(Quinze heures trente-neuf minutes)
La Présidente (Mme Rotiroti) :
Bon après-midi. À l'ordre, s'il vous plaît!
Ayant
constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Je demande à tous les membres dans la salle de bien
vouloir éteindre la sonnerie de leurs cellulaires et appareils électroniques.
La commission
est réunie afin de procéder aux consultations
particulières et auditions publiques
sur le projet de loi n° 86, Loi modifiant
l'organisation et la gouvernance des commissions scolaires en vue de rapprocher
l'école des lieux de décision et d'assurer la présence des parents au
sein de l'instance décisionnelle de la commission scolaire.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplaçants?
Le
Secrétaire : Oui, Mme
la Présidente. M. Fortin
(Pontiac) est remplacé par Mme Sauvé (Fabre); Mme Hivon
(Joliette) est remplacée par Mme Léger
(Pointe-aux-Trembles); et M. Kotto (Bourget) est remplacé par M. Pagé (Labelle).
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Merci. Nous débuterons cet après-midi par les remarques
préliminaires puis nous entendrons les organismes suivants : la
commission scolaire de Montréal, le Comité de parents de la commission
scolaire de Montréal et M. Égide Royer.
Alors, je
demanderais le consentement pour poursuivre les travaux au-delà de l'heure
prévue. Est-ce que j'ai le consentement?
• (15 h 40) •
Des voix : Consentement.
Remarques préliminaires
La Présidente (Mme Rotiroti) :
Merci. Alors, nous allons débuter avec les remarques préliminaires. J'invite d'abord M. le ministre de l'Éducation et de
l'Enseignement supérieur à faire ses remarques préliminaires pour une durée
de six minutes.
M. Pierre
Moreau
M. Moreau :
Six minutes. Merci beaucoup, Mme la Présidente. D'abord, permettez-moi de
saluer mes collègues qui nous
accompagnent, députés de Champlain, Fabre, Sainte-Rose; mes adjoints
parlementaires, le député de Chapleau, que
je retrouve maintenant à l'Éducation,
et le député de D'Arcy-McGee.
Du côté de l'opposition officielle, je veux saluer la députée de Pointe-aux-Trembles, le député de
Saint-Jean, le député de Lac-Saint-Jean, qui est le porte-parole, le député
de Chambly, porte-parole du deuxième groupe
d'opposition en matière d'éducation, la députée d'Iberville et Mmes les députées indépendantes, en fait, de Gouin et
d'Arthabaska, voilà, qui sont avec nous. Ça montre l'intérêt du projet de loi
pour l'ensemble des partis représentés et des députés indépendants également.
Alors, Mme la
Présidente, nous sommes ici aujourd'hui pour lancer les consultations
particulières à l'égard du projet de
loi n° 86, Loi modifiant l'organisation et la gouvernance des commissions
scolaires en vue de rapprocher l'école des
lieux de décision et d'assurer la présence des parents au sein de l'instance
décisionnelle de la commission scolaire. Par ce projet de loi, le gouvernement propose des changements majeurs au
rôle des acteurs du réseau scolaire québécois. Ce faisant, nous n'avons
d'autre but que de favoriser encore davantage la réussite scolaire.
Mais, avant
de parler de nos objectifs, je prends quelques instants pour saluer mes
collègues parlementaires ainsi que les
représentants des nombreux organismes et partenaires qui partageront avec nous
leurs commentaires et leurs recommandations. J'aimerais également vous
présenter l'équipe qui m'accompagne, d'abord la sous-ministre, Mme Sylvie Barcelo, le sous-ministre
adjoint à l'éducation préscolaire, primaire et secondaire, M. Yves
Sylvain, la sous-ministre adjointe Services
aux anglophones, aux autochtones et à la diversité culturelle,
Mme Anne-Marie Lepage, Me Nicolas
Paradis, que je retrouve des Affaires municipales à l'Éducation, et
Me Mathieu Boily, des Affaires juridiques, M. Francis
Gauthier, directeur général chargé de projet.
Mme la
Présidente, l'histoire de notre système d'éducation au cours des cinq dernières
décennies a été jalonnée de réussites
marquantes, dont la plus grande est d'avoir rendu l'école accessible à tous.
Notre défi, maintenant, c'est de voir
réussir le plus grand nombre d'élèves parce que, pour poursuivre sur la voie de
l'innovation et de la prospérité, une société moderne comme le Québec a
besoin de tous ses talents.
Le premier
ministre l'a dit lors du remaniement du 28 janvier — du moins, c'est ce qu'on m'a rapporté — les décisions
que nous prenons, même les plus difficiles, n'ont qu'un seul et unique
objectif : améliorer votre qualité de vie et celle de vos proches.
Une meilleure qualité de vie, ça veut dire se donner les moyens de réinvestir
dans le secteur de l'éducation
pour accompagner notamment nos élèves en difficulté et vous placer, comme
parents, au centre des décisions qui
sont prises par l'école. C'est un défi de société que notre gouvernement est
déterminé à relever en revoyant l'organisation et la gouvernance du réseau scolaire. Nous voulons le faire dans un seul
but, rapprocher les décisions de ceux qu'elles touchent, c'est-à-dire les élèves. Nous croyons qu'en donnant une voix
plus forte aux personnes qui sont les plus près des élèves, l'école sera davantage en mesure d'adapter
ses services à leurs besoins et de leur fournir les ressources nécessaires
à leur succès. Je le rappelle, l'objectif du
projet de loi n'est pas de remplacer une structure par une autre, il s'agit
plutôt de redéfinir les rôles de
chacun pour favoriser la réussite du plus grand nombre. En clair, cela signifie
accroître et valoriser davantage le
rôle des parents dans la gestion scolaire à tous les paliers de décision, faire
une place aux enseignants, à nos experts
en pédagogie dans la gouvernance scolaire locale, donner aux directions d'école
une plus grande autonomie, par exemple par le transfert de certains
budgets, pour qu'elle puisse réaliser pleinement leurs projets éducatifs,
alléger et simplifier le processus de
planification et de reddition de comptes, permettre aux commissions scolaires
de continuer d'être les gardiennes de
la qualité de l'offre de services éducatifs sur leur territoire et de l'équité
de cette offre ainsi que recadrer leur mission d'appui à leurs écoles,
recentrer l'action du ministère sur les grandes orientations en éducation et
sur l'accompagnement de ses partenaires du
réseau dans une perspective de gouvernance collaborative axée sur les
résultats.
Pour
atteindre un meilleur équilibre entre rôles, et responsabilités, et recadrage
des prises de décision autour des besoins
des élèves, nous devons revoir en profondeur le modèle de gouvernance locale
des services éducatifs. Ainsi, les conseils
des commissaires seraient remplacés par des conseils scolaires. La majorité,
c'est-à-dire 12 des 16 membres de chaque
conseil, proviendrait de l'entourage direct de l'élève : parents,
représentants du personnel enseignant, du personnel professionnel et des directions d'école, tous
désignés par leurs pairs. Les six autres personnes membres proviendraient
de la communauté. On souhaite que leur
profil permette un meilleur mariage avec les sphères de la société qui
interagissent avec notre système d'éducation,
par exemple employeurs pour
l'adéquation formation-emploi, milieu du sport ou de la santé pour les saines habitudes de vie, culture ou
communication et milieu municipal. Les parents
auraient la tâche d'établir le mode de nomination des six représentants
de leur communauté.
Bref, en
déposant ce projet de loi, nous avons entamé une démarche qui vise à donner
un nouvel élan à la démocratie
scolaire en l'encadrant davantage dans les communautés. Le défi est grand, l'objectif
stimulant : faire que plus d'élèves réussissent et aient ainsi la possibilité de développer leur plein
potentiel dans une société qui a plus que jamais besoin de tous ces
talents.
Je sais que
tous celles et ceux qui prendront la parole à l'occasion de ces consultations
particulières ont à coeur le succès
des élèves. Je les remercie à l'avance de leur intervention qui saura
certainement alimenter notre réflexion et je vous assure de toute mon
attention. Merci et bons travaux.
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup, M. le
ministre. On est très contents de vous revoir parmi nous. Alors,
j'invite maintenant le porte-parole de l'opposition officielle en matière
d'éducation, de recherche et de la persévérance
scolaire et député de Lac-Saint-Jean à faire ses remarques préliminaires pour
un maximum de 3 min 30 s.
M. Alexandre Cloutier
M. Cloutier : Je vous remercie,
Mme la Présidente. Alors, j'ai eu la chance et le privilège, tout à l'heure, de
souhaiter mes meilleurs voeux de santé au
ministre et je lui réitère, bien évidemment. C'est vrai qu'on est contents de
vous revoir en cette Assemblée. Je dirais
que c'est un projet de loi... et vous vous êtes fait attendre. On est heureux
de vous revoir. On sait que les
enjeux sont nombreux. Je veux saluer tous nos collègues de l'Assemblée
nationale qui sont avec nous
aujourd'hui pour les travaux, évidemment mes collègues de l'opposition
officielle, sur qui j'ai la chance de compter pour la préparation de la
commission parlementaire.
Ceci étant
dit, M. le ministre, sur ce projet de loi n° 86, je pense que les
attentes sont élevées. Les attentes sont élevées pourquoi? D'abord,
parce que le projet de loi est attendu depuis de nombreuses semaines, pour ne
pas dire de nombreux mois. Il avait d'abord
été annoncé pour le printemps dernier. Ensuite, on nous l'avait annoncé pour
l'automne. Il aura fallu attendre la dernière journée des travaux de
l'Assemblée nationale.
Ensuite, il a fallu se battre pour que les gens
du milieu puissent être entendus, ce qui nous apparaît être une anomalie. On a réclamé d'entrée de jeu que nous
ayons une consultation qui soit élargie, que tous les partenaires du milieu
de l'éducation puissent être entendus. Or,
ça nous a été refusé. On a choisi plutôt des présentations sectorielles, de
sorte qu'aujourd'hui la commission
scolaire de Montréal est avec nous, mais ça aura quand même pris une
intervention de part et d'autre pour que, finalement, English Montréal
soit entendu, la commission scolaire de Montréal, et il manque, à notre avis, Mme la Présidente, que les régions du
Québec puissent être entendues sur l'ensemble du territoire, puissent être bien représentées ici, devant les travaux de
l'Assemblée nationale. J'ai cru comprendre des propos du ministre de ce
matin qu'il s'était montré ouvert à ce que nous puissions peut-être entendre
davantage de gens.
De façon plus générale encore au-delà du projet
qui est devant nous aujourd'hui, qui concerne davantage les structures, on a la chance d'analyser en long et
en large, mais il n'en demeure pas moins que, dans le milieu de l'éducation,
il y a des enjeux qui nous apparaissent être
extrêmement prioritaires et bien réels et qui sont liés à la réussite de nos
jeunes. On parle de la situation à
Montréal, on a la présidente de la commission scolaire... Mais 95 % des établissements
scolaires de la commission scolaire
de Montréal sont soit dans un état, je dirais, lamentable ou très lamentable ou
ont du moins une cote D ou une
cote E. Vous aurez compris, M. le ministre, qu'on a hâte de savoir
qu'est-ce que vous allez déposer comme programme d'infrastructures pour
nous assurer de corriger cette situation.
Ensuite, on a
eu des cris de coeur durant tout l'automne avec ces élèves qui ont vu leurs
services réduits, des coupes dans les
services professionnels, des orthopédagogues, psychoéducateurs, etc. Ensuite,
on nous annonçait, juste après le remaniement,
qu'il y aurait d'autres coupures dans le réseau postsecondaire, cégeps,
universités, et que la facture, éventuellement, pourrait être refilée aux
étudiants étrangers.
Alors, une
fois qu'on a dit ça, on a l'impression que les problèmes sont multiples à
régler et là on mobilise tout le
milieu de l'éducation sur un seul projet de loi qui concerne davantage la
réorganisation de l'administration. Mais force est de constater que la vraie discussion sur la réussite de nos jeunes
et la vraie politique nationale sur la réussite, elle, elle est absente,
elle se fait toujours attendre.
Alors, nos
préoccupations, elles sont immenses. Les amendements qui devront être apportés
sont multiples pour que nous puissions donner notre accord au projet de
loi. Mais, sur tous les autres enjeux, on a hâte de vous entendre, M. le
ministre, parce qu'au-delà du projet de loi n° 86 on doit dire qu'en
éducation on attend des réponses.
• (15 h 50) •
La Présidente (Mme Rotiroti) :
Merci, M. le député. Alors, j'invite maintenant le porte-parole du
deuxième groupe de l'opposition en matière
d'éducation, d'enseignement supérieur, de recherche et de science et député de
Chambly pour faire ses remarques préliminaires pour un maximum de
2 min 30 s.
M. Jean-François Roberge
M. Roberge :
Merci, Mme la Présidente. Alors, je veux d'abord, moi aussi, saluer le
ministre. Bien content de le voir en
forme. Les défis sont immenses, alors il faut être fait fort pour prendre ce
ministère-là, manifestement, on l'a vu ces dernières années. Je salue
aussi tous les collègues de la partie gouvernementale, les hauts
fonctionnaires, toute l'équipe — parce qu'on sait très, très bien qu'il y a
énormément de gens qui travaillent en arrière pour que les politiques soient bien mises en place, Mme la
Présidente — mes
collègues de l'opposition, ma collègue et tout le monde qui est ici.
C'est un exercice majeur qu'on entreprend
aujourd'hui parce qu'il n'y a rien de plus fondamental que notre éducation. Il n'y a rien de plus important que ce
qui se passe dans les écoles primaires et secondaires. Puis évidemment, à un autre niveau, en enseignement supérieur,
c'est extrêmement important, mais primaire et secondaire, c'est la base,
on ne s'en sort pas.
Tout à
l'heure, je parlais du taux d'analphabétisme qu'on a au Québec. Évidemment
qu'il faut continuer de donner des
services d'alphabétisation aux adultes. Il ne faut pas abandonner puis laisser
ces gens-là pour compte, mais ça se travaille à la base, évidemment. Tous les adultes qui ont un problème et qui ont
des difficultés d'analphabétisme ont d'abord été des adolescents puis
des enfants, puis c'est à ce moment-là qu'on aurait dû les stimuler, les aider
et les accompagner.
Notre réseau primaire et secondaire est
actuellement organisé dans un système de 72 commissions scolaires avec une
gouvernance régionale très, très forte. Ça a été critiqué souvent. C'est facile
de le critiquer. Ce qui est plus difficile,
c'est de proposer quelque chose, et ça ne doit pas arriver de n'importe où. Et
c'est là où j'accroche, sincèrement. Proposer une réforme de la
gouvernance de nos écoles, ça ne peut pas se faire en trois mois ou en six
mois. C'est quelque chose qui devrait faire
partie d'une plateforme électorale, qui devrait être précédé de dialogues très
longs avec les membres, avec les
enseignants, avec les directions d'école, avec les experts. Ce n'est pas
quelque chose qu'on devrait s'inventer
après une élection, après avoir dit qu'on veut fusionner, qu'on ne veut plus
fusionner, qu'on veut maintenir les
élections scolaires, qu'on veut les enlever, ah non, finalement, qu'on veut
régionaliser une taxe scolaire, pour finalement déposer un projet de loi à la dernière minute. C'est la pire des façons
de faire. C'est difficile de croire qu'avec la pire des façons de faire on va arriver avec le meilleur des
résultats. Et c'est pour ça que c'est si important d'écouter les gens qui vont
venir présenter des mémoires, et je vais les écouter avec beaucoup d'attention.
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup, M. le
député. Alors, je comprends qu'il y a une entente entre les groupes
parlementaires afin de permettre à Mme la députée de Gouin de faire des
remarques préliminaires, pour une durée de deux minutes. Y a-t-il
toujours le consentement? Oui? Alors, Mme la députée de Gouin, allez-y.
Mme Françoise
David
Mme David
(Gouin) : Merci, Mme la
Présidente. Alors, je voudrais, moi aussi, évidemment, saluer le ministre, lui
dire que, moi aussi, je suis contente de le revoir. J'ai eu l'occasion de
discuter quelques fois avec lui, depuis deux ans, d'autres dossiers,
puis ça a toujours bien été.
Alors, voilà,
on est rendus là, on commence. J'ai l'impression qu'on s'attelle à un immense
chantier, en fait. C'est un peu comme
ça que je me sens, là, comme si on avait un gros trou, là, devant nous, avec
des grues, puis qu'il fallait faire
un énorme travail. Évidemment, la question, mes collègues l'ont dit,
c'est : Mais quel travail, au juste? Qu'est-ce qu'on veut
construire? Pourquoi est-ce qu'on est là?
Le rapport
Parent, à une certaine époque, a eu une importance considérable sur le
développement de l'éducation au
Québec. Et, oui, le ministre de l'Éducation a raison, suite au rapport Parent,
les écoles, l'éducation, y compris l'éducation supérieure, est devenue plus accessible à la majorité des enfants du
Québec, en particulier aux femmes. Mais tout ça a été précédé du rapport
Parent.
J'ai en
mémoire aussi le rapport Champoux-Lesage, déposé en mai 2014. Ce rapport a
été tabletté. C'est dommage parce
qu'il comportait un certain nombre de recommandations et disait, entre
autres : Vous savez, le problème, ce n'est pas vraiment les commissions scolaires, les problèmes, ils se passent
dans les écoles, on manque de ressources, on manque de formation, on manque d'objectifs clairs, école
par école, puis il ne faudrait surtout pas que ça soit trop encadré du haut
par le ministre. Et on ne parle pas du tout
ici, à la veille de commencer, donc, ce grand chantier, du rapport
Champoux-Lesage. Qu'est-il devenu? Je n'en sais rien.
Alors, moi, je veux bien participer à
ces travaux avec ouverture, d'abord en écoutant les groupes qui vont venir
nous voir, bien entendu, mais je ne peux
m'empêcher, moi aussi, de dire : Mais, pendant qu'on est en train de
discuter de structures, il faut quand
même voir ce qui se passe sur le terrain. Et, oui, il y a beaucoup de parents,
et de grands-parents, et de citoyens
inquiets de ce qui se passe dans l'éducation. J'espère qu'on aura l'occasion de
pouvoir aborder ces sujets. Merci.
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Merci, Mme la députée de
Gouin. Alors, si je comprends bien, il y a une demande de la députée d'Arthabaska pour faire des
remarques préliminaires pour deux minutes. Y a-t-il consentement pour
permettre à la députée... Oui. Alors, allez-y, Mme la députée
d'Arthabaska, vous disposez de deux minutes.
Mme Sylvie
Roy
Mme Roy
(Arthabaska) : Je vous remercie de consentir à ce que je puisse
m'exprimer à cette étape-ci. Je crois que
c'est extrêmement important de saluer tous les collègues qui sont ici autour de
la table assez nombreux, ce qui indique l'importance du projet de loi.
Je crois que ce dossier-là doit être étudié avec minutie et beaucoup
d'ouverture. Les changements de structures
sont souvent... On pense toujours qu'on aime le changement, mais on résiste
aussi au changement. Et je crois
qu'on doit faire hommage à toutes les personnes qui s'impliquent dans le milieu
l'éducation, avec presque une
vocation plutôt qu'un travail, puis pour quelque chose qui est vraiment
essentiel dans notre société. Il y a l'égalité des chances, puis il y a
l'égalité de... C'est l'éducation qui permet d'obtenir cette égalité des
chances là.
Donc,
je salue l'ouverture du ministre à entendre d'autres groupes qui ont performé
puis qui ont des choses à venir dire
ici, tels que la commission scolaire des Bois-Francs, et je lui rappelle son
ancienne profession, qui est aussi la mienne : le pire des arrangements vaut mieux que le meilleur
des procès. Donc, c'est le temps de faire une alliance, je crois, avec le
milieu de l'éducation plutôt que de faire
une confrontation, pour que ce soit plus facile pour la sujet des choses.
Merci.
Auditions
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup, Mme la députée
d'Arthabaska. Alors, nous allons maintenant débuter des auditions.
Alors, je souhaite la bienvenue aux représentants de la commission scolaire de
Montréal, Mme Catherine Harel Bourdon,
Mme Marie-José Mastromonaco, M. Bernardus Valkenburg et
Mme Violaine Cousineau. Alors,
je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre présentation,
et par la suite on va débuter la période d'échange avec les élus. Alors,
Mme Bourdon, la parole est à vous.
