(Dix
heures trois minutes)
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : À l'ordre, s'il
vous plaît! Bonjour. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation
ouverte. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de
bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
Le
mandat de la commission est de poursuivre les auditions publiques dans le cadre
de la consultation générale sur le projet de loi n° 14, Loi
modifiant la Charte de la langue française, la Charte des droits et libertés de
la personne et d'autres dispositions législatives.
Mme la secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, Mme la Présidente.
Mme Charbonneau (Mille-Îles) sera remplacée par M. Kelley (Jacques-Cartier).
Auditions (suite)
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci. Pour ce qui est de l'ordre du jour, cet
avant-midi, nous allons débuter par les
auditions du Conseil québécois du commerce de détail et le Réseau d'action pour
l'égalité des femmes immigrées et racisées du Québec. Cet après-midi, nous
entendrons la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, la Centrale des syndicats démocratiques et
la commission scolaire Riverside. Finalement, ce soir, nous poursuivronsavec la Chambre des notaires du Québec et la
Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées
et immigrantes.
Bonjour.
Nous recevons, comme je l'ai dit, le Conseil québécois du commerce du détail.
M. Turgeon, je pense que c'est vous qui
allez être le porte-parole?
Conseil québécois du commerce de détail (CQCD)
M. Turgeon
(Léopold) : …
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Je vous
souhaite la bienvenue à l'Assemblée nationale. Je vous demande de vous
présenter et de présenter également les personnes qui vous accompagnent. Et
vous allez disposer d'un temps de
10 minutes pour faire votre exposé. Suivra par la suite un échange avec
les membres de la commission. M. Turgeon, la parole est à vous.
M.
Turgeon (Léopold) : Mme la Présidente, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, bonjour.
Mon nom est Léopold
Turgeon, je suis président-directeur général du Conseil québécois du commerce
de détail. Et je suis accompagné de Me Françoise
Pâquet, à ma gauche, des relations gouvernementales du CQCD, ainsi que
Me Lara Daniel, qui est avocate spécialiste en francisation chez
Lapointe Rosenstein Marchand Melançon.
Le CQCD remercie la
Commission de la culture et de l'éducation de nous donner l'occasion de s'exprimer
aujourd'hui. Essentiellement, le CQCD
comprend que l'objectif recherché par le gouvernement avec ce projet de loi est
de redonner un élan à la charte. Considérant que plusieurs des mesures
proposées s'adressent aux détaillants, le CQCD estime très important de vous
soumettre notre point de vue. À notre avis, il est très important d'abord et
avant tout de bien évaluer la situation pour
être en mesure de proposer des changements appropriés et non pas démesurés à la
loi actuelle.
D'abord,
un mot sur le Conseil québécois du commerce de détail, le plus important
regroupement de détaillants du Québec. Créé en 1978, le CQCD a pour mission de
promouvoir, valoriser, représenter le secteur du commerce de détail au Québec et ses détaillants. Au Québec, nous
avons plus de 45 000 établissements commerciaux. Le commerce de
détail regroupe 438 000 emplois, ce qui veut dire que ça représente un
employeur sur sept, plus de 103 milliards de chiffre d'affaires, dont le CQCD représente 70 % de
ce regroupement-là. Le CQCD a mis en place plusieurs comités
consultatifs dont les enjeux sont cruciaux. Il regroupe des spécialistes, chez
nos détaillants, dans des domaines bien précis. Parmi ceux-ci, un comité de francisation et un comité de ressources humaines.
Tous les deux ont activement contribué à l'analyse du projet de loi sous
étude.
À
propos de notre engagement en matière de francisation, le CQCD reconnaît depuis
toujours l'importance de la Charte de la
langue française au Québec. C'est pourquoi il a toujours encouragé son respect
auprès de nos membres et collaboré de bonne foi et de façon constructive à son
application par les détaillants. Depuis 35 ans, le CQCD a été en mesure... a
été et demeure, pardon, un partenaire de qualité, en mode solution dans les
dossiers de francisation.
Quelques
mots maintenant sur le contexte actuel du commerce de détail. Permettez-moi de
vous sensibiliser au fait que l'industrie du
commerce de détail vit actuellement des grands bouleversements au quotidien.
Les produits en provenance
des marchés émergents ont changé la donne en approvisionnement et en
distribution, des nouvelles façons de consommer sont apparues, des
nouveaux joueurs de calibre international ont fait leur entrée et d'autres
viendront s'installer ici même, au Québec, prochainement.
En 2013, ces
détaillants québécois font face à la fois à la concurrence de marques, de prix,
de localisation, d'efficacité, aussi à une
concurrence de la part de ses compétiteurs traditionnels et, comme si ce n'était
pas assez, à une concurrence du commerce en ligne. Le CQCD vous invite à
évaluer bien attentivement tous les éléments du projet de loi n° 14 en tenant compte de cette
situation puisqu'avec de nouvelles règles inutilement contraignantes vos
commerces locaux pourraient bien être obligés de fermer leurs portes.
Venons-en
maintenant au projet de loi. De manière générale, le CQCD partage et considère
tout à fait louable l'objectif du gouvernement de favoriser un plus grand usage du français
comme langue de travail et comme langue de service au Québec. Toutefois, les détaillants sont préoccupés et
inquiets quant aux mesures proposées par le gouvernement pour y arriver.
Le
CQCD estime que certaines des dispositions proposées au projet de loi à l'endroit
des détaillants sont injustifiées et parfois
même excessives. De plus, nous jugeons que ce projet, tel que rédigé, envoie au
moins quatre mauvais signaux aux entreprises à l'effet que le gouvernement
entend adopter la ligne dure, soit, le premier mauvais signal : le projet
suggère de mettre fin en bonne partie au dialogue et de favoriser davantage la
voie des tribunaux. Par exemple, l'élimination de l'obligation de l'OQLF de
mettre en demeure tout contrevenant à la charte ainsi que l'introduction d'un
recours devant la Commission des normes du travail.
Deuxième
mauvais signal, le projet préconise une approche coercitive. Exemple, l'ajout d'un
pouvoir d'enquête au ministre sans aucune balise, l'ajout d'un pouvoir de saisie de l'OQLF
et l'élargissement du pouvoir actuel d'inspection de l'OQLF.
Troisième
mauvais signal, le projet augmente le fardeau réglementaire et administratif
des détaillants, davantage ceux comptant entre 26 et 49 employés. À titre d'exemple,
l'ajout d'un nouveau fardeau qui soit presque aussi lourd que celui actuellement imposé aux entreprises de 50
employés, l'ajout d'une nouvelle obligation remplie de paperasse
concernant l'évaluation des besoins linguistiques.
• (10 h 10) •
Et
finalement, le quatrième mauvais signal, c'est que le projet dicte, dans
certains cas, aux entreprises les procédures à mettre en place. Par exemple, la méthode d'affichage
de la nouvelle pancarte dans les lieux d'affaires des entreprises.
Nous
croyons utile de mentionner les données suivantes dévoilées, automne 2012, par
l'Office québécois de la langue
française : 85,2 % des 6 120 entreprises inscrites auprès de l'office
détiennent leur certificat de francisation; 30 entreprises seulement ne sont
pas conformes présentement au processus de francisation prévu par la loi pour
les entreprises de 50 employés et plus. Vous avez bien entendu, c'est 30 sur
6 120, soit un demi de 1 %.
Le CQCD est d'avis que
les changements proposés par le gouvernement devraient favoriser un encadrement
qui soit à la fois léger, flexible et adapté
le plus possible à la réalité des entreprises, orienté vers l'atteinte des
objectifs visés, justifié, et non excessif, et bien sûr applicable autant par
les entreprises que par le gouvernement. Plus les entreprises bénéficieront d'un
encadrement facilitateur, plus elles pourront contribuer à l'implantation des
mesures favorables à la francisation.
Dans
un communiqué émis le 24 janvier 2013 au sujet de la création d'un comité de
suivi en matière d'allégement réglementaire et
administratif, sur lequel je siège, le ministre des Finances et de l'Économie,
M. Nicolas Marceau, a indiqué ce qui
suit : «Le gouvernement est déterminé à créer un environnement d'affaires
encore plus propice au développement des entreprises. C'est une question
de compétitivité. Bien que la réglementation soit essentielle, il importe d'éviter
qu'elle ne nuise indûment à l'investissement et à la création d'emplois.» Fin
de la citation.
À
la lecture de notre mémoire, vous avez pu constater que de nombreux éléments du
projet de loi n° 14 posent problème à l'ensemble des détaillants au Québec.
Permettez-moi d'attirer votre attention sur trois d'entre eux.L'assujettissement des entreprises de 26 à 49
employés, le CQCD s'interroge sérieusement à savoir si une telle mesure
est réaliste et souhaitable, autant pour ces entreprises que pour le
gouvernement. Pour les entreprises, il est évident que l'ajout de paperasserie et d'obligations additionnelles en matière
linguistique entraînera des conséquences négatives pour ces employeurs
dans un contexte où il serait pourtant essentiel d'offrir un environnement
réglementaire concurrentiel pour favoriser l'investissement.
L'ajout
de ces nouvelles obligations peut paraître, de prime abord, relativement
simple. Toutefois, lorsqu'on les additionne
aux autres obligations auxquelles les détaillants sont déjà assujettis et que l'on
tient compte du peu d'employés disponibles
pour s'assurer de leur application — par exemple, absence de
département de ressources humaines — elles peuvent facilement représenter un supplément de
travail non négligeable. Il ne faudrait pas non plus sous-estimer les coûts
supplémentaires importants que cela pourrait représenter pour plusieurs d'entre
elles. Est-ce vraiment ce dont le Québec a besoin?
Quant
au gouvernement, le CQCD se demande s'il sera, lui aussi, en mesure de s'assurer
d'une application adéquate de ces nouvelles
dispositions de la loi advenant leur adoption. Aura-t-il suffisamment les
moyens et les ressources nécessaires, tant
humaines que matérielles, pour apporter de l'aide nécessaire à ces milliers de
nouvelles entreprises qui, jusqu'à présent, n'étaient pas assujetties et
qui s'ajouteront aux milliers déjà visés? Le CQCD invite le gouvernement à
réévaluer les mesures proposées.
Deuxième élément, l'élimination de la mise en
demeure. Le CQCD juge cette proposition tout à fait inacceptable. Tel que
nous l'avons mentionné précédemment, cela envoie un message clair aux
entreprises à l'effet que le gouvernement n'entend plus collaborer avec les détaillants et empruntera désormais la
voie des tribunaux. Pour le CQCD, l'approche coercitive suggérée n'est pas justifiée. En effet, selon les données
provenant de l'OQLF, 98 % des plaintes qu'il reçoit annuellement se règlent déjà sans intervention des tribunaux
grâce au dialogue. Pourquoi vouloir judiciariser tout le processus pour seulement 2 % des plaintes?
Par conséquent, le CQCD recommande le maintien de la mise en demeure qui
est prévue à la loi actuelle.
Troisièmement,
la mission et les pouvoirs de l'Office québécois de la langue française. Le
CQCD s'oppose fermement à l'ajout d'un
pouvoir de saisie à l'office. Pourquoi un tel pouvoir alors que les détaillants
se plient aux demandes des inspecteurs et que 85,2 % des
entreprises assujetties détiennent leur certificat de francisation?
En ce qui a trait au pouvoir d'inspection
élargi, le gouvernement va trop loin et il y a beaucoup trop de zones grises, et je
cite : «Prendre des photographies du lieu visité et des équipements, biens
ou produits qui s'y trouvent ou effectuer des enregistrements.» Nous pensons que le fait d'autoriser des
enregistrements pourrait soulever des problématiques en lien avec la
protection des renseignements personnels et la vie privée, dont, par exemple,
le fait qu'un employé soit filmé.
D'autres pouvoirs nous apparaissent à la fois
injustifiés et ambigus. C'est le cas du pouvoir d'«examiner tout produit ou marchandise
qui se trouve dans le lieu visité ainsi que — et je cite — toute chose
utilisée en lien avec l'étiquetage, l'étalage, la promotion ou la vente de produits ou
de marchandises». Que signifie «toute chose»? Enfin, le CQCD tient par
ailleurs à souligner le manque d'uniformisation dans le traitement accordé par
les inspecteurs dans le cadre de leurs enquêtes actuelles.
Voici maintenant quelques pistes de solution
que nous souhaitons adresser. Essentiellement, les mesures que nous proposons sont des mesures qui se situent davantage
en amont du processus de francisation : accroître et divulguer davantage l'information pertinente aux entreprises
relativement à leurs obligations et la rendre facilement accessible via
le site Internet de l'OQLF. Le gouvernement
gagnerait, selon nous, à accroître l'information disponible sur son site à la
fois en français et en anglais. Plusieurs
documents n'existent, à l'heure actuelle, qu'en français seulement et datent de
plusieurs années. Le site de l'OQLF pourrait
être plus «user friendly», comprendre une foire aux questions. Il pourrait
s'inspirer du nouveau site de l'Office de la protection du consommateur qui
comprend une section pour les consommateurs, les détaillants et même les
enseignants.
L'OQLF
pourrait aussi publier périodiquement des lettres d'information sur des
modifications en vue, des nouveautés, par
exemple, telles que des lettres d'affaires publiées par l'OPC, via également...
en termes de solutions, via le Registraire
des entreprises du Québec. Pour les nouvelles entreprises et celles provenant
de l'étranger, il est important qu'elles connaissent dès le départ les
règles du jeu; même chose pour l'enregistrement de leur dénomination sociale.
Également, instaurer un climat et une
culture de soutien et d'accompagnement des entreprises, et non de méfiance, en mettant en
place, à titre d'exemple, une ligne téléphonique, en favorisant l'accessibilité
à des formulaires, des guides d'interprétation — malheureusement, les entreprises ont trop souvent peur d'appeler
directement l'office, ce qui est, à mon sens, inconcevable — en améliorant également le processus actuel de traitement
des plaintes et en assurant sa transparence. À cet égard, le CQCD se réjouit de
plusieurs des recommandations de la ministre annoncées en mars dernier, dans le
cadre de la modernisation de l'office.
Bien informer les entreprises des
étapes du processus. Les règles devraient être claires et équitables pour tous. Améliorer la description des plaintes de façon à ce
que les entreprises sachent ce qui leur est reproché, qui est souvent flou à l'heure actuelle. Soumettre par
écrit aux entreprises des informations nécessaires pour apporter les
correctifs et non se limiter à des conversations verbales.
En conclusion, les détaillants du Québec
estiment que le projet de loi n° 14, tel que proposé, emprunte à tort la mauvaise voie, soit
celle de la voie coercitive et judiciaire. Le CQCD juge nécessaire que des
modifications importantes soient
apportées à ce projet dans le but notamment d'éviter une bureaucratie
linguistique qui favoriserait les interprétations de toutes sortes par l'État
de même que des excès de zèle.
Les détaillants estiment que le législateur devrait plutôt
intervenir auprès des entreprises en amont du processus afin de favoriser l'adoption
des solutions optimales et durables et non pas agir à minuit moins quart avant
d'intervenir. L'approche du dialogue et l'accompagnement est définitivement une
meilleure voie à suivre, car elle est davantage garante des résultats et du
succès.
Nous
vous remercions à l'avance de l'attention que vous portez à ces commentaires et
nous offrons notre entière collaboration dans les prochaines étapes entourant
le suivi de ce projet de loi.
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci beaucoup, M. Turgeon. Vous
allez comprendre que vous avez dépassé le temps que je vous avais alloué, donc je
l'ai imputé sur le temps du gouvernement. Nous allons le répartir, par
la suite, de façon équitable avec l'opposition officielle.
Nous débutons nos échanges. Et, dans
un premier temps, Mme la ministre responsable de la Charte de la langue française, vous avez la parole pour le premier échange.
•
(10 h 20) •
Mme De Courcy : Alors, monsieur, mesdames, merci de
vous être inscrits à cette commission
parlementaire. Votre point de vue est important. Il ne m'est pas étranger, j'ai
eu l'opportunité... vous m'avez fourni l'occasion de pouvoir discuter avec vous après le dépôt du projet de loi. D'abord, d'entrée
de jeu, je voudrais signifier le caractère fouillé de ce que vous présentez. Même si je ne suis pas
en accord avec tout ce que vous mettez de l'avant, le travail est bien
fait, là, je ne peux pas ne pas vous le dire.
J'apprécie grandement vos suggestions
concernant la modernisation de l'Office québécois de la langue française. Dans vos recommandations de la fin, j'y
retrouve ce que nous avons amorcé et je retrouve aussi certains détails qui m'apparaissent
importants de tenir en compte. Et je profite de l'occasion pour vous dire que
les travaux vont bon train et que je suis très satisfaite de l'évolution de ces
travaux que j'aurai l'occasion de présenter dans quelques semaines. Vous savez aussi que nous aurons l'occasion de
nous revoir à nouveau dans les prochains jours, et je suis très contente
aussi que vous ayez accepté de participer à ces séances de travail.
Maintenant,
je comprends et je suis d'accord avec une grande partie de ce que vous mettez
de l'avant, à savoir que les approches de dialogue, d'accompagnement, etc., je
suis absolument en faveur de ça. Et d'ailleurs, quand j'ai déposé le projet de loi, j'ai bien indiqué qu'il y
aurait des mesures législatives, incitatives et administratives. Donc,
pour ma part, il s'agit là d'une triade qui est absolument importante.
Je
vous mentionne, par ailleurs, que la stratégie commune sur Montréal plus
particulièrement, en 2008, était basée d'ailleurs
sur des approches incitatives et qu'en 2008 toutes les discussions ont porté
justement sur le poids relatif de l'incitation
par rapport à la coercition, quels étaient les bons équilibres à avoir, et puis
finalement il y a eu des approches incitatives qui ont été mises de l'avant,
qui ont connu un certain succès. Mais, du dire d'ailleurs de tous ceux et
celles qui en ont fait le bilan, les résultats ont été plus probants en matière
d'immigration parce qu'il y avait des mesures qui touchaient l'immigration
concernant la question de la francisation du paysage montréalais, bon.
Alors, il y a matière à réflexion dans ce que vous dites.
La commission parlementaire permet de réfléchir à ça. À vous, je vous demanderai de
réfléchir à nouveau sur l'équilibre des mesures incitatives et coercitives, un
peu de la même façon que l'Office de
protection du consommateur, par exemple, a une façon de faire qui implique les
deux tendances, qui ne sont pas contradictoires mais qui doivent être
complémentaires. Je vous inviterais à réfléchir à cela.
Et j'accueille très favorablement votre offre de
collaboration, sur laquelle, bien sûr, je compte bien qu'on puisse travailler avec
vous nécessairement. J'ajoute, par ailleurs, que je vois aussi des ajustements
en termes qui sont à tenir en compte,
là, plus particulièrement. Alors, je vous remercie. Mes collègues vont vous
poser des questions plus précises sur certains aspects. Merci beaucoup
encore de votre présentation.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Merci, Mme la
ministre. M. le député de Saint-Hyacinthe.
M.
Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Oui. Merci, Mme la Présidente. Alors, je souhaite…
Bonjour à un collègue ici, Mme la ministre. Bienvenue, les gens du Conseil
québécois du commerce de détail, M. Turgeon, Mme Pâquet, Mme Lara Daniel. Ça me fait plaisir d'être ici aujourd'hui
pour poser quelques questions sur l'orientation ou les commentaires
ou... le mémoire que vous avez proposé. Je
vous félicite pour le mémoire, il y a beaucoup, beaucoup de travail de fait,
beaucoup de travail de recherche, et, c'est bien sûr, ça suscite toujours des
questionnements.
Moi, j'ai des
questions. Vous saluez, au début, l'intention du gouvernement justement de
faire en sorte que le français soit toujours
amélioré ou soit toujours prioritaire au Québec, et je pense que c'est
important. Vous mentionnez que le gouvernement ne devrait pas préférer
la... préfère la voie des tribunaux au lieu du dialogue. Mais, à la lumière des résultats actuels au niveau de la langue
française, l'évolution de la langue au Québec, même dans les commerces à
Montréal et dans l'Outaouais — on va parler de ces deux régions-là — on s'aperçoit même que ce que vous proposez, l'ouverture au dialogue, ça ne rapporte pas
toujours les résultats escomptés.
Moi, ma question va être assez simple : Si l'office
devait laisser aux entreprises le soin de mettre en place les moyens
pour respecter les objectifs fixés en matière de francisation, comment l'office
pourrait-il s'assurer que l'objectif est atteint si on ne procède pas par...
M. Turgeon (Léopold) : En fait...
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : …M. le député.
Oui, M. Turgeon.
M.
Turgeon (Léopold) : Oui, pardon. En fait, puis vous le mentionnez, la problématique de la
francisation est surtout dans des zones assez
restreintes. Là où on en est présentement, c'est, à partir du moment où même
une partie de Montréal. — on s'entend que c'est une partie de Montréal — puis une partie de l'Outaouais, mais une très petite partie de l'Outaouais,
où on a une problématique de francisation, où on en est, c'est qu'on va
appliquer tous ces changements-là pour
l'ensemble de la province, alors qu'il n'y en a pas, de problème de
francisation dans l'ensemble de la province. Donc, ça, c'est un point vraiment, vraiment important, sur
lequel il faut revenir. Et je pense que la partie notamment des petites
entreprises, les 26-49 employés, c'est là où présentement on a beaucoup de
difficultés à voir appliquer des mesures qui vont justement dans le sens généraliste.
Je ne sais pas si ça répond à votre question.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Oui. Allez-y,
M. le député.
M.
Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Mais la question, c'est : Comment l'office pourrait
s'assurer que l'objectif est atteint, les
objectifs qu'on se donne pour améliorer la langue française, que ce soit la
langue de travail, que ce soit la langue d'affichage?
Si on passe un projet de loi, justement... Un projet de loi, c'est toujours un
petit peu contraignant pour les gens
qui le subissent, le projet de loi, mais les législateurs, quand ils passent un
projet de loi, que ce soit en environnement, en santé, en éducation, sur
la langue en particulier, bien ça devient une contrainte, bien sûr. Mais
comment le gouvernement pourrait atteindre ses objectifs… l'office pourrait
atteindre ses objectifs sans avoir de mesure ou de contrainte au niveau des…
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : M.
Turgeon.
M. Pelletier
(Saint-Hyacinthe) : …de l'application?
M. Turgeon
(Léopold) : Oui. Juste un moment, s'il
vous plaît.
(Consultation)
Mme Pâquet
(Françoise) : Écoutez... Oui?
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Oui. Allez-y,
Mme Pâquet.
Mme
Pâquet (Françoise) : En ce qui concerne les façons pour l'office de mesurer l'évaluation,
écoutez, je pense que, si on regarde à travers le gouvernement, dans les différents
ministères il y a certainement des outils, différents outils qui permettent au gouvernement d'évaluer l'application
de certaines mesures de leurs lois dont ils ont la responsabilité d'appliquer. Je pense qu'on intervient... Nous,
notre rôle est beaucoup plus en amont, où ce qu'on tente de dire à l'office,
c'est : Assurez-vous dès le départ que les entreprises connaissent les
règles du jeu.
Au moment où on se parle, l'office n'est peut-être pas l'organisme,
au Québec, qui a été le plus transparent. On
nous a souvent reproché... en tout cas, du moins, souvent nos membres nous ont
rapporté une difficulté d'avoir accès à l'information. Ils vont sur le site, il
n'y a pas d'information disponible. Et là on revient au fait qu'ils sont
obligés d'embaucher des firmes de traduction pour bien comprendre les documents
qui souvent datent des années… de 10, 15...
voire 15 ans. Donc, je pense qu'il y a vraiment un effort colossal, je dirais
et j'ose dire colossal du côté de l'office d'adapter ses outils et de
les rendre beaucoup plus accessibles au niveau des entreprises.
Et c'est pour ça qu'on fait le parallèle avec notamment l'Office
de la protection du consommateur, qui vient de
faire un important virage, selon nous, qui a
complètement renouvelé son site pour le rendre très accessible, avec des
sections dédiées aux consommateurs, des sections dédiées aux commerçants et
même, pourquoi pas, des sections dédiées aux enseignants.
Donc, on voit qu'il y a un effort en amont de fournir toute l'information dont
les entreprises ont besoin, à ce moment-là, on vient leur faciliter la
tâche. Et c'est sûr et certain qu'il risque d'y avoir des résultats en bout de
piste, parce que les entreprises auront les informations à la base pour savoir
quelles sont leurs obligations.
Par
la suite, comment est-ce que l'office... Pour répondre à votre question :
Comment l'office pourra mesurer tout ça?, moi, je pense que ça revient un peu au
gouvernement de ressortir des outils qui sont existants, comme je le
disais, dans différents ministères et qui
permettent de mesurer l'application de tout ça. Est-ce que ça peut être via des
sondages transmis aux entreprises? Je pense qu'il y a déjà différentes mesures
qui existent ailleurs, auxquelles il pourra y avoir un examen de fait
là-dessus.
M. Pelletier
(Saint-Hyacinthe) : Merci
bien.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : M. le député de
Bonaventure.
M.
Roy : Merci, Mme
la Présidente. Je salue mes collègues, en ce début de semaine, Mme la ministre, bonjour, mesdames et monsieur. Ma question est simple. À
la page 5 de votre document, vous nous dites que vous déplorez qu'aucune étude sur les impacts économiques du
projet de loi n'a été faite. Certes, votre mémoire a été déposé, si je
ne me trompe, le 11 février, et nous avons déposé un document sur les... bon, Analyse
des impacts économiques du projet de
loi n° 14, au mois de mars, si je ne me trompe, le 12 mars. Est-ce que vous avez
pris connaissance? Et, si oui, qu'en
pensez-vous?
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Oui. Allez-y,
M. Turgeon.
• (10 h 30) •
M.
Turgeon (Léopold) : Oui, effectivement, on en a pris connaissance. Qu'est-ce qu'on en pense?
En fait, ce qu'on trouve, d'abord, c'est
difficile de se prononcer puisqu'on n'a pas accès à la méthodologie qui a amené
à cette étude d'impact là. Donc, on souligne
qu'il y a un impact de 24 millions mais qui pourrait être aussi variable à
la hausse parce qu'il manque certains
éléments. Donc, pour nous autres, c'est difficile de dire : Bien, oui, c'est
une bonne étude, ou : Non, ce n'est pas une bonne étude. Donc, on
est ambivalents, compte tenu qu'on ne connaît pas la méthodologie actuelle qui
a été proposée. Qui plus est, on a fonctionné par des estimés. Ma
compréhension, c'est qu'on a fonctionné par des estimés. Donc, pour nous autres, c'est difficile de dire : Bien,
oui, je pense qu'on peut tenir compte de cette étude d'impact ou pas.
Donc, c'est notre position là-dessus.
Une voix : ...
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Oui, il reste
encore 8 minutes.
M.
Roy : Dans l'éventualité
que la méthodologie serait bonne, les chiffres qu'il y a là-dedans, vous en
pensez quoi? Je
sais que vous ne voulez pas spéculer là-dessus, mais, bon, moi, je considère
que probablement que les gens qui ont fait cette étude-là ont respecté les critères de la scientificité et de la
méthodologie pour avoir des résultats valides, et nous partons du
principe que l'étude est bonne. Dans cette optique, pouvez-vous nous dire votre
position?
M. Turgeon (Léopold) : Partant du principe qu'on est
capables, on est en mesure de vérifier la
méthodologie, évidemment, c'est la portion des petits détaillants qui est, à mon
sens, sous-évaluée. Parce qu'il ne faut pas oublier que les petits détaillants, ils n'ont pas beaucoup d'employés et ils n'ont
pas de service de ressources humaines. Donc, à mon sens, quand on veut
partir puis aller chercher toutes les définitions, documenter comme c'est
demandé, je pense que
l'impact va être plus grand que ce que l'étude dit. Mais évidemment c'est sous
réserve de voir comment a été faite cette fameuse analyse là. Mais, pour
moi, il est clair que, pour les petites entreprises, c'est sous-évalué.
M.
Roy : Merci.
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci. Mme la ministre responsable de
la Charte de la langue française.
Mme De Courcy : Bien, je vous remercie. Votre
réaction à l'étude m'interpelle et fait en sorte que je souhaiterais que vous
puissiez en prendre connaissance de façon détaillée. Ma première question, c'est :
Est-ce que vous vous l'êtes procurée, est-ce que vous l'avez, cette
étude-là?
M.
Turgeon (Léopold) : Oui, oui.
Mme
De Courcy : Si c'est le cas, je vous
rappelle que, la firme CIRANO, les chercheurs sont des chercheurs émérites, hein, reconnus de façon très importante,
et que, si vous... Il y a déjà, dans l'analyse d'impact… la méthodologie
est quand même donnée. Mais le chercheur qui... Les deux auteurs se sont
montrés très disponibles à pouvoir donner des renseignements
supplémentaires sur la méthodologie, et dont les estimés, qui, dans ces
contextes-là, sont des méthodes de recherche,
des méthodes scientifiques éprouvées dans d'autres études. Et c'est une méthode
sérieuse et qui est même très, très sévère, très sévère. Et en plus de
ça cette analyse-là ne fait que parler de ce que ça va coûter et ne fait même
pas de lien, là, avec ce que ça pourrait rapporter. Donc, c'est très, très sévère.
Je vais donc inviter les... si vous le
permettez, je vais transmettre votre interrogation sur les méthodes et, pour le bénéfice des
membres de la commission, je vais demander à l'équipe CIRANO de détailler et de
calibrer un peu plus leur méthode. Ça
me fera plaisir de déposer ceci, bien sûr, par la voie de la commission, à
votre organisation et aux membres de la commission, pour leur permettre
de mieux... d'être bien sûrs d'avoir compris cette méthode. Voilà.
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci. Nous allons maintenant du côté
de l'opposition officielle. M. le député de
LaFontaine, vous avez la parole.
M.
Tanguay : Pour combien de temps,
Mme la Présidente, s'il vous plaît?
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Pour 19 minutes.
M.
Tanguay : 19? Parfait. Merci
beaucoup.
Bien, merci beaucoup à vous, d'abord et avant
tout, pour avoir pris le temps de rédiger un mémoire qui est très étoffé, qui est le fruit de votre réflexion, de votre
analyse. Merci également d'avoir pris le temps aujourd'hui de venir en parler
de vive voix.
J'aimerais reprendre la balle au bond.
Évidemment, mon collègue de Bonaventure soulignait la référence que vous faisiez à la page 5 de votre mémoire. Vous aviez
évidemment bien pris soin d'ajouter un mot important, qui était «préalable»,
donc analyse d'impact économique au préalable par le gouvernement, donc avant
le dépôt du projet de loi. On le sait, le
projet de loi n° 14 a été déposé le 5 décembre dernier, et les
études ont été déposées le 12 mars dernier, donc plus de trois mois
après, et c'est à ce moment-là que la ministre en a pris connaissance, tel qu'elle
nous l'a avoué en commission parlementaire.
Et, je ne le sais pas, vous, vos membres…
Parce que vous représentez beaucoup, beaucoup de commerçants, et je pense qu'il est important de souligner :
45 000 établissements commerciaux, 438 000 emplois, donc un
travailleur sur sept, vous représentez
70 % de l'activité économique liée au commerce de détail. Alors, je ne
sais pas comment se gèrent vos
membres, mais j'imagine que, s'ils vont de l'avant avec un projet qui aura
nécessairement des impacts économiques, j'imagine qu'ils ne dresseront
pas le budget, ou le coût, ou l'impact économique plus de trois mois après l'avoir
lancé, l'avoir initié. Alors, je pense que
souligner ce fait-là est tout à fait important et nous démontre un peu la façon
qui a été… ou le chemin qui a été emprunté par le gouvernement.
Et je prends la balle au bond également au
niveau des précisions qui seront demandées par celles et ceux qui ont rédigé ladite étude du 12 mars et je fais écho à
ce que vous nous avez dit ce matin, entre autres à l'article 3 du projet
de loi n° 14, les nouveaux enquêteurs. On peut voir que, pour ce qui
est du coût de ces nouveaux enquêteurs là, qui relèveraient désormais de la ministre… Quel en serait le coût? On sait
que, le 18 février dernier, ici même, au salon rouge, lors de l'étude des crédits, j'ai posé la question
à la ministre : Combien d'enquêteurs? Elle m'avait dit qu'elle n'avait
pas l'intention, pour l'instant… qu'il n'y
avait pas de crédits pour l'instant. Mais, chose certaine, le projet de loi lui
donnera l'occasion d'en nommer. Et, à ce niveau-là,
on peut voir, à la page 3 de la fameuse étude… Et je vous y réfère et je
vous invite, le cas échéant, lorsque les précisions seront fournies par celles
et ceux qui ont écrit le rapport des impacts économiques…
À la page 3, on peut lire, par rapport à ces nouveaux enquêteurs là nommés
par la ministre, et je cite : «Ceci
semble indiquer un manquement antérieur qui demande soit i) de nouveaux
comportements à ressources inchangées — donc, coût nul — [ou] ii) de nouvelles ressources.» Et, le coût récurrent, la
nature et la quantité qui est évaluée :
«Nous présumons que ceci se fait à ressources inchangées.» Coût : zéro.
Alors, voilà pour les enquêteurs que pourra nommer la ministre.
J'aimerais vous
entendre et peut-être… Je vous laisse évidemment déterminer qui pourrait
répondre, mais je vois que vous avez avec
vous Me Lara Daniel, et j'aimerais peut-être diriger ma question vers
elle, et libre évidemment à M. Turgeon et Mme Pâquet de poursuivre.
Mais, au niveau de ce que vous avez souligné… Parce qu'il y a trois
éléments essentiels sur lesquels vous nous avez entretenus, dont, entre autres,
les enquêteurs. Il y a également la lettre de mise en demeure.
J'aimerais
savoir, au niveau des litiges, je dirais, civils, normaux, la façon de faire
depuis que la procédure estécrite. Et, avant de poursuivre une partie en
responsabilité contractuelle ou extracontractuelle, elle doit être, en vertu
du Code civil du Québec, mise en demeure.
Elle peut l'être de plein droit, ou il faut envoyer une mise en demeure.
J'aimerais vous entendre là-dessus,
Me Daniel, sur l'importance, l'impact, dans la gradation du dialogue, qu'a
la mise en demeure dans une relation
qui pourrait, le cas échéant, se terminer devant les tribunaux, mais que la
mise en demeure est importante parce que c'est la dernière étape avant,
justement, que l'on dépense des gros sous.
Et
je conclus là-dessus, Mme la Présidente. Le
«pastagate», là, il n'y a pas eu de litige, mais le propriétaire a eu l'occasion d'expliquer
que ça lui avait coûté 4 500 $ d'avocat. Et, quand on dit que c'est
important que la communication soit claire,
soit gradée et de façon systématique, c'est parce que ça a un impact. Alors, j'aimerais
vous entendre sur l'importance de la mise en demeure.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Merci, M. le
député. Mme Daniel.
• (10 h 40) •
Mme
Daniel (Lara) :
Bonjour. Merci. Bien, en fait, comme nous l'avions souligné dans le mémoire,
selon nous, la mise en demeure doit demeurer.
Selon nous, il n'y a aucune raison pour laquelle la mise en demeure devrait
prendre le bord. En fait, selon les
statistiques qui ont été déposées, seulement 2 % des plaintes ne se
règlent pas. Donc, cela nous fait
croire que 98 % des plaintes sont réglées avant même d'envoyer la
poursuite au Directeur des poursuites criminelles et pénales. Donc, selon nous, oui, en vertu du Code
civil et en vertu des règles équitables, je pense que l'envoi d'une mise
en demeure est une règle de base pour toute
poursuite, de quelque nature qu'elle soit. Le fait d'enlever la lettre de mise
en demeure, selon nous, peut créer un
inconfort pour les détaillants, et ça envoie nécessairement un mauvais message,
qui fait en sorte que la Charte de la langue française deviendrait plutôt un
code pénal, et ça aurait un effet coercitif au lieu de garder ça comme un outil
de prévention.
J'aimerais
également vous souligner, au niveau du processus de plainte, selon nous, il
devrait avoir un encadrement encore plus transparent et, en fait, qui ferait en
sorte qu'un détaillant ou un contrevenant serait en mesure de savoir à
quoi s'attendre comment est-ce que le processus de plainte est encadré par l'office.
En ce moment, si je peux peut-être me prononcer, il n'existe aucun processus de
plainte qui est affiché sur votre site. Je pense que c'est un processus de...
Le processus de plainte en tant que tel, je
pense qu'il devrait être rédigé et suivi de façon non aléatoire par les
représentants auprès de l'office. Je pense
aussi, au niveau du processus de plainte, il serait pertinent d'avoir soit un règlement
interne ou une consultation publique pour faire en sorte qu'il y ait un
règlement qui soit adopté relativement au processus de plainte pour faire en
sorte, en fait, que le processus est transparent.
Donc,
pour répondre à ta question, on croit férocement que la lettre de mise en
demeure, pour bien des raisons, autant des
raisons qui auraient un impact psychologique mais également des raisons
fondamentales au niveau du droit et de la pratique du droit... faire en sorte
que la mise en demeure soit maintenue.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Merci. M. le
député.
M.
Tanguay : Au
niveau de la réalité économique — question
peut-être à M. Turgeon ou à Mme Pâquet — l'on sait qu'à prime abord il y a des mesures qu'il
semble être très facile, pour un législateur, d'adopter. C'est-à-dire, bon,
bien on vous demande d'évaluer un poste, là. Ce n'est pas la mort de personne,
ça, on veut juste vous demander d'évaluer le poste.
Pouvez-vous, s'il vous plaît, justifier... Parce que vous demandez une
connaissance minimale, là, fonctionnelle de l'anglais. Pouvez-vous nous
dire, dans ce contexte-là, vous, entrepreneur, là, PME, pourquoi vous demandez
ça, sur quelle base est-ce que c'est exigé. Et nous, on va en faire une
évaluation, après ça on va vous revenir avec ça. Alors, faites-nous ça.
Donc,
j'aimerais savoir, pour vous, des mesures comme ça, qui au départ semblent
anodines, viennent ajouter... Et c'est ce que vous avez dit, là. J'ai déjà vu un
tableau de toute la réglementation, tout à fait justifiée, mais il faut avoir
ça en tête puis votre citation du ministre
des Finances, qui disait : On est là pour favoriser l'entrepreneuriat, l'efficacité.
Quand on ajoute, il y a nécessairement un impact. Et, moi, l'aspect que j'aimerais
vous entendre également, c'est que, là, non seulement
on doit répondre à une obligation réglementaire ou légale, mais on vient de
créer une relation qui va être en continu.
Alors, vous voulez que
j'évalue les huit postes, ou les 24 postes, ou les 36 postes que j'ai?
Comment je dois faire ça? Voici comment vous devez le faire. Alors, on me l'explique,
je le fais, je le remets. Je n'ai pas bien rempli le formulaire, on me revient là-dessus, on l'analyse, on revient avec mon
bulletin. Et ça, ce sera... Alors, il y a un impact, je dirais, qui est un peu la pointe de l'iceberg
lorsqu'on lit une disposition toute simple : Vous avez juste à évaluer
les postes. Il y a une relation qui se crée puis qui est en continu par la
suite. Et on vous dit, dans la loi, que ça devra être réévalué périodiquement.
Alors, j'aimerais vous entendre, vous qui vivez, là, au jour le jour cet
impact-là tangible.
M.
Turgeon (Léopold) : C'est, hors de tout doute, des éléments qui découragent des
entrepreneurs. Évidemment, là, on parle de la langue française, mais, quand
on met bout à bout l'environnement, quand on met la CSST, quand on met tous les aspects dont doit composer un détaillant,
il est évident que c'est des charges additionnelles qui sont
importantes, qui ici peuvent nous paraître relativement simples, mais, dans un
contexte de développement d'affaires, ça devient très, très complexe. L'entrepreneur,
lui, il n'a pas la connaissance infuse de tous les secteurs, et c'est évident
que ça a un impact très, très important lorsqu'il arrive
pour faire du développement d'affaires. Et ce genre d'approche là, qui est multipliée parce que chacun fait sa demande, fait
en sorte que ça démoralise puis ça décourage les gens, les détaillants à
aller plus loin dans le développement des affaires.
M.
Tanguay : Et
également, et vous l'avez très clairement dit, et ça, c'est un élément qui
ressort de façon quasi unanime, unanime à une
ou deux exceptions des 76 groupes ou individus que nous aurons entendus,
très, très, très clairement, l'épanouissement
du français est un objectif collectif que l'on doit atteindre et on doit
toujours demeurer vigilant. Nous serons toujours face à cette
obligation-là de vigilance, représentant 2 % de la population en Amérique
du Nord. Et, vous l'avez très bien souligné, vous êtes également partie
prenante de cet objectif-là.
