(Onze
heures vingt-huit minutes)
La Présidente (Mme
de Santis) : Bienvenue aux auditions des intéressés et étude détaillée
du projet de loi d'intérêt privé n° 234, la Loi modifiant la Charte de
l'Université de Montréal. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de
l'éducation ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle d'éteindre
la sonnerie de leurs appareils électroniques.
La
commission est réunie afin de poursuivre l'audition des intéressés et l'étude
détaillée au projet de loi d'intérêt privé n° 234, la Loi modifiant
la Charte de l'Université de Montréal.
Mme la secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
La Secrétaire :
Non, Mme la Présidente, aucun remplacement.
Auditions
(suite)
La
Présidente (Mme de Santis) : Merci. Aujourd'hui, nous allons entendre
l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université,
la Fédération des professionnèles, Confédération des syndicats nationaux, et
M. Michel Seymour, professeur titulaire au Département de philosophie de
l'Université de Montréal.
Je souhaite la
bienvenue à l'Association canadienne des professeures et professeurs
d'université. Je vous rappelle que vous
disposez de 10 minutes pour votre exposé, et par la suite nous allons
procéder à la période d'échange avec
les membres de la commission. D'abord, j'aimerais que vous vous présentiez et
ainsi que les personnes qui vous accompagnent, et vous pouvez procéder
immédiatement à votre exposé. Allez-y.
Association
canadienne des professeures
et professeurs d'université (ACPPU)
M. Bélanger
(Karl) : Merci beaucoup. Bonjour, Mmes et MM. les députés. Tout
d'abord, nous tenons à vous remercier
pour cette opportunité. Je m'appelle Karl Bélanger, je suis conseiller
politique à l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université. Je suis en compagnie de
M. Robin Vose, qui est le président sortant de l'association.
C'est un honneur pour
nous de présenter la position de l'ACPPU auprès de cette commission de
l'Assemblée nationale. Créée en 1951, l'ACPPU est le porte-parole pancanadien
du corps universitaire. L'ACPPU compte plus de 70 000 professeurs, bibliothécaires, chercheurs et autres
universitaires dans quelque 122 universités et collèges à travers
le pays. L'ACPPU travaille activement, dans l'intérêt public, à améliorer la
qualité et l'accessibilité de l'enseignement postsecondaire
au Canada. Depuis sa fondation, l'ACPPU défend fermement la liberté académique.
C'est la raison principale de notre
présence ici aujourd'hui. La défense de la liberté académique, toujours
étroitement à la gouvernance collégiale, est d'ailleurs la raison
fondamentale qui a donné naissance à notre association.
• (11 h 30) •
M. Vose
(Robin) : À l'ACPPU, nous prenons toute question touchant l'éducation
postsecondaire très au sérieux et nous profitons d'une perspective
nationale, même internationale, formée au long de 66 ans de lutte pour la
liberté académique et la gouvernance
collégiale au Canada. Et ce sont pour ces raisons et spécifiquement à cause des
inquiétudes générées par le projet de loi n° 234 que nous avons
initié une étude détaillée sur les systèmes de gouvernance universitaire à
travers le Canada. Nous sommes à examiner les chartes, les lois, les règlements
et les politiques qui régissent
31 universités au Canada, et notre rapport sera rendu public dans quelques
semaines, et il serait probablement avantageux
pour les membres de la commission d'en prendre connaissance. Cette étude nous
permet déjà de voir que les changements proposés dans le projet de loi
n° 234 sont fort inquiétants. Nous investissons beaucoup de ressources
et d'efforts dans ce rapport, car ce genre
de modifications à une université a tendance à servir de précédent pour
d'autres dans notre secteur. Et nous craignons donc l'impact potentiel
de ces changements extraordinaires que la direction de l'Université de Montréal cherche actuellement à imposer unilatéralement
sans l'accord des professeurs et des professeures qui devraient être au
coeur même de toute gouvernance universitaire.
Il y a trois dangers
principaux qui découlent de ce projet de loi et ils sont tous reliés : une
atteinte à la liberté académique, une
déformation de la gouvernance collégiale et une altération des conditions de
travail, qui n'a nullement été
négociée avec les professeurs. Or, la liberté académique, pierre angulaire et
condition essentielle pour toute université digne de ce nom, repose en grande partie sur la capacité de ceux et
celles qui ont dédié leur vie professionnelle aux fonctions fondamentales de l'université en tant que chercheurs
et enseignants, c'est-à-dire les professeurs, de participer pleinement et librement à sa gouvernance. Sans cette
participation, il y aura érosion inévitable de la liberté académique. Il n'est
pas souhaitable de laisser une université taire la voix de ses professeurs et
diminuer leur influence, notamment en matière de curriculum,
d'utilisation des ressources ou de discipline académique.
Les changements proposés dans ce projet de loi,
telles l'introduction inédite de membres externes soi-disant indépendants et la modification à la gouvernance
qui forcera les doyens à répondre seulement et directement aux recteurs et aux conseils
d'administration plutôt qu'à leurs pairs professoraux et à l'assemblée
universitaire, auront pour effet de diluer
l'influence des professeurs dans tous les aspects de la gouvernance de
l'université. L'introduction d'un système plus autoritaire, plus
centralisé, plus vertical où le pouvoir est concentré de plus en plus dans les
mains de quelques gestionnaires et des
administrateurs qui ne sont pas des professeurs serait un malheureux précédent.
Ces gens n'auront ni l'expertise ni
la liberté académique nécessaire pour remettre en question les décisions de la
direction, et cela risque manifestement
d'entacher la raison d'être même de l'université, c'est-à-dire le libre
développement et la diffusion de la connaissance dans l'intérêt public.
Il
y a évidemment des aspects de ces changements proposés dans ce projet de loi
qui sont séculiers concernant des
clauses qui ne se retrouvent pas dans les autres universités canadiennes. Mais
nous reconnaissons aussi dans ce projet de loi une tendance troublante, la centralisation des pouvoirs dans les
mains du recteur et de son conseil, que nous avons en effet déjà constaté sur quelques campus du pays
et d'habitude à l'extérieur du Québec. Et nous pouvons témoigner que les effets de ces changements sont toujours
néfastes pour l'intérêt public, car une université ne doit pas être gérée comme
une entreprise privée.
Il
existe plusieurs exemples. Prenons celui de l'Université de Calgary, qui vient
de faire l'objet d'une enquête pour atteinte à la liberté académique.
Cet exemple démontre bien les dangers de laisser le secteur privé étendre son influence dans nos universités. Notre enquête, qui s'est échelonnée sur deux ans, a démontré qu'il y avait un climat de peur au sein du personnel
académique. Ce climat forçait les gens à se taire, alors que leurs dirigeants,
qui recevaient ou dirigeaient des
avantages pour leur collaboration avec une compagnie,
donnaient des laissez-passer aux intérêts corporatifs de la compagnie
gazière Enbridge. Cette compagnie voulait utiliser les ressources publiques et
l'autorité scientifique de l'université pour
combattre l'image négative résultant de leurs dégâts environnementaux. C'est là
un exemple, il y en a bien d'autres.
Mais vous comprenez
bien que toute transformation de l'université qui diminue la liberté académique
en favorisant la concentration des pouvoirs
et/ou l'augmentation des voix externes au détriment de celles des professeurs
risque de détourner la mission universitaire des intérêts publics vers les
intérêts privés. Par ailleurs, permettez-moi de souligner que de permettre à des philanthropes de siéger activement sur
les instances et de participer à la gouvernance de l'université n'est qu'un moyen détourné pour permettre aux
entreprises d'influencer les décisions, ce qui nuira évidemment à la
liberté académique, et on n'a qu'à penser à l'influence des frères Koch sur les
universités américaines.
M. Bélanger
(Karl) : Charité bien ordonnée commence par soi-même, évidemment. Il y
a aussi, évidemment, des questions
légales qui ont déjà été mentionnées au cours des travaux de cette commission.
Lorsque les changements dans la
charte ont pour but ou pour conséquence de modifier les conditions de travail
de professeurs sans passer par la table
de négociation, nous devons nous objecter avec force et vigueur. Si la charte
devait être adoptée dans les circonstances actuelles, cela créerait un précédent dommageable pour les relations de
travail dans le monde académique. Nous craignons aussi que cela ne
devienne un cheval de Troie pour le reste du Québec et du Canada.
M. Vose
(Robin) : Alors, soulignons qu'une autre administration a déjà essayé
d'obtenir le passage d'un projet de loi semblable, celle de l'Université
du Nouveau-Brunswick, l'année passée, mais c'était une loi publique dans ce cas-là. Ce projet a finalement été retiré à cause
de l'opposition acharnée des professeurs, opposition que le gouvernement
reconnaissait comme obstacle insurmontable
pour effectuer des changements de telle importance à l'université. C'était
une bonne décision.
Les universités ont
une longue tradition solennelle et elles rendent de grands services à la
société, alors il faut absolument défendre
leur liberté et le fait qu'elles travaillent pour le bien public. Pour ce
faire, nous croyons qu'il faut comprendre les normes universitaires
ailleurs au Québec, au Canada et dans le monde.
M. Bélanger
(Karl) : La dernière refonte majeure de la charte remonte à
50 ans. Quelques constats : premièrement, une fois adoptée,
cette charte pourrait demeurer figée dans le temps très longtemps;
deuxièmement, s'il y a lieu de moderniser la
charte, il demeure que l'Université de Montréal fonctionne tout de même bien
sous le régime actuel, il n'y a donc pas urgence d'agir; troisièmement,
il n'y a pas de crise appréhendée, à une exception près, celle qui découle du processus actuel. Pour faire des changements aussi
fondamentaux, il faut bien le faire, il faut prendre le temps nécessaire,
et tout ça de manière démocratique et
collégiale, pas en imposant sa volonté. Force est de constater que l'opposition
des professeurs de l'Université de Montréal est manifeste.