Commission scolaire de Montréal (CSDM)
Mme Harel
Bourdon (Catherine) : Bonjour, Mme la Présidente. Donc, je suis
très contente, très heureuse d'entamer cette
commission parlementaire. MM., Mmes les députés, M. le ministre de
l'Éducation, bienvenue dans vos nouvelles
fonctions. Alors, je suis Catherine Harel Bourdon, présidente de la commission
scolaire de Montréal, et je suis accompagnée
de la vice-présidente de la commission scolaire, Mme Mastromonaco, du
vice-président du comité exécutif et d'une de nos commissaires,
Mme Cousineau, qui est membre aussi du comité exécutif.
La
commission scolaire de Montréal est une institution d'envergure, un symbole de
l'école publique, de sa force et de
sa résilience. À la CSDM, près de 52 % des élèves n'ont pas le français
comme langue maternelle. De plus, nous composons
avec une population vulnérable dans la mesure où tous les quartiers de notre
territoire comptent une proportion importante
d'élèves défavorisés. Cette réalité rend à la fois cruciale et complexe la
réflexion sur la réussite des élèves. En
contexte montréalais, l'école doit faire beaucoup, mais elle ne peut pas faire
seule. En somme, malgré les importants défis
qu'elle doit relever au quotidien, la CSDM peut compter sur un réseau de
partenaires issus de milieux très variés et qui ont à coeur de
collaborer à la réussite éducative des jeunes.
Mais
ce réseau très riche de membres demande à être continuellement réseauté
précisément. L'élu scolaire, en contexte
montréalais, c'est un peu le ciment qui fait tenir l'édifice et joue le trait
d'union entre son milieu, les parents, les
organismes partenaires, les écoles et les services centraux de la CSDM. Il
constitue un pilier dans cette école communautaire que la CSDM s'est
employée à bâtir afin de favoriser la réussite scolaire des jeunes.
Les
modifications proposées dans le projet
de loi n° 86 sont majeures et
elles dépassent la simple question de la gouvernance, mais elles ont toutes leur source dans cette
question : À qui appartient l'école et qui doit prendre les décisions
en matière de gestion du système d'éducation public?
• (16 heures) •
Les commissaires en
poste à la CSDM souhaitent proposer des façons de renouveler le modèle actuel
tout en préservant certaines des
valeurs-phares qui font sa force et qui risquent, advenant l'adoption du projet
de loi, d'être mises à mal.
Les
élections conjointes scolaires et municipales. Les commissions
scolaires réclament le jumelage de
l'élection scolaire et de l'élection municipale.
Et l'analyse des résultats des élections scolaires dans les autres provinces
canadiennes démontre sans ambages
qu'il y a une participation massive aux élections scolaires quand ces deux
moments démocratiques sont jumelés. Par exemple, les élections conjointes permettent un taux de participation de 43 % en Ontario et 44 % en
Colombie-Britannique. Il paraît donc naturel, comme l'expérience le montre dans
la vaste majorité des provinces canadiennes,
de coordonner l'organisation des scrutins de ces deux paliers à la fois pour
générer des économies, promouvoir la participation démocratique, mais
aussi rendre l'exercice plus facile, plus accessible aux citoyens.
Rappelons
pour mémoire que Paul Gérin-Lajoie, au forum des idées pour le XXIe siècle
organisé par le Parti libéral du
Québec en septembre 2015, avait lui aussi martelé l'importance de tenter
l'expérience du jumelage des élections scolaires et municipales. Par ailleurs, s'il s'avérait
impossible d'arrimer le scolaire et le municipal, nous sommes d'avis qu'il
serait possible de maintenir une démocratie scolaire ouverte à tous en
révisant les modalités entourant la pratique du vote, c'est-à-dire en revoyant
la façon dont les listes électorales sont conçues et en ayant principalement
recours au vote électronique. La formule que
nous préconisons est de constituer, pour l'ensemble des commissions scolaires
du Québec, des listes électorales
conçues à partir des parents d'élèves et des élèves adultes inscrits dans les
établissements, comme le font
actuellement les commissions scolaires anglophones. L'ensemble des citoyens,
qui sont aussi des payeurs de taxes et
qui peuvent aussi être intéressés par la question scolaire, pourraient
continuer de prendre part à l'exercice démocratique en demandant à être ajoutés aux listes
électorales. L'une ou l'autre des formules proposées devrait être gérée par le
Directeur général des élections du Québec.
Les
deux formules proposées sont plus simples, mais aussi plus équitables que celle
qui est proposée dans le projet de
loi n° 86. Confier aux parents la tâche de décider si, oui ou non, les
membres d'un conseil devraient être élus suffrage universel et veiller à l'organisation de cette
élection si un pourcentage des parents le demande, voilà qui semble d'une
complexité excessive, mais qui pose aussi
une question éthique. Il reviendrait donc aux parents de décider si les autres
citoyens, ceux qui ne sont pas parents
d'enfants d'âge scolaire mais qui s'intéressent à l'éducation, ont droit de
vote. Depuis quand un groupe de
citoyens décide-t-il de l'accès à l'exercice du droit démocratique pour un
autre groupe de citoyens? Et depuis
quand la démocratie peut-elle se vivre à vitesse variable selon la commission
scolaire à laquelle on appartient ou selon le groupe linguistique dont
on fait partie?
Par ailleurs, nous
sommes favorables à augmenter le nombre de parents commissaires au conseil et
de leur accorder le droit de vote.
La
voix des sans-voix. L'une des caractéristiques fondamentales du rôle de l'élu
scolaire est de représenter les citoyens qui résident sur son
territoire. Le projet de loi n° 86 mène à la perte de l'élu local,
responsable localement et imputable de ses
décisions. C'est un des éléments les plus problématiques, puisque les citoyens
et les parents posent des questions
et sollicitent notre aide continuellement. Ces demandes sont aussi celles des
sans-voix, des mères monoparentales, des
personnes sous-scolarisées, plus isolées et plus fragiles pour qui la machine
administrative peut paraître particulièrement rebutante, mais qui, face à un élu, à un concitoyen, oseront demander de
l'aide. Assurément, la perte de cette figure de représentation qu'est
l'élu scolaire fera perdre aux sans-voix une précieuse porte d'accès au système
éducatif. Et, si cela est vrai à petite
échelle dans les contacts quotidiens que les commissaires entretiennent avec
leurs commettants, cela est aussi
vrai à plus grande échelle dans les décisions qui doivent être prises pour
assurer l'équité dans la répartition des ressources. La perte des élus scolaires, c'est la fin de la possibilité
pour ces communautés fragiles de se faire entendre. Les quartiers montréalais ont toujours été
défendus par des commissaires soucieux de donner à chacun les chances de
réussite égales.
Le
pourcentage de participation. La question du pourcentage de participation
camoufle d'ailleurs une réalité : les chiffres absolus. Sur le territoire de la CSDM, en 2014, près de 30 000 citoyens se sont déplacés pour élire au suffrage
universel la présidente de la CSDM. Dans
chacune des circonscriptions, plus de 2 000 personnes sont allées
voter pour leur élu local. Ce sont
des milliers de citoyens au Québec qui ont choisi de dire ce que devrait être
pour eux un système éducatif public en contexte montréalais.
Rappelons
d'ailleurs, pour remettre les choses en perspective, qu'à l'échelle municipale
plus de la moitié des postes ont été
comblés sans élection lors du scrutin de 2013. Est-ce à dire que ces villes ont
des représentants illégitimes ou qu'on devrait
désormais procéder à la nomination des conseillers et des maires, puisque les
taux de participation y sont trop bas? Il
y a définitivement une logique du deux poids, deux mesures qui, depuis des
décennies, jette l'opprobre sur le processus électif scolaire et continue
de soutenir un processus semblable au palier municipal.
L'idée
de restreindre le droit de vote aux seuls usagers directs des services des
commissions scolaires n'est pas nouvelle.
Le Conseil supérieur de l'éducation avait, en 2005‑2006, émis d'importantes
réserves quant à cette possibilité de
restreindre le droit de vote aux usagers. S'il est certes favorable à
l'inclusion des parents, le conseil conçoit difficilement l'exclusion des citoyens non usagers. Le conseil
estime que l'élection des commissaires au suffrage universel offre à maints
égards une meilleure garantie que les
valeurs collectives à la base de notre système d'éducation ne seront pas
sacrifiées au profit d'intérêts plus étroitement associés à la
réalisation des objectifs de la clientèle.
La
Loi de l'instruction publique oblige actuellement les commissaires à résider
sur le territoire de la commission scolaire
qu'ils entendent desservir. Seuls les commissaires cooptés sont exemptés de
l'application de cette règle. Or, cet article de loi nous semble
fondamental. Développer l'école, c'est développer un milieu de vie, un tissu
social, c'est contribuer à la transformation de son quartier ou de son village.
Le
projet de loi n° 86. Dans ce projet de loi, la composition
proposée fait en sorte que seuls deux sièges seraient réservés aux membres de la communauté et seront
obligatoirement occupés par des Montréalais. Tous les autres pourraient, en théorie, être occupés par des non-résidents.
Tous ces membres auraient droit de siéger au conseil scolaire. À la limite,
14 membres sur 16 pourraient gérer la
CSDM sans être Montréalais, et ces personnes délègueraient leur représentant au Comité de gestion de la
taxe scolaire pour identifier le taux de taxation des Montréalais. Notons que,
si les parents choisissent de passer par le suffrage universel, le futur
conseil pourrait accueillir plus de citoyens du territoire.
La Présidente
(Mme Rotiroti) : En terminant, Mme Bourdon, s'il vous
plaît.
Mme Harel Bourdon (Catherine) : Oui. À la CSDM, l'an dernier — il me reste une seule minute — le comité exécutif a accordé près de
180 millions de dollars de contrats qui ont tous été soumis à la vigilance
non seulement de l'administration, mais aussi des citoyens responsables qui ont
à coeur d'assumer une saine gestion des fonds publics.
Le Québec
peut-il vraiment se permettre, quelques mois à peine après le dépôt du rapport
de la commission sur l'octroi et la
gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction, éliminer une
instance qui constitue un lieu de questionnement et de validation des processus menant à
l'octroi de très nombreux contrats? La répartition équitable des richesses à travers les différents établissements et la reddition de comptes à
l'égard des citoyens
sont les fondements mêmes du rôle d'élu scolaire que le projet de loi
n° 86 s'apprête à faire disparaître.
Nous espérons que notre présentation contribuera
à apporter des changements majeurs au projet de loi n° 86. Merci de votre
écoute.
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup, Mme Harel Bourdon. Alors, on va passer maintenant
à la période d'échange. Alors,
je cède la parole à M. le ministre.
M. Moreau : Oui, on
dispose de combien de temps, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Rotiroti) :
13 minutes.
• (16 h 10) •
M. Moreau : Bien. Alors, à mon tour de vous souhaiter la
bienvenue, Mme Harel Bourdon, de même que les gens qui vous accompagnent, Mme Mastromonaco,
M. Valkenburg — j'espère qu'on prononce bien votre nom — et Mme Cousineau.
Écoutez, j'ai
l'air de commencer en voulant vous faire des reproches, mais vous avez fait un
mémoire que vous avez déposé
aujourd'hui. Et vous comprendrez qu'on n'a pas pu en prendre en connaissance,
il y a 41 pages, et ça a été déposé
aujourd'hui même. Mais je veux, plutôt que de vous chicaner, vous dire que nous
allons l'examiner en détail. Je vais donc
profiter du temps que nous avons ensemble, qui n'est pas très long, pour parler
de la question des élections scolaires.
Une des
propositions que vous faites est de faire un jumelage avec les élections
municipales, qui est un domaine que
je connais assez bien. La question
que je vous poserai, c'est : Est-ce
que vous avez fait des approches
auprès des unions municipales pour essayer de voir avec elles quelle serait l'ouverture
qu'elles ont pour faire ce jumelage? Parce
que, bien que ça existe dans d'autres parties du Canada,
ma compréhension, c'est qu'autant l'Union
des municipalités du Québec que la Fédération québécoise des
municipalités, qui regroupent l'ensemble du monde municipal, sont
diamétralement opposées à ce jumelage-là.
Mme Harel
Bourdon (Catherine) :
En fait, M. le ministre, il y a eu, à travers les années, beaucoup
de demandes auprès des deux associations, des deux fédérations dont vous parlez, et je pense qu'il n'y a pas l'unanimité de part et
d'autre dans les deux fédérations. Cependant, il faut comprendre que,
dans les autres provinces, c'est quelque chose qui a été instauré. Vous savez qu'autant les commissions scolaires et les municipalités, ce sont des créatures du gouvernement du Québec qui sont régies par une
loi qui est votée à l'Assemblée
nationale. On a fait un sondage, en
fait, via la Fédération des commissions
scolaires, et une grande majorité
de citoyens étaient en faveur de pouvoir se déplacer une
seule fois pour procéder à ces
élections-là. Et, puisqu'on a des résultats qui sont très positifs dans les
autres provinces canadiennes, on pense
que c'est un choix qui serait déterminant et qui, d'ailleurs, est un choix que plusieurs pays à travers le monde ont fait aussi.
M. Moreau : Mais que vous nous demandez d'imposer. Parce qu'à l'heure actuelle il n'y a pas de volonté
de la part de l'Union des municipalités du Québec ou de la part de la
Fédération québécoise des municipalités d'unir ça.
Mme Harel
Bourdon (Catherine) :
En fait, votre prédécesseure, il y a plusieurs années, Mme Courchesne,
avait fait des grandes rencontres et
en était venue à un projet de loi qui a été appliqué, après un mandat de
sept ans, à une élection en 2014. Et il y avait plusieurs
possibilités qui étaient ressorties de ces consultations-là. Et je pense que ce
serait une discussion à reprendre avec les municipalités, puisque c'est une
discussion qui a eu lieu en 2008.
M. Moreau :
O.K. Mais, depuis 2008... Ma question, c'est : Est-ce que chez vous, à la
CSDM — parce
que, comme je vous dis, j'ai beau
faire de la lecture rapide, là, je ne l'ai pas vu dans votre texte — il y a eu des discussions avec les
associations municipales sur cette question?
Mme Harel
Bourdon (Catherine) :
En fait, je ne veux pas parler pour la Fédération des commissions scolaires
du Québec, puisqu'elle va faire une présentation.
M. Moreau : Non, mais
vous, la CSDM?
Mme Harel
Bourdon (Catherine) :
Mais nous, on a discuté avec les élus scolaires également, des élus municipaux
de l'ensemble des commissions scolaires,
dont la CSDM, et avec différents arrondissements, et, oui, il y a certains élus
qui sont en accord pour avoir les deux élections en même temps.
M. Moreau :
Bon, sur le taux de participation, vous nous avez parlé de ça en disant :
Bien, il y a quand même, quoi, vous
avez dit 30 000 personnes qui se sont déplacées. Moi, quand je
regarde le résultat final des élections scolaires, sur les électeurs des
commissions scolaires et des circonscriptions en élection, il y avait, pour
l'ensemble du Québec, 5 millions
d'électeurs potentiels. Et ce que je constate, c'est que le taux de
participation global a été, pour les postes de présidents, de 5,5 % et, pour les postes de commissaires, de
5,9 %. Or, à la CSDM, si je regarde pour Montréal, le taux de participation, autant pour la présidence que
pour les commissaires, était inférieur à la moyenne québécoise. Comment vous expliqueriez ça, vous? Parce que le taux de
participation pour la présidence, c'est 4,8 %, la même chose pour le taux
de participation des
commissaires. La difficulté que les gens ont, je vous le dis, moi, je pense,
c'est la perception globale assez
généralisée, c'est de dire : Avec 4,8 % de participation à une
élection, ça pose le problème de la représentativité de ceux qui sont
élus si on regarde l'ensemble des électeurs potentiels. Ce n'est pas beaucoup,
4 %.
Mme Harel
Bourdon (Catherine) : C'est pour ça que notre deuxième
proposition, autre que les élections municipales
et scolaires conjointes, c'est la confection des listes électorales comme ce
qui est utilisé chez les commissions scolaires
anglophones, parce que, sur mon territoire, j'avais
600 000 électeurs. J'avais l'équivalent de 12 circonscriptions
provinciales avec un budget, pour l'ensemble
du Québec, de publicité qui était de 40 000 $ et avec des budgets
locaux où 50 % des dépenses
étaient pour faire l'envoi d'un rappel à nos 600 000 électeurs pour
les aviser de la date et des différents candidats.
Donc, on
était dans une situation, M. le ministre, avec très peu de ressources,
très peu de publicité, une journée où
il n'y a pas d'autre élection que l'élection scolaire, des personnes immigrantes,
hein — on le
disait tout à l'heure, notre territoire
comporte des gens qui ne savaient même pas qu'ils pouvaient voter au scolaire,
puisqu'ils sont devenus citoyens canadiens récemment — sur
nos 600 000 électeurs. Et je voudrais juste vous rappeler que les
listes anglophones sont composées des
parents d'élèves inscrits sur la liste plus tous ceux qui veulent s'inscrire
sur cette liste-là, alors que, du côté
francophone, nous avons l'ensemble des électeurs citoyens canadiens de
18 ans et plus. Donc, c'est certain que, quand on a une liste
restreinte comme chez les anglophones, on a des pourcentages de participation
de 17 %, 20 %, 25 %.
M. Moreau :
En fait, ce que vous dites, c'est qu'à la CSDM vous avez cette situation
particulière. Prenons sur l'ensemble
du Québec, on est à 5 % de participation. Vous comprendrez que, de façon
logique, on peut dire : Il y a 5 % des gens qui se déplacent pour participer aux élections scolaires.
Est-ce que, selon vous, là, objectivement, puis oubliez le territoire de la CSDM, 5 % de personnes
qui se déplacent pour élire des représentants fait en sorte que, quand on
regarde ces représentants, on a le
niveau de confort, de dire : Ces gens-là, oui, bien sûr, ils ont un mandat
qui est démocratique? Compte tenu du
nombre qui se déplace, est-ce qu'ils représentent véritablement la population
qui est soumise à la gestion des
commissions scolaires, à l'exercice des travaux entre les commissions scolaires
et le personnel scolaire pour assurer une meilleure réussite des élèves,
à 5 %, là?
Mme Harel
Bourdon (Catherine) :
Bien, la question qu'on peut se poser, c'est que, dans le projet de loi
n° 86, par exemple à la CSDM,
une centaine de parents pourraient décider de la composition du conseil des
commissaires pour gérer un budget de plus de 1 milliard de dollars
avec plus de 16 000 employés dans 191 établissements.
M. Moreau : Vous vous
basez sur quoi pour dire ça?
Mme Harel
Bourdon (Catherine) : Pour dire qu'en ce moment il y a à peu
près...
M. Moreau : ...avec le
projet de loi n° 86, on arriverait à ça?
Mme Harel
Bourdon (Catherine) :
Parce que, s'il n'y a pas de demande des parents d'aller en suffrage universel,
où on aurait un pourcentage qui pourrait
être semblable que les élections actuelles, s'il n'y a pas cette demande-là,
bien, en fait, c'est un représentant
par école qui va se retrouver au comité de parents et qui va déterminer qui
seront les parents élus au conseil scolaire. Et ce sont des employés qui
se retrouveraient au conseil scolaire alors que, vous savez, à la CSDM, on a
8 500 enseignants. Alors, c'est plus un symbole, d'avoir un
enseignant sur le conseil scolaire, puisqu'on a
8 500 enseignants, deux directions d'école pour
200 établissements, alors que mes collègues, par exemple, à Mont-Laurier,
il y a peut-être une dizaine de directions
d'école. Ça fait qu'en proportion il y aurait deux directions d'école pour
représenter 10 directions à Mont-Laurier puis deux pour 200 à la
commission scolaire de Montréal.
C'est pour un
peu exprimer que ce projet de loi là, en ce moment, il a énormément de trous.
Il est très complexe, il amène un système de démocratie facultative à
deux vitesses où certains citoyens auraient des droits et d'autres pas.
M. Moreau : Il me reste
du temps?
La Présidente (Mme Rotiroti) :
Trois minutes.
M. Moreau : O.K. Donc,
dans le mémoire que vous nous présentez, est-ce que vous pouvez nous pointer
les endroits où vous estimez que le système
proposé a des trous? Et quelles sont les solutions que vous proposez, puisque vous n'avez pas eu le temps de le
faire pendant votre présentation?
