(Onze heures vingt-neuf minutes)
La Présidente (Mme de Santis) : Pour
que les règles soient connues, c'est seulement au début des auditions que vous
pouvez prendre des images, et vous pouvez aussi au tout début d'une
présentation, mais ensuite vous allez cesser de prendre des images, s'il vous
plaît. Je parle aux représentants des médias.
• (11 h 30) •
Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant
constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Je demande à toutes les personnes
dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.
La commission
est réunie afin de procéder aux consultations
particulières et auditions publiques sur le projet de loi
n° 400, la Loi modifiant la Loi concernant la succession de l'honorable
Trefflé Berthiaume et la Compagnie de Publication de La Presse, Limitée.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. Mme Sauvé (Fabre) sera
remplacée par M. Tanguay (LaFontaine) et M. Cloutier (Lac-Saint-Jean),
par M. Bérubé (Matane-Matapédia).
La
Présidente (Mme de Santis) : Merci. Avant de débuter, j'aimerais faire
une déclaration. Avant que je rentre en politique, j'étais avocate et
«partner», associée chez Davies
Ward Phillips & Vineberg. J'ai eu l'occasion à plusieurs reprises de représenter Gesca et
Power Corporation, en particulier dans deux dossiers qui avaient une certaine
ampleur. C'était la création de Newsworld et Newsworld International, en
1994, et, en 2000, c'était l'acquisition des journaux d'Unimédia et Conrad Black. J'ai travaillé sur d'autres dossiers moins
d'envergure, mais je n'ai pas représenté aucun, ni Gesca, ni Power, ni La Presse,
depuis très longtemps, depuis plus que 10 ans. Lundi, j'ai appelé le
Commissaire à l'éthique pour avoir un avis
sur les conflits d'intérêts. On m'a assuré qu'il n'y avait aucun conflit
d'intérêts. J'ai aussi demandé... Hier, j'ai envoyé une lettre qu'on me
donne l'avis par écrit, parce que c'était un avis verbal. J'espère recevoir
l'avis écrit avant l'étude article par article. Je croyais que c'était
important que je fasse cette déclaration.
Maintenant,
nous allons procéder. Nous débutons cet avant-midi par les remarques
préliminaires. Et nous allons entendre La Presse
ltée et Power Corporation du Canada.
Remarques préliminaires
Nous débutons avec les remarques
préliminaires. Alors, Mme la ministre, vous disposez de six minutes,
l'opposition officielle dispose de 3 min 30 s et le deuxième
groupe d'opposition, de 2 min 30 s. Mme la ministre.
Mme Marie Montpetit
Mme Montpetit : Je
vous remercie, Mme la Présidente. Tout d'abord, saluer mes collègues de la
partie ministérielle ainsi que les députés
de l'opposition. Je suis certaine que nous aurons des échanges éclairants
aujourd'hui.
Alors, Mme la Présidente, le monde
des médias traverse une période de défis très importants depuis quelques années. Alors que les revenus de publicité fondent
au profit des géants du Web américains, les entreprises doivent trouver des
façons innovantes d'y faire face et ainsi assurer une offre d'informations
diversifiées et de qualité pour tous les citoyens.
Le quotidien La Presse fait partie des entreprises ayant
décidé de transformer leur modèle d'affaires pour faire face aux nouveaux défis de notre époque. En
l'occurrence, son actionnaire principal, le groupe Power Corporation, souhaite
se départir de ses actifs investis dans La Presse.
La Presse,
contrairement aux autres médias du Québec, constitue un cas unique en raison de
lois privées adoptées uniquement pour elle en 1955, 1961 et 1967. Je rappelle
que la loi de 1967 a conservé son article qui prévoit notamment qu'«aucune
vente, cession, transport ou nantissement de droits ou d'un nombre d'actions de
toute compagnie, qui aurait pour objet ou
comme résultat de déplacer le contrôle de La Compagnie de Publication de La
Presse, Limitée, ou d'une partie substantielle des biens de la
compagnie, à l'exception du poste de radio CKAC et du journal La Patrie, ne peut être validement fait ou consenti sauf avec l'autorisation de
la législature». En raison de cette loi privée du siècle dernier, La Presse ne peut se donner de
nouveaux propriétaires ou disposer de ses biens sans que l'Assemblée
nationale ne l'y autorise, contrairement à tous les autres médias du Québec.
Ces
derniers jours, Mme la Présidente, nous avons clairement entendu les
représentants de La Presse, qui nous demandent de leur
assurer leur indépendance. Ils nous demandent d'être traités comme tous les
autres médias au Québec. Est-ce à nous, parlementaires, de
s'immiscer dans le choix du modèle d'affaires que veulent retenir les
propriétaires des médias? Non. Est-ce à nous de décider qui siégera sur le
conseil d'administration des groupes de presse? Non.
Est-ce à nous de juger de la façon dont la transformation souhaitée
s'effectuera? Assurément que non. Est-ce à nous de leur dicter leur conduite?
Bien évidemment que non. Il n'appartient pas aux parlementaires de s'immiscer
dans un média, ni dans son contenu, ni dans sa structure.
Les dirigeants de La Presse ont jugé avoir
trouvé le meilleur moyen pour assurer la pérennité de La Presse et
assurer qu'ils
pourraient poursuivre leur mission de produire une information de qualité, accessible aux Québécois. Il est de notre
devoir, comme parlementaires, de ne pas s'ingérer dans la gestion d'un groupe
de presse. Et nous ne devons pas franchir la
ligne devant délimiter la politique et les médias, comme le souhaitent certains
membres de l'opposition. Je fais appel
à mes collègues, car nous devons agir au nom de l'indépendance de la presse au
Québec, puisque c'est de cela dont il est question, corriger une situation qui s'apparente à une tutelle gouvernementale qui contraint la liberté de décision de La Presse sur son propre avenir. Nous devons être guidés aujourd'hui dans cette analyse par des principes fondamentaux qui sont la séparation entre le politique
et les médias et l'équité entre les différents médias. Merci, Mme la Présidente.
La
Présidente (Mme de Santis) :
Merci, Mme la ministre. Maintenant, je demanderais au porte-parole de l'opposition officielle et député de Matane-Matapédia
à faire ses remarques préliminaires, pour un maximum de
3 min 30 s.
M. Pascal Bérubé
M.
Bérubé : Merci, Mme la Présidente. Je veux à mon tour saluer la ministre,
son équipe gouvernementale, les collègues
de l'opposition, et réitérer le rôle des parlementaires à l'Assemblée nationale. À partir du moment où un projet de loi est déposé, le rôle des parlementaires,
c'est de l'étudier avec professionnalisme, en posant les questions qui s'imposent, et on ne peut pas se substituer à ce
rôle-là. Alors, à partir du moment où il
y a un projet de loi, j'annonce que les
parlementaires du Parti québécois vont faire leur travail, et c'est pour ça
qu'ils ont été élus. Alors, sinon, on ne siégerait pas à ce moment-ci pour le projet
de loi n° 400.
Trois
thèmes qui vont nous guider dans cette étude : l'indépendance, la transparence et la gouvernance. Nous avons déjà eu des échanges en privé avec les représentants de La Presse à leur demande, des échanges qui ont été constructifs, des
questions légitimes que nous nous posons, mais que d'autres observateurs se
posent également, sur la scène médiatique, politique et auprès des citoyens et
des gens qui sont épris de l'information.
Le Parti québécois
réitère sa volonté d'avoir une pluralité des sources. Dans une démocratie,
c'est important d'avoir des institutions de presse fortes, qui jouent un rôle essentiel, notamment
auprès du politique, de questionner. Et il est acquis que nous
allons collaborer avec cet esprit pour s'assurer de l'avenir de La Presse,
qui est une grande institution québécoise, de l'avenir de cette institution.
Aussi, nous avons en tête les artisans de l'information. Et c'est peut-être à eux que je pense davantage, les artisans
de l'information, qui font un travail exceptionnel depuis des décennies. Nous
allons nous assurer qu'ils auront toute l'indépendance nécessaire.
Des questions vont quand
même s'imposer quant aux liens que souhaite conserver le propriétaire de La Presse
malgré la création d'un organisme à but non lucratif. Ce qu'on va consentir au
journal La Presse, ce n'est pas banal, c'est des avantages qui vont permettre à cette entreprise
d'aller chercher des revenus supplémentaires. Il nous apparaît qu'il est essentiel de
poser les questions qui s'imposent, notamment en termes de gouvernance. Et je
suis convaincu que les représentants sauront y répondre du mieux possible.
Évidemment, j'ai pris
connaissance des engagements de La Presse dans l'édition de
samedi dernier. Mais il m'apparaît que le
meilleur endroit où prendre ces engagements, c'est ici, au salon rouge de l'Assemblée nationale, lors d'une
audition, voire même à l'intérieur d'un projet
de loi. Alors, je suggère un autre
média, qui est aussi important à notre démocratie,
où peut être inscrits ces principes, c'est la Gazette officielle, celle
de l'Assemblée nationale, où sera consigné ce projet de loi.
Alors,
Mme la Présidente, en terminant, et je prendrai le temps qui reste pour mes interventions, je réitère
notre volonté de collaborer pour
l'adoption dès cette session d'un projet de loi qui va permettre à La Presse
de poursuivre son aventure au service de l'information, de ses lecteurs
et de notre démocratie.
La Présidente (Mme
de Santis) : Merci, M. le député. J'invite maintenant la porte-parole
du deuxième groupe d'opposition et députée d'Iberville à faire ses remarques
préliminaires, pour un maximum de 2 min 30 s.
Mme Claire Samson
Mme
Samson : Merci, Mme la Présidente. J'aimerais saluer tout le monde. Bonjour,
messieurs. Mme la Présidente, c'est un projet
de loi bien spécial. On n'en voit pas
beaucoup comme ceux-ci, et puis dans les délais qu'on
connaît. Et, si on réussit à régler
ça avant la fin de la session, ce sera bien la première chose qui sera réglée
ici en deux semaines. On applaudira, si on veut, à ce moment-là.
• (11 h 40) •
Il n'en demeure pas
moins que ce projet de loi là soulève plein de questions pour tous ceux et
celles qui s'intéressent au monde des médias
et de la culture. Et on peut certainement exprimer toutes nos questions et tous nos doutes
quant au modèle d'affaires suggéré. C'est
légitime. Tout le monde peut se questionner sur la probabilité que ce soit un succès. Mais, à la fin de la journée, est-ce que
le modèle d'affaires que veut adopter La Presse nous
concerne dans la vraie vie? Non. Je
pense que ce n'est pas de nos affaires, de quelle façon La Presse
veut mener ses choses, comment elle veut générer ses revenus, et de quelles sources, et sur quel échéancier. C'est leur défi, ce n'est pas le nôtre. Ça sera
le leur de le relever.
Alors, moi, Mme la Présidente, ça sera tout. Je suis
prête à écouter et à poser des questions.
La
Présidente (Mme de Santis) :
Merci beaucoup, Mme la
députée. Avant qu'on procède,
j'aimerais avoir le consentement des membres de la commission qu'on
puisse aller au-delà de 13 heures pour que les deux groupes qui viennent
devant nous aient leurs 45 minutes. Est-ce que j'ai l'approbation? Merci
beaucoup.
Auditions
Donc, maintenant,
je souhaite la bienvenue à La Presse. Je vous rappelle que vous disposez de
10 minutes pour votre exposé. Puis nous
allons procéder à la période
d'échange avec les membres de la commission.
Les membres de la commission auront : le gouvernement, 15 minutes,
l'opposition officielle, neuf minutes, le deuxième groupe d'opposition, six minutes. Et je vois deux
membres indépendants, donc chacun aura deux minutes.
J'invite maintenant
à vous présenter, ainsi que les personnes qui vous accompagnent, et de procéder
à votre exposé. La parole est à vous.
La
Presse ltée
M. Levasseur
(Pierre-Elliott) : Donc, Mme la Présidente de la commission, Mme la ministre
de la Culture et des Communications, Mmes et MM. les membres de la commission,
mon nom est Pierre-Elliott Levasseur, président de La Presse. Je suis
accompagné de M. Guy Crevier, vice-président du conseil et éditeur de La Presse, et de M. Éric Trottier, éditeur adjoint de La Presse.
Merci de nous recevoir.
J'aimerais débuter en soulignant l'importance du
moment. La direction de La Presse se présente aujourd'hui à l'Assemblée
nationale en faisant front commun avec ses employés, ses syndicats, les deux
grandes centrales syndicales du Québec ainsi
que la Fédération professionnelle des journalistes du Québec. Je laisse chacun
de ces groupes expliquer en détail
les raisons qui les amènent à témoigner devant vous. Mais je peux vous dire que
nous faisons alliance aujourd'hui
derrière le projet de transformation de La Presse, car nous sommes
tous convaincus que la structure à but non
lucratif vers laquelle La Presse se dirige est la structure
d'avenir qui donne le plus de chances à La Presse d'assurer
la pérennité de sa mission, soit de livrer une information de qualité,
rigoureuse, basée sur les faits.
Vous n'êtes
pas sans savoir que les médias écrits vivent actuellement une crise sans
précédent. Le modèle des journaux
papier est brisé de façon irréversible. Le tirage ne cesse de décroître, et le
lectorat des journaux papier vieillit, avec peu de capacité de
renouvellement. Résultat, les journaux papier ont perdu pas moins de 66 %
de leurs revenus publicitaires depuis 2005. Aujourd'hui, près de 80 % des
revenus publicitaires numériques sont entre les mains de deux grands joueurs américains, Google et
Facebook, qui menacent le modèle d'affaire des médias d'ici. L'innovation
est le seul moyen d'assurer la viabilité de
grandes salles de nouvelles, qui jouent un rôle fondamental dans la vitalité de
la démocratie du Québec.
Vous le
savez, face à un tel contexte, La Presse a justement su innover ces
dernières années en prenant le virage numérique comme aucun autre média
écrit ne l'a fait. Le projet a nécessité trois ans d'efforts, le développement
et la modification de plus de
25 systèmes de production, ce qui nous a permis de lancer La Presse+,qui est devenue un formidable
succès populaire. Nous avons rapidement réussi à atteindre une consultation
moyenne de 260 000 tablettes
par jour, avec une moyenne de consultation quotidienne de 40 minutes, et
même 50 minutes le week-end. Nous avons également réussi le tour de force
de rajeunir considérablement notre auditoire. Et nous avons réussi, grâce à ce
virage numérique, à mieux résister que les
autres journaux au Canada de taille similaire à l'érosion de nos revenus en
conservant les deux tiers de nos
revenus publicitaires.
Parallèlement,
il faut le noter, La Presse a su réduire ses dépenses au fil des
ans sans aucun conflit de travail. Elle a abandonné un environnement industriel lourd et coûteux et vu son
nombre d'employés passer de 910 à 558 employés. Et elle a pu compter sur la contribution de ses
syndicats et de ses employés, qui ont accepté que leurs salaires, comme ceux
des cadres, soient gelés pendant cinq des neuf dernières années, des salaires,
d'ailleurs, qui respectent les normes de l'industrie, selon les études
de rémunération.
Mais, malgré
nos succès, notre modèle n'est pas parfait, loin de là. Aucun grand média de la
taille de La Presse n'a
encore trouvé la solution ou la recette qui pourrait assurer sa pérennité. La
réalité, c'est que personne dans l'industrie n'avait deviné la montée
aussi rapide des géants américains que sont Google et Facebook. La
transformation numérique est bien amorcée à La Presse,
mais il nous faut aller plus loin. Nous devons procéder à une refonte majeure
de l'expérience utilisateur, l'expérience usager sur le mobile et sur le Web.
Nous devons également poursuivre le développement de notre intelligence
d'affaires et continuer de faire évoluer notre écosystème publicitaire.
Bref, nous savons ce que nous avons à faire,
mais ce virage, il est très coûteux. Il est donc important, dans un contexte d'érosion des revenus publicitaires, que La
Presse diversifie ses sources de revenus, ce qui passe inévitablement par une transformation de sa
structure, dans le respect de ses employés et de ses retraités. La Presse
s'engage en effet à respecter ses conventions collectives et à instaurer des
régimes de retraite miroirs pour ses employés. De plus, nous rappelons que
Power Corporation s'est dite disposée à mettre en place, avec la collaboration
des syndicats, un mécanisme afin de conserver sous sa charge les obligations
passées des régimes de retraite sur une base de continuité des affaires. Cette nouvelle structure nous
permettra de mettre à exécution notre plan stratégique de façon ordonnée et de
profiter de l'appui de grands donateurs, de grandes entreprises, de fondations
et de citoyens.
Il est donc
important de préciser que nous n'exigeons aucun traitement particulier. Nous
demandons plutôt à Québec et à Ottawa de mettre sur pied des programmes
universels, ouverts à tous les journaux. La fiducie d'utilité sociale qui
chapeautera La Presse sera totalement indépendante de Power Corporation.
La Presse a formellement demandé au Barreau du Québec d'assumer la
responsabilité de lui dresser une liste de trois noms de juges à la retraite,
reconnus pour leur
grande rigueur, pour combler la fonction de fiduciaire. Ce dernier serait
choisi à partir de cette liste par la haute direction de La Presse sans aucune consultation auprès de Power
Corporation. Le rôle du fiduciaire sera de veiller à ce que le conseil d'administration respecte la
mission du journal et s'assurer que tout argent recueilli et tout profit généré
soient consacrés aux opérations de La Presse, dans le but ultime de
produire une information de qualité accessible à l'ensemble de la population.
Un conseil
d'administration sera aussi nommé pour veiller au bon fonctionnement de La
Presse. Pour dissiper tout doute
quant à l'indépendance du journal, le président initial du conseil sera nommé
par la haute direction de La Presse de façon totalement indépendante de l'actionnaire actuel, Power
Corporation, et sans consultation de ce dernier. La Presse cherchera à
ce que la personne qui occupe le poste de président ou présidente du conseil
ait une connaissance approfondie des
médias, du milieu de la publicité et du numérique. Cette personne devra avoir
mené à bien la gestion de grands dossiers.
L'identification
des autres administrateurs initiaux reviendra au président du conseil ou à la
présidente, mais une description des
qualités et compétences souhaitées a été élaborée. On devra retrouver au
conseil des personnes capables d'incarner
l'essence du rôle des médias, de représenter le milieu journalistique, de faire
valoir publiquement l'importance des campagnes
de sociofinancement, de maîtriser les technologies et l'intelligence
d'affaires, de démontrer une grande connaissance du milieu de la
publicité et de faire valoir une solide expérience du monde de la finance.
Par la suite,
ce sera au conseil d'administration que reviendra la tâche de nommer le
successeur au premier président ou
présidente du conseil et de recommander les prochains administrateurs. Les
choix devront se faire à la majorité des deux tiers des membres du
conseil. Nous sommes convaincus que la structure à but non lucratif est une
approche moderne, adaptée à la nouvelle
réalité des médias écrits, et nous permettra de poursuivre nos démarches
novatrices dans le but d'assurer la pérennité de La Presse.
• (11 h 50) •
Nous sommes toutefois ici ce matin, car il existe
un obstacle à cette transformation. Ce changement majeur de structure nécessite, en effet, l'abrogation d'une
disposition de la loi privée adoptée à la suite d'une chicane testamentaire
datant de plus de 100 ans. L'Assemblée
nationale s'est ainsi prononcée à quatre reprises, au fil des décennies,
jusqu'au bill d'août 1967, une
loi privée adoptée dans le but d'encadrer la vente d'actions à Corporation de
valeurs Trans-Canada. Des
restrictions au changement de contrôle du journal La Presse ont alors
été établies dans le but de s'assurer de conserver la propriété du
quotidien au Québec.
Notons que
les législateurs respectifs ont statué à plusieurs reprises sur la propriété
des actions de La Presse, tout en se gardant, à chaque époque, de s'ingérer dans le fonctionnement et la
gouvernance de La Presse. Précisons d'ailleurs qu'en plus d'appuyer l'abrogation la Fédération professionnelle
des journalistes du Québec, les syndicats de la presse, la Fédération
nationale des communications affiliée à la CSN, ainsi que la FTQ ont
unanimement demandé aux parlementaires de ne pas s'ingérer dans la gouvernance
de La Presse en imposant des conditions à ce transfert.
Nous vous
demandons donc de traiter La Presse sur le même pied
d'égalité que tous les autres journaux écrits au Québec et au Canada en
levant une disposition de la loi privée de 1967. En levant cette disposition,
vous permettez à La Presse d'évoluer mais aussi de
demeurer à jamais la propriété d'une institution québécoise à part entière. En
ce sens, vous respectez tout à fait l'esprit de la loi à l'époque.
Pour
terminer, il est important pour nous de rappeler que, si nous sommes ici ce
matin, c'est dans le seul but de sauver
un journal qui joue un rôle essentiel dans la société québécoise depuis plus de
100 ans. Comme tous les médias écrits, le plus grand journal francophone
d'Amérique est menacé par la crise qui secoue l'industrie. Nous voulons
innover pour préserver l'une des plus
grandes salles de rédaction au pays et plus de 500 emplois. Nous pensons
que le rôle des élus est de favoriser l'innovation, mais pas de
s'ingérer dans la gouvernance et dans les opérations d'un média écrit.
Nous formons
aujourd'hui un front commun historique avec nos syndicats, les centrales
syndicales et la FPJQ. C'est un geste
fort qui vise à permettre à La Presse de pérenniser sa
mission et ses opérations. Nous espérons sincèrement que vous allez
lever l'unique obstacle à cet important projet pour La Presse,
pour l'écosystème médiatique et pour le Québec. Merci pour votre écoute.
La
Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup, M. Levasseur. J'aimerais
faire une rectification. D'après les règles, le temps octroyé est de
trois minutes aux deux indépendants. Donc, ça va être 1 min 30 s
chacun. Et ça reste 15 minutes pour le gouvernement, neuf minutes pour
l'opposition officielle et six minutes pour le deuxième groupe d'opposition.
Merci. Maintenant, la parole est à la ministre.
Mme
Montpetit : Je vous remercie, Mme la Présidente. M. Levasseur,
M. Crevier et M. Trottier, bonjour. Merci de prendre le temps
de venir nous exposer ce que vous aviez à nous présenter suite à votre requête.
D'entrée de
jeu, moi, j'aimerais vous entendre davantage sur les derniers propos que vous
avez tenus, sur toute la question de l'ingérence qui est demandée, qui a
été soulevée notamment dans des demandes de certains députés de l'opposition, donc une perception d'ingérence ou
des demandes d'ingérence directe sur votre gouvernance, justement, sur
votre modèle d'affaires, sur votre gestion. J'aimerais vous entendre davantage
sur ce point spécifique.
M. Crevier
(Guy) : Écoutez, ce qui m'a frappé, moi, c'est tout le processus. Je
suis très respectueux du processus, mais il y a quand même
15 groupes ou personnes qui ont été invités, et il y en a au moins sept
qui ont refusé de venir témoigner.
Puis je veux
juste vous lire un paragraphe de Marc-François Bernier, qui a publié hier un
mémo à ce sujet-là. Il disait essentiellement que lui, il ne voulait pas se
présenter ici aujourd'hui parce que c'était une formalité, puisque la loi de
1967 avait perdu toute sa pertinence de l'époque.
Maintenant, il est allé un peu plus loin. Il a dit que cette commission parlementaire risque d'être une véritable ingérence
injustifiée dans la vie d'un média pour toutes sortes de mauvaises
raisons : concurrence, règlement de comptes et partisanerie.
Moi, je ne
dis pas qu'on partage ça. Ce n'est pas... Tu sais, on a parlé beaucoup de...
Puis je respecte l'énoncé que M.
Bérubé a fait en disant qu'il voulait poser des questions, et vous avez le
droit de poser des questions, puis on veut répondre au maximum de vos questions. Mais il y a toujours une ligne très
fine, qui est difficile à franchir, entre l'indépendance d'un média et
le rôle des politiciens.
Nous, la
seule chose qui nous concerne aujourd'hui, c'est qu'on demande tout simplement
à être traités sur un pied d'égalité avec les autres médias. La Presse
est une institution qui joue un rôle important dans la société québécoise,
et je pense que c'est important. On fait
face à un défi important qui nous est donné par les géants américains. Je pense
que c'est important que les parlementaires
nous permettent d'assumer adéquatement notre rôle et d'assurer de mettre en
place une stratégie qui est fortement
appuyée par nos employés, par les syndicats, par la CSN, par la FTQ, par la
FPJQ, qui sont tous unanimes à dire
que cette loi-là devrait être abrogée, et demander également aux parlementaires
d'être prudents dans les exigences
qu'ils pourraient formuler à l'endroit d'un média, parce qu'il y a un risque de
franchir, là, une ligne qui est excessivement fine.
Mme
Montpetit : On a eu l'occasion de se rencontrer, effectivement, avec
les députés de l'opposition, notamment, puis je pense que le message était bien clair que vous parlez d'une
seule voix avec vos employés, non seulement, mais avec vos syndicats également. Et puis je pense
qu'il faudra peut-être le resouligner au cours des prochains échanges aussi,
mais ma compréhension, puis je pense qu'elle
doit être aussi très claire pour celle du public qui nous écoute, c'est que la
seule et unique demande que vous faites,
c'est d'être traités comme les autres médias du Québec. Il n'y a pas de demande
financière qui est rattachée à ça. Il n'y a pas de demande de d'autres
interventions sur votre structure. Après ça, c'est vraiment une demande qui est
une question d'équité.
Et c'est pour
ça que je le mentionnais d'entrée de jeu, parce que c'est un peu à... Le
modèle, la dynamique dans laquelle on
se retrouve... Vous vous retrouvez un peu, effectivement, en tutelle de
parlementaires, alors qu'on a de nombreuses
discussions à l'heure actuelle, dans la sphère publique, sur d'autres dossiers,
sur l'importance d'avoir des médias qui sont indépendants, notamment sur toute
la question de comment on vient soutenir financièrement l'aide à la transformation
numérique, comment on vient soutenir la diversification de nos médias à travers
le Québec, s'assurer d'avoir un pilier
démocratique de médias qui demeure et dont la vitalité demeure. Et, dans le
fond, l'article en question, du
projet de loi, mélange le politique et mélange les médias, en ce sens que vous
devez venir demander l'autorisation de l'Assemblée nationale pour
pouvoir procéder.
Ce que
j'aimerais aussi que vous puissiez expliciter davantage, et vous avez eu
l'occasion de le faire notamment dans les médias, mais je pense que c'est
important pour les membres de cette commission-là aussi, comme plus grosse salle de presse francophone en
Amérique du Nord aussi, les conséquences de ne pas procéder à l'adoption
de ce projet de loi là, les conséquences de ne pas changer l'article spécifique
dont il est question.
M. Crevier
(Guy) : Je vais laisser M. Levasseur répondre à cette question-là.
Mais, peut-être avant de donner la parole à M. Levasseur, j'aimerais ça
peut-être reprendre deux des éléments que vous avez soulevés.
Le premier,
c'est que, vous avez totalement raison, il y a 89 quotidiens aujourd'hui,
au Canada, qui peuvent adopter le
statut corporatif qu'ils désirent sans demander aucune permission à des
parlementaires. Nous sommes les seuls au Canada à être régis par une
contrainte comme celle-là, d'une part.
Secundo, vous
avez fait allusion au fait que nous étions unis comme une seule voix quand on
se présentait devant vous aujourd'hui, et ce n'est pas un accident,
parce que les employés de La Presse, comme la plupart des
gens qui travaillent dans les médias
aujourd'hui, même que ça soit la télévision et la radio, les gens sont
conscients du dommage qui est fait par
ces géants-là américains, puis ils sont conscients aussi... Les gens de La Presse...
Tu sais, quand on dit qu'on a lancé La Presse+, là, il n'y a pas
un emploi à la La Presse dont la description de tâches n'a
pas changé.
Donc, tout au
long du processus de transformation, on a communiqué avec nos employés. On a
partagé des informations avec les syndicats. Nos syndicats ont d'ailleurs accès
à nos résultats financiers. On a posé des gestes constamment. On a répondu aux questions des employés à toutes les années.
On a partagé nos stratégies. C'est ce qui fait qu'aujourd'hui ce n'est pas juste un bloc unifié qui dit : Bon,
voilà notre position. Il y a une compréhension profonde, de la part de
nos syndicats, de la part de nos employés, des enjeux d'un média écrit
aujourd'hui.
Et non seulement ils adhèrent à notre position,
mais ils appuient la stratégie qui est mise en place. C'est assez fascinant
parce qu'on aurait pu sentir au sein des employés de La Presse
une forme de découragement de perdre un actionnaire
d'une importance aussi grande que Power Corporation. Les gens comprennent
pourquoi on pose ce geste-là puis les
gens sont unis en arrière de nous exactement parce qu'ils voient très bien que
c'est la seule solution pour sauver
un média d'importance. Et, vous faites bien de le rappeler, c'est la plus
grande salle de nouvelles francophone en Amérique du Nord.
M.
Levasseur (Pierre-Elliott) :
Bien, moi, je dirais que la raison que c'est important d'agir rapidement, c'est que le modèle, on l'a dit à répétition, là, le modèle des
médias écrits est brisé. Aujourd'hui, la progression de Google et Facebook est phénoménale, puis elle ne ralentit pas. Juste dans les dernières années,
là, leur part de marché est partie, est allée de 50 % des revenus
publicitaires, dans le secteur numérique, à 80 % des revenus
publicitaires. Puis cette progression-là, elle ne ralentit pas.
Donc, nous, on a un plan. Ça fait des mois qu'on
étudie différentes options. On est arrivés à un plan dans lequel on croit, dans
lequel nos employés croient, dans lequel nos syndicats croient. On a un plan,
mais on ne peut pas se
permettre d'attendre une année de plus et de paver la voie, de laisser la voie
tout ouverte à Google et à Facebook pour
dire : Nous, pendant la prochaine année, on ne va rien faire puis on va
vous laisser accaparer 90 %, 95 % du marché publicitaire sans qu'on fasse quoi que ce soit.
Puis je veux juste être clair. On n'a pas la prétention qu'on va être capables
de faire crouler Google ou Facebook. On n'est pas cinglés. Toutefois, on pense
qu'on est capables d'aller chercher notre juste part des revenus
publicitaires avec nos projets de transformation. Donc, on a un plan, mais il y
a urgence d'agir.
• (12 heures) •
Mme
Montpetit : Peut-être, aussi, vous avez... Bon, on parle justement des
rencontres qui ont été faites avec les employés.
Je pense que ça, c'est important
puis c'est certainement quelque chose qui va nous éclairer pour la suite
des choses, mais, dans les échanges
que vous avez eus avec vos employés, justement, pour qu'ils se rallient, qu'ils
fassent partie de cette importante
décision... Parce que je pense que vous l'avez souligné, j'imagine que
ça a été une grosse nouvelle quand
vous leur avez annoncé. Ça a dû être une onde de choc assez importante,
j'imagine, au sein de l'entreprise. Est-ce
que, justement, cette décision-là va venir changer quelque chose pour vos
employés?
M.
Levasseur (Pierre-Elliott) :
Non. Nous, bien, premièrement, ce qu'on a fait, c'est que, un, on a fait
l'annonce, on a passé une heure après
à répondre aux questions de nos employés. Puis évidemment il était quand même
certain qu'ils étaient sous le choc, là. C'était une nouvelle qui était
très importante pour eux.
Après ça, ce
qu'on a fait dans la semaine qui a suivi... les deux semaines qui ont suivi,
c'est qu'on les a rencontrés en
petits groupes, des petits groupes de travail pour encore leur permettre de
nous poser toutes les questions, une fois qu'ils ont eu la chance un peu de réfléchir à la nouvelle structure puis de
formuler leurs questions puis leurs inquiétudes. Les employés, les syndicats, encore, ont très, très
bien réagi. On a répondu à toutes leurs questions. Donc, ça, c'est dans un
premier temps, en termes de les rassurer.
Au niveau de
la convention collective, nous, c'est clair qu'on va respecter les conventions
collectives telles qu'elles existent aujourd'hui. On vient de signer une convention collective
avec la FTQ, essentiellement, pour un groupe de nos employés. On va
respecter tous les termes et conditions de cette convention collective là.
Également,
on a annoncé qu'on allait mettre sur pied un fonds de pension qui serait miroir
au fonds de pension qui existe aujourd'hui. Donc, il va y avoir zéro changement dans le fonds de pension, et,
comme on a annoncé également, Power Corporation s'est dite disposée, encore avec
l'accord des syndicats, de garder, essentiellement,
les obligations passées du fonds de pension, basé sur la continuité des
affaires.
M. Crevier
(Guy) : Et vous avez raison, Mme la ministre, de dire que, quand on a
annoncé la nouvelle, les gens étaient inquiets. Mais, si j'essayais de
tracer le portait de la situation présente à La Presse aujourd'hui, là,
tu sais, quelques semaines après notre
annonce, moi, je vous dirais que la majorité des employés sont inquiets de na
pas savoir qu'est-ce qu'il va arriver avec la structure corporative.
Aujourd'hui,
ce n'est plus une inquiétude qui est liée au fait qu'on devienne une structure
à but non lucratif. C'est bien accepté par l'ensemble de nos employés.
L'inquiétude aujourd'hui, c'est de dire : Est-ce qu'on va être capables de
se transformer rapidement? Est-ce que
les parlementaires vont accepter de nous traiter comme les autres journaux au
Canada sont traités? Puis moi, je vous dirais aussi, j'ai énormément de
respect pour les employés de La Presse, pour les syndicats, pour tous les gens qui ont été nos partenaires dans cette
aventure-là. De changer la structure de fonctionnement d'une entreprise
qui est centenaire et qui est syndiquée, ce n'est pas facile, et les gens ont
fait preuve d'énormément d'ouverture et de
collaboration. Ils ont travaillé fort, ils ont innové. Vous voyez, on a été les
premiers au monde à faire La Presse+.
Donc, les gens ont été très innovateurs. Ils
veulent poursuivre cette innovation-là, ils veulent poursuivre... Ils appuient le plan qu'on met en place, mais ils
aimeraient être capables de bouger rapidement. Donc, il y a une forme, je
dirais, des employés de La Presse, de cri du coeur à
l'endroit des parlementaires, de dire : Ne nous laissez pas dans un
no man's land, dans un endroit où est-ce
qu'on ne sait pas où on va, ce qu'on va faire et comment on va pouvoir gérer
notre avenir collectivement, ensemble.
La Présidente (Mme de Santis) : Mme
la ministre.
Mme
Montpetit : Oui. Donc, ce que vous nous dites, c'est que cette période
d'instabilité liée au fait d'être régi par l'Assemblée nationale, de ne pas
savoir la suite des choses par rapport à l'adoption ou pas de ce projet de loi,
alimente cette inquiétude-là auprès des employés.
M. Crevier
(Guy) : Je vous dirais qu'il y a
deux éléments dans ça. Premièrement, ce n'est pas juste d'être régi par l'Assemblée nationale, parce que
nous, on espère qu'en bout de ligne le gros bon sens va prévaloir puis que ça
va être... mais il n'y a
pas juste les exigences de l'Assemblée nationale, il y a
aussi le processus parlementaire, hein? Il faut réaliser qu'on est dans un processus parlementaire qui est
somme toute... même nous, on a découvert ça avec beaucoup de surprise. Il faut réaliser qu'aujourd'hui nous avons besoin
de l'unanimité, hein, des parlementaires, O.K.? Si jamais on décidait
de repousser la question à l'automne, il n'y a rien qui nous garantit que
l'Assemblée nationale va siéger avant le 15 novembre.
Donc, si jamais l'Assemblée nationale ne siège pas avant le 15 novembre,
nous allons retourner exactement à la même situation d'aujourd'hui, O.K.?
Donc, ça va
nous pousser au printemps ou au début 2019. Début 2019, si on arrive, nous,
avec une proposition d'une loi privée, est-ce qu'elle va être entendue avant
les lois publiques qui vont être amenées par un nouveau gouvernement? Je ne
pense pas.
Donc, ça va nous repousser
au mois de mai, juin prochain, O.K.? Donc, mai, juin prochain, c'est une année complètement perdue. Puis je reprends les paroles
de M. Levasseur, qui étaient très précises, tu sais. Il y a quelques
années de ça, on se battait pour
s'accaparer de 50 % des revenus numériques, qui sont quand même aujourd'hui de 6,3 milliards.
80 %, aujourd'hui, sont dans les
mains beaucoup des Facebook, et, si on ne fait rien, ça va être
90 % dans pas grand temps. Donc, il y a urgence d'agir.
M. Levasseur
(Pierre-Elliott) : Oui, puis
je rajouterais juste à ce point-là, c'est que, le plan qu'on a développé, ça fait des mois qu'on travaille à regarder des options, puis on a
finalement proposé le plan qui est vraiment le meilleur plan pour La Presse.
Mais il faut réaliser que le 50 millions de dollars de
Power Corporation, il n'existe pas sans ce plan-là. On a 50 millions, le 50 millions fait partie d'un
plan global, il fait partie de... Une partie du plan, c'est qu'on reçoit
50 millions qui nous permettent de
poursuivre notre transformation d'une façon ordonnée, puis l'autre partie du
plan, c'est qu'on ouvre les portes à du financement additionnel, du
financement qui ne nous est pas disponible aujourd'hui.
Donc, si je
n'ai pas... si la loi n'est pas... si on n'abroge pas la loi dans cette session
parlementaire ci, moi, je me retrouve
face à une situation où il faut que je retourne plusieurs mois en arrière puis
que je trouve une... j'essaie de trouver une autre option, une autre option qui ne va certainement pas être aussi
bonne que l'option qu'on propose aujourd'hui. Elle ne sera pas aussi bonne
pour nos employés, elle ne sera pas aussi bonne pour nous, elle ne sera pas
aussi bonne pour la société québécoise. Ça, c'est clair.
La Présidente (Mme de Santis) :
Mme la ministre, 38 secondes.
Mme Montpetit : Bien, de ce que j'entends, dans le fond, c'est vraiment : pour vous, comme plus grosse salle de presse francophone en Amérique du Nord, il y a urgence d'agir, il y a urgence de vous
redonner la liberté de prendre vos
décisions, comme c'est le cas pour l'ensemble des médias au Québec, pour la suite des choses pour vous. Merci.
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci, Mme la ministre. Maintenant, la parole est au député de Matane-Matapédia
pour neuf minutes.
M. Bérubé :
Merci, Mme la Présidente. Messieurs, bienvenue à l'Assemblée nationale.
Alors, j'entendais
il y a quelques instants la ministre libérale nous indiquer qu'il est important
que le politique ne s'ingère pas dans
les médias, voire les médias écrits aujourd'hui. J'indique à la ministre que
c'est toujours bien son gouvernement
qui, en décembre 2017, a fait le choix politique d'accorder un prêt de
10 millions à Capitales Médias. C'est une décision politique. Consentir à un nouveau modèle qui permet d'aller
chercher des revenus tant d'Ottawa et de Québec, c'est une décision
politique également.
Ce nouveau
modèle qui permettrait à La Presse d'avoir un avantage que
d'autres médias n'ont pas, bien là, ça pose
une autre question d'équité. Lorsque, M. Crevier, vous indiquez que vous
voulez être traités avec équité, le nouveau statut vous donnerait des
avantages que d'autres médias n'ont pas. Alors, je tiens à le préciser parce
que c'est important de le réitérer. Il y a
des décisions politiques qui se prennent et, à Ottawa, il y aura d'autres
décisions qui vont se prendre quant à
la philanthropie, quant aux conditions d'accessibilité aux reçus de charité.
Tout ça, c'est des décisions politiques. Alors, oui, il s'en prend, des
décisions politiques qui ont un lien avec les médias.
Ma première
question. M. Levasseur, vous avez dit au micro de Paul Arcand, vous
avez expliqué que la fiducie devra
préserver la mission du journal, soit d'offrir une information de qualité, mais
qu'elle devra s'assurer du respect des principes éditoriaux établis
depuis 1972. Les résultats de l'application de ces principes éditoriaux sont
bien connus. Alors, ma question, et vous
l'avez un peu réitéré tout à l'heure : Est-ce dans vos intentions de
préserver ces concepts-là, ce principe-là, même si ça va à l'encontre
des principes qui guident l'octroi d'un financement fédéral?
M. Crevier (Guy) : Est-ce que
tu veux que je réponde, Pierre-Elliott?
M. Levasseur (Pierre-Elliott) :
Bien, en partie, là.
M. Bérubé : Sur
les propos de M. Levasseur.
M. Levasseur (Pierre-Elliott) :
En tout cas, tu peux commencer, puis je vais y aller.
M. Crevier (Guy) : Bon,
première des choses, aujourd'hui, on...
M. Bérubé : ...en
tout respect, c'était sur les propos d'abord de M. Levasseur à
Paul Arcand.
M. Crevier (Guy) : Ah! O.K.,
excusez-moi, je vais laisser M. Levasseur...
M. Levasseur
(Pierre-Elliott) : Bien, écoutez, premièrement, dans un premier temps, vous
parlez du lien entre l'octroi d'un statut de bienfaisance à Ottawa avec
une position éditoriale. Moi, je pense que tous les journaux en Amérique du
Nord prennent position, prennent position sur plusieurs sujets dans notre société.
Premièrement, le gouvernement fédéral a tracé une ligne pour l'obtention d'un financement
éventuel, une ligne qui était une ligne de philanthropie.
Ce n'est pas nous qui avons proposé cette ligne-là, c'est une ligne que le gouvernement fédéral a tracée. Nous, ce qu'on dit, c'est qu'on va laisser les travailleurs, les fonctionnaires au
fédéral travailler. On n'a aucune idée de ce que cette proposition-là
d'Ottawa va être, et ça, c'est dans un premier temps.
• (12 h 10) •
Deuxièmement,
nous, ce qu'on demande au gouvernement fédéral, c'est un crédit d'impôt de
35 % sur la masse salariale de
la salle de rédaction. C'est ça qu'on demande à Ottawa, puis on demande que ça
soit un programme qui est universel.
Ça, c'est ce qu'on demande principalement à Ottawa. Si jamais
on obtient le statut d'oeuvre de bienfaisance...
On sait qu'aujourd'hui on n'y a pas accès. On pourrait y avoir accès si jamais
le gouvernement décidait de changer la définition
d'une entreprise qui aurait accès à... le statut d'oeuvre de bienfaisance.
Mais, encore, ce n'est pas nous qui allons dicter aux fonctionnaires ou
au gouvernement quoi faire à ce niveau-là.
Deuxièmement, ce
n'est pas ce qui est le plus important pour nous. Pour nous, d'obtenir le
statut d'oeuvre de bienfaisance ne nous empêchera pas d'aller voir nos anciens
abonnés, par exemple, et leur demander de faire une contribution financière à La Presse
pour assurer sa mission et assurer ses opérations futures. Vous le savez...
La Présidente (Mme
de Santis) : ...les réponses assez courtes, sinon, il n'y aura...
M.
Levasseur (Pierre-Elliott) :
O.K. Donc, je vais juste terminer rapidement.
Je vous donne juste l'exemple :
dans le passé, quand quelqu'un
donnait 200 $, exemple, à La Presse,
il y avait une partie de cet argent-là qui allait pour la mission puis les opérations de La Presse,
puis il y avait le reste de l'argent qui allait à l'actionnaire. Aujourd'hui,
on dit : Bien, si vous pouvez nous aider avec 200 $, tout
l'argent va aller à la mission puis aux opérations.
La Présidente (Mme
de Santis) : M. le député.
M.
Bérubé : Mme la Présidente, dans les critères de
reconnaissance du statut d'organisme de bienfaisance par l'Agence du
revenu du Canada, c'est très clair, ce qui est proscrit : promouvoir les
intérêts d'un parti politique, appuyer un
candidat à une charge publique, promouvoir un ensemble d'idées à caractère
politique, tenter de changer ou de s'opposer
à des modifications à la loi, aux politiques gouvernementales ou à une décision
du gouvernement, et essayer de convaincre la population d'adopter une
position spécifique sur une question sociale.
