 travailleurs, travailleuses du secteur des communications au Canada,
dont, bien sûr, les travailleuses et travailleurs de La
Tribune, du Quotidien, du Progrès-Dimanche et de
La Voix de l'Est — et
de Pierrick Choinière, directeur du SEPB-Québec, qui représente, entre
autres, les travailleurs et travailleuses de La Presse, et également vice-président
de la FTQ.
D'abord,
j'aimerais remercier la Commission de
la culture et de l'éducation de nous
accueillir afin que nous puissions présenter notre point de vue sur
l'avenir des médias d'information. Nous le savons tous, les médias, la presse
écrite en particulier, sont en crise, une
crise qui dure depuis plusieurs années. Ce qui se passe actuellement avec Groupe Capitales Médias
est un exemple, et ce n'est que la pointe de l'iceberg. Il faut malheureusement craindre d'autres situations du genre si nous restons les bras
croisés.
Jusqu'à
présent, il faut se dire franchement, les propriétaires de ces médias ont
utilisé presque uniquement une logique comptable
pour tenter de sortir de cette crise. Résultat : rationalisation, mises à
pied de travailleuses et travailleurs, réduction des conditions de
travail et salariales, fermetures en région. Pourtant, les travailleuses et
travailleurs et les organisations syndicales
méritent d'être mis à contribution afin de trouver de véritables pistes de
sortie de crise, et c'est pour ça qu'on est là aujourd'hui, bien évidemment. Résultat de la course, on se retrouve face
à un mur. Cela dit, nous devons nous mettre en mode solution. Notre société ne peut se permettre le
luxe de laisser cette industrie se désagréger morceau par morceau aux
dépens de la qualité de l'information, et
c'est justement ce qui risque de se produire si on ne fait rien,
particulièrement en ce qui a trait à la presse écrite.
Nous sommes à
un point tournant. Ce qu'il faut craindre maintenant, c'est l'accessibilité à
de l'information de qualité et de
graves répercussions sur notre démocratie et le maintien et la création
d'emplois. Presque chaque semaine, on nous annonce des fermetures de journaux, des réductions de services ou des
coupures de postes dans nos médias. Au cours des 10 dernières années, le nombre de quotidiens et le nombre de
travailleurs et travailleuses de cette industrie ont chuté de façon
draconienne. Les revenus publicitaires ont suivi à peu près la même courbe. Une
des causes de tout cela, on le sait, la révolution
numérique et les géants du Web. On parle ici des Google, Amazon, Facebook et
Apple de ce monde, ce qu'on appelle
les GAFA. Ces géants du Web captent plus de 80 % des revenus de la
publicité sur Internet, des revenus qui ne sont plus disponibles pour les médias du Québec, mais encore, sur le plan
fédéral, ils ne paient, dans certains cas, aucun impôt, ne perçoivent
pas la taxe sur les produits et services et ne sont pas tenus de contribuer à
la création de contenu canadien.
Ici, la FTQ
salue l'initiative du gouvernement du Québec d'obliger les plateformes
numériques étrangères à percevoir et
à verser la taxe de vente du Québec sur les services offerts sur le territoire,
et ce, pour des raisons d'équité envers les entreprises québécoises. Faire des affaires au Canada, au Québec, cela
implique de respecter les règles et de payer les impôts et ses taxes, point à la ligne. Mais cela n'est
pas suffisant, pour ajouter l'insulte à l'injure, ces mêmes géants, qui ne
produisent aucun contenu journalistique,
vampirisent les médias traditionnels, empochent les revenus publicitaires et ne
paient aucune redevance pour la production de ce même contenu, et en
plus ils ne sont pas tenus de contribuer à la création de contenu canadien. À sa face même,
cela est injuste et doit faire l'objet d'une intervention rapide du
législateur. Ici, il faut applaudir la
décision de la France, qui n'a pas eu peur d'imposer une taxe de 3 % non
pas sur les bénéfices, mais bien sur le chiffre d'affaires des GAFA.
Revenons à la
publicité dans les médias, vous venez d'en parler, à ce chapitre, les
gouvernements doivent endosser une
partie du blâme. Les budgets publicitaires des gouvernements du Québec et du
Canada sur le Web ont explosé sur une période
d'un an. Ces fonds publics sont investis principalement chez Facebook, Google,
Amazon ou Twitter, toutes des entreprises
américaines et qui, de surcroît, rappelons-le, ne paient pas d'impôt au Québec.
Ces dépenses publicitaires des deux
paliers de gouvernement pourraient offrir une marge de manoeuvre enviable aux
médias le temps qu'ils transitent vers un
nouveau modèle d'affaires, donc une première solution. Ainsi, il en coûte moins
cher aux gouvernements d'acheter des publicités
sur les plateformes américaines qu'auprès des médias nationaux, qui, eux,
doivent percevoir les deux taxes de vente.
C'est le principe inversé de la saucisse Hygrade : plus les gouvernements
investissent l'argent publicitaire dans le Web étranger, plus ils nuisent à l'industrie médiatique canadienne et
québécoise en contribuant aux pertes d'emploi tout en enrichissant les multinationales américaines, dont
les revenus ne font l'objet d'aucun impôt, rappelons-le. C'est désolant.
Nos gouvernements fédéral, et provincial, et
aussi municipal doivent amorcer une sérieuse réflexion sur les enjeux de
ces achats publicitaires de façon à trouver un équilibre juste pour tous les
joueurs de cette industrie.
Ici, il faut
tout de même souligner le geste de
l'Assemblée nationale, qui a adopté à l'unanimité, le 2 mai dernier, une
motion d'appui aux médias québécois en demandant
de transférer les investissements publicitaires du gouvernement du Web
étranger vers les médias québécois. Cela dit, nous attendons toujours un
engagement formel, une directive claire et contraignante de la part du
gouvernement. Le gouvernement du Québec a le devoir de prêcher par l'exemple.
Cela doit dépasser le stade des voeux pieux,
le gouvernement doit prendre cet engagement maintenant. Au fédéral, le
gouvernement a accouché d'une idée
intéressante, qui devrait être imitée par Québec, soit un crédit d'impôt sur la
masse salariale avec entre autres conditions l'exigence que chaque
travailleur consacre les trois quarts de son temps à la production de contenu d'information. Autre piste de solution, les
crédits d'impôt pour dons et philanthropie accessibles à tous les médias
québécois.
