(Quinze heures dix minutes)
Le Président (M. Marsan): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
Le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le projet de loi n° 82, Loi sur le patrimoine culturel.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président, il y a deux remplacements: Mme Richard (Marguerite-D'Youville) remplace... Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve) remplace Mme Richard (Marguerite-D'Youville) et M. Turcotte (Saint-Jean) remplace M. Robert (Prévost).
Auditions (suite)
Le Président (M. Marsan): Je vous remercie. Notre ordre du jour de cet après-midi, nous commençons immédiatement et nous recevons Mme Anne Guérette, qui sera suivie par M. Ghafouri et ensuite par Les Amis de la montagne. Et enfin M. Rémy Gagnon et Mme Louise Dusseault Letocha seront nos derniers invités cet après-midi.
Alors, je voudrais simplement rappeler: lorsque nous avons une seule personne qui se présente devant nous, bien, vous avez une période de 10 minutes pour faire votre exposé, et il y aura un échange d'à peu près 20 minutes, au total 30 minutes pour vous recevoir et connaître votre position.
Alors, il nous fait plaisir de vous saluer. Et vous pouvez débuter immédiatement votre présentation.
Mme Anne Guérette
Mme Guérette (Anne): Merci beaucoup. D'abord, j'aimerais savoir si je peux distribuer... j'ai 12 copies. Une image vaut mille mots parfois, alors je vais parler de certains exemples et j'aimerais ça que vous ayez ces documents en main. Merci beaucoup.
Alors, merci, tout d'abord, de me donner l'occasion d'intervenir sur le projet de loi n° 82 sur le patrimoine culturel. Je ne lirai pas mon mémoire mot à mot, je vais y aller en mes propres mots. Et je commencerai par deux citations que je pense intéressantes. Alors, la première, c'est Mme Michaëlle Jean, gouverneur général du Canada -- qui ne l'est plus depuis quelques mois -- lorsqu'à Québec 2008 elle avait prononcé une allocution d'ouverture. Et elle avait, selon moi, prononcé ce qui est pour moi une des plus belles définitions de ce qu'est le patrimoine: «Le patrimoine, c'est la richesse des civilisations, c'est l'âme des peuples. Négliger notre patrimoine, c'est trahir l'esprit des lieux dont nous avons hérité pour notre enrichissement collectif.» Alors, c'est donc... le patrimoine, c'est une richesse collective. Et, pour assurer le meilleur avenir qui soit pour nos richesses patrimoniales, je pense -- et c'est ce que je vais plaider un peu aujourd'hui -- qu'il est important que la collectivité participe de façon importante dans le dossier du patrimoine.
Et une autre citation pour appuyer cela finalement, c'est que... ça a été pris dans le livre vert du patrimoine: «La sauvegarde du patrimoine[, c'est] l'affaire de tous.» Donc, ce n'est pas moi qui l'ai inventé, c'est écrit partout, dans toutes les politiques, les lois sur le patrimoine. C'est l'affaire de tous. «Voilà une phrase entendue aux quatre coins du globe, un énoncé maintes fois formulé par des ministres responsables du patrimoine, des porte-parole d'associations reconnues et d'instances nationales et internationales. [...]l'appropriation collective du patrimoine est à la base de sa sauvegarde.» Alors, voilà pourquoi mon mémoire finalement s'intitule Démocratiser la gestion de notre patrimoine. Les citoyens sont fortement attachés à leur patrimoine et ils veulent participer aux décisions qui orienteront l'avenir.
Alors, depuis huit ans, finalement, je suis très engagée dans le dossier du patrimoine, particulièrement à Québec, premièrement comme simple citoyenne engagée dans sa collectivité, comme architecte également, par la suite comme fondatrice d'un organisme sans but lucratif qui s'appelle la Coalition Héritage Québec et maintenant à titre de conseillère municipale responsable du district Vieux-Québec--Montcalm. Donc, il n'y a presque pas rien que je n'ai pas fait dans tous les dossiers en patrimoine, que ce soient les consultations publiques, les mémoires, les manifestations, les coalitions, les pétitions, les rencontres, les lettres d'opinion, etc.
Alors, dans tout ça, après ces huit années, le constat que je fais, c'est que notre patrimoine, malgré qu'il se fasse des bonnes choses, il faut le mentionner, Loyola, Cataraqui, c'est des beaux exemples, mais il y en a encore beaucoup trop qui... trop de patrimoine détruit, abandonné, négligé.
Et également l'autre grand constat, c'est qu'il n'y a pas de cadre clair. Les règles du jeu ne sont pas suffisamment bien définies. Et d'ailleurs je suis venue ici dans les premières journées d'auditions. Il y avait les gens de la chambre de commerce, les représentants de la chambre de commerce au niveau de la province de Québec. Et, moi, ce que j'ai retenu de ce qu'ils sont venus dire ici, je pense que ça semblait peut-être... ils avaient peut-être l'air un petit peu agressifs, mais, au fond, moi, ce que j'ai compris, c'est que les gens d'affaires, ils veulent des règles claires. Ils sont tannés de tourner en rond. Et donc la façon dont les choses se font à l'heure actuelle, non seulement le citoyen est mécontent, mais les gens d'affaires aussi sont mécontents, les communautés religieuses sont un peu perdues. Les villes font leur possible, mais il manque de ressources. Donc, je pense que c'est important de changer la façon de faire, parce qu'il y a trop d'abandons, de pertes et de destruction. C'est un va-et-vient interminable. Donc, on est rendus là, je crois.
Donc, en résumé, mon mémoire est plutôt positif, c'est-à-dire qu'il s'est concentré sur trois éléments fondamentaux qui, je pense, justement peuvent aider à évoluer dans le sens de ce que je plaide ici, c'est-à-dire l'incontournable collaboration des collectivités locales. Donc, j'ai bien aimé, bon, le Conseil du patrimoine culturel du Québec évidemment, ensuite la notion de conseils locaux du patrimoine et aussi la notion de plan de conservation en patrimoine. Donc, ce sont les éléments principaux que j'ai fait ressortir dans mon mémoire.
Donc, évidemment, le Conseil du patrimoine culturel de Québec, c'est l'organisme qui chapeaute tout, toutes les municipalités au niveau de la province, hein? C'est celui qui est le grand gardien responsable du patrimoine à la grandeur du Québec.
Les conseils locaux du patrimoine, bon, c'est très intéressant. Je pense qu'il y a des choses qui restent à définir là-dedans. On propose, entre autres, que les comités consultatifs soient, dans certains cas, les conseil locaux du patrimoine. Moi, je pense que ce n'est pas une bonne idée. Je suis moi-même présidente du comité consultatif d'urbanisme à l'arrondissement La Cité--Limoilou et je ne vois pas comment on pourrait. Ce n'est pas les mêmes expertises, ce n'est pas les mêmes mandats.
Je pense qu'il faudrait que la notion de conseils locaux du patrimoine, conseil local du patrimoine, ce soit quelque chose de distinct des comités consultatifs d'urbanisme. Et donc, pour une ville comme Québec, on pourrait avoir notre conseil local du patrimoine, Montréal aussi, mais, dans certains cas, dans les milieux plus ruraux, bien, ça pourrait peut-être être des MRC. Mais je pense que les conseils locaux du patrimoine devraient être obligatoires. Je pense que le ministère de la Culture devrait dire: Bon, si une municipalité veut être encadrée, accompagnée, subventionnée, peu importe, les municipalités locales ensemble, dans des petits milieux plus ruraux, ou les municipalités doivent d'abord et avant tout se doter d'un conseil local du patrimoine.
Reste à définir un peu plus précisément dans la loi, je pense, qui formerait ce comité local. Et, moi, je pense que ça... il faudrait que ce soit un comité pluridisciplinaire, qu'il y ait là-dedans des représentants des villes bien sûr, promoteurs aussi, gens d'affaires, organismes, gens de communautés religieuses et bien sûr un représentant du simple citoyen, qui pourrait être trié, là, pour avoir les compétences pour ça.
Et j'ajouterais même: Je pense que, dans chacun de ces conseils locaux, il devrait y avoir un architecte. Je constate que beaucoup de municipalités manquent un peu de ressources, ont besoin d'être accompagnées, ont besoin de quelqu'un... un architecte, bien sûr, neutre, hein, qui est vraiment là pour accompagner les municipalités. Je pense qu'il y en a plusieurs... À Rouyn-Noranda, j'étais là aussi quand ils se sont exprimés. On sent qu'il y a des municipalités qui ont... qui auraient besoin d'aide. Donc, sur ce conseil local du patrimoine, il y aurait obligatoirement un architecte, peut-être un urbaniste, mais quelqu'un qui peut vraiment accompagner les municipalités en matière de patrimoine. À la ville de Québec, on en a. Il s'agirait d'en déléguer un, là.
Alors donc, le conseil local du patrimoine est formé en lien avec le Conseil du patrimoine culturel du Québec. Et la première chose à faire, c'est qu'il faut... Pour l'instant, je dirais, il y a trop d'ambiguïté, trop de controverses, trop de divergences dans qu'est-ce qui est patrimoine et qu'est-ce qui n'est pas patrimoine? Je pense qu'on ne réussira jamais à faire rien de cohérent si on ne commence pas d'abord par définir qu'est-ce qui est patrimoine puis qu'est-ce qui n'est pas patrimoine, hein?
**(15 h 20)** On voit beaucoup de divergences à cet effet-là. Je vous donne des exemples: la chapelle des Franciscaines, Mme la ministre dit: Ce n'est pas patrimoine parce que ce n'est pas classé ni reconnu. Bon, alors, fin de la discussion. Quand ce n'est pas classé, quand ce n'est pas reconnu, ce n'est pas patrimoine. Moi, je pense que c'est insuffisant, parce que, si c'était vrai, tout le quartier Montcalm, que je représente, ne serait pas patrimonial, et demain matin n'importe quel promoteur pourrait dire: Bon, bien, moi, j'ai envie d'acheter la rue Moncton ce matin, puis je veux faire du condo, puis ce n'est pas grave. Alors, non, il faut aller plus loin que ça. Ce n'est pas seulement quand c'est classé ou reconnu que c'est patrimoine.
Alors, même chose avec le couvent des Dominicains. Certains disent que ce n'est pas patrimonial. Moi et 1 000 autres personnes quand même -- parce que j'ai une pétition de 1 000 personnes, de 1 000 signatures que j'ai fait valoir il y a déjà trois ou quatre ans sur le dossier du couvent des Dominicains, mais ça n'a jamais vraiment eu beaucoup d'impact -- moi et 1 000 autres personnes, on pense que l'ensemble formé par les Dominicains, c'est hautement patrimonial. Qui a tort, qui a raison? On va perdre le couvent puis on ne le sait pas encore.
Alors, très important de définir. Et, pour bien définir... Je suis rendue à combien de temps, là?
Le Président (M. Marsan): ...minute, un petit peu moins.
Mme Guérette (Anne): Une minute? Pour bien définir, alors il faut le faire avec les collectivités locales, donc pas seulement le patrimoine des experts, les experts qui font des études et qui nous disent: Ça, c'est patrimonial, suite à la grande étude que j'ai faite. Il faut donc nommer, identifier le patrimoine avec les collectivités locales.
À la ville de Québec, on a les conseils de quartier. Ce seraient les organes idéaux pour mandater, on pourrait mandater les citoyens, ici, à Québec, à travers les conseils de quartier. C'est sûr que, si vous demandez aux citoyens de Val-Bélair qu'est-ce qui est patrimoine pour eux, ça va leur prendre deux semaines puis ils vont vous dresser une liste très rapidement.
Donc, je conclus rapidement, parce que je pense qu'il ne me reste qu'une minute: conseils locaux, nommer, identifier le patrimoine avec les collectivités; ensuite, consulter la population pour finalement établir un cadre, établir donc des règles du jeu avant que des promoteurs déposent des projets. Et donc, quand on consulte les citoyens, ça ne veut pas dire de faire exactement ce que les citoyens demandent, mais au moins il faut vraiment, véritablement s'inspirer de l'essentiel de ce qui ressort et le transposer dans un cadre légal, zonage, etc., pour ensuite orienter son avenir.
Le Président (M. Marsan): Alors, merci.
Mme Guérette (Anne): Merci.
Le Président (M. Marsan): Merci bien. Nous allons immédiatement débuter notre période d'échange, et je vais donner la parole à Mme la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine. Mme la ministre, la parole...
Mme St-Pierre: Bonjour, Mme Guérette. Merci beaucoup d'être parmi nous aujourd'hui. Je sais que, pour vous avoir vue mais... que vous avez suivi nos travaux. Puis j'imagine que vous avez lu les comptes rendus puis que vous avez probablement parfois écouté les travaux à la télévision. Alors, je vous remercie d'être avec nous et de nous aider à cheminer dans notre projet de loi.
Vous n'êtes pas la première à nous dire que les comités d'urbanisme ne devraient pas avoir trop le... enfin, ne devraient pas être ceux qui aient cette charge-là, qu'il faudrait vraiment qu'il y ait une sorte de délimitation de pouvoir, mais, quand c'est une grande municipalité comme Québec, on peut comprendre qu'il puisse y avoir plus d'un organisme, mais, quand on parle de petits endroits, ce serait peut-être un peu lourd. Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen quand même de trouver une structure, une façon de faire qui pourrait s'adapter également à des endroits plus petits que des agglomérations, des grandes villes comme Québec ou Montréal?
Mme Guérette (Anne): Absolument. Mais ça, c'est des détails techniques. Quant à moi, je pense que ce n'est pas quelque chose de compliqué à créer, à penser puis à mettre en place. Ce qui est important, c'est que, par exemple, je ne sais pas, dans le Bas-du-Fleuve, mettons Kamouraska, plusieurs municipalités soient regroupées et que ce groupe-là soit quand même compétent, neutre et pluridisciplinaire. Et peut-être que, si on pouvait les accompagner d'un architecte, ça serait...
Mme St-Pierre: Ça les guiderait davantage.
Vous faites un constat sur Québec qui est en fait, et évidemment de mon point de vue, bien sûr, je pense, un peu sévère. Mais évidemment il faut toujours travailler très fort puis il faut être... il faut vraiment aller toujours plus loin, puis pousser les dossiers, puis... Mais j'imagine que vous avez pris connaissance du cadre de gestion que le ministère a préparé pour...
Mme Guérette (Anne): L'arrondissement historique de Sillery?
Mme St-Pierre: Oui. Est-ce que vous en avez pris connaissance?
Mme Guérette (Anne): Oui.
Mme St-Pierre: Quelle est votre réaction?
Mme Guérette (Anne): Bien, c'est intéressant, sauf que, là, on entend dire qu'il y a déjà des projets de construction qui sont prévus. Je sens... En tout cas, moi, ce que j'entends des citoyens, c'est qu'ils s'inquiètent, ils ne sont pas contents, ce n'est pas ça qu'ils voulaient.
Mme St-Pierre: Oui, ils sont venus nous le dire. Mais le ministère a quand même placé ses cartes. Le ministère a donné comme ses balises puis qu'est-ce qui serait acceptable puis qu'est-ce qui ne le serait pas avec ce cadre de gestion.
Mme Guérette (Anne): Mais je ne suis pas assez au courant aujourd'hui pour argumenter bien correctement avec vous là-dessus. C'est plus le projet de loi n° 82 que j'ai préparé.
Mme St-Pierre: O.K. Quand vous nous dites que... Vous parlez de définition du patrimoine, est-ce que, dans le projet de loi, vous considérez que nos définitions ne sont pas encore suffisamment poussées ou claires? Parce que, moi, quand je les lis ici, dans l'article 1: «Le patrimoine culturel est constitué de personnages, de lieux et d'événements historiques, de documents, d'immeubles, d'objets et de sites patrimoniaux, de paysages culturels patrimoniaux et de patrimoine immatériel», et dans l'article 2 on vient encore décliner les autres définitions, bien archéologique, bien patrimonial, document patrimonial, immeuble patrimonial, objet patrimonial, patrimoine immatériel, paysage culturel patrimonial, site patrimonial, donc il me semble que ça... ça m'apparaît complet. Mais je respecte beaucoup votre opinion. Est-ce que, selon vous, il faut encore pousser davantage nos définitions ou...
Mme Guérette (Anne): Non, la définition est parfaite. On n'a rien à changer sur cette définition-là. Maintenant, il faut aller voir dans les milieux qu'est-ce qui représente ce qui est écrit dans la définition dans la vraie vie du monde, dans leur milieu à eux.
Mme St-Pierre: O.K. Mais...
Mme Guérette (Anne): C'est ça que je veux dire quand je parle de définir ce qui est patrimoine et ce qui n'est pas patrimoine. La définition, il n'y a rien à y changer. Mais maintenant, si les citoyens peuvent avoir l'occasion de dresser une espèce d'inventaire de leur patrimoine, bien, pour eux, ça va être ça, la définition du patrimoine. Ça va être tel bâtiment, ça va être tel paysage, ça va être tel...
Donc, c'est ça qui est important. À un moment donné, si on veut être concret, c'est que, pour définir le patrimoine, il faut faire une liste de qu'est-ce qui est patrimoine dans les collectivités.
Mme St-Pierre: Et être organisé, parce que M. Turgeon nous disait sensiblement la même chose que vous hier. Lui, il nous parlait d'un protocole, comment on guide. L'outil est le protocole pour décider qu'on fait l'inventaire et que... Dans son cas, on parlait de patrimoine immatériel. Donc, si je vous suis bien, vous parlez d'outils, de guides vraiment qui seraient déterminés par le ministère mais qui ensuite feraient consensus, et tout le monde s'entendrait sur une même définition puis sur un même guide, un même protocole ou, enfin, quelque chose de défini.
Mme Guérette (Anne): Par rapport à la façon de faire en patrimoine ou...
Mme St-Pierre: Bien, vous me parlez de définition, que les gens, quand ils... qu'ils ne savent pas trop pour eux ce qui est patrimonial puis ce qui ne l'est pas pour un autre puis...
Mme Guérette (Anne): Bien, en fait, si je veux clarifier, c'est qu'il faut aller voir. Comme à Québec, par exemple, on pourrait aller voir les quartiers. Puis on demande aux gens, là, puis ce n'est pas long, ça prend un mois, là. On demande aux conseils de quartier: Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous dresser la liste de tout ce qui est patrimoine pour vous dans votre quartier, que ce soit du patrimoine bâti, naturel, immatériel? Ça fait que là on aurait en main qu'est-ce qui est patrimoine pour chaque quartier à Québec. Puis on pourrait faire la même chose à la grandeur de la province.
Évidemment, il va y en avoir peut-être plus que moins, on le sait. Après ça, ce sera aux autorités à prioriser, hiérarchiser, classer. Mais rapidement, là, on pourrait avoir qu'est-ce qui est patrimoine pour les collectivités, pour chacune des collectivités. Comme à Val-Bélair, bien, ce serait leur montagne, sûrement, entre autres. Bon, nous, dans le Vieux-Québec, bon, le Vieux-Québec, c'est tout le Vieux-Québec, finalement.
Donc, chaque collectivité est l'expert de son patrimoine, et c'est pour ça qu'il faudrait, à la première étape, demander aux collectivités locales d'identifier. Ça, c'est une première étape. Ensuite, une fois qu'on a nommé et identifié ce qui est patrimoine, puis à des tarifs pas trop coûteux parce que, comme ici, les conseils de quartier travaillent comme bénévoles, donc rapidement on pourrait avoir des listes, bon, ensuite on hiérarchise, puis ensuite, bien, il faut consulter, il faut aller voir les gens en amont.
