(Onze
heures vingt-quatre minutes)
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Ayant
constaté le quorum, je déclare la séance
de la Commission de la culture et de
l'éducation ouverte. Je demande à
toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la
sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
Je
veux vous souhaiter à toutes et à tous une bonne journée. Le mandat de la commission
est de poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations
particulières sur le document intitulé Document de consultation
sur la réglementation du prix de vente au public des livres neufs
imprimés et numériques.
Mme la secrétaire, y a-t-il
des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. M. Tanguay (LaFontaine) sera remplacé par M. Kelley (Jacques-Cartier).
Auditions (suite)
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Merci. À l'ordre du jour cet avant-midi,
nous entendrons deux groupes, soit les représentants
de la Librairie Sainte-Thérèse et de la Librairie Harvey. Cet après-midi, nous
poursuivrons avec le Conseil québécois du
commerce de détail, la Librairie Olivieri, M. Ian Marcil, la Maison de la
poésie de Montréal et l'Association
des éditeurs de langue anglaise du Québec. Enfin, nous terminerons la journée
par les remarques finales.
Et,
sans plus tarder, nous accueillons notre premier invité aujourd'hui, si je peux
dire, à la commission, M. Lavoie. Bienvenue à l'Assemblée nationale.
M. Lavoie, je vais vous demander de vous présenter et de présenter
également votre organisme, soit la Librairie Sainte-Thérèse. Vous allez
disposer d'un temps maximal de 10 minutes pour faire votre présentation. Par la
suite suivra un échange avec les différents groupes parlementaires. La parole
est à vous.
Librairie Sainte-Thérèse inc.
M. Lavoie (Luc) : Merci, Mme la Présidente. M. le ministre, chers élus, mesdames,
messieurs, bonjour. Je me présente :
Luc Lavoie, propriétaire de la Librairie Sainte-Thérèse, établie dans la ville
du même nom, dans les Laurentides, et ce, depuis 1956. À nos débuts,
nous étions un magasin général connu sous le nom de Aux variétés Blainville. Nous y vendions déjà des livres. Fondé par
Isabelle Danis, ainsi que ses fils Robert et Gilles, notre commerce a vécu
plusieurs réorientations au fil des décennies. Pour faire suite à la mise en
place de la loi n° 51, la loi du livre, nous sommes parmi les premières librairies à obtenir notre
agrément, en date du 1er février 1982. Notre librairie est sur deux
étages. Elle offre 25 000 titres en
inventaire, plus de 450 nouveaux titres par semaine, une salle de montre et de
conférence contenant les nouveautés
des cinq dernières semaines, un étage entier consacré à la littérature
jeunesse, l'un des plus beaux planchers au Québec, un site Web transactionnel pour le livre papier et numérique
sur Ruedeslibraires.com. Depuis 2007, j'en suis l'unique
propriétaire.
Étant
moi-même vice-président de l'Association des libraires du Québec et
administrateur de la BTLF, il va de soi
que je soutiens la campagne Nos livres à juste prix, de la table de
concertation, qui propose un prix plancher permettant une remise maximale de 10 % sur le prix des
livres neufs sous toutes ses formes, papier ou numérique, et ce, pendant
les neuf premiers mois de parution. La
chaîne du livre est la plus importante activité culturelle québécoise :
11 000 emplois directs, plus de
700 millions de dollars de chiffres d'affaires en 2012. Pourtant, le
milieu du livre se porte mal. Les librairies et les éditeurs québécois
ferment. On ne peut passer sous silence la fermeture, en décembre 2012, du
distributeur-diffuseur DLM, Diffusion du livre Mirabel, fondée par Pierre
Tisseyre et sa famille; ERPI, Longman Pearson, qui fermera, à la fin de 2013, son entrepôt pour relocaliser leurs activités
en Ontario; l'économie mondiale chancelante; les réseaux sociaux sur le Web; la menace d'un oligopole étranger; le format
numérique et ses défis; la vente en ligne jumelée à la baisse de
lectorat. Tous ces éléments mettent en péril l'intégralité du milieu du livre,
la chaîne du livre.
Je tenterai
d'ajouter, de nuancer et de participer humblement au processus démocratique en
cours dans cette commission. Qui profiterait
d'une réglementation du prix du livre neuf? Tout le monde. La bibliodiversité
tient à tous les intervenants du milieu du livre. Comment des auteurs
comme Éric-Emmanuel Schmitt et Michel Tremblay auraient l'opportunité de
publier, dans plusieurs genres littéraires, des romans best-sellers en
distribution, en diffusion dans tous les
points de vente du Québec, et des pièces de théâtre, qui sont absentes des
grandes surfaces, en faible diffusion dans
chacune des succursales des grandes chaînes de librairies et pourtant bel et
bien présentes dans les librairies indépendantes? L'Union des écrivains
l'ont compris.
L'ANEL.
Comment qu'un éditeur, ayant fait ses classes dans une grande boîte d'édition,
pourrait-il fonder sa propre boîte,
sa propre maison d'édition pour explorer d'autres lignes éditoriales? C'est
l'opportunité qu'Yvon Brochu a eue. En ayant fait ses classes aux
Éditions Héritage, il a pu fonder, il y a près de 10 ans, sa maison d'édition
jeunesse, les Éditions FouLire, couronnée de succès et qui fait lire nos jeunes
lecteurs et lectrices québécoises et québécois. Donc, l'ANEL le comprend.
L'ADELF,
l'association des distributeurs exclusifs de langue française, ont pour but de
diffuser, distribuer, promouvoir le livre
sur le territoire québécois. Je cite et j'adapte librement les propos de M.
Pascal Assathiany, propriétaire des
Éditions Boréal et aussi de Diffusion Dimedia. Il a participé, le 24 août 2013,
à une émission radiophonique où il
relatait comment s'est passée la
commercialisation et la mise en marché du livre d'un illustre inconnu à ce moment-là, il y a 15 ans, Gil Courtemanche : Un dimanche au bord de
la piscine à Kigali. Costco ont pris zéro copie. Les chaînes ont dit :
On va en prendre un peu, pas dans toutes nos succursales, on veut de la
surremise. À ce moment-là, il y a 15 ans, il y avait 272 librairies indépendantes qui ont accepté
de recevoir ces livres. Ce livre a gagné le prix des libraires, il a été
adapté au cinéma, traduit dans plus de 15 langues. Tout ceci est possible
grâce aux librairies indépendantes. Donc, il n'y a pas que les librairies
indépendantes qui profiteraient d'une réglementation du prix plancher du livre.
• (11 h 30) •
Les
membres de l'ADELF et de l'ANEL se font demander des surremises, des délais de
paiement, de payer pour du placement publicitaire et d'avoir un meilleur
positionnement dans les vitrines ou dans les tablettes. Les librairies indépendantes sont moins mercantiles; nous aimons
profondément le livre. Le Réseau BIBLIO du Québec et l'Association des
bibliothèques publiques du Québec se sont joints aussi à la démarche parce
qu'ils gagnent à faire affaire avec des librairies telles que la mienne, car ma
librairie dépasse le rôle de simple fournisseur : nous sommes partenaires,
nous développons les activités pour
promouvoir la lecture, nous… J'organise des rencontres entre auteurs, éditeurs,
distributeurs, diffuseurs en mes murs, je
participe et j'endosse les démarches de ceux-ci. J'ai créé avec eux des prix
littéraires, je remets des bourses à
des auteurs. Je fais mon travail de passeur. Pourquoi tout cela est-il fait? Eh
bien, pour que le lecteur québécois
ait une bibliodiversité, une littérature qui lui ressemble. On accueille des
auteurs de toutes les cultures dans ce milieu : Alain Stanké, Dany Laferrière et, plus récemment, Kim Thúy; les éditeurs libres de nous faire
réfléchir : Lux Éditeur, Écosociété, les Intouchables,
Septentrion. Plus de 5 000 titres par année sont édités au Québec par des
Québécois pour des Québécois.
Le
présent défi de la chaîne en ce moment, c'est de développer la relève partout,
à tous les niveaux de la chaîne du livre. Comment développer la relève
chez les auteurs quand un livre best-seller, qui se vend à 30 $ dans ma
librairie, vendu à 23 $ en grande
surface... et que l'auteur émergent est à 35 $? Il y a un écart de
12 $, 13 $ entre la grande surface et ma librairie. Tout un
défi!
La
commission pose la question : Prouvez-nous que le prix du livre va
augmenter s'il n'y a pas de réglementation. Je suis désolé, c'est déjà en cours, car le livre de l'auteur émergent,
à 35 $ en ce moment où on se parle, en septembre 2013, il y a six mois, il y a 12 mois, il y a 18 mois,
était 32 $, pas 35 $. Pourquoi, me direz-vous? Ce qui influence le
plus le prix d'un livre, c'est le tirage, c'est à combien de copies il
est importé, à combien de copies il est imprimé. Le coût de revient, c'est une loi commerciale immuable,
indiscutable. En ce moment… L'auteur émergent était importé à 1 500
copies, aujourd'hui, c'est largement en bas du 1 000 copies. Il en est de
la même chose pour les quantités imprimées par nos éditeurs québécois. On ne
voit plus de tirage à 1 800, 1 200 copies, on est bien largement en
bas du 800 copies.
Vous
vous demandez s'il y a un exode des ventes des best-sellers de la librairie. Je
me suis prêté à l'exercice. Mes ventes à la caisse enregistreuse, au
public, ont chuté de 30 % de 2008 à 2012. Le livre numérique reste tout un
défi.
N'oubliez
pas que les sept grandes associations professionnelles du livre du Québec représentent
plus de 90 % des 11 000
emplois directs. Ces associations ont dit oui à nos livres à juste prix, un
prix plancher autorisant un minimum de 10 % de rabais pendant les
neuf premiers mois. La chaîne du livre a mis quatre ans à parvenir à ce
consensus, entendons-le. Pouvons-nous faire confiance à l'oligopole qui pointe
pour nous offrir des livres de qualité qui nous ressemblent? Bâtissons la
souveraineté littéraire maintenant pour assurer que les générations québécoises
futures puissent lire en français. Finissons
ce qui a été commencé en 1981. Écrivons notre histoire politique. J'aime ma
langue belle, et vous? Merci.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci
beaucoup, M. Lavoie. Nous allons
débuter les échanges, et je vais du côté du gouvernement. M. le député
de Bonaventure, c'est à vous la parole pour débuter les échanges.
M. Roy :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Lavoie. Bienvenue chez vous, à l'Assemblée
nationale.
Écoutez,
vous dites, à la page 10 de votre mémoire… vous venez de dire que vous avez
perdu 30 % de votre
chiffre d'affaires. Comment vous arrivez à survivre?
M. Lavoie
(Luc) : J'ai développé une excellente relation avec les collectivités
des Laurentides. Je dessers les cinq commissions scolaires et près d'une
cinquantaine de municipalités. Alors, l'offre que je peux offrir, autant aux collectivités et au grand public, est maintenue
par les collectivités. Il faut comprendre aussi que, géographiquement,
ma librairie est encerclée par des très
grandes surfaces, pour les nommer, Costco : Laval, Boisbriand,
Saint-Antoine. Ils sont tous sur la 15, je suis sur la 15. Faites le
calcul. C'est pour ça que j'ai un exode si puissant.
M.
Roy : Donc, vous considérez que le 30 % que vous avez
perdu est parti dans les grandes surfaces, ce n'est pas lié à une
atrophie ou, je dirais, à une diminution d'activité de lecture. C'est vraiment
un déplacement dans…
M. Lavoie (Luc) : Le milieu du livre, en 2008, avait un chiffre d'affaires avoisinant les
800 millions. On est rendus à 700 millions. Moi, je vous
annonce un 30 %. Donc, il y a eu exode. Il y a eu exode, là.
M. Roy :
Donc, vous laissez entrevoir que c'est au bénéfice des grandes surfaces?
M.
Lavoie (Luc) : C'est sûr. Il y a
une faiblesse dans le milieu qu'il ne faut pas oublier, et c'est ce qui nuit à
notre processus en ce moment, la faiblesse des statistiques. Elles sont
fragmentées, elles n'ont… incomplètes, artisanales. Donc, on ne peut pas statuer exactement où tout est allé et exactement.
Dans mon mémoire, j'ai donné des chiffres très précis sur des romans best-sellers d'auteurs québécois,
sur des livres large public tels les guides de l'auto et ces choses-là,
et pourtant ce genre de titres là n'ont pas eu une si grande baisse dans leur
marché et ils font tous partie des tops 100 annuels des ventes du milieu du
livre. Alors, si on n'a même pas perdu 10 % du chiffre d'affaires du
milieu du livre en quatre ans et que moi, je dis que j'en ai 30 % à la
caisse enregistreuse, donc le grand public, ce qui m'aiderait à continuer mon
rôle de promouvoir le théâtre, la poésie, les livres de sociologie, d'histoire
et de géographie, bien là… Le sacrifice est trop grand.
Il ne faut pas oublier… L'exercice que je vous
contais, le fameux 22 $, 23 $ et le 30 $, revoyons-le avec un
10 %. Le livre qui est 30 $ chez moi est 27 $ à la grande
surface, et on ramène l'auteur émergent à 32 $, pas 35 $, 36 $, 37 $,
38 $, 39 $, 40 $, 45 $, dans 30 mois, 36 mois. Au rythme où
les librairies ferment, il y a de moins en moins de librairies telles que la
mienne, qui fait son travail.
Il ne faut
pas oublier, la loi n° 51 a été formée et installée pour avoir un réseau
de libraires professionnels avec des bibliothèques municipales dans
toutes les régions administratives du Québec. Il y avait à peine une
soixantaine d'éditeurs québécois, on a monté
à plus de 200, ça a redescendu. Maintenant, on en perd de plus en plus, et les
nouveaux éditeurs ne remplacent pas la quantité qui est disparue. Les chiffres
de l'ANEL, les chiffres de l'ADELF qui vous ont été remis le prouvent. Donc, sans librairies agréées qui ont vraiment le
souhait, la mission de promouvoir la lecture tous azimuts à tout le
monde, sans enjeux commerciaux, c'est tout un défi.
Mais en ce moment même je n'ai pas… Je me suis
retenu, dans mon mémoire, de vous donner des exemples concrets sur des livres dont les prix ont augmenté, et ce, là,
drastiquement. Je peux vous montrer des exemples concrets, des livres qui sont parus en août et des livres
qui sont parus en septembre, le prix du livre, dans la même collection,
le même éditeur, est passé de 19,95 $ à 22,95 $, 3 $ en un mois.
Pourquoi? C'est parce que le milieu va mal, il y a une trop faible diffusion. Les librairies, étant égorgées,
manquant de liquidités, prennent moins de risques, moins de livres, plus
petites quantités, restreignent, prennent moins la chance. S'il y a de moins en moins de
libraires, est-ce qu'on va passer à côté du prochain Gil Courtemanche?
C'est là, le défi, c'est là, l'enjeu.
• (11 h 40) •
M. Roy :
Quels seraient, selon vous, les moyens à prendre à court terme, à part la
réglementation, pour soutenir l'industrie des libraires ou des
librairies?
M. Lavoie (Luc) : C'est sûr qu'en
commençant avec la proposition du 10 % prix plancher sur le neuf mois c'est un excellent pas en avant parce que ça
enlève la pression indue que chaque maillon du milieu du livre subit par
les grandes surfaces, les chaînes et les
compagnies américaines. Il ne faut pas oublier qu'en ce moment le livre
numérique… J'ai déposé les chiffres qui sont tirés d'une enquête commandée par
la BTLF à Léger Marketing, qui a été faite en novembre 2012 : 43 %
des répondants avaient acheté leurs livres sur Amazon et iBookstore,
Apple
Alors, si on ne contrôle pas ça, ça va être très
difficile pour les Québécois et tout le milieu de maintenir cela. Ça fait que, donc, c'est… d'où l'importance que ce
soit dans les deux milieux. Parce qu'il ne faut pas oublier, le
numérique américain ou international ont une solution site Web, et tablette, et
liseuse, ce qu'on ne sera jamais capables de structurer. Même Indigo. Chapters
peine avec sa liseuse Kobo. Alors, c'est un enjeu très important.
Il y a une
belle réussite, pretnumerique.ca, avec le livre chronodégradable et des
bibliothèques municipales. Ça va très bien. En ce moment, il y a une
mesure au ministère de l'Éducation, l'École branchée 2.0. Ils ont soif de
livres numériques, mais, faute d'entente
commerciale et de soutien technologique, on ne peut rien faire ou presque et on
piétine. On a perdu une année sur un
programme, puis c'est un programme triennal. Cette année, pour l'année scolaire
en cours et l'année prochaine, c'est un enjeu de 20 millions.
Est-ce que le ministère, est-ce que le gouvernement va s'impliquer pour qu'on réussisse à structurer quelque chose
pour que les éditeurs, les auteurs, les libraires et les écoles y trouvent
leur compte et que ça soit dans le respect de la bibliodiversité de la chaîne
du livre?
M. Roy : Outre la
concurrence, M. Lavoie, est-ce qu'il y aurait d'autres causes qui viendraient…
ou d'autres déterminants de la disparition de librairies?
M. Lavoie
(Luc) : C'est sûr qu'il y a
d'autres facteurs qui sont plus naturels : le vieillissement des
propriétaires, la relève qui est difficile à
trouver. La faible rentabilité des librairies en ce moment est un problème
réel. En ce moment, si j'essayais de vendre ma librairie, je perdrais
50 % de l'argent que j'ai remis à mes parents, en ce moment même, parce que ma libraire ne vaut pas 10 %,
20 % de son chiffre d'affaires moyen des cinq dernières années, ce qui
était une réalité il n'y a pas si
longtemps. Imaginez le drame d'un propriétaire ou une propriétaire d'une
entreprise qui a un chiffre d'affaires
de 1,5 million et qui se fait offrir 150 000 $. Quel beau bas de
laine quand, il y a cinq ans, six ans, cette entreprise se serait vendue
1,2 million, 1,4 million. C'est un autre problème.
M. Roy : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Merci. M. le député de Saint-Hyacinthe.
M.
Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Merci, Mme la Présidente. Alors,
je salue M. le ministre et mes collègues députés qui sont ici
aujourd'hui.
M. Lavoie, vous avez des
propos qui sont quand même importants, intéressants, puis peut-être aussi…
c'est alarmant aussi. La situation est urgente. Moi, j'ai… Vous avez mentionné,
tout à l'heure, la menace étrangère dans votre…
au début, c'est un des facteurs qui pourraient influencer… Puis la question,
c'est bien simple : Combien… quel est
le pourcentage de votre inventaire ou de votre chiffre d'affaires qui vient de
l'étranger par rapport à ce qui est local?
M. Lavoie (Luc) : C'est à peu près
50-50.
M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) :
50-50?
M. Lavoie
(Luc) : C'est à peu près
cela parce qu'il y a des mesures, à travers les collectivités, pour
promouvoir et mettre de l'avant la
littérature québécoise. Alors, au final, finalement, ça fait que tous les
chiffres… puis ce n'est pas… je ne suis pas étranger au reste du milieu,
là. C'est un fait pareil de voir que tous les livres, ça finit avec une
proportion comme cela. Même s'il n'y a que
5 000, 6 000 nouveautés québécoises par année, le fait que, quand
même, les lecteurs québécois sont avides de littérature qui leur
ressemble, alors, c'est ce qui fait qu'on a ce ratio-là, ce rapport-là.
M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) :
Et, au niveau de la langue, c'est le même ratio à peu près, 50-50, ou si…
M. Lavoie (Luc) : Français-anglais?
M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) :
Au niveau du français-anglais, oui, c'est ça.
M. Lavoie
(Luc) : Français-anglais…
Moi, je ne suis qu'une librairie… Je ne suis agréé qu'en français, donc
j'ai peu de données sur l'anglais. Dans le
volet numérique, dans mon mémoire, je vous parle des chiffres, justement,
colligés par Léger Marketing, l'étude
commandée à la BTLF, que 55 % des ventes numériques sembleraient être
faites encore en livres francophones,
et donc on y voit… Et pourtant le livre numérique est moins cher en anglais
qu'en français, l'offre est plus large, donc on voit que le lecteur lit
dans sa langue. Alors, ça, c'est encore une bonne nouvelle. Il faut le
maintenir puis il faut s'arranger justement pour que les livres puissent
rentrer sur les TNI et les TBI des écoles pour maintenir tout cet équilibre-là
et de mettre fin à tout ce qui se passe.
En ce moment, c'est le Far West. Les histoires
les plus alarmantes qu'on entend, c'est que des professeurs ou certains
intervenants dans les milieux scolaires tranchent le livre, le mettent dans un
digitaliseur et font leur propre PDF, faute
de solution légale en ce moment même. Il y a aussi le piratage dans le
numérique. La même enquête révèle qu'il y a 22 % des répondants…
n'ont pas voulu répondre à la question : Où vous vous êtes procuré votre
dernier livre, ou comment? 22 %.
Marie
Laberge, elle ne remplira jamais le Centre Bell à 500 $ le billet pour
donner une conférence. Madonna, oui, pas Marie Laberge. C'est une grande
différence. Le livre n'est pas une carte de visite comme l'est un CD maintenant
ou tout simplement un album de musique, peu
importe son support : Bonjour, on vient de lancer notre 23e album, on
part en tournée. C'est ça, maintenant, la
musique. Le livre, à moins qu'il soit adapté au cinéma, à moins qu'il soit
traduit, après ça, quelle est la
possibilité de faire un chiffre d'affaires qui fait qu'un auteur va gagner sa
vie? Il y a très peu d'auteurs québécois qui ne vivent que de leur
plume. Très souvent, ce sont des hommes et des femmes-orchestres :
traducteurs, correcteurs, enseignants, directeurs de collection. Mais la vente
de leurs livres, il n'y a pas 100 auteurs au Québec qui vivent de leur plume,
ce sont des pigistes.
M.
Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Mme la Présidente, j'ai une autre
question, que vous mentionnez dans votre mémoire. Devra-t-on ouvrir la loi du livre pour écrire l'histoire
politique, comme vous le mentionnez dans votre mémoire?
M. Lavoie
(Luc) : Non, non, je ne dis
pas de rouvrir la loi n° 51; l'appliquer, d'avoir plus de soutien, de
l'encadrement dans des cas plus ponctuels. Des fois, on fait des demandes puis
les réponses sont longues à venir, ou il n'y en a pas, ou c'est difficile de
statuer, et ces choses-là, ça fait qu'à certains moments on aurait besoin d'une
intervention plus conséquente.
Alors, le
fait… Dans le milieu scolaire, la mouvance du personnel, le renouvellement du personnel, les nouvelles directions, les comités de parents,
les conseils d'établissement ne sont pas au fait de la loi n° 51, et, trop
souvent, il revient aux bibliothécaires, aux techniciens en documentation
et aux libraires agréés de rappeler les cadres de la loi. Depuis le
scandale que l'on connaît au municipal, nombre de mes bibliothécaires ont dû se
présenter devant leurs élus pour leur expliquer que non, on n'ira pas en appel
d'offres pour de l'achat de livres, on n'est pas en train de magasiner de
l'asphalte. C'est une réalité. Ce n'est pas la même chose. C'est notre culture,
c'est notre identité.
M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) :
Est-ce que, selon vous, c'est nécessaire de moderniser la loi n° 51 pour
arriver à nos fins?
• (11 h 50) •
M. Lavoie
(Luc) : Je ne suis pas juriste. Moi, ce qui me fait peur, c'est ce que
j'ai entendu dans le milieu : Est-ce
que d'y toucher mettrait en péril la loi par rapport à d'autres lois nationales
ou internationales, traités, libre-échange, toutes ces choses-là? Ça
fait que, si la loi n° 51, on l'appliquait, qu'on s'assurait qu'elle soit
mieux connue, et mieux appliquée, et mieux
respectée, je crois que ça serait nettement suffisant. À part, peut-être, bon,
l'histoire de la tabelle. Bon, écoutez,
est-ce qu'on pouvait savoir qu'il était pour y avoir une unification de l'unité
monétaire européenne, bon, les francs et l'euro? Bon, je veux dire, ça, est-ce que ça
prend peut-être juste un règlement, un amendement? Mais l'ouvrir, la loi? Non,
pas vraiment. Moi, je ne le vois pas, mais juste l'appliquer,
s'assurer… arrimer toutes les choses, arrimer le pan de la culture et le
pan de l'éducation pour qu'on fasse front commun et qu'on entre dans l'ère
numérique.
Je
ne crains pas l'ère numérique. En ce moment, je fais un beau chiffre d'affaires
à vendre du livre chronodégradable
aux bibliothèques municipales de ma région administrative. Dans les faits, plus
de 50 % des résidents des
Laurentides ont accès aux livres numériques chronodégradables. Un résident de
Boisbriand, qui est dans son condo en
Floride, vient de terminer son tome II de Michel David à 1 heure du matin,
il retélécharge le tome II. C'est les faits, c'est la réalité.
M. Pelletier
(Saint-Hyacinthe) : Vous dites… J'ai encore du temps, là?
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Il reste 30 secondes.
M. Pelletier
(Saint-Hyacinthe) : 30 secondes? Bon. Quand que vous dites
qu'elle est mal appliquée, la loi, j'aimerais avoir des exemples que vous
pouvez mentionner.
M. Lavoie (Luc) : Bien, trop souvent, on se fait appeler, on se fait demander des
soumissions sur des livres pour faire
une lecture dirigée ou obligatoire dans une polyvalente, et ça, ça contrevient
aux articles. Les conseils d'établissement font une levée de fonds, une activité pour revamper leur bibliothèque
scolaire, et là ils disent : Bien, c'est parce qu'on a ramassé des
bouteilles vides puis qu'on a fait une épluchette de blé d'Inde, on voudrait
avoir une remise parce que nous, on est
d'humbles parents. C'est encore très bien stipulé dans la loi du livre qu'il
n'en est pas question. Un dentiste qui
rentre dans ma librairie puis il dit : Je t'achète 5 000 $ de
livres parce que je veux mettre ça dans l'école de ma fille puis avoir
un reçu d'impôt, je ne peux pas lui donner un escompte sur ses achats. C'est
clairement stipulé dans la loi.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Merci beaucoup, M. Lavoie. Nous allons
maintenant du côté de l'opposition officielle. Mme la députée de l'Acadie, vous
avez la parole.
Mme
St-Pierre : Merci, M. Lavoie. Merci d'être là ce matin. Je
pense que le cri du coeur est très fort, vous dites : Nous aimons
profondément le livre, mon travail, c'est un travail de passeur. Ma question
est simple. Est-ce que votre commerce est en péril?
M. Lavoie (Luc) : Le mien, non. Le mien, non, parce que j'ai travaillé fort, on a
travaillé fort, ma famille et moi. On
avait compris qu'il fallait se diversifier. Donc, quand je vous dis :
Faites le calcul, là, 450 nouveautés par semaine, je reçois largement. Alors, ma librairie est rendue
au point où on vend aux collectivités et qu'on offre au grand public des
livres qui sont importés à 40 copies, des livres qui sont imprimés à 200
copies. C'est le rôle de ma librairie. Alors, ma librairie, maintenant, est
passée maître de vendre des dizaines de milliers de titres à trois, sept
copies.
Mme
St-Pierre : Donc, vous êtes bien organisé, et cette érosion
dont vous nous avez parlé, de 2008 à 2012, que le chiffre d'affaires global passait de 800 millions à
700 millions, 30 % de moins, vous réussissez à survivre là-dedans.
Comment la question du prix fixe ou du prix
unique, du prix équilibré ferait en sorte que ça viendrait sauver les
librairies indépendantes?
M. Lavoie (Luc) : L'exemple de ma vitrine. L'employé qui est sur son heure de dîner, au
lieu de dire : Je vais attendre
à samedi en allant dans telle grande chaîne, telle grande surface pour acheter
à rabais le livre… L'escompte n'est plus là. L'impulsivité, ça… Le prix
ne rentrerait plus en jeu.
Mme
St-Pierre :
Certains disent que le transfert, il ne se fera pas. La personne qui achète
dans une grande surface, cette personne-là, elle ne va pas dans les librairies.
Est-ce que vous êtes d'accord ou pas d'accord avec ça?
M. Lavoie (Luc) : …j'ai même étayé la fourchette d'heure de midi à deux heures. On est
dans un village. Votre voiture est stationnée, vous êtes sur votre lieu
de travail, vous venez d'aller manger au petit café du coin ou vous êtes allé chercher une prescription à la pharmacie du
coin. Mon chiffre d'affaires a chuté là aussi, donc ça veut dire que le
lecteur planifie ses achats. Ça veut dire
que le lecteur se dit : O.K., parfait, je vois la belle vitrine de la
Librairie Sainte-Thérèse avec le dernier Dan Brown, je vais aller
l'acheter ailleurs.
Donc,
là, maintenant, il n'y aura pas… ça ne sera plus en enjeu de dire : Est-ce
que j'attends 72 heures de plus, est-ce
que j'attends 10 jours de plus? Je peux rentrer… Puis, rendu là, franchement,
je veux dire, sur 10 %, je le donnerais, parce que personnellement,
en ce moment, juste avec les élèves, les étudiants du cégep, avec les
retraités, ma caisse enregistreuse, c'est
comme si je donnais 5 % à tout le monde avec les cartes privilège de
fidélisation. Alors, rendu là, le pas est
très mince à franchir. Est-ce qu'une librairie comme la mienne pourrait faire
comme certains marchés alimentaires, dire :
Bien, le livre au prix le plus bas prix permis par la loi? Mais on n'est plus
en train de… L'écart de 3 $, 3 $ à 27 $ versus 3 $ à
23 $, c'est là, la différence. La différence est trop grande.
Mme
St-Pierre : Vous nous dites : Il y a de la faiblesse
dans les données, des données statistiques, c'est fragmenté, c'est artisanal. Mais, si on vous dit, si on vous suggère
aujourd'hui ou si quelqu'un vous suggère qu'il faudrait encore des
études plus pointues puis aller plus profondément dans le bobo, vous allez
répondre quoi?
M.
Lavoie (Luc) : Non. Mais
non. 90 % du milieu reconnaît et vit le problème au quotidien. On a fait
quatre ans de démarches pour en arriver au consensus de nos livres à
juste prix. Ce n'est pas le temps, là.
En ce moment, là, il y a des libraires, ils ont
vendu leurs librairies en renouvelant leur bail au mois. Je me suis fait offrir une librairie en octobre 2012.
J'ai été, premièrement, touché que ce propriétaire-là ait pensé à moi,
mais j'ai dit : Merci, non merci. Son
bail finissait en avril, il l'a renouvelé mois par mois jusqu'à temps de vendre
sa librairie en juin 2013. Alors, non. Parce qu'en ce moment l'âge moyen
des libraires, et comme n'importe quel entrepreneur du Québec, appartient à des baby-boomers. Alors, la faible rentabilité fait
que les banques ne sont pas enclines… Mais essayez de faire un montage pour financer un commerce qui
a une marge de profit de 0,84 %. Seigneur, là, quelques centaines
de dollars! Les risques sont trop grands, les intérêts vont être énormes.
En 2001, j'étais précurseur, de racheter à mes
parents… j'ai… d'arriver puis de dire : Bon, bien, je fais une transaction avec eux pour obtenir 49 % des
actions de la librairie. À la BDC, là, en 2001, à 9,8 % d'intérêt, tu
regardes ta conjointe que tu viens juste
d'épouser : Ma chère, tu pourrais être copropriétaire, avec la BDC, de
tout ce que nous avons ensemble. C'est incroyable. Il faut vraiment y
croire.
Mme
St-Pierre : Je
vais passer la parole à mon collègue qui a des questions. Je vais juste
terminer sur un commentaire. Je pense que
vous devriez davantage parler aussi de la relation avec votre lecteur et votre
client. Moi, je fréquente deux librairies en particulier puis je
n'aurais jamais lu la biographie de Limonov si on ne me l'avait pas suggérée, parce que lire sur un fou russe, excusez,
là, mais, en tout cas, quelqu'un qui… quand tu lis la jaquette en
arrière, tu te dis : Bon, bien, non, ça ne me tente pas… puis qui m'a
incitée à le lire puis, après ça, je suis allée le remercier. Il y a quelque
chose là.
Enfin, c'est un commentaire. Mon collègue va
avoir des questions à vous poser.
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Merci, Mme la députée. M. le député de Jacques-Cartier.
M. Kelley :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. À mon tour, bienvenue, M. Lavoie. Je
suis quelqu'un qui aime beaucoup les librairies aussi. Alors, je pense,
sur le rôle et l'importance des librairies, je pense, les membres de la
commission reçoivent ça, mais c'est toujours…
Deux
questions. Et je partage un petit peu les inquiétudes de ma collègue quant au
changement de comportements, et
plusieurs témoins ont dit que plutôt que d'aller à Costco on va aller chez
vous, c'est souhaitable, et tout le reste. Je ne suis pas convaincu parce que moi… quelqu'un qui aime
les livres n'irait jamais acheter un livre dans une grande surface parce
que le choix est tellement limité, ce n'est
pas intéressant. Alors, si je dis : Je veux chercher un livre, moi, je
veux faire ça dans une librairie où
il y a un choix intéressant, il va de soi. Alors, la personne qui est dans la
ligne pour quitter et qui voit une pile de livres, qui va acheter ça
dans une pharmacie, dans le petit magasin à l'aéroport, pas certain qu'on peut
transférer ces ventes chez vous. J'essaie d'imaginer comment ça peut arriver.
Mais, l'autre élément, vous avez évoqué le
numérique, les ventes en ligne. Comment est-ce que les librairies indépendantes
peuvent profiter de ces marchés qui demeurent émergents? C'est moins prononcé
au Québec que dans d'autres marchés
nord-américains. Mais moi, je regarde les jeunes et les comportements des
jeunes, je pense qu'il y aura une partie importante du marché qui va
être numérique. Votre exemple de quelqu'un en Floride qui prête un livre
numérique dans votre région, je pense, c'est l'avenir. Et comment est-ce qu'on
peut…
M. Lavoie (Luc) : C'est le présent.
M. Kelley :
Dans le présent, mais ça va être… dans 10 ans, c'est ça que je veux dire.
Il y a un grand avenir pour ce genre
de relation. Et comment s'assurer qu'il y aura une part de ce marché émergent
pour les librairies indépendantes?
• (12 heures) •
M. Lavoie
(Luc) : C'est déjà en
branle. Les libraires indépendants du Québec, qui est une coop dont je fais
partie libraires indépendants du Québec, qui
est une coop dont je fais partie, on
a bâti le site ruedeslibraires.com. On a établi une relation, une implication auprès des bibliothèques municipales,
la Bibliothèque nationale du Québec, la BPQ, pour faire pretnumerique.ca. C'est une démarche, c'est une première
francophone. Toute la francophonie nous envie, là, en ce moment, là. On
est en avant. Alors, on n'est pas en arrière, on n'est pas à la traîne. C'est
juste que c'est autre chose. Ça avance très
vite pourquoi dans le milieu anglo-saxon? Bien, c'est des multinationales. On
est quand même un étau francophone
en Amérique du Nord. Alors, on est déjà là, on est impliqués.
Moi, je n'ai pas peur du numérique : je l'intègre dans ma
librairie, c'est une mutation. Je l'accepte. Je suis déjà impliqué dedans et
j'en vends, et largement. Donc, ce n'est pas un problème. Mes libraires qui
sont spécialisés dans certaines littératures... Mon gérant est tellement fan de
littérature fantasy — alors,
pour ceux qui ne connaissent pas l'expression, bien on parle du Seigneur des
anneaux — …bien,
notre chiffre d'affaires de notre librairie, dans les éditeurs très spécialisés
dans ce genre-là, allez voir le prix de ces livres-là. C'est 40 $, 45 $
du roman qui, s'il serait à plus grande diffusion, serait 35 $, 30 $.
Alors, on développe des relations, on développe des affinités avec nos clients.
Ça, c'est simple, il n'y a pas de problème.