Mmes, MM. les députés, dans le peu de temps qui
nous est accordé, nous avons fait état de la situation, parlé d'inéquité fiscale et exploré quelques pistes de
solution. Vous en avez... Il y a sept recommandations dans notre mémoire
pour venir en aide à nos médias, mais il y a
plus encore. En avril dernier, la FTQ a convié ses syndicats affiliés à une
journée de réflexion sur la crise des
médias. Conclusion : le statu quo est intenable. Et le statu quo est
intenable, et il ne faut pas penser à une
seule et unique solution, il faut penser à plusieurs solutions mises en place
simultanément si on veut penser sauver nos médias. Ici, il y a un enjeu pour rien de moins que la préservation de
notre démocratie. Les décisions que vous prendrez dans les prochaines semaines, les prochains mois seront
déterminantes pour la survie des médias d'information et pour le
maintien et le développement d'emplois dans
ce secteur. C'est une grande responsabilité que vous avez entre vos mains, sachez
en faire bon usage et prendre les bonnes décisions. Bien sûr, la plupart des
lois et règlements qui encadrent ce secteur sont de compétence fédérale. Ne cédez pas à la tentation de pelleter tout cela
dans la cour du voisin. Vous vous devez d'agir et aussi de faire
pression pour qu'Ottawa intervienne rapidement et efficacement.
Et, dans
cette même veine, parlons de l'information locale et régionale, qui est en
grand danger. La fermeture ou la réduction
de personnel dans certains journaux, radios et antennes télévisuelles jumelées
à la centralisation du traitement de l'information
dans les grands centres comme Montréal font que les gens ne se reconnaissent
plus dans l'information qui leur est
présentée. C'est ce qu'on appelle la montréalisation de l'information, et cela,
au détriment de la nouvelle locale. Une communauté se voit exister par
ce qu'elle peut lire, entendre et voir dans ses médias, journaux, radios et
télévisions.
Enfin, on ne peut conclure sans évoquer la crise
que traversent les quotidiens de Groupe Capitales Médias, qui couvrent six régions du Québec en information,
entre autres, locale et régionale. Ici, le gouvernement, qui est le
principal créancier de l'entreprise, devra
porter une attention particulière aux enjeux d'un possible démantèlement du
groupe, de sa vente ou, encore pire,
de la fermeture de certains journaux. En tant qu'élus vous devrez être
attentifs aux offres de sauvetage, particulièrement
en ce qui a trait à l'enjeu de la concentration de la presse. On me disait
qu'il serait bien triste de voir un encart de 12 pages dans La Tribune,
dans LeJournal de Montréal ou dans LeJournal de
Québec. Je pense que ce n'est pas le genre de presse qu'on souhaite.
L'information,
ne l'oublions pas, c'est aussi un bien culturel. L'accès à une information
diversifiée et de qualité, c'est un
gage de santé démocratique d'une société. Il en va également de l'accessibilité
à une formation de qualité et fiable pour tous les citoyens et citoyennes. Je disais tantôt : Ce n'est pas
avec une seule solution qu'on y arrivera, il y a deux éléments importants, vous avez sept recommandations. Il y a
bien d'autres propositions aussi qu'on a entendues qui nous semblent
fort intéressantes. Il y en a une... il faut
à tout prix que le fédéral... il faut mettre la pression nécessaire sur le
gouvernement fédéral pour que le
gouvernement fédéral oblige ces entreprises, ces géants du Web américains à
payer leurs impôts et à percevoir les taxes,
puis, deux, bien, ce qu'on souhaite, bien évidemment, c'est un crédit d'impôt
sur la masse salariale, concernant la masse salariale de tous les
employés des équipes journalistiques. Je disais...
Le Président (M. Ciccone) : En
terminant, s'il vous plaît.
M. Boyer
(Daniel) : Oui. Je disais...
ce n'est même pas à la blague, mais, quand on permet aux géants du Web
de ne pas percevoir la taxe, c'est comme si
on acceptait du travail au noir : Je vais te faire ça sur la «slide»,
paie-moi cash, puis je ne te fais pas payer d'impôt. C'est inacceptable.
Le
Président (M. Ciccone) :
Merci beaucoup. Merci pour votre exposé. Je reconnais maintenant un membre
de la partie gouvernementale. Je reconnais le député de Beauce-Sud.
• (17 h 20) •
M. Poulin :
Merci, M. le Président. Merci également pour votre mémoire et le travail que
vous nous présentez aujourd'hui. Je veux
parler de télés, de radios et de journaux. Est-ce que vous pouvez simplement
nous dire... Votre fédération syndicale
représente des gens, est-ce que c'est plus d'un secteur en particulier ou on se
retrouve dans différents secteurs des médias? J'imagine, dans différents
secteurs?
M. Boyer (Daniel) :
Dans différents secteurs, oui, dans différents secteurs.
M. Poulin :
Parfait. Alors, vous pourrez nous indiquer davantage... Parce que, quand on
parle d'aide aux médias, ma collègue
la députée de Verdun l'a bien souligné tout à l'heure, qu'on parle beaucoup de
la presse écrite, mais il ne faut pas oublier
la télé, il ne faut pas oublier la radio, qui vivent également des crises, qui
vivent des enjeux extrêmement importants. On ne consomme plus la télé comme on la consommait à une certaine
époque. Avec l'arrivée des podcasts, le monde de la radio a changé. Au niveau des conditions de
travail, quelle est la plus grande observation que vous faites entre celles
et ceux qui travaillent à la télé, par exemple, versus ceux qui travaillent
dans les médias écrits?
M. Bolduc
(Denis) : Oui, bien, en
fait, les médias... Bien, en fait, la FTQ est présente, on l'a dit tout à
l'heure, là, dans les quotidiens qui
sont du Groupe Capitales Médias, également au Journal de Québec, d'où je
viens, d'ailleurs — j'ai
commencé ma carrière de journaliste à CKCV
ici, la petite soeur de CKAC à Montréal, mais pas longtemps après, en
1986, j'ai été embauché au Journal de
Québec — et on
est à TVA, alors présents à TVA dans toutes les régions, TVA Montréal,
TVA Québec et toutes les régions du Québec. Évidemment, c'est des milieux
syndiqués, avec des conditions de travail intéressantes.
On parlait de la moyenne des revenus des journalistes, en 2016, à
50 000 $ par année environ. Mais il y a un phénomène qui existe beaucoup, c'est concernant
les pigistes, les pigistes qui sont embauchés en «cheap labor», je
dirais ça comme ça, à l'unité, si on parle
de photos, si on parle de textes, longueur du texte, ou encore... alors, avec
des tarifs qui sont vraiment inférieurs par rapport au salaire qui est
versé aux journalistes, aux photographes, etc.
M. Poulin :
Mais remarquez-vous qu'à la télé les salaires sont probablement meilleurs, par
exemple, que dans la presse écrite?
