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Version finale

40th Legislature, 1st Session
(October 30, 2012 au March 5, 2014)

Monday, August 19, 2013 - Vol. 43 N° 44

Special consultations and public hearings on the consultation paper on the regulation of retail prices of new printed and digital books


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Table des matières

Remarques préliminaires

M. Maka Kotto

Mme Nicole Ménard

Mme Nathalie Roy

Mme Françoise David

Auditions

Association des bibliothèques publiques du Québec (ABPQ)

Union des écrivaines et écrivains québécois (UNEQ)

Association nationale des éditeurs de livres (ANEL)

M. Label inc.

Institut de recherche et d'informations socioéconomiques (IRIS)

Autres intervenants

Mme Lorraine Richard, présidente

Mme Dominique Vien, vice-présidente

M. Émilien Pelletier

M. Sylvain Roy

M. Geoffrey Kelley

*          M. Stéphane Legault, ABPQ

*          Mme Eve Lagacé, idem

*          Mme Sylvie Desrosiers, UNEQ

*          M. Francis Farley-Chevrier, idem

*          M. Jean-François Bouchard, ANEL

*          M. Richard Prieur, idem

*          M. Arnaud Foulon, idem

*          M. Louis-Frédéric Gaudet, idem

*          M. Guillaume Déziel, M. Label inc.

*          M. Simon Tremblay-Pepin, IRIS

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Quatorze heures neuf minutes)

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare laséance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Tout d'abord, chers collègues, je veux vous souhaiter la bienvenue aux consultations. Je veux vous souhaiter un bon retour à l'Assemblée nationale.

Sans plus tarder, nous allons commencer. Donc, le mandat de la commission est de tenir des auditions publiquesdans le cadre des consultations particulières sur le document intitulé Document de consultation sur la réglementation du prix de vente au public des livres neufs imprimés et numériques.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. Mme Charbonneau (Mille-Îles) sera remplacée par Mme Ménard (Laporte) et M. Sklavounos (Laurier-Dorion) par M. Kelley (Jacques-Cartier).

• (14 h 10) •

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci. À l'ordre du jour, cet après-midi, nous allons débuter par lesremarques préliminaires, puis nous recevrons l'Association des bibliothèques publiques du Québec, l'union des écrivaineset écrivains du Québec — l'UNEQ — l'Association nationale des éditeurs de livres — l'ANEL — M. Guillaume Déziel etM. Label, et nous terminerons cette journée avec l'Institut de recherche et d'informations socioéconomiques — l'IRIS.

Remarques préliminaires

Sans plus tarder, je vous invite, M. le ministre de la Culture et de l'Éducation — woups, une petite erreur ici, parceque je ne pense pas que vous soyez ministre de l'Éducation — des Communications — je vais l'inscrire, désolée — donc,M. le ministre de la Culture et des Communications, à faire vos remarques préliminaires. Vous disposez d'un temps de six minutes. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Maka Kotto

M. Kotto : Merci, Mme la Présidente. Je vous renvoie vos salutations enjouées. Chers collègues membres de lacommission de la culture et des communications, mesdames et messieurs... et de l'éducation — cette fois-ci, c'est moiqui fais un impair — c'est avec grand plaisir que je prends part aux consultations particulières et auditions publiques sur ledocument de consultation relatif à la réglementation du prix de vente au public des livres neufs imprimés et numériques.

Je rappelle que la tenue de cet exercice a été annoncée par la première ministre du Québec dans son discours inaugural le 31 octobre dernier, et le 4 juin de cette année, par l'adoption d'une motion. L'ensemble des membres de l'Assemblée nationale a souscrit à la tenue de cette commission parlementaire, ce dont nous sommes très heureux, carcette dernière va nous permettre de réfléchir aux moyens d'assurer l'avenir du livre, mais également de celles et ceux qui font profession d'en encourager la lecture et l'accès au Québec.

Cette commission va nous permettre de prendre connaissance des avis qui nous seront présentés dans la perspectivedes choix les meilleurs qui doivent être faits pour notre pays. Je me permets de rappeler que la volonté du gouvernementest de répondre aux préoccupations des acteurs de la chaîne du livre, des créateurs aux éditeurs en passant par les libraireset les distributeurs, et ce, pour le plus grand bénéfice de nos concitoyennes et concitoyens qui souhaitent avoir accès à une offre diversifiée sur l'ensemble du territoire québécois.

Ces préoccupations ont été maintes fois exprimées au cours des années, et l'opportunité d'une loi sur le prix desouvrages nouvellement parus a maintes fois été évoquée. C'est néanmoins la première fois qu'un gouvernement consacreà cet enjeu spécifique un exercice public de consultation. Le dernier rendez-vous d'importance a été le Sommet de la lectureet du livre, en 1998. Il a conclu à l'adoption de la Politique de la lecture et du livre. C'était sous l'égide d'un gouvernement du Parti québécois et de notre ex-collègue, Mme Louise Beaudoin.

Je veux aussi préciser qu'en matière de soutien et de réglementation du secteur du livre au Québec nous disposonsdéjà de politiques publiques et d'un cadre législatif élaboré et apprécié pour leur efficacité. Mais nous conviendrons quecela ne nous dispense cependant pas de l'effort supplémentaire à fournir pour nous rapprocher davantage à la perfection.

Aussi, le Québec fait preuve d'initiative en ce qui a trait au soutien de ses créateurs, à la valorisation de la lecture,à la promotion de la culture et au développement de la littérature : l'exemption de taxe sur les livres, qui représente un soutien indirect de quelque 55 millions de dollars par année, l'aide apportée aux auteurs, aux éditeurs, aux libraires et auxsalons du livre par le Conseil des arts et des lettres du Québec, la Société de développement des entreprises culturelles et le ministère de la Culture et des Communications, le rayonnement de la Grande Bibliothèque, le financement d'un réseau bien implanté de bibliothèques publiques, notamment par de nombreux achats de livres, les mesures gouvernementales decompensation des droits d'auteur et la Loi sur le développement des entreprises québécoises dans le domaine du livre, qui, depuis 30 ans, a contribué largement à la consolidation de ce secteur.

Ce sont là autant d'actions fondamentales posées par l'État afin de soutenir un secteur que nous jugeons prioritaire. Ces acquis sont à verser à notre actif comme société et ils nous rappellent que le gouvernement a répondu présent quand,dans notre histoire, notre culture et notre littérature nécessitaient un soutien collectif. C'est dans cette même perspective derecherche… d'équité, d'équilibre et de souci du bien commun que nous devons considérer cette commission parlementaire. Cette consultation est en elle-même un moment important de notre histoire, puisqu'elle nous permettra de dresser un état des lieux d'un environnement culturel et commercial d'autant plus complexe que viennent s'ajouter de nombreusesinterrogations et préoccupations liées à l'avènement de l'ère numérique. Sans préjuger des conclusions de nos échanges,un fait demeure. Il est certain que le gouvernement trouve impératif que puissent vivre décemment les libraires de nosvilles, de nos villages et de nos quartiers. Aussi, nous encourageons un très large accès au patrimoine littéraire universel surl'ensemble du territoire, ce qui comprend des œuvres qui ne sont pas nécessairement dans la liste mensuelle des best-sellers, si vous me permettez cet anglicisme de circonstance.

Ces principes font, j'en suis persuadé, l'unanimité parmi les participants de la commission. Tous sont pour le partagede la connaissance. C'est la question des moyens qu'il reste à établir. Quel serait l'impact d'une réglementation du prix devente au public des livres neufs, en plus de ce que fait déjà le gouvernement en faveur de la lecture et du livre? Doit-on intervenir davantage? Chose certaine, ces questions exigent des démonstrations convaincantes. Ainsi, quoi qu'il en soit desopinions personnelles et des convictions politiques, nous devons faire un exercice d'analyse fouillé et systématique des tenants et aboutissants des pistes d'action proposées afin de dégager des avenues viables pour l'avenir.

Nous avons donc de studieux et rigoureux travaux devant nous. Les intervenants favorables à une augmentation du prix du livre devront établir l'étendue et les limites d'un tel choix de société et statuer sur les mécanismes qui en feraient une mesure optimale et juste. D'autres intervenants préciseront leurs préoccupations sur son efficacité ainsi quesur les impacts qu'ils appréhendent pour l'économie, les lecteurs, les commerçants et le marché du livre. Nous étudieronsce qui se fait ailleurs, tout en gardant à l'esprit que le Québec a développé un modèle original, qui mise sur des politiquesefficaces pour la promotion de la lecture et le soutien des auteurs, des institutions et des entreprises du livre. Le secteurdu livre est un écosystème complexe qui subit présentement de fortes pressions des nouvelles pratiques de consommation.L'essor de la vente en ligne, le livre numérique, la puissance des mégadétaillants et les problèmes de relève sont autant de défis inédits, notamment pour nos librairies québécoises. Certains de ces enjeux comportent, par ailleurs, leur part d'opportunités, comme l'ont démontré les libraires indépendants, les éditeurs et les bibliothèques publiques qui ont su développer de façon concertée une offre légale et attrayante de livres en ligne.

Il est aussi utile de rappeler que le livre constitue l'un des plus importants vecteurs du rayonnement de notre vie culturelle. Il génère une activité économique comprenant des ventes de livres neufs pour une valeur de près de700 millions de dollars par année, mais c'est aussi et surtout le moyen le plus puissant conçu dans l'histoire de l'humanitépour diffuser le savoir et outiller l'ensemble des citoyens, petits et grands, de l'une ou l'autre des régions du Québec, afin qu'ils puissent trouver leur repère dans le monde. C'est pourquoi l'accès au livre et à sa diversité ainsi que le développementdu lectorat sont des priorités, je dirais même des missions sacrées pour le gouvernement, compte tenu de ses inestimables bienfaits culturels, sociaux et éducatifs.

La liste des invités à cette commission est constituée de représentants du milieu du livre ainsi que d'associations de consommateurs, de détaillants et de certains intervenants du milieu économique et des affaires. Cependant, nous voulons aussi prendre connaissance des opinions de nos concitoyennes et nos concitoyens qui peuvent en tout temps faire valoir leur point de vue sur le site Internet de l'Assemblée nationale. En définitive, nous devons nous concentrer sur cette question ultime : Quels sont les meilleurs moyens d'assurer l'avenir…

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) :

M. Kotto : Oui?

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Je suis désolée de vous interrompre, j'ai même dépassé le temps qui vous était alloué.

M. Kotto : Bien, je vous remercie. Je vous remercie pour votre patience, Mme la Présidente.

• (14 h 20) •

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. le ministre. J'invite maintenant la porte-parole de l'opposition officielle en matière de culture et de communication et députée de Laporte à faire ses remarques préliminaires. Mme la députée, vous avez un temps maximal de six minutes.

Mme Nicole Ménard

Mme Ménard : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je vous salue, Mme la secrétaire de la commission, M. leministre, collègues membres de cette commission. Alors, j'aimerais d'abord saluer et remercier chaleureusement tousles citoyens et les groupes qui se déplaceront pour assister et prendre part aux travaux de cette commission, travaux qui étaient attendus.

Ayant été interpellée, vous me permettrez de profiter de l'occasion pour rectifier certains faits énoncés, notammentdans les journaux et dans les médias sociaux. Ma formation politique n'a jamais, je répète, n'a jamais bloqué le début de cette commission. Le ministre sait très bien qu'une motion établissant une commission d'une telle ampleur sur un sujet telque la réglementation du prix du livre doit inévitablement faire l'objet de discussion entre les bureaux des leaders. Ces discussions ne bloquent en rien la tenue d'une telle commission. Alors, j'espère que les faits sont clairs maintenant.

Cela dit, nous sommes tous conscients du rôle considérable que joue le livre dans notre société, tant au niveauculturel que linguistique. Selon les dernières données… le secteur du livre, pardon, est une industrie importante, commeM. le ministre vient de le mentionner, qui emploie plus de 12 000 personnes et qui a un chiffre d'affaires annuel de près de 700 millions de dollars.

Alors, nous entamons nos travaux dans un esprit d'ouverture afin de bien cerner, identifier et comprendre les différents enjeux qui entourent l'industrie du livre, dont le sujet de la présente commission est de se pencher sur le document de consultation sur la réglementation du prix de vente au public des livres neufs et numériques.

Permettez-moi de rappeler que, dans une telle commission, tous les points de vue sont importants et méritent uneattention particulière, et, personnellement, je crois que c'est en confrontant les différents points de vue et opinions que nous pourrons réellement saisir et comprendre les tenants et aboutissants d'une telle mesure.

Avec la concurrence, la croissance de la vente du livre en ligne, l'avènement de la technologie numérique et lacompétition avec les autres produits culturels, notre industrie du livre est à une étape déterminante. Vous comprendrez que j'ai beaucoup lu, fait des recherches, décortiqué d'anciennes études pour bien saisir les différents enjeux afin de maintenir notre vaste réseau de librairies et d'assurer une distribution de livres diversifiés en plus de rendre les livres accessibles à un plus grand nombre de Québécoises et de Québécois qui lisent un livre ou plusieurs livres par année. D'ailleurs, les questions entourant le lectorat m'ont particulièrement interpellée, tant en ce qui concerne le taux d'alphabétisationau Québec que le développement des habitudes de lecture chez les enfants ou le maintien du goût de la lecture tout au long de sa vie.

Donc, c'est avec une grande ouverture que nous entamons les travaux de cette commission, et j'aimerais rappeleraux groupes qui viendront témoigner ici, en commission parlementaire, que notre rôle en tant que législateurs est de vousécouter pour mieux connaître et surtout mieux comprendre les enjeux auxquels fait face actuellement l'industrie du livre et quels impacts pourrait avoir une réglementation du prix du livre.

Alors, sur ce, je nous souhaite de bons échanges. Merci.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, Mme la députée. J'invite maintenant la porte-parole du deuxième groupe d'opposition en matière de culture et de communication, Mme la députée de Montarville, à faire ses remarques préliminaires pour une durée maximale de trois minutes.

Mme Nathalie Roy

Mme Roy (Montarville) : Merci beaucoup, Mme la Présidente, je vous salue, M. le ministre, gens du gouvernement, collègues de la première opposition, prestigieux invités.

D'abord, d'entrée de jeu, nous vous dirons que nous voulons défendre l'accès aux livres, la diversité de la production littéraire, l'alphabétisation et l'accès à la culture.

Le milieu du livre propose que le prix des nouveautés soit fixé pour une période de neuf mois et qu'une remiselégale de 10 % soit possible. Nous ne sommes pas du tout chauds à l'idée de l'imposition d'une telle réglementation. Nousallons écouter avec attention les auditions de la commission, naturellement, mais, la Coalition avenir Québec, nous nous opposerons à toute réglementation qui va nuire à l'accès aux livres, à la diversité de la production littéraire, à l'alphabétisation ou à l'accès de la culture.

Nous serons en mode écoute active, soyez-en assurés, parce que le fardeau de la preuve repose sur ceux qui fontla promotion de cette réglementation, et rien dans ce qu'on a lu jusqu'à maintenant ne nous prouve que la lecture et la littérature seront mieux servies avec le genre de réglementation proposée.

La diversité, nous la défendons, nous sommes absolument pour, celle des livres, des goûts, des auteurs, des univers,des éditeurs, des librairies et des critiques. Le livre ne saurait être considéré comme un simple bien de consommation,nous en sommes. L'État a le devoir de préserver la diversité culturelle aux équilibres délicats, et tout est là, c'est délicat, mais ce qui est sur la table ne nous semble pas du tout aller dans ce sens.

La population, la classe moyenne et les familles en particulier se sont montrées fortement en désaccord avec cette mesure, selon un sondage Léger Marketing. Nous sommes très sensibles au point de vue des lecteurs, d'autant querien ne prouve qu'ils vont se ruer sur les petites librairies si on empêche les grandes surfaces d'offrir des rabais importantspour les meilleurs vendeurs. La lecture de bon nombre d'articles dans les médias également et de mémoires déposés à lacommission parlementaire démontre que les lecteurs en général, les groupes d'éducation populaire et les familles pourraient être fortement touchés par ce genre de réglementation, et c'est notre principale préoccupation.

Nous écouterons avec beaucoup d'attention les groupes qui viendront nous parler, mais on ne veut absolumentpas que les familles, les gens de la classe moyenne, que le père, que la mère qui travaillent très fort aient à payer plus cherpour ses livres, et c'est cette démonstration qu'on… On veut se faire convaincre du contraire. Malheureusement, on aégalement des études qui nous disent que les livres coûteront plus cher. Alors, voilà où nous en sommes. Merci beaucoup, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci pour ces remarques. Nous allons, sans plus tarder, débuter les auditions et nous recevons l'Association des bibliothèques publiques du Québec.

Mme David : Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Oui.

Mme David : Excusez-moi, est-ce que je peux faire mes remarques préliminaires?

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Malheureusement, Mme la députée de Gouin, vous ne pouvez pas faire de remarques préliminaires. Vous allez pouvoir participer aux échanges par la suite. C'est ce qu'on m'a indiqué au secrétariat de la commission. Je suis vraiment désolée. La commission ne le prévoit pas... la motion, c'est-à-dire, ne le prévoit pas, désolée.

Donc, nous recevons l'Association des bibliothèques publiques du Québec. Mme Lagacé, M. Legault, bienvenueà l'Assemblée nationale. Vous allez disposer de 10 minutes pour faire votre exposé, par la suite suivra une période d'échange. Oui? Excusez-moi.

M. Kotto : Excusez-moi, Mme la Présidente, je voulais juste voir avec mes collègues de l'opposition officielle, la seconde opposition, pour un consentement à l'effet que la chef de la troisième opposition puisse dire un mot.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Vous savez, M. le ministre, qu'avec le consentement de différentscollègues et des partis qu'ils représentent nous pouvons tout faire. Donc, il y a consentement. Mme la députée de Gouin, vous allez pouvoir faire des remarques, donc, pour une durée de trois minutes. Allez-y, Mme la députée de Gouin.

Mme Françoise David

Mme David : Merci, Mme la Présidente. Merci, M. le ministre. Merci, chers collègues. Je serai très brève.

Je voudrais d'emblée indiquer, au nom de ma formation politique, que, contrairement à la représentante de la deuxième opposition, nous, nous partons plutôt avec un préjugé favorable — nous l'avons dit l'année dernière, lors de la campagne électorale — pour réglementer le prix du livre lors de sa parution, durant quelques mois.

Je rappelle ici quelque chose qu'on a pris dans la politique du livre en 1998. C'est vraiment intéressant, c'était aucœur de la politique. «Savoir [...] lire et beaucoup lire est aujourd'hui une nécessité. La lecture est au cœur du développementpersonnel, au cœur de la vie en société et au cœur du travail. [...]la lecture est essentielle. Elle l'est au même titre que lelangage pour tisser le lien social et s'intégrer à sa communauté.» Je pense qu'au Québec c'est particulièrement important. Le livre occupe donc une place fondamentale pour tout État qui fait de la démocratisation du savoir une priorité.

J'ajouterais, sur un ton plus personnel, qu'à mon avis lire, c'est goûter la joie des mots qui traduisent nos émotions et nos rêves, c'est voyager au cœur du monde, c'est se rapprocher des humains partout sur la planète.

En 1981, le Québec a donc pris ce tournant et a adopté une loi qui favorise le développement de l'industrie dulivre québécois. Je rappelle ses deux objectifs : assurer la diffusion et la bibliodiversité — quel beau mot, d'ailleurs — de la littérature québécoise et augmenter l'accessibilité territoriale et économique du livre.

Alors, je souligne que, dans ma formation politique, nous adhérons toujours à ces objectifs et nous soulignonsqu'au moment où nous entreprenons cette commission parlementaire, oui, nous allons écouter tout le monde, y comprismoi, même si j'ai une opinion déjà assez construite, mais je vais vraiment écouter de façon sérieuse tout le monde. C'estquand même l'avenir de plusieurs librairies indépendantes qui se joue au Québec en ce moment pour différentes raisons,dont cette question du prix du livre. Je rappelle que ces petites librairies, qui non seulement vendent les livres à un prix juste, mais aussi conseillent les choix des lectrices et lecteurs, et sont souvent des animatrices de leur milieu, ces petites librairies sont essentielles au développement de la vie sociale, culturelle et communautaire au Québec. C'est donc dans cet esprit qu'avec vous je vais écouter les groupes qui vont venir nous parler et je vous remercie encore une fois.

• (14 h 30) •

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, Mme la députée de Gouin. À ce moment-ci, je voudrais savoirde votre part, chers collègues, s'il y a consentement pour qu'on puisse continuer les consultations au-delà de l'heure prévue, peut-être un 15, 20 minutes supplémentaire.

Des voix :

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Ça va? Parfait. Merci.

Auditions

Association des bibliothèques publiques du Québec (ABPQ)

Donc, Mme Lagacé, M. Legault, vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite suivra un échange de 35 minutes avec les membres de la commission. La parole est à vous.

M. Legault (Stéphane) : Merci. Bien, tout d'abord, j'aimerais remercier la commission de nous donner l'occasion d'apporter le point de vue des bibliothèques publiques sur le dossier de la réglementation du prix du livre.

Je me présente : mon nom est Stéphane Legault. Je suis bibliothécaire et vice-président de l'Association des bibliothèques publiques du Québec. Je suis accompagné de Mme Eve Lagacé, également bibliothécaire et directrice générale de notre association.

L'Association des bibliothèques publiques du Québec est la principale association représentant les bibliothèquespubliques au Québec. L'ABPQ est constituée de 153 membres pour un total de 281 bibliothèques autonomes desservant80 % de la population du Québec. Depuis 1984, l'association représente les intérêts des bibliothèques publiques du Québec.Elle fait la promotion de leurs services auprès de la population. Par sa présence au sein de plusieurs instances, elle s'assured'une bonne compréhension du rôle de la bibliothèque dans une société moderne. Pour ce faire, elle sensibilise les acteursdes différents paliers gouvernementaux à l'importance de la présence d'un service de bibliothèque de qualité qui donne aux citoyens un accès démocratique au savoir, à la connaissance et à la culture.

L'ABPQ a pour mission d'exercer un leadership dans le but d'assurer le développement, le positionnement stratégique et le rayonnement des bibliothèques publiques du Québec. Comme nous le mentionnons dans les lignes directrices pour les bibliothèques publiques du Québec, la bibliothèque publique est bien plus qu'un entrepôt de livres ou un service de loisirs. Elle offre des services, des ressources et des documents libres de censure de tout type et sur toutsupport à tous les membres de la communauté où elle est établie, sans exception, dans le but de répondre à leurs besoins en matière d'information, de connaissance, de culture et d'alphabétisation.

La bibliothèque publique crée un lieu de vie inspirant pour tous les membres de la collectivité dont elle reflète fidèlement la spécificité par l'évolution. Par l'intermédiaire d'un personnel engagé et d'espaces virtuels ainsi que physiques, elle établit et maintient des conditions et un environnement propices à l'apprentissage tout au long de la vie, àl'accès libre et entier à l'information et aux œuvres d'imagination, à la mise en valeur et à la préservation de la culture locale et à l'établissement d'un lieu public ouvert à tous. Elle contribue à vitaliser le milieu, à stimuler le potentiel de développement des individus et de la communauté ainsi qu'à édifier une société démocratique plus juste et plus libre.

Pour mener à bien cette mission, les bibliothèques publiques doivent pouvoir s'approvisionner auprès de librairiesfortes et indépendantes de toute ligne éditoriale. Ces librairies doivent maintenir un choix et une diversité importants afinque les bibliothèques du Québec soient en mesure d'offrir et de garantir à la population un accès gratuit à de l'informationpertinente et dont le contenu est d'actualité. Sur le terrain, nos membres nous rapportent que, depuis plusieurs années, lavente de livres à rabais par les magasins à grande surface est venue diminuer l'offre globale dans plusieurs petites municipalités.

Notre mémoire donne notamment l'exemple de la région d'Argenteuil où l'arrivée d'un Wal-Mart a entraîné lafermeture de la librairie agréée de Lachute. Conséquemment, les Lachutois doivent maintenant, pour se procurer un livrequi n'est pas disponible chez Wal-Mart ou chez Jean Coutu, se déplacer à Hawkesbury, en Ontario, à environ 25 kilomètres,ou à Saint-Jérôme, à 46 kilomètres, ou encore un peu plus loin à Sainte-Thérèse, à 48 kilomètres. C'est les trois librairiesles plus près d'un citoyen de Lachute. Dans ce cas, il est évident que l'apparition de la grande surface et la disparition de la librairie agréée ont considérablement nui à la diversité des titres accessibles.

Pour qu'une bibliothèque publique puisse développer une collection diversifiée et offrir à sa clientèle mille et une découvertes littéraires, elle doit avoir accès à une variété de documents, soit beaucoup plus que des best-sellers. Bien entendu, elles doivent être en mesure d'offrir le dernier livre de recettes qui connaît un succès populaire ou le dernier livre deDan Brown. La mission de la bibliothèque publique est également de rendre accessibles les Kim Thúy et Samuel Archibald de ce monde avant qu'ils ne deviennent des phénomènes, mais aussi d'offrir un accès à de l'information actualisée sur le maximum de sujets possibles.

Pour effectuer un développement de collection adéquat, les bibliothécaires ont besoin de librairies qui leur offrentun vaste choix de titres de qualité. Ils travaillent de concert avec les librairies afin de dénicher le livre qui viendra combler telle ou telle lacune dans la collection de leur bibliothèque. Ces ouvrages fournis par les libraires sont essentiels au développement et à l'apprentissage tout au long de la vie de l'être humain.

La présence de plusieurs librairies agréées dans chaque région du Québec est, à notre avis, un gage de qualité etune garantie pour une plus grande accessibilité au livre. Nous pouvons dresser un parallèle intéressant avec la disparitiondes clubs vidéo un peu partout au Québec. Pour les cinéphiles, il devient de plus en plus difficile d'accéder au cinémade répertoire, les plateformes légales comme Netflix se concentrant plutôt sur la location des blockbusters. Nos bonneslibrairies ne doivent pas se retrouver dans la même situation que les nombreux vidéoclubs de répertoire qui se voient forcésde fermer leurs portes. Les grandes surfaces soldent les best-sellers qui constituent également un produit d'appel pour lalibrairie. L'attrait généré par un produit populaire permet aux consommateurs de découvrir d'autres ouvrages, et ce produitapporte les revenus nécessaires aux libraires pour leur permettre de maintenir une certaine bibliodiversité qui est essentielle au développement des collections des bibliothèques publiques.

C'est donc au nom de la diversité culturelle du Québec et de la bibliodiversité que le prix du livre doit être réglementé dans le but ultime de maintenir la présence de librairies de qualité sur l'ensemble du territoire québécois. C'estpour cette raison que l'Association des bibliothèques publiques du Québec a, dès le départ, pris part au collectif Nos livres à juste prix. En permettant aux librairies de maintenir leurs activités, nous améliorons la diffusion et la promotion de laculture québécoise en plus de préserver notre identité. La diversité de l'offre des librairies contribue aussi à l'ouverture sur le monde et à l'acquisition de nouvelles connaissances des citoyens québécois. Voilà pourquoi l'Association des bibliothèques publiques du Québec est en faveur de la réglementation du prix du livre au Québec : parce que notre langueet notre culture doivent être protégées et parce que les bibliothèques publiques du Québec continuent d'offrir une collection pouvant permettre le développement des individus et le développement de notre société.

