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Version finale

40th Legislature, 1st Session
(October 30, 2012 au March 5, 2014)

Tuesday, April 9, 2013 - Vol. 43 N° 18

General consultation and public hearings on Bill 14 : An Act to amend the Charter of the French language, the Charter of human rights and freedoms and other legislative provisions


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Table des matières

Auditions (suite)

Confédération des syndicats nationaux (CSN)

Impératif Français

Mouvement Québec français

Chambre de commerce gaie du Québec (CCGQ)

Office québécois de la langue anglaise (OQLA)

Intervenants

Mme Dominique Vien, vice-présidente

Mme Diane De Courcy

M. Émilien Pelletier

M. Daniel Breton

M. Sylvain Roy

M. Marc Tanguay

Mme Nathalie Roy

M. Geoffrey Kelley

*          M. Jacques Létourneau, CSN

*          M. Michel Forget, idem

*          Mme Isabelle Lacas, idem

*          Mme Julie Marquis, idem

*          M. Jean-Paul Perreault, Impératif Français

*          Mme Monique Bisson, idem

*          M. Mario Beaulieu, Mouvement Québec français

*          M. Éric Poirier, idem

*          M. Marc-Antoine Saumier, CCGQ

*          M. Daniel St-Louis, idem

*          M. Hugo Shebbeare, OQLA

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Dix heures trois minutes)

La Présidente (Mme Vien) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bonjour, tout le monde. Alors, je constate le quorum et je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Bien entendu, je vous demande, chers collègues et chers invités — bonjour, Mme la députée — de bien vouloir éteindre la sonnerie de vos téléphones cellulaires, de vos portables.

Je vous rappelle que le mandat de la commission est de poursuivre les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le projet de loi n° 14, Loi modifiant la Charte de la langue française, la Charte des droits et libertés de la personne et d'autres dispositions législatives.

Mme la secrétaire, notez-vous des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. Mme Charbonneau (Mille-Îles) sera remplacée par M. Kelley (Jacques-Cartier).

Auditions (suite)

La Présidente (Mme Vien) : Merci beaucoup. En ce qui a trait à l'ordre du jour aujourd'hui, cet avant-midi, nous entendrons la Confédération des syndicats nationaux et Impératif Français. Cet après-midi, nous poursuivrons avec le Mouvement Québec français, la Chambre de commerce gaie du Québec et l'Office québécois de la langue anglaise.

Alors, nous sommes prêts à débuter dès maintenant. Nous recevons donc, pour débuter cette journée, la Confédération des syndicats nationaux. Bonjour à vous tous. Bienvenue dans votre Assemblée nationale.

Confédération des syndicats nationaux (CSN)

M. Létourneau (Jacques) : Bonjour, madame.

La Présidente (Mme Vien) : Bonjour. Comme pour les autres groupes, vous disposez de 10 minutes pour nous livrer l'essentiel de votre message, de votre mémoire. Après quoi s'ensuivront des échanges avec le côté ministériel, les représentants du côté ministériel et de l'opposition officielle. Ça vous va?

M. Létourneau(Jacques) : Ça va très bien.

La Présidente (Mme Vien) : Alors, bonjour et... Débutez, on vous écoute maintenant.

M. Létourneau (Jacques) : Alors, d'abord, merci de nous recevoir ce matin. Rapidement vous présenter Isabelle Lacas, qui travaille au service juridique de la CSN; Julie Marquis, qui travaille au service des relations de travail; Michel Forget, qui est adjoint au comité exécutif de la CSN; et moi-même, Jacques Létourneau, président de la Confédération des syndicats nationaux.

Alors, c'est un immense plaisir pour nous ce matin de présenter les grandes lignes du mémoire de la CSN dans le cadre de cette commission parlementaire. Évidemment, comme vous avez lu le mémoire, bien, je le... puis qu'on dispose de 10 minutes, évidemment je vais survoler, là, les grands principes qui nous ont guidés dans la réflexion nous amenant à déposer ce mémoire.

Mais, dans un premier temps, j'aimerais d'abord saluer l'initiative du gouvernement du Québec dans cette volonté d'aller de l'avant avec un projet de loi qui, pour nous, nous apparaît comme étant un point de départ nécessaire et fondamental dans le renforcement de cette idée que non seulement, au Québec, nous vivons en français, mais, vous le savez — comme vous avez lu notre mémoire — nous travaillons aussi en français.

La CSN a historiquement, comme l'ensemble des organisations syndicales au Québec, contribué justement à faire du fait français, dans notre histoire, quelque chose de fondamental. Je pense que les différentes batailles qui ont été tant menées, dans les milieux de travail, par les syndicats, par les travailleuses puis les travailleurs pour justement d'avoir le droit de travailler dans sa langue, dans sa langue d'origine, le français… et aussi et surtout cette nécessité de confirmer, de par les lois et les chartes, dans notre histoire qu'au Québec c'est en français que ça se passe. C'est clair que la CSN a toujours été non seulement préoccupée par cette situation-là, mais elle a aussi contribué, surtout, de par les luttes syndicales, les luttes politiques, à faire du fait français quelque chose de prioritaire pour une société comme la nôtre qui vit — c'est toujours bon de le rappeler — dans une mer et dans un univers anglophones.

Je pense que, fondamentalement, même si le contexte sociopolitique a évolué depuis les années 60... Moi, je proviens de Thetford Mines, où, à l'époque, ceux qui parlaient anglais, bien, c'étaient les patrons, puis les travailleurs parlaient le français. Alors, même si on a réussi historiquement à faire ce nécessaire rattrapage là puis on s'est peut-être un peu, finalement, sauvé de ce complexe-là qu'on avait face à l'anglais, il n'en demeure pas moins qu'aujourd'hui il y a des conditions qui sont extrêmement préoccupantes et qui exercent une pression tant sur le concept de français langue commune que de français vie au travail, mondialisation, financiarisation de nos économies.

Bon. À notre avantage, c'est sûr qu'aujourd'hui les jeunes ne conçoivent plus la question de l'anglais comme notre génération et celle de nos parents ont pu la concevoir, c'est-à-dire dans des rapports de classe où c'était le patron, comme je l'ai dit tantôt, qui parlait anglais puis que le travailleur parlait français. Les jeunes aujourd'hui possèdent deux, trois, quatre langues, et c'est tant mieux. Donc, leur perception… et leur rapport à l'anglais n'est pas nécessairement celui que nous avons entretenu ou que les autres générations ont entretenu.

Mais en même temps ça ne veut pas dire que cette ouverture-là sur le monde… Et j'insiste là-dessus, parce que souvent, quand on vient défendre le français, la cause du français, on essaie de nous faire passer comme des rétrogrades puis des gens qui viennent d'une autre époque, alors que plus que jamais cette question-là est pertinente. Parce qu'il y a des conditions bien objectives qui font en sorte que le français, par exemple, dans les milieux de travail, recule depuis plusieurs années, Montréal est un exemple quand même assez frappant; on parle de la réalité des petites et moyennes entreprises.

Déjà, en 1996, sous le gouvernement du Parti québécois, il y avait un groupe de travail qui avait identifié un certain nombre de problématiques et de reculs. Il y a eu des états généraux sur la question du français au Québec. Donc, depuis une quinzaine d'années, là, surtout dans la période où les libéraux étaient au pouvoir, on a sonné l'alarme à quelques reprises justement pour dire : Si on ne s'occupe pas de cette réalité-là, si on laisse aller les affaires, puis si surtout on laisse entre les mains des employeurs puis des entreprises une approche plus volontaire, sans trop de mesures contraignantes… Parce que souvent, quand on les entend, si on veut resserrer un peu plus les règles, on se fait dire : Bien, vous allez nuire à l'économie, nuire au développement local, développement des entreprises, alors que, dans les faits, on sait très bien que… Oui, bien sûr, il faut être volontaire pour s'attaquer à des problématiques aussi importantes que celles-là, mais en même temps, si les règles du jeu ne sont pas claires et si on ne donne pas les moyens aux entrepreneurs, aux entreprises, puis aux travailleuses, puis aux travailleurs pour justement faire en sorte que ça se passe en français dans nos milieux de travail, bien, c'est sûr qu'on risque d'avoir de sérieux problèmes au cours des prochaines années.

Le phénomène du français dans les milieux de travail, nous, on dit — puis il y a une citation, dans notre mémoire, que j'aime bien : «On ne peut parler de langue commune sans parler de langue de travail.» Une langue perd de sa vitalité et est condamnée à long terme à disparaître lorsqu'elle n'est plus utile pour gagner sa vie. Alors, en termes clairs, si vous passez vos journées à travailler en anglais, puis vous êtes une personne immigrante, puis vous vivez à Montréal, puis que vous allez au dépanneur du coin, puis on vous sert en anglais, puis vous allez au café, puis on vous sert en anglais, puis… bien évident que, sur le moyen puis le long terme, le signal qu'on envoie au monde, c'est qu'au Québec non seulement on vit en anglais puis en français, mais que, de toute façon, tu peux aussi vivre uniquement en anglais.

• (10 h 10) •

Il faut vivre à Montréal — moi, je vis dans La Petite-Patrie, là — il faut vivre à Montréal pour observer ce glissement-là, puis pas juste dans les milieux de travail, mais aussi, de façon générale, dans la société : à l'école primaire, au dépanneur du coin, au café. Moi, je me fais dire par une Italienne qui vient vivre au Québec, qui apprend le français, qui travaille dans un café de La Petite-Patrie : On ne m'avait pas dit qu'il fallait que je travaille aussi en anglais. La moitié des clients... Alors, il y a un problème, il y a un problème majeur.

Alors, pour nous, il faut que le signal soit fort. Et nous pensons que le projet de loi n° 14 va dans ce sens-là. Bien qu'imparfait, nous… Vous allez le voir, il y a des recommandations sur lesquelles on souhaiterait aller plus loin. Mais en même temps on pense qu'il faut envoyer un signal fort pour que les employeurs puis pour que les travailleuses puis les travailleurs aussi, parce que ce n'est pas juste de la responsabilité des employeurs... puis que, de façon générale, dans notre société, on comprenne que le français, sur le long terme, il est menacé et que, si on ne prend pas les mesures, comme société, comme pouvoir politique, pouvoir législatif puis comme organisation de la société civile, puis je nous inclus comme organisation syndicale là-dedans, bien, c'est clair qu'on risque d'assister à un certain nombre de dérapages.

Je sais qu'il ne me reste plus beaucoup de temps, mais... Trois minutes? Bon. Excellent. Alors, peut-être un certain nombre d'éléments plus spécifiques sur lesquels nous, on veut insister.

Le français en milieu de travail, la question, pour nous, fondamentale des comités de francisation, on a déjà eu des échanges informels là-dessus, on aimerait ça en discuter ce matin, parce que, que ce soit en matière d'organisation du travail dans une entreprise… Historiquement, là, quand on regarde comment les choses se placent dans une entreprise, il y a des réformes, des réorganisations, il y a des pressions liées, dans le secteur privé, à la mondialisation. De façon générale, on reconnaît toujours que les travailleuses et les travailleurs, par l'entremise de leur syndicat… mais même dans les entreprises où il n'y a pas de syndicat, il faut mettre en place des comités paritaires pour réfléchir justement à comment on pose la question des réorganisations. La même affaire en santé et sécurité au travail, les groupes prioritaires, on les réclame depuis des années et on stipule puis on précise qu'il faut que les employeurs, les syndicats, les travailleuses, les travailleurs s'assoient ensemble pour trouver des passages pour justement régler des problèmes à la source quand il s'agit de l'intégrité physique ou mentale des travailleuses et travailleurs. Pour nous, quand on pose la question du français dans les milieux de travail, cette question-là est similaire. Nous, on pense que, les comités de francisation, il faut les maintenir puis il faut aussi les élargir pour les entreprises où il y a de 50 à 100 employés.

Et je sais… Bon, il y a une disposition dans le projet de loi qui nous inquiète un peu, dans la mesure où on parle peut-être, éventuellement, de substituer des comités de francisation à d'autres mécanismes et à d'autres mesures. Notre crainte, c'est que les employeurs s'appuient là-dessus. Parce que les comités de francisation, ils ne fonctionnent pas de façon tout égale partout, hein? Puis il a été une période... là, moi, je pense qu'ils vont un peu mieux, mais il a été une période où ce n'était pas évident. Et en même temps il ne faudrait pas s'appuyer là-dessus pour dire : Bien, ils sont peut-être trop lourds, pas fonctionnels, puis mettons en place des mesures plus souples. Nous craignons que les employeurs s'appuient là-dessus justement pour ne pas faire la promotion des comités de francisation, pire, d'utiliser même leur droit de gérance pour gérer la question du français dans les milieux de travail.

L'autre disposition sur laquelle nous, on souhaiterait peut-être un peu plus de mordant — oui, je termine là-dessus — c'est toute cette idée-là que les entreprises, de façon volontaire, vont prendre leurs responsabilités et. Nous, on pense que l'office devrait avoir davantage de moyens pour justement mesurer, accompagner, certifier des entreprises qui vont accepter de rentrer dans un processus, s'appuyer sur l'idée que les entreprises sont volontaires. Et souvent, malheureusement, ce n'est pas nécessairement garant de résultats, alors, dans ce sens-là, c'est une mesure qui pourrait être renforcée.

Rapidement, l'administration publique, les questions d'immigration, je reviens à ce que je disais au départ, il faut que le signal soit fort, c'est-à-dire qu'il faut qu'à partir de l'État on soit au clair sur le fait qu'on vit en français au Québec et qu'on travaille en français. Alors, je vous remercie.

La Présidente (Mme Vien) : Merci beaucoup, M. Létourneau, pour vos propos. Maintenant, je cède la parole à Mme la ministre. Bonjour. Vous avez 21 minutes pour le groupe parlementaire qui forme le gouvernement.

Mme De Courcy : Merci. Alors, bien, bonjour, mesdames, messieurs. D'abord, merci de vous être inscrits à cette commission parlementaire qui, à mon avis, touche fondamentalement la langue de travail, et votre contribution à cet égard-là nous est très précieuse. Sachez que j'y accorderai une attention toute particulière, compte tenu de votre expérience, bien entendu, mais aussi de votre engagement auprès de la francisation des personnes en emploi et des entreprises aussi. Je sais que vous avez des relations très importantes avec l'OQLF et aussi avec le ministère de l'Immigration. Vous avez été, dans le milieu syndical, des précurseurs à ce niveau-là, et je tiens à souligner l'excellence de votre travail d'abord. Ça donne donc beaucoup de crédibilité, à mes yeux, à votre contribution.

Je vais aller droit au but, pour permettre à mes collègues qui voulaient échanger avec vous aussi sur d'autres sujets… je vais aller droit au but sur les comités de francisation. Vous n'êtes pas les premiers, là, à m'avoir indiqué qu'il y avait une anomalie, que j'ai reconnue, que j'ai reconnue d'emblée. En effet, notre… Et, dans un article qui a paru dans Le Devoir — si vous me permettez, je vous le ferai suivre — j'indiquais que, entre guillemets, ça ne correspond pas à l'intention du législateur — alors je l'ai mis entre guillemets, bien entendu. Notre intention en fait était double, et la contre-action, dans cet article-là, ne nous a pas bien servis, dirons-nous. Ce que nous voulions préserver, c'était bien sûr les comités de francisation, mais nous voulions aussi… dans les cas où il n'y a pas de syndicat — et malheureusement les entreprises sont nombreuses où il n'y a pas de syndicat — que nous puissions permettre à des employés… et donner des obligations mutuelles d'inscrire un moyen, un moyen qui va leur permettre d'aller vers la francisation. Et ça, ça devait se faire bien sûr avec la collaboration très étroite de l'Office québécois de la langue française. Nous avons mal rédigé, et ça n'a pas rendu compte bien de l'intention, alors ce qui fait qu'on va faire une proposition pour dire que, dans les cas où il y a un syndicat, ça prendra l'accord du syndicat pour faire une modification, ce qui donne un équilibre nouveau. Et nous allons sûrement prévoir une formulation — que je n'ai pas aujourd'hui, on n'est pas à l'étude article par article, là — mais une formulation qui va nous permettre aussi d'encercler la question quand il n'y a pas de syndicat présent. En fait, ce qu'on voulait, c'est enrichir la question des comités de francisation et les modes de francisation. On aura l'occasion, probablement, si vous avez des idées à ce sujet-là, de pouvoir partager à nouveau, d'ici la fin de la commission parlementaire, si vous le jugez opportun.

Une sous-question que je... Donc, voici, je pense que ça vous permet d'être rassurés à notre sujet, autour de ça. Une sous-question concernant les comités sectoriels de main-d'œuvre, ça me préoccupe beaucoup cette question-là, je considère que c'est un instrument gouvernemental très important, salué autant par le patronat que par les groupes syndicaux. Et, quand vous parlez d'outiller les entreprises, une des façons d'outiller les entreprises, pour nous, c'est de travailler avec les comités sectoriels de main-d'oeuvre, qui reçoivent ça très positivement. J'ai fait des rencontres aussi avec certaines fédérations d'employeurs, qui semblaient recevoir la chose très correctement. Est-ce que je peux conclure, à la lecture de votre mémoire, que vous avez confiance dans les comités sectoriels de main-d'oeuvre pour donner un support à la fois aux employés et à la fois aux entreprises que vous connaissez bien? Est-ce que vous pensez que cet instrument gouvernemental là est la bonne voie à suivre? Après, mon collègue Daniel Breton s'adressera à vous, après votre réponse. Merci de me répondre là-dessus.

• (10 h 20) •

M. Forget(Michel) : Bonjour. Bien, on n'est pas fermés à ce que les comités sectoriels de la main-d'oeuvre jouent un rôle important dans le processus de francisation. D'ailleurs, tous les groupes devraient jouer un rôle important dans la mise en place, là, soit justement de mécaniques de francisation, soit à l'intérieur des entreprises, soit par des cours de formation, ou autres. Ceci étant dit, et comme on dit dans notre mémoire, on pense que l'office doit jouer un rôle beaucoup plus accru que ce qu'elle joue présentement. Et c'est ce qui manque à l'heure actuelle, on l'a rappelé depuis plusieurs années, entre autres pour supporter les comités de francisation, supporter des gens qui sont sur les comités de francisation, les former, faire de sorte qu'ils soient aptes à remplir pleinement leurs mandats, pas les laisser à eux autres mêmes.

Et, si vous permettez, Mme la ministre, je voudrais juste revenir sur votre papillon ou sur le... ce que vous amenez de l'avant. Ce qui nous apparaît important… Et le danger dans toute tentative de voir... ou de voir les comités disparaître, les comités de francisation, c'est que la place des travailleurs à l'intérieur des mécaniques de francisation… le travailleur n'ait plus sa place. Et de laisser ça juste à l'entreprise, c'est la même chose qu'en santé et sécurité où, au niveau de l'organisation du travail, la journée où on met ça juste dans les mains de l'entreprise, hein, on n'avance pas. Le plus bel exemple que vous avez, c'est la situation actuelle. Il n'y a rien qui empêche les employeurs actuels de fonctionner, franciser leurs entreprises, hein? Si ça ne fonctionne pas, c'est parce qu'ils sont laissés à eux autres mêmes. Donc, il faut accompagner du monde alentour pour renforcer les mécanismes qu'on a présentement.

Mme De Courcy : Message entendu. Merci.

M. Létourneau (Jacques) : Oui. Bien, peut-être rapidement ajouter qu'on — puis on le dit dans le mémoire — est conscients que, dans les PME, mettre en place des comités de francisation, ce n'est peut-être pas nécessairement la même formule quand il y a sept, huit, 10 employés. On peut comprendre que les mesures proposées dans le projet de loi représentent un pas dans la bonne direction. On peut comprendre aussi qu'à partir du moment où il y a un syndicat qui négocie avec l'employeur, bien, s'il y a un accord particulier pour mettre sur pied autre chose que... Si le syndicat... Chez nous, les syndicats sont autonomes, donc on ne les empêchera pas de négocier avec les employeurs. Seul bémol, c'est là où il n'y a pas de syndicat. Alors là, je nous mets en garde, parce que la tentation des employeurs de régler vite la question, comme ils sont capables de régler bien d'autres questions quand il n'y a pas de syndicat dans la place, ça pourrait être inquiétant. Puis, comme toutes les entreprises ne sont pas syndiquées, malheureusement, au Québec, bien... Alors, peut-être cette mise en garde.

Mme De Courcy : Merci.

La Présidente (Mme Vien) : Merci, M. Létourneau. M. le député de Saint-Hyacinthe avant le député de Sainte-Marie—Saint-Jacques.

M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Merci, Mme la Présidente. Alors, je souhaite la bienvenue à tout le monde aujourd'hui. Merci, les gens de la CSN.

Ma question, elle va être à peu près sur le même sujet, sur les comités de francisation. Vous avez, à la page 19 de votre mémoire, mentionné : «…l'Office québécois de la langue française publiait une étude intitulée L'activité des comités de francisation ou la difficulté de passer de la théorie à la pratique, qui démontrait qu'au moment de son enquête, [à l']automne 2011, seulement 18,8 % des grandes entreprises avaient de comités actifs...» J'aimerais que vous élaboriez un petit peu plus là-dessus. Puis comment pensez-vous que, pour les entreprises de 50 à 99 employés… Et même comment on va... Comment vous proposez de créer des comités de francisation dans les institutions de l'administration? Mais comment voyez-vous ça, là, dans son ensemble? Comment on peut parvenir à instaurer, sans nécessairement trop charger, je veux dire, ces entreprises-là aussi, au niveau de...

M. Forget (Michel) : Écoutez, les comités de francisation, là, ce n'est pas quelque chose de trop, trop lourd dans une entreprise. Si vous regardez la loi, ce n'est pas le comité qui se réunit à toutes les semaines puis ce n'est pas le comité qui a 32 personnes dessus. C'est assez simple comme fonctionnement. C'est juste d'avoir une volonté pour... une volonté de les mettre en application, pour faire de sorte qu'ils soient fonctionnels.

Et je reviens toujours dans le cadre du rôle de l'office, l'office, à l'heure actuelle, lorsqu'elle fait affaire, elle ne fait pas affaire avec le comité de francisation. Elle fait affaire avec l'entreprise, qui lui dit qu'il y a un comité de francisation. Je vais vous donner une expérience très personnelle par rapport à ça. À la CSN, on a décidé, il y a quelques années, suite au rapport sur la situation linguistique au Québec, de relancer nos comités de francisation avec l'office, de faire une démarche interne. On a convoqué tous les gens… beaucoup de gens qui apparaissaient dans la liste de l'office comme étant membres de comités de francisation. On les a réunis dans une salle; c'était la journée sur les comités de francisation. On s'est rendu compte qu'à peu près 99 % des gens avaient été inscrits à l'office mais n'avaient jamais participé aux comités. Dans certains, eux autres mêmes n'avaient pas signé les papiers. C'est l'employeur qui avait signé à leur place. Ça fait qu'on a interpellé l'office, dire : Il y a un problème, vos comités, ce sont des comités bidon. Est-ce que vous faites des vérifications? Ils nous ont dit : Ce n'est pas notre responsabilité. On intervient au niveau de l'employeur, c'est de la responsabilité de l'employeur. Quand on parle, dans notre mémoire, que l'office doit avoir des plus grandes responsabilités, des plus grands moyens, c'est justement de pouvoir intervenir et de faire de sorte de valider si les comités fonctionnent. Et, à partir de ce moment-là, c'est sûr que, demain matin... on ne réglera pas tout demain matin, mais qu'il y ait une évolution qui se fasse à l'intérieur de ça.

L'autre suggestion qu'on met de l'avant, compte tenu des moyens que l'office dispose, c'est de travailler de façon sectorielle ou de façon régionale. À titre d'exemple, la priorité... Pas sûr que la priorité, demain matin, ça doit être le Saguenay, hein? Mais, je pense, comme Montréal, puis des secteurs bien particuliers à Montréal, on devrait prioriser ça. À titre d'exemple, le secteur de l'hôtellerie, ça, il ne devrait y avoir aucun espace là-dessus. On devrait travailler là-dessus. On leur propose des programmes de formation clés en main, puis il n'y a pas de volonté d'embarquer là-dedans. Ça fait qu'on devrait être en mesure de mettre quelque chose... d'encadrer la loi, faire de sorte que ces gens-là, oui, travaillent au niveau de la francisation dans leurs entreprises. Il y a déjà des travaux qui ont été faits il y a 15 ans. Ça a été un succès à la grandeur. Les établissements ont eu des prix pour ça. Il y a un travail important. Tout ça est laissé… est tombé à l'eau. Il faut qu'on relance ça. Et ça, il faut l'encadrer dans des réglementations, dans un projet de loi, puis après venir supporter ça par des mesures incitatives pour que les gens embarquent. Le gouvernement a mis certaines mesures incitatives, il faut aller plus loin que ça aujourd'hui.

M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Merci.

La Présidente (Mme Vien) : M. le député de Sainte-Marie—Saint-Jacques, c'est à votre tour.

M. Breton : Merci, Mme la Présidente. Je veux en profiter pour saluer les collègues de l'opposition officielle et de la deuxième opposition.