• (16 h 20) •
Mme Harel
Bourdon (Catherine) :
Bien, en fait, il y a la question du taux de participation, du vote électoral, de
la représentativité territoriale. Ça fait que, si on prend la table des
matières, le mode électoral est abordé, le défi de la gouvernance, le défi de la décentralisation puis le défi de la subsidiarité,
puisqu'on introduit un concept de subsidiarité dans ce projet de loi là. Donc, c'est assez détaillé. Et je vous dirais
que, dans chaque segment, il y a des problématiques. Il y a des éléments où on est en accord, par exemple
le droit de vote des parents-commissaires au conseil, c'est quelque chose sur lequel on s'entend très bien. La répartition des ressources, que des directions
d'école siègent à un comité de répartition des ressources, on n'a pas de problème avec ça. On va, disons, trouver ensemble
des solutions à ce casse-tête financier parce que c'est extrêmement
difficile en ce moment, les finances des commissions scolaires.
M. Moreau :
Bien.
La Présidente (Mme Rotiroti) :
Deux minutes, allez-y.
M. Moreau : Deux minutes? Bon, très bien. Ça va quand même
bien, nos choses. Dites-moi, s'il y avait un élément dans le mémoire que vous
avez présenté qui, pour vous, est le point central de votre argumentaire, quel
serait-il?
Mme Harel
Bourdon (Catherine) :
C'est vraiment : En quoi la
disparition des élus scolaires permettra de mieux faire réussir les élèves? Fondamentalement, la
réponse est négative parce que les élus scolaires, dont ceux qui m'accompagnent,
représentent leurs quartiers, représentent leurs parents, sont une courroie de
transmission avec la communauté, et les faire
disparaître... C'est un peu le ciment, en fait, de cet équilibre si important
entre les directions d'école, les parents, les partenaires locaux et les partenaires institutionnels. Et ce
travail-là de bien répondre aux besoins des quartiers ou même des villages... Parce que j'ai plusieurs de mes
collègues qui sont en arrière de moi, qui, malheureusement, n'ont pas encore
été invités, mais je suis sûre que vous allez remédier à la situation...
M. Moreau : Dans
15 minutes.
Mme Harel
Bourdon (Catherine) : ...qui
sont de différentes régions du Québec et qui ont aussi à représenter des
villages et des secteurs où il y a des besoins très particuliers.
M. Moreau :
Je comprends que vous dites : Nous, on ne veut pas faire disparaître les
élus locaux, mais on ne peut pas être
contre le fait de donner plus de pouvoirs ou de rapprocher les parents des
lieux décisionnels, les enseignants — les enseignants,
c'est quand même ceux qui, en première ligne, sont ceux qui transigent avec les
élèves — de
vouloir augmenter la capacité
d'influence des professeurs, la capacité d'influence des parents, de rapprocher
de l'école les pouvoirs, essentiellement. Je comprends que vous, vous
dites : Moi, je ne veux pas qu'on disparaisse, nous, les commissaires
élus, j'en fais partie. Puis je ne
vous le fais pas, je ne vous le signale pas comme un reproche ou en
disant : Vous avez un intérêt particulier dans la situation, mais est-ce
que vous avez une objection à ce qu'il y ait
plus de pouvoirs de donnés aux parents, plus de pouvoirs de donnés aux
enseignants?
La Présidente (Mme Rotiroti) :
En quelques secondes, Mme Bourdon.
Mme Harel
Bourdon (Catherine) : Vous
savez, M. Moreau, je ne suis pas
ici pour défendre mon travail, aujourd'hui.
M. Moreau : Non, non,
mais je ne vous dis pas ça.
Mme Harel
Bourdon (Catherine) : Si je me suis présentée en politique
scolaire, c'est que j'ai moi-même trois
enfants. En fait, les 13 élus scolaires de la CSDM ont 35 enfants ensemble
et ils sont dans plein d'écoles de la commission
scolaire primaire, secondaire, formation
professionnelle. Ce sont des gens de terrain et ils font un
peu le travail que les députés font
dans leurs circonscriptions quand vous avez des dossiers, des cas de comté.
Bien, c'est exactement la même
chose, ce que nos commissaires scolaires font dans leurs quartiers.
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup. Alors, on va passer du côté de
l'opposition officielle, et je
cède la parole au député de Lac-Saint-Jean pour une période de
huit minutes.
M. Cloutier : Merci,
Mme la Présidente. Peut-être
d'abord, d'emblée, rappeler que le projet
de loi en soi n'abolit pas le processus électoral. Parce que
ce qu'on comprend, c'est qu'il pourrait y avoir une espèce de truc hybride. En
fait, on aura la chance d'en discuter
avec le ministre. On va essayer de comprendre, effectivement, dans quelles circonstances il pourra y avoir des élections
scolaires. Mais ce que je comprends des questions du ministre, il semble
dire : Il y a un problème au Québec, c'est la participation. Bien, si c'est
ça, l'enjeu, comment se fait-il qu'on ne retrouve pas de mesures pour
accroître la participation des Québécois?
Ce que je comprends dans les propositions que vous nous faites, c'est : la communauté
anglophone, par l'organisation
des commissions
scolaires, a un taux de participation nettement plus élevé. Mais la phrase d'après, vous
dites : Il y a une raison à ça, puis la raison à ça,
c'est parce qu'il faut s'inscrire sur une liste, et ceux et celles qui vont
s'inscrire, par définition, ont un... Alors,
je comprends que, dans la piste de solution pour accroître la participation des
Québécois à la gouvernance scolaire,
vous nous suggérez d'y inclure une liste d'inscription pour probablement aussi
avoir un impact sur le taux de participation des Québécois. C'est bien
ça?
Mme Harel
Bourdon (Catherine) :
Bien, en fait, effectivement, c'est que ça réduit le nombre d'électeurs, ça
fait en sorte que les parents
d'élèves, les adultes qui fréquentent nos établissements et tous ceux qui
paient des taxes puis qui disent :
Bien, moi, ça m'intéresse d'aller voter parce que je suis grand-parent, parce
que j'ai travaillé en éducation toute ma vie, parce que j'ai des
tout-petits en CPE mais qui vont bientôt être à l'école, je vais aller voter
aussi, toutes ces personnes-là pourraient le
faire en s'inscrivant sur la liste. Donc, c'est sûr qu'en ce moment le taux de
participation est beaucoup plus élevé chez les anglophones que chez les
francophones parce que la confection de la liste même, au départ,
est différente.
L'autre élément que je veux souligner,
c'est la notion de bénévolat. Parce
qu'on nous dit, dans le projet de loi, que
les gens vont avoir des jetons de présence, mais je peux vous dire que, dans
les communautés, les commissaires qui sont assis avec moi travaillent
énormément fort pour faire des partenariats, pour faire diversifier l'offre de
services dans les écoles, travailler avec les parents pour faire des cours
d'école agréables, pour développer des projets. Et un bénévolat sans une petite rémunération... Parce qu'on s'entend, là, les
commissaires font entre 4 000 $ et 13 000 $, là. Il n'y a pas personne qui se rend riche avec ça. Ils
ont tous un autre métier et une famille. Mais ces gens-là sont là pour, en
fait, faire avancer leur communauté et les
écoles et, en fait, faire réussir les élèves des établissements, des écoles de
leurs quartiers.
M. Cloutier :
Vous savez que, bon, tout le travail de préparation, le ministre a fait
référence au mémoire que vous avez
déposé aujourd'hui, mais j'ai envie d'ajouter que vous avez été invités aussi,
à votre défense, à la dernière minute, il faut se le rappeler. Il me
semble qu'on déploie énormément d'énergie sur ce projet-là, qui modifie
effectivement l'organisation de l'éducation.
Mais, sur l'échelle de 0 à 10, vous diriez quoi sur l'impact sur la réussite de
nos jeunes? Ou, posé autrement, si
vous étiez ministre de l'Éducation, vous qui gérez quand même la commission
scolaire de Montréal avec
1 milliard et des centaines d'édifices et qui avez à composer avec une
clientèle scolaire la plus importante au Québec, ce serait quoi, votre priorité? Est-ce que vous avez l'impression que le
projet de loi n° 86 répond aux préoccupations de vos élèves?
Mme Harel Bourdon (Catherine) : Bien, en fait, dès que je vais pouvoir rencontrer
le ministre, incessamment, ce dont je
veux lui parler, en fait, c'est une politique nationale d'éducation au Québec,
du préscolaire jusqu'à l'université, avec
l'ensemble des partenaires pour bien cibler les grandes orientations à donner,
ce sont quoi, nos objectifs, au Québec, en termes d'éducation publique. Parce qu'on le sait qu'on approche de
nos objectifs pour 2020 en termes de scolarisation puis de réussite
scolaire, mais toute la question de la persévérance scolaire, récemment on
entendait que ça coûte socialement
1,9 milliard, le décrochage. Nous, à Montréal, on a un taux de décrochage
important, mais on sait qu'il y a beaucoup d'élèves qui retournent aux
études aux adultes, mais c'est un défi qui est immense. Ce qu'on préfère, c'est
qu'ils persévèrent avec nous puis qu'ils
restent plus longtemps dans le parcours scolaire. Et ça, je pense que, quand on
va avoir des orientations claires en termes
de réussite et en termes d'une politique nationale d'éducation, ce sera
beaucoup plus facile pour les
commissions scolaires de travailler en collaboration avec tous les partenaires
puis dire : C'est par là qu'on s'en va.
M. Cloutier :
Vous avez parlé tout à l'heure de la possibilité que le nouveau conseil soit
représenté par des gens qui n'habitent pas le territoire. Parlez-nous
peut-être de l'enracinement des gens qui siègent au conseil actuel. Est-ce que,
vraiment, l'enjeu du territoire est si
fondamental à vos yeux? Ou en quoi ça l'est, finalement, sur la composition qui
est proposée actuellement?
Mme Harel Bourdon (Catherine) : Bien, en fait, c'est fondamental parce que, quand
je disais que 14 des 16 éventuels
membres du conseil scolaire pourraient ne pas résider sur le territoire de la
CSDM, ça veut donc dire qu'ils prendraient des décisions...
Je
dis ça parce que, dans les employés, ce n'est pas tout le monde qui habite dans
les quartiers montréalais, autant au
niveau des directions d'école, des enseignants que du personnel professionnel.
Les gens qui représentent les organismes partenaires au niveau
municipal, au niveau de l'entreprise, ils ne vont pas nécessairement habiter le
territoire de la commission scolaire. Et la
vie de tous les jours, c'est aussi ce qui se passe dans les relations avec les
sports et loisirs dans un secteur,
c'est aussi le transport actif pour aller à l'école, c'est aussi les
problématiques de sécurité urbaine. Il n'y a rien comme aller sur un coin de rue, comme mon
commissaire scolaire l'a fait, de Côte-des-Neiges — qui est d'origine du Bangladesh — pour faire comprendre à son député,
M. Arcand, à quel point il y avait des besoins de transport scolaire
pour les élèves, qui devaient passer six voies pour accéder à leur école et où
il n'y avait aucun brigadier qui pouvait s'installer
à ce coin de rue là. En fait, c'est la réalité quotidienne terrain que les élus
scolaires vivent dans leurs quartiers.
• (16 h 30) •
M. Cloutier :
Sur le pourcentage que vous nous avez donné sur l'Ontario puis la
Colombie-Britannique, est-ce que vous
savez s'il faut s'inscrire également dans les autres provinces ou si c'est un taux de participation qui inclut tous les
électeurs?
Mme Harel
Bourdon (Catherine) : C'est l'inscription, comme au municipal.
M. Cloutier :
C'est l'inscription aussi?
Mme Harel Bourdon (Catherine) : Non, en fait, c'est une liste électorale qui est gérée et qui inclut le municipal et le scolaire.
M. Cloutier :
Donc, l'exercice du droit de vote au même moment de l'élection, ça a vraiment
un impact majeur, même si les électeurs ne doivent pas s'inscrire pour
faire partie de la liste.
Mme Harel
Bourdon (Catherine) : Effectivement.
M. Cloutier : O.K. Il
y a d'autres enjeux qui peut-être se retrouvent dans votre mémoire puis qu'on
n'en a juste pas discuté, mais il y a des nouveaux pouvoirs aussi qui
sont octroyés au ministre. Nous, on y voit plusieurs enjeux importants. Est-ce
que vous avez une réflexion à ce sujet à nous partager?
Mme Harel Bourdon (Catherine) : Écoutez, il y a l'enjeu de changer les règles du
jeu en cours de route, une fois que
le budget de la commission scolaire est déjà adopté. Parce que, dans le projet
de loi, il y a un élément où le ministre pourrait, une fois l'année scolaire débutée, faire des changements sur
un certain nombre d'enveloppes qui sont distribuées. Ça, c'est quelque
chose qui est très problématique.
Vous
savez, je comprends que le ministre de l'Éducation veuille donner les grandes
orientations, je pense que c'est
nécessaire, il y a quand même plus de 2 400 écoles au Québec, mais je
pense que c'est plutôt dans les orientations, les grands objectifs, les politiques. Et, lorsqu'on est dans la gestion
des directeurs généraux, il y a quand même 72 directeurs généraux de commissions scolaires au Québec, et je
pense qu'un conseil des commissaires est à même de pouvoir évaluer son
directeur général.
La Présidente
(Mme Rotiroti) : Il vous reste 22 secondes, M. le
député
M. Cloutier :
Bien, justement, je serais curieux de vous entendre sur le fameux directeur
général. Ce que je comprends, c'est qu'il y
a un pouvoir nettement accru du ministre sur soit la reconduite ou même la nomination.
Est-ce que, là-dessus, pour vous, ça pose des inquiétudes
supplémentaires?
Mme Harel Bourdon (Catherine) : Bien, avec l'épisode de l'an passé qu'on a vécu,
avec la dernière année, je peux vous dire que le conseil des commissaires était
très conscient des difficultés, par
exemple en termes des finances
de la commission scolaire, et le
comité exécutif a fait des choix qui ont fait épargner beaucoup
d'argent à la commission scolaire.
Et, dans ce qui est dans le projet de
loi, on prévoit pouvoir faire des
études et des rapports de firme externe. Et, dans notre cas, bien, en
fait, on a économisé un demi-million en ciblant exactement le travail
d'accompagnement.
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Merci, Mme Bourdon. Merci. Alors, on va passer du côté du deuxième
groupe de l'opposition, et je cède la parole au député de Chambly pour
une période de 5 min 45 s.
M. Roberge :
Merci, Mme la présidente. Vous avez beaucoup parlé, évidemment, du rôle des
commissaires, des élections
scolaires. Moi, ce que je veux savoir aussi, c'est l'organigramme, là, où
est-ce que les décisions se prennent. Avec le nouveau conseil scolaire,
là, qui nous pend au bout du nez, on peut se demander si l'enjeu, c'est comment
on nomme ces gens-là ou comment on élit ces
gens-là, ou on peut se demander : Qu'est-ce qu'ils vont faire, ces
gens-là? Quels sont les pouvoirs
conférés aux conseils scolaires, peu importe qu'ils soient élus ou nommés?
Comment vous voyez la nouvelle répartition des pouvoirs dans cette nouvelle
structure là? Supposons qu'ils soient élus au suffrage universel ou pas là, ce n'est pas ça, ma question, mais les
nouveaux pouvoirs qui sont dévolus aux conseils scolaires, d'après vous,
est-ce que c'est une amélioration que de confier ces pouvoirs-là, comparé à la
situation actuelle, ou on recule?
Mme Harel Bourdon (Catherine) : Bien, en fait, je n'ai pas l'impression qu'on est
devant une décentralisation des
pouvoirs vers les écoles. Je sais que c'est quelque chose qui est important,
puis on abonde dans ce sens-là, mais je pense qu'il faut travailler ensemble à voir comment on peut
décentraliser ces pouvoirs-là. Je pense qu'il y a une grande
centralisation de certains pouvoirs, je pense que les parents, en étant
bénévoles puis en n'ayant pas de reddition de comptes
ou d'imputabilité par rapport à la population, ça va être très difficile
d'exercer dans une commission scolaire comme la nôtre, où il y a
énormément de dossiers à lire, de politiques à adopter.
Quand je parlais du comité exécutif, ça me semble
vraiment problématique. 180 millions de dollars de contrats octroyés l'an passé, s'il y a beaucoup de contrats
qui passent vers la direction générale seulement et qu'il y a seulement certains contrats qui vont au conseil scolaire, ça
va être très problématique. Vous savez, en ce moment, le comité exécutif
se réunit à chaque deux semaines. Le comité
exécutif dure en moyenne trois heures. Avant ça, on a un plénier avec les
administrateurs pour poser les questions sur les différents dossiers, et ce qui
précède ce plénier-là, c'est une lecture détaillée de chacun des membres du
comité exécutif. Donc, la disparition de ça, de ces questions-là sur des enjeux
importants — on parle d'infrastructures, on parle de
travaux majeurs dans nos établissements, de contrats pour
l'alimentation — c'est
inquiétant.
M. Roberge :
Vous m'avez dit : Il n'y a pas de décentralisation. Pourtant, le titre du
projet de loi, ça dit : «Loi modifiant
l'organisation et la gouvernance des commissions scolaires en vue de rapprocher
l'école des lieux de décision». Dans le fond, c'est mal titré, ça, là,
là. Ça ne rapproche pas, selon vous, l'école des lieux de décision.
Mme Harel Bourdon (Catherine) : En fait, le projet de loi prévoit, seulement pour
les conseils d'établissement, un certain nombre de changements avec
lesquels on est favorables, mais ce n'est pas ça qu'on peut appeler de la décentralisation. Ce n'est pas quelques
changements sur les adoptions ou les approbations aux conseils d'établissement
qui vont amener une décentralisation plus grande vers les établissements.
La Présidente
(Mme Rotiroti) : Oui, alors, Mme la députée d'Iberville,
il vous reste deux minutes.
Mme Samson :
Il me reste deux minutes? Si vous me permettez, on parle de non-décentralisation
vers les écoles, mais qu'en est-il, à
votre avis, du projet de loi en ce qui a trait à la place qui est accordée aux
enseignants? Est-ce que c'est suffisant? Est-ce qu'on reconnaît assez,
suffisamment ou pas leur statut d'experts, pour vos enseignants?
Mme Harel
Bourdon (Catherine) :
En fait, je ne retrouve pas vraiment, pour nos enseignants, dans le projet de
loi, quelque chose d'adéquat. Le seul
élément où on mentionne les enseignants, c'est sur le poste au sein du conseil
scolaire, puis nous, on parle d'un
poste sur 8 500 enseignants. Et ce qui m'inquiète aussi, c'est que...
En fait, plus d'autonomie à la commission
scolaire, de la part du ministère, avec une reddition de comptes et plus
d'autonomie aux établissements, c'est vers
ça qu'on devrait aller. Mais je n'ai pas l'impression qu'on est dans plus
d'autonomie pour les commissions scolaires et plus d'autonomie pour les
établissements.
Mme Samson : Vous répondez à ma
question.
La Présidente (Mme Rotiroti) :
Merci. Allez-y.
Mme Samson : C'est tout pour
moi, Mme la Présidente.
La
Présidente (Mme Rotiroti) : C'est beau? Il vous reste une
minute encore si vous voulez, M. le député de Chambly.
M. Roberge :
On va la prendre. On parle de conférer aussi des pouvoirs. Il y a carrément
aussi des pouvoirs qui sont
recentralisés vers le ministre. Peut-être que ça peut être pertinent pour avoir
une cohérence à l'intérieur du système. Comment vous voyez ça, le fait que
le ministre s'octroie davantage de pouvoirs avec ce projet de loi là?
La Présidente (Mme Rotiroti) :
En quelques secondes, Mme Bourdon.
Mme Harel
Bourdon (Catherine) :
Bien, en fait, globalement, je pense que le ministre doit s'assurer qu'il y ait
une bonne coordination globale. Mais, par
exemple, sur la sécurité des élèves, quand la commission scolaire de Montréal,
avec les institutions privées puis les
autres commissions scolaires de son territoire, détermine un cadre avec le SPVM
puis que, dans le projet de loi, on veut que le ministre puisse avoir un
pouvoir en lien avec la sécurité des élèves dans les établissements, je me questionne s'il y a un travail qui est déjà fait
localement pour avoir un cadre de référence dans ce domaine-là.
La Présidente (Mme Rotiroti) :
Merci. Alors, je cède la parole à la députée de Gouin pour deux minutes.
Mme David
(Gouin) : Merci, Mme la Présidente. Je vais aller sur un tout autre
sujet parce que je pense que c'est à
la CSDM, entre autres, que ça se pose le plus, la question des enfants
sans-papiers. En ce moment, c'est très compliqué. Normalement, tout enfant, au Québec, devrait avoir
le droit à une éducation gratuite, mais on sait, nous, comme députés de comtés montréalais, qu'à certains moments il y
a des factures envoyées à des parents d'enfants sans-papiers. Ça ne
devrait pas arriver, mais malheureusement ça arrive.
