(Onze heures vingt-trois minutes)
Le Président (M. Ferland): À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
Alors, le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le projet de loi n° 82, Loi sur le patrimoine culturel.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Richard (Marguerite-D'Youville) est remplacée par Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve) et M. Robert Prévost est remplacé par M. Turcotte (Saint-Jean).
Auditions (suite)
Le Président (M. Ferland): Merci. Alors, aujourd'hui, nous entendrons les cinq groupes suivants: le Réseau du patrimoine anglophone du Québec; l'Association des archéologues du Québec; l'association des étudiants en sciences historiques et études patrimoniales; la Fédération Histoire Québec; et finalement le Conseil de quartier Vieux-Québec--Cap-Blanc--colline Parlementaire.
Ainsi, nous entendons, sans plus tarder, les représentants du Réseau du patrimoine anglophone du Québec.
Je vous demanderais d'abord de vous identifier et de présenter les personnes qui vous accompagnent en vous rappelant enfin que vous disposez d'une période de 15 minutes pour nous faire part de votre point de vue. À vous la parole.
Réseau du patrimoine
anglophone du Québec (RPAQ)
M. Jacobs (Simon): Bonjour, M. le Président, Mme la ministre, membres du Parlement. Mon nom, c'est Simon Jacobs. Je suis le vice-président pour le Réseau patrimoine anglophone du Québec et j'apporte avec moi... À côté de moi, aujourd'hui, c'est M. Dwane Wilkin, qui est le directeur exécutif de QAHN, du réseau, et M. Charles Bury, qui est aussi ancien directeur de QAHN mais aussi il est directeur sur le Compton County Historical Society.
So... Je veux juste commencer par juste lire brièvement le document que nous avons présenté, après ça vous parler un petit peu de la situation.
M. le Président, le Réseau du patrimoine anglophone du Québec est un organisme cadre, sans but lucratif et non partisan, qui «promote» avec ses membres la conservation du patrimoine architectural, culturel et naturel de Québec. Nos membres ont travaillé dans le domaine de la conservation, de la recherche et de l'interprétation historique pour encourager l'appréciation, la célébration, le partage et la protection du patrimoine culturel diversifié du Québec.
Nous comptons parmi nous 48 membres reconnus des plus anciennes sociétés historiques du Québec ainsi que nombre de nouveaux organismes de citoyens passionnés par le patrimoine local. Les efforts de conservation et de promotion de notre mémoire collective demeurent des modèles de services communautaires bénévoles.
Les Québécois anglophones figurent depuis longtemps dans le développement patrimonial de la province. La plus ancienne société savante canadienne, la Literary and Historical Society of Québec -- je suis actuellement directeur exécutif pour cette société -- a été fondée en 1824 et elle a contribué a mener des recherches sur l'histoire de notre pays, à préserver celui-ci et à publier des ouvrages y relatifs. Au tour du XXe siècle, la Literary and Historical Society mènera la campagne visant à sauvegarder les plaines d'Abraham et elle participera activement à la mise sur pied de la Commission des champs de bataille nationaux.
Un autre exemple, en 1961, la Historical Association of Montréal, menée par Priscilla Reid, réussit à mobiliser une douzaine d'organismes historiques francophones et anglophones pour fonder le Historical Council of Greater Montréal. Ils ont su inscrire dans la conscience collective l'importance de notre histoire, ce qui a permis d'établir la commission Viger et de sauver le Vieux-Montréal d'une destruction totale. Notons, au sein de la commission Viger, le critique musical Eric McClean, qui a acheté et restauré la Maison Louis-Joseph-Papineau, rue de Bonsecours.
Les membres du Réseau du patrimoine anglophone de Québec contribuent aujourd'hui à l'identification, à la promotion et à la conservation du patrimoine culturel à travers le Québec en tant que conservateurs et conservatrices de musées, archivistes, chercheuses, enseignants, organisateurs communautaires et bénévoles. Et les bénévoles, c'est très important parce que, souvent, dans notre réseau, c'est fait par les bénévoles. Sans bénévole, ça ne marche pas.
Depuis ses débuts, en 2000, le réseau -- je le dis QAHN, ça va, correct, ou c'est le RPAQ, le Réseau du patrimoine anglophone du Québec -- a comme mission d'améliorer la conscience générale de la communauté linguistique minoritaire anglophone du Québec, ce qui pose des défis, notamment suite à l'effondrement démographique de certaines communautés anglophones durant les dernières décennies.
La plupart de nos membres font des efforts considérables pour obtenir les modestes ressources nécessaires au fonctionnement de base et ne bénéficient pas d'investissements publics stables, ni de la part du gouvernement municipal ni de la province. Pourtant, les accomplissements des anglophones oeuvrant dans le secteur patrimoine au Québec sont impressionnants. À Québec et dans les Cantons-de-l'Est et depuis l'Outaouais jusqu'à Gaspé et dans la Basse-Côte-Nord, les organismes membres de REPAQ restaurent des bâtiments historiques agricoles, établissent des centres patrimoniaux, préservent l'histoire orale, développent des expositions culturelles et appuient même, dans certains cas, le développement des politiques locales.
