(Dix heures deux minutes)
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Alors, bon matin. À
l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare
la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la
salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils
électroniques.
La commission
est réunie fin de procéder à l'interpellation de la députée
de Gouin au ministère
de l'Éducation, de l'Enseignement
supérieur et de la Recherche sur le
sujet suivant : L'éducation, une priorité absolue au Québec où tous
les enfants doivent être éduqués dans les conditions permettant leur plein
développement.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le Secrétaire : Oui, Mme la
Présidente. M. Boucher (Ungava) est remplacé par M. Tanguay (LaFontaine).
La Présidente
(Mme Rotiroti) : Merci. Je comprends qu'il y a une entente à
l'effet que l'opposition officielle interviendra
lors de la deuxième et la cinquième série d'interventions, et le deuxième
groupe d'opposition interviendra lors de la troisième et sixième série
d'interventions.
Alors, je
vous rappelle que le débat ne peut pas dépasser midi, à moins qu'il y ait le
consentement, mais je pense qu'on est à l'heure. Alors, si jamais il y a
quelques minutes, on va... Ça va? Oui, il y a consentement. Parfait.
Alors nous
allons débuter l'interpellation par les déclarations d'ouverture. Mme la
députée de Gouin, vous disposez d'un temps de parole de 10 minutes.
Alors, la parole est à vous.
Exposé du sujet
Mme Françoise David
Mme David
(Gouin) : Merci. Le sujet de l'interpellation de ce matin interpelle,
c'est le cas de le dire, toute la société
québécoise : L'éducation, une priorité absolue au Québec où tous les
enfants doivent être éduqués dans des conditions permettant leur plein
développement.
Je voudrais
souhaiter d'entrée de jeu la bienvenue aux parents, nombreux dans les gradins,
parents et grands-parents qui
s'intéressent énormément à l'éducation des enfants. M. le ministre, merci
d'être là. Je suis très heureuse aussi de partager, en quelque sorte, cette interpellation avec mes
deux collègues porte-parole de l'éducation dans les deux partis d'opposition.
Dans des
discours gouvernementaux officiels, je note, par exemple, celui de Philippe
Couillard, discours du trône, 21 mai
2014 : «...l'éducation, c'est notre avenir, notre projet de société.
L'instruction publique a signifié l'accession du Québec à la modernité. L'éducation
demeure aujourd'hui le premier élément de succès des sociétés à l'ère de la mondialisation.» Le ministre lui-même après sa
nomination, en février dernier, disait être un enfant du rapport Parent,
et je cite : «Je dois beaucoup à l'école publique, j'espère lui redonner
aussi quelque chose dans les prochains mois.»
Le rapport
Parent nous disait combien il était important d'éduquer tous les enfants du
Québec. Et Guy Rocher rappelait
récemment que cette espèce de révolution — il faut avoir un certain âge pour s'en
rappeler — aux yeux
de la commission Parent, elle
reposait toute entière sur un pilier central : le droit de chacun à la
meilleure éducation possible. C'est pourquoi nous faisons cette
interpellation ensemble aujourd'hui.
Il n'est plus
vrai que chaque enfant du Québec a le droit à la meilleure éducation possible.
Toutes sortes de disparités existent et sont inconciliables avec un
droit véritable à l'éducation. Disparités entre les secteurs privé et public,
entre municipalités riches et villages dévitalisés, entre écoles de milieu
favorisé ou de classe moyenne et écoles de milieu défavorisé. Disparités entre les enfants : celui ou celle qui
réussit bien à l'école va s'en sortir, mais l'enfant qui éprouve des difficultés d'apprentissage a de moins en
moins de services, quel que soit le milieu dans lequel évolue son école. S'il
vit en milieu défavorisé, cependant, ses
problèmes n'en seront que plus aigus. Nous sommes donc en droit de nous poser
la question suivante : Le gouvernement
libéral prend-il au sérieux son obligation d'éduquer tous les enfants du Québec
en leur permettant de développer leur plein potentiel?
Et voilà ce
que plusieurs acteurs du monde de l'éducation répondent. La Fédération des
comités de parents nous dit :
«Dans la situation actuelle, le système public d'éducation n'offre plus aux
élèves les services éducatifs auxquels ils ont droit au moment où ils sont requis par eux. On laisse tomber des
enfants. À terme, les compressions en éducation vont nous coûter plus
cher que les prétendues économies qu'elles doivent générer.»
La Fédération
des commissions scolaires nous dit : «Le gouvernement doit mettre fin aux
compressions dans le réseau scolaire,
reconnaître publiquement l'impact négatif de ces compressions sur les services
aux élèves et assumer sa pleine responsabilité.»
La Fédération
québécoise des directions d'établissement nous dit : «Aux annonces des
premières compressions, nous sonnions
l'alarme. Cinq ans plus tard, c'est une catastrophe. Les restrictions
budgétaires imposées nous obligent à couper dans des services qui sont essentiels à la
réussite de nos élèves. Nous peinons à soutenir notre personnel dans l'école,
à répondre aux demandes légitimes des
parents et finalement, le plus important, à répondre aux besoins de l'élève, ce
qui est la raison d'être de l'école.»
C'est pour
cela que les trois partis d'opposition s'unissent aujourd'hui pour dénoncer la
politique d'austérité du gouvernement et se faire les porte-parole des
Québécoises et Québécois pour exiger la fin des compressions et que l'éducation devienne une réelle priorité qui
demande des investissements massifs pour l'avenir de nos enfants. C'est une
question de droit fondamental à l'éducation,
de dignité humaine mais aussi un investissement économique essentiel à qui
veut construire un Québec prospère. Prospère, oui, mais pour tout le monde.
L'austérité
fait mal, je ne ferai pas la liste de toutes les coupes que nous avons connues
depuis maintenant un an ou 18 mois,
ce serait franchement interminable, et c'est un problème. Rappeler simplement
qu'au cours des cinq dernières années les gouvernements ont coupé
1 milliard en éducation. Dans le dernier budget libéral, on prévoyait,
pour cette année seulement, des compressions
de 350 millions en éducation primaire et secondaire seulement. Et je ne
parle même pas des cégeps et des
universités. On a coupé, en 2014‑2015 et 2015‑2016, 10 millions dans des
mesures d'adaptation scolaire,
70 millions dans des mesures d'appui aux élèves, entre autres soutien à la
persévérance scolaire, accueil, francisation, etc. Il y a des
conséquences à ces coupes et des conséquences qui atteignent directement les
élèves.
265
professionnels de l'éducation. On l'a dit et répété, un sondage Léger &
Léger a révélé qu'un élève sur cinq ne reçoit
pas de service adéquat de ces professionnels à l'école, et, en milieu
défavorisé, la statistique, c'est un sur quatre. Cette carence de
services aux élèves est notamment causée par le manque criant de ressources sur
le terrain.
• (10 h 10) •
En
Chaudière-Appalaches, mesures d'appui abolies : l'aide aux devoirs,
l'ajout de ressources éducatives ainsi que
la prévention de l'intimidation et de la violence. Des coupes dans tout ça.
Capitale-Nationale : en 2014, le budget consacré à l'aide aux devoirs est amputé de moitié. Même scénario pour
les programmes Écoles en forme et en
santé et Jeunes actifs au secondaire,
qui permettent notamment d'organiser des activités parascolaires
sportives pendant l'heure du midi ou après la classe. Ça n'a l'air de
rien, mais c'est une source de motivation pour les élèves.
Pour les
élèves handicapés à Laval, l'accompagnement d'élèves avec des déficiences va
passer de 31 à 22 heures par semaine.
La commission scolaire abolit 21 classes spécialisées à l'automne 2015.
Dans les petites écoles de village,
j'arrive de tournée, on m'a parlé des écoles
de municipalités dévitalisées, la situation est critique. On
coupe dans l'allocation vouée au
maintien des petites écoles de village et on cesse de financer leur entretien
si elles sont occupées à moins de 50 %.
On met en péril les dernières écoles de
village. On a coupé 5 millions dans les groupes d'alphabétisation, et chacun
sait que les centres d'éducation populaire sont actuellement menacés de
fermeture faute de soutien financier de la part du gouvernement.
Tout cela, ce
sont des chiffres. Mais, avant de poser, bien sûr, ma question au ministre de
l'Éducation, je voudrais lui livrer
quelques extraits d'un témoignage d'une enseignante qui nous a écrit récemment.
Elle s'appelle Émilie. Ça explique tout, ça explique tout.
Elle a ouvert
une classe, une maternelle, une classe maternelle quatre ans temps plein en
milieu défavorisé, des enfants qui
arrivent de familles difficiles, défavorisées, enfants mal vêtus, parents peu
outillés, désemparés. Elle avait une
éducatrice spécialisée 20 heures-semaine. Ça fait seulement deux heures par
jour sur cinq heures. Des élèves violents, des élèves à troubles de comportement qu'elle arrivait à contrôler
lorsque l'éducatrice spécialisée était là, mais, quand elle n'est pas là, c'est l'enseignante qui doit
tout faire. Imaginez comment elle va réussir à faire la classe dans ces
conditions. Le matin, en ouvrant la
classe, elle achetait un nécessaire de matériel par élève pour faire des
activités. Au début de l'année, là, l'enseignante,
c'est elle qui faisait le magasinage pour les effets scolaires. Et après ça, en
cours d'année, bien, comme, de toute
façon, il n'y avait plus d'argent dans le budget de l'école, elle s'en allait
louer des jeux dans une joujouthèque, elle allait réserver des livres
dans une bibliothèque, elle faisait le tour des marchés aux puces durant la fin
de semaine pour acheter des objets scolaires
pour les enfants. Est-ce que c'est normal qu'une enseignante doive faire tout
cela en plus d'enseigner?
Alors, mes
questions au ministre sont assez simples. Ça ne se peut pas que le ministre,
même s'il ne voyage pas beaucoup dans
les écoles, ne connaisse pas ce portrait des impacts de l'austérité sur les
services aux élèves. Moi, je lui demande
comment il peut encore défendre un bilan positif des coupes en éducation,
comment il peut encore dire que les services
aux élèves ne sont pas affectés quand on voit des coupes de professionnels,
quand son gouvernement veut augmenter les ratios par classe et quand on
coupe dans les budgets pour les enfants en difficulté.
La Présidente (Mme Rotiroti) :
Merci, Mme la députée de Gouin.
Alors, maintenant,
je cède la parole à M. le ministre également pour une période de 10 minutes. Alors, la parole
est à vous, M. le ministre.
Réponse du ministre
M. François Blais
M.
Blais : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci aussi à tous ceux qui sont présents ici
pour me donner un coup de main, les
collègues aussi d'en face, les gens à la table, là. Je pense que la députée de
Gouin sait probablement bien que j'aime beaucoup ce mode, hein,
d'interpellation parce que ça nous laisse du temps, hein, pour un dialogue
qui n'est pas toujours
facile dans le climat, là, partisan, disons, qui est le nôtre en général
mais en particulier pour la période de questions. Ici, on a, je pense, le temps de développer de part et d'autre, de s'expliquer, d'essayer de se comprendre. Le contexte partisan demeure, mais on peut
rétablir certains faits ou donner une certaine interprétation aux faits. Donc,
j'apprécie beaucoup la formule, je l'en remercie, comme je remercie aussi mes
collègues d'en face.
Elle a commencé, ça
m'a beaucoup touché, par une citation de la journée où j'ai été, disons, appelé
à devenir ministre de l'Éducation, que je devais tout, moi, personnellement, hein, à l'école publique, hein? Né dans une famille assez modeste, une grande famille à la campagne, je suis
vraiment un enfant du rapport Parent et j'ai pu continuer
mes études jusqu'au niveau universitaire. J'ai eu l'occasion ensuite de devenir un enseignant, de voyager dans
le monde, de rencontrer les grands universitaires de mon domaine. Et tout ça, c'est l'école publique qui me l'a permis.
Et donc ça a été un choix personnel
et un engagement très personnel de ma conjointe et de moi-même
d'envoyer mes enfants, en retour, dans les écoles publiques.
Mes
enfants, en tout cas, sauf en
particulier les derniers, sont allés
dans les écoles défavorisées du
secteur public. Ça s'adonne qu'on
habite près de ce secteur-là. C'est dire comment je crois à l'importance, pour
la force d'une société, hein, du
secteur public, et donc son importance et sa valorisation. Donc, je la remercie
de m'avoir rappelé cette citation.
Aujourd'hui,
mon intention, c'est d'essayer de commencer, pour les premières 10 minutes, à
essayer de ramener un petit peu
quelle est la situation d'écoles publiques et d'écoles du réseau de l'éducation
en général ces dernières années au
Québec. Dans une deuxième partie... parce que, déjà, il y a des éléments, là,
qui ont été évoqués par ma collègue, une série de chiffres, etc. J'aurais préféré les avoir d'avance parce que ça
m'aurait permis de peut-être clarifier des choses, hein? Puis je ne veux pas dire qu'il y a des
erreurs, mais, parfois, il y a peut-être des interprétations qui sont
possibles. Si j'avais eu l'éventail
de ces chiffres, etc., de ces coupures, ça m'aurait permis de clarifier
beaucoup de choses. Mais, bon,
j'essaierai, là, à la limite, bien sûr, de ma mémoire. L'essentiel va être
d'essayer de comprendre qu'est-ce qui se passe cette année. On l'a toujours mentionné, c'est une année plus difficile
pour le gouvernement, on le savait. C'est un effort que l'on fait pour
les enfants aussi de demain. Ils ont des droits aussi, ces enfants. Et
j'essaierai d'amener vers une conclusion,
dans l'interpellation, où va-t-on exactement. Une fois que cet effort
budgétaire là sera fait, où devraient être nos priorités, où devrait
être notre vision, là, de l'avenir de ce réseau de l'éducation?
Donc, on parle
d'éducation. Donc, essayons de se donner une base la plus neutre possible, la
plus descriptive possible de la situation du
Québec en matière d'éducation. Si on prend uniquement la performance de nos
enfants, de nos élèves du secteur
primaire et secondaire, il y a aujourd'hui des outils d'évaluation de leurs
performances qui sont reconnus, auxquels participent plusieurs États dans
le monde. Nos enfants, nos élèves sont parmi les meilleurs au monde aujourd'hui en mathématiques. Ils sont très bons
en sciences. Ils ont un peu de faiblesses en littératie et en français. Ça, on
le sait bien. Si on avait à comparer avec 71 entités juridiques, le Québec est
largement, je dis bien «largement», et sans
aucun doute dans le quintile supérieur des pays qui participent à ces
performances. Donc, on a raison d'être très fiers du chemin que l'on a
fait depuis le rapport Parent.
Où
sont nos défis? Et là j'y vais vraiment à grands traits. Notre grand défi, ça a
été, au Québec, et ça demeure le décrochage
scolaire qui était très élevé. Alors, quelles sont les tendances depuis six
ans? Le décrochage annuel, heureusement, diminue année après année. Encore l'année dernière, on a vu les
chiffres, ce décrochage continue de diminuer. Le taux de réussite avec qualification, lui, augmente.
Encore là, on a publié, le 29 septembre dernier, les taux de réussite
scolaire de nos enfants. Nous avons
atteint un sommet de 77,7 % des enfants qui ont diplômé avec une
qualification l'année dernière, et
c'est une tendance très lourde, c'est une tendance très forte. Et ça, c'est les
éléments les plus importants, hein? Tout le reste, ce sont les moyens, hein : habiliter nos enseignants,
avoir les ratios qui conviennent à des situations particulières, avoir des ressources professionnelles. On en
reparlera, d'ailleurs, de l'évolution des ressources professionnelles dans les
écoles ces dernières années. Et tout le
reste, ce sont des moyens, effectivement, pour assurer que nos enfants
réussissent et qu'ils sont en mesure d'entamer un projet de vie.