Or,
il se trouve que, depuis 1970, invariablement votre journal appuie toujours la
même formation politique et la même
position constitutionnelle. Alors, il m'apparaît que c'est un positionnement
très clair de La Presse. Si ce n'est pas si important
pour vous pour la suite et c'est vraiment l'avenir du journal, pourquoi ne pas
abandonner cette question?
M.
Crevier (Guy) : Bien, premièrement, M. Bérubé, vous avez, dans votre «statement» tantôt, fait une erreur,
à mon point de vue, fondamentale. La décision qu'on demande aujourd'hui n'est
pas d'adopter un statut de charité pour La Presse. La décision qu'on demande aujourd'hui, c'est de nous donner un statut d'OBNL. Donc, quand on a un
statut d'OBNL, on est sur le même pied d'égalité que tout le monde.
On
ne demande pas un statut de charité. C'est quand Ottawa va accorder... Quand Ottawa
va définir c'est quoi, un statut de
charité, c'est là peut-être qu'il y
a un risque d'avoir un débalancement par rapport aux autres. Mais demain matin,
en abrogeant la loi, il n'y a aucune iniquité, O.K.? La seule chose que nous,
on dit, c'est que, l'argent qu'on va demander, qu'on va recueillir de
nos abonnés, on ne les versera pas à un actionnaire, on va investir ça à la
qualité de l'information.
Maintenant,
sur nos prises de position éditoriale, je veux dire, c'est reconnu en Amérique du Nord qu'un média prend des positions éditoriales. Donc, je ne vois
pas en quoi la situation change demain matin.
La Présidente (Mme
de Santis) : Merci. M. le député.
M.
Bérubé : Alors, je comprends que vous allez le maintenir. Et vous avez l'appui, j'imagine, de toutes
les personnes qui vont appuyer le projet de loi, qui souhaitent également maintenir cette position. On aura l'occasion
de les questionner.
M. Crevier
(Guy) : ...M. Bérubé, oui.
M.
Bérubé :
Mais je veux compléter avec une question. J'ai peu de temps, M. Crevier.
M. Crevier
(Guy) : D'accord.
M.
Bérubé : Question
de gouvernance. Qui va recommander la présidence du conseil d'administration et sur quels critères?
M.
Levasseur (Pierre-Elliott) :
Le premier président du conseil, c'est moi qui vais recommander le... C'est moi
qui vais choisir le président du conseil. Et
puis il faut réaliser une chose, là, premièrement, on habite dans un monde où on travaille
dans une industrie qui est extrêmement complexe et on compétitionne, on concurrence
contre deux géants américains qui ont 80 % de parts de marché de
notre... Oui?
La Présidente (Mme
de Santis) : S'il vous plaît, tenez votre réponse à...
M.
Levasseur (Pierre-Elliott) : Moi, je n'ai pas de problème.
Premièrement, c'est un monde qui est extrêmement complexe. Deuxièmement,
demain, La Presse... Oui?
M.
Bérubé :
...on a très peu de temps, M. Levasseur. En tout respect, j'ai eu ma réponse,
vous l'avez bien fournie.
Donc, ma
question : Si vous nommez cette personne-là, vous recommandez, qui est
votre patron? Quelqu'un que vous avez nommé?
M. Levasseur (Pierre-Elliott) : La
responsabilité de faire le contrepoids à la direction de La Presse
revient à l'ensemble du conseil, ne revient
pas uniquement au président du conseil. Le président du conseil, lui, va
nommer, d'une façon totalement indépendante, les autres membres du
conseil.
La Présidente (Mme de Santis) : Oui,
M. le député.
M.
Bérubé :
Donc, si je comprends bien, M. Levasseur, vous êtes la personne qui allez
choisir celui qui est votre patron.
Donc, vous vous rapportez à quelqu'un que vous avez nommé et qui vous est
redevable. C'est la position que vous nous...
Une voix : ...
M.
Bérubé :
M. Levasseur, s'il vous plaît. C'est la question que vous nous soumettez, en
termes de gouvernance, qui est acceptée par toutes les personnes qui
appuient ce projet de loi.
M.
Levasseur (Pierre-Elliott) : Demain matin, La Presse,
si la loi est abrogée, va se retrouver orpheline. On n'aura pas d'actionnaire indépendant physique, si vous
voulez, comme on en a aujourd'hui. Si vous regardez des compagnies qui
sont en mode de démarrage... Nous, on va être orphelins. Donc, si vous regardez
des compagnies privées ou des compagnies qui sont en mode de démarrage, il n'y
a rien d'unique qu'un propriétaire, ou quelqu'un qui est en mode démarrage, ou
une compagnie privée nomme le premier président.
Deuxièmement,
qu'un premier président, une fois, soit
nommé par la direction et qu'après ça il fait partie d'un groupe de six
à huit membres du conseil, c'est beaucoup, beaucoup d'indépendance.
La Présidente (Mme de Santis) : M.
le député, 45 secondes.
M.
Bérubé : Alors,
j'aimerais que vous puissiez nous fournir la liste des postes réservés. Par
exemple, est-ce qu'il y a des postes de
journaliste, de lecteur... puisse fournir ça aux membres de la commission. Je
comprends que vous allez faire cette
recommandation. Est-ce que le propriétaire actuel de La Presse
vous a demandé de tenir compte d'une de
ces recommandations, d'abord, quant à la présidence? Et je veux savoir
également qui vous a nommé, vous, comme président.
M. Levasseur (Pierre-Elliott) :
...c'était le conseil d'administration qui m'a nommé comme président. Et
deuxièmement... Votre question, pardon?
M.
Bérubé : ...est-ce
que la famille Desmarais, qui va accorder ce statut, qui va... le 50 millions
et tout ça, est-ce qu'on vous a demandé de tenir compte d'une recommandation
qu'elle pourrait faire? Ça n'a pas été le cas?
M. Levasseur (Pierre-Elliott) : Non.
M.
Bérubé : Parfait.
Donc, en résumé...
La
Présidente (Mme de Santis) : Merci. Maintenant, c'est terminé. Merci,
M. le député. La parole est à la députée d'Iberville.
Mme Samson : Merci, Mme la
Présidente. Messieurs, rebonjour.
Moi, je ne
vous demanderai pas de détails sur votre plan stratégique, d'abord parce que La Presse
qu'on connaît a toujours oeuvré dans
un environnement excessivement compétitif, c'est-à-dire les médias
traditionnels. La Presse, si on approuve ce projet de loi, évoluera dorénavant
dans deux environnements excessivement compétitifs. Donc, ça double le défi, là. La concurrence va venir de partout, du
numérique, du traditionnel, et tout ça. Et je serais plutôt d'avis de vous
conseiller de ne dévoiler aucun aspect de
votre plan stratégique parce que c'est trop fragile, c'est trop... ça
fragiliserait énormément votre organisation.
Et je pense
qu'on peut se dire que M. Crevier et moi avons travaillé ensemble de nombreuses
années au siècle dernier. D'ailleurs, il était blond à l'époque, mais...
Je pense qu'on était tous les deux blonds, d'ailleurs. Et cette compétition-là,
cette compétitivité-là dans l'industrie n'a pas changé. Elle est juste plus
large, plus mondiale et plus importante. Et, quelque part, je suis heureuse de
voir... En tout cas, je trouve ça rassurant de savoir que vous avez la complicité puis l'appui de votre personnel, parce
qu'un tel virage, ça ne se fait pas tout seul, là, de toute façon. Donc, c'est
peut-être un élément positif dans votre affaire.
Donc,
je ne veux pas voir votre plan d'affaires. J'aurais aimé ça, par exemple, là,
parce que c'est assez fascinant pour quiconque s'intéresse à la chose,
mais ce n'est sûrement pas la chose à faire.
Et moi, je
vais vous faire une allusion, puis vous allez me corriger, là, si ce projet de
loi est adopté puis qu'on abroge l'article 3,
là, ça va être une tentative de sauvetage de La Presse. Et,
quelque part, est-ce que je me trompe si on va pouvoir vous regarder aller comme une petite bibitte dans
un laboratoire, parce que vous serez la première entreprise à aborder ce
virage-là avec autant de force, là?
M. Crevier
(Guy) : ...vous avez raison, dans un sens. Puis il y a eu un rapport
qui a été fait, au Canada, sur l'industrie des médias, qui est pas mal le
meilleur... le rapport le plus vaste qui s'est fait dans les 10 dernières
années, et, à de nombreux endroits, La Presse a été
citée comme étant le média le plus innovateur dans sa volonté de faire un changement dans un monde numérique. Et, moi, la
seule réponse que je voudrais ajouter à ça, c'est qu'il n'y a personne au
monde, aujourd'hui, qui a trouvé la recette, hein? Donc, il y a des risques,
hein, pour tout le monde, mais c'est un environnement qu'il est très
difficile de se battre contre deux grands géants américains comme ça.
Et La Presse,
on n'est pas un journal concentré non plus. On est seuls, hein? Puis c'est en
dehors des Américains qui contrôlent
80 % des revenus. On se bat contre deux grands conglomérats, qui est Bell
Média puis Québecor, qui est hyperconcentré
dans un petit marché qu'est le Québec, hein, qu'on ne voit pas souvent ça dans
des sociétés démocratiques, une concentration aussi forte que celle-là.
Mme
Samson : Mais est-ce qu'on peut dire que cet exercice-là de sauvetage,
si ça ne marche pas, c'est fini, là?
M. Crevier (Guy) : Bien, moi,
j'ai...
Mme Samson : Bien, il y a toujours
une vente possible pour une piastre, là.
• (12 h 20) •
M. Crevier
(Guy) : Non, je pense que c'est un sujet qui est en évolution. Je
pense que La Presse, on retourne en arrière, a toujours fait preuve d'innovation
depuis l'an 2000. On a adopté des concepts qui étaient nouveaux. Quand
on a fait l'impartition, on était les
premiers à faire ça. D'autres journaux ont copié par la suite. On n'était pas
les premiers au monde, mais, tu sais,
on a été les premiers ici, au Québec, à faire ça. Donc, c'est une évolution,
hein? Donc, il faut suivre attentivement les changements puis s'y adapter.
Mme
Samson : Il y a-tu un modèle
au monde qui marche? C'est-u le Philadelphia Tribune qui fonctionne un
peu sur ce modèle-là?
M. Levasseur
(Pierre-Elliott) : Bien, il y a
deux... Il y a plusieurs exemples. Entre autres, vous faites
référence probablement au Philadelphia Inquirer. Ça, c'en est un
qui a adopté un modèle similaire à celui qu'on propose. Il y a également
le Guardian. Encore, ils ont leurs propres particularités. Dans aucun
des deux cas, ce n'est exactement ce que nous, on propose. Nous, ce qu'on propose, c'est un modèle qui est adapté
à notre réalité. Donc, il y a quand
même des différences entre notre modèle et ceux qu'on voit
à l'extérieur, mais il y a des principes qui sont respectés, effectivement.
Mme Samson : J'imagine que, pour
parachever votre virage numérique, il vous reste encore à consentir des
investissements importants.
M.
Levasseur (Pierre-Elliott) :
Oui, bien, c'est pour ça, quand on regarde... Puis c'est une bonne question, parce que, pour nous, le modèle est en deux parties. C'est
pour ça que la première partie du modèle... On parle beaucoup
de la deuxième partie du modèle, qui
est d'ouvrir les portes à diverses sources de financement, mais la première
partie du modèle, c'est d'obtenir le
50 millions de dollars de notre actionnaire actuel pour nous permettre
de poursuivre notre transformation d'une façon, puis ça, c'est
important, ordonnée au cours des prochaines années.
Mme
Samson : Parce qu'il vous reste encore différentes étapes à
franchir, parce que les autres n'arrêteront pas d'évoluer non plus, là.
M. Levasseur (Pierre-Elliott) :
Parce qu'il reste plusieurs étapes encore à franchir, c'est exactement ça.
Mme Samson : Il ne faut pas se
conter d'histoire, là.
M. Levasseur (Pierre-Elliott) :
Exactement.
La Présidente (Mme de Santis) : Mme
la députée, 50 secondes.
Mme
Samson : Bien, 50 secondes, moi, comme je n'aurai plus l'occasion
de vous reposer de questions, à moins que j'appelle M. Crevier, mais je ne le
ferai pas... Je pense que notre rôle ici, aujourd'hui, et dans la réflexion
qu'on va faire avec nos collègues,
c'est de... Moi, je ne vois pas comment on pourrait refuser ou ne pas accorder
à La Presse une chance
de survie et d'évoluer. Et puis moi, je vous le dis honnêtement, là, si ça se
règle, ça va me faire un plaisir de regarder ça comme une petite bibitte de
laboratoire, en espérant que ça permettrait aussi à d'autres entreprises
québécoises d'aborder le virage sur lequel,
j'estime, nous avons entre 15 et 20 ans de retard, à peu près.
La
Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup. Merci. Maintenant, la
parole est à la députée de Vachon pour trois minutes.
Mme
Ouellet : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour à tous. Avec mon trois minutes, on va essayer de faire au
plus vite.
Donc, je
voulais revenir sur un premier élément : l'urgence. Vous nous avez dit que
ça faisait des mois que vous étiez en
train d'étudier le modèle d'affaires. M. Crevier, par téléphone, m'a même
dit que c'était au-delà d'un an. Donc, je
pense que... je suis un peu surprise que vous nous arriviez comme ça en toute
fin de session parlementaire, où, là, il faut sortir de l'ensemble des
règles.
De deux choses, l'une : ou bien donc c'est
un hasard, et là, à ce moment-là, vous avez été très, très, très mal
conseillés — je
suis assez surprise que, pour une entreprise de l'ampleur de Power Corporation,
vous n'ayez pas les informations de comment
fonctionne l'Assemblée nationale — ou bien donc ce n'est pas un hasard, et, à
ce moment-là, vous arrivez et dépassez les délais et... une façon de
mettre de la pression sur les élus pour qu'on fasse les choses très rapidement
puis un petit peu escamoter les débats.
Et moi, je ne partage pas du tout votre avis que
ce ne sera pas possible de le déposer avant le 15 novembre. Moi, je pense que ça serait tout à fait possible
et même normal que la session parlementaire, la prochaine, commence avant
le 15 novembre et donc, à ce moment-là,
les choses puissent se faire à la session prochaine. Je pense que vous êtes en
train de nous faire des scénarios
catastrophes, et je ne voudrais pas qu'on rentre là-dedans, puis je ne voudrais
pas que vous utilisiez ces scénarios catastrophes là pour nous mettre de
la pression supplémentaire.
Mais ma
question n'est pas sur cet alignement-là. Moi, mon enjeu, c'est vraiment le
maintien des emplois, et vous nous
avez dit que La Presse était déficitaire. Et, moi, on m'a
informée, je ne sais pas si c'est exact, parce que vos états financiers ne sont pas publics, moi, on m'a
informée que La Presse était déficitaire depuis une
vingtaine d'années. Donc, ce ne serait pas seulement que les Google, les
Facebook de ce monde. Et j'aimerais savoir, dans un premier temps : Est-ce
exact?
Et on m'a
informée également que le niveau de déficit de l'année passée pouvait s'élever
à plusieurs dizaines de millions de dollars. Est-ce que vous pourriez nous
informer du niveau de déficit de l'année passée? Parce que vous nous dites : On sait très bien où est-ce qu'on
s'en va, on sait quoi faire, et, M. Levasseur, vous nous dites aussi,
même : Je vais moi-même choisir le prochain...
La Présidente (Mme de Santis) :
...secondes.
Mme
Ouellet : ...président, mais
il y a eu des déficits dans les années passées. Donc, est-ce exact, les
20 dernières années et le déficit de l'année passée?
M. Crevier
(Guy) : Deux choses. Premièrement, quand on a fait connaître notre
décision d'aller dans une structure à
but non lucratif, c'est exactement six jours après que ça a été adopté au
conseil de Power Corporation. Donc, on a suivi un processus qui est un
processus normal. Ce n'est pas facile d'aller présenter un dossier comme
celui-là.
Sur les états financiers, moi, ce que je vous
dirais, c'est que ni les états financiers du Journal de Montréal, ni LeJournal
de Québec, ni ceux du Devoir d'ailleurs ne sont connus et publics,
O.K.? Nous, on a quand même pris nos états
financiers, en tout cas nos résultats financiers, puis on les partage depuis
déjà, je pense, je ne veux pas vous induire en erreur, au moins quatre, cinq ans avec nos employés. Mais, quand on
est tout petit, dans un monde médiatique qui est grand et aussi concentré que certains groupes le sont, si on fait
connaître nos états financiers chaque année, ça va permettre à ces groupes-là de nous attaquer directement puis
de voir le résultat de leur attaque. On est tout petit, La Presse.
On est seuls, hein? On n'est pas concentrés. On est le seul groupe...
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci beaucoup, M. Crevier.
M. Crevier (Guy) : ...pas concentré.
Merci.
La
Présidente (Mme de Santis) : Alors, M. Crevier, M. Levasseur, M.
Trottier, merci beaucoup d'avoir contribué aux travaux de la commission.
Je suspends
les travaux quelques instants afin de permettre aux représentants de Power
Corporation du Canada de prendre place.
(Suspension de la séance à 12 h 26)
(Reprise à 12 h 28)
La
Présidente (Mme de Santis) :
Alors, nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue aux représentants de Power Corporation du Canada.
Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis
nous allons procéder à la période d'échange avec les membres de la
commission. Je vous invite à vous présenter, ainsi que les personnes qui vous
accompagnent, et à procéder à votre exposé. La parole est à vous.
Power Corporation du Canada
M.
Desmarais(André) : Alors,
merci, Mme la députée et Mme la
Présidente de la commission. Bonjour à tout le monde, merci de nous accueillir, Mme la ministre de la Culture et des
Communications, Mmes et MM. les membres de la commission.
Je suis accompagné de M. Jacques Parisien, président
de Power Communications, qui siège sur le conseil d'administration de La Presse,
ainsi que M. Arnaud Bellens, vice-président de Power Corporation du Canada.
Je débuterais en répondant tout de suite à la
question que plusieurs se posent et que vous vous posez fort probablement
aussi : Pourquoi Power Corporation, ma famille et moi avons-nous accepté
de nous départir de La Presse sans bénéfice, en choisissant
de contribuer financièrement à la mise sur pied d'une nouvelle structure à but
non lucratif? La réponse à cette
question relève d'une longue réflexion à la fois sur le rôle que joue un média
comme La Presse au sein d'une démocratie et, plus
largement, sur l'évolution de l'industrie de la presse écrite de ces dernières
années.
Power Corporation et ma famille sommes associées
à La Presse depuis plus de 50 ans. Nous avons indéniablement prouvé notre attachement à une
institution qui a marqué notre histoire et qui demeure une référence en matière d'information. De tout temps, nous avons
privilégié le maintien d'une salle de nouvelle forte et indépendante. Nous avons toujours appuyé la mission de La Presse,
qui est de produire chaque jour, pour un public francophone, une information de qualité, rigoureuse et basée sur
des faits. Ce mandat me semble encore plus important au Québec, un marché
francophone dans un univers nord-américain.
• (12 h 30) •
C'est
d'ailleurs pourquoi je suis ici ce matin pour appuyer la direction de La Presse.
Je vous demande, pour une question d'équité avec les autres médias, de
lever la disposition de la loi privée de 1967 afin de permettre à La Presse d'adopter un modèle qui lui donnera les meilleures chances de
poursuivre sa mission. Vous êtes bien placés, comme parlementaires, pour savoir qu'une saine
démocratie repose sur des institutions collectives comme la vôtre, mais aussi
sur un écosystème médiatique fort et
diversifié et qui a les moyens de remplir l'important rôle qu'il doit jouer.
Or, voilà, cet écosystème est remis en question.
Jusqu'à
récemment, le modèle d'affaires d'un journal n'avait rien de bien compliqué. Il
s'appuyait essentiellement sur deux
grandes sources de revenus, les abonnements et la publicité. Le problème auquel
on fait face aujourd'hui, la presse écrite,
c'est que, depuis 25 ans, les journaux assistent à un déclin continu de
leurs revenus d'abonnement et de leurs revenus publicitaires. C'est dans ce contexte que l'équipe de la direction en
place est arrivée à la conclusion, en 2009, qu'il fallait modifier le modèle d'affaires de La Presse.
Et, comme propriétaire, j'avoue être très fier du chemin parcouru depuis par
une équipe de direction et de rédaction,
quand je regarde La Presse+ qui connaît un grand succès d'adhésion et
d'estime de ses lecteurs.
Mais, malgré
ce grand succès, nous devons reconnaître ses limites. Au moment de concevoir La
Presse+, nous n'avions pas prévu,
et personne ne l'avait prévu, que deux géants américains viendraient dans un
délai aussi rapide, avec une vélocité aussi forte, ébranler aussi
considérablement le système des médias. Il y a une statistique qui résume
à elle seule le problème, c'est que Facebook
et Google aujourd'hui contrôlent près de 80 % de tous les revenus
publicitaires numériques au pays.
Cette domination sans précédent des entreprises numériques étrangères nous oblige
tous à repenser nos façons de faire pour assurer la pérennité des
médias, surtout au Québec.
Devant les
difficultés de la presse écrite, le gouvernement du Québec a promptement réagi
en offrant à toutes les entreprises un programme universel de crédit
d'impôt pour favoriser la conversion au numérique. Le gouvernement fédéral, pour sa part, a signifié dans son dernier
budget son intention de contribuer lui aussi, mais il y a clairement précisé ses réticences, que je comprends bien, à aider
financièrement des médias qui sont la propriété de familles riches ou de grandes entreprises. C'est pourquoi la direction
de La Presse, après réflexion approfondie, est venue à la
conclusion qu'il fallait changer de structure. Face aux impacts
dévastateurs qui se font sentir, la viabilité des médias traditionnels, la production d'une information de qualité rigoureuse
et basée sur les faits ne peut plus être l'affaire d'une seule entreprise.
La Presse
a toujours occupé une place particulière pour notre famille et pour Power
Corporation. C'est un héritage de mon père. Et il est certain que voir
cette institution quitter notre entreprise nous fait un pincement au coeur.
Cependant, dans le nouveau contexte du marché, il est difficile pour la société
privée de soutenir seule une grande organisation
nouvelle telle que La Presse. J'ai ainsi la conviction que le
transfert de La Presse à une structure à but non lucratif est dans le meilleur intérêt du journal
et de ceux qui le font, tous les travailleurs, et de ceux qui le lisent, ou la
lisent. Mais je tiens à préciser que cela est loin d'être un abandon
quand on considère ce que nous avons soutenu comme transformation au cours des
dernières années et ce que nous faisons aujourd'hui en investissement dans son
avenir.
Comme actionnaires
responsables, en effet, nous avons voulu démontrer l'attachement et le respect
de notre famille, de Power Corp, et nous avons toujours eu envers cette grande
institution, en offrant une contribution financière qui se traduit en nos convictions en faveur d'une
presse libre et forte. La contribution de 50 millions de dollars servira
essentiellement à poursuivre de façon
ordonnée un développement technologique de La Presse et de ses
plateformes et à continuer de remplir sa mission : produire une
information de qualité pour un marché francophone.
Et, bien que
nous n'ayons aucune obligation au chapitre des fonds de pension de La Presse,
Power a volontairement décidé de mettre en place, avec la collaboration
des syndicats, un mécanisme afin de conserver sous sa charge les obligations passées du régime de retraite sur une
base de continuité des affaires. Cela aura, entre autres, pour conséquence
de réduire les charges financières futures
de La Presse, tout en étant à l'avantage des retraités et des employés actifs et
inactifs qui ont accumulé les rentes jusqu'à date de la mise en place de cette
nouvelle structure.
Cela dit, il est important de noter que la
fiducie d'utilité sociale qui chapeautera La Presse sera
totalement indépendante de Power Corp. Nous avons en effet toujours fait preuve
de la plus grande indépendance par rapport à La Presse et à ses salles de nouvelles. D'ailleurs, au
moment de l'annonce du changement de structure, le président du Syndicat des travailleurs de l'information de La Presse
s'est spontanément exprimé pour remercier ma famille à cet égard.
Cela
dit, je fais confiance aux dirigeants actuels de La Presse
et j'accepte le plan qui a été déposé et qui vise à garantir une indépendance totale à la future
structure à but non lucratif. Ni moi, ni ma famille, ni Power Corporation
n'aurons le droit de regard sur le choix du fiduciaire ou le président
du conseil d'administration.
Et,
pour terminer, il est important de rappeler que nous sommes tous ici ce matin
dans le seul but, c'est... d'assurer une
pérennité d'un journal qui joue un rôle essentiel dans la société québécoise
depuis plus de 100 ans. Nous sommes le seul média d'information, au Québec, tributaire de l'accord de
l'Assemblée nationale pour implanter ces changements nécessaires face à un environnement de turbulence.
Cette situation est inadéquate, d'autant plus que les changements que projette La Presse s'inscrivent
dans l'esprit de la loi de 1967. La Presse souhaite innover
pour préserver l'une de ses grandes salles
de rédaction au pays et plus de 500 emplois. Ma famille et moi, ainsi que
Power Corporation sommes parfaitement en accord avec la démarche initiée
par la direction du journal. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme
de Santis) : Merci, M. Desmarais. Maintenant, nous allons procéder
avec la période d'échange. Mme la ministre, la parole est à vous pour
15 minutes.
Mme
Montpetit : Je vous remercie, Mme la Présidente. M. Desmarais,
bonjour, M. Parisien, M. Bellens. Merci pour votre exposé. J'imagine qu'effectivement pour Power ça doit être
une décision qui n'est pas facile à prendre compte tenu du lien... du long lien historique qui lie
votre famille à ce quotidien. J'aimerais ça, d'entrée de jeu, aborder le fait
que, bon, je pense qu'il n'y a personne de
mieux placé pour être au courant de la situation du journal que ceux qui y travaillent, que ceux qui dirigent, que ceux qui
en sont les propriétaires. Et aujourd'hui vous venez tous nous rencontrer
et vous faites front commun, donc je présume que vos relations, notamment avec
les syndicats, sont bonnes, avec les employés également.
Vous
nous parliez, justement, de La Presse, dont les succès
d'adhésion... l'adhésion est un succès, qui a réussi à renouveler son lectorat, qui a gagné plusieurs prix
aussi au cours des dernières années. N'avez-vous pas le goût de continuer,
justement, à participer à la transformation
numérique de ce journal-là? Pourquoi prendre cette décision-là et pourquoi
la prendre aujourd'hui aussi? Pourquoi ne
pas l'avoir prise l'année dernière? Je pense qu'on vous posait la question, je
pense que c'est pertinent pour les
membres de cette commission-là de comprendre pourquoi. Je comprends qu'il y a
un processus parlementaire à travers
ça. Mais pourquoi, votre décision, vous la prenez au printemps 2018, vous
ne l'avez pas prise l'année dernière? Pourquoi ne pas attendre un an
encore pour la prendre?
M.
Desmarais (André) : Moi, je crois que... Premièrement, oui, j'aimerais
continuer de participer au développement de La Presse. Ce serait merveilleux, mais ce ne sera
pas possible. Et j'accepte ça. Je pense que l'important, c'est sauver La Presse
et s'assurer de sa pérennité. Et je crois sincèrement... Et nous sommes venus à
la conclusion, après pas mal de temps
de réflexion... Parce que, vous avez raison, quand on a un actif, ça fait 50 et
quelques années qu'on l'a dans la famille et dans la société, ce n'est pas une décision facile de dire : On
va se départir et laisser partir l'actif. On a quand même un attachement
assez spécial à La Presse. Ça a toujours été, puis ça a été
avec mon père, puis ça a été avec moi.
• (12 h 40) •
Cela
dit, il y a des choses qui se passent, économiquement, qui sont réelles. Et on a vu ses débuts, mais on n'a pas vraiment
conçu la sévérité de l'engouement, si vous voulez, de Google et de Facebook et
de leur façon de pouvoir prendre du
terrain dans la tarte publicitaire. C'est incroyable, ce qui s'est passé. Et,
lorsqu'on a regardé cela sur le long terme, on avait vu assez rapidement, je vous dis, au début de cette année, qu'il
fallait penser à une décision quelconque. On n'avait pas encore formulé le plan en tant que tel, on
n'avait pas pensé à cette idée de créer un nouveau système
qui permettrait à d'autres gens d'y
investir et permettrait au gouvernement de pouvoir y participer, permettrait toutes
sortes de façons de lever des fonds.
Et
donc c'est vraiment arrivé, moi, je vous dirais, par circonstances économiques,
où nos chiffres et où la force de
Google et Facebook ont vraiment démontré, là, que ce n'était pas quelque chose qui allait disparaître demain matin. Nous, on espérait, avec La Presse+, parce qu'on a quand même beaucoup de succès, que ça n'aurait pas été le cas. Et on
a quand même 40 minutes de lecture par jour, 260 000 personnes...
2 600 000 personnes, et on s'était dit, tu sais : On va y arriver. Alors, c'est toujours le mois
prochain. Tu vis sur l'espérance du prochain mois. Et finalement on est venus
à la conclusion que, non, ils sont trop
forts, il faut qu'on fasse quelque chose et il faut qu'on fasse quelque chose
de sérieux.
Et
l'autre raison est une raison beaucoup plus philosophique, si vous voulez, mais
importante. Personnellement, je ne
veux pas vivre au Kansas, je ne veux pas vivre en Oklahoma, je ne veux pas
vivre au Wyoming. On est fiers d'être au Québec, on est ici, on parle le
français et on a besoin d'un journal, on a besoin de la presse écrite qui
raconte nos histoires tous les jours. Et ça,
ça fait que nous sommes différents et ça nous aide à être qui nous voulons
être, dans mon esprit en tout cas. Et je ne voulais pas me retrouver
dans une situation où on agirait trop tard, et La Presse aurait été vulnérable, où elle ne pourrait plus se remettre.
Moi, je crois qu'il y a... c'est toujours des jugements, ça, mais il y a une
inflexion en ce moment, qui me semble importante, d'agir.
La
Presse a un bon plan, ils ont l'argent, parce qu'on leur donne l'argent
pour qu'ils puissent réussir ce plan, et je pense qu'ils le réussiront. Pierre-Elliott Levasseur, ça fait quand même
12 ans qu'il est à La Presse. Ce n'est pas un jeune homme, même s'il en a l'air, il a de l'expérience,
et je pense que c'est le leader pour nous amener là. Et je pense que, s'il
choisit un bon président de conseil qui a les connaissances nécessaires pour
l'aider, puis, après ça, qu'il y ait un conseil
qui va être choisi après ça, bien entendu, il sera en selle pour vraiment
pouvoir faire quelque chose de bien. Et personnellement est-ce que
j'aurais aimé ça participer? Parce que je vais le redire, oui, mais ce n'est
pas raisonnable, et je le comprends, et c'est pour ça que j'ai accepté de me
désister.
Mme
Montpetit : Donc, je comprends que vous ne voyez pas d'autre
alternative, à ce stade-ci, que de procéder à la décision que vous avez prise.
Vous avez évalué différents scénarios, puis j'aimerais comprendre encore
davantage, là. Vous nous parlez d'une
question d'urgence, de survie de La Presse. Je l'ai mentionné plus tôt,
là, je pense que c'est important
de... Moi, comme ministre de la Culture et des Communications, je suis très
préoccupée par toute la question de
la vitalité de nos différents médias dans toute... de l'accès, aussi, à de
l'information de qualité, de l'information diversifiée. Et, je le répète, on parle de la plus grande salle
de presse francophone de l'Amérique du Nord. Quelle est votre lecture
par rapport à la situation, justement, de ne
pas procéder, de vous maintenir dans le modèle actuel? Est-ce qu'il y a urgence
d'agir, il y a question, vraiment, de survie pour maintenir les emplois à La
Presse?
M.
Desmarais (André) : On fait tous nos jugements dans la vie.
Personnellement, moi, je crois que La Presse, telle quelle, aurait beaucoup de difficultés à
survivre. Il faut investir dans les nouvelles technologies qui lui permettront
d'affronter et de vraiment pouvoir prendre
sa place. Elle ne tuera pas Google et Facebook, il ne faut quand même pas être
fous, là, mais sa juste part de la publicité, c'est tout ce qu'on a de besoin. Et
pour ça il faut faire des investissements, et il faut
les faire rapidement, puis il faut qu'on se lance pour s'assurer que
l'on puisse aussi être beaucoup plus impliqué avec le mobile. Je veux
dire, il y a toutes sortes de stratégies à l'intérieur de ça. Donc, personnellement...
On a regardé d'autres options, on avait des
options, vendre... on avait toutes sortes d'options. Mais, quand on a la
meilleure option, et surtout avec La Presse, est-ce qu'on peut se
permettre de ne pas prendre la meilleure option? C'est vraiment la meilleure
option. C'est l'option que le management croit qu'ils peuvent avoir pour
réussir.
Et c'est tellement
important. On parle de 240 journalistes. Il n'y a pas une salle comme ça, je pense, nulle part, probablement, en Amérique
du Nord, excepté pour les très, très
grands quotidiens, là, qui racontent tous les jours. Et, tous les jours, on a les débats, on a des gens
d'opinions différentes qui s'expriment, et c'est fantastique, c'est ça qui crée
une société riche, valable. Et La Presse contribue à
ça tous les jours. Tous les jours, on a le pour et le contre sur certaines
choses. Et on a des opinions, que ce
soit M. Landry, que ce soit M. Chrétien, que ce soit
M. Bouchard, M. Parizeau, ça ne fait rien. L'important, c'est qu'il
y ait une multitude d'opinions qui
permettent aux citoyens de s'enrichir d'idées. Et après ça, bien, ils décideront comment ils veulent vivre et faire
leurs choses. Et La Presse a joué un rôle indéniablement important à cet égard.
La façon dont elle a été gérée, si je peux le dire, par nous, on en est fiers.
Mais c'est quelque chose d'important.
Alors, moi,
je vous dirais : N'hésitez pas, parce que le danger d'hésitation, c'est le
danger de ne pas pouvoir aller de l'avant assez rapidement pour être où on doit
être. Et ça, c'est très dangereux, et surtout dans les marchés publicitaires
d'aujourd'hui, et avec, si je peux dire,
«the wolves», les forts, Facebook et Google, qui ont une force incroyable dans
les marchés. Il faut qu'on puisse
investir et aller de l'avant. Et moi, je pense que La Presse
a l'équipe, puis ils ont l'intelligence, ils ont le «knowledge», ils
l'ont démontré en créant La Presse+, ils ont vraiment la
possibilité. Et ce qui leur manque maintenant, c'est le temps et de pouvoir arriver
à leur objectif.
Mme
Montpetit : On a entendu aussi que, toute la discussion qu'on a
aujourd'hui, le projet de loi original part d'une chicane familiale, au siècle
dernier, qui a dû être réglée, dans le fond, par la mise en place d'un premier projet
de loi et qui s'est ensuivie par d'autres projets de loi.
M. Desmarais (André) :
...Berthiaume, pas nous autres, pas notre famille.
Mme
Montpetit : Bien, exactement, mais je veux faire référence à...
Avez-vous l'impression qu'à l'heure actuelle certaines personnes essaient de s'ingérer dans vos affaires familiales,
qu'on vient politiser le débat autour de cette décision d'affaires?
M.
Desmarais (André) : Oui, écoutez, je ne veux pas passer de jugement.
Les gens ont des raisons différentes d'avoir
des opinions, et je respecte les opinions des gens. Et je peux être en
désaccord avec, mais ce n'est pas parce que je suis en désaccord que j'ai raison ou pas raison. Mais il est sûr que,
quand on parle de médias et qu'on parle de cela... Vous avez entendu M. Levasseur et M. Crevier, je
pense qu'ils vous ont parlé un tout petit peu de ce sujet-là, bien, je pense
que, ce qu'ils ont dit est probablement le reflet de nos pensées, assez bien,
en réalité.
Mme Montpetit : Peut-être deux
dernières questions. Je pense que j'ai un collègue qui souhaiterait aussi échanger avec vous. Moi, j'aimerais comprendre,
vous en avez parlé d'entrée de jeu, pourquoi votre conseil d'administration,
dans le fond, a accepté d'approuver un don
de 50 millions de dollars, c'est une grosse décision qui a été prise, et
pourquoi aussi le conseil
d'administration a accepté de reprendre la responsabilité des régimes de
retraite. Je pense, c'est un élément qu'on a besoin de comprendre aussi.
• (12 h 50) •
M. Desmarais (André) : Bon, alors,
les deux choses sont raisonnablement simples. On voulait s'assurer que La Presse
ait une très, très grande chance de survie, et même plus qu'une chance de
survie, mais une chance de réussir son
plan. Et le chiffre avec lequel nous avons discuté et parlé beaucoup avec
l'administration, c'était ce chiffre-là. Et le conseil d'administration ne voulait pas bêtement laisser La Presse
partir, comme ça, dans le vent. On sent qu'on a une responsabilité
sociale. Nous nous sommes quand même occupés de ce journal-là pendant bien des
années, et c'était important que cette continuation d'éthique reste.
De ce qu'il y a
sur les employés, c'est très simple. Mon frère, et moi, et, je pense, le
conseil aussi, je devrais dire, sommes
tous d'accord, tu ne peux pas avoir des employés qui ont travaillé pour vous
toute votre vie et, juste parce que techniquement
ils n'avaient pas un fonds de pension qui allait être protégé, que ça
n'existerait plus. Et donc le conseil était d'accord avec nous de payer et de continuer
de payer les rentes sur une façon de business, là, la continuité qu'on fera
pour s'assurer que tous les gens qui ont
travaillé pour nous pendant toutes ces années auront la retraite qu'ils
méritent. Et alors c'est pour ça qu'on l'a fait.
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci.
Mme
Montpetit : En terminant,
j'aurais mon collègue de D'Arcy-McGee qui souhaiterait poser une question.
La Présidente (Mme de Santis) :
Alors, M. le député de D'Arcy-McGee, 1 min 20 s.
M.
Birnbaum : Bon, merci, Mme la Présidente. M. Desmarais, M. Parisien, M. Bellens, merci beaucoup pour votre exposé. Écoutez, c'est un petit peu intéressant, notre situation, ici, parce qu'on a un projet de loi avec deux articles et on
parle... je ne veux pas banaliser ça, mais de la plomberie, mais de la
plomberie qui a tout son impact potentiel. On parle, en quelque
part, de sauvegarder la pérennité des
médias, l'indépendance, la transparence et la gouvernance. Tout ça est là.
Et là on a toutes sortes de questions.
J'ai été
journaliste à la Gazette dans les années 80 et j'ai étudié en
journalisme. Les questions, déjà, se posaient sur la concentration, la diversité,
la transparence. Mais, en tout respect, on n'a pas les 89 autres médias
devant nous pour répondre sur pied
égal à ces questions-là, et je tiens à juste nous rappeler qu'on est
en train d'assurer un champ égal pour chacun
des intervenants, dont un d'une ampleur très significative pour
nous tous, au Québec, y compris les communautés pour qui la
langue française est la deuxième langue.
Mais, écoutez,
comme on est ici, je vous invite à explorer avec nous la possibilité que d'autres des 89 membres...
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci, M. le député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Bon, on va l'explorer
à un autre moment.
La Présidente (Mme de Santis) : La
parole est maintenant au député de Matane-Matapédia.
M.
Bérubé : Merci, Mme
la Présidente. Messieurs, bienvenue à
l'Assemblée nationale. Un peu plus tôt, j'ai réitéré, au nom de ma formation politique,
l'importance qu'on accorde à la pluralité des voix dans une démocratie, l'importance de confronter des idées, l'importance d'avoir des
médias qui sont forts, des médias qui posent les questions, notamment ici, à l'Assemblée nationale, tout le respect que
j'ai pour les artisans de l'information, dont plusieurs de vos artisans sont
ici présentement, au salon rouge de l'Assemblée nationale.
Et cette question de La Presse,
elle est chère aux Québécois, elle a une grande tradition. Et je ne peux pas occulter le fait que l'histoire de l'acquisition
de La Presse par votre famille est arrivée à peu près au
même moment de la fondation de ma formation politique. Et, tout au long des
50 dernières années, on a été à même de constater, outre ce que je
viens de vous dire, également un certain nombre de choix que votre journal a
faits et que votre famille a faits quant à La Presse.
Depuis 1970,
après recension, invariablement, à chacune des élections, à chacun des
référendums, La Presse a pris la même position
éditoriale en faveur de la formation politique représentée par la ministre, en
faveur de l'option fédéraliste. Vous avez
fait le choix de vous départir de La Presse. Vous avez fait
part de vos intentions à l'ensemble des employés, vous avez annoncé une volonté d'avoir un legs de
50 millions de dollars, et c'est bien. Est-ce que, selon vous, ce legs doit être accompagné également par la
poursuite des principes éditoriaux qui ont été établis en 1972? Est-ce que c'est
important, pour vous, ou êtes-vous prêt à dédouaner les futurs administrateurs
de ces principes pour qu'ils puissent
davantage s'ouvrir aux membres, aux gens qui financent, qui pourraient décider
d'avoir une pluralité des options dans la ligne éditoriale?
M.
Desmarais (André) : Bien, je peux vous répondre que notre
50 millions n'a pas d'attache. Donc, ça, c'est important que vous le sachiez. J'ai entendu
beaucoup de gens qui pensent que, parce qu'on met 50 millions de dollars,
il va y avoir des attaches quelconques. Ce
n'est pas pour ça qu'on a mis le 50 millions de dollars. On a mis le
50 millions de dollars parce
qu'on aimerait que La Presse puisse continuer d'exister et
qu'elle puisse faire son plan tel que M. Levasseur nous a présenté et
nous pensons qu'il peut accomplir.
De ce qui est
de la mission de La Presse, parce que c'est vraiment à ça dont vous
faites allusion, celle qui avait été écrite, je crois, par Roger Lemelin à
l'époque et qui définit le journal, moi, je ne sais pas ce que vont faire les
gens à l'intérieur de ça, mais on me dit que la mission et l'acte de
fiducie seront mis ensemble et qu'ils seront décidés à ce moment-là.
Et je pense qu'ils vont rajeunir probablement la mission pour qu'elle soit le reflet un peu plus d'aujourd'hui. Mais est-ce
qu'elle sera fédéraliste? La réponse, probablement, c'est oui.
Je serais surpris que La Presse change sa façon aussi
considérablement sur sa mission.
Et c'est ça,
à la fin de la ligne, votre question. Parce que de là vient la position
éditoriale qui, probablement, ne supporte
pas un parti séparatiste qui veut séparer le Québec du Canada. Alors, c'est une
différence d'opinions qui existe, qui
est réelle. Et c'est vrai, je ne le nierai pas, c'est absolument vrai, nous
avons été propriétaires du journal et nous avons exercé notre droit de
propriétaire sur ces questions-là.
Je dois dire
par exemple, j'aimerais que vous le sachiez parce que c'est important : À
l'intérieur de ça, la plupart des
éditoriaux et la grande, grande, grande majorité des éditoriaux, on ne fait
jamais rien, on n'a pas de commande, là, on n'a pas rien, rien, jamais — et je veux juste vous le dire parce que
c'est important — à
l'intérieur de ça, mais on exerce notre droit de propriétaire comme ça
se fait dans tous les grands journaux à travers les États-Unis.
La Présidente (Mme de Santis) :
Veuillez conclure, s'il vous plaît.
M. Desmarais (André) : Woups!
Oui.
M. Bérubé :
C'est votre droit de propriétaire, mais vous m'avez indiqué que vous seriez
surpris que ça ne soit pas le cas. Est-ce que c'est votre souhait?
Est-ce que c'est une demande que vous avez faite aux administrateurs?
M. Desmarais (André) : Non. Je
n'ai pas fait de demande.
M. Bérubé :
D'accord.
M. Desmarais (André) : Mais
est-ce que c'est un souhait? Oui. Moi, j'espère que La Presse garde
sa mission et qu'elle continue d'être ce
qu'elle est. Parce que je trouve que La Presse offre un ballant de
la société qui est magnifique. Elle l'a toujours fait. Et, à
l'intérieur, je trouve qu'il y a beaucoup de pages qui permettent aux gens de s'exprimer et qui leur permettent d'exprimer leurs
opinions sans être... Même des journalistes, là, qui peuvent prendre vos
mots puis les corriger. Vous pouvez écrire ce que vous voulez.