On
doit vous voir, et c'est un peu le cri du coeur que je reçois, que j'entends ce
matin de votre part, on doit vous voir comme
des partenaires et non pas uniquement, comme législateurs, vous imposer des obligations :
C'est dans votre cour, on se croise les bras
ou à peu près, sauf quand on va se tanner, puis qu'on va vous envoyer un
enquêteur puis qu'il va avoir le pouvoir de saisie — mais ça, je ferme la parenthèse — et on vous regarde aller. À vous maintenant de nous justifier les postes, à vous maintenant d'avoir
des horaires de travail, à vous maintenant de faire la formation
nécessaire à vos employés, tout ça.
Est-ce
que vous avez des exemples de partenariat? On doit vous voir comme des
partenaires. Ça veut dire que l'on doit, comme État, également investir pour
atteindre ces objectifs-là, que ce soit au niveau de la francisation, des
cours de français, au niveau de l'information
qui pourrait vous être donnée quant à l'accessibilité de logiciels qui sont en
français, par ailleurs disponibles en
français. Est-ce qu'il peut y avoir des incitatifs fiscaux par rapport à ça?
Est-ce que vous avez des idées, des
exemples de partenariat où, là, vous diriez : Écoutez, oui, on a notre
objectif, mais c'est par cette voie-là, là, que non seulement on sera capables de faire… puis qu'on n'atteindra pas de
façon trop coercitive et indue notre économie, mais c'est également par
cette façon-là qu'on va avoir des résultats concrets et efficaces?
M.
Turgeon (Léopold) : Bien, je pourrais peut-être parler d'un exemple, les sectoriels de
main-d'oeuvre, où on a un partenariat qui est vraiment intéressant. Cependant, j'aimerais
attirer l'attention… Parce que Mme la ministre nous soulève souvent que les sectoriels de main-d'oeuvre
peuvent nous donner un coup de main. Je rappellerais que l'exercice de planification stratégique a eu lieu il y a
quelques mois avec tous les partenaires, et en aucun temps ça n'a étéidentifié, la francisation, comme un élément
important au moment où on se parle. L'exercice est fait, les budgets ont été
accordés.
Si
on veut se servir des sectoriels de main-d'oeuvre, qui est un bel exemple pour
plusieurs éléments, si on veut se servir de ça, il faudra donner les moyens et les
outils aux sectoriels de main-d'oeuvre pour leur permettre justement de
nous donner de l'aide. Et ça, c'en est un,
exemple de partenariat qui fonctionne bien à travers différents thèmes qu'on
exploite avec les sectoriels de main-d'oeuvre. Mais j'attire encore l'attention
et je le répète pour être sûr de bien être entendu, à l'effet qu'on doit donner les outils et les moyens aux sectoriels de
main-d'oeuvre. En tout cas, dans le commerce de détail, l'exercice vient
d'être fait, et en aucun temps il n'y a une seule ligne là-dessus. Et ça, c'est
tous les partenaires qui sont entendus. Françoise voulait aller en complément d'information.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Mme Pâquet.
Mme
Pâquet (Françoise) : Lorsque vous parlez de partenariat, en fait, je pense que… On est
présentement dans une ère de communication et de transparence. Je pense que le partenariat
qui peut être fait avec des associations comme la nôtre, et c'est
souvent le cas, c'est d'agir comme relayeur d'information. Plus les outils, les
guides, le matériel seront importants et disponibles, plus ça fait partie du
rôle de notre association de les transmettre à nos membres. Donc, les membres n'ont pas à courir après l'information, on
est là pour leur faire part qu'il y a des nouveaux guides qui sont
publiés par l'office et qui peuvent leur venir en aide.
Donc, je pense qu'à ce
chapitre-là il y a beaucoup, beaucoup d'efforts à faire au niveau de l'accroissement
de l'information, la communication de ces
informations-là et la transparence de l'information. Pourquoi? Pour faciliter
le travail des entreprises, qui n'ont pas à se garrocher à gauche et à
droite pour chercher l'information. Parce que, comme on le soulevait, beaucoup
de détaillants n'ont pas de personnes attitrées à ces postes-là. Donc, c'est
souvent le contrôleur, c'est souvent une personne qui fait la comptabilité,
auxquels on leur dit : Demain matin, tu vas devoir appliquer des nouvelles
règles qui viennent s'appliquer au niveau de la Charte de la langue française.
Donc, il ne sait pas de quoi on parle, il
doit chercher l'information, souvent elle est inaccessible. Donc, je pense qu'il
y a un gros, gros travail important qui doit être fait de ce côté-là, d'accroître
l'information et faire en sorte que les règles soient claires, soient connues, qu'il y ait un encadrement, comme Mme Daniel
le soulignait tout à l'heure, un cadre d'intervention qui soit connu detous : Voici ce qu'il en est, voici ce à quoi
je dois m'attendre et voici ce dont j'ai à faire. À l'heure actuelle, ce n'est
vraiment pas le cas.
Souvent,
les entreprises, les détaillants nous appellent : Qu'est-ce que je dois
faire? Je reçois une lettre type, je viens de recevoir une plainte. On peut recevoir six lettres,
les lettres sont presque identiques. On se demande si ce n'est pas du
copier-coller. La description de la plainte est plus ou moins claire, on ne
sait pas du tout sur quoi elle porte. Donc, il y a beaucoup, beaucoup de travail de communication, de clarté d'information.
Et je pense que le cadre d'intervention qui... le rapport qui a été déposé par la ministre, sur la
modernisation, déjà vient de faire un bout de chemin qui est
excessivement important. C'est le début,
mais c'est énorme en termes de nouvelles mesures qui viennent d'être annoncées
pour nos membres.
• (10 h 50) •
M. Tanguay : Et je pense que votre message est extrêmement important.
Et je peux peut-être ouvrir une parenthèse
ici. Le 12 mars dernier, date où l'étude d'impact économique a été déposée — mais je ferme la parenthèse, ce n'est pas mon propos — le
12 mars dernier, nous entendions l'Association des marchands dépanneurs et
épiciers duQuébec.
Eux, ils ont 30 % de leurs membres qui sont d'origine asiatique. Elle nous
a déposé de tels documents. Et, moi, c'était la première fois que je voyais ça. Il y avait un guide de base sur ce
que sont les obligations liées à l'application de la Charte de la langue française qui était écrit d'un
couvert à l'autre en mandarin. Et le fait de remettre ce document-là à
30 % de ses membres qui sont asiatiques, et leur première langue,
évidemment c'est le mandarin pour plusieurs… Et il y avait évidemment d'autres... je pense qu'ils étaient en
une douzaine de langues également, par ailleurs. Parce qu'asiatique, c'est plus large. Et d'avoir contribué à rédiger, en
partenariat avec l'office, un tel document, de l'avoir rendu accessible,
déjà là il y avait un bon bout de chemin qui
était fait. Parce que, ces gens-là, on le dit souvent, puis je pense que vous
pouvez me le confirmer, c'est payant de
faire affaire, au Québec, en français. Et tout le monde veut être parmi les
plus performants quant aux services à
offrir en français, quant à l'information également qui doit être suffisamment
détaillée parce qu'en bout de piste c'est sa marque de commerce, c'est
sa réputation, puis, en affaires, il n'y a rien de plus précieux qu'une
réputation. Ça prend des années à bâtir et quelques instants à perdre.
J'aimerais
vous entendre — et vous en avez glissé un mot un peu
plus tôt — sur peut-être une approche également qui soit un
peu plus locale. Il y a des défis liés à Montréal qui sont différents des défis
qui sont liés peut-être à
Québec, à la Gaspésie, au Saguenay. Il y a des défis également à Gatineau. Et
ces défis-là, de un, sont à degrés différents mais, au départ, sont carrément
différents, également, quand on parle entre autres… quand on pense entre autres
à la venue de nouveaux arrivants à Montréal,
l'importance de franciser, ainsi de suite. Est-ce que vous le sentez, vous, sur
le terrain? Sûrement. Et j'aimerais vous entendre là-dessus, l'importance
également d'agir localement.
Et
le Conseil supérieur de la langue française disait, dans son dernier rapport, Redynamiser
la politique linguistique du Québec, disait : Quand on modifie la loi, la charte,
elle s'applique partout au Québec, puis c'est la même obligation pour tout le monde. Qu'avez-vous à commenter…
comment pourriez-vous commenter cet aspect-là?
M. Turgeon
(Léopold) : Moi, je pense qu'il faudrait
être conséquents avec nos objectifs. On est tous pour la globalisation, pour la mondialisation des marchés,
on est tous pour ça. Tout le monde autour de la table va essayer de
faire le meilleur achat possible. Mais il y
a l'envers de la médaille aussi. Ça veut dire que la langue des affaires, qui
est la langue anglaise — on
ne se le cachera pas, c'est la langue des affaires — ça
a des conséquences. Il est évident que, les
entreprises qui utilisent des logiciels en
anglais, par exemple, qui communiquent avec le reste du Canada et/ou les
États-Unis, on ne fera pas un
logiciel en français pour strictement les consommateurs québécois. Ils
travaillent… tout se fait en anglais. Donc, c'est évident qu'il faut tenir compte, dans la réflexion, qu'on est dans
un environnement de globalisation, et la globalisation, bien, ça a les
deux côtés de la médaille. Donc, je pense que c'est un élément important qu'il
faut tenir compte dans notre réflexion. Et,
oui, il y a des grappes où il faut travailler davantage pour sensibiliser, pour
apporter du soutien et du support. Mais ce n'est pas vrai qu'on doit, au
détriment du reste de la province, faire tous ces changements-là.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci. Malheureusement, c'est tout le temps que disposait l'opposition officielle.
Nous allons maintenant vers le deuxième groupe d'opposition. Mme la députée de
Montarville, vous avez la parole pour un temps de cinq minutes.
Mme
Roy (Montarville) : Merci à vous, Mme la Présidente. Bonjour, collègues, bon début de
semaine. Mesdames avocates, maîtres, monsieur,
merci, merci pour votre mémoire, merci de vous être déplacés. Je suis
particulièrement contente de vous entendre
et surtout de voir qu'il y a des avocates au sein de votre groupe. D'entrée de jeu,
laissez-moi vous dire que le deuxième
groupe d'opposition, dont je fais partie, on est excessivement sensibles à
toutes les mesures coercitives ou les mesures qui viendront alourdir le
fardeau administratif des entreprises. Pour nous, c'est d'une importance
cruciale. On veut aider les entreprises, alors on est en faveur des mesures d'aide,
de soutien, de support à la francisation. On ne veut pas alourdir votre
fardeau. C'est excessivement important. Vous êtes trop importants pour l'économie
du Québec. Donc, comment peut-on vous aider?, ça, c'est vraiment notre cheval
de bataille.
Outre
cela, je disais que je suis ravie de voir qu'il y a des avocates ici parce qu'on
a commencé à entendre... Un projet de loi, c'est
des idées, on débat d'idées, mais on débat aussi de droit. Nous avons entendu,
la semaine dernière, d'éminents avocats,
Me Julius Grey, le Barreau du Québec. Et là je suis particulièrement
heureuse de voir que vous êtes là et j'aimerais
vous poser quelques questions à saveur plus légale, puisqu'un projet de loi,
dans les faits, c'est du droit. Mon collègue parlait de l'abolition de
la mise en demeure, la mise en demeure qui, comme vous l'avez souligné, est à
la base même de toute poursuite au civil.
Et
maintenant moi, j'aimerais vous entendre parler sur ces fameuses saisies que l'article 175.3,
auquel vous vous opposez, pourrait permettre
finalement. Le projet de loi pourrait permettre ces saisies, ces saisies sans
mandat. Alors, j'aimerais que vous m'expliquiez
dans quelle mesure c'est un irritant pour vous et un irritant légal qui ne
respecte pas le droit naturel, le droit fondamental.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Mme Daniel.
Mme
Daniel (Lara) :
Merci. Bien, en fait, comme vous le savez, dans la plupart des cas, lorsqu'on veut saisir des biens, habituellement il faut avoir un mandat
pour saisir. Une saisie de biens ne se fait pas sans mandat. Quand on saisit des produits contrefaits, par exemple, il
faut avoir un mandat. C'est un huissier, habituellement, qui va faire la
saisie. Donc, selon nous, donner un pouvoir de saisie, c'est excessif,
premièrement, c'est injustifié, et ça a quand même des conséquences énormes sur le détaillant qui se fait saisir des biens.
Donc, selon nous, le pouvoir de saisie, de loin, est un des éléments les
plus importants, là, à considérer dans le projet de loi.
Et les détaillants ont vraiment démontré énormément de
réticence au pouvoir de saisie. Je vous dirais même que c'est vraiment un
élément qui les a marqués, là, de façon assez fondamentale, là. Donc, pour
nous, le pouvoir de saisie n'a aucune raison d'être, d'autant plus que
les enquêteurs ont le pouvoir de prendre des photos. Donc, en prenant des photographies de biens qu'ils pourraient saisir,
je ne vois pas la pertinence d'avoir un pouvoir de saisie dans la mesure
qu'on veut conclure s'il y a contravention à la charte ou pas.
Mme Roy
(Montarville) : Vous disiez que les
conséquences pourraient être énormes pour vos membres. Pourriez-vous nous
donner des exemples de conséquences? Par exemple, s'ils sont inquiets, ils ont
manifesté leur inquiétude? Ça pourrait ressembler à quoi?
M.
Turgeon (Léopold) : Bien, par exemple, si la télévision est en anglais ou la documentation
est en anglais, ils auront le pouvoir de saisir l'ensemble des télévisions de ce modèle-là
en particulier. Donc, évidemment, pour le détaillant, c'est une conséquence majeure, donc. Puis ça, c'est
un élément. C'est au niveau des logiciels, c'est au niveau… donc tout ce
qui comporte le commerce de détail, donc, évidemment dans un environnement de
globalisation, comme j'expliquais tout à l'heure, c'est évident que ça peut
avoir des conséquences et financières et aussi des conséquences de notoriété
pour le détaillant.
Mme
Roy (Montarville) : Si on poursuit dans la même veine — et je profite du fait qu'il y a deux avocates ici avec nous — y a-t-il d'autres
irritants légaux que vous voyez dans ce projet de loi, qui sont
particulièrement... et dont on n'aurait pas élaboré suffisamment?
Mme
Pâquet (Françoise) : Est-ce que c'est... Je n'oserais pas les qualifier d'irritants légaux,
mais je pense qu'il peut y avoir un lien. On vous l'a soumis, d'ailleurs, comme piste de
solution. Quand, dans les mesures de francisation, on a... Plusieurs
détaillants, notamment des franchisés, nous ont dit : Écoutez, est-ce qu'on
va devoir vous soumettre individuellement
des mesures de francisation? Ça peut viser 50 entités qui vont devoir
soumettre des programmes ou des mesures de francisation, alors que c'est
là l'idée qu'on nous amenée, par rapport à tout l'exercice d'équité salariale
qui a été fait voilà quelques années, qu'il
y avait eu une réaction, de la part des entreprises, assez importante, en
termes de lourdeur, de compréhension, et tout ça. Et les entreprises
nous avaient dit : Grâce à la collaboration ou en tout cas, du moins, au dialogue qu'on a eu avec le
gouvernement, on a pu leur faciliter la tâche en leur mettant des outils
juridiques qui leur permettent de se regrouper ensemble pour développer un
programme commun à tous.
Et là on entre dans
votre préoccupation d'allégement administratif des entreprises, donc ça devient
beaucoup moins lourd pour eux. Et, à ce
moment-là, on est venu aussi simplifier le processus pour les entreprises en
leur mettant un outil volontaire à
leur disposition pour implanter des mesures. Donc là, les entreprises se
concentrent vraiment sur ce qu'elles ont à faire et non sur de la
paperasse à remplir et essayer de comprendre le processus.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Merci beaucoup. Merci
beaucoup, Mmes Pâquet, Daniel, et M. Turgeon. Malheureusement, c'est
tout le temps dont nous disposions.
Et
je demande aux représentantes du Réseau d'action pour l'égalité des femmes
immigrées et racisées du Québec de prendre
place.
Nous allons suspendre
les travaux quelques minutes.
(Suspension de la séance à 11
heures)
(Reprise à 11 h 1)
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : À l'ordre, s'il
vous plaît! Nous reprenons nos travaux.
Bonjour, mesdames,
bienvenue à l'Assemblée nationale. Mme Chouakri, c'est vous qui êtes la
porte-parole? Je vais vous demander de vous
présenter et de présenter également la personne qui vous accompagne. Vous disposez
d'un temps de 10 minutes pour faire
votre présentation. Par la suite, suivra un échange avec les membres de la
commission. La parole est à vous.
Réseau d'action pour l'égalité
des femmes
immigrées et racisées du Québec (RAFIQ)
Mme
Chouakri (Yasmina) : Merci. Tout d'abord, bonjour, Mme la Présidente, Mme la ministre,
messieurs dames les fonctionnaires et puis les
membres de l'opposition. Mon nom est Yasmina Chouakri, je suis présidente du
Réseau d'action pour l'égalité des femmes
immigrées et racisées. Mais j'ai un deuxième chapeau, qui est celui que je
coordonne le volet Femmes, à la TCRI, bien
que la TCRI, je sais, passe ce soir, mais on a un réseau également de femmes
immigrées.
À mes côtés, c'est Claude Yvette Akoun, qui est
directrice de l'AFIO, c'est l'Association des femmes immigrantes de l'Outaouais,
qui est aussi membre du C.A. de la TCRI et qui porte le dossier Femmes à la
TCRI, au conseil d'administration, et son organisme est aussi membre de
ce réseau qui présente aujourd'hui ce mémoire. Alors, on va essayer... on va tenter d'insister sur les points les plus
importants qui concernent évidemment les femmes immigrées et racisées. Je
vais reprendre un certain nombre de points, présenter rapidement le réseau
avant, et, puis, laisser l'occasion… parce que Mme Claude Yvette Akoun, étant sur le terrain, va
pouvoir illustrer certains des points que nous apportons dans le mémoire
par des exemples très concrets de situations que vivent les femmes immigrées et
racisées en matière de francisation.
Alors, nous, nous utilisons le terme «racisées». On dit
«immigrées», ça inclut l'ensemble des statuts
d'immigration. Et, quand on utilise le terme
«racisées», le concept de racisation, ce n'est pas qu'on reconnaissance l'existence
des races; au contraire, c'est plutôt qu'on considère qu'il y a des
groupes qui sont discriminés dans la société comme personnes immigrées ou non et qui vivent quasiment une
situation… — comment dire ça? — où on les essentialise dans certaines choses. Et c'est de la
même façon qu'on définit, entre guillemets, la race, même si on n'adhère pas du
tout à ce concept-là.
Bref,
je ne veux pas trop entrer là-dedans, ce n'est pas l'objet. Je veux juste dire
que le Réseau d'action pour l'égalité des femmes immigrées a été créé depuis
mars 2011 par un comité de réflexion qui avait été mis en place, sur la
situation des femmes immigrées, depuis 2008. Donc, il est composé de membres
individuels et puis de membres, aussi,
organisationnels, comme par exemple l'AFIO. L'objectif de ce réseau est de
favoriser la concertation entre les femmes immigrées et racisées, de développer des pratiques et de lutter contre
toutes les formes d'inégalité et de discrimination qui touchent les
femmes immigrées au Québec.
Alors, il faut savoir aussi
que ce réseau-là aussi se situe un peu comme interface entre le Mouvement communautaire de l'immigration et le Mouvement des
femmes. Par exemple, nous sommes aussi membres du Groupe des 13, qui est une coalition d'organismes du
Mouvement des femmes qui intervient sur des revendications qui
concernent l'ensemble des femmes du Québec.
Le point important sur
lequel nous voulons insister aujourd'hui dans ce projet de loi et qui nous
inquiète énormément, c'est l'absence d'utilisation et de proposition d'utilisation
de l'Analyse différenciée selon les sexes. Nous
savons tous qu'au niveau de l'ensemble des
politiques comme des lois, «égalité» ne veut pas dire «équité». On ne peut pas
traiter les femmes immigrées et les hommes immigrés de la même façon. Alors,
avoir des programmes et des politiques qui s'adressent
aux deux groupes, qui sont des programmes et politiques tout à fait identiques,
n'assure pas forcément l'égalité d'accès et n'assure pas forcément l'équité.
Donc, pour nous,
traiter d'immigration de façon globale, c'est impossible, c'est un anachronisme
parce que les hommes et les femmes immigrés ont des parcours complètement
différents et ont des besoins tout à fait différents et tout à fait
spécifiques. Et ça, on n'a pas besoin d'insister beaucoup là-dessus. Je vais
juste citer une étude, basée sur le recensement de 2006, qui a été publiée par
Pierrette Beaudoin, au ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles, et qui concluait, d'ailleurs — bon, cette étude est quand même sortie il n'y a pas très
longtemps non plus — et qui concluait que les femmes immigrées, ce sont elles
qui participent le moins au marché du travail, avec un taux d'activité qui est le plus bas de tous les groupes
dans la société, pas seulement parmi les immigrants, mais dans la
société québécoise dans son ensemble.
Donc, il y a d'autres
facteurs. La TCRI a effectué, en collaboration avec notre réseau, une tournée
auprès des femmes immigrées en 2010-2011. Et ce qui était ressorti,
effectivement, c'est que les femmes qui ne maîtrisaient pas le français, les femmes immigrées non francophones
vivaient une boucle, un enchevêtrement d'obstacles dans lequel elles s'isolaient
complètement parce que le non-apprentissage du français ne leur permettait pas
d'accéder à l'emploi, et ainsi de suite, et le non-accès aux places aux
garderies ne leur permettait pas d'accéder aux cours de français ni à l'emploi,
etc., donc une espèce de boucle sans fin qu'on avait soulevée de façon
importante.
L'autre
élément le plus important qu'on avait soulevé, qui a été aussi... qui est
ressorti lors des états généraux, qui ont d'ailleurs été, à l'époque, appuyés par le
ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles… Lors desétats généraux, en janvier 2012, qui portaient sur
la situation des femmes immigrées et racisées, c'est qu'il y avait une
grande question qui était ressortie. C'est
qu'après une durée de 18 mois de francisation comment se faisait-il que, pour
beaucoup de femmes, un bon pourcentage de
femmes immigrées, le français n'était pas maîtrisé encore comme langue? Alors,
c'était vraiment de dire : Qu'est-ce
qui se passe? Où est le problème? Et, dans l'échantillon des femmes qu'on a
rencontrées lors de la tournée, 37 % des femmes qui avaient
bénéficié de cours de francisation disaient qu'elles n'avaient pas... ça ne
leur avait pas permis pour autant d'accéder à des emplois et leur niveau de
français était toujours jugé insuffisant.
Alors,
à partir de là, on a eu, lors des états généraux aussi, des recommandations qui
sont ressorties, qui étaient vraiment
importantes, qui sont importantes à rappeler, c'est notamment d'assurer une
francisation qui est facilitatrice de l'intégration
socioéconomique. Et, dans ce sens-là, on peut entendre que... peut-être revoir
le contenu de la francisation, peut-être, avec une partie de
francisation générale, éventuellement — mais ça, ce n'est
pas pour des personnes qui sont déjà en emploi, c'est des personnes qui ne sont
pas encore en emploi — et avec une
francisation peut-être plus spécialisée en fonction de la qualification des
personnes immigrées et également en tenant compte des besoins et des bassins de
main-d'oeuvre et des besoins en main-d'oeuvre au Québec.
Alors,
ça, ça serait peut-être un questionnement intéressant à avoir, l'uniformisation
des cours de français aussi parce que les
personnes qui... les femmes ont des niveaux très différents — puisqu'on parle des femmes aujourd'hui, mais c'est valable aussi pour les hommes — c'est
vraiment d'essayer d'uniformiser les apprentissages pour qu'il y ait des groupes, des personnes qui aient le même niveau dans
les mêmes cours...
• (11 h 10) •
Mme Akoun (Claude
Yvette) : Je voudrais juste...
Mme Chouakri
(Yasmina) : Oui…
Mme Akoun (Claude
Yvette) : Je voudrais juste clarifier
ici pour donner un exemple. Dans mon organisme, à l'Association des femmes immigrantes de l'Outaouais, qui, depuis 2006,
a commencé les cours de francisation de base, des cours sur mesure pour adultes à temps partiel avec un nombre très
faible de femmes, on a, dans des cours, par exemple des
femmes qui sont analphabètes, des femmes qui sont d'un certain âge, qui n'ont
jamais vraiment eu accès à l'école, qui
étaient, par exemple, dans des camps de réfugiés, qui se retrouvent avec des
femmes des universités, des femmes de niveau
collégial dans un même un groupe-cours. Évidemment, vous comprendrez que, dans
ce cas-là, l'apprentissage n'est pas
facilitant pour ni l'un ni l'autre puisqu'il faut que le prof s'ajuste
constamment à chacune, à des besoins de chacune de ces femmes-là.
Mme Chouakri
(Yasmina) : Oui. Alors, parmi aussi
une des actions qui avaient été préconisées, qui était importante, c'est
vraiment d'offrir certains documents de base, notamment ceux sur la
francisation dans les langues maternelles.
Il y a beaucoup de femmes immigrées qui n'ont pas l'information exacte sur la
francisation parce que ça passe souvent
par le requérant principal, qui est l'homme, et cette information n'arrive pas forcément à la femme
pour différentes raisons pour lesquelles on ne
va pas rentrer là-dedans actuellement.
Et
puis peut-être avec certains groupes de femmes très différents… Parce que, lors
de la tournée, on a rencontré des femmes de l'Asie,
notamment de Chine et… de cette région du monde, qui nous disaient qu'elles
avaient de grandes difficultés en francisation parce qu'elles avaient des
repères culturels tellement différents, même dans l'expression, que peut-être que ça serait important qu'il y ait
des cours parfois spécifiques pour des groupes de populations ou des
groupes de femmes en particulier.
Et puis on va insister aussi au niveau de... Même si on
est, dans l'ensemble, d'accord avec l'ensemble de la politique, mais c'est
véritablement d'insister sur le fait qu'on utilise l'Analyse différenciée selon
les sexes dans tous les domaines des programmes et des lois à mettre en
oeuvre, et également de multiplier les lieux de pratique du français parce qu'on
a beaucoup de cas — on l'a cité avant — de femmes qui ont fini leur francisation mais qui ne
parlent pas pour autant le français. Et je vais laisser Claude Yvette Akoun
donner quelques exemples à ce sujet-là.
Mme
Akoun (Claude Yvette) : Oui. Présentement, nous avons deux groupes-cours qui sont, pour la
plupart, des femmes
qui reviennent après avoir refait le cours au moins deux fois, se sont
réinscrites au moins deux fois. Donc, elles sont même au-delà du nombre
d'heures de cours requis. Parce qu'on a dû négocier avec le ministère pour
expliquer, justifier cette réalité-là, de sorte
qu'on puisse enfreindre un peu les règles, là, pour permettre justement aux
femmes de continuer à apprendre ou ne pas retourner à la maison et
perdre ce qu'elles ont.
Et
présentement ce que ces femmes demandent, le besoin qu'elles expriment
fortement dans ces groupes-cours, c'est qu'il n'y a pas de lieu de pratique pour elles.
Donc, le peu qu'elles acquièrent après leur session de cours, bien elles
n'ont pas d'endroit, pendant qu'elles
apprennent, de pratiquer, donc évidemment elles le perdent. Si elles ne
reviennent pas au cours… Bien, ce
sont des femmes souvent qui ont, comme on vient de vous dire, différents
profils, qui ont encore... qui manquent d'assurance pour la recherche de
l'emploi, donc, souvent pour des questions d'enfants aussi qui n'ont pas de place, qui se retrouvent souvent
isolées à la maison. Donc, pendant l'apprentissage, il serait bien qu'il y ait vraiment des espaces pour leur
permettre de bien assimiler ce qu'elles ont appris pour pouvoir le rendre
fonctionnel.
Mme Chouakri (Yasmina) : Il y a un autre point qui est
important, là, qu'on veut soulever plus particulièrementaussi, c'est la
traduction — donc, on l'a dit un peu — ou l'utilisation d'interprètes pour des informations de
base importantes. Alors, ça… Et on pense, y compris, par exemple, à l'aéroport, où il y a
les... souvent, ça se fait en français, puis on a des femmes qui ne
parlent pas du tout la langue ou l'anglais et qui vont devoir... qui ne vont
pas comprendre, en tout cas, là, un certain nombre d'informations de base à l'arrivée
et...
Mme Akoun (Claude
Yvette) : …
Mme Chouakri
(Yasmina) : Oui?
Mme Akoun (Claude Yvette) : Bon, je vais juste ramener un exemple — ce n'est pas anecdotique, vraiment c'est une réalité — l'exemple d'une femme, pour des raisons quelconques, qui
n'a pas eu la bonne information, ne serait-ce
qu'au niveau des allocations familiales. C'est l'école qui a dû nous approcher
parce que les enfants n'avaient rien dans le sac
à lunch. Donc, elle n'a pas eu l'information qu'il y avait quand même un
soutien gouvernemental qui lui permettrait peut-être de constituer un sac à lunch qui soit décent. Et ça, c'est dû au
fait que l'information souvent ne passe pas, il n'y a pas d'interprète. Et ce sont des personnes souvent qui
n'ont pas pu passer par les organismes qui sont partenaires du
ministère, par exemple, où il y a un certain nombre de travailleurs qui parlent
différentes langues, qui peuvent permettre à ces femmes-là — en tout cas, dans le nôtre — de comprendre, au départ, les informations de base, comme
la francisation, comme ce genre d'information
qui concerne les allocations auxquelles elle pourrait faire profiter ses
enfants et sa famille. Voilà.
Mme
Chouakri (Yasmina) : Alors, ensuite, concernant… Pour nous, en matière d'immigration, la programmation annuelle de l'offre de services en
francisation devrait systématiquement pouvoir mettre en avant les éléments de conciliation travail-famille pour les femmes
immigrées, notamment en tenant compte… en faisant des horaires adaptés,
en multipliant les lieux de pratique, en assurant des haltes-garderies
associées aux différents lieux de francisation. Et ça, c'est un minimum pour
nous et ce qu'exprime justement l'Analyse différenciée selon les sexes.
On
pense aussi qu'un continuum de services global devrait assurer la prise en
compte des besoins spécifiques de certains
groupes de femmes qui vivent particulièrement de l'isolement, ou qui ne
maîtrisent toujours pas le français, ou qui n'ont pas accès aux cours de
français.
Et,
en termes de régionalisation, je dirai que ça serait important de préparer les
régions à accueillir... Il y a des régions
peu familières à l'immigration, où, quand on a fait notre tournée, on a
constaté beaucoup de difficultés et d'incompréhension
entre la société d'accueil et les personnes immigrantes qui sont en région. Et
on pense notamment àune
sensibilisation des institutions, des employeurs, qui serait importante et
notamment parce que la régionalisation s'appuie également sur l'envoi
des réfugiés sélectionnés, dans certaines régions, qui proviennent de pays
récemment en conflit comme l'Irak, l'Afghanistan.
Je vous dirai aussi qu'il y a beaucoup de Colombiennes qui vivent des
situations extrêmement difficiles en région et une incompréhension, en
tout cas, du côté tant des employeurs que des institutions par rapport à ces
groupes-là.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, mesdames. Vous aurez compris que vous avez
dépassé le temps
que je vous avais alloué. On l'a pris du côté du gouvernement, avec l'accord de
la ministre, toujours. Donc, nous débutons les échanges. Mme la
ministre, vous avez la parole.
Mme
De Courcy :
Bien, d'abord, bonjour, mesdames. Je suis très contente, pas de vous voir, de
vous revoir, de vous revoir. Nous avons eu l'occasion de pouvoir échanger et travailler
ensemble à quelques reprises. J'ai un souvenir très vif de ma rencontre, dans l'Outaouais, dans votre
organisme. Cette tournée-là, d'ailleurs et entre autres, m'a permis de
faire le bouquet de mesures qu'on ne voit
pas dans le projet de loi parce que
malheureusement un projet de loi a ses
limites, il touche une question en
particulier. Il y a maintenant 24 mesures qui accompagnent le projet de loi,
dont j'aurail'occasion de reparler.
Et plusieurs, plusieurs de ces 24 mesures touchent les éléments que vous avez
proposés, les mesures que vous voulez
voir de l'avant et que vous déplorez de ne pas voir dans le projet de loi.
Alors, il me fera plaisir, là, de vous rappeler les 18 mesures et de
vous rappeler les 24 maintenant qui vont être mises de l'avant en temps
opportun.
J'avais été très
frappée, d'ailleurs, lorsque j'avais visité votre organisme en Outaouais, d'abord
du caractère très modeste des lieux,
deuxièmement, de tout ce que vous avez démontré comme, entre guillemets, l'acharnement
des femmes à vouloir s'en sortir, et ça, la ténacité des femmes m'avait beaucoup
impressionnée, dans des contextes très difficiles.
Et je vous avoue que c'est à partir de l'expérience dans votre organisme que j'ai
considéré qu'il fallait de façon urgente
modifier la grille de sélection, inclure des éléments pour la femme. Je dis «la
femme» parce que c'est d'habitude la femme qui accompagne le requérant,
le premier requérant, et etc.
• (11 h 20) •
Donc,
je vous avoue que moi, j'accueille très favorablement ce que vous mettez de l'avant.
Il y a des choses qui m'apparaissent à ajuster
avec le ministère de l'Immigration et ses partenaires, hein? Et ses partenaires, hein? Il n'y
a pas que le ministère de l'Immigration qui
est touché à cet égard. Et sachez que, dans les... Je vous rappelle que, dans
les mesures, il y a nommément des choses prévues pour les femmes immigrantes en
particulier.
J'aimerais par
ailleurs vous entendre peut-être une dernière fois sur la difficulté de se
trouver du travail. Plusieurs... On entend,
aujourd'hui, des gens qui... vous, et on en a entendu d'autres mais moins,
où l'exigence de l'anglais à travers
un paquet de postes n'est pas toujours justifiée, freine la possibilité pour
les femmes de s'intégrer au marché du travail. Et il s'agit là aussi d'une
contradiction dans notre société, une contradiction importante qui dit :
Bien, coudon, vous avez été sélectionnés sur
la base du bon français, d'apprendre... de maîtriser cette langue-là, en tout
cas, suffisamment pour pouvoir y
travailler. L'Immigration vante le Québec en disant qu'au Québec vous allez
pouvoir trouver du travail en français pour votre mari... ou le mari ou
pour vous-même, et là il y a un choc culturel assez important, et, je dirais,
après avoir eu la grande séduction, on a la grande déception. Et cette grande
déception là est, entre autres, basée sur ce phénomène-là.
Ceci étant dit, ça ne
veut pas dire que, dans certains cas, il n'est pas nécessaire que, plusieurs
postes, on exige l'anglais, là — ce
n'est pas ça que je suis en train de dire — voire une deuxième, troisième
langue. Mais, dans plusieurs postes, on exige
l'anglais, à mon avis, de façon pas toujours justifiée, pas toujours justifiée.
J'aimerais savoir si vous partagez cette
vision. Et, à cet égard, le projet de loi prévoit un certain nombre de façons
de faire pour corriger la situation. Et
je comprends que vous appuyez ces correctifs à avoir. Est-ce que je me trompe?
Est-ce que notre lecture est tronquée d'une façon ou d'une autre? J'aimerais
ça vous entendre là-dessus.
Mme Chouakri
(Yasmina) : Écoutez, pour nous, je
pense que c'est…
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Mme
Chouakri.
Mme Chouakri (Yasmina) : Oui. Nous appuyons et nous sommes
convaincues que ça sert de prétexte dans une
majorité de cas. Mais il faut savoir aussi... Il me semble qu'au Québec il y a,
depuis pas mal d'années, des secteurs qui
sont habitués à travailler en anglais, mais je pense aussi que c'est des
secteurs qui ne nécessitent pas forcément même de travailler en anglais
mais qui le sont depuis... comme par habitude. On ne sait pas exactement... je
ne pourrais vous dire de quoi ça provient.
Et je pense qu'il y a un peu une double situation,
celle où l'anglais... la connaissance de l'anglais est un prétexte pourne pas recruter certaines personnes. Parce qu'aussi,
dans les offres d'emploi, c'est devenu quasiment naturel de mettre «maîtriser le français et l'anglais». Je vais
laisser, après, Claude Yvette en parler, peut-être que Gatineau, l'Outaouais,
qui est proche d'Ottawa, c'est peut-être
pire relativement à Montréal, même si on a tendance à considérer que
Montréal c'est un peu spécial relativement à
l'ensemble du Québec. Mais effectivement je pense qu'il y a certainement une
façon de faire qui est là puis qui
continue sans trop se poser de questions. Il y a peut-être de la mauvaise foi
aussi de certains employeurs. Mais il y a aussi des secteurs d'emploi,
il me semble, qui tendent à travailler de cette façon en anglais.
Moi, je donnerais l'exemple, par exemple, de certaines
manufactures. Parce qu'il y a beaucoup de femmesimmigrées qui se retrouvent dans ces
secteurs-là, même des femmes diplômées qui se retrouvent dans ces secteurs-là.
Et souvent c'est des secteurs qui travaillent en anglais, alors que disons que
l'information de base qui est à donner aux employés
il n'est pas nécessaire de la donner forcément en anglais, mais il y a comme
une habitude, peut-être... Et même parfois c'est parce que ce sont
certaines communautés culturelles qui sont dans ces manufactures depuis
longtemps puis qui continuent d'utiliser...
ou qui travaillaient en anglais antérieurement puis qui continuent à le faire
sans que ça soit nécessaire. Moi, j'ai
entendu plusieurs fois des femmes immigrées dire : Je travaille dans une
manufacture où c'est tout en anglais. Bon, on ne leur explique pas
grand-chose, il n'y a pas beaucoup de... Souvent, elles sont sur des machines
ou elles travaillent manuellement, donc. Mais effectivement on se demande
pourquoi ça fonctionne comme ça.
Et je pense qu'on appuie parce que le pourcentage de
femmes immigrées qui parlent le… qui maîtrisent le français, qui arrivent
et qui maîtrisent déjà la langue française n'est pas négligeable et que...
Seulement, je pense que ça fait partie aussi
de la tendance, au Québec, à penser aussi que les immigrés ne sont pas, surtout
ceux qui viennent de certaines parties du monde, ne sont pas... ne
maîtrisent pas le français puis que c'est l'apanage de la majorité blanche
francophone québécoise de souche qui maîtrise le français, et les autres, non,
on ne maîtrise pas le français. Et pourtant bien des immigrées — je parle au nom des femmes immigrées
dans mon cas — sommes des francophones et des
francophiles aussi. Et nous avons choisi le Québec justement, mais on n'est pas
suffisamment... cette diversité dans la défense de la langue française n'est pas suffisamment mise en avant
également, je pense. Je ne sais pas si tu veux donner des exemples
pour...
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Mme Akoun.
Mme
Akoun (Claude Yvette) : Mais moi, dans mon cas, bien, nous sommes dans l'Outaouais, donc nous sommes une région particulière qui sommes très proches de
l'anglais parce qu'Ottawa est juste à côté. Ce que je peux dire : Oui, nous appuyons tout à fait cela, parce que,
comme Yasmina vient de le mentionner, quelquefois c'est un prétexte
aussi pour éliminer un certain nombre de
personnes. Nous, les femmes viennent nous le dire : C'est comme… si on ne
veut pas te refuser parce que, bon,
tu as un accent et puis que ça dérange, par exemple, on te dit : Bien, ça
me prendrait quelqu'un qui parle
anglais. Mais l'effet que ça produit, c'est que les gens sont convaincus qu'ils
doivent parler l'anglais pour se trouver un emploi. Donc, du coup, ils
abandonnent leur cours de français, et les femmes surtout, elles vont du côté d'Ottawa,
et c'est très facile de s'inscrire, même si
on n'est pas résident. Ils le savent bien que les gens ne sont pas résidents,
mais il suffit qu'ils donnent une
adresse fictive et puis ils peuvent apprendre l'anglais à temps plein là, ça
fait qu'ils abandonnent leur cours.
Alors, ça n'encourage pas les gens à aller vers le français puis ça donne la
fausse idée qu'on peut travailler si on a juste l'anglais, en fait,
alors.
Et,
une autre chose que je voudrais dire, même dans nos réseaux de la santé et des
services sociaux, pour avoir été victime moi-même, je ne veux pas me plaindre ici,
là, mais je l'ai vu de… Bon, je suis travailleuse sociale de formation.