On avait
l'impression que le projet de loi, à sa lecture, tentait de remédier à la
situation, mais, dans votre mémoire à
la page 37, vous semblez quand même un petit peu perplexes. Vous n'êtes
pas tout à fait certains que le projet de loi est en train véritablement de s'assurer que chaque enfant
vivant au Québec, quel que soit le statut de ses parents, va avoir le droit à
l'éducation. Pourriez-vous expliquer un peu?
• (16 h 40) •
Mme Harel
Bourdon (Catherine) :
Bien, en fait, c'est que le ministre a le pouvoir de prévoir le montant, les
modalités et les conditions applicables à la
contribution financière qui peut être exigée par une commission scolaire. Donc,
le ministre a le pouvoir de demander à la
commission scolaire d'exiger, auprès d'une famille d'un enfant sans-papiers, de
recevoir cette contribution-là. Ça, c'est le premier élément.
Et le
deuxième élément, c'est qu'il y a différents statuts. Et, en ce moment, les
élèves ayant un statut de visiteurs, d'élèves admis au Québec afin d'y
poursuivre des études ou élèves n'ayant pas de résidence au Québec, ce qui
arrive souvent avec les sans-papiers, ils
n'ont pas nécessairement une adresse déterminée, bien, le projet de loi reste quand même assez
flou sur ce qui va arriver et qu'est-ce qu'on va devoir exiger à ces
familles-là.
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Merci. Alors, Mme la députée d'Arthabaska, vous avez la parole pour deux minutes.
Mme Roy
(Arthabaska) : Je
vais y aller rapidement parce que deux minutes, ça... et je veux vous
laisser le temps d'y répondre aussi.
J'ai compris deux choses fondamentales de votre présentation : c'est le
pouvoir de taxer sans avoir l'obligation de rendre des comptes, c'est ce
que vous avez relevé, puis deuxièmement vous semblez me dire, là, que, comme la chanson populaire le dit, on vise le
canard blanc, mais on tue le noir, là. Donc, je pense que ça ne va dans le bon sens. Pouvez-vous me résumer ça
en une phrase, qu'est-ce qu'on devrait faire?
Mme Harel
Bourdon (Catherine) :
Bien, en fait, on devrait conserver les élus scolaires, qui représentent leur
territoire puis qui ont une reddition de
comptes. Je vais vous donner un exemple, c'est qu'à Montréal, on a un comité de
gestion de la taxe scolaire avec cinq
commissions scolaires, trois francophones et deux anglophones. Ça voudrait dire
que, de ces
délégués-là, il pourrait y en avoir qui n'habitent pas, qui ne résident pas sur
le territoire de la commission scolaire, et c'est eux qui fixent le taux de taxation. Et il pourrait y avoir
certaines commissions scolaires qui ont un suffrage et d'autres pas, où les gens
sont sélectionnés, nommés par des parents ou par les membres du personnel. Donc
ça crée vraiment, même au niveau du comité de gestion de la taxe, une
difficulté avec des statuts différents pour les membres.
Mme Roy (Arthabaska) :
Vous en faites une question d'équité.
Mme Harel
Bourdon (Catherine) :
Bien, il y a une question d'équité pour les membres. Je pense qu'autant la
majorité francophone que la minorité
anglophone se doit d'avoir des élus scolaires qui vont gérer le système
d'éducation public local.
Mme Roy (Arthabaska) :
Je vous remercie.
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Alors, merci beaucoup pour
votre contribution aux travaux de la commission.
Je suspends
les travaux quelques instants afin de permettre aux représentants du Comité de
parents de la commission scolaire de Montréal de prendre place.
(Suspension de la séance à 16 h 42)
(Reprise à 16 h 45)
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Alors, à l'ordre, s'il vous
plaît! S'il y a des discussions, pouvez-vous les faire à l'extérieur de
la salle, s'il vous plaît? À l'ordre! Merci.
Alors, je
souhaite la bienvenue aux représentantes du Comité de parents de la commission
scolaire de Montréal, Mme Robinson,
commissaire-parent et représentante, et Mme Wagner. Merci d'être là. Je
vous rappelle que vous disposez de
10 minutes pour faire votre présentation, puis par la suite on va passer à
la période d'échange avec les élus. Alors, la parole est à vous,
allez-y.
Comité de parents de la
commission scolaire de Montréal
Mme Robinson
(Mélanie) : Merci, Mme la
Présidente. Alors, bonjour à tous. Merci d'avoir accepté de nous entendre
ici aujourd'hui.
Alors, nous
sommes ici à titre de représentantes du comité de parents de la plus grosse
commission scolaire du Québec, la commission scolaire de Montréal. Je suis
Mélanie Robinson, commissaire-parent, et je suis accompagnée de Julie
Wagner, première vice-présidente du comité de parents.
Rappelons que
les 112 000 élèves de la CSDM évoluent dans plus de
200 établissements scolaires. La CSDM accueille en outre chaque année plus de 4 000 élèves dont les parents sont de nouveaux arrivants. Cette
année, notre comité de parents compte
145 membres. À quelques nuances près, il comprend donc un représentant par
école et est consulté sur de nombreux sujets par la commission scolaire. Cela
permet à ces parents membres, qui ont tous un lien de proximité avec leur
milieu, d'avoir une vision d'ensemble des besoins de la commission scolaire,
tout en considérant les réalités locales.
L'exercice de réflexion et de consultation qui a
mené à la présentation du présent mémoire a requis plus de 250 heures de travail et fait intervenir de
nombreux parents à la fois inquiets et soucieux d'exprimer leur réalité, tout
en mettant en lumière l'impact qu'aura
dans le quotidien des parents et des élèves la perte des élus de proximité
proposée dans ce projet de loi. Une
soirée d'information sur le projet de loi, offerte par le Secrétariat général
de la CDSM, a précédé les
consultations publiques dans chacune des quatre régions de la CSDM. Nous avons
ensuite procédé à l'adoption du mémoire en réunion du comité de parents
fin janvier.
Mme Wagner
(Julie) : Dans
l'introduction du projet de loi n° 86 proposé par le ministre de
l'Éducation, il est indiqué que le
gouvernement annonce un exercice de consultation qui vise à «assurer la
présence des parents au sein de l'instance décisionnelle de la
commission scolaire». C'est donc dire que le libellé de cette consultation
suggère dès le départ qu'actuellement les
parents n'ont pas de présence décisionnelle au sein des commissions scolaires.
Nous sommes ici aujourd'hui pour
exprimer notre complet désaccord avec cette prémisse. En clair, le postulat du
ministre s'appuie sur des fondements qui n'existent pas dans notre
réalité.
Nous tenons à
exprimer nos préoccupations et nos inquiétudes à l'égard d'un exercice
laborieux qui oblige à des modifications
de structures beaucoup trop importantes pour le résultat recherché. Le plan que
le ministre propose aujourd'hui risque
très fortement de fragiliser le rôle joué par les parents en matière de
gouvernance scolaire et d'affaiblir nos voix, exactement le contraire de
ce qu'on lit dans le préambule du projet de loi.
C'est donc
avec nos coeurs de parents et de citoyens qui continuent de croire à la
protection et à la promotion de la démocratie que nous allons vous
exposer les raisons qui motivent notre opposition à ce projet qui prétend
donner du pouvoir aux parents.
Mme Robinson
(Mélanie) : Nous croyons que
ce projet de loi va à l'encontre d'une saine démocratie représentative participative et de proximité, que cette perte de
démocratie scolaire constitue un recul pour tout le monde. La présence d'élus locaux qui ont une
excellente connaissance de leur milieu facilite la gestion des ressources
attribuées aux commissions scolaires en permettant de les investir de
façon efficace en répondant aux besoins réels des élèves.
La
composition du conseil scolaire proposée à l'article 143 a pour
conséquence de supprimer cette expertise locale. La modification de
l'article 211.1 supprime même l'obligation pour les commissions scolaires
d'avoir une politique d'initiation à la
démocratie pour ses élèves. Serons-nous ensuite étonnés de constater une
accentuation du désengagement citoyen à l'égard de l'éducation publique
et de l'éducation des enfants à la démocratie?
Au cours des
dernières années, nous avons su créer des passerelles avec la commission
scolaire pour créer un climat qui
favorise la réussite et la persévérance scolaires. L'esprit est à la
consultation, aux relations dynamiques, aux échanges constructifs, à une volonté d'orienter les
stratégies et les actions vers le mieux-être des enfants et donc celui de la
collectivité.
• (16 h 50) •
Mme Wagner
(Julie) : Pendant que nous
choisissons la voie de la collaboration, ce projet de loi nous pousse à la
division. En appliquant le même modèle de
gestion dans toutes les commissions scolaires, nous craignons qu'à terme les
spécificités et les besoins des régions ne
soient plus pris en compte. Nous sommes donc opposées à la suppression d'un
palier démocratique, mais nous sommes tout à
fait favorables à la révision du mode d'élection des membres du conseil
des commissaires. Dans plusieurs provinces canadiennes, les élections scolaires
ont été jumelées avec les élections municipales.
Dans cette solution d'arrimage
électoral avec les élections municipales, l'expertise et la neutralité du Directeur général des élections du Québec
nous semblent nécessaires pour assurer la pérennité et l'encadrement de cet
exercice démocratique.
Il nous
semble également antidémocratique de laisser aux parents le choix
de déterminer si les citoyens auront ou
non le droit de choisir leurs décideurs en éducation. Nous craignons également
que certains parents s'abstiennent de se prononcer en faveur d'élections non pas parce qu'ils s'opposent à la
démocratie, mais parce qu'ils refuseront de porter le poids lié aux
coûts d'une élection.
Mme Robinson
(Mélanie) : Notre deuxième
inquiétude concerne l'affaiblissement du rôle et de l'influence des parents dans les réseaux scolaires publics. Ce projet de loi demande aux parents de consacrer des centaines d'heures par année pour étudier des dossiers, participer à des
réunions, prendre des décisions importantes, et ce, sans aucune forme de rémunération. Certaines commissions scolaires en
région desservent moins d'élèves que la nôtre dans une seule école. Le nombre d'heures nécessaires pour comprendre les
dossiers et être en mesure de prendre une décision éclairée peut varier énormément
selon la quantité de dossiers à gérer. Faute de rémunération adéquate, il ne
sera plus possible de se libérer de
son emploi régulier pour assister au comité de travail et rencontrer l'administration de la commission scolaire pour en saisir
le fonctionnement. En clair, ce projet de loi est en train de
créer une structure qui, d'emblée, élimine la participation des parents qui
sont sur le marché du travail. Alors, permettez-nous de partager avec coeur
notre réalité et d'insister sur ce fait :
comme parents, notre implication n'est pas motivée par la rémunération, mais c'est parce que les commissaires-parents sont rémunérés
qu'ils sont en mesure de s'impliquer.
L'interdiction pour tout membre du conseil
scolaire de faire partie d'un conseil d'établissement, du comité de parents ou du CCSEHDAA isole les représentants-parents et les coupe de leur réseau de soutien et d'information. Ce sont majoritairement les
membres de ces comités qui permettent aux commissaires-parents de connaître les
besoins de chaque école, mais aussi
l'impact que chaque décision peut avoir sur leur milieu. À terme, en quelques
mois, nous assisterons à un déséquilibre des acteurs du conseil
scolaire, en commençant par une perte de voix des parents.
Mme Wagner
(Julie) : Notre troisième
inquiétude concerne la centralisation des pouvoirs aux dépens de la réussite
des élèves. Si ce projet de loi entre en application, nous allons assister à une préoccupante
centralisation des pouvoirs entre les
mains d'un ministre et d'un nombre restreint de hauts fonctionnaires qui auront de la difficulté à prendre des décisions dans l'intérêt
d'enfants ou de quartiers dont ils ignorent tout du quotidien.
Les membres
du conseil des commissaires ont un rôle de représentation, ils sont des élus de
proximité. Ils peuvent se battre pour
un enfant ou une école qui vit une situation particulière en s'assurant que toutes les possibilités
ont été envisagées et non pas seulement celles qui respectent le protocole administratif. En matière d'imputabilité, les représentants-parents n'auront plus de comptes à
rendre à personne. Ainsi, la nouvelle structure proposée déconnecte les représentants-parents de la réalité des écoles, de
leurs quartiers, de leurs communautés, des élus de proximité, de la vie scolaire, du comité de parents et donc du lien
avec la vraie vie et les impacts concrets des décisions prises en haut lieu.
La nouvelle structure restreint leur champ
d'action. Nous recommandons donc le maintien d'une démocratie représentative,
participative et de proximité afin de
permettre aux membres du conseil de prendre des décisions répondant aux besoins
réels des différents milieux.
Enfin, ce
projet de loi ne tient pas compte des différences régionales, le nombre de
membres du conseil scolaire étant le même dans une commission scolaire de
100 000 élèves que dans une autre qui en compterait 800. Il faudrait
donc adapter le nombre de membres du
conseil aux besoins de chaque région. Bien sûr, nous comprenons que le ministre
s'implique et intervienne dans certains dossiers, mais ces interventions
doivent être balisées, encadrées et régies par des pratiques, des codes et des
règles claires. Le projet de loi n° 86 ne fait pourtant aucune mention de
cette nécessité.
Mme Robinson (Mélanie) : Pour finir, nous tenons à affirmer que la
réussite de l'ensemble de nos enfants nous tient à coeur. Mais il faut bien constater que le projet de loi n° 86 n'ajoute à peu près rien aux encadrements légaux actuels pour la
favoriser. Cela nous préoccupe particulièrement à
l'égard des élèves à besoins
particuliers. Ces élèves représentent près
de 20 % de la population
scolaire de la CSDM au secteur Jeunes et même près de 25 % si l'on inclut
les élèves dits à risque, et il va de
soi, dans ces conditions, que l'atteinte des cibles institutionnelles de
réussite nécessite un effort accru en faveur de la réussite de ces élèves plus
vulnérables. Or, nous savons maintenant que ces élèves peuvent réussir si l'on met en place les
adaptations nécessaires, et ce, sans faire de compromis sur la qualité de nos
diplômes. Pour d'autres, la réussite pourra
prendre d'autres formes que la diplomation, mais elle n'en est pas moins
essentielle. Le projet de loi n° 86 prévoit que le conseil scolaire sera
composé notamment de six parents, dont un parent d'élève à besoins
particuliers. Nous croyons qu'il doit y
avoir absolument une meilleure adéquation entre le nombre d'élèves
concernés et le nombre de représentants.
Le projet de loi n° 86,
dans son article 207.1, stipule par ailleurs, au nom du principe de
subsidiarité, que les décisions seraient
prises le plus près possible des écoles. Le principe est louable. Il ne
faudrait toutefois pas, au nom d'une volonté de décentralisation toute relative, que l'on perde de vue ce
principe d'équité. Nous observons que les services actuels sont déjà nettement insuffisants et nous
craignons qu'un effet d'éparpillement ne vienne compromettre encore plus
les chances de réussite des élèves à besoins particuliers.
Mme Wagner (Julie) : Pour nous, parents, ce projet de loi fait donc
exactement l'inverse de ce qu'il annonce et prétend vouloir changer.
Nous rejetons fermement son préambule selon lequel les parents n'auraient pas
de voix à l'heure actuelle. M. le ministre,
non seulement les parents ont une voix, mais cette voix vous annonce que
l'application de ce projet de loi
nous dirige tout droit vers une hypercentralisation des pouvoirs entre les
mains de ministres qui sont en moyenne
remplacés tous les 18 mois depuis 10 ans dans un contexte où les
enfants et le milieu scolaire, eux, ont besoin de stabilité.
Mme Robinson (Mélanie) : Les parents sont également inquiets de constater
que le gouvernement fait la promotion de
la notion du plus grand nombre en matière de taux de réussite plutôt que de
valoriser la réussite de tous les élèves. La réussite doit passer par un accompagnement, au rythme de ses capacités,
de chaque étudiant citoyen, les meilleurs comme les plus vulnérables. C'est crucial parce que nous touchons ici au
fondement même de ce qui nous distingue et nous rend meilleurs comme
société.
Dans
ce projet de loi, le gouvernement omet de prendre en considération certaines
réalités comme l'accueil et les services
particuliers à dispenser aux nouveaux arrivants, comme les poches de pauvreté
qui côtoient des poches de richesse à deux
coins de rue de distance, comme la proportion d'élèves EHDAA beaucoup plus
élevée à Montréal qu'ailleurs au Québec,
comme les écoles spécialisées plus nombreuses dans notre milieu urbain qu'en
région, des écoles qui desservent des enfants qui proviennent de toute
la province, comme la gestion d'immeubles vétustes.
Mme Wagner (Julie) : Comme représentantes du Comité de parents, nous
observons que nos réalités ne semblent pas
comprises par le ministre, ce qui nous amène jusqu'ici aujourd'hui pour
expliquer et défendre un modèle qui exige autant de vision que de coeur. Ce projet de loi élimine non seulement un
palier démocratique et l'une des fiertés historiques d'un système d'éducation qui, malgré ce qu'on peut
en dire, fait l'envie de la grande majorité des pays du monde, mais isole en outre les parents en sabrant sans nuance
dans les principes élémentaires de gouvernance, soit la représentativité,
la proximité, et l'imputabilité. C'est pourquoi pour nous, membres du Comité de
parents de la commission scolaire de Montréal, ce projet de loi omet une chose
fondamentale : les élèves assis derrière leurs pupitres ne sont pas des
codes permanents, mais des êtres humains
avec des besoins qui vont au-delà des simples taux de réussite. Nous souhaitons
donc vivement que les conclusions de
cet exemple reflètent cette réalité plutôt que des perceptions et qu'il nous
amène ailleurs que vers l'effritement d'une institution. En tant que
parents impliqués, nous encourageons les personnes ici présentes à bien peser
les conséquences de ce projet de loi.
En
ce qui concerne le gouvernement et le ministre, nous les invitons à refaire
leurs devoirs. Comment? D'abord, en
démontrant leur capacité à faire preuve de compassion, de compréhension et de
cohésion en mobilisant et en ralliant les
différentes voix entendues durant cette consultation vers le chemin de la
démocratie, en pensant d'abord au mieux-être et au développement des enfants, en pensant à l'avenir de la société plutôt
qu'en exposant des solutions prises au nom des chiffres et de la
statistique.
La Présidente
(Mme Rotiroti) : En terminant, madame.
Mme Wagner (Julie) : Oui. À cet effet, nous tenons à réaffirmer notre
volonté de collaborer avec l'ensemble des
instances afin de continuer d'oeuvrer, comme nous le faisons chaque jour, dans
le meilleur intérêt des élèves de Montréal et du Québec et donc dans le
meilleur intérêt des générations futures et présentes.
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup pour votre
exposé. Alors, nous allons maintenant débuter la période d'échange, et
je cède la parole au ministre pour une période de 14 minutes.
• (17 heures) •
M. Moreau :
14 minutes. Bon, merci, Mme la Présidente. Bienvenue, Mme Robinson,
bienvenue, Mme Wagner. Je
constate que vous avez aussi... Encore une fois, je ne veux pas vous chicaner,
simplement vous dire qu'on a eu le mémoire séance tenante, de sorte que je ne peux pas aller dans le détail de ce
que vous avez fait. Je sais que vous avez consacré de nombreuses heures, et on est heureux de pouvoir
vous entendre. Moi, je vous donne l'assurance d'une chose, c'est que nous allons lire en détail le mémoire que vous avez présenté avant de passer à la deuxième phase, laquelle constitue l'étape
de l'étude article par article du projet de loi lorsque nous y serons rendus.
Il
y a une chose qui me frappe cependant comme représentantes du comité de
parents, c'est que vous avez l'impression que le rôle des parents n'est
pas augmenté, à moins que j'aie mal suivi. Et j'ai vu que vous aviez fait, dans
la table des matières, une analyse de certains des articles du projet de
loi.
L'article 143 du projet de loi prévoit, s'il était adopté... il peut être modifié, mais, s'il était adopté comme ça, on dit : «Une commission scolaire est administrée par un
conseil scolaire composé de 16 membres», et là ils auront le droit
de vote, alors qu'à l'heure actuelle ils n'ont pas le droit de vote. Puis on
augmente le nombre des parents, on dit : «...cinq
parents d'élèves fréquentant un établissement d'enseignement de la commission
scolaire élus par le comité de parents
conformément à l'un des articles 153.6 ou 153.7 et qui ont été membres au
moins un an d'un conseil d'établissement, d'un comité ou d'un conseil
d'une commission scolaire; un parent d'un élève handicapé ou d'un élève en
difficulté d'adaptation ou d'apprentissage
fréquentant un établissement d'enseignement de la commission scolaire, élu par le comité de parents conformément à l'article 153.6.»
