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Version finale

41st Legislature, 1st Session
(May 20, 2014 au August 23, 2018)

Wednesday, December 6, 2017 - Vol. 44 N° 92

Hearing the interested parties and giving clause-by-clause consideration to Private Bill 234, An Act to amend the Charter of the Université de Montréal


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Table des matières

Remarques préliminaires

M. Marc Tanguay

Mme Hélène David

M. Alexandre Cloutier

M. Jean-François Roberge

M. Gabriel Nadeau-Dubois

M. Amir Khadir

Auditions

Exposé de la requérante

Mémoire déposé

Syndicat général des professeurs et professeures de l'Université de Montréal (SGPUM)

Mémoire déposé

Fédération québécoise des professeures et professeurs d'université (FQPPU)

Mémoire déposé

Syndicat des chargées et chargés de cours de l'Université de Montréal (SCCCUM)

Mémoire déposé

M. Samir Saul

Autres intervenants

Mme Rita Lc de Santis, présidente

*          Mme Louise Roy, Université de Montréal

*          M. Guy Breton, idem

*          M. Alexandre Chabot, idem

*          M. Jean Portugais, SGPUM

*          Mme Kathleen Cahill, idem

*          M. Denis Lavoie, idem

*          M. Louis Demers, FQPPU

*          M. Hans Poirier, idem

*          M. Pierre G. Verge, SCCCUM

*          Mme Françoise Guay, idem

*          M. Michaël Séguin, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Note de l'éditeur : La commission a aussi siégé en matinée et en après-midi pour les auditions et l'étude détaillée du projet de loi n° 224, Loi concernant le morcellement d'un lot situé en partie dans l'aire de protection de la maison Louis-Degneau (anciennement maison Prévost) et dans l'aire de protection de la maison de Saint-Hubert (anciennement maison des Soeurs-du-Sacré-Coeur-de-Jésus). Le compte rendu en est publié dans un fascicule distinct.

Journal des débats

(Douze heures trente-cinq minutes)

La Présidente (Mme de Santis) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle d'éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de procéder à l'audition des intéressés et à l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt privé n° 234, Loi modifiant la Charte de l'Université de Montréal.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Non, Mme la Présidente.

Remarques préliminaires

La Présidente (Mme de Santis) : Alors, je cède maintenant la parole au député de LaFontaine. Où est-ce qu'il est?

Une voix : ...

La Présidente (Mme de Santis) : M. le député de LaFontaine, la parole est à vous pour les remarques préliminaires.

M. Marc Tanguay

M. Tanguay : Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Vous me permettrez évidemment de saluer les collègues qui sont ici présents pour l'étude du projet de loi, saluer les personnes qui sont présentes dans la salle et que nous aurons l'occasion d'entendre.

Mes remarques préliminaires — Mme la Présidente, je sais qu'on dispose de 20 minutes — seront somme toute très courtes, mais je pense qu'il est important de mentionner certains éléments. Il s'agit donc d'un projet de loi d'intérêt privé qui pourrait, en quelque sorte, aussi nous permettre de faire référence à un autre projet de loi d'intérêt privé, Loi modifiant la Charte de l'Université Laval, projet de loi d'intérêt privé, à l'époque le projet de loi n° 283, qui avait été présenté en 1991 — principe, adopté le 16 mai — et adopté la même journée, le 16 mai 1991. Alors, on a un projet de loi d'intérêt privé avec donc le même véhicule qui est arrivé avec l'Université Laval en 1991, et l'objectif auquel nous sommes appelés comme législateurs est bien étayé... est bien précisé, devrais-je dire, dans l'attendu :

«Attendu qu'il y a lieu de mettre à jour la Charte de l'Université de Montréal;

«Que la société québécoise et l'université ont considérablement évolué depuis un demi-siècle, l'université ayant besoin de nouveaux outils de gestion pour assurer une saine administration de l'institution.»

C'est le mandat qui nous est conféré dans le contexte du projet de loi n° 234.

Nous entendrons, Mme la Présidente, en plus des représentants de l'institution, de l'Université de Montréal, nous entendrons quelque 19 personnes ou groupes qui, et là ce n'est pas exhaustif, tantôt nous feront entendre la voix de qui?, nous feront entendre évidemment la voix de l'institution, la voix des étudiants, la voix des professeurs, la voix des représentants syndicaux, la voix des chargés de cours, la voix des diplômés et d'autres voix également que nous aurons l'occasion d'entendre. Alors, il y aura des perspectives nécessairement, Mme la Présidente, qui soit se compléteront ou seront divergentes, et c'est à nous, comme législateurs, à ce moment-là, de faire l'arbitrage nécessaire lorsque nous en serons rendus à l'étude article par article. Nous aurons, et je sais qu'ici, dans la salle, il n'y a aucun prophète de malheur, nous aurons, bien entendu, le temps d'entendre comme il se doit tout le monde. Dans la salle, ici présent, Mme la Présidente, il n'y a aucun prophète de malheur qui viendrait nous dire le contraire. On aura l'occasion d'entendre chacun, et chacune, qui désire porter sa voix à ce projet de loi, bonifier notre réflexion, comme législateurs, et, en ce sens-là, il est important de souligner que nous avons devant nous, là, cinq heures d'audition qui nous permettront d'atteindre cet objectif-là. Donc, après, comme législateurs, à travers les 23 articles, nous travaillerons à faire l'arbitrage, à faire parfois des choix. Et ça, c'est pour ça qu'on est élus. C'est pour ça qu'on est réunis devant vous, Mme la Présidente.

Alors, nous aurons, par la suite, à l'article par article, et je vais compléter là-dessus, nous aurons l'occasion d'entendre — et ils ne seront pas là comme témoins, mais ils seront là comme facilitateurs — les représentants de l'institution, qui, lors de l'étude article par article, nous permettront de comprendre en quoi nous faisons faire un pas en avant, en quoi on fait passer l'Université de Montréal de 1967 à 2017 pour pouvoir imaginer l'avenir.

Alors, voilà, Mme la Présidente, de façon très positive, mes remarques préliminaires.

• (12 h 40) •

La Présidente (Mme de Santis) : Merci. Maintenant, je cède la parole à la ministre responsable de l'Enseignement supérieur.

Mme Hélène David

Mme David : Ah! O.K. Je ne savais pas. Je pensais qu'à partir du moment où le député de LaFontaine parlait... Je ne répéterai pas la même chose que lui. Il y a beaucoup de monde dans la salle. Il y a eu beaucoup de mémoires. Il y a eu beaucoup de demandes d'audition. Alors, évidemment, on va commencer avec les principaux demandeurs et on va écouter attentivement tout ce qui va être dit. Alors, je salue tout le monde en avant, en arrière, devant, ici, en arrière aussi, et je pense qu'on va faire un travail extrêmement important. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci, Mme la ministre. Je cède maintenant la parole au porte-parole de l'opposition officielle et député de Lac-Saint-Jean.

M. Alexandre Cloutier

M. Cloutier : Je vous remercie beaucoup, Mme la Présidente. Alors, à mon tour de souhaiter la bienvenue aux collègues mais surtout souhaiter la bienvenue à tous nos invités. Nous sommes nombreux pour un projet de loi d'intérêt privé. C'est plutôt rare.

Alors, d'emblée, j'ai envie de vous dire : Vous avez tous appris à la dernière minute le nombre de temps qui vous était alloué, et on trouve ça extrêmement malheureux. Puis j'ai envie de vous expliquer qu'est-ce qui s'est passé et dans quelle situation on se retrouve un peu ce matin.

Alors, hier, nous avons demandé, l'opposition officielle, à avoir une rencontre avec les membres du gouvernement pour nous assurer que nous aurions le temps de discuter de chacun des enjeux que vous souhaitiez soulever et que nous ayons tout le temps nécessaire pour échanger. Alors, je veux vous dire que, déjà dans la procédure qui est établie présentement, ça sera impossible de tous vous entendre dans la journée d'aujourd'hui. Par définition, nous allons manquer de temps. Donc, nécessairement, il faudra revoir de quelle façon on est capables de s'assurer que tout le monde soit entendu. Mais, d'emblée, ce que nous avons souhaité, c'est d'avoir un horaire qui soit préétabli, que nous ayons le temps, nous, l'opposition officielle, de poser les questions nécessaires. Je veux juste vous dire que nous, comme opposition officielle, nous n'aurons que deux minutes — je répète, nous n'aurons que deux minutes — pour échanger avec chaque groupe, et ça, ça inclut la réponse. Donc, si je pose une question de 30 secondes et vous répondez en 1 min 30 s, ce sera la fin de nos échanges.

Alors, vous aurez compris qu'on trouve ça un petit peu particulier comme façon de faire. Évidemment, ça n'a absolument rien à voir avec l'Université de Montréal puis ça n'a absolument rien à voir avec l'initiative qui est déposée. Je le déplore, parce que, de consentement, le gouvernement aurait pu accepter qu'on prenne une journée de plus, qu'on entende correctement les intervenants et que nous puissions échanger. Moi, je suis obligé de vous dire que, comme parlementaire, dans le processus législatif, j'ai un problème avec ça. Et, je vous le dis très ouvertement, très franchement, ça n'a rien à voir avec l'Université de Montréal, mais je déteste qu'on prenne les parlementaires un peu comme de l'acquis. On coupe une procédure dans laquelle il doit y avoir un vrai échange. Et j'entendais le député de LaFontaine dire : Nous ferons notre travail correctement. Mais, dans la vraie vie, si on veut approfondir un enjeu, je m'excuse, mais, en deux minutes, ça m'apparaît être impossible. Le seul 20 minutes que j'ai, c'est le 20 minutes d'échange que j'ai présentement avec vous, parce que, la prochaine fois que je vais parler, je n'aurai, malheureusement, que deux seules petites minutes qui me seront allouées.

Je vais philosopher avec vous sur un enjeu que j'ai souvent soulevé ici, à l'Assemblée nationale. Je reproche souvent au gouvernement de légiférer par règlement... ou on vient adopter ici des projets de loi qui, essentiellement, n'ont rien dedans et on réfère la procédure par règlement. Moi, j'ai un problème avec ça, parce qu'après ça on demande aux élus d'être redevables envers la population puis, en bout de course, on redonne ce pouvoir-là par procédure réglementaire. J'ai un petit peu l'impression qu'on est en train de faire la même chose avec le projet de loi qui nous est soumis, parce que, le projet de loi qui nous est soumis, on demande à l'opposition officielle... Au lieu d'avoir un vrai 20 minutes sur lequel il y a des vrais échanges comme on est habitués de le faire normalement dans une procédure normale, là, malheureusement, on se retrouve un peu ligotés.

Je dois vous dire que, le projet de loi, on a eu la chance d'en discuter en long et en large avec la grande majorité des gens qu'il y a ici, dans la salle, puis je veux vous remercier, tout le monde, pour votre grande disponibilité, puis la transparence, puis tous les efforts que vous avez faits pour rendre l'information disponible, répondre à nos questions. Puis je veux remercier chacun d'entre vous. Mais, sincèrement, je trouve ça vraiment déplorable, du côté gouvernemental, que vous ayez refusé notre proposition de travailler en toute collégialité. Je pense que la démarche de l'Université de Montréal, c'est une démarche qui s'est inscrite dans le temps, sur plusieurs semaines, voire même des années et qu'ils ont eu la chance, à l'intérieur de leurs instances, de discuter. Maintenant, on arrive ici, à l'Assemblée nationale, et là on essaie de... par une procédure qui n'est pas la bonne, parce que, de consentement, on aurait pu accepter d'avoir chacun un 20 minutes et de prendre le temps d'entendre les intervenants. Au lieu de ça, là, on sait déjà qu'à 6 heures ce soir il y a des gens qui ne seront pas entendus. La commission, elle est convoquée demain soir. Elle pourrait être convoquée également avant ça. Alors, ce que j'essaie de dire, c'est : De bonne foi, on pourrait déjà décider d'avoir, dans le temps, une meilleure compréhension de qui va parler quand et de nous assurer qu'en bout de course le projet de loi puisse procéder normalement. Au lieu de ça, malheureusement, on est un peu dans le flou, et je dois vous dire que, par rapport à l'importance des enjeux, je trouve ça déplorable.

L'autre élément que je veux dire, Mme la Présidente. J'aurais souhaité du côté gouvernemental que nous ayons des indications claires en ce qui a trait à la gouvernance de nos universités avant le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui. Maintenant, ça, c'est un choix du gouvernement du Québec. Je l'ai dit aux différents représentants du l'Université de Montréal, que j'aurais souhaité des lignes directrices, de gouverne de nos universités au Québec qui concernent l'ensemble de nos universités. Encore une fois, ça n'a rien à voir avec l'Université de Montréal comme telle, qui, elle, de bonne foi, a fait son processus interne puis souhaite revoir ses règles, souhaite moderniser, ce qui est tout à fait à propos. Mais, du côté du gouvernement du Québec, j'aurais souhaité de la ministre de l'Enseignement supérieur qu'elle nous donne les grandes lignes directrices concernant la gouverne de nos universités. On aura la chance d'en discuter ensemble.

Alors, ceci étant dit, je ne veux pas être rabat-joie, mais je tiens à vous exprimer que, sur le processus que nous avons présentement, je le remets en question, parce que j'aurais souhaité que nous ayons le temps de discuter. Ceci dit, le gouvernement est majoritaire, il décide, en bout de course, des règles qui sont applicables, mais il n'en demeure pas moins... et ça ne concerne pas l'Université de Montréal, je tiens à le redire, mais je veux que vous sachiez qu'avec le collègue de la Coalition avenir Québec et probablement, sans doute, mon autre collègue de Gouin, qui hoche de la tête, nous avons travaillé hier ensemble en commission parlementaire pour essayer au moins de donner davantage de temps aux parlementaires pour que nous puissions faire correctement notre travail. Quand je regarde le nombre de personnes qui est dans la salle, ça signifie en soi l'intérêt pour le projet de loi. Et, à mon point de vue, ça démontre l'importance qu'on prenne le temps nécessaire d'aller au fond des choses.

Alors, tout ça pour vous dire que, comme député de Lac-Saint-Jean et comme parlementaire maintenant depuis 11 ans à l'Assemblée nationale, je veux que vous sachiez que j'aurais de loin préféré pouvoir vous poser davantage de questions, comme c'est le cas habituellement avec des projets de loi. Encore une fois, ça n'a rien à voir avec l'Université de Montréal. C'est un choix que le gouvernement a pris, de refuser hier nos propositions. Alors, ceci étant dit, on va travailler de bonne foi, comme on l'a toujours fait. On va essayer d'être le plus succincts possible dans nos questions. Alors, vous aurez compris que je sollicite votre collaboration dans la rapidité de vos réponses, parce que, si vous parlez pendant 1 min 30 s, ça veut donc dire que nous ne pourrons pas poser d'autres questions.

Alors, sur ce, je vous souhaite, à tous et chacun, une très bonne commission parlementaire. Et je vous félicite, chacun d'entre vous, qui avez contribué à cette démarche à votre manière, avec vos positions respectives. Mais, somme toute, je pense qu'on est là pour trouver la meilleure gouvernance pour l'Université de Montréal. Et, sur ce, Mme la Présidente, je vais laisser la parole à mes autres collègues.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci, M. le député. Maintenant, la parole est au porte-parole du deuxième groupe d'opposition et député de Chambly.

M. Jean-François Roberge

M. Roberge : Merci bien, Mme la Présidente. Donc, il y a des points sur lesquels on s'entend parfois, notamment sur le processus, là, hein? Mon collègue et moi, on était hier en commission parlementaire. Et, si mon collègue a peu de temps pour ces échanges-là... Moi, je disposerai de 1 min 20 s tout à l'heure, questions et réponses. Donc, à moins de télécharger à vitesse grand V vos réponses, on n'aura pas trop, trop de temps de faire de grands échanges.

Ceci étant dit, on sait tous ici que ce projet de loi, je pense, est important. Ça va être important de l'améliorer. Je ne prétends pas qu'il faut l'adopter tel quel. Justement, je partage avec mon collègue cette idée que ce n'est pas vrai que les parlementaires, on est des «rubber stampers», puis qu'il suffit d'apporter quelque chose pour qu'on l'approuve tel quel. On va être là pour vous écouter puis l'améliorer. Et, quand on sait qu'il y a eu beaucoup, beaucoup, beaucoup de travail derrière et que ça fait longtemps que ça aurait dû être appelé, pourquoi on est là à trois jours, deux jours et demi de la fin de la session à l'adopter dans une fausse urgence, quand ça aurait pu être appelé peut-être au printemps dernier? On aurait pu le travailler sur des semaines cet automne pour avoir le temps d'écouter tout le monde mais aussi de l'améliorer correctement. Et moi, je sais que ça fait longtemps que l'université demande que ce projet de loi là soit appelé. Cette tradition que, parce que c'est un bill privé, il faut le faire dans la dernière semaine, c'est n'importe quoi. On peut évoluer un petit peu dans la vie. Moi, je nous invite à le faire. Puis j'espère que c'est la dernière fois qu'on a ce genre de choses.

Ceci étant dit, il y a, dans ce projet de loi là, des éléments qui, je pense, feront consensus. Il y a des anachronismes dans la charte, en ce moment, de l'Université de Montréal. Il y a des points sur lesquels les gens ne s'entendent pas. On verra bien dans quelle mesure on pourra faire les arbitrages, mais il ne faudra pas jeter le bébé avec l'eau du bain puis il ne faudra pas non plus avaler toutes les couleuvres.

D'une certaine façon, je veux dire une chose : Ce n'est pas parce qu'on a peu de temps d'échanger qu'on n'a pas pris le temps de vous lire et qu'on ne prendra pas le temps aussi pour faire des rencontres privées à côté. On est ici, mais déjà non seulement on a lu des mémoires, mais aussi on a eu des échanges avec plusieurs des personnes qui sont venues les présenter. Il ne faut pas se faire croire non plus que, parce qu'on a peu de temps pour échanger ce matin, on n'a pas de temps pour échanger du tout. Ça arrive qu'on se fasse des rencontres à l'extérieur de la commission. Ça arrive, je l'espère, qu'on lise les documents à l'extérieur de la commission, qu'on s'échange des courriels, qu'on se rappelle. Puis ce n'est pas exclusif. On s'est parlé avant, on va se parler maintenant, on va continuer de se parler après, puis vous pouvez être certains qu'on va faire notre travail... en tout cas, de mon côté, du point de vue de ma formation politique, avec le plus de sérieux possible, dans l'objectif d'améliorer ce projet de loi. Merci.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci. Maintenant, la parole est au député de Gouin.

• (12 h 50) •

M. Gabriel Nadeau-Dubois

M. Nadeau-Dubois : Merci, Mme la Présidente. D'abord, salutations aux collègues de l'opposition, à Mme la ministre et aux différentes équipes qui sont autour de la table aussi, bien sûr. Salutations aux nombreuses personnes qui sont dans la salle pour venir parler avec nous, même si ce sera difficile, du projet de loi qu'on étudie aujourd'hui, le projet de loi n° 234.

Je veux commencer par une remarque personnelle, Mme la Présidente. Quand je me suis lancé en politique ça ne fait pas très longtemps, quand j'ai été élu député de Gouin, c'était pour, je pense, comme beaucoup de gens ici et comme mes 124 collègues de l'Assemblée nationale, faire évoluer la société dans la bonne direction, discuter d'enjeux de fond, débattre de l'orientation que prend la société québécoise, mais, de manière plus générale, je suis quelqu'un qui s'intéresse depuis longtemps aux enjeux de l'éducation supérieure. Ça ne vous surprendra pas. Je trouve ça important, les débats, au Québec, sur l'avenir de nos cégeps, sur l'avenir de nos universités. Je trouve que c'est des enjeux qui, trop souvent, passent inaperçus dans le tourbillon médiatique qui est le nôtre. Trop souvent, on parle seulement en surface de ce qui se passe dans nos cégeps, de ce qui se passe dans nos universités. Et je sais que la ministre est d'accord avec moi là-dessus, je sais qu'elle aussi, elle a à coeur ces enjeux-là et je sais que nous partageons ce souci pour les débats et l'évolution de notre système d'éducation supérieure au Québec.

Ma déception est d'autant plus grande, donc, d'apprendre il y a quelques instants que je disposerai, pour ma part, d'un total de 45 secondes pour discuter avec les gens qui veulent partager leurs positions sur le projet de loi n° 234. C'est une déception parce que je trouve que c'est ne pas faire honneur non seulement au rôle des parlementaires de l'opposition, dont le rôle est important en démocratie, hein, même dans un système parlementaire comme le nôtre, même dans un système où une majorité gouvernementale permet d'aller de l'avant... donc, c'est non seulement insultant pour le rôle des parlementaires, mais personnellement je trouve ça blessant et je trouve ça problématique parce que ça envoie le message que ce dont on va discuter, dans le fond, ce n'est pas si important que ça. On va donner deux minutes à l'opposition officielle, 1 min 20 s à la deuxième opposition et à ma formation politique un gros 45 secondes.

Le message, je pense, que ça envoie aux gens qui nous écoutent et aux gens dans la salle, c'est que, dans le fond, là, la gouvernance, l'administration des universités, bien, ce n'est pas vraiment important. On va en parler quelques minutes à peine par intervention. Et ça, c'est un message que je trouve... je trouve que ce n'est pas le bon message à envoyer, et c'est un message qui me surprend de la part de la ministre, dont... disons, une ministre que je crois lorsqu'elle dit qu'elle a à coeur le réseau de l'éducation. Je trouve que c'est un message qui n'est pas le bon à envoyer. Et ce n'est même pas le bon message à envoyer aux gens qui sont là, ici, aujourd'hui, qui veulent nous partager leurs analyses. Il y en a plusieurs que j'ai rencontrés dans les derniers jours. Je leur ai posé des questions, on a eu des échanges. Plusieurs m'ont dit qu'ils trouvaient mes questions intéressantes. Et, malheureusement, ce dialogue-là, il ne pourra pas se poursuivre ici, un forum public, un forum ouvert, parce qu'on va me contraindre à n'utiliser que 45 secondes, disons, questions et réponses comprises. Alors, je vais avoir le temps de vous demander : Comment vous allez? Vous allez avoir le temps de me dire que vous allez bien ou plus ou moins bien, et ce sera l'essentiel de notre discussion sur le projet de loi n° 244.

Je suis sûr que les étudiants et étudiantes de l'Université de Montréal qui résident dans Gouin vont être déçus de ça. Je suis sûr que les professeurs de l'Université de Montréal qui résident dans Gouin vont être déçus de ça, je suis sûr que les chargés de cours de l'Université de Montréal qui résident dans Gouin vont être déçus de ça et je suis sûr que tous les gens qui ont à coeur nos débats sur l'évolution des universités au Québec vont être déçus de ça.

Le projet de loi n° 234, ce n'est pas un projet de loi sur la couleur des boutons de manchette, c'est un projet de loi sur l'administration de la plus grande université au Québec, dont 80 % du financement est public. C'est un projet de loi qui est d'intérêt privé sur papier mais qui est d'intérêt public dans les faits. C'est un projet de loi qui concerne le bien commun au Québec. Et on peut avoir nos désaccords. On les aura peut-être. Les gens qui vont témoigner auront leurs désaccords, mais nous devrions tous nous entendre sur l'intérêt de prendre le temps de discuter de ces choses-là. Et, malheureusement, on ne l'aura pas. Ce n'est pas une petite affaire, le projet de loi n° 234. Ce n'est pas un détail, c'est majeur. Ça a suscité des débats, disons, vifs au sein de la communauté universitaire à l'Université de Montréal, et mon intention ici, ce n'est pas de prendre position dans ces débats-là, mais ne serait-ce qu'à constater l'énergie de ces débats-là je pense que ça justifiait qu'on prenne le temps d'en parler. Je pense vraiment que ça le justifiait, quelle que soit notre position sur le fond des choses. Et, malheureusement, on ne pourra pas le faire.

Donc, moi, je veux commencer en affirmant mon malaise profond avec cette manière-là de fonctionner. J'espère que ce n'est pas un présage de la manière dont vont se faire les débats importants qui s'en viennent ici, à l'Assemblée nationale, sur les universités et les cégeps, parce que c'est vraiment problématique. Je pense que c'est un manque de respect pour les parlementaires et pour l'enjeu lui-même, qui mérite d'être discuté.