Et puis, à un centre de service social, que
je ne vais pas nommer, je me suis fait dire, pour un poste que, relativement,
on n'en aurait pas besoin… Même si on est en Outaouais, là, je pense que la
majorité est très francophone. Mais je me suis fait dire qu'il fallait que j'aille apprendre l'anglais. Donc, quand les
femmes viennent, elles nous le disent, oui, c'est vrai que c'est une
réalité aussi.
Mais
ce qui est important ici aussi, c'est de voir que les mesures en francisation
soient adéquates, qu'elles se prêtent vraiment à la spécificité des femmes immigrantes,
aux contraintes des enfants, de la garde… garderies disponibles, des
espaces qui ont de l'allure, là, qui permettent vraiment de faire un
apprentissage, et ça, ça va provoquer un taux de rétention, aussi, important et
les gens vont se mettre plus au français. Mais, si les conditions ne sont pas
là, c'est sûr, la tentation de l'anglais, elle est très, très facile dans notre
région.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Mme la
ministre.
Mme
De Courcy :
Simplement deux, trois mots pour vous dire que votre témoignage est empreint d'authenticité et de
courage pour soulever une question délicate. Vous soulevez une question
délicate, et les mesures que vous proposez sont très concrètes,
relativement simples, dans certains cas un peu plus compliquées, mais
relativement simples. Et je dois vous dire
que je suis très contente que vous ayez pris le temps de venir à Québec nous
parler d'un autre volet. On a entendu beaucoup de choses, mais là,
aujourd'hui, je vous avoue, à mon avis, c'est la première fois que nous
entendons ce type de témoignage. Je vous remercie pour le travail et pour le
courage de l'opinion. Merci.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Merci. M. le
député de Bonaventure.
M.
Roy : Merci, Mme
la Présidente. Bonjour, mesdames. Écoutez, je trouve ça très intéressant, votre approche et votre
lecture des inégalités sexuées de l'intégration de la femme immigrante au
Québec. Donc, bravo pour votre combat.
J'aimerais…
Je n'ai pas beaucoup de temps, j'ai trois minutes à peu près, là. À la page 4
de votre mémoire, vous citez certaines actions. À l'action 2, vous dites qu'il faut «encourager
la francisation avant d'arriver au Québec. En ce sens, mieux informer les futures immigrantes au sujet
des cours de français gratuits en ligne et des modalités de
remboursement des cours pris hors Québec.»
Donc, d'après votre expérience, quels moyens le gouvernement du Québec
pourrait-il mettre ou peut mettre en place pour rejoindre ces femmes?
• (11 h 30) •
Mme
Chouakri (Yasmina) : Écoutez, nous, nous pensons que... c'est pour ça que nous tapons
toujours sur ce clou, l'utilisation de l'ADS,
l'Analyse différenciée selon les sexes, pour faire en sorte... pour s'assurer
que l'égalité hommes-femmes soit mise en place dès le
départ, je pense, même au niveau de la sélection. Souvent, dans les pays d'origine, ce sont les hommes qui prennent l'initiative,
ce sont majoritairement eux qui sont les requérants principaux et ce sont eux qui prennent l'initiative de faire la
demande d'immigration, etc. Et, pour nous, c'est inconcevable qu'aujourd'hui
encore il y ait un requérant principal puis
qu'on ne donne pas, en fait, toujours l'information aux deux quand il s'agit
d'une famille ou d'une personne accompagnée
de sa conjointe, que l'information soit donnée aux deux personnes et en
s'assurant que, peu importe la langue parlée, l'information est parvenue aux
deux personnes. Et ça, on n'en est pas sûr du tout parce que, dans...
On
sait que l'immigration, elle est majoritairement originaire, depuis un certain
nombre d'années, de certains pays du Sud où les femmes n'ont pas forcément un statut
égal, et l'information ne parvient forcément aux femmes. Donc, on veut s'assurer
que... On aimerait d'abord, premièrement, qu'au niveau de la sélection…
Pourquoi continuer à avoir un requérant principal au lieu d'avoir, tout
simplement, quand on a une famille, d'avoir un homme et une femme qui sont
requérants et à qui on s'adresse aux deux et non à une personne?
Alors,
le parrainage crée la même situation d'inégalité. C'est souvent des femmes qui
sont parrainées, et donc ce sont souvent des
hommes... plus souvent des hommes qui sont les parrains et qui vont avoir, eux…
on va vous dire… on va dire, en quelque
sorte, l'entièreté de l'information et qui vont servir d'interface pour aller
donner l'information à leur conjointe ou à l'épouse. Résultat : on
n'est pas assuré que la bonne information, elle parvient à la personne.
Alors, c'est un peu ça
qu'on veut mettre en avant. Et l'Analyse différenciée selon les sexes
démontrerait ces inégalités si on l'utilisait de A à Z dans tout le processus.
Et on trouverait, à ce moment-là, les moyens de rendre plus équitable et plus égal cet accès à l'ensemble de l'information,
y compris dans le pays d'origine. Je ne sais pas si je me suis fait
comprendre suffisamment, mais...
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci. Nous allons maintenant du côté de l'opposition
officielle. M. le député de LaFontaine.
M.
Tanguay : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Bon matin, mesdames, merci beaucoup d'être
présentes avec nous ce matin pour nous
apporter un témoignage très important, très, très important. Donc, merci pour
la rédaction du mémoire, merci pour votre
temps également que vous nous accordez. Et j'aimerais vous donner l'opportunité
de nous instruire un peu sur ce qu'est votre organisme. Vous mentionnez
que le Réseau d'action pour l'égalité des femmes immigrées et racisées du Québec… vous dites qu'il est composé de membres
individuels, d'organismes mixtes, de femmes intervenantes. Et, Mme Chouakri, vous êtes accompagnée de Mme Akoun qui,
elle, est directrice de l'Association des femmes immigrantes de l'Outaouais. Pourriez-vous nous brosser un tableau
peut-être un peu plus précis sur les membres, le nombre de membres que
vous regroupez et les différents organismes aussi qui vivent la réalité sur le
terrain?
Mme
Chouakri (Yasmina) : Alors, effectivement, nous représentons environ... il y a actuellement
une quinzaine d'organismes membres de ce
réseau. Alors, parmi eux, il y a des organismes de femmes comme, par exemple, l'Association des femmes immigrantes de l'Outaouais,
des organismes mixtes aussi, c'est-à-dire qui assurent des services aux
personnes immigrantes mais qui s'intéressent aux problématiques spécifiques des
femmes immigrées parce qu'il y a des besoins spécifiques, et on a aussi des
membres individuels.
Comme
je l'ai expliqué rapidement au début pour essayer de gagner du temps, là — les
10 minutes, c'est tellement court — je voulais... je veux préciser que ce réseau-là, il a
été constitué par un comité qui était en place depuis 2008, qui s'appelait le Comité de réflexion sur la
situation des femmes immigrées et racisées, qui s'était mis en place à la
suite de la publication des données du
recensement de 2006 dans lesquelles on constatait que la situation des femmes
immigrantes ne s'était pas améliorée, depuis
plus de 10, voire 20 ans, en termes de situation, si on regardait en termes de
revenus, d'emploi, etc., toujours avec un
taux d'emploi ou de revenus inférieur aux hommes immigrants, inférieur aux
femmes... à l'ensemble des femmes du Québec.
Et
on avait organisé une journée de réflexion dans laquelle on s'était dit :
Mais pourquoi cette situation? Pourquoi, les femmes immigrées, leur situation ne s'améliore
pas? Il est temps de se poser les bonnes questions. Et, lors de cette journée de réflexion — ça
s'était passé en 2008 également — ce qui était ressorti, c'est qu'il
fallait absolument faire en sorte qu'on aille faire une analyse plus
qualitative sur le terrain pour vérifier les choses. Et c'est grâce à la TCRI
notamment qu'on a pu faire toute cette
tournée et aussi ces états généraux qui ont démontré, hormis les données
quantitatives, qui nous montraient de façon plus concrète comment les
femmes immigrées étaient aux prises avec un enchevêtrement d'obstacles qui ne
leur permettaient pas de se sortir de certaines situations.
Et c'est pour ça que
notre cri du coeur aujourd'hui, puis on l'aura, puis on le maintiendra toujours
dans le temps : ADS, ADS, Analyse différenciée selon les sexes. Il
ne faut absolument pas qu'on ait des programmes, en matière d'immigration
et d'intégration, qui soient des programmes de façon générale. L'égalité, ce n'est
pas l'équité. Ce n'est pas parce qu'on
a un programme global qui s'adresse de façon égale aux hommes et aux femmes qu'il
produit les mêmes résultats. Au
contraire, on le sait, dans l'ensemble des politiques gouvernementales, même en
dehors de l'immigration, il faut parfois des mesures qui sont
spécifiques et qui s'adressent spécifiquement à certains groupes. Alors, je ne
sais pas si j'ai répondu à l'ensemble de votre question.
M.
Tanguay : Tout à
fait. Et votre message est très, très important. Effectivement, lorsque le
gouvernement décide de mettre de l'avant un
programme qui s'applique mur à mur... Et on peut se donner bonne conscience. Et
ça, tout gouvernement de bonne foi peut mettre sur pied un programme, et les
critères s'appliquent également à tous. Et c'est un peu comme le débat sur l'accès à la justice. C'est la même façon pour
tous d'avoir accès à la justice, mais le coût est réducteur à l'entrée pour celles et ceux qui, d'une
part, n'ont pas accès à l'aide juridique et qui n'auraient pas
suffisamment de fonds pour faire valoir leurs droits.
Alors,
ça, je pense que c'est important, de un, de prendre cette réalité et ces
réalités-là en compte lorsque nous voulons atteindre un objectif, ici l'épanouissement
du français, de un, et, de deux, également pour les lectures que nous avons des fois. Trop souvent, les statistiques
demeurent quantitatives. Et, l'appel au qualitatif, qu'est-ce qu'il y a
derrière ces statistiques, je pense qu'il est important de, là, reconnaître qu'on
a, je pense, beaucoup à faire. Et l'on doit raffiner ces analyses pour avoir une action gouvernementale qui
soit ciblée, pertinente et efficace et qui vienne réellement en aide.
J'aimerais
vous entendre, si vous me le permettez, vous demander d'étayer une de vos
recommandations. Et je cite votre rapport à la page 5, sous la rubrique Utilisation
du français dans divers secteurs. Le premier point se lit comme
suit : «Traduire certains documents et/ou utiliser des interprètes pour
des informations de base importantes et nécessaires notamment en francisation
pour les nouvelles arrivantes.» Fin de la citation.
Alors, pouvez-vous
étayer un peu, nous donner quelques exemples lorsque vous parlez de traduire
certains documents? De façon tangible, quels documents avez-vous en tête?
Mme Chouakri
(Yasmina) : Alors, je vais laisser
Claude Yvette Akoun, qui est sur le terrain, qui sait de quoi il s'agit…
Mme Akoun (Claude
Yvette) : Bien, il s'agit, par
exemple, je l'ai noté tout à l'heure, d'un cas au niveau des informations de base qui sont... Quand les gens
arrivent au départ… C'est bien beau qu'ils parlent le français, mais ils
ne savent pas, au départ, parler le français. Donc, il y a minimalement
certaines informations qui doivent leur être communiquées d'une façon ou d'une
autre. Et je pense que c'est pour ça que les banques d'interprètes existent.
Et, à travers le programme Réussir l'intégration
du ministère de l'Immigration, on a un certain nombre d'interprétariats à
faire dans nos organismes, et c'est ce que nous offrons.
Nous,
nous avons une équipe diversifiée au niveau de la langue aussi; ça aide. Donc,
quand les femmes arrivent, on utilise beaucoup de bénévoles qui sont d'autres
femmes qui parlent la langue pour communiquer cette information. Par exemple, présentement, des femmes qui arrivent qui
ne savent pas que nous offrons des cours de français sur mesure… Et il y en a beaucoup, de femmes, comme ça, isolées,
qui ne nous connaissent pas parce qu'elles n'ont pas reçu d'information
ou on leur a donné l'information qu'il y avait des cours au ministère, mais
elles ne savent pas que des organismes communautaires qui sont partenaires du
ministère de l'Immigration dans l'apprentissage du français aux personnes
immigrantes, il y en a dans leur région. Parce qu'à l'aéroport je ne sais pas
qu'est-ce qui s'est passé, généralement, ou l'information leur est donnée de
façon... elle est déformée ou les gens ne saisissent pas bien parce qu'il n'y
avait pas d'interprète. Donc, c'est important, quand ils arrivent… Au départ,
on leur donnait des petits papiers que les femmes, elles ne lisent pas.
Ici,
on a une grande clientèle, un grand nombre de personnes qui viennent de l'Amérique
latine, par exemple. On le sait, ce n'est pas
dans toutes les langues, dans tous les dialectes qu'il faut le faire — évidemment, on ne pourrait pas — mais, dans les principales, du moins,
ou les groupes qui sont fortement représentés dans nos régions, on pourrait traduire, au
départ, pour que l'information essentielle concernant là où ils peuvent trouver
des ressources ou utiliser des personnes
qui parlent, qui peuvent traduire… leur permettrait d'avoir la première
information ou de les diriger au moins. C'est de ça qu'on parle. Parce que, quelquefois, ça crée des situations
beaucoup plus complexes, qui sont beaucoup plus coûteuses pour le
système après.
Je viens de relever le cas de l'allocation
familiale. Attendre un an et demi avant de savoir, d'avoir eu de l'information,
tandis que les enfants ne mangent… avaient
juste du riz dans le sac à lunch et que c'est l'école qui doit nous
interpeller à travers beaucoup d'autres intervenants avant qu'on trouve des
solutions, c'est bien dommage. Alors, c'est ce que nous voulons dire par là,
monsieur.
• (11 h 40) •
M. Tanguay : Et votre intervention est d'autant plus importante que ce
n'est pas uniquement dans l'action de l'application
de la Charte de la langue française ou de l'office et les impératifs de cette
loi, mais dans tous les aspects de la vie.
Vous parliez de l'exemple des allocations familiales qui nous touche tous
beaucoup, c'est extrêmement tangible. Et je pense que votre cri du coeur, comme vous le dites, doit être entendu.
Et il y a là une responsabilité sociale lorsque le Québec, tel qu'il
est, société ouverte, accueille, mais la façon d'accueillir, c'est d'être
capable d'ouvrir les bras et de communiquer
dans la langue de la personne. Et par la suite on pourra, une fois qu'elle sera
bien établie et que les besoins de
base seront comblés, par la suite on vient travailler directement sur l'inclusion,
l'inclusion à la vie sociale et économique. Et votre message est
extrêmement important.
J'aimerais
également, si vous me le permettez, j'aimerais vous entendre sur une deuxième
recommandation que j'aimerais citer, sous la
rubrique Immigration, toujours à la page 5, et je cite :
«Mettre en valeur la contribution des immigrant-e-s à la vitalité de la langue
française afin qu'elle ne soit plus perçue comme étant seulement la langue de
la "Majorité blanche francophone québécoise".»
Pouvez-vous nous étayer, mettre en valeur la
contribution, nous étayer? Qu'entendez-vous par cette recommandation?
Mme
Chouakri (Yasmina) : Bien, je pense que c'est, vous savez, c'est… La question de la
représentation, elle est importante de façon générale pour la population immigrante qui est
de plus en plus importante au Québec. Avoir… Comment dire ça? Avoir, au niveau de la langue française, des modèles de
représentation pourrait aider également à ce que le français ne soit pas... ne soit moins considéré comme quelque
chose d'important au Québec, alors que... Bien, en tout cas, tout ce qu'on veut dire, c'est toute la
question de la... Je pense que, dans les discours, ce qu'on entend
souvent ou ce qu'on remarque souvent, on a l'impression d'entendre
que le fait de maîtriser le français, c'est l'affaire de la société d'accueil, c'est eux qui sont les garants de cette
sauvegarde de la langue française, alors que beaucoup d'immigrants le sont également, mais on ne les voit pas forcément.
Ils ne sont pas représentés, suffisamment représentés, peut-être, au niveau des instances qui représentent un petit peu
les garde-fous, disons, de la langue française au Québec puisque c'est un élément important de l'identité
québécoise de façon générale. Et je pense que, pour les immigrants, s'identifier
également, c'est important également. Je
pense que c'est plus dans ce sens-là. Et beaucoup d'immigrants ont tendance
à considérer ou à percevoir dans les
discours ambiants, très souvent de façon, des fois, même… — je
ne sais pas comment... je ne saurai pas comment dire ça, là — peu
nuancée, là, que la société d'accueil, c'est simplement les Québécois, comme diraient certains, d'origine canadienne-française,
point à la ligne, et puis que les autres, c'est les autres, eux et nous, là… se
creuse et est profond aussi. Voilà.
M.
Tanguay : Vous
soulignez très bien, là, l'importance et la force d'un modèle individualisé
pour une personne, peu importe son parcours, peu importe son origine initiale, l'importance
pour nous, je pense, comme société d'accueil...
Mme Chouakri
(Yasmina) : ...modèle. Même au niveau
de la vitalité du français, de la représentation de la vitalité du français.
M.
Tanguay : Et
Dieu sait qu'il y en a plusieurs, de beaux exemples. Merci beaucoup pour votre
présence. Merci.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Merci. Nous
allons maintenant du côté du deuxième groupe d'opposition. Mme la députée de Montarville,
vous avez la parole pour un temps de cinq minutes.
Mme
Roy (Montarville) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci mesdames, merci pour votre mémoire, merci de vous
être déplacées. Moi, vraiment, je trouve que vous jetez, aujourd'hui, un
éclairage sur une problématique qui
est très préoccupante et peu connue. Et c'est particulièrement préoccupant et
ça me touche particulièrement puisque vous parlez de ces femmes qui, à quelque part, sont victimes de
discrimination et même de sexisme, mais même peut-être même au sein même
de leur famille, compte tenu du contexte culturel et des pays d'où elles
proviennent. Et ça me touche beaucoup,
surtout l'élément que vous apportez, que vous dites que ces femmes-là manquent
d'information, que souvent, dans certains cas, l'information est
transmise au conjoint et non à la conjointe, à la femme qui accompagne.
Alors,
je félicite l'idée que vous aviez émise pour faire en sorte que tous les
nouveaux arrivants soient informés, aussi bien monsieur que madame, qu'elle puisse
savoir quels sont ses droits, qu'elle puisse savoir quels sont les
programmes qui lui sont offerts. Il faut que l'information se transmette.
Alors, ça, vous sonnez une alarme, ce matin, en nous disant que ces femmes-là
ne savent même pas, en quelque sorte, quels sont les droits, les obligations et
les services dont elles pourraient bénéficier.
Par
ailleurs, plus loin, vous nous disiez, tout à l'heure, que ces femmes-là n'ont
pas accès aux cours de francisation. Et, dans votre mémoire, vous nous parlez d'isolement
et de manque d'accès à ces cours de français qui sont, oh mon Dieu! combien importants pour les nouveaux arrivants.
Alors, pouvez-vous élaborer dans quelle mesure elles n'y ont pas accès?
Est-ce encore une raison de manque d'information? Y a-t-il d'autres motifs à l'arrière?
Mme
Akoun (Claude Yvette) : Au niveau des cours de français, vous savez qu'il fut un moment où il y avait des listes d'attente longues comme ça, ça s'est
beaucoup amélioré, mais ça, quand même, demeure que les femmes et c'est une réalité encore, qu'elles attendent un
peu, par exemple, pour être dans des cours réguliers à temps plein.
Donc, ces femmes-là, nous les recevons. Nous
avons des cours à temps partiel sur mesure. Donc, c'est à raison de 11
heures par session et six heures par semaine.
Alors,
il y a des femmes qui doivent être... Normalement, elles sont évaluées, elles
sont prêtes à aller, mais elles ne sont pas encore rendues là, pour des raisons x
ou y, au niveau de la liste que gère le ministère de l'Immigration.
Donc, pendant qu'elles attendent, là — ça peut prendre trois mois au moins, de ce que je sais
maintenant — pendant ces trois mois, il faut qu'elles fonctionnent. Si
elles ont besoin de sortir de l'argent du guichet automatique, il faut qu'elles
sachent lire ce qui est écrit sur le petit
piton, et tout ça. Donc, il faut qu'elles soient fonctionnelles minimalement.
Si nous n'avons pas de place, nous
autres, par exemple — bien, on a quand même une capacité
limitée — ou d'autres institutions, je ne sais pas, des
commissions scolaires qui sont aussi partenaires du MI, les femmes attendent. D'ailleurs,
souvent, elles ne savent même pas qu'elles
peuvent aller en dehors de ces cours-là, elles peuvent venir chez nous quand on
pourrait avoir de la place ou qu'on pourrait les outiller pour aller
ailleurs, le temps qu'elles puissent être admises aux cours réguliers du MICC,
du ministère.
Mais aussi il y a des
femmes qui n'ont pas accès pour différentes raisons. Comme je vous dis, les
cours sont organisés d'une certaine façon
pour un profil donné de personnes. Et puis, comme on n'a pas l'Analyse
différenciée selon le sexe, les
femmes qui ont de très jeunes enfants et qui ne peuvent pas se permettre d'avoir
un certain nombre d'heures, être à
temps plein, parce qu'elles ont des difficultés pour leurs moyens de
déplacement, elles ont peu de moyens, elles ne peuvent pas laisser les enfants… Des fois, elles n'ont pas
de place en garderie. Ça, c'est une réalité que toutes les femmes, qu'on
soit immigrante ou non, on connaît. Et, dans notre région, c'est une réalité
très présente. Alors, elles n'ont pas ces... Quand ces conditions ne sont pas
réunies, elles ne peuvent pas aller à la francisation.
Il
y a des femmes qui ont plusieurs enfants, qui disent : Moi, ce qui me
convient vraiment, c'est que je puisse rentrer
chez moi avant 15 h 30, quand les autres enfants… Parce qu'elle en a
plus que deux. Les femmes qui viennent à nos cours ont au moins deux enfants chacune
en moyenne, sinon plus. Alors, il faut que j'aille récupérer ces enfants et puis faire le souper, et
tout ça. Donc, moi, je veux rester au cours de français, mais les cours qui se
donnent de l'autrecôté, il y a une
exigence d'être présente tout le temps, de telle heure à telle heure, je ne
suis pas capable. Et cette réalité-là… elle soit justifiée pour selon nous ou non, ce n'est pas ça l'important, c'est :
Est-ce que la femme, ça lui convient? Parce qu'elle veut vraiment des cours de français. Pour elle, si
c'était aménagé d'une certaine façon, ça pourrait lui permettre d'être
là quand ses enfants arrivent de l'école et de garder le petit avec elle
pendant qu'elle prend le cours, elle est correcte.
• (11 h 50) •
Donc,
je vous disais qu'en 2006 dans notre organisme le taux de rétention était très
faible. Nous n'avions pas de salle, et puis nos horaires n'étaient pas très
adaptés à leurs besoins. Nous les avons consultées. Nous avons acquis
une salle à des prix… à des coûts très
élevés, mais on voyait que c'était un besoin pour elles, elles en voulaient,
mais c'était juste cet obstacle-là.
Dès
qu'on a une salle de francisation… Parce que le ministère, avec l'entente que
nous avons, la salle n'est pas assurée. Donc,
c'est l'organisme qui doit s'arranger pour payer la salle. Et nous n'avions pas
de salle, donc nous étions comme un
organisme ambulant, là, avec d'autres organismes, et puis c'était long, et puis
l'accès en autobus, ce n'était pas toujours
ajusté à ça. Alors, finalement, on a trouvé une salle disponible dans notre
édifice, qui était à un coût faramineux, mais finalement on a décidé de
faire le sacrifice parce que les femmes venaient nous voir toujours pour
dire : Et vos cours de français, est-ce que...
Finalement,
on a pris le cours. Et aujourd'hui, d'un taux de rétention qui était de moins
de 20 %, nous sommes passés à plus de 80 % et on a des listes d'attente.
Ça veut dire que le besoin, il est là. Ce n'est pas que les femmes ne
veulent pas se franciser. Elles veulent,
mais il y a des conditions, des conditions particulières à leur rôle de femme,
de mère de famille, qui font en sorte
qu'elles ne peuvent pas être dans des cours qui sont faits sur mesure pour un
autre profil de clientèle, surtout des hommes qui sont le plus souvent les premiers
à être sur le marché du travail, les premiers à être aux études, et puis que les femmes viennent en
arrière-plan parce qu'elles ont toute cette charge-là. Alors, voilà, c'est ce
que je veux dire par l'accès difficile aussi.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci beaucoup. Merci beaucoup, Mme Chouakri, Mme Akoun.
Nous
allons suspendre nos travaux jusqu'après les affaires courantes. J'informe les
membres de la commission que vous pouvez
laisser vos documents sur place, la salle sera sécurisée. Merci.
(Suspension de la séance à
11 h 52)
(Reprise à 15 h 57)
La
Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Alors, nous reprenons nos travaux. Je
demande à toutes les personnes dans la salle
de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
Nous allons poursuivre
sans plus tarder les auditions publiques sur le projet de loi n° 14,
Loi modifiant la Charte de la langue française, la Charte des droits et
libertés de la personne et d'autres dispositions législatives.
Alors, je souhaite la
bienvenue aux députés qui sont présents ici et bienvenue aux gens qui assistent
à cette commission. Nous rappelons que le
temps qui sera alloué pour les échanges est de 10 minutes pour les
exposés. Suivra une période d'échange entre les membres de la
commission.
Alors,
notre premier groupe d'invités, qui est la Fédération des travailleurs et
travailleuses du Québec. Je vous demande
peut-être de vous nommer et de présenter les gens qui vous accompagnent. Et
vous aurez 10 minutes pour votre exposé. Je vous cède la parole. Merci.
Fédération des travailleurs et
travailleuses du Québec (FTQ)
M.
Boyer (Daniel) :
Merci. Alors, Daniel Boyer, je suis le secrétaire général de la Fédération des
travailleurs et travailleuses du Québec. Mme la Présidente, Mme la ministre,
Mmes et MM. les députés, bien, je vous souhaite le bonjour, bonjour
de la FTQ, qui vous remercie de nous accueillir afin de nous permettre d'exprimer
nos commentaires sur le projet de loi n° 14, qui nous apparaît comme
un pas dans la bonne direction. Je suis accompagné, à ma gauche, de
Mme Louise Mercier, vice-présidente de la FTQ, Mme Lola
Le Brasseur, Mme Rima Chaaban, de notre Service de francisation, à la FTQ, et M. Claude Maltais,
conseiller régional au Conseil régional de Québec—Chaudière-Appalaches.
Tout
d'abord, j'aimerais mentionner que, parmi tous les autres droits reconnus par
la charte... ils sont tous importants et complémentaires, mais, à nos yeux, bien
évidemment, vous comprendrez que le droit de travailler en français était
et est encore d'une importance capitale pour
la FTQ et ses membres, garant de l'existence de milieux de vie où le
français devient, au quotidien, la langue commune de tous les citoyens et
citoyennes, francophones, anglophones et allophones. La FTQ s'est engagée à agir comme partenaire actif dans ce projet de
société, ce qu'on a fait en encadrant le travail de nos membres impliqués dans près de 700 comités de
francisation. C'est plus de 2 000 de nos membres, à la FTQ, qui
siègent sur des comités de francisation.
On
constate, au terme de l'évolution de la langue française comme langue de
travail, bien sûr, des points positifs et des points négatifs. La francisation des milieux
de travail a grandement progressé, mais il reste encore, bien sûr,
beaucoup de travail à faire, c'est loin d'être
terminé, puis surtout si on tient compte des nouvelles réalités que sont les
nouvelles technologies de l'information, de la communication, également l'intégration
des personnes immigrantes.
La résistance des entreprises, au fil des années, s'est
assouplie grâce au travail acharné, je vous
mentionnerais, des travailleurs et
travailleuses syndiqués, qui ont utilisé la reconnaissance accordée par la loi
et le soutien de l'Office de la langue
française pour convaincre les employeurs d'être de véritables partenaires dans
ce projet de société. De nombreux secteurs
ont été laissés pour compte parce qu'on les croyait francisés, par leur essence
même. On fait une certaine correction ici avec le projet de
loi n° 14.
• (16 heures) •
Nous
y avons trouvé, à ce fameux projet de loi n° 14, de nombreux motifs de
réjouissance, notamment en ce qui a trait au renforcement du droit de travailler en
français. Il y a de nouvelles ouvertures pour la francisation de l'administration
et pour les entreprises de 26 à 49 employés.
Notre
mémoire est divisé en trois parties : le droit de travailler en français, la
francisation des milieux de travail et la
francisation des personnes immigrantes.
Il
y a eu des améliorations importantes, je l'ai mentionné : le droit à un
milieu de travail qui soit exempt de conduite
vexatoire, discrimination ou harcèlement qui auraient lieu à cause de l'exercice
du droit de travailler en français ou de ne
pas reconnaître une autre langue que le français, ainsi que l'obligation pour l'employeur
d'évaluer de façon rigoureuse les
besoins linguistiques réels associés à un poste pour lequel il voudrait exiger
une autre langue que le français; également, l'histoire de la pancarte
qui vient incomber à l'employeur une obligation, une obligation en tant qu'employeur
de s'annoncer comme respectant la loi et que
le travail doit être en français. Il ne suffit pas d'adopter des lois, mais
encore faut-il faire connaître les droits et les recours aux travailleurs puis
aux travailleuses.
Les
outils de travail et la formation. Le nouvel article 41 introduit de
nouveaux droits, notamment aucinquième alinéa, qui prévoit que l'employeur rende disponibles en français les
instructions obligatoires pour l'exécution de son travail, notamment en matière d'hygiène ou
de sécurité. On se pose la question : Est-ce que les documents de
travail ou les logiciels seront reconnus comme étant des instructions
obligatoires? Nous sommes loin d'en être certains.
Pour la FTQ, il est
plus que temps de reconnaître que l'usage du français comme langue de travail
commande l'utilisation d'outils de travail
accessibles en français, leur qualité devant être égale ou supérieure aux
versions anglaises des outils de travail, s'il y a lieu.
La
francisation des milieux de travail. On sait que la loi prévoit, la loi actuelle prévoit
trois volets, un mécanisme à trois paliers, entre autres, pour les entreprises
de 100 employés et plus : un programme de francisation, participation
des travailleurs et travailleuses aux comités de francisation et l'obligation d'assurer
une permanence à la généralisation de l'utilisation du français.
On constate également
qu'au fil du temps il y a eu des améliorations, et déjà la FTQ a eu la chance
de se faire entendre tout au long de l'amélioration
du processus. Toutefois, on pense qu'il devrait y avoir un effort d'uniformisation
et de simplification qui devrait être
effectué dans le processus de francisation des milieux de travail qui soutient
le droit de travailler en français. La FTQ demande donc que les
entreprises de 50 employés ou plus et tous les établissements de l'administration soient soumis aux trois volets
dont je viens de parler du processus de francisation, c'est-à-dire un
programme de francisation, la participation des travailleurs et travailleuses à
un comité de francisation et un mécanisme assurant la permanence de la
francisation.
Depuis
plus de 20 ans, la FTQ et ses syndicats, qui représentent des travailleurs
et des travailleuses d'établissements d'enseignement collégial et universitaire... On
pense que la FTQ est surtout présente dans le secteur privé. C'esteffectivement vrai. Mais la FTQ est également
présente dans le secteur public, et dans le secteur de l'éducation
notamment. La FTQ est la centrale syndicale
qui représente le plus de travailleurs et travailleuses dans le secteur
universitaire. Plus de 30 000 employés du secteur universitaire
sont membres de la FTQ. Donc, ça a attiré, bien sûr, notre attention, et on
souhaite donc que tous au Québec soient couverts par un processus de
francisation du milieu de travail, incluant les collèges et les universités.
Les comités de
francisation. Depuis 1977, la FTQ se considère comme un véritable partenaire du
projet de francisation des entreprises, et
nous avons tout mis en oeuvre, au gré des moyens dont nous disposons, pour
accompagner et soutenir nos membres. À nos
membres syndicaux des comités de francisation et le soutien de leurs syndicats
locaux et de nos grands syndicats
affiliés, on a développé des approches sectorielles qui ont donné des résultats
spectaculaires dans la francisation
des entreprises, entre autres dans les secteurs de l'aérospatiale, de l'aéronautique,
des communications, des télécommunications, de l'hôtellerie, de l'entretien
ménager et des garages. On a aussi développé des collaborations avec des
conseillers de l'office également.
On
croit avoir compris, dans des discussions avec la ministre, qu'il n'était pas
de l'intention du gouvernement… que l'article 138.2 ne reflétait pas
correctement l'intention du gouvernement. Mais, je vous le dis, un mécanisme
alternatif tel que prévu à 138.2, on n'est
pas d'accord avec ça. On n'est pas d'accord. Nous sommes des partenaires
fidèles du processus de francisation depuis bien longtemps déjà, même
avant la charte. On ne peut pas se passer des travailleurs et des travailleuses
dans ce processus-là. Il reste encore trop de travail à faire. On se doit d'être
présents dans les comités de francisation.
Vous
savez, quand un droit est optionnel, ça permet à l'employeur d'exercer des
pressions directes sur son personnel et le syndicat pour remettre en question l'existence
même du comité de francisation. Même si on donnait un droit de veto au syndicat, cela ne changerait pas le fait que le
gouvernement vient de rendre négociable un des meilleursmécanismes de francisation des milieux de travail.
C'est comme si le droit de travailler en français devenait négociable.
Donc, ce qu'on demande, c'est le retrait de l'article 138.2
proposant des mécanismes alternatifs aux comités
de francisation. On demande également la création de comités de francisation
dans toutes les entreprises employant 50 à 99 employés,
avec les mêmes droits et devoirs actuellement prévus pour les comités de
francisation des entreprises de 100 employés
ou plus. Ces comités seraient cependant composés d'au moins quatre personnes,
dont deux représenteraient les travailleurs et les travailleuses. La FTQ demande également que des
comités de francisation soient créés au sein des organismes de l'administration,
avec des pouvoirs et une composition similaires à ceux des comités de
francisation des entreprises.
En ce qui a trait aux entreprises de 25 à
49 employés, là on s'interroge. Je dis «25» parce que le projet de loi prévoit 26 à 49. On se
dit : On parle de 50 à 99 et de 100 et plus, on s'interroge juste pourquoi
on a mis «26». Quelle différence ça fait entre 25 et 26? Je ne le sais
pas. Mais on pense que ça devrait être 25 à 49.
On
est satisfaits de constater que le présent gouvernement a eu le courage d'aller
un peu plus loin, même si on souhaite que ce
ne soit qu'un pas et qu'on aille encore plus loin éventuellement, même si on
trouve que le tout peut demeurer
encore une fois des voeux pieux si un meilleur encadrement n'y est pas
consenti. Je dis «un meilleurencadrement»,
il faut à tout prix se donner les moyens, donner les moyens à l'Office
québécois de la langue française d'être un… des acteurs importants du
projet de francisation au Québec.
Je
terminerais en disant... un petit volet sur les personnes immigrantes. Vous
savez, on a, au fil des années, francisé les installations, les logiciels, les
documents, les affichages, et c'est ce qui mène à octroyer un certificat de francisation à une entreprise. On a négligé la
francisation des personnes qui travaillent dans ces entreprises-là. Vous
savez, l'anglais, c'est facile à attraper.
On pense qu'on devrait mettre l'accent sur la francisation des travailleurs et
des travailleuses, permettre aux personnes immigrantes qui ne maîtrisent
pas suffisamment la langue française d'avoir accès à des cours de formation.
À la FTQ, on n'a pas attendu la loi, ou la
charte, ou des subventions pour être des acteurs incontournables de ce projet de société là qui est la francisation de nos
milieux de travail, la francisation du Québec. Ce que nos membres réclament, c'est une volonté du gouvernement de
supporter le projet dans lequel nous sommes de fiers partenaires, et,
pour ça, il faut se donner les moyens,
donner les moyens à l'office de jouer son rôle, donner les moyens aux
travailleurs et aux syndicats de jouer pleinement leur rôle. Merci.
La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci, M. Boyer. Je cède
maintenant la parole à la partie
gouvernementale pour... C'est Mme la ministre qui prendra la parole. Je
vous cède la parole, Mme la ministre, pour un temps de 13 minutes.
Mme
De Courcy : Merci à notre nouvelle
présidente de commission pour aujourd'hui.
La
Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Un remplacement.
Mme
De Courcy : Ce sera la première fois
que nous travaillerons ensemble. Je suis certaine que ça ira très bien.
Alors...
M.
Boyer (Daniel) : ...pas travailleuse
saisonnière, vous, là?
Des
voix : Ha, ha, ha!
•
(16 h 10) •
Mme De Courcy : Ni temporaire. Ni temporaire. Alors,
bonjour, messieurs mesdames, merci de vous être
inscrits à cette commission parlementaire. C'est
un privilège de vous entendre, compte tenu de la vaste et longue expertise que
vous avez dans le domaine qui nous occupe, dans d'autres domaines aussi mais
dans celui-là précisément. Et je profite de l'occasion
pour remercier chaleureusement la FTQ pour sa grande disponibilité et
collaboration avec l'Office québécois de la langue française et avec le
ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles.
Il y a eu des projets très structurants, et
on le voit d'ailleurs à travers les propos du mémoire que vous présentez. Les recommandations
que vous faites sont basées sur la réalité, hein, que vous avez confrontée avec
des outils et des façons de faire,
etc. Alors, je m'en voudrais de ne pas vous questionner sur des éléments qui
reviennent assez... qui sont revenus et qui nous permettent... Et, à ce stade-ci, j'en suis à la toute fin de cette commission, cette
grande consultation, j'en
suis, là, à valider un certain nombre de choses.
Une validation que je voudrais faire auprès de
vous, c'est… On entend, de la part de certains milieux desentreprises, pas de
tous les milieux des entreprises, mais on entend l'expression d'une crainte, l'expression
d'une crainte quant aux mesures qui
sont dans le projet de loi, indiquant qu'il y aura là un poids démesuré, qu'il
y aura là des contraintes trop fortes. Bon. Ma lecture et ma
compréhension de la stratégie commune qui a été mise en place à Montréal en 2008… — j'en parle avec aisance puisque j'y étais signataire et
que j'avais fait partie des débats — a donné un certain nombre de
résultats mais pas tous les résultats et certainement pas à la vitesse où on y
va, où on y arrivera. Et je pense que là il faille avoir trois types de
mesures, c'est-à-dire des mesures, oui, incitatives — donc poursuivre dans cette voie — administratives et législatives, qui
permettent d'avoir une forme de coercition, une forme de coercition. Je suis aussi sensible à l'abus
qu'on pourrait avoir de mesures bureaucratiques, et il y a des choses, là, à
revoir autour de ces questions-là.
La question que je veux vous poser, c'est :
Est-ce que vous constatez, puisque vous êtes présents dans de nombreuses
entreprises, nombreuses entreprises... J'aimerais savoir si vous constatez
que... si vous pensez que cette lourdeur va vraiment affecter les entreprises
et si on n'est pas rendus, là, vraiment, à y aller plus clairement sur le plan
législatif.
La
Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : M. Boyer.
M.
Boyer (Daniel) : Bien, écoutez, je
comprends certaines entreprises de voir une certaine lourdeur dans le processus. Si on avait écouté l'ensemble des
entreprises au Québec, au lendemain de l'adoption de la loi 101, je
pense que... Ils
étaient tous du même avis à l'effet que ça n'avait pas de bon sens, puis qu'on
leur mettait des contraintes qui étaient trop grandes, puis que ça n'avait pas d'allure. Au fil du temps, je
pense qu'on a su se familiariser avec ces mécanismes-là et, les amendements qui ont suivi également, par la
suite, en 2002, je pense qu'on a su se familiariser. Également, du côté
syndical. On voit entre autres dans les comités de francisation notre rôle de
chien de garde, mais on est de véritables partenaires
du français avec les employeurs. Puis je vous avouerais que notre job, du côté
syndical, ce n'est pas d'amener une
entreprise à avoir un certificat de francisation, parce qu'une fois que le
certificat de francisation est émis on dirait que ça commence à décliner
à partir de ce moment-là.
