(Onze
heures trente-quatre minutes)
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : À l'ordre, s'il
vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Je
demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la
sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
Le
mandat de la commission est de poursuivre les auditions publiques dans le cadre
de la consultation générale sur le projet de loi n° 14, Loi
modifiant la Charte de la langue française, la Charte des droits et libertés de
la personne et d'autres dispositions législatives.
Mme la secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, Mme la Présidente.
Mme Charbonneau (Mille-Îles) sera remplacée par Mme Rotiroti (Jeanne-Mance—Viger) et M. Sklavounos (Laurier-Dorion), par M. Kelley
(Jacques-Cartier).
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Merci. Pour ce
qui est de l'ordre du jour, cet avant-midi, nous entendrons l'Association
régionale des West Quebecers et Syndicalistes et progressistes pour un Québec
libre. Cet après-midi, nous poursuivrons
avec M. Steven Théberge, M. Charles Campbell, Mme Chantal Fortin et la
commission scolaire Central Québec.
Auditions (suite)
Sans
plus tarder, nous allons commencer nos échanges. Nous avons une première
personne qui est M. Noel Gates. M. Gates, je
vous invite à vous présenter, à présenter votre association. Vous aurez
10 minutes pour faire votre exposé, par la suite suivra une période d'échange
avec les membres de la commission. M. Gates, vous avez la parole.
Association régionale des West Quebecers
M. Gates
(Noel) : Merci, Mme la Présidente.
Est-ce que tout le monde m'entend? I
will say just a few words by way of introduction, to begin with. I am the
president of the Regional Association of West Quebecers, which is an organization centered on the city of Gatineau
which concerns itself with the interests and concerns of the English-speaking
population of the region known as the Outaouais.
Maintenant, en tenant compte que les
membres de la commission auront eu l'occasion de prendre connaissance du mémoire que notre association lui a
présenté, je vais faire quelques commentaires en français et ensuite je serai
disponible pour les questions.
Nous
avons donc dit quelque chose relativement au passé de cette région. Je ne veux
pas prendre beaucoup de temps pour en parler, mais il est utile… Étant
donné que d'autres qui m'ont précédé ont parlé des associations
historiques de, par exemple, la région des
Cantons-de-l'Est, on peut parler également, dans le contexte de notre région,
des personnes qui ont contribué largement à la création et l'épanouissement
des villes et des villages des cantons qui constituent aujourd'hui la région de l'Outaouais. Sans même parler, par exemple, de
Philemon Wright, dont le nom est très connu, il y en a d'autres qui sont
peut-être un peu moins bien connus qui ont contribué à la création de villes
comme Shawville, et Campbell's Bay, et
Wakefield, et Chelsea, et d'autres qui sont là aujourd'hui, qui sont, en
quelques instances, florissantes et, dans d'autres, qui malheureusement
ont subi un déclin économique.
Maintenant, Mme la
Présidente, je vais parler de notre mémoire, qui se divise en cinq parties.
Nous
avons parlé d'abord des modifications qu'on propose pour la charte des libertés
et des droits de la personne. Là, franchement,
nous avons été étonnés par cette initiative d'apporter de nouveaux éléments
dans la charte des droits de la personne et
qui semblent franchement… — je pense que je n'emploie pas un
langage excessif — qui semblent être de nature à la
déformer, parce qu'au lieu de servir comme protection des droits énumérés dans
la charte du citoyen cela devient plutôt un
instrument pour faire la promotion du français. La promotion du français, c'est
une chose; la protection des droits de l'individu, ça, c'est autre
chose, et je pense que les deux choses ne devraient pas être mélangées. Ça, c'est
au moins... Ce n'est pas seulement mon point de vue personnel, c'est notre
point de vue comme association.
Et
cela doit être considéré en même temps avec les pouvoirs élargis qui sont
accordés au ministre responsable de la mise en oeuvre de la Charte de la langue
française. Et, si le bill 14 est adopté, de la Charte de la langue
française, telle que modifiée par ce
même bill, il nous semble que, le ministre, on accorde au ministre des pouvoirs
extraordinaires. Le ministre devient le dépositaire de nombreux pouvoirs
qui font du ministre le centre de la politique linguistique, avec la
possibilité d'apporter toutes sortes de modifications à cette politique. Et, si
vous tenez en compte les modifications qui seraient apportées à la charte des
droits de la personne, vous aurez la possibilité que les droits — la protection contre la discrimination, par exemple — dans la charte des droits de la personne pourraient presque
disparaître. Et en tout
cas on se demande jusqu'à quel point les pouvoirs du ministre de formuler des
politiques, de prendre de nouvelles initiatives en matière de langue et
de linguistique au Québec... en quelle mesure cela se ferait avec des
consultations, à
notre avis complètement nécessaires, avant d'apporter une nouvelle législation dans le domaine
de la langue.
• (11 h 40) •
Nous
parlons ensuite de la diminution des pouvoirs des municipalités. Et là je ne
parle pas tout simplement de ces pouvoirs qui sont accordés à nombre de
municipalités au Québec qui ont le droit de fonctionner en anglais en
même temps qu'elles fonctionnent en
français. Là, nous voyons que ce ne sont pas seulement ces municipalités qui trouvent
que le droit de fonctionner dans les deux
langues serait menacé, mais aussi nous trouvons que l'ensemble des
municipalités du Québec se trouveraient
obligées... Si vous lisez attentivement les dispositions du bill 14, elles se
trouveraient obligées d'établir des
politiques linguistiques, et, là encore, on se demande avec quelle sorte de
consultation avec les concitoyens dont elles sont responsables, dont ces
municipalités sont responsables.
Et
nous n'avons pas parlé ici de la question de l'exemption accordée aux parents
militaires, la possibilité pour les militaires
francophones d'envoyer leurs enfants aux écoles d'expression anglaise tant qu'ils
résident au Québec. Il me semble que d'autres
avant moi et d'autres qui vont venir ici après moi ont suffisamment parlé de
cette question, et nous sommes entièrement d'accord avec eux dans notre
opposition à la proposition de terminer cette exemption.
Finalement, nous avons
parlé des compétences en français exigées des élèves au niveau scolaire et au
niveau collégial. Et là nous sommes très
conscients du fait qu'on parle non seulement des élèves anglophones, on parle
aussi des élèves francophones, mais
ce qui nous intéresse particulièrement, c'est les compétences qui seraient
exigées des élèves anglophones, et là
il nous semble que le bill 14 parle du niveau de compétence dans des termes qui
sont assez flous et qui ne laissent
pas prévoir ce qui serait exigé de ces mêmes élèves. Et, étant donné que les
systèmes scolaires d'expression anglaise s'occupent beaucoup de l'instruction
en français, que les parents aujourd'hui insistent sur la possibilité d'apprendre
le français et sont très enthousiastes pour l'immersion française, on se
demande vraiment pourquoi il est nécessaire d'ajouter cette partie au bill 14.
Effectivement,
Mme la Présidente, cela résume le contenu essentiel de notre mémoire, et tout
ce qu'il reste de dire à ce sujet, c'est que nous jugeons que ce bill ne contribuera presque
rien à la préservation du français mais qu'il va nuire aux droits des
anglophones qui existent à l'heure actuelle. Et c'est ainsi que nous avons
exprimé notre...
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci. Merci, M. Gates. Malheureusement, votre temps est écoulé. Nous allons débuter les échanges, et je reconnais
maintenant Mme la ministre responsable de la Charte de la langue française. Mme
la ministre, la parole est à vous.
Mme
De Courcy :
Merci, Mme la Présidente. M. le président, merci d'être venu participer à cette commission parlementaire et merci de l'effort que vous
avez fait de vous exprimer en français dans le cadre de cette commission, je l'apprécie tout personnellement. Et votre
français est impeccable, monsieur. Alors, vraiment, je suis très contente
que vous ayez eu cette délicatesse, vraiment.
Maintenant,
j'ai lu avec attention, je vous ai entendu aussi et j'aurai une première
clarification ou une précision, qui ne viendra peut-être pas vous influencer dans
votre opinion mais vous permettra peut-être de mettre en perspective ce
que vous craignez comme pouvoirs associés à le ou la ministre, tel que prévu
dans le projet de loi.
D'abord, sachez que,
sous différents gouvernements, ces mêmes pouvoirs ont été octroyés à plusieurs,
mais vraiment plusieurs ministères, au-delà d'une douzaine, voire 14 — je n'avais pas le chiffre avec moi. Alors donc, il ne
s'agit pas là de pouvoirs exceptionnels dus au sujet qui nous occupe dans cette
loi-là, mais il s'agit de pouvoirs qui normalement sont associés au ministère.
Puis ça aurait permis d'ailleurs de faire un certain type de choses au moment où nous aurions dû les faire, des questionnements
concernant le déroulement de rencontres au conseil de... à la Caisse de dépôt, la Caisse de dépôt, certaines autres
discussions qui pourraient avoir lieu et qui sont en dehors de l'Office
québécois de la langue française, qui a une
mission, un mandat de vigie par rapport à la loi et d'application. Alors,
voilà, ça encercle… ça vous met en
perspective les pouvoirs, donc, qui sont octroyés dans le projet de loi si l'Assemblée
nationale l'accepte comme tel.
La deuxième
préoccupation que j'ai vient de ma tournée régionale dans votre région, dans la
Gatineau, où j'ai eu vraiment... J'ai trouvé
extrêmement passionnante cette tournée-là, qui m'a permis de voir, bien, d'abord
une grande ville frontalière avec une
autre province — dans certains cas, on dira «un
pays» — donc une zone frontalière, et
aussi, je dirais, la volonté très ferme de
la ville de Gatineau de préserver, de préserver le français dans un contexte
extrêmement difficile, où les transferts
linguistiques sont très importants vers la communauté anglophone, et documenté
par différents chercheurs. On
identifie différentes sections, au moins deux points chauds au Québec autour de
ça : il y a Gatineau et, bien sûr, il y a très certainement
Montréal, on y fait évidemment tout de suite allusion.
Alors,
dans ce contexte, et tout en comprenant très bien l'importance d'une
association comme la vôtre qui vise la
protection du droit des personnes d'expression anglaise, comment conjuguer le
mémoire que vous présentez avec, inévitablement, ce qui apparaît très clair
dans les chiffres, documenté, de transferts linguistiques aussi importants? Comment faire pour que cette insécurité des
personnes d'expression française, des francophones de la Gatineau et ce
que vous semblez identifier comme étant les craintes des personnes anglophones,
pourtant dans un contexte de transferts linguistiques importants… Comment
marier les deux, marier les deux?
En fait, la question,
c'est : Le projet de loi n° 14 vise à nécessairement rendre un
peu plus étanches, là, ces transferts-là.
Vous dites que le projet de loi n° 14 n'est pas celui que vous
souhaiteriez. Admettons que ce n'est pas ça. Que feriez-vous, que feriez-vous pour calmer la crainte des personnes
francophones dans le contexte que je viens de vous décrire?
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : M. Gates.
M. Gates (Noel) : Je vous remercie, Mme la ministre, de
votre interprétation. Et, pour prendre vos questions en série, je dirais d'abord :
Relativement aux pouvoirs du ministre, il me semble que ce que j'ai déjà
dit — c'est aussi dans notre mémoire — cela
se tient toujours, parce qu'effectivement c'est le ministre qui est responsable
de l'administration de la Charte de la langue française qui est le centre de formation de
politiques et qui est responsable, en fin de compte, des inspections qu'on va faire pour assurer que la
charte soit mise en vigueur, et donc il me semble que les préoccupations
que nous inspirent ces fonctions du ministre
dépassent de loin les pouvoirs qui sont déjà accordés aux autres ministres
qui ont certaines responsabilités en relation avec le bill 14.
En ce qui concerne
votre visite à la ville de Gatineau, on parle, bien sûr, des transferts,
comment dire, de la population francophone à
la population anglophone, mais le fait demeure — et c'est déjà cité dans notre mémoire — que la population anglophone de l'ensemble de cette
région, dans l'ensemble, c'est stable, et le nombre de personnes qui
parlent le français, pour qui le français
est la première langue officielle parlée, cela dépasse les 80 %. Et donc
il me semble que la région de
Gatineau, même si c'est envisagé du point de vue du gouvernement du Québec
comme une ville frontalière, c'est
une région qui demeure francophone. Et je veux vous dire en passant que nous n'avons
aucun désir de voir la langue anglaise comme langue dominante, parce que
nous acceptons que le français est la langue dominante de la région, comme c'est
la langue dominante de l'ensemble du Québec.
Ce
que nous remarquons, c'est qu'il y a des déplacements à l'intérieur de notre
population régionale, c'est-à-dire qu'il y a
un influx de nouveaux résidents qui sont venus de l'Ontario ou peut-être d'autres
parties du Canada. Et cela peut donner l'impression
qu'à un moment donné c'est le français qui perd du terrain, mais il me semble
qu'on devrait faire la part des choses et dire que, dans une population
mobile comme c'est, la population du Canada tout entier, cette mobilité va persister, et on aura certainement des
fluctuations dans la proportion de gens qui parlent l'une des deux
langues et la proportion dans la population
qui parlent l'autre. C'est-à-dire, je me demande franchement si les craintes qu'on
exprime toujours dans notre région ne
tiennent pas peut-être, on peut dire, je dirais, d'une petite couleur d'excès,
parce qu'après tout la Charte de la langue française existe toujours
telle quelle, même si ce bill 14 n'était pas adopté, et ce sont des enfants sortis de familles d'expression française
qui sont obligés de fréquenter l'école d'expression francophone. Il me semble que l'outillage est déjà existant pour
assurer non seulement la survie, mais la vigueur de la langue française
dans notre région. Et, si les anglophones
expriment des inquiétudes, c'est parce que chaque fois qu'on parle de la
question de langue non seulement chez nous, mais aussi ailleurs au
Québec, c'est toujours que la langue anglaise est envisagée comme une menace,
une menace qui doit, dans la mesure du possible, s'assujettir à de fortes
contraintes, et nous nous demandons si c'est la façon constructive de voir les
choses.
• (11 h 50) •
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Merci,
M. Gates. Mme la ministre.
Mme De
Courcy : Deux éléments pendant que
nous discutons, une rapide information, et je vais la valider davantage et vous ferai part, et aux membres de la
commission et à votre association… Il y a 28 lois concernées par
des pouvoirs similaires à ce qui est proposé
dans le projet de loi n° 14. Alors, pour s'assurer d'avoir des
données objectives qui vont nous
permettre de pouvoir mesurer l'ampleur, bien ça va me faire très plaisir de
transmettre à l'ensemble des membres de la commission et à votre
association les éléments comparatifs et relatifs à cela.
Maintenant,
vous savez, des fois les commissions parlementaires offrent de beaux hasards,
de beaux hasards. Vous avez abondamment parlé de la question de la Gatineau, vous venez de ce
secteur. Vous vous interrogez sur les inquiétudes mutuelles. Pas très
loin de vous, il y a un éminent chercheur qui est ici parmi nous, qui s'appelle
Charles Castonguay, et qui a fait des recherches très importantes autour des
transferts linguistiques au Québec et dans la région…
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Juste un
instant, Mme la ministre. Oui?
M.
Gates (Noel) :
Mme la Présidente, je m'excuse, je ne sais pas ce qui arrive, mais je n'entends
plus la ministre.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : D'accord, on va vérifier. Pouvez-vous vous rapprocher du micro, Mme la ministre?
Mme De
Courcy : Oui, je suis très près.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Est-ce que ça
va comme ça? Est-ce que vous nous entendez, M. Gates?
M. Gates
(Noel) : Maintenant, je vous entends
très bien, madame.
Mme De
Courcy : Bon, bien, très bien. Est-ce
que vous m'entendez?
M. Gates
(Noel) : Oui.
Mme
De Courcy :
Bien. Alors, je vais vous répéter… Mais on ne tiendra pas compte du temps,
évidemment, là, de... Ce n'est pas de ma faute
s'il y a un problème technique, là.
Alors
donc, ce que je vous disais, c'est qu'autour des pouvoirs ministériels qui vous
préoccupent, pendant que nous discutions, une
note me parvenait en disant qu'il y a 28 lois concernées pas par
nécessairement mon ministère mais qui touchent des pouvoirs ministériels. Alors, pour le bénéfice des
membres de la commission, parce que ça revientsouvent, cette question-là de pouvoirs supposément qui seraient
différents, accordés dans cette loi-ci, par rapport à d'autres ministères, alors je déposerai, là, dans les
semaines qui viennent, là, ou dans les jours qui viennent, quelque chose
qui va nous permettre de relativiser les
choses et de bien se comprendre autour de ces questions-là. Et je ferai la même
chose, j'enverrai l'information à votre association, et je le ferai pour toutes
les associations qui auront des doutes de ce type.
Deuxièmement,
ce que je vous disais, c'est qu'une commission parlementaire, par moments,
offre de beaux hasards, et il y en a un
aujourd'hui. Vous venez de la région de la Gatineau; il y a un éminent
chercheur qui vient de votre région aussi et
qui a fait des choses très intéressantes autour des transferts linguistiques.
Il est tout près de vous, il est derrière vous. Il s'appelle Charles Castonguay et il va être dans les prochains
interlocuteurs qui vont venir nous voir. Alors, je vous invite, dans la pause que nous ferons, à au moins
le rencontrer, et vous pourrez discuter sans doute à un autre moment de transferts linguistiques, qui me préoccupent
beaucoup et qui préoccupent la communauté francophone de votre région.
Voilà ce que j'avais à
vous dire, M. le président. Et merci de votre participation.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, Mme la ministre. M. Gates, nous allons aller
maintenant du côté du gouvernement, et je reconnais madame... De l'opposition, je m'excuse.
Du côté de l'opposition officielle, je reconnais maintenant la députée
de Pontiac, mais je dois demander le consentement. Est-ce qu'il y a
consentement pour que Mme la députée de Pontiac puisse intervenir? Oui.
Parfait. Allez-y, Mme la députée, la parole est à vous.
• (12 heures) •
Mme
L'Écuyer :
Brièvement. Merci, Mme la Présidente. M. Gates, je tiens à vous remercier et à
vous féliciter que quelqu'un de 90 ans
soit encore en amour avec la langue française, que vous avez si bien démontré.
Je veux juste parler
un peu du transfert linguistique. Dans mon comté, qui est le comté de
Pontiac — je vais parler de celui-ci parce que c'est ce que je
connais le plus — nous avons, depuis les 10
dernières années, une augmentation de 10 000 à 14 000 de population qui
nous arrive de l'Ontario. Le transfert linguistique ne se fait pas en anglais,
le transfert linguistique se fait en
français. Je pense que nous sommes rendus à la quatrième ou cinquième école
primaire francophone et aucune école
primaire anglophone, la perte de clientèle est dans les écoles anglophones
actuellement. Et je parle de mon comté. Je pense qu'on a un transfert
linguistique... Les parents qui nous arrivent sont des parents anglophones mais qui sont bilingues. Et je maintiens ce que
disait M. Gates, nous avons beaucoup de personnes qui sont bilingues à
cause de la mixité. Les parents, la mère est anglophone, le père est
francophone… ou le conjoint est anglophone, la conjointe est anglophone. Et ça,
c'est un phénomène qui va se poursuivre. Mes écoles anglophones, même dans la
partie rurale du comté, il y a une école anglophone qui reçoit presque l'ensemble
des étudiants, et c'est une école où il y a
une immersion francophone, et les classes sont pleines. Et ça, je tenais à
faire connaître ça, parce que c'est un gros apport. Et nous continuons à
construire des écoles, là, de façon systématique nous sommes en demande — et d'agrandissement — dans des secteurs
très anglophones, pour des écoles francophones.
L'autre…
C'est vrai qu'on a eu des excès, vous en parliez. Il y a souvent des organismes
qui défendent la langue française qui des fois pèchent par excès et vont
mêler dans leurs démarches l'ensemble de la population, qui ne
représente pas tout à fait ce qu'est notre population. Je vais donner un
exemple : on a eu, une année, 20 000 plaintes de l'Office de la
langue française qui émanaient d'un seul organisme, là, qui avait fait le tour
avec des écrits anglophones sur des produits,
et ils avaient compté le nombre de magasins qui vendaient ces produits-là puis
ils les avaient multipliés. Mais ce n'est
pas ça, la population bilingue d'Aylmer et francophone. Je voulais juste
corriger cet état de fait. Merci, M. Gates.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : M. Gates.
M.
Gates (Noel) :
Oui. Tout ce que je voudrais ajouter à ce que Mme L'Écuyer a déjà présenté
à la commission, c'est que c'est exactement le fait que j'ai déjà souligné, qu'il y a
différents mouvements à l'intérieur d'une population, dans n'importe
quelle population de n'importe quelle région du pays. Et, dans la nôtre, comme
j'ai dit, dans les années... peut-être l'an 2000, il y a eu un influx de
population à Gatineau qui... Je ne pense pas qu'on ait fait une analyse pour déterminer à quelle sous-région de la région ils
se sont installés, mais c'est probable qu'ils ont ajouté un élément
anglophone à la population de la ville de Gatineau dont… qui n'est probablement
pas très au courant de la langue française. Mais ça, c'est un aspect de la situation dans la ville de Gatineau. Et, comme
j'ai insisté, la proportion des gens dans toute la région qui est d'expression française est demeurée stable
et dans les environs de 80 %, et, pour la ville de Gatineau, le
chiffre n'est pas très différent.
Donc,
il me semble que, même s'il y a des fluctuations presque inévitables dans la
proportion des gens qui parlent une langue et dans la proportion qui parlent l'autre,
cela ne signifie pas la disparition ou même l'affaiblissement du
français, d'autant plus — et vous m'excuserez
si j'insiste — d'autant plus que
vous avez l'outillage en place pour assurer que les enfants des familles d'expression
française continuent de fréquenter l'école française. Et vous avez également ce
que Mme L'Écuyer a très bien souligné, c'est-à-dire la volonté qu'on retrouve
ces jours-ci chez les parents des enfants d'expression anglaise de faire
enseigner le français à leurs enfants et de le faire enseigner de façon
efficace.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. Gates. M. le député de LaFontaine. Vous avez
la parole, M. le député.
M. Tanguay : Oui, merci beaucoup, Mme la Présidente. D'abord et avant
tout, M. Gates, merci beaucoup pour votre
présence ici aujourd'hui. Merci d'avoir pris le temps de rédiger... Et il y a
sûrement d'autres personnes également de l'association, j'en suis
convaincu, qui vous ont aidé à mettre par écrit votre réflexion, qui est très
importante parce qu'il
s'agit, on le sait tous, dans le domaine linguistique, d'un dossier qui est
excessivement important, excessivement délicat, et que ça prend en tout
de la mesure, ça prend une bonne mesure. Et, à travers votre témoignage, je
dirais, j'utiliserais cette expression, à travers votre témoignage... Vous
m'entendez bien?
M. Gates
(Noel) : Oui.
M.
Tanguay : Oui. À
travers votre témoignage, vous venez, je pense, d'une part, réaffirmer le fait
que,l'épanouissement
du français, nous en sommes tous, l'épanouissement du français est un élément
important qui doit avoir des
réalisations tangibles. Par contre, la façon de faire, la façon d'atteindre cet
objectif-là, et le gouvernement qui martèle depuis son élection, dans ce dossier comme dans d'autres dossiers, hein,
entre autres au niveau budgétaire, que les résultats priment sur les moyens, bien on se rend compte qu'en
matière linguistique en particulier les moyens sont excessivement importants, et ce n'est pas vrai que leur choix
demeure anodin. Il y a différentes façons par lesquelles on peut
atteindre l'épanouissement du français. Il y
a d'abord, effectivement, des modifications législatives, modifications à la
loi, mais elles sont loin d'être les seules, il est loin d'être le seul
moyen. Il y a une réglementation qui peut être adoptée, il y a des politiques
gouvernementales, il y a des programmes gouvernementaux auxquels on doit
accorder, évidemment, si on ne coupe pas trop, suffisamment de fonds. Alors, il
y a tout un éventail de mesures.
Dans
un dossier… Et j'entendais un peu plus tôt la ministre qui mettait un peu de
côté votre point au niveau de ce que l'on appelait la police politique linguistique
ou les enquêteurs qui relèveraient directement de la ministre, la
ministre nous dire : Dans ce dossier-là
comme dans 28 autres, on peut faire copier-coller et on peut accorder ces
pouvoirs-là à la ministre, mais ce n'est pas parce qu'un bon remède… qu'il
fera bien à un cheval on peut l'administrer à un enfant. Ça prend de la
proportion, de la mesure. Ce n'est parce qu'un outil existe par ailleurs dans d'autres
législations qu'on peut nécessairement et que l'on est de facto justifié de l'utiliser
en matière linguistique.
Alors,
cette mesure, cette approche raisonnable et, je vous dirais, réfléchie quant à
ses effets tangibles, je pense, vous en êtes, et également c'est là où en sont les
membres de l'opposition officielle. On pourrait... Et je vous fais grâce
des statistiques — que vous connaissez
très, très bien — des avancées en
matière de langue d'enseignement, tant pour les anglophones que pour les allophones. Et la députée de Pontiac vient de
parler d'un transfert linguistique de manière très éloquente. Alors, il faut avoir une mesure qui ne
viendrait pas utiliser des statistiques à des fins, je vous dirais,
alarmistes pour justifier un remède de cheval — c'est une expression qu'on comprend tous bien — qui ne serait pas du tout de bon aloi, pas du tout
justifié. Nous participons.
Et
il y a plusieurs approches, je vous dirais, qui ne sont pas justifiées,
également les pouvoirs élargis de la ministre,
je viens d'en parler, pouvoir de nommer des enquêteurs, de nommer des
enquêteurs, de mener des enquêtes. Et, à cette question-là, la ministre nous a
répondu, durant les crédits : Bien, vous savez, il n'y aura pas d'abus, de
un; et, de deux, vous savez, je n'ai pas de budget, pour l'instant, pour
engager des enquêteurs. Alors, ça, j'en suis également, nous en sommes
également. C'est loin de nous rassurer.
La diminution
également et, je vous dirais, la modification qui ferait en sorte d'éliminer le
statut bilingue de certaines municipalités,
vous en faites grand état à juste cause dans votre mémoire, tout comme la
lourdeur, la paperasserie administrative
sur des entreprises de taille relativement restreinte, 26-49 employés.
Aujourd'hui, ce sont encore des PME, et, en ce sens-là, il y a lieu d'avoir une approche qui n'est pas
exclusivement coercitive. La loi contient déjà des pénalités et des obligations, mais la loi a un équilibre, la loi a
su vieillir et maturer de façon à atteindre les objectifs qui sont l'épanouissementdu français tout en conservant cet
équilibre-là, et là on pense que la dose, le concentré de coercition du projet
de loi n° 14, comme vous l'exprimez bien, ne se justifie pas.