Nous nous joignons à la Fédération des sociétés historiques pour souligner des préoccupations au sujet du projet de loi n° 82. On augmente la responsabilité des municipalités locales et régionales en matière de protection patrimoniale sans offrir de ressources financières adéquates ni de mesures incitatives au niveau communautaire. Le projet de loi n° 82 n'atteindra pas ses objectifs.
**(11 h 30)** En 2006, le REPAQ a organisé une douzaine de sessions d'information bilingues dans quatre régions du Québec afin d'encourager les activités patrimoniales auprès de fonctionnaires municipaux. À l'extérieur des grands centres urbains, les efforts de promotion et de protection du patrimoine culturel sont affaiblis par peu d'engagement municipal et par un manque général de connaissance de législations patrimoniales. Il est difficile de voir comment les conseils locaux, envisagés dans le projet de loi révisé, pourraient influencer de façon efficace la planification locale si les représentants en question n'ont pas l'expertise nécessaire. Nous regrettons que le projet de loi n° 82 ne comprenne pas une représentation obligatoire du secteur bénévole.
La définition plus large accordée à la notion de patrimoine culturel dans le livre vert de recommandations de politiques patrimoniales de 2008, qui est reflétée dans le projet de loi n° 82, constitue une nette amélioration au cadre législatif qui gouverne le patrimoine québécois.
Notre identité culturelle en tant que Québécois et Québécoises est en grande partie définie par des expressions nuancées qui ne se traduisent que difficilement en listes quantitatives, en descriptions et en statistiques. Les défis auxquels fait face la communauté anglophone québécoise ont directement rapport à la notion d'identité dans l'histoire du Québec. Il est prometteur que l'un des objectifs principaux du projet de loi n° 82 soit la promotion et la compréhension de ces nuances patrimoniales, des personnages historiques, des événements marquants et des traditions. Nous nous permettons de vous rappeler respectueusement, M. le Président et Mme la ministre, que ce patrimoine est un coeur qui comprend les voix des Québécoises et des Québécois d'expression anglaise ainsi que celles de nombre de communautés ethnoculturelles québécoises.
Étant donné l'intérêt, les connaissances et les contributions importantes des Québécois anglophones à la culture et au patrimoine québécois, il est décevant qu'il n'y ait aucune représentation envisagée de communautés linguistiques en situation minoritaire au Conseil du patrimoine culturel du Québec pour le projet de loi n° 82. Cet organisme public national sera chargé de découvrir et d'évaluer les divers aspects de notre mémoire collective. Cet organisme aura le pouvoir de tenir des audiences publiques et d'influencer des décisions ministérielles avec des retombées pour tous les Québécois et Québécoises.
Ne serait-il pas raisonnable que la composition d'un tel organisme reflète la diversité de la société québécoise actuelle? Nous vous encourageons donc fortement de réserver au moins un des sièges, des 12 sièges, au nouveau conseil consultatif à un membre de la communauté anglophone. Nous serions heureux de vous fournir une liste des candidats qualifiés.
Le Réseau du patrimoine anglophone du Québec désire également faire une représentation au comité sur les questions importantes... O.K. Ça va.
Ça, c'est... Bref, ça, c'est l'idée qu'on veut présenter, c'est que, vis-à-vis les représentations du comité anglophone, je pense que c'est important parce que, souvent, le problème qui arrive, c'est que c'est une partie de l'histoire qui est complètement oubliée. Ce n'est pas dans l'image de la société à ce moment. Je donne l'exemple: nous avons un membre de notre société qui a publié un livre, deux, trois ans passés, qui appelle Les Anglos de Québec. Et une surprise à beaucoup de monde. Ils ont ouvert le livre et ils disent: Il y a des anglophones à Québec? Et l'histoire est riche. Je dis que, dans le Centre Morrin, Morrin Center, qui est à cinq minutes de pas d'ici, il y a l'histoire, et c'est très important, et il est là, c'est une chose vivante, et c'est une partie de l'histoire de Québec, c'est une partie du patrimoine de Québec. Ça, c'est juste un exemple. Je suis capable de dire avec... Dwane, qui est à mon côté, qui est directeur exécutif, il est en contact continuellement avec les autres organisations partout dans la province de Québec qui sont partie de ce patrimoine côté anglophone, qui est une partie de notre histoire québécoise.
M. Bury (Charles): Eh bien, je voulais juste souligner que, en plus des communautés à Montréal et à Québec, qu'on vient d'apprendre il y a les anglophones, il y en a un peu partout au Québec. Il y a des sociétés d'histoire, les sociétés de musées dans probablement une vingtaine de coins du Québec, à partir de Baie-Comeau jusqu'à Châteauguay, puis à partir de Cookshire jusqu'à Abitibi. Et puis il y a même un petit projet de musée dans le territoire de la Baie-James, chez les autochtones de la nation crie. Alors, on est un peu partout, mais on n'est pas nombreux, à l'exception de Montréal, et souvent on passe en dessous du radar. Même les instances locales ne sont pas au courant nécessairement qu'il y a des gens qui s'intéressent au patrimoine dans les coins du pays.
