(Quinze heures neuf minutes)
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Alors, bon après-midi à tous! Ayant constaté le quorum, je déclare la
séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien
vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.
La commission
est réunie afin de poursuivre les consultations
particulières et auditions publiques
sur le projet de loi n° 86, Loi
modifiant l'organisation et la gouvernance des commissions scolaires en vue de
rapprocher l'école des lieux de décision et d'assurer la présence des
parents au sein de l'instance décisionnelle de la commission scolaire.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplaçants?
Le
Secrétaire : Oui, Mme la Présidente : Mme Hivon (Joliette)
est remplacée par Mme Léger (Pointe-aux-Trembles).
Auditions (suite)
La Présidente (Mme Rotiroti) :
Nous entendrons cet après-midi les personnes et les organismes suivants : l'Association québécoise du personnel de direction
des écoles, merci d'être là, M. Julien Prud'homme et la commission
scolaire Marie-Victorin.
Alors, je
souhaite la bienvenue à l'Association québécoise du personnel de direction des
écoles. Mme Bissonnette, Mme Fortin,
Mme Boucher et M. Ouellet, merci d'être là. Je vous rappelle que vous
disposez de 30 minutes pour
faire votre présentation, et, par la suite, on passera à une période d'échange
entre les élus.
Alors, je
vous demanderais juste... encore vous identifier, pour les fins d'enregistrement, ainsi que les gens qui vous accompagnent, et vous pouvez
commencer tout de suite votre présentation.
Association québécoise
du personnel
de direction des écoles (AQPDE)
Mme Boucher (Danielle) : Parfait.
La Présidente (Mme Rotiroti) :
Alors, la parole est à vous.
• (15 h 10) •
Mme
Boucher (Danielle) : Merci, Mme la Présidente. Alors, MM., Mmes les députés
membres de la commission parlementaire, M. le ministre de l'Éducation,
des Loisirs et du Sport, je désire vous remercier pour cette invitation parce
qu'on veut partager nos réflexions et nos attentes sur le projet de loi
n° 86.
Alors, je vais vous présenter les personnes qui
m'accompagnent. À ma gauche, M. Carl Ouellet, qui est vice-président de la l'AQPDE et qui est directeur d'une
école secondaire à la commission scolaire des Premières-Seigneuries; à ma droite, Mme Manon Fortin, qui est responsable
aux affaires professionnelles à l'AQPDE, mais qui est aussi directrice d'un établissement scolaire primaire à la
commission scolaire des Découvreurs; et, à ma droite, Mme Louise
Bissonnette. Elle était présidente de l'Association des directions
d'établissement d'enseignement de la Rive-Sud de Montréal, mais qui ont joint
nos rangs en septembre dernier.
Alors, voilà.
Et, derrière moi, il y a une vingtaine de directrices et de directeurs
d'établissement scolaire de toutes les régions que nous représentons,
alors, du Québec, et je les remercie grandement de leur présence.
Notre mémoire a été rédigé avec le souci de
contribuer de manière constructive à votre réflexion. D'emblée, l'AQPDE est reconnue comme une association qui
cherche des solutions, et on est convaincus que le projet de loi
n° 86, avec des modifications — j'imagine qu'on n'est pas les premiers à
vous le dire, nous vous le proposerons, en tout cas, tout à l'heure — aura des retombées positives et durables sur
la réussite des élèves. Certains vous ont dit ou vous diront qu'il est
faux de croire que des modifications à l'organisation, à la gouvernance, auront
des effets directs sur la réussite des élèves. Nous, on pense que ça peut en
avoir, des effets. Ça dépend comment ça atterrit dans les milieux.
Maintenant, à ces personnes, j'aurais le goût de
dire : Une structure lourde, trop bureaucratique, trop centralisée — puis là je vais m'expliquer, là, c'est
autant au niveau commission scolaire que ministère, je pense qu'il y a
des choses qu'il faut entendre, il faut
avoir l'ouverture de les entendre — comme celle dans laquelle nous travaillons,
nuit à ceux et celles qui font l'école au
quotidien. Elle affaiblit leur capacité d'innovation et réduit leur marge de
manoeuvre pour lutter contre le décrochage scolaire.
Nous ne pouvons
fermer les yeux sur le fait que, dans la structure actuelle et malgré les
programmes qui sont mis en place depuis plus
de 10 ans, nous observons, bon an, mal an, de 25 % à 30 % des
jeunes qui échouent. Nous ne pouvons
pas non plus fermer les yeux sur les recherches, puis là je vais en citer
quelques-unes. Il y a celle de l'OCDE de 2008 sur
la direction des établissements scolaires ou encore celle rapportée dans le
rapport sur la gouvernance des commissions
scolaires de 2014 qui démontrent que les chefs d'établissement peuvent
contribuer à améliorer les résultats des écoles et des élèves s'ils ont suffisamment d'autonomie pour prendre les
décisions importantes. Maintenir le statu quo n'est pas une solution qui
répondrait aux besoins de l'école du XXIe siècle. C'est protéger un système
parmi les plus centralisés avec les résultats que nous observons. Ça, ce n'est
pas moi qui le dis, là, c'est la recherche. Puis je pourrai vous citer les
endroits où on le documente.
Notre
mémoire est le fruit d'une longue réflexion des membres du conseil
d'administration et aussi des membres qui
oeuvrent dans nos écoles et nos centres, qui proviennent des régions de Québec,
de la Capitale et de la Rive-Sud de Montréal.
Notre point de vue reflète la réalité de ces établissements. Ils sont au coeur
de grands centres ou en milieu rural. Ce sont des écoles populeuses ou
une petite école de village.
Avant
de poursuivre, je vous ramène au milieu de la décennie 1960 en vous citant
un court passage du rapport Parent,
qui a inspiré les bases de notre système d'éducation puis qui inspire toujours
notre association, et je vais citer, puis je vais un peu la moderniser : «[Le directeur d'école ou la
directrice] doit être un homme [ou une femme] de confiance auquel on laisse beaucoup de latitude et dont on espère
beaucoup d'initiative. Son rôle premier, c'est évidemment d'organiser l'enseignement, d'en surveiller la qualité, d'en
assurer le progrès. Il faut donc lui laisser la plus grande liberté
possible...» Fin de la citation. Je l'aime, celle-là.
Cette
citation vous indique bien là où logent les membres de l'AQPDE. Et l'école,
c'est la base de notre système d'éducation. C'est ce qui a inspiré la
réforme du gouvernement de 1998 et qui inspire le gouvernement actuel. Nous espérons que le principe de subsidiarité, de
décentralisation, soit une fois pour
toutes compris, appliqué et qu'il se
reflète dans les décisions du réseau de l'éducation québécois. L'école du XXIe siècle doit avoir les coudées
franches pour mettre en place les stratégies les mieux adaptées et les plus efficaces pour
assurer la réussite de tous les élèves qui lui sont confiés. Et je dis
bien... je vais insister sur le «tous les élèves» parce qu'on ne veut pas
toucher seulement le plus grand nombre d'élèves. On veut vraiment toucher tous
les élèves. Sur ce sujet, je vous réfère à la page 14 de notre mémoire.
Diriger une école,
c'est faire preuve d'humanisation et c'est faire oeuvre d'humanisation. Aux
premiers jours de l'année scolaire, lorsque
nos jeunes arrivent, les nouveaux comme les anciens, ce ne sont pas des
statistiques que nous recevons, ce sont des jeunes filles, des jeunes
garçons. Ils ont un nom, ils ont une histoire, ils ont une famille, ils ont vécu des succès, ils ont vécu des échecs, ils ont
un balluchon, ils ont un balluchon d'expériences déjà. Et, quand ils
arrivent, nous avons, avec les enseignantes et les enseignants, une
préoccupation : on veut les amener plus loin, on veut les amener vers la
réussite puis dans un milieu qui va être propice aux apprentissages.
Mmes, MM. les
parlementaires, les directions d'établissement ont besoin de votre soutien puis
ont besoin de votre confiance. Ils sont prêts à relever le défi d'une école qui
est plus autonome et qui est plus responsable, ce qu'on comprend aussi qui vient avec l'imputabilité. C'est un beau défi. Nous
pensons que nous sommes capables de relever ce défi. Nous croyons que le projet de loi n° 86, avec les quelques
modifications que nous suggérons, il y en a quand même seulement 25,
peut améliorer notre travail et rejoindre trois principes qui nous servent de
fondement.
Un premier principe,
c'est : l'éducation se fait dans une classe composée d'un enseignant et
d'un groupe d'élèves. C'est assez évident.
Cette classe est dans une école ou dans un centre. C'est là que les besoins se
déterminent, les services s'organisent, les
décisions se prennent. La persévérance et la réussite de tous les élèves
constituent notre quotidien.
Un
deuxième principe sur lequel on s'appuie, c'est vraiment : la direction
est à l'école ce que l'enseignant est à la classe. La classe, elle n'est pas toute seule comme ça, là. Elle vit à
quelque part dans un milieu qu'on appelle une école, où c'est un ensemble de classes. Et c'est au directeur
d'école, avec la contribution de son équipe d'enseignants, de professionnels, de personnel de soutien, que
revient le choix des moyens et des stratégies pour assurer la
persévérance et la réussite de tous les élèves.
Et
un troisième principe sur lequel on s'appuie, c'est vraiment : l'éducation, c'est une responsabilité collective. L'école,
pourquoi? Parce
que l'école, elle n'est pas située
n'importe où. Elle est située dans un quartier, elle est située dans un
village, elle est située dans une ville, une municipalité. Elle doit donc
entretenir une relation étroite avec tous les citoyens ainsi que les institutions
sociales, culturelles, économiques de son milieu. Elle doit pouvoir compter sur
leur engagement pour assurer la persévérance et la réussite de tous ses élèves.
Le directeur, il doit faire rayonner son école
au coeur de sa communauté. Et, pour notre association, le projet de loi est construit sur cette base du principe de subsidiarité que
nous retrouvons à l'article 72.
La
décentralisation est au coeur de nos demandes depuis plusieurs
années. Ce principe veut que la décision soit prise par la plus petite entité, la plus près du citoyen,
afin que la solution soit la plus adaptée et efficace possible. Appliqué
au système d'éducation, ça veut dire que la mission première, la réussite des
élèves, doit d'abord être portée et avant tout par la classe et l'école. D'ailleurs,
dans la loi actuellement, c'est l'enseignant qui est le premier responsable des
élèves. Donc, il y a quand même
déjà quelque chose. L'école est l'entité au coeur du système,
celle qui est plus près des élèves, des parents, de la communauté. Mais
nous souhaitons une école pas seule. Nous souhaitons une école qui est soutenue
par une commission scolaire qui comprend son rôle d'accompagnement et de
conseil, qui ne se met pas en avant-plan, ne
crée pas de lien hiérarchique avec l'école et fait équipe avec elle. Nous
souhaitons que les bonnes expériences avec certaines commissions
scolaires soient maintenant loi. C'est ce qui inspire le projet de loi, notamment
avec le comité de répartition des ressources, avec quelques amendements, quand
même.
• (15 h 20) •
Dans
notre mémoire, on a 25 recommandations, mais, pour nous, ces 25 recommandations-là sont très importantes les unes comme les autres, là. Elles
vont du statut de l'école jusqu'au rôle du ministre ainsi que la mise en place
de modalités pour accompagner le changement. Elles sont regroupées dans un
tableau. Vous avez reçu une annexe, l'annexe
1 de notre mémoire, c'est un tableau 8½ X 14. Vous avez dû la
recevoir. C'est plus clair, peut-être.
Vous avez l'ensemble des recommandations.
Avant
d'engager la discussion avec vous, je vais quand même prendre le temps de
mettre en évidence les éléments les
plus importants. Il y
a cinq éléments sur lesquels on veut
parler avec vous. Il y a le statut de l'école puis le leadership de la direction d'école, il y a
le rôle du conseil d'établissement, il y a la composition du conseil scolaire, il y a
les comités de gestion et de répartition des ressources puis le rôle du
ministre.
Alors, premier élément, la Loi sur l'instruction
publique, je vais dire LIP, là, elle donne à l'école un statut d'institution
sur lequel repose l'organisation générale du système d'éducation, mais le projet
de loi n° 86 confirme sa mission qui
lui a été confiée, son mandat, ses buts, la valeur fondamentale qui l'inspirent, c'est-à-dire l'égalité des chances. Il s'attaque à la bureaucratie en simplifiant un
des éléments de son cadre organisationnel, le projet éducatif, qui intègre maintenant
le plan de réussite. Donc, il abolit la convention de gestion et de réussite.
On appuie cela, on trouve que c'est un pas
vers une bonne direction. Cependant, en s'appuyant sur le principe de subsidiarité,
vous conviendrez avec nous qu'il faut
que l'école demeure l'entité à la base du système éducatif. Nous sommes
d'avis que, pour donner sens et force au présent projet de loi, une
notion doit être introduite, et ça fait l'objet de notre première recommandation
de la page 12 de notre mémoire : l'école est l'entité de base au
coeur du système éducatif.
Cette école
est composée d'élèves, de jeunes, des fois, des adultes, d'enseignantes,
d'enseignants, de personnel professionnel, de soutien. Elles font l'école, ces
personnes-là, elles doivent agir sous la direction d'une autorité clairement
établie, la direction d'école ou de centre. Même si
ce mode organisationnel est décrit abondamment dans le projet de loi, il faut quand même
confirmer les directions d'école et de centre à titre de leader de leur établissement et de leur communauté. Je
pense qu'il est nécessaire
de leur donner tous les moyens pour leur permettre d'exercer pleinement
leur rôle, de mettre à leur service
toute la richesse des ressources de la commission
scolaire non pas dans un cadre
hiérarchique, mais dans un rôle conseil face à l'accomplissement de la
mission de l'école.
Et donc ça
m'amène à une deuxième recommandation, que la loi précise que l'école relève de
l'autorité pédagogique et administrative de la direction d'école, laquelle
tient compte des orientations contenues au projet éducatif adopté par le
conseil d'établissement. Nous souscrivons à
l'idée de reconnaître les enseignantes et les enseignants comme experts
en pédagogie. On va se le dire, il était
temps, hein? Il était temps qu'on vienne concrétiser cet état de fait, et cette
reconnaissance devra se refléter dans les fonctions et responsabilités
qui leur sont confiées et qui sont confiées aussi, dans la loi, à la direction
d'établissement et au conseil d'établissement, à la commission scolaire et au
ministère.
Comme vous le savez, les directrices et
directeurs d'école sont d'abord des enseignants de formation, et cette exigence
doit être maintenue. Nous avons fait une recommandation. Qui de mieux pour
comprendre les besoins des enseignantes et
des enseignants pour ramener leurs élèves vers la réussite qu'un directeur
ayant vécu, ayant été dans la même situation? Agir ainsi, c'est
reconnaître notre compétence pédagogique, notre capacité à animer nos équipes
d'enseignantes et d'enseignants et de soutenir leur développement
professionnel.
Le rôle du
conseil d'établissement maintenant. Le conseil d'établissement, dont le soutien
et la permanence sont assurés par la
directrice ou le directeur, préside aux destinées de l'école. Si nous appuyons
l'orientation d'une gestion participative
et collaborative de tous les acteurs d'école, il nous semble tout aussi
important qu'il faut respecter les devoirs et responsabilités de chacun. Nous pensons que les décisions liées aux
modalités d'application du régime pédagogique et la définition de l'orientation générale en vue de
l'enrichissement des programmes d'études doivent être laissées à la
direction d'école et son équipe. C'est une recommandation de la page 23,
recommandation 6.
Si la loi
accorde au conseil d'établissement des pouvoirs qui se rapprochent des
fonctions caractéristiques d'un conseil
d'administration, la loi ne lui accorde aucune responsabilité en matière
d'organisation du travail et d'embauche ou de sélection du personnel. La directrice ou le directeur d'établissement
sont des employés de la commission scolaire. Ils exercent leurs
fonctions sous l'autorité de la direction générale. C'est la direction générale
de la commission scolaire qui transmet ses attentes de gestion aux directions
d'établissement et procède à l'évaluation de leur rendement. Nous sommes d'avis qu'il est de la responsabilité de la
direction générale de procéder à l'évaluation du rendement des
directions d'école selon une grille d'évaluation reconnue et approuvée.
Je vais prendre une gorgée. Cependant, une des
fonctions importantes de la direction d'école et de centre, c'est de
collaborer avec son conseil d'établissement, le projet de loi est très
explicite à ce sujet. On trouve normal qu'une collaboration
puisse être évaluée par le directeur général, qui peut demander un avis aux
parents, aux représentants de la communauté
membres du conseil. De manière à établir le plus d'objectivité possible, des
critères concernant l'assistance que la direction pourrait fournir au
conseil d'établissement devront être développés.
Nous sommes prêts au changement. En acceptant
que le travail d'assistance puisse faire l'objet d'un avis au directeur général, les directions d'établissement
confirment leur adhésion au principe de subsidiarité. Cependant, pour
que l'évaluation soit significative, elle
doit être partie intégrante de l'évaluation annuelle faite par la direction
générale. Sur ce sujet, aux recommandations 8 et 9, page 29 de
notre mémoire.
Concernant la sélection de la direction d'école
ou de centre, nous soulevons quelques questions. Vous les retrouverez à la page 30 et 34 de notre
mémoire. Nous tenons à rappeler, ici encore, que l'école et le centre n'ont pas
de statut juridique. On n'est pas des
employeurs puis on ne veut pas l'être. On va être clairs là-dessus, là, tout de
suite en partant. En vertu de la loi,
la commission scolaire a l'entière responsabilité de la sélection et de
l'affectation, nomination des directeurs d'école et de centre. Toutes
ces responsabilités-là sont encadrées par la loi et par le règlement sur les conditions
d'emploi des gestionnaires des commissions scolaires. Les processus de
sélection sont bien rodés, ont fait leurs preuves. Apporter des modifications
pourrait entraîner de la confusion.
En matière de gestion des ressources
humaines, il est essentiel d'avoir
une vision globale de l'organisation et des caractéristiques du personnel pour
les affecter aux postes qui conviennent le mieux à leur profil. Alors, les
questions concernant l'affectation et la sélection des directions devraient
être davantage l'objet de discussions entre la direction générale et les associations professionnelles qui représentent les directions
d'établissement. Il nous semble que ce sont les entités les mieux placées pour répondre aux
préoccupations des conseils d'établissement. On comprend, là, qu'ils
peuvent avoir des attentes, d'où la
recommandation 10 de la page 34, qui demande de maintenir le statu
quo en matière de sélection et
d'affectation des directions. Toutefois, nous nous attendons à ce que notre
règlement sur les conditions d'emploi des gestionnaires soit plus précis
sur le processus de sélection du personnel en prévoyant obligatoirement une étape d'affichage des
postes de cadre et de hors-cadre et ainsi rendre transparent tout le processus
de sélection et d'affectation de la commission scolaire.
Maintenant, on va
parler du conseil scolaire. Le projet de loi apporte des changements assez
majeurs, en profondeur, même, de la
gouvernance, hein? Vous avez fait le choix, à ce qu'on a compris, d'une gestion
participative assez différente. Le conseil
scolaire qui est mis en place, composé des parents des élèves du territoire,
les premiers concernés par le système d'éducation, des membres de la
communauté et de certaines catégories de personnel de la commission scolaire,
on comprend, là, la composition. On est prêts à siéger au conseil scolaire. On
est bien conscients, par
contre, que cette participation sera très exigeante, hein, on s'entend, pour les personnes qui y seront
choisies par leurs pairs et qui seront désignées pour apporter leur
contribution. On pense que leurs contributions peuvent être quand même assez
significatives sur le conseil.
Nous
sommes persuadés d'apporter, donc, cette contribution-là en lien avec
l'ensemble des décisions stratégiques qui
peuvent être prises par la commission
scolaire. En admettant des personnes
provenant des écoles ou des centres à la gouvernance, on reconnaît que
les décisions du conseil scolaire doivent répondre davantage aux enjeux et aux problématiques des territoires que les commissions scolaires occupent et au coeur desquelles se trouvent les
écoles et les centres. Cependant,
la gestion participative au conseil scolaire gagnant en crédibilité... Puis là
on va vous parler de représentation un petit peu plus large. D'abord, les places au conseil devraient être distribuées
de manière équivalente entre les trois groupes, parents, communauté,
personnel, soit un tiers, un tiers, un tiers. On pense qu'une place dans
la partie personnel devrait être accordée au
personnel de soutien parce qu'on reconnaît leur apport au fonctionnement de
l'école, et elle est reconnue, cette participation-là, par les équipes-écoles.
Finalement,
le gouvernement a précisé dans son projet de loi qu'il voulait une meilleure
prise en considération des besoins de
main-d'oeuvre qualifiée dans les régions pour faire face aux pénuries
anticipées ou pour appuyer le développement économique des régions. Alors, pour cette raison, on pense qu'au niveau
de la représentativité des directions d'école on souhaiterait avoir une place pour une direction d'un centre de formation
professionnelle ou d'éducation des adultes sur le conseil scolaire. Le
tout est bien exposé dans notre recommandation 12.
• (15 h 30) •
Un
quatrième élément, le comité de gestion et de répartition des ressources. Quand
on introduit un principe de subsidiarité,
le gouvernement prend parti pour la décentralisation des pouvoirs puis pour une
prise de décision sur tous les aspects
de la vie scolaire par l'entité au
coeur du système scolaire, c'est-à-dire l'école ou le centre qui est sous
l'autorité pédagogique et administrative de la direction de l'établissement.
Pour les membres, cela implique que les directions d'établissement aient un contrôle plus large de leur budget. Plus
encore, ils doivent être à la base du processus budgétaire annuel de la commission scolaire. Ils en sont les
premiers bénéficiaires et les gestionnaires. Les directions
d'établissement ne sont-elles pas les
personnes les mieux placées pour développer et adapter les stratégies les plus efficaces
pour amener tous les élèves vers la
réussite en y affectant les budgets en conséquence, pour répartir les services
professionnels entre les écoles en fonction des besoins?
En
matière de planification stratégique et budgétaire, le projet de loi, sous la
gouverne de la direction générale, fait des représentants des directions
d'école et de centre des personnes influentes au sein de la commission scolaire
pour contribuer significativement aux
décisions et aux choix budgétaires. Il transforme le comité consultatif de
gestion en comité conjoint de gestion et crée le comité de répartition
des ressources.
Alors,
on appuie les initiatives de ces deux comités, mais d'abord il faut garder un
processus clair, simple et utile. Il ne
faudrait pas que des modifications législatives viennent bureaucratiser et
alourdir ce processus. Pourquoi faire compliqué quand on peut faire
simple? Alors, c'est notre maxime.
Nous avons besoin
d'une composition adaptée et des mandats clairs des comités de gestion et de
répartition des ressources. L'expérience
nous montre que, si la loi ne donne pas de balises suffisantes pour encadrer le
mandat et le fonctionnement d'un comité, il sera davantage source
d'insatisfaction et deviendra improductif, voire obsolète. En tout cas, il y a des risques. Il ne faut pas
mettre tout le monde dans le même bain, là, mais il y a des risques. Il ne
faudrait pas que le changement de culture
fondé sur le principe de subsidiarité échoue à cause d'imprécisions qui
pourraient mener à de multiples interprétations.