M. Vose
(Robin) : Alors, il y a beaucoup d'opposition à ces changements, c'est
évident en regardant les travaux de
cette commission. Il reste donc encore beaucoup de travail à faire, et c'est
sur le campus de l'Université de Montréal qu'il faut le faire, pas à l'Assemblée nationale. Ni les professeurs de
l'Université de Montréal ni leurs pairs à travers le pays ne sont d'accord avec ce projet de loi qui va
causer l'érosion de la collégialité. D'ailleurs, ces changements proposés
pour la Charte de l'Université de Montréal
ont été discutés au conseil de l'ACPPU à la fin du mois de novembre, et les
200 quelques délégués ont été unanimes en
condamnant le projet de loi n° 234 et la direction de l'Université de
Montréal, unanimes. Selon mon
expérience, c'est assez rare quand les professeurs d'université s'entendent
comme ça. Alors donc, nous concluons avec ça. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme
de Santis) : Merci à vous. Alors, maintenant nous allons procéder à
une brève période d'échange avec les membres de la commission. Pour le
gouvernement, le député de D'Arcy-McGee, s'il vous plaît.
M. Birnbaum : Merci, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme de
Santis) : Vous avez 9 min 30 s.
• (11 h 40) •
M. Birnbaum :
9 min 30 s Merci, M. Vose, M. Bélanger, pour votre
intervention. Une petite précision pour commencer. Je note que vous êtes une
association pancanadienne qui représente quelque 70 000 professeurs.
Est-ce que c'est une adhésion individuelle? Et, si oui, est-ce qu'il y a une
forte majorité des profs à l'Université de Montréal qui s'adhèrent? Comment ça
marche?
M. Vose (Robin) : Non, c'est
chaque syndicat ou association des professeurs de chaque université qui se
rejoignent avec l'ACPPU.
M. Birnbaum :
Donc, l'association, j'imagine, de l'Université de Montréal est membre en bonne
et due forme?
M. Vose (Robin) : Non. Depuis
les années 80, ils ne le sont pas.
M. Bélanger
(Karl) : 1990... 1995. Donc, on ne représente pas les gens de
l'Université de Montréal. On représente quelques universités au Québec, dont les gens de l'Université Laval,
Bishop's, Concordia, McGill. Mais nous ne sommes pas ici afin de représenter les gens de l'Université de Montréal, mais
bien l'ensemble des professeurs d'université que nous avons nommés au
début.
M. Birnbaum :
Non, mais, avec respect, de qualifier votre intervention en termes de son lien
avec les instances, y compris des profs de l'Université de Montréal,
serait difficile. Vous êtes ici à votre propre titre, comme organisme
pancanadien, si je peux.
M. Vose
(Robin) : Oui, et c'est pour ça que nous ne voulons pas vraiment
entrer dans les détails de la gouvernance à l'Université de Montréal. Selon nous, c'est pour les professeurs, les
syndicats, la direction de négocier les détails comme ça. Nous sommes là surtout pour partager nos
expériences au niveau national, international, l'histoire que nous avons vécue.
M. Birnbaum :
Entendu. Et j'imagine, avec respect, que notre ministre, notre gouvernement,
nos collègues des deux formations de l'opposition partagent votre
adhérence sur une valeur de base, c'est-à-dire la liberté académique. Alors, je
crois, on va s'entendre qu'on est sur la même longueur d'onde là-dessus.
Vous parlez de
ne pas tomber dans les détails, mais en même temps j'ai entendu l'utilisation du
mot «unilatéralement» quand on
parlait des délibérations de toutes les instances d'université qui nous
auraient amenés à ce point-ci. Est-ce
que vous avez examiné de près les délibérations, le processus, qui était assez
élaboré, avec échanges assez musclés,
j'imagine, mais des échanges qui ont eu lieu au cours des plusieurs derniers
mois au sein de l'université impliquant toutes sortes d'instances, y compris le corps professoral? Pouvez-vous
expliquer votre choix de ce mot, «unilatéralement», pour qualifier le
processus qui nous aurait amenés à cette étape-ci?
M. Vose
(Robin) : Oui. Bon, les universités sont des communautés assez
compliquées, nous comprenons ça. Et nous
étions ici au mois de décembre pour entendre quelques-unes des présentations,
alors nous connaissons quelques détails de l'historique ici avec le
processus de consultation qui a été suivi. Et le fait que, l'Assemblée
nationale, il y avait peut-être quelques votes, il y avait des consultations à
ce niveau-là, il y avait d'autres professeurs qui boycottaient les discussions, c'est typique. Nous voyons ça
dans tous les sénats, dans toutes les assemblées universitaires. C'est pour
ça qu'il faut vraiment, pour avoir des
consultations efficaces et pour avoir des discussions qui amènent à un accord
partout à l'université, faire des consultations à plusieurs niveaux. Il
faut essentiellement... c'est central pour nous, il faut discuter et prendre au sérieux la consultation
avec les syndicats. C'est les syndicats qui sont les représentants légaux des
professeurs, et de faire des consultations,
de chercher des accords sans leur voix, sans leur implication, pour nous, ça
entre dans des difficultés, disons, oui.
M. Birnbaum :
Maintenant, j'aimerais vous entendre sur votre vision de collégialité, si je
peux, je me permets l'expression en
anglais, «zero-sum game». Ça m'étonne, avec respect, d'entendre, à quelque
part, une vision, je me permets de le
dire, qui a l'air d'être basée sur l'idée qu'on parle d'un genre de complot.
J'accepte, et je vous entends, votre exemple d'Enbridge. Il me semble qu'on parle, là-dessus, d'une distorsion du
rôle d'université. En même temps, on parle d'une instance qui est
imputable, à quelque part, si pas sur le plan légal, à sa communauté dans toute
sa diversité. Une université dont la mission
va beaucoup plus loin que... sa mission de base, c'est d'informer, d'être là
pour le bien-être et l'épanouissement de ses étudiants, mais ça va plus
loin que ça. Et je n'entends pas, dans votre discours, une ouverture au rôle
légitime des membres indépendants, qui peuvent jouer un rôle, j'oserais croire,
complémentaire et catalysateur pour une
université, comme l'Université de Montréal, qui veut et qui prend sa place totale dans la société québécoise et internationale. Alors, je vous invite à me parler, de nous
parler un petit peu de votre vision de la complémentarité des
partenaires dans le rôle des universités.
M. Vose
(Robin) : Bon, c'est toujours
difficile pour moi parce que je suis un historien médiévaliste, alors je pense
à toute une histoire de centaines
d'années des universités, et on voit toute une diversité d'approches sur
ces questions-là. Mais,
pour nous, le fondamental, c'est que la voix des professeurs doit rester au
coeur de l'université. Ça doit être central, ça doit être déterminatif. S'il
y a d'autres voix — et
ça existe déjà, il existe déjà plusieurs
différentes sortes d'administrateurs sur le
conseil universitaire — il y a un équilibre qui doit s'établir. Et, pour nous, l'important, c'est de ne pas éroder ou perdre l'importance de la voix des
professeurs de carrière, les professeurs qui sont là pour gérer l'université.
En
ce qui est des membres indépendants, nous avons des problèmes avec ça parce
qu'il y a, dans le projet de loi, une
emphase sur cette indépendance qui, pour nous, c'est quelque chose de... c'est
questionnable. L'indépendance, ça veut
dire quoi? Tout le monde a des liens, tout le monde a des intérêts. Et le fait
que les professeurs, leur intérêt, c'est de bien gérer l'université, c'est d'avoir une université basée sur
l'intérêt public, sur la liberté académique... ça, c'est leur intérêt, mais c'est quoi, l'intérêt des autres qui vont
servir sur le conseil de l'université? S'ils sont là en tant que philanthropes,
bien, c'est un joli mot, mais encore ils ont
peut-être des intérêts d'entreprise, des intérêts de niveau financier. S'ils
sont là parce qu'ils ont des liens politiques avec le gouvernement ou
avec les projets de l'administration, encore ce n'est pas indépendant.
Alors,
le fait que les amendements ici à la charte cherchent à mettre l'emphase sur
l'indépendance, que nous ne croyons
pas que ça existe vraiment à ce niveau, et qui insiste qu'ils doivent avoir la
majorité au conseil universitaire, ça risque de changer l'équilibre dans
une manière que nous trouvons dangereuse.
La Présidente (Mme
de Santis) : 24 secondes.
M. Tanguay :
24 secondes. Dans votre définition, vous faites référence, lorsque vous parlez
des indépendants, du conseil de
l'Université de Montréal, c'est ça? Est-ce que, là-dedans, donc, vous ciblez
les diplômés également comme étant des indépendants?
M. Vose
(Robin) : Bien, les diplômés, je suppose qu'ils sont considérés des
indépendants dans le projet de loi. Les
diplômés sont juste des gens qui ont quitté l'université et ils ont leurs
propres intérêts maintenant. Ils sont peut-être des avocats, peut-être
des cadres.
M. Tanguay :
Mais avez-vous noté — dernière
question — que la
proportion d'indépendants passait de 67 % à 58 % avec le
projet de loi?
La Présidente (Mme
de Santis) : Merci beaucoup. Maintenant, la parole est au porte-parole
de l'opposition officielle pour 5 min 6 s.
M. Cloutier :
Merci, Mme la Présidente. Alors, à mon tour de vous souhaiter la bienvenue.
Vous introduisez votre mémoire en
disant qu'il y a une différence entre ce qui se fait ici, au Québec, et
ailleurs dans le reste du Canada. D'abord, j'aimerais ça vous entendre un peu plus sur les modèles d'administration
du reste du Canada. Puis deuxième chose, c'est : Est-ce que vous jugez que les amendements ou les
modifications qui sont proposés dans le projet de loi tendent à se diriger
vers un modèle qui serait plus canadien que québécois?
• (11 h 50) •
M. Vose
(Robin) : C'est toujours compliqué encore. Je suis professeur, je
pense comme ça, c'est compliqué. Il y a
certainement des différences parmi toutes les universités au Québec, mais ce
que nous constatons dans nos études préliminaires,
cette étude que nous faisons de toute la gouvernance, c'est qu'au Québec, à
Laval, à l'Université de Montréal en particulier, qu'on a vu, vous avez bien
fait de défendre, de préserver la liberté académique à la gouvernance collégiale d'une manière plus efficace que dans
certaines universités dans le reste du Canada. Nous voyons cette marche vers la marchandisation qui s'effectue beaucoup
plus rapidement, beaucoup plus destructivement au reste du Canada, le Canada anglophone en particulier et aux États-Unis, évidemment, il y a
des liens, là. Alors, oui, je dirais qu'il y a des leçons que le reste du Canada, les autres universités
devront apprendre des universités québécoises et je crois que certaines des directions dans lesquelles ces changements vont
rapprocheront l'Université de Montréal plutôt au modèle du reste du Canada.