On a reçu, il y a quelques heures à peine, une lettre signée par 400 professeurs à l'Université de Montréal qui souhaitaient s'exprimer sur le débat. On peut être en accord ou en désaccord avec le contenu de la lettre, mais certes ça témoigne d'un intérêt, ça témoigne d'une mobilisation, ça témoigne d'un débat au sein du campus de l'Université de Montréal. Et que ce débat-là, qui se passe sur le campus, ne se reflète pas ici pleinement dans la contribution des différentes formations politiques, c'est un problème démocratique, et je soumets ça, bien sûr, en tout respect, Mme la Présidente. Ce projet de loi, je le disais, il a soulevé un débat, un débat polarisé entre l'université, entre les professeurs. Les autres associations et syndicats ont participé aussi à ce débat-là. Au-delà des positions respectives et au-delà de notre rôle, qui va être ingrat, de devoir travailler sur un projet de loi qui suscite autant de polarisation, on aurait dû se donner le temps. Et, malheureusement, j'ai l'impression qu'on est en train de réduire notre rôle ici à celui de cruche qu'on va remplir, parce qu'on ne pourra pas poser des questions, on ne pourra pas dialoguer.

Moi, j'espère que la ministre et son gouvernement vont écouter le plaidoyer que je fais et que mes collègues ont fait sur l'importance de ces débats-là et j'espère qu'ils vont consentir, parce qu'ils en ont encore le pouvoir, j'espère qu'ils vont consentir à nous permettre d'étendre un peu nos discussions. Moi, je vous annonce, Mme la Présidente, qu'à la fin de chacune de mes périodes de 45 secondes je vais demander le consentement des membres de la commission afin d'avoir un peu plus de temps. De consentement, tout est possible, comme on dit en procédure parlementaire, et ce sera à la majorité gouvernementale à décider s'ils me laissent utiliser un deuxième 45 secondes. Je vais en faire la demande, et, à chaque fois, on verra quelle sera la réponse, parce que je pense que c'est problématique de nous restreindre comme ça.

Et je veux faire écho également au collègue de la deuxième opposition qui disait que la tradition parlementaire d'étudier les projets de loi privés dans la hâte lors de la dernière semaine des travaux, c'est une tradition qui pourrait et qui devrait être changée. On n'est pas liés à ça, on n'est pas obligés de la respecter, surtout pas pour un projet de loi privé de cette importance-là, Mme la Présidente. On aurait pu prendre le temps, c'était possible de le faire. Et il y a eu une décision gouvernementale de ne pas prendre ce temps-là, alors c'est profondément regrettable. Et j'aurai seulement 45 secondes. Je vais les utiliser pleinement et je vais demander à chaque fois le consentement pour pouvoir parler un peu plus, parce que je pense que c'est des débats importants à l'heure où notre réseau universitaire se transforme, hein? Il y a de plus en plus de transformations dans le monde universitaire, de plus en plus de débats. La dernière réforme de la charte, si je ne me trompe pas...

• (13 heures) •

La Présidente (Mme de Santis) : Je m'excuse, M. le député de Gouin.

M. Nadeau-Dubois : Oui.

La Présidente (Mme de Santis) : Compte tenu de l'heure, je vais devoir suspendre jusqu'à 15 heures cet après-midi. Je voudrais vous dire, à ceux qui vont présenter, qu'on ne pourra pas vous entendre tous et toutes cet après-midi et qu'on va vous aviser, aussitôt qu'on peut, si on devra vous entendre demain matin... pas demain matin, mais demain à 19 h 30. Alors, cette information va vous être remise dans les plus brefs délais. Alors, merci, et à plus tard. Bon appétit.

(Suspension de la séance à 13 h 1)

(Reprise à 15 h 8)

La Présidente (Mme de Santis) : Bon après-midi. Nous reprenons nos travaux. Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme David : Merci, Mme la Présidente. Alors, après avoir entendu les commentaires des différents partis d'opposition, j'ai demandé à ce que soit allongé à 30 minutes le temps de présentation et d'intervention pour tous les intervenants. Alors, oui, on va être assis un peu plus longtemps, mais, oui, je pense qu'on va avoir le temps donc d'échanger et de faire des échanges de qualité et des échanges et de quantité mais de qualité aussi. Donc, nous doublons le temps de présence pour chacun des groupes. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci, Mme la ministre. Est-ce qu'il y a des interventions? M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Cloutier : Bien, simplement souligner l'ouverture de la ministre, puis, je tiens à le dire publiquement, c'est très apprécié, Mme la ministre, puis je pense que de loin ça va faciliter nos travaux. Et je tiens à vous remercier de cette ouverture. Je pense que, pour le bienfait de tous et chacun, c'est beaucoup plus respectueux pour tout le travail sérieux qui a été fait pour la discussion sur les différents enjeux. Alors, je tenais à dire publiquement, là, mes remerciements pour cette ouverture, qui m'apparaît être la bonne façon de procéder, considérant l'importance des enjeux qui nous sont soumis.

La Présidente (Mme de Santis) : Est-ce qu'il y a d'autres interventions? M. le député de Chambly.

M. Roberge : Oui. Au-delà des quelques secondes qu'on vient de gagner, on a peut-être sauvé le climat de travail pour l'après-midi, donc on aura peut-être... On n'a jamais suffisamment de temps pour tout dire, mais là disons qu'on pourra quand même avoir une petite marge de manoeuvre supplémentaire. Ce sera plus intéressant pour nous, mais surtout pour les groupes parce que c'est eux qu'on écoute aujourd'hui. Voilà.

• (15 h 10) •

La Présidente (Mme de Santis) : Merci. Est-ce que M. le député de Mercier a une intervention sur ce que la ministre vient de dire?

M. Khadir : Oui. Je prendrai du temps des remarques préliminaires, qui ne sont pas terminées.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci. Alors, maintenant, on a besoin du consentement de tous les membres pour que les 15 minutes soient maintenant 30 minutes. Est-ce que tout le monde est d'accord? Oui. O.K.

Alors, j'aimerais faire les points suivants : parce que maintenant chaque groupe aura 30 minutes, chaque groupe aura 10 minutes pour faire sa présentation, et pas 7 min 30 s; et le gouvernement aura neuf minutes pour ses interventions; l'opposition officielle, 5 min 20 s; le deuxième groupe d'opposition, 3 min 35 s; et l'indépendant aura deux minutes. Cela veut dire aussi qu'on ne pourra pas entendre aujourd'hui tous les groupes qu'on croyait allaient faire une présentation.

Donc, on va entendre l'Université de Montréal, le Syndicat général des professeurs et professeures de l'Université de Montréal, la Fédération québécoise des professeures et professeurs d'université, le Syndicat des chargées et chargés de cours de l'Université de Montréal et la Fédération des associations étudiantes du campus de l'Université de Montréal. Je comprends que, parmi les autres groupes, il y a des groupes qui viennent de l'extérieur et qui peut-être auraient voulu être entendus cet après-midi. Si ces groupes voulaient faire cela, il faudrait qu'ils s'entendent avec un des groupes que je viens de mentionner. Demain soir, à partir de 19 h 30, on aura la possibilité d'entendre M. François Schiettekatte, l'Association des diplômés de l'Université de Montréal, l'Association générale des étudiants et étudiantes de la Faculté de l'éducation permanente, le Centre de recherche en droit public de la Faculté de droit de l'Université de Montréal, l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université, la Fédération des professionnels — Confédération des syndicats nationaux. Alors, un, deux, trois, quatre, cinq, six. O.K. Les autres intéressés vont être entendus en janvier et donc ils ne pourront pas présenter leurs mémoires ou venir faire leurs interventions demain. Alors, est-ce que tout ça est compris? Oui. Merci beaucoup.

Alors, nous allons maintenant continuer avec les remarques préliminaires. M. le député de Mercier, vous avez la parole.

M. Amir Khadir

M. Khadir : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Donc, je prends la relève de mon collègue le député de Gouin.

Si nous avons, comme parti, insisté autant sur le processus, dans le fond, c'est à cause de l'importance du fond de la question, c'est-à-dire une modification à la Charte de l'Université de Montréal, qui est un des... c'est-à-dire, en tant qu'université, un des derniers remparts, dis-je bien, remparts contre l'envahissement de tout notre espace collectif et démocratique par le pouvoir des secteurs économiques, le pouvoir des marchés, le pouvoir de l'argent. Si on ne prend pas son temps, si le travail n'est pas fait adéquatement, si on n'a pas l'occasion d'entendre tous les intervenants pour assurer les bons équilibres, pour assurer que les transformations qu'on apporte n'introduisent pas une série de mesures qui ouvrent la porte à la prise de contrôle de ce dernier rempart par les acteurs économiques en puissance qui s'infiltrent et prennent le contrôle des processus démocratiques... C'est déjà assez que les gouvernements, dans tous les pays occidentaux, ont — de l'aveu même d'un ministre qui a déjà siégé à l'Assemblée nationale — les mains liées par les acteurs économiques et par les lobbys des secteurs économique, bancaire, financier, industriel. Il ne faudrait pas qu'on joue imprudemment avec la Charte de l'Université de Montréal pour accentuer ce phénomène.

C'est d'autant plus risqué que la ministre en exercice, qui chapeaute ce projet de loi, a déjà été impliquée dans les structures administratives, dans la Direction de l'Université de Montréal. Donc, il ne faudrait pas qu'il y ait apparence qu'on est en train de précipiter quelque chose pour accommoder, je ne le dis pas avec malveillance... mais simplement pour accommoder d'anciens collègues, d'anciens, disons, partenaires de travail.

Moi, j'estime toutes les personnes qui sont devant nous, y compris la Direction de l'Université de Montréal, mais je ne peux pas passer sous silence que, malheureusement, cette direction, comme la Direction de l'Université McGill, comme la Direction de l'Université Concordia, comme la direction de la plupart de nos universités... sont parfaitement étanches à l'influence des milieux d'affaires et n'ont pas conscience de l'importance de garder l'indépendance académique, l'indépendance institutionnelle de ces derniers remparts de nos sociétés face au virus antidémocratique — pour prendre l'expression d'un ancien président américain — lorsque le pouvoir de l'argent accapare les espaces démocratiques, les lieux de contrôle qui doivent appartenir aux collectivités à partir des mécanismes qui rendent des comptes à la société, et non pas aux financiers qui subventionnent les fondations, et on voit apparaître leurs noms, par-dessus le nom des scientifiques, sur nos buildings, alors que nos buildings, nos édifices dans nos endroits publics devraient être nommés au nom de ceux qui ont fait des découvertes, au nom de ceux qui ont fait avancer la science. Aujourd'hui, qu'est-ce qu'on voit? Le nom de grandes entreprises, des banques, des grands groupes pharmaceutiques. Je ne dis pas que vous l'avez fait, que ça a été fait, mais j'en parle parce que ça témoigne de ce danger, malheureusement, qui se manifeste, qu'on a laissé aller.

Par ailleurs, nous sommes très soucieux des équilibres aussi à assurer. Il faut que les professeurs, les enseignants aient leur place. Quant à moi, il faut faire plus de place à la fois pour les professeurs, les étudiants, les employés, les chargés de cours. Peut-être qu'il y aurait une plus grande prudence, à ce moment-là, de leur part vis-à-vis de l'influence néfaste des milieux d'affaires sur l'orientation prise dans nos universités dans leurs investissements, dans leurs priorités, dans la manière d'allouer les ressources à la recherche, aux services aux élèves, etc. Nombre d'acteurs de la société ont critiqué, à juste titre, puis il n'y a pas eu de défense convaincante, à juste titre, ces choix dans le passé récent, qui ont avantagé l'immobilisation, bien sûr au profit de tous ces développeurs qui veulent construire, plutôt que de services aux étudiants, qui ont avantagé ces immobilisations au détriment d'une meilleure reconnaissance du travail et de la place des chargés de cours, d'une meilleure reconnaissance du travail et de la contribution des autres employés de soutien, etc.

Donc, c'est pour ça, Mme la Présidente, que nous avons autant insisté sur le processus. Quant à moi, le 30 minutes est encore largement insuffisant. Traiter de la Charte de l'université et des universités est central, central à la préservation des derniers remparts de la démocratie dans nos sociétés. Je vous en parle parce que vous savez notre critique vis-à-vis des pouvoirs publics trop longtemps et trop lourdement influencés par le pouvoir économique, qui prend trop de place au détriment du savoir, au détriment de la démocratie, au détriment de la participation des divers acteurs de la société, des autres acteurs de la société et, en fin de course, au détriment de la civilisation, pour laquelle l'université est une institution centrale. Merci beaucoup, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci, M. le député de Mercier. J'aimerais rectifier quelque chose que je viens de dire. Les personnes qui ne seront pas entendues aujourd'hui ou demain soir, j'avais dit qu'elles seraient entendues en janvier. Je ne peux pas faire cette affirmation. Je peux vous dire uniquement que les personnes vont être entendues après les fêtes. Merci.

Auditions

Alors, maintenant, je souhaite la bienvenue...

Une voix : ...

• (15 h 20) •

La Présidente (Mme de Santis) : Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? Merci. Je souhaite la bienvenue aux représentants de l'Université de Montréal. Je vous invite à vous présenter, ainsi que les personnes qui vous accompagnent, et à faire votre exposé. Vous disposez de 10 minutes. La parole est à vous.

Exposé de la requérante

Mme Roy (Louise) : Mme la ministre responsable de l'Enseignement supérieur et de la Condition féminine, Mme la Présidente de la Commission de la culture et de l'éducation, membres de la commission, je suis Louise Roy, chancelière de l'Université de Montréal, et c'est avec grand plaisir que je suis ici aujourd'hui.

Je suis accompagnée du secrétaire général de l'Université de Montréal, M. Alexandre Chabot, et du recteur, M. Guy Breton, à qui je vais laisser le soin de vous présenter les grandes lignes du projet de réforme de la Charte de l'université. Je veux également souligner la présence, dans cette salle, de membres du conseil de l'université ainsi que de doyens et doyennes de quatre de nos facultés et je les remercie vivement d'être ici aujourd'hui.

Je suis très privilégiée de présider le conseil de l'Université de Montréal depuis 2008 et je suis également une fière diplômée du Département de sociologie de l'Université de Montréal, diplômée de 1971. Au fil des ans, j'ai appris à bien connaître cette université et j'ai pu observer certaines limites de l'application de sa charte, une charte qui date déjà de 50 ans. Le projet de loi que nous vous soumettons aujourd'hui permettra à notre université de poursuivre son évolution en répondant mieux aux besoins de ses étudiants et de l'ensemble de la société.

Je tiens à préciser que cette réforme a reçu l'aval de notre assemblée universitaire et de notre conseil, sans parler de l'appui de très nombreux membres de notre communauté, mais je vais laisser le soin au recteur d'expliquer pourquoi nous croyons que cette réforme est nécessaire. M. le recteur.

M. Breton (Guy) : Mme la ministre, Mme la Présidente de la commission, membres de la commission, je vous remercie de nous accueillir aujourd'hui.

La dernière fois qu'un recteur est venu ici parler de la Charte de l'Université de Montréal, c'était il y a 50 ans. Depuis, bien des choses ont changé dans le monde universitaire comme dans le monde tout court.

Le projet que nous vous soumettons aujourd'hui n'est pas une révolution, mais bien une évolution. Il ne change pas la structure de gouvernance tout à fait unique de notre université. Il ne modifie pas de manière significative le poids respectif des différents groupes dans la composition de nos instances. Il ne touche à aucune des conditions de travail de nos professeurs. Et surtout il ne change absolument rien aux conditions d'exercice de leur liberté académique. Bref, ce projet n'ôte rien de l'héritage du passé, il ajoute plutôt en préparation de l'avenir.

Je souligne quatre grands projets de ce projet de loi privé, qui est spécifique à notre université, à l'Université de Montréal. Ce n'est pas du tout une loi qui vise l'ensemble des universités, c'est un projet qui vise quatre enjeux que nous avons, les voici : la laïcité, l'identité de l'Université de Montréal, le traitement des cas disciplinaires et enfin l'ouverture sur la société.

Au sujet de la laïcité, il est évident que l'Université de Montréal est un établissement laïque. Elle l'est depuis 50 ans. Toutefois, deux des 24 membres de notre conseil sont toujours nommés par l'archevêque de Montréal. C'est un anachronisme que nous souhaitons corriger.

Deuxième volet : l'identité. Notre charte actuelle précède la loi 101 et la mondialisation. Il nous paraît important d'inscrire dans notre charte le caractère francophone de l'Université de Montréal. Nous sommes la plus grande université de langue française en Amérique et l'une des plus importantes de toute la francophonie. Pour la société québécoise, nous sommes aussi un puissant instrument d'intégration des nouveaux arrivants.

Troisième volet : la discipline. En vertu de la charte actuelle, il y a sur notre campus une approche deux poids, deux mesures. En cas de plainte disciplinaire pour harcèlement, par exemple, si la plainte vise un employé autre qu'un enseignant, elle est traitée par notre Bureau d'intervention en matière de harcèlement et, ultimement, par l'employeur dans une seule démarche. Mais, si la plainte vise un enseignant, après analyse de recevabilité par le même bureau, elle est aussi reçue, dans un deuxième temps, par un comité de discipline formé exclusivement d'enseignants, et c'est ce comité qui détermine par la suite, au besoin, la sanction à appliquer. Dans ce cas, la victime alléguée doit donc témoigner deux fois, ce qui suffit trop souvent à décourager les victimes de porter plainte.

Enfin, quatrième et dernier volet de cette réforme : l'ouverture sur la société. Comme toutes les autres universités modernes, notre établissement veut faire une plus grande place à ses diplômés, qui font partie d'un formidable réseau de 400 000 personnes actives dans tous les secteurs de la société, tous les secteurs, et c'est notre vaccin contre les mainmises des groupes de pression de faire entrer dans l'université nos diplômés de tous les secteurs. Cette ouverture, nous l'appliquerons aussi à nos étudiants et à nos chargés de cours, à nos autres employés autant qu'aux cadres et au personnel de soutien. Nous leur ferons une place accrue sans rien enlever aux professeurs réguliers, qui demeureront toujours, toujours des acteurs centraux.

Voilà, chers membres de la commission, les quatre principaux motifs qui nous amènent aujourd'hui à demander aux législateurs d'adopter le texte, modifié à la pièce, de notre charte, un texte qui a reçu l'approbation de l'assemblée universitaire et du conseil de l'université, les deux instances qui incarnent la collégialité au sein de notre communauté. Je me permets d'insister sur ce point : les membres de notre assemblée universitaire et les membres de notre conseil ont consacré des centaines d'heures à étudier point par point notre charte article par article et à convenir des éléments où il y avait très large consensus. Toutes les modifications apportées au texte ont été adoptées par les deux instances soit à l'unanimité soit par une très vaste majorité, et en tout temps une majorité des 59 professeurs qui siègent à notre assemblée universitaire étaient présents lors des discussions entourant ce projet.

Le texte que vous avez entre les mains est donc le résultat de plusieurs mois de travail, près d'un an, et d'un très large consensus réaffirmé pas plus tard qu'il y a deux jours à l'assemblée universitaire, où un vote de réaffirmation a été obtenu à 86 %. J'ajoute, en terminant, et c'est pour moi l'essentiel : le projet de loi n° 234 s'appuie sur une conception de l'Université de Montréal centrée sur les besoins des étudiants, tant réguliers qu'en formation permanente, et sur les attentes de la société, une conception de l'université qui est ouverte, généreuse, citoyenne et tournée vers l'avenir. Nous vous remercions de votre aide.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci. Alors, d'abord, on va permettre des questions. On commence avec le député de LaFontaine.

M. Tanguay : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bien, bonjour. Bienvenue. Merci de répondre à nos questions.

Je vais aller au coeur d'un questionnement. Vous avez sûrement lu la lettre publiée dans Le Devoir le 23 novembre 2017 par l'exécutif du Syndicat général des professeurs et professeures de l'Université de Montréal, le SGPUM, et là on a plusieurs critiques par rapport au projet de loi. J'aimerais vous entendre sur ces critiques-là, puis on va les prendre une par une. D'abord, l'on dit chez les représentants du SGPUM qu'il y a une baisse, une diminution quant à la représentation des professeurs du corps professoral dans les instances. J'aimerais vous entendre quant à cela et sur l'autre volet également, où, et là je tire ça de cette lettre-là, qui utilise des mots durs contre le projet de loi, on parle d'autoritarisme et de centralisation. Alors, j'aimerais vous entendre sur ces deux volets-là, s'il vous plaît.

M. Breton (Guy) : Alors, en ce qui concerne la proportion ou la participation des professeurs aux instances, si nous prenons le conseil de l'université, il y a actuellement quatre professeurs et un chargé de cours. Ce que nous proposons, c'est quatre professeurs, un chargé de cours et un autre employé de l'université. Il n'y a donc pas de diminution, et le nombre total de membres du conseil est inchangé. Donc, c'était et ce sera quatre sur 24, en rajoutant un autre type d'enseignants qui sont nos chargés de cours, qui sont des précieux collaborateurs, et un autre type, donc d'autres employés. Donc, c'est faux de le prétendre en ce qui concerne le conseil. En ce qui concerne l'autre instance, c'est l'assemblée universitaire, composée de 118 membres, dont 59 sont des professeurs élus. C'était vrai... ou c'est vrai dans la charte de 1967, ce sera vrai dans la charte de 2018. C'est le même nombre. Donc, je réfute ces deux affirmations, qu'il y a des modifications du poids des enseignants.

Je voudrais souligner, dans le cas de l'assemblée universitaire, qu'il y a aussi de nombreux officiers qui sont des doyens, qui sont des vice-doyens qui sont des professeurs mais qui ne font pas partie de ces 59 là. Il y a donc, dans les faits, à l'assemblée universitaire une vaste majorité de personnels qui sont des enseignants, certains avec des fonctions administratives, d'autres sans fonction administrative. Mais ce n'est pas parce qu'on devient doyen qu'on n'est plus enseignant. J'ai avec moi ici deux doyens qui ont dû reporter des cours qu'ils avaient à donner aujourd'hui.

• (15 h 30) •

M. Tanguay : ...justement, vous parlez des doyens. Un des éléments qui étaient soulevés dans cette même lettre là, c'est que — et je cite — «désormais, les doyens deviennent des mandataires du recteur, tandis que ce dernier recevra ses propres mandats du conseil d'administration». Alors, on disait ici : Une gouvernance autoritaire, une centralisation.

Qu'avez-vous à dire par rapport à ça?

M. Breton (Guy) : En ce qui concerne le lien doyen-recteur, c'est ce qui existe actuellement, les doyens relèvent du recteur. Le projet de loi le précise de la même façon qu'il précise que le recteur relève du conseil d'administration. C'est ça, en réalité. C'est le conseil d'administration qui nomme le recteur, qui l'évalue annuellement puis qui peut le congédier. Donc, ça ne change strictement rien au pouvoir.

Qui plus est — vous pourriez prendre à témoin mes collègues doyens — quand je rencontre les doyens, soit moi... soit mes collègues vice-recteurs, c'est pour les aider, c'est pour faire la coordination avec eux, pour faire de l'interfacultaire. La première question, c'est : Qu'est-ce que je peux faire pour toi? Alors, de dire qu'il s'agit là d'une démarche autoritaire, c'est mal connaître la réalité de la dynamique entre le conseil, qui se limite au volet administratif, et le recteur et les doyens, qui s'occupent essentiellement de l'aspect académique.

M. Tanguay : Il y a eu des consultations, ça a été mentionné un peu plus tôt, pour chacun des 23 articles qui constituent le projet de loi. Il y a eu des consultations qui se sont échelonnées sur plusieurs semaines, pour ne pas dire des mois. Quel a été le niveau de participation ou comment qualifieriez-vous la participation des professeurs, des représentants également syndicaux à cette consultation-là? Quel a été le résultat de ces consultations-là? Puis dites-vous, aujourd'hui, qu'on peut la qualifier d'exercice démocratique?

M. Breton (Guy) : Aucun doute là-dessus. Nous avons respecté les règles de l'assemblée universitaire.

Nous avons fait même plus que ça, parce que c'est un processus, là, qui a été enclenché il y a pratiquement un an. Nous avons fait, vous me permettrez l'anglicisme, des «town halls», des réunions où nous avons invité toute la communauté à venir échanger avec le secrétaire général et le recteur sur les objets, les items. On a pris les idées, on a ramené ça aux assemblées universitaires, lesquelles, assemblées universitaires, il y en a eu six qui se sont dédiées spécifiquement à étudier article par article... Et chaque vote a été pris, et je crois que vous avez reçu un document qui donne le nombre de votes. Chaque fois, il y a eu soit des décisions unanimes soit des décisions à large majorité. Et c'était l'engagement que nous avions pris dès le début, de dire : S'il y a des objets où on est à 50 plus un, on va rester avec la vieille loi. Nous allons bonifier ce sur quoi nous allons nous entendre de façon soit unanime soit largement majoritaire.

En ce qui concerne la participation des professeurs, malgré un diktat de s'absenter venant de la Direction du syndicat des professeurs, il y a eu, à toutes les réunions de l'assemblée universitaire, une majorité des 59 professeurs membres de l'AU, professeurs non officiers, qui étaient présents. On peut donc affirmer qu'il y a toujours eu des professeurs, en quantité au-delà de la moitié de ce qu'ils pouvaient être, présents aux assemblées. Puis vous devinerez que, lorsque c'est un vote unanime, on sait de quel bord les professeurs auront voté.