Regardez les
ventes du dictionnaire Larousse. Tu arrives, tu dis : Voyons donc! Ça
chute. Je le vends au prix des grandes
surfaces. Le dictionnaire Larousse ne s'est jamais vendu à 54,95 $ au
grand public. C'est le premier «loosing-leader» du milieu du livre. Ça fait 24 ans que je le vends 39,95 $,
37,95 $, puis, il y a des fois, les grandes surfaces et les grandes chaînes, elles, elles le vendent
41 $. Alors, c'est ça. Tu arrives, tu dis : Non, on est présents, le
livre numérique, on le sait que c'est
un avenir. Est-ce qu'on va atteindre les parts de marché anglo-saxon qu'on voit
à 25 %? C'est en devenir, c'est à voir. Il faut croire… il faut
comprendre aussi qu'il y a certains éditeurs québécois qui sont frileux à
vouloir entrer dans
l'ère numérique parce que déjà là, leur diffusion, leur distribution, leur
impression est déjà tellement basse, et avec le spectre du piratage, bien, on peut les comprendre d'être un peu
frileux. Mais, malgré cela, vu les technologies que l'on peut acheter à 200 $, 300 $ dans
n'importe quelle papeterie, un digitaliseur, un scanner, peut faire le travail
sur un livre pour enfant... Il ne
faut pas oublier : un livre jeunesse québécois, là, à 8 $, 10 $,
là, allez-vous acheter ça sur Internet avec un shipping à 6 $? Ah
non! Faites de l'achat impulsif pour monter la facture à 29 $, pour avoir
le shipping gratuit. C'est quelque chose.
Puis est-ce qu'on va se fier sur des algorithmes de sites Internet pour faire
de la suggestion, promotion du livre? Ça va restreindre trop le marché.
Tout le monde va se mettre à lire la même chose, tout le monde va se mettre à
penser la même chose.
Ma
librairie, qui est à côté d'une autre librairie agréée à Rosemère, à quoi,
deux, trois kilomètres, leurs employés, leurs commis, leurs libraires ne lisent pas ce que les miens lisent, et
c'est ce qui fait qu'il y a une offre variée. On n'a pas la même
clientèle. On a des clients de proximité. Il y a combien de librairies au Québec
qui n'ont même pas de rayon jeunesse? Ma
famille et moi, on a joué le pari d'offrir le plus large éventail. Je suis prêt
à vendre des livres à 1,99 $ et je suis prêt à vendre des encyclopédies
généalogiques à 12 500 $. C'est tout l'éventail, c'est toute la
fenêtre sur le monde de la francophonie.
Les
grandes surfaces, les chaînes, les sites Internet pourraient avoir une trop
grande emprise, restreindre. Que des éditeurs ferment ou que des
librairies ferment quand c'est juste une mauvaise administration ou qu'ils ne
répondaient pas à un besoin de la communauté
ou ces choses-là, soit, ça peut arriver, là. On le comprend. Il y a des flops,
il y a des tops. Ça, c'est dans
n'importe quel milieu. Mais, en ce moment, moi, le défi de supporter mes
recevables quand je n'ai plus de
liquidités qui rentrent par ma caisse enregistreuse, que je dois me retourner
devant mes partenaires financiers,
les banques pour augmenter mes marges de crédit à hauts frais pour
pouvoir continuer à faire mon rôle... Les libraires qui n'ont pas pris ce virage-là… Ce n'était pas donné à tout le monde. Quand tu es préoccupé… Tu es dans une librairie de centre
d'achats et tout va bien, l'économie va bien, ça va.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci. Merci
beaucoup, M. Lavoie. Nous allons maintenant
du côté de la deuxième opposition. Mme la députée de Montarville, vous
avez la parole pour un temps de 3 min 15 s.
Mme
Roy
(Montarville) : Oui. Merci beaucoup. Merci
beaucoup, M. Lavoie, pour votre
mémoire que j'ai lu. Je l'ai reçu à
la dernière seconde. Je comprends qu'il
y a cette diminution à la caisse
enregistreuse où il y a 30 %
de moins depuis quelques années, depuis 2008 à aujourd'hui. Vous
l'attribuez principalement aux grandes surfaces. J'aimerais savoir : De
ces diminutions de vente, y a-t-il aussi cette concurrence que vous mènent les
librairies, vos confrères des librairies,
mais les librairies en grandes chaînes, là, que nous connaissons bien? Il y en
a à Laval, tout autour de vous, là, qui sont les plus près. Quel est
l'impact de cette concurrence également?
M. Lavoie (Luc) : L'impact, là… Avec eux, on travaille à armes égales parce que certaines
chaînes ne pratiquent aucune coupure et même, malheureusement, vu que
c'est quand même des grosses entreprises, leurs libraires ne sont pas des
libraires, alors ce n'est pas un impact. Tôt ou tard, les gens reviennent. Trop
souvent, quelqu'un va nous arriver puis il
dit : Ça fait deux, trois librairies que j'appelle. Le livre, ils ne l'ont
pas, ils ne sont pas capables de me le commander,
c'est épuisé. Laissez-nous faire notre travail. Vous êtes chez des
professionnels, on a à coeur. Et, trop souvent, le livre est disponible. C'est incroyable de voir. Puis ça, je peux
comprendre le malaise de certains intervenants de décrier ça sur la place publique, mais il y en a qu'à force
de restructurations puis de compressions ils mettent à pied des gens qui
sont importants pour faire la promotion du livre. Alors, ça, je n'ai pas de problème
avec les grandes chaînes.
Puis je n'ai pas de problème que le best-seller
soit, non plus, en grande surface, c'est juste… c'est l'avantage qu'ils ont, l'avantage commercial. Les grandes surfaces,
là, pour la plupart, c'est mes propres fournisseurs à moi qui vont
mettre leurs livres sur leurs tablettes étiquetés; ce n'est même pas la grande
surface qui manipule le livre. Moi, je paie mes employés. Ils n'ont pas la même charge. Ça, c'est une grosse différence entre une
librairie, une librairie indépendante, et les grandes surfaces. Moi, je
ne suis pas tout le temps en train de leur dire : Bien, tu vas payer 10 000 $
pour avoir ton livre en première page de ma
circulaire de la fête des Mères. Ce n'est pas la même dynamique. Et eux, ils se
restreignent quand même sur quelques milliers de titres au fil de l'an.
Ils ont quelques centaines de titres puis, après ça, il faut
que ça roule. Eux, ce qu'ils vont
mettre de l'avant en un mois, je le fais en une semaine. C'est là, la
différence, c'est là, l'enjeu.
Si
on ne ramène que 5 %
des ventes en best-seller en librairie, ça va faire une différence. La
librairie qui avait quelques centaines de dollars de profit ou même des
pertes, dépendamment des années, elle va se ramasser avec des dizaines de
milliers de dollars dans ses coffres.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci. Merci
beaucoup, M. Lavoie. Nous allons
maintenant avec Mme la députée
de Gouin. Vous avez la parole, Mme la députée.
Mme David :
Pour une période de?
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : 2 min 15 s.
Mme David :
D'accord. Ça va être rapide. Bonjour.
M. Lavoie
(Luc) : Bonjour, Mme David.
Mme
David : Écoutez,
en page 8 de votre mémoire… C'est une question un peu technique que je veux vous poser. Bon. Vous dites quand même : «...les
librairies indépendantes sont moins mercantiles que les chaînes de librairie et
les grandes surfaces.» Puis là, dans votre deuxième paragraphe, vous dites que
vous choisissez des livres parce que vous souhaitez les diffuser et non pas parce
que l'éditeur vous a payé. Je voudrais juste comprendre exactement de quoi vous
parlez puis qu'est-ce que ça vient faire dans le débat que nous avons là, sur
le prix réglementé.
• (12 h 10) •
M. Lavoie
(Luc) : Bien, il y a
certaines boîtes qui peuvent être plus agressives, alors on va se faire offrir
certaines choses, et là tu arrives… Bien,
nous, on a le choix, oui ou non, de le faire ou pas. Puis il ne faut pas que ce
soit au plus offrant. Et moi, j'aime avoir
des livres que les lecteurs veulent, et qu'ils lisent, et qu'ils apprécient.
Donc, d'arriver puis de dire… Moi, je
n'ai pas un système, là… Ma librairie, vous pourrez aller voir sur le
Facebook, elle a une façade sur deux rues, ça fait que j'ai
quasiment 150 degrés de vitrine. Je ne suis pas tout le temps en train de
dire : Bon, bien, si tu veux avoir
cette section-là, c'est 250 $
pour un mois puis, si tu veux l'avoir pour un trimestre, ça va être 500 $.
Je ne suis pas en train de faire ça,
moi, là, là. Premièrement, je n'ai pas le personnel pour le faire, je n'ai pas
la structure, puis je n'ai pas le
temps de faire ça parce qu'on le sait, dans des PME, on est des femmes et des
hommes-orchestres, on a plusieurs chapeaux.
Alors, moi, je ne suis pas structuré comme ça et je peux… et ce n'est pas
souhaitable non plus parce qu'avec des comportements comme ça, bien les
gros vont rester gros ou plus gros, et ils vont étouffer les plus petits. C'est
là le danger. C'est pour ça qu'aussi on a la
loi du livre qui interdit tout avantage, ou ristourne, ou prix modifié,
déguisé, gratuité dans les boîtes
pour les écoles, les bibliothèques municipales, et ainsi de suite. Si ma
librairie, de par sa taille, est plus forte que certaines autres librairies locales, bien il y a quand même toujours
les chaînes qui sont agréées, les grandes chaînes qui sont plus grosses que moi. Quand tu es backé par
une nationale, tu pourrais donner les plus beaux cadeaux. On reviendrait
avec les principes qu'on voit dans tous les autres milieux en ce moment, puis
il y a des commissions puis des enquêtes partout.
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Merci beaucoup, M. Lavoie. Et je vais suspendre les travaux quelques instants
pour permettre aux intervenants suivants de prendre place.
(Suspension de la séance à 12 h 11)
(Reprise à 12 h 13)
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Nous poursuivons nos travaux et nous recevons MM. Jean, Bouchard. Messieurs,
bienvenue à l'Assemblée nationale. Vous allez avoir un temps maximal de 10
minutes pour nous faire votre exposé. Par la suite suivra un échange avec les
différents groupes parlementaires. Donc, la parole est à vous. Je vais vous
demander de vous présenter et de parler aussi de l'organisme que vous
représentez.
Librairie Harvey enr.
M. Jean (Richard) : Merci beaucoup.
Richard Jean, de la Librairie Harvey, à Alma.
M. Bouchard (Daniel) : Daniel
Bouchard, Librairie Marie-Laura, Jonquière.
M. Jean
(Richard) : Alors, Mme
la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, merci de nous donner cette chance de
s'exprimer. Je vous ai passé un petit document que je vais vous expliquer surtout :
Pourquoi le prix réglementé du livre pour une librairie en région?
La
librairie d'appellation générale, qui est comme la nôtre, on se doit d'avoir
les fonds nécessaires pour une saine diversité.
Nous avons reçu 17 805 titres
différents du 1er septembre 2012 à aller au 1er septembre 2013, donc en un
an. D'avoir accès à toutes les publications de nos éditeurs et auteurs
québécois, étrangers et régionaux, que ce soient de grandes ou petites ventes... Nous desservons et présentons les
nouveautés à huit bibliothèques municipales, la CRSBP qui en dessert 58,
ainsi qu'à la Bibliothèque nationale du Québec, sans oublier la commission
scolaire Lac-Saint-Jean, regroupant 17
écoles. De plus, nous devons avoir du personnel qualifié et formé, un système
de recherche adéquat afin de répondre aux diverses demandes des clients
et collectivités.
L'implication
de notre librairie dans la collectivité. Notre mission première est de donner
le goût de lecture aux jeunes, notre
relève, par nos participations, que ce soit dans des expositions dans les
écoles primaires et secondaires, des concours littéraires, des activités
et animations avec des auteurs jeunesse, en participant à des activités
culturelles locales et régionales — Salon du livre du Saguenay, par
exemple — en représentant
des distributeurs majeurs comme ADP
et Prologue, entre autres, séances de signatures, lancements de livres, heures
de lecture et , dernièrement, le «speed-booking», en collaboration avec la bibliothèque municipale, qui a eu un
grand succès. D'ailleurs, plusieurs municipalités du Québec se sont
intéressées à notre activité. La librairie devient un lieu culturel et de
connaissance pour les futures générations.
Entre autres, des gens comme M. Jacques Brassard, M. Lucien Bouchard, M. Yves
Bolduc, M. Alexandre Cloutier, pour
ne nommer que ceux… qu'eux, ont présenté… ont fréquenté la librairie avec une
fierté régionale. Nous sommes fiers de notre implication collective.
Les retombées
économiques de notre librairie en région. La librairie participe économiquement
au développement de la
collectivité : publicité dans les médias, commanditaire d'événements et
collecte de fonds humanitaire, cinq employés à temps plein ainsi que quatre employés à temps
partiel — étudiants,
étudiantes — nos
besoins d'entretien et de fournitures de la librairie, tout cela
représente un apport important à l'économie locale et régionale.
L'importance
des regroupements, la LIQ et l'ALQ. Pour une librairie en région, l'Association
des libraires du Québec, l'ALQ, joue
un rôle primordial en ce qui concerne la formation professionnelle des
libraires. La coopérative les Librairies
indépendantes du Québec, la LIQ, fournit des outils de promotion — magazine Le Libraire, exemple — de
commercialisation pour l'ensemble des libraires du Québec avec le site ruedeslibraires.com.
Cela nous permet de répondre à une nouvelle
réalité, le cybercommerce — entre autres, Amazon — de là la nécessité d'avoir un prix
réglementé du livre.
Prix réduit
du livre. En 2007, la sortie du tome VII d'Harry Potter nous a permis, la
première journée — accompagnée
de promotion, d'animation dès six heures le
matin — de
vendre 317 exemplaires. À proximité, le magasin Wal-Mart a eu environ
200 preneurs. Aujourd'hui, avec le nouveau Dan Brown, la quantité livrée dans
ce même commerce double le nôtre. Ainsi,
maintenant, la librairie n'est pas toujours la première destination pour
l'achat de volumes, souvent en raison de la chute des prix dans les
grandes surfaces. C'est un peu ce qu'on ressent en région.
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Nous allons débuter les échanges. Nous allons donc du côté du gouvernement, et,
M. le député de Saint-Hyacinthe, vous avez la parole.
M.
Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Merci, Mme la Présidente. Alors,
merci beaucoup, messieurs de la Librairie Harvey. Vous nous mentionnez — vous avez beaucoup, beaucoup
d'employés — vous
avez mis l'accent sur la jeunesse, je pense,
sur la lecture, le «speed-booking». «Speed-booking», je vois ici, là, c'est la
première fois que j'en prends connaissance,
là, depuis le début des… J'aimerais ça en entendre parler un peu plus, puis
j'aimerais ça savoir comment vous… si
la perception ou la… s'il y a une meilleure réception parmi les jeunes pour la
lecture dans votre milieu, et puis comment vous fidélisez ces jeunes-là
à revenir chez vous, puis comment vous fidélisez aussi les parents à revenir à
votre librairie.
M. Jean (Richard) : Première des
choses, la librairie est aménagée spécialement pour avoir un département jeunesse très intéressant. On met l'emphase
beaucoup sur la jeunesse — qui, comme je vous dis, c'est notre relève — en participant à des concours dans les
écoles avec soit des certificats-cadeaux, après ça, qu'on leur remet
pour les motiver. Pendant l'été, avec la bibliothèque municipale, il y a 300
jeunes qui ont 10 volumes à lire, et on leur remet des
certificats-cadeaux, on fait une petite présentation avec ça, donc pour
intéresser les jeunes de niveau primaire.
Le
«speed-booking», c'est une activité qui… pour adultes. Un soir, dans un endroit
culturel à Alma, il y a 10 personnalités de la municipalité qui ont été
invitées à venir parler d'un livre qu'elles ont lu soit dans leur jeunesse, soit étant adultes, un livre qui les a
marquées. En plus, on appelle ça un «speed-booking» parce que c'est
numérisé. Ça veut dire, donc, qu'on a quatre minutes pour en parler. Les
assistants, dans la salle qui a environ 150 personnes, ont une feuille de pointage, et on donne un pointage à
celui qui nous a vendu l'idée ou qui nous a donné le goût d'aller lire
son livre. Donc, c'est des personnalités
choisies, là — politiques,
municipales et commerciales, là — dans la ville, là, puis c'est un succès. C'est la troisième édition qu'on le
fait. C'est un succès : on en entend parler dans les médias, les gens
nous en parlent pendant des mois après. Et
les livres que l'on parle, là, c'est incroyable, les retombées que l'on a après
parce que les gens parlent, c'est de bouche à oreille, cette
publicité-là. On est en région, donc c'est des activités intéressantes.
M.
Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Puis est-ce que ça amène les gens
à fréquenter davantage votre librairie après coup ou si…
M. Jean (Richard) : Oui, oui,
absolument.
M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) :
Vous sentez les retombées?
• (12 h 20) •
M. Jean
(Richard) : Oh oui!
Absolument, absolument. Moi, j'avais parlé d'un livre, entre autres — je suis arrivé deuxième, c'était par
hasard — qui
m'avait marqué parce que c'était captivant. Écoutez, les ventes, là, dans les… même les semaines et les mois qui ont suivi puis,
encore là, après presque un an de ce titre-là que j'avais parlé, on a
encore des retombées parce que les gens ont
aimé ce livre-là, en ont parlé à d'autres personnes. Écoute, on parle de, je
dirais, une centaine de copies, là, parce qu'on a discuté de ce livre-là. Donc,
c'est de bouche à oreille, cette publicité-là qui s'est faite, là, de par des
animations comme ça que l'on fait, là.
M. Bouchard (Daniel) : C'est quel
titre?
M. Jean (Richard) :
Comme une
tombe. Comme une tombe, de Peter James.
M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) :
Je vais vous amener sur une autre question.
M. Jean (Richard) : Oui.
M.
Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Selon vous, est-ce qu'il y a
urgence de réglementer le prix du livre unique ou le prix du livre sur
une base commune?
M. Jean (Richard) : Moi, je pense que oui. Je pense que oui, parce
qu'on est aussi des commerçants et on est aussi des libraires, mais on
est aussi des commerçants, ce qui est très important. Se faire dire à presque
tous les jours qu'on vend cher ou… Je vais aller… J'ai passé tellement vite
tout à l'heure, je l'ai mentionné, que les gens — on est la deuxième destination maintenant ou presque — pensent qu'en librairie c'est plus cher
qu'ailleurs parce qu'il y a quelques titres
qui sont dans des grandes surfaces à des prix moindres. Donc, si quelqu'un
pense : Bon, bien, j'ai un cadeau à faire, je vais rencontrer quelqu'un à l'hôpital, j'ai un
petit souvenir à lui apporter, j'aimerais ça être la première destination,
qu'ils viennent chez nous, qu'il y a une
gamme de choix, que c'est bien disposé puis c'est dans le domaine du livre
vraiment au lieu de passer dans une grande surface. Donc, ça, ça m'agace un
peu, là, ce côté-là, que les gens, ils se disent : Bon, bien, en librairie, c'est cher. Il y a quelques
titres qu'eux mettent moins cher pour attirer leurs gens, mais le reste des
livres, c'est des prix honnêtes. Puis ce n'est
pas seulement que des livres. Aussi, on vend des cartes de souhaits, on a des
petits… des à-côtés, on fait du scolaire
aussi, à la rentrée scolaire, là, c'est intéressant, que les gens savent :
Bon, bien, écoute… Puis les gens qui viennent en librairie. Après, ils
disent : Écoute, ce n'est pas plus cher qu'ailleurs. Mais il faut qu'ils aient
rentré pour le voir, puis…
M. Pelletier
(Saint-Hyacinthe) : Merci. Selon vous, est-ce qu'on devrait
modifier ou amender la loi n° 51 pour répondre aux besoins des libraires?
M. Jean (Richard) : M. Lavoie, tout à l'heure, il a bien résumé la loi n° 51. Je pense
que la loi n° 51 nous permet de
protéger les librairies, parce qu'on est… moi aussi, je suis agréé, on est
aussi agréés, donc c'est intéressant de desservir, comme on le
mentionnait tantôt, les écoles, avoir un bon choix. Je crois que cette loi-là
nous permet d'avoir… puis nous oblige aussi à avoir des livres québécois et des
livres européens dans nos librairies. On ne toucherait pas à la loi — moi, je pense que ça va bien — peut-être la présenter un peu mieux. Dans
les écoles, souvent, il y a du nouveau personnel,
des nouvelles directions d'école qui entrent en fonction puis la loi, des fois,
ils ne sont pas tout à fait au courant. Nous, on a un travail à faire, on a des petits dépliants qu'on peut leur
remettre, mais systématiquement les gens ne savent pas nécessairement,
les nouveaux arrivés dans le domaine ne savent pas nécessairement c'est quoi,
la loi n° 51. Ça fait qu'on est portés souvent à la réexpliquer.
M. Pelletier
(Saint-Hyacinthe) : Merci.
M. Jean
(Richard) : Merci.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Merci. M. le député de Bonaventure.
M. Roy :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs, bienvenue. Comment se portent vos
librairies? Comment ça va?
M. Bouchard
(Daniel) : Moi, j'ai ouvert ma librairie ça fait 18 ans puis je
suis toujours en progression. Alors, ça va, je suis obligé de dire que ça va
très bien.
M. Roy :
Vous avez une augmentation significative de votre…
M. Bouchard
(Daniel) : Oui, oui, j'ai une augmentation… Bien, c'est parce que…
M. Roy :
…chiffre d'affaires ou…
M. Bouchard (Daniel) : Oui, mon chiffre d'affaires, parce que c'est… Le
problème en librairie, c'est de se faire connaître, hein? Ça, c'est
énorme, le temps que ça prend. Et puis faire aussi changer des habitudes des
gens, c'est aussi énorme, là, puis ça a pris énormément de temps. Surtout que
moi, je suis situé à Jonquière, hein — le centre d'activité est à Chicoutimi, bien entendu — alors, faire partir les gens de Chicoutimi,
venir un peu à Jonquière, notamment les
organismes subventionnés par le gouvernement, ça a été assez long — ils préfèrent venir à Québec, bien souvent,
mais… c'est une blague, ça… mais, quand
même, quand ils ont découvert la librairie, là, surtout la qualité des ouvrages
qu'on avait, la quantité qu'on avait pour la
jeunesse, alors là, ils ont été gagnés. Alors, je récolte ce que j'ai semé de
nombreuses années, petitement.
J'aurais d'autres
choses à vous dire, mais je ne sais pas si je peux embarquer sur…
M. Roy :
Oui, allez-y.
M. Bouchard (Daniel) : …d'autres affaires, étant donné qu'on se sent un
peu en famille avec vous, là, étant donné qu'on vous voit tous un peu souvent à la télé. Alors, moi, quand
j'examine la loi que… le projet que vous avez à juger, moi, je le jugerais sur trois catégories parce
que, bien entendu, depuis que la commission est commencée, on s'est
beaucoup posé de questions, à savoir c'était quoi, le chemin à prendre.
Alors,
les trois stades, si on veut, que j'examinerais, c'est, bien entendu, premièrement, le bienfait de la loi no 51. Ça, on ne peut pas la remettre en question. C'est magnifique : ça
permet aux petites collectivités et aux grandes… aux petites
collectivités, aux moyennes collectivités d'avoir une librairie dans leur
patelin, mettons une ville quand même moyenne
pour faire vivre une librairie, là. Ça prend quand même un 25 000, 30 000 de population, c'est sûr et
certain.
Et, ensuite de ça, j'examinerais un
peu toute la vie littéraire au Québec. La vie littéraire au Québec se
développe à une dimension, une rapidité énorme. Avant ça, moi, j'avais
participé à une ouverture de librairie dans les années 1970. On avait les Éditions du Jour — je les ai notées un peu — les Éditions de l'homme, Fides, Hurtubise, Leméac. C'est un peu les
éditeurs qu'on avait. Maintenant, c'est énorme, là. Je vais vous dire, j'ai
participé la semaine dernière à une… fait par
les éditions Dimédia, une présentation de leurs nouveautés qu'ils avaient. Eux,
Dimédia, ils ont à peu près une
dizaine de petits éditeurs québécois qu'ils diffusent. Et c'était magnifique.
Tous les gens, les éditeurs qui étaient là, qui présentaient leurs livres, là, étaient d'un enthousiasme, là, tu avais
le goût de tous les lire, les livres. Moi, je suis parti avec une petite valise de livres, là, mais on avait le
goût de tous les lire tellement que les livres avaient l'air intéressants, et
la vie littéraire québécoise, depuis quelques années, là… On veut des livres
européens encore, parce que, bon, un livre européen,
bon… Mais le livre québécois, on le vend de plus en plus. Avant ça, moi, quand
j'ai ouvert ma librairie voilà 18
ans, les livres québécois, là, j'avais beaucoup de misère à les vendre.
Maintenant, on fait même des best-sellers avec les livres québécois,
avec tout ce qui va alentour.
Alors, je vous ai
mentionné, je vous ai énuméré un peu les petits éditeurs québécois avec le nombre
de publications qu'ils font à la rentrée
pour vous montrer le dynamisme mais aussi la petitesse et vous indiquer la
nécessité de la librairie pour les faire connaître, parce qu'eux on ne les
trouve pas en grandes surfaces. Je suis allé hier chez Costco. J'ai dit : Bon, bien, il faudrait bien que j'aille faire un
tour là avant de venir ici. Parce que, quand on va chez Costco, bon, on ne regarde pas les livres, on passe, là,
bien entendu. Et là j'ai vu à peu près 75 best-sellers, là, qui étaient
étalés en piles, là, je ne dis pas qu'ils
vont tous les vendre… mais j'en ai vu 75 que… Là, j'ai dit : Mon Dieu!
J'ai dit : J'ai tous ces livres-là
en librairie. Moi, ça me fait un peu de… Puis j'ai tous ces prix-là… J'ai tous
ces livres-là. Mais, si on regarde la loi no 51 qui a
dit que les librairies pouvaient avoir 40 % d'escompte, pouvaient… les
éditeurs étaient obligés de donner 40 %
d'escompte, c'est dire qu'avec 40 % d'escompte, on peut à peine vivre. On
peut vivre, mais, si on vit… on n'est pas capables de vivre avec
l'escompte qu'ils donnent, eux. C'est impossible, là, c'est impossible.
Alors,
je vous ai noté… Bon, ça ne sera pas long, je vais vous parler un peu de ces
petits éditeurs, vous allez voir. Sémaphore, trois parutions… Est-ce
qu'on peut se permettre?
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Oui, vous avez encore cinq minutes.
M. Bouchard
(Daniel) : Cinq minutes? O.K., j'ai cinq minutes, O.K. je vais
peut-être en sauter. Sémaphore, trois
parutions; Le Quartanier, 16 parutions; Remue-ménage, six parutions;
Septentrion… Septentrion, je vais en parler plus longtemps, voulez-vous?
Peuplade — je
vais passer un peu, je reviendrai à Septentrion, ça vaut le coup. Ça vaut le déplacement, comme on dit — Peuplade, cinq parutions; L'Oie de Cravan, quatre
parutions; Mémoire d'encrier, six parutions; Pleine lune, quatre, L'Instant même, sept; Planète rebelle, six. On voit
le nombre de parutions qu'ils ont à gérer, la petitesse de leurs maisons d'édition, leur dynamisme aussi
quand on voit les soirées littéraires à Montréal ou les semaines
littéraires ou les fins de semaine
littéraires. Ce sont tous des nouveaux éditeurs qui participent à ces
activités-là. C'est très rare que vous allez voir quelqu'un qui vient de
Leméac ou des Éditions du Jour — bien, les Éditions du Jour, on n'en parle
plus — les
Éditions de l'homme, etc.
Alors,
je voudrais parler quand même ici, pendant que je suis à l'Assemblée nationale,
d'un livre qui va paraître bientôt aux éditions Septentrion, qui traite
du traité de Paris qui a été signé en 1763. Ça fait que M. Vaugeois va faire paraître un livre sur le bouleversement de
l'Amérique qui a eu lieu, et il se base toujours… À toutes les fois qu'on
entend parler du traité de Paris, c'est une
perte pour le Québec, une affaire assez énorme parce qu'ils ont choisi la
Louisiane au lieu du Québec, alors
que c'est l'inverse qu'il aurait fallu vivre. Ça a été ce qu'on pourrait
appeler une bénédiction pour le Québec
d'avoir été exclu dans le traité de Paris, parce que ça a fait en sorte qu'on
n'a pas participé au régicide, c'est-à-dire à la mort du roi. C'est quand même assez magnifique. Alors, ça nous donne
un état de pureté de peuple. Fantastique, quand même, hein? Et on
pourrait continuer là-dessus, mais je m'arrête là. Je voulais dire ça. Alors,
c'est quand même... Ça fait 250 ans que le traité de Paris a été signé, ça
mérite...
• (12 h 30) •
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : M. Bouchard, si vous le permettez...
M. Bouchard
(Daniel) : Oui.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Ce que je comprends, c'est que vous
n'avez pas pu faire votre présentation.
M. Bouchard
(Daniel) : ...je réponds aux questions...
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Oui? D'accord. Parce
que ce que je vous aurais proposé,
c'est que nous continuions sur le
temps du gouvernement, il n'en restait pas beaucoup.
Mais, comme vous avez juste pris cinq minutes pour votre présentation,
je vous aurais octroyé des minutes sur le temps que vous n'avez pas pris sur
votre présentation.
M. Bouchard
(Daniel) : Oui. Alors, si je comprends bien...
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Il vous reste encore du temps.
M.
Bouchard (Daniel) : O.K., O.K.
Alors, on parlait des petits éditeurs, tellement ils sont importants. La littérature européenne
tend à chuter, autant par la qualité que par le nombre qu'on vend en librairie,
je suis persuadé. Ensuite, il y aurait quelque
chose d'important aussi, c'est que
tous les acteurs du milieu sont d'accord, notamment les éditeurs, ce qui est quand même assez bizarre, que tous les éditeurs soient d'accord
avec cette politique-là, là, c'est quand même assez particulier, tous les acteurs, les bibliothèques.
Il y a
aussi une affaire que j'ai remarquée, moi, c'est que, quand on parle que le
prix va augmenter ou diminuer, le prix
va augmenter. Si on n'établit pas le prix fixe, le prix va augmenter, c'est sûr
et certain. Moi, j'ai déjà, là... Quand je reçois un livre à la librairie, je regarde. Avant de voir la facture, je
regarde le livre : Oui, ce livre-là, il coûte à peu près ça. Je regarde la facture : Wow! Pas mal trop cher! Puis, notamment
chez un éditeur, je regarde souvent ça, toujours, les livres sont trop chers. Alors, je me pose des questions.
J'ai dit : Pourquoi ses livres à lui sont chers comparativement à
d'autres livres de la même catégorie, de la
même prestance, de la même... Alors, je me dis : Ça doit être parce qu'il les vend en grandes surfaces puis il essaie de se rattraper.
Puis je suis persuadé, là, que c'est ça. Ou encore il vend ses livres de sa
maison d'édition en vente dans ses librairies et puis il monte le prix, parce
que, bon, tout ça mis ensemble, là...
Alors, c'est à peu près
ce que j'ai à vous dire, moi, sur... Ah! Je voudrais quand même
vous dire... O.K., deux minutes? Deux minutes. Alors, vous savez comme moi, quand j'ai démarré ma
librairie, voilà 18 ans, j'étais sur le bien-être, j'avais cinq enfants et j'ai demandé le programme PAIE, 50 000 $. Je suis allé négocier avec mon
banquier. Mon banquier m'a regardé,
il m'a dit : Je ne connais pas ça, les librairies, je vais faire une
petite étude puis je vais revenir. Alors là, il a fait son étude, il est
revenu, il dit : Oui, il dit, les librairies, c'est rare que les
librairies, ça tombe en faillite, il dit, puis tu as une bonne expérience. Il dit : O.K., je te le donne.
50 000 $. Alors, quand j'ai vu 50 000 $, tu sais comme moi
que... Là, je me suis dit : Oui,
j'ai 50 000 $, mais je ne serai jamais capable d'ouvrir ma librairie.
Comment je vais faire? Alors là, j'étais un peu confus de tout ça, là.
Alors, je suis allé dans un salon du livre — je vous raconte ça
rapidement — dans
un salon du livre de la région, comme il va
y avoir, là... Là, j'essaie de parler à quelqu'un qui pourrait m'aider à voir
la lumière là-dedans. Personne ne
voulait me parler, bien entendu. Ouvrir une librairie, quelle affaire idiote!
Alors là, je m'assois dans un kiosque, débité, sans... tu sais, débité,
là. Qu'est-ce que je vais faire? Là, je parle avec le monsieur à côté de moi. Je lui dis : Je veux ouvrir une librairie.
Bien, il dit : Ouvre-la, ta librairie! Bien, j'ai dit : Je n'ai pas
de... écoute, je n'ai pas assez de livres
pour ouvrir une libraire, je n'ai pas assez d'argent. Il dit : Moi, il
dit, j'en ai, des livres.
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
M. Bouchard.
M. Bouchard (Daniel) : Oui.
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Je me permets de vous interrompre parce qu'il ne vous reste pas beaucoup de
temps. Il restait un petit peu de temps au gouvernement, on va le redistribuer
par après sur votre temps que vous n'avez
pas pris en présentation. Là, c'est sur mon temps à moi. Le gouvernement
voudrait poser une dernière question. Du côté du gouvernement, M. le
député de Bonaventure, allez-y.
M. Roy :
Merci. Écoutez, est-ce que vous considérez que les consommateurs sont d'accord
avec la réglementation du prix du livre?
M.
Bouchard (Daniel) : Oui, les
consommateurs sont d'accord. Moi, je pense que vous, individuellement, si
vous n'auriez pas à voter selon la ligne du
parti, vous seriez d'accord. Tout le monde, ne peut pas... tout le monde peut
être... il est d'accord avec ça.
M. Roy : Merci.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci beaucoup. Nous
allons maintenant du côté de l'opposition officielle. Mme la députée
d'Acadie, vous avez la parole.
Mme
St-Pierre :
Merci, M. Bouchard, M. Harvey. Vous êtes chanceux de lire dans les lignes du
parti, vous. Je pense que cette
commission parlementaire là, elle est essentielle pour vraiment nous éclairer
et essayer de faire en sorte que le gouvernement puisse arriver avec une
solution, parce que nous sommes vraiment dans un moment où il faut qu'il y ait une solution à cette situation tragique que
vivent les libraires indépendants. Puis je pense que le mot «tragique»,
il n'est pas trop fort dans mon esprit. Ce
n'est plus le temps, à mon avis, de pousser des études fines par dizaines. Il faut que le ministre de la Culture mette son chapeau de ministre de la Culture et qu'il arrive avec une solution pour faire en sorte que les petites et les
librairies indépendantes puissent avoir leur place dans la société québécoise
et une place pérenne.
Alors, moi,
j'y crois énormément, et vous pouvez vous assurer que nous allons travailler
très fort pour faire en sorte que le gouvernement propose rapidement une
solution. Quelle sera sa décision? Je ne le sais pas, ce n'est pas moi qui
prends les décisions, mais je pense qu'il faut que le gouvernement prenne une
décision dans ce dossier-là.
Vous parlez
avec beaucoup de passion de votre métier de libraire, et je pense que c'est ça
qui est important, c'est la passion.
Vous dites que vous avez été vous promener dans une grande surface, vous avez
vu 75 best-sellers. Êtes-vous sûr que vous avez vu
75 best-sellers?
M.
Bouchard (Daniel) : Si je
calcule les livres d'enfants, oui, mais... j'en ai vu certainement 50, j'en ai
calculé 50 facilement... 55. 55, mais, si je calcule un peu d'autres livres que
j'ai laissé tomber, là, oui.
Mme
St-Pierre :
Oui, mais la question qui se pose régulièrement, c'est : Est-ce que le
client qui voit ou qui achète dans une
grande surface — qui n'a
rien à voir avec le travail de libraire, là, c'est une grande surface qui
vend toutes sortes d'affaires, des
chaises de parterre, de la nourriture et tout ce que vous voulez — est-ce que ce client-là, il va faire
le trajet… il va prendre sa voiture, va faire le trajet puis aller chez vous?
M.
Bouchard (Daniel) : Pas
nécessairement. Ils vont en... s'en vendre encore. Il va s'en vendre moins,
mais... Bien, tu peux y aller, toi aussi.
M. Jean
(Richard) : Oui. Moi, je
pense que, comme libraires, on a un travail à faire aussi, O.K.? On a un
travail qu'il faut continuer, O.K.? C'est ça
qu'il faut faire. Tantôt, on parlait d'activités qu'on fait, de publicité, il
faut que les gens de notre municipalité, de notre région nous voient
puis sachent qu'est-ce qu'on fait puis c'est quoi, l'importance d'une librairie, O.K.? C'est un commerce qui est
différent des autres à cause de ça. C'est un commerce qui est très culturel.
Les gens ont besoin d'aide, ils viennent
chez nous. Ils sont malades et ils cherchent un livre sur telle maladie, on
peut les conseiller, on est au courant de ce que l'on a.