M. Bélanger
(Karl) : Si je peux me
permettre d'ajouter, c'est un peu comme si on vous demandait de préserver le
modèle québécois. Il y a une spécificité québécoise à laquelle les universités
canadiennes devraient aspirer. Il y a une tendance lourde partout en Amérique
vers la centralisation des pouvoirs, mais au Québec c'était moins le cas
jusqu'à maintenant.
M. Cloutier : Mais la crainte que vous exprimez par rapport à la présence, dans le fond, de l'entreprise privée puis dans son influence, est-ce qu'elle est davantage liée à la
problématique de gouvernance ou ce ne sont pas d'autres règles qui devraient s'appliquer? Parce que le cas
que vous citez, là, le Enbridge Centre for Corporate Sustainability, déjà
c'est surprenant en soi que ça existe. Est-ce qu'il n'y a pas d'autres
mécanismes, finalement, pour préserver la liberté académique puis de recherche
qui sont autres que celle de la gouvernance comme telle?
Puis,
dans le fond, ce que j'essaie de dire, finalement, c'est, au-delà des règles de
gouvernance, si on accepte que l'entreprise privée vienne financer des
chaires de recherche à l'intérieur même des universités et qu'elles financent elles-mêmes des chercheurs, on a beau avoir le
meilleur modèle de gouvernance au monde, mais dans la mesure où, par l'autre
porte, on introduit la grande entreprise pour financer directement de la
recherche, il ne faut peut-être pas se surprendre,
en bas de course, qu'il pourrait y avoir une influence. Quand c'est Enbridge
qui finance puis ça s'appelle du développement durable, il me semble
que, je ne sais pas, ça soulève quelques enjeux, non?
M. Vose (Robin) : Mais la
liberté académique, c'est toujours fragile et c'est quelque chose... il y a
toute une histoire là. C'est fragile, c'est
menacé et ça subit une érosion sérieuse partout. Alors, pour nous, même des
changements... chaque
changement, il faut le questionner : Est-ce que ça contribue, est-ce que
ça aide à préserver la liberté académique ou est-ce que ça risque de
mener dans une direction négative pour la liberté académique?
Alors,
c'est juste de dire que ce n'est pas un changement qui va terminer avec la
liberté académique et qu'il y a d'autres
menaces. Même si on abandonnait ce projet de loi, il y aura évidemment d'autres
menaces. Mais nous devons questionner chaque changement et lutter comme
nous pouvons.
M. Bélanger
(Karl) : Et, jusqu'à un certain point, on codifie, on enchâsse cette
influence dans la charte.
M. Cloutier :
Mais, sur la présence du financement d'entreprises privées directement dans la
recherche, est-ce qu'il y a des
règles qui balisent ça? Et quelles sont-elles? Est-ce qu'il devrait... Est-ce
que c'est inclus dans les chartes des universités? Est-ce que c'est par
université qu'on retrouve ça ou est-ce qu'il y a une politique plus générale?
M. Vose
(Robin) : Chaque université est différente. L'ACPPU cherche à donner
des exemples et des directions pour
les universités. Dans le cas de Calgary, par exemple, on a fait notre enquête,
on a trouvé qu'il y avait des problèmes, on a fait des suggestions pour changer leur régulation. Parfois, il faut
censurer les universités qui agissent d'une manière vraiment négative
pour la liberté académique, et c'est quelque chose que nous faisons, à l'ACPPU.
La
Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup. Maintenant, la parole est
au porte-parole du deuxième groupe d'opposition pour
3 min 24 s.
M. Roberge :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci pour votre présentation. Quelques
petites questions. D'abord, vous vous inquiétez de l'arrivée de membres
indépendants. Moi, je vois aussi l'arrivée de diplômés dans la gouvernance.
Est-ce que, pour vous, l'arrivée des diplômés, ça fait partie de la
problématique ou vous vous inquiétez surtout d'autres membres dits indépendants
qui arriveraient dans la gouvernance, là, de l'université?
M. Vose
(Robin) : Est-ce que c'est la première fois que les diplômés entrent?
Je croyais que c'était juste un changement des numéros pour les diplômés.
M. Roberge :
Ce n'est pas la première... C'est un changement, mais il y a une place plus
grande faite aux diplômés dans la
gouvernance, selon le projet de loi. Donc, je me demande si, pour vous, ça,
c'est une menace. Parce que j'essaie de
distinguer... Vous dites : Bon, là, c'est dangereux pour la liberté
académique. Donc, j'essaie d'être très précis pour savoir, selon vous,
où se situe le problème précisément puis est-ce que les diplômés, pour vous,
font partie du problème.
M. Vose
(Robin) : Non, nous ne visons aucun secteur spécifique comme ça. Non,
pour nous, c'est surtout l'équilibre. Nous voulons sauvegarder l'équilibre des voix des professeurs avec les voix des non-professeurs. Et ce que
nous voyons ici, c'est l'emphase sur les
membres indépendants comme un groupe qui est en contraste avec les professeurs,
comme si les professeurs n'étaient pas indépendants et avaient une voix mineure
dans l'équilibre.
Alors,
ce n'est pas les diplômés, ce n'est pas les étudiants, ce n'est aucun groupe spécifique
que nous trouvons être une menace,
c'est quand on change l'équilibre et spécialement c'est le processus du
changement. Quand on change l'équilibre, même en face d'opposition
acharnée des professeurs, et quand même... alors c'est là où nous trouvons les
problèmes.
M. Roberge :
Et déjà, dans la charte, ça dit que les doyens sont nommés par le conseil. Avec
le projet de loi, ça dit encore «le
doyen est nommé par le conseil», ça ne change pas. Par contre, on dit :
«Le doyen relève du recteur ou du vice-recteur
que le recteur désigne.» Donc, j'imagine, c'est là où ça accroche pour vous, le
fait que le doyen relève du recteur. Est-ce que c'est bien, ça?
La
Présidente (Mme de Santis) : Une minute.
M. Roberge :
J'essaie de cibler les problématiques, parce qu'il faut qu'on améliore ce
projet de loi là, là.
M. Vose
(Robin) : Oui, encore pour ne pas entrer trop dans les détails de la
gouvernance de l'Université de Montréal,
mais c'est là encore que nous avons vécu des problèmes au niveau national avec
la liberté académique des doyens et leurs fonctions. Je cite le cas
Buckingham, à l'Université de Saskatchewan, où il y avait un doyen qui
s'opposait à quelques changements qui se faisaient à l'Université de
Saskatchewan contre son programme de santé publique pour bénéficier la santé
des grandes pharmacies, des grandes compagnies pharmaceutiques, et quand il
faisait ses plaintes de façon publique, il a
été congédié. L'ACPPU est intervenue pour protéger sa liberté académique, et
nous avons mis en question le rôle des doyens.
Alors, ici, nous
voyons ce danger d'aller dans la direction où les doyens sont de plus en plus
liés aux voix de l'administration de l'université sans...
La
Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup. Maintenant, la parole est
au député de Gouin pour deux minutes.
M. Nadeau-Dubois :
Bonjour. Merci des réponses aux questions. J'en ai une seule, pour ma part,
parce que je veux vous laisser le temps de parler. Selon vous, quelle serait
la principale conséquence de l'adoption de cette loi?
M. Vose (Robin) :
Merci. Oui, juste pour le faire d'une manière globale, ce serait un précédent
d'imposer des changements qui n'ont
pas été négociés avec les syndicats représentatifs des professeurs, des
changements imposés même avec l'opposition de plusieurs professeurs.
Comme j'ai dit plusieurs fois, les universités sont des communautés très compliquées avec beaucoup de discussions qui se
conduisent toujours, et c'est bien comme ça. Et, pour faire des grands changements, il faut vraiment avoir beaucoup de
consultations, beaucoup d'études, beaucoup de négociations pour s'assurer
qu'on a trouvé le moyen pour satisfaire la plupart des gens pour mettre fin à
toutes les peurs, pour procéder dans une direction positive pour l'université,
pour l'intérêt public, pour la liberté académique, etc.
Alors, c'est vraiment...
pour moi, de mon point de vue, du niveau national, le plus troublant ici, c'est
que le processus de consultation n'a pas été
suivi de manière assez démocratique et avec assez de considération pour les
droits syndicaux et les droits de voix des professeurs. Le fait que ça
va, selon nous, dans une direction plus susceptible à la marchandisation avec quelques atteintes possibles
sur la liberté académique, j'avoue qu'on ne peut pas prouver que ça va se produire le lendemain, mais le précédent qui
est établi que la gouvernance de l'université peut produire des changements,
consulter...
La Présidente (Mme
de Santis) : Merci beaucoup, M. Vose et M. Bélanger.
Mémoire
déposé
Maintenant, je dépose
le mémoire de l'Association canadienne des professeures et professeurs
d'université.
Nous
allons suspendre pour quelques minutes pour qu'on puisse aller voter. On
revient aussitôt que possible. Merci.
(Suspension de la séance à
12 heures)
(Reprise à 12 h 21)
La Présidente (Mme
de Santis) : Nous allons reprendre nos travaux. Nous reprenons nos
travaux.
Est-ce que
j'ai le consentement pour qu'il
y ait une extension de
10 minutes, jusque 13 h 10? O.K. Alors, on va procéder assez vite. Cela va permettre
6 min 30 s pour le gouvernement, 3 min 54 s pour l'opposition officielle, 2 min 36 s pour deuxième opposition
et une minute pour le député de Gouin.
Alors,
je souhaite la bienvenue à la Fédération des professionnèles, Confédération des syndicats nationaux. Je vous
rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, et par la suite on va procéder à la période d'échange
avec les membres de la commission. S'il vous
plaît, veuillez vous présenter et ensuite procéder immédiatement à votre
exposé.