M. Tanguay : Et qu'avez-vous à dire par rapport aux commentaires, précisément sur ce que vous dites, donc, de l'exécutif du syndicat SGPUM du 23 novembre dernier, qui, à ce chapitre, dit : «Mme Roy suppose que les professeurs qui étaient présents à l'assemblée universitaire auraient appuyé [les] propositions de réforme. Or, la présence en assemblée ne signifie pas l'adhésion aux propositions, d'autant plus que le vote a toujours été secret.»

Comment expliquez-vous ce commentaire-là?

Mme Roy (Louise) : Bien, je pense que le recteur vient de le mentionner, la majorité des professeurs qui sont membres de l'AU étaient présents, et, comme le vote est secret, chacun se sent bien libre d'exprimer son opinion.

M. Breton (Guy) : Mais, si c'est un vote unanime, je regrette, mais je ne comprends pas le commentaire. Si c'est un vote unanime dans une direction, même si le vote est secret, on sait qu'est-ce que les gens ont voté. Vous serez d'accord avec moi, là.

M. Tanguay : On connaît le résultat. Au niveau de la marchandisation, qu'avez-vous à dire par rapport à cet aspect comme on veut le faire soulever, qu'on veut marchandiser l'université?

Mme Roy (Louise) : Moi, je pense qu'il y a un élément important que la commission doit comprendre ici, c'est que, le conseil d'administration, qui est formé de 24 personnes, son mandat, c'est de gérer l'administration de l'université, et le conseil n'a aucun droit de regard sur tout ce qui s'appelle recherche, programme, tout ce qui concerne l'académique. Donc, je pense que cette allégation-là, elle ne tient pas la route, parce que, pour nous, au fond, autour de la table — il faut voir les gens qui sont autour de la table — on a des gens qui sont de l'interne et de l'externe, on a un climat de collaboration et de respect, on est là pour soutenir la direction.

La Présidente (Mme de Santis) : Il reste une minute.

M. Tanguay : Parfait. Merci beaucoup. Pouvez-vous continuer? Oui, continuez votre réponse, je vous en prie.

Mme Roy (Louise) : En fait, je ne vois pas l'allégation vraiment à l'intérieur du contexte des modifications de la charte actuelle.

M. Tanguay : Un dernier aspect de ce qui est reproché par les représentants syndicaux, c'est qu'on touche à des conditions de travail. Est-ce que vous touchez à des conditions de travail par la refonte de la charte?

Une voix : ...

M. Tanguay : Pourquoi?

M. Breton (Guy) : On ne touche pas à des conditions. Les conditions de travail sont gérées par le secteur des relations de travail. Il n'y a aucun élément, dans cette charte, qui touche les conditions de travail. L'élément discipline est touché, nous pourrons y revenir, mais ce ne sont pas des conditions de travail, la discipline.

M. Tanguay : Ça complète, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci, M. le député de LaFontaine. Maintenant, la parole est au député de Lac-Saint-Jean.

M. Cloutier : Je vous remercie, Mme la Présidente. Alors, à mon tour de vous souhaiter la bienvenue.

Je veux vous remercier pour votre disponibilité dans les derniers six mois. Quand même, je dois dire que vous avez été très généreux de votre temps par rapport à l'ensemble des questions qu'on vous a posées et je tiens à souligner votre collaboration, d'ailleurs, et la collaboration aussi de beaucoup de gens qui vont vous suivre pour la suite des choses.

Ceci étant dit, parmi les enjeux difficiles qui sont soulevés par différents groupes, on retrouve des enjeux liés à la convention collective et des dispositions qui ont été négociées de bonne foi et qui, pour certains... on laisse entendre qu'entre autres sur l'enjeu du comité de discipline on vient remettre en question, dans le fond, une négociation qui a eu cours par le passé et que, dans le mémoire qui nous est présenté par les représentants des syndicats, ce serait contraire à la disposition à la clause DG 1.01 de la convention collective. J'étais curieux de savoir si... vous avez sûrement une réflexion, j'imagine, par rapport à cet enjeu bien précis.

M. Breton (Guy) : Alors, écoutez, je vais laisser mon collègue le secrétaire général... sur les aspects plus techniques, mais, pour nous, je l'ai dit tout à l'heure, c'est inacceptable en 2018 d'avoir un régime de deux poids, deux mesures. Je parle de la discipline ici. D'autant que je comprends que la sagesse des parlementaires fait que la loi n° 151 va être mise de l'avant, nous ne voudrions surtout pas nous ramasser dans une situation où nous aurions de la difficulté à pouvoir bien nous conformer. Donc, pour nous, c'est un enjeu important.

En 2018, il n'y a aucune raison qu'il y ait deux poids, deux mesures, que, parce qu'on a un certain statut dans un établissement, pour le même méfait allégué il y a deux traitements. Mais je vais laisser le secrétaire général répondre à votre question.

M. Chabot (Alexandre) : Bien, la première des choses, je pense, c'est important de réitérer le fait qu'on ne veut pas toucher aux conventions collectives. Et, sur la discipline, on a eu des discussions avec le syndicat des professeurs pour essayer de trouver une voie de passage qui nous aurait conduits à traiter tous nos employés de la même façon pour ce qui est applicable à l'ensemble de nos employés, étant entendu que ce qui est spécifique aux professeurs — on parle de probité intellectuelle, de plagiat, ces choses-là — devrait avoir un traitement différent. Mais, que ce soient les violences sexuelles, le harcèlement, le vol ou peu importe, c'est applicable à tous les employés, la discipline devrait être la même. Et ce n'est pas nous qui le disons, c'est notre ombudsman, qui, année après année, le répète au conseil de l'université en disant dans son rapport : Le processus à l'Université de Montréal, il est inéquitable.

Nous avons actuellement pour notre corps professoral et pour notre personnel enseignant un comité de discipline en première instance qui rend les décisions. Le recteur l'a expliqué tout à l'heure. Nous sommes la seule université à avoir cette mécanique-là. Et effectivement ça pose des problèmes de procédure, d'équité, de prolongement de la durée, et c'est un enjeu qu'on veut régler. On a bon espoir qu'une fois la charte adoptée on puisse se rasseoir avec nos partenaires syndicaux pour discuter de cette question-là de façon raisonnable et en venir à une entente. Mais fondamentalement la prémisse demeure la même : il faut qu'on puisse traiter tous nos employés sur le même pied.

M. Breton (Guy) : Sauf pour les éléments académiques, vous avez raison, M. Cloutier, là, vous l'avez évoqué. Sur ce qui s'appelle la probité et ces éléments-là, il y aura un traitement particulier parce que c'est une réalité particulière aux enseignants et aux académiques. Mais, pour ce qui est semblable pour tout le monde, tout le monde doit être traité de la même façon.

• (15 h 40) •

M. Cloutier : Très bien. J'entends bien ce que vous dites, mais vous aurez compris que, comme parlementaires, dans le fond, ce qui est plaidé devant nous, c'est que certaines dispositions, dans le fond, du projet de loi actuel pourraient contrevenir à des dispositions négociées dans une convention collective, alors, inévitablement, pour nous, ça soulève cet enjeu.

Sommes-nous réellement en train de le faire? Je comprends que, de votre point de vue, ce n'est pas le cas. C'est bien ça?

M. Chabot (Alexandre) : Effectivement.

M. Cloutier : Très bien. Une question liée à la Commission des études concernant la coordination de l'enseignement et son arrimage quant à la recherche et la passation, dans le fond, des pouvoirs vers le conseil plutôt que l'assemblée universitaire. On nous soulève des enjeux liés à l'indépendance de recherche des enseignants, leur capacité à porter un jugement professionnel justement sur l'offre de...

La Présidente (Mme de Santis) : Il reste une minute.

M. Cloutier : Je vais arrêter là.

M. Breton (Guy) : Il n'y a pas de transfert. En 1967, la recherche était pratiquement inexistante en termes de préoccupation de gouvernance. L'assemblée universitaire va continuer à avoir un comité de la recherche. Ce que nous faisons, c'est d'arrimer la recherche, pas contrôler la recherche, mais s'assurer que les éléments de recherche... sans vouloir dire aux chercheurs sur quoi ils vont chercher, mais d'arrimer ce qu'ils font à la formation pour que nos étudiants puissent bénéficier de la recherche qui est faite. Donc, ce n'est pas une soustraction à l'AU, c'est une addition de type coordination, pas contrôle.

M. Cloutier : Très bien. Je vous remercie. Et je comprends que vous souhaiteriez un amendement à la disposition de l'article 22, dernier paragraphe, pour restreindre, dans le fond, le libellé actuel. Je comprends que ça sera discuté ultérieurement, mais, pour peut-être vous donner la chance soit de le présenter ou, du moins, d'expliquer pourquoi vous allez...

La Présidente (Mme de Santis) : Je m'excuse, le temps est terminé. Alors, c'est maintenant au député de Chambly.

M. Roberge : On voit que, même en ajoutant un peu de temps, là, on est serrés. Je vais aller direct au but. M. le secrétaire général, vous avez dit tout à l'heure : On ne veut pas toucher aux conventions collectives. Mais, à la fin de l'article 22, ça dit : «En cas d'incompatibilité, la Charte de l'Université de Montréal telle que modifiée par la présente loi prévaut sur les statuts et les règlements ainsi que [...] tout contrat ou entente.»

Est-ce que cet article-là ou ces mots-là ne visent pas justement peut-être à entrer en conflit ou à... Pouvez-vous m'expliquer ça puis réconcilier ça avec le fait que vous ne touchez pas aux conventions collectives?

M. Chabot (Alexandre) : Bien, votre prédécesseur faisait référence à une proposition d'amendement, parce qu'effectivement on s'aperçoit que le libellé actuel de l'article 22, que vous avez sous les yeux, peut porter à interprétation, mais ce n'est pas du tout l'intention. Donc, la proposition d'amendement vise justement à être beaucoup plus spécifique et à dire les choses clairement, à l'effet qu'il n'est pas question de toucher quoi que ce soit qui touche les conventions collectives et les conditions de travail, à l'exception, si c'était le cas, des aspects disciplinaires pour nous donner la capacité... Puis les aspects disciplinaires, encore là, c'est circonscrit, là, c'est sur ce qui est applicable à l'ensemble des employés pour avoir une approche équitable pour tous. Ce qui est spécifique aux professeurs, bien, le comité de discipline demeurera.

M. Breton (Guy) : Je voudrais rajouter une chose qui n'est peut-être pas connue : l'Université de Montréal, récemment, a été reconnue comme un des 100 meilleurs employeurs au Canada. Pour nous, le souci d'être un bon employeur est important. On ne fera pas par une loi le contraire de ce qu'on ferait normalement. Donc, soyez assurés que ce n'est pas un détour ici qu'on veut utiliser, en aucune façon. Par contre, la discipline, elle doit être traitée équitablement pour tous les types d'employé.

M. Roberge : Merci beaucoup. Au début du projet de loi, vous parlez de la mission puis de préciser et modifier la mission. Et là on met «enseignement supérieur», «recherche», «création», «services à la communauté».

Pouvez-vous me préciser ce que vous entendez par «création» puis «services à la communauté»?

M. Breton (Guy) : C'est une très bonne question qui illustre très bien que l'université a progressé depuis 50 ans. Nous avons des collègues en musique, en design, en littérature qui sont des créateurs. Ils ne se retrouvaient pas dans la définition de l'université. Nous leur donnons leur place, d'une part. Votre autre bout de question, c'était quoi? Je m'excuse.

M. Roberge : Bien, il y avait «création», «services à la communauté».

M. Breton (Guy) : Écoutez, nous avons plusieurs services qui sont donnés, parce que moi, je crois à l'université citoyenne. Je vais donner l'exemple de médecine vétérinaire, où, pour former nos vétérinaires, on a un hôpital vétérinaire. Je vais donner l'exemple de médecine dentaire, qui fait des activités dans des milieux défavorisés. Donc, c'est ce que ça veut dire. Ce sont les services que nous donnons, ça fait partie de notre mandat et ça sert à former des étudiants et à faire de la recherche.

M. Roberge : Il doit me rester quelques secondes. Je vous remercie, vous avez été très rapide. Une dernière : ouverture sur le monde. Est-ce que vous parlez d'ouverture sur vos diplômés ou... Vous parlez de quoi quand vous parlez... Vous en avez parlé dans vos remarques préliminaires.

M. Breton (Guy) : C'est notre nouveau slogan, c'est L'Université de Montréal et du monde. Nous sommes dans une dynamique internationale, mais nous sommes aussi dans une dynamique citoyenne où, je viens de l'évoquer, nous croyons que l'université ne doit plus être la tour d'ivoire, puis, architecturalement, on est mal équipés pour dire qu'on n'en est pas une. L'université doit descendre... l'université doit être présente et s'occuper du monde, pas juste être tournée vers l'interne, mais tournée vers l'externe et s'impliquer.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup. Maintenant, la parole est au député de Mercier.

M. Khadir : Mme Roy, je m'adresse à mon collègue M. Breton, parce que ma question se pose sur un certain plan, mais je tiens en compte votre intervention de tout à l'heure.

M. le recteur, M. Breton, d'abord, bienvenue, avec votre équipe. Nous sommes collègues. Vous êtes particulièrement le collègue de mon ami ministre de la Santé, et, c'est étrange, ce que je vois là comme processus de centralisation des pouvoirs ressemble étrangement à ce que nous avons vu dans les contreréformes — parce que, pour moi, ce n'est pas une réforme, et je vais expliquer pourquoi — dans le domaine de la santé. Et aujourd'hui tout le monde s'entend... tous les acteurs du réseau, même quand ils sont opposés par ailleurs, s'entendent que les contreréformes du ministre, qui centralisent le pouvoir, ne sont pas heureuses et sont en train d'entraîner le système de santé dans un désastre sur plusieurs plans. Est-ce que ça ne devrait pas — ma première question — vous inspirer à ne pas commettre la même erreur?

Deuxièmement, pourquoi je dis que c'est des contreréformes? Depuis 1 000 ans, l'université est au centre du développement de la démocratie, et la démocratie, aujourd'hui, veut dire plus de décentralisation des pouvoirs, pas une centralisation des pouvoirs. Alors, expliquez-moi pourquoi les doyens des facultés doivent relever dorénavant du recteur et non pas de leur assemblée. Expliquez-moi pourquoi on retire à l'assemblée universitaire le pouvoir de faire des règlements disciplinaires. Expliquez-moi pourquoi vous voulez retirer à l'assemblée le pouvoir de surveiller l'application de meilleurs règlements.

Expliquez-moi en vertu de quel principe moderne vous voulez centraliser les pouvoirs.

M. Breton (Guy) : Alors, premièrement, c'est faux d'affirmer que nous centralisons. Au contraire, nous décentralisons.

Une voix : ...

M. Breton (Guy) : Non. Bien, c'est parce que votre lecture n'est pas bonne, je m'excuse. Nous ne centralisons pas, puisque nous demandons à avoir des diplômés qui s'impliquent plus, nous demandons à nos étudiants à s'impliquer plus, à nos chargés de cours... Donc, c'est moins une chasse gardée des professeurs, d'une part.

M. Khadir : ...devenus des chefs d'entreprise ou qui viennent de l'université?

M. Breton (Guy) : De partout.

M. Khadir : Bien non! C'est ça, le problème.

M. Breton (Guy) : La société, c'est tout, M. le parlementaire. Et, en ce qui concerne de retirer à l'AU l'aspect disciplinaire, on vient d'en parler, là, c'est pour qu'on n'ait pas...

La Présidente (Mme de Santis) : Je m'excuse, on est maintenant à la fin des 30 minutes. Alors, je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission.

Mémoire déposé

Je dépose le mémoire que vous avez fait parvenir aux membres de la commission.

Et j'invite les représentants du Syndicat général des professeurs et professeures de l'Université de Montréal à prendre place. On ne va pas suspendre, donc tout ça doit se passer très vite. Merci beaucoup. On n'a pas le temps. Alors, merci.

Des voix : ...

La Présidente (Mme de Santis) : Alors, nous procédons. J'invite maintenant les représentants du Syndicat général des professeurs et professeures de l'Université de Montréal à nous exposer les grandes lignes de ce projet de loi. Vous disposez de 10 minutes, et ensuite nous allons procéder à une brève période d'échange avec les membres de la commission. La parole est à vous.

Syndicat général des professeurs et professeures
de
l'Université de Montréal (SGPUM)

M. Portugais (Jean) : Merci, Mme la Présidente. Je m'appelle Jean Portugais. Je suis le président du Syndicat général des professeurs, le SGPUM. Je suis accompagné de notre conseillère juridique, Me Cahill, qui pourra répondre aux questions, et de notre procureur, Me Denis Lavoie, de chez Mélançon, Marceau, Grenier et Sciortino.

Alors, Mmes, MM. les députés, Mme la ministre, je vous remercie de votre accueil et de nous écouter aujourd'hui, puisque c'est un dossier très important, crucial même, pour nous. Le syndicat que je représente compte environ 1 350 professeurs réguliers, et je suis leur représentant légal. Le mémoire du SGPUM que vous avez reçu analyse en profondeur le projet de loi, une quarantaine de pages, développe notre argumentaire et justifie notre demande de rejet de ce projet de loi, et je vous encourage à le lire très attentivement.

• (15 h 50) •

Mais, d'abord et avant tout, si vous permettez, j'aimerais souligner quelle est notre intention générale, en venant vous voir. Notre préoccupation centrale est le sort du fonctionnement collégial de notre université, et nous voulons aussi souligner le rôle essentiel, le rôle moteur que jouent les professeurs au sein de notre institution. Et je crois aussi qu'il faut un prérequis pour comprendre ce projet de loi : il faut savoir que la charte actuelle, qui a cours depuis une cinquantaine d'années, ça a été dit tout à l'heure, a des liens profonds, des liens inextricables, même, je dirais, avec la convention collective des professeurs qui est intervenue entre l'université et le SGPUM. Notre syndicat existe depuis plus de 40 ans, et plusieurs dispositions de la charte actuelle et de la réglementation font partie du contenu explicite ou parfois implicite de la convention collective des professeurs. C'est un phénomène que je qualifierais d'historique, parce que la syndicalisation est survenue chez nous en 1975, quelques années après l'apparition de la charte de 1967. Alors, gardons cela en tête pour la suite des choses. Le projet de loi n° 234 a des impacts, des liens profonds, divers et multiples avec le contrat de travail des professeurs.

Je vais m'exprimer sur cinq points. Le premier point d'opposition du syndicat des professeurs que je représente, c'est d'abord que ce projet de loi porte atteinte au rôle et à la fonction de professeur dans l'université. Je donnerai quelques exemples de ça, à commencer par le droit de participation des professeurs à l'administration de l'université. Dans notre contrat de travail, la participation au fonctionnement de l'institution est incluse. Elle fait partie des quatre tâches professorales.

Un deuxième exemple, c'est la question du pouvoir disciplinaire, dont il a été question et qui va revenir encore tout à l'heure, le pouvoir disciplinaire, mais aussi le pouvoir de surveillance de ce qui s'appelle les statuts du corps professoral, c'est-à-dire, en gros, les règlements qui touchent les professeurs. Alors, la surveillance de ces règlements passe à une instance qui n'est pas une instance dans laquelle, et ça a été dit tout à l'heure, les professeurs sont largement représentés. Le conseil d'administration ou le conseil de l'université, il y a quatre professeurs, on vous l'a dit, sur 24 membres, alors qu'actuellement la surveillance du statut du corps professoral est exercée par l'assemblée universitaire, où il y a, on l'a dit tantôt, la moitié des membres. Donc, ce sont des changements très significatifs au fonctionnement et au rôle des professeurs au sein de l'institution, notamment, à l'intérieur des pouvoirs de l'assemblée universitaire, et ceci affecte, à notre avis, de façon irrémédiable le rôle et la fonction de professeur dans l'université. Notre mémoire développe ces points-là en profondeur.

Troisième exemple : les doyens des facultés relèveront du recteur. Ce n'est pas vrai que c'est un état de fait. Le texte précise une nouvelle procédure, une nouvelle façon de faire. Il n'a jamais été écrit dans la charte, ni dans les statuts, ni dans les règlements de l'université que les doyens relevaient du recteur. Ça n'a jamais été le cas formellement. Le projet de loi le prévoit explicitement. Les doyens relèveront du recteur, et le recteur relèvera du conseil de l'université. Voilà un changement extrêmement profond à la gouvernance de l'université, qui est une organisation, je dirais, de nature horizontale, de nature collégiale, et elle est remplacée ici par une organisation de nature verticale, et c'est pourquoi le terme «autoritaire» a été utilisé par certains collègues.

Donc, les doyens relevant du recteur, la structure de fonctionnement va changer, les assemblées par exemple. L'assemblée de faculté ou les assemblées de département normalement adoptent des positions qui sont renvoyées vers les doyens, qui eux-mêmes vont porter ça jusqu'à la Direction de l'université. Avec la situation nouvelle, les doyens devenant des mandataires du recteur, ils sont mis dans une position extrêmement paradoxale, puisqu'ils ne seront pas les porteurs d'un projet qui vient de leurs facultés, donc qui est collégial, mais seront les porteurs d'un projet qui vient de l'administration, donc de la direction. Donc, ça, c'est un changement d'orientation qui est une révolution, contrairement à ce que le recteur disait tout à l'heure. Le rôle des assemblées de faculté donc change, et le rôle des professeurs au sein de ces assemblées change aussi. Je pense à l'article 17, qui modifie l'article 28, en particulier. Les articles spécifiquement sont mentionnés dans notre mémoire.

Le deuxième élément d'opposition important pour le SGPUM, c'est que, pour nous, le projet contrevient aux chartes canadienne et québécoise des droits et libertés. Selon nous, le projet de loi est à la fois illégal, parce qu'il viole la charte québécoise, et anticonstitutionnel parce qu'il viole la Charte canadienne, parce que ce projet de loi a des impacts sur le droit d'association, qui est garanti par les deux chartes. Alors, ce droit d'association, il comprend en particulier le droit de négociation, hein? La jurisprudence nous enseigne, et c'est développé dans le mémoire, aux pages 20 à 25 du mémoire, la jurisprudence nous enseigne que le droit de négociation est intégré au droit d'association. Et je vous réfère en particulier à l'arrêt de la Cour suprême Health Services. C'est à la page 22 du mémoire.

Concrètement, qu'est-ce que ça veut dire? Concrètement, ça veut dire que le projet de loi a pour effet de retirer à l'une des parties, c'est-à-dire le syndicat, le pouvoir de négocier des conditions de travail de ses membres sur des sujets d'importance, comme par exemple le comité de discipline. J'y reviens dans un instant. Mais je veux prendre un autre exemple pour l'heure, celui de la suppression du rôle de surveillance, à l'assemblée universitaire, des règlements du corps professoral, qu'on appelle statuts du corps professoral. La surveillance de ces règlements est très importante par les professeurs. Ils sont la moitié de l'assemblée universitaire. Or, ce pouvoir de surveillance étant retiré à l'assemblée universitaire, les professeurs, qui ne sont que trois à la COMET ou quatre au conseil de l'université, ne pourront pas exercer cette surveillance de la même façon, bien entendu. Alors, c'est un retrait important. Et je vous réfère, dans notre mémoire, à l'annexe IV, annexe IV où on a pris le soin de vous faire la liste de tous les règlements et politiques où les professeurs sont concernés.

Donc, ce ne sont pas de petits changements cosmétiques auxquels on a affaire. Le projet de loi cache, en réalité... et l'annexe IV le démontre de façon claire, on a affaire à des changements draconiens dans l'organisation du travail à l'université.

J'arrive à mon troisième élément d'objection envers le projet de loi, et ça va sans doute vous étonner, parce que ce projet de loi, en fait, a des incidences vis-à-vis de l'ordre public et en particulier ne respecte pas les critères de l'Assemblée nationale elle-même pour se qualifier de projet de loi d'intérêt privé. Sur le site de l'Assemblée nationale, on trouve, à la rubrique Présenter un projet de loi privé, une mention — je cite : «Un projet de loi [...] privé ne doit pas [...] contrevenir à l'ordre public...» C'est dans le site Web du gouvernement... du site de l'Assemblée nationale, pardon. Alors, nous avons démontré dans le mémoire de façon précise que la Charte des droits et libertés de la personne, C-27, et le Code du travail... C-12, pardon, et le Code du travail, C-27, sont affectés par ce projet de loi privé. Donc, un projet de loi privé ne peut pas faire une telle chose, de l'aveu même des directives qui sont émises sur le site de l'Assemblée nationale.