Certains des intervenants qui suivront au cours de la présente commission vous diront que la réglementation duprix du livre viendra réduire l'accessibilité aux livres pour les citoyens les plus défavorisés. L'ABPQ est en désaccord avec cette affirmation. En effet, selon les statistiques générales 2011 publiées en avril dernier par BANQ, les Québécois ont accès à 1 034 points de service de bibliothèques publiques, soit une desserte de près de 95 % de la population québécoise. Ceci, à notre avis, préserve suffisamment l'accessibilité aux livres pour tous les Québécois, peu importe leur condition socioéconomique.

Depuis 1981, l'acquisition de livres par les bibliothèques publiques québécoises est encadrée par la Loi sur le développement des entreprises québécoises dans le domaine du livre, que j'appellerai la «loi du livre». Cette loi obligeles acheteurs institutionnels comme les bibliothèques publiques à se procurer leurs livres neufs au prix régulier tel que fixé par l'éditeur. Les bibliothèques sont aussi tenues de transiger avec un minimum de trois librairies agréées ayant pignon sur rue dans leur région administrative. À ce contexte juridique vient s'ajouter un programme gouvernementald'aide financière au développement des collections. Ce programme d'aide vient compenser la loi du livre qui empêcheles bibliothèques publiques de bénéficier d'un quelconque rabais. En maintenant le programme de subventions tel qu'ilexiste actuellement, une éventuelle réglementation du prix du livre n'aurait donc pas d'incidence financière directe sur le budget des bibliothèques publiques.

• (14 h 40) •

L'ABPQ porte par ailleurs à votre attention… au fait que les bibliothèques publiques utilisant la plateforme pretnumerique.ca et faisant l'acquisition de livres numériques achètent leurs livres par l'entremise des librairies agréées,et ce, dans le respect de l'esprit de la loi du livre, toujours dans l'intention de favoriser la bibliodiversité et de maintenirune plus grande accessibilité aux livres partout au Québec. D'autres scénarios auraient pu être adoptés, par exemple encréant des passerelles d'achat directement avec les éditeurs, mais ces dernières ont favorisé… les bibliothèques publiquesont favorisé les achats auprès des librairies afin de soutenir davantage ce maillon essentiel de la chaîne du livre. D'un pointde vue économique, selon les dernières statistiques disponibles, en 2011, les bibliothèques publiques québécoises ont investi, dans leurs collections, plus de 31 425 000 $ dépensés en livres imprimés et près de 529 000 $ en livres numériques. Signalons que le montant consacré à l'achat de livres numériques sera nettement à la hausse en 2012 et 2013 puisqu'unnombre important de bibliothèques publiques se sont jointes à la plateforme pretnumerique.ca. Pour vous donner une idéede grandeur, en 2011, pretnumerique.ca était un projet pilote et était utilisé par 10 bibliothèques publiques au Québecseulement. À la fin de l'année 2013, il y aura 763 bibliothèques publiques qui offriront le livre numérique. En achetantdans une librairie agréée, selon les paramètres régionaux fixés par la loi du livre plutôt que dans une grande surface, lesbibliothèques publiques retournent une somme considérable au sein de leur communauté et contribuent au développementde l'économie du Québec plutôt qu'à une fuite de capitaux, si elles faisaient leurs acquisitions auprès des grandes surfaces de propriété étrangère.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : M. Legault.

M. Legault (Stéphane) : Oui?

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Je veux juste vous dire qu'il vous reste moins d'une minute.

M. Legault (Stéphane) : Pas de problème. Les librairies agréées sont des entreprises créatrices de nombreux emplois directs et indirects qu'il faut protéger. La chaîne du livre est fragile, et les bibliothèques publiques se font un devoir d'y investir parce qu'elles croient en leur grande contribution à la richesse culturelle québécoise.

C'est pour développer un Québec offrant à sa population des bibliothèques publiques de qualité, un Québec oùtous les citoyens auront accès à de la documentation à jour et où notre culture sera protégée que l'Association des bibliothèques publiques du Québec donne son appui à la réglementation du prix du livre. Les livres soldés par les grandessurfaces viennent fragiliser toute la chaîne du livre, de l'auteur à la librairie agréée en passant par l'éditeur, l'imprimeur et le distributeur. L'ABPQ s'inquiète de cette situation, car elle nuit aussi à ses membres qui désirent développer des collections de qualité pour les citoyens.

Nous considérons que la réglementation du prix du livre ne brimera pas l'accès au savoir et à la culture. Au contraire,dans la très grande majorité des municipalités du Québec offrant un accès libre et gratuit à leurs bibliothèques publiques, les citoyens continueront d'avoir un accès privilégié à la littérature d'ici et d'ailleurs.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci beaucoup, M. Legault.

M. Legault (Stéphane) : …fait plaisir.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Je suis désolée, c'est tout le temps dont vous disposiez.

M. Legault (Stéphane) : C'est correct.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Nous allons débuter les échanges. M. le ministre, la parole est à vous pour débuter les échanges.

M. Kotto : Merci, Mme la Présidente. Sur quelles données tangibles vous appuyez-vous pour affirmer que la réglementation du prix du livre neuf est le meilleur moyen pour protéger, préserver la bibliodiversité et consolider notre réseau de librairies?

M. Legault (Stéphane) : En fait, ce qu'on voit, par expérience, à travers le Québec, c'est : depuis l'apparitiondes grandes surfaces, on a vu une diminution de l'offre et de la quantité de libraires… de librairies. Donc, c'est des données vraiment terrain, ce qu'on voit. Et puis aussi on a lu plusieurs études qui ont été publiées ces derniers jours et depuis quelques mois sur le sujet. Nous, on croit fermement que c'est la meilleure solution. C'est clair que ça ne réglera pas tout, mais je pense que c'est un bon coup de pouce.

M. Kotto : O.K. Alors, de votre perspective des choses, du haut de vos connaissances, est-ce que la réglementation est, disons, le seul moyen efficace pour soutenir la chaîne du livre et plus particulièrement des librairies?

M. Legault (Stéphane) : Je pense que oui. Je pense que…

Mme Lagacé (Eve) : Parce que ça fait partie de la solution, mais effectivement c'est une partie de la solution.Car, effectivement, fort certainement, d'autres moyens pourraient être développés, mais la réglementation du prix du livre,quant à nous, pour maintenir l'accessibilité et une bibliodiversité de qualité partout au Québec, pour nous, ça fait partie de la solution.

M. Kotto : O.K. En référence à ces deux questions, moi, je m'attends, disons, à être guidé, orienté. Je parle à cœur ouvert et je suis d'un esprit très ouvert, comme je le disais au début. Y a-t-il des éléments de référence factuels? Vous parlez d'expérience terrain, mais est-ce qu'il y a une compilation des données sur lesquelles on peut se pencher pour prendre la mesure de cette fragilisation de nos librairies?

M. Legault (Stéphane) : Outre ce qu'on a comme données au niveau de l'Association des libraires — ce qu'ilsvont sûrement vous démontrer éventuellement — non, nous, directement aux bibliothèques publiques, on n'a rien comme information à ce sujet-là.

M. Kotto : O.K. Une question? Merci, Mme la…

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Oui, M. le député de Saint-Hyacinthe, vous avez la parole.

M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Merci, Mme la Présidente. Alors, je salue les collègues qui sont ici aujourd'hui et monsieur de l'ABPQ.

La bibliothèque publique respecte l'esprit de la loi du livre. Vous en avez parlé aussi dans votre présentation sur la plateforme numérique pretnumerique.ca. Et est-ce que la loi du livre devrait être modifiée pour assujettir les conditions d'achat du livre numérique, justement, aux bibliothèques publiques et privées?

M. Legault (Stéphane) : En fait, pour nous, c'est difficile de se prononcer. Je n'ai pas… Je ne suis pas juriste, donc je ne connais pas les implications légales au niveau international, s'il y en a. Je ne connais pas cet aspect-là. Maisnous, on l'applique dans le quotidien. Est-ce qu'il est nécessaire de légiférer pour quelque chose que nous appliquons déjà? C'est au législateur de le décider, ce n'est pas à nous.

M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) : O.K., merci. Vous avez mentionné tantôt… Vous avez donné l'exemple de la bibliothèque de Lachute, qui serait disparue. Êtes-vous… 

M. Legault (Stéphane) : …de la librairie.

M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) : La librairie, excusez. Je corrige, oui, excusez : la librairie de Lachute qui seraitdisparue. Mais est-ce que vous avez fait le lien entre une bibliothèque publique qui est très, très accessible à tout le mondeet une librairie où les gens vont là pour acheter un livre et pour le lire de chez eux? Est-ce qu'il y a un lien que vous faites dans votre appréciation, dans votre évaluation, justement, de ces effets-là chez les libraires?

Mme Lagacé (Eve) : En fait, à ce moment-là — tu me corrigeras — à ce moment-là, la bibliothèque n'était pas particulièrement accessible dans plus...

Une voix : Non, elle était tarifée en plus.

Mme Lagacé (Eve) : C'est ça, elle était tarifée à ce moment-là. Donc, on ne peut pas vraiment faire le lien de cause à effet.

M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) :441 M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) :Merci.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. le député. M. le député de Bonaventure, vous avez la parole.

M. Roy : Merci, Mme la Présidente. J'aimerais saluer le retour de mes collègues. Nous allons avoir énormément de plaisir, je le sens.

Écoutez, j'aimerais... J'ai une question d'ordre très général qui semble un peu macro, mais qui est importante pour moi : Comment se porte la lecture au Québec, à la lumière de votre expérience et de votre organisation?

M. Legault (Stéphane) : Je vous dirais que la lecture… On voit, dans les bibliothèques publiques, une hausse defréquentation et, étonnamment, une baisse du prêt. Donc, il y a de plus en plus de gens qui viennent dans nos bibliothèquesfréquenter le lieu, consulter sur place, mais le nombre de livres empruntés est à la baisse. J'explique ça par une vie unpeu plus effrénée. Je pense que les gens, au lieu d'emprunter 10 livres à la fois, en prennent peut-être un peu moins, mais ils continuent à venir et ils viennent en plus grand nombre qu'auparavant.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Oui?

M. Roy : Oui. Merci.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Je veux juste vous rappeler qu'habituellement des fois je nommeles députés et je nomme les personnes, mais, pour un meilleur échange, je veux intervenir le moins possible pour maximiser le temps.

M. Roy : C'est bon. C'est parfait.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Donc, vous avez la parole, M. le député.

M. Roy : J'essaie d'interpréter ce que vous me dites. Est-ce que les gens fréquentent les bibliothèques, vont, bon,sur l'informatique entre autres pour consulter toutes sortes de données, mais est-ce que les gens lisent autant, plus ou moins qu'avant? Et là la question est...

M. Legault (Stéphane) : Les dernières études que j'ai eues sur le niveau de lecture des Québécois, oui, les gens lisent plus qu'auparavant, mais c'est une lecture plus diversifiée. Il y a les lectures en ligne, les lectures de livres physiques, le site Web, c'est vraiment... c'est très varié, et les bibliothèques publiques sont de plus en plus fréquentéespour l'accessibilité qu'on donne à ces sources-là aussi. On a une multitude de postes informatiques qui donnent l'accès à l'information. Les gens viennent lire sur Internet dans la bibliothèque.

Mme Lagacé (Eve) : Et on croit aussi qu'avec l'arrivée de la plateforme de prêt de livres numériques pretnumerique.ca, on va aller développer des nouvelles clientèles les nouveaux usagers de bibliothèques, des gens qui ne voulaient pas nécessairement se déplacer en bibliothèque pour venir emprunter, mais qui maintenant peuvent le faire àpartir de leur domicile, ou enfin, peu importe où ils sont. Donc, on croit que le prêt de livres numérique via les bibliothèques, ce sera une partie de... un moyen pour pouvoir améliorer le niveau de lecture au Québec, en fait.

M. Legault (Stéphane) : On pense notamment aux bibliothèques en région qui sont un peu moins ouvertes queles bibliothèques au centre-ville. Avec pretnumerique.ca, les gens ont accès à une collection de livres numériques en tout temps, peu importe l'heure. C'est vraiment intéressant, même pour les gens qui ont un horaire atypique. Donc, le prêt numérique permet à tout le monde d'aller chercher des livres à la bibliothèque, mais au niveau virtuel.

M. Roy : Quelle est l'appréciation de la lecture numérique versus la lecture traditionnelle, dans les bouquins, que les gens font? Est-ce que les gens, bon, migrent facilement? Est-ce qu'il y a une mutation de la lecture au Québec?

Mme Lagacé (Eve) : Je vous dirais que ce n'est pas nécessairement une mutation. Pour certaines personnes, cesera une mutation; pour d'autres personnes, pour certains ouvrages, ils vont les lire de façon... sur des livres imprimés, alors que d'autres ouvrages, ils vont les lire de façon numérique, puis, comme je vous disais, il y a vraiment des clientèles, là, qui se développent, qui ne lisaient pas nécessairement et qui commencent à lire, compte tenu de la facilité de l'accès aux livres.

Une voix : Accessibilité.

Mme Lagacé (Eve) : Exact.

M. Roy : C'est beau. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci. M. le ministre.

M. Kotto : Merci, Mme la Présidente. Avez-vous pris la mesure ou anticipé les impacts que pourrait avoir la réglementation du prix du livre neuf sur le développement du lectorat?

• (14 h 50) •

M. Legault (Stéphane) : En fait, comme bibliothèque publique, la majorité des bibliothèques publiques du Québecsont ouvertes gratuitement à la clientèle. Pas toutes : il y a évidemment quelques municipalités qui tarifient l'accès, mais,pour quelqu'un qui veut lire un livre et qui n'a pas les moyens de se payer un livre au prix fixé par l'éditeur, il peut venirdemain matin emprunter un livre à la bibliothèque gratuitement. On est là pour ça. Et puis, peu importe qu'il y ait uneréglementation ou non du prix du livre, l'éditeur peut décider d'augmenter ses prix. C'est à lui de décider. C'est lui quigère le marché, ce n'est pas nous qui décidons. Donc, qu'il y ait ou non une législation à ce niveau-là, l'éditeur est libre de monter son prix.

Mme Lagacé (Eve) : Puis, par rapport à ça, ce que je pourrais ajouter, en fait, c'est que, nous, notre principalepréoccupation, c'est surtout au niveau de la diversité des livres partout au Québec, en fait, mais même, en fait, au Québec,que les livres qui sont disponibles à l'achat soient vraiment du… que ce qui soit édité, que ce qui soit disponible au Québecsoit vraiment diversifié, donc qu'on ne retrouve pas les mêmes titres partout. Donc, c'est vraiment notre principalepréoccupation. Je ne suis pas certaine que la réglementation va avoir, oui ou non, là, un effet sur une augmentation du lectorat au Québec, mais davantage sur un développement d'une offre diversifiée, ou plutôt le maintien d'une offre diversifiée.

M. Kotto : O.K. J'entends que vous n'êtes pas en première ligne relativement aux impacts potentiels dans l'hypothèse où on légiférerait, mais vous plaidez néanmoins pour le réseau de nos librairies, notamment les librairies indépendantes fragilisées. C'est la raison pour laquelle je vous posais cette question parce que, dans l'hypothèse où onentend certaines thèses à l'effet qu'en légiférant inévitablement — on l'a évoqué tout à l'heure, ma collègue de la coalition l'a évoqué — on créerait des conditions d'inflation, donc de limitation d'une certaine catégorie de la population pour l'accès aux livres neufs... Je reviens là-dessus. C'était la raison de ma question parce que vous appuyez, vous poussez, vous privilégiez cette voie, en l'occurrence celle de la réglementation, mais vous n'avez pas de données factuelles ou d'étudespouvant nous aider à nous dire si, oui ou non, il y aura un impact négatif ou positif au plan du développement du lectorat,d'une part. Je peux étendre jusque dans la sphère de la culture elle-même. Est-ce que vous vous êtes au moins penchés sur ce qui s'est passé ailleurs, dans d'autres pays? Il y a à peu près une douzaine de pays aujourd'hui qui ont légiféré. Il y en a un autre, la Norvège, qui est en voie de le faire comme nous ici. Nous sommes en réflexion comme ils sont en réflexion. Est-ce que vous avez eu une réflexion mûre, pour être plus concis?

Mme Lagacé (Eve) : Bien entendu. Notre réflexion par rapport à ça, c'est relativement aux bibliothèques publiques.Donc, nous, notre lecture, on l'a toujours faite avec la lunette bibliothèque publique, et, par rapport à ce qui s'est passédans les autres pays, il n'y avait pas d'Amazon, il n'y avait pas les mêmes… on n'était pas dans le même écosystème qu'onl'est présentement. Donc, on ne veut pas nécessairement s'avancer à dire que, oui, ça serait les mêmes impacts, que ce serait la même chose. Présentement, nous, ce qu'on a vu nous force à maintenir notre position à dire que, oui, ça seraitfavorable, mais on n'est pas nécessairement en mesure de vraiment pouvoir dire qu'on peut calquer ce qui s'est passé,en fait, dans les autres pays, ici, compte tenu de cette situation-là, que le livre numérique n'y était pas nécessairement et que la vente en ligne n'y était pas non plus.

M. Kotto : O.K. Mais vous êtes convaincus cependant qu'appliquer une réglementation au Québec aiderait la pérennité du réseau de nos librairies?

M. Legault (Stéphane) : Tout à fait. En fait, si je peux revenir aussi sur la question que vous avez posée tantôt, dernièrement, je parlais avec mon libraire, puis il me disait : Stéphane, prépare-toi pour l'automne, les prix des livres européens vont monter. Lui, il nous a prévu... vu qu'il a déjà commandé ses titres pour l'automne, il m'a dit : Un bon 10 %d'augmentation, donc gère ton budget en conséquence. Il n'y a pas de réglementation du prix du livre encore. Il y a unpaquet de facteurs qui vont venir influencer une inflation ou une déflation. Actuellement, ce qu'on nous projette, c'est uneinflation liée à l'Europe, donc on n'a pas de contrôle dessus, et puis, s'il y a une réglementation pour le prix du livre au Québec, s'il y a une inflation, bien il faudrait voir aussi les facteurs externes qui sont liés à ça, pas juste à la loi.

Mme Lagacé (Eve) : Oui.

M. Kotto : O.K. Bien. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci. Nous allons maintenant du côté de l'opposition officielle. Mme la députée de Laporte, vous avez la parole.

Mme Ménard : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, je vous salue, M. Legault et Mme Lagacé. Alors, bienvenue à la commission.

J'aimerais faire du pouce sur la réponse que vous avez faite au ministre tantôt quand il vous a parlé si c'était vraiment ce qu'il fallait faire, la réglementation du prix, et vous avez mentionné que, oui, ça, ça faisait partie, mais il y avaitd'autres moyens. Alors, est-ce vous vous êtes penchés sur les autres moyens? Voulez-vous nous clarifier un peu ce que vous vouliez dire par là?

Mme Lagacé (Eve) : Bien, en fait, effectivement, on n'a pas… Nous, ce qu'on explore, ce sont les avenues quitouchent les bibliothèques, les bibliothèques et les collectivités, en fait. Je vous dirais qu'on ajoute les collectivités autresque bibliothèques, là. On peut comprendre à travers ça établissements d'enseignement, etc. Et, bon, ce qu'on… Des fois, onjoue un drôle de rôle, mais on se plaît à rappeler que l'application de la loi du livre n'est pas… On est souvent, nous-mêmes,les bibliothèques, à rappeler et à démontrer, envoyer par nous-mêmes, en fait, nos rapports démontrant notre bonne foi,comme quoi on respecte bel et bien la loi. Donc, je crois qu'une application… enfin, nous croyons qu'une applicationplus serrée de cette loi-là pourrait favoriser effectivement un maintien, un maintien des librairies partout sur le territoire au Québec.

Mme Ménard : Vous parlez à ce moment-là de la loi 51?

Mme Lagacé (Eve) : Exactement.

Mme Ménard : O.K. Parce que vous mentionnez justement dans votre mémoire que c'est insuffisant maintenant.Elle est rendue insuffisante et… Alors là, je me demandais : Est-ce qu'il n'y a pas lieu, à ce moment-là, de revoir la loi au complet, en incluant naturellement le numérique qui n'en fait pas partie et la réglementation du prix qui n'en fait pas partie, bien sûr? Quelle est votre position là-dessus?

Mme Lagacé (Eve) : Mais effectivement on est d'accord avec ce que vous proposez présentement, tout en… Jerépète ce que je viens de dire, il faudrait… C'est bien beau que la loi existe, mais il faut aussi l'appliquer, s'assurer que la loi soit appliquée partout au Québec, dans toutes les collectivités, pas seulement les bibliothèques.

M. Legault (Stéphane) : Dans toutes les institutions.

Mme Lagacé (Eve) : Oui, c'est ça.

M. Legault (Stéphane) : ...

Mme Ménard : D'accord. Lorsque vous faites mention de l'accessibilité aux livres, savez-vous si l'individu quiachète le livre en grande surface fréquente les librairies? Quel est le pourcentage, d'après vous, du consommateur de grande surface?

Mme Lagacé (Eve) : Là, on n'est pas dans notre… Ce n'est pas nécessairement… On parle de consommateurs ici, non pas d'usagers de bibliothèque. Donc, nous, ce n'est pas nécessairement les données dont on dispose.

Mme Ménard : Vous n'avez pas ces données-là.

Mme Lagacé (Eve) : Non.

Mme Ménard : O.K., parfait.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Est-ce que… Juste avant de… Est-ce que vous avez des questions ou pas?

Une voix : Moi, je peux poser une question.

Mme Ménard : Oui? Alors, vas-y.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : M. le député de Jacques-Cartier, vous avez la parole.

M. Kelley : Oui, juste… Vous parlez beaucoup de la diversité. Bienvenue parmi la commission, et tout le reste, et...Et je comprends que vous respectez l'esprit de la loi en utilisant le même principe pour l'achat de livres numériques queles livres papier, mais ça limite le choix pour les usagers de vos bibliothèques parce que les budgets sont limités, hein?Moi, j'ai quatre bibliothèques publiques dans mon comté. Alors, mettons qu'ils ont 50 000 $ par année pour l'achat deslivres ou des livres numériques. Alors, si on augmente le prix — parce que c'est ça qui est la proposition — le nombre de livres que la bibliothèque publique de Beaconsfield peut acheter, c'est moins, n'est-ce pas?

Mme Lagacé (Eve) : Bien, le projet, tout de suite… On ne parle pas ici d'une augmentation du prix, mais biende permettre, durant les neuf premiers mois, une diminution du prix de 10 %. On ne parle pas d'une augmentation du prix.

M. Kelley : Oui, mais c'est de limiter… Parce que, je sais, c'est toujours facile : les gros méchants, dans toutesles histoires, c'est les grandes surfaces qui vont vendre Inferno, de Dan Brown, à moitié prix. Alors, c'est ça qu'on veut éliminer, si j'ai bien compris, pour soutenir les librairies. Mais, pour le même bibliothécaire, dans mon comté, il y a beaucoup de personnes qui voient le buzz autour d'un livre comme ça, de Dan Brown ou peu importe, donc il y aura beaucoup de demandes d'avoir les copies, soit papier ou, maintenant, de plus en plus numériques pour les usagers.

Alors, si je hausse le prix, ça va être un impact sur le budget de ma bibliothèque publique, n'est-ce pas?

M. Legault (Stéphane) : Le prix, pour nous, va demeurer le même parce que c'est le prix fixé par l'éditeur et nous sommes légalement tenus à payer ce prix-là.

• (15 heures) •

M. Kelley : Je comprends tout ça, mais en acceptant, et c'est la loi telle qu'adoptée il y a 30 ans, 40 ans… Maisl'effet net, c'est de réduire la diversité pour les bibliothèques publiques parce qu'elles paient un prix plus élevé qu'allerchercher les rabais. Alors, mettons… Moi, je regarde en ligne sur Amazon — moi, je lis plutôt en anglaisqu'en français — mais tous les livres sont 33 % moindres que le prix indiqué sur le livre. Alors, si je suis chargé d'un budgetd'une bibliothèque publique et je peux acheter en ligne, je peux acheter plus de livres parce qu'il y a des économies surchaque achat. Mais nous avons… et c'est le choix de société que nous avons fait, de payer un plein prix dans le passé, mais ça limite le nombre de livres que la bibliothèque publique peut acheter inévitablement.

Mme Lagacé (Eve) : Mais, de façon inévitable, vous avez raison. Par contre, on ne peut pas comparer le marché anglais avec le marché francophone. Le développement de l'édition francophone avec le développement de l'édition anglophone est beaucoup plus… les marchés sont beaucoup plus réduits au Québec que sur le marché anglophone. Donc, on ne peut pas comparer les deux.

M. Kelley : Mon bibliothécaire est allé sur Amazon.fr et a acheté les livres en français, et il y a des rabais. Maison a décidé, comme société, on va acheter dans les librairies plein prix. Alors, ça, c'est un choix, et je le respecte. Mais, aunom de la diversité pour les usagers de vos bibliothèques, on limite d'une certaine façon l'accès aux titres parce que, si j'aitoujours 50 000 $ à dépenser sur l'achat des livres cette année... Alors, si je paie plein prix, je peux acheter moins de titresqu'aller sur Amazon.fr et acheter des livres qui sont moins 33 %, n'est-ce pas? Et je ne pense pas qu'anglais, français étaitun enjeu ici, il y a, en ligne surtout, les rabais sur les livres, notamment les best-sellers anglais ou français. Mais, si j'exige mes bibliothécaires dans mon comté de payer le plein prix, il y aura moins de diversité sur les tablettes, n'est-ce pas?

Mme Lagacé (Eve) : Vous touchez directement, effectivement, la question de la diversité, et, en nous disant quevous venez acheter plusieurs exemplaires d'un même titre, pour moi, c'est exactement l'exemple de ce qu'on ne veut pasavoir. Ce qu'on veut, nous, c'est pouvoir offrir une diversité de titres et non pas offrir à nos usagers une grande quantité d'exemplaires d'un même titre. Pour nous, ça, c'est très important. En tant que professionnels en bibliothèques, c'est important de maintenir une diversité. On a ça, mais on n'offre pas le même service qu'une librairie qui… que les gensvont pouvoir avoir accès à ce qu'ils désirent, les best-sellers par exemple. On veut vraiment offrir une offre diversifiée, faire des suggestions de lecture à nos usagers, les pousser plus loin pour développer leur goût de la lecture.

M. Legault (Stéphane) : Par exemple, je ne pense pas qu'Amazon.fr offrait les premiers titres de Rosette Laberge,alors que les librairies agréées, au Québec, l'avaient, et nous, on les a dans nos bibliothèques. Mme Laberge est en train de devenir un phénomène au Québec.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Ça va?