Autre
exemple, et il y en a plusieurs… Et, vous savez, tous ces exemples-là s'additionnent,
et, si on enlevait ces exemples-là en disant :
O.K., d'accord, on a compris, on le met de côté, il ne resterait presque rien
dans le projet de loi n° 14. On parle, entre autres, des enfants des
militaires canadiens.
Alors, en ce sens-là,
moi, je tenais à vous saluer et à vous remercier pour votre apport. Et merci d'avoir
été ici présent aujourd'hui.
• (12 h 10) •
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. le député de LaFontaine. Malheureusement, M. Gates, il restait à peine quelques secondes. Donc, nous
allons aller du côté du deuxième groupe d'opposition. Mme la députée de
Montarville, vous avez la parole.
Mme
Roy (Montarville) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Pourrais-je savoir pour une durée de combien de temps?
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Trois minutes.
Mme
Roy (Montarville) : Merci beaucoup. Je vous salue, gens du gouvernement, premier groupe d'opposition, collègues. M. Gates, merci. Merci pour votre
apport, merci de vous être déplacé.
Tout
comme vous, nous avons des préoccupations, entre autres en ce qui a trait aux
municipalités qui pourraient perdre leur
statut bilingue. Nous nous opposons à cette mesure.
Dites-moi,
chez vous, vous craignez... Vous écrivez : Nous craignons des conséquences
importantes pour notre région de l'application du projet de loi n° 14. Pourriez-vous
me dire, si jamais la loi était adoptée telle qu'elle estactuellement et que les municipalités chez vous qui
ont un statut bilingue le perdaient… Que se passerait-il, selon vous?
M. Gates (Noel) : Vous avez déjà eu une indication,
madame. La mairesse d'une de ces municipalités a dit qu'elle craint, par
exemple, pour l'avenir d'un projet, un projet très intéressant, surtout ces
jours-ci où l'on se préoccupe beaucoup de la population aînée. On parle de la possibilité d'établir un hospice. Je
pense qu'elle parle d'un hébergement pour les gens qui sont à la fin de leurs jours, n'est-ce pas, et c'est
une chose qui devient de plus en plus nécessaire. Je pense que nous en
avons, à l'heure actuelle, un seul dans la région de l'Outaouais. Elle disait
qu'il est possible que, selon la législation proposée, et surtout si le statut
bilingue était enlevé… qu'il ne serait pas possible d'établir un tel hospice et
de le faire fonctionner dans les deux langues. Alors, je pense que ce n'est
certainement pas les jours de la dernière vieillesse qui constituent le
meilleur théâtre pour établir les politiques de langue.
Ça, c'est un seul exemple, mais je vous le
cite parce que j'ai vu que la mairesse de cette municipalité l'a déjà évoqué, et je pense que d'autres exemples pourraient très
facilement survenir où les municipalités perdraient la possibilité de faire
fonctionner leurs institutions d'une façon satisfaisante pour tous les
concitoyens. C'est cela qu'on craint. Et j'abonde entièrement dans le sens des
paroles du commissaire fédéral aux langues officielles quand il a dit...
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Merci, M. Gates.
M.
Gates (Noel) : Je m'excuse.
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Je suis désolée. Je reconnais
maintenant Mme la députée de Gouin. Vous avez
la parole pour un temps de trois minutes également.
Mme
David : Oui, merci, Mme la
Présidente. Bonjour, M. Gates. Je voudrais vous dire que j'ai beau être une défenseure de la langue française et, je ne m'en
cacherai pas, une souverainiste, je m'opposerais férocement à ce que,
dans des résidences pour personnes âgées anglophones, elles ne puissent pas
recevoir des services dans leur langue. Mais honnêtement je ne pense vraiment
pas que c'est l'objectif du projet de loi qui est sur la table.
J'aimerais vous entendre peut-être encore un
peu davantage sur la question des municipalités qui ont un statut de ville bilingue. Je pense que je peux comprendre le
problème vécu ou ressenti par des gens appartenant à la minorité anglophone et qui parfois depuis de très
nombreuses années, depuis des siècles même habitent dans des
municipalités, ont été habitués à être
servis en anglais, et là se disent : Si on perd le statut de ville bilingue,
on n'aura plus de services en anglais.
Je pense que je peux comprendre ça. Mais comment alors est-ce qu'on résout le
problème? Si on continue dans la situation
actuelle, on pourrait se retrouver avec des municipalités qui auraient, disons,
10 % d'anglophones et un statut de municipalité bilingue parce que c'est une sorte de droit acquis et d'autres
qui verraient le nombre d'anglophones augmenter dans la municipalité, qui auraient, mettons, 25 % ou 30 % d'anglophones,
et qui n'auraient pas ce statut de ville bilingue parce qu'ils ne l'ont
jamais eu et qu'ils ne peuvent pas le demander. Comment on résout ça?
M.
Gates (Noel) : Bien, je me demande,
moi, madame, avec tout le respect que je vous dois : Est-ce que c'est vraiment la bonne façon d'envisager les choses?
Vous parlez… La citation, par exemple, que j'allais faire des paroles du
commissaire fédéral aux langues officielles,
que je ne pouvais compléter, faute de temps, il a dit précisément que
ces, comment dire, exercices de statistique
ne sont pas exactement la façon de résoudre les problèmes d'ordre social.
Vous avez des municipalités qui ont tissé des liens. Pas nécessairement des
liens parfaits, mais quelle est la municipalité qui a des liens sociaux parfaits? Ils ont tissé des liens entre les gens de
différentes expressions. Maintenant, faut-il déranger ce tissu en
imposant une interdiction d'employer une langue ou l'autre dans le domaine des
services? Franchement, je pense que non, madame. Et j'apprécie, en passant, vos
bonnes paroles relativement aux aînés.
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci beaucoup, M. Gates, merci
beaucoup. Malheureusement, c'est tout le temps
que nous disposions.
Et
je demanderais aux Syndicalistes et progressistes pour un Québec libre de
prendre place. Nous allons suspendre quelques instants.
(Suspension
de la séance à 12 h 18)
(Reprise
à 12 h 21)
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Bonjour, messieurs. Dans un premier
temps, je vais inviter votre porte-parole à se présenter et à présenter les membres
qui l'accompagnent. Vous avez un temps maximum de 10 minutes pour
faire votre exposé, suivront les échanges avec les parlementaires. La parole
est à vous.
Syndicalistes et progressistes
pour
un Québec libre (SPQ libre)
M.
Laviolette (Marc) : Merci, Mme la
Présidente. Mon nom est Marc Laviolette, je suis président du club politique Syndicalistes et progressistes pour un
Québec libre. Je suis accompagné de Pierre Dubuc, qui est le secrétaire
du même club politique; M. Charles Castonguay, qui est membre du conseil d'administration.
Alors, Mme la
ministre, messieurs dames les parlementaires, on est bien contents de
participer au débat sur le projet de loi n° 14. Mais peut-être, avant que
je vous résume notre mémoire, je voulais juste parler brièvement qui nous sommes, le SPQ
libre. D'ailleurs, l'article 2 de notre manifeste est très clair :
«Le français, langue officielle du Québec, doit devenir la langue commune dans toutes les sphères de la vie
sociale, plus particulièrement dans les milieux de travail.»
Le club politique
Syndicalistes et progressistes pour un Québec libre a été créé le
23 février 2004. On est une organisation indépendante qui a ses propres
orientations, ses propres statuts et règlements, et on est incorporé en vertu de la troisième partie de la Loi des
compagnies comme organisme sans but lucratif. Nos objectifs sont de
former et développer un courant de progressisme et de syndicalisme qui est
organisé sur la scène politique québécoise et plus particulièrement au sein du Parti québécois. On travaille avec le Parti
québécois à soumettre et à appuyer des mesures progressistes dans les
instances du parti et puis on supporte aussi nos membres pour qu'ils occupent
des fonctions à l'intérieur du parti puis qu'ils
puissent se présenter. Et c'est dirigé par... On est 400 membres. On a un
conseil d'administrationqui dirige
le club dont je suis le président — moi-même, je suis vice-président de la Fédération de l'industrie manufacturière de la
CSN — et le vice-président, c'est Sylvain
Martin, qui est le directeur québécois des TCA; Pierre Dubuc; Gabriel Ste-Marie,
enseignant et économiste qui est membre de la commission politique du Parti
québécois. Et on a des conseillers comme
Hélène Guay, qui est une retraitée de la FTQ; Robert Dean, qui est ancien
ministre dans le gouvernement René Lévesque;
Charles Castonguay; Michel Parent, qui est le président des cols bleus de
Montréal, du syndicat; Sylvain Charron, qui est membre de l'exécutif du
Syndicat des débardeurs du port de Montréal; Alain Dion, qui est enseignant,
qui est président du PQ Rimouski; Louis-Philippe Sauvé, qui est étudiant,
membre du comité des jeunes du Bloc; et Kim Comeau, qui est étudiant, qui est
membre de l'exécutif du PQ Vaudreuil. Ça constitue un peu notre organisation.
D'entrée de jeu, je
voudrais saluer le projet de loi n° 14, qui, dans son préambule, introduit
une notion qui est fondamentale pour la
préservation du français, c'est-à-dire, et je cite : «Elle prend acte qu'une
langue commune constitue un puissant vecteur de cohésion sociale dans
une société diversifiée, propre à assurer le développement de celle-ci et à
maintenir des relations harmonieuses entre toutes ses composantes.» Je pense
que c'est fondamental.
Ça
rejoint d'ailleurs la commission Gendron qui avait analysé l'état des droits
linguistiques et l'état du français au Québec
en 1968-1972, où il disait : Une langue commune, c'est une langue que tous
connaissent et sont capables d'utiliser, de
telle sorte qu'elle puisse servir naturellement, sur le territoire du Québec,
de moyen de communication entre Québécois
de toutes langues et de toutes origines. Le mot le dit, «commun». «Langue
commune» pas au sens ordinaire du terme mais au sens social du terme.
Ça, c'est dans le préambule. Et une loi, c'est comme toute
chose, on voit ça dans le monde du travail : Ce qui est clair ne s'interprète
pas. Ça fait que ça s'applique. Et on pense que ce concept-là de langue commune
qui est dans le préambule devrait
traverser l'ensemble de la loi, parce que c'est plus fort qu'une langue
normalement utilisée, qu'une langue usuelle, qu'une langue
prépondérante. Et on pense qu'à travers l'article 1, en commençant, on
devrait dire que la langue commune au Québec, c'est le français. À l'article 2,
la même chose, rajouter la langue commune. À l'article 3, pour ce qui est du gouvernement puis des organisations
de son administration, «langue normale et habituelle», ça devrait être
le français, langue commune; la même chose pour les organismes municipaux et la
même chose dans la Charte des droits, l'article 56.
Et,
pour bien comprendre, à l'article 45, pour ce qui est du français, langue
de travail, «langue commune», ce que ça veut dire pour les petites entreprises, ce que ça
voudrait dire… Allons-y par l'inverse. Un milieu de travail qui est...
où de façon majoritaire il y a des
anglophones, est-ce que ça voudrait dire qu'on doit obliger les anglophones à
parler français dans le milieu de
travail? Absolument pas. «Langue commune», ce que ça veut dire, c'est que les
francophones qu'il y a dans le lieu de travail ont le droit de
travailler en français. Et, si on leur donne des directives, on s'adresse à eux
ou si on les forme, bien, je veux dire, c'est
en français que ça se fait, mais les... Et donc «langue commune» couvre
vraiment le plus grand dénominateur de l'ensemble des groupes dans la
société.
Ça
fait que, donc, une bonne partie de notre mémoire porte sur français, langue
commune. L'autre partie porte sur les maillons
manquants. Si on veut renforcer le français, il y a des choses qui défont le
français, qui font qu'on recule présentement, particulièrement à Montréal. C'est
tout l'affichage commercial qui, selon nous, devrait être en français. Ce n'est
pas dans le projet de loi.
La
charte ne s'applique pas au collégial non plus, et ce qui fait qu'on échappe du
réseau francophone des écoles secondaires à peu près 3 500 étudiants par
année. Dans une carrière, ça fait au-dessus de 100 000 étudiants qui vont
être à un moment où ils vont vraiment, là,
décider qu'est-ce qu'ils vont faire dans la vie, soit au niveau technique ou à
l'université, et que le français, langue
commune, dans ces institutions anglophones là, ça n'existe pas, c'est l'anglais
qui est... Donc, ça, on pense que c'est une absence qui est déplorable.
Et
puis on devrait aussi mettre fin aux nominations partisanes à la présidence de
l'office québécois et le Conseil supérieur de
la langue française, parce que ça doit être vraiment une prérogative qui
dépasse l'esprit partisan que la protection du français comme langue commune au
Québec.
Ça
fait qu'en gros notre mémoire porte là-dessus. Et, bien entendu, la situation
politique a évolué au cours de cette commission, on a entendu toutes sortes d'affaires.
Si vous voulez nous poser des questions sur les municipalités bilingues
ou sur l'armée, là, gênez-vous pas, on a des
idées là-dessus. Elles ne sont pas marquées dans notre texte parce que,
quand on l'a écrit, c'était avant que les audiences publiques commencent.
Ça fait qu'en gros c'est
ça. Je ne sais pas, Charles, si...
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Oui, M.
Castonguay.
M.
Castonguay (Charles) : Bien, juste… En ce qui concerne les municipalités à statut bilingue,
les chiffres sont quand même massifs, quoi qu'en dise le Commissaire aux langues
officielles du gouvernement canadien. On sait que le gouvernement
canadien veut faire en sorte qu'on ne parle plus d'assimilation linguistique,
ça n'existe plus. Ça existait au moment de la commission Laurendeau-Dunton sur le bilinguisme et le
biculturalisme au Canada, dans les années 60, et ça existe encore
en ce qui concerne les francophones hors Québec, on parle de l'anglicisation,
on parle des taux d'assimilation. Le commissaire préférerait qu'on n'en parle
pas, Statistique Canada fait des pieds et des mains pour rendre la chose
confuse.
• (12 h 30) •
Mais juste… J'aimerais
présenter une couple de chiffres sur la dynamique des langues sur le territoire
des municipalités à statut bilingue. Sur l'île
de Montréal, par exemple, 21 % des jeunes adultes de langue maternelle
française, dans ces 12 municipalités à
statut bilingue de l'île de Montréal, déclarent parler anglais comme langue d'usage
à la maison, comme langue parlée le
plus souvent à la maison. On appelle ça…
En milieu sociologique, ce sont des anglicisés, un taux d'anglicisation de
21 % sur l'île de Montréal, dans les municipalités à statut bilingue. En
contrepartie, le taux de francisation des
anglophones est de 1 %, alors vous voyez où le... qui profite et qui perd
au jeu de l'assimilation linguistique au foyer. Pour les allophones, dans ces 12 municipalités là, 32 %
choisissent de s'angliciser, comparativement à 7 % qui choisissent
de se franciser.
Je
pense que ces municipalités ont un grand besoin d'arrêter une politique, d'élaborer
une politique linguistique sur leur territoire visant à faire du français la
langue commune des citoyens, des concitoyens sur l'île. De toute
évidence, le français a grandement besoin de valorisation.
Dans l'Outaouais où j'habite,
la situation est comparable. Il y a 21 municipalités à statut bilingue.
14 % des jeunes adultes francophones s'anglicisent, à l'heure actuelle,
selon le recensement de 2011, comparativement à 2 % d'anglophones qui se francisent. Les francophones
qui ne connaissent pas l'anglais, il n'y en a que 10 % chez les
jeunes adultes; les anglophones qui ne
connaissent pas le français, d'après les données de recensement, ils sont
51 % chez les jeunes adultes. Ces jeunes adultes sont tous passés
par le régime scolaire de la loi 22, de la loi 101, d'accord, ce sont
les 25 à 44 ans. La loi 101, ça
remonte maintenant à 35 ans. Ils ont à peu près tous commencé leur
scolarisation à l'époque des lois contraignantes en ce qui concerne l'école.
Dans les
18 municipalités à statut bilingue dans la partie rurale de l'Outaouais, à
l'extérieur de la région métropolitaine de
Gatineau, le taux d'anglicisation des francophones est de 27 %. En
contrepartie, le taux de francisation des
anglophones est de 1 %, c'est semblable à ce qu'il y a sur le West Island. Et, dans le
Pontiac, dans la partie rurale, où il y a 15 municipalités à statut bilingue,
33 % des jeunes adultes francophones déclarent avoir adopté l'anglais
comme langue courante à la maison, comme langue habituelle, normale,
principale; 0,7 % des anglophones ont fait l'inverse. 2 % des
francophones, des jeunes adultes, déclarent ne pas connaître l'anglais;
63 % des jeunes adultes anglophones du Pontiac rural déclarent ne pas
connaître le français.
Alors,
il y a un déséquilibre massif. On se dirait en Ontario. Qu'il s'agisse du West
Island ou de West Québec, on ne voit des
chiffres comme ça nulle part ailleurs au Québec et uniquement en Ontario. Il s'adonne
que c'est là où les municipalités à statut bilingue sont particulièrement concentrées.
Alors,
il y a un problème, et la raison d'être même de municipalités à statut bilingue
est à repenser. Est-ce que ça ne devrait pas être comme n'importe quelle autre
municipalité? Les écoles pour la minorité de langue anglaise, d'accord,
les services de santé, les services sociaux,
etc., mais peut-être qu'on devrait avoir un régime unique municipal au
Québec et faire en sorte que les concitoyens
de ces municipalités-là s'entendent pour converser entre eux. Quand ils sont de
langues différentes, «langue commune», ça
touche les conversations, les échanges entre personnes de langues différentes.
Entre francophones et anglophones, donc, ça devrait se passer en français,
entre francophones et allophones, et même entre anglophones et allophones.
N'oublions pas qu'à
peu près la moitié des allophones à l'heure actuelle au Québec sont ce qu'on
appelle des francotropes. Originaires de pays comme le Maghreb, l'Afrique
francophone, le Liban, des pays arabes, du Moyen-Orient, le Vietnam, Haïti, etc., ils sont plus portés vers le français
que vers l'anglais. Et il faudrait bien que les anglophones s'habituent
à l'idée que nos allophones, de par notre politique de sélection des immigrants
en place depuis 1978, ne sont plus les
allophones qui étaient ici avant et qu'ils ont, eux aussi, le besoin d'avoir
leur droit d'utiliser le français réalisé dans le vécu, dans le
quotidien.
Alors,
voilà. Le français, langue commune, je crois que c'est un bel objectif. C'est
emballant, c'est généreux, c'est une ouverture
aux autres. C'est un dénominateur commun, c'est un ciment de cohésion sociale,
comme c'est dit mais de façon pas tout à
fait assez directe et claire dans le préambule du projet de
loi n° 14, et je pense que ça pourrait être mieux dit aussi,
mieux exprimé dans la modification que vous proposez, dans ce projet de loi, à
la charte des droits de la personne du Québec, mais c'est vraiment emballant,
et j'en suis notamment... Enfin, je suis un anglophone francisé, pour tout vous
avouer, et je m'en porte assez bien, merci.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. Castonguay. Je veux juste préciser que je vous
ai laissé continuer. Avec l'accord de la
ministre, le temps a été amputé du côté du gouvernement. Mme la ministre, la
parole est à vous.
Mme
De Courcy :
Merci, Mme la Présidente. Alors, bien, merci, messieurs, d'être venus présenter
ce mémoire, qui est un mémoire non complaisant, qui est critique à l'égard du projet de
loi mais qui le fait évoluer, qui le fait évoluer et qui nous permet de voir qu'il y a des précisions, là, que vous apportez
qui m'apparaissent très pertinentes, très
pertinentes.
Maintenant, vous vous êtes attardés sur un
certain nombre de choses, mais je ne veux pas prendre pour acquis ce que je
pourrais prendre pour acquis, à savoir : Puisque vous n'avez pas commenté
certaines parties du projet de loi, est-ce que je peux conclure ou
induire que vous n'avez pas de problème majeur avec l'ensemble des dispositions
autres qui ont été mises de l'avant, par exemple les dispositions qui
concernent les entreprises de 26 à 49 employés, qui devront faire une évaluation de
leur situation linguistique et prendre les mesures de francisation nécessaires,
s'il y a lieu, bien sûr, bien sûr en accompagnement assez serré des
comités sectoriels de main-d'œuvre, parce qu'on comprend qu'elles ne pourraient
pas le faire, là, ces petites entreprises, seules? Alors, est-ce que je peux
présumer que vous êtes d'accord avec ces dispositions, principalement
celles-ci?
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Merci, Mme la ministre. Monsieur...
M.
Laviolette (Marc) : Oui, je vais
répondre.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Allez-y, M. Laviolette.
M. Laviolette (Marc) : Oui, tout à fait, parce qu'il n'y a rien qui tombe du ciel, hein? Les mesures volontaires, là, à ce
que je sache, le français, c'était la langue officielle jusqu'à maintenant, c'était
supposé de s'appliquer à tout le monde, mais, s'il y a un endroit où il
y a du travail à faire, c'est dans les milieux de travail.
Et puis, dans les grandes entreprises, on le
fait avec les comités d'entreprise. J'ai vu que vous avez annoncé hier qu'il y avait eu une petite coquille ou erreur, là,
parce qu'on parlait de les enlever. Mais, pour les petites entreprises, le seul commentaire qu'on a, c'est sur la langue
commune, là, tu sais, parce qu'elles n'ont pas... mais sur ce qui est
suggéré c'est excellent. Mais les
entreprises entre 50 et 100 ne sont pas couvertes dans le projet de loi, et je
pense qu'elles auraient la taille
pour avoir un comité d'entreprise, parce qu'à la Fédération de l'industrie
manufacturière on a beaucoup de syndicats, donc, qui sont dans des entreprises de 50 à 100, et c'est un outil, je
pense, qui ne serait pas trop lourd pour les moyennes entreprises. Mais,
les comités sectoriels pour les petites entreprises, je suis moi-même
coprésident d'un comité sectoriel de l'industrie
des produits chimiques et je pense qu'il y a là tout ce qu'il faut pour
supporter les petites entreprises dans leurs accomplissements, là, pour
être capables de franciser leur entreprise. Pierre.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Oui, M. Dubuc, vous voulez rajouter?
M.
Dubuc (Pierre) : Oui. Sur les autres
aspects du projet de loi, on est tout oreilles, parce qu'on apprend, évidemment, on suit aussi très attentivement les
débats. Donc, il y a peut-être d'autres volets auxquels on n'a pas été
éveillés dans un premier temps, et on va
suivre. Donc, on réserve notre opinion là-dessus. Mais, de façon générale,
nous, ce qu'on veut en insistant sur le français, langue commune, ce qu'on
veut dire, c'est que, même si, dans des petites entreprises de 26 et 50, on introduit le français au travail,
si, le travailleur, quand il sort de l'entreprise, tout l'affichage est
bilingue, s'il s'adresse à l'administration
publique et on lui répond en anglais, s'il va dans des commerces et on lui
répond en anglais, bien je pense qu'à ce moment-là les efforts qu'on va
faire dans l'entreprise ne seront pas suffisants. Donc, on essaie de voir. Il faudrait que... C'est pour ça qu'on pense
que la clé, c'est la question du français, langue commune. Et on l'a vu
depuis le jugement de la Cour suprême en 1988. La Cour suprême, quand elle a
invalidé les dispositions de la loi 101 sur l'affichage, a introduit un nouveau concept qui était celui de la nette
prépondérance du français, qui veut dire, finalement, le bilinguisme institutionnel, qui veut dire deux
langues communes, et je pense qu'il faut bannir ce concept-là et il faut
revenir au concept initial qui était du français, langue commune et l'appliquer
dans toutes les sphères de la vie sociale.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Merci.
•
(12 h 40) •
Mme De Courcy : Une sous-question. Assez rapidement,
parce que mes collègues veulent vous poser d'autres questions.
Lors
d'une présentation précédente, le président du Conseil du patronat nous a parlé
rapidement des comités sectoriels de main-d'oeuvre
et, à cet égard-là, il disait qu'ils étaient d'inégale efficacité. Bon, ma
perception, je voudrais la valider auprès de vous, M. Laviolette, qui
avez une vaste expérience des comités sectoriels de main-d'œuvre. Est-ce que...
Et je crois que ça a transcendé les gouvernements, qu'ils soient du Parti
québécois ou du Parti libéral. Je crois sincèrement que les comités sectoriels
de main-d'oeuvre sont un instrument d'État qui regroupe des entreprises et des syndicats dans une formule absolument gagnante
pour le développement économique québécois et que, si ces comités sectoriels là de main-d'oeuvre appuient les
entreprises de 26 à 49, ça va dans le sens de la protection économique de
ces entreprises-là dans l'exercice de
francisation, s'il y avait lieu qu'il y ait des impacts économiques pour elles.
J'ai donc une très grande confiance dans les comités sectoriels de
main-d'œuvre. Je vous demande de me dire si j'ai tort ou raison.
M.
Laviolette (Marc) : Absolument pas,
vous avez tout à fait…
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
M. Laviolette.
M.
Laviolette (Marc) : Oups! Excusez.
Vous avez tout à fait raison...
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
C'est juste pour les fins d'enregistrement, M. Laviolette, je suis désolée.
Allez-y.
M.
Laviolette (Marc) : Pardon?
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
C'est juste pour les fins d'enregistrement. Comme vous êtes plusieurs
intervenants, je dois nommer la personne qui a la parole.
M.
Laviolette (Marc) : O.K., c'est bien. Vous avez tout à fait raison. Bon, un des gros
avantages de ces comités-là, c'est que le Québec contrôle le développement de
la formation de sa main-d'oeuvre, et ça se fait de façon paritaire avec
les syndicats et les organisations patronales. Et, à la Fédération de l'industrie
manufacturière, à la CSN, nous autres, on regroupe
les syndicats de la métallurgie puis du papier puis on est dans… le nombre
exact, là, je ne me rappelle pas, mais dans
beaucoup, beaucoup de comités sectoriels de main-d'oeuvre, puis je n'ai pas
entendu de critique négative du tout sur leurs actions. C'est sûr que ce n'est pas parfait, mais c'est pour ça qu'il
y a une table puis un conseil d'administration, puis on tente d'améliorer les choses, mais ils font un
excellent travail. Et ça, ça transcende les gouvernements, comme vous
avez dit. Je veux dire, autant sous l'autre
gouvernement ou le Parti québécois… Ça
n'a rien à voir, là, je pense. Ces
politiques-là sont excellentes, et moi, je
trouve que c'est naturel que... Parce que, quand tu fais de la formation de la
main-d'oeuvre, bien, si tu t'assures qu'elle se fait en français, il me
semble qu'on contribue à franciser les lieux de travail, il va de soi.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Merci.
Une voix : …
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Oui. Bien, vous
avez environ une minute.