Quatrième élément d'objection : le projet a pour effet de modifier des conditions de travail qui ont été négociées entre les parties. Alors, ce point est crucial, parce qu'il en a été question tout à l'heure, puis il y a eu des questions de la part des membres de cette commission auprès de l'équipe de Direction de l'Université de Montréal. Le projet a un effet très clair...

La Présidente (Mme de Santis) : Une minute.

M. Portugais (Jean) : Pardon?

La Présidente (Mme de Santis) : Une minute.

M. Portugais (Jean) : Une minute. Le projet a un effet très clair, c'est de stériliser une des clauses les plus importantes, la clause DG 1.01, dont il a été question tantôt. C'est un droit de veto que nous avons sur le système réglementaire. En enlevant ce règlement de l'assemblée universitaire, notre droit de veto tombe, et donc on ne peut plus exercer ce droit de veto. Donc, ça a un impact sur les conditions de travail. Je donne seulement cet exemple. Et ce règlement aussi touche le comité de discipline. Je pourrai peut-être en parler pendant la période de questions.

Je voudrais simplement conclure que l'Assemblée nationale ne peut pas s'immiscer dans les relations de travail. Nous pensons que le gouvernement ne peut pas adopter un projet de loi privé qui viole ses propres règles en plus de violer les chartes et le Code du travail et donc on appelle au rejet du projet ou, subsidiairement, au moins, à défaut, la commission pourrait recommander un sursis le temps aux parties de régler le litige et de corriger les problèmes qui existent. Je vous remercie, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci, M. Portugais. Merci pour votre exposé. Nous procédons maintenant à une brève période d'échange avec les membres de la commission. La parole est à vous, le député de LaFontaine.

M. Tanguay : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, bonjour, M. Portugais, et également à Mes Lavoie et Cahill. Merci beaucoup d'être avec nous et de répondre à nos questions.

M. Portugais, vous avez parlé concernant le comité de discipline, l'aspect disciplinaire et vous avez dit que ça faisait partie des conditions de travail, que ça fait partie du droit du travail.

Quelle est la situation aujourd'hui à l'Université de Montréal si un professeur est accusé de harcèlement sexuel? S'il y a une plainte, quel est le cheminement, devant quel comité, et qui constitue ce comité-là?

• (16 heures) •

M. Portugais (Jean) : Je suis content que vous posiez la question. Nous avons écrit aux membres de la commission la semaine dernière pour préciser notre position à cet effet. Et c'est très important de comprendre que le comité de discipline entend toutes sortes d'éléments, des éléments de probité, de vie académique, concernant les rapports à l'intérieur de l'institution. Ça peut être du harcèlement. Ça peut être toutes sortes de problèmes. Et, les questions de harcèlement ou de violence à caractère sexuel qui sont visées par 151, nous, on a exprimé notre position clairement, que ça doit passer à un comité externe. Donc, il n'y a pas de plus-value à ce que ça soit des professeurs qui jugent ça. Cette position-là est connue de la Direction de l'Université de Montréal depuis au moins le mois de février, donc ça aurait pu être réglé. Et on pense qu'à l'intérieur de 151 ça peut trouver son... mais pas ici, parce que c'est une condition de travail qu'on doit négocier.

M. Tanguay : ...comprendre dans votre logique. Vous dites que la discipline, c'est une condition de travail, mais vous isolez une plainte, là, en matière disciplinaire, de harcèlement sexuel, vous l'isolez de tous les autres types de plainte et vous lui faites un traitement différencié.

M. Portugais (Jean) : ...parce que c'est de l'ordre criminel. Alors, c'est tout à fait normal qu'un crime soit jugé selon des procédures qui ne sont pas jugées par les pairs. Il n'y a aucune plus-value à ce que des professeurs fassent ce genre de travail.

Par contre, pour l'ensemble des autres dossiers disciplinaires, il y a une plus-value, et c'est comme ça que l'université fonctionne. On évalue les pairs tout le temps pour la recherche, pour l'enseignement, pour les subventions, alors c'est la même chose. Et c'est une tradition qui remonte à loin. Ce n'est pas une iniquité. On a dit tout à l'heure qu'il y avait deux poids, deux mesures. C'est inexact. Les professeurs ont un fonctionnement dans l'université qui est distinct depuis des générations et sur l'ensemble des sujets. Pour la discipline, il faut faire un cas d'espèce, effectivement, je vous l'accorde, sur la question des violences à caractère sexuel. Ça, on est d'accord.

M. Tanguay : ...sur le fait que ça pourrait par ailleurs être poursuivable par le DPCP en matière criminelle, parce que, là, vous faites une coupure. Ça veut dire que, selon vous et selon vos deux avocats qui vous accompagnent, à part les cas de harcèlement sexuel, il n'y aurait aucun autre cas de plainte en discipline qui pourrait par ailleurs faire l'objet de poursuite au criminel. Vous me surprenez beaucoup.

M. Portugais (Jean) : Ce n'est pas ce que j'ai dit, mais...

M. Tanguay : O.K. Oui.

M. Portugais (Jean) : Non, ce n'est pas ce que j'ai dit, mais, par contre, les cas disciplinaires ne sont qu'extrêmement rares. On a fait le relevé. On a eu 15 cas entre 2004 et jusqu'au dépôt du projet de loi en janvier dernier, en 2017.

M. Tanguay : ...parce qu'on a peu de temps. Vous dites : 15 cas. Ils ont été jugés par qui, ces 15 cas là?

M. Portugais (Jean) : 15 cas. Tous les cas du comité de discipline confondus, c'est 15 cas de 2004 à 2017. Un seul de ces cas était un cas de violence à caractère sexuel. Alors, est-ce qu'on veut réformer la charte pour ça, pour un cas en, quoi, 13 ans?

M. Tanguay : ...qu'un cas en 13 ans, c'est un cas de trop.

M. Portugais (Jean) : Bien sûr, bien sûr. Me Cahill veut compléter.

Mme Cahill (Kathleen) : Oui, j'aimerais compléter. Premièrement, il faut se rappeler, et je pense que le recteur de l'université ne l'a pas souligné, que depuis 2015, depuis la décision Jaccoud de la Cour supérieure, on a scindé par entente entre les parties les comités de discipline.

Il faut se rappeler qu'à l'Université de Montréal il y a des comités de discipline pour les étudiants et il y a des comités de discipline pour le personnel enseignant. Depuis 2015, à la demande de l'université... et ça a été convenu à l'assemblée universitaire que les statuts étaient modifiés de concert avec le syndicat pour que dorénavant les plaintes disciplinaires pour les professeurs d'université soient composées de deux professeurs et dirigées par un cadre académique. Donc, c'est la situation actuelle depuis 2015, situation actuelle qui... publiquement, le vice-recteur Charest a dénoncé devant l'assemblée universitaire et a dit : Nous sommes d'accord avec cette position. Et, depuis ce temps, c'est comme cela que les plaintes pour le personnel enseignant sont jugées. Et on oublie de mentionner les comités de discipline, qui existent parce que le préambule de la Charte de l'Université de Montréal, tel qu'il existe actuellement, a fait des particularités, oui, pour les étudiants et pour les professeurs. Historiquement, les étudiants ont toujours été jugés par des comités de discipline, et c'est toujours le cas en l'espèce.

Et j'aimerais ajouter un élément : l'article 20c de la charte, il dit : «Surveille l'application», adopte la réglementation sur le statut du corps professoral et la discipline universitaire. Ce qui se passe et ce qu'on vous demande actuellement, c'est de modifier la discipline universitaire pour les professeurs de l'Université de Montréal. Et ça, c'est un règlement qui indique les conduites et les inconduites. Et on veut s'arroger le pouvoir de modifier le contenu de ce règlement disciplinaire et faire en sorte que ce ne soit plus traité devant l'assemblée universitaire. Le règlement disciplinaire, là, ce n'est pas uniquement les inconduites sexuelles, c'est tout ce qui concerne le travail professoral, tout ce qui concerne la liberté de conscience, la liberté académique des professeurs. Si, demain matin, j'ai un professeur de l'Université de Montréal qui s'en va devant un journaliste et qui dit : Moi, je ne suis pas d'accord avec la direction que prend l'Université de Montréal dans un tel sujet, actuellement, si on veut déposer une plainte, ce sont des pairs dirigés par un cadre académique qui jugeront de ça.

Si vous acceptez le projet de loi tel qu'il est, vous allez avoir une dérive sur ce qu'on appelle la discipline, la liberté académique du corps professoral de l'Université de Montréal. Et ce n'est que la pointe de l'iceberg, parce que les autres universités vont suivre. C'est ça qui est en jeu.

Et j'ajouterais aussi que l'assemblée universitaire a toujours été étroitement liée à la convention collective de l'Université de Montréal. Aujourd'hui, on vous demande de limiter ses pouvoirs, parce qu'on les transfère à la Commission des études. Et n'oubliez pas la petite note à la Commission des études, le «sous réserve des pouvoirs [de] l'assemblée universitaire» n'existe plus. Donc, l'AU, qui a toujours été l'instance centrale, elle ne sera plus l'instance centrale, et c'est la seule où il y a une majorité... ou, enfin, une moitié de professeurs. Et ça, c'est la même chose pour la recherche. La recherche, maintenant, ce sera à la Commission des études, où il y a quatre professeurs, un chargé de cours et quatre étudiants. Tout va se passer là maintenant, recherche et enseignement. C'est ça que vous avez à décider.

M. Tanguay : Si vous me permettez, Mme la Présidente...

M. Lavoie (Denis) : Et, si vous permettez, une question...

M. Tanguay : Oui.

M. Lavoie (Denis) : ...un point, c'est qu'on a entendu tantôt que la discipline n'est pas une condition de travail. Ça fait 27 ans que je fais de la discipline. J'ai étudié à Université de Montréal en relations industrielles, en droit. C'est des conditions de travail. Ce que l'UdeM vous demande, c'est... au lieu de négocier avec le syndicat, parce qu'il n'y a pas eu de négociation, ils veulent utiliser vos pouvoirs, la législation pour modifier des conditions de travail, alors qu'eux n'ont pas pu le faire. Et on n'a pas eu de vraie négociation sur ce point. Et là on utilise l'Assemblée nationale pour arriver à nos fins. Je pense que vous ne devez pas embarquer dans un tel point.

M. Tanguay : Sur l'aspect disciplinaire, donc, vous voulez faire une distinction sur les cas de harcèlement sexuel en le donnant à un comité externe. Pourquoi faire deux voies différentes? Pourquoi ne pas envoyer tout ça dans un comité externe?

M. Portugais (Jean) : On est comme tout le monde, cher M. Tanguay, on est comme dans la société. Il y a deux ans, on a été alertés... ou trois ans, on a été alertés par ce qui se passait avec nos collèges à l'UQAM — vous vous souvenez du placardage, là — et on a commencé une réflexion à ce moment-là puis on s'est dit : Comment faire? Et on savait bien que les choses viendraient chez nous. On a donc voulu évoluer dans ce sens-là. Mais, vous avez raison, si... et je suis d'accord avec mon collègue, que, là, nous, on a négocié de bonne foi une entente en 2015. On a créé quatre comités de discipline différents le 28 septembre 2015 à l'Université de Montréal. Deux ans après, l'université vous revient et vous demande, comme législateurs, de violer le droit d'association en votant un projet de loi privé qui aurait des impacts sur l'avenir de l'ensemble de la discipline universitaire et non pas sur la discipline qui porte sur les matières sexuelles. Ça, ça relève de 151.

M. Tanguay : On vous entend, on entend votre opinion sur ça. Je sais qu'il ne me reste que quelques secondes, mais vous me permettrez de lancer ma question et, si, d'aventure, dans les échanges vous trouvez le temps d'y répondre, vous pourrez le faire.

Vous dites que le projet de loi brime la liberté académique des professeurs. J'aimerais ça que de façon très concrète vous puissiez nous démontrer comment, concrètement, la liberté académique des professeurs serait-elle brimée par ce projet de loi là. Alors, je pense, Mme la Présidente, il ne me reste plus de temps.

La Présidente (Mme de Santis) : Il ne reste plus de temps.

M. Tanguay : Mais la question est lancée.

La Présidente (Mme de Santis) : La parole est maintenant au député de Lac-Saint-Jean.

M. Cloutier : Je pense qu'on fait la démonstration assez éloquente du temps, malheureusement, qui nous manque pour aller en profondeur. Ceci étant dit, il nous arrive parfois, comme vous le savez, à l'Assemblée nationale, d'adopter des lois qui ont aussi des impacts sur des conventions collectives.

Est-ce que vous jugez qu'il ne s'agit pas d'une situation où le législateur peut intervenir? C'est davantage une question.

M. Lavoie (Denis) : Je pense que la Cour suprême nous indique dans Health Services, dans B.C. Teachers que le législateur ne peut intervenir à tout moment. Si son intervention constitue une entrave substantielle, à ce moment, il ne peut intervenir. Et l'entrave substantielle, c'est lorsqu'il y a une situation d'urgence, lorsqu'il y a un point qui est spécifique et qui permet, à ce moment, au gouvernement d'intervenir. Mais, dans notre cas, il n'y a aucune situation d'urgence, il n'y a aucune situation qui permettrait... et il n'y a pas eu de négociation. Alors, ce que la Cour suprême nous a dit, c'est : Est-ce qu'il y a eu des négociations de bonne foi? Une fois qu'il y aura ça, le législateur pourrait peut-être, peut-être intervenir, mais on n'est même pas rendus à ce stade.

Alors, les enseignements de la Cour suprême sont clairs, le législateur ne peut intervenir que s'il y a des situations très spécifiques, ce qui n'est pas le cas en ce moment.

• (16 h 10) •

M. Cloutier : ...vous ne pensez pas que la démonstration de tout le processus de dialogue qu'il y a eu au sein de l'université, le processus de consultation, les échanges, les amendements qui ont été adoptés au cours des discussions ne démontrent pas, justement, la bonne foi de l'administration, cette volonté de discussion?

M. Lavoie (Denis) : ...de relations de travail. Il n'y a eu aucune véritable négociation avec le syndicat sur nos conditions de travail, aucune. Il y a eu quelques échanges entre M. Charest et M. Portugais, mais il n'y a eu aucune véritable... On ne s'est pas assis à une table où on dit : Bon, on va négocier quelque chose. Alors, on ne peut le faire.

M. Portugais (Jean) : Et je voudrais compléter, si vous permettez. Les consultations dont il a été question tantôt, c'est celles des instances de l'université, de justement l'administration de l'université.

Je souligne aux parlementaires qui sont ici que le SGPUM et ses membres ne sont pas partie prenante de ces échanges au titre syndical, donc nous ne sommes pas présents à l'assemblée universitaire. Quand on nous allègue tout à l'heure... la Direction de l'université dit : Les gens étaient là, on les a consultés, c'est faux. On n'est pas partie prenante de ces forums-là, et les forums où on devrait discuter de ces matières, qui sont des conditions de travail, eux, n'ont pas existé. C'est ce qui vient d'être dit par mon collègue. Donc, on a un vrai problème de relations de travail et on pense que le gouvernement ne doit pas intervenir là-dedans.

M. Cloutier : ...obligé de vous brusquer un peu parce qu'on est bousculés. Mais, si vous dites qu'il y a plusieurs dispositions de la convention collective qui sont directement touchées, comment on en arrive à un processus de réforme de la Charte de l'Université de Montréal, dans la mesure où vous dites que ça nécessite une négociation sur laquelle on s'entend de part et d'autre? Est-ce que le législateur n'a pas le loisir de trancher puis de procéder au renouvellement d'une charte au-delà de la négociation?

M. Portugais (Jean) : ...si ça touche les conditions de travail en fonction de ce qu'on a dit tantôt, parce que ça touche le droit d'association, qui est un droit fondamental qui est protégé par les chartes. Donc, ça, c'est au-dessus des autres lois.

M. Cloutier : Très bien. Peut-être une dernière question. Sur l'impact des règlements, vous dites : Avant, nous avions un droit de veto. Vous le dites, on vous a soumis une série de règlements, mais, pour la compréhension des parlementaires, pouvez-vous nous donner des exemples concrets de droits que vous perdez, finalement, sur ces...

M. Portugais (Jean) : Le règlement disciplinaire, par exemple, qui touche les professeurs a des impacts sur la vie académique, a des impacts sur la vie intellectuelle de l'université. Si quelqu'un est placé devant le comité de discipline pour avoir émis une opinion qui déplaît à l'employeur, ça va être un cas extrêmement grave. Actuellement, c'est fait par les pairs. Alors, il y a véritablement l'article 20, quand on enlève le règlement disciplinaire puis on l'envoie au conseil d'administration, l'annexe IV, dont j'ai parlé tantôt. Je vous invite à aller voir l'annexe IV de notre mémoire, vous y avez une quarantaine de règlements et politiques qui sont impactés directement par le projet de loi. Donc, ça, ce n'est pas de la fiction, là, vous avez la liste. Et on vous a fourni aussi un fichier avec les liens cliquables où vous pouvez voir ce que ça contient, exactement. Chacun touche des conditions de travail des professeurs. C'est historique. Quand on a fait la syndicalisation en 1975, on a accepté ça, qui est un système de règlements qui reste à l'assemblée universitaire, et que le reste soit dans la convention collective. Donc, on est dans une situation particulière et on pense que la commission devrait en tenir compte.

M. Cloutier : Dernière question. Sur le caractère... certains ont plaidé la centralisation des pouvoirs, d'autres ont plutôt prétendu qu'il s'agissait plutôt de mettre par écrit une pratique existante. Vous, vous êtes catégoriques, vous prétendez que c'est un changement aux façons de faire actuelles.

M. Portugais (Jean) : ...sinon pourquoi vouloir l'écrire? Si les façons de faire existent, je veux dire, c'est une tautologie. On n'a pas besoin de le mettre dans la charte si la situation est, de facto, la réalité.

Or, ce n'est pas le cas. Les assemblées peuvent déterminer une orientation. Une faculté vient de le faire la semaine dernière au sujet des violences à caractère sexuel. C'est la Faculté des arts et des sciences. Elles ont adopté, sous l'impulsion des membres de l'assemblée... en l'occurrence deux professeures qui ont décidé de faire une proposition qui a changé ce que le doyen voulait faire.

La Présidente (Mme de Santis) : ...M. Portugais. Maintenant, la parole est...

M. Portugais (Jean) : Donc, c'est un exemple.

La Présidente (Mme de Santis) : ...au député de Chambly.

M. Roberge : Merci. Le temps est compté, je vais essayer d'être rapide dans les questions.

La Direction de l'université, je pense, ne pouvait pas négocier la modification de la charte directement avec le syndicat, parce que ça touche les profs mais aussi les chargés de cours, mais aussi les étudiants, ça touche tout le monde. Donc, il y a des instances, dans l'université, où ça pouvait être discuté peut-être dans le sens que vous voulez ou dans le sens que vous ne voulez pas, mais vous avez lancé un appel au boycott.

Comment vous expliquez que, malgré votre appel au boycott, il y a eu une majorité des profs présents sur ces instances-là qui ont décidé de collaborer, de l'améliorer, de voter pour, de voter contre? Comment vous expliquez ça, en réalité? Parce que, moi, il y a des profs... Comment ça se fait qu'il y a des profs qui ont approuvé quelque chose, alors que le syndicat des profs, il dit que c'est terrible?

M. Portugais (Jean) : Deux éléments. Sur votre prémisse d'abord, la possibilité que l'université... que ce n'est pas possible de changer la charte parce qu'il y a tous les groupes. C'est l'inverse qu'on a fait en 2015. Quand on a changé les statuts, il y a eu des pourparlers avec tous les groupes, et on a créé quatre comités de discipline. Donc, le mécanisme collégial existe et fonctionne. Pour la prémisse, donc, je me permets de le corriger.

Sur le deuxième volet, bien, la réponse, vous l'avez eue hier. Vous avez reçu cette lettre signée par 450 ou, à peu près, 430 professeurs qui sont opposés à ce projet de loi. Donc, s'il y a eu plus ou moins 30 personnes ou 25 personnes professeurs qui étaient à l'assemblée universitaire, écoutez, on ne parle pas d'instance représentative au même titre que la lettre collective que vous avez reçue hier, qui exprime un point de vue fort et, là, très net de 450 de mes membres. C'est le tiers de mes membres. Et ils ont signé ça en 48 heures. Donc, vous avez une réponse, là, de ce que pensent les professeurs de l'Université de Montréal sur ces matières. On n'a pas de problème de légitimité, M. Roberge, d'aucune façon. On est assez convaincus du point de vue qu'on défend aujourd'hui.

M. Roberge : Mais donc, ces membres qui siégeaient sur les instances, comment ont-ils été nommés?

M. Portugais (Jean) : Alors, ils sont nommés par... Voilà, le syndicat n'intervient pas là-dedans. C'est chaque faculté qui élit ses propres représentants à tous les trois ou quatre ans, là. Donc, moi, j'y ai été deux fois dans le passé. J'ai été membre de cette assemblée, désigné par mon assemblée de faculté. Donc, c'est variable. On ne l'est pas jamais à titre syndical, on l'est à titre de membre désigné par nos facultés respectives.

Actuellement, il y a 10 facultés à l'Université de Montréal et donc il s'organise des élections pour désigner les représentants à l'assemblée universitaire dans chacune d'elles, et il peut y arriver, et ça a été mentionné tantôt, que certains des postes changent en cours de route. Ça peut expliquer le décalage de votes. Il y a des gens qui sont nommés à des postes de direction en cours de route, des gens qui démissionnent, sont remplacés par d'autres qui ont des fonctions administratives, qui ne sont plus dans la liste des professeurs au sens où nous, on l'entend, c'est-à-dire membres de notre unité d'accréditation. Les autres sont des professeurs-cadres et donc en dehors de l'unité.

M. Roberge : Mais vous comprenez l'arbitrage qu'on a à faire entre des représentants élus par des professeurs qui nous disent quelque chose versus d'autres professeurs élus par des professeurs sur d'autres instances, qui sont des instances syndicales, les autres instances, qui nous disent autre chose et parfois à l'unanimité.

Notamment, par rapport au pouvoir de la Commission des études, ça dit : «...la coordination [et] l'enseignement et son arrimage avec la recherche.» Je sais que pour vous c'est une pierre d'achoppement. Pourtant, cet élément-là précis avait été adopté à l'unanimité dans les instances de l'université. Comment vous expliquez ça, que vos membres ont voté à l'unanimité pour ça?

M. Portugais (Jean) : C'est assez facile, parce que, ce qui s'est passé ce matin et que les oppositions, vous avez vécu, ce que vous avez vécu avec l'espèce de forcing, là, des 30 secondes, là, bien, nous, on l'a vécu en janvier, février, mars derniers par la Direction de l'université, qui a tenté de faire avaler sa charte en grande vitesse par toute la communauté. Ça a placé les gens dans une situation d'inconfort total, et donc ils ont boudé l'assemblée universitaire. Ce n'est pas un diktat du syndicat, c'est des professeurs membres qui, de leur propre chef, ont décidé de quitter cette assemblée.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci, M. Portugais. Maintenant, la parole est au député de Mercier.

M. Khadir : Bienvenue. Vous savez la position de Québec solidaire généralement dans la défense des droits des travailleurs, des employés, notre insistance sur un plus grand partage de pouvoirs pour que les choses se passent et se décident par les gens qui oeuvrent, par ceux qui sont touchés directement, et donc c'est pour ça que vous avez vu mon insistance auprès des dirigeants. Maintenant, évidemment, là-dessus nous avons besoin de votre collaboration également pour de meilleurs équilibres avec les chargés de cours parce qu'il faut s'élever au-dessus des intérêts corporatistes si on clame l'importance des équilibres entre tous les intervenants. D'accord?

M. Portugais (Jean) : ...

M. Khadir : Ceci dit, quel est le problème exact entre «arrimage», «recherche» et «enseignement» qui pose problème lorsqu'on le confie à la Commission des études plutôt qu'à l'assemblée universitaire? Puis à la fin, si vous avez du temps, expliquez-nous, de votre point de vue, pourquoi cet empressement de la direction pour faire passer cette charte?

• (16 h 20) •

M. Portugais (Jean) : Bien, le premier problème pour les professeurs, c'est que ce sont les professeurs qui font la recherche, ce sont eux qui obtiennent le financement dans l'université. C'est plusieurs centaines de millions par année que les professeurs vont chercher en financement. On est d'ailleurs au deuxième rang canadien des professeurs les plus performants en recherche et on est souvent cités pour les succès que nous avons. Alors, évidemment que, les professeurs, ça leur incombe, l'administration de la recherche. C'est d'ailleurs aussi une de nos tâches. Donc, quand ça passe à la Commission des études, où il y a trois professeurs qui font face à 37 cadres, directeurs, doyens, vice-doyens, membres de la direction... Écoutez, il faut que ça soit administré de façon collégiale et que les professeurs y participent. L'assemblée universitaire est le bon forum pour faire ça parce que, on nous l'a dit, il y a un équilibre : il y a 50 % de profs et il y a les autres groupes.