M. Kelley : Ça va. Merci.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Oui, Mme la députée de Laporte.

Mme Ménard : Oui. J'aimerais connaître, démographiquement parlant, quel est le profil de la clientèle dans les bibliothèques aujourd'hui.

Mme Lagacé (Eve) : En fait, petit cours 101 des bibliothèques publiques peut-être. Deux types de bibliothèques publiques au Québec : les bibliothèques publiques dites affiliées, les bibliothèques publiques dites autonomes.

Donc, les autonomes sont dans les villes de plus de 5 000 habitants. Les bibliothèques dites affiliées sont dansles villes de moins de 5 000 habitants. Vous entendrez demain nos collègues du Réseau Biblio du Québec, qui desserventles bibliothèques dans les villes de moins de 5 000 habitants, donc, évidemment, qui sont de… Par exemple, Gaspésie—Îles-de-la-Madeleine, chez nous, il n'y a aucun membre. Bon, pour une raison x, il y a certaines villes de plus de 5 000 habitants qui sont demeurées affiliées. Gaspésie—Les Îles, donc on est vraiment en périphérie, même chose Abitibi, Côte-Nord, etc., où il y a beaucoup plus de bibliothèques dites affiliées que de bibliothèques autonomes.

Sinon, sur tout le territoire, les gens ont accès à un service de bibliothèque, même dans les plus petites villes, grâce au Réseau Biblio. Il va y avoir même plusieurs… bien, plus de petites villes en termes de population, mais, malgré l'étenduegéographique, il va y avoir plusieurs points de service, et il y a de plus en plus de services qui sont offerts, par exemplele prêt entre bibliothèques, ce qui va venir favoriser le prêt de livres. Même si la bibliothèque n'a pas accès, dans sa proprecollection, à un document, il y a le service de prêt entre bibliothèques qui permet à tous les usagers, partout au Québec, d'avoir accès aux titres d'une autre bibliothèque.

Mme Ménard : Je pense que j'ai peut-être mal posé ma question, mais quel est le profil des gens qui vont dans les bibliothèques aujourd'hui?

M. Legault (Stéphane) : En fait, il y a plusieurs profils de citoyens qui fréquentent la bibliothèque, mais, globalement, le portrait typique, c'est une femme de 45 ans. Mais, en moyenne, il y a beaucoup plus de femmes qui fréquentent les bibliothèques publiques au Québec que d'hommes. On voit beaucoup d'enfants en bas âge. En fait, chezles plus jeunes, quand on part une famille, on voit beaucoup, beaucoup d'enfants qui viennent, ils décrochent à l'adolescence,raccrochent une fois qu'ils ont terminé leurs études, après… Parce que, pendant les études, souvent, ils vont fréquenterles bibliothèques universitaires, bibliothèques collégiales, vont revenir à nous une fois qu'ils vont être sur le marché du travail, et revenir avec leurs enfants, et poursuivre comme ça jusqu'à leur mort, finalement.

Mme Lagacé (Eve) : Et on ne parle pas nécessairement… Il n'y a pas une question non plus économique par rapport à ça. Ce n'est pas parce qu'une personne a un salaire plus élevé qu'elle ne fréquentera pas la bibliothèque, et lecontraire. Donc, ça, ce n'est pas… on ne peut pas dire qu'il y a un lien de cause à effet, là, entre la fréquentation de la bibliothèque et son profil économique.

Mme Ménard : Je lisais un article qui disait que les baby-boomers sont vraiment les gens qui lisent aujourd'hui parce qu'ils ont un peu plus de temps, et c'est ce que… Alors, est-ce que vous confirmez ça ou…

M. Legault (Stéphane) : Effectivement, les baby-boomers ont plus de temps, il y en a beaucoup qui sont à la retraite, à tout le moins qui y vont, leurs enfants ont quitté le nid familial, donc ils sont moins pris. Oui, ils disposent plusde temps qu'une mère de 25 ans qui essaie de concilier famille, garderie qui ferme à 5 heures, et le cours de soccer, les cours de natation, et tout ça. Oui, ça fait partie de la vie.

Mme Lagacé (Eve) : …sont un petit peu plus exigeants en termes d'offre de service aussi.

M. Legault (Stéphane) : Beaucoup plus exigeants.

Mme Ménard : Alors, merci. Ça va aller, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci. Nous allons maintenant vers le deuxième groupe d'opposition. Mme la députée de Montarville, vous avez la parole.

Mme Roy (Montarville) : Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Pour une durée de?

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : 3 min 15 s.

Mme Roy (Montarville) : Merci beaucoup. Oui, il faut le savoir.

Merci, Mme Lagacé, M. Legault, merci pour votre présence, merci pour votre mémoire. Et la mission des bibliothèques est extrêmement importante et nous la soutenons, nous sommes avec vous.

Cela dit, dans votre mémoire, à la dernière page, en conclusion, je vous amène au dernier paragraphe, le paragraphede la conclusion, vous écrivez, et je vous cite : «Les livres soldés par les grandes surfaces viennent fragiliser toute la chaînedu livre...» Alors, «l'Association des bibliothèques publiques du Québec s'inquiète de cette situation car elle nuit aussi àses membres qui désirent développer des collections de qualité pour les citoyens». Alors, si je reprends votre argumenta contrario : Est-ce que, si les grandes surfaces cessaient de vendre des livres, le développement de collections de qualité dans les bibliothèques serait assuré? Est-ce que ça ne tient qu'à ça?

M. Legault (Stéphane) : En fait, je ne pense pas que les grandes surfaces vont cesser de vendre des livres. En fait, ce qu'ils vont cesser, c'est de mettre des rabais, de les vendre en bas du prix coûtant.

Mme Roy (Montarville) : Si elles cessaient ces rabais?

M. Legault (Stéphane) : Si elles cessaient ces rabais, ça va permettre au libraire, à notre avis, de fonctionner, et d'attirer une plus grande clientèle, et poursuivre sa mission de nous fournir des livres les plus diversifiés possible. Oui, ça va nous aider à maintenir des bibliothèques publiques de qualité.

Mme Roy (Montarville) : Ma question était : Est-ce que vos collections, dans les bibliothèques, ces collectionsde grande qualité, ne sont assurées que par ça, que par le fait que les grandes surfaces aient des soldes plus avantageux que les petits libraires?

M. Legault (Stéphane) : Non. En fait, nos collections de qualité sont assurées par une offre diversifiée au point de vue des librairies agréées.

Mme Roy (Montarville) : Donc, elles tiennent à autre chose également?

M. Legault (Stéphane) : Elles tiennent essentiellement à nos libraires. Je vois mal où vous voulez en venir. Nous,on s'approvisionne exclusivement là, donc, s'ils sont en mesure de poursuivre leur travail qu'ils font actuellement… On a vu, dans certains cas, que ça a diminué. Oui, il faut maintenir la force des librairies agréées.

Mme Roy (Montarville) : Donc, c'est l'équation que vous faites, c'est vraiment au niveau de la diversité de la production. Je vous remercie beaucoup.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, Mme la députée. Mme la députée de Gouin, vous avez la parole.

• (15 h 10) •

Mme David : Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup pour votre présence, mais aussi pour le travail formidable que vous faites à la grandeur du Québec.

Peut-être, dans le même ordre d'idées, pour mieux comprendre les choses, si je comprends bien, vous, bibliothèquespubliques, devez acheter vos livres au prix de l'éditeur et vous dites : Ça devrait être le cas… J'ai cru comprendre qu'il y avait une sorte de sous-texte, mais ce serait… normalement, ça devrait être le cas de toutes les institutions publiques, mais j'ai compris que vous demandiez au législateur ou… enfin, de s'assurer que la loi soit respectée. Mais,si je vous comprends bien, en fait, les seuls, ou à peu près, qui n'achètent pas le livre à la valeur du prix fixé par l'éditeur, bien, ce sont les grandes surfaces et peut-être quelques chaînes de librairies. C'est ça que vous êtes en train de nous dire. Et vous êtes donc en train de nous dire que les seuls à pouvoir se permettre ça sont ceux — moi, je me permets de le dire — qui, en fait, n'ont pas besoin... En fait, je me demande bien d'ailleurs pourquoi elles vendent… ces prix à 30 % moins cher, étant donné que leurs stationnements sont pleins de toute façon les fins de semaine. Mais ce que vous essayezde nous démontrer aussi, c'est que cela nuit à l'existence même, selon vous, d'une diversification de l'offre de librairies indépendantes. J'aimerais que vous alliez un petit peu plus loin là-dessus.

M. Legault (Stéphane) : Bien, en fait, oui, c'est... On le voit sur le terrain, quand une grande surface vient s'installer, les librairies ont de la misère, ou même quand une grande chaîne vient s'installer à côté d'une librairie agréée et qui est indépendante, on voit qu'elle a de la difficulté à survivre. Pour nous, l'offre que nos librairies agréées nous apportent, c'est ce qui fait la force, c'est ce qui fait notre vitalité, et on le voit à tous les jours, là. C'est vraiment... c'est clair, les grandes surfaces font mal.

Mme Lagacé (Eve) : Ce qu'il faut savoir aussi, c'est que les librairies, pour nous, ce ne sont pas qu'un commerceou une source d'approvisionnement, ce n'est pas un fournisseur, ça va plus loin que ça. Pour nous, on a vraiment une relationprofessionnelle avec nos libraires pour développer nos collections. Donc, ça, ce n'est pas... on ne retrouvera pas ça en grande surface.

M. Legault (Stéphane) : Nos libraires sont nos conseillers aussi quand on achète nos livres. Ils connaissent notreprofil. Ils font, eux autres, leurs prénotés, qu'on appelle, en fonction de nos choix, et même, quand on a des trous dans notre sélection qu'on doit compléter parce qu'on vient d'élaguer un tel sujet ou un autre, on parle avec eux.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci beaucoup, M. Legault, Mme Lagacé.

Et nous allons suspendre juste quelques instants, le temps que les prochains intervenants prennent place, soit l'union des écrivaines et écrivains du Québec. Merci.

(Suspension de la séance à 15 h 12)

(Reprise à 15 h 14)

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : À l'ordre, s'il vous plaît! Chers collègues, nous reprenons nos travaux. Donc, nous reprenons nos travaux. Mme Desrosiers, M. Farley-Chevrier, bienvenue à l'Assemblée nationale. Vous disposez d'un temps de 10 minutes, par la suite suivra un échange avec les parlementaires. La parole est à vous.

Union des écrivaines et écrivains québécois (UNEQ)

Mme Desrosiers (Sylvie) : Merci. J'ai déjà été obligée de couper dans le texte. Alors, mesdames messieurs, Mme la Présidente, M. le ministre, chers députés, merci de nous avoir invités à cette commission parlementaire.

Permettez-moi d'abord de me présenter. Je m'appelle Sylvie Desrosiers, et j'écris et je vis de ma plume depuisplus de 30 ans. Je suis ici en compagnie du directeur général de l'union des écrivaines et des écrivains du Québec, et moi, je suis sur le C.A. de cette même union.

Depuis le printemps 2011, l'UNEQ, qui regroupe plus de 1 400 membres, appuie la démarche pour une réglementationdu prix du livre et y participe activement. Nous sommes les acteurs économiques à la source de la vitalité d'une industriequi a généré, en 2011, 290 millions de dollars de ventes finales pour les éditeurs de propriété québécoise seulement. Pasd'auteur, pas de livre, c'est une évidence. Nous sommes donc particulièrement sensibles aux soubresauts, aux changements, à l'évolution du domaine qui nous fait vivre et sommes d'ardents partisans de toute mesure qui pourrait assurer la santéet le développement du livre imprimé et numérique, d'autant plus qu'au-delà de sa dimension économique le livre représenteun capital de connaissances et de valeurs, est un vecteur d'imaginaire, de mémoire et de savoir lié intrinsèquement audéveloppement culturel de toutes sociétés, comme l'explique si bien la Politique québécoise de la lecture et du livre, qui demeure toujours actuelle.

Visibilité, accessibilité, diversité, créativité, ces quatre mots qui pourraient s'appliquer à toutes les sphères de laculture sont les aspects liés à la réglementation qui ont guidé notre réflexion et notre prise de position en faveur d'uneréglementation. L'écrivain est une sorte de PME. Il écrit un livre, s'associe, dans la majorité des cas, à un éditeur censétout mettre en œuvre, avec le concours des maillons de la chaîne du livre, pour que son livre soit visible et accessible.Et c'est la multiplicité des genres, des plumes qui assurent au lecteur toujours plus exigeant un très large éventail de choix.Bien sûr, comme tout entrepreneur, l'écrivain doit vivre, ce qui signifie vendre son livre puisqu'il ne reçoit pas de salaire, mais plutôt des droits d'auteur. À l'heure où le gouvernement fédéral, par la nouvelle loi sur le droit d'auteur, vient de le dépouiller, de lui voler carrément une partie de ses revenus par une série de nouvelles exceptions, il est de toute première importance que le gouvernement du Québec soutienne encore ses créateurs et réitère sa foi dans le pouvoir dulivre pour l'évolution et l'avancement d'une société, comme il l'a déjà prouvé par les mesures qu'il a adoptées en faveur du livre. Nous lui demandons de faire un pas de plus.

Présentons la chose autrement. Lorsqu'un film sort au cinéma, le DVD ne sort pas en même temps. Ce serait niplus ni moins tuer les salles et priver la chaîne du film des revenus escomptés pour payer les frais de production. Il nevient à l'idée de personne de contester cela. Plusieurs attendent le mardi, jour d'entrée à bas prix, pour voir le film. Ces mardis, c'est notre 10 %, nos neuf mois, c'est l'équivalent de la vie du film au cinéma. On peut ajouter à cela que le lecteur est choyé par rapport à l'amateur de cinéma puisqu'il bénéficie d'un formidable réseau de bibliothèques publiques où il aura accès gratuitement à l'œuvre qu'il désire lire. Se rendre au lecteur, voilà le désir fondamental de l'écrivain puisqu'il écrit pour être lu. Il va donc dans notre intérêt qu'il y ait le plus grand nombre de points de vente possible.

Attention, nous ne sommes pas contre les grandes surfaces, nous sommes pour la plus grande visibilité possible,grandes surfaces, librairies, pharmacies toutes confondues. Or, force est de constater que c'est la librairie qui est la gardiennede la diversité, et c'est aux instances responsables de voir à ce qu'elle s'acquitte adéquatement de sa tâche. Selonl'Association des libraires, en 2013, on compte 192 librairies agréées, dont 135 sont des librairies indépendantes. Dansun contexte où les efforts conjoints du ministère de l'Éducation et du ministère de la Culture pour donner le goût de lalecture aux jeunes dans nos écoles portent fruit, où tous sont d'accord sur la nécessité de savoir lire, où le niveaud'analphabétisme est très élevé, nous pensons qu'on ne peut pas se permettre de perdre une seule des vitrines du livre,ni la section livre dans les grandes surfaces ni aucun périmètre, si petit soit-il, concentré à la vente de livres imprimés et numériques confondus. De fait, nous les voulons tous.

• (15 h 20) •

Ce n'est pas en disant aux jeunes qu'il faut lire que nous les atteindrons, c'est en valorisant le livre, donc en lerendant visible, en en faisant une part essentielle de notre environnement, quelque chose de naturel et d'évident. Ce quenous voulons éviter, c'est, en résumé, une désertification du Québec sur le plan de la littérature, rien de moins, en maintenantet, idéalement, en développant les librairies de proximité. Les jeunes n'iront pas chez Costco acheter leurs livres, ils n'ont pasd'auto, mais, si une librairie a pignon sur rue dans son quartier, on ne sait jamais. Nous n'avons rien à gagner d'une guerre de prix. D'ailleurs, pour nous, les écrivains, l'éradication de la concurrence est un drôle de concept. Nous prônons l'ouverture, la diversité et la multiplicité, et c'est ce que la loi n° 51 a permis au grand bénéfice de la population québécoiseet des 12 000 personnes qui travaillent dans l'industrie du livre. Dans la mesure où les écrivains qui consacrent plus desdeux tiers de leur temps à écrire ont un revenu global de 30 000 $ ou moins, incluant tous les revenus d'autres sources, nousavons besoin de visibilité, l'ai-je assez dit, et la disparition petit à petit de librairies indépendantes érodera cette visibilité cruciale.

La stratégie qui veut qu'un détaillant vende à perte pour attirer la clientèle ne peut que nuire à moyen terme aulivre. En effet, les rabais substantiels consentis par les grandes surfaces sur les nouveautés viennent gruger le marché deslibrairies indépendantes qui, si elles ne peuvent bénéficier des revenus liés à ces ventes, n'ont plus de marge de manœuvre. Elles fermeront. Depuis 2010, 20 librairies ont fermé et seulement quatre ont ouvert leurs portes. Le phénomène ira en empirant.

Que restera-t-il aux lecteurs comme choix? Les grandes surfaces offrent tout au plus 300 titres, tous genres confondus, alors que les librairies agréées sont tenues par la loi d'offrir un fond d'au moins 6 000 titres répartis en sept catégories. Ce sont elles qui prennent le risque de vendre de nouveaux auteurs inconnus qui, s'ils deviennent populaires,iront sur les tables des grandes surfaces. Comment un auteur peut-il naître sans librairie? Nous voulons que tous les livresaient une chance et nous voulons être en mesure de gagner notre vie, comme je le soulignais en début de cette intervention.Même si l'écrivain touche les mêmes redevances, peu importe le point de vente, il y a une limite aux rabais sans que cela n'affecte ses droits d'auteur dont la proportion ne peut qu'aller en diminuant au-delà d'un certain seuil.

De plus, c'est le nombre de ventes qui constitue son revenu. Le portrait de sa situation est éloquent : 65 % desécrivains tirent moins de 5 000 $ par année de leur activité d'auteur. Vous savez, ce n'est pas vrai que les écrivains écrirontpeu importe, il y a toujours un point de rupture quelque part. À court terme, le grand perdant d'une guerre de prix seraaussi le lecteur. Comme on peut le lire dans un article du New York Times, daté du 4 juillet, au sujet d'Amazon, quand laconcurrence est éliminée, le meneur fixe et monte ses prix, histoire de récupérer tous les rabais qu'il a consentis au fil des ans.

Libre marché? Oui. Mais, pour que les consommateurs y trouvent leur compte, il faut plusieurs joueurs. L'exempleeuropéen est éloquent à ce sujet. Les prix ont connu une stabilité dans les pays ayant adopté une réglementation et ontbondi en Angleterre où la réglementation a été abolie. Tout le monde bénéficierait d'une réglementation, y compris lesgrandes surfaces. Ce n'est pas la panacée. Et les commerces eux-mêmes doivent faire preuve de créativité pour attireret retenir leurs lecteurs, comme nous. À quoi serviraient les subventions du CALQ et de la SODEC pour l'écriture et laproduction de livres futurs si les vitrines de ces mêmes œuvres disparaissaient? À quoi servirait la promotion de la lecture…

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Mme Desrosiers, je m'excuse, je vous invite à conclure.

Mme Desrosiers (Sylvie) : Oui. Je conclus.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Moins de 10 secondes.

Mme Desrosiers (Sylvie) : Je conclus. À quoi servirait la promotion de la lecture si on ne dispose que d'un choix éditorial dicté par des impératifs commerciaux? La diminution de la bibliodiversité représente…

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Je suis désolée, Mme Desrosiers.

Mme Desrosiers (Sylvie) : …pour les lecteurs le plus grand appauvrissement.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Je suis désolée. M. le ministre.

Je veux juste faire une mise au point. Vous savez qu'ici le temps nous régit beaucoup au niveau des commissions parlementaires, le temps est précieux. Donc, je ne peux pas… Je suis désolée d'avoir une discipline aussi rigide.

M. le ministre, vous avez la parole.

M. Kotto : Merci, Mme la Présidente. Mme Desrosiers, soyez la bienvenue. J'ai été pris moi-même par le temps tout à l'heure à l'ouverture que… ne vous sentez pas seule.

Mme Desrosiers (Sylvie) : …c'est comme ça.

M. Kotto : Tout à fait.

Mme Desrosiers (Sylvie) : On aime bien faire des résumés d'une demi-heure pour une phrase de 20 secondes.

M. Kotto : Exact. Vous parliez tout à l'heure du nombre de librairies agréées, 192 dont 135 sont indépendantes.De ces 135, à votre avis, j'irai dans les pourcentages, est-ce que vous avez une idée du pourcentage qui se trouve en ce moment fragilisé?

Mme Desrosiers (Sylvie) : Il y en a une vingtaine déjà qui ont fermé, comme on disait, depuis 2010, et elles sontparticulièrement fragilisées, comme mes collègues disaient tout à l'heure, en région. N'est-ce pas, Francis? Tu peux ajouter là-dessus.

M. Farley-Chevrier (Francis) : Mais probablement que c'est des… Peut-être que l'Association des libraires pourra donner des chiffres plus précis là-dessus.

M. Kotto : O.K. Vous évoquiez Costco. Bon, ça, il a toujours servi d'exemple d'identification relativement à laconcurrence, entre guillemets, déloyale. Avez-vous des données relatives à leur courbe de vente, dans la fourchette temps comparable, qui nous met en relief cette série de 20 librairies qui ont disparu, pour établir un rapport cause à effet?

M. Farley-Chevrier (Francis) : Je me permets de répondre, M. le ministre. Je n'ai pas les chiffres exactementen mémoire mais, lorsqu'on lit le dernier rapport de l'Observatoire de la culture, qui est paru en juillet, on fait état d'une progression des ventes des grandes surfaces et d'un recul des ventes des librairies indépendantes.

M. Kotto : Vous parliez également, enfin, du détaillant, toujours le même prix en référence, qui vend à perte. Je me posais la question ce matin : Est-ce qu'il existe des données qui peuvent nous permettre de prendre la mesure de cetteperte, considérant que nous, en fait ici, nous n'avons aucune information relative aux ententes qu'il a, lui, avec ses clients,en fait avec les éditeurs ou… qu'ils soient ici ou d'ailleurs. Est-ce que c'est une information dont vous disposez, vous?

Mme Desrosiers (Sylvie) : Je pense que… Non, c'est une information probablement que l'association des éditeursqui va… nous suit immédiatement auront des chiffres plus précis. Mais il est clair que le livre, dans une grande surface, est un produit presque d'appel, hein? Quand les gens sont là, ils vont acheter autre chose. On ne parle pas d'une librairie,une grande surface, ce n'est pas une librairie. D'ailleurs, quand on y va, les livres, comme je disais, il n'y en a pas plusde 300 titres, ils sont sur des tables un peu partout. On n'a pas de service, là, de libraire qui peut nous aider. Et ces 300 titres,c'est tous titres confondus, là : on parle des traductions, on parle des livres français, on parle des livres de recettes, on parle de tout, là. On ne parle pas juste de littérature. Ça, il n'y en a pas beaucoup.

Ce qui est assez, à quelque part, évident, c'est que l'exemple de l'Angleterre, par exemple, dont je parlais tout àl'heure, où il n'y a pas de réglementation, c'est qu'à un moment donné, à force de faire des rabais comme ça, ce qui estarrivé en Angleterre, c'est que les prix des livres ont bondi parce que, pour pouvoir garder leur marge de manœuvre, leséditeurs ont été obligés d'augmenter le prix de détail, parce qu'à un moment donné il y a une limite aux rabais que tu peuxoffrir sans que ça nuise à tes revenus. C'est la même chose pour les écrivains : à partir d'un certain seuil de rabais, on ne peut plus toucher, nous autres, nos droits d'auteurs comme il y est inscrit, on est obligés… il est baissé, notre droit d'auteur.Alors, si on veut continuer à espérer vivre un peu sur un livre, on ne peut pas aller comme ça. Mais les chiffres, exactement,que vous nous demandez, là, ça, je ne peux pas vous le dire exactement. Probablement que l'association des éditeurs pourra vous éclairer là-dessus.

M. Kotto : O.K. Je reviens à une question relative aux créateurs, aux écrivaines et écrivains. De quelle façon pensez-vous que la réglementation du prix du livre neuf, qu'il soit papier ou numérique, améliorerait les conditions financières des écrivaines et des écrivains au Québec?

• (15 h 30) •

Mme Desrosiers (Sylvie) : Nous avons besoin du… L'écrivain vit de ses ventes de livre, hein, et d'un pourcentagequi est très, très petit. Sur un livre de 10 $, on va toucher 0,90 $, 1 $, O.K.? Ce n'est pas gros puis ce n'est pas beaucoup.Alors, c'est le nombre de ventes qui va faire qu'on va recevoir de l'argent. Si on perd des points de vente, on perd desventes, ça, c'est clair. Pour l'écrivain québécois particulièrement, c'est à la librairie qu'on va retrouver nos livres. Parceque, bien sûr, Kim Thúy, Michel Tremblay ou Chrystine Brouillet sont dans les grandes surfaces. J'ai déjà eu des livresdans les grandes surfaces. Je n'ai rien contre les grandes surfaces, mais le nombre de titres est tellement limité que, si on n'apas de visibilité, s'il n'y a pas d'autres librairies, comment voulez-vous qu'on vive? On ne vit que par les ventes de noslivres, et les ventes, bien, on les effectue, pour la plupart, dans les librairies ou par, bien sûr, achat en ligne, achat numérique.

M. Kotto : Merci.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci. M. le député de Bonaventure.

M. Roy : Merci, Mme la Présidente. Mes salutations à Mme Desrosiers et M. Chevrier.

Dans votre texte, le mémoire que vous nous avez déposé, et vous l'avez dit tout à l'heure, vous dites : «65 % desécrivains tirent moins de 5 000 $ par année de leurs activités d'auteur [et] plus préoccupant encore, la moitié des écrivains qui consacrent plus des deux tiers de leur temps de travail à l'écriture touchent un revenu annuel total de 30 000 $.» Comment ces gens-là font pour vivre? Et j'ai d'autres questions.

Mme Desrosiers (Sylvie) : Et voilà, tout est la question. D'abord, ils sont considérés… Les écrivains sont, de parune autre loi, sont considérés comme des artistes un petit peu de seconde zone, et c'est de négociations aussi gré à gré. C'est un autre dossier sur lequel… l'éditeur, sur lequel on veut travailler pour améliorer nos conditions de pratique. Comment on fait pour vivre? Moi, j'ai eu beaucoup de chance parce que j'ai vécu de ma plume, mais j'ai vendu beaucoup de livres, j'ai écrit des scénarios de films, mais, pour la plupart, ils sont obligés de faire autre chose. Quand on parle des 30 000 $, on parle des 30 000 $ tous revenus confondus, là, tu sais. Donc, la plupart vont enseigner, faire autre chose.