Je vous invite à prendre connaissance des recommandations 14 à 17, les pages 40
à 49 de notre mémoire. On propose quand même d'adopter des modifications
substantielles à la composition, au fonctionnement et au mandat des comités de
gestion et de répartition des ressources.
Avec
la participation majoritaire des directions d'établissement sur ces deux
comités, nous croyons que plusieurs autres
comités mis en place pourraient disparaître, ce qui diminuera la bureaucratie.
Mais ça, ça va appartenir à chaque milieu
d'en décider et de faire cet exercice. Il faut éviter le mur-à-mur. Nous
croyons que, sans ces modifications au projet de loi, les comités n'auront pas le même pouvoir d'impact, peut-être
deviendront obsolètes, et les personnes concernées n'y verront qu'une
autre étape bureaucratique additionnelle. Nous sommes capables d'avoir une
vision d'ensemble et de s'assurer d'une
répartition des ressources tant budgétaires que des services complémentaires en
fonction des réels besoins des
élèves. Ils font déjà, les directions d'établissement, des arbitrages entre
eux. Nous connaissons des situations où des directions ont accepté de venir en aide à une école pour contrer les
contraintes budgétaires parce que ça met en péril un programme dans des milieux défavorisés, par
exemple, ou une petite école, tu sais. On se donne des règles de
répartition qui vont venir favoriser des petites écoles qui ont moins de
budget.
Alors, finalement, je vais parler du rôle du
ministre. J'ai le dessert pour la fin. C'est ça, hein? Auparavant, si je dois
vous indiquer que le gouvernement fait le choix de mettre l'école au coeur du
système de l'éducation, bien, il profite également de l'occasion pour renforcer le pouvoir central
d'intervention du ministre. Les nouveaux pouvoirs donnés au ministre auront des effets jusque dans les
écoles. Ils peuvent donner le signal contraire à la marge de manoeuvre
que le ministre dit vouloir accorder aux
directions d'école et de centre. On ne dira pas quoi puis comment, mais on est
d'avis que le principe de subsidiarité au
coeur du projet de loi doit s'appliquer du ministère, je parle, je vais le dire
comme ça, du ministère jusqu'à l'école. Dans le fond, ce qu'on souhaite
du ministère, c'est qu'on définisse des orientations devant guider le développement du système d'éducation. On
souhaite qu'il établisse des cibles nationales visant une reddition de
comptes publique, compte tenu des sommes importantes investies.
On attire
l'attention des commissions scolaires sur certaines problématiques comme la
sécurité ou l'intimidation. Qu'on
transmette des informations détaillées aux commissions scolaires sur la
situation de leurs élèves, il nous semble que ça, ça répondrait au principe établi. Mais jusqu'où devrait-il
intervenir? On pense qu'il faudrait que le ministre s'investisse dans un pouvoir de soutien et de surveillance à
tous les niveaux pour faire en sorte que le principe de subsidiarité qui
est en toile de fond dans le projet de loi soit respecté.
Les
résistances aux changements, il y en a toujours, c'est normal, mais il faut les
identifier, il faut les contrer de façon
à favoriser l'implantation de meilleures pratiques de gestion décentralisée,
que ces pratiques de gestion décentralisée ne soient pas à la merci de changement de personnes à la tête du
ministère ou de la commission scolaire,
raison pour laquelle nous sommes d'avis qu'il faut aller de l'avant mais
en venant préciser un certain nombre de choses dans le projet de loi. Ça
donnerait un signal clair au réseau, si le principe de subsidiarité
s'appliquait du ministre, du ministère,
jusqu'à l'école. La fermeté de son
orientation de base à l'effet qu'il appartient à la plus petite unité du système
de développer et de prendre des moyens pour amener tous les élèves vers
la réussite et résoudre les problèmes rencontrés au quotidien... Et nous avons fait une recommandation, que «le ministre exerce ses fonctions et pouvoirs en respectant le
principe de subsidiarité envers les commissions scolaires et les établissements d'enseignement dans l'exercice de leurs responsabilités».
Nous avons des recommandations, 19 à 23, des pages 52 à 58 sur le rôle et les
pouvoirs du ministre.
En
conclusion, je vous précise que l'AQPDE trouve important de commenter et
d'influencer la rédaction du projet de
loi parce que, pour nous, c'est important
que ce projet-là se rapproche le plus possible
de la réalité du terrain et contribue concrètement à la réussite
scolaire. Les références que nous avons actuellement seront remplacées par des
nouvelles. Alors, il faut s'assurer que tous
les acteurs les comprendront, les appliqueront dans l'esprit à partir duquel
elles auront été écrites. Pour assurer le succès, nous sommes confiants
que le ministre mettra en place un comité d'implantation de la nouvelle loi,
tel que nous le proposons à la page 59.
Et enfin les
directions d'établissement, avec le personnel, sont les mieux placées pour
créer un environnement propice à la
réussite, et ce sont eux qui peuvent choisir les stratégies efficaces en
réponse aux besoins particuliers des élèves. Donc, chaque école doit avoir plus d'autonomie pour adapter ses actions.
Le projet de loi, c'est un départ. Une première application porteuse
serait dans les règles budgétaires des commissions scolaires.
Nos jeunes
sont les leaders de demain. Ils seront le moteur économique et social de nos
régions. Accorder un plus grand pouvoir décisionnel aux directions
d'établissement et de centre ainsi qu'aux parents et aux membres de la communauté devient impératif. On en appelle
aujourd'hui et aux oppositions de procéder à l'adoption du projet de loi
avec les modifications qu'il requiert. Merci.
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup, Mme Boucher. Alors,
on va passer maintenant à la période d'échange, et je cède la parole à
M. le ministre pour environ 25 minutes.
M.
Proulx : Merci beaucoup, Mme
la Présidente. Merci beaucoup de votre présentation, qui était très
dynamique, sincèrement très intéressante.
Votre mémoire est extrêmement bien fait. Vous l'avez dit d'entrée de jeu, vous
souhaitiez faire des propositions, donner
votre point de vue, y aller de ce que vous considérez être des améliorations.
Puis je vous le dis sincèrement, je l'ai dit à tous les groupes, il n'y
a pas gêne à proposer des propositions. On est dans un mode où on écoute, on réfléchit avec les gens, on réfléchit,
les parlementaires ensemble, pour faire en sorte d'avoir le meilleur
projet de loi lorsqu'on sera, et je le
souhaite, en mesure d'adopter le projet de loi n° 86 avec les
modifications que nous proposerons de
notre côté, du côté des parlementaires. Mais ces propositions-là ne viendront
pas de nos bureaux, elles vont venir des gens qui, comme vous, viennent
nous faire part de leurs expériences et de leurs connaissances sur le terrain.
D'abord, j'ai
apprécié la citation que vous aviez au début de votre mémoire : «Tout le
mal qu'on dit de l'école nous cache
le nombre d'enfants qu'elle a sauvés.» Vous avez raison. Et malheureusement
c'est un constat que je sais ne pas être seul à faire, mais, trop souvent, on parle des affaires qui vont mal,
mais on oublie de valoriser et d'expliquer haut et fort ce qui va bien.
Je pense que
vous avez rapidement décelé l'intention du gouvernement de vouloir travailler à
une décentralisation, décentralisation pour améliorer la réussite, pour
faire en sorte que chaque personne qui travaille dans le milieu de l'éducation, du bas vers le haut, soit exploitée
au meilleur de ses capacités, ait l'espace nécessaire pour être capable
de faire ce qu'il doit faire pour s'assurer que nos enfants réussissent au
mieux et pour le mieux dans les écoles.
On a eu des groupes de tous les horizons jusqu'à
maintenant puis on va avoir la chance d'en entendre encore plusieurs au cours des prochains jours et
prochaines semaines. Et c'est intéressant parce qu'on va avoir vu
effectivement des gens des commissions
scolaires, des gens comme vous, qui sont du personnel de direction. Il y aura
des gens qui sont des parents. Il y aura des gens qui sont des
intéressés parce qu'ils sont dans des milieux qui gravitent autour de l'école.
Puis il y aura des gens qui sont aussi intéressés à l'éducation.
• (15 h 40) •
Alors, vous avez parlé de démocratie
participative. C'est vrai qu'on modifie l'ordre établi, mais il faut garder à
l'esprit qu'il y a aussi une démocratie représentative dans notre système
scolaire. Je pense que Paul Gérin-Lajoie l'a dit, hein, il faut être capables de conserver
ces espaces-là pour faire en sorte que ce que lui a appelé des tensions...
Je pense que ce n'était pas négatif, il l'a
dit, c'est des tensions qui existent mais qui doivent cohabiter. Et notre
travail à nous, puis j'en suis de
plus en plus convaincu, c'est être capables de maintenir les équilibres tout en
étant adaptés à la réalité d'aujourd'hui. Donc, vous nous permettez de
faire un bon bout de chemin dans la réflexion. Je vous en remercie.
Nous ne serions pas ici à discuter de cela si
certains... en tout cas, si nous pensions que tout est correct, qu'il y avait cette décentralisation-là, qu'il y avait
de la latitude dans les écoles, que le miracle de la classe pouvait se
produire à tous les jours parce qu'il y avait la capacité de le faire
localement avec l'équipe-école. Manifestement, il y a certains obstacles dans la situation actuelle. Je dois dire
d'ailleurs, puis plusieurs l'ont dit, c'est assez variable. Il y a des
endroits où on voit une décentralisation,
des endroits où il n'y a pas de décentralisation. Il y a des succès dans
certaines régions, et commissions scolaires, et équipes-écoles parce
qu'il y a des gens qui travaillent ensemble. J'ai même entendu que... Vous nous proposez un comité de répartition des
ressources, il y a même des gens qui, sans avoir cette appellation-là, n'ont peut-être pas l'équivalent mais ont des
structures qui font en sorte qu'on est capable de travailler plus près de
l'école à faire... je vais utiliser
«arbitrage», ce n'est pas le bon mot, être capable de faire les compromis
d'équité et de répartition nécessaires pour soutenir tous les élèves.
Pourriez-vous
nous donner quelques exemples de ce que sont les obstacles actuellement à la
réussite scolaire? Puis je vous
invite à aller un petit peu plus loin en me disant... Je sais que vous avez
fait quelques sondages, vous n'êtes pas les premiers du personnel de
direction à venir nous voir. D'un côté, vous dites : On peut
décentraliser, de l'autre, vos membres
disent souvent : On n'a pas assez de latitude. Alors, pourriez-vous nous
mettre ça en contexte, des exemples d'obstacle et des exemples de manque
de latitude dans l'espace qui est le vôtre?
Mme
Boucher (Danielle) : O.K.
Bien, dans un premier temps, je dois vous dire que, par rapport aux obstacles, bon, c'est à
géométrie variable, O.K.? Mais même le projet
de loi, il y a
des milieux qui vont encore plus loin au
niveau de la décentralisation. Je voulais quand même
le nommer parce qu'il y a quand
même des choses intéressantes qui se font. Et ce qu'on souhaite éviter, c'est le mur-à-mur.
Donc, des obstacles, c'est, par exemple, il y a beaucoup... bon, il y a deux ordres. Il y a des obstacles, des fois,
qui nous proviennent de nos commissions
scolaires, mais il y en a
d'autres, des fois, qui nous proviennent de nos ministères. Alors, je
peux vous donner des exemples des deux.
Par exemple, quand il arrive une somme, dans les commissions scolaires, par rapport à des mesures comme, par exemple, stratégie d'intervention Agir
autrement, bien, ce qui est intéressant là où ça fonctionne bien, c'est qu'on annonce le montant et on fait la répartition
équitable entre les écoles avec la contribution des directions d'établissement. Donc, ça,
c'est une façon de fonctionner qui est très gagnante.
La façon de fonctionner qui est moins gagnante,
c'est qu'on se garde une partie pour administration ou autre, ça peut être engager un coordonnateur ou peu
importe. Je ne dis pas que ce n'est pas ça nécessairement que les
directions décideraient de faire, mais ces
décisions-là sont prises, puis, après dans les directions d'école, ils
reçoivent... par exemple, au
nombre d'élèves, ils vont recevoir un montant x, O.K.? Ça, c'est un exemple.
Un exemple,
au ministère, qui est contraignant, c'est, par exemple, on reçoit une enveloppe qui s'appelle Aide aux devoirs et aux
leçons, vous l'avez entendu, celle-là, hein, puis là on est pris pour la
dépenser pour ça, alors que, dans des
milieux, il y a des besoins puis, dans d'autres, il n'y en a pas. Je trouve que dans... Écoutez, là, on a une formation d'enseignant, mais
on est aussi les seuls gestionnaires, dans le système, qu'on a l'obligation de
détenir un diplôme de deuxième cycle en
gestion de l'éducation. Donc, on ne fait pas une maîtrise sur la couleur des
murs, on va se le dire, là.
M. Proulx : Ça, ce n'est pas toujours
réussi.
Mme Boucher (Danielle) : La maîtrise
qu'on fait, c'est comment on mobilise le personnel, c'est quoi, les pratiques probantes. Donc, quand on a une certaine
marge de manoeuvre pour être capable, avec notre équipe-école...
Quand on mobilise nos gens autour d'une
problématique x, je peux dire que l'«empowerment» après, il est vraiment élevé, puis ça, ça donne des impacts. Puis ça, vous me voyez parler, là, on
vient les yeux brillants, puis c'est tellement
stimulant.
Puis là, dans
le dernier budget, bien, on aurait aimé ça, voir un petit peu plus
de marge de manoeuvre. Puis, je vais vous le dire, il y a une
mesure qui a été mise, quand j'ai lu ça, j'ai dit : C'est des bonnes
intentions. Vous avez, là, la recherche,
qu'est-ce qu'elle dit, par exemple, par
rapport à la gestion des agendas ou
des pratiques d'étude dirigée, O.K.? Bon,
je vais prendre cet exemple-là parce que je trouve que ça m'a sauté aux yeux.
Mais on est venu tellement
déterminer qu'est-ce qu'il faut
faire qu'à part de... la direction de l'école, avec son équipe, on va décider
si c'est lundi, mardi, mercredi ou jeudi, il n'en reste plus, de place.
Donc, la réussite, là, des élèves, ça ne se
négocie pas. C'est gros, ce que je dis, là, mais je pense que vous comprenez ce que je veux dire. Et ça, là, tu sais,
je veux bien être précise, mais je
pense qu'on n'est pas là pour taper
sur la tête de personne. On est là pour voir
comment on peut faire pour que tous les gestes qu'on pose, tous les sous qui
sont pour les élèves, pour la réussite des élèves, comment on peut les
appliquer pour que l'impact sur la réussite et la persévérance soit le plus important. Et je
pense qu'on a besoin de tout le monde pour ça. Puis il faut arrêter de faire du «top-down», comme vous
l'avez entendu, là, des hiérarchies. Ce n'est pas comme ça qu'il faut
travailler.
M. Proulx : ...m'a parlé de ça hier
soir.
Mme Boucher (Danielle) : Vous avez
des belles conversations de soirée. Mais, dans le fond, ce que j'ai le goût de vous dire, c'est qu'il faut
mobiliser nos gens. Puis ça, ce n'était pas mal intentionné. Et moi, je l'ai
fait dans mon école secondaire, ça,
avant même que la mesure arrive, O.K.? Et
c'est une enseignante-ressource, mais moi, j'ai dit : La condition qu'on va mettre
ça en place, c'est qu'il faut que tout
le monde s'implique dans le projet.
Puis ça a duré toute l'année, puis on
accompagné des élèves de secondaire I sur la gestion de l'agenda, qui, en
passant, est une compétence transversale,
on s'entend-u? Ça fait que ce n'est pas juste en français que ça se passe,
c'est dans toutes les matières. Donc, comment gérer son agenda dans
l'espace puis dans le temps. Puis, à part ça, on leur disait : Il y a un
sens à ça. Un jour, tu vas avoir un travail,
il va falloir que tu gères ton agenda. Il ne faut pas que tu arrives en retard
à ton travail, etc.
Donc, je ne
sais pas si je parle trop, là, mais je voulais vous donner un exemple. Ça,
c'est très concret. Puis, quand j'ai
vu ça, j'ai dit : On vient de passer à côté d'une belle occasion de
mobiliser une équipe autour d'une problématique qu'ils ont. Mais, s'ils
ne l'ont pas, ils font quoi, là? Ou, moi, si j'ai déjà mis quelque chose en
place, je fais quoi avec le 3 000 $? Je le perds? C'est assez clair,
je pense.
M.
Proulx : Non, c'est très
clair, ce que vous dites, d'abord. Puis je l'ai dit, pas pour... Hier,
effectivement, nous avons eu cette
discussion-là à l'étude des crédits provisoires, puis vous avez raison,
j'entends très bien ce que vous dites. Ce
que je disais hier, c'est que, là où il y a une marge de manoeuvre pour le
ministère et pour le ministre, c'est de travailler dans l'élaboration
des règles budgétaires. Il y a là une marge de manoeuvre. Le budget annonce
effectivement les orientations qui ont été
prises par le gouvernement, mais après ça il y a le travail qu'on fait avec les
différents partenaires. Et j'entends
ce que vous me dites maintenant. Je sais qu'on peut faire plus avec un projet
de loi qui pourrait... parce que le projet de loi ouvre la porte à ça,
être capable de diriger directement de l'argent vers les établissements.
D'ailleurs, toujours dans le même sujet, avant
de passer à autre chose, vous avez une recommandation, qui est la 20, qui dit... vous proposez... bon,
l'article 473.1 de la Loi sur l'instruction prévoit qu'un montant de base par
élève soit transféré vers le budget des établissements d'enseignement.
Pouvez-vous nous expliquer ce que vous souhaitez?
Mme Boucher (Danielle) : Bien, ça,
c'était le rêve, là. On se disait : Ça serait merveilleux d'avoir...
M. Proulx : C'est un excellent
endroit pour les donner.
Mme
Boucher (Danielle) : Bon,
bien, c'est parfait. Nous, ce qu'on pense, c'est qu'il y a un budget
de base qui devrait être donné aux établissements pour... puis pas un budget
taggé, là, où on dit : Tu vas faire ça tel jour, telle couleur, là. Ce n'est pas ça, là. D'avoir un budget, par exemple, de réussite éducative mais un budget de base où, là, l'école est mise, là, au
travail. On a cet argent-là maintenant, comment on peut organiser les services?
Comment on peut répondre aux besoins davantage des élèves?
Je vous le
dis, là, il y aurait des innovations extraordinaires. Pourquoi? Parce
que les directions d'établissement,
elles sont préoccupées par la réussite des élèves puis elles ne veulent pas faire
n'importe quoi avec l'argent. On le sait que l'argent, il ne pousse pas dans les arbres puis que c'est important de
l'utiliser aux bons endroits. Donc, on est capables de se coller sur ce que la recherche dit. Puis la
commission scolaire, elle n'est pas partie, là. Il y a des personnes-ressources,
dans ces commissions scolaires là, qui
peuvent venir appuyer l'école. Nous, on y compte bien. Ils sont là pour nous
aider. Il y a déjà des milieux qui le font et que c'est extraordinaire.
Il y a des milieux où les conseillers
pédagogiques sont sous la direction des directions d'école. Ça, on pourra vous en parler, c'est un exemple de
décentralisation extraordinaire qui donne des résultats extraordinaires. Pour
l'avoir connu personnellement, ça a tout un
impact. Quelqu'un qui est dans un bâtiment, là, il a un impact formel et
informel. Puis, des fois, l'informel, vous
savez comme moi que ça peut avoir encore plus d'impact que le formel parce
qu'il y a tout un lien qui va pouvoir s'inscrire avec le personnel, et
là ça développe la confiance, l'appartenance. Et c'est là aussi que peuvent
émerger des idées porteuses.
M.
Proulx : Vous dites — et j'ai pris bien des notes pendant votre
allocution — à la
page 15 de votre mémoire, là, c'est sous la recommandation 2, c'est
ce que vous souhaitez, alors vous dites : Modifions l'article 36
ainsi — je
suis à la fin : «L'école relève de
l'autorité pédagogique et administrative de la direction d'école.» Pouvez-vous
m'expliquer un peu ce que vous voulez dire? Vous avez dit tantôt : On
n'est pas des employeurs, on ne veut pas le devenir.
• (15 h 50) •
Mme Boucher (Danielle) : Bien, c'est
parce qu'on gère dans une école, on ne fait pas juste de la gestion
pédagogique. On gère l'école.
M.
Proulx : Alors, pouvez-vous
m'expliquer ce que ça veut dire, ça, «relève de l'autorité»? Parce que,
si on l'inscrit dans un projet de loi, ça a des conséquences, et là, c'est l'avocat en moi, je me dis :
Jusqu'où vont ces conséquences-là? Alors, pourriez-vous nous indiquer ce
que vous souhaitiez exprimer au moment où vous le rédigez ainsi?
Mme
Boucher (Danielle) : C'est seulement
de confirmer le leadership pédagogique et administratif de la direction d'école parce
qu'on a une formation d'enseignant, on est capables d'accompagner nos
enseignants. Donc, on est capables de faire de la supervision
pédagogique, on est capables de donner du soutien. Donc, ça, c'est important.
L'autre
partie qui est importante, c'est qu'on fait aussi de la gestion de ressources
humaines dans notre école. Moi, je suis dans une école où il y a
150 membres du personnel, là, tout confondu, là. Bien, je ne fais pas
juste écrire de la paperasse, on s'entend,
je fais de la gestion de personnel, autant les enseignants, autant le personnel de soutien, le personnel professionnel. Et puis, des fois, il y a
deux conventions collectives dans la même école. Vous le savez, hein? Bon,
alors, je pense qu'il faut reconnaître, à un moment donné, le rôle des directions d'établissement puis l'impact qu'elles peuvent avoir aussi
sur la mobilisation de leur équipe, toujours dans un esprit de meilleurs
services pour la réussite de l'élève.
M. Proulx : D'ailleurs, c'est intéressant, tout au long de votre
mémoire, vous dites : L'école doit occuper un espace central. Vous dites d'ailleurs, et à juste raison,
que l'école n'a pas un statut juridique. Vous ne réclamez pas ça, mais
vous dites : Il faut être capable de
trouver les aménagements sans transformer le statut, d'être capable
d'affirmer le statut de l'école. Je l'aurais exprimé un peu ainsi.
J'ai
une question sur le conseil scolaire, une autre sur le comité
de répartition des ressources. Allons-y avec le conseil scolaire pour commencer. Vous avez vu, effectivement, vous l'avez dit, il y a une transformation importante qui est
proposée. On a entendu beaucoup de groupes puis on en entendra d'autres.