Nous
avons connu une augmentation importante des ressources ces dernières années. En
fin de compte, quand on regarde la
situation qui prévalait il y a à peine quelques années et encore plus quand
j'étais jeune et quand j'étais d'âge primaire
et secondaire, il n'y avait pas du tout l'équivalent des ressources que l'on
retrouve aujourd'hui dans les écoles du
Québec et qui expliquent en bonne partie, hein, ce décrochage. Si des gens
proches de moi, qui avaient un peu moins de facilité pour les études, ont abandonné, c'est parce qu'il y avait
moins de ressources, les ratios étaient plus élevés. Et on a réussi à
diminuer —
en y consacrant, bien sûr, les sommes nécessaires — les ressources de façon
importante.
Alors,
j'y vais avec une première présentation. C'est un tableau qui montre
l'évolution, hein, des dernières années...
Des voix :
...
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Je vais demander... Les gens qui
sont présents dans la salle, vous êtes les bienvenus, mais je vous de
demanderai de rester silencieux, s'il vous plaît, pour qu'on puisse continuer
nos travaux. Alors, M. le ministre.
• (10 h 20) •
M. Blais :
C'est important parce que, derrière ce tableau-là, il y a des enfants. À vrai
dire, il y a des milliers d'enfants, hein?
Et ça, c'est les milliers d'enfants qui décrochaient au Québec,
et ça, c'est les milliers d'enfants qui ne décrochent plus au Québec. Alors, ça, ce sont les faits de ce qui s'est
produit ces dernières années au Québec. C'est cette tendance-là.
Alors,
si les gens n'aiment pas voir les tableaux, ils doivent en appeler aux faits et
s'assurer que cette tendance-là, nous
la comprenons bien, et que ça nous permette, hein, de continuer dans cette voie
parce qu'encore une fois la réussite
scolaire... Tout le reste, ce sont des
moyens. Le niveau de services, le type de services, hein? On en parlera,
d'ailleurs, comment les services sont
déployés par les commissions scolaires, comment ils pourraient être mieux
déployés aujourd'hui. Tout ça, ce sont des moyens qui demandent une
évaluation critique pour s'assurer constamment que nous faisons ce qu'il y a de
mieux.
Le personnel professionnel
et enseignant a augmenté de façon continue ces dernières années. Et, encore une
fois — je sais que ça fait un petit peu mal — ici, ce tableau présente l'évolution de la
clientèle ou des élèves au Québec sur
les 10 ou 12 dernières années. Donc, il y a eu une diminution, hein, de la
démographie, donc la diminution des élèves dans nos écoles ces dernières années. On a vu, dans les trois dernières
années, il y a une augmentation, mais elle est assez faible. Et, pendant ce temps-là, le corps
enseignant et le personnel de soutien professionnel n'a cessé d'augmenter dans
une courbe contraire. Il faut se satisfaire de ces orientations-là.
Donc, il y a
eu des sommes importantes qui ont été injectées. Il n'y a jamais eu aujourd'hui
autant de professionnels en soutien à la réussite scolaire, hein, qui
ont des emplois, là, qui sont protégés, des emplois à vie, là. Je ne parle pas d'emplois contractuels, je parle d'emplois à vie
qui sont protégés par des conventions collectives, notamment. Il n'y a
jamais eu autant d'enseignants. Il n'y a jamais eu de ratios... Et regardons
les conventions collectives, on pourra les examiner
ensemble. Les ratios sont explicités dans nos conventions collectives. Il n'y a
jamais eu un rapport aussi favorable enfants et enseignants
qu'aujourd'hui dans les écoles. Et j'ai demandé souvent qu'on me fasse une
démonstration du contraire, qu'on me fasse
une démonstration que, cette année, par exemple, il y a une évolution
différenciée des ratios, que nous
avons, je ne sais pas, moi, négocié une nouvelle convention collective avec nos
partenaires qui fait en sorte qu'ils acceptent maintenant qu'il y ait
plus d'enfants dans les classes. Il n'y a rien de cela.
Alors, c'est
important parce que, depuis plusieurs mois, on dit : Voilà, on augmente
les ratios dans les classes. C'est
conventionné. Et, si on regarde sur plusieurs années et encore cette année, il
n'y a eu aucune différence, hein, sinon un maintien des ratios, sinon une amélioration. Et ça, je pense qu'il
faut à la fois rétablir les faits mais aussi indiquer que c'est la voie
à suivre, c'est la voie que nous voulons suivre dans les prochaines années.
Peut-être un dernier petit élément. Sur le
soutien à la réussite, c'est à peu près... on voit le tableau, il y a une augmentation importante. Et, du point de vue des
enseignants, on a ajouté à peu près 2 000 enseignants, là, sur une dizaine
d'années, là, au Québec, dans nos écoles.
Argumentation
La Présidente (Mme Rotiroti) :
Merci, M. le ministre.
Alors, nous
allons maintenant débuter la période d'échange avec Mme la députée de Gouin.
Vous avez la parole pour un maximum de cinq minutes.
Mme David (Gouin) : Merci, madame.
J'écoute le
ministre et j'ai le sentiment qu'on ne parle pas de la même chose, là. Ce qui
s'est passé il y a quelques années, où on a vécu effectivement une
diminution du nombre d'élèves par classe, faite par une ancienne ministre de l'Éducation libérale, mais c'était très bien... et
évidemment que ça veut dire qu'il y a eu une augmentation de professeurs.
C'est normal. Puisqu'il y avait moins
d'élèves par classe, on ouvre plus de classes. Alors, tant mieux! Bravo!
J'aimerais cependant rappeler au
ministre qu'un de ses collègues très influents par les temps qui courent, le
président du Conseil du trésor, veut réaugmenter le ratio d'élèves par
classe. Alors, je pense que nous allons avoir des problèmes.
Maintenant, moi, je voudrais lui parler de façon
plus particulière des écoles en milieu défavorisé. Je le fais rapidement dans le temps que j'ai. J'aimerais
d'abord qu'on souligne que, quand les enfants sont pauvres, c'est parce que
leurs parents sont pauvres et que j'espère
que ce gouvernement s'attaquera non pas aux pauvres mais à la pauvreté des
parents des enfants de nos écoles défavorisées.
Dès 2011, on
a commencé à avoir des problèmes du côté des écoles défavorisées. On a révisé
les critères, ce qui fait que
beaucoup moins d'écoles ont eu des soutiens particuliers en tant qu'écoles de
milieu défavorisé. Aujourd'hui, si on
ajoute les compressions à ce phénomène, on se rend compte, dans certaines
commissions scolaires, que de nombreuses coupes ont été effectuées. Je
pense à la commission scolaire au Coeur-des-Vallées, moins 365 000 $,
2015‑2016, pour des mesures d'appui.
Et on s'entend que 65 % des élèves en situation de retard scolaire, soit
ceux qui ont redoublé au moins une fois, risquent d'être en situation de
décrochage scolaire.
Même le
ministère reconnaît, dans un document de mai 2015, que le taux de décrochage
varie beaucoup selon les caractéristiques sociodémographiques et
scolaires des élèves. Donc, le ministère reconnaît qu'il faut accorder une
attention particulière aux milieux défavorisés.
Je voudrais
rappeler que, dans les écoles secondaires de milieu défavorisé, le taux annuel
de décrochage des élèves s'élevait à 24,2 % en 2011‑2012, ce qui
est près du double des élèves de classes secondaires, d'écoles secondaires de
milieu plus aisé.
Je
rappellerai aussi que les conséquences du décrochage scolaire affectent plus
lourdement les filles, dont on ne parle pas souvent puisqu'il y a plus
de garçons en situation de décrochage scolaire et que c'est préoccupant, mais
une recherche de Relais-Femmes nous a démontré que les filles qui décrochent
avant l'obtention d'un diplôme d'études secondaires
auront une situation économique, familiale, conjugale, une vie personnelle et
sociale beaucoup plus précaire. Un seul exemple, le revenu annuel sans
diplôme d'études secondaires : 16 400 $ pour les femmes,
24 434 $ pour les hommes.
Autrement dit, lorsqu'il n'y a pas obtention d'un diplôme d'études secondaires,
les femmes gagnent 67 % du salaire des hommes.
Alors, moi,
je voudrais savoir qu'est-ce que le ministre a à nous dire face à toutes ces
situations qui se passent dans les
milieux défavorisés. Qu'est-ce qu'il a à nous dire sur l'abolition de postes de
professionnels dans le sud-ouest de Montréal,
de l'abolition de la ligue de basket interécoles dans le sud-ouest de Montréal,
qui mobilisait les enfants et les amenait
à vouloir participer davantage à l'école? Qu'est-ce que le ministre a à nous
dire sur l'abolition de l'aide alimentaire, le remplacement des
petits-déjeuners par une collation parce que l'école n'a plus les moyens de
nourrir les enfants au petit-déjeuner?
Qu'est-ce que le ministre nous dit lorsque des écoles... Et moi, j'ai rencontré
une commissaire scolaire dans le
sud-ouest de Montréal qui m'a dit, les larmes aux yeux : Bien, cette
année, on ne pourra pas la faire, la cabane à sucre. Puis c'est dommage parce que les enfants de nos
écoles défavorisées, c'est la seule journée de l'année où ils mettent les
pieds à la campagne.
Moi,
je demande au ministre s'il trouve ça normal. Il nous a expliqué tout à l'heure
qu'il venait lui-même d'un milieu
modeste et qu'il avait été à l'école publique, que ses enfants vont à l'école
publique. Mais c'est très bien! C'est très
bien, mais j'aimerais que tous les enfants de milieu modeste et de milieu, en
fait, carrément défavorisé puissent eux aussi terminer leur secondaire, pourquoi pas avoir accès au collégial et
à l'universitaire, comme ça a été le cas visiblement pour le ministre, que tous ces enfants-là puissent
avoir, une fois de temps en temps, une sortie d'école parce qu'ils n'auront pas de fondation, à leur école, pour leur payer
parce que les fondations dans les écoles de milieu défavorisé ne ramassent
pas d'argent. Je voudrais savoir ce que le
ministre a à dire aux parents, aux enseignantes et enseignants, aux directions
d'école, aux commissaires scolaires des milieux défavorisés qui, en ce moment,
crient au secours.
La Présidente (Mme
Rotiroti) : Merci, Mme la députée de Gouin.
Alors, M. le
ministre, vous disposez de cinq minutes pour répondre à la question de la
députée.
• (10 h 30) •
M.
Blais : Très bien. Je connais assez bien cette école-là parce que ma
conjointe et moi, on a été sur un comité de parents d'une école défavorisée d'indice 10, donc le plus défavorisé,
de la région de Québec pendant un certain nombre d'années. Donc, je sais
assez bien ce qui s'y passe et ce qu'on peut y faire.
Nous
avons des discussions, en ce moment, avec nos partenaires syndicaux, et un des
enjeux très importants pour nous,
c'est de voir comment on peut cibler davantage de l'aide, notamment dans les
milieux défavorisés. Dans une rencontre avec Paul Gérin-Lajoie, il me disait que le grand effort qu'on a fait au
Québec dans les années 60, l'effort duquel j'ai profité personnellement,
c'est le déploiement des écoles dans toutes les régions du Québec.
La
grande oeuvre maintenant qui est devant nous, c'est de pouvoir cibler davantage
des interventions, notamment dans les
milieux défavorisés. Et encore faut-il pour ça accepter, hein, d'être audacieux
dans ce ciblage-là. Par exemple, on
sait bien qu'une diminution des ratios maître-élèves dans des milieux
défavorisés d'un, ou deux, ou trois enfants... on a des bonnes recherches pour documenter que l'effet
n'est pas nécessairement concluant.
Pourtant, c'est tout ce qu'on a réussi
de mieux à négocier ces dernières années avec nos partenaires. Si on veut faire
un pas de plus, une des propositions que
les chercheurs nous font, c'est de diminuer de façon très importante, et
de cibler ces milieux-là, et de changer l'approche pédagogique des
maîtres dans ces milieux-là.
Bien sûr,
pour ça, il faut entrer en discussion avec nos partenaires syndicaux. Je ne sais pas si on va réussir cette
année, peut-être plus tard, à développer
cette approche parce que, bien, en même temps, nos partenaires nous
disent : Écoutez, il faut qu'il y ait des gains pour l'ensemble des
enseignants, pour l'ensemble du milieu scolaire. Mais il est clair que la prochaine étape, hein, compte tenu, disons, des
grands progrès que nous avons faits au niveau de la réussite scolaire, la
prochaine étape, c'est de cibler davantage nos interventions, de les faire en
amont.
Nous
avons développé — c'était
d'ailleurs une proposition, si je me souviens bien, de la FAE — les maternelles quatre ans en milieu défavorisé. Pourquoi? Parce
qu'on s'est rendu compte que, malheureusement, les milieux défavorisés n'envoyaient pas leurs enfants dans les CPE,
notamment les personnes issues de l'immigration. Ils n'utilisaient pas cette
ressource-là. Donc, les maternelles quatre
ans, qui ont été déployées sur tout le territoire du Québec, veulent aller
chercher exactement ces clientèles-là. On sait que les immigrants,
notamment, disons, ne voient pas l'utilité ou l'importance d'envoyer leurs enfants dans un système de
garderie public, mais, si on leur offre, si on leur offre une maternelle quatre
ans, ils vont y aller parce qu'ils
considèrent que, là, on est dans une situation de scolarisation et ils pensent
que leurs enfants vont en tirer avantage.
Donc,
la possibilité, lorsque nous aurons les ressources, bien sûr, parce que
l'important, c'est d'avoir des ressources, pas d'endetter le futur, mais la possibilité de cibler davantage vers
les milieux défavorisés et de développer notamment les maternelles quatre ans, voilà le genre
d'approche, là, qu'il nous faut, là, quand on pourra recontinuer, disons, à
faire des investissements très ponctuels au bon endroit.
Donc,
moi, je suis tout à fait d'accord avec ma collègue là-dessus, hein? Nous avons
fait des gains importants. Dans les milieux favorisés, on sait bien que
la performance est là. Nous avons fait des gains très importants. On peut sédimenter nos résultats. On a fait des gains très
importants dans les milieux défavorisés. Et, s'il faut continuer, il faudra
cibler davantage nos investissements, un peu
moins garnir, comme on l'a fait au cours des dernières années où on est allés
dans plusieurs directions à la fois. Et là il faut accepter que les sommes que
nous aurons à notre disposition, hein, les sommes
que nous aurons à notre disposition aillent au meilleur endroit et soient à
l'avantage de ces milieux-là en considérant, bien sûr, l'état des
recherches dans le domaine.
Je
vais revenir tout à l'heure un petit peu, mais je vais commencer sur la
compréhension qu'il faut avoir du réseau de l'éducation au Québec. Le ministère ne gère pas les services, le
ministère n'administre pas les services. Il y a une Loi sur l'instruction publique qui dit que c'est aux
commissions scolaires d'administrer les services, bien sûr, à partir des sommes
qu'elles reçoivent à la fois des taxes
scolaires et aussi du ministère. Donc, j'aimerais peut-être expliquer à mes
collègues davantage le rôle important
que les commissions scolaires peuvent jouer en faveur et parfois moins en
faveur, là, dans le contexte de la situation économique que nous vivons.
La Présidente (Mme
Rotiroti) : Merci beaucoup, M. le ministre.