Donc,
quand on prend connaissance de cette disposition-là, on voit, un, d'une part, qu'il y a
une augmentation du nombre de parents, d'autre part, que ces
parents-là, selon ce projet de loi là, auraient maintenant le droit de vote,
ce qu'ils n'avaient pas avant.
Et,
curieusement, ce que j'entends... Je regardais un article qui est paru sous la
signature de Camil Bouchard en décembre
2015 et qui dit : «Le projet de
loi n° 86 : enfin une bonne
nouvelle en éducation.» Bien, M. Bouchard, qui est un gars que j'aime beaucoup, n'a jamais eu sa
carte de membre du Parti libéral du
Québec, et il dit ceci, en parlant du
projet de loi n° 86, là :
«...cette modification est substantielle : elle vise à rapprocher
l'école des lieux de décisions. C'est là la première bonne nouvelle en
éducation depuis longtemps. Depuis fort longtemps.
«[...]La
composition des conseils scolaires, selon lui,
témoigne par ailleurs clairement de la volonté du gouvernement de donner une place importante aux parents, au
personnel des écoles — enseignants
et directeurs — et
à la communauté locale.
«[...]Cette
idée de parents — six
en tout — qui
seraient désignés comme membres du conseil scolaire par le comité de parents de leur territoire est dans l'air
depuis fort longtemps. Elle a survécu à de nombreuses années
d'incubation et vient couronner les
efforts de celles et ceux qui depuis longtemps pensent que les premiers concernés par la qualité
des environnements éducatifs des
enfants et des jeunes devraient être les parents. Leur participation risque
d'avoir le même effet que celle des
parents dans les CPE alors qu'ils [continueront] une vigie nécessaire à la
construction et au maintien d'environnements bienveillants et stimulants
pour leurs enfants et leurs jeunes. L'idée de les mettre directement en interaction avec les enseignants et les directeurs
d'école sur un même conseil pourrait bien favoriser aussi un salutaire partage
d'informations et de pouvoir et, rêvons, l'avènement d'une
vision commune de l'éducation des enfants. Quant à la participation des
membres de la communauté, elle prendra la forme de représentants municipaux,
des arts et de la communication, des affaires et des saines habitudes de vie.
Cela traduit clairement la volonté du gouvernement de resituer l'école comme un outil de développement de la communauté
de vie des élèves — ce
qui est prévu dans la loi depuis belle
lurette — et,
réciproquement, de repositionner la communauté comme un acteur responsable de
leur réussite éducative.»
Alors,
M. Bouchard, avec lequel on a eu l'occasion de siéger ici, à l'Assemblée nationale, s'il a
une critique qui est positive, c'est celle véritablement du rôle
augmenté des parents dans le projet de loi tel qu'il est déposé. En quoi est-ce que
l'augmentation du nombre de parents, en quoi est-ce que
le fait de leur conférer un droit de vote qu'ils n'ont pas à
l'heure actuelle va à l'encontre
d'une meilleure participation des parents? Et en quoi le projet de loi n° 86, si je me fie à cette analyse,
constituerait un obstacle à la participation des parents? Au contraire, je
pense que l'intention est clairement établie.
Mme Robinson (Mélanie) : Bien, en fait, en tant que commissaire pour la
quatrième année, représentante du comité de parents, je suis à temps plein à la commission scolaire cinq
jours-semaine à la commission
scolaire afin de maîtriser les dossiers et de répondre aux demandes des parents.
J'ai une vingtaine de parents, chaque semaine, qui me contactent pour des problèmes extrêmement variés et qui ont besoin de notre aide. Et j'ai
besoin aussi de ce temps-là afin de participer à toutes les rencontres, les comités et poser des questions pour
comprendre tous les sujets qui concernent nos 268 établissements, dont près de 200 écoles, le transport
scolaire, l'alimentation, la réussite. Tous les dossiers qui touchent les
écoles, on se doit de les connaître. Et nous sommes quatre représentants-parents
plus 13 autres membres élus au suffrage universel.
Donc,
à cela, la charge que j'ai actuellement en étant à temps plein à la commission scolaire, s'ajouteraient les demandes
qui sont faites aussi aux commissaires par quartier. Et on nous demanderait maintenant
de le faire bénévolement. Donc, oui,
de cette façon-là, on ne pourrait pas faire ce que je fais actuellement. Si je n'avais pas la rémunération qui vient avec mon poste, je ne pourrais pas être à temps
plein à la commission scolaire et connaître les dossiers afin de bien
représenter les parents.
Par ailleurs, en étant membre du comité de parents, j'ai l'obligation de rencontrer
les parents de chaque école à chaque
mois, donc d'entendre leurs besoins, leurs préoccupations. En ne permettant plus aux parents d'être membres de la
structure parentale, bien, en étant
bénévoles, c'est sûr que le choix à faire, ça va aller dans ce qui est
obligatoire. Donc, rencontrer le
comité de parents, ça ne sera pas la priorité, alors toute l'information qui nous
provient de la base ne sera plus possible.
M. Moreau :
Mais je ne suis pas convaincu qu'on... Je ne veux pas vous prendre au piège,
là, d'aucune façon. Ce que je vois, moi, dans la loi qui est déposée,
c'est une augmentation du nombre de parents et non seulement une augmentation du nombre de parents, mais le fait
que la loi leur consent maintenant le droit qu'il n'ont pas, c'est-à-dire
le droit de voter. Alors, ma question, elle
est peut-être plus pointue, là. Je ne conteste pas le fait que vous consacrez
sans aucun doute beaucoup de temps à
travailler les dossiers, mais en quoi est-ce que l'augmentation du nombre de
parents constitue un élément négatif?
Et en quoi le fait de conférer aux parents un droit de vote qu'ils n'ont pas à
l'heure actuelle constitue un élément
négatif? En fait, ce que M. Bouchard nous dit, c'est : Quand vous
donnez un droit de vote aux parents, qu'est-ce que vous faites? Vous donnez aux parents
une voix qu'ils n'ont pas à l'heure actuelle et qui fait en sorte que celui pour qui la réussite scolaire est très, très
importante — vous
êtes vous-mêmes parents, moi, j'ai des enfants et ils ont terminé, sauf la plus
jeune, mais elle n'est plus au primaire, là, je dois le confesser — vous donnez à ceux qui ont le plus
grand intérêt à la réussite scolaire une voix au chapitre. En quoi est-ce que
ça, pour vous, c'est négatif?
Mme Wagner (Julie) : En
fait, ce n'est pas de donner plus de parents au niveau du conseil scolaire ni avec le droit de vote, c'est très bien, ça, de faire que les... En fait, le
problème de ce droit-là, avec les articles 45, 47, 104 et 153.19, c'est accompagné de l'interdiction pour tout
parent de rester dans la structure parentale. La structure parentale, être
membre d'un C.É., être membre du
comité de parents, on apprend des choses, on comprend ce qui peut se passe dans
les autres écoles, dans notre école,
sur le terrain. En étant déconnectés de cette structure parentale là, de ce
soutien parental là, on prend des
décisions sans nécessairement en comprendre les impacts. On a fait des
consultations pour ça. Un grand territoire comme la commission scolaire de Montréal, avec 145 membres, pour
nous, ce n'est pas une tâche facile. Les six parents nommés, avec un droit de vote, ne sont plus
rattachés à ces 145 membres là, ne doivent plus avoir leur avis sur ces
consultations-là qu'on prend à tous les
jours et qu'on prend avec Mélanie, qui est notre commissaire-parent, qu'on a
élue dans nos assemblées. Donc, ce
n'est pas le problème d'avoir plus de parents, c'est le problème qu'on les
déconnecte de la structure parentale.
M. Moreau :
O.K. C'est bon. O.K. Alors, on est en train d'examiner ça. Ce que je voudrais
savoir aussi de vous, c'est que vous
commentiez ce que M. Bouchard exprime être la volonté gouvernementale. En
quoi est-ce que vous avez une
position qui est diamétralement opposée à l'analyse qu'il fait, là? Quand il
dit : «Cela traduit clairement la volonté du gouvernement de resituer l'école comme un outil de
développement de la communauté de vie [...] et, réciproquement, de repositionner la communauté comme un acteur
responsable de leur réussite éducative», vous êtes en opposition à cette
idée-là?
Mme Robinson (Mélanie) : Bien, en fait, c'est qu'on ne le voit pas, au
sein du projet de loi, de cette façon-là non plus. On ne voit pas comment les décisions vont vraiment être
décentralisées dans les écoles et en quoi ça va être un plus pour les
élèves.
• (17 h 10) •
M. Moreau :
Oui, mais, s'il avait raison et qu'effectivement il y a des éléments de
décentralisation... Exemple, si, dans
le projet de loi, il y a des éléments qui vont à l'encontre de la
décentralisation et que vous nous disiez : Bien, regardez, nous, là, on est pour, on est favorables à la
décentralisation, on est favorables à l'augmentation du nombre de parents,
on est favorables à l'idée que les parents
aient un droit de vote qu'ils n'ont plus présentement, mais, au plan technique,
on estime qu'il y a des éléments du projet
de loi qui, eux, pourraient être problématiques, alors qu'on est d'accord avec
une plus grande décentralisation, alors
qu'on est d'accord avec une plus grande participation des parents, ce que vous
me dites : C'est l'interdiction d'être dans la structure parentale
qui est le problème. C'est ça que je comprends?
Mme Wagner (Julie) : Entre
autres. Il y a
aussi la perte des élus de proximité. Donc, pour nous, en fait, pour les
parents qu'on représente aujourd'hui, c'était non négociable. En fait, pour
eux...
M. Moreau :
Ça, vous parlez des commissaires, là.
Mme Wagner (Julie) : En fait, les commissaires élus, oui, au suffrage
universel, pour eux et pour nous, c'est... En fait, il faut comprendre que la structure parentale n'inclut pas, par exemple... Je vais vous donner un autre exemple
du projet
de loi. Par exemple, il n'y a pas de parents qui représentent les centres de formation
professionnelle ou l'école aux
adultes. Donc, les commissaires élus se doivent de représenter ces écoles qui
sont sur le territoire. En supprimant ce palier démocratique là, en enlevant les commissaires élus, les écoles
professionnelles ne sont plus représentées parce que les parents, on n'est pas là.
Mme Robinson (Mélanie) : Et puis les élus de proximité également,
bien, ils sont faciles d'approche, on peut les trouver facilement, aller prendre un café avec eux, exposer une situation
qui n'a peut-être pas été comprise, puisqu'ils ne sont pas toujours dans toutes les
écoles, mais vont quand même pouvoir maintenant comprendre la réalité de ces parents qui vont aller les voir pour expliquer leur situation.
Ça a été le cas, par exemple, là, si on rappelle les écoles de la rue Adam,
Baril, Hochelaga, Saint-Nom-de-Jésus, on a
eu plusieurs rencontres avec notre commissaire local afin
d'exposer les besoins des parents
dans le secteur Hochelaga, puis il était toujours disponible pour venir
rencontrer tous les parents qui en faisaient la demande.
La Présidente
(Mme Rotiroti) : Merci. Quelques secondes, M. le ministre.
M. Moreau : Ah bon. Non, mais c'est parce que
j'avais une question. Mais vous pourrez peut-être... Je vais vous
la poser, puis vous me ferez parvenir votre commentaire. Dans les cinq parents des élèves qui fréquentent un établissement d'enseignement de la commission scolaire, il pourrait y avoir
des parents du secteur professionnel?
Mme Robinson
(Mélanie) : Non.
M. Moreau :
Pourquoi?
Mme Robinson
(Mélanie) : C'est les écoles
primaires et secondaires. Et puis, dans la définition d'un parent dans
la Loi sur l'instruction publique, si je ne me trompe pas, c'est à l'article 13,
il est mentionné que c'est un titulaire de l'autorité parentale, donc il faut
avoir l'autorité parentale sur un enfant de moins de 18 ans.
M. Moreau : O.K. Bien,
merci.
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Merci. Il ne reste plus de temps. Merci beaucoup, M. le ministre. Alors, on va passer du côté
de l'opposition officielle. Je
cède la parole au député de
Lac-Saint-Jean pour une période de 8 min 45 s.
M. Cloutier : Je vous
remercie, Mme la Présidente. D'abord, merci pour votre présentation. Je pense
qu'il y a un côté très terre à terre et réaliste. Je
pense que c'est ce que vous avez essayé d'illustrer.
Ce que je
comprends, dans le fond, de ce que vous dites, c'est que, pour faire le
travail de représentation, c'est une
job à temps plein, puis vous, votre inquiétude, c'est qu'au-delà du concept de
donner davantage de pouvoirs aux parents, puis sur lequel je ne pense pas que vous êtes
contre, par contre vous dites : Dans la mise en oeuvre de ça, ce qui est proposé par
le gouvernement, dans la vraie vie, là, dans la capacité d'exercer
ce nouveau modèle, c'est que les parents, dans le fond, qui ont une job à temps plein et qui ont les
enfants à la maison, etc., en bout de course, leur capacité réelle à pouvoir
s'investir, ça ne semble pas être tout à fait possible, c'est bien ça?
Mme Robinson
(Mélanie) : Effectivement. Une commission scolaire de la taille de la nôtre, c'est sûr qu'on a
besoin de gens qui sont là à temps plein.
Dans d'autres commissions scolaires également, sans être nécessairement à temps plein vu que la taille est plus petite, il y a quand même
un besoin d'avoir des heures pour comprendre les dossiers. On accorde des contrats sur à peu près
tout ce qui touche les écoles de près ou de loin. Et puis la démolition et
reconstruction d'une école comme à
Baril puis à Saint-Gérard, bien, c'est des contrats de 20 millions au total. C'est important qu'on puisse s'assurer d'avoir le temps de prendre connaissance des dossiers. Et,
en ayant un droit de vote, on est imputables, on est responsables de nos décisions, alors on se doit de
les avoir étudiées correctement et de pouvoir prendre des décisions qui
respectent les besoins des élèves et qui utilisent les fonds publics correctement.
M. Cloutier : Mais vous, vous le vivez au quotidien puis vous-même,
vous participez au comité. Mais illustrez-nous en quoi un parent qui
travaille à temps plein n'est pas en mesure d'exercer ce rôle de commissaire.
Mme Robinson
(Mélanie) : Bien, actuellement les représentants-parents, on est environ quatre soirs-semaine
plus cinq jours au bureau. Donc, on est...
M. Cloutier : Mais vous êtes là
durant le jour? Excusez-moi, je...
Mme Robinson
(Mélanie) : Oui, nous, actuellement... Moi, je suis présente cinq jours-semaine au bureau, là, de neuf heures à 17 heures, plus les soirs.
On va rencontrer les parents dans les écoles, on accompagne les parents, on est
là déjà à temps plein. Donc, on augmente la charge des parents.
M. Cloutier : Mais, quand vous
dites : On est là au bureau, vous avez un bureau à la commission scolaire?
Mme Robinson (Mélanie) : Oui,
oui.
M. Cloutier : Donc, vous
recevez les parents qui ont des doléances, des préoccupations, c'est ça?
Mme Robinson
(Mélanie) : Oui, il y a
des parents qui viennent nous rencontrer, d'autres que nous, on se déplace,
on va les rencontrer directement plus près de chez eux ou dans leurs écoles.
M. Cloutier : O.K. Donc, dans le modèle qui est proposé, vous ne
pensez pas que les parents pourraient jouer ce rôle-là s'ils exercent un
autre travail, c'est ça?
Mme Robinson (Mélanie) : On
parle de bénévolat. Donc, toutes les demandes qu'on reçoit, on ne pourra plus y répondre, on n'aura plus le temps pour y
répondre, en plus de connaître les dossiers. Et, si on veut avoir une voix en
tant que parents, il faut être présents là où les décisions se prennent. Si on
parle, par exemple, l'an dernier, des politiques transport et admission qui ont été modifiées à la
commission scolaire, bien, j'étais sur les deux comités de travail. Donc, la voix des parents peut être
apportée de cette façon-là. Puis le document qui a été présenté pour adoption
au conseil contenait les besoins des parents.
M. Cloutier :
Donc, vous avez peur que la nouvelle organisation scolaire devienne en réalité
davantage de l'ordre d'un conseil d'administration qui a à se pencher
sur des décisions qui ont déjà été réfléchies ailleurs.
Mme Robinson (Mélanie) :
Effectivement.
M. Cloutier : Et j'ai
l'impression aussi que vous allez être minoritaires comme comité de parents,
même si vous êtes probablement le
plus important comité de parents... Non, vous faites signe de la tête que non,
ça fait que peut-être qu'effectivement mes prémisses sont fausses. Je
peux vous écouter.
Mme Robinson (Mélanie) : En fait, actuellement, nous avons un représentant
dans la salle avec nous aujourd'hui,
du comité de parents de la commission scolaire de Drummondville, de la
commission scolaire des Chênes, si je ne me trompe pas, nous avons parlé
à des gens de Charlevoix, de l'Abitibi, du Saguenay—Lac-Saint-Jean, de Sherbrooke, des gens qui partagent notre position,
qui ne peuvent pas être ici aujourd'hui, mais qui nous appuient dans nos démarches et puis qui souhaitent également
être entendus, donc pourront peut-être l'être, mais qui partagent notre
position.
M. Cloutier :
Donc, vous, vous avez une opposition qui m'apparaît assez ferme, c'est le moins
que je puisse dire. Les conclusions
de votre mémoire sont sans ambiguïté. Tu sais, parce qu'en bout de course le
projet de loi a été présenté de
quelle manière, là? C'est d'assurer la présence des parents au sein des instances
décisionnelles de la commission scolaire. C'est le titre du projet de
loi, là.
Mme Robinson (Mélanie) : Oui. Bien, oui, les parents vont être présents,
mais à quel point ils vont être préparés pour prendre des décisions?
M. Cloutier : Donc, vous, c'est vraiment dans la mise en
oeuvre, donc sur la présence comme telle des parents. Donc, si je vous
ai bien compris, mais évidemment on n'a pas pu lire en détail, donc, pour le
droit de vote, vous êtes favorables?
Mme Robinson
(Mélanie) : Oui.
M. Cloutier :
Pour accroître la présence des parents aussi au sein du conseil, vous êtes
favorables?
Mme Robinson
(Mélanie) : Oui.
M. Cloutier : Plus, vous souhaitez continuer de pouvoir être
présents sur les différents comités de parents qui existent déjà pour
être en lien avec les autres parents qui s'impliquent, c'est ça?
Mme Robinson
(Mélanie) : Oui, exact.
M. Cloutier : O.K. Puis vous avez aussi l'impression que votre
position à vous n'est pas si minoritaire parmi les autres parents
ailleurs au Québec?
Mme Robinson (Mélanie) : Non. Juste les gens à qui on a réussi à parler
dans les quelques dernières semaines nous amènent déjà au moins cinq ou six
comités de parents de régions différentes qui pensent la même chose que nous.
M. Cloutier :
Peut-être céder la parole à ma collègue de Pointe-aux-Trembles. Merci.
Mme Rotiroti : Alors, Mme
la députée de Pointe-aux-Trembles, vous avez trois minutes et quelques secondes.
Allez-y.
Mme Léger : Eh, mon doux, merci. Alors, je frétille sur le
bout de ma chaise. Alors, excusez mon langage, là, j'ai eu une
opération, là ça va.
Alors,
moi, ce qui m'achale beaucoup, c'est qu'après deux ans du gouvernement en poste, là, il est en fonction, après deux ans puis neuf ans auparavant, là, on se retrouve où notre priorité est
prioriser l'éducation, qui est d'investir davantage
dans l'éducation, de préserver l'école publique, de la réussite
scolaire, qui est importante, de vos enfants, de nos enfants, davantage d'aide aux enfants en
difficulté, en situation particulière, plus démunis. Et je vois, moi, à la
commission scolaire
que je représente — et
la vôtre, d'ailleurs, parce que vous êtes sur mon territoire — et
la commission scolaire de la Pointe-de-l'Île, qui ne peut pas venir aujourd'hui... Elle voudrait bien, mais elle ne peut pas venir. Elle voudrait en
parler, des enfants handicapés puis des
enfants en situation particulière, valoriser les enseignants, soutenir
les enseignants, avoir davantage
de ressources pour nos enseignants, les orthophonistes, les orthopédagogues, le
soutien qu'on peut donner. C'est ça, dans le fond. C'est ça, l'urgence, actuellement.