Alors, c'est à ne pas oublier. On est petits, mais on est quand même actifs dans le patrimoine. Il y a quand même un blocus pour plusieurs de nos... plusieurs des membres de QAHN, qui sont propriétaires de musées, qui opèrent les musées, qui reçoivent le monde, mais qui ne sont pas capables d'avoir la reconnaissance du gouvernement via le programme des sceaux de qualité, l'ancienne accréditation des musées, ce qui revient dans votre nouveau projet de loi.
Mais, comme tout le monde sait, ça existe, mais on ne peut pas devenir membre. Le programme n'est pas ouvert aux sociétés qui ne sont pas déjà membres. Ça fait depuis 12, 13 ans qu'on a un moratoire, mais le moratoire fait qu'il y en a qui meurent, O.K.? Et puis ceux qui meurent, ce sont les petites sociétés qui sont menées par quelques bénévoles qui ne sont pas en mesure nécessairement d'arriver à la fin de l'année, et on constate qu'il y a un genre de deux poids, deux mesures quand ça vient le temps de financer les petits musées. Si vous êtes assez chanceux d'avoir été reconnu avant 1999, bien, vous avez des milliers... des dizaines de milliers de dollars à tous les ans, ça revient sans ne presque pas le demander pour l'opération du musée, d'autres activités de patrimoine, tandis que, si vous ne l'avez pas eu en 1999, on dit qu'on ne l'aura jamais. Et puis c'est la même chose avec l'argent qui vient avec soit le sceau soit l'argent; on n'est pas éligibles à ça. Et puis je trouve que c'est injuste de la part du gouvernement, et puis on devrait égaliser le programme, le laisser ouvert à tout le monde ou bien l'annuler complètement. C'est peut-être fort comme paroles, mais c'est très, très frustrant quand on réunit les musées des Cantons-de-l'Est, par exemple, puis il y en a cinq qui ont des octrois à tous les ans de Québec, puis il y en a deux qui n'en ont pas. Pourquoi? Parce qu'ils n'ont pas le sceau.
Le Président (M. Ferland): Juste vous mentionner, Monsieur, que vous avez une minute pour conclure.
M. Bury (Charles): Dépassé. O.K. Bien, c'est tout pour moi.
M. Jacobs (Simon): Ça va si... Je veux juste faire un autre point. Ils ont parlé du patrimoine immatériel, et c'est bon que c'est bien adressé dans ce document. La chose qui est difficile, c'est qu'ils ont parlé de... Beaucoup, ça parle des monuments, les meubles, des choses comme ça. Ils ont dit que, même... Il faut que nous ayons les personnes qui sont responsables pour maintenir les meubles, les choses comme ça, sauf qu'il n'y a pas beaucoup de... bien, il n'y a pas beaucoup de choses pour soutenir les organismes pour faire ce travail, et ça, c'est le problème.
Je donne l'exemple du Morrin Centre parce que je le connais bien: ça coûte 75 000 $ par année juste pour l'assurance, chauffage, l'entraînement. Il ne nous reste rien. Il faut que nous... faire la levée de fonds. Rien, aucune... C'est pour la restauration...
Le Président (M. Ferland): Alors, oui, merci, M. Jacobs.
M. Jacobs (Simon): Mais dans...
Le Président (M. Ferland): Le temps est écoulé, malheureusement. Vous avez votre 15 minutes. Vous aurez le temps d'échanger à la période.
Juste avant de passer la parole à Mme la ministre, juste souligner: le projet que M. Bury a mentionné dans le territoire de la Baie-James, dans mon comté, le comté d'Ungava, c'est un projet dans la communauté d'Oujé-Bougoumou, et la construction va bon train, donc... qu'on appelle également sur le territoire Eeyou Istchee, la nation crie. Alors, c'est un beau projet.
Une voix: ...à Waskaganish.
Le Président (M. Ferland): À Waskaganish également, dans la... plus au nord, un peu, sur les côtes de la baie James.
Alors, sur ce, Mme la ministre, je vous passe la parole, en vous rappelant qu'il y a un temps de 45 minutes réparti de la façon suivante: 22 min 30 s pour le groupe formant le gouvernement et 22 min 30 s pour le groupe formant l'opposition. Alors, je vous laisse la parole.
Mme St-Pierre: Merci, M. le Président. M. le Président, c'est votre première présidence à cette commission parlementaire.
Le Président (M. Ferland): Oui.
**(11 h 40)**Mme St-Pierre: Et je peux vous dire que, vous allez voir, vous allez avoir beaucoup de plaisir parce que c'est un sujet qui est très, très intéressant, et il y a bien des gens qui arrivent avec la passion de la protection du patrimoine, et vraiment on a beaucoup de plaisir parce que c'est un beau sujet.