On va rester du côté
ministériel. Alors, je cède la parole au député de D'Arcy-McGee pour cinq
minutes.
M.
Birnbaum : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, chers collègues du côté
ministériel et de toutes les formations de l'opposition. Ça me fait plaisir d'intervenir sur notre sujet
d'aujourd'hui : L'éducation, une priorité absolue au Québec où tous les
enfants doivent être éduqués dans les conditions permettant leur plein
développement. C'est un souhait que je partage
pleinement pour avoir été directeur général de l'Association des commissions
scolaires anglophones du Québec pour 10 ans et pour avoir oeuvré au sein
de l'école pour six ans plus tôt dans ma carrière.
Je vais me
permettre, dans les trois blocs qui me sont accordés, de parler des chantiers
qui, pour moi et, je crois, pour
notre gouvernement, en disent long sur l'importance de l'égalité de chance, un
accès équitable pour les élèves de partout
au Québec, qu'ils soient en milieu défavorisé, qu'ils soient en région, qu'ils
soient des nouveaux arrivants, qu'ils soient aux écoles anglaises ou aux
écoles françaises. Et un des chantiers, pour moi, qui est tout à fait pertinent
à nos discussions, c'est la formation professionnelle. Si on est pour mettre
des outils à la disposition des intervenants clés, les enseignants, les professionnels, à nos élèves, à
leurs parents pour accompagner leurs enfants, il faut qu'on pense à leur
avenir sur le marché du travail, à leur
avenir ici, au Québec. Pour que leur réussite soit une réalisation, il faut
qu'ils soient préparés pour participer dans l'économie de demain.
Il va sans
dire évidemment que le contexte actuel n'est pas facile, qu'on
parle d'une exigence qui est devant nous tous de redresser nos finances
publiques pour assurer que cet accès,
cette égalité soit à la disposition de nos enfants, pas juste loin de
même mais dans les années à venir. Alors, le contexte n'est pas facile, et tout
le monde est interpellé à contribuer.
Il y a
aussi un contexte d'un défi démographique très, très présent et qui va
toucher aux enfants dans nos écoles aussitôt
qu'ils finissent leurs études. Peut-être, dans ce défi, il y a
aussi, en quelque part, une opportunité qui touche aux services qu'on offre actuellement, et je parle de la formation professionnelle et l'adéquation entre les
besoins du marché du travail et la
formation professionnelle parce que, si nos enfants sont pour être en mesure de
profiter de leurs études, ça va être en s'intégrant au monde du travail,
qui change beaucoup. Là-dedans, c'est très pertinent de parler de notre projet de loi n° 70 sur l'adéquation formation-emploi, un projet
qui va permettre aux jeunes de choisir la voie qui leur convient le mieux et d'ainsi développer pleinement
leur potentiel. Et voilà un aspect qui risque de raccrocher les jeunes à
risque de décrocher.
On parle de
quelque 750 000 emplois à pourvoir d'ici 2017, près de la moitié qui
viserait des jeunes. On parle d'une
absence actuelle chez les gens 18 à 55 aptes à travailler. Ça veut dire que les
gens à l'écart, les gens avec difficultés doivent être mis devant les
opportunités. Ça veut dire que l'offre de services à ces gens-là soit au
rendez-vous. Et c'est là où on parle de la formation professionnelle et
l'intention de notre gouvernement de bonifier cette offre. On parle de quelque
127 programmes qui mènent au diplôme d'études professionnelles, quelque
120 000 étudiants en formation professionnelle
au sein des écoles secondaires et des centres aux adultes, un autre
82 000 étudiants en formation technique dans les cégeps.
Voilà une préparation tout à fait propice pour
qu'ils soient prêts à embarquer dans une carrière. Et il faut souligner qu'on ne va pas faire ça aux dépens de
la formation générale. C'est souvent une préoccupation quand on parle de
l'offre des services équitables et réels. Il faut former nos jeunes pour qu'ils
soient pleinement participants dans la société de demain et pas aux dépens d'une seule carrière,
j'en conviens. En même temps, on a à s'adresser aux besoins du marché du travail et à mettre à la disposition
de nos écoles, à nos commissions
scolaires, à nos cégeps, les outils
pour le faire. Et voilà ce dont on
parle dans le projet de loi n° 70, et c'est tout à fait pertinent à propos de nos discussions aujourd'hui
parce qu'on parle des élèves, et leur bien-être, et leur réussite. Merci.
La Présidente (Mme Rotiroti) :
Merci beaucoup, M. le député de D'Arcy-McGee.
Je cède la parole au député de l'opposition
officielle, député de Lac-Saint-Jean, ainsi que porte-parole de l'opposition officielle en matière d'éducation, de
recherche et de persévérance scolaire. La parole est à vous pour cinq
minutes, M. le député.
• (10 h 40) •
M.
Cloutier : Je vous remercie, Mme la Présidente. D'abord, remercier mes
collègues de l'opposition. C'est quand même un moment important qu'on est en
train de vivre, là, l'opposition qui parle d'une seule voix, qui représente
quand même 60 % de la population, là.
Ça serait le
fun, Mme la Présidente, qu'on commence à avoir des réponses du ministre, là,
puis qu'on lâche les tableaux, qu'on lâche les notes puis qu'on se parle
des vraies affaires. Les vraies affaires, M. le ministre, là, c'est que vous êtes le ministre qui avez le plus coupé, là,
des 15 dernières années. Puis la réalité, là, c'est que ça se concrétise,
là, à chaque jour sur le terrain, avec des élèves qui avaient accès à
des services, qui n'auront plus accès à des services.
Vous avez
beau dire autant que vous voulez que l'éducation, c'est une grande priorité
pour votre gouvernement, puis que
vous êtes un enfant, là, du rapport Parent, puis que, pour vous, votre
gouvernement, l'éducation, vous y croyez, puis vous y croyez, aux enseignants, puis vous voulez aider les élèves
en difficulté, mais pourquoi vous faites exactement l'inverse? Pourquoi vous
coupez comme vous le faites? Puis comment ça se fait que vous n'êtes pas
capable de vous tenir davantage
debout auprès de votre collègue au Conseil du trésor? Moi, je me souviens, Mme
la Présidente, j'y ai siégé, au Conseil
du trésor, là. J'étais un des ministres, là, qui étaient là. Puis là on nous
faisait des présentations des projections budgétaires. Mais je me
souviens aussi des batailles qui se faisaient là.
Vendredi
dernier, on a un rapport du ministre des Finances qui dit, là, clairement que
le ministre de l'Éducation a coupé
encore plus que ce qu'il a dit qu'il allait faire dans l'éducation au Québec.
Concrètement, ça veut dire quoi? Ça veut
dire qu'il a déjà des marges de manoeuvre. Il a déjà à sa disposition des dizaines,
voire des centaines de millions qu'il pourrait
dès aujourd'hui décider de réinvestir. Dans ce qui nous a été présenté vendredi
dernier, là, on se dirige vers un surplus
de 1 milliard de dollars. Puis lui, le ministre de l'Éducation, fier de
ça, ne réagit pas, fier de dire qu'il a casqué plus que les autres encore. Le budget à la santé
augmente, le budget à la culture augmente mais le budget en éducation,
l'avenir de nos jeunes, lui, il n'est pas important aux yeux du gouvernement,
pas important aux yeux du ministre.
Mme la
Présidente, moi, j'en suis à ma troisième interpellation puis j'avoue que plus
le temps avance, plus mon niveau de
patience diminue parce que les témoignages, eux, ne cessent pas. Les parents se
mobilisent aujourd'hui, ils sont avec nous, mais pas juste les parents.
C'est une mobilisation que je n'ai jamais vue, du primaire ou même de la petite
enfance, parce que même les CPE sont mis à
mal, jusqu'à l'université, où les gens se tendent la main puis demandent au
ministre d'intervenir puis de faire quelque chose. Ce n'est pas banal, là,
l'opposition qui prend la peine de mettre de côté,
là, ce qui peut nous diviser pour vraiment concentrer sur un message important,
qui est celui de tendre la main au gouvernement puis de lui dire :
Assez, c'est assez, puis trouvez des solutions pour investir maintenant.
Puis ce qui
me choque profondément puis ce que le ministre oublie de dire, c'est que tous
les services qui étaient offerts
s'effritent puis se dirigent tranquillement vers le privé. Ça fait que, quand
tu as un jeune enfant, là, qui a un trouble du langage puis que tu n'es pas capable de voir un psychologue, ou que
tu n'es pas capable de voir un orthophoniste, ou que tu n'es pas capable d'avoir accès au réseau de la santé ou au réseau
de l'éducation des professionnels, qu'est-ce que vous pensez qu'un parent fait dans l'intérêt de ses enfants? Bien oui,
il va payer, il va sortir de l'argent de sa poche, puis il va aller au privé, puis il va essayer. Mais ça,
c'est pour les chanceux de notre société parce qu'il y en a d'autres,
malheureusement, qui n'auront pas
accès à ça, qui n'auront pas la chance d'avoir des parents qui, pour toutes
sortes de raisons, ont l'opportunité de
pouvoir se déplacer et de s'accompagner. Puis là je ne vous parle pas des
parents qui m'ont écrit pour me dire qu'ils ont lâché leur job, là, pour aider leurs enfants parce qu'ils
n'arrivaient juste plus. Je ne parlerai pas des enfants autistes, de
parents que c'est juste impossible pour eux de continuer à travailler. C'est
des véritables drames humains. Puis, à un moment
donné, oui, ça finit par être des colonnes de chiffres parce qu'en bout de
course quand tu décides de couper, puis que tu regardes juste l'éducation avec une colonne, puis qu'en bout de
course tu dis : Bien là, cette année, il faut couper de 400 millions, mais que tu ne te préoccupes
pas des conséquences de ces coupures-là, bien, en bout de ligne, c'est des
gens, des citoyens, des étudiants, des parents, etc., qui sont victimes de ça.
Alors,
aujourd'hui, là, le ministre de l'Éducation, on le sait qu'il en a, des marges
de manoeuvre. On le sait qu'ils ont
coupé davantage que ce qu'ils avaient dit. Puis, en plus, il faut être honnête,
puis j'espère que le ministre va le dire, à la dernière interpellation, il me dit : Non, non, les budgets
augmentent. Non, non, ce n'est pas vrai. Là, j'espère qu'il ne niera pas la vérité. On les a, les chiffres du
ministère des Finances. Il aime ça, les tableaux? Il en a un, tableau, là, du
ministère des Finances, qui dit clairement l'inverse de ce qu'il dit depuis les
six derniers mois.
Ça fait
qu'il a l'occasion aujourd'hui de rétablir les faits, de nous dire honnêtement
qu'il a des marges de manoeuvre. Qu'il
fasse un peu de pression auprès de son collègue au Conseil du trésor. Puis, si
c'est vrai que l'éducation est importante pour vous, M. le ministre, comme vous le dites, bien, comment ça se fait
que vous êtes le premier ministre de l'Éducation des 15 dernières années à accepter de couper comme vous le faites
présentement? Il me semble que, moi, si j'étais un nouveau ministre à
l'Éducation, ce n'est pas le genre de legs que j'aimerais léguer aux Québécois,
Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Rotiroti) :
Merci, M. le député de Lac-Saint-Jean.
Alors, M. le ministre, vous avez cinq minutes.
M.
Blais : Oui. Alors, la salle s'échauffe un peu, Mme la Présidente, là.
Donc, dans l'histoire contemporaine du Québec,
il y a un seul gouvernement qui a réduit les budgets en dessous de zéro, il y
en a un seul, trois années de suite. C'est le gouvernement du Parti
québécois. Nous, on n'a jamais réduit les budgets en dessous de zéro, jamais.
Donc, là-dessus, aucune leçon. Je ne prendrai pas de leçon aujourd'hui de mon
collègue.
Maintenant, il ne doit pas confondre mise à jour
budgétaire, c'est-à-dire essentiellement un état des dépenses, l'état des dépenses du ministère de l'Éducation à
un moment, et ceci. Dans un autre moment, dans un mois, il aura peut-être
augmenté, etc.
Et
l'engagement que nous avons, et je vais le réitérer, je vais le réitérer parce
que c'est l'engagement du premier ministre, hein, c'est que, lorsqu'il y
aura des marges de manoeuvre, hein, lorsque nous aurons fait le ménage comme société — pas uniquement comme gouvernement, mais il
faut voir de façon plus large — lorsque nous aurons fait le ménage dans
nos finances publiques, hein, notre intention, bien sûr, c'est de revenir à
un niveau de dépenses qui est compatible, bien sûr, avec notre capacité
de payer. Et ça, c'est un engagement, je
pense, du premier ministre. Il l'a réitéré à plusieurs
reprises. Pour le moment, une mise à jour budgétaire, c'est uniquement un état
des dépenses. Dans cette mise à jour budgétaire, on n'a pas une idée de la disponibilité
financière ou pas, là, du gouvernement.
Maintenant,
je veux revenir à la question des commissions
scolaires. Les commissions scolaires gèrent les services, elles administrent les services. On leur donne des
sommes pour le faire, et c'est à elles de faire les choix, bien sûr,
avec les commissaires scolaires.
On a un
exemple, là, d'un article qui est paru dans L'Actualité cette année, en octobre, de la commission
Marguerite-Bourgeoys. La commission
Marguerite-Bourgeoys, hein, a réussi la commande, là, qui était passée de faire
un effort financier sans diminuer aucunement
l'offre de ses services. Quelle est la commande? Qu'est-ce qui est exigé? Qu'est-ce
qui est attendu des commissions scolaires cette année? C'est un effort de
1 % dans la totalité de leurs budgets.
Il faut
savoir que les commissions scolaires ont engrangé année après année, ces
dernières années, et tant mieux pour
elles, des surplus budgétaires significatifs de plus de 800 millions de
dollars. Je sais bien que ces surplus font partie du périmètre
budgétaire du gouvernement du Québec. Je sais bien qu'ils ne peuvent pas être
mobilisés comme ça facilement. Je n'ai
jamais dit le contraire. Cependant, quand on demande à des organisations qui,
année après année, ont réussi à
engranger des surplus, cette année, de ne pas en faire et de trouver, de faire
des efforts, comme l'ensemble des Québécois, me semble-t-il, font des
efforts, je pense que c'est tout à fait raisonnable.
Nous avons publié, nous avons
déposé... puis je demande à tous les gens, là, qui nous écoutent, qui s'intéressent
à la situation ou l'évolution de l'éducation
au Québec, hein, d'aller voir un rapport qui est le rapport Lacroix sur
l'efficacité des commissions scolaires. Et ce rapport indique
clairement, mais très clairement que les commissions scolaires, un, déploient les ressources professionnelles et
l'ensemble des ressources enseignantes de façon extrêmement différenciée et
hétérogène. Et regardez donc, Mme la Présidente, en plus, quand on regarde le
succès des enfants et quand on isole les variables, bien sûr, comme des
indices de défavorisation, on se rend compte qu'il y a des commissions
scolaires qui réussissent beaucoup mieux à
amener leurs enfants vers le succès et la réussite que d'autres commissions et
avec moins de ressources.
Quand
je disais tout à l'heure qu'il faut réfléchir à la façon dont les ressources
sont déployées, hein, ce n'est pas une
idée que j'ai inventée, on a des démonstrations empiriques très sérieuses qu'il
y a des ressources qui ont été ajoutées de façon importante et qu'il y a encore des gains, et des gains
extrêmement importants, à faire au niveau du déploiement des ressources. Et tous ceux qui sont dans le
domaine, dans les écoles aujourd'hui, quand je leur parle, me disent toujours
la même chose : Les ressources ne sont
pas toujours bien déployées. Ce n'est pas les bonnes ressources au bon endroit,
ce n'est pas le bon niveau de ressources au
bon endroit, et en plus les commissions scolaires réservent trop de ressources
au niveau central, hein?