Mme Blais
(Nathalie) : Je pense qu'on
peut dire ça de façon générale. Si vous incluez, dans la presse écrite,
les hebdomadaires et tous les journaux qui
ne sont pas des journaux nationaux, définitivement. Même chose si vous
incluez, pour la radio, des stations de
radio régionales. Pour vous donner un exemple qui est probablement encore vrai
aujourd'hui, en 1996, je suis passée de La Presse
canadienne, où je gagnais 22 $ de l'heure, à une station de radio
régionale à Saint-Hyacinthe, où je gagnais 12,50 $ de l'heure.
Donc, c'est à peu près ça, là, la différence entre un poste en ville, si on
veut, puis un poste en région.
M. Boyer
(Daniel) : Je pense qu'on
peut constater le même phénomène, c'est-à-dire coupures d'emplois dans
le milieu journalistique, diminution des
conditions de travail, pas juste salariales, mais également des conditions
d'exercice d'emploi. Que ce soit dans les médias écrits, que ce soit radio, que
ce soit télévision, je pense qu'on peut constater une diminution des conditions
de travail et une réduction du personnel dans ces médias, dans l'ensemble des
médias.
M. Poulin :
Puis en terminant, avant de céder la parole à mon collègue le député de
Beauce-Nord, c'est que, si on arrive
avec une aide, effectivement, au niveau du journalistique, au niveau des
médias, au niveau des salles de nouvelles, il faut faire un vrai état de la situation, de la façon dont on se retrouve
dans différents médias, exemple, dans une salle de nouvelles à la télé ou, comme vous venez de donner
l'exemple, dans une salle de nouvelles à Saint-Hyacinthe, dans une
station de radio où on gagne 12,50 $.
Puis c'est encore le cas aujourd'hui quand on se parle en 2019, là, j'ai bien
des amis qui ne font pas des gros salaires.
Alors, si on
arrive avec une aide spécifique, l'objectif, c'est de monter la condition de
travail du journaliste. C'est d'arriver
avec de meilleures conditions qui vont faire en sorte qu'on puisse réellement
rehausser la qualité de l'information et
rehausser tout ce qu'on réussit à faire, et ce qu'on souhaite faire également.
Quand on a des stations de radio, par exemple, qui ont 15 animateurs mais un seul journaliste, il faut se dire :
Est-ce qu'on supporte toute l'animation mais on ne supporte pas le volet de la salle des nouvelles et de
l'information? Même si je crois que, comme animateur radio, puis je l'ai
été, on donne de l'information et on fait de
l'information mais on ne la fait pas au même titre qu'un journaliste le fait
aussi. Alors, il va être important,
je pense, de faire une bonne réflexion, au Québec, de la façon dont on se
comporte présentement dans nos salles
de rédaction puis quelles sont ces professions-là, et je pense que, comme
syndicat, vous êtes bien placés pour pouvoir nous le signifier.
M. Boyer
(Daniel) : Bien, écoutez, je
fais du pouce un peu sur ce que vous dites, parce que, vous savez, à la
FTQ, on n'a jamais été contre l'aide des
gouvernements à l'entreprise privée. On n'a jamais été contre, mais ce qu'on
déplore, c'est quand on aide
l'entreprise privée puis qu'on n'exige rien en retour. Donc, effectivement,
s'il y a une aide gouvernementale, une
aide de certains ministères, bien, il faut qu'il y ait des conditions associées
à ça et il faut que les médias remplissent ces conditions-là. C'est bien sûr que, si on aide des médias, que ce soit la
radio, la télé, la presse écrite, et qu'on favorise l'embauche de pigistes puis de sous-traitants, je veux dire,
on ne règle pas le cas, là, veux veux pas, on va amplifier le problème.
Donc, il faut associer ça à certaines conditions, effectivement.
Le Président (M. Ciccone) : Je
reconnais maintenant le député de Beauce-Nord. À vous la parole.
M. Provençal :
Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup de votre présentation. Et, dans
l'ordre que vous venez de mentionner,
je pense que c'est vraiment ce qui consolide, que vous voulez qu'il y ait
vraiment une équité fiscale entre les géants du Web et les entreprises
canadiennes et québécoises. Alors, ça, c'est très clair pour moi.
Maintenant,
vous conviendrez avec moi qu'il y a eu quand même une mutation des habitudes au
niveau de gens qui consomment les
différents médias. Et, selon vous, là, quel serait le modèle d'affaires idéal à
développer pour prendre en compte les
nouvelles réalités de consommation de l'information, qui permettrait en même
temps de consolider la base des médias que nous avons, particulièrement en région? Parce que, quand je lisais votre
mémoire, vous avez quand même émis de grands principes en lien avec l'aide gouvernementale, mais je sais que vous
êtes quand même des gens créatifs, et, dans votre esprit, il doit certainement y avoir les bases d'un modèle
sans tenir compte, au départ, là, de l'aide gouvernementale. Je suis sûr
que vous avez déjà des pistes de solution que vous pourriez peut-être nous
émettre ici, en commission.
M. Boyer
(Daniel) : Bien, écoutez,
moi, je peux vous dire qu'on est ouverts. Je l'ai dit d'entrée de jeu tantôt,
on a entendu d'autres propositions, entre autres
nos amis de la CSN, qui favorisaient le modèle coopératif. Mais il y a effectivement... si on ne s'en tient qu'au modèle
traditionnel des médias au moment où on se parle, on risque de perdre
des gens. Mais en même temps, puis on
faisait un reproche, là, aux deux paliers de gouvernement qui achètent de la
publicité sur les géants du Web, on peut se
sentir coupable, nous aussi, parce qu'on le fait aussi, là, parce qu'on n'a
comme pas le choix de le faire. Mais
en même temps moi, je pense qu'il faut développer d'autres synergies au niveau
local et au niveau régional dans le
but, justement, de mettre les acteurs à contribution dans le but de rejoindre
tout le monde. Bon, on peut bien se parler, là, d'un journal, une presse écrite, là, on ne rejoindra peut-être pas
beaucoup de jeunes avec ça, mais comment on peut faire pour développer d'autres genres de médias? Bien,
peut-être, peut-être aussi les géants du Web, mais, s'il y a une certaine
équité fiscale et que tout le monde paie sa juste part, on va au moins jouer
tous sur le même terrain, là.
M. Provençal :
Merci beaucoup. Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Ciccone) :
Merci beaucoup, M. le député. Je reconnais maintenant M. le député de Saint-Jean.
M. Lemieux : Merci beaucoup, M.
le Président. M. Boyer, je suis d'accord avec vous, M. Boyer, ça va
prendre plusieurs solutions, et c'est ce que
je veux regarder avec vous, certaines solutions en particulier. Et je pense
qu'il n'y en a pas une qui va tout régler, là. Le «silver bullet» du
cinéma, on ne l'a pas, là, bon.