Mais la pratique de l'écrivain, c'est une pratique très, très importante. On ne peut pas écrire entre deux brasséesde lavage la fin de semaine. Pour devenir un bon écrivain, bien, il faut écrire. Et ce qui est le plus curieux, c'est que pluson écrit, moins on en vit, et ça, c'est épouvantable. Il y a les… Bien sûr, on va chercher des bourses, mais, même ça, c'estquelque chose de très difficile à avoir. En littérature, en général, le pourcentage qu'on va avoir, c'est… entre 15 % à 20 % des demandes de bourses qui auront une réponse positive. En moyenne, il faut faire une demande à tous les cinq ans si on veut avoir une bourse, puis ce n'est pas… une demande par année pour espérer en avoir une au bout de cinq ans, en général. Donc, ce n'est pas non plus une source de revenus sur laquelle on peut nécessairement compter. Quand on l'a, bien, on est supercontents, ça, c'est sûr.

Alors, comment ils font pour vivre? Ils aimeraient mieux vivre. Et c'est pour ça que je vous parlais de visibilitétantôt. Vous savez, c'est important… Pour moi, c'est très, très important qu'on puisse voir le livre, qu'on ait des vitrinesparce que c'est comme ça qu'une société valorise le livre, ce n'est pas en le tenant fermé dans un magasin, puis on ne peutpas le voir. Comme je disais, moi, je fais des visites d'écoles depuis 25 ans. Vous avez posé une question tantôt au sujet dela lecture. Les enfants lisent beaucoup, lisent énormément. Il y a un programme extraordinaire du ministère de l'Éducationqui s'appelle La culture à l'école, qui donne accès justement aux enfants à des rencontres avec les auteurs, en leur donnantun budget aussi d'acquisition de livres, et ça, ça porte fruit; ils lisent énormément, ils lisent beaucoup. Mais il faut que çasoit valorisé. Ce n'est pas en leur disant : C'est important de lire, mon enfant, qu'il va être convaincu. Il faut qu'ils voientun livre partout, il faut qu'ils voient des livres sur la rue, il faut qu'ils voient des livres dans les émissions de décorationoù, tu sais, qu'ils arrêtent juste de mettre des cadres puis qu'ils mettent des livres, des bibliothèques, quelque chose, tu sais.Dans le plus récent catalogue IKEA, il y a des livres, des photos à toutes les deux pages, tu sais, c'est… Il y a quelquechose qui… On doit en faire un environnement visuel, il faut que ça paraisse. Moi, je rêve du jour, là, où on pourrait aller,en marchant sur la rue, acheter ses tomates puis avoir un livre qui sort du sac d'épicerie en même temps parce qu'on a étécapables d'aller l'acheter à côté. Il faut qu'ils soient visibles pour être valorisés. Et, pour que ces futurs lecteurs là, quisont nos enfants, en ce moment, qu'on réussit à prendre par la main, là, puis on les amène, puis ils sont contents, puis ils lisent énormément… Il y a des listes d'attente dans les bibliothèques d'école, là, tu sais. Bien, ce n'est pas pour les abandonner en bout de ligne puis qu'ils sortent dehors, dans la rue, puis il n'y en a plus, de magasin où ils vendent deslivres, tu sais. C'est comme avoir fait la démarche à l'envers, là, tu sais, c'est... On a investi beaucoup, on a donné beaucoup, puis, tout à coup, il n'y a plus de place où on les voit.

Et, en investissant comme ça à l'école, on leur apprend aussi à être critiques, à lire, à savoir reconnaître un bonlivre d'un livre qui est insignifiant. Alors, on leur apprend à avoir éventuellement des critères assez élevés pour la lecture.Alors, ces gens-là, ces jeunes-là — et j'en ai côtoyés et, je vous le dis, j'en côtoie encore au primaire et au secondaire — ilsveulent avoir un bon choix de livres parce que lire, c'est la dernière phrase que je n'ai pas pu vous dire, mais, tu sais, en lui donnant les librairies, c'est la liberté de choisir qu'on donne, là, tu sais, de s'ouvrir, de découvrir des auteurs d'ici et d'ailleurs.

Et, mon Dieu, souvent, quand j'entends, moi, un jeune dire : Moi, j'ai découvert, j'ai eu le goût de la lecture avec tel livre que j'ai trouvé à la bibliothèque ou, tu sais, c'est... Tu dis : «Yes», c'est parce qu'il en a... Un livre, c'estquelque... c'est un produit... ce n'est pas une chemise, c'est un produit unique. Un livre ne ressemble pas à un autre livre.Le contenu d'un livre est différent du contenu d'un autre. C'est des choses... c'est des univers, c'est des créations complètement différentes. Et c'est un de ces livres-là, là, un de ces univers-là qui, à un moment donné, va faire qu'onva aller accrocher un jeune qui va aller lire, tu sais. Alors, ce qui est très, très, très important, c'est qu'ils aient accès, comme nous, les adultes, à beaucoup, beaucoup, beaucoup de diversité.

Je voudrais juste aussi appuyer sur le fait que ce qu'on demande, c'est 10 % sur neuf mois sur les nouveautés essentiellement. Ça, ça ne veut pas dire... Ça, ça veut dire que, si tu veux aller à la librairie t'acheter un livre de poche,acheter quelque... un auteur qui... extraordinaire, là, tu sais, qui a publié un livre il y a deux ans, tu peux l'avoir au rabaisconsenti par ton libraire. Il n'y a aucun problème, tu peux l'avoir à 20 %. Il y a certains libraires qui ont des cartes de fidélité, donc, tout ça. Ça, ça ne changera pas, tu sais. Et le livre n'augmentera pas, le prix du livre ne va pas augmenter. C'est la diminution du... c'est le rabais qu'on demande de diminuer, mais le prix du livre, il ne va pas augmenter.

Il y a un sondage qui a été fait, puis on a dit : Êtes-vous d'accord avec l'augmentation du prix du livre? C'est unequestion frauduleuse parce que ce n'est pas ça. Le prix du livre n'augmentera pas, c'est juste la diminution du... c'est justele rabais qu'on veut un peu moindre et pour un temps juste déterminé, c'est tout. Et, en plus, ils ont des bibliothèques quitout de suite achètent les nouveautés, et, si vraiment c'est un problème financier, on peut toujours aller à la bibliothèquele chercher. C'est extraordinaire ce qu'on a comme réseau de bibliothèques. Mais nous, en tant qu'écrivains, bien on veut les vendre, nos livres, alors il faut qu'ils soient vus.

Je sais que je n'aurai pas de longues réponses, mais je veux vous convaincre.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci. Est-ce que, M. le ministre, vous voulez la parole? Moins d'une minute.

M. Kotto : Moins d'une minute.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Bien, à peu près 1 min 30 s, si on réajuste un petit peu.

M. Kotto : O.K. Donc, si je vous entends bien, vous parliez tout à l'heure de l'expérience européenne de la réglementation du prix du livre. Dans le mémoire, on parle d'augmentation de livres achetés entre 1990 et 2000. Est-ce que, par hasard, vous auriez des chiffres relatifs à la situation entre 2000 et 2013?

Mme Desrosiers (Sylvie) : Est-ce que tu sais, toi?

• (15 h 40) •

M. Farley-Chevrier (Francis) : Dans la vente de livres en France, vous voulez dire?

M. Kotto : Oui.

M. Farley-Chevrier (Francis) : Non, ça, par exemple, on ne les a pas parce que les données qu'on vous donne, c'est tiré du rapport Gaymard, qui a été remis en 2009.

M. Kotto : D'accord. C'est bon. Merci.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci. Nous allons maintenant du côté de l'opposition officielle.Mme la députée de Laporte, vous avez un temps de parole et d'échange avec les écrivaines et écrivains du Québec pour 13 min 15 s.

Mme Ménard : D'accord. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, je vous salue, M. Farley-Chevrier et Mme Desrosiers. Alors, ma question va s'adresser à M. Farley-Chevrier. Dans le mémoire, en 2011, il est mentionné que 6 564 nouveautés ont été publiées au Québec. Alors, «publiées» ne signifie pas «vendues», n'est-ce pas? O.K.?

M. Farley-Chevrier (Francis) : 6 564 titres publiés, oui.

Mme Ménard : Alors, quel est le taux de vente, autant pour les livres québécois qu'étrangers?

M. Farley-Chevrier (Francis) : Alors, si on regarde dans le rapport de l'Institut de la statistique qui a été publiéen juillet, on fait état, en 2011, de ventes par les éditeurs de propriété québécoise de 290 millions de dollars, ce qui représente un pourcentage de 45,3 % des ventes finales de livres neufs au Québec.

Mme Ménard : 45 %?

M. Farley-Chevrier (Francis) : 45,3 % pour des éditeurs qui appartiennent à des Québécois.

Mme Ménard : O.K. Parfait, merci. Tantôt, dans votre énoncé, Mme Desrosiers, vous disiez que 20 librairiesont fermé leurs portes depuis 2010. Dans toutes les lectures que j'ai faites, là, moi, j'ai vu 19 fermetures en 10 ans. Alors, je voudrais juste m'assurer, là, que j'ai les bons chiffres. Alors, vous avez… D'où viennent ces chiffres-là?

Mme Desrosiers (Sylvie) : De l'Association des libraires du Québec. Ce sont les chiffres les plus récents.

Mme Ménard : Les plus récents, 20?

Mme Desrosiers (Sylvie) : Parce que c'est sûr que, tu sais, ça… d'une étude à l'autre, on dirait que ça varie, de un, deux, mais ce sont les chiffres les plus récents qui nous ont été fournis par l'Association des libraires.

Mme Ménard : Parfait, merci. Et, un ou l'autre, est-ce que vous connaissez les raisons des fermetures? Est-ce quec'est seulement qu'on parle seulement que de rentabilité? Est-ce qu'on parle de relève? Quelle est la cause des fermetures des librairies?

M. Farley-Chevrier (Francis) : Bien, les causes des fermetures sont multiples. Je crois qu'en effet, dans certainscas, il y a des problèmes de rentabilité. Dans d'autres cas, en effet, il y a des… Le problème de la relève, je crois que c'estun sujet qui préoccupe beaucoup les libraires et je crois qu'ils travaillent beaucoup là-dessus en développant des programmes de formation. Ils seront mieux placés que moi pour vous en parler. Mais, cependant, on sait qu'il y a différents autres facteurs, bon, la relève, mais aussi des questions économiques, le coût des loyers aussi, donc, parce que les libraires, c'estquand même des baux commerciaux qui sont dispendieux. Alors, en effet, donc, ça fait partie... Donc, les causes sont quand même multiples, mais les problèmes de rentabilité et de concurrence en sont aussi.

Mme Ménard : O.K. Parfait. Il y a une question à laquelle je n'ai pas eu de réponse, et je vais vous la poser, concernant le comportement du consommateur. Alors, est-ce que le fait de réglementer le prix va faire en sorte que le consommateur de grande surface va maintenant changer d'endroit, va aller dans les librairies?

Mme Desrosiers (Sylvie) : Probablement pas. Mais c'est… Bien, quand même, dans une certaine mesure, oui.

M. Farley-Chevrier (Francis) : …difficile à prévoir. Mais on peut croire qu'avec une égalité des opportunités,donc, dans les prix, ça peut attirer les gens à aller voir dans une librairie, voir un éventail de titres plus large. Ça peut inciter à aller voir plus de diversité.

Mme Ménard : Parce que je prends toujours ma mère comme exemple, là, maman qui, quand elle va aller à lapharmacie ou dans un magasin de grande surface, va peut-être acheter un livre. Ma mère n'a jamais été dans une librairie,ce n'est pas chez elle. Elle n'a jamais visité une librairie. Alors, si on réglemente le prix et que les grandes surfaces ne vendent plus le livre, ça veut dire que ma mère ne lit plus?

M. Farley-Chevrier (Francis) : Pour commencer là-dessus, je ne sais pas si on peut vraiment affirmer que, si onréglemente le prix des nouveautés, les grandes surfaces vont cesser de vendre du livre. Ça, c'est quelque chose… on ne peutpas tirer les conclusions de ça. Par exemple, au Mexique, où il y a des Costco et des Wal-Mart, il y a une réglementationdu prix du livre, et ces commerces-là continuent de vendre du livre, alors… Et aussi en France, où il y a également uneréglementation du prix du livre, il y a des grandes surfaces qui ont développé des secteurs culturels dans leurs magasins,comme Leclerc par exemple, où justement… ils ont fait le pari de proposer justement un assortiment d'ouvrages plus large et plus vaste.

Mme Desrosiers (Sylvie) : C'est ça qui est la beauté de la chose, c'est que ça a forcé les grandes surfaces nonpas seulement à arrêter de vendre des livres, mais ça les a forcées à bonifier leur offre et à faire des sections de librairie intéressantes dans leurs grandes surfaces aussi. Alors, ils y ont gagné de toute façon.

Mme Ménard : Je vais continuer avec vous. Tantôt, à vous écouter, là, je comprends que vous parlez beaucoupd'accessibilité, hein, d'accessibilité aux livres, de valorisation. Est-ce que, d'après vous, c'est la solution, de réglementer le prix, qui va faire en sorte que le livre va être valorisé et que l'accessibilité va être plus grande?

Mme Desrosiers (Sylvie) : Je pense que c'est une des solutions. Je pense que les librairies sont des commerces et qu'ils devront, eux aussi, faire preuve d'imagination pour attirer et retenir leurs lecteurs, leur clientèle. Certaines donnent déjà des… vont… amènent des écrivains, d'autres donnent des ateliers d'écriture, chacune va trouver sa façon. Mais il est évident que l'expertise et le service doivent être de l'avant en ce qui concerne les librairies.

Je pense qu'il faudrait être devin pour savoir ce qui va se passer dans six mois, pour savoir si ça va régler le problème. Dans le cas de la France, selon ce que nous, on a eu, nos chiffres, ça a donné au moins un répit de cinq ans auxlibrairies pour réussir à se repositionner et à faire preuve d'imagination pour garder leur marché. Si c'était juste ça qu'on arriverait à faire, ce serait déjà beaucoup parce que cinq ans, c'est une éternité aujourd'hui, tu sais.

Mme Ménard : Peut-être une dernière question en ce qui me concerne. Je ne sais pas si mes collègues auront desquestions, mais… Pouvez-vous, pour la gouverne de tous, là, et ceux qui nous écoutent, parce que je suis convaincue qu'il y a des milliers de personnes qui nous écoutent…

Une voix : Des centaines de milliers.

Mme Ménard : Des centaines de milliers, exactement. Est-ce que vous pourriez élaborer sur une librairie indépendante et une librairie agréée? Et il y a aussi, si je ne me trompe pas, des librairies indépendantes agréées. Alors, quelle est la différence de tout ça?

M. Farley-Chevrier (Francis) : O.K. Alors, on définit, on entend par une librairie indépendante une librairie qui n'est pas rattachée à un réseau de succursales, premièrement. Donc, je crois qu'une librairie indépendante, enfin, peut avoir des succursales, mais c'est, maximum, trois, je crois. Alors, ça, c'est une librairie indépendante.

Une librairie agréée, c'est une librairie qui a obtenu un agrément en vertu de la loi sur le développement des entreprises dans le domaine du livre et, donc, qui répond à un certain nombre de critères, par exemple, donc, propriétéquébécoise. Et notamment, pour être agréée, une librairie doit tenir un fond de 6 000 titres, dont 2 000 titres d'auteurs québécois.

Une voix :

M. Farley-Chevrier (Francis) : 6 000.

Mme Ménard : 6 000?

M. Farley-Chevrier (Francis) : 6 000 titres et répartis en sept catégories. C'est pondéré selon sept catégories. Donc, lorsqu'on dit que les librairies agréées sont les garantes de la diversité, elles le sont parce qu'elles n'ont pas seulement 6 000 titres de romans, mais vraiment de façon… dans une diversité de catégories. Donc, ça, ce sont les librairies agréées. Et donc une librairie qui est titulaire d'un agrément peut vendre à des institutions, donc, peut avoir, donc, des commandes d'organismes institutionnels.

Mme Ménard : Alors, maintenant, les téléspectateurs comprennent ce qu'on parle. Merci. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci. Mme la députée de Montarville, vous avez la parole pour votre échange.

Mme Roy (Montarville) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci, Mme Desrosiers, M. — et je veux bienle prononcer — Farley-Chevrier, merci à vous, merci pour le mémoire. Je vous écoute, et vous êtes passionnés, et ça se voit, ça s'entend, et je comprends votre passion.

Moi, j'aimerais comprendre quelque chose d'autre aussi, cependant. On a beaucoup parlé du livre, du livre papier.Vous dites : Je veux voir des livres partout, que les gens se promènent avec des livres. Et j'en suis, j'aime bien avoir lelivre papier dans les mains. Mais il y a une réalité : nous sommes en 2013, et il y a le livre électronique. Et ce qui compte pour vous, les auteurs, c'est de les vendre, ça prend des ventes, peu importe le contenant…

Une voix : Le support.

• (15 h 50) •

Mme Roy (Montarville) : …le support, voilà. J'ai dit «le contenant»… le support. Et j'aimerais savoir quelleest la position des écrivains québécois avec le livre électronique? Est-ce qu'on en profite? Est-ce que nos écrivains saventcomment l'utiliser, vendre avec le livre électronique? Y a-t-il une problématique particulière? Parce qu'on s'en va là-bas,veux veux pas. C'est plus facile de télécharger trois, quatre livres dans son iPad que de traîner trois, quatre livres sous le bras. Alors, quelle est la situation réelle actuellement?

Mme Desrosiers (Sylvie) : Ce n'est pas encore une très grosse proportion de ventes, le livre numérique, pourles éditeurs, mais c'est sûr que ça s'en vient évidemment, ça augmente. Le livre numérique est un formidable outil ausside diffusion du livre. Si on est au milieu du désert puis on a un iPhone, on peut se commander un livre, c'est extraordinaireparce qu'il n'y a pas de librairie à côté pour aller s'en acheter un. Le livre numérique est… Pour moi, c'est… Quand onparle de livre papier ou de livre numérique, on parle de support, O.K.? Donc, quand on parle du livre, quand je m'exprimesur le livre, c'est le livre en général, qu'il soit numérique ou qu'il soit imprimé. Cependant, le livre numérique n'est pasencore assujetti à la loi n° 51… ce que, nous pensons, doit être fait de façon assez urgente parce que tout le monde peut vendre comme il veut, et il y a encore un certain contrôle de l'industrie, mais, tant que c'est… si ce n'est pas encadré par la loi, ça vient juste causer une distorsion, là, au détriment du livre papier.

On pense que le livre papier, le livre numérique, c'est deux choses qui cohabitent très, très bien, que c'est commel'arrivée de la télévision pour le cinéma, je veux dire, ça n'a pas tué… un n'a pas tué l'autre, et le numérique ne va pas tuer le papier. C'est comme le cadre électronique, là. À un moment donné, les gens se tannent d'avoir une pile toujours mortepuis ils finissent par les imprimer, leurs photos. Ça fait qu'il y en a qui veulent garder leurs livres pour pouvoir y avoiraccès tout le temps et il y en a qui vont faire ça par livre électronique parce que c'est très pratique, c'est très facile, onpeut mettre 800 livres, si on veut, dans une liseuse, mais il faut changer la liseuse, aussi, souvent parce qu'à un moment donné ça… Tu sais, c'est du commerce, hein? Ça fait que… Alors, je pense que tout va garder sa place, oui.

Mme Roy (Montarville) : Plus précisément, combien d'auteurs québécois sont publiés, justement, dans le livreélectronique? Puis dans quelle mesure ça ne pourrait pas être, justement, la bouée de sauvetage de l'écrivain québécois?

Mme Desrosiers (Sylvie) : Ça ne peut pas être une bouée…

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Je suis désolée. Peut-être, Mme Desrosiers, nommez un chiffre, je déborde de 10, 15 secondes. On n'arrivera pas dans le temps, je suis vraiment désolée. Peut-être que vous pourrez…

Mme Desrosiers (Sylvie) : Probablement que vous pourriez poser votre question à l'association nationale des éditeurs. Ils pourront… une réponse.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Nous allons maintenant vers Mme la députée de Gouin. Vous avez la parole, Mme la députée.

Mme David : Merci, Mme la Présidente. Ça va être bref une fois de plus parce qu'honnêtement votre mémoire et votre éloquence convaincraient, je pense, en tout cas, il me semble, les gens les plus sceptiques, vraiment.

Ce que je comprends de ce que vous êtes en train de nous dire… Vous allez me dire si j'ai raison. Vous avez prononcé les mots : Il faut apprendre à lire. On entend d'habitude ces mots-là comme : L'enfant doit apprendre à lire. Bon, ça tombe sous le sens. Mais il me semble que vous avez dit autre chose. Apprendre à lire, c'est comme pour n'importequelle forme d'art, il faut apprendre à lire, lire pas seulement… Moi, j'adore ça, les meilleurs romans policiers, mais lireaussi tous les Renée Lavoie et les Jocelyne Saucier de ce monde, lire des romans jeunesse, lire ce qui sort de l'ordinaire.Et, si je comprends bien votre plaidoyer, c'est à l'effet de dire : Pas de problème que les grandes surfaces vendent desbest-sellers, parfait, elles le font bien. Le best-seller, bon, souvent, se passe d'explication. Mais ce que vous voulez, c'estque la jeunesse québécoise et, dans l'ensemble, le lectorat québécois découvrent d'autres livres, et ils ne les découvriront pas s'il n'y a pas, peut-être, le ou la libraire qui vont le leur suggérer?

Mme Desrosiers (Sylvie) : C'est exactement ça, c'est souvent comme ça, c'est souvent le livre qu'on va voussuggérer. Moi, je vais chez un petit libraire puis je dis : Ah! Je n'ai rien à lire en ce moment, y a-tu quelque chose que tupeux me suggérer, etc.? Et, bon, je vais souvent aller… Je voyage beaucoup, moi, dans une librairie. Je vais souvent dansles sections… Je vais chercher des auteurs que je ne connais pas, dont je n'ai pas entendu parler, justement, pour découvrir quelque chose d'autre, un nom d'un auteur islandais, tu sais. Puis c'est comme ça que, vraiment, je découvre tous ces auteurs, et c'est une ouverture au monde, bien sûr, à la connaissance, et on ne peut passer à côté…

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci beaucoup. Merci de votre compréhension, Mme Desrosiers, M. Farley. J'invite maintenant l'Association nationale des éditeurs de livres à prendre place.

Je vais suspendre les travaux quelques minutes.

(Suspension de la séance à 15 h 55)

(Reprise à 15 h 57)

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, nous reprenons nos travaux. Messieurs, bonjour. Bienvenue à l'Assemblée nationale. M. Bouchard, vous êtes président de l'Association nationale deséditeurs de livres. Je vais vous demander de vous présenter et de présenter également les personnes qui vous accompagnent.

Je vous rappelle que vous disposez d'un temps maximal de 10 minutes pour faire votre exposé. C'est ainsi que nous sommes régis à l'Assemblée nationale. Le temps est extrêmement important, et je dois gérer le temps de façon équitable. Donc, quand il vous restera moins d'une minute, je vais vous faire signe, peut-être à deux minutes, tel que convenu avec vous. Par la suite suivra un échange avec les parlementaires. Donc, s'il y a des choses que vous voulez plus… vous n'avez pas eu le temps, vous disposerez d'un 35 minutes pour nous livrer votre message.

Donc, sans plus tarder, je vous invite à prendre la parole.

Association nationale des éditeurs de livres (ANEL)

M. Bouchard (Jean-François) : Alors, Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les élus, merci de nous accueillir. Merci de nous avoir invités pour participer à cette réflexion que les parlementaires québécois ontdécidé de mener sur une éventuelle réglementation du prix du livre. Nous sommes très, très touchés et très impressionnéspar le zèle dont les parlementaires font preuve sur cette question, qui nous a obligés à sortir notre beau linge au beau milieu de l'été. Alors, on est ravis de venir vous rencontrer ici.

Donc, je m'appelle donc Jean-François Bouchard. Je suis président de l'Association nationale des éditeurs de livres. Je suis accompagné, à ma droite, de M. Arnaud Foulon, vice-président, édition, du groupe Hurtubise HMH et qui est vice-président de l'association des éditeurs, à ma gauche, de M. Louis-Frédéric Gaudet, qui est secrétaire du conseil del'association et, à l'extrémité droite de la tablée, il y a M. Richard Prieur, directeur général de l'association. Alors, je vaistenter de faire un usage modéré et intelligent du temps que vous me donnez. Et, puisque nous sommes dans un métierde l'écrit et du texte, eh bien, je ne lirai pas de texte, je vais vous parler, et donc je vais pouvoir vous regarder, et donc je vais vous voir me faire signe quand ce sera le temps.

• (16 heures) •

Alors, notre association représente une centaine d'entreprises d'édition au Québec et quelques-unes à l'extérieurdes frontières du Québec, au Canada français. Et nous représentons… Ces 100 entreprises publient sous à peu près130 marques d'édition différentes. Donc, nous représentons pour l'essentiel… non la totalité, mais l'essentiel de la profession d'édition au Québec et en partie aussi au Canada français. Notre association, après un débat qui a été musclé, digne de ce que l'on vit parfois à l'Assemblée nationale, a adhéré à la proposition à laquelle ont adhéré la totalité des associations professionnelles du livre au Québec, une proposition dont vous connaissez maintenant bien la teneur puisqu'elle vous a été répétée ad nauseam depuis 14 heures cet après-midi, à savoir une réglementation du prix du livre,qui n'est pas un prix unique, qui est une réglementation qui limite à une période de neuf mois, à la mise en marché desnouveautés, un rabais maximum de 10 %, après quoi, le premier jour suivant le neuvième mois, eh bien, il y a libéralisationcomplète des prix. Et ça ne touche pas non plus les 100 000 référencements que vous avez dans les systèmes de référencement des libraires actuellement qui sont déjà là et donc pour lesquels les prix libéralisés continuent de s'appliquerneuf mois, 10 % de réduction. Et donc notre association, après un débat, a pris vote, et donc la très grande majorité de nosmembres ont adhéré à cette proposition à laquelle nous adhérons et qui fait que nous nous faisons solidaires de l'ensemble des grands intervenants du livre et de l'édition au Québec.

Dans mon intervention, je vais essayer de répondre d'une manière assez claire à trois questions. La première, c'est : Est-ce réaliste? La deuxième : Est-ce nécessaire? Et la troisième : Est-ce risqué? Alors, évidemment, j'espère que jevais avoir gaspillé tout mon temps avant la 10e minute, donc je ne répondrai pas à la troisième question. Mais non! En fait…

Alors, est-ce réaliste? Souvent, dans mon environnement, on me dit : Nous ne sommes pas un pays européen, nousne sommes pas un pays en voie de développement, nous vivons dans une réalité, c'est que nous sommes une juridictionnord-américaine. Est-ce bien réaliste de proposer une réglementation du prix du livre dans un contexte nord-américain, dans un contexte de totale libéralité en ce qui concerne le prix du livre? Eh bien, je veux simplement rappeler que le Québec est la seule juridiction en Amérique du Nord à bénéficier d'une loi que nous, dans le métier, à cause de la longueurdu nom de la loi, on l'appelle vulgairement la loi n° 51 sur le développement des entreprises québécoises du livre. Noussommes la seule juridiction en Amérique du Nord qui a contraint les institutions publiques à s'approvisionner au plein prix auprès de libraires agréés.