Et je veux vous féliciter pour ce que vous faites, parce que la communauté anglophone, évidemment, est riche en patrimoine, on le sait, et vous multipliez beaucoup les efforts pour maintenir ce patrimoine et faire en sorte qu'il ne soit pas oublié. On nous donnait les exemples, dans les Cantons-de-l'Est, du patrimoine religieux. On a parlé d'un petit village où il y avait trois églises de confessionnalités différentes, et les trois églises avaient été restaurées avec l'aide des citoyens et mises aux normes avec l'aide des citoyens, et le jus de bras, et des corvées, et tout cela, et c'était vraiment remarquable. Et on voit aussi, à certains endroits du Québec, où vraiment les choses sont préservées de façon impeccable, et les gens ont une notion d'ensemble pour faire la... pour la préservation.
Je veux aussi... Vous avez fini sur le Morrin Centre. Vous parlez de votre budget de fonctionnement, mais j'allais dire que... j'allais me vanter, avant que... dès le départ, en disant que récemment nous avions accordé une subvention importante pour votre mise aux normes, et j'avais... Je ne connaissais pas votre centre, et ça m'a permis d'aller le voir. Je n'ai pas visité au complet, je vais y retourner. Et j'ai été complètement étonnée de voir un tel bâtiment dans le Vieux-Québec qui recelait autant d'histoire et d'information, et c'est magnifique. La bibliothèque est vraiment... On rentre dans la bibliothèque et on fait: Wow! Alors, félicitations pour le conserver en si bon état.
Dans le cas des musées, vous n'êtes pas les seuls, évidemment, c'est un sujet, c'est un enjeu, c'est un défi. On a plus de 400 musées au Québec, on met plus de 140 millions sur les musées. Il y en a qui sont reconnus et soutenus, d'autres sont reconnus, non soutenus et d'autres ne sont pas encore reconnus. Et, parmi ceux qui sont reconnus et soutenus, eux aussi font des représentations pour avoir plus de fonds, plus d'argent. Récemment, je rencontrais les gens du musée McCord, qui ont un gros, gros défi. Alors, c'est sûr qu'il y a un défi sur la question du financement, de la protection du patrimoine en termes de budget et, à chaque fois que des groupes viennent devant nous, je leur demande d'avoir des idées créatives parce que... dans le sens que les contribuables nous disent: Bien, ne venez pas piger dans nos poches, et on nous demande plus d'argent, et on se demande aussi dans quel.. où on va couper pour en donner à d'autres.
Alors, c'est un ensemble, bien sûr, mais il y a certainement moyen de convaincre... Et je pense qu'en termes de... dans le dossier du mécénat, la communauté anglophone est plus avancée, et il y a peut-être moyen de travailler sur les questions de mécénat, et également, comme je le disais hier, l'émission des permis qui se font, absolument... de façon sans frais et gratuite est, à mon avis, quelque chose qui n'est pas normal. Mais je ne dis pas non plus qu'il faut y aller tous azimuts de ce côté-là.
Bon, alors, là-dessus... Sur le conseil, vous demandez à ce qu'il y ait... de garantir au moins un siège pour des représentants de la communauté anglophone. Est-ce que c'est... vous avez vraiment besoin qu'il y ait la garantie d'un siège ou si ce n'est pas à nous, comme décideurs, d'être sensibles à ce que toute la société québécoise... tous les représentants des secteurs de la société québécoise soient représentés au sein de ces instances-là? Est-ce qu'il y a d'autres organismes où il y a un siège garanti pour...
M. Jacobs (Simon): Ça, c'est la bonne question. Je pense que c'est important que le conseil fait une bonne représentation de la société québécoise.
Mme St-Pierre: O.K.
M. Jacobs (Simon): Et nous avons dit qu'avec les points de vue de la communauté anglophone ça va être minimum un siège... Ça va être un geste assez important. Comme je dis, quelquefois, c'est une histoire qui... où c'est une partie qui est oubliée. Ce n'est pas dans la vision des autres personnes et c'est nécessaire de toujours, dans ce point de vue... un autre point de vue que juste une direction. Ça, c'est la richesse dans la société aussi. C'est juste pour... c'est une voix dans les autres. Et, si vous décidez de faire ça vis-à-vis les autres communautés qui existent à Québec, c'est un bon geste aussi, mais, comme nous représentons la communauté anglophone historique Héritage, je pense que ça... C'est notre position, pour nous autres.
Mme St-Pierre: Oui. C'est clair qu'on veut que le conseil, évidemment, représente le mieux possible la société québécoise. On veut... On prévoit qu'il y ait une représentativité... une représentation des régions. Alors, écoutez, on va très certainement, avec l'opposition officielle, voir qu'est-ce qu'on peut faire de ce côté-là et voir s'il y a une ouverture pour qu'on puisse peut-être aménager la composition du conseil.