Ceci étant dit, ce n'est pas corporatiste. On est d'accord pour qu'il y ait de la place pour les chargés de cours, pour les étudiants et qu'on fasse une place plus large aux différents membres de la communauté universitaire. Mais là, actuellement, dans ce projet de charte, ce qui est en train de se passer, c'est qu'on leur accorde, à eux, des nouveaux pouvoirs, par exemple une participation au conseil, un siège de plus, etc., mais on est en train de faire une job de bras aux professeurs en ce moment, on est en train de les traiter de façon injuste.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci, M. Portugais. Merci, Me Lavoie. Merci, Me Cahill.

Mémoire déposé

Je dépose le mémoire que vous avez fait parvenir aux membres de la commission. Merci pour votre contribution aux travaux de la commission. Je demanderais à la Fédération québécoise des professeures et professeurs d'université de prendre place. Merci beaucoup.

Je souhaite la bienvenue aux représentants de la Fédération québécoise des professeures et professeurs d'université. Je vous invite à vous présenter, ainsi que les personnes qui vous accompagnent, et à faire votre exposé. Vous disposez de 10 minutes pour votre présentation. Ensuite, nous allons procéder à une brève période d'échange avec les membres de la commission. La parole est à vous.

Fédération québécoise des professeures
et professeurs d'université (FQPPU)

M. Demers (Louis) : Merci, Mme la Présidente. MM., Mmes les législateurs, Mme la ministre, merci de nous accueillir en ce cénacle, si j'ose dire, donc. Mon nom est Louis Demers. Je m'adresse à vous en tant que membre du comité de direction de la Fédération québécoise des professeures et professeurs d'université. Je suis par ailleurs professeur à l'ENAP et je m'intéresse aussi à la gouvernance des universités. Donc, ça colorera beaucoup mon propos. Je ne vais pas reprendre volontairement le propos très étayé de mon prédécesseur ici, pour ne pas faire acte de redondance, mais je vais essayer quand même d'apporter quelque chose qui pourra contribuer à vos réflexions.

Je suis accompagnée, à ma gauche, de M. Daniel Guitton, qui est un professeur de l'Université McGill, qui a, entre autres, comme caractéristiques, outre sa brillante carrière, le fait d'avoir été huit ans au conseil d'administration de l'Université McGill et avoir participé au comité de direction de cette université; à ma droite, Hans Poirier, qui est un professionnel de recherche à la fédération des professeures et professeurs d'université, qui est le rôle de cheville ouvrière dans le mémoire que nous avons déposé.

Alors, je voulais d'abord signaler que la Fédération québécoise, que je représente, représente elle-même plus de 6 000 professeurs au Québec, incluant ceux du syndicat qui nous a précédés. Je veux d'abord, d'emblée, témoigner de notre entière solidarité avec nos collègues, que nous prenons fait et cause pour leur analyse de la situation telle qu'elle se présente à l'Université de Montréal, et ce que nous voulons vous partager, c'est le souci que nous avons, nous qui représentons les professeurs de l'ensemble des universités au Québec, du précédent que constitueraient l'adoption de ce projet de loi et ce qu'il fait peser comme menace sur la conception même de ce que c'est que l'université au Québec.

La présente réforme, tel qu'il a été mentionné, n'est pas un point de détail, ce n'est pas une réforme cosmétique, mais, pour la présenter, je mentionnerai des propos volontairement plus généraux. Comme je l'ai évoqué à l'instant, si elle était adoptée en l'état, cette réforme constituerait une transformation majeure de la constitution de l'Université de Montréal, puisqu'elle instaurerait dans ce document, qui aurait le caractère le plus fondamental... La charte, c'est le document le plus fondamental sur lequel s'assoiraient les règlements internes de l'Université de Montréal. Ce qu'elle comporterait, cette assise, c'est des règles d'autorité hiérarchique qui sont, selon nous, nocives à la vie universitaire et aux fondements mêmes de ce que c'est qu'une université. Donc, c'est, selon nous, une mauvaise idée sur le fond, donc, ce que nous appelons la hiérarchisation de l'université, la réduction de la manière collégiale de réguler les universités qui prévaut depuis au moins le XIXe siècle et, dans la forme, un projet de loi privé qui, de notre point de vue, à la fédération, aura des incidences directes sur d'autres institutions que l'Université de Montréal. L'argumentaire... en fait, si on peut dire, le préambule du projet de loi est extrêmement lacunaire quant aux justifications de cette réforme. De dire qu'il faut adopter des outils de gestion pour une saine administration ne me semble pas très clairement démontré, pour employer un euphémisme, hein? L'Université de Montréal brille. On vient de le mentionner. Elle n'avait sans doute pas besoin, de manière urgente, d'une réforme telle que celle qui a été présentée.

Par ailleurs, ce qu'il nous semble important de signaler, c'est que l'université québécoise est une université qui est au service du bien public et que la manière dont les universités dans d'autres pays, d'autres provinces que la nôtre... lorsqu'elles ont été transformées de la manière telle que le propose l'Université de Montréal, n'a pas concouru à l'atteinte d'une conception du service public.

Donc, en gros, ce que l'on observe, si on regarde la réforme telle que proposée, consiste à ajouter davantage de gouverne hiérarchique centralisée, au détriment de la part de collégialité qui prévaut encore à l'Université de Montréal. Une des manifestations les plus concrètes de cela qui a été évoquée précédemment, ce sont les pouvoirs de l'assemblée universitaire, composée, pour moitié, de professeurs, qui sont cédés au conseil d'administration — les professeurs ont un rôle très minoritaire — de même qu'à la Commission des études, où la même situation prévaut. L'effet net de ça, c'est la réduction de la capacité des professeurs comme groupe d'influer sur les orientations de l'université. Ça me semble assez indéniable, vu sous cet angle.

Et qui sont les bénéficiaires? Et je parle encore une fois de manière plus générale, pas seulement du cas de l'Université de Montréal. Mais, dans les universités qui ont pris cette tangente, ce que l'on observe, c'est que le pouvoir des professeurs passe aux mains d'une caste d'administrateurs, de gestionnaires de différents niveaux. Et on observe, par ailleurs, et j'ai plein d'exemples que je pourrai vous donner si ça vous intéresse, on observe une augmentation du nombre absolu de gestionnaires, du nombre de dirigeants, de sous-catégories, des vice-doyens, des doyens associés, des assistants-doyens, parce qu'ils occupent une place de plus en plus importante. Et ce que l'on observe aussi, c'est que ces postes sont nantis de plus en plus par des gens qui ne sont pas forcément de l'université elle-même, mais qui viennent de l'extérieur. Les chasseurs de têtes vont chercher les vedettes, et on observe une forme de distance, sinon un clivage entre les dirigeants d'université et la communauté universitaire dans son ensemble. Donc, je ne prétends pas que c'est le but que poursuit la Direction de l'Université de Montréal, je fais simplement témoigner que les changements qui sont suggérés ici ont produit ces effets-là ailleurs et à plusieurs reprises.

On l'observe très clairement aussi, cette transformation des rapports de pouvoir, quand on dit explicitement que le recteur relève du conseil d'administration et non pas de la communauté, dont il était jadis et est encore, dans certaines universités, le primus inter pares, la personne qui rend compte à la communauté universitaire. Ce n'est pas ça qui est dit et ce n'est pas ça qui pourra être fait. Et, de la même manière, les doyens relèvent du docteur... oui, en l'occurrence c'est un docteur, mais du recteur de l'université. Donc, ce n'est pas la faculté. Donc, le rapport qui s'instaure, c'est un rapport hiérarchique. Donc, l'influence que ça a sur la vie de l'université, c'est que les doyens sont redevables à des supérieurs, et lui-même, le recteur, ou ses vice-recteurs, au conseil d'administration. Donc, la légitimité des décisions ne sera pas celle de l'effet sur la vie universitaire, mais celle de l'appréciation par les gens qui sont au-dessus hiérarchiquement des personnes qui doivent prendre des décisions. Donc, c'est un changement qui est non négligeable, parce qu'à terme, cette logique-là s'accentuant, il y a un écart qui s'accroît entre les universitaires, qui font le travail de tous les jours, et les personnes qui sont chargées d'évaluer ce qu'elles font ou de porter un jugement sur les finalités de l'université.

Ce qu'on observe aussi ailleurs et qui risque de se produire, c'est que, comme on n'est pas des universitaires de carrière quand on occupe ces postes, on évalue ce qu'on est capable de mesurer quand on n'est pas forcément familier avec ça, donc ce qui est mesurable témoigne très médiocrement de ce qui se passe dans une université. Les professeurs, comme vous le savez, font de l'enseignement, de la recherche, rendent des services à la collectivité et y offrent du rayonnement. Ce sont des activités qui sont complexes, et on ne peut pas les mesurer très simplement, ce qui fait que la manière de gérer les universités, lorsqu'il y a un clivage que j'ai évoqué entre la direction et le personnel enseignant ou chercheur, est celle-là : une espèce de dévoiement de l'université, qui devient, finalement, une entité qui produit une plus-value dont on évalue à l'aune de sa productivité ce qu'elle sert au détriment de secteurs qui n'ont pas la légitimité qui est celle de l'heure, principalement une légitimité économique.

Je soulignerais aussi que, quand je vous disais que les activités sont complexes, c'est qu'on n'est pas capable de spécifier exactement ce qu'un prof va faire. On ne peut pas normer un professeur, on ne peut pas l'inciter ou le forcer à être productif, on ne peut pas le forcer, au-delà de ce que les conventions prévoient, à être un bon enseignant, un bon chercheur ou à passer ses fins de semaine à faire des choses qu'il pourrait très bien ne pas faire sans que ça change quoi que ce soit. Donc, ça prend la bonne volonté des professeurs pour qu'une université fonctionne.

Et j'aimerais attirer votre attention sur quelque chose qui n'a peut-être pas été mentionné jusqu'à maintenant mais qui le sera sûrement ultérieurement, c'est que plus de 400 professeurs de l'Université de Montréal s'opposent à cette réforme. Donc, si jamais vous adoptiez ce projet de loi, l'Université de Montréal serait moins en mesure, dans les prochaines années, de s'acquitter adéquatement de sa mission, parce qu'une fraction importante des professeurs ne s'y adonneraient pas avec la bonne volonté qui est requise pour qu'ils le fassent, ce qu'a évoqué mon collègue Portugais à l'instant. Cette productivité, elle est liée au fait que les professeurs veulent s'engager dans le métier qu'ils font, et ça ne me semble pas être un point de détail. Et le fait qu'il n'y ait pas consensus au sein de l'université sur la pertinence de cette réforme me semble majeur, compte tenu que c'est une université et qu'on a besoin de la participation et de la bonne volonté des professeurs pour que ça fonctionne bien.

Finalement, ce que je conclurais en disant... et ce que je conclurais pour terminer, c'est que nous, à la fédération, nous trouvons prématuré d'adopter immédiatement, un peu trop rapidement, un projet de loi qui a des conséquences qui dépassent les frontières de l'Université de Montréal et nous invoquons le fait que les législateurs pourraient souhaiter que le Conseil des universités, qui est déjà quelque chose pour lequel la ministre de l'Enseignement supérieur avait dit qu'elle jetterait un coup d'oeil sur la pertinence de le faire à court terme... Je pense qu'il serait intéressant que le Conseil des universités s'acquitte de cette tâche de regarder les enjeux qui sont suggérés par cette réforme et qu'on porte un regard à la fois plus informé, et plus détaché, et à l'échelle du Québec. Voilà. Je vous remercie.

• (16 h 30) •

La Présidente (Mme de Santis) : Merci, M. Demers. Merci pour votre exposé. Nous procédons maintenant à une brève période d'échange avec les membres de la commission. La parole est au député de LaFontaine.

M. Tanguay : Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bien, d'abord, bienvenue, MM. Demers, Guitton et Poirier. Merci d'être là pour nous aider à réfléchir sur le projet de loi qui est devant nous.

Vous avez mentionné qu'il n'y avait pas consensus, à l'heure actuelle, au sein des professeurs de l'Université de Montréal. Vous avez fait référence qu'il y a un document qui a circulé. M. Portugais disait qu'il y avait eu 450 signataires. La dernière fois que je l'ai regardé, il y avait 401 signataires — peu importe, plus ou moins 49 — sur environ 1 350 professeurs. Ça fait moins de 30 %, là, de professeurs qui disent ne pas être en accord avec ça. Si je prends ce 30 % là, je le revire de bord, 70 %, donc, n'ont pas signé, à la demande de leurs représentants syndicaux, 70 %. N'y voyez-vous pas là un consensus, contrairement à ce que vous avez affirmé un peu plus tôt?

70 % des professeurs ne se sont pas opposés, à la demande de leurs représentants syndicaux. Puis, je veux dire, ce n'est pas d'hier que c'est discuté. Les gens ne peuvent pas prétendre, à la surprise : On n'a pas pu les rejoindre, là. Et je mets ça en lien avec les discussions qu'il y a eu avec mes collègues un peu plus tôt avec d'autres intervenants, où l'on disait : Bien, il y a comme eu un... excusez du mot, un boycott. Mais il y a eu donc des prises de position, dès le début, des représentants syndicaux très claires. Alors, personne ne peut être surpris de ça. Moi, je constate que 70 % n'ont pas signé, des professeurs. Ne voyez-vous pas là un consensus, au contraire, du fait que, oui, ils trouvent que c'est une bonne chose?

M. Demers (Louis) : À ma connaissance, c'est une pétition qui date de moins de 48 heures. Donc, déjà, le 409 que vous aviez est passé à 450 entre le moment où vous l'avez observé puis celui où on l'a regardé le plus récemment. Tous les professeurs ne sont pas motivés ou mobilisés de la même manière. Donc, il y a au moins le tiers des professeurs, et probablement davantage si on laisse le temps tourner, qui vont se manifester contre ça.

Donc, tous n'ont pas besoin d'être en désaccord pour que ça crée des problèmes à l'intérieur. Il y a des départements où il y a une majorité des gens qui sont contre, et d'autres qui n'ont pas été informés ou qui n'ont pas trop jugé à propos de le signer. Je ne peux pas porter de jugement sur qui est d'accord ou pas, évidemment, mais je pense que c'est symptomatique. C'est quelque chose qui est fait à la dernière minute, à l'occasion de ce projet de loi privé, et le nombre de professeurs... Moi, je suis prof. C'est difficile d'aller les faire intervenir, parce qu'ils sont tous très occupés. Donc, moi, je trouve personnellement que c'est assez important comme chiffre, et il va sûrement croître d'ici à demain ou après-demain.

M. Tanguay : Alors, n'hésitez pas à mettre à jour la commission si d'aventure il y a d'autres noms qui s'ajoutent.

Vous dites : Un projet à la dernière minute, parce que c'est un projet qui est discuté à l'interne à l'Université de Montréal. On a eu des personnes qui sont venues le certifier depuis plusieurs mois. Vous, la fédération québécoise des professeurs d'université, depuis quand le syndicat général des professeurs de l'Université de Montréal est-il membre de votre fédération?

M. Demers (Louis) : C'est assez récent. Je pense que c'est depuis l'été de cette année.

M. Tanguay : Parce que j'essayais de comprendre pourquoi vous avez dit que c'était un projet qui arrive un peu à la dernière minute. Donc, à partir de quel moment vous êtes-vous intéressée, vous, la fédération, au dossier? Parce qu'évidemment on vient d'entendre le syndicat des professeurs de l'Université de Montréal. Vous, la fédération, à partir de quel moment vous êtes sortis publiquement?

M. Demers (Louis) : Bien, nous sommes sortis dans les journaux il y a quelques semaines, parce que nous sommes alertés par cette... Évidemment, si le syndicat des professeurs de l'Université de Montréal s'est joint à la fédération, c'est possiblement parce qu'il voyait péril en la demeure. Et nous avions la même lecture qu'eux sur la pertinence que nous prenions une position commune sur des enjeux aussi généraux que ceux-là. Donc, je pense que la fédération a rapidement réagi à ça à cause des problèmes que j'ai évoqués tantôt à l'Université de Montréal. Ce n'est pas que là que ça va toucher les universités. Donc, on est extrêmement sensibles à cette situation-là.

M. Tanguay : Êtes-vous d'accord avec l'affirmation de M. Portugais, président du syndicat général des professeurs de l'Université de Montréal, qui, un peu plus tôt, est venu dire — et il a une prétention, puis c'est correct, je veux dire, chacun a droit à ses opinions, notamment opinions juridiques — que le projet de loi serait à l'encontre des chartes québécoise et canadienne en matière de droit du travail. Avec cette prémisse-là, il a fait l'affirmation suivante : que le législateur ne peut pas toucher directement ou indirectement aux conditions de travail et que donc nous, nous serions forclos, nous, à cette commission, de nous pencher sur quelque disposition de loi qui aurait un impact sur des conditions de travail. Êtes-vous d'accord avec cette affirmation-là?

M. Demers (Louis) : Je vais laisser M. Poirier répondre à la question.

M. Poirier (Hans) : Écoutez, juste aussi pour préciser à la question précédente, là, la fédération s'est intéressée au dossier dès qu'il y a eu un avis qui a été publié dans la Gazette officielledu Québec. On a énoncé nos intentions de participer à cette commission, là, dès l'été, donc aussitôt qu'on a eu conscience, là, que ce projet de loi allait être déposé.

Pour ce qui est de la question du droit du travail, on est entièrement derrière le SGPUM sur cette question, on estime également, là, que le droit de négociation fait partie du droit fondamental d'association. Ça a été reconnu, comme M. Portugais l'a précisé, par la jurisprudence canadienne plutôt récente dans l'arrêt Health Services and Support. Et donc voilà. On fait la même lecture qu'eux là-dessus.

M. Tanguay : Je veux juste bien vous comprendre, parce que votre affirmation n'est pas sans conséquence et est très importante. Êtes-vous d'accord avec l'affirmation qu'une loi québécoise ne peut pas avoir un impact sur des conditions de travail? Est-ce que vous, représentants de la fédération québécoise des professeurs d'université, vous êtes d'accord avec l'affirmation qu'une loi québécoise ne pourrait en aucun cas avoir un impact dans des conditions de travail? C'est important.

M. Poirier (Hans) : Bien, écoutez, on pense que c'est aux législateurs de juger s'ils veulent s'embarquer dans cette question-là. Nous, notre estimation, c'est qu'à la lecture de la jurisprudence il y a là une problématique qui pourra éventuellement être débattue devant des tribunaux si le projet de loi va de l'avant, effectivement.

M. Tanguay : Donc, votre affirmation, parce que je veux bien vous comprendre, là : une loi québécoise ne pourrait pas, en aucun cas... parce que vous représentez une fédération québécoise importante, les professeurs d'université, vous parlez au nom de la fédération. Et la fédération, donc, par votre bouche, vient nous dire qu'aucune loi de l'Assemblée nationale ne pourrait avoir un impact, modifier, par exemple, sur des conditions de travail...

M. Poirier (Hans) : Ce n'est pas...

M. Tanguay : Ce serait impossible.

M. Poirier (Hans) : Ce n'est pas exactement ce qu'on a dit. On a dit que, dans ce cas-ci, on voit que la charte a un impact direct sur les conditions de travail des professeurs de l'Université de Montréal, des conditions de travail qui sont entérinées à même leur convention collective, et on craint que l'adoption de ce projet de loi pourrait constituer une ingérence, là, donc dans ces conditions de travail là. Mais on laisse aux juges, là, le soin de déterminer ces choses-là, qui pourront être débattues devant les tribunaux.

M. Tanguay : Alors, je n'ai toujours pas de réponse claire à ma question : Est-ce que ce serait illégal, selon vous? Est-ce que le législateur québécois ne peut pas, par une loi, avoir un impact sur les conditions de travail?

M. Poirier (Hans) : Je ne suis pas juriste, là, alors je vous donne... Je vous ai déjà répondu.

M. Tanguay : O.K. Vous dites que le projet de loi également brime la liberté académique des professeurs. Concrètement, pouvez-vous nous le démontrer? En quoi ce projet de loi brime la liberté académique des professeurs de façon tangible?

M. Demers (Louis) : Bien, c'est l'effet que ça peut avoir, parce qu'encore une fois c'est la concrétisation des règles qu'on a discutées tout à l'heure. C'est que la liberté universitaire se traduit par la possibilité que les professeurs puissent faire leurs propres choix d'enseignement et de recherche. Il y a peu de risques à court terme que ce soit influencé.

M. Tanguay : En quoi les choix d'enseignement et de recherche seraient remis en question par le projet de loi?

M. Demers (Louis) : J'y arrive. C'est dans la décision collégiale. C'est-à-dire que, dans la mesure où les instances qui sont hiérarchiques décident des choix d'enseignement, la liberté universitaire est réduite. Cela dit, de manière plus importante, c'est la possibilité que les professeurs ont d'influencer sur le cours des choses dans les universités. Les professeurs demeurent toujours responsables de leurs domaines de recherche. Ils peuvent être plus ou moins facilités par la direction, selon les politiques internes, mais ils vont toujours conserver leur droit de faire de la recherche, leur possibilité d'en faire, de même la liberté de déterminer leurs plans de cours. C'est dans la manière dont les règles du jeu vont être instituées et comment les décisions vont se prendre sur l'organisation générale de l'université que les changements vont se faire.

M. Tanguay : Est-ce qu'il me reste quelques secondes pour poser une dernière question? Alors, je vous lance la question : Ne croyez-vous pas que les étudiants, les chargés de cours et les diplômés devraient avoir une place accrue dans les instances de l'université et que ça ne participe pas, là, également d'une ouverture et d'une collégialité qui inclut ces intervenants centraux?

• (16 h 40) •

La Présidente (Mme de Santis) : Merci, M. le député de LaFontaine. Vous pouvez répondre plus tard. Maintenant, est-ce que j'ai le consentement que le prochain intervenant soit le député de Mercier? Oui? O.K. Alors, M. le député de Mercier.

M. Khadir : Bon. Ce que vous avez décrit, M. Demers, rejoint en grande partie les craintes que je formulais auprès de mon collègue et recteur de l'Université de Montréal, M. Guy Breton. Sa réforme, ou sa contre-réforme, rejoint plusieurs des caractéristiques de ce qu'on voit dans le système de santé, d'accord, avec une multiplication des gestionnaires, en fait, depuis... ça, on l'avait vu avec la première réforme il y a plusieurs années, mais on le voit de manière absolument alarmante actuellement, la multiplication des postes de cadre intermédiaire et de gestionnaire plutôt que des travailleurs sociaux, des préposés aux bénéficiaires, des infirmières comme le réseau en a besoin.

J'ai perdu un peu mon fil de pensée, parce que je viens d'apprendre une information qui a un impact. Je voulais juste mentionner à notre collègue de l'autre côté que 450 signatures sur 1 500 professeurs, là, c'est comme si, à l'échelle du Québec, une pétition recueillait en à peu près 48 heures 2,5 millions de signatures. Je crois que tous les députés ici devraient accorder la plus grande attention à ce qui est signé ici par 450 professeurs.

J'aimerais savoir quelles seraient, selon vous, les transformations, les modifications qu'il faudrait apporter à la charte qui seraient conséquentes avec une vision moderne qui implique de plus en plus ceux qui oeuvrent à l'université et qui est conforme à l'esprit de la notion de l'université moderne.

M. Demers (Louis) : Bien, en fait, nous, nous croyons considérablement, parce qu'on sait que ça fonctionne, aux instances collégiales, et je pense qu'il faudrait inverser la pyramide. Dans les universités américaines que l'on connaît et que l'on vénère, la «faculty» continue d'avoir un pouvoir important, ce qui n'est pas le cas des universités de moins grande réputation. Je pense qu'il faut aller dans ce sens-là. Il faut donner à l'ensemble des forces vives de l'université — j'inclus là-dedans les étudiants et aussi les chargés de cours — une voix au chapitre, parce que les dirigeants dits indépendants du conseil d'administration sont indépendants aussi au sens où...

La Présidente (Mme de Santis) : Malheureusement, le temps est terminé. Et il faut que je passe la parole maintenant au député de Lac-Saint-Jean.

M. Cloutier : Je vous remercie, Mme la Présidente. Mon collègue de LaFontaine vous a beaucoup questionnés sur le caractère légal du droit à la négociation, du droit d'association, mais je veux quand même dire à mon collègue que, ce qui est plaidé dans le mémoire, il faut le lire au complet, et ils n'ont pas prétendu que le législateur n'a pas le droit d'intervenir. Ce qu'ils ont dit, c'est qu'il y a des modalités qui sont prévues par la cour dans lesquelles le législateur peut ou non intervenir sur des dispositions liées à des conventions collectives, et le syndicat, précédemment, nous a dit que ce n'était pas un cas où ces situations-là étaient rencontrées.