Plusieurs ont des suggestions : les répartitions,
le poids de chacun, l'espace qu'on doit occuper, qui doit être à la table. Vous
faites une proposition : un tiers, un tiers, un tiers. Mais, au-delà de la répartition et de qui doit s'y
retrouver, j'avais envie de vous entendre sur les bienfaits d'avoir un conseil scolaire différent du conseil
des commissaires en ce sens qu'il y a, oui, des élus, oui, des parents,
oui, des gens de la direction, oui, des gens
de la communauté. Alors, si on met tout ce monde-là ensemble sans avoir
déterminé aujourd'hui, là, pour les fins de notre discussion, qui
devrait y être, mais on sait qu'il y aura plusieurs intérêts, des
profils différents, des gens qui viendront d'horizons différents, mais toujours
autour de l'école, est-ce que vous y voyez des bienfaits pour la réussite scolaire, donc, «slash», contrairement à la
structure actuelle? Puis ce n'est pas une question pour dire que vous
êtes mal à l'aise par rapport à la structure actuelle. Moi, je veux savoir où est-ce que
ça en est pour vous, si, pour vous, il y a des bienfaits d'impliquer
d'autres personnes dans les décisions pour l'école.
Mme
Boucher (Danielle) : Bien, premièrement, dans le conseil d'établissement, il y
en a du personnel, hein? Et la
direction générale, auprès de son conseil,
joue à peu près le même rôle qu'on joue auprès de notre conseil
d'établissement, avec des enjeux différents, on s'entend, bon.
On
pense que les directions d'établissement, quand ils sont à tous les niveaux de décision par rapport à la réussite des élèves, par rapport aussi aux enveloppes budgétaires, bien, ça va avoir un impact parce qu'on vient du terrain, on a la réalité terrain. On représente
aussi... on est nommés par nos pairs. Donc, on représente... mais on ne vient
pas d'une association. Ça a été clair dans
le projet de loi, mais quand
même. Donc, des fois, on peut avoir
cinq, six écoles dans notre carrière
déjà. Ça fait qu'on est à même de savoir que les milieux sont diversifiés, les
milieux ont des réalités différentes, les milieux ont des territoires
différents aussi. Donc, ça peut être une contribution intéressante sur le
conseil scolaire.
M. Proulx :
Je veux parler du comité de répartition des ressources. Beaucoup
de personnes sont venues ici nous dire
que le comité est une bonne idée. C'est une occasion de faire, oui, déjà une
décentralisation. Il y a là une occasion d'aller... je disais tout à
l'heure «arbitrage», je ne pense pas
que c'est le bon mot, là, pouvoir faire des choix en équité, et en organisation, puis en redistribution, et en répartition, là, des ressources
matérielles ou en ressources humaines. Donc, il y a là, je pense, quelque chose qui a plu à beaucoup de gens. Bien
sûr, il y a des gens qui sont
contre, mais il y a beaucoup,
je pense, de gens... et même des gens qui n'étaient pas à l'aise avec le projet
de loi ont dit : Il y a quelque chose là d'intéressant. D'ailleurs, il y
en a qui font des choses qui ressemblent à ça.
Vous dites, vous, à
la page 43... vous appuyez l'initiative, mais il ne faudrait pas que ça
devienne source d'insatisfaction et...
improductif, obsolète, même être critiqué comme étant une structure engendrant
une bureaucratie inutile. Vous aurez
compris que je ne me suis pas levé ce matin pour que ça, ça arrive. Alors, dans
ce contexte-là, est-ce que vous pourriez me donner les conditions de la
réussite?
Mme
Boucher (Danielle) : Du
comité de répartition des ressources? Bien, ça prend un mandat clair, ça
prend des objets de travail clairs. Donc, il faut que ce comité-là se donne des
moyens pour voir comment ils vont se concerter, comment ils vont aller chercher
aussi l'information parce que ça va provenir des conseils d'établissement,
O.K., des directions d'établissement aussi. Donc, ça prend un nombre minimal de
rencontres par année. Si tu te vois deux fois par
année, il ne se décidera pas grand-chose là. Ça prend aussi, je pense, la
préoccupation de services équitables. Donc, on n'est pas là pour représenter son école, mais on est là vraiment dans un
esprit de donner des services pour l'ensemble des élèves sur le
territoire.
Donc,
dans le mémoire, ce qu'on vous a proposé, dans le fond, c'est des règles, des
règles de base minimales mais aussi
des objets de discussion minimale. Donc, la répartition des ressources, ce
n'est pas juste financier, là. Ça peut être aussi comment on répartit les ressources par rapport,
par exemple, aux professionnels dans les écoles, par rapport, par
exemple, au service informatique, comment on
travaille avec le service informatique, qu'est-ce qui serait le plus payant
pour les écoles et pour les élèves.
Quand je dis école,
là, il faut entendre qu'est-ce qui rendrait le plus service aux écoles pour les
élèves. C'est toujours dans cet esprit-là qu'on le fait.
M. Proulx :
J'ai bien entendu. Il me reste deux questions. Il va falloir jouer un peu à la
période de questions à l'Assemblée
nationale parce qu'il ne reste que quelques minutes. Le pouvoir du ministre,
vous en avez parlé et vous n'êtes pas
les seuls, effectivement, à avoir des préoccupations. Je me questionne sur une
chose. Vous dites, puis je pense que c'est les modifications telles que vous les apportez : Modifions les
pouvoirs du ministre pour que ce soit «le ministre peut», et, quand je
regarde le projet de loi, il y a des fois où c'est «le ministre doit». Je me
questionne sur une chose. Dans l'éventualité où il y avait certaines errances,
il y avait des gens qui ne respectent pas le projet de loi, qu'on est dans la
situation où il n'y a pas la décentralisation souhaitée, je n'ai pas d'exemple
particulier en tête, mais je vous évoque le contexte
dans lequel ça pourrait se produire, est-ce que vous ne trouvez pas que la
recommandation, ce n'est pas suffisant?
Mme Boucher (Danielle) : Bien, je
pense que, présentement dans la loi, le ministre peut intervenir lorsqu'il juge à propos de le faire, et dans notre projet de
loi, dans notre recommandation, on vient préciser l'obligation du comité
conjoint de gestion de faire un avis au conseil scolaire
sur la façon dont est appliqué le principe de subsidiarité dans la commission scolaire. Ça fait que je pense que
le ministre, peut-être, peut, là, intervenir, mais il doit au moins
s'intéresser à ce qui se passe. Puis vous
avez mis en place un processus de plainte. Moi, ce qu'on m'a expliqué, c'est
que les associations peuvent l'utiliser. Ce n'est pas ce qu'on souhaite
parce que ce qu'on souhaite, c'est vraiment travailler dans un esprit de
collégialité.
M. Proulx : Alors, est-ce que je
pourrais dire, à la fin de votre intervention, que, si ce qu'il y a à la Loi
sur l'instruction publique n'est pas suffisant, parce que c'est un peu la
prémisse que vous aviez, pour intervenir en temps opportun pour s'assurer que les choses aillent comme elles doivent
l'être, c'est-à-dire qu'on retrouve partout la méthode à succès qu'on
mettrait de l'avant, vous ne seriez pas en désaccord qu'il y ait un «doit» de
temps en temps?
Mme Boucher (Danielle) : Non.
M. Proulx : Ce n'est pas ça que vous
avez dit?
Mme Boucher (Danielle) : Non.
M. Proulx : J'ai bien essayé, quand
même.
Mme Boucher (Danielle) : Non, non.
M. Proulx : Bien, ma dernière
question... Non, mais il faut quand même s'amuser un peu.
Mme Boucher (Danielle) : ...
M. Proulx : Vous trouvez? Bon, bien,
en tout cas, ce n'était pas discret, mon affaire, hein?
Mme Boucher (Danielle) : C'est bon,
c'est bon.
M. Proulx : Dans le cas de la
transition, vous avez parlé d'un comité d'implantation. Je comprends, il y a un
mécanisme qui est actuellement dans le
projet de loi. Il y a, dans le projet de loi également, la possibilité de
mettre en place un guide des
meilleures pratiques. Là, je ne suis pas certain, mais il me semble avoir vu
que, là aussi, vous transformiez le «doit» en «peut». Ça se peut-u?
Mme Boucher (Danielle) : Non,
«faut». Ça, il le faut.
M. Proulx : Ça, il doit?
Mme Boucher (Danielle) : Oui, ça, on
doit. On doit, mais on doit aller plus loin. On doit s'assurer du suivi, on doit s'assurer de la formation, on doit
s'assurer de l'accompagnement parce que faire un changement de cette
ampleur-là, ça ne prend pas deux ans, là. On
en a pour quelques années parce qu'on change de paradigme, hein? C'est un
paradigme de collaboration et de collégialité pour certains.
Là, quand je
dis ça, j'ai toujours l'impression... Je ne veux pas que vous ayez l'impression
que je parle pour tout le monde. Ce
n'est pas ça, là, mais on veut que ça s'applique partout, donc il faut se
donner les moyens de le faire. Et c'est un peu ce que la loi n° 180 prévoyait, mais elle ne s'est pas
assurée d'avoir du monitorage et de la régulation. Et nous, on se
dit : Bien là, on peut-u apprendre de nos erreurs puis s'assurer qu'on ne
la manque pas, celle-là?
M. Proulx : Bien, d'ailleurs, s'il
me reste encore une...
La Présidente (Mme Rotiroti) :
Quelques minutes, deux minutes.
• (16 heures) •
M. Proulx : Bon, deux minutes. Mais
vous avez raison, puis vous prenez la peine quand même, à plusieurs occasions dans le projet de loi, de dire qu'il
faut avoir la capacité de faire notre travail. Donc, il faut être encadré, il
faut être soutenu.
Sur ce point-là précisément, qui touche la
transition, est-ce que vous trouvez... Bien, dans le fond, pourriez-vous me le définir un peu, votre comité
d'implantation? Parce que ça m'a semblé différent de ce que nous
proposions. Vous me dites : Il faut
aller un petit peu plus loin. Mais, en quelques mots, qu'est-ce qui manque, selon vous, dans le projet de loi de
manière concrète, là?
Mme Boucher
(Danielle) : Bien, premièrement, quand le projet de loi sera adopté,
il faut qu'il y ait une présentation des
orientations pour éviter de l'interprétation. Donc, ça, ça vient du ministère.
Puis ça, c'est clair. Par la suite,
il faut s'inscrire dans une approche de suivi, d'accompagnement, de formation.
Il faut associer les gens. Donc, moi, je
vous le demande carrément, il faut que les associations soient associées à ça,
là. Ça fait associations associées, mais, qu'est-ce que vous voulez,
c'est ça. Mais il faut qu'on soit là. Il faut qu'on soit là dans un esprit de
collaboration puis d'ouverture
parce qu'on commande à faire les choses autrement, mais, faire les choses
autrement, bien, il faut prendre le temps
de le faire. En éducation, des fois, on veut des résultats très, très, très
rapides, mais ce n'est pas ça, l'idée. Je pense que, des fois, il faut prendre le temps de faire les choses parce que
des fois, en cours de route, ça peut faire qu'on modifie des choses pour
que ça fonctionne mieux. Et ça, il faut se garder cette latitude-là. C'est dans
ce sens-là.
M. Proulx :
Alors, pour moi, le mot de la fin, c'est merci. Merci de votre présentation.
Merci aux gens derrière vous,
motivés, mobilisés pour venir vous entendre. J'ai entendu, j'ai lu, j'ai eu
beaucoup de plaisir à échanger avec vous. Merci beaucoup.
Mme Boucher
(Danielle) : Merci.
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Merci, M. le ministre. On va
passer du côté de l'opposition officielle. Et je cède la parole à Mme la
députée de Pointe-aux-Trembles pour environ 15 minutes.
Mme Léger :
Merci beaucoup. Alors, bonjour, Mme Boucher. Bonjour, madame, bonjour,
monsieur. Bonjour, vous tous, tous vos supporteurs, dans le fond, tous
les artisans du milieu de l'éducation qui sont avec vous. Il me fait plaisir de vous recevoir ici, au parlement, avec
mes collègues. Un mémoire très étoffé, très clair, très senti, même. On
sent aussi beaucoup... beaucoup d'humain
dans votre mémoire, malgré que vous êtes très, très précis, puis tel article,
puis tel... Vous y allez vraiment en détail.
Au
préalable, j'essaie de faire l'origine, dans le fond, du projet de loi
n° 86, là, parce qu'il ne faut quand même pas oublier que c'est
parti des élections scolaires qu'on a eues en 2014 et avec des déclarations
qu'on a eues des autres ministres au
préalable. Et est arrivé aussi beaucoup de... sur la table, dans les médias, un
peu partout, sur la taxe scolaire aussi
et les fusions des commissions scolaires. On s'attendait à avoir un projet de
loi qui avait tout ça en même temps. J'ai appelé mon collègue qui est à côté, qui se souvient qu'on en avait
beaucoup discuté. On pensait qu'il y avait un projet de loi qui serait déposé. Et là on arrive avec un
projet de loi n° 86 qui est sur la gouvernance particulièrement,
décentralisation des pouvoirs, etc. On se
retrouve soit avec... Quand on a vu dans le débat public... on abolit les
commissions scolaires. Non, on garde le statu quo, c'est très bon, on
garde le statu quo. Non, on devrait partager davantage. Il devrait avoir un
meilleur équilibre, une meilleure complémentarité des responsabilités. Puis là
on a aussi le projet de loi n° 86.
Alors,
dans le partage des responsabilités telles quelles puis la complémentarité,
parce que vous en avez parlé tout à l'heure,
vous avez parlé beaucoup de complémentarité, qui, pour vous, devrait prendre
les décisions? Quel est le type de marge de manoeuvre que les directions
d'établissement devraient avoir? Quelle est la place que vous accordez à une direction telle quelle? Parce que, là, on ne peut
pas tout lire... bien, je veux dire, on ne peut pas exprimer tout le
mémoire ici, vous en avez dit des grands
bouts. Mais qu'est-ce qui fait que, parfois, avec une commission scolaire, ça
va bien, il y a des forces, et,
parfois, ça ne va pas bien? On réussit à bien s'entendre, on réussit dans
certains milieux, et, d'autres commissions scolaires... Est-ce que c'est juste une question de direction ou c'est
vraiment qu'on a besoin du projet de loi n° 86 pour vraiment
clarifier les choses?
Mme Boucher
(Danielle) : Bien, le projet de loi n° 86 va venir comme
clarifier des choses, c'est clair, parce que,
présentement, le leadership des directions générales va faire en sorte qu'on va
avoir une commission scolaire qui est plus centralisée ou plus
décentralisée. Et ça va faire en sorte que les gens, ils sont plus mobilisés
autour de la réussite ou moins mobilisés autour parce qu'ils ont moins de marge
de manoeuvre dans leurs écoles, hein? Ils appliquent des décisions. Quand on applique des décisions, vous
allez être d'accord avec moi qu'on se sent moins interpellé par les
choses que quand on est partie prenante de
certaines décisions, même quand les décisions sont difficiles à prendre. Quand
on est dans un règne de coupure, on s'entend-u que ce n'est pas facile à
prendre, ces décisions-là? Mais, quand on est à contribution, puis on est
capable de donner notre opinion, puis de donner des exemples, puis de proposer,
peut-être, d'au lieu de couper là de couper
peut-être plus là, que ça aurait moins d'impact, bien, ça, c'est mobilisant
pour une équipe de direction d'établissement.
Je pourrais vous
donner puis je pense que Carl pourrait donner des exemples très concrets de
décentralisation qui sont vraiment porteurs. Puis on trouve ça très intéressant
de voir comment il y en a qui peuvent fonctionner avec un système qui fait en sorte qu'il y a
de la collégialité, tout le monde est mis à contribution, puis il n'y a
pas personne qui est oublié dans l'équation. Parce que la direction
d'école, après, là, elle ne s'en va pas dans son bureau décider où elle va mettre l'argent, là. Elle s'assoit avec son
équipe-école. La direction d'école, elle n'a pas son argent pour elle, elle a
l'argent pour son école. Donc, elle doit travailler avec son équipe. Je ne sais
pas si je réponds à votre question.
Mme Léger : Oui, bien, elle était large aussi, ma question.
Mais vous dites, dans le fond, que vous ne pouvez pas nécessairement,
actuellement, être partie prenante des décisions ou, parfois,
oui. Qu'est-ce qui fait que vous ne pouvez pas, aujourd'hui, avec la situation
actuelle, sans le projet de loi
n° 86, prendre... vous n'êtes
pas partie prenante des décisions?
Mme Boucher
(Danielle) : Bien, le comité de répartition des ressources, comme il
est écrit, avait vraiment besoin qu'on clarifie davantage qu'est-ce qu'il va
faire, le comité de répartition des ressources. Et un des éléments importants du comité de répartition des ressources,
c'est que l'information va être là, toute là, la transparence de
l'information au complet. Et il y a beaucoup de milieux qui l'ont déjà. Il y a
des milieux qui l'ont moins. Donc, ça, c'est un premier élément, je pense,
qu'il faut considérer.
Un deuxième
élément, c'est que le comité de répartition des ressources, les gens, les
directions d'école qui sont nommés
là, ils sont élus par leurs pairs, donc ils représentent des collègues, hein?
Donc, ils ne sont pas là en leur nom, pour leur école à eux, ils sont là pour l'ensemble des
écoles. Donc, c'est certain qu'ils vont trouver un modèle de
concertation avec leurs collègues.
Le troisième
élément, c'est que ce comité-là n'est pas décisionnel, on en convient, O.K.? Le
comité fait quand même des recommandations au conseil scolaire. Donc, il
va y avoir des recommandations en bonne et due forme qui sont faites et non de dire : Êtes-vous
d'accord? Êtes-vous pour? Non? O.K. C'est beau, on part avec ça. Et, comme il
y a des directions d'école sur le conseil
scolaire, vous comprendrez que l'information va suivre. Alors, on trouve
intéressant le comité de répartition des ressources dans ce contexte-là.
Mme Léger :
Ce comité-là... On nous pose beaucoup de questions sur ce comité-là parce que
c'est une nouvelle...
Mme Boucher (Danielle) : Une
nouvelle affaire.
Mme Léger :
...structure, peut-être pas, là, on verra, là, mais vous avez parlé des balises
parce qu'il manque de balises. On ne les
sait pas, les balises, là. Ce n'est pas clair. Et, j'irais jusqu'à vous dire,
si on ne réussit pas à avoir, dans le
fond, une décision commune, comment se ferait, pour vous, le processus
d'arbitrage de ça? Si vous n'arrivez pas vraiment à vous entendre, et, oui, même si ce n'est que des
recommandations, mais ça a une grande importance, comment on peut régler les différends? Parce que, là, il
n'y a rien d'écrit, là. Il n'y a rien qui nous indique comment faire ça,
là. Parce que, là, on pense tous que tout le
monde s'entend bien, vous représentez vos pairs, comme vous dites. Tout le
monde...
Mme Boucher
(Danielle) : Bien, tout le monde ne s'entend pas toujours bien, là.
Là, on va clarifier les choses, on est tous des humains, hein? Bon.
Ceci étant dit, là, où moi, j'ai vécu, dans une
commission scolaire qui était décentralisée, là, on se met des critères de fonctionnement. Avant même de regarder
qu'est-ce qu'on a comme argent, on se met des critères, des principes, hein? Alors, j'en ai donné un petit peu tout à
l'heure, des idées, puis ce n'est pas des principes sur le nombre de têtes
de pipe qu'il y a dans les écoles, là,
nécessairement, là. Les principes, là, sont reliés aux facteurs clés de la
réussite. Donc, milieux défavorisés, combien j'ai d'élèves handicapés
dans mon école, combien j'ai de plans d'intervention, des taux de réussite
qu'on a accès, parce qu'on en parlait, c'est pour ça que mes amis m'aident un
peu, là.
Donc, c'est
sur ces bases-là qu'on prend ces décisions-là. Puis il ne peut pas y avoir
vraiment de décision sur cet aspect-là
qui n'est pas... On ne l'a jamais vécu, nous autres, hein? On ne l'a jamais
vécu. Puis j'ai été 15 ans à la direction de l'établissement, là. Ça
fait qu'on ne l'a jamais vécu. Mais il y a un conseil scolaire qui est là,
hein?
Mme Léger : Mais
voulez-vous que ce soit dans la loi, ça, ces principes-là?
Mme Boucher (Danielle) : Oui,
on veut que ça soit...
Mme Léger :
Parce que, tout à l'heure, vous dites : On peut se donner des principes,
mais ce ne sera pas chaque comité de répartition des ressources qui va
faire ça. Vous vous attendez, dans le projet de loi, que les balises soient
plus claires.
Mme Boucher (Danielle) : Bien,
c'est-à-dire, ce que l'on demande, c'est que le comité de répartition des
ressources se donne des règles de fonctionnement et s'appuie sur des principes.
On ne veut pas les nommer là, là, parce
qu'on ne veut pas le mur-à-mur. Parce que, vous savez, Charlevoix fonctionne
d'une façon déjà qui est tellement décentralisé.
Eux autres, ils fonctionnent... Tu sais, ils ont le budget sur la table puis
ils décident, là, en collégialité, là.
Moi, je ne
veux pas imposer de modèle, puis il ne faut pas aller là. C'est ça qu'on ne
veut pas. On ne veut pas ça, le mur-à-mur. On ne veut pas ça. Mais on
veut quand même que le comité de répartition des ressources ait un certain nombre d'éléments. Donc, il faut se donner des
modèles de fonctionnement, il faut se donner au moins un nombre de... De
quoi qu'on va parler dans le comité de répartition des ressources? Ça, c'est
important. Puis on veut que le comité de répartition des ressources se donne
des règles de fonctionnement mais des règles de répartition.
Et les gens
qui sont là, là, le D.G. est là, à ce que je sache, il va être accompagné aussi
de gens des services, et puis ils
vont pouvoir arriver, eux autres aussi, avec des... C'est ça qui se passe, là,
présentement, là. Ils sont là puis
ils arrivent avec des propositions, puis on va s'appuyer sur les données, les bonnes pratiques de
gestion, puis il va y avoir un guide. Alors, on va être équipés pour
travailler.
Moi, c'est
drôle, je fais confiance. Il faut, à un
moment donné, faire confiance, il faut
baliser, pas trop parce que, quand on balise trop, on met toute la même
couleur. Tu sais, tout beige, là, ce n'est pas sûr que c'est une bonne idée.
• (16 h 10) •
Mme Léger : Je veux
revenir sur un autre sujet, sur les élections scolaires telles quelles. Plusieurs
groupes sont venus nous dire qu'ils verraient que l'élection scolaire soit
jumelée avec les élections municipales. On a posé la question à certaines
associations municipales, les commissions
scolaires seraient d'avis en général
sur cette élection-là, scolaire-municipale, pour améliorer la
participation. Qu'est-ce que vous en pensez?