J'aimerais vous entendre sur justement vos succès, en termes de protection du patrimoine. Comment vous y arrivez? Je donne... Je reviens à cet exemple, là, de... Est-ce que c'est dans la mentalité? Est-ce que c'est quelque chose qui est transmis de génération en génération, cette protection que vous avez de vos bâtiments historiques, des... Encore là, je reviens à ces petits villages qui ont... On entre dans le village et on sait qu'on est dans un village qui a une histoire anglophone. Ça se voit, là. On n'a pas besoin de le chercher. C'est là. Vous allez me dire qu'il y a d'autres endroits où les gens vont être surpris d'apprendre qu'il y a encore des anglophones dans certaines villes comme à Québec, mais qu'est-ce qui fait que vous êtes... vous réussissez à vraiment engager les citoyens, soit par du temps, par... et de façon soutenue?
M. Bury (Charles): O.K. Madame, je pense que ce qui arrive, c'est un peu... C'est la communauté qui incite des bénévoles à protéger le patrimoine. Je vais vous donner l'exemple de chez nous. Au comté de Compton, qui est actuellement la MRC Haut-Saint-François, il y avait le village de Eaton Corner, et puis, il y a plus que 50 ans, c'est les femmes de la place, les femmes, en effet, de tout le comté de Compton, qui se sont réunies dans ce qu'on appelle les «women's institute», qui est un peu l'équivalent anglophone de l'AFEAS ou du Cercle des fermières. Et puis il y avait une église désaffectée au village, et puis c'est justement les membres des «women's institute» qui se sont remis ensemble pour créer une société d'histoire, pour acheter l'église pour recevoir une collection et recevoir les gens.
Et la plupart de la collection provient des familles de ces gens-là. Donc, notre musée est surtout axé sur la vie familiale, l'agriculture, le travail dans le bois, les choses qui étaient courantes chez nous à cette époque-là. Et, depuis ce temps-là, ça a tout le temps été... ça a toujours été les villageois et les gens d'alentours qui insistent que leur musée fonctionne. Et ce n'est pas évident, des fois. C'est comme partout au Québec, les villages, c'est des communautés vieillissant terriblement vite, beaucoup plus vite que les moyennes provinciales.
Et puis, juste pour dire un exemple, sur notre conseil d'administration, au Eaton Corner Compton County's Museum Society, je suis le bébé de la famille, O.K.? Et je vais avoir 65 ans demain. Ça fait que ce n'est pas évident. Mais c'est sûr... Parmi la communauté anglophone -- je pense que c'est la même chose, plus ou moins, chez les communautés francophones -- c'est un peu inné dans nous, de préserver l'histoire. C'est qu'on ne s'en rend pas compte avant à peu près l'âge de 50, 55 ans. Alors, c'est les personnes d'un certain âge qui mènent cette bataille-là partout, même partout dans le monde. Ça fait que gâtez vos aînés.
**(11 h 50)**Mme St-Pierre: Récemment, on annonçait la Maison de la littérature dans le temple Wesley, qui est un temple... un ancien temple anglophone... enfin, qui était à la communauté anglophone, et il y aura la Maison de la littérature, qui va loger là. Donc, il y a aussi des transformations qui se font. Alors, il ne faut pas... Quand on transforme quelque chose, il ne faut pas non plus qu'on lui fasse perdre ses racines et son histoire. Il faut que ça devienne aussi un lieu où les gens vont pouvoir se rappeler ce qui se passait là auparavant. Alors, je pense que ça, c'est bien important, votre message, et ça touche beaucoup de communautés au Québec, particulièrement les petites communautés vieillissantes, comme vous dites, et... Je n'ai pas d'autre question, M. le Président, mais mon collègue, mon adjoint parlementaire et mon collègue, je pense, en ont aussi en tête, alors je vais leur laisser la parole.
Le Président (M. Ferland): Alors, Mme la ministre. Alors, je donne la parole au député de Lévis.
M. Lehouillier: Alors, moi, je voudrais peut-être vous entendre davantage sur les pouvoirs aux municipalités. Vous avez remarqué que le projet de loi donne aux municipalités le pouvoir de protéger de nouveaux types de patrimoine, mais vous vous inquiétez sur le fait que... Vous avez signalé le manque d'intérêt de certaines municipalités et, en même temps, qu'il n'y avait pas d'incitatif financier qui suivait. Mais en réalité l'objectif du projet de loi, c'est d'élargir les pouvoirs des municipalités mais pas nécessairement l'augmentation de leurs responsabilités. En termes clairs, l'objectif de la loi, c'est de donner des pouvoirs nouveaux aux municipalités, qu'elles réclament, mais il n'y a pas de nouvelle responsabilité d'imposée, ça va être libre à eux d'y adhérer ou pas. Alors, comment vous voyez cette situation-là?