**(15 h 30)** Comme par exemple Bon-Pasteur, dans Saint-Sacrement, si on étaient allés les voir avant que SSQ arrive avec son projet, puis que les gens avaient dit en grand nombre: Écoute, nous, la grange, elle est fondamentale pour nous dans le quartier Saint-Sacrement, c'est la seule trace des paysages agricoles à la Haute-Ville de Québec puis c'est important pour nous de la garder, ensuite, les gens auraient pu dire: La Résidence Mgr-Lemay, elle doit demeurer publique communautaire; la rangée d'arbres magnifiques... Là, il y a une rangée d'arbres extraordinaires qui est en train d'être coupée au moment où on se parle, là. Il y a des citoyens qui pleurent en ce moment, là. La résidence... la maison Raymond-Casgrain, obligatoire de la conserver, de la rénover.
Alors, après ça, un promoteur arrive puis il achète, il sait qu'il faut qu'il conserve la grange, il sait qu'il faut qu'il conserve la rangée d'arbres, il sait que Mgr-Lemay va être publique communautaire puis il sait qu'il faut qu'il conserve... il l'achète quand même puis il développe quand même puis il construit quand même. On n'empêche pas le développement, mais on vend une fois qu'on a établi les règles du jeu, après avoir, donc, consulté aussi les populations sur ce qui est patrimoine pour eux. Là, on marche un peu à l'envers. Il faut d'abord établir le cadre puis ensuite procéder.
Puis je trouve que, dans plusieurs, plusieurs dossiers, à Québec entre autres, on procède, hein? Saint-Vincent-de-Paul, on l'a démoli, les Franciscaines, on l'a démoli Là, on veut... Donc, on procède et on consulte, puis on attend toujours les règles du jeu claires. Saint-Vincent-de-Paul, c'est une saga interminable. C'est toujours des sagas, on perd notre temps. On gaspille beaucoup de temps, d'argent et d'énergie parce qu'on n'a pas défini... Si on l'avait défini d'avance, que le couvent des Dominicains, c'était patrimonial, bien, ça aurait été réglé, on aurait cherché une autre façon d'agrandir le musée, c'est tout.
Mme St-Pierre: Bien, en fait, c'est ce qu'on a fait avec le cadre de gestion parce qu'il détermine où le ministère loge.
Mme Guérette (Anne): Oui. Oui.
Mme St-Pierre: En disant au promoteur: Nous logeons dans ce carré de sable là, là, puis, si vous voulez vous adapter à ça, très bien, mais, si vous ne voulez pas vous adapter à ça, bien, allez sonner à une autre porte, c'est un peu ça qu'on... bien, en fait, c'est beaucoup ça qu'on a fait.
Mme Guérette (Anne): Oui.
Mme St-Pierre: Et je pense qu'effectivement, si le promoteur sait à quoi s'attendre en arrivant, bien, il va organiser son projet. Mais en même temps il y a des endroits que certains, bon, décideurs publics vont dire: Bien, nous, on considère que cet endroit-là peut être développé. Puis c'est des personnes qui se font élire, puis c'est eux qui... Bien, vous êtes une élue, vous prenez la chaleur de temps en temps, puis, moi, je la prends, puis les élus... C'est bien beau, oui, donner la parole aux citoyens, puis j'y crois énormément, mais en même temps l'élu, le décideur, il va avoir à vivre avec ses décisions.
Mme Guérette (Anne): Oui. Mais, s'il y a un cadre, une façon de faire, s'il veut justement... s'il veut être accompagné par le ministère de la Culture, s'il veut être... s'il veut bénéficier de ce que le ministère peut lui offrir comme municipalité, bien, vous avez la possibilité de le lui donner aussi. S'il ne veut pas marcher là-dedans, bien, il aura peut-être moins l'accompagnement puis l'aide du gouvernement du Québec.
Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie. Nous poursuivons, et je vais céder la parole au porte-parole officiel de l'opposition en matière de culture et de communications, M. le député de Drummond.
M. Blanchet: Bien le bonjour, madame.
Mme Guérette (Anne): Bonjour.
M. Blanchet: Quelques petites questions parce qu'on a peu de temps. Carrément, est-ce que, selon vous, les municipalités au Québec ont en général la capacité et la volonté d'opposer patrimoine à prétention de développement économique et la capacité de résister au lobby des promoteurs?
Mme Guérette (Anne): Bien, ils devraient l'avoir, en tout cas. Ce n'est pas... Ça ne devrait pas être les promoteurs qui orientent, en premier lieu, l'avenir de notre milieu de vie. C'est les élus municipaux, gouvernementaux, qui, eux, ont la responsabilité d'établir le cadre et, ensuite, les promoteurs, ils feront ce qu'ils veulent, mais à l'intérieur d'un cadre. Ça n'empêchera pas le développement du tout, ça va juste l'orienter. Parce que, nous, notre rôle, c'est de voir plus large, de voir plus grand, de voir à plus long terme. Puis les promoteurs, puis c'est bien correct, leur travail, c'est plus du court terme, mais, nous, il faut penser pour les générations futures puis il faut penser que notre milieu doit se développer d'une façon harmonieuse sur une vision plus large.
M. Blanchet: Je pense en effet que des règles claires empêchent rarement les promoteurs de promouvoir. Mais, quand les règles ne sont pas édictées, évidemment ils peuvent exercer des pressions dans le sens de leur intérêt pour avoir le moins de règles possible auxquelles être éventuellement assujettis. Mais je comprends de votre réponse qu'ils devraient être capables de résister...
Mme Guérette (Anne): Oui.
M. Blanchet: Ce que... Vous comprenez que, pour l'instant... vous suggérez que, pour l'instant, ils ne résistent pas nécessairement.
Mme Guérette (Anne): Non, pas suffisamment.
M. Blanchet: Pas suffisamment.
Mme Guérette (Anne): Vraiment pas suffisamment.
M. Blanchet: Vous avez des fonctions bien précises, dans la vie publique à Québec, qui font que vous participez davantage à observer et commenter les décisions qu'à les prendre, et ça colore évidemment les opinions que vous avez sur un certain nombre de dossiers.
Le projet de loi transfère, offre le choix de transférer, se demande s'il transfère des juridictions aux municipalités. Ce faisant, les municipalités ont leurs propres paramètres, et il y a des craintes vraisemblables que justement les municipalités résistent moins aux pressions des promoteurs par rapport au rôle d'un gouvernement central qui va dire: Attention! Vous ne pouvez pas faire ça, vous ne pouvez pas faire le compromis sur le paysage patrimonial, vous ne pouvez pas faire le compromis sur tel immeuble.
Dans le rapport entre une municipalité qui prend les décisions de façon, je dirais, presque autocratique -- mais ce sont des élus -- et le gouvernement de Québec qui doit dire: Vous êtes allés trop loin, je me permets d'intervenir, où est-ce que vous placez l'équilibre?
Mme Guérette (Anne): Bien, en fait, j'ai l'impression qu'il faudrait ramener les... Je suis d'accord un peu avec le projet de loi dans ce sens qu'il faudrait ramener les responsabilités puis le mandat plus près des collectivités. Puis, le gouvernement, le ministère de la Culture, lui, est vraiment là pour encadrer, accompagner, mais il faudrait transférer ou, en tout cas, voir comment se fait l'équilibre.
Mais plus les municipalités locales vont s'occuper de leur patrimoine en relation et en s'inspirant de leurs citoyens... Moi, je ne pense pas que... Quand j'écoute les citoyens, là, les citoyens, on le sent, sont attachés à leur patrimoine. Donc, si ça part de la base, moi, je ne m'inquiète pas vraiment. Il s'agit de bien les... Ça, je vois le rôle du gouvernement comme... de coordonner, de faciliter, d'encadrer, d'y aller avec des éléments comme des mesures facilitantes, des mesures répressives aussi, donc des incitatifs fiscaux. «Subventions», c'est un mot un peu moins à la mode, là, mais... Donc, il faut les accompagner, les aider. Puis, moi, je ferais confiance aux municipalités, mais, pour qu'ils puissent obtenir l'aide du gouvernement, bien, ils doivent fonctionner d'une certaine manière, là, établir à l'intérieur des règles du jeu, là, mais...
Votre question était très longue, là, je ne sais pas si je suis en train de bien lui répondre. Pouvez-vous être plus précis?
M. Blanchet: Ça se passe bien, on s'alimente de toutes les réflexions que vous nous donnez.
Mme Guérette (Anne): D'accord.
M. Blanchet: O.K. Pensez-vous que des juridictions, des pouvoirs offerts aux municipalités sans les moyens financiers pour les mettre en application, sauf peut-être à Montréal ou à Québec, vont être reçus favorablement? Est-ce que les municipalités...
Mme Guérette (Anne): Oui. O.K.
M. Blanchet: ...vont dire: J'ai plus de responsabilités, ça va me coûter quelque chose, je n'ai aucune idée de combien ça va me coûter, alors j'ai le choix entre prendre ça et dépenser je ne sais quoi ou ne pas le prendre? Pensez-vous qu'il y a un risque dans cette notion de facultatif?
**(15 h 40)**Mme Guérette (Anne): Oui, je comprends ce que vous voulez dire, on l'a entendu aussi beaucoup, là. Il y a des gens à qui je parle qui résument le projet de loi en disant: On transfère beaucoup de responsabilités aux municipalités, mais on ne leur donne pas les ressources qui vont avec, un peu ça. Je l'ai entendu beaucoup aussi.
Ça, c'est à voir. Il y a tellement de choses qu'on pourrait faire. C'est sûr que... Par exemple, les tarifs préférentiels d'Hydro-Québec, là, il n'y en a plus, de ça, ils ont perdu ça. C'est parce qu'à un moment donné, si on leur transfère des responsabilités en plus de plein de choses qu'on leur a enlevées: tarifs préférentiels d'Hydro-Québec... Il me semble que, pour moi, c'est inconcevable que les couvents, les églises ne bénéficient pas de tarifs préférentiels, qu'ils soient obligés de payer l'électricité au même prix que tout le monde quand on le sait, qu'ils en ont jusque-là puis ils ne sont même pas capables d'entretenir leurs bâtiments dans plusieurs cas, les églises en particulier. Donc, si... Je ne sais pas, moi, je n'ai pas de problème que le gouvernement transfère des responsabilités puis il ne donne pas tant de ressources, mais, parallèlement à ça, par exemple, vienne annoncer: Maintenant, on ramène les tarifs préférentiels, on a des mesures, des incitatifs fiscaux, les fiducies... Les fondations, on peut... Je pense...
Écoutez, ça fait déjà... Donc, à la dernière consultation publique où j'avais rencontré la ministre, j'avais déposé un autre mémoire qui s'intitulait Pour une... En tout cas, c'était un modèle de gestion du patrimoine, puis je parlais là-dedans de fiducie du patrimoine, hein? Ça fait déjà quatre ou cinq ans, là. Puis il y a plein de gens... on l'entend aussi, la fameuse fiducie du patrimoine, et tout ça. À quelque part, il va falloir commencer à ramasser de l'argent, puis il y en a, de l'argent.
Je vous donnerais un exemple: l'église Saint-Coeur-de-Marie, sur la Grande Allée, O.K., on l'a vendue 800 000 $, il y a peut-être huit ans, après avoir donné 500 000 $ de subvention, ville et gouvernement. Donc, on donne 500 000 $ de subvention puis, après ça, le diocèse ou la fabrique la vend à un Américain, 800 000 $, bon.
Là, en décembre dernier, cette même église a été achetée 1,2 million. Deux semaines plus tard, elle a été revendue 1,8 million. Ça fait qu'il y a quelqu'un qui a fait 600 000 $ avec l'église Saint-Coeur-de-Marie en deux semaines, bon. Moi, j'aurais aimé ça que cet argent-là aille dans un fonds pour le patrimoine. Il y en a, de l'argent, il y en a, des façons. Il faut être créatif puis créer des... partir une roue d'argent en patrimoine.
Même chose pour Bon-Pasteur, dans Saint-Sacrement. Ça s'est vendu 10 millions -- le prix de l'évaluation municipale. Ça a été négocié avec les soeurs sur la base d'un projet de 100 millions. Donc, ça a été vendu 10 millions sur la base d'un projet de 100 millions. Maintenant, on sait que La Cité verte, c'est un projet de 300 millions. Autrement dit, moi, je pense que les soeurs se sont fait avoir d'au moins 10 millions. Donc, si on l'avait acheté, Bon-Pasteur, qu'on avait fait... qu'on avait établi le cadre puis qu'on l'avait revendu, on aurait pu faire au moins 5 millions, peut-être 10.
Il faut être créatif puis il faut partir une roue d'argent en patrimoine. Puis il y en a: la preuve, c'est que les promoteurs se les arrachent.
Mont-Thabor, c'est la même affaire. C'est le bordel, dans le dossier Mont-Thabor, dans Limoilou, je le vois, à l'arrondissement.
Alors, c'est sûr qu'en 2005, quand Martin Dubois a fait son étude sur les 56 propriétés conventuelles de la ville de Québec et que M. Mario Dufour a déposé son rapport sur le patrimoine des communautés religieuses, on est passés, en quatre ans, de 56 propriétés conventuelles appartenant à des communautés relieuses à 30. Ça fait que ça veut dire que les offres d'achat, là, conditionnelles, là, c'est... je veux dire, tout le monde se lance sur le patrimoine parce que ça a une valeur, puis on ne la voit pas, cette valeur-là. Regardez juste le Vieux-Québec, c'est une source de richesse. Arrêtons de penser que c'est un problème, le patrimoine. Ce n'est pas un problème, c'est une richesse, c'est quelque chose qu'on peut... avec laquelle on peut s'enrichir, s'embellir.
Et donc, moi, ça ne m'inquiète pas, donc, de transférer des responsabilités aux municipalités. Puis ce n'est pas juste toujours d'avoir de l'argent puis que le gouvernement donne de l'argent, c'est de travailler ensemble pour en créer, de l'argent, pour en trouver, de l'argent.
Puis je viens de vous donner deux exemples juste à Québec. Si on l'avait partie, notre fiducie, il y a cinq ans, là, on aurait certainement 30, 40 millions là-dedans, là. Parce que, là, imaginez, si ça se passe à Québec, ça doit être partout comme ça, à la grandeur de la province. C'est le temps qu'on se réveille parce qu'il n'y en aura plus, d'argent à faire avec le patrimoine, là, ça ne sera pas long.
Le Président (M. Marsan): Sur ce, je vous remercie, Mme Anne Guérette, conseillère municipale du district Vieux-Québec--Montcalm, architecte et cofondatrice de Coalition Héritage Québec.
J'inviterais maintenant M. Ghafouri à prendre place à notre table, et je vais suspendre pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 15 h 44)
(Reprise à 15 h 46)
Le Président (M. Marsan): Alors, nous reprenons nos travaux, et il nous fait plaisir d'accueillir M. Mehdi Ghafouri, architecte, professeur-conseil, expert en patrimoine. M. Ghafouri, vous avez une période d'environ 10 minutes pour nous faire votre présentation sur le projet de loi n° 82, et ensuite il y aura une période d'échange avec les députés. La parole est à vous.
M. Mehdi Ghafouri
M. Ghafouri (Mehdi): Merci, M. le Président. Bon après-midi. M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, membres de la commission, merci d'avoir... me donner cette opportunité pour partager quelques réflexions avec vous sur le projet de la loi n° 82, Loi sur le patrimoine culturel.
Si vous permettez, j'aimerais, M. le Président, j'aimerais dédier cette intervention à la mémoire de M. le Pr Pierre Mayrand, qui est... qui a dédié sa vie professionnelle à la conservation du patrimoine au Québec. Il était fondateur de l'école... d'écomuséologie au Québec, fondateur d'Écomusée de la Beauce et forum de patrimoine de Québec. Il a travaillé presque toute sa vie professionnelle pour la conservation et la mise en valeur du patrimoine au Québec.
Et j'aimerais aussi commencer par citer Gérard Morisset, intellectuel, historien, écrivain, un grand personnage en patrimoine au Québec -- j'en suis sûr que vous le connaissez, quand un des prix de Québec est nommé d'après lui -- qui dit... qui a écrit, au milieu du XXe siècle, qu'une nation pourrait être oubliée ou disparaître en deux façons: en premier, en détruisant son patrimoine, et de ne pas le protéger. Je commence par cette citation simplement pour nous rappeler l'importance du travail que vous êtes en train, donc, de faire ici ainsi que l'importance de ce projet de loi.
Pour souligner l'importance de cette loi, simplement, je veux juste vous raconter que, la semaine dernière, j'étais en réunion au colloque sur la notion de désignation du patrimoine, à l'Université de Carleton, à Ottawa. Et il y avait plusieurs communications par des représentants de différents gouvernements provinciaux du Canada... des provinces. Et, à la fin de réunion de colloque, tout le monde était d'accord que la façon de travailler de la conservation du patrimoine au Québec est une longueur avant de tous les autres et beaucoup plus avancée et évoluée que dans les autres provinces, et tout le monde était d'accord qu'il doit apprendre de la façon que le patrimoine est conservé au Québec, même si nous avons beaucoup encore à réaliser.
Dans cette présentation, je n'entre pas dans la discussion de la nature philosophique, théorique, discutant la notion de patrimoine et développement de patrimoine et de la typologie de patrimoine, etc., parce que c'est des grands sujets de discussion... appartient à un processus de la formulation d'une politique de patrimoine, que, j'espère, on va avoir l'occasion de l'entreprendre bientôt. Donc, je vais me concentrer sur l'aspect d'encadrement légal de patrimoine.
**(15 h 50)** Donc, mon intention est de concentrer sur les éléments d'une loi qui définit les privilèges et les responsabilités de tous les intervenants encadrant le processus d'identification, la désignation et l'attribution de statut juridique à la fin de protéger le patrimoine et pour qu'ensuite, en premier lieu, nous procédons à l'entretenir, restaurer, conserver, et, en deuxième lieu, de le mettre en valeur, le transmettre. Donc, l'idée, c'est de nous donner un cadre-loi légal pour prendre ces actions à propos du patrimoine.
Dans chaque de ces étapes, on pourra faire une analyse détaillée et approfondi qu'évidemment est hors de l'objectif de ce mémoire, donc je vais juste donner quelques idées générales et sur différents aspects de la loi que nous traitons ici.
Si la nécessité d'une loi est justifiée en déclarant que la loi actuelle, la Loi sur les biens culturels, perd progressivement de sa portée même si elle a répondu, depuis 36 ans, au besoin d'encadrement légal de la protection de la conservation de patrimoine, elle pourrait être révisée pour répondre aux besoins actuels, voire urgence, pour protéger le patrimoine en danger en facilitant le processus d'attribution de statut légal, ainsi l'étendre à de plus vastes éléments et territoires potentiellement patrimoniaux non protégés.
Donc, l'idée qui nous préoccupe, d'après l'expérience d'avoir travaillé avec la loi actuelle, c'est que nous sommes toujours dans un mode proactif et on n'a pas vraiment pris le temps pour appliquer la loi actuelle et pour protéger les lieux patrimoniaux.
Même si la Loi sur le patrimoine culturel adresse quelques-unes de ces préoccupations, cependant elles restent au niveau d'une simple recommandation et non dans un cadre légal défini et précis.
