(Onze
heures quarante-six minutes)
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je
déclare la séance
de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Je demande à toutes
les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la
sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
Le
mandat de la commission est de poursuivre les auditions publiques dans le cadre
de la consultation générale sur le projet de loi n° 14, Loi
modifiant la Charte de la langue française, la Charte des droits et libertés de
la personne et d'autres dispositions législatives.
Mme la secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, Mme la Présidente.
Mme Charbonneau (Mille-Îles) sera remplacée par M. Kelley (Jacques-Cartier).
Auditions
(suite)
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Merci. Pour ce
qui est de l'ordre du jour, cet avant-midi, nous entendrons M. Jean-Claude
Corbeil et Québec Community Groups Network. Cet après-midi, nous poursuivons
avec Fraser Milner Casgrain, et le Conseil interprofessionnel du Québec, et
Alliance Québec.
Nous
allons débuter nos travaux sans plus tarder. M. Jean-Claude Corbeil, je vous
souhaite la bienvenue. Vous allez avoir un
temps qui vous est alloué de 10 minutes pour faire votre présentation. Par la
suite, suivra un échange avec les membres de la commission. Donc, M. Corbeil,
vous avez la parole.
M.
Jean-Claude Corbeil
M.
Corbeil (Jean-Claude) : Mme la ministre, Mme la Présidente de la commission, Mmes et MM. les députés membres de cette commission, je vous remercie d'abord
de m'avoir invité à présenter ce mémoire devant vous, c'est un honneur.
Et
je voudrais rappeler, en introduction, qu'au fur et à mesure que les années ont
passé on a tendance à oublier que des forces socioéconomiques très importantes
jouent contre la langue française au Québec et toutes en faveur de la
langue anglaise. Je pense que c'est un phénomène qu'il faut toujours avoir à l'esprit
lorsqu'on discute de l'opportunité de la Charte de la langue française. Et j'aimerais
tout simplement rappeler ces forces-là pour mémoire.
D'abord la force
démographique, parce que je pense que c'est évident pour tout le monde que le
Québec, en définitive, est une infime minorité linguistique dans l'ensemble de
l'Amérique du Nord, où l'anglais est la langue commune en général des citoyens, nonobstant leur langue d'origine. Donc,
la pression démographique est extrêmement importante, et ça joue surtout sur les immigrants qui arrivent ici et
qui, au fond, se trouvant dans un pays officiellement bilingue qui leur
donne une citoyenneté, finissent par penser que c'est tout à fait normal d'être
anglophone.
La
deuxième pression, qui augmente de plus en plus au fil des années, c'est la
pression culturelle, au point que, même,
maintenant beaucoup de chansonniers, d'artistes préfèrent carrément se
présenter en langue anglaise pour augmenter leur audience.
Et
la troisième force qui joue contre la langue française, c'est évidemment la
pression économique. Par contre, il faut noter
que la source de la pression économique s'est beaucoup modifiée depuis
1974-1976, c'est-à-dire depuis la période de
l'invention de la Charte de la langue française, de la législation
linguistique. Et ce n'est plus tant la pression économique des
entreprises que détenait, à cette époque-là, largement la communauté
anglophone, qui faisait que l'anglais, à
cette époque, était la principale langue de travail et de l'activité
économique, aujourd'hui ça s'est déplacé, ce qui fait pression, c'est le
statut de l'anglais comme langue internationale du commerce et des affaires. Et
ce statut-là est devenu tellement généralisé que presque aucun pays sur la
terre n'échappe à la pression de la langue anglaise.
• (11 h 50) •
Et
également un autre phénomène qui joue et qui a trait, cette fois-ci, au
français langue de travail, c'est le fait que les nouvelles techniques de communication, et
notamment l'accès à Internet, fait que, de plus en plus d'employés de
nos entreprises et de nos administrations de nos commerces doivent utiliser l'anglais
en consultant Internet à la recherche d'informations, de renseignements, etc.
Donc,
le nombre d'anglophones… le nombre de francophones qui doivent, d'une certaine
manière, savoir l'anglais à cause de ces
phénomènes de nouvelle communication m'amène à faire un premier commentaire sur
un aspect de la loi n° 14 qui est l'exigence d'une autre langue que
le français comme condition d'embauche et de promotion.
Déjà,
la loi n° 14 circonscrit, d'une certaine manière, ce droit des
employés... des propriétaires à exiger laconnaissance de l'anglais en les obligeant à faire
l'analyse linguistique des fonctions, c'est-à-dire les exigences
linguistiques de
chaque fonction. Par contre, le texte me semble encore trop flou parce qu'il
semble que l'entière liberté soit laissée aux entreprises pour mener cette analyse des exigences linguistiques des
fonctions et qu'elle n'est jamais limitée, ce qui fait qu'ils peuvent exiger, au fond, de plus en plus la
connaissance de l'anglais sous prétexte que c'est nécessaire, mais sans
qu'on puisse savoir si c'est vraiment légitime.
Je
pense, donc, qu'il faudrait que cet article-là soit resserré pour que le
résultat de l'analyse des employeurs soit ou
bien soumis au comité de francisation, ou bien soumis à l'Office de la langue
française, ou carrément intégré dans le programme de francisation.
Une autre chose qui
peut-être me semble floue dans le projet de loi n° 14, c'est l'article
42, qui permet à l'entreprise de substituer
un nouveau type de comité de francisation en lieu et place de celui qui est
défini à venir jusqu'à maintenant
dans la Charte de la langue française. Ce nouveau comité de francisation, créé
à l'initiative de l'entreprise, devrait,
me semble-t-il, lui aussi, être mieux encadré notamment par rapport à son
devoir vis-à-vis l'Office de la langue française.
Autrement dit, ce comité a-t-il exactement, par rapport à l'Office de la langue
française, exactement les mêmes obligations que le comité de
francisation tel qu'il est défini actuellement dans la loi?
Il me plaît de
souligner que le projet de loi n° 14, dans un article 25 qui est très
discret et qui semble passer presque
inaperçu… que c'est, dans le fond, dans les faits, une disposition qui
circonscrit de beaucoup ou qui réduit de beaucoup la possibilité des
parents d'avoir recours aux classes passerelles pour obtenir pour leurs enfants
le droit à l'éducation en langue anglaise.
Autre
remarque de détail, c'est le suivi des politiques linguistiques des
établissements d'enseignement. Depuis déjà quelques années, les établissements d'enseignement,
cégeps et universités, sont obligés de définir et d'appliquer une
politique linguistique et ils doivent également la déposer, la soumettre au
ministère de l'Éducation. Peut-être que le mot «soumettre» est un peu trop fort
parce que, dans les faits, je constate, au fil des années, que personne ne
semble s'intéresser à ces politiques. On les
reçoit, et ensuite personne ne se préoccupe de savoir si elles sont légitimes,
et personne non plus ne se préoccupe
de voir ce que ça donne dans les faits, ce qui laisse encore une fois aux
universités de plus en plus de
latitude pour engager des professeurs chercheurs de langue anglaise ou pour
utiliser la langue anglaise comme langue d'enseignement, y compris dans
les manuels.
Enfin,
je voudrais terminer cette introduction rapide en élargissant… ou en vous
proposant un élargissement à la notion de politique linguistique parce qu'il y a
une ambiguïté dans cette appellation, qui vient de l'époque des années
74, où on a confondu législation linguistique et politique linguistique. Je
vous proposerais de considérer qu'il y a dans la politique linguistique, en
réalité, trois volets.
Un
volet de législation linguistique, qui est la Charte de la langue française,
qui est absolument probablement le plus
important parce que c'est lui qui définit à la fois le statut de l'anglais, le
statut du français comme langue officielle
du Québec et qui en définit les lieux, modes d'utilisation de manière à en
faire la langue de travail, la langue de l'activité économique et, en
définitive, la langue commune du Québec. Donc, le volet législatif est
fondamental, et c'est de ceci dont on parle ce matin.
Mais
il y a également dans la politique linguistique du Québec un volet politique d'immigration
conquis de haute lutte par le gouvernement du
Québec au moins pour la sélection des immigrants, et en même temps qui a deux
volets extrêmement importants pour nous
comme société, qui est le volet intégration sociale, celui-ci fonctionne
généralement relativement bien parce que les immigrants qui arrivent ici
doivent, d'une manière ou d'une autre, s'insérer dans la société québécoise,
mais l'autre est un peu plus déficient, c'est l'intégration linguistique, parce
que, depuis toujours, on a eu énormément de mal à intégrer linguistiquement les
immigrants.
Je
pense qu'il serait nécessaire, en toute humilité, qu'il y ait un délai de fixé
à la durée d'apprentissage du français par les immigrants. Je pense qu'on devrait, au
bout de trois ans, considérer que les immigrants ont eu le temps d'apprendre
le français et, à partir de cela, les
obliger à communiquer en français avec l'administration publique. Et l'administration
publique devrait, au bout de trois ans, communiquer avec eux en français en
tant que citoyens québécois. En fait...
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : M. Corbeil.
M.
Corbeil (Jean-Claude) : Il me reste une seule remarque. Il faudrait, dans la politique linguistique
du Québec, une vigoureuse politique d'enseignement
du français comme langue maternelle, comme langue seconde et comme langue d'intégration.
Et je pense que c'est tellement évident que ce n'est pas nécessaire d'aller
plus loin. Merci, Mme la Présidente.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. Corbeil. Je veux juste vous rappeler que je
dois prendre votre
temps sur le temps du gouvernement. Vous aviez un temps de 10 minutes, donc il
vous reste environ huit minutes. Et
nous allons débuter les échanges. Mme la ministre responsable de la Charge de
la langue française, c'est à vous la parole.
Mme
De Courcy :
Alors, bonjour. J'ai eu l'occasion de vous saluer il y a quelques minutes, M.
Corbeil. Alors, vraiment c'est un privilège de vous recevoir compte tenu de votre
parcours. Et vous êtes encore un fier serviteur de l'État, puisque vous m'avez dit il y a quelques instants
que vous sentiez l'obligation, donc, de venir nous voir. Je vais céder
la parole à mon collègue le député de Sainte-Marie—Saint-Jacques
pour qu'il puisse vous saluer, compte tenu de vos liens, et je reviendrai vous parler dans quelques secondes.
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, Mme la ministre. M. le député
de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
• (12 heures) •
M. Breton : Merci, Mme la ministre. Merci, Mme la
Présidente. Je vais saluer les collègues. Pour
évidemment faire preuve de transparence, comme M. le député de Jacques-Cartier
l'a déjà dit, je vais commencer par soumettre à l'attention de tout le monde que j'ai devant moi mon ancien beau-père.
Donc, j'ai discuté avec lui et j'ai appris que toute la famille allait bien. Je suis très heureux de
vous avoir ici, dans cette commission, parce qu'on a devant nous un des
pères de la Charte de la langue française, et ça, je pense qu'il est important
de le souligner.
Écoutez,
moi, je considère que je suis de ceux qui parlent un excellent anglais. Vous le
savez. J'en ai déjà parlé ici, dans cette
salle. Le député de LaFontaine a déjà mentionné le fait qu'il avait deux filles
qu'il voulait voir apprendre l'anglais, et
ça m'a interpellé parce que moi, j'ai dit à quelques reprises que les gens de
ma génération, la plupart des gens que j'ai côtoyés dans ma vie, ne sont
pas allés à l'école anglaise, ils sont tous allés à l'école française et
parlent à peu près tous l'anglais.
Si
je ne m'abuse, M. Corbeil, vous avez, vous aussi, deux filles, et, si je ne m'abuse,
vos deux filles ne sont pas allées à l'école anglaise. Est-ce que vous
pourriez me dire : Est-ce que vos deux filles ont réussi à apprendre
l'anglais?
M. Corbeil
(Jean-Claude) : Certainement.
M. Breton : Oui. C'est ce qui me semblait.
M. Corbeil
(Jean-Claude) : Un peu malgré elles.
M. Breton : Pardon?
M. Corbeil
(Jean-Claude) : Par la force des
choses, je dirais.
M. Breton : Oui, parce que j'imagine qu'à la maison vous ne deviez pas
beaucoup parler anglais.
M. Corbeil
(Jean-Claude) : Non.
M.
Breton : Donc,
là où je veux en venir, c'est qu'il y a évidemment tout un volet qui est
important, qui est celui de l'apprentissage du
français, mais aussi de l'apprentissage de l'anglais à la fois à l'école, dans
les cours d'anglais que nous avons à l'école
française, mais aussi dans la vie courante. Il y a un autre volet que je trouve
intéressant, c'est… Vous parlez de l'intégration
des immigrants et le délai fixé pour l'apprentissage du français. Parce que je
peux aussi dévoiler devant tous que vous avez dans votre famille des
gens qui viennent de l'immigration.
M. Corbeil (Jean-Claude) : Tout à fait.
M. Breton : Exactement. Et ces gens-là ont appris le français.
M. Corbeil
(Jean-Claude) : Tout à fait.
M.
Breton : Et j'aimerais
ça que vous nous parliez un peu plus en détail justement d'un volet de l'intégration des immigrants et du délai fixé. J'aimerais ça que vous
élaboriez là-dessus, s'il vous plaît.
M.
Corbeil (Jean-Claude) : Par commodité, le gouvernement du Québec, depuis toujours, a considéré
qu'il fallait, à leur arrivée, laisser aux immigrants le soin de choisir la langue dans
laquelle ils pouvaient le mieux fonctionner à leur arrivée. Or, très souvent, ils étaient plus à l'aise
en anglais, ce qui fait qu'on leur donnait l'autorisation de recevoir
les services du gouvernement du Québec dans cette langue-là. Et on cochait dans
leur dossier «anglais» comme choix de langue.
Et je pense que ce phénomène-là n'avait pas de limite dans le temps. Et, au
fond, au fil du temps, les communications du gouvernement avec ces
immigrants qui avaient choisi, à l'arrivée, la langue anglaise continuaient à
se faire en langue anglaise, et je pense que c'est anormal.
Un
des devoirs de la fonction publique québécoise, de l'administration publique, c'est
de servir de modèle et de promotion de la langue française, de modèle pour
la qualité de la langue et de promotion pour son usage régulier dans la vie quotidienne et les relations avec les
citoyens. Je pense donc qu'il faudrait s'organiser pour que les immigrants
sachent, en arrivant, qu'ils ont non pas la
liberté d'apprendre le français quand ils voudront, mais qu'ils ont trois ans
pour apprendre le français, ce qui me semble un laps de temps
raisonnable et suffisant pour apprendre une langue qui n'est pas plus
compliquée que le grec, ou que l'allemand, ou que le chinois. Parce qu'on dit
toujours que le français est une langue très, très, très difficile, mais
essayez d'apprendre le grec moderne, par exemple, vous m'en donnerez des
nouvelles.
M. Breton : Merci beaucoup.
Mme De Courcy : M. Corbeil, dans votre
intervention — d'ailleurs, le rappel des fondements de la législation, en fait, de tout ce qui concerne la charte
est intéressant — vous avez nommé le volet
législatif et vous avez aussi parlé de la
politique de l'immigration. À titre d'information, si vous ne le savez pas
déjà, je voudrais simplement vous mentionner,
en tout respect et en toute concordance avec ce que vous venez de dire, que
nous avons soumis un bouquet de 24 mesures, 18 à l'origine, six qui se sont
rajoutées à partir des consultations que j'ai menées, et qui touchent toute l'immigration.
Parce qu'en effet — et ça a été la volonté de la première
ministre — de lier maintenant le ministère de l'Immigration
avec le ministère responsable de la Charte de la langue française, c'était pour
rendre très concret sur le plan
gouvernemental et à la face même de la société québécoise le lien évident entre
l'identité québécoise, l'immigration et
l'importance d'afficher cette langue, cette langue commune, tout en respectant
évidemment et de façon non équivoque la minorité linguistique de la
communauté anglophone. Alors, vous pourrez prendre connaissance, bien sûr, de
ces mesures-là. Je vous le ferai parvenir avec grand plaisir, en vous nommant,
d'ailleurs, à quel point c'est pertinent.
Pour les questions d'intégration, je sais que
vous y tenez beaucoup. Malheureusement, vous le savez, l'intégration... Bien,
heureusement, l'intégration se fait par le travail très souvent, et
malheureusement le taux de chômage des personnes immigrantes est très élevé. Selon Statistique Canada, 52,8 % versus
71,4 %... oui, le taux d'emploi, donc, et le taux de chômage est plus du double, c'est-à-dire
20,8 % par rapport à 7,8 %. Alors, tout à fait pertinente la remarque
concernant l'immigration et l'intégration. Je signale à mes collègues que les
chiffres viennent de Statistique Canada. Alors donc, vous pourrez vous-même les
consulter.
Je vous remercie, donc, de cette
contribution, qui va nous rappeler que, lorsque nous ferons les débats, les études article par article et ce que nous aurons à faire,
il ne faudra perdre la périphérie du projet de loi, c'est-à-dire les mesures en
immigration et en intégration. Merci beaucoup, M. Corbeil.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Merci, Mme la ministre. Nous allons maintenant du côté de l'opposition
officielle. M. le député de LaFontaine, c'est à vous la parole.
M.
Tanguay : Merci beaucoup, Mme la
Présidente. M. Corbeil, merci, merci à vous d'avoir pris le temps de rédiger le
mémoire et de venir nous présenter aujourd'hui le fruit de votre réflexion. Je
crois que, Mme la Présidente, nous disposons de 10 minutes?
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
C'est exact, M. le député.
M. Tanguay : C'est exact. Merci beaucoup. Je
pense, M. Corbeil, que c'est important, ce que vous avez bien pris soin de souligner
et c'est important, entre autres, votre expertise comme ex-directeur
linguistique de l'Office de la langue française,
et également intimement lié à l'adoption des lois n° 22 en 1974 et 101 en 1977,
et votre expertise par la suite comme
sous-ministre adjoint responsable de l'application de la politique linguistique
québécoise, et d'autres également dont vous faites état, d'autres
expériences qui font en sorte que vous êtes... je pense, votre présence est
extrêmement appréciée. Alors, merci. Je vais aller rapidement avec le peu de
temps que nous avons.