M. Jacobs (Simon): Quelquefois, c'est nécessaire de... Si nous avons une municipalité avec la bonne foi, ça donne beaucoup de pouvoirs dans cette loi, j'imagine. Je regarde, si la municipalité voit qu'il y a un édifice ou un site historique qui est le problème, ils sont capables d'entrer dans ça. Mais il faut que nous regarde l'inverse: qu'est-ce qui se passe si nous avons un site historique ou un édifice patrimonial qui n'est pas nécessairement reconnu, que le peuple, il veut garder, mais les municipalités, elles, trouvent une raison ou l'autre... par exemple, c'est une bonne place de faire un centre d'achats, des choses comme ça. Où est-ce qu'est l'intérêt de la municipalité de garder ça? Actuellement, c'est vraiment... c'est parce que c'est à ce moment... vont les municipalités de reconnaître les propriétés historiques. «So», si nous avons, par exemple, un édifice patrimonial qui n'est pas reconnu historique nécessairement, nous avons fait une application que ça va être reconnu, à ce moment, la municipalité se dit: «Mais ça va coûter trop d'argent de garder ça» ou «Il y a des développeurs qui veulent faire quelque chose», elles vont juste dire: «Non, nous ne le reconnaît pas», et c'est parti. «So», à ce moment aussi, nous avons une situation, si je suis correct, que c'est seulement quand quelque chose est déjà reconnu par le ministre dans le registre de Québec, à ce moment, le ministre est capable de parler de ça, mais, si ce n'est pas déjà dans le registre, il n'y a rien pour le ministre à faire. «So», maintenant, pour les choses qui existent à date, c'est possible de protéger, il y a une contrebalance avec le... par le ministre de la Culture. Mais, s'il n'est pas déjà protégé, il n'y a pas d'«incentive» de la municipalité de garder quelque chose s'il veut faire quelque chose à part de garder l'héritage qui est là. Est-ce que j'ai... Excuse-moi, j'exprime...
M. Lehouillier: Non, mais... Bien, autrement dit, ce que vous demandez, c'est qu'on soit un peu plus coercitifs face aux municipalités. Mais de quelle façon on peut arriver à ça, eu égard à l'autonomie des municipalités?
M. Wilkin (Dwane): Je crois, monsieur, qu'on partage un peu la même vision de la fédération d'histoire qui va comparaître cet après-midi que, dans les mesures de la loi présentement, il n'est pas évident qu'ils vont avoir les ressources nécessaires pour assurer que les municipalités ont l'influence nécessaire pour bien gérer leurs responsabilités déjà. C'est tout simplement ça. Ils ont besoin des experts en histoire, des experts en architecture, des experts dans tous ces domaines-là qui touchent la loi, qu'ils n'ont pas présentement. Ça, ça nous fait peur et on n'est pas garantis d'avoir ces ressources. Mme la ministre vient de nous expliquer: Il n'y a pas d'argent ou il n'y a pas de... Peut-être, quelque part il y en a, c'est toujours une question budgétaire. Mais est-ce qu'ils vont avoir les ressources nécessaires pour que les municipalités soient munies de cette expertise pour bien «implémenter» cette loi? Je ne sais pas.
M. Lehouillier: O.K. Donc, ce n'est pas relié tellement à ce qu'il y a dans le projet de loi mais plus aux outils financiers qui pourraient être donnés.
M. Wilkin (Dwane): C'est ça. Au contraire, au QAHN, de toute façon, on est bien d'accord, on note une amélioration de la Loi sur les biens culturels, surtout la définition plus élargie du patrimoine. Ça, c'est la notion du patrimoine immatériel, c'est bien intéressant, ça. Il y a des histoires à raconter et à récolter dans toutes les communautés au Québec. On peut faire ça et on peut créer toutes sortes de beaux projets pour -- comment c'est? -- promouvoir et valoriser ce patrimoine dans toute cette richesse. Mais il va falloir qu'on ait des ressources nécessaires, et les municipalités ne l'ont pas présentement.
Alors, la question: Est-ce que les municipalités sont les bons porteurs de cette loi ou est-ce qu'ils auront besoin de l'assistance du milieu associatif ou ailleurs? Je laisse comme ça, mais...
M. Lehouillier: Oui, allez-y.
M. Bury (Charles): Juste pour ajouter, donner un exemple dans... Souvent, les municipalités sont juge et partie dans ces décisions-là. Par exemple, ici, à Québec, si on vient à construire un nouvel aréna, on va rester avec le vieux. Est-ce qu'on va le convertir en autre chose ou on va le démolir pour faire quelque chose de nouveau? Tandis que c'était là que Jean Béliveau a appris son hockey, c'est là que Guy Lafleur a appris son hockey. Donc, il y a une valeur patrimoine à cette bâtisse-là, O.K.? C'est très clair, c'est très évident. Il y a bien des endroits où automatiquement ce serait préservé d'une façon ou d'une autre. Tandis que, chez nous, on va laisser ça au promoteur du nouveau amphithéâtre à décider quoi faire avec le vieux. Et ça, ce n'est pas nécessairement la meilleure façon d'agir.
M. Lehouillier: Merci. Est-ce que j'ai le temps pour une autre petite question?
Le Président (M. Ferland): Vous, vous avez le temps encore, M. le député de Lévis. Oui.