Puis
d'ailleurs les plus beaux succès, c'est dans le secteur de l'aérospatiale et de
l'aéronautique, et je pense qu'il n'y a aucune entreprise qui a un certificat
de francisation encore. Puis pourtant c'est dans ce secteur-là qu'on travaille de concert avec les employeurs, jour
après jour, dans le but de s'activer puis de faire du français un projet de
société. Puis je pense qu'il y a une
véritable concertation dans ce secteur-là. Il est également présent dans d'autres
secteurs, des télécoms entre autres, où c'est difficile, l'anglais est
éminemment présent, mais on réussit, avec les employeurs, à faire des choses
intéressantes.
Et
on a décidé, à la FTQ, d'élargir notre bassin sectoriel. Là, on est rendus dans
l'hôtellerie, les garages, des secteurs où ce n'est pas facile. Mais, encore
une fois, je pense qu'on est capables de travailler ensemble...
C'est
une alarme de feu ou on vous appelle?
Mme
De Courcy : Ça ressemble à ça, mais c'est
surtout un appel au vote.
M.
Boyer (Daniel) : C'est ce que... Oui,
c'est ce que je pensais aussi.
Mme
De Courcy : Mais on va nous l'indiquer.
On va nous l'indiquer.
Une
voix : ...
Mme
De Courcy : Ou quorum.
M. Boyer (Daniel) : Donc, on peut comprendre les
entreprises d'avoir certaines craintes, mais encore là on est passés au travers de, oui, l'adoption de la charte en
1977, oui, des modifications qui ont suivi par la suite, puis, à ce que je sache, ça s'est fait en douceur également.
Puis, oui, on a usé de notre qualificatif de chien de garde à certains
moments donnés, mais on veut être vraiment
des partenaires. Puis je pense que la plupart du temps on est des partenaires
avec les entreprises dans le but de faire du français une véritable
langue de travail au Québec.
La
Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Mme la ministre.
Mme De Courcy : J'avais une dernière question. Je
suis tout à fait de votre avis que les arguments de 1977 sont les arguments d'aujourd'hui.
Par ailleurs, je suis aussi d'avis qu'il faille entendre exactement, là, où est-ce
qu'on peut justement trouver les arrangements — je n'utiliserais pas «accommodements» — les arrangements raisonnables pour parvenir à bien faire
atterrir cette volonté-là.
J'ai eu l'occasion... Mais je voudrais vous
entendre à nouveau sur les comités sectoriels de main-d'œuvre. Ce matin, on a eu des gens qui nous ont dit : Oui, c'est
une bonne idée… Les gens des entreprises nous ont dit : C'est une bonne
idée — c'est probablement la seule qu'ils
trouvaient, d'ailleurs, mais c'est une bonne idée — d'aller vers les
comités sectoriels de main-d'oeuvre dans la
mesure où on a des outils et les ressources nécessaires, dans les comités
sectoriels de main-d'oeuvre, pour appuyer les entreprises de 26 ou 25 à
49 employés.
J'aimerais ça vous entendre sur ce type d'outils
là, si vous les avez en tête. Si vous ne les avez pas en tête, est-ce que vous êtes d'accord…
je vais vous demander de le répéter, si vous êtes d'accord avec le fait que les
comités sectoriels de main-d'oeuvre
pourraient recevoir ce mandat-là, en tout cas l'accepter, dans la mesure, bien
sûr, où ils sont eux-mêmes appuyés et que c'est tout à fait plausible qu'ils
appuient les entreprises de 26 à 49 employés.
La Présidente (Mme Richard,
Îles-de-la-Madeleine) : Et c'est Mme Mercier qui répondra? Oui, Mme Mercier.
Mme Mercier (Louise) : Oui. Ça va. Bien, je suis tout à fait
d'accord avec ce que vous venez de dire, effectivement, s'ils avaient les outils pour pouvoir y arriver. Je siège
moi-même à un conseil d'administration dans la plasturgie, où ils
travaillent... ils ont travaillé très fort à essayer de rejoindre certaines
entreprises pour leur démontrer l'importance de franciser. Dans certains
secteurs, ça a été peut-être un petit peu plus facile, mais les sondages nous démontraient que les entreprises étaient prêtes à
le faire mais qu'elles n'avaient pas ce qu'il fallait pour pouvoir y
arriver.
Donc, comme les comités sectoriels… Puis, il
ne faut pas se le cacher, dans plusieurs secteurs... comités sectoriels, ils en
arrachent un peu pour être capables de survivre à toute la mondialisation et à
toutes les horreurs de guerre qu'on trouve
dans les milieux. Qu'ils soient syndiqués ou pas, là, ça n'a aucune sorte d'importance,
et leur mandat premier n'est pas celui de franciser les entreprises, on
s'entend bien là-dessus. Par contre, je ne crois pas qu'ils diraient non à le
faire et à aller vérifier ce qu'on peut
faire pour franciser les entreprises parce que de plus en plus on fera appel à
de la main-d'oeuvre étrangère et on aura à vivre ces contraintes-là de
langue commune.
Par contre, je sais que, pour avoir travaillé
avec eux sur des évaluations, des analyses, avec les différentes entreprises, surtout dans Québec—Chaudière-Appalaches, dans la Beauce, etc., qui étaient...
c'était plus favorable dans ces milieux-là pour recevoir une clientèle
étrangère, bien je sais qu'ils ont été obligés d'abandonner parce qu'ils n'avaient pas les ressources pour le faire puis aussi les
entreprises ne trouvaient pas que c'était leur mandat premier de faire ça plutôt
que de faire connaître le produit. Donc, présentement, les comités sectoriels
ont plus à travailler sur maintenir en vie leur situation économique que de
travailler sur la francisation. C'est une priorité qui n'est pas, pour eux,
pour l'instant… — en tout cas, je vais
parler pour ce que je connais — qui ne semble pas
être une première...
La
Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Oui? C'est beau, madame?
Mme
De Courcy : Alors, je vous remercie.
Ce sont des précisions qui m'apparaissent très précieuses.
La
Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : M. le député de Saint-Hyacinthe.
M.
Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Merci,
Mme la Présidente.
La
Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Il reste trois minutes.
M.
Pelletier (Saint-Hyacinthe) :
Seulement trois minutes?
La
Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Trois minutes.
M.
Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Je vous
salue personnellement, pour votre présidence. Bonjour, mesdames messieurs, je
vous félicite pour le mémoire, l'excellence du mémoire que vous avez présenté.
C'est quand même un mémoire qui est positif par rapport au projet de
loi n° 14, dans l'ensemble, même si vous n'acceptez peut-être pas
toutes les recommandations.
M.
Boyer (Daniel) : C'est un défaut de
syndicalistes.
M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Non, mais je ne trouve pas ça un
défaut. C'est quand même une approche qui est
quand même positive. Vous avez 700... Vous parlez de 700 comités de
francisation, là, vous êtes présents dans 700 comités,
2 000 travailleurs syndiqués. Je suis impressionné par le nombre
de... C'est un signe que vous y croyez, aux comités de francisation. Donc, c'est quand même déjà très positif en
partant. Mais, sur un point, vous mentionnez… vous vous opposez
fermement à l'ajout d'un élément au programme de francisation portant sur les
horaires de travail. Vous alléguez que cela pourrait porter le poids des
services en français sur les seuls francophones. Que proposeriez-vous d'autre
pour garantir aux consommateurs leur droit d'être servis en français?
•
(16 h 20) •
M. Boyer (Daniel) : Bien, écoutez, d'offrir des cours de
français à ceux qui ne maîtrisent pas suffisamment le français. Parce que,
dans une entreprise où vous avez plusieurs personnes qui ne maîtrisent pas
suffisamment le français, le fait d'obliger d'offrir des services en
français, bien, ça va forcer les employés qui maîtrisent le français à offrir
ces services-là. Donc, est-ce qu'on va les obliger à travailler la fin de
semaine, la nuit? On est, dans le milieu syndical, confrontés des fois à ce
genre de discussion-là.
Je vous donne l'exemple des travailleuses
atypiques qui ont à faire garder leurs enfants en CPE. Bien, on revendique des heures de travail... d'ouverture plus
grandes pour les CPE. Mais ce que ça a comme impact, c'est que ça crée des horaires de travail un peu fous pour les
travailleuses de CPE. Donc, on est un peu dans le même dilemme. Oui, on
veut que les services soient donnés en français, mais, quand ça repose
uniquement sur les travailleurs et travailleuses qui maîtrisent le français, s'ils ne sont pas en nombre suffisant, bien ça
va faire porter un poids aux travailleurs et travailleuses qui
maîtrisent le français dans l'entreprise. Donc, pour pallier à ça, il faudrait
avoir une plus grande offre, comme on le mentionne dans notre... C'est vrai
pour ça, c'est vrai également ailleurs. Il faudrait avoir une plus grande offre
de cours de français aux travailleurs et travailleuses.
M.
Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Merci.
La
Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : M. le député de Saint-Hyacinthe? Il vous resterait
50 secondes, environ. Une dernière courte question.
M.
Breton : 50 secondes? Hum! J'ai tant à dire! Écoutez, je voulais vous
demander de parler des conditions de travail
de l'immigration temporaire, mais, en 50 secondes, je ne sais pas si on va
y arriver parce qu'il y en a beaucoup à
dire. Ça fait que je pense que... J'aimerais ça vous entendre là-dessus, mais,
écoutez, le temps est trop court. Mais je pense que c'est important de
parler de ça.
La
Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Peut-être...
Mme Mercier (Louise) : Est-ce qu'il a 50 secondes pour
poser la question, puis on a 50 secondes pour y répondre?
La
Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : En fait, nous sommes maintenant à 13 minutes.
Peut-être que la question viendra du côté de l'opposition. Nous devons passer
la parole du côté de l'opposition officielle. Vous avez 13 minutes pour
vous entretenir avec nos invités.
M.
Tanguay : Oui. Alors, bien, je
pourrais peut-être vous laisser...
La Présidente (Mme
Richard, Îles-de-la-Madeleine) :
M. le député de LaFontaine.
M.
Tanguay : …oui,
peut-être répondre au sujet que vous inspirait le député de Sainte-Marie—Saint-Jacques. Je ne sais pas si la question était suffisamment
claire.
M. Boyer
(Daniel) : Concernant l'immigration
temporaire?
M. Tanguay : Oui, je pense que c'était ça, oui.
M. Boyer
(Daniel) : Bien, écoutez...
La Présidente (Mme
Richard, Îles-de-la-Madeleine) :
M. Boyer, oui, je vous accorde la parole.
M.
Boyer (Daniel) :
Oui, bien, Louise pourrait aussi répondre, mais ce que je pourrais vous
mentionner, c'est que j'ai plusieurs chapeaux.
Je siège aussi à l'Office québécois de la langue française comme membre de l'office,
mais ce n'est pas à ce titre-là que je
viens. Mais on a eu des discussions également, à l'office, sur l'immigration
temporaire. On pense que la langue de
travail, ça doit aussi s'appliquer dans ces milieux-là, pas pour que ces
gens-là parlent le français lorsqu'ils
retourneront au Mexique, ou au Guatemala, ou peu importe, mais la langue de
travail doit être le français, et on se doit également... Puis ces
gens-là reviennent année après année, hein? On se doit d'offrir des cours de français, on se doit d'offrir un milieu
de travail en français également aux gens de l'immigration temporaire.
Mme Mercier
(Louise) : Alors, pour continuer dans
la même...
La Présidente (Mme
Richard, Îles-de-la-Madeleine) :
Mme Mercier, oui. C'est beau, allez-y.
Mme
Mercier (Louise) :
Oui. Pardon. Pour continuer dans la même veine, moi, je travaille avec des personnes immigrantes
en sous-traitance. Donc, j'organise des classes de français pour eux, donc je
connais très bien le dossier. Et je peux
vous répondre que, si, au Québec, on arrête de donner des cours de français à
ces personnes-là, qu'ils viennent de façon
temporaire ou de façon permanente, nos milieux de travail seront dangereusement
menacés à ce qu'il n'y ait plus de langue
commune. C'est clair pour moi, parce qu'on a souvent, dans les milieux de
travail, sous-traitants ou temporaires, on a tendance à engager des gens qui vont parler leur langue pour
pouvoir faciliter la communication, alors qu'on est au Québec, et, quand on facilite la communication
avec des gens qui parlent une autre langue que nous, ça vient à faire un
milieu de travail qui, comme moi, je connais beaucoup dans le secteur du
vêtement et de l'entretien ménager, etc. : 20 langues parlées différentes dans un même milieu, où personne ne
peut se comprendre. Alors, moi, je pense que, oui, c'est éminemment important de faire en sorte que
cette langue commune, comme disait M. Boyer, devienne le français pour
qu'au moins le temps qu'ils sont ici on puisse avoir dans ce milieu-là une
seule langue parlée ou tout au moins essayer de minimiser le nombre de langues
qui est parlé dans le milieu. Et c'est par des cours de français que ça se
passe. Ça ne peut pas se passer autrement que par des cours de français.
La Présidente (Mme
Richard, Îles-de-la-Madeleine) :
Merci, Mme Mercier. Prochaine question, le député de LaFontaine.
M.
Tanguay : Oui.
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Et peut-être sur cette lancée-là, si tant
est que mon lien n'est pas trop boiteux, vous dites également qu'il y aurait lieu d'accorder
une bonification des subventions ou du financement qui est offert aux
organismes à but non lucratif ainsi qu'aux syndicats, justement, pour pouvoir
offrir les cours de francisation. Alors, je ne sais pas si vous pouvez étayer à
ce niveau-là, quant à l'action qui devrait être mise en place, selon vous.
La Présidente (Mme
Richard, Îles-de-la-Madeleine) :
Mme Mercier, à vous la parole.
Mme Mercier
(Louise) : Je suis bien placée parce
que je ne travaille qu'avec des subventions. Parce que les syndicats ne sont pas millionnaires, là, donc on
doit aller chercher les subventions pour le faire. Ça fait plus de
10 ans que je travaille avec des demandes de subvention.
Et j'ajouterais
peut-être à ce que je disais comme propos tout à l'heure, là, par rapport à la
langue... une seule langue commune : Il
y a une question de sécurité au travail aussi, hein? Les gens qui travaillent
par imitation ou parce qu'ils ont vu
l'autre ne pas toucher à quelque chose mais qui ne comprennent pas les
affichages parce que ce n'est pas dans leur langue, ça devient aussi
dangereux.
Alors,
pour ce qui est des subventions, effectivement, on ne pourrait pas y arriver si
on n'avait pas de subventionparce que ça coûte cher, donner des cours de
français. Et, dans la sous-traitance… Je veux juste rappeler à tout le monde
que lasous-traitance, c'est des
employeurs qui travaillent dans un édifice et pour lequel ils ne sont pas les
propriétaires. Donc, il n'y a rien
qui leur appartient dans cet édifice-là, ils sont chez un client. Donc, ils ne
pourraient pas eux-mêmes donner des
cours de français si nous ne le prenions pas en charge pour eux. Donc, les
subventions deviennent extrêmement importantes.
Et, si ce n'est pas de la sous-traitance, si c'est
dans d'autres lieux, bien c'est certain que, de demander à des employeurs de
libérer les gens pour pouvoir apprendre le français, il y a quelqu'un qui doit
payer. On comprend que, si l'employeur n'a
pas tout ce qu'il faut pour payer parce que sa formation, il ne peut pas la
mettre juste aux cours de français, hein,
la formation peut être diffusée dans toute l'entreprise, bien c'est certain qu'à
un moment donné, si on n'a pas de l'aide qui vient de l'extérieur, il n'y
a pas grand monde qui pourrait y arriver.
M.
Tanguay : Et peut-être…
La
Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : M. le député de LaFontaine, oui.
M. Tanguay : Oui. Merci, Mme la Présidente. Par
rapport… maintenant, si on pose notre regard sur le mandat, le rôle central
aussi de l'Office québécois de la langue française, vous nous dites, en
conclusion, qu'il y aurait lieu, donc, de revisiter ses mandats, à la limite de lui en donner d'autres,
supplémentaires. Pouvez-vous étayer là-dessus, sur votre vision de ce
que serait l'office idéal, entre guillemets, là, bonifié?
La
Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : M. Boyer va répondre? Oui.
M.
Boyer (Daniel) : Oui. Bien, écoutez,
«idéal», c'est un bien grand mot, mais je vous dirais qu'au-delà des
pouvoirs... Bien, premièrement, à notre avis, à notre avis, l'office québécois
devrait relever de l'Assemblée nationale. Première des choses. Deuxièmement, c'est
surtout dans les moyens qu'on va lui donner. Je pense qu'il faut qu'elle soit
correctement financée, qu'elle ait les ressources nécessaires pour mener à bien
ce dont elle est censée mener à bien, donc de voir à l'application de la loi.
Depuis, je vous dirais, depuis déjà plusieurs
années, les ressources financières, autant financières qu'humaines, à l'office,
ont beaucoup diminué, donc c'est bien difficile pour l'office de jouer
pleinement son rôle en vertu de la loi. On pense qu'il faut assurément
mettre plus de sous, plus de ressources humaines, à l'office, dans le but de s'assurer
que le français soit véritablement un projet de société au Québec.
La
Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Oui, M. le député de LaFontaine.
M. Tanguay : Oui. Merci, Mme la Présidente. Et je
ne sais pas si vous avez eu l'occasion d'en discuter longuement, mais, vous
avez vu, dans le projet de loi, l'on sait déjà, avec l'actuelle Charte de la
langue française, que l'office est chargé d'appliquer la loi et, en ce sens-là, dispose de ressources dont on
vient de faire état, entre autres des inspecteurs enquêteurs. Là, le projet de loi n° 14 ferait en sorte
que la ministre, également, chargée de l'application de la loi, donc une sorte
de double emploi, nommerait également des
enquêteurs et inspecteurs en vertu de la même loi, la Loi sur les
commissions d'enquête. J'aimerais vous
entendre là-dessus, si vous avez un élément à ajouter quant à cette
approche-là, comment vous voyez ça.
M.
Boyer (Daniel) : Oui, il y a une
petite ambiguïté...
La
Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : M. Boyer.
M. Boyer (Daniel) : Oui. Merci. Il y a une petite
ambiguïté. On s'interroge mal, là. On biffe comme un article puis on fait
comme en replacer un autre, comme si on enlevait les pouvoirs d'inspection de l'office.
Ça, je vous avoue que ça nous inquiète, parce qu'actuellement ce qu'on
retrouve dans la charte, c'est un pouvoir d'inspection de l'office, et également l'office peut désigner quelqu'un d'autre
qui pourrait faire ces inspections-là. Là, on semble biffer le premier article, qui enlève ce pouvoir d'inspection là à l'office,
et on ne mentionne que : l'office peut désigner quelqu'un d'autre. Donc, c'est comme si on mandatait quelqu'un d'autre
que l'office pour faire ces inspections-là. Ça, je vous avoue que ça nous inquiète un peu parce que, comme je l'ai
mentionné tantôt, je pense que l'office fait très bien sa job, mais elle
n'a pas les moyens et les ressources
nécessaires, et il faut par le fait même lui donner l'ensemble des moyens et
des ressources et il ne faut surtout pas lui enlever son pouvoir d'inspection.
La
Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : M. le député de LaFontaine, la parole est à vous.
•
(16 h 30) •
M. Tanguay : Et là-dessus, effectivement, deux
choses. La première, c'est ça, vous faites référence à l'article 166, et
par contre on ne peut pas déduire qu'il s'agirait de l'intention du
législateur, puisque plus loin on vient même préciser et bonifier les
pouvoirs de saisie des inspecteurs de l'office. Donc ce mandat-là demeurerait,
d'une chose. Et, d'autre chose, j'imagine aussi qu'il s'agirait là d'une
avancée dans le sens que vous ne préconisez pas dans la mesure où vous
prioriseriez une indépendance accrue de l'office en le faisant relever de l'Assemblée
nationale, ce qui serait un peu antinomique de permettre un dédoublement, je
dirais, où, là, le politique aurait ses enquêteurs, tous gouvernements confondus, là, et, en ce sens-là, je pense qu'il y
aurait un double signal si on acceptait votre proposition et qu'on allait
aussi de l'avant avec des enquêteurs où le politique aurait son mot à dire
également.
La
Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : M. Boyer.
M.
Boyer (Daniel) : Je pense qu'il faut
maintenir l'indépendance de l'office à tout prix. Je pense qu'on l'a revendiqué
depuis les tout débuts et je pense qu'il faut maintenir cette indépendance-là
de l'office.
M.
Tanguay : Je
vous remercie beaucoup — je pense que j'ai oublié de le
faire d'entrée de jeu — je vous remercie beaucoup pour votre présence, pour le mémoire que
vous avez déposé et... Merci.
La Présidente (Mme
Richard, Îles-de-la-Madeleine) :
Merci, M. le député de LaFontaine. Il vous reste trois minutes...
M. Tanguay : Terminé, Mme la
Présidente.
La
Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : …un peu plus de trois minutes,
3 min 30 s au bloc de l'opposition
officielle.
M. Tanguay : J'ai terminé, Mme la Présidente.
La
Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Vous avez terminé? Alors, nous
passons au deuxième groupe d'opposition pour
une période de trois minutes. Mme la députée de Montarville.
Mme
Roy (Montarville) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci, mesdames, merci, messieurs,
pour votre mémoire.
J'aimerais vous poser une question relativement à l'argument que vous émettez à
la page 9… enfin, plutôt quelque chose que vous soulignez : «La FTQ
demande qu'un effort d'uniformisation et de simplification soit effectué dans
le processus de francisation...» Alors, j'aimerais que vous précisiez et que
vous élaboriez un peu ce que vous entendez par «un effort [...] de
simplification dans le processus de francisation».
M.
Boyer (Daniel) :
Je vous dirais que c'est à plusieurs niveaux. Premièrement, on fait référence à
la loi... Vous ne m'avez pas donné la parole,
vous, là, hein?
Des voix : Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme
Richard, Îles-de-la-Madeleine) : M.
Boyer, allez-y, vous avez la parole.
M. Boyer
(Daniel) : Premièrement, on fait
référence à la Loi sur l'équité salariale. Là, on voit une certaine confusion. Si on veut faire les mêmes calculs qu'en
vertu de la Loi sur l'équité salariale, on devrait peut-être reproduire
les mêmes textes que la Loi sur l'équité salariale.
Deuxièmement,
on a différents processus, dépendant de la grandeur des entreprises, à savoir
le nombre d'employés des entreprises. Ce qu'on pense, c'est qu'on devrait avoir les mêmes
dispositions et également au niveau de l'administration. Au niveau de l'administration, on se parle plus d'une
politique linguistique que de comités de francisation ou de politique de
francisation. On pense qu'on devrait simplifier le langage.
Nous, ce qu'on
revendique, bien évidemment, c'est que les trois paliers, incluant les comités
de francisation, s'appliquent aux
entreprises de 50 employés et plus et on pense qu'également ces trois
paliers-là devraient s'appliquer également
à l'administration. Donc, quand on parle de simplification de langage, c'est :
Simplifions tout. Disons qu'à partir
de 59 employés et plus et disons que l'ensemble des employés visés par le
secteur de l'administration, bien ils sont visés par les dispositions de la charte, ils sont visés par les
dispositions de la loi et qu'ils sont visés par les trois paliers en question, incluant les comités de francisation,
comme c'est le cas actuellement pour les entreprises de 100 employés et
plus.
Mme Roy
(Montarville) : C'est une
uniformisation.
La Présidente (Mme
Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Oui,
Mme la députée de Montarville, c'est à vous.
M. Boyer
(Daniel) : Simplification et
uniformisation.
Mme
Roy (Montarville) : Parfait. À un autre égard, je lisais dans votre mémoire, entre autres,
que ça vous chicote, le fait que le gouvernement a décidé de séparer effectivement par
pallier et par nombre d'employés et qu'on dit 26 à 49, et vous
dites : Pourquoi ne pas dire 25 à 49? Qu'est-ce qui vous chicote
là-dedans, un de plus, un de moins?
La Présidente (Mme
Richard, Îles-de-la-Madeleine) : M.
Boyer, vous pouvez répondre.
M.
Boyer (Daniel) :
Bien, c'est parce que, je l'ai mentionné tantôt, on fait comme des chiffres
ronds. On se parle de 25 à... de 50 à 99, de 100 et plus. Pourquoi 26 et pas 25? Je ne sais
pas. Y a-tu quelque chose entre le 25 et le 26? Mais, enfin, on va s'accommoder
du 26, là, mais mettons que ça fait un peu bizarre. On aurait pu mettre 27
aussi, ça aurait fait... Je ne sais pas.
La Présidente (Mme
Richard, Îles-de-la-Madeleine) : On
aura peut-être une réponse après. Madame…
Mme
De Courcy : …
La Présidente (Mme
Richard, Îles-de-la-Madeleine) :
Alors, madame…
Mme Roy
(Montarville) : Bien, j'aimerais
entendre Mme la ministre. Je ne l'entends pas.
La
Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Oui. Alors, il y a une réponse de Mme
la ministre. Je ne sais pas si on... Oui.
Mme De
Courcy : Non, non. C'est hors
enregistrement.
Mme Roy
(Montarville) : C'était de l'humour?
C'était une blague? Mais, messieurs dames...
La
Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Alors, Mme la députée de Montarville,
peut-être que vous pouvez prendre une dernière
question rapidement?
Mme
Roy (Montarville) : Bien, écoutez, c'est très clair, ce qui est écrit ici. Moi, je n'aurai
pas d'autre question. Le mémoire est très,
très précis, puis on comprend où vous voulez en venir et ce que vous
revendiquez. Alors, je vous remercie de votre présence.
La
Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Alors, merci infiniment. Ça écoule le
temps qui était à notre disposition. Je vais
remercier les représentants de la Fédération
des travailleurs et travailleuses du Québec,
MM. Maltais, Boyer, Mmes Mercier, Le Brasseur et Chaaban. Merci pour votre
présence.
J'invite maintenant le
prochain groupe, qui est la Centrale des
syndicats démocratiques, à prendre place.
Et on prendra une
pause de quelques minutes, le temps que les gens s'installent. Merci
infiniment.
(Suspension de la séance à
16 h 35)
(Reprise à 16 h 38)
La
Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : ...de la Centrale des syndicats
démocratiques. Avec nos amis parlementaires,
nous sommes prêts à vous entendre. Vous avez une période de 10 minutes pour
nous exposer ce que vous avez à présenter, et je vous demanderais de vous
nommer au début et de dire qui vous accompagne.
Centrale des syndicats démocratiques (CSD)
M.
Tremblay (Serge) :
Je suis Serge Tremblay, le trésorier de la Centrale des syndicats
démocratiques. M'accompagne Normand Pepin,
docteur en sociologie et responsable du service de la recherche de la CSD.
La Présidente (Mme
Richard, Îles-de-la-Madeleine) :
Merci. Vous avez la parole pour 10 minutes.
M.
Tremblay (Serge) :
Alors, Mme la Présidente, Mme la ministre, mesdames messieurs les députés, ça
me fait grand
plaisir d'être aujourd'hui devant vous. C'est comme un privilège pour moi d'exprimer — ça
n'arrive qu'aux 10 ans, la dernière fois, c'était à l'occasion de la
commission sur les états généraux — nos préoccupations de façon un peu plus précise et concise à l'égard de l'évolution de la
francisation, particulièrement des milieux de travail.
La
CSD représente 75 000 travailleurs au Québec, travailleurs, travailleuses,
et dans différents secteurs d'économie,
excluant la fonction publique. La CSD a toujours été préoccupée par la présence
et la qualité du français. En ce sens, plusieurs revendications ont été faites
auprès du gouvernement ou, le cas échéant, de l'Office québécois de la langue française,
qui ont permis d'améliorer la qualité et la présence du français au travail.
Plusieurs projets que nous avons réalisés sont indiqués dans notre mémoire.
Dans ce mémoire, nous concentrons nos commentaires sur la langue du travail et
sur la francisation des entreprises.
Pour
la CSD, le projet de loi n° 14 pèche par deux défauts : le retrait du
rôle de l'office du champ des plaintes et de
la médiation — et je serai un peu plus
précis tantôt — et le retrait aux
organisations syndicales de la possibilité de déposer une plainte.
• (16 h 40) •
L'article 46 du projet
de loi précise que l'employeur peut décider seul — c'est là une de nos préoccupations importantes — de
ce qui constitue une évaluation rigoureuse des besoins linguistiques associés à
un poste de travail. Quant à nous, c'est
des... ça ne fait pas de sens. Ça ne fait pas de sens. On y reviendra un petit
peu plus tard, tantôt.
Quant
au dépôt des plaintes individuelles, l'office s'en remet à l'action
individuelle pour rendre conforme la charte…
pour rendre conforme à la charte, c'est-à-dire, les pratiques de l'employeur. L'office,
quant à nous, doit avoir le rôle de gardien des droits linguistiques des
travailleurs.
Actuellement, la seule façon de corriger une
situation non conforme à la charte, c'est de déposer une plainte. Le projet de loi n° 14 renforce la tendance amorcée
depuis 2001 en soustrayant l'office de tous les champs, lui donnant le pouvoir de régler le problème linguistique sans devoir
exercer des recours juridiques, et cela, ça nous préoccupe également. Nous souhaitons que le législateur
réintroduise un nouvel article 50, donnant la responsabilité des
plaintes à l'office, ainsi que… aussi que l'office
agisse, même s'il n'y a pas de plainte, lorsqu'il est porté à leur attention
une situation dérogatoire, ce qui, à ce jour, ne nous apparaît pas
évident.
À l'article 41, on parle du fait de signer en
français le contrat de travail, à moins qu'il ne soit rédigé dans une autre langue. Là, il y
a un problème, là. Quand il y a des syndicats, c'est une chose, on va parler d'une
convention collective, c'est le
contrat de travail, c'est un contrat collectif, ça va assez bien. Mais je ne
vois pas comment, dans une situation donnée, où une travailleuse ou un
travailleur est à la recherche d'un emploi, se retrouve dans une situation où
le contrat de travail est en anglais, bien,
qu'il puisse lui-même revendiquer la possibilité d'avoir un contrat en
français. Vous comprendrez qu'au terme de l'entrevue il n'y aura pas
nécessité de traduire le contrat de travail; il n'y aura pas d'emploi, ce n'est
pas compliqué.
À l'article 46, cet article permet à un
employeur de déterminer seul si l'évaluation des besoins linguistiques réels associés à un poste a été rigoureuse. Tantôt je le
soulevais, le problème qu'on voit à cet égard, c'est que l'employeur est juge et partie. On parlait de l'hôtellerie
juste avant moi, là, où il y a des avancées là-dedans. Je vais vous donner
un exemple dans l'hôtellerie, moi, où l'employeur
décide justement que, lui, parler anglais, ce serait un atout pour
obtenir un poste. Là, on a fait intervenir l'office
à ce moment-là. C'est il y a quand même quelques années. L'employeur était
tout à fait justifié parce que, dans le
secteur de l'hôtellerie, bien sûr qu'il faut qu'on parle d'autres langues que
le français, sauf que le degré d'usage
d'une autre langue qui était fixé par l'employeur n'avait rien à voir avec l'exigence
réelle du milieu. Donnons-lui le pouvoir de décider ça seul, on va se
retrouver comment? On va faire les débats devant qui? Devant la Commission des relations du travail? Je pense qu'il
y a des mécanismes, actuellement, qui sont là, qui nous permettent de
régler ça autrement, sans avoir à entreprendre des recours et de se faire
comprendre.
L'article 50 du projet de loi nous préoccupe
également parce qu'on enlève le droit à l'association… — mais, à tout le moins, c'est
ce que je semble comprendre, là — le droit à l'association
de déposer une plainte. Un travailleur qui se voit,
pour toutes sortes de raisons, lésé dans l'exercice d'un droit qui est prévu à
la charte peut décider de déposer une plainte. Mais, même dans nos
syndicats… J'ai eu récemment, cette année, 2000... Non, je vais vous parler de
2012, l'automne 2012. Une personne qui a
voulu participer à une rencontre de formation sur la francisation des milieux
de travail et elle a été menacée par
son employeur, effectivement, d'être congédiée si elle maintenait dans ce
sens-là. On est juste en 2012, là, quand même, quand ça arrive, ça.
Imaginez-vous si elle n'avait pas été syndiquée. Ça a eu pour effet quand même
de l'ébranler particulièrement parce qu'elle ne s'attendait pas à cela. Alors,
c'est le syndicat qui est intervenu, bien sûr, pour normaliser cette
situation-là.
L'article 127, 127.1. La CSD, dans les faits,
est favorable à d'autres mécanismes, contrairement à ce que j'ai entendu tantôt. Au
contraire, nous, on n'est pas fermés à ça, nous. On n'est pas fermés à ça,
cependant, dans la mesure où l'office garde
les moyens de pouvoir agir quand c'est le temps d'agir et quand il est
nécessaire d'agir. Parce que, s'il faut, à chaque fois, qu'on se retrouve devant la Commission des
relations du travail pour régler nos choses parce que juridiquement ça
ne marche pas, vous comprendrez que, là, je débarque, là.
D'autres mécanismes… Puis c'est important,
parce qu'on pense que la structure actuelle des comités de francisation, bien qu'elle
rende de grands services dans certaines entreprises, quand on s'en va dans les
entreprises de 150 et moins, vous comprendrez que siéger sur un comité
de francisation, ça n'a pas la même perception que quand on est dans l'aéronautique, par exemple, des
entreprises de 1 000, 2 000 employés. Et j'y reviendrai un petit peu
plus loin.
L'article
50.6 nous a laissés sur notre appétit. Bien sûr, la CSD a été, je pense, les
seuls à intervenir auprès de l'Office de la
langue française l'an passé et déposer, bien sûr, une revendication à la
ministre, qui y a donné suite dans le projet de loi n° 14, bien
sûr, pour exprimer notre préoccupation quant au fait que les tribunaux avaient
décidé que la publication des statuts et
règlements d'un syndicat et ses états financiers n'était pas une communication
au sens de la Charte et conséquemment un syndicat n'était pas tenu de
communiquer avec ses membres en français. Particulièrement préoccupant. Personne ne savait ça. On ne s'attendait
même pas à cela. Parce que, quand on a une charte, surtout de la langue française, on se dit qu'on a des droits.
Et, à première vue, il dit : On n'a pas à s'inquiéter, au Québec, ça se
passe en français. Mais attention, attention. Alors, dans le périmètre des
relations du travail, il y a des choses qui nous apparaissent comme étant des
incontournables, et ça, c'en était une.
Nous, on est assez préoccupés par la
formulation actuelle, tu sais : L'association doit fournir sur demande. Je ne sais pas pourquoi.
Je ne le comprends pas. Peut-être que la ministre va pouvoir m'expliquer ça,
là. Puis «à l'un de ses membres», ça
suppose donc effectivement que, dans la mesure où on en veut, c'est possible,
alors que, d'entrée de jeu, ça devrait être
le contraire. Alors, pourquoi que ce n'est pas ça? Nous, ce qu'on revendique, c'est
que la formulation soit modifiée de façon
à tenir compte qu'au Québec ça se passe d'abord en français. Et on voit, dans
certains articles de la charte, toujours, qu'«il est loisible à», tu sais? Alors, à ce moment-là, si quelqu'un
veut avoir une version en anglais ou dans une autrelangue, ce sera toujours possible. Mais la version
française, d'emblée, devrait être la version qui est disponible, à mon
sens.
Les
exigences renforcées en fonction de la taille des entreprises, les entreprises
de 100 employés et plus. Là, c'est bien plus une question de formulation, de
libellé de texte, parce qu'on est porté à comprendre, quand on est une entreprise de 100... On a des obligations qui sont
moindres quand on est 50 à 99. Ce qu'on dit, c'est que, dans chacune des
catégories, le texte devrait préciser les obligations de chacun et de les
rappeler, au risque d'être redondants, mais de le faire, à tout le moins.
À
l'article 138.2, j'ai entendu nos prédécesseurs, sur cette question, être un
peu plus frileux à l'idée des autres mécanismes, oui. Alors, dans ces autres
mécanismes, nous, ce qu'on pense, c'est qu'on doit faire preuve d'ouverture
là-dedans, mais pas à n'importe quel prix.
L'action
sectorielle, un chantier à ouvrir. Très ouvert. Depuis 2001, la CSD revendique
d'associer les secteurs à cela, mais, encore là, il faut analyser la
possibilité des avancements possibles avec cela, mais surtout pour les
entreprises québécoises, mais celles et ceux qu'on
voudrait inviter chez nous puis qui viennent de l'étranger, parce qu'on a mis à
leur disposition un coffre d'outils qui, en
matière de langue, n'est pas inquiétant, peut très bien les soutenir. Le
ministre veut ouvrir le chantier sur cette question-là parce que... je n'ai pas
toutes les réponses, mais intéressé de voir ce que ça veut dire.
Quant
à l'article 142… Mais toute la question des personnes arrivant à la retraite,
là, je ne comprends pas ce que ça fait dans le
projet de loi aujourd'hui. 1977, c'est une chose; à matin, c'est d'autre chose.
Alors, je termine là-dessus. Je répondrai aux questions, ça me fera plaisir,
quant aux autres sujets.
La
Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci, M. Tremblay. Je passe
maintenant la parole à la partie
gouvernementale. Vous disposez de 13 min 30 s pour poser les
questions à nos invités. Alors, ce sera Mme la ministre. Je vous accorde la
parole.
Mme De
Courcy : Mais je vous remercie
beaucoup… D'abord, merci, Mme la Présidente. Je vous remercie d'abord beaucoup
d'avoir décidé de présenter un mémoire qui permet d'enrichir, bien sûr, la
réflexion, la discussion. C'est le propre de la commission parlementaire.
Je
comprends, je comprends que vous suggérez un certain nombre de reformulations.
Je comprends aussi que, tout comme vos prédécesseurs, vous avez de l'intérêt
à ce que les comités de francisation ne soient pas soumis à l'unique désir des entreprises. Je vous signale par
ailleurs qu'il y a déjà quelques semaines j'ai produit un article dans Le
Devoir, pour ne pas le nommer,
qui fait une mise au point, là, autour de la question des comités de francisation.
Et nous étions animés d'une très
bonne intention, mais notre intention s'est mal traduite dans la législation.
Alors, nous avions une préoccupation, et
je l'ai encore, pour ceux et celles qui ne sont pas syndiqués. Mais il ne
faudrait pas, entre guillemets, jeter
le bébé avec l'eau du bain. Alors donc, en conséquence, nous allons proposer un
papillon, si tant est que nous
puissions le faire. Alors, vous êtes entendus, là, autour… entendus
ailleurs, mais entendus encore plus précisément autour de cette question.
Alors,
je vous remercie. Mes collègues ont des questions à vous adresser, donc je vous
remercie. Et, encore une fois, soyez assurés
que vous avez été entendus, là, sur des aspects tracassiers que vous auriez pu
considérer dans le projet de loi. Merci.
• (16 h 50) •
La
Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci, Mme la ministre. Je passe la
parole à M. le député de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
M.
Breton : Merci,
Mme la Présidente. Bonjour, Mme la ministre. Bonjour, MM. de l'opposition
officielle et de la deuxième opposition, Mme de la deuxième opposition. Bonjour, messieurs.
Écoutez, je vois que vous attachez beaucoup d'importance à l'action sectorielle et j'aimerais ça que vous me fassiez
mieux comprendre et fassiez mieux comprendre aux gens de cette
commission comment fonctionnerait un chantier d'action sectorielle. J'aimerais
ça avoir des précisions là-dessus puis dans quels secteurs, à votre avis, ce serait
prioritaire.
La Présidente (Mme
Richard, Îles-de-la-Madeleine) :
Alors, M. Tremblay, vous avez la parole.
M.
Tremblay (Serge) :
Tout d'abord, comme je l'indiquais d'entrée de jeu, depuis 2001 que nous réfléchissons à l'idée d'élargir
le champ d'action, parce qu'au Québec il y a, bien sûr, des besoins qui sont
nombreux en matière defrancisation
des entreprises et la composition du Québec en matière d'entreprises nécessite
qu'on utilise la capacité des plus
grands pour aider les plus petits. Dans le comment, bien sûr, les secteurs ne
sont pas... les associations sectorielles ne sont pas outillées pour
faire ça actuellement.
Comment
récupérer l'action des grandes entreprises au profit des plus petites? Il y a,
entre les deux, l'Office de la langue française qui, elle, à mon sens, peut faire
le bilan des actions qui ont eu pour objet de faire avancer la
francisation des entreprises et ainsi mettre à la disposition des entreprises
un certain nombre de choses.
