(Onze
heures vingt-sept minutes)
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je
déclare laséance
de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Je demande à toutes
les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la
sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
Le
mandat de la commission est de poursuivre les auditions publiques dans le cadre
de la consultation générale sur le projet de loi n° 14, Loi modifiant la Charte de
la langue française, la Charte des droits et libertés de la personne et d'autres dispositions législatives.
Mme la secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
La
Secrétaire : Oui,
Mme la présidente. Mme Charbonneau (Mille-Îles) sera remplacée par M. Kelley (Jacques-Cartier).
Auditions (suite)
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Merci. Pour ce
qui est de l'ordre du jour, cet avant-midi, nous entendrons les Manufacturiers
et exportateurs du Québec; cet après-midi, nous poursuivrons avec l'organisme
Droits canadiens au Québec, suivi des auditions de MM. Dominique Beaulieu,
Michel Senécal et Me Julius H. Grey.
Bienvenue
à la commission, madame, monsieur. Je vais vous demander de vous identifier et
de nous... Le porte-parole va nous présenter
la personne qui l'accompagne. Vous allez par la suite disposer d'un temps de 10
minutes pour faire votre présentation. Suivra un échange avec les
parlementaires de la commission. La parole est à vous.
Manufacturiers et exportateurs du Québec (MEQ)
M. Prévost
(Simon) : Mme la Présidente, membres
de la commission, bonjour. Alors, mon nom est Simon Prévost, président de Manufacturiers et exportateurs du Québec, et je
suis accompagné de Mme Audrey Azoulay, qui est directrice Affaires
publiques et relations gouvernementales.
Mme
la Présidente, notre association est directement interpellée par le progrès
culturel et identitaire du Québec. Ce progrès, avec le sentiment d'appartenance qu'il
suscite, est, à notre avis, un mortier pour la prospérité et le
rayonnement d'une société. Et ce qui est
important pour moi, et je veux le souligner, c'est que cette société a besoin
autant de l'impulsion des arts, des sciences et du commerce pour
prospérer.
La
langue est un véhicule de cohésion et d'intégrité indispensable à la construction
d'une société, et, en ce sens, notre
association reconnaît la nécessité absolue de défendre la langue française.
Nous pensons d'ailleurs que cette nécessité
sera perpétuelle. Il y a donc la nécessité, mais il y a aussi la manière. Et
évidemment on va s'attarder un peu plus aujourd'hui sur la manière de
défendre la langue française au Québec.
Nous
souhaitons donc intervenir dans le cadre de ces consultations pour plusieurs
raisons, d'abord parce que les débats sur les enjeux identitaires et linguistiques,
ces débats ont toujours suscité des remous politiques et des
incertitudes économiques et c'est important pour les entreprises que nous
représentons de partager avec vous leurs craintes à cet égard. Nous devons
aussi sensibiliser le législateur sur l'impact de son action sur le
fonctionnement même des entreprises, y compris lorsqu'il s'agit de questions
globales, de droits culturels et de droits sociaux. Dernière raison, la question de la langue du travail, de la langue
des affaires et dans le commerce est largement abordée par le projet de loi n° 14, et nous aurons, à ce chapitre, un ensemble de
commentaires à soumettre à la commission. Pour entrer dans le détail, je vais donner la parole à ma collègue Mme
Azoulay.
• (11 h 30) •
Mme
Azoulay (Audrey) :
Merci, Simon. Mme la Présidente, membres de la commission, je vais, sans transition, partager nos commentaires sur les articles 19
et 45 du projet de loi n° 14 parce que ce sont effectivement les articles qui
nous préoccupent le plus.
Alors,
d'abord, l'article 19, il fait référence à l'interdiction pour les employeurs d'exiger
la connaissance d'uneautre langue que le français à moins que l'employeur prouve la nécessité
de cette compétence linguistique. MEQ remet en question le bien-fondé de
cette obligation dans un contexte économique qui est de plus en plus
internationalisé et dans lequel l'usage de l'anglais, ou de toute autre langue,
d'ailleurs, est devenu un besoin évident. La connaissance d'une langue étrangère semble être, dans le projet
de loi, assimilée à un fardeau imposé, alors que c'est forcément vécu,
au niveau des entreprises, comme une compétence à acquérir et à valoriser, et c'est
très certainement l'avis de très nombreuses personnes.
Il est également mentionné dans l'article 19
que l'interdiction d'imposer la connaissance d'une langue étrangère s'applique à
moins que l'accomplissement de la tâche le nécessite. Il y a, selon nous, dans
cet intitulé, une négligence assez évidente de la complexité réelle des
responsabilités professionnelles et de l'évolution d'un employé au sein
d'une entreprise. La règle ignore la
difficulté que pourrait rencontrer un employeur pour définir de manière précise
l'usage et la fréquence d'utilisation au travail d'une langue autre que
le français, d'autant plus que la notion de nécessité n'est pas clairement
définie dans le projet de loi.
Une entreprise peut aussi décider, dans la
perspective de développer ses activités au Canada ou à l'étranger, de privilégier un candidat aux compétences linguistiques
qui pourraient correspondre éventuellement à moyen terme aux besoins de l'employeur.
Dans le projet de loi n° 14, le fardeau de la preuve incombe à l'employeur,
qui doit faire l'évaluation des besoins
linguistiques réels associés au poste. MEQ considère que cette tracasserie
administrative n'est pas justifiable
dans un contexte actuel et que c'est définitivement dans le cadre d'une
relation employeur-employé que les compétences linguistiques doivent
être décidées et, au besoin, améliorées dans le cadre d'une entente de
formation.
Par
ailleurs, dans le cadre de fonctions professionnelles, il n'est pas
nécessairement possible de remplacer un employé
par un autre afin de répondre aux exigences linguistiques particulières d'une
tâche. Et ainsi la mention, dans le projet
de loi, disant que l'évaluation doit notamment tenir compte des compétences
linguistiques déjà exigées des autres membres
du personnel pour combler les besoins des entreprises nous semble inapplicable
et, dans une certaine mesure et dans
certaines situations, elle nous semble même absurde. Il est proposé aussi dans
le projet de loi que cette interdiction s'applique lors de l'embauche, lors d'une mutation et lors d'une
promotion. Et il y a là une intrusion de l'État dans la gestion des
ressources humaines des entreprises qui nous apparaît tout à fait inacceptable.
Alors, maintenant, au sujet de l'article 45,
il inclut les entreprises de 26 à 49 employés à des obligations similaires à celles qui
sont imposées aux entreprises de 50 employés et plus avec notamment l'obligation
de faire l'examen de leur mode de
fonctionnement et de s'assurer que le français est la langue normale de
travail. Dans de si petites organisations, il est beaucoup plus
difficile de faire disparaître les affinités linguistiques entre employés ne
parlant pas le français. Et nous craignons que l'application de cette
obligation soit vécue avec une certaine stupéfaction sur le plan des relations interpersonnelles ainsi que sur le plan de la
liberté d'expression. Évidemment, à cela s'ajoute un fardeau
administratif qui est possiblement très lourd au niveau de l'exercice de
conformité, mais aussi dans le quotidien des communications internes. À cet égard, le projet de loi n° 14 s'inscrit en faux avec les
ambitions gouvernementales en matière d'allégement
réglementaire et administratif.
Mme
la Présidente, le projet de loi n° 14 ne propose pas
seulement le français comme un droit, mais aussi comme une obligation. Et nous ne voyons pas comment une société puisse
véritablement s'épanouir dans l'obligation de sa langue et dans l'interdiction
d'une autre. Et nous questionnons les risques d'un interventionnisme de cette
nature dans un enjeu aussi proche de la
culture humaine. Nous pensons donc que la défense de la langue française au
Québec ne se passera pas de la défense de la
littérature québécoise, des arts et du renforcement des qualités de la langue,
autant de champs d'action qui, bien
que plus difficiles à prendre en main par la facilité de la réglementation,
sont véritablement les terrains sur lesquels la langue se construit
comme lieu de rassemblement. MEQ propose ainsi un ensemble d'avenues qui ont pu
déjà être explorées, mais qui pourraient, nous le pensons, largement être
renforcées.
D'abord, première recommandation, nous
proposons d'opter pour une approche qui soit plus locale de la défense de la langue
française avec la participation des municipalités, en particulier de Montréal,
puisque c'est dans la métropole que les glissements linguistiques
inquiètent le plus le gouvernement.
En deuxième recommandation, nous proposons de
renforcer les objectifs de francisation en misant sur une nouvelle politique culturelle dont l'objectif sera assez
ambitieux pour donner un nouvel élan à la littérature, au théâtre, aux arts de la scène, au contenu francophone,
notamment dans le domaine des sciences et des technologies, et encore à
tous les différents supports médiatiques. La
langue française, selon nous, sera pleinement attrayante et utilisée si elle
offre dans son usage un nouveau contenu, une nouvelle connaissance et de
nouvelles ouvertures.
Notre
troisième recommandation, renforcer l'identité francophone du Québec en
reconnaissant le rôle du développement
économique dans le renforcement de l'identité québécoise. Pour cela, le
gouvernement devrait miser sur des
conditions d'affaires qui soient pleinement compétitives afin d'encourager une
nouvelle culture entrepreneuriale partout au Québec. L'assise de l'identité québécoise a également besoin des
forces économiques, et il y a des liens qui sont très forts à faire
entre le succès d'entrepreneurs québécois et le renforcement de l'identité
québécoise.
Le gouvernement doit — puis c'est notre quatrième recommandation — reconnaître de manière plus formelle que la pratique de la langue anglaise est un avantage sur le
plan professionnel comme sur le plan personnel. Le projet de loi n° 14 suscite beaucoup trop d'antagonisme, selon nous, vis-à-vis de l'anglais,
et l'adoption de ce projet de loi générera très certainement au sein des entreprises une
stupéfaction face aux nouvelles restrictions linguistiques. Ces
restrictions vont soulever de nombreuses
questions aux frontières des obligations, notamment avec les entreprises qui
sont en lien constant avec d'autres entreprises et d'autres filiales
installées dans le reste du monde.
Notre
cinquième recommandation, renforcer l'institutionnalisation du français en
renforçant les organismes dédiés à la
défense de la langue française, mais en orientant leur mandat vers une
promotion plus marquée du côté des valeurs
culturelles du français et peut-être un peu moins dédiée à l'inspection ou au
contrôle des pratiques linguistiques dans les espaces sociaux. Ça
permettra au gouvernement d'adopter une approche beaucoup moins paternaliste et
d'éviter l'erreur monumentale que serait
celle d'une déresponsabilisation des Québécois vis-à-vis de la langue
française. Et là, Simon, je vais te laisser conclure.
M. Prévost (Simon) : Alors, en conclusion, Mme la
Présidente, le texte du projet de loi nous semble véhiculer l'idée de l'utilisation d'une
langue étrangère, et, disons-le, en particulier l'anglais, comme une injustice.
Donc, on s'oppose à l'état d'esprit très antagoniste, à notre avis, du
projet de loi. On s'oppose également aux mesures qui augmenteraient le fardeau
réglementaire et administratif de l'entreprise. En somme, ce qu'on a envie de
proposer, c'est beaucoup plus une approche positive pour la défense du
français. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, Mme Azoulay, M. Prévost. Nous allons commencer les
échanges. Mme la ministre responsable de la Charte de la langue française, vous
avez la parole.
Mme
De Courcy : Bien, alors, d'abord,
merci pour votre contribution. Elle est très appréciée et nécessaire, l'association
des manufacturiers étant une association importante au Québec. Je dois
souligner le fait que vous avez participé à
la stratégie commune et que vous étiez un acteur, et vous êtes encore un acteur
qui a pris part à cette stratégie qui
a été relativement intéressante, mais qui a donné de bons résultats de temps à
autres, pas autant que l'on aurait souhaité. J'en parle avec aisance
pour y avoir participé, pour avoir été à la table avec tous lors de l'élaboration
de la stratégie commune et de son suivi.
Maintenant,
d'abord et en tout respect pour le travail fouillé que vous avez fait, bien
entendu, j'aimerais vous indiquer que je
voudrais corriger une perception qui, j'espère, après ce que je vous dirai,
sera corrigée. En aucune façon, le
projet de loi et l'intention gouvernementale est de négliger une ouverture sur
le monde, l'importance de l'apprentissage d'une première, d'une
deuxième, troisième, quatrième langue, au contraire. Il y a des dispositions
importantes, des dispositions complémentaires, il y avait 18 mesures, etc. Bon.
Alors,
je veux vraiment et fermement vous dire que l'objet de ce mémoire... de ce
projet de loi ne va pas à l'encontre de l'apprentissage
ou de la pratique d'une langue seconde, mais bien dans un renforcement du
français. Nous avons des visées ou
des vues différentes par rapport à ce renforcement-là, mais je crois que nous
partageons l'importance du renforcement du fait français. Alors, que
ceci soit dissipé, je l'espère.
Maintenant,
j'ai été particulièrement attentive à ce que vous avez nommé comme l'adoption d'une
nouvelle politique culturelle. Je crois que
vous rejoignez, à cet égard, un grand nombre de Québécois et Québécoises qui
jugent que... Et on en a entendu parler, là, le projet de loi n° 14
a soulevé toutes sortes de questionnements, toutes sortes d'interventions, mais a très certainement levé le
voile sur l'importance d'une nouvelle politique culturelle, ce à quoi le
ministre de la Culture a d'ailleurs déjà
indiqué des intentions, pas nécessairement par l'élaboration d'une nouvelle
politique mais par des préoccupations
entourant le livre, la chanson, bon, etc. Alors, j'apprécie grandement que...
Et c'est la première fois qu'on le voit dans les mémoires qui nous sont
présentés depuis un bon moment. Il y en a au-dessus de 85. Nous n'avons pas vu
précisément cet objet, alors nous le fouillerons davantage.
En concluant, parce que... pour ma part, mais
l'équipe qui est avec moi, des députés, va poursuivre la discussion avec vous.
Vous savez que je quitterai pour le Conseil des ministres, je vous ai avisés de
la question. Je voudrais vous signifier tout l'intérêt que j'ai eu à
rencontrer de nombreux manufacturiers au cours d'une tournée québécoise que j'ai faite à partir du mois d'octobre. Et j'ai
visité les 16 régions sur 17; la 17e, je la fais dimanche. J'ai rencontré là
des entrepreneurs, des manufacturiers, des
gens qui ont témoigné d'une grande préoccupation quant à l'économie
québécoise, bien sûr, mais aussi quant à
leur apport et leur intérêt à ce que leurs pratiques de gestion et leurs
pratiques dans l'entreprise puisse contribuer au fait français au
Québec, avec des initiatives qu'ils ont prises qui, ma foi, se sont montrées
fort intéressantes. Alors, je vous dirais
que le projet de loi, d'ailleurs, fait écho à certaines pratiques qu'ils ont
déjà mises en place.
Alors je souhaite bien que notre
collaboration A1 que nous avons avec des membres de votre association, et plus particulièrement
avec l'association, bien puisse se poursuivre dans ce sens-là à la lumière de
votre expérience comme association, mais aussi de l'expérience de chacun
de vos membres et de l'intérêt que vous portez à la chose. Alors, je vous remercie, donc, pour les remarques. Même si
je peux ne pas partager entièrement votre point de vue, il n'en demeure
pas moins que je souligne l'intérêt que vous y avez porté et l'originalité de
la recommandation autour de la politique culturelle. Alors, je vous remercie.
Mes collègues vont poursuivre l'échange avec vous. Merci.
•
(11 h 40) •
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Merci, Mme la ministre. La parole est maintenant au député de Saint-Hyacinthe.
M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Merci, Mme la Présidente. Bonjour
madame, monsieur. Je salue mes collègues qui
sont ici ce matin. Je vais vous amener sur un dossier, le dossier du... on peut
dire... Vous affirmez qu'une relation employeur-employé…
la compétence linguistique devrait être décidée par l'employeur avec l'employé.
Vous mentionnez que l'article 45 du projet de loi n° 14,
qui inclut les entreprises aussi de 26 à 49 employés… Ma remarque, c'est faire en sorte… C'est-à-dire, vous êtes probablement de
ceux qui sont venus déposer qui disent que... qui affirment, ou à peu près, que la langue de travail n'aurait pas d'influence
sur l'impact du français dans la communauté québécoise. Peu importe la
situation, il faut absolument que… si le français n'est pas nécessaire au
travail, ce n'est pas grave, en autant qu'on peut exporter les marchandises et
puis que la langue à l'extérieur s'applique. Moi, c'est mon interprétation.
Et
vous mentionnez même que l'article 50.2 de la Charte de la langue proposé dans
le projet rappelle que «le fardeau de la
preuve incombe à l'employeur qui doit faire l'évaluation "des besoins
linguistiques réels associés au poste". MEQ considère que cette
tracasserie administrative est de plus en plus injustifiée dans le contexte
actuel et que c'est définitivement dans le
cadre d'une relation employeur-employé que les compétences linguistiques
doivent être décidées et augmentées
dans le cadre d'une entente de formation.» Croyez-vous réellement que cela sera
suffisant pour assurer la place du français comme langue d'usage au
travail?
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Oui, M. Prévost.
M.
Prévost (Simon) : Merci, Mme la
Présidente. Alors, permettez-moi de faire quelques remarques sur les propos de
la ministre avant de répondre plus précisément à M. le député.
Donc, premièrement, je
veux quand même reconnaître l'ouverture de Mme la ministre, qui est intéressée
à collaborer avec les différentes
associations, notamment les associations d'entreprises, qui sont au premier
chef interpellées par un tel projet de loi. Donc, on vient, nous aussi, avec une approche
d'ouverture, collaborer aux travaux de la commission. Et je veux saluer
cette ouverture de la ministre.
Je
vais faire un lien aussi avec le commentaire de M. le député. C'est-à-dire que
je pense qu'à partir du moment où, Mme la ministre, vous avez corrigé une perception,
je pense qu'il va falloir que je corrige aussi les perceptions parce qu'on
est dans des questions de communication manifestement, donc peut-être qu'il
faut corriger le tir en termes des mots qu'on
utilise. Mais ce qui est clair, c'est que, même si les intentions
ministérielles sont à l'effet qu'on devrait pouvoir continuer d'être ouverts vers le monde et de
pouvoir utiliser différentes langues pour ce faire etc., il reste que les
mots ont une importance, et le projet de
loi, à sa lecture et aux réactions qu'on a vues aussi dans la population en
général, devra être corrigé pour
éliminer à la source cette perception et les tracasseries qui sont imposées aux
entreprises lorsque vient le temps d'exiger des compétences
linguistiques autres que l'usage du français.
Sur
la question de la politique culturelle, je suis étonné qu'il n'y ait pas eu d'autres
groupes qui aient examiné cette question-là,
parce que, pour nous, une défense positive du français, ce n'est pas par la
coercition. C'est-à-dire, il y a déjà un bon
cadre législatif qui met des balises quant à l'usage d'autres langues et qui
fait la promotion du français. Pour la suite, il va falloir avoir une
approche beaucoup plus positive. Donc, une approche positive, c'est d'avoir
effectivement un attrait du français pour lui-même, et non pas l'imposer, et
ça, ça va se faire avec une politique culturelle forte.
Quand
la ministre fait référence à la stratégie d'intervention pour Montréal, la Stratégie
commune d'intervention pour Montréal, effectivement j'ai été signataire de cette stratégie, à l'époque,
en 2008. Mme la ministre, dans d'autres fonctions, avait signé aussi cette
déclaration, qui est tout à fait dans l'esprit de ce que nous, on recherche, c'est-à-dire des mesures qui viennent faire la
promotion du français. Et c'était dans un esprit tout à fait positif et non
pas coercitif. Et c'est ce genre de mesures là qu'on veut voir au Québec pour
faire la promotion du français.
Quant à la question
que... ou à l'interprétation qui pourrait être faite de notre position, on n'est
pas en train d'expliquer que parler
français, ce n'est pas important au Québec, là. En fait, je pense que, très
clairement dès le départ, et pour la
suite, et même notre façon de le présenter, nos recommandations sont à l'effet
que le français est important, c'est important aussi qu'on le parle au
travail. Ceci étant dit, il y a plusieurs des mesures qui imposent un fardeau
quant à l'usage d'une autre langue. Alors, il faut distinguer entre faire la
promotion du français et nuire à l'usage d'une autre langue dans un milieu de
travail.
Et
on pense que certaines obligations, par exemple d'expliquer en long et en large
dans des formulaires pourquoi on demande le bilinguisme pour un poste, c'est
aussi absurde que si on devait le faire pour expliquer pourquoi on
demande des compétences informatiques pour un poste. Alors, on ne le fait pas
pour ça, on ne devrait pas le faire pour l'usage de l'anglais non plus, des compétences qui sont requises, nécessaires
dans bien des entreprises. Est-ce qu'on discrimine un employé, dans une description de poste, qui n'aurait
pas les compétences informatiques, alors qu'on suggère que, si on
demande des compétences en anglais, par exemple, on va discriminer le
travailleur francophone unilingue? Dans les deux cas, ce qu'on va faire, c'est
qu'on va lui donner les compétences si on veut qu'il soit employable.
Alors,
la réalité des entreprises est au-delà de considérations, je dirais, qui sont
liées, par exemple, au droit de parler français, hein? Alors, il ne s'agit pas de nier le
droit de parler français de quelconque travailleur, mais il y a une
marge entre cette possibilité de s'exprimer en français dans l'entreprise — alors, je ne pense pas qu'il y ait un employeur au Québec
qui voudrait nier ça à ses employés — mais la nécessité
aussi, dans plusieurs postes, de devoir parler une deuxième langue. Et ça va renvoyer à la nécessité aussi non seulement d'aider
les immigrants à parler français — ça, c'est un autre volet qu'on ne touche pas ici — mais à la nécessité aussi, lorsque requis, de faire
en sorte que les Québécois puissent parler anglais aussi, ou une deuxième
langue, ou une troisième langue. Mais, ceci étant dit, de toute façon, c'est
clair que c'est utile. On l'enseigne dès l'école primaire. Donc, il faudrait qu'il
y ait une cohérence là-dedans.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Merci. M. le
député de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
• (11 h 50) •
M. Breton : Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup de votre
intervention. Je dois dire que je trouve vos préoccupations, vos réflexions
assez intéressantes. Vous semblez vous inscrire en faux avec l'aspect un peu
plus coercitif du projet de loi. Et moi,
pour avoir eu à travailler beaucoup sur des dossiers liés à la protection de
l'environnement au fil des années, j'ai eu
le même genre de discussions avec plusieurs entreprises qui considéraient que faire
la promotion de la protection de l'environnement….
Les
constructeurs automobiles, par exemple, nous disaient que de mettre en place
des réglementations pour forcer les constructeurs à diminuer les émissions de gaz à
effet de serre de leurs véhicules nuirait à leur compétitivité à l'international.
Ils disaient que, dans un contexte mondialisé, ce n'était pas quelque chose qui
était souhaitable. Ça fait que, donc, eux s'opposaient à cela.
On
a eu un gouvernement, qui était le gouvernement de George W. Bush, qui a accédé
à ces demandes, ce qui a fait que, pendant
30 ans, on a n'a eu aucune baisse de la consommation des véhicules aux
États-Unis. Il a fallu qu'il y ait une
volonté politique claire de la part du gouvernement Obama pour faire en sorte
que finalement la consommation des
véhicules et la diminution des émissions des gaz à effet de serre aillent de l'avant
et que les constructeurs suivent cela.
Moi,
qu'il s'agisse de protection de l'environnement ou qu'il s'agisse de protection
et de promotion du français, je pense, et je l'ai
déjà dit ici, que, de faire la promotion du français, que ce soit comme langue
de travail, je pense que ça peut être
souhaitable, je pense que c'est... en effet, c'est une très bonne chose, mais
je pense que, juste la carotte, dans le passé, ça s'est avéré trop peu.
Et d'ailleurs, puisque de plus en plus d'entreprises à qui on demande de faire
la promotion du français ne font pas la
promotion du français et font la promotion du bilinguisme, même, dans
certaines entreprises, on ne parle qu'anglais, bien, moi, je peux vous dire,
parce que j'ai vu ça dans ma circonscription puis j'ai vu
ça beaucoup à Montréal, ce que je constate, c'est que, oui, la carotte, mais
des fois la coercition, ça a sa place. Et c'est pour ça que mon expérience, mes
compétences m'amènent à penser que les deux volets sont importants, autant l'un
que l'autre. J'aimerais vous entendre là-dessus.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Oui, allez-y, M. Prévost.
M. Prévost (Simon) : Merci, Mme la Présidente. Alors, pour
répondre au député de Sainte-Marie—Saint-Jacques,
on peut faire un parallèle intéressant entre les deux choses, mais il faut se
garder de faire des amalgames douteux aussi. Donc, et là… La défense, on y est,
on est là. Alors, faire la promotion, parler des questions… l'importance du français, évidemment c'est... — je pense qu'on l'a décrit assez bien, là, je ne répéterai
pas ce qu'on a dit tantôt ni ce qu'on a écrit
dans le mémoire, là — c'est important.
Mais, ceci étant dit, ce n'est pas comme s'il
n'y avait pas déjà un cadre législatif relativement coercitif. Il y a une charte de la langue
française, il y a plusieurs obligations déjà auxquelles sont assujetties les
entreprises. Nous, ce qu'on dit en
substance, c'est que... Donc, ce n'est pas comme s'il n'y avait aucune loi
environnementale, pour reprendre l'analogie, là. Il y a des lois, il y a
des cadres, il y a aussi une situation qui, à notre avis, pour encore une fois
faire le lien, est beaucoup moins grave du côté du français qu'elle ne l'est du
côté des gaz à effet de serre, par exemple.
Donc, ce qu'on veut éviter, nous, considérant
qu'il y a déjà un cadre législatif, il y a déjà une charte de la langue française qui
amène plusieurs obligations, il y a une réalité qui est une réalité qu'il ne
faut pas perdre de vue, c'est que le français,
depuis 30 à 40 ans, fait des gains au Québec, une réalité qui est aussi le fait
que d'avoir une élite francophone économique va être un élément majeur
pour la promotion du français… C'est dans ces directions-là que nous, on pense
qu'il faut aller.