C'est la raison pour laquelle il faut réfléchir à
notre gouvernance scolaire et s'assurer que ceux, hein, qui connaissent l'école, ceux qui la font vivre, notamment les
parents et le personnel qui y travaille, aient une place de plus en plus importante dans cette gouvernance pour s'assurer
que les ressources aillent le plus près possible de là où elles doivent
se retrouver, c'est-à-dire près des enfants.
La Présidente (Mme
Rotiroti) : Merci, M. le ministre.
On va rester du côté
ministériel. Alors, M. le député de LaFontaine, la parole est à vous pour cinq
minutes.
• (10 h 50) •
M.
Tanguay : Oui, merci beaucoup. Merci, Mme la Présidente. Alors,
vous me permettrez d'abord de vous saluer, également de saluer les collègues, la collègue députée de Gouin, les
députés de Chambly et de Lac-Saint-Jean, et de saluer également la façon non partisane et unie, je
dirais, qu'ils nous apportent dans... et qu'ils mènent dans cette
interpellation. Saluer évidemment le ministre et mon collègue de
D'Arcy-McGee.
L'interpellation,
c'est la troisième que je fais, et j'apprécie beaucoup, moi, comme
parlementaire, comme député, la façon
de faire lors des interpellations parce que l'on peut voir que, normalement,
même s'il y a des petits écarts une fois
de temps en temps, le niveau de partisanerie est mis de côté, ce qui est bien
pour la démocratie québécoise puis ce qui
nous permet d'approfondir un sujet, d'y réfléchir. Et moi, comme député de
LaFontaine, lorsqu'on m'a confirmé que j'aurais
l'occasion, ce matin, d'être partie prenante à cette interpellation-là,
ça me faisait particulièrement plaisir comme père de famille aussi mais comme député qui est interpellé au premier titre, comme tous les collègues ici
qui reçoivent des appels des parents,
qui doivent répondre à des courriels, qui retournent des appels, qui
rencontrent les parents, et les acteurs, et les professeurs, et les
acteurs sur le terrain.
Je
vous parlerai un peu plus tard... Moi, LaFontaine, Mme la Présidente, c'est
Rivière-des-Prairies, c'est la commission scolaire Pointe-de-l'Île, et je crois également que c'est votre
commission scolaire. Vous comme moi, vous êtes sûrement en contact, évidemment, avec les parents, les
professeurs, les professionnels, les représentants et notamment Miville
Boudreault, qui est le président de
notre commission scolaire. Je dis «notre commission scolaire» parce qu'il faut
être partie prenante, voir leurs
défis, voir leurs réussites, voir les défis qu'ils n'ont pas pu combler encore
aujourd'hui, et les réussites, et comment ils y sont parvenus, et comment on peut faire. Et ça, je l'ai noté, moi,
je l'ai réalisé, ce qu'a dit le ministre sur le terrain. C'est que ce n'est pas vrai que c'est toutes les commissions scolaires qui
performent de manière excellente. Il
y a, comme il le disait — il
citait le rapport Lacroix — des commissions scolaires qui, sous certaines données, sous
certains aspects, vont réussir
beaucoup mieux que d'autres. Et c'est un constat. Et nous, comme parents, comme
députés, c'est important de s'assurer
que l'on puisse avoir des taux de réussite qui soient les meilleurs au Québec
et de façon la plus, je vous dirais, uniforme,
pas nécessairement en termes de moyens mais en termes de résultats. Et force
est de constater que ce n'est pas le cas partout au Québec. Il y a des
défis qui sont centraux.
Puis aujourd'hui je
le vois, j'ai réalisé en entrant, 20 novembre, aujourd'hui, c'est la Journée
nationale des enfants. Et je pense qu'il y a
un lien important parce que,
vous savez, Mme la Présidente, le 20 novembre 1989, il y avait
signature par les Nations unies d'une convention relative aux droits de l'enfant. Et je
regardais un peu plus tôt certains de ses articles. L'article 6
de cette convention-là relative aux enfants : le droit à la survie et au
développement. Et j'ai retrouvé l'écho de ce principe majeur, central et
important, qui est le principe directeur au ministère de l'Éducation, à
l'intérieur du rapport de 2009 L'école, j'y tiens! — Tous
ensemble pour la réussite scolaire. C'est, en 2009, donc, un rapport qui avait été déposé, qui avait été
commandé par le gouvernement. Et une phrase importante, une phrase clé à la
page 5, et je la cite, Mme la
Présidente : «L'éducation est une source de croissance et de liberté de
choisir et d'orienter son parcours de
vie en fonction de ses rêves et de ses aspirations.» Fin de la citation. C'est
ce qu'on veut pour tous les enfants
du Québec. Ce qu'on veut, c'est que tous les enfants puissent réussir, se
développer, s'épanouir et avoir une partie prenante à la société en
exploitant, dans le bon sens du terme, tout leur potentiel. Et c'est ce qui
nous anime ce matin.
Et
moi, dans une vie antérieure, en conformité, on me disait : Tu ne peux pas améliorer ce que tu ne mesures pas.
Tu dois mesurer et tu ne pourras pas
prétendre à l'amélioration si tu ne le mesures pas. L'objectif
en matière de persévérance scolaire, Mme la Présidente, était, pour 2020, un taux de diplomation :
les moins de 20 ans, avoir un taux de diplomation ou de qualification de 80 %. 2009, ce rapport nous donnait comme
objectif qu'en 2020 80 % des moins de 20 ans aient soit un diplôme ou une qualification. Force est de
constater que, dans certaines commissions scolaires, dont la commission
scolaire Pointe-de-l'Île, ça a été réussi. Pourquoi? Comment on peut agir pour
que ce soit le cas partout au Québec? On aura l'occasion — je ne
veux pas excéder mon temps, là — d'y revenir. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme
Rotiroti) : Merci beaucoup, M. le député de LaFontaine.
On va passer
du côté du deuxième groupe de l'opposition. Alors, M. le député de Chambly
ainsi que porte-parole du deuxième
groupe de l'opposition en matière d'éducation, d'enseignement supérieur, de la
recherche et de la science, vous avez cinq minutes.
M.
Roberge : Merci, Mme la Présidente. Quand on entend le ministre et
même les députés ministériels, si on ne fait que les écouter, c'est beau, ça va bien, tout le monde est pour
l'éducation, tout le monde veut la réussite des jeunes, mais on les regarde aller aussi. C'est ça,
l'affaire. On écoute ce qui se passe dans les écoles, on écoute les parents,
les profs et, quand on les regarde aller, on déchante un petit peu, hein? C'est
un peu comme une publicité, là. C'est écrit
en bas, là, en bas de l'écran,
là : Dramatisation. Ce n'est pas vrai, ce qu'on vous montre. Et malheureusement, c'est ça, on a l'impression que c'est une espèce de grande
mystification parce que, dans la vraie vie quand on regarde...
La Présidente (Mme Rotiroti) :
Oui, M. le député de LaFontaine.
M. Tanguay :
...entendiez. On est à l'Assemblée nationale, et chaque collègue doit respect
aux autres collègues. Et, quand le
député m'affuble de dramatiser, il m'insulte d'une façon que vous ne pouvez pas
imaginer, Mme la Présidente. Alors,
je lui demanderais, en tout respect, de respecter l'institution et son collègue
et de ne pas avoir de propos blessant. C'est à l'article 35. S'il vous
plaît! S'il vous plaît!
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Oui, merci, M. le député de
LaFontaine. Jusqu'à date, je pense que l'interpellation va bien. Alors,
M. le député de Chambly, je demande votre collaboration. Continuez avec votre
exposition.
M. Roberge : Respecter les
collègues, c'est bien. Respecter les parents, les élèves, c'est mieux.
Si tout était
si beau que ce qu'on laisse entendre, il n'y aurait pas tout le monde ici, dans
les tribunes, il n'y aurait pas des
milliers de parents qui encerclent des écoles. Puis le gouvernement ne ferait
pas à peu près l'unanimité contre lui d'à peu près tout ce qui bouge et
respire en éducation au Québec.
En tant que
professeur — j'ai
enseigné 17 ans au primaire — je peux vous dire que, déjà, le réseau était
fragilisé avant 2014. Les parents
avaient toutes les misères du monde à obtenir des services pour les élèves. Je
ne peux pas blâmer le ministre actuel
pour ce qui s'est passé en 2012‑2013, mais il est allé fragiliser un réseau
déjà au bord de la falaise. Et ça, oui, c'est sa responsabilité à lui
puis à son gouvernement.
Et
malheureusement, quand on dit que ce n'est pas grave, c'est une année
difficile, ça va passer, ce n'est pas vrai dans la vie des élèves parce que cette année-là ne reviendra pas pour
les élèves qui n'ont pas les services cette année, les élèves en difficulté. Puis c'est ça qui est
terrible, c'est que c'est eux qui font les frais des coupures directement. Les
élèves en difficulté, que ce soit
handicap physique, moteur ou tout simplement une dyslexie, une dysorthographie,
un trouble du spectre de l'autisme,
ils n'ont pas les services auxquels ils ont droit cette année. Puis de dire que
ce n'est pas grave, ça va passer, ce n'est pas vrai. Ils vont accumuler
du retard qu'ils ne rattraperont peut-être jamais.
Puis c'est
terrible d'opposer l'équilibre budgétaire, le déficit zéro, là, avec les
investissements en éducation. Ce n'est
pas vrai que, pour atteindre l'équilibre budgétaire, il faut couper en
éducation. On n'embarque pas là-dedans. Le gouvernement dit, puis le premier ministre a dit souvent qu'ils
coupaient dans les services aux élèves, mais c'était au nom de la jeunesse. On fait juste rejouer le «tape»,
là : On coupe dans les services aux élèves au nom de la jeunesse. Ça ne
marche pas. On ne peut pas couper dans les jeunes pour les jeunes. Ça ne
fonctionne pas. Oui, c'est bien de laisser aux jeunes des finances publiques en bon état, mais, si on les laisse sans
diplôme, avec des blessures profondes, si on les laisse avec une incapacité à prendre leur place dans la
société, qu'auront-ils à faire du déficit zéro et de l'équilibre budgétaire?
Ça ne fonctionne pas.
Malheureusement,
le gouvernement, à quelques reprises, a essayé de dire que ma formation
politique, la CAQ, on était d'accord
avec ça. Bien, je veux dire que ce n'est pas vrai. On n'est pas d'accord avec
ça, nous, couper en éducation. Il y a
bien d'autres façons, il y a bien d'autres façons que de couper en éducation
puis dans les services aux élèves pour rétablir
l'équilibre budgétaire puis laisser à nos jeunes, dans une perspective d'équité
entre les générations, un Québec en santé. Alors, c'est important de le
mentionner.
Et je vais
demander au gouvernement puis au ministre tout simplement de faire ce qu'il
dit, d'être cohérent entre les beaux
principes, les grandes affirmations, les déclarations solennelles, les discours
du trône puis les règles budgétaires, les
mesures administratives, les consignes envoyées aux commissions scolaires parce
qu'en ce moment il y a une dissonance incroyable entre le message et les
actions. Merci.
La Présidente (Mme Rotiroti) :
Merci, M. le député de Chambly.
M. le ministre, vous avez cinq minutes pour
répliquer.
• (11 heures) •
M.
Blais : Petite correction : je ne parle pas comme ça. Je ne dis
jamais : Ce n'est pas grave, ça va
passer. Donc, je vous laisse ces
propos-là. Je ne parle jamais comme ça. J'ai toujours dit que c'était une
année plus difficile. Je sais par
ailleurs qu'on va réussir. Pourquoi? Parce
que ça s'adonne que moi, j'étais dans
le réseau scolaire... dans le réseau,
plutôt, universitaire dans les années
90, quand les vraies coupures, les grandes coupures en éducation ont été
faites. Ça s'adonne que j'ai vu ce qui s'est passé. J'ai vu la
diminution des professeurs. Je les ai vus revenir ensuite, par la suite, par
les réinvestissements, là, du Parti libéral
suite au départ du Parti québécois. Donc, je sais qu'il y a de la résilience
dans ce réseau.
Je corrige aussi une deuxième fois. Le
gouvernement, le ministère a maintenu de façon intégrale, il le sait, il était
avec moi dans l'étude des crédits, il a
maintenu le budget pour les clientèles handicapées et en difficulté
d'adaptation et d'apprentissage. Ce
sont les mêmes budgets que l'an dernier. Je comprends qu'on en voudrait plus,
je comprends qu'il y avait des
commissions scolaires qui avaient déployé différents services, etc., mais nous
avons maintenu, nous n'avons pas pris dans ces budgets-là. Ces budgets-là ont
été protégés. Même si, parfois, les commissions scolaires nous demandaient de
la latitude, nous demandaient de pouvoir jouer dans certaines
enveloppes, ces enveloppes-là, elles ont été cadenassées complètement. Et ensuite, bien sûr, les
commissions scolaires ont fait leurs choix, mais nous n'avons pas coupé dans
ces enveloppes-là. Les services sont à offrir par les commissions
scolaires.
Autre
chose, la CAQ nous dit toujours : Il ne faut pas couper ici, il ne faut
pas couper là, non plus ici. À vrai dire, ils ne nous disent jamais où
l'effort doit être fait, hein, du point de vue budgétaire, mais ils sont
d'accord avec nous, comme le Parti québécois
d'ailleurs, sur l'importance de revenir à l'équilibre budgétaire cette année
mais sans jamais nous dire exactement
où est-ce qu'il faudrait faire les compressions pour arriver à cela. Donc, à un
moment donné, là, il faut être
cohérents dans nos propos. Si on veut l'équilibre budgétaire, et je pense qu'il
est nécessaire d'y arriver, hein, pour les générations futures, il faut s'assurer que les enfants de demain auront
aussi accès à des services de qualité, il faut faire les efforts
nécessaires cette année. Et la bonne nouvelle, c'est qu'on est en train d'y
arriver.
Maintenant,
au niveau de la gouvernance scolaire, l'enjeu pour nous, et c'est encore plus
fort quand on voit, là, la difficulté
des commissions scolaires ou, du moins, de certaines commissions scolaires de
livrer les services à la population... de
modifier la gouvernance scolaire pour renforcer le pouvoir et la place des
écoles parce qu'entre vous et moi, hein, les parents, ce qu'ils fréquentent, ce n'est pas une commission scolaire,
les enfants, ce qu'ils fréquentent, ce n'est pas une commission scolaire, avant tout, c'est une école.
Et c'est le leadership qu'il y a dans cette école... Je vous ai parlé de mes
dernières filles, là, qui sont allées dans une école, disons, en milieu
défavorisé. Il y avait des leaders, des directeurs et une directrice, ensuite,
d'école exceptionnels et ces gens-là, bien sûr, avec toute l'équipe-école, qui
faisaient en sorte, bien sûr, de relever, là, le défi de la réussite scolaire
chez les enfants.
Donc,
ce que nous voulons, hein, c'est de faire en sorte que le plus de ressources
possible aillent vers l'école et que
ceux qui sont au sein de la gouvernance scolaire dans les prochaines années,
c'est ceux qui ont un intérêt immédiat dans la réussite scolaire. C'est qui,
ces personnes? C'est bien sûr les parents, mais c'est aussi les directions
d'établissement, c'est aussi le
personnel enseignant qui appuie la réussite scolaire. C'est de faire en sorte
que ces gens-là soient au sein de la prise
de décisions pour que les décisions soient les meilleures. Moi, je regarde les
décisions qui ont été prises dans certains cas, je ne peux pas imaginer
que, si des parents avaient été, hein, au sein des commissions scolaires, on
aurait pris les mêmes décisions cette année.