Je
vais vous donner pour exemple… Dans le secteur des fonderies actuellement, il y
a une avancée importante qui a été faite en matière de francisation. Je vais vous
parler d'une entreprise particulière. Récemment, on a eu à faire un
tournage là, Bibby Ste-Croix, à
Laurier-Station. C'est une entreprise qui est détenue par des propriétaires
américains, et ils font affaire à
travers le monde, et on travaille en français dans cette entreprise-là, partout
dans l'entreprise parce que l'entreprise a pris les dispositions pour
franciser, donc, dans ce secteur d'activité là, ce qui a eu pour effet de
permettre de parler en français, et de
rédiger en français, et de lire en français. Dans le secteur des fonderies, au
Québec, s'il y a des problèmes, pourquoi pas qu'on ne s'en inspirerait
pas de celle-là? Comprenez-vous? Ça a été fait.
Ça a été fait dans le
textile aussi, ça a été fait dans le vêtement. Il y a des entreprises où c'est
plus difficile. Dans les acquisitions de
machinerie, par exemple, il y a des entreprises qui ont réussi à trouver de la
machinerie, à travers le monde, qui est disponible parce que ces
vendeurs-là sont prêts à traduire les livres de manière à rendre disponible l'équipement
quant à l'usage en français. Alors, ces expériences-là, je pense que, s'il y
avait une mise en commun de faite au premier
plan, ça ne coûte pas beaucoup de sous, là. C'est juste que notre savoir
collectif peut nourrir les plus petits, et, dans ce sens-là, il faut s'en
servir.
La Présidente (Mme
Richard, Îles-de-la-Madeleine) : M.
le député de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
M. Breton : Je trouve intéressant ce que vous
dites. Petite anecdote en passant, je me suis acheté une voiture il n'y a pas si longtemps, et il y a un manuel d'instruction
sur la façon de brancher la voiture. Parce qu'évidemment je vous parle d'une voiture branchable, je suis le
premier de l'histoire de l'Assemblée nationale à avoir un véhicule
branchable. Le manuel d'instruction est en
anglais, en français, en espagnol, en portugais, en allemand, en grec, en
polonais et dans sept ou huit autres
langues. Donc, pour moi, c'est un bon exemple. Si on parle de General Motors,
qui a traduit ça dans toute une panoplie de langues, eux ne semblent pas
trouver de problème à ça. Donc, ce que vous dites, pour moi, je pense que ça a
un certain sens.
Dans un autre ordre d'idées, j'ai parlé
avec... hier, j'ai rencontré les gens de l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec
où j'ai parlé du français dans les hôtels, dans les grands restaurants, etc. Il
m'a dit qu'il y avait deux réalités, dans le fond. Il y avait la réalité des hôtels et des restaurants qui sont des
PME, mais, quand il parle des grandes chaînes d'hôtels, on parle de Hilton, de Sheraton, etc., je me dis qu'au
niveau des patrons ça se passe tout en anglais et que, des fois, ça se
traduit et ça percole plus bas. Donc, moi,
je vois là un exemple, pour certaines entreprises, de ce qu'il faut faire, pour
d'autres, de ce qu'il ne faut pas faire. Est-ce que vous avez des réflexions
par rapport au domaine de l'hôtellerie?
M. Tremblay (Serge) : Bien, tout à fait. La CSD représente
les travailleuses et travailleurs du Château
Frontenac et Château Laurier ici, à Québec,
et, en termes d'actions de francisation, on a fait nos devoirs avec ces
directions d'entreprises là, et je
peux vous assurer que tout se passe en français. Bien sûr, elles évoluent dans
un marché où, à première vue, on est peut-être
porté à penser que tout le monde devrait parler au moins l'anglais. On a fait
la démonstration et la preuve que ce n'était pas vrai. Le Château
Frontenac, en salle à manger, par exemple, à l'occasion d'un quart de travail,
il avait été établi que deux personnes qui
parlaient anglais suffisaient pour répondre aux besoins de la clientèle. Quant
aux autres, l'exigence de l'anglais n'était
pas requise. Vous comprendrez qu'à première vue c'est : Quand on est dans
l'hôtellerie à Québec, Château Frontenac, regarde,
on parle sept langues, c'est nécessaire, hein? Ce n'est pas le cas. Ce n'est
pas le cas.
Allons regarder d'un peu plus près. C'est
pour ça que ça m'inquiète, tu sais, l'employeur qui va faire l'évaluation lui-même de... Oh, un instant, là, un instant!
Ça, je trouve ça préoccupant. Parce que lui, il est en affaires, et sa raison d'être, c'est de servir la clientèle, puis les
questions à se poser, c'est : Y va-tu être heureux? Peu importe le prix,
en autant qu'entre le prix puis le
profit il y ait un écart qui le satisfait, le restant, ce n'est pas grave. Ça
fait qu'on ne peut pas raisonner comme
ça, là. Alors, dans ce sens-là, il faut s'y arrêter, puis le regarder de près,
et, oui, faire face à ces défis-là. Mais ça a été possible au Château Frontenac et, si là ça a été
possible — je ne pense pas que c'est l'hôtel le
moins achalandé à Québec, hein? — alors, à ce moment-là, ça devrait être possible ailleurs. Il
suffit de vouloir.
M.
Breton : Merci beaucoup.
La
Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Alors, M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Merci, Mme la Présidente. Bonjour,
messieurs. Je vous félicite, premièrement, pour le mémoire que vous avez présenté, qui est
quand même assez... un mémoire qui est bien fouillé. Puis, en même
temps, bien, vous faites des recommandations
pour aller encore plus loin sur certains points pour ne pas justement affaiblir
le pouvoir de l'Office québécois de la
langue française. Je vois que vous avez à coeur la francisation des milieux de
travail, de par vos recommandations aussi et l'expérience que vous mentionnez.
Dans votre mémoire, vous souhaitez que les organismes
représentant les travailleurs soient impliqués plus étroitement dans la mise en
oeuvre des dispositions du projet de loi, notamment en ce qui concerne
la langue de travail. Dans votre cas, quel serait le rôle que vous souhaitez
jouer devant les instances comme la Commission des relations de travail ou
encore la Commission des normes du travail?
La
Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : M. Tremblay, c'est à vous.
M. Tremblay (Serge) : Oui. Bon. À la Commission des
relations du travail, voyez-vous, j'aimerais mieux ne pas jouer de rôle du
tout pour ne pas avoir à être obligé à m'y rendre, parce que, quand je vais là,
c'est pour défendre un casqui, lui,
fait l'objet d'une plainte. J'aimerais mieux que l'office reprenne certains
pouvoirs puis qu'on puisse, comme autrefois, s'asseoir avec l'office et que l'office joue un rôle plus grand à l'égard
de la protection de la langue et particulièrement dans les milieux de travail. Parce qu'à partir du
moment où on judiciarise notre action ça va à contre-courant du discours
que j'entends, moi, depuis... Ça fait 26 ans
que je suis au dossier de la francisation, et on m'a toujours dit, moi, qu'il
ne fallait pas avoir des mesures trop
coercitives, il fallait travailler, être patient, avancer là-dedans — aujourd'hui, c'est moi
qui tiens ce discours-là — puis, en contrepartie, dire : Regardez, on débarque
du bateau puis on laisse le courant faire le
reste.
Alors donc, vous comprendrez que, là, je suis
à une étape où le raisonnement collectif et l'analyse que nous faisons à la CSD, c'est qu'il faut sensibiliser les
travailleuses et travailleurs à l'importance du français au travail, puis, pour
les sensibiliser, ce n'est pas par l'action
juridique qu'on va y arriver, O.K.? On parlait, dans notre projet, on a parlé
d'animation linguistique. Justement, là-dessus, j'ai donné une fiche, une
petite affichette à la dame, tantôt, que je voudrais vous distribuer. Parce que la CSD travaille beaucoup
par élimination linguistique dans les milieux pour sensibiliser les
milieux à l'importance du français et ainsi créer l'intérêt d'agir à d'autres
niveaux dans l'entreprise.
L'affichette
dont je vous fais distribuer, c'est une affichette qui a été produite pour
porter à l'attention des travailleuses et
travailleurs qu'on avait des habitudes langagières et que souvent on était
peut-être un peu paresseuses et paresseux, mais que somme toute il y a
des choses que, la vie durant, on qualifiait de patentes puis on s'en
contentait comme ça. L'idée, c'était d'abord
de retenir leur attention sur ce qu'ils vivaient au quotidien et les amener à
faire une chasse aux patentes dans leur milieu de travail pour leur
donner un nom, ces patentes-là. Et, cette affichette-là sur laquelle effectivement apparaissent certains objets, ce
sont des objets de la vie courante que vous connaissez tous. Je vous
mets au défi de les nommer correctement. Puis, il n'y a pas à dire, là, il y en
a au moins une là-dedans que personne ne pourra la nommer, et pourtant ça a
servi à des choses, hein?
Quand
on a fait ce projet-là, qu'est-ce que ça a eu pour effet? Ça a eu pour effet de
reconnaître au milieu de travail… faire
reconnaître au milieu de travail, c'est vrai, que minimalement on devrait faire
un effort parce que des patentes, il
y en a pas mal, hein? Il dit : On va commencer par changer les
patentes. Là, on les fait bouger, et là il s'implique. Alors donc, ça, ça a été une stratégie d'animation
linguistique. Il y en a d'autres qu'on a mises de l'avant. Nous, on favorise
ça. Puis ce n'est pas de la coercition, c'est
de l'animation, c'est un jeu pour un bout, mais, en même temps, on avance, là,
on les rend conscients de l'importance de changer les choses.
Et, quant aux objets qui sont là, je vais être franc avec
vous autres, je vais vous les donner : le premier en haut, on va parler d'un
dévidoir de tuyau d'arrosage, hein? Le deuxième, que tout le monde connaît, que
personne ne peut nommer, ça a été
francisé par l'office, ça, à ma demande, c'est une suspente. Alors, on sait à
quoi ça sert, cet objet-là, hein? L'autre, c'est une vis à ailettes,
dévidoir de ruban adhésif. Le dernier, ce que personne ne dirait ou n'osera
dire, une raclette nettoie-vitre, hein?
Alors donc, vous comprendrez que, quand ça a fait... bien, ça a fait exactement
la même affaire que vous
autres : vous arrivez à la station-service et vous parlez de ça, le
monsieur pense que c'est une nouvelle sorte d'huile. Alors donc... Mais
c'est ça, le terme français reconnu par l'office. Alors, l'idée, c'était de
retenir l'attention.
Donc,
ces projets d'animation là, pour nous, sont importants. C'est beau pousser sur
le comité de francisation, mais, en même
temps, là, le comité de francisation, je l'ai dit dans le mémoire et je le
répète, ça fait peur à des gens, cette désignation-là
parce qu'on pense qu'on doit être universitaires pour aller sur ces comités-là.
Et, comme on pense cela, on ne s'implique
pas, on n'y va pas. C'est plutôt par la bande que ça se fait. On a un problème
de perception à cet égard, et, ce problème-là, les gens se prêtent au
jeu, mais aller siéger là, c'est un autre défi.
• (17 heures) •
Une voix : …
La
Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci. Merci, M. Tremblay. Oui, merci
pour ces... c'est très instructif. Alors, nous
allons passer aux questions du côté de l'opposition officielle. Vous avez
13 min 30 s pour poser des questions.
M.
Tanguay : Oui.
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci beaucoup pour la rédaction de votre
mémoire et la présentation que vous en faites
aujourd'hui. Je pense que vous apportez un regard très intéressant à ce qui
doit être fait en termes d'approche
suggérée. Et j'avais noté d'entrée de jeu, et ça faisait partie de mes
remarques initiales, en début, là, de
présentation, dans votre mémoire, justement je pense que vous faisiez référence
au guide ou aux différentes initiatives que votre syndicat a mises sur... votre Centrale des syndicats
démocratiques a mises sur pied, donc : une boîte à outils
lexicologiques; logiciel d'alphabétisation. J'avais noté La chasse aux
patentes, les dépliants.
Donc, vous dites : «Ces outils, qui répondaient à de
réels besoins des travailleuses et travailleurs, ont été conçus dans l'objectif d'assurer une présence effective et
surtout permanente du français dans les milieux de travail et de promouvoir une langue de qualité.» Et ça, il n'y a
pas personne qui est allé vous voir en vous disant : Bien, vous
devez avoir de telles initiatives, vous
devez faire ci, vous devez faire ça. Et je pense que l'avenir du français au
Québec, au Canada, est, je pense,
tributaire de ces initiatives-là et, je pense, de se mettre ça dans la tête que
tout le monde, nous avons une part importante
à faire. Et, en ce sens-là, je pense qu'il s'agit
d'autant d'initiatives que vous avez mises de l'avant qui changent… Oui, c'est la
politique des petits pas, mais ça avance par en avant, puis c'est une politique
et une approche qui est très, très, je dirais, constructive, positive,
et, en ce sens-là, je pense qu'il est important de le souligner.
Et
vous avez bien souligné également, au niveau de la judiciarisation qui
ultimement, en société… c'est comme un grief
qui s'envenime. Ce n'est pas des relations qui sont les meilleures et souvent
il y a beaucoup d'énergies qui sont mises là-dedans, mais, en bout de piste, si
on avait mis l'énergie de façon plus constructive, bien je pense qu'on aurait
été plus efficaces.
J'aimerais
vous entendre, et vous en parlez en page 13 de votre mémoire… On a entendu un
peu plus tôt… Je
vous situe. Au niveau des entreprises de
services, des entreprises qui rendent accessibles au public des biens et des
services, ce qui est proposé dans le projet
de loi, c'est de faire en sorte que les horaires… il y ait l'obligation à l'employeur
d'aménager les horaires afin que le service
puisse être offert en français. Autrement dit, ça veut dire que l'employeur va
regarder ses employés, va toujours s'assurer qu'il y ait minimalement
une personne qui parle le français, à ce niveau-là, qui sera sur place
effectivement pour répondre aux clients.
Il nous
a été dit un peu plus tôt — puis j'aimerais
avoir votre vision là-dessus — que ça pourrait, par
contre, préjudicier… au niveau de la
confection de la grille horaire, ceux et celles qui parlent le français
devraient être là, parce qu'il y
aurait, donc, une nouvelle obligation. Comment vous réconciliez ça, oui, l'importance
de servir en français, mais, de deux,
cette obligation légale là à l'employeur qui pourrait se retourner vers un
employé et lui dire : Écoute, nonobstant ci, ça, ça, ça, tu travailles ce soir parce que tu
parles français? Alors, il s'agit de réconcilier, là, différentes... C'est une
façon de faire, mais il s'agit de concilier respect des droits aussi, là.
La Présidente (Mme
Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Oui.
M. Tremblay, à vous la parole.
M.
Tremblay (Serge) :
Sur cette question-là, je comprends très bien ce que vous dites. Par ailleurs,
là où je suis un peu plus préoccupé, c'est que... Prenons tout le commerce dans l'ouest
de la ville de Montréal, hein? Tout le monde devrait parler français là. On n'aurait pas ce
problème-là, hein? Pas un, tout le monde. Alors, à partir du moment où on dit à
un, à ce moment-là, peut-être que tantôt… Et
vous avez raison de le soulever. On va dire : Bien, cette personne-là, là,
elle est appelée à travailler sur des
horaires de travail qui n'ont pas de bon sens puis elle est finalement
discriminée par rapport aux autres, et ça ne doit pas avoir cet
effet-là.
Mais l'intention là-dedans, elle est très, très bonne, puis
on accueille favorablement cela, mais, dans la
gestion, ça va soulever d'autres problèmes
qui devront se régler. Mais, comme ils ne sont pas syndiqués, puis on est dans
le commerce, puis qu'ils sont déjà
les moins bien nantis de notre société en termes de conditions de travail, à ce
moment-là on les place dans une situation qui devrait les servir, mais
il va falloir aller un petit peu plus loin.
M. Tanguay : Et là-dessus je vous suis...
La Présidente (Mme
Richard, Îles-de-la-Madeleine) : M.
le député de LaFontaine.
M.
Tanguay : Oui,
Mme la Présidente. Je vous suis tout à fait là-dessus. L'objectif, on le voit,
ultimement, là, c'est que le client puisse se faire servir en français. On fait un pas
en arrière, on va faire en sorte d'obliger l'employeur à construire ses horaires pour qu'il y ait toujours,
en tout temps, un employé qui puisse minimalement servir le client en
français, mais on arrête là.
Si
on fait un autre pas en arrière... Et on se rappelle celles et ceux qui sont
venus nous voir, entre autres, dans les commerces de détail, qui disent : Écoutez,
les nouveaux arrivants, là, souvent le premier emploi, c'est chez nous
qu'ils l'ont, et ce ne sont pas tous des
gens qui parlent très bien le français. Mais néanmoins, c'est leur première
embauche, leur premier emploi. Moi, comme employeur, je dois aller me
chercher des employés, il faut que je fasse vivre mon entreprise.
Est-ce
qu'il n'y aurait pas lieu — puis là je lance l'idée,
là — d'aller encore plus en amont et de dire : Bien, écoutez, sans aller
juste avant en obligeant l'employeur de trouver des gens qui parlent le
français et de l'obliger de construire son horaire là-dessus au
préjudice de ceux qui parlent le français, de faire deux pas en arrière et, un
peu comme vous le souleviez — l'importance de la francisation à la base puis le partenariat avec
l'employeur — donner des cours,
dispenser des cours?
Puis,
ce matin, on avait, entre autres, un regroupement — ça
a été une superbe rencontre, je pense que tout le monde a apprécié — de
femmes qui représentaient de nouvelles arrivantes et qui étaient, par
définition, préjudiciées parce que bien
souvent femmes à la maison, mères de famille, elles avaient des horaires
atypiques par rapport à l'homme qui, lui, peut peut-être aller sur le marché du
travail et bénéficier des cours de francisation.
Mais
ça revient, bref, là, mon point, là, à l'offre de cours de francisation, à
laquelle on doit toujours évidemment assurer qu'elle soit bonifiée pour répondre aux
horaires atypiques, et ainsi de suite. Qu'en pensez-vous de cela, de
cette importance-là, en amont, de franciser
et de s'assurer que les ressources soient là? Ça, ça veut dire aussi l'investissement
de l'État, hein?
La Présidente (Mme
Richard, Îles-de-la-Madeleine) : M.
Tremblay.
M.
Tremblay (Serge) :
Sur cette question-là, imaginons... C'est parce qu'on ne peut pas le raisonner.
Il y a des commerces
de deux employés, hein? Alors, c'est un peu plus compliqué. Il y en a un
français, l'autre, anglais. Alors donc, ça vient d'établir la règle
assez rapidement.
Mais,
dans le cas où le commerce a plusieurs employés, aujourd'hui ce qu'on fait, on
dit : Il y a des choses qui doivent changer. Il y a là une amorce de
changement. Pourquoi qu'on ne se donne pas un échéancier pour établir que,
dans l'entreprise, il devra — je
vais dire ça grossièrement, là — faire en sorte que personne ne
soit discriminé parce qu'il y a une exigence
de la charte qui est présentée, hein, qui est exigée, là, à l'entreprise? Je
dirais rapidement, sur le nombre d'employés,
il devra toujours y en avoir 50 % qui peut servir la clientèle en
français, par exemple. Alors donc, il y a une certaine latitude dans la
gestion des ressources, mais il faudra en venir à ça.
On
l'implante aujourd'hui, on se donne un certain temps, mais l'entreprise doit
poser des gestes de telle sorte que son
personnel puisse rencontrer cette exigence-là. Le contraire est indécent. Le
contraire est indécent. Alors donc, à ce moment-là,
on ne devrait pas en embaucher qui parle... qui est unilingue anglais, au Québec,
pour servir le monde chez nous. Je trouve que, dans ce sens-là, oui, il
faut le faire absolument, mais conscients qu'il y a des défis qui viennent avec
ça aussi, là.
M. Tanguay : Et êtes-vous...
La Présidente (Mme
Richard, Îles-de-la-Madeleine) :
Merci. M. le député de LaFontaine.
• (17 h 10) •
M. Tanguay : Oui. Merci, Mme la Présidente. Avez-vous quelques éléments
de réflexion à nous présenter justement quant à l'offre de francisation, les
cours de francisation? Est-ce que votre syndicat a participé activement à cela?
Je ne sais pas si vous avez eu des expériences, une expertise quant au fait de
faciliter justement l'accès pour des employés à des cours de francisation?
La Présidente (Mme
Richard, Îles-de-la-Madeleine) :
M. Tremblay.
M.
Tremblay (Serge) :
La CSD n'a pas eu à agir dans ce secteur d'activité là, dans ce champ-là parce
qu'on n'a pas
beaucoup de personnes immigrantes membres de la CSD, on en a très, très peu.
Puis on n'est pas dans le commerce et ni
dans l'hôtellerie à Montréal. Québec ou en région, l'hôtellerie, nous y sommes,
mais la dynamique est très différente et les exigences en matière de
langue aussi, hein? Alors, à Montréal, s'il y a une chose, les personnes
immigrantes arrivent là, à Montréal. Alors,
en région, on en a très peu. Cependant, ça tend à changer, par exemple. Puis il
faut se préparer à ça parce que déjà, au Lac-Saint-Jean, dans le Bas-Saint-Laurent, il en
arrive, et les défis sont nombreux, là. Ça s'installe, il faut
faire les choses. Mais on n'est pas là, aujourd'hui, nous.
La Présidente (Mme
Richard, Îles-de-la-Madeleine) :M. le député de Montarville.
M.
Tanguay : Merci.
Et vous soulevez un excellent point, il y a des réalités, justement, de PME, de
toutes petites entreprises, effectivement, où il n'y a pas de syndicat, il n'y a pas de
regroupement, il y a un interlocuteur de moins, et là il s'agit d'être… comme législateurs, d'avoir une
approche équilibrée pour faire en sorte que l'objectif ne tombe pasexclusivement dans la cour de l'entrepreneur mais
puisse être partagé par les partenaires en ce sens-là. Alors, je pense
que vous souleviez une réalité implacable. Merci pour votre présentation.
La
Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci. Est-ce qu'il y a d'autres
intervenants du côté de l'opposition officielle? Ça va? Je vous remercie
beaucoup. Nous allons maintenant passer au deuxième groupe d'opposition.
Mme la députée de Montarville, vous avez un peu plus de trois minutes.
Mme Roy (Montarville) : Merci beaucoup, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme
Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Oui.
Merci.
Mme
Roy (Montarville) : Bonjour, messieurs. Merci, merci pour votre mémoire. Je vous référerais
à la page 3, lorsque
vous nous mentionnez, entre autres, qu'il y a deux défauts, selon vous, selon
ce fameux projet de loi n° 14. Un, on en a parlé amplement avec le rôle des syndicats. J'aimerais vous
entendre, au premier point, lorsque vous dites : Ce nouveau projet de loi «réduit l'Office québécois de la
langue française à un rôle de promoteur de langue française, il le retire
du champ des plaintes et de la médiation; en cela, le projet de
loi n° 14 poursuit sur la voie du désengagement, ce qui est aussi
surprenant que décevant.» Pourriez-vous élaborer votre position à cet égard, je
vous prie?
M. Tremblay
(Serge) : Tout à fait.
La Présidente (Mme
Richard, Îles-de-la-Madeleine) :
M. Tremblay.
M.
Tremblay (Serge) :
Tantôt, je vous indiquais que ça fait 26 ans que j'assume les dossiers de la francisation des milieux
de travail et j'ai eu à intervenir personnellement auprès de l'office dans
certains cas, dans un... Je vais vous donner un cas qui est gros. Un employeur annonce, à l'ouverture de son entreprise,
par exemple… le démarrage de son entreprise, devrais-je dire, des
emplois unilingues anglais.
J'appelle à l'office, j'ai dit : Vous faites quoi
avec cette annonce-là? Il y a une entreprise qui s'annonce que... puis unilingue anglais. Ils disent : On ne peut pas
rien faire. Je dis : Non, vous ne pouvez pas rien faire? Non, il faut que le travailleur qui aille solliciter un emploi, à
ce moment-là, fasse une plainte, et là, sur une plainte, à ce moment-là la
plainte va être traitée. J'ai dit :
Pensez-y, là, il n'y a personne qui va aller solliciter un emploi, qui va
déposer une plainte et qui va même penser d'obtenir l'emploi. Il faut
que l'office agisse à quelque part sans nécessairement qu'il y ait une plainte.
Quand on constate des choses, il faut pouvoir agir.
L'exemple
que je donnais : on est sur le coin de la rue puis un usager de la route
passe sur un feu rouge. La police est au coin de la rue, tu regardes passer ça, tu
dis : C'est bon? Il dit : Il y a une faute, il a commis une
infraction au Code de la route. Mais
il regarde ça, il n'y a pas un citoyen qui se plaint. Bravo, il est passé, il n'y
a pas de problème. C'est un peu ça, le
rôle de l'office, là. Et ça, nous, on n'est pas d'accord avec ça, là. On n'est
pas d'accord avec ça. L'office... Et là, d'autant plus, on nous dit que le rôle de médiation sera
enlevé et on souhaite ouvrir aux entreprises de 26 employés et plus, pas
de rôle de médiation. Excusez, là, mais ça
va être le bordel, hein? Non, non, ça ne marchera pas, là. Il faut que
quelqu'un s'assoie avec nous puis parle.
Puis,
quand on parle aux gens de l'office, ils sont frileux, là. Ils sont frileux,
ils ne se mêlent pas de ça. J'ai soumis à un conseiller de l'office l'idée de faire une
liste dans une entreprise qui exigeait l'utilisation de l'anglais. J'ai dit : On va la faire, la liste, vous allez me
vérifier ça, on va faire ça ensemble, essayez ça. Il dit :
M. Tremblay, ne dites pas desaffaires de même, embarquez-nous pas
là-dedans. Il dit : Nous, on ne fait pas ça. J'ai dit : Non? Qui va
le faire? Je dépose laliste, l'employeur n'est pas d'accord. Je m'en
vais à la CRT : On ne fera pas ça. Regardez le nombre de plaintes qui
est déposé, là, en relations du travail, et ceux pour lesquelles effectivement
on a eu raison, vous allez avoir la réponse.
Ce n'est
pas là que ça se passe. Les recours juridiques, ce n'est pas là que ça se
passe, il faut que ça se passe entre nous. Et la francisation des milieux de
travail a beaucoup évolué en 30 ans, et je pense qu'on est à l'étape où l'avancement des entreprises en matière de
francisation peut nous permettre de récolter des témoignages où
finalement travailler en français, c'est rentable.
On a produit un vidéo, et Mme la ministre le verra
sûrement, dans notre projet, cette année, on l'a produit, et notre défi, parce que c'est
là que ça se passe pour nous, était de sensibiliser le milieu à la prise en
charge de la francisation des milieux
de travail, pas nécessairement par une élite, par le milieu. Défi audacieux. J'ai
eu à regret de penser une pareille affaire, je peux vous le dire, parce
qu'il fallait le réaliser, le projet. Nous l'avons fait, et je pense que ça
sort bien.
Et une des choses qui nous a permis d'avancer un peu dans
notre réflexion, c'est que nous avons effectivementretenu les services d'un
expert en matière de langue qui a démontré, selon les statistiques qu'il avait,
que c'était rentable de travailler
dans notre langue maternelle et que c'était plus rentable pour l'entreprise de
faire ça, en termes de productivité, que de faire
le contraire. Même si une personne maîtrisait parfaitement l'anglais, il était
plus productif dans sa langue maternelle. C'est
quelque chose, hein? Ça, c'est un langage que les entreprises aiment bien l'entendre,
hein? On va s'en occuper. Je trouve
que c'est là que ça se passe, la niche est là. Alors, il faut faire ça, il faut
sensibiliser, mais il faut avoir les
outils pour être capables de sensibiliser non seulement notre monde, mais aussi
les directions d'entreprises. Alors, dans ce sens-là, on a un défi.
La
Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci infiniment, M. Tremblay. C'est
tout le temps que nous avions alloué à votre
participation. M. Tremblay, M. Pepin, de la Centrale des syndicats
démocratiques, merci infiniment pour votre réponse... votre présence, pardon.
Et j'invite
maintenant les représentants de la commission scolaire Riverside à prendre
place.
Et nous
suspendons pour quelques minutes. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h
17)
(Reprise à 17 h 20)
La
Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : ...la commission parlementaire.
Bienvenue aux représentants de la commission
scolaire Riverside, nous sommes heureux de vous accueillir ici.
Je
pense que nous demanderons le consentement pour tout de suite ou...
Une voix : …
La
Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Oui? Alors, il y a Mme la députée de
Laporte qui s'est jointe à nous. Et on verra,
rendu à votre groupe, là… au moment de votre groupe pour vous accorder la
parole.
Alors,
à nos dignes représentants, je vais vous demander de vous identifier, présenter
les gens qui vousaccompagnent. Et vous aurez 10 minutes pour présenter votre mémoire
à l'ensemble de la commission. À vous la parole.
Commission scolaire Riverside
Mme
Bell (Moira) : D'accord.
Merci, Mme la Présidente. Mme la ministre, députés membres de la commission, mesdames et
messieurs. Mon nom est Moira Bell, et je suis la présidente de la commission
scolaire Riverside. À ma droite se
trouve M. Fernand Blais, président du conseil exécutif, et, à ma gauche, M.
Sylvain Racette, notre directeur général.
La
commission scolaire Riverside accueille plus de 10 000 élèves inscrits à
la maternelle, au primaire, au secondaire ainsi qu'à l'éducation aux adultes et à la
formation professionnelle. Située dans la région de la Montérégie, Riverside
est composée de 18 écoles primaires et cinq
écoles secondaires ainsi que d'un centre d'éducation aux adultes et de
formation professionnelle. Nous desservons plus de 98 municipalités, sur un
territoire couvrant plus de 4 600 kilomètres carrés.
Il
y a environ 70 ans, Hugh MacLennan a écrit Two Solitudes, un livre qui
est devenu un roman canadien classique. Ce roman se veut une étude des distinctions,
particulièrement celle entre les Canadiens anglais et les Canadiens
français de l'époque. Cette distinction fut la réalité du héros du roman, Paul
Tallard, fils d'un père francophone et d'une mère anglophone. Son seul souhait
était d'unir ces deux cultures.
32 ans
plus tard, le 26 août 1977, la loi 101 fut adoptée. Les Canadiens anglais sont
devenus des anglophones et ils ont choisi
soit de quitter leur région natale, soit de rester au Québec et de s'adapter.
Pour ces derniers, leur adaptation a témoigné de leur ouverture face à
des nouvelles façons de travailler, d'apprendre et de vivre dans un milieu
principalement français.
M.
Racette (Sylvain) : En 1965, pour assurer à leurs enfants une opportunité d'enrichir leur
compréhension de la culture française afin de
leur permettre de vivre et de s'épanouir pleinement dans leur province natale,
un groupe de parents audacieux de l'une de
nos écoles a eu une idée. Avec l'appui du gouvernement de l'époque, cette idée
a conduit, sur notre territoire, à la
première classe d'immersion française en Amérique du Nord. Depuis, nous avons
acquis unecompétence particulière et
une expertise pour l'enseignement des programmes d'immersion en langue
française et pour l'enseignement du
français en langue seconde. D'ailleurs, plusieurs programmes ont été conçus à l'échelle
internationale à partir des méthodes élaborées et perfectionnées ici, au
Québec.
Qui serait Paul
Tallard aujourd'hui? Un anglophone ou un francophone? Comme lui, plusieurs anglophones
peuvent retracer des ancêtres francophones
dans leurs racines, remontant parfois à l'arrivée en Nouvelle France il y a
plus de 350 ans. Plusieurs Québécois ont un parent francophone et un parent
anglophone. Ils grandissent avec une double identité.
Ils sont francophones en compagnie de leurs amis anglophones, et vice-versa. En
outre, ils sont appelés a jouer un rôle
de défenseurs et d'émissaires de leurs deux cultures. Les communautés
anglophone et francophone du Québec sont apparentées, impliquées, unies
et liées. L'identité du Québec inclut des caractéristiques anglophones acquises
au fil des siècles. Cette dualité enrichit nos institutions réciproques.
M. Blais
(Fernand) : Depuis l'adoption de la
loi 101, de nombreuses mesures furent prises afin d'assurer la vigueur de la langue française au Québec. Ces
mesures ont porté fruit. Nous avons été témoins des débats passionnés
qui ont accompagné ces changements. Au fil des ans, nous avons fait preuve de
tolérance, voire de compréhension quant à notre
situation. Je crois sincèrement cependant que nous en sommes arrivés à un point
de jonction entre le respect et la réalité.
Selon votre document de mise au point sur l'impact du
projet de loi n° 14 sur l'exemption accordée aux membres des Forces
canadiennes, produit par le ministère de l'Immigration et des Communautés
culturelles, la langue française n'est pas
menacée par le fait que 700 élèves de parents militaires fréquentent aux écoles
anglophones. Cependant, la perte de ces 700 élèves inscrits dans nos
écoles est une menace réelle pour leur viabilité et leur dynamisme. La décision
du gouvernement d'aller de l'avant avec cette modification de la charte
compromet des écoles anglophones.
En
outre, ce document précise que le fait de l'exemption pour les militaires est
«une question d'équité». Or, les services et les possibilités offerts à l'ensemble
des enfants au Québec ne sont-ils pas une question encore plus
fondamentale d'équité? Les critères imposés
quant à l'accès de l'éducation en anglais sont complexes et parfois
arbitraires. Toutefois, nous
continuons de respecter le droit et de travailler en collaboration avec les
fonctionnaires désignés par la ministre afin de permettre aux personnes
admissibles à l'éducation en anglais et de se prévaloir du privilège auquel
elles ont droit.
Le
projet de loi n° 14 retire un privilège accordé aux familles de militaires
francophones de préparer leurs enfants pour l'éventualité
à une affectation à l'extérieur du Québec. Comme nous avons mentionné dans
notre mémoire, la commission scolaire Riverside risque de perdre plus que 100
élèves.
Le gouvernement propose de s'immiscer dans la vie privée
des familles de militaires afin d'évaluer si leur degré d'anglicité justifie l'admissibilité de leurs enfants à l'école
anglophone. Nous ne voyons pas en cette mesure un idéal digne d'un État
moderne.
Mme
Bell (Moira) :
La frustration éprouvée par rapport au projet de loi n° 14 est difficile à
exprimer. Toutefois, nous vous prions d'examiner
à nouveau les propositions de ce projet de loi et de reconsidérer le message
que vous communiquez. Il semble y avoir un manque de vision pour les droits des
citoyens du Québec, un manque de respect pour les militaires qui dévouent leur
vie à servir et à protéger notre pays et davantage de pression sur la
population anglophone du Québec.
En tant que membres de l'Association des commissions
scolaires anglophones du Québec et en solidarité
avec les autres commissions scolaires
anglophones, nous privilégions l'importance de nous comporter avec dignité et
transparence dans le respect des lois et des règlements du Québec. Si la langue
anglaise, dans un contexte de mondialisation, peut présenter un défi pour les autres langues, il ne faut pas faire l'erreur
de penser que c'est en affaiblissant vos partenaires que vous protégerez
la langue française.
Les commissions scolaires anglophones ont fait leurs
preuves dans la promotion de la langue française en rendant les anglophones du Québec plus bilingues. Dans nos
efforts d'intégration culturelle, personne ne gagnera à notre marginalisation.
C'est pourquoi, considérant les préoccupations présentées à la commission
aujourd'hui, nous vous demandons de reconsidérer les dispositions du projet de
loi n° 14.
Il y a
40 ans, nous nous sommes adaptés à notre réalité d'anglophones dans un Québec
francophone. Bien respectueusement, nous
vous soumettons que nous sommes des partenaires pour vous permettre, en tant
que francophones, de vous adapter à un monde qui est également
anglophone.
Nous vous remercions pour votre écoute et pour nous avoir
permis d'exprimer notre point de vue. C'est avec
plaisir que nous répondrons maintenant à vos questions, si vous avez.
La
Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci. Merci infiniment. Alors, nous
passons à la partie gouvernementale pour une
période de 13 minutes.
• (17 h 30) •
Mme
De Courcy : Tout
d'abord, madame, messieurs, de la commission scolaire Riverside, merci d'avoir
pris la peine de proposer un mémoire en toute
solidarité avec vos collègues et pour le bénéfice de la commission scolaire.
Vous connaissez peu de
mon ancienne vie. Je vous dirai que, pour ma part, les commissions scolaires
ont toujours une écoute, à mes yeux, très particulière parce que je crois
beaucoup dans votre travail, dans ce que vous faites
depuis de longues années. Alors, j'accorde, bien sûr, une importance très
grande à vos propos. Vous comprendrez que je ne souscrirai pas à l'ensemble
des propos que vous avez mis de l'avant, mais cependant j'aimerais indiquer trois choses. Vous avez, et je l'ai noté, mis à
part tout ce que vous avez dit que j'ai lu…. Vous avez noté : manque de vision,
manque de respect et davantage de pression sur la communauté anglophone. J'aimerais
commenter ces trois aspects.
Manque
de vision. Nous ne partageons pas la même vision. Ce n'est pas un manque de
vision, nous ne partageons pas la même vision. Je crois que votre vision est
dans votre statut de minoritaires au Québec. Je peux comprendre que vous
soyez très inquiétés aussitôt qu'il s'agit de droits des minorités, droits de
la communauté anglaise, anglophone. Je peux
comprendre cela. Et, dans ce sens-là, nous nous rejoignons sur la même
inquiétude mais par rapport aux francophones sur l'ensemble nord-américain, qui fait en sorte que le Québec est une
petite portion, eu égard à la protection de la langue française, dans
une mer d'une autre langue. Alors, je comprends cette inquiétude-là. Ça ne m'empêche
pas de penser qu'à cet égard là nous pouvons aussi être, nous, taxés, vous
savez, d'un manque de vision.
Je
pense que je traduirai votre expression «manque de vision» par «inquiétude»,
inquiétude que vous avez, et je n'irai pas
plus loin autour de cette question. C'est une inquiétude que j'ai entendue. Je
vous dirais que je l'ai entendue notamment
par le Québec Community Groups. Et ce groupe, lorsque je les ai rencontrés, j'avais
posé la question : Est-ce que
vous êtes inquiets pour votre langue ou vous êtes inquiets pour vos institutions?
Et ma prétention, à l'époque, quand je les ai rencontrés, c'est qu'ils étaient inquiets pour la langue. Mais pas du
tout, pas du tout, ça n'a pas été la réponse qu'on m'a donnée. C'est qu'on était inquiets pour les
institutions. Et, à cet égard-là, je pense que ceci fait écho à ce que j'ai lu
dans votre mémoire par rapport aux écoles que vous avez mentionnées.
Alors, je vous dirai donc
qu'en ce qui concerne les institutions je suis très touchée et préoccupée par
le fait que vous puissiez être inquiets pour votre institution qui est la commission
scolaire ou vos écoles qui font partie de cette commission scolaire. Je veux que vous sachiez que cette
inquiétude aussi est partagée… ce souci est partagé par l'équipe
gouvernementale. Alors, j'aurais tendance
à vous dire : Pas de souci, mais vous ne me croirez pas. Alors, je vous
dis qu'il n'y a pas de souci par ailleurs,
plus sérieusement, à avoir autour de cette question. Il y a des mesures
administratives, il y a toutes sortes de choses qui peuvent être faites pour vous assurer que vos… les institutions, au
cas où cette mesure serait adoptée, ne seraient pas en péril, pour ma
part, c'est évident, et la qualité des services. Parce que c'est une chose,
maintenir des écoles, mais, s'il n'y a pas la qualité des services dans les
écoles, c'est évident que ça ne peut pas être intéressant pour vous.
Donc, en ce qui concerne la pression, c'est à ça que vous faites
allusion, hein, ça fait davantage de pression sur vosinstitutions, j'entends
bien, j'entends bien ce que vous me dites. Je vais vous parler très rapidement
au sujet des militaires. Si c'était une question de respect de ceux et celles
qui défendent notre patrie, je vous dirais que nous serions tous très malheureux que ce soit ça, la conséquence d'une
telle mesure, mais le débat n'est pas là, il n'est pas dans le respect
des militaires. Bien sûr que nous les
respectons profondément. Il est... ce débat est sur la question d'équité que
vous avez nommée tout à l'heure, monsieur, dans votre allocution.
Je pense sincèrement qu'il s'agit d'un type d'école passerelle, je le crois.
Sans que ce soit voulu, sans que ça ait été initialement mis de l'avant
de cette manière, je crois que c'est ça, la conséquence
maintenant. Ça n'a pas toujours été le cas, ça n'a pas toujours été le cas,
mais la situation a progressé au fil du temps, et nous sommes devant ce phénomène. Manifestement, nous ne
partageons pas cette vision, cette vision des choses. J'entends ce que vous me dites autour du péril en
la demeure pour les écoles, je ne pourrai pas souscrire à votre
argument, bien sûr, du manque de respect à cet égard.