Donc, la carotte, oui, effectivement, on
pense que c'est important et on pense qu'on doit en rajouter puis qu'elle soit plus belle
puis plus intéressante, et que, de soi-même, le français se défend avec son
pouvoir d'attraction parce que c'est une
langue vivante, une langue où il y a de... une langue, donc, qui est utilisée
dans le commerce, dans l'économie, dans les arts, mais on pense que ce n'est
pas une carotte toute seule, il y a déjà un bâton, là, alors… Et on pense aussi
que le bâton supplémentaire qu'on propose,
son coût est réel, son efficacité est relative. Donc, c'est pour ça qu'on ne
voit pas vraiment la nécessité… Il
faudrait se garder d'avoir ici, avec un projet de loi n° 14, une solution en recherche d'un
problème.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Oui, M. le député de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
M. Breton : Bien, parlant d'amalgame, ce que je
trouve intéressant, c'est que vous dites qu'il y a effectivement déjà un
cadre réglementaire. Mais, quand je parlais tout à l'heure des cotes de
consommation et d'émission de gaz à effet de serre des véhicules, il y avait déjà aussi un cadre réglementaire. Et
la loi 101 date de 1977 et la loi sur la consommation des véhicules aux États-Unis datait de 1977 aussi.
Il a fallu les mettre à jour, voyez-vous, l'un comme l'autre. Donc, c'est
la même logique qui prévaut. C'est-à-dire
que les premières années où la loi n° 77 a été mise en place, comme les premières années où les
cotes de consommation ont été mise en place, on a vu une amélioration notable,
après ça une stagnation, et après ça la consommation des véhicules a
commencé à augmenter parce qu'on a trouvé des trous dans la loi. Est-ce que ça
vous rappelle quelque chose? C'est dans ce sens-là que je veux aller. Je n'ai
rien à ajouter. Merci.
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci. M. Prévost, avez-vous d'autre
chose... Non? M. le député de… Bonaventure...
M.
Roy : Bonaventure.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
...la parole est à vous.
M. Roy : Merci beaucoup, Mme la Présidente.
Bonjour, madame, monsieur. Écoutez, j'ai comme
l'impression que vous considérez le milieu économique comme quelque chose qui
peut vivre en dehors d'un environnement culturel.
C'est comme s'il y avait une dichotomie. Bon, la question, c'est : Est-ce
que l'économie s'insère à l'intérieur d'un milieu culturel ou qu'il peut
vivre d'une manière indépendante? Et c'est sûr que toute imposition d'un environnement normatif au secteur, je dirais,
économique ou de l'entreprise est quelque peu vue comme, je dirais, une entrave à la profitabilité, ça, on le comprend
bien, entre autres avec l'environnement, comme Daniel l'a dit tout à l'heure.
Ceci étant dit, donc, vous proposez que notre
gouvernement oriente davantage ses actions vers une promotion des valeurs
culturelles liées au français. Mais est-ce que vous croyez que vos membres et
partenaires du milieu des affaires sont également prêts à participer à
cette plus grande diffusion de la culture liée à l'usage du français? Donc, si
vous proposez ça, comment ça peut s'opérationnaliser
à l'intérieur des entreprises que de valoriser la langue au niveau
culturel...
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Merci, monsieur... Continuez.
M.
Roy : ...en ayant en fond de
réflexion que : Est-ce que le milieu économique s'insère à l'intérieur d'un
environnement culturel?
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Merci, M. le député. M. Prévost.
M. Prévost (Simon) : Merci, Mme la Présidente. Alors, sur
la première intervention du député de
Bonaventure, on ne considère pas que l'économique
peut vivre en dehors d'un milieu culturel. En fait, c'est complètement l'inverse
qu'on propose. On propose qu'effectivement
une économie québécoise forte avec un gouvernement francophone fort peut
amener réellement du français. Donc, l'économie s'inscrit forcément dans le
contexte culturel.
De
toute façon, l'économie, ça se fait avec les gens, hein, c'est les relations
courantes. Dans le fond, l'économie est un peu partout, là, dans le sens que
les gens vont travailler, après ça ils vont consommer, ils sont en relation avec
les gens. Ça, c'est l'économie. Donc,
l'économie forcément est intrinsèquement liée au contexte culturel. On pense
même qu'une économie québécoise forte — c'est pour ça que c'est une de nos recommandations,
donc, de favoriser un entrepreunariat québécois francophone et de créer les
conditions gagnantes pour que ces entreprises-là puissent croître — va aider au fait français.
Alors,
par exemple, ce n'est pas dans le domaine, donc je... Dans le domaine du détail
par exemple. Alors, un grand détaillant
francophone, par exemple, qui a des opérations au Québec mais partout au Canada
et aussi en Amérique du Nord va évidemment,
de facto, avoir un impact positif sur l'usage du français parce qu'au siège
social on y parle français éventuellement,
puis c'est les anglophones, dans le fond, qui doivent éventuellement apprendre
à fonctionner en français, par opposition, par exemple, à un grand
détaillant qui, lui, arriverait des États-Unis et qui s'implante au Québec, où forcément la culture du français serait
peut-être... va être limitée aux obligations, mais sera peut-être moins forte.
Donc, intrinsèquement liées sont l'économie et la culture, et on pense qu'on
devrait avoir, disons, une réflexion dans ce sens-là. Et c'est pour ça que ce
qu'on disait aussi, c'est qu'un projet de loi n° 14
qui semble s'intéresser seulement à la question linguistique a des impacts
économiques forcément.
Maintenant, sur un
autre aspect, peut-être que je vais laisser ma collègue répondre.
Mme
Azoulay (Audrey) :
Oui. En fait, j'aimerais quand même insister, parce que ça serait dommage qu'on quitte avec une confusion
tout aussi désastreuse que celle que craint Mme la ministre. C'est-à-dire qu'évidemment
on défend le français tel qu'il doit
être défendu au Québec. Et je pense que, dans notre positionnement, dans notre
mémoire, ça a été clair, on croit en
la valeur de l'identité linguistique dans la prospérité économique et sociale
du Québec, mais il faut bien faire attention
à la manière dont on la défend. Et, en fait, on pense qu'on est en train de se
tirer un petit peu dans le pied dans la défense du français. On peut très mal défendre le français, comme on
peut d'ailleurs très mal défendre l'environnement. Donc, c'est important
d'être précis sur la manière dont on fait les choses.
La
langue française, ce n'est pas comme défendre l'environnement. Quand on veut défendre
l'environnement dans une entreprise, on va mettre en place des processus, des technologies.
Ça, ça s'internalise. Mais, dans le cas d'une langue française, c'est
quand même une question de relations interpersonnelles. Et là, nous, ce qu'on
craint quand même dans ce projet de loi, c'est que la langue anglaise soit
stigmatisée. Ce n'est pas comme ça qu'on voit l'avenir du Québec dans son vécu
de sa langue et de son identité.
Il
y a aussi, dans le projet de loi… on propose d'insérer le français dans la
Charte des droits et des libertés. Nous,
personnellement, on se questionne énormément là-dessus puis on vous propose d'ailleurs
ici, à la commission, de s'interroger sur cette question parce qu'une charte
des droits et libertés, il y a quand même une valeur universelle, donc il y a
une frontière qui est peut-être dépassée.
Donc,
c'est ça qu'on critique, c'est cette manière-là de défendre le français en s'opposant
aux langues étrangères, et en particulier l'anglais,
parce que ça a l'air assez clair entre les lignes. Et donc il nous semble que,
par exemple, l'imposer aux entreprises de 45... de 25 à 49, bon, c'est...
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Mme Azoulay, je suis désolée, le temps qui était alloué
du côté du gouvernement est terminé.
Mme Azoulay
(Audrey) : Très bien.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Nous allons
maintenant du côté de l'opposition. Je reconnais le député de LaFontaine. M. le
député.
M. Tanguay : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci à vous deux d'être
présents aujourd'hui pour nous présenter le
fruit de votre réflexion qui nous a permis au préalable d'avoir reçu évidemment
votre mémoire. Nous en avons pris
bonne note, nous l'avons lu avec attention. Alors, merci beaucoup pour l'oeuvre
utile que vous faites aujourd'hui en participant activement à cette
audition.
J'aimerais
d'abord et avant tout vous donner peut-être l'opportunité rapidement,
Manufacturiers et exportateurs du Québec, organisme sans but lucratif qui a été
fondé depuis plusieurs, plusieurs années... Pour le bénéfice de celles
et ceux qui nous écoutent à la maison, pouvez-vous rapidement nous décrire qui
sont vos membres, combien avez-vous de membres, qu'est-ce qu'ils font, quelles
sont leurs activités typiques, alors pour nous... pour le bénéfice de mieux
connaître les Manufacturiers et exportateurs du Québec?
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Merci, M. le
député. M. Prévost.
• (12 heures) •
M. Prévost (Simon) : Mme la Présidente, très rapidement,
alors, effectivement, nous sommes une
organisation qui existons depuis 1871, donc dans la 142e année d'existence.
Nous représentons une entreprise manufacturière exportatrice dans l'ensemble du Québec, donc autant... Surtout les
manufacturiers, mais certaines entreprises qui exportent des services aussi sont
membres de notre association, de même que des entreprises qui servent le
secteur manufacturier. Donc, plus
concrètement, nous avons donc une très forte proportion d'entreprises
manufacturières, dans tous les secteurs manufacturiers, soit dit en
passant, que ça soit de l'aéronautique au pharmaceutique, en passant par les
fabricants de meubles ou l'agroalimentaire,
de toutes les tailles aussi, donc des petites entreprises aux plus grandes, et
nous avons donc plusieurs centaines de membres, là, qui sont répartis à
l'échelle du Québec jusque dans le Grand Nord, d'ailleurs.
Et donc ces entreprises-là sont préoccupées,
évidemment, par les questions de croissance, elles sont préoccupées par les
questions de productivité, de pénurie de main-d'oeuvre, entre autres. Et donc,
quand on intervient sur un projet de loi comme le projet de loi
n° 14, ces entreprises-là sont intéressées à ce qu'on intervienne parce qu'il
y a plusieurs des dispositions qui... bien, enfin, qui interviennent dans la
vie de l'entreprise, notamment dans la gestion des ressources humaines, mais, comme on l'a déjà dit, à certains
égards, de manière… enfin, vécu probablement comme de l'ingérence, éventuellement,
du gouvernement dans les affaires internes de l'entreprise.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Merci…
M. Tanguay : Donc, si je vous comprends bien…
Merci, Mme la Présidente. Donc, des PME… vous avez des PME de combien d'employés, jusqu'à… donner peut-être
les proportions également de votre membership.
M. Prévost (Simon) : Bien, écoutez, on a environ la moitié
de nos entreprises qui sont considérées comme
des PME. Donc, les PME, il y a différentes
définitions, là, ça va, disons, jusqu'à 250 employés. Dans notre membership,
on a plusieurs entreprises, effectivement,
qui se trouvent dans la catégorie 26 à 50, qui seraient donc nouvellement
assujetties à certaines dispositions.
M.
Tanguay : Et puis, dernière question :
Combien avez-vous de membres au total?
M.
Prévost (Simon) : 300 membres au
Québec.
M.
Tanguay : 300 membres. Parfait, merci
beaucoup. J'aimerais maintenant aller à un point fondamental. Et évidemment
vous l'avez très, très bien noté, tant dans votre mémoire que dans votre
intervention : L'anglais est une compétence
à acquérir et à valoriser. Moi, comme père de famille, j'ai deux filles, neuf
ans et sept ans, puis ce n'est pas vrai
qu'en apprenant l'anglais puis en parlant parfaitement l'anglais elles vont
perdre leur français. Mais, par contre, elles auront l'occasion d'avoir...
l'opportunité d'avoir des emplois, des postes décisionnels par lesquels elles
vont pouvoir pleinement se réaliser et par lesquels également la société
québécoise et canadienne va en profiter.
On prend l'exemple et on fête beaucoup la
Caisse de dépôt et placement du Québec qui a été un moteuréconomique, mais
également a été un moteur qui a fait en sorte que le français a pu bénéficier
de ce levier économique là pour rayonner
et faire en sorte que, oui, localement, on réussit, mais que l'on exporte notre
savoir, notre expertise et que, comme société québécoise, on se réalise
pleinement.
Alors, vous savez, nous, de l'opposition
officielle, chez les libéraux, notre leitmotiv, c'est de créer la richesse pour pouvoir mieux la redistribuer. Et c'est également en
créant la richesse que l'on peut se donner les outils et le pouvoir de faire en sorte, oui, que cet objectif
fondamental là — et vous le resoulignez très
clairement d'entrée de jeu — de réaliser l'épanouissement du français, bien, puisse être une réalité,
parce qu'une société qui s'atrophie, qui dresse des murs et qui fait en sorte que l'on soit unilingue, bien, n'aurait
pas un avenir brillant, bien au contraire, serait condamnée d'ores et
déjà à périr, tout simplement.
Et, en ce sens-là, le projet de
loi n° 14, la philosophie qui animait le gouvernement et la ministre…
Vous savez, c'est ici même, au salon rouge, qu'ont
été annoncées les couleurs du gouvernement quant au dépôt, le 5 décembre
dernier, du projet de loi n° 14. Et la ministre, qui était debout,
ici même, avec la première ministre, a affirmé la chose suivante : Selon
les dernières études dévoilées par l'Office québécois de la langue française,
63 % des travailleurs à l'échelle du
Québec et 82 % à Montréal utilisent l'anglais au travail. Il s'agit d'une
alerte qui indique au gouvernement qu'il doit agir. Projet de
loi n° 14.
Alors, on voit ici que le paradigme est tout
à fait différent. Lorsque l'on sait que l'anglais, c'est important pour se réaliser, on ne
perd pas sa langue française en apprenant l'anglais, puis une troisième, puis
une quatrième langue… Et vous avez
bien noté, et nous en sommes également, le double discours, autrement
dit : Oui, on va respecter les minorités, on va respecter la minorité d'expression anglophone,
oui, on est pour qu'individuellement les gens apprennent une deuxième,
une troisième, quatrième langue, toutes ces
choses que l'on va vous dire du côté du gouvernement, mais, fondamentalement,
ce que le projet de loi n° 14 fait, c'est qu'il lève des barrières et
il met des écueils.
Et vous avez noté à juste titre — et
allons-y dans le détail ici — entre autres deux aspects.
Premier élément, la langue de travail, et l'article
19 du projet de loi fait en sorte que — nouvel article 46,
si d'aventure il était adopté, le projet de loi n° 14 — «un employeur doit, avant d'exiger pour un poste la
connaissance ou un niveau spécifique de connaissance d'une autre langue que le
français, évaluer de façon rigoureuse les besoins linguistiques réels associés
au poste». Cette obligation langue de travail que l'on vient ajouter — donc, on vient ajouter un fardeau — fait en sorte que, pour
toutes catégories d'entreprises, PME incluses, il faut évaluer rigoureusement
les besoins linguistiques, qu'est-ce
que ça veut dire, je ne sais pas si ça veut dire quelque chose à vous qui
devrez le faire, et vous devrez le réévaluer de façon périodique, qu'est-ce
que ça veut dire également.
Alors, en ce sens-là, j'aimerais savoir, vous
qui êtes réellement dans la réalité de tous les jours, vous représentez des PME,
notamment, et des entreprises beaucoup plus larges, qu'est-ce que ça veut dire
pour vous : de façon rigoureuse, les besoins linguistiques réels
devront être évalués pour chacun des postes?
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : M. Prévost.
M. Prévost (Simon) : Alors, merci, M. le député. Donc,
bon, effectivement, il y a un flou dans ce qui est proposé... dans le
texte proposé pour le projet de loi. Au-delà du flou, parce qu'effectivement qu'est-ce
que c'est que... exactement ce que ça
signifie, c'est trop vague pour qu'on puisse le voir exactement, c'est quoi, le
niveau d'anglais requis, comment on peut
déterminer que c'est nécessaire ou pas, ça, ce n'est pas très clair, il y a un
flou qui évidemment devra éventuellement, si on se rend là, être corrigé. Mais c'est le principe même, nous, de
toute façon, auquel on ne souscrit pas du tout parce que c'est comme si on demandait effectivement de décrire
en détail... aussi évaluer chacun des postes de manière formelle, par obligation gouvernementale, évaluer chacun des
postes sur d'autres compétences de base que les employés doivent avoir, que ça soit les compétences informatiques
ou autres. Et, dans le domaine manufacturier, il y a toutes sortes d'autres
compétences requises, là.
Alors,
c'est clair que, si on décide d'embaucher quelqu'un, bien, on demande qu'il ait
des compétences linguistiques, ce n'est pas juste pour embêter les candidats
éventuels qui seraient unilingues, c'est parce que c'est requis. À un moment
donné, il faut aussi que... Et c'est pour ça qu'on parle d'intrusion dans la
gestion des ressources humaines. Alors, ce n'est
pas par réflexe si les… surtout si on est à l'extérieur de Montréal. Si on
affiche un poste bilingue, c'est
parce qu'on a besoin de ce bilinguisme-là dans le poste, que ça soit l'espagnol
parce qu'on transige avec le Mexique, que
ça soit l'anglais parce que c'est la langue d'affaires internationale. Donc,
dans ce sens-là, il y a le flou de l'article, donc il y a flou à deux
niveaux, là, dans l'article, mais, de toute façon, c'est le principe même qui n'a
aucun sens. Donc, c'est pour ça que c'est un des éléments qu'on a voulu faire
ressortir aujourd'hui, contre lequel on s'élève ce matin.
•
(12 h 10) •
M.
Tanguay : Et, dans ce que vous
soulignez également, ça a déjà été souligné par d'autres regroupements d'entrepreneurs qui représentaient, par ailleurs,
aussi des PME, le fait qu'il y a là une ingérence, et le deuxième
exemple que vous soulevez, qui est davantage
spécifique aux entreprises comptant entre 26 et 49 employés, et l'obligation
est encore une fois là très clairement imposée : lister tous les
postes, évaluer le niveau et la connaissance exigés pour chacun, et également l'introduction, le cas échéant, de
nouveaux logiciels et d'autres outils de travail qui, par ailleurs, seraient
exigés.
Et, en ce sens-là, l'intrusion qui est faite
également de façon générale sur ce qu'on vient de voir et spécifique sur le 26-49 employés, il a déjà été souligné que ça
entre, comme vous l'avez bien dit, dans ce qu'on peut qualifier de la gestion justement d'un entrepreneur qui peut
demander que l'usage à l'occasion de l'anglais soit requis afin de
combler ce poste, et il ne le fait pas
innocemment ou sans avoir pensé, parce qu'évidemment, sachant qu'à toutes les
fois que l'on affiche un nouveau
poste et que l'on ajoute une condition ou une exigence, on vient, le cas
échéant, diminuer évidemment celles
et ceux qui pourraient postuler. Et, en ce sens-là, il y a un équilibre qui se
fait parce qu'évidemment, en bout de piste, l'employeur veut avoir la
meilleure personne qui va combler le poste. Ça, c'est une chose.
Deuxième des choses, un autre aspect qui nous
a été soulevé lors de nos auditions, c'est que l'on embauche pour un besoin immédiat, mais également pour une personne
qui pourrait avoir 25, 30 ans, 35 ans pour, dans trois ans, cinq ans, 10 ans, 15 ans, où je vois cette
personne-là au sein de mon entreprise. Et ça, je crois que vous l'avez bien
souligné. Il s'agit là donc d'une liberté d'engager
une personne et de définir un poste selon des besoins immédiats, mais
évidemment des besoins pour l'avenir, versus
une approche gouvernementale, avec le projet de loi n° 14, qui impose la
paperasserie, qui impose : Bien, pour chacun des postes, avant de l'afficher,
vous devrez aller chercher, là, votre certificat à l'effet que vous pouvez l'exiger. Vous devrez faire l'évaluation
rigoureuse, nous démontrer pourquoi. Et, en bout de poste, il y a quelqu'un qui va pouvoir vous dire non. Il y a
quelqu'un qui va pouvoir vous dire : Non, vous n'exigerez pas l'anglais.
Et vous allez engager une personne qui ne peut pas parler l'anglais, le cas
échéant.
Alors, en ce sens-là, je pense que c'est
important de bien soulever… Et ce n'est pas vain non plus. Et je reviens encore une fois
à l'épanouissement du français, que vous avez clairement identifié comme étant
un objectif à réaliser, mais avec une
approche qui est toute autre. Oui, il peut y avoir des cas où, par exemple, le
logiciel en français soit disponible. Mais,
en ce sens-là, n'est-il pas plus efficace, en matière de recherche de l'atteinte
de notre objectif de l'épanouissement du français, d'accompagner et d'aider?
Et, hier, on a eu d'autres représentants qui nous ont dit : Écoutez, nous
avons mis sur place des moyens pour faciliter l'achat de tel logiciel, on a
accompagné, on a soutenu.
Vous avez fait référence à la stratégie
commune 2008‑2013 pour Montréal. J'aimerais vous entendre là-dessus quant à des outils, quant à des moyens qui ont été
tangibles et qui ont permis justement de faire un pas dans la bonne direction, mais selon une philosophie d'accompagnement.
Je ne sais pas si vous avez des exemples, soit qui découlent de cette
stratégie ou qui découlent de votre expertise, de votre expérience personnelle.
Mme Azoulay (Audrey) : En ce qui concerne cette stratégie
commune, il y a beaucoup de mesures, puis il y
a eu ce bilan, là, qui a été déposé juste l'année
passée, donc beaucoup de choses qui ont été faites, beaucoup de cours
qui ont été mis en place, donc, un comité de
suivi et donc une initiative très positive, là, pour rendre tout le monde
responsable dans la promotion de la langue française.
Alors,
c'est assez difficile d'évaluer, là, avec ce rapport-là, en fait, le résultat
en termes d'usage de la langue française, mais, en tout cas, l'approche est très
positive, et on pense que, sur cinq années, ça s'appelle une avancée, en tout cas, dans la manière dont on défend le
français au Québec. Et on pense qu'il faudrait poursuivre sur les mêmes méthodes et que ça prend très certainement plus
que cinq ans pour que cette culture-là de défense de la langue
française, avec l'idée d'une promotion, avec
l'idée d'une promotion positive de la langue française, bien, ça va prendre des
années.
Alors, voilà, le bilan est positif dans l'approche,
il est très certainement positif aussi dans les résultats terrain, mais ils ne les
décrivent pas vraiment, ils disent simplement, dans ce bilan, là, ce qui a été
fait puis ce qui a été engagé. Et on ne voit pas comment, avec une
approche aussi positive, ça ne pourrait pas fonctionner. Donc, on pense qu'il
faut continuer dans cette approche-là, et c'est aussi ce qui apparaît dans
notre position et dans notre mémoire.
M. Tanguay : C'est ce qui apparaît dans la
position de votre mémoire et c'est ce qui apparaît également, je vous dirais, cette
approche positive là qui est importante, dans des rapports, entre autres le
dernier rapport intituléRedynamiser la politique linguistique du Québec, du Conseil supérieur de la langue française, qui traitait évidemment
de l'importance majeure que de mettre
sur pied et de financer suffisamment… Si le français, c'est important, hein, il
faut que les sous suivent également. C'est beau, les coupures, pour
certains, mais c'est important d'investir. Et la langue, oui, française, c'est important, bien il faut investir des sous et ne
pas décharger le fardeau gouvernemental complètement dans la cour des
entrepreneurs, de dire : Bien, regardez, on vous met telle, telle, telle
obligation, ça coûtera ce que ça voudra.
D'ailleurs,
le projet de loi, il a été déposé le 5 décembre, et on a su trois mois après qu'il
y avait une analyse qui avait été faite, qui
avait été portée à la connaissance de la ministre trois mois après le dépôt du
projet de loi, puis on disait : Excusez
du peu, ça va être entre 25 et 30 millions, les coûts, mais, bref, ça, c'est
secondaire. Le projet de loi avait été déposé trois mois avant. C'est
dans votre cour, voici toutes les obligations, et la facture sera pour vous, on
vous en remercie à l'avance.
Autre
élément que j'aimerais aborder avec vous, c'est une approche plus locale. J'ai
cité le rapport du Conseil supérieur de la langue française, récent, début
mars de cette année, Redynamiser la politique linguistique du Québec,
où l'on disait — et je cite le rapport à la
page 7 — qu'il y avait des
différences qu'un citoyen demeure... et on donnait l'exemple de la ville de
Gatineau ou de Sainte-Luce, Sainte-Luce, qui est pas loin de Rimouski, que le
députée de Montarville connaît bien. On disait, dans le rapport : «La
langue, c'est là, qu'il la parle; le débat linguistique, c'est là, qu'il le vit. Une politique publique peut moduler
ses effets selon l'endroit ou la situation. Ce n'est pas le cas d'une
loi, qui, votée à Québec, s'applique en
principe à tous partout sur le territoire.» Fin de la citation. Page 7 du
rapport de mars dernier du Conseil supérieur de la langue française.
Et
vous reprenez, vous, votre première recommandation d'adopter une approche plus
locale et vous avez ciblé évidemment Montréal comme étant un enjeu particulier.
On vient de parler de la stratégie commune. Alors, par rapport à l'impact d'une charte qui s'applique partout
également sur le territoire et qui impose un fardeau additionnel versus
cette approche locale, j'aimerais vous
entendre davantage par rapport... Et là on en est carrément à l'efficacité d'une
mesure. On peut se donner bonne figure pour des stratégies… je n'irais pas
jusqu'à dire partisanes, mais on peut se donner bonne figure pour plusieurs bonnes raisons, en disant : Bien, on a
voté une loi, on impose ça, du mur-à-mur. Mais, en bout de piste, moi, ce qui nous intéresse le plus, et
vous également, c'est l'efficacité d'une telle mesure. Et Montréal,
Gatineau sont des endroits en particulier... J'aimerais vous entendre sur l'importance
d'agir localement.
M.
Prévost (Simon) :
Alors, sur ces questions-là, effectivement, l'opposition... une loi, on a déjà
une charte de la langue française, certaines intentions, en fait, d'en rajouter une
couche en intégrant le français dans la Charte des droits et libertés, donc c'est là que nous, on pense qu'il y
a une espèce de dérive législative, si on veut, qui va imposer des
carcans assez rigides à l'ensemble des
entreprises du Québec. Et ce n'est pas vrai, effectivement, que la réalité est
la même, d'où l'idée d'avoir une approche plus locale...