Merci d'être ici aujourd'hui. Je suis très conscient de l'importance de la contribution que vous amenez à ce débat-là. Et d'ailleurs je veux vous saluer, parce qu'évidemment votre siège social est situé dans ma circonscription.

Et vous avez raison, je pense, pour reprendre les mots de M. l'adjoint au comité exécutif, que la priorité, c'est peut-être plus Montréal que le Saguenay. Et, comme député de Montréal, moi, je peux vous dire, parce que je vois de visu depuis des années, parce que je suis quelqu'un de Montréal, à quel point on sent qu'il y a un glissement vers une anglicisation de la vie publique à Montréal.

Vous avez parlé aussi de l'hôtellerie. C'est clair, c'est clair qu'il y a un problème. Moi, je peux vous dire que j'ai été travailleur syndiqué dans le milieu du cinéma et de la télévision pendant des années, et je peux vous dire qu'on a travaillé pas mal plus en anglais que je l'aurais cru avant… à mes premières... dans mes premiers pas, là. Du moment qu'un producteur américain débarquait, là, on avait l'impression de se retrouver à Hollywood, sans les moyens.

Moi, il y a dans votre mémoire beaucoup de choses intéressantes. Ce que vous venez de dire, je dois vous avouer que ça m'a beaucoup interpellé, ça, de dire qu'il y a un comité de francisation qui a été mis sur pied et que les gens qui en faisaient partie n'étaient même pas au courant qu'ils avaient été mis sur la liste. Moi, je dois vous avouer que c'est assez choquant. Puis là vous recommandez que les employés syndiqués soient autorisés à déposer une plainte auprès de la commission du travail; j'aimerais ça que vous élaboriez un peu là-dessus, s'il vous plaît.

M. Forget (Michel) : Bien, dans un premier temps, peut-être que ma camarade...

La Présidente (Mme Vien) : Mme Lacas?

Mme Lacas (Isabelle) : Oui.

La Présidente (Mme Vien) : Allez-y.

Mme Lacas(Isabelle) : Mais effectivement, actuellement, pour les employés syndiqués qui veulent déposer une plainte individuelle, parce qu'ils ne peuvent... ils sont... on leur reproche leur méconnaissance de l'anglais ou parce qu'ils veulent contester l'exigence de l'anglais, c'est actuellement le grief. Ce qu'on recommande, c'est que, pour les employés syndiqués comme pour les employés qui ne le sont pas, ces plaintes puissent être déposées individuellement à la Commission des relations du travail. La Commission des relations du travail, actuellement elle entend les plaintes des travailleurs qui ne sont pas syndiqués et qui se plaignent d'un déplacement, d'un congédiement ou d'une autre mesure de représailles en raison du fait qu'ils ne connaissent pas, qu'ils ne maîtrisent pas suffisamment l'anglais.

Et la Commission des relations du travail, elle est équipée pour entendre ce type de recours. D'une part, c'est des mécaniques avec présomption, c'est-à-dire que ça... il revient à l'employeur de faire la preuve que l'anglais est nécessaire. Et, devant la Commission des relations du travail, la mécanique est beaucoup moins lourde, beaucoup plus rapide, et, on ne se le cachera pas, c'est beaucoup moins coûteux. Parce qu'évidemment, pour l'employé qui porte un grief, pour le syndiqué qui porte un grief ou le syndicat qui décide de porter un grief, parce qu'évidemment on en porte, des griefs, à l'arbitrage, bien, la mécanique, elle est beaucoup plus dispendieuse. C'est le système d'arbitrage qui est fait ainsi.

Et l'autre chose, c'est que, dans un milieu de travail plus anglophone que francophone, la volonté collective de défendre ce type de grief là, ce type de réclamation là d'un travailleur individuel, bien, ça peut donner lieu à des débats collectifs qui impliquent que le travailleur syndiqué a un double débat à faire : d'abord, convaincre son syndicat d'y aller, et de le soutenir. Alors que, pour un employé qui se retrouve en milieu non syndiqué, il porte plainte à la Commission des relations du travail. Le projet de loi propose que ce soit fait devant... avec les Normes du travail désormais, ce qui est une excellente chose, mais par ailleurs ça fait en sorte que le travailleur qui n'est pas syndiqué a directement accès à la plainte et au support de la Commission des normes. Et ce que l'on propose en fait, c'est que ça puisse être la même chose pour le travailleur syndiqué, qui se retrouverait à pouvoir déposer sa plainte directement à la Commission des relations du travail. Son syndicat pourra l'accompagner là-dedans, comme on le fait lorsqu'il y a des représailles pour activités syndicales, par exemple, mais devant un tribunal absolument compétent pour entendre cette cause-là et un peu détaché des questions de convention collective et des limites qu'impose l'arbitrage en matière d'interprétation de convention collective et de milieu de travail, donc un tribunal absolument concentré sur l'application de la Charte de la langue française sans avoir à tenir compte des autres règles qui vont régir les arbitrages habituels.

La Présidente (Mme Vien) : Allez-y, monsieur.

• (10 h 30) •

M. Forget (Michel) : En 2008, lorsqu'il y a eu le Rendez-vous des gens d'affaires et des partenaires socioéconomiques de la région de Montréal, on avait fait le tour de la charte et des pouvoirs ou des droits que les gens pouvaient... les pouvoirs que les gens pouvaient exercer lorsque leurs droits étaient bafoués. Et, à ce moment-là, on avait fait... on nous avait demandé de faire un état des griefs ou des plaintes qui étaient déposées. Il y avait deux greffes, deux grands greffes qui existaient à ce moment-là, qu'on a consultés, soit le greffe de la Commission des relations de travail et le greffe des Affaires sociales, qui étaient les deux endroits où... Je crois que, dans les 20 dernières années qui ont précédé ça... dans les 10 dernières années plutôt, il devait y avoir à peu près 12 dossiers qui avaient été déposés dans le greffe des Affaires sociales, à peu près huit ou 10 au niveau de la CRT.

Une des raisons pour lesquelles on appuie les mesures pour les non-syndiqués, c'est que justement ils vont avoir les possibilités d'aller jusqu'au bout du processus, ce qu'ils ne faisaient pas. Parce que la personne qui porte une plainte, il y a deux choses, il risque de se faire congédier — il faut bien être conscients de ça — les non-syndiqués, puis pas nécessairement tous les moyens d'aller jusqu'au bout. Là, on lui donne les moyens au moins d'aller jusqu'au bout.

Pour la personne syndiquée, quand on dit que c'est des coûts assez importants, pour un syndicat de 50 membres ou de 60 membres, dépasser 7 000 $, 8 000 $, 9 000 $, 10 000 $ pour aller en arbitrage, on fait des choix. Et je ne vous cacherai pas que, dans ces milieux-là, c'est souvent des congédiements qu'on privilégie. On va rarement en arbitrage sur d'autre chose que ces congédiements, parce que le syndicat n'a pas les moyens; et, contrairement à ce que certaines personnes peuvent penser, les syndicats, l'argent ne leur sort pas par les oreilles. Donc, on n'a pas les moyens d'aller sur n'importe quoi, il y a des choix qui se font. Comme le disait ma camarade, il y a des choix qui se posent en assemblée, c'est quels griefs on défend, et ce sont les griefs de congédiement ou de suspension importante.

Donc, si vous voulez que les droits soient défendus, il faut donner aux gens les moyens de les défendre. Et, en allant... en donnant ça, en donnant ce pouvoir-là à la CRT, pour toutes les plaintes, bien, ça permet aux gens d'avoir un mécanisme de plus pour défendre la charte. Je disais en farce chez nous : S'ils ne veulent pas ça, on a juste à dire que l'arbitrage dans le cas de plainte dans le milieu syndiqué, c'est à la charge de l'employeur. Vous n'aurez pas de problème de poste bilingue, il n'y en aura plus, de poste bilingue, ils vont les limiter, les postes bilingues. Puis, quand il va y en avoir un, il va être bon, parce qu'à force de défrayer les coûts d'arbitrage ils vont y penser deux fois avant d'en faire un.

C'est ça, l'enjeu, c'est qu'il faut se donner des mécanismes pour faire de sorte que les gens puissent porter des plaintes et aller jusqu'au bout de leurs plaintes.

La Présidente (Mme Vien) : M. le député de Bonaventure, aviez-vous une question pour... un peu plus de deux minutes.

M. Roy : ...Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Vien) : Un peu plus de deux minutes.

M. Roy : Bien, je vais faire une tentative. J'aimerais vous saluer, saluer la ministre, saluer les collègues.

À la page 11 — bonjour, mesdames messieurs — la page 11 de votre mémoire, et je cite, vous dites : «Au cours des 20 dernières années, l'usage du français comme langue principale de travail a régressé, particulièrement dans la région de Montréal, où la proportion [des] travailleuses et [...] travailleurs utilisant principalement le français a diminué de 85 % à 80 % entre 1989 et 2010.»

Et la question est la suivante : Quel est le principal déterminant, selon vous, juste un, on va aller par... c'est un essai, là, mais le principal déterminant de cette diminution-là? Je sais que c'est multifactoriel, mais, si vous... On n'a pas grand temps, là, on ne pourra pas élaborer.

M. Létourneau (Jacques) : ...je compléterai.

La Présidente (Mme Vien) : M. Forget.

M. Forget (Michel) : Comme vous dites, c'est multisectoriel. Il y a l'intégration des personnes allophones sur laquelle il y a eu des reculs importants à travers les différentes années. Il y a la question du laisser-aller des entreprises, hein, qui ont pris un côté facile. Il y a la question de l'administration qui fait de sorte que, dans l'administration, de plus en plus, c'est le bilinguisme institutionnel qui est en train de s'instaurer, fait de sorte que quelqu'un qui est à Montréal aujourd'hui n'a plus besoin de parler français, il est capable de se débrouiller très bien en anglais.

Et c'est ça, la problématique. Et, à partir de ce moment-là, c'est comme on dit dans notre mémoire, si on veut changer cette réalité-là, puis on pourrait entrer dans d'autres éléments, il faut donner un coup de barre pas juste sur un aspect, sur différents aspects, hein? Et il faut mettre en place à la fois… au niveau des comités d'entreprise, forcer sur la francisation, forcer en termes de formation pour l'intégration des immigrants, forcer les cours de formation dans les milieux de travail, forcer à faire de sorte que, l'administration, c'est que ce soit en français que ça se passe.

Il y a un certain nombre de mesures. Et c'est comme ça qu'on va changer l'image de Montréal, faire de sorte que la ville de Montréal se donne une politique linguistique. Tu sais, entre autres, il y a un certain nombre d'éléments qu'il faut qu'il y ait des affaires qui se fassent.

M. Roy : Merci de votre réponse multiple.

La Présidente (Mme Vien) : Merci, M. le député de Bonaventure, M. Forget et M. Létourneau, mesdames. On va directement, maintenant, du côté de l'opposition officielle avec le député de LaFontaine, pour 21 minutes, M. le député.

M. Tanguay : Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, bonjour aux collègues également, ce matin. Merci à vous d'être présents aujourd'hui, d'avoir déposé un mémoire qui est très étayé, très étoffé, on voit que vous y aviez réfléchi beaucoup, beaucoup. Et je pense qu'il est important de reconnaître votre rôle de partenaire pour l'atteinte de l'objectif qui est l'épanouissement du français. Et ça, cet objectif-là, la commission... la consultation générale, dans le cadre de cette commission parlementaire là, nous permet de constater, je vous dirais, l'ampleur… l'ampleur et je serais même porté à dire la quasi-unanimité de tous celles et ceux qui sont venus déposer un mémoire, qui ont présenté également leurs réflexions, à l'effet que l'épanouissement du français est un objectif collectif central important, et, en ce sens-là, il faut se donner les outils nécessaires pour l'atteindre, cet objectif-là.

Et, parmi les outils, également, à travers les analyses que nous faisons, la lecture consciencieuse et minutieuse des mémoires, on se rend compte, évidemment, si on ne l'avait pas noté déjà, qu'il y a plusieurs outils dont le gouvernement peut se servir. Le premier outil, évidemment, ce sont les modifications législatives à la charte, et vous en faites écho, évidemment, dans le cadre de l'analyse du projet de loi n° 14. Mais il y a également tout le côté réglementaire, donc le gouvernement peut par décret adopter des règlements facilitant l'application de la loi. Il y a également des programmes gouvernementaux qui peuvent être mis sur pied, programmes qui nécessitent aussi, puisque c'est important, les fonds nécessaires pour que les objectifs puissent être réalisés. Et il y a également les politiques gouvernementales, entre autres celles touchant le français, et le rôle central de l'État à titre de partenaire, là aussi, et d'acteur central pour que l'épanouissement du français soit une réalité.

Vous avez référé, un peu plus tôt, dans votre présentation, à une réalité qui touche toutes les économies, qui touche tout le monde, autrement dit la globalisation, la mondialisation. L'on sait que, le Québec, les exportations du Québec ont doublé durant les années 90. Il y a eu également, donc, une ouverture de nos marchés et l'ouverture des autres marchés à nos entrepreneurs, à nos entreprises et également à nos jeunes, à nos étudiants qui partent à l'étranger pour étudier et qui reviennent, espérons-le, pour pouvoir nous faire bénéficier de ce savoir qu'ils ont acquis, et qui nécessitait ab initio une connaissance, évidemment, pas uniquement du français mais de l'anglais. Donc, lorsqu'il y a ouverture, on parle d'opportunités, mais on parle également de la nécessité d'être bien outillé pour y faire face.

Également, je réfère... Au niveau des modifications proposées par le projet de loi n° 14 sur les PME comptant de 26 à 49 employés, je vous réfère, entre autres, à la page 17 de votre mémoire, où vous demandez — et j'aimerais vous entendre là-dessus — que l'office — et vous en avez fait état rapidement un peu plus tôt — doit continuer à jouer son rôle de maître d'oeuvre et d'accompagnateur. Et, «accompagnateur», je pense que c'est un mot clé qui résonne beaucoup pour l'opposition officielle. Et, en ce sens-là, moi, je dois vous lever mon chapeau, lorsqu'on parle d'accompagner, de se donner des outils, de partenaires — puis, j'aurai une deuxième question plus tard sur la stratégie commune 2008-2013. Bien, moi, je vous félicite, lorsque l'on voit les documents que, j'imagine, vous rendez disponibles aux membres. Je pense que c'est important de souligner l'effort tangible, qui nécessite un investissement de temps, mais d'argent et d'énergie, qui, entre autres, vient publiciser le texte de la Charte de la langue française, vient vulgariser également les impératifs de la loi, et ça, je pense que c'est important de souligner cet aspect-là.

Ma question : Quels moyens avez-vous en tête lorsque vous dites : L'office doit accompagner les entreprises, les PME, et doit disposer ou mettre à la disposition de ces PME là des moyens tangibles pour qu'ils réalisent, eux aussi, leurs bouts de chemin en matière d'épanouissement du français? Quels sont ces moyens-là tangibles, qui existent peut-être déjà, que l'on devrait peut-être bonifier, mais peut-être qui n'existent pas présentement?

Une voix : Veux-tu y aller, Julie? Vas-y, vas-y.

• (10 h 40) •

Mme Marquis (Julie) : Oui. Bon, bien, concrètement, actuellement, l'office joue un rôle de maître d'oeuvre et d'accompagnateur dans les entreprises, par exemple, de 100 employés et plus lorsqu'il y a comité de francisation. Elle joue aussi ce rôle dans les entreprises de 50 et plus pour effectuer la francisation de ces entreprises-là. Donc, pour nous, d'office, lorsqu'on demande aux entreprises de 26 à 49 de faire un programme de francisation, il est clair et évident que l'office doit jouer un rôle central. Donc, ce que nous, on dit, c'est que de laisser aux entreprises, elles seules, cette démarche de francisation et cette réflexion… Nous croyons qu'il doit y avoir un partenaire, qui est l'office, qui aide l'entreprise à finalement mener à bien ces travaux pour finalement franciser, là, cette entreprise.

M. Tanguay : Et... Oui, je vous en prie.

La Présidente (Mme Vien) : M. Létourneau, vous aviez un complément de réponse?

M. Létourneau (Jacques) : Oui. Oui. Très rapidement. Puis je ne l'ai pas fait d'entrée de jeu, puis je pense que c'est important de le comprendre, la majorité des syndicats qu'on représente à la CSN sont dans des entreprises de 50 employés et moins. Il faut savoir ça. Des fois, on pense mouvement syndical, Alcoa, grandes entreprises, réseau de la santé; la majorité de nos membres, ils se retrouvent dans des entreprises où... quand tu situes le 28 à 49, là, pour nous, ça, ce n'est pas juste la réalité des travailleurs non syndiqués, c'est aussi la réalité des travailleurs syndiqués.

Essentiellement, nous, ce qu'on dit, c'est que les 15 dernières années ont probablement démontré que les approches volontaires ne suffisent pas. On peut bien souhaiter que, mais, si on n'est pas capables de poser un certain nombre de conditions puis d'accompagnement, comme Julie vient de l'expliquer, naturellement les entreprises ne vont pas se préoccuper de la question; puis pas plus les travailleuses, les travailleurs, d'ailleurs. Ce n'est pas juste une responsabilité d'employeurs, c'est aussi une responsabilité pour les syndicats ou, quand il n'y a pas de syndicat, pour les travailleuses et les travailleurs. Donc, c'est dans cet esprit-là, je pense, qu'il faut réfléchir aux questions d'accompagnement.

À la page 18, là, il y a un certain nombre de recommandations, là, je vous invite à les regarder, 3, 4, 5, 6, 7, là, qui donnent un certain nombre d'exemples de ce que l'office pourrait faire spécifiquement dans le cas des entreprises de 26 à 49 employés.

Mais, pour nous, ça, c'est un créneau qui est fondamental, parce que la majorité des gens s'y retrouvent, puis c'est là surtout que différents groupes de travail qui ont été mis sur pied dans les années 1990-2000 ont démontré que le phénomène de l'anglicisation était en train de se confirmer et de se produire.

M. Tanguay : Qu'est-ce qui fonctionne comme moyens? On peut avoir un programme, dire : On va vous inciter, vous, PME, de 30 employés… un programme pour mettre à jour vos logiciels, dans le détail, qu'est-ce qui fonctionne — je ne sais pas si vous avez certains exemples — puis qu'est-ce qui fonctionne moins bien?

M. Forget (Michel) : Je vais vous donner des... C'est parce qu'on en parle rarement, de ce qui fonctionne. Moi, le plus bel exemple que je peux vous donner, là, je vous invite à aller rencontrer le comité de francisation de... chez Jean Coutu, qui fait des merveilles. Ils ne font pas juste des merveilles en termes de travailler en français, hein? Toutes les étiquettes qui apparaissent sur les produits sont analysées, sont regardées. Lorsqu'il y a une mauvaise traduction, c'est signalé à l'entreprise pour éviter que l'entreprise ait des problèmes, que ce soit versus les gens qui pourraient être allergiques à tel ou tel produit.

Il y a un certain nombre de choses qui sont faites. Les gens qui livrent, ils sont rendus à une démarche qui nous a amenés avec les gens qui livrent chez Jean Coutu...

Une voix : Les entrepôts.

M. Forget (Michel) : Les entrepôts, les gens qui viennent de l'extérieur du Québec livrent en français. Jean Coutu, qui fait affaire avec les États-Unis, communique en français avec les gens aux États-Unis, ces choses-là. Il y a une démarche de francisation qui se fait. Les gens qui font affaire avec Jean Coutu traitent en français.

Dans les abattoirs, hein, savez-vous comment est-ce que ça a... comment est-ce qu'on a réussi à franciser dans les abattoirs? Franciser… Quand l'employeur a compris que, s'il voulait éliminer des accidents de travail sur les chaînes de coupe, éviter les abus qui se faisaient par rapport aux travailleurs immigrants, il avait avantage à faire de sorte de mettre des cours de francisation en place. Ces cours-là n'ont pas juste permis de franciser les immigrants. Et ça, c'est les syndicats qui ont introduit ça. Ils ont réussi à faire de sorte également que des gens qui avaient... qui souffraient de...

M. Létourneau (Jacques) : D'analphabétisme.

M. Forget (Michel) :... — c'est ça — également on a réclamé des cours. Ça, c'est des succès, hein?

Il y a quelques années, dans les hôtels à Montréal, c'était la même chose, ça a été une opération de francisation à la grandeur, des cours... On a participé... Les employeurs ont décroché parce qu'ils trouvaient, savez-vous quoi? Ça ne leur coûtait rien, mais ils trouvaient que c'était encore trop de paperasse. C'était triste. Puis aujourd'hui on essaie de relancer ça, on leur fait des produits clés en main. Clés en main, ça veut dire qu'ils n'ont plus rien à faire, ou à peu près. Puis l'accueil est plus ou moins chaleureux par rapport à ça. Ça fait que ça, c'est des choses comme ça.

Moi, je pense qu'on a... Il faut juste qu'il y ait une volonté. Puis qu'est-ce qu'il faut faire, qu'est-ce qu'il nous manque, tout à l'heure, c'est de dire… il y a des mesures pour aider, mais, d'un côté, un cadre réglementaire qu'il faut les amener à dire : Aïe! les amis, là, vous n'avez plus le choix, embarquez. Vous n'avez plus le choix, hein? Ça fait plusieurs années qu'on laisse le choix. Les annonces de drame, là, de situation catastrophique, on n'a pas appris ça hier. Ce n'est pas juste dans le cadre de l'avis du Conseil supérieur de la langue française qu'on a appris ça. Le Parti libéral a été... le gouvernement libéral a été sensibilisé à cette situation-là depuis de nombreuses années.

On lui a demandé d'agir depuis de nombreuses années. La voie qui a été utilisée, c'est la voie volontaire, de dire : On va encourager le monde, on va embarquer. On n'est pas contre ça. On a dit oui, qu'il en fallait des mesures incitatives. On a même participé à la démarche des rendez-vous des gens d'affaires et des partenaires socioéconomiques, puis on a dit aux gens : On est prêts à faire une démarche, que, pendant un certain temps, il n'y en ait pas d'autres, mesures coercitives. On vous lance le défi. Parfait. Vous voulez embarquer là-dedans? On vous fait confiance alentour de la table, on embarque là-dedans.

Moi, je ne remettrai jamais en question les gens qui ont travaillé sur le comité de suivi ou le comité de... plus particulièrement le comité de suivi, la volonté des gens de faire de ça… de franciser Montréal, hein, autant les gens qui apparaissaient à l'appareil gouvernemental que des gens, des partenaires, des entreprises. Mais on est obligés de constater aujourd'hui que, tous les efforts qui ont été consentis puis les résultats obtenus, il y a une marge, puis on est obligés de regarder les statistiques puis dire : On recule encore. En fonction de ça, il faut faire d'autre chose. Si on n'est pas conscients de ça, on a des sérieux problèmes.

M. Tanguay : Mme la Présidente, faites-vous...

La Présidente (Mme Vien) : M. le député de LaFontaine.

M. Tanguay : Oui, pardon, Mme la Présidente. Oui. Faites-vous une distinction entre anglicisation et bilinguisme? Autrement dit, mon collègue député faisait référence à une diminution ressentie dans les statistiques quant à l'usage principalement du français dans l'emploi, et évidemment, là, on sait tous que le corollaire de cela, c'est qu'il y a une utilisation accrue... Et, encore une fois, inutile de brosser le tableau de toutes les raisons, bonnes, qui font en sorte que l'anglais nous permet de prendre notre place sur les marchés. Mais, dans ce contexte-là, à la vue des statistiques, où certains y verraient un recul du français, faites-vous une distinction entre anglicisation pure et simple versus augmentation de notre capacité à parler, oui, le français et également l'anglais, donc distinction entre l'anglicisation et le bilinguisme?

La Présidente (Mme Vien) : M. Létourneau.

M. Létourneau (Jacques) : Bien, je ne sais pas si c'est un débat de sémantique, probablement pas, là, mais disons que — puis, ça, je l'ai dit d'entrée de jeu — une des nouvelles réalités avec laquelle on doit composer, quand tu poses la question du défi par rapport au français, c'est — et c'est bien heureux : les jeunes aujourd'hui parlent deux, trois, quatre langues, et c'est tant mieux. Puis ils ne parlent pas juste anglais, ils parlent espagnol puis ils parlent portugais. On fait affaire de plus en plus avec le Brésil, là, bon, alors c'est une nécessité de.

La réalité d'une entreprise... Je vais vous donner un exemple d'entreprise qui n'est pas syndiquée ou à peu près pas syndiquée, malheureusement, je réitère : l'industrie du jeu vidéo. Il y a des jeunes de cette industrie-là qui nous ont raconté... Parce qu'évidemment l'industrie du jeu vidéo est ouverte sur le monde, là. La majorité des jeux qui sont produits sont produits en anglais. Alors, ça, c'est une réalité de commerce international qui fait en sorte que, quelque part, là, dans la chaîne de production, il y a bien quelqu'un il faut qu'il parle anglais s'il veut être capable de vendre des jeux en Californie. Mais là où ça ne marche pas, c'est quand l'employeur dit : Ça va être pas mal plus simple d'utiliser l'anglais comme langue de communication et de travail dans l'entreprise, parce que déjà mon modèle d'entreprise, il est modelé sur le phénomène des échanges internationaux. Et là moi, je ne marche plus. Ça n'a pas de sens.

