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Version finale

42nd Legislature, 1st Session
(November 27, 2018 au October 13, 2021)

Thursday, May 30, 2019 - Vol. 45 N° 18

Special consultations and public hearings on Bill 5, An Act to amend the Education Act and other provisions regarding preschool education services for students 4 years of age


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Table des matières

Auditions (suite)

Commission sur l'éducation à la petite enfance

Fédération autonome de l'enseignement (FAE)

Fédération québécoise des organismes communautaires Famille (FQOCF)

M. Georges M. Tarabulsy

Association d'éducation préscolaire du Québec (AEPQ)

Centrale des syndicats du Québec (CSQ), Fédération des intervenantes en petite enfance
du Québec (FIPEQ) et Fédération des syndicats de l'enseignement (FSE)

Autres intervenants

M. Mario Asselin, vice-président

M. Jean-François Roberge

Mme Marwah Rizqy

Mme Christine Labrie

Mme Véronique Hivon

Mme Agnès Grondin

Mme Jennifer Maccarone

M. Jean-Bernard Émond

*          M. André Lebon, Commission sur l'éducation à la petite enfance

*          Mme Nathalie Morel, FAE

*          Mme Marie-Eve Brunet Kitchen, FQOCF

*          Mme Sylvie Drouin, AEPQ

*          Mme Carolane Couture, idem

*          Mme Sonia Éthier, CSQ

*          Mme Valérie Grenon, FIPEQ

*          Mme Josée Scalabrini, FSE

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures cinquante minutes)

Le Président (M. Asselin) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre de la consultation particulière sur le projet de loi n° 5, la Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique et d'autres dispositions à l'égard des services de l'éducation préscolaire destinés aux élèves âgés de 4 ans.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Skeete (Sainte-Rose) sera remplacé par M. Reid (Beauharnois) et Mme Melançon (Verdun), par Mme Sauvé (Fabre).

Auditions (suite)

Le Président (M. Asselin) : Très bien. Alors, cet avant-midi, on va entendre M. Lebon et on va entendre aussi la Fédération autonome de l'enseignement.

M. Lebon — bien connu — je vous invite quand même à prendre le temps de vous présenter, et on va avoir un bon 10 minutes pour entendre les grandes lignes de votre mémoire, et puis après on débute les échanges avec un temps un peu plus restreint que d'habitude, mais on y va. M. Lebon, à vous la parole.

Commission sur l'éducation à la petite enfance

M. Lebon (André) : Merci, monsieur. Alors, je me présente, je suis André Lebon, je suis psychoéducateur de formation et, depuis 1968, je travaille auprès des jeunes en difficulté, vraiment sur le terrain.

J'ai un parcours qui leur a toujours été dédié, sauf que ce qu'il faut que je vous dise, c'est que ma carrière s'est comme distribuée en deux. De 1968 à 1988, j'étais activement engagé auprès de jeunes délinquants et j'ai travaillé à tous les niveaux, comme éducateur, comme développeur de programmes en milieu scolaire, pour le travail, l'insertion au monde du travail. Puis après 20 ans, en 1988, je me suis sérieusement posé la question et j'ai fait un examen de conscience en me disant : Toutes ces énergies-là, tous ces gens engagés pour aider ces jeunes-là, et si peu de résultats. Alors, ça ne veut pas dire de les abandonner, mais j'ai fait, à ce moment-là, le virage de l'agir tôt et, les 25 dernières années, j'ai continué de m'impliquer auprès des jeunes en difficulté, mais j'ai surtout travaillé à développer tout ce qu'il faut pour faire en sorte qu'on développe des enfants en santé, qu'on développe de la bienveillance au lieu d'essayer de s'attaquer à la maltraitance une fois que le tort est fait.

Alors, par respect pour mes collègues... parce que ce que je viens vous présenter, c'est le fruit d'une démarche de réflexion de 70 personnes, alors, par respect pour mes collègues, qui ont lu mon texte... c'est un texte que moi, j'ai rédigé, j'ai fait une synthèse, mais la majorité des gens que j'ai rejoints m'ont donné leur aval. Ils auront l'occasion, éventuellement, d'apposer leurs noms sur ce document, mais pour l'instant je vous le présente comme individu. Mais sachez que c'est fortement inspiré de 70 personnes qui représentaient beaucoup de monde.

Alors, j'y vais dans le contexte, c'est le suivant. Alors, en février, alors que le débat se polarisait au Québec autour de l'implantation universelle de la maternelle quatre ans non obligatoire, plusieurs voix tentaient de se faire entendre pour cesser cette polarisation, pour ou contre la maternelle quatre ans, souhaitant plutôt élever le débat autour de l'enjeu principal, à savoir agir tôt et de façon concertée auprès des tout-petits au Québec.

C'est à partir de ce principe essentiel et c'est sur cette base que fut lancée une invitation à plus de 70 participants de consacrer deux jours de réflexion portant sur l'enjeu de la trajectoire préscolaire des enfants québécois. Ces participants venaient d'horizons diversifiés : leaders de mouvements sociaux, leaders syndicaux ou professionnels, chercheurs, influenceurs, qui représentaient aussi bien les secteurs de la santé, des services sociaux, des milieux de garde ou de l'Éducation, du milieu municipal et des milieux communautaires. Ces deux jours donnèrent lieu à des discussions riches d'enseignements précieux, croyons-nous, capables d'enrichir la réflexion et la prise de décision de nos trois ministres concernés directement par cet enjeu.

Ce fut donc avec grand enthousiasme que nous avons accueilli les ministres Carmant, Lacombe et Roberge au lancement de nos deux jours de réflexion. Dans mon expérience professionnelle, c'était une première d'avoir trois ministres et d'avoir tous les partis d'opposition présents à cette réflexion. Leur présence conjointe — je parle de tous ces politiques-là — et leurs propos ont contribué à lancer dans la bonne direction ces deux jours de réflexion, soit d'élever le débat pour imaginer les scénarios les plus porteurs pour infléchir les résultats de l'enquête sur le développement des enfants de la maternelle, qui démontre que 27,8 % des enfants du Québec arrivent à la maternelle cinq ans avec une vulnérabilité dans au moins une des cinq sphères de leur développement.

Derrière cette réflexion, il y a une vision commune. Dès les premiers échanges et jusqu'à la toute fin des deux jours, les discussions n'ont pas dérogé à une règle fondamentale : considérer d'abord et avant tout les besoins de l'enfant et des parents, non pas les services qu'on a ou qu'on n'a pas. Rapidement, les participants ont souscrit à l'importance d'agir tôt et de façon concertée. Agir tôt, c'est reconnaître que le développement du plein potentiel des enfants constitue le meilleur moyen d'assurer leur réussite éducative et la réduction des inégalités sociales, et ce, dès la conception de l'enfant. La petite enfance est le premier maillon de la réussite éducative et la période de la vie où les efforts consentis, accompagnement et financement, sont les investissements les plus fructueux et les plus rentables pour une société et pour les individus. L'accès pour tous et la qualité de nos services sont les assises pour assurer que les enfants du Québec vont réaliser leur plein potentiel. Une préoccupation, particulièrement, doit être consentie afin de ne pas échapper ceux que l'on rejoint le moins et qui sont très souvent ceux qui bénéficient le plus d'interventions et de services précoces.

Agir ensemble de façon concertée, c'est de reconnaître que la mise en commun de tous nos actifs, de toutes nos connaissances scientifiques et de toutes nos qualifications est la seule manière d'offrir une trajectoire préscolaire de réussite pour tous au Québec. L'accès pour tous à des services de haute qualité sont les ingrédients charnières pour assurer que tous les enfants du Québec se développent à leur plein potentiel. Une préoccupation particulière nous animait : Comment ne pas échapper ceux que l'on rejoint le moins et qui sont très souvent ceux qui bénéficient le plus des environnements éducatifs, en autant qu'ils sont de qualité? Quelle vision gouvernementale avons-nous souhaitée? On s'est permis de formuler des orientations qui pourraient nous amener, nous élever.

Alors, les attentes exprimées envers le gouvernement sont les suivantes : la création d'une stratégie interministérielle et intersectorielle en petite enfance qui transcende les missions respectives des ministères concernés et qui s'inscrit dans une trajectoire de services allant de la conception jusqu'à l'entrée en maternelle cinq ans, la contribution de tous les secteurs et la concertation constante entre ces secteurs, qui permettraient d'accroître l'efficacité des programmes comme OLO, SIPPE, CIRENE en amont du parcours éducatif, un arrimage aussi plus cohérent... — pardon, je pense que je vais prendre de l'eau, pardon — un arrimage plus cohérent entre les diverses ressources relevant du ministère de Famille, comme les maisons de la famille, l'ensemble des milieux de garde, et du ministère de l'Éducation, un acharnement de tous les instants pour s'assurer de la qualité des services en fonction du développement des enfants, et ça, sans égard au secteur.

Nous souhaitons la mise en place d'une gouvernance intégrée et tripartite qui puisse être déclinée aux plans régional, national et local de façon à respecter les contextes territoriaux et ajuster les scénarios de trajectoire de services en fonction des besoins mais en fonction du type de ressource existant ou à combler. Nous souhaitons un monitoring des besoins ainsi qu'un monitoring et un tableau de bord de ce dont on dispose afin de mieux saisir où sont les efforts et où devons-nous mettre les priorités.

Le respect des contextes territoriaux. La Commission sur l'éducation à la petite enfance m'a convaincu de ça, le respect des contextes territoriaux, l'analyse tripartite des besoins et des actifs permettraient d'éviter le «one-size-fits-all» et d'innover dans l'offre de services en l'adaptant aux besoins locaux. On éviterait ainsi des chevauchements de services et des dépenses inutiles.

Différentes pistes d'amélioration issues des réflexions, appelons ça le comment version 3.0. Quelques prémisses de base : Si on demande au gouvernement d'agir en interdépendance, on pense aussi que la société civile doit faire front commun autour d'un positionnement sociétal apolitique d'offrir à tous les enfants québécois une chance égale de développer leur plein potentiel et veiller à ce qu'ils soient bien préparés lors de leur entrée à l'école, une centration essentielle sur les besoins de l'enfant et des parents; il faut dégager une trajectoire de services qui s'appuie sur une diversité et une multitude de moyens et non sur des offres uniques qui se superposent; il faut fonder nos stratégies sur les connaissances scientifiques éprouvées — on sait qu'il peut y avoir des avis différents, mais au net il y a quand même des troncs communs assez évidents, le Québec dispose d'un bassin de chercheurs et de scientifiques établis, engagés et reconnus; avoir une stratégie de qualification des intervenants et des programmes soutenus par les écoles de formation reconnues, l'évaluation qualitative des milieux et la mise à niveau pédagogique, si nécessaire, au moyen de la formation continue; assurer la complémentarité et l'utilisation efficiente des ressources disponibles...

• (12 heures) •

Le Président (M. Asselin) : ...M. Lebon, on a écoulé notre premier 10 minutes, mais on pourra peut-être, dans le 10 minutes qui s'en vient, arriver, par les échanges avec le ministre... continuer un peu la présentation.

M. Lebon (André) : ...aspects plus concrets, alors je profiterai des questions pour les positions.

Le Président (M. Asselin) : S'il vous plaît.

M. Lebon (André) : Merci.

Le Président (M. Asselin) : M. le ministre, vous avez 10 minutes.

M. Roberge : 10 minutes? Je vais vous permettre de compléter, s'il vous reste deux, trois minutes. Je pense que c'est très pertinent. Vous entriez dans quelque chose de très concret, je vais vous laisser aller.

M. Lebon (André) : Oui, surtout qu'on vous a présenté nos pistes, puis il y avait des pistes qui semblaient rejoindre vos intérêts.

Alors, la première piste, c'était créer une agence de la petite enfance — alors, ça, je parle de la société civile — créer une agence de la petite enfance pour assurer une vigilance sociétale pour une population qui n'a pas de voix. Les 0-5 ans, enfants ou parents, qui sont pris dans le feu de l'action n'ont pas de voix. Divers mandats pourraient être dévolus à cette agence. Quelle pourrait en être la formule? On ne sait pas. C'est-u un ombudsman? C'est-u un commissaire? C'est-u un collectif émanant de la société civile? Ce qui est certain, c'est qu'il faut donner une voix à la petite enfance.

Il faut planifier des services de base sur la base des données populationnelles et des réalités régionales et injecter les ressources là où sont les besoins sur la trajectoire de services.

Je reviens à l'idée de monitoring des besoins, monitoring des actifs puis décisions à la fois nationales, régionales et locales sur les meilleurs investissements, l'idée d'une stratégie cooptée et d'une gouvernance tripartite pour rejoindre les enfants qu'on échappe. Je pense qu'on a une obligation sociétale de se poser la question : Pourquoi échappons-nous ces enfants? Pourquoi échappons-nous ceux qui en ont le plus besoin? Et qu'est-ce qu'on peut faire?

Un autre élément, c'est un portail d'accès. Devant la multiplicité et la nécessité de la diversité des ressources, les parents puis les enfants qui en ont le plus besoin sont souvent dépourvus. Alors, nous, on pense que ça prend un portail, mais un portail qui est animé par ce qu'on pourrait appeler un sherpa, ça, c'est poétique, ou un courtier — je pense que M. le ministre préfère plus le volet de courtier — mais qui serait un accompagnateur qui guide les gens à travers les possibilités de ressources. Ça fait que non seulement on mettrait en commun l'offre, mais on accompagnerait les gens, comme l'infirmière pivot dans certains hôpitaux fait un travail et mène les gens efficacement vers le niveau de réponse qu'ils ont besoin. On élimine des pertes de temps, on échappe moins de gens et on a la capacité de répondre au bon service au bon moment. Et rappelons-nous que ça pourrait être à vitesse variable, dans le sens où ça pourrait être obligatoire, qu'on devrait s'engager à le fournir aux familles et aux enfants qui en ont le plus besoin, enfants à besoins particuliers, familles démunies, puis optionnel pour les parents qui ont peut-être plus d'initiative ou qui ont peut-être plus de possibilités d'utiliser eux-mêmes le réseau. Donc, cette fonction de pivot pourrait être particulièrement efficace.

L'autre chose, il faut continuer... et nous sommes préoccupés avec la fin du mouvement Avenir d'enfants, qui était un mouvement intéressant pour amener une concertation des milieux autour de la petite enfance. Ce mouvement-là se termine en 2019‑2020. Alors, on est très préoccupés puis on pense qu'il faut continuer de développer la concertation interréseaux et faire en sorte qu'on utilise de façon maximale et qu'on met en complémentarité nos ressources.

L'autre chose, on pense qu'il pourrait y avoir un budget décloisonné, c'est-à-dire que, si on regarde les trajectoires de services, on devrait regarder comment on investit dans l'ensemble de ces services puis, après ça, faire nos priorités plutôt que de les faire par silos puis de dire : Voilà.

L'évaluation. Nous, on pense que l'évaluation constate... puis il y a des moyens qui sont pris, il va y avoir évaluation, maintenant, dans les milieux de garde, donc le ministère va évaluer ses maternelles quatre ans. Il faut absolument continuer de monitorer et d'évaluer ce qu'on fait pour pouvoir faire les ajustements. Alors, l'ajustement, pour nous, c'est l'espoir que nous a donné la présence des trois ministres et l'intérêt qu'ont porté les quatre partis de l'opposition, parce qu'on pense qu'avec un pragmatisme d'État puis une sensibilisation plus grande populationnelle non seulement la maternelle quatre ans est essentielle, c'est un palier nécessaire, actuellement, dans notre coffre à outils d'État. L'espoir qu'on a, c'est que cet outil-là de plus soit mis à contribution en arrimage puis en complémentarité avec ce qui se fait déjà et non pas en antagonisation. Alors, merci, puis on répond aux questions. Merci de m'avoir laissé finir, M. le ministre.

Le Président (M. Asselin) : Il nous reste cinq minutes.

M. Roberge : Très bien, et je vous remercie, M. le Président, et merci pour votre présentation. De toute façon, mes questions auraient été de façon à ce que vous puissiez compléter votre présentation, alors aussi bien vous laisser aller. Vous dites : La maternelle quatre ans est nécessaire, essentielle à notre coffre à outils, mais en même temps je sens que vous êtes tout sauf dogmatique. Vous êtes allé... nécessaire, nécessaire comme un outil dans notre coffre, pas nécessaire comme le tournevis qui va permettre de faire... de tourner toutes les vis et même de faire entrer les clous, hein? On voit bien que ça prend plusieurs outils en fonction des différentes vis qu'on rencontre et des clous, etc. Mais ce que j'entends, c'est une volonté de travailler en concertation, Santé, Famille, Éducation, travailler les acteurs ensemble, et d'avoir une offre qui est différente. Mais il y a des gens qui nous disent : La maternelle quatre ans, oui, mais seulement en milieu défavorisé. Est-ce que vous pensez que l'offre de services devrait être diversifiée en milieu défavorisé comme en milieu favorisé ou qu'on devrait seulement la déployer en milieu défavorisé?

M. Lebon (André) : Bien, ma réponse à ça, M. le ministre, c'est la suivante : On sait, actuellement, combien il y a d'enfants qu'on n'a pas rejoints à l'âge de quatre ans. Ça, c'est une grande préoccupation. Alors, parmi ces enfants-là, il y a des enfants qui en ont plus besoin que d'autres, et ceux-là, même si nous, on pense qu'on a tout intérêt, socialement, à les rejoindre le plus tôt possible et à commencer à agir sur leur stimulation puis leur accompagnement le plus tôt possible, si, dans le portrait des 20 000, ces enfants-là ne sont pas rejoints, c'est urgent, et la maternelle quatre ans représente une alternative intéressante. Et, dans ce sens-là, nous, la voie qui est commencée, c'est-à-dire d'aller en milieu défavorisé ou de commencer là, c'est une voie que l'on juge intéressante.

De l'élargir éventuellement... La vulnérabilité n'est pas un monopole des gens plus en difficulté, il y en a dans toutes les classes de la société, donc ça serait faux de dire qu'il faut faire des maternelles quatre ans juste pour les enfants défavorisés. Par contre, moi, je pense que, quand on a une lecture des enfants qu'on échappe, là, il y a comme une urgence d'agir pour ceux qui en ont le plus besoin, il y a une urgence d'agir là où sont ces enfants-là, eu égard à ce qu'ils ont... Puis, si on les a ratés, il y a peut-être une raison. Il faut peut-être réfléchir : Pourquoi ils n'ont pas été en milieu de garde, ou pourquoi ils n'ont pas accès aux milieux communautaires, ou comment ils ont échappé aux services sociaux qui étaient censés les soutenir?

Mais, à votre question, moi, je dirais... et c'est là que je plaide pour le pragmatisme de la CAQ, je me dis : Quand vous analyserez, après en avoir mis 250 de plus en milieu défavorisé puis qu'on regardera le résultat, qu'est-ce qu'il reste, combien d'enfants nous échappent, etc., où sont-ils, pourquoi sont-ils... attaquons-nous à ceux qui en ont le plus besoin, c'est urgent, c'est une des dernières chances. C'est ceux qui vont bénéficier le plus, d'ailleurs, de si on les rejoint. Alors, c'est ça, ma réponse.

M. Roberge : Alors, additionnons les forces, les programmes comme le programme Passe-Partout. On n'a pas arrêté, avec notre budget de cette année, de financer le programme Passe-Partout ou de financer les organismes communautaires, on a augmenté le financement des organismes communautaires. Parce qu'on faisait la maternelle quatre ans, on n'a pas arrêté de financer nos garderies subventionnées, nos CPE, en fait, on a même l'ambition pour l'augmenter. Donc, on a cette idée d'agir globalement, de travailler en équipes.

Mais comment expliquez-vous, alors, qu'il y ait des gens qui s'opposent au déploiement de l'offre de services? Comment on pourrait expliquer cette opposition au déploiement de l'offre alors que le gouvernement lui-même ne le fait pas contre un réseau, ou en sous-finançant un réseau, ou en le freinant, ou en le coupant? Comment on comprend ça?

Le Président (M. Asselin) : En 55 secondes.

• (12 h 10) •

M. Lebon (André) : Il y a plusieurs bonnes idées sur la table, actuellement. Il y a l'idée du dépistage précoce, il y a l'idée de continuer de développer le réseau des services de garde, il y a la volonté d'évaluer ces milieux-là, mais le diable est dans les détails. Alors, pour moi, c'est dans l'arrimage et dans l'opérationnalisation. Je suis un psychoéducateur de métier. Les orientations, c'est une chose, mais la mécanique qu'on met en place pour accoucher d'un service est aussi importante. C'est comme la justice puis l'apparence de la justice.

Alors, moi, M. le ministre, ce que je vous invite à faire, c'est de dire : Il y a du bon matériel, mais... Je prends l'exemple, j'étais avec Dre Cousineau, qui parlait de l'enjeu... on a un enjeu, au Québec, d'avoir un outil qui accompagne le développement de l'enfant. On a un carnet de santé, hein, jusqu'à maintenant, on a un carnet de santé. Nous, on rêve d'un carnet du développement de l'enfant. Alors, ça ne mesure pas juste s'il a reçu son vaccin, s'il y a eu...

Le Président (M. Asselin) : M. Lebon, je vous arrête. On va continuer avec l'opposition officielle, si vous voulez, on a 8 min 40 s à nous offrir.

M. Roberge : ...faire une suggestion? S'il y avait un cadran, j'aurais été meilleur.

Le Président (M. Asselin) : Oui, ça serait peut-être utile. Ce n'est pas grave. La députée de Saint-Laurent va nous entretenir, maintenant.

Mme Rizqy : Inquiétez-vous pas, M. Lebon, ce n'est pas une compétition, là, de bien... gestion de temps. Vous avez dit que le diable est dans le détail. Justement, nous, on n'a toujours pas le détail. Est-ce que vous, vous l'avez, le détail du déploiement de la maternelle quatre ans?

M. Lebon (André) : Madame, moi, je n'ai pas plus... Non, je n'ai pas le détail.

Mme Rizqy : Vous ne l'avez pas? O.K. Tant qu'à être pragmatique, pensez-vous que ça serait peut-être impertinent d'avoir, justement, un plan détaillé de comment, où, à quel endroit on va déployer les maternelles quatre ans, les premières classes?

M. Lebon (André) : Bien, ce mapping-là — puis ça fait deux, trois fois que je fais référence à une sorte de monitoring puis à une sorte de décision tripartite — nous, notre souhait... puis quand je dis «nous», là, vraiment, là, c'est la préoccupation de tous les gens qui étaient là, qui représentent pas mal de monde, hein, il y avait des... Mais c'est que cette lecture-là, si elle se fait communément, puis tripartite, puis qu'on les fait, les choix éclairés par rapport à ça et concrets, là, c'est plus ça qu'on va nous dire, étant donné le besoin...

Mme Rizqy : Parce que, M. Lebon, nous, la chose ici, là, tout le monde, on veut le dépistage précoce. On s'entend tous qu'on veut aider nos enfants. On ne s'entend pas sur le manque de moyens parce que, pour nous, c'est difficile d'avancer quand il n'y a pas de plan. Alors, quand vous faites référence au pragmatisme de la CAQ, auquel vous adhérez, je veux juste m'assurer, est-ce que vous adhérez à un manque de plan détaillé?

M. Lebon (André) : Bien, moi, je dis qu'il a créé un espoir. Après ça, ça crée des exigences. Il va avoir créé l'espoir, ils répondront de l'abandon ou de la déception qu'ils ont créée. Mais je pense qu'il faut avoir une vigilance. Moi, je pense que c'est comme une position de main tendue, il faut appuyer, en disant : On se rend disponible puis on va travailler ensemble, mais il faut livrer.

Mme Rizqy : D'accord, mais habituellement, quand on livre, on livre d'abord un plan, non?

M. Lebon (André) : Bien là, moi, un plan... Écoutez, oui, un plan, bien sûr, je viens de dire ça que ça prend un plan.

Mme Rizqy : Oui? Parfait. Merci. Alors, si on continue, en ce moment, là, à partir de quand on peut dépister?

M. Lebon (André) : Eh, madame, voilà, là, on revient, vous m'ouvrez la porte, là. Développement... Dre Cousineau a un outil, c'est l'ABCdaire. Le ministère de la Santé et des Services sociaux n'est pas tout seul... avec les partis de l'opposition, se penche là-dessus, considère que ça serait un bon outil de dépistage et de développement, dépistage dans le sens de suivi du développement de l'enfant.

Mme Rizqy : À partir de quel âge on peut commencer à dépister?

M. Lebon (André) : Madame, dès la naissance, on est présents aux enfants, ça commence même à la conception.

Mme Rizqy : Exact. Je suis contente... On profite de votre expertise.

M. Lebon (André) : Bien, les chercheurs le disent, là. Moi, je n'invente rien, je suis un généraliste qui a lu, là.

Mme Rizqy : Ah! bien, je sais, je sais que vous n'inventez rien puis une chance que vous n'inventez rien. C'est pour ça qu'on vous pose la question. On vous pose la question parce que vous comprenez qu'on est aussi télédiffusés et c'est pour le bénéfice de l'ensemble de la population, votre présence ici. Alors, nous, pour dépister tôt, on se pose la question : Une fois qu'on a dépisté, ça prend, après ça, un diagnostic, n'est-ce pas?

M. Lebon (André) : Bien, tout ne mérite pas d'avoir un diagnostic. Accompagner le développement de l'enfant, c'est justement sortir d'attendre qu'il y ait une crise ou une vulnérabilité pour agir. En fait, ce qu'on sait, c'est qu'il y a des indices, il y a des indicateurs de développement — le développement du langage, la capacité de socialiser, etc. — c'est ça, les indicateurs et le suivi.

Mme Rizqy : Parfait. Donc, vous parlez... Donc, par exemple, une fois qu'on a dépisté, ça prend aussi, là, évidemment, le suivi...

M. Lebon (André) : Puis ça prend un accompagnement.

Mme Rizqy : ...correctement, les services, l'accompagnement. Pensez-vous qu'en ce moment nos services de garde, nos CPE sont déjà en train de le faire, ce travail? Sont-elles en mesure de le faire?

M. Lebon (André) : Ils sont un joueur important. Ça contribue énormément à la qualité du développement de nos enfants. Ils ne sont pas les seuls, là, il y a les maisons de la famille en milieu communautaire qui sont les gens les mieux placés pour rejoindre les familles les plus à risque parce qu'elles ne se méfient pas de ces gens-là. Là, ils sont proches de la population. C'est pour ça que je dis que ça prend un arsenal, je ne suis pas capable... Alors, pour moi, là... puis même j'ai fait le tour du Québec avec la commission. Tu sais, on parle des CPE, moi, j'en suis. À un moment donné, il y a des gens qui disaient : Ça devrait être juste des CPE parce que c'est peut-être la structure la plus qualitative. Moi, j'ai fait le tour du Québec, puis je me dis : Ça prend des milieux familiaux parce que, quand on est en territoire dans la région de Sept-Îles, ou tout ça, là, tu ne peux pas avoir un CPE qui couvre un territoire, tu vas mettre les enfants en autobus scolaire à partir de 5 heures le matin puis les amener au CPE. Ça prend tout notre arsenal.

Mme Rizqy : Merci. Et en parlant d'arsenal, en ce moment, nous, notre préoccupation, c'est la suivante. Dans le réseau d'éducation, pénurie d'enseignants, enseignants épuisés, pénurie de suppléants, donc vous comprenez que, déjà, un grand roulement, déjà, dans les classes des suppléants, alors on se demandait : Avant d'ajouter une structure additionnelle, pouvons-nous utiliser ce 2 milliards de dollars adéquatement et d'abord, dès la naissance, CPE, services de garde et s'assurer d'avoir des places pour tout le monde dès la naissance et aussi continuer... Parce que je comprends que vous, vous voudriez l'arsenal partout, mais en même temps les ressources sont limitées, par définition. Alors, est-ce qu'on devrait continuer, un, d'abord, dans tout ce qui est CPE, services de garde, dès la naissance, offrir à tous les Québécois cette option et aussi s'assurer que la maternelle quatre ans en milieu défavorisé soit étendue de façon plus progressive?

M. Lebon (André) : Bien, écoutez, je vais vous faire une réponse par un économiste. Hier, il a été question des travaux de Heckman, il a été question des travaux... Craig Alexander, qui était président du Conference Board of Canada, a publié au mois de mai dernier : «La seule façon de briser les inégalités sociales au Canada, ça va être d'investir dans la petite enfance si et seulement que si ce sont des services de qualité.» Ça fait que, là, on sort de l'équation qui dit : Conciliation travail-famille, ça prend des milieux éducatifs. Alors, que ce soit la maternelle quatre ans, que ce soit dans les milieux de garde, c'est la qualité qui fait une différence et c'est la seule condition de réussite sociétale.

Ça fait qu'à votre question moi, je n'en ai pas, de réponse. La maternelle quatre ans, elle doit être de niveau de qualité, hein, d'abord et avant tout, avant d'être en quantité. Le réseau de garde, il doit être de qualité. Alors, nous autres, on a toujours dit, dans le rapport de la commission, c'est une question privé-public. Non, tous les milieux qui reçoivent des enfants devraient répondre à des critères de compétence. Cette compétence-là, c'est la qualification du personnel, c'est la nature du programme. Si on ouvre autre chose, on ne contribue pas au développement des enfants, on fait des lieux de garde, c'est correct, puis peut-être qu'il y a des enfants qui n'ont pas besoin de cette stimulation-là parce qu'ils ont tout à domicile, mais ce n'est pas le cas de tous les enfants.

Mme Rizqy : Dites-moi, en ce moment, le réseau de l'éducation, là, a déjà beaucoup, beaucoup à faire. Pensez-vous que c'est une pression supplémentaire que de demander d'accueillir davantage de classes de maternelle quatre ans alors qu'en ce moment... pénurie de locaux, pénurie d'enseignants? Et en plus on a vu qu'au Québec le nombre d'enfants autistes a augmenté, le nombre d'enfants avec un trouble TDAH aussi a augmenté. Devrions-nous, d'abord et avant tout, aider à donner de l'oxygène à notre réseau de l'éducation, incluant aussi les enseignants?

M. Lebon (André) : Bien, moi, je vais vous dire une chose, je pense qu'il se dépense 3,1 milliards en éducation pour faire du rattrapage auprès des enfants qui ont besoin de services spécialisés. C'est énorme, c'est plus que le coût de tous les services de garde. Ça fait que, si on veut influencer là-dessus puis arrêter l'hémorragie, je pense que la question, c'est qu'il faut investir davantage pour faire en sorte qu'on réduise le nombre de ces enfants-là qui arrivent à l'école en difficulté. La maternelle quatre ans fait partie de l'arsenal, les milieux de garde en font partie. Alors, il faut investir, puis c'est ça qui est l'énoncé. Pourquoi briser les inégalités par le petit investissement en qualité en petite enfance? Alors, moi, si vous me demandez, il ne faut pas abandonner ces enfants-là. Une fois que le tort est fait, on a une responsabilité, mais, si on veut prévenir pour l'avenir, il faut agir le plus tôt possible de la bonne façon.

Mme Rizqy : Il faudrait mettre le 2 milliards, à ce moment-ci, dans les services de garde, les CPE, dès la naissance?

M. Lebon (André) : C'est comme si vous me disiez : Tu veux-tu un volant ou tu choisis entre le volant ou la direction? Moi, je vous dirais bien : On a des choix à faire, de société, on ne peut pas tout s'offrir, mais ce n'est pas une réponse que d'offrir pas de qualité. Ça fait que la quantité ne peut pas être un substitut...

Le Président (M. Asselin) : M. Lebon, on va continuer sous la gouverne du deuxième groupe d'opposition. Mme la députée de Sherbrooke, à vous la parole.

• (12 h 20) •

Mme Labrie : Merci, M. le Président. Vous avez mentionné que le diable était dans les détails. J'aimerais que vous nous disiez quels sont les détails auxquels on devrait vraiment porter attention en mettant en place des services éducatifs pour la petite enfance. Qu'est-ce qu'on doit faire pour maximiser nos chances de succès pour que ce soit de qualité, comme vous dites?

M. Lebon (André) : Bien, quand on se met sur l'idée de la qualité, là, je veux dire, le défi qui nous attend, c'est comment rejoindre et offrir aux parents québécois la meilleure ressource au moment où ils en ont besoin. Moi, là, j'aimerais que ce soit un réseau qui se fait des passes, qui travaille en équipe.

Alors, je vais vous donner un exemple. Je parlais des organismes communautaires, tantôt, famille, surtout les maisons de la famille. Beaucoup de gens vont d'abord là, hein, réfugiés, gens qui sont plus à risque, etc., ils vont là parce qu'ils ont une réponse concrète à leurs besoins. Souvent, c'est via un échange de linge ou de la popote mobile. Ils créent une confiance, ils amènent leurs enfants, les enfants vont dans cette garderie-là, on leur donne des bases, la confiance se crée. Si ce réseau-là, qui a l'accès aux jeunes, aux plus vulnérables, faisait une passe au milieu des services de garde, en disant : Regarde, je n'essaie pas de développer une garderie plus grosse, puis plus grosse, puis de grossir, je soutiens le parent d'inscrire son enfant, hein, voilà, on aurait un travail complémentaire.

Quand on parle de milieux de garde puis qu'on dit : Là, là, on n'arrive pas à répondre au volume de demandes, là, actuellement, il y a des jeunes qu'on échappe, puis il y a des jeunes, là-dedans, qui en ont particulièrement besoin, actuellement on est peut-être à nos limites de développement. Mettons des maternelles, au moins on ne les échappera pas. Je veux dire, il y a une nécessité de tout ça. Mais, quand on la met, la maternelle, on veut un prof qui arrive bien préparé, on veut un programme qui s'adresse à des enfants de quatre ans qui n'est pas de la scolarisation accélérée. Ils sont tous là, les ingrédients.