D'abord, juste... J'aimerais ouvrir une
parenthèse. Vous soulignez, à juste titre, à juste titre, l'impact des pressions qui
historiquement, années 1960, 1970, ont changé, pressions maintenant qui sont
dues, entre autres, à la mondialisation et au niveau de l'Internet. Et je pense que c'est important… évidemment,
les sources, il y en a plusieurs, mais j'aimerais juste ajouter ma voix
et un fait… deux statistiques que l'on retrouve justement sur l'Internet :
27 % des utilisateurs mondiaux sont de
langue anglaise, de l'Internet; et le contenu d'Internet, 57 % est en
anglais. Et je vous dirais même que, dans
le contexte où ici, au Québec, 2 % de population parlant français en
Amérique du Nord, je vous dirais même que, là, ces proportions-là,
50 % en anglais, oui, nous avons accès aux autres types de langues, aux
autres langues, mais nous baignons évidemment dans des sources qui sont
évidemment très, très majoritairement, parce que le marché l'est également, en
anglais.
Alors, ça, je pense que c'est important de
reconnaître ce défi-là qui exige que nous demeurions vigilants par rapport à la protection de... et l'épanouissement, pas la
protection, l'épanouissement du français. Puis ça passe, entre autres, par la qualité, la qualité du français, français
qui est enseigné dans nos écoles. Et nous avons eu l'occasion également
de souligner, par exemple — je recite cet exemple-là — que les commissions scolaires anglophones, force est de constater qu'elles sont
des agents de francisation. Lorsque l'on regarde, entre autres, l'importance
des résultats, les résultats très, très probants que les élèves en primaire et secondaire obtiennent pour ce qui
est de la matière du français et qui proviennent, donc, de commissions scolaires anglophones, il
faut reconnaître qu'elles sont des agents de francisation en ce sens-là.
J'aimerais vous entendre. Vous avez parlé de
la politique… des politiques linguistiques des cégeps. Je ne sais pas, puis je ne veux pas vous amener sur un terrain si
vous n'y avez pas réfléchi spécifiquement, mais vous avez peut-être remarqué, dans le projet de loi n° 14, il
serait inscrit dans la Charte de la langue française que, pour les
établissements, les cégeps anglophones, ils
devraient se doter de politiques linguistiques qui feraient en sorte de
prioriser les élèves appartenant à la communauté anglophone, les élèves
anglophones. Alors, de un, on a un défi de définir qu'est-ce qu'un élève
anglophone. Est-ce que c'est langue maternelle? Est-ce que c'est un élève qui a
été à l'école en anglais? Mais cette priorisation-là, vous, basé sur votre
expérience, comment la recevez-vous? Et quel impact, qu'est-ce qui serait
recherché? J'aimerais vous entendre commenter sur ça.
•
(12 h 10) •
M. Corbeil (Jean-Claude) : En fait, les cégeps doivent déjà se
doter d'une politique linguistique. Et c'est ce
dont je parlais quand je vous disais que ces
politiques linguistiques sont déposées au ministère de l'Éducation, qui, au
fond, ne semble pas s'en préoccuper
beaucoup une fois qu'il les a reçues. Mais il est certain que les
établissements de langue anglaise sont
des vecteurs extrêmement importants de francisation de leur population, des
jeunes. Et d'ailleurs on en voit les résultats lorsqu'on vit à Montréal et qu'on a l'âge que j'ai, c'est-à-dire on se
rend bien compte que la très large majorité des jeunes anglophones sont
aujourd'hui relativement à l'aise en langue française, ce qui leur permet de
vivre au milieu de nous avec une très grande aisance.
Par contre, la
déficience, je dirais, des établissements de langue anglaise par rapport au
français se situe dans la maîtrise de la
langue écrite, et ceci joue sur la langue de travail. Parce que, lors de la
commission Larose, nous avons tenu une journée d'étude à l'Université McGill, et
le porte-parole des étudiants de McGill déplorait le fait qu'il n'avait
pas, en général, la maîtrise de la langue écrite suffisante pour travailler
dans un milieu francophone, qui exige d'une manière ou de l'autre la maîtrise
de la langue écrite. Et, au fond, s'il y a peu d'anglophones dans la fonction
publique québécoise, c'est sans doute parce
que les jeunes anglophones n'ont pas une maîtrise suffisante de la langue
écrite. En langue parlée, on a fait
énormément de progrès; reste maintenant la langue écrite. Et je sais que c'est
un énorme problème que d'apprendre à
écrire une langue étrangère. Je m'excuse de considérer que le français est une
langue étrangère pour les anglophones, mais je suis linguiste, et pour
moi la notion de langue étrangère n'implique aucun jugement de valeur, ce n'est
tout simplement pas sa langue à soi.
M.
Tanguay : J'aimerais
vous entendre également sur... à la page 6 de votre mémoire — et
le temps file : «…tout gouvernement doit s'assurer…» Et je vous
cite : «…tout gouvernement doit s'assurer que l'office est vigilant
et qu'il veille à ce que les
justiciables, c'est-à-dire l'Administration, les entreprises, les commerces,
les établissements d'enseignement, respectent les dispositions qui les
concernent.» Fin de la citation.
J'aimerais,
M. Corbeil, si vous avez eu l'occasion de jeter un oeil sur les premiers
articles du projet de loi n° 14, qui
feraient en sorte que, oui, l'on sait, l'office, en vertu des articles 166 et
suivants, l'office nomme des inspecteurs en
vertu de la Loi sur les commissions d'enquête, mais il y aurait également de
tels inspecteurs nommés par la ministre, nommés également en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête. Vous,
voyez-vous ça d'un bon oeil? Comment... Quel commentaire auriez-vous,
quelle réflexion auriez-vous à ce sujet?
Et
je conclus rapidement en vous disant que, dans les deux cas, la mission de ces
acteurs-là qui sont les inspecteurs, dans les
deux cas, c'est d'appliquer la Charte de la langue française. Alors, il y a
comme un double emploi. Mais j'aimerais vous entendre.
M.
Corbeil (Jean-Claude) : En fait, j'ai connu l'époque où il y avait une commission de
surveillance en bonne et due forme qui était chargée de cette fonction-là. Vous savez sans
doute qu'il y a eu toutes sortes de malaises à l'égard de cette commission, et le gouvernement libéral a
décidé, à un certain moment, d'intégrer la fonction de la commission de
surveillance dans les responsabilités de l'Office de la langue française. La
commission de surveillance a pour objet, comme
dit son nom, de bien vérifier l'application par les justiciables des diverses
dispositions de la Charte de la langue française.
Et, depuis que la commission de surveillance a été supprimée et que la fonction
est assumée par l'Office de la langue
française, je constate que l'Office de la langue française s'est de moins en
moins préoccupée de vérifier le respect des dispositions de la Charte de la langue française par les
justiciables et s'est peu préoccupée également d'une sorte de politique
d'incitation au respect des...
Je
vais vous donner un exemple, l'exemple de Benetton. Benetton avait, à son
arrivée ici, probablement rencontré les gens
de l'office et ils avaient décidé de se donner une raison sociale en langue
française pour leurs activités sur le territoire
québécois, et, si mon souvenir est bon, ça s'appelait Les couleurs Benetton. Et
tout à coup, appliquant rigoureusement la Charte de la langue française,
ils sont revenus à leur raison sociale anglaise, sous le titre...
Une voix : ...
M.
Corbeil (Jean-Claude) : ...oui, The Colors of Benetton. Et vous voyez que c'est possible. Même
chose pour Bureau
en Gros. Bureau en Gros, là, en arrivant ici, s'est donné une raison sociale en
langue française sous l'influence de la...
je ne dirai pas de la pression, mais de l'incitation de l'Office de la langue
française et de la commission de surveillance et eux sont restés Bureau
en Gros, ils ne sont jamais revenus à leur dénomination en langue anglaise.
Même chose pour le générique, là, «Les cafés», etc.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : ...secondes, M.
Corbeil, le temps alloué à l'opposition est...
M. Corbeil
(Jean-Claude) : Bon. Donc, vous voyez
à peu près comment j'ai réfléchi à ça.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Merci. Nous
allons maintenant du côté du deuxième groupe de l'opposition. Mme la députée de
Montarville, vous avez la parole pour un temps de 2 min 30 s.
Mme
Roy (Montarville) : Merci beaucoup, Mme la présidente. Bonjour, M. Corbeil, merci, merci
pour votre mémoire.
On voit que vous êtes un homme qui connaissez bien la charte, qui êtes
impliqué, qui connaissez l'office. Alors, j'aimerais vous poser la
question suivante. Vous en parliez précédemment, de cette commission de
surveillance qui a disparu, mais, mais qui,
en revanche... Et là vous l'écrivez : «On semble avoir oublié que le
législateur a accordé à l'office tous les pouvoirs d'enquête dont
bénéficiait la commission.»
Alors, ma question est
la suivante : Vous qui connaissez la machine de l'intérieur, croyez-vous
qu'avec les nouvelles modifications qu'on apporte avec le projet de
loi n° 14, l'Office québécois de la langue française aura les
ressources nécessaires pour appliquer ces nouveaux articles? Et là je vous
parle vraiment de ressources, de personnel, d'enquêteurs, etc.
M. Corbeil (Jean-Claude) : En fait, je pense, pour répondre
correctement à votre question, qu'il y a deux aspects. Et vous avez raison de souligner celui du personnel, mais
il y a aussi celui de l'intention d'utiliser le pouvoir que donne la Charte de
la langue française en matière de surveillance. Et les deux phénomènes doivent
jouer ensemble, c'est-à-dire que non seulement il faut
avoir un personnel, mais il faut avoir également l'instinct de surveiller si
les justiciables appliquent vraiment la
Charte de la langue française et en même temps avoir une sorte de rôle de
promotion, d'éducation populaire à l'égard du grand public.
Par
exemple, toute la question des raisons sociales est tellement ambiguë que
personne ne comprend très, trèsbien ce qu'il est possible de faire en
francisation des entreprises, tout simplement parce que personne n'a pris la
peine d'expliquer exactement la portée des dispositions de la Charte de la
langue française. On ne peut pas, par exemple, empêcher une entreprise d'utiliser sa marque de commerce comme raison
sociale. Mais on peut — et c'est ce que la loi lui demande — l'obliger
à utiliser un générique. Or, c'est là-dessus, sur la question des génériques
que porte actuellement le débat. Et je pense qu'également il faut essayer de
convaincre les gens d'utiliser une raison sociale en langue française.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci beaucoup, M. Corbeil, merci beaucoup pour votre présentation.
Je demande maintenant
aux représentants de Québec Community Groups Network de prendre place.
Nous allons suspendre
nos travaux quelques minutes.
(Suspension de la séance à
12 h 20)
(Reprise à 12 h 22)
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Nous reprenons
nos travaux. Madame messieurs, bienvenue à l'Assemblée
nationale. Je demande à votre porte-parole de s'identifier, d'identifier
également les personnes qui l'accompagnent. Vous allez disposer d'un
temps de 10 minutes pour faire votre présentation. Par la suite, suivra un
échange avec les membres de la commission.
Québec Community
Groups Network (QCGN)
M. Lamoureux (Dan) : Merci, madame. À ma gauche, c'est Michael Bergman, et, à ma droite,
Sylvia Martin-Laforge, directrice du Québec
Community Groups Network — excuse me — et moi, Dan Lamoureux, je suis le président de Québec Community Groups Network.
Bonjour
Mme Richard, Mme la ministre, Mmes et MM. les membres du comité. C'est pour
nous un honneur de témoigner devant vous
aujourd'hui et de rencontrer à nouveau nos représentants élus à l'Assemblée
nationale.
Over the past few months,
there has been a renewed interest in our community from all parties in the National Assembly, and not just about Bill 14.
It is a positive development that the Government has assigned a cabinet level interlocutor, M. Lisée, and we value the time that
all parties have invested in listening to our concerns. We believe that all parties have benefited from this improved
communication, and the QCGN aspires to formalize that tradition. These exchanges have the potential to lead to an
agreement on what the Government of Québec can do to support the
vitality of the English-speaking communities
of Québec. Historic differences are increasingly minimized by the new
generation of multilingual young Quebeckers for whom family, jobs, and
stability are the priority. Surely, we all recognize the urgency to work
together on ensuring linguistic peace and prosperity for all Quebeckers.
So much has
been said and written about Bill 14, since the proposed overhaul of Québec's
Charter of French Language was introduced in
the National Assembly three months ago. The overwhelming reaction of Québec's
English-speaking community has been
critical. We are strongly opposed to the bill that introduces a whole series of
new restrictions on our language that
are unfair, unnecessary, and in many cases would have a detrimental effect on
our already fragile communities. It
takes away acquired rights that have maintained a fragile linguistic peace for
the past 35 years. And while it will alienate English-speaking
Quebeckers, it will do little to protect and promote the French language.
If
passed, Bill 14 would restrict the right of municipalities and their citizens
to decide how their own taxpayers will be served. It would endanger the future of
some of our small schools by revoking an exemption for French-speaking
military personnel, who might be transferred to another province to send their
kids to English schools — and I know of that because I was a military brat.
It would also place a greater burden on all small businesses — French
and English — that
will have impacts ranging from some enterprises deciding not to expand, to
others deciding to go to another
province where the cost and irritants of doing business are less onerous.
But
perhaps our deepest concern is the proposed change to the preamble of the
Québec's Charter of Human Rights
and Freedom contained in the bill. Mr.
Bergman.
M.
Bergman (Michael) : Merci. Merci, Dan. Le projet de loi n° 14 fait un grand départ de
nos valeurs québécoises dans ce sens.
Premièrement, nous, les Québécois, nous sommes une grande famille, une famille
qui demeure dans un très grand unifamilial
avec plusieurs chambres. Et, dans chaque chambre... se trouvent des gens soit
de majorités, minorités, individus,
des idées, des débats, des discussions. Mais nous sommes parmi nous une grande famille.
Le projet de loi n° 14 veut
mettre les minorités linguistiques, les anglophones en dehors de cette maison
pour rester dans une petite cabane avec la tondeuse, sous la surveillance d'un garde-chien. Ce n'est pas parmi nos
valeurs québécoises. Nous sommes une famille.
Et,
deuxièmement, notre Charte des droits et libertés, une très grande charte, une
pierre angulaire de notre société, nos valeurs, une charte qui protège chacun parmi
nous dans nos différences comme individus, on veut ajouter maintenant un
autre droit, un droit collectif, un droit qui énonce que nous sommes une
société uniforme, monochrome, définie par une seule identité, l'identité de la
langue française.
La langue française, c'est très important, c'est une valeur,
c'est un mode d'expression de notre voisinage, de notre famille, mais ce n'est pas
pour dire que chacun parmi nous sera exactement la même chose. Le respect pour
les droits des individus, pour les
droits de la personne, pour les valeurs familiales, qui sont uniques et font partie
de nos spécificités québécoises, est
primordial. Comment que le projet de loi n° 14 jette toutes ces grandes
valeurs, qui est le meilleur signe de notre société depuis 400 ans,
juste dans la poubelle avec les autres, les… poussières?
Nous
sommes une société forte. Nous avons un système juridique fondé sur les droits
des individus, sur les droits de la personne. Nous avons un code civil qui énonce
les principes parce que nous sommes une société de principe, et pas des cas spécifiques. Le projet de loi n° 14, mal
rédigé, mal fait, mal pensé, n'ajoute rien soit pour nos droits, soit pour
notre système juridique et soit pour notre famille. Merci.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Mme Laforge.
• (12 h 30) •
Mme
Martin-Laforge (Sylvia) : English-speaking Québec is not equitably represented in
the civil service, nor are we present with a real voice in the province's
political structure. This has two effects. First, it cuts out the voice
of over 10 % of the province's
population in the development of public policy. Second, it sends a clear
message to the minority that it is
excluded from the public discourse. Suspicion, ignorance and misunderstanding
continue. Rational discussion is made difficult. «Rapprochement» is
labelled as treacherous. The politics of fear are encouraged.
Finally,
the disconnect between English-speaking minority and its provincial government
creates over-expectation on the role of the federal Government in the lives
of our English-speaking minority. The Canada that Québec founded along with Ontario, Nova Scotia, and New Brunswick
gave provinces jurisdiction over most areas of government that meet the
direct needs of Canadians like health care, education and the administration of
justice.
L'avenir de notre communauté repose
sur vous, notre gouvernement provincial. Vous devriez mieux nous connaître pour faire
preuve de l'autorité nécessaire pour assurer l'intégration sociale, économique
et politique de la communauté minoritaire
d'expression anglaise. Cette communauté est une cohorte bilingue qui continuera
de vous aider à construire et affronter
la concurrence d'un contexte économique mondial. Les Québécois d'expression
anglaise continuent de travailler en
collaboration avec leurs collègues d'expression française pour produire des
innovations de premier plan à l'échelle mondiale, dans des domaines
aussi diversifiés que les arts et spectacles, la médecine, les produits
pharmaceutiques et l'aéronautique.
Nos
communautés régionales, vous les avez entendues, des villes comme Québec,
Sherbrooke, réussissent à attirer et à retenir
les immigrants dont la présence est essentielle, à retenir ces immigrants… et
le succès de la croissance économique de notre province. Songez à ces exemples
lorsque vous examinerez de façon à répondre au manque de main-d'oeuvre auquel nous serons bientôt
confrontés, au moyen de développer le Nord. N'oubliez pas la valeur de
petites communautés d'expression anglaise à Sept-Îles ou sur la Côte-Nord.
Les
politiques publiques doivent reposer sur des faits non sur des mythes. Le
Québec a façonné son régime et son approche judéo-linguistique à partir d'une réalité
reflétant celle des années 60 et 70. Faudrait-il croire que l'environnement
politique, social et économique qui régnait à cette époque devrait aujourd'hui
dicter nos choix politiques?