J'ai entendu ça dans des ONG de coopération : On est à l'international, donc pourquoi on travaillerait en français ici? Surtout que tu as peut-être deux, trois personnes de l'extérieur qui y travaillent depuis six, sept, huit ans puis qui ne parlent pas français, parce qu'ils vivent à Montréal puis ils n'ont pas besoin de parler français — moi, j'ai vu ça de mes yeux vus, là — puis que la direction va dire : Bien, c'est plus facile de communiquer en anglais dans l'entreprise. Ça, ce n'est pas acceptable. À mon avis, ce n'est pas acceptable.

On anglicise davantage, on bilinguise, je ne le sais pas. Mais moi, je pense qu'il faut qu'on fasse une distinction importante entre la réalité ouverte au commerce puis les besoins du commerce. C'est la même maudite affaire... pardon. C'est la même affaire quand on pose la question d'accès de services en santé ou en éducation, hein? Il y a une... On se sert de notre jugement puis on se sert... puis on se donne les moyens de travailler pour répondre à des réalités spécifiques. C'est la même affaire avec la mondialisation puis l'économie, à mon avis.

Alors, bilinguisation, anglicisation... Moi, l'anglicisation m'inquiète, particulièrement chez les personnes immigrantes, parce que le signal que tu envoies dans le milieu de travail : pour travailler, c'est l'anglais. Je reviens à cette serveuse italienne qui avait appris le français. Si tu recommences à zéro, ce qu'elle va faire, c'est qu'elle va apprendre l'anglais d'abord et avant tout, parce que, dans le travail, elle va servir en anglais, puis probablement que les francophones, eux autres, ils vont accepter de se faire servir en anglais.

• (10 h 50) •

M. Tanguay : Pas d'autre question, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vien) : Merci beaucoup, M. le député de LaFontaine. Eh bien, c'est à notre collègue la députée de Montarville. Pour une durée de 5 min 30 s, Mme la députée.

Mme Roy (Montarville) : Merci, Mme la Présidente. Bon début de semaine tout le monde, Mme la Présidente, Mme la ministre, collègues du gouvernement, la première opposition. Mesdames messieurs, merci. Merci pour votre mémoire, un mémoire très étoffé.

J'aimerais vous entendre plus précisément sur un point. Naturellement, d'entrée de jeu, je vous dis qu'on est tout à fait d'accord qu'il faille travailler en français, que nous avons le droit de travailler en français au Québec, là, ça, nous sommes tout à fait d'accord avec ce principe. Naturellement, tout comme vous, nous constatons qu'il y a une problématique particulière à Montréal, puisque ce n'est pas à Rimouski, à Mont-Joli, en Gaspésie, un peu partout au Québec où on a de la difficulté de travailler en français ou encore de se faire répondre en français dans quelque commerce que ce soit. Alors, il y a une problématique à cet égard-là.

Nous croyons également qu'il faille améliorer la francisation des immigrants, parce qu'on constate, tout comme vous, que, nos nouveaux arrivants, justement c'est peut-être là que le bât blesse, lorsqu'on est rendus dans le milieu du travail, cette francisation qui peut-être, à certains égards, est insuffisante. Nous avons cette perspective et cette vision de la problématique, tout comme vous.

Et, compte tenu du fait qu'il s'agit probablement d'une problématique plus montréalaise que québécoise, à la grandeur du Québec, j'aimerais vous entendre parler sur un point que vous soulevez dans votre mémoire. À la page 22, on parle justement de la langue de commerce et des affaires. Nous croyons, tout comme vous, qu'il faut travailler en français, que nous avons le droit de travailler en français et que nous avons le droit, en tant que consommateurs, d'être servis en français. Alors, lorsque vous parlez de la langue de commerce et des affaires, vous écrivez : «Le projet de loi n° 14 encadre plus spécifiquement les obligations des commerçants vis-à-vis du droit des consommateurs d'être informés [...] servis en français — on parle ici de l'article 5 — tel qu'il est stipulé aux articles 50.8 et 52 du chapitre des droits linguistiques fondamentaux.» Et vous mentionnez ce dont il est fait question à l'article 50.8 : «L'entreprise qui vend ou rend autrement accessibles au public des biens ou des services doit prendre les mesures raisonnables pour respecter le droit du consommateur, prévu à l'article 5, d'être informé et servi en français.» Alors, je vois qu'il y a un irritant pour vous à cet article 50.8, vous aimeriez qu'il soit modifié. J'aimerais vous entendre parler là-dessus, sur ces facettes d'être servi en français. Qu'est-ce que vous souhaiteriez dans l'entreprise, dans les petites entreprises?

Une voix : Vas-y.

Mme Marquis (Julie) : La proposition de ce changement-là se fait en référence à l'article 5. Et nous, on croit que, pour bien servir cet article 5 qui dit que toute personne, tout consommateur a le droit d'être servi en français, automatiquement l'article 50.8 devrait se lire que «tous les commerçants devraient prendre tous les moyens nécessaires». Donc, c'est une manière plus directive, finalement, de répondre à cet article 5, qui est un article fondamental.

Mme Roy (Montarville) : Donc, vous voulez substituer...

Mme Marquis (Julie) : C'est vraiment dans cette vision de cohérence que nous proposons cette modification législative.

Mme Roy (Montarville) : Donc, substituer «prendre les mesures nécessaires»... «les mesures raisonnables», pardon, substituer «prendre les mesures raisonnables» pour «prendre tous les moyens nécessaires».

Mme Marquis (Julie) : C'est bien ça.

Mme Roy (Montarville) : Donc, vous augmentez l'obligation de l'entrepreneur ici.

Mme Marquis (Julie) : C'est bien ça. Pour, bien entendu, répondre à l'article 5 que tout consommateur a le droit d'être servi en français.

Mme Roy (Montarville) : Et comment, selon vous, ça pourrait s'appliquer? Parce qu'on entre dans le domaine humain, là, c'est compliqué, là.

Mme Marquis (Julie) : Ça devrait déjà s'appliquer, puisque l'article 5 est présent. Et là c'est là que le bât blesse. Et, comme vous dites, ce n'est pas partout, il y a des régions, il n'y en a pas de problème à se faire servir en français. On remarque que, dans certains commerces… Et là les recherches de l'office qui ont été publiées dernièrement ont fait état justement d'une augmentation du service ou de l'accueil bilingue et, à certains endroits, la difficulté de se faire servir en français. Pourtant, l'article 5 est clair. Ça devrait déjà s'appliquer. Et là, maintenant, lorsqu'on dit : On veut rajouter, avec un article, 50.8, là on arrive dans la mécanique. Et, pour répondre, nous, on dit : Non seulement il faut... non seulement il faut répondre à cet article 5, à ce droit fondamental, mais il faut prendre tous les moyens nécessaires pour respecter ce droit qui est un droit fondamental.

Mme Roy (Montarville) : Alors, c'était ma question. Je me demandais si vous étiez inspirée. Vous sembliez inspirée.

M. Forget (Michel) : Mais c'est parce que, quand on met «raisonnables», ça pourrait arriver qu'on ne soit pas en mesure de remplir nos obligations. Et on pense que, dans ce cas-là, c'est des obligations qui devraient être automatiques, ça devrait minimalement... le français devrait être partout. Ça ne devrait pas être... On ne devrait pas se battre pour que le français soit appliqué partout, ça devrait exister partout. Donc, il faut mettre «nécessaires», ce n'est pas juste de dire : Oui, faites tout votre possible pour. Non, non. Pas faites tout votre possible, faites-le.

Mme Roy (Montarville) : Madame messieurs, je vous remercie beaucoup pour votre réponse. Merci.

La Présidente (Mme Vien) : Alors, mesdames messieurs, ça complète. Merci infiniment pour votre contribution...

M. Létourneau (Jacques) : Bien, merci.

La Présidente (Mme Vien) : Hein, ça a été plaisant. Et puis je suspends quelques instants...

M. Létourneau (Jacques) : Trop court.

La Présidente (Mme Vien) : ...le temps de recevoir le groupe suivant. Merci.

(Suspension de la séance à 10 h 56)

(Reprise à 10 h 59)

La Présidente (Mme Vien) : Bien. Alors, nous reprenons nos travaux et nous accueillons ce matin, comme deuxième groupe, à ces consultations générales sur le projet de loi n° 14, Impératif Français. Alors, j'ai le plaisir et nous avons le plaisir d'accueillir M. Jean-Paul Perreault, président. C'est bien ça, M. Perreault?

Impératif Français

M. Perreault(Jean-Paul) : C'est bien ça.

La Présidente (Mme Vien) : Vous êtes accompagné de Mme Monique Bisson, qui est recherchiste. Mme Bisson...

Mme Bisson(Monique) : Bonjour.

La Présidente (Mme Vien) : ...bienvenue. Bienvenue chez vous, dans votre Assemblée nationale. Vous avez 10 minutes pour présenter votre mémoire. Par la suite suivront des échanges entre vous et les parlementaires. On vous écoute.

• (11 heures) •

M. Perreault (Jean-Paul) : Mme la Présidente, merci. Messieurs mesdames, c'est avec plaisir qu'Impératif Français a accepté votre invitation, l'enjeu est important. Je dirais même qu'il s'agit d'un enjeu supérieur, d'intérêt supérieur pour la société québécoise, il y va de sa personnalité nationale, de sa personnalité internationale, de son identité, de ses grandes valeurs. Et nous osons espérer que la nécessité de renforcer, dans un contexte nord-américain, dans le contexte canadien, l'identité québécoise, qui repose surtout et avant tout, mais pas exclusivement, sur la langue française… qu'on retrouvera, au sein de notre Assemblée nationale, une cohésion, un ralliement nécessaire pour que le Québec puisse vraiment se développer, croître en français.

Vous savez, dans l'histoire du Québec, il y a eu de ces grands moments, à l'Assemblée nationale, d'unité... d'unanimité, et j'invite l'ensemble... Je pense que ça transcende le discours partisan et qu'il est nécessaire que l'on retrouve,au sein de notre Assemblée nationale, compte tenu du contexte dans lequel elle gouverne un État en Amérique du Nord et au sein de la fédération canadienne, où la langue française a besoin d'être renforcée et tout ce que la langue également véhicule… Je pense que cette position est absolument nécessaire et qu'on doit s'éloigner du discours partisan.

Ceci étant mentionné, nous allons vous faire part d'un certain nombre de recommandations. Impératif Français recommande à l'Assemblée nationale d'affirmer dans le préambule de la Charte de la langue française qu'au Québec tout le monde est censé parler français, sinon l'apprendre, et que tout ce qui est en français, bien sûr, s'adresse à tout le monde, sans exclusion et sans exception, puisque le français y est la langue nationale, la langue commune d'usage public et la langue du travail.

Impératif Français recommande l'ajout suivant à la charte : «Toute personne qui s'établit au Québec a droit — et ajouter — et le devoir d'apprendre le français et de bénéficier de mesures raisonnables d'accueil et d'intégration à la vie québécoise.»

Impératif Français recommande que le premier article de la charte se lise comme suit : «Le français est la langue officielle, la langue nationale et la langue commune d'usage public.»

Impératif Français recommande au gouvernement de réécrire et de bonifier la politique relative à l'emploi et à la qualité de la langue française dans l'administration publique et lui recommande également d'étendre cette politique à tous les organismes de l'administration, municipalités, organismes scolaires, services de santé, services sociaux, sociétés d'État, universités et collèges, et non de limiter celle-ci uniquement aux ministères et organismes gouvernementaux.

Impératif Français recommande au gouvernement d'écrire noir sur blanc dans la charte que toute personne qui vit ou choisit de vivre au Québec choisit de vivre en français.

Mme Bisson (Monique) : Mme la Présidente, Mme la ministre, Mmes, MM. les députés. Oui, vivre en français. Et j'ajouterai : Vivre et travailler en français, parce qu'au Québec cela va de pair. Pourtant, il y a recul du français au travail depuis 20 ans; les études le prouvent. C'est pourquoi Impératif Français est d'accord avec les mesures proposées dans le projet de loi n° 14. Mais Impératif Français est sceptique quant à l'application de ces mesures par les employeurs sans la mise en place de réels mécanismes de surveillance et sans que le gouvernement fasse preuve d'une réelle volonté politique à toutes les étapes de l'instauration de ces nouvelles mesures pour faire en sorte que travailler et gagner sa vie en français fassent partie de la normalité d'une société dont la langue officielle est le français. Car est-il normal que seulement 38 % des travailleurs québécois travaillent uniquement en français?

M. Perreault (Jean-Paul) : Merci. Impératif Français recommande de hausser le pourcentage de citoyens delangue maternelle anglaise qui permet à une municipalité d'obtenir ou de perdre le statut de ville bilingue, et ce, entre autres, pour prendre en compte le sort peu enviable réservé aux francophones dans certaines villes qui ont déjà ce statut.

Et à cet égard je profite de l'occasion, puisque le siège social de notre organisme est en Outaouais, pour demander à l'Assemblée nationale d'envisager d'adopter un plan et un programme de réparation historique à l'endroit des francophones de l'Outaouais, surtout dans les municipalités à statut bilingue. Vous savez, dans ces villes, 70 % des anglophones y pratiquent le rejet de la langue française. Ils ignorent la langue commune d'usage public. Les taux d'assimilation y sont de 20 %, et on y retrouve une concentration plus prononcée de pratiques de trafic identitaire et de fraudes fiscales, et je m'explique. Un très grand nombre d'Ontariens viennent résider au Québec, mais, au lieu de choisir l'identité québécoise, ils conservent ou prennent — parce que des fois le trafic se fait dans l'autre sens — l'identité ontarienne : plaques d'immatriculation, permis de conduire, tous les signes d'identité, d'appartenance à la société ontarienne, bien qu'ils résident au Québec, pour payer leurs impôts dans l'autre province, obligeant l'ensemble de la société québécoise à payer leurs parts qu'ils ne paient pas parce qu'ils trafiquent leur identité. Et ce phénomène est observable surtout, mais pas exclusivement, dans la région de l'Outaouais, mais surtout dans les villes à statut bilingue. Et je répète la nécessité d'adopter un plan de réparation historique.

Impératif Français recommande que tous les organismes municipaux, reconnus ou non, soient obligés d'adopter une politique linguistique en faveur du français visant à implanter et renforcer l'usage du français dans leurs activités.

Impératif Français vous demande que les politiques linguistiques des organismes de l'administration stipulent de façon non équivoque que les primes à la connaissance de l'anglais sont interdites. Il est aberrant de voir qu'au Québec, et cette tendance a été observée dans la ville de Gatineau et la ville de Sherbrooke, l'on commence à payer plus cher ceux qui travaillent en anglais, dans des postes identiques. Carrément, mais carrément inacceptable. Et je pense qu'avant que le phénomène s'étende on n'a pas… vous ne comprenez pas, on n'a pas à acheter le droit de travailler en français en payant plus cher des gens qui travaillent en anglais pour accomplir les mêmes fonctions, une aberration, et il est temps, je pense, de se saisir de l'occasion pour intervenir.

Mme Bisson (Monique) : Évidemment, nous ne pouvons passer sous silence le volet langue d'enseignement, et c'est pourquoi Impératif Français recommande au gouvernement d'étendre l'application de la Charte de la langue française au niveau collégial. En outre, afin que le français soit la langue de la recherche et des publications scientifiques, Impératif Français recommande d'étendre l'obligation d'adopter une politique linguistique en faveur du français aux centres collégiaux, aux laboratoires, aux centres d'excellence, enfin à tous ces organismes, et aussi d'ajouter l'élément… plusieurs éléments, dont l'obligation pour les établissements d'enseignement collégial et universitaire francophones d'offrir des programmes uniquement en français. Merci.

M. Perreault (Jean-Paul) : Impératif Français recommande que la publicité des campagnes électorales relevant de la compétence du Québec soit en français. Il y a des campagnes qui se déroulent au niveau municipal où l'affichage et les documents distribués ne sont pas en français.

Impératif Français recommande d'écrire noir sur blanc dans la loi et son règlement qu'un générique ou descriptif français doit obligatoirement accompagner les marques de commerce unilingues anglaises utilisées comme nomsd'entreprise. Et, même mieux, je pense qu'il serait souhaitable que ces entreprises soient informées que, pour réussir au Québec, encore faut-il le faire dans le respect de l'environnement linguistique de la société que l'on sollicite pour y faire des profits.

Mme Bisson (Monique) : Alors, un des éléments majeurs du projet de loi n° 14 porte sur la francisation des entreprises de 26 à 49 employés. Impératif Français appuie les mesures proposées et propose des recommandations, d'autres recommandations quant à la francisation en général. Aujourd'hui, je vais vous donner trois raisons, seulement trois raisons pour adopter les recommandations d'Impératif Français et les mesures.

Premièrement, on n'est jamais aussi efficace que dans sa langue maternelle. Les papetières du Québec sont un modèle à suivre dans ce sens-là. Deuxièmement, une petite entreprise est souvent le chaînon, l'intermédiaire entre le siège social des États-Unis et les entreprises franchisées à la grandeur du Québec, parce que la francisation, c'est de Gaspé à Gatineau, à Rouyn-Noranda. Et, troisièmement, implanter le français en entreprise ne demande pas plus de ressources humaines et financières qu'implanter un nouveau système informatique et est tout aussi productif pour l'entreprise. Merci.

• (11 h 10) •

M. Perreault (Jean-Paul) : Merci. Impératif Français recommande que les organismes de la charte, notamment l'Office québécois de la langue française, le Conseil supérieur de la langue française et la Commission de toponymie, soient des organismes indépendants et que leur président ou président-directeur général soit nommé par les deux tiers des membres de l'Assemblée nationale et relève directement de celle-ci.

Impératif Français recommande le retour de la Commission de protection de la langue française et, par la même occasion, recommande une valorisation de l'utilisation du mécanisme de plainte, puisque cet outil a été créé, entre autres, pour aider à la francisation des entreprises, des petites et moyennes entreprises, puisque là le citoyen, le client dont les droits fondamentaux ne sont pas respectés peut utiliser le formulaire de plainte, le mécanisme de plainte, obligeant ainsi — demain, je l'espère — la commission de protection à intervenir et à examiner l'ensemble de la situation. C'est un outil exceptionnel pour la francisation des entreprises. Merci.

La Présidente (Mme Vien) : Il m'apparaissait évident que vous alliez dépasser le temps qui vous était imparti, alors je m'étais... j'ai donc demandé à la ministre si elle acceptait que le temps supplémentaire soit pris sur le temps du gouvernement, ce qui a été...

M. Perreault (Jean-Paul) : Toutes nos excuses.

La Présidente (Mme Vien) : Non, il n'y a pas d'offense, monsieur, on avait prévu le coup. Alors, bien, tout simplement, Mme la ministre, 22 min 13 s pour votre groupe, moins à peu près 1 minute, 1 min 30 s déjà entamée. Je vous en prie, je vous cède la parole.

Mme De Courcy : Bien. Très bien. Alors, d'abord, merci de vous être inscrits à la commission parlementaire. Et je constate aussi que vous êtes très actifs sur les médias sociaux, j'ai eu l'occasion de vous lire fréquemment. Donc, je vous remercie de votre contribution.

J'ai lu avec attention, comme tous les mémoires qui ont été présentés, ce qui nous rassemble le plus. J'aurai tendance à vous dire... et j'aurai la délicatesse dans les mots que j'emploierai pour ne pas vous froisser en aucune façon, compte tenu du militantisme que vous démontrez à l'égard de notre langue, que je salue d'ailleurs, que je salue. Par ailleurs, vous savez, dans ce que vous mettez de l'avant, par moments, les mots qui sont choisis... ou l'expression me rappelle…me rappellent l'expression de la communauté linguistique anglophone quant à son inquiétude. Alors, s'il y a une chose que nous partageons entre la communauté linguistique d'expression anglaise et nous tous, c'est notre inquiétude mutuelle dans les questions de langue. Alors, ceci demande beaucoup de doigté, de mesure et de compréhension profonde. Et je considère que votre mémoire, à votre tour, comme les nombreux que nous avons eu à entendre, nous permet davantage de comprendre cette inquiétude, qui repose sur des faits, qui repose sur des faits, comme pour la communauté linguistique d'expression anglaise.

Vous avez mentionné, comme certains... Évidemment, vous comprendrez qu'après quelques séances, là, decommission parlementaire commencent à resurgir un certain nombre de lignes directrices, là, qui nous parviennent par les citoyens et les groupes qui se sont exprimés ici. Il y en a deux... et d'autres éléments, ce que je nomme n'exclut pas ce que vous avez mis de l'avant, mais, entre autres, l'élection... ou en tout cas la nomination — le mot est plus juste — la nomination de la direction de l'Office québécois de la langue française par l'Assemblée nationale. Ceci vous semble... Et ça revient, là, depuis... je n'oserais pas m'avancer sur le chiffre, là, mais disons qu'à plusieurs reprises on nous en a parlé.

J'aimerais ça vous entendre sur votre préoccupation à cet égard-là et vous entendre davantage sur la commission dont vous parlez, de protection de la langue, qui a été, à un certain moment, intégrée à l'Office québécois de la langue française. Alors, j'aimerais ça vous entendre là-dessus puis sur le pourquoi, dans le cas de la deuxième question... En fait, c'est deux pourquoi. Pourquoi vous accordez une telle importante et pourquoi, cette commission-là, qui a été intégrée à l'office, vous voulez la recréer à nouveau? Et je m'interroge sur la question des dédoublements à cet égard.

Vous n'avez pas évoqué quelque chose qui a été très important dans une autre présentation, et bien cette fois-ci que ce soit la seule fois où ça avait été évoqué, c'était le réseau des langagiers, le réseau des langagiers, qui était un réseau, à l'époque, qui servait d'office de référence pour la communauté médiatique, en particulier, qui s'en servait beaucoup pour avoir des suggestions, avoir des remplacements dans ses... la qualité du français dans la langue publique, notre langue commune, mais la langue publique.

Alors, sur ces trois aspects-là, si vous étiez en mesure de me donner un avis, sinon vous m'écrirez ou vous nous écrirez plus tard, mais j'aimerais beaucoup ça pouvoir vous entendre sur ces aspects-là, si vous le permettez.

La Présidente (Mme Vien) : M. Perreault, vous risquez une réponse?

M. Perreault (Jean-Paul) : Oui. Merci, Mme la ministre. D'abord, concernant l'autonomie souhaitée pour l'Office québécois de la langue française, je pense qu'à partir du moment où celui-ci relève de l'Assemblée nationale, doit faire rapport à l'Assemblée nationale, vous conviendrez avec nous que ça nous offre une marge de manoeuvre, surtout si sa mission est clairement, dans la loi, définie. Ça lui donne toute la marge de manoeuvre pour agir de façon autonome à l'intérieur de sa mission et peut-être même de se soustraire des pressions politiques partisanes ou des pressions politiques, puisque le mandat de l'office, à ce moment-là, relève de sa mission définie par la loi et que, l'office relevant de l'Assemblée générale et sa nomination de la présidence relevant également de l'Assemblée nationale, ça offre cette garantie.

Quant à la Commission de protection de la langue française, bien, c'est fort de l'expérience vécue dans la structure actuelle. Vous comprendrez avec nous que… Si à l'intérieur de l'office se retrouve le mandat de traitement des plaintes, vous comprendrez avec nous que ce mandat, cette partie de mission est englobée dans un autre ensemble qui est la mission globale de l'office. Et nous pensons qu'un organisme tel qu'il existait, qui a spécifiquement comme mission le traitement des plaintes déposées par les citoyens, eh bien, on a, à ce moment-là, une meilleure garantie quant au traitement des plaintes. Et je dois vous dire qu'à cet égard là, malheureusement, nous avons observé une détérioration dans le traitement des plaintes à partir du moment où on a rassemblé, ou fait disparaître, ou fusionné les organismes qui relèvent de la promotion ou de la défense de la langue française sur le territoire du Québec. Alors, quant au retour de la commission de la protection, je suis certain qu'un organisme également… relevant de l'Assemblée nationale, dont le président est également nommé par les deux tiers des membres de l'Assemblée nationale, aurait, à mon avis, un mandat très clair de traitement des plaintes.

Mais, surtout et avant tout, ce que je veux que vous entendiez, c'est que la plainte, c'est un outil extraordinaire de francisation qui est malheureusement sous-utilisé et pas suffisamment valorisé. Le client dont les droits linguistiques — et je parle du client — ou le citoyen dont les droits linguistiques ne sont pas respecté, dans n'importe quel établissement…mais là c'est l'outil privilégié pour intervenir auprès des petites entreprises. Il y a là un outil qui permet à la commission de protection ou à l'office d'intervenir dans une entreprise de quatre, cinq, six employés, et d'examiner, et de profiter de l'occasion pour faire un bilan de l'ensemble de la situation linguistique à partir d'une plainte déposée par un usager, ou un consommateur, ou une consommatrice. Il faut absolument valoriser le mécanisme de plainte, valoriser, étoffer le traitement des plaintes, accélérer le traitement des plaintes, le traiter de façon sérieuse. Et je pense qu'une des façons qui pourrait aider, c'est par le retour ou la création de la commission de protection, puisqu'à l'intérieur de l'office, je le mentionne, ça se perd dans un ensemble où il y a une multimission, tandis qu'avec une commission de protection comme ça existait précédemment, c'était clair que c'était son mandat.