M. Bérubé :
Notre inquiétude ne réside pas pour les artisans de l'information. Ça ne réside
pas là. Donc, vous avez indiqué, puis ce n'est peut-être pas le mot exact, que
vous présumez que cette tradition va se poursuivre. J'imagine que vous
avez des... vous l'espérez.
M. Desmarais (André) : Je
l'espère, oui.
M. Bérubé :
Vous l'espérez, qu'on n'appuie jamais un parti séparatiste, comme vous avez
dit. Donc, ce que vous indiquez, c'est...
M. Desmarais (André) : ...ça ne
me fait rien qu'il y ait un parti séparatiste.
M. Bérubé : Vous
avez utilisé ce mot-là.
M. Desmarais (André) : C'est le
droit d'une société de l'avoir.
M. Bérubé : Vous
avez utilisé ce mot-là.
M. Desmarais
(André) : Ce que je vous dis, c'est que j'aimerais que La Presse
reste libre de faire et de supporter comme elle l'a toujours fait dans l'ancien
temps.
M. Bérubé :
D'accord. Je vous indique que la prochaine structure pourrait faire appel à la
pluralité des opinions de ses membres
qui contribuent et n'avoir même aucune position éditoriale. Je vous indique
qu'en date d'aujourd'hui le Globe and Mail ne prend aucune
position dans l'élection ontarienne. Ça, c'est un choix que...
M. Desmarais
(André) : Vous avez raison. Il faudra qu'ils prennent position de
comment ils veulent gérer cet aspect-là du journal. Et ils décideront.
M. Bérubé : Le
ton est donné. D'accord. Quant à la gouvernance, je l'ai évoqué tout à l'heure,
j'ai posé une question à M. Levasseur
tout à l'heure quant à la nomination du président du conseil d'administration.
Il nous apparaît que, dans les
principes de saine gouvernance, la présidence du conseil d'administration doit
assurer un rôle de contrepoids, surtout
dans la nouvelle structure, et assurer une place pour tout le monde, et pas un
poids prépondérant ou une relation privilégiée avec la présidence.
Alors, j'ai posé la question de la nomination. Au départ, j'avais des
indications qui me permettaient de croire que vous pourriez faire une
recommandation. On me dit que non. Alors, je prends la parole de M. Levasseur là-dessus. Donc, je comprends
que, dans la nouvelle structure que vous avez acceptée, vous êtes à l'aise
avec le fait que le président nomme le président du... en fait le conseil
d'administration.
M. Desmarais
(André) : ...avec le texte, parce que, sinon, il n'aurait pas été
présenté. Donc, je ne suis quand même pas pour...
M. Bérubé : C'est
important pour vous.
M. Desmarais
(André) : ...vous dire que je ne suis pas à l'aise avec. Je suis à
l'aise aussi avec. Pierre-Elliott va nommer le prochain président du
conseil. Et, pour moi, ça a beaucoup de bon sens. Il faudra qu'il travaille
avec son président de conseil et puis il
faudra qu'il nomme quelqu'un qui connaît la business un peu et puis qui marche
un peu. C'est
mieux que si moi, je l'avais nommé, parce que si moi, je l'avais nommé, tout le
monde aurait dit : Power Corp s'ingère dans la place. Donc, je trouve que c'est un bon compromis. Et après ça,
comme a dit Pierre-Elliott, j'ai trouvé que c'était intéressant, sa réponse, c'était de dire :
Oui, mais il va nommer d'autres personnes et, avec l'ensemble des personnes, il
va avoir un conseil qui va lui donner un peu de «pushback» pour que ce
soit un bon conseil.
• (13 heures) •
M. Bérubé :
Je réitère en tout respect, M. Desmarais, qu'il m'apparaît que, dans les
règles de saine gouvernance... on
aborde ces questions-là de façon régulière à l'Assemblée nationale, il
m'apparaît que de nommer soi-même son patron, ce n'est pas l'idéal. Ce n'est pas l'idéal. Et là je n'ai pas eu, pour l'instant,
d'indication quant à la composition du conseil d'administration. Je présume qu'on nous le fournira un peu plus tard,
tout à l'heure, mais c'est important qu'il y ait une place, par exemple,
aux journalistes, aux artisans de l'information, aux lecteurs, à d'autres
observateurs, surtout pour s'assurer que, lorsqu'il y a des décisions
importantes qui seront prises... Là, vous m'avez indiqué tout à l'heure 240 journalistes. Si un jour la décision se
prenait d'en amputer un certain nombre, là, il faut qu'il y ait des pare-feu,
il faut qu'il y ait des gens qui soient attentifs à ce qui se passe.
Vous remarquerez, je
ne poserai jamais de question sur le modèle d'affaire, la question financière.
Ça vous appartient. C'est le choix que vous
avez fait, mais, sur la gouvernance, comme c'est un projet de loi, puis on a à
le regarder, puis on ne l'a pas choisi, ça fait partie de... c'est un
caractère assez inusité, on en conviendra, mais on le fait.
La Présidente (Mme
de Santis) : Il reste une minute.
M.
Bérubé : Donc, la question que je vous pose, vous êtes à
l'aise... et ce que je comprends, c'est que la condition pour que vous
acceptiez le plan qui vous a été proposé, c'était notamment tant que le C.A.
soit selon les volontés de M. Levasseur.
M.
Desmarais (André) : Ce n'est pas la volonté de M. Levasseur, le
C.A. Il nomme le président, et le président après ça nomme ses
administrateurs.
Une voix :
...
M. Desmarais
(André) : Oui, oui.
M.
Bérubé :
Pas les membres de la nouvelle structure?
M. Desmarais
(André) : Pardon?
M.
Bérubé : Pas les membres de la nouvelle structure? Il va
nommer l'ensemble des membres, pour la première fois.
M. Desmarais
(André) : Oui, oui, les membres — hein, Jacques? Il nomme les
membres, il nomme tous les membres. C'est
tous des nouveaux membres, et ces gens-là forment le nouveau conseil
d'administration. S'il va y avoir un
journaliste, je n'en ai aucune idée, ça va être au nouveau président qui
décidera qu'est-ce qu'il veut ou qu'est-ce qu'il ne veut pas. Je sais qu'il y a un nombre d'attributs que Pierre-Elliott
aimerait avoir à son conseil, qu'il va discuter avec son «chairman» et
puis, après ça, le «chairman» nommera des gens. Mais ça ne sera pas des gens
que Pierre-Elliott nommera, c'est très important. Parce que je suis d'accord
avec vous...
La Présidente (Mme
de Santis) : Merci
M. Desmarais
(André) : ...tu ne peux pas avoir un gars qui nomme son patron à
100 %...
La Présidente (Mme
de Santis) : Merci beaucoup, M. Desmarais...
M. Desmarais
(André) : ...ça ne marche pas, ça, vous avez entièrement... je suis
entièrement avec vous, M. Bérubé, là-dessus.
La
Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup. Maintenant la parole est
à la députée d'Iberville pour six minutes.
Mme
Samson : Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Desmarais, pour
votre présentation. C'était on ne peut plus clair. Je pense qu'on a tous bien pu entendre et sous-entendre autant
les raisons qui ont motivé votre décision que la passion que vous avez mis dans La Presse au
fil des ans et l'attachement que vous ressentez auprès de cette entreprise-là.
Alors, je vous félicite, c'est des propos empreints de sagesse.
On voit que vous
connaissez bien vos dossiers. J'imagine que vous avez toujours été un gestionnaire
assez «hands-on», parce qu'il faut bien
connaître ses dossiers. En tout cas, vous possédez bien l'industrie, et tout
ça. Et j'ai aussi bien senti le sens des responsabilités que Power
Corporation a voulu assumer en assurant une transition financière acceptable pour La Presse, en
espérant justement qu'elle survive et qu'elle réussisse dans son mandat, et
honnêtement je vous dirais qu'à moins d'entendre des arguments
fracassants aujourd'hui, si j'étais commissaire au CRTC, et M. Parisien va savoir pourquoi j'y fais
allusion, tout ce qu'il me resterait à faire, c'est d'essayer de vous soutirer
encore quelques millions comme bénéfices tangibles pour clore le tout.
Alors,
moi, j'aimerais en profiter, bien que ma question ne portera pas sur le projet
de loi... Il y a deux articles, là, on
ne se questionnera pas de midi à quatorze heures. J'ai remarqué toutefois... Je
suis retourné lire la loi de 1977, et c'était vraiment une loi faite sur
mesure pour Power Corporation parce qu'il y avait les exceptions de CKAC et de
La Patrie. Alors, c'était vraiment une
loi sur mesure pour un cas bien particulier. Il n'y en existe pas beaucoup,
ceux dans la législature du Québec,
là, ça doit être un cas assez rare, mais j'aimerais que... Vous avez parlé un
peu tantôt de votre volonté, au fil des ans, malgré les pertes financières puis
les risques associés, à garder La Presse dans votre giron, à votre
volonté tout le temps d'y croire, et
d'y croire, et d'y croire, et ça m'a rappelé un peu mon
expérience à Télévision Quatre Saisons, quand M. Pouliot, bien que TQS était en faillite
technique, année après année, il remettait de l'argent dedans grâce à CFCF,
puis CF Câble qui faisaient de
l'argent. Bon, alors, j'ai vécu ça, là, d'être la pauvre des présidents, puis
qui allait quêter, qui allait toujours chercher de l'argent.
Mais
cette volonté-là de vouloir y croire toutes ces années-là, là... Puis ça fait
longtemps, là, bien, La Presse a été votre propriété pendant
plus de 50 ans, vous avez célébré son 100e anniversaire. Pourquoi avez-vous
tant cru à La Presse toutes ces années-là, malgré ces difficultés
puis ces défis parfois insurmontables?
M.
Desmarais (André) : Vous
brossez un portrait économique de La Presse
qui n'est pas nécessairement réel tout le temps, hein, donc ça, c'est
sûr, parce qu'on parle d'une période de 50 ans, quand même.
La
deuxième chose, la grande raison, c'est que c'était un actif qui, je pense, à
l'époque, permettait à mon père d'être
bien informé de ce qui se passait dans la province de Québec et puis dans les
autres endroits, et de participer dans la société. Mon père a toujours été
extrêmement, extrêmement impliqué dans la société, il voulait toujours
participer, aider, trouver des façons
de faire des choses, etc., et je pense que La Presse était,
pour lui, un véhicule qui lui permettait, de façon intéressée, à passer
puis à regarder son journal, etc. Et puis ça l'intéressait beaucoup.
Et
moi, je dois dire que j'ai beaucoup la même sensation, une sensation de fierté
d'avoir un journal qui n'existe pas
nécessairement dans d'autres business. Le journal, c'est le reflet d'une
société, et nous, on est très fiers du fait qu'on ait gardé notre
journal si libre puis que les gens puissent faire tout... Écoutez, quand on est
allés voir les employés... Il y avait
quelqu'un qui avait parlé des employés qui sont venus nous voir, là, qui sont
venus me voir. Moi, je vous garantis, hein,
le trois quarts des journalistes ne m'avaient jamais vu dans leur vie, là, mais
pas une fois, là, puis pas reçu d'appel, ou «whatever», là, parce que ce n'est pas comme ça qu'on opère. Et donc
c'est fascinant parce que c'est des gens qui font un travail tellement
important pour la société, c'est quelque chose d'unique, c'est vraiment unique.
Moi, écoutez, je vous le dis franchement, je
vais manquer ça beaucoup, hein, parce que j'aimais ça, aller à La Presse,
à l'occasion, puis aller voir les gens là-bas, puis qu'est-ce qui se
passe, puis tout ça, puis voir le journal en marche. C'est le fun. J'ai
peut-être un point de vue un peu trop romantique. Il faut aller regarder le
film de Mme Graham.
La Présidente (Mme
de Santis) : Mme la députée, 30 secondes.
Mme Samson :
C'est beau. J'ai terminé, moi, madame.
La Présidente (Mme
de Santis) : Merci beaucoup. Maintenant, nous avons deux indépendants
qui vont intervenir. Alors, M. le député de Mercier, pour
1 min 30 s.
M. Khadir :
Merci, Mme la Présidente. M. Desmarais ne doit pas ignorer que Québec...
Je vous souhaite d'abord la
bienvenue. Vous n'ignorez sans doute pas que Québec solidaire est probablement
l'adversaire politique le plus farouche, au Québec, de l'influence indue des grandes fortunes, des grandes
corporations sur les décisions politiques, sur les partis politiques, et
malheureusement Power Corporation a été, de ce point de vue là, une présence
très néfaste sur la scène politique
québécoise et canadienne. Mais ce n'est pas pour le procès de ça que
j'interviens, je veux juste que ça soit clair puis, bon, pour que vous
vous sentiez à l'aise et que je me sente à l'aise.
Les considérations
qui sont importantes, pour nous, dans l'examen de ce projet de loi, pour la
succession, là, Trefflé Berthiaume et La Presse,
je vais vous les énumérer, elles sont au nombre de six, puis je voudrais savoir
si vous avez des objections ou une
opposition à l'une ou l'autre de ces considérations : indépendance
éditoriale totale de cet OBNL; deuxièmement,
garantie du maintien des postes actuels; troisièmement, la présence de
représentants des employés sur le C.A.; quatrièmement...
M. Desmarais
(André) : ...
M. Khadir :
Trop vite?
M.
Desmarais (André) : Excusez-moi, M. Khadir, c'est parce que je ne me
rappellerai pas. La première, c'est l'indépendance éditoriale?
M. Khadir :
Totale.
M. Desmarais
(André) : Ce n'est pas moi qui déciderai, c'est le nouveau...
M. Khadir : Non, je
comprends, mais vous avez une opinion, c'est votre...
La
Présidente (Mme de Santis) : Malheureusement, la minute et demie est
terminée.
M. Khadir : ...et vous pourriez, à ce moment-là, vous commettre publiquement par la suite. Je n'ai pas le temps,
mais je vais vous les soumettre tout à l'heure.
La
Présidente (Mme de Santis) :
Merci. Maintenant, la parole est à la députée de Vachon pour
1 min 30 s. Ça passe très vite.
Mme Ouellet :
Merci, Mme la Présidente. Donc, bienvenue. J'aimerais savoir : Depuis
combien d'années Power Corporation absorbe
les déficits de La Presse? Parce que je pense que ce n'est pas récent, là, je pense que ça fait
plusieurs années. Parce que vous me parlez de Google puis des géants de ce monde,
mais je pense que La Presse avait des déficits avant ça.
Et pouvez-vous nous donner la différence d'ampleur entre avant et après le phénomène
Google?
• (13 h 10) •
M.
Desmarais (André) : Je suis
désolé, mais malheureusement on ne peut pas révéler les états de La Presse, d'une façon
ou d'une autre, parce qu'on n'a pas besoin de le faire. Alors, je ne pourrai
pas répondre à vos questions. Je suis désolé, mais c'est la réalité.
Mme Ouellet : Je vous entends. Ce n'est pas que vous ne pouvez pas, c'est que vous
décidez que vous ne le faites pas.
Parce que vous venez ici, à l'Assemblée nationale, pour nous demander des
autorisations et vous allez venir dans un deuxième temps pour venir
chercher de l'argent des contribuables, de l'argent du gouvernement. Et vous
nous présentez une indépendance, qui est
importante qu'elle soit présentée, entre le gouvernement et La Presse,
mais ça prendrait une indépendance aussi de Power Corporation et La Presse,
qu'on ne constate pas actuellement.
Et
moi, je pense qu'il y a deux éléments très importants, effectivement. Si le
gouvernement doit investir à travers des
dons de charité, est-ce que c'est le rôle du gouvernement d'investir dans des
lignes éditoriales? Une ligne éditoriale qui est clairement fédéraliste, vous l'avez confirmé, mais une ligne
éditoriale aussi, qu'on a vue au fil du temps, qui n'est peut-être pas
écrite dans votre mission, mais qui est aussi pour le grand capital, qui est
aussi très néolibéraliste, donc beaucoup pour la privatisation...
La Présidente (Mme
de Santis) : Merci beaucoup, Mme la députée de Vachon...
Mme Ouellet :
...qu'on a remarquée dans vos journaux.
La Présidente (Mme
de Santis) : Monsieur...
Une voix :
...
La
Présidente (Mme de Santis) : ...non, c'est terminé, maintenant.
M. Desmarais, M. Parisien, M. Bellens, merci d'avoir
contribué à cette commission.
Maintenant, nous
allons suspendre les travaux jusqu'à 15 heures. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à
13 h 11)
(Reprise à 15 h 3)
La
Présidente (Mme de Santis) :
À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission
de la culture et de l'éducation
reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de
bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.
Nous
poursuivons les auditions publiques dans
le cadre des consultations particulières sur le projet
de loi n° 400, la Loi
modifiant la Loi concernant la succession de l'honorable Trefflé Berthiaume et
la Compagnie de Publication de La Presse, Limitée.
Cet
après-midi, nous allons entendre la Confédération des syndicats nationaux conjointement avec la Fédération nationale des communications, le Syndicat des travailleurs de l'information
de La Presse, la Fédération
des travailleurs et travailleuses du Québec et la Fédération
professionnelle des journalistes du Québec.
Je
souhaite la bienvenue aux représentants de la Confédération
des syndicats nationaux et la
Fédération nationale des
communications. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour
votre exposé. Ensuite, nous allons procéder à la période d'échange avec les membres
de la commission. Je vous invite donc
à vous présenter, ainsi que les personnes qui vous accompagnent, et
ensuite de procéder avec votre exposé. La parole est à vous pour
10 minutes.
Confédération des syndicats nationaux (CSN) et Fédération
nationale des communications-CSN (FNC-CSN)
M. Létourneau (Jacques) : Bien, alors, merci, Mme la Présidente, membres de la commission. Jacques Létourneau. Je suis le président de la Confédération des syndicats nationaux, la CSN. Et je suis accompagné de Pascale
St-Onge, qui est la présidente de la Fédération nationale des
communications, affiliée à la CSN.
D'abord,
vous remercier pour cette commission parce que la CSN est, bien sûr, une organisation
syndicale d'importance au Québec, qui représente 300 000 travailleuses et travailleurs dans tous les secteurs
d'activité et dans toutes les catégories
d'emploi. Mais nous représentons
aussi des travailleuses et des travailleurs, dans le monde des communications,
qui sont affiliés à la fédération, et, j'oserais dire, même la majorité des
travailleuses et des travailleurs qui sont liés à la presse écrite au Québec.
Alors,
évidemment, comme vous allez l'entendre un peu plus tard cet après-midi, la CSN
représente aussi des travailleuses et
des travailleurs de La Presse qui sont directement concernés
par les choix que vous aurez à faire très bientôt sur l'avenir et la
transformation du journal La Presse en OBNL pour assurer et
permettre sa pérennité. Alors, c'est clair qu'une organisation comme la nôtre,
quand elle se présente en commission parlementaire, elle est d'abord et avant
tout préoccupée par la question des emplois parce que nous représentons des
travailleuses et des travailleurs, Pascale vous l'expliquera tantôt, là, mais qui ont été pas mal malmenés, dans le
monde de la presse écrite, au cours des dernières années, avec toutes les transformations qu'on a connues.
Alors, La Presse n'est pas du tout à l'abri de ces
transformations, bien au contraire, même.
Alors,
c'est clair que, comme organisation syndicale, notre première préoccupation,
c'est celle des emplois et du maintien des emplois. Mais, je dirais
aussi, comme organisation syndicale qui sommes attachés aux valeurs et aux principes d'une société démocratique comme la
nôtre, on a toujours adhéré à l'importance et la nécessité d'avoir une presse
au sens large, là. Je ne parle pas juste du
journal La Presse, mais d'une presse écrite diversifiée, qui
illustre l'ensemble des points de vue et qui se pratique, dans une
société comme la nôtre, de façon indépendante. D'ailleurs, on a eu la chance, comme CSN, à plusieurs reprises,
d'intervenir dans le débat public en rappelant qu'on était préoccupés justement
par la quasi-disparition de la presse
écrite, parce que, dans une société démocratique, quand on est syndicaliste ou
encore politicien ou politicienne, on souhaite justement cette diversité
au niveau de la production de l'information.
Alors,
c'est clair que, nous, comme organisation syndicale, ce qu'on va souhaiter,
c'est que l'Assemblée nationale procède, et procède sans aucune condition...
Parce que, comme ça vous a été expliqué ce matin par les actuels propriétaires, si la question de la loi adoptée à
la fin des années 60 n'amenait pas l'Assemblée nationale à se prononcer
sur la transformation de La Presse,
bien, comme à peu près 100 % des autres journaux indépendants au Québec et
au Canada, ils pourraient faire les
transformations qu'ils veulent sans avoir l'autorisation de l'Assemblée
nationale. Et j'ajouterais que, pour
nous, c'est un principe fondamental que la production journalistique se fasse
de façon indépendante pour assurer justement l'émergence des différents
points de vue et le respect des grands principes qui gouvernent une société
démocratique comme la nôtre.
Alors, c'est un peu
la demande que nous faisons. Puis je vais passer la parole à Pascale.
Mme St-Onge (Pascale) : La FNC souhaite aujourd'hui défendre deux
principes qui nous sont chers. Le premier, c'est la protection des
emplois, et le deuxième, c'est l'indépendance journalistique et des médias.
L'indépendance
des médias. En fait, le rôle des médias, c'est de surveiller les pouvoirs
publics et privés, d'être les yeux et
les oreilles de la population et de les informer de ce qu'ils devraient savoir
afin d'être en mesure de prendre des
décisions éclairées. La pire chose qui puisse nuire à la démocratie, c'est
l'impression que le politique a la mainmise ou empêche le libre exercice de la justice ou de la liberté de presse.
Jusqu'à présent, nos gouvernements ont reconnu ces principes et ont toujours pris beaucoup de précautions pour traiter de tout ce qui
concerne les médias et le journalisme.
La
situation qui amène La Presse devant cette commission
parlementaire ne doit pas être celle
qui met à mal cette indépendance des médias. Il peut y avoir des gens en
désaccord avec la ligne éditoriale de La Presse, mais ce
n'est certainement pas à l'Assemblée
nationale d'en imposer une autre. La Presse n'est pas ici pour être transformée en société
d'État, mais seulement pour demander
d'annuler une loi qui est aujourd'hui complètement
désuète et inapplicable, une loi qui
a été adoptée pour une chicane de succession et pour éviter la vente à des
intérêts étrangers. Ces deux éléments ne sont pas en cause aujourd'hui.
Au moment de la
création de la loi, en 1967, le monde des médias était bien différent de celui
d'aujourd'hui. La Fédération nationale des
communications n'existait même pas encore sous sa forme actuelle, car elle a
été créée en 1972. Il y a eu un grand
mouvement de syndicalisation des journalistes dans les années 60, 70, 80.
La raison principale de cette
syndicalisation, à part l'amélioration de leurs conditions de travail et de
vie, était de se protéger contre toutes les formes de pression externe qui nuisaient à leur indépendance d'esprit et
à leur capacité d'exercer le journalisme tel qu'on le connaît
aujourd'hui. À une certaine époque, les enveloppes brunes pour arrondir les
fins de mois en échange d'une couverture de presse favorable étaient chose
courante.
• (15 h 10) •
Les syndicats ont
donc permis de développer des codes d'éthique qui ont favorisé l'essor du
journalisme professionnel. Nous avons aussi permis d'ériger des barrières
étanches entre les salles de nouvelles et les différentes pressions, que ce soient celles des
propriétaires, des annonceurs, des groupes criminels, des commerçants ou des
politiciens. Dans le contexte d'aujourd'hui, alors que les journalistes doivent se battre constamment contre les
fausses nouvelles, les pressions économiques,
la dictature du clic, qu'ils ont tous concédé d'importants reculs dans leurs conditions de travail afin de protéger leurs emplois dans le contexte économique
et numérique difficile, toute pression additionnelle constitue une
entrave à la liberté de presse, et cela, nous devons le réaliser.
C'est pourquoi il y a
aujourd'hui une ligne à ne pas franchir, sous peine de mettre à mal la
crédibilité et l'indépendance de La Presse et de tout autre média. Vous
pouvez ne pas être d'accord avec ce qui est écrit dans un journal et vous pouvez le dire, mais vous ne
pouvez pas vous servir de votre pouvoir politique pour empêcher d'écrire
ou pour influencer la gestion interne d'un
média. La responsabilité des élus n'est pas d'attester de la qualité du modèle
d'affaires qui est proposé par La Presse,
pas plus qu'elle n'a la responsabilité de trancher à savoir si le bon modèle
est celui du Devoir ou de Québecor.
D'ailleurs,
personne, à l'heure actuelle, ne peut vous garantir la survie ou la pérennité
de n'importe quel média d'information. Près de 50 % des emplois de
la presse écrite ont disparu au Québec en moins de 10 ans. De nombreux journaux, hebdomadaires et quotidiens ont fermé
partout au Canada. Le modèle est brisé, et ce, de façon
irréversible. Il faut le réinventer.
Les gouvernements ont commencé à introduire des programmes de financement public. C'est
un premier pas, mais ça ne sera pas suffisant. Cependant, les
problématiques complexes ne pourront pas être réglées dans le cadre de cette commission parlementaire, et encore moins en regard de ce qui vous est
demandé, soit d'abroger une loi qui date de 1967 afin de permettre le transfert de La Presse dans une fiducie
d'utilité sociale. Les problèmes quant à l'avenir de La Presse et de tous les autres quotidiens doivent être
étudiés dans leur ensemble, et les solutions qui seront proposées et mises sur
pied par les gouvernements devront être neutres, objectives et universelles. Elles ne pourront pas
favoriser un média au détriment d'un autre.
Non, le
transfert de La Presse dans une fiducie d'utilité sociale ne garantit
pas les emplois, mais de maintenir de force La Presse au sein de
Power Corporation non plus. La seule chose que cette transformation permet,
c'est de diversifier des sources de revenus,
et, pour nous, c'est un passage obligé. Toutes les entreprises cherchent à
diversifier leurs sources de revenus,
car celles que nous avions ont fondu comme neige au soleil, et ce, peu
importent les efforts qui ont été faits.
Nous accueillons
aussi comme une bonne nouvelle le fait que tous les revenus demeureront au sein
de la fiducie et serviront au
fonctionnement de La Presse plutôt que de se retrouver entre les mains
des actionnaires. Les gens que nous représentons
ne souhaitent pas voir le gouvernement intervenir et empêcher le transfert de La
Presse dans une fiducie d'utilité sociale.
La Présidente (Mme de Santis) :
Alors, merci beaucoup, Mme St-Onge et M. Létourneau. Nous sommes maintenant...
Vous avez terminé?
Une voix : ...
La
Présidente (Mme de Santis) : Non, non, c'est pour ça que je procédais...
Maintenant, nous allons débuter la période d'échange. Mme la ministre,
la parole est à vous pour 15 minutes.
Mme
Montpetit : Je vous remercie, Mme la Présidente. Je pensais que vous
n'aviez pas complété. Je vous aurais cédé
du temps supplémentaire de notre côté pour compléter. Donc, Mme St-Onge, M.
Létourneau, bien contente de vous voir
ici pour apporter votre point de vue sur cet important dossier. On comprend que
nous sommes tous ici pour donner les
coudées franches, dans le fond, à La Presse de faire les changements qui
s'imposent pour assurer sa pérennité, comme vous l'avez mentionné.
D'entrée de
jeu, j'aborderais la question... parce que vous avez fait référence beaucoup à
ça, Mme St-Onge, à la question de la
liberté de presse et de l'indépendance des médias, et c'est ce qui nous occupe
finalement comme débat plus large autour de ce projet de loi là, toute la
question que la production journalistique puisse se faire, dans le fond, dans
toute l'indépendance nécessaire. Et
j'aimerais vous entendre davantage sur cette question-là parce que, ce matin,
le leader de l'opposition notamment
posait des questions sur la ligne éditoriale de La Presse, et je pense
qu'on s'éloigne bien loin de notre
rôle de parlementaires quand on pose ce genre de questions. Et, vous l'avez
mentionné, que ce soit Le Devoir, ou que ce soient les journaux de Québecor, ou que ce soit La Presse,
ce n'est absolument pas notre rôle, comme parlementaires, d'aller poser
quelque question que ce soit, d'intervenir de quelque façon que ce soit.
Et
effectivement nous faisons toujours bien attention, comme gouvernement, que ce
soit dans les programmes qui ont été mis
en place. Vous y avez fait référence, c'est dans notre responsabilité de venir soutenir les différents médias écrits, notamment, qui sont très secoués par ce qui se passe en ce moment justement à cause des revenus publicitaires qui glissent vers les grands géants du Web depuis
quelques années. Et, dans les décisions que nous avons prises, vous y avez fait référence, au cours de l'automne dernier, nous
avons mis une première mesure en place. Et, au cours du budget,
du dernier budget, en mars dernier, avec
mon collègue le ministre
des Finances, nous sommes venus
mettre de l'avant un crédit d'impôt pour venir soutenir l'ensemble des
médias justement dans leur transformation numérique pour qu'ils demeurent
compétitifs. Et l'objectif de ça, c'est évidemment de venir soutenir nos
piliers de notre démocratie, de s'assurer
que nos médias demeurent, leur vitalité demeure, qu'ils demeurent diversifiés,
qu'ils demeurent disponibles dans toutes les régions du Québec. Et on
s'assure, à tout moment, dans ces décisions-là, justement, d'éloigner le plus
le politique des médias, d'avoir des programmes qui sont normés, d'avoir des crédits
d'impôt ou des mesures qui sont applicables à l'ensemble des médias du Québec.
Et donc je
souhaiterais vous entendre davantage sur ces questions, entre
autres, de ligne éditoriale et
d'indépendance des médias.
M. Létourneau (Jacques) : Bien,
peut-être débuter, puis Pascale complétera.
Une organisation syndicale comme la CSN va
toujours souhaiter qu'il y ait davantage de points de vue syndicaux ou encore de points de vue critiques à
l'endroit des mesures d'austérité d'un gouvernement. Bon, je sais qu'on ne partage pas la même notion. Vous parlez de
rigueur. Nous, on a parlé d'austérité. Et parfois on va peut-être effectivement
trouver que ces couvertures-là sont déficitaires par rapport à ce qu'on
souhaiterait.
Une fois
qu'on a dit ça, un peu comme Pascale l'a placé tantôt, on peut avoir un point
de vue critique à l'endroit de la
façon dont La Presse, ou Le Devoir, ou Le Journal de
Montréal vont se positionner dans le débat public, sur des enjeux politiques,
socioéconomiques. Mais, de là à se présenter ici pour exiger que les pouvoirs
politiques dictent la ligne éditoriale
d'un journal, jamais, nous, on ne loge pas à cette enseigne-là. Tout comme les
organisations syndicales ont le loisir
d'avoir leur propre journal pour faire leur propre propagande sur la question
des points de vue syndicaux, nous, on va souhaiter que, de façon indépendante, la production de la presse, de
façon générale, se fasse en toute liberté, indépendamment du point de vue que
nous pouvons avoir, y compris sur la question de l'avenir du Québec ou de la
question nationale ou du fédéralisme.
Mme St-Onge
(Pascale) : Je pense aussi
qu'il faut bien distinguer la ligne éditoriale du travail des journalistes.
La ligne éditoriale, effectivement, peut
être, des fois, décidée à l'intérieur d'une équipe éditoriale. Ça peut être,
parfois, sur certaines questions, les
propriétaires qui se servent de la section éditoriale pour apporter leur point
de vue au débat. Mais, dans la
réalité, les salles de nouvelles fonctionnent de façon totalement indépendante.
Et, dans toutes les salles de nouvelles,
que ce soit celle de La Presse, du Devoir, du Journal de
Montréal, on retrouve des gens qui ont probablement tout le spectre des idées politiques et qui le
partagent avec leurs familles, avec leurs amis. Mais, lorsqu'ils font leur
travail journalistique, ils le font de façon la plus objective possible, en
s'appuyant sur des faits et en appliquant un code d'éthique qui est conventionné, c'est-à-dire que c'est à
l'intérieur des conventions collectives. Et, lorsqu'il y a une entrave à ce
code d'éthique là ou qu'on tente de
leur faire des pressions, bien, on se défend contre ça, et c'est le rôle des
organisations syndicales.
Sur la
question du financement, bien, évidemment, nous, on est favorables à un
financement qui sera universel. Et puis
ça fait plusieurs années qu'on demande l'intervention, que ce soit du
gouvernement provincial ou du gouvernement fédéral, pour soutenir le quatrième pouvoir, ce qu'on décrit comme le
quatrième pouvoir, les médias d'information, qui jouent un rôle essentiel aujourd'hui dans nos sociétés. Les médias n'ont
pas toujours joué ce rôle-là dans l'histoire. Mais aujourd'hui nous, on croit que, dans la situation
actuelle, où on a des blogueurs dans leurs sous-sols qui partagent leurs
idées nazies et qui ont
40 000 abonnés... on pense que les médias d'information doivent
pouvoir continuer à faire un travail objectif
et avec un code d'éthique professionnel. Et, en ce sens-là, le financement
doit, à un moment donné, être apporté pour
soutenir ce travail-là, parce que, vous le savez, les revenus ne sont plus au
rendez-vous, les revenus publicitaires. Et ça, ce n'est pas la transformation de La Presse dans une
fiducie qui va empêcher cette réalité-là et ce n'est pas non plus son
maintien à l'intérieur de Power Corporation qui va changer cette donnée-là.
• (15 h 20) •
Donc, on peut
bien, ici, débattre pendant très longtemps, là, sur le modèle d'affaires qui
est choisi par La Presse, là, mais la catastrophe, elle est
ailleurs. La catastrophe, elle est dans l'érosion de nos médias d'information
puis dans l'abolition et la perte d'emploi de journalistes et tous les autres
emplois qui sont rattachés à ces médias-là.
Mme
Montpetit : Je vous
remercie. Puis, M. Létourneau, vous faisiez référence à l'importance
de la diversité des points de vue, puis on est bien d'accord avec ça, parce que
vous parliez de l'important travail d'équilibre des finances qu'on a fait comme gouvernement et la rigueur budgétaire,
et c'est ce qui nous a permis justement de faire ces annonces-là dernièrement, de venir soutenir l'ensemble des médias au Québec,
et on en est bien contents. Mais c'est pour ça qu'on a une société où la
pluralité des opinions est à mettre de l'avant.
Mme St-Onge,
vous avez dit, dans votre allocution tout
à l'heure, puis vous y faisiez
référence dans votre dernière intervention aussi, je vous cite, là :
«Toute tentative de bloquer cette transformation — donc la transformation
de La Presse — sera considérée comme de l'ingérence
politique et une entrave à l'indépendance des médias.» Je reviens là-dessus aussi. Et vous avez parlé beaucoup de
l'urgence, de l'importance de la survie de La Presse, de
l'implication que ça pourrait avoir
pour les journalistes à l'heure actuelle. J'ai fait référence ce matin, quand
on a eu les discussions avec La Presse et avec Power
Corporation, sur le fait que vous êtes la plus grande salle de presse
francophone en Amérique du Nord. J'aimerais
vraiment que vous puissiez expliquer, pour les membres de cette commission,
pour les gens qui nous écoutent également, votre point de vue là-dessus, à
savoir pourquoi maintenant. Pourquoi ça doit être fait rapidement? On l'a demandé aux autres personnes
qui sont venues se présenter en consultations. Pourquoi est-ce que ça doit
être fait dans un laps de temps très rapide? Quelles sont les conséquences que
vous voyez pour vous?
Mme
St-Onge (Pascale) : Je pense
qu'il y a un contexte qu'on ne peut pas écarter de ce qui
se passe aujourd'hui. Le premier, c'est qu'avant 2017 il n'y avait
aucun financement public qui soutenait les médias de la presse écrite. Il y a
eu un premier programme
qui a été introduit au provincial en 2017. Il y en a eu un deuxième en
2018. Et il y a eu, pour la première fois du côté fédéral,
une ouverture à apporter un certain soutien.
Donc, pour nous, ce qu'on ne s'explique pas,
c'est les réactions aujourd'hui quand les entreprises cherchent à s'adapter pour être capables d'aller chercher ce
financement-là. C'est normal, on est à la recherche de revenus. Donc, si le
gouvernement met en place des règles de financement avec des critères qui
s'appliquent à tous et que les entreprises s'adaptent,
bien, il me semble que c'est tout à
fait normal. Ces règles-là, cependant,
sont débattues dans d'autres forums. On n'est pas ici pour débattre à
savoir si La Presse pourrait obtenir le statut d'oeuvre de
charité. C'est un débat qui va se faire, je
présume, au fédéral à un moment
donné, quand la question va être
soulevée, parce que c'était une ligne qui est apparue dans le budget fédéral. Donc, ces
questions-là, il va y avoir des forums pour en discuter, pour en débattre et
puis pour appliquer des programmes normés qui seront appliqués à tous.
Maintenant, l'autre chose que j'ajouterais à ça,
c'est qu'effectivement on est dans une situation précipitée où l'Assemblée nationale est appelée à voter rapidement
sur cette question-là en fin de session. Puis moi, je ne suis pas ici pour défendre le modèle d'affaires de La Presse ou encore pour justifier pourquoi
on est ici à la dernière minute, et tout ça. Mais il faut prendre conscience quand même, là, que la
question de la reconnaissance possible, éventuelle d'un statut d'oeuvre de charité pour les médias d'information est
apparue pour la première fois dans le budget fédéral à la fin février 2018, ce qui laisse quand même
très peu de temps pour arriver avec un programme ou un modèle d'affaires qui
pourrait éventuellement répondre aux critères qui seront déterminés par le gouvernement
fédéral.
Donc,
c'est la situation dans laquelle on est. Puis, bien, malheureusement, il y a un processus électoral qui va débuter à l'automne. Et, si on n'arrive pas à entamer la
transformation de La Presse maintenant, bien, ça se fera peut-être dans un an ou peut-être pas parce
qu'en une année il se passe beaucoup de choses dans le monde des médias. En moins
de 10 ans, à peu près 50 %
des emplois ont disparu, et il y a une accélération ces dernières années. Il y a
eu la vente des hebdos de Transcontinental à des intérêts particuliers
qui a entraîné plusieurs fermetures, et c'est ce qu'on vit à tous les jours, et
c'est ce qu'on gère, à la fédération, à tous
les jours. Donc, une année, là, dans la vie d'un média d'information, c'est très long et c'est
énorme. Et, dans le contexte actuel où on fait face à des géants du Web, qu'on
peut qualifier de bulldozers, qui détruisent la concurrence, eh bien, on
est dans un contexte très précaire, et j'espère que tout le monde en saisit l'importance.
M.
Létourneau (Jacques) : Peut-être
ajouter, 30 secondes... À chaque
année dans le budget du Québec, il y a une multitude de crédits d'impôt qui sont accordés à l'ensemble des
entreprises pour procéder à leur propre transformation, et ce, sans aucune condition. Je l'ai rappelé encore
dernièrement, à chaque fois qu'on se présente lors de l'adoption du budget du Québec, on constate que les mesures sont mises
en place. Et souvent on va même les encourager parce que ça permet
d'adapter la main-d'oeuvre avec les transformations technologiques et les
différents changements qui frappent au quotidien
les entreprises qui sont en concurrence, par exemple, dans le contexte de
mondialisation et de libre-échange.
Alors,
quand on pose la question de l'avenir de La Presse, Pascale
l'a bien expliqué, c'est à la vitesse grand V que la transformation se fait. Et
elle ne se fait pas juste de l'intérieur, par, justement, l'arrivée des
nouvelles technologies, mais elle se
fait sur des conditions qui sont complètement indépendantes de la façon dont
les entreprises de presse se placent aujourd'hui,
avec l'arrivée des géants, où la réglementation est quasi-absente, quand ils
viennent justement s'accaparer la
plus grande part des revenus. Donc, on n'est pas dans de la théorie politique,
là. On est dans de la pratique. Puis les organisations syndicales, en général, on négocie à partir de la réalité
de l'entreprise. On n'est pas sur de l'idéologie. On est sur la réalité de l'entreprise, et surtout
dans le respect des points de vue qui sont dégagés par nos syndicats, qui sont
totalement et entièrement autonomes dans la gestion de leurs affaires syndicales.
La Présidente (Mme
de Santis) : Merci. M. le député de LaFontaine, pour
2 min 30 s.
M.
Tanguay : Oui, merci beaucoup. Je vais aller rapidement. Je
vous ai entendu dire, Mme St-Onge, que vous ne vous expliquiez pas les réactions au projet de loi n° 400, qui,
somme toute, est une technicalité, mais une technicalité qui est importante et qui doit être... et qu'il en
va de l'avenir de La Presse. Vous ne vous expliquez pas,
donc, les réactions à ce projet de loi
là. Comment pourrions-nous l'expliquer, justement? Pensez-vous que deux
facteurs tels que... la compétition
économique de d'autres médias pourrait être un facteur, et la compétition
éditoriale de d'autres médias... pourraient être les deux facteurs, à 100 %, qui expliqueraient ces réactions-là
qui sont, effectivement, pour certains, difficiles à justifier?
Mme St-Onge (Pascale) : Bien, en fait, ce que je veux dire par «je ne
m'explique pas les réactions», c'est qu'on est très loin de la portée de la loi de 1967 sur certaines questions. Je
trouve que toutes les questions sont légitimes. On a le droit de demander aux dirigeants de La Presse
quel sera leur... s'ils vont transférer la politique éditoriale. On a le droit
de leur demander ce qu'ils vont faire comme conseil d'administration, et tout
ça. Là, où il y a une limite à ne pas franchir,
c'est d'empêcher sa transformation à cause de l'existence de cette loi de 1967.
Ça, à notre avis, ça outrepasse largement
la portée de cette loi-là et ça porte une atteinte à l'indépendance des médias et
à l'indépendance de La Presse. On ne peut pas, à notre avis, se servir d'un
pouvoir politique pour s'ingérer dans le contenu d'un média ou dans sa gestion
interne. On franchit là une ligne qui n'a
jamais été franchie par le passé, pas même avec l'adoption de la loi de 1967.
Cette loi-là n'allait pas aussi loin. Alors, c'est pour ça que nous, on
est ici aujourd'hui pour demander aux parlementaires d'abroger cette loi-là
d'ici la fin de la session parlementaire.
M.
Tanguay : Donc, si je vous comprends bien, s'il y avait
continuité entre le modèle de La Presse actuelle et
postprojet de loi n° 400, vous seriez tout à fait à l'aise?
Mme St-Onge (Pascale) : Ça ne nous regarde pas, ça, c'est... La diversité
des voix et la pluralité des médias, c'est ça qu'on défend. Et, que La Presse existe telle
qu'elle existe aujourd'hui, on va le défendre jusqu'à la fin des temps, tout
comme on va défendre Le Journal de
Montréal, tout comme on va défendre Le Devoir et tous les
autres médias qui existent, parce
que, quand on perd un média, ce qu'on perd, c'est une partie de notre liberté,
c'est une partie de notre liberté de presse
et c'est une partie des voix qui s'éteignent et qui arrêtent d'être reflétées
dans l'opinion publique et dans l'espace public. Et ça, c'est désastreux
pour une société démocratique, et c'est contre ça qu'on se prononce
aujourd'hui.
M. Létourneau
(Jacques) : On aurait l'air de quoi si...
La Présidente (Mme
de Santis) : Merci beaucoup, Mme St-Onge. Maintenant, la parole,
je m'excuse, est au député de Matane-Matapédia pour neuf minutes.
• (15 h 30) •
M.
Bérubé : Merci, Mme la Présidente. Bienvenue,
Mme St-Onge, M. Létourneau. Il y aurait beaucoup à dire, sur
ce dossier, en lien avec les centrales syndicales, mais je me permettrai de
rappeler un certain nombre de choses.