Mais avant je
veux vous ramener sur la montréalisation des ondes, parce que vous ne pouvez
pas savoir jusqu'à quel point ça me
fait du bien à mon oreille quand vous chantez cette chanson-là. Vous avez
écrit, dans votre mémoire : «Plusieurs observateurs et observatrices ont fait ressortir les disparités en
matière d'accès à une information locale et régionale diversifiée entre les centres urbains et les régions, ainsi
qu'au sein même des régions.» La montréalisation des ondes, elle fait mal
à tout le monde, là, mais, même sans la montréalisation des ondes, on est mal
pris dans les régions, là.
M. Boyer
(Daniel) : Bien, évidemment,
parce qu'il y a aussi une centralisation de l'information en région.
Parce qu'on peut bien se parler des six
médias de Groupe Capitales Médias, là, mais, si Le Nouvelliste
publie juste des nouvelles de la
grande ville de Trois-Rivières, là, on n'est pas plus avancés,
démocratiquement, là. Donc, il faut que Le Nouvelliste
couvre l'ensemble de la Mauricie. Il faut
que Le Quotidien couvre l'ensemble du Saguenay—Lac-Saint-Jean et non pas juste la ville du Saguenay. Bien, c'est ça, la démocratisation de
l'information. Donc, on se doit de... Là, je dis «montréalisation» parce
qu'effectivement tout s'en vient centralisé à Montréal, mais on le constate
aussi en région, c'est les grandes villes qui monopolisent l'attention. Donc,
il faut tenter de démocratiser davantage.
M. Lemieux : Maintenant, vous
m'avez fait plaisir là-dessus, expliquez-moi deux choses par rapport à vos recommandations. Comme vous le dites, c'est
plusieurs solutions. Elles sont toutes différentes les unes des autres,
mais on espère qu'imbriquées ensemble ça va avoir l'effet voulu.
Je vous amène
à votre recommandation n° 3. Je veux juste que vous m'expliquiez la partie
quand vous parlez de «taxables» : «La FTQ et ses syndicats affiliés
demandent que le gouvernement du Québec réclame officiellement au gouvernement fédéral de modifier la loi afin que
les publicités dans les médias de propriété étrangère soient taxables.»
Là, on va... En tout cas, moi, je suis loin
d'être fiscaliste, là. Il y a l'impôt puis il y a les taxes, mais, tout à
l'heure, on nous avait parlé d'exemptions
fiscales pour quelqu'un qui achète de la pub canadienne, qu'on ne devrait pas
donner si on achète de la pub à l'extérieur. Est-ce que c'est ça que
vous dites, vous aussi?
Une voix : ...
M. Lemieux : Même chose. Bon,
on a des amis pour vous qu'on a rencontrés tantôt, vous allez faire une bonne équipe.
Et je voulais aussi vous parler...
M. Boyer (Daniel) :
Je vous l'ai dit, qu'on avait des amis qui sont passés tantôt.
• (17 h 30) •
M. Lemieux :
Oui. Vous, vous venez de rajouter quelque chose de nouveau dans le bouquet, là,
une nouvelle fleur dans le bouquet,
c'est les crédits d'impôt ou l'incitatif pour les abonnements, puis vous avez
élargi à la philanthropie puis les dons — remarquez que c'est à
la mode en ce moment, là — mais
les abonnements, ça m'intéresse, ça. Pensez-vous vraiment qu'il y a du chemin à
faire là-dessus?
M. Boyer (Daniel) : Bien, pourquoi pas? Nous, ce qu'on se dit...
Quand on dit qu'il faut essayer plusieurs solutions, on pense que celle-là, elle peut être
intéressante. On peut bien favoriser, on peut bien inciter les gens à
s'abonner, je ne suis pas sûr que,
s'il n'y a pas un retour, en quelque part, fiscal, les gens vont quand même
s'abonner. Donc, je pense qu'il faut y trouver un certain intérêt au
niveau fiscal dans le but de solliciter les gens puis d'inciter les gens à
s'abonner.
M. Lemieux : Élargissons
maintenant à la philanthropie...
M. Boyer
(Daniel) : C'est comme les
crédits d'impôt pour les enfants. Ce n'est jamais suffisant, le crédit
d'impôt, pour avoir un enfant, mais ça nous incite quand même peut-être à en
faire.
M. Lemieux :
Et, pour ce qui est de la philanthropie, bon, évidemment, vous allez dire, on a
volé le modèle de l'OBNL, là, bon,
mais, s'il y avait des grandes compagnes pour aider les quotidiens de Groupe
Capitales Médias ou d'autres dans les
régions et que le... Est-ce que vous êtes en train de nous dire qu'il faudrait
que le gouvernement aide ceux qui veulent aider, aide ceux qui veulent
aider les médias à les aider avec des incitatifs au-delà de l'abonnement?
M. Boyer (Daniel) :
Je ne sais pas, peut-être. Probablement, oui, pourquoi pas?
M. Lemieux :
Bien, je veux dire, genre, comme on fait avec la Croix-Rouge en cas de séisme,
là, quelqu'un donne une piastre puis le gouvernement en donne une
deuxième.
M. Boyer (Daniel) :
Oui, pourquoi pas? Pourquoi pas?
M. Lemieux : O.K. Mon camarade...
mon collègue...
Le Président (M. Ciccone) : Merci.
Merci, M. le député. M. le député de Chauveau, vous êtes reconnu.
M. Lévesque
(Chauveau) : Merci beaucoup, M. le Président. M. Boyer et votre
équipe, bonjour. On a beaucoup parlé des seuils aujourd'hui, des seuils
de crédits d'impôt. Il y a des groupes qui ont proposé 35 %, d'autres,
25 %. Avez-vous une réflexion
là-dessus? Parce que ça tourne beaucoup autour de cette proposition-là
aujourd'hui, quelle serait la nature
de l'aide qu'on devrait fournir. Avez-vous une réflexion? Et, si oui, si vous
avez un chiffre en tête, est-ce que vous avez un rationnel qui soutient
votre chiffre?
M. Boyer (Daniel) :
35 % sur un maximum de 85 000 $, oui.
M. Lévesque (Chauveau) :
35 % sur la masse salariale, sur 85 000 $.
M. Boyer (Daniel) :
Oui, oui, oui.
M. Lévesque
(Chauveau) : Et est-ce qu'à l'intérieur de votre réflexion vous y
voyez sur la masse globale, la masse salariale globale ou vous ciblez
des catégories d'emploi?