Il me semble que l'intérêt des parents, c'est de s'assurer qu'il y ait le plus
de ressources possible, hein, qui descendent vers les enfants.
Donc,
c'est la vision que nous avons. Ce n'est pas une vision où on veut centraliser
à Québec, hein, les décisions, où on
veut que les ressources aillent à cet endroit et où on ne tient pas compte de
la spécificité locale et régionale. Nous voulons maintenir un niveau
d'autonomie pour les écoles à un niveau de décentralisation, je dirais de
décentralisation responsable pour les
écoles, et, pour y arriver, nous devons modifier la gouvernance scolaire. Je
vous rappelle qu'on a hérité de la gouvernance scolaire au XIXe siècle,
il est temps de la changer.
La Présidente (Mme
Rotiroti) : Merci, M. le ministre.
On
va rester du côté ministériel, et, M. le député de D'Arcy-McGee, vous avez cinq minutes pour votre intervention.
M.
Birnbaum : Merci, Mme la Présidente. J'ai envie de poursuivre un petit peu sur la question de la formation
professionnelle parce
que j'insiste qu'on parle, là, de la
qualité de l'offre aux jeunes à travers le Québec. Un des aspects de cette bonification de notre formation professionnelle va être une bonification des stages, de l'offre
des stages, modelée à l'image du système
dual en Allemagne, où le partenariat entre les syndicats, les professeurs, le
monde de l'enseignement et les entreprises est tellement, tellement fort. Et ce que ça donne, c'est une pertinence à
la formation professionnelle et un autre atout pour les élèves à risque.
J'ai entendu la députée de Gouin et j'en conviens, souvent, c'est les choses complémentaires aux services pédagogiques de base
qui sont le raccrocheur, qui sont tellement importantes à l'avenir de chaque élève, c'est-à-dire des activités
parascolaires, des services complémentaires. Et j'ajouterais là-dedans
quelque chose
qui est complémentaire aux services pédagogiques, c'est-à-dire, surtout pour les élèves rendus au secondaire, au programme
professionnel, une possibilité de voir la pertinence, la réalité de leurs études
en ce qui a trait à leur avenir au monde du travail. Alors, il me semble que ce pas important qu'on va
prendre envers un genre de système dual a tout son intérêt pour nous tous.
Là-dedans aussi, pour
s'y rendre, pour avoir travaillé, une autre fois, au sein des commissions
scolaires et de l'école publique, l'offre de
programmes de formation
professionnelle n'est pas toujours
au rendez-vous et arrimée comme il le faut avec le marché du travail. Notre gouvernement s'engage à la fois à promouvoir ces programmes. Et, deuxièmement, il y avait un écart assez
important, il faut le dire, actuellement entre la proposition d'un tel programme, et l'autorisation, et la réalisation d'un tel programme.
On va investir pour assurer que les programmes sont mis en place le plus vite possible.
J'aimerais
passer à un autre chantier qui a sa pertinence aussi quand on parle de la
qualité de l'offre de l'école et je parle des infrastructures. Il n'y a
aucun doute, la qualité de nos infrastructures, le maintien des écoles, des
cours d'école, voilà des facteurs importants
en ce qui a trait à la réussite scolaire, le bien-être
de nos élèves ainsi que nos enseignantes
et enseignants. Les installations doivent
être, oui, sécuritaires mais aussi accueillantes et, de plus, adaptées aux
nouvelles réalités technologiques.
Voilà quelque chose qui fait part de l'expérience de chaque élève et chaque
enseignant, enseignante, chaque jour. Et c'est lié à leur bien-être et à
la réussite scolaire.
Quand on
parle de ce chantier, le gouvernement du Québec investit massivement dans les
infrastructures scolaires afin de les
maintenir en bon état. Le PQI 2015‑2025 prévoit des investissements sur 10 ans
de 88,4 milliards, incluant les projets à l'étude, en planification et en
réalisation, du jamais vu et très, très important, compte tenu de ce lien entre
la qualité des institutions, et la réussite, et le bien-être de nos
jeunes dans les écoles.
Pour l'enseignement supérieur et la recherche,
les investissements prévus pour cette même période sont de 6,5 milliards. Cette année seulement, nous
investirons près de 510 millions dans les infrastructures du réseau de l'enseignement supérieur. En ce qui concerne le
primaire et le secondaire, c'est plus de 8,8 milliards de dollars qui
seront investis dans le parc
immobilier scolaire d'ici 2025, dont 6,8 milliards en maintien d'actif. Ça
a son impact. Quand on veut nous
assurer que les enfants sont à l'écoute, ils portent l'attention à ce que le
prof dit, si les fenêtres sont sales, si la qualité de l'air n'est pas au rendez-vous, si les fournitures scolaires
ne sont pas là, évidemment, l'expérience est moins faisable, une autre fois, dans le contexte qu'on a
à vivre toujours. Et j'invite le député de la CAQ à comprendre que l'éducation
ne peut pas atteindre l'écart des réalités
de notre travail de redressement de l'économie. Quand même, il faut veiller à
ces structures-là parce que ça va toucher à l'expérience de chaque
enfant dans chacune de nos écoles.
• (11 h 10) •
La Présidente (Mme Rotiroti) :
Merci, M. le député de D'Arcy-McGee.
On va passer
du côté de la députée de Gouin pour une intervention de cinq minutes. Alors, la
parole est à vous.
Mme David
(Gouin) : Merci, Mme la Présidente. Écoutez, moi, je trouve un peu
dramatique, je pense que je peux le
dire pour moi-même, qu'on soit dans un débat, là, qui m'apparaît un peu
surréaliste. De ce côté-ci de la Chambre, on essaie de dire : Vous savez, M. le ministre... Mme la Présidente,
je dis au ministre qu'il y a des vrais problèmes, des vrais problèmes en ce moment, là, dans des écoles que
moi, je visite, puis j'en visite plusieurs et je reste trois heures par école.
Ce que je vois, ce sont des écoles qui
commencent à être délabrées, je suis dans un quartier central de Montréal,
donc, oui, des écoles avec des
problèmes d'entretien, des écoles qui commencent à être surpeuplées, on n'est
pas en manque d'enfants dans nos écoles. Je vois un personnel enseignant
remarquable, dévoué, généreux — et je devrais le dire au féminin puisque 95 % sont des femmes — créatives, dynamiques, persévérantes,
courageuses, tellement dévouées à leurs élèves. En fait, heureusement
qu'elles sont là avec l'aide de quelques professionnels en soutien, avec l'aide
de leur direction d'école, parce que, sans
elles, il n'y aurait pas d'école. Et l'école scolarise tout de même ces enfants
venant de milieux diversifiés, dans
certains cas franchement défavorisés, dans d'autres cas moins, milieux de
classe moyenne, mais on peine dès maintenant
à s'occuper des enfants en difficulté. Je parle de mon quartier. Je vis à
Montréal, mais c'est la même chose ailleurs. J'arrive du
Bas-Saint-Laurent où on m'a dit : On a dû couper une dizaine de
professionnels en soutien aux élèves pas
parce que la commission scolaire centralise les dépenses et parce que la
commission scolaire fait du
gaspillage, elle est à 2,7 % de frais d'administration. En bas de ça, il
n'y a plus de secrétaire. Donc, ce n'est pas pour ça. C'est parce qu'il y a des coupures, Mme la
Présidente. Je ne sais pas, là, le mot «coupure», le ministre a l'air d'avoir
de la misère à le prononcer, mais c'est pourtant un mot qui s'applique
depuis un an.
Et non
seulement il y a les coupures, mais le terrain sur lequel je voudrais l'amener,
et j'espère qu'il me répondra, c'est
que tous ces professionnels, ces enseignantes, enseignants tellement dévoués,
je peux en témoigner, en ce moment, négocient un nouveau contrat de travail, ce
qui inclut, bien sûr, des augmentations de salaire, mais ce qui inclut surtout
des demandes pour améliorer la qualité du
travail auprès des enfants. Et je pense que je n'ai pas besoin de faire un long
discours, ça a été abondamment expliqué dans
les médias, le gouvernement offre ce que je n'oserais même pas qualifier
d'augmentation de salaire. Vous savez qu'une
enseignante au premier échelon ne gagne même pas 40 000 $ par année.
J'aimerais bien savoir combien gagne, dès la
première année, un mineur dans le Grand Nord du Québec. Et là on leur
dit : Vous allez faire plus avec
moins. On va augmenter les ratios dans les classes, vous avez déjà, parce que
c'est ça qui se passe depuis un an, moins de professionnels pour vous
aider, vous allez passer plus de présence à l'école, vous allez donner plus d'heures. Les professeurs demandent
plus d'autonomie, on leur dit : Non, vous en aurez moins. C'est nous
qui allons décider de ce que vous allez
faire. Les professionnels veulent plus de temps avec chaque enfant? Bien, ça ne
sera pas possible puisque le nombre de professionnels est réduit.
Alors là,
moi, je me pose une question assez simple, Mme la Présidente. Si on croit dans
l'école... le ministre nous dit :
Je crois dans l'école. Alors, on croit tous dans l'école. Parfait! Si on croit
dans l'école, comment ça se fait qu'on traite si mal les gens qui y
travaillent? Moi, ça me dépasse un peu. Je ne comprends pas ça. Je ne comprends
pas qu'on n'offre rien, finalement, à
ces femmes et à ces hommes qui, tous les jours, avec beaucoup de patience,
s'occupent de nos enfants et petits enfants.
On n'offre rien. On continue de donner des petites tapes sur l'épaule, mais on
n'offre rien du tout, aucune condition
qui leur permettrait de faire leur travail de meilleure façon. Et ça, ça serait
gagnant pour la qualité de l'éducation publique.
Je pense,
moi, qu'il y a un lien direct entre les conditions de travail des gens qui sont
tous les jours avec nos enfants et la
qualité de l'école, la lutte au décrochage scolaire, le fait qu'on réussisse à
qualifier les jeunes après le secondaire V. Oui, il y a des endroits où on arrive à un taux de diplomation
secondaire V à 80 % quand les jeunes ont 20 ans, mais on n'en a pas tant que ça qui arrivent à faire leurs
études secondaires au complet en dedans de cinq ans. Et ce que je dis est
encore plus vrai des milieux défavorisés. Comment le ministre peut nous
expliquer tout ça?
La Présidente (Mme Rotiroti) :
Merci, Mme la députée de Gouin.
M. le ministre, vous avez cinq minutes pour
votre réplique.
M.
Blais : Peut-être deux petites corrections mineures, là, si vous
permettez, Mme la Présidente. D'abord, le Québec a le taux de
diplomation, là, au secondaire le plus élevé du Canada. Le problème que nous
avons, hein, c'est que trop décrochent et
raccrochent. On aimerait qu'ils ne décrochent pas et donc diplôment plus
rapidement. Mais on a la province probablement la plus qualifiée, là, au
pays, en tout cas, au niveau secondaire, aussi au niveau postsecondaire.
Deuxième élément, je ne veux pas
entrer, là, sur la négociation. On l'a déjà mentionné ici, ce ne serait pas le
bon endroit. Je vais suggérer quand
même à ma collègue de simplement lire les journaux sur la négociation. Il y a
des choses qui ont été dites, là, qui
permettent vraiment de rétablir un certain nombre de faits, hein? Nous ne
voulons pas augmenter le nombre
d'heures de travail de nos enseignants. On veut s'assurer, simplement
s'assurer, que les heures qui sont prévues à l'école demeurent les mêmes. C'est vraiment l'enjeu de la négociation.
Et je pense que, sur cet aspect-là, là, je pense que je ne déclare rien
de secret en disant que ça va assez bien. Je pense qu'on s'est entendus, là,
sur les mots, parce qu'il y avait une
querelle de mots. L'enjeu des ratios, ce n'est pas pour les augmenter, c'est avant
tout pour voir est-ce qu'on peut
refaire un rééquilibrage ou pas. Il y a une discussion là-dessus. Je parle de
temps en temps là aussi avec les leaders syndicaux. Là, il y a une
discussion là-dessus, mais je n'irai pas plus loin, bien entendu. On sait que
c'est un moment, là, assez important, en ce moment, de notre discussion.
Je
vais peut-être aller sur un terrain, je pense, qui intéresse ma collègue et
tous les collègues ici, c'est celui du décrochage
scolaire et comment on peut, disons, encore faire mieux que ce que l'on fait en
ce moment puis continuer de progresser. Lors d'une rencontre avec Paul
Gérin-Lajoie, il m'avait dit que son seul regret dans la réforme et dans le rapport Parent, c'était d'avoir sous-estimé et ne
pas avoir, disons, travaillé suffisamment sur la question de la formation
professionnelle, que la formation
professionnelle, du moins au niveau de la vision qu'on pouvait en avoir, était
probablement l'enfant un peu délaissé
de la réforme. Il faut lire le rapport Parent. C'est assez clair. Il faut lire
le rapport Parent pour voir que,
quand on vous parle de la formation professionnelle, on en parle comme la
situation de ces enfants, là, qui n'ont pas de capacité ou qui manquent de capacités pour continuer. On va les envoyer
au secteur professionnel et au secteur technique. Et ça, c'est malheureux à la fois pour des raisons
humaines, parce que ça a amené des jeunes qui n'avaient peut-être pas l'intérêt, pas les capacités, mais l'intérêt, là,
pour poursuivre au même endroit, mais aussi un enjeu pour notre économie
parce que nous aurons besoin, dans les
prochaines années, de beaucoup de main-d'oeuvre qui va venir du secteur
professionnel et technique. Et, dans
un contexte où le chômage diminue pour différentes raisons, dont des raisons démographiques,
il faut s'assurer de la plus pleine
adéquation possible entre la formation et l'emploi. Puis là c'est une des
priorités. On en a parlé un petit peu, mais je veux l'illustrer avec
deux cas très précis.
• (11 h 20) •
Je suis allé
annoncer, à Thetford Mines cette année, et ensuite à Saint-Georges, deux
nouvelles formations professionnelles en
formation duale. Alors, qu'est-ce que ça signifie, Mme la Présidente, une
formation duale? C'est une formation
qui est consacrée à 50 %, au moins 50 %, si possible... qui se fait à
l'intérieur des organisations ou encore des industries, ce qui fait en sore que, très tôt dans sa formation, le
jeune commence par un stage d'observation, hein, de son futur métier. Il
voit si ça l'intéresse ou pas. Si ça ne l'intéresse pas, au moins, il le sait
tôt, il peut changer d'avenue, il peut
changer de trajectoire, mais, si ça l'intéresse et quand ça l'intéresse, ça
devient une motivation supplémentaire pour s'accrocher à ses études parce qu'il voit concrètement ce que ça va lui
donner, il voit concrètement qui il sera, hein, quel genre d'emploi il
pourra exercer.
Donc, la première
formation, c'est une formation technique en métallurgie au cégep de Thetford
Mines... en plasturgie, pardon. Merci, on me
corrige. En plasturgie. C'est assez important parce que c'est une formation qui
est très importante pour l'économie
du Québec. Il y avait une perte d'intérêt, semble-t-il, pour les étudiants dans
le domaine de la plasturgie. En
revampant le programme, en travaillant avec l'industrie pour offrir plus de
stages au cours de la formation,
pas uniquement à la fin, on a réussi à
attirer beaucoup d'étudiants qui sont maintenant
rémunérés pendant leur stage et on s'assure d'un plus grand nombre de
finissants.