D'abord,
le Parti québécois est pour la pluralité des sources d'information dans les
médias écrits, considère que La Presse est un journal
important dans notre démocratie, a un énorme respect pour les artisans de
l'information. Les inquiétudes que vous
partagez sur l'avenir des médias écrits, ce n'est pas en date d'aujourd'hui,
là. Les communiqués, avec vos noms
respectifs, sont abondants. Lorsque Power a vendu à Capitales Médias, je me
souviens de ce que vous avez dit, je
me le suis rappelé ce matin. Ça n'a pas empêché de perdre des emplois,
plusieurs. Vous avez été durs, puis avec raison. C'est votre job de centrale syndicale. Vous n'avez pas choisi la
situation dans laquelle vous êtes, les parlementaires non plus, et les
parlementaires vont jouer leur rôle correctement.
Et, à quelques
reprises, ici, au salon rouge, et à l'extérieur, vous avez indiqué que vous
craignez que les parlementaires puissent
bloquer ou empêcher l'adoption d'un projet de loi. Dans votre réponse,
j'aimerais ça que vous puissiez m'indiquer qui a évoqué cela, quand et
avec quelles paroles, juste pour s'assurer à qui vous vous adressez. Comme ça, on pourra aviser en conséquence. J'ai réitéré encore ce matin notre pleine participation pour adopter ce projet
de loi dans cette session, et nous nous réservons notre vote. Ne vous
inquiétez pas. Manifestement, le
gouvernement libéral est déjà en faveur, à voir les questions, et il est
majoritaire, O.K.? Et nous, on vous dit ce qui en est. Les autres formations
politiques vous diront ce qu'ils en pensent,
et les indépendants aussi, mais je vous donne la position du Parti québécois.
Ça va régler une chose en partant.
Parlons-nous franchement. Avec les centrales syndicales, dans mon comté, c'est
comme ça qu'on fonctionne, puis on se comprend bien. D'accord?
Mais il y a
des questions qui se posent, qui sont réelles. Moi, il y a plusieurs de vos
membres qui m'ont fait part d'inquiétudes
réelles, d'accord, de leur propre chef qui m'ont contacté et qui... il y a des
questions qui sont essentielles. Juste sur la ligne éditoriale, on n'a jamais
demandé de dicter une ligne éditoriale. On a demandé de nous l'expliquer, de
nous l'expliquer. Alors, si un propriétaire
veut maintenir sa ligne éditoriale, qu'il paie, que ça soit lui qui décide.
Mais là on est dans une nouvelle
structure. Une fois que c'est dit, j'ai la réponse du propriétaire, on fera
avec. Et, l'important, je réitère que c'est l'avenir du journal.
Donc, mon
propos avec vous, c'est sur l'avenir des artisans de l'information et toutes
les personnes qui gravitent autour,
comment on maintient des emplois de qualité où il n'y a pas beaucoup
d'ailleurs, dans les médias, dans des emplois de cette qualité-là. Alors, je
veux vous parler des emplois, je veux vous parler de gouvernance, du conseil
d'administration, puis j'ai des
exemples qui m'interpellent, notamment qui viennent de la CSN, quant à la saine
gouvernance. Puis avec Fondaction vous
êtes des modèles en matière de gouvernance. Je le sais, je connais des
entreprises dans lesquelles vous investissez,
vous êtes des premiers de classe dans ce domaine-là. D'accord? Puis je pense
que vous êtes pas mal d'accord avec ça, puis il y a des exemples très
probants qui ont servi dans bien de nos politiques, quant à moi.
Donc, quant à
la place des artisans de l'information, c'est une définition assez large,
quelle garantie avez-vous eue quant au conseil d'administration? Ça
serait ma première question.
Mme
St-Onge (Pascale) : Alors,
vous avez, bon, élaboré sur plusieurs aspects, là. Le premier, nous, on n'est
pas ici dans un débat politisé. Donc, mon message s'adresse à tous et
non pas à un parti ou à des parlementaires en particulier. Le message, là, sur
notre demande d'abroger la loi, elle s'adresse à tous.
Effectivement,
on a aussi des inquiétudes réelles sur les emplois et on les défend
quotidiennement, que ce soit dans le
cadre des négociations ou que ce soit dans le cadre des demandes qu'on adresse
aux gouvernements, que ce soit le gouvernement provincial ou le
gouvernement fédéral.
Sur la
question de la gouvernance et de la constitution du conseil d'administration,
les syndicats de La Presse ont fait leurs demandes à l'employeur, et c'est avec
l'employeur que cela sera discuté. Donc, oui, il y a des demandes qui
sont faites afin qu'il y ait un poste au
conseil d'administration réservé, peut-être, à un ancien journaliste, à un
journaliste actif, on ne le sait pas,
on est ouverts aux discussions, mais une chose est sûre, c'est qu'on ne demande
pas une intervention de l'État pour nous aider dans ces discussions-là.
On est capables de les mener en parallèle.
Et les inquiétudes que les gens qui vous ont
contacté... bien, on les partage avec eux au quotidien quant à leur avenir.
Pardon?
M.
Bérubé : Il y a
aussi des retraités. J'ai oublié de l'ajouter tout à l'heure.
Mme
St-Onge (Pascale) : Les
retraités également. On est inquiets pour l'avenir des emplois. Et malheureusement,
là, aujourd'hui, je ne peux pas vous dire
que la transformation de La Presse, le transfert de La Presse
dans une fiducie, ça va permettre aux
retraités de bénéficier de 100 % de leurs rentes jusqu'à la fin des temps
ni que La Presse va poursuivre ses activités jusqu'à la fin des temps. Mais il n'y a
personne qui peut vous promettre ça dans aucune entreprise, et encore moins dans
le contexte médiatique d'aujourd'hui.
Donc, ce
qu'on a à faire, c'est de continuer à se battre puis à lutter pour préserver
ces piliers-là de la démocratie. Et ça, je vous le garantis, la FNC puis
la CSN n'arrêteront jamais.
La Présidente (Mme de Santis) : M.
Létourneau voudrait ajouter quelque chose.
M.
Bérubé : Oui, j'ai
plusieurs... Allez-y, M. Létourneau.
M.
Létourneau (Jacques) : Bien, O.K., mais vraiment rapidement. D'abord,
sur la question de la gouvernance, je vous remercie, là, de saluer la
façon dont on mène la gouvernance à Fondaction. J'en suis le président du
conseil d'administration. Mais en même temps je veux juste nuancer la chose
suivante, c'est qu'on a, à la CSN, tout près de 1 500 syndicats
autonomes, dont certains sont très ouverts à l'idée de participer à des
conseils d'administration d'entreprise, d'autres pas du tout, pas du tout pour les raisons que
vous pouvez imaginer : conflits d'intérêts, négociations de conventions, tout ça. Même quand on crée des
coopératives, souvent ça crée un certain nombre de tensions qui font en sorte que les syndicats, ultimement, vont
décider quel est le propre de leur façon de voir la gouvernance d'une
entreprise. C'est un peu difficile
pour une centrale syndicale de dire : On veut s'assurer qu'absolument les
travailleurs, ils seront représentés, alors que c'est un débat qui leur
appartient fondamentalement.
L'autre chose
sur les garanties d'emploi — je finis là-dessus — c'est que les garanties d'emploi... Écoutez,
quand vous êtes en négociation, dans
tous les secteurs d'activité au Québec, même dans le secteur public, vous ne
pouvez pas avoir la garantie absolue
que tous les emplois seront maintenus. Je sais bien que c'est une réponse qui
est générale, mais quand on est en négociation quotidienne...
La Présidente (Mme de Santis) :
Veuillez conclure.
M. Létourneau (Jacques) : ...c'est
une réalité avec laquelle on doit composer.
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci.
M.
Bérubé :
Merci, Mme St-Onge, M. Létourneau. Donc, pour reprendre le modèle de
Fondaction, si je ne me trompe pas,
trois administrateurs nommés par l'AGA des actionnaires, c'est un beau modèle,
ça, qui pourrait s'appliquer à La Presse. Je vous le
soumets. Vous le connaissez.
Ce matin,
j'ai beaucoup parlé des patrons parce que les patrons étaient là. Puis là je
parle aux syndiqués parce que les représentants des syndiqués sont là.
Moi, que les artisans de l'information puissent avoir le rôle qu'ils souhaitent
obtenir, dépendamment de leurs intérêts, des différents syndicats, ça
m'apparaît intéressant, et c'est de nature à nous rassurer. Là, c'est seulement une journée, aujourd'hui, où on échange à
cet enjeu-là, mais vous autres, vous allez vivre longtemps avec ce modèle-là.
Alors, c'est pour ça qu'on pose les questions maintenant, on l'aura dit. Moi,
c'est mon rôle de parlementaire, et
je le fais en toutes circonstances. Mes collègues sont au courant, sur d'autres
débats, ce que je dis en privé et en public, c'est exactement la même
chose. C'était le cas l'automne passé, ce l'est aussi.
Alors, ce que je vous dis, c'est que ça, ça
m'apparaît intéressant. Évidemment, vous avez des négociations à l'interne. Vous allez tenir compte de l'avis de
vos membres, voire même des lecteurs. Je pense que les lecteurs aussi ont envie
de participer. Donc, je vous soumets que ça, ce n'est pas dans le débat
directement, mais il faut bien questionner la pièce législative qu'on a
là avec le souci de préserver les emplois, puis l'indépendance, et tout ça. Ça
m'apparaît intéressant, tout comme d'avoir
une indépendance du président du conseil d'administration. Je vous le dis à
vous, comme je l'ai dit aux patrons de La Presse tout
à l'heure.
Alors,
avez-vous une réflexion là-dessus, sur la gouvernance, que vous pouvez nous
partager, à nous, et puis sur le maintien des emplois? C'était ma
dernière question.
Mme
St-Onge (Pascale) : Bien,
tout d'abord, M. Bérubé, je veux vous remercier de vos préoccupations, parce
que les questions que vous soulevez sont
tout à fait légitimes, là. Puis je le redis encore une fois, c'est légitime de
poser ces questions-là, puis on vous remercie de vous préoccuper du sort
des gens qu'on représente.
Mais, encore
une fois, pour nous, bien, il faut qu'il y ait un premier président du conseil
d'administration qui soit nommé.
Qu'il soit nommé par la direction actuelle de La Presse...
bon, ça aurait peut-être pu être fait d'une autre façon, mais, pour le moment en tout cas, on n'y voit pas
d'objection. Ensuite, ce président-là, qui nommera le conseil d'administration
selon des critères qui pourront aider à l'entreprise d'évoluer, on voit ça
comme, quand même, quelque chose de positif. Et par la suite, que les prochains
présidents soient désignés autrement, soit par le conseil d'administration ou
que la structure évolue, bien, on n'a aucun problème avec ça.
Donc, bien, voilà, c'est à peu près les
éléments, là, que je voulais souligner quant à tout ça.
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci beaucoup. Maintenant, la parole est à la députée d'Iberville pour six
minutes.
Mme
Samson : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, bienvenue. J'aimerais
aborder une question un petit peu plus générale,
si vous me le permettez. D'abord, l'évolution technologique qu'on a connue au
cours des 40 dernières années, là, on est passés du télex aux e-mails, là, on a vu beaucoup de changements.
Ça a révolutionné beaucoup de nos modèles d'affaires. Le premier modèle
d'affaires à être frappé par l'Internet puis le numérique, ça a été la musique,
il y a de ça 15 ans, et, malgré
tous les efforts qui ont été déployés au fil des ans, la solution n'est
toujours pas évidente aux yeux de personne.
On a vu les
effets sur le commerce du détail. On a l'exemple récent de Simons, à Québec,
là, qui... M. Simons qui, depuis
deux ans, nous dit : Faites quelque chose, faites quelque chose, ça
change, ça change. Là, on voit la presse écrite qui vit des difficultés importantes. Moi, je vous parierais que,
dans deux, trois ou quatre ans, ça va être les stations de radio et les
réseaux de télévision qui vont éprouver les mêmes difficultés.
Vous êtes une
organisation importante au Québec. Vous représentez beaucoup de monde dans
plusieurs domaines des
communications. Est-ce que ces changements technologiques là, là... Si on
réussit, avec les entrepreneurs, à faire le virage technologique, quelle est la réflexion d'une organisation comme
la vôtre? Qu'est-ce que ça change dans les relations de travail? Comment ça va évoluer avec tout le...
Est-ce que vous réfléchissez à ces choses-là? Faites-vous des études?
• (15 h 40) •
Mme
St-Onge (Pascale) : Bien
sûr, on a fait plusieurs études sur toutes ces questions-là. On étudie
différents modèles qui pourront être appliqués. Mais ce qui est surtout
évident pour nous, c'est que, dans toutes les évolutions technologiques qu'on a vécues, il y a eu un moment
où on a légiféré et on a réglementé les nouvelles technologies. Et il va
falloir passer par là à un moment donné
parce que, sinon, vous l'avez dit, c'est l'ensemble de nos industries qui vont
être profondément affectées et transformées par cette évolution
technologique là.
Et, je crois,
là, le dernier rapport du CRTC allait exactement dans cette direction-là,
c'est-à-dire que ceux qui profitent aujourd'hui des contenus qu'on produit,
nous, que ce soit du contenu d'information, ou la musique, ou d'autres, donc ceux qui profitent de ça, ils doivent
participer au financement de ce contenu-là, sinon c'est le contenu, à un moment
donné, qu'on n'aura plus. On va avoir
des beaux tuyaux, de la belle technologie, mais avec pas grand-chose
d'intéressant dedans.
Donc, oui, on
réfléchit à toutes ces questions-là puis on se prononce à toutes les
commissions parlementaires. Puis, dans
les relations de travail, je pense qu'on a su d'adapter puis adapter nos
conventions collectives, nos conditions de travail pour être capables, là, de suivre l'évolution
technologique. Puis on l'a fait assez rapidement, je dirais même, avec une
pointe d'humour, beaucoup plus rapidement
que les gouvernements ont su s'adapter aux nouvelles technologies. On le fait
quotidiennement dans nos conventions collectives.
Mme Samson : Merci.
La Présidente (Mme de Santis) :
M. Létourneau.
M. Létourneau
(Jacques) : Bien, puisqu'on est à l'Assemblée nationale, rappeler que
les deux grands enjeux qui traversent notre époque, la mondialisation,
l'ouverture des marchés et tout le phénomène des transformations technologiques
obligent les États, que ce soit un État provincial ou encore un État central
comme le gouvernement fédéral, à mettre en application une réglementation pour
mettre de l'ordre dans la maison. Sinon, si ce n'est que le libre marché qui
détermine, bien, vous savez comme moi qui va l'emporter, et ce, au détriment de
la démocratie. C'est un principe général qui s'applique à l'ensemble de
l'activité humaine et économique, y compris sur l'avenir de la presse, de la
presse écrite.
La Présidente (Mme de Santis) : Mme
la députée.
Mme Samson :
Oui, merci, Mme la Présidente. J'aurais une autre question, et là ce n'est pas
la question qui tue, mais pas loin,
là. Je vous avertis d'avance. Vous avez parlé, Mme St-Onge, de
l'importance de l'indépendance journalistique.
Selon votre expérience puis votre implication dans l'industrie, autant de la
presse écrite que des médias en général, est-ce que vous pouvez nous
dire si les politiques et les pratiques d'indépendance journalistique de La Presse
sont exemplaires, piètres ou semblables à ce que vous pouvez observer
ailleurs?
Mme St-Onge (Pascale) : Bien,
écoutez, le...
Mme Samson : Ça ne tue pas,
mais ça peut faire mal, là. Je vous dis ça.
Mme St-Onge
(Pascale) : Oui, mais le
syndicat, tantôt, de l'information va, j'en suis sûre, se faire un plaisir de
répondre à ça. Mais, à notre avis, le code
d'éthique et les pratiques journalistiques à La Presse répondent
aux plus hauts standards. Il y a des
codes d'éthique adoptés par la Fédération professionnelle des journalistes. Il
y a ceux des conventions collectives, il y a ceux du Conseil de presse,
et on les respecte tous. Et, quand on ne les respecte pas, et ça, dans n'importe quelle entreprise, le public fait des
plaintes au Conseil de presse, et on est redevables de ce qu'on publie, de ce
qu'on... et du travail qu'on fait. Donc, oui, les standards de la salle de
nouvelles à La Presse sont aussi élevés que Radio-Canada ou
n'importe où ailleurs.
La Présidente (Mme de Santis) :
...vous avez 46 secondes.
Mme Samson : 36 secondes.
Une voix : Une anecdote?
Mme Samson : Non, je n'ai pas
d'anecdote, non. J'ai terminé, madame.
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci beaucoup. Maintenant, la parole est à la députée de Vachon pour trois
minutes.
Mme Ouellet : Merci. Donc, bienvenue à l'Assemblée nationale.
Vous parliez des géants du Web. Je suis allée chercher certaines informations,
parce que je pense qu'on se parle entre géants, donc, Google, on parle de
109 milliards de revenus par année; Power Corporation, de
52 milliards par année; et Facebook, de 40 milliards par année. Donc,
je pense que Power Corporation fait partie des géants de ce monde.
Et moi, j'ai une
grande préoccupation par rapport aux emplois et je suis quand même assez
surprise, là, de votre volonté d'aller de
l'avant malgré le peu d'informations sur la suite des choses, parce qu'il me
semble que La Presse, on a une bien meilleure garantie pour la suite des
choses avec un endosseur comme Power Corporation que comme un OBNL avec pas d'endosseur pantoute. Power
Corporation, depuis déjà un certain nombre d'années, rembourse ou absorbe
les dettes de La Presse.
Et donc c'est pour ça que, dans ce sens-là, quand vous dites que la structure
n'a aucun impact, ce n'est pas vrai.
Moi, je pense que la structure a de l'impact. Et vous dites qu'un financement
qui sera universel... bien, en fait,
actuellement, ce qu'on est en train de discuter, ce n'est pas universel, parce
que le financement sera, au Québec, accessible
seulement qu'à Power Corporation à travers des dons de charité. Donc, il y a
deux éléments dans ça où vous venez
nous dire que vous n'avez pas à vous ingérer, puis on est d'accord, mais il y a
des décisions du gouvernement où on
doit aussi s'assurer d'une certaine équité, et ça, je pense que c'est notre
rôle. Je pense que vous avez un rôle comme syndicat, mais on a un rôle
comme parlementaires aussi.
Donc,
moi, je voudrais connaître mieux votre niveau de sécurité de penser que les emplois dans l'OBNL... Parce que, 50 milliards, je ne sais pas à quelle vitesse ça se brûle à La Presse... 50 millions, excusez, à quelle vitesse ça se brûle à La Presse parce qu'on n'a aucun état financier, on n'a aucune
idée des dépenses annuelles. Je ne sais pas combien de temps ça dure,
mais, quand Power Corporation est là, vous savez que vous avez un géant avec
vous, à côté. Quand Power Corporation ne sera plus là, ça ne sera plus le cas.
Mme St-Onge
(Pascale) : Encore une fois, je vous remercie...
La Présidente (Mme
de Santis) : ...secondes.
Mme St-Onge (Pascale) :
...très court. Encore une fois, je vous remercie de votre préoccupation par
rapport à l'avenir des emplois, et tout ça.
Je vous dirais qu'à l'heure actuelle Power Corporation n'a aucune obligation légale de
maintenir La Presse ouverte et de maintenir les emplois, même
si on le souhaiterait. Donc, oui, on peut penser que Power Corporation, c'est
un bon endosseur avec les difficultés économiques qu'on connaît, à l'industrie
des médias, à l'heure actuelle, mais il
n'y a aucune obligation
légale qui force une entreprise à garder ouverte une de ses filiales, surtout
si, et je ne dis pas que c'est le cas, mais
surtout si cette entreprise-là perd de l'argent. Il n'y a
aucune loi qui oblige une corporation à rester ouverte.
Donc,
pour nous, la garantie que La Presse va être plus solide à l'intérieur de Power Corporation ou à l'extérieur de Corporation, malheureusement, on n'est pas
capable de défendre cette position-là parce
qu'on n'a aucune garantie que Power va garder La Presse
ouverte.
La
Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup, Mme St-Onge. Merci, M.
Létourneau. Vous avez bien participé à nos travaux et vous êtes
présents. Alors, merci beaucoup d'être là.
Nous
allons maintenant permettre aux représentants du Syndicat des travailleurs de
l'information de La Presse de prendre place.
Et nous allons
suspendre pour quelques instants.
(Suspension de la séance à
15 h 47)
(Reprise à 15 h 48)
La Présidente (Mme
de Santis) : Je souhaite la bienvenue aux représentants du Syndicat
des travailleurs de l'information de La Presse.
Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, et
ensuite nous allons procéder à la période d'échange avec les membres de
la commission. Je vous invite à vous présenter, ainsi que les personnes qui
vous accompagnent, et ensuite procéder à votre exposé. La parole est à vous.
Syndicat des travailleurs de l'information de La Presse
(STIP)
M. Champagne
(Éric-Pierre) : Merci, Mme la Présidente. Merci, Mme la ministre et
messieurs dames les parlementaires, de nous accueillir. Je m'appelle
Éric-Pierre Champagne, je suis le premier vice-président du Syndicat des
travailleurs de l'information de La Presse. J'ai avec moi
Charles Côté, qui est le président du syndicat, le même syndicat, et Janie
Gosselin, qui est la secrétaire du syndicat. Je prends seulement une minute,
là, ou deux pour vous adresser la parole,
parce que je suis aussi le coordonnateur des syndicats CSN à La Presse.
Donc, à ce titre-là, je représente quelque
300 employés. On parle évidemment des employés de la rédaction, des
employés des bureaux, donc le syndicat des
bureaux, les employés de l'informatique et de la filiale Nuglif, la filiale de La Presse
Nuglif, qui fait essentiellement le développement technologique. Donc,
je représente ces 300 personnes là.
J'ai
entendu aujourd'hui plusieurs parlementaires qui se disent préoccupés par les
emplois. Alors, ça tombe bien parce
que les employés aussi sont très préoccupés, très inquiets. Ils sont inquiets,
bon, pour plusieurs raisons. Premièrement, parce qu'ils travaillent depuis maintenant de nombreuses années dans une
industrie qui vit une crise historique. Alors, ça crée beaucoup
d'incertitude, et, cette incertitude-là, on la vit au quotidien.
Vous
n'êtes pas sans savoir qu'il y a plusieurs emplois qui ont disparu à La Presse
au cours des dernières années. On
vous a rappelé ce matin que La Presse est passée de 910 à
550 employés au cours des dernières années. Juste rappeler rapidement qu'en 2015 il y a eu des coupes
historiques. Il y a 157 personnes qui ont perdu leur emploi ce jour-là ou
dans les semaines suivantes. Donc,
les gens ont tout ça en tête et ils craignent toujours qu'il y ait d'autres
coupures, évidemment.
• (15 h 50) •
Mes collègues sont donc inquiets, mais
ils ont aussi... ils sont aussi très inquiets de la situation actuelle et ils
ont très hâte de voir l'Assemblée nationale se prononcer sur la question
qui leur est posée. Alors, je suis certain, en fait, qu'il y a probablement plusieurs de mes collègues qui suivent
présentement les travaux de cette commission-là. Ils la suivent en direct et, en fait, ils espèrent certainement
que, grâce à leurs représentants, les membres de l'Assemblée nationale, que les
membres de cette commission vont les avoir entendus.
Alors,
sur ce, bien, je cède la parole à Charles Côté, qui est le président du
Syndicat des travailleurs de l'information de La Presse, donc
Charles Côté qui est aussi mon collègue et un ami.
M.
Côté (Charles) : Oui, merci, Éric-Pierre. Merci, Mme la ministre, MM.,
Mmes les députés. Donc, le STIP compte
plus de 200 membres, donc artisans de la salle de rédaction, journalistes,
photographes, pupitreurs, graphistes, réviseurs, éditeurs photo,
recherchistes et aussi trois éditorialistes syndiqués.
Donc,
nous sommes ici parce que le STIP et les autres syndicats affiliés à la CSN,
donc informatique, Nuglif et bureau,
appuient la demande de La Presse pour permettre à celle-ci de passer des
mains de Power Corporation à une fiducie d'utilité sociale.
Alors,
pourquoi on appuie cette demande? Parce qu'on connaît très bien le contexte
actuel et nous croyons que cette
structure proposée par La Presse est la meilleure avenue pour assurer
l'avenir à court et à long terme d'un journal qui occupe une place
fondamentale dans la société québécoise.
Évidemment,
il n'y a aucune garantie de succès, on n'est pas les premiers à vous le dire.
Les médias sont en crise, la presse
écrite est en crise, fait face à des géants étrangers. Ça coûte très cher,
avoir les équipes capables de répliquer à ces géants-là sur le plan technologique, entre autres. Mais, à travers
tout ça, La Presse a su garder
sa pertinence, et ce n'est pas rien
de passer d'un support papier à un support électronique, d'augmenter son
lectorat. Moi, comme journaliste, j'étais inquiet. Quand on a passé... quand le papier a disparu et quand... et on
voit que notre travail a toujours
autant d'impact, toujours autant de pertinence. Probablement que les
parlementaires ici sont capables d'en témoigner.
Pour
nous, le statu quo n'est pas une option. Si rien n'est fait, la situation va
continuer de s'empirer, et l'emprise de
Google et Facebook va grandir, pas seulement sur les revenus, mais aussi sur la
circulation de l'information. Et ça, si vous voulez nous poser des
questions là-dessus après, on va être très, très heureux d'y répondre.
Donc,
pourquoi dire oui à la demande de La Presse? Revenons à ce qui est
l'objet du projet de loi, c'est-à-dire est-ce
que Power Corporation peut céder La Presse à une fiducie d'utilité
sociale? Donc, La Presse, actuellement, a un actionnaire unique, Power Corporation. La transaction fera
en sorte que La Presse aura un autre actionnaire unique, soit une fiducie d'utilité sociale. Le premier
effet de ça, ça enlève une pression pour faire des profits, pression qui vient
des actionnaires, qui vient du conseil d'administration, qui vient de
l'assemblée des actionnaires. La transformation, entre autres, ne change rien à la concentration des
médias au Québec. Donc, les parlementaires s'inquiètent, parfois avec raison,
de cette question-là, mais, pour une fois, cette transaction-là n'y change
rien.
Plusieurs
questions sont posées par les parlementaires, comme l'a dit ma collègue tout à
l'heure. C'est tout à fait pertinent,
mais, à notre avis, elles sont posées dans le mauvais forum. L'intention
législative de 1967 était d'empêcher La Presse de passer aux
mains d'un actionnaire étranger. Ce dont on parle, c'est de céder La Presse
à une fiducie québécoise, et, selon les lois
qui gouvernent les fiducies dans le Code civil, La Presse ne pourra plus
jamais être cédée à un autre
actionnaire, à moins que ce soit une autre fiducie qui partage le plus possible
les buts de la fiducie précédente, et
tout ça, ça devrait être vérifié et approuvé par un juge de la Cour supérieure.
En tout cas, c'est notre compréhension du Code civil. Donc, ça apporte à
peu près les mêmes garanties qu'apportait la loi de 1967.
Encore
une fois, il faut préciser que le vote que l'Assemblée nationale devra prendre
n'accorde aucun avantage supplémentaire à La Presse. Il n'y a
rien qui existe actuellement, ni dans les lois fiscales, qui permet à La
Presse de devenir un organisme de
bienfaisance. Cependant, La Presse pourra effectivement solliciter des
dons sans émettre de reçus d'impôt,
comme le font certains grands médias. Moi, j'ai donné 50 $ au Guardian
cette année parce que je trouve qu'ils font
une très bonne job et je n'ai pas reçu de reçu d'impôt du gouvernement du
Royaume-Uni. Et c'est tout à fait quelque chose qui pourrait se produire, c'est quelque chose qui se fait même au
Québec avec Le Devoir, Les Amis du Devoir. Alors, je ne
vois pas qu'est-ce qu'il y a de scandaleux là-dedans.
La
Presse est déjà éligible à un programme d'aide financière mis sur pied par
le gouvernement du Québec pour la
transformation numérique. Elle ne profite pas d'avantages supplémentaires par
rapport aux autres médias. Évidemment, elle va y participer, puis c'est une
très bonne idée d'avoir mis ce programme sur pied.
Et, doit-on rappeler,
on n'est pas les premiers, là, qu'aucun autre média au Québec ne doit soumettre
sa transformation à l'Assemblée nationale,
bien qu'il y a eu de nombreuses transactions, dans le monde des médias, qui ont
souvent eu des effets assez délétères sur l'emploi et sur l'information.
Alors,
bien entendu, cette annonce-là a pris bien du monde par surprise, soulève des
questions sur la gouvernance. Évidemment,
la première chose que j'ai faite quand ça a été annoncé aux employés le
8 mai, j'ai été le premier à aller au micro. J'ai dit deux choses. J'ai dit, premièrement, à M. Desmarais : Je trouve que les
Desmarais ont été des propriétaires
exemplaires du point de vue du respect de
l'indépendance journalistique à la rédaction à La Presse, et
deuxième chose : Est-ce qu'on
peut avoir une place au conseil d'administration? C'est les deux choses que
j'ai dites dans la première minute suivant l'annonce.
Donc,
on est toujours sur cette page-là aujourd'hui. La direction nous a répondu
qu'elle était prête à entendre les préoccupations
des employés et des syndicats à cet égard-là, pour ce qui est de la
représentation. Mais évidemment on n'en
fait pas une condition, on ne vous demande pas de nous aider à arriver à cet
objectif-là. On croit bien qu'on va être capables d'y arriver tout
seuls.
Donc, rappelons qu'à La Presse
il y a une convention collective avec un chapitre complet sur les clauses
professionnelles. On vous a distribué un extrait de ces clauses-là. Il y a des
choses... Évidemment, on est un syndicat d'employés, donc on défend les droits des employés
comme tous les syndicats le font puis on cherche à améliorer leurs conditions de travail ou à les détériorer le moins
possible, comme c'est le cas plutôt à La Presse depuis
quelques années.
Ceci
dit, il y a tout un chapitre de clauses professionnelles et il y a des
dispositions que vous ne trouverez pas dans d'autres conventions
collectives. Par exemple, quand on nomme un vice-président à l'information à La Presse,
ou un directeur principal, les employés de la rédaction sont consultés, et on
mentionne donc que l'employeur et le syndicat reconnaissent
l'indépendance professionnelle des employés selon les modalités prévues à la
présente convention. Et on dit aussi que la première obligation des
journalistes à La Presse est à l'égard du public. Donc, il
n'y a pas beaucoup d'entreprises privées où la première obligation des
employés, c'est à l'égard du public.
Donc,
l'intérêt public a toujours été à coeur des préoccupations du syndicat à la
rédaction à La Presse. Dans les années 50, les journalistes ont fait la grève
pour avoir le droit de signer leurs textes dans leur propre journal et aussi
pour instaurer des lignes claires
entre la publicité puis la rédaction. Plus récemment, pour sauter quelque...
50 ans ou 60 ans en avant, le syndicat a mené une bataille
pour obtenir des règles plus claires pour les textes publicitaires publiés dans
La Presse+. On a déposé des dizaines de griefs. On a fait une
médiation et on s'est entendus avec l'employeur pour une façon
d'identifier ces textes publicitaires correctement.
Donc,
nous sommes très contents et on prend note de toutes les préoccupations qu'on
entend ici sur les emplois à La Presse, les emplois
de journalistes et tous les autres emplois. Et soyez assurés que c'est aussi
notre première préoccupation et qu'on est
aussi les mieux placés pour évaluer l'impact de la proposition de La Presse
sur les emplois. Et on a accès, sous
le couvert d'une entente de confidentialité, comme il se doit, aux données
financières de l'entreprise et on va en tenir compte dans nos
négociations. Comme il se doit dans toute entreprise qui demande des
concessions importantes à ses employés, eh bien, évidemment, on veut voir ce
qui se passe et puis on va en tenir compte.
Donc,
en conclusion, on est heureux de constater que les parlementaires se
préoccupent de questions comme le financement
des médias, l'indépendance de l'information, l'avenir de l'information, qui est
l'oxygène de la démocratie. Ces questions-là sont pertinentes, mais ce
n'est pas dans ce cadre-ci, concernant juste La Presse, que
ça...
La Présidente
(Mme de Santis) : ...s'il vous plaît.
M. Côté
(Charles) : Oui, j'achève. Donc, nous croyons que les parlementaires
doivent adopter la loi n° 400, et, si on invoquait des raisons étrangères à l'objet de la loi pour ne pas
l'adopter, eh bien, quant à nous, ça serait une tentative d'ingérence.
Alors, bien, merci beaucoup.
La Présidente
(Mme de Santis) : Merci beaucoup. Mme la ministre, la parole est
à vous.
Mme Montpetit :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. M. Côté, M. Champagne,
Mme Gosselin, merci d'être présents
avec nous. C'est important d'entendre ce que vous avez à dire aujourd'hui. Je
pense que ça vient certainement éclairer
notre travail de parlementaires pour prendre les bonnes décisions, en effet,
sur ce petit mais important projet... bref, mais important projet de
loi.
Effectivement,
vous l'avez mentionné, il y a beaucoup de questions qui ont été soulevées mais
qui sont loin de la portée du projet
de loi qui nous occupe aujourd'hui. Donc, on va essayer de maintenir nos
échanges sur ce qui fait l'objet de
nos débats. Vous avez mentionné, entre autres, que, bon, vous êtes... les
syndicats, en fait, sont vraiment partie prenante de la décision, de la proposition qui est faite,
puis on voit très bien que vous êtes présents, les quatre syndicats,
aujourd'hui avec La Presse et que vous semblez parler d'une
même voix sur la nécessité d'aller de l'avant sur ce projet.
Et
j'aimerais ça que vous nous en disiez davantage, entre autres, sur le rôle que
vous avez joué et que vous allez
être amené à jouer également, comme syndicat, auprès du processus qui est en
train de se mettre en place, là.
• (16 heures) •
M.
Côté (Charles) : Bien, la première chose qu'il faut savoir, c'est que,
donc, il y a quatre syndicats à La Presse. Il y en a trois CSN, un FTQ.
Et, pour ce qui est du syndicat FTQ, ils ont conclu une convention collective à
la fin de l'an dernier. Pour les
trois syndicats CSN, ce n'est pas le cas. Donc, on est toujours
en négociation, on est en demande sur plusieurs points.
C'est une négociation qui se déroule sous des paramètres normaux, si on veut. Évidemment,
ces jours-ci, on sent que les gens sont
occupés à d'autres occupations plus pressantes, mais certainement que la négociation va
reprendre.
Donc,
ça, c'est une façon que le syndicat, particulièrement à la rédaction, va jouer son rôle pour les questions
qui peuvent être soulevées, de
gouvernance, et de transparence, et
de respect de l'indépendance professionnelle. Mais, comme je vous dis, on
est dans un cadre qui nous est familier, on a confiance dans la haute direction
de La Presse actuelle pour ce qui est de ces questions-là
et aussi on a une ouverture pour regarder les préoccupations des employés quant
à la représentation. Mais on maintient que,
pour l'instant, très certainement, la représentation au conseil
d'administration, c'est une voie à explorer.
Plus
largement, par exemple, puis ça permettrait de souligner le travail remarquable
de Pascale St-Onge, qui m'a précédé
ici, évidemment, comme syndicats de journalistes, on travaille en groupe — on arrive d'un congrès la semaine dernière à Saguenay — et, depuis maintenant deux ans et demi, on
voit la tempête venir, et, de manière plus aiguë, et on a fait le constat, et ça, c'est quelque chose qui
s'adresse vraiment aux parlementaires qui sont devant nous aujourd'hui, on
fait le constat que, pour financer un système d'information de qualité telle
qu'on l'a aujourd'hui, avec les revenus traditionnels
des médias, ça va devenir pratiquement impossible, si ce n'est pas déjà le cas,
et ça, c'est vrai pour tous les médias. Et on a lancé ce débat-là déjà,
depuis deux ans et demi, et on fait des représentations sur les deux collines parlementaires, qui ont trouvé écho, je dirais,
parce que je pense que tout le monde saisit aujourd'hui l'importance des
médias existants.
Quand
les changements technologiques ont commencé, tout le monde pensait qu'il y
aurait des nouveaux médias qui émergeraient, qui seraient capables de
prendre le relais, prendre la place. Pour toutes sortes de raisons, ça n'a pas vraiment été le cas. Et là, maintenant, ce qui est
en train de prendre la place, c'est les réseaux sociaux, les réseaux sociaux
dont le modèle d'affaires n'est pas de faire
circuler de l'information vérifiée. Le modèle d'affaires des réseaux sociaux,
c'est de faire circuler de l'information qui
suscite une réaction. Donc, c'est plus facile de susciter une réaction en
écrivant des faussetés ou en étant
déplaisant qu'en produisant de l'information de qualité, et ça, c'est à peu
près la chose la plus dangereuse qui nous guette actuellement.
Donc,
effectivement, YouTube, le modèle d'affaires de YouTube, c'est d'avoir des gens
qui sont... Bien d'ailleurs, dans La Presse,
il y a deux semaines, il y avait un dossier là-dessus de mon collègue Gabriel
Béland. Il y a un blogueur YouTube qui tient des propos antisémites au
Québec et qui fait de l'argent parce que les gens surenchérissent sur son antisémitisme et, mettons, ils mettent 10 $
pour que le commentaire antisémite paraisse sur la vidéo de ce monsieur.
Google, via YouTube, se met 3 $
dans les poches, et puis le monsieur, dans son sous-sol... je ne sais pas s'il
est dans son sous-sol, mais, bref, le monsieur se met 7 $ dans les
poches.
Donc, ça,
c'est le modèle d'affaires de la nouvelle économie de l'information. Je suis
certain que ce n'est pas ça qu'on
veut, je suis certain que les parlementaires ici, autour de la table, ils ne
veulent pas, dans cinq ans, dans 10 ans, donner des entrevues à un blogueur antisémite dans son
sous-sol, O.K.? Je pense que... Et il y a un système d'information qui a
été érigé au fil des ans, il y a eu les
médias, les propriétaires de médias, il y a eu les syndicats, il y a eu les
syndicats de journalistes. Tout ça
s'est mis ensemble pour essayer d'avoir quelque chose qui se tient, qui réussit
à être performant pour produire une information de qualité et vérifiée. C'est
ça qui est en danger.
La Presse a choisi une manière de
perpétuer ce rôle-là dans la société. Nous, on appuie ça, on l'appuie à
100 %. Ce n'est pas la seule façon, mais c'est certainement une façon. Et
la décision que l'Assemblée nationale a à prendre aujourd'hui ne procure aucun avantage
supplémentaire à La Presse. Le lendemain matin, là, La Presse
n'est pas mieux, elle n'est pas pire, elle est transformée. Oui, il y a
un élément qui va... dont je parlais tantôt : on peut commencer à solliciter des dons. Ça ne nous donne pas le droit
d'écrire des reçus d'impôt, mais on peut solliciter des dons, il y a de nombreux médias qui le font. Donc, je pense, si on
prend un pas de recul, là, c'est plutôt toute la situation de l'information,
et l'avenir de l'information, qui est en
cause et qu'il va falloir examiner dans une autre instance ou peut-être dans
une autre commission parlementaire très bientôt.
La Présidente (Mme de Santis) :
Mme la ministre... Pardon.
M.
Champagne (Éric-Pierre) : Juste 30 secondes, rapidement, parce
que je voudrais ajouter... Les syndicats, si La Presse est
transformée, vont toujours exister, les conventions collectives continuent
d'exister. Donc, si ça peut rassurer les
parlementaires, ce n'est pas la disparition des syndicats à La Presse
si La Presse est cédée à une fiducie d'utilité sociale, là.
La Présidente (Mme de Santis) : Mme
la ministre.
Mme
Montpetit : Oui. Peut-être juste confirmer à M. Côté qu'effectivement on partage, je partage certainement vos préoccupations et je suis certaine que l'ensemble des parlementaires
aussi, ils sont très concernés par ce qui se passe en ce moment et sur l'importance, effectivement, de s'adresser à la
question de l'avenir de l'information, comme vous l'avez mentionné. Et
vous n'êtes pas sans savoir, justement, que les mesures auxquelles je faisais référence
plus tôt, justement, de soutien à la transformation, aux différents médias, le
plan d'aide aux médias qui a été annoncé à l'automne
pour les médias communautaires, pour la presse écrite, c'est des premiers pas
dans cette direction-là. Mais je pense
que vous avez certainement raison de souligner qu'il faudra collectivement
aussi entamer une réflexion plus vaste que
ça parce que, vous en faites mention, la qualité journalistique n'est pas
seulement importante, elle est déterminante. Elle est déterminante de notre société et déterminante de l'information à laquelle on a
accès. C'est sûr que, pour nous, comme parlementaires, c'est extrêmement,
extrêmement important de s'assurer que ça demeure. Et, les exemples auxquels vous faites référence, on en est bien
conscient, que la guerre des clics, comme on... les clics avec un «c», amène
un certain dérapage ou à une certaine désinformation aussi, que l'on ne souhaite pas,
personne. Donc, soyez rassurés qu'on est
bien conscients de la crise à laquelle est confronté les médias. Puis je pense
que vous soulignez effectivement le travail de Mme St-Onge. Elle nous a interpelés à plusieurs reprises à cet
effet-là, et je suis certaine qu'elle a bien mesuré l'écho qui a été
donné à ses représentations et aux demandes qui ont été faites.
Plus
largement, vous parliez aussi de votre préoccupation sur toute la question du
maintien des emplois. Je pense que c'est quelque chose sur laquelle on
souhaiterait être éclairés encore davantage pour bien mesurer l'ampleur de la décision
qui va être prise par chacun des parlementaires d'aller de l'avant ou non, de
donner son aval ou non à ce projet de loi
là. Comment vous voyez... Vous êtes à la ligne de front, au premier plan pour
voir justement ce qui s'est passé dans
les dernières années et comment vous voyez la suite des choses avec les
différentes transformations que subissent les médias. Comment vous envisagez, justement, les conséquences qu'il
pourrait y avoir sur la salle d'information, sur les emplois à La Presse
si le modèle, justement... si le projet de loi ne devait pas être avalisé?
M. Côté
(Charles) : Bien, je comprends qu'il y a certaines personnes,
peut-être, qui ne sentent pas l'urgence, mais nous, très certainement.
Les employés de La Presse, on vit dans l'urgence depuis
longtemps, O.K.? Et puis, nos patrons, on
sait très bien qu'ils sont à la recherche de solutions à temps complet, O.K.?
Et ça bouge très vite, comme on l'a
dit, dans le domaine de l'information, dans le domaine du marché publicitaire
en particulier, ça bouge plus vite que la
capacité de réaction des gouvernements puis des administrations. Puis ça, c'est
un constat, ce n'est pas un blâme, là, c'est ce qu'on comprend, puis on le voit au
gouvernement fédéral. On a appris hier qu'après avoir fait une consultation de
18 mois on repart dans un autre cycle de consultations de 18 mois
avant de savoir si on ne va pas intervenir dans le domaine de l'économie
numérique. Donc, nous, devant ça, on vit plus dans l'urgence, effectivement.
Et,
ceci dit, si je peux parler de ce qu'il s'est passé à La Presse,
il y a eu de très nombreuses pertes d'emploi, mais le nombre d'emplois à la rédaction à La Presse
est à peu près au même niveau qu'il était en 2009. Je ne pense pas que vous trouverez beaucoup de médias qui ont réussi
ce tour de force là en Amérique du Nord. Oui, tout le monde parle du succès du New York Times, du Washington Post,
mais c'est toujours les deux exceptions qui confirment la règle. Alors,
moi, je suis tout content du travail accompli jusqu'à maintenant. Puis la
raison pour laquelle on appuie le projet de l'employeur, c'est qu'on pense que
c'est peut-être la meilleure façon de continuer ce travail-là.
La Présidente
(Mme de Santis) : Merci. M. le député de LaFontaine, pour
3 min 50 s.
M. Tanguay :
Oui. Merci beaucoup. Merci d'être là, merci d'éclairer nos lanternes.