Nous sommes aussi la seule juridiction en Amérique du Nord à avoir un système de mise en marché qui est assezoriginal, qui est celui de l'office, qui fait en sorte que la quasi-totalité des nouveautés qui sont mises en marché se retrouventà au moins un exemplaire dans la quasi-totalité des libraires au Québec. Alors, ce système n'existe nulle part ailleurs enAmérique du Nord; il existe au Québec. Et puis c'est une note en bas de page sans importance, mais se rappeler simplementque nous sommes la seule juridiction de langue française sur ce continent. Donc, est-ce réaliste? Oui, on a déjà fait preuveau Québec d'une certaine audace dans l'objectif de la préservation de notre culture et de notre participation à la diversité culturelle. Est-ce réaliste? Oui. Ça demande une volonté politique.

Bon. Alors, est-ce nécessaire? Alors, est-ce nécessaire de procéder par voie législative? Eh bien, beaucoup de gens, dont moi-même, je l'avoue, ont déjà cru que, si nous avons une si belle entente au sein des professions du livre, que diable n'adoptons nous pas nous-mêmes nos règles et ne les appliquions pas sur le marché québécois? Eh bien, on a unpetit problème. C'est que, si on fait ça, on tombe dans l'illégalité pour une raison toute simple, c'est qu'il y a une petitechose qui s'appelle la loi canadienne sur la concurrence qui nous interdit, du côté des vendeurs, de présumément collusionner, bien que ce soit public, pour fixer les règles d'un prix et particulièrement des règles aussi, entre guillemets, relativement contraignantes qui contraignent à limiter la remise ou le rabais.

Donc, moi, je fais partie des gens qui auraient bien aimé ça ne pas venir ici aujourd'hui, pas parce que je ne suispas heureux de vous rencontrer, mais de ne pas réclamer la protection de la loi, mais je n'ai pas le choix. De la même façonque la loi n° 51, qui est une loi qui soustrait les règles de la loi n° 51 aux règles de la concurrence, il nous faut une loi quiva nous mettre à l'abri de toute poursuite et de toute illégalité en ce qui concerne les lois de la concurrence. A fortiori, a fortiori, on a l'audace, dans la profession, de demander la portée extraterritoriale de la règle parce qu'évidemment on imagine bien qu'il y a un petit fin quelque part qui va aller établir son siège social à Winnipeg et qui va vendre à distance,qui va dire : Na, na, na, nous autres, notre siège social n'est pas au Québec, donc le prix unique, pfft! Eh bien, ce que nous demandons, ce que nous osons demander, c'est que la portée de la législation soit… ait une portée extraterritoriale. Est-ce que c'est possible? Est-ce qu'il y a des précédents? Oui. Entre autres, si vous faites du commerce à l'intérieur duCanada, vous savez qu'il faut appliquer, par exemple, les taux de taxe de vente selon la provenance de l'acheteur. Donc,oui, l'extraterritorialité, elle est possible, elle est audacieuse, elle oblige encore une fois une volonté politique, mais c'estpossible. Donc, est-ce nécessaire? Mesdames et messieurs, je suis obligé de vous dire : Si vous êtes d'accord, la réponse, c'est oui, il faut passer par une loi.

Et là je pense qu'il me reste encore assez de minutes pour passer au troisième point, hein? Hé, Seigneur!

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Il reste deux minutes.

M. Bouchard (Jean-François) : Le prochain coup, je vais écrire. Est-ce risqué? Jamais, jamais, dans l'histoiredu livre au Québec, une mesure n'est allée chercher un tel consensus interprofessionnel. Jamais une mesure n'a été appuyéepar autant d'intervenants de notre industrie quels qu'ils soient, du libraire, aux bibliothécaires, aux distributeurs, aux auteurs,aux éditeurs. Donc, c'est le plus large consensus qui n'a jamais été atteint. C'est une mesure qui coûte 0,00 $ à l'État.C'est une mesure pour laquelle, si le milieu de l'édition et du livre est assez irresponsable pour proposer une mesure qui le desserve, la totalité du risque est assumée par le milieu du livre, il n'est pas pris par l'État. Bien sûr, il y a un risque politique. Vous êtes spécialiste là-dedans, je vous le laisse. La majorité…

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : ...

M. Bouchard (Jean-François) : Une minute? La majorité des gens à l'intérieur de notre profession, de notre profession d'éditeur et des professions du livre, estiment qu'il y a un gain à tirer d'une réglementation du prix du livre.Ça a déjà été largement exposé. Il y a des gens qui disent : Au pire, l'effet va être neutre. Et il y a une minorité de gensqui pensent qu'il va y avoir un effet négatif qui ne s'est avéré dans aucune des juridictions qui a adopté une telle règle à travers le monde.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci beaucoup, M. Bouchard. Ça a très bien été, vous êtes très discipliné. Vous savez, je vais prendre juste les petites secondes que vous n'avez pas prises juste pour vous dire : C'esttoujours intéressant, tous les intervenants qui viennent en commission, mais on doit quand même réglementer au niveau du temps. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Kotto : Merci, Mme la Présidente. Alors, M. Bouchard, M. Foulon, M. Gaudet, M. Prieur, je vous réitère mes salutations devant les caméras.

Dans votre proposition, vous limitez à neuf mois la période pendant laquelle le prix du livre neuf serait fixé et par les éditeurs et par les importateurs. Comment êtes-vous arrivés à cette limite de neuf mois?

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Oui, peut-être M. Prieur?

M. Prieur (Richard) : Oui, oui. Bien, écoutez, quand M. Bouchard parlait de consensus dans la chaîne du livre, ça a été le fruit d'une longue discussion entre les différents intervenants. Certains étaient partisans d'une période de six mois. On évaluait la vie d'un livre publié à peu près dans ces paramètres-là, d'autres préconisaient un an. On sait qu'en Europe, en France en particulier, il n'y a pas de limite de temps, je pense que la réglementation est en place ad vitam aeternam. Alors, nous, évidemment, dans un esprit de conciliation, on s'était entendus pour le neuf mois parce que le neuf mois vous donne la chance d'exploiter un livre commercialement, une nouveauté, et en même temps ne prive pasl'éditeur de pouvoir éventuellement adopter un prix libéralisé pour des stocks qu'il voudrait éventuellement vendre à rabais.Bon. Le neuf mois, c'était grosso modo, entre éditeurs, libraires et distributeurs, un chiffre que je dirais qui était… qui respectait un peu l'opinion de tous.

Alors, je ne sais pas si ça répond à votre question. Mais, vous savez, dans une tentative comme ça, le neuf moisnous apparaît comme une période de temps fort raisonnable, hein? Ce n'est pas l'éternité et ce n'est pas non plus trop réduitdans le temps. C'est sûr que, si on avait fixé ça à trois mois, on se serait posé la question : Pourquoi faire une réglementation,véritablement? Je ne sais pas si, Arnaud, toi, tu avais un complément de réponse là-dessus, mais, comme distributeurs aussi, on en a beaucoup discuté particulièrement.

• (16 h 10) •

M. Foulon (Arnaud) : Mais je dirais qu'aussi, pour les éditeurs, au moment où il y a eu les différentes discussions, il faut comprendre que chaque maison d'édition a parfois des modèles d'affaires distincts, et le neuf mois permettait justement une pratique à peu près cohérente respectant les modalités d'affaires qui sont différentes pour une maison d'édition ou l'autre. Vous le savez comme moi, les maisons d'édition publient autant de la poésie, du livre d'activité, parfoisdu livre… du roman, plein de titres différents qui amènent des modèles et des structures distinctes. Le neuf mois permettait justement d'être adaptables à un ensemble de maisons d'édition.

M. Kotto : O.K. Et aussi vous souhaitez qu'un escompte maximum de 10 % soit permis pour toutes les entreprises, affectant la vente des livres au public. J'adapte la question. Comment en êtes-vous arrivés au 10 %?

M. Bouchard (Jean-François) : En fait, je pense que je peux…

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : …M. Bouchard.

M. Bouchard (Jean-François) : Je peux répondre en disant que c'est un rabais qui était déjà régulièrement consenti, par des petits libraires et des libraires indépendants, à des clients privilégiés ou sous forme de carte de fidélité.Donc, ça nous apparaissait être une pratique qui était déjà quand même très répandue et qui n'était pas une pratique quiavait été dictée par d'autres commerces que les libraires eux-mêmes. Donc, il y a eu négociation, c'est vrai, et ce 10 %, il est apparu raisonnable, y compris, je le rappelle, aux libraires et aux libraires indépendants.

M. Kotto :O.K. Merci. Vous proposez des mesures complémentaires à la régulation du prix des livres neufs, papier et numériques. Quels sont… En fait, est-ce que cela signifie que la simple régulation du prix du livre ne suffit pas?

M. Bouchard (Jean-François) : Le premier élément, c'est le respect de la loi n° 51. Donc, la loi, telle qu'elle existe,qui doit être respectée intégralement, est le premier garde-fou du livre au Québec. Donc ça, c'est important, et de veiller à ce que l'État veille à ce que les règles qui ont été édictées par la loi n° 51 soient respectées par tout le monde dans l'ensemble du métier. Ça, c'est… je pense que ça reste quand même le garde-fou principal. Est-ce qu'il y a des mesures spécifiques ou des mesures ciblées qui devraient être prises, par exemple, auprès de petits détaillants pour les aider à traverser certaines périodes? Peut-être, oui. Mais ce qui est clair, c'est que la mesure de réglementation du prix du livreest une mesure économique au sens strict du terme, c'est une mesure qui fait assez consensus, mais je pense qu'il n'y apersonne de sciemment intelligent qui va venir dire ici que nous allons sauver la totalité de l'industrie du livre au Québec pour l'éternité avec une législation du prix. C'est un élément important qui s'ajoute, mais c'est un élément.

M. Gaudet (Louis-Frédéric) : J'aimerais continuer à vous répondre, M. le ministre.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Oui. M. Gaudet.

M. Gaudet (Louis-Frédéric) : Oui. En fait, je pense que l'objectif avec la loi… en fait, avec le prix réglementé,c'est de vraiment stopper l'hémorragie de la fermeture de nos points de vente, et je vais vous donner un exemple très, très concret. Il y a quelques années, on faisait des opérations, c'est-à-dire qu'on travaillait sur des livres de fonds, donc deslivres qui ont plus d'un an ou deux ans d'activité, donc qui sont disponibles à la vente. Et donc on prépare des présentoirs, et souvent ce ne sont que les libraires indépendants qui acceptent de participer à ces opérations-là. Et, au cours des trois dernières années, notre chiffre d'affaires auprès des libraires indépendants a chuté de 4 % suite à la fermeture de certaines librairies.

Et, pour vous donner un exemple très, très concret, il y a quelques mois, on a mené une opération avec notre collection d'écrits politiques qui comprend des auteurs comme Pierre Vadeboncoeur, comme Lise Payette, commeFrancis Dupuis-Déri, comme Alain Deneault, comme le médecin Alain Vadeboncoeur. Et les ouvrages étaient disponiblesdans le comté de M. Pelletier, à Saint-Hyacinthe, à la Librairie Daigneault; les ouvrages étaient également disponiblesdans le comté de Mme Ménard, dans Laporte, à la Librairie Le Fureteur. Par contre ils n'étaient pas disponibles dans lescomtés de Montarville ni celui de Bellechasse. Et, dans des opérations comme ça, ce que l'on fait, c'est, entre autres, donnerun ouvrage gratuit. On avait préparé un petit pamphlet très, très élégant qui avait été rédigé par le collectif d'humoristes Les Zapartistes. Et, moi, ce que je vous dis aujourd'hui, c'est : Pourquoi les lecteurs des comtés de M. Pelletier et de Mme Ménard auraient accès à ces promotions-là et que les lecteurs dans les comtés de Mme Vien et de Mme Roy n'y auraient pas...

M. Kotto : O.K.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : M. le ministre.

M. Kotto : Je reviens juste pour boucler le tout. Les mesures complémentaires que vous proposez, est-ce que vous avez une idée de comment elles vont être financées?

M. Bouchard (Jean-François) : Bien, écoutez, les... ça dépend de quelle nature elles sont. Je pense qu'il y a toutessortes de réflexions, par exemple, actuellement qui sont en cours du côté du support à apporter aux libraires et pour lesquelsles financements pourraient être des financements mixtes, privés et publics. Et puis il y a tout le reste. Il y a tout ce qui concerne la promotion de la lecture elle-même et qui, là, est une responsabilité de l'État de par l'éducation et par la culture. Je pense que ça, c'est assez clair. On a une responsabilité, nous, à l'intérieur de ça aussi.

Mais la promotion... Je vous rappelle quelques données qui vont intéresser Mme la députée qui s'interrogeait sur,bon, les profils de lectorat, etc. Donc, le taux de littératie au Québec est de 47 %. La littératie, ça, c'est un mot pas très joli pour désigner une chose, c'est votre capacité finalement à utiliser l'écrit dans votre vie, et il faut avoir atteint le niveau 3, sur quatre niveaux, pour être fonctionnels dans la société actuelle. 47 % de la population du Québec a atteintle niveau 3; 53 % de la population a un niveau 2, 1, zéro de littératie. Donc là, il y a quelque chose au plan de la lecture,et ça, c'est pour toutes sortes de raisons qui sont liées à notre histoire. Donc, ça, ça m'apparaît être la question. C'est pour ça qu'il ne faut quand même pas se dire qu'une règle va régler le problème de l'analphabétisme au Québec. Il faut plus queça. Mais il ne faut pas, certainement pas en tout cas, qu'on s'organise dans le marché pour diminuer l'offre, diminuer la disponibilité de livres et de la lecture. Ça, il faut à tout prix préserver cette diversité et la disponibilité des produits de lecture au Québec.

Il y a une dizaine d'années, il y avait une étude de l'IQRC, l'Institut québécois de recherche sur la culture, quiavait démontré qu'il n'y avait pas plus d'un million d'acheteurs de produits de l'écrit au Québec. Et, bon, on peut discuter,des gens ont déchiré leurs beaux linges sur la place publique pour dire : Ce chiffre-là, bon, c'est 800 000, c'est 1,2 million, ce n'était pas 6 millions, hein, c'était... Moi, je pense que ce chiffre-là est un chiffre qui est tout à fait réaliste et qu'il apeut-être un peu augmenté, mais donc on a un retard culturel, on a un déficit culturel comme société contre lequel il faut se battre, et que l'éducation est une chose fondamentale.

M. Kotto : Une toute petite question.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Vous avez encore du temps, M. le ministre.

M. Kotto : Oui, oui. Mais je passerai la parole après à mon collègue de Saint-Hyacinthe. Est-ce qu'il y a urgence de réglementer?

M. Foulon (Arnaud) : ...peut-être ajouter là-dedans, à ce niveau-là. L'urgence, on en a parlé, c'est que la force del'industrie du livre est liée à plusieurs facteurs. On a entendu tout à l'heure les écrivains, vous avez entendu les bibliothèques.Il faut que l'ensemble des maillons soient solides, et le maillon actuellement de la diffusion qui rend le livre accessible au public, soit celui de la librairie — puis là je ne fais même pas de distinction qu'elle soit de chaîne ou indépendante, unelibrairie est un endroit spécialisé où on se procure une variété de livres importante — est actuellement en grande difficulté.

Juste ici, dans la Capitale-Nationale, vous avez vécu… Puis, je pense, vous le savez tous, plusieurs librairies ontfermé. Récemment, la Librairie générale française qui était ouverte depuis 42 ans, là... Ce n'est pas une librairie qui avaitouvert il y a huit ans. On parle d'institutions, de lieux où une communauté se rassemble, où on va chercher des éléments de notre culture, notre identité. Plus elles ferment, on a beau — comme, tout à l'heure, j'entendais l'exemple de Lachute — renvoyer les gens soit dans une bibliothèque, qui est effectivement un lieu intéressant, mais qui ne remplacepas une librairie… Et une grande surface encore moins, la grande surface n'est pas le lieu où on retrouve des ouvrages quinous permettent de former notre identité. On retrouve des ouvrages qui sont en demande d'un point de vue strictementcommercial, ce contre quoi personne ici ne s'oppose, mais c'est deux objectifs distincts et puis ça, je pense, c'est important.Et l'enjeu fondamental au niveau de cette loi qui doit être faite assez rapidement, c'est de stopper l'hémorragie parce queles… Il y a plus de 20 librairies indépendantes dans la Capitale-Nationale, il n'en restera pas 20 dans deux ans, ça, je peux vous le dire. Il y en a beaucoup qui ont des problèmes financiers, il y en a beaucoup qui ont des problèmes majeurs actuellement et qui se questionnent.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : M. le député de Saint-Hyacinthe, vous avez la parole.

• (16 h 20) •

M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Merci, Mme la Présidente. Alors, je vous salue, messieurs.

Là, ma question va être assez simple. Tout à l'heure, vous avez parlé de la Librairie Daigneault, mais, àSaint-Hyacinthe, là, on a quand même plusieurs librairies qui... Il y a des petites librairies, il y a la Librairie Daigneault,Librairie Solis. C'est les mêmes, mais ils ont des événements quand même importants pour susciter l'intérêt de la populationde la région à la lecture et augmenter la littératie. Alors, on s'associe à la commission scolaire de Saint-Hyacinthe, ons'associe à la ville, on s'associe aussi à l'APAJ, qui est un organisme qui s'occupe d'alphabétisation. Alors, on crée uneémulation dans le milieu qui fait en sorte qu'il y a beaucoup plus d'intérêt, puis ces libraires-là, ils sont beaucoup plusimpliqués dans leurs milieux, alors ça suscite aussi un intérêt. Puis je pense que ça serait un avantage pour que tous leslibraires, peut-être, du Québec, là, viennent s'intégrer dans la communauté, et ça, je voulais le mentionner parce que c'est important chez nous.

Et vous mentionniez tantôt qu'il y a seulement… Je vais vous lire… Je lis ce qui est mentionné dans votre rapport :La réglementation proposée ne serait applicable que sur les livres neufs qui ne constitueraient qu'environ 8 % de tousles titres disponibles. Ma question est assez simple, c'est de savoir : C'est peut-être 8 % des titres disponibles, mais c'est quel pourcentage des revenus qui relève de ce 8 % là pour un éditeur comme vous?

M. Bouchard (Jean-François) : Je vous assure, je vous promets, je vous jure que je ne vais pas noyer le poisson.C'est extrêmement compliqué à répondre parce que, selon le profil de maison d'édition que vous avez, ce n'est pas la mêmechose. Vous avez des… Il y a des maisons d'édition qui n'ont pas de best-sellers, point à la ligne. Bon. Alors, ça, déjà,on a un… Et les nouveautés, par contre, ce qu'on sait objectivement, c'est que ça représente entre 5 500 et 6 000 nouveautésquébécoises chaque année qui arrivent sur le marché. Ça, on sait ça. Donc, il y a 5 500 à 6 000 nouveautés qui arriventsur le marché, je vous ai dit, sur 100 000 référencements qui existent dans les banques de données des libraires actuellement,et il faut ajouter à ça entre 20 000 et 25 000 nouveautés importées de France qui arrivent sur le marché québécois, et là on… là, le 100 000 est multiplié par plusieurs.

Donc, c'est un chiffre très, très, très important, donc, et c'est difficile de dire quel est le pourcentage des ventesqui sont générées parce que ça dépend, je vous le dis, d'un fonds à l'autre, d'un éditeur à l'autre, et puis tout livre ne connaît,hélas, pas le succès qu'il mérite. Tout livre mérite d'avoir un succès, mais, hélas, la réalité, c'est que tout livre ne connaît pas la même ampleur de succès. Il y a des livres qui se vendent à 80 exemplaires, à 300 exemplaires, à 700, à 1 200, à 2 000, à 40 000. Bon. Vous devinez qu'on souhaite tous qu'ils soient à 40 000, mais on est tous plutôt aux alentours de 800, 1 000, 1 200… pas 800 000, hein, 800, 1 000, 1 200. Et on est contents quand on est là.

M. Foulon (Arnaud) : Il y a peut-être une précision que je pourrais amener aussi. Dans le milieu…

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Il reste quelques secondes M. Foulon.

M. Foulon (Arnaud) : O.K. Dans le milieu du livre, deux des marchés importants sont évidemment la nouveauté etle marché scolaire. On parlait tout à l'heure un petit peu du milieu scolaire, de l'éducation. Le milieu de l'éducation estun milieu privilégié pour consommer de la littérature québécoise, et ça, c'est évident qu'un ouvrage qui est prescrit dans le cadre de cours peut être un ouvrage passé : Le torrent, d'Anne Hébert, Le survenant, tout ça. C'est un marché essentiel pour la vente de livres. Ça, c'est important.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci. Nous allons maintenant du côté de l'opposition officielle. Mme la députée de Laporte, vous avez la parole.

Mme Ménard : Merci, Mme la Présidente. J'aimerais vous entendre : Comment vous définissez le prix d'un livre?

M. Gaudet (Louis-Frédéric) : C'est une très bonne question.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : M. Gaudet.

M. Gaudet (Louis-Frédéric) : Je vais vous donner un exemple très, très concret, c'est-à-dire que l'éditeur vaavoir un certain nombre… un certain investissement à faire pour rendre un livre disponible : rémunération de l'auteur, rémunération de ses propres employés, remises aux libraires, en fait, coût d'impression. En fait, si on dégage une tarte, il va rester, là, à l'éditeur environ… à la fin, là, qu'il ait payé tous ses coûts, environ entre 5 % et 10 %. Alors, à partirde cette marge-là, on va déterminer un seuil de rentabilité. Chez nous, ça peut varier entre 300 exemplaires vendus pour un très petit tirage ou un livre très grand public qu'on imprime à 5 000 exemplaires, qui a nécessité énormément de recherchede la part d'un auteur qui a consacré six mois de sa vie à écrire son livre. On peut en être à 1 500, 2 000 copies comme coût d'amortissement.

Donc, moi, je fais partie d'une petite maison d'édition. On se voit d'abord et avant tout comme des passeurs deculture et non comme une entreprise pour faire des profits. On essaie de maintenir notre prix le plus bas possible, et jepense que c'est un sentiment qui est généralement partagé par plusieurs de mes collègues. Il n'y a pas uniquement un aspectéconomique au métier de l'édition. On souhaite amortir nos coûts, et 90 % de nos ouvrages n'amortissent pas leur coût.

Et je voudrais revenir sur une question qui a été posée précédemment, à savoir si le prix des livres va augmenteret si ça va prendre davantage… accaparer une partie plus grande du budget des bibliothèques. Moi, ce que je vous dis,c'est que, si nos livres, on ne peut plus les vendre dans les librairies indépendantes dont on peut avoir le support aujourd'hui, notre seuil de rentabilité va augmenter et nous serons obligés d'augmenter le prix de nos livres. Donc, un livre, par exemple Une histoire du jazz à Montréal qu'on a fait paraître il y a quelques années, une traduction d'un ouvrage anglophone qu'on a vendu 30 $, eh bien, si, dans 10 ans, j'ai deux fois moins de points de vente pour le rendre disponibleet donc pour le vendre, je ne le vendrai pas à 30 $, je vais le vendre à 45 $. Et ça, ce n'est pas uniquement pour faire del'argent sur le dos des gens, c'est uniquement pour être capables de continuer à produire et à diffuser un savoir et de la culture.

Mme Ménard : Merci. Je vous posais cette question-là parce que récemment j'ai rencontré un organisme qui mementionnait ceci. Il me disait que le prix du livre offert dans les grandes surfaces et aux librairies était plus élevé à causejustement des gros rabais qui se faisaient dans les grandes surfaces. Alors là, je me suis dit : Si jamais on réglementait le prix, est-ce que ça veut dire que, dorénavant, le prix du livre va baisser?

M. Foulon (Arnaud) : Si vous me permettez, je vais donner un exemple là-dedans. Nous, notre groupe d'édition, le Groupe HMH, nous avons une pratique à la fois en librairie, avec des maisons comme XYZ, Hurtubise, des textes pluslittéraires, et on a une pratique aussi en grande surface. On vend des livres, des romans historiques de Michel David etautres dans un nombre de points de vente distincts. La différence majeure, la remise qui est consentie souvent à la grandedistribution n'est pas supérieure. Ça, ça dépend de chaque maison d'édition; chacun a des pratiques distinctes. La différence,et on en a parlé précédemment, quand un détaillant utilise le livre comme produit d'appel, il peut se permettre, ce quefont beaucoup de grands distributeurs, de grandes surfaces, de se garder seulement 5 %. Donc, automatiquement, ça luipermet de mettre son livre à un prix beaucoup plus bas et exercer une pression à la baisse. Donc, automatiquement, dansun centre commercial, prenons l'exemple de Terrebonne où vous allez retrouver un Wal-Mart et une librairie un à côté de l'autre, la personne va en librairie voir l'offre qui est devant elle, dans une librairie qui va offrir 20 000, 25 000 titres différents, et va acheter deux, trois livres : les livres d'école du jeune, un livre de littérature, un livre de poche. Elle arrive aux grands succès — tantôt, j'entendais parler de Dan Brown, on peut parler de Marie Laberge ou autre — elle dit :Je vais quand même faire quelques pas à côté. Donc, le libraire a fait le travail, lui a vendu le livre, la vente va s'exercerà 20 % ou 25 % de remise à côté parce que la politique du détaillant n'est pas la même. Le libraire a besoin de faire dessous — on en avait parlé tout à l'heure — pour payer son loyer, la grande surface a besoin de vendre des livres pour attirer les gens qui vont ensuite consommer un autre produit.

Alors, la différence est que, si on vend systématiquement en grande surface et que les pressions, comme dans certains pays, sont exercées pour consentir des plus grandes remises, c'est évident que les distributeurs et les éditeurs, à la longue, vont dire : Bien, je suis obligé de monter mes prix. Donc, le prix imprimé sur le livre — je ne sais pas si vousavez remarqué, mais, la plupart du temps, les éditeurs, nous imprimons le prix sur le livre — le prix va augmenter. Aprèsça, s'il n'y a pas de politique du livre, le détaillant sera libre de vendre le livre au prix qu'il veut, mais il n'a pas le droit dele vendre à un prix supérieur. Ça, j'espère que vous n'avez pas vu ça. Normalement, les détaillants ne vendent pas au-dessus du prix suggéré. Quand même, là, on n'en est pas là.

Mme Ménard : Donc, la réponse, c'est oui.

Une voix : Oui.

Mme Ménard : D'accord. Merci. Tantôt, M. Bouchard, vous avez mentionné à quelques reprises la loi no 51. Le premier groupe que nous avons rencontré aujourd'hui, eux, mentionnait que la loi no 51, c'est insuffisant, il faut… Et j'aiposé la question : Est-ce que vous êtes d'avis que nous devrions revoir au complet la loi et ajouter à la loi, naturellement,la réglementation, le numérique? Mais, vous, je vous écoute parler puis vous avez l'air très à l'aise avec la loi qu'il y a présentement, 51. Alors, voulez-vous, j'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Bouchard (Jean-François) : Alors, vous avez… Mme la députée, vous m'avez écouté extrêmement bien. Vous avez bien décodé le «body language» du monsieur parce que c'est…

Mme Ménard : Je suis très attentive.