On
a fait la même chose au niveau
secondaire, dans une autre formation professionnelle, où 50 %, même un peu
plus que 50 %, va être offerte en
entreprise, et on sait que ça va accrocher beaucoup nos jeunes et en
particulier, il faut bien le dire, nos garçons.
La Présidente (Mme
Rotiroti) : Merci, M. le ministre.
Alors, on reste du
côté ministériel, et, M. le député de LaFontaine, la parole est à vous pour
cinq minutes.
M.
Tanguay : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Les défis sont là.
La persévérance scolaire, et c'est important de le reconnaître, il y a eu des avancées, mais on ne pourra jamais se
contenter, même si les résultats, même si les tendances lourdes font en sorte qu'il y a plus en plus
d'étudiants et d'étudiantes qui décrochent un diplôme. Il y a des statistiques
pour démontrer la tendance lourde. Je pense
évidemment qu'il ne faut pas se satisfaire de cela et en disant : Bon,
bien, ça y est, on a atteint, de façon finale, totale et complète,
l'objectif. Non, il y aura toujours et il y a toujours des défis.
Maintenant,
je reviens à ce que je disais un peu plus tôt, on ne peut pas améliorer ce
qu'on ne mesure pas. Et il est important
de s'assurer que les ressources que l'on met dans le système d'éducation — et, quand je dis «système», je dis le
ministère, évidemment, commissions scolaires
et, en bout de piste, les écoles, ce qui touche directement les professeurs
et les professionnels en éducation — s'assurer que chaque dollar que l'on met
puisse nous permettre d'en tirer le maximum de bénéfices, bénéfices pour nos
enfants. Autrement dit, qu'un enfant qui soit en difficulté reçoive le service
qu'il est en droit de recevoir.
Il
y a ici, donc, une statistique, un chiffre qui a attiré mon attention. Que
fait-on pour encourager la persévérance scolaire? Bien, on met 200 millions de dollars chaque année dans le
réseau pour contrer le décrochage scolaire. Donc, 200 millions de
dollars chaque année dans le réseau pour contrer le décrochage scolaire,
important dans le contexte où il y a des questionnements
quant à la gouvernance, important dans le contexte où il y a des commissions
scolaires qui semblent mieux performer que d'autres, important de se
poser ces questions-là. Et ça fait partie des questions qui se posent présentement parce que des ressources
financières, il y en a énormément dans le système. Comment pouvons-nous nous assurer que les enfants qui en ont besoin et
les étudiants... les professeurs et les professionnels puissent justement
agir directement sur nos enfants?
Et,
en ce sens-là, je reviens à l'important document, qui, je pense, était une
prise de conscience nationale en 2009 ou
un geste posé par le gouvernement. Dans le document intitulé L'école, j'y
tiens!, où là, je pense, on nous enlignait vers les éléments importants et centraux, il y avait
des constats qui étaient faits : «...l'école ne peut plus, à elle seule,
assumer toutes les responsabilités de
hausser le niveau de persévérance...» Il y avait donc une importance d'avoir
une collaboration des parents, oui,
mais de la communauté et du milieu. On parlait du milieu de l'emploi. Ce qu'a
mentionné le ministre, un peu plus
tôt, avec l'importance de l'approche adéquation formation-emploi, c'est un
élément qui, je pense, a de l'avenir, un
élément qui va permettre aux jeunes de pouvoir s'enligner — il parlait du rapport Parent, peut-être un
peu de l'aspect qui avait été mis de côté quant à la formation
professionnelle — bien,
faire aujourd'hui en sorte que l'on puisse, oui, s'assurer qu'il y ait une adéquation formation-emploi, qu'une étudiante
ou un étudiant puisse obtenir un emploi, donc diplômer, avoir une
qualification et obtenir un emploi.
Donc, des
ressources financières, 200 millions par année, persévérance scolaire,
s'assurer que, sur le terrain, cet argent-là soit maximisé, c'est ça, le
défi du gouvernement. On parle de quoi? Entre le désir et entre le geste de
mettre 200 millions et les effets
bénéfiques directement sur le terrain, on parle de la gouvernance, on parle de
commissions scolaires qui réussissent
mieux que d'autres. Bien, s'assurer que les analyses soient faites et que les
conclusions soient tirées, c'est ce qui est présentement, évidemment, à
l'étude.
Et ça, quand
on dit... en 2009, on se donnait comme objectif qu'il y ait un taux de
diplomation ou de qualification — 2007, c'était 69 % en 2007 — qui passe, en 2020, à 80 %, ça voulait
dire, de façon tangible, s'assurer, pour
une commission scolaire de la grandeur de celle de Pointe-de-l'Île, qui, Mme la
Présidente, est celle dans laquelle se retrouvent
nos deux circonscriptions, bien, ça voulait dire environ, d'ici 2020, 300
élèves qui persévèrent jusqu'à
l'obtention d'un diplôme ou d'une
qualification. C'est ça, le défi aujourd'hui. Puis c'est important. Puis, moi,
ce sera tout. C'est mon dernier bloc. Cinq minutes, ça passe très, très
vite. Moi, je salue l'interpellation de ce matin. Ça fait partie du débat démocratique. Il y a des questions importantes qui
sont posées, et je pense que l'on doit évidemment toujours s'inscrire dans une logique où l'on constate les défis sur le
terrain, qu'on veut y répondre et qu'on apporte des solutions tangibles.
Donc, je salue et je félicite — moi, ce sera ma dernière
intervention — les
collègues d'en face.
La Présidente (Mme Rotiroti) :
Merci, M. le député de LaFontaine.
Avant de céder la parole au député de
l'opposition officielle, je comprends que j'ai le consentement pour dépasser nos travaux jusqu'à 12 h 5,
oui? Consentement? Parfait. Alors, M. le député de Lac-Saint-Jean, la parole
est à vous pour cinq minutes.
M.
Cloutier : Je vous remercie, Mme la Présidente. Alors, le député de
LaFontaine nous faisait état de l'importance du taux de réussite. On a un objectif qui est ambitieux, au Québec,
effectivement d'atteindre celui de 80 %. La commission scolaire Pointe-de-l'Île particulièrement a un
retard important pour des raisons évidentes et, comme d'autres commissions
scolaires, elles font face à des besoins qui
sont urgents, elle a un taux de réussite, à la Pointe-de-l'Île, inférieur à
70 %, là, inférieur à la moyenne
québécoise. Je vois le député qui hoche de la tête, Il pourrait avoir une
petite discussion avec son collègue le ministre de l'Éducation, qui, la
semaine dernière, a rendu publics les derniers chiffres.
Mais, ceci
dit, Mme la Présidente, la réalité, c'est que le Québec, grosso modo, soit a
amélioré sa situation ou soit l'a un
peu empirée, mais ce qui est certain, c'est qu'on se dirige de plus en plus
vers d'autres élèves qui, malheureusement, risquent de décrocher. Si le témoignage des députés de l'opposition
n'arrive pas à émouvoir le ministre de l'Éducation, peut-être que les touchants témoignages que nous
recevons par dizaines, malheureusement, de parents qui accompagnent
leurs enfants avec des besoins particuliers vont peut-être toucher davantage le
ministre. Mais je tiens à remercier ces centaines
de parents, voire les milliers de parents, Mme la Présidente, qui nous écrivent
sur une base régulière. Je tiens à
souligner le courage, là, des différentes associations : Mme Geneviève Lapointe
pour Plus de services au Québec pour nos
enfants différents, Mme Dubé de la Coalition de parents d'enfants à besoins
particuliers, les différents comités de parents qui partagent avec nous
des témoignages.
Alors, je
vous lis le témoignage d'une mère, Marie-Claude Armstrong, de Chambly, qui
dit : «Cette année dans l'école,
il y a une seule éducatrice spécialisée pour le secteur régulier qui va
s'occuper des élèves mais il y a quatre classes de plus que l'an dernier, soit 100 élèves de plus. Alors, j'aimerais
demander au premier ministre et au ministre de l'Éducation :
Pensez-vous être en mesure de permettre à ces élèves de récupérer cette aide
perdue, d'être capables de rattraper tous les
apprentissages qui, malheureusement, sont non acquis par manque de services?»
Et c'est signé Marie-Claude Armstrong de Chambly.
Témoignage d'une maman de 39 ans, mère d'un
garçon de 8 ans avec trouble du spectre de l'autisme. «Septembre 2015. Mon garçon est en classe régulière en troisième année.
Cette année, le seul poste de technicienne en éducation spécialisée dans
l'école a été coupé. Ils sont 20 élèves dans sa classe. Mon fils voit la
psychoéducatrice deux fois par semaine. Le
reste du temps, il est livré à lui-même. Pour tenter de pallier au manque de
services, je paie chaque semaine de ma poche l'orthopédagogie mais au
privé. J'ai été en arrêt de travail depuis mars dernier pour dépression majeure. J'essaie de travailler, c'est très
difficile. Je suis découragée et je sens que je m'épuise en vain à tenter
d'obtenir des services pour mon fils.»
Témoignage de Jacques Corbeil. «Ayant deux
enfants avec des diagnostics...» Excusez-moi. «Je tiens à vous remercier...» Je
vais sauter ce bout-là. « Ayant des enfants avec des diagnostics, nous, parents
qui sommes dépassés, choqués et, dans mon
cas, épuisés, j'ai dû envoyer mon fils au privé et payer de ma maigre poche
certains services spécialisés car la
commission scolaire ne ciblait pas correctement les besoins de mon fils. Ils
ont préféré le niveler vers le bas plutôt que de l'envoyer dans la bonne classe faute de places disponibles. De
plus, cette classe était située à 1 h 15 de chez moi.»
• (11 h 30) •
Autre témoignage, M. le
Président... Mme la Présidente, pardon. «La semaine dernière — c'est
signé de Marie-Josée Aubin — j'ai proposé à l'enseignant de mon fils
Jeffrey, 8 ans, autiste de haut niveau et TDAH, de venir l'aider en classe. Mon fils fréquente une classe
régulière et a de réelles difficultés. Quel ne fut pas mon étonnement de
constater que ma proposition tombait à point. À mots couverts, j'ai compris que
le soutien professionnel distribué au compte-gouttes
ne serait juste pas suffisant pour combler les besoins de mon fils. Il y a
moins de quatre ans, mon enfant bénéficiait d'un soutien direct de 10
heures par semaine. Cette année, il bénéficie, avec l'ensemble de son groupe,
de trois heures par semaine en classe
d'orthopédagogie et de deux heures de soutien au professeur par une
technicienne en éducation
spécialisée. Bref, nous sommes passés de 10 heures de soutien à cinq heures pour un groupe complet. En demandant
aux écoles de faire toujours plus avec moins de ressources, ce sont nos
enfants, inévitablement, qui en écopent.»
Ce qui est
dramatique, Mme la Présidente, c'est que ce genre de témoignage là, je vous le
jure, et ma page Facebook en témoigne, ce sont des centaines de
commentaires comme ceux-là que je reçois.
Alors, il arrive un moment donné où on ne sait
plus comment exprimer la problématique, si ce n'est que d'en constater les
conséquences des coupures de professionnels. Puis les besoins, ils sont
immenses. Et on sait qu'il y a un nombre
important d'élèves dans nos classes qui ont besoin d'un soutien direct. Alors,
je n'ai pas 100 000 façons de poser la question au ministre, là, c'est : Quand va-t-il réinvestir et
procéder à l'embauche massive des services nécessaires pour aider nos
jeunes en difficulté?
La Présidente (Mme Rotiroti) :
Merci, M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. le ministre, vous avez cinq minutes pour
votre réplique.
M.
Blais : Oui, je remercie mon collègue. Il le sait, là, il le fait
souvent, donc, en période de questions, c'est toujours difficile de répondre à des cas particuliers parce
qu'il nous manque des informations. C'est toujours des cas extrêmement sensibles aussi. Donc, faire de la politique sur
des cas sensibles, c'est délicat pour tout le monde ici, pour moi et pour lui. Donc, je veux réitérer. Parfois, quand j'ai osé
regarder d'un peu plus près certains cas, aller chercher les informations,
je me rendais compte que, bon, il y avait
des éléments qu'il fallait ajouter, parfois un tableau clinique ou un tableau,
là, en termes d'offre de services qui
manquait, là. Alors, c'est très difficile pour moi. Ce n'est pas parce que je
ne prends pas au sérieux la gravité
de ces cas-là, mais c'est toujours très difficile d'utiliser, là, dans le
contexte dans lequel nous sommes, des cas aussi complexes que ceux qu'il
pointe du doigt.
Il convient avec moi, parce qu'il était aux
crédits, cependant, il convient avec moi que nous avons maintenu entières et nous avons bloqué les enveloppes pour
les enfants handicapés avec difficultés d'apprentissage, avec difficultés
d'adaptation. Cette année, nous avons tenu à maintenir ces enveloppes. Comment
gèrent les commissions scolaires? Pourquoi
certaines commissions scolaires, semble-t-il, réussissent mieux que d'autres?
Ça, c'est tout l'enjeu, bien sûr, de la réforme que nous préparons en ce
moment.
Je veux
revenir sur la question de la réussite scolaire ou du décrochage scolaire.
Pourquoi, par exemple, l'Ontario réussit
mieux que nous? C'est-à-dire au niveau du décrochage scolaire. Pas au niveau de
la performance mais au niveau du décrochage scolaire. On sait que l'une des
variables importantes, c'est le soin qu'ils accordent à la formation
professionnelle. Donc, je reviens
là-dessus. J'avais parlé de la formation technique, tout à l'heure, avec le
cégep de Thetford-Mines. C'est important de faire la même chose pour nos
garçons, notamment, et nos filles en formation professionnelle.
Et l'autre
exemple, qui était très intéressant, que j'ai utilisé, et là on va voir à la
fois le défi, la difficulté mais aussi ce
que ça peut donner en termes de possibilités, là, pour l'avenir, pour la
réussite scolaire, je suis allé à Saint-Georges, il y a quelques semaines, lancer un programme en soudage et montage, et,
dans ce programme encore une fois, 50 % de la formation, 50 % de la formation, se fait en
entreprise. Et le grand défi maintenant... J'ai mentionné tout à l'heure que ce
type de programme en formation duale emmène davantage nos enfants vers la
réussite. D'ailleurs, il y a très peu de décrochage dans ces programmes-là
parce que les enfants y adhèrent.
Alors, les
grands défis, maintenant, de continuer dans cette voie-là, donc de modifier la
structure de l'ensemble de nos
programmes de formation professionnelle et technique dans les prochaines
années, ça demande un effort important du
côté des entreprises et des organisations. Les entreprises doivent cesser de
regarder uniquement la formation professionnelle
comme une réponse du ministère de l'Éducation, et c'est au ministère de
l'Éducation de faire le travail. Les entreprises doivent entrer en
collaboration avec nous pour s'assurer, hein, que les élèves soient les mieux
formés possible, hein? Une formation
générale, bien sûr, mais aussi une formation spécifique, donc. Et les
entreprises doivent ouvrir les portes
à nos enfants, doivent ouvrir les portes à nos élèves. Donc, ça, c'est un grand
défi parce que le Québec n'est pas
habitué, disons... l'industrie québécoise, les organisations québécoises ne
sont pas habituées à ouvrir les portes autant que ce qui est nécessaire
pour la formation professionnelle et pour les stages en entreprise.