J'aimerais vous dire aussi autre chose, vous
féliciter pour les résultats scolaires, parce que je les ai suivis de très près
et je sais qu'ils sont
bons, je sais qu'ils sont bons. Je sais que vous avez fait de grands efforts
pour l'apprentissage d'une langueseconde. Et je crois sincèrement que le Canada a
aussi fait des efforts importants pour l'accueil des élèves francophones
sur des bases militaires, au même
titre que vous avez fait des efforts pour l'accueil… pour l'apprentissage d'une
langue seconde.
Alors,
merci encore une fois d'avoir participé à cette commission parlementaire. Et
nous nous retrouverons sûrement à l'Association des commissions scolaires
anglophones que j'aurai très certainement le plaisir de rencontrer à brève
échéance, suite à la commission parlementaire. Je vous remercie donc d'avoir
participé. Mes collègues auront quelque chose à vous...
La
Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci. Oui. Merci, Mme la ministre. M. le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Merci, Mme la Présidente. Bonjour,
madame. Bonjour, messieurs. Je vais vous ramener sur la question des militaires. Mme la ministre
en a parlé un peu. Ça fait quelques... il y a quelques présentateurs de mémoires qui sont venus ici et qui ont utilisé à
peu près le même qualificatif que vous employez, l'aspect que… le fait
que les militaires... c'est un manque de respect envers les militaires.
Personnellement, moi, j'ai fait de la milice dans le Bas-Saint-Laurent, j'ai toujours parlé français et je n'ai jamais
associé la fierté de défendre son pays à la langue. Défendre le Canada ou défendre le pays dans les frontières,
quand tu vas en Europe, tu vas un peu partout sur le monde, pour moi, je
n'ai jamais associé ça à la langue.
Alors,
je ne sais pas comment on peut manquer de respect aux militaires en disant aux
militaires d'ici, les Québécois de langue française, que leurs descendants ou
qu'eux-mêmes utilisent nos écoles françaises selon les lois actuelles ici, au
Québec. Alors, ce n'est pas manquer de jugement ou manquer de respect envers
les militaires. Moi, personnellement, je
trouve que c'est une association qui est très, très, très... moi, je le prends
quand même personnel parce que je trouve ça... ça m'affecte
personnellement parce que je trouve que c'est une assertion qui n'a pas de
fondement et je ne sais pas d'où vous allez chercher ça.
Le règlement actuel permet à des militaires
francophones domiciliés au Québec d'offrir à leurs enfants nés ici, actuellement, l'accès à un programme d'immersion en
anglais aux frais de l'État et éventuellement de voir ce droit temporaire être converti en droit permanent à l'enseignement
en anglais pour eux, leur fratrie et leur descendance. Les enfants de ces militaires-là, ils se réclament du
droit de pouvoir continuer d'étudier en anglais plus tard, mais les
enfants, même s'ils font... ils restent en permanence au Québec, ils ont le
droit, donc ça devient presque une école passerelle. Ne trouvez-vous pas cette
situation inéquitable, justement, pour tous les autres Québécois qui se
conforment à la Charte de la langue française?
La
Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Alors, nous passerons la parole à Mme Bell, oui.
Mme
Bell (Moira) : Merci. Je vais
demander à notre directeur général à répondre.
La
Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Oui, M. Raclet.
M.
Racette (Sylvain) : Racette.
La
Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Racette, pardon.
M. Racette (Sylvain) : Je veux juste... Bien, pour répondre
à votre question, en quoi c'est un manque de
respect, je pense que, quand on insinue que
les 800 militaires utilisent ces écoles comme écoles passerelles, c'est un peu
leur dire que c'est des fraudeurs. Je pense que d'insinuer que 800
personnes sont des fraudeurs, c'est un manque de respect.
Maintenant, quand on parle d'écoles passerelles, il faut
faire attention. Je comprends, à l'époque, la question des écoles passerelles,
on payait plusieurs milliers de dollars pour un an, deux ans, trois ans, aller
chercher une autorisation qui pouvait…
effectivement, ça pose des doutes, mais une carrière dans les militaires…Nous,
typiquement, ce qu'on a, là, vraiment,
on a vu ça, on a des élèves qui sont là, surtout à l'école Saint-Johns, où c'est
de la maternelle au secondaire V, on voit
des élèves qui sont là toute, toute, toute leur scolarité et on a vu qu'ils ont
perdu leur éligibilité, ils la perdent, quand les parents ne sont plus
au niveau de l'armée, ils perdent leur éligibilité, qui est une éligibilité
temporaire, qu'ils sont retirés en
secondaire IV, secondaire V, donc ils ne graduent pas avec leurs élèves. Ce n'est
pas... ils ne sont pas là pour un an ou deux pour aller acquérir une
éligibilité, ils vont là... Puis c'est une... en anglais, on dit «a true
commitment», c'est une vraie... c'est un vrai désir de suivre leur éducation en
anglais.
La Présidente (Mme
Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Oui,
M. le député de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
• (17 h 40) •
M.
Breton : Je m'excuse,
mais je perçois ça... Personnellement, mon père a été militaire, et moi, je
suis d'accord avec le député de Saint-Hyacinthe. On ne traite pas personne de
fraudeur, mais c'est quand même un statut privilégié. Donc, l'idée, ce n'est pas de dire : Vous fraudez,
mais vous avez un statut spécial. Et que, quand on dise : Par descendance,
ces enfants-là ont droit à un statut particulier, bien là, je veux dire…
Je
ne sais pas ce que vous en pensez, mais, moi, quand je regarde les gens que je
connais, qui sont des vétérans, par exemple, qui ont fait la guerre de Corée — j'ai
un de mes oncles qui a fait la guerre de Corée — ou
la Deuxième Guerre mondiale, ils se sont
sacrifiés pour les droits démocratiques et qui disaient : Bien, nous, les
droits démocratiques, les principes d'équité…
Moi, je considère qu'il y a là quelque chose d'inéquitable. Et c'est pour ça
que je suis persuadé que, si mon père
était encore de ce monde, il ne serait pas d'accord avec cette volonté-là, de
la part de votre commission scolaire, de dire : Nous, de ne pas nous accorder ce privilège-là, on considère
que c'est un manque de respect envers les militaires. Vraiment, j'ai un
sérieux problème avec ça.
Ceci
dit, ceci dit, je pense que, quand, en plus, on parle des descendants, là, là,
on est carrément... Je veux dire, là, pour moi, là, là, ça devient complètement
inacceptable. Je veux dire, les descendants, les… On ne parle pas des
enfants, là, on parle des enfants des enfants. Moi, je considère qu'il y a là
un sérieux problème. Moi, j'aimerais ça que vous me disiez ce que vous pensez du fait que les enfants des enfants puissent
aller à l'école anglaise. Parce qu'en passant — je vous dis ça comme ça, je l'ai déjà dit à plusieurs
reprises ici — tous les gens avec qui je suis allé à
l'école, tous mes amis de ma génération et plus jeunes, il y en a 95 % qui
sont allés à l'école française, et nous parlons à peu près tous l'anglais.
Donc, tu n'as pas besoin d'aller à l'école
en anglais pour apprendre l'anglais. I speak perfectly fluent English, comme à
peu près tous les gens avec qui je travaille.
Donc, quoi, est-ce que
je dois comprendre que la culture francophone n'est pas une chose que vous
voulez privilégier dans l'armée canadienne? Je veux dire, comment ça se fait,
si les gens sont des militaires en Alberta, c'est des Albertains, des Canadiens anglais, où il y a des écoles françaises,
on ne leur dit pas exactement la même chose, que ces gens-là devraient
aller à l'école française? Parce que, moi, ce que je me suis fait dire par des
gens d'une autre commission scolaire, c'était
que, vous savez, s'il y a un transfert, il faut que ces jeunes-là soient
capables de parler anglais avec les
autres quand ils vont être transférés ailleurs au Canada. Mais, je veux dire, c'est
drôle, pourquoi est-ce que les autres ne vont pas à l'école française
pour être capables de parler en français rendus au Québec?
La Présidente (Mme
Richard, Îles-de-la-Madeleine) : M.
le député... M. le député de Sainte-Marie—Saint-Jacques, le temps est écoulé, malheureusement, de la partie
gouvernementale. Peut-être que les commentaires vont venir à l'intérieur des réponses qui vont venir du côté de l'opposition
officielle. Alors, on cède maintenant la parole… Du côté de l'opposition officielle, il y avait la députée de Laporte, je
pense, qui souhaitait prendre la parole. Est-ce qu'il y a consentement
des membres de la commission? Alors, Mme la députée de Laporte, vous avez la
parole pour...
Mme Ménard : Merci beaucoup.
La Présidente (Mme
Richard, Îles-de-la-Madeleine) : C'est
une période de 13 minutes aussi du côté de l'opposition officielle.
Mme
Ménard : Merci
beaucoup et merci de me permettre de saluer les gens de mon comté. Alors, la commission scolaire Riverside est dans le beau comté de
Laporte.
Alors, bien, tout d'abord,
je vous remercie d'avoir pris le temps de venir déposer un mémoire,
Mme Bell, M. Blais,
M. Racette. Je suis très heureuse de vous voir. Et le commentaire que j'aurais
à faire est que, finalement, les commissions
scolaires anglophones, vous êtes des agents de francisation. Et tantôt même Mme
la ministre disait que vous faites un
excellent travail quand on pense aux résultats des élèves qui sont dans les
écoles anglophones. Les élèves sont bilingues.
Et moi, j'ai, dans ma famille, des neveux, des nièces qui sont allés dans des
écoles anglophones, la mère étant anglophone,
et ces enfants-là parlent... sont parfaitement bilingues. Même, des fois, je
dis qu'ils ont un meilleur français que le nôtre. Alors, vous êtes vraiment des agents de francisation et vous l'avez
mentionné aussi dans votre mémoire, vous avez parlé du résultat des élèves. Alors, en fait, ce que je voulais vous
dire, c'est de... félicitations, félicitations pour le travail
extraordinaire que vous faites dans nos écoles, chez nous, anglophones et
partout, dans les autres comtés aussi. Alors, félicitations pour le travail
exceptionnel que vous faites, et je vous encourage à continuer ce beau travail
là.
Alors,
je n'ai pas de questions comme telles. Je vais passer la parole à mes
collègues, mais je tenais absolument à
souligner votre présence et vous dire merci pour votre travail remarquable.
Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Richard,
Îles-de-la-Madeleine) : Oui, merci, Mme la députée. Est-ce que vous souhaitez émettre un commentaire tout de suite ou si on
passe...
Mme Bell
(Moira) : Non, c'est correct.
La
Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Ça va? Merci. Alors, M. le député de
Jacques-Cartier.
M.
Kelley : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Et j'ai instauré une certaine tradition de
déclaration d'intérêt. Alors, mon épouse était enseignante 10 ans dans la commission scolaire
South Shore, qui est devenue une des... partie de la nouvelle commission scolaire Riverside. Alors,
bienvenue aux représentants de cette commission scolaire. Et, je veux
souligner, c'est vraiment des pionniers au niveau des cours d'immersion au
Québec. Alors, à Saint-Lambert, dans la fin
des années 60, c'est vraiment le berceau des cours d'immersion. Et, j'ai dit ça
dans le passé, je vais insister, souvent, c'est les programmes développés par la commission scolaire, sans appui du
gouvernement, sans appui du ministère, c'est les commissions scolaires, c'est les parents, c'est les commissaires qui ont
pris l'engagement de prendre les ressources dédiées à d'autres fins pour mettre dans les cours d'immersion.
Alors, je veux encore une fois lever mon chapeau à ces expériences de
Saint-Lambert, dans le beau comté de Laporte et…
Et, je ne sais pas, you
know, feel free, but, if you have any things you'd like to share about that
experience in the past or the commitment of the school board towards
teaching French to students, I offer you a perch, because, after that, I'd like to come back and talk, get back to the
debate about your... Saint-Johns School and some of those experiences.
But I think it's worth, you know, if you have a comment to make about the
commitment of the school board towards the teaching of French, je pense que c'est
le... je vous offre le moment pour le faire.
La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Mme Bell.
Mme Bell (Moira) : I don't know if I have
anything to say other than we are extremely proud of it. It is something that we have embraced for years and
years. And we do graduate fully bilingual students, and it was spearheaded by a
group of mothers in Saint-Lambert, who saw
the writing on the wall that their children needed to speak French to
continue to live in Québec. It was a very
different world back in the ‘60s. So it's something we're extremely, extremely
proud of and it's something that we continue to improve upon all the
time, and our teachers are extremely committed to it. It's something that we're
very, very proud of. Thank you, Geoff.
La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Merci, Mme Bell.
M. Kelley : Et pour continuer...
La Présidente (Mme
Richard, Îles-de-la-Madeleine) : M.
le député de Jacques-Cartier.
M. Kelley : Merci beaucoup.
Mme Bell
(Moira) : Est-ce que je peux...
M. Racette (Sylvain) : Can I add something?
La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Oui, peut-être...
M. Kelley : Pas de problème.
M. Racette (Sylvain) : I'm going to do it in French for the benefit of
all.
La Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : M. Racette. Oui.
M.
Racette (Sylvain) : Je voudrais juste... Tout à l'heure, on faisait le commentaire :
On n'a pas besoin d'aller à l'école dans les commissions scolaires anglophones
pour être bilingue. Je suis bien placé pour le savoir, je ne suis pas
dans une école publique anglophone puis je
suis directeur général d'une commission scolaire anglophone. Je voulais
seulement dire que, quand même, le fait qu'il
y ait tant de personnes qui choisissent de vouloir y aller, à un point où on se
sent une obligation de légiférer pour tenter de l'empêcher, ça veut
quand même dire quelque chose.
Quand,
tout à l'heure, on disait faire la distinction... on faisait la distinction
entre la langue et puis les institutions, nos institutions sont importantes, nos
institutions réduisent. Il y a de moins en moins d'anglophones. On était
250 000 dans les années 70; aujourd'hui, on est 100 000 élèves. Ça
réduit, on le sent, les écoles sont... Il faut garder de la vigueur, il
faut garder les institutions vivantes. Nos
élèves ont… Malheureusement ou heureusement, on a rendu les parents
bilingues, les enfants sont bilingues, ils
ont le choix maintenant. Quand on a une école dans une communauté qui est en
train de manquer de dynamisme ou de mourir puis il y en a une autre
juste à côté qui offre plus de programmes, plus de support parce qu'il y a plus de liens avec la communauté
francophone, il y a plus de ressources bilingues, tout ça... Il y a un gros
effet sur notre communauté.
Je comprends que, quand on regarde le nombre ici, on peut se
dire : Bon, bien, c'est 50, ou c'est 100, ou... La réalité, c'est que les
commissions scolaires anglophones sont en décroissance. C'est difficile. Nos
institutions souffrent de cette diminution
d'effectifs là, et puis, oui, on craint, on craint pour la survie des
anglophones, dans le sens que nos écoles… puis vous le voyez dans nos résultats, je pense que c'est directement lié
avec nos résultats, la communauté est, dans les écoles, très, très liée, la communauté et l'éducation. En
réduisant la vigueur de nos écoles, on réduit la vigueur de notre
communauté anglophone, et puis ça s'amenuise.
• (17 h 50) •
La Présidente (Mme
Richard, Îles-de-la-Madeleine) :
Merci. M. le député de Jacques-Cartier.
M.
Kelley : Merci
beaucoup. Merci beaucoup. Et je veux... De notre côté, on est foncièrement
contre la position sur les enfants des familles militaires. On a exprimé ça. On ne comprend pas.
Le nombre de personnes qui sont impliquées, c'est modeste dans le grand ensemble des inscriptions dans les écoles au
Québec mais très important pour les institutions, votre commission
scolaire, notamment, également la commission scolaire Central Québec, c'est
très important.
Mais
également, une chose qu'on ne peut pas faire, Mme la présidente, c'est un
procès d'intention. On ne peut pas prêter les
intentions; c'est dans notre règlement. Alors, qu'est-ce que ces familles ont
fait? Elles ont suivi la loi, et une exception
qui était mise dans la loi il y a 36 ans permet à ces familles de faire un
choix. Alors, maintenant, aujourd'hui, on leur prête que c'est une école passerelle, et tout le reste. Ce n'est
pas le cas, Mme la présidente. Ils n'ont fait que respecter la loi telle que rédigée par Camille Laurin et René
Lévesque. Alors, je pense que c'est une certaine... Alors, moi, je pense
que c'est quelque chose qui a été mis dans la loi il y a 36 ans. Il y a un
impact modeste. Et, même dans le document que la ministre a déposé ici, il n'y
a aucun impact sur l'avenir du fait français en Amérique du Nord. Alors, je
pense qu'il faut baliser tout ça.
Et,
juste en terminant, si vous pouvez me décrire un petit peu le climat à l'école
St-Johns, c'est qui, vos étudiants,un petit peu la nature des familles. On parle de
qui exactement? Parce que moi, je n'étais pas dans le militaire, alors. Mais
mon impression est toujours : c'est
quand même les vies avec beaucoup de mobilité. Peut-être qu'on est au Québec
une année, on est en Alberta l'année
après, on va revenir au Québec une troisième année. Souvent, ce sont les
enfants qui ont assisté à trois, quatre, cinq, six écoles dans leur vie
scolaire.
Alors, pouvez-vous juste
décrire who are we talking about? Who are your students at St-Johns school,
juste pour éclairer les membres? C'est les familles, c'est les êtres humains. Alors, avant de tomber dans
un grand débat, pouvez-vous juste donner un
visage humain à ces élèves?
La Présidente (Mme
Richard, Îles-de-la-Madeleine) : M.
Racette.
M. Racette
(Sylvain) : Nous, on parle, pour l'école
St-Johns, majoritairement des militaires. Maintenant, les militaires qui
seraient touchés par le retrait de cette exemption-là, on parle de 106, à
St-Johns, sur une population de 800. Donc, ça affecterait beaucoup la vie de l'école.
Effectivement, est-ce qu'ils partent deux, trois fois pendant toute leur
éducation? Je vous mentirais de vous dire que c'est le cas pour la majorité.
D'un
autre côté, ce n'est pas tout le monde qui va faire des réclamations à leurs
assurances et ça ne veut pas dire quand même
que... ça ne remet pas en question le principe de l'assurance. C'est un peu la
même chose avec ça. Ces parents-là, pour une raison qui est peut-être... qui
leur appartient, eux ont l'impression que, s'ils sont démobilisés pour aller dans une autre province ou dans un
autre pays, ils ne seront pas capables ou ils n'auront... pour une raison
qui leur appartient... Et, comme vous dites
très bien, il y a une exemption, dans la loi, prévue pour ça. Ces parents-là
choisissent de s'en prévaloir pour une
raison qui leur appartient, et puis... Et voilà. Est-ce que, maintenant, tous l'utilisent
effectivement en déménageant? Je ne peux pas
vous dire ça, mais je peux certainement vous dire que, pour ces 100 parents là,
c'est assez important pour qu'ils choisissent de venir dans notre
commission scolaire.
Et
puis, comme j'ai entendu, ils pourraient apprendre l'anglais ailleurs. Ce n'est
pas pour... C'est aussi pour ça puis c'est
juste pour s'assurer d'avoir leur base en anglais à un niveau qu'ils
considèrent suffisant pour leur permettre d'être déplacés à travers le monde.
Donc, j'espère que je réponds à votre question.
M. Kelley : Parfait. Merci beaucoup.
La
Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Oui. Merci. Est-ce que... Il vous
resterait trois minutes du côté de l'opposition officielle. Ça va? Alors,
nous passons maintenant au deuxième groupe d'opposition. Vous avez un
peu plus de trois minutes pour vous adresser à nos invités.
Mme Roy
(Montarville) : Merci beaucoup, Mme
la Présidente.
La Présidente (Mme
Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Mme
la députée de Montarville...
Mme Roy
(Montarville) : Voilà, Montarville.
La Présidente (Mme
Richard, Îles-de-la-Madeleine) : ...c'est
à votre tour.
Mme Roy (Montarville) : Merci, madame. Merci, messieurs. D'entrée
de jeu, je dirai à ma collègue la députée de Laporte que la commission scolaire Riverside est
également dans le comté de Montarville, dessert les enfants deMontarville, la
magnifique ville de Boucherville et de Saint-Bruno. J'ai d'ailleurs eu le
plaisir d'aller visiter une de vos écoles
à Boucherville. Effectivement, le travail que vous y faites est impeccable. On
voit ces enfants qui, tout jeunes, au primaire
déjà, sont bilingues. Moi, je trouve ça extraordinaire. Le travail de
francisation que vous y faites — parce qu'on parle à de
petits anglophones et qui sont... ils parlent français — c'est magnifique.
D'entrée de jeu, je veux vous dire également
que nous nous opposons fermement à cette mesure. Nous ne croyons pas,
contrairement aux prétentions du gouvernement, qu'il s'agisse d'écoles
passerelles. C'est effectivement un droit qui est dans la loi, un droit qui leur a été accordé en
1977 et qui a été réitéré par décret en 1997 par nul autre que notre
actuelle première ministre, Mme Pauline Marois. Alors, moi, j'aimerais bien
savoir ce qui s'est passé entre 1997 et 2013 pour que ce soit maintenant rendu
épouvantable.
On parle d'une poignée d'enfants qui ont un
droit. Nous voulons les défendre. Et c'est l'essentiel du message que je voulais passer,
je veux que vous le sachiez que, pour nous, c'est important que ces enfants
puissent continuer à bénéficier de ce
droit. Le droit existe, et ce n'est pas comme ça qu'on va… en leur enlevant ce
droit qu'on va protéger la langue française au Québec. D'ailleurs, le
gouvernement l'a déjà dit dans un document qu'il nous a remis, la langue
française n'est pas en péril à cause de ces écoles. Alors, nous, ce que nous
disons, c'est : Il faut reculer sur cet article-là. Nous sommes absolument
contre. Donc, on se rejoint.
Outre ça, j'écoutais la ministre tout à l'heure…
Et naturellement, lorsque vous avez des enfants, vous avez les sous qui suivent et
vous pouvez offrir les services et l'institution pour offrir les services. On
parle d'une centaine d'enfants ici qui
seraient touchés si le projet de loi s'appliquait tel quel. Est-ce que... J'écoutais
la ministre et je me demande : Est-elle en train de penser, peut-être, à vous compenser financièrement pour la
perte de ces enfants-là qui iraient à l'école française? Est-ce que ce
serait une mesure, pour vous, suffisante, ou acceptable, ou pas du tout, de
compenser financièrement pour la perte des enfants?
La Présidente (Mme Richard,
Îles-de-la-Madeleine) : M. Racette, il vous resterait 1 min 30 s pour répondre.
M. Racette (Sylvain) : C'est bon, je vais essayer de... en 1
min 30 s. La richesse de ces enfants-là et
également leur culture est l'apport qu'ils font
dans notre école. Je comprends, l'argent, c'est important, l'argent. On est
tous dans des commissions scolaires.
Comme M. Kelley a dit, il ne faut pas oublier que nous, on donne des
programmes, ce qu'on appelle des
«dual streams», on donne français-anglais sans financement supplémentaire, on s'organise.
L'argent n'est pas facile, avecles
coupures qui ont... ce n'est pas facile, mais ce qui compte pour nous, c'est de
garder... On a besoin de ce dynamisme-là dans nos écoles. On ne veut pas des écoles fantômes. Une pièce de
théâtre avec une poignée d'enfants, une équipe dehockey avec une poignée d'enfants, ce n'est pas
super. Vous allez me dire que c'est juste 100 élèves. Mais 100 sur 800 dans une école,
ça fait une grosse différence. Donc, tu sais, il y a surtout cette richesse-là
auquel on pense. Puis cette cohabitation-là, on le voit, cette
cohabitation-là nous enrichit. Comme on disait tout à l'heure, ce dualisme-là
enrichit nos institutions. Tout le monde y gagne.
Mme
Roy (Montarville) : Je vous remercie
infiniment. Et je pense la même chose que vous. Merci.
La
Présidente (Mme Richard, Îles-de-la-Madeleine) : Oui. Alors, je vous remercie, représentants de la commission scolaire Riverside, Mme Bell, M. Blais
et M. Racette, merci infiniment d'avoir participé à cette commission
parlementaire.
Nous
suspendons nos travaux jusqu'à 19 h 30. Merci à tout le monde.
(Suspension
de la séance à 17 h 58)
(Reprise
à 19 h 31)
La Présidente (Mme Vien) : Bonsoir, mesdames messieurs.
Bienvenue à la Chambre des notaires du Québec.
Vous êtes ici dans le cadre des auditions sur le projet de loi n° 14.
Nous sommes heureux de vous accueillir ici cet après-midi... ce soir, plutôt,
messieurs et madame. Je vous invite donc à éteindre vos sonnettes, vos
sonneries de vos appareils électroniques, en particulier de vos cellulaires.
Alors,
M. Jean Lambert, merci d'être là. Vous nous présenterez les personnes qui vous
accompagnent. Vous aurez 10 minutes pour nous présenter en bref votre
mémoire, après quoi s'ensuivront des discussions entre vous et les
parlementaires. On vous écoute.
Chambre
des notaires du Québec (CNQ)
M. Lambert (Jean) : Alors, Mme la Présidente, merci d'abord
de nous accueillir. C'est une commission, pour
nous, qui revêt une importance… D'ailleurs, je pense qu'avec le propos que nous
allons tenir ça va, je pense, éclairer les parlementaires. Je voudrais aussi
saluer Mme la ministre et les membres de l'opposition.
Alors, très simplement, au niveau de la
Chambre des notaires, c'est surtout l'article 35 de la Charte de la langue française qui
nous préoccupe. Mais, avant d'aborder... si vous me permettez, une minute à peu
près pour vous situer et vous donner les éléments pour lesquels la
question de la maîtrise de la langue française est importante pour le notariat.
Alors,
les notaires et le notariat constituent une profession qui singularise beaucoup
le Québec. En fait, on n'en retrouve pas ailleurs en Amérique du Nord
anglo-saxonne. C'est vraiment une distinction du droit civil. Et l'officier public qu'est
le notaire détient une parcelle de la puissance de l'État. C'est pourquoi on l'a
qualifié d'officier public, tout comme les arpenteurs, pour certains
gestes, et les huissiers de justice.
Alors, le notaire a pour mission de recevoir
les parties qui veulent consigner dans un écrit ayant une force de preuve, une force de
loi sans équivalent sur les autres formes d'écrits… et donc de conférer à cet
écrit ce qu'on appelle dans notre jargon
l'authenticité. Et le Code civil, la loi reconnaît à l'écrit authentique une
force qui rend cet acte difficilement attaquable, le but évidemment
étant un but de prévention voulant que les parties ayant bénéficié des conseils
du notaire et de l'information qu'il donne à chacune des parties lorsqu'il
consigne le consentement par la suite… L'écrit fait foi de son contenu, de sa
date et aussi du consentement donné par les parties.
Alors, dit simplement, on comprend
immédiatement que le notaire, qui est, dans le fond, un scribe… ça ne veut pas dire qu'il est uniquement un scribe, mais, le
fait que son action résulte dans un écrit dont il est l'auteur, on comprend l'importance de maîtriser la langue française. Ce
qui nous a interpelés, il y a deux ans, c'est qu'à l'occasion des
examens d'admission on a eu quelques cas où il était flagrant que les citoyens
ne pouvaient s'y retrouver avec l'opinion que les candidats donnaient dans le
cadre de l'examen qu'ils avaient à l'admission… Ce qui me permet de réaliser
que j'ai oublié, Mme la Présidente, de vous présenter les personnes qui m'accompagnent.
La
Présidente (Mme Vien) : J'allais vous
inviter à le faire après votre présentation.
M. Lambert (Jean) : Oui. Alors, je le fais immédiatement,
surtout pour monsieur là-bas, là. Alors, à ma
droite, donc à votre gauche, alors
Me Sabina Watrobski, qui est au Service de la recherche, Services
juridiques, à la chambre, et qui est l'auteure du rapport, donc le
rapport final, après avoir évidemment travaillé avec plusieurs personnes; à ma gauche, donc à votre droite, le Pr Alain Roy,
qui est notaire et qui enseigne à la Faculté de droit de l'Université de
Montréal, donc qui, lui aussi, nous a éclairés beaucoup sur la réalité de ce
qui se passe au niveau des universités.
Ce qui me permet, donc, de revenir à cette
interpellation où nous avons constaté qu'un certain nombre de travaux remis dans le
cadre des examens d'admission démontraient vraiment une non-maîtrise de la
langue française, en fait une connaissance insuffisante de la langue
française. Et c'est là que, dans l'esprit des décideurs, à la chambre, on s'est
dit tout simplement : On va leur exiger
qu'ils aillent parfaire leur français et leur exiger des examens. Et l'article 35
nous a, pour ainsi dire, sauté au visage, pour s'apercevoir qu'on ne
pouvait pas exiger.
L'article 35,
qui curieusement ne s'adresse qu'aux ordres professionnels et non pas à tout
autre… le monde professionnel qui existe,
non assujetti au Code des professions, établit une présomption, dans le langage
juridique, une présomption
irréfragable. Ça veut dire que les personnes sont réputées, si elles ont fait
des études secondaires pour au moins trois
ans dans une institution qui dispense les cours en français ou dans une
institution collégiale également qui dispense ses cours en français… donc cette personne qui réussit
est donc réputée avoir une connaissance suffisante du français. La réalité évidemment est autre dans bien des cas.
Mais on réalisait qu'avec cette présomption nous ne pouvions pas agir,
les intéressés nous mettant bien en évidence
le fait que la charte les réputait être en possession d'une connaissance
suffisante de la langue française.
C'est ce qui nous a amenés à se présenter en
commission parlementaire ici aujourd'hui pour demander à ce que cet article soit
modifié. On se pose la question. On peut peut-être comprendre qu'il y a
40 ans c'était peut-être, cette présomption irréfragable, un moyen
peut-être de faire accepter à certaines personnes qui étaient réticentes à
cette première loi sur la langue au Québec…
mais, 40 ans plus tard, on ne voit pas très bien pourquoi cette
présomption irréfragable est maintenue ou
serait maintenue. On voudrait une présomption simple, ce qui permettrait, par
exemple, à un ordre professionnel de pouvoir
faire la preuve qu'un candidat ne possède pas la connaissance suffisante. Alors
donc, c'est une des recommandations que l'on formule.
Également, on passe... on s'inspire aussi de
l'article 20, qui permet à l'Administration — on
comprend, quand il s'agit d'un A majuscule, qu'on parle de l'État, du gouvernement et
de ses organismes — de pouvoir exiger et de vérifier la connaissance de la langue française. Alors, on
soumet à la commission que le notaire, officier public, donc, détient une charge qui a un caractère public, et en ce
sens on devrait également, fondés sur cet article, être en mesure de
faire cette vérification également.
Alors,
c'est l'essentiel de nos recommandations. Évidemment, je parlais d'officier
public. Il y a deux autres professions,
Mme la Présidente, qui bénéficient également de ce statut, les
arpenteurs-géomètres et les huissiers de justice. Alors, avec la
permission du président, je déposerai les lettres de ces deux ordres
professionnels, qui appuient notre démarche.
Alors donc, il n'y aura pas de dissension parmi les professions qui ont ce
titre d'officier public. Et j'y joins également la lettre de la
présidente de l'Ordre des pharmaciens, qui m'est rentrée au bureau ce matin et
qui appuie également notre mémoire. Alors, avec la permission de Mme la
présidente, on déposera ces documents.
•
(19 h 40) •
Également,
on déposera, avec votre permission, trois exemples — qu'on a banalisés, là, on a enlevé les noms, et tout ça — d'examens, de travaux remis dans le cadre des examens et
qui démontrent que la connaissance du français
n'est pas bien maîtrisée. D'entrée de jeu,
je mentionne immédiatement que, sur les trois, il y en a un, candidat, qui
provient d'un milieu francophone, élevé dans un milieu francophone,
institutions d'enseignement francophones et mauvaise maîtrise du français.
Et pourquoi je le souligne? Parce que je ne
voudrais absolument pas que la démarche de la Chambre des notaires soit perçue,
dans le fond, dans le cadre un peu d'une bataille français-anglais, là. Ce n'est
pas ça du tout. C'est que, pour les notaires...
Et j'aimerais que ce crayon, vous le voyiez comme un bistouri, comme un
scalpel. Le français, pour le notaire, c'est le scalpel, le bistouri du
chirurgien. Donc, ca suppose une connaissance beaucoup plus poussée, beaucoup
plus maîtrisée. Dans notre mémoire, on parle d'une langue impeccable, d'une
connaissance de langue impeccable et on pense que, pour la protection du
public...
Parce que je situe bien, évidemment, la démarche de la
chambre, qui a mission de protéger le public. Alors, cette démarche s'inscrit dans le cadre de la protection du
public. On pense que les conséquences que peut avoir pour des justiciables, des citoyens, d'avoir une convention
qui serait rédigée avec un français approximatif… Alors là, on est loin
de la prévention. On sème des problèmes qui
vont se retrouver devant les tribunaux, sans compter toutes les autres
conséquences que ça peut avoir. Alors, voilà, Mme la Présidente. J'aimerais, à
ce moment-là, qu'on dispose du temps pour répondre aux questions.
Documents déposés
La
Présidente (Mme Vien) : Merci, M. Lambert, pour votre présentation. Alors, j'accepte avec
plaisir le dépôt de vos documents, que j'ai ici. Je présume... Je ne sais pas si on va en
faire des photocopies ou si c'est... Bon, bien, alors Mme la
secrétaire va s'occuper de ça.
Avant
de poursuivre, M. Lambert, vous allez me permettre de m'adresser aux
collègues. J'ai oublié, tout à l'heure, de vous demander — je
suis certaine que vous allez me l'accorder — votre consentement pour qu'on
puisse accueillir notre collègue de D'Arcy-McGee,
qui ne fait pas partie de cette commission sur une base permanente, en
remplacement du député de Laurier-Dorion.
Une voix : …
La Présidente (Mme
Vien) : Pardon?
M. Kelley : Le
notaire…
Une voix : Il faut déclarer…
La Présidente (Mme
Vien) : Oui. Je déclare, à sa place,
qu'il est notaire.
Mme De
Courcy : ...longue expérience de
déclarations.
La Présidente (Mme
Vien) : Oui, vous avez raison, il en
a faite une encore cet après-midi.
M.
Lambert, merci beaucoup pour votre présentation. Ça conclut pour les
10 minutes. Mme la ministre, si vous êtes
disposée, on pourrait commencer les échanges avec la Chambre des notaires. Par
la suite, on passera la parole à l'opposition officielle.
Mme
De Courcy :
Alors, merci, Mme la Présidente, vraiment. Alors, messieurs, merci de vous être
inscrits et d'avoir
participé à cette commission parlementaire. C'était très important pour nous,
bien sûr, d'entendre votre point de vue, vous qui, dans votre
profession, êtes vraiment les gardiens de la langue, hein? Il est vrai qu'elle
est terriblement importante, dans la
fonction que vous exercez, pour les compréhensions antérieures, les compréhensions
d'aujourd'hui mais aussi les compréhensions
de demain de tous ces actes notariés que vous faites. J'ose penser aussi que
vous êtes, d'une certaine façon,
protecteurs, dans certains cas, de très vieilles expressions qui sont présentes
dans les différents actes que vous conservez. Alors, je voudrais vous
remercier, donc, abondamment d'avoir participé.
J'ai
lu avec intérêt vos recommandations concernant la maîtrise du français. Ça fait
écho à plusieurs, plusieurs mémoires que nous
avons entendus, dans les... par rapport à des organisations qui jugent que la
littératie devient une exigence
incontournable, une bonne maîtrise de la littératie, et qu'à cet égard-là les
exigences doivent être augmentées. Puis c'est vrai pour votre
profession, c'est vrai pour plusieurs professions, pour différentes raisons.
Je
vous remercie des recommandations et de l'encouragement aussi à renforcer les
exigences quant à la maîtrise de la langue. Et
je souligne votre commentaire parce qu'il m'apparaît spontané et terriblement d'actualité,
quand vous dites : Il ne s'agit pas ici
de nous poser en dichotomie ou en division avec la communauté anglophone. Nous
sommes là dans la perspective de la
protection puis de l'augmentation de la qualité du français. C'est exactement l'esprit
de ce projet de loi. Alors, je vous remercie, donc. Mes collègues auront
des questions à vous poser. Merci.
M.
Lambert (Jean) :
…il y a, à l'entrée, un grand portrait de F.-X. Garneau,
François-Xavier Garneau, qui était un
notaire. Petit commentaire.
La
Présidente (Mme Vien) : Et qui porte le prénom de mon fils. Un autre petit commentaire. M. le
député de Bonaventure, vous avez une question.
M.
Roy (Bonaventure) : Merci, Mme la Présidente. Bonsoir, messieurs, madame. Pouvez-vous me
dire si vous avez confirmé par des études que
le niveau de compétence en français des candidats au notariat a baissé et
quelle proportion de ceux-ci serait trop faible en français?
M.
Lambert (Jean) :
Alors, je vais demander au Pr Alain Roy, qui évidemment est professeur de
carrière, donc il est en bonne position pour vous en parler. Je ne sais pas s'il va vous
dire qu'une bonne partie des travaux à l'université francophone de
Montréal sont produits en anglais par les étudiants, mais enfin je lui laisse
la parole.
La Présidente (Mme Vien) : M. Roy.
M. Roy (Alain) : Merci. Merci, Me Lambert. Bon,
en fait, vous savez, les universités n'ont pas la même mission que les ordres
professionnels et leurs exigences au niveau de la qualité de la langue ne sont
pas les mêmes. Prenez, par exemple,
un étudiant qui a fait son parcours dans le système anglophone. Pour être admis
à la Faculté de droit à l'Université de
Montréal, il va devoir passer le test de français international, et l'exigence
pour entrer, la note de passage se situe à 605 sur 990, c'est-à-dire à peu près 60 %, alors que, dans d'autres
programmes, comme la médecine, on exige une note de passage de 85 %. Bon, évidemment, je ne peux
vous expliquer ce pourquoi, en droit, le seuil est si bas. Il faudrait poser
la question aux autorités. Les universités ont leurs propres contraintes. Mais
c'est évident qu'avec une note de passage de
60 %, pour un étudiant qui a fait son cours dans le système anglophone, on
ne se retrouvera pas avec des travaux ou des tests de français qui
rencontrent les exigences minimales.
Bon, ce n'est pas très scientifique, là, je
ne dispose pas, moi, comme prof… Et je ne parle pas ici en qualité de prof ou je ne
représente pas la position des profs de façon générale, mais, sur une période
de 10 ans, moi, j'ai constaté une baisse importante au niveau de la
qualité de la langue française. Il y a des étudiants qui entrent dans le
système et qui ne possèdent pas les
habiletés orales, d'une part. Bon, ça va en s'améliorant, avec le temps, parce
que, ça, on n'a pas le choix, on n'y échappe pas, là, on est dans un
milieu francophone, à l'Université de Montréal, donc les interactions font en
sorte qu'au bout de trois ans les étudiants
finissent par parler convenablement. Mais, comme Me Lambert l'a dit,
chaque prof a discrétion pour
accepter des travaux, des examens en anglais. Alors, sur le contrôle de l'écrit,
malheureusement, on n'a pas d'outil
en tant que tel, et en bout de ligne des étudiants, des candidats se retrouvent
à accéder à la profession sans détenir les habiletés nécessaires.
M.
Roy (Bonaventure) : Merci beaucoup.
La
Présidente (Mme Vien) : D'autres
questions du côté ministériel? M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Merci, Mme la Présidente. Bonsoir,
messieurs. Bonsoir, madame. La question, c'est assez simple. Vous mentionnez que le danger,
c'est que les gens ne maîtrisent pas assez bien la langue française pour
accéder au titre de notaire ou faire partie
de l'Ordre des notaires du Québec, l'association. Vous n'êtes pas les
premiers à faire cette remarque-là. Les professeurs de français langue seconde
des cégeps anglophones sont venus ici déposer puis
ils nous ont dit à peu près la même chose, en nous disant que 90 %,
95 % des diplômés des cégeps anglophones ne pouvaient fonctionner en français adéquatement. Donc, ça veut dire qu'ils
n'ont pas accès... Autrement dit, ils n'auraient pas accès à un titre, soit notaire, je ne sais pas, de
droit, ou quoi que ce soit. Bien, en droit, peut-être, parce que… vu que
la notion est à 60 %, mais vous, vous avez des exigences beaucoup plus
élevées.