• (16 h 30) •

M. Bouchard (Jean-François) : De fait, pour l'instant, nous, on n'a aucun appétit pour ouvrir la loi no 51, il fautêtre clair, et un très grand nombre d'intervenants dans le domaine du livre n'ont pas d'appétit pour ça. D'abord, parceque, je le répète, la loi n° 51 est encore capable de porter beaucoup de fruits dans la société québécoise si elle est appliquéed'une manière rigoureuse, et sur l'ensemble du territoire, et puis on va dire les choses en français courant, moi, je fais partie... Je parle, ça n'engage que moi, ça n'engage pas mon association, mais je fais partie de ceux qui craignent commela peste que ce soit la foire d'empoigne, c'est-à-dire que… Là, imaginez-vous, on est en train de discuter pendant trois semaines d'une affaire, quand même... d'une mesure extrêmement ciblée qui est une réglementation limitée du prix du livre neuf, imaginez-vous si on ouvre la totalité de la loi n° 51 qui peut ouvrir quand même les portes à toutes sortes de remises en question. Et, nous, si c'est pour un renforcement de la loi n° 51, ma foi, je suis… je pense qu'il y auraitbeaucoup de gens qui seraient d'accord, mais la crainte sincère, c'est que les pressions soient telles pour assouplir les règlesde la loi n° 51 que donc on se retrouverait en situation de fragilisation. Donc, pour l'instant, nous, on dit : Si le législateur le peut, que le législateur légifère pour réglementer le prix du livre d'une manière parallèle à la loi n° 51.

M. Foulon (Arnaud) : Puis peut-être pour rajouter une chose à ce qu'a dit M. Bouchard, la loi n° 51 nous protèged'une chose, c'est que les livres qui sont achetés par les institutions sont achetés auprès de libraires québécois, d'entreprisesquébécoises. Le danger aussi qui nous guette de plus en plus, notamment dans le numérique qui n'est pas légiféré, c'estque les livres sont vendus auprès des bibliothèques, qu'elles soient virtuelles ou réelles, étrangères. Donc, il y a une partie du capital qui fuit à l'étranger. Ça, je pense qu'il faut aussi s'inquiéter de la chose un petit peu.

287 113 Mme Ménard : J'aurais besoin de clarification concernant le nombre d'éditeurs. Le rapport Larose donnait…En fait, c'est des données qui venaient de Statistique Canada. Ils avaient recensé, en 1998-1999, 216 éditeurs au Québecen plus de repérer 18 diffuseurs exclusifs et, en ce qui concernait le nombre d'éditeurs agréés, il s'établissait à 113 en 1998contre seulement 70 en 1983. Maintenant, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, eux parlent de 728 éditeurscommerciaux en 2011 et sans compter 320 individus qui ont publié directement, et, présentement, il y en aurait 172, éditeursagréés dans la liste officielle du ministère de la Culture. Alors là, c'est la confusion totale. Combien d'éditeurs avons-nous?

M. Bouchard (Jean-François) : Là, je vais faire quelque chose qui me fait un plaisir féroce : je vais pousser laneige un petit peu en avant. Je crois que les collègues nos amis de la SODEC vont comparaître durant les travaux de lacommission, et eux ont les seules données fiables sur ce sujet-là. Je pense que 700 éditeurs, là, ça m'apparaît, en tout cas,je vous assure que… En tout cas, je serais ravi de leur connaître leurs adresses pour leur envoyer chacun une invitationà cotiser à mon association. Je serais ravi parce que je vous assure que je ne roulerais pas en Toyota Corola. Bon. Mais les chiffres que j'entends le plus souvent, c'est plutôt aux alentours de 300 éditeurs qui sont… Mais je crois qu'il y en a àpeu près 175 qui sont vraiment actifs d'une manière régulière sur le marché, et nous, comme je vous dis, on représente à peu près 130 marques d'édition, notre propre association.

Mme Ménard : Vous dites actifs, vous voulez dire agréés à ce moment-là?

M. Bouchard (Jean-François) : Non, je veux dire actifs dans le sens qu'ils publient et donc, pour garder l'agrément, ils doivent continuer à publier régulièrement. Parce que, vous savez, sur papier, vous pouvez être enregistrés comme maisons d'édition mais avoir publié votre dernière œuvre il y a 12 ans, alors c'est…

Mme Ménard : O.K., tantôt, M. Prieur, vous avez parlé… vous avez mentionné qu'on vous questionnait, le ministre vous questionnait sur le neuf mois, le 10 %. Et, quand vous avez parlé de la France, vous avez dit qu'eux, c'étaitad vitam aeternam. Je veux juste m'assurer que j'ai fait des bonnes lectures; moi, j'ai vu qu'en France c'était 12 mois et 5 %.

M. Prieur (Richard) : C'est 5 %, effectivement. 12 mois, je pense qu'on a eu l'explication, c'est…

M. Foulon (Arnaud) : Il y a des technicalités dans la loi, c'est… Par exemple, la vente par correspondance estautorisée après un certain délai, mais la loi en tant que telle, c'est ad vitam aeternam, jusqu'à ce qu'il y ait approvisionnementdu livre pendant une période de six mois. Donc, le 12 mois, je ne sais pas d'où vous l'avez pris, pour être bien honnêteavec vous, mais c'est assez… c'est bien légiféré, c'est bien expliqué. Quand on parle de vente par correspondance, onpense notamment à des clubs de livres, France Loisirs, Québec Loisirs ou autres pour permettre à ce genre d'organismes de continuer leurs activités aussi.

M. Prieur (Richard) :Sur le 10 % entre autres, un élément que Jean-François mentionnait, ce qui est importantaussi, c'est de dire que, dans le groupe, dans l'industrie, les coopératives en milieu scolaire aussi se sont prononcées enfaveur d'une réglementation, vous savez, les coops qu'on retrouve dans les universités, dans les collèges. Eux, bien, c'estparce que le 10 %, c'est déjà ce qu'ils offrent comme remise à leur membership, à leurs membres. Bon. Là, les membresde coopératives en milieu scolaire, c'est tous des étudiants dans l'institution, là, vous n'avez pas nécessairement une cartede membre pour être dans la coopérative, mais le 10 %, c'est de 7 % à 10 %, je crois, ce qu'il touche. Alors, le 10 %, il n'est pas tombé des nues. C'était déjà quelque chose qui était déjà en place.

Mme Ménard : Il me reste encore du temps, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Il vous reste moins d'une minute, et le député… Je veux juste vous dire que le député de Jacques-Cartier voulait poser une question, mais…

Mme Ménard : Ah bon! Ah, mon Dieu! Ah, je m'excuse, collègue.

Une voix :

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Allez-y. Allez-y, Mme la députée de Laporte.

Mme Ménard : Bien, écoutez, c'était concernant encore la France. C'était un article qui a paru le 11 novembre 2012 dans Le Soleil, qui disait que le contexte français était bien différent du contexte québécois. Puis vous avez parlétantôt, M. Bouchard, de ça. Il disait : Là-bas, les éditeurs ne sont pas subventionnés par l'État pour faire des livres. Ici, ils le sont. Alors, quelle est la situation actuelle?

M. Gaudet (Louis-Frédéric) : Alors, je peux témoigner, là, de cette question-là parce que notre entreprise d'éditionfait plus de 50 % de son chiffre d'affaires en France. Et c'est complètement faux de dire que les éditeurs français ne sontpas subventionnés. Ils reçoivent des aides du Centre national du livre, et il y a de plus en plus de régions et de villes qui offrent du support à leurs éditeurs pour développer des projets d'édition et de collections. Ensuite de ça…

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci beaucoup. Malheureusement, c'est tout le temps dont disposaitl'opposition officielle. Nous allons maintenant vers le deuxième groupe d'opposition. Mme la députée de Montarville, vous avez la parole.

Mme Roy (Montarville) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je vais tourner le micro. Bonjour, messieurs. Mercid'être là. Peut-être, avant d'aller plus loin, j'aimerais réconforter les auditeurs qui nous écoutent. On parlait tout à l'heure du comté de Montarville. Vous en avez parlé. Moi, j'aimerais réconforter les auditeurs et dire qu'il y a de très belles librairies où on est très bien servis, où nous sommes très bien desservis. J'en suis ravie et j'y vais régulièrement.

Cela dit, vous nous parliez d'un consensus dans le monde de l'édition, large consensus à l'effet d'avoir cette réglementation du prix du livre. Alors, j'aimerais avoir vos réactions sur les commentaires, entre autres du président deQuébec-Amérique, et également du côté de Renaud-Bray. On dit que ce n'est pas la solution, que ce n'est pas en diminuantles rabais qu'on fera en sorte que les clients des grandes surfaces iront dans nos librairies. Comment réagissez-vous? Parceque ça, ça… On ne parle pas de consensus ici. On parle quand même de gens importants, Québec-Amérique, Renaud-Bray qui sont de gros joueurs au Québec, respectés.

M. Bouchard (Jean-François) : Alors, évidemment, mes collègues se tournent tous vers moi parce qu'évidemmentc'est le président qui doit répondre à ça. Parce que, d'abord, M. Fortin est un de mes membres, hein, donc est une maison d'édition membre. Donc, ça fait partie des… Alors, comme j'ai dit ce midi au lunch, bon, évidemment l'Association nationale des éditeurs, ce n'est pas la Corée du Nord. Donc, c'est un lieu, donc, de débat. C'est un lieu… Et, je le répète, ily a eu un débat, ça a été un débat vif, ça a été un débat parfois déchirant au sein de la profession, mais, le jour où nousavons voté comme association, on a voté à plus de 75 % en faveur de l'adhésion à cette solution qui était proposée dansl'ensemble des autres… par les autres associations professionnelles. Qui plus est, nous avons contribué à l'élaborationde ce compromis du neuf mois et du 10 %. On n'a pas été des acteurs passifs, on a été des acteurs actifs à l'intérieur de ça.

Revenons aux interventions, donc, du très vénérable Jacques Fortin, que j'estime beaucoup, et de M. Blaise Renaud. Alors, pour M. Renaud, il viendra se défendre lui-même, c'est un grand garçon, mais, ce matin, il disait à la radio — je l'aientendu : «Le problème, ce n'est pas de réglementer d'éventuelles guerres de prix. C'est que les éditeurs et les distributeursconsentent une remise plus grande aux libraires.» Alors, je veux simplement porter à l'attention de ces messieurs damesles élus que, le Québec, la remise standard à un libraire, c'est 40 %. Donc, sur le prix de vente d'un livre, il y a 40 % qui vont en revenu au libraire directement. Ça, c'est la remise standard. C'est une des remises les plus élevées au monde actuellement. Même dans des pays très, très, très… à des réglementations très serrées comme la France, l'Allemagne, etc., les taux de remise sont beaucoup plus bas, 32 %, 35 % 36 %, 37 %.

Donc, la capacité que le milieu de l'édition au Québec a de soutenir les libraires par une remise, une surremise actuellement, elle est impensable, il faut le dire clairement, c'est impensable. Non seulement nous allons accélérer la fragilisation des librairies, nous allons accélérer la fragilisation des maisons d'édition. Alors, ça, c'est… Voilà pour la…

Pour les autres éléments, bien, dans notre mémoire, nous avons abordé un certain nombre de questions…

• (16 h 40) •

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Je suis désolée, M. Bouchard, c'est tout le temps que disposait l'opposition, le deuxième groupe d'opposition. Mme la députée de Gouin, vous avez la parole.

Mme David : Merci, Mme la Présidente. Mais, dans le fond, peut-être justement dans la continuité de ce que macollègue vient de vous demander et parce que des questions se posent déjà, là, dans l'opinion publique, il y a des chroniqueurs qui ont déjà sauté sur la patinoire. En une minute : Pourquoi est-ce que la diminution du rabais consenti finalement par les grandes surfaces, puisque c'est d'elles qu'on parle, là, pourquoi la diminution de ce rabais est si importante pour la librairie indépendante?

M. Bouchard (Jean-François) : Notre adversaire… Aucun détaillant de quelque nature que ce soit n'est notre adversaire. Notre adversaire, c'est les guerres de prix, et les guerres de prix affaiblissent le réseau des libraires… des libraires, point, qu'ils soient indépendants ou chaînes, etc., parce que ce sont ceux qui assurent la plus grande visibilitéde la diversité de la production. Ça, c'est fondamental. Si on est piégés par des guerres de prix, l'offre va diminuer, on va se retrouver avec 350 livres par année qui vont être proposés au lieu de 25 000. C'est ça qui va arriver. Ça, c'est la chose la plus importante pour nous actuellement.

Mme David : Et que répondez-vous aux gens qui disent : Oui, mais les gens à faibles revenus, ils ont besoin d'acheter ces nouveautés 30 % moins cher?

M. Foulon (Arnaud) : On en a parlé un peu, je pense, ici ce matin. La loi des bibliothèques est aussi un aspectimportant par rapport à l'accessibilité du livre. Ça, c'est important. Après ça, les gens vont consommer le livre au prix oùil est indiqué, et, après neuf mois, la librairisation permet d'acheter le livre au prix que l'on veut ou au prix que va le fixer le détaillant.

M. Gaudet (Louis-Frédéric) : Mais moi, je vous dirais, Mme David, est-ce que vous en connaissez beaucoup,des personnes à faibles revenus qui ont les moyens de payer 50 $ comme membership dans une grande surface? Moi, jen'en connais pas. Puis je ne connais pas non plus des gens du bas de la ville de Saint-Hyacinthe qui sont capables de sedéplacer à six kilomètres, parce qu'ils n'ont pas de voiture, pour aller au Wal-Mart qui est de l'autre côté de l'autoroute.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Quelques secondes, Mme la députée de Gouin ou quelqu'un d'autre qui veut intervenir?

Mme David : Je ne saurais si bien dire.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Oui, M. Bouchard, quelques secondes. Allez-y.

M. Bouchard (Jean-François) : Quelques secondes.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Cinq secondes.

M. Bouchard (Jean-François) : Merci. C'est très aimable.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Je suis désolée.

Des voix :

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Je suis désolée. Merci beaucoup à vous, messieurs.

Nous allons suspendre quelques instants, le temps que le prochain intervenant veuille bien prendre place.

(Suspension de la séance à 16 h 43)

(Reprise à 16 h 44)

La Présidente (Mme Vien) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux sur les consultations particulières et auditions publiques sur le document Document de consultation sur la réglementation duprix de vente au public des livres neufs imprimés et numériques. Alors, nous avons le plaisir d'accueillir, cet après-midi, M. Guillaume Déziel de Mr. Label — c'est comme ça qu'on dit?

M. Label inc.

M. Déziel (Guillaume) : C'est bien ça, oui.

La Présidente (Mme Vien) : Monsieur, vous aurez 10 minutes pour nous présenter l'essentiel de votre mémoire. Je pense que les gens de la commission ne l'ont pas reçu, c'est exact? C'est ça?

M. Déziel (Guillaume) : C'est tout à fait normal, oui.

La Présidente (Mme Vien) : C'est normal. Alors, c'est bien. Alors, on vous écoute.

M. Déziel (Guillaume) : Je me cherche un éditeur pour le publier.

La Présidente (Mme Vien) : Bien. Il y a des gens qui ont entendu le message. M. Déziel, on vous écoute pour 10 minutes, et, ensuite, on passe la parole aux parlementaires.

M. Déziel (Guillaume) : Alors, je vais devoir lire pour pouvoir articuler mes pensées. Donc, bonjour. Mon nom est Guillaume Déziel, et je suis éditeur de musique. J'œuvre dans l'industrie de la musique depuis quelques années. Lorsqu'on m'a invité à venir vous faire part de mon point de vue sur la réglementation du prix du livre au Québec, je mesuis d'abord demandé : Mais pourquoi moi? Et puis, après quelques réflexions, j'ai accepté l'invitation en pensantqu'il y avait des parallèles évidents entre mon industrie et celle du livre. Donc, c'est avec mon minisyndrome de l'imposteur que je viens aujourd'hui vous livrer quelques réflexions qui, je l'espère, pourront vous aider à prendre la meilleure des décisions.

Alors, pour ou contre? Je ne vous le dis pas tout de suite. Pour moi, un libraire, c'est comme un disquaire. Peut-être que je fais fausse route, mais, étant plus jeune, je passais mon temps chez les disquaires à demander conseil et à écouter quelques titres, histoire de me faire une idée des musiques que j'allais acheter. Le rôle du disquaire, à cette époque, était incontournable dans la chaîne de consommation du produit musical, le rôle des radios aussi. Puis est arrivé le Web. Depuis, nos habitudes de consommation ont doucement changé, et voilà qu'aujourd'hui nous consommons la musiquepresque exclusivement par le Web. Bien sûr, il y a des puristes qui préfèrent le son de l'aiguille qui frotte encore au fondd'un sillon, il y a encore des gens qui préfèrent le CD dans leur fente de voiture, mais la majeure partie des consommateursde mon âge — j'ai 38 ans — consomment maintenant la musique en format numérique. Et je vous épargne les détailspour les jeunes de 13 ans qui accèdent à notre culture plutôt que de la posséder. Dans l'industrie de la musique, on saitdepuis un bon bout de temps qu'on a été les premiers à passer au bat du numérique. Depuis l'arrivée du World Wide Web et de la démocratisation de l'accès à Internet, certains disquaires ont fermé leurs portes, et cette tendance ne semble pas vouloir se renverser pour les survivants.

Donc, pour ou contre? Alors, je veux bien qu'on donne un sursis aux libraires, leur donner artificiellement leurmarge de profit sur les best-sellers au détriment des grandes surfaces qui se servent du livre comme un produit d'appel,mais cela, d'après moi, ne fera que rallonger leur temps de vie que quelque temps, deux ans probablement, voire plus, cinq ans, tout au plus, puisque nous sommes une société bien distincte; on est un petit marché.        

Selon Germain Belzile, que vous allez entendre éventuellement plus tard dans cette commission — c'est un chercheur associé à l'Institut économique de Montréal, je l'ai entendu à la radio vendredi dernier — l'introduction duprix réglementé en France a retardé de deux ans la tendance à la baisse des librairies dans les lectures totales. Toujours selonM. Belzile, on aurait passé, aux États-Unis, le point du 50 % des achats où 50 % des achats se font en format électronique. Donc, selon lui, les gens vont sur le Web pour voir, feuilleter sur le Web, lire un extrait, recevoir éventuellement un chapitre complet gratuitement à titre de produit d'appel, peut-être.

Alors, suis-je contre la vertu? Non. Suis-je contre la survie d'un maillon agonisant dans une chaîne? Bien, pour les 11 000 personnes qui travaillent dans cette industrie et pour notre diversité culturelle, a priori, mon cœur dirait oui à unetelle réglementation. Ce serait nécessairement le premier réflexe pour quiconque aime sa culture comme moi. Cependant, un des arguments qu'on entend souvent venant de ceux qui plaident pour une réglementation du prix est celui de la visibilité et de la vitrine. Je vais citer Sylvie Desrosiers, de l'union des écrivains du Québec, que j'ai entendue ici plus tôtmais aussi en débat radiophonique à Radio-Canada vendredi dernier : «On veut une visibilité. On n'arrête pas d'essayer devaloriser la lecture chez les enfants, peu importe le support. Ce n'est pas en leur disant : Il faut que tu lises qu'on va lesconvaincre. C'est en faisant du livre quelque chose qui fait partie de leur environnement.» Je répète en vous regardant :«C'est en faisant du livre quelque chose qui fait partie de leur environnement.» Donc, je continue à citer Sylvie : «S'ils peuvent en voir sur leur chemin, s'ils peuvent avoir une librairie au coin de la rue, ils vont se rendre compte que c'est quelque chose qui est valorisé socialement. Les enfants ne vont pas au Costco et n'ont pas d'auto. Il faut que ça fasse partie de leur environnement, il faut que ce soit partout.»

• (16 h 50) •

Alors, lorsque j'entends ça, je trouve ça super bien comme analyse, mais, lorsque j'entends ça, je me demandesi l'industrie du livre comprend réellement son consommateur de demain, l'enfant d'aujourd'hui, cet adulte de demain. Faire du livre quelque chose qui fait partie de leur environnement, c'est d'abord de comprendre quel est cet environnement. Oui, peut-être qu'en nivelant les prix on va stimuler une vente autant chez les libraires indépendants qu'une vente chezWal-Mart ou Costco, et, par le fait même, retarder l'agonie des libraires, mais ce report dans le temps ne va pas faire ensorte que le jeune d'aujourd'hui, celui qui passe le trois clair de son temps en ligne, en plus de ne pas remarquer l'existence de la librairie au coin de sa rue, surtout s'il passe en textant devant à ses «chummy-chummy»...

On parle aussi d'une loi pour protéger les maillons voués à disparaître puis condamnés à se recycler. On parle ici d'une concurrence déloyale des gros joueurs comme Costco, Wal-Mart, qui se servent de notre culture comme produit d'appel pour vendre des tapis sauve-pantalon à profit. Mais on oublie l'essentiel, je pense : rendre notre culture accessible. Et l'argument que j'entends quant au fait que les détaillants contribuent à rendre visible la littérature ne tient pas la route, àmon avis. C'est vrai que Costco, Wal-Mart ne s'en tiennent malheureusement qu'aux best-sellers ou aux blockbusters.Il est vrai qu'ils tiennent en stock la minorité des produits qui générèrent la majorité des revenus. En revanche, il est aussivrai que les libraires contribuent à rendre accessibles 20 000, 30 000, 40 000 titres différents, à assurer une certaine diversitéculturelle, tandis que les grandes surfaces vont s'attarder aux 300 ou 400 nouveautés par an. Tout cela, c'est vrai. Mais,en ce qui me concerne, il est d'autant plus vrai que les habitudes de consommation glissent tout doucement vers le numérique, là où la théorie de la longue traîne de Chris Anderson s'applique et en faveur de la diversité.

Alors, je suis dans mon temps, ça va bien. Alors, je vais expliquer brièvement la théorie de la longue traîne. Dans sonlivre The long tail : Why the future of business is selling less of more, Chris Anderson avance qu'Internet permet aux oeuvresphysiques délaissées par les vendeurs une résurrection numérique — je regardais si on avait encore la croix à l'Assembléenationale. Il soutient aussi qu'Internet permet une vraie et longue vie pour un petit tirage dont la niche de consommateursexiste, éparpillée, mais assez suffisante pour que le produit soit rentable. En temps normal, une demande éparpillée sur le globe ne peut être jointe par les détaillants qui opèrent localement.

Donc, l'ubiquité qu'offre le Web rend donc chaque œuvre et chaque consommateur à un clic l'un de l'autre plutôtqu'à des milliers de kilomètres l'un de l'autre. Amazon l'a vite compris en ayant comme objectif d'offrir tout : 1 million d'œuvressont disponibles, même plus, sur cette plateforme. Même les auteurs et autoproducteurs autoédités, autotout sont en mesure de s'y rendre disponibles. La vitrine ultime pour les jeunes d'aujourd'hui, c'est le Web.

Le rôle du détaillant à l'heure du Web. Pouvez-vous me dire quelle est la différence entre, un, se pointer chez le libraireen demander une des 40 000 œuvres qui n'est pas dans son magasin et lui laisser ses coordonnées nécessaires pour qu'il lacommande et qu'il la fasse venir en ligne, qu'il nous appelle et qu'on aille la chercher la semaine prochaine… la semaine d'après ou aller chez un commerçant en ligne, commander une oeuvre physique et la recevoir dans les 36 heures? Et, lorsqu'on me dit que le détaillant est un guide, je suis d'accord qu'il peut aider et recommander. Mais, de là à dire qu'ilsaurait bien me recommander le meilleur entre deux livres disponibles dans son catalogue de 50 000 titres, permettez-moid'en douter. Cependant, quatre âmes perdues dans un forum de discussion au bout d'une recherche de Google sauront sans doute me guider mieux que quiconque sur le meilleur livre sur la sexualité des fourmis, par exemple.

Toute cette sagesse éparpillée sur le Web, on appelle ça «the wisdom of croud» ou la sagesse des nombres. Or, malgrétout le respect que j'ai pour mes disquaires favoris d'antan, il n'y a rien comme Deezer ou Spotifyaujourd'hui pour mefaire découvrir l'insoupçonnable. Étant un consommateur d'idées écrites en grande partie sur le Web, je pense même que cette logique conviendrait aux librairies.

      Concernant les écrivains…

      La Présidente (Mme Vien) : Monsieur, il vous reste une minute.

      M. Déziel (Guillaume) : Et cinq secondes.

      La Présidente (Mme Vien) : Vous avez raison.

      M. Déziel (Guillaume) : Concernant les écrivains, la plupart du temps, et vous me corrigerez si je me trompe,la vraie entrée d'argent des écrivains vient d'un quelconque conseil des arts, que ce soit du Canada ou du Québec, peuimporte, des subventions. Aussi, je ne veux pas non plus faire du Marie Laberge «bashing» ici parce que j'adore cetteauteure, et elle m'apparaît quand même assez sympathique comme personne. Je ne la connais pas. Mais, lorsque je l'aientendue dire à Tout le monde en parle qu'elle ne voulait pas rendre accessibles ses œuvres en format numérique, alors je me suis dit : Non seulement elle se tire dans le pied en se privant d'un segment de marché qui aime consommer la littérature autrement, mais aussi elle prive son petit bout de notre culture d'un rayonnement supplémentaire. Et, je vousle rappelle, nous subventionnons tous cette culture, même en allant au Wal-Mart ou au Costco. Normal que celle-ci soit accessible à tous. J'ai une conclusion, mais je m'arrêterai ici parce que je sais que je suis au bout de mes minutes.

      La Présidente (Mme Vien) : Merci beaucoup, M. Déziel. C'est très apprécié. Je cède immédiatement la parole au député de Bonaventure? Saint-Hyacinthe? On vous écoute.

M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vien) : Merci.

M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Bienvenue. Bonjour, M. Déziel. Ma question, elle va être assez simple, et, enmême temps, complexe. Votre point de vue est très intéressant, quand vous parlez des consommateurs de demain et puisque vous parlez du Web. Ça, je comprends bien ça. Je vais faire un parallèle avec l'apprentissage de la musique et l'apprentissage de la lecture, apprendre à lire. On a mentionné beaucoup aujourd'hui, l'apprendre à lire, ce n'est pas juste avoir un livre dans les mains puis le regarder ou… Et je me posais la question... Aujourd'hui, on apprend la musique, c'est sûr, on l'écoute beaucoup, la musique, mais tu ne peux pas l'apprendre sur le Web, je ne pense pas, et je pense qu'on l'apprend en jouant de l'instrument, l'instrument de musique, en jouant le piano, en jouant la guitare, c'est comme ça qu'unmusicien devient performant. C'est sûr qu'il peut utiliser les systèmes électroniques aujourd'hui, plus il avance, mais il utilise toujours son instrument de base. Et je me demandais comment on peut… comment vous voyez l'apprentissage de la lecture autre que par le livre, mais plus par le Web? Quelle est la connexion que vous faites entre les deux?