Donc, on a introduit quelques notions qui sont importantes, mais restées dans le niveau d'introduction des notions au lieu de donner un cadre légal pour l'appliquer. Par exemple, la notion de paysage culturel, étant donné que la nouvelle loi ne prévoit pas des mesures proactives, on se verra dans l'obligation de fonctionner exactement de la même manière que dans le cas de la Loi sur les biens culturels actuelle, c'est-à-dire de l'appliquer dans les situations de dernière minute.
Donc, comme première recommandation: introduire les processus clairs et proactifs, avec les délais préétablis pour l'attribution de statut juridique, en particulier quand le processus est déclenché par une demande citoyenne ou de la société civile.
Deux, d'une façon générale, la nouvelle loi a un impact majeur sur le patrimoine en supprimant la mission d'aviseur du Conseil du patrimoine du Québec -- la Commission des biens culturels actuelle -- du processus de la conservation de patrimoine protégé. Depuis 1972, la Commission des biens culturels du Québec a joué un rôle fondamental dans la conservation du patrimoine ainsi que dans le processus décisionnel du ministère pour des demandes de permis. Les avis et les recommandations de la commission étaient toujours considérés par les professionnels du ministère comme un appui dans le processus de la conservation. En plus, étant donné que le patrimoine est un domaine qualitatif, les citoyens, individuels ou corporatifs, ont établi une relation de confiance avec ce processus. Cette relation est basée sur les facteurs comme l'indépendance de la commission, la diversité des champs d'intérêts professionnels et représentatifs des commissaires, les relations avec la société civile. Ces facteurs ont contribué d'établir une relation privilégiée, d'impartialité et de confidence avec les citoyens. En supprimant le rôle d'aviseur du Conseil du patrimoine culturel, on risque de donner une apparence de manque de neutralité.
Bref, en retirant le mandat d'aviseur du conseil dans le processus de protection, la ministre se prive de la possibilité de bénéficier d'un regard extérieur... offrirait à la ministre l'opportunité de disposer de multiples sources de recommandations pour mieux s'informer et renforcer son avis final et lui permettre de donner un message clair de participation directe au processus décisionnel.
Alors, je recommande de réintégrer les avis du Conseil du patrimoine culturel dans le processus d'attribution de permis pour toutes les interventions et assurer la conservation du patrimoine protégé.
Le Président (M. Marsan): Il vous reste une minute.
M. Ghafouri (Mehdi): L'État doit s'assurer que: dans un premier temps, les municipalités acquièrent des compétences et les moyens nécessaires pour agir; dans un deuxième temps, elles soient responsables pour prendre en charge leur patrimoine. Si jamais le conseil d'une municipalité ne se montre pas intéressé pour protéger et conserver le patrimoine local, il faut proposer des mesures légales, dans le cadre de la loi, pour les responsabiliser de réagir aux aspirations des citoyens.
Donc, il faudrait trouver un moyen que les citoyens pourraient s'adresser à un autre niveau décisionnel, Conseil du patrimoine ou d'autres instances, pour s'assurer que le patrimoine local est préservé si la municipalité ne fait pas son travail.
Encore, c'est la question de la notion d'immatériel. J'entre là-dedans pour vous demander de préciser l'article qui touche la définition de «patrimoine immatériel», pour inclure quelques changements, surtout que c'est «patrimoine culturel immatériel de Québec» qui est important pour être ajouté.
Enfin, c'est la question de: la conservation est une activité dynamique dans le temps et l'espace et basée sur plusieurs facteurs qui changent constamment. Donc, un plan de conservation gèle les biens, d'où vient l'importance d'impliquer le Conseil du patrimoine culturel dans le processus de la conservation.
Finalement, c'est la question de l'aire de protection de 152 mètres actuelle que, je trouve, après avoir travaillé avec cette notion une quinzaine d'années, c'est très difficile, et il faut laisser la décision à la ministre pour décider. Ça devrait être...
Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie, M. Ghafouri. Nous allons immédiatement procéder à notre période d'échange, et je vais céder la parole à Mme la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine. Mme la ministre.
Mme St-Pierre: Merci beaucoup. Merci d'être avec nous aujourd'hui. Je voudrais attirer votre attention sur l'article... enfin, le paragraphe 4 de l'article... la page 3 de votre mémoire. Vous nous parlez du patrimoine immatériel, et j'aimerais vous entendre là-dessus, parce que, vraiment, ça pique ma curiosité.
«La notion du patrimoine immatériel est une notion conceptuelle que devrait être prise en compte dans le développement culturel, mais il est plutôt difficile à définir, à gérer et à appliquer. Nous devons -- et c'est là que ça pique ma curiosité -- être prudents avec la notion du patrimoine immatériel dans le contexte particulier du Québec qui se repose sur une réalité historique distincte. Il ne faut pas non plus suivre sans prendre garde l'UNESCO qui a une approche cérémoniale versus pratique.»M. Ghafouri (Mehdi): Vous savez, la notion de patrimoine immatériel était introduite avec la convention de l'UNESCO sur la notion... et l'UNESCO avance beaucoup des idées qui répondent à l'aspiration de 170 pays pour finalement avancer la connaissance, la culture mondiales. Mais, quand une instance gouvernementale voudrait gérer le patrimoine...
Parce que l'UNESCO ne gère rien, il fait les conventions. Mais, si, au niveau local, au niveau du Québec, on voudrait gérer le patrimoine, je trouve ça pratiquement difficile -- ce n'est pas impossible -- d'identifier, attribuer un statut légal et le protéger légalement, d'arrêter... de contrôler les interventions, dans l'avenir, sur un statut sur un bien qui a été considéré comme un patrimoine immatériel.
Si on fait l'exercice, peut-être... Je ne sais pas si on a des nominations fictives de ça pourrait être quoi, un patrimoine immatériel. Au Québec, le festival, le carnaval... Et, si, en fait, ce sont des manifestations culturelles immatérielles qu'on voudrait conserver, comment on va définir les composantes de ces biens immatériels pour que, si quelqu'un voulait changer dans l'avenir, on pourrait encadrer ces interventions?
**(16 heures)**Mme St-Pierre: En fait, ce que le projet de loi prévoit, c'est une désignation du patrimoine immatériel, et c'est un peu encadré dans notre projet de loi, là... les travaux qui se font à l'Université Laval, avec M. Laurier Turgeon. Et, depuis 2004, il dresse un inventaire du patrimoine immatériel. Et, jusqu'à maintenant, il y a 60 000 entrées relatives au patrimoine immatériel... relatives aux biens patrimoniaux du Québec, ce qui inclut les biens ayant un statut en vertu de la Loi sur les biens culturels, les immeubles situés dans les arrondissements historiques, et aussi le patrimoine immatériel. Et, lui, ce qu'il nous disait hier, c'est que, bon, il faudrait qu'il y ait quand même un protocole pour que ça soit organisé, pour ne pas que tout le monde aille dans toutes les directions. Ça, on comprenait. Mais vous êtes beaucoup plus sceptique face à cette volonté, on dirait, de... Pourtant, 73 000 entrées, ce n'est pas que du patrimoine immatériel, là, mais c'est quand même... Et même il nous suggérait que cet inventaire soit diffusé plus largement, parce que, là, ça semble être un secret bien gardé.
M. Ghafouri (Mehdi): Je ne suis pas contre l'idée qu'il faut le faire connaître, il faut le protéger, il faut... Dans un cadre de développement culturel, il faut investir, il faut avancer, il faut le développer. Mais, dans le cadre d'une loi qui définit le patrimoine pour la fin de le protéger, si c'est une reconnaissance... j'utilise le terme «cérémonial», pas de problème. Tout le monde sont contents avec ce statut, et on va travailler là-dessus. Mais, si l'idée de désignation, c'est le protéger, ça devient difficile de définir les éléments composants de ce patrimoine et la limite de l'intervention conséquente de ça.
Mme St-Pierre: Alors, comment les pays signataires s'en sortent?
M. Ghafouri (Mehdi): Je ne connais pas, à mon avis, à ma connaissance, un pays qui a déjà... qui a une loi sur le bien culturel, loi de patrimoine comme Québec, qui a reconnu le patrimoine immatériel.
Mme St-Pierre: Pourtant, il y a des pays qui l'ont fait. Il y a le Japon, entre autres.
M. Ghafouri (Mehdi): Au Japon, l'on reconnaît même les vieilles personnes, comme patrimoine. Ce sont des...
Mme St-Pierre: Des trésors nationaux.
M. Ghafouri (Mehdi): Ce sont des désignations, comme le patrimoine au niveau fédéral au Canada, commission de patrimoine canadien. Ce sont des désignations de reconnaissance, de cérémonial, comme j'utilise toujours le mot, au lieu de pratico-pratique, de vouloir que quelqu'un qui possède ce patrimoine immatériel, que vous le changez ou le... intervenir... Comment on pourrait donner l'avis? Est-ce qu'on a le droit de changer les couleurs de Bonhomme Carnaval, si jamais on arrive à reconnaître le Carnaval de Québec comme patrimoine immatériel, ou la Saint-Jean-Baptiste, ou... Ce sont des... Et, moi, dans la définition, j'attirais votre attention, même, pour s'assurer que, même si on avance avec l'attribution d'un statut juridique au patrimoine immatériel, s'assurer que ce patrimoine immatériel, qu'il concerne le patrimoine culturel du Québec. Et ce n'est pas maintenant à quelqu'un qui vient d'ailleurs de dire demain: Je connais... Parce qu'on dit, dans la loi, de leur «communauté». Alors, «communauté», ça pourrait célébrer quelqu'un qui est né à 1 000 km d'ici, 2 000 km d'ici. On ne sait pas c'est quoi, cette communauté. Il faut que ça... Ça devrait au minimum être limité au patrimoine culturel du Québec.
Mme St-Pierre: Merci beaucoup. Je n'ai pas d'autre question, M. le Président. Je ne sais pas si le temps est terminé pour moi, pour nous.
Le Président (M. Marsan): ...ça va... Peut-être une... Très rapide, s'il vous plaît. Oui.
M. Lehouillier: Vous parlez de donner des recours aux citoyens dans l'éventualité où une municipalité refuserait de donner suite à leurs demandes. Là, vous proposez de vous tourner vers le Conseil du patrimoine culturel dans une telle situation. Mais ça serait... Par rapport aux municipalités, les municipalités agissent de manière autonome, et là c'est comme si vous disiez: Bien, les municipalités vont devoir rendre des comptes au ministre.
Donc, pouvez-vous m'expliquer comment vous pouvez procéder puisqu'en plus le Conseil du patrimoine n'a pas de pouvoir décisionnel, puis ce n'est pas un tribunal administratif, là? Alors, pouvez-vous m'expliquer ce que vous voulez dire par ça?
M. Ghafouri (Mehdi): Oui. L'idée, simplement, vient de la réalité que -- peut-être répondre un peu plus à la question précédente -- les municipalités du Québec n'ont pas à se montrer intéressées et engagées... ça varie, mais en général par le patrimoine. Quand la loi leur a donné la possibilité de citer des bâtiments ou créer le site de patrimoine, peut-être une dizaine ont utilisé cette capacité-là, cette possibilité-là.
Donc, pourquoi on avait toujours problème, résistance d'après les municipalités pour avancer les causes de patrimoine? L'intérêt n'était pas là. Et on avait toujours... les citoyens locaux, les sociétés d'histoire, dans toutes les consultations, ils ont toujours dit: On est bloqués, l'église est en train d'être démolie, ils ont fait une caisse populaire ici qui est laide, on ne prend pas soin du patrimoine. On ne peut rien faire parce que le conseil de la ville ne nous répond pas.
Alors, pour moi, l'idée, c'est toujours créer une autre possibilité pour ces citoyens de s'adresser, au minimum, à une autre instance pour faire connaître leurs inquiétudes à propos du patrimoine local. La structure légale de comment ça pourrait être fait, finalement les municipalités sont créées par l'État québécois et doivent finalement, si c'est encadré dans la loi, respecter la loi nationale.
Donc, ce qu'on pourrait faire, les gens locaux pourraient s'adresser au Conseil du patrimoine, qui est une instance neutre, à l'extérieur de l'État. Et, si le conseil considère que leur idée est importante et elle se tient, il pourrait toujours donner un avis à la ministre de prendre quelque action nécessaire pour s'assurer que le patrimoine local est protégé.
M. Lehouillier: Merci beaucoup.
Le Président (M. Marsan): Merci. Je cède maintenant la parole au porte-parole de l'opposition officielle en matière de culture et de communications, M. le député de Drummond.
M. Blanchet: Bien le bonjour, monsieur. Vous nous avez offert un mémoire passablement technique, mais, dans les exemples que vous donnez maintenant, l'éclairage est plus vaste. Et je trouve ça fort intéressant parce que je pense que ça peut alimenter le travail de correction et de réécriture de la loi.
J'aurais quelques questions qui vont recouper évidemment des sujets qu'on a abordés avec d'autres gens et même des commentaires que vous venez de faire, mais peut-être pour aller chercher des précisions. À la recommandation 3, «si une municipalité refuse de donner suite à une demande de protection ou de prendre les mesures nécessaires pour la conservation, le demandeur pourrait s'adresser»...
J'aimerais que vous précisiez la menace parce que vous venez effectivement de dire que peu de municipalités se sont prévalues des pouvoirs dont elles disposaient déjà, ce qui permet de se questionner sur lesquelles vont décider d'en prendre encore davantage. Ça, ce n'est que logique. Mais irait-on jusqu'à faire en sorte qu'une initiative citoyenne doive obligatoirement être traitée par la municipalité ou par le conseil? Devrait-on aller jusqu'à permettre aux citoyens de forcer un processus d'analyse qui ne pourrait pas, à même une démarche législative, être simplement écarté par une municipalité qui dirait «non, on ne regarde pas ça»?
**(16 h 10)**M. Ghafouri (Mehdi): Si le conseil du patrimoine local, le CCU, recommande au conseil de prendre action pour la protection du patrimoine et le conseil, toujours, décide d'aller à la rencontre de... contre cette idée-là, ça devient justifié que la société historique locale doit se prononcer sur une autre tribune qu'avec la municipalité.
Dans le deuxième lieu, on ne dit pas qu'il faudrait... que la société historique locale doit amener la municipalité à la cour et prendre des actions légales. Simplement aller au Conseil du patrimoine, qui est encore une instance nationale, de présenter leurs idées, et ça revient à ce conseil de prendre... d'analyser la demande et se prononcer, et peut-être même, avec l'avis du Conseil du patrimoine, le conseil de la ville sera sensibilisé davantage d'aller plus loin dans ses réflexions, dans ses actions pour la protection d'un patrimoine local.
C'est dommage que c'est comme ça, mais c'est la réalité. Les élus municipaux jusqu'à maintenant ne sont pas assez sensibilisés. Vous avez aussi évoqué la question de budget et de ressources, il faut prioriser le budget, ils ne font pas ça. Pour les maisons de brique rouge, à Yamachiche, ça a pris des années pour convaincre la municipalité locale de prendre action pour les protéger. On a toujours... Malheureusement, c'est comme ça, c'est la réalité. Et peut-être que, dès qu'on a ce processus d'une troisième instance pour écouter les gens locales, ça va augmenter la sensibilité des élus locaux.
M. Blanchet: Il y a des municipalités qui, dans le contexte où ce serait optionnel, ne se prévaudront pas de l'appropriation de ces nouveaux pouvoirs. Et donc on va avoir, je dirais, trois genres de cas d'espèce, les cas d'espèce des grandes municipalités qui ont déjà des structures, un intérêt, une mobilisation autour de ces questions-là, dont on a eu un exemple tout à l'heure. Il va y avoir les municipalités de moins grande envergure, de moins grande population, mais qui vont dire: Oui, on le fait. Et il va y avoir celles qui ne le font pas.
Cela dit, tout le patrimoine a, à sa face même, la même valeur. Ce n'est pas parce qu'il est dans une municipalité qui n'a pas embarqué qu'il a moins de valeur que dans une municipalité qui a embarqué. Comment fait-on, dans un contexte où ce serait facultatif, pour ne pas échapper des éléments patrimoniaux fondamentaux mais qui sont localisés dans des municipalités qui ont décidé de ne pas s'intéresser au patrimoine tel qu'il se manifeste chez eux?
M. Ghafouri (Mehdi): D'accord. Avant de répondre à votre question précisément, il faut quand même distinguer, avec le patrimoine d'importance au niveau national, que la loi actuelle proposée transfère la responsabilité aux municipalités, comme le paysage culturel. On n'a pas le paysage culturel comme défini pour désignation au niveau national. Mais au niveau de patrimoines locaux, municipalités, c'est justement pour ne pas permettre cette idée qu'il y a des municipalités qui pourraient décider de ne pas embarquer dans le processus de la conservation du patrimoine. C'est l'affaire de tous, mais... Tout le monde doit le faire. Si la municipalité décide de ne pas embarquer, donc les citoyens ont droit d'aller s'adresser à un autre niveau de consultation, d'analyse et même de loi, de règlement pour imposer, pour montrer le chemin, que ce n'est pas vous qui décidez de vous embarquer ou non. Vous avez le lieu patrimonial local qui est important pour le citoyen, et il faut prendre des actions pour le protéger.
M. Blanchet: Effectivement, ça va dans le sens de la réflexion que je faisais. Quand on parle de développement durable, ça inclut plusieurs éléments. Or, lorsqu'il s'agit de protéger l'environnement, on ne dit pas aux gens: Protégez-le si ça vous convient, puis ne le protégez pas si ça ne vous convient pas. Or, on pourrait arguer que le patrimoine culturel a la même importance, même s'il occupe moins d'espace dans l'actualité et qu'effectivement l'environnement en a beaucoup.
Dernière question plus technique. Dans vos modifications à la définition de «patrimoine immatériel», vous faites des changements qui essentiellement enlèvent la notion de possession et semblent un peu modifier là où c'est... comment on circonscrit la notion. C'est assez fin comme changement, et je voudrais mieux le comprendre.
M. Ghafouri (Mehdi): Enfin, j'ai ajouté d'abord «patrimoine culturel immatériel» qui continue sur la tradition culturelle qu'une communauté, un groupe reconnaît comme faisant partie, pas de son patrimoine, mais du patrimoine culturel du Québec. Et ça, il faut être prudent parce que, finalement, le Québec est composé de plusieurs communautés et, si chacun vient dire: Préservez ça, il faut reconnaître ça, parce que ça appartient à ma communauté, même si le patrimoine immatériel vient d'une histoire lointaine qui n'a rien à voir avec l'histoire du Québec, avec la culture du Québec, on est obligés de le reconnaître quand même.
M. Blanchet: Est-ce qu'il n'est pas, au contraire, important de permettre aux communautés d'identifier des éléments patrimoniaux, matériels ou immatériels, mais auxquels elles s'identifient de façon particulière dans la tradition qui pourrait avoir un pendant local important?
M. Ghafouri (Mehdi): À la condition que cette tradition est liée directement avec les traditions, le patrimoine, l'histoire du Québec. Parce que, si on commence à reconnaître les traditions de toutes les communautés qui viennent de partout dans le monde, on commence à diluer le sens d'appartenance, l'identité, la culture du pays hôte. Alors, il y a des activités... Moi, je ne suis pas contre qu'un groupe culturel mette de l'argent et de promouvoir leur façon de danser traditionnellement, mais de le mettre dans... le désigner comme patrimoine immatériel québécois, je pense qu'il faut avoir une liaison directe avec l'histoire, les traditions du Québec.