Pouvez-vous me dire si... Dans votre mémoire,
vous vous êtes prononcés sur certains points très précis, celui des exigences linguistiques — c'en est un — requises pour accéder à un ordre professionnel, mais auriez-vous d'autres
commentaires à nous faire concernant d'autres aspects, là, peut-être, qu'on n'a
pas traités mais qui pourraient être traités, là, dans le cadre de ce projet de
loi?
•
(19 h 50) •
M. Lambert (Jean) : Alors, avec égards, je vais vous
dire, M. Pelletier, que les notaires, c'est du droit, là. On a le même cours que
les avocats pendant trois ans. La différence vient au niveau de la quatrième.
Le Barreau, lui, a instauré son école, je pense que c'est en 1969-1970.
Donc, le Barreau contrôle directement son cours terminal, la dernière année de formation, alors que nous, nous sommes demeurés
à l'intérieur du cadre universitaire. Donc, les universités du Québec se
trouvent à administrer, à donner le cours qu'on appelle le cours menant au
diplôme de droit notarial. Alors, les universités, évidemment, comme le
Pr Roy vient de vous le mentionner, n'ont pas les mêmes objectifs que
nous.
Maintenant, vous demandez s'il y a d'autres
éléments. Oui, effectivement, quand on... Je mentionnais tantôt qu'on voulait avoir une
modification à l'article 35 pour permettre une modification au Code des
professions qui donnerait un pouvoir
habilitant aux ordres. Parce que ce n'est pas tous les ordres qui ont la même
nécessité quant au degré deconnaissance
du français et de sa maîtrise. Maintenant, actuellement, ce qu'on voit, et c'est
lié un peu avec ce que je vous mentionne,
c'est la modification qui est proposée dans le projet de loi à l'article 113
du Code des professions, qui autorise, lors de l'inspection
professionnelle, l'ordre à pouvoir suspendre ou imposer des cours de
rehaussement du niveau de la langue, etc., ce qui nous fait dire qu'on se
retrouve un peu dans une situation paradoxale, c'est-à-dire que...
Et, pour bien comprendre, je vous mentionne
que nous inspectons, dans la première année d'admission, tous les nouveaux notaires,
l'inspection professionnelle les visite entre six mois et 12 mois dans
leur première année. Ça veut dire que,
si on applique cet article modifié, l'inspection professionnelle nous revient,
nous dit : Voici, tel notaire n'a pas une connaissance suffisante, on ne s'y retrouve pas, on comprend mal les
opinions juridiques; on demande une suspension. Alors, on se retrouve dans la situation suivante : on admet le
candidat à la profession, il devient notaire; sept ou huit mois plus tard, l'inspection professionnelle nous
dit : Suspendez-le, et on le suspend au motif qu'il n'a pas une bonne
maîtrise de la langue française. Alors, on trouve ça...
D'abord, un, ça créera des situations très
pénibles parce que le jeune notaire ayant été admis, il s'installe, famille, maison, ses obligations de bureau, etc., au bout
de sept, huit mois, on dit : Savez-vous, il faudrait que vous retourniez apprendre… rehausser votre niveau de français,
nous, on estime que vos contrats, là, créent des problèmes. Et d'ailleurs
ça voudrait dire que, pendant un certain nombre de mois, le public n'aura pas
eu droit à un service auquel il est en droit de s'attendre au niveau de la
qualité du français.
Alors,
on trouve ça un petit peu paradoxal et on dit : Si l'intention du
législateur, c'est effectivement de permettre
d'avoir un contrôle sur la qualité de la langue a posteriori, nous, on voudrait
qu'on l'ait surtout a priori, c'est-à-dire,avant
que le candidat soit admis, lui dire : Écoutez, on pense que vous devriez
améliorer la qualité de votre langue, ce qui
permettrait d'ailleurs, au niveau des études universitaires, de pouvoir aviser
les candidats au notariat — et là il n'y a pas de
distinction quant à l'origine ou la culture de quelqu'un, c'est vraiment tout
le monde — de dire : Écoutez, vous aurez un examen de
français pointu à faire pour être admis, alors, si vous croyez avoir des
déficiences, profitez donc du temps que vous avez devant vous et puis
voyez à corriger ça. Alors, on pense qu'à ce moment-là on met vraiment l'accent
sur la prévention et on risque d'atteindre d'une façon beaucoup plus efficace
notre mission de protection du public.
La
Présidente (Mme Vien) : M. le député.
M.
Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Il
reste du temps, oui?
La
Présidente (Mme Vien) : Bien entendu.
Il vous en reste beaucoup, à part ça.
M.
Pelletier (Saint-Hyacinthe) : O.K.
Merci, Mme la Présidente, vous êtes bien gentille. Juste par curiosité, maintenant, vous faites partie... vous avez votre
ordre, vous avez le Barreau. Est-ce que vous avez des rencontres pour essayer d'avoir des critères... Vous êtes très
rigoureux dans la maîtrise de la langue française en fonction de votre
profession, mais est-ce qu'avec le Barreau vous avez des échanges, là, pour
justement... pour que vous ayez peut-être les mêmes critères? Vous parlez quand même, là… On parle toujours de droit, et c'est
quand même important pour que les écrits soient très, très
compréhensibles, là, dans tout ce que vous pouvez faire comme travail.
M. Lambert (Jean) : On a beaucoup d'échanges avec le
Barreau. Maintenant, si on regarde le mémoire du
Barreau, ce volet-là n'est pas touché, sauf
erreur, là, et je pense que la raison est le fait que le Barreau, comme il
contrôle son école, comme il contrôle cette formation de la dernière
année du futur avocat, il n'a peut-être pas senti le besoin que nous, nous venons… Parce que, nous, c'est les
universités, et, lorsqu'on parle de français aux universités, ils disent :
On veut bien, mais les étudiants vont
nous opposer 35. Donc, on est un peu piégés dans ça. C'est pourquoi on demande
qu'on puisse avoir le pouvoir habilitant.
D'ailleurs, c'est la question que je posais à Mme la ministre d'entrée de
jeu : Est-ce qu'aujourd'hui c'est
encore approprié d'avoir une présomption irréfragable, alors que ça pourrait
être une présomption simple, et les faits pourraient, à ce moment-là,
prévaloir? Alors, si on avait ça, plus que le projet de loi n° 14
permette de modifier le Code des professions
pour donner un pouvoir habilitant aux ordres professionnels qui voudront bien,
à ce moment-là, accorder leurs
exigences selon leur profession — et d'ailleurs c'est reconnu, ça, selon la profession, j'ai
vu ça ici, à quelques endroits dans le projet — alors je pense qu'on irait vraiment plus loin.
Et on pourrait, à ce moment-là, être capables
de faire comme, par exemple, l'école du journalisme, qui n'est pas une profession
contrôlée, mais ils imposent un examen. Alors, pour être journaliste, il faut
avoir réussi un examen de français beaucoup... de plus haut niveau que
ce qui est accordé par le test de français international. Il en est de même
aussi au niveau des enseignants, alors,
curieusement, encore une fois, une profession qui n'est pas régie par le Code
des professions. Donc, l'appellation
«ordre professionnel» ne s'applique pas à ces groupes-là. Donc, c'est un peu
aussi la question : Pourquoi restreindre aux ordres professionnels?
Ça devrait être à tout le monde. Dans le fond, il devrait y avoir une espèce d'uniformité,
mais par ailleurs aussi une souplesse pour permettre à chaque ordre
professionnel, qu'il soit régi par le Code des professions ou non, de pouvoir
ajuster selon ses besoins, ce que font d'ailleurs les deux que je viens de vous
mentionner.
M.
Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Merci
beaucoup.
La
Présidente (Mme Vien) : M. le député
de Bonaventure.
M.
Roy (Bonaventure) : Merci. Bien,
peut-être une dernière question : Est-ce que vous auriez d'autres
commentaires à faire concernant les autres aspects de la loi n° 14?
M. Lambert (Jean) : Bien, je pense que... Puis j'ai été
vite un peu au début, c'est sûr, quand on a 10 minutes, on veut aller au
principal. Bien, on remerciait… Je pense qu'on partage le désir de la ministre
d'améliorer la loi pour la rendre, je pense, plus conforme à la réalité
d'aujourd'hui. C'est peut-être le commentaire que je ferais. Peut-être, à l'occasion
de d'autres questions, on reviendra sur des aspects un petit peu plus pointus.
M.
Roy (Bonaventure) : Merci.
La Présidente (Mme Vien) : Ça complète de votre côté? Bien.
Merci, M. Lambert. Nous allons passer
maintenant du côté de l'opposition officielle avec notre collègue de D'Arcy-McGee,
qui s'est lui-même déclaré notaire. Alors, on vous écoute, maître.
M. Bergman : Merci beaucoup, Mme la Présidente.
Alors, Me Lambert, les membres de la Chambre des notaires qui sont ici
aujourd'hui, bienvenue, merci pour votre présentation. Si je suis correct, la
base de notre système professionnel, c'est la protection du public, n'est-ce
pas? Pouvez-vous définir pour cette commission c'est quoi, la protection du
public, ça veut dire quoi?
M. Lambert (Jean) : Alors, la protection du public telle
que, je pense, l'ensemble des ordres professionnels la comprennent, c'est...
M. Bergman : ...notaires.
M. Lambert
(Jean) : Pardon?
M. Bergman : En ce qui concerne la Chambre des notaires.
M.
Lambert (Jean) :
Pour nous? Alors, d'accord. Lorsqu'un citoyen recourt aux services d'un
notaire, la mission de la chambre, c'est de s'assurer d'abord que ce notaire est compétent, qu'il,
d'ailleurs, maintienne son niveau de compétence, d'où maintenant l'obligation de suivre des cours de formation continue,
qu'il respecte les normes de la pratique. On a un certain nombre d'exigences
qui sont techniques, comme par exemple la conservation des actes, qui doivent
perdurer au-delà d'un incendie de deux heures et demie, bon, en fait, des
choses qui sont plutôt techniques.
Mais
par ailleurs évidemment, lorsqu'ils reçoivent, par exemple, des fonds de leurs
clients en dépôt à l'occasion de diverses
transactions ou de règlements de succession, les notaires sont assujettis à des
normes très strictes quant à la consignation
des sommes, la vérification de ces sommes, de pouvoir utiliser ces sommes-là
uniquement lorsqu'ils ont des autorisations
écrites de leurs clients. Donc, il y a un encadrement très strict. Également,
concernant les conflits d'intérêts, il
y a des normes qui sont très, très rigoureuses aussi à ce niveau-là. Donc, l'ensemble
de ces éléments-là constituent des éléments de protection. Et la chambre
a à veiller à ce que les notaires, en tout temps, respectent et satisfont à
leurs obligations déontologiques.
Alors,
l'inspection professionnelle, qui est un élément de la protection du public, c'est...
Régulièrement, les notaires sont l'objet de visites, on examine, on prend des dossiers
au hasard, on regarde comment ces dossiers-là ont été traités, on regarde la comptabilité en fidéicommis, d'ailleurs
il y a un rapport annuel qui doit être donné. Mais il y a des
inspections-surprises qui sont faites dans
les études pour s'assurer qu'en tout temps la comptabilité est impeccable, qu'il
n'y a pas eu d'emprunt fait, même
avec intention de rembourser — pour nous, c'est un péché
capital — bon, etc. Alors, on voit donc qu'il
y a un volet préventif très fort.
Maintenant,
on a un curatif aussi. Parce que, malgré tout cela, il arrive à l'occasion qu'il
y ait des notaires qui soit en ont pris large
volontairement ou involontairement, mais n'ont pas été prudents. Alors, il
existe ce qu'on appelle la discipline, le
syndic. Alors donc, là, il y a des plaintes, lorsque l'enquête est probante, il
y a des plaintes, et ces notaires sont sanctionnés.
Alors, ça peut aller jusqu'à la radiation. Donc, on retire ce professionnel de
la circulation, et ce, dans une optique de protection du public. Alors,
rapidement, là, c'est ce qu'on appelle la protection du public.
• (20 heures) •
M. Bergman : Alors, si je vous comprends bien, pour comprendre si un
notaire est vraiment compétent, je demanderais
si l'inspection professionnelle a été faite à son étude, s'il y avait des
réclamations d'assurance responsabilité, s'il y avait des condamnations par le conseil de discipline, s'il y
avait eu rapport des syndics contre le notaire, si son acompte en fidéicommis a eu des comptes... il balançait
chaque année. Avec ce portrait, on peut voir si le notaire est compétent
et qu'il y a protection du public, car c'est
la seule base, n'est-ce pas, pour les ordres professionnels pour être certains
que les candidats qui sont mis comme membres de l'ordre sont compétents,
qu'il y ait la protection du public, n'est-ce pas?
M. Lambert
(Jean) : Exact.
M.
Bergman : Il
semble que vous avez ajouté… ou questionné la compétence des notaires, de temps
en temps, de leur
maîtrise de la langue française. Si je vous demandais une statistique pour
cette commission — que vous pourriez nous envoyer à un autre temps — entre 1960 et 2010, les notaires provenant de la communauté
anglophone : Est-ce que vous pouvez me
dire si le résultat des inspections professionnelles était correct pour tous
ces notaires? Est-ce qu'il y avait des réclamations pour l'assurance
responsabilité? Est-ce qu'il y avait des condamnations par le conseil de
discipline? Est-ce qu'il y avait des
rapports négatifs par le syndic? Et est-ce que les acomptes en fidéicommis
avaient des balances négatives? Comme ça, on peut déterminer si le
notaire était compétent et si le public a été protégé, n'est-ce pas?
M.
Lambert (Jean) :
Bon. Alors, pour répondre franchement à votre question, non, ces statistiques n'existent pas. Par ailleurs... Parce que, là, vous avez
bien singularisé : les notaires anglophones, si je vous ai bien compris.
M.
Bergman : Il
semble que, si je lis votre mémoire et je lis les conclusions, vous émettez une
crainte qu'il y avait beaucoup de professionnels
qui n'avaient pas la compétence linguistique. Alors, si je vous comprends bien,
c'est une réflexion de beaucoup de notaires
de la communauté anglophone qui ont pratiqué entre ces 50 années — pas
cinq années, 50 années — et je me demande, par rapport à ces notaires, les
résultats, car c'est facile pour faire un commentaire de cette nature. Je
voulais savoir : Est-ce qu'il y a une base à ces commentaires? Et j'ai
pris des notes, comme vous avez mentionné, l'inspection professionnelle, l'assurance
responsabilité, les condamnations par le conseil de discipline, les rapports de
syndics, les acomptes en fidéicommis.
M.
Lambert (Jean) :
Alors, écoutez, il y a certainement eu quelques cas, mais il n'y a pas un
nombre qui n'est pas en accord avec l'ensemble
des autres notaires d'autres origines. Je vous dirais, et là je parle d'une
opinion qui est plus personnelle, sur des
notaires anglophones… Et là je vais exclure peut-être les 10 dernières années.
Je pense que, moi, tous les notaires anglophones que j'ai rencontrés et dont j'ai pu voir
les contrats en échange avec eux, c'était impeccable, c'était très bien.
Je
pense que c'est... Je ne voudrais pas, là, singulariser les notaires
anglophones en pratique. Cependant, la réalité
des 10 dernières années, avec l'arrivée d'un
nombre important d'autres origines dont la langue anglaise est la langue
qui est utilisée fréquemment ou
essentiellement dans le milieu d'origine de ces gens-là ou dans le milieu
familial, et c'est eux souvent qu'on
va voir que la maîtrise de la langue française est déficiente. Alors, je pense
que c'est... C'est ce qu'on voit.
Maintenant, je vous ai
mentionné qu'aussi au niveau de candidats francophones nous avons aussi... Et j'ai
mentionné que, dans un des trois cas qui vous étaient soumis, il y avait un
candidat de milieu francophone, de culture francophone, etc. Donc, en fait, l'exigence
qu'on demande, on ne veut pas pointer une communauté par rapport à une autre, mais on veut que tous les candidats
notaires aient... présentent une fiche impeccable quant à la connaissance
du français pour être admis à la profession.
La Présidente (Mme
Vien) : M. le député... Oui, M. le
député de Jacques-Cartier.
M.
Kelley : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. À mon tour, bienvenue aux représentants de la
Chambre des notaires.
Et je vais vous poser la même question que j'ai posée au Conseil
interprofessionnel. Parce que, je comprends, la précision linguistique
est très importante dans votre métier, dans votre profession, c'est très
important. Mais on a besoin des personnes
qui n'ont pas la langue française d'origine. Alors, comment est-ce qu'on eut
les aider davantage? Et moi, j'ai
pris dans l'autre cas, le cas des infirmières, parce qu'on a besoin des
infirmières. J'ai des postes disponibles, dans l'hôpital dans mon comté, sans preneur. Alors, je pense qu'on a tout
intérêt, comme société, d'aider de former la main-d'oeuvre.
Alors,
dans le monde des notaires, est-ce que la mise à niveau, c'est uniquement la
responsabilité des universités ou est-ce que la chambre peut aider? Pas
uniquement... Et, je comprends, votre perspective est généralisée. Mais, il
faut avouer, moi, je travaille dans ma
langue seconde. C'est plus difficile que travailler dans ma langue maternelle,
mais je le fais depuis un certain temps. Alors, est-ce qu'il y a un rôle
pour la chambre à jouer pour aider les candidats pendant leur formation de
maîtriser le lexique? J'imagine, le monde des notaires a un certain jargon, un
certain lexique précis à eux qu'il faut maîtriser.
Alors,
est-ce que c'est uniquement le rôle des universités de le faire ou est-ce que
la chambre peut être un petit peu plus
proactive aussi pour aider les candidats de la communauté d'expression
anglaise, les nouveaux arrivants qui arrivent d'autres sociétés aussi? On veut
les intégrer, on veut qu'ils deviennent les membres entiers dans notre société
québécoise, qui vont participer. Alors, est-ce qu'il y a un rôle pour la
chambre à jouer aussi pour aider à hausser la connaissance et la précision linguistique
nécessaires pour exercer le métier de notaire dans notre société?
M.
Lambert (Jean) :
Alors, l'aide que la chambre peut faire, évidemment, c'est de pouvoir préciser
des standards, des normes, des exigences. Maintenant, pour administrer, la chambre est
tout à fait mal placée au niveau des étudiants pourla simple raison que les universités, en vertu de
leur statut d'autonomie, n'acceptent pas facilement qu'un ordre ou une
entité étrangère à l'université vienne
soudainement s'inscrire dans les cours. On a déjà, dans le passé, fait des
demandes qui n'ont rien à voir avec
la langue comme ça et on s'est fait tout simplement dire qu'on n'entrait pas
dans le cursus universitaire.
Donc,
en dehors, comment arriver à des étudiants puis dire : Savez-vous, le
samedi, la chambre va tenir des cours de
français? D'abord, est-ce que nous sommes la meilleure source pour ça? Je ne le
sais pas. La question est posée. Alors, ce
qui est certain, c'est que, si on avait les modifications qu'on vous demande,
là on aurait le pouvoir de dire aux universités :
Vous avez la connaissance pour gérer et administrer des cours, notamment des
cours de français. Est-ce que vous êtes capables de mettre dans votre
cursus ou encore passer un examen tôt et, là, dire à certains étudiants :
Vous auriez avantage… n'attendez pas d'être
rendus à la fin, vous auriez avantage de suivre tel et tel cours? Et voici les
sources, voici les endroits où on pourrait satisfaire à votre besoin. Je pense
que c'est plutôt là que ça doit aller.
Nous,
on a demandé aux universités d'administrer des examens de français, et elles se
sont senties très mal à l'aise à ça, parce qu'elles ont dit : Écoutez, on
fait face à 35 et on va se faire dire par les étudiants : Écoutez, vous n'avez
pas besoin de nous demander ça, là. On est
réputés avoir la connaissance suffisante du français. Alors, à ce moment-là,
pour nous, c'est assez difficile. Ça
ne veut pas dire que, si la Chambre pouvait, avec les universités, jouer un
rôle... Bien sûr. On est très ouverts,
on a plein d'actions qu'on pose conjointement. On a actuellement un projet de
modification de cette quatrième année d'accès au notariat où on a, de
concert avec les universités, prolongé. Et il y a des cours pratiques qui vont
être donnés. Et on peut comprendre qu'à ce
moment-là ça pourrait être une bonne période, à l'occasion des stages, de
pouvoir donner une chance à quelqu'un qui a besoin d'améliorer la maîtrise du
français de le faire.
• (20 h 10) •
M.
Kelley : Je
comprends, mais légiférer la clause en question faisait partie des négociations
entre la communauté d'expression anglaise et Gérald Godin il y a 30 ans. Alors, ça faisait
partie d'un certain compromis, d'une certaine chose. Et moi, que je
doive légiférer avant que la chambre peut aider les candidats à maîtriser le
français, je ne comprends pas, honnêtement. Moi, je pense...
Et
je comprends les universitaires, c'est un monde qui est difficile à bouger, et
tout le reste, je comprends tout ça. Mais, si on a besoin de ces candidats, si on a
besoin des notaires de demain, moi, je vous invite à une réflexion, de
voir s'il y a une façon autrement, sans légiférer, de dire qu'on a besoin d'augmenter
la précision linguistique pour nos futurs notaires, travailler ensemble pour
trouver la solution plutôt que toujours légiférer, parce qu'une fois qu'on a
légiféré on remet en question les compromis du passé, et ça va peut-être créer
d'autres problèmes.
Alors, c'est juste une réflexion. Je ne suis
pas notaire, alors, ça, c'est une déclaration de non-intérêt. Mais je vous invite à une réflexion. Parce que je comprends très
bien le besoin, la précision, et tout le reste, mais est-ce qu'il faut légiférer tout le temps
pour arriver à cette fin ou est-ce qu'il y a d'autres manières de travailler
avec les universités pour arriver aux fins... l'objectif qui est
louable?
M. Lambert (Jean) : Alors, quand on demande de légiférer,
en fait, c'est de modifier une législation
existante, c'est de donner un pouvoir habilitant, par le truchement d'une
modification au Code des professions, qui permettra à un ordre professionnel, nous, par exemple, de penser
à un règlement avec... spécifiant les exigences claires pour tout lemonde, là, puis je ne fais pas encore anglos et
les autres, là, mais pour tout le monde. Et, à ce moment-là, ce
règlement... et le législateur peut très
bien, lorsqu'il acceptera le règlement, de dire : Ce règlement devra faire
l'objet d'une approbation gouvernementale,
comme plusieurs des règlements adoptés en vertu du Code des professions font l'objet
d'une autorisation par le gouvernement, donc question d'assurer l'équité,
d'assurer l'équilibre. Alors, je pense que ça, c'est possible.
Et ce n'est pas une législation dans laquelle
on mettrait des normes. Là, je vous suivrais parce que, là, ça pourrait... on serait
peut-être portés à aller trop loin, alors que, pour certains ordres, ce
besoin-là n'y est pas. Par exemple, le président de l'Ordre des architectes, s'il venait, vous dirait, comme il l'a dit
au Conseil interprofessionnel : Nous, on a le droit de donner un certificat d'une année à un architecte
qui vient de l'extérieur, qui ne maîtrise pas le français. Oui, mais on
fait des concours à tour de bras pour avoir des... pour des édifices publics,
les gens viennent ici, on ne leur donne seulement que pour un an, et là on est
piégés. Donc, lui, il a le besoin contraire, mais il n'a pas la souplesse.
Alors,
dans le fond, ce que je viens de vous dire, c'est que, si on avait cette
souplesse dans le Code des professions… Et
je pense qu'il y a des mécanismes pour s'assurer qu'à ce moment-là les
réglementations prises en vertu de ce code peuvent faire l'objet d'un
contrôle gouvernemental sérieux, question d'assurer l'équité et de ne pas être
discriminatoire envers personne.
M. Kelley : Moi, je vais toujours plaider pour la
souplesse. Je veux juste toujours soulever que je ne veux pas créer des obstacles
et toujours tenir compte que, pour des candidats dont la langue française n'est
pas leur languematernelle, ça va
être un petit peu plus difficile. Alors, si, dans la souplesse, on peut tenir
compte de tout ça, je pense qu'on est
sur la même longueur d'onde. Mais je veux juste le soulever parce que je pense
qu'on a tout intérêt que l'ensemble de la société québécoise sont admissibles avec tout le travail qu'il faut
faire pour contribuer à l'avenir de la profession des notaires.
M.
Lambert (Jean) : M. le député, j'ai
vécu longtemps dans le West Island. J'ai, comme bien d'autres, appris l'anglais,
et ce n'est pas un cauchemar, pour moi, d'avoir appris l'anglais. Je suis même
très heureux de posséder cette langue-là,
assez bien d'ailleurs, parce que ça m'ouvre un horizon très large que je n'aurais
pas si je n'avais que le français. Mais
j'imagine que l'inverse est aussi vrai. Et j'ai remarqué chez plusieurs jeunes
anglophones du Québec qu'il n'y avait pas de problème au niveau de la
connaissance; même, souvent, ils la parlent mieux que nous.
Alors, je ne voudrais vraiment pas, là, qu'on
reste centrés sur cette question. Je pense qu'il faut voir la protection du public.
Je me dis : Moi, je suis à Toronto, est-ce que ça serait pensable de dire
«french only» sur la porte de mon bureau? C'est absolument invraisemblable. Je pense que la Law Society, là-bas,
me dirait : Écoutez, il faut que vous soyez capable d'expliquer le
droit à n'importe quel citoyen, on vous donne un permis. On m'a toujours
expliqué, moi, qu'un permis professionnel, c'est
un privilège que l'État donne à un individu. Alors, il me semble qu'il y a une
cohérence dans tout ça.
La
Présidente (Mme Vien) : Merci
beaucoup, M. Lambert. Je cède la parole maintenant à la députée de Montarville
pour un temps de 5 min 33 s, à peu près.
Mme Roy (Montarville) : Merci, Mme la Présidente. Merci,
madame, merci, messieurs, pour votre mémoire.
Je trouve que vous faites preuve d'une
grande honnêteté pour... et je devrais dire d'une honnêteté professionnelle,
dans la mesure où on est tous surpris de constater qu'un ordre
professionnel vienne nous dire qu'il arrive que le niveau de français de ses
membres ou de ses membres en devenir, puisqu'on parle des étudiants qui sont en
quatrième année au notariat, n'est pas
suffisant, ne sera pas suffisant pour répondre aux critères de la profession,
aux exigences de la profession.
Je comprends ce que vous voulez dire en
voulant faire disparaître l'irréfragabilité de cette présomption-là pour faire en sorte qu'on puisse apporter une preuve
contraire sur la connaissance du français des étudiants. Un coup que cela est fait, ça vous donnerait au moins des coudées
franches pour dire : Vous ne pouvez pas graduer, votre connaissance
du français est insuffisante, au lieu de dire qu'on présume que vous l'avez. C'est
le point que vous voulez faire.
Maintenant, moi, je veux aller un petit peu
plus loin, je veux savoir... C'est une problématique, de toute évidence. Probablement
que ça ne touche pas juste des étudiants anglophones, mais peut-être même des
étudiants francophones. Vous acquiescez à cet égard. Alors, je trouve
que ça, c'est une grande honnêteté intellectuelle. De dire que nos finissants universitaires qui, après un baccalauréat en
droit, n'ont pas de connaissances suffisantes pour réussir ou pour
répondre à la profession du droit notarial, c'est grave. C'est très important
que ce soit dit. Vous le dites, et même d'autres ordres professionnels sont d'accord
avec vous.
Et, cela dit, moi, j'aimerais savoir si vous
avez fait des démarches auprès du ministère, du ministère de l'Éducation supérieure,
ou des collèges, ou du gouvernement pour dire, comme vous disiez : Le
niveau de l'examen qu'on demande est somme
toute assez bas. Avez-vous sonné l'alarme avant aujourd'hui et à d'autres
ministères, bien, surtout le ministère des Études supérieures, pour qu'on
hausse les critères en quelque part? Parce que c'est au cégep et à l'université
qu'il faut déjà être bon en français pour pouvoir arriver aux standards exigés
par le droit notarial ou le droit tout court, le droit du Barreau, par exemple.
M. Lambert (Jean) : Nous n'avons pas voulu faire… je ne
dirais peut-être pas le procès, là, mais de l'enseignement du français au Québec. Je pense que ça ne nous appartient
pas. Nous, simplement, on a constaté que les candidats… et, depuis quelques années, on ne voyait pas ça
avant, mais là on le voit d'une façon très nette, que la maîtrise du
français n'est pas là et d'une façon
suffisamment importante pour savoir que ça peut porter préjudice à la
protection du public.
Donc, nous, nous nous sommes tournés vers
ceux qui forment nos candidats et ceux qui sont les plus près de nous, donc les
universités. Alors, on n'a pas alerté le ministère. On a vérifié au niveau de l'Office
de la langue française parce qu'on a
voulu regarder... Comme je vous dis, on a été interpellés particulièrement par
des cas qui nous ont été présentés par les formateurs il y a deux ans ou trois ans, et c'est là qu'on a fait le
tour. On a parlé à l'office, et on voulait dire : Est-ce que, l'office, vous seriez prêt à administrer un
concours? Ça répondrait d'ailleurs probablement à une question qui a été
posée ici. Puis ils ont dit : Non, ça
ne nous appartient pas de faire ça. Et là on s'est aperçu que, dans le fond, l'article 35
créait peut-être un terrain glissant.
Maintenant,
je peux peut-être comprendre, mais votre question me donne l'occasion peut-être
de dire… de retirer… l'irréfragabilité — ce
n'est pas un mot facile. Peut-être que c'est gros, mais j'aimerais au moins qu'on
puisse prévoir un régime d'exception, comme je
vous dis, en référant au Code des professions, avec une disposition habilitante
et un contrôle gouvernemental au niveau de l'acceptation d'un règlement. Il me
semble que, là, on pourrait créer cette exception si on veut garder le
principe, comme je vous dis, d'une présomption que l'on ne peut pas contester.
À ce moment-là, on atteindrait notre but également.
Des
voix : …
La
Présidente (Mme Vien) : Ça complète,
Mme la députée? Alors, Mes Lambert, Roy et… Watrobski?
Une
voix : ...
La
Présidente (Mme Vien) : Comme vous
dites. Excusez-moi, c'est un mot qui... Watrobski. Alors, merci beaucoup de
votre participation.
Une
voix : Ça a pris du temps à m'habituer.
La
Présidente (Mme Vien) : Oui. Je suis
certaine que maître me pardonnera. Merci de votre contribution, merci d'être
venus nous voir.
Et
je suspends quelques instants, le temps de laisser… donc, à l'autre groupe de
venir s'installer. Merci.
(Suspension
de la séance à 20 h 20)
(Reprise
à 20 h 22)
La
Présidente (Mme Vien) : Alors, nous
poursuivons, ce soir, nos auditions sur le projet de loi n° 14.
Nous
avons le plaisir d'accueillir, pour ces consultations, la Table de concertation
des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes. Alors, qui
est le porte-parole? C'est M. Ramirez?
Table de concertation des
organismes au service
des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI)
M.
Reichhold (Stephan) : En fait, je
vais... Stephan Reichhold, je suis...
La
Présidente (Mme Vien) : Reichhold?
M.
Reichhold (Stephan) : ...le directeur
de la table. Oui, Reichhold en version originale.
La Présidente (Mme Vien) : Reichhold. Vous me mettez à l'épreuve
ce soir. Alors, cher monsieur, vous seriez aimable de nous présenter les gens qui vous
accompagnent. Vous aurez donc, comme les autres groupes, 10 minutes pour
nous présenter l'essentiel de votre mémoire. Après quoi, il y aura des échanges
entre vous tous et les parlementaires ici. Ça vous va?
M.
Reichhold (Stephan) : Parfait.
La
Présidente (Mme Vien) : On vous
écoute.
M. Reichhold (Stephan) : Alors, Stephan Reichhold, je
suis directeur de la Table de concertation des
organismes au service des personnes
réfugiées et immigrantes et je suis accompagné par les membres de mon C.A.,
notre coprésident, José Maria Ramirez, et les membres Florence
Bourdeau et Darryl Barnabo. Je vais faire une brève introduction, après je
vais passer la parole à mes membres... aux membres du conseil d'administration.
Alors, tout d'abord, juste pour expliquer
brièvement, la table de concertation, TCRI, ça regroupe 137 organismes à travers le
Québec, des organismes communautaires qui viennent au soutien et à la défense
des intérêts et des droits des personnes réfugiées, immigrantes et sans
statut.
Peut-être juste pour introduire un peu notre mémoire. Bon,
globalement, nous souscrivons à l'esprit du projet de loi n° 14 en ce
qui a trait aux personnes réfugiées, immigrantes qui relèvent de notre mission
et qui vise un renforcement du fait français au Québec. Donc, nous
sommes très à l'aise avec ça. Nous trouvons particulièrement intéressant d'élever
l'accès à la francisation et aux services d'intégration à un niveau d'un droit
fondamental pour les personnes... pour les nouveaux
arrivants, ce qui est quand même, selon nous... Je ne connais pas d'autres
pays, d'autres États qui en font un droit,
un principe vraiment enchâssé dans une charte. Et ça, je pense qu'on approuve
fortement cet état de fait. Donc, je vais passer la parole à ma collègue
Florence Bourdeau.
La Présidente (Mme
Vien) : On vous écoute, madame.
Mme
Bourdeau (Florence) : Bonjour. Donc, effectivement, comme le précisait Stephan, on considère
que le droit à
la francisation et ce qui est dit le droit à des mesures raisonnables d'accueil
et d'intégration comme une réelle avancée pour les immigrants. Nous,
comme organisme d'accueil, on croit fermement que tout ce qui est mesures
spécifiques pour l'intégration des nouveaux
arrivants sont vraiment comme le fondement de leur intégration
socioprofessionnelle.
Cependant,
en fait, on reste très vigilants et on souhaitait attirer votre attention quant
à la façon dont ces droits vont être mis en oeuvre, notamment dans ce qui devrait
s'accompagner d'une meilleure répartition des ressources. Je m'explique.
Actuellement, en fait, au Québec, on
privilégie essentiellement l'intervention institutionnelle. Sur l'ensemble du
budget qui est consacré à l'accueil et à l'intégration des nouveaux arrivants,
il y a à peine 20 % qui se rend dans les organismes communautaires, que
nous représentons tous, et sur le terrain. Le reste, les 80 %
restants — c'est plus ou moins 250 millions de dollars — vont
être répartis au sein des ministères, Immigration, Emploi et Solidarité
sociale, et au sein du MESS, et avec également, pour certains ministères, le peu de succès que
l'on connaît, notamment en termes d'intégration à l'emploi des nouveaux
arrivants.
D'un
autre côté, il y a nous, les organismes d'accueil, qui cumulons à la fois une
expertise en matière interculturelle, une pratique adaptée aux nouveaux arrivants et qui
sommes un petit peu la porte d'entrée, chaque année, pour environ
50 000 immigrants qui viennent s'établir.
Malheureusement, en
fait, à la fois l'éparpillement des ressources, le manque de concertation entre
les acteurs institutionnels, que ce soit
entre le MICC et Emploi et Solidarité sociale pour tout ce qui est services d'employabilité
aux nouveaux arrivants, que ce soit entre le ministère de l'Immigration et le
ministère de l'Éducation, qui proposent tous les
deux une offre de francisation mais sans qu'il y ait de guichet unique, et ce
qui représente un véritable casse-tête pour les nouveaux arrivants... Donc, tout cet éparpillement et ce manque de
concertation a tendance, en fait, à nuire aux efforts d'accueil des
nouveaux arrivants. Et enfin, dans toutes ces mesures qui sont proposées, on
vise spécifiquement les nouveaux arrivants,
mais pas la communauté d'accueil. Et on trouve que tout cet aspect de relations
interculturelles manque encore dans cet effort d'offrir un droit à la
francisation et un droit à l'accueil.
Donc,
ce qu'on propose — puis après je vais laisser la place à
mon collègue Darryl qui va continuer — c'est à la fois une meilleure allocation des ressources avec une
distribution des rôles qui soit plus claire, des responsabilités mieux
identifiées et une imputabilité qui se fasse sur les résultats observés et non
plus sur le nombre de services rendus, une reconnaissance
accrue des services d'accompagnement et surtout une politique interculturelle
qui soit là pour soutenir la communauté d'accueil et les nouveaux
arrivants dans cette perspective de droit à la francisation et de droit à l'accueil
et à l'établissement.
• (20 h 30) •
M. Barnabo
(Darryl) : Alors, merci. Darryl
Barnabo, vice-président de la TCRI. Bien que nous appuyions effectivement le projet de loi n° 14 dans son
ensemble, nous tenions à souligner que la maîtrise du français à elle
seule n'était pas garante d'une intégration
économique réussie, donc, de nos immigrants. Non seulement, l'offre de français
aux immigrants, nous la qualifions d'insuffisante,
dépendamment évidemment des régions ou des villes où les immigrants s'y
retrouvent en fait… nous la qualifions, effectivement, d'insuffisante pour les
mener à l'employabilité. Et nous constatons
qu'il n'y a pas souvent de continuum de services permettant un parcours que je
décrirais comme tel : l'arrivée, donc,
de l'immigrant, l'apprentissage théorique du français. Et le manque, en fait,
serait donc l'intégration à des plateaux de travail où l'immigrant... un endroit où l'immigrant pourrait pratiquer
les notions théoriques, se perfectionner et apprendre aussi les expressions québécoises — pourquoi
pas? — ce qui permettrait finalement à l'immigrant d'avoir une recherche d'emploi plus autonome et plus convaincante
aussi auprès des employeurs.
Les
avantages à ce parcours un peu rapidement défini seraient un obstacle moins
grand à trouver un emploi du fait, finalement, que la barrière moins grande...
il y aurait une barrière, pardon, moins grande avec le monde du travail,
une meilleure élocution, en fait, des
immigrants au niveau du français. Parce que, nous l'avons déjà souligné, en
termes des immigrants qui viennent déjà ici,
au Québec, parlant déjà le français, on parle notamment des Africains, des
Maghrébins et d'autres communautés qui
arrivent et qui ont de la difficulté souvent à s'exprimer… Des fois, on nous parle de
l'accent, de l'écriture, qui est un manque, principalement. Donc, cette
intégration au marché… au plateau de travail où on parle de pratiques serait
une solution qui pourrait aider. Évidemment, on parle de meilleurs repères
aussi face à la société québécoise, donc une intégration. Alors, nous
soutenons... Donc, il faudrait un meilleur arrimage finalement entre les
mesures de francisation et, je dirais, les mesures d'employabilité, qui
seraient des moyens qui favoriseraient, donc, ce parcours que je décris
rapidement.
Pour
ce qui concerne la régionalisation de l'immigration, pour nous, elle n'englobe
pas nécessairement ou uniquement des travailleurs qualifiés ou des gens qui
viendraient de l'extérieur. C'est autant des réfugiés installés depuis longtemps dans le pays que ceux qu'on
catégoriserait souvent d'indépendants. Et les organismes de la TCRI ont l'expertise qu'il faut. Les organismes de la TCRI
ont, pour la plupart, au minimum une vingtaine d'années d'expertises qui
ont été développées. Comme ma collègue le mentionnait
tantôt, c'est plus de 50 000 par année de personnes qui sont accompagnées à travers divers services. Alors, ce
que nous proposons, c'est effectivement d'aller chercher les pratiques,
les idées novatrices qui ont porté fruit et de les mettre de l'avant à cet
effet.
Le besoin de nos régions par rapport à la
main-d'oeuvre immigrante est souvent sous-estimé et le renforcement du français auprès de cette population
également est sous-estimé. Et, pour pallier à ça par rapport à l'employabilité,
ce que nous recommandons, ce serait la mise
en place, donc, de mesures d'accompagnement vers les employeurs ainsi
que l'aide à la gestion de la diversité aux
entreprises, les employeurs étant souvent réfractaires, ou réticents, ou
craintifs par rapport à cette
nouvelle clientèle qui vient au Québec. Évidemment, on parle de stages en
emploi qui peuvent mener à une embauche à travers ces stages-là. Ça
rejoindrait l'esprit des plateaux de travail également.
Je
terminerais en faisant un point… en amenant un point, pardon. Nous avons remarqué
que les personnes immigrantes arrivent de
sociétés collectivistes, et ce que nous proposons finalement, dans tout ce
parcours, qui pourrait aider à une
intégration socioéconomiquement réussie de nos immigrants, c'est que les moyens
que nous mettons en place rejoignent
ces valeurs pour les amener finalement à cette intégration-là. Au Québec, on
parle souvent de projets porteurs, d'économie
sociale, ou tout ça. Ce sont des projets qui pourraient permettre à ces
immigrants de s'intégrer plus rapidement à travers la langue française.