M. Côté, vous êtes le président du
Syndicat des travailleurs de l'information de La Presse, et
je pense que vous nous aviez communiqué des extraits de votre
convention collective où il est dit évidemment l'importance que les parties
reconnaissent à la liberté de presse, qui est un droit fondamental. Je cite la dernière clause, la dernière partie de
la clause 7.02 : «Il est essentiel pour la protection de ces droits fondamentaux que la presse soit
libre de rechercher la nouvelle sans obstruction ou intervention de qui que ce
soit, [...]libre de publier les nouvelles et
[...] les commenter.» Ça, je prends pour acquis évidemment que vous le vivez
à La Presse, que c'est ce que vous vivez à tous les jours.
C'est la réponse courte, ça?
• (16 h 10) •
M. Côté
(Charles) : Oui, oui. En gros, oui.
M. Tanguay :
Vous le vivez. Est-ce que la présence d'un espace éditorial limite, interfère
votre liberté de presse de journaliste?
M. Côté
(Charles) : Bien, c'est sous deux directions différentes. Donc, il y a un éditorialiste en
chef avec ses employés, puis il y a
un directeur de l'information avec ses employés. Donc, ils sont membres chez
nous, évidemment. Il y a trois éditorialistes, puis il y a
aussi un graphiste, il y a deux graphistes-pupitreurs, il y a le
caricaturiste — Chapleau
est membre de notre syndicat.
Mais, sinon, du point de vue de la direction, c'est deux directions séparées. Il n'y a
pas d'interaction. Il n'y a pas d'interférence entre les deux services.
M. Tanguay : Et vous avez dit un peu plus tôt que les
Desmarais, et je vous cite, «ont été exemplaires quant à l'indépendance journalistique». Est-ce que
ça a déjà fait partie de vos revendications, de dire :
Bien, cessez l'espace éditorial parce qu'elle interfère avec la liberté
de nos journalistes?
M. Côté
(Charles) : Ah non! Pas du
tout. Bien, certainement pas pour cette raison. En tout cas, c'est la pratique en Amérique du Nord que la page éditoriale
est la page du propriétaire, là, puis on n'a jamais contesté ça.
M. Tanguay : Puis est-ce
que ça a encore lieu, ça, aujourd'hui, d'avoir un espace éditorial? Vous dites que c'est la pratique en Amérique du Nord. Ça a encore sa place, ça, cet espace-là?
M. Côté
(Charles) : Bien, d'après ce
que je vois, oui. Bien, il y a certains journaux qui n'ont pas de page
éditoriale, mais c'est une infime minorité, là.
M. Tanguay : Puis est-ce
qu'à la page éditoriale il y a une importance d'avoir une liberté, là,
également. Je veux dire, l'éditeur...
M. Côté
(Charles) : Bien, également, là aussi, là. Ce que je veux dire, c'est
qu'il y a aussi des clauses...
M. Tanguay :
Ce qui est bon pour l'un est bon pour l'autre aussi, en termes de liberté.
M. Côté
(Charles) : Bien, c'est-à-dire, moi, je n'ai jamais travaillé à
l'éditorial. Je ne peux vraiment pas parler en leur nom, mais je sais qu'ils bénéficient des mêmes clauses
professionnelles. Ils sont soumis à la même convention collective.
M. Tanguay :
Dernière question. S'il y avait une continuité quant à cette interaction-là,
espace éditorial, espace journalistique, s'il y avait une continuité
après le projet de loi n° 400, est-ce que vous seriez satisfaits?
M. Côté
(Charles) : Bien, nous, la continuité, on serait très satisfaits.
M. Tanguay :
Merci.
La Présidente (Mme
de Santis) : Vous avez encore 1 min 23 s.
M. Tanguay : Merci. J'ai
terminé.
La
Présidente (Mme de Santis) :
Merci beaucoup. Donc, la parole est maintenant
au député de Matane-Matapédia
pour neuf minutes.
M. Bérubé : Merci,
Mme la Présidente. Alors, bienvenue
aux artisans de l'information de La Presse. J'aime cette appellation. Je trouve que
ça démontre la noblesse de votre travail, qu'on peut observer ici, à l'Assemblée
nationale, quotidiennement, avec les membres de la colline Parlementaire, mais également
à travers nos lectures, à travers nos réflexions
également. Je réitère l'importance que La Presse a à nos yeux, La Presse le journal, dans l'univers médiatique québécois.
C'est une grande tradition d'information, c'est des artisans, c'est des gens aussi qui,
par leur condition, qu'ils ont
pleinement méritée, ont une certaine indépendance, une certaine stabilité également.
Je trouve ça important dans le monde actuel des médias.
Et, depuis ce
matin, les questions qu'on a posées, vous le réalisez, sont très
différentes, qu'elles s'adressent aux patrons
ou qu'elles s'adressent aux syndiqués.
On ne s'ingère pas dans les négociations. D'ailleurs, je pense que vous
êtes en... Nonobstant ce qui est arrivé, vous étiez déjà en négociation avec
votre patron. On ne l'a pas évoqué jusqu'à maintenant,
mais on le sait. Alors, c'est public. Je ne pose pas de questions là-dessus. Ça
vous appartient. Je ne pose pas de questions sur la liberté de la presse. Je
sais qu'elle est acquise. Ce n'était pas là-dessus, notre questionnement, ce
matin. C'était sur la ligne
éditoriale. Alors, ça s'adresse davantage à un autre niveau. C'est le choix du
propriétaire, le choix du propriétaire, veut se le faire financer. C'est
son choix, on l'a dit, pas besoin de le ramener.
Ceci étant
dit, vous n'avez pas choisi cette situation-là, puis nous non plus. Alors, moi,
je ne m'attendais pas, comme leader
parlementaire, à avoir un projet de loi de cette nature-là. On a dépoussiéré
beaucoup de choses pour les retrouver, les
débats qui ont eu lieu à l'époque. Et puis on s'est fait une tête, puis on a
réfléchi, puis on pose des questions. Alors, je veux vous le dire, puis ça ne s'adresse pas particulièrement à vous,
mais à tout le monde, parce que souvent... Puis on est habitués à recevoir des pressions ou des mises
en garde en disant : Il faut l'adopter. Il faut faire attention. Jamais il
ne nous viendrait à l'idée, comme
parlementaires, de dire aux journalistes quoi faire. Et je suis convaincu que
c'est la même chose pour les
journalistes, qui ne diront jamais aux parlementaires quoi faire. Alors, si on
s'entend là-dessus, ça va bien aller.
Parce que j'ai vu tantôt, là, quelques
entrefilets où on faisait peser beaucoup de poids sur les parlementaires si ce
n'était pas adopté, notamment à l'égard de la députée de Vachon. Alors, moi,
comme gardien des droits des parlementaires, je vais vous dire une chose, ça
m'a touché un peu. Alors, les débats vont se faire sereinement et correctement. Et, comme elle a peu de temps pour
pouvoir le dire, je voulais le dire à sa place. Je pense que ses questions
sont correctes, elles sont légitimes. Et
puis, au bout de l'exercice, les gens vont faire le choix en âme et conscience.
Moi, j'ai déjà indiqué notre volonté que vous puissiez avoir la
structure que les patrons ont choisie et que vous avez acceptée, et on la respecte. Je termine là-dessus, mais je veux que ça
soit clair. Vous allez voir que c'est toujours... Il n'y a pas
d'ambiguïté, là, sur mes propos.
C'est sûr
qu'il n'y a pas de garantie sur la suite. Mais là l'inquiétude, c'est le nombre
de journalistes, je pense que c'est
240, à peu près, là, dans ces eaux-là. Il y en a déjà eu plus. S'il y avait des
pertes, qu'est-ce qu'on vous dit? Parce que, tu sais, ça va devoir être épongé. Quand il y a un gros groupe,
évidemment, ça aide à avoir plus d'assurance là-dessus. Est-ce qu'on
vous a donné des indications comment ça pourrait fonctionner sans toucher à
l'essentiel, c'est-à-dire l'information? Lors de la présentation qu'on vous a
faite, là...
M. Côté
(Charles) : Je ne suis pas sûr de comprendre la question. À la table
de négo, ils nous ont... non, ils ne nous ont pas dit... il n'y a pas de
coupes annoncées, il n'y a pas de pertes d'emploi d'annoncées, donc...
M. Bérubé :
Je vais préciser davantage ma question. Si, dans la nouvelle structure, il y
avait des pertes, il va falloir que quelqu'un les éponge, alors comment
ça fonctionnerait?
Une voix : Des pertes
financières.
M. Bérubé : Oui,
des pertes financières. Oui, oui, excusez-moi.
M. Côté
(Charles) : Bien, ce qu'on
nous dit... Puis, encore une fois, on va avoir accès à une transparence
financière. On a un protocole qui va
nous permettre d'y avoir... sous le sceau de la confidentialité, évidemment,
comme c'est le cas dans ces situations-là habituellement. Et on a une
annonce d'un montant de 50 millions. L'employeur nous dit, et
l'actionnaire nous dit : Mais ce montant-là, il a été conçu pour nous
aider à passer au travers puis mettre en place une stratégie d'affaires qui pourrait rapporter des nouveaux revenus. Donc,
ça, c'est quelque chose qu'on va vouloir évaluer dans le cadre de cet
exercice-là.
M. Bérubé :
Vous avez parlé tout à l'heure qu'il serait possible de solliciter des
dons — ce qui
existe ailleurs également, c'est le
cas du Devoir,qui va s'adresser à nous en soirée — à travers la philanthropie, ce qui serait
une nouveauté pour La Presse.
Vous avez la chance d'avoir... le privilège d'avoir des lecteurs qui sont
fidèles depuis longtemps, puis des lecteurs
qui auront certainement envie de considérer d'appuyer La Presse.
Tout à l'heure, M. Crevier nous a souligné que l'aide fédérale était
essentielle, donc les dons seront insuffisants. Est-ce que c'est quelque chose
qui vous préoccupe?
M. Côté (Charles) : Bien,
c'est-à-dire que nous, à la Fédération nationale des communications, qui
regroupe l'immense majorité des syndicats de
journalistes, là, au Québec, on fait campagne depuis longtemps pour le modèle
du crédit d'impôt sur la masse salariale dans les salles de rédaction.
Donc, nous, on est derrière cette idée-là depuis longtemps. On pense que c'est la meilleure façon
de financer une partie du travail d'une salle de rédaction, puis ça, c'est
à la grandeur du Canada.
On
sait que Google et Facebook font, à eux deux, entre 7 et 8 milliards de
chiffre d'affaires par année au Canada et
qu'ils ne sont aucunement taxés, pas de TPS, pas de TVQ. Et il y a Marwah
Rizqy, qui est maintenant candidate libérale, mais, quand même, qui est une fiscaliste compétente, qui a évalué les
pertes annuelles au Canada à 600 millions. Donc, est-ce qu'avec 600 millions on peut financer
en partie, en tout cas, entre autres, un crédit d'impôt sur la masse salariale
des salles de rédaction au Canada? Je crois
bien que oui, si on estime collectivement que c'est important de le faire. Et
nous, bien, à travers la fédération, on continue d'être derrière cette idée-là.
M. Bérubé :
J'ai envie de... Oui?
M. Champagne
(Éric-Pierre) : Il n'y a aucune garantie. Il n'y en avait pas sous
Power Corporation. À preuve, il y a
eu 157 emplois qui ont été perdus en 2015. Il n'y en aura pas plus dans la
nouvelle structure. Évidemment, notre travail à nous, c'est d'essayer de
maintenir le plus grand nombre d'emplois, mais il n'y a aucune garantie.
M. Bérubé :
O.K. Oui, effectivement, puis c'est un monde qui est mouvant, c'est un monde
qui est nouveau, et puis, même dans
nos pratiques de lecture, nous-mêmes comme parlementaires, on réalise souvent
que, même dans les médias papier, souvent on va les voir davantage sur
Internet. Alors, nous-mêmes, on est témoins de ça.
J'ai
envie d'utiliser le temps à ma disposition pour vous permettre d'expliquer ce
crédit d'impôt et comment ça pourrait
fonctionner, en tout cas la connaissance que vous en avez. Parce que
l'Assemblée nationale, par exemple, je ne sais pas si c'est déjà le cas, pourrait adopter une motion unanime, je
ne sais pas si ça a été fait, là, j'ai peut-être échappé ça, mais ça pourrait être une façon d'être utile
pour la suite des choses si... En tout cas, moi, si ça n'a pas été fait, la
députée de Vachon en a déjà parlé...
Une voix :
Ça a été refusé par les libéraux.
M. Bérubé :
Ça a été refusé par le parti de Marwah Rizqy? D'accord. Je relance l'idée. Moi,
je prends l'engagement que, si c'est
une bonne idée... D'abord, expliquez-le-nous. Et j'espère avoir l'assentiment
de la ministre et de son équipe pour adopter une motion unanime qui
pourrait aider La Presse. Qu'en pensez-vous?
M. Côté
(Charles) : Bien, je ne me sens pas habilité à l'expliquer en détail.
Je sais que la FNC a produit au moins deux
études là-dessus avec l'aide d'une firme de consultants externes et d'experts
indépendants. Mais toujours est-il que le
modèle qu'on a en place aujourd'hui dans le secteur du jeu vidéo, c'est pour
créer de l'emploi dans un secteur important, mais que l'argent s'en va dans les poches d'entreprises à but lucratif
étrangères. Mais, bon, on a quand même trouvé ça acceptable de créer un
crédit d'impôt sur la masse salariale dans ce secteur-là.
Là,
on pense que c'est un modèle qui peut être intéressant parce que ça permet de
mettre une distance. Ce n'est pas un
programme de subvention, c'est un programme de crédit d'impôt, donc c'est normé
puis c'est géré à distance par les gouvernements, donc c'est peut-être
la meilleure façon.
• (16 h 20) •
M. Bérubé :
Alors, je propose de faire oeuvre utile et de tenter avec vous et d'autres de
convaincre ceux qui ne seraient pas encore d'accord avec cette idée
utile et intéressante proposée par une fiscaliste qui aspire à siéger à cette Assemblée nationale, de convaincre le gouvernement d'adopter avec nous une résolution unanime, qu'on
enverra à Ottawa, pour aider La Presse.
Alors, c'est mon engagement, et je termine là-dessus, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme
de Santis) : Merci beaucoup. Maintenant, la parole est à la députée
d'Iberville pour six minutes.
Mme
Samson : Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Je voulais justement
parler du crédit d'impôt. Je pense que le
modèle qui est contemplé, c'est le modèle qui est largement inspiré du crédit
d'impôt de la vidéo et du long métrage, que je connais particulièrement
bien. C'est basé sur la main-d'oeuvre, un pourcentage de la main-d'oeuvre, etc.
C'est complexe parce que la machine est habituée de le traiter projet par
projet, alors que, dans une entreprise... Je comprends
qu'on ne peut pas traiter chaque publication, chaque journée comme un projet,
là, vous pouvez vous imaginer le «red tape» qui viendrait avec ça, donc
il faudrait que la formule soit certainement assez révisée, revue et corrigée.
Je n'aurai pas besoin
de vous poser ma question qui tue parce que vous y avez déjà répondu dans votre
présentation, mais j'en ai une autre. On va entendre d'ici la fin de la soirée
d'autres intervenants, dont certains vont s'opposer
à ce que ce projet de loi là soit adopté, justement parce que La Presse
pourrait bénéficier de crédits d'impôt.
M. Côté
(Charles) : C'était votre question, oui?
Mme
Samson : Ma question est : Comment réagissez-vous à ça si on nous
présente cet argument-là qu'il n'y a pas de raison pour que La Presse
ait accès à des crédits d'impôt?
M. Côté
(Charles) : Il n'y a rien... Excusez.
M. Champagne
(Éric-Pierre) : ...seulement La Presse va
bénéficier de ces crédits d'impôt là. Évidemment, il y a déjà un programme qui permet à La Presse, mais
au Devoir, à Québecor et à d'autres de bénéficier des crédits d'impôt,
ce programme-là existe. S'il y en a d'autres
que l'Assemblée nationale, que le prochain gouvernement souhaite mettre
en place, ça sera au gouvernement d'établir
les critères. Et il n'y a rien qui garantit que La Presse
sera éligible ou n'y sera pas et que
les autres médias ne seront pas éligibles. Nous, notre position, puis elle est
en accord avec celle de la FNC, c'est que ce soit universel et que ce
soient des programmes normés connus de tous.
Alors, nous,
comme syndicat, on ne demande pas un traitement de faveur, là. Alors, on
souhaite que, s'il y a des programmes, ça soit pour tout le monde. Alors, on ne
souhaite pas que d'autres soient exclus, parce qu'à chaque fois qu'il y
a des emplois de journaliste qui disparaissent on pense que ce n'est pas bon
pour... ce n'est pas bon pour nous, premièrement, comme journalistes, même
comme organisation syndicale, et on pense que ce n'est pas bon aussi pour l'ensemble de la société. Puis là-dessus, je
ferais juste rappeler, au Québec, en ce moment, il y a 4,5 relationnistes
pour un journaliste, puis ça va aller
en grandissant, malheureusement, là. Je pense que c'est une question aussi
qu'il faut garder en tête.
Mme Samson : Quelle distinction
faites-vous entre journaliste et chroniqueur?
M. Côté
(Charles) : Bien, un journaliste est là pour rapporter, enquêter
éventuellement, faire des grands dossiers, des reportages, puis un chroniqueur, il est là pour peut-être faire
toutes ces choses-là puis, en plus, donner son opinion. Mais donc, à La Presse,
quoi, il y a 20... je n'ai pas le chiffre exact en tête, là.
Mme Samson : Est-ce que les
chroniqueurs sont inclus dans votre syndicat?
M. Côté (Charles) : Oui, oui, tous
les chroniqueurs sont syndiqués.
Mme Samson : Tous les chroniqueurs
sont syndiqués.
M. Côté (Charles) : Oui.
Mme Samson : O.K. Il me reste quoi?
Deux minutes, à peu près?
La Présidente (Mme de Santis) :
2 min 55 s.
Mme
Samson : Ah! c'est bon. C'est bon quand on a fait de la TV, tu sais,
on a une espèce de «cue sheet» dans la tête à longueur de journée.
J'aimerais peut-être vous entendre sur — j'ai posé la question à vos
collègues, tantôt, de la CSN — les bouleversements qu'ont provoqués tous
les changements technologiques, vous y avez fait référence vous-même. On le sait, que, dans les médias puis à
la presse écrite, c'est comme dans tous les médias, c'est une business de «people», c'est un «people business» avant
toute chose, si vous n'avez pas les bons employés puis les employés... vous
n'avez pas d'entreprise. De quelle
manière... Et comment réfléchissez-vous à cette relation-là de travail que vous
avez traditionnellement dans un mode x, y, z, les gens rentrent au bureau, ils
font leur papier, vont faire leur topo, puis tout ça, là, là? Dans cinq
ans, là, ou dans quatre ans, ça va être le télétravail, est-ce que vous êtes
prêts? Est-ce que vos organisations sont prêtes à changer le modus operandi,
compte tenu de l'évolution technologique?
M. Côté (Charles) : Je pense que
c'est ce qu'on fait sans arrêt depuis 15 ans. On est toujours en
négociation à La Presse, toujours, toujours, toujours, sur
tous ces sujets-là.
Mme Samson : Toujours, toujours,
toujours?
M. Côté
(Charles) : Et là les prochains changements qu'on entrevoit, c'est
peut-être... non, en fait, je ne m'avancerai
pas là-dessus, mais on a fait la preuve depuis 15 ans... Moi, ça fait
20 ans que je suis impliqué au syndicat...
Mme Samson : Vous êtes condamné au
changement.
M. Côté
(Charles) : ...et il n'y a pas une seule année qui s'est passée sans qu'on ait une lettre
d'entente ou une nouvelle création, une nouvelle fonction, permission
pour embaucher des surnuméraires pour relancer la nouvelle application.
Écoutez...
Une voix : Pour lancer La
Presse+...
M. Côté
(Charles) : Je voulais juste résumer. C'est que, comme syndicat, on a
très certainement voulu toujours être
là où la technologie s'en allait. Il n'a jamais été question qu'on se fasse
contourner pour des raisons de changements technologiques. Et ça, ça va continuer, mais... Et nos membres aussi
sont prêts, pour la plupart... bien, pas pour la plupart, mais quand
c'est bien expliqué, quand c'est bien amené, ça...
Mme Samson : Le changement est
accepté.
M.
Côté (Charles) : Le changement est accepté.
M.
Champagne (Éric-Pierre) : ...pour lancer La Presse+,
l'employeur, La Presse et les syndicats ont négocié 128 lettres d'entente, si je me rappelle
bien. Donc, quand Charles dit que nous sommes tout le temps en négociation,
puis ce n'était pas une négociation de convention collective, là, il y a
eu 128 lettres d'entente pour permettre le lancement et tous les
changements qui sont arrivés avec La Presse+, donc, oui, on négocie
presque quotidiennement, pour ainsi dire.
Mme
Samson : ...aux nouvelles technologies, c'est bon. Je vous remercie,
messieurs, merci, madame. C'est tout pour moi, Mme la Présidente.
La
Présidente (Mme de Santis) : Merci, Mme la députée. Maintenant, la
parole est à la députée de Vachon pour trois minutes.
Mme Ouellet : Merci. Bienvenue. Moi, j'aimerais ça qu'on revienne aux crédits d'impôt
parce qu'effectivement... Si on est
ici aujourd'hui puis qu'on parle de l'OBNL, c'est parce que cette
transformation-là, elle n'est pas par hasard, c'est pour pouvoir avoir accès aux futurs crédits d'impôt du
gouvernement canadien pour dons de charité. Et ce crédit d'impôt là pour
dons de charité, il est seulement qu'accessible aux OBNL, donc discriminatoire
sur la structure d'entreprise. Vous ne pensez pas que ce serait mieux, au lieu
d'avoir un crédit d'impôt pour dons de charité, qui est discriminatoire quant à
la structure d'entreprise, qui nous oblige actuellement à regarder les
différentes structures d'entreprise, que ce soit plutôt un crédit d'impôt
justement sur la masse salariale?
Et effectivement
c'est une motion que j'ai déposée ici, à l'Assemblée nationale, qui a été
appuyée par le Parti québécois, qui a été
appuyée par Québec solidaire, sur laquelle ne s'est pas prononcée la CAQ, mais
qui a été refusée par le Parti libéral du Québec, donc... Parce que vous dites
qu'il ne faut pas qu'il y ait de discrimination, qu'il faut que ça soit des mesures universelles, mais actuellement ce qui
est en jeu, ce n'est pas une mesure universelle, c'est une mesure qui
est accessible seulement qu'à un OBNL. Et c'est pour ça qu'on se retrouve avec
un OBNL un peu bizarre, fiducie de Power Corporation, lié à Power Corporation
indirectement par les nominations, avec 52 milliards de revenus. Moi, je trouve que, pour OBNL, là, on repassera. Mais
c'est ça, l'enjeu, actuellement. Ça fait que vous ne pensez pas que la solution
ce serait plus un crédit d'impôt sur la masse salariale?
M.
Côté (Charles) : Je pense qu'il y a deux choses là-dedans. Il y a la
faculté d'un OBNL de donner des reçus d'impôt, eu égard à sa mission,
puis ça, c'est oui ou non, puis je pense que l'entreprise va vivre avec. Mais
c'est une autre chose de dire : Un crédit d'impôt de 35 % sur la
masse salariale des salles de rédaction. Ça, vous l'avez entendu aussi de la
bouche des dirigeants de La Presse, là. Ça fait que je pense
que c'est vraiment deux questions
différentes.
Ensuite, de dire que
Power fait 50 milliards de chiffre d'affaires puis Facebook fait
50 milliards de chiffre d'affaires, ce
n'est pas du tout... L'essentiel du chiffre d'affaires de Power Corporation,
c'est dans un monde qui n'a rien à voir avec l'information. Et, oui, on
aimerait bien ça avoir les mêmes moyens que Facebook et Google en termes
d'ingénieurs en informatique, puis en intelligence artificielle, puis en
«business intelligence», puis tout ce que vous voudrez, là, ça... mais c'est ça, là, mais on ne pourra jamais, à
l'échelle de La Presse, avoir les mêmes ressources dans
ces secteurs-là sans changer le modèle de
revenus, parce que le modèle de revenus, il est brisé par Google et Facebook
qui, eux, vont chercher les revenus pour
financer ces développements-là. Ce n'est pas La Great-West, là, qui fait de la recherche dans ce secteur-là, là, tu sais, ce
n'est pas le Groupe Investors ou... tu sais, on est une bibitte à part dans le
monde de Power Corporation, on est la seule entreprise du monde
médiatique à Power Corporation.
Mme Ouellet : Je comprends, mais, de toute façon, Power Corporation, une chance qu'il
était là, parce que c'est ce qui a
permis d'avoir une aussi grande salle de rédaction, parce qu'ils ont absorbé
des déficits d'une année à l'autre.
Savez-vous ça
prendrait combien...
M.
Côté (Charles) : ...La Presse a fait des profits,
on a le programme de partage des bénéfices, et certaines années on a
reçu... on a eu le partage des bénéfices.
Mme Ouellet :
Ah oui? C'est quand, la dernière année que vous avez reçu un partage de
bénéfices?
M.
Côté (Charles) : Je ne suis pas là pour communiquer cette
information-là, mais on laisse dire des choses, sur les finances de La Presse,
qui ne sont pas...
La
Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup. Alors, M. Côté,
M. Champagne, Mme Gosselin, merci d'avoir participé aux
travaux de cette commission.
Je suspends les
travaux quelques instants afin de permettre aux représentants de la Fédération
des travailleurs et travailleuses du Québec de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à
16 h 30)
(Reprise à 16 h 31)
La Présidente (Mme de Santis) : On
reprend nos travaux. Je souhaite la bienvenue aux représentants de la Fédération des travailleurs et travailleuses du
Québec. Je vous rappelle que vous
disposez de 10 minutes pour votre exposé. Ensuite, nous allons
procéder à la période d'échange avec les membres de la commission.
Je vous
invite à vous présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent. Ensuite,
vous allez procéder à votre exposé. La parole est à vous pour
10 minutes.
Fédération
des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)
M. León
(Atïm) : Merci, Mme la Présidente. Atïm León, je suis conseiller politique
à la Fédération des travailleurs
et travailleuses du Québec, la FTQ, et, à ce titre-là, je suis le principal
adjoint du président, Daniel Boyer, qui m'a demandé
de le remplacer, puisqu'il est en déplacement à l'étranger. Je suis
accompagné, à ma droite, par Me Kathleen Bourgault, qui est conseillère syndicale
au SEPB, qui est un affilié de la FTQ, le syndicat des employés professionnels
et de bureau, et aussi de Philippe St-Jean,
qui est président du syndicat SEPB-574 à La Presse. Ils vont
se présenter plus en détail par la suite.
Un seul mot
d'introduction assez rapide, assez bref, si vous permettez. La FTQ, moi, je
n'ai pas besoin de vous la présenter
en détail, on est présents dans tous les secteurs de l'économie québécoise,
dans toutes les régions. C'est une grande
centrale syndicale qui regroupe 37 syndicats, 5 000 unités
locales, dont une à La Presse. Et c'est la raison de notre
présence aujourd'hui.
Lorsque La Presse
a annoncé publiquement sa démarche visant à transformer sa structure légale en
OSBL, il y a un peu plus de trois
semaines, il s'est trouvé que le Conseil général de la FTQ, qui est l'instance
décisionnelle entre nos congrès, se réunissait quelques jours plus tard.
Et, à cette occasion, l'ensemble des affiliés de La Presse...
voyons, de la FTQ, excusez-moi, ont
publiquement exprimé leur préoccupation pour la tendance désastreuse à la
fermeture de salles de presse dans les régions et dans les médias
régionaux du Québec.
Je veux aussi
signaler que la FTQ a eu l'occasion à maintes reprises par le passé de
s'exprimer sur ces enjeux, d'insister
sur son adhésion au principe fondamental de la liberté de la presse et son
corollaire, qui est la responsabilité d'informer le public de manière
impartiale et avec des standards professionnels élevés.
Mais, ceci
étant dit, ce n'est pas le coeur de notre propos ni la question qui est posée
aujourd'hui. Eu égard au projet de loi n° 400, nous sommes ici pour
vous dire que nous appuyons la demande émanant de la direction de La Presse parce qu'elle a le mérite de s'accompagner, à nos yeux, des deux seules
garanties qui sont pertinentes de discuter à cette étape-ci,
c'est-à-dire, d'abord, pour nous encore une fois, à nos yeux, le respect des
ententes signées avec les travailleurs et
travailleuses syndiqués à La Presse et ensuite le désir de
pérenniser ce grand quotidien qui nous semble animer la démarche de la direction de La Presse et qui, à
nos yeux, est la garantie la plus importante. Pourquoi? Bien, parce que La Presse joue un rôle important
dans l'expression de la pluralité des opinions au Québec et le maintien d'un
dialogue démocratique fort.
Alors,
j'arrête mes remarques introductives ici et je passe la parole à mes collègues
du SEPB, en particulier, d'abord, à Kathleen Bourgault.
Mme Bourgault(Kathleen B.) : Alors, bonjour, Mme la Présidente. Alors, je suis
heureuse d'être ici également aujourd'hui. Et je suis la conseillère
syndicale attitrée au dossier de La Presse pour les employés de la
publicité et la production. Je suis devant vous, car nos dirigeants du
SEPB-Québec sont en comité exécutif national en Ontario actuellement.
Alors, le
SEPB-Québec représente près de 15 000 membres dans les catégories
d'emplois professionnels, soutien technique et administratif. Le
SEPB-574, la section locale à laquelle appartient l'unité La Presse,
fait partie du SEPB-Québec et donc le
SEPB-574 détient l'accréditation de La Presse. Nous
représentons environ 120 travailleuses et travailleurs oeuvrant en vente et en production publicitaire pour les
médias numériques de La Presse, et ce, depuis plus de
50 ans.
Nous appuyons
le principe du projet de loi, soit un projet permettant à La Presse
d'adopter une structure OBNL. Principalement, nous sommes en faveur pour
les motifs suivants.
Bon, d'une
part, la loi actuelle oblige La Presse à obtenir
l'autorisation de l'Assemblée nationale avant de conclure une vente de droits ou d'actions, et évidemment
cela est basé sur des événements d'ordre familiaux débutant dans les années 1900.
Ces événements n'ont plus de lien réel avec le rôle joué aujourd'hui par La Presse
dans notre société québécoise. Évidemment,
vous le savez, depuis ce matin on l'entend, il n'y a aucun autre média qui
n'est assujetti à cette exigence. Également, nous considérons que La Presse
devrait être traitée de la même façon que les autres médias.
Évidemment,
comme conseillère syndicale dans le dossier, dans le «day to day», pour
représenter les employés de La Presse,
vous comprendrez que nous sommes en faveur particulièrement parce qu'il y aura
respect des conditions de travail
prévues dans la convention collective ainsi que de l'accréditation. La
convention collective, elle est présentement en vigueur et elle expire le 31 décembre 2020. Alors, les
parties admettent, de part et d'autre, qu'il s'agit d'une aliénation totale, ce
qui fait en sorte que l'article 45 du Code du travail s'applique et donc,
par le fait même, permet le transfert intégral de la convention
collective ainsi que de l'accréditation chez la nouvelle entité.
Bref, pour
nous, nous sommes satisfaits des engagements pris par l'employeur, dans
l'édition du 2 juin, à l'effet que La Presse
s'engage à respecter ses conventions collectives et à instaurer des régimes de
retraite miroirs pour ses employés. Évidemment, nous sommes conscients que ces
enjeux, malgré l'engagement de l'employeur, sont présents et demeureront présents dans le futur. Mais, à ce
stade-ci, pour nous, l'article 45 s'applique, et donc les règles usuelles
vont s'appliquer.
Également, pour nous, on est rassurés que Power
Corporation s'est dit disposé à mettre en place, avec la collaboration des syndicats, un mécanisme afin de
conserver sous sa charge les obligations passées des régimes de retraite
sur une base de continuité des affaires.
Évidemment, cela permet d'assurer la protection des droits des participants aux
régimes de retraite, qu'ils soient actifs, inactifs et retraités.
De plus, nous
sommes conscients et nous acceptons l'engagement de l'employeur à l'effet de
maintenir les emplois actuellement. Donc, cela, cet engagement-là nous convient
à ce stade-ci, tout en sachant qu'il y aura... il devra y avoir des discussions
entre les parties pour discuter des impacts et des enjeux de la création de
cette nouvelle entité. Merci.
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci.
M. St-Jean(Philippe) : Et je vais compléter. Bonjour, Mme la Présidente. Je
me présente, je suis Philippe St-Jean. Je prends la parole cet
après-midi en tant que président de l'unité La Presse
SEPB-574.
Alors, c'est
un syndicat qui regroupe plus ou moins 120 travailleuses et travailleurs
qui oeuvrent principalement en vente
publicitaire, en production et en diffusion publicitaire, en créativité média
et en recherche marketing. Les membres que je représente sont celles et
ceux qui ont la responsabilité quotidienne d'alimenter la principale source de
revenus pour La Presse, c'est-à-dire les revenus
publicitaires, ces fameux revenus publicitaires qui décroissent de façon
exponentielle chaque année, chaque trimestre, chaque mois.
• (16 h 40) •
Depuis les dernières années, bien que nos
équipes ont redoublé d'efforts pour sensibiliser les annonceurs québécois et
canadiens d'investir leurs budgets publicitaires au sein d'un média
d'information numérique crédible, innovant,
qui joue un rôle primordial pour la société québécoise, la réalité, c'est
que les annonceurs consacrent tout près de 80 % de leurs budgets
numériques chez deux géants américains, soit Google et Facebook. Et, pour être
capable de concurrencer, dans la mesure du possible évidemment, ces deux
géants, il faut inévitablement innover. En effet, il est nécessaire de renouveler régulièrement les produits offerts, d'optimiser les stratégies publicitaires pour
les rendre encore plus performantes.
Les membres
que je représente ont, au cours des dernières années, su adapter leurs méthodes
de travail, ont su créer des outils
exclusifs de mesures, ont su programmer des logiciels uniques pour permettre la
publication quotidienne d'une édition
numérique et engageante de La Presse, ont su maîtriser la conception d'une nouvelle forme de publicité qui
mise maintenant sur l'interactivité. Bref, les membres que je représente
ont mis tous les efforts nécessaires pour réussir la transformation numérique
de La Presse, car on croyait que ce virage était essentiel à
la survie de l'entreprise.
Aujourd'hui, on croit que si l'on veut maintenir
cette salle de rédaction qui a fait et qui fait encore la renommée de La Presse, on croit que si l'on veut poursuivre le
développement technologique des plateformes médiatiques performantes et
engageantes, on croit que si l'on veut s'assurer de garder ce joyau québécois
ici, bien ancré dans sa communauté, on croit que ça va prendre bien plus que
des revenus publicitaires. Pour l'ensemble...
La Présidente (Mme de Santis) : ...
M. St-Jean
(Philippe) : Oui. Pour
l'ensemble de ces raisons et pour diversifier rapidement les sources de
revenus de l'entreprise, on croit que la pérennité de La Presse
passe d'abord par l'adoption du projet de loi n° 400.
La
Présidente (Mme de Santis) :
Merci beaucoup. Alors, maintenant, la parole est à la ministre,
pour 15 minutes.
Mme
Montpetit : Je vous
remercie, Mme la Présidente. Mme Bourgault, M. St-Jean,
M. León, merci d'être avec nous aujourd'hui. Merci pour votre
présentation également. Je n'aurai qu'une seule question, en fait.
Évidemment,
vous avez fait référence à la nécessité pour La Presse d'obtenir l'autorisation des parlementaires
pour pouvoir soit vendre soit céder
l'entreprise puis vous avez bien souligné que c'est un préalable, c'est une
autorisation préalable, effectivement, qui est unique au Québec. Aucun autre média n'est assujetti à cette
exigence, puis je pense qu'il est bien de souligner qu'il est sage qu'il en soit
ainsi. Puis, je le répète, je pense
qu'il est important effectivement que les médias soient libres de toute ingérence politique, et c'est tout ce
qu'on devrait rechercher aujourd'hui, effectivement, à la fin de cette
journée.
Et la chose
sur laquelle je souhaiterais vous entendre... Vous avez dit dans... en fait,
c'est souligné dans le mémoire que vous nous avez déposé, vous dites que
l'avenir de La Presse se joue aujourd'hui. C'est une
affirmation qui est très, très forte. Et je
partage l'opinion, bon, du leader de l'opposition sur le fait
qu'effectivement... Je ne pense pas qu'on cherche à mettre de la pression sur les parlementaires avec ce genre
d'opinion, mais je pense qu'aussi il faut éclairer les membres de cette
commission. Comme vous êtes certainement, encore là, comme je le mentionnais,
que ce soient les employés, l'employeur, les
travailleurs, les syndicats, les premiers à être capables d'évaluer cette
situation, j'aimerais bien que vous puissiez nous dire qu'est-ce qui
vous porte à avoir une affirmation aussi forte.
M. St-Jean
(Philippe) : Oui. En fait, je peux peut-être répondre à cette
question-là. En fait, moi, je suis en contact directement avec les revenus publicitaires. C'est mon équipe et moi
aussi, mes collègues qui travaillent avec les revenus publicitaires. Le statu quo, on l'a répété sur plusieurs
tribunes, ce n'est pas une option pour nous. Il faut revoir le modèle. Et on pense, on croit que le modèle qui a été
présenté par la direction de La Presse est un modèle qui
fait du sens. Ça nous permet de diversifier aussi les revenus de La Presse,
de diversifier les sources de revenus. Ça enlève évidemment une grosse pression également sur les équipes de
vente, qui eux... qui elles, plutôt, sentent une pression de plus en plus
élevée en raison des deux grands
joueurs américains, Google et Facebook. Alors, oui, je crois que l'avenir de La Presse
se joue en ce moment.
Mme
Montpetit : Parfait. Je vous remercie, Mme la Présidente. À moins que
j'aie des collègues...pour moi, ça fera le tour, je vous remercie.
La
Présidente (Mme de Santis) : Est-ce qu'il y a des collègues qui...
Non? Alors, maintenant, la parole est au député de Matane-Matapédia,
pour neuf minutes.
M.
Bérubé : Merci,
Mme la Présidente. À mon tour de
saluer Mme Bourgault, M. St-Jean et M. León. Je dois révéler que c'est un ancien collègue
du mouvement étudiant, avec qui on a mené bien des batailles. Alors, je vous
salue tous, et bienvenue à l'Assemblée.
Une voix : ...
M.
Bérubé : Non, mais il faut révéler ce genre de choses là. Vous l'avez
fait, vous, Mme la Présidente. Alors, il me fait plaisir de vous
accueillir.
Vous avez
entendu les questions. Je ne veux pas me répéter. J'aimerais peut-être aborder
une question qui ne l'a pas été jusqu'à maintenant, qui est celle des
retraités, parce que vous avez des retraités qui ont été syndiqués chez vous
et vous vous souciez de l'avenir des rentes.
Alors, comme on n'en a pas parlé, ce que j'aimerais, c'est vous donner
l'occasion de nous indiquer votre
appréciation de la situation, si vous avez des craintes ou si vous avez... vous
êtes rassurés. Alors, offrons ce temps, je dirais, aux fiers retraités
de La Presse, ils sont nombreux et ils sont notamment dans
votre unité syndicale. Alors, je vous offre
ce temps-là pour parler de cette situation-là. Et je salue ceux qui m'ont
contacté, en leur disant que, oui, on va parler de votre situation.
Mme
Bourgault (Kathleen B.) : Oui. Alors, peut-être que je peux répondre à
vos questionnements au sujet de ça. Évidemment,
nous avons une préoccupation au sujet des rentes des retraités, des gens qui
reçoivent déjà leurs rentes. Mais, je
tiens à dire, il y a également la préoccupation des inactifs, ceux qui ont
accumulé des droits et qui ont quitté et ceux qui travaillent toujours, qui sont actifs, mais qui vont être transférés
dans la nouvelle entité. Évidemment, ce ne sont pas les mêmes enjeux.
Ce que je
peux vous dire à ce stade-ci, c'est que des rencontres sont prévues à cet
égard-là. Chaque partie sont accompagnées d'actuaires, parce que vous
comprendrez que c'est légèrement complexe, toutes ces questions au sujet
d'un nouveau régime de retraite versus
l'ancien, et qu'à ce stade-ci, pour nous, que Power Corporation nous avise
qu'il désire conserver sous sa charge
ses obligations passées des régimes de retraite, bien, vous comprendrez que ça
nous rassure et qu'évidemment, si
cette charge-là avait été transportée à la nouvelle entité, bien, ça aurait été
possiblement périlleux, là, parce que c'est quand même une charge
financière importante.
Alors, évidemment, quand je vous dis ça, je ne
vous dis pas qu'on n'est pas toujours préoccupés. Ce sont des préoccupations réelles. Des discussions doivent
avoir lieu avec les parties, et surtout des informations très techniques qui
doivent être soumises à nos actuaires pour que... D'ailleurs, nous, au SEPB,
nous rencontrons notre actuaire demain, à 2 heures, pour évaluer certaines
choses.
M.
Bérubé :
Mme la Présidente, pour Mme Bourgault, vos collègues, est-ce qu'à votre
connaissance les retraités vont être
mis à contribution dans les échanges sur la nouvelle structure? Moi, j'ai parlé
avec M. Jannard, entre autres, là, je ne
sais pas si c'était votre unité syndicale ou c'est plus l'autre côté, mais il
me parlait de façon générale de tous les anciens, qu'ils soient à
l'information ou dans d'autres postes, qu'ils ont envie de participer, puis
d'être consultés, puis de peut-être vous donner des éclairages supplémentaires.
Mme
Bourgault (Kathleen B.) : Bien, peut-être ce que je peux... À ma
connaissance, tous les retraités ont reçu des avis, actuellement, de La Presse.
Comment vont se faire les consultations avec les retraités? Je ne suis pas dans
le «fine-tuning» — excusez-moi l'anglicisme — mais je sais que les gens ont reçu des avis
et qu'évidemment, s'il y a des retraités
au SEPB-Québec qui veulent communiquer avec nous... Puis on évaluera les
enjeux, évidemment, mais ils sont consultés également, d'une façon
différente.
M.
Bérubé : Ça va, Mme
la Présidente.
La Présidente (Mme de Santis) : Vous
avez encore 5 min 20 s.
M.
Bérubé : J'ai
terminé.
La Présidente (Mme de Santis) : Vous
avez terminé?
M.
Bérubé : Oui.
La
Présidente (Mme de Santis) : Merci.
Une voix :
...
La Présidente (Mme
de Santis) : Allez-y, M. St-Jean.
M.
St-Jean (Philippe) : ...ajouter également, on a des comités de
retraite, à La Presse, où siègent des retraités, et
évidemment, là, toutes les nouvelles règles vont être soumises à ce comité de
retraite là.
La Présidente (Mme
de Santis) : Merci. Alors, la parole est à la députée d'Iberville,
pour six minutes.
Mme Samson :
Merci, Mme la Présidente. Alors, comme vous représentez les gens qui font les
ventes pour La Presse, on va parler des revenus un peu.
J'imagine que vous suivez ça de près, comment ça évolue.
Une voix :
...
• (16 h 50) •
Mme
Samson : Un petit peu? Oui, j'imagine que c'est plus qu'un petit peu.
Dites-moi, par rapport à l'ensemble des
affaires publicitaires au Québec, est-ce qu'il y a beaucoup de réticence des
grandes agences, au Québec et au Canada, qui planifient les campagnes publicitaires des grands annonceurs? Est-ce
qu'il y a encore beaucoup de réticence à confier une partie importante des budgets à La Presse+, par exemple?
C'est automatique, ils vont se tourner plus vers YouTube ou sur Google?
M. St-Jean
(Philippe) : En fait, je
peux peut-être répondre à ça. En fait, ce n'est pas un
automatisme. Je vous dirais qu'évidemment l'arrivée de tous ces nouveaux joueurs numériques
en sol québécois, c'est venu apporter de nouveaux joueurs,
de nouveaux concurrents qui ont des avantages qu'on n'a pas. Par exemple, on a
parlé tantôt de l'intelligence publicitaire. Bien qu'on fasse des grands pas de
notre côté, à La Presse, que les agences apprécient énormément,
ça reste que les grands joueurs de ce monde ont déjà beaucoup
d'avance, ont beaucoup de moyens. Donc, tout dépendant, je vous dirais, des objectifs marketing que
recherchent les clients des grands annonceurs, bien, on va avoir une part du gâteau, de la tarte publicitaire, et il y en a
une autre part qui va être donnée aux autres joueurs américains. C'est
le portrait un peu des concurrents qui a changé depuis les dernières années.