Et
ce que le gouvernement, après deux
ans, nous présente sur la table, c'est un projet de loi de brassage de
structures où on est en train de
discuter aujourd'hui si vous allez avoir un petit peu plus de droits de vote ou
un peu moins, comment réajuster ça, il faudrait avoir un petit peu plus
de parents, moins de parents. C'est ça qu'on est en train de discuter aujourd'hui. Et, moi, le cri du coeur que je vous
lance et que je crois que vous allez lancer aussi, c'est que vous êtes au
coeur de l'éducation, les parents, et vous
l'exercez avec... Vous venez de nous faire la démonstration de tout le temps
que vous accordez, d'ailleurs, et
c'est de vos enfants qu'il s'agit, là. Alors, vous avez le ministre devant
vous, puis le nouveau ministre qui arrive devant vous.
Alors, c'est quoi, dans le fond, que vous pouvez
dire au ministre? Quelle est votre priorité comme parents? Au-delà du projet de loi n° 86 qu'on a
sur la table, là, votre priorité comme parents, qu'est-ce que vous voulez dire
au ministre,
qui va mieux vous aider à accompagner vos enfants et à ce que vos enfants
réussissent? C'est quoi que vous pouvez dire au ministre ce matin... cet
après-midi, ce soir, je ne sais plus quelle heure.
• (17 h 20) •
Mme Wagner (Julie) : Je pense que, les parents, ce qu'on veut vous
dire, c'est : Ce qu'on fait depuis presque un an déjà, nos chaînes
humaines devant nos écoles à chaque 1er du mois, qui demandent un
réinvestissement dans nos écoles, qui
demandent donc de protéger notre école publique... Parce que
ce qu'on est en train de parler aujourd'hui, il ne faut
pas l'oublier, c'est l'ouverture de la Loi sur l'instruction publique.
L'instruction publique, c'est fondamental. Et, en
ce moment, on est en
train de la saccager. Avec un projet de loi comme ça, on saccage la Loi sur l'instruction publique. Et le
droit de choisir nos décideurs en éducation. Donc, il ne faut pas oublier ça.
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Parfait, il vous reste 30 secondes, Mme la députée. On a bien
entendu votre cri du coeur.
Mme Léger : Ah! Je préfère qu'il réponde. Vous n'aurez pas
l'occasion, on a de la difficulté à rencontrer le ministre de l'Éducation. Alors, vous l'avez devant vous, là, je
vous le laisse.
Mme Robinson (Mélanie) : On comprend qu'on peut améliorer des choses. On
n'est pas fermés à un changement. Mais
il reste qu'on pense qu'on n'a pas besoin de se rendre jusque-là pour améliorer
les choses dans les écoles. Ce n'est pas ce qui va nous aider puis ce
n'est pas ce qui va faire réussir les élèves.
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup. On va aller au deuxième groupe de l'opposition,
et je cède la parole à Mme la députée d'Iberville pour une période de
cinq minutes et quelques secondes.
Mme Samson : Merci,
Mme la Présidente. Merci beaucoup. Mesdames, je suis assez étonnée par plusieurs de vos déclarations. On a parlé plus tôt du peu de participation des citoyens au vote aux élections scolaires. Donc, s'ils ne
se déplacent pas pour aller voter, de
toute évidence ils se déplacent pour aller se plaindre, puisque
vous les voyez de façon assez
assidue dans vos bureaux. Quand ils vont vous voir, ils vont pour se plaindre
de quoi? C'est-u du taux de taxe? C'est-u
des services? C'est-u de la bouffe? C'est-u des livres? C'est-u des notes des
enfants? Le prof, il s'en prend à mon petit gars, à ma petite fille?
C'est quoi, le genre d'échanges aussi soutenus que vous avez avec les parents?
Mme Robinson (Mélanie) : Mis à part le côté des taxes, c'est tout ça et plus
encore. Donc, que ce soit l'autobus scolaire, le transport, oui, un problème avec un enseignant.
Parfois, c'est juste une incompréhension, donc on les aide afin de se
comprendre et de régler leur problème.
Mais, quand on parle
du taux de participation, justement, ce qui est intéressant, c'est que j'ai des
parents qui étaient au départ tout à fait favorables à l'abolition des élus
scolaires et qui, une fois qu'ils ont reçu notre soutien, ont changé d'idée. Les parents qui viennent nous voir
nous mentionnent qu'ils ne comprennent pas l'utilité d'un commissaire scolaire jusqu'au moment où ils en ont besoin.
Donc, le vote, il est un droit, il n'est pas une obligation. Alors, les gens
qui choisissent de se déplacer pour aller
élire leurs représentants, on doit respecter ce choix-là. Ce qu'on nous
mentionne aussi et qu'on entend
souvent de la population, c'est : Il y a trop d'élections. Donc, si on est
tannés de se déplacer pour aller voter, en retirant une date d'élection
et non pas un palier démocratique, bien, on règle en partie ce problème-là.
Mme Samson :
Question très pointue, là. La CSDM, tantôt lors de leur présentation, nous a
dit que 52 % des enfants qui
fréquentent les écoles de la CSDM n'ont pas le français comme langue première.
On imagine que, s'ils ne l'ont pas, le parent ne l'a pas non plus.
Mme Robinson
(Mélanie) : Oui, effectivement.
Mme Samson :
Quelles sortes d'outils vous avez pour échanger avec les parents qui ne
maîtrisent pas la langue française?
Mme Robinson (Mélanie) : Malheureusement, ces gens-là, souvent, ont très
peur aussi de parler et ont peur de venir
nous voir. On a des parents qui nous ont appelés. Non, on n'a pas beaucoup de
ressources, effectivement, afin de traduire,
mais des parents nous appellent et refusent de dire leur nom, le nom de leur
école, le nom de leur enfant afin d'être assurés qu'il n'y ait pas de représailles. Donc, oui, il y a une chose
qu'on pourrait essayer d'améliorer, c'est comment rejoindre ces
parents-là afin de les aider et de leur donner le soutien dont ils ont besoin.
Mme Samson :
O.K. Je vous remercie.
La Présidente
(Mme Rotiroti) : Merci. Alors, M. le député de Chambly, il
vous reste trois minutes.
M. Roberge :
Je vais commencer par vous remercier pour votre formidable engagement. Je pense
que vous êtes vraiment, vraiment des
défenseurs de l'école publique, ça se sent à votre ton de voix. Puis
heureusement qu'on vous a. Une chance qu'on vous a, comme chanterait M. Ferland.
Une voix :
Une chance qu'on s'a.
M. Roberge : Oui, une chance
qu'on les a. Par contre, je m'étonne de votre formidable intérêt pour le palier
régional, alors qu'il me semble qu'en
grande, grande majorité, les parents que j'ai rencontrés dans mon cercle
d'amis, dans ma vie professionnelle
depuis que je suis député me parlent de leur école et veulent s'impliquer dans
leur école, et la place, c'est le
conseil d'établissement. Il y a, dans ce projet de loi qui a bien des défauts,
puis je vais y revenir souvent, quand
même quelques articles intéressants. Vous le mentionnez vous-mêmes à la
page 13. Vous dites que les articles 75.1 à 76, 77.1, 84, 85 de la loi sont modifiés de façon à
donner davantage de pouvoirs aux conseils d'établissement. Je comprends
que vous partagez avec moi cette perception. Est-ce que vous pouvez élaborer un petit peu sur ce que vous pensez du
conseil d'établissement et pourquoi
c'est important de renforcer les pouvoirs aux conseils d'établissement?
Mme Robinson
(Mélanie) : Bien, en fait,
on renforcit effectivement le pouvoir des conseils d'établissement sur les décisions leur permettant de les modifier
plutôt que seulement les approuver ou ne pas les approuver, mais ça reste
les mêmes décisions, au final. Mais, une fois
qu'on est dans une école, que ça ne fonctionne pas bien et que c'est à
l'intérieur de l'école que ça ne
fonctionne pas bien, qui on va voir? On va voir l'élu avec qui on peut aller
prendre un café au coin de la rue.
M. Roberge :
Je veux savoir tout de suite, donnez-moi un exemple, là, de quelque chose qui
ne fonctionne pas bien dans une école et que vous ne pouvez pas régler à
l'école, il faut absolument aller voir un élu, un exemple.
La Présidente (Mme Rotiroti) :
En une minute, Mme Robinson.
Mme Robinson (Mélanie) : Bien,
ne serait-ce qu'un enfant a besoin d'un service en particulier qui n'est pas disponible. La direction d'école va lui
répondre : Je ne l'ai pas, le service. Et j'appelle à l'administration,
bien, on ne peut pas me le donner. Donc, on va voir son élu, on lui
explique la situation de l'enfant et on peut voir est-ce qu'il y a des démarches autres qu'un protocole administratif qui
peut répondre aux besoins du petit être humain en développement qui est
sur la chaise.
La Présidente (Mme Rotiroti) :
En quelques secondes? Ça va?
M. Roberge : Non, merci.
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Alors on va passer la parole à
Mme la députée de Gouin pour une période de deux minutes.
Mme David
(Gouin) : Oui, merci, Mme la Présidente. Je pourrais ajouter, pour
fréquenter pas mal mon commissaire scolaire
comme députée de comté, qu'il y a mille et une raisons pour lesquelles des
parents font affaire aux commissaires scolaires, je pense aux problèmes de
transport scolaire, je pense à des problèmes d'expulsion d'élèves, je pense aux
problèmes des élèves sans-papiers. Vous ne
pouvez pas imaginer à quel point on découvre l'importance d'un commissaire
scolaire, comme on l'a dit déjà, une fois
qu'on en a besoin. En fait, c'est peut-être ça, ils sont un peu victimes de
cette situation-là.
J'aimerais
rappeler aussi, et ça n'a peut-être pas été dit suffisamment, qu'à la CSDM 10
des 13 commissaires élus sont
des parents, dans les faits, là, qui ont des enfants dans les écoles de la CSDM
en plus des quatre commissaires-parents. Donc, si le projet de loi vise à donner plus de pouvoirs aux parents, je
veux juste rappeler, puis ça ne doit pas être la seule région où ça se passe, qu'au sein des commissions
scolaires, du conseil des commissaires il y a déjà beaucoup de parents. Rapidement, je vais vous poser une question. J'ai
l'impression que la question porte, finalement, sur : Est-ce qu'on veut
confier aux seuls parents issus des comités
de parents locaux le soin de diriger les commissions scolaires ou si on veut
garder une place aux citoyens dans leur ensemble pour voter, en essayant
d'augmenter le taux de participation par un jumelage avec les élections
municipales? Il me semble que c'est ça, le coeur de la question.
La Présidente (Mme Rotiroti) :
En quelques secondes.
Mme Wagner
(Julie) : Exactement, c'est
le coeur de la question. En fait, nous, ce qu'on dit aussi, c'est :
L'école n'appartient pas aux parents des enfants qui la fréquentent,
l'école appartient à la société et aux citoyens.
Mme David (Gouin) : Voilà le
grand débat philosophique qui va nous animer pendant quelques semaines.
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Merci, Mme la députée de
Gouin. Alors, Mme la députée d'Arthabaska, vous disposez de deux minutes
aussi, allez-y.
Mme Roy
(Arthabaska) : Merci, Mme la Présidente. Moi, ce qui m'étonne,
là, c'est qu'on a seulement deux groupes d'entendus, là, la commission scolaire et le comité de parents, les deux
sont des entités différentes qui vivent dans un même milieu, qui se côtoient et les deux sont en
désaccord avec le projet de loi avec assez de fermeté. On considère que c'est
du mur-à-mur. On considère également que
c'est confier peut-être trop de pouvoirs à des personnes qui ne disposent pas des moyens pour les utiliser, pas nécessairement de la
volonté, mais des moyens. Pensez-vous qu'avec un nouveau ministre on devrait
avoir un nouveau projet de loi?
Mme Robinson (Mélanie) : Bien, en
fait, je pense que je vais avoir confiance dans M. le ministre pour qu'il
écoute la voix des citoyens et puis
qu'il s'assure que ce projet de loi, une fois qu'il sera adopté, réponde
réellement aux besoins des élèves,
aux besoins des parents et s'assure de la réussite des élèves. Donc, si on peut
modifier des choses, tout à fait, mais il faut que les modifications
soient là dans le but d'améliorer le système et non pas de le modifier
entièrement.
La Présidente
(Mme Rotiroti) : Oui, il vous reste encore quelques
secondes, Mme la députée, allez-y.
Mme Roy
(Arthabaska) : Ah! mais il y a une autre chose qui m'a fait
sursauter. Vous me parlez d'une construction d'une école qui a coûté 20 millions de dollars alors qu'on se gargarisait
d'investir 30 millions dans l'éducation lors de la dernière...
voyons, du dernier relevé économique. C'est franchement disproportionné.
• (17 h 30) •
Mme Robinson (Mélanie) : En fait, c'est sûr que les cas des écoles Baril
et Saint-Gérard sont très particuliers, des écoles qui avaient de la moisissure de tous bords et tous côtés de
leurs écoles, donc on avait l'obligation de les démolir et de les reconstruire. Et, oui, là, au final, les
budgets sont autour de 20 millions. Mais on a déjà encore quatre écoles qui
sont en attente, et que les écoles ont été
vidées, les enfants sont déplacés, et ça
va coûter environ 10 millions de dollars pour faire les
rénovations à chaque école.
La Présidente
(Mme Rotiroti) : Merci beaucoup.
Mme Roy
(Arthabaska) : Le mot qui m'échappait c'est «mise à jour économique».
La Présidente
(Mme Rotiroti) : Merci beaucoup. Merci beaucoup pour votre
contribution aux travaux de la commission.
Je
suspends quelques instants afin de permettre à M. Égide Royer, professeur
à la Faculté des sciences de l'éducation de l'Université Laval, de
prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à
17 h 31)
(Reprise à 17 h 32)
La Présidente (Mme Rotiroti) :
Oui, je vous demanderai de prendre place, s'il vous plaît. Merci.
Alors,
je souhaite la bienvenue à M. Égide Royer, professeur à la Faculté des
sciences de l'éducation de l'Université Laval. Merci d'être parmi nous
ce soir.
Je
vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour faire votre exposé, et
ça se suivra par une période d'échange avec les élus. Alors,
M. Royer, la parole est à vous.
M. Égide Royer
M. Royer
(Égide) : Mme la Présidente, M. le ministre et membres de la
commission, compte tenu des défis auxquels le Québec est actuellement confronté
en éducation, ce mémoire porte précisément sur la question suivante : Dans quelle mesure le projet de loi n° 86
est-il susceptible d'améliorer la persévérance et la réussite scolaire des jeunes
québécois?
La
réussite scolaire au Québec. Et toutes les données que je vais donner ne sont
pas des études, mais des données officielles du ministère de
l'Éducation. Un des indicateurs fiables utilisés pour déterminer l'efficacité
d'un système éducatif est la proportion des
élèves d'une cohorte qui obtiennent un diplôme du secondaire dans les temps
prévus. Au Québec, le taux de
diplomation de la cohorte de 2009, après cinq années passées au
secondaire, est de 73,3 % pour les filles et de 61,5 % pour les gars. Après 7 ans, la cohorte de
2007, ce taux passe à 83 % pour les filles et à 72,5 % pour les
gars. Je vous demande de porter attention.
Ces dernières données, néanmoins, incluent les qualifications qui ne sont pas
des diplômes du secondaire à proprement dit,
mais plutôt des attestations décernées à des jeunes en grandes difficultés
scolaires. Les garçons reçoivent deux fois plus fréquemment ce type de
qualification — au-dessus
de 5 % — que
les filles — environ
2,7 %.
Pour
me résumer, soustraction faite de ces qualifications, force est de constater
qu'au Québec un garçon sur trois et
une fille sur cinq ne possèdent aucun diplôme du secondaire — diplôme d'études professionnelles ou
générales — après
sept années de fréquentation scolaire.
La
situation des élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage, les EHDAA,
est encore plus préoccupante. En 2001‑2012,
46,8 % de ces jeunes avaient abandonné l'école sans aucun diplôme et
aucune attestation, soit un taux près de trois fois plus élevé que celui
de l'ensemble des élèves du Québec. Nous consacrons, comme collectivité,
environ 2 milliards par année aux
services particuliers offerts à ces élèves. Les résultats, de toute évidence,
ne sont pas à la hauteur de nos efforts.
Comme le
soulignait le Vérificateur général dans son rapport de l'automne 2014
concernant la diplomation des moins
de 20 ans, le Québec a besoin — et c'est, à mon avis, urgent — d'une vision intégrée et à long terme de
l'amélioration de
la persévérance et de la réussite scolaire, il n'y a qu'à comparer nos taux de
diplomation à ceux des provinces voisines pour s'en convaincre. Je ne suis pas le premier à faire état de cette
situation, pourtant nous semblons, au Québec, en ce qui a trait à l'échec scolaire et à la
sous-scolarisation, particulièrement celle des garçons, avoir développé une
tolérance à l'intolérable. Nous sommes pourtant en train de sérieusement
miner notre avenir collectif.
Ce projet de
loi peut-il nous aider à corriger la situation? Michel, six ans, présente un
retard en lecture; Julie, 13 ans, est
en échec scolaire en deuxième secondaire; Pierre, 16 ans, est un
analphabète fonctionnel qui est sur le point de décrocher et d'aller rejoindre ce groupe de 50 % des
jeunes adultes qui peinent à comprendre ce qu'ils lisent. Ils sont nombreux,
trop nombreux au Québec à être dans la situation de ces trois élèves. Dans
quelle mesure les modifications proposées dans
ce projet de loi augmenteraient-elles la probabilité qu'ils persévèrent et
réussissent à l'école? Est-ce que, pour ces jeunes, de fréquenter une école qui relèvera maintenant d'une commission
scolaire gérée par un conseil scolaire plutôt que par un conseil des
commissaires fera une différence? Je ne le crois pas.
Ce projet de
loi prévoit que chaque commission scolaire établisse — j'ouvre les guillemets — «un plan d'engagement vers la réussite en tenant compte des orientations
stratégiques et des objectifs de même que de la période du plan stratégique du ministère conformément aux
modalités prescrites — fermez les guillemets». Est-ce que la composition du conseil scolaire fera en sorte que
ce plan — et je
vais le répéter souvent — respecte davantage les politiques et les pratiques
reconnues comme les plus efficaces en éducation? Dans l'état actuel des choses,
j'en doute.
Près de
20 % des élèves au Québec sont identifiés comme handicapés ou en
difficulté d'adaptation et d'apprentissage, les EHDAA. Pour eux, l'enseignement est nécessaire mais non suffisant.
Ils doivent absolument pouvoir compter sur des services professionnels
pour réussir à l'école. Le taux de décrochage mentionné précédemment illustre
de manière éloquente que ce n'est
actuellement pas toujours le cas. Le comité de répartition des ressources
proposé par le projet de loi va-t-il
améliorer la situation? Rien n'est moins certain. Ce problème relève, à mon
avis, davantage du choix et de la rareté des ressources que de la
gestion actuelle des commissions scolaires.
Revenons à la situation de Michel, Julie et
Pierre. Sont-ils plus susceptibles de réussir s'ils fréquentent une école où la direction et les enseignants basent
leurs interventions éducatives sur les données probantes et les pratiques
exemplaires en éducation? J'en suis convaincu. C'est ce que font les meilleurs
systèmes éducatifs.
Quelques exemples. Dans les excellents réseaux
scolaires, les interventions préventives, entre autres en petite enfance, sont considérées comme très importantes
pour favoriser la réussite scolaire. Elles reposent sur des liens fonctionnels
établis, entre autres, entre les garderies
et les écoles, tout particulièrement pour les jeunes à risque et ceux qui
présentent des besoins particuliers.
Les décideurs et les éducateurs de ces pays, de ces États et de ces provinces
ont compris que 1 $ en prévention
permet de sauver 6 $ en intervention. Ils agissent en conséquence. Dans
les écoles de ces systèmes scolaires, on
effectue un suivi systématique des lecteurs débutants. Du personnel spécialisé
intervient rapidement auprès de ceux qui
présentent des difficultés. On ne laisse pas les jeunes prendre du retard.