Mme Labrie : Quel genre de ratio on devrait mettre en place, vous pensez?

M. Lebon (André) : Bien, je sais que le ratio, on dit que c'est 1-17, 1-18, mais qu'il y a un accompagnateur. Honnêtement, les ratios qui obtiennent l'appui des chercheurs, c'est 1-10 à quatre ans, puis il y a des efforts à faire de ce côté-là.

L'autre préoccupation, tu sais, on parle de collaboration, le jeu d'équipe. En milieu scolaire maternelle quatre ans, là, ce n'est pas toute l'année que le service est offert, hein, ça va fermer, comme une école. Bien là, là, si on n'a pas les milieux municipaux comme partenaires, là, bien, je veux dire... on va avoir besoin de camps d'été pour ces enfants-là ou d'alternatives. C'est ça, le travail en équipe, c'est ça, quand je vous dis... puis c'est les 70 organisations, là...

Le Président (M. Asselin) : On vient de passer le dernier 2 min 40 s avec la députée de Sherbrooke. Maintenant, 2 min 40 s avec la députée de Joliette.

Mme Hivon : Merci. On aime ça, les gens passionnés, ça fait qu'il n'y a pas de problème. Donc, écoutez, nous non plus, on ne veut pas antagoniser les affaires. On souhaite le meilleur, puis l'agir tôt, tout le monde s'entend ici que c'est fondamental. Mais, selon nous, l'agir tôt n'égale pas maternelle quatre ans pour tous. Pour nous, agir tôt, ça veut dire agir le plus tôt possible, pas juste pour répondre aux difficultés puis aux vulnérabilités qui sont apparues à quatre ans, mais pour les prévenir, pour faire en sorte qu'elles ne s'installent pas, ces vulnérabilités-là. Donc, c'est pour ça que j'ai envie de vous demander : Si vous aviez un investissement prioritaire à faire... Je ne suis pas en train de dire qu'il faut en faire zéro pour les maternelles quatre ans pour certains enfants, mais, si vous en aviez un prioritaire à faire dans l'agir tôt, c'est où, la clé?

M. Lebon (André) : Madame, la solution est dès la grossesse, alors tout ce qu'on peut faire qui commence le plus tôt possible, ça va dans le sens du monde. Moi, j'ai présidé les travaux, les chantiers Maltais en 2004, tout le réseau, les régies régionales de l'époque, les centres jeunesse, les CLSC de l'époque, tous étaient unanimes, en juin 2004, pour dire : Il faut mettre de l'eau dans la pompe, il faut inverser, il faut partir du curatif pour mettre plus d'argent dès les programmes de grossesse. Ça a été voté par tout le monde, même les centres jeunesse, hein, qui consomment le gros de l'argent parce que la réadaptation, ça coûte cher. La protection de la jeunesse, on va en parler, là, hein, c'est trop tard. Il faut l'avoir, le filet de sécurité, mais ce n'est pas comme ça, ce n'est pas en investissant davantage une fois que le tort est fait. Ça fait que, quand vous me dites : Où devrait aller la première piastre? Le plus tôt possible, mais... etc. Puis le plus tôt possible, pour moi, c'est avant cinq ans, ça fait que tout ça, c'est bon.

Mme Hivon : Puis quand vous dites : Ça doit faire partie de l'arsenal, la maternelle quatre ans, vous avez dit : Il y a 20 % des enfants qui ne fréquentent pas de service de garde, donc je comprends que vous dites : C'est eux qu'on devrait essayer d'aller rejoindre pour qu'au moins ils aient cette fréquentation-là à quatre ans. Est-ce que je lis correctement?

M. Lebon (André) : ...une illustration pragmatique du gaspillage, là, ce serait de dire : On ouvre une maternelle quatre ans puis on a fermé deux CPE ou on a fermé un CPE pour la remplir. Moi, ça, là, c'est l'illustration totale d'un échec sociétal. On ne s'est pas parlé, on n'a sûrement pas fait les bons choix si c'est ça, la conséquence. Puis, si on est obligés de prendre le personnel du CPE pour aller enseigner dans la maternelle, on a un problème.

Moi, je suis un gars de gros bon sens. Ça fait que, moi, je dis : Quand on monitore ça... vous ne me ferez jamais dire que la maternelle quatre ans, ce n'est pas bon, mais, si on monitore ça correctement, on devrait être capables d'éviter...

Le Président (M. Asselin) : M. Lebon, merci pour votre gros bon sens. On buvait vos paroles.

Je demanderais aux gens de la Fédération autonome de l'enseignement de se dépêcher à s'installer. On suspend quelques instants.

(Suspension de la séance à 12 h 26)

(Reprise à 12 h 27)

Le Président (M. Asselin) : Alors, je voudrais vous souhaiter la bienvenue. Gênez-vous pas pour bien vous présenter comme il faut, puis on a un 10 minutes pour le début de votre mémoire, puis après ça on va tout de suite commencer les conversations avec le ministre et les oppositions. À vous la parole.

Fédération autonome de l'enseignement (FAE)

Mme Morel (Nathalie) : M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, bonjour. Mon nom est Nathalie Morel, je suis vice-présidente à la vie professionnelle à la Fédération autonome de l'enseignement. Merci de nous recevoir. En débutant, permettez-moi de vous saluer au nom du président de la FAE, M. Mallette, qui, malheureusement, a été dans l'incapacité de se joindre à nous aujourd'hui. Je suis accompagnée de Mme Josée Roy, conseillère à la vie professionnelle, enseignante depuis 20 ans en première année du primaire et responsable du dossier du préscolaire à la FAE. Je suis également enseignante au primaire depuis 1987.

Une voix : ...

• (12 h 30) •

Mme Morel (Nathalie) : Quand même, nos faits d'armes, hein?

Alors, la FAE représente 45 % des enseignantes et enseignants des commissions scolaires francophones, soit 44 000 femmes et hommes qui travaillent dans tous les secteurs d'enseignement. La FAE est présente dans les Laurentides, l'Estrie, la Montérégie ainsi qu'en Outaouais, à Laval, à Montréal et à Québec, les quatre plus grands pôles urbains du Québec, où se trouvent d'ailleurs les écoles les plus nombreuses et les plus diversifiées sur le plan socioéconomique et socioculturel.

Je débuterai ma présentation par une affirmation sans équivoque : la FAE est pour le déploiement et l'implantation, dans toutes les écoles en milieu défavorisé du Québec, de classes de maternelle quatre ans à temps plein, communément appelées les quatre ans TPMD.

Il est important de se rappeler que l'offre de services de la maternelle quatre ans est présente au Québec depuis plus de 30 ans. Elle a été inscrite au régime pédagogique en 1981 et offerte d'abord aux enfants handicapés et à ceux vivant en milieu défavorisé à mi-temps. La FAE a inclus dans sa plateforme pédagogique, en 2009, la nécessité d'offrir le préscolaire quatre ans à temps plein en milieu défavorisé.

De plus, nous avons obtenu, dans le cadre du renouvellement de notre convention collective en mai 2011, la mise sur pied d'un projet pilote qui transformait six classes de la maternelle quatre ans mi-temps en classes de quatre ans TPMD. Forte de cette expertise et fière du travail exceptionnel réalisé par ses enseignantes pionnières, la FAE a contribué largement à l'édification du projet de loi n° 23, qui a été voté à l'unanimité à l'Assemblée nationale en juin 2013 et qui a officiellement donné naissance, à l'échelle du Québec, aux classes de maternelle quatre ans TPMD.

Cette avancée majeure résolument orientée vers un objectif d'égalité des chances a été applaudie par la FAE. La nécessité d'intervenir dans les milieux défavorisés n'est plus à démontrer, puisqu'il existe de nombreux écrits qui témoignent du lien qui unit, malheureusement, la défavorisation économique et ses conséquences négatives, notamment en ce qui a trait aux retards de développement en matière de langage et de maturité scolaire, d'hyperactivité et de décrochage scolaire.

D'ailleurs, le Québec n'en est pas à ses premiers pas en la matière. Il y a maintenant plus de 50 ans que les premières initiatives ont vu le jour à Montréal, résultat d'une étroite collaboration entre le monde de l'éducation et celui de la santé. Pour la FAE, le Québec doit continuer de prioriser les enfants issus de milieux défavorisés, car ce sont les plus vulnérables et car ils ne fréquentent peu ou pas les services de garde régis par l'État et n'ont donc pas accès à des services. L'école est assurément une des meilleures clés pour leur permettre d'espérer échapper un jour à leur condition.

Le déploiement des classes de maternelle quatre ans en milieu défavorisé n'est pas le fruit du hasard. La décision de concentrer les efforts des intervenants scolaires auprès d'enfants de quatre ans vivant en milieu défavorisé s'est consolidée — attention — avec la publication, en 1980, de la politique du ministère de l'Éducation L'école s'adapte à son milieu : énoncé de politique sur l'école en milieu économiquement faible. Dans cette politique, le ministère de l'Éducation de l'époque reconnaît les effets économiques, sociaux et culturels de la pauvreté sur les enfants et les adultes, souvent leurs parents.

Toujours en 1980, le Conseil supérieur de l'éducation a publié un énoncé de principe ayant pour titre L'égalisation des chances en éducation. Le CSE y écrit que la cause de certaines difficultés scolaires de l'enfant peut être attribuée, comme on le sait très bien, à des facteurs socioéconomiques ou socioculturels, «tels que la classe sociale, le système [de] valeurs, l'héritage culturel, l'environnement familial [et] les conditions économiques». Le conseil est également d'avis que «l'échec scolaire et l'interruption prématurée [du cursus scolaire] frappent [...] davantage les enfants des milieux défavorisés». Il écrit aussi que «l'égalisation des chances éducatives [...] exige autre chose qu'une uniformité de traitement. Il faut offrir une gamme plus étendue de services aux individus et aux groupes qui en ont le plus besoin.» C'est ce que le conseil appelle «le principe de la discrimination positive».

Les dernières décennies ont fait l'objet d'une réflexion profonde et de nombreux écrits au sujet de l'éducation préscolaire. Plus récemment, l'EQDEM, l'Enquête québécoise sur le développement des enfants de la maternelle, et l'EQPPEM, l'Enquête québécoise sur le parcours préscolaire des enfants de la maternelle, ont aussi permis de mettre en lumière des données cruciales concernant la situation des enfants de milieux défavorisés.

L'EQDEM 2017 nous apprend, entre autres, que près de 28 % des enfants à la maternelle sont vulnérables dans au moins un domaine de développement. Les résultats révèlent aussi que certains groupes d'enfants se démarquent, malheureusement, notamment les enfants nés à l'extérieur du Canada et ayant une langue maternelle autre que le français, les enfants les plus jeunes et ceux vivant dans un milieu très défavorisé sur le plan matériel et social. Il est également intéressant de constater que, selon l'indice des milieux socioéconomiques de l'école, la proportion d'enfants de la maternelle vulnérables dans au moins un domaine de développement se situe à près de 32 % dans les écoles défavorisées, comparativement à 26 % dans les écoles non défavorisées.

L'EQPPEM 2017 nous apprend, de son côté, que la proportion des enfants vulnérables dans au moins un domaine de développement est plus élevée chez les enfants vivant dans un ménage à faibles revenus.

Une autre étude très récente, publiée en janvier 2019 par M. Pierre Canisius Kamanzi, professeur à l'Université de Montréal, s'est intéressée, entre autres, au lien entre le revenu familial et la persévérance scolaire des jeunes. Cette étude nous permet de nous projeter dans l'avenir. Une fois de plus, on constate les effets des revenus des parents sur le parcours scolaire de leurs enfants. En effet, les élèves dont les parents ont un revenu familial situé dans la catégorie supérieure accèdent davantage aux études collégiales et à l'université que leurs pairs dont les parents ont un revenu annuel plus modeste.

En ce qui a trait à l'intervention précoce et au principe d'égalité des chances, la FAE est d'avis qu'il faut poursuivre le déploiement des classes de maternelle quatre ans à temps plein en milieu défavorisé en s'assurant que cette mise en place soit accompagnée de réelles ressources humaines et financières pour effectuer des interventions de dépistage précoce de possibles problèmes d'apprentissage, de comportement ou d'adaptation. Les enseignantes du préscolaire sont formées et possèdent les compétences requises pour effectuer cette détection précoce et accompagner plus étroitement le développement de l'enfant en lui offrant un encadrement adéquat. Il est essentiel, pour la FAE, que l'on se préoccupe à la fois de la progression de l'enfant dans tous ses domaines de développement — affectif, social, langagier, cognitif, physique et moteur — et des apprentissages spécifiques qui préparent à l'école, particulièrement pour les enfants de milieux défavorisés. Au sujet des modifications proposées par le projet de loi n° 5, la FAE n'adhère aucunement aux propositions visant le retrait de la notion de milieu défavorisé.

En conclusion, le souhait d'universalité de la maternelle quatre ans émis par le gouvernement ne fera pas disparaître les besoins plus importants des enfants vulnérables issus des milieux défavorisés. Les enseignantes du préscolaire ainsi que les autres catégories du personnel scolaire vont devoir continuer d'intervenir de façon ciblée auprès de ces enfants. Avec les conditions et modalités que le gouvernement met de l'avant pour les quatre ans TPMD en 2019‑2020, il facilite pourtant cette intervention. En effet, nous souhaitions noter que l'offre de services à temps complet en milieu défavorisé pour l'an prochain est plus large et englobante que ce qu'accordait le précédent gouvernement. Les mesures budgétaires destinées spécifiquement aux classes de maternelle quatre ans TPMD, la tenue de 10 rencontres pour le volet parents, l'aide additionnelle en classe à mi-temps en soutien à l'enseignante, les exemptions à certaines dispositions du régime pédagogique, telle que celles portant sur l'évaluation des apprentissages et le bulletin unique, sont des mesures appréciées par les enseignantes. Elles doivent être maintenues, sans être diluées ni dispersées, dans tous les milieux.

De plus, le projet de loi avance l'idée de remplacer toutes les classes de maternelle quatre ans mi-temps par des classes à temps complet d'ici cinq ans. Qu'adviendra-t-il de ces classes d'ici là? Le ministère est avare de commentaires à ce sujet. Pourtant, et ce, depuis 2013, la FAE a dénoncé vigoureusement et à maintes reprises le fait que les enfants, actuellement, de maternelle quatre ans mi-temps ne bénéficient pas des mêmes conditions d'apprentissage que leurs pairs fréquentant une maternelle quatre ans TPMD. La même situation pourrait s'appliquer pour les enseignantes. Ce traitement injuste et inéquitable doit cesser.

M. le ministre, nous vous demandons de vous assurer que les classes de quatre ans à mi-temps bénéficient des mêmes conditions et modalités que les classes de quatre ans TPMD dès 2019‑2020. La maternelle quatre ans TPMD est un projet de société que l'on se doit de chérir et de préserver. À ce compte, nous demandons au ministre et au gouvernement de déployer, d'ici 2023‑2024, une offre de services de maternelle quatre ans à temps plein dans toutes les écoles de milieux défavorisés du Québec et, en ce sens, de surseoir à l'adoption du projet de loi n° 5. Je vous remercie pour votre attention.

Le Président (M. Asselin) : Mme Morel, merci beaucoup. Vous êtes bien synchronisée avec nous. Alors, on va débuter les échanges pour un 10 minutes avec le ministre. À vous la parole.

M. Roberge : Merci bien, M. le Président. Merci beaucoup pour votre présentation. Je suis content de voir que vous êtes en accord avec le déploiement des maternelles quatre ans en milieu défavorisé. C'est une position qui n'est pas nouvelle au sein de votre fédération.

Petite question d'amélioration de services. Quand on sait qu'il y a presque 400 classes actuellement ouvertes, toutes en milieu défavorisé, les 250 de septembre aussi sont toutes en milieu défavorisé... Il y a eu des améliorations qui ont été faites ces dernières années, mais, d'après vous, qu'est-ce qu'on peut faire pour améliorer les services, actuellement, dans nos classes de quatre ans qui sont déjà ouvertes?

Mme Morel (Nathalie) : Belle grande question. Je vais essayer de couvrir l'ensemble, parce qu'il y a beaucoup de choses à faire. Nous avons émis, en 2017, un rapport très détaillé basé sur l'expertise des enseignantes et enseignants — parce qu'on a deux garçons — qui sont dans les classes de quatre ans TPMD, et, pour nous, il y a beaucoup de choses à améliorer.

Dans un premier temps, je vous dirais que les revendications portaient beaucoup sur l'aménagement physique, matériel des lieux. Donc, une classe de maternelle quatre ans, ça prend du mobilier adapté aux quatre ans, ce n'est même pas la même hauteur pour cinq ans. Ça prend du matériel périssable, non périssable parce que les tout-petits, bien, ils se mettent des choses qui sont supposées être non périssables, parfois, dans la bouche ou dans le bol de toilette. Alors, les profs disent : Il faut absolument renouveler tout ce qui est matériel pédagogique. Il y a quand même eu des sommes qui ont été octroyées. C'est sûr qu'on en a besoin d'encore plus parce que, comme je vous dis, avec les tout-petits, les choses durent moins longtemps.

Beaucoup d'aménagements physiques qui sont manquants, entre autres, la construction de locaux, hein, l'espace, bien sûr. La FAE représente des enseignants dans certaines commissions scolaires où il y a un manque criant d'espace. Je donne, par exemple, les écoles de l'île de Montréal, alors on pense Pointe-de-l'Île, CSDM, Marguerite-Bourgeoys, mais c'est vrai ailleurs sur certains autres de nos territoires.

Toute la question du service, donc l'aide, vous savez, à demi-temps, la personne-ressource additionnelle, qui est, dans nos pratiques, souvent un technicien ou une technicienne en éducation spécialisée ou une éducatrice de service de garde qui accompagne l'enseignante. On a, année après année, à se battre avec les commissions scolaires, même les directions d'établissement, parce qu'une fois qu'ils reçoivent le financement ils envoient cette personne-là dans les autres classes en disant : C'est des ressources de plus pour l'école. Nous autres, on dit : Non, non, c'est des ressources pour la classe. Mais je peux vous dire encore que ce n'est pas 100 % des profs qui ont leurs personnes-ressources parce qu'on a de la difficulté, sur le terrain, avec cette façon de faire là. On le documente puis on interpelle souvent le ministère sur ces questions-là.

Il y a aussi, je vous dirais, toute la question du volet parents, de l'évaluation des apprentissages. Tout ça a été mis en place. C'est des choses qui se sont améliorées avec le temps. Mais on a demandé beaucoup aux profs de prendre ça sur leurs épaules, tandis qu'à l'adoption du projet de loi n° 23... Je me souviens des minutes, que j'ai relues souvent. C'est Mme Malavoy qui portait le projet de loi. On avait bien dit, dans les minutes, que ce volet parents là, c'était pour que les parents apprennent à connaître d'autres personnes dans l'école, la communauté, donc pour ouvrir l'école, dans le fond, et que les parents soient invités. Mais souvent, dans la réalité, on demande aux profs de s'occuper des 10 rencontres, de faire ça bénévolement, alors il y a aussi des redressements à faire.

Et, bien sûr, le programme, je vais terminer là-dessus. On a actuellement un excellent programme à la maternelle quatre ans. Les enseignantes et enseignants qu'on représente l'apprécient beaucoup. Il a été sanctionné en 2017. Il y a des travaux, présentement, pour revoir un nouveau programme, qu'on va appeler un programme arrimé. J'ai le privilège de faire partie du comité national. Les travaux vont bon train, mais je peux vous dire qu'on a bien hâte de voir la nouvelle mouture parce que les enseignantes réclamaient... la FAE, au nom des profs qu'elle représente, réclame un programme qui permet l'intervention précoce, qui permet la détection, qui permet un découpage annuel du programme pour savoir, en général, un enfant de quatre ans, c'est quoi, ses forces, ses faiblesses, même chose pour les enfants de cinq ans. Et je vous dirais que c'était ce qu'on appréciait beaucoup du programme de quatre ans qu'on espère retrouver dans le prochain projet de programme.

Mais, il faut le dire, je pense que c'est très méconnu qu'il y a un programme aux quatre ans. On a travaillé ce programme-là pendant trois ans, et ce sont des enseignantes qui y ont travaillé. Le ministère nous a invités à y travailler, alors je pense qu'il faut quand même remettre à César ce qui revient à César. Dans ce cas-ci, il faut mieux le connaître et le diffuser. Et c'est vraiment un programme qui vise le développement global de l'enfant dans toutes ses sphères de développement.

• (12 h 40) •

M. Roberge : Je vous remercie pour tous ces commentaires d'amélioration. Je suis interpelé particulièrement sur la question de l'éducatrice, là, qui devrait être affectée à la maternelle quatre ans, là. Ce que vous me dites, c'est que ce n'est pas toujours le cas. Vous pouvez être assurée que je vais faire les vérifications. Puis, moi, c'est le genre de choses qui me nourrit dans les présentations, quand on nous dit ce qui va, ce qui ne va pas, ce qu'on peut faire pour améliorer le service. C'est ça, notre mission, améliorer les services aux jeunes, ça fait que c'est très constructif.

Votre fédération est définitivement en faveur de la maternelle quatre ans, mais en milieu favorisé... TPMD, donc temps plein milieu défavorisé. Je m'explique mal pourquoi quelque chose qui est bon en milieu défavorisé... il faudrait avoir une loi, conserver la loi actuelle, puis être vraiment restrictif de manière à ne pas pouvoir. En ce moment, là, si je voulais ouvrir une classe de maternelle quatre ans dans un milieu défavorisé, un milieu identifié comme 5 plutôt que 6, 7, 8, 9, 10, ce serait tout simplement illégal, on ne peut pas le faire.

Moi, j'aimerais ça que vous m'expliquiez pourquoi il ne faut pas adopter la loi — parce que c'est ce que vous dites, essentiellement, il ne faut pas adopter le projet de loi n° 5 — pourquoi il ne faut pas adopter le projet de loi n° 5, c'est important de ne pas pouvoir ouvrir une classe quand, dans un milieu donné, il y aurait une classe disponible, un enseignant disponible, une éducatrice disponible, des professionnels disponibles, des parents qui veulent inscrire leur enfant, des parents qui n'envoient leur enfant nulle part en ce moment ou qui sont sur une liste d'attente. Là, vous allez me dire : C'est beaucoup de conditions, mais ça se peut et ça arrive, il y a 42 000 enfants qui sont sur des listes d'attente, il y en a 20 000 qui ne sont dans aucun réseau à quatre ans.

Donc, pourquoi, là, c'est important de garder le statu quo législatif puis d'empêcher qu'on ouvre une classe dans un milieu où il y a une classe disponible, un enseignant disponible, une éducatrice disponible, des professionnels disponibles, des parents qui veulent inscrire leur enfant, puis il faut que ça reste de même? Sincèrement, je ne comprends pas, expliquez-moi ça.

Mme Morel (Nathalie) : Je dirais qu'il y a plusieurs motifs qui me viennent en tête. La première chose, pour nous, il est clair que les ressources ne peuvent pas être illimitées et que, quand on cible les milieux défavorisés, pour nous, là, les ressources que le ministère de l'Éducation veut octroyer au niveau des maternelles quatre ans devraient toutes aller à temps plein en milieu défavorisé parce qu'il y a beaucoup d'enfants qu'on n'a pas rejoints encore. Et ces sommes-là que vous, entre guillemets, cibleriez vers des milieux plus favorisés, bien, elles cibleraient des enfants qui vont ou ont accès à d'autres services de garde régis par l'État. Ce n'est pas le cas des enfants de parents en milieu défavorisé. Je vais faire exception des... depuis, je pense, août dernier, la mesure au niveau des gens qui sont sur l'aide sociale. Mais, de façon générale, les parents qui ont un très bas revenu, juste l'obstacle financier d'aller dans un autre service de garde, régi par l'État ou pas, est un obstacle qui fait en sorte que les enfants n'ont pas accès à aucun service.

Alors, pour nous, c'est vraiment, comme je l'ai dit dans la présentation... et vous allez le voir dans le mémoire, là, j'ai vraiment résumé, on a au moins quatre pages sur l'historique des mesures en milieu défavorisé, c'est vraiment dans le sens de dire : Au Québec, on a plein de projets, Une école montréalaise pour tous, stratégie d'intervention Agir autrement, on avait OS par le passé, ce sont, pour nous, des mesures qui sont prioritaires.

Les autres enfants, par exemple, qui pourraient avoir des troubles, parce que c'est vrai que ce n'est pas juste dans les milieux défavorisés, bien, par le statut économique de leur famille, donc, culturel aussi, ont accès à d'autres ressources. Alors, c'est pour ça qu'on vous demande de concentrer les sommes, qui ne sont quand même pas infinies, dans les milieux défavorisés. Construire des locaux, construire des écoles, c'est des sommes colossales. L'aménagement, on en a parlé beaucoup, combien ça coûte, aménager des locaux, donner du matériel. Alors, pour nous, ce n'est vraiment pas dans le sens de priver des enfants de quelque chose, c'est de s'assurer que ceux qui sont les plus vulnérables et en ont le plus besoin aient ces services.

Alors, c'est pour ça qu'on vous dit... Vous savez, votre gouvernement vient d'élargir. C'était, avant, unités de peuplement 8, 9, 10. C'était juste le code postal, hein? L'enfant pouvait s'inscrire, le parent venait à l'école, et on regardait son code postal, on pouvait dire oui à un parent et un petit de quatre ans, un enfant de quatre ans, et non à l'autre qui était à trois rues d'intervalle. Là, vous avez ouvert à écoles en milieu défavorisé 7, 8, 9, 10. Testons ce modèle-là pendant un certain temps pour s'assurer de rejoindre tous ces enfants-là. C'est un modèle qui est, selon nous, une offre de services globale. On devrait réussir à aller chercher... On parle du 20 %, hein, des enfants qui ne sont dans aucun service. Et c'est ça pour nous, comme ministère de l'Éducation, comme priorité, qu'on vous demande. Puis, en 2023‑2024, bien, on se penchera sur l'état de la situation puis on verra si on a réussi à les rejoindre, ces enfants-là, et s'ils sont dans les classes.

Alors, c'est pour ça que notre façon de vous le présenter, c'est de surseoir en disant : Mettons toutes les sommes vers les enfants les plus vulnérables. Et, oui, les autres ont besoin de services, mais ont accès, par des assurances, par exemple, personnelles de parents — hein, c'est ça qu'on dit aux parents, «avez-vous des assurances? Allez consulter au privé» — par, bien sûr, le réseau de la santé, mais aussi les CPE et les autres services de garde régis par l'État.

Puis une petite chose que j'ai oubliée de vous dire tantôt pour améliorer les quatre ans TPMD, c'est de s'assurer que les commissions scolaires et les directions ne disent pas aux profs : Ah! ils sont trop petits à quatre ans, cinq ans, donc vous n'aurez pas accès aux services complémentaires. Ça, c'est un grave problème, actuellement, dans le milieu. Quand les profs demandent au préscolaire d'avoir, par exemple, des évaluations en orthophonie, en orthopédagogie, on dit aux profs, de façon très, très générale parce qu'il y a une pénurie de ressources : Ils sont trop petits.

Le Président (M. Asselin) : Merci beaucoup. On va maintenant continuer avec la députée de Saint-Laurent.

Mme Rizqy : Merci beaucoup, M. le Président. J'en profite aussi pour dire un petit bonjour à Daphné, Sarah, Sophie, Alyssa, Olivier et Gabriel, qui suivent nos travaux, en arrière, de façon très attentive.

Bonjour, Mme Morel. Bonjour, très contente de vous recevoir. Vous avez vraiment illustré correctement, je crois, la situation réelle puis vous avez mentionné différents points auxquels j'aimerais m'attarder. Vous avez parlé tantôt, par exemple, de la ressource à demi-temps qui était prise pour la maternelle quatre ans, mais qu'on essaie de mettre ailleurs dans le réseau. Est-ce que, justement, ça, ça veut dire qu'il faut ajouter davantage de ressources pour s'assurer que celle qui est supposée d'être dans la maternelle reste à la maternelle, mais pour répondre aux autres besoins, des premières années jusqu'à la sixième année, il y a aussi d'autres ressources additionnelles qui devraient être injectées dans cette grosse enveloppe de 2 milliards qu'on veut mettre pour les maternelles quatre ans, faire peut-être une réallocation des ressources pour répondre aux besoins réels auxquels vous, vous êtes confrontés tous les jours?

Mme Morel (Nathalie) : Oui, la réponse, bien certainement, est la rareté, hein, c'est la pénurie. C'est pour ça qu'on essaie un peu de partager entre plusieurs personnes les ressources.

Mais je dois quand même, Mme Rizqy, vous dire qu'on a vécu, dans les 15 dernières années, des coupures effroyables dans le milieu de l'éducation. Et il y en avait, des ressources professionnelles, beaucoup plus qu'il y en a présentement. Alors, je vous dirais que ce n'est pas d'aujourd'hui que ce problème-là est là. On a documenté, à la FAE, hein, des coupures de près de 1,5 milliard, dans les 12, 15 dernières années, dans le réseau public de l'éducation, et c'est là, je vous dirais, qu'est la source des problèmes qu'on vit actuellement. Les réinvestissements, à la fédé, nous, on appelle ça des remboursements, on dit : On n'est pas à l'investissement encore, on est en train de rembourser tout ce qu'on a coupé au réseau des écoles publiques. Alors, oui, ça prend plus de ressources, c'est certain.

Et il faut aussi faire attention, quand les sous rentrent dans les commissions scolaires ou dans les écoles, bien, nous les profs, on n'a pas un pouvoir décisionnel sur l'utilisation des budgets. Alors, il y a aussi d'autres gens qui doivent être interpelés dans la répartition des ressources et dans les choix qui sont faits pour respecter les encadrements légaux. C'est ce qu'on est obligés de faire, actuellement, porter des textes d'encadrements légaux pour dire que la ressource, elle est à la classe en soutien à l'enseignante. Alors, il y a beaucoup de joueurs, là, qui ont besoin d'être rappelés à l'ordre, je pense.

• (12 h 50) •

Mme Rizqy : Merci, Mme Morel. Vous comprendrez que je comprends parfaitement votre message et que vous ne vous doutez pas non plus qu'en ce moment je m'attarde vraiment sur le présent. Puis en ce moment il y a de l'argent de disponible, et c'est pour ça que je vous pose la question sur le 2 milliards qui est sur la table, qui s'apprête à être injecté dans le réseau de l'éducation pour les maternelles quatre ans. Alors, c'est pour ça que je m'attarde sur ce montant de 2 milliards, comment qu'on pourrait l'allouer.

Et j'aimerais savoir aussi, dans... Vous avez parlé tantôt des commissions scolaires de Montréal. Vous avez nommé la CSDM, Marguerite-Bourgeoys, Pointe-de-l'Île, vous avez des enseignants qui sont, évidemment, dans votre... qui sont syndiqués chez vous, qui travaillent dans ces commissions scolaires. En ce moment, nous, dans le grand débat des maternelles quatre ans, on a eu des gens qui sont venus dire que, oui, c'était extraordinaire, d'autres qui ont nuancé leurs propos. Vous, vous avez été professeure depuis... enseignante depuis 1987. Selon vous, ce que vous avez vu en milieu défavorisé... Parce qu'on partage l'opinion qu'on devrait déployer les maternelles quatre ans à partir des milieux défavorisés; certains disent que non. Nous, on aimerait savoir : Vous, concrètement, sur le terrain, qu'est-ce que vous avez pu voir comme expérience d'un enfant? Prenons, par exemple, un enfant d'Hochelaga-Maisonneuve qui a fréquenté une maternelle quatre ans.

Mme Morel (Nathalie) : Ça fait de nombreuses années qu'on peut parler de cette expertise-là parce que... Moi, je suis une enseignante d'Hochelaga-Maisonneuve, j'ai enseigné pendant 15 ans à l'école Maisonneuve. La maternelle quatre ans de mi-temps, comme je le disais tout à l'heure, est là depuis longtemps, ça fait qu'on peut témoigner, pas juste des maternelles quatre ans temps plein, hein, depuis juin 2013. C'est vrai pour le programme Passe-Partout aussi. Ce sont des programmes qui ont fait leurs preuves. Alors, c'est souvent auprès des profs qui accueillent les enfants aux cinq ans, en première année, en deuxième année, c'est là qu'on est capables vraiment de documenter.

Nous, on l'a fait, à la fédération. En 2017, dans notre rapport, vous voyez, pendant quatre ans, on a suivi, dans le fond, à la fois... pas des cohortes de façon nominative, mais nos profs, nos membres, donc, qui enseignent aux quatre ans, aux cinq ans, en première, en deuxième année, et c'est là qu'on voit des avancées extraordinaires. Ce ne sont pas des études scientifiques. Je n'aurais pas la prétention de dire que ça s'est fait dans un cadre complètement balisé, mais c'est quand même de l'expérience, de la pratique, hein? C'est les praticiennes qui côtoient ces enfants-là qui disent, entre autres au niveau de la socialisation, au niveau du langage, au niveau de la maturité affective, qu'il y a énormément, énormément de plus-value.

Récemment, on a des enseignantes qui ont fait des présentations dans des commissions scolaires auprès de certaines de vos collègues pour venir nous dire que la question de la maternelle quatre ans, dans les faits, c'est souvent aussi permettre aux enfants qui ont des frères et des soeurs, donc la fratrie dans l'école, de développer ce lien-là, d'être valorisés. Les grands viennent aider les petits. Il y a beaucoup, beaucoup d'expériences qui font en sorte qu'on sécurise aussi les enfants.