Ceci étant dit, Mme la Présidente, vous dites : Ça aura un impact non seulement à l'Université de Montréal, mais sur l'ensemble des universités. Je ne suis pas certain de comprendre exactement en quoi le projet de loi actuel aurait des impacts sur d'autres universités. Et, ce qui nous est proposé pour l'Université de Montréal, est-ce que, dans le fond, ça n'existe pas aussi ailleurs dans d'autres universités québécoises?

M. Demers (Louis) : Eh bien, une question intéressante. Moi, je suis du réseau de l'Université du Québec, et dans le réseau de l'Université du Québec il y a quelques cas qui se sont produits où la communauté universitaire s'est élevée contre le choix d'un recteur ou d'un directeur général. Ce n'est pas ce qui s'est produit dans le cas de l'Université de Montréal pour... Le processus de consultation n'a pas conduit à choisir la personne que les gens de l'interne privilégiaient. Ce n'est pas ce qui s'est passé. C'est le conseil d'administration qui a déterminé qui serait le recteur. Dans les universités du Québec, on a encore cette possibilité, comme communauté. On est consultés, on vote, on reçoit les gens, et les conseils d'administration sont traditionnellement tenus de respecter le point de vue. Quand le taux de popularité d'un candidat ou d'une candidate au poste de recteur ou de directeur général ne passe pas la rampe, il n'est pas retenu, parce qu'il n'a pas la légitimité. C'est quelque chose qui est précieux pour nous.

Donc, qui peut savoir, si ce que l'Université de Montréal fait et devient le modèle à suivre, quel effet ça pourrait avoir? Et est-ce que l'Université Laval pourrait être sujette au même type de réforme pour les mêmes types de motivation, donner aux dirigeants des universités un pouvoir plus grand sur l'ensemble de l'institution? C'est ce que l'on observe ailleurs dans le monde, c'est ce que j'essaie d'évoquer, c'est ce qui se passe. On a besoin de ces dirigeants professionnels qui vont gouverner l'université et qui vont rendre compte à plus haut qu'eux... et au détriment de ce qui est l'essence même de l'université, la capacité d'avoir ce discours critique, et mon collègue me faisait... sur la question de la liberté, c'est ça aussi.

Quand on est un adjoint qui attend pour la permanence et que, finalement, la décision qui relève... dont notre carrière dépend, et n'est pas faite par des pairs, c'est dangereux. Les gens sont tous plus ou moins tenus de respecter des règles qui ne sont pas forcément celles que la communauté universitaire elle-même aurait choisi d'adopter.

M. Cloutier : Je pense que votre collègue souhaitait ajouter... Là, vous faites référence dans le réseau des universités du Québec, mais, est-ce que le modèle, dans le fond, inspiré par l'Université de Montréal n'est pas aussi un modèle qui existe dans d'autres universités du Québec puis en soi est un modèle qui, dans le fond... Il y a eu des discussions internes à l'Université de Montréal. L'Université de Montréal en est venue à la conclusion, suite à leur consultation à l'interne, que c'était le meilleur modèle. Est-ce que les craintes que vous avez, finalement, de l'espèce d'effet boule de neige dont vous parlez, est-ce que... dans le fond, ce que j'essaie de dire, c'est que ce ne sont pas là des précédents mais plutôt qu'on reprend d'autres manières de faire ailleurs?

M. Demers (Louis) : Oui, c'est exactement... on reprend des choses que l'on a faites ailleurs, qui ont montré les effets nocifs qu'elles produisaient. Johns Hopkins University : l'universitaire de carrière qui témoigne, avec moult détails, des changements qui se sont produits dans sa carrière depuis que des dirigeants, des vedettes sont recrutés par des chasseurs de têtes, comment l'administration, elle devient pléthorique, comment il y a des doyens et des petits doyens, des moyens doyens qui s'ajoutent les uns aux autres et qui se créent de l'emploi et que la part des budgets des universités qui va au fonctionnement quotidien est réduite au profit de ça.

Donc, c'est pour cette raison-là que j'évoquais le fait que c'est le risque que l'on courait en donnant davantage de pouvoirs aux acteurs qui sont au sommet de l'organisation au détriment des gens qui sont à la base.

Une voix : ...

M. Cloutier : Mais est-ce que... une question peut-être de manière plus générale et plus philosophique, mais est-ce que vous ne jugez pas que nos universités pourraient avoir des critères plus généraux de gouvernance qui seraient des caractéristiques générales qui pourraient être reprises pour l'ensemble de nos universités québécoises?

M. Demers (Louis) : De quelles universités...

M. Cloutier : Dans l'ensemble du réseau des universités. J'ai tendance à vouloir faire abstraction des différences entre les universités à charte et le reste du réseau, même si évidemment elles ont des statuts différents. Mais il n'en demeure pas moins que je philosophe sur : Est-ce qu'il ne devrait pas exister des règles de base? Si on veut se donner un conseil des universités et que, depuis des années, on se dit que ce serait le fun d'avoir un groupe qui conseille le gouvernement sur les bonnes règles de gouvernance, je me dis qu'il y a sûrement là une piste de solution.

M. Demers (Louis) : Absolument. Nous, nous invoquons ça, que le Conseil des universités devrait se pencher de manière étoffée sur ces phénomènes-là de gouvernance, et c'est pour ça que nous revendiquons cette idée-là plutôt que de le faire ici maintenant, parce que, le Conseil des universités, si on prend des décisions avant même qu'il naisse, son utilité même sera réduite à peu de chose.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci, M. Demers. Maintenant, la parole est au député de Chambly.

M. Roberge : Merci bien. Merci pour votre présentation et vos réponses. Ma première question, c'est concernant les professeurs et, en fait, les différentes fonctions des professeurs. D'après ce que je comprends, avec la modification de la charte, on rééquilibre, on modifie la composition des différents comités. Quand vous comptez, vous, le nombre de professeurs sur telle, telle, telle instance, est-ce que vous incluez les doyens et les vice-doyens qui sont encore des professeurs, en réalité, qui continuent d'avoir une certaine charge de cours, qui encadrent des étudiants qui sont à la maîtrise ou au doctorat? Est-ce que vous les comptez comme des profs ou bien si vous les excluez de vos calculs pour dire : Regardez, le nombre de profs diminue sur telle, telle instance?

• (16 h 50) •

M. Demers (Louis) : Sur la question des instances, il n'y a pas de modification fondamentale du nombre. Là-dessus, ce n'est effectivement pas un changement majeur.

Cela étant dit, un doyen qui est élu par les membres de sa faculté et un doyen qui est nommé par le vice-recteur, ce n'est pas la même chose. Et je pense que, de ce point de vue là, à partir du moment où les doyens qui siègent sur des instances, qui sont des professeurs par ailleurs, moi, personnellement, je n'aurais pas tendance à les considérer comme des professeurs, parce qu'ils ne parlent pas au nom de leurs pairs, ils parlent au nom de leur université, et ça, ça me semble une différence fondamentale. Donc, la question est tout à fait bienvenue.

Dépendamment du décompte, c'est d'ailleurs une chose qui a été critiquée, qu'on a relevée, c'est qu'un professeur... les étudiants sont choisis parmi les étudiants, alors que les profs peuvent être aussi des administrateurs ou des gestionnaires. Et, à partir du moment où on a des professeurs qui deviennent des gestionnaires de carrière, ils ne peuvent plus... ils sont des professeurs, ils ont une formation de professeur, mais ils n'occupent pas le poste à titre de professeurs. Et quelqu'un que ça fait huit ans qu'il est gestionnaire, c'est devenu beaucoup plus un gestionnaire qu'un prof. De ce point de vue là, je pense qu'il faudrait les décompter pour avoir une vision claire de qui on représente. Si on représente l'administration de l'université, même si on est doyen et qu'on est par ailleurs professeur, on devrait le compter, selon moi, comme un administrateur et non pas comme un prof.

M. Roberge : Merci. Parce qu'en toute honnêteté, des fois, j'ai l'impression que, du point de vue syndical, si un prof n'est pas syndiqué, ce n'est pas un prof, aussitôt qu'il devient un administrateur ce n'est plus un prof. Mais il me semble que, s'il enseigne encore à des étudiants, c'est encore un professeur, non?

M. Demers (Louis) : Bien, ça se discute. Chaque université a ses propres pratiques là-dessus. Je n'ai pas le bilan de ce qui se fait au Québec, mais la distinction tient au fait : De qui cette personne relève-t-elle? Si elle relève d'une autorité hiérarchique, moi, j'aurais tendance à ne pas... même si la personne donne un cours de temps en temps parce qu'elle aime enseigner par ailleurs, c'est accessoirement un professeur mais principalement un administrateur ou un gestionnaire.

M. Roberge : O.K. Maintenant, bon, la charte datait d'à peu près, je pense, 1967 la dernière fois. Avec la modification, on donne davantage de place aux chargés de cours. En ce moment, les chargés de cours sont beaucoup plus importants, notamment au premier cycle, qu'ils ne l'étaient en 1967. Est-ce que ce n'est pas normal de leur faire une place plus grande?

M. Demers (Louis) : Absolument. Moi, je suis tout à fait d'accord avec cette idée. On n'a pas, personnellement... en tout cas, la fédération, nous n'avons pas de contentieux avec les syndicats de chargés de cours, nous sommes solidaires les uns des autres. Évidemment, on a des intérêts qui peuvent diverger, mais moi, je suis personnellement très content que les chargés de cours aient une place plus grande parce qu'ils la méritent. Ils sont plus nombreux au premier cycle, comme vous l'avez dit, que les profs, et ça, encore une fois, ça témoigne simplement du sous-financement des universités, c'est-à-dire que, s'il y avait davantage d'argent, il y aurait plus de profs, et on pourrait faire davantage de recherche, mais ça, c'est un autre enjeu.

M. Roberge : ...secondes, mon Dieu! mais ça va aller très vite, parce que ma question est large, mais je vais les prendre quand même

La Présidente (Mme de Santis) : Cinq secondes.

M. Roberge : Cinq secondes.

La Présidente (Mme de Santis) : Deux secondes.

M. Roberge : Bien là, merci beaucoup.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup, M. Demers, M. Guitton, M. Poirier. Merci pour votre exposé.

Mémoire déposé

Nous procédons maintenant au dépôt du mémoire que vous avez fait parvenir aux membres de la commission.

Et je demanderais maintenant au Syndicat des chargées et chargés de cours de l'Université de Montréal de prendre place. Merci.

Une voix : ...

La Présidente (Mme de Santis) : O.K. Vous êtes vites.

Alors, je souhaite la bienvenue aux représentants du Syndicat des chargées et chargés de cours de l'Université de Montréal. Je vous invite à vous présenter, ainsi que les personnes qui vous accompagnent, et à faire votre exposé. Vous disposez de 10 minutes pour votre présentation. Ensuite, nous allons procéder à une brève période d'échange avec les membres de la commission. La parole est à vous.

Syndicat des chargées et chargés de cours
de l'Université de
Montréal (SCCCUM)

M. Verge (Pierre G.) : Merci, Mme la Présidente. Mme la ministre, MM., seulement, les députés. Pierre Verge, président du syndicat des chargés cours de l'Université de Montréal. À ma droite, Françoise Guay, vice-présidente à la vie universitaire. À ma gauche, Michaël Séguin, vice-président aux affaires intersyndicales.

Le SCCCUM, le Syndicat des chargées et chargés de cours de l'Université de Montréal, représente 2 500 enseignants contractuels. C'est le plus important groupe d'employés de l'Université de Montréal. Les chargés de cours, nous, nous donnons plus de la moitié des cours de premier cycle et une partie des cours des cycles supérieurs. Dans les facultés à vocation professionnelle, c'est parfois 55 %, 69 %, 79 % des cours. À l'éducation permanente, le corps enseignant est formé uniquement de chargés de cours. Sans notre contribution, il n'y aurait pas la même stabilité et diversité d'offres de cours.

Nous voulons insister sur le fait, après ce qui a été entendu, que le processus de mise à jour de la charte, il s'est déroulé, après une précipitation initiale — nous en convenons — de façon légitime et démocratique, c'est-à-dire que l'assemblée universitaire a reçu, discuté, débattu, amendé, adopté ou rejeté toutes les modifications qui lui ont été proposées. Et il importe aussi de souligner qu'à la fin du processus de révision tous les amendements adoptés par l'AU, l'assemblée universitaire, ont été acceptés par le conseil de l'université. Ce qui ne faisait pas consensus suffisant, comme on disait en souriant, c'est-à-dire qui n'avait pas une belle majorité, était laissé sur table. Donc, en fin de compte, nous, nous tenons ce processus pour légitime.

Nous considérons aussi que la mise à jour était une nécessité pour nous, ne serait-ce qu'en matière de collégialité, c'est-à-dire une collégialité qui n'inclut pas que les professeurs, mais aussi l'ensemble des membres de la communauté qui contribuent à l'accomplissement de la mission de l'université et, au premier chef, les chargés de cours. Or, les modifications proposées, justement, consacrent ou accroissent la participation aux instances des chargés de cours, des étudiants, du personnel de soutien, de recherche de même que des diplômés. L'une des modifications adoptées est fondamentale à nos yeux. En vertu de celle-ci, pour la première fois, nous, les chargés de cours, existons nommément dans le document fondateur de l'université. Cette reconnaissance reflète une réalité d'aujourd'hui : l'enseignement universitaire n'est pas le fait que des professeurs, il l'est aussi des enseignants contractuels.

Sur la question de la discipline, rapidement, notre position est simple, nous sommes d'avis qu'il faut scinder le processus de façon à ce que, dans les cas de harcèlement ou autres situations d'agression, les enseignants soient traités de la même façon que le reste du personnel et que, dans les situations de nature dite «académique», même si c'est un anglicisme, soit maintenu un comité de discipline réunissant les pairs. En cette matière, nous pensons qu'un grand nombre de choses peuvent découler tout simplement de 151.

En ce qui a trait à la composition du conseil de l'université, nous restons préoccupés par la proposition d'une majorité d'administrateurs externes, dits indépendants dans le projet de loi, et un choix qui va à l'opposé de notre position historique, et donc nous allons proposer, vous l'avez vu dans notre mémoire, un amendement pour modifier cette majorité. Nous pensons aussi que la désignation des membres du conseil doit viser à refléter la diversité de la société. Ce qui est dans le projet nous semble un peu trop imprécis. Nous proposons donc aussi un amendement qui précise «diversité sociale» et «diversité professionnelle».

Donc, en résumé, pour faire avancer la situation de la communauté universitaire, promouvoir une vraie collégialité, il faut faire se concrétiser ces modifications dans les statuts de l'université, qui sont aussi en révision. Pour faire ça, il faut adopter la charte. Donc, nous soutenons son adoption après amendements, comme je viens de l'expliquer et comme vous le lirez en détail dans notre mémoire.

Sur deux petites choses qui ont été évoquées, deux, trois petites choses peut-être au vol, du transfert de responsabilité de la recherche de l'assemblée universitaire à la Commission des études, que nous appelons chez nous la COMET. À moins que nous ne comprenions mal, l'assemblée universitaire ne sera pas privée de son regard sur la recherche. La COMET fera l'arrimage de la recherche avec l'enseignement. Mais, si cela mérite d'être clarifié, le législateur nous fera plaisir en le faisant. Il en va de même de la situation des doyens. Si cette commission, et l'Assemblée nationale, peut, par amendement, calmer des craintes à cet effet, nous en serons heureux. Quant au point 22 du projet, sur la question de la charte ayant suprématie sur toute entente ou contrat, en tant que syndicat, ça nous préoccupait. Nous serions... je ne sais pas exactement si c'est précisé, nous serions heureux d'un amendement de l'Université de Montréal sur cette question, si l'université n'est préoccupée que par la discipline. Cela clarifierait 22. C'est le dernier paragraphe de ce point.

Sur les exposés hautement juridiques qui nous ont précédés, nous n'allons pas nous avancer là-dessus ni dire aux parlementaires si l'Assemblée nationale peut ou ne peut pas intervenir dans une loi du travail. Seulement, ça ne dit rien pour faire avancer la mise à jour de la charte de l'université, ça ne parle pas de la réalité collégiale. On comprend que nos amis du SGPUM veuillent défendre les intérêts de leurs membres. Nous faisons la même chose. Mais nous n'entendons pas d'intention à l'effet d'améliorer la situation par des amendements concrets, par une participation à la modification de la charte, à une volonté de défendre l'enseignement supérieur autrement qu'à travers ses intérêts. Or, la question a fini par se poser dans notre esprit : Est-ce que les intérêts du SGPUM correspondent nécessairement aux intérêts supérieurs de l'enseignement? La question se pose. Nous aurions aimé que tout le monde ensemble fasse cheminer davantage les modifications pour qu'on ne se présente pas devant cette commission avec tant d'hésitations sur ce qui est ou n'est pas juridiquement acceptable et qui dépasse, en fait, le cadre du texte de la charte même.

Il y a énormément de choses qui ont été soulevées qui, à notre avis, dépassent du libellé du texte de la charte et découlent d'autres questions. Voulez-vous ajouter quelque chose?

• (17 heures) •

Mme Guay (Françoise) : Bien, moi, je réitérerais le fait qu'il s'agissait, pour avoir suivi... En tant que vice-présidente à la vie universitaire, j'ai suivi l'ensemble des débats qui ont été faits, à l'assemblée universitaire, sur cette question.

Je rappellerais que l'assemblée universitaire est une instance assez particulière à l'Université de Montréal et très intéressante. Il y siège 59 professeurs, comme vous savez, une quinzaine de chargés de cours, huit étudiants, des vice-recteurs et des doyens, genre, une vingtaine de doyens et vice-recteurs. Et l'assemblée a vraiment travaillé très fort pour adopter et, en fait, comme disait Pierre tantôt, pour débattre de l'ensemble des propositions qui venaient du conseil d'université. Et le conseil d'université a respecté les décisions qui ont été prises à l'assemblée universitaire. J'ai oublié de dire que tous les membres de l'assemblée universitaire sont élus par...

Une voix : ...

Mme Guay (Françoise) : Oups! O.K. Alors donc, je soulignerais juste un exemple, donc, sur les pouvoirs de l'assemblée universitaire : une proposition qui était de limiter les pouvoirs de l'assemblée universitaire aux questions uniquement académiques a été renversée par l'assemblée, et maintenant la proposition... enfin, la résolution qui s'écrit énonce les principes généraux qui président à l'orientation de l'université et à son développement, a été réinstallée telle qu'elle était auparavant, donc cette prérogative n'a pas été limitée par... et ça a été adopté par le CU.

M. Séguin (Michaël) : J'ajouterais...

Une voix : ...

M. Séguin (Michaël) : J'ajouterais très rapidement que la charte peut aussi être un précédent positif. Les chargés de cours sont en lutte depuis au moins 30 ans pour être représentés sur les instances. On donne la moitié des cours, mais souvent on n'est qu'un seul en assemblée départementale, là où il y a un minimum de 10 chargés de cours. Nous sommes absents des conseils de faculté, nous sommes absents des assemblées de faculté. Nous sommes présents à l'assemblée universitaire, mais nous n'étions pas nommément désignés dans la charte. Et donc nos collègues, ce matin, à la fédération nationale de l'enseignement ont voté une motion pour nous appuyer dans ce processus.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci, M. Séguin. Nous procédons maintenant à une brève période d'échange avec les membres de la commission. La parole est à vous, M. le député de LaFontaine.

M. Tanguay : Merci beaucoup, Mme la Présidente. J'aimerais permettre à Mme Guay de compléter un peu l'idée que vous avanciez lorsque vous avez dit le dernier aspect de votre intervention, lorsque vous disiez qu'un élément a été précisé dans le projet. J'aimerais vous entendre là-dessus et quant à ses impacts.

Mme Guay (Françoise) : Oui. Bien, en fait, l'inquiétude était que les propositions qui étaient faites par le conseil d'université et qui étaient débattues à l'assemblée universitaire viennent limiter les pouvoirs de l'assemblée universitaire.

Or, après débat, l'énoncé qui dit que l'assemblée universitaire énonce les principes généraux qui président à l'orientation de l'université et à son développement a été maintenu. Donc, le débat qui a été fait en assemblée universitaire par des gens élus a réinstallé l'énoncé initial et a été accepté par le CU. Le fait que l'assemblée se soit prononcée là-dessus a été accepté par le CU. Et donc, en fait, je dirais, toutes... je réitérerais, mais toutes les modifications qui ont été faites à l'assemblée universitaire, les amendements qui ont été apportés aux propositions de modification ont été entérinés par le conseil d'université. Donc, ça, c'est bien.

M. Tanguay : Oui. Et vous dites, et je suis heureux de constater... parce qu'on parlait évidemment un peu plus tôt avec les représentants, là, du syndicat des professeurs, le SGPUM, professeurs de l'Université de Montréal, qui disait que, bon, il a à peu près 1 350 membres. Vous, c'est 2 500 femmes et hommes chargés de cours que vous représentez et que vous n'existez pas, et donc vous saluez évidemment cette mise à jour de la charte. Sur votre point, précisément, Mme Guay, dans votre mémoire, à la page 4, on peut lire, à la fin de la page : «À cet égard, bien que nous respections le choix de certains professeurs proches du SGPUM de boycotter ces débats à l'assemblée universitaire, nous trouvons pour le moins surprenant qu'ils affirment à présent sur la place publique que les modifications leur ont été imposées.»

Je pense que c'est à ça que vous faisiez référence, là, dans votre intervention, notamment.

Mme Guay (Françoise) : En fait, je dirais que, malgré l'absence des professeurs qui ont boycotté l'assemblée universitaire, ces propositions-là ont passé. Mais je dois dire qu'à l'assemblée universitaire nous avons été très surpris que les professeurs reculent. Au début, comme ils disaient, bon... peut-être une précipitation, on comprend qu'ils aient voulu défendre leurs membres. Mais par la suite l'assemblée universitaire a attendu, sur les points les plus litigieux, comme la composition du conseil et les pouvoirs de l'AU, a attendu que les professeurs reviennent. Il y a même eu, à un moment donné, des négociations, des conversations parallèles sur la question du comité de discipline. À l'assemblée universitaire, on nous a dit : Nous ne nous avançons pas sur ça, parce que nous allons en discuter avec le SGPUM, nommément. Et finalement ça a tourné, je ne sais pas, en queue de poisson, et il semble que, non, il n'a pas réussi. Pourtant, c'était quelque chose qui était intéressant, et on trouvait intéressant qu'il y ait une discussion avec le SGPUM, étant donné la clause dans leur convention collective.

Malheureusement, ça n'a pas abouti. Moi, j'ai été surprise, effectivement, que le SGPUM arrive en disant : Ça nous a été imposé, alors qu'on a très bien vu pendant tout le processus qu'ils ont choisi de se retirer.

M. Tanguay : Il a été dit un petit peu plus tôt — puis, la question, libre à l'un d'entre vous d'y répondre — que l'assemblée universitaire n'est donc aucunement privée de son action quant à la recherche. Si vous pouviez étayer sur ce point-là, cette affirmation-là.

M. Verge (Pierre G.) : Bien, c'était davantage une question de ma part. J'ai entendu deux points de vue, depuis le début, sur ça. Nous avons perçu du libellé que cela voulait dire que la Commission des études ferait l'arrimage de l'enseignement et de la recherche, pas que l'assemblée universitaire perdrait totalement son droit sur la recherche. Peut-être que cela reste à clarifier. C'est ce que je disais. Notre perception n'était pas celle du SGPUM.

M. Tanguay : Et, en ce sens-là, donc, si tel était le cas, s'il y avait ambiguïté, pouvez-vous donc clairement dire...

M. Verge (Pierre G.) : ...de votre part.

M. Tanguay : À l'effet qu'effectivement l'assemblée universitaire puisse continuer à avoir son action quant à la recherche.

M. Verge (Pierre G.) : Peut-être le libellé n'est-il pas assez clair. Si nous souhaitons que l'assemblée universitaire, et c'est le cas, conserve son droit de débattre un peu plus sur ces questions, peut-être faudrait-il le mentionner.

M. Tanguay : Oui.

M. Verge (Pierre G.) : Si tu veux préciser, Françoise.

Mme Guay (Françoise) : Le comité de la recherche est important pour nous aussi, parce que nous avons obtenu de haute lutte qu'il y ait un chargé de cours sur le comité de la recherche.

La Commission des études est une commission très intéressante et qu'elle s'assure... Parce que dans les années... enfin, en 1967, il n'y avait pas autant de recherche ou elle n'était pas aussi prépondérante dans la charte. Moi, ce que je comprends de cette question, c'est que c'est dans les statuts que la précision de la structure de comment va se faire ce travail-là est à faire, O.K.? Donc, c'est à préciser. Pour tout de suite, j'ai compris simplement que, c'est ça, il va y avoir un souci qu'il y ait un lien entre l'enseignement et la recherche.