Mme Boucher
(Danielle) : Bon, moi, je comprends tout à fait la situation présentement
qui prévaut, là, par rapport aux élections au suffrage universel versus ce qui
nous est présenté comme plutôt un collège électoral, c'est de ça dont il est question là-dedans,
ce qui n'empêcherait pas une élection parce qu'il y a quand même
une ouverture à faire des élections
plus larges, à moins que je ne me trompe. Mais nous, là-dessus,
on va laisser le législateur faire son travail. Il a entendu des groupes, il verra qu'est-ce qu'il va
faire. Nous, on trouve intéressant d'y être. Mais ce qui nous préoccupe particulièrement, c'est la partie du projet de
loi... parce que je pense qu'il y en a beaucoup qui ont parlé d'élection, là, depuis ces
derniers mois, mais le projet de loi, il ne porte pas sur les élections
scolaires uniquement, là, il porte aussi sur rapprocher l'école des lieux de
décision. Bien, nous, là-dessus, là, on trouve ça important de se positionner
très clairement là-dessus.
Puis
la présence des parents au sein des instances décisionnelles, on est d'accord
avec ça parce que les parents sont nos premiers partenaires pour la
réussite des élèves. Nous, on est confortables à ce qu'il y ait des parents
dans nos instances décisionnelles. Il y en a
plus d'ailleurs, il y
en a six, là. Je n'ai pas bien, bien
répondu, là, mais je n'irais pas plus loin, bien, bien, aussi non plus.
Mme Léger :
Donc, vous... non, mais ce que je comprends...
Mme Boucher
(Danielle) : On comprend.
Mme Léger : Ce que je comprends, c'est que vous êtes à l'aise
avec le modèle qui est proposé actuellement, parce qu'on a un modèle actuel, mais ce qui est proposé actuellement, vous semblez à l'aise avec ça. Comment la composition du
conseil...
Mme Boucher
(Danielle) : Nous, on a
travaillé avec ce qu'on nous avait proposé et on vous a dit : Bien,
c'est intéressant d'avoir des directions d'école sur le conseil scolaire pour
les raisons qu'on vous a nommées.
Mme Léger : Je veux revenir sur le pouvoir du ministre, vous
en avez parlé un petit peu tout à
l'heure. Dans ce projet de loi, le ministre s'attribue des pouvoirs, alors qu'au même
moment on voit quand même, dans le projet
de loi, le titre du projet de loi, dans le fond, qui rapproche les lieux de l'école... les lieux
de décision. Alors, je pense qu'il y
a une certaine contradiction, à notre avis, par rapport à... Là, j'énumère quelques pouvoirs du ministre
dans les articles 459.2, 459.3 : «259.2. Le ministre peut
déterminer [...] des orientations, des objectifs [...] des cibles...»
«259.3. Le ministre
peut prescrire [...] la démarche de planification stratégique[...].
«
[...]du plan d'engagement vers la réussite d'une commission scolaire,
[...]demander d'en différer la publication ou de procéder à des modifications...»
Alors, entre le titre
de notre projet de loi puis ce qu'on voit dans le projet de loi, je pense qu'il
y a une grande contradiction. Alors, vous
l'avez glissé tout à l'heure, mais j'aimerais vous entendre davantage
sur le pouvoir du ministre et l'idée de rapprocher les lieux de
décision.
Mme Boucher
(Danielle) : Bon, premièrement, le principe de subsidiarité, on l'a
dit, il faut que ça s'inscrive à tous les
niveaux. Donc, je pense que, de dire ça, ça vous parle un peu, là. Le
principe de subsidiarité, c'est : il
faut laisser l'école prendre les
décisions là où il faut que ça appartienne. Il faut
laisser les commissions scolaires prendre les décisions là où il faut que ça
appartienne. Puis le ministre aussi, il a des décisions puis il a des
orientations à donner.
J'aurais
le goût de vous dire, c'est un peu comme le conseil supérieur a dit : Il faut
être ferme dans les objectifs puis souple
dans les moyens. Mais, tu sais, de venir faire de la microgestion, là, ça, je pense,
ce n'est pas gagnant pour personne. Tu
sais, à un moment donné, je
pense que tout le monde a son rôle à jouer. Mais qu'est-ce qui fait peut-être
qu'on vit un certain inconfort depuis
une quinzaine d'années, c'est qu'il y
a eu une confusion de genres à un moment donné. Tout le monde, tu sais, se préoccupait des mêmes
choses, puis il y avait comme un entremêlage de rôles et responsabilités. Je pense que c'est important de venir bien
clarifier les choses, qui fait quoi, puis tout le monde a son rôle à
jouer puis tout le monde a sa place, tout
le monde est important
dans le réseau. Donc, il ne faut pas banaliser le rôle de personne, mais aux
bons endroits.
La Présidente
(Mme Rotiroti) : Une minute.
Mme Léger : Parce qu'on peut rester au niveau
des principes, mais ça n'a pas force
de loi, là. Alors, dans la loi actuelle,
c'est vraiment clair, les pouvoirs du ministre. Alors, vous, est-ce qu'il y a
des éléments qui sont, pour vous... que vous pouvez préciser davantage
pour modifier ce qui est sur la table?
Mme Boucher (Danielle) : Bien, quand on parle du principe de subsidiarité,
on pense que les grandes orientations... bien, on l'a dit un petit peu, tout à l'heure dans mon allocution, j'ai
parlé des grandes orientations, mais je peux peut-être les renommer
rapidement. Je vais les retrouver. On a dit qu'il faut qu'il définisse les
orientations qui guident le développement du
système d'éducation, ça, c'est clair. Il faut qu'il établisse des cibles
nationales. C'est bien évident. Nous autres,
ce qu'on veut, c'est la réussite des élèves. C'est normal qu'on travaille avec
des cibles. Ça, on n'a pas de problème avec
ça. Mais on a à rendre des comptes publics parce qu'il y a de l'argent quand
même en éducation, là, c'est important. Il faut qu'il attire l'attention des commissions scolaires sur des
problématiques comme la sécurité ou l'intimidation, mais pas d'aller lui dire : Tu vas faire ça. Il faut
que tu l'attires sur la problématique, que tu lui dises : Oh! là, il y a
un... ou, s'il y a des orientations données, il faut les donner, mais il
faut transmettre des informations détaillées aux commissions sur la situation des élèves. C'est ça, nous, qu'on
campe dans le rôle du ministre. Et, tout à l'heure, il a eu une ouverture
en disant : Bien, si on adopte une loi avec un principe de subsidiarité,
ça pourrait être intéressant que le ministre vienne s'assurer que ce principe-là soit bien descendu, bien conservé, bien
compris, bien appliqué. Bien, moi, je serais pas mal d'accord avec ça,
là. Ça, je trouve ça intéressant. Mais, pour le reste, il faut faire confiance
aux gens qui travaillent et qui font l'école.
La Présidente (Mme Rotiroti) :
Merci, Mme Boucher. On va passer du côté du deuxième groupe de
l'opposition, et je cède la parole à M. le député de Chambly pour 10 minutes.
M. Roberge :
Merci beaucoup. Merci pour votre présentation. Merci à tout le monde aussi qui
s'est déplacé. C'est très intéressant d'avoir non seulement les
porte-parole, mais aussi les gens du groupe.
Je
vais commencer par quelques phrases presque bibliques. Je vous dirais que
l'enfer est pavé de bonnes intentions mais
que le diable est dans les détails. Et j'ai l'impression que le projet de loi a
été écrit quelque part en enfer parce qu'il est pavé de bonnes
intentions mais que le diable est dans les détails. Vous nous dites dans la
première page : «L'AQPDE [elle]
souhaite une école soutenue et conseillée par une commission scolaire qui
comprend son rôle d'accompagnement et de
conseil, [pour faire] équipe [avec elle].» Pensez-vous qu'il y a, dans ce
projet de loi, quelque chose qui est un sérieux changement de paradigme,
là, des articles qui diraient : Toi, l'organisme régional, commission
scolaire ou autre, tu as un rôle de soutien,
d'accompagnement et de conseil? Tu n'es plus un petit gouvernement élu qui
vient nous dire quoi faire. Est-ce que vous voyez un changement aussi
fort que celui que vous dites quelque part dans les articles? Parce que moi, je
ne l'ai pas vu.
Mme Boucher
(Danielle) : Bien, écoutez, on a quand même fait des recommandations,
hein, on en a fait 25. Il y a quand même des
éléments intéressants. Bon, c'est sûr que vous allez me dire que c'est un
principe, là, mais le principe de subsidiarité, si la recommandation
qu'on fait est conservée, c'est-à-dire qu'on doit donner un avis, nous, sur le fonctionnement par rapport à cela, bien, je pense
qu'on a une poignée là. Le guide des bonnes pratiques que le ministre
veut rendre disponible aux commissions
scolaires, ça, on trouve ça intéressant aussi. Et je pense qu'il peut avoir un
pouvoir d'intervention éventuellement si jamais le principe n'est pas respecté.
Là,
je pense que, plus que ça, j'ai comme le goût de vous dire : C'est un
premier pas, O.K.? Je pense qu'on aurait pu avoir plus, mais c'est ça qu'on a. On a fait un certain nombre de
recommandations pour venir comme baliser, préciser, mais, ceci étant dit, nous, on prend vraiment le
projet de loi n° 86 comme un premier pas, puis, nous, notre pas qui
est plus intéressant encore, c'est toutes
les règles budgétaires. Vous comprendrez qu'ici on est dans l'action. Alors,
les directions d'établissement, là,
on est beaucoup sur le terrain puis dans l'action. Ça fait que c'est sûr que
les règles de répartition, ça, on trouve
ça bien intéressant. Ça fait que c'est sûr que le principe, il faut qu'il
s'inscrive partout, partout, au ministère aussi.
M. Roberge :
Je pense que vous avez pris le projet de loi comme document de travail à
bonifier, à corriger dans votre compétence
d'enseignants et d'enseignantes et vous l'avez bien corrigé. Mais, des fois,
j'ai même l'impression que vous l'avez
vu plus beau que ce qu'il est. Page 50, vous dites, vous soulignez :
«...la volonté du gouvernement de rapprocher
le pouvoir décisionnel des écoles.» Rapprochez le pouvoir décisionnel des
écoles, mais, quand je regarde le titre du projet de loi, c'est rapprocher l'école des lieux de décision. C'est
important, les mots, là. Est-ce qu'on rapproche le pouvoir décisionnel des écoles, donc autonomie,
décentralisation, ou on fait, comme dit le titre du projet de loi,
rapprocher l'école des lieux de décision? Ça,
c'est toute la différence pour les directions d'école. Est-ce qu'on me donne de
l'autonomie pour gérer mon école ou si on me dit : Maintenant que tu veux
gérer ton école, je te rapproche du lieu de décision, qui est la commission scolaire? Sors de ton école, prends ton auto, fais
20 kilomètres puis va à la commission scolaire parce que c'est là que tu vas gérer ton
école. Moi, je vois ce danger-là. Ne le voyez-vous pas?
• (16 h 20) •
Mme Boucher
(Danielle) : J'attendais la question. Ne le voyez-vous pas?
M. Roberge :
Ne le voyez-vous pas?
Mme Boucher
(Danielle) : Qu'en
pensez-vous? Bien, il y a deux choses. Il y a les comités
décisionnels, je pense, qui sont importants parce
que les comités décisionnels vont faire en sorte que la marge de manoeuvre qu'on va avoir pour travailler dans nos
écoles, si on n'a pas d'enveloppe taggée, on va le dire comme ça, si on a une
espèce d'autonomie d'utilisation des ressources, on va être capables de faire quelque chose d'intéressant. Puis j'aurais comme le goût de vous
donner un exemple peut-être concret de la façon dont vous le vivez chez vous,
la décentralisation dans... Je pense que ça serait intéressant de l'entendre,
cet exemple-là.
M. Ouellet
(Carl) : Juste un exemple.
Chez nous, aux Premières-Seigneuries, on est décentralisés surtout dans
les budgets de mesures d'appui. Quand on parle d'élèves EHDAA, je pense
que ça concerne beaucoup de monde. En mars de chaque année, donc, les écoles, les adjoints, les
directions d'école et les adjoints sont convoqués pour discuter du budget
des élèves EHDAA. Alors, la préparation se
fait au préalable, on a des données au préalable des services des finances,
des services éducatifs, de l'organisation scolaire. Tous les services en place
nous apportent l'eau au moulin. Et on prend des
décisions, nous autres, comme direction d'école, pour les classes commission scolaire, c'est-à-dire les élèves qui ont des besoins
spécifiques, des élèves qu'on va garder jusqu'à 21 ans, des élèves où ils
ont des besoins particuliers. Donc, entre
directions d'école, et, je vous le dis, il n'y a personne qui déchire
sa chemise là, on s'assoit, on discute, on parle de besoins d'élèves, on
est centrés sur les besoins d'élèves parce que ce ne sont pas toutes les écoles
qui ont des classes commission scolaire. Donc, on parle des besoins des élèves. Enfin, à
la fin de cette rencontre-là, on détermine les besoins, comme je vous disais, et on décide, bon, tel
élève, telle classe, tel besoin, tel service. Et ça, ensemble,
c'est très bien fait. On est accompagnés, quand on parle, tantôt... oui, on
a de l'accompagnement des services éducatifs, on a de l'accompagnement
des autres services, on continue à le dire, on a besoin d'eux autres également
là-dedans.
Ensuite, à la fin de cette
démarche-là, ce qu'on appelle l'enveloppe des mesures d'appui, les décisions
sont prises pour les classes
commission, et qu'est-ce qui va nous rester comme montant d'argent, c'est
décentralisé dans nos écoles. Donc,
une école comme chez nous, dans mon école, ça donne à peu près un
240 quelques mille dollars pour l'année pour décider, dans mon école, quels services je veux
donner, quels services, comme équipe-école, on va donner à nos élèves et
à partir de leurs besoins. Alors, cette
structure-là passe très bien. Il n'y a personne, comme je disais, qui déchire
sa chemise. Et, quand on revient dans
nos écoles avec nos budgets, c'est décidé ensemble, c'est nous qui décidons
ensemble qu'est-ce qu'on donne pour
les besoins de nos élèves. Je pense qu'on est les meilleurs acteurs, avec nos
équipes-écoles, pour décider, en partant du haut jusqu'en bas, comment
on doit gérer ces budgets-là.
Alors, c'est un
exemple, là, parmi tant d'autres, là, mais je pense que c'est ce type d'exemple
là, c'est ce type de fonctionnement là qu'on veut retrouver, et ça se passe
déjà dans plusieurs commissions scolaires. Chez nous, on le vit comme ça.
M. Roberge :
Merci. Je vais vous amener sur un autre sujet, celui des fameuses données
probantes ou pratiques efficaces, reconnues. Le conseil supérieur est
venu nous parler, le fameux CTREQ est venu nous parler, Égide Royer est venu nous faire une présentation, et il y a
des points de convergence, mais il y a des points de divergence entre
tous ces acteurs-là. Le conseil supérieur et
le CTREQ nous disent : Bien, nous existons, nous diffusons de
l'information, mais comment on peut s'assurer que, sur le plan de la
gouvernance, les données probantes puis les bonnes pratiques soient réellement
appliquées? Parce que, dans les faits, là, en ce moment, là, il faut se le
dire, c'est variable, disons. Donc, qu'est-ce
qu'on peut faire, au niveau de la gouvernance, pour s'assurer que les bonnes
pratiques, les données probantes, ça ne
soit pas appliqué au bon vouloir puis au bon dynamisme des meilleurs profs puis
des profs peut-être plus dynamiques pour qu'il y ait davantage
d'adhésion à ces bonnes pratiques?
Mme Boucher
(Danielle) : O.K. Je vais laisser la parole à...
Mme Fortin
(Manon) : Bien, je pense qu'en tant que leader des établissements, là,
c'est les directions d'établissement qui
sont en mesure de s'assurer que les pratiques pédagogiques, dans leurs milieux,
soient mises en place, les pratiques
gagnantes. Mme Boucher en parlait un peu plus tôt, vous savez, on accède à
un poste de direction et on fait, par la même occasion, un diplôme de
deuxième cycle en gestion de l'éducation. Ça nous amène à être très collés sur
les pratiques qui sont probantes, très
collés sur les dernières recherches en éducation. D'ailleurs,
on en a apporté une qu'on pourra
peut-être vous remettre tout à l'heure, les huit facteurs clés pour le haut
rendement d'une école, et, parmi les facteurs clés qui sont donnés par l'auteur, c'est le leadership très fort de la direction de l'école, l'importance de l'enseignement des méthodes pédagogiques, une bonne utilisation
des données sur les élèves et les renforcements des compétences du personnel. Et ça, je pense que ça appartient au
leadership de la direction de l'école d'être capable de travailler avec
ces huit facteurs-là pour faire progresser son école.
La Présidente
(Mme Rotiroti) : Il vous reste quelques secondes, M. le
député.
M. Roberge :
Quelques secondes? Je vais poser une dernière petite question.
La Présidente
(Mme Rotiroti) : Rapidement.
M. Roberge :
On nous parle de budget, vous nous parlez de comité de répartition des
ressources, on veut plus d'autonomie.
Que diriez-vous de l'idée d'avoir des budgets pluriannuels et d'être capables
de gérer vos surplus sur deux, trois ans pour avoir un petit peu de
vision?
Mme Boucher
(Danielle) : Ça, on aimerait ça, hein? Ça, on aimerait ça. Je pense
que tout le monde a dû vous dire ça,
c'est le bonheur parce qu'on peut avoir une vision sur un an, deux ans, trois
ans. Quand on met un projet en place, là, tu sais, il reste 2 000 $ à la fin de l'année, puis on le perd.
On ne peut pas dire : Bien, on va l'utiliser l'année prochaine, ça
va nous faire un plus gros montant puis on
va pouvoir réinvestir. Il y a quelque chose à regarder là. Ça, c'est clair, là.
C'est un appel. Tu sais, par rapport aux
surplus, là, il y a quelque chose à regarder là. Puis, je vous dis, l'école, on
est là pour donner des services, pas
pour faire de l'argent, là, puis faire des 50 000 $ de surplus, ce
n'est pas ça, l'idée. On s'entend, là? Bon. Mais en même temps, quand on a un projet de longue haleine, ça, ça
serait extraordinaire. Je pense qu'on est tous là à se dire : Aïe!
Ça, ça serait... On aime, on aime vraiment.
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Merci, Mme Boucher,
M. Ouellet, Mme Fortin et Mme Bissonnette, pour votre
présentation.
Je vais suspendre
quelques instants pour permettre à M. Julien Prud'homme de prendre place.
Merci.
(Suspension de la séance à
16 h 27)
(Reprise à 16 h 31)
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Alors, à l'ordre, s'il vous
plaît! Alors, rebonjour. Bonjour, M. Prud'homme. Merci d'être là.
Des voix :
...
La Présidente (Mme Rotiroti) :
On va juste attendre quelques minutes pour que les gens qui doivent quitter la
salle le fassent en silence, s'il vous plaît. Merci.
Alors,
bienvenue à M. Prud'homme. Alors, vous avez 10 minutes pour faire
votre présentation, et, par la suite, on passera à une période d'échange
entre les élus. Alors, je vous cède la parole. C'est à vous.
M. Julien
Prud'homme
M. Prud'homme
(Julien) : Je vous remercie beaucoup. Comme vous l'avez dit, mon nom
est Julien Prud'homme. Je suis
professeur associé à l'UQAM et spécialisé dans l'histoire récente des réseaux
de l'éducation et de la santé, qui sont mes principaux sujets
d'enseignement, de recherche et de contribution aux politiques publiques. Et
c'est donc à titre d'universitaire et d'observateur des réseaux de l'éducation
et de la santé que je m'adresse à vous et que vous avez eu la gentillesse de
m'inviter ici.
Mon message
principal est très simple, il est le suivant. Le projet de loi n° 86, en
l'état actuel, ne devrait pas être adopté.
Et il ne devrait pas être adopté pour trois grandes raisons, la première étant
qu'il est inopportun au sens où il ne répond
pas aux demandes actuelles de l'éducation et que son contenu, même, correspond
assez mal aux lignes de presse qui sont censées le justifier dans le
débat public.
Il ne devrait
pas être adopté, d'autre part, parce qu'il renforce les pouvoirs
discrétionnaires du ministre en même temps qu'il réduit son imputabilité
et sa responsabilité à l'endroit du réseau, ce qui est un cocktail assez
néfaste en démocratie de manière générale.
Enfin, il ne
devrait pas être adopté car il promet un réseau plus fragmenté et dépourvu de
vision d'ensemble, alors que cette vision d'ensemble est un besoin
criant en éducation aujourd'hui.
Alors, en peu
de temps, je dirai, d'une part, que ce projet de loi est inopportun car il ne
répond pas aux besoins de l'éducation,
d'une part, parce que la réussite scolaire, on gagne à se le rappeler, s'est
améliorée depuis la dernière réforme des
structures qui a coûté sang et eau depuis la fin des années 1990. Et, à ce
titre, il paraît beaucoup plus urgent de préserver les cadres qui ont permis cette amélioration
plutôt que de nous faire entrer dans une nouvelle réforme de structure
que peu de gens demandent.
On pourrait
ajouter d'ailleurs que le projet de loi contrevient directement aux
recommandations du récent rapport Champoux-Lesage, très récent, qui
demandait clairement le maintien du régime actuel. En fait, comme je le disais dans mon mémoire de façon très ironique, les seuls
problèmes réels de structure qui étaient identifiés dans ce rapport, comme, par exemple, l'insuffisance du financement
statutaire ou l'iniquité fiscale entre les commissions scolaires, entre
le public et le privé, sont à peu près les seuls problèmes de structure qui
sont négligés par le présent projet de loi.
Par ailleurs,
on pourrait dire aussi que ce projet est inopportun parce que les principaux
freins à la réussite scolaire en ce
moment et à l'équité dans le milieu scolaire ne viennent pas des commissions
scolaires ou des rapports entre les écoles et les commissions scolaires, ils viennent d'ailleurs, selon le rapport
Champoux-Lesage et selon d'autres intervenants. Le principal obstacle à l'initiative locale ne vient
pas des commissions scolaires, il vient du ministère lui-même et de son ingérence dans le travail des commissions
scolaires et des écoles et par son manque de leadership dans certains
dossiers clés qui, eux, requerraient le
leadership ministériel, comme le dossier, par exemple, des élèves en situation
de handicap ou en difficulté
d'apprentissage, sujets qui n'ont rien à voir avec l'actuel projet de loi mais
auxquels nuira fort probablement le projet de loi n° 86.
Finalement,
un autre frein qui vient du ministère lui-même et que le projet de loi ne
viendra pas corriger, c'est quoi? Ce
sont les décisions arbitraires que le ministère lui-même a prises dans les
dernières années sans tenir compte des données
probantes et qui ont donné lieu à des projets et englouti des centaines de
millions de dollars à la suite d'initiatives qui ne venaient pas des écoles, qui ne venaient pas des commissions scolaires, qui n'étaient pas le fruit d'une
dynamique déficiente entre commissions scolaires et écoles mais étaient plutôt de fruit d'une
prise de décision déficiente à l'échelle du ministère lui-même.