L'enseignement explicite est privilégié. Ces milieux scolaires accordent également un suivi intensif et du mentorat à
ceux qui entrent malgré tout à l'école secondaire avec des retards
d'apprentissage, des problèmes de comportement ou d'autres types de
difficultés.
• (17 h 40) •
La place de
l'éducation au Québec : des choix à faire. La priorité en éducation au
Québec n'est pas, à mon avis, de
modifier l'organisation et la gouvernance des commissions scolaires, mais bien
de reconnaître tout d'abord l'éducation comme la plus importante mission de l'État et de se donner ensuite un
plan global de réussite scolaire basé sur les données probantes et les
pratiques exemplaires. Suivez-moi bien.
Trop de
décisions éducatives au Québec sont prises en se basant sur des mythes
pédagogiques et des connaissances erronées par des décideurs, des
formateurs, des éducateurs et des parents qui, malgré toute leur bonne volonté,
trop souvent, ne savent pas qu'ils ne savent pas. L'échec de la dernière
réforme scolaire et le peu d'effets des nombreuses initiatives pour contrer le décrochage scolaire en sont des exemples
éloquents. Il en est ainsi de la surévaluation de l'effet sur la
réussite scolaire des programmes d'aide aux devoirs, de la diminution du nombre
d'élèves par classe ou de la pondération des élèves de l'adaptation scolaire
selon le type de leur handicap dans la convention collective.
Néanmoins, si
la décision gouvernementale est d'apporter d'abord des modifications
législatives avant de mettre en oeuvre un plan global de la réussite
scolaire, cinq mesures me semblent absolument essentielles, entre autres pour
rattraper le retard qu'on a sur quelques provinces canadiennes présentement.
Premièrement,
nous devons cesser d'improviser en éducation. Le ministère de l'Éducation, de
l'Enseignement supérieur et de la
Recherche doit prendre comme référence, dans l'élaboration de ses politiques et
de ses règlements, les données
probantes et les pratiques exemplaires. Il doit également jouer un rôle, en
cette matière, de diffusion des connaissances
auprès des commissions scolaires, des écoles et des parents. C'est pourquoi je
considère nécessaire, comme l'ont déjà proposé plusieurs collègues, que soit
prévue, dans le projet de loi, la création d'un institut national en éducation.
Deuxièmement,
il est plus facile de construire des enfants forts que de réparer des adultes
brisés. La Loi de l'instruction
publique doit faire en sorte que les milieux scolaires soient dans l'obligation
d'intervenir très tôt auprès des jeunes
enfants qui présentent des besoins particuliers. Pour ce faire, il est
nécessaire que le ministère et les écoles établissent des liens
fonctionnels avec des institutions qui offrent des services à la petite enfance
pour favoriser la prévention et l'intervention
précoce, particulièrement au niveau du langage et du comportement. Enfin, la
loi doit être modifiée de manière à permettre à tous les enfants de
fréquenter la maternelle dès l'âge de quatre ans, tout comme en Ontario.
Troisièmement,
la qualité d'un service éducatif ne peut être supérieure à celle de ses
enseignants. Le Québec doit augmenter
les exigences académiques pour être admis en faculté d'éducation et consacrer
l'enseignement comme activité relevant
d'un ordre professionnel, qui devrait en élaborer, entre autres, les normes
d'exercice et de déontologie. L'obtention d'un diplôme de deuxième cycle
doit devenir obligatoire, à mon point de vue, pour exercer le métier ou la
profession d'enseignant.
Quatrièmement, une société doit exprimer
clairement des attentes élevées en ce qui a trait à la réussite scolaire
et à l'importance de l'éducation. La Loi de
l'instruction publique doit être modifiée pour rendre la fréquentation scolaire
obligatoire jusqu'à 18 ans ou
l'obtention d'un des diplômes du secondaire. Pour qu'un élève puisse abandonner
l'école avant cet âge, ses parents
devraient en faire la demande au ministre afin d'obtenir une dérogation à cet
effet, comme c'est le cas depuis au
moins 2002 dans au moins 16 États américains, et c'était déjà le cas dans
au moins trois provinces canadiennes.
Cinquième
et dernière recommandation : toutes les écoles doivent contribuer au
développement de tous les jeunes. Le
ministère doit faire de la réussite du plus grand nombre une exigence partagée
autant par les écoles privées, que les écoles
secondaires publiques à projets pédagogiques particuliers, que par les autres
écoles publiques. Pour atteindre cet objectif, tous les élèves du
secondaire handicapés ou en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage doivent
pouvoir fréquenter les écoles privées ou à
projets pédagogiques particuliers. Des modifications à la Loi de l'enseignement
privé et aux règles de financement
qui gèrent les 2 milliards par année accordés aux élèves en difficulté
sont ici nécessaires.
En
conclusion, les pays où les jeunes réussissent le mieux à l'école sont ceux
qui, entre autres, expriment des attentes élevées, maintiennent un haut sens des responsabilités quant aux
résultats et considèrent l'éducation comme l'élément le plus important
de leur histoire actuelle et de leur avenir. Au Québec, il est tout à fait
réaliste de concevoir qu'au moins 85 %
des garçons et 90 % des filles puissent, à l'âge de 20 ans, être
détenteurs d'un des diplômes du secondaire. Pour qu'il en soit ainsi, il
est essentiel que la réussite scolaire devienne dès maintenant le premier et le
plus important chapitre de notre récit collectif.
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup, M. Royer.
Alors, on va débuter la période d'échange, et je cède la parole au
ministre pour une période d'environ 13 minutes.
M. Moreau :
13 minutes? Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Royer, de vous être
déplacé pour nous faire connaître votre
opinion sur, notamment, le projet de loi n° 86. Mais ce qui me frappe dans votre approche, c'est
que vous abordez les travaux de la commission
en disant : Bien, le projet de
loi n° 86, il ne réglera pas
tout. Moi, je vais vous le confesser tout de suite, vous avez probablement raison. Le projet de loi n° 86, il
ne corrigera pas tout, mais le gouvernement
ne se limite pas à l'étude du projet de loi n° 86.
Vous
avez parlé d'un plan national. Vous savez, dans la mise à jour économique
que le ministre des Finances a faite, nous
avons parlé de réinvestissement. Et, j'étais frappé, dans votre mémoire on
parle notamment d'intervenir tôt auprès des jeunes, les enfants qui présentent des besoins
particuliers, et vous parlez de la maternelle quatre ans. Bien, dans la
mise à jour économique, le réinvestissement de 80 millions dont on
parle comprend une accélération de l'implantation de la maternelle
quatre ans à temps plein en milieu défavorisé.
M. Royer
(Égide) : ...
M. Moreau : Alors, bien, ne dites pas non. Je vous vois dire
non, mais c'est ça, là. Alors, en réalité, il y a
d'autres intervenants avant vous qui sont arrivés puis qui nous ont
dit : Bien, le projet de loi
n° 86, ça ne réglera pas tout. C'est vrai. Mais on est capables de
travailler sur plus d'un plan à la fois. Et le premier élément sur lequel on a
travaillé, au gouvernement du Québec, ça a été de se redonner la marge de
manoeuvre financière nécessaire pour être capables de réinvestir notamment en éducation. Et aujourd'hui ce que je disais en
réponse aux questions du député de Lac-Saint-Jean, qui, lui, nous disait : Bien, on doit avoir
un plan national puis investir en persévérance scolaire à la hauteur de
100 millions, bien, moi, je lui
dis : Cette année, nous investissons 215 millions avec les éléments
additionnels donnés dans la mise à jour économique. Ça, c'est de l'aide individualisée, c'est des écoles
primaires et secondaires en milieu défavorisé, c'est les saines
habitudes de vie, c'est la formation professionnelle des jeunes et des adultes,
c'est l'embauche de conseillers pédagogiques.
D'ailleurs, dans ces éléments du 215 millions, on parle de
464 enseignants de plus, 107 enseignants orthopédagogues, 55 professionnels, des
orthophonistes, des psychologues, 182 employés de soutien, des techniciens
en éducation spécialisée et en soutien aux enseignants. En réalité...
La
Présidente (Mme Rotiroti) : ...couper la parole au
ministre, là. Il voudrait répondre. Vous allez avoir votre chance de
pouvoir répondre, M. Royer, ne vous inquiétez pas.
M. Moreau :
Non, non, mais je vais vous donner ça. Et, quand on regarde l'investissement en
réussite et en persévérance scolaires au
cours des quatre dernières années, on a atteint cette année, en 2015‑2016,
215,4 millions, ce qui est un montant sans précédent depuis la
constitution du ministère de l'Éducation.
Alors,
oui, si on regarde de façon isolée le projet de loi n° 86, on dit :
Bien oui, mais ce n'est pas assez, il y a d'autres choses qu'on doit
faire. On dit : Oui, on va faire autre chose aussi en même temps.
Alors,
je vous donne maintenant la possibilité d'intervenir, mais de nous dire :
Écoutez, oui, quand vous estimez que le
gouvernement doit aussi investir, on est d'accord avec vous. Et, pour être
capables d'investir, il faut d'abord se donner des marges de manoeuvre, et c'est ce que nous avons fait. Vous avez la
mise à jour économique, vous avez l'engagement du premier ministre de le faire, puis aujourd'hui, notamment, c'est les
travaux que nous abordons, c'est de regarder un projet de loi qui, lui, vise à mettre les parents et les enseignants au
coeur des préoccupations que nous avons pour les écoles.
La Présidente
(Mme Rotiroti) : M. Royer.
• (17 h 50) •
M. Royer (Égide) : M. le ministre, moi, je suis ici pour témoigner
de l'état actuel des connaissances à la lumière de l'ensemble des travaux que j'ai menés, à la lumière des
40 dernières années d'expérience que j'ai dans le réseau. Vous savez, on ne dépense pas
n'importe comment en éducation et on ne coupe pas n'importe comment en
éducation. Il faut absolument avoir
comme grille pour prendre des décisions ce qui correspond aux pratiques
exemplaires puis aux données probantes.
Les données probantes — et c'était le sens de mon «non» de tout à l'heure, là — si vous limitez l'intervention ou les
maternelles quatre ans en milieu défavorisé, vous allez avoir peu d'impact
sur la réussite scolaire. Les données probantes
nous disent que — puis
entre autres la ville New York est en train d'implanter ça, mais surtout
l'Ontario l'a implanté déjà depuis un
bout de temps — si vous
voulez avoir un impact réel sur la réussite scolaire dès l'âge de quatre ans,
cinq ans pour l'ensemble des jeunes, vous
vous devez d'intervenir par rapport, entre autres, au développement même de la
connaissance des lettres, des sons et de la lecture en maternelle
quatre ans et cinq ans.
Moi,
je n'ai pas de problème que le gouvernement — au contraire — dépense davantage, mais, si vous ne tenez
pas compte des données probantes et si les
dépenses, comme dans le passé, sont
d'enlever un élève par classe dans toutes les classes du Québec en disant : Ça va améliorer la réussite
scolaire ou d'autres types d'intervention de cette nature-là...
Quand
je recommande un institut national en éducation, c'est pour être en mesure d'avoir un organisme
neutre qui va conseiller autant les intervenants scolaires que le ministère
par rapport à qu'est-ce qu'on sait qui fonctionne en éducation. Quand je rappelais qu'on a une réforme scolaire qui a posé un
bon nombre de problèmes, quand je rappelle qu'on a une différence d'environ 15 points sur les taux de réussite
avec l'Ontario puis avec d'autres provinces où les taux de réussite scolaire sont élevés, c'est que je ne
fais que témoigner des pratiques exemplaires. Moi, je n'ai pas de problème avec ça. Mais le soleil se lève à l'est par
rapport à ce qu'on sait qui fonctionne. Et présentement je n'ai pas pris
position sur la représentation des
parents, sur le contenu, sur la mécanique de la loi. Je ne prendrai pas
position. Tout ce que je vous dis,
c'est qu'il faut absolument... Si les gens ne sont pas mieux éclairés en
fonction de ce qu'on sait qui fonctionne en éducation, on va arriver au
même résultat, qui sont des résultats très faibles, présentement.
La Présidente
(Mme Rotiroti) : Merci. M. le ministre.
M. Moreau :
Oui. Quand vous dites que, si les gens ne sont pas mieux éclairés, selon vous,
alors le jugement très dur que vous
portez à l'égard du ministère de l'Éducation, c'est que le ministère de
l'Éducation, il ne tient pas compte des données probantes. C'est ça que
vous nous dites?
M. Royer
(Égide) : Dans un certain nombre de dossiers, le ministère de
l'Éducation ne tient pas compte des données probantes, dans le cadre même
des...
M. Moreau :
Comme lesquelles?
M. Royer (Égide) : L'intervention au niveau du préscolaire
quatre ans pour l'ensemble des jeunes, le fait que, depuis longtemps, on aurait dû avoir une intervention et des liens
fonctionnels d'établis entre les services
de garde, entre les garderies et les CPE pour une intervention directement des milieux scolaires dans les services
de garde par rapport aux gens en grandes difficultés.
Vous avez un petit bonhomme de quatre ans qui est en garderie ou en CPE qui a
des problèmes de langage, une année plus
tard il va arriver dans votre école,
et présentement on a encore un genre de coupe-feu entre...
Avant cinq ans au 30 septembre, ça relève du social; après, ça relève du
scolaire.
Une
donnée probante, là, c'est une intervention qui a été appliquée dans plusieurs
endroits, qui donne sensiblement les mêmes résultats lorsqu'elle est
appliquée comme il faut. Les données probantes nous disent qu'il faut
intervenir beaucoup plus rapidement. Et ça, je vous dis, moi, je n'ai aucune espèce d'orientation politique là-dedans, je ne fais que témoigner de l'état actuel de la recherche dans le domaine. Je vous
le dis, puis ça n'a pas rapport avec qui va être élu par qui et comment ça va être géré, je vous dis que le
passage obligé à la question qu'on m'a posée. Qu'est-ce que ça prend?
Est-ce que ce projet de loi là va améliorer la réussite scolaire? Vous devez absolument,
nous devons absolument, comme société,
cesser d'improviser en éducation
et aller par rapport aux éléments qui apparaissent les plus solides en termes d'intervention.
M. Moreau :
Mais, quand on vous dit, par exemple, que les... Et d'ailleurs la mise à
jour économique, je pense que c'était assez clair dans la présentation
qu'a faite le ministre des Finances, en disant : C'est un premier pas. On augmente les investissements pour assurer la
réussite scolaire. Vous dites essentiellement aujourd'hui : Ce n'est pas
une mauvaise idée, mais faites attention à la façon dont vous allez
investir cet argent-là pour tenir compte des données probantes. C'est ça que je
comprends.
M. Royer (Égide) : Ce que je vous dis, c'est qu'on a des méta-analyses qui disent que vous
ne faites uniquement... Une
méta-analyse, c'est l'ensemble des études sur un domaine donné qu'on a
intégrées. Uniquement ajouter de l'argent en éducation ne change rien. Écoutez, je vais être très
clair, M. le ministre, on dépense 2 milliards en adaptation
scolaire. Vous me posez la question : M. Royer, est-ce que ce serait une bonne idée de rajouter 100 millions de plus? Bien, je vais vous dire non. Tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas, en termes de services et en termes de formation des enseignants puis de services dans les milieux scolaires, quelque chose qui tienne la route en
fonction des données probantes en ce qui concerne l'autisme, en ce qui concerne la prévention des retards de
lecture, ça ne sert à rien de réinvestir de l'argent avant qu'on ait au moins ces données-là pour nous
guider, qu'on soit enseignant, direction d'école, ministre ou fonctionnaire.
M. Moreau :
Mais il ne peut pas être nécessairement mauvais de dire : On augmente le
nombre d'orthopédagogues dans le
milieu scolaire. Bien, je comprends, là, que les données probantes, c'est de
dire : Écoutez, on va regarder ce qui s'est fait à plusieurs endroits, de la même façon, avec les meilleurs
taux de réussite, mais, quand on dit qu'on augmente les orthophonistes
et les psychologues, les enseignants orthopédagogues, ça ne peut pas être un
mauvais départ.
M. Royer
(Égide) : Je vais compléter
votre phrase : Nous augmentons les orthopédagogues et les orthophonistes
pour cibler de manière prioritaire les
enfants de quatre, cinq et six ans qui ont des retards de lecture ou des
problèmes de langage. Sinon, moi, orthopédagogue...
Écoutez, j'ai
travaillé 10 ans dans une commission scolaire, entre autres choses, et au
ministère, un peu partout. Si l'école
Sainte-Marie X a un demi-poste de plus d'orthopédagogue cette année suite à des
injections... Il y a 14 classes dans l'école Sainte-Marie X. L'orthopédagogue va être en
mesure de consacrer cinq à six minutes de plus par semaine ou 15 minutes de plus par semaine au jeune qui a
un problème de lecture. Il y a un seuil à atteindre
avant d'avoir un effet.
Je vous dis,
j'ai tellement vu, depuis le milieu des années 80, la roue tourner et
tourner en rond parce qu'on ne collait pas ce qui apparaissait les
éléments les plus importants qui tenaient la route. Tout le monde a son opinion
en éducation, mais — en tout cas, je parle pour l'adaptation scolaire — on ne peut pas y aller d'un budget de 2 milliards en disant : Bien, aimez
l'enfant et il va se développer. Il faut vraiment être au fait des
pratiques exemplaires. Et le nombre de
jeunes adultes analphabètes au Québec qui ont été à l'école, ça n'a ni queue ni tête. Il faut véritablement revenir en arrière et... Je
vous encourage à dépenser en éducation, on se comprend bien, là? Mais, dans
votre grille pour vous guider, il y a certains endroits où, vraiment, 1 $
de prévention permet de sauver 6 $ d'intervention.
M. Moreau : Bon, alors
dites-moi... Il nous reste du temps?
La Présidente (Mme Rotiroti) :
Oui, rapidement, il reste une minute, M. le ministre.
M. Moreau : Une minute?
Bon. Alors, dites-moi, vous dites : Oui, augmenter l'investissement en
éducation, mais le faire aux bons endroits en suivant les meilleures pratiques,
c'est ça?
M. Royer
(Égide) : Cibler avec les
meilleures pratiques. Et les meilleures pratiques impliquent que vous allez
devoir revoir les sommes immenses, énormes
qu'on donne sur l'aide aux leçons ou aux devoirs. Vous allez devoir revoir,
on va devoir revoir, comme communauté, certaines mesures qui ont peu d'impact.
Je réfère, entre autres, le ministère là-dessus
et souvent aux travaux de Hattie, John Hattie, qui joue un rôle de consultant
pour plusieurs systèmes scolaires, qui a évalué l'impact de certaines
mesures en éducation. Et certaines mesures, même, ont des aspects négatifs. Le redoublement, la contribution du redoublement à la
réussite scolaire, je suis avec un effet négatif; la grosseur d'une classe
sur l'impact sur la réussite scolaire, très
faible quand vous jouez avec un ou deux élèves. Mais la qualité de
l'enseignement et l'idée d'appliquer ce qu'on connaît comme étant les
pratiques exemplaires, là, ça devient quelque chose d'important.
La Présidente (Mme Rotiroti) :
Merci.
M. Moreau : Alors, sans
vous... Oui, je n'ai pas même une...
La Présidente (Mme Rotiroti) :
Oui, trois secondes.
M. Moreau :
Merci beaucoup. Et je constate que votre intervention est très peu liée au
projet de loi n° 86, mais à l'ensemble de l'oeuvre en disant :
Le projet de loi n° 86, ça ne réglera pas tout.
M. Royer
(Égide) : J'ai reçu
l'invitation à titre de spécialiste de la réussite scolaire et de la
persévérance scolaire et non pas à titre de spécialiste de la
représentativité d'un organisme, on se comprend bien? Il n'y a pas de...
La Présidente (Mme Rotiroti) :
Merci beaucoup, M. Royer. Alors, on va poursuivre du côté de l'opposition
officielle. M. le député de Lac-Saint-Jean, vous avez huit minutes.
M. Cloutier :
Bien, je vous remercie, Mme la Présidente. D'abord, je tiens à remercier le
gouvernement dans le choix de ses intervenants aujourd'hui. C'est
incroyablement éclairant.