Fédération
des professionnèles (CSN)
Mme Briand
(Louise) : Merci, Mme la Présidente. Je m'appelle Louise Briand, je
suis vice-présidente du secteur universitaire de la Fédération des professionnèles
de la CSN, et c'est à ce titre que je m'adresse à vous aujourd'hui. La
Fédération des professionnèles compte parmi ses membres
1 500 professeurs d'université qui sont regroupés dans deux syndicats, à savoir le syndicat des
professeurs de l'UQAM et le syndicat des professeurs de l'UQO, et ces deux
syndicats sont préoccupés par les questions de la gouvernance.
Je
suis aussi, au quotidien, professeure à l'UQO. Et, afin que vous puissiez
situer un peu mieux situer mes propos, et bien que je ne sois pas ici à titre
individuel, je crois important de vous signaler que je suis comptable
professionnelle, que je détiens une
maîtrise en administration publique et un doctorat en administration et que je
m'intéresse au financement et à la gouvernance universitaires depuis
maintenant plus de 10 ans.
Autre fait et une
petite mise en garde, je suis membre du conseil d'administration de l'UQO
depuis cinq ans. Toutes les situations que
je décrirai ne sont donc pas fictives, elles entretiennent toutes un lien avec
la réalité. Donc, toute ressemblance n'est ni fortuite ni le fruit du
hasard. Les situations sont réelles et objectivement vérifiables.
Permettez-moi
de commencer mon intervention en vous livrant la conclusion. La thèse que je
défends est que les conseils d'administration
d'université, celui de l'Université de Montréal à plus forte raison,
assumeraient mieux leur rôle de
surveillance — au sens
noble du terme «surveillance» — s'ils étaient constitués uniquement de
membres internes. Je soutiendrai
cette thèse en m'appuyant sur l'analyse de la notion d'indépendance et sur les
autres moyens d'ouvrir l'université à la société.
Donc, le projet de
loi n° 234 a été présenté comme une opération de rapprochement avec la
communauté, les diplômés notamment. Pour la
FP-CSN, nous joignons notre voix à ceux qui s'opposent à ce projet, simplement
parce que ce projet constitue un pas
de plus vers l'université entrepreneuriale. En effet, pour nous, toute
tentative de transformer l'université
et sa gestion comporte le danger d'assujettir les domaines d'enseignement et
les champs de recherche à la doctrine
économique et de porter atteinte à l'un des piliers essentiels du développement
de la société québécoise et de ses citoyens.
Il
nous est impossible de développer l'ensemble des facettes de la gestion
universitaire dans ce mémoire, et nous n'avons pas cherché à le faire.
Nous vous invitons quand même à explorer la plateforme CSN sur l'éducation. Je concentrerai donc ma proposition sur la
composition des conseils d'administration et de façon à protéger l'autonomie
et l'indépendance de l'université. Je
signale que le projet de loi modifiant la charte expose l'Université de
Montréal mais aussi l'ensemble des universités québécoises à des
risques, que je chercherai donc à limiter.
Mon
intervention se fera en trois volets : un bref tour du rapprochement de
l'université avec la communauté, les échos
au Québec qu'ont connu ce rapprochement sous l'égide, notamment, de l'Institut
sur la gouvernance d'organisations privées
et publiques, mieux connue sous
l'acronyme IGOPP, et finalement je vous proposerai une vision du rapprochement,
pour ensuite conclure sur une recommandation.
L'université a évolué pendant plusieurs années
en retrait de la société, mais c'est déjà au XIIe siècle qu'on a commencé
à s'ouvrir à son milieu. Déjà au XIIe siècle, on comprenait qu'il fallait
mettre à contribution la science qui s'y
développait au profit, au bénéfice de la société, que ce soient des
objectifs sociaux, sanitaires, militaires ou même économiques. Les maîtres de cette époque ont quand même reconnu qu'il
fallait, même si on ouvrait à la société, établir un rempart, et c'était celui de
l'autonomie universitaire qu'on a cru bon d'ériger. L'autonomie universitaire
réfère à un ensemble de concepts, c'est-à-dire la collégialité, d'une
part, et la bicaméralité, d'autre part. La bicaméralité, pour ceux qui ne sont pas familiers avec le terme, ça
renvoie à l'idée qu'il existe deux chambres : le conseil d'administration,
d'une part, qui s'attarde aux questions de nature administrative, et la commission
des études, assemblée, sénat — ça prend plusieurs appellations — pour
les questions d'ordre académique.
L'ouverture
de l'université sur la communauté n'est donc pas nouvelle, et son histoire
révèle que, de tout temps, elle a été
tendue entre de multiples orientations qui sont d'ailleurs au coeur des débats
de cette Chambre. Au Québec, le rapprochement
avec la communauté a ouvert le débat sur la composition des conseils
d'administration, et c'est dans la foulée
du rapport de l'IGOPP que le débat a véritablement pris de l'importance. Nous rappelons d'ailleurs
que la publication du rapport de
l'IGOPP en 2007 a été suivie très rapidement, en 2009, par le projet de loi n° 38,
auquel se sont opposés les syndicats
de professeurs affiliés à la Fédération des professionnèles. Parce que les propositions relatives à la composition du
conseil d'administration contenues dans le projet de loi n° 234
s'inspirent largement des prescriptions de l'IGOPP, nous jugeons important
de souligner les risques qu'il comporte.
Pour
commencer, donc, je vous rappelle... En fait, je vais m'attarder à une des
principales recommandations de l'IGOPP,
qui est celle-ci : un conseil d'administration doit être diversifié,
représentatif et composé majoritairement de membres indépendants. Ce principe introduit donc la notion
d'indépendance et il lie la question d'indépendance au fait qu'une personne vienne de l'externe. Pour nous,
c'est un amalgame qui est bien malencontreux, puisqu'en fait l'indépendance d'une personne se mesure davantage
à la distance que cette personne entretient avec le pouvoir de décision, le
pouvoir de direction.
Je vous pose
donc des questions : En quoi un membre externe coopté par un recteur,
comme c'est le cas dans le réseau de l'Université du Québec, est-il plus
indépendant que le membre interne qui, lui, a été élu par son groupe de référence? Autre question : Comment se
fait-il que les membres externes votent généralement en bloc et en
faveur de toutes les propositions issues de la direction et qu'ils s'opposent, avec la direction, à toute
proposition émise par les membres internes?
Pourquoi les membres externes sont-ils, pour la plupart du
temps, issus de la communauté des affaires malgré le fait que la Loi sur
l'Université du Québec prévoit que cinq sièges doivent être occupés par des
membres issus de la communauté culturelle,
du travail, des affaires et communautaires? Donc, même dans l'UQ, dans les
constituantes de l'UQ, même lorsque
des sièges sont attitrés à des groupes particuliers, on se rend compte que la
plupart des membres représentent essentiellement le groupe des affaires.
• (12 h 30) •
La question, donc, du rapprochement, elle est
intéressante, elle est importante, mais nous croyons que le rapprochement ne requiert pas nécessairement qu'on doive introduire des membres externes à la communauté
universitaire au sein du conseil
d'administration. Nous croyons qu'effectivement ce rapprochement peut engendrer des dérapages de
la mission. À cet égard, donc, nous
recommandons certaines précautions. L'intégration, donc, d'administrateurs
externes n'est pas sans poser de
risques, puisque ces administrateurs ne sont pas détachés personnellement ou professionnellement
des entreprises ou organisations dont ils sont issus. Un étudiant, une
étudiante est un membre de la communauté universitaire, très certainement, mais une fois qu'il devient diplômé, cet
étudiant devient un membre externe. Il
n'y a pas non plus de base qui permette d'affirmer que le conseil d'administration d'une université composé majoritairement
de membres externes regroupe
davantage d'expérience, de compétences ou de points de vue différents ou encore
qu'il soit plus efficient. La
communauté universitaire regroupe par définition des personnes qui présentent
des expériences et des compétences variées et complémentaires.
À cet égard,
il est très important de rappeler que deux des conclusions contenues dans le
rapport de la Vérificatrice générale
du Québec sur le dossier de l'îlot Voyageur stipulaient ceci : seuls les
membres internes du conseil d'administration de l'UQAM avaient soulevé sur des doutes sur les décisions prises dans
ce dossier. Plus encore, la vérificatrice concluait que l'expertise apportée par les membres externes
avait été de peu d'utilité pour apprécier les pratiques comptables, les pratiques
d'octroi et de gestion des contrats qui existaient à l'époque.
En
conclusion, la Fédération des professionnèles recommande que, dans le respect
de la mission fondamentale des universités,
l'Assemblée nationale rejette le projet loi n° 234, dans la mesure où il
introduit des administrateurs externes, et la fédération recommande d'accorder plutôt des sièges d'observateurs
aux membres issus de la communauté. On peut rêver, c'est permis, je
pense.
La
Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup, Mme Briand. Nous
allons maintenant procéder à une brève période d'échange avec les
membres de la commission. M. le député de LaFontaine, pour le gouvernement.
M. Tanguay :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, Mme Briand. Merci beaucoup
d'être présente aujourd'hui avec nous
pour nous faire part de votre réflexion, puis ça participe, évidemment, de la
réflexion collective que nous avons entamée avec le projet de loi.
J'aimerais,
de façon concrète, donc in concreto... Lorsque vous parlez... Pour bien situer
les gens qui nous écoutent à la
maison puis pour nous, que l'on ait un dialogue qui soit efficace, lorsque vous
faites la distinction membres internes et indépendants ou externes, vous
parlez du conseil de l'Université de Montréal, n'est-ce pas?
Mme Briand (Louise) : Bien, je
parle des conseils d'administration des universités en général.
M. Tanguay : Là, on
n'est pas en général, là.
Mme Briand (Louise) : Et je
parle à partir d'une expérience, qui est la mienne, c'est-à-dire d'être membre
depuis cinq ans d'un conseil d'administration d'une université dans le réseau
de l'Université du Québec.