Les réformes
passées des structures scolaires, celles des années 60, 70, celle de la fin des
années 90, avaient leurs défauts, mais elles avaient le mérite de
définir clairement les pouvoirs et les relations qui devaient s'établir entre
les acteurs de l'éducation. Le projet de loi n° 86,
lui, risque de créer une situation beaucoup moins claire à cet égard
dans la mesure où il promet de favoriser
l'ingérence discrétionnaire du ministre et du ministère dans la microgestion
des établissements d'enseignement et dans la mesure où il crée des
mécanismes de pouvoir beaucoup plus opaques qu'auparavant,
un peu sur le modèle qui est mis en oeuvre en santé depuis 2014 et qui s'attire
déjà des critiques. Et ceci est d'autant plus désolant que les lignes de
presse du gouvernement promettent exactement le contraire.
En réalité,
le projet de loi n° 86 viendra minimiser le pouvoir véritable des parents
et des directions d'école. En surface,
les parents et les directions sembleront gagner en influence à certaines
tables, mais le fait est que ces tables elles-mêmes perdront, elles, de
leur importance au profit du ministre et du ministère, qui pourra, par exemple,
décréter des fusions, tandis que les futurs
conseillers élus ou nommés, n'étant plus rémunérés, ne pourront plus consacrer
autant de temps à leur travail et
deviendront plus dépendants encore qu'aujourd'hui de leur direction générale et
de leur administration.
Or, le projet
de loi attribue au ministre un pouvoir plus grand et discrétionnaire sur quoi?
Sur cette administration, sur les directions générales des commissions
scolaires dont les élus seront devenus plus dépendants. Le ministre va surveiller les directeurs généraux, valider leur
renouvellement ou leur renvoi, exigera du directeur général qu'il se
rapporte au ministre en cas de déficit ou de manquements allégués aux consignes
ministérielles. L'effet net de ces pouvoirs discrétionnaires sera de brouiller
l'imputabilité de chaque acteur et de donner au ministre un pouvoir discrétionnaire
qui va être important
mais qui sera dissimulé derrière les structures administratives ou dissimulé
derrière la possibilité de se
défausser au dernier moment sur les responsables locaux. Cela ne pourra que
nuire à la transparence et à la qualité de la gouvernance scolaire.
Et
finalement, et ça, plusieurs l'ont dit avec raison, le projet de loi accroît
dans les faits, au contraire du discours, mais, dans les faits, il accroît, encore là de manière très peu visible,
l'emprise réelle du ministère sur l'administration des écoles en donnant au ministère le pouvoir de
prescrire non seulement des cibles, mais aussi des moyens d'action. Là
encore, le projet de loi accroît les
pouvoirs directs du ministre sur les écoles mais par des voies peu connues, peu
visibles et en contradiction avec les
lignes de presse avancées en ce moment par le gouvernement. Je n'insiste pas
sur cette question car il est
difficile de dire mieux que le Conseil supérieur de l'éducation, par exemple,
qui a remis un mémoire qui est limpide sur cette question-là.
Finalement,
pendant que le ministère et le ministre s'attribueraient plus de pouvoir
discrétionnaire sur les écoles, ils renonceraient,
par ailleurs, à assumer les responsabilités de coordination qu'ils ont déjà et
adopteraient dans ce projet de loi des
mesures qui, elles, contribueraient à fragmenter davantage le réseau. Le cas
des élèves handicapés ou en difficulté d'adaptation et d'apprentissage,
les EHDAA, offre un exemple évident, alors même que les pistes d'action
possibles auprès de ces élèves ne manquent pas. Le ministère pourrait assumer son
leadership en mettant en vigueur
l'approche non catégorielle qui existe présentement sur papier. Il pourrait
refondre sa panoplie d'enveloppes fermées et de mesures ponctuelles en une politique cohérente, mais il adopte plutôt des mesures qui fragmenteront et rendront d'autant
moins cohérente la politique à cet égard.
Le projet de
loi, d'ailleurs, réduit aussi l'habileté des commissions scolaires elles-mêmes
à répartir équitablement les
ressources sur leur territoire. Plus précisément, la création, dans chaque
commission scolaire, du fameux comité de répartition où siégeront les
directions d'école risque de mettre les écoles en concurrence les unes avec les
autres. Je sais qu'il y en a qui promettent
une vision très idyllique de la chose, mais on va apprendre quelque chose
aujourd'hui : ça existe, le tirage,
aussi, de couverte en éducation, OK? Ça s'est déjà vu. Un comité de répartition
où siègent les directions d'école et
qui risque de mettre les écoles en concurrence les unes avec les autres pour le
partage des budgets ou l'attribution des
services professionnels aux élèves en difficultés, qui font déjà l'objet de
foires d'empoigne dans bien des milieux...
L'image,
bref, d'un ministère, d'un ministre qui s'octroie des pouvoirs discrétionnaires
sur la microgestion des établissements
mais qui, en même temps, abdique ses responsabilités à l'endroit du réseau est
évidemment une image qui est très
dérangeante. Il serait rassurant que le ministre avance plutôt des politiques
plus opportunes et plus cohésives, par exemple,
en posant cinq gestes qui sont les cinq dernières recommandations du mémoire
que j'ai soumis, à savoir quoi? À savoir,
d'une part, répondre aux problèmes de structure véritables qui sont identifiés
dans le rapport Champoux-Lesage, à savoir l'équité fiscale entre les
commissions scolaires, les modalités du financement des commissions scolaires,
les inéquités fiscales et pédagogiques qu'entraîne le soutien actuel apporté
aux écoles privées et à la multiplication des programmes sélectifs.
D'autre part,
le ministre pourrait formuler un cadre, dans le cadre, même, peut-être, de ce
projet de loi, pour que les relations entre le ministre et les
commissions scolaires soient régies par des mécanismes qui sont explicites, qui
sont transparents, qui sont respectueux du principe de responsabilité
ministérielle plutôt que par le régime d'intervention discrétionnaire à
l'échelon purement administratif qui est prévu dans l'actuel projet de loi.
• (16 h 40) •
La Présidente (Mme Rotiroti) :
En terminant, M. Prud'homme.
M. Prud'homme (Julien) : Oui.
Il me restait juste deux recommandations.
La Présidente (Mme Rotiroti) :
Oui, allez-y.
M. Prud'homme
(Julien) : Finalement, il pourrait élaborer des mesures qui, tout en
confirmant la capacité du ministre à fixer des cibles, laissent aux
commissions scolaires et aux écoles une véritable autonomie quant au choix des moyens. Il pourrait mettre à jour la politique
de l'adaptation scolaire et travailler à l'élaboration d'une politique
plus cohérente, plus volontaire et non
catégorielle à l'endroit des élèves handicapés ou en difficulté et finalement
constituer, et ça, c'est important, et je ne
suis pas le seul à le dire, un groupe de travail pour étudier la création d'un
institut national d'excellence en
éducation inspiré du modèle que présente l'INESSS dans le secteur de la santé
et qui viendrait discipliner l'usage
de la science et des données probantes dans la prise de décision par le
ministre et le ministère. Je vous remercie beaucoup.
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup,
M. Prud'homme. Alors, on va passer à la période d'échange, et je
cède la parole à M. le ministre pour environ 15 minutes.
M. Proulx : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci,
M. Prud'homme, de vos travaux puis de votre rapport à la
commission. Merci pour votre mémoire. Je le voyais à la fin, vous êtes
cosignataire du projet pour la création d'un institut
national en éducation. Avant de parler proprement dit de certaines de vos
recommandations, j'aurais aimé que vous puissiez nous expliquer ce que c'est, pour vous, cet institut-là et,
dans le fond, de me dire également en quoi ça diffère, par exemple, du
Conseil supérieur de l'éducation.
M. Prud'homme
(Julien) : Un institut d'excellence qui s'inspire des modèles existant
dans le milieu de la santé, par
exemple, sur le modèle de l'INESSS ou le modèle de l'INSPQ, que vous
connaissez. C'est un organisme indépendant dont le mandat est de discipliner l'usage des
données probantes de la science dans la décision en éducation, ce qui est
un grave problème, là, depuis les 15 dernières années, alors même que les
autres juridictions, comme l'Ontario, qui ont vraiment réussi à améliorer le
sort et la réussite de leurs élèves se sont donné des politiques analogues à
celle-ci.
Qu'est-ce que
c'est? Bien, il s'agit, comme je l'ai dit, d'un organisme qui est indépendant
et qui a le mandat de produire des
revues de littérature et ce qu'on appelle souvent des métas-analyses sur les
savoirs qui peuvent être mobilisés dans la prise de décision. En ce
moment, il n'existe pas de tel organisme dans le secteur de l'éducation. Il
existe des organismes, par exemple, comme le
Conseil supérieur de l'éducation, qui remplit très bien son travail mais qui
n'a pas un mandat de scientificité.
Ou il existe d'autres organismes qui, d'une part, ont des mandats exclusivement
de transfert, par exemple, mais qui
n'ont pas à se prononcer sur la scientificité des différentes mesures, qui
n'ont pas l'indépendance qui caractérise
de pareils instituts, comme dans le cas de la santé, par exemple, et qui — la preuve du pudding, c'est qu'on le
mange — n'ont
pas joué ce rôle-là dans les 15 dernières années.
M.
Proulx : Et ce que vous
dites, c'est : On aurait eu intérêt, c'est ce que j'entends, à avoir ce
type d'institut là dans les 15 dernières années, par exemple.
M. Prud'homme
(Julien) : On aurait eu intérêt à avoir ce genre d'institut dans la
mesure où plusieurs mesures qui ont canalisé chacune des centaines de
millions de dollars dans les dernières années reposaient sur des revendications
d'expertise, sur des savoirs qui se
voulaient scientifiques, qui, au moment même où la décision a été prise, ne
faisaient pas l'objet de consensus
scientifiques malgré ce qui était allégué à ça. C'est le cas, par exemple, du
renouveau pédagogique, c'est le cas
de certaines mesures comme l'aide aux devoirs ou l'usage un peu mur à mur qui a
été fait des ratios du nombre d'élèves dans les classes. C'est le cas en
ce moment en ce qui concerne les maternelles quatre ans.
Il y a un
urgent besoin de discipliner, de policer le recours aux données probantes et au
savoir dans la prise de décision. Ça
serait bon pour la prise de décision, ça serait bon pour le politique dans la
mesure où ça viendrait baliser et donner
un filet de secours aux décideurs lorsqu'ils doivent prendre des décisions qui
sont censées s'appuyer sur la science, un peu comme dans le domaine de
la santé. Dans le domaine de la santé, pour prendre un exemple, on a eu, il y a
peu d'années, la mode de la méthode Zamboni
pour guérir la sclérose en plaques, l'opération chirurgicale qui se
revendiquait de la science, vous connaissez
l'histoire. Qu'est-ce qui a permis aux décideurs de la santé de pouvoir
résister à cet effet de mode? Mais ils ont dit : Mais, écoutez, on
va demander à l'INESSS, on va demander à des organismes indépendants qu'est-ce qu'ils en pensent. Et là ça a permis de
policer le recours à la science et de résister plus facilement à une
mode qui aurait été une erreur. On a connu
plusieurs de ces modes qui ont été autant d'erreurs dans le secteur de
l'éducation dans les 15, 20 dernières années, elles ont coûté très cher
en coûts d'opportunités et en efforts perdus.
M. Proulx : Peut-être même avant, encore
une fois, de parler de deux de vos recommandations, vous dites : Il y a
eu des recommandations, avec le rapport Champoux-Lesage, sur la gouvernance des commissions scolaires. Vous dites :
Ne faites pas 86, faites certaines des recommandations ou des recommandations de Champoux-Lesage. Pourriez-vous m'identifier
d'abord lesquelles, pour vous, sont inévitables, doivent être mises en
application, et, à ce moment-là, peut-être m'indiquer lesquelles
devraient passer par un projet de loi qui modifie la gouvernance scolaire?
M. Prud'homme (Julien) : Les
recommandations essentielles à mon sens, puisque vous me le demandez, du
rapport Champoux-Lesage sont celles que j'ai évoquées, c'est-à-dire celles qui
portent sur l'équité fiscale entre les commissions
scolaires. On sait qu'il y a certaines circonstances qui font que, sur le plan
fiscal, des commissions scolaires sont
avantagées par rapport à d'autres et qu'on devrait apporter des correctifs à ces mécanismes-là à l'échelon administratif.
Le rapport Champoux-Lesage, par ailleurs,
évoquait le manque de financement statutaire aux commissions scolaires
et aux écoles, c'est-à-dire la
prolifération, dans les dernières années, d'un financement qui passe par des
enveloppes fermées, qui passe par des
enveloppes ciblées, ce que ma prédécesseure sur ce siège a appelé des
enveloppes taggées. Elle a raison, et il faudrait apporter des
correctifs à ça. Or, en ce moment, il y a beaucoup de dispositions, dans le
projet de loi n° 86, qui suggèrent qu'on va, au contraire, intensifier
cette pratique, par exemple, des enveloppes taggées, par exemple, en accroissant les pouvoirs déjà existants du
ministre de prescrire non seulement des cibles, mais des moyens d'action.
Ça, ça accroche avec beaucoup de monde, même ceux qui sont d'accord avec le
projet de loi.
M.
Proulx : Dans le cas des
enveloppes, prenons cet exemple-là, dans le cas des enveloppes, est-ce que vous
dites : Vous devriez avoir des
enveloppes avec de la souplesse et de la flexibilité vers les commissions
scolaires ou vous dites aussi : Vous devriez avoir certaines
enveloppes avec flexibilité directement vers les établissements?
M.
Prud'homme (Julien) : Il y a une décision qui appartient au politique.
Est-ce que vous voulez centraliser ou est-ce que vous voulez
décentraliser? Si vous voulez centraliser, vous le dites puis vous le faites à
visière levée. Puis là vous ferez des
enveloppes fermées dans le cadre de programmes nationaux, de politiques
nationales, par exemple, en matière
d'élèves handicapés ou d'autres formes de politiques. Si vous voulez une vraie
forme de décentralisation, mais vous fixez
des cibles à atteindre, puis ça, c'est tout à fait la prérogative
ministérielle, je pense que tout le monde est d'accord avec ça, vous pouvez même moduler les cibles en
fonction des différentes régions, mais vous réduisez au maximum l'emploi
de ces enveloppes fermées en laissant, comme
vous l'annoncez, le choix des moyens aux écoles et aux commissions
scolaires.
M.
Proulx : Dans la recommandation
4, vous dites : «[Il faut] travailler à l'élaboration de mesures — on est un peu là — qui,
tout en confirmant la capacité du ministre à fixer des cibles nationales,
laissent aux commissions scolaires et aux écoles une véritable autonomie quant au
choix des moyens.» C'est un peu ce que vous venez d'exprimer. Comment
fait-on d'abord pour s'assurer que, laissant aux commissions scolaires et aux
écoles une véritable autonomie, puisse véritablement
se produire... c'est-à-dire qu'il y ait de l'autonomie pour les deux, pas
seulement pour la commission scolaire et
les écoles sous l'emprise de... je n'utilise peut-être pas le bon mot, qui sont
dans un ordre hiérarchique établi, mais pour s'assurer qu'il y ait
vraiment autonomie pour les deux? Parce que je pense que c'est une... en tout
cas, je lis ou j'ai l'impression que c'est la vision que vous portez, non?
Qu'il y ait un équilibre, à tout le moins, dans l'autonomie?
M. Prud'homme (Julien) : Bien, je ne
connais pas grand monde qui est contre l'idée d'un équilibre entre les commissions scolaires et les écoles. Le débat
porte sur la définition de cet équilibre-là. La réponse à votre question,
ce qui est un peu dommage, c'est qu'on ne la
trouve pas dans le projet de loi n° 86 dans la mesure où les rôles de
chacun sortent passablement brouillés de ce projet de loi. Comme
plusieurs l'ont dit avant moi, il ne paraît pas vrai de dire que les écoles s'en sortiront avec plus de pouvoirs. Ce
qui paraît vrai, c'est qu'on aura rapproché certains acteurs issus des
écoles de comités qui continuent d'appartenir aux commissions scolaires. On les
aura mis en concurrence, parfois, les uns avec les autres. Tant mieux s'il y a des endroits où ça marche bien, il y a
des endroits où ça ne marchera pas bien. Mais il en demeurera, que ça marche bien ou pas, que la
décision, elle aura été prise à l'échelle de la commission scolaire selon
des balises qui ne changeront pas beaucoup
par rapport à celles qui sont déjà utilisées. Tu sais, les commissions
scolaires, elles ne travaillent pas dans le vide en ce moment, quand elles
distribuent les ressources.
À cet
égard-là, je répondrais un peu comme le rapport Champoux-Lesage. En ce moment, les rôles de chacun sont assez clairement
établis, sont plus clairement établis maintenant qu'ils ne le seront si vous adoptez
le projet de loi dans l'état actuel des
choses, et il n'y a pas d'urgence à bousculer. Et, si on veut vraiment donner
plus d'autonomie aux écoles, aux
directions d'école, bien, je ne crois pas que c'est ce projet de loi là qui va
le faire. Je ne crois pas que ce projet de loi serve la vision
décentralisatrice qui est portée dans les lignes de presse du gouvernement en
ce moment.
• (16 h 50) •
M. Proulx : Si on veut donner plus d'autonomie aux écoles,
alors, à ce moment-là, quel est, pour vous, le moyen de le faire? Parce
qu'on doit inévitablement passer par la législation.
M. Prud'homme (Julien) : Si
vous voulez donner plus d'autonomie aux écoles, donnez des enveloppes aux commissions scolaires en disant aux commissions
scolaires comment les distribuer par école ou distribuez directement les enveloppes aux écoles. Sur le plan
administratif, c'est au ministère de déterminer la meilleure forme. Mais la
meilleure façon de le faire, c'est de
commencer par vouloir le faire. Et ça ne ressort pas de ce projet de loi là
dans la mesure où, là, ce qu'on voit,
c'est des acteurs locaux qui vont être pris, d'une part, entre des arbitrages
souvent difficiles qu'ils vont avoir à faire
à ces nouvelles tables de répartition des ressources et, d'autre part,
l'intensification de directives et d'enveloppes qui viennent directement
du ministère.
Alors là, la
question que vous me posez, il est difficile d'y répondre parce qu'elle suppose
des objectifs qui ne sont pas servis en ce moment par le projet de loi.
J'ai peine à croire que cet objectif-là soit réellement celui qui soit servi et
visé par ce projet de loi.
M. Proulx : Dans le temps que nous avons, et c'est
intéressant, je voulais vous entendre sur les EHDAA. Vous proposez une
orientation. J'aurais voulu vous entendre nous l'expliquer.
M. Prud'homme (Julien) : En
fait, je ne propose pas une orientation neuve, je propose de mettre en oeuvre une politique à l'égard des enfants en difficulté,
qui est déjà sur papier, en principe, en tout cas, dans certains papiers.
La politique du ministère, c'est avoir une
politique dite non catégorielle, c'est-à-dire une politique qui insiste sur le
fait que le soutien à un élève ne
devrait pas être dépendant d'un diagnostic ou d'une étiquette particulière, ce
qui réglerait, si c'était mis en oeuvre, effectivement, bien des
problèmes. Je sais qu'on a peu de temps, alors je ne m'éparpillerai pas
là-dessus, je ne m'étendrai pas.
M. Proulx : Vous l'avez...
parce qu'on a trois ou quatre minutes ensemble à parler de cette question-là,
mais allez-y, oui.
M.
Prud'homme (Julien) : Bon, bien, ça réglerait bien des problèmes qui
sont liés à une surpathologisation des problèmes
scolaires, qui sont liés au fait qu'on rend obligatoire une espèce de stigmate
à l'endroit de l'élève, qu'on rend obligatoire, dans certains cas, pour
obtenir des ressources, l'octroi d'un diagnostic qui est dur à obtenir et qui
coûte cher, il y a une inégalité économique,
qui nous mène à sous-estimer le poids des facteurs socioéconomiques dans
l'échec scolaire et qui, par ailleurs,
implique une inflation de l'évaluation du diagnostic, de l'évaluation
individuelle et de l'accommodement individuel qui est totalement néfaste
pour l'organisation des services.
Bref,
une politique non catégorielle, si elle était mise en oeuvre... et que le
ministère a le mérite de le mettre en avant dans certains documents,
mais qu'il ne le met pas en oeuvre dans les faits parce qu'il est confronté à
quoi? À la dispersion des efforts en matière
de soutien aux EHDAA en l'absence de leadership et de politiques claires. Ce
que je suggère, c'est de mettre à
jour la politique de l'adaptation scolaire, qui date quand même de 1989,
c'est-à-dire d'une époque où la
situation était très différente, et de la mettre à jour... Puis je sens qu'il y
a une bonne volonté de la part du ministère à aller dans ce sens-là. Ce qui manque, c'est qu'on ramasse les efforts
puis qu'on mette le temps. Et de mettre à jour cette politique dans le sens d'une politique non
catégorielle, pourquoi? Parce qu'en ce moment les écoles, il y en a qui
vont dire qu'elles sont bien contentes
d'avoir les ressources, mais la réalité, c'est qu'en l'absence de politique
claire leur meilleure façon de gérer le trafic, parce qu'ils sont dépassés par les demandes,
c'est quoi? C'est de recourir au diagnostic parce que ça, au moins, ouf, ça leur donne un critère pour gérer
le trafic. Sauf que c'est néfaste à tant d'égards qu'une politique
devrait leur permettre d'adopter d'autres balises et d'autres pratiques.
M. Proulx : En terminant, je comprends ce que vous dites et je suis content de vous
l'entendre dire parce que c'est comme
ça que ça se passe vraiment. Effectivement, vous sentez qu'il y a une
réflexion, mais, dans les faits, ce que vous venez de décrire n'est pas
l'application actuelle.
M. Prud'homme
(Julien) : Si on voulait soutenir vraiment les pouvoirs autonomes des
écoles, on devrait leur donner une
politique-cadre qui leur donne la légitimité et les moyens d'agir sur une base
non catégorielle, ce qu'ils n'ont pas
en ce moment, ce qui les rend prisonnières. À cet égard-là, une politique plus
directe et plus affirmée de la part du ministère renforcerait la
capacité des écoles à agir dans des cadres qui sont viables.
M. Proulx :
Et ce qui oblige, dans ce cas-là, de recourir à un diagnostic pour pouvoir obtenir
un financement parce que le financement est attaché à la capacité d'avoir le
diagnostic.
M. Prud'homme
(Julien) : Ou même à l'organisation des services. Même quand il n'y a pas d'argent attaché au diagnostic, l'organisation des services est
telle qu'il faut recourir pratiquement au diagnostic pour que ça s'organise. Et
ça va au-delà de juste du financement.
M. Proulx :
Merci de votre présentation. Merci pour votre mémoire.
La Présidente
(Mme Rotiroti) : Merci. On va passer du côté de
l'opposition officielle. Et je cède la parole à Mme la députée de
Pointe-aux-Trembles pour environ neuf minutes.