L'autre défi
important, mais finalement je commence à découvrir qu'il est moins difficile
que je ne le craignais, c'est bien
sûr le personnel enseignant, qui doit aussi changer son approche, hein? Et
alors ce qui m'amuse toujours quand je
vais rencontrer les personnes et les enseignants impliqués dans ce nouveau
modèle de formation duale, c'est que les enseignants qui participent concrètement sont très ouverts au
changement. Ils acceptent maintenant qu'ils auront peut-être à se rendre davantage dans les organisations pour
superviser les étudiants. Ils auront même à faire du tutorat pour des employés
dans l'entreprise, qui eux-mêmes, ensuite, vont accompagner les élèves.
Donc, il y a
deux efforts importants qui doivent être faits pour aller vers une formation
duale pour faire en sorte que nos élèves
en formation professionnelle et technique... passer d'une situation où ils font
un stage à la toute fin de leur formation,
ce qui est à mon avis beaucoup trop tard, mais qu'ils fassent un stage dès le
départ et qu'ils fassent plusieurs stages par la suite à l'intérieur de
la formation. Donc, deux défis importants. Le premier, c'est que les entreprises et les organisations soient au
rendez-vous. Et ça, là-dessus, c'est un test, on verra bien si ce test va être
réussi par les
entreprises dans les prochaines années. Il y a beaucoup d'intérêt tout
simplement parce qu'il y a une pénurie de main-d'oeuvre au Québec, de main-d'oeuvre qualifiée. Et aussi, bien sûr,
l'ouverture des enseignants. Et là, là-dessus, je suis assez confiant.
La Présidente (Mme Rotiroti) :
Merci à M. le ministre.
Alors, on
reste du côté ministériel. M. le député de D'Arcy-McGee, vous avez cinq minutes
pour votre intervention.
M.
Birnbaum : Merci, Mme la Présidente. Nous avons parlé un petit peu,
peut-être pas assez, des écoles en milieu défavorisé. Si on est pour parler de l'égalité des chances, c'est sûr
que nous avons toujours un bout de chemin à faire. Et y a-t-il une responsabilité plus solennelle
qu'on partage tous collectivement, et surtout au gouvernement, que d'assurer
qu'on travaille pour rétrécir l'écart en ce
qui a trait à l'opportunité offerte aux jeunes de partout, comment on peut
prendre comme réalité le fait qu'un enfant de quatre, cinq ans, déjà,
trace un avenir qui risque d'être moins promettant de quelqu'un qui a le hasard
d'être né dans des circonstances plus intéressantes?
Il y a
maintes études qui démontrent qu'une intervention précoce peut être un facteur
très, très important dans ce
cheminement dont je parle, et je parle des programmes de maternelle quatre ans
à plein temps en milieu défavorisé. Et
voilà un programme que notre gouvernement privilège, et il me semble qu'il faut
en parler. J'ai eu le plaisir, dans mes autres fonctions avant d'être ici, de siéger au comité ministère réseau
où se trouvaient les syndicats, les commissions scolaires, les représentants du secteur de la santé et
services sociaux pour l'implantation du premier bloc de ces programmes-là.
Et, voilà, c'est un bon départ. Il est très, très, très important, si on parle
du bien-être et de la réussite scolaire.
J'ai vu
moi-même, et on a discuté de plusieurs études qui démontraient que les jeunes
sous-stimulés, en milieu défavorisé
souvent, qui se trouvaient avec une mère monoparentale souvent sous-scolarisée,
voilà un des facteurs qui est le plus
souvent mentionné quand on parle d'un éventuel décrochage. Si on sait que, déjà
à quatre ans, cet enfant est devant ces
obstacles-là, on a notre obligation de faire tout ce qu'on peut pour lui donner
les chances qu'il mérite. Et voilà un chantier où on travaille très fort
comme gouvernement.
Dans ce
contexte actuel difficile sur le plan économique et financier, on a vu
l'ouverture de 12 nouvelles classes pour
cette année scolaire 2015‑2016. Du beau progrès dans ce dossier-là. Le réseau
compte maintenant 88 classes. C'est un
départ important qui représente un investissement total d'environ
12 millions de dollars. Ces nouvelles classes ont été offertes, à partir des critères objectifs, à des
commissions scolaires dont le nombre d'enfants de milieu défavorisé est grand.
C'est un départ, mais j'aurais pu en
témoigner au début, et toujours que l'offre est faite de façon égalitaire. Il
est important de noter que l'inscription des enfants se fait de façon
volontaire, et l'intention primaire derrière l'implantation de ce type
de maternelle était d'aider les enfants les plus défavorisés à mieux se
préparer pour l'école.
Cette année,
le ministre a également autorisé comme mesure exceptionnelle l'ouverture de
classes multiprogrammes réunissant
des enfants de quatre ans de milieu défavorisé et des enfants de cinq ans.
Alors, je peux en témoigner, il y a des écoles en milieu défavorisé très écartées de l'école avoisinante avec des
populations d'une densité très faible. Est-ce qu'on va mettre à l'écart ces écoles, ces parents de
cette opportunité? Il importe que la
réponse soit non. Les principaux buts de l'implantation de ces classes sont de fournir, comme j'ai dit, aux
enfants vivant dans un milieu défavorisé l'opportunité de développer
leur langage et d'autres capacités nécessaires à la réussite scolaire pour
qu'ils arrivent à la maternelle sur un
pied égal avec leurs pairs, de soutenir les parents — l'implication des parents, on le sait tous,
est un facteur assez clé à la
réussite du bien-être de nos jeunes — et d'accroitre les chances pour ces enfants
de connaître une expérience positive en
milieu scolaire et de faciliter leur intégration, ce qui fera en sorte que la
perception de leurs parents soit positive de l'école, que l'école ne soit pas vue comme un endroit hostile souvent
pour... C'est le malheur d'un parent qui n'aurait pas eu une bonne
expérience à l'école. Elle ou lui-même, ils transfèrent cette expérience à leur
enfant.
Alors, voilà,
notre initiative en ce qui a trait à la maternelle quatre ans va bonifier
l'opportunité pour les jeunes du
Québec. Et c'est l'intention de notre gouvernement d'en ajouter d'autres,
places, dans les années qui s'en viennent. Merci.
• (11 h 40) •
La Présidente (Mme Rotiroti) :
Merci beaucoup, M. le député de D'Arcy-McGee.
Je cède la
parole au député du deuxième groupe d'opposition. Alors, M. le député de
Chambly, vous disposez de cinq minutes pour votre intervention.
M. Roberge :
Merci, Mme la Présidente. Je vais vous lire un extrait d'un article paru il y a
deux jours, le 18 novembre dernier.
Parlant de la lutte au décrochage et des supposées avancées québécoises dans la
lutte au décrochage, je dis, et là cet
article dit, je cite : «Ce progrès est dû en bonne partie à la création de
nouveaux parcours pédagogiques allégés dans les écoles secondaires[...]. [...]ce qui [...] permet de réduire le taux
de décrochage, même s'il ne s'agit pas de véritables diplômes du
secondaire.»
Un peu plus
loin, dans l'article, on dit : «Le Québec n'a pas fait de progrès
suffisants dans la lutte contre le décrochage
scolaire si on regarde les statistiques les plus récentes sur la question, ce
qui constitue très certainement le principal échec de notre système
d'éducation.»
Et plus loin,
je continue, on parle des coupures. Et là je commence la citation,
excusez-moi : «Le risque est réel qu'il
fasse encore moins de progrès dans les années à venir — en parlant du Québec — parce que les jeunes décrocheurs de demain se recruteront, par définition, parmi
ceux qui constituent aujourd'hui les populations vulnérables de nos écoles.
Ce sont elles qui sont les plus affectées
par les mesures d'austérité — le mot est là — frappant le réseau d'éducation...»
Qui a écrit
ça? Alain Dubuc, éditorialiste à La Presse, La Presse
qui, elle, en 2014, avait écrit un beau message : Votez libéral,
hein, qui disait à ses lecteurs : Votez libéral. Je pense qu'ils ont
déchanté.
Et
la conclusion, ça disait : «Et c'est peut-être là l'effet le plus nuisible
des compressions dans l'éducation. Elles véhiculent un message
toxique : celui que l'éducation n'est pas une priorité.»
Et qui
véhicule donc ce message toxique? Le gouvernement libéral. Alors, si Alain
Dubuc, de La Presse, utilise le mot «austérité», «message
toxique», lui qui fait partie d'un journal qui a dit : Votez libéral,
bien, c'est parce qu'il constate que ce pour quoi les gens ont voté libéral n'a
pas été rempli. Une espèce de trahison, de bris de contrat.
Et là je vais
citer encore quelqu'un d'autre, je vais citer le Parti libéral. Extrait du
programme 2014. «Un gouvernement du
Parti libéral [...] intensifiera la lutte contre le décrochage scolaire. Pour
ce faire nous allons — dit le Parti libéral :
«Assurer un service d'aide aux devoirs dans
toutes les écoles primaires — en passant, ça a été coupé;
«Étendre l'aide aux devoirs aux écoles
secondaires.» Étendre l'aide, pas éteindre. Après ça, on dit :
«Élargir les
périodes d'aide aux devoirs avec des séances certains midis et soirs.» L'aide
aux devoirs, ça a été ciblé précisément,
là, comme par un tireur d'élite, pour quelque chose à mal financer, à viser. Il
y en a moins qu'il y en avait. Or,
dans le programme électoral, ça disait : On va l'étendre à la grandeur des
écoles. Je continue la lecture du programme du Parti libéral :
«[Nous allons] soutenir les projets issus de la
communauté tel le CREPAS — j'essaie
de ne pas rire, là — au
Saguenay—Lac-Saint-Jean.» Est-ce que le CREPAS au Saguenay—Lac-Saint-Jean a été soutenu depuis le 7 avril
2014? Il a été moins bien financé. Il
est moins bien financé en 2015 qu'il l'était avant l'élection. Alors, écoutez,
il y a vraiment un bris entre ce qui a été promis puis ce qui a été
fait.
Et je termine.
Ça dit : «[Nous allons] prioriser le diagnostic hâtif chez les jeunes
montrant des difficultés d'apprentissage...»
Ça, ça prend des professionnels parce que les diagnostics hâtifs, ça prend des
professionnels dans les écoles. Et, si on veut les prioriser, ça veut dire
on va en rajouter, là, c'est prioritaire, on va mettre plus d'argent pour embaucher des professionnels pour faire du
diagnostic hâtif. Il y en a moins. Il y en a moins qu'il y en avait. Tu sais,
moins qu'hier, plus que demain. Ça, c'est les diagnostics hâtifs dans
les écoles.
Alors, à un
moment donné, je pense que c'est pour ça qu'il y a tant de déception, de
cynisme et de colère, parce que la
colère, elle est alimentée par les attentes élevées qui ont été montées en
campagne électorale et qui n'ont pas été remplies. Donc, je pense qu'il est temps de donner un sérieux coup de
barre puis de faire ce que vous avez dit que vous ferez.
La Présidente (Mme Rotiroti) :
Merci, M. le député de Chambly.
Conclusions
Alors, nous
sommes maintenant aux dernières interventions. Alors, M. le ministre, vous
disposez d'un temps de parole de 10 minutes.
M. François Blais
M.
Blais : Oui. Bien, je pense bien qu'on va faire ce qu'on a dit qu'on
allait faire. On sait bien qu'on est arrivés dans une situation particulière. Le Vérificateur général du Québec nous
a dit : Écoutez, si vous voulez revenir à l'équilibre budgétaire, si c'est important pour vous, le
Québec est la juridiction aujourd'hui la plus endettée en Amérique du Nord
et la plus taxée en Amérique du Nord, si vous voulez revenir à l'équilibre
budgétaire, vous avez plus de 7 milliards à compenser. C'est-à-dire vous devez trouver 7 milliards parce que,
si le niveau de dépenses se maintient comme il est en ce moment, vous n'y arriverez jamais. Donc, c'est ce
qu'on a fait. Essentiellement, hein, on a décidé de le faire sur deux ans et
nous sommes en ce moment en cours de réussir cet équilibre budgétaire qui n'a
pas été atteint depuis sept ans. Et vivre selon ses moyens, c'est une des vertus de la sagesse, hein, disait Marc
Aurèle. Donc, vivre selon ses moyens, c'est une bonne chose, hein? Ce
n'est pas une honte, de vivre selon ses moyens, c'est nécessaire.
Maintenant,
je veux revenir rapidement sur les statistiques de M. Dubuc. Vous avez des
statistiques un petit peu plus
récentes. Puis je sais que ça vous intéresse. Je sais que mon collègue
s'intéresse à la réussite scolaire et essayer de mieux la disséquer. Donc, vous avez les statistiques encore un petit peu
plus récentes sur le site du ministère de l'Éducation. Et, encore cette année, la progression de la
réussite scolaire se maintient. Donc, on a atteint 77,7 %, donc plus
récentes que ce que M. Dubuc a
utilisé. Donc, on a même fait un saut important cette année en termes de
réussite scolaire et de qualification.
On s'était donné un objectif de 80 % d'ici 2020. Si ça continue comme ça,
si on fait les investissements au bon
endroit, si on continue au niveau du renforcement de la formation
professionnelle et de la formation technique, mais surtout la formation professionnelle, les chances
qu'on arrive à ce seuil et qu'on le dépasse avant 2020 sont des chances
réalistes. On verra bien. Il faut continuer, bien sûr, à travailler.
Bon, on a
parlé du journal La Presse. Je ne peux pas m'empêcher de
revenir sur les fameuses chroniques plates de M. Francis Vailles. Ses chroniques, elles sont plates, pourquoi? Pour
lui, bien sûr, parce qu'on a tenté de monter une histoire, hein, qu'au
cours des 10 dernières années on avait abandonné l'école, que l'école
était exempte et qu'il y avait eu un sous-investissement
dans les écoles au cours des dernières années. Et Vailles a reconstitué, hein,
année après année, le financement,
hein, qu'il y a eu dans le système d'éducation. Donc, je rappelle, cette année,
autour de 17 milliards de dollars d'investissement
en éducation, c'est près de 25 %, là... et enseignement supérieur,
25 % du budget du gouvernement du Québec.
Et, pour la clientèle d'enfants handicapés, en difficulté d'adaptation et
d'apprentissage, c'est 2,3 milliards de dollars.
• (11 h 50) •
Alors,
Vailles dit : Où est passé l'argent? Si on a augmenté, c'est probablement
parce qu'il y a eu une augmentation du
nombre d'élèves au Québec, dans les écoles. Et il a examiné... et donc, les
tableaux que j'avais tout à l'heure, bien sûr que non, on sait bien, il y a eu diminution du nombre
d'élèves au Québec, au primaire, secondaire. Augmentation au niveau universitaire mais diminution aux niveaux primaire
et secondaire. Légère augmentation ces dernières années, mais il y a une croissance importante, et personne ne le nie.
Quand je discute, moi, avec des leaders syndicaux, ils ne nient jamais qu'il y a eu une croissance importante du nombre
d'enseignants malgré cette diminution et il y a eu une croissance fulgurante,
hein, je pèse mes mots, depuis 15 ans, une
croissance fulgurante du nombre de professionnels en soutien à la réussite dans
les écoles du Québec. Donc, il montre bien que les efforts ont été faits.