M. Pelletier
(Saint-Hyacinthe) : O.K. Moi, ça
serait juste une demande que je voudrais faire.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Parfait. M. le
député de Saint-Hyacinthe.
M.
Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Oui, merci, Mme la Présidente. J'aurais une demande à
faire à M. Castonguay. Tout à l'heure, il a mentionné un rapport statistique ou des chiffres,
là, sur les transferts linguistiques. Est-ce que ce serait possible de déposer au profit de la commission,
des membres de la commission ces données-là? Et ce serait intéressant de
les avoir pour qu'on puisse en prendre connaissance, tout le monde, parce qu'il
semblait y avoir contradiction entre ce que la députée de Pontiac a mentionné
et ce que vous, vous mentionnez.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : M. Castonguay.
M.
Castonguay (Charles) : Oui. Bien, le document est public, mais ça provient essentiellement du recensement de 2011, les chiffres que je vous ai cités en
direct, là. Je n'ai pas travaillé sur les chiffres d'une façon ou d'une autre.
Si j'ai bien compris
la députée de Pontiac, elle parlait de transferts linguistiques d'une école à l'autre
ou la formation d'écoles françaises et de...
Ça aussi, on parle de ça, mais ce que j'ai reconnu là, c'est le même réflexe qu'on
trouve à l'extérieur du Québec, c'est-à-dire
l'immersion en français à la petite école, mais ensuite les vraies affaires se
passent en anglais, en Ontario, à Vancouver,
etc., et c'est peut-être... Il y a beaucoup d'anglophones au Québec qui sont en
immersion, d'enfants anglophones qui sont en
immersion partout, pas juste dans l'Outaouais, sur le West… dans l'île de
Montréal. Il y en a énormément, et cependant les anglophones au cégep
français se font très rares.
Alors,
on ne parle pas de la même chose, là. Moi, je parle des comportements
linguistiques des individus au foyer, dans l'intimité du foyer, et Mme la députée de
Pontiac, je crois, traitait des transferts scolaires, de changement d'école,
d'enfants anglophones qui vont à l'école française, des choses comme ça. C'est
une autre paire de manches.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci. Malheureusement, c'est tout le temps que nous
avions pour le côté du gouvernement. Je vais maintenant du côté de l'opposition
officielle. M. le député de LaFontaine, vous avez la parole.
M. Tanguay : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, merci beaucoup d'abord
et avant tout à vous, les représentants du SPQ libre, d'avoir pris le temps de
rédiger un mémoire, bien évidemment, et de participer à l'analyse du projet de
loi n° 14.
D'abord,
vous me permettrez peut-être une question au président. M. Laviolette, j'aimerais
juste savoir un peu le statut du SPQ libre. Vous dites que vous êtes un organisme indépendant,
une organisation indépendante constituée en vertu de la troisième partie
de la Loi sur les compagnies comme organisme sans but lucratif, donc vous êtes
un organisme indépendant, mais, d'un autre
côté, votre action est beaucoup, beaucoup centrée sur le Parti québécois.
Alors, je voudrais juste comprendre votre existence au sein du Parti
québécois et quelle existence avez-vous au sein du parti. Je pense que ce
serait bon que vous nous éclairiez là-dessus.
M. Laviolette
(Marc) : On n'a pas...
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Oui, allez-y,
M. Laviolette.
M. Laviolette (Marc) : Mme la Présidente, je vais finir par
apprendre. Les clubs politiques comme formule
au sein du Parti québécois n'existent plus,
O.K., et parce que le congrès de 2005 au Parti québécois avait développé,
pour développer les débats à l'interne, à l'intérieur du parti, qu'on pouvait
créer en son sein des clubs politiques, et ils devaient être reconnus par le parti, il y avait
certaines conditions, et puis on a été le seul qui s'est créé, les
syndicalistes. Donc, le parti a mis fin à ça à son dernier congrès.
Donc, on n'existe pas comme entité, club
politique au sein du PQ, mais on est autonomes, on a un fonctionnement, on a
nos assemblées, puis nos militants, bien, ils militent au sein du Parti
québécois. Comme moi, par exemple, je suis président de l'association de
comté du Parti québécois de Beauharnois, puis on est présents à l'intérieur du
parti, mais on est regroupés au sein du club politique.
M. Tanguay : Et dernière question là-dessus, parce
que j'ai d'autres questions, évidemment, sur le fond du projet de loi n° 14. Donc, si je comprends bien,
vous existez toujours, même s'il n'y a pas de reconnaissance, il n'y a plus de reconnaissance formelle du Parti québécois, mais
on constate que, sur vos objectifs — puis, encore une fois, c'est la dernière question à ce chapitre-là — sur vos objectifs, M. Laviolette, qui sont de l'ordre
de quatre, les quatre sont axés sur une action
exclusivement, là, au sein du Parti québécois. On parle d'adopter des mesures,
de nommer des candidats, d'avoir des représentants
sur les postes électifs et de faire adopter par le Parti québécois des… ce que vous
appelez des résolutions progressistes,
et voilà. Alors, si je comprends bien — dernière
question là-dessus — votre action est quand même...
vos quatre objectifs sont exclusivement, tels que listés, là, au sein du Parti
québécois, là.
M.
Laviolette (Marc) : Oui. On est
partisans à ce compte-là, oui, tout à fait.
M.
Tanguay : Actifs. O.K. Bien, je vous
remercie beaucoup.
On a parlé un peu plus tôt, avant que vous ne
veniez devant nous, des enquêteurs que la ministre désirerait pouvoir se nommer. Je
vous réfère — évidemment, vous l'avez lu — à l'article 3 du projet de
loi n° 14, il y a là une demande de
la ministre, en quelque sorte, faite à l'Assemblée nationale, si d'aventure l'Assemblée
nationale adoptait le projet de loi n° 14,
qui lui permettrait de nommer des enquêteurs. Et je cite l'article, le deuxième
paragraphe de l'article 1.3 : «Il peut enquêter lui-même — on parle du
ministre — ou donner par écrit à toute personne
compétente l'autorisation d'enquêter, à sa
place, sur toute affaire se rattachant à ses fonctions.» Et en ce sens-là on
lit, troisième paragraphe du projet de loi n° 14 :
«Le ministre — ici, la ministre — ou la personne qu'il délègue a, dans ce cas, pour les
fins de cette enquête, tous les pouvoirs mentionnés aux articles 9, 10 et 11
de la Loi sur les commissions d'enquête, sauf celui d'imposer une peine d'emprisonnement.» Alors, la Loi sur les
commissions d'enquête, comme on sait, elle existe, c'est un remède qui peut
être utilisé à l'occasion, et on peut voir, entre autres, que la commission
Charbonneau a été constituée en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête.
Vous,
j'aimerais savoir, là, la position du SPQ libre. Est-ce que vous êtes en faveur
de ce, en quelque sorte... Il y a deux choses, hein, vous m'avez compris. Je
vais les verbaliser pour que ce soit encore plus clair. Il y a, de un, évidemment le double emploi avec les pouvoirs que
l'Office québécois de la langue française a déjà en matière d'enquête, il nomme, l'office, des enquêteurs sous ce même
chapitre, et là il y aurait en quelque sorte un dédoublement, et les
objectifs ou les matières en lesquels ces
enquêteurs ou sur lesquels ces enquêteurs-là pourraient agir sont extrêmement
vagues. Et je voudrais... Pas vagues,
pardon, ce n'est pas le mot juste. Tellement larges, c'est le mot juste, autrement dit sur tout aspect de la Charte de langue française. Alors, double
emploi, de un; de deux, également des pouvoirs qui sont extraordinaires.
Dans un dossier où on parle d'avoir du
doigté, un dossier délicat où on parle d'avoir un équilibre, est-ce que vous, SPQ libre, vous
êtes d'accord avec la ministre sous ce chapitre de nommer directement par la
ministre des enquêteurs?
•
(12 h 50) •
M. Laviolette (Marc) : Tout à fait. Je veux dire, quand il s'agit
de l'avenir de notre nation et des pressions
que notre langue subit, moi, je n'ai pas aucun problème avec ces éléments-là de
la loi, absolument pas. Je n'ai pas trouvé ça
abusif. Je trouve que c'est se donner les moyens pour savoir exactement où on s'en
va et corriger les situations qui ont à être corrigées, voilà.
M.
Tanguay : Et dernière question sous
cet aspect-là. J'ai eu l'occasion de le verbaliser déjà, puis ça, c'est une
opinion personnelle, mais j'aimerais entendre la vôtre. La ministre justifiait
les enquêteurs en disant entre autres : Il n'y aura pas d'abus, de un; et,
de deux, je n'ai pas... À l'étude des crédits, elle avait affirmé : Je n'ai
pas de budget de prévu pour l'instant pour nommer des enquêteurs, alors ne vous
inquiétez pas. Est-ce que vous vous réconciliez, vous, avec ces deux
justifications-là?
M.
Laviolette (Marc) : J'espère que
les... Oh oui, c'est vrai, il faut que j'attende le go, O.K.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Oui, M. Laviolette.
M. Laviolette (Marc) : Oui. Écoutez, je veux dire, les
enquêteurs n'ont pas le droit de faire des abus. S'il y a des abus, j'espère qu'ils
vont être sanctionnés, là, tu sais. Et ce n'est pas parce que tu nommes des
enquêteurs qu'automatiquement il va y avoir des abus. Moi, je n'ai
pas... Le dernier abus que j'ai vu — puis je pense qu'il
a été remis à l'ordre assez rapidement par la ministre — c'est toute l'histoire des «pastagate», là, et je pense
que... Moi, j'ai trouvé que ça avait été fait correctement.
Ça fait que moi, je n'ai pas de problème avec ça.
Ce n'est pas parce qu'il y a des enquêteurs qu'il y a automatiquementdes abus, surtout face à la langue commune des
Québécois qu'est le français, qui, je tiens à le répéter, recule présentement.
Elle recule, tu sais, ça fait qu'il ne faut pas perdre ça de vue.
Pour ce qui est des budgets, bien je pense qu'on va attendre
d'adopter la loi. Quand la loi sera adoptée, je
veux dire, si on trouve que les budgets ne
sont pas suffisants, la ministre sait très bien qu'elle va nous entendre, tu
sais. Ça fait que moi, je n'ai pas de problème. Je ne parlerai pas des
budgets avant que la loi soit adoptée.
M. Tanguay : Donc, je pense que la ministre a pris bonne note de votre
conclusion.
Vous
avez dit, puis j'aimerais ça que vous expliquiez davantage… Puis je vous
paraphrase, là, puis corrigez-moi si j'ai tort. Vous avez dit, il y a une minute :
Je ne crois pas qu'en nommant des enquêteurs il y ait des abus, surtout
quand on parle d'un dossier aussi important que la langue. Qu'est-ce que vous
vouliez dire par là?
M.
Laviolette (Marc) : C'est parce que la langue, c'est le ciment de notre nation, je veux
dire, on ne peut pas laisser le ciment s'effriter. Si la ministre nomme un
enquêteur, je suppose qu'elle présume qu'il y a quelque chose à
enquêter, il y a quelque chose à vérifier.
Ça fait que ce n'est pas parce qu'on dit «enquêteur» qu'automatiquement il y a
un abus, tu sais, je veux dire, elle nomme peut-être aussi un enquêteur
parce qu'il y a des abus à enquêter. Mais c'est juste ça que je voulais dire,
là, tu sais.
M. Tanguay : Et, au niveau des abus possibles… Parce que c'est
important. Comme législateur, l'Assemblée nationale
peut conférer à l'Exécutif, à certains ministres des pouvoirs qui parfois, oui,
sont extraordinaires, même s'ils peuvent
être utilisés dans d'autres lois, dans des contextes bien précis. Les
enquêteurs seraient nommés — puis j'aimerais vous entendre là-dessus puis je vais faire en
sorte de vous laisser suffisamment de temps — en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête, donc, en matière linguistique, dossier délicat.
On en est tous pour l'épanouissement du français. Néanmoins, tous les
moyens ne justifieront pas la fin.
Vous ne voyez pas là
une possibilité d'égarement, que l'Assemblée nationale donne à la ministre le
pouvoir d'envoyer des subpoenas, d'exiger de quiconque la production de tout
document, d'exiger de quiconque de répondre directement
à la ministre ou à ces gens nommés par elle à toutes les questions de façon
suffisante, tel que le reprend la loi?
Et, le tout, si ce n'est pas à la satisfaction de la ministre, il y aurait
possibilité d'outrage au tribunal. On a déjà parlé, dans un autre contexte, là, d'un printemps que l'on
connaît, des excès. Certains ont plaidé des excès en matière d'outrage,
mais là il y en aurait aussi, des outrages qui pourraient être soulevés par la
ministre. Alors, tout ça, vous, vous n'y voyez pas des questions importantes et
extrêmement délicates que l'on doit se poser avant d'accorder ces pouvoirs-là?
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Quelques
secondes, M. Laviolette.
M.
Laviolette (Marc) : Oui. Bien, écoutez, je pense que c'est parce que la question est
sérieuse. La langue, c'est le ciment de la nation. Mais j'ai suffisamment
confiance... J'ai confiance dans la démocratie québécoise. S'il y a de l'abus,
si la ministre se comporte en dictatrice,
vous pouvez être sûrs que ça va lever un peu partout dans la société, hein? Ça
fait que, là-dessus, je ne suis pas inquiet, je ne suis absolument pas inquiet.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. Laviolette. Nous allons maintenant du côté du deuxième groupe de l'opposition. Mme la députée de
Montarville, vous avez la parole pour 2 min 30 s.
Mme
Roy (Montarville) : Oh, mon Dieu, c'est peu! Merci. Merci beaucoup, messieurs. Merci pour
votre mémoire.
Brièvement, on a reçu
en début de commission des gens des Cantons-de-l'Est, des Townshippers. Il y a 46 000 anglophones dans les Cantons-de-l'Est.
Je leur ai demandé : Si vous perdez votre statut de municipalité
bilingue, que pensez-vous… comment la population anglophone va réagir? Ils nous
ont dit : La moitié de la population va quitter.
Ne
craignez-vous pas qu'il y ait un effet pervers et que ces anglophones se
déplacent des petites villes du Québec pour
aller sur l'île de Montréal?
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : M. Castonguay.
M. Castonguay
(Charles) : J'aimerais quasiment,
madame, vous répondre en anglais…
Mme Roy (Montarville) : Go ahead.
M. Castonguay (Charles) : …mais, puisque j'ai à coeur le
français, langue commune, je vais y aller dans
ma langue seconde.
Il
y a beaucoup de chantage. En anglais, on appelle ça du «bullshit», O.K.? Je ne
sais pas ce que c'est en français, là,mais… En français, on dit de la «boulechite»
aussi, b-o-u-l-e-c-h-i-t-e. Et, vous savez, M. Gates qui s'est présenté ici
juste avant moi, Bernard Taylor, qui est un anglophone comme moi et qui était
président du Parti québécois il y a une couple d'années, et moi-même, qui s'occupe...
qui s'intéresse beaucoup à la question linguistique, voulions rencontrer M. Gates. Finalement, la rencontre n'a jamais eu
lieu. Il faut qu'on vienne à Québec pour rencontrer certains
anglophones, nous, anglophones de l'Outaouais, Bernard et moi.
Il y a un problème de deux solitudes qui
perdure au Québec, et c'est quelque chose qu'il faut briser, et la langue commune, ce concept riche, et fertile, et apaisant,
est la solution, je crois. Et je pense que ces municipalités bilingues sont devenues... elles ont été détournées un peu
de leur nature. La loi initiale de 1977 créait cette possibilité d'avoir
un statut bilingue en fonction d'un certain
pourcentage de la population qui était anglophone, mais c'était dans une
économie générale d'une loi qui imposait le français
comme unique langue d'affichage commerciale sur le territoire. Donc, la
municipalité bilingue avait peut-être un sens dans ce contexte-là, pour donner
de la visibilité dans le paysage aux anglophones, pour qu'ils se reconnaissent,
eux aussi, dans le paysage linguistique, mais le français occupait la vaste...
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Merci, M. Castonguay.
M.
Castonguay (Charles) : Il y avait un
équilibre et...
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Je dois... Je suis désolée,
M. Castonguay. Je reconnais maintenant
Mme la députée de Gouin. Vous avez la parole pour 2 min 30 s,
Mme la députée.
Mme David : Merci. Alors, comme le temps presse,
je vais y aller rapidement. J'ai deux questions. J'en aurais bien d'autres, mais je vais me contenter de deux.
La première va faire suite à d'autres
questions sur le statut des municipalités bilingues. Si je comprends bien vos propos, vous proposez carrément d'abolir l'existence
même de ce statut. Et je vous demande : À ce moment-là, qu'en est-il des
droits historiques de la minorité anglophone?
Ma deuxième question est la suivante. Ça concerne les milieux de travail, qui nous intéressent
beaucoup. Vous dites : Il faut remplacer l'alinéa, là, qui parle de faire du
français «la langue normale et habituelle du travail» par «la langue
commune». J'aimerais ça savoir concrètement quel effet aurait votre
proposition en milieu de travail.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
M. Castonguay.
•
(13 heures) •
M. Castonguay (Charles) : Merci, Mme la Présidente. Concernant
les municipalités bilingues, quand on regarde
le projet de loi… ou si on regarde la
loi 101 actuelle, la différence essentielle qui se trouve entre une
municipalité ordinaire et une
municipalité bilingue, c'est que la municipalité bilingue peut s'appeler City
of Westmount, ville de Westmount, mais autrement la municipalité où j'habite,
Gatineau, offre des services en anglais aux concitoyens anglophones que nous
avons dans la ville de Gatineau, et le projet de loi, si je ne m'abuse,
continue dans le même sens. Et ça a été monté en épingle, cette histoire de
municipalité bilingue, je n'en reviens pas, parce que, sur le plan des droits,
c'est à peu près juste le droit d'occuper un peu plus de paysage avec un peu
plus d'anglais.
La
situation a changé radicalement depuis la loi de 1977, on voit maintenant... c'est
vraiment un paysage linguistique qui est
aliénant, pour un francophone, sur l'île de Montréal, par exemple dans le
centre-ville. Alors, ce n'est plus la
même chose, là, ce n'est plus l'affichage en français seulement qu'il y avait
en 1977 jusqu'en 1988... pardon, jusqu'en 1993, mais on est dans une
mondialisation maintenant qui était quelque chose d'imprévu par les auteurs de
la loi de 1977. L'anglais est omniprésent.
Il s'agit d'articuler le français, langue commune sur le territoire québécois
avec ce qu'est devenu l'anglais,
langue commune du monde sur le plan de la mondialisation. L'anglais a une
puissance de pénétration et une présence dans le paysage qu'il n'y a
jamais eu auparavant.
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci. Merci beaucoup. Merci,
MM. Laviolette, Dubuc et Castonguay.
Malheureusement, c'est tout le temps que nous avions.
Nous allons suspendre nos travaux jusqu'à
15 heures. Je veux dire aux parlementaires que vous pouvez laisser vos documents, la salle sera sécurisée. Merci.
(Suspension
de la séance à 13 h 1)
(Reprise
à 15 h 11)
La Présidente (Mme Vien) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors,
nous allons reprendre nos travaux, que nous
avions suspendus le temps de quelques heures, pour poursuivre avec les
auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le projet de
loi n° 14, Loi modifiant la Charte de la langue française, la Charte
des droits et libertés de la personne et d'autres dispositions législatives.
Alors, chers collègues, comme toujours, on prend bien soin de fermer la
sonnerie de nos appareils électroniques, cellulaires entre autres.
Et nous sommes prêts déjà à entendre notre
premier intervenant. Il s'agit de M. Steven Théberge. M. Théberge, bienvenue à
votre Assemblée nationale. Vous disposez de 10 minutes, après quoi il y
aura entre vous et les parlementaires un échange d'un certain nombre de
minutes. Alors, on vous écoute, M. Théberge. Et bienvenue, encore une fois.
M.
Steven Théberge
M. Théberge (Steven) : Mme la Présidente et autres membres
de cette commission, je tiens à vous remercier
pour me donner la chance de m'exprimer. Je me présente, je m'appelle Steven
Théberge. Je représente des milliers et des milliers
de personnes, voire des millions de Québécois qui veulent la liberté de
choisir l'éducation qui convient à eux-mêmes et à leurs propres enfants.
Je suis un de ces bilingues nés avec ces deux langues apprises au Québec.
Rappelons-le, ces langues — et je cite la
première ministre — sont les langues
historiques du Québec.
Au cours de ma vie, j'ai voyagé vers une
centaine de villes, réparties dans au moins 20 pays, et je travaille souvent avec des personnes dites de l'international.
Contrairement au député de Sainte-Marie—Saint-Jacques, j'ai fréquenté l'école française et anglaise. Mes enfants ont
également ce choix, et leurs enfants auront ce choix également.
Je ne pourrai pas faire la lecture complète
du mémoire que j'ai déposé en dedans des 10 minutes que je dispose. Par contre, je
suis confiant que vous en avez pris connaissance et j'espère qu'il sera pris en
considération lors de vos travaux sur le projet de loi n° 14.
Et, si je peux vous assister, il me fera plaisir de le faire.
Contrairement...
Mme la Présidente, Mme la ministre, je viens ici dans le but de présenter des
faits et des conclusions, des conclusions
des études effectuées sur le bilinguisme. Dans les faits, la génération
québécoise actuelle a été confrontée
à des changements profonds qui ont influencé l'état d'esprit de la population.
Devant la multiplication des ententes
de libre-échange, la mondialisation, l'éclatement des frontières, les Québécois
sont conscients que les communautés cherchent à se regrouper pour
affronter l'avenir à l'intérieur de partenariats plutôt qu'à se diviser, pour
mieux bâtir ensemble, «everyone together».
Avec la mondialisation, les jeunes qui
passent présentement sur les bancs d'école auront à faire des affaires avec des Allemands, des Chinois, des Australiens, des
Brésiliens, des Russes; bref, avec des gens de toutes provenances. Être bilingue, c'est pouvoir utiliser de manière
convenable nos deux langues courantes, le français et l'anglais. Rappelons-le,
toutes deux sont des langues historiques du Québec. Pour la majorité des
Québécois, le bilinguisme est une habilité qu'ils
ont acquise dans la rue, dans des cours privés ou à la suite de séjours en pays
étranger. Le bilinguisme est un outil linguistique
avantageux mais surtout essentiel pour communiquer de par le vaste monde. Il s'agit
d'un choix individuel qui se veut
apolitique, pratiqué dans tous les domaines d'emploi et dans tous les secteurs
de la société et par des personnes de tous
âges. Il est important de bien en saisir les mots si nous ne voulons pas être
vus comme ayant une «strange identity» au lieu d'une «strong identity».
Les bilingues obtiennent d'excellentes
opportunités de carrière et ont surtout plus de choix. Selon les agences de placement, le fait d'être bilingue facilite le
placement des salariés. Nous le savons tous, vous le savez tous, l'anglais est un prérequis pour plusieurs emplois, dans
plusieurs domaines. On ne peut pas simplement ajouter cette compétence comme un bonus si l'emploi exige que l'on
communique avec des non-francophones. On croit de manière assez générale
que la connaissance de l'anglais et du français est un atout économique pour le
Québec, et l'avantage économique est habituellement le principal motif
mentionné pour l'acquisition d'une langue seconde, une perception largement
partagée par la population québécoise.
Bref,
faisant route vers le troisième millénaire, le bilinguisme se manifeste dans
tous les pays du monde. Il est estimé que plus de la moitié de la population du
monde est bilingue. Pourquoi ne pas en faciliter l'accès au monde de chez nous?
Le
bilinguisme offre des possibilités qui ne se présentent pas à toutes les
personnes unilingues. Comme le démontre la
recherche, le bilinguisme peut également avoir des effets positifs durables sur
les capacités d'apprentissage.
Le cerveau des enfants... des bébés croît à
une vitesse phénoménale. Il double en volume durant la première année et atteint sa
taille adulte à peine quatre ans plus tard, à la maternelle. Pour soutenir
cette croissance de l'apprentissage, le cerveau des bébés compte environ
1 000 billions de synapses — des connexions entre
les cellules du cerveau — soit deux fois plus que celui d'un adulte. Ce n'est pas
étonnant. Lorsqu'on regarde un enfant, on se demande à quoi il peut
penser.
Les
enfants bilingues disposent d'une faculté à la pensée créative accrue. Ils
réussissent significativement mieux dans les tâches où il ne s'agit pas de
trouver la réponse correcte à une question mais d'imaginer une multitude de
réponses.
La plupart des enfants parviennent à
apprendre une deuxième langue assez facilement. Il faut d'abord savoir que… cette langue
seconde est apprise jeune, plus l'enfant aura de la facilité. En revanche, une
école bilingue, la cohabitation de nos
deux langues, avec idéalement une moitié de cours dans une langue et l'autre
dans la deuxième langue, serait une belle... une bonne façon d'apprendre. Toutefois, même avec deux heures par jour,
on peut espérer apprendre des choses dans l'autre langue, parce qu'il ne
s'agit pas que les enfants apprennent la langue mais apprennent des choses dans
l'autre langue.
La grande majorité de la population mondiale
utilise régulièrement plus d'une langue. Donc, il est normal que nos enfants grandissent en entendant et en utilisant plus
d'une langue.
Du côté des inconvénients, on évoque le
retard scolaire et cognitif de l'enfant bilingue. Pourtant, la recherche montre que,
contrairement à la croyance populaire, le bilinguisme n'entraîne pas de
confusion, n'a pas d'impact négatif inhérent sur le développement des
enfants.
Il
est vrai que les résistances contre le bilinguisme sont multiples. Elles
reposent en fait sur trois types de crainte :
la crainte de surcharger les enfants, de leur demander un effort intellectuel
important trop tôt; la deuxième, la crainte
que l'acquisition d'une seconde langue se fasse au détriment de la maîtrise de
la langue maternelle; et, la troisième, la crainte de surcharger le
système éducatif, notamment les enseignants non formés dans l'enseignement des
langues étrangères — rappelons-le une
fois de plus, la langue anglaise n'est pas une langue étrangère mais bien de
chez nous.
Aucune de ces craintes n'est réellement
fondée sur des arguments scientifiques. En fait, ces inconvénients ont très peu à voir avec le
bilinguisme en tant que tel, ils sont plutôt dus à la situation psychosociale
dans laquelle se trouvent les différents
bilingues. Certains font partie de la classe dominante d'une société, tandis
que d'autres ne le sont pas. Certains ont reçu une scolarité complète, d'autres
pas. Certains appartiennent à un groupe social majoritaire, et d'autres non.