M. Boyer
(Daniel) : Tous les employés
de l'équipe journalistique. Là, il faudrait se parler davantage, là, parce
que, bien évidemment, dans une presse
écrite, c'est peut-être plus simple, l'équipe journalistique. Quand on est
rendus à la... oui, là, je vois,
mais, si on parle de la télé puis de la radio, là, on est dans une autre
dimension. Il faudrait y réfléchir, mais, nous, ce qu'on voit, c'est
toute l'équipe journalistique.
M. Lévesque
(Chauveau) : Parce qu'à l'intérieur d'une équipe de presse écrite, par
contre, il peut y avoir, justement, des
blogueurs. Ce ne sont des journalistes proprement dits, mais ils font partie de
la masse salariale. Il y a un montant qui est... Non? Je vois un signe
de tête?
Une voix : Pas pour eux
autres.
M. Lévesque (Chauveau) : Oui,
mais j'aimerais... Il y a des gens qui...
M. Bolduc
(Denis) : En fait, c'est
pour la production de matériel, de nouvelles. Alors, un chroniqueur, un
blogueur, et on est plus dans l'opinion, on
ne vient pas donner davantage de nouvelles. D'autant plus qu'on dit que la
nouvelle locale est importante, et il
faut bonifier les nouvelles locales en région, il faut que... On parle de... Si
on parle du Groupe Capitales Médias,
on parle de six villes à l'extérieur de Montréal et Québec, bien, c'est
important, si on les soutient, que, dans le soutien, ils trouvent de l'oxygène pour apporter de la
nouvelle locale, pour aller couvrir autre chose que le conseil municipal
de Trois-Rivières, mais aller dans la ville voisine, puis dans la deuxième,
puis dans la troisième ville voisine.
M. Lévesque
(Chauveau) : Et il est vrai qu'à l'intérieur des... que c'est de
l'opinion, effectivement, il y a eu un versement, dans les dernières
années, de plus en plus vers l'opinion. Mais je me permets ce commentaire, que,
même à l'intérieur de certaines salles de
presse, à l'intérieur de groupes où il y a des journalistes, il y a des
journalistes que leur mandat a changé, et leur mandat est maintenant très, très orienté vers
l'opinion également. Est-ce que, dans ce cas-là... Parce que, là, c'est un débat, j'en conviens, mais ce
n'est pas simple, là, d'être capable de tracer la ligne qu'est-ce que du
journalisme, qu'est-ce que de l'opinion. Il
y a de plus en plus de journalistes qui donnent leur opinion. Je ne dis pas que
c'est mal, je ne dis pas que c'est
bien, mais je dis que ça existe de plus en plus. J'ai eu le rôle de
chroniqueur, chroniqueur-blogueur pendant quasiment deux ans...
Le Président (M. Ciccone) : En
terminant, s'il vous plaît.
M. Lévesque
(Chauveau) : ...et je peux vous en parler. Alors, je ne sais pas
comment vous êtes capables de dresser la ligne à l'intérieur de ça.
M. Boyer (Daniel) :
Jeudi dernier, on s'en est parlé...
Le Président (M. Ciccone) : Merci
beaucoup.
M. Boyer (Daniel) : ...on a essayé de tracer une ligne...
Le Président (M. Ciccone) : En
10 secondes.
M. Boyer
(Daniel) : ...on a essayé de tracer une ligne, c'était un peu
compliqué. On met Martineau, on met Lagacé où? On met qui où? Ce n'est
pas simple. Ce n'est pas simple, mais il faut y réfléchir.
Le
Président (M. Ciccone) :
Merci. Merci beaucoup. Je reconnais maintenant
un membre de l'opposition
officielle pour une durée de 10 minutes. Je reconnais la députée de Saint-Laurent.
Mme Rizqy : Merci
beaucoup, M. le Président. Merci, et bienvenue parmi nous. Je me permets de reprendre mon
chapeau d'avocate fiscaliste, si vous le permettez bien. Le budget, on le sait,
va sortir en mars 2020. Tantôt, vous avez mentionné
que ça prend, oui, des solutions de
façon simultanée, qu'on parle du
crédit de 35 %, mais je pense,
c'est aussi important de parler de
l'autre affaire, c'est de Facebook, qui, vraiment, en ce moment, draine tous ou
pratiquement tous les revenus publicitaires sans payer d'impôt. J'ai
fait la lutte aux paradis fiscaux avant mon entrée en politique, je la fais toujours, d'ailleurs je l'ai même faite avec des
gens de la FTQ. Alors, tantôt, j'avais mon tableau. Avec une taxe GAFA
de 3 % juste pour Facebook, en 2018, on
aurait collecté 20 millions de dollars. Je ne l'ai pas fait avec Alphabet,
qui appartient à Google. Pensez-vous
qu'aujourd'hui, là... une de vos demandes pour un budget de 2020, est-ce qu'on
pourrait demander au gouvernement d'inscrire déjà, là, en tête qu'en
2020, au budget de 2020, on s'attend à ce qu'il y ait une taxe GAFA, à l'instar
de la France?
M. Boyer
(Daniel) : Bien, oui, on
s'attend à ça, mais je vous dirais que... puis, quand on parle de plusieurs
solutions, on comprend que, dans le temps,
il y a des solutions qui ne peuvent pas être instantanées et arriver du jour au
lendemain, mais on souhaite que
d'autres solutions que celles-là arrivent avant le prochain budget. On souhaite
que, déjà... Écoutez, l'aide à Groupe
Capitales Médias, là, elle est jusqu'en novembre, là, donc il faut être
proactifs, il faut aller de l'avant le plus rapidement possible pour trouver d'autres solutions. Et bien
sûr qu'on souhaite que, dans le prochain budget, on impose davantage, on
impose, là, les Facebook, les Google de ce monde, là.
Mme Rizqy :
Le gouvernement précédent, libéral, est allé de l'avant avec ce qu'on appelle
communément la taxe Netflix, même si le gouvernement fédéral n'a pas
voulu agir. Pensez-vous qu'aujourd'hui... toujours dans l'optique qu'il y aura un budget qui va être inscrit
prochainement, dans les prochains mois quand même, est-ce qu'on devrait
occuper le champ de taxation fédéral laissé vacant, les cinq points de TPS que,
clairement, là, ni le fédéral libéral ni le fédéral conservateur veut, là, on
va s'entendre?
M. Boyer
(Daniel) : C'est vrai qu'ils
ne veulent pas, mais il faut continuer à pousser sur ce gouvernement-là
pour qu'il aille de l'avant.
Mme Rizqy : Monsieur, j'ai
poussé.