M. Déziel (Guillaume) : Moi, je vous dirais que j'ai beaucoup écrit grâce au Web, j'ai beaucoup appris à écriregrâce au Web parce qu'un jour dans des forums de discussion sur la musique, j'avais envie de dire des choses, et c'est làque je me suis lancé dans l'écriture. C'est là aussi que j'ai dû me faire corriger par ma copine qui, elle, a fait son D.E.C. enlettres, même son bac en littérature. Et donc je pense qu'il y a beaucoup d'apprentissage de l'écriture par essai et erreur,parce que le premier médium de communication que les enfants ont aujourd'hui, je pense, c'est Internet, c'est les textos,c'est leur statut Facebook qui change, et tout ça. Donc, ils sont nécessairement dans une communication écrite dès le départ. Je ne sais pas si ça répond bien à votre question?

M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Bien, je me disais… Ça répond, oui, en partie, mais pas tout à fait la partie que jevoulais vous faire sortir. C'est qu'un musicien, s'il n'a pas le piano ou s'il n'a pas son instrument de base pour l'apprentissage, il a beau connaître la musique, il va la lire, la musique, peut-être parce qu'il l'apprend en théorie, mais,s'il ne la pratique pas, il ne pourra pas la jouer, et je me demandais… qu'un bon lecteur, s'il n'a pas un livre pour lire quandil est… je ne sais pas, moi, quand il veut se calmer, se ressourcer, seul, sans avoir nécessairement un gadget électronique à côté de lui, est-ce que ce n'est pas ça, la base de la lecture? En tout cas, c'est la question que je me pose.

M. Déziel (Guillaume) : Au fond, c'est quoi, la lecture? Je veux dire, lire une recette sur Internet, lire un grandroman, je veux dire, c'est très vaste, tout ça. Moi, ce que je pense, c'est que les générations d'aujourd'hui, sur le Web, finissent par consommer de la culture d'une manière ou d'une autre, finissent par avoir les yeux qui bougent de gauchevers la droite, dépendamment de la culture, et qu'ils finissent par apprendre à lire et apprendre à apprécier à lire d'unemanière ou d'une autre. Et je pense que l'accessibilité de ces œuvres-là, c'est un autre point que j'aimerais peut-être vous amener.

Je cherche juste… Je pense qu'en fait l'accessibilité de ces œuvres-là est d'autant plus facile aujourd'hui parcequ'évidemment il y avait des contraintes d'inventaire lorsqu'on… Quand on parle d'édition de livres physiques, on parle de contraintes d'inventaire. L'œuvre numérique ne coûte rien à entreposer et à distribuer. On parle de fraction de cennepour l'hébergement du fichier et une autre fraction de cenne pour la bande passante. C'est donc possible pour un détaillantnumérique d'offrir plus d'un million de titres, comme c'est le cas pour Amazon, mais, en même temps, c'est maintenant possible pour quiconque veut publier quoi que ce soit sur le Web de le faire.

Moi, je pense que la littérature d'aujourd'hui commence par… Bien, la littérature de demain commence par lesblogues d'aujourd'hui. En fait, moi, c'est ma réalité, c'est ce que je vois puis c'est ce que je remarque autour de moi. Il y aénormément de personnes qui s'exercent d'abord et avant tout, c'est sûr, avec une plume et un papier, mais, de plus enplus, on le fait sur Internet. Alors, il y a des blogues où on parle d'humeur, il y a des blogues où on fait tout simplementdes nouvelles, il y a toutes sortes de… Je pense que la création aujourd'hui, c'est d'autant plus accessible, en fait. On peut, grâce au Web, offrir énormément d'offre littéraire.

Mon point dans tout ça, c'est que je ne suis pas persuadé que cette loi-là, que cette réglementation-là, en bout de ligne… Oui, effectivement, ça peut, à terme, réussir à permettre à plein, plein, plein de monde d'avoir accès à une diversité culturelle, mais je ne suis pas persuadé que l'avenir, dans la consommation de la littérature, passe nécessairementpar le physique, et moi, j'en ai comme preuve l'industrie d'où je viens. Ce n'est pas simple. Je pense que c'est beaucoupplus facile et beaucoup plus agréable de lire un livre, mais il reste quand même que, pour les jeunes d'aujourd'hui, lire un livre, c'est comme décider d'amener en camping son Kindle sans batterie.

La Présidente (Mme Vien) : M. le député de Bonaventure.

• (17 heures) •

M. Roy : Merci, Mme la Mme la Présidente. Vous me surprenez, M. Déziel. Écoutez, vous me rappelez un bouquinque j'ai lu lorsque j'étais à l'université, qui s'appelait… un bouquin de Jacques Ellul, qui s'appelait La société technicienne.Et puis il y avait un chapitre sur la culture technicienne, et il posait la question : Est-ce qu'une culture technicienne peutexister? Et là il y a une partie de son livre, c'est... il répond à la question. Je n'amènerai pas tous les éléments, parce que jene m'en souviens… je n'ai pas tout ça en tête, mais, en vous écoutant, je vous dirais que vous l'avez lu, vous aussi, là.

Bon, je vais vous poser une question : Est-ce que la culture peut s'émanciper par le Web? Est-ce que la culturehumaine, ce qui fait que les civilisations avancent au travers des rapports sociaux, puis de la construction d'une identité collective et l'avancement dans le théâtre de l'histoire, ça peut se faire strictement sur le Web? Parce que, lorsque vousréduisez à presque un acte, je dirais, cybernétique la lecture, vous oubliez que la lecture implique des rapports sociauxaussi. D'aller à la librairie et discuter avec l'individu qui va nous suggérer des livres et par la suite échanger sur le bouquin, ça, c'est une dimension de la relation humaine qu'on ne peut pas jeter du revers de la main.

M. Déziel (Guillaume) : Ça existe encore, ça. Sur le Web, ça existe encore, plus que jamais, en fait. Parce quetout ce que j'ai lu m'a été recommandé par quelqu'un sur le Web, on appelle ça des hyperliens. Des recommandationsentre amis autour d'une bière ou un hyperlien sur le Web, on finit toujours, dans un forum de discussion, par se faire référervers un endroit, vers une cible où on va pouvoir réussir à trouver de l'information complémentaire par rapport à ce qu'on cherche. Ça peut être très technique, mais ça peut être tout simplement un roman.

Mais moi, je veux vous parler, en fait : Est-ce qu'on peut avoir accès à la culture? Oui, tout à fait. Et non seulementon peut avoir accès à la culture, mais je pense qu'on peut avoir accès à toute la culture. Et il y a un nouvel enjeu qu'il faut faire très attention — et j'espère que je ne sors pas trop du sujet ici — mais, tant qu'à passer une loi, pourquoi ne pas s'assurer que quiconque vend notre culture de Québécois aux Québécois sur le Web en fasse une petite copie à labibliothèque et à l'archive nationale du Québec pour s'assurer que, quand, je ne sais pas, Amazon va faire faillite, un jour,si jamais ça arrive, notre culture… si Google se fait racheter par, je ne sais pas, moi, la Chine, qui décide que, du jour aulendemain, il n'y a plus de culture autour de la Chine, hein, toute la culture qui existe autour n'existe plus, moi, je pensequ'on devrait se faire des petits «backups» en tant que Québec. On devrait archiver notre culture et faire en sorte que laculture soit quelque chose qui soit cumulative et non pas quelque chose comme une espèce de long fleuve tranquille, un petit courant, là, qui passe en avant, là, puis qui est éphémère. C'est mon point.

M. Roy : Écoutez, tout à l'heure vous avez dit que… vous nous avez souligné le fait que la… bon, le fait d'allersur Google ou d'écrire sur… que ça améliorait la langue, hein, entre autres écrite. Puis, moi, ce que j'ai entendu auparavant,de l'Association nationale des éditeurs, c'est que la littératie, il y aurait une certaine problématique en ce qui a trait à la capacité des individus de lire et de se débrouiller pour être fonctionnels dans la société.

Donc, ce que j'entends, d'un côté, c'est qu'il y a une détérioration de la capacité à utiliser la lecture et l'écriturepour s'insérer à l'intérieur de la société, et vous me dites que l'informatisation des rapports sociaux et de la connaissance du monde va améliorer ça.

M. Déziel (Guillaume) : Bien, moi, je croirais que oui, en fait. Je reviens au point, la réglementation, je penseque ça va faire survivre un maillon d'une manière temporaire. Je pense que, si on prend chaque kilojoule investi par unlibraire dans une journée pour pouvoir maintenir en place son statut comme maillon de la chaîne, et tout ça, et si on prenaitces kilojoules-là et qu'on les investissait sur la présence Web, le rayonnement de notre culture à l'international, et tout ça, je pense qu'on en sortirait tous collectivement très gagnants. C'est mon point.

Et l'autre point aussi que je voulais soulever, c'est que, je ne sais pas, peut-être que je suis dans le champ, maisj'ai comme l'impression que les effets de la mondialisation se font ressentir. C'est vrai que prendre la culture québécoisecomme «loss leader» pour vendre des tapis sauve-pantalon chez Wal-Mart, c'est un petit peu ordinaire. Mais, en mêmetemps, qui a les moyens de faire ça? Wal-Mart. Qui a ouvert notre marché voilà une couple d'années, et tout ça? C'est uneffet, c'est un effet qu'on vit aujourd'hui. Alors, j'ai l'impression que la mondialisation, à l'heure où on se parle, ne joue pasen notre faveur au niveau économique pour le… Une chance qu'on a signé l'exception culturelle, je pense. On fait partiede ceux qui ont signé ça. Mais il reste que j'ai l'impression que cette demande, cette réglementation-là, c'est comme un plasteur sur le bobo d'un effet de mondialisation. Je ne sais pas si vous me suivez. Non? Oui?

Des voix :

M. Déziel (Guillaume) : Cool, merci.

La Présidente (Mme Vien) : M. le ministre.

M. Kotto : Oui. Une courte question serait bienvenue. Vous avez pris la mesure de la situation de notre réseaude librairies indépendantes. Dans la perspective du court terme, si vous aviez une solution ou une mesure à suggérer afinde les sauver, parce que les sociétés, elles changent, de toute façon, mais ça prend parfois du temps, mais, d'ici que laculture numérique domine l'espace, disons culturel, il y a lieu de sauver ce qu'il y a à sauver avant de faire cette transition.Alors, dans la perspective du court terme, s'il y avait un modèle ou une mesure à suggérer à cette commission, quel serait-il?

M. Déziel (Guillaume) : Peut-être que je peux parler en ce qui me concerne. J'ai fait une expérience. Je suis gérantd'un groupe qui s'appelle Misteur Valaire, et nous avons, un jour, choisi de donner notre musique sur le Web et éventuellementde la laisser aller en paiement volontaire, et tout ça. Et ce qu'on s'est rendu compte, c'est que plus on en donnait, pluson en vendait en magasin en format physique et aussi en numérique, de sorte que, si on regarde aujourd'hui les ventesSoundScan, qui est le compteur, si on veut, de... qui est la mesure, je dirais, officielle, à savoir comment un artiste performeen termes de ventes, le groupe se porte quand même bien parmi ces ventes. Alors, on parle de près de 20 000 copies, je pense même un peu plus de 20 000 copies.

À mon avis, je pense que l'utilisation du Web devrait servir à ramener les jeunes en magasin pour... ou dans deslieux où ça devient intéressant. À titre d'exemple, pourquoi on sépare la cafétéria et la bibliothèque? Pourquoi on ne metpas des revues à la disposition des élèves pendant les pauses? Pourquoi on ne fait pas tirer trois livres par classe pour enrendre 27 autres jaloux? Pourquoi on ne se sert pas du numérique comme produit d'appel pour vendre la version physique?C'est des questions que je lance. Pourquoi on ne donnerait pas au livre la dimension cool, comme le vinyle l'est face au CD?Pourquoi on ne ferait pas venir des auteurs, des conteurs, des conférenciers sur l'heure du midi? Pourquoi on ne rendraitpas les bibliothèques plus cool, moins coincées, plus accessibles, plus bruyantes peut-être ou qu'il y ait des parties bruyantes où les gens peuvent échanger, et tout ça? Donc, finalement, c'est des idées comme ça que je lance.

Mais moi, je suis persuadé, en fait, qu'il y a moyen de se servir de la culture littéraire numérique comme produitd'appel pour vendre un paquet d'autres choses, dont la version physique, en fait. Moi, j'en ai fait l'expérience de moncôté. Peut-être que je suis… on est juste un cas d'exception. Mais on sait que donner fait vendre, rendre accessible fait vendre davantage, et donc c'est peut-être une piste de solution que j'ai à proposer.

M. Kotto : Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vien) : Merci beaucoup. Mme la députée de Laporte.

Mme Ménard : Merci, Mme la Présidente. Vous avez mentionné tantôt que les disquaires, tout comme les libraires,fermaient leurs portes. J'ai posé la question à un autre groupe. D'après vous, quelle est vraiment la cause des fermetures?Est-ce qu'on parle de rentabilité? Est-ce qu'on parle de relève? Est-ce qu'on parle d'effervescence de nouvelles plateformes technologiques? D'après vous, quelle est la cause des fermetures?

• (17 h 10) •

M. Déziel (Guillaume) : Je croirais que la principale cause de la fermeture des libraires, c'est le manque de rentabilité. Ça prend du pied carré, de l'électricité, du chauffage, du staff, ça prend de la gestion d'inventaire. Il faut recevoir les disques, les mettre sur les tablettes, les retourner quand ça ne vend pas. Ce qu'on n'a pas dans le produit numérique, comme je le disais tantôt, ça coûte quelques sous héberger un fichier sur un serveur et ça coûte quelques sous… je dis quelques sous, mais on parle de quelques fractions de sous.

Donc, je pense que le fait que le produit soit maintenant disponible en numérique et que les tendances de consommation aillent de plus en plus dans cette direction-là fait en sorte qu'évidemment il y a moins de gens qui franchissent la porte d'un disquaire et qu'ils sont aujourd'hui confinés à vendre du vinyle, par exemple, ou vendre des versions importées. C'est beaucoup plus des pièces de collection. Je peux citer peut-être Musique Cité, qui est un disquairede Sherbrooke que je respecte énormément, qui, au fil des dernières années, a lancé plein d'appels à l'aide, en fait, surFacebook pour pouvoir faire des shows-bénéfice, et tout ça, et donc de le maintenir en vie. Alors, quand je vois ça se produire dans mon industrie de la musique, j'ai l'impression que je ne vois pas pourquoi ça ne guetterait pas l'industrie du livre.

On parle aussi d'accès à ces fichiers-là. De plus en plus, je pense que c'est une question… Quand Amazon permetà un… pas un artiste autoproduit, mais un auteur autoédité de se publier lui-même, on parle éventuellement d'une mutation,peut-être même des habitudes de production qui vont changer, peut-être même «bypasser» tout un système d'édition. Alors, on n'est pas à l'abri de ça.

 Alors, moi, j'ai l'impression — je reviens à ce que je disais tantôt — que cette mesure-là, que les libraires aimeraient avoir, est tout à fait louable. Puis je le comprends, mais j'ai l'impression que ce ne serait que de reporter le problème à plus tard, de pelleter la neige par en avant, pour citer le collègue qui était ici avant.

Mme Ménard : D'accord. Il y a une crainte qui est souvent exposée, c'est… (panne de son) ...fragilité de la bibliodiversité. Bien que notre culture québécoise se transmette aussi pour le répertoire musical, nous avons, à plusieursreprises, discuté de l'attrait des chansons québécoises qui perdent des plumes face aux grands hits américains. Alors, necroyez-vous pas que cette situation peut se répéter à l'industrie du livre, s'il n'y avait pas de réglementation du prix du livre?

M. Déziel (Guillaume) : Mais je ne vois pas nécessairement de lien entre… Bien, en fait, moi, je peux parler pour la musique. Je sais que la culture d'ici, la culture locale perd des plumes au profit d'une Lady Gaga de ce monde tout simplement par manque d'accessibilité, et manque de marketing et de promotion. Je pense qu'il y a des mesures... Onparle du programme de sensibilisation en milieu collégial, qui est un programme de la SODEC, pour faire en sorte queles jeunes du cégep soient mis en contact avec la relève culturelle que l'on a ici. Alors, pourquoi ce programme-là n'estpas, à l'heure où on se parle, au niveau primaire? Moi, j'ai l'impression que c'est juste une question de promotion de notreculture, rendu là. Et, à partir du moment où on a stimulé la demande, le disquaire n'a toujours plus rapport dans l'équation. Je ne sais pas si vous me suivez.

Mme Ménard : Ça va aller. Merci, Mme la Présidente. Est-ce que mes collègues...

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci. M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley : Merci beaucoup. Merci beaucoup, M. Déziel. Pour poursuivre votre parallèle entre l'industrie de musique et l'industrie du livre, l'arrivée du Web n'était pas qu'une bonne nouvelle pour l'industrie de musique. Et la protection des artistes surtout est un très grand enjeu.

Or, de votre expérience, avez-vous peut-être les suggestions à faire que, si on s'en va vers une place plus importante,numérique, pour l'accès aux livres dans notre société, comment est-ce qu'on peut protéger nos écrivains? Parce que lesmêmes… c'est le phénomène de Napster, il y a longtemps, mais le même piratage des fichiers, et tout le reste. Est-ce que vous avez des suggestions à faire pour mieux protéger nos artistes parce que, dans l'industrie de musique, oui, il y avait un plus grand accès, il y avait les groupes qui ont vendu directement sur le Web et même pas avoir les contrats avec les grandes compagnies de musique, et tout le reste, mais, par contre, il y avait le vol carrément des chansons, le vol des choses comme ça. Avez-vous des suggestions ou des mises en garde que vous pouvez partager pour la protection des oeuvres de nos artistes, écrites?

M. Déziel (Guillaume) : Je peux vous dire qu'en 1995… O.K., excusez-moi, en 2009, 95 % de la consommationdes fichiers numériques mondialement était d'origine illégale, et donc 5 % de la consommation était d'origine légale. Onpeut s'imaginer que c'était iTunes Music Store et les autres, les 399 autres boutiques, et iTunes avait 80 % de ce marché-là. On parle de 4 % sur la totalité. Et donc je pense que ce qui s'est passé, en fait, au Québec, c'est qu'à défaut d'avoir une offre légale pendant très longtemps, et c'était la résistance, je dirais, des producteurs à l'époque, qui faisait en sorte que les MP3 n'étaient pas disponibles sur le Web justement parce qu'ils avaient peur de se les faire pirater, bien cette résistance-là finalement a eu raison de notre industrie. En fait, en partie, parce que finalement, comme la nature a horreurdu vide, bien ça a laissé la place à iTunes, et ils sont rentrés en trombe vers quoi, 2003, 2004, ils ont pris toute la place. Et présentement une partie du profit lié à la consommation de notre culture s'en va à Silicon Valley. Donc, c'est ça.

Une mise en garde que je pourrais faire, c'est que... bon, mon exemple de Marie Laberge, préféré, tantôt, là, dont j'ai parlé. J'espère qu'elle ne m'en voudra pas de l'avoir citée de cette manière-là, mais elle a quand même dit ça à Tout le monde en parle. À l'heure où on se parle, si Marie Laberge n'est pas disponible en format numérique... Nécessairement, elle est disponible en format numérique à l'heure où on se parle : les torrent, les peer-to-peer, donc tous les systèmes detransaction anonyme entre les différents... on appelle ça poste à poste ou pair à pair, ces gens-là réussissent à se faire des copies piratées. Ça s'entend, ça se copie, ça, c'est pour l'industrie du disque. Bien, ça se lit, ça se transcrit, c'est pour l'industrie du livre.

Alors, je pense que, d'abord et avant tout, pour pouvoir protéger vraiment notre culture littéraire, il faut s'assurerqu'elle soit accessible. Et surtout, à défaut de ne pas être accessible en ligne pour les jeunes d'aujourd'hui, bien, nécessairement, les jeunes d'aujourd'hui vont probablement... qui ont envie de consommer des livres, vont peut-être consommer la culture d'à côté, tout simplement, comme ça.

M. Kelley : Oui. Et j'imagine aussi de s'assurer l'accès québécois à ces choses, parce que moi aussi... Moi, j'adore les livres papier, j'achète toujours les CD. Mes cinq enfants me regardent comme un dinosaure. Je respecte ça parce que jesuis très conscient que toutes ces industries sont en pleine évolution. Et, si on n'a pas les moyens de reconnaître ça et derendre accessible... Dans nos entourages, il y a toujours les personnes qui ont fait le saut, qui ont acheté un lecteur, unKindle ou quelque chose comme ça. Ils sont de plus en plus nombreux. Je pense à notre collègue de Pontiac, qui est unetrès grande lectrice, et elle, elle se promène toujours avec son Kindle ou je ne sais pas trop, un de ces... Alors, il faut voirque les marchés, l'accès aux oeuvres artistiques musicales, littéraires ou autres sont en train de changer. Et comment est-cequ'on peut s'assurer qu'on prend notre place à l'intérieur de ces changements plutôt que prétendre que ça n'existe pas?

Et, oui, on a une proposition ici qui est très limitée entre les librairies d'une certaine taille contre les librairies d'uneautre taille. Mais, si je regarde... On a évoqué, je pense, le dernier groupe, aller dans une librairie à Terrebonne puis aprèsça traverser la rue pour regarder dans la grande surface si on peut acheter le même livre bon marché. Well, je pense quel'enjeu encore plus important, c'est regarder dans la librairie et toutes les personnes qui travaillent fort pour mettre leslivres sur les tablettes, noter quelques-uns intéressants, retourner à la maison, acheter ça en ligne beaucoup moins cher.Alors, je pense, ça, c'est vraiment la concurrence pour les libraires. Souvent, c'est en ligne plutôt que... Wal-Mart et Costcosont les grandes surfaces, sont les méchants toujours dans toutes nos histoires, mais moi, je pense que la concurrence, c'est les changements dans les comportements. De plus en plus de personnes achètent en ligne.

Jeff Besos, quand il a lancé Amazon, tout le monde a dit : Ça ne va jamais fonctionner. Il y avait des années très difficiles au départ, mais aujourd'hui Amazon se comporte assez bien. Alors, comment nous positionner pour faire la protection de notre culture, pour faire la protection de nos artistes et de nos écrivains, qui est très importante?

Alors, merci beaucoup pour le partage de vos expériences, parce que je pense qu'on est dans un milieu qui est enpleine évolution. Et, oui, on a une mesure qu'on va regarder, comme commission, mais on a un univers de changements, et vous avez amené une perspective très intéressante quant aux changements dans notre accès comme citoyens à ces produits qui sont tellement importants pour notre société. Merci.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. le député de Jacques-Cartier. Mme la députée de Montarville, vous avez la parole.

Mme Roy (Montarville) : Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente. M. Déziel, merci pour votre présentation. J'ai pris des notes et je me suis dit : Vous mettez le doigt sur la problématique, c'est-à-dire que c'est le support qui change,mais le contenu demeure extrêmement important. Vous le disiez, et je trouve que c'est très pertinent de le dire, ces jeunesqui sont les lecteurs de demain, comment lisent-ils? Ce qu'ils lisent, c'est très vaste maintenant, c'est le monde qui est ouvert à eux.

Et je l'ai vécu. Récemment, j'étais à l'étranger et j'ai été extrêmement surprise de constater que, dans le lobby del'hôtel, tous les jeunes, et moins jeunes, et même très, très jeunes avaient la petite tablette même de façon générale. J'étais la seule à ne pas regarder un appareil électronique.

Et la question que je vous pose — parce qu'ici ce qui est important, c'est le contenu et non le contenant : Est-ceque nos auteurs québécois sont suffisamment équipés, sont-ils prêts, sont-ils soutenus pour mettre leurs oeuvres en ligne?Parce qu'on les veut, ces oeuvres, on veut les lire, mais ça s'en va là-dessus. Alors, comment peut-on les aider et sont-ilsaidés? Y a-tu quelque chose à changer? Peuvent-ils embarquer là-dedans? Parce qu'il faut qu'ils y aillent s'ils veulentjustement pouvoir promouvoir et qu'ils soient diffusés. Le contenu... c'est-à-dire le contenant est différent, mais c'est le contenu qui compte.

• (17 h 20) •

M. Déziel (Guillaume) : Dans mon industrie, il y a une mouvance, une tendance lourde : les jeunes de la relèvemusicale enregistrent maintenant leur propre contenu parce qu'on a une accessibilité. Avec un ordinateur comme celui-là, on peut enregistrer un album. Bon, ça ne veut pas dire qu'il va sonner comme une tonne de briques, mais on s'entend. Et donc ces jeunes-là ont accès à la technologie d'enregistrement et éventuellement aussi à la technologie de diffusion.Ils peuvent aller sur Bandcamp. J'ai fait une petite recherche facile, et dans l'industrie de la musique j'ai recensé à peuprès 900 artistes qui ont, genre, la métadonnée Québec, ou Montréal, ou peu importe. Ça n'a rien de scientifique, mais 900 artistes sont sur Bandcamp et flirtent avec la gratuité de la musique à l'heure où on se parle.

À l'heure où on se parle, il y a plein d'outils similaires qui existent pour la littérature. Et déjà, à l'heure où on separle, je sais que c'est possible pour un auteur autoédité de pouvoir se mettre sur Amazon, c'est ce qu'on m'a dit. Je ne suis pas un grand, grand, grand professionnel de l'industrie du livre, vous comprendrez, mais je me suis renseigné le moindrement un peu et je pense qu'il y a d'autres intervenants cette semaine qui vous le diront aussi. Donc, c'est de plus en plus accessible.

Le problème, c'est que ces gens-là ont besoin d'un éditeur pour la mise en marché, pour l'encadrement, pour laprofessionnalisation, pour aller peut-être même chercher des demandes de subvention, être soutenus financièrement pluslongtemps, etc. Donc, nécessairement, oui, le maillon connexion directement avec le consommateur est là maintenant.Mais c'est le fun d'être en direct, mais il reste qu'il y a toujours un travail de promotion à faire, et tout ça, et donc ça, c'est d'autant plus important.

Je dirais que, si on a de l'argent à dépenser au Québec, c'est beaucoup plus sur la promotion de notre culture, de lamise en valeur de la culture beaucoup plus que la préservation de l'accès à la culture pour un segment de marché de 45 ans etplus peut-être ou de 35 ans et plus qui vont aller dans les disquaires… pas les disquaires, pardon, les libraires au coin de la rue. Excusez-moi, j'ai comme un vocabulaire qui me remonte toujours en bouche, mais...

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci beaucoup, M. Déziel, merci beaucoup. Mme la députée de Gouin, vous avez la parole.