M. Lehouillier: O.K. Mais, justement, sauf que, dans le projet de loi, ce qu'on fait, c'est qu'on essaie... Prenons par exemple au niveau du conseil local du patrimoine, ce qu'on essaie de faire, c'est de respecter un peu le consensus qui a été fait avec les municipalités, notamment au niveau de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme. Et là on se dit... Parce que les élus locaux et régionaux sont très jaloux de leurs prérogatives et de leurs pouvoirs. Et vous ne croyez pas qu'à l'intérieur soit des commissions consultatives d'urbanisme ou des centres des conseils locaux du patrimoine, on ne peut pas trouver les ressources sur place qui peuvent participer à ces conseils-là et à ces comités-là? Donc, l'expertise, souvent, elle est là, dans les villes et villages.
Alors, je fais juste vous poser la question: Qu'est-ce que vous proposez? Vous proposez qu'on revoit ces règles du jeu avec ces municipalités-là? Auquel cas, là, on s'engage dans un débat finalement qui peut être assez important. En tout cas, je vous amène ça comme réflexion...
M. Bury (Charles): Bien, personnellement, on n'a jamais discuté de ça ensemble, mais peut-être qu'il y a lieu d'établir un genre de «panel» d'appel pour que, s'il y a une dispute dans une municipalité, alors, qu'on peut aller amener ça à une instance provinciale qui serait... qui aurait moins d'intérêts directs là-dedans pour des décisions dans les cas controversés.
M. Lehouillier: O.K. Une certaine surveillance.
M. Bury (Charles): Oui.
M. Lehouillier: O.K.
Le Président (M. Ferland): Alors, M. le député de Lévis, en vous le disant, je me suis trompé tout à l'heure, ce n'est pas six... il vous reste environ 3 min 30 s.
M. Pigeon: Merci, M. le Président. Bonjour. Je voudrais simplement, moi, vous poser une question sur le patrimoine immatériel. On en a parlé depuis quelques jours, là. Plusieurs questions ont été posées, et je me disais: Le patrimoine immatériel anglophone... Alors, j'aimerais que vous m'en parliez un peu parce que, quand on parle de patrimoine immatériel, on pense beaucoup aux traditions qui se perpétuent, aux métiers, par exemple, et on n'associe pas ça spontanément aux anglophones et aux francophones nécessairement. Alors, moi, j'aimerais que vous me parliez des particularités du patrimoine immatériel anglophone et de ce que vous souhaiteriez voir mieux protégé.
Le Président (M. Ferland): Trois minutes?
Des voix: ...
Une voix: Trois minutes.
M. Jacobs (Simon): Alors...
Le Président (M. Ferland): ...poser une question ou une réponse.
**(12 heures)**M. Jacobs (Simon): Où est-ce que c'est possible de commencer? Mais ça, c'est très difficile de vraiment gratter la surface de ça dans le petit temps. Je pense quelquefois il y a un côté de l'histoire qui était effacé ou qui n'est pas reconnaître à ce moment. Et nous besoin soutenir... J'espère que je... Excuse mon français. Quelquefois, je fais des erreurs, mais c'est important que nous avons la chance de voir l'histoire de, par exemple, Compton. C'est un village qui était presque tout anglophone. Les personnes qui ont battu ce village étaient anglophones, c'est un côté de cette culture qui est là. Avec le temps aussi, on voit, les sites, ça change, et quelquefois, par exemple... Mais j'imagine que ce n'est pas tout anglophone encore, Compton.
Une voix: ...
M. Jacobs (Simon): C'est un bon mélange d'anglophones, francophones, mais nous avons gardé ce côté d'où est-ce que ça vient, c'est cette mémoire de l'histoire qui est là, qu'il est important de garder, de retracer l'histoire qui est là dans l'idée de la société.
C'est très grand. Quelquefois, c'est mieux de parler de cas par cas. Ça commence à faire une meilleure «picture».
Le Président (M. Ferland): Il vous reste une minute pour...
M. Wilkin (Dwane): J'allais dire tout simplement: Même les anglophones au Québec sont en train toujours de réfléchir sur cette question: Qui sommes-nous? On est Québécois, bien sûr, mais on a une culture qui est un peu différente. Mais, bien sûr, la différence principale, c'est notre langue maternelle, des fois, la langue d'appartenance. Mais c'est sûr que la culture anglophone au Québec n'est pas celle de Vancouver ou de Toronto, c'est autre chose que ça. Et le patrimoine immatériel, donc, de la culture anglophone devrait monter des «features»... des caractéristiques un peu spécifiques.
Mais la culture anglophone au Québec, c'est aussi diversifiée. Ce n'est pas la culture de Westmount, de Beaconsfield que tu vas trouver en Gaspésie. Tu ne vas pas trouver la même personne. On est diversifié du côté ethnique, bien sûr, pour... Alors, c'est complexe.
Le Président (M. Ferland): Messieurs, c'est tout le temps pour cette partie-là.
M. Wilkin (Dwane): O.K. Je m'excuse.
Le Président (M. Ferland): Je m'excuse. J'ai un rôle assez... Je m'amuse avec vous, comme la ministre disait tout à l'heure, mais j'ai un rôle de... Mais on va peut-être poursuivre, mais, avant de passer la parole au groupe de l'opposition, j'aimerais vous demander s'il y aurait consentement pour qu'on poursuive au-delà de 13 heures, étant donné qu'on a commencé à 11 h 22. Alors, ça me prend le consentement de... On va dépasser peut-être d'une quinzaine de minutes, là. Alors, il y a consentement? Ça va? O.K.