Donc, le
travail de libraire n'est pas nécessairement en arrière du comptoir au côté de
la caisse puis attendre que les gens viennent, O.K.? C'est ça qui est
important. Et je pense, comme librairie, là, il faut mettre ça gai. Moi, j'ai
un coin foyer avec des chaises, les gens
peuvent s'asseoir, peuvent lire, tu sais, on leur met ça agréable, on met ça
chaleureux, familial. C'est un peu ça. Ça
fait qu'on a un travail très important à faire pour justement changer cette
mentalité-là. Si, heureusement, la
loi peut passer, nous, après ça, là, on se lève les manches puis on a un gros
travail à faire comme libraires.
Mme
St-Pierre :
Moi, j'aime beaucoup les salons du livre, là, je trouve que c'est
formidable : on rencontre les auteurs
puis on peut faire signer nos livres, et tout ça, avoir des autographes, mais
est-ce que les salons du livre aident les libraires indépendants ou
nuisent aux libraires indépendants?
M. Jean (Richard) : Moi, je pense
qu'ils aident les libraires indépendants.
Mme
St-Pierre : …nos
cadeaux de Noël au Salon du livre de Montréal.
M. Jean (Richard) : Bien, celui de Montréal... Moi, je suis en
région, il me dérange moins, lui de Montréal, là.
Mme
St-Pierre : …le
vôtre, il est quand, votre salon du livre?
M. Jean (Richard) : Dans deux
semaines, à Jonquière, le 26, 27, 28, à Jonquière.
Mme
St-Pierre : Mais
est-ce que les libraires indépendants sont présents aux salons du livre?
M. Jean (Richard) : Oui, oui.
Souvent, on a une rotation entre… on représente…
Mme
St-Pierre : …
M. Jean
(Richard) : Oui, c'est ça.
Parce qu'il y a des ventes qui se font là aussi, là, donc on représente
aussi... On tient les kiosques pour les distributeurs.
M. Bouchard (Daniel) : Comme notre
librairie.
M. Jean
(Richard) : C'est ça, on la
tient comme notre librairie. C'est du personnel habitué, du personnel qui
sont capables de conseiller les gens qui sont moins habitués en librairie, ces
gens-là, mais ils viennent... Bon, la Librairie Harvey va être identifiée avec
l'éditeur, ça fait que les gens, bon, bien, ils posent des informations, on est
capables de répondre, ce n'est pas seulement que des commis, là, qui vont être…
Mme
St-Pierre : En
termes du nombre de librairies dans votre région, il me semble que j'ai lu il
n'y a pas longtemps qu'il y avait une librairie... c'est la librairie, je
pense, Au Royaume, du Saguenay…
M. Jean (Richard) : Oui, oui. Cette
librairie-là a fermé ses portes…
Mme
St-Pierre : …qui a
fermé ses portes. Donc, vous êtes maintenant quatre… Vous étiez quatre, vous
êtes rendus trois? Vous êtes…
M. Jean (Richard) : Plus que ça.
Mme
St-Pierre : Plus
que ça?
M. Bouchard (Daniel) : Il y en a
quatre, et puis il y a quand même un mégabureau à Roberval qui, lui, est agréé
aussi.
Mme
St-Pierre : O.K.
M. Bouchard (Daniel) : Mais on a trois… On est quatre librairies, là. Avec Archambault, ça fait
cinq, quand même.
M. Jean
(Richard) : On est cinq. Puis Dolbeau, il y en a une aussi. Ça fait
qu'on est…
M. Bouchard
(Daniel) : Cinq avec Dolbeau.
M. Jean
(Richard) : Oui, avec Dolbeau, c'est ça.
M. Bouchard
(Daniel) : Mme St-Pierre, je peux-tu vous… Quand on est montés, on a
traversé le parc des Laurentides, tout à l'heure, là…
Une voix :
…
M. Bouchard (Daniel) : Oui. Bien oui! Je la passe à vous par la suite.
Parce que ma femme a fait le discours, que vous auriez aimé, sur
qu'est-ce qu'est qu'un libraire, dans l'auto... dans l'auto, par contre. C'est
exactement qu'est-ce que…
• (12 h 40) •
Mme
St-Pierre : Bon. Donc, êtes-vous… elle est d'accord avec
moi. Je n'ai pas d'autre question à vous poser, je pense que votre exposé est très clair. On comprend
aussi… les gens qui nous écoutent peuvent comprendre davantage le
travail important que vous faites comme libraires : vous êtes des
pédagogues, vous êtes des conseillers, vous êtes des confidents. Vous faites un
travail qu'on ne retrouvera pas dans un autre secteur.
Maintenant, est-ce
que, dans votre perspective à vous, avec les nouvelles technologies et toute la
question des nouveaux médias, nouvelles technologies, est-ce que vous êtes en
voie de disparition? Je m'explique là-dessus : Est-ce que vous allez être capables, au fil des années, à survivre à
tous ces changements technologiques? Parce qu'on parle du prix fixe, oui, mais il y a autre chose aussi
qui arrive dans votre… qui se présente à vous et qui peut vous… Et
est-ce que, si la loi est acceptée, est adoptée, ça va vous permettre de
vraiment assurer votre pérennité?
M. Jean (Richard) : Et avec le travail qu'on a à faire aussi, que je mentionnais tout à
l'heure, mais aussi ce qu'on parle,
on parle du livre numérique surtout, hein, les nouvelles technologies, c'est
ça. Donc, dans nos choix de personnel aussi,
on a des jeunes qui sont très habitués, on est supportés, on est appuyés par
l'Association des libraires et ruedeslibraires.com. Dans toutes nos
publicités, c'est indiqué. Les gens, on leur facilite la chose s'ils veulent télécharger des livres. Donc, il faut rester aussi
avec les associations qu'on a pour s'aider, là. Parce que c'est beaucoup
de sous, quelqu'un indépendant qui peut
travailler avec le numérique, tandis qu'avec Rue des Libraires, bien, on
est très, très bien appuyés.
J'ai apporté, tout à
l'heure… tantôt, j'avais oublié de vous le mentionner, il y a des revues que
les librairies passent, là — je vais vous en laisser quelques
exemplaires — avec la
LIQ, c'est Le Libraire. Ça, on en a des piles. Ça nous coûte de l'argent, ça, donner ça aux clients,
mais c'est extraordinaire comme outil de travail. Ça fait que, donc,
tantôt, je vais pouvoir vous en laisser,
j'aurais dû vous le laisser avant. Ça, c'est nos associations qui font ça. Ça
fait que, comme libraires, on laisse
ça dans un présentoir à l'entrée du centre commercial, les gens peuvent en
prendre. On a des retombées immédiates
après ça, les gens, quand ils arrivent. Alors, on le voit. Si vous voulez...
vous sortez un livre demain matin, moi, je vous conseille d'aller à Tout le monde en parle parce que, le
lendemain matin, là, ça bouge, là, c'est incroyable. Bien, c'est un peu
bouche à oreille, publicité, c'est ça qu'on a à faire.
Mme
St-Pierre :
Mais il faut être invité, hein?
M. Jean
(Richard) : Il faut être invité. Oui, il faut être invité.
Mme
St-Pierre :
Puis on ne veut pas toujours y aller.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Merci. Nous allons maintenant du côté du
deuxième groupe d'opposition. Mme la députée de Montarville, vous avez la
parole.
Mme
Roy
(Montarville) : Merci beaucoup, Mme la Présidente.
Messieurs, merci. Merci pour votre mémoire, c'est un plaisir de vous entendre, et je suis particulièrement heureuse
d'entendre M. Bouchard qui a un «success story», une belle histoire, ça
fait du bien à entendre.
Et, naturellement,
nous tous, tous les parlementaires, comprenons très, très bien la pertinence du
travail de libraire qui n'est pas le même que
le commerçant qui vend… On le comprend, ça, n'ayez crainte. La question qu'on
se pose, c'est : Est-ce que ça va
aider? Est-ce qu'il y aura un déplacement? Peut-on s'assurer que les prix
n'augmenteront pas, qu'on ne privera pas des
gens qui courent après les rabais pour acheter et que ces gens-là
n'achèteraient pas, là… Alors, c'est tout ça qui est en jeu.
Cela dit, dans votre
document, le cinquième point, vous nous parlez de quelque chose d'intéressant.
À la sortie d'Harry Potter, vous en
avez vendu davantage que la grande surface à côté de vous. Et la sortie, par la
suite, du Dan Brown, là vous nous dites que la grande surface avait le
double de volume. Ce que je me demandais… Oui?
Une voix : …
Mme Roy
(Montarville) : Bien, je me demandais — puis vous préciserez : Est-ce que vous
avez de la difficulté à vous faire alimenter en nouveautés par rapport
aux grandes surfaces? Est-ce que les distributeurs privilégient d'aller porter
la grosse quantité dans les grandes surfaces?
M. Jean
(Richard) : Non.
Normalement, ça arrive à peu près la même journée, dans le même avant-midi,
si… Mettons que ça arrive dans l'avant-midi,
là, il y a quelques heures de différence, mais c'est assez bien respecté, ça.
Ça, il n'y a pas de problème. La différence, tantôt c'est ce qu'on disait, on
voit qu'en six ans, de 2007 à aller à 2013, le dernier Dan Brown, normalement,
j'aurais dû en vendre, dans la première semaine, peut-être 150, le Dan Brown,
là, quand il est sorti. Normalement, c'est
les prévisions à peu près qu'on aurait dû faire. Mais, dans les six dernières
années, les grandes surfaces ont pris une partie importante des best-sellers,
c'est ça qui fait la différence.
Si je
regardais... un petit calcul rapide, là, la différence entre une librairie qui
se porte bien, à la fin de son année fiscale dans les 12 mois... je
vendrais cinq best-sellers par jour, là, de plus, puis ça fait toute une
différence à la fin de l'année. Ce n'est pas énorme ce que l'on a, même si… Il
y a encore de la place pour les Costco, les Wal-Mart, les pharmacies, oui, sauf
que ça devient une compétition beaucoup plus saine.
Donc, si,
eux, ils veulent avoir des livres sur les tablettes de côté avec de la
poussière, c'est leur problème, mais au moins le prix va être semblable au nôtre. Ça fait que c'est pour ça que
l'Harry Potter, c'est l'exemple que je donnais, parce qu'on
faisait… quand il sortait un grand titre, il y a des événements, on en vendait
beaucoup plus que ces grandes surfaces là, mais là, maintenant, ce n'est plus
tout à fait ça. Merci.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci beaucoup. Mme la
députée de Gouin, vous avez la parole.
Mme David :
Merci, Mme la Présidente. Bien, d'abord, à l'instar de mes collègues, je veux
vous dire moi aussi que je pense
qu'on n'a vraiment pas besoin d'être convaincus de l'importance du travail que
vous faites, on le sait. Vous nous
parlez des activités de promotion. J'ai eu la chance quelquefois de pouvoir
participer à des activités
comme ça dans des librairies, c'est inestimable.
Et d'ailleurs moi, j'aurais dit Bonheur d'occasion comme livre qui a
marqué ma vie.
Une voix : Ah! C'est bon.
Mme David : Mais j'ai une question, peut-être,
à la suite de ma collègue, justement. Moi, je voudrais savoir concrètement
qu'est-ce qui s'est passé, dans le fond, entre 2007 et maintenant. Si, en 2007,
la sortie en grande surface d'Harry
Potter ne vous posait pas problème — pas vraiment, puisque vous aviez fait une
très bonne vente — pourquoi
est-ce que ça pose problème maintenant?
M. Jean (Richard) : C'est parce
qu'on voit les grandes surfaces avec leur publicité : Le prix le plus
bas tous les jours. Bon. Ça, ça vient d'entrer dans la mémoire des
gens tout le temps, leurs habitudes de consommation. Bon, ils n'en ont pas assez, ils vont rentrer à l'épicerie
parce qu'ils veulent avoir les gens deux, trois fois par semaine chez
eux. Ça fait que c'est tout ça qui fait que ça attire la clientèle. Puis on
parle de six ans, là, de publicité, donc ça commence à rentrer, là, dans la
mémoire des gens, dans la tête des gens, là. Moi, c'est un peu ce que je pense
comme…
Mme David : C'est une sorte
d'habitude qui se crée, finalement, et qui vous fait mal.
Une voix : C'est ça.
Mme David : D'accord. Merci.
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Merci. Merci beaucoup, MM. Jean et Bouchard.
Et la commission suspend ses travaux jusqu'à
15 heures cet après-midi. Bon appétit à toutes et à tous. Merci.
(Suspension de la séance à 1
2 h 46)
(Reprise à 15 h 2)
La Présidente
(Mme Richard, Duplessis) : À l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons nos travaux. Je demande à
toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de
leurs téléphones cellulaires.
Et nous
allons poursuivre sans plus tarder les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le document
intitulé Document de consultation sur la réglementation du prix de
vente au public des livres neufs imprimés et numériques.
Nous recevons cet après-midi
les représentants du Conseil québécois du commerce de détail, Mme Pâquet, M. Turgeon. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Vous allez disposer d'un temps maximum de 10
minutes pour faire votre exposé. Par
la suite suivra un échange avec les parlementaires. Donc, M. Turgeon, la parole est à vous. Je
vous demande de vous présenter, ainsi que la personne qui vous
accompagne. Merci.
Conseil québécois du commerce de détail (CQCD)
M. Turgeon
(Léopold) : Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, bonjour. Mon nom
est Léopold Turgeon. Je suis le président-directeur général du Conseil québécois du commerce de
détail. Je suis accompagné de Me Françoise Pâquet, directrice des
relations gouvernementales au CQCD.
Le CQCD remercie la Commission de la culture et
de l'éducation de lui donner l'occasion de s'exprimer aujourd'hui. Présumant
que vous avez eu l'occasion de lire notre mémoire, je me permettrai d'insister,
au cours des prochaines minutes, sur l'un
des éléments qu'il contient, un seul. D'entrée
de jeu, je confirme que le CQCD
comprend et appuie l'objectif
recherché par le gouvernement avec ce projet
de loi, soit la protection de
l'industrie culturelle du livre au Québec, et c'est très légitime, mais il
y a un piège bien sournois devant nous tous, j'y reviendrai dans un moment.
Créé en 1978,
le Conseil québécois du commerce au détail a pour mission de
promouvoir, représenter et valoriser le secteur du commerce de détail au
Québec et les détaillants qui en font partie afin d'assurer le sain développement
et la prospérité du secteur. Le CQCD est le
plus important regroupement de détaillants au Québec, il représente un
secteur économique comptant plus de 46 000 établissements commerciaux
répartis dans toutes les régions du Québec. Le commerce de détail génère plus de 466 000 emplois au Québec, soit
l'équivalent d'un travailleur sur sept, ce qui en fait le deuxième plus
important secteur d'emploi du Québec.
En 2012, plus
de 103 milliards de dollars de ventes au détail ont été réalisés. Le CQCD
représente à lui seul plus de 70 % de l'activité économique liée au
commerce de détail. Ses membres opèrent dans presque tous les secteurs d'activité commerciale, incluant les magasins d'articles
de sport, de passe-temps, de musique, de librairie. Tous les types de détaillants y sont représentés, petits, moyens et
grands, qu'ils aient pignon sur rue ou qu'ils soient situés dans un
centre commercial, dont les grands magasins
et les grandes surfaces, les chaînes, les franchiseurs, les franchisés, les
détaillants indépendants, les regroupements
d'achats. Il y a évidemment plusieurs membres du CQCD dans chacune de vos 125
circonscriptions.
Le CQCD suit avec intérêt, depuis de nombreuses
années, l'évolution du dossier du livre au Québec. Tout en reconnaissant les difficultés
des librairies indépendantes, le CQCD a toujours considéré que chaque
détaillant, même une grande surface, peut tirer parti de ce qu'il juge être ses
meilleures pratiques commerciales.
L'annonce
de la présente consultation a incité les administrateurs du CQCD à se requestionner sur le dossier du
livre. Après avoir été interpellé par ses membres et différents joueurs dans le
domaine du livre, le CQCD a décidé d'analyser davantage la situation actuelle.
Voici ce qu'il en est ressorti.
D'abord,
le besoin d'actualiser le cadre législatif actuel pour y intégrer le livre
numérique. Le CQCD estime en effet important
que la question du prix du livre imprimé et celle du livre numérique, autant
français qu'anglais, soient désormais traitées conjointement pour éviter
de déséquilibrer le marché et également assurer la cohabitation commerciale des
deux formats. Le marché du livre numérique
étant en augmentation exponentielle, il est capital qu'il soit rapidement
pris en compte. D'ailleurs, il serait même
souhaitable de définir le mot, le terme «numérique». Enfin, l'urgence
d'encadrer les règles et les pratiques entourant la vente en ligne de
livres.
Le CQCD est d'avis que la
question du commerce en ligne requiert rapidement une profonde réflexion au Québec. Qu'il s'agisse du livre ou de tout autre
produit, les détaillants québécois, incluant les librairies
indépendantes à succursales et même les grandes surfaces, subissent une
concurrence déloyale de la part des géants mondiaux de la vente du livre sur le Web, comme eBay, Amazon
et Apple : c'est ça, le piège sournois que j'ai évoqué plus tôt. Les
eBay et Amazon de ce monde sont installés dans des États souvent
exempts de taxes, la plupart du temps dans des parcs industriels pour lesquels ils sont subventionnés. Ces entreprises sont
en partie responsables de la fragilisation de l'industrie culturelle du
livre au Québec, et leur pénétration de marché est phénoménale, même au Québec.
Cet
été, sur les tablettes numériques, que lisaient vos concitoyens de
Havre-Saint-Pierre, de l'est de Montréal, de Saint-Vincent-de-Paul, de Saint-Bruno, de Parc-Extension? Ils lisaient
sans aucun doute, tout comme vos concitoyens du Parc La Fontaine, de Saint-Philémon, de Paspébiac et de
Saint-Hyacinthe, des livres achetés dans un modèle de concurrence qui
échappe au gouvernement du Québec. Et je serais bien curieux de faire
l'inventaire de tous les livres qui se trouvent dans les tablettes de nos
parlementaires. Comprenez bien que ce n'est aucunement un reproche. C'est tout
simplement l'expression d'une nouvelle réalité de notre société, dont, je le
répète, le modèle de concurrence échappe au gouvernement du Québec. Il est important
de réaliser que la majorité des produits achetés par les consommateurs entrent au Québec sans qu'ils paient de taxe,
privant ainsi le gouvernement d'un sérieux manque à gagner. Cette
situation représente un commerce, une concurrence déloyale pour les
établissements d'ici, qui, eux, non seulement paient des taxes, mais offrent des emplois et contribuent à
l'essor économique du Québec. Ce phénomène n'est pas unique au Québec.
Nos voisins américains ont décidé de se pencher sérieusement sur la question et,
en mars 2013, un amendement au budget
fédéral, appelé le Market Fairness Act, a été approuvé, permettant aux États de
collecter les taxes sur les ventes réalisées dans d'autres États au
moyen du commerce électronique. Et, depuis le printemps 2013, le CQCD tente de sensibiliser le gouvernement du Québec à
l'importance d'analyser davantage cette problématique dans le cadre d'un
mandat d'initiative provenant de la
Commission des finances publiques. Enfin, le CQCD croit fermement en un marché
où la libre concurrence peut s'exercer. Selon nous, le gouvernement ne
doit pas, sauf exception et dans des cas bien justifiés, s'immiscer dans les
lois du marché.
Nous
assistons actuellement à une importante fragilisation de l'industrie culturelle
du livre au Québec, qui va bien au-delà des enjeux traditionnels. La
concurrence et l'éventuelle domination, voire monopole pouvant provenir des sites Internet comme eBay et Amazon
nécessitent un minimum d'intervention
afin que les détaillants québécois
puissent demeurer concurrentiels. Étant
donné la situation, le CQCD croit que le gouvernement ne doit pas
laisser le développement du lectorat
et l'industrie nationale du livre aux seules forces du marché. Le CQCD
considère également que le gouvernement
doit veiller à ce que le consommateur ne soit pas pénalisé par une hausse des
prix des livres sur le marché.
• (15 h 10) •
Le
fait que le Québec soit la province canadienne où les habitudes de
lecture sont au dernier rang doit inciter le gouvernement à agir avec
vigilance pour ne pas encourager une hausse des prix qui serait néfaste au
lectorat. C'est pourquoi la mise en place d'une réglementation du prix des
ventes au public des livres neufs pendant une courte période déterminée pourrait être une solution
intéressante. Nous considérons qu'une telle solution ne priverait pas les
consommateurs de rabais, mais ne ferait que différer le moment où il lui
serait possible d'acheter le livre à prix réduit.
En
conclusion, les détaillants du Québec estiment que l'aspect culturel des produits
québécois est plus que jamais en jeu. Alors que la vente en ligne des
livres numériques contribue à transformer radicalement la vente des livres au
Québec, le CQCD appuie une réglementation sur le prix unique du livre, autant
francophone qu'anglophone, et cette réglementation
doit s'appliquer également aux livres numériques. Dans ces circonstances, le
gouvernement doit exercer un véritable
leadership visant à protéger notre richesse culturelle et notre langue, car,
disons-le, le livre n'est pas seulement un simple produit comme les
autres. Il permet de refléter et de communiquer la pensée et la culture de
toute une société, pour aujourd'hui et demain.
Nous
vous remercions à l'avance de l'attention que vous portez à ces commentaires et
nous vous offrons notre entière collaboration dans les prochaines étapes
entourant le suivi de cette consultation.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci beaucoup,
M. Turgeon. Nous allons maintenant du côté du gouvernement. M. le
ministre de la Culture et des Communications, vous avez la parole.
M.
Kotto : Merci, Mme la Présidente. Mme Pâquet, M. Turgeon, soyez
les bienvenus, et merci pour la contribution que vous apportez à cet
exercice de «dépatouillage» — appelons ça comme ça — entre
les positions pour et contre.
Le
prix réglementé. De mémoire, en fait, à l'aune des informations dont je
dispose, vous n'avez pas toujours été pour la réglementation d'un prix
plancher sur le livre neuf. Qu'est-ce qui vous a fait changer de perspective?
M. Turgeon (Léopold) : Lorsqu'on a fait notre réflexion, évidemment le
conseil d'administration s'est penché sur la question du livre et, évidemment, dans le conseil d'administration,
on a tous les joueurs, incluant des joueurs qui sont dans le livre, d'autres qui ne le sont pas. Et ce
qui était important à ce moment-là, c'était de faire une réflexion qui
représentait d'abord et avant tout le commerce de détail. On a toujours été
effectivement dans une position qui était totalement différente, c'est-à-dire
qu'on encourageait effectivement le libre marché.
Et
qu'est-ce qui a changé? Actuellement, la donne a complètement changé avec
l'arrivée de grands joueurs comme Amazon. Amazon… Et le
livre est un produit, mais, si on parle au sens plus large du commerce de
détail, Amazon fait une compétition
féroce et déloyale parce qu'ils sont installés dans des États où il n'y a
pas de taxe, parce qu'ils s'installent dans
des parcs industriels, parce qu'ils font la livraison partout et aussi parce
que les produits rentrent ici, au Québec, sans payer de taxe. Alors, il y a toutes sortes de façons de contourner pour
ne pas charger de taxes. Évidemment, sur le livre papier, il n'y a pas de taxe, mais ce qu'on a
voulu surtout apporter, le point de vue qui était important, c'était de
montrer vers quoi on s'en va.
Et,
avec ces grands joueurs là qui sont maintenant dominants… Si on prend, par
exemple, Amazon, Amazon vend actuellement, juste aux États-Unis, 5 % du commerce de détail.
C'est deux fois les ventes du Québec en commerce de détail annuel. Et on s'en va vers la domination
des oligopoles, et le danger de s'en aller dans les oligopoles va
inévitablement nous amener à une
augmentation des prix. Ils ont le contrôle, ils ont des machines qui viennent
supporter leur approche, et c'est l'angle de la compétition déloyale qui
nous a permis d'apporter une modification à notre position.
M.
Kotto : Vous avez
parlé d'eBay, Amazon, Apple. C'est une cible... enfin, ce sont
des cibles qui nous ont souvent été
pointées. Avez-vous pensé aux changements de comportement des lecteurs depuis
l'explosion des nouvelles technologies et, plus spécifiquement, des médias sociaux? Je
m'explique. Beaucoup de gens qui sont versés dans les médias sociaux, pour la plupart, sont potentiellement de
grands lecteurs, passent énormément de temps soit sur Twitter soit sur
Facebook à communiquer, à échanger, et, quand vient tard le soir le moment de
prendre un livre, on est fatigué, et ça amène le report de lectures qu'on a à
faire et, par conséquent, effet domino oblige, ça amène ces personnes à ne pas
retourner régulièrement à la librairie, comme par le passé, se chercher un
livre. Est-ce que vous avez eu à réfléchir sur ce phénomène-là? Parce qu'il est
réel.
M. Turgeon
(Léopold) : En fait, ce qu'il faut comprendre, c'est que le marché du
livre est un marché qui est très, très stable en
termes de ventes, si on fait
l'exception en 2009, où on a eu la réforme, où là on a eu une croissance
du livre, mais, règle générale, c'est un marché qui est très, très stable, et, indépendamment
des médias sociaux ou pas, le livre, encore
actuellement, est au même niveau que le début des années 2000. Donc,
actuellement, à ma connaissance, si je fais juste observer les chiffres,
le livre est toujours stable. Il se vend à peu près toujours le même nombre de
livres au Québec, qu'ils soient numériques et/ou papier.
M. Kotto :
Alors, si je vous entends bien, ce qui veut dire que la clientèle — appelons
les consommateurs ainsi — se déplace au bénéfice des eBay, des Amazon,
des Apple et des grandes surfaces. C'est ce que vous voulez dire.
M. Turgeon
(Léopold) : J'apporterais
une nuance, si vous permettez. Il est important de préciser qu'on est
pour le commerce en ligne, le commerce en
ligne dans les règles. Le commerce en ligne qui est fait par les entreprises
qui ont pignon sur rue et/ou qui sont
ici au Canada, au Québec, on n'en a pas, de problème, on est pour le libre
marché. Là où est notre point, c'est les entreprises qui nous font de la
concurrence de façon déloyale, c'est à ce niveau-là qu'on en est. Maintenant, qu'on change de support pour la
lecture… évidemment, pour nous, on est bien conscients que la
technologie est en train complètement de révolutionner le commerce de détail.
M. Kotto :
O.K. Vous avez, à la page 3 de votre mémoire, dit : «Nous considérons
qu'une telle solution — vous parliez de la
réglementation — ne
priverait pas le consommateur de rabais, mais ne ferait que différer le moment
où il lui serait possible d'acheter le livre
à prix réduit.» Est-ce que vous pensez sincèrement que le consommateur serait
en accord avec une réglementation, si c'est la finalité de cet exercice qu'on
tient ici?
M. Turgeon (Léopold) : Il faut
comprendre que les livres qui sont en rabais représentent à peu près 11 %
du marché. Donc, c'est de cette part de
marché là qu'on parle. Je pense que ça donne des armes égales à tous les
détaillants pour vendre un produit. Ça donne
aux libraires, ça donne à l'ensemble de l'industrie la possibilité d'être à
armes égales un certain temps. Ce n'est pas une solution finale, je
pense que c'est un coup de pouce, c'est pour aider nos détaillants qui ont
pignon sur rue et qui font commerce ici.
M. Kotto :
O.K. J'entends bien ce que vous dites. Mais ce qui me préoccupe actuellement,
c'est le comportement du consommateur
dans l'hypothèse où on légiférerait sur un prix plancher sur le livre neuf.
Moi, je n'ai aucun élément de référence pour lire ce comportement, à
savoir s'il va continuer à aller acheter au même rythme ou s'il va se retenir
d'acheter et, éventuellement, totalement changer par la suite et s'orienter,
justement, sur Amazon ou eBay, en ligne.
• (15 h 20) •
M. Turgeon (Léopold) : Il faut
comprendre que le produit qui est à rabais, c'est un produit d'appel. Étant un
produit d'appel, ça permet aux entreprises de donner aux consommateurs
l'impression que ce qu'il achète dans cette entreprise-là, c'est moins cher. Donc, par définition, le
consommateur finit par dire : C'est moins cher, mais dans les faits
on touche 11 % des produits qui sont bien ciblés. Ces grandes
organisations là sont prêtes à perdre de l'argent pour éventuellement faire consommer d'autre chose, parce que… je ne sais pas
si vous êtes allés sur ces sites-là, mais, dès qu'on a un produit, bien ils nous en proposent un
similaire, et on va donner 15 $ pour ton prochain achat, et etc. Donc,
est-ce que ça, c'est bon pour le consommateur? Je ne suis pas certain.
M. Kotto : O.K. Vous nous
faites également, à travers votre mémoire… faire comprendre… Il est intéressant
qu'un organisme de gens d'affaires se préoccupe du lectorat et de l'accès aux
livres pour tous les milieux. Est-ce que vous pouvez élaborer?
M. Turgeon (Léopold) : Pouvez-vous
répéter votre question?
M. Kotto : Oui, oui. Vous dites : Un organisme de gens
d'affaires devrait se préoccuper du lectorat et de l'accès du livre pour
tous les milieux. Pourquoi un organisme de gens d'affaires devrait-il se
préoccuper de ça?
M. Turgeon
(Léopold) : Bien, c'est parce qu'on représente l'ensemble du commerce de
détail et, comme je disais d'entrée
de jeu, c'est que le commerce de détail… L'objectif des administrateurs, quand
on se penche sur une question comme
celle-là, c'est de représenter qu'est-ce qui se passe dans le commerce de
détail. Et on voit bien qu'avec l'arrivée de ces grands joueurs là il va
sûrement y avoir un effritement de détaillants, il va y avoir un effritement au
niveau de la diversité aussi. Donc, on est
préoccupés par cet aspect-là. Et moi, je pense que c'était important pour nous
de donner le signal à l'effet que : et ce produit-là, et d'autres
produits dans le commerce de détail, on commence à être vraiment, vraiment dans
une phase où il faut sonner l'alarme. Donc, je pense qu'il est important pour
nous…
L'angle qu'on
voulait apporter aujourd'hui, c'était l'angle du commerce de détail, et c'est l'angle
où il faut lever le signal.
2,5 % du commerce de détail, au moment où on se parle, se font par le
commerce en ligne, dont 40 % à l'étranger, donc on parle de
milliards, là. Donc, c'est vraiment un phénomène important et c'est surtout
l'angle qu'on voulait apporter aujourd'hui.
On n'a pas la prétention d'être des spécialistes du livre, on a la prétention
de dire : Bien, voici ce qui s'en
vient, voici ce qui s'est passé, par exemple, aux États-Unis, où le marché du
détail est complètement dominé par des oligopoles.
Alors, qu'est-ce que ça fait à moyen terme et à long terme? À partir du moment
où ils sont juste quelques-uns à contrôler,
évidemment, il y a une forte pression sur les prix à la hausse. Par exemple, la
musique. Actuellement, Apple vend plus de 90 % de la musique à
travers le monde. Un joueur. Nous, ça nous fait lever un drapeau.
M. Kotto : Dernière petite question.
Oui, allez-y, excusez-moi.
Mme Pâquet (Françoise) : Je ne suis
pas certaine de saisir le sens de votre question, mais, lorsque vous
dites : Pourquoi est-ce que les gens d'affaires doivent se préoccuper du
lectorat?, en fait, je pense que c'est implicite que, plus les…
M. Kotto :
Je fais l'avocat du diable, hein, ce n'est pas une critique.
Mme Pâquet (Françoise) : O.K., mais je
pense que ça va de soi, je pense que c'est tout à l'avantage de la communauté
d'affaires que de la société. Plus le lectorat sera élevé, le taux de lecture
sera élevé, plus on aura une société éduquée. Mais, du côté de la communauté
d'affaires, plus l'industrie de la vente de livres sera saine, il y aura une clientèle. Donc, je pense
que ça va de soi qu'on a tout intérêt à ne pas avoir une
baisse au niveau du lectorat, mais, au contraire, une augmentation
du lectorat.
M. Kotto : O.K. Ma dernière petite question, réponse brève :
Y a-t-il urgence à légiférer sur le prix plancher
du livre neuf, physique et numérique?
M. Turgeon
(Léopold) : Je pense
que oui, je pense que oui, parce
que tout ce qui s'en vient est vraiment,
vraiment important. Même si ça ne représente seulement
que 2,5 % du commerce de détail,
c'est une marée. Aux États-Unis, on est déjà le double de ça. Donc, moi,
je pense que oui, ça s'en vient et ça va sûrement nous rejoindre avant
longtemps.
M. Kotto : Merci beaucoup.
Merci.
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
M. le député de Bonaventure.
M. Roy : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, madame, monsieur. 700 millions de pertes en taxes au Québec
et au Canada?
M. Turgeon (Léopold) : Oui.
M. Roy : C'est beaucoup.
M. Turgeon (Léopold) : C'est beaucoup.
On a demandé à un économiste de nous faire une étude, qu'on a envoyée aux parlementaires, justement,
concernant les pertes reliées au commerce transfrontalier. Et on estime au
bas mot, pour l'ensemble des gouvernements du Canada, à 700 millions les pertes fiscales. C'est pour ça qu'on veut
avoir un mandat d'initiative, il est temps qu'on débatte de ça, et ça ne fait
que commencer. Et je répète qu'actuellement c'est 2,5 % du commerce de
détail, mais aux États-Unis, ils sont déjà rendus à 7 % des ventes dans le
commerce de détail. Donc, c'est vraiment, vraiment important.
D'ailleurs, les États-Unis ont pris les choses en main pour légiférer
là-dessus.
M. Roy :
O.K. Mais ceux qui ont légiféré, bon, là, est-ce que ça s'est bien fait, ou,
disons, ils ont été contestés, ou comment ça s'est passé?
M. Turgeon (Léopold) : Ça date juste
du mois de mars, mais déjà ce n'est pas évident, évident à mettre ça en place parce que… Qu'est-ce qui se passe, c'est
qu'ils obligent Amazon à facturer des taxes — donc, on charge les taxes à la
source — et
non les transporteurs, qui devaient s'ingérer, charger les taxes. Donc, c'est
vraiment une approche complètement différente, mais c'est une approche qui est
souhaitable pour que nos détaillants soient à armes égales.
M. Roy :
O.K. Donc, on comprend bien que, pour le gouvernement, c'est un enjeu de
taille. Il me semble que j'ai lu à quelque part, dans votre mémoire, que
le profil des consommateurs par achat en ligne, c'est un profil d'individus qui
sont plus… je dirais, qui ont des revenus supérieurs, je crois? Est-ce que…
M. Turgeon
(Léopold) : Dépendamment
qu'est-ce qu'ils vont acheter, s'ils achètent des voyages, ou dépendamment
du produit — parce qu'il y a quand même 19 sous-secteurs
du commerce de détail qu'on représente — et dépendamment… Par exemple, dans
tout ce qui est électronique, c'est beaucoup plus jeune, dans le voyage, c'est
plus vieux. Mais je vous dirais que le taux de pénétration ici de l'approche
Web, etc., le Québec, on est vraiment champions à tous les égards là-dessus.
M. Roy : O.K. Qu'est-ce que
vous pensez de la position de Costco?
M. Turgeon
(Léopold) : Honnêtement, je
ne l'ai pas vue, je n'ai pas vu la position de Costco. Je pense qu'ils
ont passé hier, je pense?
Une voix : …
M. Turgeon
(Léopold) : O.K. Donc, ils
ont passé… Malheureusement, je n'ai pas eu l'occasion de regarder la
position de Costco.
M. Roy : C'est tout. Merci.
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Merci. Nous allons maintenant… Oui?
M. Pelletier
(Saint-Hyacinthe) : …
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Il vous reste environ 1 min 30 s.
M.
Pelletier (Saint-Hyacinthe) : 1 min 30 s pour… Une question assez courte. Vous
parlez de… On a parlé des grandes
surfaces. Qu'est-ce que… si on baisse… le prix baisse de 10 %, neuf mois, est-ce que vous avez
l'impression… comment vous avez l'assurance
que les acheteurs des grandes surfaces vont revenir dans les librairies ou bien
si c'est… On dit que c'est surtout les acheteurs impulsifs, là, il y en
a plusieurs qui ont dit ça, mais est-ce que vous avez, vous, une étude à ce
sujet-là?
M. Turgeon
(Léopold) : L'approche des
achats dans ces grandes chaînes là, effectivement, c'est une approche où
il y a beaucoup, beaucoup d'impulsion, le
fait… et ça donne l'impression que l'ensemble est à rabais comme ça.
Moi, je pense que ça va juste donner un temps aux autres détaillants de
souffler puis de s'ajuster. On ne dit pas de ne pas le faire, on dit de donner
le temps aux autres de s'ajuster, c'est tout ce qu'on dit.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci. Nous allons
maintenant du côté de l'opposition officielle. Mme la députée de
l'Acadie, vous avez la parole.