M. Royer,
vous vous êtes déplacé aujourd'hui en commission parlementaire, puis je tiens à
vous remercier, parce que, dans le
fond, ce que vous nous dites, c'est que c'est bien beau, là, la réforme de
structures que le gouvernement nous propose,
mais, en réalité, on n'est pas sur les bons picots, là. Ce qui devrait être
prioritaire, au Québec, puis guider notre action, c'est la réussite scolaire de nos jeunes. Puis vous, vous êtes
un des plus grands experts qu'on a au Québec sur la réussite scolaire, vous arrivez ici avec des
propositions concrètes pour augmenter notre taux de diplomation, ce que vous
nous dites, c'est qu'on doit intervenir dans
le préscolaire, on doit intervenir en bas âge, identifier les problèmes,
essentiellement, de lecture, miser
sur les ressources particulièrement pour nos jeunes pour, en bout de course,
faire quoi? Augmenter notre taux de diplomation. Vous mettez le doigt
sur le bon picot.
Quand vous faites la distinction entre
l'obtention d'un diplôme d'études secondaires, et la qualification, et la certification; quand vous faites la séparation
entre l'école publique et l'école privée, le problème qu'on a, au Québec, c'est
qu'on mélange tous ces chiffres-là ensemble,
puis, à la fin, on est fiers de dire : Bien, finalement, en bout de
course, en bas de 25 ans, on
finit par être pas si pires que ça. Le problème, c'est qu'on prend nettement
plus de temps qu'ailleurs, et
particulièrement en Ontario, pour obtenir notre diplôme d'études secondaires.
C'est ça que devrait être la priorité du gouvernement et c'est là-dessus
qu'on devrait discuter.
Ce qu'on
devrait faire en commission parlementaire, c'est des gens comme vous à qui on
doit donner la parole, et entendre l'expertise du milieu, et, oui,
discuter ensemble des études... pas métaphysiques...
M. Moreau :
C'est l'emportement.
• (18 heures) •
M. Cloutier :
C'est l'emportement. Alors, ce que j'essaie de dire, c'est qu'il y en a, des
pistes de solution, et notre voisin
ontarien, je pense, doit être une source d'inspiration pour nous. Lorsqu'on a
décidé de cibler des groupes d'intervention dans les écoles en difficulté au Québec puis qu'on a décidé d'aider les
jeunes, parce qu'il y avait justement une équipe, à l'intérieur des écoles, qui était capable
d'identifier les élèves qui étaient plus susceptibles que les autres de
décrocher, bien, on vient d'en
sauver, des jeunes. Puis, l'Ontario, c'est le choix qu'ils ont fait il y a déjà
plusieurs années quand ils ont décidé d'offrir des services de
professionnels aux bas âges.
On
discutait tantôt de services d'orthopédagogie, M. le ministre, dans la
commission scolaire de Lac-Saint-Jean, il n'y a qu'un seul orthophoniste
pour 6 500 élèves. Je pense que tout le monde convient que ça
n'a juste pas de bon sens. Comment qu'on peut laisser tomber nos enfants
qui ont des problèmes du langage, qui sont laissés à eux-mêmes? Comment expliquer que les liens entre l'éducation et le système de santé...
Parce qu'il faut comprendre que nos tout-petits de trois, quatre ans qui ne
sont pas encore dans le réseau de l'éducation sont d'abord
et avant tout pris par le réseau de
la santé, mais il y a
un sérieux problème de transfert des connaissances entre le réseau de la santé et le
réseau de l'éducation. Comment
qu'on explique que le ministre annonce des maternelles quatre ans ou
davantage de maternelles quatre ans, mais, du même souffle, on est en train de les couper de 120 millions au moment où on se parle? On devrait discuter aujourd'hui, en assemblée, du programme éducatif de nos tout-petits, des trois,
quatre, cinq ans dans les CPE pour assurer une meilleure transition à
l'école primaire.
Moi,
je veux vous remercier parce que vous pavez la voie à un véritable débat sur
les vrais enjeux, à mon point de vue,
qui sont fondamentaux pour la réussite de nos jeunes. Puis je sais que vous
faites souvent référence, là, à John Hattie. Ça serait intéressant, je pense, d'entendre d'autres intervenants que
vous sur ces enjeux que sont la réussite scolaire. Mais, au Québec, M. le ministre, ce que ça nous prend,
c'est une politique sur la réussite de nos jeunes, une politique nationale.
Je vais vous céder la parole. Vous aurez
compris que je suis dans le discours, mais ça vient particulièrement me
chercher parce que je suis convaincu que c'est ça, la priorité pour le
Québec.
La Présidente
(Mme Rotiroti) : Oui, M. Royer.
M. Royer
(Égide) : Le rapport du Vérificateur général de l'automne 2014,
j'invite tous les membres de la commission à
jeter un coup d'oeil là-dessus, puis ça va dans le sens de notre discussion de
tout à l'heure, notre échange de tout à l'heure, l'ensemble des mesures qu'on a
mises sur pied depuis 10 ans au niveau de la réussite scolaire au Québec, c'est comme verser de l'eau dans le sable.
Vous me suivez? Il faut absolument beaucoup mieux cibler en fonction de ce qu'on a, des données probantes, etc. Parce
que j'ai à travailler dans toutes les provinces canadiennes, j'ai à travailler
en Europe aussi, mais surtout au niveau des autres provinces canadiennes.
L'Ontario a un des 20 meilleurs systèmes éducatifs au monde. Quand je
jette un coup d'oeil sur les 10 meilleurs États américains avec des taux
d'obtention du «high school» de 88 %,
89 %, 90 % — je pense à l'Iowa, entre autres — à un moment donné, il y a des ingrédients,
il y a des éléments qui font que la
sauce prend. On n'a pas les moyens, comme société, de commencer à tirer un peu
partout en termes de mesures, mais il
y a des interventions qui sont plus payantes que d'autres, d'où la référence à
l'Ontario. Parce que, j'ai
six ans, ma probabilité d'avoir un des diplômes du secondaire d'un côté ou
l'autre de la rivière des Outaouais n'est pas la même, si je résume de
manière succincte, et ça, ça n'a pas de bon sens.
M. Cloutier :
Vous, vous mettez davantage l'accent sur l'obtention d'un diplôme d'études
secondaires. Ce que vous dites, c'est qu'on peut accroître l'obtention
d'un diplôme d'études secondaires, donc mettre davantage l'accent, probablement, puis je veux vous entendre
là-dessus, que tourner nos jeunes vers des qualifications. Parce que, là, je
veux dire, vos chiffres sont vraiment
ambitieux, là, pour l'obtention d'un diplôme : 90 % des filles,
85 % des garçons. Pensez-vous vraiment qu'on est capables d'y
arriver?
M. Royer (Égide) : La journée où je crée un genre de tsunami positif
où mes jeunes quittent la première année en sachant lire, je vais arriver au secondaire... Un diplôme d'études
secondaires, c'est un diplôme d'études professionnelles ou un diplôme d'études secondaire. Je sors du
secondaire avec un métier ou je sors du secondaire en m'en allant vers
le collégial ou le cégep. C'est dans ce
cadre-là. Écoutez, je vous donne presque les chiffres de certaines provinces
quand je vous parle du 85 %,
90 %, et je me garde une petite gêne en ce qui concerne les garçons,
toujours avec un écart de 5 %.
M. Cloutier :
Mais c'est quand même important que, collectivement, on prenne conscience
que... Si nos voisins font mieux que nous en éducation, qu'est-ce que
vous pensez qu'il va arriver sur le moyen, long terme? C'est le développement
économique, c'est la capacité d'intégration. Bref, je pense que vous êtes tous
capables d'imaginer les conséquences. Donc, ce que je comprends, puis le
message que vous nous livrez, puis je pense que vous pouvez nous partager votre opinion là-dessus, mais
c'est : Le projet de réforme actuel n'aura à peu près aucun impact sur la
réussite de nos jeunes, c'est ça?
M. Royer
(Égide) : ...
La Présidente
(Mme Rotiroti) : Il faudrait que vous me le disiez au
micro, M. Royer.
M. Royer
(Égide) : Bien, c'est parce
que je suis toujours en train de parler tout seul. C'est parce que j'attendais
votre autorisation. Je suis indiscipliné.
Dans
son libellé actuel, à moins d'avoir un certain nombre d'ajouts, ça n'aura pas
ou pratiquement pas d'impact sur la réussite scolaire. Moi, je ne me prononce
pas sur la représentation, qui décide quoi, là. Mais, dans sa formulation
actuelle — j'ai été voir tous les articles qui tenaient
compte ou qui pouvaient toucher cette question-là — à moins qu'on s'oriente vers ce qu'on sait qui fonctionne éducation, indépendamment du
mode de gestion, on va arriver sensiblement avec les mêmes résultats.
C'est ça, là, que je vous dis.
La Présidente (Mme Rotiroti) :
Merci. M. le député de Labelle, il vous reste une minute.
M. Pagé :
Une minute. Écoutez, félicitations pour votre plaidoyer pour la réussite
éducative! J'achète. Quand vous dites
qu'il faut faire des interventions payantes, on a fait un choix, il y a une
vingtaine d'années, qui est celui des CPE.
Vous nous dites depuis tantôt qu'il faut agir tôt. Et, avec les CPE, on agit
encore plus tôt qu'à l'âge de quatre ans et de cinq ans. Et aujourd'hui on entend qu'il y a des données probantes,
effectivement les enfants qui sont passés par les CPE réussissent mieux
à l'élémentaire et ensuite au secondaire. On les a, maintenant, les données.
Vous n'allez pas jusque-là. Je voudrais vous entendre là-dessus, au moment même
où on s'apprête à couper 120 millions, l'équivalent d'à peu près
trois éducatrices par garderie, quelque chose comme
15 000 postes qui vont être coupés au Québec.
La Présidente (Mme Rotiroti) :
En quelques secondes, M. Royer.
M. Royer
(Égide) : Si, d'ici un an ou
deux, le Québec se dote d'un réseau de maternelles quatre ans et, dans la
maternelle quatre ans, vous avez une
enseignante et une éducatrice qui travaillent avec le groupe d'enfants, vous
allez avoir un impact majeur sur la réussite scolaire. Si vous maintenez
le réseau de garderies tel quel, vous allez avoir un impact sur un ensemble de dimensions développementales des enfants. Mais
je serais véritablement, en fonction des données qu'on a, porté à recommander carrément une maternelle quatre ans avec
éducatrice et enseignante ensemble. C'est un des modèles, ça.
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Merci, M. Royer. Alors,
on va passer du côté du deuxième groupe de l'opposition. M. le député de
Chambly, vous disposez de cinq minutes et quelques secondes.
M. Roberge :
Merci, Mme la Présidente. Ça fait du bien à entendre. Mon coeur de prof, de
père puis de porte-parole en matière
d'éducation dit : Ah! là on est dans les choses qui influencent vraiment
la réussite des jeunes. Essentiellement, si je comprends bien, vous nous parlez de dépistage, d'intervention
précoce, de professionnels dans les écoles et d'enseignants, et là je rentre dans les enseignants, qui sont
formés pas selon les dernières modes, là, ésotériques ou ce qui est à la mode
en ce moment, mais bien qui sont formés
selon des données probantes. Et là vous y allez de deux moyens pour que les
enseignants utilisent les données probantes. Parce que c'est bien beau de le
dire, mais, pour que ça soit là de Gaspé à Gatineau,
là, il faut avoir des outils. Et là moi, j'ai vu dans votre mémoire un institut
national en éducation, puis un ordre professionnel
des enseignants, puis je rajouterais, vous dites, un diplôme de deuxième cycle
pour exercer la profession d'enseignant.
Est-ce que vous pensez qu'avec ces trois outils-là on aurait un corps
enseignant qui utiliserait davantage ces données probantes?
La Présidente (Mme Rotiroti) :
M. Royer, allez-y.
M. Royer
(Égide) : Ce que je dois
vous dire, c'est que la variable la plus importante pour la qualité d'une école
et pour la réussite scolaire, c'est l'enseignant. C'est toute une déclaration
que je fais là.
La deuxième
chose, c'est une insulte à la profession d'enseignant et d'enseignante que
d'admettre certains étudiants aussi
faibles en Faculté d'éducation, de leur permettre de reprendre deux ou trois
fois même les évaluations au niveau de la
langue et par la suite d'en faire des enseignants de français. Il y a un effet
d'agrégation, hein, quasiment de faiblesse qui se crée. La journée où on
valorisera de manière vraiment importante cette profession-là et on ira
chercher le tiers supérieur des finissants
du collégial, qu'on en fera une profession et qu'il y aura une forme
d'évaluation entre pairs de cette
profession-là entre les enseignants eux-mêmes comme tout ordre professionnel le
fait, ça va avoir un impact, de toute évidence,
sur la qualité de l'enseignement. Et la qualité de l'enseignement est peut-être
la variable la plus importante au niveau
de réussite scolaire. Mais d'accepter en Faculté d'éducation des gens avec des cotes R de 20, 21, 22... Je viens de passer les 28 dernières années
dans une Faculté d'éducation, je peux en témoigner, là. Et là, à un moment
donné, il y a d'autres argumentations qui
rentrent en ligne de compte sur le nombre d'inscrits, le financement des
universités. Mais moi, je vous parle
de réussite scolaire aujourd'hui, je vous en parle comme père de quatre enfants
et grand-père de 12 petits-enfants, déjà.
Une voix : ...
M. Royer
(Égide) : Je vous donnerai
ma recette tout à l'heure, vous allez voir. Il s'agit d'être père de triplés,
très rapidement vous avez beaucoup, beaucoup de petits enfants.
Pourquoi je
vous dis la question de la variable de l'enseignante est extrêmement
importante? Donc, il faudra voir, ce
sera une décision qui devra venir probablement des enseignants eux-mêmes ou du
gouvernement, je ne le sais pas, mais il faut absolument se pencher sur
la question.
• (18 h 10) •
La Présidente
(Mme Rotiroti) : Allez-y, vous avez deux minutes, M. le
député.
M. Roberge : Merci. Quand vous
parlez de la formation initiale, de la sélection des futurs enseignants, c'est intéressant, mais c'est à long terme. Il y a, je
ne sais pas, 70 000, 80 000 enseignants qui enseignent
aujourd'hui, puis, loin de là, ce
n'est pas tous des mauvais enseignants, hein? Je pense que la plupart sont à
leur place. Par contre, ils pourraient bénéficier
de formation continue. Puis, en ce moment, la formation continue, c'est une
formation volontaire facultative. Tu
sais, de temps en temps, on a une formation par un conseiller pédagogique.
D'habitude, celles qui sont obligatoires, c'est celles qui sont sur comment rentrer les notes dans le bulletin.
Ça, c'est obligatoire, tu ne peux pas rater ça, c'est là qu'on dit vraiment, là, comment gérer le programme
de rentrer des notes dans le
bulletin. Mais sinon il y en a bien peu qui soient obligatoires.
J'aimerais ça que vous nous parliez de votre institut national en éducation. Il
y a des facultés d'éducation, il y a... Ça vient faire quoi?
M. Royer
(Égide) : L'institut
national d'éducation, ça vient regrouper l'ensemble des connaissances
probantes et des pratiques exemplaires. Je m'excuse.
La Présidente (Mme Rotiroti) :
M. Royer, allez-y.
M. Royer
(Égide) : Et, dans ce
cadre-là, vous, députés, vous comme ministre, moi comme enseignant, une autre personne comme parent, arrive un problème concret
dans une école, petite école, est-ce
que c'est au détriment des enfants
de faire une première, deuxième année ensemble, une classe à double division?
Bon. Il y a un état de connaissances là-dessus.
Peut-être que vous allez interviewer quelqu'un, il va dire : Non, non,
non, c'est très, très mauvais; d'autres vont dire : Non, non, c'est bon, bon, bon; celui qui, à un moment donné,
est aux prises avec un problème financier va dire : Non, non, il faut le faire. Mais il existe des
données là-dessus. Donc, la possibilité de se retourner vers un institut
national d'éducation en disant :
C'est quoi, l'état actuel des connaissances sur les classes multiâges? C'est
quoi, l'état actuel des connaissances
sur le redoublement? Celui-là, c'est assez facile. C'est quoi, exemple,
exemple? Ce n'est pas tant un organisme de formation des enseignants — ça pourrait jouer — mais c'est un organisme pour être
capables... Écoutez, j'ai devant moi,
moi, l'Institut national d'excellence en santé et en services sociaux puis j'ai
aussi l'Institut national de santé publique, un en 2011, l'autre en 1999. Je n'en ai pas en éducation. On dépense
14 milliards par année, et j'ai un taux de... Je vous ai déjà donné
les taux de non-complétion du secondaire. Donc, c'est dans ce sens-là, là. Ce
n'est rien de compliqué, il n'y a rien de dispendieux, là.
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup, M. Royer.
On va passer la parole à la députée de Gouin pour trois minutes.
Mme David
(Gouin) : Merci, Mme la Présidente. En tout cas, notre invité brasse
la cage. Moi, je ne déteste pas ça du tout.
Écoutez, je voudrais vous poser une question sur
le secondaire, parce que vous avez une proposition qui peut paraître audacieuse, c'est-à-dire de forcer,
quelque part, en tout cas, rendre la fréquentation scolaire obligatoire jusqu'à
18 ans ou l'obtention d'un des diplômes
du secondaire. C'est audacieux, quand on sait que beaucoup de jeunes de 14, 15 ans, même avant 16 ans, là, décrochent de l'école,
quand on sait aussi — il faut faire des liens, là — qu'il y a un autre projet de loi sur
la table en ce moment, n° 70, là, sur toutes les questions autour
d'employabilité, aide sociale, formation professionnelle,
etc., qui, dans le fond, vient nous dire implicitement qu'il faut mettre les
jeunes qui ne sont pas capables d'arriver
jusqu'au diplôme d'études secondaires, là, le plus vite possible sur le marché
du travail. J'avoue avoir quelques craintes à cet effet.
La question
que je voudrais vous poser est peut-être un peu large, mais je sais que vous
allez y arriver. Si je ne me trompe
pas, il y a quelque chose comme un garçon sur deux à Montréal, en tout cas,
dans ma ville, qui ne termine pas son
secondaire en cinq ans. Comment on va
faire pour passer de ça à l'obtention d'un des diplômes du secondaire ou le
secondaire obligatoire jusqu'à 18 ans?
M. Royer
(Égide) : Bon, sur le
secondaire obligatoire jusqu'à 18 ans, au Québec, présentement — je vais vous donner une autre information, parce qu'en 10 minutes on ne peut pas
nécessairement dire beaucoup de choses — écoles d'éducation des adultes au Québec, savez-vous c'est quoi, la proportion
des adultes de 16, 17 et 18 ans? Il y a des centres de formation des adultes où 80 % des adultes
en question ont 16, 17 et 18 ans. L'éducation des adultes est devenue un
gros service d'adaptation scolaire sans les
ressources dans plusieurs régions du Québec. J'ai fait la tournée de la
province au moins à trois ou quatre
reprises juste à donner de la formation sur différents sujets. Je les connais
bien. Donc, cette question-là, il va
falloir que les écoles secondaires récupèrent les jeunes de 16, 17,
18 ans. La deuxième chose, il va falloir qu'on augmente les
possibilités en termes d'offre de formation.
L'idée, c'est
qu'au Québec, au XXIe siècle, on désire que tous nos jeunes soient en
apprentissage jusqu'à l'âge de
18 ans. Ce n'est pas normal que moi, comme parent, j'accepte que mon jeune
mineur de 16 ans quitte l'école. Ah! il n'a pas le droit d'acheter
de bière, il n'a pas le droit d'acheter un pari sportif, mais il peut quitter
l'école. En termes de compromission, c'est
pas mal plus important. Donc, si moi, comme parent, je veux donner cette
permission-là, j'aurais à faire une demande de dérogation, et
d'argumenter, et de justifier. Mais plus j'aurai de jeunes qui vont arriver au secondaire, en première secondaire en sachant lire
puis en étant capables de fonctionner à l'école, moins je vais avoir besoin
de me retrouver dans des situations avec autant de jeunes en difficulté.
Et la question du privé
est importante, parce que, présentement, si je vous donne une classe de
première secondaire, dans plusieurs écoles
de votre comté, une fois que le privé
a pris les meilleurs élèves, une fois que les écoles à vocations particulières ont pris les meilleurs
élèves, votre classe de première secondaire, là, ce n'est pas une classe de
moyens forts, moyens faibles, c'est une classe moyenne faible faible.
La Présidente (Mme Rotiroti) :
Merci, M. Royer. Merci beaucoup pour votre contribution à nos travaux.
Je vous rappelle que la séance de la commission
prévue ce jeudi est annulée.
La commission
ajourne ses travaux au mardi
23 février, après les affaires courantes, vers 15 h 30, où elle
poursuivra son mandat. Merci, et bonne soirée à tous.
(Fin de la séance à 18 h 15)