M. Boyer
(Daniel) : Est-ce que la
solution, c'est de le faire à leur place? Je sais que votre collègue le
ministre Leitão, quand il était ministre des Finances, avait cette ambition. Peut-être
que c'est ça, la solution, je ne le sais pas. Mais une chose est sûre,
c'est qu'il ne faut pas arrêter de mettre de la pression sur le gouvernement
fédéral, parce que, si on arrête... On n'y
est pas arrivé encore, là, bien, il ne faut pas dire : Le gouvernement ne veut pas, il faut continuer à pousser pour que... Puis là ça tombe bien, on est en période
électorale, là, bien, je pense qu'on pourrait avoir des engagements
dans ce sens-là de la part des
partis politiques qui sont en campagne électorale.
Mme Rizqy : Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Ciccone) : Je
reconnais maintenant la députée de Verdun.
Mme Melançon : Clairement, nous autres, on a fait le travail avec Netflix,
alors là, c'est le temps à d'autres de faire le travail avec Facebook. Mais vous pouvez être sûrs d'une chose, nous,
on va continuer à se battre parce que, clairement, il faut aller
chercher l'argent qui revient ici, au Québec, pour les médias, et là-dessus... je
pense qu'on a été très clairs sur le sujet.
D'ailleurs,
je veux vous ramener très rapidement... parce que vous parliez, tout à l'heure, de la logique comptable des différents
groupes de presse, qui ont géré ça comme une business normale, alors que l'information, ça va beaucoup
plus loin que ça, et on le sait. Pour la
sortie de crise, là, où est-ce que nous sommes actuellement, j'imagine que
vous vous attendez, comme moi peut-être je m'attendais, à ce qu'on ait, déjà cet
été, là, quelques pistes dans l'urgence d'agir. Parce que, si on attend uniquement la fin de la commission, plus le
rapport, plus des discussions, plus le gouvernement, on ne s'en sortira
pas. Là, on a une mise à jour économique déjà, habituellement, prévue à la fin
novembre, début décembre, il va falloir qu'on y voie. À
l'intérieur de votre crédit d'impôt, est-ce que vous incluez les magazines
lorsque vous parlez, vous, de la presse écrite?
Des voix : ...
Mme Melançon : Oh! c'est une bonne question. Moi, j'aime ça,
quand... O.K., parce que je veux qu'on réfléchisse
ensemble.
Mme Blais
(Nathalie) : C'est ça, c'est-à-dire que nous, on ne représente personne dans les magazines, donc on
l'a pensé dans l'optique des médias
généralistes, radios, télés, journaux, autant les hebdos que les quotidiens.
Mais pourquoi pas les magazines? S'il y a des magazines qui apportent de
l'information, pourquoi pas...
Mme Melançon : Il y a des
magazines de niche.
Mme Blais
(Nathalie) : ...et qui
embauchent des journalistes et qui font de l'information factuelle. C'est
une question de qualité de l'information partout au Québec.
• (17 h 40) •
Mme Melançon : Parfait. Moi, c'est important,
là, quand même, qu'on puisse échanger là-dessus,
parce qu'on a des médias de niche, quand même, sous forme de soit journal ou encore de magazine sur lesquels on va
devoir se pencher, on va devoir réfléchir, tout le monde ensemble, donc
je voulais quand même vous entendre sur le sujet.
Mme Blais
(Nathalie) : ...le gouvernement fédéral a exclu tout ce qui est journal ou magazine thématique, donc il faut que ce soit de l'information générale pour que le crédit
d'impôt fédéral s'applique. Alors, si
vous voulez qu'il y ait une
certaine symétrie...
M. Boyer (Daniel) :
Donc, L'Actualité pourrait être un bon exemple, mais Vélo Québec,
mettons, bon, moins.
Mme Melançon : Oui, tout
à fait, d'accord, je vous entends
bien. Je voulais voir avec vous, parce que vous en avez parlé puis vous faites plusieurs
recommandations à
l'intérieur de votre mémoire, on
parle de 9 % seulement de Canadiens, là — c'est
vraiment des répondants du Canada — qui paient, actuellement,
pour avoir un abonnement, 9 %, alors que l'information a déjà été beaucoup plus élevée que ça, là. Je ne sais pas quel était
le chiffre de départ... bien, de départ... disons, médian, est-ce que
vous avez une idée? Parce que... et je vais vous expliquer où est-ce que je
veux en venir, là, c'est qu'actuellement on a des hebdos, partout dans le Québec, qui sont gratuits.
Moi, je veux bien, là, pouvoir aider, par
exemple, ou pouvoir m'abonner là où je peux,
mais ce n'est pas vrai qu'on peut aider ou on peut prendre des abonnements dans
nos hebdos, vous le savez, on en a dans
chacune de nos régions. C'est pour ça que j'aurais aimé connaître où on est
partis ou, en tout cas, un chiffre de départ pour savoir à quel point on
a diminué. Est-ce que vous avez ça dans vos chiffres?
Mme Blais
(Nathalie) : On n'a pas ce
chiffre-là. Par contre, historiquement, à ma connaissance, les hebdos ont toujours
été gratuits, du moins, donc le 9 %, si on voulait avoir le chiffre de
départ, il faudrait regarder ce que les quotidiens allaient chercher
comme abonnements.
Mme Melançon : Voilà.
Mme Blais
(Nathalie) : Parce que la
télévision... on ne paie pas non plus directement pour l'information à la télé ou à la radio.
Mme Melançon : Bien, il
y a le Fonds des médias, là, quand même,
là, où on pouvait quand même aller chercher pour faire du contenu, pas tant en information, mais, quand même, qui permettait à certaines stations, là, disons-le, là, de pouvoir respirer un peu plus que présentement, parce que le Fonds des médias est malheureusement en train de
fondre comme neige au soleil. Je finis avec... Je ne sais pas, M. le
Président, combien de temps il me reste.
Le Président (M. Ciccone) :
2 min 40 s.
Mme Melançon : D'accord. Je veux terminer quand même
en rappelant que le noeud du problème, on en parle, ce sont les Google,
Facebook et Amazon de ce monde, principalement, là, quand on parle de
0,80 $ dans le dollar en publicité qui s'en va vers ces géants-là, c'est là où ça fait mal. Moi,
ce que je veux voir avec vous : Est-ce que vous autres, vous avez eu des échanges avec ces grands groupes
comme Facebook, comme Amazon? Est-ce qu'il y a eu des échanges,
de votre côté, avec ces gens-là? Parce que, malheureusement, ils ne viendront pas devant la commission, et on va
devoir leur parler... je ne sais pas si ça
va être par voix interposée, à quel point on va pouvoir leur parler, mais moi,
je veux savoir est-ce que vous, vous leur avez parlé.
