(Onze heures quarante-quatre minutes)
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Bonjour à tous. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la
Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Je demande à toutes les
personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs
téléphones cellulaires.
Le mandat de la commission est de poursuivre
les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le projet de loi n° 14, Loi
modifiant la Charte de la langue française, la Charte des droits et libertés de
la personne et d'autres dispositions législatives.
Mme
la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, Mme la Présidente.
M. Roy (Bonaventure) sera remplacé par M. Villeneuve (Berthier); Mme
Charbonneau (Mille-Îles), par Mme Rotiroti (Jeanne-Mance—Viger); et M. Sklavounos (Laurier-Dorion), par
M. Kelley (Jacques-Cartier).
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Merci. Pour ce qui est de l'ordre du jour, cet avant-midi, nous entendrons M. Laperrière, M. Gold et
M. Auclair. Cet après-midi, nous poursuivrons avec le mouvement national
des Québécois et Québécoises, la communauté sourde du Québec et Option
nationale.
Auditions
(suite)
Donc,
nous commençons avec vous, M. Laperrière. Vous avez un maximum de temps qui
vous est alloué de 10 minutes pour faire
votre présentation, par la suite suivra une période d'échange avec les
différents groupes parlementaires. La parole est à vous.
M. Martin Laperrière
M. Laperrière (Martin) : Merci, Mme la Présidente. Mme la
ministre, Mme la Présidente de la Commission
de la culture et de l'éducation, chers
parlementaires, il me fait plaisir de vous soumettre mon mémoire portant sur le
projet de loi n° 14. Sachant que
la langue peut devenir un débat très émotif, mon mémoire ne porte que sur la
langue d'affichage et la langue d'enseignement, en espérant que le tout
soit à votre entière satisfaction.
La langue d'affichage. Il est clair que la
langue d'affichage doit être le français, mais, pour être conforme aux chartes des droits et libertés de la personne,
canadienne et québécoise, le gouvernement du Québec devrait permettre l'affichage
dans d'autres langues là où le nombre le justifie.
Voici
les exceptions où une autre langue devrait être permise. Dans l'Ouest-de-l'Île
de Montréal, à partir du boulevard Saint-Laurent, côté ouest, jusqu'à la pointe
de l'île, je pense que l'anglais et le français devraient vivre pacifiquement dans l'affichage. Pour le
Vieux-Montréal et le Vieux-Québec, et pour des raisons évidentes — exemple, le tourisme — le multilinguisme devrait être permis. Pour les
Amérindiens, nos Premières Nations, le gouvernement du Québec devrait permettre la langue de la nation autochtone à égalité
avec le français — je donne ici quelques exemples dans mon mémoire. Je pense sincèrement que les
langues autochtones ne sont pas une menace pour le français. Au contraire, je
trouve qu'elles seraient un atout culturel pour tous les Québécois.
La
langue d'enseignement. En ce qui concerne la langue d'enseignement, ce dernier
point ayant fait couler beaucoup d'encre au
cours des dernières années, je vous recommande dans mon mémoire deux éléments.
Étant donné que, pour un immigrant, c'est un privilège d'être reçu au
Québec et non un droit, il me semble être légitime d'obliger tous les
immigrants à être éduqués en français du primaire à l'université. Seuls les
anglophones québécois — nés au Québec — et les Québécois francophones de souche auraient le droit
d'aller à l'école anglaise, collèges et
universités inclus. Il est à noter que, pour
les Québécois francophones de souche, la réussite du primaire et du secondaire
en français est obligatoire avant d'aller faire le cégep et l'université
en anglais.
Je
vous remercie beaucoup de votre écoute et je suis prêt à répondre à vos
questions.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Merci, M. Laperrière. Nous allons maintenant du côté du gouvernement pour
débuter cet échange. Mme la ministre, la parole est à vous.
Mme
De Courcy : Bien, je voudrais d'abord,
monsieur, vous remercier de vous inscrire avec courage à une commission parlementaire comme citoyen. Quand on
ne fait pas partie d'un groupe organisé, c'est d'autant plus un geste
quand même assez... assez audacieux, alors je vous remercie.
Vous identifiez un certain nombre de choses
dans votre mémoire. C'est la première fois qu'on fait écho, dans ce que j'ai lu, de la
question multilingue. Je vous indique que je vais porter une attention
particulière à ce que vous mentionnez.
J'aimerais juste connaître votre motivation pour ce
caractère multilingue là. Est-ce que vous avez vu ça ailleurs dans le monde? Est-ce que...
M.
Laperrière (Martin) : ...moi, j'ai travaillé ici, dans le Vieux-Québec, il y a quelques
années, puis je ne pense pas que ce soit un mot, exemple «bienvenue» écrit
en italien, qui cause problème. Je pense que le gouvernement pourrait le
permettre, là, sans aucun problème, là.
Mme De Courcy : Vous avez observé ça. Bien, je vous
remercie beaucoup, monsieur, pour votre contribution. Merci.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci. Nous allons aller maintenant du côté de l'opposition officielle. M. le député de LaFontaine, porte-parole de l'opposition
officielle pour la Charte de la langue française, la parole est à vous, M. le
député.
M.
Tanguay : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Alors, M. Laperrière, merci beaucoup pour votre présence. Merci d'avoir
pris le temps, justement, de prendre votre crayon, du papier et d'écrire le
mémoire, que nous avons tous lu du
début à la fin. Donc, c'est important d'avoir la rétroaction des gens quant au
dossier, évidemment, de la langue, qui est un dossier délicat et qui demande une approche non pas coercitive, mais
une approche proactive, et je pense que vous en êtes également. Alors,
votre mémoire était très clair, et vous l'avez très bien résumé.
J'aimerais savoir :
Lorsque vous parlez au niveau de la langue d'affichage, les exceptions, vous parliez de l'Ouest-de-l'Île et également vous parliez de
Vieux-Montréal, Vieux-Québec et de façon plus générale pour les
Premières Nations, est-ce que cette liste-là, elle est fermée? Est-ce que ce
n'étaient que des exemples que vous donniez ou
c'était une liste fermée?
M.
Laperrière (Martin) : Moi, c'est ce que je pensais qui était primordial, là, pour les
anglophones à partir du... Parce que, quand on regarde l'île de Montréal, la
carte de l'île de Montréal, c'est le boulevard Saint-Laurent. Tout ce
qui est à l'ouest de ça, jusqu'à la pointe
ouest, ça devrait être, à mon avis, bilingue, là, anglais et français dans
l'affichage, et tout ce qui est le côté est
du boulevard Saint-Laurent, jusqu'à Pointe-aux-Trembles, ça devrait être
uniquement unilingue en français. Ça
fait que tout le monde serait... D'après moi, là. C'est une position
personnelle, là. Moi, je pense que tout le monde serait content. Je
dirais que les purs et durs de la langue française seraient contents, parce qu'il
y a une bonne partie du centre-ville de Montréal qui serait uniquement en
français, et les anglophones seraient contents aussi, du West Island, parce que
c'est ça qu'ils veulent avoir, eux, que ça soit bilingue.
M. Tanguay : Alors, je vous remercie pour votre opinion. Je vais
laisser la parole à mon confrère.
La Présidente (Mme Richard,
Duplessis) : M. le député de
Jacques-Cartier, la parole est à vous.
•
(11 h 50) •
M.
Kelley : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Bienvenue, M. Laperrière. J'ai lu votre
document et, surtout la question de l'accès
aux universités, je veux juste amener peut-être un autre point de vue.
Nos
universités anglophones, à Montréal surtout mais à Bishop's aussi, amènent
beaucoup de personnes ici, au Québec. Au niveau de l'impact économique, c'est
très intéressant qu'il y ait des personnes qui viennent de l'extérieur
étudier à McGill. Certains vont faire le choix de rester ici, apprendre le
français et devenir des personnes… membres entiers
de la société québécoise, mais d'autres vont retourner dans leur pays d'origine
et rester quand même amis de la cause
québécoise, si je peux dire ça ainsi. Je pense, entre autres, à l'exemple à
McGill, où le fils du premier ministre de l'Inde est finissant de McGill. Alors, c'est un contact intéressant pour
la société québécoise qu'un homme influent dans une des grandes économies
mondiales, quelqu'un qui connaît Montréal, a déjà fait un temps à Montréal.
Alors,
quand je vois de réduire l'accès aux universités dans votre suggestion, moi, je
vous propose honnêtement de regarder toute la
situation des étudiants qui viennent de l'extérieur, qui font une contribution
importante pas uniquement aux universités anglaises, parce qu'il y a un fonds
de péréquation qui existe. Alors, l'argent que McGill va chercher — ou Concordia et Bishop's — est partagé avec l'ensemble
du réseau universitaire, alors je pense qu'il y
a un bénéfice net avec notre accès libre à l'enseignement universitaire. Alors,
de commencer à jouer de réduire l'accès aux universités, je pense qu'on fait fausse route. Je soumets... Je
comprends votre logique, et tout le reste, mais je pense qu'on a tout
intérêt de garder les portes ouvertes à nos universités.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Merci. M.
Laperrière.
M.
Laperrière (Martin) : Oui. Je voulais répondre à M. le député. C'est que, lorsque le Parti
québécois a proposé le cégep en français, j'étais d'accord. L'obligation pour les immigrants
d'aller à l'école française, je suis d'accord avec eux. Mais je suis d'accord aussi avec la position
du Parti libéral qui dit qu'il faut défendre le droit de la minorité
anglophone de l'Ouest-de-l'Île de Montréal.
Et ça aussi, je suis d'accord avec ça, et mon mémoire reflète ça, parce qu'il y
en a un peu pour tout le monde dans mon mémoire. Je crois que c'est une
position modérée. Contrairement à des extrémistes qui, eux, voudraient faire monter le débat linguistique de part et d'autre,
moi, je pense que la question linguistique, elle doit être... les modérés doivent prendre le lead de
cette question-là et de tasser les extrémistes qui, eux, voudraient bien,
là, embarquer dans ce débat-là pour x, y raisons. Je pense que la question de
la langue doit rester une question, à mon avis, là, menée par les modérés, puis
ma position de mon mémoire est assez modérée, là.
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. Laperrière. M. le député de Jacques-Cartier.
M. Kelley : …je respecte votre opinion, mais je
reviens toujours à l'origine, René Lévesque qui a dit : Pour les adultes, ils ont le
droit de choisir la langue de leur enseignement collégial et universitaire.
Alors, ça, c'était le point de départ, et moi, je pense qu'il y avait
beaucoup de sagesse dans la position que M. Lévesque a prise à l'époque.
M. Laperrière (Martin) : Oui, bien, c'est ça, mon mémoire a
été inspiré aussi… Parce qu'à l'époque M.
Lévesque était en faveur du libre choix d'enseignement.
C'est ce que je propose, moi aussi, mais uniquement pour les anglophones
du Québec et les francophones de souche,
parce que nous, on est nés ici, au Québec, donc, nous, c'est un droit, alors
que, pour les immigrants, eux, qui viennent
ici, au Québec, bien ce n'est pas un droit, c'est un privilège d'être reçu au
Québec, là. Je fais une distinction entre le droit et le privilège.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Merci, M. Laperrière. Nous allons aller maintenant du côté du deuxième groupe d'opposition,
et je reconnais Mme la députée de Montarville, porte-parole du deuxième groupe
d'opposition en matière de culture, de communications, de la Charte de la
langue française et de l'éducation. Mme la députée, la parole est à vous.
Mme
Roy (Montarville) : Oui, merci, Mme
la Présidente. Bon matin, tout le monde.
D'abord, M. Laperrière, merci d'avoir déposé
ce mémoire, que j'ai lu avec beaucoup d'intérêt. Vous dites que vous voulez avoir
une position qui est plus mitoyenne, qui est plus... enfin, les mots que vous
avez dits — je dois mettre mes lunettes parce
que je ne vois rien — vous voulez tasser les
extrémistes. Ça,
je suis d'accord avec vous, et c'est une position qu'on veut prendre, d'être
raisonnables mais d'être effectivement... de préserver les droits des minorités
anglophones tout en préservant la langue
française. Il faut trouver un juste milieu, je suis d'accord avec vous. Mais,
en ce qui a trait aux études supérieures, j'ai
lu ce que vous avez écrit avec intérêt, mais je suis un petit peu surprise.
J'aimerais que vous m'expliquiez, puis peut-être qu'on pourrait échanger à cet
égard-là. Vous dites que c'est uniquement sur la base de la naissance. Si on
est né au Québec, on devrait choisir d'aller étudier dans la langue de notre
choix pour les études supérieures.
Ne pensez-vous pas que, lorsqu'on est rendu
aux études supérieures, on est rendu adulte, et que ça devrait être un choix d'adulte, puisque, là, on n'a plus à
protéger la langue française, rendu au cégep et à l'université?
M.
Laperrière (Martin) : Pas tout à
fait. Bien, je voudrais vous remercier pour vos commentaires. Je suis d'accord avec vous sur la position de votre parti
qui disait que… Les militaires devraient, à mon avis, choisir la langue
d'enseignement, sauf que, pour nous, les Québécois francophones, au niveau du
collège et université… Ce n'est pas interdit,
mais… Je ne sais pas exactement, mais, à l'heure actuelle, on ne peut pas
traverser pour faire le cégep et l'université en anglais, là, je ne sais pas si... je pense qu'il y a des clauses qui
sont un peu... Parce que moi, je voulais le permettre à ceux qui sont nés au Québec. Ça ressemble un peu à
la clause Québec qui avait déjà été proposée par le Parti québécois, mais elle est peut-être un petit peu plus ouverte
là-dessus. Mais, à mon avis, ce qui est ma position à moi, ça devrait
être réservé uniquement à ceux qui sont nés au Québec, les anglophones et les
francophones de souche.
Mme
Roy (Montarville) : …décider la
langue des études supérieures?
M.
Laperrière (Martin) : Bien, de
choisir, le libre... Oui, des études supérieures, là, au niveau du cégep et de
l'université.
Mme Roy (Montarville) : Mais le choix existe actuellement. On
peut choisir d'aller à l'université en
anglais, si on le veut…
M.
Laperrière (Martin) : Oui, ils l'ont changé, là, mais à l'époque que
moi, j'étais sur les bancs d'école ce n'était pas permis aux francophones de s'en
aller vers le cégep en anglais. Ça a été changé en cours de route, là.
Une
voix : ...
M. Laperrière (Martin) : Oui, c'est… Bien là, maintenant, c'est
bien, mais à l'époque ça ne l'était pas, là,
ça a été changé en cours de route. Mais tout
ça pour dire qu'à mon avis ce que le Parti québécois, eux, ont proposé puis
qu'ils ont laissé tomber de côté, c'est que le cégep en français et l'université
en français, pour les immigrants, ça devrait être
ça. Le droit à l'école anglaise devrait être réservé uniquement aux
Anglo-Québécois puis aux Québécois francophones de souche, là.
Mme
Roy (Montarville) : Je vous remercie,
M. Laperrière.
M.
Laperrière (Martin) : Merci.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Merci, M. Laperrière. Nous allons suspendre quelques instants.
Juste avant de
suspendre, si on devait dépasser de quelques minutes l'heure prévue, j'ai le
consentement afin de poursuivre nos travaux juste de quelques minutes? Oui?
Parfait, merci.
Une
voix : ...
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : J'ai très bien
compris, mais ça peut juste...
Une voix : ...
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Parfait,
quelques minutes.
Nous suspendons nos
travaux.
(Suspension de la séance à
11 h 58)
(Reprise à 11 h 59)
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!
Nous reprenons...
Des voix : ...
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Les esprits sont un petit peu échauffés mais sur le bon
sens. Je ne sais pas si on va avoir une
tempête, là. On va reprendre de façon plus sérieuse.
Bienvenue,
M. Steven Gold. Vous êtes notre deuxième intervenant. Vous allez avoir un temps
de parole qui va vous être alloué de
10 minutes, et après il y aura une période d'échange avec les différents
groupes parlementaires. Donc, je vous demande quand même de vous présenter, et
la parole est à vous pour 10 minutes.
M. Steven Gold
M.
Gold (Steven) : Oui, bonjour. Merci
à la ministre et à toute l'équipe ici. Mon nom est M. Gold. Je parle les deux langues,
anglais et français. Je commence en français. Je viens de Montréal et j'avais
quelque chose à dire en français et en anglais à cette commission-là.
•
(12 heures) •
L'amour et le respect
des citoyens canadiens autour du Canada pour le peuple du Québec, ça arrive
après 45 années de premiers ministres
de la province de Québec. Pierre Trudeau, Bryan Mulroney, Jean Chrétien et Paul
Martin ont donné aux citoyens du Canada confidence
à parler français, et, pour les jeunes politiciens dans Ottawa, c'est
nécessaire pour travailler pour le gouvernement fédéral.
Nous
avons un problème à retrouver notre vie dans le Canada. Je parle d'une
expérience, moi-même, quand j'ai fait le temps dans les autres provinces, comme
British Columbia et mon temps dans Vancouver, et c'est une vie
extraordinaire quand les citoyens du Canada parlent les deux langues
officielles comme un choix, avec respect.
La
deuxième chose : le peuple du Québec, avoir le droit pour choisir une vie
dans Ontario ou Alberta, pour trouver un bon emploi ou juste pour le fun, c'est la
nature du Canada. Ce n'est pas le temps de René Lévesque et son idée.
Oui, il a fait quelque chose pour les
citoyens du Québec, pour prendre du respect à chaque jour, mais ce n'est pas le
temps pour terminer la vie dans le
Canada, c'est juste commencer à nouveau avec mes idées. Et je ne suis pas sûr
les autres personnes veulent aimer et aider le français comme vous,
comprendre la vie dans le Canada avec le respect mutuel. Et j'espère que vous
pensez comme moi.
La
troisième chose : l'immédiat, besoin l'idée pour quelque chose. Nous
sommes prêts pour ouvrir la porte des citoyens
anglais et nouveaux citoyens pour comprendre la culture. Vraiment, maintenant,
les gens veulent parler un petit peu
français et vivre ensemble, mais pas finir la langue anglaise dans cette
province, parce que les gens du Québec veulent parler un petit peu
anglais, et vice versa.
Finalement,
c'est très sérieux pour tous les citoyens du Québec à trouver la place dans le
Canada. Le «burden», maintenant, c'est avec
moi et toi. On travaille ensemble.
Ce sont les choses je
veux dire en français, et maintenant je coupe en anglais.
I'm participating in this Commission for the new
language law for the Québec Bill 14. I'm acting on behalf of myself, and
my goal is to reassure the Commission that other Canadians of different
nationalities in Québec and across Canada are respecting the French language in
spirit and also with an understanding that there are two official languages in Canada. We are encouraged to learn
and use these languages as a choice, and that should be brought to the attention
of the general publicthat we are welcome to use these languages as equal and, in Québec, with
an understanding that French is the more popular of the two
languages in Québec, and understand the need to make the point that we
use French in business and commerce, yet it is of importance to note that due
to the fact that Canadian federalism in Québec is being considered more often
than not. We should be aware that this is a now growing trend.
This
is why I have prepared this brief. It is a new reality, that consideration for
Canada and the good things that Canada has to offer Quebeckers, who have been
forced to speak only French when, in general, English is being omitted
in the culture and laws of Québec. We need
to bring this out in the public consultation and let the commissioners know
they have a chance to recognize that we can get along with the rest of Canada
and leave languages issues as a footnote from a by-gone era. We could
concentrate on other endeavors.
So, I would
like to say that I believe we can try to ease up on the restrictions, but I
made a few points here :
1. The elimination of the English in
the workplace is not acceptable in Québec and should be looked in as a Canadian context, where good will and mutual
respect is the norm in our country. And also it is now common knowledge
that other provinces in Canada are doing the same in 2013.
2. The basic understanding
of English is important to the French community also in Québec, and should not be ignored
in work and university, and should be an important issue in this Commission of
the use of the French in Québec.
3. We should not be ready
to change the bilingual status of communities in Québec that fall below the 50% mark of
English-speaking residents and switch to unilingual French communities, which
would confuse the policy makers and local
politicians on the maintenance of the quality of life and the basic understanding
of each individual of the community.
4. I believe that French
signs of information styled in windows in establishments in Québec should be offered in French and English as equal signage,
and copyrights of business should be respected and should be left as it is,
with understanding that identity and
trademarks are very valuable to each business and their relationship with their
customers.
5. It is now the year 2013, and we are trying
to make Canada a desired destination for young Canadians. New immigrants and tourists should not be confronted
with the old attitudes of language in Québec, and hopefully these issues
can be resolved today. We are lucky to live
in this country of tolerance and forgiving of different nationalities, not
forgetting that we are working together and not giving up in the Canadian dream
of unity.
6. It is time to
acknowledge to the general public that we are part of a larger country that has
made an effort, through our representatives in Ottawa, to get the message
out that we are working together and no longer in different zones, we
are truly nationalistic, with pride for our country, and we're understanding of
our differences.
7. The idea of reasonable
accommodation brought out by the Bouchard-Taylor Commission of several years ago was a
step in the right direction in tolerance of different cultures in Québec, but
it is important to note that we are discussing the possibility of changing the status of the use of English in Québec.
And we have to open up our discussion to include that it is common
knowledge today that the use of English is very popular in the business
community, and we should not deny the motivation of profit.
8. And, finally, I have
been living in Québec for most of my life, and to be denied basic understanding
of Canadian rights is unacceptable when anyone can read the Canadian Constitution of
Canada, which clearly says the English and the French are the official languages in Québec. I'm happy to speak French
whenever I can, and I would expect the same from French-speaking
Quebeckers. Thank you.
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. Gold. Nous allons
commencer les échanges, et je vais aller du côté du gouvernement avec Mme la ministre
responsable de la Charte de la langue française. Mme la ministre, la
parole est à vous.
Mme De Courcy : Alors, bien, je vous remercie
beaucoup d'avoir pris le temps, monsieur, de venir nous voir. Il s'agit là toujours — je l'ai dit à celui
qui vous a précédé — d'un geste audacieux
et courageux, parce que d'habitude défilent ici des organisations, etc.
M.
Gold (Steven) : …pour moi seulement.
Mme De Courcy : Bien oui, mais c'est très bien, c'est
très bien. Alors, simplement vous indiquer… Ce ne sera pas une question, j'ai bien
compris votre mémoire et votre présentation, mais je veux vous réitérer que la
formation que je représente, et le
ministère que je représente, notre gouvernement, a un profond respect pour les
droits linguistiques de la minorité
et que nous sommes, bien sûr, très sensibles aux arguments qui visent à nous
sensibiliser au fait de perdre ces droits ou de les voir altérés, que ce
soit dans la perception ou dans la réalité. Alors, je vous remercie de nous
rappeler l'importance de la minorité linguistique d'expression anglaise. Merci.
M. Gold (Steven) : Je trouvais que la vie, c'est un peu
différent aujourd'hui, après le temps des premiers ministres dans Ottawa,
pour pas seulement le français ici, au Québec, mais pour les autres provinces.
Et les personnes prennent le temps
pour prendre des cours en français, et ça, c'est mon expérience, j'ai entendu
ça beaucoup. Et, quand j'ai fait mon tour des autres provinces, j'ai
trouvé que les autres personnes essayaient de parler la langue française. Et c'est
nécessaire pour travailler dans Ottawa, maintenant, de parler la langue
française.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Merci.
Mme
De Courcy : Merci, monsieur.
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. Gold. Je reconnais
maintenant le député de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
M. Breton : Bonjour, M. Gold.
M. Gold (Steven) : Bonjour, monsieur.
• (12 h 10) •
M.
Breton : Merci beaucoup de participer
à cette commission parlementaire, j'apprécie beaucoup le geste citoyen que vous
posez. Je pense que c'est important, ce que vous faites, et, à mon avis, il
devrait y avoir plus de citoyens qui posent des gestes comme ça.
Une question pour vous :
Comment voyez-vous le fait qu'une multinationale, lorsqu'on leur demande de faire de l'affichage en
français — par exemple, pour ne pas la nommer,
Wal-Mart — poursuive le gouvernement pour ne pas le faire? Quelle est votre opinion là-dessus?
M. Gold (Steven) : Oui, je prends l'idée des compagnies qui
viennent dans Québec. Il faut respecter la loi à
100 % pour aider les employés de parler
la langue française et communiquer avec les employés en français, parce que ça,
c'est le Québec, c'est le Québec, mais il y a une idée de respect, comme j'ai
dit, quand il y a des «signages» ou des marques d'affaires, pour donner une chance à cette compagnie-là pour rester avec
le même nom, ne pas changer le nom exactement, pour tourner les mots, quelque chose, mais pour respecter la compagnie
et comment ils font le travail avec les clients, mais toujours avec le
respect pour la langue française. Always
with respect for the French language in Québec.
M. Breton :O.K. Merci.
La Présidente
(Mme Richard, Duplessis) : Merci, M.
Gold. Nous allons maintenant du côté de l'opposition officielle, et je
reconnais maintenant le député de Jacques-Cartier. M. le député.
M. Kelley : My turn to say thank you
very much, Mr. Gold. You've taken the time to come down Highway 20 from
Montréal to participate in one of our hearings. And I think I'd like to echo
what my colleagues on the other side of the table have said. I think it's
always important for citizens to participate, because ultimately these are
rules, and regulations, and legislation that
impact people's lives. And I like very much the pitch you've made for respect,
and I think mutual respect is something we're all trying to seek.
And just if I could hear
you a little bit more, because you mentioned it in your last answer, but I
think we all agree that the Québec
Government, because in the large ocean which is North America there's a very
small place where French is spoken, it's
really... there are a few pockets here and there outside of Québec, but really
Québec, and the Québec Government as
a result, has a special role to make sure that that French fact in North
America is protected, it can thrive. I
think we all have an interest in that. It's something that we try in
different... We may disagree on the tactics to get to that goal, but it's a goal that's shared. And I
understand from your last answer, I just… If you could elaborate it on a little
bit more on how important it is to keep that language diversity in North
America and to make sure that there is a place where the French language can
thrive.
La Présidente
(Mme Richard, Duplessis) : M. Gold.
M. Gold (Steven) : OK. You know, again, I
could say something about business. A business is important to the community
to make a living and, to do that, will always have to communicate well with
their employees. And especially in Québec, yes, we have to acknowledge
that there is, you know, a big French community and... but also we have to understand that the people now who live in Québec,
they like living here, we like... J'aime de parler la langue
française. Ça, c'est très important. J'aime de parler français...
Une
voix : ...
M.
Gold (Steven) : Pardon?
M.
Breton : Et vous parlez bien.
M. Gold (Steven) : Merci beaucoup. Et ça, c'est mon esprit et mon... J'ai
trouvé ça avec mes autres citoyens dans Québec. Les personnes aînées, O.K., il y a des
médias, les médias parlent anglais, parlent français, mais une chose…
Dans la rue ou dans les magasins, c'est
comme ça, les personnes anglaises… Moi, je suis né ici, à Québec, et maintenant
je trouve que j'aime la vie ici. J'aime
de parler français pour être compris en français, et ça, c'est la vie ici. Moi,
je ne suis pas seul dans ce point,
parce qu'il y a beaucoup de citoyens anglais comme moi qui aiment de vivre ici,
à Montréal ou au Québec, mais c'est les citoyens qui vivent ici
longtemps, et ce n'est pas un problème.