Quand on parle de
politique linguistique, la politique linguistique est une approche qui peut
inclure certaines pièces législatives, mais
aussi des mesures, des programmes et des initiatives aussi avec les partenaires
locaux, comme c'est le cas de la
stratégie commune 2008‑2013. Et, dans ce sens-là, il va falloir adapter ce qu'on
propose pour défendre le français à
la réalité terrain qu'on retrouve dans différentes municipalités. Il se
pourrait que certaines obligations soient peu vécues par les entreprises en région parce qu'effectivement, si on n'a
jamais l'intention d'engager ne serait-ce qu'une personne bilingue, on n'aura
pas besoin de commencer à expliquer pourquoi on a besoin de ça, etc.
Mais,
dans l'économie du Québec aujourd'hui, il faut distinguer entre, par exemple, l'usage...
le français comme langue de travail, le
français comme langue de service, donc si on peut se faire servir en français.
Alors, ça, c'est une problématique qui est
purement montréalaise. Est-ce qu'il y a certaines obligations qui, dans le
fond, vont être imposées à des
entreprises, dans des régions où finalement ce n'est pas nécessaire? Quand on
lit le projet de loi, on pourrait penser que oui, quand on lit certains
autres documents, espèces de questions-réponses sur les impacts que le
gouvernement a publiés, ça dit le contraire.
Donc,
je reviens sur ce qu'on disait tantôt, je pense qu'avant d'aller plus loin avec
ce projet de loi là, vous, comme parlementaires, législateurs et vraiment la
nécessité d'être très, très fins dans votre analyse, comme vous l'êtes
toujours d'ailleurs, mais très précis dans
vos modifications lors de l'étude article par article si on se rend là, parce que...
Parce qu'il y a trop d'éléments qui,
à notre avis, ne sont pas suffisamment précis et ouvrent la porte à des coûts
et des tracasseries et surtout à une inefficacité. Et ce serait
intéressant...
Parce qu'on a eu
effectivement une étude d'impact économique — donc, je veux être bon joueur ici — puis, pendant des
années, on a reproché aux différents gouvernements un peu, peu importe le
parti, de tenir... de ne pas faire des études d'impact ou de les tenir
cachées. Alors, au moins, là, on a une étude. Elle n'a pas été spécialement publicisée, on l'a trouvée à la dernière heure,
nous aussi, cette étude-là, puis manifestement elle arrivait largement
après le dépôt du projet de loi. Donc, il y a un peu de précipitation. Et ce
que j'aurais le goût de dire là-dessus, c'est peut-être qu'on se précipite inutilement. Donc, clairement, on serait beaucoup
plus intéressés à travailler avec le gouvernement sur une politique
linguistique qui n'est pas nécessairement... qui n'est certainement pas
coercitive, qui n'est certainement pas nécessairement basée sur des textes de
loi rigides qui s'appliquent à tous.
M.
Tanguay : Oui.
Tout à fait. Et je pense qu'il nous reste seulement deux minutes, Mme la
Présidente, ou à peu près?
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Absolument,
oui.
M.
Tanguay : Deux choses. Effectivement,
quel est l'impact de modifier la Charte des droits et libertés de la personne pour faire en sorte que le français
puisse... Le français serait un motif, en quelque sorte, dans des cas
spécifiques, de discrimination. Et la langue
donc deviendrait un motif de discrimination. Quels sont les impacts de ça? C'est
ce qui est proposé. Là-dessus, il n'y
a pas eu d'étude, même trois mois après, on n'a pas eu d'étude, si bien que
même un article d'il y a quelques mois qui avait été publié, où des
universitaires, d'une part… des universitaires spécialistes du droit, certains
disaient : Ça n'aura pas d'impact tangible et d'autres disaient :
Non, ça aura un impact tangible. Mais quels seront-ils? Dans la mesure où le
législateur ne parle pas pour ne rien dire, je pense que c'est important de
bien se questionner. Et ça, là-dessus, force
m'est de souligner le fait que, pour ce qui est du deuxième groupe d'opposition,
la CAQ, bien c'est un élément qu'eux vont appuyer dans le dépôt du projet de
loi.
Autre
élément également, vous avez vu comme nous… Je ne sais pas comment vous, vous
voyez ça, mais il y a beaucoup, beaucoup de discrétionnaires, beaucoup d'obligations imposées
aux entreprises, puis beaucoup de droits qui sont retirés, et beaucoup de discrétionnaires qui sont
donnés à la ministre. Et il y aura même des enquêteurs qui ne relèveront
plus uniquement de l'office mais un autre
groupe d'enquêteurs qui vont relever de la ministre chargée de l'application
de la loi, donc un double emploi. Ça, là-dessus, je ne sais pas si vous avez vu
passer ça dans le projet de loi, autrement dit
qu'il y aurait deux catégories d'enquêteurs : ceux de l'office, nommés en
vertu de la Loi sur les commissions d'enquête, avec le pouvoir d'exiger production de documents, et ainsi de suite,
et... ceux de l'office et ceux de la ministre. Je ne sais pas si vous
avez fait une réflexion là-dessus, mais comment vous abordez ça, vous, cet
aspect-là?
• (12 h 20) •
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : En moins d'une
minute, M. Prévost.
M. Prévost
(Simon) : Oui, c'est assez... Bien,
en fait, sur le principe, nous, on pense que ça introduit une complexité mais surtout une espèce d'incertitude
par rapport exactement à comment on doit se conformer à la loi, à qui on doit se rapporter, comment on doit se comporter
quand un inspecteur du type 1 arrive versus un inspecteur du type 2,
qui... Donc, là-dessus, on n'a pas spécialement abordé cette question-là.
Et
je pense qu'on a entendu l'intention, en tout cas, gouvernementale de vouloir
améliorer les relations notamment entre l'office et les entreprises, même…
inspecteurs. Nous, à la fin, on aime ça, les gens souriants qui viennent nous
voir dans nos entreprises, mais, si, de
toute façon, c'est avec des obligations aberrantes, ça ne changera grand-chose.
Donc...
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. Prévost. Malheureusement, c'est tout le temps
qui était consacré à l'opposition officielle.
Nous allons maintenant vers le deuxième groupe d'opposition. Mme la députée de
Montarville, vous avez la parole pour un temps de 5 min 33 s.
Mme
Roy (Montarville) : Merci, Mme la Présidente. Merci à vous, madame, monsieur, pour votre mémoire, qui est limpide,
qui est précis. C'est un plaisir à lire, mais c'est un plaisir de vous entendre
aussi. De un, j'aimerais vous dire qu'à la Coalition avenir Québec il y
a une chose qui est importante pour nous. Parce qu'il y a des irritants dans ce
projet de loi. Et tout n'est pas joué, j'aimerais
le souligner à mon collègue de la première opposition. Nous sommes en
train d'écouter et d'étudier. Et il y a des irritants particuliers en ce qui a
trait aux demandes, dans ce projet de loi, qui sont faites chez les entrepreneurs, chez nos entreprises — et
vous en faites partie, importateurs, exportateurs — entre autres, toutes ces contraintes qui sont imposées aux
entreprises de moins de 49 employés. Nous croyons, tout comme vous, qu'il faut les soutenir, qu'il faut les aider, qu'il
faut les accompagner. Nous ne croyons pas cependant à la coercition qui existe déjà dans le projet... c'est-à-dire dans la
charte, dans la loi 101, tout est là, les articles 205 et suivants, que
j'invite mon collègue à lire.
Mais,
cela dit, ce que je veux spécifier et ce sur quoi j'aimerais vous entendre… C'est
que nous allons nous opposer de façon importante à tout ce qui va porter
atteinte et qui va augmenter le fardeau administratif des entreprises. Ça,
nous n'y croyons pas. Nous voulons aider
nous entrepreneurs. Alors, on a parlé brièvement de cette étude de CIRANO qui
a été déposée quelques mois après le dépôt
du projet de loi, et j'aimerais vous entendre parler là-dessus parce que
j'aimerais savoir, concrètement, pour des
manufacturiers, c'est-à-dire pour des importateurs et des exportateurs, qu'est-ce
que ça va signifier, ce fardeau administratif qu'on vous rajoute,
concrètement, ça va ressembler à quoi puis qu'est-ce que ça pourrait amener comme charges financières, comme
coûts dans vos entreprises. Si vous pouviez nous donner des exemples,
parce que je pense que ça illustre bien, et on a besoin un peu d'exemples à cet
égard-là.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Mme Azoulay.
Mme
Azoulay (Audrey) :
Oui. Écoutez, nous, en tant qu'association patronale, on traite toutes sortes d'enjeux. La langue est
un peu loin, hein, des préoccupations premières industrielles, mais là il se
trouve que ça concerne directement ce
qu'on appelle la gestion des ressources humaines. Et il y a énormément de
dossiers, là, qu'on négocie avec legouvernement
ou avec différentes instances sur les questions des ressources humaines. Et
tout ce qui ressort à chaque fois, et
on insiste à chaque fois, c'est un besoin de flexibilité autour des
compétences, du savoir, des ressources humaines de manière générale. Et
là il y a une intrusion assez claire sur la gestion des ressources humaines.
Alors, c'est...
Est-ce qu'on a fait
une étude telle que l'ont fait le CIRANO, et qui est assez bien faite d'ailleurs?
Après ça, il y a des hypothèses qui méritent de discuter ces impacts et d'aller
un petit peu plus loin dans l'analyse, même si c'est très difficile de tout
quantifier. Mais, de manière générale, là, ça introduit une rigidité dans la gestion
des ressources humaines qui nous, en tant que manufacturiers exportateurs et
qui vivons tous les jours l'importance pour une entreprise d'être toujours plus
internationale, petite comme grande d'ailleurs...
Parce
que même une entreprise qui n'est pas sur les marchés internationaux est
soumise à la concurrence internationale, s'insère
dans les chaînes d'approvisionnement internationales, et, d'une manière ou d'une
autre, il faut parler anglais. Et,
quand on ne parle pas anglais, ou quand on ne parle pas une langue étrangère,
ou qu'on ne s'internationalise pas,
eh bien, on perd en parts de marché. Ça, c'est vécu de manière évidente. Alors,
il faut parler avec les entrepreneurs, dans
les grandes comme dans les petites entreprises, pour peut-être se rentrer l'idée,
mais c'est une évidence, de notre point
de vue. Alors, ce projet de loi, avec cette rigidité qu'il implique en voulant
défendre soi-disant la langue française, mais il implique une rigidité dans les ressources humaines qui nous
brime dans notre besoin de flexibilité et dans notre besoin d'élan en
termes d'économie et donc d'internationalisation de nos entreprises. Donc,
voilà ce que je pourrais vous dire de manière générale.
Et
ça, là, nous, on n'a pas été capables, dans notre mémoire, de vous donner un
chiffre, mais c'est majeur, en fait. En fait,
c'est majeur sur le plan du fonctionnement des entreprises et aussi au niveau
de l'état d'esprit. Vous en avez peut-être
entendu parler, mais, je veux dire, les anglophones au Québec s'inquiètent de
cet état d'esprit là qui est autour… Alors,
en termes, ça a un impact, ça. Ce n'est pas juste une question de relations
interpersonnelles, ça n'a pas juste un impact social ou un impact politique, un impact identitaire. Ça a aussi un
impact, cet état d'esprit, sur l'entrepreneuriat et puis sur la volonté
d'investisseurs étrangers de venir se placer ici.
Un investisseur
étranger, là, s'il entend parler de ça, là, il va se dire : Bien, je ne
suis pas sûr, là, ça va être compliqué. Moi, c'est sûr que je ne vais pas
parler français au Québec parce que je suis Américain, parce que je suis
Allemand et puis que la langue internationale, c'est l'anglais. Alors, mine de
rien, là, c'est très sensible, là, le choix d'un
investisseur étranger ou même d'un entrepreneur québécois qui va décider où
est-ce qu'il va s'installer. Ça, c'est un fardeau réglementaire
supplémentaire qui, avec les autres, fait qu'on finit par décider de s'installer
ailleurs.
Et
nous, on regarde le secteur manufacturier de manière très proche, dans ses
statistiques et dans son évolution, puis 2013 ne s'annonce pas très bien. Alors, on est
inquiets pour toutes sortes d'enjeux puis de la faiblesse des
compétitivités et fiscales et différentes conditions d'affaires au Québec, mais
on s'inquiète aussi de ça parce que c'est encore un autre élément qui brime la compétitivité et l'accueil du
Québec vis-à-vis des entreprises avec des conditions d'affaires qui
soient propres à ce dont on a besoin aujourd'hui.
Mme Roy
(Montarville) : Je vous remercie
infiniment pour votre réponse. Merci.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci beaucoup, Mme Azoulay, M. Prévost. Nous avons terminé pour cet avant-midi.
La
commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures, cet après-midi. Et on peut
laisser les documents sur place, la salle sera
sécurisée.
Bon appétit à tous et
à toutes.
(Suspension de la séance à
12 h 27)
(Reprise à 15 h 3)
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : À l'ordre, s'il
vous plaît!
Bonjour.
Nous allons reprendre nos travaux. Et je demande à toutes les personnes qui
sont présentes dans cette salle de bien
vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
Nous
allons poursuivre sans plus tarder les auditions publiques sur le projet de loi
n° 14, Loi modifiant la Charte de la
langue française, la Charte des droits et libertés de la personne et d'autres
dispositions législatives.
Et
nous recevons les représentants des Droits canadiens au Québec. Bonjour,
messieurs. Je vais vous demander de vous présenter
et de présenter également les personnes qui vous accompagnent. Vous allez
disposer d'un temps de 10 minutes pour faire votre présentation. Par la suite,
suivra un échange avec les membres de la commission. La parole est à vous.
Droits canadiens au Québec
(CRITIQ)
M. Yufe
(Richard) : Merci. Ça fonctionne?
Nous vous remercions pour votre accueil. Droits canadiens au Québec, CRITIQ, est une association sans but
lucratif dévouée à la défense des droits et des libertés de tous les
résidents du Québec lancée le 29 janvier 2013. Aujourd'hui, CRITIQ compte près
de 7 000 membres.
Je
suis Richard Yufe, avocat, membre du Barreau du Québec, diplômé de l'Université
de Montréal et aussi diplômé de la faculté de
génie de l'Université McGill. Je suis aussi ancien conseiller en politique au
cabinet du ministre de la Justice et
Procureur général du Canada. Je suis accompagné aujourd'hui par M. Robert
Libman et M. Beryl Wajsman. M. Libman est architecte, ancien député de D'Arcy-McGee,
ancien maire, ancien conseiller de la ville de Montréal et membre du comité exécutif de la ville. M. Wajsman,
diplômé de la faculté de droit de l'Université McGill est le président
de l'Institut des affaires publiques de Montréal. Aussi rédacteur en chef de groupe
Suburban, M. Wajsman est aussi connu comme le premier adjoint exécutif de l'Honorable
Irwin Cotler. M. Wajsman a reçu un mérite Martin Luther King Jr pour la
promotion de la dignité humaine.
Le
Québec est à terre, et c'est le temps de se lever. Pour le faire, il ne faut
pas que cette belle province reçoive d'autres
lésions en forme de projets de loi qui vont endommager de nouveau. Et on ne
frappe pas une personne qui est à terre. Présentement, nous sommes perdus, au Québec, mais les solutions
sont apparentes, et c'est aussi apparent que le projet de loi n° 14 n'est pas une solution. Le projet de loi
n° 14 continue sur le même mauvais chemin et dans la mauvaise
direction. Avec le projet de loi n° 14, Québec ne peut pas dire être un
État progressif.
En
outre, c'est un projet de loi complètement en conflit avec les valeurs
québécoises et les valeurs canadiennes. En
droit, on dit que c'est prima facie, «on the face of it», en conflit avec les
libertés fondamentales, et nos valeurs, et nos principes. Avec l'expérience et l'expertise légale de nos membres,
avocats et avocates, CRITIQ croit fortement que, si ce projet devient
loi, les ressources limitées des Québécois seront gaspillées dans les tribunaux
administratifs et dans les palais de justice. Le Québec est clos, et c'est à
nous de l'ouvrir, d'ouvrir nos yeux et d'ouvrir nos coeurs.
J'ai
plusieurs choses à dire, mais, avec le temps écourté, je vais finir par donner
deux exemples. Par comparaison avec les villes d'Amérique du Nord, Montréal est
au 22e rang sur 22 villes avec des populations de 2 millions et plus
pour la richesse économique du peuple. Nous
sommes pauvres. Une autre comparaison, hier, environ 226 avions ont décollé
de l'aéroport à Dorval; à Toronto, plus de
760. Je donne maintenant l'opportunité à mon collègue M. Libman de
prendre la parole. Merci.
M.
Libman (Robert) :
Merci. En 1993, il y a 20 ans jour pour jour, j'étais membre de cette même Commission de la
culture pour étudier la loi n° 86, qui apportait à l'époque des
modifications à la loi 101. Enfin, M. Jeff Kelley, à l'époque, était un jeune adjoint à M. Claude Ryan. Alors, ça
nous indique jusqu'à quel point c'est une longue période de temps.
Depuis
les années 1990, un certain équilibre s'est installé au Québec. Les tensions
linguistiques se sont dissipées pour faire place à une période générale de paix
sociale. Nous croyons que l'adoption du projet de loi n° 14 menace
cette paix sociale et risque de rouvrir les cicatrices du passé. L'opposition
officielle a déjà annoncé qu'elle s'opposera à l'adoption. La CAQ, pour sa part, une de ses principales raisons d'être
était de mettre de côté les vieux débats et les vieilles querelles du passé qui polarisent et divisent les
Québécois afin de s'attaquer aux vrais enjeux et défis de notre société.
Nous devons promouvoir les projets de société rassembleurs et une vision d'avenir
pour le Québec, tel le Plan Nord ou le Projet Saint-Laurent récemment dévoilé
par M. Legault. Nous demandons donc à la CAQ de rejeter et voter contre la loi n° 14. Il faut à tout prix éviter de
réinstaurer la chicane avec des initiatives qui ne sont pas nécessaires, qui
sèment la discorde, créant ainsi une
distraction pour la population, quand nous avons devant nous des grands défis
économiques.
Il
est évident, il est très évident que, géographiquement, le Québec est entouré,
en Amérique du Nord. Il est donc très important de protéger et de promouvoir la
langue française au Québec. Cependant, le projet de loi n° 14 ne fait
rien pour rehausser l'image, la qualité de l'apprentissage ou la force de la
langue et de la culture française au Québec. Ce n'est pas en éliminant ou en réduisant la présence de l'anglais où les
anglophones résident que l'on assurera l'avenir du français au Québec.
Il ne s'agit pas de vases communicants.
Il existe plusieurs
manières positives de renforcer le français au Québec sans avoir recours à des
mesures coercitives et antagonistes. Le gouvernement devrait notamment faire
plus pour lutter contre le décrochage scolaire, améliorer l'apprentissage du
français dans les écoles, assurer un meilleur financement des programmes
culturels, élargir et offrir la disponibilité des cours de français gratuits
pour les anglophones et les membres des communautés ethniques. C'est là que réside la stratégie gagnante, soit de mettre en
place des mesures positives qui visent à maximiser le potentiel de
chaque individu.
À Montréal, le
français est présent partout. Oui, le bilinguisme est présent dans plusieurs
secteurs sur l'île de Montréal, mais ce bilinguisme
est un atout, est une force positive, une force unifiante. Il n'est pas un
péché, comme le gouvernement le laisse entendre. Le bilinguisme permet à
la majorité francophone et à la minorité anglophone de communiquer ensemble, d'échanger
amicalement dans la langue de l'autre, en affaires, dans les restaurants, les
bars, dans les magasins, dans les rues, dans les arénas. Il s'agit d'une
richesse.
Et il n'est pas vrai, comme certains le
prétendent, qu'on ne peut être servi en français à Montréal. Malheureusement,
certains cherchent à provoquer des heurts
avec des cas très rares ou non représentatifs. Il faut marginaliser ces
personnes qui divisent notre société et se
tourner vers l'avenir afin de bâtir une société où il fait bon de vivre
ensemble. La loi n° 14 va diviser
et déchirer la paix sociale que nous avons, que nous avons besoin de bâtir
ensemble la société québécoise de demain.
• (15 h 10) •
M.
Wajsman (Beryl) :
Premièrement, bon après-midi et merci pour l'invitation. Et je voudrais
féliciter le comité pour leur patience et diligence. Ce n'est pas facile d'écouter tellement
de témoins et de témoignages de temps en temps extrêmes. C'est vraiment
un exercice de démocratie.
Par
contre, le projet de loi n° 14 n'est pas tellement un exercice de démocratie.
Et le projet de loi n° 14 est une loi trop loin. Et je partage quelques préoccupations
de mes confrères, mais je voudrais prendre ces quelques moments pour
partager une autre vue du Québec, une vue personnelle et une vue de quelqu'un
qui est arrivé ici de la France et qui a été adopté par Québec, par un Québec
ouvert, chaleureux, généreux.
Mais
la chose que je suis très fier du Québec, d'être Québécois, c'est le
patrimoine, plus qu'un patrimoine, c'est que
nous sommes tous les enfants d'une patrie et un patrimoine progressiste… en
Amérique du Nord, la première place dans le monde occidental, en 1832, qui
donne égalité et équité à toutes les minorités. Le chef de cette mouvance était
Louis-Joseph Papineau, la plus belle place
dans l'Empire britannique qui fait le gouvernement responsable, M.
Lafontaine et M. Baldwin, et aussi des héros
du XXe siècle — et M. Pelletier doit se
souvenir — la fameuse dyade de Saint-Hyacinthe,
le sénateur T.-D.Bouchard qui, avec son ami
Jean-Charles Harvey, a dit à la face du pouvoir, en 1938, que la liberté
ne s'accommode pas d'une discipline qui dit quoi de penser et comment de
penser.
Je
suis fier de cette histoire. Mais la liberté aussi ne s'accommode pas d'une loi
qui donne aux agents de l'État le droit d'entrer dans votre commerce, de faire les
saisies sans… de droits, de faire les «prosecutions» directement avec le
directeur des «prosecutions» criminelles
sans avis aux citoyens. Si cette loi passe avec ces items dans la loi, nous
sommes la première juridiction, avec tout notre
patrimoine progressiste, qui va casser une des fondations et bases du processus
de droit.
Ce
n'est pas acceptable que la liberté ne peut pas accommoder, que le gouvernement
tire Québec d'un régime des droits humains
internationaux que Québec a acceptés en 1992 dans la «covenant» des Nations
unies sur les droits des minorités
linguistiques, ethniques et religieuses. Un gouvernement ne peut pas tirer
Québec simplement parce que l'autre gouvernement
qui donnait l'accord était un gouvernement libéral. Comment le monde peut
regarder Québec? Comment le monde peut regarder Québec, avec une loi qui
attaque les bases de justice occidentale? Nous pouvons faire mieux. Nous
devrons faire mieux. Merci.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Merci,
messieurs. Nous allons débuter les échanges. Et je vais maintenant du côté du gouvernement. Mme la ministre responsable de la
Charte de la langue française, vous avez la parole.
Mme
De Courcy :
Bonjour messieurs, bienvenue à la commission parlementaire. J'ai eu l'occasion
un peu plus tôt de vous saluer plus personnellement. Mais vous êtes des figures connues
au Québec pour la défense de certains principes et objectifs de votre organisation. Et, bon, je vous
remercie de cette contribution. Elle nous permet d'entendre un point de vue que malheureusement… la formation que je
représente et mes collègues ne peuvent pas adhérer à votre point de vue.
Mais, vous l'avez dit, c'est un exercice
démocratique qui permet d'entendre tous les points de vue dans toute la
société. Et j'apprécie le ton employé, qui nous permet d'avoir une bonne
entente dans... même si nous ne sommes pas d'accord.
Maintenant,
mises au point que je trouve importantes. Je n'en ferai pas beaucoup, mais j'en
ferai deux. Première mise au point — ou peut-être ai-je mal compris dans l'expression
verbale ou dans la lecture du mémoire — en aucune façon je n'ai induit ou mes collègues n'ont induit
que le bilinguisme est un péché ou qu'il y a un problème à parler deux,
trois, quatre ou cinq langues, au contraire.
Ce n'est pas notre propos. Et je souhaite vraiment que, pour tous les Québécois
et les Québécoises, on puisse justement accéder à ce savoir. D'ailleurs, il y a
plusieurs dispositions complémentaires au projet
de loi et dans le projet de loi qui vont dans ce sens. Alors, j'aimerais bien
dissiper dans votre esprit cette question-là où le bilinguisme ou le
trilinguisme, le quadrilinguisme serait un problème. Alors, j'espère que c'est
dissipé. Et il ne faut pas mêler les concepts, d'ailleurs, entre bilinguisme et
anglicisation. Pour nous, c'est deux choses différentes.
Et
nous avons un point en commun — essayons de
les trouver, nos points en commun — c'est-à-dire
un profond respect
de la Charte des droits et libertés de la personne. Et, à cet égard-là, je l'ai
dit lorsque j'ai présenté le projet de loi, je l'ai redit lorsque la
commission parlementaire a débuté, je suis extrêmement sensible à la protection
des droits de la minorité, de la communauté
anglophone, et de leurs institutions tout particulièrement, je tiens à vous le
rappeler. Sur ce, bien je réitère mes remerciements à votre contribution
et je vais laisser mes collègues de l'opposition échanger avec vous. Je vous
remercie.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Merci, Mme la
ministre. Nous allons maintenant du côté de l'opposition officielle. Et je cède
la parole à M. le député de LaFontaine.
M.
Tanguay : Oui.
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, de combien de temps disposons-nous,
Mme la Présidente?
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : De 22 minutes.
M.
Tanguay : O.K.
Alors, nous allons utiliser tout le temps dont nous disposons pour vous donner l'occasion de vous faire entendre et de ne pas
court-circuiter votre passage ici qui est important. Projet de
loi n° 14… Et d'abord et avant
tout merci d'être là, merci pour votre présence, merci d'avoir déposé votre
mémoire qui clairement nous donne votre vision par rapport à tout cela.
Projet de loi
n° 14, j'aimerais vous entendre. Et on fait oeuvre utile dans ces
auditions-ci par, entre autres, les répercussions
qu'on peut avoir avec les personnes à la maison, citoyens et citoyennes qui
nous regardent à la maison, et également,
le cas échéant, là, à l'occasion, quand les médias font état de nos travaux.