Alors, je pense qu'il y a eu beaucoup, beaucoup de légendes urbaines. On a cassé beaucoup de sucre sur le dos des maternelles quatre ans récemment, c'est triste. Il y a un travail extraordinaire qui se fait par les enseignantes qui y sont, mais c'est vraiment des milieux de vie. Il faut rentrer dans les classes pour voir. On n'est pas du tout dans la scolarisation. C'est vraiment des approches par le jeu. Je réitère que le programme est super apprécié.

Donc, je vous dirais que, dans plusieurs volets du développement des enfants, on a vu des changements notables, mais il n'y a pas de garantie, puis on essaie d'investir, je vous dirais, dans le reste du parcours scolaire.

Mme Rizqy : On est d'accord pour les maternelles quatre ans, mais c'est juste qu'on n'est pas d'accord sur le moyen. Nous, on préconise davantage les milieux défavorisés versus le mur-à-mur. On préfère le sur-mesure parce que, vous l'avez vu... vous autres aussi, vous dites que les ressources ne sont pas limitées, par définition.

Mais tantôt, pourquoi... Tantôt, vous l'avez illustré parfaitement, vous avez dit : Bien, par exemple, une famille mieux nantie va avoir des assurances privées, va avoir aussi, probablement, plus de contacts pour trouver les ressources, alors que, par exemple, dans les milieux défavorisés, ça peut être plus difficile, et c'est pour ça que vous priorisez, j'imagine, en milieu défavorisé, l'implantation des maternelles quatre ans et d'abord faire passer celles qui sont à temps partiel à temps plein, dans un premier temps, c'est ça?

Mme Morel (Nathalie) : Oui.

Mme Rizqy : Tantôt, vous avez aussi soulevé un enjeu qui est très important, le volet parents. Vous avez parlé... les parents... puis j'imagine qu'en milieu défavorisé... Pensons aussi aux nouveaux arrivants, qui arrivent, qui s'installent souvent dans les quartiers que c'est plus, disons, abordable, que ça soit dans Hochelaga, Montréal-Nord, par exemple. Là, à ce moment-ci... Tantôt, vous avez mentionné que c'était fait sur le temps des enseignants. Donc, ça prendrait aussi, évidemment, une reconnaissance de qu'est-ce qui est fait au niveau volet parents, parce que vous aidez non seulement l'enfant, mais les parents aussi à l'intégration dans le réseau scolaire.

Mme Morel (Nathalie) : Oui, tout à fait. Bien, le volet parents est très apprécié. On a travaillé... on a présenté au ministère, là, différentes activités qui se faisaient dans nos milieux il y a quelques années.

Mais je voudrais aussi vous dire que la question de la langue, la question des nouveaux arrivants, ça pose un autre défi. Actuellement, on semble comprendre que le ministère et certaines commissions scolaires voient la classe de quatre ans TPMD comme la classe pour intégrer les enfants de l'accueil, et ça, c'est une grave erreur. Les profs le disent, à plusieurs égards, on doit maintenir le service de classe d'accueil au préscolaire. Ces classes-là existent. Il y a certaines commissions scolaires qui les offrent de façon systématique. Ce n'est pas la même chose. L'apprentissage d'une langue via le jeu, bien sûr, et via un programme, c'est autre chose que le quatre ans TPMD. Alors, il faut faire attention aussi de ne pas substituer un service pour un autre. Donc, nous, on aimerait que les classes d'accueil soient maintenues au niveau du préscolaire ainsi que les classes de quatre ans temps plein milieu défavorisé et cinq ans général.

Mme Rizqy : Merci de porter ça à notre attention parce que, moi, c'est la première fois que j'entendais ça. Pouvez-vous juste élaborer davantage pour juste que je comprenne bien qu'est-ce qui se passe?

Mme Morel (Nathalie) : C'est que, dans certaines commissions scolaires, chez les petits, pour le cinq ans, c'est la même chose, on abolit le service du préscolaire accueil pour intégrer directement les enfants de l'accueil en disant : On va offrir du soutien linguistique, étant donné qu'ils sont petits, ça va être facile, ils vont apprendre en même temps. Et nous, les profs de l'accueil — c'est un champ spécifique, une formation spécifique — nous disent : Grave erreur. C'est un fardeau pour le prof, bien sûr, du régulier qui accueille ces enfants-là, c'est vrai, après ça, pour le primaire et le secondaire aussi. Mais il faut bien scinder et offrir le bon service aux enfants.

Mme Rizqy : Merci. Merci beaucoup. Il ne nous reste que quelques secondes.

Le Président (M. Asselin) : 10.

Mme Rizqy : Merci, M. le...

Le Président (M. Asselin) : Neuf, huit...

Mme Rizqy : Est-ce que les négociations ont commencé pour la valorisation de l'enseignement, notamment au niveau des conditions salariales?

Mme Morel (Nathalie) : Non, on va déposer nos demandes à l'automne.

Le Président (M. Asselin) : Merci beaucoup, Mme Morel. Nous allons maintenant passer les deux prochaines minutes 40 secondes avec la députée de Sherbrooke.

Mme Labrie : Merci, M. le Président. Mme Morel, vous avez dit quelque chose tantôt qui m'a vraiment fait froncer les sourcils, je veux juste vous demander de clarifier. Est-ce que j'ai bien compris qu'en ce moment, au préscolaire, il y a des enseignants et des enseignantes qui demandent des ressources professionnelles et qui se font répondre que, non, ces ressources-là sont pour les élèves plus vieux?

Mme Morel (Nathalie) : Oui, tout à fait. Mais, je vous dirais, actuellement, la réalité, là, sur le terrain des profs... On a beau dire : Il y a de l'argent, puis on met de l'argent, puis il va y avoir des ressources... Premièrement, c'est comme pour les enseignantes et enseignants, il n'y a pas nécessairement des personnes humaines qui prennent les emplois, il y a de la pénurie dans d'autres catégories de personnel. Mais, deuxièmement, depuis longtemps, je vous dirais que la politique d'adaptation scolaire du ministère de l'Éducation 1999‑2000 est venue placer dans l'imaginaire collectif qu'on attend, on attend.

Vous savez, la politique de non-redoublement, de non-identification, et tout ça, on est dans cet air ambiant là. Le ministère de l'Éducation a instauré, avec la réforme de l'éducation des années 2000, cette façon de voir là : On suit le rythme de l'enfant, on le laisse progresser, on fait une approche par cycles. Alors, on est là-dedans. Puis au préscolaire, bien, on ajoute à ça : Bien, ils sont trop petits, on va leur donner du temps. Je ne dis pas que c'est complètement faux, mais, de façon générale, les profs ont beaucoup de difficultés, puis c'est pour ça qu'on l'a mis dans notre convention collective maintenant, ça dit : Dès le préscolaire.

Mme Labrie : Bien, j'espère que c'est bien entendu par le ministère parce que ce n'est clairement pas dans le sens de l'objectif qui est supposé d'être atteint ici, d'attendre plusieurs années avant de donner les services professionnels aux enfants du préscolaire.

Vous demandez, dans votre mémoire, que le gouvernement reporte le projet de déploiement universel des maternelles quatre ans et qu'il se concentre sur les milieux défavorisés. Ma question va un peu dans le même sens que celle du ministre, mais je vais la poser différemment. Pour vous, ce serait quoi, les critères à remplir avant d'envisager un déploiement universel de la maternelle quatre ans?

Mme Morel (Nathalie) : Nous, on n'envisage pas un déploiement universel. Ce qu'on demande au gouvernement, c'est de surseoir. Pour nous, il faut prioriser. Pour les cinq prochaines années, assurons-nous que le service est offert partout dans toutes les écoles en milieu défavorisé, et on reprendra la discussion dans cinq ans.

Mme Labrie : Mais à long terme ce serait quoi, les conditions qu'il faudrait réunir, comme société, pour l'envisager avant de ramener ce projet de loi?

Mme Morel (Nathalie) : À long terme? Je ne peux pas vraiment vous fournir une réponse parce qu'on n'a pas de position là-dessus. On n'a pas une position pour dire : On doit s'en aller vers l'universalité. Nos positions sont très claires sur le fait.

Maintenant, qui sommes-nous pour dire où sera la société dans cinq ans, dans 10 ans ou dans 15 ans? Alors, c'est pour ça qu'on dit... Puis en même temps, je vous dirais, le contexte actuel est très polarisant : On est pour ou on est contre, hein, c'est ça qu'on entend dans les médias, c'est ça qui est rapporté : Êtes-vous pour la maternelle quatre ans ou contre la maternelle quatre ans? On dirait qu'entre les deux on ne peut pas dire : On est pour le quatre ans à temps plein en milieu défavorisé puis voici les motifs. Alors, on veut sortir de cette polarisation-là. Nous, on dit : Il faut surseoir.

Le Président (M. Asselin) : Merci beaucoup, Mme Morel. Pour le prochain 2 min 40 s, on va écouter la députée de Joliette.

Mme Hivon : Merci. Bien, nous aussi, on souhaite ça parce qu'on aimerait ça qu'il puisse y avoir un peu de nuances de part et d'autre, puis c'est vrai que la polarisation est très présente. Puis une des raisons pourquoi on veut ça, c'est qu'on voudrait que la maternelle quatre ans soit là, d'abord et avant tout, pour les enfants qui en ont le plus besoin et qui, notamment... soit de milieux défavorisés soit ne fréquentent aucun service de garde, qui leur donne une chance d'arriver avec moins de vulnérabilité. Alors, je pense que c'est important de le rappeler. Puis, quand vous le rappelez aujourd'hui, c'est que vous dites, dans le fond : Le projet de loi, il n'est pas essentiel du tout parce qu'on peut continuer à le déployer dans le milieu défavorisé, même avec l'élargissement que le ministre a fait de la conception du milieu défavorisé, pour les enfants qui en ont le plus besoin. Donc, moi aussi, je veux être là-dessus. Parce que vous savez que certains experts, dont un qu'on entend beaucoup... est venu dire exactement le contraire, là : C'est épouvantable de limiter ça aux milieux défavorisés.

Donc, pourquoi c'est si important? Puis est-ce qu'il y a des risques qu'on échappe des enfants si on ouvre largement? Parce que c'est comme si le gouvernement nous dit : Bien, il y en a des fois, en milieu favorisé, qu'on peut échapper, donc n'ayons plus aucun critère. Mais n'avoir plus aucun critère, c'est quoi, les risques avec ça?

Mme Morel (Nathalie) : Bien, moi, je dirais que c'est la dilution, c'est le saupoudrage, c'est le fait de dire... à un moment donné, les ressources ne sont pas illimitées, on va avoir une assiette ou une tarte puis on va la partager en des plus petites portions pour tout le monde, donc de ne pas avoir, au rendez-vous, les ressources pour les enfants des milieux défavorisés. On parlait, tout à l'heure, des ressources professionnelles, c'est ça, la réalité du personnel de soutien. Si, disons, on donne à tout le monde des petits morceaux, bien, ceux qui en ont le plus besoin, qui ont besoin du gros morceau, ils ne l'auront pas, c'est eux qu'on va échapper.

Peut-être qu'on va pouvoir faire en sorte qu'un enfant qui n'est pas de milieu défavorisé ait du service à l'école, peut-être pas parce qu'ils ne sont pas toujours au rendez-vous, les ressources et les services. Mais cet enfant-là qui n'est pas de milieu défavorisé... On a bien documenté, au Québec, le fait qu'on unit défavorisation économique, décrochage scolaire. Alors, on sait qu'il ne faut pas manquer notre coup avec les enfants des milieux défavorisés.

Alors, il n'y a pas de garantie, là. Je ne prétends pas être ici en disant : On va tout faire parfaitement, mais on sait, en tout cas, que, si on ne donne pas assez aux enfants des milieux défavorisés, c'est eux qui risquent d'être nos futurs décrocheurs, c'est eux qui risquent, parce que c'est ça, toutes les statistiques qu'on a, alors c'est vraiment dans ce sens-là. Pour nous, les enfants qui ne sont pas de milieux défavorisés ont, comme je l'ai dit tout à l'heure, des possibilités d'avoir accès à des ressources par d'autres services, comme par exemple les centres de la petite enfance, comme par exemple... Parce que c'est le cas même dans le réseau scolaire, actuellement. On dit aux parents, quand il n'y a pas de ressources : Avez-vous des assurances? Je vous invite à aller consulter. Ça, c'est la réalité dans nos écoles, madame...

Le Président (M. Asselin) : Mme Morel, Mme Roy, je vous remercie pour votre participation à nos travaux. Saluerez M. Mallette de ma part.

Et puis on va suspendre quelques instants nos travaux. On a une séance de travail qui se continue bientôt.

(Suspension de la séance à 13 h 2)

(Reprise à 15 h 3)

Le Président (M. Asselin) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission de la culture et de l'éducation reprend ses travaux. Je vous demanderais de bien vouloir éteindre la sonnerie de vos appareils électroniques.

Nous poursuivrons les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 5. Cet après-midi, on va entendre d'abord la Fédération québécoise des organismes communautaires Famille. Ensuite, on va entendre M. Georges Tarabulsy, professeur à l'École de psychologie de l'Université Laval. On va entendre l'Association d'éducation préscolaire du Québec, et, en audition conjointe, la Centrale des syndicats du Québec, la Fédération des intervenantes en petite enfance du Québec et la Fédération des syndicats de l'enseignement.

Je voudrais souhaiter la bienvenue à Mme Brunet, M. Dumais. Vous aurez 10 minutes pour présenter votre mémoire, et puis après ça on va commencer les échanges doucement. Bienvenue dans votre Assemblée nationale. On est heureux de vous recevoir. À vous la parole.

Fédération québécoise des organismes
communautaires Famille (FQOCF)

Mme Brunet Kitchen (Marie-Eve) : Merci beaucoup, M. le Président. Mesdames et messieurs, j'aimerais d'abord vous remercier à l'avance pour votre écoute, votre intérêt. Je me nomme, en effet, Marie-Eve Brunet, je suis directrice générale de la Fédération québécoise des organismes communautaires Famille, la FQOCF, et je suis accompagnée de M. Michel Dumais, directeur des communications, partenariats et relations gouvernementales.

La FQOCF, fondée en 1961, a pour mission de regrouper et de soutenir plus de 240 organismes communautaires famille, des OCF, tout en contribuant à assurer la place essentielle de la famille dans la société québécoise. Nos deux volets d'action prioritaires sont l'accompagnement en développement communautaire auprès des OCF et agir nationalement auprès des décideurs et des influenceurs afin de faire entendre la voix des OCF et également celle des familles.

Mais qu'est-ce qu'un OCF? Les organismes communautaires famille sont des lieux d'accueil, d'écoute et un continuum d'accompagnement aux parents, et ce, dans les 17 régions du Québec. Les OCF desservent tous les types de familles, de la naissance au moment où l'enfant prendra son envol. C'est une organisation professionnelle, mais non institutionnelle, un espace de confiance qui favorise les échanges entre parents et qui affirme que chaque parent est le premier et principal éducateur de son enfant.

Pour certaines communautés, l'OCF peut prendre le nom de Carrefour familial du Richelieu, Centre ressources Jardin de familles, Carrefour Naissance-Famille du Bas-Richelieu, Famille à coeur, Relais familial d'Auteuil, la Maison Pause-Parent, la Maison de la famille Au coeur des générations d'Argenteuil, Maison de la famille Beauce-Etchemins, la Maison des familles de Saint-Laurent, la Maison de la famille au Coeur à Rivière, Famille Espoir, Maison Parenthèse, pour ne vous donner que quelques exemples qui, je crois, devraient faire écho chez vous.

Ce que nous estimons aujourd'hui important d'apporter à vos réflexions présentes et à venir est, vous l'aurez compris, la place des parents dans le débat. Nous partageons l'objectif de répondre aux besoins des familles en bonifiant l'offre actuelle des services éducatifs. Les parents québécois ont maintes fois exprimé leurs besoins pour des services éducatifs et de garde de qualité, des activités liées au développement de leur enfant ainsi que des services de soutien à la parentalité.

La FQOCF reconnaît l'importance d'offrir et de soutenir les choix des parents quant aux services éducatifs qui seront les mieux adaptés aux besoins de leur enfant ainsi qu'à leur réalité familiale. La FQOCF salue l'intention du gouvernement de bien accompagner les enfants en permettant que les maternelles quatre ans et les autres services éducatifs à l'enfance puissent coexister et demeurer au libre choix des familles.

La FQOCF soulève également le besoin des familles d'obtenir facilement des informations claires sur les différents services éducatifs et leurs particularités. Ces renseignements permettraient aux parents de faire un choix juste et éclairé en faveur du développement du plein potentiel de leur enfant. Cet outil pourrait également comprendre un instrument de calcul comparatif des coûts des services afin que les parents puissent mieux envisager les frais pour chacun des services éducatifs offerts. Nous l'avons dit, le parent est le premier et le principal éducateur de son enfant.

Les organismes communautaires famille partagent la conviction que les parents sont à même de faire des choix appropriés pour leur enfant en tenant compte de leur propre réalité familiale. Et, comme parents, divers services éducatifs nous sont offerts. Ceux-ci incluent les services de garde éducatifs à l'enfance, régis ou non par l'État, la maternelle quatre ans offerte dans les établissements scolaires, le programme d'animation Passe-Partout. Ils comprennent aussi les services offerts par les organismes publics ou communautaires, que ce soit du secteur de la santé, des services sociaux, les haltes-garderies, les centres de loisirs, les camps de jour et, évidemment, les diverses actions des organismes communautaires famille auprès des mères, des pères et des enfants.

Et permettez-moi, s'il vous plaît, de vous dire que, considérant l'engagement gouvernemental à agir tôt pour que chaque enfant puisse développer son plein potentiel, l'implication et l'engagement des parents en faveur du développement global de leur enfant dans les activités des OCF n'est pas à sous-estimer. Avec ce portrait plus juste de la diversité des services offerts aux familles, il devient pertinent de s'attarder aux caractéristiques pouvant influencer le choix des parents. Vous y découvrirez des aspects à penser, à repenser et à améliorer.

Première caractéristique, la proximité et la flexibilité. Les parents québécois souhaitent obtenir des services éducatifs adaptés à leur enfant et situés à proximité de leur domicile et de leur milieu de travail. Il est important pour les parents que l'établissement soit localisé sur le chemin, sans avoir à faire de détours. Avoir ou non à faire du kilométrage supplémentaire nécessite aussi du temps. C'est la qualité de vie de tous les membres de la famille qui s'en trouve compromise. Les réalités familiales quant aux modes de transport sont aussi différentes en milieu rural ou en milieu urbain. Certaines familles soupèseront certainement la décision d'opter pour le transport scolaire de leur enfant de quatre ans, accompagné des autres écoliers de l'ensemble des cycles du primaire, pour un long trajet alors qu'un milieu de garde est peut-être situé près de la maison.

Pour le volet flexibilité, le Conseil supérieur de l'éducation précisait que plusieurs familles issues de milieux défavorisés préfèrent des services éducatifs informels que les enfants peuvent fréquenter occasionnellement et qui offrent des activités aux parents plutôt que des services régis. Les OCF développent des liens de confiance avec les parents de par la nature même de leur travail. Nous avons des ponts à construire, inspirés de certaines magnifiques pratiques sur le terrain, afin que les OCF du Québec puissent plus activement participer à favoriser une relation de qualité entre les parents et le milieu scolaire.

• (15 h 10) •

Autre caractéristique, la disponibilité et l'accessibilité. Les parents se soucient grandement du manque d'accessibilité de services de garde éducatifs régis, les places limitées, longues listes d'attente nécessitant une inscription bien avant le besoin du service et souvent concluante vers la fin du parcours préscolaire de l'enfant, le manque d'information sur la nature, les particularités et la diversité des services offerts.

Troisième caractéristique, la qualité des services éducatifs. Un autre facteur déterminant au moment de faire un choix des services éducatifs est la qualité de ceux-ci, vous n'en serez pas surpris. Encore une fois, cependant, il peut être difficile pour de nombreux parents de se retrouver dans les diverses informations circulant concernant la qualité des services.

Finalement, la dernière caractéristique, mais non la moindre, le coût et le tarif abordable. Des parents souhaiteraient, par ailleurs, obtenir plus d'information pour comprendre les modalités et pouvoir comparer le coût quotidien net des différents services en fonction des mesures fiscales qui leur sont offertes.

J'attire maintenant votre attention sur certains effets de la bonification de l'offre actuelle des services d'éducation préscolaire. Donc, outre les effets positifs sur le développement global des enfants et la réussite éducative, d'autres effets sont déjà identifiés, et il est possible d'agir sur ceux-ci. La transition d'une routine familiale à une routine scolaire peut être plus ardue pour un enfant de quatre ans et pour les parents. Il faut donc préparer les enfants de trois ans à l'entrée dans ce bel univers scolaire ainsi que les parents. Il s'agit là d'une des expertises développées depuis de nombreuses années dans plusieurs OCF du Québec. Je pense ici à de grands projets structurants et rassembleurs de type école-famille-communauté.

Autre effet à ne pas oublier pour assurément répondre au choix que feront les parents pour le développement de leur enfant, c'est la question de l'adaptation de l'agenda familial au milieu scolaire. En effet, plusieurs OCF reçoivent déjà des demandes des municipalités et des familles pour pallier aux besoins de ces dernières lors de la relâche et de la période estivale. Soyons honnêtes, il est difficile d'adapter un camp de jour dit régulier aux besoins des tout-petits. Il faut penser autrement, pas à la pièce. Nous vous tendons la main, la FQOCF veut penser stratégiquement avec vous.

En résumé, nous considérons qu'afin de bien répondre aux enjeux des familles il est important d'offrir des services diversifiés et répondant aux enjeux de proximité, flexibilité, disponibilité, accessibilité, que ce soient des services de qualité, et que les tarifs soient abordables, et que les coûts entourant le choix soient raisonnables. Par la suite, pour réellement soutenir les parents du Québec dans leur choix, la FQOCF propose au gouvernement de créer un outil de référence afin que les familles puissent obtenir facilement des informations très claires et concises sur les différents services éducatifs et leurs particularités afin qu'ils soient en mesure de faire ce choix éclairé en faveur du développement de leurs enfants. Aussi, la FQOCF invite le gouvernement à faire appel à l'expertise des OCF dans le continuum d'accompagnement des parents quant au déploiement de ces actions auprès des familles québécoises. Offrir et soutenir le choix des parents du Québec pour favoriser le plein potentiel des enfants et également offrir aux parents de toutes les régions du Québec un continuum d'accompagnement, voilà une opportunité à ne pas sous-estimer. Merci.

Le Président (M. Asselin) : Mme Brunet, pile 10 minutes, parfait. On va débuter les échanges tranquillement avec le ministre de l'Éducation. À vous la parole pour 16 minutes, je crois.

M. Roberge : Merci bien, M. le Président. Merci pour votre présentation. Vous avez brossé un portrait assez large, assez exhaustif. Puis je veux juste prendre une petite seconde avant pour vous remercier, vous et vos membres, pour ce que vous faites. Ça fait partie, selon moi, de l'éventail des services qui viennent vraiment aider les parents à s'acquitter de leur tâche, qui peut les aider de mille façons, même, des fois, en périnatalité, avec les tout-petits, tout-petits, tout-petits, avec les plus grands. Des fois, je sais que vous accueillez des ateliers d'autres groupes, vos gens sont formés en continu. Enfin, je sais que — vous en avez parlé au début — le Carrefour familial du Richelieu fait un très, très bon travail, très innovant. Je sais que c'est vrai pour beaucoup d'autres. Donc, avant de commencer, je voulais dire ça.

Je suis très content que l'attitude que vous apportez, c'est-à-dire une attitude collaborative qui nous suggère des pistes encore en mode solution, en mode comment on fait pour améliorer l'offre de services, répondre aux besoins des parents, répondre aux besoins des enfants. Il y a quand même une prise de position claire au départ quand vous dites : «La FQOCF partage l'objectif gouvernemental visé par le projet de loi n° 5 de répondre aux besoins des familles en bonifiant l'offre actuelle de services d'éducation préscolaire.» Donc, ça, c'est clair. Ceci dit, ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas des choses à améliorer pour réussir l'implantation, puis on en est bien conscients.

Il y a un élément à la fin de la page 2, où vous dites : «La FQOCF réitère le besoin des familles d'obtenir facilement des informations claires sur les différents services éducatifs...» Bien, cette question de fournir à tous une information qui est fiable, qui est claire, c'est un des enjeux qu'on... je ne pensais pas que c'était un enjeu. Pour moi, c'était évident, là, qu'on a informé les gens, mais ça a de l'air que, pour certains, c'est un enjeu, et ça a été soulevé par certains.

Est-ce que vous pensez qu'il faudrait éviter d'informer les parents, que ce serait important de ne pas informer les parents qui ont déjà une place dans un service de garde éducatif puis qu'il faudrait juste informer les parents dont les enfants ne sont pas en service de garde, mais qu'il faudrait éviter d'informer les parents qui ont déjà des enfants dans le service de garde si une maternelle quatre ans s'ouvre? Quelle est votre opinion là-dessus?

Mme Brunet Kitchen (Marie-Eve) : Bien, vous comprendrez, M. le ministre, que nous croyons que tous les parents doivent être informés pour pouvoir faire les choix au fur et à mesure des besoins de leur réalité familiale, qui peut être évolutive. La famille traditionnelle telle qu'on la connaissait dans le passé n'existe plus. Elle est éclatée sous plusieurs formes et elle peut changer dans le temps. Donc, plus on a une connaissance des différents services, plus on peut s'adapter aussi en fonction de cette réalité qui peut être changeante.

M. Roberge : Donc, on n'oppose pas... Ce n'est pas parce qu'un parent entre dans... plutôt qu'un enfant entre dans un service de garde que le parent ne peut pas changer au cours du parcours du jeune parce que les besoins de l'enfant peuvent changer, de même que les besoins du parent.

Et j'aime bien ce que vous dites quand vous dites que c'est important que les maternelles quatre ans et les autres services de garde à l'enfance puissent coexister et demeurer au libre choix des familles. Vous comprenez que c'est exactement l'intention du gouvernement. Puis j'ai entendu encore un commentateur, il n'y a pas longtemps, parler de la maternelle quatre ans obligatoire. Ce n'est pas le cas du tout, du tout, du tout. Il ne s'agit pas de la rendre obligatoire, pas plus que le milieu familial ne l'est, ou que le CPE, ou que la garderie subventionnée, ou que vos services que vous offrez dans l'ensemble des maisons de la famille ou des autres regroupements ne sont obligatoires.

Pour ce qui est des services l'été, vous mettez le doigt sur quelque chose qui est quand même intéressant. C'est une préoccupation que beaucoup de parents ont. Je veux juste vous dire qu'on a déjà un comité interministériel qui discute de cette question, Famille, Éducation, Affaires municipales. C'est souvent les municipalités qui font les camps de jour, mais il y a aussi Famille et il y a aussi d'autres groupes communautaires qui font ça. Il faut aussi dire qu'on va revoir le règlement de la garde des enfants en bas âge avec le ministère des Affaires municipales pour assurer une coordination. Mais est-ce que vous pensez que certains de vos membres, de vos organismes pourraient lever la main pour assurer la garde pour des enfants de quatre ans durant la période d'été?

Mme Brunet Kitchen (Marie-Eve) : En fait, c'est déjà le cas. Plusieurs OCF du Québec offrent différents types de services durant toute l'année, et particulièrement en été. Certains OCF, par contre, je dois le mentionner, pour, malheureusement, des situations de financement, sont fermés en été, donc il y a là peut-être des ajustements.

Quelques municipalités ont déjà communiqué, comme je le dis, aussi pour cibler, dès 2020, l'adaptation de camps de jour, parce que les camps de jour, comme je le disais tantôt... d'irréguliers, souvent, la limite en termes d'infrastructures, que ce soit... que l'enfant n'aura pas l'espace pour faire une sieste, sera peut-être au soleil une longue partie de la journée... est plus difficilement adaptable que d'utiliser un lieu qui est déjà outillé pour recevoir... Donc, à ce niveau-là, je suis certaine que je peux vous dire dès maintenant que, oui, plusieurs lèveront la main.

Mais ce qu'on souhaite aussi mentionner, justement, pour éviter du «à la pièce», il pourrait être intéressant de réfléchir ensemble à comment tout ça peut se déployer, ne serait-ce que pour que l'information, justement, soit claire pour les parents aussi, où on peut se retourner, vers où on peut s'en aller. Et même l'été peut être un excellent moment pour être une préparation à l'entrée à l'école par la suite, autant pour les enfants que pour les écoles, tout en évitant... tout en étant quand même dans le ludique, là, durant l'été estival.

• (15 h 20) •

M. Roberge : Je n'en doute pas. Mais, écoutez, moi, je pense qu'on... sans doute qu'on se reparlera et que vous parlerez à des membres de notre cabinet par la suite pour voir de quelle façon on peut arrimer Famille, Santé, Éducation, Affaires municipales, mais aussi vos groupes, puis ça peut impliquer du financement aussi, là, pour vous aider à déployer cette offre de services là. Il y a, je pense, de plus en plus d'enfants, enfin, à mesure que les parents feront le choix, je le précise, qui pourraient avoir besoin des services que vous offrez.

Page 7 de votre document, vous avez «4. Caractéristiques des services éducatifs à la petite enfance que recherchent les parents», et là, 4.1, «Proximité et flexibilité». Pour la question de la proximité, je me suis fait interpeler ce matin en disant qu'il faudrait faire attention, il ne faudrait surtout pas qu'une classe de maternelle quatre ans ouvre à proximité d'une installation existante, que ce soit une garderie privée, ou privée subventionnée, ou un CPE. Est-ce que vous trouvez que c'est une mauvaise idée qu'une classe de quatre ans ouvre à, je ne sais pas, 500 mètres, un kilomètre d'un CPE, surtout si ce CPE là est plein, mais il ne faudrait pas, par idéologie, qu'une maternelle quatre ans soit proche d'un CPE? Est-ce que vous partagez cette vision?

Mme Brunet Kitchen (Marie-Eve) : Je comprends bien votre question, M. le ministre. Je vous dirais que notre vision n'est pas de rendre en compétition les services, mais bien de voir que ces services-là peuvent travailler main dans la main. Donc, s'il y a des besoins dans un quartier, je pense que la communauté peut tout à fait travailler aussi à trouver des solutions pour s'assurer que tout le monde a sa place et qu'au contraire on peut construire des ponts entre chacun.

Le Président (M. Asselin) : Je m'excuse de vous interrompre. On a probablement un vote en cours, donc je vais suspendre quelques instants, et on va vous revenir avec 8 min 48 s à faire dans l'échange.

(Suspension de la séance à 15 h 21)

(Reprise à 15 h 38)

Le Président (M. Asselin) : Alors, on reprend nos discussions. M. le ministre.

M. Roberge : ...

Le Président (M. Asselin) : Ah! Mme la députée d'Argenteuil, à vous la parole.

Mme Grondin : Merci beaucoup. Bonjour. J'ai une petite question. En fait, d'autres gens qui sont venus manifester leur opinion... il y avait... une des questions que je n'ai pas eu le temps de poser, en fait, était... Dans mon comté, on a une maison de la famille qui n'est pas encore subventionnée à la mission, mais on a la maternelle quatre ans, également, dans deux écoles à côté des centres de la petite enfance. Et, quand on regarde les chiffres, il y a encore 60 % des enfants 0-5 ans qui ne sont pas dans un réseau, on a un panier de services qui est disponible et accessible. Est-ce que vous avez une idée pourquoi?

Mme Brunet Kitchen (Marie-Eve) : Bien, en fait, si je peux me permettre, il y a toutes sortes de raisons. Il faut comprendre, le hors réseau... c'est souvent, on va se le dire, le milieu scolaire, CPE, services de garde régis, on est souvent dans ce type de services là. Plusieurs des familles hors réseau se retrouvent en organismes communautaires famille, en OCF. Ça peut être pour toutes sortes de raisons, que ça soit un choix personnel de parents de dire : Je veux profiter de cette période-là avec mon enfant puis je vais amener mon enfant à aller, oui, socialiser, exemple, en organisme communautaire famille en même temps que je vais aller chercher un atelier d'habilité parentale, par exemple, un soutien, un moment d'échange entre parents, mais, dans d'autres moments, je souhaite être plus présent avec mon enfant pendant cette période-là. Ça peut être ça. On a des parents qui ont des horaires atypiques, aussi, qui ne rentrent pas dans le réseau habituel, donc ils vont trouver d'autres alternatives, d'autres que c'est les grands-parents qui vont être la relation intergénérationnelle un peu plus. Donc, il y a plusieurs éléments qui peuvent amener des enfants à être hors réseau. Si on regarde juste chez nos enfants de quatre ans, il y a à peu près 20 % de nos enfants, à quatre ans, qui sont hors du réseau dit habituel.

Mme Grondin : ...60 %.

 (15 h 40)

Mme Brunet Kitchen (Marie-Eve) : Exact. Donc, en termes de raisons, bien, c'est certain, je vous ai parlé, tantôt, de caractéristiques dans le mémoire, il y a différentes caractéristiques, il faudrait voir. Là, je ne veux pas m'arrêter nécessairement à une spécificité, j'aimerais bien aller chercher toute l'information. Mais, chez vous, est-ce que ces caractéristiques-là font écho chez vos parents? Est-ce qu'il y a peut-être des enjeux qui leur permettent, justement, de dire : Ah! bien, dans ce cadre-ci, je préfère que ce soit pour une question de proximité, de coûts, de disponibilité? Il y a plusieurs éléments, là, qui pourraient expliquer la situation.