Mme Bisson (Monique) : Bon. Et je vais me permettre...

La Présidente (Mme Vien) : Mme Bisson.

• (11 h 20) •

Mme Bisson (Monique) : Oui. Merci. Alors donc, premièrement... Alors, je vais remercier Mme la ministre d'avoir noté, oui, cet oubli du réseau des langagiers, qui a joué un rôle extrêmement important au sein de l'administration. Alors, je vais profiter de sa tribune pour formuler une nouvelle recommandation : Oui, le réseau des langagiers doit renaître, doit être mis sur pied et ce réseau des langagiers doit vraiment tenir compte de toutes les régions du Québec. Parce qu'il y a une chose, je me permets d'ajouter, tout à l'heure je l'ai mentionné rapidement, quand on parle de francisation des entreprises, mais quand on parle de francisation de l'administration également, la francisation, c'est sur tout le territoire du Québec. Et, le réseau des langagiers, si le ministère des Transports à Québec a un responsable, bon, un langagier, mais... Le ministère des Transports, dans toutes les régions du Québec, c'est important, il faut vraiment qu'il y ait... Pour que la politique linguistique gouvernementale relative à l'emploi et à la qualité du français dans l'administration s'applique partout sur le territoire du Québec, il faut qu'il y ait des porte-parole partout, et donc avec ce réseau des langagiers, tout à fait.

Mme De Courcy : Je vous remercie beaucoup de vos commentaires et, encore là, de votre participation. Nous avons terminé.

La Présidente (Mme Vien) : Merci beaucoup, Mme la ministre. M. le député de LaFontaine, porte-parole en matière de Charte de la langue française, pour une durée de 22 min 13 s, à votre convenance.

M. Tanguay : Merci beaucoup, Mme la Présidente. D'abord, merci à vous d'être présents ici ce matin, M. Perreault et Mme Bisson. Alors, je pense que le travail que vous avez accompli en rédigeant le mémoire et également votre présence ce matin sont utiles et apportent un éclairage, je pense, qui est important afin de nous donner de la perspective.

Et j'en suis au niveau de la perspective sans parler de perception, mais j'aimerais néanmoins vous entendre sur... Parce que j'imagine que vous en avez eu une réflexion toute personnelle sur les déclarations et les prises de position quand même assez claires du ministre responsable de Montréal, ministre responsable de la relation avec la communauté anglophone, qui, dans son blogue, le 19 janvier dernier, écrivait, et je le cite : «Les Anglos-Montréalais sont massivement devenus bilingues, depuis un peu plus d'une génération. Ils voient, autour d'eux, notamment à Montréal, une majorité de jeunes francophones bilingues.» Fin de la citation.

Probablement une réalité constatée par le ministre responsable de Montréal, qui l'a justifiée lorsqu'il a lancé son cri... je ne dirais pas que c'est un cri du coeur mais un cri néanmoins très clair : «STM? Are you listening?» Autrement dit, le bien-fondé, la nécessité même pour la Société de transport de Montréal de pouvoir offrir des services évidemment en français, au premier titre, mais également d'être capable de l'offrir en anglais lorsque c'était demandé.

Alors, avant d'aller davantage dans certains détails de votre mémoire, qui ne sont pas des détails mais dont nous aborderons ses objets, j'aimerais vous entendre là-dessus, quant à la position qui est, somme toute, assez... très claire, là, du ministre responsable de Montréal. Diriez-vous qu'il s'agit d'une bonne approche ou d'un égarement?

M. Perreault (Jean-Paul) : Bien, écoutez, je pense que nous avons dit dès le début que tout le monde est censé parler français au Québec, sinon l'apprendre, et que tout ce qui est en français s'adresse à tout le monde. C'est la langue commune d'usage public et c'est la langue commune de la diversité, c'est celle de l'identité québécoise. Également, les statistiques démographiques révèlent que, dans la population anglophone, il y a 187 935 personnes qui ne connaissent pas le français. Je répète : Sur l'ensemble du Québec, dans la population de langue maternelle anglaise, il y a 187 935 personnes qui ne connaissent pas le français, soit 2,4 % de la population totale du Québec, 2,4 %.

C'est là que nous sommes en désaccord avec cette déclaration de M. Lisée. Nous croyons qu'il appartient à tous ceux et toutes celles qui vivent au Québec d'apprendre le français. L'anglicisation par la bilinguisation des services publics, nous sommes totalement en désaccord. Il appartient à la personne qui vit au Québec d'apprendre, et c'est un service qu'on lui rend, d'apprendre la langue d'usage public pour obtenir, bénéficier, s'intégrer, aller chercher l'ensemble de ce que la société québécoise offre. C'est la langue nationale, c'est vrai partout dans le monde, c'est vrai... il faut que ce soit également vrai au Québec. Et l'anglicisation… Nous nous inscrivons en faux contre la bilinguisation ou, si vous préférez, l'anglicisation des services publics. Si c'est ce que vous vouliez savoir par rapport à la déclaration de M. Lisée, bien sûr, et c'est connu, Impératif Français est intervenu là-dessus pour s'inscrire en faux quant à cette déclaration-là.

M. Tanguay : Sur cette lancée, j'aimerais vous référer à la page 38 de votre mémoire, à la 18e recommandation que vous faites, concernant l'article 59 de la Charte des droits… l'article 59 de la Charte de la langue française. L'article 58 dit que toute publicité commerciale doit être faite en français, l'article 59 fait une exception en disant... en précisant que, pour la publicité, entre autres politique, il peut... la publicité... l'article 58 ne s'applique pas et peut être faite, donc, en anglais également. Vous recommandez, donc, que, pour chaque campagne électorale provinciale... J'aimerais d'abord avoir une précision, après ça j'aurai une question. Vous recommandez donc que cette exception-là soit retirée. Est-ce que je dois comprendre de votre recommandation que vous suggérez que, pour toute campagne électorale provinciale, il n'y ait qu'une seule sorte de publicité, exclusivement en français? Est-ce que c'est ça ou je vous ai mal compris?

M. Perreault (Jean-Paul) : D'accord. Merci de votre intervention. Non. D'abord, ce qui est dit, c'est que la publicité électorale doit se faire en français. De la façon dont c'est formulé… Et ce qu'on observe sur le terrain, et on le voit particulièrement, probablement, dans l'ouest de Montréal et en Outaouais, ce qu'on observe, c'est les publicités unilingues anglaises pendant la campagne électorale. Que ce soit de tous les niveaux qui relèvent du gouvernement du Québec, on observe des publicités unilingues anglaises, ce qui... C'est un accroc. La personnalité, le visage du Québec, la langue d'usage public, c'est le français, et de voir que cette autorisation-là découle de l'article 59, c'est là que nous disons : Puisqu'on réfléchit sur le projet de loi n° 14, le renforcement de la situation du français, l'occasion est peut-être bonne pour s'assurer que la publicité électorale se fera, partout au Québec, en français. Nous n'avons pas dit : Exclusivement en français.

Néanmoins, j'ajouterais que, puisque tout le monde est censé parler français au Québec, si elle se fait uniquement en français, cette démocratie… cette expression de la démocratie s'adresse à tous. Mais ça, ce n'est pas ce que nous demandons. Mais néanmoins, le message que nous véhiculons, la démocratie est pour tous au Québec. Et, quand elle est en français, tout le monde est censé parler français, et tout ce qui est en français s'adresse à tout le monde. Vous comprendrez avec nous que, si c'est uniquement en français, ça inclut tout le monde, incluant même ceux qui ne le parlent pas, puisqu'il leur est demandé de l'apprendre, puisqu'ils ont choisi de vivre au Québec.

M. Tanguay : Avec votre permission, Mme la Présidente, vous avez... vous nous avez entretenus, un peu plus tôt, sur le processus des plaintes et vous avez dit qu'il était sous-utilisé et qu'il devait être, donc, un processus plus accessible. Et là je résume, évidemment, là, en substance, votre intervention. Nous avons eu le privilège d'entendre, le 12 mars dernier, la section Nicolas-Viel de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, où là il a été fait état... Et je fais une parenthèse. La dernière année de référence pour laquelle nous avons des statistiques sur le nombre de plaintes concernant l'application de la Charte de la langue française nous démontre qu'il y a eu, donc l'an passé, 4 067 plaintes qui ont été déposées. Je ferme la parenthèse. Donc, dans votre optique, où il y aurait lieu de faciliter l'accès à ce processus de plainte là, mardi 12 mars dernier, nous avons entendu la section Nicolas-Viel de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, où là — excusez-moi du peu, là, de mémoire — c'était soit 506 ou 509 plaintes qui avaient été déposées par cinq personnes. Et nous avons entendu, le 26 mars dernier, le mouvement... les représentants et représentantes du Mouvement Montérégie français. Et, là également, c'étaient des centaines de plaintes par moins de 10 personnes.

Donc, dans cette optique où vous demandez que le processus soit plus accessible, lorsqu'on regarde ces chiffres-là sur deux acteurs, deux entités, est-ce que ça vous apporte une réflexion particulière quant à, justement, l'utilisation qui en est faite, de ce processus de plainte là? Et je prends pour acquis que, si ces gens ont pu déposer des centaines et des centaines de plaintes, c'est que le processus était accessible. Et j'en suis sur l'accessibilité, là.

• (11 h 30) •

M. Perreault (Jean-Paul) : ...suppose d'abord qu'il y ait des organismes de la société civile auxquels la société reconnaît un rôle de vigile dans n'importe quel secteur, pas exclusivement linguistique ou identitaire. C'est vrai également dans l'égalité des droits, et tout ça. Il y a des organismes qui naissent de la société civile et qui ont comme mission, à partir de la société civile, leurs membres… C'est sûr que ces organismes-là, par mission définie par la société civile et l'assemblée générale de leurs membres, ils ont une mission, ils ont un mandat, et par conséquent ils l'exercent. Et fort heureusement; je suis heureux d'entendre qu'ils l'exercent, puisqu'un grand nombre de plaintes viennent de ces organismes-là. Donc, ils remplissent le mandat qui leur vient de la base de la démocratie de la société.

Quand on parle de démocratisation du formulaire de plainte ou de l'outil de la plainte, c'est qu'il y a des droits fondamentaux qui sont définis dans la charte, et ces droit fondamentaux sont… dans plusieurs occasions, ne sont pas respectés : le droit d'être reçu et servi en français, le droit d'être informé en français, le droit de travailler en français. Ce sont des droits — je n'en nomme que trois — ce sont des droits déclaratoires affirmés dès les premiers articles de la charte, et ces droits-là sont... souvent, ou dans plusieurs cas, ou même dans trop de cas, ne sont pas respectés. C'est là que nous disons au gouvernement, à l'office et, demain peut-être, la commission de protection : S'il vous plaît, rendez accessible le processus, la démarche de plainte pour que les citoyens dont les droits ne sont pas respectés puissent se sentir invités, encouragés, même, à faire respecter leurs droits. Et je pense que ça, c'est tout simplement le respect de la société qui adopte la législation et qui définit ces droits-là que de mettre et valoriser l'outil qui permet aux citoyens de se faire respecter.

M. Tanguay : Pas d'autre question, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vien) : Merci beaucoup, M. le député de LaFontaine. À vous la parole, Mme la députée de Montarville.

Mme Roy (Montarville) : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, madame, bonjour, monsieur. Merci pour votre mémoire. Écoutez, vous savez, l'information circule très, très, très rapidement, puis j'aimerais vous poser une petite question — corrigez-moi si je me trompe : Étiez-vous ce matin de la conférence de presse avec les gens de la CSN, qui étaient ici juste avant vous, également le Mouvement Québec français, qui est votre... Vous étiez là également.

M. Perreault (Jean-Paul) : Oui.

Mme Roy (Montarville) : Écoutez, déjà l'information circule, et des articles de journaux circulent, il a été dit lors de cette conférence de presse, à laquelle vous participiez, il a été dit que les hôpitaux anglais n'ont plus leur place au Québec. Écoutez, moi, j'espère que la ministre va fermer la porte, et rapidement, à cette idée, qui est vraiment totalement radicale. Cela dit, vous participiez à cette conférence, vous étiez à la table, j'aimerais savoir ce que vous pensez de cette idée, de cette affirmation que les hôpitaux anglophones n'ont plus leur place au Québec.

M. Perreault (Jean-Paul) : Je pense que ce que l'on a besoin, madame, au Québec, ce sont des hôpitaux, et ce que l'on a besoin au Québec, c'est davantage de services de santé et de services sociaux. Les hôpitaux anglais, je m'explique mal pourquoi il y aurait des hôpitaux anglais. Il doit y avoir des hôpitaux, et l'ensemble des hôpitaux doivent répondre à l'ensemble des besoins de la population. Et, s'il arrive que, dans les hôpitaux ou ailleurs dans les services de santé, il y a des gens qui se présentent et ne parlent pas le français, parce que ce sont des touristes ou autres, eh bien, je pense qu'il est nécessaire de s'assurer que, par ouverture, il y aura sur place des services d'interprète pour répondre à ceux, par exemple, qui nous viennent de l'Italie ou encore les 200… les quelque 100 quelques mille anglophones qui ne parlent pas français. Je pense que c'est... Définir les hôpitaux, madame, sur une base linguistique, définir les hôpitaux au Québec sur une base linguistique, c'est pratiquer une forme de discrimination. Ils doivent être définis comme étant des hôpitaux québécois où l'ensemble du fonctionnement est en français, mais capables en même temps d'offrir les services à la diversité internationale qui peut se retrouver à Montréal par des services d'interprète.

Mme Roy (Montarville) : Si je comprends bien...

M. Perreault (Jean-Paul) : Entre vous et moi, là, si certains médias sont partis dans ce spinnage-là, si vous me permettez, bien… C'est un peu ce qu'on a observé dans le passé : on isole des phénomènes d'un ensemble de présentations; c'est repris surtout par des médias anglophones, puis nommons-les : CJAD, The Gazette, The Suburban, madame...

Mme Roy (Montarville) : Mais, si je vous comprends bien...

M. Perreault (Jean-Paul) : ...qui cherchent à ternir l'image du Québec.

Mme Roy (Montarville) : ...c'est le statut anglophone des hôpitaux que...

La Présidente (Mme Vien) : M. Perreault, M. Perreault. Mme la députée, allez-y.

Mme Roy (Montarville) : Oui. Alors, si je comprends bien, là, votre réponse, c'est : le statut anglophone, vous en avez contre le statut anglophone des hôpitaux. Pour vous, il faudrait les abolir, ces statuts?

M. Perreault (Jean-Paul) : Je ne dis pas qu'il faut abolir les hôpitaux. Ce que je dis, c'est que les hôpitaux, ce sont tous des hôpitaux… des établissements québécois. Je ne vois pas pour quelle raison on va définir un hôpital qui est là pour servir la population sur la base de dire que c'est un hôpital anglophone, au Québec de surcroît. Ce qu'il s'agit, il s'agitd'un hôpital, d'un établissement de santé qui doit répondre à l'ensemble des besoins de la population. Et c'est ça qui est son mandat, et c'est comme ça qu'il doit être défini. Définir un hôpital sur la base linguistique, vous conviendrez avec nous que c'est une forme incroyable de discrimination qui ne devrait pas exister.

Mme Roy (Montarville) : Par ailleurs, pour votre information, c'est un journal québécois, Le Journal de Québec, qui a sorti cette information ce matin, donc un journaliste francophone, là. Ce ne sont pas les anglophones.

Cela dit, Mme la ministre entend tout comme moi ce qui est dit et ce qui sera dit cet après-midi, et j'espère que la ministre va fermer la porte à cette idée, que nous concevons et nous trouvons tout à fait radicale, d'enlever le statut anglophone de ces hôpitaux. Il y a actuellement une paix linguistique au Québec. Et nous, malheureusement, nous ne pouvons souscrire à cette idée. Oui, madame. Vous voulez poursuivre.

La Présidente (Mme Vien) : Mme Brisson.

Mme Bisson (Monique) : Oui. Alors, simplement ajouter, dans les hôpitaux présentement, dans les services de santé, les services sociaux, il faut avoir la préoccupation qu'il y a de la bilinguisation qui se pratique. Il faut penser... il faut toujours... Ce n'est pas aussi simple, tu sais : Bon. Ah! d'accord, on offre des services en anglais. Les services en anglais entraînent aussi des rapports, des documents. C'est-à-dire qu'il faut toujours avoir en tête l'idée : Il ne faut pas bilinguiser ou faire une bilinguisation institutionnelle des milieux de travail. Alors, ça, c'est aussi une préoccupation fondamentale.

Mme Roy (Montarville) : Je vous remercie. Merci, messieurs dames.

La Présidente (Mme Vien) : Ça complète, Mme la députée de Montarville? M. le député de LaFontaine.

M. Tanguay : J'aimerais savoir, sur cette lancée, que fait-on du citoyen canadien qui demeure au Québec, donc Québécois, de bonne foi, veut apprendre le français, il suit des cours de français, et néanmoins a un problème de santé, n'est pas suffisamment bilingue? Qu'est-ce qu'on fait dans ce cas-là? Il faut néanmoins faire des distinctions, je pense, importantes et majeures.

Alors, en ce sens-là, suite à ce que vous venez de dire, ça laisse entendre que les services ne pourraient pas être offerts en anglais. Qu'en pensez-vous? Quelle est votre approche par rapport à ça?

M. Perreault (Jean-Paul) : Ce n'est pas ce que nous avons dit. Ce que nous avons, au contraire, dit, c'est qu'il fallait élargir la possibilité d'offrir dans plusieurs langues le service en mettant sur pied, dans les établissements de santé, des services d'interprète.

Ce que nous avons également dit, c'est que nous nous inscrivons en faux contre l'épithète linguistique des établissements de santé. Ce sont des établissements québécois, et, étant des établissements québécois, ils doivent s'assurer de répondre à l'ensemble des besoins de la population. Mais j'ajouterai là-dessus que, puisque tout le monde est censé parler français au Québec, vous comprendrez avec nous qu'il n'y aura jamais aucune exclusion, puisque la personne sera en mesure d'aller chercher le service en français, et, si elle ne parle pas français, parce qu'il y aura service d'interprète... Et j'ajouterai là-dessus que, parce que le taux de connaissance de l'anglais au Québec est près de 40 %, vous conviendrez avec nous que, fort probablement, dans l'établissement, il sera toujours facile et possible d'aller chercher le service dans une autre langue que le français.

Je répète, nous nous inscrivons en faux contre le classement des établissements de santé au Québec sur une base linguistique. Ce sont tous des établissements québécois, qui doivent être soumis à l'entièreté des législations linguistiques sans exception, ce qui ouvre la porte à la possibilité d'obtenir des services pour le touriste italien, le touriste espagnol, l'Anglo-Québécois qui ne parle pas français, parce qu'il y aura sur place, pour l'Anglo-Québécois, suffisamment de gens… 40 % de la population québécoise parle anglais, connaît l'anglais, et près de 75 % des anglophones au Québec disent connaître le français. Vous conviendrez avec nous que la situation que vous soulevez pourrait arriver, mais ce serait plutôt rare, mais, parce qu'il y aurait des services d'interprète... Voilà.

M. Tanguay : C'est beau.

M. Perreault (Jean-Paul) : Je pense qu'il s'agit de faire preuve d'ouverture, là, à la diversité puis de cesser de discriminer en nommant sur une base linguistique des établissements de santé au Québec. Ça n'a pas de sens.

La Présidente (Mme Vien) : M. Perreault, Mme Bisson — tout à l'heure, je ne vous ai pas interpellée avec le bon nom de famille, toutes mes excuses, chère madame — alors, merci à vous deux de votre contribution. Ça complète pour les parlementaires? Oui? Alors, merci infiniment pour votre contribution.

Alors, je suspends. Nous revenons aux alentours de 15 heures, après la période de questions et autres tâches. Merci à tout le monde.

(Suspension de la séance à 11 h 39)

(Reprise à 15 h 29)

La Présidente (Mme Vien) : Bonjour à tous, chers collègues parlementaires, chers invités. Bienvenue dans votre Assemblée nationale. Nous reprenons nos audiences publiques sur le projet de loi n° 14, alors c'est le projet de loi qui modifie la Charte de la langue française, la Charte des droits et libertés de la personne et d'autres dispositions législatives. Évidemment, je vous demande de bien vouloir éteindre les sonneries de tous vos appareils électroniques pour que l'on puisse bien s'entendre.

• (15 h 30) •

Alors, j'ai le plaisir, nous avons le plaisir d'accueillir, en début d'après-midi, pour nos travaux, le Mouvement Québec français, à sa tête, je pense, son président, M. Mario Beaulieu — bonjour, M. Beaulieu; M. Éric Poirier; Mme Cécile Larouche — un visage bien connu, un visage télévisuel bien connu à Québec, bonjour, Mme Larouche; et Sébastien Duchesneau, c'est exact? Vous avez 10 minutes pour nous présenter l'essentiel de votre mémoire. Après quoi s'ensuivront des discussions avec les parlementaires. Je vous écoute.

Mouvement Québec français

M. Beaulieu(Mario) : Alors, bonjour. Je vous remercie de nous recevoir. Le Mouvement Québec français salue l'effort du gouvernement avec le projet de loi n° 104. On sait qu'en ce moment il y a un déclin rapide du français à Montréal. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est le président du Comité de suivi de la situation linguistique à l'Office québécois de la langue française, qui prévoit un déclin rapide du français, de la proportion de francophones à Montréal. On nous dit même que, d'ici une vingtaine d'années, on serait rendus autour de 40 % de francophones. Ça, c'est pour la langue maternelle.

Pour la langue d'usage à la maison, ça décline aussi très rapidement. Aujourd'hui, on est à 48 point quelques pour cent de langue maternelle à Montréal, 53 % de langue d'usage à la maison. Et ce n'est pas... Il y en a qui tentent de noyer le poisson en disant que c'est tout simplement à cause de l'augmentation de la proportion d'allophones, avec la montée de l'immigration, mais une des raisons majeures du déclin, c'est qu'on n'arrive pas suffisamment à franciser, à intégrer les nouveaux arrivants.

On sait qu'il y a eu une augmentation de transferts linguistiques, les transferts linguistiques bruts vers le français, mais cette augmentation-là provient, pour environ la moitié, de la sélection d'immigrants qui ont déjà fait des transferts linguistiques vers le français et, pour l'autre moitié, du fait que les allophones qui font des transferts linguistiques vers l'anglais ont tendance à quitter le Québec. Donc, on gagne un peu par défaut. Mais, quand on prend un indicateur moins sensible au phénomène migratoire, un indicateur de vitalité linguistique, on voit que la population anglophone de langue maternelle augmente d'environ 40 % à Montréal, en termes de langue d'usage à la maison, grâce aux transferts linguistiques, alors que, du côté de la langue française, c'est environ 10 %, et l'écart s'agrandit avec le temps. Donc, il faut agir, il faut bouger.

On sait que, dans l'ensemble du Québec, la proportion de francophones est sous la barre des 80 %, alors on pense qu'il y a urgence. Les gens de l'extérieur de Montréal parfois ne perçoivent pas ce problème-là, mais, comme il y a environ 50 000 nouveaux arrivants qui s'installent à Montréal à chaque année, en cinq ans c'est près de la moitié de la ville de Québec, alors, si on n'agit pas maintenant, quand le problème va se présenter dans la ville de Québec, il va être beaucoup trop tard. Alors, il faut bouger rapidement.

Et pourquoi il y a ce déclin du français là? Parce qu'il y a d'autres villes, par exemple Toronto, Ottawa. Toronto reçoit davantage d'immigration que Montréal, et ça ne menace pas l'anglais à Toronto parce que 99 % et plus des transferts linguistiques se font vers l'anglais à Toronto. Pourquoi? Parce que c'est l'anglais... c'est à peu près du même ordre à Ottawa, c'est l'anglais qui est la véritable langue officielle, la langue des services gouvernementaux, la langue commune à Ottawa ou à Toronto. Donc, un nouvel arrivant qui s'installe ailleurs qu'au Québec comprend très rapidement puis… à moins qu'il soit vraiment dans un territoire où il y a une concentration de francophones, il comprend très rapidement qu'il doit connaître l'anglais pour fonctionner. Et ce n'est pas le cas à Montréal, parce qu'avec le temps...

L'objectif de la loi 101, c'était de faire du français la véritable langue commune et officielle, et, avec le temps, on est revenus à un bilinguisme institutionnel, à un bilinguisme dans les services gouvernementaux, qui est pratiquement dans tous les services gouvernementaux. Donc, c'est très facile de fonctionner à Montréal sans connaître le français. Et on sait que, partout au monde, les systèmes qui sont basés sur le bilinguisme institutionnel, ça aboutit toujours à l'assimilation des langues minoritaires. C'est ce qu'on voit dans le reste du Canada, même si… Dans le reste du Canada, il y a eu pendant longtemps une interdiction des écoles françaises, du français dans les institutions publiques. Et aujourd'hui une grande proportion des francophones n'ont pas accès à des services en français dans le reste du Canada.