M. Boyer
(Daniel) : Non.
Mme Melançon :
Non?
M. Boyer (Daniel) : Non, puis, écoutez, ce n'est pas simple
parce que, bon, les employés de ces entreprises-là ne sont,
bien sûr, pas syndiqués, la plupart, donc c'est difficile
d'avoir un contact. Je ne sais pas s'ils sont intéressés à nous parler
non plus, là, je ne sais pas.
Mme Melançon : Bien, clairement, je ne pense pas, là. Puis on va se projeter dans
le temps, tout à l'heure, mon collègue de Beauce-Sud
disait «si on doit faire une intervention», moi, je dis «il faudra faire une intervention». Je pense
que, là-dessus, on est d'accord, parce que,
là, on le voit, là, et à la lecture de tout ce qu'on a fait, on va devoir
bouger, et ce, rapidement, et je le dis, là, rapidement. J'ai une critique
à faire, et je le disais un peu plus tôt, malheureusement, le législatif
est très,
très long à arriver. Avec le rythme
auquel eux sont en train de se transformer et transforment aussi notre
paysage, donc au quotidien, très rapidement,
là, si on veut passer, là, première action, parce qu'on le disait tout à l'heure, là, ça va être compliqué, d'arriver à une définition du
journalisme, la première chose qu'on doit faire?
M. Boyer (Daniel) : Écoutez, effectivement, la première chose qu'on doit faire, là, je l'ai
mentionné : faire pression sur
le gouvernement fédéral et faire pression sur ces géants. Moi, je pense
que c'est d'abord là qu'il faut interpeler. Et, dans notre cour à nous,
il y a des solutions, on en a parlé, bon, des crédits d'impôt sur la masse
salariale, des...
Une voix :
...
M. Boyer (Daniel) : Bien, c'est plus long, mais, au moins, ça nous
appartient, on a le levier pour aller de l'avant. Les autres, bien, il
faut continuer à pousser, là, il faut continuer à pousser.
Mme Melançon :
Je vous remercie beaucoup d'avoir été avec nous aujourd'hui. Merci.
Le Président (M.
Ciccone) : Merci, Mme la députée. Je reconnais maintenant la députée
de Taschereau pour un temps de 2 min 30 s.
Mme Dorion : Merci. Bonjour, merci beaucoup, c'est superintéressant de vous entendre. C'est une question
un peu personnelle, on pose la question
à tout le monde depuis le début de la journée, depuis le début de
la commission, par
rapport à imposer les géants du numérique, est-ce que
c'est une bonne idée. La majorité dit : Oui, oui, il faut
le faire, oui, il faut absolument
le faire. Bien sûr, on ne peut pas le faire demain, mais, comme on
sait à quel point c'est compliqué, si on veut que ça se passe, il faut
commencer à se battre tout de suite pour que ça arrive. Malheureusement, du
côté fédéral, on voit qu'il y a absolument une volonté très, très, très molle
de faire quoi que ce soit, on a un sentiment un peu d'aplaventrisme devant les
géants du numérique.
Et
au provincial, avec la Coalition avenir Québec, autant dans les questions que
j'ai posées à la ministre que dans les questions qu'aujourd'hui les
députés de la CAQ posent, ça n'a pas l'air d'être un enjeu qui les passionne ou
un enjeu dans lequel ils ont envie de
plonger — ceci
dit, ça reste à voir, puis moi, je garde espoir — mais même chose par rapport à leur demander... demander au gouvernement Legault,
finalement, de faire pression sur le fédéral. Donc, qu'est-ce qu'on peut faire, dans l'opposition, pour faire avancer
ce dossier primordial là, selon vous, de façon à ce que ça ne prenne pas
encore 20 ans avant que quelque chose puisse débloquer puis qu'on puisse
avoir une solution à long terme avec des revenus à long terme?
M. Boyer (Daniel) : Bien, moi, je pense, je le dis et je le dis, pour
le gouvernement, de pousser sur le gouvernement fédéral et d'interpeler les géants du Web, mais je le dis aussi à
l'opposition : Si le gouvernement ne pousse pas assez fort, bien, il faut les inviter à pousser davantage. Écoutez,
c'est vrai que les partis fédéraux qui sont en campagne électorale...
c'est vrai qu'il n'y en a pas un qui a levé
la main, à date... bien, oui, peut-être qu'il y en a quelques-uns, là, mais, en
tout cas, ceux qui sont peut-être
susceptibles de prendre le pouvoir, en tout cas, ils n'ont pas l'intention de
faire quelque chose. Bien, ce n'est pas
parce qu'ils n'ont pas l'intention de faire quelque chose qu'il faut arrêter de
pousser. Moi, je pense qu'il faut continuer. Puis, vous savez, du côté syndical, si on avait arrêté
de faire les choses à toutes les fois qu'on nous dit non, bien, on ne serait
pas arrivés à grand-chose, puis pourtant on
est perspicaces, on tient notre bout, puis finalement on réussit à avoir des
gains. Donc, moi, je pense qu'il faut continuer à faire ça.
Puis,
écoutez, à notre initiative, à l'initiative du SCFP, on a formé la Coalition
culture et médias, la première revendication, c'était de taxer Netflix,
là. Bon, bien, bravo! il y a un bout qui est fait, bien, continuons, on a
encore de l'ouvrage à faire, là, il faut continuer.
Le Président (M. Ciccone) : En
terminant, s'il vous plaît. En terminant.
Mme Dorion :
Je vais suivre votre conseil.
Le
Président (M. Ciccone) :
Merci. Merci beaucoup. Je reconnais maintenant le député de Rimouski pour
2 min 30 s.
M. LeBel :
Un peu dans le même sens, moi, je comprends, par exemple, ce que vous dites par
rapport à la pression sur le fédéral,
ce n'est pas juste de taxer les grands, là, mais c'est de se servir de tout ce
qu'ils ont comme pouvoirs pour améliorer,
là, vous pensiez... La Loi sur le droit d'auteur, la Loi sur la radiodiffusion,
la Loi sur les télécommunications, ils ont
plein de leviers qui peuvent nous amener à avoir un plan qui a de l'allure pour
sauver nos médias puis sauvegarder notre culture, notre langue, au Québec, là. Mais là vous dites : Bon, le
gouvernement du Québec y veille. Mais il fait des... Mais là, on est tannés de veiller, il va falloir passer à
autre chose. Moi, j'ai... Puis vous dites, à un moment donné, «exercer
sans relâche une pression sur le
gouvernement fédéral». Là, vous dites : Il faut faire pression sur le
gouvernement qu'il fasse pression sur un
autre gouvernement, ça fait... Moi, là, je suis un peu comme ma collègue, là, à
un moment donné, les élections fédérales arrivent, il faudrait que la société civile, tout le monde, les partis
politiques, l'ensemble de l'Assemblée nationale revendiquent que le gouvernement fédéral bouge, qu'il participe
à un vrai plan de sauvetage. Est-ce qu'on peut faire ça? Puis vous
dites : Il faut faire des pressions.