M. Blanchet: Donc, l'apport d'une communauté issue de l'immigration, qui va se transformer, forcément, parce que ça va s'enraciner dans la réalité québécoise et donc recevoir aussi des traits culturels de la culture plus ancienne de la société d'accueil, ne sera pas un trait culturel du pays d'origine mais bien quelque chose de nouveau.
M. Ghafouri (Mehdi): Écoutez, c'est de ça que vient vraiment l'idée d'analyse de chaque cas séparément. Vous avez raison que ça pourrait avoir... Le cas où la tradition venait d'ailleurs s'enraciner ici pour devenir un élément de patrimoine culturel immatériel du Québec avec le temps, ça se pourrait, à la fin. Mais, simplement, dès le début, d'arriver, de dire... Même si on commence à vouloir reconnaître les personnages d'une communauté qui trouve quelqu'un qui est important pour sa communauté comme patrimoine immatériel, quelqu'un qui était né et mort dans un autre endroit, de Milan, maintenant il faut le reconnaître ici, au Québec... que cette responsabilité vient au pays où le personnage était né. Donc, si on reste... Son patrimoine culturel, chacun veut proposer le sien, et on ne finit jamais. Et, surtout au Québec, parce que, quand même, on n'est pas un pays homogène, entre guillemets, donc la diversité est très forte, et ça risque de nous amener à des endroits où on ne veut pas aller.
Le Président (M. Marsan): Alors, M. Mehdi Ghafouri, architecte et professeur-conseil expert en patrimoine, merci de nous avoir fait connaître votre point de vue sur le projet de loi n° 82.
J'inviterais maintenant Les Amis de la montagne (Mont-Royal) à venir se présenter à notre table. Je suspends pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 16 h 19)
(Reprise à 16 h 20)
Le Président (M. Marsan): Alors, nous reprenons nos travaux, et il nous fait plaisir d'accueillir Les Amis de la montagne (Mont-Royal). J'aimerais vous demander de vous présenter et de nous présenter la personne qui vous accompagne, et vous avez une période d'environ 15 minutes pour nous faire valoir votre point de vue sur le projet de loi n° 82.
Les Amis de la montagne
(Mont-Royal) inc.
Mme Guilbault (Sylvie): Merci, M. le Président. Mme la ministre, MM. et Mmes les députés et membres de la commission, merci de me recevoir. Je suis Sylvie Guilbault. Je suis directrice générale de l'organisme Les Amis de la montagne et je suis accompagnée de Mme Marie-Odile Trépanier, qui est membre du conseil d'administration des Amis de la montagne et qui se présentera plus en détail par la suite, avec sa longue feuille de route.
Notre présentation va se faire en deux temps. D'abord, je vais vous dire quelques mots sur Les Amis et l'importance du mont Royal dans le cadre de cette démarche pour le projet de loi, et Mme Trépanier vous présentera nos commentaires et recommandations pour le projet de loi. Ensuite, nous répondrons toutes les deux à vos questions.
Les Amis de la montagne auront 25 ans le 1er avril. Je ne croyais pas que c'était une blague mais... Après 25 ans, Les Amis sont toujours là, et la mission des Amis est de protéger et de mettre en valeur le mont Royal. L'expertise de 25 ans des Amis est seulement la suite d'un engagement citoyen depuis 150 ans pour protéger cette montagne. Et c'est assez particulier, c'est unique au Québec et probablement unique au pays également, d'abord, ce mouvement citoyen. L'objectif, donc, des Amis, au tout début, était de protéger la montagne, et je crois que le mont Royal est un territoire suffisamment... est très complexe et complet, et pour lequel, avec les années, on peut tirer quelques enseignements pour le projet de loi n° 82, ne serait-ce que le mont Royal a connu, depuis les 25 dernières années, trois statuts différents. Donc, il a été... Il est site du patrimoine depuis 1988, il a été également déclaré écoterritoire en 2004, c'est une désignation municipale, et, depuis 2005, arrondissement historique et naturel. Il est le premier territoire, au Québec, à recevoir ce double statut par le gouvernement.
Le décret. Pour ne mentionner qu'un élément du décret, qui est important et qui va revenir dans nos recommandations, c'est que le mont Royal a été reconnu site patrimonial en raison, particulièrement, de ses... les grandes propriétés institutionnelles qui sont venues s'établir sur le mont Royal, depuis plus de 100 ans, et qui font sa richesse, et qui, aujourd'hui, ces propriétés institutionnelles, sont toutes en mutation. Alors, c'est un élément important de notre présentation dont on parlera un peu plus tard.
Un autre élément, l'originalité de la démarche qui est en cours depuis l'arrondissement historique et naturel, dont on veut faire mention, c'est que, depuis 2005, il y a une table de concertation qui a été créée pour le mont Royal et qui regroupe trois collèges d'acteurs, dont le milieu municipal, les grands propriétaires institutionnels et la société civile par des associations dont Les Amis de la montagne et Héritage Montréal.
Également, cette table de concertation a donné lieu à un plan de protection qui est une deuxième version, parce qu'il y avait déjà eu un plan de protection en 1990, et qui a été mis à jour, dernièrement, et adopté en 2009 par la ville de Montréal, qui est un plan de protection et de mise en valeur du mont Royal.
Alors, nos commentaires et nos recommandations se font à la lumière de ces expériences des 25 dernières années, et je laisse la parole à Mme Trépanier.
Mme Trépanier (Marie-Odile): Merci. Bonjour. Donc, je suis membre du conseil d'administration des Amis de la montagne, mais j'ai un intérêt à la montagne pour mes cours, parce que je suis professeur en urbanisme à l'Institut d'urbanisme de l'Université de Montréal, et, depuis que je suis membre des Amis de la montagne, j'ai augmenté ma cote de popularité auprès des étudiants; ils aiment beaucoup les exemples que je leur présente. Donc, j'apprends en même temps que je peux contribuer à la protection de la montagne.
Alors, les propositions que nous faisons partent un peu du principe que, depuis déjà plusieurs années, Les Amis de la montagne ont demandé un statut de protection plus important que ce qu'on avait avec le site du patrimoine, et donc le gouvernement a acquiescé en créant le statut d'arrondissement historique et naturel. Le bilan de cet exercice n'est pas pleinement satisfaisant. La Commission des biens culturels, quand elle avait examiné la situation de la montagne, avait dit: Idéalement, il faudrait une loi spéciale pour la montagne, mais le statut d'arrondissement historique et naturel peut, entre-temps ou de façon un peu plus rapide, pallier à beaucoup des problèmes de la montagne.
Alors, nos commentaires sur le projet de loi n° 82 concernent d'abord la question de l'engagement du gouvernement. Un arrondissement, c'est une décision gouvernementale, et ça doit impliquer l'ensemble du gouvernement et donc ça doit lier tout le gouvernement. Tout le gouvernement doit s'accorder qu'il faut protéger la montagne. Alors, il y a des exemples sur la montagne où des décisions d'un ministre ne tiennent pas suffisamment compte du caractère patrimonial de la montagne. On a l'exemple de l'Hôpital général de Montréal qui veut s'agrandir alors qu'il est déjà au-dessus de la montagne, il est déjà énorme sur la montagne et il veut s'agrandir. Donc, on demanderait que la loi soit plus claire sur l'engagement du gouvernement.
On demanderait aussi, parmi les éléments importants... Parmi les éléments importants, il y a la question du plan de conservation que nous considérons comme une amélioration très nette. Le ministre s'engage à adopter des plans de conservation mais, pour les municipalités, c'est facultatif. Alors, ça, ça nous déçoit beaucoup. Pourquoi c'est facultatif pour les municipalités? Ce qu'il faudrait, c'est que les municipalités... ce qui est facultatif pour les municipalités, c'est de décider ou non de donner un statut de protection. Mais à partir du moment où les municipalités donnent un statut de protection, elles devraient être cohérentes dans toutes leurs actions et elles devraient nécessairement adopter un plan de conservation.
Laisser l'ambiguïté dans la loi, dire que les municipalités peuvent adopter un plan de conservation, c'est ouvrir la porte à une ambivalence, une ambiguïté et finalement un laisser-faire. Nous trouvons ça très regrettable. Par contre, le contenu tel que défini du plan de conservation nous déçoit aussi parce qu'il se situe uniquement au niveau des orientations. Nous aurions souhaité qu'il comprenne des règles, des critères, des actions et même des engagements financiers. Dans beaucoup d'exemples à travers le monde, c'est ça que ça veut dire, un plan de conservation. Donc, nous espérons que ce soit bonifié, la définition du plan de conservation dans le projet de loi.
D'autres éléments en ce qui concerne le plan de conservation... D'ailleurs, nous notons que la loi, au point de vue de la gestion administrative, est beaucoup améliorée avec beaucoup d'éléments concernant le pouvoir d'enquête, le régime d'ordonnance, etc. Donc, du point de vue administratif, c'est beaucoup amélioré. Mais en ce qui concerne les citoyens, on trouve qu'il n'y a pas beaucoup d'améliorations dans la loi. Et, quand on parle de plan de conservation, on est assez étonnés de voir que les citoyens ne sont pas invités ou pratiquement pas à être consultés et à donner un avis sur le plan de conservation. Donc, on aimerait que ce soit beaucoup mieux étayé de ce côté-là.
Une autre remarque, c'est concernant l'abandon, qui est prévu dans la loi, de la notion d'usage. Le fait que le ministre n'interviendra plus ou ne se préoccupera plus des changements d'usage, ça nous inquiète énormément. Et là, là-dessus, sur le mont Royal, les exemples pleuvent. Les débats... Vous ne pouvez pas ne pas avoir entendu parler des débats sur les changements de vocation des institutions qui sont sur la montagne: le 1420, boulevard Mont-Royal, le Séminaire de philosophie qu'on veut tout transformer en condos. Il y a des débats là-dessus, ça préoccupe les citoyens. Même Les Amis de la montage se font dire qu'ils ne sont pas assez exigeants par rapport à ça, et il faut que le ministre se prononce là-dessus.
Quand on parle de patrimoine immatériel, quand on parle de patrimoine ethnologique, quand on parle de patrimoine archéologique, comment peut-on dire que les usages, ce n'est pas important? Et, en plus, c'est que retirer ça de la loi... On l'a déjà dans la loi. Le retirer de la loi, c'est envoyer un message aux gens, c'est envoyer un message négatif qui signifie que ce n'est vraiment pas important, les changements d'usage. Ça, ça nous inquiète énormément.
**(16 h 30)** On aimerait aussi que les municipalités et même le gouvernement aient un droit de refus des projets beaucoup plus clair dans la loi. Il y a des juristes qui disent: Bon, la façon dont les statuts de protection municipale sont définis, les municipalités peuvent ajouter des conditions à tout projet qui leur est soumis, mais elles ne peuvent pas nécessairement refuser un projet. D'ailleurs, les juristes interprètent ça comme ça.
Alors, nous, on pense qu'il faut que la loi soit plus claire. Dans la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, quand on parle d'usage conditionnel, quand on parle de plan d'implantation et d'intégration architecturale, la municipalité peut accepter ou refuser un projet. Et, quand elle refuse un projet, elle doit le motiver. Alors, dans la Loi sur les biens culturels, on souhaiterait que ce soit au moins aussi clair que ça.
On aimerait aussi souligner que les projets en matière de patrimoine, ce n'est pas juste des changements de porte puis ce n'est pas juste des changements de fenêtre. Des fois, il y a des gros projets qui demandent un processus de planification un petit peu plus long, un peu plus complexe, un peu plus articulé que ce qu'on a dans la loi. Il y a beaucoup de projets sur la montagne dont il aurait été préférable qu'il y ait plusieurs étapes d'évaluation, d'examen des projets, plusieurs étapes qui fassent l'objet d'un examen public. Pour ne prendre que l'exemple du Séminaire de philosophie, l'ancien Séminaire de philosophie, si on avait eu plus tôt, plus en amont, un débat sur la recevabilité du changement de vocation du Séminaire de philosophie, on n'aurait pas eu le cafouillage qu'on a eu par la suite. Ça prend trop de temps avant qu'il y ait une consultation publique, et il y a des balises à définir sur ce que, nous, on appelle la recevabilité des projets, des débats à faire sur la recevabilité des projets avant qu'on se mette à calculer le nombre d'arbustes qu'on ajoute ou qu'on enlève.
À Montréal, évidemment, on a des situations particulières, on a des mécanismes particuliers. On a l'Office de consultation publique, on a le conseil du patrimoine, qui fonctionne différemment de ce qui est prévu dans le projet de loi n° 82, et on aimerait que ce soit mieux reconnu dans le projet de loi sur le patrimoine.
Et il y a deux dernières petites remarques. Il y en a une, c'est concernant l'évaluation foncière. On aimerait ça que l'évaluation foncière... en tout cas, on porte à votre attention qu'il faudrait que l'évaluation foncière soit calculée en fonction du... en tenant compte du caractère patrimonial. L'ancien Séminaire de philosophie était rendu à 44, 45 millions d'évaluation foncière. Ça, ça veut dire que c'était en fonction d'un potentiel de développement énorme, alors qu'on n'avait pas encore décidé si on voulait le développer et jusqu'à quel point on voulait le développer.
Alors, ici, à Montréal, on a un plan de protection et de mise en valeur du Mont-Royal, mais malheureusement il ne dit rien sur les grandes propriétés institutionnelles... ou en tout cas sur beaucoup des grandes propriétés institutionnelles. Alors, c'est ça, l'enjeu. Et peut-être que, si le plan avait été plus clair et s'il y avait eu des liens avec l'évaluation foncière, on aurait pu éviter, encore une fois, le cafouillage qu'on a connu.
Le Président (M. Marsan): Merci, Mme Guilbault et Mme Trépanier, de votre présentation. Et je cède immédiatement la parole à la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine pour débuter nos échanges.
Mme St-Pierre: Merci, M. le Président. Merci. Merci d'être avec nous aujourd'hui pour cette consultation. C'est clair que vous touchez un point qui est très sensible, c'est le changement de vocation. Et vous faites... évidemment, votre focus est sur la montagne, mais c'est un enjeu qu'on retrouve partout, parce que les communautés religieuses, bon, on n'a pas besoin de le répéter, les communautés religieuses sont en disparition ou presque, puis il y a des immenses bâtiments qu'il faudra recycler, c'est clair.
Par exemple, quand on parle de changement d'usage, pour ce qui est du mont Royal, si on parle de l'Hôpital Royal Victoria, est-ce que l'Hôpital Royal Vic doit demeurer un hôpital, puisqu'il a été un hôpital dans le passé? On lui donne quoi comme vocation? Comment on détermine ce qui est le mieux pour un tel édifice? Et c'est... vous allez probablement me dire: Bien, il faut que le gouvernement le prenne en charge et que le gouvernement continue, lui donne une vocation qui serait une vocation plus publique que privée, mais il y a des limites à ce que le gouvernement peut faire, et c'est là qu'est notre défi, c'est-à-dire comment harmoniser ce changement de vocation et de faire en sorte aussi que, sur le plan patrimonial, les bâtisses restent dans le paysage et que ce soit harmonieux.
C'est bien compliqué, bien sûr, et je pense que vos travaux sont essentiels à cet égard-là. Mais aussi, quand vous donnez l'exemple du couvent des Saints Noms de Jésus et de Marie, c'est devenu des condos, mais ce que le ministère a analysé, c'est tout d'abord: Est-ce que la volumétrie reste la même? Est-ce que l'édifice reste le même sur le plan extérieur? Quels sont les éléments qui sont conservés à l'intérieur? Il y a des éléments qui sont conservés à l'intérieur.
Ça devient des condos. Bien sûr, le mot «condo», c'est un mot qui est un peu rébarbatif, mais en même temps ce sont des êtres humains qui vont aller rester là. Ce n'est pas des animaux qu'on s'en va mettre là, c'est des êtres humains. Alors, ces êtres humains là vont participer à la vie autour de la montagne. Et c'est là que je me dis: Comment on arrive à trouver justement l'usage?
Ici, on a un gros défi à Québec, avec l'arrondissement de Sillery, avec des magnifiques propriétés de religieuses qui sont là. Il ne reste que quelques religieuses. Alors, il va vraiment falloir qu'on trouve d'autres vocations. Mais quelle vocation? C'est là que, dans... En gardant en tête la capacité de payer du gouvernement aussi. Alors, c'est tout cela.
Est-ce que vous comprenez la difficulté que le législateur a avec cette notion-là de changement d'usage?
Mme Guilbault (Sylvie): Oui, Mme la ministre, je pense que c'est le défi auquel on fait face le plus important. Vous le soulevez très bien. Et c'est pour cette raison-là qu'on avait approché le gouvernement à l'époque, pour dire: C'est trop important, ce qui s'en vient sur la montagne avec les changements d'usage.
Vous parlez d'un hôpital qui doit rester un hôpital. La façon dont on l'aborde, nous, c'est peut-être plus dire: C'étaient... Ce sont des propriétés institutionnelles. Donc, l'histoire de la montagne a fait en sorte qu'il y a eu le parc, et, tout le tour du parc, ces grandes propriétés institutionnelles, les cimetières, les hôpitaux, les universités, ont fait en sorte que la montagne est restée... je vais dire le mot «perméable». On peut partir du centre-ville, on peut partir d'Outremont, du Plateau... bien, pas du Plateau parce que le parc est là, mais passer à travers ces propriétés institutionnelles là, les citoyens, ça devient des extensions du parc, plutôt que d'avoir monté l'urbanisation, le résidentiel autour du parc et en avoir fait, comme Central Park, un parc avec des habitations tout le tour. Donc, on se retrouve avec une montagne qui est unique parce que ces grandes propriétés là ont permis ça.
Dans le cas du séminaire, de l'ancien Séminaire de philosophie, l'administration municipale a changé d'idée, a dit: Bon, on ne va pas accepter le projet de développement de condos, sauf que le propriétaire actuel a dit: Écoutez, je suis vraiment insatisfait et je vais en faire une «gated community», un lieu avec des barrières. Alors, c'est un échec, parce que l'idée, c'était de dire: Comment on peut garder cette perméabilité, garder cette distinction de la montagne qui fait que la montagne s'étend dans la ville plutôt que la ville monte jusqu'aux limites du parc? Si l'Hôpital Royal Victoria ne reste pas un hôpital, est-ce que McGill est intéressée? Est-ce que...
C'est là que, comme société, je vous dirais, c'est à prendre des décisions et à mettre... Il y a des gens très intelligents, il y a des expériences à aller chercher ailleurs. Comment un bâtiment peut servir à peut-être plusieurs fonctions? Comment on peut mettre ensemble les gens pour arriver à donner une nouvelle vie à ces bâtiments-là et de se garder des endroits de passage, des endroits publics pour que les Québécois, parce que c'est un site reconnu par le Québec, gardent cette unicité, ce caractère unique qu'est le mont Royal? Donc, peut-être changer de fonction mais garder cet aspect public qui sont les... qui permet les cimetières. Passer à travers les cimetières pour se rendre jusqu'au parc, c'est une expérience extraordinaire. La même chose, passer à travers le campus de l'Université McGill, c'est vraiment une expérience extraordinaire. On côtoie le patrimoine bâti, historique, naturel aussi. Donc, c'est cette richesse-là qu'il faut dire... Comment on fait ensemble, comme société, pour garder ce caractère-là?