La vision négative que certaines personnes d'une
langue majoritaire peuvent avoir de la langue minoritaire reflète souvent, en fait, l'idée qu'ils ont de tel ou tel
groupe linguistique minoritaire et non pas la langue en soi. Jamais un
francophone ne sera moins francophone s'il est bilingue; l'inverse est aussi
vrai pour l'anglophone. Le bilinguisme n'enlève rien à une langue ou à l'autre.
On peut choisir d'être bilingue ou pas.
Ce sont ces facteurs-là qui expliquent
principalement les prétendus désavantages du bilinguisme, et non le fait de se servir de manière régulière d'une ou
deux langues. L'acquisition de deux premières langues dès le jeune âge
est aussi naturelle que le fait d'en apprendre une seule.
Il y a une différence entre notre langue
seconde et une langue étrangère. La langue seconde se définit généralement d'abord en
fonction de son pays et de sa province d'appartenance, tandis qu'une langue
étrangère représente celle d'un immigrant d'un autre pays lointain. L'allemand,
le russe, le portugais, le chinois, l'espagnol, ce sont toutes des langues étrangères.
De
nombreuses études linguistiques ont démontré que les élèves suivant un
programme d'immersion bilingue maîtrisent mieux leur langue maternelle que les
élèves monolingues suivant un programme traditionnel dans leur langue maternelle. J'ai fréquenté des jeunes en
immersion, et voir l'épanouissement dans leurs yeux quand je leur
demande s'ils aiment communiquer par deux langues m'incite à me présenter
devant vous et de pousser davantage le dossier des écoles bilingues et en
immersion.
•
(15 h 20) •
D'autres études ont montré que les enfants
bilingues obtenaient de meilleurs résultats que les unilingues à plusieurs tests d'habileté
cognitive, y compris la flexibilité mentale, les tâches de résolution de
problèmes non verbaux, lacompréhension
de l'origine classique des noms, la distinction entre la similarité sémantique
et phonétique et la capacité à juger de la grammaticalité des phrases.
Les spécialistes sont unanimes : exposer
un enfant à deux langues dès la naissance est la meilleure façon qui soit à devenir
bilingue. Les résultats d'études montrent que le bilinguisme pendant l'enfance
est une expérience importante qui a le pouvoir d'influencer la
trajectoire et l'efficacité du développement des enfants.
Sur le plan culturel aussi, le bilinguisme offre
des avantages, puisqu'en fait de donner à l'individu la connaissance et la
maîtrise de sa propre langue, de sa propre culture, renforçant ainsi son
sentiment d'appartenance à une communauté, élément indispensable à son équilibre, il lui donne aussi accès à une
autre langue, une autre culture. Tout ce qui contribue à l'enrichissement
culturel de l'individu bénéficie à la communauté tout entière. En plus, les
Franco-Québécois et nos Anglo-Québécois
partagent tous la même culture. On mange tous la même nourriture, jouons
ensemble à des sports, allons aux mêmes spectacles, empruntons tous les
mêmes routes, sauf qu'on se le dit différemment.
Nous
entendons souvent des histoires de Montréal qui s'anglicise, mais cette
tendance s'explique en grande partie par le simple fait que les Québécois
francophones, surtout les couples avec jeunes enfants, quittent Montréal pour
les couronnes nord et sud dans une proportion plus grande que les anglophones.
Lorsqu'ils quittent la ville, les francophones sont plus portés à se diriger
vers les municipalités situées à l'extérieur de l'île, comme Longueuil,
Terrebonne ou Repentigny.
La
Présidente (Mme Vien) : Ce sera votre
mot de la fin, cher monsieur.
M.
Théberge (Steven) : Il me reste deux
pages.
La Présidente (Mme Vien) : À moins que Mme la ministre vous
permette de poursuivre… Vous avez donc écoulé
10 minutes, qui était un temps alloué pour vous.
M.
Théberge (Steven) : Ça va trop vite.
La Présidente (Mme Vien) : Mais oui, mais le temps passe vite,
monsieur. C'est comme ça dans la vie, hein, c'est
de même dans tout.
Mme
la ministre, la parole est à vous pour une période d'échange avec notre invité,
M. Théberge.
Mme De Courcy : Oui. Ça
me fait plaisir de vous recevoir aujourd'hui, et votre intervention... D'abord,
je veux souligner
le fait qu'il est rare... moins rare dans cette commission-ci, il y a eu
plusieurs citoyens comme vous qui se sont présentés et qui ont donné des
opinions. Je trouve le geste civique, citoyen très intéressant et très bien, d'autant
plus que vous auriez pu le faire par questionnaire, mais vous avez choisi de
demander une audition. Alors, je vous félicite de cela puis vous remercie.
Votre intervention me permet, dans les faits,
de la décoder de la façon suivante. Ce n'est peut-être pas le message que vous souhaitiez que je reçoive, mais je vais
vous dire comment je le comprends.
J'accueille
votre intervention comme une conviction profonde que vous avez de l'importance
de maîtriser deux langues pour la société d'aujourd'hui, celle de demain pour
les enfants qui auront à oeuvrer dans le monde de demain. Et, à cet égard-là, je ne peux pas ne pas être d'accord avec
vous. Je suis d'accord avec vous que le bilinguisme individuel, voire le
trilinguisme individuel, et quatrième ou cinquième langue, si possible, est une
bien bonne chose.
Vous savez, je suis de la génération
québécoise de francophones pour qui l'apprentissage de l'anglais n'était pas automatique, et, dans le cas des apprentissages à
venir, c'est bien souffrant quand on a à le faire plus tard. Alors, c'est pour ça que, dans la réforme scolaire — mais c'était présent même avant — dans le cursus scolaire québécois, la présence de... l'apprentissage
d'une deuxième langue et d'une troisième langue est présent, et j'en suis très
fière. Il y a des mécanismes aussi d'apprentissage qui ont été mis en
place, qui sont réputés et qui donnent d'excellents résultats.
Dans mon ancienne vie, j'étais présidente de
la commission scolaire de Montréal. Évidemment, à Montréal, les résultats en anglais des enfants étaient très élevés,
c'étaient les meilleurs qu'ils avaient, mais c'était pour eux un atout puis un
acquis que je trouve très important. Alors donc, nous nous entendons sur la
question de l'importance de la maîtrise de plusieurs langues, la langue
maternelle, bien sûr, et les autres.
Là où je voudrais
cependant profiter de votre intervention pour faire la nuance suivante, c'est
que, si je suis en parfait accord avec la question du bilinguisme individuel, dans une mer
anglophone en Amérique du Nord, ce Québec qui est une nation francophone, avec une minorité historique, pour laquelle
j'ai beaucoup de respect, il n'en demeure pas moins que le français est la langue officielle au Québec
et que, dans ce sens-là, la bilinguisation des institutions, quant à
moi, elle est très questionnante. Et c'est
ce que je questionne à travers le projet de loi n° 14. Je dis bien le
bilinguisme automatique, hein, parce
que je crois qu'il faut donner des services, absolument et très certainement, à
tous et toutes dans leur langue, à la minorité d'expression anglaise, et
ce, dans toutes les sphères de la société, ce qui implique donc que, dans
certains cas, il y aura du personnel bilingue pour répondre à cette
intention-là, mais la question du visage français du Québec à travers ses
entreprises, à travers ses institutions publiques, ses administrations
publiques m'apparaît extrêmement importante à maintenir.
Alors, c'est un commentaire. Je n'ai pas de
question, parce que votre propos était très clair et très senti autour de cette importance-là que vous accordez à l'apprentissage
de plusieurs langues. Je vous apporte la nuance suivante qui est présente dans le projet de
loi n° 14. J'espère que vous sortirez convaincu de l'Assemblée
nationale que, dans une vision des années futures, dans un Québec que j'espère
prospère, nous pourrons vivre et travailler en français tout en étant
bilingues, trilingues, quadrilingues, je le souhaite vraiment. Merci, monsieur.
La
Présidente (Mme Vien) : M. Théberge,
il y a M. le député de Sainte-Marie—Saint-Jacques qui voudrait vous poser une question.
M.
Breton : Oui. Merci beaucoup d'être
venu présenter votre mémoire. Je trouve que ce débat-là est très important, et
d'avoir des apports comme le vôtre, ça contribue à la richesse du débat.
Vous avez parlé de mondialisation beaucoup,
et c'est drôle, parce que ce matin j'écoutais un documentaire qui parlait de Montréal
dans les années 40, 50, 60, où, bien que beaucoup de Québécois francophones
restaient à Montréal, l'affichage
était en anglais. Mon patron… Pas mon patron. Mon père travaillait dans une
usine où ils étaient 1 200employés
et où il fallait qu'il s'adresse à ses patrons en anglais. Je suis certain que
vous connaissez tout ça, que vous connaissez ces faits historiques. On s'est
battus pour la reconnaissance du français, le respect du français, le respect
de la société francophone québécoise, et la loi 101 a fait partie de cette
bataille-là.
Quand vous parlez de la liberté de choix, ça
veut dire que vous revenez aussi sur la loi 101, parce que c'est ce que vous dites, si je
ne m'abuse. Vous avez parlé de moi tout à l'heure. Vous avez dit que vous,
contrairement à moi, vous étiez allé
à l'école française et à l'école anglaise. Donc, si vous avez entendu ce que j'ai
dit, vous avez entendu que moi et les gens de ma génération, mes amis, à 95 % on est tous allés à l'école en
français puis on a tous appris l'anglais. Donc, je suis tout à fait d'accord
avec Mme la ministre quand elle dit : Je suis tout à fait d'accord avec le
bilinguisme, le trilinguisme, le quadrilinguisme. De dire qu'il faut que ça
passe par l'école, ma génération en est la preuve vivante, qu'on n'a pas besoin
d'aller à l'école en anglais pour apprendre l'anglais.
La question de libre choix, en fait, c'est
faux de dire qu'on peut avoir un libre choix, c'est absolument faux. Ça, pour moi, c'est un
fantasme. Pourquoi? Parce que, si on veut vraiment parler de libre choix, on
laisserait les gens apprendre la langue qu'ils veulent, pas le français
ou l'anglais, ce n'est pas un libre choix. Bien oui, mais, écoutez, si on veut
aller au bout de votre pensée, ce n'est pas du libre choix, c'est entre deux.
Vous comprenez ce que je veux dire?
•
(15 h 30) •
Donc, considérant que 50 % — on en a parlé ce matin — des francophones du Québec de ma génération et de la génération qui
suit sont bilingues et que 10 % de ma génération et de la génération qui
suit du Québec d'origine anglophone sont bilingues, je serais tout à
fait en faveur qu'il y ait plus d'anglophones qui apprennent le français. Ça,
oui, je pense qu'il y a du travail à faire là-dessus.
Quand vous avez dit tout à l'heure, moi qui
est député de Montréal, dans Sainte-Marie—Saint-Jacques à Montréal, vous
dites : Les communautés anglophone et francophone, on va voir les mêmes
spectacles, moi, je peux vous confirmer que ce n'est pas le cas, au niveau culturel il y a des différences
marquées. Et je vous parle de ça parce que je parle beaucoup à mes amis
anglophones. Il y a, au niveau culturel, une différence énorme. La télévision,
ce n'est pas la même. Les spectacles, ce n'est pas les mêmes. Le théâtre, ce n'est
pas le même. Bref, avec mon expérience, mon éclairage, mes connaissances et
votre éclairage et vos connaissances, je me demande comment on peut en venir à
des conclusions si différentes à partir des mêmes données de base.
Et donc oui, je suis en faveur du fait que
les gens apprennent plusieurs langues, mais, comme Mme la ministre a dit, n'eût
été de la volonté des Québécois de toutes souches de respecter la loi 101,
on n'aurait pas un visage francophone aujourd'hui. Et, vous, ce que vous
dites, c'est que vous voulez revenir là-dessus même. On n'est même pas dans 14,
là. Vous, ce que vous dites, c'est que les
dispositions de la loi 101 elles-mêmes ne font pas votre affaire. J'aimerais
ça vous entendre là-dessus.
M. Théberge (Steven) : Je n'ai jamais dit que j'étais contre
la loi 101. Oui, il est important de conserver notre beau charme
francophone de cette belle province que nous aimons tous. Even if we're an
Anglophone, we love this province,
too. C'est hors de tout doute.
Je me mélange dans les deux groupes, les deux
communautés, et je ne suis pas d'accord avec qu'est-ce que vous dites sur le fait
que les anglophones n'ont pas la même culture, ne vont pas dans les mêmes
shows, dans les mêmes... c'est ça, dans les mêmes shows, parce que j'y
vais, moi, avec des anglophones. On aime la musique française, on aime la
musique anglaise. Ça ne nous empêche pas de se mixer, là.
M. Breton : Mais, quand vous dites que vous voulez un libre choix en
matière d'éducation… C'est ça que je comprends bien?
M. Théberge (Steven) : …libre choix, je crois, comme j'ai pu
entendre hier, tu avais des personnes qui
souhaiteraient avoir le libre choix envers leurs enfants, à l'éducation qu'ils
veulent pour leurs enfants.
Comme je vous disais, je suis allé à l'école
anglaise, je suis allé à l'école française. Quand j'étais à l'école anglaise, on
apprenait... on avait autant des francophones avec nous et des anglophones. On
s'entraidait, la gang. On finissait l'école, on jouait ensemble, les
Anglais et les Français ensemble. Les fins de semaine, on avait du bon temps
ensemble.
Alors, quand je suis allé à l'école
française, c'était fini. Après un cours de 40 minutes, 50 minutes, c'était
fini, on ne pratiquait plus rien. Et on
apprenait à haïr la langue anglaise. Ça, c'était mon expérience dans ces
années-là.
Mes
enfants sont allés à l'école anglaise; je les ai transférés à l'école
française. Ma liberté, mon choix. Leurs enfants auront ce choix-là aussi.
Pourquoi pas les francophones?
Avec l'expérience que j'ai eue avec un de mes
enfants, de partir de l'école anglaise, aller en français, il a fallu qu'il se convertisse en
professeur d'anglais à son prof d'anglais, en français, à l'école française. Il
y a un problème quelque part, là, puis je crois que, les deux
communautés, on devrait briser la barrière qui nous divise. Les écoles
bilingues, c'est une solution. Je l'ai vécu
en allant à l'école anglaise. Toutes les deux communautés, on était toujours
ensemble à s'entraider. On ne voit pas ça dans les écoles françaises.
Moi,
c'est de même que j'ai été élevé. Je suis né par deux parents autant anglais
que français, tout à fait des Québécois.
Leurs parents à eux également, ils sont nés ici, au Québec, qui étaient tout à
fait des parents qui avaient des parents bilingues, et ainsi de suite. J'ai
toujours fait... Nos ancêtres étaient tout le temps bilingues, on a toujours
vécu là-dedans. Je ne vois pas de la même
façon qu'un unilingue franco peut voir. Oui, je suis d'accord que les
anglophones doivent apprendre le français, c'est
primordial, ça. Je suis d'accord aussi que tous les nouveaux arrivants qui
arrivent au Québec, au Canada sachent
parler français. Le français, pour moi, n'est pas la même vue que vous avez,
étant donné que…
Je suis dans les dossiers linguistiques
depuis plusieurs années maintenant. J'ai monté très haut dans l'Arctique, un petit village de 200 personnes, dans
le temps, qui s'appelle Arctic Bay. Il est...
La
Présidente (Mme Vien) : Merci. Merci
beaucoup.
M.
Théberge (Steven) : Ah, pas déjà!
La
Présidente (Mme Vien) : Je sais bien,
M. Théberge, mais le temps file...
Une
voix : …
La
Présidente (Mme Vien) : Je le sais,
je le sais, mais justement, moi, je veux être équitable et juste, c'est la
raison pour laquelle je vous... Mais vous aurez l'occasion de poursuivre,
puisque vous entreprenez un échange avec l'opposition.
Une
voix : ...
La
Présidente (Mme Vien) : Oui, oui,
avec l'opposition officielle. 13 minutes, M. le député.
M.
Tanguay : Continuez sur votre lancée.
M.
Théberge (Steven) : Bien, merci.
M.
Tanguay : Je vous en prie.
M.
Théberge (Steven) : Alors, comme je
disais, Arctic Bay, petit village, les jeunes sont venus nous voir, demander
des questions. On nous parlait en français, d'autres nous parlaient en anglais.
D'autres nous parlaient dans leur langue qu'on
ne comprend pas pantoute, l'inuktitut, mais ce n'est pas grave, il y avait une
communication qui était là.
On
a un organisme ici, à Québec, qui s'appelle Canada Youth for French, et le
président, le responsable est un anglophone. Il quitte vers les autres
provinces pour promouvoir la langue française, et ça fonctionne. Je suis allé
dans leur groupe. Autant les jeunes adorent la langue française, des
anglophones.
Aux États-Unis, il y a beaucoup de demande
pour des professeurs francos bilingues, pour enseigner le français là-bas. Harlem, il y a beaucoup d'écoles
en immersion scolaire, maintenant, français-anglais qui sont en train de s'implanter.
Alors,
le français, pour moi, n'est pas en train de reculer, mais il faut avoir cet
amour pour la langue française comme toutes les autres personnes ont en dehors
de cette province-ci. Il faut le promouvoir, mais il ne faut pas empêcher les
gens non plus de pouvoir communiquer avec les autres personnes.
J'habite,
moi, dans le coin ici, où est-ce qu'il y a foule de touristes, et l'été je m'assois
avec eux autres, je vais prendre un café, on
parle. Ils aiment venir ici parce qu'ils se sentent comme en Europe, en France.
Ils aiment notre langue, mais ils ne comprennent pas, alors, en anglais,
je vais leur expliquer les termes francophones, le mot «bonjour», qui ouvre
beaucoup de discussions.
J'ai
commencé à voyager dans des pays, j'avais 12 ans, sans mes parents. J'ai
embarqué sur un bateau qui partait de Saint-Romuald, qui allait au Venezuela.
Par mes deux langues, j'ai pu voyager. J'ai rencontré du monde, je n'arrête pas
de rencontrer du monde.
C'est important, mais
il ne faut pas empêcher les gens de bien parler la langue seconde.
La Présidente (Mme
Vien) : M. le député de LaFontaine.
M.
Tanguay : Oui,
merci, Mme la Présidente. Alors, merci beaucoup, M. Théberge, de prendre
le temps de venir nous rencontrer, de prendre le temps de nous communiquer votre réflexion
sur le sujet. Votre mémoire, effectivement, est très étayé quant à la
réflexion que vous avez menée et les conclusions que vous nous soumettez.
Alors, merci beaucoup de prendre ce temps-là dans un débat qui est délicat,
important et qui sera toujours central au Québec.
2 %
de la population en Amérique du Nord. Je pense que votre message aussi… Et vous
l'avez dit clairement un peu plus tôt. Quand
on parle de l'importance de la loi 101, on vous a demandé : Êtes-vous
pour ou contre la loi 101?, vous avez
dit : On n'est pas contre la loi 101. Et je pense que, l'épanouissement
du français, vous reconnaissez l'importance et la justification d'avoir cette préoccupation-là au Québec. Par
contre, vous suggérez évidemment des moyens qui ne sont pas précisément
les moyens que l'on retrouve au projet de loi n° 14, et ça participe
de votre réflexion quant à cela.
• (15 h 40) •
Également,
vous avez parlé… Et c'est un point fort, c'est peut-être la pierre centrale de
votre mémoire, l'importance du bilinguisme, qu'on parle, entre autres, et que
l'on pense à l'ouverture des marchés, à l'ALENA, suite à la signature de
l'ALENA, fait en sorte qu'au Québec les échanges extérieurs, dans les
années 90, ont plus que doublé sur 10 ans, et la signature de l'ALENA en était évidemment un des facteurs; qu'on pense
également au grand défi que représentent les nouvelles technologies. On
sait qu'Internet — la dernière fois que
j'ai regardé les statistiques — 35 % des
utilisateurs d'Internet au niveau mondial, 35 %, étaient anglophones. Or,
on sait que 57 % du contenu sur Internet est en anglais. Alors, il y a là une ouverture, des opportunités
qui exigent que l'on demeure vigilant, par contre pas par n'importe quel
moyen. Et il y a là des opportunités à
saisir par ailleurs, et, le bilinguisme, le fait d'être capable de tirer son
épingle du jeu, on l'avouera tous là-dessus. Et je pense qu'on a plus qu'un
consensus. L'importance, moi, je n'ai pas vu personne ici, à l'heure actuelle, qui est venu nier l'importance d'apprendre
l'anglais en plus du français. Je pense que c'est unanime. Je n'ai pas vu personne venir ici dire qu'il ne devait pas
y avoir de moyen tangible pour acquérir cette langue, parce que c'est
bien beau dire : Je suis capable de baragouiner en anglais, mais ça prend
plus que ça si on veut tirer son épingle du jeu.
En
ce sens-là, on constate, et la ministre l'a dit un peu plus
tôt, que, tout dépendamment de sa génération, il
était plus facile ou plus difficile d'apprendre l'anglais, et Mme la première
ministre l'a reconnu également. On voit le député de Sainte-Marie—Saint-Jacques qui dit — et qui participe tout près de la même génération de la
ministre et de la première ministre — que lui, il n'a pas eu de difficulté. Dans son contexte,
dans son exemple à lui, il a appris l'anglais. Donc, en ce sens-là, il est important de reconnaître que des
efforts ont été mis. Et hier soir nous recevions les représentants de la commission scolaire Lester-B.-Pearson, qui se
classaient parmi les meilleurs au Québec dans l'enseignement du
français. Alors, beaucoup de jeunes
anglophones qui apprennent le français sur les bancs d'école dans une
commission scolaire anglophone et qui
font en sorte de participer, sont de véritables partenaires, justement, dans l'atteinte
de cet objectif-là.
Quand on parle de
tirer son épingle du jeu, ce n'est pas en apprenant une deuxième langue… L'anglais,
encore une fois, quasi-unanimité. Je n'ai
pas d'exemple à vous citer de personnes qui disent : Non, non, non, il ne
faut pas apprendre l'anglais. Quasi-unanimité sur l'importance, pour
pouvoir tirer son épingle du jeu, d'apprendre l'anglais. Mais, pour ça, comme société, il faut se donner
les outils et il faut le favoriser. Il faut reconnaître, je pense, les bons
coups qui se réalisent.
Pourquoi
l'importance? On sait que les PME... Les grandes entreprises, c'est facilement
comprenable, les multinationales qui
interéchangent — il y a des études qui ont
été déposées au
Québec — qui interéchangent
très facilement entre entités d'un même conglomérat. Il y aura des
communications entre le Québec, les autres provinces canadiennes et ailleurs à travers le monde, il y aura beaucoup de ces
communications-là qui seront en anglais. Les PME, au Québec, 20 %
des PME exportent aux États-Unis et 50 % des PME importent des États-Unis.
Alors, en ce sens-là, je pense que c'est important de reconnaître la capacité
pour nous.
Puis
on le veut tous pour nos enfants. Puis, vous voyez, je vais même citer en
exemple les gens qui représentaient le
Mouvement national des Québécoises et des Québécois, qui sont venus nous dire
la semaine passée qu'ils avaient, eux
également, reconnu qu'il y avait une demande de plus en plus croissante pour un
bilinguisme dans la population. Ça, ce sont les pères et les mères de
famille qui, pour leurs enfants, veulent, tout en conservant la langue qu'est
le français... Et, si mon enfant est de
langue maternelle anglophone, l'importance d'acquérir le français, vice versa,
bien ces gens-là sont ouverts au bilinguisme comme étant un atout. Puis
on ne perd pas sa langue en apprenant une deuxième, et c'est là où il n'y a pas
menace.
Vous savez... Et je le
dis avec tout le respect que je lui dois, à Mme la ministre, mais je vais la
citer lors de la conférence de presse ici
même le 5 décembre dernier, tiré, donc, de la transcription de l'Assemblée
nationale, je la cite : «…63 % des travailleurs à l'échelle du
Québec et 82 % à Montréal utilisent l'anglais au travail. Il s'agit d'une
alerte qui indique au gouvernement qu'il
faut agir.» Fin de la citation. Vous avez vu le... Et puis tout le monde est de
bonne foi dans ce débat-là. Jusqu'à preuve du contraire, tout le monde
est de bonne foi, tout le monde veut l'épanouissement du français, mais je pense qu'il est important d'avoir
l'honnêteté intellectuelle de reconnaître là où les différences se
fondent. Quand on dit que l'utilisation de l'anglais
au travail est une menace, représente une alerte, bien, en ce sens-là, je
pense qu'il est important de relativiser, toujours en gardant en tête l'importance
de demeurer vigilants, de se donner des outils pour accompagner et de faire en
sorte que l'on puisse aussi tirer notre épingle du jeu.
Alors, moi, je voulais, M. Théberge, vous remercier, vous
féliciter pour votre mémoire. Et je ne sais pas si vous avez des... si mon commentaire vous en a inspiré d'autres,
si vous voulez ajouter d'autre chose également.
M. Théberge
(Steven) : Je vous remercie de vos
commentaires, j'apprécie.
M. Tanguay : …c'est tout.
La
Présidente (Mme Vien) : Merci beaucoup, M. Théberge. Nous allons maintenant aller du côté... à
moins qu'il y
ait des collègues ici… Ça complète? Alors,
nous allons du côté du deuxième groupe d'opposition avec la députée de
Montarville.
Mme Roy
(Montarville) : Oui, merci. Pour
combien de temps? Trois minutes? Parfait, merci.
Merci
beaucoup, M. Théberge, pour votre mémoire, pour vous être déplacé. J'ai bien
compris le contexte et le contenu. Vous parliez d'éducation. Ce que je
trouvais intéressant, c'est que vous parliez des connexions synaptiques
qui se font très rapidement chez les enfants, qui apprennent très rapidement
les autres langues. Alors, je me demandais : Qu'est-ce que vous pensez, si
on parle d'éducation, du fait que le gouvernement en place veut mettre un frein
sur l'enseignement de l'anglais intensif en sixième année?
M. Théberge
(Steven) : Ça, ce projet-là, c'est
sorti en 2010. Mettre un frein à l'anglais...
Mme Roy
(Montarville) : À l'enseignement de l'anglais
en sixième année. Vous en pensez quoi?
M.
Théberge (Steven) : Moi, je suis né dans mes deux langues et je ne crois pas que ce serait
une bonne idée. Le plus jeune que l'enfant est, mieux que c'est. Quand l'enfant en
maternelle... Bien, plus que l'enfant est jeune, plus que son éponge va
absorber plus de choses.
Alors,
quand il arrive en sixième année, il a déjà perdu des synapses. Il faut
pousser, au contraire, l'enseignement, mais
bien apprendre le français aussi, mais on est capables de faire les deux. Ça se
fait dans les écoles d'immersion, les écoles bilingues qui existent maintenant
au Québec.