Mais je pense que c'est important, donc,
dans l'oeuvre démocratique, de renseigner les personnes, les gens, les citoyens
et citoyennes qui nous écoutent et, en ce
sens-là, une approche, une analyse, notre analyse du projet de
loi n° 14. Et j'aimerais vous entendre sur chacun des trois
blocs, quelle est... d'où vous venez, quelle est votre analyse et quels sont
ultimement vos commentaires.
Trois blocs. Premier
bloc : le projet de loi n° 14 est une mauvaise approche parce
que c'est une approche essentiellement
coercitive, un. Deuxième bloc : le projet de loi n° 14 initie
des pertes de droits qui ne sont pas justifiées, deuxième bloc.
Troisième bloc : projet de loi n° 14, c'est une augmentation
très substantielle de la paperasse et de la lourdeur administrative pour les
entrepreneurs du Québec, c'est le troisième bloc. Et là on résume ici l'analyse
qu'on peut en faire.
Une
fois que l'on a dit ça et avant d'y aller bloc par bloc, je pense que c'est
important de souligner que, l'épanouissement
du français, nous sommes tous d'accord avec le fait qu'il faut demeurer
vigilant. Par contre, il y a différents
moyens pour réaliser cet objectif-là. Il y a des modifications législatives,
entre autres, à la charte, mais c'est loin d'être les seuls moyens. Il y a évidemment les moyens de la
réglementation, des programmes gouvernementaux d'assistance, de soutien
et d'accompagnement que l'on doit financer suffisamment. Il y a également la
politique gouvernementale et aussi les
partenariats. Entre autres, je fais référence ici à la stratégie commune
2008-2013 qui avait été signée avec les différents partenaires du
milieu.
• (15 h 20) •
Alors, premier bloc de trois : plus d'inspections et un
net déséquilibre en faveur d'une approche
essentiellement coercitive. L'OQLF, l'Office
québécois de la langue française, l'office a déjà des enquêteurs qui sont
nommés en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête. Vous avez vu
comme nous que la ministre se donnerait, le cas échéant, si la loi était adoptée, l'occasion de nommer, elle
également, des enquêteurs qui, dans les deux cas, tant pour l'office, les
enquêteurs de l'office, que les enquêteurs
de la ministre, ont des fonctions aussi larges que : il faut appliquer la
Charte de la langue française. Alors,
à cet effet-là, j'aimerais vous entendre sur cet aspect-là, mais également, et
vous l'avez noté, les pouvoirs précisés
et accrus des enquêteurs de l'office, qui peuvent effectuer des saisies, on va
même préciser qu'ils peuvent prendre «toute mesure». Et, en ce sens-là,
surtout celui de saisir sur-le-champ tout équipement et tout matériel, c'est un
élément du premier bloc. Et finalement,
troisième exemple du premier bloc, essentiellement coercitif de l'approche
qu'est le projet de loi n° 14, fin de
la mise en demeure. Alors, je ne sais pas si vous avez quelque chose à rajouter
sur ce premier aspect-là, mais moi, là, je veux réellement vous donner
le temps d'être bien entendus et de faire valoir votre point.
M.
Wajsman (Beryl) :
Alors, M. Tanguay, merci. Mes collègues veulent que je commence avec notre réponse sur votre point
n° 2, la perte des droits. Et la chose, d'une certaine façon, de cette
section de la loi, beaucoup de commentaires commencent avec : Les anglophones, les non-francophones n'aiment
pas cette loi. Ce n'est pas vrai. J'ai déjà fait, dans les six semaines
passées, 29 interviews et débats sur les ondes francophones. Plusieurs… des
fois, les réalisateurs me disent que je suis
le seul non-francophone qui est prêt d'aller. Les préoccupations avec cette
partie de la loi préoccupent les francophones, les anglophones, les
allophones et tous les Québécois.
Pour début, juste pour
commencer et au début, quand un «act» d'un gouvernement dit juste dans le
premier chapitre, la révision de l'ancienne section 1.2, que le ministre
responsable pour la langue peut... donne l'autorité à n'importe qui, et cet agent… cette personne sera un agent du
gouvernement avec tout le pouvoir d'un enquêteur d'une commission d'enquête, c'est incroyable. Il nous
souvient qu'en 2002, quand le «Premier» Landry était... il y avait une
question posée à lui par un journaliste concernant les enquêtes publiques, et
M. Landry a dit : Une enquête publique sera
toujours une inquisition publique. Ce n'est pas acceptable dans une société
démocratique, parce qu'on a besoin des processus de droit. Ce n'est pas
de dire que tout le monde sont des anges, mais c'est plus important de trouver
neuf personnes innocentes par processus de droit que de condamner même une et
casser le processus de droit.
Nous tenons de la
révision de la section 50.2, qui dit que ça met... la présomption d'innocence
est changée. C'est-à-dire quoi? Dans chaque
juridiction occidentale, s'il y a une «prosecution», la responsabilité pour la
preuve, c'est sur la «prosecution». Si je prends quelqu'un en cour, si
je poursuis quelqu'un en cour, c'est ma responsabilité de donner la preuve. La révision de la section 50.2 dit que,
si quelqu'un, un ouvrier ou un inspecteur, veut prendre un employeur devant un tribunal parce que quelqu'un a écouté des
mots d'anglais ou quelque chose n'est pas en accord avec la loi, la
preuve doit être faite par l'employeur. C'est la première juridiction, je vous
assure, après six semaines de recherche, Québec sera la première juridiction
dans le monde occidental qui renverse la présomption d'innocence.
Tournons
à la révision de la section... l'ancienne section 166, la nouvelle section...
dans l'article 50 de la loi, que le bureau de l'Office de la langue peut donner une
désignation à n'importe qui, n'importe quelle personne, en généralité ou
en spécificité, de faire n'importe quelle
enquête et inspection. Bien, c'est des pouvoirs assez grands. Ça n'est jamais
écouté dans une démocratie de donner à
quelqu'un le mandat d'un État de rentrer chez quelqu'un et demander n'importe
quoi. L'article 51 du projet de loi, qui fait la révision de la section 174 de
l'ancienne loi, qu'une personne avec l'autorité comme agent pour l'État… et c'est exactement, par hasard, la phrase dans
le projet de loi qu'une personne avec ce pouvoir est un agent de l'État, agent du gouvernement avait le droit, à un temps
raisonnable, de rentrer dans votre place decommerce sans aucun avis à vous, aucune mention de faire des appels,
trouver un temps confortable pour le commerçant et l'agent. Non. Le pouvoir se complète. Et ce n'est
pas suffisamment par hasard si quelqu'un de vous pensez que, comme nous
disons en anglais, «we'll work it out». C'est ici la place de «work it out», de
faire les paramètres.
La
révision de la section 175, encore, dans l'article 51, comme partie de l'inspection :
cette personne, cet agent peut examiner, vérifier, mesurer, demander la
production de tous les livres d'un commerce, de tous les livres, même des
livres commerciaux, de commerce, et naturellement de faire les saisies quand...
n'importe quoi que ce soit.
Article 52 du projet
de loi, qui fait une réforme de l'ancienne section 177 de la charte. Si le
bureau est de l'opinion... Les mots ici sont
franchement remarquables. Juste patientez avec moi, parce que ça m'étonne comme
une personne qui a consacré 25 ans de sa vie
à la liberté civile. Si le bureau est d'opinion que cet «act» ou une
«regulation» de cet «act» est à suffire une contravention, n'importe qui peut
faire une référence directement, directement au directeur des «prosecutions» criminelles et pénales sans
aucun avis au commerçant. Mais c'est primordial depuis Magna Carta,
depuis Montesquieu et L'esprit des lois, depuis la Révolution française,
une personne dans une société libre avec deux droits fondamentaux : le
droit d'être face à face avec la personne qui fait une accusation et le droit d'un
avis de cette accusation.
Juste la semaine
passée... — la semaine passée! — l'automne passé, j'ai
travaillé avec Jean St-Gelais, il était directeur
général de Revenu Québec. C'était écrit dans Le Journal de Montréal, La Presse,
pour faire cinq réformes des procédures de Revenu Québec, une des
procédures que M. St-Gelais lui-même a changée dans la «regulation», c'est d'arrêter le pouvoir des agents de Revenu Québec
de rentrer dans vos lieux, prendre qu'est-ce qu'ils veulent et faire des
«prosecutions» sans avis, par simple affidavit en face d'un greffier de la Cour
supérieure. Ce n'est simplement pas la façon qu'une société démocratique
fonctionne.
Finalement,
finalement, je sais que c'est dans le premier article de la loi, du projet de
loi, le remplacement du terme «minorités
ethniques» par «communautés culturelles». Pourquoi c'est important? Pas parce
que les communautés culturelles ou les minorités ethniques pensent qu'il sera
un événement horrible à Québec. C'est important pour deux raisons.
Premièrement, pour le respect pour Québec sur le stage global. Imaginez-vous
des investisseurs européens, n'importe d'où, et le gars du gouvernement du Québec, il dit : Vous
savez quoi, en 1992, le gouvernement du Québec, le gouvernement de M. Bourassa, par écrit… Parce que
notre constitution, au Canada, demande qu'avant qu'un gouvernement
fédéral signe un accord international qui touche les questions provinciales la
province doit donner accord. Imaginez les
étrangers qui pensent : O.K., maintenant, il veut tirer Québec de cette
«covenant» des Nations unies simplement parce que c'est le Parti québécois, pas le Parti libéral. Qu'est-ce que le
Québec peut faire en cinq ans sur les accords commerciaux? Pourquoi je
dois investir à Québec? Cet article est important, pas seulement parce que ça
protège les francophones hors du Québec, les
autres minorités en Québec et parce que, par hasard, le terme «minorités
ethniques» est dans la charte québécoise des droits et libertés, qui est
beaucoup plus complète que la charte canadienne parce que ça implique les
droits individuels. Mais les étrangers vont dire : Est-ce que nous pouvons
croire dans les mots du gouvernement du Québec,
pas le gouvernement du Parti québécois ou le gouvernement libéral, mais du
gouvernement? Le principe, en droit international, de continuité des
accords internationaux, c'est fondamental pour le progrès d'un État.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. Wajsman. M. Yufe, je pense que vous vouliez prendre la parole.
• (15 h 30) •
M. Yufe (Richard) : Oui, merci. Je vais répondre aux
deux... je crois que c'est la troisième, c'était l'administration... le fardeau
administratif qui est posé sur les commerçants et les entreprises.
Premièrement, pour commencer, je veux poser une question hypothétique,
et c'est plus simple, premièrement, de poser en anglais, d'exprimer : Why
would anyone come to Québec? Why
would a business, why would an investor come here? And it's a question we shall be asking ourselves. Et, en français, je vais formuler, c'est :
Quelle raison et quel bénéfice avons-nous afin de convaincre les gens et
les compagnies de venir s'installer au
Québec? Je parle des médecins, des entrepreneurs et des investisseurs. Et
pourquoi?
Et
nous avons un fardeau administratif, avant le projet de loi n° 14,
qui est incroyable. Et, si quelqu'un veut
venir à moi comme homme d'affaires ou comme avocat et demander comment ouvrir
un commerce ici, au Québec, on ne commence
pas seulement avec un comptable, mais on a besoin d'un médecin, d'un
psychologue, we need a psychiatrist and a psychologist because it's so
much easier and it's so much higher to operate somewhere else.
Et,
maintenant, nous sommes perdus. Et, si on regarde, à Cornwall, présentement, il
y a un champion... there is a champion in parc industriel avec des compagnies
qui ont décidé de s'installer près de la frontière du Québec afin de
localiser leurs centres de distribution pour le Québec. Nous manquons des
affaires, des gens, de venir ici, we're loosing them.
Et,
si on regarde le fardeau administratif, sur ce que mon collègue M. Wajsman
a parlé, c'est un renversement du fardeau qui va venir avec le projet de
loi n° 14. Et, premièrement, c'est une garantie, ce n'est pas une
garantie virtuelle, mais c'est une
garantie réelle d'avoir un endroit, un environnement français de travailler. Et
le fardeau, c'est sur l'employeur. Et, si quelqu'un a entendu un mot, ou
a un client, ou quelqu'un qui vient dans un commerce qui parle dans une autre
langue que le français, c'est l'employé qui peut venir et rendre l'employeur
devant un tribunal administratif comme les Normes du travail.
Et,
si on regarde si c'est les petits commerçants, parce que les petites
entreprises, si on parle des entreprises de
25 personnes, pour la charte de la charte française, on a besoin à peu
près un employé à temps plein, you need one full-time
employee to do the administrative burden currently of the Charter of the French
language. Et, si c'est pour une entreprise de 50 employés, c'est deux
personnes, it's 2% of your payroll right there. If you look at a business of 25 or 26, it's approximately 4% of your payroll. So, I would like you to
imagine that this is a 4% payroll tax that's going to be employed on all
small businesses.
And, si on regarde maintenant les
exemples, ce n'est pas seulement les entreprises, mais c'est aussi les villes. La petite ville de
Sainte-Agathe-des-Monts a un inspecteur qui est venu dans l'hôtel de ville de
Sainte-Agathe-des-Monts remplacer 15 ordinateurs parce que les claviers
n'étaient pas formulés pour la langue française. La ville de Sainte-Agathe-des-Monts n'a pas l'argent pour gaspiller
pour changer les claviers. Les employés de l'hôtel de ville n'ont pas demandé, mais c'est l'inspecteur de l'Office
québécois de la langue française qui a demandé, et c'est la ville qui a
acheté avec l'argent des taxes foncières que
la ville a collecté, et c'est les taxes des gens ici de tout le Québec qui ont
payé pour un inspecteur de venir à l'hôtel
de ville de Sainte-Agathe-des-Monts. Et c'est seulement un exemple que je donne
comme ça; il y a en plusieurs.
Et encore je veux
retourner aux questions. Pourquoi s'installer ici, au Québec? Qu'est-ce que nous
offrons au monde? On sait qu'ici on commerce
en français, mais le monde avec la mondialisation commerce en anglais. Et,
pour moi, et j'espère que nous, c'est de
vivre ici, au Québec, en français mais bilingues, d'avoir la change de parler
avec le monde, de vendre nos services, nos biens à tout le monde et pas
seulement entre nous. Le commerce, ce n'est pas seulement ici entre nous au
Québec, c'est dans le monde. C'est la mondialisation, et on doit être sur le
plancher avec tout le monde et pas seulement l'Amérique du Nord. Maintenant...
M.
Libman (Robert) :
Moi, je vais répondre à l'autre volet de votre question qui touche la question
de l'approche. Et nous, nous posons la question : Quelle est la raison, quelle est
la nécessité maintenant, en 2013, d'aller de l'avant avec une telle législation? Selon nous, la loi 101 est
assez forte, elle a déjà réussi à accomplir l'objectif initial. Selon
plusieurs, comme vous le savez, dans la
communauté anglophone, ça va très, très loin, trop, trop loin. Mais, en fait,
la communauté anglophone aujourd'hui, pour la plupart, est bilingue,
surtout les jeunes. On travaille en français. Ceux qui restent au Québec réalisent… ou respectent la réalité
québécoise d'aujourd'hui, 2013. Ce n'est pas nécessaire, en 2013, d'aller
de l'avant avec une telle législation.
C'est ça qui nous inquiète. Il y a un message
très négatif autour de cette législation, qui commence de mobiliser les purs et
durs des deux côtés. Ce n'est pas avec les grands objectifs, les grands défis
qui font face à la société québécoise. Comme j'ai mentionné dans mes remarques, le Parti
libéral a dévoilé le Plan Nord, la CAQ a dévoilé le projet Saint-Laurent,
et ce sont les objectifs, les visions dont
nous devrons faire face, sur lesquels on devrait travailler ensemble pour
réaliser. Pour créer une loi maintenant qui
déstabilise, qui crée des débats dans les rues, qui crée des chicanes, je
pense, n'aide aucunement ni l'avenir du Québec ni même l'avenir de la
langue française au Québec.
La ministre faisait référence, tout à l'heure,
à la notion de bilinguisme. Le message que nous recevons est que même le bilinguisme n'est pas acceptable au Québec,
surtout à Montréal. En fait, restreindre l'accès au cégep en anglais pour les francophones, pour nous, c'est un
message qui va à l'encontre de l'importance de la valeur du bilinguisme au Québec. Alors, c'est ça, le message qu'il y a
tout autour de cette loi, pas nécessairement des articles spécifiques
dans la loi qui agacent, qui brassent la cage, c'est le message qui est envoyé
par la loi, là, l'atmosphère créée, cette notion de provoquer la chicane entre les groupes linguistiques, avec les
communautés culturelles. C'est pour ça que nous croyons, nous espérons que la loi devrait être rejetée. La
majorité des sièges à l'Assemblée nationale sont occupés par les membres
de l'opposition, alors on espère qu'ils vont
réaliser qu'en 2013 cette loi n'est pas nécessaire. Ce n'est pas dans le
meilleur intérêt de la société québécoise. Il faut la mettre à côté pour
travailler sur d'autre chose.
Si le gouvernement voulait instaurer des
programmes positifs, des incitatifs pour améliorer le sort du français au Québec, pour encourager les gens d'apprendre le
français, il n'y aurait aucune objection par personne, surtout par la
communauté anglophone. Comme j'ai mentionné, on peut rendre disponibles les
cours en français gratuits pour les anglophones
et les membres des communautés ethniques. Le plus de programmes que nous
pouvons faire, améliorer la culture québécoise, financer certains programmes,
lutter contre le décrochage scolaire, il y a tellement de choses que nous
pouvons faire qui ne vont pas être perçues comme un message ou un projet
divisif comme nous avons devant nous avec la loi n° 14.
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. Libman. Est-ce que j'ai le
consentement pour permettre au député de D'Arcy-McGee
d'intervenir?
Des
voix : …
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Vous avez la parole, M. le député.
M.
Bergman : Merci, Mme la Présidente.
M. Libman, Me Yufe, Me Wajsman, bienvenue, merci pour votre présentation, c'était très intéressant. Me
Wajsman, vous avez quelques chapeaux que vous portez, et un de vos
chapeaux certainement comme juriste et
éditeur du journal The Suburban, qui est bien lu à travers la province,
et vos éditoriaux sont toujours très, très intéressants, très
informatifs.
M. Wajsman (Beryl) : ...je suis l'éditeur du Métropolitain,
le premier journal bilingue depuis Cité libre à Québec.
M. Bergman : Merci. Alors, dans votre
présentation, le résumé, le deuxième paragraphe, vous faites référence que le projet
de loi n° 14 donnera au gouvernement le droit de retirer le statut
bilingue de quelques municipalités. Je sais que vous êtes proches aux citoyens
des deux communautés linguistiques dans les villes qui sont servies par votre
journal. Et parlez-nous de l'expérience, à date, dans ces municipalités
bilingues, pour les citoyens des deux communautés linguistiques, et les conséquences de retirer ce statut bilingue de ces
municipalités, et si vraiment il y aurait un bénéfice pour la langue française en retirant ce statut bilingue
que détiennent certaines municipalités. Et après, s'il y a le temps,
vous avez aussi écrit et vous avez fait référence aujourd'hui… le remplacement
de la définition de «minorités ethniques» par «communautés culturelles». Mais j'aimerais
vraiment vous entendre sur la question des municipalités bilingues.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Merci, M. le député. M. Wajsman.
•
(15 h 40) •
M. Wajsman (Beryl) : Je voudrais répondre à la question
avec un autre chapeau, pas comme le rédacteur en
chef de Group Suburban, parce qu'il y a une
question plus importante que quoi est la réaction des gens dans les banlieues.
Dans ma communauté des activités sociales,
les gens avec qui je fais les batailles de construire 140 cuisines
communautaires dans Montréal, dans l'est de Montréal, vous savez qu'est-ce que
c'est, leur préoccupation avec cette question? C'est de se souvenir les débuts,
les origines du Parti québécois.
En 1970, c'était un principe fondationnel du
Parti québécois, une chose que M. Lévesque a battue fortement, de faire le respect
pour la démocratie locale. Les 89 villes et municipalités qui veulent maintenir
le statut bilingue ne font pas ça
pour les raisons politiques, parce que la grande majorité sont francophones,
ils font ça simplement d'être un bon voisin, juste d'être un bon voisin. Est-ce que ça, c'est assez dur, à Québec,
aujourd'hui, d'être un bon voisin, 89 municipalités de 3 000,
4 000, 5 000?
Mais,
si un gouvernement ne respecte pas, un parti ne respecte pas un principe
important, pas seulement important pour le Parti québécois, mais pour le Parti libéral,
pour la population du Québec de respecter la démocratie locale... Même à l'Hôtel
de Ville de Montréal, M. Rotrand et tous les autres conseillers parlent de
démocratie locale. Comment un gouvernement peut dire non aux autres
municipalités? Ça, c'est assez important encore pour revenir à la question de
notre respect pour le processus de droit, que les réactions des gens, des
citoyens de ces banlieues.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Merci. M. Libman.
M. Libman (Robert) : Oui. Ce n'est pas un vase
communicant. Il faut, au Québec, que chaque municipalité soit capable de livrer
les services en français, c'est certain, il n'y a personne qui s'objecte à ça,
mais sans être limitée à fournir des
services, des communications dans les autres langues si les populations le
méritent. Et c'est ça, une formule gagnante, il faut s'assurer que
chaque citoyen de n'importe quelle municipalité pourrait être servi en
français, mais sans limiter la capacité de
donner des services dans les autres langues. Pour nous, c'est assez clair,
assez facile. Pourquoi retirer un statut bilingue à une certaine
municipalité si au moins cette municipalité est capable de fournir des services
en français aux francophones dans leur municipalité?
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci beaucoup. Nous allons
maintenant du côté du deuxième groupe d'opposition.
Mme la députée de Montarville, vous avez la parole pour un temps de
5 min 33 s.
Mme Roy (Montarville) : Merci beaucoup, Mme la Présidente.
Merci, messieurs, merci pour votre mémoire. Je
veux que vous sachiez d'entrée de jeu que
nous prenons ce travail, à la Coalition avenir Québec, très au sérieux, et
nous étudions, nous lisons et nous écoutons surtout les témoignages qui nous
sont livrés par ces mémoires. Et ce que nous ferons... Nous voulons
naturellement promouvoir la langue française tout en protégeant le droit de
notre minorité anglophone au Québec. Pour
nous, c'est très important, je veux que vous le sachiez. Je veux que vous
sachiez également qu'il y a des
irritants actuellement dans le projet de loi n° 14 pour nous tel qu'il est
là, des irritants qui enlèvent des droits justement à notre minorité
anglophone, et nous voulons justement faire en sorte qu'il y ait des
amendements ou des reculs — appelez ça comme
vous voudrez — sur ces
questions-là. Ça, c'est très important que vous le sachiez.
Outre cela, comme je vous dis, le travail est
très important, et je suis ravie que vous soyez là et que vous soyez des juristes, parce que vous êtes parmi les premiers
juristes que nous entendons, et je sais qu'il y en aura d'autres.
Des
voix : ...
Mme
Roy (Montarville) : Il y a des
juristes dans la salle, il y en aura d'autres aussi. Vous êtes des juristes. Et
ce qui est...
M.
Wajsman (Beryl) : ...de Luc d'être un
juriste, ce n'est pas une bonne chose, mais en tout cas...
Mme
Roy (Montarville) : Mais, lorsqu'on
discute d'un projet de loi, il est intéressant, outre d'entendre des groupements d'intérêts qui ont des opinions plus
morales que juridiques... C'est ce qui m'intéresse particulièrement dans
votre mémoire. Et nous voulons bien
comprendre quels seront les impacts du projet de loi n° 14 sur votre
communauté. Et voici ma question, et je vous
l'adresse : Juridiquement parlant, dans ce projet de loi n° 14, qu'est-ce
qui vous irrite le plus?
M.
Wajsman (Beryl) : Une petite
correction.
Mme
Roy (Montarville) : Allez-y.
M. Wajsman (Beryl) : Bon. Ce n'est pas à notre communauté.
J'ai commencé mes commentaires par dire que je
suis un Québécois. Je viens ici de Paris. Je
n'ai pas de la chance d'aller dans école francophone, française parce
que... Même que 40 % de notre famille
est catholique. Mes deux parents étaient Juifs. À l'époque, c'était un système
confessionnel. Je comprends quand mes amis
indépendantistes disent : Nous devrons protéger la langue française parce
que nous avons une histoire de
préjudice, parce que j'ai passé mon premier six mois dans une école protestante
où les autres jeunes, Juifs comme moi, me frappent, parce que ce petit
Juif parlait français, les autres parlaient anglais. Je comprends l'émotion.
Mais un gouvernement a une plus importante responsabilité.
Le préambule, à la commission Gendron, en
1968, le premier rapport sur la langue dit le suivant : Même s'il n'y a pas un danger ni
une menace à la langue et culture française. L'admission était là. Parce qu'il
y a une perception : Nous devrons faire quelque chose pour la
population. Ça, ce n'est pas le devoir d'un gouvernement. Ça, c'est le devoir peut-être d'un parti pendant une élection. Mais
nous ne pouvons pas compromiser les droits fondamentaux des citoyens.
Nous avons...
La
loi 101 a accompli les buts, le monde est à… Il n'y a pas une question… Ce n'est
pas contre la protection et promouvoir la langue et culture française, mais qu'est-ce
que fait la société distincte à Québec. C'est, si vous tirez notre respect pour
les droits fondamentaux, notre respect pour le processus de droit, notre
respect pour un patrimoine progressiste non… c'est ce qui fait la société
distincte, pas la langue, mais notre principe.
M.
Yufe (Richard) : Je veux ajouter. Mes
racines ici, c'est du Québec. Même si c'est plus facile pour moi d'exprimer en anglais, je crois que je suis
bilingue. Mais le projet de loi n° 14, ce n'est pas les droits d'une
communauté, ou des communautés, ou des
anglophones, c'est les droits et les libertés des Québécois, des résidents du
Québec, et ça touche aussi des cégeps qui sont… aussi exprimés dans la
langue anglaise, et ça donne une priorité d'accès des cégeps pour les étudiants qui sont d'héritage anglophone ou un
héritage qui n'est pas francophone. Et c'est dommage pour des familles,
pour les étudiants et pour tout le Québec de ne donne pas une éducation
bilingue, de ne donne pas une éducation bilingue
au niveau des cégeps. C'est maintenant des adultes, au niveau du cégep, et de
dire que c'est seulement une priorité pour
les gens qui viennent d'un héritage non francophone… Et on ne peut pas
habiller... we cannot live... on ne peut pas rester, ce n'est pas
correct. It's a mistake, et on ne peut pas continuer sur ce chemin. We can't
make this mistake. Ce n'est pas correct pour tout le Québec.