Mme
St-Pierre :
Merci beaucoup. Merci pour cet exposé qui, je pense, en surprend plusieurs,
parce que je ne pense pas qu'on s'attendait à ce que le Conseil
québécois du commerce de détail ait cette position-là en faveur d'un prix unique. Vous représentez quand même
103,1 milliards de dollars de ventes au détail au Québec, de ventes
qui ont été réalisées en 2012, donc vous représentez également 70 % de
l'activité économique liée au commerce de détail. Je comprends que Costco ne
fait pas partie de votre… n'est pas membre du Conseil québécois du commerce de
détail?
M. Turgeon
(Léopold) : Du conseil d'administration,
à tout le moins, n'est pas membre du conseil d'administration, mais il y avait d'autres grands joueurs… Sur notre
conseil d'administration, il y a d'autres grands joueurs qui sont
présents.
Mme
St-Pierre : Parce
que…
M. Turgeon (Léopold) : Mais c'est important
de préciser que, quand on fait ces débats-là, en partant, on n'est pas,
personne, sur la même longueur d'onde, donc chacun a son point de vue, mais ce
qu'on remet toujours à l'avant, c'est
l'importance du commerce de détail. Ils représentent le commerce de détail, pas
leur entreprise. Mais, oui, ça a fait un débat assez…
Mme
St-Pierre : Oui.
Bien, j'allais vous poser des questions. Ça a dû être compliqué un peu?
M. Turgeon (Léopold) : Ça prend un
rassembleur pour rallier tout le monde.
• (15 h 30) •
Mme
St-Pierre : Ah!
O.K. C'est parce que
vous faites un beau témoignage en faveur de la protection du livre, de la protection de la culture québécoise,
et je pense que c'est tout à votre honneur. Dans l'hypothèse où il y aurait un prix… que ça serait une loi qui
arriverait avec cette question du prix unique avec une possibilité d'un rabais,
un petit rabais de 10 % maximum pendant neuf mois… Est-ce que,
pour vous, la période de neuf mois est une période qui est suffisamment
longue, trop longue, trop courte? Ça serait… Quelle est, pour vous, la période idéale?
M. Turgeon
(Léopold) : Notre réflexion
s'est faite… Évidemment, on a consulté non seulement notre conseil
d'administration, mais on a consulté aussi la table de
concertation, et, là-dessus, je pense que c'est eux, les experts du
livre, et nous, on s'en remet à la table de concertation, donc on appuie leur
démarche.
Mme
St-Pierre : O.K. Donc, c'est parce que vous dites que vous
avez étudié ce dossier-là en profondeur puis que vous êtes d'accord maintenant avec la table… la position pour un prix unique.
Donc, quand vous dites que vous l'avez étudié en profondeur, c'est que
vous connaissez les impacts et les tenants et aboutissants de cette
démarche-là. Ce que je… Si vous n'êtes pas
capables de vous prononcer sur la période elle-même, est-ce que
ça devrait être une loi qui pourrait
être amenée pendant un certain nombre d'années, avec, après ça, révision de la loi — il y a eu un groupe qui est venu le
suggérer — ou
si vous voyez une législation qui dirait : Bon, on le fait, on pense qu'il
faut le faire, puis que ça va être bon pour la culture québécoise?
M. Turgeon
(Léopold) : Moi, je pense
qu'il faut le faire. Est-ce qu'il faut le faire sur du long terme? Pas
certain, puisque les lois du marché changent mais à un rythme incroyable, et je
pense qu'il faut se laisser de la latitude pour être capable de l'amender et/ou
encore la réviser, parce que le marché change vraiment radicalement.
Mme
St-Pierre :
Sur la question des livres qu'on achète en ligne, à ma connaissance, les livres
en ligne ne sont pas exempts de la taxe provinciale.
M. Turgeon (Léopold) :
Effectivement, sauf que…
Mme
St-Pierre :
Le livre papier est exempt de la taxe.
M. Turgeon (Léopold) : Oui.
Mme
St-Pierre : Mais
le livre en ligne ne l'est pas.
M. Turgeon (Léopold) : Exact.
Mme
St-Pierre : Est-ce
que ça pourrait être… À ce moment-là, si on abolissait la taxe sur le livre en
ligne, il y a une perte de revenus pour l'État.
Est-ce qu'on devrait laisser les
choses telles qu'elles sont maintenant, c'est-à-dire
exemption de la taxe sur la version papier puis une taxe sur… maintenir la TVQ sur
le livre en ligne?
M. Turgeon
(Léopold) : Ce qu'il est important
de savoir, là, c'est qu'à partir du
moment où on fait ces
changements-là il faut que les changements suivent autant dans le numérique que
dans le papier. Je vous amènerais peut-être sur un contournement que les gens font, le consommateur fait. Pour ne pas payer de taxes sur
le numérique, il va s'inscrire soit
des adresses américaines et/ou dans d'autres provinces, donc le consommateur va
être capable de contourner la loi pour éviter des taxes. Mais, non, il
faut effectivement conserver, et pour les deux.
Mme
St-Pierre :
Conserver?
M. Turgeon (Léopold) : Conserver la
taxe pour le numérique et pas de taxe…
Mme
St-Pierre : Il ne
faut pas abolir la taxe sur le livre numérique.
M. Turgeon
(Léopold) : Exact, exact.
Mme
St-Pierre :
D'accord. O.K. Donc, si je vous suis bien, vous avez dit aussi que c'était une
question d'urgence, il faut le faire rapidement.
M. Turgeon (Léopold) : Oui.
Mme
St-Pierre :
Il faut aussi revoir la loi sur le livre, qui est désuète, à mon avis, là, qui
date des années 80, qui a besoin d'être refondue. Mais est-ce que ça
doit se faire en deux étapes ou en une étape? C'est-à-dire, on procède à la première étape, qui est celle d'une loi sur le
prix unique, ensuite revoir en profondeur la loi, qui, elle, a beaucoup,
beaucoup d'anachronismes, là. Il y en a
beaucoup, d'anachronismes dans la loi. Parce que, puisqu'on parle d'une
urgence, vous êtes conscients que refondre une loi au complet, c'est un
processus qui est très long, et tout ça, donc ça peut prendre un certain nombre d'années, alors que là ça pourrait être
peut-être une loi, ensuite on procède à la refonte complète.
Mme Pâquet (Françoise) : Je pense
qu'il y a une question de… Sans avoir étudié toute la logistique des modifications que ça nécessite, il est clair dès
le départ qu'il faut que le livre numérique soit assujetti au même titre
que le livre papier, et, à mon avis, ça
nécessite une modification de la loi. Donc, le fait de se limiter à adopter une
loi sur le prix unique du livre ne serait pas suffisant, à mon avis,
parce que, pendant un bout de temps, on ferait en sorte que le livre numérique serait exclu, alors que les attentes qui
nous ont été manifestées sont de ne plus faire de distinction et de
faire en sorte que la loi qu'elle soit mise à jour rapidement. Il n'y a plus…
il n'y a pas de… il n'y a aucune justification par rapport au fait que le livre numérique ne devrait pas
être traité de la même façon que le livre papier. Donc, oui, à mon avis,
les deux devraient être abordés de front.
Mme
St-Pierre : Mon
collègue avait des questions.
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Merci. M. le député de Jacques-Cartier.
M. Kelley : Oui. Merci
beaucoup. À mon tour, bienvenue
devant la commission. Je reviens toujours… Vous avez
dit : Cette proposition est bonne pour les consommateurs. Et j'ai de la
misère un petit peu avec ça parce que, de toute évidence, les best-sellers,
dans certains cas, vont coûter plus cher pour ces personnes. Alors, il y a un
prix à payer, ce n'est pas à coût nul.
Et vous avez
dit également que le nombre de livres qu'on vend année après année, c'est plutôt stable. Alors, une part de marché va être
perdue pour les magasins physiques envers les ventes en ligne et les ventes
numériques, de toute façon. Ça, c'est une tendance. C'est plus prononcé
peut-être dans d'autres pays qu'ici pour le moment, mais le confort du consommateur étant… Il fait froid au mois de
janvier, alors, plutôt que me déplacer en voiture chercher un livre,
je vais aller sur un site Web de
Renaud-Bray, de Chapters, d'Amazon, ou peu importe, et je vais chercher
mon livre. Alors, il y a un certain confort, si vous voulez, pour le
consommateur.
Alors, comment
s'assurer que ces ventes en ligne et ces ventes numériques peuvent aider nos
librairies indépendantes? Parce que
je comprends le rôle… Nous avons plusieurs témoignages qui ont expliqué le rôle
important des librairies dans notre société. Mais, si vous me dites : La
tarte est toujours stable, alors on a le même nombre de livres année après année, alors, si c'est juste 3 %, ou 6 %, ou 8 %, c'est les
personnes qui vont les acheter en ligne, inévitablement, il y aura moins
de monde dans les librairies, n'est-ce pas?
M. Turgeon
(Léopold) : Absolument, absolument, et...
M. Kelley : Alors, on a une mesure ici qui est destinée de mettre plus de personnes
dans les petites librairies, c'est ça,
l'objectif, en fin de compte, et je vois mal comment la mesure proposée va
faire ça. Peut-être, ça va juste pousser plus de personnes vers les achats en ligne et… Alors, j'essaie de voir comment
on peut aider les librairies, parce que je comprends leur rôle important, mais qu'est-ce qui est
proposé ici n'est pas dans l'intérêt des consommateurs, parce qu'il va
coûter plus cher, même si c'est juste… Et votre chiffre de 11 %... Je ne
comprends pas d'où vient le 11 %. Les best-sellers, c'est 11 % de…
M. Turgeon
(Léopold) : À peu près.
M. Kelley :
D'où vient ce chiffre?
M. Turgeon
(Léopold) : Du volume d'affaires. Il faudrait que je vous donnerais
l'étude qu'on a consultée là-dessus, mais je n'ai pas l'étude sur laquelle ce
chiffre-là a été appuyé. Mais on a ça, on pourra vous faire parvenir cette étude-là.
Mme Pâquet
(Françoise) : …
M. Turgeon
(Léopold) : Oui, bien, vas-y.
Mme Pâquet
(Françoise) : Oui?
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : …est-ce que vous seriez prêt à faire
parvenir le document à la commission, et on pourra le distribuer aux membres de
la commission?
M. Turgeon
(Léopold) : Oui.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Merci.
Mme Pâquet (Françoise) : Je pense que la façon dont le conseil l'a
regardée, je vous dirais que c'est plus une analyse globale de l'impact sur le commerce de détail. On n'est pas des
experts au niveau du livre. Et, pour répondre un peu à votre question, je pense qu'on l'a regardée dans sa globalité,
dans la mesure où l'intérêt du consommateur n'est pas nécessairement
limité à une question de prix, et je pense qu'on tente de vouloir amener le
débat uniquement sur cette question-là. Lorsqu'on parle de l'intérêt du
consommateur, le consommateur a tout intérêt, oui, à payer un prix raisonnable, mais il a tout intérêt à avoir une
certaine diversité aussi. Et, si on regarde, on se projette plus loin, ce
qu'on craint — et c'est ça, l'inquiétude — c'est qu'on se ramasse avec une diversité
qui s'amoindrit d'année en année parce que les contrôles monopolistiques
vont faire en sorte, évidemment, de réduire l'offre, et c'est ça qu'on veut
éviter.
Donc,
je pense qu'il faut cesser… il ne faut pas voir l'intérêt du consommateur
uniquement sur une question de prix
ou de bas prix. Pour nous, le bas prix, le consommateur peut attendre. Neuf
mois plus tard, il va l'avoir, s'il est prêt à attendre, sinon, il
achètera… il consommera tout simplement un autre volume. Donc, il y a comme une
tendance à vouloir amener tout ça à une
question… L'intérêt du consommateur ne se limite pas à une question de prix,
pour nous, et on a essayé de voir beaucoup plus loin l'impact que ça
aurait sur toute une industrie au niveau du Québec.
• (15 h 40) •
287 55
M. Kelley : Mais moi, je ne dis pas
uniquement le prix : le confort, la facilité, l'accès. Moi, c'est vrai que
je base… je lis beaucoup plus en anglais
qu'en français, mais de dire qu'Amazon limite la diversité de choix,
c'est difficile à plaider ça,
honnêtement. Il y a une gamme… il y a tout un réseau de librairies qui vendent
des livres usagés, qu'on peut vendre
via le site d'Amazon. Et votre argument sur la taxation n'est pas
vraiment pertinent ici, parce qu'on ne taxe pas les livres, et, si j'achète un disque sur Amazon,
je paie la taxe de vente du Québec. Alors, oui, c'est un enjeu très
important dans d'autres secteurs de détail,
mais je pense que c'est important de dire… parce que, pour le moment Amazon,
c'est le gros méchant dans notre
discussion, mais, pour les taxes dues au gouvernement du Québec pour la vente, Amazon
les paie. Alors, je pense que c'est important de clarifier ça aussi.
Alors, oui, je
comprends, c'est une diversité, mais de plaider que les ventes en ligne
limitent la diversité, je pense, c'est
difficile à croire, ça, parce que les nombres de livres qu'on peut acheter en
ligne sont énormes et rapides. Et, dans l'hiver, je ne suis pas obligé
de sortir de ma maison, et 48 heures plus tard, les livres que j'ai commandés
sont là et, si j'ai acheté plus que 25 $, ce qui arrive parfois, ils sont
même livrés gratuitement.
M. Turgeon (Léopold) : Vous avez parfaitement raison, et inévitablement,
on s'en va vers ça. C'est pour… c'est écrit partout, et on le voit, la
tendance lourde, on s'en va vers ça. Vous avez raison. Le danger qui nous
guette, c'est qu'on soit contrôlés par une, deux ou trois industries, ça, c'est
le danger.
Maintenant,
ce qu'on demande, quand on demande d'avoir un certain délai, c'est de donner
une chance au détaillant de s'adapter
parce que vous savez, au niveau des technologies, au Québec, on est nettement
en retard. L'appropriation de la technologie…
En fait, ce n'est pas qu'on est en retard dans les technologies, c'est
l'appropriation de la technologie, là où on est en retard. Au Québec, 21 % des détaillants dans le commerce de
détail sont des indépendants. La beauté, c'est qu'ils s'investissent
dans leur secteur. L'envers de la médaille : ils ont peu de moyens
financiers et ils ont peu de ressources humaines,
et ça… Ce que les détaillants sont en train de faire, ils sont en train de
s'organiser pour aller aussi en ligne, pour aller… Pour répondre à la
question, donc. Mais, actuellement, ils ont peu de ressources financières et
humaines pour adapter leur modèle d'affaires à des grands joueurs comme Amazon.
Mais, vous
avez raison, on s'en va vers ça, dans les médias, on le voit partout, les
journaux, etc., donc c'est une tendance lourde. Vous avez absolument
raison.
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Il vous reste deux minutes environ.
Mme
St-Pierre : Sur la
question de la réglementation des prix en général, il y a d'autres produits
dans le commerce de détail dont les prix sont réglementés. Je pense au lait,
par exemple, le lait, la bière. Et, lorsque cette réglementation-là est arrivée, est-ce que ça a chambardé… Est-ce que ça
a fait en sorte que les prix… le consommateur a été perdant? Est-ce que
le consommateur est perdant dans ces secteurs-là ou si le consommateur n'est
pas perdant, ou pas gagnant, ou… Moi, je n'ai jamais vu le lait en vente, là,
puis la bière non plus.
M. Turgeon (Léopold) : Mais oui, il
y a de la bière en vente, mais au prix minimum, là.
Mme
St-Pierre : Oui,
il y a de la bière en vente.
M. Turgeon
(Léopold) : Oui, c'est ça.
Mais, non, ça n'a pas chamboulé le commerce de détail pour autant. Au contraire, je pense que ça a aidé les producteurs,
particulièrement les producteurs locaux, à passer leurs produits. Donc,
ça n'a pas… il n'y a pas eu d'impact négatif sur la vente des produits.
Mme
St-Pierre : Donc,
si c'est faisable pour le prix du lait ou le prix de la bière, pourquoi… Dans
votre organisation, vous dites que vous avez eu des débats. Quels étaient les
arguments pour dire : Il ne faut pas faire ça? Qu'est-ce qu'on vous
plaidait comme arguments pour dire : Il ne faut pas le faire?
M. Turgeon
(Léopold) : Alors, moi, je…
Strictement, ce qu'on plaidait, c'est la concurrence déloyale. C'est le
commerce de détail en général, qu'est-ce qui s'en vient. À partir du moment où
le marché est contrôlé par un ou deux joueurs, inévitablement… Puis je pense
qu'on vous a illustré le cas de l'Angleterre. Qu'est-ce qui est arrivé? Ils
n'ont pas réglementé. Qu'est-ce qui est arrivé? Après un certain temps, Amazon
a pris le contrôle, et, après un certain temps,
le prix des livres a monté de façon assez importante. Donc, je pense que ça,
c'est un élément important. La France a légiféré, ça n'a pas fait de
changement. Donc, ce qui a vraiment, vraiment milité en faveur de l'ajustement
de notre position, parce qu'on n'a pas complètement viré notre position…
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : …beaucoup. Je suis
désolée, M. Turgeon, merci beaucoup. Donc, le temps était écoulé pour
l'opposition officielle. Mme la députée de Montarville, qui représente le
deuxième groupe d'opposition, vous avez la parole.
Mme Roy
(Montarville) :
Pour combien de temps, je vous prie?
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
3 min 45 s.
Mme Roy
(Montarville) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour,
Mme Pâquet, bonjour, M. Turgeon. Merci
pour votre mémoire. J'ai pris beaucoup de notes, toutes griffonnées. Également,
j'étais surprise de votre prise de position parce que nous, ce qui nous
préoccupe aussi, on veut s'assurer qu'il n'y ait pas d'augmentation des prix du
livre pour le consommateur, là. Mais ce que
je comprends, et corrigez-moi, vous imputez la grande menace qui plane
sur les librairies indépendantes, parce que
ce sont bien elles que nous voulons protéger ici, vous imputez la menace qui
plane sur elles, majoritairement et en grande partie, aux ventes de livres
électroniques. On parle des Amazon de ce monde.
Si le but est
de sauver ces librairies électroniques, comment la légifération pourrait faire
en sorte qu'on ramène les acheteurs
dans les petites librairies, alors qu'on s'en va vers de l'achat en ligne?
Comment ramener la clientèle chez les libraires?
Parce que, selon vous, ce ne sont pas les grandes surfaces,
la menace directe, mais l'achat de livres électroniques.
M. Turgeon
(Léopold) : Moi, je pense
que ce qu'on essaie de faire, c'est de donner un temps à nos
détaillants, à nos organisations de
s'ajuster à un modèle d'affaires, qui est Amazon. C'est impossible de
les compétitionner, Amazon. Il n'y a pas d'entreprise ici, au Québec,
ni au Canada qui sont capables de s'ajuster à un modèle d'affaires comme Amazon.
C'est impossible. Ils sont en train de prendre un contrôle incroyable sur le
commerce de détail, et c'est surtout ça qu'on veut apporter dans le
débat.
Faites
attention : à partir du moment où des grands, un, ou deux, ou trois grands
joueurs dominent le marché et qu'ils prennent le contrôle, un, on aura beaucoup
moins d'emplois, deux, on ne paie plus de taxes, on paie… Donc, tous ceux qui ont brique
et mortier ici, là, investissent en salaires, en loyers, en taxes, nommez-les,
et ces gens-là, qui sont à distance,
ne contribuent pas à l'économie. Donc, ce qu'on dit : Attention, les gens
qui sont ici... Vous comprendrez que notre intérêt, c'est de défendre le
commerce de détail, et là on dit : Actuellement, le commerce de détail est
menacé.
Mme Roy
(Montarville) : Je
crois comprendre, à la lecture de votre mémoire, que c'est un tsunami qui s'en
vient. Alors, nos commerçants, ici, que doivent-ils faire concrètement? Parce
que ce sera inévitable, mais il y a quelque chose à faire, peut-être. On ne
peut pas compétitionner ces grands au même niveau, mais qu'est–ce qui
manquerait? Qu'est-ce qu'il faut? Qu'est-ce qu'on doit imputer à nos librairies
indépendantes pour compétitionner les ventes de livres électroniques?
M. Turgeon
(Léopold) : Moi, je pense
que c'est vraiment la partie technologique, c'est vraiment l'appropriation de la technologie
par nos détaillants, indépendamment des secteurs. On est en retard, on ne s'est
pas approprié cette technologie-là, et les
grands arrivent avec une approche multicanal, et ces sites transactionnels,
c'est le mobile, c'est… Donc, ils ont
toute cette stratégie-là, ce que nos gens ici ne sont pas capables de faire,
faute de moyens. Donc, ce qu'on dit, c'est : Donnons un temps à nos
détaillants de s'ajuster, mais pas au même modèle d'affaires qu'Amazon.
Avec un modèle d'affaires qui est local.
Mme Roy
(Montarville) :
Merci infiniment, c'est clair. Merci.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci beaucoup,
Mme Pâquet, M. Turgeon.
Nous allons
suspendre quelques instants pour permettre à la Librairie Olivieri, ses
représentants, de prendre place.
(Suspension de la séance à 15 h 47)
(Reprise à 15 h 49)
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Donc, Mme Olivieri, M. Lachance, bienvenue à l'Assemblée nationale. Je
vais demander de vous présenter, et vous allez avoir un temps maximal de 10
minutes pour nous faire votre exposé. Par la suite suivra un échange avec les
membres de la commission. Donc, la parole est à vous.
Librairie Olivieri
Mme
Olivieri (Rina) : Bonjour,
Mme la Présidente. Bonjour, M. le ministre. Bonjour, Mmes et MM. les
députés. Je me présente, je suis Rina Olivieri, cofondatrice et copropriétaire,
avec Yvon Lachance, de la Librairie Olivieri.
• (15 h 50) •
Depuis que nous avons ouvert la librairie en
1985, nous avons été témoins des changements majeurs dans le commerce de détail
et des mutations importantes dans le monde du livre. Malgré tous les efforts
que nous avons faits, individuellement et
collectivement, pour nous adapter aux nouvelles réalités, nous constatons
aujourd'hui qu'une mesure s'impose
pour augmenter la rentabilité des librairies indépendantes. Notre commerce est
réellement en péril, le réseau des
librairies est extrêmement fragile et l'avenir du livre culturel est compromis.
La situation est urgente. Nous croyons
que le prix réglementé est une condition de base pour que les librairies retrouvent l'équilibre nécessaire
à tout commerce, soit d'avoir des ventes faciles pour soutenir les
ventes plus difficiles.
Nous aimerions tout d'abord vous présenter notre
librairie, parce que nous sentons toujours un malaise lorsque vient le temps de
parler des librairies indépendantes. On parle de nous comme de petites
librairies, des librairies traditionnelles, des librairies de quartier.
Ce malaise témoigne de la très grande diversité de la librairie indépendante.
Olivieri, dans sa singularité, est emblématique de cette diversité.
Olivieri,
c'est d'abord une librairie
indépendante, c'est-à-dire un commerce qui ne dépend pas, pour sa
capitalisation, d'entreprises qui ont d'autres finalités que le livre ou d'entreprises
dont les objectifs sont, d'abord et avant tout, d'ordre financier. Cet état de
fait est, selon nous, extrêmement important puisqu'il oriente nos politiques commerciales. C'est cette condition qui nous
permet, puisque c'est là notre mission, de prioriser des objectifs
culturels, sans jamais bien sûr ignorer que
nous évoluons dans un marché. Pour le reste, il faut bien l'avouer, nous sommes
extrêmement dépendants.
Nous avons fondé Olivieri avec l'intention de
pratiquer un métier culturel. Le défi était et est toujours de développer l'art de vendre ce que nous jugeons
utile d'être lu et de trouver les livres qui répondent aux attentes
culturelles et émotives du public. En constant questionnement sur notre métier
et l'évolution du marché, nous sommes devenus, depuis 1998, une librairie-bistro occupant une superficie de
6 500 pieds carrés, employant 30 personnes, dont 15 à la librairie, avec, en rayons, entre 40 000 et
50 000 titres. Et, bien que nous ayons développé ce concept de
librairie-bistro, la vente et la promotion du livre demeurent notre
principale activité. Elles représentent 70 % de nos ventes, qui se sont
élevées, l'an dernier, à 3 millions de dollars.
Nous desservons la
clientèle de Côte-des-Neiges, le quartier le plus multiethnique de Montréal,
mais nous avons des clients qui viennent d'autres quartiers, d'autres régions
du Québec et un peu partout dans le monde. Nous organisons plus d'une centaine d'événements par année, grâce auxquels
nous rendons accessibles au public des auteurs d'ici, connus ou nouveaux. Nous organisons des soirées pour mettre en
valeur les littératures des différentes communautés culturelles
et nous invitons des auteurs internationaux. Les livres sont pour nous
l'occasion d'organiser des causeries autour de différents enjeux contemporains,
tels l'éducation, la laïcité, et pour exposer des réflexions philosophiques ou
politiques.
C'est également
autour des livres que nous présentons des sujets comme l'accord mets-vins, le
taï-chi et l'éducation des enfants, la scoliose. Ces rencontres attirent en
moyenne une centaine de personnes, rencontres que nous rendons disponibles sur Internet. Nous sommes aussi à l'extérieur
de la librairie, dans des colloques, dans des écoles, dans des festivals. Nous fournissons les livres aux
étudiants du primaire, secondaire, collégial et universitaire. Nous
sommes membres d'un regroupement des
librairies indépendantes du Québec pour la vente en ligne du livre papier et
numérique. Et, évidemment, nous offrons les services de recherche, conseil et
de commande que font les librairies en général.
Comme vous le constatez, la librairie telle que
nous la concevons et la pratiquons est bien autre chose qu'un endroit où l'on empile des livres pour les vendre. Mais
ces activités culturelles et commerciales que nous venons de décrire,
nous les effectuons en plus du travail traditionnel de la mise en marché, en
ligne ou en magasin, de plus de 25 000 nouveautés par année. Concrètement, cela signifie appréhender, sélectionner,
présenter et vendre ou retourner chacun de ces titres. Nous devons
également gérer avec une extrême rigueur un inventaire de plus de
600 000 $, ce qui signifie concrètement connaître et sélectionner
50 000 livres parmi les 700 000 disponibles.
Par ailleurs, notre librairie contribue activement
à la vitalité économique et culturelle du quartier Côte-des-Neiges et à la qualité de vie de ses habitants. Voilà ce que
nous faisons et ce que font la majorité des librairies indépendantes.
Nous sommes loin de la librairie
traditionnelle, dont le modèle d'affaires n'aurait pas changé depuis des
décennies et qui voudrait simplement préserver le statu quo. Ce que nous
sommes et voulons préserver, ce sont nos commerces culturels de proximité, que nous jugeons essentiels à la vie
démocratique, au développement d'une culture commune et au débat public.
Toutefois, le choix que nous avons fait d'être une
librairie culturelle est un choix qui devient de jour en jour plus difficile, mais aussi un choix que banalisent les
milieux économiques dans leurs études. Olivieri, comme beaucoup d'autres
librairies indépendantes, est en difficulté. Les coûts auxquels nous devons
faire face sont énormes, et, malgré la marge
brute qui nous est octroyée, nous peinons à faire des bénéfices. Est-ce notre
modèle d'affaires qui est inadéquat? Le
modèle d'affaires des grandes surfaces est sûrement excellent, mais il n'est
pas certain qu'il soit un bon modèle pour la diffusion de la culture, et
particulièrement de la culture québécoise.
M. Lachance
(Yvon) : Je prends le relais maintenant. Concrètement, comment une
réglementation comme celle-là, d'après nous, pourrait aider une librairie comme
la nôtre? D'abord, parce que cette loi nous permettrait de garder — je dis bien de garder, et pas
d'attirer — une
partie des ventes des best-sellers. La réalité en milieu urbain qu'est
la nôtre, pour laquelle nous avons des
exemples quotidiennement, c'est celle de clients qui viennent à toutes les
semaines acheter une partie de leurs livres
et qui attendent la fin de semaine pour acheter des livres de consommation
courante ou aller sur des sites où on pratique des rabais. Si seulement
une vingtaine de best-sellers nous revenaient chaque année, cela augmenterait directement notre profit net, puisque
nous n'aurions aucune dépense supplémentaire associée à ces ventes.
Cette vingtaine de
livres à 25 $, vendus à 100 exemplaires, peut contribuer à augmenter notre
profit. De plus, comme ces livres sont
vendus avant d'être payés au fournisseur, contrairement à la grande majorité
des autres titres, notre trésorerie
s'en trouverait grandement améliorée. Comme pour le commerce de détail en
général, nous savons que 80 % de nos ventes se font avec 20 %
du stock.
Ensuite,
elle les prémunirait contre une éventuelle guerre de prix qui, à coup sûr, tuerait
les librairies indépendantes. Nos marges, comme l'indiquent plusieurs
analyses, ne nous permettent pas de survivre à une telle guerre. Elle aurait
l'avantage d'être une mesure transparente. Le prix affiché l'est au vu de tous,
ce qui facilite grandement le contrôle et l'application d'une telle loi. Et,
finalement, une réglementation qui intervient en aval de la chaîne, comme le
fait d'ailleurs la loi no 51, a des répercussions sur l'ensemble des
maillons de cette chaîne.
J'aimerais, pour
terminer, dire un mot sur l'accessibilité. De quelle accessibilité, au juste,
parle-t-on? Nous aimerions revenir
rapidement sur l'argument défendu par les milieux d'affaires :
réglementation égale hausse de prix, égale baisse de ventes, égale
baisse de l'accessibilité. Mis à part le fait que certains économistes
n'arrivent pas aux mêmes conclusions — comme la très belle
contribution de M. Ménard — il
est troublant de constater que ceux qui défendent cette position ne s'attardent
jamais sur le fait que cette hausse de prix ne touche, en fait, qu'une infime
quantité de titres, soit tout au plus 500 titres sur les 30 000
nouveautés mises en marché.
Selon les chiffres de
l'Institut de la statistique du Québec — et, tout à l'heure, vous
demandiez d'où venait le 11 %, c'est de l'Institut de la statistique du
Québec — 11 %
des ventes totales se font dans les grandes surfaces. Et la majorité des ventes se fait en librairie, selon le
même institut. Comme il nous apparaît clair que l'absence de
réglementation appauvrit et met en péril
l'existence de la librairie, cela a donc effet de pénaliser la très grande
majorité des acheteurs. Ceux et
celles qui ont fait le choix de lire autre chose que quelques
best-sellers — et je ne
parle pas des livres réservés à une élite, mais de milliers de titres
accessibles à tous — ce
sont ces gens-là qu'on pénalise, et, croyez-moi, ce ne sont pas les plus
riches.
On entend aussi dire
qu'une telle loi représenterait une taxe à l'ignorance, qui toucherait les plus
démunis. Attardons-nous un instant à cet
argument-là. Ne trouve-t-on pas étonnant d'entendre dire que l'accès à la
connaissance passe par la lecture de
quelques best-sellers, alors qu'au même moment nous savons que la librairie est
en péril? N'est-il pas inquiétant de savoir que les seuls livres
auxquels ces lecteurs ont accès sont ces quelques best-sellers? Si le but est, comme on le prétend, de favoriser l'accès aux
livres pour ceux qui lisent peu ou qui n'en ont pas les moyens, pourquoi
ne pas leur venir en aide par des mesures qui leur permettraient d'avoir accès
non seulement à ces best-sellers, mais à l'ensemble des livres, à tous les
livres?
Pour
terminer, je dirais que nous croyons, chez Olivieri, fermement qu'une
collectivité peut décider de soutenir un
certain type de commerce si elle considère le faire pour le bien-être de
l'ensemble ou le bien-être de la majorité. Merci.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci beaucoup. Nous
allons débuter les échanges, et c'est M. le ministre… Non, M. le député
de Bonaventure, vous débutez.
M. Roy :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, bienvenue. Vous avez dit tout à l'heure que,
bon, au niveau de la rentabilité de votre entreprise, vous avez une
certaine problématique. Est-ce que c'est quelque chose que vous vivez depuis peu, ou il y a une progression ou une
régression de votre chiffre d'affaires? Comment vous… Pouvez-vous nous
faire un topo là-dessus?
• (16 heures) •
Mme
Olivieri (Rina) : Il y a une
érosion, bien sûr, du chiffre d'affaires depuis les transformations qu'on
connaît, que ce soit la vente en ligne et,
bien sûr, les grandes surfaces. Cette érosion… c'est-à-dire qu'on a réussi à la
rattraper par la quantité de démarches, comme vous avez pu voir, qu'on fait. On
est partout à la fois et… Cependant, être partout à la fois est très exigeant. Les dépenses sont très élevées. Les dépenses principales des commerces de
détail, c'est le loyer et le personnel, et le personnel est d'autant
plus coûteux dans une entreprise qui nécessite beaucoup de manipulation et de
travail dans le détail.
Donc, notre
chiffre d'affaires s'est maintenu, mais c'est difficile de l'augmenter alors
que les coûts augmentent. Et on pense que, si on allait chercher une
part des livres qu'on vendait déjà… Parce que ça fait 27 ans qu'on est là, on a
vu très
bien l'érosion des best-sellers. Des
livres qu'on vendait à 150 copies se vendent maintenant à 10 copies ou,
quand le livre arrive chez Costco, on le
voit, du jour au lendemain les ventes cessent. Ces livres-là sont vendus, et
leur profit brut devient, pour nous,
un profit net parce qu'il n'y a
aucune dépense qui est liée. Quand tu as une pile de livres, il n'y a
aucune dépense qui est liée à ça — tu mets la pile de livres, elle est
vendue — ce
qui est extrêmement différent de faire une recherche bibliographique pour une
école qui veut des livres pour les enfants, pour leur recherche, ce qui est un
tout autre travail qu'on considère tout aussi important. Mais c'est comme si le
beurre nous était enlevé tout simplement. C'est une logique assez simple.
M. Lachance (Yvon) : Est-ce que je
peux faire un commentaire?
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Oui. Allez-y.
M. Lachance (Yvon) : Il y a une
image qui m'est venue quand on s'en venait de Montréal en autobus. C'est comme si le travail qu'on fait, nous, c'est un peu
pour vendre les livres, un travail de recherche
et de développement, et c'est… Donc,
on lit les livres, on fait ça le soir, on fait ça la fin de semaine, on travaille, on cherche. Et, quand on a trouvé un livre, parmi tous ceux qui sont là, qui,
d'après nous, peut devenir un best-seller, tout d'un coup, on a une entreprise
qui vient nous prendre ça, comme si on était un sous-traitant, et, sans
rétribution, elle, elle va vendre seulement ce produit-là. Alors, tout le travail qu'on a fait, nous, en
amont pour essayer de développer, pour trouver, pour l'extraire, pour tout
ça, tout d'un coup, flac, on se fait couper
l'herbe sous le pied, et des gens l'apprennent et ne vendent que ça. Et c'est
cette partie-là du travail qui est extraordinairement exténuante.
Mme
Olivieri (Rina) : On sait
qu'aucun best-seller n'est né chez Costco ni même chez Amazon. Les
best-sellers sont nés en librairie, mais après on les perd.
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
M. le député de Bonaventure.
M. Roy : Le portrait que vous pouvez brosser de votre entreprise
dans cinq ans, s'il n'y a pas de réglementation et si on…
Mme Olivieri (Rina) : …
M. Roy : Dans un an? O.K.
Mme Olivieri (Rina) : Le portrait
que vous imaginez.
M.
Lachance (Yvon) : C'est-à-dire que la situation est très précaire. Et les gens qui étaient là
avant nous l'ont dit : Ce dont
on a besoin en ce moment, nous, c'est qu'on nous donne un peu d'air pour pouvoir
mettre en place des stratégies pour contrer les mutations. On parle de vente en ligne, on parle toujours,
quand on parle de vente en ligne, de la diversité des nombreux
titres qu'on trouve sur Internet. C'est vrai, mais ce qu'on ne dit pas, c'est qu'il y a
une diversité de sites aussi, il y
a une diversité de manières de les présenter. Tous les sites ne sont pas
pareils.