Mme Léger :
Oui. Bonjour, M. Prud'homme. Bienvenue au parlement. Vous n'y allez pas de
main morte. Le projet de loi n° 86,
inutile et nuisible, qui va empirer les choses. Parfois, vous parlez des fonds
publics. Il y a un manque de
cohérence et de l'improvisation. Je vais vouloir en entendre davantage parce
que c'est sûr qu'on n'a quand même pas beaucoup de temps à tout entendre
votre réflexion, qui ne date pas d'hier, là, j'en conviens.
L'un
des éléments peut-être importants, vous parlez des ressources limitées parce
que, quand vous parlez de votre institut
national en éducation, l'un des éléments que vous dites, compte tenu des grands
défis à relever et des ressources limitées
à un moment plus propice pour le Québec de se doter d'un tel organisme... Je
veux revenir sur l'institut, mais avant, au-delà du projet de loi n° 86, il y a quand même un besoin criant
qu'on entend partout, puis vous l'avez dit tout à l'heure,
l'investissement en éducation.
Je ne suis pas
certaine qu'on arriverait nécessairement à autant de discussions sur la
gouvernance, autant de discussions sur
différents éléments, différents types de politiques en éducation, s'il n'y
avait pas un réel réinvestissement en éducation,
d'une part, s'il y avait plus d'enveloppes dédiées aussi parce que les
enveloppes, effectivement, on dit qu'elles sont davantage dédiées, mais je pense que plusieurs groupes sont venus
nous dire qu'on aimerait ça que les enveloppes soient plus ouvertes puis
qu'on puisse être capables d'avoir une marge de manoeuvre dans ces
enveloppes-là.
Réinvestir
des enveloppes ouvertes en enlevant les coupures, évidemment, il y a déjà un
portrait différent, à mon avis.
Alors, ça n'enlève pas le fond de la question, mais il y a déjà un portrait
différent parce que vous dites quelque part qu'avant de faire des
politiques de toute forme et de résister aux modes, vous avez parlé aux modes,
vous avez donné l'exemple un peu des
maternelles quatre ans... Je suis davantage interpellée par celle-là parce que
ça n'a pas été une mode pour la maternelle quatre ans. Peut-être que vous
allez me le préciser, votre... Il y a eu un long processus, en tout cas, nous, dans notre formation politique à l'époque.
Ça vient vraiment des gens qui nous en ont parlé, du milieu de
l'éducation. C'est venu dans un processus
d'une formation politique, de notre formation politique. On a eu beaucoup,
beaucoup de discussions pendant plusieurs années pour arriver... que,
lorsqu'on était au gouvernement, on a dit : On va travailler avec la maternelle quatre ans, avec les
discussions avec le ministère de la Famille et le ministère de l'Éducation
ensembles. Puis on a vu les tenants et aboutissants de vouloir instaurer...
Alors,
ça n'a pas été une question de mode. Je donne cet exemple-là, là, d'une part,
mais tout ça pour parler du consensus
scientifique que vous apportez. Vous dites qu'il faudrait avoir le consensus
scientifique avant d'apporter ce type de politique là. Pouvez-vous
élaborer davantage?
M. Prud'homme
(Julien) : Oui, d'une part, je vais faire une mise au point en ce qui
concerne les maternelles quatre ans.
Les maternelles quatre ans ne sont pas une mode et ne sont pas une mauvaise
politique, bien au contraire. Je l'ai
évoqué pour parler d'une politique dont la mise en oeuvre aurait avantage...
Parce que c'est beau dire la maternelle quatre ans, mais il y a plusieurs types de maternelles quatre ans,
plusieurs façons de mettre ça en oeuvre, puis, pour faire une histoire
courte, si on choisit de faire une politique de maternelle quatre ans, mais il
faut la faire de la manière qui est conforme
aux données qui existent, ce qui n'est pas nécessairement le cas. Je le dis
brièvement. Pour répondre à votre question de fond, qui porte sur...
excusez-moi...
Mme Léger :
...consensus scientifique. Vous parlez...
M. Prud'homme
(Julien) : Oui! Excusez-moi. Bon, voilà. Il ne s'agit pas d'attendre
les consensus scientifiques avant de faire une politique, et, souvent,
on pourrait attendre longtemps. Il s'agit par contre d'offrir aux décideurs politiques une idée claire de l'état des connaissances en la
matière. C'est aux politiques de décider, ce n'est pas aux scientifiques. Un
institut national d'excellence, ce n'est pas une utopie scientiste qui veut
donner le pouvoir à des chercheurs. L'idée,
par contre, c'est de donner aux décideurs une image claire et véridique de
l'état des connaissances sur un sujet donné qui fait l'objet d'une
politique.
Un cas remarquable,
c'est le cas, par exemple, du renouveau pédagogique et des idées pédagogiques
qui le sous-tendaient. Au moment où on a mis
en oeuvre le renouveau pédagogique, on avait une pile haute comme ça de
textes, de méta-analyses qui montraient qu'il y avait zéro consensus
scientifique à l'égard des fondements de cette réforme, même si les promoteurs de la réforme affirmaient le contraire. On aurait
eu bien besoin, à ce moment-là, qu'un organisme indépendant, reconnu pour son indépendance et pourvu d'un mandat qui porte sur les revues de
littérature informe les dirigeants de
l'époque de la situation réelle, de l'état réel des connaissances. Après
ça les politiques, qu'ils décident, c'est leur job, O.K.,
mais ils doivent pouvoir décider en étant exposés à un état, à l'état réel des
connaissances sur un sujet donné.
Et,
lorsqu'on lance des politiques qui vont coûter des centaines de millions de dollars
et qui... ce n'est pas juste que
c'est un gros chiffre, des centaines de millions de dollars, c'est que c'est un
coût d'opportunité, c'est de l'argent, mais c'est des efforts, c'est du monde, c'est de la conviction. Il faut que
cet effort, et cette conviction-là, et ce temps-là soient mis dans des projets qui fonctionnent. Et, pour ça, je
pense que les décideurs politiques, pour protéger l'intérêt public et, à
quelque part, se protéger eux-mêmes, pour ne pas avoir à ramasser leur propre
dégât dans deux ans, doivent pouvoir être exposés à un état réel des
connaissances sur un sujet donné. Puis, en ce moment, il n'existe pas, en
éducation, d'organisme dont c'est le mandat et qui est structurellement dans
une position qui l'autorise à faire ça.
• (17 heures) •
Mme Léger :
Je comprends très bien.
M. Prud'homme
(Julien) : On comprend très bien...
La Présidente
(Mme Rotiroti) : Trois minutes.
M. Prud'homme
(Julien) : ...quand on parle
de médicaments, de procédures médicales dans le domaine de la santé. On
devrait comprendre ce principe-là en éducation aussi.
Mme Léger :
J'apprécie, là, toutes les clarifications que vous nous apportez.
Je
veux revenir sur les pouvoirs entre les acteurs de l'éducation parce que le
projet de loi n° 86 pense répondre à ça, puis, je pense, les
organisations qui sont venues, les organismes qui sont venus, les associations,
sont venus vraiment clarifier plus de
pouvoirs à un, moins... Comment vous le voyez? Est-ce que vous trouvez
qu'actuellement le pouvoir entre les acteurs est assez équilibré?
M. Prud'homme
(Julien) : Bien, je pense, moi, ma position est assez analogue à celle
du rapport Champoux-Lesage sur ce
point précis, à savoir qu'on pourra toujours l'améliorer. Puis je pense qu'il
est bien, de la part du gouvernement,
de vouloir améliorer les rapports entre les différents acteurs. Mais, d'une
part, l'urgence n'est pas là. La dernière
chose, dont on a besoin, c'est d'une grosse réforme de structure qui,
l'intervenante qui m'a précédé l'a dit, va prendre plusieurs années et
mobiliser beaucoup d'énergie, alors même que les besoins qui sont exprimés par
les gens du milieu, les parents, les
enseignants ne vont pas dans cette direction-là. Il n'y a personne qui fait des
manifestations pour avoir une réforme de structure en éducation, O.K.? Alors,
on peut faire des petits correctifs, mais une grosse réforme là-dessus, qui va
canaliser les énergies, ce n'est pas pertinent et ce sera néfaste.
D'autre
part, si on veut améliorer les rapports entre les différents acteurs, il faut
que ces rapports-là soient clairs. Or, la clarté ne me semble pas le
fort de ce projet de loi qui, comme je l'ai dit, confère au ministre beaucoup
plus de pouvoirs, à la rigueur, si c'est ça
qu'ils veulent, qu'ils le fassent, mais confère des pouvoirs qui sont surtout
discrétionnaires, qui seront difficiles à
repérer et à observer. Si on veut que les rapports entre les différents acteurs
soient plus sains, il faut qu'ils
soient plus transparents, il faut qu'ils soient plus clairs. Or, ce projet de
loi propose des rapports entre le ministre et son réseau qui seront plus
opaques, et plus discrétionnaires, et plus ponctuels.
Mme Léger :
Vous parlez même de microgestion.
M. Prud'homme
(Julien) : À sa face même, je veux dire, à sa face même, le projet de
loi, à la fois, incite le ministre à
intervenir de façon discrétionnaire dans la microgestion des commissions
scolaires et des écoles, en même temps, qui, en fragmentant le réseau, réduit son imputabilité, sa
responsabilité à l'égard du réseau pris comme un tout. Il ne me semble
pas que ce soit une direction à privilégier.
La Présidente
(Mme Rotiroti) : Quelques secondes, Mme la députée.
Mme Léger : Vous seriez ministre de l'Éducation, vous
tasseriez le projet de loi n° 86 immédiatement, ça, je le comprends. Vous feriez quoi, immédiatement,
pour rehausser l'éducation au Québec?
M. Prud'homme
(Julien) : J'ai formulé des recommandations, là, elles sont dans mon
mémoire, je ne crois pas avoir le temps de
les répéter, mais ça irait dans le sens d'un réseau qui est plus cohésif et où
les pouvoirs du ministre s'appliqueraient
de façon plus transparente, moins discrétionnaire, et augmenteraient
sa responsabilité à l'endroit du réseau comme un tout plutôt que de l'inciter à agir
de façon ponctuelle et discrétionnaire en microgestion des
établissements.
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup, M. Prud'homme. On va passer du côté du deuxième groupe d'opposition. Je cède la
parole à M. le député de Chambly pour six minutes.
M. Roberge : Merci. Merci
beaucoup pour votre présentation. Il
me semble que vous résumez un peu ce que vous feriez à la page 6.4, en bas, le dernier paragraphe, vous dites :
Le ministre pourrait, dans le fond, travailler à l'élaboration de mesures
qui, tout en confirmant... Donc, la capacité du ministre, dans le fond, ce
qu'il doit faire, c'est fixer des cibles nationales mais laisser aux commissions
scolaires, aux écoles, une véritable autonomie quant au choix de moyens. Tout
est là.
M. Prud'homme
(Julien) : Il y a beaucoup
de choses là-dedans, puis on voit que c'est une demande qui
rejoint à la fois des gens comme moi, qui
sont plutôt réticents face au projet de loi, et des gens
comme l'intervenante qui m'a précédé, qui
sont plutôt en accord avec le projet de loi ou plutôt
qui sont plutôt en accord avec le discours accompagnant le
projet de loi mais qui s'opposent aux mesures concrètes qu'il contient. Alors, oui, je crois
que c'est une disposition très importante.
M. Roberge : J'aime bien que vous dites «en accord avec le
discours qui accompagne le projet de
loi mais pas nécessairement en accord avec les articles» parce
qu'il y a vraiment une différence entre
ce qu'on dit qu'il y a dedans
et ce qu'il y a dedans. C'est le
souvenir d'enfance d'un cadeau de Noël qu'on espérait tant, qu'on l'ouvre puis on
fait : Ah...
Bon, page 13,
je vais vous poser quelques questions sur l'
institut national en éducation. Je le
vois comme quelque chose peut-être de complémentaire au Conseil supérieur de l'éducation. Est-ce
que cet institut national aurait aussi une fonction importante par rapport à la formation
continue des enseignants? Est-ce qu'il donnerait lui-même la formation
continue ou donnerait des orientations? C'est quoi, son rôle par rapport à la
formation continue des enseignants?
M. Prud'homme
(Julien) : Là, on rentre dans des modalités dont il serait bien de
discuter une fois que le principe va
être accepté, mais je ne vois pas qu'un tel institut... être un maître d'oeuvre
en formation continue, par exemple, parce que je vois, au contraire, un tel institut national d'excellence comme
le fait l'INESSS, par exemple, ou l'INSPQ, qui, oui, vont assumer certaines fonctions de formation mais dont
ce ne sera pas le corps de métier. Je vois plutôt un institut national d'excellence en éducation agir en complémentarité
avec des formes qui existent déjà, le CTREQ, par exemple, ou d'autres,
qui ne sont pas pourvues du mandat qui serait celui d'un institut mais qui
assument déjà des fonctions de transfert.
Il ne faut
pas confondre de simples fonctions de transfert avec des fonctions associées à
l'évaluation et à une prise en compte de l'état des connaissances. Ici,
il s'agit vraiment de deux fonctions différentes.
M. Roberge :
Parlant de l'institut national en éducation, vous faites un peu le parallèle,
la comparaison avec le milieu de la
santé, qui peut, à plusieurs égards, être comparé au réseau de l'éducation. En
santé, il y a les médecins ou les infirmières qui ont tantôt leur
syndicat ou leur regroupement, ils ont aussi leur employeur, leur direction, et
ils ont un ordre professionnel, et ils ont
leur institut national. Vous parlez de l'institut national. On sait qu'en
enseignement il y a le syndicat, il y
a la commission scolaire, tout ça, mais il n'y a pas d'ordre professionnel.
Est-ce que c'est, pour vous, un joueur important? Est-ce que c'est
intéressant à considérer, à écarter? Quelle est votre opinion là-dessus?
M. Prud'homme (Julien) : Je
vais être parfaitement honnête, autant la création d'un institut me paraît une nécessité fondamentale, autant le débat entourant
un ordre professionnel me paraît un peu secondaire dans la mesure où, bien, il y a des modus operandi qui ont été
déterminés pour le milieu scolaire il y a plusieurs décennies. Le régime
des ordres professionnels qui prévaut
davantage en santé a des avantages indéniables. Je connais bien le système des
ordres professionnels. Je lui trouve beaucoup d'avantages. On a, au Québec, un
système professionnel de bonne tenue. Cela dit,
il y a aussi des inconvénients. L'un d'eux est de favoriser, dans le milieu de
la santé, une médicalisation qui est parfois excessive et dont on n'a
pas besoin en milieu scolaire.
Alors, bon, je vous dirais que ce n'est pas ce
qui me préoccupe le plus, là. Même si je peux convenir qu'il y a des visées
associées à ce projet qui sont tout à fait louables, je ne crois pas que ça
devrait être une priorité dans les prochaines années.
M. Roberge :
D'accord. Et dernière... très rapidement, sur les EHDAA, vous avez une vision
non catégorielle, et j'ai
l'impression que, si on élimine les catégories, les diagnostics, il faut avoir
une très, très grande confiance dans les directions d'école et les profs parce que, surtout dans un contexte de
pénurie de ressources, si les profs identifient les élèves : O.K.,
on a besoin de cinq orthophonistes, on en a juste un, comment on fait s'il n'y
a personne qui a des diagnostics?
M. Prud'homme
(Julien) : Oui, sauf qu'en ce moment, comme je le disais tantôt, les
diagnostics servent d'outils un peu
arbitraires pour gérer le trafic faute de mieux, vous l'exposez fort bien, mais
ça reste un artifice, en ce moment, le recours systématique au
diagnostic. Il ne s'agit pas d'éliminer le recours au diagnostic en tant
qu'outil qui peut aider, au diagnostic, aux
évaluations, parce qu'il y a une différence, pour servir d'outil pour aider
l'élève, mieux cerner ses besoins, par
exemple. Et il y a des travaux très étoffés sur les approches non catégorielles
qui sont appliquées ailleurs, je ne vais pas les développer ici. Mais il s'agit de faire en sorte que le soutien à
l'élève ne soit pas dépendant de façon bête et méchante de l'obtention
d'un diagnostic sous prétexte que c'est la seule façon qu'on a trouvée pour
gérer le trafic. Ce n'est pas une bonne façon.
• (17 h 10) •
M. Roberge : Merci beaucoup
M. Prud'homme (Julien) :
Merci à vous.
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup, M. le
député et M. Prud'homme. Alors,
je cède la parole au parti indépendant, à la députée de Gouin, pour
trois minutes.
Mme David (Gouin) : Merci, Mme
la Présidente. J'ai très peu de temps, mais je vais quand même prendre 20 secondes pour vous féliciter pour votre
mémoire parce que, je pense, vous aurez remarqué qu'il nous invite à
la réflexion et vraiment une réflexion de très, très bonne tenue.
Dans la suite
de ce que mon collègue vient de dire puis parce que j'avoue que je ne
suis pas une experte de la chose, j'essaie un petit peu de comprendre,
en particulier pour ce qui est des élèves, là, qui ont des difficultés
particulières, comment agir, vous invitez le ministre, le ministère, là, dans
ce cas-ci, à vraiment s'assumer, coordonner, diriger et vous dites : Attention, les diagnostics, c'est un outil, mais, pour
le moment, ça sert d'outil unique et ça ne peut pas être ça. Mais
j'aimerais ça que vous alliez un peu plus loin.
Alors,
comment on fait? Comment on fait? On est ministre, on a des
ressources... mettons qu'on en a plus, déjà, ça aiderait, mais elles ne seront jamais illimitées. Donc, comment on fait
pour s'assurer que tous les enfants du Québec, quels que soient leurs problèmes, leurs difficultés,
les défis qu'ils rencontrent, bien, aient accès à une éducation de qualité?
M. Prud'homme
(Julien) : Comme vous l'avez
dit, on a peu de temps. Une première marche... Comme je dis, la politique non catégorielle existe déjà, O.K.? Ce
n'est pas quelque chose qu'on sort de notre chapeau, c'est quelque chose
qui est assez bien défendu par le ministère sur papier. Une première étape, ça
serait de vouloir la mettre en oeuvre.
Comment faire
ça? Ça serait d'ailleurs un bon mode d'application pour les visées du présent
projet de loi dans la mesure où il s'agit d'un cas remarquable où le
ministère a déjà une responsabilité à l'endroit de son réseau et où les
directions d'école jouent déjà un rôle clé, un rôle pivot dans l'identification
des élèves. Il ne resterait qu'à rendre le financement
le moins dépendant possible de l'identification des élèves mais plutôt de le
mettre à la disposition des écoles et des
commissions scolaires — là, il y a des équilibres à établir — disponible de façon statutaire, c'est-à-dire
pas sous la forme d'enveloppes
ponctuelles qui sont juste bonnes pour les 10 prochaines semaines — ça se voit, ça se voit en ce moment, O.K. — qui ne sont pas juste bonnes pour la
prochaine année, mais qui sont bonnes pour les cinq prochaines années
puis qui vont permettre aux écoles d'adopter
de véritables politiques, d'une part, de prévention, qui vont réduire
énormément les besoins individuels, et des approches, par exemple, comme
la réponse à l'intervention, qui ont précisément pour but de favoriser la
réussite des élèves en difficulté sans avoir à passer par une inflation
démesurée et en partie artificielle d'interventions
strictement individuelles. À la fin, il restera toujours les besoins d'intervention
plus individuelle, mais au moins on
saura que ces interventions plus individuelles là, bien, elles seront réservées
aux élèves qui n'auront pas bien répondu aux autres mesures moins
coûteuses et moins stigmatisantes.
La Présidente (Mme Rotiroti) :
Merci beaucoup.
M. Prud'homme (Julien) : C'est
des généralités, évidemment, mais c'est le mieux qu'on peut faire.
La Présidente (Mme Rotiroti) :
Alors, merci beaucoup, M. Prud'homme, pour votre contribution. Je vais
suspendre quelques instants pour laisser la place à la commission scolaire
Marie-Victorin.
(Suspension de la séance à 17 h 14)
(Reprise à 17 h 16)
La Présidente (Mme Rotiroti) :
Alors, j'inviterais à tout le monde de prendre place, s'il vous plaît!
Des voix : ...
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Je demanderais à tout le
monde de prendre place, s'il vous plaît! On va débuter. Merci. Alors, merci beaucoup.
Je souhaite
la bienvenue aux représentants de la commission
scolaire Marie-Victorin. Merci d'être parmi nous. Alors, comme vous le savez déjà, vous disposez de
10 minutes pour faire votre présentation, et, par la suite, on passera à
une période d'échange entre les élus. Je demanderais de vous identifier, ainsi
que les gens qui vous accompagnent, et vous pouvez commencer tout de suite
votre présentation. Alors, Mme Lavallée, je vous cède la parole.
Commission scolaire
Marie-Victorin
Mme Lavallée
(Carole) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. D'abord, un grand
remerciement à tous et à toutes de
nous recevoir ici, la commission scolaire Marie-Victorin. Je présente
rapidement ceux qui sont avec moi. D'abord, le vice-président,
M. Michel Gervais.
M. Gervais
(Michel) : Bonjour.
Mme Lavallée
(Carole) : M. Alain Riendeau, commissaire. À ma droite,
Mme Paule Froment, commissaire, M. David Miljour,
commissaire, et, derrière moi, Serge Mainville, commissaire qui est venu
nous supporter.
La Présidente (Mme Rotiroti) :
Bienvenue.
Mme Lavallée
(Carole) : Alors, d'abord et avant tout, je dois vous dire que la commission
scolaire Marie-Victorin dessert le
territoire qui inclut les villes de Brossard, de Saint-Lambert et de Longueuil,
en incluant les arrondissements de Greenfield Park, de
Saint-Hubert, et de ville LeMoyne, et du Vieux-Longueuil.
Notre commission scolarise annuellement plus de
34 000 élèves, ce qui la positionne parmi les plus grandes commissions scolaires au Québec, autour de la
septième. Elle est une commission scolaire en croissance, ce qui veut
dire que, l'année passée, nous avons
accueilli 631 nouveaux élèves. 600 élèves, par exemple, là, pour vous donner un
ordre de grandeur, c'est une grosse école primaire, et donc nous construisons
actuellement des écoles primaires sur l'un des territoires les plus petits que nous disputons à la... en tout cas,
est-ce qu'on a le territoire le plus petit? Peut-être que c'est celui de
la commission scolaire de Pointe-de-l'Île qui est le plus petit, mais on est
pas mal de la même dimension.
Alors, la
clientèle issue de l'immigration représente 49,1 % de la population
scolaire, c'est-à-dire un sur deux élèves, et provient de 80 pays différents. Plus de 29 % des élèves n'ont
pas le français comme langue maternelle. Par ailleurs, avec plus de 4 000 employés réguliers, la
commission scolaire se classe parmi les plus importants employeurs de la Rive-Sud.
Encore là, nous, on dispute toujours le
titre de premier, et ce titre-là, on le dispute à
Pratt & Whitney, alors ce qui n'est pas rien. Et la commission scolaire, dois-je le
préciser, est désaffiliée de la Fédération des commissions scolaires du
Québec.