Mais, oui, vous avez des points de respect de
la langue française, mais ce n'est pas exactement… ce n'est pas vraiment un problème. Si vous donnez
un petit peu d'information… Par exemple, si vous allez à l'aéroport, les
personnes qui travaillent là-bas veulent parler anglais et français pour
communiquer avec les touristes, avec les personnes
qui viennent ici, O.K., peut-être pas seulement en français, parce que c'est
fédéral, mais il y a des personnes qui
vivent ici qui veulent parler français comme moi. Moi, je veux parler français,
et il y a du monde comme ça. Mais il y
a des autres points que vous avez seulement à Québec. Si vous allez dans les
autres provinces, vous trouvez une bonne chose, vous dites... À mon expérience, les personnes en Ontario,
Saskatchewan, Alberta, il y a des personnes qui parlent français et
aiment de parler français pour faire de la pratique, et la même chose en
British Columbia. Il y a plus de respect pour les personnes françaises au
Québec.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Merci, M. Gold.
Une
voix : Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci beaucoup pour votre
présentation. Nous allons maintenant recevoir
M. Robert Auclair...
Des voix : ...
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Oh! Excusez-moi. Excusez-moi, je suis vraiment désolée.
C'est parce que vous vous faites discrète, Mme
la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) : Je suis respectueuse
et j'écoute.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : C'est très
bien.
Mme
Roy (Montarville) : Et, cela dit, d'ici la fin de la commission, vous n'allez pas m'oublier,
j'en suis certaine.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : J'en suis désolée. Soyez assurée que ce n'était pas mon intention de vous oublier.
Mme Roy
(Montarville) : Oui, je sais.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Je vous cède la
parole, Mme la députée de Montarville.
Mme
Roy (Montarville) : Merci. Merci beaucoup. M. Gold, merci beaucoup pour votre mémoire que
vous nous avez déposé.
Vous parlez de
respect. À la commission avenir Québec, c'est la chose qui est la plus
importante pour nous... À la Coalition,
pardon, avenir Québec, ce que nous voulons, c'est défendre et protéger la
langue française tout en respectant les droits de la minorité
anglophone. C'est bien important que vous le compreniez.
Dans votre mémoire,
vous nous écrivez... entre autres, vous parlez du statut des municipalités
bilingues, qui pourraient le perdre, ce à
quoi nous nous opposons, là, de la façon dont c'est libellé dans le projet de
loi n° 14, et vous nous parlez
de la qualité de vie. Dites-moi, dans quelle mesure pensez-vous que ces villes
au statut bilingue, si elles perdaient leur statut, y perdraient en
qualité de vie pour les gens qui vivent là?
• (12 h 20) •
M.
Gold (Steven) : Oui, c'est facile. Il
y a des choses différentes, on pense les choses différentes. La première chose :
ce n'est pas la langue de «North» Amérique en général, O.K., c'est… Amérique,
des États-Unis, mais, au Canada, je
vous dis sérieusement, il y a une grosse portion de la population qui veut
parler français comme moi. Moi, j'aime de parler français, j'aime la culture, la culture, et, je trouve, ça, c'est
très, très intéressant, la vie, les choses à manger, tout ça, «you
know». C'est tout ça.
Mais
moi, je parle avec, comme moi, je dis, un petit peu de respect, mais il y a des
autres personnes comme moi qui avaient une... pour essayer de communiquer, mais
ce n'est pas facile pour parler la langue. Mais, pour les jeunes
personnes, O.K., les jeunes personnes veulent
essayer de prendre les mots pour comprendre la culture un petit peu, mais les
vieux, des personnes âgées comme moi — je
ne suis pas trop âgé, mais… — je sais, il y a une
communication, une bonnecommunication, mais il y a un problème. Si c'est
trop vite pour quelqu'un, c'est prendre, O.K., une note, comme moi, j'ai
dit à la ministre, pour donner une chance,
O.K., pour bien expliquer, pour bien expliquer à la communauté pour avoir
une chance pour apprendre la langue
française — ça, c'est très important — pour expliquer. Vous avez des chances pour les citoyens qui vivent
ici beaucoup des années. C'est normal, parler français, et je ne suis pas seul
dans ça, je ne suis pas seul.
Il y a des personnes
qui avaient des problèmes, c'est vrai, mais, pour les autres personnes qui...
des personnes françaises qui veulent parler
un petit peu anglais, c'est nécessaire pour laisser la porte ouverte, laisser
la porte ouverte un petit peu pour
communiquer, les jeunes Français, pour les hommes d'affaires, ne pas fermer la porte
pour seulement parler français, ce n'est pas une bonne chose. Je dis
pourquoi : parce que beaucoup d'argent arrive dans Québec, dans les autres
provinces, pour les autres compagnies, des personnes très intelligentes, et la
même chose pour les États-Unis. Mais les
temps ont changé, les personnes comprennent la situation. Ce n'est pas grave,
ce n'est pas grave, c'est juste pour informer — ça,
c'est très important — pour informer les populations,
la même chose dans l'aéroport pour les
touristes. Mais les gens qui vivent ici, ce
n'est pas un gros problème. C'est juste pour informer le public. Ce n'est pas
nécessaire, une loi trop forte avec les personnes qui travaillent, qui avoir
une famille, qui avoir des... pour expérience, pour donner une chance à la famille.
Mais
les familles ici, au Québec, ce n'est pas la même chose dans les autres
provinces, O.K., je vous dis ça. Mais Ottawa, ce n'est pas loin, à Montréal c'est
seulement deux heures pour se rendre à Ottawa, mais c'est bilingue à Ottawa. À
Ottawa, ça marche très bien, il y a beaucoup de Français qui… des gens et les
madames qui travaillent en français à Ottawa. C'est nécessaire, c'est une
obligation. Comme moi, j'ai dit à la première page, j'explique, après
45 ans de premiers ministres français qui viennent du Québec, les
personnes comprennent ça, et c'est la loi à Ottawa, parler deux langues, O.K.? Ça, tout le monde sait ça. Si
vous travaillez dans Ottawa, c'est nécessaire de parler les deux
langues. Si d'autres personnes dans les autres provinces veulent travailler
dans Ottawa, elles veulent parler bilingue.
Mais,
au Québec, juste pour informer, donner une chance aux personnes dans la loi
n° 14, n'importe quelle, la loi 101, ça marche bien, mais juste pour
informer et pas... avec un employé très intelligent. Votre équipe du
gouvernement, ça, c'est très important, très important pour avoir une
équipe qui travaille pour le gouvernement qui sait qu'est-ce qui se passe avec les personnes à
Montréal — je pense à Montréal
parce que je sais Montréal très bien — pour donner aux personnes l'information
et ne pas dire : Ça, c'est nécessaire, ça, c'est la loi, et c'est terminé.
Non, non. Avec une équipe, bien
compris la loi et pour bien informer, O.K., pas avec l'OLF qui prend... qui
allait... O.K., Mme la ministre, elle trouve que ça, c'est un problème. La ministre, vous trouvez ça tout de suite. Ça, c'est correct. Mais bien compris, les employés, pour avoir
une chance pour informer le public, c'est tout, c'est tout ce que je dis, pour
informer le public avec un petit peu de
nuance, «you know», pour bien… laisser tranquille un petit peu et donner au
public une chance pour la croissance, donner la chance pour la
croissance.
Mme
Roy (Montarville) : Merci beaucoup, M. Gold. Je comprends votre message. Merci beaucoup, M. Gold.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Merci beaucoup,
M. Gold.
Nous allons suspendre
quelques instants pour permettre à M. Robert Auclair de prendre place. Nous
suspendons quelques instants.
(Suspension de la séance à
12 h 23)
(Reprise à 12 h 25)
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission va reprendre
ses travaux. M.
Auclair, bienvenue à la commission. Je vous demande quand même de vous
identifier. Vous disposez d'un temps de 10 minutes pour faire votre exposé. Par la suite, il y aura une période
d'échange avec les différents groupes parlementaires. La parole est à
vous.
M. Robert Auclair
M.
Auclair (Robert) :
Alors, je m'appelle Robert Auclair. Je suis un citoyen du Québec. Alors, je
vous remercie de me recevoir pour vous résumer
rapidement mon petit mémoire. Le présent mémoire porte en fait sur un point, c'est
la Direction de l'Office québécois, et un court commentaire sur l'article 50.6
qui est une question de rédaction.
Une
loi, fut-elle la meilleure, vaut dans la mesure où elle est appliquée. C'est là
un truisme que l'on est porté à oublier. Si l'objet de la loi porte sur un sujet
qui fait consensus, la protection des oiseaux migrateurs par exemple, il
n'est pas nécessaire que l'autorité chargée
de l'application de cette loi ait un statut spécial. Il en est autrement de la
langue, qui n'est pas un dossier comme les
autres, elle est un élément du patrimoine commun à toute la population. Une loi
linguistique est un sujet controversé qui
fait l'objet d'éternels débats, qui divise les partis politiques et les groupes
ethniques. Il est donc essentiel que l'organisme chargé de l'application
de cette loi ait une autorité et un prestige à toute épreuve.
La
langue, c'est une évidence, est un sujet d'ordre politique qui ne laisse aucun
gouvernement indifférent, encore moins le
ministre responsable, qui n'aime jamais entendre parler de questions d'ordre
linguistique embarrassantes politiquement.
Le gouvernement a toujours intérêt à choisir, pour la Direction de l'office,
une personne avec qui il s'entend bien,
malléable — oui, malléable — qui ne lui causera pas trop d'ennuis
et qui ne fera pas trop de vagues. L'important,
c'est d'affranchir l'office du politique, d'écarter
les influences qui s'exercent au moment des nominations et pour un
travail à accomplir. En somme, dépolitiser l'office.
L'application
de la charte relève d'un organisme dirigé par un président-directeur général.
Cette personne est un fonctionnaire au sens de
la Loi de la fonction publique. Elle a le statut de sous-ministre adjoint, donc
elle relève d'un sous-ministre et d'un
ministre. En définitive, un sous-ministre qui voudrait contrer cette volonté
serait mieux de changer d'idée. En
outre, les ministères, les organismes, les entreprises et les syndicats n'hésitent
pas à faire valoir fermement leur point de vue au sous-ministre
adjoint — j'entends le président de
l'office — et à s'adresser, au
besoin, à l'autorité ministérielle.
•
(12 h 30) •
Je
rappelle ici une phrase de Guy Rocher, l'un des auteurs de la charte, qui
souhaitait que les personnes qui soient
nommées soient des personnes d'expérience et de notoriété publique, soit les
plus aptes à remplir énergiquement la mission
que la loi 101 a conférée à chacun de ces organismes. Il a d'ailleurs repris
cette affirmation à plusieurs reprises, et plusieurs intervenants, dans
le passé, ont insisté sur ce point.
Si
la personne responsable de l'application de la charte était nommée par l'Assemblée
nationale après consultation de tous les
partis politiques, si elle devait répondre de son administration à cette
Assemblée, elle aurait un tout autre pouvoir
et un autre prestige, c'est l'évidence même. Ce n'est pas sans raison que la
Direction des élections, le Vérificateur général, le Protecteur du citoyen — puis
je ne les ai pas tous nommés là-dessus — ont un tel statut, on a voulu garantir leur
indépendance et leur assurer le prestige qu'ils méritent et dont ils ont besoin
pour faire appliquer la loi. En valorisant ainsi l'office, l'État enverrait à la population un message clair sur l'importance
qu'il accorde à la langue. Plus personne ne pourrait dire qu'il n'y a
pas de volonté politique au Québec pour la promotion du français.
Le sujet suivant,
statuts et états financiers, c'est une question de rédaction mais qui est
importante. Le projet de loi donne suite à une recommandation qui a été faite d'obliger
les syndicats à fournir à leurs membres des statuts et règlements puis des
états financiers en français, ce qui n'est pas toujours le cas et ce qui est
surprenant. Et cette demande-là faisait suite
à une décision des tribunaux. Ils ont décidé que les communications des
syndicats ne comprenaient pas ça.
Le texte de la loi, là, il est écrit là, l'article 50.6. En
deux mots, cet article-là, la rédaction ne répond pas à l'objectif visé, qui est de s'assurer que les travailleurs
reçoivent automatiquement ces documents en français. Il est rédigé, au
contraire, de façon à en limiter l'application, et je m'explique.
L'article
50 mentionne qu'on doit fournir ces documents en français sur demande. Je n'arrive
pas à deviner ce qui a pu pousser le rédacteur à ajouter les mots «sur demande», c'est tout
simplement humiliant. On n'a pas à quémander de français au Québec, il
devrait être offert automatiquement.
En
outre, l'article continue en disant que le syndicat doit fournir ces
renseignements «à l'un de ses membres», ce qui veut dire que le syndicat pourrait donner le
renseignement en français au plaignant et ne pas en informer le syndicat
comme tel, qui pourrait continuer de fonctionner dans une autre langue. Ce n'est
pas une rédaction acceptable.
Enfin,
la loi parle d'une version française. Là, ça dépassait les limites. Une version
française, ça suppose l'existence d'une autre version, sous-entendu, originale. Le
législateur veut s'assurer de donner une traduction française aux
membres du Québec. Il ne doit pas s'exprimer
de cette façon, il doit dire tout simplement qu'un texte doit être fourni en
français.
Maintenant,
lorsque j'ai préparé le mémoire, je n'avais pas eu le temps de vous donner
le... de proposer un texte. Alors, j'ai proposé un petit texte. Je pense que
je n'en ai pas gardé de copie, je vais regarder. Non, j'en ai une, je m'en
suis gardé une. Alors, l'article qui est
proposé là s'inspire de la rédaction de l'article 41 du projet de loi actuel,
alors : Une association ou un regroupement visé à l'article 50
rend disponibles en français ses statuts et règlements de même que ses états
financiers pour ses membres. C'est simple, c'est clair, puis on n'a pas besoin
de faire un grand discours.
Je mentionne tout
simplement une petite question de vocabulaire. Dans mon projet, vous voyez les
mots «statuts et règlements». Dans le projet
de loi, il est question des statuts, et moi-même, j'ai suggéré «statuts», mais
on m'a fait remarquer, tant des gens
de l'Office de la langue française que des légistes, que d'employer le mot
«statuts», c'est probablement un
terme restrictif. «Statuts», ça veut dire qu'ils découleraient de la
constitution même du syndicat et que ça ne vaudrait pas pour toutes sortes de règlements. Par exemple, un
syndicat qui adopterait un règlement pour les frais de voyage, de déplacement de ses membres à l'occasion
d'arbitrages ou de congrès, un tel règlement, est-ce que ça
serait statutaire? Alors, c'est pour ça que
l'expression «statuts et règlements», qui est courante, est probablement
préférable. Je le signale. C'est un détail, mais je pense qu'il n'est pas
mauvais de le mentionner. Merci beaucoup.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. Auclair. Nous allons débuter les échanges, et
je vais du côté du gouvernement. Mme la
ministre responsable de la Charte de la langue française, vous avez la parole.
Mme De Courcy : D'abord, merci, M. Auclair, de vous être inscrit à ces
auditions. Je sais que l'association, l'association
pour l'usage et le soutien de la langue française, ai-je compris, et que vous avez fondée, je crois, a fait un travail
remarquable afin d'épauler tous et toutes qui ont à parler ou écrire des lois
au Québec, entre autres, alors je vous en remercie.
J'aimerais
par ailleurs vous poser deux petites questions, deux petites questions, une sur
les relations qui existent, selon vous, entre la qualité du français et la
langue utilisée dans les milieux de travail, notamment j'ai en tête l'influence
de la langue numérique, l'utilisation d'Internet, et etc. Est-ce que vous
pensez que ça a... Quel type d'influence ça a?
Et
mon autre question qui est soulevée, qui touche à ce qui est soulevé, c'est l'expression…
Elle est dans le projet de loi n° 14, d'ailleurs. Je voulais
vous demander si vous aviez une solution linguistique autour de ça, «prendre
des mesures».
M. Auclair (Robert) : Prendre…
Mme
De Courcy :
Prendre des mesures, on dit «prendre des mesures». Il s'agit là d'un calque de
l'anglais, alors je voulais savoir quelle
solution vous...
Une voix : ...
Mme De Courcy : … — c'est ça — quelle solution vous... Parce que, dans le langage usuel
que j'entends beaucoup au gouvernement,
«prendre des mesures», là, je pense... probablement qu'à tous les jours on doit
l'entendre, trois, quatre, cinq fois par jour. Alors, j'aimerais ça avoir votre
solution autour de ça. Merci.
M. Auclair (Robert) : «Prendre des mesures», ça, c'est un exemple. On pourrait
en sortir 10 de suite, là, des calques de l'anglais
dont on est inconscients, moi le premier, qu'est-ce que vous voulez, puis on en
apprend tous les jours.
Maintenant, votre
première question, c'était l'influence sur la qualité de la langue?
Mme De Courcy : Si vous avez une opinion là-dessus, quand on utilise
beaucoup le réseau Internet, les technologies quand on est en milieu de
travail. Si vous pensez que ça affecte la qualité du français écrit et parlé
par la suite, si vous avez une opinion.
M.
Auclair (Robert) :
Je vous réponds spontanément oui, mais je repars autrement. La qualité de la
langue, là, ça ne dépend pas d'Internet en particulier. Vu que vous m'abordez ce
sujet-là, les conventions collectives, là, signées par le gouvernement du Québec, fonctionnaires, là,
conventions collectives des enseignants, la CEQ, le ministère... la
Fédération des commissions scolaires — ça, c'est des organismes publics — moi, ça fait des années, 20 ans et plus que j'ai fait des suggestions au nom de l'association pour corriger
des fautes de français dans la convention collective. Bien, vous allez
les regarder, les conventions, on ne les corrige pas.
J'ai réussi il y a trois ans dans le domaine des
enseignants. Ça faisait 20 ans que je leur disais à chaque négociation : Corrigez.
Bien, la dernière négociation, ils en ont corrigé un bon paquet, un succès
incroyable, oui, mais il en reste encore. Je leur ai dit : J'ai de la mémoire. La prochaine négociation s'en
vient, il vous reste une quinzaine de fautes, là, allez-y. Je ne le sais
pas, s'ils vont le faire.
Maintenant,
je vous mentionne… Dans les grandes entreprises, vu que vous me parlez de la
qualité, là, le grand quotidien français d'Amérique, là, ça fait 25 ans, comprenez-vous,
pas 25 jours, 25 ans que l'ASULF écrit au syndicat affilié à la fédération de... bien à la CSN puis
aux gens de La Presse pour leur dire : Corrigez donc les
fautes de français, puis ils ne les
ont jamais corrigées, même pas une virgule. J'ai déjà écrit à une centaine de
journalistes personnellement, à La Presse : Corrigez donc les fautes. Je n'ai jamais
eu de réponse. Mais les fautes sont là. Mais là ils vont entreprendre
des négociations bientôt, la… Je vais réécrire de nouveau. Est-ce qu'ils vont
les corriger?
Mais,
j'ajoute, l'Office de la langue française, là, ne s'est pas montré le bout du
nez bien loin. J'ai écrit à l'office, l'office a écrit une belle lettre à ces gens-là :
Nous vous invitons à corriger les fautes de français, puis nous vous
offrons notre collaboration, puis nous avons
un grand dictionnaire terminologique, puis nous avons publié un vocabulaire
des conventions collectives, puis nous sommes à votre disposition. Les gens
reçoivent la lettre puis ils la laissent là. Puis ils vivent avec leurs fautes
depuis 25 ans.
Puis là je m'arrête
parce que je vais dépasser mon temps. J'aurais d'autres exemples à vous donner.
Mme De Courcy : Je vous remercie beaucoup, M. Auclair. Merci.
Une voix :…
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Oui. Je
reconnais maintenant le député d'Iberville.
Une voix : Berthier.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : De
Berthier. Excusez-moi, M. le député. Le député de Berthier.
M.
Villeneuve :
Merci. Merci, Mme la Présidente. Bonjour, monsieur. C'est, je vous dirais, très
intéressant de voir à quel point vous avez la langue française à coeur et à quel point
vous la défendez sur tous les fronts. Bravo, je vous félicite. J'aurais
moi-même probablement beaucoup à apprendre de votre expérience en la matière.
Moi,
j'aimerais savoir de votre part, étant donné... Puis vous avez abordé un peu le
sujet avec la ministre tantôt concernant les médias sociaux, l'Internet et, bon,
le clavardage, pour ne nommer que celui-là, et évidemment, tous nos
jeunes qui baignent dans cet environnement-là, ce nouvel environnement là,
donc, j'essaie de suivre, moi là, là, et je pense
que j'y arrive, à tout le moins, en faisant les efforts qu'il faut, mais on
voit aussi... j'ai beaucoup de difficultés, je regarde mes... — j'ai des
jeunes enfants, là, si jeune, c'est 16 ans, 18 ans, 22 ans, là — quand ils font du clavardage pour réussir à comprendre ce nouveau code, si on peut dire
ça comme ça.
Est-ce
que vous voyez dans cette façon de faire, cette nouvelle façon de faire grâce à
l'Internet, si on peut dire «grâce», là... Est-ce que vous voyez un péril par
rapport à la langue française? Et, si oui, est-ce que vous avez des
avenues à nous proposer pour justement peut-être s'assurer, finalement, que la
langue française puisse traverser cette époque de l'Internet, et cette époque du clavardage, et toute cette nouvelle façon
de faire au niveau des communications? Parce que c'est important, là.
Les communications, c'est la base même de la langue, l'écriture, la lecture.
Alors, j'aimerais vous entendre peut-être là-dessus.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Merci, M. le
député de Berthier. Monsieur...
M.
Auclair (Robert) :
Je ne suis peut-être pas la meilleure personne pour vous répondre, parce qu'à
me voir vous voyez
que je ne suis pas un jeune diplômé de la semaine dernière, je ne suis même
plus éligible comme cardinal parce que je
dépasse 80. Je ne peux pas réellement vous répondre là-dessus, mais je sais que
l'ASULF qui est ici, ils vont probablement noter la question, ils
pourraient vous répondre, parce que moi, l'Internet — vous pouvez me traiter de «p'tit vieux» — j'ai décidé de ne pas apprendre ça. Alors, je suis un
ignorant puis je suis obligé d'avoir recours à des secrétaires,
que j'appelle amicalement
des esclaves, pour fonctionner avec ça. Moi, l'Internet,
je ne connais pas ça, alors je ne peux pas vous répondre là-dessus, mais
évidemment que j'ai le sentiment, parce que je vois comme vous tout ce
qui s'écrit, qu'il faut avoir les yeux ouverts. Il ne faut pas être indifférent
puis laisser aller les choses, suivre le courant.
M.
Villeneuve :
Oui, bien, je vous posais la question... Merci de la réponse, mais je vous
posais la question parce que je vois que vous êtes un gardien de cette
belle langue française là, et je me suis dit : Peut-être qu'il a réfléchi
à la question.
Mais
il n'est pas trop tard, hein? Vous pouvez répondre à la question, si jamais ça
vous intéressait d'y répondre, directement par le site de la commission ou
envoyer un document à la commission, parce que la question, je crois,
elle est très d'actualité, si je peux dire,
et drôlement... autant intéressante que peut-être aussi inquiétante pour la
suite des choses. Mais merci.
M. Auclair (Robert) : ...l'association, qui a déposé un mémoire, va être entendue. Je pense qu'ils
doivent écouter puis noter votre question pour pouvoir y répondre mieux que
moi.
•
(12 h 40) •
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. Auclair. Nous allons aller
maintenant du côté de l'opposition officielle.
M. le député de LaFontaine, vous avez la parole.
M.
Tanguay : Oui,
merci beaucoup, Mme la Présidente. D'abord et avant tout, M. Auclair,
merci beaucoup pour votre temps aujourd'hui. Merci d'avoir déposé le mémoire, que nous avons
tous lu avec un grand intérêt, et merci pour votre présence aujourd'hui.
J'ai
noté donc dans votre mémoire et de votre témoignage… Évidemment, comme vous le
soulignez, le dossier du français au Québec
est un dossier, vous l'avez souligné, on le reconnait tous… un dossier très
important, central, qui est néanmoins
délicat. L'épanouissement du français, c'est l'affaire de tous, l'affaire de
tout le monde, et on ne pourrait pas atteindre cet objectif-là s'il en
était autrement.
Il
y a également différentes façons d'atteindre cet objectif-là, et une
modification législative n'en est pas, et loin
de là, la seule. Il y a également des
programmes d'aide, de soutien, des approches qui font en sorte que ça devienne
une réalité dans tous les jours, mais il y a
un nécessaire accompagnement à mettre de l'avant, et il y a une réflexion qui
doit toujours être mise à jour. On parlait
des médias sociaux un peu plus tôt. Il y a beaucoup à faire là, et, encore une
fois, je pense, c'est en accompagnant
les gens et en faisant en sorte qu'ils aient les outils nécessaires, et nous
devons toujours demeurer vigilants en ce sens-là.
Vous avez parlé, dans
votre mémoire et dans votre intervention un peu plus tôt, de l'importance de l'Office
de la langue française. Vous suggérez donc
qu'il y ait même un nouveau mode de nomination de la personne qui le
préside, et, en ce sens-là, je pense que
vous reconnaissez l'important rôle de l'office, l'office qui veille à l'application
de la Charte de la langue française, qui a même des pouvoirs d'enquête
en vertu de la loi. Vous reconnaissez donc l'importance de l'office — applique la loi, pouvoir d'enquête — l'importance aussi que l'office ait toute son
indépendance et les coudées franches pour bien
appliquer la loi.
Comment
percevez-vous, vous — puis, si vous n'y avez pas réfléchi, dites-le-moi, il n'y aura pas
de problème, mais
j'aimerais vous poser la question — que, de façon, je vous dirais,
concurrente à l'office, la ministre puisse
nommer également, elle, en plus de se constituer elle-même comme une personne
qui peut enquêter en vertu de la Loi sur les commissions
d'enquête… qu'elle puisse également, en compétition avec l'office, nommer une
série d'enquêteurs qui eux également
veilleraient à l'application de la Charte de la langue française? Comment vous
verriez, vous, l'efficacité d'un tel possible dédoublement?
M.
Auclair (Robert) :
Pour être bien franc, j'ai vu ça, mais j'ai passé par-dessus ça, parce que,
dans le projet de loi, il y a beaucoup de
choses sur lesquelles j'aurais aimé parler, mais je me suis dit : Je vais
parler d'un sujet qui, pour moi, est fondamental, c'est la nomination du
président. Or, l'aspect que vous me parlez là, je n'y ai pas réfléchi,
franchement, parce que, pour moi, la cheville, c'est la nomination du
président. En tout cas, vous ne me posez pas de question là-dessus, j'ai dit ce
que j'avais à dire. D'après moi, c'est le point de départ.
M. Tanguay : Bien, je tiens à vous remercier. Et ce message-là, il a
été très clair et très bien entendu. Merci beaucoup, M. Auclair.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Nous allons
maintenant du côté de la deuxième opposition. Mme la députée de Montarville,
vous avez la parole.
Mme
Roy (Montarville) : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Auclair. Merci pour votre
mémoire. Je voudrais vous dire d'entrée de jeu
que vous faites une analyse très juste d'une problématique, et nous trouvons
que c'est une problématique, à la Coalition
avenir Québec, c'est une de vos préoccupations et c'est une des nôtres, et je
vous cite quand vous dites que «l'important, c'est d'affranchir l'Office
[québécois de la langue française] du politique, d'écarter les influences qui s'exercent au moment des
nominations et pour un travail à accomplir». Et là vous ajoutez : «En
somme, dépolitiser l'office.» Alors, nous
sommes tout à fait d'accord avec vous à cet égard-là. Le fait de nommer
peut-être par l'Assemblée nationale la tête de l'office aussi, c'est une
idée qui nous interpelle, ce que vous dites.