Nous, ce qu'il nous faut et ce dont on est
certains d'être capables de faire, c'est : si on nous donne le temps, on est capables, avec le regroupement, entre autres, qu'on a, les LIQ, et l'espèce d'expertise
qu'Olivieri peut apporter, on est
capables, nous, de montrer de nouvelles manières de mettre… de présenter des
livres. Et, de cette façon-là, par cette nouvelle manière là, c'est d'autres
livres qu'on va faire apparaître, c'est d'autres livres qu'on va faire
ressurgir. Et ce travail-là, c'est ça qu'on veut faire, mais il faut… il faut
en avoir les moyens. Excusez-moi, je me suis…
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Pelletier
(Saint-Hyacinthe) : Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Ma question
va être assez simple. Je suis allé voir
votre site sur la Côte-des-Neiges. Avez-vous un public cible que vous visez particulièrement à votre librairie, ou si ça touche toutes les catégories, ou… En
plus, je m'aperçois que vous donnez aussi des bonis de 10 % à certains endroits. Je veux savoir comment vous faites pour
arriver si, en plus, vous donnez des bonis. En tout cas, je veux savoir…
Mme Olivieri
(Rina) : …de quels bonis vous parlez?
M. Pelletier
(Saint-Hyacinthe) : Bien, je voyais ça sur votre site Internet,
des rabais de 10 % à certaines occasions, lors de commandes…
Mme Olivieri
(Rina) : D'abord, on n'a pas de site Internet. On est sur Facebook,
mais on n'a pas de site, on travaille avec Rue des
Libraires. Et on a une carte de
fidélité comme la plupart des librairies indépendantes, c'est-à-dire qu'après l'achat de 10 livres il y a un 10 %
de l'ensemble des achats qui sont donnés. On a peut-être fait un petit
escompte avant Noël, mais je… Il nous arrive
de faire des petites promotions, mais on n'est pas du tout… on ne donne pas de
remise.
La clientèle qu'on a,
pour répondre à votre question, est assez diversifiée, compte tenu de
l'ensemble des propositions qu'on fait. Les
événements qu'on fait visent justement à aller chercher, dans vraiment tous les
domaines, les gens. On est extrêmement impliqués dans notre quartier. Donc,
on a une clientèle multiethnique dans notre quartier. On est évidemment
dans un quartier universitaire. On travaille avec les écoles. On a une
clientèle générale.
M.
Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Merci. Avez-vous développé une stratégie dans votre librairie, mettons,
pour empêcher ou… pour fidéliser les gens chez vous, pour les empêcher d'aller
dans les grandes… pas les empêcher, mais essayer de contrer le fait que les
gens aillent acheter un best-seller dans une grande surface ou… Avez-vous…
Mme Olivieri (Rina) : On a une très, très, très grande fidélité de notre clientèle. On a les
cartes clients qu'on gardait avec
nous, maintenant c'est informatisé. Mais il y a
des gens qui viennent depuis 20 ans, 25 ans, on n'a pas de problème à fidéliser. Mais c'est sûr qu'un client qui sait
qu'un livre est à 30 % moins
cher — ils vont
être gênés de nous le dire, quoique parfois
ils le disent — ils vont
acheter une majorité de leurs livres chez nous, mais ils vont garder, ce
client-là, en pensant que ce n'est pas trop douloureux pour nous,
d'aller acheter leur dictionnaire, un livre de recettes ou, je ne sais pas, la
grammaire chez Costco. C'est ça.
M. Pelletier
(Saint-Hyacinthe) : O.K. Merci.
Mme Olivieri (Rina) : On ne peut pas… Je voulais… Oui, ce que je voulais rajouter, c'est que
vous comprendrez qu'on ne peut pas
leur expliquer à chaque fois, même s'ils en sont conscients, le rôle de la
chaîne du livre, que, s'ils vont acheter
un livre ailleurs, ça peut nous nuire. Mais la fidélité est suffisamment grande
pour que, dans différentes campagnes qu'on a faites, on ait le soutien
de la clientèle.
M.
Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Au niveau de la réglementation,
pour vous, ça serait une approche qui serait valable pour permettre à votre librairie ou aux petites librairies de
pouvoir survivre ou de pouvoir souffler un peu plus. Le neuf mois ou le
10 %, c'est établi comment chez vous?
M. Lachance (Yvon) : Bien, le neuf mois, je trouve que c'est une mesure qui est… En fait, il
y a un consensus sur la question du prix réglementé. Ça peut être un
compromis sur la question des modalités. Mais la vie d'un livre en ce moment,
d'une nouveauté, il faut se rendre compte qu'elle est très, très courte,
beaucoup plus courte que quand on a commencé,
nous, en 1985, quand on a ouvert la librairie. Un livre se vend sur une très
courte période de temps. Donc, le neuf mois nous apparaît tout à fait
raisonnable pour nous permettre de garder ces ventes-là.
On
n'a jamais pensé, nous, que les gens allaient massivement… parce que je l'ai
entendu beaucoup, les gens vont partir de chez Costco pour venir chez
nous. Ce n'est pas ça, on ne croit pas à ça. Ce qu'on croit, c'est que les
gens, chez Olivieri, qui viennent chez Olivieri et qui sont là, vont rester.
On
vous a dit dans la présentation qu'à la librairie on a un bistro, on a ouvert
un bistro. C'est un modèle qui est tout à fait unique. Il existe au
Canada et aux États-Unis des librairies avec un café. En général, c'est des
chaînes, et la librairie est elle-même une
chaîne, le café est lui-même une chaîne. Mais nous, on a ouvert un bistro qui
est vraiment… qui nous appartient,
qui fait un travail comme celui qu'on fait à la librairie en achetant des
produits locaux, et tout ça, mais le bistro, dans son esprit, a toujours
été fait — et,
quand on l'a construit, on l'a construit derrière la librairie — pour aussi attirer et encourager des gens à venir en
librairie, à voir des livres. Les gens qui viennent au bistro, et beaucoup
le remarquent, ils nous disent : C'est
amusant, on vient manger chez vous, et puis j'ai été obligé de traverser toute
la librairie et j'ai vu tous les livres. Et, pour nous, ça a été une
autre façon d'aller chercher des gens.
C'est
pour ça qu'on a du mal… quand on décrit les librairies qu'on dit petites. Et ce
qu'on a voulu dire, c'est que, dans
la variété, il y a des librairies qui ne sont pas petites. On est vraiment des
librairies, souvent, qui avons la taille même d'une librairie qui appartient à une chaîne. On a innové, on a des
clients, par exemple, nous, qui viennent d'Italie, ou de France, ou d'Espagne qui nous disent : Votre
librairie, il n'y en a aucune autre comme ça, on n'en a jamais vu une
comme ça nulle part ailleurs. Et ce qu'on dit, c'est que c'est ça aussi, la
diversité. La diversité permet que quelque chose comme Olivieri existe.
La Présidente (Mme Richard,
Duplessis) : Merci. Nous allons maintenant du côté de
l'opposition officielle. Ça va? Oui? Mme la députée de l'Acadie, vous
avez la parole.
Mme
St-Pierre : Merci beaucoup. Merci d'être parmi nous
aujourd'hui. C'est un moment, je pense, crucial, dans ce dossier, cette commission parlementaire. Elle a
été annoncée, elle a été attendue, elle s'est enfin tenue. Et là c'est…
Évidemment, on a écouté ce que les gens sont venus dire ici, et je pense que
c'est très éclairant.
Le
souhait que je pourrais faire, c'est de dire : Bien, espérons que les
commentaires qui ont été faits de part et d'autre soient bien rapportés
et qu'on ait… qu'il y ait une couverture de cette commission parlementaire là.
Moi, je pense que le rôle du libraire, bon, je l'ai dit plus tôt, c'est
un rôle qui est essentiel dans notre société. Vous jouez un rôle de défenseur de la culture, vous jouez un rôle de
promotion de la culture également. Vous faites partie de ce qui est
essentiel dans une société
libre et démocratique. Et hier il y a quelqu'un qui m'a offert ce… quelqu'un qui fait
du bénévolat dans une entreprise
d'économie sociale, c'est une librairie de livres usagés, et il m'a offert en
cadeau un livre d'Amin Maalouf, qui
est intitulé Les identités meurtrières — c'est très d'actualité aujourd'hui — mais
je ne pense pas que j'aurais pu trouver ce livre-là dans une grande surface ou dans… mais certainement qu'on
peut le trouver encore dans les librairies indépendantes.
• (16 h 10) •
Mme Olivieri
(Rina) : …il n'a pas besoin d'être à rabais pour ne pas être cher, ce
livre, hein? C'est un livre de poche.
Mme
St-Pierre :
Il est à 3,50 $
Mme Olivieri
(Rina) : Voilà.
Mme
St-Pierre : Mais ce que je veux dire, c'est que, s'il n'y
avait pas eu ce rôle que des librairies indépendantes ont joué, d'avoir ce livre-là, bien, le livre ne
serait peut-être jamais venu au Québec. Comprenez-vous ce que je veux
dire? Je pense que vous comprenez votre rôle très, très bien. Vous comprenez
votre rôle très, très bien.
Maintenant,
on parle souvent… Puis c'est sûr que ça a été récurrent comme sujet, bon, on
dit : Les gens qui vont dans les
grandes surfaces n'iront pas dans les librairies indépendantes, le transfert ne
se fait pas. Mais est-ce que je vous ai bien compris? Vous nous dites : Il y a des gens qui vont nous
dire : Ah, oui! Je l'ai vu ou je l'ai acheté à 25 % de
réduction. Est-ce que l'inverse est vrai? Est-ce qu'il y a des gens… migrent?
Est-ce que les gens qui vont… qui fréquentent des librairies indépendantes
migrent de plus en plus vers les librairies…
Mme Olivieri
(Rina) : En partie.
Mme
St-Pierre :
Parce qu'on nous a dit…
Mme Olivieri
(Rina) : Pour une partie de leurs achats.
Mme
St-Pierre : Oui. On nous a dit : C'est un achat
compulsif. Les gens entrent dans des grandes surfaces, puis ils viennent
acheter plein d'affaires, puis là ils passent devant le dernier Harry Potter,
puis ils l'achètent, puis…
M. Lachance (Yvon) : On a dit… D'un autre côté, j'ai entendu dire : Avec Internet, les
gens sont de plus en plus informés dans leurs achats, et on nous dit en
même temps que, dans les grandes surfaces, c'est un achat impulsif, ce qui est étrange. Ce qu'on dit, c'est que nous… les
gens, à la librairie, une partie de leurs achats est faite dans notre
librairie, mais ils vont se réserver une
part de leur panier d'achats en sachant qu'en passant chez Costco en fin de
semaine : Je me souviens que le dictionnaire est moins cher.
Mme
St-Pierre :
Et il doit être là puisqu'il est sorti.
M. Lachance
(Yvon) : C'est ça. Il doit être là puis il va être moins cher. Donc,
ils retiennent… Cet achat-là qu'ils ne font
pas en librairie, on n'est pas sûr qu'ils vont aller le faire à la… ils veulent
le faire dans la… mais je ne suis pas
sûr qu'ils le font et je suis persuadé que, dans beaucoup de cas, ce qu'on
perd, c'est une vente, pas seulement nous, mais aussi Costco. C'est donc des ventes qu'on perd parce que les gens
retardent… À toutes les fois qu'on retarde des achats, la plupart du temps, l'achat ne se réalise pas ou une partie
seulement se réalise. Et, ça, nous, on l'a vu souvent parce qu'on voit
que, quand les gens nous promettent de revenir comme ça, ça ne se concrétise
pas.
Mme
St-Pierre :
Alors, vous avez des gens qui vont magasiner, qui regardent des choses qui
viennent de paraître, les best-sellers, et
vont après aller voir ou vont aller… vont se dire : En allant faire mon
magasinage dans une grande surface, je vais aller l'acheter là-bas parce
qu'il va certainement être moins cher.
M. Lachance (Yvon) : Bien, ils vont arriver avec une pile de livres à la caisse, ils vont
regarder les dictionnaires, ils vont
avoir le mouvement de dire… Des fois, ce qu'on dit… C'est parce qu'on les
entend parler entre eux, là, quand ils sont
deux, ils vont dire : Tiens, tiens, je devrais prendre un dictionnaire, et
vous avez l'autre qui répond : Attends un peu, je vais aller chez Costco jeudi, il est moins cher.
C'est ça qu'on entend. Et ça, pour nous, comme on a dit tout à l'heure,
ça nous prendrait très peu, finalement, pour
avoir la rentabilité qui serait suffisante pour nous permettre d'être
compétitifs et d'aller sur les nouvelles plateformes.
Parce qu'on n'est pas complètement
innocents aussi. On sait très bien qu'il y a une mutation des marchés,
mais on pense qu'on est capables, nous...
mais, avec notre originalité, on est capables d'être sur les sites Web et sur
Internet, on est capables d'être sur la
vente en ligne, mais en apportant une expertise que c'est… que même Amazon
n'a pas. Parce qu'Amazon,
quand vous y allez, ce n'est pas un site-conseil, c'est un site de statistiques
de ventes. On vous dit que vous avez acheté ça et les autres qui ont
acheté la même chose ont acheté ce livre-là. Mais ça, ce n'est pas du conseil,
c'est une machine derrière qui fait des
statistiques. Alors, si vous y allez une fois pour vous puis quatre fois pour
votre tante qui aime la musique
western, la prochaine fois, on va vous conseiller de la musique western, bien
que vous, la musique western, ça ne vous intéresse pas. C'est comme un
conseil aveugle.
Mme
St-Pierre :
Vous avez parlé de ce bistrot que vous avez aménagé. Est-ce que ça a été, pour
vous, entre guillemets, crève-coeur d'avoir
à vous lancer dans un autre type de commerce, qui est d'avoir un bistrot, puis
de dire : Bon, bien là,
maintenant, il faut qu'on s'en aille dans la bouffe pour être capables de
vendre une autre sorte de bouffe, qui est la bouffe du cerveau, là?
M. Lachance (Yvon) : On n'est peut-être pas d'accord parce qu'on n'est pas souvent… Mais on n'a jamais
fait, jusqu'à maintenant, les choses de cette façon-là. Ce n'est pas crève-coeur,
on ne se dit pas… On l'a fait avec envie, en
se disant… Ça a commencé parce qu'on organisait beaucoup d'événements. On avait fait un événement où on
avait reçu… Dans un débat resté célèbre chez
Olivieri, on avait reçu M. Charles Taylor, qui était venu, et il y avait, dans
notre librairie qui était sur la rue
Gatineau, tellement de monde que les services de police et de pompiers sont
venus et ont annulé l'événement. Et on s'est dit à ce moment-là :
Vraiment, nos événements attirent tellement de monde, on déménage et on va
trouver un lieu — et,
au début, on voulait faire un petit café — où on va organiser des
événements.
Et
c'est comme ça, c'est dans cet esprit-là qu'on l'a fait. Et l'idée, c'était
toujours d'organiser des événements autour
d'un livre. On n'organise pas des événements, nous, comme ça, là, c'est
toujours, toujours autour de la parution de nouveautés. Et, pour ça,
c'est toujours… l'événement est toujours l'opportunité, pour nous, ou une autre
façon, pour nous, de parler du livre, de
faire parler du livre, de faire connaître le livre. Et c'est sûr que les gens
qui viennent à la librairie, et qui assistent à un événement pendant une
heure, et qui est suivi d'une discussion, je peux vous dire que la réaction
avec le livre après est tout autre que si le livre est sur une table puis que
personne ne vous dit rien.
Mme Olivieri
(Rina) : Pour revenir au bistrot, on a voulu faire le bistrot un peu à
l'image de la librairie, c'est-à-dire, comme
a dit Yvon : c'est des produits locaux. Donc, il y a toute une idée de
convivialité, on est un lieu… On a
toujours dit, et les gens… c'est la remarque qu'on a le plus souvent, on est un
lieu, et ça non plus, ça n'existe pas, sur Internet, un lieu. Les gens
se sentent bien, se sentent bien dans la librairie, se sentent bien dans le
bistrot, et il y a un effet d'échange.
Évidemment, financièrement, ça nous a aidés, le bistrot, et, en plus, la
clientèle… on sait que le chiffre
d'affaires après 1 h 30 — parce que le midi, c'est plein — augmente beaucoup. Donc, on fait aussi faire
des achats impulsifs. Quand les gens
sortent de dîner pour rentrer au bureau, ils partent avec des piles de livres
presque à tout coup.
Donc, pour nous,
c'est quelque chose qui va ensemble. On aurait… Ça serait plus dur pour nous de
vendre des disques ou d'autres objets parce
que, d'une part, ça prend une connaissance qu'on n'a pas et on ne pourrait pas
le faire aussi bien que ce qu'on fait.
M. Lachance
(Yvon) : Je voudrais revenir à un point, sur ce que Rina a dit. C'est
vrai que les grandes heures d'affluence au
bistrot, c'est aussi les grands moments de vente dans la librairie. Donc, il y
a un impact direct, pour nous, sur la vente du livre. L'activité du
bistrot a un impact direct sur la vente de livres.
Mme
St-Pierre : Vous avez dû… vous avez été obligés d'être
imaginatifs. Ma dernière question avant de passer la parole à mon
collègue : Est-ce que vous croyez que c'est la seule et unique solution,
celle du prix unique, ou si le gouvernement doit arriver avec d'autres
solutions, ou une autre solution qui est urgente, dans ce dossier de l'avenir
des librairies indépendantes?
M. Lachance (Yvon) : Pour nous, ce n'est pas l'unique solution, c'est la condition de base,
je dirais. La première chose qu'on
doit faire pour arrêter l'hémorragie, on fait ça. C'est sûr, après, je serais
d'accord avec vous quand vous avez parlé
tout à l'heure de moderniser la loi ou bien les règlements de la loi.
Évidemment, il y a toujours eu une crainte de la part du milieu du livre quand on ouvre la loi, parce
que la loi a tellement d'acquis qui sont positifs qu'on a peur de
l'ouvrir parce qu'on a peur de perdre ces
acquis positifs là. On a peur qu'il y ait des pressions, qu'il y ait des lobbys
importants qui viennent.
Cette loi-là, de mon
propre point de vue, elle est absolument merveilleuse, elle est brillante. On
donne de l'argent aux bibliothèques… aux
librairies et aux bibliothèques et on a un impact sur tout le monde, jusqu'au
lecteur, jusqu'à l'auteur, partout. C'est une loi qui est magnifique.
Donc, on voudrait la préserver mais effectivement la moderniser.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Ça va? M. le député de Jacques-Cartier.
M.
Kelley : Oui. Monsieur, madame, à mon tour, bienvenue à
Olivieri. Toujours, j'associe votre établissement avec le festival Blue Met parce que c'est vous
autres qui font les… Et alors je suis toujours, au moins une fois par
année, client chez vous parce que c'est
toujours… Et c'est le genre de choses qu'on voit qu'une librairie peut faire au
niveau de l'animation d'un grand festival littéraire à Montréal, alors…
Et je comprends, sur le 11 %...
moi, j'ai compris aussi que c'étaient les ventes dans les grandes surfaces et
pas la part de marché des best-sellers. Vous
avez évoqué : 80 % de ventes viennent de 20 % de vos titres,
plus ou moins, alors j'imagine… C'est parce que c'est la nuance que je
voulais faire avec M. Turgeon, avant nous, c'est…
M. Lachance (Yvon) : On fait 80 % des ventes sur 20 % du stock. Donc, c'est cette
partie-là, cette petite partie là qui,
au fond, permet à une entreprise… Mais c'est pour la librairie, mais c'est
aussi pour beaucoup de commerces du détail.
M. Kelley :
Oui… Non, non. Exactement. Mais un petit peu comme le cinéma aussi, j'imagine…
M. Lachance
(Yvon) : C'est ça.
M. Kelley :
Les studios aussi.
M. Lachance
(Yvon) : Oui, exactement.
• (16 h 20) •
M. Kelley :
Un film sur cinq va être un grand succès, ça va supporter les quatre autres qui
sont peut-être… n'ont pas le même accueil critique ou n'ont pas le même…
Et
je veux juste pour… Je comprends la place dans les grandes surfaces, mais
est-ce qu'il n'y a pas également un effet
contraire que… On évoque souvent Dan Brown, alors on va continuer parce que
c'est la cible préférée, il semblerait, cette année. Mais, si j'achète Inferno en grande surface maintenant
et je dis : Je n'ai jamais lu Dan Brown, c'est la première fois, je vais aller chez vous pour chercher les
quatre autres, n'est-ce pas? Parce
que la grande surface n'aura pas Da
Vinci Code ou Angels and Demons et les autres. Alors, ça peut vous
aider parfois aussi…
Mme Olivieri
(Rina) : Non, parce que…
M. Kelley :
…parce que je fais la découverte d'une… Non, non… Parce que, si je fais la
découverte, pour la première fois, d'un
grand écrivain, un best-seller, ça va être uniquement le dernier tome qui va être aux
Costco ou Wal-Mart. Alors, une fois
que j'ai fait la découverte… Parce
que je veux… Il y a également
une obligation de rendre les livres les
plus disponibles possible. Parce que, dans une certaine logique, on peut dire :
Pourquoi ne pas interdire la vente des livres dans la grande surface? Au lieu de neuf mois, 10 %, ci et ça, on va juste carrément… il faut
être une librairie agréée pour vendre les livres au Québec, point.
M. Lachance
(Yvon) : Est-ce que je pourrais…
M.
Kelley : Alors, on peut dire ça : Mais on va les enlever
dans les petites pharmacies, on va les enlever dans le terminus d'autobus, à l'aéroport, et tout le
reste. Alors, je ne fais pas une proposition sérieuse, mais, dans une certaine logique, on peut dire : Si on veut
avoir le droit de vendre des livres au Québec, il faut être une librairie
agréée avec le nombre de titres, le nombre de titres québécois, et tout le kit.
On n'est pas rendus là encore.
Alors, je ne veux pas
freiner non plus le plus grand accès possible des livres partout, que je peux
les acheter dans une pharmacie, je peux les
acheter… parce qu'ultimement je veux voir plus de Québécois vendre et acheter
des livres. Je pense, si on peut
grossir la tarte, et il y a peu de livres qui sont vendus au Québec, peut-être
tout le monde peut sortir gagnant. Alors, comment est-ce qu'on peut
créer un climat où ce n'est pas juste un contre l'autre, mais que le monde peut
travailler ensemble?
Parce
qu'ultimement moi, je veux voir les ventes des livres au Québec augmenter d'une
façon importante parce que je pense
qu'au niveau du loisir, mais également de préparation des citoyens, pour nous
aider de comprendre les enjeux fort
complexes dans le monde, soit la Syrie, l'Égypte, ou mille et un exemples des
situations très difficiles, mondiales, que
c'est la lecture avant tout… On peut… quelques images sur la télévision,
peut-être un court article dans les journaux. Mais la Syrie, il faut commencer avec Margaret MacMillan et Paris
1919 et les autres livres comme ça qui peuvent au moins nous… commencer de comprendre ces enjeux
contemporains. Alors, comment rendre le livre… et augmenter le nombre de
lecteurs, le nombre de livres vendus au Québec?
M. Lachance
(Yvon) : Est-ce que je peux…
Mme Olivieri
(Rina) : On a d'ailleurs… Juste… On a d'ailleurs une présentation
spéciale sur la Syrie depuis un bon…
M. Lachance (Yvon) : Bien, si je… J'aimerais répondre à votre question. Dans votre
intervention, j'ai compris deux interrogations, deux questions. La
première concerne… et l'exemple que vous avez choisi est très bon : Vous
achetez Inferno chez Costco, et je vais aller après, chez un libraire,
acheter les quatre autres. Ce qu'on dit…
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : …excusez-moi, qu'il vous reste environ
une minute.
M. Lachance
(Yvon) : O.K. Je vais essayer de faire vite. C'est très intéressant,
ce que vous dites parce que justement vous allez acheter chez Costco le livre
qui ne demande pas de travail, qui est facile à vendre, qui dégage des
bénéfices, et vous allez venir chez Olivieri chercher les quatre autres titres
qui, eux, demandent du travail, qui, eux, demandent du temps, qui, eux, nous coûtent
cher. Et donc l'exemple que vous donnez là, au fond, c'est l'exemple de ce qu'on décrit, c'est-à-dire que ça nous nuit.
Vous achetez chez nous ce qui coûte cher à chercher parce que,
pour obtenir quatre livres, il faut
les avoir en stock, il faut les avoir lus, il faut en faire la promotion, il faut…
Ça, ça coûte cher. Inferno, ça se vend tout seul, tous les
journaux en parlent.
La
deuxième interrogation que vous aviez : on n'est pas contre non plus,
nous, qu'il y ait des livres partout et que le plus de monde possible puisse lire. Et on ne croit
pas que les ventes chez Costco, par
exemple, vont baisser si les
gens peuvent encore jouir de nos rabais, à peu près
de 10 %, que les ventes vont
baisser au point que ça va mettre en péril la présence du livre sur les
étagères. J'espère…
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Merci beaucoup. Vous avez entré dans le
temps qui était alloué à l'opposition officielle. Nous allons maintenant du côté
du deuxième groupe d'opposition. Mme la députée de Montarville, vous avez la
parole.
Mme
Roy
(Montarville) : Merci beaucoup, Mme la
Présidente. Alors, bonjour, Mme
Olivieri, M. Lachance. Je vous
écoutais puis j'ai aimé votre franchise, le fait que vous ayez été si directs
lorsque vous nous avez dit : Ce projet
de loi là, là, s'il voit le jour, c'est une stratégie pour contrer les
mutations et, si on nous donne du temps, on est capables.
Alors, ma question. On
parle de ce 11 % de ventes de grandes surfaces. Vous, personnellement,
quel est le pourcentage de ce 11 % que
vous croyez que vous pourriez récupérer avec un projet de loi éventuel, une loi
éventuelle?
M. Lachance
(Yvon) : Alors, on…
Mme Olivieri (Rina) : Selon un calcul, si c'est réparti sur l'ensemble des librairies
indépendantes, ça veut dire que notre chiffre d'affaires pourrait
augmenter de 11 %.
Mme Roy
(Montarville) :
Vous considériez que vous iriez récupérer l'entièreté?
Mme Olivieri
(Rina) : C'est-à-dire que c'est 11 % par librairie. Bien, on
pourrait récupérer… On a donné l'exemple…
M. Lachance
(Yvon) : L'exemple que je donnais, c'étaient 20 titres, et ce n'est
pas beaucoup, là.
Mme Olivieri
(Rina) : 20 titres par année à 100 copies chacun, c'est très peu.
M. Lachance
(Yvon) : Oui, c'est ça.
Mme Olivieri
(Rina) : Ce serait suffisant pour récupérer…
M. Lachance
(Yvon) : 1 %
Mme Olivieri (Rina) : …pour augmenter de 1 % notre bénéfice net. Là, ce qu'il faut voir,
c'est que le bénéfice brut devient un bénéfice net vu qu'il n'y a pas de
coût associé à ces ventes-là.
M. Lachance (Yvon) : Oui. On l'a mis pour ça, à une vingtaine de livres, c'était pour
illustrer. Parce que c'est très dur de faire des calculs sur…
Mme Olivieri
(Rina) : Sur des pourcentages.
M. Lachance
(Yvon) : …quelque chose comme ça qui est une…
Mme Roy
(Montarville) :
Et c'est une des problématiques de cette discussion aussi, c'est que c'est
difficile d'évaluer le nombre de ventes que
vous allez regagner, qui ne seront pas, par exemple, dans une librairie à
grande surface, mais qui seront vraiment des ventes faites en librairie,
chez vous.
M. Lachance (Yvon) : Mais c'est pour ça qu'on a fait le portrait le pire en se disant :
Tiens, on va regarder ne serait-ce
que 20 livres, ça nous aide. Alors, moi, je pense sincèrement qu'on va en avoir
plus. Mais au pire, là, on ne récupère que 20 ou 25 titres, c'est déjà
une augmentation de notre bénéfice de 1 %.
Mme
Roy
(Montarville) : Maintenant, ma question. Donc, vous
dites : Cette stratégie-là va nous aider à contrer les mutations;
si on nous donne du temps, on est capables. Pas juste du temps, de l'argent
aussi, de toute évidence, parce qu'avec
cette marge que vous iriez dégager… Est-ce que, financièrement parlant… de
combien avez-vous besoin pour justement vous adapter à cette mutation?
Est-ce que c'est suffisamment d'argent? Est-ce que vous l'avez calculé?
M. Lachance
(Yvon) : C'est-à-dire…
Mme Roy
(Montarville) :
Par exemple, pour une librairie comme chez vous, ça vous coûte combien, vous,
arriver à faire une saine compétition à ce marché qui s'en vient, qui déferle
sur nous, qui est le marché du livre électronique et l'achat en ligne?
Mme Olivieri (Rina) : C'est extrêmement difficile à dire. Je ne pense pas qu'on peut imaginer
aujourd'hui faire une saine compétition à Amazon. Donc, c'est… et
on est dans… se maintenir, voir les mutations de lecture, du livre, d'achat. On ne sait pas. Je pense que ni nous ni
vous ne savons de quel côté ça s'en va. Mais il est sûr que ce qu'on ne veut pas, c'est que ce soit… Même s'il y a des
transformations dans les modes d'apprentissage, dans les modes de
lecture, dans les modes d'achat, il ne faut
pas que ce soit des multinationales qui décident laquelle de ces mutations va
rester. Et c'est ça, c'est ça qu'on
demande, du temps pour que nous soyons là et qu'on puisse découvrir, à notre
manière, au Québec, à une échelle de quartier, de petite ville et de
région, qu'est-ce qu'on veut, comment on veut que le livre se développe.
M. Lachance (Yvon) : Mais on disait : Ça, il faut… Si on augmente de 1 % notre
bénéfice, là, nous, on se donne les
moyens de continuer à faire ce qu'on fait. En ce moment, on est en train de… on
travaille avec Rue des Libraires, avec un collectif, mais, d'un autre
côté aussi, on a un site qu'on est en train de mettre sur pied. Ça fait un an
qu'on est obligés de retarder parce qu'on
est, d'un autre côté, toujours obligés d'éteindre les feux, de courir comme des
fous. On est ralentis dans notre développement.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Merci beaucoup. Je suis vraiment désolée.
Merci beaucoup, Mme Olivieri, M. Lachance.
Nous allons suspendre
quelques instants pour permettre au prochain intervenant de prendre place.
(Suspension de la séance à
16 h 29)
(Reprise à 16 h 30)
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :Donc, nous
reprenons nos travaux. M. Marcil, je vous souhaite la bienvenue à l'Assemblée
nationale. Je vais vous demander de vous présenter. Et vous allez disposer d'un
temps de 10 minutes, et par la suite suivra un échange avec les groupes
parlementaires. Donc, la parole est à vous, M. Marcil.
M.
Ianik Marcil
M. Marcil (Ianik) : Parfait. Merci. Merci de me recevoir, et de m'entendre surtout, cet
après-midi. Donc, mon nom est Ianik
Marcil. Je suis économiste. Je travaille
comme économiste de façon indépendante, et l'une de mes spécialités est l'économie
des arts et de la culture. C'est donc à ce titre que je suis ici aujourd'hui
pour vous donner mon avis sur cette réglementation éventuelle.
Donc,
comme économiste des arts et de la culture, je base mon analyse sur trois
grands principes dans le cas qui nous
occupe. Premièrement, le livre n'est pas une marchandise comme les
autres et donc doit être analysé en conséquence. Les libraires ne sont pas non plus des commerçants comme les autres, et
donc on doit également analyser leur rôle et leur place en
conséquence. Ils sont des acteurs culturels avant d'être des commerçants. Et,
troisièmement, l'objectif du développement
dans le secteur culturel devrait être d'assurer sa plus grande diversité, quel
que soit le secteur, et donc ça s'applique évidemment à ce que j'appelle
l'écosystème du livre.
Donc,
mon postulat est que cette politique de réglementation du prix du livre devrait
assurer la diversité de l'offre et le
nombre des acteurs culturels que sont les librairies, qui sont des agents de
transmission de la culture québécoise. Si on n'est
pas capables de faire la démonstration qu'une telle politique
assurerait cette diversité et la pérennité de cette diversité, elle ne
serait donc pas justifiée.
Dans un premier
temps, il importe de rappeler que la tendance de nos économies contemporaines
est à la concentration industrielle dans à peu près tous les secteurs, hein?
Plus une économie ou un secteur est laissé à son libre développement, plus il y a une forte concentration, et c'est
évidemment le cas de la librairie. À titre d'exemple… Donc, pour vous
donner un exemple, je vais prendre celui des États-Unis où les quatre plus
grands joueurs, donc les quatre plus grandes chaînes de librairies aux
États-Unis, occupaient 41 % du marché en 1992. Aujourd'hui, c'est près de
75 % qu'occupent ces quatre grandes chaînes, donc les quatre plus grands
joueurs aux États-Unis. Donc, une concentration
rapide des grands joueurs dans l'industrie, et c'est vrai de tous les commerces
de détail, en l'occurrence.
La réglementation du
prix du livre devrait donc viser à atténuer cette tendance naturelle. C'est
donc une structure qui est naturelle dans
nos économies contemporaines, et, en l'occurrence, vous l'avez entendu à de
nombreuses reprises, les librairies au Québec ferment leurs portes l'une après
l'autre, et cette tendance ne fait que s'accélérer. Depuis 2001, il y a eu un résultat net, c'est-à-dire lorsqu'on soustrait
le nombre d'ouvertures à celui des fermetures de librairies, et j'inclus
là-dedans les succursales de chaînes telles Renaud-Bray, 18, on a eu une perte
de 18 librairies au Québec. Ça peut paraître peu, mais, sur environ
300 points de vente, c'est quand même relativement substantiel.
Ce qui est encore
plus spectaculaire et grave, c'est qu'au cours des cinq dernières années
seulement il y a eu cinq ouvertures de
librairies pour 27 fermetures de librairies. Donc, il y a, dans la
dynamique même de l'écosystème du livre,
de grandes fragilités, actuellement. Et je prétends que la réglementation sur
le prix neuf du livre, telle qu'elle est proposée de façon consensuelle
par l'industrie, permettrait de freiner cette érosion et cette fragilité dans
l'ensemble de l'écosystème.
Comment cette
réglementation permettrait de le faire? Bien, ça aussi, vous avez entendu, je
pense, ces arguments, et mes prédécesseurs vous en parlaient, comme vous le
savez, les best-sellers permettent la viabilité économique des librairies, car ce sont des ventes automatiques qui
nécessitent peu d'efforts et d'expertise de la part des libraires — c'est la raison pour laquelle ils se vendent
en grande surface — et donc
financent en quelque sorte l'activité du libraire comme acteur culturel.
À cet égard, je considère, d'un point de vue
strictement économique, donc d'un point de vue d'économie industrielle, que les grandes surfaces, en ne
vendant que des best-sellers à rabais, concurrencent de manière déloyale
les librairies dans leur ensemble. Et, quand
je parle de librairie dans l'ensemble de mon propos, je parle de toutes les
librairies, y compris les librairies à succursales et non pas uniquement les
librairies indépendantes.
À cet égard,
j'ai colligé quelques informations sur la perte de parts de vente des best-sellers
par des librairies et j'en donne, dans mon mémoire, un exemple typique,
en quelque sorte, d'une librairie dans un centre commercial qui vendait, donc… dont les ventes, pardon, du
top 50 ou des 50 meilleures ventes sur l'ensemble de leurs ventes totales
de livres — uniquement
de livres, là, on ne parle pas de babioles ou de papeterie qui pourraient aller
à côté — étaient
de 14 %. Donc, les 50 meilleurs livres, les 50 meilleures ventes
faisaient plus de 14 % des ventes en 2004.
En 2012, donc
moins de 10 ans plus tard, c'est près de la moitié moins, c'est 7,8 % des
ventes des best-sellers qu'ils font sur l'ensemble des ventes totales de
ces librairies indépendantes... de ces librairies en général. C'est encore plus
dramatique pour le top 5. Donc, les
super best-sellers occupent une part des ventes encore plus... qui a diminué de
façon encore plus drastique depuis 2004 dans
le cas de la plupart des librairies. Donc, qu'est-ce que ça veut dire? Puisque
ce sont ces ventes-là, comme on vous l'a
expliqué à bien des reprises, qui financent l'ensemble de la rentabilité de la
librairie, bien, pour la plupart des
librairies, c'est une fragilité supplémentaire de leur rentabilité qui, en
fait, est presque nulle pour la plupart d'entre elles, à 0,84 %
dans l'ensemble du Québec.
Ça peut
paraître paradoxal, mais, dans ce contexte, donc dans un contexte où je
prétends qu'on doit préserver la diversité,
donc une plus grande concurrence possible entre les librairies, j'ai la
prétention de croire qu'une réglementation sur le prix neuf du livre, telle qu'elle est proposée par l'ensemble du
milieu ou presque, agirait en quelque sorte comme une loi antitrust. Son effet final, évidemment pas
ses moyens, mais son effet final serait l'équivalent d'une loi
antitrust, lesquelles lois antitrust sont,
bien entendu, tout à fait légitimées dans nos sociétés libérales depuis
toujours. C'est donc pour moi
légitime de la part de l'État d'intervenir de cette manière-là, car les
exemples, notamment allemand et français, dont on vous a parlé à plusieurs reprises démontrent
qu'elle permet de conserver une plus grande diversité dans l'écosystème du
livre.