Aucune
preuve fiable ne permet de croire qu'à l'heure actuelle ce projet de loi est
nécessaire ou urgent. À notre avis, le projet de loi n'est pas la solution. Il
préconise une politique publique qui exclut les Québécois pour qui le
français n'est pas la marque d'une identité personnelle. Il déforme la
législation relative aux droits de la personne afin d'augmenter la protection
de la majorité linguistique au détriment de ces minorités. Une bonne politique
d'intérêt public cherche à transformer les valeurs personnelles en faveur du
bien commun et à encourager le respect volontaire de la loi. Il ne devrait pas
servir d'instrument de pression ni devenir un point de rupture de la cohésion
sociale.
M. Lamoureux (Dan) : The QCGN believes it is time for Québec to stop
and consider its linguistic future. Today's
Québec is not the Québec of the past. Quebeckers are confident, accomplished
and «maîtres chez nous». Surely, we can find a way to have a rational
and reasonable conversation regarding the strategic accommodation of linguistic
minorities in Québec. The injustices of the past, real or perceived, should not
be writing the script for our future.
This brings
us to our final point. Unfortunately, on the issue of language, the two
solitudes persist. Our Government, the
political parties and the professional bureaucracy simply do not understand our
concerns about the vitality of our English-speaking communities
throughout Québec. For us, it's not about language. On the other hand, our
community does not understand how Bill 14 will protect and promote the French
language.
Every
Canadian, province and territory has a mechanism to hear from its French-speaking
minority communities.
La Présidente (Mme Richard,
Duplessis) :
Excusez-moi, M. Lamoureux. Je vous ai laissé continuer un petit peu avec l'accord de la ministre, mais, si on veut
procéder aux échanges, on doit débuter.
Des voix : …
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Si vous
avez votre conclusion, la ministre vous octroie quelques minutes. Allez-y.
M. Lamoureux (Dan) : Québec is an
active supporter of those communities. We think it's time for the Government of Québec to make the same investment
in understanding its English-speaking minority community. It is time to
bring real dialogue through a standing mechanism to bridge the gulf of
misunderstanding that persists between you and your English-speaking communities. Think of what we can
accomplish together and what our two solitudes have lost when apart. Nous sommes prêts pour dialogue. Merci.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Merci. Mme la ministre responsable de la Charte de la langue française, vous
avez la parole.
Mme
De Courcy : Je vous en prie. Alors,
ça m'a fait plaisir de pouvoir vous permettre de prolonger. Alors, messieurs, madame, il me fait très plaisir de vous
revoir. Parce que nous nous sommes vus et nous allons nous revoir, évidemment. Alors, merci pour votre contribution.
Évidemment, nous avons lu attentivement votre mémoire, et puis vous
comprendrez que, sur plusieurs plans, nous sommes en désaccord, mais, mais on
continue à réfléchir. Et j'apprécie et nous apprécions votre contribution.
Deux questions. En fait, une question que j'aimerais
vous poser parce que j'ai des préoccupations assezparticulières. Et vous
l'avez évoqué, Mme Laforge, assez rapidement, mais quand même. J'ai constaté,
en faisant la tournée que j'ai faite
au Québec, qu'il y a des communautés de langue anglaise très fragilisées au
Québec. Vous pensez à l'Estrie, la Gaspésie, la région de Québec, qui
sont des communautés dont le capital social vraiment peut préoccuper. Vous avez
évoqué le fait que, bon, le plan du
développement Nord pourrait... le développement nordique pourrait être une
façon de faire.
Mais
j'aimerais plus précisément vous mentionner qu'une autre préoccupation que j'ai,
c'est celle du très peu d'anglophones qui travaillent au sein de la fonction
publique québécoise. Vous l'aviez déjà repris lors de nos rencontres, vous me l'aviez
mentionné, et honnêtement j'ai de la difficulté à saisir pourquoi. Et je ne
sais pas si votre organisation… — parce
que nous n'avons pas eu l'occasion d'échanger là-dessus — si
votre organisation s'est penchée sur cette
question-là. Sans doute, puisque vous évoquez ce phénomène-là, mais de façon...
entre les lignes, là, dans votre mémoire.
Alors, la question, c'est : Comment
faire mieux, comment faire mieux pour être en équilibre... En équilibre, c'est une recherche que nous avons dans ce projet de loi,
même si nous l'interprétions différemment, ou dans les mesures complémentaires. Quelle serait la façon d'atteindre
un meilleur équilibre à cet égard? J'ai une piste qui a été évoquée par
notre interlocuteur précédent, mais j'aimerais ça connaître la vôtre.
Deuxièmement, j'aimerais que vous sachiez que
j'ai retenu avec beaucoup d'attention ce que vous m'aviez dit lorsque je vous ai
rencontrés. À la question que je vous avais posée : Sentez-vous que l'anglais
est menacé, que la langue est
menacée?, vous m'aviez répondu très spontanément : Non, ce n'est pas notre
langue, ce sont nos institutions. Vous m'aviez
beaucoup frappée, à ce moment-là, dans votre commentaire spontané et direct que
c'était ça, votre conviction. Je veux
que vous sachiez que je le retiens, que nous le retenons. Alors, si vous
pouviez m'éclairer sur... nous éclairer sur...
Mme
Martin-Laforge (Sylvia) : Bien, Mme
la ministre, moi aussi, j'ai parlé... j'ai eu l'occasion de parler à M. Corbeil
avant, et puis on était d'accord. On n'est peut-être pas d'accord sur tout, lui
et moi non plus, mais on était d'accord pour
dire que nos jeunes anglophones ont effectivement appris le français, ont un
niveau de bilinguisme assez bon pour
plein de choses, pour travailler, mais, au niveau de l'écriture, les jeunes
nous le disent, ils ne sont pas tout à fait à l'aise. Moi, je vous dirais que, même moi qui parle assez
bien le français, là, je le dis, si je n'utilise pas mon français à tous
les jours, je ne suis pas sûre que je
passerais le test de venir travailler au gouvernement provincial. Alors, je dis
ça humblement.
C'est
une préoccupation que M. Bouchard avait eue en parlant au Centaur, tous les
gouvernements successifs ont parlé de cette notion d'avoir des jeunes
anglophones ou d'expression anglaise à l'intérieur de l'appareil... C'est important pour des raisons d'emploi, mais c'est
important aussi pour des raisons de... Une fonction publique exemplaire
doit refléter l'ensemble. Alors, pratiquement, c'est important pour les jeunes
parce que les jobs sont bonnes, ça paie, être
au... à la province, mais, pour nous, c'est à plus long terme aussi, c'est que,
plus on a le reflet de notre population à l'intérieur de la fonction publique, plus il va y avoir une
compréhension, une connaissance, une influence à l'intérieur du
mécanisme.
Comment le faire? C'est à long terme, c'est à
très long terme. Ça prend peut-être des projets pilotes, ça prend des mentorats avec des
fonctionnaires, importants. Je pense que c'est un signal que le politique doit
donner à l'intérieur de la fonction publique, c'est important. Et puis d'ailleurs,
comme je vous dis, M. Corbeil a été longtemps à l'intérieur de la fonction
publique et il me disait la même chose. Alors, c'est de longue date.
•
(12 h 40) •
Mme
De Courcy : J'avoue que manifestement
c'est... Il y a plusieurs choses qui rejoignent la communauté francophone et la communauté anglophone, mais, s'il
y a une chose qui nous rejoint tous et toutes, c'est la qualité de la langue apprise et bien sûr exercée, autant du côté
francophone que du côté… par rapport à la langue seconde et du côté anglophone aussi par rapport à la langue seconde.
Il y a vraiment, à mon avis, à ce niveau-là… Même si depuis un certain temps on vante, et à juste titre, les résultats
des commissions scolaires anglophones globalement, il n'en demeure pas
moins que le bât blesse, et les fédérations
des professeurs, des enseignants des collèges anglophones enseignant la langue
seconde nous ont dit qu'il y avait là des
problèmes. Alors, il faut qu'on soit en mesure, là, de travailler cette
question-là. Et ça sera aussi vrai, à mon avis, pour l'apprentissage de
la langue seconde en anglais, du côté francophone. Je suis un très bon exemple
de ça avec ce... Oui, voilà.
Alors donc, j'apprécie la réponse franche à
ça et j'avoue que, dans la poursuite de la réflexion, nous accorderons une importance assez grande à ce
dimensionnement-là du reflet… On le fait pour les personnes immigrantes, nous
sommes tous préoccupés pour cette question-là. La minorité linguistique
historique devrait aussi faire objet d'une préoccupation aussi importante à cet
égard-là.
Mme Martin-Laforge
(Sylvia) : Si je pouvais ajouter
juste une petite chose...
Mme De Courcy : Je vous en prie.
Mme Martin-Laforge (Sylvia) : Moi, ça fait cinq ans que je suis
revenue au Québec et puis j'ai eu l'occasion, dans ces dernières années, de travailler de plus
près avec la politique linguistique du Québec. Et puis, quand M. Corbeil
évoquait les trois volets, législation linguistique, immigration et politique à
l'enseignement, moi, dans les cinq ans... cinq dernières années, je disais
souvent : La francisation de la communauté d'expression anglaise ne veut
pas dire l'assimilation, mais nous aide à s'intégrer.
Alors, on va à l'école élémentaire, secondaire, mais il y a bien plus que ça
dans toute notre vie. Il y a toute une éducation qu'on entreprend ensuite.
Alors, il ne faudrait pas laisser ça seulement à l'élémentaire, secondaire. Il
faudrait trouver d'autres moyens pour notre intégration au Québec à plus long
terme. Pardonnez-moi de vous interrompre, là.
Mme
De Courcy : Non, je vous en prie. Je
vais conclure en cédant la parole à un autre collègue qui voulait s'adresser à vous, mais en vous remerciant aussi
pour votre contribution jusqu'à tout récemment, à l'Office québécois de
la langue française, où vous étiez membre de l'office et vous avez fait des
contributions jusqu'à tout récemment. Alors, je vous remercie, Mme Laforge.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Merci, Mme la ministre. M. le député de Saint-Hyacinthe, pour deux minutes,
question, réponse.
M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Je vais être bref. Merci, Mme
Martin-Laforge, M. Lamoureux et M. Bergman. Écoutez, je vais être assez bref dans la question.
Dans votre mémoire, à la page 4, vous mentionnez que le gouvernement
prenne des mesures... La communauté anglophone est d'accord pour que le
gouvernement «prenne des mesures pour protéger le français». Quelles sont,
selon vous, ces mesures que la communauté anglophone appuie pour justement
favoriser davantage de protéger le français au Québec?
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Mme Laforge.
Mme Martin-Laforge (Sylvia) : Oui? Certainement. Moi, je vous
dirais que des mesures autour de tout ce qu'on
voit dans les arts et les spectacles par rapport à l'apprentissage du
français... Moi, je ne connais pas une personne anglophone, au Québec, de ma génération qui ne voudrait pas mieux parler
français. Alors, les mesures de francisation pour les immigrants, des mesures de francisation pour apprendre le
français, pour l'écrire, pour pouvoir communiquer, pour acheter des produits de télé ou de regarder
la télé, ça, c'est... je ne connais personne de ma génération... Il y en a
dans ma génération qui sont moins chauds au
projet de loi 101, là. Ça a été peut-être, pour certaines, certains, un choc.
Mais je pense qu'on est là, on est restés,
on est habitués. Mais, pour continuer, il faut nous aider à mieux s'intégrer, à
s'assurer que nos enfants puissent rester au Québec, avoir des emplois au
Québec, vivre au Québec comme tout le monde, comme des citoyens pleinement du
Québec.
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci beaucoup. Nous allons
maintenant du côté… Je suis désolée, je dois répartir le temps équitablement. Nous allons
maintenant du côté de l'opposition officielle. M. le député de
LaFontaine, vous avez la parole pour un temps de 13 minutes.
M. Tanguay : 13 minutes. Merci beaucoup, Mme la
Présidente. D'abord et avant tout, merci beaucoup pour votre présence ici
aujourd'hui, qui est très, très importante, et également pour le fait de nous
avoir communiqué évidemment, comme ceux que nous entendons, là, un
mémoire au préalable. Je voulais juste, de un, vous saluer, remercier votre
participation aujourd'hui.
Et, juste avant de céder la parole à mon
collègue de Jacques-Cartier, moi, je voulais prendre le temps de souligner le message très, très important que moi, je
perçois, et corrigez-moi si j'ai tort, mais qui est essentiel. On peut, en
matière linguistique, au Québec, débattre longtemps, longtemps, longtemps des
moyens pour soit protéger, sécuriser, certains comme nous vont parler d'épanouir,
l'épanouissement du français, mais, avant, je pense, d'entrer dans un débat sur les moyens, et ce qui est proposé par le
projet de loi n° 14 sont des moyens, je pense qu'il faut d'abord et
avant tout avoir la bonne approche, d'abord et avant tout, et faire en sorte...
Et, M. Lamoureux, vous avez eu l'occasion de
commenter dans les médias, et je vais vous citer : «English-speaking Quebeckers are
not a threat. And more coercive language legislation will not promote or protect the
French language.» Fin de la citation. Autrement dit, il faut d'abord et avant
tout, quand on parle d'une action gouvernementale, qui peut être des
modifications à la charte, qui peut être des nouveaux règlements, qui peut être
des programmes que l'on doit financer suffisamment, des partenariats que l'on
signe comme la Stratégie commune 2008-2013 pour Montréal, il faut d'abord et avant tout, avant d'aller au
niveau des moyens, réellement préciser quelle est notre approche, quelle
est notre philosophie. Et, en ce sens-là, je
pense que c'est intéressant qu'il ne faut pas… et important et majeur de
souligner, qu'il ne faut pas mettre en
opposition, de un, évidemment tout le contexte dans lequel nous évoluons, et
nous l'avons vu avec M. Corbeil un peu plus tôt, contexte, donc contexte
mondial avec l'Internet, avec les nouveaux outils, contexte économique également, mais également de faire en
sorte de ne pas, par des actions et quand tout le monde est de bonne foi et on le prend pour acquis, d'avoir pour effet
d'envoyer des mauvais signaux et peut-être faire deux sortes de
citoyens, faire des distinctions, entre autres, sur la langue. Tout
dépendamment de votre langue maternelle, vous aurez des droits ou pas d'autres
droits. C'est une piste qui est extrêmement délicate, qui demande beaucoup de
réflexion et qui demande la bonne approche. Et, en ce sens-là, je pense que c'est
important...
Et
je reviens, vous savez, régulièrement sur une citation que nous a faite la
ministre lors du lancement du projet de loi n° 14, le 5 décembre
dernier, ici même, et je la cite : «Selon les dernières études dévoilées
par l'Office québécois de la langue
française, 63 % des travailleurs à l'échelle du Québec et 82 % à
Montréal utilisent l'anglais au travail — point. Il s'agit d'une alerte qui indique au
gouvernement qu'il faut agir.»
Quand
c'est le fondement, quand c'est l'approche… je n'en suis pas aux moyens, quand
c'est l'approche initiale de dire : Certaines personnes, plus qu'il y a
40 ans, 30 ans, utilisent l'anglais au travail, c'est une alerte, il faut agir,
je pense qu'on part avec le mauvais
paradigme. Et, lorsque l'on part avec une telle approche, on peut logiquement
en arriver à des mesures telles que
celles proposées par le projet de loi n° 14. Mais je pense que c'est
notre devoir de dire que ce n'est pas la bonne approche. Et ça, c'est le
message très clair.
Puis
du même souffle, vous nous dites : Oui, la loi 101 est importante, la
charte est importante, il y a un équilibre, puis cet effort-là de l'épanouissement du
français, on va tous le faire ensemble, mais ça prend la bonne approche
puis, après ça, on pourra déterminer les
bons moyens. Et je pense que c'est un message extrêmement important. Je vais
céder, Mme la Présidente, tout de suite la parole à mon collègue de
Jacques-Cartier.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Parfait. M. le
député de Jacques-Cartier.
• (12 h 50) •
M. Kelley : Merci beaucoup, Mme la Présidente. À mon tour, bienvenue à
M. Lamoureux, Me Bergman, à Mme
Martin-Laforge. Welcome, Sylvia, Dan and Michael, here amongst us. Merci
beaucoup pour votre mémoire. Il y a beaucoup
de faits qui sont très intéressants : les statistiques quant au déclin des
institutions, les inscriptions dans les écoles anglaises qui ont chuté d'une
façon dramatique.
Moi,
j'ai deux questions. La première, c'est toute la question que Me Bergman a
soulevée sur la question de la charte des droits de la personne, mais également,
on a eu Me Gray qui est venu, Julius Gray, hier, qui a parlé de toute la
question… le changement entre une notion des
minorités ethniques et les communautés culturelles et le changement de
langage. Me Gray était de l'avis que c'est moins important. Mais je sais qu'il
y avait un article dans la Gazette, de Pearl
Eliadis, qui va témoigner demain, de mémoire. Alors, moi, je ne suis pas expert
dans le domaine, mais je pense que les
questions, entre autres, qui étaient soulevées hier par la députée de Gouin
sont... On change les choses pour une raison; sinon, on va laisser ça
tel quel.
Alors, vous avez
exprimé certaines inquiétudes dans votre mémoire aussi. Alors, pouvez-vous m'expliquer
davantage les inquiétudes quant à la notion
de l'utilisation de mots, et, Me Bergman, vous avez déjà commencé, mais
l'arrimage entre une charte pour la protection de la langue, qui est en soi
très, très important, mais on a également la protection
des minorités, qui est un autre devoir de tout gouvernement de faire la
protection des minorités dans une société? Alors, pouvez-vous un petit peu nous éclairer sur la question de l'arrimage
des chartes au niveau de la protection des minorités?
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : M. Bergman.