Cependant,
vous parliez... Et vous êtes très interpellé aussi par la qualité du français à
l'intérieur même de nos murs, de nos institutions, et la question que je
me pose, c'est : Est-ce qu'il est possible, pensez-vous, que ce ne soit
pas nécessairement l'anglais qui soit une menace à la langue française au
Québec, mais peut-être, je vous dis bien peut-être
est-ce possible que ce soit le français lui-même, tel que nous l'apprenons, l'écrivons,
l'enseignons, le parlonsactuellement,
qui soit lui-même une menace à la langue française actuellement? Y a-t-il un
déclin, selon vous, de la langue française, de la qualité de notre
langue française?
M. Auclair (Robert) : Vous voulez dire la façon dont on l'enseigne et tout?
Mme
Roy (Montarville) : …le résultat au bout du compte. Nos jeunes, nos
enfants, la façon dont ils le parlent, qu'ils l'écrivent, trouvez-vous qu'il y a un
déclin? Devrait-on resserrer à cet égard-là pour protéger la langue
française?
M.
Auclair (Robert) :
Bien, si je comprends bien la question, la langue, l'enseignement de la langue,
ça compte au point
de départ. Puis l'emploi que tous les organismes publics font de la langue, si
le gouvernement s'exprime correctement puis si les syndicats puis les
employeurs s'expriment correctement, bien, par le fait de l'imitation, on
répète les mots qu'on entend, alors, si on entend un terme erroné, tout le
monde va le répéter.
Ça,
je pense que, la langue, comme je vous dis, si je comprends bien votre
question, ça va de soi, il faut qu'il y ait un effort de tout le monde, du
législateur, des syndicats, je ne sais pas, moi, de tout…
Mme
Roy (Montarville) : ...protéger la langue française, pour vous, également… protéger la
langue française, ce serait — et je soumets une hypothèse — également bien l'enseigner et bien faire en sorte que nos
jeunes la parlent. Parce que vous disiez que vous avez noté des fautes, que
vous répétiez à l'office qu'il y avait des fautes, puis on n'a pas
changé nos pratiques. Alors, ma question — et je me suis peut-être mal exprimée — ce que je disais, c'est : Est-ce possible que la façon dont on parle notre langue et la façon dont
nous l'écrivons dans nos organismes publics soient aussi, à certains égards, à certains moments, une menace pour la
langue, donc qu'il faille resserrer, justement, l'enseignement et la
pratique de notre belle langue française?
M.
Auclair (Robert) :
Bien, ce n'est pas parfait, seulement les lois — je parle des lois — sont sûrement mieux rédigées qu'elles ne l'ont déjà été. Nos
conventions collectives — c'est un domaine que je
connais — sont farcies de fautes de français, mais j'oserais dire que ça s'est
amélioré. On ne peut pas penser, du jour au lendemain, prendre un texte
qui est tout de travers puis dire : C'est
un modèle, mais il faut faire des efforts, puis l'Office de la langue,
là-dessus, rend des services, puis il
y a des gens dans les syndicats puis chez les employeurs qui ont le souci d'écrire
correctement. Ça se fait, ça, à la longue, on ne peut pas avoir une
décision qui règle le problème d'un coup sec. Je ne sais pas si ça répond à
votre question, mais…
Mme Roy
(Montarville) : Oui, pleinement. Je
vous remercie beaucoup, M. Auclair. Merci.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Merci beaucoup,
M. Auclair.
La
commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures, cet après-midi. Et vous pouvez laisser les documents sur place, la salle sera sécurisée. Merci.
(Suspension de la séance à
12 h 48)
(Reprise à 15 h 12)
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bonjour. Nous allons
reprendre nos travaux, et je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien
vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
Et nous allons
poursuivre sans plus tarder les auditions publiques sur le projet de
loi n° 14, Loi modifiant la Charte de la langue française, la Charte
des droits et libertés de la personne et d'autres dispositions législatives.
Et nous recevons
maintenant le mouvement national des Québécois et Québécoises. Messieurs,
bienvenue à l'Assemblée nationale. Je vous
demande de vous présenter, de présenter également la personne qui vous
accompagne, et vous disposez d'un temps de
10 minutes. Par la suite, il y aura un échange avec les différents groupes
parlementaires. La parole est à vous.
Mouvement national des
Québécoises et Québécois (MNQ)
M.
Laporte (Gilles) :
Mme la ministre, Mme la Présidente, MM. et Mmes les députés, merci de nous accueillir. Mon nom est Gilles Laporte. Je suis président
du Mouvement national des Québécois, fraîchement élu, il faut dire. Je remplace Mme Chantale Trottier, qui a occupé les
mêmes fonctions durant les 10 dernières années. Je suis accompagné du
directeur général du Mouvement national des Québécoises et Québécois, M. Gilles
Grondin.
Vous
me permettrez d'utiliser la première minute de mon 10 minutes de gloire
pour vous présenter le Mouvement national des Québécois, qui est une vénérable
institution fondée en 1947. Imaginez un regroupement de toutes les
sociétés Saint-Jean-Baptiste du Québec à l'époque. Pour vous dire, par exemple,
nous avons été un des grands promoteurs de l'instauration du drapeau québécois
en 1948, alors c'est vous dire.
Donc,
nous nous définissons nous-mêmes comme un promoteur de l'identité québécoise
dans tous les domaines, à la fois dans l'histoire, la culture, bien sûr la
langue. Nous sommes engagés dans les commémorations. On pense, par
exemple, à la Journée nationale des patriotes, la journée de la Francophonie, d'ailleurs, qui va se
dérouler la semaine prochaine, d'autres commémorations comme la journée du
drapeau et, bien sûr, la fête nationale des Québécoises et Québécois, dont nous
sommes le fier partenaire depuis 1984.
À
cet égard, d'ailleurs, il nous fait plaisir d'inaugurer ici une petite... une
épinglette, en fait, qui est davantage qu'une épinglette. C'est un symbole, le symbole de
la participation du Québec à la Journée internationale de laFrancophonie qui va se dérouler le 20 mars
prochain. Il y a peut-être des activités qui se déroulent dans vos comtés.
Et je tiens à vous dire, parce qu'il y en
a... C'est des enveloppes personnalisées qui ont toutes été remises aujourd'hui,
mais il y a des nouveaux ici, il y a des
visiteurs, alors je veux juste vous assurer, là, en mon nom puis au nom de M.
Grondin, qu'elles sont déjà dans le courrier
interne à votre… donc pour vous être remises. Alors, c'est une épinglette
intéressante qui représente évidemment en
gros le drapeau du Québec mais avec les quatre couleurs de la Francophonie
internationale et avec un joli f stylisé
pour la barre verticale. Le Mouvement national des Québécois veut ainsi montrer
l'enracinement de la francophonie du Québec dans le contexte international et
montrer son appui à cette journée.
Alors, si vous me permettez, je voudrais
maintenant présenter notre mémoire, que vous avez tous en main. Je dirais
simplement... J'attirerais votre attention, parce que je suis d'abord professeur,
sur le titre que nous avons voulu donner à
ce mémoire. Il y a deux parties. La première, c'est Retrouver l'esprit de la
loi 101, et la seconde,Redécouvrir une volonté politique. En
ce sens-là, pour nous, ça définit bien le programme, il me semble, qui attend
le gouvernement et ce que la société civile, selon le Mouvement national des
Québécoises et Québécois, attend du gouvernement.
En
présentant une nouvelle loi 101, le gouvernement marque une volonté de s'inscrire
dans un plus vaste mouvement historique d'affirmation
collective. À cet égard, donc, il ne s'agit pas nécessairement de mesuresadministratives, topiques, il s'agit bel et
bien de proposer une nouvelle... une refonte de la loi 101. Par
conséquent, à la lumière de ces… du
mémoire, dis-je, et du projet de loi qui a été soumis, nous voulons rapidement
souligner quelques très bons coups. Ces très bons coups là, je vais m'en
tenir à quatre seulement.
Le premier, d'abord, qui nous apparaît
évident dans le contexte du milieu du travail en 2013, c'est que plusieurs entreprises
ont pris l'habitude d'inscrire le bilinguisme obligatoire de leurs employés
comme allant de soi, pratiquement comme
une formule de politesse qu'on place à la suite de n'importe quel appel d'offres
pour un emploi. Nous soulignons le
fait que, dans le projet de loi, on mentionne qu'elle peut être considérée
désormais comme une clause discriminatoire et qui opère une
discrimination parmi la main-d'oeuvre. Comprenons-nous bien, le projet de loi
souligne bien que, lorsque le bilinguisme
est véritablement nécessaire, il peut y demeurer, mais que cette clause soit
pratiquement… mise à toutes les
sauces, pour un emploi, par exemple, dans la restauration rapide à Val-d'Or,
nous appuyons le gouvernement dans sa volonté d'y mettre bon ordre.
Nous,
évidemment, soulignons un extraordinaire bon coup, c'est-à-dire enfin la
francisation des entreprises de 26 à 49 employés. Bravo, parce que c'est là qu'on
retrouve notamment la clientèle... bien, en fait, la population néo-québécoise et donc qui requiert un
environnement favorable à sa francisation. Bravo également parce qu'il s'agit
dans bien des cas, les entrepreneurs,
entrepreneuses ici le savent… il s'agit souvent d'entreprises qui sont de
jeunes entreprises, ce qu'on appelle
en bon français des «start-up». Par conséquent, elles ont tout intérêt à
entreprendre tôt leur francisation, en prévision d'une phase de
croissance.
À cet égard, enfin, il y a eu évidemment la
question : Est-ce que ça représente un poids supplémentaire pour les entreprises? On
pourra y revenir dans le débat. Nous concédons néanmoins qu'il ne s'agit pas
dans aucun cas, de 26 à 49 employés, de microentreprises. Considérons
que ces entreprises-là ont toutes à leur service au moins un service
administratif, un comptable à temps plein et que, tout compte fait, dans plus
de 80 % des cas, la francisation de ces entreprises
au Québec ne pose pas de problème. Elle pose peut-être des problèmes mais
justement auprès des entreprises qui
ont peut-être besoin d'opérer leur francisation, donc la francisation est
susceptible d'agir là où il le faut. Mais passons.
Nous signalerons un dernier bon coup,
certainement revoir le statut des municipalités bilingues. On y reviendra dans le
débat, mais nous avons cru entendre, nous, au Mouvement national des Québécois,
que certains suggéraient de confier
ça aux municipalités, comme si ça réglait le problème. Nous attirons l'attention
des commissaires, au contraire, sur les problèmes engendrés, parce que
confier à des municipalités le soin de déterminer leur statut linguistique ne constitue ni plus ni moins qu'un amendement à la
Constitution canadienne, à l'article 94 et 95, où il est explicitement
dit que les matières de langue et de
communication relèvent des provinces. Serions-nous prêts à confier aux
municipalités des responsabilités constitutionnelles?
En outre, la question des municipalités pose
aussi la question de la crispation que ça peut représenter. Entre vous et moi, voyez-vous sérieusement un conseil municipal
québécois voter à majorité des conseillers de perdre son statut bilingue? On
voit immédiatement des assemblées tumultueuses dans les conseils municipaux.
Mais passons.
Dans les faits, donc, pour ce qui est des
recommandations, alors, recommandations, elles sont réunies à la toute fin de notre
mémoire. Si vous le voulez bien, je me permettrais de les commenter l'une après
l'autre, parce qu'il y a de jolis sujets sur lesquels le Mouvement
national des Québécois est sensible à vos commentaires.
La
première recommandation que nous proposons en page 18 : Que le
gouvernement du Québec s'assure que le
français soit utilisé dans toutes les sphères de l'administration publique. Ce
fait-là est rappelé à plusieurs endroits dans le projet de loi, mais
nous souhaiterions que les amendements qui vont sans doute suivre permettent de
clarifier le statut du français comme langue normale de l'administration
publique du Québec. Et on a cru... Nous sont parvenus les échos du mémoire du SFPQ hier et qui ont mis, selon nous, le doigt
sur un certain nombre d'incertitudes ou de... En tout cas, il y a des points qui méritent clarification à propos du sens
que l'on prête à certains aspects ou certains articles du projet de loi
afin, encore une fois, de faire du français la langue normale de l'administration
publique.
Que
le gouvernement du Québec crée un commissariat indépendant à la langue
française. Peut-être cette remarque-là vous surprend. Quoi, encore de la
bureaucratie? Nous interrogeons, à ce moment-ci, le rôle de l'Office québécois de la langue française. Je vous
rappelle, l'office a quand même beaucoup de chapeaux à porter à l'heure
actuelle. Il est à la fois, en quelque
sorte, tribunal administratif, il fait enquête et il porte des plaintes, mais
on lui demande aussi à l'occasion de pondre des études, de colliger des
statistiques et de remettre des rapports. On a vu ces dernières années que ce n'est pas un rôle idéal pour l'office,
certaines études ont pu ne pas parvenir jusqu'à l'opinion publique. Est-ce
que c'est le rôle de l'office de produire des études incontestées dont les
résultats sont reconnus par tous les éditorialistes, les commentateurs et les partis politiques — nous croyons que non — et aussi bien qu'un commissaire indépendant à la langue, l'équivalent,
si vous me permettez, d'un Graham Fraser à Ottawa, un individu qui ferait
autorité, qui aurait un tout petit
service autour de lui, qui serait sans doute nommé par l'Assemblée nationale et
qui pourrait, lui, remettre des rapports annuels qui feraient en sorte
qu'on aurait enfin, si vous me permettez, un véritable portrait de l'évolution
du français et qu'on cesserait de crier au loup d'un côté ou de tenter d'inviter
la population à l'apathie de l'autre, selon telle ou telle statistique?
Avant de passer à la prochaine, je vous
rappelle que Statistique Canada a opéré des coupes sombres dans ses budgets de recherche, et on risque d'avoir, dans
les recensements prochains, des informations de moins en moins complètes
à propos du portrait linguistique, notamment de la région de Montréal.
• (15 h 20) •
Je
poursuis rapidement, si vous me permettez. Donc, le point 3 : Que le
gouvernement du Québec assure un financement durable et soutenu à la recherche
scientifique sur l'état du français. C'est bien clair qu'on voit ça en concomitance avec le rôle de ce commissaire, qui
pourra, à ce moment-là, compter sur des statistiques fiables et
irréprochables.
Plus rapidement, pour poursuivre : Que
le gouvernement du Québec fasse de la connaissance du français un critère de sélection
obligatoire. On pourra s'en expliquer. Il s'agit en somme de vérifier la
prédisposition d'un néo-Québécois à s'intégrer à la majorité de langue
française.
Que
le gouvernement du Québec investisse dans l'accueil et l'intégration des
immigrants et ne se préoccupe pas seulement de la langue.
Que le gouvernement du Québec mette en place
une politique de rétention des jeunes ménages à Montréal. Je sais que le ministre
responsable de la métropole est préoccupé par ce dossier-là. Je crois que le
dossier de la langue estintimement
lié aux politiques mises de l'avant afin de retenir sur l'île de Montréal une
masse critique de francophones à même
d'intégrer les néo-Québécois. Comme les statistiques le montrent souvent, les
néo-Québécois s'installent à Montréal, où
on demande à seulement 20 % des francophones du Québec de les intégrer. C'est
trop leur demander. Il faut leur donner les moyens de demeurer sur l'île
de Montréal, le MNQ en fait une recommandation.
Je
vais me permettre peut-être d'aller plus rapidement pour les dernières, mais
quand même j'insisterais sur : Que le
gouvernement du Québec garde le cap sur l'application de la loi 101 aux cégeps.
Je veux ici signaler essentiellement que
le projet de loi offre de belles avancées, et notamment — et une recommandation qui semble faire consensus — à l'effet, tout bonnement, que les étudiants qui
terminent leur collégial en anglais aient à passer un test d'aptitude au
français. C'est une mesure transitoire qui
nous apparaît prometteuse puis qui, en tout cas, est perçue par le Mouvement
national des Québécois comme une concession du gouvernement mais une concession
à laquelle nous sommes prêts à acquiescer dans les circonstances. Merci. À vous
la parole.
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. Laporte. Vous avez dépassé
d'environ une minute, mais on le prendra sur le temps du gouvernement, avec l'accord
de la ministre. Mme la ministre responsable de la Charte de la langue
française, la parole est à vous.
Mme De Courcy : Bien, d'abord, merci d'avoir produit
ce mémoire, un mémoire qui, dans ses
recommandations, m'apparaît raisonnable,
très raisonnable, et m'apparaît avoir décidé de prendre un point de vue
pragmatique, un point de vue qui nous
aide à le bonifier sans doute et qui nous permet de voir qu'un mouvement même — c'est 1947, vous avez dit? — ...
M.
Laporte (Gilles) : Exactement, oui.
Mme De Courcy : …1947, bien, a bien vieilli, a bien
vieilli. Alors donc, je suis très contente de vous recevoir.
Maintenant, j'ai des précisions à vous
demander, entre autres sur l'ensemble des
recommandations. D'abord, à la recommandation 8 : Que le gouvernement
du Québec abolisse les écoles passerelles, vous savez que j'ai annoncé qu'il y aurait une législation que je proposerais à l'Assemblée
nationale, compte tenu du fait que ce sujet-là a fait objet d'unanimité à l'Assemblée nationale, le
dossier des écoles passerelles. Je ne croirais pas, à ce stade-ci… Mais vous savez que je
suis très optimiste. Je ne croirais pas, à ce stade-ci, que ce serait difficile
ou compliqué.
Vous avancez aussi dans vos recommandations
deux éléments qui, là, me préoccupent un peu. Je vais essayer d'interpréter vos recommandations.
Au point 4, vous dites : Que le
gouvernement du Québec fasse de la connaissance du français un critère de sélection obligatoire
pour immigrer au Québec. Je crois comprendre… en tout cas je veux comprendre
que cette recommandation-là n'est pas
finale et sans appel, à savoir qu'il y a très certainement des personnes
immigrantes dont le Québec a besoin et qui ont besoin du Québec qui
pourraient, sans cette maîtrise, cette connaissance du français, parvenir chez
nous, des travailleurs très spécialisés ou des gens qui ont été très abîmés,
des réfugiés, des gens dont… un certain nombre de personnes qui, avec la capacité de la société québécoise, méritent d'être
intégrées chez nous. Alors, j'espère comprendre le point 4 dans
cette ouverture, dans cette ouverture.
Mon autre question va être dans le
point 5. Vous dites : Qu'il s'assure non seulement de leur
francisation, mais aussi de leur intégration culturelle à la majorité francophone, dans la
lignée historique des centres d'orientation et… en fait des COFI, des
COFI. Là aussi, j'espère comprendre que ce que vous voulez dire, c'est qu'il
est important que les personnes immigrantes
puissent avoir accès à ces services-là de qualité, résolument ancrés vers l'intégration,
mais que vous n'allez pas jusqu'à dire
qu'il faut remettre les COFI en place, compte tenu de l'expertise des
organismescommunautaires présents
partout au Québec. Il y a quelques mois, je vous aurais dit «partout à
Montréal», mais maintenant, après la tournée des 16 régions du Québec
que j'ai faite, je dis «partout au Québec». J'en ai vu partout et avec de
l'excellence dans la prestation des services qu'ils offrent aux personnes
immigrantes.
Alors, je présume que je comprends ça de
cette manière-là, plus dans la mission d'intégration, c'est-à-dire être résolument tourné vers l'intégration. Alors, j'aimerais
ça vous entendre là-dessus, et après je vous reviendrais sur le dossier... sur
le point 7, sur le point 7.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Merci, Mme la
ministre. M. Laporte.
M.
Laporte (Gilles) : Merci pour vos
questions. D'abord et avant tout, je prendrais la dernière.
D'abord,
à propos de la fameuse clause français, bien sûr que la formulation, elle est
directe. Cependant, je vous invite à faire la réflexion suivante puis que nous
menons aussi à Montréal puis au Mouvement national des Québécois. Il s'agit
de la capacité d'intégration de la communauté francophone de Montréal.
Vous
savez, selon le dernier recensement, la capacité des francophones de Montréal à
franciser les immigrants plafonne. À l'heure actuelle, plus de 80 % de
la population ne réussit à franciser que 50 % des immigrants, tandis
que 8 % des Québécois de langue
historique anglaise réussissent à intégrer à leur tour 50 %. Nous sommes
authentiquement à la recherche d'un moyen efficace de franciser notre
communauté néo-québécoise. Nous y travaillons, nous cherchons des solutions.
Bien
sûr qu'il faut voir cette proposition dans son angle large, et c'est pour ça
que j'utilisais davantage la question de la prédisposition. Par exemple, lorsque nous
sélectionnons à l'extérieur, bien sûr que l'employabilité doit être un
critère de base, mais la connaissance du
français est un très bon critère d'employabilité, d'une part. Mais, d'autre
part, il faut voir la prédisposition d'un individu. Dans la plupart des
pays d'où nous proviennent les immigrants, il y a possibilité d'un début de francisation dans leur pays d'origine. Il
y a des unions françaises, mais par ailleurs il y a aussi des
communautés qui... de langue historique
française. Puis de toute façon… Je comprends peut-être, là, qu'on pourrait
sourciller à propos de l'origine culturelle, mais on le fait de toute
façon à propos de l'employabilité puis de la formation de l'individu.
Je rappellerais
cependant qu'à l'heure actuelle, de toute façon, le critère de la langue est
devenu important, plus du quart des
immigrants, l'an dernier, venaient de pays, bon, qui sont plus ou moins dans la
mouvance de lafrancophonie. Nous
souhaitons cependant que cette préoccupation soit abordée. Je sais que c'est un
enjeu qui est parfois délicat, et
tout le reste, mais, en plaçant de façon claire cette proposition-là, le
Mouvement national des Québécois voudrait qu'on évite de cacher cet
enjeu que personne ne saurait voir, là, et qu'on puisse véritablement aborder
la question de la sélection préalable des néo-Québécois sur une base
linguistique, en tout respect puis en regard des autres critères qui doivent
être tenus en compte.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Merci, M.
Laporte. Mme la ministre.
Mme De Courcy : Vous savez sans doute, parce que ça a été annoncé au
moment du lancement du projet de loi
n° 14, que j'ai aussi indiqué qu'il y aurait modification à la grille de
sélection et que ce renforcement-là de l'exigence du français serait vraiment important, mais, pour
ma part, c'est le caractère obligatoire qui me préoccupait. Mais j'entends
bien ce que vous venez de me dire.
L'autre question porte plutôt sur la question des
COFI. Est-ce que vous pouvez préciser votre pensée autour de ça?
•
(15 h 30) •
M.
Laporte (Gilles) :
Oui. Alors, cette proposition, c'est clair… D'ailleurs, je suis content que
vous mettiez de l'avant les organismes communautaires qui existent, mais pas qu'eux.
Nous, on a une société nationale qui fait partie de l'une de nos 18 sociétés, des Laurentides, en
l'occurrence, qui anime des cafés, c'est-à-dire des comités d'arrimage
et de francisation des immigrants dans la région des Laurentides, on en est
très fiers, et il y a effectivement des initiatives régionales qui sont prises, on se comprend bien. Ici, on rappelle le
rôle historique des COFI, qui avait été une tentative de l'établir au
niveau national, mais ces initiatives-là doivent être encouragées, au
contraire.
Ce
que le Mouvement national des Québécoises et Québécois veut dire, c'est tout
simplement que l'intégration n'est pas qu'affaire
de langue. Il y a aussi l'intégration, bien sûr, à la culture, c'est un enjeu
qui nous préoccupe, mais aussi à l'emploi. Bref, entendre l'intégration dans
son sens plus large.
Et, dans le mémoire,
on a l'occasion d'étayer là-dessus. L'emploi, par exemple, est la clé de l'intégration
à la culture. Vous le savez comme moi, il y
a plusieurs néo-Québécois qui maîtrisent assez bien, tout compte fait, le
français mais qui maîtrisent assez peu la
culture, les usages et qui, pour cette raison-là, ont tendance à se retrouver
dans des créneaux d'emploi où ils se
retrouvent parmi eux… ou en tout cas ils ne sont pas mis en contact avec la
majorité. C'est très clair que l'intégration doit être vue dans un sens
beaucoup plus large que le strict enjeu de la francisation, auquel on a trop réduit souvent l'intégration des néo-Québécois. On
pense en particulier à la culture mais aussi à l'emploi. Et, par l'emploi,
on parle aussi des efforts que peut accomplir la fonction publique afin de leur
ouvrir davantage les portes, mais il y aaussi les entreprises
québécoises qui peuvent aussi faire un effort puis participer à l'intégration à
la francisation. Ce n'est pas qu'une
affaire de cours de langue, ce n'est pas qu'une affaire d'intégration à la
culture, c'est aussi un effort collectif, et c'est ce qu'on voulait
rappeler par ce point-là.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Merci, M.
Laporte.
Mme De Courcy : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Monsieur, merci.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Je reconnais maintenant le député de Sainte-Marie—Saint-Jacques. M. le député, la parole est à vous.
M.
Breton : Merci,
Mme la Présidente. Très intéressant, votre mémoire, vraiment. J'ai beaucoup
apprécié l'apport à la discussion.
Évidemment, comme Montréalais et comme député
de Montréal, il y a un paragraphe que j'ai lu… Je vais le lire ici parce que je
trouve que c'est important : «À Montréal, le bilinguisme s'impose comme
une norme économique, sociale, culturelle
et identitaire, et cela, il faut le dire avec un certain regret, dans l'indifférence
généralisée. Désormais, l'identité québécoise est enjointe à se fondre dans une
nouvelle identité montréalaise appelée à s'autonomiser. On assiste ainsi
au développement d'une fracture identitaire
au Québec entre la métropole et les régions.» Oui, mais jusqu'à un certain
point, parce que, vous savez, moi, j'ai vu,
en fin de compte… J'ai la jeune cinquantaine. J'ai vu, comme quelqu'un qui a
grandi dans Montréal, qu'il y avait vraiment une prédominance de l'anglais dans
les années 60, 70, et là le fait français s'est affirmé dans les années 80, 90. Et on voit un certain déclin de l'importance
du français, de la prédominance du français à Montréal, mais je ne peux pas m'empêcher de penser que, comme… Beaucoup
de gens de ma génération, anglophones et francophones, avons appris à nous parler en français, beaucoup d'anglophones
de ma génération ou à peu près la plupart parlent anglais, mais il semble — et ça, écoutez, c'est mon impression — que
la génération qui a suivi semblaitconsidérer le fait français, l'importance de
parler français, l'importance du français comme moins importante, comme
si, en bon québécois, c'était out de parler
français. Et donc moi, je ne peux m'empêcher de me dire que, si tu es un jeune
anglophone de 20, 25 ans et que tu n'as
pas l'impression que, pour un jeune francophone, de parler français, c'est important,
lui, il ne verra pas bien, bien pourquoi ça l'est tant que ça.
Ça
fait que ça fait partie de la réflexion sur laquelle je me penche depuis
quelques années, ça fait partie des discussions
que j'ai eues avec la génération plus jeune, et puis ça m'amène à parler de ce
dont vous avez parlé, que je trouve très intéressant, ce que vous
appelez le commissariat québécois de la langue française, là, l'espèce de
Graham Fraisier québécois. J'aimerais ça que vous m'en parliez un peu, de ça,
de voir le rôle que ça pourrait jouer là-dedans.