Donc, cette
politique, pour moi, permettrait de consolider l'ensemble de l'écosystème, de
l'auteur au lecteur, la librairie étant le pivot de cette chaîne-là, de
cet écosystème-là. Donc, il ne s'agit pas que de sauvegarder les librairies pour le plaisir de le faire, mais bien de
consolider l'ensemble de l'offre de littérature et de travaux de l'esprit du
Québec pour les Québécois, pour, à la fois,
des raisons de structure industrielle, dont j'ai parlé, et de marché, mais
aussi culturelles, car, en maintenant ou en préservant cette
multiplicité d'acteurs dans toutes les régions du Québec, c'est aussi
l'ensemble du tissu culturel, social et politique du Québec qu'on se permet de
raffermir.
Je me permets
de répéter qu'à mon sens la librairie n'est pas un commerçant... ou n'est pas
qu'un commerçant, plutôt, mais bien
un acteur culturel. Dans une librairie, mes prédécesseurs vous en ont raconté
des exemples, on peut assister à des
débats, à des conférences d'auteur reliées autour d'un livre, que ça soit sur
l'avenir de l'éducation, les institutions politiques du Québec ou de
grands enjeux contemporains, tout autant qu'entendre des lectures de poésie. Je
ne crois pas que chez Costco ou Wal-Mart on entende beaucoup de lectures de
poésie.
De plus, le
libraire est l'agent privilégié, de concert avec le bibliothécaire, qui
permet — et
d'autres acteurs, bien sûr, dans
l'ensemble de la société — de faire découvrir le nouvel auteur, le jeune auteur qui sera la
prochaine romancière qui remplacera Marie Laberge dans le futur et qui
se retrouvera sur les tablettes des grandes surfaces. Voilà.
La Présidente (Mme Vien) :
Merci beaucoup, M. Marcil, pour cette contribution. Maintenant débutent
les échanges entre vous et les parlementaires... avec M. le ministre?
M. le député de Saint-Hyacinthe?
M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) :
Oui.
La Présidente (Mme Vien) : Avec
plaisir. Allez-y.
M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) :
Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour, M. Marcil. Merci. Alors, vous souligner que c'est important, votre présentation
ici, les connaissances du milieu, et tout ça. Je pense que c'est
important pour nous d'avoir un éclairage de
votre point de vue. Il est, bien sûr... Hier, il y a des gens qui nous disaient
qu'il y avait un escompte pour les
librairies agréées, qu'il y aurait un escompte, là, appliqué aux librairies
agréées par les éditeurs. La marge que cet escompte leur donne leur
permettait d'offrir des best-sellers au prix des grandes surfaces. La réponse,
c'est...
M. Marcil (Ianik) : Oui, cela
existe.
M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) :
Ça existe?
M. Marcil
(Ianik) : Le problème, c'est
que c'est une pratique qui est, comment dirais-je, suicidaire, en
quelque sorte, parce que les librairies qui
se permettent de faire ça vont de toute façon gruger dans leur propre marge de
profit net à la fin de la journée.
• (16 h 40) •
Je
pense que ce qu'il est important de souligner, c'est... et j'entendais un peu
vos discussions tout à l'heure, une
réglementation comme celle-là ne vise pas à interdire la vente de livres dans
d'autres endroits que la librairie, et je suis d'accord d'ailleurs qu'on doit en voir partout, y compris dans les
pharmacies, partout, partout, partout. L'idée, c'est que tout le monde joue avec les mêmes règles du jeu.
Je pense que c'est aussi simple que ça, c'est que tout le monde puisse
se développer. Et tant mieux s'il y a des Marie Laberge qui se vendent
chez Costco, j'en serai le premier ravi pour elle et pour la littérature québécoise. L'idée, c'est que cette
réglementation-là est une mesure que je considère — le mot est peut-être fort — d'urgence pour s'assurer de stopper
l'hémorragie de la fermeture des librairies, particulièrement en
région — je
dis «particulièrement en région» parce qu'elles me paraissent plus précieuses
et essentielles en région — et
donc que ça n'empêche pas de diffuser le livre de mille autres façons et dans
mille autres lieux, simplement avec les mêmes règles du jeu.
M.
Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Merci. À la fin de votre mémoire,
vous formulez des recommandations pour le défi de l'écosystème du livre après la réglementation. Si vous deviez
les mettre par ordre de priorité, quelles seraient les recommandations
les plus importantes à mettre en oeuvre en priorité?
M. Marcil
(Ianik) : Premièrement, bien, en amont de cela, je pense qu'il est
important de dire qu'une telle réglementation
ne sera pas une panacée, ça ne sera pas un remède miracle qui sauverait
l'ensemble du milieu du livre au Québec,
loin s'en faut. Je crois qu'on a des défis énormes à relever comme société,
donc vraiment comme société et non pas uniquement
pour le milieu du livre, et la priorité numéro un, pour moi, non pas seulement
pour le milieu du livre, mais pour l'ensemble du Québec, c'est le
problème de littératie. Je pense que le problème d'analphabétisme fonctionnel
et de sous-littératie au Québec, c'est le
problème numéro un auquel on devrait s'adresser, et donc pas uniquement le
milieu du livre, mais l'ensemble des acteurs
communautaires, politiques et sociaux du Québec. C'est en amont d'une société
beaucoup plus juste et beaucoup plus… d'une démocratie beaucoup plus saine, et
c'est bien sûr aussi un prérequis pour le développement d'une littérature
nationale et d'une vie culturelle pour l'ensemble du Québec. Ce serait, pour
moi, la priorité numéro un.
Le
second… le deuxième chantier qu'il faudrait mettre de l'avant, et je pense que
vous l'avez entendu beaucoup, c'est la question du livre numérique. Nous
sommes, au Québec, je pense, très inventifs dans l'industrie du livre en général. Il n'y a pas de raison pour qu'on ne le
soit pas dans le livre numérique et on l'est déjà. Cela étant dit, c'est
une mutation qui prend tout le monde un peu
de court, malgré qu'elle commence à être relativement familière à bon
nombre d'entre nous, au point de vue
strictement économique, au point de vue marchand même. On ne sait pas trop quoi
en faire, hein? On y va par essais et erreurs un peu partout. Je pense
que, là aussi, il y a des réflexions à faire. Je ne vois pas nécessairement l'État avoir un rôle
interventionniste dans ce dossier-là; un rôle de conciliation, d'écoute, bien
sûr, mais je pense que le milieu doit se secouer les puces un peu, si
vous me permettez l'expression, pour faire face au défi du livre numérique. Ce
serait, pour moi, les deux éléments principaux à mettre de l'avant dans
l'avenir.
La
Présidente (Mme Vien) : M. Marcil… M. le député de
Saint-Hyacinthe, est-ce que ça complète de votre côté?
M. Pelletier
(Saint-Hyacinthe) : Juste un complément.
La Présidente (Mme
Vien) : Une autre question, allez-y, vous avez amplement le
temps.
M. Pelletier
(Saint-Hyacinthe) : Vous parlez des problèmes de littératie,
qui est une priorité. J'imagine que, d'après votre expérience, votre expertise,
vous connaissez des moyens ou des façons qui pourraient nous amener à?
M. Marcil (Ianik) : Ah, bien sûr! Toutes les solutions miracles sont là-dedans, je vais
vous les donner, là... Mais, évidemment,
c'est un problème hypercomplexe, comme on le sait tous. On ne peut pas changer…
on ne peut pas tourner ce problème-là sur un dix cennes du jour au
lendemain, c'est vraiment très complexe.
Je
vais m'en tenir au rôle du libraire là-dedans, parce que je pense que c'est
important de le dire, et je vais partir de l'anecdote, donc je fais un très mauvais économiste de moi-même.
J'habite à Montréal, dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, qui, comme
vous le savez, est un quartier relativement défavorisé à tout point de vue, y
compris en termes de nombre de librairies,
c'est-à-dire qu'il y en a zéro. Il y en avait une toutefois, une petite
librairie, qui a dû fermer ses portes
comme bien d'autres, qui avait la caractéristique de proposer, tous les
dimanches, des sessions d'initiation à la lecture. Un dimanche sur deux, c'étaient les aînés, un dimanche sur
deux… l'autre dimanche sur deux, pardon, c'étaient les jeunes. Ce n'est
pas grand-chose comme initiative, mais ça démontre, moi, je pense, que la
librairie comme acteur culturel a ce rôle-là et peut jouer ce rôle-là et, en
fait, a envie de jouer ce rôle-là.
On
parlait des débats chez Olivieri tout à l'heure. Je pense que c'est un peu ce
même genre d'activité qui nous permet de donner plus accès et plus envie
à la lecture pour l'ensemble des Québécois. Encore une fois, ce n'est pas que
ça qu'il faut faire, ce ne sont pas que les libraires qui vont sauver le monde
ni le Québec, c'est un élément clé, cependant, dans l'ensemble de ces
politiques et de ces démarches communes que nous avons.
La Présidente (Mme
Vien) : M. le député de Bonaventure.
M.
Roy : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Marcil. Dans vos recommandations, bon, au point
3, vous dites, bon, à la fin du paragraphe : «Une stratégie
réfléchie pour tous les acteurs de l'écosystème devrait là aussi être à
l'agenda.» Qu'est-ce que vous voulez dire? Je n'ai pas lu le paragraphe au
complet, là, mais le point 3 de la page 20.
M. Marcil (Ianik) : Bien, c'est un peu ce que je viens de dire, en
fait, à propos… Bien, en fait, je vais étendre… Je parle ici de la concurrence du Web, hein, de la vente en ligne. Nos
librairies au Québec sont là très proactives par rapport à l'arrivée… ont été et
continuent à l'être par rapport à l'arrivée de la vente en ligne.
Vous
connaissez bien sûr... On vous en a parlé en long et en large, de
l'initiative de Rue des Libraires, entre autres, ou de la vente
en ligne par les grandes chaînes, bien
sûr. Je pense néanmoins qu'il y a
une mesure... On devrait appliquer une
telle réglementation à la vente en ligne de façon, à tout le moins, temporaire, parce que... Cela étant dit, je dis «à tout le moins de manière temporaire» parce qu'on ne peut pas se battre contre une machine aussi forte, contre un
mouvement aussi fort. Donner le temps aux
librairies — que
ce soit, encore une fois, les chaînes ou les librairies indépendantes — de
se positionner par rapport à la vente en ligne, de se distinguer par rapport à la vente en
ligne et de le faire de façon intelligente, distinctive et qui soit au
bénéfice de tous et non pas de façon uniquement protectionniste.
Je pense
qu'il y a une mesure un peu… qui pourrait paraître un peu
protectionniste à court terme, mais qui pourrait être établie sans que
ça soit ad vitam aeternam, pour permettre à cette industrie, à l'ensemble des
joueurs de faire leurs devoirs et de se
positionner correctement dans cette mouvance mondiale. Et je me permets de
mentionner que cette concurrence, donc, des Amazon de ce monde, tout
le monde la vit, évidemment, sur la planète. Ça peut paraître une évidence, mais, lorsqu'on compare d'autres
expériences de réglementation du prix,
par exemple, bien sûr,
les cas célèbres de la France et de
l'Allemagne, bien… et où on voit qu'il y a des effets positifs
à cette réglementation-là, indéniables, bien eux aussi font face à la concurrence, comme en
Angleterre et aux États-Unis, de l'Internet. Et, malgré cette concurrence-là,
ils se portent mieux. Donc, ils n'ont pas
bloqué la concurrence, ils n'ont pas fermé leurs portes, nécessairement, à l'étranger ou à la vente
en ligne et ils survivent tout de même comme librairies ayant pignon sur rue grâce à une
réglementation similaire.
M. Roy :
Merci.
La
Présidente (Mme Vien) :
Est-ce que ça complète du côté gouvernemental? Oui? Merci. Mme la porte-parole,
députée de l'Acadie.
Mme
St-Pierre : Merci, Mme la Présidente. J'aimerais — vous l'avez dit, mais ça a passé vite — vous réentendre sur cette question de
la diminution, là… Vous avez parlé des best-sellers et des super best-sellers
que, si j'ai bien compris, les librairies
indépendantes vendaient, en 2004, 14 %... 14 % des ventes
représentaient les best-sellers ou c'est… Ensuite, on est passés à
7,8 % en 2012. Donc, c'est assez important, 2004 à 2012. Vous n'avez
probablement pas de données pour 2013, mais on va dire possiblement que ça a
encore diminué. Et ce que vous constatez, c'est que ces pourcentages-là se sont
déplacés vers les… C'est un peu les questions que j'ai posées tout à l'heure
aux gens de la Librairie Olivieri.
M. Marcil
(Ianik) : C'est dans les grandes surfaces.
Mme
St-Pierre :
Oui.
M. Marcil (Ianik) : C'est très difficile à... C'est difficile à déterminer quelle portion
s'est déplacée vers les grandes surfaces. Ce n'est certainement pas la
totalité. Donc, il y a une partie, par exemple, qui est allée vers l'Internet,
vers Amazon, nommons-le. Donc, il y a une portion qui est due
à l'Internet et il y a une portion qui est due aux grandes surfaces. Ce n'est pas que les grandes surfaces qui causent
cette chute-là. Il reste que, si les grandes surfaces, et les
pharmacies, et tout le monde jouent sur le même pied d'égalité, on va annuler
la portion qui est attribuable aux grandes surfaces dans cette chute-là.
Mme
St-Pierre : Mais qu'est-ce que vous qualifiez comme étant un
super best-seller? On a en tête Harry Potter, là, des…
M. Marcil
(Ianik) : C'est tout simplement les cinq livres les plus vendus dans
l'année pour la librairie, les cinq titres.
Les best-sellers, en général, c'est les 50 titres les plus vendus, et les super
best-sellers, c'est les cinq premiers titres de ces 50 titres là.
Mme
St-Pierre :
Étiez-vous là lorsque le Conseil québécois du commerce de détail a fait sa
présentation? Étiez-vous arrivé?
M. Marcil
(Ianik) : Non, mais j'ai pris connaissance.
Mme
St-Pierre :
Est-ce que vous avez été surpris de ce changement d'opinion du conseil
québécois… par ce changement?
M. Marcil
(Ianik) : Pourquoi l'aurais-je été? Pourquoi l'aurais-je été?
• (16 h 50) •
Mme
St-Pierre :
Bien, parce que je pense que ce qu'ils nous ont dit bien candidement, c'est
que, bon, il y a eu des débats assez animés
au sein du conseil. Le conseil n'avait pas cette position-là l'année dernière
ou il y a quelques… Enfin, dans un
passé très récent, le conseil n'avait pas cette position-là. Le conseil a
évolué vers la position du prix unique. Est-ce que c'est… Qu'est-ce qui
les a fait changer d'avis, d'après vous?
M.
Marcil (Ianik) : Je pense,
vous savez, que c'est la beauté d'une institution comme cette commission de
pouvoir permettre de réfléchir pour
l'ensemble... non pas uniquement vous, mais pour l'ensemble de la collectivité
et de mélanger, de brasser les idées, mais aussi d'aller dans la
mécanique des choses.
Lorsqu'on présente cette idée du prix unique du
livre et qu'on s'en tient uniquement à cette phrase-là, il y a beaucoup de braquage. Ça, ça a l'air de l'État
stalinien qui contrôle le marché, alors que la situation est… C'est
quand même pas mal plus simple que ça, là. On demande simplement que tout le
monde joue avec les mêmes règles du jeu pendant neuf mois sur les nouveaux
livres parus, point final, comme vous le savez.
Mme
St-Pierre : Mais
le braquage, vous comprenez, il est aussi en faveur du consommateur, parce
qu'on… certaines personnes vont dire :
Bon, bien, là, vous ne tenez pas compte du consommateur, vous ne tenez pas compte
de sa capacité de payer, vous ne tenez pas
compte du fait que les gens ont de moins en moins d'argent dans leurs poches
parce qu'ils sont de plus en plus taxés.
Quand on entend aussi un argument qui va à l'encontre de cette prise de
position là, c'est de dire :
Bien, il y a des consommateurs qui vont être perdants. Et aussi des élus vont
peut-être dire : Bien, moi, mes électeurs, ils n'achèteront pas ça.
M. Marcil (Ianik) : J'entends bien
et je n'en ai pas du tout parlé dans ma présentation, mais j'en parle
abondamment dans mon mémoire. Ces arguments sont réfutables de façon assez
solide. D'une part, les expériences réelles,
c'est-à-dire lorsqu'on compare toujours les mêmes grands exemples : la
Grande-Bretagne, l'Allemagne et la France, on constate que l'inflation du prix du livre a été moindre que
l'inflation des biens de consommation en général en France qu'en Angleterre. C'est l'inverse en Angleterre.
Le prix du livre, à partir du moment où on a arrêté de le réglementer, a
augmenté plus rapidement que l'inflation, alors qu'en France il a augmenté
moins rapidement que l'inflation à partir du moment où on l'a réglementé.
D'autre part,
de nombreuses études empiriques citées abondamment dans mon mémoire démontrent
que le prix n'est pas un facteur décisif d'achat pour le livre; ça l'est
de façon marginale. Le prix est un facteur décisif marginal lorsqu'on a décidé de faire un achat de livre. Un
peu ce qu'on nous expliquait tantôt : le dictionnaire, j'ai décidé de
l'acheter, c'est bien sûr que je vais aller l'acheter 30 % moins cher
ailleurs, mais la consommation à long terme de livres n'est pas motivée par le
prix, mais par une meilleure lecture, par une meilleure connaissance de la
littérature.
Finalement,
les dépenses des ménages au Québec, des ménages qui achètent des livres, donc
uniquement de la moitié des ménages au Québec, sont en moyenne de
124 $ par année. 124 $ par année, c'est quatre fois moins que les dépenses de communication pour le téléphone et
l'Internet en moyenne par famille. C'est quatre fois moins. Je prétends que, même s'il y avait un impact, même marginal...
ou même important, c'est-à-dire, sur le prix en moyenne du livre à long terme ou à court, moyen ou long terme, l'effet sur
la consommation serait à peu près nul, étant donné à la fois la faible
part que ça occupe dans le panier de
consommation des ménages et, d'autre part, par le fait que le prix n'est pas un
déterminant d'achat substantiel pour le consommateur.
Il pourrait y
avoir un effet à court terme, c'est vrai. C'est-à-dire que, du jour au
lendemain, si tout le monde, on n'a
plus ces fameux rabais de 25 % ou 30 % dans les grandes surfaces, il
est possible qu'il y ait un petit recul, qu'il y ait donc une décision de non-achat pendant un certain
temps de la part de certains consommateurs. Mais, à moyen et long terme, je prétends, avec beaucoup d'autres auteurs
spécialisés sur la question, que cet effet-là s'estompe complètement et qu'on revienne à la normale. Et je prétends aussi
que le consommateur, qui est aussi un lecteur, sera beaucoup mieux servi
par une diversité et une concurrence plus accrue sur le marché qu'une
concentration inévitable si on laisse aller le marché librement.
La
Présidente (Mme Vien) : M. le député de Jacques-Cartier… Mme la
députée de l'Acadie, est-ce que c'est terminé pour vous? Parfait.
M. Kelley :
Dans la même logique, le gouvernement du Québec a fait fausse route, il y a
30 ans… ou 20 ans, dans la décision de ne pas inclure la taxe de
vente sur les livres. Parce que, si le prix, ce n'est pas important… Parce que moi, j'étais toujours fier du fait que le
gouvernement de Robert Bourassa a décidé d'exempter le livre de taxe de
vente. Mais, selon votre logique, on va
taxer des livres parce qu'il n'y a aucune incidence sur le consommateur et on
va créer un programme pour soutenir
les petites librairies, qui peut être plus efficace que la mesure qui est
proposée ici, qui demeure laborieuse, pour dire le moins.
Et moi,
j'endosse la notion qu'il faut aider
nos librairies. Les présentations qui ont été faites sont convaincantes,
mais je demeure toujours... Je regarde votre
tableau de nouveau, comme ma collègue, sur la page 8,
et vos best-sellers, mais c'est
difficile de dire : Est-ce que... Parce qu'il y avait un document, je ne
me rappelle pas lequel, où la part de marché grandissante, c'est les chaînes comme Renaud-Bray plutôt que Costco et
Wal-Mart. C'est plus facile de dire : Wal-Mart et Costco sont les gros méchants. Mais la part de
marché... Alors, dans le tableau qui est ici, qui tombe de 41 % à
25 % pour les tops cinq,
probablement un certain pourcentage est allé à Renaud-Bray plutôt que les
librairies indépendantes. Et est-ce qu'on
veut empêcher Renaud-Bray? Est-ce que Renaud-Bray nuit à la lecture au Québec?
Difficile de conclure ça. Alors, j'essaie
de voir dans... Vos chiffres sont frappants, mais il y a un pourcentage qui est
allé en ligne, j'imagine, il y a un pourcentage des personnes qui
achètent au niveau numérique, il y a un pourcentage qui va acheter dans les
Chapters ou les Renaud-Bray, qui sont quand même des librairies agréées, et il
y a également une certaine partie qui est allée à Costco et Wal-Mart. Alors,
c'est difficile, à partir de votre tableau...
Et, deuxièmement, parce que vous avez fait la
plaidoirie pour l'écosystème... Et Olivieri, qui vient de faire sa
présentation, a dit aussi : On peut avoir 1 % de plus. «Well», sur les
ventes de 3 millions, c'est 30 000 $. Alors, avec 30 000 $ de plus, qu'est-ce qu'on peut faire pour
mieux positionner une librairie, peu importe laquelle, pour tous les changements et les mutations qui sont dans la
vente des livres? La vente en ligne, je pense, est là pour rester. Et
comment s'assurer qu'il y a une présence ou
une vitrine pour les livres québécois à l'intérieur de cette mutation? Je pense
que c'est ça, la question. Et la mesure proposée ici, je pense, ne
répond pas à cette question.
Alors, avez-vous d'autres propositions à faire
pour s'assurer qu'il y a une présence en ligne, une présence sur l'Internet accrue pour augmenter les ventes? Parce
que c'est ça qu'on veut faire, ultimement. Moi, je veux voir plus de
livres vendus au Québec. Je pense que c'est
ça, l'objectif. Alors, comment... Et je trouve que les mesures ici sont
insuffisantes pour s'assurer qu'on a la possibilité de capter et de profiter de
ces nouvelles façons de vendre les livres au Québec.
M. Marcil
(Ianik) : Il y a plusieurs
éléments dans votre intervention. Je répondrais à votre premier clin
d'oeil, disons, sur la taxation des prix du
livre. Économiquement, vous avez tout à fait raison. Taxons les livres,
c'est presque comme les cigarettes. Évidemment, moralement, politiquement,
symboliquement, c'est une autre histoire pour lesquelles raisons, je...
M. Kelley : Je n'ai pas
proposé ça.
• (17 heures) •
M. Marcil
(Ianik) : ... — je sais — pour lesquelles je m'y opposerais
complètement. Cela étant dit, je pense que, d'une part... Il y a deux éléments que je retiens, là, dans votre
question, là. Le premier, c'est... Vous dites, bon, au-delà de la boutade de la taxation, là : Aidons
directement, peut-être, les librairies plutôt qu'imposer une réglementation sur
le prix. Malgré que je sois étiqueté
de gauche, je crois beaucoup au libre entrepreneuriat et surtout à l'innovation
entrepreneuriale, particulièrement au
Québec, et notamment des libraires. Je pense que, si on leur permet de jouer à
armes égales avec tous les joueurs,
que tous les joueurs puissent jouer à armes égales, ils trouveront les
solutions pour passer à travers ces mutations en question et que ce
n'est pas une subvention directe qui permettrait, je pense, de stimuler de la
meilleure façon cette créativité. D'autant
plus que je ne pense pas, effectivement, que Renaud-Bray soit le gros méchant,
que Costco soit le gros méchant ou...
Il n'y a pas... Ce n'est pas les bons et les méchants, là, ici. Je pense que
Renaud-Bray a une stratégie qu'on connaît, a la force qu'on connaît, à
laquelle les librairies, les autres librairies... que ce soient les autres
chaînes ou les autres... les librairies indépendantes peuvent tout à fait faire
face si elles en ont les moyens.
Et les moyens
ne sont pas tellement d'ordre financier, en termes d'énormité de dollars, de
niveau de dollars dont vous parlez,
là, 30 000 $, ou 50 000 $, ou que sais-je. Les librairies,
actuellement, qui survivent survivent littéralement par la peau des dents. Il ne leur en faut pas beaucoup
plus pour s'assurer de survivre, mais survivre en ne sachant pas si
elles vont être là encore l'année prochaine.
Il leur faut... En leur permettant de prendre une petite part du gâteau, une
petite part de ce marché des best-sellers, c'est suffisant pour leur
donner suffisamment d'air pour pouvoir être plus créatives et faire face, dans le cas des librairies
indépendantes, à Renaud-Bray, comme à l'Internet, à Renaud-Bray, à Costco, à...
et je dis Renaud-Bray, bien sûr, comme
chaîne générique en général, et donc de donner à l'ensemble du secteur, de ce que j'appelle l'écosystème…
de se transformer plus rapidement et donc d'avoir un peu d'oxygène, et que les
meilleurs gagnent, là aussi. Il y aura
toujours des librairies qui vont faire faillite, parce qu'elles sont dirigées
par de mauvais gestionnaires ou des gens qui ne sont pas visionnaires,
comme dans tous les secteurs économiques. C'est la vie, il faut être bons, il
faut se distinguer, puis, comme on dit, la partie n'est pas simple.
Cependant, je
pense et je suis persuadé qu'étant donné l'expérience internationale, étant
donné la simplicité, surtout, d'une
telle réglementation — je veux dire, c'est très simple, là, il n'y a pas d'agrément à
avoir, de formulaire à remplir, de comité
d'évaluation, c'est une politique relativement simple en termes
d'application — je
demeure persuadé que c'est la meilleure
façon d'assurer la vitalité de l'innovation entrepreneuriale, qui permet une
meilleure concurrence et une meilleure diversité dans ce milieu.
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Deux minutes.
M. Kelley : Juste rapidement,
un peu, sur la page 9, votre constat — ce n'est pas mon expérience
avec Amazon — vous avez dit que, oui, ils ont les rabais
pour les premiers 10 ou 20 titres, mais, après ça, ils sont plus chers
que dans les librairies. Moi, j'achète
souvent sur Amazon, mais… peut-être c'est différent en anglais, mais
tous leurs livres sont toujours en rabais, de 20 % à 30 %,
presque en tout temps. Alors, je conteste un petit peu votre affirmation que
c'est plus élevé pour les livres 51 à 100. Ce n'est pas mon expérience, je
trouve ça curieux.
M. Marcil
(Ianik) : Sauf votre
respect, je me fierais davantage sur l'analyse statistique qui a été faite par
un de mes confrères que sur votre
impression, peut-être que c'est un cas d'espèce. Il reste que c'est… Amazon,
comme la plupart de ces grandes
plateformes généralistes sur Internet, pratique une politique du «loss leader»,
où on attire le consommateur par des prix très alléchants sur quelques
titres et que l'ensemble des titres… des autres titres est à prix, en général,
sinon plus cher, au moins comparable à l'ensemble du marché.
M. Kelley : Mais votre
affirmation ici, c'est plus cher, et je veux contester ça. Moi, je ne le crois
pas.
M. Marcil (Ianik) : …lire l'étude.
Vous lirez l'étude.
M. Kelley :
Honnêtement, je vais lire l'étude, et tout le reste, mais je vous invite à
aller sur Amazon, et ce n'est pas le cas, je suis certain.
M.
Marcil (Ianik) : Je n'irai pas sur les grands méchants. Non, mais,
blague à part, vous irez lire l'étude, elle est très sérieuse, très documentée,
et sur une longue période, en plus. Il faut tenir compte de la longue période,
dans ce cas-là, aussi.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci. Nous allons
maintenant vers le deuxième groupe d'opposition. Mme la députée de
Montarville, c'est à vous la parole.
Mme Roy
(Montarville) :
Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, M. Marcil. Bien, d'abord, je voudrais remercier mon collègue pour m'avoir
devancée sur la question sur les taxes, parce que, moi aussi, j'ai
sursauté lorsqu'on dit que le prix n'est pas
un facteur décisif dans la décision d'achat d'un livre. Je me dis, bien :
Pourquoi justement s'être tant battu pour ne pas qu'il y ait de taxes
sur les livres? J'y vois là une contradiction. Cela dit, vous avez épuisé la
question avec mon collègue.
Donc,
je vais me faire l'avocat du diable et je vais oser vous poser… Là, je dis
bien : Je me fais l'avocat du diable, là. Je vais oser vous poser une question que personne n'a osé poser ici
encore depuis le début de cette commission. Se peut-il ou se pourrait-il
qu'il y ait actuellement au Québec trop de librairies indépendantes pour la
demande?
M. Marcil (Ianik) : C'est difficile de répondre à ça. Je vous dirais que… La réponse
économique simple est non, pour la raison suivante : le nombre de
librairies a diminué dans le temps, comme on le constate dans le tableau que j'ai présenté, alors que la lecture et les
ventes — sauf ces
dernières années, là, les deux, trois dernières années, qui sont un
phénomène conjoncturel, quant à moi, là, depuis deux ans, là, puis qui est une
espèce de ressac de la crise, là, mais qui
va reprendre — … alors
que les ventes, depuis 15 ans, ont augmenté. Donc, les ventes de livres… la
lecture a augmenté, et le nombre de
librairies a diminué. Donc, pour cette… ce qui me laisserait croire qu'il n'y a
pas nécessairement trop de librairies dans le marché.
Ceci
étant dit, je ne dis pas qu'il faut préserver toutes les librairies qui sont là
actuellement. Là n'est pas mon point. Mon
point, c'est que, si on joue sur toutes les règles… si tout le monde joue avec
les mêmes règles du jeu, ce sont ceux qui ont à rester qui resteront.
S'il y a des librairies qui ont à fermer pour d'autres raisons, c'est-à-dire
pas des raisons de rentabilité causées par
une concurrence déloyale, ce que j'appelle une concurrence déloyale… donc, si
ces librairies, en jouant d'égal à
égal avec les grandes surfaces, avec tout l'ensemble des vendeurs de livres
dans la province, ne réussissent pas à survivre, elles n'ont qu'à ne pas
survivre. Mon objectif ici n'est pas de préserver les 308 librairies du Québec,
loin de là.
Ce
que je prétends, c'est qu'on va donner les meilleures armes à ces
librairies-là, qui ne sont, encore une fois, pas que des commerçants, pour pouvoir se développer et s'assurer d'avoir
tous les outils en main pour se développer dans leur communauté. Si
elles ne réussissent pas à le faire de façon rentable économiquement, mais
aussi en tant qu'acteurs culturels dans leur communauté, elles fermeront.
Mme
Roy
(Montarville) : Prenons l'hypothèse qu'une loi
existe, qu'une loi est adoptée comme l'industrie le souhaite. Selon vous, avec le temps — puisque c'est du temps qu'on gagne pour
s'adapter — au bout
du compte, combien devront tout de même fermer? Avez-vous une idée? Ou
combien pourrions-nous sauver, de ces librairies?
M. Marcil (Ianik) : Je n'en ai aucune idée. Honnêtement, je n'en ai aucune idée et je pense
qu'il faudrait être très, très, très
malin ou très, très dogmatique ou... pas dogmatique, mais, comment dire,
idéologue pour pouvoir prétendre avoir un tel chiffre. Nous savons, en
étudiant l'industrie, qu'il y a quelques... On identifie... La SODEC,
d'ailleurs, l'a fait, la SODEC a identifié
certaines librairies qui sont à risque et qui sont plus fragiles que d'autres.
Étant donné qu'on est dans une
période économique tellement incertaine, étant donné que prédire l'avenir est
la chose la plus difficile à faire — malgré
que tous mes confrères le font jour après jour — j'aurais bien du mal à
pouvoir prévoir un tel... même pas prévoir, mais imaginer un tel chiffre.
Mme Roy
(Montarville) :
Merci beaucoup, M. Marcil.
M. Marcil
(Ianik) : Je vous en prie.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Merci beaucoup, M. Marcil.
M. Marcil
(Ianik) : Ça me fait plaisir.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Nous allons suspendre quelques instants
pour permettre aux prochains intervenants de prendre place.
(Suspension de la séance à
17 h 6)
(Reprise à 17 h 8)
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Donc, la commission reprend ses travaux.
Nous recevons la Maison de la poésie de
Montréal. Mme Courteau, M. Campeau, bienvenue à l'Assemblée nationale. Je
vais vous demander de vous présenter, et par la
suite vous disposerez d'un temps de 10 minutes pour nous faire votre
exposé. Suivra un échange avec les groupes parlementaires. La parole est à
vous, M. Campeau.
Maison de la poésie de Montréal
M. Campeau (Sylvain) : Oui, bonjour. Bien, je me présente, Sylvain
Campeau. Je suis président de la Maison de la poésie, poète depuis une
vingtaine d'années, aussi critique d'art, commissaire indépendant d'exposition
aussi. J'ai rencontré Mme St-Pierre à cette occasion à Guadalajara.
Mme Courteau (Isabelle) : Oui. Donc, M. le ministre, Mme la Présidente. Mon nom : Isabelle Courteau, poète aussi, comme la plupart des gens impliqués dans le domaine de la poésie,
et directrice générale et artistique de la Maison de la poésie, de même
que, donc, fondatrice, cofondatrice, avec d'autres poètes et éditeurs, de la
maison il y a 15 ans.
• (17 h 10) •
M. Campeau (Sylvain) : Le mémoire. La Maison de la poésie est un
organisme à but non lucratif qui, de manière unique dans le secteur du livre et de la littérature, réunit des poètes,
des chercheurs et des éditeurs. La poésie représente un domaine de création effervescent. On peut compter
plus de 500 poètes actifs professionnellement. La Maison regroupe
notamment la plus grande part des éditeurs de poésie ainsi que quatre membres
collectifs, soit le Centre de recherche interuniversitaire sur la littérature
et la culture québécoises, la Quebec Writers Federation, le Regroupement des éditeurs canadiens-français et l'Union des
écrivaines et écrivains québécois. Elle a pour mission de promouvoir la
poésie québécoise, autant au Québec qu'à
l'étranger. Sous le parrainage de Jacques Brault et de feu Paul-Marie Lapointe,
elle est née, en 1999, de l'initiative d'un groupe de poètes et d'éditeurs
convaincus de la nécessité de créer au Québec une institution se donnant pour
mission le développement et le rayonnement de la poésie.
La
Maison de la poésie s'engage à : promouvoir, faire connaître et faire
apprécier la poésie auprès du grand public; soutenir la recherche et le développement des connaissances sur la
poésie; développer et réaliser des activités éducatives et de sensibilisation; favoriser la diffusion des
oeuvres et faire connaître le patrimoine québécois de toutes les langues
et de tous les horizons; encourager la rencontre du public avec des poètes des
scènes nationale et internationale.
Grâce
à l'aide financière des institutions gouvernementales, municipales et privées, la Maison de la poésie anime plusieurs
activités et événements. Je fais une liste des principaux : le
festival de la poésie, dont la 15e édition aura lieu en 2014, qui
accueille annuellement 200 poètes et éditeurs du Québec, du Canada, d'Europe et
d'Afrique et quelque 7 000 visiteurs, ce qui en fait un festival
littéraire majeur à Montréal; le colloque du Festival, 15e édition aussi en
2014, sur diverses questions préoccupant les
professionnels, dont les relations entre la poésie et la philosophie, la
traduction en Amérique du Nord ou, en cette
année 2013, le bilan des 25 ans d'échange avec le Mexique; les entretiens Paroles
sous le signe de l'amitié, avec les poètes les plus marquants de notre
paysage littéraire; l'activité Poètes dans la classe et à la bibliothèque, réalisée auprès de 500 groupes scolaires
au sein de commissions scolaires francophones et anglophones; des tournées de lecture-spectacle au
Québec, de même qu'en France; la série des Rendez-vous poétiques, qui
représente 16 spectacles et tables rondes annuellement et qui se déroule alternativement
à Québec… à Montréal, pardon, puis à Ottawa; et finalement, l'animation d'un
groupe d'alphabétisation.
Depuis 2008, la Maison de la poésie joue un rôle
de chef de file dans la mobilisation du milieu littéraire. Elle a
coordonné les activités de la Coalition des organismes littéraires du Québec
jusqu'en 2012, dont a résulté le Forum sur la création littéraire en 2011, et
coordonne, depuis 2013, le développement du projet littérature sur les routes.