Mme Samson :
...à sa place.
M. St-Jean
(Philippe) : Exact.
Mme Samson :
O.K. Moi, j'ai un préjugé, malheureusement, parce que, dans mon ancienne vie,
j'ai touché à l'industrie des communications. Quand l'Internet est arrivé, avec les sites
complémentaires puis les diffuseurs qui s'en allaient sur l'Internet, j'ai toujours eu l'impression qu'au début ils ont donné de la
visibilité supplémentaire sur l'Internet, mais donnée à leurs annonceurs comme étant une plus-value s'ils
annonçaient sur leurs médias traditionnels. Et j'ai toujours pensé
que les médias, en faisant ça, se tiraient un peu dans le pied et qu'un jour ce
serait difficile de valoriser la place du numérique, à partir du moment
où on habitue... C'est un peu comme le contenu musical que les gens ont
consommé gratuitement pendant des années. C'est difficile de changer ensuite un
comportement puis de dire : Bien, par souci de faire vivre les artistes puis les créateurs, il faut payer quelque chose quelque part. C'est difficile de détricoter ça après. Puis j'ai toujours eu ce préjugé-là, mais... Puis c'est parce que,
bon, l'imprimé, je connais moins ça un peu, mais vous vendez ça... Bon, dans les journaux, ça se vend au
lectorat. Sur l'Internet, ça se vend aux clics, aux visiteurs, aux visites?
M. St-Jean
(Philippe) : ...différentes
méthodes. Il y a différentes méthodes qui peuvent être un coût par
millier, un coût par clic, un coût
par acquisition. Il y a différentes façons, là, qu'on peut établir la
tarification sur un site Internet dans le monde numérique.
Mme Samson : Bien, tu sais, si je suis l'annonceur, moi, je
suis-tu plus privilégiée si je calcule votre coût par clic ou votre coût
par mille? Il n'y a pas de standard, là.
M. St-Jean
(Philippe) : Bien, en fait, il n'y a pas de standard. Là, je vais vous
charger une consultation si ça continue. Mais non, sans blague, en fait...
Mme Samson :
...j'ai un programme de soutien, là, à l'action bénévole.
M. St-Jean
(Philippe) : Plus
sérieusement, en fait, ça dépend vraiment de votre stratégie. Tu sais, si vous voulez lancer un message, vous voulez faire voir un
message au plus grand nombre, bien, je vais vous dire : Allez-y avec un
coût par mille. Si vous voulez que
les gens, vraiment, posent une action concrète pour acheter un article
que vous vendez, bien là, c'est un
coût par acquisition qui peut être un
petit peu plus avantageux pour vous.
Donc, c'est vraiment de voir. Ça dépend de vos stratégies de communication.
Mme Samson : J'imagine que les
sous-segmentations femme, homme, jeune, vieux...
M. St-Jean
(Philippe) : Bien, on est en train de créer des audiences de plus
en plus précises à La Presse. C'est un nouveau produit
qu'on est en train, là, de lancer. Et, en effet, il va y avoir
différentes audiences qu'on va pouvoir cibler.
Mme Samson : Bien,
je vous remercie infiniment. Puis
j'ai appris quelque chose, Mme la
Présidente. C'est bon.
La Présidente (Mme de Santis) : Merci. Alors, maintenant, la parole est à la
députée de Vachon, pour trois minutes.
Mme Ouellet : Merci, Mme la Présidente.
Bienvenue à l'Assemblée nationale. Étant donné que c'est une modification de structure dont on est en
train de discuter, et c'est pour le financement de La Presse dans le futur, est-ce que vous pensez, parce que j'imagine que vous
étudiez ça depuis un certain temps, les différentes structures, que la
structure telle que présentée par La Presse serait la meilleure structure? Parce
que, là, on fait du cas par cas, malheureusement. Moi, j'aurais souhaité qu'on
puisse avoir une discussion beaucoup plus large sur comment on peut répondre, là, à
l'avenir de l'information. Et je pense qu'il y a d'autres structures
qui peuvent être intéressantes. Est-ce
que vous pensez que c'est
cette structure-là qui est la plus intéressante?
M. León
(Atïm) : ...dire. En fait, il n'y a
pas de réflexion sur quelle est la meilleure structure, si c'est ça, la question.
Mais, par rapport à votre intuition,
effectivement, il est urgent que la société québécoise
et, a fortiori, l'Assemblée nationale
aient une réflexion, un débat sur comment on
va faire à l'avenir pour que le marché publicitaire continue à alimenter les
structures de production, d'information et de culture en général. Parce
que la même question
se pose pour la télévision, pour le
cinéma, pour le livre, pour la musique, et c'est exactement le débat que tous
ces médias-là, ces moyens culturels sont en train d'avoir avec le gouvernement
fédéral en ce moment.
Mélanie Joly a annoncé hier la mise sur pied
d'un panel d'experts qui va se pencher sur cette question-là, c'est-à-dire : Comment on fait pour rediriger, dans le système de production
culturelle, les revenus générés par les nouvelles plateformes Internet ou, en tout cas, une partie de ces revenus-là? Et donc quelle va être leur contribution? Et je pense que, pour
les médias d'information, la même question se pose, et le Québec aurait tout intérêt
à se questionner rapidement là-dessus parce
que ça va très, très vite. Je pense que la raison pour laquelle on se retrouve
dans cette situation maintenant, à la fin de la session parlementaire,
c'est parce que la situation bouge très vite.
Mme Ouellet : Et ça serait quoi, votre solution à vous sur les
revenus pour les différentes... maintenant que c'est plus des plateformes électroniques, pour aller
chercher de la publicité, pour que ça soit réparti de façon plus équitable?
M. León
(Atïm) : Écoutez, je pense
que le rapport du CRTC de la semaine dernière ouvre des pistes, même s'il...
Ce n'est pas une révolution, hein, qu'il propose,
on s'entend, là, on aurait aimé qu'il aille plus loin. Mais il ouvre des pistes
dans la mesure où il dit : Il va falloir se poser la question de...
c'est-à-dire, ce qu'on a fait avec les câblodistributeurs, à une certaine époque, qu'il y ait une contribution de
la part des câblodistributeurs pour financer la production via le Fonds des
médias du Canada. Il va falloir se poser la
même question pour les plateformes et réfléchir comment est-ce que... et dans
qu'elle proportion est-ce qu'ils doivent contribuer, et est-ce que ça doit
avoir un impact sur le tarif des abonnements Internet ou pas.
La Présidente (Mme de Santis) : ...s'il
vous plaît.
M. León (Atïm) : J'ai conclu.
La
Présidente (Mme de Santis) : C'est fini? Alors, merci beaucoup,
Mme Bourgault, M. St-Jean et M. León.
Je suspends
les travaux quelques instants afin de permettre aux représentants de la
Fédération professionnelle des journalistes du Québec de prendre place.
(Suspension de la séance à 16 h 58)
(Reprise à 17 h 1)
La
Présidente (Mme de Santis) :
Nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue aux représentantes de la Fédération
professionnelle des journalistes du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de
10 minutes pour votre exposé. Ensuite, nous allons procéder à la
période d'échange avec les membres de la commission.
Je vous
invite à vous présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent. Procédez
à votre exposé, la parole est à vous.
Fédération
professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ)
Mme Lambert-Chan (Marie) : Chers
députés membres de cette commission parlementaire, je me présente, Marie Lambert-Chan, je suis membre du conseil d'administration de la Fédération professionnelle des journalistes
du Québec, la FPJQ. Je désire tout d'abord vous souligner que je remplace au pied levé notre président, Stéphane
Giroux, qui malheureusement ne peut s'adresser à vous aujourd'hui pour des raisons médicales. Je suis accompagnée
de notre directrice
générale adjointe, Mme Marie-Philippe Gagnon-Hamelin. Je sais qu'il se fait
tard, je vous promets d'être précise et concise autant que faire se
peut.
Avec près de
2 000 membres, la FPJQ est
le plus important regroupement de journalistes au pays. Notre rôle est de
défendre la liberté de presse et le droit du
public à l'information. Ce sont justement ces principes qui nous amènent ici,
parce que l'indépendance des médias est un des fondements de notre démocratie.
La FPJQ est
d'avis que l'État n'a pas à décider du mode de gestion d'une entreprise de
presse, quelle qu'elle soit. C'est
vrai pour La Presse, mais c'est aussi vrai pour les journaux
de Capitales Médias, de Québecor, de Transcontinental. C'est aussi vrai pour les autres médias, qu'il
s'agisse de la télévision, de la radio, des magazines ou des médias en ligne.
On n'imaginerait pas le gouvernement avoir
son mot à dire sur la structure d'une entreprise, que ce soit Domtar, Metro
ou Louis Garneau. C'est tout aussi vrai pour les entreprises
de presse, qui doivent être épargnées par toute forme d'ingérence de l'État pour pouvoir remplir leur mandat d'informer le
public. Parce que, je vous le rappelle, si l'État
s'immisce dans la gestion de la
structure d'une entreprise de presse, qu'est-ce qui l'empêchera ensuite de s'immiscer dans le contenu des
médias, de dicter ce qui doit être écrit et
ce qui ne doit pas l'être? Permettre une telle chose serait s'aventurer sur une
pente glissante très dangereuse.
On vous l'a
dit aujourd'hui, mais je me permets de vous le répéter, il y a 90 quotidiens
au Canada, 90 journaux qui ont
des structures différentes. Certains sont indépendants, d'autres appartiennent
à des groupes de presse. Ils sont tous libres
de prendre les décisions nécessaires pour assurer leur pérennité, tous sauf un,
La Presse. Un anachronisme historique fait que ce quotidien doit demander la permission
à l'Assemblée nationale pour changer de propriétaire. Le législateur
voulait ainsi s'assurer que La Presse reste de propriété
québécoise. Mais est-ce que l'État doit avoir le pouvoir de contrôler qui possède un journal et surtout quel
doit être son modèle d'affaires? Nous vous soumettons humblement que la
réponse doit être non et nous vous soumettons humblement que ce n'était pas
l'objectif de la loi dont l'abrogation est demandée aujourd'hui.
Nous ne
disons pas que les médias ne doivent être soumis à aucune loi. Au contraire,
les médias se doivent de respecter la
loi, et il est normal que l'État établisse des règles pour favoriser la
concurrence, par exemple. Mais l'État ne doit pas s'ingérer dans la
gestion des médias. C'est aussi ça, la liberté de presse.
Comme le
soulignait l'ancien secrétaire général de la FPJQ Claude Robillard, dans son
livre La liberté de presse, la
liberté de tous publié en 2016, le Québec a connu son lot d'obstacles pour obtenir une
presse libre et indépendante du pouvoir
de l'État. Jusqu'en 1760, la question était simple : Il était interdit en Nouvelle-France de posséder ou d'utiliser une imprimerie. La question était rapidement
réglée. Les premiers journaux sont apparus sous le régime anglais, mais
cette presse n'était pas libre. L'autorité religieuse et les lois en vigueur à
l'époque permettaient de contrôler ce qu'on pouvait
écrire. Le fondateur de la Montreal Gazette l'a appris à ses dépens, en
1882, en étant emprisonné pour avoir défendu des idées jugées révolutionnaires. Fort heureusement, le XXe siècle
aura été plus respectueux de cette liberté fondamentale. Le recul de l'Église, l'arrivée de la charte
québécoise, de la Charte canadienne des droits et libertés nous ont finalement
libérés de la menace d'un État censeur.
Et nous voici donc en 2018. Le quotidien La Presse
estime devoir transformer sa structure pour assurer sa pérennité. L'État n'a pas à se prononcer sur ce choix, tout comme il
n'est pas appelé à se prononcer sur les choix stratégiques et organisationnels
que font ses 89 concurrents. On vous l'a dit aujourd'hui et on le répète,
les médias écrits traversent une crise
grave. Les revenus sont en chute libre, siphonnés par les géants du Web que
sont Facebook et Google, notamment, des géants étrangers qui ne
produisent pas le contenu qu'ils diffusent et qui, donc, ne paient pas celles
et ceux qui le produisent.
Au cours de
la dernière décennie, 43 % des emplois dans les journaux, au Québec, ont
disparu en raison de ces nouvelles réalités économiques. Le Toronto
Star, le plus important journal au Canada, a affirmé publiquement, tout récemment, que sa survie était menacée. Dans ce
contexte, tous les médias cherchent des solutions. La Presse
souhaite devenir un organisme à but non lucratif, comme d'autres
journaux dans le monde le tentent aussi. Est-ce que ce changement de modèle
d'affaires lui permettra d'assurer sa survie, comme plusieurs d'entre vous
l'ont demandé aujourd'hui? Nous n'en avons aucune
idée. Par contre, ce que nous savons, c'est que, si rien n'est fait, si on
maintient le statu quo, le Québec pourrait perdre l'un de ses plus
importants quotidiens.
Mmes et MM.
les élus, il n'est pas question ici de juger le quotidien La Presse
ni de faire le procès de ses actionnaires.
Il est question d'un principe démocratique fondamental, l'indépendance des
médias. C'est pour cela que la FPJQ
recommande que soit adopté le projet de loi n° 400, pour permettre la
transformation du journal La Presse. Merci.
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci. Est-ce que vous voulez ajouter?
Mme Gagnon-Hamelin (Marie-Philippe) :
Non, merci.
La
Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup. Alors, nous allons
procéder avec la ministre. Vous avez la parole pour 15 minutes.
• (17 h 10) •
Mme
Montpetit : Je vous remercie, Mme la Présidente.
Mme Lambert-Chan, Mme Gagnon-Hamelin, bonjour à toutes les
deux, bienvenues à l'Assemblée nationale. Merci pour votre présentation
éclairante. Je n'aurai aussi, dans ce
cas-ci, qu'une seule question pour continuer de nous éclairer dans nos
réflexions et dans notre compréhension de la situation.
Moi, si j'ai
décidé, comme ministre de la Culture et des Communications, de déposer le
projet de loi n° 400, c'est vraiment
dans l'objectif de corriger une situation qui est inéquitable pour La Presse
par rapport aux autres médias du Québec, et c'est vraiment dans cet objectif-là
bien précis. Donc, effectivement, vous le mentionnez, ce n'est pas dans aucune
intervention, ni dans le modèle d'affaires,
ni dans les décisions qui seront prises par la suite, c'est simplement pour
venir corriger une iniquité
historique qui, pour des raisons qui nous sont antérieures, a mené La Presse
à faire l'objet d'un projet de loi.
Et,
si je l'ai déposé maintenant... Puis c'est vrai que ce n'est pas toujours
évident pour l'ensemble des parlementaires. On est dans les deux semaines de session intensive, et c'est des
semaines qui sont excessivement chargées, occupées. Et c'est évident que, comme on l'a mentionné, vous
vous retrouvez dans cette situation-là bien malgré vous, et nous également.
Mais la raison pour laquelle je l'ai déposé
cette session-ci et que je n'ai pas attendu une autre session, c'est parce que
je jugeais de l'importance de l'affaire et d'une certaine urgence aussi
de procéder. Mais, comme je l'ai mentionné aux groupes qui vous ont précédés,
je pense qu'il n'y a nul autre que vous et que l'ensemble des groupes qu'on
rencontre aujourd'hui qui peuvent nous
expliquer et venir éclairer les parlementaires et les gens qui nous écoutent...
mieux que vous sur l'importance d'agir avec célérité et de procéder
rapidement.
Et
j'aimerais ça vous entendre sur ce sujet-là précisément. Vous avez parlé de
l'avenir des emplois, de l'avenir de La Presse. Je
comprends que vous ne pouvez pas présumer de l'avenir par la suite... suite à l'abrogation d'un projet de loi, mais je comprends que, si on ne va pas de l'avant... vous, votre
lecture, c'est qu'à l'heure actuelle c'est problématique
et ça pourrait venir compromettre des emplois.
Mme Lambert-Chan
(Marie) : Bien, absolument. Écoutez, nous, ce qu'on défend, c'est la
liberté de presse. Il n'est pas exagéré de
dire que, sans presse, il n'y a pas de liberté de presse. À titre personnel, je
suis rédactrice en chef du magazine Québec
Science, nous sommes dans un modèle d'affaires qui est différent, mais je
peux vous dire que nous sommes loin d'être épargnés par la crise. Et chaque
jour nous regardons nos revenus fondre. Chaque jour, nous nous demandons comment changer les choses. Évidemment,
les députés ont à faire leur devoir. On fait le nôtre. Peut-être
que la question d'urgence n'est pas toujours
bien comprise, mais, pour nous qui évoluons dans ce milieu tous les jours, qui
vivons cette crise... Moi-même, ça fait à peine 12 ans que je suis
dans le milieu. Quand je suis sortie de l'université, on commençait à peine à parler de Facebook, et je
peux vous dire que tout a changé et tout continue de changer à une vitesse
qui nous échappe. Et donc, oui, il y a urgence à agir.
La Présidente (Mme
de Santis) : Merci. Est-ce qu'il...
Mme Montpetit : Parfait. Je pense que c'était important... Peut-être
juste pour finir, puis je pense que mon collègue de LaFontaine
aura une question par la suite, je pense que c'est important, parce que
ça a fait l'objet des discussions qu'on a eues depuis ce matin sur certains parlementaires qui ont peut-être
l'impression d'être bousculés. Et ce n'est pas l'intention de personne ici. Si, comme ministre,
moi, j'ai décidé de déposer ce projet-là, si, comme gouvernement, on a décidé d'appeler le projet de loi, c'est parce qu'on fait cette lecture-là également.
On voit qu'il y a une nécessité de le faire. Et c'est la raison
pour laquelle on souhaitait qu'il soit
étudié et qu'il soit appelé rapidement, malgré le fait qu'effectivement ça bouscule
les travaux de l'Assemblée nationale. Et je suis contente aujourd'hui, justement, d'entendre des groupes qui viennent de façon unanime
avec un message qui est très uniforme et qui viennent nous expliquer la situation,
qui viennent nous éclairer, justement, sur la nécessité de procéder et
d'aller de l'avant avec ce projet de loi également. Merci.
La Présidente (Mme
de Santis) : Merci. M. le député de LaFontaine.
M. Tanguay : Oui. Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Merci beaucoup d'être avec nous ce soir pour participer
au débat et à la discussion. Vous avez dit un peu plus tôt,
Mme Lambert-Chan, qu'il ne revient pas à l'État de dicter le contenu journalistique. Une loi québécoise,
une loi de l'Assemblée nationale qui interdirait la présence dans un journal
d'un espace éditorial serait condamnable. Pourquoi?
Mme Lambert-Chan
(Marie) : Parce que ça contreviendrait à l'indépendance des médias, qui
est un pilier fondamental de notre démocratie. Chaque média a droit d'avoir sa
ligne éditoriale. Ce n'est ni à l'État ni à nous d'en juger. Ça fait partie de l'indépendance des médias. Et l'indépendance
des médias est nécessaire à la pluralité des voix, qui est nécessaire
à notre démocratie pour que les citoyens puissent se faire une opinion éclairée
et prendre des décisions conséquentes.
M. Tanguay : Comment recevriez-vous, si d'aventure l'on
suivait la voie qui nous est soumise ou proposée par les collègues, entre
autres, du Parti québécois, de se questionner quant à l'à-propos ou pas de certaines lignes
éditorialistes ou pas par rapport à d'autres et, le cas échéant, peut-être d'en limiter la présence? Quels seraient les
dangers à ce que moi, je considère notre démocratie et à l'équilibre de
notre démocratie? J'aimerais vous entendre là-dessus.
Mme Lambert-Chan
(Marie) : On a parlé un peu
de l'historique du Québec. Ça fait belle lurette qu'on a séparé les
pouvoirs entre les médias et les politiciens.
Je pense que notre démocratie ne s'en tire que mieux. Je ne pense pas qu'on veuille revenir à l'époque d'un État censeur
et je pense que, si on devait aller vers cette voie, ça serait une pente
glissante très dangereuse, comme on l'a dit. Mais, de toute manière, je dois
rappeler que ce n'est pas le forum pour discuter
de cette question. Il est question de l'abrogation du projet de loi n° 400
pour l'abrogation de la disposition pour permettre à La Presse
de faire son virage commercial.
M. Tanguay :
Et donc la présence... la pente extrêmement glissante sur laquelle il ne faut
pas aller, d'un début d'État censeur, est-ce
que vos commentaires également s'appliqueraient à certains qui voudraient
déterminer qui peut et ne peut pas être propriétaire de média? Est-ce
que vous incluriez cet aspect-là?
Mme Lambert-Chan (Marie) :
Évidemment.
M. Tanguay :
O.K. Bien, je vous remercie beaucoup. Votre témoignage à titre de représentantes
de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec est très,
très clair. Merci beaucoup. Pas d'autre question pour notre part, Mme la
Présidente.
La
Présidente (Mme de Santis) : Merci. Alors, maintenant, la parole est
au député de Matane-Matapédia pour neuf minutes.
M. Bérubé :
Le timing est bon. Merci, Mme la Présidente. Alors, Mmes Marie
Lambert-Chan, Marie-Philippe Gagnon-Hamelin, bienvenue à l'Assemblée
nationale.
Permettez-moi
de réitérer un certain nombre de
choses. L'importance, pour notre formation politique, d'avoir
une pluralité des sources médiatiques, notamment dans les quotidiens. La
nécessité d'avoir des journalistes qui exercent pleinement leur travail sans aucune ingérence, c'est acquis à La Presse, nous n'en doutons point. La nécessité pour
l'État de se préoccuper de cela au
même titre que les artisans de l'information, c'est acquis également. Et, encore une fois, réitérer notre volonté de
participer au débat, de poser des questions. Puis c'est le rôle des parlementaires. Les parlementaires ont un rôle à jouer. À chaque fois qu'une
pièce législative nous est présentée, nous posons des questions.
Et j'avoue
que, depuis ce matin, je suis un peu déconcerté. On peut bien parler de principes,
auxquels nous souscrivons, d'indépendance, et tout ça, mais je ne vous cacherai pas les témoignages que j'ai,
depuis des années, d'artisans de l'information de La Presse qui se disent : À chaque fois qu'on écrit, on se fait dire : Est-ce que
ça doit être la ligne fédéraliste,
etc.? Ça existe, et je suis convaincu qu'on vous l'a déjà
dit. Alors, c'est un poids qui pèse sur les épaules des journalistes. Ça
n'influence pas leur travail, mais c'est un poids qui pèse dans la perception.
Et, quand
moi, je me fais dire tout à l'heure, comme député indépendantiste, par M. Desmarais,
et je cite La Presse+ :
«Quant à la ligne éditoriale du quotidien,
M. Desmarais a dit souhaiter qu'elle demeure favorable à l'unité canadienne — ça, ça peut aller — et qu'elle s'oppose à l'élection — et je cite — d'un parti séparatiste», donc un journal qui
consacre sa ligne éditoriale à
combattre une formation parfaitement légitime fondée par René Lévesque, je
trouve ça inacceptable. Je vous le dis et je sais que c'est partagé par
de nombreux journalistes de La Presse, ce genre de propos.
Alors, ça va continuer. Manifestement, je ne m'attends pas à avoir d'avis de
quiconque là-dessus, mais ça, pour un député d'une formation légitime, élue démocratiquement, qui n'est pas déshonorante,
je trouve ça blessant. Alors, je le dis devant vous. Je le dis devant témoins. C'est le genre de choses...
Donc, l'éditorial de La Presse est condamné à combattre
l'élection d'un parti, et je cite le mot, «séparatiste».
Alors,
j'aimerais éventuellement qu'on se penche sur ce genre de choses là. Ça ne joue
pas sur l'indépendance des
journalistes. On les voit chaque jour, on sait le travail qu'ils font,
rigoureux. Je viens de lire le texte qui rapporte les propos. C'est fidèle, c'est bien fait. C'est des
professionnels de l'information au même titre que les autres médias. Mais ça,
je trouve, et je le soumets à vos réflexions futures, notamment dans vos
congrès... je suis convaincu que, pour plusieurs journalistes, ça pèse. On le voit sur les réseaux sociaux, on voit le
genre d'attaques auxquelles certains se livrent sur cette question-là.
C'est une pression supplémentaire.
Est-ce qu'en
2018 c'est toujours aussi pertinent pour un journal? Bien sûr, ils ont la
liberté de le faire. Mais le Globe
and Mail vient de choisir, en
Ontario, de ne pas adopter de position éditoriale pour l'élection qui va se
tenir demain. Ce n'est pas une obligation. Il y a des journaux qui n'ont
pas de position éditoriale. Donc, je le dis.
Mais surtout,
ce qui est plus important encore, il fallait que je le dise, vous sentez bien
que ça m'a piqué, puis je ne suis pas
le seul, pour des journalistes dans une institution aussi importante que La Presse,
il n'y a pas beaucoup d'ailleurs avec
les mêmes conditions. On peut se dire ça. Alors, préserver ces emplois
importants d'information et toutes les personnes qui contribuent, c'est
important pour nous. Et, oui, il y a cet exercice aujourd'hui, mais les
journalistes, les gens de La Presse vont vivre longtemps avec la
nouvelle structure. Ce n'est pas sans raison qu'on pose les questions. On veut
que ça réussisse, on veut que ça fonctionne.
Tellement qu'on aimerait mieux que ça soit adopté là que plus tard. Donc,
ça, je l'ai dit, ça.
Mais il faut
poser ces questions-là, et ce n'est pas de l'ingérence de l'État. C'est une
occasion qui nous est donnée, qu'on n'avait pas prévue, de poser un
certain nombre de questions qui seront utiles pour le débat de ceux qui auront à faire fonctionner cette nouvelle structure, dont
on ne peut pas prévoir quels seront les résultats pour l'avenir. On est tous
un peu à tâtons là-dedans. Donc, je voulais
vous livrer ça et vous laisser évidemment du temps pour peut-être ajouter à ce
que vous auriez aimé dire d'autre suite à nos échanges. Voilà.
Mme Lambert-Chan
(Marie) : C'est une position, oui, que vous avez réitérée. Je vous ai
entendu, j'entends vos sentiments. Je pense que mes collègues ont
répondu à plusieurs de vos inquiétudes. Vous avez des questions qui,
évidemment, sont légitimes. D'ailleurs, Mme Gagnon-Hamelin et moi en
prenons bonne note. La FPJQ est en train de
travailler sur le programme de son prochain congrès, donc il y a peut-être des
choses qui vont être matière à débat à ce moment.
M. Bérubé : ...
Mme Lambert-Chan
(Marie) : Ça nous fera plaisir de vous entendre dans un autre forum.
• (17 h 20) •
M. Bérubé :
Bien, sur mon temps, je vais en livrer un pendant que j'ai la FPJQ. Ça n'arrive
pas souvent. Souvent, on peut s'adresser aux journalistes qui font un texte que
j'appelle parfois une oeuvre, donc c'est le travail, mais on n'a pas l'occasion de connaître qui sont les titreurs. Mais je
peux vous dire que les titreurs ne sont pas à l'Assemblée nationale,
puis ils ont un rôle important dans la démocratie. Alors, un atelier sur les
titreurs, je pense que ça serait intéressant. Parce que j'ai appris, en
11 ans de vie parlementaire, que les journalistes ne choisissent pas leurs
titres. Alors, c'est comme une oeuvre. Moi, j'aimerais ça qu'ils puissent
donner le titre à leurs oeuvres. Voilà, c'est dit.
Mme Lambert-Chan (Marie) :
...une généralité de dire que les journalistes ne choisissent pas leurs titres.
Je peux vous dire que, pour y travailler...
M.
Bérubé :
Pas si souvent, pas si souvent que ça dans les médias qui couvrent la presse parlementaire.
Mme Lambert-Chan
(Marie) : Ceux que j'ai connus, c'est un travail de collaboration.
M.
Bérubé : ...question
à Québecor. Mais voilà, je voulais le glisser comme ça, pendant que vous êtes
là, pour profiter de votre déplacement à l'Assemblée nationale. Alors, La Presse, grande institution centenaire, des journalistes, des artisans, des vocations dans le domaine des médias, des inquiétudes, des familles qui sont en jeu. Puis voyons-le
aussi comme une entreprise,
il y a des gens qui... c'est leur choix de carrière. Je sens les inquiétudes,
je les reçois, je connais des gens
qui y travaillent. Alors, on pose ces questions-là, mais la finalité, c'est qu'on souhaite le
plus grand succès possible avec la
meilleure gouvernance possible, la meilleure transparence, la meilleure indépendance. Et on souhaite bonne chance à La Presse et on
veut que ça fonctionne. Voilà.
Mme Lambert-Chan
(Marie) : Merci.
La
Présidente (Mme de Santis) : Merci, M. le député. Maintenant, la
parole est à la députée d'Iberville pour six minutes.
Mme
Samson : Merci, Mme la Présidente. Bonsoir, mesdames. C'est
encourageant de voir ça, deux jeunes femmes à la tête de la FPJQ. Je
trouve que c'est bon. Je vous félicite, c'est bien.
J'ai
une question pour vous, Mme Chan. Vous avez qualifié la loi de 1967
d'anachronisme. C'est sûr qu'a posteriori on peut en convenir 50 ans plus tard. On peut en convenir, mais il
n'en demeure pas moins, quand on va jouer dans une ancienne loi ou qu'on
adopte une loi qui en touche une autre, il faut, par souci de rigueur, aller
relire l'ancienne loi et d'essayer de
comprendre l'intention du législateur. L'intention du législateur, à l'époque,
était de toute évidence de maintenir les
actifs de La Presse entre les mains d'intérêts québécois. De
dire que cette situation-là était anachronique, probablement que, dans le contexte de l'époque, il était
essentiel d'emprunter cette voie-là pour garantir que ce soient des intérêts
québécois qui détiennent La Presse. C'est une chose.
Mais
posons-nous la question aujourd'hui : Est-il encore essentiel aujourd'hui
que La Presse soit détenue par des intérêts québécois? Ou, si Power Corp avait décidé
de vendre La Presse à n'importe qui, est-ce que quelqu'un se
serait objecté à la transaction? Est-ce qu'on tient encore à ce que Power Corp
soit détenue et soit entre les mains d'intérêts québécois?
Mme
Lambert-Chan (Marie) : Écoutez, c'est une question intéressante mais
hautement spéculative, sur laquelle la FPJQ ne peut pas commenter.
Mme
Samson : ...de colloque. Bien, moi, je vous dirais, en tout cas,
personnellement, que je pense que l'intention du législateur a encore du
mérite aujourd'hui, certainement.
Mme Lambert-Chan
(Marie) : Et La Presse va rester propriété
québécoise.
Mme Samson :
Elle le resterait là, là?
Mme Lambert-Chan
(Marie) : Oui.
Mme Samson :
Donc, l'intention du législateur, peut-être qu'aujourd'hui vous la jugez
anachronique, mais reconnaissez-vous qu'à
l'époque c'était probablement la seule façon... Puis, écoutez, c'est un projet
de loi, là, il faut le lire, là, celui de 1967, là, ça a été écrit sur
mesure pour cette situation-là spécifique, là.
Mme
Lambert-Chan (Marie) : Oui. Bien, comme vous l'avez souligné, c'est un
anachronisme vu de la perspective de 2018. Il faudrait se reporter à
l'époque, dans la tête des gens qui ont écrit cette loi. Mais le mot
«anachronisme» faisait référence à notre vision d'aujourd'hui.
Mme Samson : À notre
vision d'aujourd'hui. Oui, mais vous savez, en 1967, là, si vous aviez dit à
mon père que j'allais faire quelque
chose de bien dans la vie, il aurait peut-être émis des doutes aussi, tu sais?
Mais le point que je veux faire,
c'est que je pense qu'il faut se rappeler que l'intention du législateur a
certainement encore de la valeur aujourd'hui, là, que ce n'est pas une incongruité que de chercher à s'assurer que les
intérêts de La Presse restent au Québec, plutôt qu'à
des intérêts ontariens ou je ne sais pas, là. Moi, c'est tout pour moi, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme
de Santis) : Merci beaucoup. Maintenant, la parole est à la députée de
Vachon pour trois minutes.
Mme Ouellet : Merci, Mme la Présidente. Est-ce qu'il reste plus de temps? Parce que,
des fois, quand il y a du temps non utilisé, on peut l'utiliser. Est-ce
qu'il reste plus de temps?
La Présidente (Mme
de Santis) : Vous n'avez que trois minutes.
Mme Ouellet : Que trois minutes. Je vous ai entendue sur la liberté, l'indépendance.
Je pense, c'est effectivement très
important. Est-ce que vous pensez qu'actuellement, avec l'encadrement qui est
dans la mission très inscrite de La Presse et avec la
réaffirmation de M. Desmarais et de Power Corporation, que La Presse
va rester fédéraliste? Est-ce que vous pensez que les journalistes
et les éditorialistes sont libres d'écrire ce qu'ils veulent?
Mme Lambert-Chan
(Marie) : Écoutez, Mme Vachon, je pense que la...
Une voix :
Mme Ouellet.
Mme Lambert-Chan
(Marie) : Mme Ouellet, excusez-moi. Écoutez, je pense que ce n'est pas
à la FPJP de commenter. Nous, notre
position, c'est de dire que La Presse doit... on doit pouvoir permettre à La Presse de prendre ce virage technologique et ce
virage commercial, et ce n'est ni à nous ni à l'État de juger de sa ligne
éditoriale ou de... L'indépendance de sa salle de rédaction est importante.
Mme
Ouellet : Je comprends, mais
vous venez en disant qu'il doit y avoir une liberté, une indépendance de pouvoir de l'État
et vous nous dites que, dans le fond, on n'a pas à interférer. Mais, moi, ce que je
vous dis, c'est qu'il doit y avoir une
liberté et une indépendance, aussi, du pouvoir de l'argent,
et actuellement je ne crois pas qu'il y ait une liberté ni des
journalistes ni des éditorialistes de contrecarrer, d'aller à contresens de ce
qui est donné par la ligne éditoriale. Et qu'une
entité décide de se payer ça, c'est une chose. Mais là la modification qu'on est en train de faire aujourd'hui, c'est pour aller chercher du financement
de l'État.
Est-ce
que vous croyez que c'est le rôle de l'État
de financer des lignes éditoriales qui sont très clairement identifiées dans un sens? Puis que ce soit n'importe laquelle,
là, que ce soit n'importe laquelle. Pensez-vous que c'est le rôle de l'État, donc, que les contribuables ont à financer une
ligne éditoriale bien particulière, comme c'est le cas? Parce que
c'est un de vos arguments très forts,
la liberté et l'indépendance, et je suis assez surprise qu'elle est bonne d'un
côté, puis... Ce qui est bon pour pitou n'a pas de l'air d'être bon pour
minou et ça me surprend beaucoup.
Mme
Lambert-Chan (Marie) : Bien,
dans notre démocratie, les entreprises sont libres de choisir leur mode de fonctionnement,
leurs gestionnaires. Ce n'est pas à...
Mme Ouellet :
...financement de l'État parce qu'il y a un financement des contribuables.
La Présidente (Mme
de Santis) : ...de répondre. Allez-y, Mme Lambert-Chan.
Mme Lambert-Chan
(Marie) : Et donc ce n'est pas à l'État de décider. Ce serait une
entrave à la liberté de presse, ce serait un accroc à nos principes
démocratiques de commencer à dire à La Presse quoi faire. De
parler du pouvoir de l'argent dans une salle de rédaction, je ne suis pas
certaine que c'est l'objet de la loi dont il est question ici. Non?
Mme
Ouellet : Bien oui, parce qu'on a... Et, quand vous dites : Ce
serait une liberté, une entrave, bien, actuellement, il y a un
enlignement très clair. Quand vous dites : Il doit y avoir une liberté
puis une indépendance, c'est-u des entreprises
privées? Parce que, quand on dit «la presse», «les médias», est-ce qu'on parle
des journalistes ou on parle des institutions? Les journalistes ne
devraient-ils pas être libres de pouvoir exprimer... avoir une liberté
complète, sans ligne éditoriale?
La Présidente (Mme
de Santis) : Merci beaucoup, Mme la députée de Vachon. Alors, Mme
Lambert-Chan, Mme Gagnon-Hamelin, merci beaucoup d'être venues participer à nos
travaux.
Alors, la commission
maintenant suspend ses travaux jusqu'à 19 heures. Merci.
(Suspension de la séance à
17 h 28)
(Reprise
à 19 h 1)
La Présidente (Mme
de Santis) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bonsoir. La Commission de la
culture et de l'éducation reprend ses travaux. Je demande à toutes les
personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils
électroniques.
Nous
poursuivons les auditions publiques dans le cadre des consultations
particulières sur le projet de loi
n° 400, Loi modifiant la
Loi concernant la succession de l'honorable Trefflé Berthiaume et la Compagnie
de Publication de La Presse, Limitée.
Ce
soir, nous entendons Québecor Média et Le Devoir. Je souhaite
la bienvenue aux représentants de Québecor Média. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre
exposé. Ensuite, nous allons procéder à la période d'échange avec les membres de la commission.
Je vous invite donc à vous présenter, ainsi que les personnes qui vous
accompagnent, et à procéder à votre exposé. La parole est à vous.
Québecor Médias inc.
M.
Péladeau(Pierre Karl) : Merci, Mme la Présidente. Messieurs dames les parlementaires, merci de
nous recevoir ce soir à la Commission, donc, de la culture et de
l'éducation. Je suis accompagné de ma collaboratrice Sandra Desjardins, qui est la directrice des opérations
pour les journaux de Québecor. J'aurais pu également être accompagné,
elle aussi qui a plus de 25 ans de service chez Québecor, de Lyne
Robitaille, qui, malheureusement, est en vacances
en Europe. Mais Sandra sera là pour
répondre à vos questions, si vous en avez, concernant les considérations
d'ordre financier.
Alors,
je croyais vous lire un beau texte, ce soir, bien rédigé, faire en sorte de
mettre en valeur le succès économique de
Québecor, de ses journaux. Vous le savez, en 1964, Pierre Péladeau, mon père,
lançait Le Journal de Montréal. C'est plus qu'un succès d'estime. C'est également un succès économique. Mais,
en écoutant, donc, les témoignages plus tôt aujourd'hui, j'ai été un
petit peu choqué par les propos et les délibérations concernant, donc, les
représentants de Power Corporation du Canada et de La Presse,
parce que je pense que c'est très important de vous informer d'une
considération qui, selon moi, a été occultée et qui vient aussi témoigner de
l'envergure de la problématique.
Guy
Crevier et André Desmarais ont dit ce matin que les journaux de Québecor et Le Devoir
ne divulguent pas leurs états
financiers. Eh bien, Mme la Présidente, il n'y a rien de plus faux. Je les ai
devant moi. Pour la période de 12 mois terminée le 31 décembre 2017, vous avez à la page 5 les
résultats de nos journaux pour 2016-2017, le comparatif. Oui, certes, la situation est plus difficile qu'elle ne
l'était, mais nous ne pouvons tolérer que des propos inexacts soient prononcés
ici, devant cette honorable Assemblée. Le Devoir également divulgue
ses résultats, et j'en ai un exemplaire, au 24 décembre 2016
et au 31 décembre 2015, 2014. Ils prendront certainement le temps de
vous donner davantage de détails.
Pendant ce temps, Mme
la Présidente, Power Corporation du Canada refuse de divulguer, et, excusez-moi
l'expression, pour des prétextes bidons,
ceux de La Presse, comme ils ont toujours refusé également
de divulguer les résultats des autres journaux dont ils étaient
propriétaires il y a encore un peu plus de deux ans. Alors, pendant que La Presse
faisait la cigale, ainsi que sa direction,
elle faisait des pertes chaque année, nous, nous nous sommes arrêtés pour faire
en sorte de faire face à la musique et de poser les gestes appropriés en ce qui
concerne le déclin de la presse écrite. Ma collègue Sandra Desjardins vous
donnera davantage de détails.
Alors, n'en déplaise,
Mme la Présidente, aux représentants de Power et de La Presse, la
loi existe. Cette loi, Paul Desmarais
sénior, lorsqu'il a acheté La Presse, la
connaissait, connaissait qu'il y avait également, donc, des contraintes et des limites à la disposition
du journal dont il faisait l'acquisition. Et c'est la raison pour laquelle
cette loi exige des parlementaires d'examiner justement les modalités de
cession, de déterminer si elles sont valables et si elles se font dans
le meilleur intérêt de la population.
Et,
on doit dire, compte tenu, excusez-moi de l'anglicisme, là, du forcing de
Power Corporation et de ses représentants de présenter ce projet de loi, bien, chacun
des députés aujourd'hui a un droit de veto. Et ce droit de veto doit être
assumé pour s'assurer que les parlementaires vont faire le nécessaire pour que les processus
normaux en matière de
législation soient appliqués, c'est-à-dire de faire les examens nécessaires
pour que justement les intérêts législatifs fassent en sorte de subir le test
de l'intérêt de la population.
Les
représentants de La Presse et de Power ont réitéré ce matin la volonté de
s'affranchir de l'obligation de faire connaître
l'envergure des pertes d'exploitation de La Presse année après année. Les pertes, dont seuls les administrateurs de Power Corporation connaissent l'ampleur, ont
été épongées par Power Corporation. Et, dans cette nouvelle structure, là,
croyez-vous qu'une opacité, celle de l'OBNL,
va remplacer ou va être remplacée par une autre? On a vu ce que ça donne,
un OBNL, récemment encore dans l'actualité.
Pour les administrations publiques, c'est la meilleure façon de faire en sorte de camoufler des dépenses
mal avisées. On l'a vu encore récemment avec le scandale de l'OBNL de Montréal
c'est électrique.
Alors, soyons clairs.
Aujourd'hui, après s'être débarrassés de tous ses quotidiens régionaux, les
dirigeants de Power ont décidé d'abandonner
et de se débarrasser de La Presse. Plutôt que de faire face à leurs obligations économiques
ou encore se trouver un véritable acheteur,
excusez-moi l'expression, là aussi, ils ont choisi une patente, un OBNL, une
fiducie d'utilité sociale. Mais est-ce que
les représentants de Power ont été capables de vous expliquer ce
matin, là, comment une entreprise
qui perd des millions, voire des dizaines de millions, maintenant qu'on a
changé la structure, va cesser de perdre
des millions ou des dizaines de millions? Vous n'avez eu aucune garantie à cet
effet. Et je vous invite à faire le travail nécessaire, qui est celui
que la loi faisait en sorte d'instaurer.
Et
est-ce que c'est vraiment déraisonnable? Et d'ailleurs les représentants de
Power l'ont dit ce matin, est-ce vraiment déraisonnable que penser que la concurrence qui
existe va être moins intense qu'elle l'a été antérieurement? Alors, si c'est le cas, quelle est la réponse à la
question : Par qui et comment les énormes pertes
d'exploitation seront financées? Est-ce que
les parlementaires sont véritablement prêts à donner un chèque en blanc, un chèque de
50 millions pour que Power paie pour se débarrasser de La Presse? Est-ce que 50 millions vont suffire à éponger 12, 18, 24 millions... pardon, 24 mois de pertes d'exploitation de La Presse?
Nul ne le sait, sinon les administrateurs de Power.
Chose
certaine, ce que la population sait, c'est que 50 millions, ça représente 89 000 $ par employé. Et
j'espère que les organisations syndicales sont conscientes de cette réalité
économique et financière. Il ne faut pas oublier que, lorsque La Presse a fermé ses
importantes activités d'impression et de distribution, et c'est de notoriété
industrielle, les employés syndiqués
ont reçu cinq ans de salaire. Si les mêmes hypothèses étaient retenues dans le
cas présent, ce n'est pas 50 millions que ça coûterait à La Presse,
c'est 275. Alors, vous comprenez que se débarrasser de La Presse
pour 50 millions, c'est une très bonne affaire pour les actionnaires de
Power et la famille Desmarais.