Donc, c'est un travail en amont qui devrait être fait. Puis, quand on dit... bien, c'est pour ça que, la loi... dire: Bien, nous, comme dirigeants, on considère que c'est important de garder cette fonction-là. Comment on peut faire pour la préserver? C'est dans ce sens-là qu'on dit: L'effort devrait être... enfin, ça devrait être conservé dans la loi.
**(16 h 40)**Mme St-Pierre: Il y a quand même les tables de concertation qui se penchent sur ces questions-là. Ça n'arrive pas du jour au lendemain qu'on décide qu'on donne le go, là. Marianopolis, je peux vous dire que les fonctionnaires ont travaillé très, très, très fort à ce que des volumétries soient respectées, et tout ça, puis là, finalement, je pense que ça ne se fera pas. Mais est-ce qu'on va laisser l'édifice vide? Qu'est-ce qu'on fait avec? C'est là qu'est l'enjeu. Il y a une capacité de payer du gouvernement, si on regarde l'enjeu, si vous regardez l'enjeu dans l'ensemble du Québec, qui pose des grandes questions, parce qu'on veut... Bien sûr, moi aussi, je suis d'avis avec vous que ces grandes, grandes bâtisses là doivent... idéalement devraient demeurer publiques, mais il ne faut pas non plus être naïf. Je ne suis pas sûre qu'on est capables d'y arriver.
Mme Trépanier (Marie-Odile): Si vous permettez, il y a beaucoup de façons d'aborder ça. Les gens nous ont dit, dans les consultations publiques, qu'il faut que ça reste patrimoine collectif, il faut que ça reste accessible à tout le monde. Il y a des gens qui nous ont suggéré... enfin, nous, dans les débats, mais enfin ce n'est pas nous qui prenons les décisions, qui ont suggéré que le sol reste propriété collective, que les bâtiments puissent être appropriés de façon privée mais pas la totalité des espaces, parce que la montagne, c'est un patrimoine collectif, alors...
Et il y a aussi la notion de servitude qui pourrait jouer. On pourrait appliquer des servitudes de passage, des servitudes de vue, des... Donc, il y a toutes sortes de formules qui pourraient être explorées. Pour reprendre ce que disent certaines personnes, il faut être créatif. Il faut trouver des... Il faut être innovateur et il faut trouver des nouvelles façons de conserver ce patrimoine collectif tout en ayant une diversité de possibilités d'usage.
Mme St-Pierre: Alors, je n'ai pas d'autre question, parce que je pense que c'est ça, le gros morceau que vous nous présentez. Bien, enfin, c'est sûr qu'il y a d'autres aspects, mais la question de l'usage, et comment on reçoit un projet, et comment tenir compte de l'usage qui est déjà son usage, son usage historique ou patrimonial, est un point majeur selon vous, si on...
Mme Trépanier (Marie-Odile): C'est ça. C'est sûr que ça dépend aussi de... Chaque site est spécifique, mais on peut réduire le potentiel d'occupation du sol. Les règlements municipaux peuvent permettre de construire en hauteur à certains endroits puis de moins occuper d'espace. C'est peut-être plus applicable à Sillery. Sur la montagne, on doit aussi contrôler la hauteur, mais on doit aussi contrôler l'occupation de l'espace, parce qu'un des problèmes, c'est la densification. C'est incroyable, le nombre de projets qui veulent ajouter des constructions sur la montagne, et ce qui veut dire perdre le côté vert, nuire au patrimoine existant, si on ajoute du patrimoine... des constructions discordantes. Donc...
Mme St-Pierre: Oui. Il faut être très vigilant, vous avez... Je vais souvent marcher dans la montagne puis je le vois, qu'il faut vraiment être très, très vigilant.
Alors, bien, je vous remercie beaucoup d'avoir été parmi nous. Alors, je pense que mes collègues ont des questions.
Le Président (M. Marsan): Oui. Je vais donner la parole à Mme la députée de Gatineau. Mme la députée.
Mme Vallée: Merci, M. le Président. Alors, bonjour. Vous avez soulevé, dans votre argumentaire tout à l'heure, un élément où vous souhaitiez peut-être une intervention quant au niveau de l'évaluation foncière, apporter des modifications au niveau municipal pour tenir compte du caractère patrimonial. J'aimerais ça vous entendre un petit peu davantage sur cet aspect-là de votre présentation, parce que, pour moi, il y a encore beaucoup de points d'interrogation, et c'est un élément qui a piqué ma curiosité.
Mme Trépanier (Marie-Odile): Je dois dire que je ne suis pas une spécialiste de l'évaluation municipale ni des finances municipales, mais je trouve inconcevable qu'on calcule le potentiel de développement sans tenir compte du besoin de maintenir le patrimoine existant, et donc pour moi il faudrait que l'évaluation soit adaptée au type de patrimoine. Mais, dans le cas du Séminaire de philosophie, il y a eu une spéculation invraisemblable, parce que, même dans les journaux, il y a des économistes qui disaient: Ce bâtiment, s'il devait rester institutionnel, ne vaudrait pas plus que 10 millions, mais, à ce moment-là, la municipalité évaluait ça à 44 millions.
Mme Vallée: Je comprends, je comprends dans un cas particulier comme celui du Séminaire de philosophie. C'est parce que j'essaie de transposer cette logique-là, par exemple, dans les petites municipalités, dans les MRC rurales. Dans le fond, la réalité des centres urbains puis la réalité des secteurs ruraux sont peut-être un petit peu différentes, puis j'essayais de voir de quelle façon on pourrait adapter cette réalité-là aussi dans le milieu rural.
Donc, c'est parce que ce que je comprends, c'est que, pour vous, il devrait y avoir une hausse, finalement, de l'évaluation foncière qui tient compte du caractère patrimonial, c'est-à-dire: au niveau institutionnel, ça ne vaut peut-être pas grand-chose, mais, compte tenu du caractère patrimonial, il y aurait une hausse de l'évaluation foncière pour éviter toute forme de surenchère des immeubles.
Mme Trépanier (Marie-Odile): Non.
Mme Vallée: Non?
Mme Trépanier (Marie-Odile): Non. Pour moi, c'est: si on maintient le bâtiment tel qu'il est... enfin, par définition, le patrimoine, on le garde tel qu'il est et on ne le change pas, à moins de faire un débat. Mais ce que je trouvais, c'est que l'évaluation foncière a présumé du potentiel maximum, alors que l'évaluation foncière aurait dû attendre que les décisions soient prises, que les règlements soient clairs. Et, en attendant, quand on dit un patrimoine, ça veut dire protégé. Quand on donne un statut de patrimoine, ça veut dire protégé. Ça veut dire: On ne fait pas n'importe quoi. Alors, on n'augmente pas la valeur de façon aussi exagérée.
Mais c'est sûr qu'une maison, si on parle d'une maison rurale, elle va avoir une valeur parce qu'elle a été citée, mais ce n'est pas une valeur de développement... Si c'est une ferme, on ne va pas développer tout le terrain. Alors, c'est ça. Le problème du Séminaire de philosophie, c'est que l'augmentation de la valeur présumait qu'on allait construire tout autour.
Mme Vallée: Je comprends la question du Séminaire de philosophie. Par contre, le projet de loi, on travaille un petit peu pour l'avenir, on travaille en amont.
Comment cette façon de voir les choses, cette adaptation de la valeur foncière en fonction de la valeur patrimoniale pourrait être transposée, pratico-pratique, dans les municipalités, dans les villes, dans les différentes MRC? Parce qu'on ne parle pas seulement de résidence, d'immeuble résidentiel, on parle aussi... parce qu'un édifice patrimonial, ça pourrait techniquement être une scierie, dans certains secteurs, ça pourrait être un moulin, ça pourrait être... Donc, il y a plusieurs édifices qui pourraient être considérés comme ayant une valeur patrimoniale. Donc, la valeur... l'évaluation foncière, si on prend votre argument, pourrait être affectée, là. Ça fait que j'essaie de comprendre quels seraient les critères sur lesquels une municipalité pourrait se baser afin que l'évaluation foncière reflète la valeur patrimoniale du bâtiment.
Mme Trépanier (Marie-Odile): Tout ce que je sais, c'est que, si vous avez un terrain qui est désigné patrimonial, il ne faut pas penser que ça va être un développement domiciliaire et il ne faut pas évaluer le potentiel de développement comme si c'était n'importe quel autre bâtiment ou terrain vide. Ce n'est pas un terrain vide, c'est un terrain qui est occupé par le patrimoine.
Mme Vallée: Donc, ce que vous suggérez, finalement, c'est qu'au niveau des évaluations foncières il y ait un critère patrimonial qui puisse servir à établir la valeur d'un édifice ou d'un immeuble, bâti ou non bâti.
Mme Trépanier (Marie-Odile): Bien, pas un critère mais qu'on en tienne compte, c'est-à-dire qu'on arrête de concevoir le potentiel de développement au maximum. Alors, ça veut dire qu'il faut réduire le potentiel de développement, donc réduire la valeur. Mais ça dépend des circonstances.
Mme Vallée: Oui, bien, c'est ça, parce que réduire le potentiel de développement au centre-ville, dans le centre-ville de Montréal, c'est une chose; réduire le potentiel de développement dans certaines communautés, c'en est une autre.
Mme Trépanier (Marie-Odile): Oui. Mais il y a d'autres approches aussi, là. Moi, j'ai fait une étude sur le transfert des droits de développement pour la Commission des biens culturels il y a deux ans, et il y a aussi l'approche de capter la valeur. Mais, dans le cas du potentiel... du transfert de droits de développement, mettons qu'on protège une église dans un centre-ville qui permet 25 étages, bien, le transfert de droits de développement, c'est... le développement qui n'est pas possible au-dessus d'une église, lui, c'est un potentiel qui peut être vendu mais pour être fait, développé ailleurs, pas sur le site mais ailleurs. Donc, c'est une autre façon de voir et de capter la valeur accrue, mettons. Mais ce n'est pas la valeur du patrimoine, là, c'est la valeur du site.
**(16 h 50)**Mme Vallée: Dans votre mémoire, vous mentionnez également que la loi devrait inclure les valeurs qui sont liées au caractère sacré et au caractère commémoratif des sites patrimoniaux. Dans la définition de «site patrimonial», on fait référence au caractère ethnologique, au caractère historique. Est-ce qu'il n'y a pas... Est-ce que le caractère historique et ethnologique ne vient pas justement chercher le caractère sacré puis commémoratif?
Mme Guilbault (Sylvie): Bien, on... Parce que, les cimetières... Nous, on faisait plutôt référence aux grands cimetières, les quatre cimetières de la montagne, qui ont vraiment leur caractéristique qui est différente, qui est très propre à ces lieux d'histoire. Donc, c'est pour les nommer, parce qu'ils ont vraiment des caractéristiques propres à ces lieux spécifiques. Donc, on croyait justifié de le spécifier.
Le Président (M. Marsan): Merci. Nous allons poursuivre nos échanges, et je vais maintenant céder la parole au député de Drummond, qui est porte-parole de l'opposition officielle en matière de culture et de communications. M. le député.
M. Blanchet: Bonjour, mesdames. Ce qui est fort intéressant dans votre cas, c'est que vous donnez une connotation pratique qui s'inscrit dans une longue durée à un exercice qui est souvent analysé sur une base un peu théorique depuis le début de nos discussions. Non pas que l'aspect théorique ne soit pas important, je pense qu'il a un peu fait défaut en amont du développement du projet de loi, mais c'est très intéressant de voir comment ça s'enracine, malgré le désaccord de Mme la ministre.
Donc, la notion d'arrondissement historique et culturel est particulièrement intéressante, parce que j'ai l'impression qu'elle est l'ancêtre de la notion de paysage patrimonial. Et, si je comprends bien, cette notion-là n'a pas suffi. Il y avait une protection par désignation du mont Royal qui n'a pas empêché des décisions d'être prises au niveau politique, de telle sorte qu'on a empiété sur des éléments paysagers et patrimoniaux.
Est-ce que vous pensez que, cette fois-ci, avec l'apparition de la notion de paysage patrimonial, ça peut suffire ou est-ce qu'avec les autres changements par rapport aux immeubles, puis je vais refaire le parallèle entre les deux par après... Est-ce que vous pensez que cette loi a le potentiel de suffire à une protection plus adéquate?
Mme Trépanier (Marie-Odile): Le paysage patrimonial, il est présenté comme un statut de mise en valeur, de reconnaissance et de mise en valeur et qui procède sur la base de l'initiative du milieu local et de la volonté du milieu local de reconnaître de façon active leurs paysages. Alors... Mais la loi dit... enfin, le projet de loi dit: Mais il faut que ce soit sérieux, donc on demande que, dans le plan de conservation, on ait identifié les mesures de protection, les mesures de mise en valeur, qu'on ait des engagements de la part des municipalités surtout. Mais c'est vraiment... ce n'est pas un statut de protection. Et ça peut bien fonctionner pour des paysages ruraux, mais, pour une montagne comme... qui est au centre-ville, qui est soumise à énormément de pressions, ce n'est pas suffisant. Il faut davantage mettre l'accent sur la protection. Et voilà.
M. Blanchet: Effectivement, je pense que Montréal est une des deux seules villes au monde avec une montagne en son milieu, Hong Kong étant la deuxième, et j'imagine que ça appelle des singularités très prononcées.
Pensez-vous que le transfert, facultatif ou non, de davantage de pouvoirs à la ville de Montréal, avec laquelle vous interagissez en continu, va améliorer la situation?
Mme Guilbault (Sylvie): Au moment de la démarche que Les Amis ont faite pour avoir une loi spéciale pour le mont Royal et quand il y a eu la décision d'arrondissement historique et naturel, je vous dirais, le fait que les citoyens sont tellement impliqués dans leur milieu de vie, dans leur communauté, près des décideurs municipaux... c'est important que les décideurs municipaux puissent être responsables de cette montagne-là et non pas dire: Bien, c'est Québec, hein, ça sera... ce n'est pas nous, c'est Québec qui va décider.
Donc, il reste que -- enfin, l'expérience des 25 dernières années des Amis, mais on a regardé l'histoire aussi -- les administrations municipales changent. Et, comme les règles sont encore très malléables, la protection de la montagne a été aussi très malléable. Que Montréal soit... que les décideurs municipaux soient plus près des... enfin, soient responsables de la gestion est important. Que Québec reste très près, vigilant est aussi essentiel, je vous dirais.
Depuis 2005, on a vu une différence. On a vu une différence dans la gestion du mont Royal, dans la protection. Il y a beaucoup de choses qui ont... beaucoup d'études qui ont été faites. Je pense que le mont Royal est probablement le site le plus documenté au Québec et au Canada. Maintenant, il faut juste se donner des balises, des règles du jeu claires puis pas seulement pour les citoyens mais pour les promoteurs. Je pense que ça a été bien exprimé avant nous, des gens avant nous. Ce sont les règles. Donc, il n'y a personne qui... les gens vont perdre de moins en moins de temps à essayer d'avancer des projets. Reste que l'humain est humain, et, quand il y a un beau site, on essaie d'y faire de l'argent et...
Mais, s'il y a des règles claires puis on dit: Bien, ces règles-là, on va y tenir, là, si... Que ce soient les décideurs locaux qui puissent appliquer ces règles-là, je pense que c'est souhaitable, parce que les citoyens sont près des décideurs locaux, mais c'est important que Québec, le ministère de la Culture, le gouvernement du Québec soit près, continue à être près des décisions qui se prennent.
Et à Montréal on a un guichet unique. Bien, enfin, on a vu avec les années... on a demandé, parce que, je vous dirais, il y a eu le dossier de l'oratoire Saint-Joseph qui a été le premier dossier à être traité à travers le... depuis l'arrondissement historique et naturel, et ça a été très lourd et pour l'oratoire, parce que l'oratoire a passé à travers toute la procédure municipale, et ensuite il y a eu toute la procédure gouvernementale. Ça a été très lourd, coûteux pour tout le monde, et puis il y a des... Donc, depuis, il y a des ajustements qui ont été faits, que le ministère et la ville travaillent ensemble. Et c'est sûrement un exercice très productif pour tout le monde, parce qu'il y a des apprentissages à faire ensemble, mais reste que, je vous dirais, pour le citoyen, c'est rassurant de savoir que, bien, s'il y a conflit d'intérêts avec la municipalité, bien, il y a toujours un recours avec le gouvernement de se faire entendre.
M. Blanchet: J'ai une dernière question avant de passer la parole à mon collègue. Elle est un peu... Disons qu'elle ouvre une réflexion, malheureusement, tardivement. Je n'ai pas de prétention d'avoir de réponse, mais je vois quelque chose de complexe.
Mettons qu'on applique une notion de paysage patrimonial à la montagne. La montagne contient déjà un certain nombre d'immeubles, puis on a abordé des cas tout à l'heure. Est-ce que la notion de... Puis je n'ai pas trouvé de réponse satisfaisante à la lecture du projet de loi. Est-ce que la notion de paysage patrimonial emporte avec elle la protection des immeubles qu'il contient? Est-ce qu'on peut imaginer protéger un plan visuel et laisser libre cours à des transformations importantes des immeubles qu'il contient? Et cette question-là me semble d'une acuité toute particulière. L'éclairage spécifique de la montagne me semblerait intéressant.
**(17 heures)**Mme Trépanier (Marie-Odile): Parmi les particularités de la montagne, c'est que ce n'est pas juste un paysage. Et c'est un monument national, c'est un monument identitaire emblématique, mais c'est aussi un lieu d'histoire. C'est un lieu d'archéologie, c'est un lieu de... que, nous, on appelle de commémoration, parce que la moitié de la montagne est occupée par des cimetières. Donc, il y a... Et puis c'est un lieu où il y a des usages. Ce qu'on appelle la couronne institutionnelle, c'est très important aussi.
Alors, ce n'est pas juste un paysage, c'est plus que ça, et alors ça ne nous paraît pas satisfaisant.
Est-ce qu'on pourrait... Est-ce que, derrière votre question... Est-ce qu'on devrait rajouter des statuts de protection au caractère plus de valorisation actuelle? Oui, mais, à ce moment-là, ce serait plus que le paysage. Enfin, c'est un choix que vous avez à faire. Le choix qui a été fait, c'est de valoriser les paysages. Moi, je trouve que c'est une bonne approche, mais, pour certains sites, il faut aller plus loin.
M. Blanchet: En fait, je voudrais juste faire un bref commentaire. Il y a des gens de très, très haut niveau d'expertise qui sont venus ici et qui nous ont dit que le paysage patrimonial pouvait être franchement urbain. Or, on ne peut pas imaginer qu'un paysage urbain ne se transforme pas, ce n'est pas envisageable, comme on ne peut pas imaginer laisser libre cours à tout projet de transformation. Donc, dans la notion même de paysage matrimonial, à partir du moment où il peut avoir une connotation ou un pendant urbain, il y a toute une démarcation à faire à qu'est-ce qu'on peut faire, qu'est-ce qu'on ne peut pas faire et selon quelles règles, et c'est d'une complexité considérable qui, pour l'instant, ne semble pas prévue, ce qui est normal, là, parce qu'on est dans un processus de réflexion.
Pour moi, c'est beau, mais je crois que mon collègue a...
Le Président (M. Marsan): M. le député de Sainte-Marie--Saint-Jacques, la parole est à vous.
M. Lemay: Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames, bienvenue. J'aurais une petite question technique, à savoir, à la page 7, vous signifiez: «La servitude devrait être identifiée comme outil permettant la protection de biens patrimoniaux.» Donc, si je comprends bien, vous proposez... la montagne est déjà... si on la compare au Vieux-Montréal ou au Vieux-Québec, elle est déjà presque doublement protégée parce qu'arrondissement naturel et historique. Et là la servitude, est-ce que vous proposeriez que ça soit à chacun des... Comment vous verriez cette proposition que vous faites, la servitude?