On ne se surprendra donc pas que la Maison de la
poésie se sente doublement interpellée par le projet d'un système de prix unique du livre, auquel poètes et éditeurs
trouveraient certes leur compte. La Maison de la poésie de Montréal
donne son appui à la proposition sur la
réglementation du prix de la Table de concertation interprofessionnelle du
livre, à savoir qu'au cours des neuf
mois suivant l'apparition d'un livre les commerçants puissent offrir à leurs
clients un rabais maximal de
10 % sur le prix de vente suggéré et qu'après ces neuf mois le prix soit
laissé à la discrétion de chaque commerçant.
Le livre de
poésie a ceci de particulier qu'il est un grand générateur d'imaginaire, de
culture et même de changements sociaux. Le Refus
global de Paul-Émile Borduas, ode à la modernité artistique, ne peut se
lire sans Le vierge incendié de Paul-Marie Lapointe. Et un
des poèmes de ce dernier, du recueil Pour les âmes, de 1965, Psaume
pour une révolte de terre, peut sembler très actuel à un jeune militant
écologique d'aujourd'hui.
Nous relisons encore aujourd'hui un Gaston Miron
chanté dont les poèmes épousent sans peine les contours de notre Révolution tranquille. Ne peut-on pas dire
en plus que les poètes ont contribué à l'essor de celle-ci,
l'alimentant, en quelque sorte? La Nuit de
la poésie de 1970 n'en porte-t-elle pas la marque, n'en représente-t-elle pas
la plus vive expression? Publié la
même année que cette Nuit de la poésie, L'Homme rapaillé, de Gaston
Miron, représente bien le produit
unique qui, au fil du temps, s'est imposé et est devenu ce que l'on appelle le
«long seller».
Le livre de poésie a donc besoin d'un réseau
solide, composé de professionnels attentifs et empressés, qui puisse assurer pérennité et résistance aux livres essentiels
que sont les recueils de poésie, comme à des livres d'autres genres
portant, eux aussi, l'empreinte de leur époque et s'inscrivant dans notre
culture. Ce réseau existe, à l'heure actuelle, sous une forme que des années
d'efforts ont façonnée et peaufinée. Le livre de poésie a besoin d'éditeurs
dévoués et convaincus de pouvoir trouver un public à la poésie et de libraires
professionnels chevronnés, fins connaisseurs de leurs produits.
Notre position
est donc motivée par le désir de protéger une structure économique vitale au
milieu, menacée par les magasins à grandes
surfaces et autres supermarchés, qui profitent du fruit du travail des
professionnels du secteur du livre pour ne présenter que les livres
confirmés comme grands vendeurs, cela parfois même en bas du prix coûtant,
comme produits d'appel. Cette situation néfaste fait en sorte que les libraires
éprouvent de plus en plus de difficultés financières et que plusieurs sont
menacés de disparaître.
Ce qui pourrait sembler être un effet normal de
concurrence a un impact important sur le milieu du livre. En effet, comme
nous le savons, les magasins à grande surface et grande capacité de biens
offerts ne vendent qu'un nombre restreint de titres, mais un volume important d'exemplaires de chacun. Le fait de pouvoir ainsi
écouler un grand nombre de
copies leur permet d'offrir des rabais
intéressants, sans commune mesure avec ce que peuvent se permettre les
libraires. De plus, cette offre de livres entre dans une stratégie
commerciale plus large leur permettant de vendre à perte à un client, qui achètera nécessairement un autre produit pour
lequel le profit sera plus important. Les librairies ne peuvent se
permettre d'utiliser de telles stratégies.
Parmi les titres que l'on retrouve dans ces
types de magasins à grande capacité n'apparaît, en plus, qu'un assez petit nombre de livres québécois,
qui vont du roman best-seller au livre de cuisine. Les librairies, quant à
elles, offrent un ensemble
varié et diversifié de livres de tout genre. Ceux-ci peuvent être répartis en
trois catégories : il
y a évidemment les best-sellers, les nouveautés, au nombre de 30 000
titres chaque année, et une collection de livres de fonds de 750 000
titres, exposés à un long cycle de vente, une utilisation importante des étalages
et du fonds de roulement.
C'est
essentiellement sur les livres de la première catégorie et, dans une moindre
part, sur ceux de la seconde que les
librairies font des profits. Il s'avère donc que cette capacité supérieure de
vente que peuvent se permettre les magasins à grande surface, de même que les rabais sans précédent qu'elles peuvent
consentir, font peser la menace de disparition des commerces de livres offrant un éventail de titres
bien plus grand. Pour ces derniers,
la vente de livres n'entre pas dans une stratégie visant la consommation
d'autres produits. Elle est l'essentiel de leur mission. Le fait de ne pas se
limiter seulement aux best-sellers les
confronte à des frais importants dans lesquels la maintenance de leur collection
de livres de fonds occupe une grande place.
Nombre de recueils de poésie sont
publiés chaque année au Québec. Aucun d'entre eux ne s'est jamais retrouvé — est-il
besoin de le dire? — sur
les présentoirs d'un commerce à grande capacité. Ces recueils sont plutôt
l'apanage des librairies. Si le nombre de celles-ci en venait à décroître
substantiellement, la disponibilité de ce fonds d'ouvrages essentiels
deviendrait hautement problématique pour le consommateur.
Année après
année, au Québec, ce sont près de 125 recueils de poésie qui paraissent,
publiés par nos éditeurs agréés. Alors
que le tirage normal d'un roman est de 1 000 copies, celui d'un
recueil de poésie est plutôt de 500. Avec 10 % du prix du livre
comme revenu, le poète n'est certes pas motivé par l'illusion d'un gain
appréciable. Il cherche à donner sens au
monde et à aller à sa rencontre, au sein le plus intime de sa subjectivité et
de sa sensibilité, dans un voyage où la parole est partagée et «co-naissance».
Qui peut mieux qu'un libraire, ce passeur de culture et de mots, aider à cette
rencontre? Fragiliser cet intermédiaire jusqu'à mettre nombre de librairies en
danger de disparition causerait un tort irréparable à la culture d'ici.
On peut
facilement imaginer, sur la base de ce qui arrive présentement dans les pays
n'ayant aucune réglementation — ou
l'ayant abandonnée — que
certaines petites localités perdraient leur librairie. En Angleterre, l'abandon
du Net Book Agreement, accord interprofessionnel au Royaume-Uni, abandon
qui a été fait en septembre 1995, a entraîné
la disparition massive de points de vente. Voilà les conséquences que
peut avoir le fait de s'en remettre au statu
quo pour les avantages que présenterait le fait de permettre à un magasin de
grande surface d'offrir des rabais sur un inventaire de 227 titres sur
les 30 000 nouveautés en langue française par année.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci
beaucoup, M. Campeau. Nous
allons, sans plus tarder, débuter les échanges du côté du
gouvernement, et je reconnais, pour la première intervention, M. le député de
Bonaventure.
M. Roy :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, monsieur. Bonjour, madame. Croyez-vous que
d'autres mesures pourraient être
prises pour sauvegarder les librairies, les libraires indépendants et la
bibliodiversité en général? Est-ce qu'il y a juste la voie d'une
réglementation ou il y aurait peut-être d'autres stratégies à utiliser?
Mme Courteau (Isabelle) : Bien, je
pense que, comme d'autres acteurs qui sont intervenus jusqu'ici... donc il n'y a pas un seul... on a répété le mot
«panacée». Je pense qu'effectivement il ne peut pas y avoir une solution
unique pour un marché et un produit aussi
complexes, un produit, aussi, qu'on dit d'exception puisque c'est un marché
très restreint pour... On parle ici,
bien entendu, nous, pour la Maison de la poésie, de la littérature québécoise,
plus spécifiquement dans les
librairies au Québec, parce que c'est leur premier marché et on croit
effectivement qu'elles n'ont pas toute la place qu'elles pourraient occuper. Alors donc, d'abord, dans le temps devant
nous, c'est une priorité, oui, d'aller vers un soutien, donc, pour préserver, maintenir et peut-être
développer, mais le réseau des librairies actuellement sur le territoire du
Québec, oui, absolument, c'est une première action, et elle est essentielle, un
petit peu comme, donc, Sylvain Campeau le mentionnait.
Donc, ce
n'est pas la seule. On croit que les libraires devraient pouvoir poursuivre ce
qu'ils ont commencé, et qu'ils font
très bien, c'est-à-dire d'animer. Donc, ils assument une animation autour du livre. Alors, la question de l'accès au
livre, c'est une chose, mais il faut
que les gens sachent, découvrent ces livres. Et donc l'animation est une...
Nous, on croit, à la Maison de la
poésie, que ce devrait être un deuxième pas qui est essentiel pour maintenir
dans le temps, donc à long
terme, les libraires. Et, puisque,
les gens, il faut qu'ils développent un intérêt
pour la littérature, il faut qu'ils la découvrent, et ne pas s'en
remettre seulement à des succès médiatiques, mais que, dans leur environnement,
il y ait une présence plus forte du livre de littérature produit au Québec.
M. Roy : Une question. Écoutez,
je voyais les revenus et les ventes des poètes, là. Comment ces gens-là font
pour survivre?
• (17 h 20) •
Mme Courteau
(Isabelle) : Alors, il y a beaucoup d'événements littéraires, une
profusion, qui ne sont pas nécessairement
visibles, ces événements, dans les médias ou dans les journaux, mais par le biais
des libraires, des maisons de la
culture, des bibliothèques, dans les écoles... Donc, les écrivains — et notamment, donc, les poètes,
particulièrement, puisque la poésie se prête
particulièrement à un travail d'animation auprès des jeunes autant que du grand
public — ils sont
extrêmement actifs. C'est un milieu où les gens qui écrivent sont impliqués
comme directeurs de collections, éditeurs, revuistes, bon, diffuseurs, producteurs de spectacles et autant au
Québec, mais aussi beaucoup à l'étranger. On n'est pas conscients, je pense, de... Et c'est difficile de
pouvoir l'être, mais il y a énormément de poètes québécois qui circulent
à l'étranger, reçoivent des prix prestigieux
en France, aux États-Unis, et donc ailleurs aussi, en Allemagne, etc. C'est
les...
La poésie
québécoise est très appréciée, mais aussi, j'aurais envie de dire, donc, on y
prête beaucoup attention, on la suit
de près, parce que c'est un milieu inventif qui fait un travail de
renouvellement de la langue française, donc, dans un contexte peut-être
plus libre que celui de la France. Et, de ce point de vue là, donc, la
population francophone en Europe est
sensible, est très intéressée par la poésie québécoise. Alors, ils sont invités
à des colloques, à des lectures dans des maisons de la poésie. En France, il y en a cinq; en Belgique, il y en a
deux. Donc, ce sont des institutions qui sont nées justement au cours
des années 80 pour prendre le relais du marché du livre, qui commençait, donc,
à se transformer. On a vu les fusions,
tranquillement, des grands groupes d'édition dans les années 80-90. Et les
maisons de la poésie en Europe — il y en a aussi en Allemagne — maisons de la littérature, aussi, c'est des
institutions qui ont pris le relais pour faire de l'animation autour du livre de poésie. Alors, dans ce sens-là,
le poète reçoit des cachets à chaque activité. C'est ça.
Et on croit que, dans les librairies, il
pourrait y avoir des programmes, davantage de collaboration avec les organismes comme le nôtre, qui font de la
création, production et diffusion d'activités, pour qu'on collabore
ensemble et permettre une plus grande sensibilisation, donc, à la poésie
québécoise sur le territoire québécois. Parce qu'on fait souvent ironiquement, donc, la remarque, pour les
artistes québécois et aussi, donc, pour les poètes : Il est
pratiquement plus aisé d'être invité à l'étranger que de circuler sur le
territoire québécois. C'est un défi qu'il nous appartient de relever, je pense.
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Oui. Ça va aller? M. le député de Saint-Hyacinthe.
M.
Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Merci, Mme la Présidente.
Bonjour, M. Campeau, Mme Courteau. Ma question va être assez
simple. Vous mentionnez justement... Au niveau de la vente de livres de poésie,
j'imagine que, dans les best-sellers ou dans
les grandes surfaces... Est-ce que vous avez une présence qui est là ou si ça
ne vous affecte pas du tout?
M. Campeau (Sylvain) : Absolument
pas.
M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) :
Ça ne vous affecte pas du tout?
M. Campeau
(Sylvain) : Non, il n'y a
pas de livres de poésie qui... Ils ne sont jamais dans les grandes
surfaces, sur aucun étalage. La poésie est
un produit un peu étrange, parce qu'on... Comment je pourrais dire? L'idée de
la poésie plaît énormément, et, à
force de travailler avec la Maison de la poésie, j'ai vu aussi que l'idée de
voir et d'entendre le poète aussi. Il y a quelque chose qui plaît et qui
attire les gens vers le recueil de poésie, ce qui explique notre mission, d'ailleurs.
Nous, on fait de la diffusion, on fait des spectacles, mais c'est toujours
fondé sur l'oeuvre originale, d'abord écrite, la plupart du temps, quoiqu'on
soit allés vers des types de poésie plus performative.
M.
Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Au cours des dernières années, est-ce que vous avez vu une évolution du
marché du livre de poésie dans les librairies, là, une évolution positive, là,
et non pas négative, là, en ce sens-là?
M. Campeau (Sylvain) : Je pense que
je vais laisser Mme Courteau répondre à cette question.
Mme
Courteau (Isabelle) : Oui.
Bien, comme on travaille étroitement avec les éditeurs de poésie, le
témoignage qu'on reçoit… puis aussi on fait
des sondages régulièrement auprès d'eux, par questionnaires, et puis… etc.,
donc ce qu'on nous dit, c'est qu'il y
a une stabilité. Donc, de ce point de
vue là, le livre de poésie tire son
épingle du jeu, et ça permet le maintien
des maisons d'édition qui, donc, sont petites, semblent très vulnérables, mais
finalement ces maisons d'édition sont stables et plusieurs, comme le
Noroît, les Écrits des forges, l'Hexagone, donc, ont 40 ou 50 ans. Je parle
aussi des Herbes rouges, qui ont plus de 40 ans, et de jeunes éditeurs
aussi, donc, qui sont arrivés, ont pris une place, ont redynamisé le secteur et
n'ont pas empêché les maisons plus anciennes de maintenir leurs chiffres de
ventes et leur équilibre financier. Alors, c'est assez surprenant, mais il y a
une écologie qui est saine.
M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) :
Merci. Il reste du temps, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Oui.
M.
Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Dans votre conclusion, que vous n'avez pas eu le temps de lire, je
regarde… à la fin, on parle... «Le secteur professionnel du livre mérite que
tous les gestes nécessaires soient posés afin que les consommateurs profitent réellement
de la richesse de la production littéraire d'ici. La création littéraire [du] Québec,
a priori en langue française, doit
disposer de moyens correspondants à la situation» du livre. Quels sont les moyens ou, vous
pensez, les gestes qui pourraient être posés a priori par le gouvernement pour
favoriser, justement, le livre?
Mme
Courteau (Isabelle) : Oui.
Alors, bien, effectivement, il y a toute une… On a parlé souvent, dans le
passé… on a l'expression «la chaîne du livre». Alors, il y a des gens à tous
les maillons de cette chaîne, qui interviennent de façon professionnelle, qui
ont un produit qui est très intéressant, et ça me ramène effectivement à une
intervention précédente où la mise en valeur
de ce produit, donc, pourrait se développer. On croit que ce produit doit être
davantage mis en valeur parce que, pour prendre un exemple qui est…
On sait, les
écrivains sont très tristes de ça de manière générale : les bibliothèques
à Montréal font des acquisitions, acquièrent de la poésie, du roman
québécois, etc., mais, bon, les moyens pour l'animation sont ceux qui existent actuellement; la découverte de ces livres-là n'est
pas nécessairement facile pour le grand public. La critique de poésie
n'est pas très importante dans les journaux.
L'espace médiatique critique a diminué. Ainsi, on revient toujours dans la
logique, actuellement, à un besoin de mise en valeur qui peut passer, donc, par
des activités d'animation autour de ces livres.
Et donc je parlais des bibliothèques parce que,
malheureusement, les bibliothèques acquièrent des livres et, pour ce qui est de la ville de Montréal, s'ils ne
sont pas empruntés, bien, ils sont retirés et vendus à bas coût, donc
1 $ ou 2 $. Et ces actions-là, d'un côté, on peut dire : Bien,
c'est des sous qui reviennent dans les fondations pour de l'animation autour du
livre, mais 1 $, 2 $ pour un livre qu'on a payé 20 $, 25 $,
c'est quand même une perte. Et, de l'autre côté, donc, c'est dépréciant pour les écrivains, c'est vécu comme tel. C'est
une manière de s'en sortir dans le court terme, mais on croit que c'est un indice du fait qu'il manque
d'une valorisation du livre de poésie et de la littérature québécoise en
général, et il manque d'animation autour du livre.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci. Nous allons maintenant du côté de l'opposition officielle. Mme la députée
d'Acadie, c'est à vous la parole.
• (17 h 30) •
Mme
St-Pierre :
Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup d'être parmi nous. Vous arrivez à la
fin de ce long processus de commission parlementaire, et chacun des
témoignages est un témoignage éclairant et qui vient ajouter évidemment
une pierre à cette bâtisse que nous sommes en train de construire. Vous, vous
voyez votre rôle, évidemment comme un rôle majeur dans la promotion de
la culture québécoise, mais évidemment la poésie, je ne pense pas qu'on
retrouve ça dans les grandes surfaces beaucoup. Cependant, est-ce qu'avec cette
situation que vivent les librairies et les
librairies indépendantes vous vous retrouvez dans une situation plus que
précaire par rapport aux autres types de livres qui peuvent être vendus dans les librairies? C'est-à-dire, quand on
parle des best-sellers, bien, on les retrouve dans les librairies indépendantes puis on les retrouve...
bien, on peut les retrouver sur les grandes surfaces, mais de votre côté
c'est vraiment une situation où c'est une
question de… moi, je le comprends comme étant une véritable question de survie,
là.
Mme
Courteau (Isabelle) : Oui,
bien, c'est un travail de terrain, alors c'est vrai que ça se fait dans le
court terme et puis que la perspective,
elle n'est pas joyeuse. Donc, on aimerait qu'il y ait un encouragement pour
faire en sorte, donc, de poursuivre
l'investissement qu'on fait actuellement et avoir devant nous une étape où on
pourra être mieux soutenus dans nos équipes de travail par exemple parce
qu'on se trouve le relais, les organismes de diffusion littéraire comme la Maison de la poésie, mais il y en a d'autres, il y
a aussi les festivals qui jouent un rôle prépondérant dans la promotion
du livre de littérature québécoise au Québec.
Et donc actuellement il y a énormément de stress et d'essoufflement parce
qu'on doit travailler d'arrache-pied avec
des permanences minuscules et donc on n'a pas la possibilité de maintenir des
équipes permanentes de deux, trois, quatre personnes, ce qui serait le nombre
requis pour avoir une action de qualité et pouvoir planifier ces actions-là.
C'est ce qui nous manque, effectivement.
Mme
St-Pierre : ...ma
question autrement, parce que, dans votre mémoire, vous dites :
«Fragiliser cet intermédiaire — qui est le libraire — jusqu'à mettre [son] nombre de librairies en
danger de disparition causerait un tort irréparable à la culture d'ici.»
Donc, les mots sont importants; «un tort irréparable», ça veut dire que vous ne
l'avez pas nécessairement mesuré scientifiquement, mais vous êtes capables de
le mesurer très certainement à la lumière de votre expérience.
Mme Courteau (Isabelle) : Oui, bien,
pour la vente de livres de poésie, c'est vraiment dans les librairies, surtout les librairies indépendantes, mais les
librairies qui s'intéressent à la littérature de création, qui sont peu
nombreuses et qui se dévouent corps et âme,
et, bien sûr, on a travaillé avec Olivieri à maintes reprises parce qu'ils
sont, au bout du compte, peu nombreux
à avoir les ressources pour soutenir une animation. Donc, si on perdait un
allié comme Olivieri, ça serait dramatique.
Mme
St-Pierre : Quel
est le pourcentage de vos ouvrages qui sont… Dans les ventes de livres de
poésie, de recueils de poésie, quel est le
pourcentage de recueils qui… le pourcentage de ventes qui se font par le
consommateur lui-même et le pourcentage de
ventes qui se font par les bibliothèques publiques et les cégeps, les
universités, les écoles et tout le système, là, qui existe au Québec, à
part les librairies?
Mme
Courteau (Isabelle) :
Actuellement, c'est effectivement quelque chose qu'on aimerait connaître, et ça
fait partie des démarches que la Maison de la poésie a entreprises : de
mieux connaître le marché du livre de poésie. Actuellement,
les chiffres disponibles englobent plusieurs genres, et donc en littérature
générale... On a, à l'observateur de
la culture, des chiffres spécifiques pour certains genres mais pas pour la
poésie, et, par exemple, dans ce projet pour lequel on commence à travailler avec l'INRS, donc, on se confirmait
mutuellement donc qu'actuellement il n'y a pas de chiffres disponibles pour la poésie, et c'est quelque chose…
Chaque genre connaissant une dynamique spécifique
avec le marché, ce serait très important pour la poésie d'avoir des chiffres
très précis, même petits, parce que ce qui importe, c'est de faire un pas de plus, et
ce projet de Littérature sur les routes, donc, est important
pour faire avancer le marché du livre
de poésie, un peu comme la danse autrefois l'a fait, c'est-à-dire que ça nous prend des chiffres très précis pour qu'on puisse
faire progresser ce marché de manière objective et concrète.
M. Campeau
(Sylvain) : Juste pour compléter,
le projet dont Isabelle parle, c'est le projet de littérature sur les routes dont on a parlé, qu'on fait en
collaboration avec l'INRS. Mais ce qu'on fait avec l'INRS, c'est un sondage, en
fait, des activités de diffusion qui existent déjà, de manière à savoir
exactement qu'est-ce qui marche, qu'est-ce qui ne marche pas, et pourquoi ça marche, pourquoi ça ne marche pas, de manière
à pouvoir, nous, élaborer par la suite un projet de littérature sur les routes, et c'est une des choses que nous avons
retenues du Forum sur la création littéraire, qui représente une feuille de route pour l'avenir,
extraordinaire, et qui a créé, disons, qui a éveillé un sentiment d'urgence
auprès du CALQ ou un sentiment que
c'était une chose qui était possible, d'autant plus qu'il existait déjà Danse
sur les routes. Alors, je voulais juste compléter, là, parler de ce
projet-là. C'est ce que nous avons en tête pour aller voir ce qui existe au
plan de la diffusion et pour essayer, si on
veut, de coordonner ça un peu mieux, de faire en sorte qu'effectivement, comme
on l'a dit, la littérature — la poésie, dans notre cas — aille sur les routes du Québec avant d'aller
en France, où elle va plus souvent qu'au Saguenay par exemple, ce qui
est un peu ridicule.
Mme
St-Pierre :
Ça va être ma dernière question avant de passer la parole à mon collègue ou à
ma collègue. C'est une petite question
plutôt sociologique. Comment expliquez-vous que… Si l'avenir des librairies
indépendantes est si précaire,
comment expliquez-vous que la population s'en soucie si peu? Et comment
expliquez-vous que les médias, même, n'en parlent à peu près pas?
C'est-à-dire, cette situation-là n'ouvre pas le téléjournal ni à Radio-Canada
ni à TVA ou ne fait pas la page frontispice
du journal. Il n'y a à peu près que Le Devoir qui, de temps en
temps, consacre un article à la
situation des librairies, situation qu'on commence à mesurer depuis 2012, là,
je dirais, 2011‑2012, là. On avait, là,
des gens qui commençaient vraiment à arriver avec des gros questionnements sur
cette question-là. Autrement dit, c'est comme si la population en
général se souciait peu de ça.
Vous
comprenez que, souvent, pour qu'il y ait un changement, il faut qu'il y ait une
certaine pression qui vienne de quelque
part, et on ne semble pas y retrouver un attachement de la part de la
population pour ces librairies indépendantes. Peut-être que je me
trompe, là, mais normalement ça devrait faire l'objet de discussions assez
soutenues dans les différents médias ou ailleurs.
M. Campeau (Sylvain) : Bien, je ne
suis pas sûr d'être d'accord avec vous parce que…
Mme
St-Pierre :
…réagir, là, c'est pour ça.
M. Campeau
(Sylvain) : Nous avons
présentement, là, en fin d'un processus… On est à la fois privilégiés
puis à la fois victimes du fait d'être les
derniers, dans le sens que je me suis tapé tout ce que les autres ont fait et
ont dit auparavant ou presque, et je m'amusais à travers le site que
vous connaissez certainement, Nos livres à juste prix — ils
ont fait un portrait, et le site de l'UNEQ a fait la même chose — des
interventions dans les journaux. J'ai trouvé qu'il y en avait pas mal. Et, généralement,
évidemment dans le site de l'UNEQ, on ne mettra sans doute pas les
interventions contraires à cette réglementation, ceux qui seront opposés, mais
j'ai trouvé que c'était une bonne liste. Ça ne fait peut-être pas la première
page, mais c'est quand même, me semble-t-il, en tout cas une préoccupation
sous-jacente des médias. Et, si c'est une préoccupation sous-jacente des médias, ce doit en être une de la population.
Le média ne parle pas nécessairement d'une chose qui n'intéresse
personne.
Mme
St-Pierre : Donc,
vous considérez présentement, avec cette commission parlementaire, tout ce qui
a été dit ici, toutes les recherches qui ont
été faites, que la situation est tout
à fait bien documentée, qu'on a ce
qu'il faut devant nous pour prendre les décisions qui s'imposent?
Mme Courteau (Isabelle) : Oui. Pour
ce qui est, oui, du prix unique, absolument.
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Merci. Nous allons maintenant du côté du deuxième groupe d'opposition. Mme la
députée de Montarville, c'est à vous la parole.
Mme Roy
(Montarville) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci, M. Campeau. Mme Courteau. J'ai lu
votre mémoire et je me pose des questions,
mais les premières sont très factuelles. Actuellement, au Québec, il y a combien de recueils de poésie, de
titres qui sont publiés à chaque année?
• (17 h 40) •
Mme
Courteau (Isabelle) : Bon,
les nouveautés, les nouvelles publications, à peu près entre 100 et 125 — ça dépend des années, bien entendu — et
c'est un chiffre qu'on a établi par nous-mêmes, qui est connu dans le milieu mais qui… On
a animé un prix des lecteurs pendant plusieurs années qui nous amenait à
répertorier tous les titres, donc les nouveautés de chacun des éditeurs qui
publient de la poésie ou qui ont une collection de poésie.
Mme Roy
(Montarville) :
De ce nombre, sur les 100, 125 publications annuelles, bon an, mal an, les
ventes représentent quel pourcentage? Ou quel pourcentage de ventes de livres
en librairie est de la poésie?
Mme Courteau (Isabelle) : Un peu comme je le disais à Mme St-Pierre, donc,
précédemment, c'est justement sur cet
aspect qu'on souhaiterait avoir plus d'informations. Actuellement, par la loi
n° 51, ce sont les éditeurs qui doivent normalement remettre un
rapport sur les ventes de poésie, et, bon, bien, c'est des gens extrêmement
occupés. Et, bon, la vente de poésie, est-ce
qu'elle préciserait, dans le rapport, les titres québécois par rapport à des
titres, donc, étrangers? Je ne sais
pas, je ne connais pas la manière dont ils sont censés remettre leur rapport,
mais c'est en… On sait qu'à l'observatoire, comme je le disais,
actuellement, ces chiffres ne sont pas disponibles de façon spécifique, par
genres, pour la poésie.
Mme
Roy
(Montarville) : Vous n'avez pas parlé dans votre
mémoire du phénomène du livre électronique, là, de la vente en ligne. Est-ce que le livre électronique
pourrait être une façon d'aider ces auteurs, ces poètes, la diffusion de
la poésie, ne serait-ce qu'une diffusion qui est faite par l'auteur lui-même?
Parce que vous n'en parlez pas du tout.
Mme Courteau (Isabelle) : Oui, effectivement, on n'en a pas parlé, mais on
a un projet. En tout cas, nous, on appuierait
— on
souhaite animer, mais, si ce n'est pas nous… — un projet de librairie de livres
électroniques. On a fait un sondage
auprès de certains de nos membres pour lesquels c'est évident que ce serait
incontournable pour eux, et le plus rapidement
sera le mieux. Puis même des éditeurs… Par exemple, il y en a un parmi nos
membres qui n'a pas de site Web, par exemple, mais pour lui ça demeure
aussi une évidence : on doit avoir une librairie avec les livres
électroniques pour les rendre disponibles partout sur le territoire.
Mme Roy
(Montarville) :
Donc, un autre moyen qui aiderait à cette bibliodiversité, là?
Mme Courteau
(Isabelle) : Oui.
Mme
Roy
(Montarville) : Et vous en avez besoin dans… Au
chapitre vraiment de la poésie, il y a une lacune à cet égard-là?
Mme Courteau
(Isabelle) : Oui.
Mme Roy
(Montarville) :
Je vous remercie infiniment.
Mme Courteau
(Isabelle) : Merci.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Merci beaucoup, Mme Courteau, M.
Campeau.
Nous allons suspendre
quelques instants pour permettre au prochain intervenant de prendre place.
Merci.
(Suspension de la séance à
17 h 43)
(Reprise à 17 h 46)
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Donc, nous reprenons nos travaux et nous recevons
l'Association des éditeurs de langue
anglaise du Québec. Bonjour, M. Philpot. Je vais vous demander
de vous présenter et de présenter également votre organisme. Vous avez un temps maximal de
10 minutes qui vous est alloué pour faire votre exposé. Par la
suite suivra un échange avec les membres de la commission. Je veux vous
souhaiter la bienvenue à l'Assemblée nationale et je vous cède la parole.
Association des éditeurs de langue
anglaise du Québec (AELAQ)
M. Philpot (Robin) : Bien, merci beaucoup. Moi, je m'appelle Robin Philpot, je représente
l'Association des éditeurs de langue
anglaise du Québec, dont le
président, Simon Dardick, est retenu à New York pour le lancement
d'un livre québécois. Je suis aussi éditeur, président éditeur de Baraka Books.
Il
me fait plaisir de vous soumettre notre mémoire sur la réglementation. Pour
nous, c'est un sujet de première importance,
pour nous comme éditeurs mais aussi pour les auteurs que nous publions ainsi
que les libraires qui vendent nos livres, surtout au Québec, et pour
l'ensemble de la population québécoise.
Pour
nous présenter, l'AELAQ représente… regroupe presque la totalité des éditeurs
de langue anglaise au Québec, soit
plus de 20 maisons d'édition. L'association compte une importante presse
universitaire, McGill-Queen's, plusieurs éditeurs littéraires et commerciaux, des éditeurs de livres pour
enfants, de bandes dessinées, de romans graphiques et de plusieurs autres. Mais nos membres publient
notamment des oeuvres de plusieurs écrivains québécois, dont un nombre considérable de traductions de livres publiés
d'abord en français par nos collègues de l'ANEL. Nos livres sont
diffusés partout en Amérique du Nord et dans l'ensemble du monde anglophone.
En
plus du mémoire, je vous ai remis un exemplaire du numéro spécial de Publishers
Weekly, que nous avons publié
conjointement avec l'ANEL l'an dernier, où on a voulu mettre de l'avant et
expliquer, surtout aux Américains mais aussi aux autres lecteurs de Publishers
Weekly, le modèle québécois. Et ça a fait sourciller pas mal. Et vous allez
voir, dans notre mémoire, que nous souhaitons que le Québec continue à être à
l'avant-garde dans l'industrie du livre en Amérique du Nord et que ça demeure
une inspiration pour d'autres.
Il
y a environ 20 ans, les chaînes à grande surface comme Indigo se sont
emparées pas mal du marché au Canada et
aux États-Unis. Ils offraient une grande sélection de livres, une ambiance
agréable où on pouvait s'asseoir et lire et ils offraient aussi d'importants rabais sur les nouveautés, surtout les
livres à succès. À la fin des années 90, comme Steven Wasserman
l'écrivait dans The Nation, les chaînes étaient occupées à agrandir
leurs empires, ouvrant souvent des magasins
tout près des librairies établies dans la communauté depuis longtemps. Ces
chaînes pouvaient offrir à leurs clients d'énormes rabais pour un stock important de produits, lesquels étaient
possibles grâce à des ententes favorables avec les éditeurs, des
ententes qui ne sont pas disponibles pour les libraires indépendants.
• (17 h 50) •
Avant la
venue de ces… l'arrivée de ces chaînes, genre Indigo, Chapters au Canada,
Borders aux États-Unis, et d'Amazon, toutes les nouveautés représentaient une part
importante du revenus, une façon pour des libraires indépendants de
maintenir une viabilité. Depuis ce temps, c'est la catastrophe, et des
librairies ferment partout au Canada et aux États-Unis.
Juste à titre d'exemple, le directeur de Publishers Weekly m'a raconté
que, dans l'espace de 10 à 15 ans, le nombre
de libraires indépendants aux États-Unis a passé de 9 000 à 2 000.
Ça, c'est l'an dernier, 9 000 à 2 000. Au Québec, avec la loi du livre, la loi n° 51, le
gouvernement québécois adoptait une approche innovatrice en Amérique du Nord
et qui a protégé et solidifié et les éditeurs et les libraires et qui a profité
également aux écrivains.
Un aspect important
de cette loi-là qui nous avantage — ici,
au Québec, comme éditeurs anglais aussi, que nos amis de Toronto envient beaucoup — c'est
le système d'agrément des libraires et des éditeurs. Et,
pour cette raison, le Québec a su résister davantage qu'ailleurs. Je vous
donne un exemple. Au Canada, c'est le désert actuellement. Winnipeg, la dernière fois que je suis allé à Winnipeg, en
2010 — 700 000,
800 000 personnes — il n'en reste que deux, librairies. À Québec, moi, j'en ai compté 15. À Thunder Bay, qui est ma ville
natale, il n'y en a qu'une. C'est une ville comparable à Chicoutimi, où j'en ai compté huit. Alors, c'est
vraiment… c'est ça qui arrive si on laisse aller le marché. On a cette situation-là où, dans une grande ville, on n'en
trouve pas, de librairie. On ne trouve pas des endroits comme ça, sauf
un qui est Indigo. Les grandes… les villes vont en avoir.
Donc,
les grands rabais, ça fait très mal aux librairies indépendantes, et la survie
des libraires indépendants au Québec, y compris les libraires de langue anglaise, est très, très
importante pour la poursuite de la culture, pour la
protection de la culture au Québec. Il y a
eu, il n'y a pas longtemps, une institution qui a fermé les portes, c'est Nicholas Hoare,
sur la rue Greene, qui avait un service incroyable de présentation de livres,
mais lui a fermé; il s'est rendu compte que ça ne pouvait plus marcher.
La Table interprofessionnelle du
milieu du livre a proposé cette idée d'un prix unique qui serait appliqué aux
nouveaux livres et qui limiterait les rabais durant les neuf premiers mois
après la date de publication. C'est le type de réglementation qui existe dans la moitié des pays de l'OCDE, et ces pays
possèdent un bon réseau de libraires indépendants. Nous appuyons cette
réglementation-là.
Nos préoccupations, c'est : Comment
on va l'appliquer parallèlement à la vente en ligne par des éléphants, si je peux dire, comme Amazon? C'est une question
que nous vous invitons à aborder dans vos études de réglementation des livres. Il est très important,
j'ajouterais, en tant qu'éditeur de langue anglaise, que des Québécois
lisent des livres publiés au Québec et
écrits par des Québécois. Il
faut qu'on les trouve, il faut
que ces gens-là aient une façon de se faire connaître. Le marché, et j'en parlerai peut-être
à la suite de vos questions, le marché anglais est beaucoup
plus compliqué qu'on le pense. Il est
vaste, mais il est beaucoup plus difficile que le marché français au Québec,
le marché de langue française.
Toute politique culturelle doit,
à notre sens, se pencher… doit aborder l'ensemble de la chaîne du livre. Et, si
on ne le fait pas, on a la situation
qui est arrivée au Canada anglais où les gros éditeurs se sont fait acheter
et les petits éditeurs n'arrivent
plus. Alors, qu'est-ce qu'ils font? Alors, si le Canada veut garder une culture
indépendante, le Canada anglais veut
garder cette culture indépendante, il va falloir qu'il mette plus d'argent.
Alors, ceux qui se préoccupent des fonds
publics investis pour la culture, ils vont en investir davantage,
si on ne s'occupe pas de la réglementation du prix, de sorte que des
éditeurs, des libraires demeurent viables.