Alors, l'objectif, je pense, c'est de revenir à l'esprit initial de la loi 101, de faire du français la seule langue officielle et commune, en préservant des services en anglais pour la minorité historique anglophone, en préservant... en évitant de faire ce que le Canada anglais a fait aux francophones. Mais ça ne veut pas dire que l'État québécois est un État bilingue ou... pas du tout. Initialement, dans le livre blanc de la loi 101, on disait, par exemple, que les écoles anglaises devaient être des mesures d'exception pour la minorité historique anglophone mais ne devaient pas servir à assimiler les allophones et les francophones.

Alors, le projet de loi n° 14 amène plusieurs mesures qui vont dans cette direction-là, mais, selon nous, ce n'est pas suffisant, ça ne permettra pas de contrer le déclin du français et d'assurer l'avenir du français. Par exemple, dans les services administratifs, il y a plusieurs mesures qui vont permettre, disons, au ministre d'exercer un meilleur contrôle pour faire respecter la politique linguistique gouvernementale. On sait que la politique linguistique du gouvernement du Québec dit que les services gouvernementaux doivent être unilingues français en général pour bien démontrer que le français est la langue commune, mais, dans les faits, ce n'est pas du tout ça qui se passe, et on a dû intervenir à plusieurs reprises. Il y a eu des campagnes, par exemple, parce que les répondeurs téléphoniques d'à peu près tous les ministères commençaient par le fameux «press 9», à l'encontre même de mémos de l'Office québécois de la langue française, et ça a été très ardu, on a dû faire des campagnes, faire des pressions, et, encore aujourd'hui, je suis certain... En tout cas, on a fait l'étude il y a environ un an, on la refera, mais je suis certain qu'il y a encore beaucoup de services gouvernementaux qui continuent... qui commencent avec le fameux «press 9».

Donc, dans le projet de loi n° 14, on se dit : C'est bien que le ministre puisse effectuer un contrôle plus efficace, mais la ministre... Si par contre il y a un changement de gouvernement, le ou la ministre va pouvoir défaire ce que l'autre a fait avant. Donc, nous, on revendique un changement législatif. D'une part, il y a l'article 16 de la loi 101, qui n'est pas vraiment touché par la loi n° 14, qui avait été modifié en 2002 par la loi n° 104, et on voulait ramener la mesure initiale de la loi 101 qui disait que les communications écrites entre le gouvernement et les personnes morales, les entreprises établies au Québec doivent être uniquement en français. Parce qu'on aura beau faire tous les efforts possibles pour inciter les entreprises privées à utiliser le français comme langue commune, si le gouvernement du Québec communique avec ces entreprises-là en anglais, à un moment donné c'est sûr que c'est contre-productif. Alors, on revendique que l'article 16 soit modifié pour que ça soit vraiment des communications uniquement en français.

Avec les individus... On sait qu'il y a eu une enquête du Devoir, il y a trois ou quatre ans, qui disait qu'à Montréal près de 75 % des immigrants allophones étaient servis uniquement en anglais par le gouvernement du Québec. Il y a eu toutes sortes de discussions sur la véracité de ces chiffres-là, mais la tendance est là. Donc, on se dit : Pour ce qui est des services administratifs — ça veut dire les services couverts par la fonction publique du Québec — on revendique que ça soit seulement en français pour tous, y compris pour les individus. Parce que, si on n'est pas un État bilingue, tous les services n'ont pas à être bilingues. Ça ne veut pas dire que des nouveaux arrivants ne pourraient pas avoir un service d'interprète, un service d'accompagnement, mais en ce moment ça n'a pas de sens, c'est notre propre gouvernement qui contribue à l'anglicisation des nouveaux arrivants. Je pense que les services gouvernementaux, ils ont un rôle d'accueil et de francisation des nouveaux arrivants, et ils doivent jouer un rôle moteur à ce niveau-là.

Pour ce qui est de l'enseignement, c'est un peu la même chose. Il y a certaines mesures pour limiter les exemptions, comme avec les ministères, ce... les militaires plutôt, ce avec quoi on est tout à fait d'accord. Par contre, les écoles passerelles, on sait qu'actuellement ça ne touche pas un grand nombre d'étudiants, mais on pense que, d'ici quelques années, ça peut peut-être changer, il y a peut-être des échappatoires qui vont se trouver. Donc, on préconise qu'il y ait une modification.

La loi 101 au cégep, qui était dans la plateforme du gouvernement, ne s'y retrouve pas. On peut comprendre qu'étant un gouvernement minoritaire c'est difficile à réaliser. Par contre, on pense que c'est essentiel. Tant qu'on va continuer à financer, sans aucune limite, sans aucune restriction, l'enseignement collégial en anglais aux nouveaux arrivants, aux allophones adultes aussi, ça va être très difficile de faire en sorte qu'ils fonctionnent en français dans l'entreprise.

Alors, de toute façon, vous pouvez lire l'ensemble de nos recommandations. Alors, merci.

La Présidente (Mme Vien) : Bien, vous êtes très discipliné. Je sens bien que vous auriez eu besoin de quelques minutes, peut-être, supplémentaires. Vous aurez tout le loisir de poursuivre ces discussions ou ces compléments d'information... d'apporter ces compléments d'information avec Mme la ministre, avec laquelle vous entamez immédiatement un échange.

• (15 h 40) •

Mme De Courcy : Alors, messieurs, madame, il me fait plaisir de vous accueillir aujourd'hui. Merci pour votre contribution, celle d'aujourd'hui mais celle aussi qui est présente dans la société québécoise, comme celle d'Impératif Français d'ailleurs, des mouvements qui sont constitués, qui tentent de protéger la langue et d'inciter ceux et celles qui ont les outils pour mieux la protéger à faire mieux. C'est ce que je comprends, dans le fond, du mémoire.

Ce matin, lorsqu'on a reçu d'autres groupes, on a... j'ai choisi d'interroger trois... de poser trois questions. Je vais les reprendre avec vous, parce que souvent on y a fait référence au cours des dernières semaines. On comprend, là, que, plus on avance dans la discussion en commission parlementaire, là, on commence à réentendre un certain nombre de choses, que je souhaite précisées. Je vous les pose.

Et la première est certainement la nomination de la présidence de l'Office québécois de la langue française par l'Assemblée nationale. J'aimerais que vous précisiez votre pensée autour de cette question-là. Et, si j'ai bien compris certaines réponses de ce matin et à d'autres moments, il y a la question du choix qui donne une idée de consensus à l'Assemblée nationale et donc qui donne aussi à l'Assemblée nationale une obligation de recevoir des comptes et d'en demander, d'en demander. Je ne sais pas si c'est avec cette lunette-là que vous faites cette proposition-là, alors je vous pose la question.

La deuxième question que j'aimerais vous poser, c'est autour de... Ce matin et ailleurs aussi, on a parlé d'une commission de la protection de la langue qui a été intégrée, à un certain moment de notre histoire, à l'Office québécois de la langue française et de l'importance d'une commission semblable. Et j'aimerais que vous me disiez, quant à vous, si vous jugez importante la remise en place d'une commission comme celle-ci et, auquel cas, pourquoi? Pourquoi ne pas maintenir une intégration au sein de l'office actuel?

Et, troisièmement, parce qu'on ne l'a pas vu beaucoup, c'est le réseau des langagiers. Et, quand vous parlez de l'administration publique, à certains moments des interventions qui ont été faites en commission parlementaire, on nous a indiqué à quel point le réseau des langagiers avait été utile dans l'administration publique, au sein de l'administration publique, mais aussi pour la langue des médias, la langue publique, lesquels médias pouvaient faire des liens avec ce réseau des langagiers. Il n'était pas un réseau d'inspecteurs, entendons-nous bien, hein? C'était un réseau d'appui qui donnait des informations utiles, des solutions de remplacement, une série d'accommodements très raisonnables autour de comment on pouvait faire pour franciser un milieu.

Alors, j'aimerais vous entendre sur ces questions-là. Je connais, M. le président, votre... M. Beaulieu, votre grande connaissance de ces questions-là, alors j'aimerais vous entendre, si vous le voulez bien.

M. Beaulieu (Mario) : D'une part, pour ce qui est de l'indépendance de l'office, j'y arrivais justement quand j'ai terminé mon temps. La raison pourquoi on demande ça, c'est que, d'une part, on trouve que l'office n'a pas rempli son rôle depuis une vingtaine d'années, peut-être parce qu'il manque d'indépendance, justement, vis-à-vis du politique; ce que j'ai compris, c'est que, quand il y a eu le gouvernement libéral, quand il a suivi celui du gouvernement du Parti québécois, il y a eu des changements assez importants au niveau des chercheurs. Et, pour moi, l'Office québécois de la langue française, un de ses rôles, c'est la vigilance, mais c'est aussi de faire la promotion du français comme langue commune, d'expliquer pourquoi on fait ça, d'expliquer le bien-fondé de la loi 101. Et je trouve qu'il n'a pas du tout accompli ce rôle-là.

Moi, en tout cas, depuis que je m'intéresse vraiment aux affaires linguistiques, l'office a produit souvent des recherches qui m'ont semblé jovialistes, qui ont semblé... En tout cas, à toutes les époques, il y a eu des indicateurs qui ont été faits, et parfois, même, j'ai voulu connaître la méthodologie de certaines études — et ça, c'est plus récent, disons, en 2006-2007 — et on m'a dit que ce n'était pas disponible. Quand je suis allé à l'office, on m'a dit : La ministre ne veut pas qu'on publie. Alors, par la suite, ça a été dénié, mais c'est la version qu'on m'a dite spontanément.

Et il y a eu d'autres études, par exemple M. Termote, qui est maintenant président du Comité de suivi de la situation linguistique, qui avait fait une nouvelle étude prévisionnelle, et je lui ai téléphoné pour lui demander s'il voulait venir faire une conférence, mais il dit : Je ne peux pas présenter mes études. Là, je ne pense pas que je vais le mettre en eau bouillante parce que ça déjà été médiatisé, mais il m'a dit : On ne m'autorise pas à publier les résultats.

Et, une autre fois, je suis même allé dans un colloque de… en tout cas, j'ai un blanc de mémoire, là, mais l'organisme qui le faisait, mais il y a une chercheuse de l'office qui devait présenter les résultats de son étude, et on lui a interdit de le présenter, et elle l'a admis là-bas. Donc, j'ai l'impression qu'il y a vraiment une forme de censure qui a été... Et moi, je pense… On voit, par exemple, M. Fraser, du côté fédéral, qui intervient, qui outrepasse ses mandats, qui intervient sur la question de la loi 101 au cégep, tout ça, alors que, du côté de l'office, on voit très peu d'interventions de cet ordre-là. Je pense que...

M. Poirier(Éric) : Oui. Si je peux rajouter.

La Présidente (Mme Vien) : Oui. M. Poirier.

M. Poirier (Éric) : Oui. Juste pour rajouter sur cette question-là, avant de passer à la prochaine. C'est juste une question de… Tu sais, souvent, l'apparence d'impartialité est aussi importante que l'impartialité elle-même. Puis, dans un dossier comme ça, c'est juste d'élever ces organismes-là, l'office et le conseil, au-dessus du politique, justement parce qu'on peut trop facilement les discréditer.

Puis, dans le mémoire du MQF, aux pages 20 et 21, le MQF donne deux exemples, peut-être, très précis où… Le premier exemple, c'est en 2008, finalement l'office devait déposer le suivi de la situation linguistique au Québec. Il devait avoir la conférence de presse, là c'est reporté. Et là, tout de suite, les partis d'opposition — à cette époque, c'était l'ADQ et le Parti québécois — tout de suite, l'opposition, on blâme le premier ministre du Québec : Ça doit être lui, il doit savoir qu'est-ce qu'il y a dans les études, blablabla, comme s'il n'y avait pas de distinction entre l'office et le cabinet du premier ministre. C'est juste triste qu'on est capable de faire cette association-là trop facilement.

Puis le deuxième exemple, c'est quand il y a eu le débat sur la loi 101 au cégep en 2011, le Conseil supérieur de la langue française publie les nouvelles données sur l'accès au cégep français par les allophones. Finalement, on apprend, plusieurs mois plus tard, que ce n'étaient pas les bons chiffres, que ce n'étaient pas des chiffres exacts. Et, encore là, tu sais, peut-être que c'est une erreur qui a été faite de bonne foi, mais trop facilement on peut blâmer puis dire : Ah! bien là, c'est de la faute... c'est le cabinet du premier ministre qui avait envoyé ces données-là pour flouer la population, puis blablabla.

C'est juste triste qu'une question aussi fondamentale pour l'avenir de la nation québécoise, qui est la langue, on a deux organismes qui sont en place, qui ont des moyens, qui bien souvent remplissent bien leur rôle, qui bien souvent remplissent bien le rôle, il peut y avoir des exceptions, mais c'est juste triste que, par association, on peut facilement balayer ça du revers de la main puis dire : Ah! bien là, c'est le cabinet du premier ministre qui contrôle tout ça, blablabla. Puis, dans la population, bien, ça nuit à la crédibilité. Puis on essaie d'élever le débat avec des chiffres, on essaie d'élever le débat puis essayer de voir clair dans la situation, puis ce serait le fun si on avait deux organismes sur lesquels on ne pouvait pas attaquer tout de suite, d'emblée, sa partialité.

M. Beaulieu (Mario) : Je pense que ça complète bien. Pour ce qui est de la Commission de protection de langue française, oui, on serait favorables à ce qu'il y ait une nouvelle commission de protection de la langue française qui soit autonome, parce que ça nous semblait un peu contradictoire, l'office qui a plus un rôle, normalement, de promotion, la Commission de protection de la langue française qui a plus un rôle d'intervention, de… alors, il me semble, pour être plus efficaces, qu'il y ait une indépendance entre les deux. C'est une demande qu'on avait faite en 2002, quand ça a été fusionné, et qu'on n'a pas mise dans le mémoire, mais on serait plutôt... on serait favorables au retour d'une commission de protection de la langue française, qui pourrait peut-être avoir plus de ressources, un meilleur encadrement pour les enquêteurs, et ce qui pourrait permettre, je pense, davantage d'efficacité dans un secteur.

Comme je dis, l'intervention de la Commission de protection de la langue française, tout ça, c'est des interventions dans l'entreprise privée. Je pense que, oui, ça prend un encadrement, mais on dit : Commençons donc par notre propre gouvernement puis commençons par éliminer le bilinguisme institutionnel, qui était l'objectif de la loi 101, puis je pense que ça va être beaucoup plus facile par la suite d'intervenir dans l'entreprise privée.

Pour ce qui est du réseau des langagiers, eh bien, je l'admets, vous m'avez eu, je ne suis pas au courant du réseau des langagiers, je n'ai pas cette information-là.

• (15 h 50) •

La Présidente (Mme Vien) : M. Poirier, vous aviez un élément d'information à donner?

M. Poirier (Éric) : Oui. Sur la deuxième question, en fait sur la séparation entre la surveillance, protection puis... mais, le rôle de l'office plus traditionnel, qui est d'informer puis d'accompagner, il n'y a vraiment pas... quand on regarde l'histoire, là, depuis 1974, il n'y a vraiment pas de consensus sur la question. Tu sais, en 1974, c'était la Régie de la langue française, elle avait le pouvoir d'enquêter, et de conseiller, et d'assurer le suivi. En 1977, on sépare les deux, on crée la commission de surveillance d'un côté puis l'office de l'autre côté. En 1983, la commission de surveillance devient la commission de protection. En 1993, on abolit la commission de protection puis on fusionne les deux ensemble. En 1997, on resépare les deux, puis, en 2002, on les refusionne encore. Tout ce que je veux dire...

Bon, là, 30 secondes sur le livre blanc. Le livre blanc justifiait de les séparer, parce qu'il disait : Si on veut... Encore là, dans une perspective de crédibilité puis de ne pas mélanger les choses, si l'Office québécois de la langue française fait le suivi de la francisation des entreprises et accompagne les entreprises, puis en même temps se revire de bord puis leur tape sur les doigts, il peut peut-être y avoir un... il y a peut-être quelque chose qui ne marche pas, tu sais? Peut-être qu'il devrait y avoir un organisme qui s'assure de suivre puis qui n'est pas là pour taper sur personne puis, de l'autre côté, taper... excusez-moi, je mets bien des guillemets, puis je n'aurais pas dû employer ce mot-là, mais, de l'autre côté, il y a un organisme qui est plutôt là pour intervenir, puis faire une enquête, puis transférer le dossier au Directeur des poursuites criminelles et pénales, si poursuite pénale il y a, si c'est pertinent.

Moi, je vous soumettrais cette idée-là avant de... Bien évidemment que le MQF est favorable à ce qu'il y ait une commission de protection de la langue française. Mais peut-être, si on ne veut pas se retrouver que, dans deux ans ou dans cinq ans, on les refusionne encore, parce qu'en regardant l'histoire, là, il faut apprendre un peu de ça aussi, là, il n'y a pas de consensus, peut-être qu'on pourrait, je ne sais pas, faire une étude, faire quelque chose pour essayer de démontrer avant que c'est absolument pertinent et absolument... c'est évident qu'il faut que ce soit séparé. Puis, une fois qu'on aura établi ça, bien, au moins pour les prochaines années, si jamais tentative il y a de fusionner, on pourra s'appuyer sur un document crédible qui fait la part des choses et qui dit : Voilà, je pense, à travers les 35, 40 dernières années, c'est la bonne méthode.

M. Beaulieu (Mario) : Le réseau des langagiers, si vous parlez… Je sais qu'il y avait un service de dépannage linguistique gratuit. Ça, c'est sûr que je trouve ça déplorable que c'est devenu, je pense, qu'il faut payer aujourd'hui. Je ne sais pas si c'est de ça dont vous parliez.

Mme De Courcy : Il semblerait que c'est un réseau qui a été complètement démantelé, qui, même, n'existe plus, là. Et c'était un réseau d'appui autant pour l'administration publique que pour les personnes externes, et entre autres les médias. J'ai l'air savante, mais je l'ai appris en commission parlementaire par une retraitée de l'OQLF qui est venue faire des présentations et par les gens, qui sont de l'Impératif Français, en arrière de vous. Ils pourront vous en parler longuement, du réseau des langagiers. J'ai trouvé que c'était une initiative gouvernementale qui nous a tous surpris. Quand on l'a entendu ici, on a... En tout cas, moi, je ne la connaissais pas. Je ne crois pas qu'elle était très connue, que ce réseau-là était très connu — et il semblerait, après vérification, que ce réseau-là a été très utile. Alors, c'est bien normal que vous ne le sachiez pas, M. Beaulieu.

Mais je vous remercie pour les réponses, la richesse des réponses aussi. Je vais inviter mes collègues à vous poser d'autres questions.

La Présidente (Mme Vien) : Ça semble complet de votre côté, Mme la ministre.

Mme De Courcy : Oh, déjà! O.K. Je suis désolée.

La Présidente (Mme Vien) : Ah! M. le député de Saint-Hyacinthe?

Une voix : ...

La Présidente (Mme Vien) : Vous avez une question?

M. Roy : Oui. C'est complet au niveau du temps ou au niveau de la possibilité de poser des questions?

La Présidente (Mme Vien) : Toutes mes excuses. J'avais compris que c'était complet.

M. Roy : Non, non, non.

La Présidente (Mme Vien) : On vous écoute, M. le député de Bonaventure.

M. Roy : Nous vous pardonnons, Mme la Présidente. Excusez-nous.

Bien, bonjour, madame et messieurs. À divers endroits de votre mémoire, vous rappelez l'importance d'envoyer un message clair aux nouveaux arrivants pour que ceux-ci s'intègrent à la majorité francophone. Bon. J'ai été dans votre mémoire, j'ai vu, à certains endroits, où vous énoncez certains faits, entre autres vis-à-vis la fonction publique ou lorsqu'on parle en anglais à certains immigrants, bien, on ne facilite pas l'intégration des gens, O.K., et, bon, des chercheurs énoncent des choses de cette nature, j'ouvre les guillemets : «De nombreux immigrants croient qu'il est possible de vivre ici sans parler français. Cela est intimement lié à [la] perception du Québec, ou, plus précisément, de Montréal, comme étant bilingue.» Une autre citation : «Par ailleurs, comme ils ne rencontrent aucune difficulté à se faire servir en anglais dans les commerces, dans les services publics ou à Montréal en général, ils ne ressentent pas la nécessité de connaître le français.» Et pour terminer : «Selon les intervenants interrogés, cette impression est assez répandue chez les immigrants qui vivent à Montréal parce qu'ils ont accès à tous les services en anglais et à la culture anglophone», télé, radio, etc. Donc, constat.

Par contre, bon, dans le texte, vous ne traitez cependant pas des mesures, prévues dans le projet de loi, touchant l'immigration. Est-ce que vous êtes d'accord avec ces mesures et quelles autres mesures auriez-vous à suggérer, qu'il s'agisse, par exemple, de la francisation des immigrants ou de leur installation dans les diverses régions du Québec?

M. Beaulieu (Mario) : Disons, dans la plateforme du Mouvement Québec français, c'est sûr qu'on favorise un renforcement du processus de francisation, de l'accès. On sait qu'il y a eu des coupures. Il y a eu des coupures dans les allocations de francisation sous l'ancien gouvernement. Le nouveau, je n'ai pas eu encore… mais je souhaiterais que ça ne soit pas le cas, qu'il n'y ait pas de coupures dans... même s'il y a eu certaines améliorations, aussi je ne veux pas noircir. Mais je pense que la connaissance du français, c'est un droit, et on devrait donner accès à des cours de francisation, que ça soit aux nouveaux arrivants mais aussi aux réfugiés politiques. À un moment donné, il y avait aussi toute la dynamique, les… Bien, chez la communauté hellénique, il y a beaucoup de femmes qui n'avaient pas accès à des cours de français. Donc, je pense qu'il faut donner accès à des cours de français de la façon la plus efficace possible. Mais, tant que tous les services vont être donnés en anglais, il y a beaucoup... Il y a des profs en francisation qui nous disent : Écoutez, les étudiants ne sont pas plus intéressés que ça, même s'il y a des études qui disent que, oui, il y a une demande. Mais, si vous pouvez fonctionner complètement en anglais, il n'y a pas de nécessité. Je pense qu'il faut que le français, ça soit nécessaire...

La Présidente (Mme Vien) : Merci.

M. Beaulieu (Mario) : ...et moi, je trouve que c'est vraiment une aberration que le gouvernement du Québec finance des services en anglais comme ça, sans aucune limite, et...

La Présidente (Mme Vien) : Merci, M. Beaulieu. Merci. M. Beaulieu, ce sera votre mot de la fin pour cette partie d'échange avec les parlementaires formant le parti... donc faisant partie du parti ministériel. Maintenant, nous allons du côté de l'opposition officielle avec M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.

M. Tanguay : Merci beaucoup, Mme la Présidente. D'abord, merci beaucoup pour votre présence. Bonjour à vous et merci d'avoir pris le temps de rédiger le mémoire que vous nous avez présenté au préalable et donc que vous étayez aujourd'hui dans votre présentation.

J'aimerais, d'entrée de jeu, savoir, vous, comment vous vous situez par rapport au constat qui a été fait par le ministre de la métropole et qui disait que les Anglo-Montréalais, les jeunes en particulier, étaient davantage bilingues, autrement dit, évidemment, langue maternelle anglaise mais capables de parler, et d'écrire, et de communiquer, bref, en français, déclaration qu'il faisait le 19 janvier dernier, et, ce faisant, avait lancé un cri du coeur : «STM? Are you listening?», et, sur cette base-là, ne voyait aucun écueil, aucun problème, et même c'était justifié et demandé que les institutions telles que la STM, Société de transport de Montréal, puissent offrir, lorsque requis, en toutes circonstances, là, les services en anglais, lorsque demandés. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus : Est-ce que les constats qui sont faits sont les bons? Est-ce la bonne approche ou, selon vous, il s'agissait là d'un égarement?

• (16 heures) •

M. Beaulieu (Mario) : Bien, je pense qu'il y a eu une progression du bilinguisme chez les jeunes anglophones, mais il y en a eu aussi chez les jeunes francophones. En fait, selon les dernières données de Statistique Canada, les jeunes francophones à Montréal sont davantage bilingues que les jeunes anglophones, et il restait, je pense, environ 30 % de jeunes anglophones qui disaient ne pas connaître le français, en ayant passé à travers le système d'éducation. Alors, ça, je pense que c'est déplorable.

Et le problème, c'est dans l'utilisation du français. Nous, à la Société Saint-Jean-Baptiste, par exemple, on est juste un petit peu à l'ouest de Saint-Laurent, quand — je vais vous donner un exemple concret — on commande de la pizza, très souvent on a des livreurs qui ne veulent pas parler français. On est obligés de faire... de la pizza de l'est de la ville. Il y a un problème à un moment donné. Puis il y a des jeunes... à un moment donné, il y en a un qui arrive, je lui parle en français, il me répond en anglais, il ne comprenait pas trop, je lui répète deux ou trois fois, j'ai dit : Coudon, parlez-vous français? Oui, je parle français. Puis là il parlait français, mais pourquoi il a fallu que je lui demande trois fois avant?