M. Tanguay :
O.K. Le danger, quand on parle en général, c'est d'essayer, par la suite,
lorsqu'on va faire nos débats, d'appliquer
ce que vous nous avez dit. Êtes-vous au courant que le conseil de l'Université
de Montréal vient... avec le projet de loi n° 234, si d'aventure il était
adopté, il y aurait une réduction du nombre de membres indépendants ou dits
externes? Êtes-vous au courant?
Mme Briand (Louise) : Oui, tout
à fait.
M. Tanguay : Donc, ça,
vous devez saluer ça.
Mme Briand
(Louise) : Je reconnais tout ça. Je vous rappelle que ma conclusion
que je vous ai livrée au tout début,
c'était de sortir les membres externes des conseils d'administration parce
qu'en fait le projet de loi fait aussi en sorte que le conseil d'administration, qui va se retrouver avec beaucoup
de pouvoirs, va finalement pouvoir agir sur des questions d'ordre académique. Et ça, ce n'est pas nécessairement une
question de pourcentage de membres externes, c'est aussi la question des juridictions sur lesquelles
sera appelé à se prononcer un conseil d'administration. Quand on se retrouve
avec un conseil d'administration qui
s'ingère sur des questions académiques, ça pose des problèmes pour l'autonomie
universitaire et très certainement, sur un
plan plus personnel, sur la liberté académique des professeurs. Je ne veux pas
entrer dans ce débat-là, mais, pour moi,
c'est fondamental de reconnaître qu'il n'y a pas que la proportion de membres
externes ou internes, mais il y a aussi les
champs d'intervention qui sont confiés à l'une et à l'autre des deux chambres.
M. Tanguay :
On disait d'ailleurs que, dans le cas de l'Université de Montréal, c'étaient
des instances tricamérales, donc il y
avait la commission des études, il y avait l'assemblée universitaire puis le
conseil de l'Université de Montréal. Puisque c'est au niveau du conseil
de l'Université de Montréal où on voit une réduction du nombre de membres indépendants, donc qui va passer de 67 % à
58 %, pouvez-vous nous indiquer en quoi le conseil de l'Université de Montréal,
par les pouvoirs nouveaux qu'il exercerait, viendrait limiter la liberté
académique?
Mme Briand
(Louise) : Bien, je ne veux pas rentrer sur la liberté académique. Je
vous l'ai dit, j'allais tenir mon propos
de façon beaucoup plus ciblée sur la question de l'autonomie universitaire.
D'abord, vous avez utilisé la notion de membre indépendant. Je vous
rappelle que, pour moi, un membre indépendant, c'est un membre qui entretient
une distance par rapport aux personnes qui
dirigent l'université. Alors, il y a une nuance ici à faire entre la notion
d'indépendant et la notion d'externe que, visiblement, on ne partage
pas.
Par ailleurs, dans la mesure où le conseil
d'administration devient l'autorité suprême, ça veut dire qu'il a la possibilité... et ça s'est vu dans d'autres
universités, je peux vous parler de l'UQO, il a donc la possibilité de
renverser des décisions qui sont prises par la commission des études, et
ça, c'est particulièrement dangereux.
M. Tanguay :
Est-ce que vous avez un exemple de conseils, un exemple d'entités telles que...
et comparables au conseil de
l'Université de Montréal dans d'autres universités du Québec où il y aurait des
membres, tel que vous le proposez, qui n'auraient que le droit de parole
mais pas le droit de vote?
Mme Briand
(Louise) : Bien, il y a effectivement, dans les UQ notamment, une
pratique qui fait en sorte que des
personnes de l'interne — dans ces cas-là, en tout cas, c'est ce que je peux observer — vont avoir des postes d'observateurs
avec droit de parole. Parce que le législateur, il y a 50 ans, a — je
vais utiliser un gros mot — négligé
notamment le personnel de soutien et le
personnel professionnel, donc il n'est pas inusité de se retrouver avec des
personnes observatrices.
M. Tanguay : ...dans ce
cas-là, des membres internes.
Mme Briand (Louise) : Oui, dans
ce cas-là, ce sont des membres externes.
M. Tanguay : Je vous
demandais des membres externes ou indépendants.
Mme Briand (Louise) : Non, non,
c'est une proposition. On innove.
M. Tanguay : C'est une proposition
nouvelle. On innove aujourd'hui.
Mme Briand
(Louise) : Tout à fait, oui. Pourquoi pas?
M. Tanguay : O.K. Non, c'est bien, c'est bien. Est-ce que, selon
vous, les diplômés, donc, tomberaient dans cette catégorie-là, droit de
parole mais pas le droit de vote?
Mme Briand
(Louise) : Oui, tout à fait,
parce qu'ils sont externes. À partir du moment où ils ne sont plus étudiants,
ils deviennent des membres externes à la communauté
universitaire. Ils occupent des postes de gestion ou autre
ailleurs, ils deviennent donc des
membres avec, donc, des intérêts professionnels, des intérêts personnels, particuliers qu'ils peuvent
tenter de pousser ou d'intégrer dans les orientations de l'université.
M. Tanguay :
Est-ce que vous faites entrer dans cette même catégorie également les
directeurs ou directrices généraux des HEC et Polytechnique également?
Mme Briand
(Louise) : Pour moi, ce sont
des gens à l'interne, au même titre que l'est le recteur et les vices-recteurs
qui siègent.
M. Tanguay :
Donc, eux, ce ne serait pas dans la catégorie dite externe.
Mme Briand
(Louise) : Oui, mais ils ne sont pas indépendants.
M. Tanguay :
Ils ne sont pas indépendants. Est-ce qu'ils auraient le droit de vote ou seulement
de parole?
Mme Briand
(Louise) : On peut leur
accorder le droit de vote, très certainement, mais il faudrait certainement qu'il y ait
une masse critique de professeurs et d'autres membres de la communauté
interne pour être en mesure d'assurer un débat qui soit sain, mais des
débats quand même.
M. Tanguay : Parfait. Et, au niveau de l'assemblée
universitaire, vous êtes-vous penchée sur ce qui est proposé
comme bonification de la composition de l'assemblée universitaire? Est-ce que
vous... Vous n'êtes pas...
Mme Briand
(Louise) : Non, j'ai vraiment cerné l'intervention sur la question du conseil
d'administration.
M. Tanguay : Exact. Et vous
ne vous êtes pas penchée non plus — corrigez-moi si j'ai tort — sur le processus qui a amené au dépôt
de...
Mme Briand
(Louise) : Non.
M. Tanguay :
D'accord. Merci.
Mme Briand
(Louise) : Non, puis je vous explique pourquoi rapidement, c'est qu'au
moment où j'ai été interpelée sur
cette question-là c'est à peine à quatre ou cinq jours de l'audience du 6
décembre et j'avais très, très peu de temps, là, donc, pour pouvoir
consulter les syndicats qui sont membres de la FP. On a choisi de cibler
très... oui.
M. Tanguay :
C'est bon. Merci. C'est tout.
La Présidente (Mme
de Santis) : Merci beaucoup. Maintenant, la parole est au porte-parole
de l'opposition officielle pour 3 min 54 s.
M. Cloutier :
Merci, Mme la Présidente. Dans votre mémoire, vous remettez en question
l'approche qui est utilisée par
l'utilisation d'une loi privée pour amender, dans le fond, la Charte de
l'Université de Montréal, alors j'étais curieux de vous entendre là-dessus. Est-ce que vous avez poussé un peu votre
réflexion par rapport à ça ou c'était un commentaire de nature un peu
plus générale que vous avez fait?
Mme Briand
(Louise) : Oui, oui, oui, c'est clair. Écoutez, quand on regarde les
calculs définitifs des subventions de fonctionnement aux universités, on
se rend compte que l'Université de Montréal, on a beau parler d'une université
à charte, une université dite privée, elle
est, au même titre que l'Université Laval, McGill et les autres, une université
financée par les fonds publics. À cet
égard-là, il y a, pour la fédération, un certain décalage entre avoir un projet
de loi privé qui vient modifier une institution qui est de nature
fondamentalement publique.
• (12 h 40) •
M. Cloutier :
...qu'il y a une confusion sur le vrai concept d'université privée au Québec.
Il me semble qu'on aurait avantage à clarifier davantage le statut de
nos universités par rapport au financement réel, l'application du Vérificateur général, la transparence des
vérifications externes. Je sais que ça dépasse un peu le cadre du projet de
loi, mais il n'en demeure pas moins
que je suis toujours surpris de voir que parfois certains semblent oublier que
ça n'existe pas, les universités
privées au Québec, ça n'existe pas. À
moins que quelqu'un soit capable de... peut-être
des programmes particuliers,
mais certainement pas des universités. Est-ce
que vous avez réfléchi aussi sur le
conseil des universités, qui aurait dû, à notre point de vue du
moins, guider l'action gouvernementale?
Mme
Briand (Louise) : Oui, effectivement, la FP s'est... en fait, la CSN
comme la FQPPU et bien d'autres organisations syndicales se sont prononcées en faveur de la
création, et dans les plus brefs délais, de ce conseil des universités
pour assurer un déploiement qui soit sans
doute plus organisé de l'offre universitaire sur le
territoire québécois. Mais je pense,
encore là, qu'on est un petit peu à côté du cadre du projet de loi qu'on est en
train d'étudier, permettez-moi.
M. Cloutier :
Bien, oui puis non, parce que théoriquement le conseil des universités aurait
eu, à mon point de vue du moins, comme mandat de s'intéresser aussi aux
questions de gouvernance des universités.
Puis l'autre question
qu'on peut se poser : Est-ce qu'il doit y avoir 12 modèles différents
de gouvernance des universités ou il devrait
y avoir un modèle général de gouvernance des universités? C'est une vraie
question puis c'est un vrai débat de
société. Bon, puis, dans la mesure où on accepte que les universités sont de
nature un peu plus privée, bien là,
on accepte que chacun y va un peu de son propre modèle, alors qu'en bout de
course, à mon point de vue, ce sont des
universités qui, en bout de ligne, restent des universités publiques. Alors,
c'est pour ça que je vous... ça amène aussi l'enjeu du projet de loi
privé.
La Présidente (Mme
de Santis) : Une minute.