• (19 h 10) •
Oui,
Québecor est un concurrent, oui, je suis ici pour défendre ses intérêts et, oui, je suis l'actionnaire de contrôle
de Québecor. Tout le monde le sait. Les
députés me l'ont dit assez fréquemment
lorsque j'ai eu le privilège de siéger à l'Assemblée nationale. Mais,
contrairement à ce que certaines personnes veulent nier, je pense avoir
l'expertise et la compétence, voire le rôle
d'éclairer cette honorable Assemblée pour dire que ce qui vous est présenté est
un subterfuge que les représentants
de Power Corporation du Canada souhaitent utiliser pour se débarrasser à peu de
frais de La Presse.
Alors,
je vois que je vais dépasser mon temps. Je n'y vais pas avec le chronomètre,
mais j'ai mis ma télé... pardon, mon téléphone.
Je
dirais, pour terminer, que les salaires des journalistes, des techniciens
informatiques, des employés de bureau, ça
ne se paie pas avec un succès d'estime, ça se paie avec des dollars du
Dominion. Alors, j'ai une suggestion à vous faire. Puisque André Desmarais, il l'a dit ce matin, il
est si fier de La Presse, puisqu'il souhaite maintenir l'héritage
de son père et puisqu'il est multimilliardaire, pourquoi il ne l'achète
pas, lui, La Presse? Ce serait la meilleure façon d'assurer
sa pérennité. Merci, Mme la Présidente.
La
Présidente (Mme de Santis) : Merci, M. Péladeau. Maintenant, la parole
est à la ministre pour 15 minutes.
Mme
Montpetit : Je vous remercie, Mme la Présidente. D'entrée de jeu,
j'aimerais peut-être faire une précision par rapport à ce qui a été dit. M. Péladeau faisait mention du
respect du processus législatif, et je m'en voudrais, comme parlementaire, de ne pas souligner à quel point le
processus législatif est respecté. Et c'est la raison pour laquelle on procède
à des consultations ce soir et qu'on prend
le temps de l'écouter. Sinon, on ne procéderait pas à des consultations. Et le
processus législatif suit son cours comme
pour tout projet de loi. Et c'est la raison pour laquelle on se trouve ici ce
soir et que vous avez du temps de parole pour venir nous exposer votre
position.
Vous
avez dit... Puis, entendons-nous, là, d'entrée de jeu, on est très loin, dans
les discussions qui sont faites jusqu'à maintenant, dans l'exposé qui nous est
fait, de la portée du projet de loi n° 400 qui fait l'objet des travaux
qu'on a en commission. Et j'espère
que, pour les quelque 35 minutes qui nous restent, on saura se recentrer
sur les travaux de notre commission
parce que c'est un projet de loi qui est important. Et j'espère que l'ensemble
des parlementaires et vous, comme l'invité de cette consultation, vous
pourrez rester dans le cadre du projet de loi n° 400 également.
Entendons-nous,
d'entrée de jeu, si La Presse avait exactement les mêmes
possibilités que vous, exactement les mêmes
possibilités que vous, de vendre, de céder son entreprise, on ne serait pas là
ce soir. Et vous avez parlé du droit de veto des parlementaires qui sont autour de cette table. Est-ce que vous
accepteriez, vous, que les parlementaires qui sont autour de cette table
utilisent leur droit de veto pour vous empêcher de vendre votre entreprise?
C'est ma question.
M.
Péladeau (Pierre Karl) : Écoutez, le droit de veto, ce n'est pas moi
qui l'ai inventé. C'est ce que je vous ai dit tout à l'heure, le forcing que les représentants de Power Corporation
essaient de faire traverser la gorge des parlementaires... Vous
connaissez très bien la procédure en ce qui concerne le dépôt de projets de loi
avant la fin de la session.
Mme
Montpetit : ...
M.
Péladeau (Pierre Karl) : Bien, écoutez, si vous ne me laissez pas
parler, comment voulez-vous que je réponde?
La Présidente (Mme
de Santis) : Non, un instant. Mme la ministre, on va lui permettre de
répondre, et vous pouvez reposer la question. Allez-y.
M.
Péladeau (Pierre Karl) : Si vous étiez dans une session parlementaire
normale, le gouvernement amènerait le projet
de loi à l'Assemblée nationale. Vous avez la majorité. Vous passeriez le projet
de loi. Or, cette situation n'est pas celle qui prévaut aujourd'hui. La
situation qui prévaut aujourd'hui, c'est celle de faire du forcing, venir
présenter un projet de loi, alors que ça prend l'unanimité. Vous le
savez très bien, Mme la ministre.
Mme
Montpetit : Donc, je repose ma question, M. Péladeau, qui était très
claire. Vous avez fait appel au droit de veto des parlementaires qui
sont autour de cette table. Accepteriez-vous, oui ou non, que les
parlementaires de l'Assemblée nationale utilisent un droit de veto pour vous
empêcher de vendre ou de céder votre entreprise?
M. Péladeau (Pierre Karl) : Vous
voulez que je répète la même chose?
Mme
Montpetit : ...répondiez par oui ou non. Accepteriez-vous, comme
propriétaire d'un média, que les parlementaires interviennent...
M.
Péladeau (Pierre Karl) : Écoutez, Mme la ministre, ce n'est pas vous
qui allez me dire quoi répondre, si oui ou non... O.K.?
Mme
Montpetit : Je suis en train de parler. Merci. Accepteriez-vous que
les parlementaires de l'Assemblée nationale
interviennent dans votre décision, comme propriétaire d'un grand média au
Québec, de vendre ou de céder votre entreprise? La question, elle est
simple. Je vous demande d'y répondre simplement.
M.
Péladeau (Pierre Karl) : Je n'ai rien à accepter, Mme la ministre. Ce
que vous avez à faire, c'est de respecter la loi, et c'est tout. Moi, j'essaie de vous expliquer qu'il y a une
procédure parlementaire qui est en cours, et ce n'est pas une procédure
parlementaire habituelle.
Mme
Montpetit : J'imagine que
vous êtes au courant, parce que vous avez siégé avec nous en cette Assemblée,
que les lois peuvent être amendées, et que c'est la raison pour laquelle nous
sommes là, ici, pour corriger...
M. Péladeau
(Pierre Karl) : ...
Mme
Montpetit : ... — je n'ai pas terminé ce
que je dis — une
situation historique, pour corriger une loi, pour
venir amender une loi pour donner à La Presse les mêmes
droits que l'ensemble des médias du Québec. C'est une situation qui est unique.
C'est la raison pour laquelle ce projet
de loi là est déposé. C'est la raison
pour laquelle on fait des consultations, qu'on vous écoute, qu'on suit
un processus législatif.
Alors,
je vais vous reposer ma question autrement. Accepteriez-vous, vous, comme
propriétaire d'un média au Québec, de passer par un processus législatif
pour vendre ou pour céder votre entreprise?
M.
Péladeau (Pierre Karl) : Premièrement, j'aimerais faire une petite, je dirais, nuance dans votre propos. Je
ne suis pas propriétaire de journaux. J'ai le privilège de diriger une entreprise
qui s'appelle Québecor et Québecor Média, et, parmi ses actifs, il y a Le
Journal de Montréal, Le Journal de Québec et 24 Heures.
Ce sont certains des actifs.
Par ailleurs, moi, je
suis désolé, Mme la ministre, là, cette loi-là ne s'applique pas à notre entreprise,
elle s'applique à La Presse. C'est une vérité législative et c'est une
vérité que les parlementaires doivent assumer. Ni vous ni moi n'étions là en 1925, ou en 1915, ou en
1917. Ce que nous savons, par
ailleurs, c'est que M. Desmarais
sénior savait très bien qu'il était assujetti à des contraintes de disposition lorsqu'il a fait l'acquisition de La Presse. C'est une réalité législative, Mme la
ministre.
La Présidente (Mme
de Santis) : Mme la ministre.
Mme
Montpetit : M. Péladeau, on
est contents que vous soyez là ce soir. Puis on va avoir Le Devoir après qui va pouvoir nous
parler aussi. On est contents de parler à différents médias qui peuvent nous
exposer leurs réalités, qui sont différentes
de celle de La Presse. Donc, je vous repose la question. Je nommerai Québecor, alors. Accepteriez-vous que
Québecor passe par un processus législatif pour pouvoir prendre une décision par
rapport à son entreprise? C'est une question toute simple.
M. Péladeau
(Pierre Karl) : Je vous ai répondu, Mme la ministre. Je ne peux pas
rien dire de plus que ce que je vous ai dit tout à l'heure. Ma réponse m'est
apparue assez claire et précise.
Mme
Montpetit : Ce que je
comprends de votre réponse, c'est que, comme propriétaire, vous n'accepteriez
pas de passer par un processus législatif parce que l'ensemble des
médias au Québec n'ont pas à passer par un processus législatif pour prendre
des décisions d'affaires. Aucune entreprise n'a à passer par une décision de l'Assemblée
nationale. C'est une situation unique dans laquelle se retrouve La Presse, pour des considérations historiques, et c'est ce
qu'on souhaite corriger pour leur donner une équité par rapport aux autres médias. Et ce que j'entends de votre réponse, c'est
que vous n'accepteriez pas ça comme propriétaire.
M.
Péladeau (Pierre Karl) : Je
vous ai répondu. Vous faites l'interprétation que vous voulez de mon propos. Je
ne pense pas que ce soit ça, mais vous l'interprétez comme vous le voulez, Mme
la ministre.
Mme
Montpetit : J'aurais une
autre question, Mme la
Présidente, parce que
M. Péladeau a eu l'occasion de parler à plusieurs reprises aussi de la
ligne éditoriale de La Presse. Puis, à vous entendre, vous avez eu maintes fois l'occasion de le
dire, vous l'avez redit ce soir, vous parlez souvent de la mainmise de Power Corporation sur les journalistes, sur leur contenu
aussi. Donc, est-ce qu'on doit comprendre... Puis c'est important, je pense, de nous éclairer sur...
Est-ce qu'on doit comprendre, puis je
pense que c'est ce que je comprends, que vous préféreriez le statu quo?
Nonobstant le désir de la direction des employés de La Presse,
justement, vous préféreriez que La Presse demeure une
propriété détenue par Power Corporation?
M.
Péladeau (Pierre Karl) : Bien, premièrement, je me permets de vous
corriger. Vous me prêtez des propos que je n'ai jamais tenus, et j'ai donc l'obligation de vous corriger. Je
suis désolé de le faire ici, au salon rouge, mais d'aucune façon je ne
tiens ce genre de... Maintenant, cette décision-là ne m'appartient pas. Elle
appartient aux dirigeants de Power
Corporation. C'est à eux de faire ce qu'ils considèrent être la chose à faire.
Moi, je vous ai fait une suggestion pour... parce qu'il semble que ce soit le cas... Nous souhaitons assurer la
pérennité de La Presse, mais la meilleure façon, c'est
de confier la propriété à un
multimilliardaire. D'ailleurs, dans ce sens-là, ça ne serait pas une singularité
ou une exception. Jeff Bezos a fait ça avec le Washington Post.
Mme
Montpetit : Mme la Présidente, je suis contente de voir qu'on partage
les mêmes objectifs, M. Péladeau et moi, qui sont la pérennité de La Presse, qui sont la
pérennité de nos médias au Québec et de s'assurer que l'ensemble de nos
médias, dont les siens, ne soient pas régis par l'Assemblée nationale. Ce sera
tout pour moi, Mme la Présidente.
• (19 h 20) •
La Présidente (Mme de Santis) : M.
le député de LaFontaine, pour 6 min 30 s.
M. Tanguay :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci beaucoup d'être avec nous ce soir pour
nous aider dans ce débat-là. On sait
que la situation qu'amène... Le projet de loi n° 400 vient modifier une loi,
effectivement, par une loi, vient
modifier une situation unique où il y a transfert de propriété qui nécessite un
amendement législatif. Je veux être sûr
de bien vous comprendre, M. Péladeau. Vous dites que, parce qu'il y a une loi,
on ne devrait pas y toucher. La loi serait immuable et éternelle. Est-ce
que je vous ai bien compris, ou on peut amender la loi?
M.
Péladeau (Pierre Karl) : Bien sûr que vous pouvez amender la loi, et
j'ai dit aussi que vous pouvez l'abroger. C'est le privilège et même l'obligation des parlementaires. Je n'ai
jamais nié la capacité des parlementaires de faire la loi. J'ai eu le
privilège d'en être un.
M. Tanguay :
Alors, est-ce que je vous ai mal compris tantôt, quand vous avez dit que, quand
les Desmarais ont acquis La Presse,
ils connaissaient l'existence de la loi et qu'ils doivent aujourd'hui vivre
avec? Est-ce que je vous ai mal compris quand vous avez dit ça?
M. Péladeau (Pierre Karl) : Pas du
tout.
M. Tanguay : Mais vous l'avez
clairement dit.
M. Péladeau
(Pierre Karl) : Clairement, je me suis dit... Bien, moi, je n'en ai
pas une connaissance personnelle, là,
mais je pars du principe que, lorsque vous faites l'acquisition d'un actif, on
fait ce qu'on appelle une vérification diligente. Et je présume que cette vérification diligente a
été faite et a fait connaître au propriétaire qu'il existait une loi et donc,
en conséquence, qu'il était assujetti à cette loi.
M. Tanguay : Assujetti à
cette loi qui peut être amendée par la procédure aujourd'hui et qui...
M.
Péladeau (Pierre Karl) : Évidemment, mais, encore une fois, dans le
cadre normal de la procédure, en session ordinaire. Mais aujourd'hui, c'était le sens de mon intervention, tous
les députés ont un droit de veto, puisque ça prend l'unanimité pour le
faire passer au feuilleton. C'est ça, la réalité.
M. Tanguay :
Peu importe le temps, justement, de la présentation du projet de loi, que ce
soit en début, en milieu ou en fin de
session, on respecte la procédure parlementaire, de un. Et, de deux, si,
d'aventure, ça avait été fait beaucoup plus
tôt, il n'y a aucun de nous qui aurait eu le pouvoir, justement, de
contrecarrer l'adoption. Donc, aujourd'hui, la façon de procéder, à la
limite, je vous dirais, ça va contre votre propos parce que chaque collègue
aurait le droit et le loisir d'imposer son veto. Donc, ça accorde plus de
pouvoir à chacun des collègues, incluant la collègue de Vachon.
M. Péladeau (Pierre Karl) : Oui, par
définition.
M. Tanguay : Donc, ça, vous
le déplorez?
M.
Péladeau (Pierre Karl) :
Non, je constate. Et je constate que, si vous discutiez de cette question, vous
alliez proposer le projet de loi n° 400, tel qu'il est nommé, en session
ordinaire, bien, la majorité libérale aurait suffi pour le faire passer.
M. Tanguay :
Parce que, de votre 10 minutes, vous avez passé une partie très
substantielle à ce point-là. En quoi ce point-là vient nous aider ce
soir?
M.
Péladeau (Pierre Karl) : J'essaie également, aussi, de vous brosser
l'état des lieux. L'état des lieux, c'est que La Presse et les représentants de Power
Corporation ont toujours refusé de divulguer leurs résultats. Alors, qu'est-ce
qui vous garantit que, lorsque La Presse
va être vendue à un OBNL, cet OBNL là ne perdra pas des dizaines et des
dizaines de millions? Et je pose la
question : Qui va financer ces dizaines de millions de pertes
d'exploitation? Est-ce que c'est le gouvernement? Est-ce que ce sont des crédits
d'impôt? Est-ce que ce sont des reçus de don de charité? Pour l'instant,
vous n'avez reçu aucune garantie, et c'est
la raison pour laquelle je vous invite à y réfléchir. Mais ce n'est pas moi qui
détiens le pouvoir de prendre des décisions pour vous.
M. Tanguay :
Est-ce qu'aujourd'hui, selon votre compréhension de l'état des lieux, Québecor
serait empêchée de transférer Le Journal de Montréal à un OBNL ou
elle pourrait le faire?
M. Péladeau (Pierre Karl) : Québecor
n'est pas assujettie à une loi comme celle qui existe pour La Presse.
Il n'y a personne qui a consenti à une loi
semblable, et donc son régime, entre guillemets, législatif ou administratif
est différent de celui de La Presse, clairement.
M. Tanguay : Québecor
pourrait transférer Le Journal de Montréal à un OBNL?
M.
Péladeau (Pierre Karl) : Oui. Elle pourrait le vendre aussi, pourrait
le fermer, est libre... D'ailleurs, comme l'a dit M. Desmarais ce matin
dans son témoignage, c'est le privilège du propriétaire.
M. Tanguay :
Et est-ce que vous aimeriez que les parlementaires se saisissent de
l'opportunité, pour Québecor, ou pas
de transférer Le Journal de Montréal à un OBNL? Est-ce que vous aimeriez
ça qu'on aille jouer dans vos platebandes?
M.
Péladeau (Pierre Karl) : Bien, écoutez, ça ne me concerne pas. Si les
parlementaires souhaitent... Non, mais c'est
parce que vous posez des questions qui sont extrêmement théoriques. Alors, ça
ne se produira pas. Il n'y en a pas, de loi, M. le député de LaFontaine,
concernant Québecor. N'essayez pas d'en inventer une.
M. Tanguay : Il n'y en a pas,
de loi. Donc, vous seriez prêt à vous soumettre au débat parlementaire si, d'aventure... ou, sur le principe, vous seriez
d'accord que les députés statuent ou pas si Québecor peut envoyer Le Journal de Montréal dans un OBNL. Vous seriez...
sur le principe, parce que vous devez appliquer à vous-même ce que vous demandez aux autres. Vous seriez d'accord
que les députés disent : Québecor, non, vous n'avez pas le droit d'envoyer
Le Journal de Montréal dans un OBNL. Sur le principe, vous aimeriez ça,
vous?
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Excusez-moi, M. le député, là, ce n'est pas une question de principe, c'est une
question de réalité juridique.
M. Tanguay : Que l'on
peut amender, puis qu'on fait à soir.
M. Péladeau
(Pierre Karl) : Dans un cas,
il y a une loi puis, dans l'autre cas, il n'y en a pas. Alors, vous
ne pouvez pas inventer une loi si elle n'existe pas. Maintenant,
si les parlementaires souhaitent abroger ou modifier la loi de 1967,
mais bien sûr qu'ils ont le droit. Et c'est la raison pour
laquelle nous sommes ici aujourd'hui et c'est la raison pour laquelle le gouvernement
a appelé ou a déposé le projet de loi n° 400.
M. Tanguay : Et ce sera à nous de juger s'il est de bon aloi, justement,
de modifier une loi qui va permettre la pérennité d'une institution journalistique, pour laquelle le président,
M. Charles Côté, est venu dire : «Les Desmarais ont toujours
été exemplaires quant à l'indépendance journalistique», est venu plaider pour
la continuité des emplois, une institution. Et, même, je vous dirais que les représentants de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec
sont venus vanter l'importance de
pouvoir assurer la pérennité de cette institution qui est La Presse, et dont
ils ont toutes les garanties que l'indépendance journalistique se
vérifie à tous les jours, indépendamment de la ligne éditorialiste, pour
laquelle vous avez dit un peu plus tôt que vous n'aviez pas de commentaire puis
que vous ne les aviez pas faits, ces commentaires-là. Alors, je pense que,
notre rôle de législateurs, on va le réaliser pleinement.
La Présidente (Mme de Santis) : ...député de LaFontaine. Maintenant, la parole est au député de Matane-Matapédia pour neuf minutes.
M. Bérubé :
Merci, Mme la Présidente. Bienvenue à l'Assemblée nationale.
Tout à
l'heure, j'ai entendu la ministre indiquer qu'elle était heureuse d'entendre
les représentants de Québecor et du Devoir.
Alors, je suis heureux qu'elle s'en réjouisse parce que le Parti libéral
n'avait pas cru bon inviter ni Québecor ni Le Devoir, ce que les
oppositions ont fait. Alors, on est heureux de prodiguer ce plaisir des
échanges aux représentants libéraux.
Et, n'eût été notre intervention, on aurait privé la ministre de cette
réjouissance qu'elle a eue de poser cette question.
Ceci étant
dit, évidemment, vous êtes un compétiteur. Évidemment, vos positions critiques
quant à La Presse sont connues. Mais là ce projet de loi là,
qui nous a surpris aussi, comme, je pense, a surpris l'ensemble des artisans en
information, les observateurs, fait en sorte
qu'on n'a pas eu beaucoup de temps pour se préparer. Quand vous dites que
c'est une procédure accélérée, tellement
accélérée que toutes les personnes qui sont venues s'asseoir là aujourd'hui ont
eu à peu près 24 heures de
convocation pour se préparer... Et je veux remercier l'ensemble de ces
personnes-là. On a réitéré l'importance de la pluralité des sources dans
une société démocratique, d'avoir des journalistes qui couvrent l'actualité,
notamment le politique, qui nous posent des questions, dans une démocratie.
Vous êtes critique quant au modèle qui est choisi par un
compétiteur. Ma question : Est-ce que ça vous apparaît un avantage, qui
est accordé à La Presse, qui est préjudiciable pour votre
entreprise?
M. Péladeau
(Pierre Karl) : Écoutez, M. le député, ce qu'on peut dire pour
l'instant, c'est qu'il y a un certain nombre d'hypothèses qui ont été
évoquées. On a parlé de considérations de nature fiscale à Ottawa. On a parlé
de considérations de crédit d'impôt. Il a
été aussi question de... Il y avait, donc, l'impôt, le crédit d'impôt, les dons
de charité, un financement public,
subventions. On sait que le gouvernement, par l'intermédiaire d'Investissement
Québec, a fait un prêt de
10 millions à groupe Capitales Médias. Je serais très heureux de savoir où
en est la valeur de ce prêt. Je ne serais pas surpris de le voir radié. M. Desmarais, ce matin, disait qu'il
comptait sur la participation des pouvoirs publics et de l'État. Il l'a
mentionné.
Donc, est-ce
que c'est un avantage ou c'est un inconvénient? Bon, moi, j'aurais tendance à
penser que c'est un inconvénient dans la mesure où les employés, les
organisations syndicales sont en train de faire en sorte d'accepter la cession
d'une propriété, tu sais, disons-le, là, d'une entreprise qui est extrêmement
solvable, dorénavant à une entité dont on ne
sait pas véritablement quel avenir on va lui proposer. Alors, c'est
problématique. Et, si on devait, le cas échéant, accepter ce transfert-là, j'ose espérer que les parlementaires vont être
un petit peu plus exigeants sur la contribution de chacun et de chacune
de ceux et celles qui sont impliqués là-dedans.
• (19 h 30) •
M.
Bérubé :
Mme la Présidente. Est-ce que votre entreprise,
M. Péladeau, pourrait, à la lumière de l'adoption de ce projet de loi, se prévaloir d'une telle disposition
pour ses journaux ou c'est exclu dans votre modèle d'affaires?
M. Péladeau (Pierre Karl) : Un OBNL?
M.
Bérubé : Oui.
M. Péladeau (Pierre Karl) : Clairement
que ce n'est pas l'intention et les objectifs actuels de l'entreprise. Maintenant,
est-ce qu'on peut parler dans cinq ans, dans 10 ans, dans
15 ans? Je ne suis pas en mesure
de pouvoir affirmer, là, tu sais, de façon péremptoire, qu'est-ce qui va se produire dans cinq ans. C'est
vrai qu'il y a beaucoup de changements dans le domaine des médias écrits.
M.
Bérubé : Une des
questions liées au changement qui nous a été évoquée en privé... Parce qu'on a
eu une rencontre mardi, la semaine dernière, les différentes formations
politiques — par souci de transparence, je pense qu'il faut l'indiquer aux gens qui nous suivent — où on a indiqué que c'est un univers qui
change rapidement, que Facebook et Google
s'accaparent une partie substantielle des revenus publicitaires, que ça pose un
défi notamment à la presse écrite.
Vous avez
indiqué tout à l'heure que vous considérez que Le Journal de Montréal et
Le Journal de Québec sont toujours
rentables dans la formule que vous avez adoptée. Quelle est votre appréciation
de ce phénomène-là qui frappe, j'imagine, l'ensemble des médias québécois et
pas seulement les médias écrits? Et comment vous y avez fait face? Parce
que vous indiquez que c'est profitable, donc
il existe probablement des formules qui permettent de se démarquer. Quelle
est la formule que vous avez choisie dans
les dernières années pour faire face à un phénomène, j'imagine, que vous
observez au même titre que les gens qui sont venus nous voir
aujourd'hui?
M. Péladeau (Pierre Karl) : Écoutez,
très tôt, excusez-moi, je ne veux pas me considérer comme étant visionnaire, là, mais on pouvait aisément anticiper
que, lors de la venue de ce nouvel univers numérique, il allait y avoir de fortes perturbations dans les médias
conventionnels et particulièrement, notamment, effectivement, dans le domaine
de la presse écrite. J'ai cru comprendre,
quelqu'un aussi s'est exprimé un peu plus tôt, il y a eu ces mêmes changements
dans le domaine de... — ah!
je pense que c'est Mme la députée d'Iberville — dans le domaine de la
musique. Donc, aujourd'hui, c'est le streaming, avant... ou la musique en
continu. Antérieurement, on l'achetait, cette musique-là. Est-ce qu'il y a quelqu'un qui a anticipé ces
changements-là? Oui, il y a des gens qui ont anticipé ces changements-là,
ils se sont adaptés.
Nous considérons qu'en matière de médias écrits
nous avons pris les décisions qui nous apparaissaient opportunes. Vous savez, les décisions, lorsque vous êtes un dirigeant
d'entreprise, ne sont pas nécessairement faciles à prendre, et je le sais très
bien puisque j'ai été affublé pendant de nombreuses années de «roi du
lock-out». Mais je considérais que
mon rôle était de faire en sorte de poser les gestes appropriés pour assurer la
pérennité, et, s'il y avait des considérations,
dans les conventions collectives, qui étaient malheureusement préjudiciables à
l'avenir de nos quotidiens, il
fallait les prendre, ces décisions-là. Il fallait avoir le courage de les
prendre. Mais vous savez quoi? Aujourd'hui, il y a plus de journalistes
au Journal de Québec, au Journal de Montréal, au bureau
parlementaire, au bureau d'enquête qu'il y en avait antérieurement. Nous avons
donc pris les bonnes décisions...
La Présidente (Mme de Santis) : ...conclure,
s'il vous plaît.
M. Péladeau (Pierre Karl) : ...pour
faire en sorte d'assurer la pérennité de nos quotidiens.
M.
Bérubé :
Je reviens, Mme la Présidente, à l'essentiel, parce que la nouvelle structure
permet des nouvelles sources de
financement, et on peut comprendre La Presse de vouloir assurer son
avenir avec des nouvelles sources de financement,
puisqu'Ottawa dit qu'il ne va financer que des médias OBNL. Ça, c'est la
nouveauté qui n'existait pas si on s'était rencontrés l'an dernier. Sentez-vous que,
si Québecor avait à faire une demande au gouvernement fédéral, il serait
traité de la même façon et équitablement?
M. Péladeau
(Pierre Karl) : Je n'en sais rien, mais, comme le disait lui-même,
d'ailleurs, M. Desmarais, à quelques reprises, je pense qu'il l'a réitéré ce
matin, il se voyait dans une position difficile de demander aux pouvoirs publics de subventionner une entreprise qui était
détenue par des multimilliardaires. Alors, si cette situation-là est exacte,
est-ce que Québecor, qui a une
capitalisation boursière de 6 milliards de dollars, va être reçue avec
enthousiasme à Ottawa? Je ne sais pas, je n'en sais rien, mais je pense
que c'est légitime d'en douter.
M.
Bérubé : ...vous, à la lumière de vos propos, qui sont assez
clairs là-dessus, que la nouvelle structure est une façon différente d'obtenir
un financement qu'on n'obtiendrait pas par la structure actuelle, donc c'est un
passage obligé qui est mué
essentiellement par la volonté d'avoir un nouveau financement, et que c'est essentiellement
cette raison-là qui guide le changement de structure uniquement?
M.
Péladeau (Pierre Karl) : Écoutez, c'était le sens de mon intervention,
et c'est tellement, entre guillemets, le sens de mon intervention que
c'est M. Desmarais qui le dit lui-même. Alors, aujourd'hui, nous sommes obligés
de constater, là, que La Presse,
c'est un échec patent et c'est une illustration de l'incompétence de la direction. Ils ont mal dirigé, ils n'ont pas pris les décisions
appropriées pour leur média. Ils ont essayé de vendre leur plateforme sur la
planète tout entière. Ils l'ont
vendue au Toronto Star, qui l'a abandonnée très rapidement.
C'est un échec patent. Et aujourd'hui
nous demandons, d'ailleurs
comme ça a été le cas pour Groupe Capitales Médias, aux contribuables et aux
citoyens de prendre la place des
actionnaires de Power Corporation pour financer les pertes d'exploitation de ce
média. C'est ça, la réalité, il n'y en a pas d'autre.
La Présidente (Mme
de Santis) : Merci beaucoup. Maintenant, la parole est à la députée d'Iberville
pour six minutes.
Mme Samson :
Merci, Mme la Présidente. Bonsoir, M. Péladeau. Bonsoir, madame.
M. Péladeau, on a... j'ai six minutes seulement. Six minutes de «prime
time», vous savez comme moi ce que ça vaut, hein?
Je
vais vous poser ma question bien simplement. Mis à part l'affaiblissement d'un concurrent, au
net- net, là, ça change quoi dans
votre vie que l'Assemblée nationale accepte le projet de loi? Au net-net, là,
que ce soit un OBNL, que ça soit Power Corp, M. Desmarais ou Oumfelaïe!
qui en soit propriétaire, ça change quoi dans votre vie?
M. Péladeau
(Pierre Karl) : Écoutez,
moi, je pense... et c'est encore une fois ce que
j'invite les parlementaires à faire, c'est de tirer les conséquences
de l'adoption du projet de loi.
Donc,
vous disposez... ou vous permettez à Power
Corporation de disposer de La Presse et de l'envoyer dans un OBNL. Même théoriquement, vous savez quoi, ça
devrait être plutôt favorable à Québecor, parce que les chances de
survie de La Presse détenue dans un OBNL sont beaucoup
moins élevées que si La Presse demeurait chez Power
Corporation. Je vous l'ai dit tout à l'heure. Vous faites, excusez-moi l'expression, un «swap» d'un créancier
extrêmement solvable pour une inconnue la plus absolue à l'heure où nous
nous parlons.
Vraiment,
ce n'est pas un bon deal pour les employés non plus, puis je les invite à y réfléchir.
À moins qu'il y ait des deals qui ont été négociés qu'on ne connaît pas,
mais ça, c'est une autre affaire.
Mme Samson :
Mais vous comprendrez, M. Péladeau, là, que, de vous entendre défendre les
employés puis les syndicats, on est
tous un petit peu crédules, là, tu sais. Un petit peu. Un petit peu, soyons
honnêtes, là, M. Péladeau, là, vous savez que je n'ai pas
l'habitude...
M. Péladeau
(Pierre Karl) : Écoutez, Mme la députée d'Iberville, je n'ai pas
défendu qui que ce soit, là. Je vous ai simplement... essayé de décrire
des faits, là.
Mme Samson :
Oui, oui, mais, dans le fond...
M. Péladeau
(Pierre Karl) : Ne me prêtez pas d'intentions, Mme la députée. Je suis
désolé, ne me prêtez pas d'intentions.
Mme Samson :
Non, je ne vous prête pas d'intentions.
M. Péladeau
(Pierre Karl) : Je demanderais d'ailleurs à Mme la présidente, tu
sais... que c'est interdit de prêter des intentions.
Mme Samson :
C'est interdit de prêter des intentions à un élu, mais pas à un entrepreneur.
M. Péladeau
(Pierre Karl) : Ah! O.K., d'accord. Bon, vous faites de la
discrimination, d'abord. Les élus ont un statut différent du citoyen.
Mme Samson : Oui, on
fait de la discrimination, mais mon point, c'est que, M. Péladeau,
j'essaie de comprendre votre motivation à vous opposer à ce projet de loi. Puis
là, quand je vous pose la question, vous me dites : Mais, si vous
l'accordez, l'abrogation de l'article 3, vous la rendez plus vulnérable
qu'elle ne l'est par rapport à mon entreprise.
M. Péladeau
(Pierre Karl) : Est-ce que vous m'avez entendu dire que je m'oppose
à... Je ne m'oppose pas, je fais le
nécessaire pour tenter... bon, peut-être que c'est prétentieux de ma part, Mme
la députée d'Iberville, mais d'éclairer adéquatement les parlementaires au sujet de la situation auquel ils font
face, les parlementaires, M. et Mmes les députés.
Mme Samson :
Donc, votre propos tient surtout quant au déroulement du processus
parlementaire qu'à l'«outcome» de l'adoption ou non du projet de loi.
M. Péladeau
(Pierre Karl) : Bien, peut-être que, dans la session parlementaire
habituelle, avec une commission, justement,
vous auriez tous les intervenants, les participants à l'intérieur, donc, de
l'industrie, parce que c'est une
industrie importante. Et tout le monde a mentionné que les considérations
derrière la presse écrite et l'information... On a parlé du quatrième pouvoir, on a parlé de la démocratie. C'est
exact. C'est peut-être également aussi la raison pour laquelle les parlementaires devraient prendre le
temps adéquat pour regarder et bien assumer toutes les conséquences des
gestes qui vont être posés le jour où La Presse va être
vendue à un OBNL.
• (19 h 40) •
Mme Samson :
M. Péladeau, là-dessus, on va se rejoindre un petit peu, là. Je l'ai dit
ce matin, moi, j'estime qu'on est
15 ans en retard sur le virage numérique, 15 ans en retard sur le
plus cancre des cancres qui l'a pris, puis on est 20 ans en retard
sur ceux qui se sont un petit peu adaptés. Je suis d'accord avec vous, là, il
est temps qu'on enferme cinq, six personnes
dans une salle, là, puis qu'on leur demande de sortir quand ils auront des
idées sur comment on va aborder ça, tant
pour la musique que pour le commerce
du détail, que pour les médias, parce
que, dans deux ans, dans trois ans,
dans quatre ans, ça va être la radio,
ça va être votre réseau de télévision ou vos réseaux de télévision qui vont
être ici puis qui vont dire : On
n'est plus capables, on est noyés, on est en train de mourir. Là-dessus, bien,
on n'a que nous à blâmer pour n'avoir pas eu de vision pendant
20 ans et puis d'avoir fait des erreurs.
Moi,
j'ai l'impression que La Presse a pris un virage très tôt dans l'arrivée
du numérique. Ça n'a peut-être pas été des
choix tous heureux, mais je n'irais pas jusqu'à condamner complètement la tentative d'aborder le virage
numérique. Mais j'essaie de
comprendre votre motivation, outre le processus que vous questionnez puis la
responsabilité que vous voulez nous donner, qui... à mon avis, là, on
peut la décaler. Mais vous le savez, M. Péladeau, si on ne le fait pas
maintenant puis qu'on attend au mois de février prochain, vous savez dans
quelle mesure ça va être douloureux pour La
Presse aussi. Vous savez à quelle
vitesse ça roule dans cette industrie-là, là, vous en êtes un principal
dirigeant, là. Mais j'essaie de comprendre, au net-net, là, je vous parle
en bon comptable, là, au net-net, «bottom line», là...
La Présidente (Mme
de Santis) : 30 secondes.
Mme
Samson : ...qu'est-ce que ça vous enlève que l'Assemblée nationale
accepte... adopte le projet de loi n° 400? Qu'est-ce que ça change
dans votre vie dans un an?
M.
Péladeau (Pierre Karl) :
Bon, premièrement, il n'y a pas d'urgence nationale, là. Les choses
n'évolueront pas, tu sais... les GAFA
vont demeurer aussi présents demain que dans six mois, là. Il ne faut pas se
raconter d'histoire. Ce qu'on vous demande, c'est de faire en sorte... à
la sauvette, de faire... d'adopter une loi qui va libérer Power Corporation de ses obligations, je l'ai mentionné dans ma proposition, et qui va
faire en sorte, malheureusement, que les parlementaires ne prennent pas le
temps, parce que ces processus-là, ils...
La Présidente (Mme
de Santis) : Merci beaucoup. Maintenant, la parole est à la députée de
Vachon pour trois minutes.
Mme Ouellet : Oui. Merci, Mme la Présidente. Bienvenue. Peut-être juste répondre, parce que
les gens reviennent toujours avec la loi de 1967, que, si elle n'était
pas là, nous ne serions pas là, mais, si elle n'était pas là, Power Corporation ne serait pas propriétaire de La Presse. Donc, je pense que
c'est une loi qu'ils ont beaucoup aimée, parce
que, sinon, ils n'auraient pas La Presse aujourd'hui et tout ce qu'ils
ont pu faire avec La Presse depuis ce temps-là.
M. Péladeau, ça fait
plaisir de vous rencontrer. Deux éléments. Premièrement, les dons de charité, parce
que La Presse souhaite se financer à travers les dons de
charité, est-ce que vous considérez que ce serait de la concurrence
déloyale qu'une fois en OBNL ils aient accès
aux dons de charité, alors que vous, à cause de la structure corporative, vous
n'auriez pas accès aux dons de charité? Premièrement.
Et, deuxièmement,
vous entendre un peu plus, parce qu'effectivement j'ai la même préoccupation,
sur les emplois, et c'est ce que je disais
un peu plus tôt ce matin, l'endosseur de La Presse par rapport à pas
d'endosseur d'OBNL pour les employés,
il me semble que c'est pas mal plus gagnant de rester avec Power Corporation
qu'avec juste un OBNL. J'aimerais vous entendre un peu plus sur cet
élément-là.
M. Péladeau
(Pierre Karl) : Bien, écoutez, j'ai dit ce que j'avais à dire, puis on
ne peut pas nécessairement, tu sais, donner
beaucoup plus de détails. C'est un endosseur très solvable pour une espèce de
mystère, là. Mais le point que vous avez abordé, bon, évidemment, ça
aussi... C'est parce que c'est un processus à la sauvette. On n'a pas
l'occasion, tu sais, d'éclairer complètement le dossier. Mais c'est vrai que ça
va être de la concurrence déloyale.
Alors,
on prendrait le temps, là, imaginez-vous, là... Puis ça peut avoir un impact
considérable également sur la liberté
de presse. Parce que, si Bell Canada, là, donne 100 000 $ ou 200 000 $ à La Presse,
pensez-vous que les journalistes, qui font en général un très bon
travail, vont être aussi attentifs à dénoncer les pratiques de Bell Canada en
matière de télécommunications? Je pense que
c'est légitime de s'interroger. Alors, ça, c'est certain que Québecor ne
donnera pas d'argent à l'OBNL de La
Presse, là, tu sais. On est d'accord avec ça? Mais on pourrait éventuellement commencer à venir circonscrire
un univers où l'entière liberté est dorénavant, malheureusement, assujettie à
des pressions possibles, en tout cas susceptibles d'exister. Vont-elles
exister? Bien, il n'y a personne pour le dire, mais ce n'est pas impossible qu'elles fassent son chemin
aussi.
Mme
Ouellet : Donc, ce que vous
êtes en train de me dire, c'est que le financement futur, à travers des dons de
charité qui pourraient provenir de grandes entreprises comme Bell, ou d'amis
des Desmarais, ou de l'ensemble, bien, ça pourrait faire en sorte que les journalistes se sentent un peu mal à
l'aise de dénoncer, étant donné qu'on ne mord pas la main qui nous
nourrit.
M.
Péladeau (Pierre Karl) :
L'ampleur des dons pourrait être tellement considérable que cette situation-là
ne pourrait être ignorée, en tout cas, certainement de la direction,
bien évidemment...
La Présidente (Mme de Santis) : Malheureusement,
le temps est expiré.
M.
Péladeau (Pierre Karl) : Et est-ce que
ça peut avoir un impact sur les journalistes? Je n'en sais rien, mais
c'est un fait...
La Présidente (Mme de Santis) : Merci
beaucoup. Merci, M. Péladeau. Merci, Mme Desjardins. Vous avez contribué à nos
travaux.
Alors, maintenant,
nous allons suspendre pour quelques instants afin de permettre aux représentants du Devoir de
prendre place.
(Suspension de la séance à 19 h 46)
(Reprise à 19 h 47)
La
Présidente (Mme de Santis) :
Nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue aux représentants de Le Devoir. Je vous rappelle que vous disposez de
10 minutes pour votre exposé. Ensuite, on va procéder à la période d'échange
avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter, ainsi que
les personnes qui vous accompagnent, et à procéder à
votre exposé. La parole est à vous.
Le
Devoir inc.
M. Ryan(André) : Merci, Mme la Présidente. Messieurs, mesdames, Mmes et MM. les parlementaires, mon nom
est André Ryan, je suis président du conseil d'administration de Le Devoir inc.. Vous avez reconnu, à ma droite, notre
directeur, Brian Myles. Je voudrais également
vous remercier de nous avoir invités à vous adresser la parole ce soir. On
sera brefs, comme le fut notre préparation, mais, dans les circonstances, on
assume notre responsabilité.
On est
heureux d'être avec vous pour partager nos réflexions essentiellement sur deux sujets. D'abord, une position qui vous sera communiquée très clairement par M. Myles quant au projet qui est sur la
table. Pour ma part, j'ai cru que l'opportunité
était importante de prendre le moins de minutes possible, mais quelques
minutes quand même pour vous parler de notre modèle d'affaires, dont nous sommes très fiers et qu'on
pense qu'il peut apporter un éclairage, là, dans le contexte dans lequel
vous êtes appelés à intervenir.
Je ne veux
pas remonter, évidemment, à 110 ans pour parler du Devoir,
mais je veux simplement vous dire qu'en 1993 Le Devoir a subi une transformation importante,
était alors exploité par L'Imprimerie populaire, ltée. Une filiale qui s'appelle Le Devoir inc. a été
créée, et, à travers un véhicule de placement qui existait à l'époque, à savoir
les specs, les lecteurs ainsi que les employés du Devoir ont été
appelés à contribuer à une recapitalisation, une relance par laquelle Le Devoir est allé
chercher environ 5 millions de
dollars, à l'époque, et est devenu
une société à capital ouvert. L'élargissement a, entre
autres, permis et donné lieu à
l'arrivée au conseil d'administration d'un représentant des employés du Devoir.
De 2000 à 2014, les choses se sont plutôt bien
déroulées sous la direction de notre ancien directeur, M. Bernard Descôteaux,
qui était directeur quand je suis arrivé au conseil, en 2012. En 2010, l'année
du centenaire, Le Devoir a généré un bénéfice d'environ 1,2 million de dollars. Le déclin a commencé par la suite avec l'arrivée
massive des GAFA, dont vous avez
parlé abondamment, sur le marché de la publicité, et, après 2010, les choses se sont un
peu compliquées, et des pertes ont commencé à être accumulées.
• (19 h 50) •
À l'initiative du directeur Bernard Descôteaux
et surtout sous l'impulsion du président du conseil d'administration de l'époque, M. Jean Lamarre, un nouveau plan ambitieux
de relance a été imaginé. En décembre 2016, à la demande de M. Lamarre, j'ai collaboré avec plusieurs de mes
collègues à un scénario de refinancement. Le Devoirest redevenu une société
à capital fermé, et nous avons procédé à une nouvelle recapitalisation pour un
montant de plus de 2 millions de
dollars. M. Myles était, entre-temps, arrivé à la direction, à l'âge de
43 ans, apportait avec lui une vision extrêmement porteuse et beaucoup de modernité, beaucoup d'ambition dans
la conversion numérique, qui avait été entamée, mais il a accéléré cette
transformation-là.
Tout au long
de ces transformations, Le Devoir a été accompagné, et ce, depuis
110 ans, par Les Amis du Devoir, dans sa forme actuelle existe depuis
2009, et qui est un OBNL, et qui, avec Le Devoir, coordonne des
activités de financement philanthropique.