Mme Grondin : Est-ce que ça vaudrait la peine de mieux creuser pourquoi, par exemple, si on veut travailler sur le 20 % qui sont en réseau?

Mme Brunet Kitchen (Marie-Eve) : Bien, je pense qu'on a des ponts à créer, comme je disais tantôt, pour ne pas, justement, mettre les services en opposition, mais bien d'aller voir quels sont les besoins de nos parents, est-ce qu'ils ont l'information nécessaire pour faire le choix. Puis le choix, justement... Tu sais, tantôt, je nommais plusieurs types de services, bien, il y a le choix aussi de dire : Je garde l'enfant à la maison. Donc, tous ces choix-là, quelles sont les caractéristiques, les spécificités, les plus, les moins, les coûts de tous ces éléments-là, et là vous allez pouvoir peut-être mieux comprendre pourquoi vos parents se retrouvent dans certaines catégories plus que d'autres.

Mme Grondin : Peut-être une petite question encore. On parle beaucoup, beaucoup d'enfants vulnérables qui ont parfois des difficultés d'apprentissage ou toute autre, mais on parle peu d'enfants doués et de surdouance. Qu'est-ce que vous en pensez? Est-ce que ces enfants-là sont aussi tout à fait, comment je pourrais dire... On en parle très peu, et pourtant il y en a une, catégorie, et on n'en parle jamais. Qu'est-ce que vous en pensez dans ce sens-là?

Mme Brunet Kitchen (Marie-Eve) : Je veux être sûre de bien comprendre votre question.

Mme Grondin : Bien, en fait, au niveau des 0-5 ans, le panier de services qui est là, que ce soit au niveau des maisons des familles, ou des CPE, ou de la maternelle quatre ans, est-ce que vous croyez que les enfants... Parce qu'on parle de dépistage précoce, on parle beaucoup, beaucoup... on donne beaucoup d'attention aux enfants qui ont des vulnérabilités, je ne suis pas certaine qu'on en donne autant pour les enfants qui ont de la douance ou de la surdouance.

Mme Brunet Kitchen (Marie-Eve) : Bien, écoutez, moi, ce que je pourrais vous dire sur ces éléments-là, à travers les informations qu'on a souhaité vous déposer aujourd'hui, c'est que ce qu'on souhaite, c'est que les parents puissent... qui connaissent bien leur enfant, qui ont un rôle de premier éducateur, de premier répondant auprès de leur enfant, eux, ils connaissent les besoins, aussi, de leur enfant, donc en ayant une meilleure chance... Moi, je crois qu'on ne les échappe pas en parlant des différents services. Ce qu'il faut s'assurer, justement, c'est que ces services-là répondent aux caractéristiques qu'on nommait tout à l'heure. Donc, comme parent, si je choisis que mon enfant qui est dans une situation de douance a besoin de x types de stimulation, que je puisse avoir accès au service que je crois être le plus approprié à ma réalité familiale.

Mme Grondin : Parfait. Merci.

Mme Brunet Kitchen (Marie-Eve) : Merci.

Le Président (M. Asselin) : M. le ministre, pour 1 min 45 s.

M. Roberge : Merci. À la toute fin de votre mémoire, vous parlez de la qualité des services éducatifs, vous parlez de ratios intervenants, taille de groupes — c'est lié — formation du personnel, aménagement des espaces, programmes éducatifs. Quelle est votre opinion d'un service où le programme éducatif est basé sur deux ans, sur un cycle du préscolaire quatre ans et cinq ans, où la taille du groupe moyenne est de 12 enfants, mais pour une enseignante et une éducatrice à demi-temps, où, justement, il y a à la fois une enseignante qui a un baccalauréat puis une éducatrice qui a la technique au cégep puis où les aménagements sont à propos? Est-ce que vous ne pensez pas que c'est un cadre assez exceptionnel pour envoyer nos petits de quatre ans?

Mme Brunet Kitchen (Marie-Eve) : M. le ministre... pardon, excusez-moi.

Le Président (M. Asselin) : Il reste 55 secondes.

Mme Brunet Kitchen (Marie-Eve) : Oui, pardon. En toute humilité, je ne me permettrai pas de qualifier un service plus qu'un autre de qualité, je n'ai pas cette expertise. Par contre, je crois justement qu'avec nos différents spécialistes au Québec on ait la capacité d'identifier clairement les pour et les contre de chacune des offres et que les parents, une fois qu'ils ont cette information claire, peuvent faire un choix qui est éclairé et juste pour leur enfant.

M. Roberge : Laissons le choix aux parents, tout simplement. Merci beaucoup pour votre présentation.

Le Président (M. Asselin) : Alors, nous allons poursuivre avec l'opposition officielle. La députée de Westmount—Saint-Louis va nous entretenir. Allez-y.

Mme Maccarone : Merci, M. le Président. En parlant de choix parental... En passant, bienvenue. Toujours un plaisir de vous voir.

Le Président (M. Asselin) : ...

Mme Maccarone : Merci. Est-ce que vous avez sondé vos parents, quand on parle de choix parental? Et, si oui, c'est quoi, leur préférence entre maternelle quatre ans et réseau de service local?

Mme Brunet Kitchen (Marie-Eve) : En fait, il faut comprendre qu'actuellement, en termes... Je ne pourrais pas dire qu'il y a un sondage. D'autres types d'organisations l'ont fait, on n'est pas, nous, dans ce niveau-là, on est vraiment dans des échanges avec les parents. Donc, c'est vraiment les différents OCF du Québec qui peuvent rapporter cette voix de différentes manières. Certains, oui, ont peut-être fait des sondages maison, mais je ne l'ai pas à travers le Québec, donc je ne me permettrais pas d'en parler en termes de statistiques.

Par contre, ce que vous dirais, c'est que les parents, ce qu'ils semblent surtout nous identifier, c'est de la confusion dans les informations qu'ils reçoivent. Ils n'arrivent pas à bien comprendre. Je reprends ce que M. le ministre, tout à l'heure, disait sur ce qui était sorti dans un journal, si je ne me trompe pas, ou dans un média, du moins, que la maternelle quatre ans était obligatoire, par exemple. Bien, certains parents reçoivent cette information-là et ont l'impression que c'est vrai. Donc, c'est de là où je dis qu'on a besoin d'informations claires, quelque chose qui est synthétisé, qui n'est pas sur 10 pages Internet différentes et qui permet vraiment de se faire une tête, comme parent, en fonction des besoins de notre enfant.

Mme Maccarone : Je dirais que moi, je suis contente d'avoir les médias comme partenaires dans ce dossier-là parce qu'on manque d'information du gouvernement. Ils sont vraiment un partenaire nécessaire pour desservir la population, pour qu'ils reçoivent de l'information sur ce dossier. J'ai vu... Aucun journal ne dit que c'est obligatoire, peut-être c'est une hypothèse de dire que ça peut être le cas. À date, je n'ai rien vu à ce propos-là.

Est-ce que vous seriez surprise de savoir... D'abord, vous avez parlé des sondages qui sont déjà sortis. Il y en a deux de Léger qui disent que seulement un parent sur cinq choisira la maternelle quatre ans. On sait que les sondages qui sont faits par les parents propres de la commission scolaire de Laval, seulement 61 parents sont contre la maternelle quatre ans. Et la Fédération des comités de parents, qui sont passés ici cette semaine, nous a fourni leur sondage qu'ils ont fait, puis eux nous ont donné de l'information qui dit : 73 % des parents sont défavorables à ce que la maternelle quatre ans sera offerte à tous les parents.

Cela étant dit, je pense qu'on a une petite lumière sur c'est quoi, le choix des parents à ce stade ici, peu importent les raisons, d'où l'importance peut-être... Seriez-vous peut-être plus à l'aise, comme contribuable, comme organisme, de dire... Si on investit 2 milliards de dollars, est-ce qu'on est mieux d'investir dans le béton, pour une maternelle quatre ans, que peut-être ce ne serait pas le choix parental, ou dans les organismes communautaires familiaux et le réseau des services de garde?

Mme Brunet Kitchen (Marie-Eve) : En fait, on ne souhaite pas mettre en opposition les différents services et on ne souhaite pas, en fait, qu'il y ait un seul service et que les parents n'aient plus le choix. On souhaite, en fait, que l'offre de services... que ça soit en mode CPE, que ça soit en mode maternelle quatre ans, organismes communautaires Famille ou autres types, là, je vous en ai fait une liste tout à l'heure, qu'ils soient disponibles. Donc, on souhaite, en fait, qu'il y ait un investissement qui permet, justement, de répondre et en fonction de la communauté aussi. Certaines communautés à travers le Québec ont des besoins plus spécifiques et d'autres, d'autres types de besoins, et c'est important, selon nous, de répondre à ces différents besoins de façon équilibrée.

Mme Maccarone : Ça fait que, d'abord, vous croyez dans la complémentarité?

Mme Brunet Kitchen (Marie-Eve) : Tout à fait.

Mme Maccarone : Bien, quand on parle des régions, par exemple, on ne parle pas de la métropole ou des régions urbaines, si on parle des régions où on a un service de garde, si on ouvre une maternelle quatre ans... Puis on a un rapport qui a été déposé dernièrement, du CSQ, qui nous indique que la proximité... puis, oui, la proximité, c'est bien parce que ça offre d'un choix parental, mais, si on rouvre une maternelle quatre ans à côté d'un CPE, puis c'est à un kilomètre de distance un envers l'autre, vous ne pensez pas qu'il y aura un impact majeur sur ce CPE qui peut être peut-être le seul et unique CPE dans cette région?

Mme Brunet Kitchen (Marie-Eve) : Je vais me permettre de défendre, encore une fois, le choix des parents. Si les parents choisissent un service plutôt que l'autre, je crois qu'on doit les encourager et s'assurer que le service est disponible.

Mme Maccarone : Vous parlez beaucoup de l'importance du parent dans le développement de l'enfant. Puisque le contact entre le parent et l'enseignant sera plutôt limité... Souvent, le contact avec le service de garde, ça, on le sait, c'est beaucoup plus proche, on a un nombre limité d'enfants dans un groupe. Comment la maternelle quatre ans peut venir aider à la participation des parents avec ce contact puis cette communication-là que vous favorisez?

Mme Brunet Kitchen (Marie-Eve) : Sans rien enlever aux autres questions, merci pour celle-ci, ça me permet de vous parler du continuum d'accompagnement des parents, l'importance, justement, dès la naissance, en fait, que les parents du Québec, ils puissent sentir qu'ils ont espace pour se retrouver. Il y a des ponts plus officiels... parce qu'actuellement c'est beaucoup à la pièce, à travers le Québec, en fonction d'organisations qui s'entendent bien, on a vraiment des ponts officiels à aller faire.

Les OCF du Québec, actuellement, plus dans le cadre des maternelles cinq ans, évidemment, préparent beaucoup d'enfants, mais de parents à l'entrée à l'école, mais également favorisent le lien avec l'école. Donc, c'est d'amener, justement, le parent, à savoir : Comment je m'y investis? Comment je m'y retrouve? Quelles sont mes instances, que ça soit l'OPP, pour faire, là, un peu jargon, mais l'OPP, le CE, ou autres, mais également comment je peux... si je ne suis pas à l'aise, si je vis quelque chose? Le lien de confiance avec les organismes communautaires permet aux parents souvent d'aller plus loin dans ce qu'ils vivent, mais en créant des ponts plus clairs avec les écoles, on a la possibilité, justement, de s'assurer que ce transfert-là, on puisse le faire. Et ça se fait à travers le Québec. Je pourrais, si vous le souhaitez, vous transmettre, même, une liste d'organisations et d'écoles, à travers le Québec, qui ont créé ces liens-là, et c'est hyper bien organisé, et ça permet à l'école de bien répondre à cette attente des parents. Et on a remarqué, en fait, souvent que, quand, dès le début de l'entrée à l'école primaire, le parent sent qu'il a une place, il s'engage plus longtemps à travers tout le parcours scolaire de son enfant, donc de là l'importance que le parent... qu'on passe, en fait, des mots à l'action dans nos écoles et qu'on puisse, justement, s'assurer que les parents puissent prendre une place importante et non pas être un partenaire parmi tant d'autres de l'école, mais bien le premier et principal éducateur de l'enfant.

• (15 h 50) •

Mme Maccarone : Bravo pour votre implication! Je pense que l'accompagnement parental est très important. Puis vous faites déjà de quatre ans à cinq ans, alors je peux imaginer que vous avez beaucoup de contacts avec le réseau des services de garde. Alors, vous avez déjà un partenariat, puis ça va très bien, ça fait qu'on peut imaginer qu'il y aura quand même un impact. Puis les gens qui vont se trouver... peut-être les ressources vont être changées aussi, parce que, maintenant, s'il faut vous aider avec une transition de quatre à cinq, une transition de trois à quatre, c'est quand même... c'est petit, quatre à cinq, de trois à quatre, c'est vraiment petit.

Encore, je reviens à l'investissement. On n'est pas mieux d'investir, au lieu... dans le béton, peut-être, dans les OCF, pour le service que vous offrez auprès des parents, que ce soit leur aider dans le choix ou l'accompagnement? Vous avez parlé aussi de la difficulté des parents à se retrouver dans le réseau des services de garde, actuellement, manque de places, milieu familial. En quoi la maternelle quatre ans viendra aider les parents à se retrouver?

Mme Brunet Kitchen (Marie-Eve) : Je ne suis pas certaine de comprendre votre question, en ce sens où...

Mme Maccarone : Vous avez dit qu'ils ont de la difficulté à se retrouver dans le milieu actuel.

Mme Brunet Kitchen (Marie-Eve) : Bien, à trouver une place dans les services de garde régis.

Mme Maccarone : Alors, en quoi la maternelle quatre ans va nous aider?

Mme Brunet Kitchen (Marie-Eve) : Si vous retournez, c'est vraiment dans le cas des services de garde régis, les listes d'attente sont souvent très longues, et souvent c'est en fin de parcours préscolaire qu'on arrive à avoir une place, par exemple, en CPE. Donc, c'est plus à ce niveau-là que j'avais intervenu.

Donc, oui, pour certains parents... Puis là je peux aller dans du anecdotique, là, peut-être, pour l'imager, en fait, mais, pour certains parents, c'est une réponse d'avoir cette option-là de maternelle quatre ans et non pas, en opposition, de dire : Bien, je n'ai pas une place en CPE, je m'en vais en maternelle quatre ans. Peut-être que certains, ça pourrait être ça, mais d'autres, c'est tout simplement : Moi, je suis plus disponible, je suis travailleur autonome à la maison, je voudrais que mon enfant puisse aller une période x en préparation puis revenir à la maison, que ce ne soit pas toute la journée. Il y a différentes formules qui répondent aux réalités des familles. Maintenant...

Mme Maccarone : ...le déploiement de maternelles quatre ans, vraiment, c'est aussi pour rejoindre les milieux défavorisés, pour rejoindre les 20 000 enfants qui ne sont pas présentement quelque part. On n'est pas mieux, peut-être, étant donné que le choix parental est vraiment le réseau des services de garde, que ce soit CPE ou autres, d'investir à ouvrir des places puis d'aller plus lentement au déploiement de maternelles quatre ans? Parce qu'on a eu beaucoup d'intervenants qui nous avons dit que ce n'est pas basé sur la recherche, il faut aller modérément, il faut prendre notre temps au lieu de faire le déploiement au fur et à mesure juste où on a de la place au lieu d'où nous avons un besoin.

Mme Brunet Kitchen (Marie-Eve) : Il y a plusieurs choses que vous avez dites. La question exacte à laquelle vous voulez que je réponde...

Mme Maccarone : Le choix, je dirais, on n'est pas mieux de prendre du recul...

Le Président (M. Asselin) : Malheureusement, il vous reste une vingtaine de secondes.

Mme Maccarone : ...on n'est pas mieux de prendre du recul dans la réflexion que nous avons auprès du gouvernement? On est pour la maternelle quatre ans, on n'est pas pour la maternelle quatre ans mur à mur. On est pour la maternelle quatre ans qui va vraiment aider, surtout dans les milieux défavorisés, basé sur la recherche puis les mesures probantes qu'on sait déjà où ça fonctionne au lieu d'aller les yeux fermés vers l'avant pour dire : On va ouvrir ça n'importe où.

Le Président (M. Asselin) : Alors, le temps est écoulé.

Mme Maccarone : Merci, M. le Président.

Le Président (M. Asselin) : Je regrette, Mme la députée de Westmount—Saint-Louis. Nous allons poursuivre avec la députée de Sherbrooke.

Mme Labrie : Merci, M. le Président. On connaît puis on voit à nouveau, dans votre mémoire, l'expertise des organismes communautaires Famille, en particulier avec les familles, les enfants qui sont plus loin des réseaux institutionnels, je dirais. Quand le gouvernement a fixé l'objectif de rejoindre ces 20 000 enfants là qui ne sont dans aucun milieu de garde en ce moment, est-ce que vous avez été consultés sur les besoins, les meilleures façons de rejoindre ces familles-là?

Mme Brunet Kitchen (Marie-Eve) : On nous a présentement interpelés sur les enfants hors réseau, en effet.

Mme Labrie : Présentement, vous dites qu'en ce moment c'est en train de se faire?

Mme Brunet Kitchen (Marie-Eve) : Bien là, il y a des éléments de discussion autant au niveau du ministère, actuellement, et tant au niveau du cabinet. C'est-à-dire, on nous a demandé certaines informations, on a plusieurs documentations existantes, il y a eu des discussions peut-être plus informelles, là, aussi, avec les...

Mme Labrie : ...processus ou c'est...

Mme Brunet Kitchen (Marie-Eve) : Bien, écoutez, moi, je suis arrivée en poste en novembre, et le gouvernement, c'est approximativement dans les mêmes eaux, là. Donc, je vous dirais, mettons, janvier, là, où est-ce que, là, on a commencé à avoir certains échanges sur certains besoins, des éléments à identifier.

Mme Labrie : O.K. Puis vous nommez notamment qu'il y a beaucoup de familles de ces milieux-là qui préfèrent des services éducatifs plus informels, qui peuvent avoir une fréquentation occasionnelle. Est-ce que vous pensez qu'il y a suffisamment d'offres de service qui répondent à ce besoin-là en ce moment au Québec?

Mme Brunet Kitchen (Marie-Eve) : Je peux vous dire que les parents des OCF semblent avoir de la difficulté à trouver ce type de service.

Mme Labrie : De temps partiel, des choses comme ça?

Mme Brunet Kitchen (Marie-Eve) : Oui, exact. C'est certain que les haltes-garderies, on retrouve quand même... 75 % des OCF du Québec ont des haltes-garderies. Certaines autres organisations, je pense à des centres des femmes, exact, ou autres, là, qui en offrent également, ça semble répondre à une partie. Il y a des périodes, même, de répit. Je pense à une des maisons des familles qui s'appelle Le Petit Répit, à Québec, qui soutient, justement, même, des fois, des nuits, des choses comme ça. Donc, il y a différentes offres, mais c'est certain que ça reste encore une offre qui est peu déployée à travers tout le Québec, disons-le ainsi.

Mme Labrie : O.K. Puis, dans le panier de services qu'on peut offrir pour rejoindre toutes les familles, est-ce que vous pensez qu'on devrait investir aussi dans ce type de ressources plus à temps partiel?

Le Président (M. Asselin) : Merci beaucoup, Mme la députée de Sherbrooke, on avait seulement 2 min 20 s. On a encore 2 min 20 s pour la députée de Joliette.

Mme Hivon : Oui, merci beaucoup. C'est très intéressant d'avoir une autre perspective. Il y a quelque chose qu'on entend souvent, puis je veux... c'est peut-être plus anecdotique, là, il n'y a pas d'étude que vous, vous avez nécessairement faite, mais que les parents dont un des deux ne travaille pas ou que les deux ne travaillent pas sont beaucoup moins portés à utiliser les services de garde éducatifs parce qu'ils ont le sentiment qu'ils n'ont pas besoin de services de garde, puisqu'ils peuvent s'occuper de leurs enfants, donc ils sont plus dans vos ressources — c'est pour ça que je veux vous poser la question — alors que la maternelle quatre ans peut faire en sorte qu'ils vont la fréquenter parce que c'est vu comme du scolaire, donc ce n'est pas vu comme un service de garde. Donc, «je ne travaille pas, je ne peux pas aller au service de garde», est-ce que c'est encore quelque chose qui est très présent? Malgré le fait que, de plus en plus, on dit que le service à la petite enfance est un service éducatif à la petite enfance, qu'il n'est pas là juste pour la garde des enfants, mais est-ce que c'est des témoignages que vous recevez beaucoup des parents?

Mme Brunet Kitchen (Marie-Eve) : Bien, on peut en recevoir, oui, en ce sens où... Je crois que c'est assez typique des parents de s'autoflageller, à se dire qu'on est mauvais parent. On a une tendance à... peu importe quel parent on est, à un moment de notre vie, on finit par le faire. Donc, on a certainement des parents, oui, qui se disent : Bon, est-ce que j'ai le droit de le faire? Est-ce que c'est le bon endroit? Certains se demandent, justement, aussi, bon, je reviens un peu à la question de la clarté de l'information aussi : Qu'est-ce que ça va donner de plus? Est-ce que ça reste un milieu de garde, justement, mais en mode scolaire? Donc, comment ça va fonctionner? Donc, ces informations-là, pour plusieurs, restent encore à définir pour qu'ils puissent se dire, justement : Est-ce que c'est le bon endroit?

Et certains, bien, ils retrouvent, justement, en milieu d'OCF, là, en maison des familles, vont souvent retrouver une flexibilité. Donc, il n'y a pas un engagement, de dire : Bien, il doit y être du lundi au vendredi, par exemple. Donc, si on décide qu'on va aller découvrir un parc ensemble puis découvrir les types d'arbres, bien, je peux y aller la journée qu'il fait beau et non pas parce que cette journée-là, c'est le samedi. Donc, cette flexibilité-là aussi répond, comme je disais tout à l'heure, aux besoins de quelques familles à travers le Québec, c'est certain.

Mme Hivon : Puis c'est ça, en fait, il n'y a personne ici qui est contre la maternelle quatre ans en soi. Le débat, il est beaucoup sur le fait d'où c'est le mieux, peut-être, d'investir puis est-ce que la maternelle quatre ans ne devrait pas être là, d'abord et avant tout, pour les enfants qui en ont le plus besoin plutôt que de dédoubler, en fait, tous les services.

Le Président (M. Asselin) : Je vous remercie beaucoup, Mme la députée de Joliette. Je vous remercie beaucoup, Mme Brunet, M. Dumais, de votre contribution à la bonne marche de nos travaux.

On va suspendre quelques instants, le temps que le prochain intervenant s'organise. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 15 h 59)

(Reprise à 16 heures)

Le Président (M. Asselin) : Alors, on reprend avec un professeur de psychologie, si j'ai bien compris. On va vous inviter à vous présenter. On a un 10 minutes pour présenter votre mémoire et puis, après ça, on va poursuivre les échanges avec les membres de la commission. À vous la parole.

M. Georges M. Tarabulsy

M. Tarabulsy (Georges M.) : Merci beaucoup. Bonjour. Mon nom est Georges Tarabulsy, je suis professeur à l'École de psychologie de l'Université Laval. Depuis 25 ans maintenant, je fais de la recherche sur les enfants qui grandissent dans des circonstances de vulnérabilité, souvent avec la collaboration de différentes organisations du réseau.

Le travail que je vous présente aujourd'hui est le fruit d'une collaboration avec Christa Japel, qui, je pense, fait partie des gens qui travaillent beaucoup sur ces questions-là, les questions en lien avec la maternelle quatre ans. Je vous remercie pour l'occasion de témoigner aujourd'hui. C'est une chose que j'apprécie beaucoup. On ne veut pas prendre ça pour acquis, cette occasion qu'on a d'échanger sur des sujets qui sont parfois contentieux, alors j'en suis très reconnaissant.

L'investissement majeur dans le domaine de l'enfance et de l'éducation arrive une fois par génération. Une fois par génération, nos décideurs ont le potentiel d'avoir un impact durable sur le développement des enfants et des adultes qu'ils deviendront, ainsi que sur le capital humain qui est à la base de nos sociétés et de nos économies. Une fois par génération, un concours de circonstances fait que les budgets et les connaissances nécessaires afin d'avoir ce type d'impact deviennent disponibles. Ce type d'investissement fait référence à une vision, à une compréhension profonde du développement humain plus qu'à un désir d'éteindre un feu ou à une perception sommaire des enjeux. Dans l'histoire récente du Québec, il y a plusieurs exemples de décisions qui ont eu un impact positif sur le développement des jeunes. On a aussi des exemples qu'on ne veut pas suivre. On est maintenant face à la possibilité de réaliser un nouvel investissement majeur impliquant la création de l'implantation universelle de maternelles destinées aux enfants de quatre ans. Je veux aborder avec vous quatre points qui concernent ce projet-là.

Premièrement, je veux souligner les accords de fond avec la proposition. Je veux souligner aussi quelques éléments qui ont été mis en place par notre société, par nos différents ministères au cours des 30 dernières années pour aborder ces constats-là, parce qu'à différents niveaux ces constats-là ne sont pas récents, ne sont pas nouveaux. Je veux parler du caractère mitigé des résultats liant la maternelle quatre ans et la réussite scolaire et j'aimerais faire une proposition d'une vision d'ensemble pour aborder la question du développement de nos jeunes.

Alors, premièrement, la question des constats de fond. On a, au Québec, un bon système scolaire qui a permis aux Québécois de devenir un des peuples les plus créatifs et les plus industrieux de la planète. Mais, malgré les aspects positifs de ce système, il y a des améliorations importantes à y apporter, la première concernant les taux de réussite scolaire. Au Québec, pour différentes raisons, nous avons un taux de décrochage trop élevé, et c'est un enjeu important qui devrait nous inquiéter.

Nous sommes également d'accord pour souligner qu'il y a des enjeux de formation. C'est comme un deuxième point d'accord avec le projet, qui a souvent régulièrement cité la question de la formation, surtout en petite enfance. Je crois que le ministre a raison de nommer cet enjeu comme devant être abordé de front. J'aimerais souligner que les enjeux de formation ne sont pas le lot uniquement du domaine de l'éducation concernant l'enfance, mais de l'ensemble des services qui touchent la question de l'enfance.

Nous sommes aussi d'accord avec le ministre que la meilleure période pour aborder les questions de réussite, c'est la petite enfance. Comme l'auront souligné d'autres interlocuteurs à la commission, l'intervention qui a le meilleur potentiel d'améliorer les trajectoires de développement des enfants a lieu bien avant cinq ans.

Nous avons récemment, mes collègues et moi, résumé 50 ans de recherche sur la prévention auprès des enfants dans un livre publié en février aux Presses de l'Université du Québec. Ce n'est pas une pub, je ne veux pas que vous achetiez le livre, c'est vraiment juste pour dire que c'est quelque chose qui fait partie de la culture des chercheurs de se questionner sur qu'est-ce qui fait que les enfants qui sont dans des situations difficiles, dans un risque d'échec, peuvent se sortir de cette situation-là. Il y a énormément de recherche sur ces questions-là. Tous les chapitres de notre livre soulignent que, pour influencer le développement, il faut commencer tôt et avoir un programme d'intervention qui a fait ses preuves.

Enfin, au-delà des constats, j'aimerais souligner que, dans le débat actuel, ce qui nous manque, c'est une vision du développement de l'enfant, une vision qui va nous élargir de la question qui est souvent mise de l'avant, la maternelle ou la garderie, les services de garde. Pour guider l'investissement d'une génération, il est important d'avoir cette vision. Nous avons eu trop de réformes qui ont été inefficaces parce qu'elles ont manqué de vision.

Cet état m'amène à me poser la question suivante : Pourquoi cette presse? Il y a présentement un vaste groupe de chercheurs non partisans, oeuvrant dans le domaine de l'enfance depuis de nombreuses années et ayant fait la preuve de leurs compétences à différents niveaux qui ne sont pas convaincus de la démarche actuelle. Plusieurs ont défilé ces derniers jours devant cette commission. Ces chercheurs demandent qu'on prenne une pause afin de valider la démarche dans le contexte québécois pour s'assurer d'obtenir le rendement sur l'investissement d'une génération.

Les stratégies que nous avons entreprises au Québec face à ces défis s'échelonnent sur une trentaine d'années. Le Québec a mis un... on a mis en place un ensemble de stratégies pour favoriser le développement. Ces différents programmes sont fondés sur des consensus en recherche qui proviennent de partout dans le monde. Ces travaux indiquent que les caractéristiques de l'enfant et son milieu familial, son intérêt pour l'apprentissage, l'harmonie qui peut régner dans la famille et les liens qui y sont tissés sont de loin les meilleurs prédicteurs de la réussite scolaire de l'enfant.

Dans toutes les sociétés, la réussite scolaire passe par la qualité du développement de l'enfant, et ce développement passe d'abord et avant tout par ce qui se passe dans le milieu familial. Il s'agit du premier et du plus important levier d'intervention pour améliorer la réussite. C'est quelque chose qu'on a bien documenté au Québec par le biais de nos différentes enquêtes longitudinales qu'on réalise avec l'aide de l'ISQ, mais c'est quelque chose qui est documenté largement un peu partout dans le monde. Parmi les meilleures études qui ont été réalisées, on en a ici, au Québec, il y en a au Canada et aux États-Unis.

Sur papier, nous avons répondu à ces données en mettant sur pied des programmes de prévention afin de favoriser le développement de l'enfant dès sa conception. Ces programmes chapeautés par le ministère de la Santé et des Services sociaux sont fondés sur des évaluations de très haut niveau réalisées dans divers pays. Ils sont offerts dans nos CISSS, dans nos CIUSSS, certains sont offerts dans nos organismes communautaires. Sur papier, nous avons, au Québec, parmi les meilleurs programmes de prévention au monde. Notre difficulté concerne notre capacité de livrer ce que nous avons sur papier. Il y a un décalage dans les ressources nécessaires et dans la formation.

Nous avons également fait le constat que parfois l'enfant a besoin de soutien provenant d'un autre milieu afin de favoriser son développement. De nombreux travaux de recherche décrivent très bien les caractéristiques de ces environnements : de bons ratios éducateur-enfants, une formation de bon niveau afin d'assurer que les interactions éducateur-enfants puissent soutenir et encadrer l'apprentissage, un programme éducatif fondé sur la science et qui a fait l'objet de validation. Ces éléments peuvent se retrouver autant dans une maternelle que dans un CPE, mais ces éléments doivent absolument s'y retrouver afin d'assurer que l'investissement d'une génération portera fruit. L'absence de qualité, dans ces contextes-là, est gage d'échec ou d'effet négatif.

Nous avons également, sur papier, pris de bonnes décisions en mettant sur pied un réseau des services de garde québécois chapeauté par le ministère de la Famille, un réseau qui fait l'envie du monde occidental. Ce réseau donne aux parents un excellent outil pour concilier famille et travail. De plus, en ce qui concerne le domaine de la prévention et du dépistage, ce réseau donne la possibilité de rejoindre les familles les plus vulnérables très tôt. Mais ce réseau souffre aussi des mêmes problèmes que les programmes du MSSS, c'est-à-dire absence... manque de ressources et manque de formation, manque de places.

Enfin, un dernier point que je pense qui est particulièrement important, c'est l'arrimage de l'ensemble de nos services. L'absence de ressources fait en sorte que c'est très difficile d'arrimer nos services dans les différents milieux. La recherche nous indique que, pour améliorer le cheminement de nos enfants plus vulnérables, mais pas uniquement les plus vulnérables, pour arrimer mieux nos services, pour favoriser le développement, il doit y avoir une cohérence dans les services sociaux, les services de garde éducatifs et le milieu scolaire qui accueille les enfants.

Les travaux menés auprès de populations vulnérables, celles qui sont le plus souvent à risque d'expérimenter un échec scolaire, démontrent que le soutien familial, la présence d'un milieu éducatif de haute qualité et l'arrimage avec l'éventuel milieu scolaire de l'enfant peuvent effectivement réparer le développement quand il ne va pas bien et permettre à l'enfant d'expérimenter du succès tôt dans son cheminement scolaire. Ces travaux ont surtout été réalisés dans le cadre d'évaluations de programmes de prévention en milieu urbain américain. Des résultats étonnants et prometteurs sont tout à fait à notre portée, et il y a au Québec des tentatives dans ce sens.

L'absence d'une vision cohérente et d'arrimage dans nos divers services a déjà des conséquences sur la compréhension des problèmes que nous avons en éducation. On a dit à répétition que la maternelle quatre ans aura comme objectif d'intervenir auprès d'enfants qui ne fréquentent pas les services de garde éducatifs, témoignant ainsi du manque de pénétration du réseau des services de garde.

Il est vrai que ce réseau peine à rejoindre ces familles et ces enfants, mais les services sociaux sont en contact étroit avec ces familles, et, si les ressources étaient disponibles pour leur permettre d'avoir accès à des services de garde éducatifs qui rencontrent leurs besoins, ces familles en feraient usage. Le défi n'est pas de rejoindre les familles, comme on l'a souvent entendu, le défi est de soutenir et d'intégrer les services de façon à ce qu'il soit facilitant pour les familles d'avoir accès à ces réseaux, parce que souvent ils ne connaissent pas nos réseaux.

Ces différentes réponses aux défis du développement et de la réussite sont très cohérentes avec les résultats de travaux dans ce domaine et porteurs de réussite pour nos enfants. Mais il y a toujours une absence de ressources, qui est décriée depuis les trois dernières décennies, pour être pleinement efficaces. Il y a eu des effets positifs, mais nous devons faire mieux.

• (16 h 10) •

Le Président (M. Asselin) : M. Tarabulsy?