J'ai
parlé avec des jeunes, puis juste voir l'épanouissement dans leurs yeux quand
je leur demandais : Tu aimes-tu ça, parler les deux langues… Puis ça me répondait
avec un bon français et un bon anglais, sans accent. J'ai parlé avec
leurs professeurs, puis eux autres me
disent : Regarde, ils apprennent autant dans les deux langues qu'une
seule. Alors, pourquoi mettre un frein là-dessus? Pourquoi ne pas
développer une façon de pouvoir parler les deux langues comme il faut?
Mme Roy
(Montarville) : …M. Théberge. Merci.
La
Présidente (Mme Vien) : Merci beaucoup, M. Théberge, de vous être déplacé cet après-midi,
ça a été un plaisir de vous recevoir à votre
Assemblée nationale. Bonne continuation, merci.
On va suspendre
quelques instants.
(Suspension de la séance à
15 h 47)
(Reprise à 15 h 49)
La Présidente (Mme
Vien) : Merci. Alors, nous
accueillons maintenant M. Charles Campbell. Bonjour, M. Campbell.
Bienvenue à l'Assemblée nationale.
M. Charles Campbell
M. Campbell
(Charles) : Bonjour. Merci.
La
Présidente (Mme Vien) : Nous sommes très contents de vous recevoir cet après-midi. Vous aurez
un temps, donc, de 10 minutes, comme vous
le savez, pour présenter votre mémoire, après quoi il y aura des échanges entre
les parlementaires et vous-même. Alors, je vous invite à commencer dès
maintenant.
M. Campbell
(Charles) : Est-ce qu'avant les deux
dernières minutes vous pouvez m'avertir?
La Présidente (Mme
Vien) : Je vais vous faire un grand
signe.
• (15 h 50) •
M. Campbell
(Charles) : O.K., c'est correct. C'est
parce que j'avais présenté un petit mémoire d'une page et un tiers, et, quand j'ai reçu l'invitation, on m'a
dit que j'avais le droit à 10 minutes pour présenter mon mémoire, alors
je vous l'ai détaillé un petit peu. Je vais
quand même parler vite un petit peu, parce que je sais que 10 minutes, ce
n'est pas long.
Le résumé de mon
mémoire : J'aimerais vous formuler trois suggestions pour améliorer la
loi 101 au niveau des stations de radio entendues dans les établissements
des sociétés d'État du Québec, des postes de radio entendus dans
les commerces du Québec et pour le pourcentage obligatoire de chansons
francophones exigé dans les postes de radio francophones.
Exposé
général de mon mémoire : Je voudrais vous suggérer trois... vous donner trois
suggestions pour améliorer la loi 101. L'anglicisation du Québec se fait
beaucoup, actuellement, par l'invasion de chansons anglophones dans les
postes de radio dans les restaurants, bars
et autres commerces, dans les casinos du Québec, etc., comme dans les hôtels ou
dans les fêtes d'adolescents, et j'ai beaucoup d'autres exemples. Il faudrait ajouter un
article dans la loi 101 ou mettre une directive
administrative — là, je vais en parler un petit
peu plus tard — pour que toutes les sociétés d'État où l'on fait jouer la radio, notamment dans les casinos du Québec,
fassent entendre obligatoirement des postes de radio francophones.
Je vais dans les
casinos de Montréal, Mont-Tremblant et Lac-Leamy. On y entend presque seulement
des chansons anglophones. Aussi, je vais quelquefois dans les succursales de la
SAQ et j'entends parfois des postes de radio uniquement anglophones.
Je vous donne quelques
autres détails sur mon premier dossier. Au sujet des succursales de la SAQ, c'était
le gérant — ça
m'est arrivé quatre, cinq fois, là — c'était le gérant ou les
employés qui décidaient de faire entendre un
poste de chansons uniquement anglophones. J'ai
fait une fois une remarque à une caissière, qui m'a révélé que c'était un
employé de nuit qui avait choisi ce poste, alors je lui ai fait remarquer qu'on
était rendus à 2 heures de l'après-midi. Alors, j'ai pu constater qu'il n'y
avait aucune directive administrative donnée aux employés de l'État concernant
le poste de radio à faire écouter.
Si
vous allez au Casino de Montréal, vous entendrez presque seulement des chansons
anglophones. J'ai rédigé une première plainte le 11 novembre 2011,
mais rien ne semble avoir changé depuis ce temps. Pour avoir des preuves
fraîches, je suis allé au Casino de Montréal dimanche dernier, donc il y a
trois jours, de 12 h 30 à 16 h 30 : je n'y ai entendu
que des chansons anglophones. Je suis même resté pendant une demi-heure devant
l'entrée principale du casino; je n'ai
entendu aucune chanson francophone. Quel bel accueil le casino réservait à sa
clientèle, qui est sûrement à 80 % francophone!
Après la présentation
de mon mémoire, j'aimerais vous donner plus de détails sur mon dossier du
Casino de Montréal. Vous l'avez à la fin, là. Si je n'ai pas le temps de finir,
j'aimerais ça que quelqu'un me pose la question.
La
situation du Casino de Montréal est semblable à celles du Casino du Lac-Leamy
et du Mont-Tremblant, qui devraient avoir l'obligation morale de montrer
notre culture, surtout à ceux qui viennent de l'extérieur du Québec.
Tout cela est très grave.
Je
vous présente mon deuxième dossier. L'Office québécois de la langue française
ou un autre organisme approprié devrait organiser à chaque année une campagne
publicitaire pour encourager les commerçants à faire entendre des postes
de radio francophones dans leurs établissements. Comme les commerces sont du
domaine privé, on ne peut pas les obliger à faire entendre des postes de radio
francophones, mais on peut les encourager à le faire, notamment avec des
campagnes publicitaires.
Je
vous présente quelques exemples qui sont très graves. Aux parties de hockey des
Maroons de Lachine, alors que les supporters et les joueurs sont à au moins
80 % francophones, on n'entend aucune chanson francophone pendant
et entre les périodes. Depuis deux mois, j'ai
fait parvenir trois lettres de plainte au propriétaire du club — je les ai ici, je peux
vous les donner. Malgré cela, rien ne semble avoir changé.
Alors,
quand c'est rendu qu'on ne met aucune chanson francophone dans les parties de
hockey, c'est plus que grave, là, ça n'a pas de sens. Imaginez si on ne faisait
entendre que des chansons francophones dans une banlieue de Toronto
comme Mississauga. Ce serait une révolte. Mais nous, on ne se révolte pas.
Si vous allez à
Lachine — une très belle ville — souper au Bar Grill 12, vous n'y entendrez aucune chanson
francophone, même pas durant les spectacles du samedi soir. J'ai fait l'expérience,
plusieurs commerces et restaurants de
Montréal ne font entendre que des postes de radio anglophones. Et, même à
Lachine, là, je suis allé commander de la nourriture à La Belle Province
hier, le poste était juste en anglais. Pourtant, la majorité de la clientèle
était française. Et même chose à Dollarama, à Lachine, et au restaurant
Québerac. Et que dire des bars de la région de Montréal? Vous pouvez compter
sur vos doigts de la main le nombre de chansons francophones rythmées qu'on y
entend.
Mon troisième dossier
parle de l'importance... Ah oui! Excusez, c'est correct. Mon troisième dossier
parle de l'importance, pour le gouvernement du Québec et pour l'Office de la
langue française, d'exiger que le minimum de chansons
de langue française entendues dans les postes de radio francophones passe de
65 % à 80 % lors des prochaines audiences du CRTC. Cela aiderait
énormément à franciser le Québec. Cela aiderait nos chanteurs et chanteuses
francophones à faire entendre davantage leurs oeuvres et les faire apprécier du
public.
Pour
régler les problèmes de chanson presque exclusivement anglophone dans les
casinos du Québec, dans les arénas, dans les commerces, restaurants et
notamment dans les bars, je voudrais vous suggérer une quatrième
proposition. Les quatre propositions seront à la suite de cette feuille.
Je
suggère qu'un fonds d'au moins 5 millions de dollars soit constitué
pendant plusieurs années par des organismes gouvernementaux, par les casinos du Québec et par
des organismes privés pour faire avancer la chanson francophone. Un comité serait formé pour donner des bourses de
plusieurs milliers de dollars à des chanteurs, qui composeront de belles
chansons francophones. La priorité serait
donnée aux chansons qui pourraient être entendues dans les bars et les
arénas, parce que c'est là, les plus gros
problèmes. Un tel fonds permettrait aussi d'ajouter annuellement des milliers
de chansons francophones — j'ai calculé, ça donnerait à peu près 2 500, là, je pourrai
vous donner les chiffres à un moment donné — qui
pourraient être entendues dans les postes de radio. Les comités actuels de
sélection de chansons des postes de radio francophones auront donc un plus grand
choix — parce que c'est de ça qu'ils se plaignent, qu'ils n'ont pas assez de choix — ce
qui permettrait que le minimum de chansons francophones entendues à la radio
passe de 65 % à 80 %. Ce serait plus
représentatif du nombre de francophones du Québec.
Je vais vous parler du
5 millions qui devrait le payer dans mon dossier du casino. Plusieurs
chanteurs francophones talentueux et inconnus
pourraient pouvoir dévoiler leurs talents grâce à ces bourses. Moi, j'ai un de
mes amis qui a composé un disque, et là il
est très beau, son disque. Ça passe un petit peu à travers le Québec; à
Montréal, plus ou moins. Et lui, il a 36 chansons encore qu'il
aimerait mettre sur disque, il n'a pas l'argent, mais c'est un talent
extraordinaire.
Le
fait de faire entendre une chanson sur cinq en anglais permettrait de choisir
les meilleures chansons anglophones, alors
qu'on fait entendre actuellement plusieurs chansons insipides… que moi, je
trouve insipides — pas toutes, il y en a
des très bonnes, anglophones — tout
simplement parce qu'elles ont un son américain. Cela permettrait de faire épanouir un son rock francophone qu'on
pourrait entendre dans les bars et les arénas.
Mes
quatre recommandations.
Une directive administrative : La
loi 101 devrait obliger toutes les sociétés d'État, notamment les casinos
du Québec, à faire entendre des postes de
radio francophones dans leurs établissements.
L'Office
québécois de la langue française ou un organisme approprié devrait organiser à
chaque année une campagne publicitaire pour encourager les commerçants à faire
entendre des postes de radio francophones dans leurs établissements. Ce n'est pas normal que nous, les francophones, on soit
obligés de demander qu'ils mettent un poste de radio. Parce que ces personnes-là, elles disent : Bien là, on met
ça pour nos... pas pour la clientèle, on fait ça pour ceux qui travaillent pour nous. Bien, excusez, on fait
ça... Juste à La Belle Province, hier, il y avait deux employés sur trois
qui étaient anglophones : ils ont fait entendre un poste de radio
anglophone. Mais la clientèle, ça n'a pas d'importance.
L'Office
québécois de la langue française et le gouvernement du Québec devraient exiger
que le minimum de chansons de langue française
entendues dans les postes de radio francophones passe de 65 % à 80 %
lors des prochaines audiences du CRTC.
Quatrième proposition : Un fonds d'au
moins 5 millions de dollars devrait être constitué pendant plusieurs années par des
organismes gouvernementaux, par les casinos du Québec et par les organismes
privés pour faire avancer la chanson francophone. Un comité serait formé
pour donner des bourses de plusieurs milliers de dollars à des chanteurs qui composeront de belles chansons francophones. La
priorité serait donnée pour les chansons qui pourraient être entendues
dans les bars et les arénas.
Est-ce
que j'ai le temps de parler du Casino de Montréal?
Une
voix : …
M.
Campbell (Charles) : Est-ce que j'ai le temps de parler du Casino de Montréal?
La
Présidente (Mme Vien) : ...M.
Campbell, le temps est écoulé.
M.
Campbell (Charles) : O.K. S'il y en a
qui veulent me poser la question sur le Casino de Montréal…
La
Présidente (Mme Vien) : Mais vous
avez...
M.
Campbell (Charles) : C'est plus que
sérieux.
La
Présidente (Mme Vien) : On a bien
entendu votre suggestion.
Alors, c'est le début des entretiens entre
vous et les parlementaires. On débute cette formidable période avec…
M.
Campbell (Charles) : De toute façon,
vous les avez, les feuilles, là, vous pourrez les lire, là.
La
Présidente (Mme Vien) : Bien entendu.
M. Campbell (Charles) : Vous allez voir comme c'est sérieux
avec le Casino de Montréal. Je n'en reviens
pas.
La
Présidente (Mme Vien) : Oui, bien
entendu, M. Campbell, je vous remercie. Alors, Mme la ministre, la parole est à
vous.
•
(16 heures) •
Mme
De Courcy : Bien. Alors, bonjour,
monsieur. Merci beaucoup de vous être inscrit à cette commission parlementaire. Comme je l'ai dit à votre
prédécesseur qui était là, je trouve que c'est un geste civique à souligner,
quand des gens viennent à leur Assemblée
nationale, comme notre présidente l'a dit, pour donner leur opinion, en
personne en plus. Alors, ça a beaucoup de valeur pour moi, toutes ces
opinions qui nous parviennent.
Je sais aussi que vous êtes très actif dans
les courriels, j'en reçois beaucoup. Je veux que vous sachiez que, compte tenu du nombre, je ne vous réponds pas toujours
personnellement, mais c'est clair que je vous lis, je vous lis, et je trouve que votre engagement est très important,
que vous êtes à l'affût de cette langue qui vous est précieuse, de sa
qualité et de sa présence.
Maintenant,
je souhaiterais vous dire deux choses.
Vos propos concernant le développement de la
chanson française, de la place de la francophonie dans l'univers musical, et
etc., a même fait l'objet d'un colloque récemment. Vous avez sans doute suivi
toutes ces personnes du milieu artistique, du milieu gouvernemental
aussi et du milieu de l'entreprise privée, de l'industrie artistique qui ont
fait ce colloque et qui ont témoigné, ont fait écho à vos préoccupations d'une
autre façon; en s'y prenant différemment, mais d'une autre façon.
Vous avez constaté l'absence de cette préoccupation-là dans
le projet de loi n° 14. Je vous rappelle que, lorsque j'ai présenté le projet de loi n° 14, j'ai
aussi indiqué que le ministre de la Culture et en fait tous mes collègues
étaient interpellés et qu'il y aurait des
mesures complémentaires qui parviendraient au fil du temps, dans un temps que
je considère qu'il ne devrait pas être trop long. Et le ministre de la
Culture aussi, M. Maka Kotto, vous le savez, a aussi annoncé récemment son
ordre de préoccupation à cet égard-là. Vous savez aussi qu'il y a des ratios de
musique francophone et anglophone déterminés par le CRTC.
Dans
ce que vous faites allusion, il y a beaucoup de la fierté de la langue et de l'importance
de s'en occuper, c'est de ça dont vous parlez à travers ce que vous mettez de l'avant. Et vous
n'êtes pas le seul à m'avoir indiqué à quel point ce sera nécessaire d'avoir
une promotion constante de l'importance du fait français dans toutes les
sphères, dans notre quotidienneté, et que, là, on est devant être fiers de
notre langue.
Vous
savez, il y avait une statistique qui m'avait beaucoup, beaucoup impressionnée,
quand j'avais travaillé autour de la stratégie commune en francisation à
Montréal, c'était qu'une très large proportion de citoyens, lorsqu'automatiquement,
dans les commerces, on leur parlait en
anglais, passaient à l'anglais directement et n'avaient pas le réflexe de dire
doucement, respectueusement et courtoisement
que c'est en français qu'on doit être servi. À mon avis, c'est du même ordre,
on est dans le même effet d'une
fierté qui s'étiole, des rappels que nous ne nous faisons pas d'une manière
sociétale. Je pense que les campagnes de promotion auxquelles vous
faites allusion seront très importantes.
Alors,
je vous remercie. Je transmettrai à mon collègue le ministre de la Culture le
mémoire que vous avez mis de l'avant avec
grand plaisir. Merci.
La Présidente (Mme
Vien) : Allez-y. M. le député de
Sainte-Marie—Saint-Jacques, allez-y.
M.
Breton : Merci,
Mme la Présidente. Bonjour, M. Campbell. Vous allez pouvoir le constater, ici
il va y avoir, comme au Centre Bell, trois
périodes, une, deux, trois, et tout va se faire en français.
Je
dois vous avouer que ce débat-là autour du Centre Bell et de la musique, ça m'interpelle
particulièrement. Je vais vous le dire, là, je
n'en reviens pas.
Je
ne vous cacherai pas que je suis un fan de musique anglophone, moi-même, et de
musique francophone, et je pense que j'écoute aussi de la musique dans d'autres
langues, mais votre préoccupation pour la place de la musique en français dans les commerces, en faire la
promotion, je trouve que c'est vraiment... vous faites un apport qui est
vraiment intéressant et qui est vraiment
important, parce que moi, j'ai beaucoup, beaucoup, beaucoup… J'avais dit en
blague à un moment donné, avant le
début de la campagne électorale… Les gens me disaient : Il faut faire… tu
sais, il faut se promener dans les
bars, les commerces, les restaurants dans notre circonscription. J'ai dit :
S'il faut que je fasse le tour des bars et des commerces dans ma
circonscription, je vais finir ma campagne à genoux, il y en a trop. Donc, je
peux vous dire qu'il y a beaucoup, beaucoup,
beaucoup d'anglais dans les bars et dans les restaurants, vous avez tout à fait
raison. Et je retiens votre message, je pense que votre message est
important.
Pour ce qui est du
Centre Bell, je pense qu'il va falloir qu'on s'en reparle. Je n'ai rien à
ajouter là-dessus, je vous remercie beaucoup.
Une voix : Le député de Bonaventure…
La Présidente (Mme
Vien) : Allez-y. M. le député de
Bonaventure, allez-y.
M.
Roy : Merci
beaucoup. M. Campbell, j'ai trouvé très intéressante votre présentation. Et,
comme Daniel... comme le député de
Sainte-Marie—Saint-Jacques, moi aussi, je
suis un amateur de musique, musique anglophone, musique francophone, mais je dois vous dire qu'il y a de la bonne musique
francophone, mais il y en a de la moins bonne, comme de la bonne musique
anglophone et de la moins bonne.
Ceci étant dit,
certes, votre objectif d'augmenter de 15 % le contenu francophone de
radio, c'est noble. Et, bon, comme le ministre l'a souligné, il va falloir
faire peut-être des campagnes de promotion pour susciter à tout le moins un
intérêt.
Là,
c'est une réflexion que je fais avec vous, mais, bon, on assiste à un certain
recul, à tout le moins, de notre langue, de sa
protection et, par ricochet, on a une institution, qui est celle de la
radiodiffusion, qui favorise la diffusion de musique
anglophone. Donc, on est pris dans un cercle qui fait en sorte qu'on peut avoir
des problématiques. Mais est-ce que vraiment — et là c'est une question que je vous pose — est-ce que vraiment la musique en tant que telle fait
reculer de manière très significative le français? Et là...
Une voix : ...
M.
Roy : Oui. Est-ce que… Regardez, c'est une question de fond
et en même temps simple. Oui, la réponse est
oui, mais la proportion ou... Quel effet ça peut avoir, selon vous?
M.
Campbell (Charles) : Bien, moi, je trouve que… Exemple : à certains postes, là, ils
font une enquête sur les 10 meilleures chansons, il y en a huit qui sont
des chansons anglophones. Et, moi, là, ce que je propose, c'est un fonds
de 5 millions payé par Loto-Québec,
parce que Loto-Québec, là, si vous allez au Casino de Montréal, vous allez
voir, ils ont dépensé, je pense,
325 millions, c'est un scandale, c'est épouvantable, c'est des idées de
grandeur, puis ils ne font même pas entendre des chansons francophones.
Ils ont une tâche morale là-dessus, c'est eux qui devraient payer les
5 millions à chaque
année. 5 millions, j'ai calculé ça, ça fait 2 500 chansons
francophones qu'on peut entendre dans les bars, dans les arénas, à la radio. Quand ceux qui choisissent les
chansons à la radio, là, ils disent : Bien, il faut avoir un son
américain, bien là il va y avoir des milliers
de chansons qui vont leur arriver, ça va permettre de monter à 80 %. C'est
une question démographique.
Pourquoi
on fait entendre 35 % de musique anglophone? Puis moi, je vous le dis, je
suis musicien, je compose des chansons, et puis il y en a, des chansons
anglophones insipides. Il y en a en français, mais ça n'a pas de sens,
faire jouer ça. C'est tout de la répétition,
c'est toujours le même son. Pourquoi ces gens-là n'aideraient pas des jeunes
chanteurs qui n'ont pas l'argent pour faire un disque, tu sais?
Puis,
en passant, les radios anglophones, là, FM, là, pourquoi elles ne font pas
entendre des chansons en français? Vous êtes-vous déjà posé cette question-là? Ils
trouvent que nos chansons ne sont pas bonnes? Ils nous oublient, on est
moins que rien, puis, nous autres, il faut mettre 35 % de nos chansons
anglophones. Tu sais, je veux dire, il y a des limites, à un moment donné.
M. Roy : Non, mais je crois que les radios anglophones ont certains
quotas...
M.
Campbell (Charles) : À l'aréna de Lachine, on ne peut pas avoir de chanson. Au casino, on ne
peut pas avoir de chansons en français, dans
les restaurants, partout. On se fait manger la laine sur le dos puis on ne dit
rien. Il faut agir. Il faut avoir le 5 millions le plus vite possible.
Mais
j'ai oublié de parler du paragraphe… Qu'est-ce qu'on fait entre-temps?
Entre-temps, je suggère que des experts
choisissent les meilleures chansons rythmées francophones qui pourraient être
entendues dans les arénas et les bars afin
de les faire graver sur des disques compacts. Ceux-ci seraient fournis
gratuitement à tous les bars et arénas qui en feraient la demande. Ces
experts pourraient aussi préparer des disques compacts de belles chansons
francophones qui seraient donnés à tous les casinos du Québec, qui pourraient
enfin les faire jouer.
J'ai
hâte de voir les francophones qui disent — qui jouent au casino : On va peut-être donner
5 millions de nos profits, mais au moins on va entendre des chansons en français. Et, je
vous dis, tout ça, c'est urgent. C'est bien beau, des idées, mais il faut passer à l'action, parce que
plus ça va, plus les commerces trouvent ça normal de faire entendre des
radios anglophones et plus les francophones se laissent manger la laine sur le
dos.
À
un moment donné, j'ai été au Québerac, l'an passé, puis j'ai dit : Comment
ça se fait que vous faites jouer un poste de radio anglophone? Il m'a dit :
Monsieur, vous êtes le seul à vous avoir plaint depuis 20 ans. Le manque
de fierté d'un peuple a un nom, c'est le peuple québécois.
• (16 h 10) •
M. Roy : Vous venez de nous faire un...
La Présidente (Mme
Vien) : Alors, vous avez
20 secondes, M. le député de Bonaventure.
M.
Roy : Oui, bien
c'est un… très passionné, et nous vous entendons, mais il existe quand même
certaines bonnes radios francophones qui
méritent quand même... on mérite de dire qu'elles existent puis qu'elles
présentent de la musique francophone. Mais il y a du travail à faire, et on
vous entend. Et nous allons donner suite. Merci.
La
Présidente (Mme Vien) : Merci à vous deux pour votre contribution. Je passe maintenant la parole
à l'opposition officielle avec le
porte-parole, M. le député de LaFontaine.
M.
Tanguay : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. D'abord et avant tout, M. Campbell, merci
beaucoup pour le temps que vous prenez, le temps que vous avez pris pour rédiger la première
ébauche, le premier jet de votre mémoire, et aussi à la confirmation — où vous aviez également l'opportunité de venir nous
rencontrer en audition — aux
addendums que vous avez eu le sérieux de rédiger et de nous communiquer.
Moi,
ce que je retiens de votre intervention, M. Campbell, c'est l'importance
de soutenir nos artistes québécois, notamment
les francophones. C'est ce que je retiens de votre intervention.
Par contre, je ne voudrais pas passer sous silence
le terrain sur lequel a été le député de Sainte-Marie—Saint-Jacqueslorsqu'il a parlé du
Centre Bell. Et on se rappellera d'une déclaration d'un ancien collègue du
Parti québécois, en septembre 2010, qui disait, et je le
cite : «Le Canadien est devenu un atout pour le fédéralisme.» Fin de la
citation.
Qu'est-ce que vous
inspire le commentaire du député de Sainte-Marie—Saint-Jacques, qui vous a amené, là, sur ce terrain-là, par
rapport au Centre Bell?
M. Campbell
(Charles) : Excusez-moi, je n'ai pas
parlé du Centre Bell, là.
M. Tanguay : Non, mais...
M. Campbell
(Charles) : J'ai parlé des Maroons de
Lachine. Vous pouvez venir vérifier. Ça fait deux mois que j'y vais, je peux vous fournir toutes les lettres. Il n'y a rien qui
a changé. Qu'est-ce qu'il faut faire pour changer? C'est les propriétaires, ils n'ont aucune fierté. Ils
disent : Bien là, c'est un petit gars qui pèse sur un bouton, c'est lui
qui dirige ça. Aïe, il est propriétaire!
À
part de ça, je lui ai envoyé une lettre avec 25 chansons, suggestions de
chansons rythmées francophones qui pourraient être entendues au moins entre les
périodes, parce qu'entre les petits... les arrêts de jeu, là, ce n'est pas toujours facile de...
mais il y a moyen. J'ai dit : Mettez la musique sans paroles, rythmée,
pendant les périodes. Entre les périodes,
mettez deux chansons francophones et une chanson anglophone, et ça, ça va être
juste pour tout le monde. Mais ce n'est
pas ça qu'ils font, ils mettent juste des chansons anglophones pendant les
parties et entre les parties. Qu'est-ce qu'on fait, nous autres, là? Tu sais, ça fait deux mois que je leur demande,
là. Qui va se réveiller? Vous autres, vous allez nous aider, j'espère. Tu sais, je veux dire, ça n'a pas
de... Le Casino de Montréal, ça n'a pas de sens. Qui va se réveiller
pour leur dire : Ça va faire, là?
Les bars, là, je vais vous donner un exemple.
Au bar, là, au casino, ça s'appelle Le Cheval. Je leur ai demandé, j'ai dit : Pourquoi vous mettez juste de la
musique anglophone? Ils en mettent une sur 30, francophone. Ah, il y en a un qui m'a dit, bien moi, là, je ne me mêle pas de
politique. Le deuxième m'a dit : Ah, bien c'est Internet qui décide. Il
parlait, je suppose, d'un poste Galaxie. Bien là, j'ai dit, il doit y avoir un
monsieur qui pèse sur un bouton. Non, il dit, c'est Internet qui décide.
Comment voulez-vous faire? Qu'est-ce qu'on
peut faire si ce n'est pas le gouvernement qui doit faire quelque chose? Puis, il me semble, c'est une question que tous les
partis devraient se mettre ensemble.