M. Tanguay : Et vous parliez, un petit peu plus tôt, du conseil de l'université, composé de 24 membres, qui, avec la mise à jour, sera toujours composé de 24 membres. À l'heure actuelle, des 24 membres, huit sont dits internes, et 16, indépendants ou externes. Avec la nouvelle charte, si d'aventure elle était adoptée, donc on passerait d'une proportion de 60 % d'externes à 58 % d'externes.

J'aimerais vous entendre là-dessus. Il y a déjà, je pense, un pas dans la bonne direction, selon la logique que vous avez exprimée.

• (17 h 10) •

M. Verge (Pierre G.) : C'est un pas dans la bonne direction trop timide, à notre avis. Nous sommes, comme d'autres groupes d'universitaires et d'enseignants des collèges aussi, pour des conseils d'administration qui n'ont plus la majorité d'externes. Et, si je peux me permettre une remarque à ce sujet, l'Université de Montréal possède le plus grand bassin de spécialistes de toutes les disciplines, et nous trouvons étrange qu'on veuille chercher ailleurs des compétences qui s'y trouvent parfois, sous prétexte de diversité. Ce qui nous préoccupe dans le choix, dans la composition aussi, c'est la diversité, nous l'avons dit. Donc, qu'il n'y ait pas que des personnes qui viennent du monde des affaires ou de la finance, mais une véritable diversité professionnelle.

M. Tanguay : J'aimerais également vous donner l'occasion, vous parler... puis, excusez-nous, on est un petit peu télégraphiques dans nos questions. On va gagner en efficacité. Vous proposiez donc l'opportunité d'amender l'article 22 du projet de loi. Pouvez-vous préciser votre pensée là-dessus? Avez-vous un libellé? Ou l'objectif, oui?

Mme Guay (Françoise) : Non. En fait, c'est le recteur qui a proposé de l'amender en le faisant plus spécifique sur la question des agressions sexuelles. Donc, c'est la proposition qu'on a entendue tantôt. Nous, on serait assez favorables à cette proposition-là, mais ce n'est pas la nôtre. Vous avez entendu le recteur Breton proposer ça. C'est de celle-là dont on parle.

M. Tanguay : Tout à fait. Donc, vous seriez favorables à cela.

Mme Guay (Françoise) : Oui.

M. Tanguay : Et, mis à part, donc, cet aspect des plaintes de harcèlement ou d'agression sexuelle, y a-t-il un autre aspect de l'article 22 pour lequel vous aimeriez avoir une bonification, un amendement ou une autre préoccupation?

Mme Guay (Françoise) : Pour moi, c'est assez embêtant, parce que l'article 22 me semble... ce que j'en comprends, O.K., c'est qu'il est comme nécessaire, quelque part, à l'Assemblée nationale qu'il y ait un article comme celui-là pour ne pas que l'Assemblée nationale soit soumise à l'ensemble des conventions collectives, mais qu'il y ait quand même une certaine prépondérance de votre...

M. Tanguay : Et vous avez... et je pense qu'il me reste à peu près une minute, vous avez parlé, un peu plus tôt, d'une résolution qui avait été adoptée ce matin...

Mme Guay (Françoise) : Lundi.

M. Tanguay : Lundi.

Mme Guay (Françoise) : Lundi, à l'assemblée. Excusez-moi, c'est parce que j'y étais. Oui, c'est ça. Lundi, à l'assemblée universitaire, l'assemblée a été saisie d'une proposition qui venait de membres, dont des professeurs, dont un qui est ici, et elle a réaffirmé par résolution, par un vote de 86 %, qu'elle soutenait le projet de charte et voulait que l'Assemblée nationale en soit saisie.

M. Tanguay : Il y aurait peut-être lieu, peut-être à vous, via... Oui, je vous en prie.

M. Séguin (Michaël) : Il y a un second vote qui a été pris. C'est que le conseil fédéral de la FNEEQ-CSN est réuni aujourd'hui. Et donc il représente 30 000 enseignants de l'enseignement supérieur, dont 10 000 chargés de cours, au Québec. Il a pris un vote ce matin en appui à la démarche du SCCCUM pour faire adopter le projet de loi n° 234 tel qu'amendé. Donc, les chargés de cours à travers le Québec nous appuient dans notre appui au projet amendé.

M. Tanguay : ...en terminant, sur ces deux aspects, peut-être par vous... je sais que vous n'êtes pas tributaires de l'assemblée universitaire, mais si vous pouvez nous communiquer donc, d'une part, un procès-verbal ou un état de fait de cela — je vous le demande à vous, même si ce n'est peut-être pas à vous, vous n'êtes pas les mandataires — et également sur le deuxième aspect que vous avez mentionné, M. Séguin. Merci.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup, M. le député de LaFontaine. La parole est maintenant au député de Lac-Saint-Jean.

M. Cloutier : Très bien. Je vous remercie, Mme la Présidente. Alors, à mon tour de vous souhaiter la bienvenue.

D'abord, sur les amendements. Vous nous suggérez quelques amendements, mais vous avez passé rapidement sur les amendements que vous souhaitez. Peut-être nous expliquer un peu plus en détail pourquoi vous souhaitez apporter les amendements en question.

M. Verge (Pierre G.) : Bon. Il s'agit évidemment d'un souhait de rééquilibrage du conseil pour qu'il n'y ait plus une majorité d'externes, que le projet appelle indépendants.

Alors, par rapport au projet de l'université, il y a l'augmentation d'un membre en provenance de l'assemblée universitaire, la diminution d'un membre provenant des diplômés et, au point g, quatre membres nommés par résolution du conseil. Je pense que c'était cinq. Alors, l'objectif est d'arriver... C'est, pour nous, étant donné nos positions historiques, une position de compromis, j'ose le dire comme ça, c'est-à-dire l'égalité entre l'interne et l'externe au conseil. La chose peut paraître originale. Pour nous, elle est essentielle.

M. Cloutier : Et peut-être juste plus clairement, là, nous dire c'est quoi, les différences par rapport à ce qui est proposé, concrètement.

M. Verge (Pierre G.) : Le projet, tel que présenté, conserve la majorité aux externes. Nous, nous voudrions avoir une majorité à l'interne et nous proposons ici un compte égal. Nous pensons que c'est un net progrès d'y arriver. Et l'objectif est de conserver la gouvernance collégiale par la nomination d'un plus grand nombre de gens de l'interne et que l'université subisse une moins grande influence de l'extérieur. C'est bien qu'il y ait la participation citoyenne, professionnelle, et autres, mais l'université, pour défendre l'enseignement supérieur, doit conserver un minimum de gouvernance collégiale.

M. Cloutier : La gouvernance collégiale?

M. Verge (Pierre G.) : Bien, je pense que, plus tôt dans les exposés — ça, c'est quelque chose que j'ai suivi avec intérêt — il y avait cette manifestation d'une volonté de conserver de la part de la communauté universitaire une certaine capacité à générer sa propre gouvernance et à la déléguer au conseil de l'université, où elle aurait une forte représentation. L'égalité est le début de cette bonne représentation d'un équilibre de la gouvernance.

M. Cloutier : Et il y a quand même un discours qui est... il y a une lecture, je vais le dire comme ça, qui est quand même... Vous, vous parlez de gouvernance collégiale puis vous semblez dire qu'avec les amendements qui sont proposés ça va permettre, voire ça va bonifier justement cette façon de travailler. Mais c'est pas mal l'inverse de ce qui nous est plaidé par la fédération québécoise des professeurs, là, juste avant vous, où la manière collégiale, justement, c'est celle qui est remise en question, et on parle d'une centralisation des pouvoirs. Visiblement, vous faites une lecture qui est quand même diamétralement opposée.

M. Verge (Pierre G.) : Non, je ne pense pas, mais je vais demander à Françoise de vous répondre.

M. Séguin (Michaël) : Je peux y aller.

M. Verge (Pierre G.) : Tu peux y aller si tu veux.

M. Séguin (Michaël) : C'est que, quand les professeurs parlent de collégialité, ils parlent de collégialité de professeur. Quand nous, on parle de collégialité, on parle de collégialité de la communauté. Donc, la collégialité de la communauté, c'est les professeurs, les chargés de cours, les professionnels de recherche, les auxiliaires d'enseignement, les étudiants, les employés de soutien qui... Je veux dire, en intersyndicale, on discute de ça entre nous, les syndicats. Donc, on veut, oui, que tous les membres de la communauté aient quelque chose à dire dans la gouvernance de l'université et que ça ne soit pas simplement un privilège des profs entre pairs de gérer l'université.

Mme Guay (Françoise) : On parle de la participation de l'ensemble des corps qui participent à l'accomplissement de la mission de l'université, puis, l'accomplissement de la mission, on n'en a pas assez parlé, peut-être, mais ça nous tient à coeur. Donc, l'idée, c'est que l'ensemble des composantes qui participent puissent participer aussi aux différentes instances et différentes structures de l'Université de Montréal.

La Présidente (Mme de Santis) : Une minute.

M. Cloutier : Merci. Sur le processus, sur le fait que les doyens vont relever du recteur, est-ce qu'à votre point de vue c'est une pratique qui est déjà existante? Est-ce que vous y voyez là une nouvelle manière de faire les choses? Ça vous fait sourire, en tout cas.

M. Verge (Pierre G.) : Bien, j'allais répondre : Relativement. Si le libellé de la proposition peut être amélioré pour éviter cette confusion, nous préférons aussi que le choix des doyens soit généré par les facultés, sauf que nous voulons participer aux facultés qui vont les désigner. Or, ce qui se produit, c'est que les professeurs se gardent ce privilège à eux seuls. Je vais vous donner un exemple d'impossibilité de participation pour les chargés de cours. La FAS, la plus grosse de nos facultés, arts et sciences, a récemment accepté la présence d'un observateur chargé de cours à son conseil de faculté, un observateur sur 100 personnes.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup. Maintenant, la parole est au député de Chambly.

M. Roberge : Merci. Donc, ça démontre que vous attendez ces changements-là avec impatience, là. Une question très, très précise pour comprendre quelque chose. Je suis à la page 8, au bas de votre mémoire, où on parle du chancelier ou de la chancelière. Dans le projet de loi qu'on étudie, on dit qu'une fois nommé le chancelier — chancelière — libère le poste qu'il occupait. Vous, vous dites plutôt «sans pour autant libérer le poste qu'il occupe».

Vous proposez de modifier ça. Pourquoi cette proposition bien précise?

M. Verge (Pierre G.) : Ça sert à un calcul d'équilibre du conseil. Si la chancelière... je le dis au féminin parce que Mme Roy est une femme, le chancelier ou la chancelière libère son poste, ça déséquilibre à nouveau le conseil, puisqu'un membre supplémentaire de l'extérieur doit être désigné. Donc, c'est pour ça que nous proposons cet amendement : «sans pour autant libérer le poste qu'elle occupe». Donc, l'administrateur externe qui deviendrait chancelier ou chancelière ne serait pas remplacé dans ce poste. Cela conserve l'équilibre.

• (17 h 20) •

M. Roberge : O.K. Je vous remercie. Vous avez parlé des problèmes dans les cas où, sur le conseil, il y aurait une majorité de gens que vous dites des externes. D'après ce que je lis, là... Il y a un paquet de mémoires qui disent un paquet de choses différentes. D'après ce que je lis, les externes sont majoritaires dans plusieurs universités. Est-ce que je me trompe ou c'est vrai? Et, si c'est vrai, quels sont les problèmes que ça engendre?

M. Verge (Pierre G.) : D'abord, c'est vrai, oui, en général, les universités sont gérées par des conseils qui sont majoritairement composés d'externes. Les problèmes sont...

Mme Guay (Françoise) : ...

M. Verge (Pierre G.) : Non. Si tu veux y aller, ça va me faire plaisir. Va.

Mme Guay (Françoise) : O.K. Non. En fait, ce n'était pas pour parler des problèmes, je voulais juste compléter en disant qu'en fait c'est déjà le cas. Les propositions qui sont dans la charte ne font qu'inscrire dans la charte ce qui est le cas à l'heure actuelle. Comme disait M. Tanguay tantôt, en fait, ce qui est proposé diminue d'une personne, je crois, le... de 63 % à 58 % le pourcentage de membres de l'extérieur au conseil de l'université.

M. Roberge : Donc, ce qu'il y a dans la charte par rapport aux fameux externes, ce n'est pas une cassure par rapport à la situation actuelle.

M. Verge (Pierre G.) : ...une légère diminution de la présence externe. C'est pourquoi nous trouvons ce choix trop timide. Maintenant, vous me demandiez : Quelles sont les conséquences? Il faut que vous sachiez que, dans tout le monde universitaire et collégial, dans tout l'enseignement supérieur, on craint la présence des externes comme étant une trop grande influence soit du Québec inc. soit d'autres intérêts particuliers.

L'enseignement supérieur est un bien public. Notre institution, à laquelle nous tenons beaucoup, est un instrument public et doit se mettre à l'abri des intérêts particuliers, et c'est pourquoi nous défendons... Pour l'instant, c'est une bonne avancée. Nous pensons que nous devrions avoir la majorité à long terme, mais c'était une position de compromis de notre part. Nous partions de loin et, nous le disons franchement, nous préférerions une majorité interne pour favoriser ce que j'ai appelé la gouvernance collégiale. Cependant, cela serait un grand progrès et calmerait des craintes nombreuses dans la population, chez les citoyens comme chez les enseignants, professeurs, et autres, au sujet d'une dérive possible, une dérive...

La Présidente (Mme de Santis) : Merci, M. Verge.

M. Roberge : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme de Santis) : Maintenant, la parole est au député de Gouin.

M. Nadeau-Dubois : ...de votre présence. J'ai lu votre mémoire avec beaucoup d'intérêt. Un des débats d'interprétation qui fait rage, c'est concernant les modifications à l'article 20 de la charte. Les professeurs allèguent qu'en modifiant le paragraphe c et en retirant la surveillance de l'application des règlements concernant le statut des professeurs il y a un changement, là, significatif à la manière dont l'université fonctionne. J'aimerais savoir quelle est votre interprétation, comme chargés de cours, de cette modification-là. Est-ce que c'est une modification significative? Oui? Non? Et quelles en seraient les conséquences?

Mme Guay (Françoise) : Les conséquences? En fait, comme disait Pierre, mais je vais le redire, on est d'accord avec les étudiants, d'ailleurs, à ce sujet-là. Il y a eu effectivement, en 2015, un retour à des comités de pairs qui jugent des situations qui peuvent mettre en cause des pairs, O.K.? C'était une prérogative de l'assemblée universitaire d'avoir ces comités de pairs : un comité de pairs pour juger les étudiants où est-ce qu'il y avait des situations ou des plaintes entre des étudiants et un comité de professeurs et de chargés de cours pour juger les plaintes qui étaient à l'endroit de professeurs ou de chargés de cours.

La réflexion nous amène à dire que c'est une excellente idée et c'est nécessaire de scinder les plaintes qui sont d'ordre académique... Ah! ce n'est pas ce que vous vouliez...

M. Nadeau-Dubois : ...pas sur la discipline, mais sur les règlements concernant le statut des professeurs.

Mme Guay (Françoise) : Le statut des professeurs? Je ne comprends pas. Je ne vois pas de modification au statut des professeurs.

M. Nadeau-Dubois : Il y a un règlement au paragraphe c à l'article 20 de la charte. On biffe la notion de la discipline, mais on biffe également la portion qui dit «et en surveille l'application». Il y a une interprétation que j'ai entendue qui dit, donc, qu'on retire à l'assemblée universitaire le pouvoir de surveiller l'application des règlements concernant le statut des professeurs, puisque c'est le début de la phrase.

La Présidente (Mme de Santis) : Malheureusement, nous sommes arrivés...

Mme Guay (Françoise) : Ce n'était pas notre interprétation. On pensait à «surveille l'application du règlement de la discipline». C'est comme ça qu'on l'a compris.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci, Mme Guay.

Mémoire déposé

Je dépose le mémoire que vous avez fait parvenir aux membres de la commission. M. Verge, Mme Guay, M. Séguin, merci d'avoir contribué aux travaux de la commission.

Maintenant, la Fédération des associations étudiantes du campus de l'Université de Montréal était prévue à cette heure-ci, mais la fédération est prête à donner sa place à M. Samir Saul, professeur d'histoire à l'Université de Montréal. Est-ce qu'il y a consentement pour ce changement? Il y a consentement. Donc, je demanderais à M. Samir Saul de prendre place. Oui, M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Cloutier : Comme nous n'en avions pas été informés, Mme la Présidente, juste nous donner quelques secondes pour qu'on retrouve le mémoire.

La Présidente (Mme de Santis) : Parfait. Alors, on va suspendre pour un instant.

(Suspension de la séance à 17 h 26)

(Reprise à 17 h 27)

La Présidente (Mme de Santis) : Alors, nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue à M. Samir Saul. Je vous demande de faire votre exposé. Vous disposez de 10 minutes pour votre présentation, et ensuite nous allons procéder à une brève période d'échange avec les membres de la commission. La parole est à vous.

M. Samir Saul

M. Saul (Samir) : Merci, madame. Merci, MM. les députés, Mme la ministre, qui était là mais qui ne l'est pas. Merci de me recevoir. C'est un honneur pour moi d'être ici. Je remercie la fédération de m'avoir cédé sa place, parce que, demain, j'exerce une fonction professorale, c'est-à-dire que j'enseigne, et, au mois de janvier, je ne pourrai pas venir. Donc, merci à tout le monde.

Je suis professeur à l'Université de Montréal depuis 25 ans, professeur d'histoire des relations internationales et je suis ici comme membre de l'assemblée universitaire. Je suis un membre élu de l'assemblée universitaire, un de ses membres élus par le corps professoral de sa faculté. Plus de 600 professeurs m'ont élu. Et je fais partie donc de l'assemblée universitaire. Et j'ai aussi été le président et je suis toujours le président du CEPTI, c'est-à-dire le comité de l'assemblée universitaire, qui a étudié le projet de charte pour l'assemblée universitaire et qui donc le connaît bien et a donc approuvé le processus.

L'assemblée universitaire, comme vous le savez, est la première instance représentative de l'Université de Montréal. J'ai participé aux travaux. Je ne suis pas du tout un boycotteur. Au contraire, je voulais être présent pour défendre les intérêts des professeurs dans une étape très, très importante de l'évolution de l'université. Nous avons discuté amplement, à l'assemblée universitaire, des divers changements qui sont proposés. Tous ont été approuvés par l'assemblée universitaire par de larges majorités, et une lettre vous a été envoyée par le secrétaire général, hier, sur la résolution qui a été votée il y a deux jours, reconfirmant le vote de... ou les votes de l'assemblée universitaire.

Je suis ici pour défendre le travail de l'assemblée universitaire et continuer le travail du CEPTI en matière d'amendements à la charte. Je suis aussi ici pour défendre le travail de l'assemblée universitaire et appuyer le projet. Nous appuyons le projet comme un moyen d'améliorer l'université. Ce n'est pas le paradis, ce n'est pas l'enfer, c'est une amélioration et c'est ainsi que je vais le présenter et le défendre.

L'assemblée a voté des améliorations modérément positives. On a mis à jour la charte... ou, en tout cas, on propose la mise à jour d'une charte vieille de 50 ans. Elle codifie ce qui se fait réellement à l'université, pas ce qui se faisait en 1967. Elle élimine les archaïsmes comme la présence de l'archevêché dans les nominations au conseil de l'université. Elle fait participer les diplômés au fonctionnement de l'université. Elle garantit la moitié de l'assemblée universitaire pour les professeurs, ce qui est le cas actuellement mais qui pourrait changer, donc il est maintenant consolidé. Elle fait participer au fonctionnement de l'université les chargés de cours, les employés, ce qui est très bon. Elle réaffirme le rôle décisionnel de l'assemblée universitaire. Rien ne change dans son pouvoir principal d'orienter l'université. Cela est conservé sans changement.

• (17 h 30) •

Elle surveille toujours le règlement sur le statut du corps professoral. Je vous le dis comme témoin vivant. Je suis membre du Comité du statut du corps professoral. Je suis même le président du Comité du statut du corps professoral, qui est un comité de l'assemblée universitaire.

Donc, l'assemblée universitaire a tout pouvoir sur le statut du corps professoral. Ça continue. Rien n'a changé. La discipline a été retirée, mais cette discipline a été retirée, parce que c'est une question de relations de travail qui est mieux gérée entre employeur et syndicat. Et c'est ce qui va être le cas, nous l'espérons. Les deux vont s'entendre pour régler cette question et la sortir du fonctionnement de l'université. Nous avons un enchevêtrement de relations de travail et de fonctionnement de l'université qui est très néfaste à notre activité. Et vous avez vu un peu aujourd'hui des débats juridiques à savoir qui fait quoi, et qu'est-ce qui est autorisé, et qu'est-ce qui ne l'est pas. Il est bon de le scinder de manière à ce que les choses soient plus claires, de manière à ce que le syndicat puisse agir d'une manière directe, ce qu'il ne peut pas faire à travers l'assemblée universitaire. Il peut le faire maintenant en négociant directement, en discutant directement avec l'employeur. C'est positif pour l'université, c'est positif pour le syndicat, c'est positif pour les professeurs. Là, on a une baisse du nombre de représentants externes au conseil de l'université. Ils demeurent toujours majoritaires, mais ils le sont partout. Donc, le changement est mineur, mais ce n'est pas la révolution et ce n'est pas non plus le désastre.

Ce sont des amendements limités. Cette réforme est limitée. L'architecture générale de la charte ne change pas. Les structures, la répartition et l'équilibre des pouvoirs restent les mêmes. L'AU demeure maître d'oeuvre de l'orientation de l'université. Les principes de base, libertés fondamentales sont maintenus. Les règles de collégialité ne changent pas. On ne comprend pas pourquoi cette question est soulevée. Les amendements à la charte ne touchent pas à ce sujet. Le p.l. n° 234 retouche la charte, il ne la réécrit pas. Il ne la réécrit pas. Ce n'est pas une nouveauté. Toutes les composantes de la communauté universitaire, professeurs, chargés de cours, étudiants, employés, direction, ont participé aux décisions de l'assemblée universitaire. Les instances légitimes ont donc été dûment consultées et se sont dûment prononcées.

Le projet a été adopté par l'Université de Montréal à l'assemblée universitaire et au conseil de l'université. Parallèlement se déroulait une campagne de dénonciations, des dénonciations un peu alarmistes, avec beaucoup de slogans sans rapport avec le contenu des changements dans la charte. On a parlé de perte de droits et libertés, de fin de collégialité, de marchandisation de l'université, de professeurs bâillonnés, de majorité externe au conseil de l'université, comme si c'était une nouveauté — ils étaient déjà majoritaires, rien ne change, au contraire, leur nombre diminue — d'ordre public. Aujourd'hui, j'entends ça pour la première fois, que l'ordre public va être touché par l'amendement à la charte. J'en passe, j'en passe. Ce sont des déclarations qui sont sans rapport avec les changements qui sont proposés.

Bref, d'après ce qu'on entend, ce changement à la charte, un changement limité, allait mettre à mort l'université, l'université serait finie, on ne pourra plus discuter comme professeurs, on ne pourra plus faire de la recherche libre à partir de cette charte. Ridicule, absolument ridicule, aucun rapport avec ce qui est dit. Et, si tout cela était vrai, je m'y serais opposé. J'aurais été le premier à m'opposer à ces changements dans la charte s'ils contenaient ce que l'on entend dans les slogans publics concernant ce qui va se produire. Mais ce n'est pas vrai, ce n'est pas vrai. Et je ne laisse pas passer le mensonge, je ne laisse pas passer les contrevérités. Je suis là pour défendre les professeurs sur les réalités et non pas sur des slogans, non pas sur une rhétorique qui n'a pas de rapport avec les changements proposés. Certains professeurs ont été affolés, ont été égarés par cette rhétorique, par cette démagogie. On en a vu certains qui ont boycotté les travaux de l'assemblée universitaire. On en voit d'autres qui signent une pétition sans rapport avec les changements réels de la charte. Ce sont des discussions sur les pertes de droits, l'université qui s'en va à vau-l'eau, etc. Ce sont des slogans généraux qui n'ont pas de rapport avec le sujet que nous discutons.

Alors, pourquoi cette campagne de dénonciations démesurée, disproportionnée par rapport aux changements réels? Quelle est la raison? Pourquoi le ton est-il monté? Pourquoi y a-t-il un dialogue de sourds? Il y a une réforme qui est proposée et des dénonciations qui n'ont rien à voir avec la réforme, qui portent sur d'autre chose. La réalité, et je crois que c'est la réponse à la question, l'enjeu n'est pas la charte. L'enjeu ici, dans ce débat, n'est pas la charte. Le différend est plus ancien. L'exécutif du SGPUM demande un droit de regard, demande de pouvoir autoriser, assujettir des décisions de l'assemblée universitaire à son accord préalable. Cela remonte à 2016. Donc, un syndicat demande de contrôler, essentiellement, ce que fait une instance universitaire.