Et, l'autre chose, c'est
le changement — je crois que M. Bergman a parlé de ça — le changement des mots,
de «ethnic minorities» et le remplacement avec «cultural communities». Ça, c'est
une grande chose, vraiment, et c'est une chose que des gens qui ne sont pas des
juristes, qui n'ont pas une étude ou... qui n'est pas allé à une faculté de droit ici, au Québec, ne comprend pas directement,
mais c'est une méthode d'éviter la protection des libertés fondamentales
dans les législations internationales.
Et
j'ai déjà entendu des gens ici, sur la commission, qui ont dit que c'est
seulement un changement de mots, it's only a changing of words, that it's
merely semantics. Et je veux poser la question : Si c'est seulement un
changement de mots, si c'est seulement sémantique, pourquoi on va faire un
changement comme ça? Why are we doing this change? Why are you proposing such a
change? If it is a change of merely semantics, then why not just leave
it that way? And if, please, somebody on the
commission who would be in favour of such a change or someone who
believes vraiment que c'est seulement de la sémantique, expliquez à moi, s'il
vous plaît, please, if you can.
La Présidente (Mme Richard,
Duplessis) :
Merci beaucoup, messieurs. Malheureusement, c'est tout le temps dont nous disposions.
Je
demande à M. Dominique Beaulieu de prendre place.
Et
nous allons suspendre les travaux quelques minutes.
(Suspension
de la séance à 15 h 49)
(Reprise
à 15 h 53)
La Présidente (Mme Vien) : Alors, mesdames messieurs les
parlementaires, nous allons reprendre nos
travaux.
Nous
recevons, cet après-midi, dans le cadre des auditions sur le projet de loi
n° 14, Loi modifiant la Charte de la
langue française, la Charte des droits et libertés de la personne et d'autres
dispositions législatives, nous recevons donc M. Dominique Beaulieu.
M. Beaulieu, bonjour, bienvenue à votre
Assemblée nationale. M. Beaulieu, vous avez donc du temps qui vous est consenti pour présenter les grandes lignes de
votre mémoire, après quoi vous pourrez... vous aurez le loisir de vous
entretenir avec les parlementaires. On vous écoute, cher monsieur.
M.
Dominique Beaulieu
M.
Beaulieu (Dominique) : Une dizaine de
minutes environ?
La
Présidente (Mme Vien) : Exactement.
M. Beaulieu (Dominique) : D'accord. Alors, on va y aller
rapidement. Alors, Mme la Présidente, Mmes, MM. les députés, merci de m'accorder ce temps
de parole. Je me présente rapidement, Dominique Beaulieu, étudiant au doctorat en génie électrique à l'Université Laval, plus
particulièrement en vision artificielle et en interaction humain-robot sur les chaînes de montage de véhicules. Je
milite dans les partis politiques et des groupes de défense de la langue
française en plus d'être le secrétaire général de mon association
facultaire. Ceci dit, ce mémoire est présenté à titre personnel.
Avant
de rentrer dans le vif du sujet, j'aimerais tout d'abord féliciter la première
ministre d'imposer à ses ministres le
français comme langue de communication avec leurs homologues fédéraux. Il était
plus que temps, ça fait des années que je le réclame. En 1995, ils nous
on dit : On vous aime, maintenant c'est le temps de le prouver. Il devrait
en être de même pour les députés. Tout
député ne devrait répondre aux journalistes qu'en français uniquement. Il
faut rappeler que les interprètes existent.
Le journaliste qui couvre un événement au Québec et qui ne parle pas français
n'est tout simplement pas qualifié pour le poste.
J'aimerais
féliciter le gouvernement de retirer ce privilège inadmissible accordé aux
militaires francophones d'envoyer leurs enfants à l'école anglaise. Ce n'est
pas le rôle de l'État de favoriser l'intégration de ses militaires à l'extérieur
de nos frontières. Le devoir patriotique d'un militaire est d'exiger d'avoir
des écoles françaises lorsque ceux-ci sont affectés à l'extérieur du Québec. En
passant, je suis ancien réserviste. Pour ceux qui disent : Ce ne sont que 700 enfants, si on fait le calcul, 700 enfants
sur les 11 ans du primaire et du secondaire, ça fait 1 400 sur 22 ans,
puis c'est cumulatif d'une génération à l'autre.
Alors, le nombre de personnes ayant droit à l'école anglaise sans que ce
soit justifié va augmenter de génération en génération.
Ma présentation doit comporter trois points :
premièrement, concernant le projet de loi n° 14; deuxième point, recommandations diverses; troisième point, la
langue française en recherche scientifique.
Le projet comporte plusieurs failles. Par
exemple, l'administration devrait inclure également les organismes créés par elle ou subventionnés par elle comme les OSBL.
On devrait partout remplacer «français, la langue normale et habituelle» par
«français, la seule langue normale et habituelle».
Par exemple, concernant les ordres
professionnels, j'ai déjà déposé une plainte contre l'Ordre des ingénieurs du Québec parce qu'ils
nous envoyaient des documents partiellement bilingues. Et ce que l'office m'a
répondu, c'est que l'obligation d'utiliser
la langue officielle n'exclut pas l'utilisation d'autres langues. Alors, il y a
une faille à ce niveau-là. Pourquoi
est-ce que l'Ordre des ingénieurs permet aux candidats de passer leurs examens
en anglais pour l'admission à leur
profession? Pourquoi est-ce que l'AMF vend des livres de préparation à ses
examens en anglais? Quelqu'un qui n'est pas fonctionnel en français
devrait suivre des cours de français avant de suivre des cours sur les
assurances.
Concernant l'Agence métropolitaine de transport, pour un
poste d'inspecteur, on exige l'anglais. J'ai
demandé pourquoi. On m'a rappelé pour me
dire que c'est parce qu'il y a une partie de la clientèle qui est anglophone.
Bizarre, c'est un ancien péquiste qui est
maintenant président de l'AMT. En passant, les transports publics sont en
situation de monopole, ils n'ont donc pas à pratiquer un tel
clientélisme.
Le
projet de loi devrait inclure également des éléments comme : promouvoir le
français comme grande langue diplomatique
internationale, grande langue scientifique internationale et promouvoir le
français comme langue des affaires également.
Certaines
personnes, concernant les municipalités à statut bilingue, proposent ainsi aux
municipalités le soin de demander à se faire retirer leur statut bilingue.
Quel maire et quel conseiller qui a besoin des votes des anglophones va faire cela? Dans cette histoire, le rôle du méchant
doit être joué par le gouvernement et non pas par le maire et lesconseillers. Dans le fond, le gouvernement, dans
cette histoire-là, il n'a rien à perdre. Le politicien municipal, lui, a
tout à perdre s'il devait porter le fardeau. Donc, c'est le gouvernement du
Québec qui doit gérer ça.
Une
connaissance du français doit être exigée pour chaque diplôme émis au Québec, y
compris bac, maîtrise et doctorat. Comme anecdote, il y a des personnes qui
obtiennent leur doctorat à l'Université Laval sans connaissance du français, même si le français était une condition
à l'admission. Alors, si on enlève le contrôle à l'entrée, il faudrait
mettre un contrôle à la sortie parce que ces gens-là diplôment, ne connaissent
pas le français, il va falloir qu'ils se trouvent de l'emploi, ils sont pris
pour s'expatrier, ils ne peuvent pas travailler ici parce qu'ils ne connaissent
pas le français.
Concernant
l'exigence d'une autre langue que le français pour un emploi, il ne faudrait
pas laisser ça à la seule discrétion des
employeurs parce que ça mène à des abus. Par exemple, on exigeait l'anglais
pour un poste de vendeur chez MicroBytes, à Saint-Hyacinthe, sous prétexte que
l'Hôtel des Seigneurs n'était pas bien loin puis que parfois un touriste était
de passage, son ordinateur tombait en panne.
Une piste de solution
serait de créer des listes d'emplois où on estime que le français n'est pas
nécessaire, par exemple commis de dépanneur, une liste d'emplois où une autre
langue que le français est nécessaire, par exemple réceptionniste à l'hôtel.
Puis quelqu'un qui voudrait une dérogation, bien, il faudrait qu'il y ait un
numéro délivré par l'Office de la langue
française pour lui dire : D'accord, on t'accorde la permission. Il y en a
qui vont trouver que c'est beaucoup
de paperasse, mais... C'est beaucoup de paperasse... Si c'est nécessaire, les
gens vont accepter de remplir la paperasse. Sinon, bien, ça va dissuader
de faire des abus.
Il
faudrait également simplifier le processus de plaintes concernant la langue de
travail. Par exemple, concernant des offres d'emploi à l'AMT, moi, je n'ai pas des
heures à dépenser pour aller en convocation devant l'AMT... devant le conseil des relations de travail face à l'AMT,
pour dire : L'anglais n'est pas justifié dans ce cas-là, surtout si je n'ai
pas l'intention de postuler pour le poste. Le changement a été fait au niveau
de la juridiction, c'est passé de l'Office de la langue française au conseil
des relations de travail. Je veux bien, mais, si je fais une plainte, c'est
pour dénoncer ce que je crois une situation
qui est illégale. Ça ne veut pas dire que j'ai le goût de postuler pour le
poste. Alors, il faudrait qu'un tiers puisse faire la plainte puis que l'office
fasse le reste.
J'aimerais féliciter le
gouvernement concernant l'admission pour les cégeps anglophones qui va être d'abord
réservée pour les anglophones eux-mêmes. Alors, c'est pour ça qu'ils ont été
créés. Je vais arrêter ça là. Rapidement, je vais y aller au niveau des
recommandations diverses en quelques secondes.
• (16 heures) •
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : ...je veux juste vous aviser que la ministre vous cède
du temps qu'a normalement le gouvernement,
donc vous pouvez prendre votre temps pour faire votre présentation.
M.
Beaulieu (Dominique) : D'accord. Merci, c'est apprécié. Alors, je vais quand même y aller
rapidement, j'ai hâte de pouvoir échanger.
On
entend souvent : On veut répondre sur demande en anglais par souci du
service à la clientèle. Ça, je ne peux pas passer à côté de ça. Que répondrait le
dentiste si vous lui demandiez, afin d'avoir un service de qualité, de vous
faire une coupe de cheveux après avoir fait
votre plombage? Il vous rirait en pleine face en vous répondant qu'il est là
pour réparer les dents, pas pour couper les
cheveux. Le métier de dentiste consiste à réparer les dents; le métier du
coiffeur consiste à couper les cheveux.
Donc, le métier du préposé de la STM consiste à vendre des billets et à
informer la clientèle sur les horaires. La traduction de ces
informations en anglais est le travail d'un interprète, pas celui du préposé.
Le dentiste n'est pas plus coiffeur que le
préposé de la STM n'est professeur de langue ou traducteur. Comme dit le
proverbe, que chacun fasse son métier, et les vaches seront bien gardées.
Concernant
le français comme langue scientifique, on ne se contera pas de menteries qu'au niveau des deuxième,
troisième cycles il y a une pression à l'anglicisation, notamment à l'Université
Laval. On ne peut pas en vouloir aux professeurs de recruter à l'étranger.
Ceci dit, lorsque quelqu'un arrive d'Iran ou de Chine puis qu'il débarque, j'ai l'impression qu'au niveau de la francisation
il n'y a pas beaucoup de support. Il va recevoir une bourse pour faire
sa recherche, mais, s'il décidait d'aller
apprendre le français en utilisant cette bourse-là, ça ne marche pas parce que,
si c'est une bourse de recherche, ça ne peut pas être utilisé pour autre
chose.
Ce
qu'il faudrait faire, il faudrait que le gouvernement accorde des bourses
également de francisation pour les étudiants étrangers. Par exemple, la bourse
Mombusho, du gouvernement japonais, pour faire une maîtrise, par
exemple, au Japon : sur deux ans, il y
a six mois qui est prévu pour l'immersion en langue japonaise durant les six
premiers mois de la bourse, puis ensuite les 18 mois qu'il reste sont
prévus pour faire la maîtrise.
Évidemment, j'ai l'impression
qu'au niveau des politiques linguistiques… j'ai l'impression que, même si les
universités ont adopté des politiques, elles ne sont pas tellement appliquées.
Les gens ignorent qu'elles existent, ou il y
a des moyens de contourner. Par exemple, un chercheur va se créer un site Web
personnel, mais ça va être pour présenter son laboratoire, puis le site Web va être
uniquement en anglais. Ou les universités vont se mettre ensemble et vont
faire des consortiums, puis des cahiers de
recherche vont être faits en anglais, même lorsque les auteurs sont
francophones. Alors, je me demande si les
politiques linguistiques sont étendues à ces consortiums puis à ces
laboratoires conjoints. Si la réponse
est non, bien il faudrait veiller à ce que les politiques linguistiques des
universités s'étendent aussi aux consortiums.
Il
y a d'autres cas qui peuvent se produire. Par exemple, bon, l'Université du
Québec à Chicoutimi : «Scholarship
available for graduate students. The
working language is English or French.» Alors, ça lance un beau message. «Recrutement d'un stagiaire
postdoctoral en relation avec quatre étudiants gradués et trois professeurs.
Être capable de s'exprimer en français ou en
anglais.» Un ou l'autre. Bon, lequel qui va sauter, d'après vous? Ah! «Master
student recruitment. All candidates must be able
to speak English or French.» Alors, la personne qui ne parle pas français puis qui n'a pas de francisation en arrivant, est-ce qu'elle
va imposer l'anglais à ses collègues?
Ceux
qui ont lu mon mémoire vont peut-être penser que c'est un petit peu extrême, ce
que je propose. Voyons ce qui se fait
ailleurs. En Flandre... Alors, ceux qui veulent les références, elles sont
disponibles sur demande, j'ai ma clé USB.
Dans les communes flamandes, un fonctionnaire, par exemple, est obligé d'utiliser
le flamand, il n'est pas supposé de
répondre dans une autre langue que le flamand. Puis c'est clairement écrit à l'entrée
que la personne qui ne parle pas le flamand doit se faire accompagner d'un
interprète. Puis même le Québec est cité en exemple, là. En Lettonie : De son côté, la constitution lettone déclare que la
langue de travail des autorités locales est la langue lettone. Donc, pas
de municipalités bilingues letton-russe.
Est-ce
que j'avais autre chose concernant la langue scientifique? Concernant les
publications scientifiques, par exemple, la
politique de l'Université Laval précise qu'à diffusion égale les chercheurs
doivent privilégier les canaux francophones.
Or, ce qu'on voit, c'est que, dans les revues canadiennes bilingues, par
exemple, plusieurs chercheurs vont écrire
leurs articles en anglais, même si les articles en français sont acceptés.
Bref, il y a beaucoup de lacunes de ce côté-là. Je vais arrêter là parce
que j'ai hâte de pouvoir répondre à vos questions puis d'échanger avec vous.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. Beaulieu. Nous allons débuter les échanges et
nous allons du
côté du gouvernement. Mme la ministre. Non? Je m'excuse. Je reconnais
maintenant le député de Saint-Hyacinthe. M. le député, vous avez la
parole.
M. Pelletier
(Saint-Hyacinthe) : Alors, merci.
Merci, Mme la Présidente. Alors, je souhaite la bienvenue à M. Beaulieu.
M. Beaulieu
(Dominique) : ...Dominique si ça vous
tente de…
M.
Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Dominique. M. Beaulieu, vous êtes un résident de la
région de la Montérégie, pas loin de Saint-Hyacinthe. Je sais que vous avez
été actif dans la région. Vous étudiez maintenant à l'Université Laval, un doctorat. Je sais que vous
avez voyagé pas mal dans le monde. Vous avez fait pas mal d'études un peu partout dans le monde. Il est bien entendu que
je vous félicite, premièrement, d'avoir pris le temps d'écrire un
mémoire pour présenter ici, aujourd'hui,
concernant la loi n° 14, parce que c'est important, je pense, que toutes
les avenues ou toutes les positions puissent être connues par les
législateurs pour justement en tenir compte lors de l'élaboration ou l'étude article par article du projet de loi. C'est quand
même intéressant de voir votre cheminement à vous, comme étudiant. Vous
êtes encore étudiant, mais vous avez
cheminé. Vous avez voyagé, donc vous êtes en mesure de pouvoir peut-être porter
des jugements un peu partout sur ce que vous avez vécu.
Alors,
ma question va être assez simple là-dessus. Dans votre mémoire, vous faites
état des études, stages et autres activités qui vous ont amené à séjourner en
Allemagne, au Japon, au Mexique et peut-être ailleurs, je ne l'ai pas lu
mais... je ne l'ai pas tout lu. Dites-moi,
comment vous êtes-vous débrouillé d'un point de vue linguistique? Parlez-vous
les langues de ces différents pays ou
bien s'il a fallu que vous ayez des traducteurs là-bas puis qu'il a fallu qu'on
s'adapte à votre langue, à la langue
française dans ces pays-là, ou si c'est vous qui vous êtes adapté aux pays où
vous êtes allé? Alors, j'aimerais vous
entendre là-dessus puis comment on pourrait faire, ici, pour développer à peu
près le même réflexe, là, de société.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Merci, M. le
député. M. Beaulieu.
M.
Beaulieu (Dominique) : Merci pour la question. C'était différent à chaque endroit. Par
exemple, pour mon échange au Mexique, tout se faisait en espagnol, à partir de l'accueil
des étudiants à l'aéroport. Puis, si on parlait une autre langue que l'espagnol,
les moniteurs nous rappelaient qu'il fallait parler espagnol si on voulait l'améliorer.
J'avais suivi, au cégep, Espagnol
élémentaire I et II, puis ça a été suffisant pour faire l'échange. Bon, il faut
dire qu'en ingénierie le vocabulaire
n'est peut-être pas aussi élaboré qu'en droit ou en philosophie. Alors, au
Mexique, je faisais tout en espagnol.
Concernant
le stage au Japon, dans le programme de stage, il y avait quatre semaines d'immersion obligatoire en langue
et culture japonaise à Victoria avant de partir. Malheureusement, j'étais dans
un centre de recherche où c'était plein de «gaijins», donc d'autres
étrangers. Mon supérieur immédiat était Slovène. Donc, malheureusement, ma
langue de travail, plus souvent qu'autrement, c'était l'anglais, à mon grand
regret, parce qu'il y avait d'autres stagiaires qui étaient dans des
entreprises typiquement japonaises, puis moi, j'allais là pour apprendre
comment fonctionne une entreprise japonaise.
Moi, je m'en allais là pour m'intégrer puis m'immerser, je ne m'en allais pas
là pour reproduire le mode de vie
nord-américain au Japon. Alors, j'avais une petite déception de ce côté-là.
Ceci dit, dans la rue, c'était en japonais
uniquement, là. On ne parlait pas une autre langue que le japonais dans la rue,
là. Au chauffeur d'autobus pour acheter un billet ou à l'épicerie,
oubliez ça, là, ça parle juste japonais au Japon, là.
Concernant l'Allemagne, j'avais
pris un cours de trois crédits d'allemand avant de partir. Je savais d'avance que malheureusement,
encore une fois, la maîtrise que j'ai faite se donnait en anglais. Ceci dit, si
ça c'était donné en allemand, je ne
crois pas que ça aurait été un si gros problème parce qu'au niveau technique,
en langage scientifique, c'est à peu près les mêmes mots qui reviennent
tout le temps, là : calculer, démontrer, illustrer, produit vectoriel,
produit scalaire, volume, surface. Bon. Alors, quand on les connaît, ça
revient…
Ceci dit, lorsque j'ai fait mon séjour chez
Audi, c'est clair qu'avec les secrétaires je parlais en allemanduniquement. Mais, avec
les ingénieurs, dépendant à qui je parlais, c'était soit en français ou en
anglais parce que mon allemand
malheureusement n'était pas assez avancé. Mais les courriels que je recevais, c'était
en allemand seulement. Alors, je me débrouillais avec un dictionnaire ou
un traducteur automatique.
Ceci
dit, lorsque j'utilisais une autre langue que la langue locale, je prenais bien
soin de m'excuser de ne pas pouvoir parler
la langue locale, par respect pour l'endroit ou pour la population où j'étais.
Ceci dit, au Japon, je travaillais en anglais
puis en Allemagne, malheureusement, ça se passait en anglais, mais ce n'est pas
par choix. Moi, j'aurais préféré que ça se passe dans la langue locale
puis avec des mesures d'intégration.
•
(16 h 10) •
M.
Pelletier (Saint-Hyacinthe) :
Merci.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Merci, M. Beaulieu. M. le député de Bonaventure.
M. Roy : Merci, Mme la Présidente. Bonjour M.
Beaulieu, alias Dominique? Vous avez demandé qu'on vous appelle par votre prénom.
M.
Beaulieu (Dominique) : Ah bien, oui.
M. Roy : Écoutez, dans votre texte, vous dites
que... vous demandez qu'on établisse «une liste d'emplois où la connaissance d'une
autre langue que le français n'est pas nécessaire». C'est une liste qui
pourrait être très longue, hein? Y
aurait-il un moyen plus simple pour évaluer de façon rigoureuse les besoins
linguistiques réels associés à un emploi?
M. Beaulieu (Dominique) : La liste, elle est longue, ce n'est
pas grave, on fait une recherche par mots clés
dans Word puis on tombe dessus.
M.
Roy : ...informatique?
M.
Beaulieu (Dominique) : Pardon? Base
de données, programmes informatiques…
M.
Roy : Base de données Access, mais...
M. Beaulieu (Dominique) : Maintenant, ce n'est peut-être une
solution parfaite, mais, au minimum, il
faudrait se pencher puis y penser. C'est
clair, tu sais, c'est officiel qu'un balayeur n'a pas besoin de connaître l'anglais.
C'est clair qu'un préposé à l'hôtel,
il faut qu'il connaisse l'anglais puis d'autres langues. Il y a des cas qui
sont clairs. Dans les cas qui sont clairs, tu sais, faisons au moins des
listes pour ça. Puis les autres, on verra.
M.
Roy : Mais, dans votre texte, vous
nous dites : «Pour y déroger, l'offre d'emploi devra avoir un numéro d'autorisation
de l'OQLF.» C'est quand même une procédure bureaucratique, là. On est dans...
M.
Beaulieu (Dominique) : Ah! Bien,
alors, ils ont juste à ne pas la demander.
M.
Roy : C'est bon. Merci beaucoup.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Merci. Mme la ministre responsable de la Charte de la langue française, vous
avez la parole.
Mme De Courcy : M. Beaulieu, bonjour, merci d'avoir
posé le geste citoyen de vous inscrire à la
commission parlementaire. Si j'ai du respect bien grand pour les groupes qui
viennent, je vous dirais que je suis toujours un peu impressionnée que des
citoyens seuls décident de venir en commission parlementaire dans un salon qui
est quand même toujours intimidant. La présidente
qui prend la relève l'a dit à certains moments. Alors, je vous remercie,
donc, M. Beaulieu, d'avoir pris cette initiative.
J'ai
lu avec beaucoup d'attention ce que vous avez mis de l'avant. Un élément m'interpelle,
c'est autour des questions du milieu
universitaire. Et, à la lecture de votre mémoire... À ma connaissance, dans les
mémoires que nous avons reçus, c'est arrivé à une seule reprise et de
façon très mince, je dirais, qu'on nous a signalé l'importance de l'utilisation
d'autres langues dans les recherches ou dans les dépôts de mémoires ou... bon,
et qu'on n'avait comme pas la vigilance nécessaire pour dire : Bien, il
faudrait qu'il y ait... que les mémoires soient en français, etc. Alors, je soumettrai à l'attention du ministre de l'Enseignement
supérieur vos commentaires concernant le milieu universitaire. Encore
merci, M. Beaulieu.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Merci. Nous allons maintenant du côté de l'opposition officielle. M. le député de LaFontaine, vous avez la parole et vous avec
un temps qui vous est alloué de 13 min 20 s.
M. Tanguay : Oui. Merci beaucoup, Mme la
Présidente. Merci, M. Beaulieu, pour votre temps. Vous avez dit, M. Beaulieu, un
peu plus tôt, qu'il est clair, dans un cas… dans tous les cas, là, il est clair
de déterminer si un poste nécessite ou pas l'anglais. Pouvez-vous nous
dire à partir de quoi ou quelle est votre grille d'analyse qui vous permet, là,
assez rapidement, de déterminer que, dans un cas donné, là, effectivement, là,
ça nécessite l'anglais et ça ne le nécessite pas dans un autre?
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Oui, allez-y, M. Beaulieu.
M.
Beaulieu (Dominique) : Oui. Pour l'enregistrement,
je crois qu'il faut que vous nommiez mon nom?
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Quand vous vous êtes nommé quelques fois, par la suite, c'est plus facile pour les techniciens. C'est pour ça que j'essaie d'intervenir
le moins possible, pour permettre d'avoir plus d'échanges.
M.
Beaulieu (Dominique) : Alors, je me
base sur l'esprit de la Charte de la langue française qui dit que le français, c'est la langue normale d'usage
au Québec. Autrement dit, tout emploi où… qu'on fait affaire avec le public ne devrait pas exiger une autre
langue que la langue officielle, c'est au public à s'adapter. Par exemple, les fonctionnaires, ceux qui font du
service à la clientèle, par exemple. Ceux qui font affaire avec l'extérieur aussi. Dans
une entreprise, dans une usine, c'est clair que le V.P. Marketing, lui, il faut
qu'il parle d'autres langues que la
langue officielle s'il veut faire affaire avec l'étranger. Mais le
contremaître sur la chaîne de montage puis les
ouvriers sur la chaîne de montage, c'est évident qu'eux autres n'ont pas
besoin, puis, s'il y a un client étranger qui fait une visite, bien le V.P. Marketing, il fera la traduction.