Ce n'est pas contre la musique anglophone, je
vous ai dit : Le fait qu'une chanson sur cinq soit anglophone, ça va permettre de
faire sortir les meilleures chansons anglophones, puis ça fait partie de notre
culture. Mais nous autres, on est 80 %, 80 % francophones.
Pourquoi on n'aurait pas 80 % de chansons francophones? Pourquoi les
anglophones de Montréal, ils ne font jamais entendre aucune chanson francophone
dans leurs postes de radio anglophones?
J'aimerais ça comprendre. J'aimerais ça qu'il
y ait de l'action, que quelqu'un fasse quelque chose. Tu sais, ce n'est pas toujours à nous autres, là, à nous battre
toujours : Bien, pourquoi vous ne mettez pas... Il y en a qui m'ont dit,
là... J'ai dit : Pourquoi vous ne
mettez pas de la musique française? Ils m'ont dit : Si tu n'es pas
content, va-t'en ailleurs. Aïe, je suis au Québec, moi, là. La majorité
de leur clientèle est francophone.
Bon,
je pourrais continuer longtemps, je ne veux pas...
La
Présidente (Mme Vien) : Merci
beaucoup. Mme la députée de Montarville, c'est votre tour, maintenant.
Mme Roy (Montarville) : Oui, merci beaucoup, Mme la
Présidente. Écoutez, je serai brève, puisque vous avez été très clair, c'est très précis, et on comprend très bien votre
amour de la langue française, de la chanson française et québécoise, québécoise par-dessus tout, je
présume. J'aime bien votre idée de forcer, entre guillemets, si je peux dire,
casinos et institutions du gouvernement à faire en sorte qu'on y entende la
langue française. Alors, je tenais à vous remercier pour votre mémoire. C'est
clair, net et précis. Merci, monsieur.
M. Campbell (Charles) : Juste finir en disant que, les
325 millions pour mettre un beau casino, la moitié, c'est du gaspillage. J'étais là avant, moi. Ils pourraient
bien mettre 5 millions par année et même 10 millions.
La Présidente (Mme Vien) : Merci beaucoup. Merci beaucoup,
M. Campbell, pour votre contribution et d'être
venu nous voir aujourd'hui.
Alors,
je suspends les travaux quelques instants. Merci.
(Suspension
de la séance à 16 h 16)
(Reprise
à 16 h 18)
La Présidente (Mme Vien) : Ça nous fait plaisir maintenant d'accueillir
Mme Chantal Fortin. Vous êtes ici à titre individuel, Mme Fortin, alors c'est toujours
le même scénario : 10 minutes pour la présentation de vos
réflexions, et par la suite suivront des discussions entre vous et les ailes
parlementaires. Alors, la parole est à vous, chère madame.
Mme Chantal Fortin
Mme Fortin (Chantal) : Merci. Bonjour à tous et merci de me
recevoir. Donc, mes démarches pour le mémoire
étaient pour présenter une problématique, des conséquences en lien avec la
Charte de la langue française. Donc, les conséquences
touchaient beaucoup les personnes ayant des déficiences et donc qui devaient
démontrer leur qualité et la maîtrise de la
langue française par le biais d'aide technologique d'accessibilité ou par le
biais d'aide humaine. Maintenant, ces
moyens-là sont vus souvent comme des privilèges ou considérés comme
inéquitables lorsqu'on passe des épreuves
ou des tests pour mesurer la qualité de la langue française. Et c'est à tous
les niveaux qu'il y a des préjugés en
lien avec ces moyens-là, et les personnes qui prennent les décisions ou qui ont
ces préjugés-là reviennent toujours à la charte de la loi... de la
langue française — je m'excuse, je suis
un petit peu nerveuse.
•
(16 h 20) •
Donc, la langue française est pour moi une
langue que j'adore. Depuis cinq ans, j'ai pu démontrer mes acquis, avoir la possibilité de faire des études postsecondaires
par le biais de mes moyens. Maintenant, je me suis confrontée à des préjugés et
à des commentaires, et, maintenant que mon bac est terminé, j'ai à faire face
aux mêmes conditions pour le marché du travail, malgré des compétences égales à
d'autres personnes qui n'ont pas à utiliser des moyens d'aide technologique ou
aide humaine pour démontrer… ou écrire ou s'exprimer en français. Et cette
réalité-là n'est pas juste la mienne, mais la réalité de toutes les personnes
ayant une déficience soit physique ou neurologique. Donc, ma démarche est pour
la collectivité et non juste pour moi personnellement.
Je pense que j'ai fait le tour,
je pense que je préférerais que vous me posiez des questions. Comme ça, je pourrais plus... J'ai ressorti beaucoup de points, autant
au niveau des secteurs, des établissements scolaires, des ordres professionnels autant que sur le marché de l'emploi,
et les mêmes problématiques ressortent toujours, toujours en lien avec
les sanctions ou qu'on doit respecter l'article 35 de la Charte de la langue.
Donc, je demande un amendement qui permettrait
de considérer qu'on peut démontrer une qualité de la langue française, à partir
du moment qu'on a une déficience reconnue. Ça fait que je vous laisse me
poser des questions.
La Présidente (Mme Vien) : Mme Fortin, il est tout à fait
normal d'être nerveuse ici après-midi. Ça, là,
soyez rassurée là-dessus, là. C'est très
impressionnant. Nous sommes encore très impressionnés, nous, parlementaires, à
chaque jour que nous entrons dans cette enceinte, dans cette maison du peuple,
alors soyez rassurée là-dessus. Nous, on le montre un peu moins, c'est tout.
Et c'est tout à votre loisir de demander
effectivement que ce soient des échanges, tout simplement. Alors, pour vous, ce sera plus
facilitant, puis ça permettra aussi une dynamique bien différente. Alors, bien,
on va entreprendre la période d'échange avec Mme la ministre tout de
suite.
Mme De Courcy : Bien, Mme Fortin, bis avec ce
que la présidente, notre présidente, vient de dire. Et vraiment je trouve très courageux le geste que vous avez
posé.
Et, en plus de ça, en plus de ça, j'ai
observé… J'ai lu votre mémoire et la qualité de votre mémoire, la recherche documentaire que vous avez faite. Je vous avoue,
vous n'avez absolument pas à être gênée de quoi que ce soit. Vous devez être fière du travail que vous avez produit
pour une collectivité qui n'a pas de voix, qui n'a pas de voix. Et votre
voix va beaucoup compter à mes yeux, je vous le dis. On a eu des témoignages,
au cours de la semaine, je pense, ou la semaine dernière, autour des personnes
sourdes et muettes, qui ont profité…
Une
voix : ...
Mme De Courcy : ... — exactement — qui
ont profité de l'occasion, de Mme Soave aussi et de son organisation, et là
vous, aujourd'hui. C'est dire que la langue en embrasse large et réveille aussi
des choses qui sont difficiles dans son épanouissement collectif et
aussi dans l'épanouissement des personnes, des personnes.
Alors, en fait, j'ai peu de questions pour
vous, parce que votre mémoire est très bien étoffé. Maintenant, il... Et vous avez eu raison
de ne pas aller dans les articles particuliers de la charte, parce que votre
propos est relié beaucoup plus à l'épanouissement
de la langue et à l'épanouissement personnel. Cependant, comme notre
gouvernement et, je suis certaine,
les membres de l'Assemblée nationale souhaitent que les personnes puissent s'épanouir
et puissent progresser, très
clairement le projet de loi n° 14 n'est pas suffisant en soi pour les
éléments que vous mettez de l'avant. Au contraire, il faut que d'autres ministères soient sensibilisés à
cet égard. Les ordres professionnels vont sûrement être interpellés et, sûrement, accueilleront favorablement ce que vous
mettez de l'avant. J'ai eu l'occasion de pouvoir les rencontrer puis j'ai
pu voir leur grande sensibilité à l'accessibilité
de toutes les manières possibles, qu'elles soient financières ou qu'elles
soient de l'ordre de la passation des examens, etc.
Alors, ce que je m'engage à faire auprès de
vous, parce que je trouve ça important de le faire, c'est faire comme je vais le faire pour le précédent mémoire. Vous m'avez entendue. Je
compte faire parvenir à mes collègues ministres concernés par les objets que
vous avez mis de l'avant la copie de votre mémoire pour qu'on puisse
éventuellement avancer sur des mesures qui pourraient être aidantes,
évidemment, j'aurai toujours la réserve de vous dire, dans les limites des possibilités de l'administration
publique et du gouvernement, mais je vais le faire et avec grand plaisir. Et
je m'engage aussi à vous faire un suivi
autour de cette affaire. Et, si vous le permettez, on le transmettra aussi à l'Office
des personnes handicapées du Québec, qui
vont voir qu'il y a une voix que vous avez choisie pour les gens qui présentent
des défis particuliers et qui... Ils
ignoraient que vous existiez, j'en suis certaine, et que vous étiez pour être
présente à cette commission. Alors, merci beaucoup, Mme Fortin, de votre
mémoire.
Mme Fortin (Chantal) : Si vous le permettez, Mme la
ministre, j'ai amené d'autres documents qui
pourraient être pertinents pour compléter le dossier. Ça me fera plaisir de
vous les remettre.
Mme
De Courcy : …Mme la Présidente.
La
Présidente (Mme Vien) : Oui, il y
aura un dépôt officiel, Mme Fortin, sans aucun problème.
Mme
Fortin (Chantal) : Parfait.
La
Présidente (Mme Vien) : M. le député
de Saint-Hyacinthe, pour votre question.
M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Merci, Mme la Présidente. Mme Fortin,
je vous félicite, je vous félicite. Vous n'avez pas à être nerveuse, je suis aussi nerveux
que vous et puis... Mais j'ai trouvé votre témoignage très touchant, et
surtout votre volonté, la volonté que vous avez mise à poursuivre vos études et
à atteindre les niveaux qu'on pense des fois impossibles à atteindre, mais,
grâce à votre volonté, vous l'avez fait, puis je pense que c'est important de
le dire aussi pour qu'on puisse l'entendre, nous.
Et, comme de raison,
vous parlez beaucoup de... vous parlez, dans votre mémoire, de modifier la
Charte de la langue afin de reconnaître l'utilisation d'aides techniques. Les
aides techniques, moi, je suis peut-être ignorant un peu,
mais j'aimerais ça que vous élaboriez davantage sur ces façons-là. Surtout au
travail — vous êtes rendue au domaine du travail — c'est quoi qui pourrait vous permettre d'atteindre...
vous permettre d'évoluer normalement dans un milieu de travail où les gens reconnaissent que
vous êtes comme tout le monde, vous êtes une personne qui est différente
mais comme tout le monde, qu'on le reconnaisse, là. Et puis qu'est-ce qu'on
peut faire, nous, davantage?
Mme
Fortin (Chantal) :
J'utilise beaucoup les aides technologiques pour pallier surtout à l'écriture,
donc elles m'aident
à la composition, à la grammaire et à la formulation de phrase. Donc, j'utilise
plusieurs logiciels : certains pour la grammaire, d'autres pour la structure, d'autres pour l'organisation et
la planification. Chaque personne ayant une déficience qui touche le langage a des moyens qui lui sont…
qui sont personnalisés. Et à la toute fin, comme présentement pour mon travail, comme pour Mme Audrey Lessard, je dois
avoir de l'aide humaine. Ça veut dire que, quand je dois remettre un rapport professionnel, j'ai une rédactrice qui
jette un dernier coup d'oeil avant de remettre un document officiel,
parce qu'en tant que professionnelle j'ai un
devoir et une éthique aussi, pour moi, qui est importante, donc je ne remets
pas un document si ça n'a pas été passé, là, par ma rédactrice, dans un
souci, là, professionnel.
M.
Pelletier (Saint-Hyacinthe) : O.K. Puis, dans le domaine que vous voulez vous
orienter, où vous travaillez, est-ce qu'il y a des organismes qui existent qui
peuvent vous aider, des organismes… Comme on parlait de l'OPHQ tantôt.
Oui, c'est un outil, c'est des gens qui sont là pour aider les personnes, mais
réintégrer le marché du travail, tout ça…
Mme
Fortin (Chantal) :
Au fond, qu'est-ce qui serait le plus aidant, c'est... On s'arrête souvent
seulement aux incompétences et on ne voit pas les compétences. Donc, de promouvoir la
qualité d'une personne ayant une déficience, ce serait le meilleur levier. Et c'est pourquoi j'ai adressé le mémoire et
une demande pour amender l'article, faire des ajouts, si vous voulez, à la Charte de langue, parce que j'ai
des compétences et des capacités qui ne sont, malheureusement,souvent pas vues, parce qu'on s'arrête simplement
à mon incapacité d'être capable de faire de la rédaction sans moyen.
M. Pelletier
(Saint-Hyacinthe) : O.K. Merci.
• (16 h 30) •
La Présidente (Mme
Vien) : M. le député de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
M. Breton : Bonjour. Spontanément, je vais vous dire en partant, là,
de tous les groupes — et il y en a de toutes sortes qui sont venus ici, là — vous êtes mon coup de cœur, parce que vous avez raison,
hein, ce n'est pas évident de venir ici pour
témoigner. Ça peut être énervant, je pense qu'on peut tous en témoigner. Et
puis moi, j'ai une personne qui est très,
très proche de moi qui est dyslexique, c'est vrai, et j'ai des amis qui sont
dyslexiques moins sévères, puis j'ai d'autres amis qui sont
dysphasiques, donc c'est une réalité avec laquelle je suis assez familier. Je
pense que votre contribution au débat était incontournable. Donc, je veux vous
remercier d'être ici. Et les questions que mon collègue député de Saint-Hyacinthe
et, je suis certain, les questions et commentaires qui vont venir de l'opposition
officielle et de la deuxième opposition vont pouvoir contribuer à enrichir le
débat qu'on a présentement sur le projet de loi n° 14.
Votre
parcours a été semé d'embûches. Comme on dit, à vaincre sans péril on triomphe
sans gloire. Donc, moi, je vais vous dire : Par rapport à l'enseignement
du français au secondaire, au cégep, à l'université, est-ce que vous
auriez des pistes de solution dont vous aimeriez nous parler?
Mme Fortin
(Chantal) : Oui, mais je n'aurais pas
assez de temps.
M. Breton : Je n'en doute pas.
Mme
Fortin (Chantal) :
Mais oui, effectivement, et surtout, pour développer l'autonomie des personnes ayant des déficiences,
baisser les coûts. C'est énorme, les coûts. Il y a des moyens qu'on peut donner
aux gens pour développer l'autonomie qui coûteraient beaucoup moins cher
à la collectivité, et j'ai justement des petites notes que j'ai remises à Mme la ministre qui... justement où j'en tiens compte.
J'ai déjà aussi essayé de contacter la ministre de l'Éducation afin de
lui faire part de la problématique et des solutions de problème qu'on pourrait
apporter qui seraient gagnantes pour tout le monde. Et c'est une clientèle
émergente, on est dépassés. Et on peut mettre des belles choses en place,
effectivement, à moindres coûts.
La Présidente (Mme
Vien) : Oui, M. le député.
M. Breton : J'aimerais ça pouvoir aussi avoir accès à ces
documents-là, si ça ne vous dérange pas.
Mme Fortin (Chantal) : Il n'y a pas de problème, madame
pourra... J'ai tout… J'ai mis des notes sur certaines pages, là.
M. Breton : Parfait. Merci beaucoup.
Mme Fortin
(Chantal) : Ça m'a touchée beaucoup,
votre... qu'est-ce que vous venez de dire.
La Présidente (Mme
Vien) : Du côté ministériel, il reste
deux minutes. Oui, M. le député de Bonaventure.
M. Roy : Bien, juste un commentaire pour vous
féliciter pour votre démarche, madame. Comme Daniel l'a dit, c'est très
émouvant de voir que les gens viennent présenter des mémoires aussi, je dirais,
sensibles, et on l'entend bien puis on vous supporte. Merci beaucoup.
La
Présidente (Mme Vien) : Merci beaucoup, M. le député. Mme Fortin, on est en train de prendre connaissance du... Puis je prends du temps qui reste sur
votre temps. Il est volumineux, le document que vous nous avez remis, très
documenté, plusieurs notes personnelles, etc.
Mme Fortin
(Chantal) : Oui, j'ai annoté, parce
que...
La
Présidente (Mme Vien) : Oui, puis c'est bien parfait. Ça a un petit niveau de difficulté pour
nous, là, au niveau de la reproduction. Avec
votre permission, on prendrait peut-être quelques jours pour...
Mme Fortin
(Chantal) : C'est pour vous, c'est
pour vous.
La
Présidente (Mme Vien) : …on ne peut pas faire ça, là, dès aujourd'hui. Alors, je connais les
collègues, je sais que ça va être accepté,
mais je tenais à le dire.
Alors, on va passer la
parole du côté de l'opposition officielle avec le député de LaFontaine.
Mme Fortin
(Chantal) : Est-ce que je peux juste
rajouter quelque chose?
La Présidente (Mme
Vien) : Bien sûr.
Mme
Fortin (Chantal) :
Le document, c'est pour vous le laisser, hein, je ne veux pas le ravoir, donc
vous pouvez prendre le temps que vous voulez.
La Présidente (Mme
Vien) : Parfait. On en prend bonne
note, à ce moment-là, merci.
M. Tanguay : Oui, merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci beaucoup,
Mme Fortin, pour votre mémoire, qui, soit
dit en passant… On a eu l'occasion de lire plusieurs mémoires, et il y en a d'autres
qui vont se présenter, mais, en toute
objectivité, votre mémoire est extrêmement bien écrit, avec les références, les
sources, et je tiens à vous lever mon chapeau,
parce que c'est un travail remarquable, et je le dis en toute objectivité, par
rapport au travail des autres mémoires que nous avons eus, qui étaient
de belle qualité également, mais le vôtre se distingue, et je le dis très
objectivement, alors bravo, et pour le temps que vous avez consacré à sa
rédaction.
Et,
moi, il y a un passage, si vous me permettez, que j'aimerais citer. À la page
3, vous nous dites : «…mon parcours scolaire aurait dû être en lien avec mes champs d'intérêt
et mes habiletés, mais il en fut tout autrement. Malgré toute ma bonne volonté, l'énergie dont je pouvais disposer,
mes résultats scolaires ont graduellement été de plus en plus en chute libre et n'étaient pas représentatifs de mes
acquis, de mes connaissances, et cela me frustrait; malgré tout, j'adorais
l'école. J'excellais dans les domaines où je
n'avais pas à écrire. J'ai terminé mon secondaire V, de peine et de misère, en
développant toutes sortes de stratégies.» Fin de citation.
Et
il y a un élément, je crois, qu'on constate tous : l'importance de s'outiller
et de favoriser l'acquisition d'outils ou,
pour le ministère de l'Éducation et les établissements d'enseignement, de
fournir ces outils-là, l'importance au niveau primaire et secondaire et l'impact
que ça a quant à la poursuite des études, et ça, j'aimerais vous entendre
là-dessus, sur cet aspect-là, s'il vous plaît.
Mme
Fortin (Chantal) :
J'irais encore même plus loin : Plus on les utilise, mieux on maîtrise
notre langue et la façon de s'exprimer dans cette langue-là. Et c'est un atout. On prend
plaisir aussi, parce que ce n'est plus... on n'est plus en surcharge
cognitive à ce moment-là, donc c'est plus facilitant. Donc, c'est plus facile d'aimer
une langue puis d'aimer à l'écrire puis à l'utiliser.
Ça
fait qu'effectivement, quand j'ai commencé mes études, à l'époque on ne
connaissait pas vraiment la déficience. Qu'on
parle de dyslexie, dysorthographie, TDAH, troubles du langage, c'était peu
connu, la technologie n'était pas développée non plus. Donc, malgré tout mon
bon vouloir, même si on aurait voulu m'aider, ma déficience sévère à moyennement sévère, je n'aurais pas pu poursuivre
des études à moins d'accommodements, vraiment, qui auraient été, je
pense, à ce moment-là, déraisonnables. Aujourd'hui, c'est raisonnable.
Est-ce que vous pouvez
me redire votre question, s'il vous plaît?
M.
Tanguay : L'importance
donc encore aujourd'hui de développer, je pense, de diagnostiquer et de développer des outils pour venir assister des élèves au
primaire et au secondaire qui ont des besoins particuliers, et également l'aspect
déterminant d'agir tôt quant à la poursuite des études supérieures.
• (16 h 40) •
Mme
Fortin (Chantal) : L'intervention
précoce et le repérage précoce est très important. Les outils pour le repérage, c'est de plus en plus... ils sont de
plus en plus sensibles, la connaissance de ces déficiences-là est de plus en
plus connue. Par contre, le bémol, c'est qu'une personne ayant une intelligence
moyenne à supérieure pallie souvent et vient comme biaiser souvent,
malheureusement, la déficience parce qu'elle compense par des stratégies, et
donc c'est sur le
tard, souvent, qu'on repère ces personnes-là. Des fois, c'est plus tôt, mais
des fois c'est plus tard, et malheureusement, à partir de 12 ans,
si c'est une déficience développementale, on n'a pas accès aux réadaptations,
ça fait qu'on ne cadre dans aucun programme.
C'est ce qui m'est arrivé, donc j'ai dû aller
au privé et faire des demandes. Et je ne pouvais pas avoir accès à la réadaptation,
seulement au privé, donc... Et, oui, effectivement, plus tôt on utilise notre
matériel… Ça devient une seconde peau, hein, c'est
un prolongement qui nous permet de participer à toutes les activités de la vie
quotidienne. Ça vient aussi renforcir notre identité, notre estime de
soi, parce qu'on est capables de répondre aux exigences. Maintenant, c'est sûr qu'il y a beaucoup de chemin encore à faire pour
les préjugés en lien avec les déficiences invisibles, si je pourrais
dire, parce qu'on ne les voit pas. J'espère que j'ai répondu...
M. Tanguay : Merci beaucoup. Merci beaucoup, Mme
Fortin, votre témoignage est très éloquent. Et, vous le savez, on le sait, votre intervention aujourd'hui était
importante. On vous en félicite, merci beaucoup.
La
Présidente (Mme Vien) : Mme la
députée de Montarville, votre tour est venu.
Mme
Roy (Montarville) : J'ai combien de
temps?
La
Présidente (Mme Vien) : Trois
minutes.
Mme Roy (Montarville) : Merci beaucoup. Écoutez, je vais être brève parce que je veux vous entendre. Vous avez fait preuve d'une
détermination incroyable dans votre parcours, surtout à l'époque où vous étiez
petite, à l'école. On n'était pas
sensibilisé à ces troubles-là, aux troubles du langage, entre autres.
Maintenant, les noms, on les connaît, on le sait.
Alors, moi, je veux vous entendre. Je veux
que vous me disiez… Là, vous m'impressionnez énormément, là, mais que dites-vous aux enfants du Québec aujourd'hui qui
sont tout petits, au primaire, et qui ont le même trouble que vous avez? Vous
leur souhaitez quoi et vous leur dites quoi, à ces jeunes?
Mme Fortin (Chantal) : Ah, mon Dieu, de croire, de croire.
Tout est possible aujourd'hui avec la
technologie. Il faut travailler plus fort
toujours, et, même quand on a nos aides techniques, ça demande un effort
toujours supplémentaire, mais ça devient de plus en plus facile. Plus on
utilise nos moyens, plus on acquiert des compétences avec ces aides techniques
là. Il faut viser nos forces, aller avec ce qu'on aime et puis arrêter de juste
voir les incapacités mais voir les forces.
Mme
Roy (Montarville) : …comme vous
disiez, c'est un mal invisible.
Mme Fortin (Chantal) : Oui. À tous les jours, on est
confrontés, hein? La langue, c'est le moyen de communication avec notre environnement, donc à tous les jours je suis
confrontée à ma déficience, mais, si je m'arrête à ça, je n'irai pas plus loin, donc… Et j'ai un plaisir fou à lire
des livres, la littérature, à aller voir des pièces de théâtre, à jouer au
scrabble, comme je disais. Donc, j'aime les mots, j'aime la langue, et je pense
que c'est cet amour-là qui a fait en sorte que j'ai affronté toutes les
embûches.
Mme
Roy (Montarville) : Je vous remercie
infiniment pour votre témoignage, c'est inspirant.
Mme
Fortin (Chantal) : Merci.
Une
voix : ...
La Présidente (Mme Vien) : Bien sûr. Bienvenue, madame. C'est
moi la chanceuse qui vous dis au revoir, chère
madame. Bonne chance et bonne continuité.
Continuez à avoir de l'espoir et à transmettre aussi cet espoir aux plus
jeunes et aussi aux gens parmi nous qui ne
connaissons peut-être pas si bien ces situations-là. Et de rencontrer des gens
comme vous, bien, ma foi, ça nous sensibilise, puis on est portés à porter plus
attention, justement. Merci à vous, chère madame.
J'invite
les gens de la commission scolaire Central Québec à prendre place maintenant.
(Suspension
de la séance à 16 h 44)
(Reprise
à 16 h 46)
La Présidente (Mme Vien) : Bien. Alors, nous reprenons nos
travaux maintenant sur le projet de loi n° 14, donc ses consultations. Nous recevons maintenant des
représentants de la commission scolaire Central Québec, alors il s'agit de Stephen Burke, Jean Robert et Mme
Marielle Stewart. C'est bien ça? Alors, vous aurez un 10 minutes pour
nous présenter l'état des lieux de vos réflexions, après quoi il y aura des
échanges avec les parlementaires.
Tout
de suite, vous allez me permettre de faire une petite annonce pour vous dire
que les parlementaires qui sont devant vous
devront aller au salon bleu, de l'autre côté, on ne sait pas quand mais
bientôt. Il y aura nécessairement… possiblement
des cloches qui sonneront, comme à la petite école, pour nous appeler pour un
vote. Alors, à ce moment-là, ne prenez pas ombrage de ça, nous devrons
tout simplement suspendre quelques minutes pour aller voter.
Alors, sans plus tarder, j'invite le
porte-parole, monsieur, à vous présenter et à nous présenter donc votre
mémoire.
Commission
scolaire Central Québec
M. Burke (Stephen) : Alors, je suis Stephen Burke,
président de la commission scolaire Central Québec. À ma droite, il y a M. Jean Robert, vice-président de la
commission scolaire Central Québec et directeur du campus, cégep Champlain,
St. Lawrence, et Mme Marielle Stewart, directrice générale de la
commission scolaire Central Québec.
La commission scolaire Central Québec est une
des neuf commissions scolaires anglophones du Québec. Elle dessert un vaste
territoire s'étendant sur environ 30 % du Québec. Les écoles de la commission
scolaire Central Québec se retrouvent
donc à Chibougamau, au Saguenay, à Shawinigan, à Trois-Rivières, à
La Tuque, à Thetford Mines et à Québec. La commission scolaire
Central Québec dispense des services éducatifs de niveau primaire et secondaire
à tout près de 4 300 élèves. Elle
a aussi un centre de formation professionnelle, le Centre de formation Eastern
Québec, lequel dispense des services éducatifs à environ
500 élus... pardon, 500 élèves adultes.