M. Bergman
(Michael) : Pour moi, l'important, c'est
la protection juridique selon les lois, les legs, les principes et les valeurs
du Québec. Au sein d'une charte constitutionnelle, si on utilise un mot ou tout
autre mot pour désigner une minorité, ça, c'est un débat à faire. Mais est-ce
que c'est vraiment une question de nomenclature? Le problème, ici, c'est : Qu'est-ce que c'est le meilleur moyen de
protéger toute minorité québécoise, minorité soit comme dans un groupe, soit comme un individu, soit comme
un immigré, soit comme un principe? Et ce que le projet de loi
n° 14 veut faire, c'est de mettre la charte, notre charte québécoise des
libertés sur sa tête, en disant que, oui, on a les droits habituels, expression, médias, conscience,
religion, d'autres choses, mais maintenant nous avons un autre droit, un
droit qui dit : Chaque Québécois
possède une identité qui est exactement la même, monochrome, ça veut dire une
identité qui fixe pour chacun l'idée
que chacun est un français, que la langue n'est pas uniquement un mode d'expression,
un mode des idées, un mode culturel, un mode de vie, mais un droit
humain.
Est-ce
que pour dire que chacun parmi nous doit parler chaque langue n'importe qui
parle? À mon avis, c'est faux. Il n'y a aucunement une reconnaissance, aucune
charte des droits et libertés dans le monde qui exige le droit
uniquement pour une langue à part d'autres. Sur le plan juridique, d'où vient
nous avec tout ça? Si nous avons une charte, nous avons une commission des
droits, et la commission doit recevoir dès maintenant soit des plaintes sur l'expression,
la sexualité, d'autres choses, il y a aussi
les plaintes pour la langue française. Est-ce que, par la fonction, les
devoirs, les tâches de l'office, de la commission de la langue
française, pour recevoir des plaintes, est-ce qu'à chaque fois qu'il y a un
problème linguistique, c'est au niveau des droits et des libertés fondamentaux?
Je suis complètement en désaccord.
Comme
je vous ai dit, MM. et Mmes les députés, nous sommes ici, au Québec, avec un
code civil et le… de nos lois, c'est les principes, c'est les principes de
l'application par tout le territoire québécois qui respectent chacun dans
ses différences, dans ses spécificités et aussi nos collectivités. Voici la
force de notre société, la balance entre les droits collectifs et les droits de la personne. Et nous avons déjà, parmi
plusieurs arrêts des tribunaux québécois — je
parle des tribunaux
québécois — établi une telle balance entre le droit de notre société comme
collectivité et le droit de chacun. Pourquoi
jeter ça dans la poubelle? Pourquoi insister sur les nomenclatures inutiles?
Quand
je vous ai dit que nous sommes une famille, ce n'est pas juste pour vous dire
un discours fleuri avec de beaux mots, c'est
parce que ça, c'est une valeur unique. Pour les immigrants, pourquoi un
immigrant veut aménager ici? Parce qu'il
comprend que, parmi les valeurs québécoises, c'est les valeurs familiales, dans
le sens que c'est tous nous dans le
même foyer, dans la même aire commune, avec toutes nos différences et que nous
sommes protégés dans notre personne par des chartes qui protègent la
collectivité mais aussi la personne, qui respectent les minorités, minorités
dans le sens complet de ce mot.
N'oubliez pas que, dans le
sens juridique et dans le sens social, il y a une grande, très grande évolution
du Québec depuis
la Révolution tranquille. C'est une chose de souvenir. Je me souviens le passé
aussi, mais je vis dans le présent, et le
présent du Québec, l'actualité québécoise, ce n'est pas dans le passé, c'est
aujourd'hui, c'est complètement différent, et mes yeux sont sur l'avenir. Le projet de loi n° 14 a ses pieds dans
le passé et ses idées dans le passé, et dans une actualité qui n'existe plus, et dans un monde qui exige un
système, un moyen juridique contraire à notre système de droit civil
avec ses principes, ses grands, très grands principes.
L'avenir, c'est basé sur l'engagement, sur l'énonciation
des valeurs québécoises, et les valeurs québécoises, ce n'est pas juste la
langue française, c'est un rapport entre nous. On parle toujours des français,
des francos, des anglos, des allos, de
n'importe... Comme moi-même, à l'origine, peut-être, je suis... vous pouvez me
dire que je suis né comme tête carrée, je
suis Québécois aussi. La langue anglaise et la langue française me disent que
je suis Québécois. Ça, c'est de l'actualité d'aujourd'hui. Je sais qu'il y a peut-être dans notre politique, dans
notre... actuel, dans notre histoire, le très grand sens du nationalisme
québécois est un atout. Mais c'est une nationalisation ouverte ou fermée?
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
M. Bergman, je suis désolée…
M.
Bergman (Michael) : Merci.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Nous allons avoir...
M.
Bergman (Michael) : ...comme vous
avez dit : Je suis désolée, je ne suis pas désolé que vous avez dit :
Je suis désolée.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Moi, je suis désolée de vous interrompre.
M. Bergman (Michael) : Mais permettez-moi de dire que moi,
je ne reste pas avec la... Je n'aime pas faire le... ça.
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Nous allons maintenant du côté du
deuxième groupe d'opposition. Mme la députée
de Montarville, vous avez la parole.
Mme
Roy (Montarville) : Pour une durée de
2 min 30 s?
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Pour une durée de trois minutes.
Mme Roy (Montarville) : Trois minutes. Merci, Mme la
Présidente. C'est très court. Madame, messieurs,
merci, merci d'être ici, merci pour votre
mémoire. Je trouve toujours que vous entendre élève le débat en quelque part,
et nous apprenons davantage, nous apprenons davantage à échanger
ensemble, et j'y tiens beaucoup.
Cela
dit, vous parliez avec la ministre tout à l'heure du fait que les anglophones
sont sous-représentés ou difficilement
représentés dans la fonction publique. Et moi, j'aimerais savoir si vous avez
quelques chiffres là-dessus, un portrait là-dessus, nous donner une idée
du manque d'anglophones dans la fonction publique, selon vous. Est-ce qu'on a
une idée?
•
(13 heures) •
Mme Martin-Laforge (Sylvia) : C'est moins de 2 %. On arrondit,
là, à 2 %, mais c'est un point quelques.
Puis ça, ça ne change pas, on n'améliore pas. Alors, c'est... Je pense — Mme la ministre a parlé tout à l'heure de ça — je pense que
souvent, pour les jeunes en région… Ça se passe beaucoup en région, ça se passe
à Québec, ça se passe... Alors, c'est un... On devrait trouver des
moyens pour avoir — attends, voir — des «internships» peut-être spécifiés pour les anglophones. Mais, quand je parle d'anglophones,
hein, je parle des Québécois de langue anglaise. Alors, nous... Quand on
parle de Québécois de langue anglaise, il y a autant des blancs, des verts, des
picotés, là-dedans.
Alors, pour nous, la communauté d'expression
anglaise n'est pas très bien représentée. Et puis on a des taux de sous-emploi et de chômage très, très, très élevés dans
la communauté d'expression anglaise. Si on comprend quelque chose de la communauté anglaise, il y a des
mythes, hein, de la communauté d'expression anglaise. Des chiffres dans
les dernières années, 2000 quelque, étaient qu'on était à 33 % en chômage
plus que les francophones. Et certainement,
dans la cohorte la plus importante, la plus productive — en
tout cas, je n'aime pas dire ça parce que je
suis plus âgée maintenant — de
24 à 45 ans, on a un taux de chômage de 40 % et quelques de plus que la
majorité. C'est un chiffre que les gens n'acceptent pas très bien parce que ce
n'est pas comme on pensait dans les années 50, 60, 70.
Alors,
il faut trouver le moyen de garder les jeunes d'expression anglaise à la
province avec des jobs. Puis une belle
place pour les jobs, c'est à la fonction publique parce que ce n'est pas juste
une job que tu as, à la fonction publique,
c'est un engagement, c'est quelque chose que tu donnes; tu reçois, mais tu
donnes, c'est important. Alors, c'est
ça. Les chiffres sont très laids par rapport à notre communauté. Et puis ce qui
arrive, c'est qu'on les perd, ces jeunes-là.
Ils vont ailleurs.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Merci beaucoup, Mme Laforge, MM. Lamoureux et Bergman, pour votre présentation.
La commission suspend
ses travaux jusqu'à 15 heures.
Et
je vous signale que vous pouvez laisser vos documents sur place, la salle sera
sécurisée. Bon appétit. À cet après-midi
(Suspension de la séance à
13 h 2)
(Reprise à 15 h 2)
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : À l'ordre, s'il
vous plaît! Bonjour, chers collègues. Nous allons reprendre nos travaux.
Et je demande aux
personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs
téléphones cellulaires.
Nous
débutons, cet après-midi, avec les gens représentant Fraser Milner Casgrain. J'espère
que je le prononce bien. Bienvenue, messieurs,
à l'Assemblée nationale.
Une voix : ...
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Oui. Vous allez avoir 10 minutes qui vont vous être
allouées pour faire votre présentation. Souvent, je peux vous donner quelques minutes
supplémentaires avec l'accord de la ministre. Par la suite suivra un échange avec les différents
groupes représentés à l'Assemblée nationale. Donc, la parole est à vous. M.
Brunet, je crois.?
Fraser Milner Casgrain SENCRL
(FMC)
M. Brunet (Michel
A.) : Oui, oui. Merci, Mme la
Présidente.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Allez-y. Et peut-être juste, M. Brunet, nous présenter
la personne qui vous accompagne.
M.
Brunet (Michel A.) : Oui, bien sûr. Bien sûr. Alors, je m'appelle, d'abord, Michel Brunet,
je suis le président de ce qui est maintenant Dentons Canada, Mme la Présidente. Depuis le
moment où on vous a soumis notre mémoire, nous avons fusionné, et je
vais vous parler de notre nouvelle organisation pour vous permettre d'apprécier
qui nous sommes et ce que nous vous
écrivons. Je suis accompagné de mon collègue Pierre Lortie qui est un
conseiller d'affaires chez Dentons. Pierre n'est pas avocat, il est
ingénieur, mais travaille chez Dentons comme conseiller d'affaires.
Alors,
tout d'abord, merci de nous recevoir et de nous permettre de vous parler de
vive voix de notre mémoire et des idées qui y sont soulevées. Dentons est un
cabinet d'avocats qui comporte quelque 2 500, 2 600 avocats à travers
le monde, dans 80 bureaux, 52 pays. Nous
sommes tous, à l'exception de mon collègue Pierre, des avocats qui se
spécialisons dans le domaine du droit des affaires, y compris évidemment le
domaine du marché des capitaux.
Nous
avons joué, et c'est avec grand plaisir que je vous le dis, nous avons joué un
rôle de premier plan dans le dossier de la commission nationale des valeurs mobilières
que voulait établir le gouvernement fédéral dans... il y a quelque temps, il y a environ un an. Nous avons travaillé
sur ce dossier nous-mêmes pendant plusieurs années et pour le compte de l'Autorité des marchés financiers et du
gouvernement du Québec à Montréal, défendant les intérêts mis de l'avant
par le gouvernement du Québec. Et notre expérience acquise à Montréal nous a
valu aussi d'obtenir la représentation du gouvernement albertain, le ministère
de la Justice en Alberta, pour défendre, à partir de notre bureau de Calgary,
les intérêts du gouvernement de l'Alberta
devant les cours locales, éventuellement les cours d'appel et, à la toute fin,
devant la Cour suprême du Canada. Et il va
sans dire que nous sommes particulièrement heureux du dénouement de cette
cause devant tous ces tribunaux.
Pierre Lortie a, quant
à lui, joué un rôle de premier plan dans l'influence de l'opinion publique. J'admire
son courage parce que Pierre est allé devant des groupes d'intérêt, des
chambres de commerce, bien sûr au Québec, mais aussi, et c'est là que je trouve courageux, à Toronto défendre les
intérêts du gouvernement du Québec, ce qui était plus facile à Toronto, évidemment vous le comprendrez,
qu'à... plus difficile, pardon, à Toronto qu'à Calgary et Fredericton. Alors, les nombreux articles publiés dans les
journaux nationaux, grâce aux interventions de Pierre, ont valu, à l'égard
du projet fédéral, beaucoup de critiques qui ont été véhiculées dans les
médias.
J'aimerais
vous parler et mettre notre mémoire en contexte, si vous me le permettez. Le
législateur québécois est un des législateurs les plus expérimentés, à mon
avis, dans le domaine des valeurs mobilières. Ça fait quelque 35 années que j'exerce, et je dois vous dire que le
législateur québécois est non seulement expérimenté, mais a fait preuve
d'une approche avant-gardiste très fréquemment au cours des années. Le
législateur a toujours eu comme objectif que le secteur financier ne soit pas pénalisé par la structure décentralisée de
l'appareil de réglementation au Canada. Et cette approche ou cette préoccupation du législateur n'est pas étrangère aux
décisions qui ont été rendues par tous les tribunaux, les tribunaux reconnaissant justement que le
système de réglementation au Canada fonctionnait bien et était à l'avantage
de ceux qui s'en prévalaient.
Le
législateur québécois a donné à l'AMF la mission de protéger les investisseurs,
mais aussi — et c'est tout aussi
important — d'assurer la mise en place
d'un cadre réglementaire efficace favorisant le développement du secteur financier et permettant l'évolution des pratiques
de gestion et des pratiques commerciales dans ce secteur. Il y a eu
beaucoup de
discussions, à l'occasion des auditions devant les tribunaux, autour de la
protection du consommateur, mais également sur l'efficacité et l'efficience des marchés et qui constituent
également un aspect important des autorités de réglementation en valeurs
mobilières.
En 1983, la CVMQ,
telle qu'on la connaissait alors, qui est devenue éventuellement l'Autorité des
marchés financiers, recommandait au
législateur d'adopter l'actuel article 40.1 de la Loi sur les valeurs
mobilières dans le cadre de la Loi
modifiant la Charte de la langue française. Et vous retrouverez, à notre
mémoire, en page 13, une reproduction de ce fameux article 40.1. Mais on
y reviendra.
La
globalisation des marchés depuis 1983, l'évolution de la structure du secteur
financier au Canada depuis les années 80
et la nécessité pour le Québec d'être intimement intégré aux marchés canadien
et américain donnent lieu, pensons-nous, à une dynamique et à des complexités
qui commandent un raffinement dans la poursuite des objectifs sociétaux visés par la Charte de la langue
française. Et nous vous soumettons qu'il existe des solutions respectueuses
de l'objectif de la charte qui favorisent la participation des Québécois aux
marchés des capitaux canadien et américain sans… — et j'insiste — sans compromettre la protection des investisseurs et qu'elles devraient
être, ces mesures que nous proposons, adoptées.
Alors, pourquoi sommes-nous devant vous? Nous
sommes devant vous pour vous parler de l'impact dysfonctionnelimportant des exigences de l'article 40.1 compte
tenu de l'évolution des marchés depuis qu'il a été adopté, les
conséquences négatives de cet article pour
les investisseurs québécois, tous les investisseurs québécois, les
conséquences... pardon, les conséquences
négatives de cet article sur le dynamisme et la compétitivité de notre secteur
financier. Et nous sommes ici également évidemment pour vous proposer
des solutions qui, en pratique, contribueraient à l'objectif de promouvoir l'usage du français dans les opérations
financières du Québec. Et nous allons vous expliquer pourquoi nous pensons
que justement ces mesures-là seraient à l'effet de promouvoir l'usage du
français.
D'abord,
parlons du contexte et du secteur financier au Québec. Tous reconnaissent qu'il
est important d'avoir, au Québec, un secteur
financier fort et dynamique. Cependant, force est de constater — et c'est la dure réalité — que l'importance
relative du secteur financier québécois a reculé, au cours des dernières
années, par rapport à d'autres centres financiers au Canada. Et les
chiffres sont assez éloquents. Entre 1991 et 2011, le nombre d'emplois dans ce
secteur, en Alberta, Colombie-Britannique et
en Ontario, a crû en moyenne de 121 %, comparé à seulement 43 % au
Québec, donc trois fois moins. Et, à
la page 5 des notes que je vous ai préparées pour les fins de cette présentation
et remises tout à l'heure, vous allez
voir un tableau qui vous donne des chiffres qui confirment ce que je viens de
vous dire. Comme je n'ai que 10 minutes pour vous faire ma présentation,
je vous laisse le soin de prendre connaissance de ces chiffres-là en détail, et vous
verrez que le nombre d'emplois au Québec a crû de 43 % entre les années
que je vous ai mentionnées, tandis qu'il a crû, en Ontario, de
159 % et, en Alberta, de 229 %.
• (15 h 10) •
En
date de janvier 2013, Montréal arrivait au 17e rang à l'échelle mondiale des
centres financiers mondiaux, juste devant Calgary, mais après Vancouver, 13e rang, et
Toronto, 11e rang, et évidemment Calgary nous talonne. En 2009,
seulement que 53 %, et je pense... ceci et j'insiste beaucoup sur cette
donnée. En 2009, seulement que 53 % des prospectus déposés au Canada l'étaient
au Québec. En 2012, la proportion était tombée à 48 %.
Quand
j'ai commencé ma pratique, la règle était que, dans les années... le milieu des
années 1970, à peu près tous les prospectus
canadiens étaient déposés au Québec. Le marché a évolué, l'information — j'y reviendrai tout à l'heure — est devenue disponible sous d'autres
formes, notamment par l'Internet, les prospectus ont pris de l'ampleur, les produits se sont compliqués et les coûts de
la traduction sont devenus prohibitifs, et je reviendrai sur ce sujet tout à l'heure.
Donc, compte tenu de cette faible proportion des prospectus qui sont déposés au
Québec, les investisseurs du Québec sont privés d'une occasion d'investissement
sur deux, une occasion d'investissement sur deux.
Vous voyez le tableau qu'on vous soumet à la page
6, qui vous indique, entre autres choses, qu'en 2012 541 prospectus ont été déposés au Canada — puis
je vous invite également éventuellement à prendre connaissance de la note à ce tableau — le nombre de prospectus non déposés au Québec, 279 sur 541, alors ça
confirme les chiffres que je vous mentionnais
tout à l'heure. De plus, suivant des gestionnaires de portefeuille avec
lesquels nous sommes régulièrement en
contact, les meilleures émissions échappent au Québec, car elles se vendent
facilement en totalité ailleurs. Exclure le Québec, compte tenu des
frais additionnels que ça comporterait, ne compromet pas le succès du
financement, et c'est très important de le noter.