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. le député de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
M. Laporte.
M. Laporte (Gilles) : Merci. Oui, effectivement, je
voudrais insister sur ce que vous venez d'apporter à propos de la
sous-culture montréalaise qui est en train de se développer. Je suis un peu
historien aussi à mes heures et je peux vous rappeler qu'historiquement
le phénomène que vous avez décrit est exact et se démontre notamment par les
axes démographiques, c'est-à-dire que
Montréal a été, dans l'après-guerre, un vaste maelström où le Québec entier s'est engouffré, hein? Regardez les
Montréalais. Ce sont tous, à la limite, des gens qui sont issus des régions,
depuis la Seconde Guerre mondiale. Ce qui s'est produit, c'est que ce flux-là a
accompagné l'affirmation du fait français à Montréal durant les années 60 et
70, c'est ces gens-là qui venaient des régions, qui avaient grandi dans un
contexte francophone, qui trouvaient tout à fait normal de pouvoir le poursuivre
à Montréal. Et ces gens-là arrivaient avec leur enthousiasme des régions. Prenez juste quand Dédé Fortin, des Colocs,
est arrivé à Montréal, à quel point pour lui c'était normal de parler
français.
Ce flux migratoire s'est tari, et on assiste
maintenant plutôt à un flux inverse, c'est-à-dire que les Montréalais, désormais,
de deuxième génération commencent à quitter l'île pour s'installer notamment en
banlieue. Cette stagnation démographique,
on ne l'a pas rencontrée du côté des néo-Québécois, qui, eux, continuent à
converger vers Montréal. Le rapport
de force change, le rapport des cultures change, à l'heure actuelle, les
francophones de Montréal sont essoufflés, et c'est en ce sens-là qu'on voit l'opportunité de leur porter secours et
de leur donner la possibilité, à tout le moins, de rester sur l'île, qu'ils
sont en train de quitter pour de bêtes questions immobilières, de prix de
maison et de taxes, ce qui est complètement
contraire à l'entreprise que l'on souhaite poursuivre, c'est-à-dire que Montréal
demeure une ville française. J'ajouterai,
si c'est nécessaire, que, lorsqu'on va se mettre à installer des péages sur les
ponts, ça risque de devenir pire encore.
À
propos de votre question, c'est parce que vous allez entendre… — c'est commencé — vous allez entendre aussi d'autres mémoires qui vont
vous proposer sans doute de renforcer le pouvoir de l'Office québécois de la
langue française. Nous entendons, nous aussi, ces mémoires-là. Et, avant
peut-être d'engager dans cette filière-là, il faudrait réfléchir, cependant, sur les limites objectives que l'office peut
remplir. Jusqu'à tout récemment, ce n'est pas à l'office, par exemple, de jouer le rôle de police de la
langue ni de lieu de surveillance. Il y avait, pour ça, le conseil de
protection de la langue française, si je me souviens bien, jusqu'au début du
XXIe siècle, qui a été aboli. L'office joue le rôle, en somme, de régie et puis de tribunal administratif, son rôle n'est... D'ailleurs,
ses études ne font même pas l'unanimité. Il est très difficile, à l'heure actuelle, de pouvoir compter sur l'office
pour produire des rapports qui font autorité puis — je m'attendrais à cette
remarque — parce que ce n'est pas son job
essentiel. Et, en ce sens-là, un commissaire indépendant, sans doute nommé par l'Assemblée
nationale... On ne parle pas d'un département ou d'un bureau, on parle d'un
individu avec un tout petit secrétariat mais dont les rapports sur l'état du
français pourraient enfin peut-être obtenir l'appui des principaux
commentateurs dans la société.
Vous suivez comme moi l'actualité et vous
voyez que tout le monde s'entend, au Québec, sur la promotion du français. Or, le
constat est complètement différent selon qu'on s'appuie sur tels ou tels
chiffres. C'est là-dessus que le gouvernement,
je crois, a pour tâche de permettre à la société d'avoir accès à des données
vérifiées et falsifiéesscientifiquement.
À l'heure actuelle, c'est parfois des instituts de recherche, parfois l'Université
de Montréal, parfois des chercheurs indépendants qui livrent des études,
et, selon le point de vue d'où on se place, on conteste presque automatiquement
les chiffres qui sont fournis.
Je crois que le ministère a intérêt, la
ministre a intérêt à se pencher sur cette question-là de la valeur des chiffres qui sont prouvés. Nous proposons effectivement,
dans le contexte, pour éviter toute forme de partisanerie ou de nomination partisane, que ce soit à l'Assemblée
nationale à nommer cette personne-là. C'est une proposition, c'est une...
Ça allégerait l'office de l'odieux d'avoir
à être à la fois juge et partie et ça permettrait à la société québécoise de savoir bel et bien où
on en est au niveau de la qualité, de l'usage du français, un rapport annuel
qui serait remis devant les médias, avec une copie à la ministre, et
tout le monde peut ensuite parler à partir des mêmes bases.
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. Laporte. Je reconnais
maintenant le député de Bonaventure.
M. Roy : Merci, Mme la Présidente. Il nous reste combien de temps?
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Il vous reste 3 min 30 s, à peu près.
M. Roy : Trois minutes? Ça va être court.
Salutations, messieurs. Je tiens à souligner que vous avez un mémoire qui est très intéressant, une belle lecture
macrosociologique des enjeux liés à la langue et à la culture.
Dans
la première partie de votre mémoire, vous établissez une série de constats sur
la précarité linguistique et identitaire qui
se pose à de nombreuses nations comme celle du Québec et, si je vais dans votre
texte, vous énoncez, bon, certaines
tendances comme la mondialisation, révolution technologique, disqualification
idéologique des grands projets collectifs,
popularité médiatique de l'idéologie multiculturaliste, etc., tout cela pour
nous amener à une nouvelle époque tendancielle plus inquiétante pour les
petites nations.
Moi, la question que j'aimerais vous poser :
Est-ce que, parmi ces autres nations, vous êtes au courant de mesures ou de...
concrètes et efficaces qui ont permis d'assurer l'épanouissement linguistique
et culturel de ces nations qui sont, à quelque part, en danger, selon
vos énoncés?
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
M. Laporte, moins d'une minute.
• (15 h 40) •
M. Laporte (Gilles) : Oui, bien c'est qu'il y a tellement d'angles
sous lesquels aborder votre question. Il
demeure une chose, c'est que partout on se
rend compte que les petites nations peuvent être une richesse culturelle
indéniable. Dans un contexte européen,
on le sait. En Bretagne, en Corse, en Catalogne, ça va. Même les États
centraux, au péril même d'encourager
des mouvements autonomistes — je laisse ça
de côté — ont quand même mis sur pied des
campagnes afin de sauvegarder ces cultures-là.
On
s'en rend compte même nous aussi, au Québec. Je vais prendre l'exemple pas très
loin, les autochtones. La société blanche a
compris une chose, c'est que la façon d'assurer le tissu social des sociétés
autochtones, la façon de faire
renaître la fierté chez ces communautés, c'est justement de remettre de l'avant
leur culture et leur langue d'origine. Il faut voir véritablement ça
comme une manière d'intégrer les citoyens, de leur donner le goût de s'engager
dans les institutions parlementaires, les
institutions représentatives. Ce n'est pas nous qui... Il n'y a pas un État
central qui y voit un danger, mais c'est
bel et bien une chance qu'il faut prendre d'intégrer les citoyens, de leur
donner le moyen, en somme, d'agir positivement dans la société.
Mais
je vois que je n'ai pas beaucoup d'autre temps, mais...
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Malheureusement, c'est terminé, M. Laporte.Nous allons aller maintenant
du côté de l'opposition officielle. Je reconnais le député de LaFontaine et
porte-parole pour la Charte de la langue française.
M. Tanguay : Merci beaucoup, Mme la Présidente.
Pouvez-vous nous indiquer de combien de temps disposons-nous?
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Vous disposez de 16 minutes, M. le député.
M. Tanguay : 16. O.K., merci beaucoup. Bien, merci
beaucoup pour votre présence. Merci beaucoup
également pour les efforts, le travail très,
très substantiel et vérifiable que vous avez mis, donc, dans la préparation du
mémoire. Et c'était important de vous entendre, et j'en suis très
heureux.
J'ai quelques questions à vous poser, mais
peut-être, si vous me permettez, une courte introduction. Je vais essayer de la faire la plus courte possible pour que nous
ayons le temps d'y aller de l'avant avec des échanges.
D'abord, je suis heureux, et c'est une
évidence, mais c'est Talleyrand qui disait... quelqu'un lui avait dit : Il va sans dire, mon cher,
et il avait dit : Ça irait encore mieux en le disant, et je pense qu'il
est important de resouligner le fait que
l'épanouissement du français est un objectif commun à tous, il n'y a pas
personne qui n'en est pas, pas personne qui ne le désire pas, et, en ce sens-là, il y a un débat au niveau des
moyens, des façons d'atteindre cet objectif-là, faire en sorte non seulement de défendre la langue... Je ne pense
pas que ce soit un terme approprié, mais il faut faire en sorte que le français puisse s'épanouir. Et, dans ce
contexte-là, il y a évidemment des défis qui sont reconnus par tous, des défis
auxquels nous voulons évidemment faire face
et des réalités auxquelles nous ne voulons pas échapper et nous ne pourrons pas
échapper.
Par exemple, vous n'êtes pas sans savoir que,
pour les PME québécoises, 20 % d'entre elles exportent vers les États-Unis, 50 % des PME québécoises importent
des États-Unis. Et ces proportions-là sont encore plus grandes et substantielles lorsque l'on parle d'échanges entre
les PME et les autres provinces canadiennes. Et là je n'en suis
réellement qu'au niveau des PME.
Évidemment, cette réalité-là fait en sorte
que, pour une entreprise de 10, 15, 26, 49 employés, il y a une réalité où il doit y avoir nécessairement des
communications, puis c'est l'ouverture des marchés, que ce soit téléphonique,
par courriel, par télécopie, que ce soit…
Vous êtes une entreprise de la Beauce et vous venez de recevoir un «purchase
order», et il y a des «fine prints», «terms and conditions». Il faut être
capable… Et ce n'est pas vrai que ce sera le seul patron ou une seule personne
qui devra être capable de prendre ce document légal là extrêmement important
qui dictera le comportement, si tant est que
les parties le signent, des partenaires économiques par la suite. Il est
important de bienle comprendre, de
bien l'assimiler, et ce, pour toutes les phases de l'entreprise, tant au niveau
des opérations qu'évidemment, au premier titre, au niveau des ventes,
mais au niveau administratif également quand on parle, entre autres, des
modalités de paiement.
Et ça, c'est une réalité. Je vous donnais l'exemple
de la Beauce. On peut en donner pas juste à Montréal, évidemment, partout au Québec. Et nous en sommes. 2013, le
Québec, c'est cela. On a un objectif collectif qui est l'épanouissement du français, mais nous devons par ailleurs nous assurer
d'être capables de tirer notre épingle du jeu.
Et,
en ce sens-là, vous me permettrez également… Puis on aura l'occasion un peu
plus tard de parler de l'importance — que vous soulignez — d'avoir des statistiques fiables, des statistiques qui
fassent consensus quant à leur bien-fondé. En ce sens-là, vous me permettrez de
rappeler que, de 1971 à 2010, la proportion d'anglophones qui allaient à
l'école en français est passée de 9,5 %
à tout près de 25 %. Donc, il y a là, sur une trentaine d'années, sur une
quarantaine d'années, une tendance lourde.
Également, de 1971 à 2010, les allophones vont à l'école en français dans des
proportions de 14,6 % à plus de
85 %. Il y a donc là une tendance lourde aussi qui est vérifiable. Autre
élément : au niveau du cégep, les allophones, en 1998, allaient au
cégep en français dans une proportion de 43,8 %, en 1998, et, en 2009,
dans une proportion de 64,2 %.
Alors,
on peut voir des statistiques qui, je crois, ne nous détournent pas de notre
défi de faire en sorte que le français et son
épanouissement soient une réalité mais des statistiques également qui nous
démontrent qu'il y a des tendances lourdes,
il y a un changement au sein de la société qui fait en sorte que nous devons
prendre la bonne mesure du défi et agir,
je vous dirais, de la façon la plus efficace. Et la façon la plus efficace,
force nous est de constater qu'elle n'est pas nécessairement et automatiquement une modification dans la loi, parce qu'au-delà
de la loi il y a le au jour le jour, lafaçon dont elle est appliquée, la façon dont les gens vont se sentir
impliqués et vont vouloir faire en sorte que l'épanouissement du
français soit une réalité — en ce sens-là, il y
a des statistiques importantes, langue d'affichage, il y a des statistiques
là-dessus, langue de travail, langue d'enseignement, je viens d'en donner
quelques exemples, la langue de commerce également — faire en sorte que le français, affichage, travail, enseignement, commerce, son épanouissement soit une réalité, évidemment, tout en respectant les minorités.
Vous
dites que la langue parlée à la maison est la langue… vous mettez entre
guillemets «identitaire». J'aimerais savoir
quelle valeur réelle vous accordez à des statistiques qui touchent à la langue
parlée à la maison. Et comment pouvez-vous m'expliquer le qualificatif que vous
lui donnez d'«identitaire» dans le contexte actuel?
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Merci, M. le
député. M. Laporte.
M.
Laporte (Gilles) :
Oui, de belles remarques. Vous venez d'ailleurs rappeler… Toujours plaisant d'entendre les acquis, effectivement,
de la Charte de la langue française, qui a permis effectivement une
francisation importante de la société,
en tout cas un redressement. Et, quand on prend les chiffres à partir de 1971,
on se trompe rarement, généralement le portrait s'est beaucoup amélioré.
Effectivement,
il faut prendre les dernières tendances, puis elles sont plus complexes au
niveau notamment des choix des études supérieures de la part des néo-Québécois. Bien sûr que
je prends acte — on a les mêmes chiffres — à propos de l'accès
au collégial pour les néo-Québécois, mais ça, on est encore avec la génération
de la loi 101, si vous me permettez.
Les tendances, à l'heure actuelle, sont bel et bien qu'il y a un certain
nombre… On parle de 18 % à 20 % de néo-Québécois francisés au nom de la loi 101 qui passent
néanmoins au réseau anglais arrivés au niveau collégial. On peut le
constater, mais il faut néanmoins poser la question : Est-ce que c'est ce
qu'on souhaite? Et est-ce que, d'une certaine
mesure… Pourquoi le collégial devient en somme cette branche qui permet de les
aiguiller vers le réseau anglais? Je
crois qu'il y a quand même quelque chose de préoccupant au-delà des chiffres
rassurants, que vous mentionnez avec raison mais qui sont bel et bien,
pour l'essentiel, simplement des acquis de la loi de 1977.
En
ce qui a trait à l'importance de commercer avec l'extérieur puis l'usage de l'anglais,
ça va de soi. Le MNQ convient que, par
exemple, lorsque le bilinguisme est requis, il puisse être demandé par les
employeurs.
En
outre, cependant, lorsqu'on parle d'entreprises qui exportent, et tout le
reste, les entreprises qui ont le plus de rapports avec l'extérieur, donc avec le monde
anglophone, sont déjà, en principe, couvertes par la loi 101, c'est-à-dire
l'obligation de détenir un certificat de francisation. Ici, on parle d'une
catégorie d'entreprises qui ont, par définition, moins de contacts avec l'extérieur, même si on ne le nie pas, c'est-à-dire
que le problème que vous semblez soulever à propos des rapports avec l'extérieur
se pose d'autant moins à propos d'entreprises qui sont plus modestes.
En
ce qui a trait essentiellement à la langue identitaire, le MNQ est très à l'aise
avec ces catégories-là. Nous, on patauge dans
l'identité et dans l'appartenance à la société québécoise depuis des décennies,
cette notion-là de langue identitaire, elle
est essentielle, c'est-à-dire que l'on parle du français au travail, on parle
du français dans les communications, à
l'école, mais cette préoccupation-là à propos de la langue qui est utilisée à
la maison, nous, on la prend au pied de la lettre, et il faut aborder cet enjeu-là. On ne souhaite pas créer des
individus qui soient, jusqu'à un certain point,schizophrènes, c'est-à-dire qu'ils doivent employer une langue lorsqu'ils
sont à l'extérieur de la maison et puis ils peuvent retourner dans leurs
chaussettes nationales lorsqu'ils sont chez eux. Il ne s'agit pas que l'État
entre dans les foyers, il s'agit juste de
prendre acte de cette, je dirais même — oui, je vais prendre le mot — schizophrénie à laquelle on invite les néo-Québécois si on ne se
préoccupe pas suffisamment de la langue d'usage à la maison comme facteur d'intégration
à la communauté culturelle. Je veux bien que
l'on demande aux gens de travailler et de vivre en français, mais, si c'est
pour revenir chez eux rejoindre, disons, des
créneaux culturels qui renforcent un certain nombre de préjugés, autant la
majorité envers les communautés que les
communautés envers la majorité, je crois que le sujet mérite d'être abordé, et
c'est ce qu'on a simplement voulu faire dans notre mémoire.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Merci, M.
Laporte. M. le député de LaFontaine.
•
(15 h 50) •
M.
Tanguay : Donc,
là-dessus, évidemment, je vous remercie pour votre réponse. Mais évidemment
vous aurez lu
entre les lignes, là, l'aspect de vie privée, évidemment, que représente la
langue parlée à la maison. Et, si d'aventure, dans un monde tout à fait hypothétique... Et parfois il faut prendre des
exemples, je vous dirais, où les statistiques sont pures, du 100 % avec du 0 %. Si d'aventure
nous avions 100 % de langue d'affichage, 100 % de travail,
enseignement et commerce,
ce sur quoi travaille et ce sur quoi s'axe l'actuelle Charte de la langue
française, la langue parlée à la maison, vous savez, avec un Québec que l'on veut tous ouvert sur le monde, c'est
comparable aussi, certains vous diraient — et j'aimerais vous entendre là-dessus — à
la langue maternelle également. Une personne qui arrive au Québec, qui a une langue maternelle
qui est soit l'espagnol, le russe, l'allemand et qui est capable de vivre et de
travailler dans la sphère publique,
qui a été à l'école en français, elle parlera la langue qu'elle... ils
parleront la langue qu'ils voudront à la maison, et un peu comme on
disait dans les années 60, en 1967, l'État n'a pas à aller dans la chambre à
coucher des gens.
Est-ce
que, selon vous, l'État devrait également, là aussi, par extension, s'assurer
que, dans les maisons également, dans la sphère la plus stricte privée… l'État
devrait également s'y intéresser, compte tenu — je
conclus là-dessus — des
impacts et ce sur quoi l'on veut réellement travailler, nous, c'est-à-dire un
épanouissement pas dans le salon mais un épanouissement
public, une langue de qualité, qui est bien parlée? Et, en ce sens-là, je pense
qu'il est là, l'objectif, non?
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Merci, M. le
député de LaFontaine. M. Laporte.
M.
Laporte (Gilles) :
Oui, bien sûr que la question des droits se pose. Le projet de loi ne prévoit
nullement entrer dans la vie privée des gens. Ce que le Mouvement national des Québécois
veut faire, c'est aider à l'intégration. Et, lorsqu'on pose des
questions notamment sur la langue, la sélection par la langue ou à propos de la
langue à la maison, nous souhaitons simplement dire que ces sujets-là existent.
Quant à la stricte
muraille de Chine que doivent représenter les droits individuels, vous savez qu'il
n'est pas question ici d'entrer dans les
maisons. Il est question de poser la question, par exemple, jusqu'où la société
est elle-même rendue lorsqu'on se
préoccupe du taux de calories qu'il y a dans un repas d'un enfant à la maison
ou lorsqu'on voit qu'il y a des
mesures qui sont prises afin, des fois, parfois, de pallier à telle carence
dans le milieu familial. Et ce n'est pas un sujet tabou, de voir ce qui se passe dans la maison, la
société s'intéresse à ce qui se passe dans les maisons des citoyens.
Disons, à ce moment-ci, que c'est une main
que nous souhaitons tendre aux communautés culturelles afin qu'elles
réussissent mieux leur intégration à
la société québécoise, et certainement pas leur imposer du Robert Charlebois
dans leur discothèque.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Merci,
M. Laporte. M. le député de LaFontaine.
M. Tanguay : Non, c'est ça. Puis je trouve que c'est intéressant puis c'est
un échange, je pense, qui est très fructueux,
puis il faut prendre le temps de le faire. Mais, sur votre exemple du fait de s'intéresser
au nombre de calories pour un enfant,
oui, il va le prendre puis il risque d'aller le manger à la maison, mais là où
l'État a agi, c'était au niveau de la composition de l'aliment. Donc, c'était
ab initio, en amont, la réglementation quant aux fabricants de l'aliment, et également de l'affichage, et ainsi de suite, mais,
une fois que le bien est individualisé et à la maison, l'État n'a plus d'affaire
là, l'État ne sera plus là, là. Donc, c'est en ce sens-là, mais je pense qu'on
a un échange qui est sain en ce sens-là.
J'aimerais
également vous entendre, avec le temps qu'il nous reste... Puis on pourrait
poursuivre cette discussion-là bien longtemps.
Vous parlez, dans votre mémoire, d'une demande sociale de bilinguisme de plus
en plus manifeste. Il y a également... Et je joins cette question-là avec une
autre question que j'avais, mais le temps va nous manquer.
À
la page 14, vous parlez de la loi 101 au cégep. Ne trouvez-vous pas,
en 2013... Moi, j'ai deux filles, elles ont neuf ans et sept ans. Langue maternelle : le
français. Je serai le plus heureux des pères puis leur mère également sera
la plus heureuse des mères lorsqu'elles
seront capables... Elles vont très bien parler en français, c'est leur langue
maternelle, mais, qu'elles puissent ajouter
à cela l'anglais, l'espagnol, je serai le plus heureux. Et savez-vous quoi? Si
tant est que mes filles désirent
aller au cégep en anglais, je ne voudrais pas, moi, pour elles, pour leur
avenir puis pour moi, comme leur père
qui espère qu'elles aient l'avenir le plus positif possible, que l'État ait
décidé : Bien, vous savez quoi, les grandes? Vous êtes adultes, vous avez 18 ans, mais vous
n'irez pas au cégep en anglais. Alors, c'est là-dessus. De façon trèsrespectueuse et courtoise, j'aimerais vous
entendre quant à la justification de cette mesure-là que même René
Lévesque ne voulait pas.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : M. Laporte,
deux minutes.
M. Laporte (Gilles) : Je suis ravi que vous posiez la question, parce qu'il s'agit
d'insister sur un terrible malentendu à
propos des cégeps anglophones. J'enseigne moi-même dans un cégep depuis
30 ans, monsieur, et je tiens à vous dire que, lorsqu'on présente
les cégeps anglophones comme l'opportunité de s'initier à l'anglais… C'est un
peu comme ça parfois qu'on l'entend.
Imaginez en somme ce que ça implique. Ça implique deux choses. Ça implique
d'abord que la formation qu'ils ont eue en
anglais du primaire jusque dans les cours obligatoires au collégial, elle n'est
pas valable, elle n'a pas servi à
quoi que ce soit, puisqu'apparemment, pour certains, la véritable manière d'apprendre
l'anglais, c'est de s'inscrire à Dawson ou à John-Abbott. Ici, il y a un
premier et énorme malentendu. Il ne s'agit pas de nuire au bilinguisme ou de nuire à l'initiation à l'anglais,
mais est-ce à dire que, pour apprendre l'anglais, il faut s'inscrire à
un collège, à un cégep anglophone? C'est
avoir un jugement très dur envers ce qui se donne comme formation en
anglais, langue seconde dans le réseau français.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Oui, vous avez
encore du temps, une minute.
M. Tanguay : Dernière petite question. Je pense qu'effectivement
il y a des opportunités au cégep lorsque l'on apprend une technique. Donc, de un, il y a la
matière qui est enseignée. Ce n'est pas uniquement la langue anglaise
que l'on va chercher, mais effectivement l'opportunité
de pouvoir se perfectionner, parce qu'il y a différents niveaux d'anglais,
comme on se rend
compte. Le projet de loi même, 14, fait des distinctions quant à la qualité du
français parlé. Et, là-dessus, on n'entrera pas dans le débat de la
nécessité, justement, de renforcer la qualité du français qui est enseigné.
J'aimerais vous entendre sur le commissariat
que vous proposez. Il y a l'office, il y a les finances de recherche et les
chaires, donc, pour les statistiques, et là il y aurait un commissariat pour
faire respecter l'esprit de la charte. Qu'est-ce que ce serait?
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Oui ou non... ou en tout cas
peut-être répondre si vous êtes d'accord ou
pas en quelques secondes, parce que le temps est...
M.
Tanguay : C'est malheureux,
hein?
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : C'est malheureux, mais nous n'avons
plus de temps. M. Laporte, très, très
brièvement.
Une
voix : On n'a plus de temps.
Vas-y.
M. Laporte (Gilles) : On n'a pas de temps? O.K. Alors, très
rapidement, ce commissaire-là est
essentiellement indépendant. Alors, tout
simplement, il est là non pas… pour promouvoir le français. Ce n'est pas un
prêcheur, c'est un promoteur. C'est
essentiellement un protecteur du français, et il a un mandat très clairement
défini, d'abord et avant tout, de faire enquête, de faire rapport sur l'état
annuel du français.
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci beaucoup, M. Laporte. Nous
allons maintenant du côté du deuxième groupe d'opposition. Je reconnais Mme la
députée de Montarville, qui est porte-parole en matière de culture, de
communications, de Charte de la langue française et de l'éducation. Mme la
députée, la parole est à vous.
Mme
Roy (Montarville) : Merci, Mme la
Présidente. Juste me dire, je vous prie… Combien de temps ai-je?
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Vous disposez de quatre minutes, questions et réponses.
• (16 heures) •
Mme Roy (Montarville) : Oh, c'est court! Merci beaucoup.
Merci, messieurs, pour votre mémoire. Merci de
vous être déplacés. D'entrée de jeu, je vous dis qu'il est important pour nous
de protéger la langue française, ça, c'est inconditionnel, et naturellement
dans le respect des droits de nos minorités également qui sont avec nous ici.
Vous dites quelque chose de très intéressant :
«Il sera nécessaire, dans les années à venir, de s'assurer de la rétention des familles francophones à Montréal.» Je pense
que vous avez mis le doigt sur un problème. Les francophones quittent l'île de Montréal, ce qui fait qu'on
augmente la population anglophone de cette façon-là. Et ce sur quoi j'aimerais
vous entendre, c'est qu'on a reçu pas plus tard que mardi soir dernier l'Association
des Townshippers, les gens des Cantons-de-l'Est,
il y a 18 municipalités qui ont actuellement le statut bilingue là-bas, et
on nous disait... On posait la question :
Qu'arriverait-il si ces petites villes toutes charmantes perdaient leur statut
bilingue, que se passerait-il avec les 46 000
habitants anglophones des Cantons-de-l'Est?, et M. Cutting, le président de l'association,
nous dit : Ce n'est pas compliqué, il y en a la moitié qui vont
partir.
Alors, ne craignez-vous pas qu'on crée un
effet pervers en enlevant le statut de municipalité bilingue à ces petites villes? Puisque des anglophones pourraient en
grande partie se déplacer vers Montréal, alors là on ne règle pas le problème,
là.
M.
Laporte (Gilles) : Parfait. Nous
ne...
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Oui, allez-y.
M.
Laporte (Gilles) : Pardon.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Non, allez-y.