Ceci dit, je ne veux pas dresser de grille,
là, je me suis simplement basé sur certaines balises en m'inspirant de la simple logique de
la Charte de la langue française puis également en observant qu'est-ce qui se
faisait ailleurs. Lorsque j'étais en Allemagne puis que j'achetais un
sandwich sur la rue, la personne parlait allemand seulement ou parlait turc si elle était d'origine turque, turc et
allemand. Je lui demandais : Est-ce que tu parles d'autres langues? Non,
turc puis allemand. Il ne parlait pas
anglais. Puis, au Japon, bien c'est clair, les fois que je me suis
essayé : (S'exprime dans une langue étrangère)? Non, ils ne
comprennent pas, les gens parlent juste japonais. Donc, je me suis inspiré
aussi... j'ai observé qu'est-ce qui se
faisait ailleurs dans le cadre de mes voyages puis qu'est-ce que la charte dit,
tout simplement, là. Il n'y a pas grille, là.
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. Beaulieu. Nous allons
maintenant du côté du deuxième groupe d'opposition.
Mme la députée de Montarville, vous avez la parole.
Mme Roy (Montarville) : Oui, merci beaucoup. Bonjour, M.
Beaulieu, merci, merci pour votre mémoire — oh, pardon — votre
mémoire qui est fort original, je dois le dire. C'est la première fois qu'on a
cette perspective. Et, pour le bénéfice de tout le monde ici, peut-être, j'aimerais
que vous élaboriez sur un des éléments de votre mémoire dont vous n'avez
pas fait mention. Je vais lire la petite citation. On parle ici de relations
internationales et avec l'étranger, et l'aide
internationale également, vous écrivez : «En tout temps, les relations
internationales et l'aide internationale doivent tenir compte de l'enjeu linguistique. Chaque dollar investi doit avoir
une répercussion positive sur cet enjeu. Si un dollar investi n'a pas d'impact
positif, il est gaspillé. Prioriser les vrais — entre parenthèses — pays francophones pour les stages internationaux et
les programmes de coopération internationale.» Pouvez-vous élaborer un
petit peu sur ce que vous voulez expliquer ici, ce que vous voulez dire?
M. Beaulieu (Dominique) : Oui. Alors, au niveau des besoins
dans l'aide internationale au développement
dans le monde, la misère humaine est immense puis les ressources sont limitées.
Alors, le Québec ayant des moyens limités, bien
il faut cibler. Alors, c'est sûr que c'est noble, par exemple, d'aider un
village en Amérique latine, c'est aussi noble d'aider un village en Afrique francophone. Si on aide le village en
Afrique... en Amérique latine, bien on n'aide pas le village en Afrique francophone, puis le contraire
est aussi vrai. Alors, on a des choix à faire. Puis, comme on est
contraints de faire des choix, bien moi, je
dis qu'il faut prioriser nos pays frères, qui sont membres de la francophonie,
qui sont francophones, qui font partie de notre civilisation, puis ça va
être un renforcement mutuel.
Nous
avons intérêt à ce que les pays francophones se développent le plus possible
puis qu'ils deviennent une éventuelle puissance dans le courant siècle. Leur
rayonnement international va bénéficier à notre rayonnement parce qu'ils sont francophones. Puis, à l'heure
actuelle, bien je crois que le devoir sacré du Québec, c'est de servir de fer
de lance à la francophonie internationale
pour supporter les pays francophones puis les aider à se développer. Donc, nosénergies doivent être consacrées
prioritairement à la francophonie. Inutile de dire que ça va être beaucoup plus facile accomplir ce rôle et mener cette
mission à bien si nous étions un pays complètement indépendant,
disposant de tous nos outils.
Mme
Roy (Montarville) : Merci beaucoup,
M. Beaulieu.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Merci beaucoup, M. Beaulieu. Et je demanderais maintenant à M. Senécal ainsi qu'aux
personnes qui l'accompagnent de prendre place.
Nous allons suspendre
nos travaux quelques minutes. Merci.
(Suspension de la séance à
16 h 19)
(Reprise à 16 h 21)
La Présidente (Mme Richard,
Duplessis) : Bonjour, messieurs. Nous
reprenons nos travaux.
M. Senécal, je vous
demande d'identifier les personnes qui vous accompagnent. Vous allez disposer d'un
temps de 10 minutes pour faire votre présentation. Suivra par la suite une
période d'échange avec les membres de la commission. La parole est à vous.
MM.
Michel Senécal, Paul-André Thibert et
Michel Pinard, et Mme Marie-Claire Nivolon
M. Senécal
(Michel) : Merci, Mme la Présidente.
Je tiens à remercier la présidente, la ministre et tous les parlementaires de bien vouloir nous accueillir. Je
vous présente M. Michel Pinard, qui a eu des relations avec la mairie de
Châteauguay concernant nos problèmes qu'on a
exposés dans notre mémoire; et M. Paul-André Thibert, à ma droite, qui a déposé une plainte à l'Office de la langue
française il y a quelques années pour faire respecter la loi 101 à
Châteauguay; et Mme Marie-Claire Nivolon, qui a collaboré à la rédaction de ce
mémoire.
Je
vais vous rassurer tout de suite en vous disant que je n'ai pas l'intention d'en
faire une lecture extenso mais en traiter les
points principaux. Je tiens, premièrement, à saluer les bonnes intentions de
mettre à jour la loi 101, de l'améliorer.
Cependant, on déplore certaines lacunes qui nuisent à son efficacité, notamment
au niveau de la clarté puis de la
simplicité pour son énoncé puis son application. Il y a même des éléments du
projet qu'on trouve inutilement complexes et qui peuvent être
interprétés à l'encontre même de l'esprit de la loi. Puis le mécanisme d'application,
soit existant soit celui proposé, peut même rendre la loi inopérante.
C'est
sûr qu'étant donné le contexte politique la couverture de la sphère
linguistique ne peut être que partielle, mais
il y a quand même des domaines qui pourraient être couverts qui ne le sont pas.
Mais, au point de départ de notre réflexion,
c'était le fait que la ville de Châteauguay, quoique n'étant pas énumérée à l'article
29.1, se comporte comme si elle était une ville bilingue. Et puis on est
un groupe de citoyens de Châteauguay qui était à l'origine du dépôt de la
pétition déposée par le député Dave Turcotte, demandant le respect de la loi
101. J'aimerais passer la parole...
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Poursuivez. Des fois, nous avons quelques petites
discussions, de ce côté-ci, pour le bon
déroulement des travaux, mais vous pouvez continuer.
M. Senécal
(Michel) : J'aimerais passer la
parole à M. Paul-André Thibert, qui a eu la plainte initiale à l'Office de la
langue française et puis qui va pouvoir élaborer un petit peu puis vous
renseigner sur le procédé.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Allez-y, M.
Thibert.
M.
Thibert (Paul-André) : Bonjour. Merci. J'ai déposé ma plainte le 29 novembre 2010 à l'Office québécois de la langue française suite à une conversation
avec un des dirigeants de la municipalité à qui je demandais pourquoi ou
comment se faisait-il que la ville émettait ou publiait tous les avis publics
systématiquement dans les deux langues, à Châteauguay.
Alors, le directeur en question m'a répondu qu'il n'avait jamais eu aucune
plainte de l'Office québécois de la
langue française et que, ce faisant, ils n'avaient pas l'intention de changer
quoi que ce soit à leur politique de publication.
Il faut dire que la
ville de Châteauguay à l'époque avait une publication qui s'appelait l'Info
Public, qui leur permettait de publier
eux-mêmes leurs avis publics sans passer par le journal local qui était... ce
qui était très dispendieux. Alors,
par souci d'économie, la ville avait décidé de produire elle-même sa
publication. Et la publication a été en force depuis 1999, et je
commençais à trouver qu'il y avait pas mal d'anglais dans cette publication-là.
La publication était traduite mot à mot, miroir, ainsi que les avis publics,
les annonces, les articles, les relevés du conseil, tout, tout, tout était
traduit mur à mur.
Alors,
suite à cette anomalie-là, je me suis informé auprès de la ville. La ville... C'est
là que la ville m'a dit qu'ils n'avaient
jamais eu de plaintes, et c'est là que j'ai décidé de porter ma plainte. Il ne
s'est rien passé, entre novembre 2010 jusqu'à 2012, il ne s'est rien passé. L'Office
québécois de la langue française n'a pas agi. La ville a continué à publier ses avis publics jusqu'en 2011, où, un an
plus tard, la ville a décidé, là, d'arrêter la publication de l'Info
Public pour publier un autre magazine qui, lui, à ma grande satisfaction,
était beaucoup... était en français, sauf quelques... mettons, quelques pages ou quelques articles qui s'adressaient
directement à la communauté anglophone. Ces articles-là étaient en anglais. Mais ils avaient décidé de
sortir les avis publics de ce magazine-là pour les remettre dans le
journal, et la pratique des avis publics dans le journal a continué à être
bilingue.
Alors, moi, moi, comme citoyen, je n'ai pas
objection à ce que la ville s'adresse à la communauté anglophone pour
annoncer le jour de la Saint-Patrick ou pour annoncer un événement spécifique
au Club Citizens ou au Club 55+ et qu'on s'adresse à nos concitoyens en
anglais quand il le faut pour la bonne compréhension du message. Mais que la ville, par la voie de son
greffier, publie des annonces ou des avis publics dans les deux langues, c'est
là que le bât blesse. C'est là qu'on
dit à nos concitoyens : La ville de Châteauguay est une ville
officiellement bilingue. Parce que, quand la ville parle par la voix de son greffier, elle parle par sa voix
officielle. On s'entend bien? Alors, c'est là que le bât blesse. Et c'est ça que nous, ici, à la table, on veut voir
changer. On ne veut pas que notre ville ait un caractère bilingue
officiel.
La
ville de Châteauguay est constituée de plus de 80 % de francophones. Il y
a à peine 25 %... Excusez-moi, il n'y a pas 80 % de francophones, là,
mais il y a à peine 25 % d'anglophones à Châteauguay. Alors, la ville est
en grande majorité francophone. Et on ne comprend pas pourquoi la ville s'entête...
ou tient absolument à avoir ce statut bilingue sinon pour des raisons que la mairesse
ou que le conseil municipal lui-même connaît.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Oui, M. Senécal.
M. Senécal (Michel) : Oui. On voit ce que M. Thibert a
essayé de faire auprès de personnes de la mairie. Il y a aussi M. Pinard qui s'était présenté au conseil
municipal pour demander le respect de la loi. Je peux lui passer la parole
brièvement pour qu'il nous fasse part de ses démarches auprès de la
municipalité.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
M. Pinard.
M. Pinard (Michel) : Mme la Présidente. Essayons de faire
bref. Ça fait déjà plusieurs années qu'on s'intéresse
au fait que... bien, d'après nous, là, que... ou, d'après moi, que la ville de
Châteauguay opère d'une manière illégale vis-à-vis,
justement, le bilinguisme dans la ville. Je m'étais déjà adressé à l'ancienne
administration, et puis ce n'est pas allé très, très loin. Il y avait
carrément un refus de non-recevoir vis-à-vis, justement, ce bilinguisme-là
instauré, là, systématiquement à la ville.
La
nouvelle administration — je
connais assez la nouvelle mairesse et puis les conseillers, et tout ça — me semblait
beaucoup plus ouverte à vouloir corriger la chose. Ça fait que je me suis...
Poliment, gentiment, sans vouloir froisser
personne, on a tenté en douceur de faire changer les choses, et il ne semblait
pas y avoir de mouvement dans ce sens,
de vouloir corriger le tir. Comme M. Thibert le mentionnait, s'il n'y avait pas
plainte, on ne bougeait pas de peur de heurter les sentiments des uns ou
des autres.
C'est au moment où est-ce que je me suis
adressé au conseil municipal en public, leur demandant comment ils justifiaient leur position bilingue ou le statut
bilingue de Châteauguay, que les choses ont commencé à s'échauffer un peu dans la population. Encore, les contacts avec
le conseil de ville et la mairesse me laissaient sous-entendre qu'il n'y
avait pas grand-chose à faire. Et je m'inquiétais
parce qu'on avait entendu que l'Office de la langue française devait
accompagner les villes dans leur cheminement
vers l'obtention d'un statut qui les redéfinit par la loi. J'entendais le
groupe précédent mentionner qu'il ne voudrait pas enlever le statut
bilingue aux villes qui ont perdu leur majorité. Nous, on n'en est même pas là.
Nous, on agit comme une ville bilingue, alors qu'on n'a pas le statut bilingue
et on est loin d'avoir le pourcentage requis pour avoir le statut bilingue.
Pensant que l'office pouvait aider,
accompagner le conseil de ville à corriger la chose, j'ai su directement de la mairesse qu'au contraire il cherchait plutôt à essayer
d'accompagner... comment faire pour contourner la loi 101. La loi n° 14 ne vient pas aider la chose; en
tout cas, à nos yeux, ne semble pas. Certains prétendent que la loi n° 14
renforce le pouvoir, et tout ça, et, nous,
dans notre mémoire, comme on le souligne à plusieurs endroits, il semble y
avoir, encore une fois, une mollesse
dans les directives, dans les règlements, dans la loi comme telle, qui pouvait
ouvrir la porte encore une fois à des... à pouvoir éviter d'avoir à
respecter la loi. On ne respecte pas la loi 101, on ne voit pas comment la loi n° 14 pourrait corriger la chose, là, je
veux dire, dans un temps assez rapide. Comme je vous dis, on n'a pas eu de
succès, et certains avis de l'Office de la
langue française, bien, ont déçu la mairesse, et ont déçu des conseillers ou la
majorité du conseil, et ont déçu
naturellement nous qui essayons de corriger la chose. Je peux vous donner un
exemple. Je ne sais pas combien de temps que je dispose, je n'ai pas
mon...
•
(16 h 30) •
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Je peux vous dire que Mme la ministre
a consenti à donner de son temps pour vous
permettre de continuer votre présentation. Donc, allez-y.
M. Pinard (Michel) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Il y
a quelques exemples, là, je veux dire, qui ont
choqué, un des exemples, à savoir : Les
avis publics, comment se fait-il qu'à Châteauguay, comme le mentionnait M.
Thibert, ils sont systématiquement publiés dans les deux langues et de façon
miroir, et non pas un résumé de? L'Office de la langue française nous avait
recommandé : Bien, le fait que ça se publie dans un journal qui est déjà
publié dans les deux langues, ça peut être acceptable. Je n'y comprends rien,
là, puis on y perd notre français… le latin depuis un certain temps, mais là on
y perd notre français.
Et, d'autres choses qui semblent
inacceptables, mon compte de taxes, je le reçois dans les deux langues. Je reçois mon rapport d'impôt
dans la langue française, mais les taxes municipales, mon compte de taxes, dans
les deux langues. Les billets d'infractions,
ils sont dans les deux langues à Châteauguay. C'est à n'y rien comprendre.
Certaines choses comme ça, vraiment,
là, c'est à se demander le pourquoi, alors qu'on n'a pas le statut bilingue. Et
l'Office de la langue française, qu'on penserait
que ce sont... quand on dit dans la loi 101 déjà qu'ils doivent accompagner à
voir à corriger les choses, mais il ne
s'y passe rien. Et on nous dit, à l'Office de la langue française ou ceux qui
nous ont rapporté leurs paroles : Les usages ou la jurisprudence,
non pas dans les textes mais dans la manière de faire, semblent favoriser cette
démarche. Si on s'inquiète de vouloir renforcer la loi 101, moi, je suis pour
complètement, et malheureusement on n'y a pas vu, je veux dire, des termes qui
pourraient aller dans ce sens. Je pourrai répondre plus amplement à vos
questions plus tard, là. Pour l'instant, je vais laisser à M. Senécal le soin d'élaborer
sur le mémoire.
M. Senécal (Michel) : Oui. Un des points que vous avez déjà
vu, déjà entendu avec M. Thibert, c'est que sa
plainte a été déposée en 2010 et la
publication dans laquelle l'infraction se produisait a été remplacée par une
autre publication. On voit que les
délais de traitement des plaintes, pour les plaintes importantes, peuvent
devenir complètement ridicules.
On
a tous, ici, déposé des plaintes à l'office. J'ai déjà vu personnellement une
plainte devenir caduque parce que le produit
sur lequel je me plaignais n'était plus en marché. J'ai vu aussi que des
plaintes étaient transmises au Procureur
général du Québec — ça, on remonte loin, là, ce n'était
pas le Directeur des poursuites criminelles etpénales — en
lui recommandant d'entreprendre des poursuites pénales prévues, trois ans après
le dépôt d'une plainte. Alors, on avait essayé d'accompagner une compagnie
dans son cheminement pendant trois ans. Disons qu'il n'y avait pas eu
grand conséquences pour les compagnies fautives, et celles qui par contre
décidaient de respecter la loi en faisant traduire
des manuels, par exemple, qui arrivaient exclusivement en anglais, celles-là n'étaient
pas compensées, mais on ne mettait pas de conséquences pour les
compagnies qui décidaient de violer la loi de manière systématique.
Une des choses qui apparaît, en ce qui
concerne le projet de loi, c'est, comme le mentionnait M. Pinard, la mollesse de certains termes. Il y a l'application de la
loi qui… de la loi actuelle même qui nous semble laisser à désirer, mais il y a aussi le fait que les... qu'on parle, par
exemple, de «langue normale et habituelle» dans le chapitre I.1.
«Normale et habituelle», là, pour quelqu'un
qui a déjà fait affaire avec l'office, ça semble dire : La porte est
ouverte aux exceptions. Le retrait ou… la langue obligatoire donnerait
un petit peu plus de force à cet article-là.
Par exemple, si on parle du paragraphe...
toujours dans le 1.1, le deuxième paragraphe, on parle de «promouvoir la possibilité […] de vivre en français au
Québec». La francophonie promeut la possibilité de vivre en français en Roumanie. Ce n'est pas exactement qu'est-ce que je
veux. Je préférerais qu'on assure la possibilité de vivre en français partout au Québec parce qu'il n'y a pas besoin de
loi ou de règlement pour un voeu pieux ou pour une simple idée. On a besoin d'une loi pour assurer un droit. Et puis il
faut que cette loi-là soit assez claire et simple pour qu'elle soit
évidente et que les options de contournement n'apparaissent pas dans le libellé
même de la loi.
À
ce titre, je vais sauter peut-être à un autre article. On parle d'énumérer les
différents «organismes de l'Administration [qui sont] visés par la présente
loi». C'est complètement en dehors de ma compréhension. J'avais la supposition ridicule que tous les organismes de l'Administration
sont soumis à la charte. Mais non, je dois comprendre qu'il y a des
organismes de l'Administration qui ne seront pas assujettis à la charte. C'est
le genre de terminologie qui nous fait... qui nous donne certaines craintes. Je
retrouve les mêmes craintes quand on parle des demandes de subvention non fournies en français qui pourraient
être demandées... dont on pourrait demander la traduction en français au
requérant. Une subvention, c'est demandé par
une personne morale assujettie à la loi. Je ne vois pas, sauf les
exceptions prévues à la loi dans 29.1, pourquoi il y aurait une seule partie de
l'Administration qui ne serait pas soumise à la charte. C'est d'application
générale.
Disons que, pour faire bref, la terminologie,
en général, me semble assez relâchée. Si on regarde l'article 8, par exemple, on parle
des contrats. La Presse a fait un assez bon article sur les
contrats des centres hospitaliers, qui étaient... où on demandait aux sous-traitants québécois de
fonctionner avec des contrats en anglais. Puis on ne voit pas comment la
modification de l'article 21, telle que proposée par le projet de loi, pourrait
avoir un impact là-dessus. Ça semble laissé ouvert.
Il y a une autre chose que je me voudrais d'oublier,
là, parce qu'elle est assez importante. Ça fait que, comme le temps est assez restreint... On parle de politiques
types linguistiques qui pourraient être adoptées par l'Union des municipalités du Québec ou la fédération des
municipalités du Québec. On risquerait de se ramasser, je le disais au
départ, avec 1 476 politiques linguistiques différentes. Mais, au fait, c'est
pire que ça, on pourrait se ramasser avec...
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : M. Senécal, je m'excuse, je vous ai
laissé beaucoup de temps avec l'accord de la ministre, mais, si vous voulez
procéder à un échange, malheureusement il ne vous reste plus beaucoup de
temps. Donc, à ce moment-ci, on pourrait débuter les échanges.
Une
voix : Il reste quatre minutes...
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Exactement, Mme la ministre. Vous allez nous donner du...
Une
voix : ...
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Oui, d'accord. Nous allons prendre du
temps du côté de l'opposition officielle.
Donc, M. le député de Saint-Hyacinthe, pour débuter les échanges, vous avez la
parole.
•
(16 h 40) •
M.
Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Merci,
Mme la Présidente. Merci à l'opposition officielle pour le temps. Je voudrais
saluer M. Senécal, Mme Nivolon, M. Paul-André Thibert et M. Pinard. Alors,
bienvenue. Vous êtes de la belle région de
Montérégie, alors ça fait plaisir. Je vous félicite d'avoir pris le temps de
produire un mémoire pour la commission. Je pense que c'est important que
les gens comme vous puissent s'exprimer, des gens qui vivent aussi des
problématiques. Au niveau des plaintes, vous en avez formulé tantôt.
C'est certain que, depuis le début des
audiences ou des consultations, on entend souvent les gens parler de coûts, de paperasse administrative concernant... Quand on
parle de faire appliquer la langue française, ou de respecter les lois, ou même de mettre un peu plus de mordant à la loi
actuelle, on dit : Ah, mais ça va coûter des sous, ça coûte cher.
Mais, dans le cas de la ville de Châteauguay, vous le mentionniez tantôt, ça ne
semble pas être un problème d'implanter le bilinguisme, donc ça devrait être
des coûts aussi additionnels, puis ça, ça passe sous silence. Alors, ça, ça me
chicote toujours un peu.
Mais il y a un élément dans votre mémoire, à la page 6 de
votre mémoire, vous parlez de «droit d'apprendre
en français». Je m'interroge sur ce que vous appelez le droit d'apprendre en
français dont vous constatez l'inexistence dans le projet de loi. J'aimerais ça
que vous précisiez un petit peu ce que vous voulez dire par cette
affirmation-là.
M.
Senécal (Michel) :
C'est tout simplement les élèves de la commission scolaire Kativik, entre
autres, ou d'autres commissions... d'autres endroits dans le Grand Nord. On sait que, quand
le hockeyeur Michel Juneau était parti dans le Grand Nord pour essayer
de favoriser le... ou de défavoriser le décrochage scolaire en formant des
jeunes Inuits pour le hockey, il n'avait pas pu avoir d'enseignement en
français pour ses enfants.
La
situation s'est répétée en fin 2012. La commission scolaire Kativik ne fournit
pas, pour les enfants de parents francophones qui travaillent dans le Nord, de
services d'éducation en français, tout simplement. C'était dansLa Presse,
là, une fois de plus, là. On n'en a pas fait
grand cas. Moi, étant donné que je connais quelqu'un qui travaille à Kuujjuaq,
ça m'a un petit peu plus intéressé. Ce qui
fait qu'il y a des endroits au Québec, si on parle du Nord-du-Québec, où les
contrats sont conclus en anglais pour l'administration territoriale là-bas, ce
qui a été accepté par le précédent gouvernement, et puis le droit d'apprendre
en français, là-bas, on ne l'a pas.
M. Pelletier
(Saint-Hyacinthe) : Merci. Merci de l'information.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Merci. Le
député de Bonaventure?
M.
Roy : Oui,
merci, Mme la Présidente. Mes salutations, madame, messieurs, félicitations
pour votre démarche. Votre démarche citoyenne
représente ce qu'il y a de plus noble dans l'action d'un individu dans sa
société, donc félicitations.
Ceci étant dit, à la
page 4 de votre mémoire, il y a un petit paragraphe qui a attiré mon attention,
et je cite : «Le libellé de l'article 50.8 mentionne que l'entreprise
"doit prendre les mesures raisonnables pour respecter le droit du consommateur, prévu à l'article 5, d'être
informé et servi en français". Un libellé qui aurait utilisé toutes les
mesures nécessaires aurait mieux assuré ce droit.»
Pouvez-vous préciser ce que vous voulez dire par
le changement de l'énoncé? En quoi ça peut être plus significatif?
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : M. Senécal.
M.
Senécal (Michel) :
Bon. Oui. Des mesures raisonnables, c'est en autant que ça ne demande pas trop d'effort, que ce n'est
pas trop difficile, que ça ne nous coûte pas d'argent, qu'on n'y investit pas.
Les mesures nécessaires, c'est qu'on doit répondre au droit. Des mesures
raisonnables, c'est qu'on va faire un petit effort.
On
connaît le genre de résultat quand il n'y a pas de conséquence à l'acte. D'abord,
les conséquences sont loin dans le temps, s'il y en a — trois
ans, d'après qu'est-ce qu'on voit de notre expérience personnelle — ou
bien il n'y en a carrément pas, parce qu'on
sait que, quand un dossier est transmis, soit, dans le temps, au Procureur
général ou au Directeur des poursuites
criminelles et pénales, ça tombe dans un trou noir et puis on n'en entend plus
parler. Même pour des compagnies qui sont assez grosses, quand on sait
que ça a été transmis, on essaie de suivre le plumitif puis on ne retrouve pas
ça.
Évidemment,
le Procureur général ou le Directeur des poursuites criminelles et pénales a d'autres
chats à fouetter que juste le respect de la
loi 101. C'est pour ça qu'à l'intérieur du mémoire on propose un mécanisme
beaucoup plus simple qui correspondrait à un
billet de stationnement, une infraction à la loi 101. Ça serait beaucoup moins
lourd, ça serait nettement plus efficace et nettement plus crédible.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Je m'excuse de vous interrompre, M. Senécal. Mme la
ministre veut intervenir puis il reste environ
trois minutes. Donc, si vous le permettez, je vais céder la parole à Mme la
ministre responsable de la Charte de la langue française.
Mme De
Courcy : Bien, d'abord, bonjour et
merci de vous être inscrits. Encore là, il s'agit d'une démarche citoyenne importante. Je voudrais signifier le
caractère simple mais précis de votre démarche. Comme citoyen, quand on vit dans une municipalité et qu'on a des
préoccupations comme les vôtres, et surtout le reflet que vous nous donnez
de comment ça se passe avec des instruments
gouvernementaux, mécanisme de plainte, etc., c'est... Votre
démonstration est assez éloquente autour de
comment ça se passe pour le citoyen. Et somme toute les législateurs que nous
sommes devons être très à l'écoute de
comment ça se passe pour un citoyen quand on veut mettre des choses en place.