L'argument
a été avancé que le Québec est doté d'institutions financières suffisamment
importantes pour justifier les frais induits par la traduction. 40.1 proscrit
une transaction au Québec si l'émetteur qui y fait un placement primaire
ne dépose pas ses documents d'information continue en français. La grande
majorité des institutions financières du Québec
d'envergure ont des places d'affaires ailleurs au Canada, notamment à Toronto.
Alors, je le répète, toutes nos grandes institutions financières d'envergure
ont des places d'affaires ailleurs. Les émetteurs ont donc accès à ces
institutions financières du Québec ailleurs. Pourquoi alors inscrire leurs
émissions au Québec et encourir des frais onéreux pour la traduction d'une
volumineuse documentation pour accéder à ce marché institutionnel québécois?
Ainsi,
pour un prix moindre que celui de faire traduire, le marché institutionnel
américain est facilement aussi accessible pour
beaucoup moins. Ce sont des choses très techniques, mais je peux vous assurer
que, pour des coûts beaucoup moindres que de faire traduire un document, en
faisant ce qu'on appelle dans le jargon américain un «wrap-up», on peut accéder
au marché institutionnel américain qui, vous le comprendrez, est beaucoup plus
vaste que le marché du Québec et à coûts
beaucoup moindres, donc espérer recueillir, dans ce marché, des sommes
beaucoup plus importantes.
C'est
un autre argument important, le cours des titres qui font un appel public à l'épargne
est généralement plus élevé sur les marchés secondaires que leur prix à l'émission. Alors,
vous comprendrez, si on a une émission qui est vouée à un grand succès, le prix à l'émission est plus
avantageux pour l'investisseur que le prix qu'on demandera sur les
marchés secondaires qui vont tenir compte de
la demande sur les marchés secondaires pour ces produits à succès. Les
investisseurs québécois qui ne sont pas
présents ailleurs au Canada et qui en veulent sont alors dans l'obligation d'acheter
ces titres sur le marché secondaire à plus haut prix. Cette situation,
entre autres, pénalise les gestionnaires institutionnels situés au Québec, car
elle rend plus difficile l'atteinte d'un rendement sur actif compétitif à celui
de leurs concurrents établis ailleurs au Canada.
Alors,
nous avons des relations d'affaires avec un certain nombre de petits
gestionnaires de fonds au Québec, et vous avez
lu que c'est une question qui fait l'objet de beaucoup d'actualités et beaucoup
d'articles dans les journaux ces jours-ci,
les petits gestionnaires qui n'ont pas… contrairement aux gestionnaires d'envergure
que je mentionnais tout à l'heure
ayant des places d'affaires à Toronto par exemple, sont pénalisés parce que,
quand arrive le temps d'acheter des titres pour balancer leurs
portefeuilles, ils doivent le faire sur les marchés secondaires à des prix plus
élevés, et donc leur rendement sur l'actif ne se compare pas favorablement au
rendement sur actif des sociétés d'envergure. Cette situation a un résultat assez peu souhaitable, c'est qu'il encourage les
petits gestionnaires et les gestionnaires institutionnels situés au
Québec à établir un bureau ailleurs, notamment à Toronto.
Trois
minutes, madame? Écoutez, je voulais vous parler de l'importance du marché
secondaire. Je vais laisser mes notes une
minute parce que je n'y arriverai pas...
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Parfait, M. Brunet, parce que j'ai quand même dépassé le
temps qui vous était alloué.
M.
Brunet (Michel A.) : Non, mais ce que je veux dire, Mme la Présidente, parce que je vous le
mentonnais au début, je veux absolument vous parler de nos recommandations, sinon la
présentation que je vous ai faite jusqu'à maintenant est beaucoup moins
utile...
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Parfait. Je comprends parfaitement, M. Brunet. Avec l'accord de la ministre, peut-être pour une minute ou deux.
M. Brunet (Michel
A.) : Alors, merci, Mme la ministre.
Il faut savoir — et je vous encourage à
lire mes notes — que le marché secondaire
est 30, 40 fois plus important que le marché primaire. Et ce marché secondaire
se transige sur la foi d'informations qui
sont disponibles sur l'Internet, sur les sites SEDAR, cette information n'étant
pas, pour la plupart et à 90 % des...
50 %, pardon, des émetteurs, disponible en français. Alors, il faut
constater que le marché des capitaux,
c'est véritablement le marché secondaire, et ce marché secondaire se transige
sur la foi d'information volumineuse qui
n'est pas traduite en français. Et vous verrez tout à l'heure pourquoi nous
pensons que c'est un point important par rapport aux propositions ou aux
recommandations qu'on fait.
Aussi,
le prospectus, qui est le principal document dont on demande la traduction, est
un document dont le rôle est de plus en plus remis en question. Les
autorités canadiennes, dont le Québec, réfléchissent le plus sérieusement
du monde maintenant à exiger un document d'information
de deux pages à l'occasion des placements publics parce que le prospectus est trop compliqué, contient trop d'informations.
Et vous allez voir aussi pourquoi c'est un élément important à l'égard
des recommandations qu'on vous a faites tout à l'heure.
Pierre, est-ce qu'il y a un autre point que je
devrais souligner qui... avant d'aller tout de suite aux recommandations?
M. Lortie
(Pierre) : L'Europe.
M. Brunet (Michel
A.) : Ah oui, l'Europe! Il faut savoir aussi qu'en Europe on a...
Essentiellement, les pays européens
permettent l'utilisation d'une langue autre que la langue locale, notamment l'anglais,
quand... pourvu que le document soit accompagné d'un résumé de deux
pages, encore une fois. Et on y reviendra. Vous allez voir que, dans le cadre
de nos recommandations, c'est quelque chose qu'on vous propose.
À
la toute dernière page, la page 24 de notre mémoire, vous allez retrouver nos
recommandations. Je ne les ai pas reproduites
dans nos notes pour les fins de cette adresse que je vous fais. Ces
représentations sont les suivantes.
Les
émetteurs, pour qui l'AMF est l'autorité principale, c'est-à-dire toutes les
grandes institutions qu'on retrouve au Québec, toutes les grandes entreprises qui ont
des établissements au Québec, toutes celles qui font affaire au Québec ainsi que ceux qui ont des activités importantes
au Québec devraient soumettre les documents exigés par la réglementation
sur les valeurs mobilières en français,
continueraient de le faire en français ou en anglais et en français,
conformément aux dispositions générales de la charte, dis-je, de la langue française.
Donc,
toutes ces sociétés, telles la Banque Nationale, Bombardier, Couche-Tard, CGI,
etc., dont le siège social est situé au Québec continueront de soumettre tous les
documents d'information continue et tous les autres documents en français ou en français et en anglais s'ils le
choisissent. Ces documents comprennent une série de documents que vous
connaissez, qui font partie de l'information qu'on donne aux consommateurs
normalement.
Les dispositions
générales de la charte française font également en sorte que les sociétés qui
ont des activités importantes au Québec
devront également soumettre les documents en français ou en anglais et en
français, comme je vous l'ai dit. Il
s'ensuit, par exemple, que les banques canadiennes, toutes les banques canadiennes
devraient continuer à le faire.
Notre
recommandation n° 2 — et
j'en ai quatre, je suis rendu à deux, si vous me le permettez — tous les émetteurs peuvent se prévaloir des
dispositions de l'article 55 de la Charte de la langue française lorsqu'ils
effectuent un placement privé avec un investisseur institutionnel ou un
investisseur averti au Québec. À l'heure actuelle, il n'est pas
permis, lorsque le placement est public à l'extérieur, d'avoir, au Québec, un
placement privé auprès de personnes averties. On vous suggère que c'est une
mauvaise idée et qu'on devrait permettre aux acquéreurs avertis au Québec de
pouvoir acheter sans nécessairement l'utilisation de documents en anglais.
Notre recommandation n° 3 :
élargir, si jugé nécessaire, un article de la loi qui permet à l'AMF d'accorder des dispenses pour
permettre l'utilisation d'un résumé d'un prospectus, comme on le fait en
France. Alors, ce document, dont le
contenu serait défini, par règlement, pourrait être utilisé en satisfaction des
exigences de distribution d'un prospectus
lors d'un appel public à l'épargne. Cette approche correspond à celle
applicable aux organismes de placement collectif au Québec, à l'heure
actuelle, où le prospectus sera remplacé éventuellement par ce qu'on appelle un
aperçu de fonds.
Les
implications : l'objet de cette réglementation est de substituer le
prospectus et les renvois au document d'information
continue par un document qui résume les principaux éléments pertinents à la
décision d'investissement. Cette approche est analogue à celle qui est
préconisée en France.
Et
je finis, Mme la Présidente, je vous vois frétiller là, je finis avec la
dernière recommandation. De façon transitoire,
au besoin — et c'est plus technique — autoriser l'AMF à adopter un règlement exigeant que la
version française d'un prospectus simplifié
doit être produite lors d'un appel public à l'épargne sans qu'il soit
obligatoire que les documents incorporés par renvoi soient disponibles en
français.
Je constaterai avec vous la nature technique,
et nous sommes heureux de pouvoir en discuter plus amplement avec vous… la nature
technique des recommandations qu'on fait et du sujet traité. S'il y a une chose
que j'aimerais que vous reteniez, c'est
l'ampleur de l'information continue disponible sur Internet dont les coûts de
traduction sont prohibitifs qui nous a amenés là où nous sommes aujourd'hui
dans l'affaiblissement de nos marchés. Merci, Mme la Présidente.
•
(15 h 20) •
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Merci beaucoup, M. Brunet.
M.
Brunet (Michel A.) : Et je m'excuse d'avoir
excédé mes 10 minutes.
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Vous allez comprendre que nous avons
amputé beaucoup de temps du côté du
gouvernement. Donc, Mme la ministre, il vous reste environ
13 min 30 s pour l'échange.
Mme De Courcy :
12221
Mme De Courcy :Je vais, bien, d'abord... Et je pense
que c'est important que vous nous livriez votre
message, alors ce que vous avez pu faire, je crois, et on l'a lu avec beaucoup
d'attention.
Alors,
je vous remercie, d'abord, d'avoir pris le temps d'instruire la commission
parlementaire sur un sujet évidemment très
important. Maintenant, pour bien saisir ce que vous venez de nous livrer, en
généraliste que je suis et non pas en
spécialiste, est-ce que je dois comprendre que la législation actuelle n'est
pas satisfaisante, et que la législation proposée n'est pas plus
satisfaisante, et que vous faites une autre proposition en fonction évidemment
de votre grand savoir à cet égard?
Et deuxièmement j'aimerais vous entendre
sur... Vous étayez… Vous indiquez que le niveau d'exigence est tel que les émetteurs
évitent le Québec lors des émissions primaires. C'est ce que je comprends de ce
que vous dites.Évidement que, quand
je lis une telle affirmation, je voudrais m'assurer d'avoir bien compris que
vous imputez à cette législation actuelle, et non pas à celle qui est à
venir, à la législation actuelle ce niveau d'exigence comme étant la cause et l'unique cause du fait que les émetteurs
évitent le Québec. Si c'est ça, je vais vous demander d'étayer
davantage, peut-être pas dans le cadre de la
réponse que vous allez nous donner aujourd'hui. Et puis je vais vous indiquer
aussi, après vous avoir entendu, un dernier élément que je vais vous
transmettre. Alors, bien, je vous remercie. Je suis tout ouïe, j'ai hâte de
vous entendre.
M. Brunet (Michel A.) : Mme la Présidente, pardon, mon
collègue, Pierre Lortie, souhaiterait répondre, à tout le moins à la première de vos questions, sinon les deux.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Parfait. M. Lortie, vous avez la parole.
M. Lortie (Pierre) : Merci. Alors, l'article 40.1 de la
loi a été apporté lors d'une... des amendements à la Charte de la langue
française en 1983. Le projet de loi n° 14 n'en fait pas mention.
Donc, ce n'est pas que le projet de loi complique les choses ou pas, mais il n'aborde
pas cette question. Cette question a été amenée dans le cadre d'une discussion
sur la charte, et nous pensions que c'était
le forum approprié pour corriger, dans le fond, ce qui est devenu certainement,
avec les changements dans les marchés financiers, etc., le cadre approprié pour
apporter la discussion. Donc, la réponse à votre question, c'est que
40.1 ne fonctionne pas, et ce n'est pas que 14 complique les choses, mais il n'aborde
pas un problème important.
Deuxièmement, est-ce que c'est l'unique
raison? La réponse est non. O.K.? Il y a toutes sortes de raisons. Les compagnies qui sont
très locales, par exemple, dans l'Ouest, vont vouloir rester là. Mais il reste
que, de façon importante, des financements importants ne se font pas au
Québec. Il faut être réaliste, il n'y a que 13 % des sociétés cotées en
bourse au Canada qui viennent du Québec. Notre part de ce marché-là a diminué.
45 % ou 45 des 100 plus grandes sociétés canadiennes inscrites à Toronto
ne font pas un document en français. C'est ça, la réalité. Alors, ce que la...
Et il n'y a absolument rien… Je ne pense pas que le Québec va dire : Vous
n'avez pas le droit d'investir dans ces sociétés-là. Ce ne serait pas tout à
fait raisonnable. O.K.?
Donc,
on a une procédure qui fait en sorte que le gros des transactions se fait sans
exiger ces documents-là en français, qu'on
empêche des sociétés québécoises de gestion de participer au financement
primaire, mais, trois minutes après, lorsqu'il est
inscrit en bourse, ils ont le droit de le faire, O.K.? Bien, trois minutes,
peut-être un peu vite, mais rapidement... le lendemain, ils ont droit de le
faire.
Donc, fondamentalement, il y a une
incohérence qui amène… qui a des conséquences importantes sur l'évolution du secteur
financier au Québec. Alors, ça n'aide pas le français, parce qu'on est en
marge. Et ce qu'on propose fait en sorte
qu'il y en aurait plus de français qu'il y en a aujourd'hui. O.K.? C'est
peut-être un peu paradoxal, mais il y en aurait plus parce que le problème n'est pas de traduire soit le prospectus...
le simplifier ou le résumer, c'est toute la ribambelle de documents qui doit suivre, pour deux ans, etc.
et les sociétés disent : Bien, écoute, pourquoi je ferais ça, parce que
je peux rentrer à New York avec mon prospectus canadien sans problème. Alors, c'est
la réalité de la vie. Et ce qu'on suggère, c'est que, dans le fond, notre
réglementation doit viser à répondre aux objectifs de la charte, il n'y a aucun
problème là-dessus, mais en même temps il
faut le faire sans trop se pénaliser, il faut le faire de façon intelligente,
qui fasse en sorte qu'on gagne sur les deux tableaux.
Mme De Courcy : Est-ce que je comprends bien, pour
être bien certaine de vous saisir… D'abord, je suis, je dirais, relativement
soulagée de savoir que ce n'est pas quelque part dans législation proposée qu'on
avait erré. J'avoue que ça me rassure. Maintenant, ça ne me rassure pas
plus, remarquez bien, ce que j'entends en termes de pourcentages que vous
évoquez.
Je vais vous demander, compte tenu de votre
savoir et de votre expertise dans cette grande firme, si ça vous était possible
de documenter davantage pour nous les facteurs qui influencent, là, les
émetteurs d'émissions primaires. Je vous
avoue que ça… Je voudrais voir le poids relatif de ce dont vous me parlez, le
poids relatif de ce facteur-là de la langue.
Est-ce
que je me trompe en disant que... Alors, je vous remercie si vous voulez bien
nous aider à documenter davantage. Je vous
indique... Est-ce que je dois comprendre que c'est le mode... le modus operandi
européen qui semble être le mieux et, dans votre proposition, être celui
que vous jugez qui serait le mieux adapté pour le Québec? Est-ce que je me
trompe en disant ça?
M.
Lortie (Pierre) : Bien, écoutez, dans
le projet de loi n° 14, vous dites justement, et avec raison, qu'il
faut s'inspirer des expériences ailleurs. Et
l'expérience européenne est intéressante parce qu'ils ont le problème de
langues, et celui de la France en
particulier est très intéressant. Et, donc, ce qu'ils ont fait et ce qu'ils
font, ce qu'ils permettent la documentation, sauf que ce qui va à l'investisseur
comme tel, le résumé, lui, il doit être en français, et ça, ce qui est extrêmement important ici, en termes de protection
du consommateur ou de l'investisseur parce que cette dimension-là aussi
est très importante dans le cadre réglementaire.
La commission européenne a adopté ces
directives-là sur les prospectus il y a à peu près une dizaine d'années. Ils ont fait
une étude approfondie après sept, huit ans d'expérience, à savoir : Est-ce
que les investisseurs, particulièrement au détail, individuels étaient pénalisés, etc.? La réponse de la
commission, entérinée par le Parlement, est positive. Donc, cette technique ou cette méthode qu'ils ont prise
pour s'assurer que l'investisseur ait l'information, O.K., à l'expérience,
démontre que les investisseurs n'ont pas été pénalisés, au contraire. Alors,
moi, je pense qu'on serait un peu fous de ne pas s'inspirer un peu de ce qui se
passe là-bas parce que c'est un peu le même problème, jusqu'à un certain point.
•
(15 h 30) •
M.
Brunet (Michel A.) : Et, Mme la
ministre, si je peux surenchérir, c'est exactement l'approche que les autorités canadiennes de réglementation en valeurs
mobilières sont sur le point d'adopter à l'égard des fonds communs
qui... là où se trouve d'ailleurs le gros de l'épargne des… québécoise et
canadienne.
Mme De Courcy : Deux choses et une dernière.
Admettons, admettons, par hypothèse, je ne suis pas en train de dire que nous le
ferons, simplement par hypothèse, s'il s'avérait que nous voulions tenter un
modèle européen adapté au Québec, par
exemple, la validité quasi scientifique d'une expérimentation comme celle-là
pour mesurer les effets positifs ou négatifs de telles mesures, vous
jugez que c'est sur une période de combien de temps, combien d'émissions, en
fait?