Vous connaissez ça, des pressions, vous autres, ça fait que vous pouvez
peut-être nous dire un peu, effectivement, ensemble, comment on pourrait
faire, comme Assemblée nationale.
M. Boyer
(Daniel) : Bien, moi, je
vous dirais que, si on n'était pas dans un moment aussi propice
qu'actuellement, c'est-à-dire une période
électorale, ça serait peut-être un peu compliqué, mais on est dans une période
électorale. Nous, ça fait partie de
notre plateforme de revendications dans le cadre de la prochaine campagne
électorale fédérale, là, c'est une de nos sept revendications, donc on va continuer à pousser sur ce dossier-là.
On va continuer, de toute façon, à pousser sur tous vous autres si vous
ne poussez pas assez. Donc, on va continuer, nous, à faire notre job. Ça, c'est
bien sûr, qu'on va continuer à le faire.
Mais vous
avez raison, la plupart des leviers, c'est de juridiction fédérale. On ne les a
pas, ces leviers-là, mais les leviers
qu'on a, utilisons-les, par contre, pour aller assez rapidement, parce qu'on a
des solutions à mettre en place rapidement. Puis ceux qu'on n'a pas,
bien, poussons sur le gouvernement fédéral, on va tous pousser ensemble, là.
M. LeBel : Les leviers — vous
me voyez venir — ...
M. Boyer (Daniel) :
Oui, oui.
• (17 h 50) •
M. LeBel :
...si on les avait tous au Québec, dans un Québec indépendant, ces leviers-là,
on serait capables de faire quelque
chose. Puis je trouve aussi que ce que vous avez dit tantôt par rapport aux
régions, c'était vraiment bon, le fait qu'ici, au Québec on ne sait pas ce qui se passe dans les régions. Si les luttes
qui se passent dans les régions, on ne le sait pas, les luttes du monde rural, là, dans le Bas-du-Fleuve,
on ne le sait pas, ce qui se passe, mais ce n'est pas dans nos grands
médias nationaux, puis pourtant c'est un enjeu majeur pour l'avenir du Québec,
puis on ne le sait pas, ce qui se passe là.
Le Président (M. Ciccone) : En
terminant, s'il vous plaît.
M. LeBel : Moi, ça, vous avez
bien raison là-dessus.
Le
Président (M. Ciccone) : Merci beaucoup. Je reconnais maintenant la députée de Marie-Victorin pour deux minutes.
Mme Fournier : Merci
beaucoup pour la présentation. Je
dirais que je partage l'exaspération de mes collègues. On s'entend qu'on est dans un contexte, justement,
vous l'avez dit vous-même, un contexte électoral, le gouvernement nationaliste a plusieurs revendications face au gouvernement
fédéral. Il y a
cet enjeu-là, qui est vraiment criant, et pourtant, vous l'avez dit, encore une fois, les grands
partis fédéraux n'ont pas encore répondu à l'appel, restent de glace devant
l'appel du milieu médiatique. Donc, c'est là
qu'on se dit à quel point c'est difficile, même si on pousse, d'obtenir des
concessions du gouvernement fédéral. Alors, c'est pour ça, notamment, qu'on est
souverainistes, qu'on est indépendantistes.
Mais, pour ce
qui est de la question de la pression qui peut être exercée sur les membres que
vous représentez dans le contexte difficile qu'on connaît dans les
médias, est-ce que vous avez des échos, en tant que syndicat, de ce qu'on peut
entendre sur le terrain?
M. Gagné
(Renaud) : Bien, comme mentionné, Unifor, on représente 7 000 à travers le pays. Donc, c'est sûr
qu'il y a des pressions un peu partout, principalement faites à Ottawa, de
notre syndicat, là. Donc, c'est sûr qu'on a des revendications, c'est dans la
plateforme.
Mais,
particulièrement dans le cas de Groupe Capitales, en tout cas, en ce qui nous
concerne, Unifor, on représente le
tiers de ces employés-là, là, donc c'est sûr que tout ça, c'est... Le futur,
moi, je suis vraiment préoccupé pour demain matin. Qu'est-ce qu'on fait?
Quelles sont les mesures pour vraiment sauver ces quotidiens-là, qui sont
fondamentaux pour la démocratie dans les régions en termes de priorité? Puis je
suis accompagné d'un journaliste de La Tribune, là, il sait
exactement comment ça se vit dans son milieu de travail.
M. Goupil
(Alain) : Vous savez, juste
l'automne passé, on a fait une campagne de lobbying à Ottawa, justement,
où un des points, une des revendications qu'on avait, c'était à l'égard de
l'article 19 de la loi sur l'impôt. Il y a une espèce d'incongruité ou, en tout cas, nous, ce qu'on
appelle colmater la brèche de l'article 19, là, c'est-à-dire de faire en sorte
que, quand une entreprise canadienne décide
d'acheter de la publicité sur les grandes plateformes que sont les GAFA, bien,
cette dépense-là ne puisse pas être
déductible, comme les gouvernements ont eu le courage de le faire, dans les
années 90, dans la fameuse affaire du Time Magazine, là, ou Maclean's.
Le Président (M. Ciccone) : En
terminant, s'il vous plaît.
M. Goupil
(Alain) : Ne serait-ce que
de colmater cette brèche-là, là, quand vous nous posez la question :
Qu'est-ce qu'on peut faire dans l'immédiat?,
O.K., ça, ça serait un combat à mener. Et on a évalué, nous, chez Unifor, que,
si on arrivait à colmater cette brèche-là, on irait chercher plus de
1 milliard de dollars d'ici 2021, ce n'est pas rien.
Le
Président (M. Ciccone) :
Merci. Merci beaucoup. Merci beaucoup. Je tiens à vous mentionner, pour avoir
oeuvré 18 ans dans les médias, que ce
dossier, cette réalité m'interpelle énormément, et c'est un privilège pour moi
d'être président de cette commission.
Votre contribution est essentielle et même inestimable. Et, vous, chers
collègues, merci beaucoup aussi pour votre temps, votre travail et
surtout votre professionnalisme.
Sur ce, la commission ajourne ses travaux
jusqu'à demain, mardi le 27 août 2019, 9 h 30. Merci. Bonne
soirée, tout le monde.
(Fin de la séance à 17 h 53)