Alors,
d'emblée, le conseil des commissaires tient à faire valoir son insatisfaction
concernant le projet de loi n° 86 et que nous ne souhaitons pas
voir adopter. Et l'objet de la présentation, c'est de vous en expliquer les
raisons.
Alors, je
dois d'abord dire que les commissaires de la commission scolaire abordent ce
nouveau projet de loi avec l'ouverture aux changements. Nous croyons que
le changement est nécessaire et nous ne sommes pas réfractaires au changement, mais
encore faut-il que ce soit pour le mieux. Alors, d'abord et avant tout, parce
que les structures du réseau de l'éducation dans son sens large ont besoin
d'être rafraîchies pour s'adapter à l'école de l'avenir.
Pour les
élus, dont nous sommes, il n'est pas question d'analyser ce projet de loi à
travers le prisme d'une fonction dont
on propose l'abolition mais de garder une distance objective face au projet de
loi, de le questionner sur les besoins et les attentes de la population de notre territoire, de veiller à la
pertinence et à la qualité des services éducatifs offerts par la commission scolaire et de s'assurer de la gestion
efficace et efficiente des ressources humaines, matérielles et
financières mais surtout de regarder ce projet de loi dans la ligne du temps et
de considérer non pas ce dont nous avons besoin maintenant mais ce dont les
générations futures auront besoin. Et je cède la parole au vice-président.
• (17 h 20) •
M. Gervais (Michel) : Les
membres du conseil des commissaires ont fait un exercice à deux niveaux. Nous nous sommes prononcés sur le projet de loi, pour
lequel nous avons une grande réserve, je le répète, puis nous avons tenu
à donner notre point de vue sur certains
changements proposés dans l'hypothèse où le projet de loi se réaliserait en
mettant chaque fois de l'avant les principes suivants.
D'abord, la
réussite de tous les élèves. Par exemple, nous proposons un comité sur la
persévérance scolaire qui aurait comme mandat de jouer un rôle actif
pour améliorer la persévérance et la réussite scolaire.
La place importante des parents. Nous voulons que les
parents gardent leurs liens avec le conseil d'établissement et le comité
de parents parce qu'ils doivent leur être redevables et imputables.
La
valorisation de la profession enseignante. Nous souhaitons que des mesures
concrètes soient prises pour valoriser la profession enseignante, pas seulement
pour faire un beau compliment, comme de dire d'eux qu'ils sont des experts essentiels en pédagogie. Et la nécessité du
changement. Il faut voir venir, avoir une vision et adapter nos pratiques et
notre structure. Et je cède la parole à Mme Paule Froment.
Mme Froment (Paule) : La
légitimité des commissaires, c'est, entre autres, ainsi que l'on pourra
constater, l'importance et la priorité de l'éducation dans notre société.
Le besoin de
structures démocratiques fortes telles que les conseils d'établissement, le
comité des parents et le comité des
EHDAA : les parents mais aussi les établissements ont besoin de s'exprimer
et de faire valoir leur point de vue. Ils
ont besoin de prendre les décisions qui les concernent. La représentation
régionale : un conseil des commissaires ou un conseil scolaire doit
être constitué de gens de son territoire. Le problème ne se pose pas dans les
régions éloignées, mais il se pose avec
acuité dans des territoires urbains où le tissu social avec les régions
limitrophes est serré. Et le fameux principe «no taxation without
representation», ce n'est pas une loi, mais c'est un principe démocratique sur
lequel le «Boston Tea Party» a posé les bases d'une démocratie occidentale. Mon
collègue M. David Miljour
M. Miljour
(David) : Oui. Les élus scolaires souhaitent qu'une réflexion
collective et un débat public se tiennent sur l'école de l'avenir pour la définir. Il faut choisir notre terrain
d'atterrissage et quérir l'adhésion par la participation au débat de la
population et les intervenants impliqués dans notre réseau éducatif avant de
décider du véhicule qui nous y amènera. Il faut dégager une vision qui s'appuie
sur une connaissance fine des enjeux. En ce sens, la réforme de la gouvernance
scolaire nous apparaît prématurée. Qui plus est, combien d'autres priorités
s'imposent au ministère de l'Éducation? La
réussite scolaire et le décrochage scolaire, on a de la misère à atteindre nos
objectifs et à les conserver. L'alphabétisation
de tous les Québécois, notons que 53 % des Québécois ont peine à lire. La
performance des garçons par rapport
aux filles, cela aura des incidences sur tous nos rapports hommes-femmes et
sociaux quand les femmes seront toutes ingénieures et médecins et que
les hommes gagneront moins d'argent parce qu'ils sont moins instruits. Le
renouveau pédagogique, qui n'est pas un succès selon une
recherche universitaire, et personne n'a suggéré des solutions jusqu'à maintenant, on poursuit, on corrige ou on abolit?
Je n'en ai nommé que quatre, mais ce sont quatre priorités majeures pour
notre société, qui ébranlent les colonnes du temple de l'éducation et
mériteraient, pour chacune de ces urgences, une corvée nationale d'envergure.
Comment, dans
ces circonstances, s'arrêter aux structures, immobiliser autant de cerveaux de
qualité autour de cet enjeu à cette
étape-ci? Il faut d'abord se questionner sur les vrais enjeux de l'éducation au
Québec puis se doter d'une structure
qui réponde à ces priorités. Faisons les choses dans l'ordre. Et, lorsqu'il
sera temps et le temps sera venu de revoir la structure, il serait très
intéressant de regarder du côté de la gestion participative. Je laisse la
parole encore à notre vice-président.
M. Gervais
(Michel) : Un petit mot sur
les élections de 2014, un rendez-vous manqué. Je tiens à rappeler qu'à l'automne
2014 on n'a pas donné les moyens ni aux candidats de faire connaître leurs
programmes ni aux électeurs de prendre
connaissance des enjeux mis de l'avant par les candidats. Ça faisait sept ans,
quatre ans pour le mandat puis trois
ans de ballottement, qu'il n'y avait pas eu d'élections scolaires. Les jeunes
rencontrés pendant la campagne électorale ne savaient même pas que ça existait, les élections scolaires. Le
gouvernement n'a pas tenté de stimuler la participation démocratique
mais plutôt tenté de l'éteindre à tout jamais. Mme Lavallée.
Mme Lavallée
(Carole) : Alors, dans notre
mémoire, le conseil des commissaires y va de plusieurs recommandations. Et nous insistons sur l'urgence de la réflexion et
du débat public pour dégager une vision globale de l'école de l'avenir
qui serait basée sur une connaissance fine
des enjeux et parce que nous croyons que ce n'est que par un large consensus
issu d'un véritable débat public que les
Québécois pourront se réapproprier les enjeux de l'éducation et orienter par la
suite les nouvelles structures du réseau
scolaire qui pourra se retrouver et se dévouer entièrement à la réussite
scolaire et, comme je l'ai dit tantôt, préparer la société de demain.
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup. Alors, on va passer à la période d'échange, et
je cède la parole à M. le ministre pour environ 15 minutes.
M. Proulx : Merci,
Mme la Présidente. Mme Lavallée,
messieurs, merci d'être ici aujourd'hui. Merci pour votre mémoire. J'ai bien entendu ce que vous avez dit dès le départ, hein? Ce
n'est pas parce que vous n'êtes pas à l'aise avec la proposition que vous ne souhaitez pas voir des changements être constructifs. Je
l'ai bien entendu, et on apprécie quand les gens travaillent dans cette
optique, bien évidemment.
J'ai envie de
vous poser une question assez simple et assez large sur la réussite
scolaire d'abord et avant tout. Est-ce que vous avez l'impression que, dans le modèle
actuel, oublions le projet de loi
n° 86, j'irais vous voir à votre bureau puis je
vous poserais la question suivante : Est-ce qu'il y a actuellement des
obstacles à la réussite? Est-ce qu'on pourrait faire mieux? Est-ce qu'on devrait faire une certaine décentralisation ou
revoir l'équilibre des pouvoirs actuellement pour faire en sorte de
favoriser davantage la réussite scolaire?
Mme Lavallée
(Carole) : D'abord et avant tout pour vous dire que ce n'est pas un champ d'action sur lequel le
conseil des commissaires s'est prononcé dans le mémoire, O.K.?
M. Proulx : Je comprends.
Mme Lavallée
(Carole) : Et ce que je peux
vous dire, ce n'est que des réflexions très personnelles. Alors,
j'espère que mes collègues vont me permettre d'y aller.
M. Proulx : Avec plaisir.
Mme Lavallée
(Carole) : Mais pour vous
dire que, bien, d'abord, effectivement, dans le projet
de loi n° 86, on ne
retrouve pas grand-chose qui vise la réussite scolaire. Et on en est comme un
peu déçus parce qu'effectivement c'est un
des graves problèmes qu'on a dans toutes les commissions scolaires au Québec et
au ministère de l'Éducation et qu'il faut
absolument faire des changements dans nos pratiques pour pouvoir atteindre
cette réussite scolaire là un peu plus... encore davantage. Je sais que le ministère s'est fixé une cible de
80 % de diplomation, puis nous, dans notre commission scolaire, on a certaines difficultés à atteindre
ces objectifs-là. Cette année, par ailleurs, on a augmenté le taux de
décrochage scolaire, à notre plus grand
désarroi, mais on a aussi augmenté le taux de diplomation. Ce qui veut dire
qu'il y a plus de jeunes qui décrochent mais que ceux qu'on garde, on
les rend jusqu'à la diplomation.
Est-ce qu'il
y a des choses à changer? Oui, évidemment, il y a des choses à changer, on peut
toujours s'améliorer. Il y a beaucoup de belles et grandes choses qui se
font actuellement dans notre commission scolaire pour la réussite scolaire. Dès
qu'on est rentrés en fonction, il y a 17 mois, le conseil des commissaires
a voulu créer un comité sur la persévérance
scolaire. Et, comme il y en avait déjà un, on s'y est intégrés. Et puis, bon,
récemment, on a repensé à notre comité de persévérance scolaire, on
s'est donné un nouveau mandat puis on repart parce qu'on sent que c'est notre mission, c'est notre mission, de scolariser les
jeunes. C'est ça qu'il faut faire. Et, si on n'avait qu'un... Et là c'est le
principal objectif de notre plan stratégique. Alors, oui, il faut changer des
choses.
Est-ce qu'on
peut le faire par, comme vous le dites, le changement des structures de
pouvoir? C'est une question qui est tellement vaste qu'on peut
difficilement y répondre.
M. Proulx : Est-ce que vous êtes... et je vous pose la
question pour le savoir, dites-moi ce que vous en pensez, mais est-ce que vous êtes une commission scolaire dite
décentralisée par rapport aux autres ou plus centralisée que les autres?
Mme Lavallée
(Carole) : On est une commission scolaire qui est désaffiliée de la
Fédération des commissions scolaires.
M. Proulx : Mais vous
connaissez quand même vos voisins.
Mme Lavallée (Carole) : Alors,
c'est difficile, souvent, de se comparer les unes par rapport aux autres.
M. Proulx : Je comprends. Mais vous avez quand même une
expérience, là, de la façon dont vous fonctionnez, vous, j'imagine, connaissez les modèles, vous
êtes, je pense, en mesure de qualifier la structure que vous avez. Est-ce
que, chez vous, la philosophie est
d'utiliser au maximum les rapports avec les établissements ou vous avez une
structure qui est, disons... puis, si
on avait à les comparer, peu importent les affiliations, nous dirions :
Bien oui, ils sont plus ou moins centralisés que les autres?
Mme Lavallée
(Carole) : Écoutez, je ne peux pas dire si on est plus ou moins
centralisés que les autres parce que je
ne suis pas allée voir dans les autres commissions scolaires, mais ce que je
peux vous dire, c'est que nous consultons, que la direction générale
consulte régulièrement les directions d'établissement pour avoir leur avis, et
leur soumettre des enjeux, et puis, oui,
faire valoir un consensus chez les directions d'établissement. Il y a souvent
de ce genre de rencontre là. Par
exemple, pour le budget, eh bien, on leur a dit : On a été obligés... M.
le ministre, est-ce que je peux vous dire qu'on a été obligés de couper
l'année passée? On a été obligés de faire des compressions.
M. Proulx : ...le dire.
• (17 h 30) •
Mme Lavallée
(Carole) : Comment on peut faire des compressions, sinon que de
demander à ceux qui les vivent tous
les jours s'ils n'auraient pas des suggestions pour peut-être faire le moins
mal possible, là, dans le réseau? Alors, oui, effectivement, il y a eu un grand exercice de fait avec les directions
d'établissement dans toutes les instances des commissions scolaires pour
demander : Donnez-nous des pistes de solution.
M.
Proulx : Vous avez parlé, bien sûr,
des élections, et d'autres l'ont dit avant vous aujourd'hui, effectivement
deux très grandes préoccupations dans le cadre du projet de
loi. Il y a des gens qui
s'intéressent et se préoccupent beaucoup de la démocratie scolaire parce
qu'effectivement elle est modifiée par le projet de loi, il y a une proposition
en ce sens. Il y a d'autres gens qui
s'intéressent davantage à la gouvernance puis à ce qu'on pourrait appeler une
décentralisation. Concernant la démocratie scolaire, deux choses. Est-ce que je
comprends que vous souhaiteriez voir une simultanéité avec les élections
municipales?
Mme
Lavallée (Carole) : Ce qu'on souhaiterait par-dessus tout, O.K., c'est
qu'on repense à la démocratie scolaire en
fonction de l'objectif parce que nous avons réfléchi. Comme je vous dis, on
n'est pas réfractaires aux changements. Alors, on a réfléchi. Qu'est-ce
qui serait mieux que le suffrage universel? Il y a-tu une meilleure idée dans
le monde? Est-ce qu'un collège électoral...
par qui, comment? Est-ce que ça prendrait des enseignants qui siègent au
conseil scolaire ou... appelez le
conseil des commissaires ou peu importe. On s'est beaucoup posé la question,
mais finalement on en arrive à dire
que... en tout cas, à penser qu'il n'y a rien de mieux que le suffrage
universel, d'autant plus qu'on donne au conseil scolaire la responsabilité de la taxation. Et, on l'a dit tantôt dans la
présentation, «no taxation without representation». On est immensément étonnés que ce principe-là ait été
transgressé dans le projet de loi qui nous a été présenté. Personnellement,
je ne pensais pas que ça se pouvait qu'un gouvernement propose de ne pas
respecter ce principe-là.
Et, qui plus
est, les taxations, il y a plusieurs problèmes. Mme Champoux-Lesage, dans
le rapport dont la personne qui nous
précédait ici a parlé abondamment, elle l'a dit elle-même qu'il y a beaucoup
d'iniquité dans la taxation. Il y a des régions qui ne sont presque pas
taxées, alors qu'elles sont très riches, et celles qui sont beaucoup taxées,
elles sont pas mal moins riches, elles sont
pas mal moins nanties. Et ça aussi, c'est un autre étonnement qu'il y avait
dans le projet de loi n° 86, de voir qu'il n'y avait aucune
solution à un grave problème comme celui-là.
M.
Proulx : Si vous me
permettez, oui, concernant l'idée de tenir les deux élections en même temps,
est-ce que vous trouvez que... Je
vous ai entendu tout à l'heure expliquer le contexte dans lequel se sont tenues
les dernières élections. On pourrait
remonter en arrière puis se dire qu'on a eu peut-être autant de difficulté à
trouver de l'espace pour que les gens
écoutent ce qu'on a à dire lorsqu'on fait une campagne électorale comme
commissaire. Comment vous qualifiez ou qu'est-ce
qu'on peut espérer de la possibilité de joindre les deux élections pour
l'espace, pour un commissaire scolaire, de vendre un programme pour
l'éducation si ce n'est que d'obtenir peut-être une participation supplémentaire?
Parce qu'inévitablement, s'il y a une
meilleure participation à l'élection municipale et si on avait deux
bulletins... là, je ne connais pas
les processus, on a parlé que le Directeur général des élections a émis des
hypothèses, mais je me pose la question puis je pense que ça va intéresser tous les gens et les parlementaires :
Tenir les deux élections en même temps, est-ce que ça fait juste augmenter la participation ou ça donne
l'occasion à des commissaires scolaires de vendre ou d'expliquer et de proposer un programme que les gens auront de
l'espace pour entendre à l'intérieur d'une grande campagne municipale?
Vous êtes dans un secteur où il y a de grandes agglomérations.
Mme
Lavallée (Carole) : Vous avez raison.
M. Proulx :
Il y a du bruit en campagne électorale chez vous.
Mme Lavallée
(Carole) : Effectivement.
M. Proulx :
Comment est-ce qu'on fait pour se faire entendre?
Mme
Lavallée (Carole) : Oui, puis, à un moment donné, le nombre de poteaux
est limité. Mais d'abord, vous avez raison, je pense que, dans toutes
les autres provinces canadiennes, ce qu'on constate, c'est que, quand les
élections scolaires et les élections
municipales se tiennent ensemble, il y a un taux de participation aux élections
scolaire autour de... je pense que la moyenne est de 40 %. Alors,
oui, effectivement, ça atteint un des objectifs. Mais est-ce que ça atteint
l'objectif d'intéresser les gens? Je pense que le gouvernement, je ne dis pas
juste le ministère de l'Éducation, a une responsabilité
dans l'intérêt qu'il donne aux élections scolaires. Il faut considérer que plus
les gens vont être informés...
Premièrement,
il y a l'attitude gouvernementale qui est de... en tout cas, celle qu'on a vue
aux dernières élections, c'était vraiment un éteignoir total. Il
disait : Écoutez, là, n'allez pas voter, puis je vais vous arranger ça par
la suite. C'est ça qu'on... Les mots étaient
presque exactement comme ça. Mais, s'il y avait un enthousiasme de la part du
ministère, de la part des différents intervenants,
dire : Écoutez, les élections scolaires, c'est important, c'est ça qui
permet à toute la société québécoise
de penser et de réfléchir à la génération qui s'en vient... Et c'est elle que
nous formons actuellement dans les
écoles primaires et dans les écoles secondaires. Nous sommes en train de former
la génération qui va venir s'asseoir autour de la table ici, dans une
dizaine d'années, ou deux, ou trois, et c'est important.
Et
quel genre de personnes nous voulons là-dedans? Je
pense que tous les Québécois
doivent se sentir interpellés puis
dire : Moi, les enjeux scolaires, je
trouve ça important, j'ai mon mot à
dire. Et, quand on explique bien les enjeux scolaires puis quand on
l'explique avec enthousiasme, eh bien, à ce moment-là, je pense que la population
pourrait s'approprier ces enjeux-là, et
aller voter, et aller voter avec, je dirais, le plaisir de donner son avis sur
des enjeux qui sont soumis lors d'une
campagne électorale. Mais, comme je vous dis, il faut absolument
que le ministère de l'Éducation
et que tout le gouvernement y mette du sien.
M. Proulx :
Courte question, et vous pourriez même répondre par oui ou par non parce que je
sais que j'ai deux collègues qui auraient aimé vous poser une question, dans
les recommandations, à la page 9, vous faites des recommandations justement
sur jumeler les élections scolaires. Vous dites : «S'il devait y avoir des
personnes représentant les différents
secteurs tels qu'énumérés dans le projet
de loi — bon, les quatre personnes de la communauté — [il
faudrait] que chacun des secteurs y soit
représenté.» Est-ce que je vois là une ouverture? Est-ce que,
dans l'éventualité, il y a un conseil scolaire, il y a, oui, une démocratie représentative comme vous faites, mais
il y a la possibilité d'avoir des gens qui émanent de d'autres milieux
et qui ne sont pas élus de la manière du scrutin universel?
Mme
Lavallée (Carole) : Non, ce n'est pas perçu comme une ouverture au
projet de loi n° 86, mais c'est... Mais, comme on le dit...
M. Proulx :
...écrit comme ça.
Mme
Lavallée (Carole) : Mais, comme on le dit dans la présentation puis
dans le résumé du début, ce qu'on dit, c'est...
on s'est prononcés comme à deux niveaux. D'abord, on a dit pourquoi on ne
voulait pas du projet de loi n° 86, et ensuite on a dit : Mais, si jamais vous deviez l'adopter, faites
attention à telle, telle, telle chose. Et ça faisait partie de cette...
Faites attention, s'il vous plaît.
M. Proulx :
J'ai compris que ce n'était pas une grosse ouverture.
Mme Lavallée
(Carole) : Merci beaucoup.
M. Proulx :
Mais je vous remercie parce que j'ai quand même... j'ai entendu ce que je
voulais entendre. Mon collègue de D'Arcy-McGee a des questions pour
vous. Merci pour votre échange.
La Présidente (Mme
Rotiroti) : O.K. Alors, M. le député de D'Arcy-McGee, il vous
reste trois minutes.
M.
Birnbaum : Merci, Mme la Présidente. Mme Lavallée, M. Gervais, Mme
Froment, M. Miljour, M. Riendeau, merci
pour votre exposé. D'ailleurs, on a eu l'opportunité, Mme Lavallée, de
collaborer lorsque vous étiez directrice du cabinet de l'ancienne
ministre de l'Éducation, Mme Malavoy. Alors, vous connaissez le système, et
tout ça.
Bon,
on parle d'un rendez-vous avec l'électorat qui n'était pas tout à fait réussi
la dernière fois ni à quelques reprises.
On est pris avec un problème d'un taux de participation assez modeste, il faut
le dire. Vous avez parlé un petit peu
de peut-être des responsabilités du gouvernement, du ministre, du ministère
pour inciter un plus grand intérêt. C'est quoi, la part, la contribution
des commissions scolaires pour s'adresser à ce problème-là?
Mme
Lavallée (Carole) : D'accord. Alors, d'abord, pour vous dire que,
concernant le taux de participation, quand on constate le taux de participation qu'il y a dans notre commission
scolaire puis qu'on constate le taux de participation qu'il y a eu récemment dans deux élections
partielles municipales, on se ressemble pas mal, on doit pas mal se
ressembler. Et je suis certaine que les
municipalités, comme le gouvernement avec son Directeur général des élections,
devraient faire en sorte de
renouveler la formule des élections municipales partielles, des élections
partielles municipales parce qu'il y a un problème là. Idéalement, les citoyens doivent participer à leur exercice
démocratique. Alors là, j'ai perdu votre deuxième partie de question,
M. Birnbaum.
M. Birnbaum :
Mais votre rôle, là, le rôle des commissions scolaires pour inciter un plus
grand intérêt.
Mme
Lavallée (Carole) : Ah! le rôle des commissions scolaires dans ces
élections-là, O.K. Oui, effectivement, il y a un grand rôle à jouer dans les élections scolaires, mais on
s'aperçoit qu'après sept ans, et c'est la raison pour laquelle mon collègue l'a souligné, il y a... je vais
prendre un terme que vous connaissez, un terme en anglais, le «know-how»,
le savoir-faire, s'était beaucoup perdu dans les commissions scolaires, et on
laissait aux commissions scolaires le soin d'organiser
ces campagnes électorales avec évidemment le soutien du Directeur général des
élections. Mais il reste que les commissions
scolaires avaient perdu beaucoup de savoir-faire, là, avec les années parce que
les employés, après sept ans, ils ne
sont pas tous là, et puis... Mais il y a une grande responsabilité, mais,
d'abord, ça commence par l'enthousiasme, d'abord, du gouvernement, du
ministère, des commissions scolaires, des candidats pour l'insuffler à la
population.