Mme Trépanier (Marie-Odile): La servitude...
M. Lemay: Juste pour être certain qu'on s'entende bien sur les termes.
Mme Trépanier (Marie-Odile): ... -- oui -- ce n'est pas à grande échelle...
M. Lemay: Non, c'est ça.
Mme Trépanier (Marie-Odile): ...puis ce n'est pas quelque chose qu'on impose. La servitude, pour nous... Je pense que ce qui est utilisé dans le langage courant au Québec, c'est un peu à l'image des «conservation easements» dans le monde anglo-saxon, c'est-à-dire ce sont des contrats. Ce n'est pas quelque chose qu'on impose, ce sont des contrats, des ententes avec les propriétaires.
Dans le livre vert, il en avait été question et puis on... enfin, la question avait été soulevée et on ne le retrouve plus dans le projet de loi. Nous, on dit, ce serait intéressant de ramener cette question. En Ontario, le Ontario Heritage se sert des servitudes et, en plus de donner un label de reconnaissance à des propriétés patrimoniales, bien, ils vont s'assurer que certains éléments des propriétés patrimoniales sont préservés, et ça va être inscrit dans une servitude, c'est-à-dire un document notarié qui va être inscrit au livre des propriétés et qui va dire, bien, je ne sais pas, moi: Le mur de pierre, il doit rester un mur de pierre. Et donc c'est inscrit puis, à chaque fois que quelqu'un achète, bien, c'est écrit puis on sait à quoi s'attendre. Donc, c'est une approche qui est très contractuelle et qui est différente de l'approche réglementaire. Elle a l'avantage d'être permanente normalement, pas nécessairement, mais souvent. En tout cas, dans notre Code civil, les servitudes, c'est permanent.
Bon, je sais que les notaires n'aiment pas l'expression parce que ça ramène à l'ancien temps, mais il me semble que les juristes... il doit y avoir assez de juristes intelligents au Québec pour être capables d'inventer une notion qui correspond à ça sans avoir l'odieux de l'ancien terme «servitude».
M. Lemay: M. le Président, je veux être très clair à ce moment-ci: je ne suis pas notaire...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lemay: ...donc l'objectif de ma question n'était pas de ce côté-là. Mais ce n'est pas encore très, très clair pour moi, parce que, si vous dites: C'est un contrat, donc il y a deux signataires.
Mme Trépanier (Marie-Odile): Oui.
M. Lemay: Si je comprends bien, le premier signataire, c'est le propriétaire privé ou public, ou une communauté religieuse, ou un individu, ou une telle organisation. Qui est le deuxième signataire?
Mme Trépanier (Marie-Odile): Bien, normalement, c'est la... ça peut être la municipalité ou ça peut être une société d'histoire ou ça peut être... Mais effectivement, pour donner des exemples, on peut avoir des servitudes de vue, on peut avoir des servitudes de passage.
M. Lemay: Oui, oui, oui, les servitudes de passage, ça, il y en a beaucoup.
Mme Trépanier (Marie-Odile): Dans le cas de Marianopolis, en fait, de l'ancien séminaire de philosophie, c'était un peu l'approche que la ville avait commencé à développer de proposer aux propriétaires une servitude qui permettait de respecter le sentier traditionnel, si on veut, à travers le terrain des Sulpiciens. Donc, c'était une servitude de passage, et on disait: Il va y avoir réparation des escaliers, il va y avoir ouverture à certaines heures, etc. Donc, ça, c'est dans un projet de contrat.
M. Lemay: Oui. Oui.
Mme Trépanier (Marie-Odile): Mais évidemment c'est... il faut de la bonne volonté de part et d'autre, puis le propriétaire a dit: Bien, vous ne voulez pas me donner mes tours, alors je ne vous donne pas votre servitude. On peut aussi avoir des servitudes de maintien à l'état naturel ou à l'état boisé d'une partie du terrain. Alors ça, ça pourrait s'appliquer à Sillery, par exemple.
M. Lemay: Parfait.
Mme Trépanier (Marie-Odile): Je donne Sillery parce que c'est l'autre arrondissement que je connais un peu.
M. Lemay: Merci. Ça va, M. le Président, merci.
Le Président (M. Marsan): Alors, Mme Guilbault, Mme Trépanier, merci pour nous avoir fait connaître le point de vue des Amis de la montagne du mont Royal, sur le projet de loi n° 82.
J'inviterais maintenant M. Rémy Gagnon à venir se présenter à notre table, et je vais suspendre pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 17 h 6)
(Reprise à 17 h 9)
Le Président (M. Marsan): Alors, nous reprenons nos travaux et nous sommes rendus à cette étape de nos travaux qu'on appelle les demandes d'intervention sans mémoire.
Nous avons deux personnes qui ont fait cette demande et nous recevons la première, c'est M. Rémy Gagnon. Et, M. Gagnon, vous avez une période de six minutes pour nous faire votre présentation qui sera suivie par une période d'échange de 16 minutes au total. Alors, ça nous fait plaisir de vous accueillir, et nous vous écoutons.
M. Rémy Gagnon
M. Gagnon (Rémy): Merci, M. le Président. Je veux tout d'abord remercier la Commission de la culture et de l'éducation de me permettre de présenter, à titre personnel et comme citoyen, un avis au sujet du projet de loi sur le patrimoine culturel.
**(17 h 10)** Mon regard sur ce projet de loi est marqué par mon travail comme responsable du service-conseil du Département des fabriques de l'Église catholique de Québec et aussi comme président de la Table de concertation Capitale-Nationale--Chaudière-Appalaches, du Conseil du patrimoine religieux du Québec. C'est pourquoi la présente intervention se limite principalement à la réalité du patrimoine constitué par les églises paroissiales catholiques et des autres traditions religieuses.
Je vais aborder ma présentation en quatre points. Premier point: le bénévolat. Le patrimoine culturel en général et le patrimoine religieux en particulier mobilisent des spécialistes, des institutions, des propriétaires, des bâilleurs de fonds, des autorités civiles et des autorités religieuses, mais il ne faut jamais oublier que cette mobilisation ne pourrait se faire sans l'apport inestimable de milliers de bénévoles. Ces derniers mettent leur savoir, leur expérience, leur créativité et leur passion pour garder le patrimoine matériel et immatériel au service de causes et de valeurs importantes pour notre société. Le bénévolat est donc un élément essentiel à prendre en compte dans la gestion, la sauvegarde et la mise en valeur du patrimoine constitué des églises.
Les bénévoles ont besoin d'aide et de soutien particulièrement pour réaliser des projets visant le maintien d'usage, la mise en valeur et, dans certains cas, la mise en oeuvre de nouveaux usages pour ce patrimoine tout à fait particulier. Il serait approprié de présenter, dans le préambule de la loi, une reconnaissance explicite de l'apport du bénévolat et, dans la loi, des mécanismes pour appuyer davantage et reconnaître les bénévoles dans leur action. La loi prévoit donner des statuts de protection et de valorisation. Pourquoi ne pas assortir ces statuts de mesures incitatives permettant aux bénévoles d'être encouragés et reconnus?
Ces mesures peuvent prendre diverses formes: clinique de formation sur la loi, aide pour la mise à jour des inventaires, subvention de fonctionnement pour les activités de mise en valeur, aide pour identifier et mettre en réseau des partenaires pour le financement, mesures d'exemption de taxe foncière dans le cas de projets de nouvel usage pour des fins communautaires et culturelles.
D'autre part, il serait utile d'ajouter un mandat, relié au bénévolat, au futur conseil du patrimoine culturel. Avec des partenaires, le conseil pourrait appuyer des programmes de recrutement, de formation et de reconnaissance de l'action bénévole.
Deuxième point: le patrimoine religieux, particulièrement celui des églises paroissiales, est une réalité spécifique. Le patrimoine religieux est, sans l'ombre d'un doute, une réalité importante et majeure de notre patrimoine culturel. Le patrimoine constitué par les églises paroissiales doit être considéré comme un élément distinctif et particulier qui requiert une approche et des réponses spécifiques. Les églises marquent non seulement le paysage, mais sont les signes de la vie, de la solidarité des collectivités, autant au plan civil qu'au plan religieux.
Ce patrimoine peut être classé en deux grandes catégories: le patrimoine, qui a déjà eu, par le passé, un usage pour des fins religieuses et qui exige des mesures de préservation, de réhabilitation et de mise en valeur, et le patrimoine qui a aujourd'hui et qui continuera d'avoir dans l'avenir un usage religieux.
Dans le premier cas, il faut continuer à trouver et à appliquer diverses solutions. Il sera utile, entre autres -- et c'est une proposition que je fais -- de confier au conseil du patrimoine culturel la responsabilité d'inviter des professionnels en architecture, en aménagement urbain, à étudier les meilleures solutions pour donner un nouvel usage aux églises jugées excédentaires pour les besoins de l'Église catholique et des autres traditions et assurer, dans le temps, la continuité d'un usage collectif et public de ces lieux. Le leadership de la réflexion à entreprendre et des actions initiées doit être assuré, à mon avis, par le futur conseil du patrimoine culturel.
Dans le deuxième cas, pour les églises qui vont continuer à conserver un usage religieux, la très grande majorité des églises continueront à être utilisées à des fins religieuses, pastorales, communautaires et sociales, soit dans un contexte de multiusage avec des partenaires, principalement les municipalités, ou soit exclusivement sous la responsabilité de l'Église catholique ou des autres traditions religieuses.
De nombreux bénévoles sont mobilisés et poursuivent non seulement des activités culturelles, pastorales, charitables, mais continuent à prendre soin de ce patrimoine qui leur est confié. Cependant, ils ont besoin de soutien et de la reconnaissance de toute la société civile.
Il nous faut tous reconnaître que la part des communautés catholiques et des communautés des autres traditions religieuses... ils apportent un apport très important au niveau de la transmission des valeurs, la pratique de la solidarité sociale, l'expérience spirituelle et la vie culturelle des collectivités. C'est incontestable.
Le Président (M. Marsan): En terminant.
M. Gagnon (Rémy): Toutes ces communautés, fabriques -- ou leurs conseils d'administration -- utilisent et entretiennent leur église paroissiale et les biens avec soin et de façon responsable. Encore là, il nous faut des mécanismes souples d'aide pour prendre soin de ce patrimoine constitué et en usage.
Les organisations et les bénévoles qui s'y engagent ne demandent pas des programmes de financement de fonds publics à 100 %, mais au moins une aide encourageante dans la réalisation des projets de rénovation et d'entretien des églises ou dans la réalisation de leur travail de conservation et de mise en valeur des biens, archives et traditions.
Pour les églises qui possèdent un statut en vertu de la Loi sur les biens culturels, il faut prévoir des programmes permettant de l'aide pour les frais d'exploitation et d'entretien de base. En effet, le chauffage, l'éclairage, les réparations, la surveillance représentent des frais qui peuvent représenter, selon la grandeur des édifices, des budgets de 35 000 $ à 150 000 $ annuellement.
Le Président (M. Marsan): M. Gagnon, je pense que le temps est... on a dépassé le temps.
M. Gagnon (Rémy): Merci.
Le Président (M. Marsan): Je ne sais pas si vous voulez faire un très court résumé des derniers...
M. Gagnon (Rémy): Oui, je vais faire un...
Le Président (M. Marsan): Votre conclusion, peut-être?
M. Gagnon (Rémy): Ma conclusion, c'est: Je pense que c'est une importante loi, et je félicite Mme la ministre d'avoir conduit l'opération puis d'avoir fait toute la consultation à ce sujet-là. Je vous ai vue présente à plusieurs étapes. Mais je pense que, dans cette loi-là, il faudrait reconnaître un statut particulier au patrimoine religieux et prévoir des mécanismes pour les églises paroissiales, parce que, là, on a un problème majeur, comme société.
Le Président (M. Marsan): Alors, merci.
M. Gagnon (Rémy): Merci.
Le Président (M. Marsan): Et je cède immédiatement la parole à Mme la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine. La parole est à vous.
Mme St-Pierre: Merci, M. le Président. Merci, M. Gagnon. Vous allez pouvoir continuer sur votre lancée parce que c'est justement là-dessus que je veux vous interroger. Et félicitations pour le travail que vous faites. Je vous ai croisé quand on a fait la conférence de presse pour annoncer les projets en patrimoine religieux. Et je sais que le patrimoine religieux, c'est une de vos préoccupations, puis c'est la préoccupation de bien des gens au Québec, y compris nous, au gouvernement. On cherche, bien sûr, les solutions qui sont idéales, et ce n'est pas toujours clair comment aller chercher de l'argent. Puis l'enjeu du chauffage, l'électricité, les assurances, évidemment, ça coupe les jambes, là, des fabriques, et c'est clair que c'est un défi important.
Hier, on a eu des gens de la municipalité de Saint-Eustache qui sont venus nous parler. Parce que... Évidemment, je pose des questions sur comment aller chercher des sources de revenu sans toujours aller piger... Mais là, leur proposition, c'est de piger dans les poches des contribuables, mais peut-être de façon plus délicate, puis peut-être aussi de façon plus acceptable, enfin... Ce qu'ils ont fait, Saint-Eustache, ils perçoivent 0,01 $ par 100 $ d'évaluation dans le compte de taxes et ils vont le mettre directement dans un programme, dans un fonds pour le patrimoine de Saint-Eustache.
Une voix: ...300 000 $.
Mme St-Pierre: Ça donne 300 000 $. Est-ce que c'est quelque chose qui vous apparaît très intéressant, raisonnable, acceptable? Si on y donne évidemment... évidemment, que ça soit pour le patrimoine. Bon. Dans votre cas, probablement que vous souhaiteriez que ça soit pour le patrimoine religieux, mais comment on peut arriver à satisfaire ces besoins grandissants des églises et des coûts que ça engendre?
**(17 h 20)**M. Gagnon (Rémy): Bien, il faut partir du... La première constatation, les églises paroissiales, dans toutes les municipalités et même ici, à Québec ou à Lévis, c'est quand même des édifices qui marquent le milieu. Et non seulement ils marquent, mais en même temps ils sont, pour les paroissiens et paroissiennes et la population, des signes importants, des icônes, je dirais, moi, de la vitalité culturelle, spirituelle, je dirais, de l'histoire. Puis, à travers ça, les gens se rappellent des témoins qui ont passé par là ou qui ont déjà... dont on a célébré les funérailles ou le baptême, le mariage, etc. Je pense que chaque milieu doit trouver des solutions qui leur est propre. Moi, c'est... Le premier principe auquel je crois, c'est qu'il faut que les forces vives dans les milieux se parlent. Tantôt, c'est l'assemblée de fabrique avec le conseil municipal, tantôt ça peut être des gens intéressés à la conservation du patrimoine bâti, des archives, et tout ça, mais il faut que les gens se parlent. Mais en même temps, lorsqu'on se parle ensemble, il faut aussi qu'on puisse avoir un éventail de solutions possibles.
Bon, on voit que, dans la loi, il est prévu de donner un certain nombre de responsabilités aux municipalités; tant mieux, c'est des outils qui peuvent être tout à fait pertinents et intéressants. Mais en même temps il faudrait prévoir des mécanismes de formation, parce que souvent, dans l'expérience que j'ai eue au cours des dernières années... j'ai fait de la formation au niveau des assemblées de fabrique, des bénévoles qui sont là, mais aussi il faut donner de la formation aux membres des conseils municipaux, à des personnes dans divers groupes, là, qui sont pleines de bonne volonté, qui ont une richesse d'expérience et de savoir, mais souvent, par rapport aux défis relatifs aux questions reliées au patrimoine, ils sont... ils ne connaissent pas la loi, ils ne connaissent pas la Loi sur les biens culturels du Québec, ils ne savent pas les mécanismes qu'ils ont entre... et les responsabilités qu'ils ont. Donc, il faut prévoir des façons de faire pour les accompagner là-dedans, mieux les former, les informer, et aussi de les inviter à être créatifs dans les solutions. Parce que c'est vrai...
Mme St-Pierre: Mais... Oui.
M. Gagnon (Rémy): ...que ça ne se passera pas uniquement par la solution facile de la taxation.
Mme St-Pierre: Oui. Oui, c'est sûr que c'est peut-être une solution facile, mais je trouvais que c'était quand même... C'était quand même intéressant que la municipalité en avait pris conscience et décidait... avait décidé de le faire, puis que les citoyens étaient heureux de le faire, là. Et les citoyens ne sont pas choqués du tout, d'après ce qu'on nous a dit.
Il y a quand même... Vous qui êtes là-dedans tout le temps, la question du patrimoine religieux puis des églises, comment quelqu'un peut dire qu'il tient à son clocher d'église, à son église puis ne veuille pas investir dans sa protection? Comment vous voyez ça, cette espèce de... bien, pas un refus, mais enfin on dit: L'église, ça fait partie du village, c'est l'identité du village, puis, quand on dit: Bien, il faudrait peut-être qu'on trouve une façon d'aider à payer le chauffage, ça ne marche pas?
M. Gagnon (Rémy): Bien, d'abord, je pense qu'au niveau des assemblées de fabrique ils sont continuellement en recherche de fonds.
Mme St-Pierre: En demande.
M. Gagnon (Rémy): Je pense qu'ils sollicitent les gens, puis il faut reconnaître que la population, de façon très générale, sont généreux. Ça, je pense qu'il faut... Je félicite puis je remercie les gens.
Mme St-Pierre: Oui. Oui.
M. Gagnon (Rémy): Les gens contribuent pour diverses raisons, bien entendu. Vu que c'est une fabrique, c'est au nom de l'Église catholique, alors c'est sûr que les gens y contribuent, mais ça, c'est la même chose, je suis certain, au niveau des autres traditions.
Mme St-Pierre: Mais des gens peuvent contribuer sans nécessairement pratiquer, là.
M. Gagnon (Rémy): C'est ça, et là-dessus on a plusieurs exemples de générosité à ce niveau-là.
Mais, par rapport aux questions du patrimoine, je pense qu'il y aurait peut-être un travail supplémentaire à faire. Parce qu'il faut bien comprendre que les fabriques... Puis leur première responsabilité, c'est leur oeuvre éducative et d'évangélisation. Bien sûr, ils vont rappeler aux gens qu'ils sont propriétaires d'une église, du cimetière, et tout ça, mais leur sollicitation n'est pas uniquement sur le patrimoine dont ils ont la garde et qu'ils prennent soin. Donc, il faudrait trouver des façons de faire pour, je dirais, moi, sensibiliser, éduquer.
En 2005, la commission parlementaire avait identifié quatre chantiers.
Mme St-Pierre: Oui. Oui, vous en parlez dans votre mémoire.
M. Gagnon (Rémy): Je pense que le chantier de l'éducation, là, il est toujours là et il y a quelque chose d'important à faire là-dessus, parce que souvent on identifie le patrimoine comme étant quelque chose du passé, puis finalement ce n'est qu'une expérience de mémoire qu'on transmet aux générations, alors que, pour moi, c'est beaucoup plus large que ça, l'expérience du patrimoine.
Mme St-Pierre: L'expérience de l'entente entre le ministère et le diocèse de Québec pour les églises excédentaires a été, je pense, selon vous, utile. Est-ce que vous pensez que ça serait utile de reconduire cette entente-là?