M. Laporte (Gilles) : Merci. Le point… Vous avez raison,
les nuances sont justes, c'est-à-dire que le
Mouvement national des Québécois n'arrive
pas en disant : Automatiquement, dès que vous avez atteint moins de
50 %... Nous posons cependant la
question et nous réagissons justement à ce mémoire qui semble voir une avenue
dorée dans l'éventualité de laisser
ça aux conseils municipaux. Nous croyons que c'est une véritable boîte de
Pandore… ou pire c'est justement la porte
qui est ouverte à un certain chaos, mais un chaos local qui va insécuriser les
communautés. Est-ce que vous croyez que ça va les rassurer si on leur
dit que désormais il va y avoir un vote qui va être passé à propos du statut
bilingue de leur ville? Et...
Mme Roy (Montarville) : ...déplacement des populations. Il
est là, l'effet pervers, ces anglophones qui
quitteraient leurs petites villes un peu partout pour aller à Montréal, pour
grossir les grosses villes anglophones.
M. Laporte (Gilles) : Vous me permettrez par contre peut-être de nuancer cette
information-là, parce que, lorsqu'on parle
de municipalités bilingues, on parle des communications, on parle de petits
bulletins, des avis publics. Je n'ai pas vu personne, jamais, déchirer sa chemise
sur cet enjeu et encore moins changer de région, mais c'est quand même
juste une opinion.
En
ce qui a trait, là, au déplacement démographique, ce n'est pas le statut
bilingue des villes qui va le changer. À preuve, vous n'avez qu'à voir les fameuses
municipalités bilingues de 1977. Elles ont beaucoup changé, et je n'ai
pas vu des anglophones se réfugier dans ces
villes-là sous prétexte qu'elles étaient bilingues. Elles ont plutôt, d'ailleurs,
perdu la plupart de leurs anglophones. Elles
ont connu, comme les autres régions, avec le même rythme, les mêmes
changements démographiques, les mêmes déplacements linguistiques, selon des
axes beaucoup plus économiques que selon le statut ou non d'une ville bilingue.
Mme Roy
(Montarville) : Je vous remercie
beaucoup.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Vous avez
encore 1 min 30 s.
Mme Roy
(Montarville) : Fantastique! Donc,
cette hypothèse-là du déplacement, vous ne la voyez pas.
Ces gens-là, les
anglophones, lorsqu'ils nous parlent, sont très, très inquiets, on sent vraiment
qu'il y a une inquiétude. Comment pourrait-on les rassurer?
M. Laporte (Gilles) : D'abord et avant tout, ces communautés-là en région, ce
sont en général de vieilles communautés qui
ont des racines historiques importantes. Il demeure une chose, c'est qu'elles
ne sont pas susceptibles d'être très,
très mobiles dans les prochaines années. En revanche, on peut se préoccuper des
jeunes. À moins que ce soit pour se
déplacer vers... des raisons... pour des condos, des choses comme ça, liées à
leurs choix ou leur position, on est beaucoup
plus préoccupés à propos des jeunes populations de Montréal et on souhaiterait
véritablement que la ministre prenne acte de ce problème-là d'intégration,
comme vous le mentionniez, des néo-Québécois sur l'île de Montréal. Et le député de Sainte-Marie—Saint-Jacques
le soulevait avec raison tantôt, c'est une problématique, là. On demande à moins de 20 % des Québécois, à l'heure
actuelle, francophones d'intégrer 80 % à 90 % des immigrants.
Mme Roy
(Montarville) : Et ne croyez-vous pas
qu'il est là, le problème, justement?
M.
Laporte (Gilles) :
Oui, certainement. Alors, ces gens-là, il faut les retenir sur l'île sans faire
de profilage, sauf qu'on sait que les
populations francophones sont sensibles à certains phénomènes.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci beaucoup, M. Laporte, c'est malheureusement
tout le temps qui était alloué. Nous allons maintenant du côté de Mme la députée de
Gouin. La parole est à vous pour quatre minutes, Mme la députée.
Mme
David : C'est ce
que j'allais vous demander, merci beaucoup. Messieurs, bonjour. Je vais essayer
de faire le
préambule le plus bref possible. J'ai une question à vous poser, mais mon
préambule va vous indiquer quand même un petit peu… à la fois toute l'admiration
que j'ai pour votre travail et votre mémoire mais un certain malaise.
Par
exemple, dans votre mémoire, vous parlez de garder à Montréal les jeunes
familles francophones... ou familles francophones. Dans votre recommandation, là vous
ne parlez plus de rétention des jeunes familles francophones, vous parlez de rétention des jeunes ménages, sans
spécifier s'ils sont francophones, anglophones ou allophones. Je
préfère, personnellement, la formulation de
l'amendement, parce que, si l'on devait mettre en place des façons de maintenir
les familles à Montréal, ce qui est un vrai
problème à cause de la spéculation immobilière, on ne pourrait pas
commencer à dire : On va aider les familles francophones et on n'aidera pas
les autres. Ça me paraîtrait un peu compliqué.
De la même façon, la
ministre, déjà, a prévu à l'article 73 du projet de loi que la sélection des
ressortissants étrangers devait inclure la
connaissance du français. Ce je voudrais savoir, c'est : Quand vous
proposez en amendement que la
connaissance du français soit un critère de sélection obligatoire, mais que je
lis dans le projet de loi que la connaissance du français semble quand même importante — et,
pour avoir eu quelques discussions, je sais qu'elle est importante — quelle
distinction faites-vous entre le projet de loi et votre proposition?
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) :
M. Laporte.
M.
Laporte (Gilles) :
Merci. À propos des familles et, bien sûr, pour poursuivre, il n'est, bien sûr,
pas question de
faire de profilage de quelque manière que ce soit, on se comprend. Qu'ils
soient de quelconque origine, pour éviter la rupture Montréal-régions
par ailleurs, nous souhaitons donc qu'une masse critique de francophones, de
locuteurs de langue française demeure sur l'île,
il s'agit essentiellement de... d'ailleurs dans une perspective aussi où nous
souhaitons que Montréal présente un profil
sociographique équilibré, c'est-à-dire que l'on souhaite que des familles s'y
installent, que ce soient des ménages à
revenus modestes… que ces gens-là peuvent être issus de l'immigration mais
soient mis en contact avec des locuteurs francophones. Bref, ces
mesures-là peuvent être mises sur pied simplement en identifiant le profil socioéconomique de ces populations. Par
exemple, des mesures de rénovation, de conversion de logements en copropriétés ou en coopératives, toutes ces
mesures-là reviennent, finalement, à soutenir les jeunes familles, et
notamment les familles qui sont de culture traditionnellement
franco-catholique, comme on dira, mais, dans les faits, intelligemment rédigé,
ce projet-là obtiendra exactement les mêmes résultats sans avoir à identifier
une communauté culturelle en particulier.
En ce qui a trait à... on
s'est quand même assez expliqués à propos de ce fameux critère. C'est que nous souhaitons peut-être
que les choses soient dites. Comme vous le spécifiez, oui, c'est mentionné, la
langue française comme critère, et tout le reste. Nous, nous rappelons
cependant l'importance peut-être de le clarifier, cet enjeu-là. Nous savons que
le Québec n'est pas le seul responsable en
matière d'immigration. Dans la population, ce critère-là n'est souvent pas
connu, et nous souhaiterions simplement que
cet élément-là soit plus saillant, plus clairement mentionné pour que la
population sache qu'au Québec il y a une
politique d'immigration favorable au fait français. Et ce n'est pas rien, qu'un
projet de loi puisse le dire
ouvertement, parce que nous souhaiterions d'abord et avant tout que ça soit connu
de ceux qui souhaitent immigrer au
Québec et ceux qui souhaitent y venir, parce que, lorsque nous parlons de
critères obligatoires, c'est qu'ils le sachent
avant de partir et qu'ils puissent entreprendre éventuellement même une
francisation dans leur pays d'origine. Pour
moi, quelqu'un qui a entrepris une francisation avant de mettre le pied en
territoire québécois est quelqu'un qui se prédispose très bien à apprendre notre langue. C'est le sens, en fait,
que nous souhaitions donner à cette recommandation.
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci beaucoup, MM. Laporte et
Grondin. Malheureusement, le temps qui était
alloué est terminé.
Nous
allons prendre une pause pour quelques instants pour permettre à la communauté
sourde du Québec de pouvoir s'installer. Donc, on suspend les travaux.
(Suspension
de la séance à 16 h 9)
(Reprise
à 16 h 14)
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : À l'ordre, s'il vous plaît!
Rebonjour. Nous recevons maintenant le
comité... la communauté sourde du Québec et nous avons les personnes… M.
Forgues, M. Lemay, M. Lelièvre et M. Hallé.
Et je cède maintenant la parole à M. Forgues, qui va avoir un temps qui va
lui être alloué de 10 minutes pour nous faire sa présentation, et
par la suite suivra un échange avec les différents groupes parlementaires.
M. Forgues, la parole est à vous.
Communauté
sourde du Québec
M.
Forgues (Daniel) : (S'exprime par la
langue des signes).
[Interprétation] Bonjour. Bonjour à tous. Merci beaucoup
de nous avoir invités aujourd'hui. Je me présente : Mon nom est Daniel
Forgues, je suis président et directeur général de La Fondation des sourds du
Québec. Je vous présente mon adjoint
à la présidence, M. André Hallé, qui a préparé le mémoire et qui nous a aidés.
Je vous présente le président de la communauté…
M. Dominique Lemay, le président de La Société culturelle québécoise, qui nous
appuie aussi puis avec qui on
collabore dans la présentation de ce mémoire, ainsi que Michel Lelièvre, qui
est linguiste spécialisé dans l'étude de la langue des signes
québécoise, la LSQ, et enseignant.
Bon,
nous avons discuté ensemble et nous laissons M. Lelièvre vous présenter, là, l'objet
de nos discussions. [Fin de l'interprétation]
M.
Lelièvre (Michel) : (S'exprime par la
langue des signes).
[Interprétation] Merci, dit M.
Lelièvre. Alors, vous avez certainement lu le mémoire qu'on vous a présenté. J'en présente des parties, là, choisies.
Alors,
la langue des signes est la langue de communication des personnes sourdes.
Comme vous avez vu, on communique en langue
des signes ensemble. Ça demeure souvent la langue maternelle, la langue
première apprise par beaucoup de
personnes sourdes au Québec. Cette langue nous est très utile pour accéder au
français écrit, au français qui est
la langue de la majorité, on utilise le français dans tous les services qu'on
reçoit, pour s'informer, pour, aussi, être scolarisés, mais, pour les sourds, c'est clair, donc, que nous avons une
langue première qui est la langue des signes, qui est gestuelle, qui est
visuelle. C'est notre langue dans laquelle on peut s'exprimer sans limites et
utiliser notre droit d'expression, notre
liberté d'expression. C'est la langue qui est utilisée à la maison, et le
français est une langue qui est apprise aussi pour dans la vie de tous
les jours, dans la société, s'intégrer à la société québécoise qui est la
nôtre.
À l'intérieur des écoles au Québec, quand les
personnes sourdes sont intégrées, elles ont besoin d'utiliser la LSQ comme langue de référence
pour réussir à accéder au français et l'apprendre, le français qui est une
langue apprise plus de façon scolaire. La LSQ, si elle était reconnue,
ça aiderait énormément les personnes sourdes, entre autres les enfants sourds
dans les écoles, à accéder à plus de services au niveau de l'éducation, des
services sociaux, et autres. Cette reconnaissance de la LSQ, ça aiderait
également les enfants sourds à accéder à une meilleure éducation.
Dans la conférence relative aux droits des
personnes handicapées qui a été adoptée par les Nations unies en 2006, le gouvernement
canadien aussi a ratifié cet écrit, et, à l'intérieur de ça, ce qu'on retrouve,
c'est que les provinces doivent reconnaître les langues des signes et
les utiliser dans l'éducation des enfants sourds. Bon, il y a des provinces qui
ont fait des pas à ce niveau-là, mais, jusqu'à
maintenant, il y a trois provinces qui ont suivi ces recommandations. On
retrouve l'Alberta, le Manitoba où la langue des signes est reconnue. C'est la
langue... C'est l'ASL, là-bas, l'American Sign Language, que les sourds utilisent du côté anglophone du Canada. En
Ontario, il y a la LSQ, la langue des signesquébécoise, dans la partie francophone et l'ASL, l'American Sign
Language, dans toute la partie anglophone de l'Ontario, qui est reconnue
légalement en Ontario entre autres comme une langue d'enseignement. Ici, au
Québec, nous ne retrouvons en aucun
cas ce genre de reconnaissance. Il n'y a rien qui a été fait jusqu'à présent.
Si je prends l'exemple des langues autochtones,
au Québec elles font partie du préambule de la Charte de la langue française,
les langues amérindiennes et inuites, mais, au niveau des personnes
sourdes, on mène une bataille depuis plus de 25 ans et on n'a toujours...
et même plus, les associations de personnes
sourdes partout font ces revendications-là au niveau de la LSQ, et il y
a très peu d'évolution qu'on observe depuis, là.
Selon un chercheur, dans ses écrits qui
datent de 2009, on voit que partout dans le monde… Au niveau de la reconnaissance
des langues des signes, il recense 44 pays où les langues des signes de
personnes sourdes sont déjà reconnues
comme des vraies langues. Si on compare avec ce qui se passe au Québec, on voit
qu'on accuse un retard importantpour
l'accessibilité à une éducation de qualité, pour la communication. C'est
malheureusement ce qu'on peut observer.
La commission des états généraux sur la
Charte de la langue française, en 2001, a déjà émis des recommandations au
niveau de la langue des signes québécoise, qui est la langue des signes, et ce
qui s'y est dit, c'est que ça devrait être reconnu comme une langue d'éducation… une langue d'enseignement, pardon.
Le ministre de l'Éducation devrait donc reconnaître la LSQ comme une langue d'enseignement grâce à laquelle les
personnes sourdes et les enfants sourds peuvent apprendre la langue française. C'est au niveau de l'article 72 que des
amendements ou des modifications devraient être apportés pour que ça se
fasse, mais ça n'a pas encore été fait, malgré ces recommandations-là. On
attend toujours la concrétisation, et
maintenant ce qu'on voit, là, c'est que les enfants sourds, les adultes sourds
aussi ont des besoins. On leur offre
des services éducatifs, des services au niveau de la communication, mais ce n'est
vraiment pas à la mesure de leurs besoins. Il y a un écart important qu'on
observe et qui continue de se creuser, là, si on pense à une société de plus en
plus éduquée.
Par exemple, les enfants, là, à l'âge
préscolaire, primaire et même avant ont besoin de stimulation précoce au niveau de la langue des
signes pour développer leur langage, et, pour l'instant, il n'y a pas de
services qui sont offerts à ce niveau-là. Donc, c'est difficile d'imaginer
un meilleur avenir si ça ne change pas.
Je
passe la parole à M. Lemay. [Fin de l'interprétation]
• (16 h 20) •
M.
Lemay (Dominique) :(S'exprime par la
langue des signes).
[Interprétation] M. Lemay dit : Il existe un groupe de recherche sur
la LSQ à l'UQAM, présidé par Mme Anne-Marie Parisot. Ce qu'elle mentionne, ce que ce
groupe de recherche mentionne, ce sont plusieurs difficultés en lien
avec le manque de reconnaissance de la LSQ.
La première difficulté, c'est que, pour des
parents qui ont un enfant sourd, que ces parents-là soient déjà sourds ou qu'ils
entendent, ils ont de la difficulté à offrir un bon modèle d'une langue forte,
d'une langue des signes véritable pour éduquer leurs enfants, les
accompagner dans leur apprentissage.
Une
deuxième difficulté vient pour les enseignants, qui ne savent pas comment...
qui n'ont pas les outils pour évaluer l'apprentissage
du français au moyen de la LSQ, l'apprentissage de la LSQ non plus. Les outils
dont ils disposent en ce moment sont trop ambigus, ne sont pas assez
poussés.
Il
y a des difficultés aussi pour les formateurs, les personnes sourdes qui
peuvent être des bons modèles pour les enfants sourds un peu partout. Ils n'ont
pas de statut. Donc, au niveau provincial, il n'y a rien d'assez clair pour que
tout ça avance.
Ce qui est difficile aussi : même pour
les interprètes en langue des signes, ils ont besoin de plus d'outils pour exercer leur profession
avec une meilleure qualité, puis la reconnaissance de la LSQ qui n'est pas
encore faite les empêche, là, d'avoir tout ce qu'il faut.
Une autre difficulté, c'est au niveau des
commissions scolaires. Comment recruter des spécialistes pour enseigner aux enfants
sourds? Tout ça fait défaut. Comment adapter du matériel pour les enfants
sourds? Les budgets ne sont pas là, les portes ne sont pas ouvertes, on
n'a pas la reconnaissance qu'il faut pour avancer.
Ensuite, une autre difficulté qui est citée
par le groupe de recherche, c'est que, dans les universités, on forme des gens qui vont, plus
tard, intervenir avec des personnes sourdes puis on n'a pas ce qu'il faut pour
les former, pour qu'ils sachent comment fonctionne une personne sourde,
sa langue de communication, et tout.
Une autre difficulté pour le MELS, le
ministère de l'Éducation, c'est qu'il n'y a pas de statut clair d'accordé à la langue des signes.
Est-ce qu'on enseigne aux sourds dans la LSQ, la langue des signes québécoise,
en français? Comment on compose avec le bilinguisme? Tout ça, c'est à
enrichir. [Fin de l'interprétation]
M.
Forgues (Daniel) : (S'exprime par la langue des signes).
[Interprétation] M. Forgues prend la
parole en vous disant : On vous a remis tout à l'heure ce résumé-là, O.K., dont on vient de vous parler. Merci de votre écoute.
Si vous avez des questions, allez-y. On est là, profitez-en. [Fin de
l'interprétation]
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Merci. Merci beaucoup, messieurs. Nous allons commencer les échanges avec le
gouvernement, et je reconnais Mme la ministre responsable de la Charte de la
langue française. Mme la ministre, la parole est à vous pour le premier bloc d'échange.
Mme De Courcy : Bien, d'abord, un très grand merci à
vous tous pour votre présentation et l'idée d'avoir fait un mémoire. Alors,
je vais faire comme à l'école Gadbois, hein, n'est-ce pas? Alors, vous
connaissez, bien sûr, l'école Gadbois, vous connaissez l'école
Lucien-Pagé. Moi, j'en ai une connaissance de mon ancienne vie, qui n'est pas
si ancienne que ça.
Alors, c'est sûr que j'ai prêté une attention particulière, particulière à
votre mémoire mais aussi au fait que vous ayez choisi en toute confiance de venir devant cette commission, ces
auditions en commission parlementaire pour venir faire valoir un point de vue que nous n'entendons pas souvent, nous n'avons
pas la chance ou le... que nous n'avons pas porté une attention suffisante à ce défi que représente la
reconnaissance de votre langue. Alors, je veux que vous sachiez qu'en aucune façon je ne vous poserai des
questions sur la pertinence de la reconnaître, bien au contraire. Je vais
d'ailleurs aussi parler assez rapidement à ma collègue Malavoy, qui est la ministre
de l'Éducation pour l'ordre d'enseignement primaire et secondaire, et aussi à
mon collègue Duchesneau pour l'ordre d'enseignement...
Une
voix : ...
Mme De Courcy : …Duchesne — on
parlera à mon collègue Duchesneau aussi — à mon collègue Duchesne qui est ministre de l'Enseignement supérieur pour
ce que vous avez évoqué, au moins en termes de services.
Mais je pense que votre intervention va plus
loin que le niveau d'enseignement, parce qu'on s'est toujours attardé au niveau d'enseignement
mais rarement à la vie de tous les jours, à la vie de tous les jours où on a
besoin, je crois, de cette
reconnaissance-là. J'ai vu des expériences probantes dans de grandes villes,
notamment à New York, où il y a eu des avancées assez significatives sur le plan de la reconnaissance de votre
langue, alors je crois que le Québec peut très bien s'inspirer de
différentes expériences et se reposer sur l'expertise de votre regroupement.
Alors donc, merci de donner une couleur
différente à ce débat et de nous permettre, exactement comme la première ministre l'avait
souhaité quand elle m'a confié ce mandat, de nous projeter à travers ce projet
de loi là dans un Québec futur, dans une façon d'être et de faire
différente. Alors, soyez assurés que je vais donc porter une attention toute particulière… Et puis notre équipe, j'en suis
certaine, sera là. Je ne serais pas étonnée que tous les parlementaires
soient là, je serais très étonnée que nous ne soyons pas tous là. Alors, je me
chargerai donc d'être votre porte-parole au sein de l'Assemblée nationale. Ça
me fera très plaisir de prendre votre relais dans notre Parlement, pour des
préoccupations qui m'apparaissent hautement
légitimes de votre part. Donc, merci beaucoup pour votre prestation, et encore
une fois… (S'exprime par la langue des signes).
[Interprétation]
Bravo à vous, on vous applaudit à notre tour. [Fin de l'interprétation]
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Nous allons maintenant du côté du député de Bonaventure. À ce moment-ci, j'aurais
besoin d'un consentement, parce que le député de Bonaventure a été remplacé ce
matin. Il y a consentement? Merci. M. le député, la parole est à vous.
M. Roy : Merci, Mme la Présidente. Messieurs,
écoutez, vos revendications sont tout à fait légitimes, et j'entends la ministre qui va dans ce sens-là. J'aimerais,
par contre, vous entendre par rapport à l'environnement dans lequel évoluent les élèves sourds. Vous avez énuméré des
problématiques par rapport aux services, mais j'aimerais en entendre davantage, et peut-être au niveau quantitatif et
qualitatif aussi, mais nous expliquer c'est quoi actuellement, quels
sont les services qui sont offerts
actuellement. C'est quoi, l'offre de services type ou typique qui est offerte
aux jeunes qui ont, bon, des problèmes de surdité?
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : M. Lelièvre.
M.
Lelièvre (Michel) : (S'exprime par la langue des signes).
[Interprétation]
Bon, pour l'offre de
services qui existe, depuis... Bon, vous savez, il y a plusieurs choses, il y en a, des services,
mais le problème, c'est le manque de spécialistes, le manque de formation pour
les enseignants, qui devraient avoir
une spécialité. Ces enseignants-là n'ont pas les informations adéquates sur la
LSQ. Ça, ça fait partie du problème. Ils ne connaissent pas la langue
des signes québécoise. Les orthophonistes, les audiologistes, qui sont les
premiers intervenants avec les personnes
sourdes, les enfants sourds, n'ont pas de formation sur la LSQ, ils manquent
d'information. C'est eux qui doivent
informer les parents ensuite, et les parents prennent des décisions sur l'avenir
de leurs enfants, au sujet de l'avenir de leurs enfants à partir des
informations des audiologistes, orthophonistes, entre autres, ou d'autres
spécialistes qui ne sont pas formés parce que la langue des signes québécoise n'est
pas reconnue. Tout ça s'enchaîne ensuite, là. Ça commence par la
reconnaissance, puis ensuite tous les besoins qui doivent être répondus en
découlent. [Fin de l'interprétation]
M.
Forgues (Daniel) : (S'exprime par la
langue des signes).
[Interprétation]
M. Forgues dit :
Si j'ai un ajout à faire, ce serait qu'il y a beaucoup d'enfants sourds qui naissent et que tout de
suite on corrige leur surdité en les opérant, en leur mettant un implant
cochléaire et en les forçant à apprendre à parler, mais en même temps on peut leur montrer que la langue des
signes est une langue complètement accessible pour eux et leur donner la
chance plus tard de communiquer autant avec les personnes qui entendent et avec
les personnes sourdes qui forment une communauté sans aucune limite. Ça fait
plusieurs, plusieurs années que les enfants qui sont implantés, depuis 15, 20 ans ou plus, dès qu'ils arrivent à l'adolescence…
Ils ont eu un implant cochléaire qui est censé les rendre performants à entendre, mais on voit qu'ils ne se sentent pas
partie... ils ne se sentent pas complètement comme des personnes qui entendent, et, rendus à l'adolescence,
bien ils ont besoin de retrouver un groupe avec qui ils peuvent s'exprimer
puis se comprendre. Donc, la langue des signes n'est pas là pour... elle est là
pour eux puis elle est là pour continuer, peu importe si on leur donne la chance
de parler ou d'entendre. [Fin de l'interprétation]
M. Hallé (André) : J'aimerais peut-être ajouter une
petite chose. Tout à l'heure, Mme la présidente parlait de l'école Gadbois à
Montréal, de l'école Lucien-Pagé, mais les services ne sont pas identiques
partout, hein? À Montréal et à
Québec, il y a des services, mais, dans les autres régions du Québec, il y a
très peu de choses. Il n'y a rien. Alors, c'est pour ça que… Ce qui est important pour un enfant dès sa naissance, c'est
qu'il développe son langage, et, s'il est sourd, le seul moyen, pour lui, de développer son langage, c'est
par une langue visuelle. Et le développement du langage, ça ne commence pas à trois ans, ça, ça commence à six
mois. Et, s'il n'y a aucun développement de langage dès six mois, dès
les premiers instants… L'enfant qui arrive à l'école, là, il apprend des
signes, comment je pourrais dire… des signes domestiques
de ses parents, mais il n'a pas développé son langage, donc il arrive avec des
retards très importants, il va arriver
peut-être à l'école avec 300, 400 mots, mais un enfant entendant qui arrive à l'école,
il arrive avec 2 000 mots. Alors, comment voulez-vous qu'il
apprenne correctement le français, les mathématiques, etc.?
Alors,
c'est par le développement de son langage à l'aide d'une langue gestuelle qui
est la langue des signes québécoise que l'enfant
va arriver à l'école avec autant de chances qu'un autre enfant entendant. Et c'est
pour ça que, si elle est reconnue, bien il va y avoir des services qui
vont être offerts dans d'autres régions, etc.
Nous, à La Fondation des sourds, pour
faciliter l'apprentissage de la langue des signes, nous avons mis des cours sur Internet. C'est la première fois que ça se fait
au monde. Nous avons quatre ou cinq cours de langue des signes qui sont offerts
sur Internet. Nous sommes en train de développer un dictionnaire de la LSQ et
qui va être diffusé également gratuitement.
• (16 h 30) •
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Merci, M. Hallé.
M.
Roy : En complément, donc, ce qui...
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : M. le député
de Bonaventure.
M.
Roy : Merci. Ça implique aussi des
programmes de formation pour les parents, ce qui est fondamental.
M. Hallé (André) : Oui, ça implique une information. Ce
n'est pas des gros programmes de formation, là,
amener les parents à des heures de cours. Ça prend une information aux parents
pour les amener à bien comprendre c'est quoi, la surdité, c'est quoi, les
besoins d'un enfant, etc. Alors, ça, c'est très important.
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci. Nous allons maintenant avec le
député de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
M. Breton : Merci beaucoup d'être ici. Vous dites
dans votre mémoire que la reconnaissance officielle de la LSQ a été réclamée lors
de la tenue de la Commission des états généraux sur la situation et l'avenir de
la langue française au Québec. Je
vais vous dire, je trouve ça intéressant, parce que vous m'ouvrez les yeux à
bien des égards. Vous savez, j'ai des
contacts depuis de nombreuses années avec des gens de différentes communautés
autochtones, dont la communauté inuite,
et vous avez certainement déjà vu la langue inuktitute, qui est écrite d'une
manière très particulière. Et évidemment cette langue-là correspond, que
ce soit à l'écrit ou à l'oral, à une culture.