En février 2017, l'exécutif du SGPUM est allé rencontrer le recteur et lui dire : Retirez cette disposition de la charte, et d'abord vous devez vous entendre avec nous seulement, vous entendre avec nous avant de discuter de la charte à l'assemblée universitaire. Or là, je me rebiffe, là, je résiste, parce que l'assemblée universitaire et la charte ne sont pas des sujets de relations de travail, ce sont des sujets de fonctionnement de l'université. La prétention de l'exécutif, à mon avis, serait mortelle pour les instances représentatives. Désormais, tout passerait aux mains du patron, de l'employeur, et du syndicat, on serait dans un cadre entreprise, ce qui est quand même paradoxal. Normalement, les professeurs et moi-même dénonçons les tentatives de direction d'imposer l'entreprise. Eh bien, ici, il y a un exécutif syndical qui essaie d'aller dans ce sens. Là, je m'oppose, je m'oppose à ce mélange, à cette tentative de dire que les relations de travail et le fonctionnement de l'université, c'est la même chose. Ce n'est pas la même chose.

Donc, sur cette base-là, j'ai participé activement à la défense des professeurs dans la discussion de la charte. Et cette position de mélange, cette position de mainmise sur les instances universitaires est contraire à la position historique des professeurs et du SGPUM. Je le sais très bien parce que j'ai été premier vice-président du SGPUM entre 2002 et 2010. Jamais nous n'avons émis une telle prétention. On a voulu influencer, on a voulu intervenir et là on n'aurait jamais boycotté l'assemblée universitaire, très certainement, parce qu'on serait présents pour défendre les professeurs.

Cette idée de partir et dire qu'il faut négocier d'abord avec l'exécutif du SGPUM est étrangère à l'histoire du SGPUM, elle est nouvelle. Donc, on aurait une entité qui jouirait d'un droit de regard, d'un droit de veto sur une instance représentative, l'assemblée universitaire. Ce serait comme si l'Assemblée nationale était assujettie à une entité externe puis, disons, vous deviez obtenir notre autorisation.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci, M. Saul. Merci beaucoup. Nous procédons maintenant à une brève période d'échange avec les membres de la commission. La parole est au député de LaFontaine.

M. Tanguay : Oui. Merci beaucoup, M. Saul, pour votre présence ici aujourd'hui. Je vais y aller rapidement. Donc, vous avez présidé le CEPTI, le Comité d'étude du projet de transformation institutionnelle. Pouvez-vous rapidement nous dire combien de personnes siègent sur ce comité et qui y siège?

M. Saul (Samir) : Il y a 11 personnes élues par l'assemblée universitaire. Eux-mêmes sont élus par leurs propres membres, comme moi. Ils sont élus par l'assemblée universitaire. Et il y a cinq professeurs, il y a deux chargés de cours, deux étudiants, une cadre — et une cadre professionnelle, pas académique, il n'y a pas de cadre académique au CEPTI — et un employé.

M. Tanguay : Ils ont été élus quand par l'assemblée universitaire?

M. Saul (Samir) : Début 2016.

M. Tanguay : Et quelle la conclusion finale du CEPTI, que vous présidez, quant au projet de loi n° 234?

M. Saul (Samir) : Le CEPTI a fait deux rapports et les a soumis à l'assemblée universitaire, comme ça lui a été demandé, et ces rapports ont été étudiés par l'assemblée universitaire, qui a adopté certaines de ses propositions. D'autres ont été modifiées, donc. Et là, globalement, il est favorable au processus, parce qu'il y a participé. Il a fait des propositions, et l'assemblée universitaire a tranché largement en faveur, en général, mais parfois elle a eu d'autres idées, donc elle a pu modifier certaines des propositions.

M. Tanguay : Et donc, selon vous, président, encore une fois, du comité, du CEPTI, ce qui est devant nous aujourd'hui comme projet de loi est l'aboutissement d'un processus qui a été hautement démocratique et qui donc respecte la volonté de celles et ceux qui ont pris part, entre autres, à l'assemblée universitaire, là.

M. Saul (Samir) : Bien, tout à fait. Il a été soumis à l'assemblée universitaire, qui est l'assemblée élective la plus importante à l'Université de Montréal, et l'assemblée a discuté, pendant, je pense, cinq séances en 2017, largement de la charte. Chaque point a été discuté, débattu, amendé, modifié et finalement décidé par la majorité ou même parfois à l'unanimité de l'assemblée universitaire. On ne peut pas demander mieux. C'est comme si on demandait aux Québécois : Êtes-vous d'accord que l'Assemblée nationale décide pour le Québec? Bien oui.

M. Tanguay : Je ne voudrais pas que... parce que vous en avez touché, mais j'aimerais juste que l'on puisse ramasser un peu votre réponse. Vous en avez fait état dans votre 10 minutes de présentation, mais je ne veux pas passer énormément de temps là-dessus, parce que j'ai d'autres questions sur des points précis, mais donc comment expliquez-vous l'opposition marquée par le syndicat des professeurs de l'Université de Montréal, qui est venu l'exprimer tout à l'heure, et évidemment de la fédération qui chapeaute le syndicat, qui a fait écho à cette opposition-là? Comment l'expliquez-vous, cette opposition-là?

• (17 h 40) •

M. Saul (Samir) : D'abord, je veux être clair, ce n'est pas le syndicat qui s'y oppose. Il y a un exécutif syndical qui a obtenu deux votes au conseil syndical mais qui n'a pas l'approbation de l'assemblée générale. C'est-à-dire que ça n'a pas été soumis à l'assemblée générale pour lui dire : Êtes-vous d'accord que nous nous opposions à la charte?, pour la bonne raison que la charte n'est pas une question de relations de travail, elle n'aurait pas de place dans une décision syndicale.

C'est une question qui concerne les instances représentatives, donc professeurs, chargés de cours, etc., pas les syndicats. Aucun syndicat n'a le droit de décider ou d'imposer sa volonté sur le fonctionnement de l'université. Il a le droit de proposer, de critiquer, de s'exprimer. Et, quand j'étais membre de l'exécutif du SGPUM, on produisait des mémoires sur tous les sujets, critiquant l'administration à longueur de journée, mais on ne lui a jamais dit : Vous n'avez pas le droit d'agir, sans notre autorisation préalable, sur le fonctionnement de l'université. Ce droit-là s'applique pour les relations de travail, absolument. Le syndicat est le porte-parole, le syndicat est le représentant des professeurs sur les questions de relations de travail, mais pas sur le fonctionnement de l'université. C'est pourquoi je n'ai pas suivi cet appel au boycott. Il ne relève pas de l'autorité du syndicat.

M. Tanguay : Rapidement, je veux juste revenir sur la technicalité dont vous dites qu'il y a eu deux résolutions qui ont été prises en exécutif du syndicat mais qui n'a pas fait l'objet d'un débat à l'interne par les membres du syndicat...

M. Saul (Samir) : Bien, c'est-à-dire que...

M. Tanguay : ...par l'assemblée générale du syndicat.

M. Saul (Samir) : Non, pas l'assemblée générale, non.

M. Tanguay : Non. O.K.

M. Saul (Samir) : Non, pas l'assemblée générale, parce que je m'en serais rappelé.

M. Tanguay : Là, j'y vais sur les aspects un peu plus techniques. Vous dites, dans la correspondance — vous avez écrit quelques correspondances : «Membres externes, conseil de l'Université de Montréal — un pas dans la bonne direction, selon les représentants des chargés de cours — qui passeraient de 67 % à 58 %.» Donc, il y a une diminution, mais vous dites, vous, même que c'est la même chose dans la plupart des universités, là, qu'il y a un pourcentage comparable à celui-ci de membres externes sur le conseil de l'université.

M. Saul (Samir) : Dans le rapport du CEPTI... le deuxième rapport, on a fait une étude des diverses universités pour voir quelle était la composition de leurs conseils universitaires. Très majoritairement, les conseils d'université et les conseils d'administration sont composés d'externes. On peut ne pas le souhaiter. Au fond, comme professeur, je souhaiterais que ça soit interne, mais je ne suis pas naïf, je sais que les universités sont financées par le public. Le public ne laissera pas les universitaires gérer tout sans un regard externe sur ce qu'ils font.

Donc, il faut être réaliste. Il va y avoir un nombre d'externes plus élevé que le nombre d'internes. L'important, c'est d'avoir une bonne représentation, parmi les externes, des diverses professions, que la diversité de la société soit reflétée dans la composition des... ce ne soient pas uniquement des milieux d'affaires.

M. Tanguay : Et là, telle que proposée, avez-vous cette assurance qu'il y aura une diversité suffisante?

M. Saul (Samir) : Il y a, dans l'un des amendements à la charte, une clause disant qu'il va falloir tenir compte de la diversité, de la compétence, de la diversité professionnelle... la compétence, etc. Donc, c'est un ajout qui n'était pas là dans l'ancienne charte. On va dans la bonne direction. Ce n'est pas la révolution, on n'a pas l'assurance que désormais tout va être fait comme ça, mais c'est déjà un pas dans la bonne direction. Tout est limité dans cette réforme de la charte. Il ne s'agit pas de bouleversements.

M. Tanguay : Est-ce que... puis je ne veux pas vous mettre en porte-à-faux, serait-il possible pour les membres de la commission d'avoir accès aux deux rapports du CEPTI, si d'aventure ils sont publics? Vous pourriez peut-être donc les communiquer, s'il vous plaît, via le secrétariat de la commission, et on pourra en faire la distribution. Et je vous en remercie à l'avance.

Vous affirmez donc que les modifications proposées par le projet de loi n° 234 ne viennent pas affecter, brimer, diminuer la liberté académique des professeurs. Quelle assurance en avons-nous?

M. Saul (Samir) : Il n'y a pas d'assurance ni avant ni après. Il y a une surveillance permanente de la part des professeurs, de la part des instances représentatives pour s'assurer que notre fonction de chercheur, d'enseignant soit libre, ne soit pas entravée par des mesures d'ordre pratique ou administratives, par des ingérences politiques ou autres. C'est un combat permanent. Il n'y a pas de transformation, il n'y a pas de changement «où autrefois on était libres, désormais on va devenir esclaves». Rien ne change, ce qui veut dire que la surveillance doit continuer.

Ma réponse est très nuancée, voyez-vous. Il n'y a pas la nuit et le jour, il y a le statu quo, et ce statu quo est un statu quo où nous sommes libres, mais cette liberté doit être quand même défendue en tout temps.

M. Tanguay : Comment expliquer, alors, que la représentation contraire nous est faite devant nous, à l'effet qu'il y aura une attaque à la liberté académique? Y a-t-il des motifs raisonnables de le croire?

M. Saul (Samir) : Des motifs raisonnables de croire que l'attaque serait due aux changements dans la charte? Pas du tout. Elle pourrait venir avant les amendements ou après. Nous ne sommes pas saufs, il n'y a aucune garantie, mais les changements en eux-mêmes ne touchent pas à la question de la liberté académique. La liberté académique est toujours là.

M. Tanguay : Dernière question, avec le temps qu'il nous reste, une minute. Vous avez affirmé qu'en somme le syndicat des professeurs de l'Université de Montréal veut que les décisions de l'assemblée universitaire aient son accord préalable. Je reprends vos mots. Que voulez-vous dire par là?

M. Saul (Samir) : L'un des membres de l'exécutif du SGPUM a soumis une lettre à l'assemblée universitaire au mois de septembre 2016 dans laquelle il prétendait que les décisions de l'assemblée universitaire devraient être assujetties à l'accord de l'exécutif du SGPUM d'après son interprétation de la convention collective, ce qui veut dire que ce qui se décide à l'assemblée universitaire doit avoir une approbation d'un exécutif syndical. C'est quand même énorme.

M. Tanguay : Serait-il possible d'avoir une copie de cette lettre?

M. Saul (Samir) : Oui, tout à fait. Je peux la sortir des documents de l'assemblée universitaire. Aucun problème.

M. Tanguay : Merci. Merci beaucoup. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci beaucoup. Alors, tous ces documents devraient être envoyés ici, au secrétariat de la commission. Alors, maintenant, la parole est au député de Lac-Saint-Jean.

M. Cloutier : Merci, Mme la Présidente. Merci pour votre présentation sous un angle différent, on va le dire comme ça.

Concernant le processus de nomination du recteur... ou, plutôt, des doyens qui relèvent du recteur, certains prétendent que c'est une procédure actuelle qui est codifiée, d'autres prétendent, au contraire, que c'est un changement. De votre expérience à vous, qui êtes un enseignant et qui avez occupé différentes fonctions au sein de l'université, est-ce que, pour vous, il s'agit là d'un changement important ou...

M. Saul (Samir) : Non, il n'y a pas de changement important.

M. Cloutier : Pour vous, il n'y a pas de changement.

M. Saul (Samir) : Il n'y a pas de changement important, parce qu'actuellement un doyen relève de la Direction de l'université. Je ne vois pas un doyen aller à l'encontre la Direction de l'université en disant : J'ai un vote de mon assemblée. Le vote de l'assemblée peut arriver, mais le doyen, de toute façon, serait en porte-à-faux avec ce vote maintenant ou plus tard. Même chose. Rien ne change. C'est une affirmation de ligne de commandement qui existe déjà.

M. Cloutier : Pourquoi, à votre avis, on souhaite ajouter à l'article 23 que la Commission des études assure la coordination de l'enseignement et son arrimage avec la recherche? Quels sont les objectifs, à votre avis, qui sont visés par un tel amendement?

M. Saul (Samir) : J'ai fait partie de la Commission des études. J'ai été membre, pendant quatre ans, de la Commission des études.

La Commission des études étudie les programmes d'études, les divers programmes dans les facultés et les départements, etc. Et l'une des questions qui étaient soulevées souvent dans les discussions, c'est : Bon, c'est bien pour l'enseignement, mais quel rapport avec la recherche? Est-ce que ça peut contribuer à mieux former les étudiants pour la recherche? C'est une façon de lier nos deux fonctions professorales, de pédagogue et de chercheur, et de faire en sorte que les programmes puissent déboucher ou aider la fonction de la recherche. Ce n'est pas une mainmise sur la recherche. Le professeur décide lui-même ce qu'il va chercher, de toute façon. Mais c'est une façon de faire en sorte que les programmes qui sont votés à l'université aient une incidence ou soient liés ou contribuent à la recherche. C'est une nouveauté mais qui a été maintes fois évoquée, selon mon souvenir, dans les discussions de la COMET, à quoi ça mène.

M. Cloutier : Quant au statut du corps professoral, vous dites : Si c'est mieux scindé, ça va permettre au syndicat de négocier plus directement. Je ne suis pas certain de bien saisir qu'est-ce que vous vouliez dire.

M. Saul (Samir) : Le statut est toujours dans la charte. Le statut du corps professoral, le règlement sur le statut du corps professoral est dans la charte et va rester dans la charte modifiée. Ce qui est retiré, c'est la discipline. Cette clause contenait statut et discipline. Le statut demeure. Le statut demeure, donc le statut d'un corps... que font les professeurs, quelles sont leurs fonctions, etc., ça reste dans la charte.

M. Cloutier : Mais, quand vous dites : Ça reste dans la charte, vous voulez dire : Ça relève encore de la responsabilité de l'assemblée universitaire. C'est ça que vous voulez dire?

M. Saul (Samir) : C'est ça.

M. Cloutier : O.K.

• (17 h 50) •

M. Saul (Samir) : C'est ça. Exact. L'assemblée universitaire conserve ce pouvoir. Elle l'avait et le conserve. La discipline est retirée parce que c'est une question proprement de relations de travail.

L'un de nos problèmes actuellement, c'est que nous vivons les suites historiques de l'histoire de l'Université de Montréal, où tout était décidé à l'assemblée universitaire avant la syndicalisation. Avec l'arrivée de la syndicalisation, certains pouvoirs sont allés au syndicat, bon, mais un pouvoir est resté aux mains de l'assemblée universitaire. Un de ces pouvoirs, c'est la discipline. Bon. Et il y a alors des mélanges qui font en sorte qu'il y a des croisements et des heurts qui devraient être terminés. Et, en mettant la discipline, effectivement, entre les mains de ceux qui l'exercent, c'est-à-dire l'employeur et le syndicat, les choses sont plus claires. Les négociations... ou les discussions ont déjà commencé. Les questions que j'ai posées à la fois au syndicat et à la Direction de l'université... les discussions sur cette question ont commencé. Je ne sais pas si elles sont en cours, mais elles ont commencé, ce qui est très bien. C'est là où ça doit se décider. Ça renforce le syndicat.

M. Cloutier : Puis, pour ce qui est du comité de discipline, est-ce que ça a soulevé entre vous des discussions difficiles ou ça allait de soi qu'il fallait ouvrir... ou il fallait modifier, du moins, les façons de faire actuelles?

M. Saul (Samir) : Le CEPTI a émis l'opinion qu'il allait étudier la question de la discipline et proposer des scénarios à l'assemblée universitaire, il n'allait pas trancher, il n'allait pas demander à l'assemblée universitaire de trancher non plus. C'est une question de relations de travail, on va être clairs là-dessus, c'est une question de relations de travail, et ce que nous faisions était le fonctionnement de l'université, de l'assemblée universitaire. Donc, la discipline, au syndicat et à l'employeur, à la direction, à la traiter, donc, le CEPTI n'a pas pris position sur cette question. On ne s'est pas considérés aptes ou on n'a pas voulu se mêler d'une question de relations de travail.

M. Cloutier : Donc, vous prétendez que tout ce qui est lié à la discipline, c'est lié aussi aux conditions de travail.

M. Saul (Samir) : Bien, la discipline relève des conditions de travail, effectivement. C'est une relation de travail. Elle serait dans toutes les conventions collectives.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci, M. Saul. Maintenant, la parole est à M. le député de Chambly.

M. Roberge : Merci beaucoup. Donc, beaucoup de questions ont été déjà posées. Vous avez eu des mots très, très durs pour les exécutifs syndicaux, vous avez parlé avec beaucoup de franchise, dans ce que vous avez écrit. Je comprends que vous êtes en accord avec la plupart des articles dans ce projet de loi là. Je vais vous demander d'abord : D'après vous, laquelle est la meilleure des dispositions? Quel est le plus grand gain de ce projet de loi là? Parce que nous, après ça, on va pouvoir l'améliorer. Et qu'est-ce qu'on devrait changer? Quelle est la plus grande faille? Parce que, bon, ce n'est quand même pas parfait.

Qu'est-ce qu'il faudrait changer ou améliorer, quand on va faire l'étude article par article de ce projet de loi là, pour corriger encore quelque chose, pour l'améliorer? C'est ça, notre travail.

M. Saul (Samir) : Bon. Deux choses que je pense très, très importantes.

D'abord, qu'on ait assuré, de mon point de vue comme professeur, que... le fait que l'assemblée universitaire serait composée au minimum de 50 % de professeurs est, pour moi, une garantie que ça ne va pas baisser, qu'en augmentant les autres groupes on ne va pas diminuer le corps professoral. C'est une garantie qui est là. Elle est nouvelle, elle n'était pas dans l'ancienne charte. Donc, c'est un point positif.

L'autre point positif qui est important pour moi comme membre de l'assemblée universitaire, c'est que le rôle de l'assemblée universitaire comme décideur en matière d'orientations, et la charte est une orientation de l'université, a été réaffirmé. L'assemblée universitaire a participé pleinement, elle a voté les divers changements, donc elle est une actrice, et c'est un précédent. À mon avis, c'est un précédent. C'est-à-dire que, si dans 20 ans, 50 ans, je ne sais pas, peut-être 50 ans, la charte va être modifiée, il va falloir se référer à ce précédent et obtenir l'accord de l'assemblée universitaire, ça ne pourra pas être décidé autoritairement. Ça ne peut pas être décidé autoritairement. Ça, c'est très important, parce que l'un des dangers... Et, je ne suis pas naïf, le conseil de l'université a une histoire et des tendances qui peuvent aller dans le sens autoritaire, je ne le nie pas, mais pas dans ce changement actuel, pas dans ce projet. Il y a des tendances historiques à vouloir décider, hein, pour l'ensemble de l'université. Il ne pourra pas le faire la prochaine fois.

Alors, vous me demandez qu'est-ce que j'aurais ajouté. J'aurais ajouté ce qui a été retiré. L'assemblée universitaire a voté d'ailleurs une formule d'amendement consolidant ou reconnaissant, codifiant ce qui a été fait cette fois-ci, c'est-à-dire que tout ce qui est envoyé à Québec a été voté à la fois par le conseil de l'université et par l'assemblée universitaire. Les deux devaient être d'accord. J'aurais voulu mettre une formule d'amendement disant cela. Et l'assemblée universitaire a voté cette formule d'amendement, mais le conseil de l'université n'était pas d'accord, n'a pas voulu aller dans ce sens. Donc, il n'y a pas de formule d'amendement. Ce qui reste, c'est le précédent.

La Présidente (Mme de Santis) : 45 secondes.

M. Saul (Samir) : Le précédent est important. Donc, le précédent est là. La prochaine réforme de la charte va être faite avec l'accord de l'assemblée universitaire, avec la participation de l'assemblée. C'est très important.

M. Roberge : Et vous dites dans une lettre qu'il n'y a pas de marchandisation de l'université, contrairement à d'autres. Qu'est-ce qui nous garde, dans ce projet de loi là, contre une marchandisation de l'université?

M. Saul (Samir) : Le projet n'est pas une sauvegarde contre la marchandisation, la marchandisation est un danger permanent. C'est comme le danger à la liberté académique, c'est toujours là. Le projet ne modifie rien en la matière. Nous devons être toujours vigilants et faire bien attention que l'université ne fasse pas partie du milieu des affaires. On n'est pas sur le marché, hein, il faut garder toujours en vue ce risque et ce danger et le combattre, mais la charte elle-même ou les modifications à la charte ne changent rien à cette réalité, à cette dynamique de vigilance à l'égard de ce danger venant des milieux externes.

La Présidente (Mme de Santis) : Merci, M. Saul. Maintenant, la parole est au député de Gouin.

M. Nadeau-Dubois : Merci, monsieur, de votre présence et de votre présentation très intéressante.

Vous dites qu'un des problèmes actuellement à l'Université de Montréal, c'est un mélange des genres entre les instances représentatives de l'université et les relations de travail. Vous nous dites que cette nouvelle charte va permettre de départager ces deux choses-là, si je vous comprends bien.

Ma question est donc : Considérant ce fait, est-ce que vous croyez que les modifications à la charte vont avoir un impact sur les relations de travail?

M. Saul (Samir) : ...une autorité plus grande en matière de discipline, parce qu'il va être le seul interlocuteur de l'employeur. À mon avis, le syndicat sort gagnant de cette opération. Je ne comprends pas le refus de traiter le sujet, l'idée qu'il faut garder la discipline aux mains de l'assemblée universitaire. Au contraire, elle serait aujourd'hui, si vous adoptez ce projet, de la responsabilité de l'employeur et du syndicat. Pour moi, c'est un gain.

M. Nadeau-Dubois : Est-ce que vous auriez la même... Moi, j'ai entendu dans le cadre de mes discussions qu'en effet la discipline ne serait plus de l'autorité de l'assemblée universitaire, donc ce ne serait plus spécifié dans la charte, que ce serait quelque chose qui serait déterminé dans les statuts de l'université. Est-ce que c'est ce que vous croyez également? Est-ce que c'est l'information que vous avez?

M. Saul (Samir) : Non, je n'ai pas cette information. Les statuts sont en discussion en ce moment, un groupe les étudie. Ils vont arriver devant le CEPTI bientôt, et le CEPTI va faire un rapport à l'assemblée universitaire. Donc, je ne sais pas ce que contient le contenu de ces discussions.

M. Nadeau-Dubois : C'est important. Selon vous, est-ce que l'intention de l'université, c'est de négocier avec les syndicats pour établir le nouveau processus disciplinaire ou est-ce que c'est de trancher le débat lors de la rédaction des statuts?

M. Saul (Samir) : Ma compréhension est que les discussions ont lieu entre la direction et le syndicat des professeurs pour arriver à une solution de ce problème. On ne parle pas des statuts, là, on parle d'une négociation, d'une discussion directes entre les deux. Alors, sans doute que les statuts vont refléter ces discussions, mais ça...

La Présidente (Mme de Santis) : Merci, M. Saul. On vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission. Je remercie tous ceux et celles qui ont collaboré avec nous aujourd'hui.

Et, compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux sine die. Mais je crois bien qu'on va se voir demain soir à 19 h 30. Bonne soirée.

(Fin de la séance à 17 h 58)

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