M. Gagnon (Rémy): Moi, j'en suis personnellement convaincu.
Mme St-Pierre: O.K.
M. Gagnon (Rémy): Bon, c'est sûr que ce n'est pas toujours évident puis on ne peut pas dire, là, que, malgré cette entente-là, les autorités civiles, là, avaient des solutions à proposer lorsqu'il y avait certaines églises excédentaires. Mais en même temps le fait qu'il y ait ce genre d'entente là, ça met tout le monde en situation de se sentir responsable.
On a une responsabilité en termes de... comme Église, comme tradition, mais aussi on a des responsabilités parce qu'on possède les biens qui ont non seulement un caractère sacré, mais aussi un caractère de mémoire puis un caractère de vitalité de notre culture, un caractère aussi de projection vers l'avenir comme disant nos collectivités, ou nos communautés, ou nos quartiers sont... ils ont de l'avenir, puis, cette église-là, elle a un passé, elle a un présent puis elle va avoir un avenir, là...
Le Président (M. Marsan): Alors, merci. Nous poursuivons, et je cède la parole au porte-parole de l'opposition officielle en matière de culture et de communications, M. le député de Drummond.
M. Blanchet: Bien le bonjour, monsieur. Je ne peux que -- et puis c'est toujours le cas -- reconnaître la pertinence qu'on salue le rôle des personnes bénévoles. Et ça, la suite de ma question ne doit absolument pas diminuer cet énoncé-là.
Dans la mesure où la loi a notamment comme objectif d'encadrer un ensemble de mesures nécessaires et souvent complexes et dans la mesure où tu ne peux pas imposer à des bénévoles le même type de contraintes que tu peux le faire envers des gens qui sont salariés pour effectuer un certain nombre de tâches plus ou moins spécifiques, dans quelle mesure est-il nécessaire que justement soit -- je dis bien «dans quelle mesure», parce que ça ne peut pas être au complet -- substituée à une partie du rôle des bénévoles l'intervention de professionnels?
M. Gagnon (Rémy): Bien, regardez, actuellement, déjà plusieurs églises ont déjà un statut de protection en vertu de la loi sur les biens patrimoniaux. Je pense entre autres à l'église de Saint-Isidore, dans Bellechasse, et c'est... L'assemblée de fabrique, constituée de bénévoles, ils sont bien conscients, lorsqu'ils ont à faire des investissements, qu'ils ont aussi la Loi sur les biens culturels à prendre en compte. Puis, bien sûr, dans le processus de prise de décision, ils doivent nécessairement soumettre leur projet non seulement au diocèse, non seulement aux professionnels architectes pour voir si ça correspond aux lois sur la santé et sécurité ou l'accès public, mais aussi à la direction du ministère de la Culture parce qu'il y a des interventions à faire par rapport à ça.
Je pense, ce qu'ils ont besoin, les bénévoles, c'est de bien connaître qu'il y a un cadre, hein, qu'il y a des règles du jeu puis il y a des ressources puis il y a des obligations de faire pour pouvoir mener à bien un projet et le réaliser de façon... correctement. Donc, je pense, l'apport de professionnels est nécessaire. Ce que je souhaitais dire: Bien, les bénévoles, quand ils ont besoin de soutien, pour moi, ce n'est pas juste d'avoir de l'aide financière, c'est de pouvoir avoir accès aussi à des ressources.
Ce n'est pas toujours facile parce que, un, il faut partir du fait que tous les bénévoles n'arrivent pas sur un conseil d'administration en connaissant toute l'histoire du passé puis toutes les règles. D'abord, il y a une formation. J'en suis en partie responsable, de cette formation-là, mais j'aimerais ça que d'autres institutions le fassent aussi. Par exemple, le ministère de la Culture, il pourrait faire des choses ou, en tout cas, avec d'autres partenaires pour qu'on prévoie des mécanismes d'accueil, de reconnaissance, de formation continue, puis aussi de pouvoir accompagner lorsqu'il y a des projets concrets à réaliser, pour savoir: Eh, attention! Il ne faut pas oublier de se référer à tel organisme à cause de telle loi, et particulièrement sur la question du patrimoine bâti.
D'autre part, je voudrais aussi indiquer que les églises, il y en a une partie seulement qui est soit... qui ont un statut, hein, soit qui est donné par la ministre ou encore par la municipalité. Mais toutes les églises n'ont pas de statut de protection nécessairement en vertu de la Loi sur les biens culturels. Moi, je voudrais qu'on prenne conscience que les églises, avec ou sans statut, avec ou sans usage religieux, méritent qu'on prévoie une attention particulière lorsqu'on a à prendre des décisions sur leur avenir, à encourager les bénévoles pour qu'ils continuent à les utiliser, soit pour des fins religieuses ou pour d'autres fins, pour faire en sorte que ce patrimoine particulier là, là, ne soit pas oublié ou que personne ne se sente responsable là-dessus.
Et là-dessus je voudrais bien que, entre autres, la future commission sur les biens culturels... sur le patrimoine culturel puisse agir comme leader. Pour moi, «leadership»ne veut pas dire qu'elle doit contrôler tout, mais elle doit inviter divers partenaires à dire: Nous avons ensemble un problème, entre autres la question des églises, qu'est-ce qu'on fait et qu'est-ce qu'on peut faire à la fois pour reconnaître et accompagner les bénévoles puis à la fois aussi trouver diverses solutions selon les volontés des collectivités?
**(17 h 30)**M. Blanchet: J'ai une autre question. On a débattu déjà un peu de cet enjeu-là. Le projet de loi ne mentionne pas explicitement, puis là vous l'avez soulevé, le patrimoine religieux, l'incluant dans l'ensemble de ce que contient le patrimoine bâti. C'est peut-être une bonne avenue. Ça pourrait ne pas être une bonne avenue, mais vous semblez croire que ce devrait être spécifique au niveau religieux. J'aimerais que vous élaboriez là-dessus parce que c'est une décision dont j'assume que les gens qui rédigent et qui modifieront la loi vont devoir se pencher là-dessus avec beaucoup de sérieux parce que ça été soulevé. Comment aussi, à l'intérieur de la loi, insère-t-on cette distinction de ce qui est du patrimoine religieux? Où met-on la ligne? Parce qu'il y a des petites municipalités, vous l'avez mentionné, où l'église n'a, à proprement parler, aucune valeur patrimoniale, si ce n'est, pour la communauté, comme lieu de rassemblement traditionnel. Donc, comment l'insère-t-on, cette notion de religieux, dans la loi où elle est présentement incluse à l'ensemble du bâti? Et où met-on la ligne entre ce qui est communautaire et ce qui est patrimonial?
M. Gagnon (Rémy): Je ne suis pas juriste, alors je ne sais pas comment l'insérer dans le texte de loi actuel. Mais il me semble qu'il y a un fait évident, et ça a été présent dans toutes les présentations des mémoires, il reste que le patrimoine bâti, immobilier, ou le patrimoine mobilier, les arts, qui ont eu un usage pour des fins religieuses ou qui ont encore un usage pour les fins religieuses, je pense qu'il ne faut pas l'oublier dans, je dirais, une approche très générale qu'on appelle «patrimoine culturel». Parce que ça a bien sûr... Non seulement il y a -- comment dirais-je? -- une forte présence de ce type de patrimoine là, entre guillemets, je dis, patrimoine dit religieux, mais en même temps, derrière ce patrimoine-là, il y a toute une histoire, il y a toute une symbolique, puis il y a toute une signification. Les gens, ils y sont attachés parce qu'ils y accrochent des valeurs, des histoires de personnes, des histoires de collectivités et des espoirs comme tels. Il me semble que ça serait... En tout cas, pour moi, je pense que ça serait important que, dans cette loi-là, on reconnaisse la particularité de ce type de patrimoine là. Il ne faut pas l'oublier.
Et là je pense que la loi... et je suis bien d'accord qu'elle est pour plusieurs années, mais je pense qu'on devrait essayer de voir, pour les 10 à 15 prochaines années, là, qu'est-ce qu'on veut faire, qu'est-ce qu'on veut développer comme avancée dans l'esprit des personnes en responsabilité qui vont prendre les décisions, dans l'esprit des professionnels qui vont avoir à conseiller, puis dans l'esprit de tous les gens qui veulent faire en sorte que ce patrimoine-là soit réutilisé si les Églises n'en ont plus besoin ou encore qu'il va continuer d'être utilisé.
Le Président (M. Marsan): Alors, merci, M. Gagnon, pour nous avoir fait partager votre expertise. Et j'inviterais maintenant Mme Louise Dusseault Letocha à venir prendre place. Je vais suspendre pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 17 h 34)
(Reprise à 17 h 35)
Le Président (M. Marsan): Alors, nous reprenons nos travaux. Il nous fait plaisir d'accueillir Mme Louise Dusseault Letocha. Mme Dusseault Letocha, vous avez une période de six minutes pour nous faire votre présentation qui sera suivie d'une période d'échange avec les députés. La parole est à vous.
Mme Louise Dusseault Letocha
Mme Dusseault Letocha (Louise): Merci. Je vous remercie, mesdames messieurs, de m'accueillir malgré que je n'aie pas déposé de mémoire. Je vais donc essayer d'être brève. Je veux attirer votre attention plus particulièrement sur deux aspects de la loi. Un premier, qui est celui de la concordance entre les définitions qu'on retrouve dans le chapitre I de la loi n° 82 et le Répertoire du patrimoine culturel du Québec, en regard des catégories existantes du répertoire qui distinguent trois catégories de biens culturels: le patrimoine mobilier, le patrimoine immobilier et le patrimoine religieux. Dans ce répertoire et dans la loi, on suppose donc que viendra un temps où on va assurer une concordance entre la typologie élargie, à laquelle nous sommes très sensibles, et les nouveaux objets tels que définis dans le chapitre I de la loi n° 82, et, évidemment, par ailleurs, ces désignations dans le cadre du répertoire actuel, en particulier par rapport à la question des lieux de sépulture.
De manière peut-être un peu impromptue est apparue, dans la loi n° 82, une responsabilité du ministre, qui est accrue, par rapport aux lieux de sépulture des premiers ministres décédés et leur commémoration. Cependant, il faut reconnaître que les lieux de sépulture et les cimetières sont des lieux et des ensembles complexes, pluridimensionnels, qui comprennent à la fois des architectures réticulaires, des bâtiments, des monuments, des monuments commémoratifs et des oeuvres d'art.
En comparaison, si nous regardons le répertoire canadien, sans vouloir faire d'opposition d'un gouvernement à l'autre, le répertoire canadien des biens culturels, qu'on appelle répertoire canadien du patrimoine culturel, a logé dans deux grandes classes d'objets culturels les biens mobiliers et les biens immobiliers. Dans les biens mobiliers, il y a cinq catégories différentes, et on retrouve dans la catégorie deux, par exemple, les objets de valeur ethnographique et historique, et, dans la catégorie cinq, les objets de beaux-arts. Et donc il y a une multiplicité, si vous voulez, d'insertions, dans le répertoire, d'objets comme les lieux de sépulture. Malheureusement, on ne peut pas reconnaître qu'au Québec on a eu particulièrement de l'attention: les cimetières, les lieux de sépulture sont logés particulièrement dans le patrimoine religieux, pour des raisons historiques qu'on pourrait évoquer ailleurs.
Donc, la nouvelle responsabilité du ministre, telle qu'elle apparaît dans la loi n° 82, et qui relègue, un peu, une part de cette responsabilité à la Commission nationale de la capitale, alors que cette commission... Il faut supposer aussi que, cette commission, sa mission sera revue, parce qu'elle non plus n'a pas véritablement développé de compétences en matière de protection de ce type d'objet culturel. Voilà l'essentiel pour le premier point.
Le deuxième point, c'est la gestion du patrimoine culturel par les municipalités. On doit reconnaître qu'en matière de sauvegarde et de protection du patrimoine, le cadre juridique est composé de deux lois principales, la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme et la Loi sur les biens culturels. Par contre, en milieu municipal, la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme gère non seulement la forme urbaine, mais c'est elle qui incite les municipalités à développer un schéma, une planification, un schéma d'urbanisme et à protéger et à déclarer des zones protégées dans son plan d'urbanisme. Et donc, par conséquent, on se trouve très souvent en lien avec cette loi-là dans le milieu municipal pour sauvegarder le patrimoine plutôt que la Loi sur les biens culturels.
Mais ce sur quoi je veux en venir, c'est particulièrement l'emprunt qui a été fait, depuis 1985, dans la loi actuelle sur les biens culturels: l'article 146 qui a été carrément reporté dans le chapitre IV de la loi actuelle où il est évidemment question de la constitution d'un CCU. Dans la loi qui nous est proposée, la loi n° 82, on reprend ce même article, on y fait référence d'ailleurs en lui inculquant un rôle nouveau, qui est celui d'un conseil local du patrimoine, sans même exiger quelque compétence que ce soit par rapport à ce champ de protection.
**(17 h 40)**Le Président (M. Marsan): Alors...
Mme Dusseault Letocha (Louise): Voilà pour l'essentiel.
Le Président (M. Marsan): Je vous remercie beaucoup, Mme Dusseault Letocha. Je vais donner la parole à Mme la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine.
Mme St-Pierre: Merci. Merci, M. le Président. Merci, Mme Dusseault d'être parmi nous aujourd'hui. Vous êtes la dernière personne à venir nous parler de notre projet de loi pendant cette commission parlementaire, mais vous n'êtes pas la moindre parce que vous avez travaillé avec nous sur le livre vert, vous étiez là lorsque nous l'avons rendu public, et ça a été très agréable de vous voir suivre nos travaux.
Vous dites, dans la lettre que vous nous envoyez, que le Québec a été la première province à se doter d'une loi sur la protection des biens culturels, en 1972, donc c'est la volonté du gouvernement du Québec de continuer à être précurseur en la matière, et je pense que vos remarques sont pertinentes, puis c'est important de vous rencontrer. Donc, merci d'être venue à cette commission.
Quand vous parlez des lieux de sépulture, est-ce que je saisis bien que vous voudriez que ce soit un élément qu'on retrouverait dans la série de définitions, qu'on retrouve lieux de sépulture, qu'on l'ajoute, là, au début?
Mme Dusseault Letocha (Louise): Bien, je pense qu'il devrait être logé dans une des catégories que vous avez...
Mme St-Pierre: O.K. Ce n'est pas implicite, d'après vous?
Mme Dusseault Letocha (Louise): Non, ce n'est pas implicite, compte tenu de la complexité de ces lieux.
Mme St-Pierre: Oui.
Mme Dusseault Letocha (Louise): Ces lieux-là, je l'ai dit, mais je le répète...
Mme St-Pierre: Oui, les oeuvres d'art...
Mme Dusseault Letocha (Louise): ...sont pluridimensionnels, et on ne fait que commencer à se préoccuper de la valeur des objets contenus sur des territoires comme ceux-là, que ce soient des oeuvres d'art, que ce soient des monuments qui sont commémoratifs, mais on est en train de faire un peu de recherche en ce moment sur justement comment, à une époque, il y a eu une formation d'artisans spécialisés, non seulement les tailleurs de pierre, mais des sculpteurs, qui ont oeuvré et dont nous retrouvons les oeuvres, je dirais, disséminées sur l'ensemble de ces lieux très particuliers que sont les lieux de sépulture.
Mme St-Pierre: Il y a des très beaux ouvrages d'ailleurs de photographies qui ont été faits.
Mme Dusseault Letocha (Louise): Oui. Malheureusement, comme notre histoire, elle commence à se faire, donc nous avons beaucoup d'ignorance. La protection du patrimoine en France a commencé avec la Révolution, et donc on a détruit en même temps qu'on se dotait d'instruments pour protéger le patrimoine. Mais, bon, nous, nous avons quelques retards. Et, en conséquence, un lieu comme un lieu de sépulture, un cimetière... Vous savez que particulièrement les cimetières protestants et anglophones sont parfois en voie de disparition parce qu'il n'y a pas la même structure que dans l'Église catholique pour maintenir en fonction une certaine gestion du lieu. Et donc on est en train de perdre tout un pan de notre histoire.
Mme St-Pierre: Par rapport à vos remarques sur... Je continue à... vouloir vous interroger sur les remarques que vous avez faites par rapport aux municipalités.
Mme Dusseault Letocha (Louise): Oui, ça me touche particulièrement.
Mme St-Pierre: On a entendu plusieurs commentaires au cours de la commission parlementaire, allant de: Bien, écoutez, on connaît notre travail puis on sait ce qu'on a à faire, jusqu'à: Bien, on va manquer... on n'a pas nécessairement l'expertise, on n'a pas les ressources financières. Alors, il y a quand même... À un moment donné, les municipalités vont devoir évidemment... elles en ont, des responsabilités, mais elles vont devoir aussi être en mesure... Parce que, si on dicte trop d'en haut, on va nous dire: Bien, écoutez, mêlez-vous un peu de vos affaires. Puis, si on en donne trop, on se fait dire: Bien, vous leur en donnez trop parce qu'ils n'ont pas ce qu'il faut pour y arriver. Alors, on trouve la réponse à ça, là.
Mme Dusseault Letocha (Louise): Il faut reconnaître qu'il y a une très grande évolution en milieu municipal. Par contre, c'est très inégal à l'échelle du territoire. Et donc l'existence des CCU et leur composition à l'échelle du territoire... Si vous circulez quelque peu, vous allez voir que c'est composé... Parfois, il y a un professionnel en architecture; parfois, il y a une direction, et on fait appel à un urbaniste qui couvre plusieurs municipalités dans un territoire donné. Mais l'inégalité fait que la façon dont on propose la reconduction d'un CCU modifié en conseil local du patrimoine m'apparaît quelque peu irresponsable dans la mesure où la directive devrait venir de la Loi sur le patrimoine culturel et non de la LAU, si on considère les champs respectifs d'application de la loi et si on constitue un cadre juridique qui soit viable.
Mme St-Pierre: Ma dernière question est une question sur l'importance de ce projet de loi, parce qu'il a été très attendu. On nous a dit, après le dépôt, qu'il fallait qu'on procède à la commission parlementaire et alors il y a eu, bon, des discussions avec nos amis d'en face, et tout ça, puis finalement on a procédé à notre commission parlementaire. Et vous avez vraiment suivi nos travaux depuis le tout début. Est-ce que, pour vous, c'est vraiment essentiel que ce projet de loi là soit... je ne dis pas qu'il soit adopté dans tous les détails qui sont là, tout est... on peut bonifier, toute chose peut être bonifiée, mais qu'il y a une -- entre guillemets -- urgence de se doter de cette nouvelle loi sur les biens culturels puisque la dernière date de 1972 puis qu'on a grandement besoin d'un rafraîchissement, et de clarifier certaines choses, et d'ajouter des notions importantes comme patrimoine immatériel?
Mme Dusseault Letocha (Louise): J'en suis tout à fait convaincue. Si j'y ai participé, c'est parce que j'étais convaincue que...
Mme St-Pierre: Mais c'est parce que là on arrive à la conclusion, à une étape cruciale qui est celle de procéder à l'article par article. Et je pense qu'il faut doter le Québec de cette nouvelle loi. Nous avons, comme législateurs, la responsabilité de le faire. Pas n'importe comment, bien sûr, mais nous avons la responsabilité de le faire, et je pense qu'il y a un travail vraiment important qui est sur la table et qu'il faut y aller avec l'adoption de ce projet de loi là. C'est mon petit éditorial en terminant.