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Merci, Mme Lavallée. On va passer
du côté de l'opposition officielle, et je cède la parole à Mme la
députée de Pointe-aux-Trembles pour neuf minutes.
Mme
Léger : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour,
Mme Lavallée. Bonjour, mesdames messieurs. Alors, bienvenue au parlement. Vous me permettrez de
saluer mon collègue de Marie-Victorin qui s'est joint à nous vu que vous
êtes de sa circonscription, évidemment.
Mme
Lavallée (Carole) : Ça, c'est la commission scolaire Marie-Victorin,
le comté de Marie-Victorin. Alors, vous comprenez qu'on est voisins.
• (17 h 40) •
Mme
Léger : Alors, vous dites, entre autres, qu'avec le projet de
loi n° 86 on ne sent pas que l'éducation devient une priorité
nationale. Vous avez mis certains enjeux : la lecture, le décrochage, la
rétention des enseignants, et plein d'autres,
évidemment. Mais l'un est important, celui de... Je veux revenir sur les
enfants issus de l'immigration parce qu'il faut quand même se dire que,
depuis deux ans que le gouvernement est en place, ce qu'on a dans les mains
depuis deux ans, bien, c'est le projet de
loi n° 86 qui est sur la table. Alors, je comprends très bien que vous
dites : Où est... Si on veut
parler de réussite scolaire puis qu'on veut que la priorité soit vraiment à
l'éducation dans son sens le plus large, que le projet de loi
n° 86... je pense qu'on est d'accord avec ça.
Mais, par rapport aux
enfants, toute la problématique de francisation, est-ce que vous considérez que
les enfants ont... que la commission scolaire telle quelle ou les écoles ont le
soutien nécessaire, ont l'accompagnement nécessaire,
ont les ressources nécessaires pour aider à l'intégration des enfants issus de
l'immigration? Parce que c'est quand même 49,1 %, vous avez dit,
des enfants issus de l'immigration dans la commission scolaire Marie-Victorin.
Mme
Lavallée (Carole) : Je dois dire, Mme la députée de Pointe-de-l'Île,
que les dernières coupures des dernières années ont fait très mal à
notre commission scolaire. Et c'est grâce au dévouement des employés de la
commission scolaire, les enseignants, le
personnel de soutien, le personnel non enseignant, les professionnels non
enseignants... qui nous ont permis de
rencontrer les objectifs, effectivement, puis de pouvoir accueillir les jeunes
issus de l'immigration et de les franciser parce que 29 %, vous
pouvez imaginer que c'est un grand travail. C'est grâce à leur...
Mais
actuellement on a perdu nos marges de manoeuvre. C'est-à-dire que, des fois, on
avait plus d'argent qu'on pouvait
placer à une place plutôt qu'à une autre, mais on a perdu ça. Mais on continue
à donner un excellent service et on continue à rencontrer nos besoins.
Puis on a des mécanismes qui sont bien en place et qui fonctionnent très bien.
Mme
Léger : Est-ce qu'il y a des ressources additionnelles qui
devraient être données par rapport à cet enjeu-là que vous avez ou avec
ce que... les budgets qui sont déjà dédiés sont suffisants?
Mme
Lavallée (Carole) : Bien, vous savez, bien, en tout cas, on en a parlé
à plusieurs reprises, notre commission scolaire,
on a écrit aux ministres successifs. Non, effectivement, on a beaucoup de
difficulté à comprimer nos budgets en fonction... Comme j'ai dit, c'est
nos marges de manoeuvre, hein? Puis nos marges de manoeuvre, c'est ça qui nous
permet de faire une coordination intelligente et avec jugement des ressources
qui nous sont allouées.
Mais
je dois dire une autre chose aussi, c'est que le ministère de l'Immigration
donne aussi des cours de francisation et normalement il rémunère les
immigrants qui vont suivre des cours au ministère de l'Immigration, ce qui fait
qu'il y a une concurrence entre les deux ministères. Au ministère de
l'Éducation, nous, on donne des cours aux adultes — là, je parle des adultes — on leur donne des cours de français. Alors,
ils commencent l'année avec nous, puis
là, en cours d'année, ils s'aperçoivent... quelqu'un leur dit : Oui, mais,
au ministère de l'Immigration, allez-y, ils vont vous payer, en plus. Alors, qu'est-ce que vous pensez qu'il arrive? On
perd notre clientèle, et là on a de la difficulté à... Comment je
dirais? On a des ressources qui ne correspondent plus au nombre d'élèves
adultes qu'on a.
Et
puis là j'adresse cette... J'espère que M. le ministre pourra en parler avec
son collègue de l'Immigration parce qu'il y a vraiment un ménage à
faire, qui est là depuis des années et qu'il y a entre... et de... comment je
dirais, de répartir les pouvoirs entre le ministère de l'Immigration et celui
de l'Éducation.
Mme
Léger : Il y a deux éléments que vous avez apportés dans votre
mémoire et que vous dites que le projet de
loi n° 86 ne concrétise pas ça : celle du pouvoir des parents et
celle de la valorisation de la profession enseignante. Quand vous parlez
du pouvoir des parents, vous dites que... le pouvoir à des parents mais pas
nécessairement aux parents. Pouvez-vous aller un peu plus...
Mme Lavallée (Carole) : Effectivement. Au comité de parents actuellement,
comme on a dit, il y a 70 établissements, bien, il y a 70 parents qui se retrouvent, qui se réunissent au comité
de parents. Et actuellement ils nomment quatre parents qui deviennent des commissaires-parents et qui
viennent siéger à notre conseil des commissaires, et il y a des échanges
d'information puis de décisions qui sont faits de part et d'autre. Et
évidemment les parents qui siègent avec nous au conseil des commissaires sont redevables au comité de parents, à qui ils
rendent des comptes, évidemment, de ce qui se passe chez nous. Par exemple, pour le calendrier scolaire, les parents
viennent, puis ils nous disent ce qui s'est passé au comité de parents,
puis ils nous l'expliquent, puis ils nous disent : Écoutez, c'est
important de le faire de telle façon. On aimerait mieux telle date plutôt que
telle date, etc., bon. Et ça, ils sont redevables.
Mais,
dans le projet de loi n° 86 qu'on fait, on dit aux parents : Vous
allez être davantage, mais vous n'aurez plus de lien ni avec le comité
de parents ni avec votre conseil d'établissement. Ce qui fait qu'on nomme six
personnes pour deux ou trois ans, et puis
cette personne-là ne rencontre plus
jamais son comité de parents ni son conseil
d'établissement. Elle n'est plus redevable.
Elle est travailleur autonome, si je peux dire. C'est un élu autonome, alors
que le comité de parents a besoin
d'un lien d'influence auprès d'un conseil des commissaires ou auprès d'un
conseil scolaire, comme vous l'appelez dans le projet de loi n° 86.
Mme Léger :
Sur un autre ordre d'idées, comment voyez-vous le comité de répartition des
ressources?
Mme
Lavallée (Carole) : Le
conseil des commissaires ne s'est pas fait une tête à ce sujet-là, et on ne
l'aborde pas dans notre mémoire. Et, si vous le permettez... Pardon?
Mme Léger :
Oui, effectivement, vous ne l'abordez pas.
Mme
Lavallée (Carole) : Non,
alors, c'est parce qu'on ne désire pas l'aborder, hein? Mais j'ai manqué la
deuxième partie de votre question
tantôt concernant les enseignants. Pourquoi est-ce
qu'on dit : Bon, on n'a pas
juste des beaux compliments à leur faire, comme quoi que ce sont des
experts essentiels en pédagogie? C'est parce que dans le projet de loi, là, on
dit ça dans l'introduction, mais après ça il n'y a rien, il n'y a rien pour
concrétiser ce magnifique compliment. Il n'y a
aucun nouveau pouvoir, à part de siéger éventuellement sur le... en tout cas, que deux enseignants puissent
siéger au conseil scolaire, mais qu'il ne soit pas représentatif de son groupe,
qu'il ne soit pas redevable, non plus, à n'importe quel groupe.
Mais
il y a d'autres choses à faire pour les enseignants. Puis là je ne voudrais
pas faire de suggestion parce
que vous savez qu'il y a beaucoup
de choses qui sont faites dans les conventions
collectives à ce sujet-là, mais le ministère,
il a un devoir de réfléchir, comment
faire en sorte que les enseignants concrétisent cette affirmation-là comme quoi
que ce sont des experts essentiels en
pédagogie. Les enseignants, je suis certaine qu'ils sont venus ici pour faire
des suggestions, il y en a
d'autres qui viendront le faire.
Une voix :
...
Mme Lavallée
(Carole) : Pardon?
Une voix :
...
Mme Lavallée
(Carole) : ...
Mme
Léger : Vous reveniez
au conseil scolaire. Vous parlez de la représentation, particulièrement l'éducation des adultes, les 18-21 ans, que, dans le projet de loi, vous ne le retrouvez pas. Alors, vous aimeriez avoir quoi? Un poste
pour les 18-21 ans au conseil?
Mme
Lavallée (Carole) : Bien,
ça, c'est... Comme je vous ai dit, on a fait notre mémoire à deux niveaux,
hein? D'abord, dire que, bien, non, puis on a donné les raisons, puis la deuxième...
Mais, si jamais on constate que, dans le projet de loi n° 86, il y a
un oubli qui est flagrant, c'est que les 18... les élèves de 18 à 21 ans,
et on en a dans notre commission scolaire, puis on a des adultes aussi... puis là il n'y a
aucune façon d'être représenté au conseil scolaire sinon que par les
contribuables, les gens des secteurs ou des communautés.
La Présidente (Mme
Rotiroti) : Merci beaucoup, Mme Lavallée. Il ne reste plus de
temps, Mme la députée, désolée. Alors, on va
passer du côté du deuxième groupe de l'opposition. Je cède la parole à M. le député de Chambly pour six minutes.
M. Roberge :
Merci beaucoup. Merci pour votre présentation, ça fait bien plaisir. J'ai
quelques questions pointues. D'abord,
parmi le conseil des commissaires en
ce moment à Marie-Victorin, combien, parmi les commissaires élus, sont aussi des parents
d'élèves de la commission scolaire?
Mme Lavallée (Carole) : Ça me fait plaisir de répondre à... Nous sommes
tous des parents, O.K., nous avons tous des enfants. On a... Il y
en a plus de la... Il y a la majorité qui ont des enfants qui sont actuellement
inscrits à la commission scolaire Marie-Victorin, O.K., dans une école de Marie-Victorin. On a une
exception qui n'a jamais eu d'enfant inscrit
encore, et c'est M. Miljour, qui est là, parce que son ti-pit, il a
deux ans, O.K.? Mais il prépare l'avenir de son fils.
Vous voyez comme nous sommes des visionnaires?
Alors,
non, on est tous des parents. J'ai siégé sur un conseil d'établissement quand
mon fils était au secondaire. Puis monsieur a siégé aussi sur plusieurs conseils
d'établissement. Enfin, on a tous...
Mme Froment
(Paule) : Je n'ai plus d'enfant à l'école.
Mme Lavallée
(Carole) : Non, non, on n'a plus...
Une voix :
Des petits-enfants.
Mme Lavallée
(Carole) : Oui, effectivement, on a des petits-enfants.
M. Roberge :
C'est juste pour comprendre.
Mme
Lavallée (Carole) : Mais on
est tous des parents. Bien, on a tous cette vision-là aussi, cette vision
d'être parent puis de... On comprend comment
l'école fonctionne puis on n'est peut-être pas rattachés au comité de parents comme
tel, mais on comprend la dynamique, puis on comprend les besoins, et on
comprend aussi, souvent, les solutions.
• (17 h 50) •
M. Roberge :
Très bien. Donc, ça m'éclaire parce qu'il y a des gens qui nous ont dit, justement :
Le projet de loi n° 86, veut faire de la place aux parents sur le
conseil scolaire. Or, beaucoup des commissaires actuellement élus au suffrage universel sont des parents. Je
voulais juste voir... petit sondage comme ça avec vous, là, pour comprendre
mieux l'affaire.
D'autres
groupes qui sont venus avant vous nous ont fait des suggestions, je les teste
avec vous. On nous a dit : Ah! on serait ouverts, pour ne pas avoir
le projet de loi n° 86, à donner le droit de vote aux
commissaires-parents. Je ne l'ai pas vu dans votre mémoire, peut-être j'ai
sauté. Est-ce que c'est une avenue avec laquelle vous êtes en accord?
Mme Lavallée
(Carole) : Effectivement, on est très, très ouverts à donner le droit
de vote aux commissaires-parents. Et
d'ailleurs, quand on est en comité de travail, ils participent à tous les
votes, à tous les votes indicatifs, là, que nous pouvons avoir. Nous les
considérons comme nôtres, on ne fait pas de différence. Puis on considère aussi
que leur... Effectivement, bien, ils
représentent les parents, et puis, dans ce sens-là, chaque fois qu'ils prennent
la parole et qu'ils nous véhiculent les messages du comité de parents,
nous sommes très, très, très attentifs.
M.
Roberge : C'est particulier parce que certains comités de parents qui
sont venus nous ont demandé ce droit de vote là et d'autres nous ont dit : Non, non, non, on ne le veut
surtout pas. Mais je voulais juste tester avec vous qui êtes au jour le
jour commissaires. Donc, vous avez une ouverture, il n'y a pas de problème avec
ça.
Maintenant, je vais
changer de palier de gouvernance, je vais vous questionner sur les conseils...
voyons, les conseils d'établissement. Sur
les conseils d'établissement, il y a en ce moment, bon, 50 % équipe-école
puis 50 % parents, mais avec le
vote prépondérant direction d'école, et les membres de la communauté n'ont pas
droit de vote. Est-ce que, pour vous, de donner le droit de vote aux
membres de la communauté sur le conseil d'établissement, c'est une bonne idée
ou une mauvaise idée?
Mme
Lavallée (Carole) : On ne s'est pas prononcés là-dessus, mais ce qu'on
s'est dit, c'est que c'est une bonne idée d'avoir des membres de la
communauté qui siègent sur les conseils d'établissement et que nous souhaitons
par ailleurs que ces personnes-là soient
mieux informées sur la fonction, et sur les enjeux, effectivement, et les
interventions que nous attendons d'eux. On
sent qu'il y a un manque de formation à ce sujet-là puis on voudrait en avoir
davantage. Comme, d'ailleurs, on trouve que peut-être, dans le projet de loi,
ce qui était immensément intéressant, c'est de former des conseillers scolaires. La formation devrait être
obligatoire à tous les niveaux parce qu'il n'y a personne qui a d'innée
la connaissance de la gestion d'une
commission scolaire. On vient tous là avec notre bagage d'expérience. Il y en
a, effectivement, qui viennent, qui
sont des gestionnaires, il y en a d'autres qui sont des médecins, d'autres des
ingénieurs, d'autres des avocats. Il y a
d'autres personnes qui viennent de tous les milieux. Mais tout ça ensemble, on
fait une... De façon générale, les
conseils des commissaires, ce sont des gens qui viennent de milieux variés, qui
ont une expérience variée, et c'est
ça aussi qu'on trouve qui est intéressant pour prendre des décisions concernant
l'éducation de nos enfants.
La Présidente (Mme
Rotiroti) : Il reste une minute, M. le député.
M. Roberge :
Très bien. À la page 12, vous posez une question, vous dites : «A-t-on
évalué la possibilité que les conseils
d'établissement soient gérés selon le modèle participatif que l'on retrouve
dans les écoles innovantes?» Pouvez-vous
nous parler c'est quoi, les écoles innovantes pour vous puis c'est quoi ça,
gérer selon le modèle participatif? À quoi vous faites référence?
Mme Lavallée (Carole) : Je vais
laisser mon collègue David Miljour vous répondre.
M. Miljour (David) :
Bonjour. Alors, oui, en fait, la cogestion autonome, c'est aussi une autre
appellation qu'on donne à la gestion
participative, se fait par un partage des rôles et des responsabilités de façon
équitable entre l'école, la direction,
l'équipe-école et les parents. Et chacun d'entre eux ont des tâches bien
précises qui leur sont attribuées ou... c'est leur travail, mais, dans une certaine façon, lorsqu'on rejoint les
cercles, ils ont à travailler ensemble et ils le font par partage de dossiers de façon égale. Et chacun des
membres des conseils d'établissement sont aussi des agents de liaison
pour des sous-comités qui peuvent être en lien avec le comité événement, le
comité communication, le comité de la fondation
de l'école, le comité financement. Et chacun d'entre eux ont des dossiers
précis et ils font le lien avec d'autres personnes impliquées au sein de l'école. Et l'objectif derrière la
cogestion autonome, c'est de travailler à avoir un consensus, donc de réfléchir, d'avoir une réflexion et
d'arriver au bout de la ligne avec une décision consensuelle. Et on voit que
le pouvoir est établi un peu plus de la
base, mais que chacun d'entre eux ont des responsabilités qui leur sont
propres. Donc, on a un meilleur travail d'équipe.
La Présidente (Mme
Rotiroti) : Merci beaucoup. Alors, on va passer la parole à Mme
la députée de Gouin pour trois minutes.
Mme
David (Gouin) : Merci, Mme la Présidente. Mesdames messieurs, bonjour.
J'aimerais revenir à la question de
la formation des immigrants, des personnes immigrantes, parce que, là, vous
m'avez intriguée. Je ne suis pas certaine d'avoir bien compris. Vous dites : Le ministère de l'Immigration
donne des allocations aux personnes
qui suivent des cours de francisation. Moi, ça m'est toujours apparu normal
parce que, pendant que ces personnes-là suivent ces cours-là, elles ne
peuvent travailler à temps plein, donc il faut quand même qu'elles paient le
loyer puis la bouffe. Alors, je trouve ça normal.
Mais vous me dites : Le problème, c'est que, lorsque ces cours-là sont
donnés dans nos écoles, là, il n'y a pas d'allocation. Alors,
évidemment, si les gens savent qu'ailleurs il y a une allocation, bien, moi, je
trouve ça un peu normal, hein? Même très normal. Bon.
Mme Lavallée
(Carole) : Moi aussi. On est tous d'accord avec vous.
Mme
David (Gouin) : O.K. Mais, à ce moment-là, quel est le problème, au
juste, pour vous? C'est ce que j'essaie de comprendre. Quel est le
problème? Est-ce que... Bien, enfin, c'est ça, expliquez-le-moi. Je ne comprends
pas.
Mme
Lavallée (Carole) : Le problème, c'est de mobiliser des ressources en
début d'année et de voir qu'au cours de
l'année on n'en a plus besoin, O.K., ou qu'en a beaucoup moins besoin. Par
exemple, on forme une classe de sept personnes, et puis, au mois de
janvier, il y a une personne pour un enseignant. Je pense que ce n'est pas un
ratio qui fait que...
Mme
David (Gouin) : Donc, c'est vraiment une question d'organisation, là,
d'être capable de prévoir correctement ce
qui va se passer dans une année. O.K. Mais est-ce que la solution la plus
simple, à ce moment-là, serait un arrimage entre les deux ministères
pour que, quel que soit le lieu de francisation, il y ait une allocation?
Mme Lavallée
(Carole) : Je ne voudrais pas m'avancer sur la solution, mais je pense
que le gouvernement du Québec doit se
préoccuper de cette question et y trouver une solution parce qu'aussi il y a
comme deux ministères qui donnent des cours, il y a deux ministères qui
font la même chose, mais pas tout à fait de la même façon et pas avec le même genre d'enseignants parce que même les
enseignants, ils n'ont pas le même statut. Alors, il faut... Bien
monsieur... Oui, monsieur, vous avez... Vous êtes au courant. Alors, il faut
trouver une solution à ça. Je comprends que, dans un gouvernement, la solution n'est pas très facile parce que c'est les
pouvoirs de deux ministères différents, mais qu'il y a une conciliation à faire pour trouver les meilleures
solutions. Puis la meilleure solution, elle doit être trouvée pour
l'immigrant, pour l'élève, pour la personne qui vient prendre les cours. C'est
pour elle que la solution doit être trouvée.
La Présidente (Mme
Rotiroti) : Quelques secondes, Mme la députée. 20 secondes.
Mme
David (Gouin) : J'aurais vraiment aimé ça que vous me parliez de
taxation, mais je pense qu'on va manquer de temps. Vous dites, dans votre mémoire, que la taxe scolaire est
injuste et inégale depuis trop longtemps puis qu'il faut absolument y
voir. Mais je pense que c'est un gros sujet pour quelques secondes.
Mme Lavallée
(Carole) : C'est un gros sujet, mais je vais juste vous inviter à
aller lire...
La Présidente (Mme
Rotiroti) : Oui, très...
Mme Lavallée
(Carole) : Est-ce que j'ai 30 secondes?
La Présidente (Mme
Rotiroti) : Oui.
Mme Lavallée
(Carole) : O.K. Alors, je vais...
Une voix :
...30 secondes.
Mme Lavallée (Carole) : Merci.
Merci, M. Roberge... M. le député de Chambly.
La
Présidente (Mme Rotiroti) : C'est la présidence qui décide le
temps. Alors, je vous accorde, Mme Lavallée, le 30 secondes pour répondre.
Allez-y.
Mme Lavallée (Carole) : J'aime
beaucoup votre intervention.
La Présidente (Mme Rotiroti) :
Merci.
Mme Lavallée (Carole) : Alors, Mme
la députée de Gouin, ce que vais vous dire, c'est : Je vais vous inviter, rapidement comme ça, à aller lire le rapport de
Mme Champoux-Lesage. Tout son chapitre sur la taxation, ça rencontre
parfaitement bien les vrais enjeux qu'on trouve sur le terrain.
Et puis je
veux juste finir en disant qu'à la fin de notre exercice de taxation on ne peut
pas faire grand, grand-chose, là, on
n'a pas une grande marge de manoeuvre là-dedans. Mais, si, par hasard, il y a
un développement résidentiel, puis on se
retrouve à avoir plus de revenus que nous permet le produit maximal de la taxe,
qui est l'exercice qui est fait par le ministère,
bien, on est obligés de faire un chèque au ministère de l'Éducation, alors
qu'on pourrait très bien conserver ces revenus dans notre commission
scolaire pour les années à venir. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Rotiroti) :
Merci. Je vous ai donné plus que 30 secondes, en passant.
Mme Lavallée (Carole) : Ah mon Dieu!
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Alors, merci beaucoup, Mme
Lavallée, M. Gervais, Mme Froment, M. Miljour et M. Riendeau, pour votre
présence.
Alors, la
commission ajourne ses travaux à demain, le jeudi 24 mars, après les affaires
courantes, vers 11 h 30, où elle poursuivra son mandat.
(Fin de la séance à 17 h 59)