Mme David : Merci, Mme la Présidente. M. Déziel, merci beaucoup. Si vous vouliez nous interpeller assez vigoureusement, je dirais, sur l'avenir du livre au Québec, c'est réussi. Et je pense que vous posez un certain nombre de questions ou vous faites certaines affirmations, même, que je trouve tout à fait pertinentes.

Maintenant la question dont on discute ici quand même, là, cette semaine et dans les semaines qui viennent, c'est : Est-ce que, oui ou non, on va vouloir réglementer le prix des nouveautés quel que soit l'endroit où ces nouveautéssont publiées? Et je pense qu'il n'y a personne ici, autour de la table, toutes générations confondues, qui pense que c'est laréponse à l'avenir du livre au Québec. Plusieurs intervenants précédents se sont chargés de nous dire : Vous savez, c'est un des aspects.

Et c'est à ce niveau-là où je me permets quand même de vous interpeller à mon tour parce que vous avez raisonpour un certain nombre de choses, mais, avant de décréter qu'une industrie est agonisante et surtout avant de contribuer àla faire agonir davantage, est-ce qu'on ne pourrait pas se demander si, quand même, on en a encore un petit peu besoin?

Le parallèle que je ferais, si on veut parler d'autres secteurs, c'est, par exemple, les petits cafés. Il y a plein degens maintenant qui ont des machines à café expresso chez eux, c'est un produit de consommation un peu plus courantqu'autrefois. Mais curieusement même eux ou elles vont parfois aller dans des cafés, avec leurs portables d'ailleurs, maisparce qu'ils ont besoin de liens sociaux, ils ont besoin d'être ensemble, ils ont besoin d'un milieu de vie. Et, pour moi,j'avoue, la librairie, c'est ça. Ce n'est pas seulement un endroit où on achète, tu sais, où on passe à la caisse, c'est un endroitoù on a des liens, où on parle avec des gens. Puis je vous soumets aussi que les librairies sont souvent des animatrices de leur milieu en organisant des conférences, en faisant venir des auteurs, etc.

Pourquoi ne pas leur donner ce petit coup de pouce qu'elles nous demandent? Et puis, ma foi, si ça les aide, comme l'ont dit certains, cinq ans ou 10 ans, ça sera ça de pris, ça ne coûte rien à l'État.

M. Déziel (Guillaume) : Effectivement. Mais moi, je pense que cette expérience-là que les librairies offrent, au même titre qu'un café offre une expérience particulière, celui d'être seul ensemble, par exemple... Je pense que cette expérience-là pour quiconque la recherche est prêt à payer le prix, à mon avis...

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Je suis vraiment désolée M. Déziel…

M. Déziel (Guillaume) : Mais je ne serais pas contre, effectivement.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : …le temps, malheureusement, est écoulé. Je vous ai même laissé quelques secondes supplémentaires. Donc, merci beaucoup.

Je vais suspendre les travaux quelques instants pour permettre au prochain intervenant de prendre place.

(Suspension de la séance à 17  h 25)

(Reprise à 17  h 26)

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Donc, nous recevons l'Institut de recherche et d'informations socioéconomiques et nous avons M. Simon Tremblay-Pepin. Donc, M. Pepin, vous avez la parole pour un temps maximal de 10 minutes.

Institut de recherche et d'informations
socioéconomiques (IRIS)

M. Tremblay-Pepin (Simon) : Merci, Mme la Présidente. Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, bonjour. Merci de me recevoir.

J'ai été très content de recevoir cette invitation pour me pencher sur la question du livre. Je l'ai reçue à un mois et quelques d'avis, donc je n'ai pas pu, malheureusement, faire toutes les recherches et les enquêtes que j'aurais aimé faire pour informer le mieux possible cette commission des impacts du prix... de la réglementation qui vous est proposée aujourd'hui.

Je vous ai fait parvenir — peut-être l'avez-vous — ce petit mémoire, que j'ai rédigé rapidement. Vous pardonnerezsa brièveté. C'est le mémoire d'un homme qui s'en allait en vacances avant de recevoir l'invitation et qui a parcouru les 13 librairies, qui a fait une petite enquête pour voir, sur 12 volumes, quels étaient les prix consentis.

Il faut bien comprendre que mon objectif ici était de vérifier une question, de me poser... et j'ai entendu ici beaucoup, beaucoup de sujets divers qui ont été abordés. Je n'en aborderai qu'un pour ma part, c'est la question de la possibilité de cette mesure d'avoir un effet sur le prix du livre en général, un effet potentiellement haussier. Ça a été, disons, le centre d'un débat autour de cette mesure dans les derniers mois. Je me suis donc penché sur la question pourvoir si ça pouvait être le cas. Alors, je vais vous relater quelques-unes de mes réflexions, qui ont été faites au fur et à mesureque je faisais ce mémoire. Je ne vous lirai pas le mémoire au complet, vous en avez copie, je vous laisse le bon soin de regarder ça,

Du côté... Donc, je me suis promené chez 13 détaillants, j'en ai contacté un par téléphone — comme il se situait à Rouyn, vous me pardonnerez de ne pas m'être rendu — et j'ai regardé pour une douzaine de nouveautés et j'ai noté lesprix de tout le monde. L'évidence qui est apparue à mes yeux à ce moment-là, c'est que la tradition des rabais dans lesecteur du livre au Québec, elle n'est pas vraiment là. On ne peut pas dire que c'est à la mode, dans une librairie, qu'ellesoit de chaîne ou qu'elle soit indépendante, d'offrir des rabais et de dire : Oui, achetez ce livre-là plutôt que tel autre parce qu'il est à 30 % de rabais. Ce n'est pas tout à fait la pratique, ce qui m'a amené à regarder, bon, quels rabais sont pratiqués où. Il y a des rabais qui sont pratiqués, oui, chez Costco, chez Wal-Mart, dans les grandes surfaces. Dans le restedes librairies, oui, on peut avoir une carte qui nous donne droit à un rabais quand on a acheté tant de livres. Chez Coopsco,vous le savez, dans les coops, il y a un rabais pour les membres en moyenne de 10 %, de ce que j'ai pu observer. C'est pas mal ce que Coopsco dit aussi. Alors, voilà ce qui existe.

• (17 h 30) •

Eh bien, moi, ça m'a fait dire : Cette mesure qui est là, elle ne changera pas grand-chose aux habitudes de consommation des gens. Et je crois que c'est une qualité de cette mesure. Ça pourra vous surprendre. Pourquoi défendre qu'une mesure qui ne change pas grand-chose doive être appliquée? Eh bien, je défendrai ici qu'elle est intéressante justement parce que, si elle a un effet haussier sur le prix, ce dont personnellement, je doute... Mais supposons que, toutsimplement, les grandes surfaces doivent réduire leurs rabais et que personne d'autre ne bouge sur le marché, ce qui, de mon point de vue, serait relativement étonnant... J'ai tendance à croire que d'autres détaillants décideront peut-être d'augmenter leurs rabais pour concurrencer les grandes surfaces qu'ils pourront concurrencer alors. Mais, bon, oublions cette hypothèse pour l'instant. Même si ça avait lieu, on parle d'une augmentation du prix de 1,8 % du côté du livre.

Écoutez, 1,8 % du prix, ce n'est même pas l'inflation. Je pense que, pour la plupart des gens, sur un produit quise détaille entre 20 $ et 40 $, qui va le remarquer? Effectivement, dans ses habitudes de consommation et dans ses habitudesd'achat, de mon point de vue, il n'y aura à peu près aucune conséquence en termes de vente. Qu'est-ce que ça va avoircomme conséquence positive? C'est d'offrir tout simplement une protection. Si, demain matin, une grande entreprise décidede se lancer dans une guerre de prix, on va dire, bon, bien, on réduit les prix des nouveautés chez Costco, chez Wal-Martet on fait un battage publicitaire immense, bon, qui va pouvoir tenir très longtemps? Évidemment, grâce à la loi n° 51,grâce à un certain nombre de mesures législatives, les librairies indépendantes pourraient tenir un moment. Est-ce qu'elles pourraient tenir à une guerre de cinq ou six ans sur les nouveautés, là où elles vont faire une part de leurs profits? Personnellement, j'en doute. Pourquoi ne pas alors se doter d'un moyen relativement simple, sans douleur pour personne, ni pour l'État, ni pour les consommateurs, ni pour les détaillants, et se protéger d'une telle éventualité pour assurer la diversité du milieu du livre?

En conclusion, ce sera peut-être surprenant de voir l'Institut de recherche et d'informations socioéconomiques,que certains d'entre vous connaissent peut-être, faire la promotion de la concurrence la plus ouverte possible, mais il noussemble assez clair qu'une grande diversité de détaillants est la chose la plus souhaitable dans le milieu du livre et qu'unetelle mesure permet d'avoir une grande diversité de détaillants. Pourquoi? Parce que le marché, si laissé à lui-même, va plutôt favoriser des monopoles et des oligopoles. C'est ce qu'on voit dans les pays qui ont laissé leur marché du livre totalement sans loi et sans protection, comme on le voit, par exemple, au Canada, aux États-Unis où on voit une concentration du milieu du livre. Nous ne pensons pas que c'est souhaitable ni pour les consommateurs ni pour la diversité culturelle. Merci.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci beaucoup. M. le ministre.

M. Kotto : Oui. Merci, M. Tremblay-Pepin. Merci pour cette clarté et cette concision.

J'irai directement… J'ai une question en référence avec ce que vous avez dit, qui se retrouve dans votre mémoire.Vous affirmez qu'une réglementation du prix de vente des livres neufs passerait inaperçue pour la plupart des consommateurs.Est-ce que vous avez évalué les impacts sur les faibles lecteurs quand je dis «faibles lecteurs», vous comprenez ce que jeveux dire — mais aussi sur les citoyens défavorisés? J'entendais quelqu'un qui vous a précédé tout à l'heure, et c'étaitpercutant comme argument : De toute façon, les démunis n'ont pas les moyens de s'acheter une carte d'abonnement chezCostco ou en région, se procurer une voiture pour faire des kilomètres pour aller dans un centre comme WM. Bref, est-ceque vous avez évalué… Vous l'avez dit, vous n'avez pas eu beaucoup de temps pour faire un point général sur ce documentde réflexion, mais les faibles lecteurs, quels seraient les impacts sur eux, en cas de réglementation, et les plus démunis? Ça, c'est le premier des deux premiers points.

M. Tremblay-Pepin (Simon) : Ça n'a pas été l'objet de mon étude. Donc, ma réponse, si elle est courte, je vous dirais : Non, ce n'était pas l'objet de mon étude. Cependant, je vous dirais deux choses.

D'abord, du côté des grandes surfaces, selon l'ISQ, on parle de 11 % des ventes de livres qui se font dans ces secteurs-là. Je vous rappelle que, disons, des points de vente peut-être plus accessibles pour des gens plus démunis, pensonstout ce qui est catégorisé comme autres points de vente, pharmacie, épicerie, etc., des lieux que les gens fréquentent et quisont relativement à petite distance, il n'y a pas de rabais offerts ou à peu près pas de rabais offerts dans ces lieux-là. Donc, est-ce que ça changerait beaucoup les habitudes de consommation? Personnellement, j'en doute.

Et évidemment vous faisiez mention de la carte obligatoire chez Costco. Je vous rappelle que, comme elle a unprix, cette carte, les rabais que j'ai inscrits dans cette étude doivent être automatiquement diminués de ce prix d'abonnementannuel. Et, pour vous donner une idée, si ça coûte 55 $ pour s'abonner chez Costco, il faut quand même avoir une réflexionsur le fait que les rabais dont il est question ici, c'est de 1 $ ou 2 $ par livre, ça prend pas mal de livres pour compenser le coût d'abonnement.

M. Kotto : O.K. Vous affirmez qu'une réglementation du prix de vente des livres neufs aurait des impacts modestes, voire invisibles et qu'elle ne ferait pas varier la répartition des ventes entre différents détaillants. De cette perspective-là, est-ce que vous pouvez affirmer que réglementer serait le meilleur moyen pour consolider les librairies à court terme?

M. Tremblay-Pepin (Simon) : Écoutez, M. le ministre, je ne suis pas la personne pour vous dire quelle serait la meilleure mesure à faire pour protéger les librairies. À mon avis, celle-là aiderait certainement — ça, je peux vous le confirmer — et je ne vois pas en quoi elle pourrait être nuisible. Ce que je vous dis en fin de texte, c'est : Si vous voulezvérifier si votre mesure a bien marché, vous pouvez vérifier, dans deux ou trois ans, si on va être restés à peu près dans le même état. Si c'est le cas, oui, la mesure sera bonne.

M. Kotto : Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci. Nous allons maintenant du côté de l'opposition officielle. Mme la députée de Laporte.

Mme Ménard : Merci beaucoup. Bonjour. J'ai un peu de difficulté avec ce que vous venez de mentionner, endisant ceci : que la personne qui va aller chez Costco, par exemple, va avoir… va payer, admettons, 55 $, là, et que vousparlez des rabais sur les livres de 1 $ ou 2 $ — bon, c'est plus que ça, là, je pense que c'est 7 $, 8 $, 9 $, là, ça varie entre ça — mais le consommateur qui rentre dans cette… qui va dans cette grande surface ne va pas juste acheter un livre, là, ons'entend. Alors, ce n'est pas… Quand vous dites qu'il paie 55 $ pour aller chercher un livre, il ne va pas juste chercher un livre, là, c'est…

M. Tremblay-Pepin (Simon) : Là-dessus, nous nous entendons tout à fait. La question est de savoir : Quel estl'impact de ce coût? Le rabais n'est pas offert gratuitement à tout le monde comme dans tous les autres détaillants. C'estce que je voulais préciser pour bien comprendre que les rabais qui sont inscrits ici, il faut garder en tête qu'il y a un coût pour avoir accès à ces rabais-là. Bien sûr, il y a des gens qui vont passer leur vie chez Costco et ainsi en bénéficier grandement. D'autres, je ne sais pas, en bénéficieront probablement moins. Impossible pour nous, sans avoir les chiffres de Costco, qui ne les rend pas disponibles, d'évaluer les coûts de ce… l'effet de ce rabais.

Mme Ménard : Est-ce que vous vous êtes penchés sur une étude… ou de faire une étude sur le comportement justement du consommateur?

M. Tremblay-Pepin (Simon) : Nous serions très intéressés de faire une telle étude. Évidemment, des coûts…des études comportementales de consommateurs, vous comprenez que ça demande des frais imposants parce qu'il fautfaire soit des études longitudinales, soit surveiller ce que font les consommateurs en faisant enquête et ce genre de choses là.Nous n'avons pas les moyens de le faire, surtout pas en un mois, mais, bien sûr, nous serions très intéressés à procéder à une telle étude.

Mme Ménard : Vous dites dans votre mémoire que… Vous faites mention — attendez — «que la baisse actuelledes ventes ne semble pas provenir des achats en magasin, car les ventes en librairie et dans les lieux de grande diffusionrestent relativement stables. Selon l'Institut de la statistique du Québec, la diminution actuelle s'expliquerait plutôt parla fin du boom des manuels scolaires, en raison de la plus récente réforme du système d'éducation.» Alors, pouvez-vous en parler un peu?

M. Tremblay-Pepin (Simon) : Oui, bien sûr. Peut-être que le législateur ne le savait pas en mettant en place laréforme de l'éducation, mais il a stimulé grandement le milieu du livre par toute la création d'un ensemble de manuels scolaires qui ont été vendus. L'ISQ nous dit que, sur les sept ou huit dernières années, l'augmentation des ventes de livres est surtout due… est surtout causée par cette explosion-là. Mais effectivement, si vous regardez le graphique 1 à lapage 4 du rapport que je vous ai remis, vous allez constater une relative stabilité des ventes de livres en magasin. Donc, lasituation catastrophique qui a pu être dépeinte précédemment, personnellement, je ne la vois pas encore. Elle peut très biens'en venir, ça, c'est tout à fait possible, mais, pour l'instant, les ventes de livres en magasin ne sont pas dans une situationde baisse catastrophique et peut-être que, justement, par une mesure comme celle qui vous est proposée, il y a moyen de retenir la situation actuelle et d'avoir une relative stabilité du milieu.

Mme Ménard : D'accord. Merci. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci. M. le député de Jacques-Cartier.

• (17 h 40) •

M. Kelley : Oui. Merci beaucoup pour votre mémoire. Quand vous avez… Dans l'annexe 1, vous avez consulté certains points de vente. Avez-vous regardé les prix en ligne pour ces livres?

M. Tremblay-Pepin (Simon) : Vous me demandez si j'ai été en magasin pour vérifier…

M. Kelley : Non, non, non.

M. Tremblay-Pepin (Simon) : …ou seulement en ligne?

M. Kelley : Non, non, mais avez-vous consulté les prix pour acheter ces livres en ligne plutôt que dans les magasins?

M. Tremblay-Pepin (Simon) : Par exemple, les acheter sur Amazon ou sur ce genre d'objet?

M. Kelley : Oui, ou d'autres, Renaud-Bray, les autres, Archambault.

M. Tremblay-Pepin (Simon) : Non, ce n'est pas quelque chose que j'ai fait, non. Je me suis concentré sur…

M. Kelley : Parce que je regarde vos tableaux, et c'est quand même un petit peu l'éléphant dans la salle parceque c'est une autre façon d'acheter les livres aujourd'hui. Le témoin précédent a parlé de ça aussi. Alors, je trouve, dansvotre tableau, il y a comme une colonne qui manque. Si j'avais décidé d'acheter Saccages ou quelque chose comme ça enligne, quel prix est-ce que je pourrais trouver? Est-ce que c'est moins que le prix en magasin ou est-ce que c'est identique?

M. Tremblay-Pepin (Simon) : Ce que je peux vous dire et que j'ai vérifié, pour vous aider dans votre réflexion,c'est que l'ensemble de ces… à peu près, hein, surtout les grandes chaînes, et tout ça, ont tous des sites Web où vous pouvezacheter en ligne leurs livres, et tout ça, et là-dessus vous allez trouver les mêmes prix qu'ils offrent en magasin la plupartdu temps. Donc, il n'y a pas de différence là. Par contre, sur Amazon… Et là je vous parle du livre physique, je ne vous parle pas d'acheter une édition…

M. Kelley : On est dans le physique.

M. Tremblay-Pepin (Simon) : O.K.

M. Kelley : Papier.

M. Tremblay-Pepin (Simon) : Donc, dans ce cas-là, et là je n'ai pas vérifié… L'endroit où je n'ai pas été vérifier, c'est sur Amazon.

M. Kelley : Parce que, je dois avouer, mon point de référence est toujours l'achat des livres en anglais, mais, mêmeChapters, il y a des économies d'acheter en ligne que d'aller en un magasin Chapters, alors il y a deux prix différentiels.Alors, je ne sais pas si ça existe chez Renaud-Bray ou non, mais il y a une pratique… parce que c'est plus facile pour euxautres d'éliminer, envoyer ça dans le magasin, l'inventaire, et tout le reste, ils en vendent directement au lecteur. Alors, je trouve quand même, dans le tableau, ça, c'est…

La deuxième question parce que vous avez dit qu'il y aurait des effets modestes à la proposition. Alors, pratico-pratique, alors, on met ça en place pour les neuf mois, le 10 %. Alors, on va éliminer les quelques rabais plus importants pour les grands vendeurs, mais, pour la plus petite entreprise, ça va changer quoi exactement? Moi qui, comme lecteur sérieux, je n'ai jamais regardé à Costco ou Wal-Mart pour acheter les livres parce que le choix est nettement insuffisant, alors… mais pour un petit… Pour moi, les petites entreprises de livres dans mon comté, c'est l'arrivée d'ungrand Renaud-Bray, un grand Chapters qui a tué tous les petits. Alors, c'est vraiment ça. Parce que, veux veux pas, aller dans un Renaud-Bray, il y a des milliers et des milliers de titres qu'un petit magasin dans un centre d'achats ne peut paspermettre un inventaire de cette ampleur-là. Alors, je veux juste… Alors, ça, c'est les choses qui compliquent, mais c'estquoi, l'impact précis? On va mettre ça en place. C'est quoi, le changement dans les comportements qui va aider davantage les petits magasins de livres?

M. Tremblay-Pepin (Simon) : Ce que je vous dis, c'est que ce que permettra cette mesure, c'est d'empêcherune guerre de prix, qu'elle vienne de Renaud-Bray, qu'elle vienne de Chapters, ou qu'elle vienne de Costco, ou qu'ellevienne de Wal-Mart, qu'importe. Donc, évidemment, si, demain matin, Renaud-Bray décide de s'établir à côté d'une petite librairie indépendante et que celle-ci meurt, cette mesure-là n'aura pas d'effet. Vous avez tout à fait raison de le dire. Cependant, ce que va faire cette mesure-là, c'est qu'elle va vous empêcher une guerre généralisée qui pourrait mettre enpéril l'ensemble des librairies indépendantes, ce qui est peut-être une réflexion plus importante à avoir que la survie d'une seule librairie.

M. Kelley : Oui, mais… Parce que même… vous avez fait allusion aux États-Unis, mais même les grands auxÉtats-Unis sont en très gros problèmes : Borders a fait faillite, Barnes & Noble, qui est probablement la chaîne la plusimportante. Et, même, je regarde nos magasins à grande surface dans mon comté, et il y a de moins en moins de placepour vendre les livres. Ils achètent les verres de thé, ils achètent toutes sortes de choses, sauf les livres. Alors, de touteévidence, même pour les grands poissons dans l'océan, ça devient une industrie qui est très difficile de la rendre rentable,et tout le reste. Alors, j'essaie, dans ce grand contexte, de mesurer la mesure précise qui est devant nous et est-ce que c'estvraiment bien ciblé, est-ce que c'est vraiment comme ça que je vais donner un coup de main aux petits libraires ou non.C'est ça que je me pose comme question, parce qu'on est dans une industrie qui, de toute évidence, est en pleine évolution.Je pense au New York Times, il y a une semaine… avait les petits libraires, maintenant on fait les activités de levée de fonds. Alors, c'est presque comme une charité maintenant. Et il y a toutes les grandes librairies indépendantes américaines — le Tattered CoverV, à Denver, est une de mes préférées — alors, c'est formidable, mais c'est une industrie qui est très difficile.

Alors, est-ce que les mesures ici qui, dans votre voeu, sont modestes… Qu'est-ce que ça va changer? C'est quoi, les pratiques que je vais donner aux petits magasins?

M. Tremblay-Pepin (Simon) : Vous allez donner la possibilité à ces magasins-là de survivre parce qu'ils ne grugeront pas leur marge de profit en devant offrir des rabais pour se protéger de guerres de prix. C'est comme ça quevous allez réussir à les protéger avec cette mesure-là. Est-ce qu'elle est imparable à toute attaque et à toute situation? Cen'est pas ce que je vous dis, mais je vous dis que vous donnez une arme supplémentaire. Et Barnes & Noble, pourquoiils vont mal? Parce qu'ils sont obligés d'offrir des rabais relativement élevés à cause de leur concurrence avec les grandes surfaces. Est-ce que vous voulez reproduire la même chose, à n'avoir que Renaud-Bray qui reste avec une situation fragilisée? Ça ne vous aidera pas. De toute façon, vous l'avez déjà sauvée, Renaud-Bray, il y a quelques années. Mais ça, c'est une autre question.

M. Kelley : Merci.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant vers le deuxième groupe d'opposition. Mme la députée de Montarville, vous avez la parole.

Mme Roy (Montarville) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci beaucoup pour votre mémoire.

C'est un sujet qui est complexe et, pour tenter d'y voir plus clair, il y a également des documents qui nous ontété fournis par la présente commission. Et, dans un de ces documents, qui nous a été soumis par la Commission de la cultureet de l'éducation, on y parle strictement du livre québécois, le marché du livre neuf au Québec. Et j'aimerais vous entendresur un des points qui nous est soumis. On nous dit que, depuis 2006, la part de marché des librairies à succursales n'a cesséd'augmenter, passant de 45 % en 2006 à 53 % en 2010. Ça, c'est une augmentation de 8 % pour les librairies à succursales.Et, pendant la même période, les librairies indépendantes, bien, elles, leurs parts de marché ont diminué de 35 % à 28 %,donc elles ont perdu 7 % de parts de marché. 8 %, donc, d'augmentation pour les librairies à succursales et 7 % de diminution pour les librairies indépendantes.

Ce qu'on pourrait croire ici : que ce sont justement les librairies à succursales qui vont gruger les profits des librairies indépendantes et pas nécessairement les grandes surfaces. Est-ce qu'on ne se trompe pas nécessairement de cible?

M. Tremblay-Pepin (Simon) : Vous avez raison de dire qu'il va y avoir des jeux entre ces librairies-là, bien entendu. Et effectivement, quand une librairie a une stratégie de développement, elle va aller puiser dans les autres librairies,bien sûr. Les grandes surfaces ne représentent que 11 %, à peu près, des ventes selon les derniers chiffres de l'ISQ. Est-cequ'on a ici une mesure qui ne concerne que les grandes surfaces? Eh bien, non, cette mesure-là s'appliquera à l'ensembledes librairies. Est-ce qu'elle va protéger les librairies indépendantes de tous les malheurs qui peuvent leur arriver? Ce n'estpas du tout ce que je soutiens aujourd'hui. Je vous dis simplement : Dans l'éventualité d'une guerre qui se fait sur les prix, elle va protéger les plus petits joueurs. Est-ce que, maintenant, il y a d'autres stratégies employées par leurs concurrents qui peuvent faire fermer ces détaillants-là? Bien sûr qu'il y en a d'autres. Et l'idée ici n'est pas de proposer une intervention de l'État qui régulerait entièrement le secteur des librairies.

Mme Roy (Montarville) : Merci beaucoup pour cette précision.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, Mme la députée. Maintenant, la parole est à Mme la députée de Gouin.

Mme David : Merci, Mme la Présidente. J'aimerais tout simplement savoir… J'ai regardé vos annexes, vous parlezde ce qui se passe aussi dans d'autres pays. Pouvez-vous nous indiquer brièvement si, dans certains pays, la réglementation du prix du livre a eu un effet sur la survie de librairies indépendantes, selon ce que vous avez lu?

M. Tremblay-Pepin (Simon) : Écoutez, de ce côté-là, c'est assez clair. Du côté de la France, il est évident qu'il y adavantage de librairies indépendantes qui ont survécu, surtout quand on la compare à l'Angleterre. Du côté de l'Angleterre, si vous regardez ce lieu où on a retiré une réglementation du prix unique, eh bien, vous allez constater que la part de marché des librairies indépendantes est en chute libre depuis le retrait de cette mesure-là. Donc, oui, il semble que ça puisse tout à fait défendre les librairies indépendantes et leurs parts de marché.

Mme David : Merci.

La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci beaucoup, M. Tremblay-Pepin.

Et, sur ce, la commission ajourne ses travaux au mardi 20 août 2013, à 9 h 30. Merci, chers collègues. Bonne fin de journée.

(Fin de la séance à 17  h 50)

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