Dans
le fond, votre vocabulaire, votre façon de vous exprimer correspond aussi à une
culture. Est-ce que je me trompe?
M.
Lelièvre (Michel) : (S'exprime par la
langue des signes).
[Interprétation]
Oui, c'est exact,
vous ne vous trompez pas. M. Lelièvre dit : La langue des signes, c'est
une langue qui
s'attache à sa culture. Elles sont indissociables, la langue et la culture, c'est
comme ça partout. D'abord, la perception d'une personne sourde, d'un enfant sourd n'est pas la même quand il y a
une surdité que s'il n'y en a pas, il appréhende le monde de façon totalement visuelle. Puis la
langue, c'est quelque chose qui se développe, qui est vivant, qui évolue.
Allez-y. [Fin de l'interprétation]
M.
Forgues (Daniel) : (S'exprime par la
langue des signes).
[Interprétation]
M. Forgues dit :
Peut-être que vous pensez qu'un mot... Combien de signes vous pensez qu'on utilise?
Pensez-vous qu'on utilise 100 mots, hein, pour utiliser les signes?
Pensez-vous que tous les mots peuvent avoir un signe qui s'accorde à ça? Pensez-vous qu'une langue des signes a toute,
toute, toute sa structure? Oui, elle a des milliers et plus de mots… Oh!
Là, l'interprète a dit qu'il y avait une sonnerie de téléphone. M. Forgues dit :
Vous savez que la structure d'une langue parlée, c'est une structure
auditivo-orale, tous les phonèmes, toutes les parties de la langue s'entendent,
tandis que la langue des sourds, c'est une langue signée, visuelle, puis il y a
près de 119 langues différentes créées par les personnes sourdes de
partout à travers le monde. En France, on parle la LSF, la langue des signes française. En Suède, en Allemagne… Chaque
communauté sourde à travers le monde a créé la langue pour communiquer
ensemble. [Fin de l'interprétation]
M.
Lelièvre (Michel) : (S'exprime par la
langue des signes).
[Interprétation]
M. Lelièvre dit :
Ça veut dire qu'au Québec, par exemple, la langue, la LSQ, a ses spécificités. Les personnes sourdes ont une culture. Ils
ont culture sourde, mais ils ont une culture québécoise aussi. On n'a pas la même culture que les autres
sourds à travers le monde. Comme vous voyez, j'ai l'air totalement d'un
Québécois comme vous. La différence
entre vous et moi, c'est que je suis sourd, mais j'ai une langue et une culture
qui est vraiment spécifique aux personnes sourdes. Est-ce que ça répond
bien à votre question? [Fin de l'interprétation]
M.
Breton : Très bien. Et, comme je vous
dis, là, je viens de m'éveiller à quelque chose, là. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci. Nous allons maintenant... Vous
avez terminé? Nous allons maintenant du côté
de l'opposition officielle. M. le député de LaFontaine, vous avez la parole.
M. Tanguay : Merci beaucoup, Mme la Présidente.
Alors, à mon tour également, je suis heureux de vous dire bonjour. Et encore
une fois félicitations. Merci d'être ici aujourd'hui, d'avoir pris le temps de
rédiger ce mémoire, qui est d'un très grand intérêt.
Et, en ce sens-là, j'aimerais donc aller au
coeur, si vous me permettez, à la page 16, là où vous avez inscrit : Nous recommandons que…
Et je pense que c'est important d'y aller et de prendre le temps, pour vous, de
regarder l'audition dans laquelle
vous vous inscrivez aujourd'hui, qui vise une modification à la Charte de la
langue française et, de façon plus
spécifique, à son article 72. J'aimerais savoir… Et nous sommes tous,
évidemment, comme il a été mentionné un peu plus tôt, je crois, en
faveur d'une reconnaissance officielle de la LSQ.
Est-ce que vous voyez l'opportunité ou la possibilité d'atteindre vos
objectifs? Et là, vous voyez, je suis en amont, je vais d'abord vous poser une
question au niveau de la reconnaissance de la LSQ, parce qu'évidemment ce qui
est important par la suite, c'est la façon par
laquelle la mise en application, l'enseignement seront rendus possibles par
cette reconnaissance-là. Alors, en amont, croyez-vous qu'il y
aurait, oui, une possibilité par un amendement à l'article 72, mais tout
aussi bien une reconnaissance qui serait aussi forte et entière par un amendement à une
autre loi ou par une autre mesure gouvernementale? Parce que je pense que c'est
ça qui est votre objectif, qui est notre objectif, qu'il y en ait, donc, une
reconnaissance, et que… Là, vous
aviez ce véhicule-là, mais pourrait-il y en avoir d'autres qui nous
permettraient d'atteindre notre objectif?
M.
Hallé (André) : Je vais tenter de
répondre à votre question, si vous permettez.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
M. Hallé, allez-y.
M. Hallé (André) : Nous voyons un amendement à la Charte
de la langue française. D'ailleurs, ça avait été
étudié lors de la commission des états
généraux sur la situation du français au Québec. Je pense que c'était en 2001.
Le rapport est ici, et il avait été
recommandé qu'il y ait une modification à l'article 72. C'est important
que ça soit dans la Charte de la
langue française, parce que la LSQ, c'est relié étroitement à l'apprentissage
du français, et, pour les sourds, c'est le français écrit, lecture et écriture, ce n'est pas le français oral.
Un sourd ne peut pas parler, il ne peut pas écouter des discours à moins
que les discours soient traduits en LSQ par des interprètes, et c'est le cas.
Mais est-ce que ça devrait être dans d'autres
lois? Je ne crois pas. Moi, je crois que ça devrait être plutôt dans la Charte de la langue
française. Et cette fois-ci, dans le mémoire, on a ouvert une autre petite
porte. On s'est dit : Si c'est difficile,
à l'article 72, de faire un article spécifique, bien peut-être qu'on
devrait la reconnaître dans le préambule, comme c'est, actuellement, pour les langues autochtones. Dans le préambule, on
reconnaît l'inuit, l'inuktitut, etc., alors, dans le préambule, on peut
reconnaître la LSQ comme langue de communication des sourds au Québec.
Alors,
il peut y avoir deux endroits possibles, dans le préambule ou à l'article 72,
et, en la reconnaissant, bien évidemment, ça va donner plus de force, ça va
donner plus de force au niveau de l'éducation, ça va donner plus de force au
niveau de la formation dans les universités, parce qu'actuellement vous avez...
Nous, on a vendu une idée à l'Université
Laval. Pourquoi les audiologistes n'apprendraient pas la LSQ? Leurs clients, ça va
être des sourds. Alors, comment ils font pour communiquer avec des sourds, s'ils
ne connaissent pas la LSQ? Et ça a été accepté, et nous avons une
personne à la fondation qui va donner des cours de LSQ, à l'université, à des
audiologistes. Mais les maîtres, la formation des maîtres, bien ils devraient
avoir peut-être des notions au niveau de l'éducation des sourds, parce que l'éducation
des sourds, c'est différent de l'éducation des autres enfants. Je ne sais pas
si ça répond à votre question.
• (16 h 40) •
M.
Tanguay : Oui.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Oui, allez-y, M. le député de LaFontaine.
M.
Tanguay : Oui, merci beaucoup. Et,
juste afin de m'assurer de bien... Excusez-moi, Mme
la Présidente…
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Oui?
M.
Forgues (Daniel) : (S'exprime par la
langue des signes).
[Interprétation] Est-ce
que je peux faire un petit ajout? [Fin de l'interprétation]
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Allez-y. Allez-y, M. Forgues.
M. Forgues (Daniel) : (S'exprime par la langue
des signes).
[Interprétation] Je
vous remercie. J'aimerais
m'expliquer ici.
Au niveau de la population
sourde, là, dans les années 1830, il y a longtemps, les personnes sourdescommuniquaient en
signes. Elles ont été éduquées, mais c'était tellement faible, là, ces
personnes-là n'ont pas eu une vie normale,
là, c'est-à-dire n'ont pas eu une éducation très riche. Elles continuent de
vivre, elles continuent de payer des impôts
et de participer à la société, mais, au niveau de l'enseignement, on accuse des
retards tellement importants là! L'enseignement de la langue française
ici, au Québec, quand on entend, c'est facile de l'apprendre, ça se fait bien,
mais, quand on a une surdité, notre accès à la langue française, d'abord à l'école,
est très difficile encore. [Fin de l'interprétation]
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Merci. M. le député de LaFontaine.
M.
Tanguay : Merci beaucoup. J'ai deux
dernières questions et pour m'assurer que votre représentation soit pleine et
entière et m'assurer que vous marquiez bien le coup.
Vous suggérez donc soit l'amendement à l'article 72…
Et vous avez bien dit : Ou un amendement qui ferait en sorte d'ajouter la
LSQ au préambule, et vous avez donné l'exemple, donc, de la reconnaissance des
langues autochtones. Est-ce que, si d'aventure
il n'y avait qu'une reconnaissance, et je dis «qu'une» non de manière
réductrice, mais qu'il y avait une modification seulement au préambule…
Selon l'expérience que vous avez, les impacts tangibles que ça a ou pas,
pouvez-vous confirmer que ce serait donc suffisant pour atteindre l'objectif,
que seul le préambule soit amendé?
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
M. Hallé.
M. Hallé (André) : Moi, je ne suis pas un spécialiste
des lois, là. Je suppose que le préambule fait partie de la loi, et il devrait
avoir autant d'importance qu'un article. Mais c'est certain que, s'il y avait
un article spécifique, ça a beaucoup plus
de force. C'est assez difficile pour nous de juger quelle est la meilleure
solution législative. Ce sont les spécialistes dans le domaine… Une fois que la volonté est exprimée, qu'on a exprimé
des intentions claires et précises et que c'est important… Parce que c'est
beau que les Nations unies aient reconnu les langues gestuelles, et c'est beau
que cette convention-là ait été entérinée au Canada, mais qu'est-ce qu'on fait
ici, au Québec, là? Il est temps qu'on prenne des actions concrètes et précises
pour y donner suite.
Et
je me souviens qu'il y a eu un congrès mondial des sourds à Montréal peut-être
il y a sept, huit ans et...
[Interprétation] Oui,
c'était en 2006, dit M. Lelièvre. [Fin de l'interprétation]
M. Hallé (André) : À ce moment-là, un ministre était
venu au congrès mondial puis il avait pris l'engagement
qu'au Québec on reconnaîtrait officiellement
la langue des signes pour… notamment aux fins d'enseignement, etc.,
mais, depuis ce temps-là… Ça fait déjà… 2006, là, ça fait huit ans, hein?
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Oui, M. le député de LaFontaine.
M. Tanguay : Alors, moi, j'aimerais donc, évidemment,
vous remercier beaucoup, beaucoup, votre passage
ici aujourd'hui était important. Je pense que
vous avez bien marqué le coup, et c'est important de faire en sorte… Et là-dessus je m'inspire des deux dernières
recommandations. Autrement dit, il faut rendre accessible la langue
française aux sourds québécois, faire en
sorte que les services éducatifs soient planifiés en conséquence et que le
personnel enseignant reçoive une formation appropriée. Et ça, ces
objectifs-là, là, ultimement, c'est ce qu'il faut atteindre. Merci beaucoup
pour vos représentations, et au plaisir de vous revoir très bientôt et de faire
cheminer cette demande-là qui est tout à fait légitime. Merci.
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. le député de LaFontaine.
Nous allons maintenant vers le deuxième groupe
de l'opposition, et je reconnais maintenant Mme la députée de Montarville. C'est
à vous la parole.
Mme Roy (Montarville) : Merci, Mme la Présidente. Merci à vous tous, merci d'être
ici. Vraiment, personnellement, vous m'impressionnez,
la langue des signes m'impressionne. Ce que vous nous dites nous touche et nous
touche d'une façon émotive.
C'est important, ce que vous nous dites, mais
c'est aussi intéressant. J'ignorais qu'il y avait 119 langues des signes. Alors, nous sommes au Québec, il y a la langue des
signes du Québec, la langue des signes anglophone.
Et
maintenant ma question est la suivante : À quel moment s'opère le choix
pour un parent? Et est-ce que la langue des signes québécoise, la LSQ, est en
danger face à la langue des signes anglophone au Québec? C'est en quelles
proportions? Ça ressemble à quoi?
M.
Lelièvre (Michel) : (S'exprime par la
langue des signes).
[Interprétation]
M. Lelièvre répond :
Réellement, bon, pour un enfant qui est dans... un enfant sourd qui naît dans une famille d'entendants,
il y a aussi des... Je pourrais vous préciser d'abord qu'il y a 10 % des
enfants sourds qui ont des parents
sourds, eux aussi, mais en majorité les familles... Bon, au Québec, il y a une
majorité de familles francophones. Si l'enfant
est francophone, il va aller à l'école en français automatiquement. Puis c'est
toujours en lien avec la langue parlée, la langue des signes qui est
choisie, normalement, là, logiquement, donc les francophones utilisent la LSQ
pour leurs enfants français, puis les
anglophones, l'ASL. Un peu partout, dans tous les autres pays, c'est comme ça aussi, dans le fond.
Mais, si on reconnaît la LSQ, c'est sûr que ça nous aide à protéger la langue,
parce qu'au Canada, partout, c'est l'ASL qui est utilisée, sauf au
Québec. On a vraiment une langue qui a des spécificités au Québec.
Mais en Ontario aussi il y a une
reconnaissance de la LSQ qui est faite, il y a une loi qui existe là. Donc, la LSQ vient du Québec,
mais c'est chez nous qu'on ne la reconnaît pas, paradoxalement, donc ça enlève
un peu de fierté à ce qu'on pourrait ressentir face à notre langue et la
fierté d'être Québécois.
M. Forgues dit : C'est presque gênant, c'en est
gênant quand on parle à d'autres sourds, là. Puis M. Lelièvre dit : Merci de la question, là, ça m'a fait plaisir d'y
répondre. [Fin de l'interprétation]
• (16 h 50) •
Mme Roy (Montarville) : Merci pour la réponse. Par ailleurs,
quelles sont, à titre informatif — pour qu'on se couche ce soir plus
intelligents — les grandes différences avec la langue
anglophone et la langue francophone des
signes, la langue québécoise des signes?
M.
Lelièvre (Michel) : (S'exprime par la
langue des signes).
[Interprétation]
M. Lelièvre dit :
Bon, jusqu'à maintenant, l'ASL et la LSQ, ça a toujours été deux langues des signes.
Elles ont des similarités parce qu'elles sont visuelles, elles ont une
grammaire de base semblable, mais les signes
eux-mêmes sont différents, la manière de s'exprimer aussi est différente, la
structure et la syntaxe ont des différences aussi. M. Forgues l'a déjà dit aussi au début, il l'a dit tout à l'heure,
les expressions faciales sont importantes dans la langue des signes.
Vous nous voyez signer. C'est ce qu'il disait au début, les expressions
faciales en font partie.
Mais les origines des langues des signes ont
des similarités. L'ASL... La LSQ vient en partie de la France, de la LSF, qui a été
importée aux États-Unis puis ensuite qui a subi de nombreuses adaptations,
suite à l'histoire, la géographie, puis qui a acquis ses spécificités
pour devenir la LSQ à l'intérieur de l'Amérique du Nord. [Fin de
l'interprétation]
Mme
Roy (Montarville) : Donc, vu ses
spécificités bien francophones et québécoises, l'importance de la protéger que
vous avez partagée avec nous aujourd'hui. Je vous remercie beaucoup pour vos
réponses.
M. Hallé (André) : Peut-être que j'aimerais ajouter une
petite information. On a traduit — vous pouvez
voir ça sur notre site Web — plus d'une cinquantaine de documents pour différents
ministères en langue des signes. Quand les
sourds... Exemple : le guide H1N1, le guide d'autosoins. Il a été
distribué dans toutes les familles, mais les sourds ne pouvaient pas comprendre le guide, ils ont
beaucoup de difficultés à comprendre le français écrit s'ils n'ont pas eu
une éducation appropriée. Alors, nous avons
traduit ce guide-là en langue des signes québécoise, nous avons fait un
DVD. Et on a distribué le DVD dans toutes les associations des personnes
sourdes du Québec et on a publié le DVD sur le site Web de la fondation.
Alors, déjà, on fait également des travaux
pour différents musées, où on traduit des expositions en langue des signes qui sont mises sur iPod, et, avec l'iPod, les
sourds peuvent visiter une exposition de façon autonome. Ça, on appelle ça un
visioguide.
La Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci. Je reconnais maintenant Mme la
députée de Gouin. Mme la députée, la parole
est à vous.
Mme David : Merci. Messieurs, bonjour. Merci d'être
là. Ça fait quelques années que j'ai été sensibilisée à la question de la langue des signes, mais pas assez,
puisqu'une de vos associations est venue me voir durant la dernière campagne électorale pour me faire remarquer que
tout notre matériel, si vous voulez, audiovisuel n'avait pas de
sous-titres, n'avait rien en langage des signes. J'avoue que j'ai eu un peu
honte, et on s'est engagés à ce que cela ne se reproduise pas. Donc, vous nous
avez aidés à faire de grands pas, qu'il reste à concrétiser.
Ce que je comprends de ce que vous nous
dites, c'est qu'il faut plus que des bonnes intentions. Ce que vous nous dites, c'est que
vous voulez une reconnaissance officielle de la langue des signes québécoise,
et ce que je comprends, c'est que vous insistez que ça soit dans le
préambule de la charte au même titre que la langue française ou les langues amérindiennes et inuites. Et là mon sentiment, c'est
qu'il y a non seulement un effet juridique important, mais un apport
symbolique, à ce moment-là, qui est extrêmement important. Et, si vous parlez
de l'article 72 — ça me paraît assez clair — c'est parce que vous voulez qu'il soit en fait impossible
que, désormais, un enfant sourd ne puisse pas
recevoir un enseignement bilingue. Vous nous demandez un engagement formel.
Comme d'autres ici, je ne suis pas juriste. C'est
difficile pour moi, à ce stade-ci, de dire avec assurance : C'est la meilleure
façon de faire. Mais d'emblée, en fait, j'ai juste envie de dire oui. Si jamais
il y a encore de meilleurs moyens, bien, tant mieux, mais déjà ce que
vous nous proposez me paraît tout à fait recevable.
Et
j'ajouterais en terminant, parce qu'en fait je n'ai pas vraiment de question… j'ajouterais
en terminant que vous réussissez aujourd'hui quelque chose qu'il sera difficile
de retrouver dans cette commission parlementaire sur un sujet qui n'est pas facile, c'est qu'on est tous d'accord, et je
pense que, là, vous venez de faire des gains importants. Merci beaucoup.
M.
Hallé (André) : Merci. Et, si je peux
renchérir sur votre commentaire, que je trouve très pertinent, c'est qu'une
meilleure éducation, ça va permettre aux sourds de pouvoir travailler, d'avoir
accès à l'emploi, ce qui est très difficile pour les sourds, parce que des fois
ils n'ont pas toute la formation appropriée pour pouvoir travailler. Ils ont
des emplois de bas niveau, et pourtant il y a des sourds actuellement...
Ce n'est pas une barrière, la communication LSQ, dans les
entreprises. Nous allons publier un dépliant, là, sur l'embauche des personnes
sourdes. Et il y a des sourds qui travaillent dans des firmes de microsoudure,
qui travaillent dans des
laboratoires, qui travaillent dans différents types d'emploi. Ils sont en
contact avec des entendants. Les entendants apprennent quelques signes,
et ils peuvent communiquer. Et ça, c'est très, très important de donner cette
chance aux sourds d'avoir accès à une éducation et d'avoir accès à l'emploi, et
les sourds sont heureux de travailler.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci beaucoup. Merci beaucoup, MM. Forgues, Lemay, Lelièvre et Hallé.
Nous
allons maintenant suspendre la commission... les travaux pour quelques instants
pour permettre au groupe d'Option nationale de
prendre place.
(Suspension de la séance à
16 h 55)
(Reprise à 16 h 58)
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos
travaux. Je vous demanderais de vous identifier — bonjour — et
de nous nommer également aussi les personnes qui vous accompagnent. Vous avez
un temps qui vous est alloué de 10 minutes, par la suite suivra un échange
avec les différents groupes parlementaires. La parole est à vous,
M. Curzi.
Option nationale
M.
Curzi (Pierre) :
Merci, Mme la Présidente. Donc, je me présente : M. Pierre Curzi,
ex-député. Je suis ici à titre de membre d'Option nationale mais aussi un
petit peu responsable du dossier de la langue au sein d'Option
nationale. Je suis accompagné de Mme Catherine...
D'abord, je vais
excuser M. Jean-Martin Aussant, qui devait être avec nous, mais, pour des
raisons familiales importantes, il a dû vaquer à d'autres occupations.
Mme Catherine Dorion est membre du conseil national d'Option nationale, donc, à ce titre… et c'est une
résidente de Québec et quelqu'un qui travaille aussi sur la langue, dont elle a
fait un métier littéralement, à la fois comme actrice, et comme slameuse, et
comme créatrice et auteure, voilà. Et M. Patrick Sabourin, qui est ici à titre de consultant, démographe, étudiant en...
doctorant en démographie. On peut dire ça comme ça? Doctorant.
•
(17 heures) •
Mme
la ministre, bonjour. Mmes et MM. les députés, bonjour. C'est un peu étrange, effectivement,
de me retrouver ici face à vous. D'habitude, j'étais
de votre côté.
Le
projet de loi n° 14, il y a énormément de choses à dire au projet de
loi n° 14. Vous en avez déjà entendu,
je crois, et vous allez en entendre
énormément. Il y a ce mémoire qu'on vous présente, et, dans ce mémoire-là, on a
surtout axé le mémoire sur ce qui nous apparaissait comme les insuffisances.
Alors,
partons d'une constatation générale. Le constat général, c'est que le projet de
loi n° 14 ne constitue pas une nouvelle charte de la langue française. C'est un
projet de loi qui modifie un certain nombre d'articles et qui est en
quelque sorte... je pense que le
sous-ministre aurait utilisé l'expression «du boulonnage», c'est-à-dire qu'on
ajuste des boulons ici et là, certaines mesures. Et il y a certaines
mesures qui méritent toute notre attention et avec lesquelles je suis assez d'accord. Fondamentalement, et sans précéder la
conclusion de ce que je veux dire, ce projet de loi là, malgré qu'il y
ait plusieurs intentions que nous
épousons... Je ne sais pas si je vais parler... Je vais parler au «je» puis au
«nous» puis je vais tout mêler ça.
Mais, grosso modo, malgré les bonnes intentions que ce projet de loi là
contient, le constat général, c'est que
ce projet de loi là ne va pas suffisamment loin pour être un contrepoids
efficace face à la situation, à l'état du français dans la grande région
de Montréal et en Outaouais, par exemple, là où les problèmes se posent.
Le
constat, je ne le referai pas, vous l'avez entendu probablement mille et une
fois, mais il est clair que, sur territoire donné… Puis,
dans ce cas-ci, c'est le territoire de recensement de la région métropolitaine,
qui comprend quand même 3,9 millions de
personnes. Dans
ce territoire-là, il y a nettement une présence de deux langues, deux langues
qui se juxtaposent, il y a le français et il
y a l'anglais, et ce qu'on constate au bout de toutes les études — puis
on pourrait sortir des chiffres jusqu'à demain matin — ce
qu'on constate fondamentalement, c'est que, l'indice de vitalité des langues, qui est un indice, là,
global, nous indique que le français progresse sur ce territoire-là, mais il
progresse modestement, c'est un indice
sur 100, puis le chiffre, c'est 107, alors que la langue anglaise, elle, progresse
à vitesse grand V, et l'indice de vitalité, dans ce cas-là, c'est 172. C'est
énorme, la différence.
Évidemment,
il faut mettre ça en perspective. Puisqu'on parle d'une majorité de
francophones puis d'une minorité d'anglophones,
donc... Et c'est ce qui trouble beaucoup le portrait.
Quand
j'étais au Parti québécois et que j'avais la responsabilité d'apporter des
changements à la Charte de la langue française, j'ai passé plusieurs années à essayer d'établir
un portrait fiable, clair, et ce portrait-là n'a pas été contesté au
niveau de ce qu'il nous disait, et ce qu'il nous dit, il nous dit que, dans
cette région métropolitaine de recensement, il y a une lutte. Sous les apparences d'une paix linguistique, il s'est
développé une lutte. Et c'est normal et ça arrive dans tous les cas où deux langues sont en interface sur un
territoire donné. Il y a forcément une langue qui cherche à dominer l'autre.
L'inquiétude qu'on a
et que nous essayons de faire partager, c'est que cette lutte-là, cette
bataille linguistique qui n'est pas une
bataille contre l'anglais ou contre ceux qui parle l'anglais mais bien un
phénomène réel d'affrontement linguistique, d'occupation
du territoire, cette bataille-là, actuellement, a amené un déséquilibre,
et le déséquilibre, il est ce que je disais tantôt, un indice de vitalité
extrêmement puissant pour la langue anglaise
et un indice de vitalité réel mais beaucoup trop faible par rapport au nombre
que nous constituons. Autrement dit,
cette majorité de francophones qui habite le territoire du Québec vit, hors
Montréal, fort bien dans sa langue française, dans ses institutions françaises, alors que, sur le
territoire plus restreint de Montréal et en Outaouais aussi, il y a là des
progrès qui font qu'il y a un déséquilibre.
Comment pallier ce
déséquilibre-là? C'est l'objet du projet de loi n° 14 comme c'était l'objet
de la loi 101 à l'époque, et la loi 101 a
permis des avancées considérables, mais sous les apparences d'une paix
linguistique s'est développé un rapport de force qui, pour toutes sortes
de raisons sur lesquelles il me semble qu'on a beaucoup écrit, pour toutes sortes de raisons, privilégie maintenant une
avancée très forte de la langue anglaise, et ça, c'est périlleux. Et pour
contrer et donc pour établir un équilibre qui
ferait que la langue de la majorité soit dans un réel rapport de force normal
alors qu'il y a une majorité puis une
minorité, il faut avoir des mesures très fortes, il faut avoir des mesures qui
structurent, etprincipalement des
mesures qui vont faire que le français sera la langue de l'ensemble des
institutions, et non seulement la
langue officielle et normale, mais la langue commune. Et, quand on utilise le
terme de «langue commune», on va un pas de plus que la langue normale ou que la langue officielle, parce que
dire «une langue normale et officielle», c'est dire qu'on peut être
dans une situation anormale et une situation qui n'est pas si officielle, et, à
mon humble avis, c'est un peu ça qui est en train de se produire si nous n'agissons
pas.
Comment
peut-on agir d'une façon qui soit structurante puis en même temps qui laisse
aux individus non seulement le libre choix,
mais la possibilité d'être bilingues, trilingues, multilingues, ce qui est en
soi une richesse? Et cette différence-là,
elle est cruciale. Il y a une différence fondamentale entre ce qui relève d'un
individu au niveau linguistique et ce
qui relève d'une collectivité. Et, quand on parle de la langue des individus,
on laisse une totale liberté à chacun de parler chez lui, dans sa vie, dans sa vie personnelle, toutes les
langues qui existent dans le monde. Ce que nous disons, ce que bien des gens disent, c'est qu'au niveau des
institutions il faut cependant qu'il y ait une langue commune qui
permette à tout le monde de se parler et qu'on crée enfin une cohésion sociale
au-delà de nos querelles linguistiques. Il faut sortir de ce paradigme-là.