M.
Lortie (Pierre) : Au moins un cycle.
Mme
De Courcy : Un cycle? Pas deux, pas
trois, un seul est suffisant pour voir une différence?
M.
Lortie (Pierre) : C'est ça.
Mme De Courcy : Je vous remercie. Et finalement ce
que je vais vous dire en concluant pour ma part, je vais transmettre... demander à la commission de
transmettre votre avis et votre mémoire au ministre des Finances et au Conseil du trésor pour s'assurer que votre
réflexion leur parvienne. Il est vrai que nous touchons la charte, mais
quand même, pour le bénéfice aussi des
membres de la commission parlementaire, pour que nous ayons un avis du...
comme je l'ai fait, vous le savez, là, à certains moments, pour que les membres
de la commission aient un avis du ministère des Finances et du Conseil du
trésor.
M.
Lortie (Pierre) : …très sage, Mme la
ministre.
Mme
De Courcy : Bien, je vous en prie.
Alors, merci beaucoup pour votre participation, messieurs.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Merci, Mme la
ministre. M. le député de Saint-Hyacinthe, vous avez la parole.
M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Merci, Mme la Présidente. Il reste un petit peu de temps,
oui?
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Il vous reste 2 min 30 s.
M.
Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Ah!
Bien, ça va être suffisant pour poser la question. Excusez. Bonjour, messieurs. Ma question va être assez simple. Vous
savez, moi, j'ai travaillé... fait ma carrière à Hydro-Québec pendant
plusieurs années et je me souviens de la nationalisation, en 1962, où les gens
venaient nous dire… sont venus dire au gouvernement
du temps… C'était le gouvernement libéral de Jean Lesage. On venait dire au
gouvernement du temps : Bien,
vous ne pourriez pas faire ça, vous n'êtes pas capables, vous n'êtes pas assez
forts, la langue française ne pourra pas être utilisée dans les entreprises à haute technologie, parce qu'Hydro-Québec,
quand il s'est développé avec les
marchés, avec la haute technologie, on a même exigé des fournisseurs de
travailler en français avec Hydro-Québec.
Et même, quand on a des... on avait des... on
a commencé à exporter aux États-Unis, les marchés d'exportation, on avait quand même
une volonté, à Hydro-Québec, de respecter et le client qui achetait notre
produit et respecter aussi les citoyens
du Québec. Alors, quand on faisait des rencontres avec l'international, ou avec
les Américains pour l'exportation, ou
même avec les Ontariens, tous les documents se faisaient dans les deux langues,
et ça a été grâce à Hydro-Québec. Si c'était
resté entre les mains de la Shawinigan Water & Power, ou la Québec Power,
ou la Southern Canada Power, vous pouvez
être sûrs que ça aurait été juste en anglais. Mais, étant donné que c'était
Hydro-Québec, on a pu évoluer dans un marché
francophone, et ils ont fait les frais. Puis, quand ils allaient chez les
marchés d'obligations aux États, bien je pense qu'ils se sont bien
financés, puis ils réussissent encore à se financer adéquatement sur les
marchés, peu importe la langue qu'ils utilisent.
Moi, je suis un petit peu surpris. Mais ma
question va être très précise, ça va être : La CVMQ, la Commission des valeurs mobilières du Québec, la demande
que vous faites aujourd'hui, est-ce qu'eux sont derrière vous ou si c'est juste
une demande comme ça?
M.
Lortie (Pierre) : Écoutez, on ne
travaille pas pour le gouvernement. Moi, je suis convaincu que Mme la ministre, en parlant au ministre des Finances, va
avoir l'opinion de l'AMF. Ce que je vous dirais, c'est qu'il y a une
sacrifice de différence entre Hydro-Québec qui achète avec son pouvoir d'achat
et un marché où les gens sont complètement libres, il n'y a absolument pas de
raison de le faire.
Deuxièmement, comme mon collègue Michel a
dit, les grandes institutions, Desjardins, Banque Nationale, etc., elles s'en
foutent, elles ont leurs bureaux à Toronto puis elles font la transaction à
Toronto. La résultante de ça, c'est qu'on a une réglementation qui fait
en sorte que nos institutions transmettent un certain nombre de gens et d'expertises
à Toronto, et celles qui n'ont pas de places...
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
M. Lortie, je suis vraiment désolée, mais je dois vraiment vous interrompre, ce
sont les règles.
Une
voix : …
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Ah! Avec votre accord, M. le député
de LaFontaine? Tout peut se faire avec
consentement. Donc, poursuivez, M. Lortie.
M.
Lortie (Pierre) : Alors, la
distinction ici, c'est que ce n'est pas un acheteur comme Hydro ou un moteur puissant comme Hydro qui transige, donc peut
imposer un peu ses limites. On est dans un marché libre où les gens ont
le choix. Et, lorsque les gens ont le choix et on met des embûches, bien ils
les évitent, s'en vont ailleurs.
Une
voix : ...
M.
Lortie (Pierre) : Non, la...
M.
Brunet (Michel A.) : Est-ce que je
peux? D'abord, il faut bien nous comprendre, nous sommes ici pour tenter de concilier l'objectif fondamental du
respect du français et son utilisation avec des contraintes de marchés. Et
les statistiques que nous vous donnions sont
des statistiques du présent et du passé, c'est-à-dire que c'est un état de
fait. Alors, vous, vous parliez de ce
qu'Hydro-Québec a réussi à accomplir, c'est formidable. Ce que nous vous disons
cependant, c'est qu'à l'heure actuelle le français n'est pas utilisé parce que
les occasions qui en permettraient l'utilisation ne se manifestent pas. Les
gens ne viennent plus. Alors, face à cet état de fait regrettable, que peut-on
faire?
Et ce qu'on peut faire, c'est d'adopter des
moyens qui non seulement favoriseraient l'utilisation du français, en suivant les recommandations qu'on vous formule, mais
aussi feraient en sorte d'aider les marchés, de permettre aux individus de revenir sur les marchés, de permettre
à nos sociétés de gestion de fonds d'être plus compétitives, et tout ça,
en ligne avec une pratique qui est
maintenant mondialement reconnue dans les marchés les plus importants,
notamment l'Union européenne, de l'utilisation de la langue des consommateurs
là où le marché… où le produit va être vendu dans un résumé qui a l'attribut d'être
plus simple, plus facile à comprendre et que les gens vont lire en français.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Merci. M. le député de LaFontaine, vous avez la parole.
M.
Tanguay : Merci beaucoup, Mme la
Présidente. Donc, à résumer votre intervention, ici, on a un cas d'application où le mieux est l'ennemi du bien.
Autrement dit, par l'article 40.1, on est très gourmand. Et on voit la
liste... Allons le lire. Donc, l'article
40.1 de la Loi sur les valeurs mobilières du Québec exige que soit produit en
français ou en français et en anglais
non seulement un résumé d'un prospectus, ce qui nous permettrait d'atteindre
nos deux objectifs, de un, de bien
renseigner l'investisseur et, de deux, d'avoir une réglementation efficace qui
permet un environnement où il va y en avoir, des émissions... non
seulement doit être en français, mais en français et en anglais, les deux
options, non seulement le résumé du
prospectus, encore une fois, qui nous permet d'atteindre nos deux objectifs,
mais le prospectus, «les documents dont l'autorité autorise l'utilisation
au lieu d'un prospectus, la notice d'offre prévue par le règlement, le formulaire de reconnaissance de risque prévu par
règlement, la note d'information, l'offre, la circulaire desadministrateurs, la circulaire d'un dirigeant ou d'un
administrateur [dont] l'offre publique d'achat ou de rachat [et] tout
document dont l'intégration par renvoi est prévue par règlement». Alors, c'est
tout, tout, tout.
Le
message que vous nous envoyez aujourd'hui, c'est effectivement... Et ça, nous
en sommes, on prend très, très bien votre message, qui est : Oui, l'épanouissement
du français est un objectif extrêmement important, il faut se donner les
moyens et les outils pour en faire le respect et faire en sorte que l'on puisse
atteindre cet objectif-là, mais il y aurait moyen
d'atteindre l'objectif mais sans avoir l'obligation totale et complète en
matière de publication en français. Ça, je pense que le message est
assez clair là-dessus.
J'aimerais
savoir et j'aimerais vous donner l'occasion de préciser, pour des émetteurs,
lorsque vous parlez d'un coût prohibitif. Et
après ça… Ça c'est le volet premier. Mon deuxième volet, vous êtes à l'oeuvre
avec des gens qui examinent à l'occasion l'opportunité
justement de faire des émissions soit au Québec ou ailleurs. J'aimerais savoir,
dans un deuxième temps, eux par rapport à ça, qu'est-ce qu'ils vous disent.
Est-ce qu'ils vous le confirment — sûrement que oui, d'où
votre présence aujourd'hui — que, non, non, c'est
un facteur substantiel, ça a un impact? Donc, dans un deuxième temps. Mais,
dans un premier temps, qu'est-ce que ça peut représenter comme coûts?
• (15 h 40) •
La Présidente (Mme Richard,
Duplessis) : M. Lortie.
M. Lortie
(Pierre) : Je voudrais peut-être
faire juste une précision sur votre propos. La Charte de la langue française fait en sorte que toutes les sociétés
dont le siège est au Québec, donc où l'AMF est l'autorité principale, et
les entreprises qui ont des activités
importantes au Québec doivent tout faire ces documents-là en français. Donc,
ceux à quoi on parle, c'est ceux qui
n'ont pas de grandes activités au Québec mais qui sont quand même importantes
sur le plan canadien et certainement sur le plan comme investisseurs.
Alors, ce n'est pas qu'en faisant ce qu'on dit La Banque Toronto-Dominion n'a plus besoin de le faire dans les deux
langues, ils vont être obligés de continuer le faire dans les deux
langues. Alors, c'est extrêmement important de voir que ça n'enlève pas des
choses qui sont acquises en vertu de la charte, O.K., mais qui s'adressent,
dans le fond, à ceux qui sont un peu à l'extérieur.
M.
Brunet (Michel A.) : Et j'ajouterais, par rapport à ce point-là — et je reviendrai sur les deux autres que vous avez mentionnés — que, lorsque 40.1 a
été adopté, la situation était différente, il n'y avait pas... D'abord, les
grandes institutions québécoises ne s'étaient
pas autant établies à Toronto comme elles l'ont fait depuis lors, et le Québec
occupait une plus grande place, par le fait même, dans l'attribution des
proportions, si vous le voulez, des achats qui étaient effectués lorsqu'un placement est effectué par une société canadienne.
Alors, le Québec... Quand j'ai commencé la pratique, le Québec représentait à peu près 30 % du
produit, et cette partie-là a, depuis lors, décliné. Et le marché secondaire et
l'accès à l'information sur l'Internet sont des phénomènes qui sont survenus
par la suite.
Et,
comme Pierre l'a mentionné tout à l'heure, ce qui est vraiment remarquable, c'est
que les gestionnaires de fonds n'ont pas accès
à ces émissions-là, une sur deux, comme je le mentionnais tout à l'heure, lors
de leur émission. Mais Pierre disait trois
minutes après, et ce n'est pas loin de la réalité. Sur le marché secondaire, on
peut se les préoccuper, mais à plus haut prix. Donc, dans le fond, il n'y
a pas eu plus d'utilisation du français, et les consommateurs se sont quand
même procuré le produit.
Pour
revenir à votre remarque sur le coût prohibitif, la traduction… Et vous
pourriez même me dire : Brunet, tu te tires dans le pied parce que la traduction, c'est
un aspect important des affaires des grands cabinets d'avocats, sauf
que, je vous dirais, c'est appelé à disparaître, et, si les choses continuent à
évoluer dans le sens qu'elles évoluent, il n'y en aura pas, de traduction. Alors, ce qu'on veut véritablement prôner ici,
c'est l'utilisation du français, mais par des moyens plus efficaces.
À
l'heure actuelle, si vous regardez le volume des prospectus avec la complexité
des produits, un prospectus peut représenter au-delà de 100 pages, 100, 150 pages,
quand il s'agit d'un «full-fledged prospectus», un prospectus qui est
véritablement complet par rapport au résumé. Et ça représente des coûts qui s'élèvent
au-delà de 100 000 $, c'est véritablement
lucratif pour ceux qui le font. Mais, à toutes fins pratiques, c'est un domaine
des affaires qui disparaît… est appelé
à disparaître. Et je peux vous confirmer que mes contacts dans le domaine me
disent, lorsque je leur parle, que c'est véritablement le coût de traduction qui est le principal élément, sinon
l'élément qui fera qu'ils ne viendront pas au Québec, c'est prohibitif, je vous parle de centaines de
milliers de dollars de traduction, tandis que faire un document d'information
supplémentaire pour accéder au marché
américain va coûter une fraction, le tiers du prix, par exemple, de la
traduction.
M. Tanguay : Et, dites-moi, juste pour notre gouverne, on voit que l'article
40.1, première mouture 1983, et par la suite je vois des amendements — juste pour fermer cette porte — il a été amendé en 1984, 2002, 2004 et 2006, est-ce que je
peux prendre pour acquis que ces amendements-là n'étaient pas substantiels,
donc c'est réellement la mouture initiale de 1983 qui contenait déjà...
M.
Brunet (Michel A.) : C'est technique,
je pense, M. le député de LaFontaine, parce que la réglementation évolue, il y a des documents d'information de
divers types qui sont introduits, et 40.1 avait pour but de s'assurer que
le principe était respecté et que ces documents seraient faits en français.
M. Tanguay : Parfait. Bien, merci beaucoup pour votre présentation. Ça
termine, Mme la Présidente.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci beaucoup. Nous allons maintenant du côté du
deuxième groupe d'opposition. Mme la députée
de Montarville, c'est à vous la parole.
Mme
Roy (Montarville) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Messieurs, merci, merci pour votre mémoire. Ce que j'aime de ce mémoire, c'est que vous
mettez sous les feux de la rampe une problématique qui était somme toute inconnue pour la plupart des gens, outre les gens
qui sont spécialisés dans le domaine des valeurs mobilières. Ce que je comprends de votre présentation, c'est qu'il y a
ce fameux article 40.1 qui, au lieu d'aider, bien, nuit et cause
préjudice, et surtout à notre économie, c'est ce que je comprends également. Je
me réjouis que la ministre demandera un avis aux ministères concernés.
Et,
moi, de mon côté… nous, en tant que deuxième groupe d'opposition, la Coalition
avenir Québec, ce que vous me dites là, moi, ça me touche beaucoup, et je vais
faire en sorte que ce mémoire-là soit d'ailleurs présenté à notre caucus
pour sensibiliser les membres de notre
parti, qui sont très, mais très, très, très sensibles aux problématiques que
vivent nos entrepreneurs, mais aussi nos investisseurs. Alors, s'il y a ici une
piste de solution pour aider les investissements, pour aider que ça se passe
mieux au Québec et qu'on puisse tous en profiter, nous allons battre la mesure
à cet égard.
Par
ailleurs, ce que j'aime également, c'est que vous nous arrivez avec des pistes
de solution et des alternatives pour valoriser le français d'une autre façon qui
pourrait être plus économique et plus rentable pour tous ces
investisseurs. Alors, vous êtes
naturellement hors mon champ de compétence, mais j'ai compris votre message et
je vais soumettre le mémoire aux experts chez nous, qui sont des hommes
très qualifiés dans le domaine, nous en avons plusieurs au parti. Alors, je
vous remercie infiniment, messieurs.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : M. Lortie et M.
Brunet, je vous remercie beaucoup.
Et nous allons
maintenant accueillir les représentants du Conseil interprofessionnel du
Québec.
Et nous allons
suspendre les travaux quelques minutes.
(Suspension de la séance à
15 h 47)
(Reprise à 15 h 51)
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : À l'ordre, s'il
vous plaît! Nous reprenons nos travaux.
Madame,
messieurs, bienvenue à l'Assemblée nationale. Je pense que c'est M. Renauld qui
est président, c'est vous qui allez être le porte-parole. Donc, je vais vous demander de vous
identifier, d'identifier également les personnes qui vous accompagnent.
Vous allez avoir un temps qui vous est alloué de 10 minutes pour faire votre
exposé. Par la suite, suivra un échange avec les membres de la commission.
Donc, la parole est à vous, M. Renauld.
Conseil interprofessionnel du Québec (CIQ)
M.
Renauld (François) : Merci, Mme la Présidente. Alors, Mme la ministre, Mme la présidente de
la commission, mesdames, messieurs. Mon nom
est François Renauld, je suis président du Conseil interprofessionnel du
Québec. M'accompagnent, à ma droite, M.
Thuot, Jean-François Thuot, qui est le directeur général, et, à ma gauche, Mme
Marie-Claude... Simard, excusez, qui est la directrice des affaires juridiques
au conseil.
Alors,
je remercie d'abord les membres de la commission de permettre au conseil de
vous présenter sa position en ce qui concerne le projet de
loi n° 14 modifiant la Charte de la langue française. Alors,
permettez-moi de vous présenter les...
excusez-moi. Le Conseil interprofessionnel du Québec, je devrais dire, le CIQ,
tel qu'on l'appelle, est le regroupement des 44 ordres professionnels auxquels le Code des professions octroie le
statut d'organismes-conseils auprès dugouvernement,
auprès du ministre responsable de l'application des lois professionnelles. Le
CIQ est la voix collective des ordres sur des sujets d'intérêt commun à
ceux-ci dans une perspective large de protection du public.
Les 44 ordres professionnels comptent
collectivement près de 360 000 professionnels membres exerçant 52
professions réglementées. La Charte de la langue française prescrit que
les ordres professionnels ne peuvent délivrer de permis qu'à des personnes qui ont de la langue officielle une connaissance
appropriée à l'exercice de leur profession. Le Code des professions, la loi-cadre des ordres
professionnels, fait écho à ce principe. En effet, la connaissance appropriée
du français constitue l'une des conditions
de délivrance d'un permis, la première de ces conditions étant bien sûr la
détention du diplôme pertinent reconnu par règlement par le gouvernement ou son
équivalent.