Malgré un territoire aussi immense, la commission
scolaire Central Québec demeure, du moins au chapitre de ses clientèles, une
commission scolaire de petite taille. Il est d'autant plus important pour elle
de conserver l'ensemble de cette précieuse clientèle.
Malgré tout, la commission scolaire Central
Québec réussit à atteindre des sommets d'excellence très enviables. Aux examens
du ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport de juin 2011, les élèves de
la commission scolaire Central Québec
ont obtenu le meilleur taux de réussite parmi les commissions scolaires
anglophones et ont terminé au deuxième rang parmi l'ensemble des
commissions scolaires du Québec, soit deuxièmes sur 69 commissions scolaires,
incluant les 60 commissions scolaires francophones. Il s'agit des épreuves
suivantes : English Language Arts, français, langue seconde et français, langue d'enseignement. L'excellente
réussite de nos étudiants à l'examen français, langue d'enseignementpointe au sérieux que notre commission scolaire
accorde à l'enseignement de qualité de la langue française. Ces
résultats sont le fruit d'efforts concertés de la part du conseil des
commissaires, de la direction générale, des administrateurs et gestionnaires,
des directeurs d'école, de tous les employés de tous les niveaux et, bien
entendu, de nos excellents enseignants, qui
n'hésitent pas à aller au-delà de leur devoir pour assurer à leurs élèves les
meilleures chances de succès. De plus, il ne faut pas négliger l'implication
des parents et le travail assidu des élèves.
Par conséquent, la commission scolaire
Central Québec est une commission scolaire dont nous sommes tous fiers. Nos gradués possèdent une excellente connaissance
des langues anglaise et française et peuvent donc, selon leurs choix de vie et
de carrière, entreprendre une vie active tant au Québec qu'ailleurs au Canada,
voire dans le monde.
Avant
la publication du projet de loi n° 14, la commission scolaire Central
Québec n'avait aucune raison de craindre l'avenir,
du moins pas plus que toute autre commission scolaire au Québec. Bien sûr, les
annonces de coupures budgétaires
additionnelles importantes demeurent préoccupantes et sont l'objet d'inquiétudes,
mais nous n'osons croire qu'elles
puissent être comparables aux effets désastreux du projet de
loi n° 14 sur l'ensemble de notre commission scolaire.
•
(16 h 50) •
M. Robert (Jean) : Bonjour. Jean Robert. D'entrée de
jeu, nous disons haut et fort notre profond
attachement à la langue commune de tous les
Québécois et Québécoises, le français. D'ailleurs, l'un des objectifs
prioritaires, pour la commission
scolaire Central Québec, est de s'assurer que les élèves maîtrisent à la fois l'anglais
et le français. Nous ne sommes donc pas contre l'esprit dudit projet de
loi.
Bien
que les notes explicatives du projet ne font aucunement état d'une modification
aussi importante, c'est en prenant connaissance du libellé des
articles 79, 80, 81, 88 et 89 du projet de loi n° 14 que nous avons
pu constater, et ce, avec étonnement, que
notre commission scolaire y était attaquée de plein fouet et sans retenue. En
effet, les articles susmentionnés mettent un terme, d'ici au plus trois
ans, à l'exemption de l'application de l'article 72 de la Charte de la
langue française accordée depuis plus de 30 ans aux enfants de membres des
Forces armées canadiennes assignés temporairement
au Québec. Il s'agit, pour la commission scolaire Central Québec, d'une perte,
au cours des trois prochaines années,
de près de 700 élèves, lesquels élèves se retrouvent soit dans le
territoire métropolitain de Québec soit au Saguenay.
Nous rappelons aux membres de la commission
que le territoire desservi par la commission scolaire Central Québec comprend les
bases militaires de Valcartier et de Bagotville. Nous nous permettons aussi de
vous souligner que la nature même d'une
carrière militaire exige que ces hommes et ces femmes soient en tout temps
disposés à une affectation ou à une mobilisation
ailleurs au Canada ou hors pays. Il s'ensuit que, comme parents responsables,
ces pères et mères souhaitent minimiser
les effets perturbateurs d'un possible transfert hors du Québec en veillant à
ce que leurs enfants puissent être le moins déstabilisés par de tels
déménagements. C'est ainsi que la connaissance des langues anglaise et
française est recherchée. Par conséquent,
plusieurs de ces parents optent pour une école de la commission scolaire
Central Québec, en sachant que leurs enfants auront droit à un
enseignement de qualité dans les deux langues officielles du Canada.
Mme
Stewart (Marielle) : Bonjour.
Marielle Stewart. Nous avons indiqué précédemment que le projet de loi
n° 14, s'il était adopté sans modification, aurait pour effet de retirer
de nos écoles près de 700 élèves au cours des trois prochaines années, et ce,
sans aucune possibilité de récupération. Le tableau annexé au mémoire donne une
répartition de ces élèves selon les écoles affectées par cette perte de
clientèle. En moyenne, il s'agit d'une perte de 16 % de l'ensemble de notre clientèle primaire et secondaire.
Toutefois, dans les écoles les plus près des bases militaires, l'effet
est tout simplement désastreux. De fait, seulement trois de nos institutions
scolaires ne seront pas touchées directement par la perte de clientèle qu'engendrerait
l'adoption intégrale et sans modification du projet de loi n° 14.
Notre
clientèle scolaire, qu'elle soit militaire ou autres, est relativement mobile.
Au-delà des délimitations territoriales identifiant les bassins de clientèle
propres à chacune de nos écoles, les élèves et leurs parents fondent leur choix d'école
également sur un programme pédagogique particulier et non seulement sur la
proximité de l'institution. Cette
perte de clientèle obligerait la commission scolaire Central Québec de procéder
à une reconfiguration complète de son
réseau, à des mises à pied d'enseignants, de conseillers pédagogiques et d'autres
corps d'emploi. Il s'ensuit qu'une perte de près de 20 % de nos élèves ne pourrait pas être absorbée sans la
fermeture de certaines de nos écoles. De plus, comment mesurer la
réaction en chaîne qu'une telle perte de clientèle déclenchera inévitablement
parmi les autres parents qui nous confient présentement leurs enfants? Il nous
semble évident que nous ne pourrons offrir la même qualité de services
éducatifs après une perte aussi importante. Il s'ensuivra assurément une autre perte
d'élèves, dont nous ne pouvons évaluer l'ampleur.
Nos
parents sont exigeants et ils ont raison de l'être. L'amputation de 16 %
de notre clientèle nous rendrait incapables
de maintenir le niveau actuel d'excellence de nos services. Nous ne pourrions plus
aussi bien répondre aux besoins de nos élèves et nous en subirions les
conséquences très rapidement.
Toutes nos écoles de la commission scolaire
Central Québec sont des écoles régionales. Ces écoles sont souvent les seules institutions de langue anglaise en
région et ainsi servent la communauté de manière encore plus large que le
service essentiel qu'est la formation de nos enseignants.
Le présent gouvernement du Québec, tout comme
ceux qui l'ont précédé, n'hésite pas à affirmer son intention ferme de maintenir une
haute qualité de services, tant au plan de la santé que de l'éducation, en
région comme en milieu plus urbain. L'adoption
du projet de loi n° 14 fera fi de cette intention en engendrant une
diminution directe de l'offre de services éducatifs dans quatre de nos écoles et, indirectement, en obligeant la
commission scolaire Central Québec de procéder à la diminution de l'accès
à des ressources spécialisées dans l'ensemble de nos écoles.
M. Burke (Stephen) : Avant de conclure, nous tenons à souligner
l'appui indéfectible reçu de l'Association des
commissions scolaires anglophones du Québec dans notre analyse du projet de
loi n° 14. Il va sans dire que nous sommes d'accord avec le contenu
du mémoire que l'ACSAQ vous déposera sous peu, lequel couvre plusieurs autres
éléments du projet qui inquiètent les communautés anglophones que nous
desservons.
Avant d'arriver à cette conclusion,
permettez-moi de corriger un malentendu qui semble bien faire l'affaire de ceux et celles qui sont contre nous dans ce débat. Jamais
n'a-t-il été question pour nous, de la commission scolaire Central Québec, de recommander ou d'inciter les
militaires, lorsqu'ils quittent le Québec, de choisir l'école anglaise au
détriment de l'école française dans leur
nouvelle province d'accueil. Ce pour quoi nous nous battons, c'est tout
simplement de préserver le droit qu'ont présentement les militaires
francophones de choisir nos écoles pendant leur séjour ici, au Québec. C'est ainsi que leur enfant, lors d'un transfert qui viendra
inévitablement, pourra facilement s'adapter à son nouvel environnement,
lequel sera fort probablement anglophone. Et, bien que certains défenseurs de
la langue puissent tout faire pour vous faire
croire le contraire, plusieurs de ces parents militaires choisiront alors le
français comme langue d'enseignement pour leur enfant, sachant que l'enfant
possède déjà les outils pour s'intégrer au voisinage avec sa connaissance de la
langue anglaise, apprise chez nous. Il est à
la fois faux et insultant d'entendre certains bien-pensants nous accuser de
vouloir faire tort aux francophones hors Québec. Il est navrant pour
nous d'entendre de tels propos alors que nous avons tous un si grand respect
pour la langue française.
Nous espérons avoir pu convaincre les membres
de la commission de l'importance pour nos militaires canadiens de se sentir bien au Québec. Nous tenons à
souligner, et ce...
La
Présidente (Mme Vien) : On est…
M.
Burke (Stephen) : ... — j'en ai pour 30 secondes — et ce, avec beaucoup d'emphase aux membres de la commission qu'ailleurs au Canada les membres des
Forces armées canadiennes jouissent d'un libre accès en ce qui a trait à la langue d'enseignement. Nous espérons que
notre propos a pu vous faire comprendre que le projet de loi n° 14 ne
doit pas mettre un terme à une exemption de
la Charte de la langue française mise de l'avant par deux des hommes
politiques québécois qui ont le plus marqué
le Québec : feu le père de la loi 101, le Dr Camille Laurin, et feu
le premier ministre René Lévesque, dont nous saluons ici la mémoire avec
le plus grand respect.
La
Présidente (Mme Vien) : Merci,
monsieur. Merci, merci. Merci beaucoup.
M.
Burke (Stephen) : Et me
permettez-vous juste 15 secondes, s'il vous plaît?
La
Présidente (Mme Vien) : Oui,
monsieur.
M. Burke (Stephen) : En terminant, si j'avais à ne vous
laisser qu'avec une seule pensée, elle serait la
suivante : Pouvons-nous laisser de côté
nos idéologies politiques et penser tout simplement au bien-être d'un enfant
qui quitte le Québec pour une autre
province ou un autre pays avec père et mère militaires, lequel parent peut par
la suite être envoyé en mission à l'extérieur pour plusieurs mois? Déjà,
l'adaptation de l'enfant ne sera pas nécessairement facile…
La
Présidente (Mme Vien) : Merci, c'est
terminé. Merci beaucoup, j'apprécie.
M. Burke (Stephen) : …toutefois la connaissance de la
langue anglaise permettra à l'enfant de s'acclimater plus facilement. Je vous laisse avec ceci. Pour nous, à…
La Présidente (Mme Vien) : Merci. C'est une question d'équité et
de partage de temps entre les parlementaires,
M. Burke. Vous êtes très aimable de collaborer.
Alors,
maintenant, nous en sommes à la période d'échange entre vous trois et les
parlementaires. On va débuter tout de suite
avec Mme la ministre.
Mme De
Courcy : Alors, il est possible, M.
le président, que nous soyons interrompus, vous le savez, là, Mme la
Présidente...
M. Burke
(Stephen) : ...
Mme De
Courcy : Qu'est-ce que vous voulez
dire?
M.
Burke (Stephen) :
Non, non, bien je voulais badiner, là, je sais que, madame, le temps est
limité. Je m'excuse.
Mme De
Courcy : Ah oui? Pourtant, on ne
badine pas, là, aujourd'hui, avec un dossier aussi important.
Alors, M. le
président, d'abord, toutes mes félicitations à la commission scolaire pour ses
résultats. Dans mon ancienne vie, qui n'est pas si ancienne, j'ai eu beaucoup d'admiration
pour les commissions scolaires anglophones, qui réussissent si bien sur le plan
de leurs résultats scolaires. Je suis allée en visiter plusieurs, d'ailleurs.
Alors, je vous félicite vraiment, vraiment.
On
a eu l'occasion, M. Burke, de pouvoir discuter ensemble au moment de la
préparation du projet de loi, vous avez eu l'amabilité de pouvoir... de discuter avec
moi. Et, à ce moment-là, vous m'aviez beaucoup ébranlée sur un certain nombre de questions que vous m'aviez posées, et je
vous en avais posé aussi un certain nombre, de questions, et, pour le
bénéfice de l'ensemble des parlementaires et pour que nous puissions être très
transparents dans le débat, je vais demander
à mon collègue, M. Lemieux, de déposer pour diffusion — c'est
parce que je ne suis pas toujours exacte dans les termes, là — un
petit document qui s'appelle Mise au point — Impact du projet de loi n° 14
sur l'exemption accordée aux membres des
Forces canadiennes, parce qu'il s'agit là
des questions que je me suis posées et dont j'ai obtenu un certain nombre de
réponses.
• (17 heures) •
Je
veux vous mentionner aussi que, comme à l'habitude et depuis le début de cette
commission parlementaire, je suis à l'écoute, et que le point de vue que je
transmets aujourd'hui sur des questions que je vous avais posées, ce point
de vue là mérite réflexion de votre part, va mériter réflexion de la part des
parlementaires. Et j'aurai jusqu'à la fin de cette commission parlementaire là comme attitude de toujours accepter d'être
influencée par tous les propos que j'entendrai, je veux qu'on soit très
clairs.
La
mise au point que je donne, donc, va dans le sens de dire : Voici, à ce
stade-ci, des données objectivées que j'ai
obtenues et qui méritent réflexion. Ça va être après le vote qu'on va pouvoir
prendre connaissance de ça, et je vais vous expliquer au fur et à mesure ces
données.
La
Présidente (Mme Vien) : M. Burke, alors, et Mme Stewart également et M. Robert, vous
restez en place. Je m'excuse d'interrompre encore une fois, mais c'est mon devoir, et c'est
notre devoir d'aller voter. On revient tout de suite après.
Je suspends donc les
travaux.
(Suspension de la séance à
17 h 1)
(Reprise à 17 h 26)
La
Présidente (Mme Vien) : Merci, mesdames messieurs, de votre patience. Alors, nous sommes de
retour pour les auditions sur le projet de
loi n° 14. Je vous rappelle que nous entendons cet après-midi la
commission scolaire Central Québec et comme porte-parole nous avons M. Stephen
Burke, Jean Robert et Mme Marielle Stewart.
La
parole était à Mme la ministre au moment où les cloches sonnaient pour le
vote en Chambre. Alors, Mme la ministre, vous
pouvez poursuivre.
Mme
De Courcy :
Certainement. Alors, comme je vous l'indiquais, dans un entretien que nous
avions eu, nous avions évoqué un certain nombre de questions, et je vous avais indiqué
que je n'avais pas les réponses, et, dans certains cas, vous ne les
aviez pas non plus. Alors, c'est un partage très démocratique que je fais de
ces réponses. Et, j'ajoute et j'insiste, il
s'agit ici et maintenant de réponses que j'ai, que je partage, et je me réserve
le droit d'entendre tous les arguments jusqu'à la fin de la commission
parlementaire comme je le fais depuis le début. Et j'espère que nous sommes
tous, autour de la table, dans une posture d'être influencés par ce que nous
entendons de part et d'autre, de part et d'autre.
Alors, au moment où
nous nous sommes rencontrés — et ça m'amène à la question 2 que vous avez sur vos papiers, collègues parlementaires — je
vous demandais : Les enfants de militaires qui fréquentent actuellement l'école anglaise au Québec sont-ils en séjour temporaire?
Comment ça fonctionne, cette notion-là de temporaire? Bon, les observations que je fais ici maintenant me
permettent de conclure que ce n'est pas le cas. En 2010‑2011… Et je ne
parle pas du statut qui est accordé, là, je
ne parle pas de ça. Je parle de la question que je vous avais posée. Sont-ils
en mouvement? Les familles de
militaires sont-elles en mouvement? Et est-ce que les enfants de militaires
sont en mouvement? 714 des 849 enfants de
militaires qui fréquentaient une école d'une commission scolaire anglophone,
soit 84 %, étaient nés au Québec, et la
majorité d'entre eux vont terminer leur parcours scolaire au Québec. Somme
toute, il y a peu de mouvement des enfants de militaires. Ça ne veut pas
dire que les militaires, eux, ne bougent pas, mais, leurs familles et tous
leurs enfants, il y a peu de mouvement.
On
se disait aussi, dans notre échange… Et ça m'avait beaucoup touchée, d'ailleurs,
parce que vous connaissez mon passé. Donc, on se disait : Mais est-ce
que des écoles anglaises seraient menacées de fermeture en raison de
cette nouvelle disposition? Bon, est-ce que la situation demanderait un certain
nombre d'aménagements? Peut-être. Sans doute, même, sans doute. Est-ce que nous
sommes en train de nous dire qu'il y aurait fermeture d'écoles? Non. Le
ministère de l'Éducation, des Loisirs et du Sport permet le maintien d'écoles
en région qui sont bien plus petites que celles
dont il est question dans ce débat-là, et j'ai des collègues ici, qui sont
présents dans le cadre de cette commission parlementaire, qui peuvent
eux-mêmes en témoigner.
J'ai
d'ailleurs les chiffres pour la commission scolaire Centre-du-Québec, puis ça
ne me viendrait pas à l'idée de contredire les
vôtres en aucune façon, mais on pense à l'école Dollard-des-Ormeaux, qui est
une des grosses écoles, 427 élèves — chiffres 2010‑2011, là, peut-être que ça a joué un peu.
Bon, sur l'ensemble des enfants de militaires, il resterait environ 173 élèves,
parce qu'il y a 254 élèves… 173 élèves, c'est, dans bien des cas, une
école quatre fois plus grande que plusieurs
petites écoles au Québec et dans plusieurs commissions scolaires. Ensuite, l'école
primaire de l'Everest, des enfants de militaires, sur 372 il y en a 76.
En fait, la plus petite des écoles, c'est l'école primaire de Valcartier, qui,
elle, est à 54 élèves. Autres
clientèles, il y en a 32, et les enfants de militaires, 22. Donc, il en
resterait 18. Je vous dirais que, pour l'école primaire de Valcartier,
évidemment que ça prendrait des mesures particulières.
• (17 h 30) •
Je suis certaine, et
vous le savez, que le ministère de l'Éducation, dans sa sensibilité autour des
commissions scolaires pour les petites
écoles, pour le maintien des petites écoles… Et, dans ce cas-ci, on ne parle
pas, là... on parle d'une seule. Je
pense sincèrement, là, qu'on n'est pas dans une très grande difficulté. Est-ce
qu'on a des aménagements à faire? Est-ce qu'on a des choses à faire?
Bien entendu. Mais, toutes choses étant relatives, si j'examine un ensemble de
commissions scolaires, honnêtement je ne peux pas, à ce stade-ci, vous dire que
nous sommes dans une menace de fermeture.
Bon,
la disposition n'aura aucun impact pour la rentrée scolaire de septembre 2013.
Je pense que, ça, vous en avez convenu, là, que c'est très clair pour cette
question. En 2014, il pourrait y avoir un certain nombre d'impacts, mais, à
cet égard-là, il y a beaucoup d'accommodements qui sont possibles dans ces
cas-là, le ministère de l'Éducation en fait régulièrement.
Bon,
alors, dans le cas où des enfants... Il y avait une question où on se
disait : Bien oui, mais est-ce que ce n'est
pas qu'il n'y a pas de service en français ailleurs au Canada, dans d'autres
bases militaires? Est-ce que ce n'est pas pour ça que les familles de militaires choisissent de venir à l'école anglaise,
en se disant : Bien, si on s'en va ailleurs au Canada, il n'y aura
pas de service? La réponse, c'est : Il y a de l'accès à l'école française
dans toutes les autres provinces canadiennes.
Ça s'est nettement amélioré. Les Forces
canadiennes soutiennent d'ailleurs les familles de militaires en ce sens. On a vu
aujourd'hui qu'ils faisaient des coupes en français à certains égards, dans des
services gouvernementaux, mais, par
rapport aux Forces canadiennes, ce n'est pas le cas, ce n'est pas le cas. Bon,
un journal Internet avait parlé de 24 sur 25 bases qui offraient des
services complets. On n'a pas la vérification exacte de ce nombre-là, mais ce
que nous savons, c'est qu'il y a des services disponibles vraiment, vraiment
partout, et je suis très conservatrice, c'est le cas de le dire, dans ce que je
dis présentement.
Alors,
on a voulu voir aussi un travailleur temporaire, là, qu'est-ce que ça donne.
Est-ce que c'est vrai qu'on peut envoyer son
enfant à l'école anglaise quand on est un travailleur temporaire et qu'on est
en séjour temporaire? Les travailleurs en séjour temporaire au Québec,
militaires ou non, peuvent et pourront bénéficier de cette exemption-là, là, je
veux bien qu'on soit au clair.
Et
c'était d'ailleurs ce qui va me ramener à l'intention qu'avait le législateur,
que vous nommez souvent, qui est le Dr Laurin. En 1977,
cette exemption-là visait à protéger le droit des enfants de militaires anglophones
en séjour temporaire au Québec à poursuivre
leurs études dans leur langue maternelle. Aujourd'hui, force est de constater
qu'on assiste à un détournement de l'objectif
initial, puisque ce sont des parents québécois francophones qui se prévalent de
cette exemption pour leurs enfants. Alors,
la notion de temporaire a été extensionnée à une qualité de militaire
québécois, mais ce n'était pas l'intention
du législateur de l'époque. Les temps ont changé, on se l'est souvent dit
autour de cette table-là durant les débats de la commission
parlementaire. Ce qui s'est passé il y a 35 ans et ce qui se passe aujourd'hui,
bien ce n'est plus... la réalité a changé.
Alors,
finalement, finalement, on dit : Pourquoi modifier les dispositions de la
Charte de la langue française alors que seulement 700 enfants fréquentent l'école
anglaise? C'était aussi une question qui a été évoquée à plusieurs
reprises. Et croyez-vous que cette
situation-là met en péril le français au Québec? C'était la question que vous m'aviez
posée. Bien non, en effet, là, la
langue française n'est pas mise en péril du fait que 700 enfants
fréquentent une école anglaise, l'enjeu n'est absolument pas là, c'est
très vrai, ce que vous dites. Il s'agit d'une question d'équité. Dans le cas
présent, l'accès à l'école anglaise a été
obtenu sur la base d'un séjour temporaire qui s'avère ne pas en être un. Il s'agit
d'un phénomène qui s'apparente à celui des écoles passerelles, phénomène
condamné à l'unanimité par l'Assemblée nationale et par lequel une personne peut disposer d'un droit que d'autres
n'ont pas en vertu de ses revenus, dans le cas de la loi n° 104
c'était à cause des revenus, et, dans ce
cas-ci, c'est à cause du titre. Et ça, là, c'est sans préjudice aux militaires,
en aucune façon. Le débat n'est pas là, n'est pas là.
Depuis octobre 2010,
376 demandes ont été déposées pour convertir cette exemption temporaire en
droit permanent pour leurs enfants, droit qui s'appliquera ensuite aux frères
et aux soeurs de ces enfants ainsi qu'à leurs descendants — quand même. Ce nombre dépasse les 296 demandes d'obtention
du droit permanent déposées par des parents.
Sur l'ensemble des parents du Québec, il y a 296 demandes d'exemption qui
ont été déposées. Il y a eu 376 demandes sur l'ensemble des quelque
800, là, qui jouissent de ce privilège-là. Alors, honnêtement, là, ce nombre,
donc, dépasse les 296 demandes d'obtention
du droit permanent déposées par des parents qui ont envoyé leurs enfants dans
des écoles anglaises privées non subventionnées.
À mes yeux, il s'agit d'une forme d'école passerelle. On a des écoles
passerelles par le portefeuille, il s'agit
des écoles privées non subventionnées, et là on a des écoles passerelles pour
des gens qui ont des titres, qui ont
des titres, sans préjudice au rôle de militaire. Pour ces raisons-là, je vous
invite à la réflexion sur le sens du caractère temporaire et de tout ce
que nous faisons autour de cette question-là.
Par
ailleurs, par ailleurs, ce que vous mettez en évidence et qui est très
important à mes yeux, c'est la vitalité de la
commission scolaire que vous représentez, et ça, c'est préoccupant, ça, c'est
préoccupant, mais est-ce que le sort de toutes
les commissions scolaires anglophones au Québec n'est pas préoccupant en termes
de vitalité, en termes du fait que 10 000 élèves transfèrent
du côté francophone, et etc.? C'est un problème en soi, en soi, et de mêler
tous les débats… Le débat émotif qui est
autour de celui des militaires défenseurs de leur patrie est important pour
nous tous et toutes, c'est une chose. Être pour l'armée, contre l'armée,
etc., ne doit pas, ne doit absolument pas être intégré dans ce débat-là. Deuxièmement, avoir un privilège par son titre ou
par son portefeuille est quelque chose qui unanimement, au Québec, n'est
pas accepté et ne doit pas être accepté, et
le péril d'institutions publiques anglophones est un problème réel qui doit
être vraiment questionné, regardé, analysé,
mais les trois débats ne peuvent pas être reliés, sinon on n'en sortira pas, et
ça va ne faire qu'un débat émotif qui
ne nous permet pas de voir clair dans une situation qui demande la sobriété
dans le propos, de ne pas inquiéter l'ensemble de la population pour
rien, mais surtout, surtout qui demande que tous et chacun soient attablés pour trouver des solutions. Autant qu'on
s'entend sur les questions d'équité, équité pour la minorité
linguistique, équité pour tous les parents
du Québec, il me semble que ce sont des valeurs qui sont très importantes dans
le milieu scolaire et dans votre commission scolaire aussi.
Alors,
j'ai trouvé important, donc, de vous livrer ces informations. Comme je vous
dis, je suis tout à fait capable d'entendre d'autres
arguments, mais ceux que j'ai entendus depuis le début, à leur face même, à
leur face même, ne tiennent pas la route, ne
tiennent pas la route. Je suis désolée de devoir vous donner ce type de
commentaire ce soir, mais, je vous le
répète, je suis toujours prête à maintenir le dialogue, surtout, surtout quand
il s'agit de la vitalité de votre commission scolaire. Je suis prête à
ouvrir le dialogue sur cette portion-là, absolument.