Qu'est-ce
que ça veut dire, une langue commune dans les institutions? Ça veut dire une
langue commune dans l'éducation, dans la santé, dans le travail, dans la langue de l'administration
municipale, provinciale et fédérale. Ça veut dire une langue commune dans l'affichage. Ça veut dire
une langue commune partout. Et, en ce sens-là, le projet de loi pose des
gestes, fait des énoncés, a des articles qui vont dans ce sens-là mais qui n'ont
pas un effet structurant.
Je vous donne deux
exemples. Au niveau de l'éducation, il y a des mesures qui touchent à l'enseignement
collégial, mais le gouvernement a refusé de
tenir sa promesse électorale de dire que la loi 101 allait s'appliquer aux
cégeps voilà... et donc on ne va pas
structurer le milieu collégial de telle sorte qu'on empêcherait le phénomène
qui se produit depuis plusieurs années de l'érosion après le secondaire
d'une partie des étudiants qui vont aller vers le collégial anglais et vers les universités anglaises. Quand
un étudiant sur quatre fréquente les universités anglaises, quand 30 %
du financement va vers les universités, ça pose des questions. Il y a un
déséquilibre là.
Au
niveau de la santé, les institutions anglophones sont hautement respectées, et
clairement il s'agit de préserver les droits
historiques qui appartiennent à la communauté culturelle de langue anglaise,
mais clairement aussi il faut structurer mieux.
Et,
quand on parle d'appliquer la loi 101 aux petites entreprises de 26 à 50, fort
bien, mais encore faut-il avoir...
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Excusez-moi...
M. Curzi (Pierre) : Oui, je sais que vous allez devoir m'interrompre. Donc, je
vais conclure.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Quelques
secondes.
M.
Curzi (Pierre) :
Je vais conclure en disant que je suis prêt à reconnaître l'ensemble des bonnes
mesures qu'il y a là-dedans, mais, dans tous
les cas, je crois que ces mesures-là n'ont pas d'effet structurant suffisant.
Je
termine en disant tout de suite ma conclusion, c'est que, si le gouvernement va
de l'avant avec ce projet de loi là comme il est en train d'aller de l'avant et qu'il
se heurte à une opposition farouche, il semble que le gouvernement ait très peu de marge de compromis. Je crois que le
gouvernement ne devrait pas ouvrir à des compromis, parce que ce serait
affaiblir trop lourdement son projet de loi. Et, par ailleurs, si l'opposition
refuse d'entendre raison, personnellement, je souhaite que ce soit un
gouvernement majoritaire qui reprenne ce projet de loi là et qui, lorsqu'il
sera majoritaire, puisse offrir une nouvelle Charte de la langue française,
nécessaire et essentielle pour rétablir un équilibre juste dans la situation
qui prévaut actuellement. Merci.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. Curzi. Je vais maintenant du côté du
gouvernement, la parole est à la ministre
responsable de la Charte de la langue française. Mme la ministre, la parole est
à vous.
Mme
De Courcy :
Bien, merci et bienvenue, messieurs dames. D'abord, M. Curzi,
M. Sabourin, puisque vous y avez
contribué indirectement, je voudrais dire publiquement que, lorsque j'ai été
nommée et que j'ai obtenu ce mandat-là, évidemment que je me suis largement
inspirée du projet de loi que vous aviez mis de l'avant et de vos recherches,
ce qui fait, je présume, que vous vous reconnaissez un peu.
M. Curzi (Pierre) :
En partie.
Mme
De Courcy : Bon. Alors, je veux vous
remercier, donc, de m'avoir facilité ce travail.
Maintenant,
je voudrais vous rassurer sur deux points, juste sur deux. Si j'avais plus de
temps, je vous rassurerais sur davantage, en
tout cas je tenterais de le faire, mais là je vais vous rassurer sur deux.
Concernant
les écoles passerelles, je lisais que vous indiquiez que je ne l'avais pas
inclus dans le projet de loi n° 14. C'est vrai, mais je présume que vous savez que j'ai
annoncé une législation à court terme, à court terme. C'est sciemment
que je l'avais fait séparément. On peut ne pas être d'accord avec cette
stratégie-là, mais j'ai choisi de permettre aux parlementaires de pouvoir se
consacrer sur le projet de loi n° 14 et par la suite sur quelque chose qui
était déjà assez unanime, hein, à l'Assemblée
nationale. Si je pense à la loi n° 104 autour des écoles passerelles,
je ne devrais pas être très inquiète.
Alors, évidemment que vous connaissez à quel point j'ai foi, une foi très
grande dans le processus parlementaire. J'espère que ça va bien
fonctionner.
L'autre
élément : je sais que vous n'êtes pas d'accord sur l'orientation gouvernementale
autour de l'enseignement de l'anglais, mais la ministre de l'Éducation a
annoncé des correctifs importants, je crois, qui vont dans le sens de ce
que vous aviez émis. Maintenant, il est vrai
aussi qu'il appartiendra à chacun des conseils d'établissement de faire les
choix nécessaires, ce qui n'était pas
nécessairement votre option, mais à 12 %... Vous savez, depuis tous les
événements qui ont présidé à la mise
en place de l'anglais intensif, etc., il n'y a que 12 % des écoles au
Québec qui se sont prévalues de cet avantage-là.
Alors, je pense sincèrement que les conseils d'établissement vont agir dans le
sens de ce qu'on croit, que ce pourcentage-là ne variera pas vraiment
beaucoup.
Alors,
je pense qu'on a donné un signal assez clair de notre intention, ce qui n'exclut
pas, par ailleurs, l'importance à accorder… Et
je crois que nous sommes tous d'accord là-dessus. Il ne s'agit pas de mesures
antianglos, antianglais, anti-apprentissage
de la langue anglaise, on n'est pas là, hein, ni vous ni moi. Nous sommes, au
contraire, je pense... Vous qui êtes,
en plus d'être un politicien, un artiste, vous savez à quel point c'est
important, cette vision mondiale des rapports que nous pouvons avoir
dans toutes les langues possibles, par la culture et aussi par d'autres
langues. Je pense qu'on n'est pas en désaccord là-dessus.
Donc,
j'ai bien lu, j'ai bien compris aussi votre message de fin. Je vous avoue qu'il
m'encourage beaucoup, votre message de fin.
Je
veux vous demander ce que vous avez pensé des événements qui ont entouré l'OQLF
au cours des dernières semaines à cause de votre grande connaissance du dossier de la langue,
de ce qui s'est passé autour de l'OQLF. Je vais aussi demander à M. Sabourin qui vous accompagne, si
vous le permettez, vous tous, ce que vous pensez de l'importance d'avoir
des indicateurs publics reconnus par tous et
toutes, n'obligeant pas des députés à faire des études longues seuls, à
ramasser avec d'autres chercheurs, mais
plutôt d'avoir des indicateurs publics déposés à l'Assemblée nationale nous
permettant d'avoir une boussole sur la
langue mais reconnue par tous, là, et qui font qu'on a une référence, que c'est
la bonne et que… Des chercheurs de différentes écoles pourraient être
regroupés, etc. J'aimerais savoir ce que vous pensez de ça. Et à qui devrait
être confiée la fabrication de... la confection de tels indicateurs?
Un peu plus tôt dans
la journée, on a eu une proposition de commissaire...
•
(17 h 10) •
Une voix : Du Mouvement national des Québécois.
Mme
De Courcy : …oui,
c'est ça, du Mouvement national des Québécois, d'un commissariat ou d'uncommissaire. Alors, j'avoue
que je suis à la recherche, là, de comment faire cela. Puis après ça je serai
obligée de vous laisser tranquille, parce que je n'aurai plus de temps.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Merci, Mme la
ministre. M. Curzi.
M.
Curzi (Pierre) :
Bien, je vais laisser Patrick Sabourin répondre sur la question des indicateurs
parce que c'est la meilleure personne.
Patrick.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : M. Sabourin.
M. Sabourin
(Patrick) : Vous ne voulez pas
commencer?
M.
Curzi (Pierre) :
Ah, moi, je peux commencer aussi. Bon, parlons de... Ça ne me fait rien, je
peux commencer. Parlons de l'OQLF, commençons
plus doucement.
Sur
la loi n° 115, vous avez annoncé qu'il y aurait une législation. Le seul
problème, c'est que ça, dans la nouvelle
Charte de la langue française que j'avais déposée, le 593, on avait retiré les
nombreux articles qui ont été ajoutés au moment de la loi n° 115. Donc, c'est
pour ça que je vous crois, là, que vous allez présenter un projet de loi, mais,
en attendant, vous allez être obligés donc
de réouvrir le projet de loi n° 14 pour en extraire ces articles-là,
et ça, je trouve que c'est étrange comme méthode.
Mme De Courcy : …dévoilerai pas tout de suite la législation, mais ce n'est
peut-être pas par l'unique voie qu'on peut y arriver.
M. Curzi (Pierre) : Bon, très bien. Ah, c'est intéressant. On va réfléchir à
ça.
Pour ce qui est de l'OQLF,
ce qui est arrivé à l'OQLF, il y a plusieurs aspects. On sait très bien que ça
a été l'application stricte d'un article de loi réel. Est-ce que ça a été fait
avec zèle, exagéré? Incontestablement. Est-ce que cet
événement-là a été utilisé largement pour, là, littéralement incendier l'OQLF
et le faire immédiatement avec la commission
parlementaire? Très franchement, j'en suis convaincu. Je ne suis pas convaincu
qu'il y a eu... des gens se sont
parlé puis ils ont fomenté ça, mais on s'est servi de cet incident-là pour le
monter en épingle, et ça, je trouve que c'est, disons, à tout le moins pas très gracieux. Et c'est drôlement
dommageable pour le Québec que tout d'un coup un événement qui est somme toute déplorable mais relativement
banal et qui n'avait pas de conséquences sérieuses devienne... soit
répandu à travers le monde, et ça fasse un «Québec bashing» épouvantable. Ça,
là, j'avoue que j'ai eu de la misère à gober ça. Même si je n'ai pas suivi tout
ce «Québec bashing» là, il me semble que, là, il y a eu vraiment exagération.
Mais
ça met en lumière la fragilité aussi de l'OQLF. Et, dans votre document, et ça, c'est un des aspects par rapport auxquels je suis critique, c'est que vous donnez
plus de pouvoirs à la ministre, au ministre, et donc, ce faisant, il y a moins de pouvoirs qui appartiennent à l'OQLF, mais
surtout c'est que l'Office québécois de la langue française dépend
toujours du pouvoir politique.
Je
peux comprendre que, quand on est ministre de quelque chose, il faut quand même
qu'on puisse agir sur ce quelque chose là, mais n'empêche que c'est
tellement sensible et tellement délicat, la question de la langue, et ça a
subi de tels contrecoups quand on changeait
de parti politique au gouvernement que ce qui semblerait raisonnable, c'est que
l'Office québécois de la langue française
dépende des deux tiers de l'Assemblée nationale pour la nomination des gens quiconstituent son conseil et sur
recommandation du premier ministre, comme ça se fait dans d'autres... et
donc... et que cet office-là soit tenu de rendre compte à l'Assemblée
nationale avec des processus x. On donne à l'Office québécois l'autonomie dont il a besoin pour pouvoir
appliquer correctement la législation et aussi le pouvoir de faire enquête,
et, en ce sens-là, je trouve qu'on ne devrait pas diminuer l'importance de l'Office
québécois mais au contraire lui donner les moyens d'être indépendant du pouvoir
politique, quel que soit le parti au pouvoir. Et, en ce sens-là, je pense que
ça ouvre la porte à la façon dont on pourrait créer des indicateurs.
M.
Sabourin (Patrick) : Alors, merci, M. Curzi. Effectivement, il faudrait parler des
indicateurs et non pas d'un indicateur. Donc, la langue est un phénomène… Vous
savez, hein, vous avez étudié ça, donc vous savez que la langue est un phénomène complexe, multifactoriel, multiforme.
On ne peut pas approcher cette problématique avec un seul indicateur,
donc il faudra réfléchir à une batterie d'indicateurs.
Peut-être
qu'on pourrait les faire adopter par l'Assemblée nationale. Ça reste délicat, parce que ça demeure du domaine de la science et non pas de la politique, et je
ne sais pas comment on va arrimer les deux. Peut-être que ça se fait, il faudrait que j'y réfléchisse
davantage. Une chose est sûre, c'est que ce ne serait pas suffisant, je pense,
pour qu'il se dégage un consensus sur la situation linguistique. Il faut
encourager la réflexion, la diversité de pensée sur la langue.
Un
des effets pervers, à mon avis, créé par le fait que la recherche est
concentrée à l'Office québécois de la langue française et au Conseil supérieur de la langue
française, c'est qu'on n'a pas instauré une tradition académique d'étude
des questions linguistiques au Québec. Donc,
il n'y a pas de chaire, par exemple, dans les universités, sur la
démolinguistique, par exemple. Ce sont des
profs qui prennent des contrats quand l'office fait des appels d'offres, et ils
rédigent un contrat, et puis, bon, c'est
fini. Donc, il n'y a pas des écoles de pensée, il n'y a pas des étudiants au
doctorat qui trouvent un poste après
dans un département où la question linguistique est étudiée puis après qui
passent leur savoir à d'autres étudiants. Donc, cette tradition
académique là n'existe pas au Québec, ce qui est particulièrement étonnant,
puisque la langue fait partie de notre psyché collective, si on veut.
Alors,
à mon avis, le fait de concentrer la recherche au conseil et à l'office, le
fait qu'il manque cette diversité de pensée qui nous permet, en fin de compte... ce qui
est paradoxal, mais c'est comme ça que ça fonctionne un peu en sciences,
par la diversité des approches on finit par dégager un consensus, alors il y a
peut-être un piège à cette idée d'aller trouver les indicateurs qui vont nous
amener les bonnes réponses.
Maintenant, pour ce
qui est du commissaire — ici, ce serait à la
langue officielle — je vous dirais que
je suis probablement en faveur d'un tel
poste, notamment parce que la vision de l'aménagement linguistique au Canada
dans son ensemble, au Canada anglais et
surtout au Canada dans son ensemble, est très différente de la vision de
l'aménagement linguistique au Québec. Donc,
au Canada anglais et au Canada dans son ensemble, c'est beaucoup l'individu qui
est le centre de la politique
linguistique, c'est-à-dire que ce sont les droits de l'individu d'utiliser la
langue qu'il veut, de fréquenter les institutions qu'il veut, alors qu'au
Québec on a ce qu'on appelle une politique d'unilinguisme institutionnel où on décrète que le français est la langue commune, la
langue des institutions, ce qui n'empêche pas les gens, comme disait
M. Curzi, d'utiliser les langues qu'ils veulent dans la sphère privée,
mais la sphère publique, au Québec, selon la loi et l'esprit de la loi 101, c'est
que le français est la langue commune et la langue des institutions.
Alors,
on a ici deux modèles qui sont incompatibles. On peut le mettre comme on veut,
là, essayer de tordre la réalité, mais les
deux modèles d'aménagement linguistique sont incompatibles. Alors, on a à
Ottawa le Commissaire aux langues officielles, M. Graham Fraser, qui défend
cette vision canadienne — et il le fait très
bien, je pense — de bilinguisme «coast to coast», et c'est son droit,
et non seulement c'est son droit, mais c'est son office, c'est ce qu'il
doit faire, mais il n'y a pas d'équivalent
au Québec pour défendre le modèle d'aménagement linguistique québécois qui
est fondé sur une politique d'unilinguisme institutionnel, et je pense que, là,
il y a une asymétrie. Et il y a certainement un
lien entre ça et le fait que les gens ne sont pas tellement conscients du
modèle d'aménagement linguistique du Québec, ils n'arrivent pas vraiment
à situer… Est-ce que ça devrait bilingue? Est-ce qu'on est unilingues? Est-ce
que c'est les individus qui sont unilingues?
Est-ce que ce sont les institutions qui sont unilingues? Alors, je pense qu'un
commissaire à la langue officielle au Québec pourrait être très utile sur le
plan de la vulgarisation mais aussi sur le plan de la confrontation entre les
politiques d'aménagement linguistique. Ce n'est pas une affaire de
souverainiste, fédéraliste, c'est vraiment
une affaire de vision de l'aménagement linguistique, et je pense qu'un
commissaire à la langue officielle pourrait faire ce travail.
Mme De Courcy : Pour éviter de prendre trop de temps
et que mes collègues qui voulaient absolument vous parler puissent vous
poser des questions, vous avez dit à deux, trois reprises : On diminue les
pouvoirs de l'OQLF pour... Non, le
projet de loi ne fait pas ça. Et je vais demander à M. Turcotte qui m'accompagne
tantôt, à la fin, d'aller vous voir, on va s'expliquer autour de ces
questions-là, parce que ce n'est pas la première fois que je vous entends le
nommer.
Alors, je vais laisser
mes... parce qu'on n'a pas beaucoup de temps, il ne nous reste que sept
minutes, nous, du côté de...
Une voix : ...
Mme
De Courcy : Bien
oui, c'est ça. Alors, il faut permettre de laisser tout le monde filer, c'est
pour ça que je le fais comme ça.
Alors, mes collègues
aimeraient s'adresser à vous. Je vous remercie de la franchise du point de vue.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : M. le député de Sainte-Marie—Saint-Jacques,
la parole est à vous.
•
(17 h 20) •
M.
Breton : Bien,
bonjour. C'est drôle parce que depuis le début du débat qu'on a présentement il
est question de promotion et de coercition, et
j'ai entendu le fait que les gens de l'opposition officielle et de la deuxième
opposition s'opposaient à quelque forme de coercition que ce soit. Dans la
mesure du possible, ils disaient qu'on devrait faire la promotion, mais que la coercition mal venue. Venant du milieu de l'environnement,
je le sais que, quand on fait juste la promotion de l'environnement et
qu'il n'y a pas de règle coercitive, on n'avance pas bien, bien.
Moi, une des choses
que je ne peux pas m'empêcher de faire comme réflexion, ceci dit, c'est que,
pour être quelqu'un de Montréal — j'y
suis né, j'ai grandi à Montréal, je suis député de Montréal — je
sais néanmoins que, d'un point de vue générationnel, quand je pense aux
gens de ma génération, le fait français, la promotion du français, l'importancede se faire respecter lorsqu'on parlait
français étaient très importants, et j'ai vu un relâchement dans la génération
qui a suivi. Et moi, j'ai beaucoup d'amis
anglophones, et un de mes amis m'a dit, à un moment donné : Tu sais,
Daniel, si les jeunes francophones ne considèrent pas si important que
ça de parler français, pourquoi est-ce que nous devrions le considérer? Et ça,
c'est une question qui interpelle les jeunes francophones.
J'aimerais
ça avoir votre point de vue là-dessus et puis j'aimerais ça aussi vous entendre
sur... Parce que, dans le fond, ce que vous avez dit... Parce qu'on avait
parlé, comme j'avais dit tout à l'heure en blague, d'une espèce de
Graham Fraisier québécois. Dans le fond, j'aimerais ça vous entendre sur...
Dans le fond, c'est la notion de droits individuels versus les droits
collectifs. J'aimerais ça avoir vos avis là-dessus.
La Présidente (Mme Richard,
Duplessis) : M. Curzi. Non? Mme Dorion.
M. Curzi (Pierre) : Mme Dorion va répondre à la première partie de la
question.
Mme
Dorion (Catherine) : Oui, je vais répondre. Justement, bien, c'était en lien avec la
coercition, la loi 101 au cégep qui est un exemple de coercition. On n'aime
pas ça, des droits individuels sont brimés, les gens ne peuvent pas
aller apprendre l'anglais, tout ça, c'est
quelque chose qui nous chicote. Puis, comme on disait aussi, la langue est une
question hypersensible, ça fait que d'arriver
en voulant proposer ça, ça peut être un danger politique. On se dit : Ça
va soulever beaucoup trop de
passions, on aime peut-être mieux mettre ça de côté pour éviter ça. Mais, pour
avoir étudié en Europe longtemps, j'ai
été au milieu de grosses manifestations où la polarisation des communautarismes
était telle, le malaise par rapport à
l'immigration était devenu tel, dans la société majoritaire, que je me
demandais vraiment comment ils allaient faire pour se sortir de ce bourbier-là. Puis, comme j'ai vu depuis que j'en
suis revenue, ça ne s'est pas amélioré, ça s'est empiré.
Nous, au Québec, on a
la chance de ne pas vivre encore cette situation-là. Peut-être qu'on ne la
vivra pas. Je l'espère, mais, comme toutes les sociétés d'accueil — et les sociétés occidentales sont des grandes sociétés d'accueil — c'est quelque chose qui nous guette, puis, si on veut qu'il
y ait une bonne cohésion sociale… Une cohésion
sociale, c'est nécessaire si on veut
pouvoir, entre les communautés, se parler, arriver à des consensus, qui sont
toujours plus créatifs et plus intelligents
que de rester dans nos préjugés vis-à-vis l'autre puis de ne jamais être ouvert
à l'autre de chaque côté. Si on veut
arriver à être cette société-là créative, cohésive, il va falloir qu'on ait
quelque chose sur quoi se baser pour communiquer tous ensemble, c'est-à-dire
la langue française.
J'ai fait une petite
étude de terrain à travers un documentaire que je fais auprès d'immigrants qui
se sont extrêmement bien intégrés dans la
société québécoise puis qui l'adorent, tu sais, qui tripent sur le Québec. Ça
fait que j'en ai interrogé plusieurs
dizaines. Donc, ce n'est pas une étude quantitative, mais c'est quand même une
étude qualitative, parce que c'étaient
des entrevues de fond que je faisais avec eux, et la majorité m'ont dit :
Moi, en tant qu'immigrant, je viens d'un milieu qui n'a pas beaucoup de
curiosité, pas beaucoup d'ouverture envers le fait français au Québec, qui n'a
pas vraiment envie d'aller voir puis qui, souvent, ressasse les mêmes préjugés
par rapport à : Ah, tu sais, ils sont invasifs,
pourquoi ils veulent nous imposer des choses?, etc., souvent relayé par les
médias non francophones. Et la majorité d'entre eux m'ont dit : J'ai commencé à m'intéresser à la culture du
Québec au cégep. Au cégep, quand on quitte l'école, en fait, on est en
train de devenir un citoyen, c'est vraiment le passage où on rencontre les gens
avec qui on va travailler plus tard, on devient un travailleur, un citoyen,
quelqu'un qui va être intégré dans la société, au lieu d'être dans une classe…
Bon, finalement, ça devient un citoyen. Et là ils ont rencontré, dans les
cégeps francophones, des Québécois francophones qui leur ont transmis… fait
partager leur culture, etc., puis leur préjugé s'est défait, s'est étiolé petit
à petit. Puis ça a été des gens qui étaient
des ponts entre deux communautés, la communauté de laquelle ils venaient,
pleine de préjugés, et les francophones qui ne
connaissaient pas les immigrants, pleins de préjugés. Puis ça faisait des êtres
beaucoup plus intéressants pour participer à cette cohésion sociale là au
Québec.
Oui, c'est une
coercition, c'est énervant, on n'aime pas ça, mais, quand on pense qu'à long
terme ça pourrait vraiment travailler en
faveur de la paix sociale au Québec, si on ne veut pas qu'il nous arrive ce qui
arrive à beaucoup de pays européens, il y a des raisons des fois dans la
vie où la coercition, bien, c'est pour le mieux, tu sais.
Ça
fait que c'est ça. Ça, c'était ma petite étude de terrain
qualitative que je voulais vous partager. Et j'étais vraiment contre la loi
101 au cégep avant ça, puis c'est vraiment en leur parlant… C'est eux qui m'ont
dit : Ça passe par la langue. S'intéresser à la société québécoise
et en faire partie, ça passe par la langue, puis, si je n'étais pas allé dans
un cégep francophone, j'aurais passé à côté de ça.
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Merci, Mme
Dorion. M. le député de Bonaventure.
M. Roy : Merci, Mme la Présidente. Il nous reste combien de temps?
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Deux minutes,
questions et réponses.
M.
Roy : Ah, mon
Dieu, je suis toujours le dernier! Écoutez... Bonjour. M. Curzi, j'ai
beaucoup de respect pour vous, enchanté de
vous rencontrer.
Vous
avez utilisé un langage imagé, tout à l'heure, lorsque vous parliez de la
langue, puis ça m'a donné l'impression, et j'ouvre la parenthèse, que… Vous avez émis,
bon, certains énoncés qui orientent la langue vers un organisme bio conquérant,
où j'y vois un peu le... ça nous renvoie au paradigme de la compétition comme
moteur de l'évolution… et l'utilisation d'antibiotiques
aussi. Bref, on s'en va vers une biologisation qui est peut-être un piège
de la pensée ou une trappe épistémologique qui peut nous amener à des actions
particulières, O.K.? Et là je pense que les chercheurs m'ont compris, là.
Ceci
étant dit — je ne recommencerai pas — vous préconisez de donner à l'office le pouvoir d'émettre
des constats d'infraction sans avoir à
transmettre un dossier au Directeur des poursuites criminelles ou pénales. Qu'est-ce
qui vous amène à proposer une telle disposition?
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : M. Curzi, en
moins d'une minute.
M.
Curzi (Pierre) :
Bien, la lourdeur des procédures. Et on sait très bien que les systèmes de
plainte, quand ça devient judiciarisé, c'est
extrêmement lourd, c'est une démarche très compliquée.
L'idée
derrière ça, c'était de réduire le montant des amendes. C'était lié beaucoup à
l'affichage, en disant...comme, tu sais, une voiture qu'on stationne au
mauvais endroit, tout d'un coup on a une contravention; la deuxième
fois, deux contraventions. Après deux, généralement, on s'organise pour ne plus
avoir à payer cette contravention. Donc, dans
l'idée de l'affichage... Et là je déplore que, dans le projet de loi, on n'ait
pas fait du règlement sur le terme générique… qu'on n'en ait pas fait un article de loi. Puis moi, j'allais plus loin
en disant : Si les gens de l'office avaient le pouvoir de policer cette partie-là en donnant des amendes
très peu élevées, donc qui ne touchent pas à la vie économique descommerces mais qui leur rappellent qu'il y a une
loi, qu'elle doit être appliquée et que, si on le fait systématiquement, peut-être qu'on arrive à un résultat plus souple… pas
agréable, mais peut-être qu'on arrive à quelque chose de moins lourd que
judiciariser, et là ça se perd puis ça prend des années, puis tout le monde est
mécontent, puis on a dépensé beaucoup d'argent.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Merci, M. Curzi. Nous allons maintenant du côté de l'opposition officielle, et je reconnais maintenant le
député de LaFontaine. M. le député, la parole est à vous.
M.
Tanguay : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Alors, bonjour. Merci beaucoup d'être présents aujourd'hui pour nous apporter votre éclairage.
Vous
avez dit en conclusion… Et j'ai entendu la ministre, un peu plus tôt, dire que
«votre message de finm'encourage beaucoup». Fin de la citation. Mais votre message de fin
était : J'ose espérer qu'un gouvernement majoritaire nous permettra
d'aller beaucoup plus loin.
Force m'est... Je suis
obligé de vous demander : Un gouvernement majoritaire du Parti québécois
ou de l'Option nationale?
M.
Curzi (Pierre) :
Si le Parti libéral veut se lancer, moi, je n'ai aucun problème, mais ça m'étonnerait
un peu.
M. Tanguay : Alors, il s'agirait de préciser si c'est du Parti
québécois ou de l'Option nationale. J'imagine que c'est un gouvernement
majoritaire d'Option nationale auquel vous faisiez référence.