M. Tarabulsy (Georges M.) : Ce n'est pas terminé?

Le Président (M. Asselin) : C'est déjà 10 minutes, imaginez-vous.

M. Tarabulsy (Georges M.) : Pour vrai?

Le Président (M. Asselin) : Ça a passé vite.

M. Tarabulsy (Georges M.) : Écoutez, je me suis chronométré, puis ça prenait moins de temps que ça.

Le Président (M. Asselin) : Ah oui? Bon, ce n'est pas grave, vous pourrez toujours continuer...

M. Tarabulsy (Georges M.) : Me permettez-vous de prendre une minute?

Le Président (M. Asselin) : Je vous laisse continuer peut-être pendant quelques secondes pour finir.

M. Tarabulsy (Georges M.) : Très bien. Je pense qu'il y a deux points que je veux soulever. Le premier point, c'est que la recherche...

Le Président (M. Asselin) : Peut-être, par les échanges du ministre, vous pourrez passer vos deux points.

M. Tarabulsy (Georges M.) : C'est bon.

Le Président (M. Asselin) : M. le ministre, à vous la parole pour 12 minutes.

M. Roberge : Vraiment désolé, on ne voulait pas vous couper dans votre élan. De toute façon, probablement que vous aurez l'occasion de dire ce que vous voulez dans des échanges, effectivement.

Page 4, vous amenez quelque chose que je trouve intéressant, la vision, la perspective, ne pas agir à la pièce, au fil d'un budget qu'on trouverait ou qu'on n'aurait pas d'une année à l'autre ou d'une mode passagère... Vous dites : «...au-delà de ces constats j'aimerais souligner que dans le débat actuel, ce qui nous manque, c'est une vision cohérente du développement de l'enfant, de la conception jusqu'à l'entrée à l'école.» J'ai l'impression, avec respect, que vous parlez plutôt du passé que de la gouvernance actuelle ou de ce qui s'en vient, peut-être parce qu'on n'a pas fait toutes nos annonces encore. Vous comprenez que ça fait sept mois qu'on est là. Mais il me semble qu'avec le programme Agir tôt qu'on implante, piloté surtout par le ministre délégué à la Santé, M. Carmant, mais travaillé en équipe, vraiment, les trois ministres, là, et les trois machines...

M. Tarabulsy (Georges M.) : ...

M. Roberge : Oui, allez-y.

M. Tarabulsy (Georges M.) : Je reconnais qu'il y a une volonté d'aller dans ce sens-là, je pense que c'est présent dans l'ensemble des ministères. La chose que je dirais, c'est qu'on est très bons pour mettre des choses sur papier. Je veux dire, on l'a fait à répétition. Nos programmes de prévention sont excellents sur papier, on a beaucoup de difficultés à livrer la marchandise. Alors, la raison pourquoi je soulève ce point-là, ce n'est pas pour qu'on le mette sur papier, c'est pour que notre investissement suive ce qu'on a sur papier. C'est parce que l'enjeu, pour moi, il n'est pas de qu'est-ce qu'on sait, l'enjeu, pour moi, il est d'aller dans la bonne direction par rapport à ces choses-là.

Ma préoccupation avec la situation de la maternelle quatre ans, c'est que c'est un investissement d'une génération. C'est un investissement majeur qui n'est pas pour maintenant uniquement, mais qui est pour les générations futures aussi et qui pourrait nuire à notre capacité de faire les choses en amont qui devraient aussi être faites. Ce n'est pas qu'il ne faut pas de maternelles quatre ans, c'est qu'il ne faut pas nuire aux choses qui sont en place actuellement.

M. Roberge : Bien, là-dessus, on se rejoint à 100 %, on ne veut pas nuire au système qui est déjà là. Le système qui est déjà là est de qualité inégale, quand même, parce qu'il y a toute une pluralité de l'offre. On peut être contents de voir une offre qui est très variée. En même temps, il y en a qui critiquent aussi la qualité de l'offre, qui peut varier d'une offre à l'autre, parce qu'il y a beaucoup de choix aux parents, mais ce n'est pas toujours partout pareil.

Sur la question de l'investissement majeur, l'investissement d'une génération, je reprends cette idée-là, c'est vrai qu'il y a une volonté politique et budgétaire. Il faut quand même ramener... Ce n'est pas vous qui avez amené les chiffres, mais je l'ai entendu tantôt, puis il faut faire attention, on disait tantôt : Il ne faut pas investir 2 milliards dans le béton, il faut investir dans les services de garde. Mais des fois...

M. Tarabulsy (Georges M.) : ...

M. Roberge : Vous n'avez pas dit ça, absolument pas. Mais des fois on répète une chose qui est fausse, là, trois, quatre, huit fois, bon, finalement, ça devient vrai, ça devient un article de journal, puis ce n'est tellement pas ça. Ce n'est pas 2 milliards dans le béton, d'abord, c'est 1 milliard pour construire les classes qui manqueront, 1 milliard sur un PQI de 21, donc on parle de 5 % du Plan québécois des infrastructures. Et ensuite, si on veut développer nos services de garde, mais il va falloir investir de toute façon parce que...

M. Tarabulsy (Georges M.) : Tu sais, on n'est pas au niveau des budgets qui sont là, qui vont être investis, puis tout ça, mais, si la chose fonctionne, je suis d'accord. Mais actuellement la recherche sur la maternelle quatre ans ne nous donne pas cette confiance-là, on n'a pas cet impératif-là de construire, d'aller de l'avant, parce que la recherche, elle est floue, et puis c'est ça, ma préoccupation, elle est à ce niveau-là. Ma préoccupation, elle est qu'on se lance dans cette entreprise sans avoir fait le travail d'évaluer, de valider, de piloter pour être sûrs qu'on va dans la bonne direction. Ça, c'est ma préoccupation. Si ça fonctionne, je vais être le premier à dire qu'il faut dépenser 2 milliards, mais, si on n'est pas sûrs, si la recherche est floue à ce niveau-là, qu'est-ce qu'on fait dans ce temps-là? On devrait piloter... on devrait aller un petit peu plus lentement.

M. Roberge : Je comprends qu'il n'y a pas consensus. Il y a des chercheurs qui pensent que la preuve est faite et est irréfutable, d'autres qui disent que la preuve est faite et est irréfutable que ce n'est pas bon, puis il y a toute une zone de gris, et vous semblez vous situer un peu là en disant : Mais, écoutez, il n'y a pas de consensus scientifique, puis vous êtes un peu dans cette...

M. Tarabulsy (Georges M.) : Le consensus, c'est qu'il n'y a pas de consensus. C'est ça qu'on a, actuellement, comme chercheurs. Moi, je ne sais pas qui dit qu'on sait que la maternelle quatre ans est certainement la meilleure chose. Je veux dire, j'ai vu des personnes, mais, moi, ce que je vous dirais, c'est que, dans la littérature qui est publiée actuellement, ce qu'on lit, c'est que c'est assez divisé, des chercheurs de... vraiment, des chercheurs qui font des travaux dans ce domaine-là sont assez divisés sur cette question-là. Alors, j'ai de la difficulté à dire : On a l'information de base minimale pour aller de l'avant avec ce type de solution là comme étant la réponse pour les enjeux développementaux des enfants. J'ai vraiment beaucoup de difficultés avec cette idée-là.

M. Roberge : Je comprends qu'il n'y ait pas consensus, mais je ne pense pas qu'on peut dire qu'il y a consensus pour dire qu'il n'y pas consensus. Il y en a qui sont convaincus, là... Écoutez, on a des gens qui ont signé une lettre ouverte, disent : Il faut aller de l'avant, c'est important d'adopter le projet de loi, c'est important de déployer la maternelle quatre ans. On parle de Pierre Potvin, Michel Janosz, Michel Perron, Égide Royer, Guy Brisson, Joël Monzée, Isabelle Gadbois, Richard Leonard, Huguette Drouin. C'est tous des gens qui sont des professeurs ou des professeurs retraités, depuis quelques semaines, avec tout un bagage. Mais je comprends que vous n'êtes pas d'accord avec tout ce monde-là, mais on ne peut pas dire que tout le monde est d'accord pour dire qu'il n'y a pas de consensus, parce qu'il y a quand même des gens qui y croient fortement.

M. Tarabulsy (Georges M.) : Je pense que la majorité, ils sont d'accord.

M. Roberge : Mais, malgré tout ça, vous nous dites, à la page 9, que parmi les solutions, ce qu'il faut faire, c'est «implanter progressivement, tout en évaluant ses effets». C'est un peu ça qu'on fait en ce moment. Ça fait cinq ans qu'on implante progressivement, et nous, on projette de poursuivre encore l'implantation sur cinq ans. Donc, à terme, on l'aura implanté en 10 ans et en visant à peu près 50 %, donc on est loin du mur-à-mur. On pense qu'en 10 ans on aura une offre qui répond à peu près à 50 % des besoins, c'est-à-dire que 50 % des parents la font... Il me semble que c'est à peu près ça, implanter progressivement tout en évaluant les effets. Vous n'êtes pas d'accord avec ça?

M. Tarabulsy (Georges M.) : Je ne sais pas si je suis d'accord avec ça. Moi, ce que je vous dirais, c'est que les évaluations qu'on a faites jusqu'à maintenant semblent semer le doute, et c'est pour ça que je voudrais que... Avant de dire : Sur cinq ans, on implante quelque chose, implantons quelque chose sur un an ou deux ans, faisons l'évaluation et puis posons la question, où est-ce que ça fonctionne, où est-ce que ça ne fonctionne pas, auprès de qui est-ce que ça fonctionne — parce qu'il va y avoir des situations où ça pourrait avoir des effets négatifs — auprès de qui est-ce que ça a des effets négatifs. C'est le genre de procédure qu'on...

Imaginez, prenez l'exemple d'un médicament qu'on donne, on ne serait pas en train de dire : On va implanter le médicament à tout le monde pendant une période de cinq ans, on aurait un test, on serait en train de valider puis d'évaluer. C'est un peu cette procédure-là que je suis en train de proposer. Parce que je ne suis pas en train de dire qu'il ne faut pas cette solution-là, ce que je souhaite, c'est qu'on avance en étant un peu plus prudents pour être sûrs que notre investissement puisse porter fruit et pour être sûrs que, lorsqu'il y aura des effets négatifs, on sera en mesure de les dépister.

M. Roberge : Il me semble aussi qu'on est un peu en train de faire ça, puisqu'on tire des leçons du rapport de Mme Japel, qui étudiait, là, les toutes premières années et qui disait : Je lève un petit drapeau, quelque chose... erreur à corriger, il n'y a pas d'argent pour aménager les locaux. Alors, on lit le rapport Japel, on dit : Il y a un problème, on met des fonds, on aménage des locaux. Elle nous dit : Attention, le programme est intéressant, mais il est imparfait, on voit qu'à certains égards il y a des bénéfices, à certains égards, c'est neutre ou, enfin, ce n'est pas concluant. Bien, qu'est-ce qu'on fait? On revoit le programme, en ce moment même, de formation, on fait un programme cycle. Elle nous dit : Les gens ne sont pas totalement formés encore. Les enseignants, bien sûr, ce sont des enseignants du primaire et préscolaire. Ils ont une partie de leur formation qui les prépare au préscolaire, mais elle nous dit : Ce n'est peut-être pas assez. Bien, qu'est-ce qu'on fait? On bâtit de la formation continue.

Alors, j'ai l'impression qu'on fait précisément ce que vous nous dites de faire, c'est-à-dire d'implanter graduellement puis de tenir compte, à mesure qu'on monitore, d'améliorer... Et là on le fait pour les infrastructures, pour le programme, pour la formation. Il me semble qu'on est en train de bien faire les choses, on n'est pas dans la précipitation.

• (16 h 20) •

M. Tarabulsy (Georges M.) : Bien, je suis content de savoir que le rapport de Mme Japel fait partie des réflexions. Ce que j'ajouterais, c'est qu'il faudrait la refaire, cette étude-là, il faudrait la refaire avant de faire ce qu'on est en train de faire maintenant, parce qu'on veut être sûrs qu'on a des effets. Moi, je peux vous sortir demain trois ou quatre études qui montrent absence d'effets ou effets négatifs de la maternelle quatre ans, ce n'est pas compliqué d'en trouver. Au Tennessee, on a vu qu'on avait des effets négatifs. En Illinois, on a 75 % des enfants qui sont allés à la maternelle quatre ans qui ont des difficultés développementales dans les... avec une mesure un peu comme celle qu'on utilise au Québec. C'est un problème qu'on a, et la maternelle quatre ans ne semble pas toujours être la solution. Puis la question que je suis en train de soulever, c'est : Bien, si on est en train de réellement faire attention aux études qu'on a faites ici, au Québec, sur cette question-là, refaisons-les, vérifions si notre stratégie est la bonne. Ce n'est pas compliqué, et ça ne prend pas beaucoup de temps, puis ça nous permet de faire attention à comment qu'on va investir dans notre réseau.

L'autre chose que je dirais, c'est qu'on est dans une situation où le reste du réseau a été comprimé au cours des dernières années. Il y a toujours une pénurie de ressources, et le reste du réseau a la même mission de favoriser le développement des enfants. On a un réseau... encore une fois, je le redis, sur papier, on est très bons. On arrive à avoir des bons programmes. On fait des bonnes choses sur papier. Quand on vient pour le déployer, on défait tout ce qu'on avait mis sur papier puis on est en train de faire en sorte que les enjeux développementaux des enfants font l'objet de compressions budgétaires répétées.

Alors, la préoccupation que j'ai, c'est... Est-ce qu'on est capables de dire : Faisons attention à comment on implante les choses, dans un premier temps? Mais aussi est-ce qu'on est capables de consolider notre réseau, les différentes parties de notre réseau pour nous assurer qu'on peut avoir le maximum d'impacts dans cette façon de fonctionner? Je vous rappelle, le reste du réseau rejoint les enfants à partir de la conception. C'est à partir de ce moment-là qu'on est capables d'avoir un impact sur le développement et sur la réussite scolaire, c'est à partir de la conception.

M. Roberge : ...un peu de temps?

Le Président (M. Asselin) : Il vous reste 2 min 15 s.

M. Roberge : Je vais laisser le peu de temps qu'il me reste à mon collègue de Richelieu, là.

Le Président (M. Asselin) : M. le député de Richelieu.

M. Émond : Bien, c'est un plaisir de vous entendre. Et puis, bien, un peu comme M. le ministre le disait tantôt, vous savez, pour un député fraîchement élu comme moi, qui vient du milieu des affaires, je ne suis pas un spécialiste en pédagogie de la petite enfance, mais quand même parent, je trouve ça fascinant d'entendre plusieurs intervenants, des spécialistes, on le reconnaît, mais avec quand même des opinions qui sont dans des spectres très divergents, là. On entendait hier M. Royer, qui n'était pas plutôt, mais assez favorable au déploiement des maternelles quatre ans et qui reconnaissait le bienfait que pouvait avoir le déploiement des maternelles quatre ans. Qu'est-ce que vous entendez quand vous parlez d'effets négatifs? J'ai beaucoup de difficultés à saisir comment un enfant qui fréquente une maternelle quatre ans peut passer au travers de cette année-là et en sortir avec des effets négatifs. Mesurez les effets bénéfiques.

Le Président (M. Asselin) : On a 15 secondes.

M. Tarabulsy (Georges M.) : Le facteur principal qui joue sur le développement de l'enfant en début de vie, c'est la quantité d'interactions. Le facteur qui joue le plus, c'est la quantité d'interactions avec un adulte significatif : si on est avec ses parents, c'est presque du rang 1; si on est en CPE, c'est du 1 à 4, 1 à 5; si on est dans une maternelle, ça peut être un 12, un 15, un 17. Ça, c'est le facteur principal, un des moteurs principaux du développement. Ça fait qu'on peut s'imaginer que, si on est en train de sortir des gens d'une bonne situation puis on les met dans une maternelle, ça peut être négatif.

Le Président (M. Asselin) : M. Tarabulsy, on va continuer avec la députée de Westmount—Saint-Louis.

Mme Maccarone : Vous pouvez terminer votre phrase, M. Tarabulsy, j'aimerais vous entendre répondre à la question.

M. Tarabulsy (Georges M.) : Alors, c'est une des façons que ça pourrait être négatif. Ça peut être positif aussi parce que, si on sort un enfant d'une situation qui est peu stimulante puis qu'on l'amène dans une maternelle, et c'est très stimulant, le contact qu'il va avoir dans son contexte de classe peut être très stimulant par rapport à où il était. La question doit toujours être par rapport à où est-ce que... d'où je pars en tant qu'enfant puis où est-ce ce que je me retrouve dans mon contexte de soins, de garde, d'éducation.

On a des études. Au Tennessee, le groupe qui n'a pas été exposé à la maternelle quatre ans, c'est un groupe qui fonctionne mieux que celui qui a été exposé à la maternelle quatre ans. En Illinois, ceux qui ont été exposés à la maternelle quatre ans continuent d'expérimenter des difficultés, il n'y a pas eu réparation. Alors, c'est deux exemples, là, ce n'est pas l'ensemble de la littérature, parce qu'il y a des exemples, dans la littérature, de recherches qui montrent des effets positifs de la maternelle quatre ans. Alors, c'est là que je dis : Ce n'est pas concluant. Le consensus, c'est qu'il n'y a pas de consensus. Je pense que c'est objectif de pouvoir dire ça.

Mme Maccarone : Merci. Je veux revenir un peu à l'idée de recherches puis données probantes. Je n'enlève rien des experts qui ont passé ici pour donner leur témoin vis-à-vis ce projet de loi, c'est sûr, c'est des personnes pour qui j'ai énormément de respect. Mais, si je reviens un peu à votre collègue, à Mme Sylvana Côté, qui a passé ici hier, elle nous a mentionné qu'il n'existe pas d'évidence que les maternelles quatre ans ont la capacité de préparer les enfants des milieux défavorisés à la réussite scolaire. Puis, c'est sûr, il faut amener la lumière vraiment sur le milieu défavorisé aussi bien que le service de garde de bonne qualité. Puis elle continue de nous dire que la qualité est plus élevée dans les CPE, selon les quatre études réalisées depuis 2003.

Alors, ce qu'on sait aujourd'hui, actuellement, si vous pouvez confirmer ce que, vraiment... même qu'on a des opinions des experts, il n'y a rien qui est vraiment basé sur la recherche. On n'a rien, comme recherche, comme preuve, que la maternelle quatre ans est vraiment bénéfique. Mais ici, au Québec, on a vraiment un réseau unique, particulier, car on a un réseau de services de garde qui est incomparable nulle part mondialement puis on a de la recherche qui nous démontre que c'est des données probantes puis que ça fonctionne pour nos enfants.

M. Tarabulsy (Georges M.) : Bien, je dirais deux choses, je pense qu'il faut baliser ce que vous venez de dire.

Le premier, c'est qu'il y a de la recherche ailleurs qui montre que c'est possible pour une maternelle quatre ans d'être efficace pour soutenir le développement puis l'apprentissage de certains enfants. Ça fait que moi, je ne suis pas en train de dire : Il n'y a pas de preuve de ce côté-là, d'accord? Ce que je dirais, c'est qu'au Québec, parce que nous avons le réseau qu'on a développé, c'est sûr que ça a été une question qu'on a beaucoup fouillée. Puis on sait que, dans les travaux qui ont été faits, Sylvana a piloté certaines de ces études-là, dans ce réseau-là, on a vu des effets bénéfiques pour des enfants qui venaient de milieux très défavorisés quand ils arrivaient à fréquenter avec une certaine régularité des CPE de qualité. Alors, c'est ça qu'on a vu. Et ça, c'est important parce que ça fait partie des enjeux qu'on a par rapport à cette population-là, c'est d'avoir un contexte qui va leur donner la stimulation puis la qualité des interactions qui est nécessaire pour leur développement.

Mme Maccarone : Mais à date on n'a aucune recherche sur comment ça fonctionne ici, au Québec, dans notre province, pour la maternelle quatre ans. Parce que le ministre, il dit qu'on a déjà fait, mettons, notre projet pilote, parce que ça fait quand même quelques années depuis que nous avons des maternelles quatre ans, mais on n'a aucune recherche qui nous dit ici que ça fonctionne puis que c'est bénéfique pour nos enfants.

M. Tarabulsy (Georges M.) : Oui. L'étude de Christa Japel semble indiquer que, par rapport à certaines caractéristiques du développement, il y a quelques petites améliorations, et, certaines autres, il y a quelques petites... il y a des éléments neutres, il n'y a pas d'effet. Puis là la question devient : Bien, face à ce type de résultats là, est-ce qu'on va de l'avant ou est-ce qu'on essaie de comprendre qu'est-ce qui n'allait pas bien? Alors, ça, c'est là qu'on est rendus.

Mme Maccarone : Puis, quand on parle de recherche scientifique, exactement ce que vous faites, si on parle de cinq ans d'études, est-ce que ça, c'est long? Est-ce que ça, c'est considéré comme vraiment... Parce qu'on dit que ce serait un déploiement ici à travers cinq ans. Est-ce que ça, c'est vraiment un moment cible pour les chercheurs de vérifier si ça fonctionne, d'accumuler les données?

M. Tarabulsy (Georges M.) : Bien, l'étude de Christa n'était pas... de Mme Japel n'était pas si longue que ça, je pense qu'en dedans de deux ans toutes les données étaient ramassées. Ça fait que j'ai l'impression que c'est quelque chose qui peut être fait pour valider certaines idées qui sont présentement en place, par rapport aux maternelles quatre ans, assez rapidement.

Mme Maccarone : Ça fait que, mettons, si on prenait du recul, puis on ralentit le projet, puis on passait peut-être deux ans à dire : Bien, on va faire deux ans d'études vraiment pour avoir des données probantes avant d'aller vers l'avant puis investir un 2 milliards de dollars, ce serait peut-être le meilleur chemin de faire parce que ça nous donne aussi le temps d'investir dans la formation? Parce que j'ai vu dans votre mémoire... c'est une lacune que nous avons aussi puis que votre recommandation, c'est qu'on prend du recul. Ce serait peut-être deux ans. Deux ans, ce serait suffisant pour nous d'avoir une bonne étude de vous, de Mme Japel, pour dire : Oui, voici la façon que nous, on peut vous accompagner pour implanter la maternelle quatre ans plus à travers la province et moins seulement dans les milieux défavorisés.

M. Tarabulsy (Georges M.) : Je pense — je ne veux pas m'engager, là — de faire une étude pendant les deux prochaines années.

Mme Maccarone : Je comprends. Je ne vous engage pas... c'est juste pour...

M. Tarabulsy (Georges M.) : Mais ce que je veux dire, c'est que, de faire l'étude, ce n'est pas si long que ça, de faire la démonstration que quelque chose qu'on a fait pour que notre programme fonctionne, ce n'est pas si long que ça, de un.

De deux, je veux aussi souligner, puis mon mémoire le souligne, que, dans le réseau, il y a actuellement des déficits de ressources et de formation. Je rejoins les préoccupations du ministre à ce niveau-là. Je pense qu'on a besoin de revoir notre système et je pense que, si... Je ne suis pas contre la maternelle, mais ce que je dois dire, c'est que, si on veut aller de l'avant, on ne devrait pas déshabiller un pour habiller l'autre. On devrait être en train de réfléchir à l'enfance dans son continuum afin qu'on puisse mieux intégrer les services puis mieux répondre aux besoins des enfants dans le contexte du développement, parce qu'en bout de ligne ce dont on parle, c'est le développement de l'enfant. En bout de ligne, ce dont on parle, c'est les intervenants qui travaillent dans ce milieu-là, les éducateurs, les enseignants, etc.

Je ne veux pas qu'on soit toujours en train de réformer. On est toujours en train de réformer. On est toujours en train d'amener quelque chose de majeur. Je pense qu'on a des bonnes choses en place, actuellement, qui ont besoin d'être mieux soutenues, mieux intégrées. Et on a besoin d'amener un peu plus d'eau au moulin de la formation de nos intervenants pour que les choses puissent fonctionner. Et puis, si la maternelle quatre ans fait partie de quelque chose comme ça, je n'ai rien contre, tant que ça amène quelque chose de positif pour le développement des enfants.

• (16 h 30) •

Mme Maccarone : Je suis contente de vous entendre là-dessus. C'est sûr, nous avons des préoccupations, parce qu'au début du projet on parlait de 80 % de fréquentation. Le ministre vient de dire maintenant que ce serait 50 % dès l'an prochain. Alors, il nous manque un plan, c'est la raison qu'on est ici puis on a beaucoup de questions, il nous manque vraiment un plan de déploiement.

Je veux revenir un peu sur la formation, parce que vous l'avez citée. Qu'est-ce que vous feriez, vous, pour améliorer la formation pour les intervenants, que ça soit quatre ans en CPE ou quatre ans en maternelle quatre ans, pour le préscolaire?

M. Tarabulsy (Georges M.) : Si on parle de CPE ou de maternelle, je pense qu'il y a des éléments de formation. En fait, c'est parce qu'on forme beaucoup de généralistes, on a des personnes... quand on finit nos bacs en éducation ou quand on finit notre bac en service social pour travailler dans le réseau de santé et des services sociaux, on a des généralistes, et il y a beaucoup de formation, pour la suite, qui s'apprend sur le tas, dans un certain sens, qui s'apprend... ou bien qui repose sur l'établissement. Et ça, c'est un gros fardeau à placer sur l'individu ou sur l'établissement. Et je pense qu'une grande partie des changements qu'on doit faire au niveau de la formation, c'est de spécialiser davantage, que ce soit par mieux diriger la formation ou que ce soit par demander aux étudiants de prendre des concentrations. Il y a des choses qu'on peut faire dans le contexte universitaire, il y a des choses qu'on peut faire dans le contexte collégial pour mieux préciser.

L'autre chose, c'est que les résultats des travaux nous donnent de l'information sur les programmes qui sont les plus efficaces dans ces milieux-là, incluant pour la maternelle quatre ans. Il y a des programmes que, si on implante dans des contextes préscolaires, ils vont être très efficaces pour améliorer le développement des enfants, et actuellement ces programmes-là ne font pas partie de notre horizon pédagogique soit universitaire ou soit collégial. C'est un vrai problème, c'est comme s'il y a un décalage entre ce qu'on retrouve en recherche, ce qui est publié et ce qu'on retrouve sur le terrain. Encore une fois, là, c'est la question d'avoir quelque chose sur papier puis, après ça, de le faire atterrir dans l'expérience des enfants. C'est un vrai problème de ne pas être capable de faire ça.

Mme Maccarone : Merci. Et, si on parle de dépistage... Parce qu'on sait une des raisons qu'on veut déployer les maternelles quatre ans universelles mur à mur, c'est parce qu'on veut dépister plus tôt puis qu'on dit que les gens en milieu scolaire ont peut-être plus de compétences pour dépister, en comparaison avec les intervenants en milieu de réseau de services de garde. Êtes-vous d'accord avec ce propos-là?

M. Tarabulsy (Georges M.) : Je ne suis pas d'accord. Je pense que le dépistage, c'est une question de quand est-ce qu'on arrive, c'est aussi une question de l'expertise qu'on apporte. Puis, si on veut faire du dépistage, on équipe ceux qui ont le contact avec les gens le plus tôt possible pour pouvoir le faire.

Je donne l'exemple des programmes qu'on a actuellement. On a un des très, très bons programmes de suivi des femmes enceintes qui sont d'un milieu vulnérable et services intégrés en périnatalité et petite enfance. On arrive à suivre à peu près 97 % des femmes enceintes au début de leur grossesse, avec ces programmes-là, qui sont susceptibles de faire partie de ce programme-là. On a déjà des occasions de dépistage pendant la grossesse qui pourraient se présenter là. On suit les enfants après la naissance. C'est des travailleurs sociaux, des infirmières, des psychoéducateurs, différentes personnes, ces personnes-là sont dans des situations qui pourraient leur permettre de faire du dépistage de toutes sortes d'enjeux développementaux, et on a besoin de mieux les équiper. C'est là que la formation... Si on veut que ces personnes-là fassent du dépistage systématique, ça devrait faire partie de notre formation de ces personnes-là de pouvoir le faire.

Alors, quand je dis qu'on a mieux besoin d'intégrer puis de consolider, c'est un exemple de comment on pourrait intégrer et consolider. Nos difficultés d'apprentissage, les difficultés cognitives, toutes ces choses-là peuvent être prises avant l'entrée de l'enfant en prématernelle ou en maternelle. C'est des choses qui pourraient se faire plus tôt.

Mme Maccarone : C'est très bien. Puis d'abord ça veut dire qu'on peut dépister vraiment... J'ai encore du temps, oui?

Le Président (M. Asselin) : Une vingtaine de secondes.

Mme Maccarone : O.K. Bon, on peut dépister vraiment à partir de la naissance de l'enfant, même pendant la grossesse.

M. Tarabulsy (Georges M.) : ...grands problèmes médicaux qu'on va dépister, là, mais on peut voir, on peut comprendre qu'est-ce qui est en train de se passer dans un milieu.

Mme Maccarone : Alors, avoir 2 milliards de dollars, est-ce que vous direz qu'on est peut-être mieux d'investir encore dans Agir tôt puis d'offrir des services auprès des CPE au lieu de dans le béton? Tout ce que je veux dire, c'est que je pense...

Le Président (M. Asselin) : Je vous interromps, malheureusement. Pour les prochaines 2 min 40 s, là, on a la députée de...

M. Tarabulsy (Georges M.) : ...ce qu'on a qui fonctionne bien sur papier, mais qui fonctionne moins bien dans le contact avec les enfants et les familles. On a besoin de consolider et on a besoin de mieux voir qu'est-ce qui se passe pour être sûrs que ce qu'on est en train d'implanter fonctionne avant de l'implanter. On ne ferait pas ça avec des médicaments, on ne serait pas en train de déployer sans savoir si ça fonctionne.

Le Président (M. Asselin) : Vous pouvez continuer, Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Labrie : J'entends ce que vous nous dites puis je le partage également. J'aimerais ça savoir, d'après la littérature scientifique que vous avez consultée, c'est quoi, les conditions qu'on devrait réunir pour que l'implantation des maternelles quatre ans ait des impacts positifs, je pense en matière de ratios, de formation. Vous en avez parlé un peu, de la formation, mais qu'est-ce qu'on doit ajouter, par exemple, aux programmes de bac, de technique? Qu'est-ce qu'il doit y avoir exactement?

M. Tarabulsy (Georges M.) : Bien, je reviens un petit peu à la réponse que j'ai donnée tantôt, c'est-à-dire je pense qu'il faut spécialiser. Il y a des questions développementales qui sont importantes...

Mme Labrie : Dès la technique?

M. Tarabulsy (Georges M.) : Dès la technique, c'est certain, mais à l'université aussi. L'exemple que je donnerais, c'est de savoir reconnaître une difficulté développementale. Actuellement, c'est très théorique, là, la formation. C'est d'avoir des occasions de stage pour faire des observations de jeunes qui, justement, peuvent avoir des difficultés.

Actuellement, il y a beaucoup de ce type de pseudo-diagnostics qui peuvent se faire dans le milieu scolaire de jeunes qui sont en difficulté. Il faut qu'on donne plus d'équipement, plus de bagage aux gens qui font l'observation des jeunes régulièrement pour mieux comprendre qu'est-ce qui est en train de se passer, pour pouvoir faire le dépistage. Ça fait que c'est une question expérientielle, c'est une question de mieux avoir ça sur radar. Je dois faire ce travail-là, donc je devrais être formé pour ce travail-là.

Mme Labrie : Mais, en termes de ratios, lesquels donnent les meilleurs résultats en maternelle quatre ans?

M. Tarabulsy (Georges M.) : Bien là, ça dépend un petit peu parce que ça dépend du type de population qu'on est en train de desservir. Je vais vous donner trois ou quatre ratios, là. Si on parle des programmes américains qui ont été implantés dans des milieux urbains très démunis, les ratios de garderie de haute qualité, c'est 1-4, 1-5 pour aider à réparer le développement des enfants. Si on parle des maternelles quatre ans, qui semblent avoir donné des effets positifs dans certains États américains, c'est à peu près 1-12, 1-13. Si on parle de ce qui est fait, actuellement, dans certains pays scandinaves, je pense à la Finlande ou des endroits comme ça, c'est à peu près 1-10, 1-11 comme ratios. Ça fait que ça dépend un petit peu. Puis ce qui se passe en Scandinavie semble être relativement positif. Ça fait que c'est un peu dans ces eaux-là... dont on est en train de parler. Donc, si on parle d'enfants, qu'on sait qu'ils sont à risque sur le plan social et qu'on dit : Ce qu'on souhaite, c'est que le milieu préscolaire ou de garderie répare quelque chose dans son développement, c'est des ratios assez radicaux, là, qu'il faut, là, on parle de 1-5.

Le Président (M. Asselin) : Merci beaucoup, M. Tarabulsy. On a le prochain 2 min 40 s avec la députée de Joliette.

Mme Hivon : Merci. Je veux juste faire une remarque introductive, à quel point c'est fascinant et à quel point ça devrait nous rappeler l'importance, quand on déploie des choix politiques qui deviennent des politiques publiques, que ce soit assis le plus solidement sur les données probantes. Puis je pense que, pour tous nous autres, c'est vraiment fondamental de toujours se rappeler ça et à quel point aussi les changements d'orientation peuvent avoir un impact.

Moi, je vous amène sur votre idée de plan global, de vision d'ensemble de développement de l'enfant, là, c'est quelque chose qui m'interpelle beaucoup. En ce moment, il y a comme trois morceaux dans ce que le gouvernement présente : il y a l'Agir tôt, avec le plan du ministre des Services sociaux, où on nous parle à peu près d'un 46 millions, à terme un 70 millions d'investissements, il y a toutes les maternelles quatre ans avec à peu près un 2 milliards puis, on nous dit, à peu près 10 000 nouvelles places en CPE. Ça fait que c'est à peu près ça qu'on a sur la table.