La
connaissance appropriée de la langue française tant par les candidats à l'admission
à un ordre que par les membres de cet… de
cet ordre, dis-je, est un défi constant qu'ont à relever les ordres
professionnels. Ce défi se maintiendra à
l'avenir si on en juge par la nature de l'évolution démographique de la société
québécoise. À cet égard, il est heureux qu'un aspect traité par le projet de loi n° 14 soit la
révision des dispositions de la Charte de la langue française en ce qui
concerne les professions réglementées. Pour le CIQ et ses membres, cette
révision s'impose. En effet, le CIQ appuie pleinement l'objectif
du projet de loi n° 14 de raffermir les dispositions de la charte qui
concernent les professions réglementées.
Nous
proposons également de bonifier le projet de loi sur divers aspects. Plusieurs
enjeux militent en faveur des ajustements
suggérés : l'accroissement de la mobilité professionnelle, la
reconnaissance accélérée des compétences professionnelles des personnes
immigrantes compte tenu de nos besoins de main-d'œuvre; mais aussi la prise en
compte de la responsabilité des ordres et des acteurs concernés d'assurer la
continuité des services au public dans des domaines
tels que la santé et les services sociaux. Sans rentrer dans le détail de notre
mémoire et de ses huit recommandations, permettez-moi d'évoquer devant
vous trois aspects importants.
Le premier aspect concerne le niveau
déterminé à partir duquel on présume qu'un candidat a une connaissance appropriée
de la langue française en vue de l'exercice d'une profession. Actuellement, la
charte prévoit, à l'article 35, qu'une personne qui a obtenu, entre
autres, un certificat d'études secondaires au Québec d'un établissement
scolaire francophone ou anglophone est
réputée avoir une connaissance appropriée du français à l'exercice d'une
profession. Le projet de loi propose
de la rehausser, cette présomption, au niveau d'une scolarité collégiale. Pour
le CIQ, c'est la voie à suivre. À
maintes occasions par le passé, le CIQ a soutenu que le fait de fixer la
présomption au niveau d'une scolarité secondaire était insuffisant afin
de protéger le public, compte tenu de la complexité que présente l'exercice d'une
profession réglementée.
Dans le même esprit, nous sommes satisfaits
de voir que le projet de loi, à l'égard des professionnels en exercice, permettrait aux
ordres de veiller au maintien de leur connaissance du français. Ainsi, un ordre
pourrait imposer un cours ou un stage
de perfectionnement à un membre dont l'inspection aurait révélé des carences
dans l'usage de la langue officielle.
Tout
en étant favorables avec cette disposition du projet de loi, nous désirons
attirer votre attention sur une difficulté potentielle d'application. Un
professionnel qui se verrait contraint de compléter avec succès un tel stage ou
cours pourrait, afin de se soustraire à cette contrainte, invoquer la
présomption de l'article 35 selon laquelle il est réputé avoir une connaissance appropriée de la langue française. Bien
que l'avis des autorités chargées de l'application de cette
disposition... la présomption ne s'applique qu'au moment de la délivrance du
permis.
Alors, nous recommandons, pour clarifier
cette situation, nous recommandons d'assortir l'article 35 d'une précision permettant de circonscrire explicitement la
présomption de connaissance du français au moment de la délivrance du permis. La présomption deviendrait donc clairement
située dans le temps à l'étape de l'admission à l'ordre, ce qui lui
laisse la possibilité d'intervenir par la
suite pour exiger une mise à jour de la connaissance du français de la part du
membre selon sa trajectoire professionnelle.
Un deuxième aspect que nous souhaitons
soulever est la délivrance d'un permis temporaire, comme le prévoit l'article 37 de la charte. L'article 37
prévoit : lorsqu'un candidat ne satisfait pas aux critères de présomption
d'une connaissance appropriée du français, l'ordre
peut, à certaines conditions, lui délivrer un permis temporaire pour
exercer la profession. Le permis temporaire
est délivré pour un an, il peut être renouvelé jusqu'à trois fois par l'ordre, sous...
avec toutefois, dis-je, l'autorisation de l'Office québécois de la langue
française.
Le
CIQ considère que le renouvellement du permis temporaire par l'ordre ne devrait
plus être soumis à cette autorisation de l'OQLF.
Il y a deux raisons à cela. La première est celle de la cohérence législative.
Depuis 1973, je le rappelle, le Code des professions confère aux ordres
la responsabilité de statuer sur les demandes de permis et des autorisations d'exercer.
On parle ici du permis régulier mais aussi d'autres types de permis prévus par
le code. On pense aux permis restrictifs,
permis spéciaux, certificats de spécialiste, autorisations spéciales. Tous ces
permis sont gérés en pleine autonomie par l'ordre professionnel et, en
toutes circonstances, selon les critères établis par les lois.
Par
contre, le renouvellement du permis temporaire de l'article 37 de la charte
requiert l'autorisation d'un organisme
externe à l'ordre, soit l'OQLF, qui détient un pouvoir discrétionnaire en la
matière. Nous croyons fermement que,
40 ans après l'entrée en vigueur du Code des professions, les ordres
professionnels, qui sont, par leurs fonctions même, des registraires, possèdent donc l'expérience
requise pour administrer efficacement et dans le respect des
dispositions de la charte le renouvellement des permis temporaires qu'ils ont
eux-mêmes délivrés initialement.
Maintenant,
une autre raison est celle de l'efficience. La division des responsabilités que
prescrit la charte en matière de permis
temporaire entre l'ordre et l'OQLF a potentiellement une incidence sur la durée
de traitement d'une demande de
renouvellement d'un permis temporaire. Pour le professionnel, toute
prolongation dans le traitement de sa demande
de renouvellement entraînera un risque à son maintien en emploi. Pour l'employeur
et pour l'ordre professionnel, toute prolongation dans le traitement d'une
demande de renouvellement suscite le risque d'une interruption de service préjudiciable au public, notamment dans
les domaines névralgiques que sont la santé et les services sociaux, par
exemple. Il est donc grand temps de
faciliter le traitement des permis temporaires. Le CIQ propose que la charte et
le Code des professions soient modifiés afin d'habiliter pleinement les
ordres professionnels à renouveler ces permis sans l'autorisation préalable de
l'OQLF.
Un
troisième aspect que nous souhaitons aborder concerne les personnes qui ont
obtenu un diplôme d'un établissement d'enseignement du Québec qui donne
ouverture au permis et qui, pendant cette scolarité, résidaient temporairement au Québec. On parle ici des
étudiants étrangers mais aussi des étudiants issus d'une province
canadienne.
•
(16 heures) •
Le projet de loi n° 14 aborde la
situation des étudiants étrangers et entend leur donner le goût de faire carrière au Québec en leur
rendant accessible le mécanisme du permis temporaire que nous venons d'examiner.
Le CIQ approuve pleinement l'intention gouvernementale à ce chapitre. On
sait que la société québécoise fait déjà face à une situation préoccupante de rareté de main-d'oeuvre
professionnelle, et cette rareté ne pourrait que s'accroître au cours des
prochaines années, étant donné les tendances démographiques, comme je l'ai
mentionné précédemment.
Mais
le projet de loi n° 14 a omis de considérer la situation des
étudiants issus d'une province canadienne, qui resteraient non admissibles au
permis temporaire. Pourtant, ces étudiants ont une situation tout à fait
similaire à celle des
étudiants étrangers. Ils ont résidé temporairement au Québec afin d'obtenir leur
diplôme professionnel d'un collège ou
d'une université québécoise. Ainsi, pour pertinente qu'elle soit, la mesure
proposée par le projet de loi est inéquitable envers une portion
significative de clientèles étudiantes en provenance de l'extérieur du Québec.
Il faut, croyons-nous, leur offrir la même possibilité d'accès au permis
temporaire afin qu'ils puissent, eux aussi, considérer l'option d'exercer leur
profession chez nous.
En
terminant, Mme la Présidente, j'aimerais préciser que la connaissance
appropriée du français en vue de l'exercice
d'une profession constitue un enjeu évidemment très important pour les ordres
comme pour l'ensemble de la société.
Cette question touche les personnes issues de l'immigration qui souhaitent
exercer une profession réglementée. L'accélération
de la reconnaissance des compétences professionnelles des personnes immigrantes
est un engagement, vous le savez, du
CIQ et des ordres envers la société québécoise. Cet objectif ne peut être
formulé au détriment des normes d'exercice d'une profession dont s'est
doté le Québec.
La question de la connaissance appropriée du
français n'y échappe pas. Cette connaissance du français touche aussi les personnes formées au Québec qui
nourrissent le même projet d'exercer une profession réglementée. Lors du sommet
de l'enseignement supérieur, en février dernier, notre message s'est centré et
reste centré sur la qualité de la formation,
qu'il s'agisse de la formation initiale des candidats ou de la formation
continue des professionnels en exercice. Cet objectif inclut évidemment
la maîtrise de la langue française.
Toute
cette question de la langue française interpelle donc l'ensemble des acteurs
organisationnels et des institutions de l'État.
Et, au cours des prochaines années, le défi à relever sera celui de la
collaboration des partenaires en vue de la cohérence des actions. Le
projet de loi n° 14 est donc essentiel à la société québécoise, et
nous sommes persuadés que les ajustements
que nous proposons permettront d'atteindre les objectifs du législateur. Je
vous remercie de votre attention, et nous serions maintenant disposés à
répondre à vos questions.
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci beaucoup, M. Renauld. Nous
allons débuter les échanges avec les
parlementaires. Et je débute du côté du gouvernement. Mme la ministre
responsable de la Charte de la langue française, vous avez la parole.
Mme De Courcy : Alors, bonjour, messieurs, madame.
Bien, d'abord, merci beaucoup de vous être inscrits à cette commission parlementaire. On comprend
que votre regroupement, votre réseau est d'abord un partenaire privilégié de l'Office québécois de la langue française et
du gouvernement… gouvernement dans d'autres ministères. Alors, j'apprécie et nous apprécions
grandement cette collaboration qui a permis de faire évoluer une quantité d'ententes,
quantité de dispositions avant l'actuel
gouvernement, maintenant et, je suis certaine, après. Alors, je suis convaincue
de ce partenariat-là très productif.
Évidemment, je ne vous cacherai pas aussi que
je suis très heureuse de la réception que vous donnez au projet de loi n° 14, bien entendu. J'en suis
contente, mais je suis surtout très attentive aux différentes propositions,
critiques constructives que vous faites. Et
je dois souligner le caractère très fouillé de votre mémoire qui nous
permettra, j'en suis certaine, d'enrichir le projet de loi.
Vous
avez mentionné à quel point vous considérez qu'il est important de maintenir
cette exigence-là du français et de rétablir
l'équité, je vous dirais, d'une certaine façon. J'aurai deux questions. D'abord,
je crois que le fait de... le succès
de l'apprentissage du français en ligne dès le pays d'origine, pour ceux et
celles qui veulent postuler pour des postes, des emplois chez les
professionnels et faire la démarche concernant tous les ordres professionnels
le plus tôt possible dans le pays d'origine avec les appuis qu'il faut, je
pense que c'est une voie d'avenir, sincèrement, qui a été timidement amorcée
mais résolument, là, renforcée au cours des derniers mois.
En fait, ce que je considère aussi, c'est que
la collaboration, en termes de tutorat, des professionnels qui sont parmi vos ordres est
nécessaire pour des personnes immigrantes qui viendront s'installer. Alors, je
crois savoir déjà la réponse, mais je
vais vous poser la question quand même : Accepteriez-vous d'être des
partenaires actifs, très actifs dans cette forme de tutorat des personnes immigrantes à l'extérieur du pays qui sont en
voie de venir s'installer ici et pour ceux et celles qui y sont
présentement? Puis ce sera une de mes premières questions.
La deuxième question. Lorsque nous lisons l'ensemble
de la documentation, c'est vrai pour le projet de loi n° 14, mais c'est
vrai aussi quand on lit vos mémoires, à moins qu'une chose particulière m'ait
échappé… Je suis très préoccupée par
le sort des femmes immigrantes professionnelles diplômées et qui, pour des
raisons, je vous dirais, appartenant à la vie, appartenant au fait de devoir s'occuper des enfants pour laisser un
des deux du ménage gagner la vie, gagner la vie, ces femmes, qui sont professionnelles dans leur pays d'origine, qui
arrivent ici, qui ont un écart de temps assez important entre leur
formation initiale, leur expérience dans le pays et après ça une demande
potentielle des ordres, je fais la supposition
suivante : qu'il leur manque un appui financier certain pour être en
mesure de pouvoir accéder aux ordres professionnels et à la formation
surtout qui est requise, formation d'appoint. J'aimerais que vous me donniez un
écho à cet égard si vous êtes d'accord avec
cette affirmation-là. Et puis après, bien, je vais être obligée de vous laisser
partir, mais je suis très, très, très contente de vos contributions dans ce
mémoire.
M. Renauld (François) : Alors, Mme la Présidente, si vous
permettez, j'inviterais mon collègue, M. Thuot,
à donner quelques éléments plus intelligents que je ne saurais le faire à Mme
la ministre.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Merci, M. Renauld. M. Thuot, vous avez la parole.
M.
Thuot (Jean-François) : Merci, Mme la
Présidente. J'ai donc une commande de notre président.
M.
Renauld (François) : La réponse doit
être intelligente.
M. Thuot (Jean-François) : Je vais commencer par la deuxième
question, celle du soutien financier. Comme vous le savez sans doute, le processus de
reconnaissance des compétences professionnelles — et
là on parle au sens très large, ça peut
englober la dimension de l'apprentissage du français pour exercer la
profession — est un processus parfois long et complexe pour le candidat. Ces
dernières années, beaucoup d'efforts ont été mis pour aider les ordres
et les intervenants à développer des outils, améliorer leurs façons de faire.
Donc, il y a eu de l'argent au rendez-vous des organismes qui en avaient besoin
pour développer des nouvelles façons de faire.
Est-ce
qu'on a aidé autant financièrement les personnes immigrantes, qui, elles,
doivent faire la demande et se taper tout le processus? Je dois vous dire, ça a
été la portion un peu maigre de nos interventions pour la bonne raison
qu'il y avait un manque de sous évident. Il
y a eu un projet qui a été travaillé et sur lequel il y a eu des réflexions à
l'intérieur d'un groupe interministériel auquel nous collaborions avec l'Office
des professions. Le projet, malheureusement, a été sans suite compte tenu des
ressources financières que ça aurait exigées.
Et, à notre avis, il y
a là un élément important qui doit demeurer au centre des préoccupations de
tous les intervenants : Comment
soutenir financièrement la personne immigrante qui est généralement, au début
de son processus, sans emploi et pour qui l'accès à la profession sera
une des conditions d'emploi dans un contexte où le processus de reconnaissance peut être long? Parce que rappelons
que la moitié des demandeurs de reconnaissance d'une compétence professionnelle auprès d'un ordre vont recevoir de
la part de l'ordre une prescription de formation d'appoint. Donc, c'est
parfois l'obligation de passer un cours ou des stages. Alors, il y a une
période de temps critique, pour la personne immigrante,
qui peut varier de quelques semaines, quelques mois, parfois plus d'un an, pour
laquelle il y a un besoin de soutien financier. Ce soutien-là est
insuffisant.
Et
nous devons remarquer qu'ailleurs au Canada ils ont la même problématique, la
même préoccupation, à un point tel que même le gouvernement fédéral, qui
dispose de fonds considérables et en apparence à peu près illimités, a
mis sur pied des projets pilotes dans trois provinces, dont un projet au
Québec, des projets de prêt pour les personnes immigrantes. Incidemment, cette formule de prêt pour les personnes
immigrantes, un peu comme un prêt étudiant, avec des taux préférentiels, c'était la formule que nous
avions examinée il y a quelques années au sein du groupe
interministériel, au Québec. Nous souhaitons que cette idée soit reprise par
les intervenants concernés et nous souhaitons qu'il y ait un effort véritable
pour y mettre le soutien financier nécessaire. En ce...
• (16 h 10) •
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Non, non,
continuez.
M. Thuot
(Jean-François) : Est-ce que je peux
répondre à la première question?
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Oui,
absolument, continuez. Oui, allez-y.
M. Thuot (Jean-François) : Je m'excuse de prendre... En ce qui
concerne la première question, il y a deux éléments : le français en
ligne depuis le pays d'accueil et il y a l'idée d'un tutorat. Je vais partir du
français en ligne. Nous savons par expérience... nos membres, les
ordres, savent par expérience que plus la personne immigrante a la possibilité
d'être informée et de comprendre le
processus d'admission à un ordre en amont de son processus d'immigration et
idéalement depuis son pays d'origine, mieux
c'est pour tout le monde. La personne va être... va savoir à quoi s'attendre en
arrivant au pays. Si c'est complexe, elle va
le savoir, ce ne sera pas une surprise pour elle, et, s'il y a des façons de
faciliter le processus, elle va
également le savoir. Et je pense que la dimension de l'apprentissage de la
langue française rentre tout à fait dans cette préoccupation-là. Alors,
si le ministère a pour projet — et nous savons que c'est dans les cartons du ministère — de développer cette formation en ligne, nous
disons : Tant mieux, parce que nous préparons à l'avance la personne.
Maintenant,
nous savons également par expérience qu'on a beau mettre l'information et la
formation en amont du processus pour que la
personne puisse se l'approprier, on ne peut jamais véritablement vérifier la
compréhension qu'elle en a. Et, dans le contexte d'une personne immigrante qui
a, entre autres, d'autres choses, d'autres dossiers à s'occuper, son
déménagement, le transfert, trouver une école, etc., l'information sur les
professions réglementées reste une
information parmi d'autres, et on n'a pas la capacité de vérifier le niveau de
compréhension. Donc, il ne faut pas penser qu'en intervenant en amont,
incluant en matière de...
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : …désolée, M. Thuot, de vous
interrompre, mais on vient de m'indiquerqu'il y a un vote au salon bleu, donc je dois
suspendre les travaux de la commission. C'est ce que nous voyons à l'écran.