Alors, voilà. Je vais laisser la place, donc, à mon collègue pour d'autres
aspects.
La
Présidente (Mme Vien) : M. Ramirez.
M. Ramirez (José Maria) : Oui. Bonjour. Moi, j'aimerais porter
attention plutôt de l'autre côté de la
médaille. On parle souvent de services pour
les personnes immigrantes, l'intégration des personnes immigrantes, des cours
de français pour les personnes immigrantes, mais on dirait qu'au Québec
il y a juste des immigrants. Mais il y en a aussi de la société d'accueil, à quel point la société d'accueil est impliquée dans
l'intégration des personnes immigrantes, sur quels programmes la société
peut se rendre aussi responsable de cette intégration. L'intégration des
personnes immigrantes, elle ne revient pas
seulement à la personne immigrante, sinon à la société en entier. Et, pour
faire cela, la TCRI, nous avons des
outils qui, malheureusement en 2004, ont été laissés de côté, au ministère de l'Immigration,
et je parle du Programme de jumelage interculturel.
Le
Programme de jumelage interculturel, ce n'est pas un programme d'échange
linguistique. Oui, il y a un échange linguistique, mais il va plus loin que ça,
il va plutôt à une connaissance approfondie des deux personnes, la personne immigrante avec la personne de la société
d'accueil. C'est un accompagnement qui est fait pendant une année, avec
des rencontres une fois par semaine dans lesquelles on fait des activités
individuelles et collectives. La personne immigrante, à travers le Jumelage
interculturel, a accès au réseau de la personne de la société d'accueil, a
accès à ses activités culturelles, à ses amis, à la famille, à la possibilité
des emplois, à ses connexions.
Ce programme-là est très efficace et est
financé avec des millions de dollars, partout au Canada, pour le fédéral, mais
malheureusement ce programme-là a été abandonné au Québec. Il faudrait voir et
trouver un moyen d'impliquer la société québécoise, la société d'accueil
à l'intégration des personnes immigrantes parce que ça ne suffit pas, juste les
programmes axés sur la personne immigrante si le reste de la population ne
connaît pas qu'est-ce qui se passe avec ces nouveaux immigrants. Juste en fin
de semaine, je parlais avec un comptable agréé, il était surpris de voir que,
des 55 000 personnes qui rentrent par
année, la plupart étaient choisies par le Québec. On a besoin de ces
informations. Et c'est de cette
méconnaissance que, dans la société, on fait pousser des préjugés qu'après ça
cette méconnaissance peut devenir même un racisme.
Pour nous, c'est très important l'implication
de la société d'accueil dans l'intégration des personnes immigrantes, avec des programmes efficaces que... C'est
vrai, ils coûtent un petit peu, mais ça coûte plus cher une personne qui tourne en rond pendant cinq ans sur l'aide sociale
que peut-être passer une année dans un programme comme le Jumelage
interculturel. Merci.
La Présidente (Mme Vien) : Les 10 minutes sont écoulées,
messieurs dames. Mme la ministre et M. le
porte-parole ont accepté de vous laisser
poursuivre, et le temps supplémentaire qui vous a été accordé sera divisé
équitablement entre les deux, donc. Est-ce que vous aimeriez conclure, ou on…
M. Ramirez (José Marie) : Non, je pense qu'on…
La
Présidente (Mme Vien) : …on
passe immédiatement aux échanges?
M.
Ramirez (José Maria) : On pourrait
passer aux échanges.
La
Présidente (Mme Vien) : Allons-y
gaiement. Mme la ministre.
Mme De Courcy : Mme la Présidente, merci. Alors,
bien, c'est toujours un grand plaisir de vous entendre et de vous recevoir. Je vous remercie d'avoir, à travers
toutes vos occupations très prenantes de la TCRI, donc la table de concertation pour les réfugiés et les immigrants,
d'avoir pris le temps de rédiger un mémoire, surtout que, si je ne m'abuse,
vous avez été très occupés par la question des réfugiés au cours des dernières
semaines, mon homologue fédéral vous occupant
et vous préoccupant beaucoup autour des différentes législations ou règlements
qui ont été modifiés au cours des dernières semaines. Donc, très
apprécié.
Et,
vous savez, mes collègues de l'opposition savent à quel point la TCRI est en
étroite collaboration depuis de nombreuses
années avec le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles pour
toutes sortes de bonnes raisons. Dans votre
réponse tantôt, j'aimerais ça que vous nous rappeliez combien d'organismes vous
représentez et qu'est-ce que vous faites avec nous tous.
Donc,
j'accorde une attention très particulière à ce que vous présentez ce soir, d'autant
plus que vous abordez les mesures complémentaires au projet de
loi n° 14. Vous allez dans un secteur immigration où tout n'est pas
touché dans le projet de loi,
évidemment, mais il serait hasardeux de ne pas lire le projet de
loi n° 14 en complémentarité avec les mesures en immigration que vous proposez et qui ont été
aussi initiées. Elles sont au nombre de 24. Alors, je vous remercie,
donc, de compléter cette lecture-là, une
lecture constructive… une lecture critique mais une lecture qui est constructive,
qui va nous permettre de bonifier un certain
nombre de choses. Je partage, bien sûr, pour l'avoir initié, ce nouveau droit
autour des personnes, qui nous caractérise comme société et que vous avez
mentionné d'entrée de jeu.
Maintenant, un des
objectifs majeurs du projet de loi n° 14, c'est de renforcer le droit de
travailler et vivre en français. Ce matin,
nous avons entendu, de façon très éloquente, une organisation qui s'occupe des
femmes immigrantes, que vous
connaissez, qui est venue nous dire, et de façon très sincère, authentique
parce qu'ayant beaucoup d'expérience, est
venue nous dire que, bon, pour des personnes immigrantes, il pourrait arriver
que l'on refuse trop souvent l'accès à des emplois au motif et parfois
au prétexte que ces personnes ne connaissent pas l'anglais et qu'il s'agirait,
dans certains cas, plus d'un prétexte que d'une véritable raison.
Alors,
dans ce contexte-là, en tout cas, je suis assurée — ou vous me contredirez si ce n'est pas le cas — que vous partagez et vous souscrivez à ce que cette
organisation-là a mentionné. Et donc, dans ce contexte-là, est-ce que vous
croyez que ce renforcement-là que nous
faisons par le droit… l'inscription de ce droit de travailler en français... de
vivre et travailler en français au Québec est nécessaire et justifié
dans notre contexte actuel? Ce sera ma question. Mon collègue de
Saint-Hyacinthe en aura une autre.
• (20 h 40) •
Mme Bourdeau (Florence) : Écoutez, je pense que, dans votre
question, il y a deux aspects. Il y a effectivement, comme on le
soulignait, l'importance d'accorder ce droit. Et, nous, le droit qui nous
préoccupe le plus, l'angle qu'on aborde, c'est l'angle des immigrants récents, donc c'est : droit à la
francisation, droit d'avoir des services d'accueil et d'établissement.
Et l'autre
aspect de la question, c'est la question de la discrimination, et là-dessus
alors peut-être il faudrait comme plus d'études
ou… mais je ne suis pas sûre que les employeurs — malheureusement, j'allais dire — aient besoin de l'anglais pour discriminer. Il y a eu récemment
une étude par rapport à une petite expérience qui a été faite par la Commission
des…
Une voix : Des droits de la personne.
Mme
Bourdeau (Florence) : ...oui, par la Commission des droits de la personne où — je
vais schématiser, mais à peine — ils ont répondu à une cinquantaine d'offres d'emploi
et, une fois, il s'appelait je ne sais pas quoi Traoré, c'est un nom africain, et, l'autre fois, il s'appelait Pierre Tremblay,
on va dire. Là, il n'y avait pas la question de l'anglais, c'était le
même C.V., les mêmes compétences, et le nom était différent. Il me semble que
le taux de retour était de quatre fois inférieur pour la personne dont le nom,
à expérience égale, était à consonance étrangère.
Donc,
c'est pour ça, quand je dis qu'il y a comme deux parties dans votre question,
je pense qu'une fois qu'on aura réglé toute la question liée à la discrimination
par rapport à l'origine, par rapport au nom, par rapport à l'accent, peut-être
que c'est là où, oui, on verra qu'il y a une
autre discrimination qui peut exister par rapport à l'usage de l'anglais en
entreprise qui est parfois peu ou pas
justifié. Mais la forêt, nous, qu'on voit, pour l'instant, devant nous, c'est
cette discrimination qui est directe
par rapport à l'origine des personnes. Et je pense que c'est vraiment là,
enfin, nous, en tant que regroupement, qu'on aimerait que des efforts
soient mis de l'avant pour… bien, pour faire en sorte que cette discrimination
puisse cesser juste par rapport à l'origine de la personne.
Mme
De Courcy : Sur
la question de la discrimination, certains ont critiqué beaucoup la
méthodologie de cette enquête à laquelle vous
faites allusion, mais je pense, et, quoi qu'il en soit, même si la méthodologie
pourrait être considérée comme un peu
boiteuse, c'est un... je dirais que c'est un signal faible d'examen, et ce que
nous avons entendu ce matin est un autre signal qui s'ajoute au fait qu'en
effet il faudrait encercler cette question-là de la discrimination.
En fait, ma question
plus directe, c'est indépendamment de la question de la discrimination — ce n'est pas là mon
propos — c'est à partir du moment où on demande à une personne immigrante,
dans le pays d'origine et quand elle reçoit
son certificat de sélection du Québec, d'avoir la maîtrise du français ou, en
tout cas, de le posséder, et après ça qu'on
l'instruit dans un… on l'introduit dans un processus de francisation, et qu'on
constate que, l'exigence sur le plan du travail, bien, on lui demande l'anglais, alors que la promesse ou ce qu'on
lui a dit avant d'arriver dans le pays d'origine, c'était qu'elle
pourrait vivre et travailler en français. Je pense que c'est une promesse
trahie.
Bon,
je ne dis pas qu'il ne faut pas, dans certains cas, apprendre une deuxième, une
troisième, une quatrième langue, là, ce n'est pas ça, le propos, mais… Et c'est à
cet égard-là qu'on cherche le renforcement au niveau des entreprises, du
marché du travail, pour que nous soyons
cohérents dans notre demande à l'égard des personnes qui immigrent ici.
C'était ça, le sens de ma question. Alors, je la reformule dans ce sens-là et
je vous demande : Est-ce que vous croyez que ce renforcement-là, donc, en milieu de travail est nécessaire pour être
cohérents avec ce que nous demandons aux personnes immigrantes comme
effort? Comme
effort.
M.
Ramirez (José Maria) : …et c'est vrai, la loi... ce renforcement va permettre que des
institutions soient plus d'accord avec la
philosophie de l'immigration. Ça veut dire : Le Québec, sa langue
officielle, c'est le français. Une autre langue, il faut qu'elle soit un outil,
mais pas la langue principale.
Mais on a besoin de plus que ça, parce que beaucoup de ce
qui existe en ce moment, c'est une désinformation sur les motifs de l'immigration au
Québec. Beaucoup de personnes ne savent pas que l'immigrant qui est devant eux,
c'est nous qui sommes allés le chercher parce que nous avons besoin de lui. Ça,
la population ne le connaît pas. En bonne partie, la population…
Et
je ne parle pas seulement des personnes qui ne sont pas instruites. Au niveau
professionnel, c'est incroyable de voir que les médecins, ingénieurs, comptables, ils
ne connaissent pas les motivations de l'immigration au Québec. Ils ont l'idée que ce qu'on a ici c'est des réfugiés et qu'on
leur fait le service de leur ouvrir nos portes. Ça fait que ça demande
une campagne d'information, d'éducation
large, permanente pour que ces gens-là soient convaincus que, oui, ces gens-là
sont ici parce que nous avons besoin d'eux. Et c'est à partir de là qu'on va
pouvoir commencer à changer cette attitude de vouloir
se protéger, parce beaucoup de ces attitudes-là sont fruits de la peur, de la
méconnaissance. Alors, c'est à partir de cela, je pense, que… nous
pensons, qu'on devrait travailler.
Mme De Courcy : Merci beaucoup.
M.
Barnabo (Darryl) :
Si je puis rajouter rapidement, je vous dirai, Mme la ministre, que ce
renforcement, nous le voyons aussi comme une
gestion de la diversité dans nos entreprises. Les employeurs ont besoin de
cette aide-là. Nonobstant la question des
grandes villes, si on va dans les régions, certaines entreprises, grandes
entreprises, emploient des
immigrants. Elles sont rendues habituées à travailler avec ces immigrants. Et
les organismes que nous sommes, dans ces
régions-là, les aidons au travers d'activités de suivi, donc, dans cette
gestion de la diversité, qui comporte plusieurs outils, plusieurs moyens, bien évidemment. Mais ça, c'est un aspect que,
dans les régions, nous pourrions déjà commencer à introduire pour éviter justement que nos régions, qui de plus en plus
prennent de place, où de plus en plus s'installent des immigrants, ne
soient portées finalement à se tourner vers ce qu'on ne voudrait pas aborder,
ces préjudices ou ce… ces attitudes envers, finalement, les employés
immigrants.
La
Présidente (Mme Vien) : Merci. M. le député de Bonaventure, pour 11 minutes, à peu près,
encore pour...
M.
Roy : Merci, Mme
la Présidente. Bonsoir, messieurs, madame. Bon, moi, je suis originaire de la Gaspésie. Et la ministre
est venue faire, à un moment donné, une tournée pour parler de la
régionalisation de l'immigration. Donc, chez nous, c'est quelque chose
qui peut être relativement important. Et moi, j'aurais une question à vous
poser par rapport à tout ça.
Quel support votre organisation pourrait apporter dans la
société québécoise pour permettre une
régionalisation de l'immigration dans un contexte de francisation et d'intégration
aux différentes... je dirais, aux différentes cultures régionales? Et là je m'explique. Des gens qui vivent sur le bord de la
mer, ce n'est pas comme le milieu agricole, ce n'est pas comme le milieu
forestier. Je ne veux pas rentrer dans le détail, là, mais en quoi votre
organisation pourrait appuyer cette démarche-là?
M.
Barnabo (Darryl) :
Alors, pour nous, la régionalisation de l'immigration, pour faire un bref
descriptif, nous nous adressons tant aux gens
qui sont à Montréal, dans le fond, pour désengorger Montréal, si on peut l'expliquer
comme ça, et ceux qui nous adressent directement une demande de l'étranger.
Quand on parle de régionalisation de l'immigration,
c'est toute une préparation de l'immigrant mais aussi de la cellule familiale.
Effectivement, les gens qui vivent au bord de la mer, qui arrivent,
nonobstant les questions géographiques, le contexte culturel, le code culturel
que nous expliquons aux gens et que nous accompagnons dans le quotidien, il y a
aussi le monde du travail.
Le
monde du travail, si vous me permettez juste un petit exemple, c'est d'expliquer
aux immigrants qui arrivent qu'un patron, dans une entreprise, exemple, va
plus être en termes de bonnes relations avec les employés, pas en
position autoritaire comme dans certains pays. Pour nous, c'est important de
préparer ces futurs travailleurs, ces travailleurs qualifiés, si on veut,
finalement à intégrer ce marché du travail. Voilà comment je peux vous brosser
le tableau de la régionalisation de l'immigration.
Maintenant,
il y a aussi l'envers de la médaille… bien, l'envers de la médaille… l'autre
côté de la médaille plutôt, où on parle de préparer la société. C'est là où je
parle de la gestion de la diversité — comment dirais-je? — dans les entreprises. Les
entreprises, craintifs… ceux que nous recevons, les petites entreprises qui
viennent, qui ont un, deux employés, nous le
disent : J'en ai pris un. Ah! ça, c'est un travaillant. Ah bien, tiens, je
vais aller avec un autre. Donc, au fur et à mesure, voilà comment nous
allons accompagner les… l'humain finalement, et nous travaillerons dans une description plus large auprès aussi de
la cellule familiale, comme j'expliquais tantôt, pour que madame puisse trouver
un emploi, l'enfant soit inscrit à l'école. Donc, tout ça fait partie du
concept de la régionalisation. Donc, c'est là que nous intervenons.
M. Reichhold
(Stephan) : Je peux peut-être renchérir…
M. Roy : Oui.
M. Reichhold
(Stephan) : ...plus concrètement
aussi. Justement, il y a un organisme de Gaspé qui nous a contactés récemment — parce qu'il y a un intérêt grandissant depuis la tournée de
la ministre, d'ailleurs — donc, qui souhaite
devenir justement membre de la TCRI en Gaspésie parce que, oui, c'est important
d'être en réseau.
• (12 h 50) •
On a un
réseau d'une trentaine d'organismes en région, partout, dans toutes les régions
du Québec, donc, qui sont membres chez nous, donc, qu'on alimente, qu'on
soutient, qu'on outille et où on se concerte. Et, c'est sûr, les
collègues de Gaspésie sont tout à fait
intéressés de pouvoir partager les ressources, et les outils, et de l'expérience.
Et donc on est en train de discuter
justement de... Et nous serons, bien sûr, en lien avec... à faire dans les
programmes de régionalisation, de les intégrer là-dedans pour qu'ils
puissent bénéficier, comme toutes les autres régions, donc, de cet appui. Donc,
c'est très concret, très simple, oui.
M.
Roy : Comment les immigrants voient
les régions? Comment les immigrants, ici, à Montréal, voient les régions?
Comment ils perçoivent la Gaspésie, exemple?
Des
voix : Ha, ha, ha!
M.
Roy : Est-ce que c'est
attirant? Est-ce qu'ils veulent venir, ou on essaie...
Des
voix : …
M. Ramirez (José Maria) : Principalement, les immigrants
arrivent à Montréal. Et les régions, c'est quelque chose de très éloigné
pour… on parle d'une personne qui vient tout juste d'arriver. C'est sûr que,
dans les cours de français, on montre
un petit peu c'est quoi, le Québec, les régions, mais, en chair, ils ne l'ont
pas encore vécu. Et, dans le programme de régionalisation, il y a des
visites qui se font sur place, mais ce n'est pas... la perception est plutôt
superficielle, il n'y a pas une connaissance approfondie.
Les personnes, par contre, les
réfugiés qu'on appelle les réfugiés publics, ils sont établis directement en région, mais, ça aussi,
c'est un choc, parce que, du jour au lendemain, ils se trouvent dans un endroit
qui n'est vraiment pas préparé à les recevoir parce qu'il n'y a pas
beaucoup de ressources comme il existe à Montréal.
Alors, c'est pour cela que la
préparation des deux côtés, c'est très important. Vous savez, la personne qui arrive ici, lui expliquer en profondeur comment ça
fonctionne en région, mais les gens qui sont en région aussi, qu'ils puissent
comprendre comment ça fonctionne, l'immigration, et pourquoi cette personne
immigrante… à aller vivre en région.
M.
Barnabo (Darryl) : Et je voudrais
rajouter rapidement. Je vous dirais, pour répondre à votre question, les immigrants ne connaissent pas les régions. Nous le
leur apprenons. Mais un trait caractéristique des immigrants, c'est que ce qu'ils vivaient avant d'arriver ici ressemble
beaucoup aux régions. Ils ne vivaient pas nécessairement dans de grandes
villes, tous. Ils recherchent des milieux où
la famille peut déménager, peut vivre. Ça,
c'est ce que recherche l'immigrant quand il
arrive ici, et c'est ce que la régionalisation de l'immigration va aller
chercher. Ce n'est pas juste le travailleur qualifié, c'est toute la cellule
familiale par rapport à laquelle on va travailler.
Parce que les questions qui sont posées les
premières sont : Est-ce que vous avez des écoles? Est-ce que vous avez tel ou tel service? Et c'est important pour nous de
leur montrer qu'effectivement, si je puis prendre cette expression, il fait bon
vivre en région.
M. Roy : Bien, je veux juste vous rassurer, on
a Internet haute vitesse, l'électricité, le train et l'autoroute. Merci.
M.
Ramirez (José Maria) : Si je pouvais
donner un petit truc, construisez un terrain de soccer. Ça attire beaucoup, ça.
Des
voix : Ha, ha, ha!
La Présidente (Mme Vien) : On y voit. On y voit, dans nos
régions. Puis c'est vrai qu'il fait bon vivre dans nos régions. M. le député de Saint-Hyacinthe, aviez-vous
une question? Ça va?
M.
Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Non.
Merci.
La
Présidente (Mme Vien) : Ça complète,
de ce côté-ci? M. le député de LaFontaine…
M.
Tanguay : Oui. Merci beaucoup, Mme la…
La
Présidente (Mme Vien) : …pour
21 minutes à peu près.
M.
Tanguay : Pardon? Une vingtaine de
minutes?
La
Présidente (Mme Vien) : Une vingtaine
de minutes.
M.
Tanguay : Oui. Merci beaucoup, Mme la
Présidente. Merci à vous d'être présents ici, ce soir, pour nous présenter le fruit de votre réflexion, de vos
analyses et également, au préalable, de nous avoir déposé le mémoire
dont vous faites état depuis le début de
votre présentation. Et je pense que vous avez un son de cloche qui est
extrêmement important. Et vous êtes réellement, à titre de table de
concertation, je pense, des porte-parole privilégiés de ce que vous vivez, de
ce qu'on vit au Québec sur le terrain.
Ceci dit, à la question qui était posée un peu plus tôt par
rapport à la discrimination qui, semble-t-il, serait davantage le fruit d'une exigence de l'anglais, je pense
que vous avez bien ciblé effectivement les études qui le démontrent. Et, à l'écoute
de votre intervention, j'ai pu tout simplement...
Et
je ne sais pas si ça a été porté à votre attention, en mai 2012, donc ça ne
fait pas longtemps, la Commission des droits
de la personne et des droits de la jeunesse du Québec déposait un rapport
intitulé Mesurer la discrimination à l'embauche subie par les minorités
racisées : Résultats d'un «testing» mené dans le Grand Montréal. Et on
peut voir réellement qu'il y a, je pense, là
un bout de chemin à faire, encore beaucoup de travail à faire. Et il serait, je
pense, simpliste de cibler, entre
autres, une exigence de l'anglais qui systématiquement serait utilisée comme un
prétexte, alors que l'on sait, en bout de piste, qu'il y a, et c'est
démontré de façon systématique et par des études...
Vous
faisiez état de l'étude qui avait été faite avec le même curriculum vitae mais
pas la même personne, pas le même nom, et, en ce sens-là, je pense que c'est
important de faire les bonnes analyses, de poser les bons postulats, et
je pense que vous soulignez une réalité qui
est importante. Votre première orientation, et je vous cite : «Nous
préconisons une pondération moins sévère et
plus nuancée des critères de sélection en matière de maîtrise de la langue
française des candidats à l'immigration en misant sur un renforcement de
l'offre de francisation.» Donc, plutôt que de mettre toutes nos billes en
amont, allons en aval et faisons en sorte que d'autres critères...
Et là, une fois qu'on
a dit ça, peut-être qu'on vient de mettre de côté une intention qui avait été
affirmée par le gouvernement de rehausser le
niveau à intermédiaire élevé de connaissance de français pour les nouveaux
arrivants. Que veut dire «intermédiaire élevé»? Ça restera à définir.
Mais vous ciblez réellement, je pense, là où l'intégration sera réussie ou non, les ressources, les outils, les
cours de francisation. On parlait, ce matin, justement de certaines
clientèles avec des horaires atypiques. J'aimerais
vous entendre là-dessus, au niveau, donc, de la sélection des nouveaux
arrivants et des critères de sélection, mais, en bout de piste, de ce qu'est
une intégration réussie d'une société qui se veut accueillante mais qui doit se
donner, se doter des moyens pour l'être dans les faits.
M.
Reichhold (Stephan) : Bien, je peux peut-être commencer. Tout d'abord, nous, on a toujours
mis de l'avant qu'en fait le système de sélection par points, par grille, en fait, n'est
pas une science exacte. Et, ça fait des années, bon, on a essayé à
différents niveaux de parfaire la grille de sélection, de monter. Et, en bout
de ligne, bon, nous, ce qu'on voit sur le
terrain, les nouveaux arrivants qu'on reçoit, qui sont d'ailleurs très
majoritairement francophones, en fait, qui sont dans nos organismes et
qui sont aussi...
Parce
qu'il faut se le dire, les personnes qui vont dans les organismes,
généralement, c'est les immigrants qui ont plutôt des difficultés ou qui cherchent de l'aide.
Ceux où tout va bien et qui... bon, ils ne viennent pas nous voir. Donc,
on a comme une… disons, probablement une vue un peu faussée du profil. Mais ce
qu'on voit majoritairement dans nos organismes, c'est des personnes qui parlent
parfaitement le français, qui sont totalement francophones et qui ont
énormément de difficultés à trouver un emploi pour différentes raisons, là, sur
lesquelles on ne reviendra pas. Mais, dans
ce salon, on a répété et répété depuis des années, je pense, les obstacles à l'emploi.
Il doit y avoir des enregistrements, en fait, qui...
Et
donc on se dit que, de mettre un critère si élevé en termes de maîtrise du
français, ce qui nous préoccupe, c'est qu'on perde cette diversité qui est un peu la
marque de commerce du Québec, là, de l'immigration au Québec, que… Je
veux dire, actuellement le groupe le plus
important des personnes sélectionnées, c'est les personnes originaires de la
Chine, par exemple; on en a eu 4 000, 5 000, je pense, l'année
dernière. Bon, ces personnes-là n'ont quasiment aucune chance, je veux dire, de venir. Donc,
ça va changer du jour au lendemain, là, complètement… Je veux dire, là c'est
ça, donc, qu'on craint. Donc, oui, on
demande un certain niveau de français, mais aussi élevé... Bon, je sais que ce
n'est pas en lien direct avec le projet de loi, mais je pense que c'est
une proposition qui est sur la table d'être plus sévère au niveau des points,
au niveau du niveau de français. Alors, c'est un peu ça, en fait, nos
réflexions qu'on a eues au niveau de la table. Je ne sais pas si mes collègues
veulent rajouter quelque chose?
M.
Tanguay : Ça
complète votre réponse? Oui, effectivement, le projet de loi, aux articles 72,
73, 74, parle, entre autres, d'«informer les
immigrants, promouvoir l'immigration et sélectionner des ressortissants
étrangers ayant les caractéristiques pour s'y intégrer avec succès notamment
par la connaissance du français».
Une fois qu'on a modifié la Loi sur le ministère de l'Immigration
et des Communautés culturelles en ce sens-là
et qu'on lit les notes spécifiques qui étaient... qui ont été remises par le
gouvernement, il y aurait une hausse du niveau à intermédiaire élevé. Donc, c'est
en lien avec le projet de loi n° 14, et donc là toute la pertinence
de votre propos.
Et,
en ce sens-là, j'aimerais vous entendre au niveau... Vous parliez d'une
meilleure allocation des ressources. Donc, dans cette optique où, en aval, on veut faire en
sorte que les gens puissent avoir une intégration réussie, avez-vous des
exemples tangibles quant à la meilleure... ou la maximisation quant à l'allocation
des ressources?
• (21 heures) •
M.
Reichhold (Stephan) : Bien, ce qui est un peu paradoxal au niveau du Québec, si on se compare
avec le reste du Canada ou même avec des pays européens au niveau de l'intégration et
des ressources disponibles, c'est qu'on dépense énormément d'argent, au Québec, au niveau de l'intégration et de la
francisation des immigrants, et, en plus, cet argent, en fait, ce n'est même pas le... ne vient pas du
trésor public québécois, mais il vient du fédéral et de la poche des
immigrants.
Bon, cette année, à titre d'exemple, bon, il y a
des revenus de 383 millions de revenus entre l'Accord Canada-Québecet à peu près ce que rapporte la taxation
aux immigrants, les CSQ, les CAQ, les investisseurs, et tout ça. Donc, on a
quand même pas mal d'argent. Cet argent,
bon, on nous dit, chaque année, que le Québec dépense à peu près
300 millions par année, si on
regarde tout ce qui est francisation, intégration, en termes de dépenses. Nous,
on se dit qu'avec 300 millions de dollars, c'est quand même presque
1 milliard sur trois ans, on devrait être plus performants, je veux dire,
par rapport aux
résultats, et, bon… et donc il doit y avoir un problème au niveau de l'affectation
des ressources. Parce que les ressources sont là. On ne dit pas qu'il
faut plus d'argent. Nous, on dit qu'il faut dépenser l'argent autrement. C'est
un peu ça, le message qu'on...
M.
Tanguay : Et si, d'aventure, je vous
posais la question : Avez-vous ciblé, vous, des écueils particuliers,
justement, quant à... qui viendraient expliquer, justement, peut-être une
sous-performance — appelons ça de cette
façon-là — quelle serait la façon de maximiser? Qui seraient les
organismes ou les intervenants qui nous
permettraient, comme société, de maximiser notre investissement? Appelons ça un
investissement, sans connotation péjorative. Avez-vous une réflexion à ce
niveau-là?
M. Reichhold (Stephan) : Certainement, je veux dire, bon, en
premier lieu, je pense qu'il faudrait regarder
les choses qui fonctionnent bien, où il y a
des résultats, notamment, bien, un exemple qu'on met souvent de l'avant, leprogramme PRIIME, par exemple, les stages en
entreprise avec subventions salariales qui sont... qui donnent d'excellents
résultats. Bon, il y a à peu près 1 000
places, on veut les augmenter à 1 300 cette année. Mais, s'il y avait
15 000 places, je veux dire, là
il y aurait un effet sur les statistiques de chômage des nouveaux arrivants.
Mais, bon, ça coûterait quand même assez cher, là, c'est un programme
qui coûte cher.
Mais, bon, c'est sûr qu'au niveau des
organismes — bon, on va prêcher un peu pour notre
paroisse — la
plupart des organismes ne peuvent pas
répondre à tous les besoins au niveau de la sollicitation d'immigrants qui
viennent les voir parce qu'ils n'ont
pas les ressources nécessaires. Donc, si on donnait plus de ressources à
certains organismes, c'est sûr qu'ils
performeraient beaucoup mieux. Et, je pense que la ministre est d'accord avec
nous, il y a un problème de sous-financement, là, pas généralisé, mais
de manière assez… quand même assez large d'organismes qui pourraient faire
beaucoup plus et beaucoup mieux avec un petit peu plus d'argent, hein?
M.
Tanguay : Et votre commentaire est d'autant
plus pertinent qu'on a tous vu passer, depuis les dernières semaines, derniers mois sinon, une pétition,
justement, qui sont déposées systématiquement à l'Assemblée nationale,
afin que les ressources nécessaires soient accordées aux organismes
sociocommunautaires. Donc, il y aurait là un impact, on vient toucher
nécessairement ce que vous venez de dire. Je ne sais pas si vous vouliez
ajouter quelque chose…
M. Barnabo (Darryl) : Je voudrais ajouter quelque chose
rapidement. Vous savez, on parle aussi des
régions et, quand on parle des régions, on
parle, si j'ose dire, de deux catégories de travailleurs. Autant, lorsqu'on
faisait mention de la régionalisation
tantôt, ceux qui viennent avec un diplôme universitaire et autre peuvent se
placer… on parlerait, oui, de pratiques innovatrices, je parlerais de
stages en emploi, donc un travail à faire avec des employeurs. Mais, quant à ce
qui concerne les réfugiés qui viennent, qui
sont sous-scolarisés par exemple, ceux-là représentent aussi une main-d'oeuvre
qu'on peut intégrer dans la société. Il y a des francophones qui arrivent, donc
des gens qui arrivent du Maghreb, qui arrivent
de l'Afrique noire, qui arrivent de zones… qui parlent français, effectivement.
Et, comme je le mentionnais tantôt, souvent
c'est l'accent qui pose un problème ou l'écrit. Alors, ce qui pourrait être
intéressant, moi, je parle souvent du concept «apprendre en faisant».
Ça, ça préparerait, donc, cette clientèle-là à tous les métiers non spécialisés
dont les régions ont besoin.
Au Centre-du-Québec, pour prendre cet
exemple-là, nous avons un grand besoin de personnes, donc, des métiers non
spécialisés, et ceux qui viennent, donc ces réfugiés-là seraient une bonne
main-d'oeuvre qui comblerait ces emplois-là. Mais sont-ils prêts? Y
a-t-il des pratiques novatrices, comme on parle, qui les prépareraient à? Ce
sont ces plateaux de travail là qui
amèneraient aussi les employeurs à comprendre un peu la préparation qui est
faite, qui feraient tomber les préjugés aussi. Donc, en termes de
pratique ou de moyens, ça serait des pratiques qui peuvent être mises en place,
finalement, par des organismes communautaires qui l'ont déjà essayé.
Et je ferais un clin d'oeil à Mme De Courcy,
parce que nous avons parlé d'un projet d'économie sociale depuis quelque temps, et on y retrouve... les immigrants y
adhèrent. Ça leur donne une première expérience, une première expérience d'emploi
qui valorise ce qu'ils ont appris chez eux. Et, comme je disais tantôt, ils
viennent de sociétés collectivistes. Si on peut reprendre ces valeurs-là dans
des aspects, dans des activités qui leur donnent une première expérience, ils sont à même d'aller se vendre
auprès d'un employeur et d'avoir une deuxième expérience, à ce
moment-là.
M.
Tanguay : Et ce qui est magnifique
là-dedans, c'est que ce sont les objectifs nécessaires à atteindre par des moyens — et c'est ce qui est fabuleux — qui sont identifiables, des moyens identifiables. Et l'on
parle entre autres... Vous parlez de l'immersion. Je pense qu'il n'y a pas moyen… meilleure
façon d'apprendre tout métier, tout sujet que l'on veut acquérir que par
l'immersion, une première expérience de travail, le contact direct. Et je fais
écho à ce que disait monsieur par rapport à un programme qui, en 2004, avait
été mis de côté.
Donc, je pense que c'est important de
toujours se questionner. Et on se rend compte, en parlant comme on le fait présentement aussi, qu'on est loin d'une modification
de la Charte de la langue française ici. On est réellement dans du tangible, dans du concret et qui résonne dans
la vie des gens. Et ça, je pense qu'il faut, pour que ce soient des
réalités, il faut faire appel aux partenaires de façon très, très large,
partenaires que vous êtes. Bien, moi, je vous remercie beaucoup, beaucoup, beaucoup
pour votre présentation ce soir. Et bonne continuation. Merci.
La
Présidente (Mme Vien) : Merci, M.
Barnabo. Alors, je cède maintenant la parole à Mme la députée de Montarville
pour environ cinq minutes.
Mme Roy
(Montarville) :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci, madame, messieurs, merci beaucoup pour votre mémoire, c'est
très intéressant. Et j'aime particulièrement... nous aimons particulièrement
entendre ces témoignages, ces témoignages vécus. Mon collègue en faisait
allusion tout à l'heure à ce jumelage interculturel que vous nous parliez, qui semble être si simple et si évident.
On peut se demander pourquoi certains programmes disparaissent. Et ça, c'est une question de choix gouvernementaux. À
tout événement, je pense qu'il y a possibilité d'intégrer, de franciser
nos nouveaux arrivants par des méthodes toutes simples mais ô combien
efficaces, et c'est vous qui êtes sur le terrain et qui les connaissez, qui le
savez.
Madame, lorsque vous parliez... par ailleurs,
lorsqu'on parlait de financement, tout à l'heure, naturellement que les organismes
communautaires font beaucoup, beaucoup, beaucoup de travail et ne sont pas ceux
qui reçoivent la grosse part du
gâteau. Vous nous disiez que le financement pourrait être fait, effectué, entre
autres, en raison de l'imputabilité. Alors, j'aimerais que vous
élaboriez un petit peu là-dessus. Qu'est-ce que vous voulez dire précisément?
Mme Bourdeau (Florence) : O.K. En fait, il y a comme deux
choses. J'abonde dans votre sens, on n'est pas
assez financés. Mais, quand je parlais de l'imputabilité, de l'allocation des
ressources, c'était entre les différents partenaires institutionnels. On parlait donc de ces fameux 270, 283 millions
qui sont… j'allais dire saupoudrés — en fait, ce n'est pas du saupoudrage — à ce budget-là, qui sont répartis entre Emploi-Québec, le
ministère de l'Immigration, mais comme en
interne, et le ministère de l'Éducation, et pour lesquels — il y a même eu un rapport du vérificateur — pour lesquels la reddition de comptes n'est pas forcément
très, très claire.
C'est-à-dire qu'on voit, par rapport à ces
sommes, un nombre de services rendus. Est-ce
qu'ils s'adressent ou non aux nouveaux
arrivants? On n'est pas certains. Et surtout quels sont les résultats derrière?
Parce que c'est bien beau, effectivement, de
dire : Je prends x millions et je rends tant de services, mais, si
les services ne sont pas adaptés — on pourrait en rendre trois fois plus, puis ça nous
coûterait trois fois plus cher — l'impact qu'on recherche, c'est-à-dire qui est celui d'une intégration socioéconomique, ne serait
pas plus atteint. Donc, c'est plus au niveau macro, en fait, enfin, qu'on
demande globalement une meilleure allocation des ressources.
Mme Roy (Montarville) : ...est-ce qu'il est possible pour
vous... ou un organisme qui chapeauterait le tout pourrait nous dire, justement, qui
sont ces organismes qui obtiennent des résultats et ceux qui en ont moins ou
qui n'en ont pas pour que les ressources aillent au bon endroit, à ceux
qui sont efficaces?
•
(21 h 10) •
Mme Bourdeau (Florence) : Bien, oui, tout à fait. En fait, au
niveau de la TCRI, on a plusieurs réseaux, et
ces réseaux, en fait... Par exemple, on
parlait du RORIQ en régionalisation. Il y a le ROSINI plus en employabilité. Et
ces réseaux sont aussi là pour faire un peu l'inventaire de pratiques porteuses
qui souvent sont des pratiques qui vont être adaptées,
que ce soit par rapport à la région dans laquelle ils se trouvent, par rapport
à des problématiques récurrentes chez
les personnes qu'ils desservent. D'autres pratiques porteuses peuvent être des
pratiques développées localement,dans
le cadre de programmes un petit peu plus souples. On en parlait tout à l'heure
entre collègues quand on parlait des...
Parce qu'on parle toujours de difficulté d'intégration
des nouveaux arrivants au marché du travail. Moi, dans le cadre de mon organisme, donc c'est un organisme dans
Montréal, à Ahuntsic, on a développé plusieurs projets de préemployabilité sur
lesquels il y avait une certaine souplesse — malheureusement, ça
visait juste une dizaine de personnes à
chaque fois — et ces projets ont donné d'excellents
résultats parce qu'on n'était pas dans un cadre
comme très fixe, très rigide qui est fait, en
fait, à la fois pour tout le monde et pour personne, qu'on prenait le temps
justement d'accompagner les nouveaux arrivants. Il y avait beaucoup d'activités
de connaissance de la culture québécoise, de son histoire, pour que, petit à
petit, ils s'approprient, en fait, l'environnement et qu'ils puissent,
derrière, réaliser leur intégration plus professionnelle.
Donc,
toutes ces pratiques porteuses ont été documentées. Après, c'est comment on
fait l'arrimage entre des programmes de financement très stricts, très rigides,
où il y a des obligations d'intégrer tant de personnes en emploi au bout de tant de temps, quel que soit leur
parcours, et les pratiques qui ont déjà fait leurs preuves. Donc, c'est
comment arrimer ça, comment faire en sorte
que les programmes puissent s'assouplir pour venir porter certaines pratiques,
certaines expériences terrain qui ont déjà rencontré un succès par le passé.
Mme
Roy (Montarville) : Je vous remercie
beaucoup.
La
Présidente (Mme Vien) : Oui, M.
Ramirez.
Mme Ramirez (José Maria) : J'aimerais juste renchérir sur
quelque chose qui est... je trouve que c'est
important. Le fait de renforcer le français,
je trouve que c'est très important étant donné que c'est le pilier le plus
important de la culture québécoise. Affaiblir le français, ça affaiblirait
aussi la survie du Québec. Mais, à part les lois, il faut aller aussi plus
loin, développer des attitudes citoyennes pour qu'on puisse utiliser le
français plus souvent. Et, comme je le répète, le jumelage interculturel, c'est
un outil très efficace pour développer cette attitude citoyenne.
La
Présidente (Mme Vien) : Merci,
messieurs, madame, merci de vous être déplacés aujourd'hui. Merci, chers
collègues
J'ajourne
les travaux, donc, à demain, à 15 heures, pour poursuivre nos travaux.
Merci
et bonne route. Bon retour.
(Fin de la séance à
21 h 12)