Vous nous dites qu'il n'y a pas d'étude qui confirme qu'il faut investir dans les maternelles quatre ans. Ça ne veut pas dire qu'il n'y en a pas, mais il y a sûrement des études qui disent, dans ces morceaux-là, là, que... On n'a pas exactement le plan, mais il y a sûrement des études qui nous disent où c'est le plus sensible, important, fondamental d'investir.

M. Tarabulsy (Georges M.) : Je ne sais pas. Ce que j'aurais le goût de dire, c'est... j'aurais le goût de dire : Plus on commence tôt, mieux c'est. J'aurais le goût de dire aussi que, dans ce genre de question là, ça dépend qu'est-ce qu'on veut faire. Est-ce qu'on veut améliorer la réussite ou est-ce qu'on veut dépister? C'est deux choses, ce n'est pas exactement la même chose, puis ce n'est pas les mêmes choses qu'on va faire puis la même formation des gens. Ça fait que j'aurais le goût de dire que ça dépend un petit peu de comment on va définir la question.

Ce qu'on sait actuellement, ce que nombreux économistes ont pu nous démontrer, c'est qu'un investissement structuré et ciblé en enfance, en petite enfance, plus il commence tôt, mieux il est, plus il porte fruit. De un. Et, deuxièmement, plus il est retardé, plus il coûtera quelque chose par après. En petite enfance, ça n'a jamais été une question de : Est-ce qu'on va payer?, c'est : Quand et combien on va payer? Ça fait que c'est plus dans ce sens-là que je vous répondrais.

Mme Hivon : Puis, quand vous dites : Il faut analyser puis, avant de généraliser, il faut analyser, votre suggestion concrète par rapport à ça, là, admettons qu'on disait : On fait une pause puis, donc, on évalue, est-ce que c'est un projet pilote, donc, une étude qui accompagne le projet pilote, en mettre en milieu défavorisé et non défavorisé, des gens qui n'ont jamais fréquenté...

M. Tarabulsy (Georges M.) : Exactement. Ce serait ce genre de chose là, effectivement.

Mme Hivon : O.K. Parfait. Merci.

Le Président (M. Asselin) : Merci beaucoup, M. Tarabulsy, professeur de l'École de psychologie de l'Université Laval. À la prochaine.

Et on va suspendre quelques instants, le temps de laisser aux personnes le temps de s'organiser. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 39)

(Reprise à 16 h 41)

Le Président (M. Asselin) : Alors, bienvenue chez vous. Je vais vous inviter à vous présenter, prendre quelques instants pour nous parler de vous, et vous allez avoir 10 minutes pour présenter votre mémoire, et après ça on va commencer les échanges avec les membres de la commission. À vous la parole.

Association d'éducation préscolaire du Québec (AEPQ)

Mme Drouin (Sylvie) : Alors, bonjour. Mon nom, c'est Sylvie Drouin, je suis maintenant représentante de l'association préscolaire du Québec. Je suis ici aujourd'hui vraiment pour représenter nos membres, alors ce que je vais apporter comme discours, c'est plus le discours qui est accepté de nos membres en général. Si j'ai à répondre personnellement, bien, je vais vous le préciser pour faire la distinction entre les deux.

Alors, de par ma formation, moi, j'avais un bac en enseignement préscolaire et primaire. J'ai enseigné une dizaine d'années à l'éducation préscolaire et j'ai aussi été conseillère pédagogique une dizaine d'années dans la région de Montréal. Nouvellement retraitée, alors j'ai plus de temps pour pouvoir regarder tout ce qui se passe et pour pouvoir m'impliquer. Alors, je suis accompagnée de...

Mme Couture (Carolane) : Bonjour, Carolane Couture. En fait, je suis, premièrement, enseignante à l'éducation préscolaire en maternelle quatre ans. J'ai aussi enseigné à la maternelle cinq ans. J'ai donc un bac en... le bac en éducation préscolaire et enseignement primaire et aussi un D.E.S.S. en adaptation scolaire... et aussi membre du C.A. de l'Association d'éducation préscolaire du Québec.

Le Président (M. Asselin) : Donc, on vous laisse un neuf minutes, là, pour nous présenter votre mémoire.

Mme Drouin (Sylvie) : J'ai perdu une minute avec ça? O.K. Alors, bonjour, tout le monde, M. le ministre, MM., Mmes les députés. Il me fait plaisir de vous entretenir des réflexions de l'AEPQ, donc, l'association préscolaire du Québec. D'abord, veuillez noter que, dans le but d'alléger mon texte, le féminin, genre prédominant dans ma profession, sera utilisé dans la présentation de ce document.

Donc, l'association préscolaire du Québec est une association constituée de 700 membres engagées et réparties principalement à travers le Québec. Nous sommes des enseignantes et des intervenantes en milieu scolaire préoccupées par une volonté politique qui sépare plus qu'elle unit les différents acteurs qui oeuvrent auprès de cette clientèle. Chacune est fière de sa profession, fière de ce qu'elle accomplit en termes de qualité et de l'accompagnement de l'enfant et de sa famille.

L'AEPQ ne prend pas position pour ou contre les maternelles quatre ans. Nous visons à offrir le meilleur environnement éducatif pour les enfants de 4-6 ans qui fréquentent nos écoles, et cela, dans le respect de son développement global. Notre intervention dans ce processus de consultation a un but bien précis, celui de s'assurer que toutes les actions entreprises placeront l'enfant et sa famille au coeur des préoccupations tant éducationnelles que sociales, économiques et politiques. Telle une approche écosystémique, l'école peut faire beaucoup, mais elle ne peut pas le faire seule.

En ce qui concerne le milieu scolaire, depuis 1997 nos enseignantes et intervenantes scolaires accompagnent des enfants à quatre ans, d'abord dans une maternelle mi-temps dans plusieurs secteurs ciblés de notre province puis dans une maternelle à temps plein. Le milieu scolaire cherche toujours à faire mieux pour cet enfant qui, au cours de ses deux années à l'éducation, apprend à devenir un élève.

La possibilité de faire mieux passe par cette capacité à rencontrer un certain niveau de qualité. On parle entre autres de la qualité de la relation enfant-adulte, donc la création d'un lien, la disponibilité, l'accompagnement pour l'aider à cheminer dans le milieu qu'il découvre et auquel chacun s'adapte à son rythme qui lui est propre. La qualité de cette relation passe entre autres par la possibilité d'accorder du temps à chacun des enfants du groupe. Le ratio est donc un facteur de réussite à ne pas négliger, le personnel possédant une formation de qualité aussi. Donc, une enseignante est une intervenante qui possède une bonne formation initiale ou qui démontre la volonté de la parfaire en participant à de la formation continue est en mesure de connaître et de soutenir l'enfant dans son développement global. Bien outillée, elle demande de bonnes capacités à observer et guider les enfants qui lui sont confiés. Elle peut aussi mieux observer et témoigner du cheminement de chacun des enfants. Par sa façon d'être et de s'exprimer, elle est un véritable modèle pour ses petits apprenants. Elle connaît bien le mandat et le programme de l'éducation préscolaire et s'en inspire dans la planification des activités qui sont signifiantes et variées, proposant des défis à la hauteur de chacun, et qui sont réalisées en contextes diversifiés. Elle reconnaît l'importance du jeu comme moyen à privilégier, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, pour amener l'enfant à différents apprentissages. Forte de ses connaissances, elle est à même de juger et de considérer les méthodes, les approches, le matériel pédagogique qui apparaissent sans cesse sur le marché et qui lui sont proposés. En reconnaissant le besoin d'apprendre de l'enfant, mais surtout en lui permettant de développer le goût de découvrir, d'essayer, de s'engager, de créer, de prendre plaisir, elle se comporte en véritable professionnelle. En soi, une formation de qualité et continue engendre des interventions de qualité. En ce sens, l'enfant épanoui et stimulé manifeste le goût d'y retourner.

Une ressource additionnelle, pour bien seconder, doit, tout comme l'enseignante, être bien formée et entièrement dédiée au groupe qui lui est assigné, et cela, tout au long de la journée : des spécialistes et des ressources — on parle de psychoéducateurs, orthophonistes, enseignantes en orthopédagogie, psychologues, hygiénistes dentaires, soutiens linguistiques — présents en classe et en contexte réel pour les enfants de quatre ans, mais aussi qui travaillent en partenariat avec l'enseignante, bien au fait et respectueux du développement de cet âge, s'assurer que tous les enfants de quatre ans, peu importe leur milieu de fréquentation, aient les mêmes accès aux services.

Une équipe-école informée et interpelée qui se concerte pour assurer un accompagnement de qualité et qui s'offre du temps et des modalités pour échanger, planifier, user de flexibilité. Chaque membre de cette école devient alors un partenaire partageant cette responsabilité de faciliter l'adaptation et la continuité.

Un service de garde et un service de dîner de qualité passent aussi par des intervenants bien formés, des ratios reconsidérés, un aménagement facilitant les échanges et les activités diversifiées. L'organisation met tout en oeuvre pour que l'enfant soit en contact avec un minimum d'intervenants dans sa journée et qu'il ne passe pas plus de 10 heures entre les murs de l'école. De plus, pour l'enfant qui en manifeste le besoin, une aide particulière lui est accordée.

L'aménagement. Bien sûr, l'aménagement des locaux de qualité passe non seulement par le mobilier qui est adapté, mais aussi par tout l'essentiel qui permet à l'enfant de bien s'organiser et se développer avec une certaine autonomie concernant les routines, les transitions, les déplacements. Le matériel est adapté et diversifié, et un budget permet, à la fin de l'année, de remplacer ce qui est abîmé. L'enseignante a accès à des locaux et espaces, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, qui lui permettent de proposer à l'enfant des activités favorisant son développement global tout en considérant son besoin de bouger et de créer.

Encore plusieurs éléments à considérer pour atteindre cette qualité, je pense entre autres à un programme cycle que toute l'équipe de l'éducation préscolaire devra s'approprier, une observation au coeur des interventions et de la communication — c'est une habileté en devenir pour certaines — mais aussi une nouvelle philosophie concernant l'évaluation, qui demande encore à être précisée, et des outils informatisés — on pense entre autres au portfolio numérique, qui demande à être adapté — un volet parent riche de par son intention, mais encore à clarifier par l'ajout de certaines balises, des agents de transition, avec un rôle à préciser et à publiciser, des transitions milieu de garde-milieu scolaire, un travail de partenariat à valoriser et à encourager par la mise en place de moyens facilitateurs, des leviers, des agents de formation continue, dont des conseillers pédagogiques dédiés entièrement à l'éducation préscolaire, et je dirais même au moins une par commission scolaire.

Pour atteindre ce niveau de qualité, il est primordial pour nous que l'implantation se fasse progressivement et de façon harmonieuse avec nos partenaires, que dans nos milieux des dispositions soient prises afin que les conditions d'actualisation du projet soient respectueuses des petits, du personnel scolaire qui entoure ces enfants. De plus, nous désirons que ce projet se déploie en tenant compte des réalités historiques, des réalités actuelles des milieux et des réalités futures. Nous espérons que les enseignantes qui se verront confier un groupe de maternelle quatre ans, même après le boom médiatique, seront toujours bien soutenues en termes de conditions favorables, de formation, de libération, de conférences, et plus.

Donc, nous vous avons présenté l'ensemble des éléments qui illustrent le niveau de qualité attendu. Dans le document remis, vous retrouverez des précisions et des recommandations pour chacun de ces points. Si vous le souhaitez, nous pourrons les regarder avec vous. Merci.

• (16 h 50) •

Le Président (M. Asselin) : Merci beaucoup, Mme Drouin. Alors, on va débuter nos échanges par un 12 minutes où le ministre de l'Éducation va les conduire, ces échanges. À vous la parole.

M. Roberge : Merci bien, M. le Président. J'ai le goût de dire bonjour aux collègues, pour avoir déjà fait quelques... ah! peut-être un mois et demi dans une classe du préscolaire. C'est vrai que j'ai enseigné surtout au troisième cycle, mais dans mes stages j'ai fait un stage au préscolaire dans une école de ville LaSalle, et la plupart des enseignants qui sont diplômés au bac en éducation primaire, préscolaire ont un de leurs quatre stages au préscolaire, c'est assez rare qu'on parcoure, là, les quatre années de baccalauréat, les quatre stages sans en faire au moins un au préscolaire.

Bien, je vous remercie de votre présentation. C'est tout à fait complémentaire d'autres qu'on a eues. Ça vient vraiment apporter une couleur différente, une couleur distincte. Donc, je vais vous poser des questions précises parce que c'est assez formidable d'avoir des profs du préscolaire ou des gens qui les représentent. Vous avez des gens qui enseignent à cinq ans, des gens qui enseignent aux petits de quatre ans aussi.

Donc, vous dites «l'importance du jeu comme moyen à privilégier», j'ai pris ça comme note. Est-ce que c'est ce qui se passe en ce moment dans les classes de cinq ans et quatre ans ou c'est un souhait, vous souhaitez que ce soit encore davantage le cas?

Mme Drouin (Sylvie) : En fait, c'est ce que nos enseignantes tentent à faire le plus possible. Mais, vous savez, de plus en plus, avec l'idée des interventions précoces, et tout ça, il y a plein de moyens qu'on essaie de mettre en place qui font en sorte qu'on se sent un petit peu comme restreints dans notre temps de journée pour pouvoir permettre ce temps libre, ce jeu, c'est-à-dire, aux enfants. Le jeu, il est partout, ça dépend de ce qu'on en fait puis comment on l'interprète aussi. J'ai fait un lexique dernièrement, puis je ne sais pas combien de variantes j'ai trouvées à partir du mot «jeu».

Donc, moi, je vous dirais, l'activité spontanée, l'activité libre que l'enfant peut choisir, l'activité où il est à même de créer et d'explorer, c'est ça qu'on veut, puis c'est dans cette idée-là que je vais quand je parle de jeu, alors, que ce ne soit pas toujours quelque chose qui soit planifié, dirigé, mais quelque chose où l'enfant peut de lui-même instaurer des règles, qu'il peut de lui-même aller dans cette créativité-là et découvrir, émettre des hypothèses, aller plus loin.

M. Roberge : Tout à fait.

Mme Drouin (Sylvie) : Et on a, d'ailleurs, des chercheurs qui ont travaillé là-dessus. Je pense à Sarah Landry et à Krasimira Marinova, qui sont vraiment nos deux références en ce moment par rapport au jeu.

M. Roberge : Et on va en tenir compte, hein? Vous savez qu'il existe déjà un programme de maternelle cinq ans depuis fort longtemps. La maternelle quatre ans, on travaille à l'arrimage, vous le savez très bien, avoir un programme cycle. Puis l'idée d'avoir de la place pour le jeu, le jeu dirigé, mais aussi le jeu libre puis du temps, comme vous dites, même, pour que l'enfant invente la règle du jeu qu'il est en train d'inventer avec tout simplement des blocs de bois, je pense que c'est important. C'est important de laisser les enfants être des enfants. Puis c'est important de rassurer aussi les gens qui nous écoutent puis qui pourraient penser que la maternelle quatre ans, c'est un lieu de scolarisation hâtive ou de scolarisation forcée. Je pense que vous le savez... Vous dites que ça en prendrait encore plus, mais vous savez bien que ce n'est pas le cas en ce moment.

Je note quelque chose que vous avez dit tantôt qui m'interpelle. Vous avez parlé que c'est important, l'autonomie professionnelle, de laisser aux enseignantes le choix du matériel. Je veux vous dire qu'on est vraiment dans cette dynamique-là, au gouvernement, de donner encore plus d'autonomie que ce que vous avez déjà, au préscolaire comme ailleurs, parce que c'est vraiment les profs qui sont les professionnels puis c'est à eux de choisir le matériel scolaire au préscolaire comme au primaire.

Une petite question, puisque vous avez des gens qui le vivent, là, au quotidien, soit maternelle cinq ans ou maternelle quatre ans : La cour d'école, concrètement, là, pour rassurer les gens, de manière générale, les petits de cinq ans, les petits de quatre ans, est-ce qu'ils sont, lors de la récréation, en même temps que les grands de cinquième, sixième? Est-ce qu'ils sont en danger de recevoir un ballon de ballon-chasseur sur la tête? Moi, je pense que c'est non, là, mais je vais vous laisser, vous qui le faites, l'expliquer, puis peut-être que ça rassurera des gens aussi.

Mme Couture (Carolane) : Ce qui arrive, c'est que c'est assez inégal, je pense. En fait, c'est que, d'un milieu à l'autre, ça peut être différent, étant donné que ce n'est pas balisé. En fait, c'est l'équipe-école, c'est l'équipe de l'éducation préscolaire qui va décider les récréations sont à quels moments dans la journée. En fait, dans plusieurs milieux, les milieux que je côtoie ou même moi, dans mon école, les petits de quatre et cinq ans ont des récréations qui sont à des moments autres que les récréations des grands. Donc, on sort 30 minutes minimum l'après-midi, par exemple dans mon cas, et puis c'est à l'entrée, donc les enfants de première à sixième année, ils se retrouvent en classe à ce moment-là.

Il y a d'autres écoles quand même, vers la fin de l'année, les grands de cinq ans vont progressivement faire les récréations avec les élèves du primaire pour les amener à côtoyer les plus grands puis à savoir comment on joue dans la cour parce que les règles parfois sont différentes de quand il y a juste seulement les maternelles quatre ans et cinq ans dans la cour et quand les enfants de maternelle sont avec les grands du primaire, là.

M. Roberge : ...prend soin des petits. On peut les acclimater. Des fois, j'ai vu des écoles où c'était en même temps, mais c'était dans des zones différentes. Même des fois il y avait un mur entre les deux. Ça avait beau être en même temps, donc...

Mme Couture (Carolane) : Tout dépendamment des écoles. Même nous, dans l'école de Saint-Sauveur, on a vraiment deux cours de récréation, là, d'un côté de l'école versus l'autre côté, où ce sont les plus petits.

M. Roberge : Donc, deux cours, donc même des modules de jeu qui sont différents puis qui sont adaptés aux tout-petits.

Mme Drouin (Sylvie) : Moi, je voudrais apporter une précision là-dessus. On a réalisé dernièrement que plusieurs modules qui sont dans nos cours d'école, bien, sur le dessus, c'est marqué de... en tout cas, c'est interdit aux moins de six ans. Ça voudrait dire que nos petits de quatre ans ne peuvent pas avoir accès à ces modules-là. Alors, il faudrait vraiment porter une attention particulière parce que... Dans le document, on a mis des précisions à ce niveau-là. Des fois, on pense qu'il y a un beau module, mais non, il faut faire attention parce que les directeurs qui sont soucieux qu'il n'arrive pas d'accident ou quoi que ce soit, bien, on s'en tient à ces petites plaques là qui sont écrites et ce matériel-là, donc. Puis ce n'est pas tout le monde aussi... Quelqu'un me disait que, dans une région, c'est comme un champ, là. Donc, ce n'est pas pareil, d'une région à l'autre, il faut faire attention... d'une école à l'autre.

Mme Couture (Carolane) : ...d'une école à l'autre non plus. Les modules de jeu ne sont pas nécessairement adaptés non plus pour les petits de quatre ans. Si je pense aux trapèzes qui sont très, très hauts, pas accessibles, les enfants, à moins qu'il y a l'adulte qui tient l'enfant en dessous... très difficile que ce soit accessible pour les plus petits, là.

M. Roberge : On a annoncé, il y a quelques semaines, 3 millions de dollars pour aménager des cours d'école cet été. Puis j'avais annoncé, à ce moment-là, que ça, c'était... en fait, c'est des annonces sur le budget des années passées, mais que, dans notre budget, il y en avait plus encore, que, dans la prochaine année, on allait revamper pas mal plus de cours d'école encore. Puis là on a la préoccupation d'avoir des cours d'école qui, bien souvent, vont recevoir des plus petits. Donc, on va tenir compte de ce que vous dites, je vous remercie de ces commentaires-là, c'est sûr.

Vous avez parlé des professionnels, des spécialistes. Il n'y en a pas assez dans le réseau, on va se le dire, là, ni au primaire ni au secondaire. Cependant, on en ajoute, hein, c'est pour ça qu'on en ajoute. Mais, quand même, c'est quand même une richesse de pouvoir y accéder. Est-ce que ça se passe assez bien? Est-ce que, dans les écoles primaires, même s'il en manque... Comme je vous dis, on va en ajouter, mais est-ce que les ressources sont allouées de manière prioritaire aux tout-petits ou on se les partage? Quelle est l'expérience que vous avez pour accéder à ces gens qui viennent aider les enseignants?

Mme Drouin (Sylvie) : C'est encore une géométrie variable. D'un milieu à l'autre, c'est complètement différent. Par exemple, nous, ce qu'on souhaiterait, c'est que ces gens-là puissent travailler ensemble. Tantôt, j'ai entendu parler beaucoup de dépistage. Bien, vous savez, à l'école, on n'est pas... ce ne seront pas les enseignants, comme ça ne sera pas les éducatrices en milieu de garde qui vont pouvoir dépister. Ces gens-là vont pouvoir détecter, c'est-à-dire prendre des observations qu'ils vont transmettre par la suite.

C'est sûr que, si on a, dans notre établissement, un orthophoniste, un orthopédagogue, un enseignant orthopédagogue qui est plus dédié aux tout-petits, si on a un psychologue, en fait, tous ces spécialistes-là et qu'on peut travailler en partenariat... je veux dire par là qu'elle puisse venir dans la classe travailler avec nous, mais pas juste qu'elle vienne chercher un petit 15, 20 minutes puis qu'elle sorte de la classe. Ce n'est pas ça qui correspond à la mentalité du travail, en tout cas, à notre philosophie préscolaire.

Nous, on souhaite que ça se fasse toujours en milieu, en contexte, avec les enfants, que ça soit vraiment près de l'enfant et de son milieu, mais aussi qu'il y ait toujours cette complicité-là. La spécialiste qui est dans l'école présentement, elle est là aussi pour l'ensemble de l'école, ce qui fait qu'elle n'a pas nécessairement le temps de pouvoir apporter ce suivi-là et cette continuité. C'est ce qu'on déplore, actuellement.

Mme Couture (Carolane) : Par exemple, l'orthophoniste qui, elle, a l'ensemble des enfants à voir, les enfants de maternelle quatre ans qui viennent d'arriver dans l'école, s'il n'y a pas de montants qui ont été ajoutés, on dit : Bien, il n'y a pas plus de sous pour l'orthophoniste. Donc là, il y a des enfants qui s'ajoutent, mais il n'y a pas plus de temps. Donc, il y a, en ce moment, des classes qu'il y a une orthophoniste qui vient une fois par semaine faire des activités de stimulation en partenariat avec l'enseignante, ce qui est merveilleux puis ce qui devrait être partout, minimalement. Par contre, dans les mêmes commissions scolaires, il y a des écoles... des enseignants, les enfants de quatre ans n'ont pas ce même privilège là, donc l'orthophoniste n'a pas de temps à accorder aux enfants de quatre ans de l'école. Donc, c'est un problème, c'est inéquitable.

• (17 heures) •

M. Roberge : C'était un problème aussi dans les années passées, où on ajoutait, peut-être pas assez vite, mais on ajoutait quelques classes de maternelle quatre ans à chaque année, mais on coupait dans les professionnels. Là, on inverse la roue, là, on ajoute des classes, on ajoute des professionnels aussi pour avoir le système idéal, le système qui fonctionne.

Est-ce que vous vivez... Vous avez de vos membres qui sont peut-être profs de maternelle cinq ans qui accueillent des jeunes qui ont fait la maternelle quatre ans. Est-ce que vous voyez que c'est intéressant d'accueillir un jeune qui a fait la maternelle quatre ans puis est-ce que vous voyez que c'est intéressant de travailler en cycle aussi? Un prof de maternelle cinq ans, souvent il est un peu seul. Là, maintenant, l'idée de travailleur en cycle, est-ce que c'est intéressant, donc, deux perspectives différentes avec des avantages peut-être pour les gens qui sont, en ce moment, profs de maternelles cinq ans?

Le Président (M. Asselin) : Dans une cinquantaine de secondes.

Mme Couture (Carolane) : Bien, en fait, je peux juste parler pour moi. C'est sûr que, pour mon expérience à moi, mais c'est sûr que les enseignantes de cinq ans sont contentes de recevoir les élèves que j'ai suivis l'année d'avant. Mais je ne peux pas parler pour les équipes de l'ensemble des écoles du Québec.

M. Roberge : C'est bien reçu de la part des... Disons, de manière générale, les profs de maternelles cinq ans aiment bien pouvoir travailler en équipe puis aiment bien recevoir des jeunes qui ont vécu la maternelle quatre ans.

Mme Drouin (Sylvie) : C'est effectivement une réalité qui est intéressante parce qu'on est en continuité, à ce moment-là. Quand l'enfant arrive du service de garde, on n'a pas tout son bagage antérieur, alors que, là, c'est facile, il était dans la classe de quatre ans, donc, quand je suis dans la classe de cinq ans, je peux partir comme un pas d'avance parce que j'ai déjà de l'information qui est sur place, je n'ai pas à faire de démarches supplémentaires pour la trouver.

Le Président (M. Asselin) : Alors, on va poursuivre avec la députée de Westmount—Saint-Louis qui va continuer. À vous la parole.

Mme Maccarone : Merci, M. le Président. Je veux revenir un peu sur l'idée de manque de professionnels. Je vous dirais que ce n'était pas nécessairement une coupe dans les professionnels, mais aussi que base de négociation du contrat. Encore juste pour clarifier, il y a de la compétition entre le réseau public et le réseau privé, alors d'où la difficulté de plusieurs commissions scolaires d'engager des professionnels, parce qu'eux, ils veulent vraiment aller dans le privé parce qu'ils sont payés 90 $, 100 $ de l'heure au lieu de la comparaison avec le réseau public, n'est-ce pas? C'est ça, la difficulté que nous avons, présentement, dans le réseau. Alors, c'était juste une petite clarification.

Je veux revenir un peu sur le mémoire que vous avez déposé. Merci beaucoup. Entre autres, j'aime beaucoup ça quand c'est un historique, ça me situe. Vous avez mentionné une recommandation que le ratio pour le service de garde, qui est présentement 1-20, soit diminué. Ce serait quoi, votre proposition de ratio?

Mme Drouin (Sylvie) : En fait, ce qu'on dit, c'est que, si pour la classe ça devrait être 1-10, 1-12, ça devrait être la même chose. Par contre, quand je parle du ratio au service de garde, c'est qu'on se rend compte que c'est vraiment plus que ça. Quand on parle de 1-20, c'est vraiment respecté, là. Mais, dans certains milieux où ce sont les parents qui paient et que c'est, je dirais, moins fortuné, bien, les gens vont faire en sorte... les milieux scolaires vont faire en sorte que ça coûte moins cher aux parents, donc ils vont en mettre plus en même temps. Je me suis laissé dire que, dans un service de dîner, on pouvait retrouver jusqu'à 1-65. J'ai trouvé ça épouvantable comme donnée. Puis la raison qu'on m'a donnée, c'est ça : On n'a pas les fonds nécessaires pour pouvoir engager plus de personnel pour pouvoir travailler avec. Et, là encore, c'est à géométrie variable d'un côté à l'autre. Il y a certains milieux scolaires qui ont préféré couper à certaines places pour pouvoir permettre d'avoir des plus petits groupes, être vraiment respectueux de l'enfant et de favoriser.

Mme Couture (Carolane) : Et ce qui arrive aussi, c'est qu'en classe on a notre ressource additionnelle qui n'est pas à temps plein, étant donné le budget qui est alloué, mais au service de garde, cette ressource additionnelle là ne suit pas. Donc, nous, en classe, par exemple, on a des... nous, c'est le matin; l'après-midi, on est seuls avec nos 17 élèves. Mais au service de garde, le matin, sur l'heure du dîner et après, bon, bien, il n'y a pas la ressource qui suit.

Mme Maccarone : J'en suis d'accord. Le ratio, je pense, c'est primordial. On a entendu plusieurs groupes qui ont dit que le ratio, c'est vraiment très important. Puis on est tous pour la maternelle quatre ans, mais pas pour la maternelle quatre ans mur à mur. Alors, je dirais que je favorise beaucoup le réseau des services de garde, uniquement si c'était... Une des plus belles choses, c'est le ratio, parce qu'ils sont vraiment équipés pour gérer les besoins des enfants dans des plus petits groupes.

J'aimerais vous entendre un peu... Mon expérience parentale, quand j'ai vu le réseau des services de garde à l'école pour les tout-petits, c'est que les enfants, ils arrivent le matin... Puis on se comprend que ce serait aussi des frais additionnels pour les parents s'ils choisissent la maternelle quatre ans, parce qu'on parle de choix parental. Si, mettons, on travaille, puis ma plage horaire de travail ne me permet pas que mon enfant prenne l'autobus, puis il faut que j'amène mon enfant le matin, il va davantage dans un service de garde le matin, ce serait une intervenante dans un groupe qui serait beaucoup plus que un sur 20 comme ratio parce qu'ils sont tous regroupés le matin. Après ça, ce serait le professeur qui va accompagner l'enfant, puis, à la fin de la journée, encore une fois, avant qu'ils sont distribués dans leur groupe, ils vont dans la cafétéria où c'est vraiment un «free-for-all», tous les enfants ensemble.

Est-ce que ça, c'est vraiment la stabilité puis favorable pour les tout-petits? On se comprend que maternelle quatre ans, ça veut dire qu'on a des enfants qui n'ont même pas quatre ans qui vont débuter. Est-ce que ça, c'est vraiment des conditions favorables pour ces tout-petits?

Mme Drouin (Sylvie) : En fait, ce que je dois vous dire, c'est que les gens essaient le plus possible de pouvoir prendre les petits puis les mettre à part. Moi, ce que j'ai pu observer en tant que conseillère pédagogique, on ne les mettait pas avec tous les autres, on essayait vraiment d'être cohérents dans notre action et de leur offrir... Par exemple, on mettait maternelles quatre ans et cinq ans ensemble. Déjà là, c'est mieux que tout le monde ensemble. Mais on ne peut pas parler pour l'ensemble du Québec. Mais ce que j'en ai vu, moi, il y avait quand même une préoccupation au sein des milieux.

Mme Couture (Carolane) : Par exemple, moi, dans mon école, le seul groupe qui reste toujours ensemble, c'est les maternelles quatre ans, puisque les maternelles cinq ans, les première année... de la sixième année, tout le monde est mélangé. Donc, les groupes ne sont pas en groupes d'âge, mais assez hétérogènes, sauf la maternelle quatre ans, qui reste toujours ensemble.

Mme Maccarone : Je peux imaginer, c'est vraiment difficile dans une école qui est surpopulée aussi. Je ne sais pas, dans l'école dans laquelle que vous travaillez, mais une école qui est surpopulée, qui est à 120 % de capacité, 130 % de capacité, cette difficulté est même encore plus grave et difficile de décortiquer les enfants.

Mme Couture (Carolane) : C'est aussi l'inégalité au niveau des services, au niveau de... Quand on parle de la qualité, c'est qu'en ce moment, d'un milieu à l'autre, c'est différent. Donc, ça aussi, c'est un problème parce que ce n'est pas normal que les enfants de quatre ans du Québec n'aient pas toutes les mêmes chances. Parce que, dans une commission scolaire, par exemple, il va y avoir deux conseillères pédagogiques dédiées, ça, entièrement à l'éducation préscolaire, donc il va y avoir de la formation continue, certainement plus, alors que, dans une autre commission scolaire, ils n'ont pas de conseillère pédagogique ou une conseillère pédagogique qui est à 30 % en éducation préscolaire et qui a une tâche en sciences au secondaire, donc qui n'est pas spécialiste de l'éducation préscolaire, donc, ce qui fait en sorte que cette inégalité-là... les enfants n'ont pas la même qualité partout à travers le Québec, puis c'est un problème en soi.

• (17 h 10) •

Mme Maccarone : L'égalité des chances, oui, je comprends. Bien, d'où l'importance... Je dirais que je suis totalement en accord avec vous.

Encore une fois, si je reviens à votre mémoire, «il est primordial pour nous que l'implantation se fasse progressivement [puis d'une] façon harmonieuse avec [les] partenaires», je pense que, quand je vous entends parler, ça devient encore de plus en plus clair qu'on est en manque de données probantes, on est en manque de l'information pour dire que ce n'est pas harmonieux. On a une école comparée à l'autre que ce n'est pas du tout la même réalité. Puis avant d'aller vers l'avant avec un investissement de 2 milliards de dollars, je dirais que j'aimerais qu'on prenne du recul puis qu'on fait un peu de recherches pour voir qu'est-ce qui fonctionne vraiment bien dans votre école avant d'aller implanter un autre dans votre école pour s'assurer qu'on a vraiment les critères exceptionnels. Parce qu'on parle vraiment... agir tôt puis on n'a pas une deuxième chance. Ce qu'on manque aujourd'hui, on ne peut pas le répéter demain. Ce qu'on n'a pas vu, c'est trop tard. Demain, aujourd'hui, c'est trop tard. Il faut agir tôt, mais il faut agir comme il faut.

Je vous entends vraiment, parce que vous l'avez mentionné plusieurs fois, les ressources additionnelles, l'aide à la classe, puis on parle aussi de la formation parce que vous êtes formés pour faire ce que vous faites, comme les intervenants dans le réseau de services de garde, c'est quand même une spécialité, ce qu'ils font, il faut valoriser ces personnes-là, c'est une profession. On devrait mettre vers l'avant puis faire la promotion de qu'est-ce que vous faites.