M. Cloutier :
Inévitablement, on revient au projet de loi d'intérêt privé, parce que, si on
avait une conception un peu plus publique
des choses, on aurait peut-être eu une approche un peu plus générale. Bon, je
comprends les instances puis le respect qu'ils doivent être de toutes
les instances régionales, dont celle de l'Université de Montréal, mais moi, je suis aussi d'avis que le gouvernement du Québec
doit avoir une vision sur comment il pense que les universités du Québec
devraient se gouverner, quels devraient être
les grands principes, puis moi, je ne suis pas d'avis qu'il doit y avoir autant
de différence entre le modèle des
universités du Québec avec les universités à charte. Bon, ça, moi, c'est ce que
je pense qu'on devrait faire. Ça fait que, là, on est comme pris dans un
engrenage qui est particulier, puis je le comprends, mais, à mon avis, c'est aussi parce qu'on n'a pas de cadre
général, le conseil des universités, visiblement, on n'en aura pas, puis
troisièmement il n'y a comme pas de vision générale sur le développement de nos
universités.
Alors, je m'excuse,
j'ai pris tout votre temps pour vous dire ça, mais ça rejoint un des points que
vous avez soulevés dans votre mémoire.
Mme Briand
(Louise) : Je comprends que je n'ai pas de temps. D'accord.
La
Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup. Maintenant, la parole est
au porte-parole du deuxième groupe d'opposition pour
2 min 36 s.
M. Roberge :
Merci beaucoup. Merci pour votre présentation. On est dans les concepts, là,
donc clarifier quelque chose. Dans
votre mémoire, bon, il y a une section qui s'appelle La fin de la tour
d'ivoire, puis là vous parlez du principe de la bicaméralité, puis ça a été élaboré, hein, ça a été discuté avant.
À l'UdeM, on a la commission des études, l'AU, le conseil. Est-ce qu'on peut parler d'une
tricaméralité ou c'est juste une façon différente... des instances différentes
pour exprimer la bicaméralité? On est
dans les concepts, mais en même temps ça s'applique concrètement dans des
articles de loi après.
Mme Briand
(Louise) : Je ne me suis pas arrêtée, effectivement, à toute cette
panoplie d'instances qui existent parce que j'ai cerné le propos sur le
conseil d'administration. Néanmoins, une des recommandations que comporte le mémoire, c'est de s'assurer de répartir le pouvoir
décisionnel entre les instances, s'il y en a deux, s'il y en a trois, s'assurer,
à tout le moins, de répartir le pouvoir
décisionnel de manière à circonscrire l'influence des administrateurs externes
aux seules questions administratives, pas aux questions académiques.
M. Roberge :
O.K. Puis, même dans les gens qui sont internes, qui font leur carrière dans
l'université pour toujours, il y a un autre
débat que j'ai entendu avec les autres intervenants. Certains disent que les
doyens, les vice-doyens, quand on
essaie de les catégoriser, on doit les compter comme dans l'administration,
d'autres disent : Bien non, c'est des professeurs, ils font de la
recherche, de l'enseignement, c'est des profs. Vous, là, vous les considérez
comment?
La Présidente (Mme
de Santis) : Une minute.
Mme Briand (Louise) : Bien, écoutez, ce que j'observe au conseil
d'administration, c'est que les cadres arrivent en bloc, ils votent en bloc. C'est tout simplement vérifiable de fois en
fois. Il n'y a pas de débat qui peut prendre naissance, là, entre les personnes. Peut-être en ont-ils eu
derrières des portes closes, mais, quand ils arrivent au C.A., ils sont
effectivement soudés derrière une position commune.
M. Roberge :
Est-ce qu'on peut dire la même chose des profs?
Mme Briand
(Louise) : Non, non. S'il y a un groupe qui n'est pas soudé, c'est
celui-là. On arrive vraiment en rangs
dispersés au sein des conseils d'administration des UQ. On est trois, et puis
je peux vous dire que, s'il y a un groupe qui, effectivement, n'arrive
pas souvent à s'entendre, c'est celui-là.
M. Roberge : Merci.
Mme Briand
(Louise) : Bienvenue.
La
Présidente (Mme de Santis) :
Merci beaucoup. Maintenant, la parole est au député de Gouin
pour une minute.
M. Nadeau-Dubois : Bonjour, Mme Briand. Merci de votre
présentation et de votre mémoire. Question rapide, puisque je n'ai pas beaucoup de temps : Selon
vous, quelles seraient les conséquences de l'adoption du projet de loi qu'on étudie?
Mme Briand
(Louise) : Je vais avoir une
réponse rapide qui vous permette d'en poser une seconde. Moi, je pense qu'on rate une belle occasion d'améliorer la
gouvernance de l'Université de
Montréal, qu'on rate une belle
occasion de faire véritablement un projet de modernisation et d'assainissement aussi de la gouvernance
ou de la gestion, peu importe, on ne
s'enfargera pas dans les concepts. Alors, à cet égard-là, je constate
qu'effectivement il y a des expériences qui sont vécues dans d'autres universités
qui devraient être prises en compte, des observations vérifiables qui peuvent
être prises en compte pour faire en sorte que la gouvernance puisse être mieux définie. Et je peux peut-être
prendre au vol la proposition que faisait monsieur... pardonnez-moi, j'oublie le
nom, le député de Lac-Saint-Jean, ou je ne sais pas trop, bref, mais cette
idée, donc, de réfléchir la gouvernance plus globalement au Québec à partir
d'un conseil national des universités.
La
Présidente (Mme de Santis) :
Merci beaucoup. Merci
beaucoup, Mme Briand, pour votre
contribution à nos travaux.
Mémoire déposé
Je dépose le mémoire de la Fédération des
professionnèles, Confédération des syndicats nationaux.
Et maintenant j'invite M. Michel Seymour à
prendre place.
Alors,
M. Seymour, je vous souhaite la bienvenue. Je vous rappelle que vous
disposez de 10 minutes pour votre exposé, et ensuite nous allons précéder
à la période d'échange avec les membres de la commission. Allez-y, la parole
est à vous pour 10 minutes.
M. Michel Seymour
M. Seymour
(Michel) : Mme la Présidente, Mme la ministre, MM. les députés, merci de m'accueillir. Je
suis Michel Seymour, professeur de
philosophie qui enseigne au département depuis 1990, et j'ai été particulièrement saisi par l'importance de ce projet de loi.
Je vais alors
droit au but. Je veux traiter, dans mon long mémoire, puisqu'initialement j'ai déposé une version
courte, et aujourd'hui c'est une version un
peu plus ample que je dépose ici, à la commission, concernant la collégialité
et l'autonomie universitaire, l'autonomie des profs en tant que telle.
Concernant la collégialité, je veux aussi y
aller un peu concrètement en disant qu'il y a eu des écueils à la collégialité
déjà par le passé à l'Université de Montréal. Je ne vais pas faire simplement
une déclaration générale, je veux cibler des
faits particuliers. Par exemple, concernant la nomination des recteurs, autant
en 2005 qu'en 2010, le conseil de l'université a décidé de choisir un
recteur qui ne correspondait pas aux préférences exprimées par la communauté universitaire. Concernant les orientations
budgétaires de l'université, on a été un peu placés devant les faits que
l'administration voulait désormais abolir la péréquation
interfacultaire. Concernant les immobilisations, on a été, la communauté universitaire, placés devant le fait de
la décision de se départir du 1420 boulevard Mont-Royal et d'acquérir
le terrain de la gare de triage. Concernant
les orientations de recherche, c'est quelques personnes au sein de l'université
qui ont rédigé les grandes orientations de recherche de l'Université de
Montréal.
• (12 h 50) •
Et toutes ces
questions-là sont suffisamment générales pour qu'elles soient, en fin de
compte, de la responsabilité de
l'assemblée universitaire. L'article 20 des statuts précise très clairement
que l'assemblée universitaire a la responsabilité de déterminer les grandes orientations de
l'université. D'ailleurs, celles-ci ont été très souvent décidées par le haut
selon un modèle «top-down». On peut dire aussi alors qu'il en a été de
même pour ce projet de loi que la direction de l'université voulait rapidement faire adopter par l'assemblée
universitaire, et on ne pouvait discuter que de ce projet de loi. Après, il y a eu décision qu'il fallait absolument
consulter davantage. Mais la démarche contraste singulièrement avec ce qui s'est passé en 1967 lorsqu'on a adopté la
Charte de l'Université de Montréal, et cela faisait suite à deux, à trois ans
de consultations préalables à la rédaction, alors que là, ici, on est arrivé
avec un projet de loi bien ficelé, et il fallait discuter de ce projet de loi. Et d'ailleurs, en ce moment même, nous
savons que 450 professeurs s'opposent à la démarche, et malgré tout on
décide d'aller de l'avant. Alors, vous vivez vous-mêmes, d'une certaine façon, le modèle «top-down» de direction, alors que les professeurs ne sont
pas les seules forces créatives de l'Université
de Montréal, il y a les étudiants
et il y a les chargés de cours, mais nous
sommes à temps plein, les chargés de cours sont à temps partiel, et nous sommes
là pendant toute notre carrière et
pas pendant quelques années comme les étudiants, donc l'interlocuteur de
prédilection, pour la direction,
devrait être les profs. Il y a 450 profs qui s'opposent au projet de loi, et malgré tout on décide d'aller de l'avant. C'est un peu, pour
nous, une expérience quasiment quotidienne.
Alors, étant
donné ce diagnostic que j'établis très rapidement, mais on peut discuter de
chacun des points que j'ai soulevés,
on pourrait s'attendre à ce que, s'il y a une modification de la charte, on
s'arrange pour qu'il y ait davantage de
collégialité, davantage de responsabilités de la direction d'agir carrément au
service des désirs, des besoins, des intérêts du corps professoral et des autres instances qui
sont les forces créatrices de l'université. Au lieu de ça, on n'a non seulement
pas fait allusion au rôle de serviteur de l'administration par rapport aux
forces créatrices de l'université, on indique que le directeur du département
doit relever du doyen, le doyen doit relever du recteur et le recteur relève du
conseil d'administration. Aucunement mention
ici du rôle fondamental que doivent jouer toutes ces différentes instances pour
d'abord et avant tout faire entendre les besoins des forces créatrices de
l'université.