Un des problèmes… Il y a une autre étude, je pense, qui a été faite dans le cadre de la journée des gens d'affaires pour le français, là, le colloque qui a été organisé en 2008, qui disait que près de 70 % des jeunes francophones passent automatiquement à l'anglais quand on les sert en anglais. Alors, il y a un problème à Montréal. Et moi, je pense que la STM, c'est une des dernières institutions où l'affichage est unilingue français, ça donne l'image... Montréal, c'est la dernière ville qui devrait avoir un statut bilingue, toute l'immigration se concentre à Montréal. Si on ne francise pas les immigrants à Montréal, ça ne fonctionne pas; c'est 50 000 immigrants par année, donc je pense que c'est très important. Si les jeunes sont bilingues, alors pas de problème, ils peuvent fonctionner en français. Pourquoi est-ce qu'il faudrait donner un service en anglais pour des gens qui connaissent le français?

L'entente, dans le fond, c'est que les gens peuvent utiliser la langue qu'ils veulent dans leurs réseaux, à la maison. On peut favoriser que certains services soient en anglais pour préserver la communauté anglophone, mais on n'est pas un État bilingue. Et normalement les services gouvernementaux doivent être en français. C'est ça. La beauté d'une langue commune, c'est qu'il y a une langue que tout le monde comprend, qu'on peut utiliser de façon à unifier la société, à aller vers une cohésion sociale. Et je pense que c'est très important.

Et ce qui est déplorable, puis on l'a vu beaucoup dans cette histoire-là de la STM, c'est le traitement qui en est fait de certains médias anglophones et francophones, et ce que je trouve parfois déplorable, où on laisse toujours sous-entendre qu'avoir une langue commune c'est d'être fermé, c'est d'être un peu xénophobe, etc., alors que, quand on va dans le reste du Canada, il y en a très peu, de services en français. Il y a une... le bilinguisme... Le seul État qui est bilingue, c'est au Québec, en fait, et tellement bilingue qu'on est en déclin du côté français. Et moi, parfois, je vous entends reprendre ce genre d'accusation là.

Moi, je pense que ça prend une solidarité entre les Québécois. Si on décide… On ne devrait pas faire de partisanerie politique avec ça. Puis, si on décide que, oui, il faut que le français soit la langue commune — le Parti libéral, vous avez dit maintes fois, je pense, que, bon, le français, c'est important. C'est même le Parti libéral qui a, pour la première fois, fait du français la langue officielle — bien, moi, je pense qu'il faut être solidaires, et il ne faut pas, surtout... On n'est pas... Moi, je me suis fait traiter d'anglophobe par l'éditorial de The Gazette. Pourquoi? Parce qu'on revendiquait qu'il y ait un hôpital francophone dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal. Et même ici, quand M. Couillard… Avant qu'il fasse l'intégration, il avait dit — puis on a les textes — que le statut linguistique de l'Hôpital Lachine ne serait pas touché, et en ce moment l'Hôpital Lachine, c'est bilingue. Et, les statuts bilingues des hôpitaux, nous, on veut les baliser, parce que ça n'a plus de bon sens; à Montréal, les hôpitaux anglophones, là, il y en a plus que nécessaire, c'est même... Même le Centre médical McGill admet qu'il n'y a pas plus que 30 % de sa clientèle qui est anglophone. Dans l'Ouest-de-l'Île, il n'y a plus aucun hôpital francophone. Alors, je pense qu'il faut un certain dosage et moi, j'en appelle à votre solidarité, de faire preuve... Puis je pense qu'à un moment donné, si on est tous solidaires, bien là, je pense que, du côté anglophone, ça va amener un apaisement.

Parce que ça n'a pas de bon sens, là, ce qui se passe en ce moment, c'est vraiment parce que... La loi 101 au cégep, là, il n'y a rien de raciste là-dedans, là. Dans le reste du Canada, c'est pire que ça, ce qu'ils ont... ils n'ont pas d'université en français pour les allophones, ils n'en ont pas suffisamment pour les francophones, et, pour les écoles, c'est la même chose. Alors, il ne faut pas, à un moment donné, se laisser intimider et utiliser ça à des fins politiques.

M. Tanguay : Mme la Présidente, donc, pour ce qui est de la loi 101 au cégep, je n'embarquerai pas là-dedans; et, jusqu'à un certain point, le gouvernement a eu la sagesse de reculer là-dessus, jusqu'à un certain point, quand on regarde certaines dispositions du projet de loi n° 14. Par contre, en termes clairs, à la fin de l'intervention, au niveau des services STM, une fois qu'on a tout dit et tout entendu ce que vous avez dit, est-il donc de bon aloi, à la STM, d'offrir le service en anglais à une personne qui le demanderait?

M. Beaulieu (Mario) : Pas sur demande, mais je pense que, dans les faits, c'est ça qui se passe. En ce moment, vous allez dans le métro de Montréal, n'importe qui qui veut avoir le service dans une autre langue l'a. Puis souvent, écoutez, là, vous prenez un billet où c'est écrit un chiffre, le montant du prix, alors ce n'est pas difficile de donner le service. Mais là, si on exige que tous les travailleurs, les guichetiers soient bilingues, là, donnent le service en anglais, ça n'a pas de sens. Moi, je pense que, si on dit qu'il y a eu des progrès du côté anglophone dans la connaissance du français… Puis, je pense, même pour les nouveaux arrivants, tout ça, ça prend un signal clair à un moment donné. Ça ne veut pas dire que, s'il y a des cas d'urgence ou… quand vous allez dans la section des objets perdus, il l'a. Mais moi, je le vois, je le prends parfois, le métro, puis, écoutez, il n'y a pas aucun problème à ce niveau-là. Mais il y a eu une campagne, à un moment donné, qui incitait les anglophones ou les allophones à exiger d'être servis en anglais, et ça donne lieu à des problèmes. Mais normalement...

On est au Québec. Moi, si je vais en Italie, je ne m'attends pas à avoir des services en français ou dans d'autres langues. Je vais apprendre l'italien, c'est normal. Si vous allez... C'est tout simplement normal. Je ne vois pas pourquoi on donnerait les services en anglais sur demande dans le service de transport. Je pense qu'il ne faut pas faire ça. Il faut trouver une façon de servir les gens. S'ils sont mal pris, il faut trouver une façon de les servir, mais il ne faut surtout pas bilinguiser la STM.

M. Tanguay : Juste pour vous comprendre, parce qu'évidemment c'est important, comme vous dites, la clarté, vous dites : Pas sur demande, donc ce serait quoi? Quelle serait une politique claire si ce n'est pas sur demande?

M. Beaulieu (Mario) : Bien, une politique claire, c'est que c'est en français. Vous montrez... Il y a des pictogrammes. Normalement, il n'y a pas de problème. Si c'est une situation d'urgence, quelqu'un est malade, quelque chose, bon, bien, O.K. Mais c'est assez rare.

Moi, j'ai travaillé beaucoup dans les services sociaux, puis, comme je viens d'un milieu anglophone, on m'envoyait souvent les gens unilingues anglophones, et c'était très rare que je parlais en anglais. Je parlais en anglais dans des situations d'urgence. Et, des fois, des gens qui étaient au Québec depuis 20, 25 ans, souvent, à la fin que je les ai servis, ils me disaient bonjour, ils commençaient à faire des efforts. Donc, on a un rôle d'accueil et d'intégration des immigrants, donc, et des allophones en général.

Donc, pour moi, c'est en français, le service est en français. Si vraiment il y a des cas d'urgence ou si... quand on voit que c'est un touriste ou quelque chose... Mais souvent les touristes s'attendent à fonctionner en français puis... Donc, moi, je pense que la STM doit rester en français, et, comme dans toutes les institutions francophones, au besoin il y a des services qui sont donnés dans l'autre langue.

La Présidente (Mme Vien) : M. Poirier, vous aviez un complément d'information à apporter?

M. Poirier (Éric) : Oui, oui, tout à fait. Je commencerais juste en citant un petit passage, là, deux lignes dans le mémoire, page 11, qui vient du livre blanc de 1977. On disait : «Tant que l'administration reste officiellement bilingue, l'implantation du français dans la vie sociale peut longtemps demeurer un voeu pieux. Le voeu devient sérieux quand le secteur public pèse de tout son poids en faveur du français.»

Ce que je veux dire par là, puis si je ramène sur le texte de la loi 101, dans le chapitre sur l'administration, c'est aussi de donner un sens à la distinction entre organismes bilingues, donc les organismes qui sont reconnus en vertu de 29.1, puis les organismes qui ne le sont pas. Quand on lit les... Si on revient sur le texte de loi, là, jamais on n'intervient sur la langue des services oraux, tu sais, les services qui sont donnés oralement, comme ça, c'est toujours sur les textes, les documents, puis tout ça.

Puis je pense qu'il y a... Pour faire du français la langue de l'administration, il y aurait quelques petites modifications à apporter aux articles de la loi 101, sur l'administration. Par exemple, en ce moment, les textes et documents de l'administration, les textes et documents, donc, qui ne sont pas individualisés, qui sont à caractère non individualisé, comme la publicité, comme des documents d'information, comme des pamphlets publicitaires, etc., ils peuvent être bilingues. Si on veut donner un sens au fait qu'il y a des organismes de l'administration qui ne sont pas bilingues, on pourrait inclure, à l'article 15 par exemple, que ces textes et documents là soient uniquement en français, ce qui n'empêcherait pas les organismes bilingues d'envoyer leurs textes bilingues, justement, parce qu'eux s'appuient sur un autre article de loi, l'article 23. Donc, en faisant... C'est un premier pas qui pourrait être fait. En faisant des textes et documents de l'administration uniquement en français, on donne un sens à la distinction entre organismes de l'administration puis organismes qui ont statut bilingue. Comme ça, on ne mélange pas les choses.

• (16 h 10) •

Il y a d'autres exemples comme ça que je pourrais donner sur les communications écrites, sur les avis de convocation, les ordres du jour, puis, tout ça, à l'intérieur de l'administration. C'est aussi la même idée. Ces articles-là sont écrits pour qu'on permette, dans ces textes-là, qu'il y ait constamment du bilinguisme, constamment du bilinguisme, même si ce ne sont pas des organismes reconnus. Donc, ils pourraient, justement, pour donner un sens à... Il y a un organisme reconnu bilingue. Bon, bien, permettons-lui, comme c'est présentement le cas, d'avoir des textes et documents, d'avoir des communications écrites qui sont bilingues. Mais, quand ce ne sont pas des organismes qui sont reconnus, pourquoi?

La Présidente (Mme Vien) : Merci. M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley : Merci beaucoup, Mme la Présidente. À mon tour, bienvenue. J'ai une série de questions, parce que je suis très inquiet par votre proposition sur la page 13, n° 1 — on vient de le discuter — que les textes des documents sont uniquement rédigés en français. Et je trouve ça curieux parce qu'on fait appel toujours à l'esprit original de la loi 101 de 1977, où, par exemple, on a toujours fait une distinction entre les personnes morales et les personnes physiques. Et on a dit que les communications avec les citoyens, les services comme les soins de santé… Moi, je prends comme exemple quand mon père était gravement malade, à la fin de ses jours, il était un homme très bilingue… Moi, je suis assez bilingue aussi, mais, quand je veux parler à un médecin, quand quelqu'un souffre du cancer, ma préférence était de faire ça en anglais. Et nous avons mis dans la loi, le gouvernement du Parti libéral, dans la fin des années 80, l'accès à certains services, pas illimité, pas le bilinguisme mur à mur, qu'il y ait toujours la place pour les personnes qui exigent les soins en anglais qui sont disponibles par l'État québécois. Il y a même, dans le préambule de la Charte de la langue française, le respect pour l'institution de la communauté anglaise.

Alors, on fait toutes ces choses, mais on voit… De dire que les choses soient uniquement en français, prendsl'exemple… Il y a trois, quatre ans, il y avait toute une certaine frénésie autour de la H1N1. Pour moi, je pense qu'on a tout intérêt, comme État, d'informer l'ensemble de la population dans le cas d'une pandémie à ça. Alors, de mettre un document du gouvernement du Québec dans The Gazette, en anglais, en même temps qu'on met ça en français dans La Presse, je trouve responsable. Mais, si on formule ça que ce document doit être uniquement en français, on va l'empêcher.

Moi, à chaque année, comme beaucoup de mes commettants, parce que, mon comté, environ deux tiers sont... parlent l'anglais à la maison, on a le devoir de citoyen de remplir mes rapports d'impôt, que je préfère faire mes erreurs en anglais plutôt qu'en français en essayant d'envoyer mon dû à l'État québécois, que je vais faire à chaque année. Et,vu que je vote sur les lois qui obligent mes commettants de faire ça, moi, je fais ça moi-même. Cette année, je vais même essayer de maîtriser un logiciel pour le faire comme il faut, mais je fais ça en anglais.

Alors, on a toutes ces choses qui ont été mises dans la loi parce qu'il y a une communauté anglophone qui existe, qui a fait sa contribution à la société québécoise. Alors, les comparaisons avec l'Italie, les comparaisons avec les autres États, il faut toujours revenir à notre histoire à nous. On a une communauté anglophone qui est ici, on a une communauté anglophone — et je pense que cette commission a fait la preuve, Mme la Présidente — qui a fait beaucoup de travail, d'efforts pour améliorer leur connaissance de la langue française. Mes enfants sont plus bilingues que leur père. Mes petits-enfants, j'ai toujours l'espoir, vont être encore plus bilingues, parce qu'on croit fermement dans l'avenir du Québec, mais il y a une place pour l'anglais, et, comme contribuables, ils ont droit accès aux services en anglais. Pas le bilinguisme mur à mur, pas que toutes les personnes, chaque infirmière à l'hôpital à Chicoutimi, parlent anglais, ce n'est pas ça que je parle. Mais, il y a des endroits, il y a une certaine logique qu'il faut respecter la place et la contribution de la société... de la communauté anglaise à notre histoire et à notre communauté.

Alors, de dire que l'État… uniquement rédiger les documents… Il y a une série de mesures qui existent déjà sur la charte, qui sont importantes. La sécurité est importante...

M. Beaulieu (Mario) : Je pense que...

M. Kelley : La sécurité est importante, par exemple.

M. Beaulieu (Mario) : Oui.

M. Kelley : Alors, si je mets dans un wagon de métro les mesures d'urgence en cas d'incendie et je mets ça dans les deux langues, moi, je pense que c'est correct. Mais votre formulation, ici, m'empêche de faire ça. Votre formulation, c'est : Tout doit être en français en tout temps, et, vu que les anglophones sont maintenant plus bilingues, on va... Alors, moi, je veux juste m'objecter à cette formulation.

Moi, je pense que l'État, oui, a le devoir... Personne ne conteste le devoir de l'État de faire la promotion du fait français. Mais on a une communauté qui est 8 % ou 10 % de notre société, sont beaucoup plus à l'aise en anglais. Et je pense qu'il faut toujours agir avec le respect. Il y a des services gouvernementaux que les contribuables de la langue anglaise paient, comme tout le monde ici, dans notre société. Donc, ils ont le droit de recevoir ces services dans leur langue, et je trouve que la formulation qui est ici va nous empêcher.

Il y a déjà des problèmes. Il y a toujours l'accès. J'ai été étonné quand Mme Martineau a fait le tour de dire qu'elle n'a jamais eu une plainte concernant l'accès aux services en anglais de l'État québécois. Mon courriel est maintenant plein des exemples des personnes qui ont une histoire contraire. Alors, moi, je ne suis pas ici pour faire une enquête sur la fonction publique, mais, quand elle a dit : «Mur à mur, il n'y a pas de problème», il faut baliser ça, il faut nuancer ça. Et moi, je vais continuer de plaider, il faut un équilibre, parce qu'il faut une reconnaissance telle que la Charte de la langue française de 1977 a fait quant à la place de la communauté anglophone et quant aux droits des citoyens, les personnes physiques, les citoyens, les personnes au niveau médical, au niveau de l'éducation...

La Présidente (Mme Vien) : Merci, M. le député.

M. Kelley : ...et tout le reste, d'avoir ce reste dans la langue anglaise.

La Présidente (Mme Vien) : Merci, M. le député. Ça fait... Ça conclut donc la partie qui était dévolue à l'opposition officielle. Je suis prête maintenant à entendre Mme la députée de Montarville pour une durée de 4 min 30 s.

Mme Roy (Montarville) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Madame, bonjour. Messieurs, bonjour. Merci pour votre mémoire.

Écoutez, tout comme vous, nous croyons qu'il y a une problématique particulière à Montréal surtout, ce n'est pas à Québec qu'on a des problèmes pour se faire servir en français dans nos commerces, ça, ça va de soi. Dans cette optique, j'ai... À la lecture de votre mémoire, je comprends que vous souhaitez un français total, absolu, dans tout ce qui sera communication à l'intérieur même de l'administration publique et avec les différentes administrations publiques; et vous parliez, par exemple, des fameux répondeurs téléphoniques où on dit encore : «Please, press 9».

Cela dit, dans cette optique, je me posais une question, puis je me demande, et je réfléchis avec vous et avec Mme la ministre, si vous avez, en tant que mouvement, une petite idée… ou évalué les coûts, pour l'État québécois, de franciser la moindre communication entre les différents organes administratifs, le moindre formulaire, la moindre demande, la moindre annexe? Est-ce que vous avez une idée de ce que ça pourrait coûter à l'État? Est-ce que c'est une préoccupation pour vous? Et je pose simultanément la même question à Mme la ministre : Est-ce qu'on a une idée de ce que tout ça coûtera si on y va mur à mur dans tout ce qui est administration publique au Québec?

M. Beaulieu (Mario) : Excellent. Je vous remercie de me laisser le temps de répondre.

Mme Roy (Montarville) : Allez-y.

M. Beaulieu (Mario) : Ce que j'aurais apprécié que M. le député de Jacques-Cartier fasse, parce qu'on ne demande pas le bilinguisme mur à mur, parce qu'on n'a pas enlevé les articles 29.1, les organismes de santé, tout ça, on préserve des services en anglais pour ce qui est d'essentiel, mais... Puis, dans ce que vous disiez, vous sembliez d'accord, par exemple, que ça soit seulement en français avec les entreprises, parce que vous dites : Ça vise les individus. Donc, je suis content de savoir que le Parti libéral serait d'accord avec l'application de la loi 101, l'article 16, que les communications soient seulement en anglais avec les personnes morales.

Pour reprendre votre question — excusez-moi d'avoir... mais ça touchait un petit peu — c'est que les... En fait, je pense que ce serait des coûts qu'on sauverait, parce que, d'une part, bon, les répondeurs téléphoniques, il n'y a aucun coût, là, c'est un appareil que vous achetez, vous enregistrez votre message, c'est... Et, pour l'écrit, est-ce qu'on a idée des coûts d'être obligé de traduire tous les formulaires, les services? Moi, je pense qu'on économiserait de l'argent en faisant ça. Et, comme je dis...

Mme Roy (Montarville) : Il faut le faire. Si on suit la logique, c'est qu'il faut changer les choses qui, selon vous, sont bilingues et ne devraient pas l'être.

M. Beaulieu (Mario) : C'est ça.

Mme Roy (Montarville) : Donc, il y aura un travail à faire.

M. Beaulieu (Mario) : À ce moment-là, c'est quelque chose qu'on enlève, ce n'est pas quelque chose qu'on ajoute, ça n'a pas un coût. Comme de ne pas réimprimer des documents en anglais, certains documents en anglais, ça n'a pas un coût. Puis je réitère que ce n'est pas du mur-à-mur. Ce qu'on dit c'est que, oui, il peut y avoir des services en anglais, éducation, santé, services sociaux, municipaux, ce qui est touché par les statuts bilingues. Il faut baliser le statut bilingue, parce que là ce n'est plus une question d'avoir un minimum de services en anglais, c'est que les services en anglais sont tellement vastes qu'ils servent à angliciser les nouveaux arrivants et même une partie des francophones dans l'Ouest-de-l'Île. Et je pense que, non, tout... Dans le reste du Canada, si on tient compte des données historiques dont monsieur parlait, dans l'histoire, ça a été une interdiction des services en français qui a été faite, même en partie au Québec.

Mais moi, je suis tout à fait d'accord avec vous, il faut surveiller les coûts, mais, selon moi, on économiserait. Même la loi 101 au cégep ou le surfinancement des universités anglophones, ça nous coûte énormément cher, parce que c'est des gens qui quittent le Québec, des gens dont on a payé les études primaires, secondaires vont au cégep en anglais, vont à l'université en anglais à nos frais, et on les perd. Ça, c'est des coûts énormes.

Mme Roy (Montarville) : Et, si je vous posais la question, c'est justement parce qu'une étude a été faite au niveau des entreprises pour savoir combien cela coûterait, appliquer le projet de loi n° 14.

M. Beaulieu (Mario) : Oui, j'ai vu ça.

Mme Roy (Montarville) : Ça leur coûterait environ 24 millions de dollars. Alors, je me disais : S'il y a des choses à changer au gouvernement, combien est-ce que ça va nous coûter? Alors, c'est pour ça que la question se posait ici; mais je crois que vous ne vous êtes pas penchés sur le...

M. Beaulieu (Mario) : Je trouve que ça serait très intéressant de faire cette étude-là, parce que je pense que ça va démontrer qu'on va sauver des coûts.

Mme Roy (Montarville) : Ça serait intéressant, effectivement, de la faire. Ça serait... On pourrait tous gagner à savoir combien cela pourrait nous coûter, entre autres, à l'appareil gouvernemental et à l'État. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Vien) : M. Beaulieu, je comprends votre frustration, mais il appartient à chacun des parlementaires soit de poser des questions ou encore d'y aller de commentaires. Je pense... en tout cas j'ose espérer que vous avez quand même apprécié votre passage dans votre Assemblée nationale, ici, en commission parlementaire. En ce qui nous concerne, ça nous a fait plaisir de vous accueillir.

Alors, je suspends quelques instants, le temps que l'autre groupe puisse prendre place. Merci beaucoup pour votre contribution.

(Suspension de la séance à 16 h 20)

(Reprise à 16 h 24)

La Présidente (Mme Vien) : Alors, nous poursuivons nos travaux dans le cadre de ces consultations publiques sur le projet de loi n° 14. Nous sommes heureux d'accueillir cet après-midi la Chambre de commerce gaie du Québec, avec son président, M. Marc-Antoine Saumier. Bonjour, M. Saumier. Vous êtes accompagné de votre directeur général, M. Daniel St-Louis, c'est exact? Messieurs, 10 minutes pour nous présenter les principales conclusions de votre mémoire, par la suite un échange avec les parlementaires. Je sais que vous êtes pressés dans le temps pour des considérations de transport, alors on va procéder promptement. On vous écoute.

Chambre de commerce gaie du Québec (CCGQ)

M. Saumier (Marc-Antoine) : Merci. Bonjour, Mme la ministre, chers membres de la Commission de la culture et de l'éducation. C'est avec plaisir et honneur que la Chambre de commerce gaie du Québec, la CCGQ, se présente ici avec vous aujourd'hui pour partager, en fait, nos réflexions par rapport au projet de loi n° 14. Nous voulons vous parler plus précisément d'un secret qui est trop bien gardé, à nos yeux, dans un dossier où nous évoluons depuis 18 mois, dans la stratégie commune d'intervention Montréal 2008-2013 — Le français, notre affaire à tous.

Mais, avant, d'abord, permettez-moi de présenter la Chambre de commerce gaie du Québec. C'est un organisme, en fait, qui est basé à Montréal mais qui couvre la province au complet. L'an dernier, l'organisme a célébré sont 15e anniversaire d'existence, ce qui peut paraître jeune pour une chambre de commerce, mais, en fait, une chambre de commerce gaie, c'est une vieille chambre, comme on pourrait l'appeler — donc, on va utiliser l'abréviation LGBT. Juste pour que vous soyez familiers, c'est lesbiennes, gais, bisexuels et transgenres. Donc, c'est l'abréviation qu'on va utiliser dans la présentation d'aujourd'hui. Et on est la plus importante au Canada; il y a d'autres chambres de commerce comme nous à travers les différentes provinces. On compte plus de 600 membres à travers la province. Comme on est un... Tout comme la communauté LGBT au Québec, on a un noyau, évidemment, qui est basé à Montréal. On organise différents types d'activités, des activités de réseautage, des activités de formation, et, tout prochainement, on va être dans la capitale nationale, le 10 et 11 mai, pour notre sommet de Québec, à sa septième édition.

Donc, la mission de la chambre, en fait, c'est de représenter, promouvoir la communauté d'affaires LGBT du Québec et de favoriser la réussite de ses membres et leur reconnaissance auprès des milieux économiques et gouvernementaux. Nos activités de réseautage sont maintenant aussi à Québec. Alors, on voulait le mentionner, parce que c'est une nouveauté pour nous. Donc, on est présents dans les deux villes.

J'ai mentionné un peu plus tôt un secret trop bien gardé et aussi une réussite ressentie. Et je vais vous partager un peu les étapes qu'on a accomplies jusqu'à maintenant.