Alors, je pense que vous témoignez là
de certains creux ou de certains ratés qu'on a pu avoir. Alors, je vous
remercie de nous en faire part.
Nous
avons eu l'occasion de nous parler de la situation plus particulière de la
ville de Châteauguay. Le temps ne permet pas
ici, puis ce
n'est pas le lieu non plus pour que nous parlions plus précisément de la ville
de Châteauguay. Simplement vous mentionner,
vous savez qu'il y a des travaux en cours au ministère et à l'Office québécois
de la langue française à ce sujet-là.
Alors, je trouvais ça important de vous signifier, donc, cet aspect-là et de le
signifier aussi auprès des membres de
la commission comme quoi il est rare qu'on a un reflet qui ne vient pas de
groupes organisés ou... qui nous permet de voir comment les citoyens
vivent de telles situations.
J'ai eu l'occasion — je
vais conclure là-dessus — j'ai eu l'occasion, suite à nos
échanges que nous avons eus dans un autre contexte, de sillonner la ville de
Châteauguay et de pouvoir échanger aussi avec des citoyens qui ont fait
écho à ce que vous mentionniez. Et je ne suis pas en train de dire que le
conseil de ville, la municipalité est de mauvaise foi, pas du tout, mais je dis qu'il arrive des fois qu'on
est dans un cul-de-sac dans des situations comme celle-ci, quand les législations ne sont pas suffisamment claires,
etc. Alors, je vous remercie, donc, pour votre contribution simple,
précise puis qui sera tenue en compte, c'est certain. Merci.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Merci, Mme la ministre. Nous allons maintenant du côté de l'opposition
officielle. M. le député de Jacques-Cartier, vous avez la parole.
M.
Kelley : Merci beaucoup, Mme la
Présidente. Et, à mon tour, bienvenue devant la commission. Quand les citoyens
s'impliquent, quand les citoyens sont ici pour enrichir notre réflexion, c'est
toujours à notre bénéfice. Alors, merci beaucoup.
Je
pense que c'est vous, M. Thibert, qui a dit que vous n'avez pas d'objection qu'on
trouve des moyens, les communautés, de
parler à la communauté anglophone de Châteauguay, pas dans la moyenne actuelle,
qui est… Mais c'est souvent de trouver le moyen de le faire avec... Il
faut respecter le fait français, il faut respecter les exigences de la Charte de la langue française, mais comment, en
même temps, trouver la souplesse? Parce que je pense que c'est 10 ans de suite maintenant qu'il y a un défilé de la
Saint-Patrick et je pense que c'est un point rassembleur pour les
personnes qui ont des racines irlandaises comme moi ou prétendent avoir des
racines irlandaises, comme plusieurs, le 17 mars, à chaque année.
Alors, comment à la fois respecter les
grandes exigences de la protection de la langue française mais en même temps trouver assez de souplesse? Parce qu'il y a un
long historique de bon voisinage à Châteauguay. C'est une ville qui avait toujours une minorité anglophone assez
importante dans son histoire. Alors, comment à la fois protéger, mettre
en place la protection de la langue
française requise mais assurer qu'il y a quand même un moyen, un véhicule que
la ville ou les groupes communautaires, via la ville, peuvent
communiquer leurs soupers-bénéfices, leurs activités sociales, les autres
choses qui font partie du tissu de la communauté anglaise sur la Rive-Sud de
Montréal?
M.
Thibert (Paul-André) : Il faut dire
qu'à Châteauguay...
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
M. Thibert.
•
(16 h 50) •
M.
Thibert (Paul-André) : Oui. Bonjour,
merci. C'est parce que je voulais vous répondre. C'est vrai, à Châteauguay, il y a un journal… il y a les deux
journaux des grands groupes de presse que sont Québecor etTranscontinental, les deux journaux hebdomadaires
sont bilingues, même si tous les annonceurs qui annoncent dans ces deux
journaux là annoncent en français seulement. Curiosité. Nos anglophones lisent
bien les annonces françaises, mais préfèrent lire leurs articles en anglais.
Ceci dit, je ne crois pas que les anglophones
de Châteauguay manquent d'information concernant leur vie communautaire et sociale, grâce à ces deux journaux qui
sont bilingues grandement et grâce aussi à l'organisme... à la revue de la
ville, que la ville de Châteauguay produit, un mensuel qui a une partie
anglophone qui, à mon sens, correspond à la
population et correspond... et répond au besoin d'information de la population
anglophone. C'est certain que, si on annonce la parade de la
Saint-Patrick, par exemple, il est de bon aloi de l'annoncer en anglais. Alors,
ça tombe sous le sens, ça tombe sous le sens.
Et je pense qu'une loi va aussi être sensée.
Là où... Quand on parle de villes bilingues ou quand on dit que la ville ou que l'organisme
municipal, qui est une créature de la province… lorsqu'on dit que la ville doit
être française, c'est important qu'elle
le soit pour donner un signal aux nouveaux arrivants qui viennent s'installer à
Châteauguay, et ils sont nombreux, il
faut que le signal soit clair pour leur dire qu'ils sont au Québec, que la
ville... que la langue que nous partageons tous et que nous voulons
partager dans l'espace public, ça soit le français.
Et c'est important que la ville donne un
signal clair à ses citoyens que, lorsqu'elle s'adresse à eux dans sa forme officielle — ici, on parle d'avis publics et de choses comme ça — alors, quand le greffier parle ou que la ville parle… que la mairesse parle de façon officielle, que ça
soit le français. La loi permet au citoyen d'aller à l'hôtel de ville prendre la traduction de l'avis public si l'avis public l'intéresse.
Et c'est aussi le travail du conseiller municipal de faire son travail
auprès de ses commettants anglophones, de les informer si un avis public risque
de les intéresser.
Mais
moi, si je me rapporte à la loi 101, à l'époque de la loi 101, en 1976 ou en
1977, les villes n'avaient pas d'organisme
de promotion et les villes ne faisaient pas de publications comme on connaît
aujourd'hui. Les municipalités ont
développé une attitude de clientèle avec leurs citoyens. C'est sûr qu'ils
veulent s'arracher les... ils veulent vendre des condos, ils veulent vendre du développement, ils veulent se développer,
ils veulent offrir à leurs citoyens des services, mais il ne faut pas
que cette approche de clientèle là fasse oublier le fait qu'une municipalité
est un organisme municipal qui doit répondre à la loi 101, et qui doit donner
une figure, et qui doit donner une image francophone.
L'aspect clientèle, c'est une autre affaire.
Moi, si je suis un marchand, c'est sûr que, si j'ai un client qui arrive puis qui me
parle en anglais, je vais lui répondre en anglais. C'est de la bonne politique,
c'est de la bonne pratique. Mais il ne faut
pas mélanger le côté officiel de la langue d'un pays et le côté pratique d'un
marchand de journaux ou d'un marchand de vêtements. Et je pense qu'il faut garder à quelque part les choses
clairement, et de dire : L'espace public, l'espace public de la ville de Châteauguay, c'est un espace français,
et la ville, lorsqu'elle s'adresse à ses citoyens de façon officielle,
légale, elle le fait en anglais. Lorsqu'elle
veut parler à ses citoyens d'ouverture de bibliothèque, de sport, d'aréna ou de
parade, de ci et de ça, je n'ai aucune
objection à ce qu'elle le fasse dans les deux langues, mais, lorsqu'elle parle
avec sa langue officielle, elle doit parler en français.
Ça
me semble très clair, ça. Je ne vois pas pourquoi qu'on débat... En tout cas,
moi, ça m'apparaît très clair. Et je ne
pense pas que nos citoyens anglophones seraient offusqués de ça. Ce que les
citoyens anglophones à Châteauguay veulent, ils veulent une reconnaissance, ils
veulent un service en français et ils veulent une bonne entente avec leurs
amis et leurs voisins francophones, ce qui est le cas à Châteauguay dans la
grande majorité des cas.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Merci. M. le député.
M. Kelley : Merci pour ces précisions. Mais le
gros bon sens, c'est souvent difficile de mettre ça dans une loi. C'est mon expérience, comme député, de quelques
années.
Deuxième… Je prends bonne note des
commentaires sur la commission scolaire Kativik. Juste une mise en garde, comme ancien ministre des Affaires autochtones. Les
enjeux pour cette commission scolaire sont immenses. Et, oui, il y avait des problèmes ponctuels avec le service
pour les familles francophones, mais ce sont des écoles qui essaient également de garder leur langue, et, si on peut
accepter qu'il y a une menace à la langue française, je pense qu'on peut
comprendre aussi que la langue inuktitut au Québec est très fragile aussi.
Et la chose qui m'a frappé dans mes voyages
au Grand Nord, c'est : un Innu de mon âge, règle générale, est né dans un igloo,
alors, est né dans un igloo, 55, 57 ans. Et leurs petits-enfants ont 12 ans,
ils jouent à Tiger Woods Golf sur l'Internet. Alors, le choc culturel
que ces professeurs, ces enseignants et les autres doivent confronter… Ils
essayent de commencer dans leurs écoles la langue inuktitut, il y a le français
qui est introduit, il y a l'anglais qui est introduit, il y a un taux de
décrochage qui est inacceptable, il y a un taux de natalité très, très élevé,
alors c'est un énorme défi.
Alors, je comprends le point mais, si je
peux, à la défense des enseignants, les dirigeants de la commission scolaire du coin, il y
a des enjeux énormes. Alors, oui, il faut faire mieux. Et j'ai également
constaté les situations où notamment les
familles des personnes du sud qui travaillent dans le Grand Nord ont des
difficultés d'avoir accès à l'enseignement en français, mais je peux dire que ça fait partie d'un plus grand univers
des problèmes qu'ont vécu les 14 villages nordiques. Ils sont très isolés et ils ne sont pas sur le
réseau routier. Alors, toutes les choses qui arrivent doivent arriver en avion.
Les coûts, aller dans le marché, ma collègue de Bellechasse et moi l'ont
fait une fois que nous étions de passage à
Kangiqsualujjuaq, et ce sont des coûts faramineux.
Alors,
juste une mise en garde. Je comprends, je prends bonne note de la situation.
Mais, si je peux dire que j'ai rencontré les enseignants… Et je veux saluer les
enseignants, les directeurs d'écoles au Grand Nord québécois. Mais les enjeux sur lesquels ils sont confrontés
sont énormes. Alors, juste une certaine mise en garde que les défis qui
confrontent nos éducateurs au Grand Nord québécois sont énormes.
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. le député de
Jacques-Cartier. Nous allons maintenant du
côté du deuxième groupe de l'opposition. Mme la députée de Montarville, vous
avez la parole.
Mme
Roy (Montarville) : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Bonjour, messieurs, madame, merci pour votre mémoire. Je l'ai
lu et je me pose des questions, je suis curieuse. Vous avez fait la démarche,
vous avez porté plainte auprès de l'Office québécois de la langue française.
Combien de plaintes au total avez-vous portées avant d'avoir des réponses, des
réactions, un accusé réception, quelque chose?
M. Senécal (Michel) : Écoutez, je me rappelle de plaintes
que j'avais faites dans les années 1990. Je ne sais pas si je dois les
compter, depuis les années 1990, en dizaines, ou... non, je ne pense pas
être rendu à 100 encore, mais ça nous donne
une idée. En ce qui concerne la ville de Châteauguay, comme vous avez vu, on a
essayé de... à peu près de tous les moyens.
Les délais de traitement, que ce soit pour la ville de Châteauguay ou pour des
produits informatiques, sont trop longs pour que la loi soit vraiment
applicable.
Par exemple, si j'arrive puis je sors un
cellulaire de ma poche, son cycle de vie, c'est six mois. Officiellement, les plaintes sont traitées en moyenne en
sept mois, à l'OLF, y compris celles qui prennent zéro délai, on s'entend, ce
qui veut dire que la plainte est caduque, à
toutes fins pratiques, si on n'achète pas le produit fautif au début de son
cycle de vie. Les délais font qu'il n'y a pas de conséquence à l'acte
pour les produits comme ça ou pour les actes qui seraient fautifs mais qu'on ne les retrouvera pas plus tard
parce que ça va être quelqu'un ou un autre produit qui va être disponible,
des délais qui font que la loi ne devient plus crédible, c'est-à-dire que les
gens, peut-être, portent moins de plaintes, parce qu'ils se disent : Bien,
oui, on va porter une plainte par principe, mais ça ne donnera pas grand-chose.
Mme Roy (Montarville) : Vous parlez des délais, justement et,
dans votre mémoire, vous en faites allusion.
Vous parlez d'un dossier, un dossier qui avait été transmis après trois ans au
Procureur général du Québec.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Mme la députée de Montarville...
Mme
Roy (Montarville) : Les cloches
sonnent, là.
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : ...les députés vont être demandés au
salon bleu pour un vote. Donc, vu le temps qu'il
nous restait, messieurs, je vous remercie beaucoup pour votre présentation.
Quand
nous allons revenir après le vote, nous allons recevoir M. Julius Grey.
Donc,
je suspens les travaux pour quelques instants, le temps du vote. Merci.
(Suspension
de la séance à 17 heures)
(Reprise à 17 h 20)
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : À l'ordre, s'il vous plaît! Nous
reprenons nos travaux et nous recevons M.
Julius Grey. J'espère bien le prononcer. Bonjour. Bienvenue à l'Assemblée
nationale.
M. Grey, vous allez avoir un temps qui va vous
être alloué, de 10 minutes, pour faire votre exposé. Toutefois, si la ministre consent, comme ça arrive à
quelques occasions, vous pouvez déborder du temps qui vous est alloué. Par la
suite suivra un échange avec les parlementaires. Donc, la parole est à vous, M.
Grey.
M. Julius H. Grey
M. Grey (Julius H.) : Merci. D'abord,
je dois exprimer ma gratitude, l'honneur qui m'est fait d'être ici, devant l'Assemblée, que je considère comme mon
Assemblée. Je me considère comme très bien représenté des deux côtés, et
c'est un grand honneur, j'ai dit, grand plaisir d'être ici.
J'aimerais commencer par une prémisse qui est
devenue importante pour moi. C'est que la Charte de la langue française est une loi fondamentale, vraiment
fondamentale. Le Québec ne peut pas se passer de cette loi. Ceux qui s'opposaient, en 1977 — et moi, j'en étais, mais j'étais très jeune — avaient tort, comme ceux qui pensaient qu'on ne pouvait pas éliminer
les trois ou quatre choses excessives sans que la loi fasse son devoir, ils avaient
tort aussi. Mais c'est une loi
vraiment fondamentale. Et ce n'est pas seulement la loi qui est fondamentale, c'est
le français qui est fondamental pour l'identité du Québec. Je ne peux
pas concevoir un Québec autre qu'un Québec francophone. Ça n'a pas de sens, ce
n'est pas le Québec.
Troisième chose qu'il faut dire comme début,
c'est que le français est toujours menacé. Ce n'est pas vrai... Je sais que le recensement
de l'an dernier a produit des réactions exagérées de part et d'autre, certains
qui pensaient qu'il y avait un danger
accru, je ne pense pas, mais, certains qui pensaient que le danger était
révolu, ce n'est pas vrai. Dans le contexte nord-américain, il faut
continuer à protéger le français, le protéger de façon ferme, de façon juste,
équitable à tout le monde, pour tout le monde, d'ailleurs, pas pour une
minorité, une majorité. Il faut protéger le français. Je dirais que l'anglais... les anglophones sont également
menacés. Ce n'est pas les anglophones qui augmentent en nombre, c'est la
situation nord-américaine, où l'anglais est autour de nous. Et il faut faire
quelque chose pour protéger le français.
Mais, si la loi est fondamentale, je pense qu'il
faut dire une chose, il ne faut pas qu'elle continue à être un enjeu électoral tous
les quatre ans. Une loi fondamentale doit être acceptée par tout le monde, doit
faire partie du paysage sans controverse.
Ça ne veut pas dire qu'elle ne peut pas être amendée. Toutes les lois peuvent
être ajustées. Je compare l'idée de changer,
de resserrer ou de relâcher la loi 101 tous les quatre ans à ce que notre
gouvernement fédéral fait avec le Code criminel,
et c'est une erreur. C'est une loi fondamentale aussi, et l'idée de resserrer
constamment le Code criminel nous mène à des solutions absurdes et
injustes.
Je n'irai pas aussi loin, je ne pense pas qu'il
y a des propositions absurdes et injustes devant nous aujourd'hui, mais je pense qu'il faut que cette loi
devienne fondamentale pour tout le monde. C'est pourquoi, par ailleurs, je
pense que c'est une excellente idée de l'enchâsser dans la Charte des droits et
libertés. C'est un des principes fondamentaux de notre société. Il faut le
faire.
Je me suis rendu finalement à un slogan qui
était utilisé du côté nationaliste dans les années 90, Ne touchez pas à la loi 101. Je
pense effectivement qu'il ne faut pas y toucher beaucoup. J'ai dit, je répète,
toute loi peut être ajustée. Il y a des moments où il faut modifier, par
exemple, les écoles passerelles, et tout ça, mais je pense que ce n'est plus l'époque où on va changer… Il faut laisser cette
loi faire un travail qu'elle a bien fait, c'est-à-dire le Québec, la
majorité d'entre nous, ont accepté... nous acceptons et nous vivons en
français.
C'est
une… Je pense, la différence entre une loi fondamentale et une loi qui est une
loi, si vous voulez, controversée : les
lois controversées sont constamment sur la sellette; les lois fondamentales
sont acceptées par tout le monde. Et
cette acceptation de la part des anglophones et des allophones est essentielle
pour cette loi. Et on voit bien, par les réactions, parfois exagérées,
qu'il y a un danger que la loi continue à être critiquée quand elle ne devrait
pas l'être. Et pourquoi? Parce que c'est une bonne loi.
Fondamentalement,
la loi a trois buts : de protéger le français, c'est nécessaire, c'est
essentiel; de protéger la minorité
linguistique traditionnelle, pas une ethnie. Je ne pense pas que c'est la loi
101 qui protège le groupe ethnique, c'est peut-être la Charte des droits et des libertés, mais ce n'est pas la loi
101 qui est là pour ça. Et, troisième but, et un but très important, c'est
de faire les deux choses de façon à ne pas empiéter sur les droits et libertés
de tout le monde. Et ce sont les trois buts, et je pense que c'est réussi.
Par
exemple, il n'y a pas, au Québec, des citoyens de deuxième classe, ce n'est pas
la loi 101. D'ailleurs, la loi 101 ne crée
même pas de définition d'un francophone ou d'un anglophone. Il y a des gens
éligibles ou pas éligibles pour l'éducation en anglais, mais il n'y a
pas de tentative de diviser les citoyens ou de les classifier. Personne ne peut
prétendre qu'il est citoyen de deuxième
classe à cause de la Charte de la langue française. Mais je pense que ça
prend un équilibre. Et les nouveaux amendements, les amendements proposés
doivent être analysés dans le contexte de ces trois buts, de ces trois
buts : de protéger le français, de protéger la minorité anglophone
traditionnelle et de ne pas empiéter sur les droits et les libertés.
Il y a des choses qui sont très bien. Je
pense que l'enchâssement, comme j'ai dit, dans la Charte des droits et libertés est une très bonne chose. Je pense également que
les examens du français dans les écoles anglaises sont excellents à condition d'avoir
quelque chose pour les gens qui ont des troubles d'apprentissage. Il y a des
gens qui ne peuvent pas… Et je ne voudrais
pas qu'on brise leur carrière à cause d'un principe ou une autre chose. Quelqu'un
peut être un mathématicien brillant et ne pas pouvoir réussir un examen
de langue. Donc, à condition d'avoir ces exceptions-là, c'est une excellente
idée. C'est également une idée qui intègre. Je pense que l'intégration est très
importante.
Je
pense que finalement les aspects de commerce ne sont pas mauvais, à condition
bien sûr de donner l'aide technique, s'il y
a des choses techniques, et de ne pas pousser les exigences très loin, les
exigences qui pourraient mener, par exemple, à une difficulté de trouver
un emploi pour des membres des minorités.
Sur le droit de
travailler en français, je pense que c'est essentiel, c'est très important. Là,
je suis déchiré personnellement…. Je veux
dire, d'une part, je pense que tous les Québécois devraient pouvoir travailler
en français; d'autre part, je pense que, dans une région comme Montréal,
c'est une exigence raisonnable d'un employeur que ceux qui travaillent dans le détail, qui ont le contact
avec le public puissent se débrouiller en anglais, peut-être pas tout le
monde, mais qu'il y ait quelqu'un... Un employeur
serait en droit de dire : J'ai un public qui vient me voir et je dois
servir les intérêts de ce public. Alors, il y a un équilibre à atteindre
là-bas.
• (17 h 30) •
Mais
il y a certaines choses dans cette loi qui, je pense, doivent être retranchées.
L'histoire municipale. Je pense qu'il n'y a
aucun dommage à qui que ce soit si une municipalité écrit quelque chose en
anglais et en français. De plus, je pense que cette notion de majorité n'est
pas une notion... surtout parce que la loi 101 n'a pas créé de concept
anglophone ou de francophone. Dans la cause qui a été plaidée devant la cour,
la cause Rosemère, le juge Reeves a accepté que quelqu'un peut à la fois être
anglophone ou francophone dans des buts différents.
Je
vais vous donner un exemple. Si ma municipalité, Westmount, veut augmenter le
nombre des pièces dans le programme Théâtre dans le parc, et ils ont du
théâtre en français, théâtre en anglais, moi, je suis intéressé par les
deux, je veux avoir mon mot à dire pour les
deux. Donc, dans ces circonstances-là, il n'y a aucune raison pour enlever le
statut bilingue à une municipalité, aucune base sérieuse pour le faire non
plus. 47 %, 51 %, ça ne veut rien dire dans une situation où le
concept d'anglophone et francophone n'a pas été défini. Quelqu'un qui parle
bien français est un francophone, quelqu'un
qui parle bien anglais est un anglophone. Et je pense que ça affecte un certain
sens d'appartenance des gens qui
vivent dans les municipalités qui ont toujours été bilingues, disons, ville
Mont-Royal, les municipalités sur la frontière.
Il y a un dommage et, si vous voulez, un désenchantement provoqué chez les
individus, sans gain perceptible pour la
langue française. Alors, la suggestion que je fais, c'est que le statut
bilingue ne soit pas enlevé sans le consentement de la ville. La ville,
les gens locaux, c'est une décentralisation, les gens savent quels sont les
besoins de leur municipalité, quelles sont les pensées que leurs citoyens
peuvent exprimer. Il ne faut pas forcer une chose qui n'a pas d'avantage pour
le français quand cela crée beaucoup, beaucoup de mécontentement chez les
membres de la minorité.
Il y a certaines
autres choses. Il y a la bureaucratisation — je suis conscient du passage du temps — il y a la bureaucratisation,
la prolifération des inspections, des choses de cette nature-là. C'est un
problème qui n'est pas limité à la Charte
de la langue française. C'est un problème qui existe en matière d'impôts, en
matière de police. Il y a une surveillance accrue dans notre société. Je
pense que c'est dangereux, c'est dangereux pour tout le monde. Ce n'est pas
dangereux seulement pour les francophones, ou pour les anglophones, ou pour qui
que ce soit, c'est une question où il faut balancer les intérêts.
La
loi, bon, on peut dire : Force a la loi, mais, d'autre part, on ne peut
pas appliquer les lois à la lettre. Imaginez,
par exemple, si on appliquait le Code de la route à la lettre, nous serions
arrêtés par la police toutes les cinq minutes, il serait impossible de
circuler. Alors, je pense que la bureaucratisation n'est pas une bonne chose et
la prolifération d'inspections n'est pas une
bonne chose. Le droit d'entrer, de saisir sans passer par un tribunal, ce sont
des choses qu'il faut éviter. C'est la même chose que je dirais au gouvernement
fédéral si je leur parlais de leurs nouveaux amendements au Code criminel, qu'il
ne faut pas donner trop de pouvoir...
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Monsieur... M. Grey, je suis désolée — c'est
très intéressant — de
vous interrompre, mais, comme le temps file et que la ministre...
Des voix : …
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : …la ministre veut quand même pouvoir
échanger avec vous, je lui céderais la parole
à ce moment-ci pour débuter les échanges. Mme la ministre, vous avez la parole.
Mme
De Courcy :
Merci, Mme la Présidente. J'espère que vous n'aviez pas encore beaucoup à dire,
M. Grey.
M.
Grey (Julius H.) :
Non, non. La seule chose que j'allais dire touchait un élément qui n'est pas
très important.
Mme De
Courcy : Bien, je ne suis pas
certaine, mais, dans l'échange, j'espère que vous pourrez...
M. Grey (Julius
H.) : Mais, il est dans mon mémoire.
Mme De
Courcy : D'accord. D'abord, merci
beaucoup d'avoir participé... de participer à cette commission parlementaire. C'est
un privilège de vous recevoir. Alors, je suis très contente que vous ayez pris
la peine, d'abord, d'analyser le projet de
loi et, ensuite, d'émettre des opinions, avec lesquelles je ne suis pas tout en
accord, mais ça, ce n'est pas là le
débat. Alors, vraiment... J'apprécie, par ailleurs, votre éclairage sur... de
distinguer de l'utile et du futile, j'apprécie.
Une voix : ...
Mme De
Courcy : Et du futile.
M. Grey (Julius H.) : Bien, je pense que ce qui est utile,
dans la loi 101... la Charte de la langue française, plutôt, c'est les
choses qui peuvent aider à préserver le français ou qui peuvent aider la
minorité à préserver ses institutions. Ce sont les deux buts, et les deux buts sont importants. Par contre, les
choses que je dirais gratuites, c'est les choses qui créent des distinctions ou des prohibitions, mais qui n'ont
pas d'effet sur la survie du français. C'est ça, mon argument sur les
municipalités, que ce n'est pas une circulaire en anglais dans une ville qui
est à 45 % anglophone, quelle que soit la définition d'«anglophone» que l'on
donne, qui nous empêche de garder le français.
Mme
De Courcy : J'aimerais
vous poser une question que vous n'avez pas abordée, mais qui a été abordée par plusieurs personnes ou groupes qui sont venus se faire
entendre. Et j'avoue ne pas avoir cerné correctement encore — il nous reste quelques jours — le pourquoi de cette inquiétude.
Et je sais que c'est un champ que vous
connaissez bien.