(Suspension de la séance à
16 h 13)
(Reprise à 16 h 34)
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Rebonjour.
Donc, nous reprenons nos travaux. Et j'indique au gouvernement, du côté du
gouvernement, qu'il vous reste environ cinq à six minutes. Nous allons
réévaluer le temps. Donc, quand nous avons quitté, je pense que, M. le député
de Saint-Hyacinthe, vous vouliez reprendre la parole.
M. Pelletier
(Saint-Hyacinthe) : Oui, merci.
Merci, Mme la Présidente. Je souhaite la bienvenue aux gens. Je voudrais vous emmener sur la question des
permis restrictifs que vous mentionnez à l'article 7 de votre mémoire.
Vous avez deux recommandations là-dessus, et
je suis quand même... j'aimerais ça avoir plus d'information. Vous
recommandez «le retrait du critère d'exercice exclusif
pour le compte d'un seul employeur dans une fonction ne l'emmenant pas à traiter avec le public». Et, dans votre mémoire,
vous dites que «ce critère ne correspond plus aux formes contemporaines
de prestation du travail», malgré qu'au début de l'article vous mentionnez
aussi quand même que vous êtes d'accord avec
le fait que la ministre devienne... remplace l'OQLF pour émettre les permis
restrictifs. Pouvez-vous nous en dire plus là-dessus, sur votre façon de
voir les permis restrictifs, là?
M. Renauld
(François) : Merci. Mme la
Présidente, je demanderais à M. Thuot de répondre, s'il vous plaît.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : M. Thuot.
M.
Thuot (Jean-François) : Merci, Mme la Présidente. Le permis restrictif est donc l'une des
dispositions qui permet à l'ordre, dans certains contextes, là, de délivrer un permis à
certaines conditions, évidemment. Et, à l'heure actuelle, ce qui est inscrit dans la charte, c'est que ce
permis peut être délivré à une personne qui est dans la situation d'avoir
un seul employeur dans une fonction ne l'emmenant pas à traiter avec le public.
Ce
que nous questionnons, ce n'est pas tellement la deuxième partie de cet énoncé,
«une fonction ne l'emmenant pas à traiter avec le public», parce que ça, nous sommes tout à fait en
accord avec cette précaution-là, c'est la notion
d'un seul employeur. Quand la charte a été
adoptée, c'est en 1977, dans un contexte du marché du travail où les formes de
travail atypiques étaient très, très, très peu développées et on pouvait
aisément concevoir une personne venant de l'extérieur du Québec, amenée par une entreprise, invitée par
une entreprise à travailler pendant un an et peut-être un peu davantage à la réalisation d'un mandat, d'un contrat… Cette
situation est de moins en moins celle qu'on rencontre dans le marché du
travail.
Rappelons-nous que ce
qu'on appelle le travail atypique, par exemple, c'est un phénomène en
croissance, particulièrement chez les jeunes. À l'heure actuelle, l'Institut de
la statistique du Québec le fixe à... 60 % des jeunes sont en situation de travail atypique. Et une
situation de travail atypique, là, c'est travailler à contrat, plusieurs
contrats parfois, et donc il est très, très
rare d'avoir cette situation d'un seul employeur. Donc, nous souhaitons que la
charte soit modulée de manière à
tenir compte de ces nouvelles formes de travail là, l'idée étant, bien entendu,
de ne pas décourager outre mesure une personne qui, dans certaines
situations de permis restrictif, voudrait venir travailler au Québec.
M. Pelletier
(Saint-Hyacinthe) : Je vous remercie.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Oui, puis je
pense que vous voulez rajouter quelque chose, Mme Savard? Allez-y.
Mme Simard
(Marie-Claude) : Simard, oui.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Simard.
Excusez-moi.
Mme
Simard (Marie-Claude) : Merci, Mme la Présidente. En fait, peut-être pour ajouter au
commentaire, le fait de permettre dorénavant au ministre, donc, d'élever un peu le... Il
faut savoir d'abord qu'un permis restrictif, c'est l'exception de l'exception
de l'exception, donc c'est vraiment limité à des cas d'exception. Le fait d'autoriser…
maintenant que l'autorisation vienne du
ministre, qui lui-même peut énoncer des conditions… Donc, ce qu'on dit,
c'est que, pour que la charte puisse vieillir, ou vieillir correctement, ou
suivre l'évolution, pourquoi enchâsser deux conditions dans une loi, alors que, dans le fond, le ministre peut le faire lui-même,
peut assortir le permis de conditions? Donc, c'est un peu aussi par
mesure de bien... que la charte puisse évoluer, là, dans le temps. Voilà.
M. Pelletier
(Saint-Hyacinthe) : Merci. C'est
beau.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Vous avez
terminé? Parfait. Nous allons maintenant du côté de l'opposition officielle. Et
la parole est au député de Jacques-Cartier. M. le député.
• (16 h 40) •
M.
Kelley : Merci,
Mme la Présidente. À mon tour, bienvenue aux représentants du Conseil interprofessionnel du Québec,
M. Renauld. Un commentaire et une question. Je vois le commentaire sur les
pages 11 et 12. Merci beaucoup pour la sensibilité pour les étudiants
étrangers. Et vous avez un très grand souci pour le recrutement. On aura des
raretés de certaines professions au Québec. Alors, comment être une société d'accueil
des personnes?
Alors,
votre point que, si on est prêts à ouvrir pour les personnes qui viennent de l'extérieur
du Canada, peut-être un souci pour les
personnes qui viennent d'autres provinces, qui vont étudier à McGill, ou
Concordia, ou Laval, ou l'Université de Montréal, d'avoir un certain
encouragement que peut-être ils peuvent rester et mettre au profit de la société québécoise les connaissances qu'ils ont
acquises à une de nos universités ou collèges, je trouve très
intéressant. Alors, merci beaucoup pour
cette proposition que je trouve intéressante. Parce qu'on sait qu'il y a
beaucoup d'étudiants qui viennent de l'extérieur du Québec, mais qui
sont Canadiens, qui aiment Montréal, qui veulent rester à Montréal ou d'autres
régions du Québec. Alors, merci beaucoup. Alors, ça, c'est le commentaire.
Et,
au niveau de la question, je vois, sur 9 et 10, des commentaires sur les permis
temporaires et une certaine souplesse quant au renouvellement de ces permis.
Mais moi, je vais donner un exemple très pratico-pratique. Mon comté de
Jacques-Cartier comprend l'hôpital Lakeshore, dans la ville de Pointe-Claire,
où il y a toujours une pénurie d'infirmières.
Et parfois on a des personnes, parfois c'est les conjointes… Quelqu'un qui est
transféré du reste du Canada ou des États-Unis pour travailler dans l'Ouest-de-l'Île
de Montréal et la conjointe, plus souvent, cherche un poste comme infirmière. Alors, sans remettre en question «oui,
il faut avoir la connaissance appropriée du français», mais qu'est-ce qu'on
peut faire de plus pour aider ces personnes à maîtriser le français et exercer
leur profession?
Parce que moi, je regarde, d'un côté, mon
hôpital est toujours en pénurie d'infirmières, obligé d'aller embaucher des infirmières dans les agences, qui coûtent
presque le double. Alors, c'est un grand défi pour les gestionnaires de l'hôpital au niveau de son budget. Alors, est-ce
qu'on peut faire plus? Ou, les examens que ces infirmières doivent faire
pour pratiquer leur profession, est-ce qu'on peut faire un meilleur
encadrement? Est-ce que c'est au gouvernement de le faire? Est-ce que c'est à l'office? Est-ce que c'est à leur propre ordre
professionnel de le faire? Je ne sais pas, mais moi, je vois le besoin existant qui va aller en augmentant
parce que toutes les sociétés dans... Moi, j'ai assisté comme député à
un colloque avec nos vis-à-vis des législateurs américains du nord-est des États-Unis,
et le nombre d'infirmières que nos voisins auront besoin, dans les années à
venir, à New York, au Vermont, etc. monte d'une façon spectaculaire.
Alors, qu'est-ce que je peux faire? Oui, il
faut maîtriser le français, et ce n'est pas de remettre ça en question. Mais comment aider ces personnes? Comment, plutôt que de
voir ces examens comme un obstacle, les voir comme un défi et les encadrer, leur donner un coup de main
nécessaire, qu'ils peuvent exercer... Moi, je prends les infirmières parce
que c'est un cas réel dans mon comté. C'est
patent, on a un problème, souvent des échecs avec ces examens. Une fois, je
ne sais pas si ça a changé, ça date de
quelques années maintenant, mais une infirmière a amené le test, et c'était :
Comment réparer un pare-brise? Alors, pas
certain que la réparation d'un pare-brise est nécessairement pertinente. Je
sais qu'on peut dire que le système de santé, c'est une forme d'entretien,
mais ce n'est pas l'entretien d'un véhicule.
Alors,
comment s'assurer qu'à la fois les examens sont appropriés pour le vocabulaire
de la profession ou le métier en question?
Mais également, on veut que ces personnes réussissent les examens. On veut qu'ils
passent leur test et on veut parce qu'on a une pénurie d'emplois. Alors,
avez-vous des suggestions ou des réflexions comment on peut mieux aider ces
arrivants dans notre société de rester pratiquer leur profession?
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
M. Renaud.
M. Renauld (François) : Mme la Présidente, sur cette
question, justement, des examens, juste rappeler que le Conseil interprofessionnel travaille de façon très
proche avec l'office, justement, pour la révision du processus des examens eux-mêmes. Puis je demanderais à mon
collègue M. Thuot de fournir peut-être quelques éléments additionnels sur ça et puis sur votre question plus large aussi
concernant l'accueil des personnes, là, qui ne sont pas de langue française.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
M. Thuot.
M. Thuot (Jean-François) : Merci, Mme la Présidente. Alors, d'abord,
la question de l'examen et j'aborderai ensuite
la question de la possibilité d'apprendre le français dans un contexte de
travail.
En ce qui concerne l'examen, pour vous
rappeler un peu que ce test de français est requis par la charte, le test qui roule présentement,
dans sa partie écrite, n'a pas été modifié depuis une vingtaine d'années. Dans
sa partie orale, il a subi quelques adaptations. Dans un cas comme dans
l'autre, c'est un examen et, tous les acteurs en conviennent, l'OQLF et d'autres,
c'est un examen qui est déphasé par rapport à l'évolution d'une pratique et par
rapport aux besoins.
Donc, comme le disait le président du
conseil, depuis un an, il y a un processus de refonte. Et je dis bien «refonte» plutôt que «révision» pour bien indiquer qu'on
bouleverse tout, on réécrit l'examen, ce «on» étant, évidemment, l'Office québécois de la langue française avec l'Office
des professions et éventuellement les ordres professionnels qui seront
collaborateurs à ce processus de refonte. Pourquoi? Parce que l'objectif est d'arriver
à un examen de français qui soit adapté aux
différentes pratiques professionnelles. Il y a 52 professions réglementées dans
trois secteurs. Il est important que l'examen,
dans sa partie écrite et orale, soit… reflète un peu les pratiques
professionnelles si on veut bien cibler. Alors, ce processus est en
cours, et nous souhaitons le plus rapidement possible terminer, mais nous y
travaillons.
En ce qui concerne l'apprentissage du
français, c'est la même préoccupation qui a été exprimée par les ordres, entre autres, en 2003, lors d'une consultation du
Conseil supérieur de la langue française, il faut offrir aux candidats
immigrants la possibilité d'avoir accès à non seulement des cours de français,
mais des cours de français adaptés à une pratique professionnelle. Il y a une
correspondance exacte entre le fait de suivre ce cours-là, un cours adapté, et
le test qui lui-même serait adapté.
Depuis, le ministère de l'Immigration a mis
beaucoup d'efforts, d'ailleurs, à développer des cours spécialisés dans des domaines
professionnels. Si notre mémoire est bonne, à l'heure actuelle, il existe trois
de ces cours de français, l'un dans
le domaine de la santé, l'un dans le domaine du génie au sens large et un
troisième dans le domaine de l'administration et des affaires. Alors,
ça, c'est un pas dans la bonne direction. Mais on comprendra que, tant que tous
les outils ne seront pas au rendez-vous, on va continuer à tâtonner un peu, et,
bien entendu, il y a des choses à faire.
M. Kelley : Ici, je veux juste ajouter le même
souci que vous avez pour les étudiants étrangers… Souvent, ces immigrants, entre
guillemets, ne sont pas... ils viennent de Toronto, ils viennent des Maritimes.
Alors, si on peut avoir le même souci, si quelqu'un déménage ici de l'Ontario,
veut pratiquer son métier, de les aider parce qu'il veut rester, il veut contribuer... Et je prends toujours l'exemple
des infirmières parce qu'on a déjà des pénuries et on projette des
pénuries dans les années à venir. Alors, on
a tout intérêt de les aider à maîtriser le français pour leur métier, adapté à
leur métier.
Alors, si on peut avoir le même souci que
vous avez démontré dans la question des étudiants étrangers, je pense que c'est la même
logique et je pense que ça peut être aidant parce que je vois des problèmes de
recrutement pratico-pratiques dans mon comté et je pense que ce n'est
pas le seul hôpital au Québec qui a ces mêmes défis, et ça va juste aller en
augmentant dans les années à venir. Alors, merci beaucoup pour vos
commentaires.
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci beaucoup. Nous allons
maintenant du côté du deuxième groupe d'opposition.
Mme la députée de Montarville, vous avez la parole.
Mme
Roy (Montarville) : Oui. Je vous remercie beaucoup, Mme la Présidente. Merci, madame.
Merci, messieurs. Merci pour votre mémoire. J'aimerais
vous poser une question très précise. Faisant partie, moi-même, d'un ordre
professionnel, du Barreau du Québec, nous avons des inspections
professionnelles, j'ai eu l'occasion d'en connaître. Cela dit, vous mentionnez
quelque chose qui m'intéresse, qui m'interpelle parce que j'aimerais voir
quelles sont les problématiques que vous pourriez voir naître à cet égard.
Lorsque
vous dites : «Le projet de loi n° 14 prévoit en effet […]
modifier le code de manière à permettre aux ordres professionnels, au terme d'une inspection
professionnelle — et là on y vient — d'obliger
un membre à compléter avec succès un stage ou un cours de perfectionnement pour améliorer ses
compétences en français», dit comme ça, ça peut sembler être beau, mais,
puisque l'inspection est effectuée par un membre de notre propre corporation,
voyez-vous une difficulté d'application d'arriver au résultat recherché par la
loi?
M.
Renauld (François) : En fait, il faut comprendre qu'à ce moment-là, s'il y avait une
difficulté, elle serait prise en compte et notée par l'inspecteur, celui qui a à
produire après son travail d'inspecteur... d'inspection, dis-je, celui
qui a à produire un rapport. Et, si, selon l'évaluation
que l'inspecteur fait après avoir pris connaissance de divers documents,
il juge que la connaissance de la langue française de ce membre-là n'est pas
suffisante, bien, à ce moment-là, ça serait cette évaluation-là qui conduirait
à certaines recommandations au comité d'inspection professionnelle.
Mme
Roy (Montarville) : Bien, où je veux en venir, et là je me pose la question, c'est qu'on ne
sait pas quels sont les membres qui vont nous
inspecter, ils n'ont peut-être pas le même niveau de français que nous, ils
sont peut-être même d'origine anglaise. Cela
dit, à cet égard-là, le membre qui vient nous inspecter, qui est l'inspecteur,
étant un membre de l'ordre
professionnel, comment va-t-on arriver à faire en sorte qu'il puisse respecter
justement les recommandations de la
loi ou les nouvelles dispositions de la loi? Devrait-il être encadré de façon
particulière par l'ordre qui chapeaute les ordres?
M.
Renauld (François) : Vous comprendrez que ces dispositions-là... Mme la Présidente, si vous
permettez. Vous comprendrez que ces
dispositions-là sont nouvelles. Évidemment, on est conscients nous-mêmes qu'il
y aura tout un travail à faire de la part des ordres à cet égard. Mais
peut-être que des informations additionnelles pourraient être fournies par Me
Simard, si vous permettez.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Me Simard.
• (16 h 50) •
Mme
Simard (Marie-Claude) : Oui, en fait, effectivement, ça a été une préoccupation des ordres
quand nous avons constaté l'apparition de
cette disposition-là, cette possibilité-là. Quand on s'est rencontré avec l'ensemble
des ordres, ce qu'on s'est dit, c'est qu'on
demanderait probablement, pour outiller nos inspecteurs… En fait, c'est
d'outiller les inspecteurs à justement être aptes à pouvoir analyser ou voir
les manquements en français. Donc, il faut vraiment... Et on pensait...
Puis
on va travailler en collaboration avec l'OQLF idéalement pour qu'il puisse nous
fournir des barèmes, des épreuves. Donc, on va
s'outiller évidemment pour pouvoir être aptes à analyser ou à porter un
jugement, là, sur la qualité de la langue française parce qu'effectivement,
comme vous dites, ce sont des inspecteurs qui sont membres de l'ordre professionnel et, bon, ce n'est pas...
c'est variable d'une personne à l'autre. Donc, voilà. Donc, on va s'outiller.
C'est une préoccupation qu'on avait.
Mme Roy
(Montarville) : Je vous remercie
infiniment pour votre précision. Merci.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Mme Simard, MM.
Renauld et Thuot, merci beaucoup.
Et nous allons
maintenant accueillir un représentant d'Alliance Québec.
Et nous suspendons les
travaux pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à
16 h 51)
(Reprise à 17 h 13)
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, je réouvre la séance
de la commission pour quelques minutes
seulement.
Puisqu'il
y a consentement, nous allons mettre fin à la séance de travail d'aujourd'hui.
Et nous allons reprendre nos travaux soit
vendredi le 12 avril, à 9 h 30, pour poursuivre le mandat de la
commission. Et je vous signale que les travaux auront lieu à la salle
Louis-Joseph-Papineau.
Bonne fin de journée à
tous et à toutes.
(Fin de la séance à
17 h 14)