En 2008, nous sommes devenus un partenaire de la Stratégie commune d'intervention pour Montréal, une initiative qui servait à renforcer la place du français dans le milieu des affaires de la métropole. Nous sommes des acteurs engagés sur plusieurs fronts en matière de francisation dans le domaine des affaires. Nous appuyons notamment le gouvernement en chapeautant le portail Emplois centre-ville. Et nous avons récemment soumis un projet de développement de lexique terminologique des enjeux LGBT en milieu de travail.

Tantôt, j'ai fait allusion à un secret trop bien gardé sur lequel nous oeuvrons depuis 18 mois, et il s'agit là du dossier de francisation le plus important sur lequel nous travaillons. En effet, à l'automne 2011, nous avons entamé un travail de démarchage de terrain pour aller à la rencontre de nos membres montréalais ainsi que des commerces et entreprises situés dans le village gai de la métropole afin de faire la promotion de la francisation volontaire d'entreprises qui ne sont pas assujetties à la Charte de la langue française, soit celles comptant moins de 50 employés.

Ce démarchage, nous ne sommes pas les seuls à l'avoir entrepris. Au contraire, dans le cadre de la stratégie commune et en vertu d'ententes signées individuellement avec l'Office québécois de la langue française depuis deux ans, nous sommes une douzaine de chambres de commerce, de sociétés de développement commercial et autres organismes économiques de la région métropolitaine à l'avoir effectué en collaboration avec la Chambre de commerce Montréal métropolitain. Pour notre part, ce sont plus de 200 entreprises rencontrées à ce jour, dont environ 40 % qui se sont engagées dans un processus de francisation volontaire. Si nous comptabilisons les démarches effectuées par la totalité des partenaires de cette stratégie, ce sont des milliers d'entreprises rencontrées et plus de 700 qui se sont engagées à présent dans une demande de francisation volontaire. Cet effort de démarchage s'avère une réussite indéniable que les partenaires de la stratégie commune sont fiers d'avoir réalisée.

Le génie de cette approche de francisation volontaire repose sur le fait que nous, partenaires au quotidien de ces entreprises et de leurs dirigeants, leur sommes des acteurs connus, des collaborateurs qui connaissent leurs défis, leurs préoccupations et leurs contraintes. Nous les accompagnons dans leurs demandes de francisation et nous facilitons les échanges avec eux et les conseillers de l'OQLF.

Dans notre mémoire, nous avons formulé un certain nombre de réflexions. Celles-ci s'appuient sur notre expérience de terrain. Nous souhaitons donc uniquement nous prononcer sur des enjeux pour lesquels notre démarchage nous a permis de bien comprendre les besoins des entreprises sous notre responsabilité.

Alors, en ce sens, la CCGQ est d'accord avec les mesures permettant aux employés non syndiqués à recourir à la Commission des normes du travail pour renforcer le droit de travail en français. Nous nous réjouissons également des efforts accrus qui seront consacrés pour améliorer l'intégration linguistique des personnes immigrantes.

• (16 h 30) •

D'après notre expérience, la mesure voulant que les entreprises de 10 employés et plus soient tenues d'afficher le droit des employés de travailler en français nous paraît raisonnable et adéquate. Nous sommes rassurés de constater que les entreprises de 25 employés et moins sont toujours exemptes des dispositions de la charte.

Mais la pièce maîtresse de la réforme proposée, vu les intérêts de nos membres, est sans aucun doute les mesures préconisées pour les entreprises de 26 à 49 employés. Bien sûr, la CCGQ souhaite que toutes les mesures viables soient déployées pour favoriser un meilleur enracinement du français dans le monde des affaires, mais, à ce chapitre, les mesures viables sont celles qui, à notre avis, tiennent compte des défis pratiques auxquels les PME font face quotidiennement. À cet égard, on pense particulièrement aux contraintes financières et à celles entourant les effectifs cadres limités des entreprises de moins de 50 employés.

En ce sens, nous souhaitons vous exprimer les idées suivantes. En tant que chambre de commerce, nous ne souhaitons pas que les PME québécoises, déjà fortement réglementées… l'être davantage. La Charte de la langue française offre déjà des outils utiles pour qu'on puisse s'assurer que les entreprises se francisent de manière convenable. De plus, il faut toujours garder à l'esprit que les PME ont des moyens limités, que leurs dirigeants et dirigeantes ont des horaires de travail chargés, qu'ils et elles accumulent des responsabilités nombreuses et variées et que le climat économique actuel les oblige à limiter ou à couper dans les dépenses. Si le législateur juge cependant nécessaire d'ajouter un fardeau réglementaire des PME, il faut agir avec prudence de sorte à ce que celles-ci ne soient pas indûment complexes ni coûteuses. Au mieux, il faudrait mettre en place des mécanismes, des ressources pour aider ces entreprises à rencontrer des nouvelles exigences.

Depuis un an et demi, nous sommes engagés dans un processus d'incitation des entreprises de moins de 50 employés à le faire de manière volontaire. L'accueil que nous recevons est largement favorable et l'intérêt de nos interlocuteurs sincère. La démarche est fondée sur une approche de soutien souple et simple. Par conséquent, nous vous proposons la démarche, utilisée à la CCGQ, des trois S : souplesse, simplicité et soutien.

Quand on parle de souplesse. Le génie de la francisation volontaire a été d'interpeller les entreprises via leur chambre de commerce ou SDC locale. Cette approche met le gestionnaire d'entreprise en lien avec un interlocuteur de confiance qui se fait aidant. La démarche est aussi capable de s'ajuster aux nombreuses contraintes de tout genre qui retiennent l'attention du cadre d'entreprise, de sorte que l'évaluation de sa situation linguistique se fait sans trop l'accaparer.

Simplicité. L'évaluation de la situation linguistique d'une entreprise se fait à l'aide d'un questionnaire simple et court. Le tout peut s'effectuer dans l'espace d'environ 10 minutes. Dans les cas un peu plus complexes, on va parler environ de 20 à 30 minutes. Par contre, comme le tout est effectué en compagnie du démarcheur, l'entrepreneur n'a pas à s'empêtrer dans une lourde documentation. Ça reste fluide et léger.

Finalement, le soutien. Le gouvernement gère actuellement des programmes de soutien financier à la francisation et offre des cours de français gratuits qui allègent le fardeau financier et administratif des entreprises désireuses de se conformer aux exigences. Considérant les marges de manoeuvre financières relativement limitées des PME, particulièrementcelles qui oeuvrent dans le secteur du détail, cette aide s'avère indispensable et l'atteinte des objectifs... pour atteindre les objectifs de francisation.

Pour conclure, ce que nous enseigne, en fait, cette approche, c'est que… l'importance de mettre en place, pour les entreprises de 26 à 49 employés, des mécanismes d'appui comme ceux développés ces dernières années par l'OQLF dans le cadre de la francisation volontaire. La CCGQ est confiante qu'en mettant en place une stratégie des trois S — en rappel, souplesse, simplicité et soutien — les objectifs visés par le législateur et partagés par les acteurs socioéconomiques comme nous seront atteints dans un climat constructif et bénéfique pour la société québécoise dans son ensemble. Je vous remercie beaucoup pour votre attention.

La Présidente (Mme Vien) : Bien, merci beaucoup, M. Saumier. Alors, la parole est maintenant du côté ministériel avec le député de Sainte-Marie—Saint-Jacques.

M. Breton : Bonjour, messieurs. Je suis très heureux que vous ameniez votre contribution, votre réflexion au débat autour du projet de loi n° 14. Je pense qu'il est essentiel et je pense que votre apport est trop méconnu; vous en avez parlé. Et moi, je vous connais, et je suis très heureux des discussions que nous avons, et je pense que j'aimerais ça qu'on continue ces discussions-là, pour la suite des choses, autour justement de votre apport avec le projet de loi n° 14.

Vous avez parlé du fait que votre organisme, justement, pourrait apporter son soutien, puis là j'essaie de voir comment est-ce que vous pourriez vous impliquer pour soutenir les entreprises dans leur démarche d'autoévaluation. J'aimerais ça que vous me parliez de ça.

M. Saumier (Marc-Antoine) : Bien, pour aller un peu plus dans les détails au niveau du programme qu'on travaille avec l'OQLF en ce moment, on a une ressource qui est dédiée à cette démarche-là. Donc, en partenariat avec l'OQLF, ça nous permet d'aller chercher une ressource qui est, en fait, à l'emploi de la chambre de commerce et qui se présente aussi comme un employé de la chambre de commerce. Et, de cette manière-là, ça nous permet vraiment de faire la rencontre nécessaire sur le terrain pour bien éduquer les petites entreprises sur la réalité de la francisation, les enjeux, les outils qui sont disponibles et leurs responsabilités aussi.

M. Breton : O.K. Et, j'imagine, aussi de tout ce qui est autour des enjeux, autour, tu sais, de la non-discrimination qui doit être faite dans tous les aspects de la vie publique.

M. Saumier (Marc-Antoine) : Oui, absolument. Absolument, puis, en fait, ça m'apporte un peu sur le sujet, au niveau du lexique, que j'ai mentionné rapidement un peu plus tôt. Moi, je suis impliqué à différents niveaux au niveau de la diversité en milieu de travail et je pense qu'il y a définitivement une sensibilisation à créer dans le milieu du travail aujourd'hui par rapport à la communauté LGBT, et la Chambre de commerce gaie du Québec a pour objectif de documenter ces termes-là dans un lexique. C'est un projet qu'on a déjà déposé auprès de l'OQLF, et notre but, c'est vraiment de faire un travail de fond pour établir les bons termes qui vont être utilisés, sûrement, dans un outil existant, comme Le grand dictionnaire terminologique, pour permettre à toutes les entreprises québécoises, peu importe leur taille, de consulter cet outil-là, et s'assurer de documenter, que ça soit dans leur pratique de ressources humaines ou même les bons termes à utiliser en milieu de travail, qu'est-ce qui est important.

Donc, c'est sûr qu'on est une chambre de commerce peut-être un peu atypique, on n'est pas une chambre de commerce géographique. Toutefois, on a une présence très, très accrue dans les dernières années, on est en croissance et on sent, autant les gens de la communauté qui s'impliquent au niveau de la chambre de commerce que les gens qui sont... qui veulent travailler avec les gens de la communauté… Donc, on est très, très ouverts à toutes les discussions, et c'est pour ça que, pour nous, c'était très important, la francisation volontaire.

Le Village gai à Montréal, bon, est délimité… pour ceux qui connaissent Montréal, on parle de Berry, Sherbrooke, un peu plus au sud, et De Lorimier dans l'ouest. Ce territoire-là accueille beaucoup, aussi, de nouveaux commerçants, des commerçants que c'est peut-être leur première aventure en affaires, et c'est important pour nous de créer un environnement qui est accueillant, et je pense qu'une chambre de commerce est un environnement accueillant pour une nouvelle entreprise qui va venir s'installer à Montréal. Et la francisation volontaire est une démarche tout à fait appropriée pour une nouvelle entreprise.

M. Breton : Qui, soit dit en passant, est dans ma circonscription. Bien, je vous remercie beaucoup; mais j'aimerais ça qu'on en discute plus avant après, dans des échanges que nous pourrons faire à mon bureau. Merci.

La Présidente (Mme Vien) : Mme la ministre.

Mme De Courcy : Alors, je sais que votre temps est précieux, vous êtes assez pressés, ce qui fait que je ne vous poserai pas davantage de questions. Ce n'est pas par manque d'intérêt de votre mémoire, mais on nous a dit que vous étiez un peu pressés.

Alors, j'entends bien votre souci autour de la question des petites et moyennes entreprises. Je crois sincèrement que les comités sectoriels de main-d'oeuvre ou des associations comme la vôtre... Si vous avez regardé... bien, pas si, vous avez regardé de près le projet de loi, vous avez vu que nous nommons les associations. Nous parlons de comités sectoriels de main-d'oeuvre et d'associations, et c'est, entre autres, à la vôtre que nous avons pensé quand nous avons rédigé cet article-là.

Alors, ce que ça dit, en fait, c'est que ça vous confirme que vous êtes un joueur important pour la mise en place du projet de loi, si loi il y aura — je le souhaite ardemment — et que nous allons travailler avec les partenaires un peu dans l'esprit de la stratégie commune, qui a donné, en effet, un certain nombre de résultats, pas tous les résultats escomptés, aux dires mêmes de ceux et celles qui ont fait le comité de suivi, mais je pense sincèrement que la stratégie commune a été une bonne stratégie, malheureusement pas suffisante, comme d'autres interlocuteurs nous l'ont mentionné.

Alors, sachez, donc, que l'association fait partie de ce qui est non écrit dans l'article et que vous pouvez maintenant savoir. Je vous remercie donc de vous être déplacés à Québec. Je vais vous souhaiter un bon retour.

• (16 h 40) •

La Présidente (Mme Vien) : Merci beaucoup aux collègues du côté ministériel. M. le député de LaFontaine, pour une première question du côté de l'opposition officielle?

M. Tanguay : Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, merci beaucoup pour votre présentation, pour avoir pris le temps de rédiger un mémoire et de nous en faire une présentation aujourd'hui.

Et j'entendais à l'instant la ministre dire espérer pouvoir compter sur votre aide si loi il y a. Bien, il est très, très clair que — si on a bien compris votre message — même s'il n'y a pas loi, votre aide est importante et déterminante, parce qu'au-delà du projet de loi n° 14 tout ce que vous proposez, évidemment, s'inscrit même à l'extérieur du projet de loi n° 14. Et je pense que c'est important de le souligner.

Vous parlez évidemment... Vous dressez des drapeaux rouges, et je cite… juste avant la conclusion, dernière page de votre mémoire, je vous cite : «Ce que nous enseigne cette approche — donc, l'approche des trois S, simplicité, soutien et souplesse — c'est l'importance de mettre en place, pour les entreprises de 26 à 49 employés, des mécanismes d'appui comme ceux développés ces dernières années par l'OQLF dans le cadre de la francisation volontaire.» Fin de la citation. Et vous avez très bien souligné la réalité des PME, qui sont, pour plusieurs, vos membres.

Fardeau réglementaire, c'est une réalité qui a un impact dans une PME qui, dans bien des cas, n'a pas de ressources humaines, il n'y a pas de personne responsable des ressources humaines. C'est la personne qui est entrepreneur, bien souvent, directement, qui devra s'ajouter ce fardeau-là.

Lourdeur administrative aussi lorsque l'on dit : Nous devons justifier chacun des postes. Il s'engage là une discussion avec l'office, ou en tout cas un corps administratif de l'État québécois, qui fait en sorte qu'il y a d'abord un premier dépôt, et après ça un suivi, et ainsi de suite. Donc, en ce sens-là, la lourdeur administrative n'est rien pour faire en sorte d'atteindre l'objectif. Et également je pense que c'est là qu'il est important de voir où gagnerions-nous comme société, où nous voulons tous l'épanouissement du français, à mettre nos énergies, notre talent et notre participation proactive.

Et, en ce sens-là vous parlez, donc, d'expérience d'accompagnement, vous faites référence à la stratégie. Est-ce que vous avez, pour notre bénéfice, de façon très, très tangible, des exemples? Parce que l'on ne, je crois, publicise pas suffisamment nos bons coups — ça, on l'a déjà entendu dans cette commission-ci, publiciser davantage nos bons coups. Avez-vous un exemple ou deux, très précis, où, là, de façon volontaire, en accompagnement, une entreprise a réussi à faire de l'épanouissement du français, dans sa réalité toute locale, une réalité, justement? Je ne sais pas si vous avez des exemples.

M. Saumier (Marc-Antoine) : Je peux vous donner, en fait, deux exemples concrets d'entreprises qu'on connaissait déjà à la chambre de commerce, étant membres de la chambre. En fait, une de ces entreprise-là est un restaurant, et, dans son enseigne, on a fait une recommandation de modifier l'enseigne pour vraiment être réglementaire, et évidemment, bien, une enseigne, pour un restaurant, c'est un coût important, et la première réaction de la personne propriétaire du restaurant était : Ouf! Je ne suis pas sûr que je veux m'embarquer dans le changement de mon enseigne. Et finalement on a facilité le lien avec les demandes de subventions qui sont disponibles par l'OQLF, et ça a vraiment permis à cette personne-là de mettre son enseigne réglementaire pour accueillir ses clients en français.

Deuxième exemple que je peux vous donner, c'est un cabinet de dentiste qui... Dans certains cas, les marchés un peu plus spécifiques, médical, on va avoir des logiciels informatiques qui peuvent être unilingues anglais, et c'était le cas pour ce dentiste-là, qui avait un logiciel unilingue anglais. Donc, pour ses employés... Ils ne pouvaient pas taper en... ils pouvaient taper en français, mais ils ne pouvaient pas... tous les menus étaient en anglais dans le logiciel. Encore une fois, modifier un logiciel informatique, c'est très onéreux. Alors, même principe, on a facilité le lien avec la demande de subvention.

Et ces deux entreprises-là ont fait les démarches, offert un service en français plus approprié pour leurs clients dans le cas du restaurant et offert un environnement de travail plus approprié pour les employés, dans le cas du cabinet de dentiste. Et les deux ont vraiment apprécié énormément. Je ne crois pas qu'ils auraient fait ces demandes-là si on n'avait pas cogné à leurs portes.

M. Tanguay : Et on voit ici — et vos deux exemples parlent beaucoup — on voit ici une différence de philosophie quand on la compare avec le projet de loi n° 14 où, là, on semble dire : Bien, on va jeter ça directement dans la cour des PME, et vous devrez faire ci, ceci, cela. Vous devez nous envoyer ça selon les critères et l'encadrement que nous exigeons, et par la suite on va vous dire si c'est correct ou pas correct, et vous ferez, donc, seuls… et vous ferez le fardeau, vous... vous ferez en sorte que cette réalité-là, bien, puisse se passer dans votre entreprise. Alors, on voit ici, par votre approche, que c'est réellement l'accompagnement, l'aide et que les gens sont de bonne foi, ne demandent pas mieux. Puis on le sait, on se l'est fait dire régulièrement, c'est payant, faire affaire en français au Québec, mais dans le respect puis dans un équilibre. Alors, merci beaucoup pour votre intervention, votre présence. Merci à vous deux.

La Présidente (Mme Vien) : Merci beaucoup, M. le député de LaFontaine. Mme la députée de Montarville, pour 4 min 30 s.

Mme Roy (Montarville) : Merci beaucoup. Je serai également brève, compte tenu du... Je suis déjà brève en étant troisième, mais je vais respecter le fait que vous devez quitter.

Brièvement, nous adhérons et nous embrassons complètement ce que vous dites lorsque vous dites qu'il faut soutenir, accompagner, simplifier et avoir de la souplesse avec les entreprises, nous y croyons. Nous ne voulons surtout pas augmenter le fardeau administratif des entrepreneurs, des entreprises. Ça, nous, nous y tenons, à la Coalition avenir Québec. Et j'aimerais avoir... On a eu des exemples de succès. C'est fantastique, ce que vous faites comme travail et ça nous montre qu'on peut franciser des entreprises sans avoir à... — vous parlez du bâton et de la carotte — sans avoir un bâton, vous nous prouvez que c'est possible.

Mais, dites-moi, dans quelle mesure... On parlait de cette étude, tout à l'heure, qui nous dit que les entreprises pourraient avoir à débourser jusqu'à 24 millions pour que le projet de loi n° 14 s'applique, s'il s'applique de la façon... tel qu'il est actuellement, dans son entièreté. Avez-vous des exemples de cas où la lourdeur administrative pourrait nuire à certains de vos membres, certains de vos membres qui auraient de la difficulté à appliquer, carrément, toutes les nouvelles mesures administratives qui sont demandées aux entreprises de moins de 49 employés?

M. Saumier (Marc-Antoine) : En fait, je vais passer la parole à mon collègue qui est avec moi, M. St-Louis, qui, en fait, fait le travail de démarchage sur le terrain, donc il va pouvoir sûrement répondre à votre question.

M. St-Louis (Daniel) : J'ai déjà été entrepreneur, c'est-à-dire à la tête d'un commerce de détail avec… qui correspond aux 50 employés ou moins de 50 employés, et les responsabilités sont énormes. Et, souvent, quand on se retrouve dedans des procédures réglementaires administratives de ce genre-là, ça nous accapare par rapport à ce qu'on juge parfois souvent l'essentiel de ce qu'on devrait faire.

Quand j'approche... Moi, donc, avoir été dans cette position-là, quand j'approche des entreprises comme démarcheur… Tout est dans l'approche, de la rendre conviviale et de la rendre comme quoi on est là pour les aider. Parenthèse : je n'utilise jamais le mot «francisation», parce que, pour moi, «francisation», sans vouloir porter préjudice à l'appareil public, ça fait très bureaucratique. Ça fait que moi, je parle souvent d'aider les gens à améliorer leur capacité de servir leur clientèle en français, améliorer l'environnement de travail en français pour leurs employés, donc tout un choix de mots que je vais modifier en l'occurrence.

Et puis l'approche se fait aidante parce qu'on est là pour les épauler, les accompagner tout le long du processus. On les aide à faire l'évaluation. Ça prend cinq, 10 minutes dans la plupart du temps, ça se fait très simplement, et même ils en sont surpris, à quel point l'évaluation préliminaire se fait et ça va bien. Suite à cela, on leur dit qu'on reviendra quelque temps plus tard avec un conseiller de l'office pour valider le tout et enclencher la demande, ensuite, d'une demande de francisation volontaire. Et, à ce moment-là, toutes les autres démarches qui viennent par la suite... Et là-dessus je dois saluer aussi les équipes avec lesquelles on travaille à l'office, qui ont su très bien s'adapter à ce type d'environnement là où est-ce qu'on est des accompagnateurs et on aide les entreprises à répondre aux différentes étapes qui sont nécessaires à l'obtention de leur certificat de... leur attestation de francisation volontaire. Donc, tout ça, ça ne demande pas beaucoup d'énergie de la part du dirigeant de petite entreprise, parce qu'on est là pour les aider dans ce cheminement-là et on s'occupe de faire des suivis. Donc, on est là pour éviter que pour eux ça devienne quelque chose qui les tire vers le bas.

• (16 h 50) •

Je vous dirais même que, par rapport aux exemples que vous a cités notre président, à travers ces démarches-là, on a fait changer une attitude qui était à la base négative en une attitude qui était positive de la part d'entreprises, et, pour moi, je pense, c'est là le génie, c'est ça, la beauté de la démarche qu'on a entreprise. Et c'est pour ça qu'on dit : Peu importe, là, quelle sera la décision par rapport aux entreprises de 26 à 49 employés, peu importe la décision, la démarche, elle est porteuse, elle est garante d'une réussite à moyen terme et elle vaut la peine vraiment de continuer à être considérée, parce que les efforts qui sont menés de la... déployés à travers cette stratégie-là doivent se terminer à la fin octobre 2013, comme on le sait, parce que c'était une stratégie de cinq ans. Mais cette approche-là a semé une graine qui est absolument incroyable par rapport à la façon que les gens approchent la francisation et la façon que nous, on peut les aider à faire ce cheminement-là, et je pense que, toute chose étant prise, entre autres, c'est un des beaux succès, en tout cas.

Nous, les agents, on se rencontre une fois par mois, de la douzaine, quinzaine de chambres de commerce qui faisons ce travail-là sur le terrain. On échange des bonnes pratiques, on s'informe sur nos territoires, on s'entraide aussi, et on sent, à travers tout ça, que c'était une des belles réussites de cette stratégie-là. Et puis c'est pour ça qu'on estime qu'il est important de vous en parler, parce qu'elle est porteuse, et on pense qu'elle est garante de succès pour l'avenir.

La Présidente (Mme Vien) : M. St-Louis, ce sera le mot de la fin de votre présentation. En vous remerciant tous les deux, M. Saumier, de vous être déplacés aujourd'hui. On a beaucoup apprécié votre contribution. Merci de vous être présentés.

Alors, je suspens quelques instants pour laisser le temps à l'autre groupe de s'installer.

(Suspension de la séance à 16 h 51)

(Reprise à 16 h 58)

La Présidente (Mme Vien) : Bien. Alors, nous reprenons nos travaux sur les auditions publiques sur le projet de loi n° 14, qui est la Loi modifiant la Charte de la langue française, la Charte des droits et libertés de la personne, également d'autres dispositions législatives. On a le plaisir, cet après-midi, de recevoir l'Office québécois de la langue anglaise. Alors, vous êtes notre dernier groupe aujourd'hui et vous savez un peu comment ça procède, tout ça — je reconnais un intervenant qui est déjà passé ici, devant nous, auparavant.

Une voix :

La Présidente (Mme Vien) : Oui, c'est ça. Alors, bien, bienvenue à vous. M. Shebbeare?

Office québécois de la langue anglaise (OQLA)

M. Shebbeare (Hugo) : Oui, c'est ça, merci beaucoup.

La Présidente (Mme Vien) : C'est vous? Bonjour.