Cette
année, c'est une année plus difficile. Les collègues d'en face me disent :
Il faut réinvestir, etc. L'important pour
nous, hein, c'est d'abord de vivre selon nos moyens, de réaliser les objectifs
d'équilibre budgétaire. Et je pense que, là-dessus, la population nous
accompagne. On l'a vu encore récemment dans des choix électoraux, je pense que
la population veut que l'on vive selon les
moyens... Encore une fois, il n'y a pas de honte. Je ne connais pas quelqu'un
qui devrait avoir honte de vivre
selon ses moyens. Par la suite, l'engagement est ferme du premier ministre :
à la hauteur de nos disponibilités
financières, nous voudrons faire des choix et, hein, revenir, bien sûr, à un
niveau de dépenses en éducation, d'investissements, qui est compatible
avec nos moyens, bien entendu.
Donc, j'ai commencé aujourd'hui en parlant
peut-être de mon parcours personnel, hein, qui est un parcours, disons, d'un succès personnel. J'ai associé à ce succès-là
un succès collectif parce qu'il est très clair, hein, qu'au Québec on a fait
des pas de géant, hein, du point de vue de
la réussite scolaire. Mais ceux et celles qui étaient dans ma classe dans la
fin des années 60, dans ma petite
école primaire, beaucoup, à l'époque, ont été laissés pour compte tout
simplement parce qu'il n'y avait pas
la moitié du tiers du quart des ressources, hein, en termes professionnels, en
termes de soutien, que l'on peut
retrouver aujourd'hui. Et je sais de quoi je parle parce que, moi, cette année,
je souligne le 25e anniversaire de l'entrée
en classe de ma propre aînée et je sais très bien, j'ai vu les ressources
s'ajouter, j'ai vu le soutien accordé aux enfants, et c'est une excellente chose. Et la démonstration est
faite : nous avons augmenté notre réussite scolaire encore tout
récemment, les derniers chiffres le montrent.
Maintenant,
où sont les efforts? Où doit-on faire les efforts? J'ai mentionné, au début de
la rencontre, que nous devrons être beaucoup plus spécifiques. Et là
nous entrons, bien sûr, dans une période importante avec nos syndicats. Nous négocions avec eux une prochaine convention
collective. Et ce qui est important pour nous, bien sûr, c'est d'en arriver
à une entente à la hauteur des moyens des
Québécois. Il faut bien comprendre qu'il y a en ce moment deux légitimités
qui se rencontrent : la légitimité
syndicale, c'est-à-dire la volonté, hein, pour un syndicat d'obtenir le mieux,
hein, pour ses commettants, mais nous
avons aussi, de notre côté, une légitimité, nous parlons au nom de tous les
citoyens du Québec, hein, tous les
citoyens du Québec qui veulent que ces négociations-là se passent dans la
meilleure situation mais qui ne veulent
pas que l'on retourne dans une situation d'endettement où nous ne pourrons pas
investir ou faire nos choix, où nous n'aurons pas la liberté de nos
choix, hein? Donc, la situation, en ce moment, des négociations, ce n'est pas
une négociation qui remet en question des
légitimités, pas du tout, mais ces deux légitimités doivent se rencontrer en
comprenant, bien entendu, la
situation de notre personnel mais aussi la situation des parents québécois mais
l'ensemble des contribuables, là, qui
nous demandent de faire attention et qui nous demandent de nous délier les
mains pour que nous puissions continuer à réinvestir en éducation.
Je
veux peut-être ajouter deux éléments, là, en termes, disons, de positionnement.
Depuis 2010‑2011, le budget de
l'éducation a progressé de 10,1 %. Ça représente plus de 1,5 milliard
qui a été ajouté. J'ai entendu parfois, là, dans certaines déclarations, dire : Ces dernières années, on a coupé
1 milliard dans l'éducation. À chaque fois que j'entends ce chiffre, je demande à mon interlocuteur :
Pouvez-vous me présenter un tableau de ces compressions? Personne, jusqu'ici,
personne n'a réussi à me présenter ces
chiffres. Nous avons, cette année, augmenté le budget en éducation de façon,
bien sûr, modeste, nous le savons,
hein, mais c'était nécessaire, c'était purement mathématique. La CAQ n'a pas
d'autre choix que de dire qu'il
fallait absolument faire cet effort-là parce qu'il est impossible pour le gouvernement du Québec de revenir à un équilibre budgétaire sans faire un effort dans les deux plus gros ministères.
Et c'était d'autant plus possible de le faire cette année que les investissements
avaient été importants au cours des dernières années.
Donc,
l'enjeu maintenant pour les prochaines années, c'est de faire en
sorte que nos investissements en éducation
aillent dans les endroits qui sont
prioritaires pour les élèves. On a parlé des milieux défavorisés. On a parlé
des maternelles en milieu défavorisé.
On a parlé aussi de poursuivre la tâche de l'intégration scolaire, quand c'est
possible, en fournissant les
ressources nécessaires pour faire l'intégration scolaire, mais c'est assez
important de mentionner que nous avons des systèmes ou des commissions
scolaires qui réussissent de façon extrêmement différenciée, en ce moment au Québec,
l'intégration scolaire et qui ont pourtant
le même niveau de financement. C'est dire qu'il y a des stratégies...
Puis, quand je parle aux personnes
qui sont dans le milieu, les intervenants, les professionnels, on me dit :
Les stratégies au niveau de l'intégration
sont très, très différentes, et parfois il y a
des stratégies qui ne fonctionnent pas
du tout. Il faudrait prendre exactement
les mêmes ressources. Si on avait ces ressources-là entre les mains et si on
pouvait intervenir de façon différente, on vous promet, M. le ministre,
qu'on aurait des résultats bien meilleurs.
Donc, il y a des
enjeux dans l'organisation, dans le déploiement des services professionnels,
pour continuer à améliorer notre système dans les prochaines années. Merci, Mme
la Présidente.
La Présidente (Mme
Rotiroti) : Merci beaucoup, M. le ministre.
Alors,
je cède la parole à la députée de Gouin également pour une période de 10
minutes. Alors, la parole est à vous, Mme la députée.
Mme
Françoise David
Mme David
(Gouin) : Merci, Mme la Présidente. Je vais donc tenter de conclure
cet échange. Écoutez, depuis presque deux heures qu'on discute
maintenant, j'ai parfois l'impression qu'on habite deux planètes. Dans la
planète gouvernementale,
il y a des alignements de chiffres, il y a des rappels historiques, il y a une
vision, sur laquelle je reviendrai, de
toute l'éducation socioprofessionnelle des jeunes, mais c'est comme s'il n'y
avait pas de coupe, c'est comme si
les situations soulevées par mon collègue le député de Lac-Saint-Jean
n'étaient que des cas, alors qu'on parle en fait de centaines et de centaines d'enfants dont les parents nous disent :
Je n'ai plus de service ou tellement moins de services à l'école, je suis obligé d'aller dans le privé.
Alors là, on ne parle pas ici de quelques cas malheureux occasionnels, on parle
de centaines de familles. Et, en cette
Journée nationale de l'enfant, j'aimerais qu'on ait une pensée pour ces enfants
dont les parents s'occupent du mieux qu'ils peuvent mais où, finalement,
ils sont obligés d'aller au privé.
Alors, c'est
sûr que, si on continuait cette discussion, je demanderais au ministre : Mais, ma foi, est-ce que
vous vous rendez compte qu'il y a,
dans les faits, là, une privatisation des services aux enfants en difficulté au
Québec? Et est-ce que vous approuvez
cette privatisation? Parce que c'est ça qu'on est en train de faire. Si on
coupe 250 postes de professionnels, bien, forcément, il y a moins de
services puis il y a des gens qui doivent aller au privé.
Une autre planète un peu différente, assez
différente, c'est celle de ce que j'appellerais, moi, la recherche des boucs émissaires : les commissions scolaires.
Et je sais que le ministre va nous arriver bientôt avec un projet de loi qui va
en changer la gouvernance. En fait, il veut
clairement éliminer les élections scolaires, ce qui n'est pas du tout l'opinion
de ma formation politique, mais on en
discutera en temps et lieu. Les commissions scolaires, dans le fond, là, ça
serait elles qui seraient
responsables des coupes qui touchent des élèves en difficulté et des élèves de
milieu défavorisé. Mais attendez, là! Qui a enlevé de l'argent aux commissions
scolaires si ce n'est le gouvernement du Québec? Et, quand des commissions
scolaires me disent — et je n'ai aucune raison de ne pas les
croire parce qu'elles me mettent leur budget sur la table — quand elles me disent qu'elles en sont rendues à des taux d'administration qui
varient, mettons, entre 3 %, 4 %, 4,5 %, écoutez, il n'y
a pas un organisme qui peut fonctionner, là, à moins que ça pour avoir des
agents administratifs, pour avoir une certaine
organisation. Alors, oui, et je suis désolée, mais ce ministre et son
prédécesseur savaient pertinemment qu'avec des coupes énormes aux commissions scolaires il y aurait diminution de
services aux élèves. Alors, je suggère qu'on fasse attention dans nos
propos sur les commissions scolaires.
• (12 heures) •
Mon troisième point est le suivant. On reconnaît
que les enfants de milieu défavorisé ont des problématiques, vivent des problématiques particulières, mais
c'est comme si on ne pensait pas à tous les enfants en besoins particuliers.
J'ai insisté personnellement sur les enfants
de milieu défavorisé parce qu'il y a eu des coupes dans ces milieux et que ça
fait mal aux enfants, mais je voudrais
rappeler que, dans des milieux un peu plus aisés, de classe moyenne, on a pas
mal d'enfants au Québec — et ça, c'est différent d'il y a 15 ou 20 ans
quand on ne faisait pas les diagnostics — on a pas mal d'enfants aujourd'hui avec des diagnostics de toutes sortes, des
diagnostics qui nous disent quoi? Qui nous disent que, oui, on pourra scolariser ces enfants avec de
l'aide, avec du soutien. Et souvent ce qu'il faut, c'est un professionnel ou
une technicienne en classe avec les
enseignantes et enseignants. Si on coupe ces services-là, puis qu'en plus on
augmente les ratios d'élèves dans les
classes, et qu'en plus un enfant en difficulté ne compte plus pour un deux pour
un mais pour un un pour un, moi, je
pense qu'on abandonne les enseignantes et enseignants, mais je pense surtout
qu'on abandonne les enfants et leurs
familles, et tout ça parce qu'il faut vivre selon nos moyens. C'est un peu
comme si on disait aux gens : Souffrez
maintenant, vous serez heureux plus tard, ce que moi, je trouve un petit peu
personnellement judéo-chrétien.
Moi, je pense que les enfants du Québec
aujourd'hui sont justement les adultes de demain, et on aura besoin d'adultes scolarisés, qualifiés, on aura besoin de
citoyennes et de citoyens critiques suffisamment éduqués pour justement être capables d'analyser les politiques
gouvernementales, tous gouvernements confondus. C'est de ces citoyens-là, là, qu'on aura besoin, pas seulement d'enfants qu'on
enverra le plus vite possible dans des filières professionnelles pour faire
de la main-d'oeuvre parfois à bon marché
dans des industries québécoises, là. Et il faut bien sûr former une
main-d'oeuvre qualifiée pour les
industries québécoises, là n'est pas mon propos. Mon propos, c'est de
dire : Tous les enfants doivent développer leur plein potentiel le
plus loin qu'ils peuvent, le plus loin qu'il est possible pour elles et pour
eux d'aller. Il faut donc les aider d'abord
dans la petite enfance, alors je suggère au gouvernement de réviser ses
positions sur les centres à la petite
enfance, ensuite dans les maternelles quatre ans, ensuite à l'école primaire et
secondaire, et on aura l'occasion de se reparler de cégeps et
d'universités.
J'aimerais
aussi souligner, je vais me permettre de contredire quelque peu le ministre,
là, que, quand ce fameux ménage aura
été fait et que, supposément, on remettra de l'argent dans l'éducation, il y a
un petit problème, là, parce qu'en même
temps le premier ministre nous dit qu'il va baisser les impôts. Alors, moi, je
m'en rappelle très bien de ce qu'a dit le premier ministre : Avec
les surplus, on va mettre 50 % en baisses d'impôt, 50 % en paiement
de la dette. Une fois les deux 50 %
additionnés, j'aimerais ça, savoir ce qui reste pour les services publics.
Alors, le ménage maintenant pour que ça
aille mieux après, je suis vraiment désolée, mais je trouve ça vraiment
difficile à avaler parce que ça n'est pas ce que le premier ministre nous dit. Alors, je pense, moi,
et je pense que c'est le cas de mes collègues aussi, ce qu'il faut faire, c'est
travailler maintenant pour les enfants du Québec maintenant.
Pascale
Grignon, porte-parole de Je protège mon école publique, disait la chose
suivante : «Ce que je constate, c'est
que, suite aux récentes compressions, les services aux élèves sont
effectivement coupés. Il faut agir dès maintenant pour que ces enfants-là apprennent à lire, écrire
et compter en ayant le coup de pouce qui va leur permettre d'acquérir
ces apprentissages. Ce qui est dramatique, ce sont les retards que les enfants
en difficulté n'arriveront peut-être pas à surmonter.
Donc, leur scolarité va en être fragilisée. Collectivement, on est en train de
faire payer aux enfants notre choix de réduire la dette du Québec.»
Je partage
cette opinion, Mme la Présidente. Je pense — et là je parle au nom de ma formation
politique — que,
dès maintenant, il faut réfléchir aux meilleurs moyens de remettre de l'argent
dans l'éducation. Il y a des gens qu'on pourrait
dès maintenant mettre à contribution, nous l'avons dit, quant à nous, bien des
fois : les contribuables fortunés, les minières, les banques et surtout, surtout, ne pas annoncer qu'on va
baisser les impôts dès l'atteinte de l'équilibre budgétaire.
Mais
je voudrais dire aussi — puis ça peut être intéressant pour les gens qui nous écoutent et
qui ne sont peut-être pas au
courant — que,
durant les cinq prochaines années, le gouvernement prévoit réaliser des surplus
de 13 milliards qu'il versera au
Fonds des générations. 13 milliards au Fonds des générations durant les
cinq prochaines années. Dans ce fonds, il
y a déjà 7 milliards. Dans les périodes de difficultés budgétaires, la formation
politique que je représente dit
plutôt ceci : Attention au Fonds
des générations. On y mettra de
l'argent quand on sera en bonne situation économique. Ça
n'est pas le moment de couper des centaines de millions dans l'éducation parce qu'on veut mettre ces mêmes centaines de millions dans le Fonds des générations. C'est un
choix improductif pour aujourd'hui, pour demain et pour après-demain.
Ce qui est
encore plus inquiétant, c'est que, dans certains cas, le gouvernement du
Québec, curieusement, trouve de
l'argent : 1,3 milliard pour Bombardier. Quelle que soit notre
opinion sur ce choix, c'est un choix. Alors, si on trouve 1,3 milliard pour Bombardier et qu'on a
1 million de surplus annoncé vendredi dernier, là, 1 million de
surplus dès cette année, comment ça se fait qu'on n'est pas capables de
remettre de l'argent dans l'éducation?
Alors, Mme la
Présidente, je termine là-dessus, il me reste 20 secondes. Au nom des enfants,
parce que c'est la Journée nationale
des enfants, avec mes collègues des deux autres oppositions, nous sommes trois
aujourd'hui à dire au ministre de
l'Éducation : M. le ministre, on aimerait que vous travailliez dès
maintenant pour les enfants du Québec. Ne laissez pas la crise s'intensifier.
Merci.
La Présidente (Mme Rotiroti) :
Merci beaucoup, Mme la députée de Gouin.
Alors, compte tenu de l'heure, je lève la séance
de la commission... ayant accompli son mandat, ajourne ses travaux sine die.
Merci et bon retour dans vos comtés.
(Fin de la séance à 12 h 7)