Alors là, la
question se pose : Dans cette hiérarchie, le professeur relève-t-il de
l'administration de l'université? Alors,
ce n'est pas dit comme ça dans le projet de loi, mais je tombe, là, sur mon
deuxième sujet, la liberté académique. Ce qui apparaît dans le projet de loi,
c'est que l'instance de contrôle de la discipline qu'est l'assemblée
universitaire, parce qu'elle peut
jouer un rôle de surveillance et de réglementation des comités de discipline,
on veut l'expulser de ce rôle et réserver
ce rôle au conseil de l'université. C'est désormais le conseil de l'université
qui va prendre en charge la discipline. Inévitablement, puisque l'université, dans ce cas-là, est juge de la
discipline et assume entièrement la responsabilité sans qu'il y ait un
contrôle et une surveillance de la part de l'assemblée universitaire,
inévitablement cela aura un effet refroidissant
sur toute tentative des professeurs de critiquer la gestion de l'université. Ça
va être difficile de dire : Bien, moi,
ma liberté académique implique que je peux notamment critiquer
l'administration. J'ai, bien sûr, un devoir de loyauté à l'égard de l'institution, mais à l'égard de la
direction particulière, je peux la critiquer. Mais va-t-on vouloir la critiquer
si la discipline est prise en charge entièrement par la direction de
l'université?
Alors, voilà
un problème qu'on peut constater, qui est le problème de la liberté académique.
Or, l'UNESCO s'est prononcée là-dessus, et je fais la citation dans mon
mémoire, on dit ouvertement que partie prenante de la liberté académique, c'est notamment le devoir de critique,
le rôle de critique du professeur d'université. Le professeur d'université
peut critiquer non seulement la société,
mais aussi l'instance administrative de l'université. Ça fait partie de son
rôle, ça fait partie de sa liberté académique. J'estime qu'il y a un grand
danger qu'il n'y ait plus de voix qui se fassent entendre pour critiquer les orientations de la direction
dès lors que la direction est juge et partie dans cette affaire-là et va
estimer qu'il y a un manquement au
devoir de loyauté parce que le prof ose prendre la parole. Ce n'est pas de la
théorie, ça, parce que je cite une
déclaration des recteurs des universités canadiennes de 2011 où ils se sont
tous entendus pour restreindre la liberté académique au domaine
d'expertise du professeur. Le professeur peut publier ce qu'il veut, peut
enseigner ce qu'il veut, peut faire de la recherche dans ce qu'il veut dans son
domaine d'expertise. Quelques semaines plus tard, l'association canadienne des
professeurs d'université intervenait pour dire : Vous oubliez la fonction
critique qui est reconnue par l'UNESCO, et cette fonction critique est mise à
mal par ce projet de loi.
Mais
fondamentalement il y a une question de base qui se pose et qui est, à mon
avis, un processus vicié dans lequel on
se trouve en ce moment. Non seulement on se retrouve à discuter d'enjeux qui
auraient dû être traités dans un conseil des universités, mais en plus on doit reconnaître, et le président du
CEPTI le reconnaissait, que la liberté... que la discipline relève des relations de travail. Or, dans ce
projet de loi, on a une modification dans la façon d'organiser et de penser la
discipline, alors que ça devrait être une question qui aurait dû être réglée
dans les relations avec le syndicat.
Alors, à mon
avis, il y a un problème de fond ici. On ne doit pas, et c'est illégal de le
faire, s'engager dans un débat ici
même, à l'Assemblée nationale, sur des questions qui relèvent des relations de
travail et qui n'ont pas fait l'objet de négociations préalables avec le syndicat. Alors, il y a ici un danger
que ce soit illégal, la démarche, et on peut s'attendre à ce qu'il y ait, après ça, des poursuites dans
les semaines qui vont venir parce que ce n'est pas respectueux des règles
établies par la Cour suprême sur la façon
de... pour une Assemblée nationale d'intervenir dans un processus comme ça.
C'est dans des cas exceptionnels qu'on peut
le faire, c'est dans des cas où il n'y a pas d'autres avenues, c'est dans des
cas où il y a eu négociation préalable,
c'est dans des cas où vraiment il n'y a pas d'autre issue que de passer par
ici. Alors, il n'y a pas urgence, on
ne peut pas démontrer qu'il y a urgence, on ne peut pas démontrer qu'il y a eu
de la négociation au préalable, donc
le processus ne répond pas aux critères qui feraient que la démarche serait
légale, donc. Et, comme vous l'avez vu, c'est l'ACPPU, qui représente
les milliers de membres, c'est la FQPPU, si vous acceptez d'entendre l'Université Laval, ça serait l'Université Laval
aussi et l'Université de Montréal, c'est presque tous des représentants des universités, des professeurs d'université qui
interviennent pour dire que cette démarche-là est inacceptable et qu'elle est
problématique.
Et on s'est
demandé souvent en quoi la liberté académique est-elle visée. Je viens de
donner un cas très clair où on va ici
avoir un «chilling effect» sur toute tentative de critiquer les directions
universitaires. On ne pourra plus le faire parce que la discipline sera
prise en charge par la direction de l'université. Merci.
La
Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup, M. Seymour.
Maintenant, nous procédons à une brève période d'échange avec les
membres de la commission. Pour 6 min 30 s, le député de
D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum :
Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Seymour. J'ai l'impression qu'on a les
fruits de vos 26 ans de travail
comme professeur assez sérieux, et j'apprécie, et je crois que les membres de
la commission apprécient que vous
vous êtes permis de parler de façon assez concrète des retombées. On peut avoir
nos perspectives là-dessus, mais on
parle de la chose très pratique, on parle du sort de l'université, de son corps
professoral et aussi j'ose espérer qu'on parle de l'importance de protéger le rôle de l'université au sein de sa
communauté sur le plan, comme je dis, local ainsi que partout au Québec et même sur le plan
international, et vous parlez des exemples assez sérieux, les trois exemples
que vous avez cités.
Mais
j'aimerais vous inviter à faire quelques commentaires sur le concret une autre
fois quand on parle de ce qui est proposé dans cette charte. Dans un premier
temps, le projet de charte dont on discute était assujetti à un vote de deux tiers devant l'assemblée universitaire et a
été adopté à deux tiers. Alors, en quelque part, j'aimerais vous entendre
sur l'idée qu'en quelque part le corps professoral aurait été écarté de ce
processus-là.
M. Seymour
(Michel) : Oui. Tout
d'abord, il a été écarté en amont parce que, contrairement à 1967, on n'a pas
procédé à plusieurs années de consultations
pour que ça soit un processus «bottom-up», c'est arrivé d'en haut. Premièrement,
il y a ça.
Deuxièmement,
l'assemblée universitaire, lorsqu'on a vu qu'on avait affaire à un rouleau
compresseur comme dans plein d'autres
cas précédents... Ce n'est pas que c'est venu de nulle part, on a l'habitude de
se faire imposer des choses. Quand on
a vu qu'on avait affaire à un rouleau compresseur, il y a beaucoup de profs qui
se sont retirés. Et vous allez peut-être avoir, éventuellement, des
statistiques qui vont vous prouver que, dans la plupart des réunions où il a
été question du projet de loi, il n'y avait
pas une majorité de professeurs parce qu'une bonne partie du corps professoral
s'est retirée de l'assemblée universitaire.
Mais, de
toute façon, mon point que j'ai mentionné ici, c'est qu'il faut s'entendre sur
le fait que la discipline, c'est une
matière qui concerne les relations de travail et qu'on modifie ce qui se passe
au niveau de la discipline en retranchant de l'assemblée universitaire une responsabilité qu'elle a de réglementer
et de surveiller les comités de discipline. On lui enlève ça. On décide d'enlever ça de l'assemblée
universitaire, donc on joue dans des matières qui ont trait à la discipline,
et ce, sans négociation préalable avec le
syndicat. Donc, on va outre le syndicat, outre la négociation, outre la
consultation en amont, outre un
conseil de l'université qui réfléchirait sur les grands principes, on bulldoze,
comme à l'habitude à l'UdeM.
• (13 heures) •
M. Birnbaum :
Bon, bulldoze, c'est tout un terme. Je vous invite à commenter sur le fait que
la proposition de nouvelle charte augmenterait, modestement admettons,
le pourcentage du profil au sein de l'assemblée universitaire de 49 % à 50 % et, quand il s'agit de la
commission des études, la nouvelle charte augmente le pourcentage des
professeurs de 8 % à 9 %.
M. Seymour
(Michel) : Oui, j'ai peu de
temps, alors, bien sûr, je pourrais saluer un certain nombre de choses qui se trouvent dans le projet de loi. Que
l'Université de Montréal soit une université francophone, que le clergé n'ait
plus à nommer des gens au C.A., je
pourrais souligner des choses comme ça. Et là on peut prendre notre microscope
et observer qu'il y a des ajouts d'un
individu sur des conseils, mais les questions que je soulève sont beaucoup plus
graves que l'ajout d'un membre ou
deux. C'est des questions qui devraient être discutées dans un conseil des
universités avant. C'est des questions
qui doivent être négociées avec le syndicat avant. Et c'est ça qui est absent,
comme à l'habitude, et c'est un esprit de
confrontation. Et là on peut penser... Le SGPUM, il est très combatif
là-dedans, il est dans la confrontation. Il est dans la réaction à une
confrontation. On veut en finir, on a l'impression. On a l'impression, là, si
cette charte passe, que, là, on va
être vraiment contents de réaliser ce qu'on voulait réaliser déjà
précédemment : avoir un contrôle sur les comités de discipline pour mettre au pas les professeurs et
les obliger à un devoir de loyauté à l'égard de l'administration, alors que
notre seul devoir de loyauté est à l'égard de notre institution.
M. Birnbaum :
Je vais vous suivre sur un terrain beaucoup plus macroscopique. J'aimerais vous
entendre sur la place, le rôle
complémentaire, pas juste dans sa manifestation structurale des membres
indépendants, mais la place dans les délibérations d'université, dans ce cas
l'Université de Montréal, des partenaires complémentaires, bon, exprimée par la
présence des membres indépendants. Mais les
autres... Bon, premièrement, les étudiants qui auraient fini leurs études,
les membres des autres instances de la
société, est-ce qu'ils ont un rôle complémentaire qui n'atteindrait pas la
liberté académique, mais qui jouerait sur le terrain légitime en ce qui
a trait au rôle de l'université?