Mme Dusseault Letocha (Louise): Mais je vous suis, Mme la ministre, dans ce contexte-là que la loi nous propose un élargissement de la typologie et une nomenclature qui est ajustée par rapport aux chartes internationales et par rapport aux conventions internationales. Et donc, dans ce sens-là, le Québec a toujours suivi, par des interventions sur des chartes internationales entre autres, et serait, avec cette loi, à jour par rapport à un cadre référentiel de protection et de sauvegarde du patrimoine culturel.
La loi a des faiblesses. Il faudrait effectivement faire concorder non seulement avec la question de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, mais également toute la question qui a été soulevée des paysages culturels, qui a suscité beaucoup de réactions, mais qui est essentielle. Nous avons des débats entre spécialistes aussi, mais je pense que c'est essentiel compte tenu du paysage du Québec -- je pense uniquement à la côte de Charlevoix.
**(17 h 50)**Le Président (M. Marsan): Merci. Et nous poursuivons nos échanges. Et je donne la parole au député de Drummond, porte-parole de l'opposition officielle en matière de culture et de communications.
M. Blanchet: Bonsoir, madame.
Mme Dusseault Letocha (Louise): Bonsoir.
M. Blanchet: Croyez-vous -- parce que vous avez insisté sur la complexité d'un certain nombre des enjeux et de leurs applications -- qu'on puisse rapidement disposer, dans l'ensemble des communautés du Québec, des expertises requises à traiter adéquatement les mandats dont on souhaite... qu'on souhaite leur confier?
Mme Dusseault Letocha (Louise): Je dirais... Rapidement? Probablement que non. Cependant, je considérerais qu'une loi comme celle-ci, avec certains ajustements et certains correctifs apportés sur certains articles de la loi, en particulier toute la question du champ municipal, serait un incitatif à l'amélioration.
Inutile de dire que tout le champ culturel est très tributaire à des initiatives qui ont été prises il y a plusieurs années au Québec, et en particulier l'accessibilité à l'éducation. Et donc il y a à la fois peu et pas d'expertise, mais il faut inciter à ce que, peu importent les régions, on aille chercher dans la communauté ou encore inviter, par des incitatifs, des expertises qui viendraient supporter finalement le traitement de certains dossiers.
M. Blanchet: Lorsqu'on parle de l'urgence, donc, elle est forcément tempérée par la disposition des ressources humaines et éventuellement matérielles pour les mettre en place. Est-ce que la complexification des pratiques est compatible... Je souhaite qu'elle le soit, parce que je pense que la décentralisation doit se faire. Mais, disons, jusqu'à quel point la complexification des pratiques et des normes telles qu'établies dans la loi est compatible avec justement cette volonté de décentraliser dans des municipalités qui, présentement, en termes d'expertise, sont démunies?
Mme Dusseault Letocha (Louise): Je vous répondrais en disant, et vous me permettrez de revenir au deuxième point que je soulevais... c'est que, comme on est chapeautés majoritairement par la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, la gestion du patrimoine a été beaucoup remobilisée par la présence d'architectes, d'urbanistes qui meublent beaucoup les CCU. Je parle par expérience, je siège dans un CCU. Et donc toute autre discipline doit se faire valoir dans l'appréciation du patrimoine architectural entre autres, inutile de vous le dire, et faire ses preuves, hein? Moi qui relève du champ de l'histoire de l'art, inutile de dire que je dois savoir commenter un bâtiment avec un vocabulaire des plus impeccables vis-à-vis de mes collègues architectes.
Et donc ce sont ces types d'exercices qui font en sorte qu'il y a une pénétration dans des champs qui étaient jusqu'à maintenant assez réservés pour qu'on élargisse les considérations et introduise, entre autres, pas seulement des considérations de fonctionnalités et de structures, mais aussi des considérations esthétiques dans notre environnement.
M. Blanchet: Une dernière question. Croyez-vous qu'il soit pertinent de catégoriser spécifiquement le patrimoine religieux dans la loi ou est-ce que son intégration à l'ensemble des autres catégorisations est suffisante?
Mme Dusseault Letocha (Louise): Je ne voudrais pas allonger votre séance, mais je vais dire ceci: je pense que, culturellement, nous sommes rendus à un stade où le patrimoine religieux a franchi, je dirais, une étape de passage du religieux au symbolique. Malheureusement, les débats assez stériles que nous avons sur ce sujet-là nous amènent à oublier que des objets qui font partie de notre environnement -- exemple, la croix -- sont des objets qui ne sont pas que religieux mais qu'ils sont maintenant devenus non seulement symboliques, mais historiques, hein? Je pense, la croix à Gaspé, la croix sur le mont Royal, excusez-moi mais c'est d'abord un signe historique d'une époque donnée. Et là, si on intervient pour essayer de démêler le religieux, à mon avis, c'est une voie un peu stérile et une incompréhension de la qualité de l'objet artistique ou de l'objet religieux, c'est-à-dire la qualité de ces objets n'est pas qu'investie par le religieux, mais, au fil des ans, ces objets sont investis de qualités autres.
M. Blanchet: Je vous remercie beaucoup, madame.
Le Président (M. Marsan): Alors, Mme Louise Dusseault Letocha, merci de nous avoir fait connaître votre point de vue sur le projet de loi n° 82.
Mme Dusseault Letocha (Louise): C'est moi qui vous remercie.
Le Président (M. Marsan): Je vais suspendre quelques instants.
(Suspension de la séance à 17 h 57)
(Reprise à 17 h 58)
Le Président (M. Marsan): Alors, nous reprenons nos travaux.
Mémoires déposés
Et, avant de passer aux remarques finales, je vais procéder au dépôt des mémoires des personnes et des organismes qui n'ont pas été entendus lors de cette audition. Il s'agit des mémoires de la Conférence régionale des élus de l'Abitibi-Témiscamingue, du Conseil de la première nation des Innus Essipit, du Conseil des métiers d'art du Québec, de M. Robert Cadotte, de l'Union des producteurs agricoles, du Centre de musique spécialisée du Québec, de la ville de Québec, et finalement de M. James Woollett, de Mme Allison Bain, de M. Réginald Auger, de M. William Moss et de Mme Danielle Boulanger. Alors, vous comprenez que tous ces documents sont déposés.
Remarques finales
Et, maintenant, nous arrivons à cette étape des remarques finales, et j'invite maintenant le porte-parole de l'opposition officielle en matière de culture et de communications à faire ses remarques finales.
M. Yves-François Blanchet
M. Blanchet: Merci, M. le Président. J'ai quelques notes, et je n'ai pas minuté le temps que pourrait requérir... C'est 7 min 30 s. Si vous voulez bien me dire lorsqu'il n'en restera pas beaucoup, du 7 min 30 s. De toute façon, il y aura d'autres occasions où on élaborera.
Dans un premier temps, je suis assez enthousiasmé par somme toute le fait que les échanges se sont faits de façon courtoise, conformément à ce que j'espérais au début. Ce n'est pas un enjeu qui a un caractère partisan, c'est un enjeu qui a un caractère que tout le monde partage; et après ça, évidemment, on discute des moyens, et, chacun ayant son rôle, on va identifier les lacunes dans l'exercice. Je pense donc que tout le monde a été à l'écoute, sincèrement. C'est les prochaines semaines qui vont nous le dire.
**(18 heures)** Nous sommes d'accord sur la nécessité et la pertinence de ce projet de loi. Nous le sommes depuis le début, nous n'avons pas changé d'idée à cet égard-là. Le questionnement porte sur la notion d'urgence, et ça, c'est assez difficile à trancher. La volonté d'intervenir rapidement semble pertinente, mais, dans la mesure où la capacité d'intervenir rapidement... compte tenu de l'appel de ressources humaines et financières que l'exercice met en évidence, on se demande jusqu'à quel point l'urgence est réalisable. Et, si jamais l'urgence n'est pas réalisable, ne peut pas être rencontrée, à ce moment-là, donnons-nous le temps.
Dans quelle mesure aussi, si vraiment il y a un appel d'expertise spécifique en termes d'ethnologie, d'archéologie, d'historiographie, qui n'est pas présentement disponible, au bénéfice de ceux qui, par choix ou non, devront assumer des responsabilités... Donc, à défaut de disposer des expertises, ne risque-t-on pas, dans la précipitation, d'en échapper, de confier à des gens qui n'en ont pas nécessairement la capacité, malgré toute la bonne volonté, la gestion d'éléments patrimoniaux qui pourraient en subir un préjudice, alors que l'objectif même de la loi est de les protéger?
Il y a des principes novateurs, dans la loi, que je salue: évidemment, la notion de patrimoine immatériel, qui soulève énormément de questions, mais qui n'en est pas moins une notion hautement pertinente; la notion de paysage patrimonial, qui soulève aussi des questions importantes dans la possibilité de l'appliquer, dans la possibilité de la transposer dans un exercice qui réalisera quelque chose de concret -- ce n'est pas clair, mais l'idée, l'idée semble fort importante; et la notion... j'appellerai ça «décentralisation» à ce stade-ci, donc de faire en sorte que les communautés, à travers le Québec, puissent être appelées à s'approprier leur patrimoine. Tout ça est tout à fait souhaitable.
Dans la précision qu'on veut donner, que ce soit en termes de paysage patrimonial ou que ce soit en termes de patrimoine immatériel, lorsqu'on réfère à l'UNESCO, comme ça a été mentionné, l'UNESCO doit présenter le plus petit dénominateur commun entre la vision et la compatibilité des visions de près de 200 États. Lorsqu'on arrive au Québec, avec un seul État structuré, avec des pratiques et des institutions cohérentes, la capacité d'aller plus loin dans l'action et la définition semble claire.
À cet effet-là, je pense qu'il aurait été et qu'il est encore souhaitable, selon ce que le gouvernement choisira de faire avec le libellé actuel du projet de loi, d'accorder davantage de temps à la définition d'une espèce de cadre théorique -- disons-le comme ça -- une espèce de cadre théorique: quels sont les fondements -- parce que c'est à ça que la science sert ultimement -- quels sont les fondements, quel est le cadre qu'on va assimiler avant de commencer la lecture ou la réécriture d'un projet de loi pour aller chercher davantage de cohérence entre les différents morceaux qui, pour l'instant, par moment et sans accuser personne, ont un peu l'air d'un collage sans une vision facile à en extraire.
Ça me fait revenir sur le fait -- mais on ne réécrira pas l'histoire -- qu'il aurait été préférable qu'une loi précède... qu'une politique, pardon, précède. D'autant plus qu'une politique n'aurait pas pu apparaître sans que soit soulevée de façon explicite la question de: Comment on va financer tout ça? J'ai évidemment un malaise avec l'idée qu'une commission parlementaire pense tout haut à: Comment on va financer? Et je comprends l'argument qu'il faut cesser d'aller chercher l'argent dans les poches des contribuables, mais il va falloir le dire aux gens: L'argent vient toujours des poches des contribuables. Que ce soit par l'État, que ce soit par le privé, que ce soit par le municipal, ultimement, le citoyen paie pour les choix qu'il fait. Et, à ce moment-là, la question, c'est: Qui est l'intervenant le plus approprié pour solliciter cette forme de paiement? Et la variable fondamentale en est une de confiance du citoyen envers les institutions dont il dispose.
Sur la question du religieux, la question, elle est complexe. Et elle n'est pas tant, ultimement, même si c'est très important et intéressant, dans la symbolique que dans l'opérationnalisation d'une loi, parce qu'on ne pourra pas... et cette fois on ne pourra pas, sur une base théorique, faire abstraction du fait que ce que constitue le patrimoine dit religieux appartient encore pour l'essentiel aux communautés religieuses. Et c'est la gestion de cette transition-là qu'il va falloir envisager, et je doute qu'on puisse le faire en contournant cet éléphant qui est dans le salon.
Je souligne rapidement la nécessité que les premières nations soient étudiées sur une base particulière, parce que le projet de loi semble se donner des juridictions qu'il n'a pas, d'une part, et semble donner juridiction à des municipalités à l'intérieur des réserves, ce qui est délicat, et soustraire les premières nations à la juridiction sur des sites archéologiques de leur culture à l'extérieur des réserves. Ces trois paramètres-là sont délicats.
Je conclus en disant que, si la ministre et le gouvernement entreprennent un processus de réécriture sérieuse d'une loi dont les intentions sont valables mais dont la formulation actuelle est extrêmement fragile, si le gouvernement entreprend un processus de réécriture sur la base des... des gens qui sont venus nous voir, nous allons participer entièrement. Si on veut faire l'économie de ça, et faire peu de changements, et s'en aller directement vers une adoption, le processus va être long et ardu, parce que nous allons quand même nous assurer que les changements nécessaires seront apportés à la loi. Merci.
Le Président (M. Marsan): Merci. Mme la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, la parole est à vous pour vos remarques finales.
Mme Christine St-Pierre
Mme St-Pierre: Merci, M. le Président. Alors, je veux tout d'abord remercier tout le monde qui a participé à cette commission, et... le ton de la commission, puisqu'effectivement ça a été fort agréable d'entendre tous les gens, toutes les personnes qui sont venues. Les échanges également se sont faits sur un ton très civilisé. Et je vais vous faire sourire, tout le monde, parce qu'il y a... j'ai un électeur, dans mon comté, qui m'envoie souvent des messages, et des fois c'est des messages gentils, puis des fois c'est des messages moins gentils. Et, un jour, il m'a écrit qu'il adorait nos travaux parce qu'il aimait le ton. Il disait: J'aime beaucoup plus écouter vos travaux qu'écouter la période des questions. Alors, merci à mon électeur de nous faire ces commentaires. Puis, je vous dis, des fois, il m'écrit puis il n'est pas toujours content, mais là il était très, très content de nous voir travailler de façon aussi sérieuse, et c'est très agréable.
C'est pour nous, évidemment, un long processus. Nous écrivons une histoire, et nous venons de terminer un chapitre. On va continuer à travailler, et je pense qu'on va le faire dans... avec beaucoup d'ouverture d'esprit. C'est une histoire qui a commencé à s'écrire, il y a six ans, avec ma prédécesseure qui a voulu qu'on se dote d'un livre vert. Il y a des experts... D'ailleurs, Mme Dusseault, qui était ici, a travaillé à la rédaction du livre vert, et on a cheminé avec ce livre vert. Ensuite, nous nous sommes rendus partout au Québec.
Nous avons évidemment fait un appel de mémoires partout au Québec. Il y avait aussi des gens qui pouvaient intervenir en ligne. Nous avons présenté ce projet de loi, 265 articles. Donc, c'est le fruit d'un travail minutieux, rigoureux, fait par des experts et des gens qui s'y connaissent en patrimoine. Alors, il n'y a personne qui s'est précipité, puis on n'a pas l'intention de continuer dans... on n'a pas l'intention de se précipiter pour la suite des choses.
Oui, il y a des questions évidemment nouvelles qui se retrouvent dans ce projet de loi là, qui sont importantes. Et, oui, il faut peut-être aller retravailler, aller voir comment est-ce qu'on peut les peaufiner davantage. Mais je pense qu'on va faire un exercice qui va montrer que le Québec est capable de faire encore mieux qu'ailleurs, et de faire mieux que partout au Canada puisque, lorsque la loi avait été adoptée, on était la première province à se doter d'une loi. Et, 40 ans plus tard, on veut encore se propulser vers l'avenir avec un projet de loi plus moderne... quand on parle de patrimoine, ça fait un peu drôle de dire «moderne», mais un projet de loi qui va nous permettre d'aller plus loin.
**(18 h 10)** C'est sûr qu'il peut y avoir des interrogations sur comment on va y arriver, est-ce qu'on a l'expertise, mais il y a tout un processus de mise en oeuvre du projet de loi. Et j'ai aussi des idées sur comment on peut aller chercher des sources de financement. C'est un peu délicat de le faire, parce que, bon, on sait, c'est l'histoire d'une... avec le ministre... qui relève du ministre des Finances, mais on a quand même un pouvoir habilitant, dans le projet de loi, qui pourrait nous amener à certaines... amener un peu d'eau au moulin pour tenter de soulager peut-être certaines municipalités ou enfin certains groupes qui demandent de l'aide.
Le patrimoine religieux, c'est intéressant, les gens nous disent: Il faut le traiter, il faut en parler nommément. Moi, au début, je me disais: Il faut parler du patrimoine religieux; ensuite, j'ai cheminé, moi aussi, en me disant: Bien, il est inclus, c'est inclus partout dans le projet de loi. Mais on n'est pas fermés du tout à faire... peut-être modifier un peu notre approche là-dessus, parce que je pense que c'est très légitime et c'est très, très pertinent.
Les premières nations, on les avait rencontrées lors de la consultation. Là, présentement, ils ont déposé un mémoire... certains ont déposé un mémoire, mais on ne les a pas vus à la commission parlementaire. Mais bien sûr qu'il n'est pas question pour nous de se prendre des pouvoirs qu'on... enfin, d'aller piler dans leurs platebandes, ce n'est pas ça du tout. Mais il y a tellement une richesse en patrimoine, entre autres immatériel, chez les peuples des premières nations, et c'est de travailler avec elles pour pouvoir l'inventorier, ce patrimoine-là, puis, pour les expressions également, pouvoir les mettre quelque part, et les protéger, dans le sens de les garder dans la mémoire collective, pour ne pas que ça se perde. C'est ça, notre objectif, et on n'a pas l'intention de brimer les droits de personne.
Donc, la consultation parlementaire, nous avons eu 56 mémoires, 50 groupes ou individus qui ont pris la parole, qui ont parlé de patrimoine avec passion, et, nous, je pense que nous allons continuer à en parler avec passion. Et je suis très heureuse que ce projet de loi là soit rendu à cette étape-ci. Nous allons peaufiner notre travail, nous allons... Bien sûr, il est perfectible, nous en sommes convaincus, mais je pense qu'on est dans une bonne... Les planètes sont alignées, je dirais, pour pouvoir accoucher d'un projet de loi qui fera le plaisir de... qui serait adopté à l'unanimité, parce que je le souhaite, il faut s'élever au-dessus de la partisanerie et il faut faire en sorte qu'on ait cette loi éventuellement.
Alors, je veux remercier toute l'équipe au ministère, qui travaille d'arrache-pied -- il y en a une qui n'est pas ici aujourd'hui, mais qui a eu le temps de faire deux bébés pendant ces dernières années.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme St-Pierre: C'est vous dire que ça fait longtemps qu'on travaille là-dessus. Mes collègues députés, les collègues députés de l'opposition officielle. Alors, voilà, et à la prochaine...
Le Président (M. Marsan): Alors, à mon tour...
Mme St-Pierre: ...une autre étape qui s'en vient.
Le Président (M. Marsan): À mon tour, Mme la ministre, de vous remercier et de remercier les gens qui vous ont accompagnée, de remercier le porte-parole de l'opposition officielle en matière de culture et de communications, tous les députés pour le caractère, je pense, vraiment non partisan de cette commission.
Je voudrais... un remerciement particulier à nos secrétaires, Mme Valérie Roy, Mme Madeleine Lévesque, remercier nos techniciens audio et vidéo, nos transcriptrices et transcripteurs, qui ne sont pas ici mais qui travaillent très fort, nos pages et tous ceux qui, de près ou de loin, ont participé à ces travaux.
Je lève maintenant la séance, et la commission, ayant accompli son mandat, ajourne ses travaux sine die. Bonne soirée.
(Fin de la séance à 18 h 13)