M. Shebbeare (Hugo) : Bonjour, madame.

La Présidente (Mme Vien) : D'abord, nous présenter les personnes qui sont avec vous, et par la suite vous aurez un 10 minutes, bien entendu, pour nous présenter en substance et en synthèse les grandes lignes de votre mémoire, après quoi s'ensuivront des échanges entre vous et les parlementaires du côté ministériel et de l'opposition officielle.

Alors, M. Shebbeare, d'abord nous présenter les gens qui vous accompagnent.

M. Shebbeare (Hugo) : Oui. Ania Kwiatowsky, Unity Group, elle est activiste, chef du Groupe d'unité canadien; Antoinette Mercurio, porte-parole, Unity Group spokesperson; Colin Standish, Université Laval, conseiller juridique; and Mme Francine Weston, she's with the OQLA and the Unity Group — many of us are — I'm also on several groups as an executive member of the Unity Group.

La Présidente (Mme Vien) : ...monsieur.

• (17 heures) •

M. Shebbeare (Hugo) : Merci, madame. Mme la ministre, honourable members of the Committee, thank you for having us. I just want to say that it would be nice if this was also in Montréal, have some of the hearings in Montréal since 80 % of the English-speaking community in Québec is based around Montréal.

I'm a volunteer spokesperson for the non-profit organization Québec Office of the English Language, Office québécois de la langue anglaise, oqla.org. Nous avons autour de 6 000 membres. It is time for our organization… several organizations and sister groups, like CRITIQ, Canadian Rights in Quebec, Unity Group here with me right now, putbacktheflag.com — thankfully it's still there — and MNAs — thanks to Liberals here that it's... thank you for Liberals to saying no to Bill 14 already — begin to voice their support for the other official language in Québec, which is English. Why? Since most... majority of Quebeckers want to move on from the separatist agenda and reinforce their ties with the rest of Canada, a good start would be embracing the English language.

Firstly and most importantly, we believe that English should be returned to a fully official language status in Québec and… to respect the Constitution and our shared history. We strongly believe that the trend, as set out in the proposed Bill 14, needs reversal in order to give the 80 plus English-speaking communities across Québec respite from the constant and methodological reduction of services. It takes an ignorant person to refer to English as a foreign language in Québec. Furthermore, refusing institutionalized bilingualism is the same as prevention on advancement of our community and is a key factor of the tyrannical linguicism in Québec — je parle à quelqu'un qui est bilingue, de Vancouver, et je suis outré de ce qui se passe au Québec.

Bill 14 wishes to legislate identity, yet another unwanted clause that would hang over on our community, and further reason to legitimize discrimination based on language — predominance, we had before Bill 101 that said that we're not official speakers on our own province, now you want to legitimize identity? — hitherto additional reason to make non-Francophones feel that they're second class in their home and native province. Furthermore, playing identity politics is irresponsible — and I don't believe you are sincerely responsible, Mme la ministre — but it is par for the course with ethno-nationalists here, in Québec, who think they have replaced the First Nations, who primarily use English — Mohawks, Cree, Hurons who speak among each other, who live double discrimination — why we haveaboriginals… this is why we have Aboriginals who have been very offended with this linguistic segregation proposed by this PQ bill, these policies and this rhetoric, this is been going on since last summer. Legislating Québec identity as French-only, overwriting the true history of Québec and Canada, would be a violation of the Human Rights Charter in itself, section 10, cause language as a prohibited ground of discrimination, which leads me to my next point.

It would seem there's little respect for the universality of human rights in this province since again Bill 14 wishes to amend the Québec Human Rights Charter. Simply do away with ethnic communities — ce n'est pas simplement une question de sémantique — and turn them into indefensible, e.g. from the standpoint of the International Court of Justice, ICJ, in the Hague, cultural… changing them to cultural communities, would have this effect. Sans que les conséquences que ce qui se passe dans cette loi ne sont pas reconnues. Several barristers, including Colin Standish, here, from Université de Laval, have come forward to contribute… — as well as… Brent Tyler was here before — have come forward to contribute to the MontrealGazette denouncing this attempt, yet another, to legislate away the rights of minorities.

If anything should be done regarding related legislation, 101, 22, 178 — nevertheless goes on — it is time to consider these four simple concessions to the non francophone community and your fellow Canadians that make up around 20 % of the population and pay approximately 40 % of the taxes — believe it or not. It was René Lévesque who said to us… — he is standing out there, his statue — and he said to us that if you pay taxes, you're a Quebecker. Well, we certainly do not feel that way. And Bill 14 will continue to make us feel as foreigners in our own province, since it is against the other official language of our country, Canada — Québec is not a country. Le but, il semble, est de se débarrasser des anglophones avec ce projet de loi, et les droits de la majorité en même temps, les droits de majorité d'apprendre l'anglais comme il faut pour réussir en affaires, réussir avec le monde entier.

This is great opportunity… There is a great opportunity to bring balance back and respect for the rule of law in Québec. Now that the Charbonneau Commission has made a clean sweep of corruption, we need a similar commission to examine existing discriminatory legislation. As such, a stronger Bill 101 is completely and totally inappropriate. As a Suburban's editor, Beryl Wajsman, has stated: «Bill 14, don't even think about it!» Instead, Bill 101 should be replaced with Bill 199, as submitted by Neill Cameron in the early ‘90s. If Britain and France had an «entente cordiale» il y a un siècle, a hundred years ago, England and France had an «entente cordiale», why not here, in Québec? We're all neighbours, we live next to each other; mon ami Bertrand, en face de moi, puis mes autres amis francophones, we don't need a «légistique» division anymore. This legal divide keeps being placed between us by opportunistic politicians, inebriated nationalists and separatist militants who think that we are foreigners here, les caribous, et al. We don't need that anymore.

Secondly, we need increased access to our bilingual English public schools, starting with the English-Montreal School Board, Lester-B.-Pearson School Board, immediately. Remember, there was 250 000 before, and now we're a 100 000 people in our school system. And who's crying that something is dying and is lost? It's our community that keeps taking the shot. We've had enough. We need oxygen. Some 10 000 non-eligible children per year should be allowed into our system. Immigrants, especially those from English-speaking jurisdictions across the Commonwealth, should have the full freedom of choice in public schools to respect the human conventions that existing provincial legislation currently flouts, and would only worsen with Bill 14, regarding CEGEP access, and this openly disrespects... disrespect for military families in Vacartier, who have a great school system. Ce qu'on fait, on détruit ces écoles-là. Pour quelle raison? Pour satisfaire des extrémistes? It's ridiculous. I tell you.

We would accept, as a proper management decision made by the Québec Government that its entire population's interest be considered, at an absolute minimum proportional percentage of immigrants, approximately 20 %, be allowed into our school system. A system, I might add, which produces a qualified majority of bilingual Quebeckers, as Angela Mancini has made clear, thus indirectly contributing to the francophone linguistic majority, proving that we are not a threat, but we are treated as a threat, legislation, bill after bill after bill.

The third community need — I'm moving on — is to have guaranteed bilingual medical services. Considering the federal Government provides the Québec provincial Treasury with special allocations for our community, why is this currently an issue? Given the systemic corruption identified by the Charbonneau Commission, et le nivellement vers le bas, one can only speculate why we think that our health services are not negotiable...

La Présidente (Mme Vien) : Merci, M. Shebbeare. Ça sera votre mot de la fin pour votre présentation. Vous m'en voyez bien désolée, mais c'est le temps qui vous était maintenant donné...

M. Shebbeare (Hugo) : Est-ce que je peux avoir du temps de quelqu'un...

La Présidente (Mme Vien) : Mme la ministre accepte donc que vous poursuiviez...

M. Shebbeare (Hugo) : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Vien) : ...pour terminer la présentation de votre mémoire. Ça sera pris sur le temps du côté ministériel. Je vous en prie, monsieur, poursuivez.

• (17 h 10) •

M. Shebbeare (Hugo) : D'accord. Nobody should have to pass a language test to qualify for medical services. In Mark S. Bergeron's incident — he would have been here, he's the new leader of the Equality Party 2.0 — he had to deal with almost his daughter dying in convulsions while somebody passed him through a language test. C'est dégueulasse, ça. On le sait, il faut l'avouer.

Our fourth demand, and last request, is to dismiss any threshold to have bilingual municipalities revoked. Leave it entirely in the hands of localized democracy and the legislative... and the community itself. This would stop this PQ-imposed threshold that is unrealistic for the survival of our communities… despite peaceful English and French-speaking neighborhoods thriving as part of an interwoven and multicultural — not unicultural, not unilingual — fabric over hundreds of years that we built up together, living as neighbors, even after two conquests, whether it be Kirke or Wolfe, and two lost referendums, and the Orange Crush. There are countless examples of streets renamed without any public involvement. Il faut faire la preservation de la richesse de notre province, quoi que ce soit, au côté du niveau linguistique de l'histoire. Au Québec, ça ne se passe pas seulement et uniquement en français, I am sorry, Daniel, but that's not true.

Furthermore, in expectation of good faith, this involve changes to Bill 101 as opposed to Bill 14, although we suggest the former be replaced, as I mentioned before, Bill 199, the Charter of English and French languages. It would resolve much of the linguistic tension by declaring both languages equal since French in our province is not threatened with well past 7 million people speaking it. Over 90% people speaking it, c'est quoi, la menace? Furthermore, il y a 400 ans que ça se parle au Québec. Voyons!

Furthermore, this would respect the Constitution of our great country by promoting the use of English also to save Québec from this poor, bankrupt, isolated province we become over the past generation. We have to reverse this and remedy the colossal negative interdependence with the rest of Canada.

We are very happy that the Liberals and Caquists have already come forward to say that Bill 14 is not appropriate and then has to be amended or thrown out completely, so that our minority communities are reassured publicly that their interests be recognized in eventual legislative change. Only in this way can we profit, and the economy profit, all together, from being open to the lingua franca of the business world.

Merci beaucoup. Veuillez accepter mes meilleurs sentiments distingués. Je suis un champion pour le Canada, and Québec is included in my country.

La Présidente (Mme Vien) : Merci beaucoup, M. Shebbeare, pour cette présentation, qui a débordé pour à peu près deux, trois minutes supplémentaires. Alors, tout de suite, entamons un échange entre Mme la ministre et votre... et vous-même et votre groupe pour une période d'échange d'à peu près 21 minutes.

Mme De Courcy : Alors, merci d'abord aux citoyens et citoyennes qui vous accompagnent, qui sont dans la salle et qui ont posé un geste citoyen important, c'est-à-dire de venir à l'Assemblée nationale donner un point de vue. Et, comme nous sommes dans un Québec pour qui la liberté d'expression est très importante, nous entendons tous les points de vue. La formation que je représente et le ministère que je représente, mes collègues aussi, nous avons donc entendu et écouté avec attention. Je vous remercie donc d'avoir participé à cette commission.

Par ailleurs, nous ne pouvons que constater que nos positions sont profondément éloignées. Et je mettrai sur le compte de votre inquiétude, de vos convictions, de votre sentiment, à mon avis, non justifié, de vous sentir exclus. Je mettrai sur ce compte-là les propos ou la façon que vous avez de les exprimer, que je ne discute pas, et je le mettrai sur le compte de cette question.

Le format d'une commission parlementaire ne permet pas un échange qui nous permettrait de discuter sur le fond, parce que c'est trop court, c'est malheureusement trop court. Par ailleurs, je vous invite à suivre nos travaux, je vous invite, et je suivrai les vôtres. Je les ai suivis d'ailleurs sur les médias sociaux. Donc, je répète que la commission parlementaire ne nous permettra pas de combler l'écart sérieux que nous avons en termes de point de vue.

Je voudrais conclure en vous disant que, dans ma vie antérieure à la fonction que j'occupe, j'ai eu des collaborations extrêmement riches avec le milieu de l'éducation anglophone, avec de nombreux citoyens de la communauté anglophone, et que j'ai eu aussi le plaisir de pouvoir échanger sur des pratiques très intéressantes avec la communauté anglophone, dans le milieu de l'éducation plus particulièrement.

Quand j'ai déposé le projet de loi n° 14, avec lequel on peut ne pas être d'accord mais qui est un projet de loi réfléchi et qui correspond à la volonté gouvernementale, quand j'ai déposé ce projet de loi, j'ai mentionné à quel point, pour les raisons que je viens d'invoquer, mais pas seulement celles-là, à quel point il était important de protéger les institutions anglophones, puisque, de mes conversations diverses et de mes consultations importantes que j'ai eues avec des membres de la communauté anglophone, plusieurs m'ont dit, au Québec, avoir beaucoup d'inquiétudes quant au maintien de leurs institutions, pas à la vitalité de la langue mais au maintien de leurs institutions. Et j'ai bien entendu et répété, lors du projet de loi... du dépôt du projet de loi, que les institutions et leur maintien me tenaient à coeur et tenaient à coeur à la formation que je représente. Et je l'ai répété à nouveau quand nous avons ouvert la commission parlementaire, vous vous en souviendrez, tous et toutes. Alors, je tiens à vous le répéter à vous, quoiqu'un de vos collègues est déjà venu présenter ici un mémoire, que j'ai d'ailleurs transmis au comité des législations, tel qu'entendu.

Alors, encore une fois, mes remerciements d'être venus exprimer votre point de vue. Et bon retour. Nous n'aurons pas d'autre question.

La Présidente (Mme Vien) : Merci beaucoup, Mme la ministre. M. le député de Jacques-Cartier, pour la portion de l'opposition officielle. La parole est à vous, cher collègue.

M. Kelley : Merci, Mme la Présidente. À mon tour, bienvenue. Welcome to this parliamentary committee on Bill 14. I listened to you. I read your brief. There are a lot of adjectives in there. There are a lot of angry words. And I understand that. And I understand it in ways that… I think there's often a confusion in this debate between the presence of the English language… which is an international phenomenon that, even if there were no Anglophone living in Québec, would still be part of our reality because there's Hollywood, because there are all sorts of factors. There's an Internet. There are things that are international factors. And, you know, I think back to the exchange we had with the Townshippers, who came… and their historic presence in the Eastern Townships, built the Eastern Townships, and, I think, they came here and made a very, very eloquent testimony about their place in Québec society, their role in our past, their role in our history and so forth.

So I understand a little bit there's a frustration there that leads to... You know, this is an angry presentation you've made, and an angry, angry brief. And I just invite you a little bit to reflect a bit. I understand the frustrations and the concerns that you've raised. But, if you look at the judgments of various courts, the Supreme Court, the Québec courts, language is always a question of balance. Language is always trying to find a way where we hit a balance between the concerns of different communities. And there are concerns. And I... It's fine for you to say that the French isn't threatened. I've been now a member of the Parliament here for 18 years, and many people have told me something quite different. So, I'm not an expert, but I listen, because part of my job as a parliamentarian is to listen, so... But I think we have to accept in a North America of 300 000 000 people who are overwhelmingly English-speaking, in a world where Hollywood and now Bollywood are more and more taking up place, pop music... We had someone come and testify here for 45 minutes his concern about too much English being played in the casino of Montréal. I'm not a gambler, so I have to take his word for it. I don't go to casinos, but... So there are people of various concerns.

So, in your reflection, in your group, what is appropriate to promote the French fact in Québec? Because I think there is an all-party agreement that the promotion of the French fact is something that needs to be done, because we do swim in this very English-speaking ocean which... And I'll come back to it, Mr. Shebbeare, it's not to be confusing the presence of the English language and the existence of the English-speaking community. And I think there is a confusion there that's often made. And, when it comes to respect an English-speaking institution, we'll come back to that. But, in your eyes, what should the Government do to make sure that this little corner of North America remains a place where the French language can exist, can thrive, can flourish, can have a... continue to make a very important cultural contribution, not just here, but around the world?

We can see... I guess it's very cliché the example of the Cirque du Soleil, but you can go on many continents, and a little bit of Montréal, a group of buskers that started in the Montréal Métro 25 or 30 years ago, or whatever it is, are now this big entertainment multinational, with their blue and yellow tents all over the world, but... And I think we want that. I don't think we want this to be... In the same way that you're very proud to be Canadians. And I think there's quite a strong message in Canada — we just don't want Canada to be United States light or United States with a different flag — that there is a current of opinion in Canada as well that it's worth doing something a little bit different north of the 49th parallel. And we don't want a society that's just Nebraska-North or something like this, with all due respect to our American neighbors.

• (17 h 20) •

So, just coming back, and I understand the anger... And, as someone who lives on the West Island, we all read about Mr. Bergeron's experience, it was a very unfortunate... mercifully an isolated, but a very unfortunate incident that, when your daughter is ill and the ambulance comes forward, it's not the time for a language test. I think Mr. Bouchard said that in his Centaur speech 15 years ago. And everyone agreed that you want service, you want help, your child is in difficulty, and the child is much more comfortable speaking English. I think everyone around the table agrees that that was a regrettable incident, it's something that shouldn't happen and...

But, if I just come back to this notion of balance, this notion of what is appropriate to make sure that we can look forward to building a future together. Because, with all due respect, there is so much anger in your piece that I don't see in that a way forward that we can build a Montréal, and a Québec, and Canadian society of tomorrow where people feel comfortable and where people feel they can work together.

La Présidente (Mme Vien) : M. Shebbeare.

M. Shebbeare (Hugo) : Oui. Merci, M. Kelley. Pour promouvoir la langue française, vous écrivez des livres, vous faites des films, vous faites tout pour attirer le monde vers le français. Vous faites parler... embarquer dans une affaire une petite compagnie et puis forcer tout le monde à parler en français. Vous n'allez pas... Un menu, dire «pasta», ce n'est pas acceptable. Vous n'avez pas un «fish-and-chips» and tell the guy he can't write «fish-and-chips». Ça, c'est ridicule. Ça, ça nous fait honte, tous. Parce qu'on n'est pas assez grands pour laisser quelqu'un d'autre à s'exprimer dans sa langue? Est-ce qu'on est vraiment grand, comme peuple, au Québec, qu'on doit demander à notre voisin à baisser la taille de sa police comme tel, parce que ça, c'est promouvoir... Non, ça, ce n'est pas promouvoir la langue française, ça n'a rien à voir avec le renforcement du fait français au Québec. Ça, c'est pour attaquer les minorités, ça, c'est pour baisser les voisins.

Taché, quand il a dit... You want anger? I'm not... I'm just expressing myself, I don't care if it seems visibly frustrated or not. Mais l'affaire que Taché, il avait écrit, ses dires : Le lis élevé sur la rose, tout ça, est-ce qu'on va terminer ses dires, ses phrases avec : le lis, il a arraché toutes les autres fleurs autour de lui parce qu'il a peur qu'eux grandissent, que nous sommes tous multiculturels et on fleurisse ensemble?

I don't want to give away the hate, but I've had death threats, I've had the Caisse de dépôt's audit failure on my back, pushed as if it was not something that happened when we lost 26 % of our retirement money.L'investissement du Québec, c'est sur le contrôle de la Caisse de dépôt et placement du Québec, mais c'est vraiment la caisse de défaut, parce que, cette place-là, they break every law that they want, and you're saying it's isolated incidents.

Mme la ministre said it was... Sorry, no, your predecessor at the OQLF said it was... Oh, pass the getaway, it is just one incident. No, no, no. I receive, comme porte-parole, the only visible guy who wants to stand up for the English language in our organization, it seems, because everybody else is complaining on their Facebook page, but I take all the complaints… I get them all the time, and you, guys, ignore them. When I went and I reported the death threats to the procureur, Montréal, what do you think they did? La Milice patriotique québécoise. What is that organization? Why did it exist? Why a Criminal Code? Why is the Criminal Code thrown out the window here? The procureur didn't want to do anything. So, I had to collaborate with the police. They get that guy and his militia shut down. It's disgusting. You never base an army on ethnicity. Remember what happened in the Partition in India? On a perdu 10 millions de personnes.

Moi, je veux qu'on valorise le français mais qu'on n'attaque pas aux autres qui parlent une autre langue, qui veulent s'exprimer. We don't have liberty of expression here. We cannot put our signs up in English, that's... only if you're an international copyrighted, trademark company can you, but even the OQLF was harassing trademarks. I get these people complaining all the time : Ah, you have a trademark? Oh! No, they're still harassing me. They want 5 000… Caffè in Gamba, once: You have to change this and that. The small business does not have this money. That's not... we don't create wealth by attacking.

Vous voulez créer de la richesse, vous voulez promouvoir la langue française? Parlez-en fortement, fièrement, mais pas en attaquant aux autres. C'est ridicule, ça. C'est pour ça que les Français, en France, ils rient : c'est ridicule. Ils rigolent parce que ce qu'on fait ici, au Québec. They have English signs, they are not... that their language isn't threatened. 400 years, your French is not threatened. You have been manipulated. Vous avez pris comme un lavage de cerveau des nationalistes qui vous parlent, qui vendent le pain quotidien de mauvais perdants. You've been brainwashed, I'm sorry. Too bad for you, but it's... that's the way it is.

And, if you think that it's just isolated cases, it's not the case, it's systematic, institutionalized discrimination. La Commission des droits de la personne — perhaps your friends there, I've seen you in photos with them, Mme la ministre — these guys did nothing. They didn't even walk one block away to investigate the Caisse, because I had two senior vice-presidents tell me : «Ah! — after throwing me out for failing their audit — ah, tu vois, c'est facile à mettre dehors, les Anglais.» I'm sorry, mais les Anglais, ils habitent Angleterre. We're all Canadians here. Let's stop playing and car towing to nationalists who are trying to ruin the country with their failed laws and their failed referendums and let's build the province together with equality and respect for liberty of expression, because it is not expressed here, it is not allowed here.

And, if you want me to be not angry, I'm willing to relax, I'll do it really quietly and say it nicely. Mais rien ne se passera. The Milice patriotique, if I didn't get angry, it would still exist. But now, it's shut down. It's shut down thanks to the police, no thanks to this judicial system. The judicial system, when I wrote the document for the Caisse, one page, the judges telling me : Oui, votre mandat, c'est écrire des documents, écrire des meilleures pratiques; tournez quelques pages : Pourquoi vous avez écrit ce document-là? Personne ne vous a demandé d'écrire ce document. My job as a database administrator is to improve the security and improve, improve the administration of databases, and, at the Caisse, first of all, I wasn't even given access to production, donc prevention of advancement. Comme je le dis, institutionalized bilingualism, prevent it. Ça, c'est du racisme dans une forme de contexte de «linguicism». «Linguicism», c'est de la discrimination basée sur la langue, et c'est ça qu'on vit, toutes les minorités au Québec vivent ça. Look, where are we? Where is our political representation? We're disaffected and we're not in Parliament.

So, if you try and pass this Bill 14, you're asking for war. I'm not trying to be like unrealistic here, but we've got all these neighboring provinces and States who are ready to shut us down, shut their access down and prevent exchange because of this ridiculous idea that we can continue along this path «de mauvais perdants».

La Présidente (Mme Vien) : O.K. Bien, merci. Mme la députée de Montarville, la parole est à vous.

Mme Roy (Montarville) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Mesdames, monsieur, merci, merci pour votre mémoire. And good afternoon to you all. J'ai bien compris, j'ai bien senti aussi ce que vous vivez, ce que vous percevez. On le sent, on le comprend aussi à la lecture, et pas seulement de votre groupe, de certains autres groupes d'anglophones qui sont venus nous rencontrer également. On doit faire un exercice ici d'équilibre et de balance. On nous a soumis un projet de loi n° 14, et, pour nous du deuxième groupe d'opposition, ce qui est terriblement important, c'est que, oui, il faut défendre la langue française, mais il faut aussi protéger les droits de notre minorité anglophone, et ça, pour nous, c'est important, sachez-le.

Il y a déjà des irritants dans la loi, nous en avons déjà parlé, pour lesquels nous voulons des amendements, nous demanderons des amendements, il faut protéger vos droits. Le travail se poursuit, le travail continue, on a encore plusieurs semaines de mémoires de gens à entendre. Nous aurons aussi le bonheur d'entendre les gens du Barreau du Québec en détail, de la Commission des droits de la personne. Je pense que ça va vraiment nous éclairer sur tous les tenants et les aboutissants de l'application du projet de loi n° 14, parce que, pour le moment, ce sont des groupes d'intérêt, mais j'ai hâte, moi, qu'on entre dans le fin fond de l'application de cette loi-là dans la pratique, ce que cela va vraiment signifier pour les francophones et pour les anglophones du Québec.

Alors, pour le moment, moi, ce que je vous dis : Je vous remercie pour votre travail, je comprends très bien où vous en êtes et je vous dis que le travail reste à faire et qu'il y aura des amendements à apporter. Nous allons nous battre pour avoir des amendements pour respecter vos droits, tout en protégeant aussi la langue française, puisqu'il y a deux réalités au Québec, il y a les anglophones et il y a les francophones. Et pour nous la langue anglaise n'est pas une langue étrangère, soyez-en assurés. C'est ce que je voulais vous dire. Je vous remercie beaucoup pour votre écoute.

La Présidente (Mme Vien) : À vous tous, merci de vous être présentés ici cet après-midi. M. Shebbeare, merci de nous avoir présenté les grandes lignes de votre mémoire. Je vous souhaite un bon retour.

Et, en ce qui nous concerne, nous, donc, ça met fin à cette journée d'audiences du projet de loi n° 14. Bonne soirée.

(Fin de la séance à 17 h 30)

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