La
Présidente (Mme Vien) : Pour une quarantaine de secondes, M. Burke, si vous voulez. Une
brève réponse.
M. Burke
(Stephen) : D'abord, je n'ai pas vu
le document. J'espère qu'on me le donnera, premièrement.
Deuxièmement,
commentaire tout à fait spontané : Je suis attristé de vous entendre. L'analogie
avec les écoles passerelles, moi, je ne la trouve pas à propos. Bien, écoutez, je suis
attristé. Je vais accepter parce que… par respect. Et vous avez droit à
votre opinion. C'est sûr que je ne la partage pas.
Perdre 20 % de
notre clientèle scolaire, je ne vois pas par quelle magie mathématique... Je
suis actuaire de formation. Je ne vois pas comment, perdre 20 %, je vais
être capable de continuer comme je le suis dans le moment.
La
Présidente (Mme Vien) : Merci beaucoup, M. Burke. Maintenant, je cède la parole à M. le
porte-parole, le député de LaFontaine, pour
13 min 15 s.
M. Tanguay : Oui. Je vais laisser débuter mon collègue de
Jacques-Cartier.
La Présidente (Mme
Vien) : Oui, M. le député.
• (17 h 40) •
M. Kelley : Encore une fois dans l'intérêt du «full disclosure», mon
regretté père était un diplômé de l'école secondaire Québec High. Alors, notre
famille est reconnaissante des efforts.
Et je m'étonne aussi
au discours de la ministre. Moi, je pense qu'ici on a une menace très
importante à une commission scolaire. Je
pense, dans vos chiffres, Mme la ministre, avec tout le respect, les prévisions
pour l'avenir, on est dans une
population décroissante, alors, si on ajoute à ça amputer 17 % de la
population scolaire, d'un coup sec comme ça, c'est vraiment une très mauvaise nouvelle pour cette… Nous avons
parlé l'autre soir de la vitalité des commissions scolaires, il y a un
immense territoire que cette commission scolaire doit couvrir, et de dire qu'on
peut amputer de 17 % les frais de
fonctionnement de la commission scolaire… Qui a démontré dans l'entrée de jeu
les excellents résultats dans plusieurs domaines, cette commission
scolaire, notamment dans l'enseignement de la langue française. Alors, de
mettre tout ça en péril pour une question de 700 étudiants, je trouve, c'est
vraiment... il y a un problème ici. J'ai dit mardi soir qu'il faut trouver les
moyens pour conserver la vitalité de ces commissions scolaires, on va dans l'autre
sens dans la proposition qui est dans le projet de loi n° 14.
Alors,
je veux juste entendre M. Burke et M. Robert, si vous voulez, sur les
conséquences de ce genre de coupure sur le fonctionnement de votre commission scolaire
mais également les prévisions d'avenir. Même prendre abstraction du
projet de loi n° 14, c'est quoi, les projections pour l'inscription dans
la commission scolaire, pour les années à venir?
M. Burke
(Stephen) : Je vais demander à M.
Robert.
M.
Robert (Jean) :
Je donnerais juste un commentaire sur Dollard-des-Ormeaux, qui est une école
que je connais assez bien. Je peux vous
assurer que, si on perd ces étudiants-là, on va être... Et, Mme la ministre,
vous avez donné une opinion, mais moi, je peux vous dire
que l'école va fermer. Ce n'est pas compliqué. Ici, à Québec, on est dans une situation où… Si un étudiant est à
Dollard-des-Ormeaux, puis demain ils tombent de, je ne sais pas, 15 étudiants,
dans sa classe, à cinq, ils ne pourront pas donner les mêmes cours qu'on donne
à Québec High School, à St. Patrick's High School, ils ne pourront pas. Il ne pourra pas y avoir l'équipe de basket
ou le ci, le ça. Il ne pourra pas y avoir le même noyau de jeunes que, bon, leurs pères ou leurs mères
sont partis pour quelques mois. Donc, ces jeunes-là vont peut-être aller
à d'autres écoles, mais cette école-là qui est vraiment l'école pour la base
militaire, pour les jeunes qui rentrent dans un cours… Puis à gauche puis à droite c'est des jeunes qui vivent la même
réalité qu'ils viennent de perdre leur père ou leur mère. Ça, on va perdre ça. Ça, c'est
clair. Puis ça, je veux dire… Pour moi, c'est clair.
Puis moi, je le vois d'une
autre façon. Les étudiants viennent chez nous parce que... À part de la
commission scolaire, parce que je suis
directeur d'un cégep, je le vois : ces étudiants-là de
Dollard-des-Ormeaux, c'est des étudiants que, s'ils sont seulement cinq dans une classe, ils ne pourront pas prendre
des cours de physique avancée ou de maths, ils vont être obligés de
venir en ville. Ils vont perdre vraiment leur école, et ça, je suis convaincu.
M. Burke
(Stephen) : Et je pourrais
rajouter...
M. Tanguay : Allez-y, oui, allez-y.
M.
Burke (Stephen) :
Bien, je rajouterais qu'au Saguenay il va se passer la même chose, on ne pourra
pas garder le «high school» et l'élémentaire.
C'est une question de capacité financière.
Puis aussi ce qui m'attriste
dans tout ça davantage, c'est l'impact sur les parents. Les parents qui ne sont
pas militaires vont dire : Bien là, l'école, c'est un peu comme un château
de cartes, là. Vous jouez dans le jeu de cartes, et il va s'écrouler.
En
tout cas, je vous le dis, vous m'attristez beaucoup. Et monsieur a tout à fait
raison sur Dollard-des-Ormeaux, et je pense qu'à
Bagotville ou Saguenay il va se passer la même chose.
La Présidente (Mme
Vien) : M. le député de LaFontaine.
M.
Tanguay : Mme la
Présidente. D'abord, d'entrée de jeu, merci beaucoup de prendre le temps de
venir nous éclairer. Et j'aurai un
commentaire, justement, sur la qualité de votre éclairage qu'on vous aura
permis de fournir après-midi. Je vais revenir là-dessus.
D'abord,
vous en êtes, vous avez témoigné un peu plus tôt que vous êtes pour,
évidemment, faire en sorte que ce soit une réalité, l'épanouissement du français.
Et, en ce sens-là, on a déjà entendu des représentants de commission
scolaire anglophone qui disaient clairement, qui… je n'utiliserai pas le mot
«imploraient», mais qui soulignaient à grands traits
à la ministre et au gouvernement du Parti québécois qu'ils devaient être
considérés comme des partenaires, et les résultats que vous obtenez en
termes de formation, la qualité de la formation, notamment du français, sont
éloquents, témoignent du fait qu'effectivement vous êtes de véritables
partenaires.
Et,
une fois que j'ai dit ça, je reprends au vol l'exemple qui a été soulevé par le
député de Sainte-Marie—Saint-Jacques,
qui disait, lui, qu'il avait très bien appris l'anglais sans avoir de formation
spécifique. Si tant est que son témoignage pouvait être applicable à tout le
monde, vous, non seulement vous en faites une réalité à tous les jours, l'épanouissement
du français, mais vous dispensez des cours de français, et il y a des résultats
très tangibles.
La
rencontre que vous avez eue avec la ministre, puis ma question va appeler une
réponse très courte, parce que j'aurai d'autres
questions par rapport... Détrompez-moi si j'ai tort, mais vous aviez eu une
rencontre avec la ministre relativement à la disposition du projet de
loi n° 14 qui vient enlever l'exemption, n'est-ce pas?
M. Burke
(Stephen) : Oui.
M.
Tanguay : Oui.
Bon, à ce moment-là, vous aviez soulevé des questions, c'est ce que la ministre
a dit un peu plus tôt, et elle nous a affirmé
qu'elle n'avait pas les réponses. Est-ce exact?
M.
Burke (Stephen) :
Bien, je précise que la conversation que j'ai eue avec Mme la ministre fut très cordiale. Alors, tout ce qu'elle a dit jusqu'à date, là, c'est
tout correct, ce qu'elle a dit, là.
M. Tanguay : Le document, le document qui nous a été déposé par Mme la
ministre il y a 40 minutes ou une demi-heure, ce document-là, en
aviez-vous reçu copie avant aujourd'hui?
M. Burke (Stephen) : Non.
M.
Tanguay : Bon. Quand en avez-vous reçu copie, de ce document-là?
M. Burke
(Stephen) : Il y a à peu près 40... Il y a trois minutes, là,
quatre minutes.
M. Tanguay : Quatre minutes. Et je peux vous dire
que c'est la copie de mon assistante qui est à ma droite, qui a eu la bonté de
vous la donner. Moi, j'étais sur l'impression que, durant la pause de 30 minutes,
vous aviez loisir de lire cette copie-là. Ce qui est malheureux, c'est
que votre audition, c'est aujourd'hui, et vous n'aurez pas, à moins d'avis contraire, là, d'autre
occasion. Alors, moi, j'aimerais vous entendre, là, pour les quelques minutes
qu'il nous reste, là, parce que la ministre a pris bien le temps de lire
ce document-là.
Soit
dit en passant — j'ouvre une
parenthèse — il y a des
déclarations gouvernementales là-dedans qui vont revenir, ça, c'est certain. Quand le gouvernement du Parti québécois
affirme : «L'accès à l'école française dans les autres provinces
canadiennes s'est nettement amélioré», on aura l'occasion de le resouligner, de
un. De deux, quand la ministre dit :
«La langue française n'est pas mise en péril du fait que 700 enfants
fréquentent une école anglaise, l'enjeu n'est pas là», une autre
déclaration qu'on aura l'occasion de reprendre un peu plus loin.
Alors, pour les quelques minutes qu'il nous
reste, la ministre a parlé qu'il faut s'entendre d'abord et avant tout en toute équité, sinon on n'avancera pas. Sur le fait qu'un
titre — et elle réfère au fait de faire
partie des Forces armées canadiennes — ne peut pas donner
un tel privilège, qu'en pensez-vous, de ça?
M. Burke (Stephen) : Écoutez, nous, on a un grand, grand
respect pour les militaires canadiens. On a le
privilège d'enseigner à leurs enfants. Ce
que M. Robert vous a décrit comme école, Dollard-des-Ormeaux, c'est une
école où les jeunes sont traités
comme s'ils étaient dans un environnement qui s'ajoute à l'environnement
familial, les professeurs les connaissent.
Vous savez que, les militaires, il y en a qui ont donné... qui ont fait le
sacrifice ultime, puis cette école-là a tout pour s'occuper de l'enfant qui vit ça. Et c'est tellement fort que,
quand on a pensé, il y a à peu près huit ans, d'enlever le secondaire dans cette école-là, bien on a pu...
les parents, avec l'aide du gouvernement du Québec et l'aide du
gouvernement fédéral, ont payé une extension parce que les jeunes ne voulaient
quitter l'environnement de Dollard-des-Ormeaux, ils sont bien là.
Moi, je sais que... Puis René Lévesque était
un correspondant de guerre, il savait les sacrifices que les militaires faisaient.
Je ne peux pas lui mettre des paroles dans sa bouche, mais j'ai l'impression qu'il
a donné ça par respect pour les militaires.
Moi, j'ai ce respect-là, je n'aurais pas le courage de faire le travail que les
militaires font. J'ai été fonctionnaire au gouvernement du Québec
pendant 35 années. J'ai travaillé en français, il n'y a pas de problème,
et je souris quand on dit qu'il y a un
problème de bilinguisme dans la fonction publique québécoise, mais, en tout
cas, ça, je ne suis pas ici pour parler de ça. Moi, je ne l'ai pas vu,
en tout cas, j'y ai été 35 ans.
Alors, ce que je veux dire, c'est que nous,
on croit que l'enfant ici... Et je vais vous... J'ai rencontré des gens au Saguenay, dont un grand sage, un monsieur qui a été un
haut fonctionnaire, un mandarin du gouvernement du Québec — je ne le mentionnerai pas. Ce qu'il disait, c'est :
Pensez à l'enfant. Il faut qu'on laisse tomber les idéologies politiques et penser simplement au bien-être d'un
enfant qui quitte le Québec avec ses parents, qui risque de voir papa partir pour Kandahar ou ailleurs. C'est important
pour lui d'être capable de jouer au hockey, d'aller à l'épicerie. Bien
souvent, c'est lui qui va aider maman qui,
elle, est francophone. Et souvent… Et des fois on ne lui donne pas la chance de
le dire. J'étais à un poste de radio
de la capitale, et, à mon avis, on a biffé, on a biaisé les appels entrants. C'est
qu'on n'a pas voulu entendre la maman
qui disait tout simplement : Moi, là, je vais l'envoyer en français à
Borden, à Trenton, en Colombie-Britannique.
Je veux que mon enfant ici soit en anglais, parce qu'il s'habitue à la langue,
mais, là-bas, là, la langue française, c'est important pour moi.
Et, nous, dans notre propos, ce qu'on dit, c'est
que le français, au Québec, c'est fondamental, c'est la langue de l'ensemble. Jamais
qu'on n'oserait venir ici vous dire qu'on ne veut pas enseigner un français
impeccable. C'est pour ça que je
trouve ça triste, parce que moi, je ne viens pas ici faire de la politique. Je
viens ici défendre les enfants, les petits enfants qui s'en vont avec papa, maman à l'extérieur du Québec et qui
vont être capables de s'intégrer plus facilement, c'est tout. Alors, je suis désolé de ne pas être
plus émotif, mais je ne veux pas être émotif. Je veux être calme et vous
dire que je fais ça pour les enfants. Et tout ce qu'on fait, à la commission
scolaire Central Québec, c'est pour les enfants.
•
(17 h 50) •
M. Robert (Jean) : J'aimerais juste ajouter : J'ai
une déception que j'ai eu seulement les chiffres maintenant. Ce n'est pas une chose que je ferais à mes étudiants, à
mes employés. C'est sûr qu'on a peut-être... vous avez sûrement, avec tout le respect que j'ai, accès à ces
statistiques-là que peut-être que, même nous, on ne peut pas avoir. Je pense
que ça aurait été correct de nous le laisser savoir à l'avance... ou même une
demi-heure, 15 minutes. Sur Internet, j'aurais pu... Mais donc je trouve
ça très décevant, cette partie-là, même surprenant, mais on vit avec ça.
M.
Tanguay : Passons outre, Mme la
Présidente, cet épisode. Néanmoins, sur le but des principes...
Mme
De Courcy : ...je voudrais faire une
question de privilège, s'il vous plaît.
M.
Tanguay : Question de privilège.
Notre temps est arrêté, Mme la Présidente?
La
Présidente (Mme Vien) : Oui.
M.
Tanguay : O.K.
La
Présidente (Mme Vien) : Mme la
ministre, on vous écoute.
Mme De Courcy : J'ai l'habitude de déposer les
documents au moment où je les ai, au moment où je les ai. Je les ai déposés pour
l'ensemble, et, à ce moment-là, on est partis pour aller voter, dans des
circonstances qui sont exceptionnelles dans le déroulement de la
commission. Alors, les intentions qui sont derrière les propos qui sont dits ne
sont pas les miennes, j'ai à chaque fois
déposé une étude d'impact sur les questions économiques concernant le projet de
loi. C'était trop peu trop tard, ça a été comme ça que ça a été dit.
Les questions qui sont posées ici, qui sont posées ici par
rapport à ce que vous aviez reçu comme
questionnement quand on s'est parlé, je vous
avais dit qu'on échangerait ces informations-là aussitôt que je les aurais, et
c'était la même chose pour vous, c'était
la même chose pour vous. Alors, j'ai obtenu aujourd'hui ces informations-là, je
les ai déposées aujourd'hui. Elles sont publiques. Elles vont être sur
le site, elles vont être rendues publiques dans les médias. Alors, honnêtement,
là, je souhaite vraiment que ce genre de propos là quant aux intentions ne soit
pas présent.
La Présidente (Mme
Vien) : Merci, Mme la ministre...
M. Tanguay : Alors, on revient à...
La Présidente (Mme
Vien) : ...la mise au point de votre
part est faite. M. le député de LaFontaine.
M.
Tanguay : Je
reviens sur mon temps, je ne veux pas perdre une seconde là-dessus, Mme la
Présidente. Alors, néanmoins, ce qu'on
constate, Mme la ministre a dit : On m'accuse que ce soit trop peu trop
tard. Trop peu, je le mets de côté. Trop tard, le projet de loi a été déposé
ici même le 5 décembre 2012. Les études d'impact auxquelles elle fait
référence, autrement dit, ne vous surprenez pas, ont été déposées — et elle le reconnaît, ce sont des faits — il y a une semaine, une dizaine de jours, et elle a affirmé
en avoir pris connaissance il y a une dizaine de jours.
Dites-vous, M. Burke,
M. Robert, Mme Stewart, que, lorsque vous aviez des discussions avec la
ministre, que vous aviez devant vous, depuis le 5 décembre dernier, le
texte du projet de loi n° 14, Mme la ministre n'avait pas — et on prend sa parole — les données qui viennent justifier, selon ce qu'elle
affirme, sa position. Moi, je ne pense pas que ces données-là, au contraire, viennent
justifier sa position, au contraire elles viennent bonifier nos
arguments, et c'est cette logique-là, je pense, qui fait en sorte qu'après
coup… Par quel dogmatisme procédons-nous? Après coup, on a des chiffres qui
sont avancés, mais trois mois après le dépôt du projet de loi, et, là-dessus,
je pense que c'est là ou le bât blesse.
Les quelques secondes,
je vous les laisse.
La Présidente (Mme
Vien) : 15 secondes, monsieur.
M.
Burke (Stephen) :
Je suis prêt à aller... Allons à d'autres questions, je ne peux pas commenter
là-dessus. Moi, j'ai eu un bon entretien avec
la ministre là-dessus. C'est sûr qu'on ne s'entend pas sur le problème, mais on
a pu bien s'entendre dans la rencontre. Ça, c'est important pour moi.
La
Présidente (Mme Vien) : Merci beaucoup, M. Burke. Alors, maintenant, je me dirige vers le
deuxième groupe de l'opposition pour une durée
de 3 min 15 s. Mme la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) : Merci beaucoup. Merci
beaucoup, messieurs dame, pour votre mémoire.
Écoutez, le temps est
imparti, et là je dois vous dire que je trouve très, très étrange la façon dont
est rédigé… certains des arguments, dont un, entre autres, que la ministre
vient de nous soumettre, et je vous le cite, on y lit : Des 849 enfants de militaires qui fréquentent une
école d'une commission scolaire anglophone, des 849 enfants, la
majorité d'entre eux termineront leur
parcours scolaire. Écoutez, la majorité, c'est quoi? 350? 351? 346? On ne sait
pas. Et, la majorité termineront leur parcours scolaire, pouvez-vous le
savoir, s'ils vont le terminer? Pouvez-vous le savoir? Êtes-vous en mesure de
savoir si ces parents ne seront pas appelés en mission à quelque part?
M.
Burke (Stephen) :
Nous, on ne peut pas le savoir. Peut-être qu'il y a des gens autres que nous
qui peuvent le savoir. Nous, on ne peut pas le
savoir, c'est sûr. C'est certain qu'on ne peut pas le savoir.
Mme Roy
(Montarville) : Et la majorité, donc,
d'entre eux termineront, pour vous, ce chiffre-là vient d'où? Qu'est-ce que
serait la majorité? C'est une information qui...
M.
Burke (Stephen) :
Il est possible pour un individu de demander un certificat pour son fils, de
trois ans, et, après la première année, partir
ailleurs peut-être deux, trois ans, il revient et il demande un deuxième
certificat. Les statistiques, peut-être, au ministère de l'Éducation, du Loisir
et du Sport, sont à l'effet que monsieur a demandé… ou madame a demandé deux certificats, mais, dans ces six années-là,
peut-être qu'il a été seulement deux ans au Québec. Ça, on n'a pas
retracé ça.
Je
vais juste ouvrir une parenthèse : On est une petite commission scolaire.
Il y a six administrateurs dans cette
commission scolaire là. Vous en avez un avec vous ce soir, la directrice
générale; on en a cinq autres. On a 30 % du Québec à desservir. C'est tellement vrai que la personne qui a rédigé le
mémoire, c'est celui qui vous parle, là. Je veux dire, je n'ai pas d'agent
de recherche, moi, qui peut faire des travaux pour moi, je n'ai pas personne d'autre
que mon humble personne. Je suis chanceux, je suis retraité. Donc, j'ai
100 heures par jour à donner à ça, hein, mais c'est ça. Et c'est la
vérité.
Alors, c'est sûr que — et Mme la ministre le sait — je suis un passionné. Si je suis ici, c'est parce que j'ai
la passion de
ces jeunes-là, et je veux qu'ils soient parfaitement bilingues; pas unilingues
anglophones, parfaitement bilingues. Moi, ma mère était francophone, mon
père était Irlandais. Les deux langues, pour moi, sont importantes. Le débat
serait le même si j'étais en Ontario, puis
ce seraient les écoles françaises qui seraient en jeu, et ce seraient les
militaires... C'est important pour moi, le bilinguisme. Et c'est pour ça que je suis un peu
déstabilisé, parce que je sais qu'on avait eu une bonne conversation
franche. Je n'avais pas les réponses, Mme la ministre. Si j'avais pu vous les
donner, je vous les aurais données. Les
seules réponses que j'ai sont celles que... l'effet, l'impact sur chacune de
nos écoles. Et, comme M. Robert a dit,
c'est sûr que, DDO, on ne pourra pas la garder comme elle est là. On ne peut
pas avec un 16 % à 17 % de coupure de budget, on ne pourra
pas.
Mme
Roy (Montarville) : Et les réponses,
on ne les a pas plus, puisque, la majorité, on ne sait pas c'est combien d'élèves...
M.
Burke (Stephen) : On ne sait pas c'est
quoi.
Mme
Roy (Montarville) : …et, termineront,
on n'est pas capables de le dire non plus. Merci beaucoup.
M.
Robert (Jean) : Puis on ne sait pas
qu'est-ce qui s'est passé entre‑temps.
La
Présidente (Mme Vien) : M. Robert,
vous dites?
M.
Robert (Jean) : Pardon?
La
Présidente (Mme Vien) : Vous
disiez...
M. Robert (Jean) : Non, je voulais juste comprendre. Ils
ne termineront pas, mais qu'est-ce qui se passe
entre la maternelle... je n'ai aucune idée. Donc, c'est pour ça que je trouve
ça difficile.
La Présidente (Mme Vien) : Merci. Merci, M. Burke. Je cède
maintenant la parole à la Mme la députée de
Gouin, s'il vous plaît, pour 3 min 15 s.
Mme David : Merci, Mme la Présidente. Messieurs
et madame, j'avoue que, jusqu'à présent, mon opinion n'était pas
complètement arrêtée sur la question, puis je ne suis pas encore tout à fait
sûre de la position que mon parti et moi, nous allons prendre, mais je compare ce que vous avez écrit avec les
données que la ministre nous a distribuées.Effectivement, dans certains cas, ce n'est pas tout à fait concluant, j'en
conviens, sauf qu'il y a un point où je suis quand même d'accord avec
elle : c'est vrai que la situation des écoles anglaises, des commissions
scolaires anglophones est préoccupante au
Québec, c'est vrai qu'il y a de petites écoles anglophones au Québec, mais je
vous soumets aussi qu'on a de bien,
bien, bien petites écoles de village, comme on appelle, francophones au Québec,
et donc le problème que vous soulevez pour les écoles anglophones, il se
pose aussi du côté francophone.
Quant à moi, qu'une famille termine ou non...
ou qu'un enfant termine ou non son parcours scolaire au Québec peut être une
question intéressante, puis j'aimerais ça qu'on ait des chiffres plus précis
là-dessus, mais, même si la famille doit aller ailleurs au Canada,
disons, s'il est vrai — j'aimerais
ça qu'on aille plus loin là-dedans — que, sur d'autres bases militaires, sur l'immense majorité des
autres bases militaires, des écoles existent en français, que les enfants
peuvent continuer leur parcours scolaire en français, la question que je vous
pose, c'est : Pourquoi doivent-ils aller ici, au Québec — et je parle d'enfants
francophones, bien sûr — à l'école anglaise? Je comprends
que vous voulez qu'ils ne soient pas complètement perdus en allant dans une autre
province, mais les cours d'anglais, ça existe. Alors, pourquoi est-ce qu'il
est impossible d'imaginer que ces enfants-là au Québec aillent à l'école
française et aient d'excellents cours d'anglais? Je vous pose la question.
M. Burke (Stephen) : Vous avez mentionné une partie de la
réponse, là. Il y a des enfants... C'est plus facile pour l'enfant, quand il
se retrouve dans un autre environnement, d'être habitué à la langue anglaise.
Ça, c'est sûr. Bien souvent, il va aider maman à aller à l'épicerie,
puis en plus il va être capable de participer aux activités communautaires.
Et
la directrice générale rajouterait quelque chose.
•
(18 heures) •
Mme
Stewart (Marielle) : Oui,
effectivement, madame, je suis très contente d'ailleurs qu'il y ait des écoles françaises au Canada où nos enfants peuvent aller,
mais vous comprenez que les transitions, les différentes transitions qu'un
enfant à risque, même les enfants... Quand il change d'école, quand il change
de milieu de la maison au service de garde,
du service de garde à la maternelle, de la maternelle au primaire, etc., le
plus qu'un enfant doit s'adapter à des nouvelles transitions, le plus qu'il
devient à risque. Alors, quand il est transféré dans d'autres... moi, j'espère
qu'il s'en va à l'école française, mais au
moins on l'aurait préparé pour se faire des amis, les voisins qui parlent
anglais, les cours de hockey le soir,
les cours de musique, se faire des amis, tout simplement. Ce sont tous des
anglophones qui vivent en Alberta. Alors,
s'il peut aller à l'école française, tant mieux, mais, si au moins il est prêt
pour se faire des amis puis s'adapter à sa nouvelle réalité, surtout si le père n'est pas nécessairement là ou
si... Vous comprenez ce que je veux dire, les différentes transitions. Donc, nous, on veut tout simplement
que l'enfant soit prêt à vivre au Canada, au Québec et en connaissant
les deux langues. C'est la préparation qu'on lui donne.
La
Présidente (Mme Vien) : Mme Stewart,
vous aurez le mot de la fin, chère madame.
Mme
Stewart (Marielle) : Pardon?
La Présidente (Mme
Vien) : Vous aurez le mot de la fin.
Mme Stewart
(Marielle) : Merci.
La
Présidente (Mme Vien) : Alors, M. Burke, Mme Stewart, M. Robert, merci infiniment
pour votre contribution et d'être venus nous
voir cet après-midi. Et bon retour.
Les travaux sont
ajournés à vendredi le 22 mars, à 9 h 30. Bonne soirée.
(Fin de la séance à
18 h 1)