Mais
trêve de plaisanteries. Je pense qu'il est important… Et j'ai, entre autres,
particulièrement aimé le passage où l'on disait que l'épanouissement du français n'est
pas une question souverainiste ou fédéraliste. Je pense que c'est vous
qui avez dit ça et je pense que c'est important effectivement de le
rementionner. L'épanouissement du français est un objectif qui est commun à
tous, et je pense qu'il n'y a personne qui ne veut pas voir se réaliser cet
objectif-là.
Maintenant, au niveau des moyens, il y en a
différentes, façons, par différentes façons, et je vous dirais même que — et je pense que vous
seriez d'accord avec moi — qu'il n'y en aurait
pas une unique. Par exemple, avoir une loi ne réglerait
pas tout, nous aurions toujours besoin d'avoir des règlements d'application
sensés, intelligents, avec évidemment... qui nous permettraient d'atteindre cet
objectif-là. Nous aurions besoin également de programmes, programmes incitatifs. Et
aussi on dit toujours : Ça prend les crédits, ça prend les fonds
nécessaires, quand on parle d'accompagnement.
Alors, on voit que c'est un dossier où, de
façon unanime, je dirais, là, à défaut d'être contredit là-dessus, il y a un objectif commun :
l'épanouissement du français. Il y a plusieurs façons par lesquelles nous
pouvons atteindre cet objectif-là, et
l'amendement à la Charte de la langue française, on le reconnaît, est une de
ces façons-là, sans être par ailleurs la seule façon, la façon unique.
J'aimerais reprendre la balle au bond et
revenir sur l'application de la loi 101 aux cégeps. Nous avons entendu en début d'après-midi
les représentants du Mouvement national des Québécoises et Québécois et nous
avons eu l'occasion de leur poser des
questions sur une déclaration qu'ils ont faite dans leur mémoire à la page 6 :
«Dans plusieurs régions du Québec — et
je les cite — on assiste par ailleurs, au même moment, à une demande sociale de
bilinguisme de plus en plus manifeste…» Ça, c'est
une chose.
Par ailleurs aussi, j'ai devant moi le texte
de l'article, de l'entretien de L'Express du mercredi 6 mars dernier où notre première
ministre était interviewée par le journaliste, et je cite deux extraits, Mme la
première ministre qui parle : «…à propos
de la nouvelle Charte de la langue française, nous nous étions engagés à ce qu'elle
soit appliquée à nosétablissements d'enseignement
supérieur, les cégeps. [...]Ce point particulier a [...] été mis de côté.» Et
elle dit : «…moi, [...]je suis à l'écoute de la population.» Fin de
la citation.
Est-ce qu'il n'y a pas là, Mouvement national
des Québécoises et Québécois, la citation de la première ministre et le fait que
ce n'est pas dans le projet de loi n° 14… J'aimerais vous entendre
là-dessus. Donc, est-ce là une lecture différente d'une réalité où les parents, entre autres, et
même les adultes qui iraient au cégep, mais les parents, pour leurs
enfants, désirent avoir cette
opportunité-là? Est-ce que vous avez une lecture différente ou la même lecture
mais un traitement différent? C'est la question j'aimerais vous poser.
• (17 h 30) •
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Merci, M. le député. M. Curzi.
M. Curzi (Pierre) : Oui, il y a quelques questions. Les
plus simples sont celles sur le bilinguisme. Mme la ministre, tantôt, a dit
qu'il y a eu des adoucissements sur l'application qui voulait que ce soit
absolument nécessaire de faire six mois d'anglais intensif en sixième
année. Personnellement, dans les études que j'ai faites, on disait fin du
primaire, début secondaire. Et moi, je ne
suis pas opposé du tout à ce qu'il y ait des sessions intensives. La seule
chose, c'est qu'il y a des régions,
des populations qui ont vraiment besoin d'avoir accès à la langue anglaise,
parce que c'est un outil qui est nécessaire
dans le monde du travail pour une partie de ceux qui y travaillent, mais, à l'inverse,
on sait très bien que, dans la région
de Montréal, par exemple… Et ça, c'est une déclaration de la ministre lorsqu'elle
dirigeait la CSDM, qui disait :C'est
plutôt de français dont on a besoin, parce qu'il y a des populations qui ont
besoin d'avoir des sessions intensives de français pour être certaines qu'elles vont mieux réussir leur secondaire
et leurs études supérieures. Donc, que ce soit à géométrie variable, c'est bien, pourvu que ça ne devienne pas un débat
entre parents, ce que ça peut être dans certains cas. Mais au moins les
parents pourront s'exprimer, puis on verra bien quel sera le résultat.
Je ne suis pas certain que ça va demeurer à
12 %, je pense que ça va croître, parce que vous dites : Nous sommes tous d'accord
sur l'épanouissement du français, oui, tout le monde est d'accord sur la vertu,
et personne ne s'entend trop, trop
sur la façon d'avoir de la vertu, mais moi, je commence à me poser des
questions sur cette volonté-là, parce que peu àpeu, dans le discours, s'il n'y a pas de fermeté dans notre discours,
peu à peu, soi-même, on a tendance à glisser, parce que toutes les raisons du monde sont là pour que le
bilinguisme devienne une notion qui peu à peu nous gangrène, je dirais.
Et c'est une notion très subtile au niveau des institutions, on comprend bien,
au niveau des institutions, parce que c'est une
tentation, parce que toutes les raisons du monde sont là : la
mondialisation, l'anglicisation du monde, la puissance et la séduction de la culture qui s'exprime en anglais.
Tout cela est très fort. Alors, le vrai choix des Québécois, c'est de dire :
Est-ce qu'on est fermes dans notre
volonté d'avoir le français comme une langue commune? Et ça, ça veut dire
changer le paradigme. Ça veut dire ce que les anglophones ont très bien compris
avec la loi 101. La majorité d'entre eux sont devenus bilingues, et beaucoup d'anglophones vivent
littéralement en français.
Donc,
il n'y a pas beaucoup de distance entre une institution qui fonctionne dans la
langue commune puis la réalité, là, la réalité possible des gens, mais, si on
laisse glisser, ce qui va apparaître, c'est plutôt une habitude du libre choix
individuel, au-delà de l'intérêt collectif d'avoir une langue commune, et c'est
ça qui est à craindre. Et ce n'est pas une hantise de l'autre, c'est au
contraire un désir de l'autre. C'est là-dessus qu'on doit se baser, et ce
désir-là, il doit être clair pour l'ensemble des citoyennes et des citoyens du
Québec, toutes langues et toutes provenances confondues. C'est ça, la pierre d'assise.
Je
fais juste terminer en disant que la loi ne règle pas tout. J'ai toujours été convaincu
que, pour rétablir un équilibre et pour qu'on se sente à l'aise, il fallait une
politique linguistique beaucoup plus large qui comprend des mesures sur l'immigration — il y en a certaines — qui comprend le retour des francophones sur l'île de
Montréal, qui comprend bien des aspects, quelque chose de très large. Puis j'irais
jusqu'à vous dire que ce dont je rêve, finalement, c'est qu'il n'y en ait plus,
de loi 101, c'est qu'on n'ait plus besoin de la loi 101, mais
malheureusement je pense qu'on va en avoir besoin encore pour fort longtemps.
Mais il faut accepter de payer le prix de notre petit nombre face au grand
nombre. Ça, c'est une loi de l'histoire. Et on peut très bien collectivement
décider qu'au contraire le petit nombre décide de céder au grand nombre et
laisser l'histoire rouler comme elle le fait depuis des siècles ou on peut
décider que nous allons maintenir et payer le prix qu'il faut pour maintenir
une culture différente. C'est
tout l'enjeu de la biodiversité, l'enjeu de la biodiversité culturelle aussi. C'est
tout l'enjeu de : Est-ce qu'on veut un monde uniforme ou est-ce qu'on
veut un monde où il y a différentes couleurs qui apparaissent et qui existent?
Tu voulais ajouter
quelque… Patrick.
M. Sabourin
(Patrick) : Oui, peut-être sur cette
association qui est faite, qui est tentante, hein, mais qui, à mon avis, est
fautive entre le bilinguisme individuel et le fait de fréquenter un cégep
anglais. Ça,
à mon avis, c'est une association qui est non fondée, c'est-à-dire que les
francophones… Par exemple, si on regarde les francophones de l'île de Montréal,
là où sont concentrés la majorité des cégeps anglais, par exemple, ils sont
bilingues, les francophones sont bilingues
depuis... selon le recensement de 2011, là, aux plus des trois quarts, hein,
chez les 20-34, chez les jeunes. Les
jeunes francophones sont extrêmement bilingues. Ça, on l'oublie, on dirait,
parce qu'on regarde souvent les statistiques de l'ensemble de la
population, mais les francophones sont très bilingues, et ce ne sont pas tous
ces francophones qui sont passés par le
cégep anglais. Alors, c'est là où on confond, justement, le bilinguisme
institutionnel, c'est-à-dire cette idée qu'il
y a les deux langues dans les institutions publiques, et le bilinguisme
personnel, individuel.
Maintenant,
donc, il y a 6 %, 5 % à 6 % des francophones qui vont
au cégep anglais; ils sont plus de 50 %,
chez les jeunes, à parler l'anglais. Alors,
il n'y a pas de lien entre les deux vraiment. Donc, le bilinguisme s'acquiert...
peut être...
Une voix : Acquis.
M.
Sabourin (Patrick) : ...acquis — merci — peut être acquis au primaire, secondaire, au cégep, même au cégep français, dans les cours d'anglais. Ça, ça se fait.
Et j'ajouterais à ça que le Québec se compare assez bien aux pays européens en
ce qui a trait au bilinguisme.
Là
où on traîne la patte, c'est par rapport au trilinguisme. Là, les pays
européens nous dominent complètement, sur le trilinguisme. Alors, si on veut se comparer au
monde — parce
que c'est quelque chose
qu'on aime faire — alors
c'est sur le trilinguisme qu'on traîne la
patte. Ce sont des politiques d'apprentissage d'autres langues secondes qui
nous manquent.
L'anglais
au Québec, le bilinguisme des francophones au Québec est un faux problème, à
mon avis. Ça augmente depuis des décennies, les jeunes sont beaucoup plus bilingues que leurs
parents, et ça, c'est avant l'anglais intensif. Ça s'est fait tout seul.
Et les moyens de communication modernes font que les jeunes se frottent à l'anglais
quotidiennement à travers les téléséries américaines, à travers la musique, à
travers la culture américaine. Ça se fait bien tout seul.
Donc,
ça augmente tout seul, l'apprentissage des langues secondes ne passe pas nécessairement par le fait d'étudier en anglais. On peut
étudier l'anglais, mais étudier en anglais, ce n'est pas nécessairement la
solution.
La Présidente (Mme
Vien) : M. le député de LaFontaine.
M.
Tanguay : Oui,
Mme la Présidente. Et j'aimerais vous entendre, donc, sur un exemple d'application
et qui me touche
particulièrement, si d'aventure la loi 101 était appliquée aux cégeps,
moi, père de famille, deux filles, neuf ans et sept ans, langue maternelle française, vont à l'école primaire en
français, iront au secondaire en français, bien évidemment, article 72 de la Charte de la langue française, et
tout d'un coup un domaine technique se donne à un cégep anglophone… et/ou l'intérêt de réellement bien maîtriser la
langue anglaise, différents facteurs font en sorte qu'il y aurait un choix
qui s'exprimerait là. Comment réconcilier ce choix qui est fondamental dans la
vie d'une personne et une interdiction qui empêcherait sa matérialisation, là?
J'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Curzi (Pierre) : Oui, je n'ai pas répondu à votre question de tantôt…
M. Tanguay : Ah! Bien, je... non, non…
•
(17 h 40) •
M.
Curzi (Pierre) :
…parce que vous me la posiez de cette façon-là, c'est vrai, je me suis laissé
emporter. Oui, c'est clair que cette mesure-là, ce n'est pas une mesure populaire, ce n'est
pas une mesure facile à cause... pour les raisons que vous exprimez, c'est-à-dire
que les gens disent : Mais on est en train de contraindre les choix soit
des parents ou des individus eux-mêmes, on
restreint, là, en quelque sorte leur liberté. C'est comme si jamais personne ne
s'était dit que, dans le système
francophone, il est anormal qu'on ne puisse pas apprendre correctement une
deuxième ou une troisième langue. Et,
comme vient de le dire Patrick, malgré cela, il y a bilinguisation. Et, quand
toutes les études nous disent que plus on augmente dans le niveau d'études,
quand on est au collégial, quand on va au bac, en maîtrise ou au doctorat, le pourcentage de bilinguisme augmente, là, jusque...
Au doctorat, c'est 85 %, mais on part de 78,5 % de gens
bilingues, et là ça monte.
Donc,
la connaissance de la langue anglaise qui, dans les études supérieures, est
incontournable même dans le système francophone, c'est quelque chose de
simple. Et, pour les gens qui voudraient pousser plus loin leurs
connaissances, pourquoi ce système
francophone n'est-il pas en mesure d'enseigner correctement? L'anglais intensif
en sixième année va dans ce sens-là,
et il n'y a aucune raison qu'on ne continue pas dans ce sens-là et qu'au
contraire on donne accès aussi à une troisième
langue. On n'est pas obligés d'étudier en anglais pour apprendre l'anglais. Au
contraire, on devrait l'apprendre dans notre système.
Maintenant, s'il y a des cas particuliers, si
une spécialité se donne dans un cégep, fort bien, mais c'est quand même curieux que le
plus gros cégep du Québec soit un cégep anglophone. C'est le plus gros. Alors,
forcément, plus on est gros… Et c'est
le même phénomène avec les universités, l'Université McGill offre des
spécialités qu'on ne trouvera nulle part ailleurs. Il ne s'agit pas, donc, de détruire ces spécialités-là, mais
il faut se poser la question sur : Comment se fait-il qu'on développe à ce point une
culture, une langue, des études, des institutions? Comment se fait-il qu'il y
ait 130 000 personnes qui
travaillent en anglais dans les administrations municipales, provinciales,
fédérales par rapport à une population dont les droits garantis… qui est
de 8,5 %? Il y a une disproportion. Donc, on a calculé qu'il y a
50 000 emplois dans ces administrations-là
qui se déroulent en anglais, et ce sont des emplois occupés par des
francophones et par des allophones. Donc,
à même les deniers publics, municipal, provincial et fédéral, on finance l'anglicisation
de la langue de travail de 50 000 personnes de plus que nécessaire.
Il y a quelque chose… On ne peut pas se mettre la tête dans le sable et faire
semblant que ça n'existe pas. C'est une réalité, là.
Et je reviens au fait que... Je sais que je
parle avec passion, mais je suis sans émotion par rapport à la langue. Pour moi, c'est un
objet d'études, et c'est un objet d'études qui montre qu'il y a des
déséquilibres et qu'on doit agir pour rétablir l'équilibre. Et les moyens, malheureusement, quand on laisse aller… Et
là je ne veux pas vous faire de reproches à vous qui êtes un nouveau
député, mais il n'empêche qu'il y a eu du laxisme dans l'application, dans la
mise en oeuvre de la loi 101, il y a eu
une guérilla sans fin par l'intermédiaire de la Cour suprême et bien financée
par notre gouvernement contre la
loi 101, et ces 35 ans qui auraient dû produire des effets, qui
auraient dû nous amener à diminuer les exigences de la loi 101 nous
amènent au point où on est obligés de renforcer la loi 101, et c'est un
paradoxe dont il faudrait bien sortir en ayant une loi suffisamment
contraignante et agissante pour que le problème cesse de se poser et qu'on soit
beaucoup plus libres à l'égard des langues que nous le sommes.
M. Tanguay : Mme la Présidente, je vous entends bien et je pense par contre qu'on reconnaît...
Puis ce n'était pas, je pense, votre intention de dire que la loi 101... Il y a eu
effectivement, depuis 35 ans, des avancées tangibles. Et, comme on
l'a noté, je pense, M. Sabourin l'a noté, évidemment, les anglophones au Québec
de 1977 versus en 2013, il y a une ouverture
davantage, le taux de bilinguisme, donc, des anglophones, jeunes anglophones
qui parlent le français. Donc, il y a eu des avancées tangibles, on le
reconnaît tous, de la Charte de la langue française.
Quelle pondération, quelle valeur, quel
impact accordez-vous... Et là j'aimerais ça vous nommer un seul facteur, mais il
faudrait que je vous en nomme plusieurs. J'en prends quelques-uns. Les échanges
économiques dans les années 90, au Québec, ont plus que doublé, une
chose. Deuxième chose : l'Internet. Je me rappelle un discours célèbre de
Bill Clinton qui disait que l'Internet,
1992, 1993, 1994, c'était la prochaine révolution, et on sait qu'Internet, la
dernière fois que j'ai regardé les statistiques, l'Internet au niveau
mondial, 35 % des usagers sont de langue anglophone, mais 57 % du contenu est en anglais. Troisième élément :
les PME du Québec. Dans le jour le jour, et on en parlait un peu plus tôt,
que ce soit une PME... Ça peut être 12, ça peut être 26, 49 employés, en Beauce,
au Saguenay—Lac-Saint-Jean, à Montréal ou à
Trois-Rivières. Une PME, de façon globale, 20 % des PME exportent aux
États-Unis, plus de 50 % importent des États-Unis,
et ces proportions-là import-export sont davantage élevées lorsqu'on parle des
relations avec les autres provinces canadiennes.
Dans ce contexte-là aussi où les gens sont
davantage mobiles, les opportunités sont davantage là et ouvertes avec toutes les communications… Bref — je me résume, je conclus — quelle pondération
ou quelle valeur accordez-vous à tout cet environnement-là qui a fait en sorte…
Oui, c'est le défi du Québec, l'épanouissement du français, il y a les résultats tangibles de la Charte de la langue
française, mais il y a cette réalité-là qui fait en sorte, moi, je crois, que
nous pouvons et voulons tirer notre épingle
du jeu. On veut, au Québec, performer pas uniquement au Québec, mais
partout à travers le monde. Il faut se
donner les outils et toujours notre objectif commun de voir s'épanouir la
langue française. Alors, quelle pondération reconnaissez-vous de ces
facteurs-là?
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
M. Curzi.
M. Curzi (Pierre) : J'y accorde une extrême importance.
Le monde a changé, en 35 ans, c'est clair. Ce que vous décrivez comme
phénomène, ça s'est produit. Est-ce qu'il y a la nécessité qu'une partie de la
population connaisse bien l'anglais
pour transiger avec le monde? Absolument. Il y a une interface nécessaire et il
y a une interface inévitable. Qu'on le
veuille ou pas, nous sommes plongés... nous sommes de culture américaine, nous
sommes dans les réseaux. Ceux-là s'expriment
pour le moment en anglais. Et nous commerçons avec l'ensemble du monde, et la
langue de commerce est souvent l'anglais.
C'est toujours la même distinction. Nous
sommes en faveur... Tout le monde est en faveur de la connaissance de l'anglais comme
langue personnelle, comme langue utile dans les compagnies. Tout ce que nous
disons, c'est : Cependant, il
est possible — et c'est la grande richesse du Québec — d'avoir
la connaissance... d'avoir une langue commune qui est le français. Donc, sur ce
territoire qui s'appelle le Québec et aussi à l'extérieur du Québec, dans
certaines communautés, il est possible de vivre une vie avec cette
langue-là, que ce soit la langue de la réussite, que ce soit la langue de... à tous égards. Et ce l'est et ça l'a été, le
français a été la langue de la réussite dans les affaires, a été la langue de
la réussite politique, a été la langue de la réussite culturelle.
Si on n'agit pas, ce qui va devenir la langue
de la réussite dans tous les domaines, ce sera le bilinguisme. Or, c'est une langue qui n'existe
pas en soi, le bilinguisme. C'est un ou l'autre. Mais les deux sont compatibles
chez un individu. Les deux vivent
très difficilement... ne vivent pas ensemble dans les institutions, dans ce qui
est la langue des institutions.
Et je reviens constamment à ça. Et, si on est
capables de vivre dans ce paradoxe riche d'avoir une langue commune qui nous permet de communiquer tous ensemble et d'avoir
des institutions que nous fréquentons de la bonne façon et en respectant les
droits de la minorité anglophone, à ce moment-là, c'est... Je crois, au
contraire, qu'on est en train de passer à
côté d'une occasion inouïe. Le Québec devrait être le lieu où tous les
traducteurs vivent. On devrait être le lieu où tous ceux qui doublent
toutes les émissions existent. On devrait ici, au Québec, développer d'une
façon extrême la connaissance du français, de l'anglais, de l'espagnol et des
autres langues. Ça devrait être un des grands vecteurs de développement de notre économie, de l'économie du
savoir, et on devrait venir à l'Université de Montréal pour apprendre des langues. C'est ça, l'enjeu, sortir de la victimisation
linguistique et l'utiliser comme étant une qualité de réussite, au contraire.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Merci, M. Curzi. Malheureusement...
M.
Tanguay : …on avait plein d'autres
questions, mais...
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : Il n'y a plus
de temps. Nous devons aller maintenant du côté du deuxième groupe de l'opposition,
et je reconnais maintenant Mme la députée de Montarville. C'est à vous la
parole.
Mme
Roy (Montarville) : Merci beaucoup.
Et pour combien de temps, s'il vous plaît?
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
5 min 30 s.
Mme Roy (Montarville) : Merci beaucoup. Merci, madame. Merci,
messieurs. Merci de vous être déplacés et d'avoir présenté ce mémoire. C'est intéressant de
vous entendre, et je suis d'accord avec vous, nous sommes d'accord avec vous, il faut protéger la langue française au
Québec mais dans le respect également des minorités, et je pense que c'est
toute la subtilité de l'exercice que nous avons devant vous.
Je vais m'adresser plus précisément à M.
Curzi. M. Curzi, vous avez été député du Parti québécois. Dites-moi, depuis votre
élection et jusqu'à aujourd'hui — maintenant nous sommes en 2013 — vous qui avez travaillé sur la langue, qui avez
fouillé sur la langue, qui avez étudié, qui avez réfléchi à la question, est-ce
que vous trouvez que la position du Parti québécois sur la protection de la langue a changé? Et, si oui, dans
quelle mesure depuis l'époque où vous étiez député?
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
M. Curzi.
M. Curzi (Pierre) : Bien, elle a changé… Dans le projet
de loi, elle s'exprime avec moins de... elle va un peu moins loin que ce
qui avait été adopté, par exemple, lors du congrès du Parti québécois, de ce
qui a été promis dans la campagne électorale.
Donc, il y a, oui, une sorte d'affaiblissement de... Mais en même temps il y a
plusieurs mesures qui vont dans le sens
de la réflexion qu'on avait menée à l'intérieur du Parti québécois, par exemple
l'application de la loi 101 aux petites entreprises, mais il n'y a pas les mécanismes, enfin, que moi, j'ai
proposés dans le projet de loi n° 593. Pour ce qui est de la langue de l'enseignement, bien on en a parlé
largement. Il y a certaines mesures, par exemple, qui s'appliquent aux
études collégiales, mais on ne va pas jusqu'à dire : Ce sera la loi 101.
Donc, il y a comme une position mi-figue,
mi-raisin, mi-chair, mi-poisson, bon, mi-mi, il y a une position mi-mi, et c'est l'objet
de ma remarque. Si, par exemple… Et vous, vous représentez la CAQ. Si la CAQ
demande des compromis majeurs sur des parties qui m'apparaissent être
centrales et intéressantes dans le projet de loi, moi, je dis : Bien, le
gouvernement, vous n'avez pas de marge de manoeuvre beaucoup, là, vous ne
pouvez pas accepter beaucoup de compromis, parce que, si vous le faites, vous
allez dénaturer ce qui me semble déjà, disons, à tout le moins minimal, et donc vous seriez mieux de retirer votre projet
de loi plutôt que de l'amoindrir, et attendez d'avoir une situation
politique qui vous permette d'avoir une
politique de la langue qui soit ferme, qui représente vraiment... Ça, c'est... Mais c'est un
conseil qui est comme complètement fantaisiste, si j'ose dire.
J'espère
que j'ai répondu à votre question.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) :
Merci, M. Curzi. Mme la députée, allez-y.
• (17 h 50) •
Mme
Roy (Montarville) : Oui. Et je vous
écoute, et ce que vous me dites, c'est que la position du p.l. n° 14 actuellement, tel qu'il est là, semble mi-mi,
comme vous disiez, et peut-être même une position de recul par rapport à
ce que vous, vous en pensez, la protection de la langue. On parle de recul.
M. Curzi (Pierre) : Vous voulez me faire dire que le PQ a
reculé, que... C'est ça que vous voulez que je
dise? Mais je ne l'ai pas dit, là, je ne
dirai pas ça. Je dis qu'effectivement la position... Je dis que la situation
actuelle impose d'un gouvernement dont c'est un des axes importants d'avoir
encore plus de fermeté que ce que je retrouve là-dedans et qu'à tout le moins ce dont... puisque le projet de
loi est déposé… On ne peut pas arrêter ce processus-là, hein, je ne peux
pas l'arrêter, et je ne pense pas qu'on
puisse importer un ensemble de mesures extrêmement plus contraignantes après
avoir déposé des articles. Or, je suis pris avec le train, et donc je me dis :
Bon, à défaut de ce que j'aurais souhaité, à tout le moins, conservons
intégralement ce qui est là, qui est quand même une bonification de certains
articles.
Mais
est-ce que cette bonification-là va changer la situation? Selon l'évaluation
que plusieurs d'entre nous faisons, non, ça
ne sera pas suffisant pour rétablir l'équilibre linguistique à Montréal. Et, si
le souhait du PQ, c'est vraiment d'agir
sur le rétablissement de l'équilibre, il va devoir, dans un moment ou un autre,
aller plus loin que les mesures qui sont contenues dans ce projet de loi
là.
Mme
Roy (Montarville) : C'est ce qu'Option
nationale ferait?
M.
Curzi (Pierre) : Absolument. Si
Option nationale endossait, par exemple, ce rapport-là et ce que je suis en
train de vous dire, oui. Oui, parce qu'il y a une clarté dans ce parti. Et en
particulier, là, je parlais du suremploi, du surfinancement du système, des
études universitaires. Il y a des choses qui sont claires dans ce parti-là
mais...
Mme
Dorion (Catherine) : Il y a un
certain pragmatisme aussi… Si tu permets….
M. Curzi (Pierre) : Oui, vas-y.
Mme
Dorion (Catherine) : Il y a un certain pragmatisme aussi dans l'idée qu'on peut mettre
des millions sur les organismes de la
charte pour aider le français, etc., mais, si on met des milliards dans
payer des allophones et des francophones
pour qu'ils travaillent en anglais dans notre réseau universitaire, dans notre
réseau de la santé, s'il y a une surreprésentation de l'anglais dans ces
réseaux-là, c'est quand même l'argent du gouvernement du Québec, ce n'est pas
pragmatique, là, ce n'est pas une façon qui a un effet clair, là, je veux dire,
on... Vous comprenez?
La Présidente (Mme
Richard, Duplessis) : Merci. C'est
malheureusement tout le temps que nous avions. Mme Dorion, MM. Curzi et
Sabourin, merci.
M. Curzi (Pierre) : Merci à vous toutes et vous tous.
La
Présidente (Mme Richard, Duplessis) : La commission suspend ses travaux jusqu'au mardi
19 mars 2013, à 10 heures, afin de
poursuivre ce mandat. Bonne fin de journée à tous et à toutes.
(Fin de la séance à
18 heures)