M. Seymour
(Michel) : Bien, disons
qu'effectivement on ne va pas aussi loin que l'IGOPP et du projet de loi de
Mme Courchesne. On nous dit : Il
faut au moins qu'il y ait 50 % de représentants externes, donc on essaie
de faire attention, mais, d'une
manière générale, on est dans un même climat qu'il faut se méfier des
professeurs, donc il faut avoir vraiment des instances externes, là, absolument, c'est indispensable d'avoir des
externes. Et ça, est un peu le reflet des conséquences peut-être de ce
qui s'était passé avec l'îlot Voyageur, où là on a blâmé, peut-être avec
raison, le recteur de l'époque, où on a
diagnostiqué que c'est un professeur, ce n'est pas un administrateur de
carrière, c'est mieux d'avoir des contrôles externes. Et là on devrait savoir que les premiers qui ont réalisé qu'il
y avait un problème à l'îlot Voyageur, c'est les professeurs qui ont fait entendre leur voix dans le C.A. Alors
donc, qu'on soit méfiants des professeurs m'apparaît problématique.
La
Présidente (Mme de Santis) : Merci. Maintenant, la parole est au
porte-parole de l'opposition officielle pour 3 min 54 s.
M. Cloutier :
Merci, Mme la Présidente. Ça me fait plaisir de vous revoir, M. Seymour,
beaucoup de respect pour votre engagement, votre contribution à la société
québécoise en général.
Ceci étant
dit, est-ce qu'on peut l'amender, ce projet de loi là? Est-ce que vous pensez
qu'il y a une base qui permet des
amendements qu'on pourrait apporter, entre autres, sur le comité de discipline
ou vous jugez que son essence même, outre le microscope dont vous
parliez tout à l'heure sur quelques éléments, il n'y a rien à faire avec le
projet de loi?
M. Seymour
(Michel) : Ma position,
c'est qu'il faut retourner à la case départ, procéder à une vraie consultation
du corps professoral préalable à la
rédaction d'une modification à la charte. Certains ont dit : Mais c'est
des changements mineurs qu'on
apporte. On avait besoin de changements majeurs pour s'assurer de davantage de
collégialité. Si on avait consulté
les professeurs en amont, on aurait probablement constaté qu'il y avait un
besoin de davantage de collégialité. Il
y a des gestionnaires, ce n'est pas nécessairement de la cogestion. Il y a des
gestionnaires, mais ces gestionnaires sont au service et ils passent leur temps à écouter les demandes, les intérêts,
les désirs, les souhaits du corps professoral. Ce n'est pas là qu'on en est. On
aurait dû faire ça au départ. On doit
négocier avec le syndicat sur les matières liées à la discipline avant d'arriver ici puis dire : La négociation a échoué, il y a urgence, il faut qu'immédiatement on adopte un projet de loi. On
n'est pas dans un état d'urgence, on n'a pas négocié, alors on est dans une situation
qui va, tôt ou tard, être déclarée,
à mon avis, complètement illégale. Donc, il
faut faire marche arrière. Amender, à ce stade-ci, est une démarche qui, malgré
tout, va placer l'Assemblée nationale dans une situation d'illégalité.
M. Cloutier :
Donc, vous prétendez que le projet de loi, s'il devait être adopté, serait
déclaré illégal.
M. Seymour
(Michel) : Oui. Comme, d'ailleurs, Me Denis Lavoie l'a précisé,
la jurisprudence fait en sorte qu'il y a des
conditions sous lesquelles l'Assemblée nationale peut être convoquée pour voter
des questions comme celle-là et c'est
des conditions tout à fait exceptionnelles, parce qu'il y a urgence et parce
qu'il y a négociation préalable qui a échoué.
M. Cloutier :
Là, vous faites référence aux conventions collectives puis aux dispositions de
certaines conventions collectives. Il
y aura un débat, j'imagine, si le projet de loi devait être adopté, si, en
effet, on touche directement certaines dispositions.
Je connais la prétention, mais ce n'est pas un projet de loi qui touche
directement les relations de travail. Certaines
dispositions les affectent ou viennent les modifier. Maintenant, est-ce que ça
vient modifier les dispositions bien concrètes,
bien réelles? Il pourrait y avoir, effectivement, un débat, là-dessus,
important. Mais vous, vous dites carrément que le projet de loi pourrait
être déclaré illégal, puis je comprends que vous êtes appuyé en ce sens.
La Présidente (Mme
de Santis) : Une minute.
M. Cloutier :
Maintenant, pour la liberté académique, si on... Parce que, là, la semaine
prochaine, j'imagine, on aura à faire
l'étude détaillée du projet de loi. Nous, comme opposition, nos marges de
manoeuvre sont celles d'essayer de le
bonifier. Il y a très peu de gens qui nous ont soumis des amendements, très,
très peu. En fait, on est soit carrément contre, un peu comme vous
l'avez exprimé, ou pour. Mais entre les deux, est-ce qu'il n'y aurait pas eu
moyen aussi d'apporter des amendements au
projet de loi? Vous, vous êtes d'avis que non, on doit retourner à la table à
dessin, mais qu'est-ce qu'on fait,
nous, les parlementaires, la semaine prochaine, mardi, lorsque viendra le temps
d'étudier article par article?
M. Seymour (Michel) : Écoutez, moi qui défends la liberté académique,
je ne vais certainement pas m'interposer dans la liberté des députés de voter dans le sens qu'ils le veulent. Je
vous soumettrai, par ailleurs, que la démarche, à mon avis, est illégale, qu'elle ne tient pas compte
des intérêts des professeurs, qu'elle n'a pas fait l'objet d'une consultation
préalable des professeurs et qu'elle va donc à l'encontre des intérêts de
l'université elle-même.
La
Présidente (Mme de Santis) : Maintenant, la parole est au porte-parole
du deuxième groupe d'opposition pour 2 min 36 s.
M. Roberge :
Merci beaucoup. Merci. Le projet de loi ou la Charte de l'Université de
Montréal, ça couvre beaucoup plus large que
la négociation de la convention collective des syndicats. Parce que je
comprends qu'un touche l'autre, on ne peut pas les séparer, mais on
pourrait dire que le projet de loi touche aussi la convention collective des chargés de cours, touche aussi les relations avec
les associations étudiantes. Et vous, vous prétendez, en réalité, qu'une
modification à la Charte de l'Université de Montréal devrait faire l'objet
d'une négociation patronale-syndicale entre l'administration et le syndicat des
profs, c'est ça?
M. Seymour
(Michel) : Oui, sur des matières qui ont trait à la convention
collective. Et en ce qui concerne, justement,
la discipline, c'est l'une de ces matières. Je vous invite à regarder l'annexe
du mémoire du SGPUM, où l'ensemble des
questions à caractère juridique sont mentionnées, il y en a beaucoup. Et ces
problèmes juridiques, c'est régulièrement que des questions relatives à la convention collective sont impactées
par le projet de loi. Et alors, si tout le monde s'entend pour dire que la
discipline est une matière qui relève des relations patronales-syndicales, et
même certaines personnes ici qui sont
venues vous dire qu'ils sont pour la charte reconnaissent que ça fait partie
des relations et qu'il n'y a pas eu une négociation préalable, il y a un
problème, il y a un problème.
La Présidente (Mme
de Santis) : Une minute.
• (13 h 10) •
M. Seymour (Michel) : Et là on est en train, progressivement, de faire
émerger en quel sens on a autorité de dire qu'il s'agit un peu d'un bulldozage, parce qu'il y a, on le sait, ça a
été signé, et vous l'avez entendu, 450 profs qui sont ennuyés par ce
projet de loi, qui trouvent que c'est problématique et qui sentent qu'ils ne
sont pas partie prenante du processus. Normalement, on devrait faire marche arrière, et aller les
voir, puis négocier avec eux, négocier avec l'instance qui les représente. Mais ce n'est pas nouveau pour
nous de dire : Il y a une préoccupation pour les professeurs.
Puis on a consulté les professeurs, mais le syndicat, juridiquement, est
le porte-parole des professeurs, et c'est cette instance qu'on s'empresse constamment de contourner, dans
un esprit de confrontation. C'est la réalité dans laquelle nous nous
trouvons. Et, en ce sens-là, le terme «bulldozage» n'est pas complètement
inapproprié.
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci beaucoup. Maintenant, la parole est au député de Gouin.
M. Nadeau-Dubois :
Merci, M. Seymour.
M. Seymour (Michel) : J'attends
votre question.
M. Nadeau-Dubois :
Oui? Elle va être différente. Ma question pour vous, c'est : Quelle est la
différence entre le processus qui,
selon vous, aurait été respectueux de la collégialité pour accoucher du projet
et le processus qui a eu lieu réellement?
M. Seymour
(Michel) : Bien, on regarde
comment ça s'est passé lors de la dernière charte, 1967, deux ans de
consultations préalables. Après ça, pendant une année, on s'emploie à rédiger,
et c'est seulement en 1967 que l'on a adopté.
Là, ici, on est arrivés avec un projet, dans sa première mouture, qui allait
encore plus loin, qu'on a voulu imposer pour l'adoption en quelques semaines. Et là, quand on a vu que ça ne
marchait pas, on a reporté un peu, on s'est mis à faire de la
consultation, mais pas de la négociation avec le syndicat.
M. Nadeau-Dubois :
Donc, si je vous comprends bien, il y a un changement assez drastique dans le
processus.
M. Seymour (Michel) : C'est
évident.
M. Nadeau-Dubois : D'où vient
ce changement, selon vous?
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci beaucoup. Alors, merci pour votre contribution à nos travaux.
Mémoire déposé
Je dépose le mémoire de M. Michel Seymour.
Je vous remercie d'être présent. Je vous souhaite une très belle après-midi.
Et la commission ajourne ses travaux au mardi
13 février, à 10 heures le matin. Merci.
(Fin de la séance à 13 h 12)