À travers
toutes les étapes que nous avons traversées, les divers scénarios de
recapitalisation, dont les deux que je vous ai décrits, une importance
extrêmement attentionnée a été portée au maintien et à la préservation de la
liberté complète et de l'indépendance
de la direction et plus particulièrement de la direction éditoriale du journal.
Nos structures actuelles garantissent l'indépendance de la position
éditoriale du journal. Nous en sommes extrêmement fiers.
En terminant, je vous dirais que le modèle
actuel repose sur trois axes, M. Myles pourra les développer davantage,
mais les trois axes principaux : évidemment, d'abord, les abonnements et
ce qu'on appelle le mur payant; deuxièmement,
ce que j'appellerais une stratégie multiplateforme, donc un équilibre entre le
papier et nos plateformes numériques;
et, troisièmement, je vous dirais, un préjugé en faveur du téléphone mobile.
C'est essentiellement ce que je voulais vous communiquer. Je cède la
parole à notre directeur, M. Myles.
M. Myles(Brian) : Mme la Présidente, merci. Mme la ministre, Mmes, MM. les
députés, merci de nous recevoir ce soir. Essentiellement, notre position
est très simple. La fameuse loi de 1967 qui empêche la transformation de La Presse
a épuisé son utilité. Elle date d'une autre époque qui est révolue, une époque
où on craignait la perte de propriété de
La Presse à des intérêts étrangers, où on se méfiait aussi
de la concentration de La Presse. Mais, en 2018, le débat
sur la concentration de La Presse et la propriété des
médias ne se pose plus de la même façon.
Je ne
voudrais pas aujourd'hui, comme directeur du Devoir, me retrouver dans
la position de La Presse et être obligé de vous demander la permission pour changer
de structure juridique. Et je vous le dis en tout respect, il ne m'apparaît
pas que c'est aux parlementaires de décider
quel sera le modèle d'affaires, et la structure juridique, des médias. Il reste
beaucoup de questions sur le modèle La Presse, si cet OBNL
sera pleinement indépendant, et vous avez entendu des représentations toute la
journée, mais ultimement l'expérience nous dira de quoi sera faite La Presse
de demain, et le public sera à même de poser
un jugement sur sa juste valeur. Et le gouvernement fédéral, comme le vôtre,
aura l'occasion d'édicter des
critères pour élaborer des programmes d'aide, que ce soient les crédits
d'impôt, les subventions, ou autres. Et
donc, au fond, il m'apparaît qu'on a, on doit, comme éditeurs, comme patrons de
presse, avoir l'autonomie et la latitude pour choisir nos modèles.
Notre
industrie est en crise, vous l'avez entendu maintes et maintes fois. C'est
vrai. Essentiellement, ce qu'on a choisi
de faire au fil des ans, c'est de miser, selon les différents modèles, entre la
qualité des contenus ou la quantité, entre la gratuité des contenus et le modèle d'abonnement. Et, dans certains
cas, on a voulu être des compagnies de technologie par opposition à des compagnies de contenu. Le Devoir,
dans ses grands cadrans, a choisi d'être une compagnie de contenu. On
utilise des technologies produites par d'autres, au coût le plus faible
possible. On a choisi de faire la qualité, évidemment,
des contenus — je ne
pense pas que j'aie besoin de vous faire la démonstration de tout ça — et le modèle d'abonnement, le modèle
d'abonnement qui est pérenne.
Le modèle d'abonnement, par contre, pour moi,
c'est la première partie de la pièce de monnaie qui va avec la philanthropie, hein? Les dons et l'abonnement,
c'est deux côtés d'une même pièce de monnaie. Et, au Devoir, je crois
qu'on est le média qui reçoit le plus de
dons, certainement au Québec et probablement au Canada. Les Amis du Devoir,
depuis les trois dernières années, ont réussi à collecter 1,2 million de
dollars auprès de plus de 2 000 donateurs uniques, et ça tient au
contrat social qu'on a créé avec nos abonnés, avec notre communauté.
Alors, c'est
évident que, si le gouvernement fédéral décide de transformer la structure de
la Loi sur l'impôt et des lois fiscales, il m'apparaît impensable que Le Devoir
ou, à tout le moins, Les Amis du Devoir, qui est un OBNL, ne puissent pas à la fin de l'année avoir des
exemptions fiscales ou émettre des reçus de charité à ses donateurs. Alors, je
compte sur vous, MM., Mmes les députés, pour
faire entendre votre voix dans le débat et s'assurer qu'à la fin de l'année
on ne refuse pas au Devoir ou aux Amis du Devoir ce qu'on s'apprêterait
à accorder à La Presse.
Ce modèle de
philanthropie a fait ses preuves au Devoir. C'est une base, selon les
années, de 4 % à 6 % des revenus. Ça ne va pas sauver les médias. N'imaginez pas que vous allez régler
tous les problèmes en permettant à ce que des entreprises de presse puissent aller chercher des dons, mais c'est un
revenu d'appoint, c'est un revenu complémentaire qui nous permet de poursuivre notre virage. Et, chez nous, on fait le
pari que le virage repose sur les abonnements et qu'on existe pour des
communautés de lecteurs avant toute chose.
En terminant, messieurs, madame, je tiens à vous
remercier et je réitère l'importance qu'on respecte certains principes entre vous et nous, ce fameux principe
de distance entre le politique et le médiatique. Alors, je vous inviterais
à la prudence, parce qu'on ne peut pas, d'un
côté de la bouche, dire qu'on respecte l'indépendance des médias et, de
l'autre, utiliser le prétexte d'une loi obsolète pour freiner des
transformations.
Le reste, je
décline compétence ou expertise sur le sentiment d'urgence qu'on vous a plaidé.
Je ne suis pas dans le secret des
stratégies d'affaires de La Presse. Et ce sera à vous, en
toute sérénité, dans votre délibération, de décider du juste moment où
vous devriez autoriser ces transformations-là. Il m'apparaît impensable de ne
pas le faire. Et n'oubliez pas l'enjeu de l'équité dans les programmes. Le
programme de subvention du ministère de la Culture, le programme de crédits
d'impôt de 35 % sur les dépenses numériques, l'exemption sur la taxe de
recyclage, ce sont trois programmes qui ont
été adoptés dans les deux dernières années par votre gouvernement, trois
programmes normés, équitables, qui s'appliquent à tous, et ce sont les
programmes normés, équitables qui nous permettent de continuer d'avoir la distance entre
l'État et les médias et de ne pas faire des gagnants et des perdants dans les
programmes d'aide au soutien à la transformation numérique. Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci à vous. Maintenant, la parole est à la ministre pour 15 minutes.
Mme Montpetit :
Je vous remercie, Mme la Présidente. M. Ryan, M. Myles, bonsoir.
Bienvenue à l'Assemblée nationale.
Pourriez-vous nous rappeler depuis quand une société à but non lucratif
participe au financement du Devoir?
M. Ryan
(André) : Avec notre... Les Amis du Devoir existent depuis les tout
débuts de l'histoire du journal. Je ne peux
pas vous garantir la forme juridique que Les Amis du Devoir avaient au cours de
la première moitié du XXe siècle. Ce que je peux vous dire c'est
que, depuis 2009, Les Amis du Devoir, dans leur mouture actuelle, sont un OBNL
et collaborent de manière ponctuelle, à
travers des campagnes, au financement du Devoir, et de manière beaucoup
plus active, je vous dirais, depuis
trois ans et demi environ, à travers une campagne que je qualifierais de grand
public, donc auprès de notre premier
public que sont les lecteurs fidèles du Devoir, qui des fois ajoutent un
10 $, 15 $, 20 $, nous envoient des lettres, qui nous touchent énormément, pour signifier leur appui,
et, d'autre part, une campagne plus ciblée, qui s'est appelée Les Grands
Amis du Devoir et qui a visé une clientèle peut-être un peu plus à l'aise et
qui nous a donné, évidemment, une contribution exceptionnelle au cours des
trois dernières années.
Brian l'a
évoqué, là, on a accumulé une somme impressionnante de 1,2 million de
dollars au cours des trois dernières années, qui sont venus contribuer à
nos opérations et à notre transformation en profondeur.
M. Myles
(Brian) : Tout à fait. Dès 2015... 1915, pardon, il y avait une
première société des Amis du Devoir, et
la philanthropie a toujours été une partie intégrante. Il y a eu des époques où
on en avait moins besoin. Et, depuis 2009, comme André l'a expliqué, c'est devenu constant, pérenne et c'est
budgété à chaque année. Et on espère faire progresser ces revenus-là,
mais on n'est pas dupes. On sait bien que ça ne dépassera probablement jamais
10 % de nos revenus.
Mme Montpetit : Mais est-ce que
vous diriez que cette société-là participe à assurer la pérennité du Devoir?
• (20 heures) •
M. Myles
(Brian) : Écoutez, Les Amis du Devoir, au fond, c'est des gens qui
portent Le Devoir sur leur coeur et sur leurs manches et qui font des pieds et des mains pour aller
chercher des donateurs, et des donateurs aussi qui, spontanément, se
manifestent. Dans la palette des donateurs, des 2 000 donateurs, on a
réussi à récolter des sommes qui vont
de 10 $ à 25 000 $. Et c'est toujours des dons... c'est presque
toujours des dons d'individu, ce n'est pas des grandes compagnies qui
essaient de nous financer, c'est un appel du coeur, c'est un appel d'une
communauté pour qui Le Devoir est trop important, hein? On se fait souvent
dire : Le Québec n'a pas les moyens de perdre Le Devoir, et
ça, c'est la première étape qui mène
vers l'engagement, l'engagement par l'abonnement, l'engagement par le don. Et à
ça s'ajoute aussi une mission d'éducation
et de débat que Les Amis du Devoir organisent à l'occasion, et ils remettent
aussi les prix de la presse étudiante à chaque année.
Mme
Montpetit : Parfait.
J'aimerais vous entendre aussi sur les propos qui ont été tenus par
M. Péladeau, qui était présent
juste avant vous, sur la question, justement, sur le droit de regard puis vous l'avez évoqué,
mais j'aimerais bien vous réentendre là-dessus,
sur le fait justement que le projet
de loi n° 400, qu'on dépose
comme gouvernement, vient corriger
une unicité historique pour un média. Mais j'aimerais vraiment
vous entendre sur ce qui a été dit sur le droit de regard des parlementaires
à venir abroger cette loi.
M. Myles
(Brian) : Écoutez,
je préférerais bien franchement commenter la situation et le modèle du Devoir.
Moi, j'ai des excellentes relations
avec Québecor, avec M. Péladeau. Vous savez, Québecor distribue Le Devoir et l'imprime. Québecor, en 1993... on a passé très rapidement,
mais, si Pierre Péladeau père n'avait pas été là, Le Devoir n'aurait pas passé à travers. Il a accepté d'effacer l'ardoise
pour Le Devoir. Et c'est un partenaire avec lequel on a beaucoup
de liens d'affaires.
Et, sur la question
de votre privilège, bien, franchement, il vous appartient de déterminer ce que
vous allez faire de cette loi privée de 1967, mais, moi, à mon avis,
le mien, cette loi-là a épuisé son utilité et n'a plus sa raison d'être
dans le contexte de 2018.
Mme
Montpetit : Peut-être
que ma question a été mal comprise, M. Myles, mais c'était le
sens de ma question, la dernière
partie de votre réponse, à savoir : Comment vous vous positionnez par rapport à la loi qui est en cours, de 1967, par rapport à celle qui
vient abroger justement l'article 3 de cette loi?
Une autre question : Est-ce qu'en tant qu'entreprise de presse, justement,
vous accepteriez que le gouvernement
ait le contrôle sur vos décisions d'affaires?
M. Myles (Brian) : Non, pas du tout,
et c'était le sens de mon intervention initiale. Peu importe le modèle d'affaires et la structure juridique qu'on
choisit, il nous appartient de la choisir. Bon, oui, l'information est importante, l'information, on a toujours dit que ce
n'était pas un produit comme les autres, c'était vital pour une démocratie. Mais, une fois qu'on a dit ça, c'est par les
critères d'attribution... Parce que vous avez un intérêt immédiat à poser ces
questions-là si on va vers de l'aide, hein? Il y a eu pour 101 millions de
dollars d'aide répartie sur cinq ans dans les deux
dernières années, là. Alors, il y a un intérêt de poser des questions de votre
part, j'en conviens, mais c'est dans le design, l'intelligence des programmes que vous
allez mettre en place, les critères d'attribution de l'aide que vous avez
une capacité d'exercer votre rôle de
parlementaire, et non pas en amont, sur la structure de propriété ou la
structure juridique qu'on va choisir.
M. Ryan
(André) : Et, en une phrase, je vous dirais que je parle sans doute et
sans aucun doute même au nom des
14 membres du conseil d'administration pour vous dire que nous ne serions
pas d'accord avec une telle proposition.
Mme
Montpetit : Parfait. Et vous avez fait référence aux différents
programmes d'aide aux médias qui ont été mis en place par notre gouvernement
dans les deux dernières années, donc le programme d'aide aux médias qui a été
mis en place... qui a été annoncé au
mois de novembre dernier, les crédits d'impôt à la transformation... l'aide à
la transformation numérique qui ont été annoncés au budget du mois de
mars 2018 par mon collègue le ministre des Finances, donc différentes
mesures pour nous qui étaient extrêmement importantes à mettre en place pour
venir soutenir justement l'ensemble des
médias, les médias communautaires, mais la presse écrite de façon plus précise
dans les différentes difficultés auxquelles ils font face. Est-ce que vous
diriez que, malgré ces mesures gouvernementales, vous conservez une
pleine indépendance quant à votre ligne éditoriale, quant à votre contenu?
M. Myles
(Brian) : Tout à fait. Et, tout au long de la journée, je me mordais
un peu les doigts et je me disais : Il manque un élément de réponse quand on parle d'indépendance. Vous
savez, l'indépendance, c'est une construction sur le long temps dans l'histoire des médias. On l'a
affirmé à plusieurs étapes, mais, dans l'époque moderne, l'indépendance
rédactionnelle a commencé au moment où les journalistes se sont structurés
comme un groupe à part entière, qu'on a commencé à bien les rémunérer pour les mettre à l'abri des conflits
d'intérêts. Ensuite, par le syndicalisme, ils se sont dotés de clauses de conscience, qu'on a intégrées
dans les conventions. Les médias, les entreprises, les directeurs, les éditeurs
ont adopté des politiques d'information
également. On s'est structurés au sein de la FPJQ. On s'est dotés d'un guide de
déontologie. Le Conseil de presse, qui est
un mécanisme d'autoréglementation, a son Droits et responsabilités de la
presse. Il y a un enchevêtrement
de clauses de conscience, de guides de déontologie, de règles de pratique qui
crée l'indépendance. Et notre marque de commerce, c'est la crédibilité,
hein? Moi, je ne veux pas demain matin que les gens pensent que Le Devoir
est à vendre, que sa ligne éditoriale est au crédit d'impôt le plus offrant,
d'aucune façon.
Et, quand les
programmes sont universels, quand ils touchent à des éléments de transformation
numérique, les dépenses sur les CMS,
les frais de consultants, le développement d'outils contemporains, des
approches par projet, aussi, avec des jurys indépendants, ce qui est le cas du
volet B du ministère de la Culture, ces programmes-là nous mettent
à l'abri d'une perception d'interférence et
de l'interférence elle-même. Et ce n'est pas plus risqué ou pernicieux que
d'avoir des revenus de publicité. Ce
n'est pas parce qu'on a des concessionnaires de voitures qui annoncent dans nos
pages qu'on s'empêche de parler de la pollution atmosphérique par les
automobiles, et du cancer que représente la congestion routière sur nos routes, et de la nécessité d'avoir des transports
actifs. On ne laisse pas les crédits d'impôt, l'aide de l'État
interférer sur notre ligne, pas plus qu'on laisse les clients, les annonceurs
interférer sur notre ligne.
M. Ryan
(André) : Et à l'interne, de manière structurelle, on s'est dotés des
outils pour protéger, promouvoir et garantir la liberté de la ligne
éditoriale au niveau juridique également.
Mme Montpetit : Je vous remercie.
Oui, parce que je pense que c'est important de le préciser, puis vous le mentionnez, mais je pense que, comme plein de
choses sont dites, il est important de le resouligner, qu'effectivement les
programmes qui ont été mis en place par le
gouvernement... Vous le mentionnez bien, qu'au ministère de la Culture c'est un jury indépendant qui choisit les projets. Je
n'ai aucun droit de regard, comme ministre de la Culture. Je n'interviens
aucunement. C'est un jury complètement
indépendant qui a choisi les différents projets qui ont été soutenus. Ce sont
des programmes qui sont normés. Les
crédits d'impôt sont universels, ils sont applicables à tous les médias du
Québec. Et je pense que c'est important de le rementionner, qu'il n'y a aucun
lien entre l'aide qui est faite et aucune intervention. Et je pense qu'on convient tous qu'il est important,
comme gouvernement, qu'on vienne soutenir l'industrie de la presse dans les
défis auxquels elle fait face présentement. Ça va être tout pour moi, Mme la
Présidente. Mon collègue de LaFontaine aurait des questions.
La Présidente (Mme de Santis) :
Alors, M. le député de LaFontaine, 4 min 50 s.
M. Tanguay :
Oui, merci beaucoup. Merci — et bienvenue à Me Ryan et
M. Myles — de venir
participer à un débat très important. J'aimerais axer mes interventions avec
vous, pour les quelques minutes qui restent, sur justement la liberté quant à l'éditorial. Il y a un
éditorial dans Le Devoir, comme il y en a un dans La Presse,
très important, élément très important, et qui participe de la liberté entière
qu'ont les éditorialistes à écrire ce qu'ils veulent, et qui participe également
de la liberté journalistique. Et vous avez dit un peu plus tôt qu'il faut
impérativement — puis
je vous paraphrase, là — une distance entre le politique et le
médiatique. Il ne faut pas... et corrigez-moi si je vous ai mal compris,
mais il ne faut pas qu'à l'Assemblée
nationale les élus commencent à évaluer l'à-propos ou pas... Puis j'aimerais
savoir si vous êtes d'accord avec cette affirmation-là. Il n'est pas du
ressort, dans une démocratie, dans une société de droit, où on respecte
le pouvoir exécutif, législatif, judiciaire et médiatique... Il ne serait non
seulement pas à propos, mais ça participerait
d'une dérive très préoccupante que des élus à l'Assemblée nationale commencent
à évaluer l'à-propos d'une certaine
ligne éditorialiste de La Presse qui est plus fédéraliste,
et l'à-propos d'une ligne éditorialiste du Devoir qui serait
peut-être, tantôt, beaucoup plus souverainiste ou pas. Est-ce que vous êtes
d'accord avec cette affirmation-là?
M.
Myles (Brian) : Tout à fait. Puis moi, j'ai eu ces discussions-là dans
mes efforts de lobbying, autant à Québec qu'à Ottawa — et je
suis inscrit aux registres dans les deux places, en passant. C'est le
tiraillement entre les programmes dits
quantitatifs et qualitatifs. Il y a toujours une tentation de dire, à un moment
donné : On fait un programme qualitatif. On veut financer la bonne
information. On ne veut pas financer n'importe quoi, donc l'information sur la
politique, l'information sur ceci et cela. Et ça, c'est le piège qu'il faut
éviter. Et les programmes quantitatifs, basés sur le crédit d'impôt, 35 %, sur des dépenses très bien
identifiées, le caractère universel de ces programmes-là, les programmes avec
des jurys indépendants, tout ça nous permet de tenir la distance.
Tu sais, dans
le fond, ce qu'on dit aux parlementaires — ça vous met dans une position un peu
ingrate — c'est :
Contribuez au virage numérique des
entreprises de presse, commettez ou
investissez des fonds publics, mais en sachant très bien que vous n'allez pas
tenir le crayon à notre place et que vous allez accepter, après, et reconnaître
que c'est important que les médias décident par eux-mêmes de ce qu'ils
vont en faire et du type de contenu qu'ils vont faire.
Et la
première fois que ça s'est posé dans l'histoire, c'était avec le fonds des
périodiques canadiens pour sauver des magazines comme Maclean's
et d'autres titres anglophones de l'invasion des titres américains au début des
années 90. On a créé un programme,
sous le gouvernement libéral de M. Trudeau... Chrétien, pardon,
et, au fond, on a fini par financer
tous les titres là-dedans. On a financé L'Actualité, au Québec,
comme des magazines plus triviaux. Mais c'était l'outil qu'on a choisi pour structurer et protéger l'industrie du magazine, des programmes normés axés sur le quantitatif.
• (20 h 10) •
M. Tanguay : Et je ne veux pas vous mettre en boîte, mais, quand même,
on est dans une société démocratique.
Et ici vous avez toute la liberté de prendre
notre parole et d'exprimer votre opinion. Et je ne mettrai pas dans un piège
mon collègue de Matane-Matapédia, leader du Parti québécois, mais je vais le
citer, puis j'aimerais ça vous entendre là-dessus. Puis après ça il pourra échanger avec vous.
Alors, la liberté de discussion et de parole est pleine et entière. Puis c'est à ça que ça sert, une commission parlementaire, qu'on se parle entre quatre yeux, qu'on se dise
les vraies affaires, puis qu'on n'ait pas peur, quitte à déplaire à un collègue
d'opposition, de dire : Bien, je ne suis pas d'accord. Alors, basé sur ce que vous venez de dire, je cite le collègue
de Matane-Matapédia, leader du Parti québécois qui, dans un article aujourd'hui dans LeJournal de Québec... et je
le cite : «Or, il se trouve que, depuis 1970, [et] invariablement, La Presse, à travers sa politique
éditoriale, appuie le PLQ et appuie l'option fédéraliste. Si d'aventure ils
souhaitent garder la ligne éditorialiste, ça va en contradiction avec
les règles à Ottawa et à Québec.» Fin de la citation au texte du journaliste
qui a rapporté ses propos. Croyez-vous, puis
c'est justement, basé sur ce que vous venez dire, que c'est faire
fausse route que d'interpréter des règles justement applicables à des
OBNL en disant : Bien, ça va nous permettre, nous, de se mettre les
mains dans les lignes éditorialistes?
Une voix : ...
M. Myles (Brian) : Est-ce que
je pourrais réentendre la question, s'il vous plaît?
M. Tanguay : Est-ce
que vous êtes d'accord
que c'est de faire fausse route, d'aborder le sujet de cette façon-là?
M. Myles
(Brian) : En tout respect,
je préférerais être tenu à l'écart des affrontements interparlementaires. Et
je vous répondrai sur ma ligne éditoriale.
La ligne éditoriale du Devoir, elle est décidée par le directeur, moi-même,
en collégialité avec le comité
éditorial. Et cette ligne-là a évolué au fil du temps. On a toujours
pensé que Le Devoir frappait juste dans un sens...
La Présidente (Mme de Santis) : Je
m'excuse, mais maintenant c'est terminé. La parole est au député de Matane-Matapédia
pour neuf minutes.
M. Bérubé : Merci,
Mme la Présidente. Alors, Le Devoir, sa contribution à la démocratie québécoise, comme média,
est importante. Ses moyens sont modestes. Je pense, cette humilité, cette transparence dont vous faites preuve en nous parlant de vos chiffres, votre
structure, votre cheminement vous honore. Et c'est franchement tout à votre honneur. C'est digne de l'héritage d'Henri
Bourassa, celui notamment aussi de débusquer les coquins, mais vous le
faites bien, alors on vous lit chaque jour, mais d'être très transparent. Et je
sais que les artisans du Devoir ont voix au chapitre et pose des questions,
ce sont des gens exigeants. Alors, je veux vous saluer.
Et comme le collègue
de LaFontaine a choisi d'aborder la question
des éditoriaux, alors moi, je veux l'informer d'une chose. Je n'avais pas prévu en parler, mais, en 1976, lorsque La Presse invitait à battre à tout prix tout candidat indépendantiste, le père de M. Ryan ici
présent a eu le courage d'inciter à voter pour le Parti québécois, au Devoir. Il a fait preuve d'un courage, et qui... Et ça
montre la diversité des opinions, qui n'est pas uniforme à travers le temps
pour Le Devoir. Alors, vous avez un témoin de l'histoire qui
pourra vous indiquer que, malheureusement, votre argument tombe à plat.
Mme la Présidente, pour continuer, tout à
l'heure, vous avez évoqué que, lorsque
vous allez avoir une demande à faire, vous espérez qu'on soit attentifs
à ça. J'ai entendu ça tout à l'heure. On a invoqué également que, là, il y a un
programme qui est normé. Un programme normé, c'est bien, parce que tout le monde peut appliquer dessus. Or, il se trouve que le gouvernement a fait un autre choix en décembre 2017. Il a
accordé, il a fait le choix politique d'accorder un prêt direct à Capitales
Médias, avant le programme, et au Devoir, mais vous l'avez refusé, à ma connaissance.
Alors, j'aimerais avoir votre opinion là-dessus.
Il n'aurait pas fallu avoir des règles qui sont communes pour tous au lieu de
juger de façon arbitraire, comme le gouvernement l'a fait à un an d'une élection, d'octroyer 10 millions de dollars de prêt à un média écrit?
M. Ryan
(André) : Je répondrai sommairement pour Le Devoir. Donc, l'information que vous communiquez à l'effet qu'un prêt a été accordé à
Capitales Médias est une information qui est connue et publique. En vertu d'une
disposition similaire, un prêt de même nature a effectivement été offert au Devoir.
Cependant, la mise en place des programmes
adoptés par l'Assemblée nationale et par le gouvernement ont fait en sorte...
associés, là, à notre capacité nouvelle
d'aller chercher du financement auprès de donateurs privés, donc, toute la
tradition qu'on a de lever des fonds auprès de nos lecteurs et de
donateurs, ont fait en sorte que le prêt n'a pas son utilité chez nous. On est
satisfaits de la recapitalisation qu'on a
complétée à la fin de l'année. On a donc décliné, effectivement, l'encaissement
dudit prêt, dont nous ne nous prévaudrons pas. Alors, le prêt n'est tout
simplement pas en place.
M.
Bérubé : Bon,
allez-y, M. Myles.
M. Myles (Brian) : En complément,
j'aimerais qu'on puisse remettre les choses en perspective. C'était 10 millions pour Capitales Médias, mais c'était 525 000 $ pour Le Devoir. Et, à
partir du moment où on a vu le programme de crédit d'impôt remboursable de 35 % sur les dépenses numériques,
on a vu là des dépenses qui auraient été couvertes par notre fameux
prêt, et on a préféré utiliser le crédit d'impôt.
M.
Bérubé :
Capitales Médias a accepté le prêt, d'accord. Tout à l'heure, je reviens, vous
avez indiqué que vous allez avoir
éventuellement une demande à faire et que vous souhaitez qu'on considère la
situation du Devoir en toute équité. Je pense que c'est un peu
l'essence de ce que vous avez dit tout à l'heure, j'ai peut-être manqué
quelques mots. Pouvez-vous nous préciser à
nouveau, par exemple, quel type de demande Le Devoir pourrait être
susceptible de faire à l'intention des parlementaires de l'Assemblée
nationale, du gouvernement du Québec?
M. Myles
(Brian) : On fait du cheminement, là, pour essayer d'avoir un apport
plus important du côté d'Ottawa, que
le gouvernement fédéral imite un peu ce que le gouvernement du Québec a fait.
Et le leadership en matière de crédit d'impôt
pour les dons, c'est le fédéral qui l'assume. Alors, nous, on ne va pas changer
de structure juridique demain matin. Le Devoir, c'est une
compagnie formée en vertu de... c'est une compagnie privée. C'est une compagnie
à but lucratif qui a oublié pendant
longtemps de faire des profits. Mais on a atteint une situation d'équilibre en
ce moment, et ça nous a pris, depuis Bernard Descôteaux jusqu'à
aujourd'hui, plusieurs années pour arriver à ce montage-là. On ne veut pas tout
défaire. Alors, notre crainte, c'est que le
fédéral nous dise : Faites donc comme La Presse, une fiducie
d'utilité sociale, un OBNL par-ci, par-là. On a déjà tous les attributs
d'un média d'utilité sociale. Il y a des fiduciaires dont je... qui m'accordent mon mandat comme directeur, et on a
Les Amis du Devoir, qui est un OBNL en bonne et due forme, constitué sous charte fédérale. Alors, notre demande, c'est
qu'on puisse qualifier Les Amis du Devoir pour émettre des reçus d'impôt
à des fins de charité.
M.
Bérubé : C'est une
demande que vous allez faire peut-être au cours des prochains mois?
M. Myles (Brian) : Elle est déjà
faite.
M.
Bérubé : D'accord.
M. Myles (Brian) : Et je la réitère
et je profite de votre écoute pour vous demander votre appui dans cette démarche-là, parce que Le Devoir, c'est un
petit navire dans un océan assez vaste, et faire entendre notre voix, ce n'est
pas toujours facile.
M.
Bérubé : Mme la Présidente, je
ne suis pas un spécialiste de ces questions, et d'ailleurs plusieurs
journalistes veulent me le faire sentir à travers Twitter depuis ce matin.
Alors, je les salue en leur disant que je ne leur dis pas quoi faire en
journalisme et j'espère qu'ils en font autant pour les parlementaires.
La collègue
de Vachon, qui a très peu de temps, a fait une proposition à l'Assemblée
nationale indiquant qu'au fédéral, à
moins que je me trompe, il pourrait avoir l'équivalent... également ce crédit
d'impôt, c'est ça, de 35 % sur masse salariale des journalistes de la salle de presse. C'est ça? Ça serait
quelque chose d'intéressant pour l'ensemble des médias?
M. Myles (Brian) : C'est une demande
qu'on a déjà faite par la Coalition pour la pérennité de la presse d'information. C'est dans le rapport du Forum des
politiques publiques, Le miroir éclaté. Je sais qu'il y a certaines
réticences chez les députés. Il y en
a qui nous disent : On ne veut pas donner l'impression de financer des
salaires de journalistes...
M.
Bérubé : ...à
Québec ou à Ottawa?
M. Myles
(Brian) : J'en ai eu des deux côtés, autant à Québec qu'à Ottawa, des
gens qui me disaient : On a un malaise à financer des salaires de
journalistes. Alors, est-ce qu'ils vont privilégier cette voie-là? Je n'en sais
rien. Les décisions finales n'ont pas été
prises, mais, quoi qu'il en soit, au Devoir, 50 % des dépenses,
c'est de la masse salariale de la rédaction.
• (20 h 20) •
M.
Bérubé :
Alors, je présume que ça serait quelque chose... Vous pourriez vous en
prévaloir, ça serait quelque chose de...
M. Myles (Brian) : ...mais
ce qu'on veut éviter, c'est qu'on vienne mettre des conditions. Il y a tout le
temps le spectre qu'on soit obligés d'adhérer au Conseil de presse ou
obligés de ceci, obligés de cela, et...
M.
Bérubé : C'est une proposition que vous accueillez plutôt
positivement. Si d'aventure le gouvernement fédéral voulait aller de
l'avant, vous pourriez vous en prévaloir en évaluant les conditions.
Alors, ce que je veux
vous dire, c'est qu'il m'apparaît que l'Assemblée nationale pourrait jouer un
rôle pour demander unanimement à Ottawa d'intervenir en ce sens, ce qui
s'ajouterait, je dirais, aux différents moyens à la disposition de La Presse, mais de d'autres médias également,
pour préserver les emplois importants de journalistes dans la salle de
presse.
Je
vous indique que nous appuyons cette proposition, je vous indique que
l'instigatrice est la députée de Vachon. À ma connaissance, je crois qu'il y a Québec solidaire qui appuie
également, et nous espérons dans les prochains jours, voire les prochaines heures, convaincre le
gouvernement, qui a refusé cette motion, de vous permettre d'avoir accès à des
moyens supplémentaires pour assurer une stabilité des salles de presse et de
payer les gens que vous engagez, les artisans
de l'information. Alors, je vous informe de ça, que, pour nous, ça ne remplace
pas... on ne veut pas s'ingérer dans la
structure. Les questions qu'on pose, elles m'apparaissent légitimes. Mais on
cherche aussi. En échangeant avec vous, il nous apparaît qu'on voit les défis, comment on peut aussi réfléchir
comme parlementaires à des moyens supplémentaires pour aider l'ensemble
des médias.
Et
je vous indique qu'on va tenter d'obtenir ce consensus et de convaincre à
nouveau le gouvernement, qui avait refusé d'appuyer cette motion qui
serait bénéfique pour les médias québécois, quels qu'ils soient. Voilà. Je
crois que je n'ai pas beaucoup de temps encore.
La Présidente (Mme
de Santis) : 20 secondes.
M.
Bérubé : Je vous remercie. Je vous indique, et je le dis à
travers vous, que notre souhait, c'est que cette pièce législative
puisse être adoptée d'ici le 15 juin prochain. Nous réservons notre vote,
suite à un échange avec le caucus, de façon
démocratique, un peu comme ça se passe au Devoir... et vous dire
que ces questions, elles sont posées, mais nous sommes très conscients
de l'importance historique de La Presse et du Devoir.
La
Présidente (Mme de Santis) : M. le député, merci beaucoup. Maintenant,
la parole est à la députée d'Iberville pour six minutes.
Mme
Samson : Merci, Mme la Présidente. Bonsoir, messieurs. En tout cas, on
pourra dire que votre présentation a le mérite d'être claire, presque
comme la totalité de vos papiers, M. Myles, c'est bon.
M. Myles
(Brian) : Merci.
Mme
Samson : Et j'écoutais également, Me Ryan, vos explications sur
le modèle. Dans le fond, Le Devoir a été un précurseur d'un nouveau modèle parce que...
Est-ce que c'est parce que vous aviez compris assez rapidement que le
modèle traditionnel : j'ai des pubs, j'ajoute quatre pages, je n'ai pas de
pubs, j'enlève quatre pages, ça ne pouvait pas fonctionner? C'est un calcul qui se faisait dans mon temps, en tout cas,
là : j'ajoute des pages si j'ai des pubs, j'enlève des pages... D'ailleurs, j'ai toujours trouvé que
c'était moins frustrant, la presse écrite, que la télévision. La télévision,
quand le bulletin de nouvelles, il
part, là, on ne peut pas enlever des topos, là, il faut livrer. C'est comme un
avion, les bancs ne se vendent pas
pendant qu'on vole, hein, il faut les vendre au départ. Mais, vous êtes aussi
un précurseur, certainement, dans la création d'un nouveau modèle de financement,
avec des sources différentes.
Là,
j'entends M. Myles nous dire qu'il y a certainement d'autres programmes ou
d'autres mesures qui peuvent être mis
en place pour aider les médias à passer au travers, parce que, comme je l'ai
dit un peu plus tôt — vous
étiez dans la salle — moi, j'ai l'impression qu'il y a une autre
vague qui va venir après, ça va être la radio, la télévision, et tout ça.
Dans votre virage que
vous avez pris, est-ce que vous avez senti que vous pouviez trouver au Québec
les ressources tant humaines que financières
pour... Est-ce qu'on a les connaissances, le «know-how», l'expertise pour
vraiment accompagner les médias dans le virage numérique? Est-ce qu'on
est assez outillé?
M.
Ryan (André) : Je vais vous parler quelques secondes et je vais céder
la parole à M. Myles. D'abord, on prend les compliments quand ils
passent, on vous remercie.
Dire
qu'on a été précurseur, je pense que c'est vrai, en partie. Moi, je peux vous
dire que j'ai accédé au conseil d'administration
en 2012, et, depuis 2012, on réfléchit aux transformations, puis on est
conscients de ce qui se passe. Le secours
qu'on a eu par contre, c'est qu'en regardant en arrière, en regardant dans
notre histoire, on a trouvé les jalons de certains éléments de réponse, puisque, de manière ponctuelle, on avait
vécu des crises et on était parvenus à y répondre avec des choses qui existaient, et je donnais
l'exemple des Amis du Devoir, qui ont, comme Brian l'a signalé, depuis 1915, accompagné Le Devoir en période de
tumulte, et ils étaient là, ils étaient disposés, puis c'était une armée de
gens de coeur, de bonne volonté, qui
ont cru au projet, puis qui ont adhéré très rapidement. Donc, oui, on a été
précurseur en ce sens-là. Pour le reste, je te cède la parole, Brian.
M. Myles
(Brian) : Bien, on est
restés très humbles là-dedans, parce que, si on avait trouvé la recette, là, et
le modèle d'affaires puis qu'on était
les précurseurs, comme vous le dites, on l'aurait fait breveter puis on le monétiserait,
notre modèle.
Ça
s'est fait, je dirais, par intuition et parfois même par accident. Le Devoir n'a jamais été un succès d'audience, ça a toujours été une niche, hein, ciblée sur la politique,
la culture, le débat d'idées, le média qui a voulu tirer le Québec vers
le haut, l'amener à se dépasser. Et forcément on est tombés sur un
positionnement qui est en tête d'épingle. Et la seule façon de tirer son épingle du jeu, c'est de
dépendre de ses lecteurs et des abonnements. On ne peut pas monétiser ça par la
publicité, une niche.
Là, ce qui
est arrivé, c'est que Google et Facebook accaparent 80 % du revenu
publicitaire nord-américain, et la publicité
ne reviendra pas dans nos médias. Leur force de frappe, leur capacité de capter
le revenu publicitaire, elle est incomparable
et elle est imbattable. Et récemment j'étais dans un congrès à Washington, de
gens qui réfléchissent à l'univers des
médias, et quelqu'un a dit : On est passé d'un statut de média de
masse à média de niche. Et ça, ça vaut pour tous les types. Vous savez, le New York Times, aujourd'hui, dont on vante les succès, c'est devenu l'équivalent d'un média de
niche, parce que le nombre d'abonnés qu'ils
ont, pour un marché de 350 millions de personnes, n'est pas si élevé que ça, il est juste
quatre fois plus gros que le nôtre.
Alors, dans une niche, forcément, par les
abonnements, c'est une façon de s'en tirer, mais ça reste fragile. Le Devoir a 66 % de ses revenus tirés de l'abonnement. On abonne des gens,
au numérique comme au papier, hein, ce n'est
pas vrai qu'on ne peut pas faire payer les gens sur le numérique, et on
monétise notre papier, on ne perd pas d'argent avec le papier, les lecteurs
papier sont prêts à payer cher pour le produit et ils veulent s'injecter du
papier pour 20 ans encore.
Alors, on fait un mixte, une addition de plateforme numérique et de papier, et
on essaie de miser sur l'abonnement. Avec la philanthropie et
l'abonnement, on arrive à 7 $ sur 10 $.
Est-ce qu'on
a les outils? On ne les a pas tous. On a besoin de se doter d'outils
d'intelligence d'affaires, de suivre nos
audiences, de créer des contenus ciblés, des verticaux. Et on ne peut pas se
permettre de développer ces technologies-là, il
faut aller chercher des licences. Et, notre innovation, on la fait dans les
contenus, on la fait dans les formats interactifs, on a fait une carte extraordinaire, on a pris les
données du recensement sur la langue et on a fait une carte qui s'intitulait
Quelles langues parle-t-on dans votre
quartier?, et, sur notre téléphone
mobile, ici, on peut localiser la langue parlée par son voisin. Donc, on innove par les contenus, on
n'innove pas par notre capacité de breveter de la technologie nouvelle. Ça vient avec un coût. Ce qu'on a sauvé dans les vieux
frais d'impression et de distribution, on le repaie dans les nouveaux frais,
qui est le frais de développement technologique et d'acquisition de licences.
Mme Samson : Merci, Mme la
Présidente.
La
Présidente (Mme de Santis) : Merci. Maintenant, la parole est à la
députée de Vachon pour trois minutes.
Mme
Ouellet : Merci, Mme la
Présidente. Bienvenue. Vous avez parlé beaucoup de la gouvernance, vous étiez
très fiers de votre modèle de gouvernance, comment vous nommiez, là, les
directeurs, puis tout ça. Est-ce que vous diriez que le modèle de gouvernance proposé par Power Corporation pour l'OBNL,
qui est très différent du vôtre, où vous, vous avez clairement une indépendance, que, par rapport à vous, en tout cas,
il n'y a pas d'indépendance, et qu'à ce moment-là ça pourrait même faire en sorte que, lorsqu'on
parle de liberté de presse, la liberté de presse n'est plus complètement là?
M. Ryan (André) : Ce que je peux
vous dire... et je ne pense pas être qualifié, à titre de président du conseil
d'administration du Devoir, pour commenter la structure de gouvernance
proposée par Power Corporation. Nous, on est
extrêmement fiers de la nôtre — par La Presse,
pardon — et on
estime, et ça a toujours été au coeur de la mission du Devoir,
que la mise en place... des structures propres à assurer l'indépendance de
l'équipe éditoriale sont fondamentales, sont une caractéristique, je
dirais, dominante, pour laquelle le journal est reconnu.
Brian a parlé tantôt de média de niche. Dans la
niche que nous occupons, on estime que c'est une donnée fondamentale et on ne fera pas de compromis sur celle-là. À l'occasion
de la recapitalisation que nous avons complétée l'année dernière, on a
échangé avec nos partenaires, et ça faisait partie tellement de notre ADN
qu'ils l'ont acceptée.
Mme
Ouellet : Vous estimez que
c'est fondamental. Est-ce que vous estimez que c'est aussi de la responsabilité
des parlementaires de s'assurer de l'indépendance de l'équipe de direction?
• (20 h 30) •
M. Myles (Brian) : Moi, je dirais
qu'on met le pied sur une pente savonneuse, à partir de là.
Mme
Ouellet : Pas de
l'orientation, de l'indépendance. Parce que vous êtes très préoccupés par
l'indépendance par rapport aux
parlementaires, mais vous ne semblez pas être très préoccupés par
l'indépendance par rapport à d'autres entités.
M. Myles (Brian) : Il y a
l'indépendance rédactionnelle, qui est fondamentale. Mais des entreprises de possession privée, il y en a, il y en a plusieurs.
La vraie question au fond, c'est : Est-ce que ça va être un véritable OBNL?
Puis ça, c'est l'expérience qui va le montrer.
Mme Ouellet : Oui, mais
l'infrastructure présentée, il y a quand même des signes précurseurs. Et, si on
voit qu'il n'y a pas d'indépendance de l'équipe rédactionnelle, si on voit
qu'il n'y a pas d'indépendance de la ligne éditoriale... Vous dites, c'est vous
qui décidez la ligne éditoriale — la ligne éditoriale serait imposée dans
le cas de l'OBNL — et qu'il ne faut pas tenir le crayon à la
place des gens. On a déjà des signes précurseurs qui démontrent que l'indépendance ne sera, à tout le moins, pas
complète. Il n'y a pas une préoccupation de votre part que... Vous avez une
très grande
préoccupation que ça reste indépendant du politique, mais le politique, on n'a
pas la... on ne devrait avoir la préoccupation
qu'il y ait une indépendance, justement pour que ça soit indépendant ni dans
une direction ni dans l'autre, mais que ce soit indépendant? Parce qu'actuellement
ça ne semble pas être le cas du côté de l'OBNL avec Power Corporation.
M. Myles (Brian) :
Personnellement, je ne souhaiterais pas être obligé de venir témoigner de
l'indépendance de ma structure devant des
parlementaires. C'est les règles de gouvernance qu'on se donne qui créent
l'indépendance, et on s'est doté d'un
système de pouvoirs et de contre-pouvoirs : le directeur qui est nommé par
les fiduciaires, le directeur nomme la moitié du conseil, l'autre moitié
vient des actionnaires, le syndicat qui siège au conseil et qui a accès à l'ensemble des données financières de
l'entreprise, la reddition de comptes qu'on fait aux employés, je présente le
rapport annuel avec l'ensemble des chiffres à l'ensemble du personnel...
La Présidente (Mme de Santis) :
...terminé.
M. Myles (Brian) : ...et puis,
pour moi, c'est là où on réussit à asseoir dans l'expérience et dans le temps
la viabilité de la structure.
La
Présidente (Mme de Santis) :
Merci beaucoup, M. Myles. Merci, M. Ryan. Nous
apprécions énormément votre
contribution à nos travaux. Merci à tous ceux et celles qui ont participé.
Alors, la commission
ayant accompli son mandat, je lève la séance, et la commission
ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 20 h 32)