Quand on parle de pénurie de main-d'oeuvre, avez-vous peur quand on parle d'une ressource supplémentaire, surtout qu'on a un ratio qui est très élevé dans la classe, que... Puis vous avez dit vous ne l'avez pas à la journée longue. Alors, qu'est-ce qu'on va faire face avec une implantation mur à mur, universelle avec une pénurie de main-d'oeuvre qui est vraiment substantielle? Est-ce que vous pourriez offrir les services nécessaires puis importants avec votre formation sans avoir une ressource dans la classe? Et deuxième question, parce que je ne sais pas combien de temps qu'il me reste...

Le Président (M. Asselin) : ...reste 2 min 30 s.

Mme Maccarone : ...en votre réponse, si vous pouvez parlez aussi des suppléants. Parce qu'on sait que, mettons vous tombez malade, la personne qui va prendre la relève pour vous, ce n'est pas une personne formée. C'est-u bien pour nos enfants?

Mme Drouin (Sylvie) : Écoutez, je pense que poser la question, c'est d'y répondre. Présentement, cette pénurie-là, elle n'est pas un problème seulement pour le quatre ans, elle est partout au niveau de l'éducation, vous savez. Dans n'importe quel niveau, classe, le même problème est là puis il n'est pas plus adéquat, je veux dire.

Mme Maccarone : Quatre ans, c'est quand même tout petit.

Mme Drouin (Sylvie) : Oui, c'est sûr.

Mme Maccarone : Je dirais qu'on ne parle pas de la même chose quand on parle de 14 ans puis quatre ans, c'est juste ça. Ça fait que j'aimerais qu'on soit restreints, vraiment, pour qu'est-ce que vous faites pour les gens que vous représentez, le manque de ressources.

Mme Drouin (Sylvie) : Présentement, on ne peut que relever le problème parce qu'on n'a pas vraiment de solution à ça. Je sais que, de plus en plus, les universités essaient de, comment je dirais ça, aménager les horaires pour qu'ils puissent avoir des journées où ils peuvent être disponibles après un certain temps de formation. Je me suis laissé dire ça cette fin de semaine que certaines universités, par exemple, n'offriront pas de cours dans la formation le vendredi, ce qui fait que ça va laisser la possibilité aux...

Mme Couture (Carolane) : Aux étudiants.

Mme Drouin (Sylvie) : ...aux étudiants, voilà, de faire de la suppléance le vendredi. Donc, si les milieux scolaires veulent faire un travail... Tantôt, on parlait de rencontres cycles, par exemple, ça prend de la libération pour être capable de s'asseoir ensemble puis de travailler ensemble, ça prend des gens pour être dans nos milieux, dans nos classes dans ce temps-là. Bien, en sachant ça déjà, on peut prévoir qu'on aura du personnel potentiel pour pouvoir venir combler ce besoin-là. Mais, pour le reste du temps, c'est certain qu'on ne peut que le subir. On n'a pas de pouvoir là-dessus, ni d'un côté ni de l'autre, là.

Mme Maccarone : Puis les suppléants, mettons? Les suppléants? Mettons, vous êtes malades, vous ne pouvez pas aller, puis on est en pénurie de main-d'oeuvre, les suppléants ne seront pas formés.

Mme Couture (Carolane) : En ce moment, tout dépendamment des commissions scolaires... nous, notre commission scolaire, les suppléants sont formés ou des retraités en enseignement. En ce moment, malheureusement, c'est du dépannage à l'intérieur des écoles. Donc, par exemple, si l'enseignant de cinquième année est en période libre, donc, de planification, il doit aller dans la classe où...

Le Président (M. Asselin) : Merci beaucoup.Alors, le temps de Mme la députée de Westmount—Saint-Louis est un peu écoulé. On va passer à la députée de Sherbrooke. À vous la parole.

Mme Labrie : Merci. Merci pour votre mémoire, qui est extrêmement détaillé, je trouve. Vous nous fournissez des pistes de solution à mettre en oeuvre vraiment pour améliorer les choses très, très précises. On a eu beaucoup de recommandations dans d'autres mémoires, mais rarement aussi précises, je pense, notamment pour améliorer la formation, les conditions de travail.

Si je comprends bien, à la lumière de tous les tableaux que vous avez construits, la maternelle quatre ans ne peut pas être déployée dans les mêmes modalités que ce qu'on connaît en ce moment. De la manière dont ça a été fait dans les dernières années, ça ne semble pas vraiment être optimal. J'ai l'impression que ça va prendre des changements majeurs, à la lumière des commentaires qu'il y a là-dedans, pour qu'on puisse atteindre les objectifs du gouvernement, puis ce serait quasiment une erreur de déployer le réseau de maternelle quatre ans dans les mêmes modalités que ce qu'on connaît jusqu'à maintenant.

Mme Drouin (Sylvie) : Bien, moi, ce que je pourrais vous dire, c'est qu'en fait tout ce qu'on a mis là-dedans, ce sont nos souhaits pour aller dans cette qualité-là idéale. Ces souhaits-là, on les transposerait aussi aux cinq ans parce qu'ils ne sont pas là non plus partout aux cinq ans. Donc, ce n'est pas juste aux quatre ans, c'est...

Le cycle préscolaire, nous, on y croit vraiment, le cycle de l'éducation préscolaire, parce qu'on va travailler ensemble. Ce que je vous dirais, c'est qu'il faut y aller progressivement parce qu'on est... Puis, encore là, ça dépend dans quel milieu on est. Si on est à, je ne sais pas, moi, Montréal puis qu'on est dans un secteur où il y a plein de gens, plein d'enfants, tout ça, bien, c'est certain qu'on ne peut pas en ouvrir beaucoup puis qu'on est pris avec un paquet de contraintes qui font en sorte qu'on on a de la difficulté à ce que tout soit idéal et rencontre cette qualité-là qu'on aimerait donc avoir. Par contre, il y a des milieux qui ont beaucoup moins d'enfants puis qu'eux, bien, ils peuvent plus facilement aller rejoindre ce niveau de qualité parce qu'ils ont des locaux, parce qu'ils ont plus de personnel à proximité, différentes raisons comme ça. Donc, je vous dirais, encore une fois, c'est variable d'un endroit à l'autre à travers le Québec.

Mme Labrie : Donc, j'entends que la qualité, elle est très, très inégale en ce moment puis, pour qu'elle soit au rendez-vous partout, il faudrait vraiment faire quand même pas mal de changements majeurs que vous énumérez ici. Vous avez même parlé que vous voudriez voir ces changements-là en cinq ans, au niveau du ratio aussi, par exemple, vous voudriez voir diminuer les ratios...

Mme Drouin (Sylvie) : Il y a plusieurs éléments. Bien, c'est parce que, dans certains milieux où on a eu, comme par exemple, beaucoup d'enfants qui se sont ajoutés en cours d'année, ça fait en sorte qu'on attend non seulement...

Le Président (M. Asselin) : Merci beaucoup. 2 min 40 s, ça passe vite. Les prochaines 2 min 40 s vont passer avec la députée de Joliette.

Mme Hivon : Merci beaucoup. Oui, vraiment, merci beaucoup, c'est très éclairant. Dites-moi, on a entendu ce matin quelque chose qui nous a un peu surpris, je voulais savoir si, dans les milieux que vous connaissez, c'est la même chose. On disait qu'il y avait certains endroits où les ressources spécialisées dans les écoles... il y avait même des directions qui disaient : Bien, on les... il y a tellement une pénurie, donc, de services spécialisés, orthophonie, orthopédagogie, tout ça, qu'on ne les consacrera pas aux quatre ans ou aux 4‑5 ans parce qu'on en manque tellement, donc on va plus viser les plus grands. Et, selon plusieurs autres qui... selon plusieurs, l'argument, notamment, pour aller dans le milieu scolaire, c'est de dire : Ces services-là vont être là. Est-ce que ça, c'est quelque chose... Je ne veux pas qu'on s'étende infiniment là-dessus, là, mais est-ce que c'est quelque chose que vous notez, que, par exemple, les services spécialisés de professionnels dans les écoles, des fois, on dit : Bah! Pour les 4‑5 ans...

Une voix : ...

Mme Couture (Carolane) : Mais c'est ça, ça dépend des milieux. Mais, par exemple, quand on pense à la francisation dans les milieux où on a beaucoup d'allophones, des fois on se fait dire — et ça, c'est un problème aussi en soi — que les enfants de 4-5 ans, en soi, sont dans une... en immersion dans la classe, donc on donne les services de francisation aux plus grands. Mais là on veut intervenir tôt, on veut intervenir précocement, mais il faut que les services suivent. Parce qu'on amène les enfants à quatre ans, mais on ne leur donne pas non plus le service... C'est banal, là, mais l'hygiéniste dentaire, ça commence à cinq ans, mais... On amène les enfants de quatre ans à l'école pour intervenir à tous les niveaux, mais les services ne suivent pas toujours.

Mme Hivon : O.K. Je suis intéressée par le duo, que le ministre qualifie de duo de feu, de l'enseignante avec l'éducatrice dans les classes. Donc, vous avez vraiment l'expérience. Donc, en général, en ce moment, c'est à demi temps, votre compagne. Et, dites-moi, en général, ils viennent d'où? Je veux dire, les finissantes, elles travaillaient où? Parce qu'évidemment on a une préoccupation de savoir est-ce qu'on va déshabiller un réseau pour en habiller un autre. Donc, est-ce que ça, c'est quelque chose qui...

Mme Couture (Carolane) : Dans nos milieux, nous, c'est des techniciennes en éducation spécialisée qui sont déjà employées à la commission scolaire — puis c'est des contrats, des postes qui s'ajoutent — donc qui sont choisies.

Mme Drouin (Sylvie) : Je vous dirais, ce qu'on...

Mme Hivon : ...des techniciennes en éducation spécialisée?

Mme Couture (Carolane) : Ça dépend des milieux.

Mme Hivon : Ça dépend. O.K.

Mme Drouin (Sylvie) : C'est ça. Ce que j'allais dire, c'est que les milieux reçoivent un montant fixe qui sera attitré pour le salaire de cette personne-là. Certaines commissions scolaires ont regardé les besoins du milieu, donc, ce groupe d'enfants là, dans son secteur, quelle est la difficulté majeure de ces enfants-là.

Le Président (M. Asselin) : ...conclure. Mme Drouin, votre temps est malheureusement écoulé. On vous remercie beaucoup de votre présence.

Et puis on va suspendre, le temps que le prochain groupe s'organise tranquillement.

(Suspension de la séance à 17 h 19)

(Reprise à 17 h 22)

Le Président (M. Asselin) : Alors, je vous remercie de vous être installées prestement. Je vous inviterais peut-être à vous présenter une à une, on a plusieurs groupes en même temps, là, qui nous entretiennent. On va avoir un 10 minutes pour la présentation de votre mémoire et puis on va avoir aussi des échanges avec les membres de la commission. À vous la parole.

Centrale des syndicats du Québec (CSQ), Fédération des intervenantes
en petite enfance du Québec (FIPEQ) et Fédération
des syndicats de l'enseignement (FSE)

Mme Éthier (Sonia) : Alors, M. le Président, M. le ministre, membres de la commission, merci de nous entendre aujourd'hui. Alors, la CSQ réunit tous les acteurs clés qui contribuent au développement des tout-petits tout au long du parcours, intervenantes en petite enfance en milieu familial ou en centre de la petite enfance réunies au sein de la FIPEQ, et je vous présente Mme Valérie Grenon, qui en est la présidente, personnel enseignant réuni au sein de la FSE, dont je vous présente la présidente, Josée Scalabrini, et nous représentons aussi le personnel professionnel de la FPPE et aussi de la FPSS, et moi-même, Sonia Éthier, présidente de la centrale. Donc, aujourd'hui, le croisement de toutes ces expertises va nous donner une perspective large des enjeux qui traversent le continuum éducatif, et ça nous permet aussi de bien connaître les véritables priorités des deux réseaux, qui sont complémentaires. Alors, on est réunies aujourd'hui pour vous faire part de notre vision, une vision unique, puisqu'elle réunit à la fois le secteur de la petite enfance et le secteur scolaire.

Donc, peut-être qu'il serait important de rappeler au départ dans quel esprit la maternelle quatre ans a été mise en place. Elle a été créée, on se rappellera, pour répondre à un besoin bien particulier. On observe depuis longtemps des inégalités scolaires entre les élèves d'origines sociales différentes, et, on le sait, ces inégalités subsistent encore. Donc, la fréquentation d'un service éducatif peut être bénéfique pour les enfants d'un milieu défavorisé, et il y a quelques années, on a fait le constat que ces enfants fréquentaient moins, hein, les services éducatifs à la petite enfance. C'est donc dans l'esprit de compléter l'offre existante pour les enfants de milieux défavorisés que la maternelle quatre ans a été mise en place. Donc, pour nous, nous croyons qu'elle doit être continuée d'être offerte dans le même esprit pour répondre à ce besoin spécifique. On comprend très bien l'intention du gouvernement d'agir tôt, puis nous, on partage ça, puis c'est ce qu'on parle régulièrement.

Toutefois, la solution qui nous est proposée ne nous apparaît pas la bonne. Les familles, on le sait, au Québec, ont accès vraiment à divers services publics de qualité pour les enfants de quatre ans. Donc, ce qui est important, c'est vraiment de renforcer les services existants, et, pour ce faire, il y aura des solutions qui vous seront présentées afin d'atteindre l'objectif d'offrir aux enfants les conditions optimales. L'important, c'est d'assurer leur plein développement.

Donc, aujourd'hui, première recommandation, retirer le projet de loi n° 5 et de continuer à offrir la maternelle quatre ans en milieu défavorisé pour les enfants qui ne fréquentent aucun service éducatif à la petite enfance. Et on pense que les sommes qui seraient investies pourraient l'être autrement pour aider aux services qui sont déjà en place dans les deux réseaux. Donc, maintenant, la parole est à Mme Grenon.

Mme Grenon (Valérie) : Merci, Sonia. Permettez-moi, dans un premier temps ce soir, de saluer plusieurs de nos syndicats affiliés qui sont présents avec nous. Il s'agit d'un projet de loi qui préoccupe surtout et qui préoccupe énormément nos intervenantes en petite enfance qu'on représente, que ce soient nos représentantes ici, à l'arrière, ou nos membres sur le terrain.

C'est ironique pour nous qu'on est ici ce soir devant vous dans le cadre de la Semaine des services éducatifs à la petite enfance. Alors que cette semaine, on devrait valoriser le professionnalisme des femmes de coeur qui se dévouent au quotidien pour nos tout-petits, on doit, en ce moment, débattre de savoir s'ils vont pouvoir continuer à poursuivre leur emploi qu'elles font déjà.

Pourtant, la mise en place de nos services éducatifs à la petite enfance, que ce soit en CPE ou en milieu familial régi et subventionné, a permis au Québec de faire des avancées majeures. C'est notre joyau, et on doit en être fiers. Il a permis à des milliers de femmes d'intégrer le marché de l'emploi et de sortir de la pauvreté. Les enfants qui les fréquentent sont moins vulnérables que ceux n'ayant fréquenté aucun service. C'est toute la société qui en sort gagnante. Imaginez tous les progrès additionnels que nous aurions pu réaliser si notre réseau avait été complété. Aujourd'hui pourtant, on doit se battre pour éviter de déshabiller un pour habiller l'autre.

Le consensus de 2013, auquel la société civile et tous les partis politiques adhéraient, c'était la complémentarité. Et soyons clairs, la complémentarité ne veut pas dire de faire de la sollicitation auprès des parents qui fréquentent déjà notre réseau éducatif de la petite enfance, mais plutôt mettre en place des mesures de soutien pour aller chercher les enfants qui n'ont accès à aucun service de qualité. Assurons-nous ensemble d'avoir tout mis en place pour tous les enfants et que tous les enfants aient une chance égale. Revenons au consensus de 2013 et concentrons-nous sur les enfants en milieu défavorisé qui ne sont pas déjà dans un service éducatif à la petite enfance.

M. le Président, notre réseau a besoin d'amour. Depuis 2011, le développement des places en CPE a connu une hausse de seulement 9 % et le milieu familial, une hausse seulement de 4 % entre 2007 et 2015. Nos services ont été malmenés depuis les dernières années, renforçons-les.

En terminant, ce que nous proposons, c'est de, premièrement, garantir des places en nombre suffisant dans le réseau public des services éducatifs à la petite enfance, que ce soit en CPE ou en milieu familial régi et subventionné, deuxièmement, offrir gratuitement aux enfants de quatre ans des places à temps complet dans les services éducatifs à la petite enfance publics, régis et subventionnés et, troisièmement, garantir un meilleur investissement en petite enfance. Je vous remercie. Je vais laisser maintenant la parole à ma collègue Josée.

• (17 h 30) •

Mme Scalabrini (Josée) : Merci, Valérie. Très heureuse d'être ici ce soir pour venir parler de la réalité terrain comme enseignante. Ce n'est pas pour rien que notre mémoire s'appelle En faire moins, mais en prendre soin. Les maternelles quatre ans en milieu défavorisé a été mis en place pour répondre à un besoin spécifique et elle a fait ses preuves, donc on y croit. Il s'agit d'une mesure de prévention et de renforcement du développement global des enfants de milieux défavorisés qui contribue à leur réussite éducative ultérieure.

Depuis sa création, son apport pour bien préparer ces enfants à la maternelle cinq ans a été maintes fois reconnu par les enseignants ainsi que par les parents. Ce que nous proposons, c'est de prendre soin de nos maternelles quatre ans en milieu défavorisé pour en assurer une qualité encore plus grande. En ce sens, la proportion d'enfants par adulte est un aspect essentiel. C'est évident, un rapport moindre permet que plus de temps soit consacré à chaque enfant et, par conséquence, que ses besoins soient mieux comblés. La présence d'une ressource supplémentaire pour soutenir l'enseignante est aussi importante. Actuellement, le nombre d'heures n'est pas suffisant pour assurer une présence continue.

Les ressources physiques et matérielles nécessaires, c'est aussi un facteur clé pour soutenir le développement global des enfants de quatre ans. Les classes de maternelle quatre ans en milieu défavorisé doivent posséder l'ameublement requis et être aménagées en conséquence. Encore aujourd'hui, dans celles qui existent, ce n'est pas le cas. Un lavabo ou une toilette pour un tout-petit de quatre ans, ce n'est pas la même chose que pour un autre enfant. Les modules de jeu pour les tout-petits doivent être adaptés. Des ressources matérielles riches et variées doivent aussi être rendues disponibles. Des jeux variés, du matériel de manipulation, des livres, une variété de blocs, du matériel périssable, ça doit être disponible. Ce n'est pas toujours le cas présentement. Des ressources... Je vais me répéter, en plus! Je suis mieux de me dépêcher, on manque de temps.

Le volet parental est un aspect intéressant de la maternelle quatre ans en milieu défavorisé. Il devrait être pris en charge par du personnel professionnel qui a développé cette expertise-là en la matière.

Ce que nous proposons, trois choses, essentiellement : diminuer significativement le nombre d'élèves par adulte dans les classes, deuxièmement, garantir un financement adéquat pour doter les écoles et les classes des ressources physiques, matérielles et éducatives nécessaires en un environnement préscolaire de qualité, je le répète, ce qui n'est pas le cas actuellement dans ce qui existe déjà, et ensuite assurer la présence de personnel professionnel pour soutenir ou prendre en charge le volet parental de la maternelle quatre ans dans les milieux défavorisés. Merci beaucoup.

Le Président (M. Asselin) : Alors, merci beaucoup.

Une voix : ...

Le Président (M. Asselin) : Non... Bien, oui, on a notre 10 minutes de fait, mais on peut continuer à échanger. D'ailleurs, on est prêts à... Vous avez plus longtemps...

M. Roberge : Je pense qu'ils ont plus de temps.

Le Président (M. Asselin) : Mettons, on va vous donner un 30 secondes pour finir.

Mme Éthier (Sonia) : En conclusion, ce qu'on voulait ajouter, c'est que Valérie et Josée ont apporté plusieurs solutions, mais il y a aussi autre chose, comme par exemple le programme Passe-Partout, qui a fait ses preuves puis qu'on croit qui pourrait être étendu à toutes les commissions scolaires. Il y a aussi, on en a parlé tout à l'heure, là, la question des éducatrices des services de garde en milieu scolaire, où les conditions, présentement, ne sont pas gagnantes, donc en revoyant à la baisse le nombre d'enfants par adulte, et aussi toute la question de la qualité des locaux et du matériel. Il y a aussi la transition, hein, la première transition scolaire où on a introduit, depuis deux ans, dans les règles budgétaires, des sommes pour les agents de la première transition — ça, c'est aussi gagnant — et les ressources, les ressources nécessaires.

Le Président (M. Asselin) : Merci beaucoup. De toute façon, on a 21 minutes avec le ministre où on va échanger ensemble pour commencer. Alors, on va passer tout de suite à la période de consultation avec les membres de la commission. À vous, M. le ministre.

M. Roberge : Merci bien, M. le Président. Merci. Désolé pour le petit malentendu. Vous aviez plus de temps que les autres groupes, ça fait que c'est peut-être pour ça que ça a causé un petit malentendu, mais, bon, continuons.

Vous avez présenté le réseau, puis une richesse de la centrale, c'est d'avoir différents acteurs dans différents lieux qui s'occupent des petits de quatre ans. Il me semble que vous avez un parti pris assez clair pour maintenir les classes de maternelles quatre ans en milieu défavorisé. Je ne veux pas vous mettre des mots dans la bouche, en même temps, c'est une question. Est-ce que vous êtes d'accord pour maintenir les 394 classes actuelles et de poursuivre le déploiement, mais en milieu défavorisé? Est-ce que je comprends bien?

Mme Éthier (Sonia) : La position, là, de la centrale, puis c'est une position de longue date, on l'a dit, c'est : maternelles quatre ans en milieu défavorisé, là où les enfants ne sont nulle part, qu'ils ne fréquentent aucun service éducatif à la petite enfance. Donc, en 2013, l'idée qui avait été amenée... puis l'idée de la complémentarité était présente. Mais il faut vraiment qu'on aille chercher les enfants, pour les explications qu'on a données tout à l'heure, là, les raisons pour lesquelles la maternelle quatre ans a été créée, si on veut, mais il faut vraiment que ce soit pour les enfants qui n'ont pas de service et que la maternelle quatre ans, à ce moment-là, va répondre aux besoins de ces enfants-là.

M. Roberge : O.K. Mais en ce moment, même en regardant juste les milieux défavorisés, on ne touche pas 100 % des milieux défavorisés. Là, on en est... En septembre prochain, on entreprendra la sixième année consécutive de déploiement de la maternelle quatre ans en milieu défavorisé. On va être rendus à quelque chose comme 644 classes ou à peu près, presque 650 classes en septembre prochain, toujours en milieu défavorisé. Juste pour comprendre, là, selon la centrale, est-ce que ce serait une bonne idée de poursuivre le déploiement au-delà de ces 640 quelques classes, mais juste dans le milieu défavorisé? Vous seriez d'accord pour poursuivre le déploiement ou c'est un moratoire, il faut arrêter tout ça, là? C'est ça que j'essaie de comprendre.

Mme Scalabrini (Josée) : Bien, nous, on pense que le projet de loi doit être retiré tel qu'il est parce qu'on ne s'en va pas vers les milieux défavorisés avec le projet de loi. Le projet de loi veut faire des maternelles quatre ans mur à mur. Nous, on dit : Tous les enfants qui n'ont pas de service, présentement, et qui arrivent en maternelle cinq ans avec un retard sur les autres enfants, donc que tu mets face déjà à des échecs dès le départ, il faut qu'on s'assure que ces enfants-là aient des maternelles quatre ans, des maternelles quatre ans avec les services de qualité qui vont nous permettre de faire du dépistage, de l'accompagnement et de lui donner les chances qu'il a droit.

Donc, est-ce qu'il reste des milieux à développer où il y a des enfants qui ne sont nulle part, ni dans les services de garde ni dans les maternelles quatre ans? Il faut être capable de l'évaluer. Parce que le débat n'est pas sur les milieux défavorisés, le critère de niveau de défavorisation ou pas, il est sur : les enfants qui ont besoin de services doivent recevoir ces services-là.

M. Roberge : Oui. Bien, en fait, il y a des gens qui remettent en question au complet la maternelle quatre ans, qui pensent qu'il ne devrait pas y en avoir, même en milieu défavorisé. Il y en a qui pensent qu'il devrait l'avoir juste en milieu défavorisé, puis, même à ça, ça prend un moratoire parce que supposément que ce n'est pas bon, il ne faudrait pas le déployer. Il y a des gens qui disent qu'il faut le poursuivre en milieu défavorisé. Il y a des gens qui disent qu'il faut l'offrir à tous.

Donc, je comprends que le projet de loi veut dire : on le déploie pour qu'il y ait une universalité d'accès sans que ce soit obligatoire, mais je voulais savoir où vous vous positionnez parmi tout cet éventail de positions. Je comprends, vous n'êtes pas pour le projet de loi parce que le projet de loi est en faveur de l'offrir à des gens qui ne sont pas nécessairement en milieu défavorisé. Mais en même temps vous nous dites : Il faut offrir la maternelle quatre ans à des gens qui ne sont dans aucun réseau, des petits de trois ans qui sont peut-être... ont trois ans aujourd'hui, qui auront quatre ans très bientôt, qui ne sont dans aucun réseau, ces gens-là devraient pouvoir accéder à la maternelle quatre ans. Qu'est-ce qu'on fait si ces gens-là sont dans un quartier... Vous savez, des gens pauvres dans un quartier riche, ça se peut, ou des gens démunis dans un quartier de la classe moyenne, ça se peut. Comment on fait pour les rejoindre et donc leur offrir — ça semble votre souhait — une place en maternelle quatre ans si on ne peut pas en ouvrir à l'école du quartier parce que l'école, elle, est dans un quartier, supposons, de classe moyenne ou indice défavorisation 5, puis c'est juste à partir de 6 qu'on peut l'ouvrir? Or, vous savez que ce n'est pas hétérogène... homogène à 100 %, un quartier. Comment on fait pour l'offrir à ceux qui ne sont nulle part si...

Mme Éthier (Sonia) : Bien, il y a un élément, là, tout à l'heure, je n'ai pas eu beaucoup de temps pour l'expliquer, mais à la CSQ, on a fait des travaux sur la question de la première transition scolaire, et un des éléments qui est très important, c'est vraiment d'avoir un agent, un agent pivot qui peut faire le lien avec le secteur de la santé et aller chercher... aller à la rencontre des familles où les enfants ne fréquentent pas de service éducatif à la petite enfance.

Puis je pense qu'il faut se ramener vraiment à l'idée de base qu'au Québec on a un réseau de la petite enfance qui a fait ses preuves et que la maternelle quatre ans, les enseignantes qui y sont sont très compétentes et elles... Cette création de maternelles quatre ans, là, a vraiment été pour aller chercher des enfants qui n'ont pas de service, donc que la réussite scolaire est compromise, là.

Et, oui, nous sommes d'accord avec le déploiement en milieu défavorisé, là où les enfants ne sont nulle part. Et il faut faire attention parce qu'on sait, on le sait, là, qu'il y a certains milieux qui cherchent à téléphoner dans les centres de la petite enfance pour avoir le nombre d'enfants nécessaire, parce qu'on le sait que ça prend six enfants pour avoir le financement.

Donc, il faut, à la base, régler l'ensemble de ces problèmes-là. Et la maternelle quatre ans, encore une fois, ce pour quoi elle a été créée, il ne faut pas s'écarter de l'objectif.

• (17 h 40) •

M. Roberge : Des gens nous disent que la maternelle quatre ans, c'est bon, mais dans les milieux défavorisés parce que c'est là que les enfants en ont le plus besoin, parce que c'est là que les enfants seraient plus vulnérables dans un des domaines de développement, là. C'est ce que nous dit une des études. Puis on régresse, selon cette étude-là, il y a plus d'enfants qu'avant qui sont vulnérables dans un domaine de développement à l'âge de cinq ans.

Or, on a des chiffres ici qui viennent un peu casser ça. En milieu défavorisé, il y a à peu près 31,8 % — on va dire 32 % — des jeunes arrivent à cinq ans en étant vulnérables, puis en milieu favorisé on est à 26 %. Il y a un petit écart de 6 %. Mais reste que, si j'arrondis un peu, en milieu favorisé, un enfant sur quatre arrive à l'âge de cinq ans en étant vulnérable dans un domaine de développement, puis en milieu défavorisé, ce n'est même pas un sur trois. Alors, l'écart n'est pas si grand. Est-ce qu'on peut dire : Tant pis, aux enfants qui arrivent avec une vulnérabilité dans un domaine de développement — puis on parle quand même d'un enfant sur quatre, 25 %, c'est-u drôle, ce n'est pas loin de notre taux de décrochage — tant pis, à ces enfants-là, tant pis si vous avez une dyslexie ou une dyspraxie, un trouble du spectre de l'autisme, vos enfants sont dans la classe moyenne, vous n'avez pas accès à la maternelle quatre ans?

Mme Grenon (Valérie) : Parce qu'il faut comprendre qu'on a déjà un réseau qui peut continuer à être complété, parce qu'on se rappellera que, dans notre réseau régi et subventionné, que ce soit en CPE ou en milieu familial, il n'y a pas encore une place pour tous les enfants que les parents le désireraient. On répond déjà à un besoin.

Ce qu'on s'est rendu compte, c'est : en milieu défavorisé, souvent, le parent ne choisira pas non plus notre réseau, il serait plus, peut-être, porté à choisir le réseau scolaire pour toute raison que le parent peut avoir. Puis on s'est rendu compte, lors de la création des CPE également et les milieux familiaux, c'est que l'enfant défavorisé, la famille défavorisée avait peur du préjugé qu'on pourrait avoir s'ils utilisaient le service au lieu de le laisser à un travailleur qui en aurait de besoin, puis là je parle de défavorisation monétaire.

Donc, le but, c'est d'essayer de trouver tous les enfants en complétant le réseau de la petite enfance avec les maternelles quatre ans en milieu défavorisé, qui ont fait leurs preuves, également qu'on doit les continuer... Bien, on va essayer d'aller chercher le plus d'enfants possible parce que ce qu'on veut, nous, c'est tous les enfants, de là aussi notre projet sur la transition scolaire, qui n'était pas juste pour nos enfants de notre réseau. C'est d'essayer de trouver une manière pour aller chercher tous les enfants, qu'ils soient dans notre réseau ou non, pour faciliter sa réussite éducative.

Donc, ce qu'on se dit, c'est que, peu importe le milieu, il y a des services éducatifs à la petite enfance, on doit compléter le réseau. Il a été stoppé pendant plusieurs années, il faut le compléter. Et ensuite, bien sûr, il y aura toujours des enfants qui ne viendront peut-être pas dans notre réseau, mais il y aura les maternelles quatre ans en milieu défavorisé pour continuer à les soutenir, puis que tous les enfants de cinq ans, en maternelle cinq ans, aient le plus possible de bagage pour donner une chance à tout le monde.

M. Roberge : Je partage l'idée de rejoindre le plus grand nombre possible de nos jeunes pour qu'ils passent par le réseau des services de garde éducatifs à l'enfance, qu'ils passent, si c'est le choix des parents, par la maternelle quatre ans. Je ne dirais peut-être pas tous les enfants non plus, ce n'est pas la conscription. Puis on laisse le libre choix aux parents d'une pluralité de l'offre, et les parents ont aussi le droit de garder leur enfant à la maison s'ils le souhaitent, ça fait partie des options. Puis des parents aussi, des fois, peuvent... quelque chose, mais qui est à temps partiel. Je pense qu'il faut s'adapter aux besoins des parents.

Mais moi, je reviens encore avec l'idée... Je ne comprends pas pourquoi il faudrait le développer en milieu défavorisé mais pas en milieu de la classe moyenne, quand on sait qu'il y a à peu près le même nombre d'enfants qui arrivent avec une vulnérabilité dans un domaine de développement entre les milieux qui sont défavorisés puis les milieux qui ne sont pas défavorisés. Ça me semble être une bonne idée de commencer l'implantation par les milieux défavorisés, puis c'est ce qu'on a fait pendant cinq ans, puis on en rajoute une sixième.

Je pense que c'était une bonne idée d'aller là, c'était peut-être là, l'urgence, puis, dans la mesure où on n'avait pas les ressources, où on n'avait pas la volonté politique de l'étendre, c'est correct, on commence par là. Mais je ne vois pas pourquoi il faut s'arrêter, après, à la limite de la défavorisation puis ne pas l'offrir dans les quartiers où c'est peut-être la classe moyenne, dans les quartiers où c'est huppé, sachant qu'il y a des enfants, là aussi, qui ont des vulnérabilités puis il y a des enfants, là aussi, qui ne fréquentent aucun service de garde, puis que même, comme on le dit — des fois, on m'en parle pour la question de l'aide alimentaire — ce n'est pas parce que tu es dans un quartier qui n'est pas défavorisé que toi, tu ne peux pas avoir des vulnérabilités ou que toi, tu ne peux pas être défavorisé. Vous savez, les gens... les quartiers, ce n'est pas toujours homogène, hein? Pourquoi il faut s'arrêter là? Encore, j'ai de la misère à le comprendre.

Mme Scalabrini (Josée) : M. le ministre, c'est parce que votre question devient plus longue que la réponse que je vais vous donner.

M. Roberge : Oui... Oh! non, mais allez-y, je ne vous couperai pas.

Mme Scalabrini (Josée) : Parce que je vais vouloir me dépêcher pour laisser la place aux autres.