Et je termine
en citant un dénommé John Sargent, qui est P.D.G. de Macmillan, qu'on ne peut
pas accuser d'être un grand
socialiste. Et, dans le dernier Livres Hebdo, il a dit : «La seule façon
de redonner au livre sa place aux États-Unis, comme elle l'a en France
ou en Allemagne, c'est d'introduire une forme de régulation de son prix.» Je pense que, jusqu'ici, le Québec a été à l'avant-garde en termes de réglementation du marché et, je vous dis, à chaque fois que je
parle à des collègues de Toronto, de
Vancouver ou d'ailleurs, ils nous envient
énormément du fait qu'on a une certaine réglementation et je pense qu'ils vont regarder très favorablement toute
décision en ce sens prise par le Québec. Merci.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci beaucoup, M.
Philpot. Nous allons débuter les échanges, et, M. le ministre de la
Culture et des Communications, vous avez la parole.
M. Kotto : Merci, Mme la
Présidente. M. Philpot, soyez le bienvenu et merci pour la contribution que
vous apportez à cet exercice fondamental. Je
vais poser d'emblée une simple question. On est ici parce qu'il y a une
proposition sur la table qui est à l'effet
de réglementer le prix plancher du livre neuf physique et numérique. Selon
vous, considérant qu'il y a — et plusieurs personnes qui vous ont précédé
ici l'ont évoqué — tout un
autre bouquet de solutions à apporter à la situation de notre réseau de librairies indépendantes
fragilisées, selon vous, quelle part, en pourcentage,
représenterait l'équation de la législation
du prix unique dans l'équation, quel pourcentage, dans la perspective de la
solution, bien entendu?
M. Philpot (Robin) : À l'heure
actuelle, je pense que ça serait un pourcentage très élevé, là, sur le maintien
de la disponibilité des livres, la capacité
des éditeurs d'accueillir, surtout… Mettons, un petit éditeur qui reçoit un
excellent manuscrit, sa capacité de publier ce livre-là puis le mettre sur le
marché… avoir ce prix unique ou à, mettons, plus ou moins 10 %, ça peut être la différence
entre oui et non, et la découverte d'un nouvel écrivain ou la production d'un
livre important en anglais. Et maintenant, là, c'est devenu…
Je vous donne
un exemple. Ce qui arrive maintenant avec un quasi-monopole d'Amazon — puis il ne faut pas se leurrer, c'est
énorme sur le nombre, surtout dans le marché anglais — ils
commencent maintenant… ils demandent des
surremises. La moyenne pour les livres anglais, c'est 50 %, déjà, en
partant, là, alors qu'ici le distributeur… le libraire prend 40 %. C'est une norme, mais en anglais
c'est 50 %. Alors, après ça, quand il arrive un certain monopole, qui est
le cas d'Amazon, bien, ils commencent
à monter les prix. C'est ce qu'ils font actuellement. Alors, qu'est-ce que
l'éditeur fait en réponse? Bien, il
monte les prix. Alors, le consommateur n'est pas gagnant. L'éditeur, pour
produire ce livre, il va monter les
prix, et il va refuser beaucoup de livres parce que, bon, peut-être, il ne
rentrait pas tout de suite dans ses dépenses. Alors, je pense que
maintenant c'est absolument… Je dirais... Bon, comme pourcentage, je ne
pourrais pas l'établir, mais je dirais que c'est crucial à l'heure actuelle.
M. Kotto : Merci.
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Merci. M. le député de Saint-Hyacinthe.
M.
Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Merci, Mme la Présidente. Vous
parlez, tout à l'heure… vous parlez beaucoup du livre… de la baisse qu'il y a eu, de ventes de livres aux États-Unis,
le nombre de libraires qui a diminué de 9 000 à 2 000. La
proportion dans votre… au niveau des libraires anglophones, est-ce que c'est
pas mal la même proportion au niveau de la diminution?
M. Philpot (Robin) : La diminution?
Moi, je…
M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) :
Ici même, là.
• (18 heures) •
M. Philpot
(Robin) : Bien, à ce que
j'ai compris, il y a eu une perte, mais ce n'est pas une perte aussi
catastrophique en raison des mesures dans la
loi n° 51 qui font en sorte, entre autres, que les institutions doivent
procurer leurs livres chez un
libraire agréé. En Ontario, c'est au… ils font des soumissions. Un libraire
doit faire des soumissions, alors un petit libraire, il ne peut pas compétitionner, concurrencer Indigo. Alors, il
n'arrive pas à fournir des livres aux institutions. Alors, au Québec, à
cause des réglementations qui existent actuellement, on a gardé nos libraires.
Mais
maintenant, avec l'arrivée des grandes surfaces, je pense que c'est quasiment
un coup de grâce qu'on fait à ces libraires
indépendants, un coup de grâce qui a déjà été asséné au Canada puis aux
États-Unis. Ce qu'ont fait les éditeurs québécois de langue anglaise, c'est que nous… Le marché canadien est
extrêmement difficile, c'est un désert, tu n'arrives pas à vendre des livres, alors nous, on vise le
marché américain non pas parce qu'il y a beaucoup de libraires, c'est
parce qu'il est grand. Alors, on peut en
vendre, on peut couvrir nos dépenses. C'est le pari que plusieurs d'entre nous
avons fait, c'est que nos livres doivent se
vendre aux États-Unis et au Canada. Mais le marché canadien, c'est
catastrophique, là.
M.
Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Bien, justement, c'était ma
question, la prochaine question, c'était la proportion qui est vendue à l'étranger dans votre volume de
livres — parce
qu'on dit qu'il y a 4 000… à peu près 4 500 à 5 000 nouveautés
au Québec à chaque année — la proportion qui est traduite ou écrite en
anglais dans ça puis laquelle, proportion, qui est exportée à
l'étranger.
M. Philpot (Robin) : Bien, je peux
parler de notre cas, de Baraka Books, on existe depuis cinq ans. Je dirais, maintenant, c'est les deux tiers, hein? Oui,
moitié, deux tiers, parce qu'on a dit : On n'arrivait pas. D'abord, on a
un problème : le livre canadien
est centré à Toronto, puis nous, on est de Montréal, donc on a un problème de
se faire voir, de se faire entendre,
qu'ils sachent qu'on existe. Alors, souvent, plusieurs d'entre nous avons visé
à percer le marché américain parallèlement,
et parfois ça nous aide sur le marché canadien. Mais, pour le livre en
français, comme je suis également auteur de livres en français, les
ventes, les chiffres de ventes d'un livre au Québec sont supérieurs de beaucoup
à des éditeurs torontois, et de Winnipeg, et
Vancouver. Quand je décris les chiffres de ventes de certains de mes livres, ou
des livres de collègues, ou d'autres auteurs
et je les compare à ce que ces éditeurs vendent au Canada, ils n'en reviennent
pas.
Alors, le
marché québécois du livre fonctionne relativement bien, mais il y a un… on est
à une position… on atteint une
situation charnière, selon moi, au Québec. Et les livres, bien, les livres
anglais, on profite de cette réglementation au Québec. Et nous aimerions qu'il y ait plus de libraires à Montréal et
ailleurs qui vendent des livres en anglais aussi pour que les… mais il
n'y en a presque pas, hein, il n'y en a presque plus. Il y en a certains qui
ont pu continuer à exister.
Je donne un exemple. Nous avons publié une traduction
de l'histoire de Montréal de Paul-André Linteau. Ce livre-là, maintenant, a été
adopté à McGill, à Concordia, à Dawson, à Vanier. Ces livres, c'est… Un
étudiant doit… À Concordia, ils sont obligés de l'acheter à un libraire agréé,
de sorte que ce libraire, Argo ou… les nommer, va être viable à cause d'une réglementation. Mais le problème, maintenant, c'est
pour l'acheteur qui n'est pas, par exemple, obligé de l'acheter, il ne
va pas trouver des libraires pour acheter ses livres du Québec.
Et la plupart
de… J'ai parlé à plusieurs de nos membres. Combien de livres publiés d'auteurs
québécois ils arrivent à placer chez
Costco, le Costco, le Wal-Mart à côté? Ils disent : Zéro, zéro. Donc, les
éditeurs de langue anglaise n'arrivent pas
à placer dans ces grandes surfaces non plus. Et Amazon n'est pas une
solution, parce qu'à moins de faire parler de ton livre… Puis ça ne
marche plus, les pages des… les cahiers des livres sont tellement minces
maintenant, il n'y a presque plus de couverture dans les grands médias. Donc,
faire parler de son livre, c'est extrêmement difficile.
Donc, le libraire va venir… aide à
s'assurer qu'il y a une présence de ces livres-là, qu'il y a… Autrement,
bon, bien, ça va disparaître ou ce ne sera pas publié.
M.
Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Merci. Selon vous, y a-t-il
urgence de réglementer le prix du livre actuellement ou si… Puis combien
de temps ce… depuis combien de temps vous réclamez, mettons, une réglementation
nouvelle?
M. Philpot (Robin) : Bien, je dirais qu'on a discuté au sein de l'AELAQ et, au début, les
gens ont dit : Ah non, ça ne
marchera jamais, ça ne marchera jamais. Puis là on a étudié la question puis on
a dit : Oui, c'est urgent de faire cela, ne serait-ce que pour vendre les livres québécois au Québec. Ça, c'est un
défi, les livres québécois, qu'on puisse les lire ici, qu'on puisse les
trouver ici. Alors, selon nous, c'est urgent. Alors, il y a un changement de…
un peu de… au sein de l'AELAQ qui… Parfois,
ils se voient un peu à Toronto, un peu aux États-Unis, puis là ils ont
dit : Bien, écoute, c'est une bonne
idée, c'est une bonne idée. Puis, peut-être, d'autres vont emboîter le pas
parce qu'ils savent… Quand j'ai mentionné au Literary Press Group de Toronto qu'on étudiait le prix unique au
Québec, les yeux étaient grands de même, là. Ils se sont dit : Bon,
ça prendrait ça. Alors, il y a… Et, peut-être, si on le fait, on va le faire
ailleurs aussi.
M.
Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Mais ma question, c'est :
Depuis combien de temps, mettons, vous réclamez… le milieu réclame, tu
sais, la réglementation d'un prix du livre? Depuis combien de temps? Ça fait-u
un an, deux ans, trois ans?
M. Philpot (Robin) : Je ne sais pas. Depuis longtemps. Depuis, je dirais, vraiment… depuis
que… Bien, on a tous souffert de la situation actuelle. Puis, du moment
où le Québec a commencé d'en discuter, nous, on en a discuté puis on a dit : Oui, c'est une excellente
idée, puis on l'appuie. Mais je pourrais dire qu'on subit la situation
actuelle. Les éditeurs, et nos
auteurs, et les libraires, on subit la situation et puis on se lamente tout le
temps que… bon, bien, qu'est-ce qu'on
va faire. Mais de là à… Quand on a commencé à discuter ici, à l'Assemblée nationale,
nous, on a regardé ça puis dit : Oui, c'est une excellente idée.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci. Nous allons
maintenant du côté de l'opposition officielle. Mme la députée de
l'Acadie, vous avez la parole.
Mme
St-Pierre :
Merci, Mme la Présidente. Donc, si on comprend bien — merci
d'être là, puis ça nous fait plaisir de vous
voir — vos
propos, les librairies indépendantes de langue anglaise au Québec, c'est à peu
près inexistant, il n'y en a presque plus.
M. Philpot (Robin) : Bien, ça tombe comme des mouches, mais ce n'est pas aussi, je dirais,
drastique… ça n'a pas été aussi drastique, pour les raisons que j'ai
expliquées tout à l'heure, qu'à d'autres endroits.
Mme
St-Pierre :
Mais elles ont accès à l'agrément comme les librairies francophones?
M. Philpot
(Robin) : Oui, oui.
Mme
St-Pierre :
Alors, ça doit faire un peu de jaloux du côté des autres provinces canadiennes,
de voir que les librairies ici…
M. Philpot (Robin) : Ah! Ça fait des jaloux, ils nous envient. Chaque fois qu'on parle de la
situation ici, ils disent : Ah, vous êtes chanceux! Mais le
problème, c'est qu'on en perd. Moi, je sais, par exemple… J'ai publié… Je donne
l'exemple, j'ai publié A People's History
of Quebec, de Jacques Lacoursière. Nicholas Hoare en vendait chaque
année je ne sais pas combien d'exemplaires, puis là il ferme. Bon.
Mme
St-Pierre :
C'est un magasin?
M. Kelley :
Nicholas Hoare…
M. Philpot
(Robin) : Nicholas Hoare, c'était sur Greene, là, c'est…
M. Kelley :
…sur Greene…
M. Philpot (Robin) : Mais c'était un endroit où il y avait vraiment un fonds puis, bon… et
c'était une institution, ils avaient
ouvert une succursale à Ottawa puis, je pense, à Toronto ou à Oshawa, une
affaire comme ça. Mais là ils ferment.
Mme
St-Pierre : Si ça se concrétisait, la question d'un prix
fixe ici, est-ce que ça pourrait faire en sorte que les consommateurs migrent vers… je pense à… dans les
endroits frontaliers avec l'Ontario ou le… peut-être pas le Nouveau-Brunswick, mais l'Ontario? Est-ce que ça pourrait
faire en sorte que les consommateurs aillent vers l'Ontario en se
disant : Bien, on va… il va nous coûter moins cher de l'autre côté de la
rivière des Outaouais?
M. Philpot (Robin) : Bien, peut-être à Gatineau, ça pourrait jouer,
comme l'essence, là. Je veux dire, ce n'est pas… Mais quelqu'un qui cherche un livre, peut-être, c'est un risque.
Mais on peut souhaiter aussi qu'on donne l'exemple, hein, on établit un exemple. Et on peut aussi… Si
on le fait, si on réglemente le prix, ces livres-là, ceux qui vraiment
se vendent bien, ils vont se retrouver quand
même à Costco, puis Costco va en vendre autant. Je veux dire, peut-être un tout
petit peu moins parce que les gens vont le trouver chez un libraire
indépendant, c'est sûr, mais les endroits où ça va toucher vraiment, là, sont limités. Je ne pense pas que les gens vont
quitter Montréal pour aller à Cornwall acheter un livre. Ça, je ne le
vois pas.
Et
la question, c'est que… Et puis quelqu'un m'a signalé, puis c'est un fait… Bon,
non, je dirais, il y a un problème par
rapport à Amazon. Puis je sais qu'en Europe, pour avoir rencontré
quelques éditeurs allemands et d'autres, c'est un combat avec Amazon.
Mais, si on se bat avec Amazon, on n'est pas les seuls, parce que les
distributeurs, les auteurs, les éditeurs, on combat tous ce monstre-là qui
prend beaucoup trop de place et qui finit par faire mal à tous.
Mme
St-Pierre :
Merci beaucoup. As-tu des questions?
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Oui. M. le député de Jacques-Cartier.
• (18 h 10) •
M.
Kelley : Oui, merci beaucoup. Bienvenue, M. Philpot. Pour
continuer, parce qu'Amazon est là, et, tout le monde, on peut prétendre : C'est malheureux, ça va
tuer les librairies, mais comment est-ce qu'on peut prendre l'outil
d'Internet… Parce que l'Internet a amené
beaucoup de bien et beaucoup de mal dans notre société, mais c'est là, alors il
faut composer avec. Alors, comment
s'assurer que, dans les achats en ligne… Parce que je pense que les achats en
ligne sont là pour rester, alors
comment s'assurer que… Déjà, le défi pour les livres en français, au Québec,
c'est déjà un défi assez important. Là, on en a encore un autre, la
minorité anglophone, pour s'assurer que les quelques livres… à part de Louise
Penny qui, il semblerait, a trouvé la
recette magique pour vendre ses livres, mais, à part de Louise Penny, c'est
encore plus difficile pour les auteurs et les maisons d'édition qui vous
représentent aujourd'hui.
Alors,
comment s'assurer qu'ils peuvent en profiter, de la réalité des ventes en
ligne, et comment… qu'est-ce qu'on peut
s'assurer qu'il y aura une place? Je comprends, il y a un certain engouement
pour le règlement au sein… le prix du livre,
mais pas sûr que la réglementation du prix du livre pourrait sauver Nicholas
Hoare. Je pense, les problèmes étaient plus profonds encore. Alors,
comment profiter de l'existence des ventes en ligne plutôt que juste
dire : Amazon s'en vient et c'est terrible, alors il faut être en
mode défensif et mode un petit peu protectionniste?
M. Philpot (Robin) : Le danger, à mon sens, c'est un danger de monopole, c'est ça, le
problème, et un monopole fait en
sorte qu'il dicte à tous : l'éditeur, l'auteur, l'acheteur. Et déjà… Puis,
je veux dire, les gens se sont plaints, il n'y a pas longtemps, du fait
que maintenant, comme il n'y a pas de concurrence pour Amazon, ils
montent les prix. Donc, l'avantage qu'on a
eu, depuis quelques années, pendant qu'ils essayaient d'éliminer la concurrence
avec les gros rabais, ça va
disparaître et ça va avoir un effet pervers qui est une augmentation du prix.
Parce que l'éditeur, quand vous faites un livre de 20 $, puis il
prend 50 % en partant, et ensuite le distributeur… bien là, moi, j'ai déjà
fait l'expérience, le livre va coûter 25 $, 26 $. Et déjà… Et,
bon, il va peut-être faire un rabais.
Mais
le danger, ce n'est pas… pour Amazon, c'est empêcher le monopole. À mon
sens, il faut trouver des manières, par
la réglementation, d'empêcher le monopole. Et, comme j'ai dit tout à l'heure,
l'option, que je dirais, canadienne — sur laquelle je pense que bien du monde se pose la question maintenant parce
que c'est le désastre — c'est que l'État finisse par mettre beaucoup d'argent dans
la culture pour garder en vie une industrie du livre qui souffre tellement.
Alors, je pense que c'est la… le prix unique est la façon de contenir la
volonté d'Amazon.
M.
Kelley : Mais est-ce qu'il y a d'autres moyens? Je comprends…
Et même on voit dans… va dans un Chapters ou un Indigo, et, sur le
premier étage, il y a de moins en moins de livres et de plus en plus de…
n'importe quoi, les pots de thé et les
autres objets, qu'ils essaient de diversifier leur offre de vente pour soutenir
la vente des livres qui était censée d'être leur «core business», si
vous voulez.
M. Philpot
(Robin) : Bien oui.
M. Kelley :
On voit aux États-Unis : Borders n'est plus là, Barnes & Noble a eu
beaucoup de misère avec… je ne me rappelle pas le nom de leur tablette, qu'ils
ont essayé de mettre ça en marché avec beaucoup, beaucoup de difficultés.
Alors, on voit que, même pour les grandes chaînes de livres, la vie n'est pas
simple. Alors, pour nos indépendants, c'est encore plus difficile.
Alors,
tout le monde, d'une certaine façon, est menacé par l'arrivée des ventes en
ligne. Mais, si j'ai raison que les ventes en ligne sont là pour rester,
comment changer la donne que ce n'est pas uniquement un Amazon ou un monopole? Je comprends les craintes d'un monopole,
j'endosse ça aussi, mais comment empêcher ça? Parce qu'Amazon, ça
a pris 15 ans. Les premiers 12, 13 ans
étaient… même pas fait des profits, hein, Amazon était… une des choses…
que c'était soutenu par la vente des actions sur la bourse plutôt que par les
ventes réelles sur l'Internet.
Alors, comment en
profiter? Parce que moi, je pense, quand on va faire des ventes en ligne, pour
mettre en évidence vos livres, les livres de
vos confrères en français au Québec… Comment ça serait, que cet outil moderne
de rendre les livres disponibles? Et
je pense qu'on a tout intérêt de rendre
le livre le plus accessible possible. Comment est-ce qu'on peut en profiter pour mettre en évidence les livres québécois,
anglais ou français?
M.
Philpot (Robin) : Bien, en
ligne… D'abord, au Québec, on a quand
même soutenu pas mal la
conversion. Tous nos livres à nous sont
convertis en numérique, ils sont déposés chez De Marque, c'est l'entrepôt De
Marque, puis ils font un travail… Peut-être,
ça pourrait être mieux avec les livres anglais. On essaie de vendre en ligne à partir de nos sites, on essaie de faire
de la concurrence à Amazon en vendant en ligne, mais on est obligés de
baisser le prix pas mal, ou augmenter le
prix puis le baisser, là. Je veux dire, c'est… on pourrait dire que c'est un
peu malhonnête comme façon de faire, là, qu'on monte le prix puis ensuite on dit : On vend avec un rabais de
40 %. Ce n'est pas intéressant,
mais comment… je veux dire, c'est un
problème. Et le prix unique, ce serait formidable parce que ça va régler des
problèmes pour nous, les éditeurs, et
on va pouvoir accueillir des auteurs qu'on a… que maintenant il faut qu'on
dise : Bien non, là, c'est un livre important que vous faites, mais on n'est pas capables de
rentrer dans nos coûts. L'autre chose, c'est qu'on va venir cogner aux
portes pour plus de subventions ou plus de
crédits d'impôt, tu sais, je veux dire… Mais c'est l'un ou l'autre, là, il me
semble.
Alors, la
vente en ligne est très, très bien, elle est très bien, mais, si on a un prix
unique pour la vente en ligne au Québec,
on va régler beaucoup de problèmes, là. Parce que le monde, peut-être, ils vont
les trouver en ligne chez Amazon, chez l'éditeur, chez De Marque,
chez eBound ou ailleurs, là, ils vont les…
M. Kelley : Merci.
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Merci. Nous allons maintenant du côté de deuxième groupe d'opposition. Mme la
députée de Montarville, vous avez la parole.
Mme Roy
(Montarville) :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci beaucoup pour votre mémoire, pour
votre présentation.
Et j'aimerais
revenir sur cet effet pervers. Parce que ce que je comprends, puis, je pense,
vous êtes le premier à le dire, c'est
que, oui, vous êtes pour cette réglementation parce que c'est comme s'il n'y
avait pas d'autre moyen, là, pour le moment,
là, mais, si on réglemente, l'effet pervers fera en sorte que les gens qui
courent après les rabais vont se tourner, ils vont aller acheter en ligne, justement. Donc, ça va peut-être
accélérer la problématique. Comment contrer ça, puisque, si on fait disparaître les rabais dans les grandes
surfaces, il n'est pas garanti que les gens iront en petites librairies, et là
on va accélérer les ventes du livre en ligne? On est vraiment pris, là, dans la
quadrature du cercle, là.
M. Philpot
(Robin) : Oui, mais c'est la
question qu'on pose dans le dernier paragraphe de notre mémoire et on n'a pas nécessairement des solutions. Mais je sais
que, pour avoir parlé à des éditeurs français et allemands, la question
est posée ailleurs aussi. Alors, nous, on
n'a pas de solution facile pour ça. Est-ce que, je veux dire… Donc je ne peux
pas répondre à cette question-là. Mais il
faut se poser la question : Est-ce qu'Amazon s'installe ou… On
commande le livre à Amazon Canada ou Amazon.com; est-ce
qu'ils vont avoir ces rabais pour le même livre? Et, bon, avec les coûts d'expédition, bon, est-ce que ça va s'équivaloir
au prix qu'on trouverait chez un libraire? Mais c'est une question qu'il
faut poser. Nous, on n'a pas la solution, et j'espère que vous allez la trouver
parce que c'est… Mais je sais que nous ne sommes pas seuls à poser cette
question-là.
Mme Roy
(Montarville) : Parce que, si je continue avec votre
hypothèse de travail, qui est très logique, cet effet pervers, si on enlève les gros rabais, les gens
iront chercher les gros rabais ailleurs. Donc, on fait mal à l'économie,
notre économie quand même québécoise puisque
ce sont des ventes qui ne sont pas faites ici. Dans cette optique, est-ce
qu'on pourrait ne pas toucher aux gros rabais et trouver une autre solution ou…
Je comprends que c'est extrêmement… c'est
que c'est multifactoriel. Ce n'est pas uniquement le gros rabais de la grande
surface qui fait mal, c'est l'alternative que les gens trouveront.
• (18 h 20) •
M. Philpot
(Robin) : Bien, quand les…
Je ne peux répondre que… L'expérience que j'ai eue à Winnipeg ou à Thunder Bay : quand tu veux trouver un livre,
tu n'en trouveras pas, quand tu veux aller bouquiner, tu ne pourras pas
faire ça. Donc, tout cet aspect culturel
n'existe presque plus. Tout ce qui existe avec des libraires, des gens qui
conseillent, des gens avec qui on entretient des bonnes relations de communauté
dans les communautés, ça n'existe plus et, à mon sens, c'est
une énorme perte qui est arrivée assez lentement.
Mme St-Pierre a posé la question à ceux qui ont présenté… Pourquoi
les gens ne s'en émeuvent pas, de la perte d'un rival? C'est quelque
chose qui se fait tranquillement,
mais, d'un coup, tu te rends compte que tu n'en a plus. C'est ça qui est
arrivé à Winnipeg. Les gens disaient : Bien, on en avait cinq, on en avait
sept, puis là il ne reste qu'Indigo puis un McNally Robinson. Donc, c'est une
perte culturelle considérable et une perte d'un sens de communauté.
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Merci. Merci beaucoup, M. Philpot.
Et, avant de passer aux remarques finales, je
vais procéder au dépôt des mémoires des personnes et des organismes qui n'ont pas été entendus lors des
auditions. Je n'avais pas prévu suspendre les travaux, nous allons
continuer quand même.
Mémoires déposés
Donc, avant de passer aux remarques finales, je
vais procéder au dépôt des mémoires des personnes et des organismes qui n'ont pas été entendus lors des auditions.
Il s'agit des mémoires des Éditions Québec-Amérique et les Éditions
Séditions.
Remarques finales
Donc,
sans plus tarder, nous allons passer aux remarques finales. Et, pour débuter,
j'invite la porte-parole de la deuxième
opposition en matière de culture et de communications et députée de Montarville
à faire ses remarques finales pour une durée maximale de trois minutes.
Mme la députée de Montarville, vous avez la parole.
Mme Nathalie Roy
Mme Roy
(Montarville) :
Oui, merci beaucoup, Mme la Présidente. D'abord, d'entrée de jeu, je voudrais remercier tous ceux et celles qui ont participé à
ce forum, à cette consultation, à ces gens qui sont venus témoigner de
leur réalité. Ça nous en dit beaucoup, il y a une diversité d'opinions.
On a participé
activement à ces auditions, des auditions qui proposaient une réglementation.
Et on parlait de consensus, certains oui, d'autres non, donc on pourrait parler
d'une réglementation quelque peu controversée sur le prix des livres neufs.
Nous n'étions pas du tout chauds à l'idée de
l'imposition de la réglementation proposée et nous n'avons pas beaucoup changé
d'idée. À la Coalition avenir Québec, nous nous opposerons à toute
réglementation qui ferait en sorte que les lecteurs, les pères et les mères de famille auraient à payer
plus cher pour leurs livres. La classe moyenne est déjà étouffée par une foule
de mesures gouvernementales et la
multiplication des taxes. Nous ne voulons pas qu'elle fasse les frais d'une
réglementation du prix du livre neuf, et la démonstration n'a pas été faite
qu'ils ne feront pas ces frais. On n'a pas eu de démonstration hors de tout
doute.
Nous
avons retenu que les avis peuvent varier beaucoup d'un spécialiste à l'autre,
d'une organisation à l'autre au fil de ces témoignages. Mais moi, il y a
deux consensus qui semblent émerger.
Le
prix fixe des livres neufs pour une période de neuf mois et la possibilité de
rabais de 10 % au maximum ne donneront pas la garantie que
cesseront les fermetures de petites librairies. Au mieux — je
dis bien dans le meilleur des
scénarios — la
réglementation proposée va repousser de quelques mois l'urgence de s'adapter au
numérique, qui attire progressivement
bon nombre de lecteurs, et de jeunes en particulier, ce qui interpelle tous les
acteurs de la chaîne du livre.
D'ailleurs,
si j'osais parler d'un troisième consensus, je dirais que tout le monde ici
veut défendre l'importance de la
bibliodiversité. J'en suis et ma formation politique également. Mais, après
avoir entendu le père de la loi-cadre sur le livre, M. Denis Vaugeois, nous dire que la législation proposée n'aurait
qu'un effet psychologique et qu'il ne croyait pas, et là je le cite, au
déplacement de la consommation des magasins de grande surface aux librairies, il
a, à ce moment-là, confirmé mes appréhensions.
Nous
croyons que, pour favoriser la diversité dans l'écosystème du livre et
s'adapter à la montée du commerce électronique
et des livres numériques, il nous faut de bien meilleures mesures. Une solution
temporaire de fixation des prix ne réglera pas le problème du manque d'achalandage
de certaines petites librairies, un problème qui est multifactoriel comme sont venus nous le dire plusieurs intervenants. C'est ce que nous croyons. Et, à nouveau, je tiens à remercier
tous ces gens qui nous ont fait part de leur réalité, réalité qui, pour
certains, n'est pas facile. Merci.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci
beaucoup, Mme la députée de Montarville. J'invite maintenant la porte-parole de l'opposition
officielle en matière de culture et députée de l'Acadie à faire ses remarques finales pour une durée maximale de six
minutes. Vous avez la parole, Mme la députée.
Mme Christine St-Pierre
Mme
St-Pierre :
Merci, Mme la Présidente. Tout d'abord, j'aurais une question concernant le…
technique. Si j'ai une demande à faire par rapport à un règlement, est-ce que je dois la faire après les remarques du ministre
ou je la fais à l'intérieur de mes remarques?
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Normalement, je pense que vous devez le
faire… vous pouvez le faire maintenant.
Mme
St-Pierre :
En même temps?
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Ou même maintenant, avant de commencer
vos remarques.
Mme
St-Pierre : Maintenant?
O.K. Alors, tout d'abord, je veux remercier tous ceux et celles qui ont
participé aux travaux de cette commission.
Vous avez vraiment abattu un travail colossal et un travail
remarquable. Le gouvernement du Parti
québécois est en fonction depuis un
an maintenant. Ce gouvernement a eu le temps de prendre connaissance de
cet important dossier, car déjà il avait,
dans ses cartons, toute la documentation, enfin, une grande partie de la
documentation concernant cet important dossier. Donc, 12 mois plus tard, enfin,
11 mois plus tard, la commission a entrepris ses travaux. Cette commission a étudié et présenté… enfin, ceux qui sont
venus à la commission ont présenté tous les tenants et aboutissants
concernant ce dossier.
Je
l'ai souvent dit, le sort des librairies indépendantes est maintenant entre les
mains du ministre. Le ministre doit mettre son chapeau de ministre, soit
celui de protecteur de la culture québécoise, celui de protecteur des
créateurs, protecteur de tous ceux et celles qui vivent de la culture.
On le dit souvent, la lecture est la nourriture
de l'âme. Le ministre a écouté, il a bien écouté, maintenant il doit agir. Il se doit d'être en mode solution. Il
se doit d'être transparent car il a créé des attentes. Le milieu attend un
geste de sa
part et un geste de son gouvernement rapidement. Si sa solution n'est pas celle
du prix unique, eh bien, il doit dire rapidement quelle est cette solution. Son leadership est attendu dans ce dossier.
Les librairies jouent un rôle essentiel dans notre société. Le
gouvernement et le ministre se doivent d'être porteurs de ce message. Le
dossier a suffisamment été documenté.
Comme l'a dit
M. Dany Laferrière lors de cette commission, plus tôt cette semaine :
«...la situation sera toujours précaire.» Je le cite : «On ne
pourra jamais répondre à la question : voilà ce qu'il faut précisément
pour que le milieu soit en santé
brusquement. [...]tout ce qu'on demande, quelque part, c'est le choix de
lecture, la qualité de la littérature, la qualité des livres [...] que
l'État puisse protéger cela, parce qu'on ne peut pas faire tout seul — le
faire, tout ça, ou le faire tout seul — visiblement, dans cette
histoire-là. Et sinon, on sera avalés par le système économique marchand.»
Alors, Mme la
Présidente, en terminant, j'ai une requête à faire, relativement… conformément
à l'article 176. Cet article se lit comme suit :
«176. Rapport contenant des observations,
conclusions ou recommandations —
Lorsqu'un membre en fait la demande au terme
de l'étude d'un mandat confié par l'Assemblée, toute commission dispose de
trois jours francs pour déterminer en séance de travail les
observations, conclusions ou recommandations qu'elle entend formuler.»
Alors, à la
suite… Permettez-moi donc d'évoquer évidemment cet article 176 afin que la
commission puisse se réunir en un temps jugé opportun afin de pouvoir
déterminer en séance de travail les observations, conclusions ou
recommandations qu'elle entend formuler. Merci, Mme la Présidente.
• (18 h 30) •
La Présidente
(Mme Richard, Duplessis) : Merci, Mme la députée de l'Acadie.
J'ai bien entendu votre demande. Nous en tenons compte et nous allons
convoquer une séance à cet effet. Merci.
M. le ministre de la Culture et des
Communications, pour vos remarques finales, vous avez un temps maximal de six
minutes.
M. Maka Kotto
M. Kotto : Mme la Présidente,
chers collègues, membres de la Commission de la culture et de l'éducation,
mesdames et messieurs.
Avec la fin
des consultations particulières sur le règlement du prix de vente au public des
livres neufs imprimés et numériques,
le gouvernement vient de tenir l'un de ses engagements, soit celui de permettre
un vaste exercice démocratique sur cette question.
Ce que je
retiens des travaux de cette commission, c'est la mobilisation sans précédent
des acteurs du milieu du livre qui,
d'une seule voix, ont porté un message clair dans cette enceinte : Sauvez
la librairie indépendante agréée. Je retiens que la loi du livre a été
saluée, ici comme à l'international, et qu'elle demeure un précieux héritage
tant en matière de diversité de l'offre que d'accessibilité aux livres. Ces
acquis doivent être, sans conteste, protégés et consolidés.
Je retiens
que les intervenants du milieu du livre ont été proactifs à l'égard
des différents bouleversements liés à la
fois au développement rapide des technologies numériques, au
comportement des consommateurs, à la concurrence. Je retiens que le soutien gouvernemental a servi le milieu du livre et contribué à son essor et à son rayonnement.
Je retiens que certaines initiatives de réglementation du prix des
livres mises de l'avant à l'étranger sont structurantes, mais se sont révélées
insuffisantes et que le Québec doit se préoccuper des compétences en littératie
de sa population.
Même si la question de la réglementation sur le
prix de vente n'a pas fait l'unanimité entre les 42 individus et groupes entendus pendant six jours dans le cadre
des travaux de la commission, il est bon de souligner qu'il y a eu des
consensus, dont celui sur le rôle vital des librairies. Le livre n'est pas un
produit commercial comme les autres. On ne parlera jamais assez de son rôle
dans le développement culturel, économique et identitaire dans notre société.
Maintenant,
au terme des travaux de cette commission, je vais devoir évaluer la possibilité
de réglementer le prix de vente au
public du livre neuf, imprimé et numérique, tout en ayant à l'esprit les
objectifs toujours pertinents de la loi sur le livre, c'est-à-dire augmenter l'accessibilité territoriale
et économique du livre et développer une infrastructure industrielle et commerciale concurrentielle dans le domaine du
livre. Et je garde aussi en mémoire les objectifs de la Politique de la lecture
et du livre, qui vise : à
susciter chez les jeunes l'éveil à la lecture et le goût de lire, à garantir
aux populations en difficulté de lecture l'exercice de leurs droits
fondamentaux à l'éducation et à la culture, à favoriser le développement et le
maintien des habitudes de lecture et, finalement, à offrir aux lecteurs
toute la diversité de la production écrite, notamment la production québécoise.
S'il n'y a
pas eu consensus sur le prix de vente du livre, nous pouvons tous ici convenir
de sa valeur inestimable pour notre
société. Je remercie toutes celles et ceux qui sont venus témoigner à la
commission. Je peux vous assurer que je vous ai entendus et que vous avez été entendus par tous les
parlementaires ici présents, que je tiens d'ailleurs à remercier
chaleureusement. Je veux aussi souligner le travail de l'équipe de mon
ministère, qui a été mis à contribution tout au long de cet exercice.
Enfin, Mme la Présidente, je vous remercie, Mme
la secrétaire, vous également, d'avoir conduit ces travaux avec patience et
courtoisie. Merci.
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Merci beaucoup, M. le ministre. Je tiens à vous remercier, M. le ministre,
membres de la commission parlementaire, également, le personnel de la
commission ainsi que les pages qui, souvent, nous apportent du café. C'est de
nombreuses heures en commission parlementaire.
Donc, je vous souhaite une bonne fin de soirée à
tous et à toutes, et, la commission ayant accompli son mandat, ajourne ses
travaux sine die. Merci.
(Fin de la séance à 18 h 34)