Dans
le cadre des travaux, plusieurs ont réagi avec beaucoup de crainte et même d'émotivité
au changement que nous proposons dans le préambule, de changer le vocable de «minorités
ethniques» par «communautés culturelles». Et ils évoquaient que ceci pourrait avoir pour effet de réduire le niveau de
protection des droits et libertés prévus notamment dans certains traités internationaux. Évidemment que ce
n'était l'objectif que nous poursuivions, là. Et, au contraire, c'était
de marquer dans le préambule de la charte que les Québécoises et les Québécois
de toutes origines sont membres à part entière de la nation québécoise, qu'ils
ne forment pas une variété de groupes ethniques ou de minorités ethniques
distincts de celle-ci. Alors, j'aimerais beaucoup connaître votre opinion sur
ces craintes-là.
M.
Grey (Julius H.) :
D'abord, en tant que juriste, je ne suis pas particulièrement concerné par la terminologie. Je me
souviens qu'aux Etats-Unis, au XIXe siècle, on utilisait le terme «Negro»,
après ça, on utilisait le terme «Black», maintenant on utilise «African American», mais le phénomène est le même,
la question est la même et la question est une question d'égalité et de
justice, et pas une autre. Je ne suis pas d'accord avec ceux qui ont peur de ce
changement, d'abord, parce que je pense que
le préambule est très ouvert et je pense que le Québec, en général, est très
ouvert. Je ne me considère plus comme
membre d'une minorité quelconque, je ne passe pas mon temps à me poser la
question : Qui suis-je?
Sur
le terme comme tel, je pense que ce n'est pas le rôle de la loi 101 de protéger
les groupes ethniques, qui sont protégés, je
pense, par la Charte des droits et libertés. La Charte des droits et libertés
protège la liberté d'association, protège toutes sortes d'autres libertés.
Alors, je ne suis pas convaincu que c'est la Charte de la langue française qui
doit nécessairement donner cette protection, qui, bien sûr, doit être garantie.
Ce n'est pas pour enlever la protection.
Mais
il y a un autre problème qui me dérange un peu. Est-ce que les gens pensent
sérieusement que ça prend une protection de
traités internationaux, que nous sommes arrivés à l'étape de notre histoire où
ça prendra les Casques bleus? Je pense que
non. Je pense que le Québec est un État où il n'y a pas de distinctions entre
citoyens. On n'a pas créé, effectivement, les anglophones et les
francophones. Donc, je n'ai pas peur de la perte des protections
internationales.
Cela
dit, j'ai moi-même plaidé une cause contre la loi 178 à Genève, mais ce n'était
pas sur une base de protection des minorités
que nous avons gagné. On nous a dit : Il n'y a pas de minorités là, c'est
la liberté d'expression. Ce qui me ramène à mon troisième point sur la
protection des droits fondamentaux de tout le monde, qu'il faut respecter, mais
sur... Je pense que votre préambule est bon. L'ouverture d'esprit est manifeste
pour toute personne qui lit cela.
Mme
De Courcy :
Merci beaucoup, M. Grey. Mes autres collègues... On a une répartition
différente du temps. Je sais que mes autres
collègues vont vouloir vous parler. Merci encore de votre participation.
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, Mme la ministre. M. le député
de Sainte-Marie—Saint-Jacques, vous avez la parole.
M. Breton : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, Me Grey.
M. Grey
(Julius H.) : Bonjour.
M. Breton : Je dois dire que je suis content de
me retrouver ici, d'avoir cette discussion avec vous, pour avoir fait des batailles à vos côtés, entre autres pour la
loi sur les poursuites-bâillons, dont vous vous rappelez certainement...
M. Grey (Julius
H.) : Oui, oui, bien sûr.
M.
Breton : ...et
qui a été adoptée sous un gouvernement libéral, et je veux le reconnaître, je
veux les en remercier.
Me Grey, on parlait de
l'utile et du futile. Moi, je dois vous dire que j'aimerais ça avoir votre avis
sur le projet de loi… c'est-à-dire la partie
sur les entreprises de 26 à 49 employés. Est-ce que vous considérez que les
ajouts qui ont été amenés dans le cadre du projet
de loi n° 14 par rapport au français comme langue de travail chez les
entreprises de 26 à 49 employés vous considérez ça comme utile ou futile?
M. Grey (Julius
H.) : Ça peut être utile. Je pense
que ce n'est pas la même chose que pour les entreprises de 10 à 20 personnes
où, là, il y a un petit entrepreneur qui n'a peut-être pas les moyens. 26 à 49,
ça peut être utile. Seulement, j'ai... il y a certaines conditions, à ce
moment-là, parce que ce n'est pas de grandes compagnies. Il faut fournir l'aide
s'il y a une question, par exemple, de logiciels et de choses de cette
nature-là, il faut offrir l'aide. Il faut également limiter les exigences pour
ne pas empêcher les membres d'autres groupes de travailler. Alors, il faut faire attention. Par
exemple, si on a des tests linguistiques, il faut qu'ils soient raisonnables
pour un homme ordinaire, même qui n'a pas le français comme langue
maternelle.
Alors,
je pense que ça peut être utile. Ça peut mener à une plus grande utilisation de
la langue française dans le travail. Mais je pense qu'il faut y aller avec
prudence. Et j'aimerais voir les règlements, les règlements qui doivent
protéger nécessairement l'entrepreneur et les employés. J'ai plaidé une cause,
par exemple, que vous pouvez aller lire, ça a été
rapporté dans 2000 RJQ, je pense, Chiasson et le Procureur général du Québec,
où il y avait justement question de logiciels, où nous avons eu gain de
cause. Je pense que ce sont des choses délicates où, encore une fois, il faut
cet équilibre pour que la loi soit acceptée par tout le monde.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Il vous reste
environ cinq minutes.
M. Breton : O.K. Oui, je vais passer la parole au député de
Saint-Hyacinthe.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Parfait.
M. Breton : Merci, M. Grey.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : M. le député de
Saint-Hyacinthe, vous avez la parole.
• (17 h 40) •
M.
Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Merci, Mme la Présidente. Alors, M. Grey, bienvenue.
Vous mentionnez, au niveau des inspections, dans votre mémoire, vous mentionnez que l'augmentation
du niveau d'inspection est très à la mode dans le secteur et, en matière linguistique, est un danger non pas pour
la majorité ou la minorité linguistique, mais pour les droits et les
libertés de tout le monde. Alors, j'aimerais juste vous mentionner :
Pourriez-vous nous en dire plus sur la raison qui vous amène à formuler cette
position?
M. Grey (Julius
H.) : C'est parce que je fais
beaucoup de droit de... toutes sortes de... dans toutes sortes de domaines où
cette question-là surgit, en droit d'immigration, en droit criminel, en droit
pénal québécois, en droit... dans l'environnement,
bien que je sois personnellement très en faveur des lois pour protéger l'environnement.
J'ai très peur des pouvoirs d'inspecteur. Je ne dis pas qu'il ne faut
pas inspecter, mais il faut que ce soit toujours assujetti à un pouvoir
judiciaire parce qu'autrement il y a un danger d'abus de pouvoir.
Il
y a un autre problème aussi, de nos jours, c'est le problème des coûts. C'est
vrai que c'est important de s'assurer du
respect pour la loi, mais, si on coupe les garderies, si on coupe les services
de santé… À un certain moment, il y a des
choix à faire, et il me semble que l'inspection, par exemple, d'affichage
quand, par exemple, il y a eu un débat parce que quelqu'un avait mis deux f dans le mot «café», je pense que ça n'a pas l'importance
des garderies ou de notre système de santé ou d'éducation. Alors, ça, c'est
un autre élément de cette tendance vers l'inspection. À un certain moment, ça
devient très lourd et très coûteux.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Merci, M. Grey.
Oui, M. le député de Bonaventure.
M. Roy : Pour trois minutes?
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Non, le temps,
il court toujours, ici, à l'Assemblée nationale.
M. Roy : O.K. Mes salutations, M. Grey.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) :
2 min 30 s.
M.
Roy : Dans votre
mémoire, vous dites que le consentement de la municipalité devrait toujours
être nécessaire lorsqu'on envisage le retrait
de son statut bilingue, en vertu de l'article 29.1. Pouvez-vous élaborer
davantage sur cette affirmation de votre part?
M.
Grey (Julius H.) :
Parce que c'est une forme de décentralisation, comme j'ai dit. Certaines choses devraient être prises
au niveau local, certaines décisions. Je dois ajouter qu'il y a peut-être des
gens qui ont décidé de déménager quelque part à cause de ce statut, et
qu'il serait injuste de l'enlever, et finalement que les gens peuvent s'identifier
de façon différente, même au cours de leur
vie. Moi, je m'identifiais clairement à la minorité anglophone dans les années
1970, beaucoup moins dans les années 1980, et aujourd'hui je me considère comme
faisant partie des deux. Et, dans ces circonstances, je pense qu'il est
mieux de laisser cette décision non pas à l'Assemblée nationale, qui, après tout… 125 pour tout le territoire du
Québec. C'est plutôt pour les grandes lois. Les décisions locales
pourraient être laissées aux municipalités,
aux villes, aux villages, qui comprendraient mieux les besoins de leurs
citoyens à ce niveau.
M. Roy : Merci.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci. Nous allons maintenant du côté de l'opposition officielle. M. le député de LaFontaine.
M. Tanguay : Oui. Merci beaucoup, Mme la
Présidente. Me Grey, merci beaucoup pour votre temps, le temps que vous prenez
pour venir nous expliquer votre vision et également le temps que vous avez pris
pour rédiger le mémoire, c'est très, très apprécié. Et je note d'entrée
de jeu, évidemment, l'aspect fondamental que vous reconnaissez — et ça, nous en sommes tous — à la loi 101, à la
Charte de la langue française, qui fait en sorte qu'un équilibre également a été atteint, et vous le notez. Et moi, j'ajouterais
même l'équilibre que vous notez aujourd'hui quant au contenu de la loi, quant à ses impératifs qui y sont inclus et
également quant aux champs d'application qu'elle couvre, il y a là un
équilibre, c'est le mot que vous utilisez,
et moi, j'aurais l'intention et j'aurais peut-être l'envie d'ajouter également,
à la lumière de l'évolution des 35, bientôt 36 dernières années, une
sorte de maturité qui lui permet aujourd'hui… qui nous permet aujourd'hui de constater cet équilibre-là. J'aimerais
vous entendre, et j'ai... Je crois que nous avons 11 minutes, Mme
la Présidente?
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Exactement.
M.
Tanguay : J'ai
peut-être, en rafale, quelques petites questions pour vous. Considérant votre
expérience, je pense que c'est bénéfique pour
tous.
Vous
citez, quant au statut bilingue des municipalités, l'arrêt Ville de Rosemère
contre Québec, et vous ajoutez une réflexion, et je vous cite : «De
plus — vous parliez du juge Reeves — il a exprimé des doutes sur la
suffisance du recensement pour établir qui est anglophone, suggérant que l'on peut
être à la fois francophone et anglophone.» Donc, sur cet aspect-là,
quels sont les défis auxquels nous sommes confrontés justement lorsque l'on
entre... lorsque l'on doit catégoriser les citoyens : cette personne-là
est anglophone versus ne l'est pas? Alors, quels sont les défis juridiques?
M.
Grey (Julius H.) :
Moi, je vous le dis, ne le faisons pas, sauf quand c'est absolument nécessaire
pour déterminer l'éligibilité pour l'école anglaise, mais, pour le reste, on ne sait pas
qui est anglophone et qui est francophone. Il y a des cas où c'est
clair, une personne unilingue, il n'y a pas beaucoup de doutes dans un sens ou
dans l'autre. Mais je pense que ce qu'il faut... Et la loi 101 devrait nous
permettre à atteindre un grand degré d'intégration, où, par exemple, quand il y a un dîner puis il y a huit
personnes autour d'une table, il y a une personne qui a un accent
italien, il y a une autre personne qui parle très couramment français mais avec
un accent anglais, les autres parlent français, il y a une ou deux personnes
qui sont parfaitement bilingues, cette intégration nous libère de la nécessité
de définir.
Et,
chaque fois qu'on définit des citoyens, il y a un danger que quelqu'un, dans un
avenir lointain ou rapproché, va abuser de cette définition pour créer des droits
basés sur l'origine ou autre chose. Ce n'est pas très probable chez
nous. Ce n'est pas comme en Europe, où ces choses-là surgissent de temps en
temps.
Mais ma réponse, c'est :
Catégorisons seulement quand c'est nécessaire, pour un droit très spécifique
comme l'éligibilité à l'école. D'ailleurs, j'ai
une solution pour cela aussi, qu'on permettrait un troisième système qui
fonctionnerait 80 % en français et qui serait ouvert à tout le monde, d'abord
pour l'intégration et ensuite pour ne pas classifier. À ce moment-là, les
enfants seraient ensemble, finiraient par parler les deux langues, mais le
français, la prédominance du français serait assurée. Je commencerais, bien
sûr, par une expérience. Je ne ferais pas ça à travers la province d'une journée à l'autre, pour empêcher justement la
disparition de l'une ou l'autre des langues. Mais l'intégration devrait
être le but, et la classification, une grande exception. Généralement, pas de
classes.
M.
Tanguay : Et
votre commentaire, Mme la Présidente, m'amène, Me Grey, également, à vous
soumettre une réflexion. Effectivement, là, on a eu l'occasion de rencontrer des représentantes,
représentants des commissions scolaires anglophones et on se rend compte non seulement que de jeunes anglophones
vont de plus en plus à l'école française, en français, ce qui est une
chose, mais, deuxième des choses, les commissions scolaires anglophones sont
des agents de francisation, Et nous n'avons qu'à regarder les résultats
académiques de leurs étudiants, de leurs élèves, qui sont parmi les meilleurs.
Je
ferme la parenthèse, et je vais directement sur votre point, et je fais un
croisement avec ce qui est suggéré dans le projet de loi n° 14. Je ne sais pas
si ça a attiré votre attention, mais, au niveau de ce qui serait demandé, si
d'aventure le projet de loi n° 14 était adopté, pour les cégeps
anglophones, de prioriser les anglophones quant à l'admission, donc un critère
basé sur la langue. Évidemment, quand on a dit ça, on a dit le pendant sans le
dire, mais là on comprend : au détriment d'élèves francophones. Et là on
stipule ici : pour respecter la clientèle de langue anglaise.
Alors,
on revient, là, ici, je ne sais pas si vous faites une distinction parce que
vous le permettiez ou vous y voyiez une application en matière d'enseignement, mais
là, ici, peut-être que c'est un... on m'a dit… je me suis laissé dire qu'il
s'agissait là d'une nouvelle verbalisation d'une autre réalité qui n'est pas
facile à définir : C'est quoi, la clientèle de langue anglaise? Est-ce que
c'est une personne de langue maternelle anglophone ou une personne qui aurait
pu aller à l'école en anglais?
M.
Grey (Julius H.) :
Moi, je suis contre cette... Autant je suis pour le test de français pour les
anglophones, je suis contre une priorité pour
les anglophones dans les cégeps anglophones, pour la bonne raison que ça mène à
une classification, et ça me rappelle la loi
n° 22 avec les tests de français, qui n'a pas été une bonne expérience.
Alors, moi, j'irais dans le sens d'un
système où on permet les gens d'aller au cégep dans l'autre langue et où on
exige une connaissance de français de tout le monde. Mais la classification
n'est pas une bonne chose.
• (17 h 50) •
M. Tanguay : Et je reviens, donc, et je voulais
faire ce chassé-croisé-là avec la priorisation des élèves anglophones au niveau
du cégep, je reviens au niveau… Dernière question, pour le statut bilingue, je
fais rapidement. Vous avez noté, en tout respect et avec égard, là, la notion d'une
majorité de 50 % comme étant simpliste, et donc d'où la difficulté
également de catégoriser les gens. Ça, c'est
une chose. Sans statuer là-dessus, que pensez-vous de la discrétion qui, par
ailleurs… premier test objectif, est-ce que nous sommes à 50 % plus un,
mais, par la suite, le projet de loi n° 14 conférerait à la ministre un pouvoir discrétionnaire, si tant est
que nous étions dans un cas précis sous la barre des 50 %, de
conserver le statut bilingue ou de le
retirer. Et là il y a des critères. Quand on parle d'un usage discrétionnaire,
on parle, entre autres, de la présence historique, d'une participation
significative. Est-ce que vous y voyez là, vous, un danger, d'accorder une
telle discrétion à peine balisée à un ministre?
M. Grey (Julius H.) : Non, je ne pense pas qu'il y ait un
danger. Je pense que la discrétion, c'est... Toutes les lois nécessitent
une certaine discrétion : discrétion d'un procureur de la couronne d'accuser
ou ne pas accuser, faire toutes sortes de
choses. Cependant, je ne pense pas que ça suffit pour les municipalités. Je ne
pense pas que la discrétion du ministre enlève ce qui est néfaste dans ce projet et je pense que ce n'est pas
bon pour le ministre. Imaginez, le ministre du côté du gouvernement
actuel serait mis sous une pression par certains militants de son côté; par
contre d'autres qui diraient : Vous
voyez, chaque fois que ce parti-là prend le pouvoir, ils sont contre nous. C'est
le contraire s'il y avait un ministre de votre côté, il serait sous pression, en disant : Vous êtes mous
sous la loi 101. Comment allez-vous faire face à l'électorat?, et en même temps des militants de l'ouest de Montréal
qui viendraient dire : Exercez votre discrétion. Je pense que ce n'est
pas bon pour le ministre. Chaque ministre va
trouver ça tragique. Et je suis convaincu, des deux côtés, que les ministres
sont des gens très bien. Vous savez, j'ai
beaucoup d'admiration pour la ministre actuelle. Le problème n'est pas là. Le
problème, c'est que cette discrétion, qui n'est pas une mauvaise chose en soi,
ne suffit pas pour remédier au problème.
M. Tanguay : Et vous touchez là, je pense, de
façon très, très bien... Et vous l'abordez, cet aspect qui peut être... d'une réalité
politique au jour le jour, qui est antinomique avec les pouvoirs et... pas les
pouvoirs mais les droits fondamentaux qui sont protégés par la Charte de
la langue française et, en ce sens-là, l'aspect aléatoire ou à la petite
semaine d'une politique qui fait que la décision pourrait être x un mardi et y
le lendemain, le mercredi.
Et, toujours sur cette lancée-là de l'aspect
délicat lorsque l'on aborde la Charte de la langue française, iriez-vous du même commentaire quant aussi à la possibilité de
faire double emploi… et c'est ma façon à moi, comme député de l'opposition officielle, de vous le présenter,
mais vous le verbaliserez comme vous le voudrez évidemment, mais de
faire double emploi avec l'Office de la
langue française, qui a déjà des enquêteurs nommés en vertu de la Loi sur lescommissions d'enquête, et que la ministre,
qui, elle également, par de nouvelles fonctions définies, aurait l'obligation
à terme d'appliquer la Charte de la langue
française, chose que l'office a déjà comme obligation, donc deux fois la
même obligation… L'office nomme des
enquêteurs, et là la ministre pourrait nommer des enquêteurs. Au-delà du double
emploi, peut-être du défi administratif que la main gauche sache ce que fait la
main droite, voyez-vous là une justification, une approche qui serait justifiée
en l'espèce?
M. Grey (Julius H.) : La décentralisation peut avoir une
justification. Par exemple, il y a un groupe qui est un peu plus dur sur l'application, un autre qui est moins.
Ça, ce n'est pas une tragédie. Mais ce qui est un peu difficile à accepter… et je pense que les Québécois auront
beaucoup de difficultés à avaler une prolifération des inspecteurs dans
ce domaine quand il y a d'autres domaines tellement plus importants, en santé,
éducation, où on coupe les vivres. Alors, c'est
une question de coûts, je pense. La décentralisation des pouvoirs d'inspection,
et tout ça, ce n'est pas nécessairement une mauvaise chose d'avoir deux
types de gens qui le font, mais l'aspect pratique, dans une société qui n'a pas
beaucoup d'argent, c'est une autre paire de manches.
M.
Tanguay : Oui. Merci beaucoup, Me
Grey. Merci.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Merci. Nous allons maintenant du côté du deuxième groupe d'opposition. Mme la
députée de Montarville, vous avez la parole pour 2 min 47 s.
Mme Roy (Montarville) : Oh! C'est court. Merci, Mme la
Présidente. Me Grey, mes hommages, c'est un
plaisir de vous avoir ici, de vous entendre,
de vous lire. J'aime beaucoup votre position, qui est une position d'équilibre.
À la Coalition avenir Québec, c'est
ce que nous recherchons. Nous voulons protéger le français, protéger le droit
des minorités, naturellement dans le respect des droits et libertés de
tous.
Alors, j'ai peu de temps. Vous disiez que le
fait d'inclure le français dans la Charte des droits et libertés du Québec était une bonne idée. Pourriez-vous élaborer
davantage, je vous prie?
M.
Grey (Julius H.) : Parce que je pense
que la Charte des droits et libertés énonce ce qui est essentiel pour une
société. La liberté d'expression est essentielle, la liberté d'association, la
liberté de religion, la liberté de conscience — moi, j'insiste toujours sur la conscience et pas seulement
sur la religion — et le français est essentiel, c'est la même chose. Ce
sont les choses qui... D'abord, ça justifie l'intervention des tribunaux de
temps en temps pour protéger le français parce que les tribunaux ne sont
pas là pour faire la politique quotidienne, pour intervenir, par exemple, en
matière budgétaire, et tout ça, mais les tribunaux sont là pour protéger les
droits vraiment fondamentaux.
Et, deuxièmement, ça augmente le respect. Je
pense que j'ai commencé par ça : le défi, c'est de faire accepter la loi 101, non pas à reculons, mais vraiment acceptée par
tous les Québécois, que tout le monde dise : C'est une bonne loi, ça n'a pas créé de distinctions, nous pouvons
tous nous épanouir ici. Et, pour avoir cette acceptation, mettons-le,
mettons le français comme une chose fondamentale. Ça fonctionne. Et les gens
vont voir qu'ils ne sont pas brimés, que le français comme valeur fondamentale
n'est pas contre eux. Et je pense que ça va aider.
Mme Roy (Montarville) : Me Grey, je vous remercie. J'en
discuterais très longtemps, mais je sais que je
vais être interrompue dans quelques secondes. Merci beaucoup, Me Grey.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci. Nous allons maintenant vers la députée de Gouin.
Mme la députée, c'est à vous la parole, pour
le même temps, malheureusement, 2 min 47 s.
Mme
David : Merci,
Mme la Présidente. M. Grey, bonjour. Alors, écoutez, moi, je vais vous poser
une question sur
quelque chose dont vous n'avez pas parlé, mais je sais que vous avez une
opinion là-dessus. C'est effectivement le changement de vocabulaire dans
le préambule, où l'on passe de «minorités ethnoculturelles» à «communautés culturelles». Vous l'avez déjà commenté tout à l'heure.
Mais je vais vous dire que, tout en acceptant l'argument où vous nous dites : Ça n'est pas à la Charte de la
langue française de protéger les minorités, ce n'est pas son rôle, il y a la
Charte des droits et libertés qui est faite
pour ça, il reste que, de changer de vocabulaire — et on n'a pas... moi, je n'ai pas encore compris la raison de ce changement — c'est normal que ça crée chez les personnes concernées de l'inquiétude
et un peu de désarroi.
Et donc la question
que je veux tout simplement vous poser, c'est : Ne serait-il pas beaucoup
plus simple de conserver le même
vocabulaire, puisque les mots doivent vouloir dire quelque chose? Et «minorités
ethnoculturelles» ou «minorités culturelles» veut vraiment dire plus que
«communautés culturelles», qui, entre vous et moi, est l'un des termes les plus
abstraits qu'on a jamais entendus.
M.
Grey (Julius H.) :
Je pense que ni... Je vous ai dit, je ne suis pas quelqu'un qui est
particulièrement concerné par les mots précis.
Je pense que les tribunaux, à travers les décennies et les siècles,
interprètent de la façon, disons, la plus appropriée pour chaque époque les
mots qui sont insérés dans la loi.
La
différence entre les deux termes est intéressante. Je pense que la minorité
ethnique, ça implique quelque chose de plus permanent. Quelqu'un fait partie d'une
minorité ethnique, donc il n'y a pas d'intégration possible. Communauté
culturelle, c'est plutôt quelque chose, je pense, volontaire, où l'individu
peut appartenir, peut ne pas appartenir, peux appartenir aux deux ou trois. Et
je suis convaincu que les deux ont le droit d'être protégés. La liberté d'association
protège tout le monde. On ne peut pas dire à un membre d'une... à quelqu'un qui
pense qu'il est membre d'un groupe ethnique et veut que ses enfants
appartiennent, etc. : Non, vous ne pouvez pas. Bien sûr, vous pouvez, vous
avez des droits à l'éducation, à d'autres choses.
Mais
la Loi 101, je pense, la Charte de la langue française était là pour protéger
la... pas la majorité, mais la langue
française et une minorité qui avait des droits historiques. Et ça, je pense qu'elle
l'a bien fait. Pour le reste, écoutez, on
pourrait laisser le terme, ça ne me dérange pas dans un sens ou dans l'autre.
Mais je ne vois pas là un danger pour les membres des minorités. Il y aurait un danger si on passait
systématiquement par toutes les lois du Québec pour enlever le terme
«communauté ethnique». Là, ils veulent dire quelque chose pas cela. Mais
changer le préambule, non.
Et je retourne à une
autre chose. Le préambule, à part cette question, on peut laisser...
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Désolée,
vraiment désolée, M. Grey...
M. Grey (Julius
H.) : ...le préambule est bon.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Est-ce que vous
voulez qu'on...
Une voix : ...
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Oui? Parfait. Continuez, avec le consentement. Je dois
quand même le demander. Allez-y, M. Grey.
M. Grey (Julius
H.) : Non, j'allais dire que le
préambule comme tel est bon. Je ne suis pas contre l'ancienne terminologie mais
la nouvelle ne me fait pas peur.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci beaucoup, M. Grey pour votre contribution. Je vous souhaite à tous, membres de la commission, chers
collègues, une bonne fin de soirée.
Et
la commission ajourne ses travaux au jeudi 11 avril, après les affaires
courantes, afin de poursuivre ce mandat.
(Fin de la séance à
18 heures)