M. Roberge : Ah! bien non...

Mme Scalabrini (Josée) : Je vais vous revenir sur trois choses, s'il vous plaît. Premièrement, je vais vous parler de notre réalité enseignante, là. Dans nos écoles, il y a une réalité d'accueil et il y a des priorités. Les maternelles quatre ans, on y croit, on a poussé pour les développer, donc il n'y a personne qui va nous faire dire ici qu'on ne croit pas en nos maternelles quatre ans, là, on le croyait.

Ce que nos enseignants nous disent présentement, là, entre les enfants qui arrivent du milieu de la petite enfance... c'est un choix de société qu'on a fait de développer les services de garde à la petite enfance. Entre les enfants qui nous arrivent des services de garde versus les enfants qui arrivent de nulle part, il y a une différence énorme. Ceux qui ont pris du retard, qui ont moins de capacité à suivre, c'est ceux qui arrivent de nulle part, qu'on n'a pas stimulés. Donc, les enseignants au Québec vous disent : Dans un contexte de priorités, est-ce qu'on peut permettre d'aller là où il y a les grands besoins, là? Une question d'équité, nos grands besoins sont chez nos enfants qui ne sont nulle part, et on veut qu'eux autres ils arrivent en cinquième année comme tout le monde. Ceux qui sont déjà dans le système, on la voit, la différence et les retards qui sont moins exigeants.

Troisièmement, c'est parce que ça fait une semaine que je... quand je n'ai rien à faire, j'écoute des belles conversations puis j'entends... on me parle du choix des parents, du choix des parents, du choix des parents. Bien, j'ai le goût de vous dire aujourd'hui : Il vient d'où, ce sujet-là? Il vient d'où, ce grand... Parce que moi, j'en connais, des parents aussi, on en connaît tous, des parents, puis ce grand besoin qu'avaient les parents de choisir entre les services de garde et les maternelles quatre ans, ce n'est pas venu des parents, ce n'est pas venu de là, là. Oui, c'est vrai, il existe des conflits dans notre société. Le «diviser pour mieux régner», on ne l'évite pas, hein, c'est de même dans tous les pays, c'est de même chez nous aussi, là. Et là on a créé un phénomène qui divise, présentement. Pourquoi on fait ça? Il y a des besoins en éducation. Les enseignants ont un cri du coeur, qu'ils disent au gouvernement : Oui, vous aviez fait des promesses... Puis on n'a rien contre ça, c'est ça, une campagne électorale. Mais depuis vous avez pris conscience des réalités qu'on a, vous avez vu ce qui se passe dans notre système. Et le cri du coeur des enseignants, c'est : Priorisons, s'il vous plaît, arrêtons de frapper partout, là. On le sait que nos enfants qui sont dans les milieux de garde nous arrivent mieux équipés à l'école, allons donner les chances à ceux qui ne sont nulle part et regardons toutes les priorités.

Et là on va venir me dire : Non, non, mais la continuité, qu'est-ce que vous en faites, de la continuité? Bien, je vais vous répondre, je vais vous en parler, de la continuité, moi, parce que la continuité, là... Il faudrait premièrement qu'au Québec on apprenne à se parler parce qu'entre le système de santé la petite enfance puis l'éducation, là, hou! on n'a pas découvert de système encore pour se parler, hein, pour faire une continuité. Dans une école, on n'a pas appris à faire de la continuité. Les dossiers d'élèves se perdent dans l'autobus l'été, O.K.? Ça fait que, quand on essaie de dire : Les parents, quand on vous donne le choix, c'est parce que votre enfant va avoir une continuité, là, travaillons à la créer, cette continuité-là. Elle n'existe pas encore pour aucun niveau, pas rien que de maternelles quatre ans à cinq ans, elle n'existe nulle part.

S'il vous plaît, donnons-nous des chances. On a un système d'éducation à rebâtir ensemble. Et ce que les enseignants du Québec vous disent : La priorité, ce n'est pas... c'était une belle promesse puis c'était très positif quand l'idée a été amenée, mais ce n'est pas une priorité, présentement. J'ai essayé de ne pas être trop longue...

M. Roberge : Mais, écoutez, c'est vous qu'on veut entendre, c'est correct. Nous autres, on se parle assez, entre parlementaires, c'est correct de laisser la place aux groupes. C'est votre occasion de vous faire entendre par les parlementaires.

«Diviser pour mieux régner», je n'ai pas trop aimé, là. Je ne suis pas là pour régner puis je ne suis pas là pour diviser. Au contraire, je pense qu'il faut arrêter d'opposer les choses les unes aux autres puis de penser qu'on va enlever des enfants d'un réseau pour les envoyer dans l'autre quand on sait que, de toute façon, en ce moment, il y a pénurie de places à la grandeur du réseau puis qu'il y a des listes d'attente à la grandeur du réseau. Je pense qu'il y a de la place pour du déploiement en service de garde éducatif à l'enfance, en maternelle quatre ans pour répondre aux besoins des parents et des enfants sans qu'on ait de crainte de se diviser, ou que quiconque tente de régner, ou qu'on essaie, là, de voler des enfants d'un côté ou de l'autre.

Et, sur ce, je vais laisser la parole à mon collègue, si vous le permettez, M. le Président.

Le Président (M. Asselin) : Oui. M. le député de Richelieu.

M. Émond : Oui, merci, M. le Président. Merci beaucoup.

Le Président (M. Asselin) : Il vous reste 4 min 50 s.

• (17 h 50) •

M. Émond : D'accord, parfait. C'est très intéressant de vous entendre parler avec beaucoup de passion du milieu éducatif, là, je vous en félicite. Je vous salue tous, particulièrement Mme Éthier, une compatriote que je me plais à saluer plus à chaque fois, à chaque fois puis je le ferai à chaque fois dans l'avenir aussi, Mme Éthier.

Merci beaucoup pour votre mémoire, que j'ai parcouru avec beaucoup d'intérêt. Je salue la démarche créative dans le libellé de votre titre En faire moins mais en prendre soin. Vous semblez reconnaître... pas semblez, vous reconnaissez le bienfait des maternelles quatre ans implantées dans les milieux défavorisés puis vous avez eu un échange avec M. le ministre là-dessus.

Hier, il y a un spécialiste qui nous disait précisément que les troubles d'apprentissage n'ont absolument aucun lien avec le rapport d'impôt produit par les parents au mois d'avril dernier. Puis les statistiques sont éloquentes, peut-être pas tout à fait égales, vous avez raison, dans les milieux défavorisés, puis il faut continuer de prendre soin des enfants et des familles qui sont issus d'un milieu défavorisé. Mais, dans un contexte d'égalité des chances où, tous ensemble, on reconnaît les bienfaits de la maternelle quatre ans, vous ne pensez pas que c'est une bonne idée d'offrir à davantage de parents ou à davantage d'enfants la possibilité de pouvoir évoluer dans un contexte des maternelles quatre ans, peu importe son code postal ou le revenu familial duquel il est issu?

Mme Éthier (Sonia) : Ça pourrait compléter ce que Mme Scalabrini a dit tout à l'heure sur la question d'égalité des chances, là, comme vous le mentionnez, le dépistage, l'observation, c'est comme si tout ça débutait à quatre ans. Il y a 70 % des habiletés langagières, motrices, sociales, affectives qui se développent avant trois ans, avant l'âge de trois ans. Alors, à quatre ans, c'est vraiment... ce n'est pas le... C'est comme si, quand on en parle, c'est là que ça se passe, à quatre ans. Ce n'est pas à quatre ans que ça se passe, c'est avant, et donc c'est pour ça qu'on dit que le réseau éducatif de la petite enfance, bien, il faut vraiment miser sur les services qu'on peut y retrouver. Il faut réinvestir dans ce réseau-là parce que c'est là que ça se passe, avant l'âge de trois ans. Et quatre ans, pour les... Puis c'est pour ça que c'est vraiment en conséquence avec ce qu'on apporte comme position, de dire qu'à quatre ans dans les milieux défavorisés, là où les enfants ne sont nulle part, bien, ils n'auront pas fréquenté un centre de la petite enfance ou un milieu familial, donc allons les chercher, ces enfants-là, préparons-les. Et c'est comme leur donner, ces enfants-là en milieu défavorisé, une année de plus pour se préparer, c'est une année... Tu sais, il ne faut pas que ça soit équivalent à une classe adaptée, là, parce qu'on parle beaucoup, quand on parle de maternelle quatre ans... on parle d'observation, dépistage, identification. Ce n'est pas ça, la question, donc il faut vraiment être prudents là-dedans.

Et l'important, c'est vraiment d'apporter aussi des services de soutien, soutien scolaire de notre personnel de soutien, de notre personnel professionnel. Il faut qu'il y ait... On en a ajouté, là, le gouvernement a ajouté 800 ressources professionnelles dans le secteur de la santé, qui pourra aider, hein, dans notre réseau éducatif à la petite enfance. Bien, on l'a salué, mais on sait que ce n'est pas suffisant. Et il y a aussi le réseau scolaire où il faut en ajouter, des ressources professionnelles. Mais pour nous, là, il faut vraiment décrocher du quatre ans, c'est une globalité, c'est un tout.

M. Émond : On se rejoint là-dessus. Puis il y a beaucoup de spécialistes qui ont passé devant nous qui ont dit : Le plus tôt est le mieux, hein? On a parlé de l'an 0, même, de l'enfant, là. Le plus tôt est le mieux, ça, je pense qu'on peut s'entendre tous là-dessus. Je reviendrais peut-être sur un exemple que j'ai donné dans une autre intervention...

Le Président (M. Asselin) : ...

M. Émond : Oh boy! En 20 secondes? Bien, en fait, je vais conclure en disant que... puis je reviens sur le libre choix des parents, je pense que c'est important de faire confiance aux parents également. Puis, pour chaque enfant, un parcours peut être différent. Puis le déploiement des maternelles quatre ans va amener quelque chose comme une libération de... Il y a 42 000 enfants, actuellement, qui attendent une place, donc il y a des places qui vont se libérer.

Le Président (M. Asselin) : Merci beaucoup, M. le député de Richelieu. On va passer à la députée de Westmount—Saint-Louis pour 14 min 20 s.

Mme Maccarone : Merci beaucoup, M. le Président. Toujours un plaisir de vous voir. Merci pour votre présentation. J'aimerais débuter à répéter ce que j'ai dit tantôt, que je trouve que c'est très, très, très important de valoriser le rôle des intervenants au réseau des services de garde ainsi que nos professeurs en éducation. Je vous félicite puis je vous remercie de qu'est-ce que vous faites.

Pour revenir au dépistage, j'ai tellement de questions, 14 minutes, ce ne serait vraiment pas assez. Mais, comme vous le savez, moi, mes enfants, qui sont sur le spectre de l'autisme, ont été dépistés en réseau de service de garde à trois ans. Alors, quatre ans, pour moi, pour répéter qu'est-ce que vous avez dit, c'est trop tard, c'est trop tard, il faut vraiment agir tôt. Alors, je félicite le gouvernement pour l'intervention Agir tôt parce que j'y crois, sauf que je crois que 2 milliards de dollars à investir dans le béton pour la maternelle quatre ans, ce n'est pas un bon investissement. Je dirais qu'il faut vraiment investir à agir tôt, à rajouter des professionnels, valoriser le rôle, là, qu'est-ce que vous faites, à aider les enfants.

Avant que je... je prends la relève de qu'est-ce que mon collègue le député de Richelieu a mentionné. J'aimerais juste savoir si vous auriez aimé que le ministre de la Famille soit présent pour votre intervention aujourd'hui, étant donné l'impact sur votre réseau.

Mme Grenon (Valérie) : Bien, c'est sûr que ça aurait pu être enrichissant, enrichissant de l'entendre valoriser notre réseau parce que... Pour répondre, aussi, à la question de tout à l'heure, comme on disait tout à l'heure, Agir tôt, oui, on l'a salué. Agir tôt, c'est bien avant quatre ans, donc c'est les enfants qui sont dans notre réseau. Si on veut aider tous les enfants et qu'ils arrivent peut-être, même, avec... sans vulnérabilités ou au moins, les petites lacunes qu'on s'est rendu compte, qu'on les ait éliminées tranquillement pour la maternelle cinq ans, bien, il faut réinvestir en aide dans la petite enfance pour donner une chance égale à tous.

Puis dans le réseau, que ce soit en CPE ou en milieu familial, il y a de l'inclusion d'enfants ayant des besoins particuliers — le terme qu'on aime mieux qu'«enfants handicapés» — mais on doit le valoriser et continuer à le faire parce que ça va permettre à cet enfant-là de débuter un cheminement. Et, oui, comme ma collègue Josée le disait, si tout le monde se parle comme il faut puis bien et qu'il y a un bon système de communication avec le système de santé, avec le système scolaire, bien, on va être capables de donner toutes ses chances à cet enfant-là. Mais, oui, surtout dans la semaine, ça aurait été bien de l'entendre, ce qu'il en pense de tout ça.

Mme Maccarone : Je suis d'accord. Hier, on a entendu M. Royer, Égide Royer, qui est quand même un professionnel, un spécialiste réputé, et lui, il nous a fait entendre que, pour le dépistage précoce des enfants, les enfants sont mieux servis en maternelle quatre ans qu'en réseau des services de garde encore. Entre autres, merci pour la documentation, je vais lire ça précieusement à la fin de notre intervention. Croyez-vous à ça? Pensez-vous... Parce qu'on a entendu d'autres groupes qui ont dit : C'est totalement faux, on peut en faire vraiment dans le réseau de service de garde également qu'en maternelle quatre ans, alors c'est une fausse réalité, un faux raisonnement d'aller vers l'avant pour un déploiement mur à mur.

Mme Scalabrini (Josée) : Je vais m'excuser pour avoir été le danger public que j'ai été hier, en fin de journée, sur la route, parce que, quand j'ai pris la route, j'ai mis, justement, un témoignage qu'il y avait eu ici hier d'un grand spécialise reconnu, mais qui a dit des choses qui me rendaient très perplexe. Moi, quand on vient débattre des maternelles quatre ans, qu'on vient vanter un réseau comme l'Ontario qui a fait la différence, mais qu'on n'est pas capable de placer dans le contexte qu'en Ontario il y a bien des choses qui ont été travaillées pour amener à ce qu'il y ait moins de décrochage, dont il n'y a pas de privé, de financement du privé, il n'y a pas de projets particuliers, il n'y a pas de réseau de la petite enfance, et qu'on vient nous dire qu'on se compare avec une province comme ça, puis qu'on évacue plein d'éléments, et que, quand on pose la question : Avez-vous des chiffres là-dessus? Est-ce vrai qu'il n'y a pas de service dans la petite enfance, mais qu'il y en a... Oui, la loi nous a amenés à avoir des services dans le réseau scolaire, mais j'ai le goût de vous dire qu'on a-tu hâte un jour qu'en quelque part il y ait une police de la LIP pour la faire appliquer? Parce que, oui, la loi dit qu'on devrait avoir des services, mais nos enseignants nous disent : Présentement, on ne les a pas, ces services-là, dans les milieux.

Donc, moi, je dis, je répète : Au lieu de nous chicaner, donnons aux deux systèmes les qualités que ça prend pour donner le service à nos tout-petits de quatre ans et écoutons les gens du terrain qui nous parlent.

Mme Maccarone : En parlant d'écouter les gens du terrain, on entend beaucoup que c'est important, la communication, alors j'aimerais vous entendre. Parce que mon expérience comme l'ancienne présidente d'une commission scolaire, j'ai bien compris que les CPE, le réseau des services de garde, eux, ils ont une communication très forte avant la rentrée en maternelle cinq ans. Alors, est-ce qu'on pense que c'est vraiment nécessaire, ça va améliorer le système qu'on implante des maternelles quatre ans? Est-ce que ça va favoriser la communication? Parce que, selon mon avis, ça existe déjà, la communication entre les deux réseaux pour s'assurer que les élèves qui ont une difficulté vont être accueillis puis que leurs besoins vont être déjà compris avant la rentrée.

Mme Scalabrini (Josée) : ...le personnel travaille très fort à cette communication-là avec les services de garde comme avec le réseau scolaire. Mais je vais vous répéter que, dans le réseau scolaire, les enseignants travaillent très fort pour réussir à se parler parce que les conditions pour être capables de se rencontrer, de faire un suivi ne sont pas au rendez-vous. Donc, prenons le temps d'améliorer ce qui est là, de donner plus à ce qui est là et permettons aussi de parler avec le milieu de la santé, hein, la santé. Il n'existe pas de possibilité, présentement, que les gens qui sont en santé nous transfèrent des dossiers dans nos écoles, dans les services de la petite enfance. Il faut développer ce système-là, cette capacité-là de pouvoir suivre les enfants.

• (18 heures) •

Mme Maccarone : Parfait. J'aimerais vous entendre... On a entendu parler du choix parental. Je sais que vous avez fait vous-mêmes des sondages. On a une copie de votre sondage ici qui explique que seulement un parent sur cinq qui auront eu le choix a choisi quand même une maternelle quatre ans. Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais la Fédération des comités de parents a été ici hier et a fait une présentation, puis eux, selon leur sondage auprès de leurs parents, ils nous disent que 73 % des parents sont défavorables à ce que la maternelle quatre ans soit offerte à tous les enfants. Comment est-ce que vous pouvez expliquer que les parents choisissent le réseau de services de garde et non la maternelle quatre ans?

Mme Grenon (Valérie) : Bien, moi, ce que je peux juste expliquer, c'est que le parent fait le choix quand il a besoin. Donc, veux veux pas, le parent, en général, va choisir son réseau. Même quand la maman apprend qu'elle est enceinte, pour prendre le terme de M. Roberge cette semaine, dès que le test de grossesse est fait, ils commencent à penser à une place pour leur enfant. Donc, c'est sûr qu'il y a des parents que leur enfant est déjà dans un réseau. Est-ce qu'ils vont choisir de le transférer de réseau? Pas nécessairement, ils vont l'envoyer en maternelle cinq ans.

Donc, c'est là qu'on dit qu'on doit trouver une solution pour aller chercher les enfants qui ne sont nulle part. Parce que, oui, les sondages le démontrent, puis Josée le disait tout à l'heure, est-ce que les parents ont exprimé un choix, de dire : On doit mettre des maternelles quatre ans pour tous? Nous, ce n'est pas le pouls qu'on a sur le terrain. Donc, c'est sûr que, si vous parlez aux parents qui sont déjà dans notre réseau public, que ce soit en milieu familial ou en CPE, bien, ils vont aller dans la continuité. On s'occupe à la transition scolaire avec, oui, les écoles. Il y a toujours place à amélioration avec le projet qu'on a en commun, tout le monde ici. Mais c'est ça, le problème, il faut aller chercher les enfants qui en ont le plus besoin, puis c'est les enfants qui ne sont nulle part, pour donner une chance à tous.

Mme Maccarone : J'aimerais démystifier le propos, parce qu'on dit que souvent il y a plusieurs parents... s'ils font le choix de maternelle quatre ans, c'est parce qu'ils ont des enfants doués. Il y a des enfants qui disent : Bien, regarde, s'ils sont trop avancés pour rester en réseau de services de garde... Mais, comme on fait dans le réseau de l'éducation, je présume, dans le réseau de services de garde, on a la capacité d'offrir des soins et un service qui est quand même différencié pour ces petits-là. Alors, est-ce que vous êtes en mesure d'offrir des services pour les enfants qui sont doués aussi, qui ont quatre ans?

Mme Grenon (Valérie) : Tout à fait. Dans le fond, l'enfant est le premier agent de son développement. Donc, on prend l'enfant où qu'il est et on le stimule à son plein potentiel. Donc, il n'y a pas aucun enfant qui est rendu à son plein potentiel à quatre ans ou à cinq ans, on le sait, mais, oui, il y a des enfants qui ont des avancées dans certains domaines et peut-être même tous les domaines. Donc, l'intervenante en petite enfance qui a son CPE en milieu familial doit observer l'enfant qu'elle accueille. Et, les six enfants en milieu familial ou les 10 enfants de quatre ans en CPE, bien, on va intervenir différemment avec chacun parce qu'on doit l'amener, lui, pour le garder stimulé... parce que, veux veux pas, si on n'adapte pas nos interventions à chacun des enfants, comme ils font en maternelle quatre ans également et comme, même, tous les professeurs doivent le faire, je pense, même jusqu'au secondaire, adapter avec tous les enfants... Mais, si on parle du réseau de la petite enfance, oui, tous les enfants qui ont des difficultés ou non, vulnérabilités ou non, classe sociale, peu importe, veux veux pas, on doit prendre l'enfant où qu'il est, puis on l'amène où que lui veut s'en aller, puis on l'accompagne là-dedans, bien sûr, en partenariat avec le parent.

Mme Maccarone : Je suis contente de vous entendre là-dessus. Je pense que les parents aussi qui nous écoutent sont contents de savoir que vous êtes en mesure d'aider.

Mme Éthier (Sonia) : Peut-être ajouter un élément, c'est que le programme maternelle quatre ans, hein, c'est un programme axé sur le développement global et non pas une approche pour scolariser les enfants, là. Et c'est sûr qu'on tient compte de toutes les particularités des enfants, il y a beaucoup de diversité. Mais ça vise le développement global, et c'est ça qui est important, parce que c'est la base pour les préparer pour la maternelle cinq ans.

Mme Maccarone : J'aimerais parler un peu sur le réseau, l'impact sur le réseau de services de garde, si on allait vers l'avant avec une implantation mur à mur des maternelles quatre ans. Entre autres, merci beaucoup pour le beau travail que vous avez fait à démontrer que... parce que le ministre de la Famille, lui, a dit qu'il n'y en aura pas, de maternelle quatre ans qui va être ouverte à côté d'une garderie, un CPE, un réseau de services de garde, mais on sait maintenant, grâce à vous puis le travail que vous avez fait, que ce n'est vraiment pas le cas, que plus que la moitié vont être à moins d'un kilomètre de près. Alors, croyez-vous que la maternelle quatre ans aura un impact sur le réseau de services de garde et que les garderies vont peut-être fermer?

Mme Grenon (Valérie) : Bien, c'est sûr que, nous, de la manière qu'elle a été... pas implantée, parce que les nouvelles vont être encore en milieu défavorisé, mais, de la manière qu'ils font la publicité... qu'il y a même des appels faits dans le réseau, il y a quand même... le ministre compare quand même nos deux réseaux. Donc, on sent qu'il pourrait y avoir un départ, là on n'a pas encore de chiffres là-dessus.

C'est sûr que nos membres sont inquiets parce que l'analyse d'impact, s'il y a maternelle quatre ans universelle, annonce quand même des pertes d'emploi. Donc, c'est pour ça que, dans le mémoire, on voulait quand même l'indiquer qu'il y a quand même déjà, sur le terrain, des intervenantes qui ont une crainte. Donc, même si les enfants ne sont pas partis, elles ont quand même une crainte d'un départ, donc de là la raison qu'on doit valoriser le réseau, qu'on doit compléter le réseau en complémentarité avec les maternelles quatre ans en milieu défavorisé, parce qu'elles répondent à un besoin, puis c'est nécessaire pour beaucoup d'enfants qui ne sont pas dans notre réseau. Mais, oui, il y a une crainte tangible sur le terrain, et, s'il y a des maternelles quatre ans ouvertes pour tous et qu'il y a un investissement en publicité et en non-reconnaissance du travail fait de nos intervenantes, bien, il y a peut-être même des intervenantes qui n'attendront pas. Elles n'attendront pas de perdre leurs enfants, elles vont dire : O.K., je vais réfléchir à quelque chose d'autre. Donc, elle est là, la crainte, elle est palpable sur le terrain.

Mme Maccarone : D'abord, je présume que vous êtes surprise que nous n'avons pas d'impact d'analyse qui ait été faite par le ministère de la Famille, étant donné l'impact majeur sur votre réseau.

Concernant l'impact qui a été identifié quand même par le ministère de l'Éducation, on sait que le mot «région» n'apparaît nulle part dans cette analyse ici, que je sais que vous avez lue déjà précieusement. Croyez-vous que le facteur régional aurait été important de prendre en compte à cette analyse ici sur votre réseau?

Mme Grenon (Valérie) : Bien, tout à fait, parce que, veux veux pas, ça aurait apporté peut-être une... faire une différence aussi. Mais, oui, il aurait fallu avoir un portrait global dans tout.

Mme Maccarone : Puis êtes-vous en accord avec l'analyse qui a été faite quand même? Puis on dit que c'est quand même un impact important, surtout majoritairement aux milieux familiaux, majoritairement pour des femmes qui sont des entrepreneures. Selon le scénario de 80 %, que c'était où on a débuté, mais aujourd'hui on a entendu le ministre dire que ce serait 50 %, mais 80 %, les pertes seraient de 202,7 millions de dollars ou 2 317 fermetures en milieu familial, et, selon le scénario de 50 %, les pertes seraient de 98,4 millions ou... excusez-moi, 196 en milieu familial. Êtes-vous en accord avec cette analyse-là?

Mme Grenon (Valérie) : Bien, c'est sûr que ce qu'on entend, ce qu'on voit, c'est que tous quatre ans azimuts quitteraient le réseau, donc, peu importe, CPE ou milieu familial, et, dans l'analyse d'impact, ce que ça dit, c'est que les enfants du milieu familial s'en iraient en CPE, ça ouvrirait des places en CPE. Pour nous, il y a quand même une analyse à faire. Ce n'est pas dans tous les cas que les parents vont choisir le milieu...

Le Président (M. Asselin) : C'est tout, Mme Grenon. On va poursuivre pour les 3 min 35 s prochaines avec la députée de Sherbrooke.

Mme Labrie : Merci. D'abord, j'aimerais saluer le fait que vous êtes présentes ensemble, les intervenantes en petite enfance et les enseignantes également. On a entendu, dans les derniers mois, que, dans ce débat-là, il y avait des personnes qui essayaient de sauver leur emploi là-dedans puis que c'était la seule raison pour laquelle elles avaient ce positionnement-là. Je pense que votre présence ici ensemble vient démontrer que vous êtes vraiment là pour les enfants puis que c'est ça qui vous préoccupe en premier lieu.

Moi, j'entends, de ce que vous dites et de ce qui est écrit dans votre mémoire, que vous êtes ouverts à la maternelle quatre ans en milieu défavorisé et que vous êtes favorables à ce que le déploiement se poursuive en milieu défavorisé, mais, quand même, vous soulevez qu'il y a beaucoup de choses en ce moment qui ne sont pas au rendez-vous pour assurer la qualité de ces maternelles-là qui sont déjà en place. Vous avez parlé qu'il n'y avait pas de continuité de services, qu'il n'y avait pas assez de services. On voit, dans votre mémoire, que les ratios sont trop élevés en classe et en service de garde. Vous recommandez que ce soit diminué.

Donc, est-ce que je comprends que le déploiement que vous souhaitez voir se poursuivre dans les milieux défavorisés, vous souhaitez quand même que ça ne soit pas dans les modalités actuelles des maternelles quatre ans, mais que vraiment les conditions soient modifiées?

• (18 h 10) •

Mme Scalabrini (Josée) : ...commençons par donner les critères de qualité. Critères de qualité, là... On peut-u se parler de ratios aussi? On le sait, présentement, là, les ratios ne sont pas au rendez-vous. On va avoir une possibilité d'en parler, là. Ramenons ça à une logique pour être capables d'accompagner chacun des enfants. Après ça, adaptons les classes, adaptons les milieux.

Donc, je le répète, avant de poursuivre le développement, assurons-nous que chacune des classes qui existent présentement a tous les services de qualité qu'il se doit pour accompagner, parce que c'est pour aider les enfants à cheminer qu'on veut les amener là, amener... Prenons le temps de les amener, O.K., dans des milieux où on pourra permettre cet appui-là et ce développement-là.

Mme Labrie : Et ce n'est pas toujours le cas en ce moment. C'est ça que vous nous avez dit...

Mme Scalabrini (Josée) : Ce n'est pas toujours le cas, présentement. Il y a des enseignants extraordinaires qui travaillent très fort, qui sont des professionnels et qui mettent tout en fonction pour accompagner ces jeunes-là, mais on sait qu'on a encore besoin d'aide parce que les enseignantes de maternelles quatre ans, comme toutes les autres enseignantes présentement au travail, ont des cris du coeur qui disent : On n'y arrive pas. On parlait tantôt, j'ai entendu, il faut permettre aux enseignantes de quatre ans et cinq ans de pouvoir se parler de la continuité, tout ça. Ils le prennent où, le temps pour se parler, dans les journées qui existent chez les enseignants présentement?

Donc, il y a beaucoup d'aspects à améliorer dans notre système. Il y a beaucoup d'espace à donner pour avoir des conditions de travail qui nous permettent d'accompagner ces élèves-là, et les maternelles quatre ans ne sont pas à part des autres. Nous, on dit : Prenons le temps de bien implanter ce qui est là, assurons-nous des critères de qualité, ratios, matériel, suivis, services. Parce que c'est beau, le dépistage, là, mais une fois que tu as dépisté, est-ce qu'on peut donner le service? Et ça, ce n'est pas toujours au rendez-vous ni dans les maternelles quatre ans ni dans les quatrièmes années.

Mme Labrie : ...devrait vraiment être l'amélioration des conditions, y compris des conditions de travail et des services qui sont offerts en ce moment, avant d'ouvrir de nouvelles classes, même si on est favorables à l'ouverture de nouvelles classes, quand ces conditions-là seront réunies, bien sûr.

Le Président (M. Asselin) : Je vous remercie beaucoup, Mme la députée de Sherbrooke. À vous la parole, Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon : Merci beaucoup pour une présentation passionnée, on les aime. Donc, je pense qu'on se rejoint parfaitement. Puis vous l'avez très bien exprimé que l'idée, ce n'est pas de dire qu'on est contre les maternelles quatre ans, là, même si des fois nous, on se fait accuser aussi, alors que c'est — en tout cas, dans mon cas — notre gouvernement qui a déployé les maternelles quatre ans en milieu défavorisé. Donc, ce n'est certainement pas parce que je pense que c'est une idée qu'il faut proscrire, mais je pense qu'on a des priorités à y avoir.

Consolider, ça devrait être une bonne idée, surtout après les coupes assez spectaculaires qu'on a vécues dans les dernières années. En soi, il y a déjà des efforts qui devraient être faits, qui devraient être décuplés, parce qu'on doit rattraper tout ce qu'on a mis de côté. Donc, je comprends que votre priorité... vous dites : Consolidons ce qu'on a, mais vous savez que le gouvernement... Nous, on aimerait ça avoir la vision d'ensemble. Mais il nous parle d'agir tôt, donc en faisant les liens dont vous parlez, un peu plus entre les services sociaux, les centres de la petite enfance dès le très jeune âge. On nous parle de développer à peu près 10 000 nouvelles places dans les CPE puis on nous parle des maternelles quatre ans.

Pour vous, là, la priorité, dans cette espèce de plan là, outre le fait qu'il faudrait avoir un plan intégré, elle est où? Qu'est-ce qu'on devrait faire en priorité, soit là-dedans ou de manière générale? Vous avez 2 milliards, donc, où il faut agir en priorité?

Mme Scalabrini (Josée) : ...critères de qualité dans nos deux réseaux, si vous me demandez mon avis.

Mme Hivon : Donc, parfait, c'est très clair. Deuxième chose, vous avez abordé quelque chose qui moi aussi me titille un peu, c'est la question du choix des parents. Donc, vous, vous les côtoyez, les parents dans les deux réseaux. En ce moment, le gros argument du gouvernement, c'est de dire : On va tout développer, donc on va développer les centres de la petite enfance, on va développer les maternelles quatre ans, puis les parents choisiront.

Selon vous, comment les parents vont choisir ce qui est le mieux dans tout ça? Pourquoi ce sujet-là du choix des parents est si fondamental? Puis comment ils vont réussir à choisir ce qui est le mieux pour leurs enfants?

Mme Éthier (Sonia) : Bien, tantôt, la question a été un peu posée. Les parents, là... Dès que l'enfant a un an, l'enfant va au service éducatif à la petite enfance, hein, l'enfant fréquente le milieu familial ou encore un centre de la petite enfance. L'enfant grandit, hein, grandit dans le réseau de la petite enfance, puis je pense qu'il y a quand même un service, qui est important, qui est donné aux enfants et aux parents, et il y a un lien affectif, là, qui est créé entre l'enfant, le parent, la personne en milieu familial ou en CPE qui les accompagne. Donc, ça répond à la question ou au sondage, pourquoi 70 % des parents pensent que le réseau de la petite enfance, ça leur convient, c'est parce qu'ils sont là depuis quelques années. Donc, le choix naturel, je dirais, c'est de poursuivre dans le réseau éducatif de la petite enfance.

Et je pense qu'à quelque part on ne peut pas baser... le gouvernement ne peut pas baser ses choix, ses décisions, ses actions toujours sur le choix du parent ou le choix du citoyen, là, hein? Un réseau d'éducation, un réseau de la petite enfance, un réseau de la santé et services sociaux, ça se base sur des grands principes. Donc, je pense qu'il faut y aller avec des grands principes, comme Josée dit, comme Valérie dit, de qualité, quels sont nos critères, puis construisons notre réseau comme ça.

Le Président (M. Asselin) : Sur ce, on va quitter. Mme Scalabrini, Mme Grenon, Mme Éthier, Mme Chabot, je vous remercie beaucoup de votre présence parmi nous. Je vous remercie aussi de la contribution à nos travaux.

La commission ajourne ses travaux jusqu'au mardi 4 juin, à 10 heures, où elle poursuivra son mandat.

(Fin de la séance à 18 h 16)

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