Alors, je passerai la parole maintenant au député de Drummond, je crois. C'est ça?
Une voix: ...
M. Blanchet: Tu penses ça, hein?
Le Président (M. Ferland): Merveilleux. Je t'ai une mémoire phénoménale.
M. Blanchet: M. le Président. Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Soyez les bienvenus à l'Assemblée nationale. J'apprécie particulièrement votre présence parce que je crois, en effet, que la culture, les éléments culturels qui sont issus des différentes communautés anglophones qui ont peuplé le Québec sont d'une richesse remarquable. Donc, j'en prends pour exemple votre cravate qui est inspirée des tartans écossais. Alors, je...
Une voix: ...
M. Blanchet: Ah oui? Je me demandais si c'en était un vrai, d'ailleurs.
Une voix: ...
M. Blanchet: Bien, voilà. Donc, c'en est un exemple fort intéressant. Je crois cependant que, puisqu'on parle de patrimoine... Jusqu'à quel point... Je me questionne sur jusqu'à quel point le patrimoine qui nous vient du peuplement anglophone est distinct du patrimoine qui nous vient du peuplement français, dans la mesure où ça s'est fortement interpénétré et qu'il y a eu des échanges linguistiques considérables, qu'il y a eu des intégrations harmonieuses dans de nombreuses communautés dont ma circonscription en est un exemple. Et ça m'amenait... Je me disais: Dans la mesure où c'est passablement lié, passablement indissociable, que ce sont des traits qui d'ailleurs sont adoptés par l'autre communauté... Je prends pour exemple le défilé de la Saint-Patrick qui, manifestement, suscite un intérêt tout aussi important dans la communauté francophone. C'est le premier événement très festif du printemps. Donc, je n'ai pas d'opinion ferme sur la notion du siège réservé, mais je me questionnais à cet égard-là et je me disais: Forcément que, si tel était le cas, la ministre aurait l'obligation de se pencher sur un traitement similaire pour au moins un siège pour les communautés issues de l'immigration, pour au moins un siège assurément pour les premières nations, et là on tomberait aussi dans les corps professionnels, il y a les archivistes, les spécialistes du patrimoine vivant, les gens du milieu des musées. C'est peut-être ce qu'il faut faire. Je ne l'exclus pas du tout parce qu'il serait dommage qu'on ne profite pas de l'occasion pour mieux faire connaître le patrimoine dont vous êtes les porteurs. Ça, pour moi, c'est très clair.
La suite est un peu une bonne nouvelle, si je peux m'exprimer ainsi, parce qu'on a débattu, on a discuté avec les gens qui sont venus ici de la notion de transfert de responsabilités: jusqu'à quel point c'est obligatoire, jusqu'à quel point ça ne l'est pas. Et, moi, j'ai fait une critique, et la ministre m'a fait l'honneur de répondre dans mon hebdo local à la critique que j'ai faite. Et elle y dit ceci... Parce que je partais d'une phrase -- et là on va retomber dans l'interprétation -- de votre mémoire: «...en augmentant la responsabilité des municipalités locales et régionales en matière de protection patrimoniale sans offrir de ressources financières adéquates ni de mesures incitatives au niveau communautaire, le projet de loi n° 82 n'atteindra pas ses objectifs.» Donc là, vraiment, on est dans le vif du sujet. Et, dans mon hebdo local, la ministre a précisé que les municipalités pourront ainsi intervenir davantage, si elles le souhaitent, pour la protection et la mise en valeur de leur patrimoine. Donc, je comprends très clairement que c'est absolument facultatif, que les municipalités qui ne trouvent pas l'initiative intéressante, qui jugent ne pas avoir les ressources pourront dire: Bien, moi, je ne le fais pas. C'est un peu nouveau comme lecture, mais j'ai relu le texte à quelques reprises. Je me suis dit: Bien, c'est bel et bien ce que ça dit.
Cependant, il est clair, et la réponse ne couvrait pas cet aspect-là de la question, que le projet de loi ne vient pas avec des ressources financières pour les municipalités. Et, si c'est le cas, ça ne paraît pas parce qu'encore hier on débattait de comment on va financer tout ça, et on n'a pas de chiffre, on n'a pas d'évaluation sur combien ça pourrait coûter. Il y a donc un risque considérable que les municipalités moins importantes ne puissent pas prendre le train du patrimoine, même si elles pourraient en avoir envie, parce qu'elles n'ont pas les ressources qui vont avec, et que ce privilège, ce soit ultimement réservé aux grandes municipalités qui ont des ressources.
L'autre élément que ça soulevait, c'était la question du désengagement de l'État versus la décentralisation. Personnellement, je suis très favorable à la décentralisation et je suis, en général, favorable à tout ce qui rapproche les ressources des citoyens. Et il ne s'agit pas d'un désengagement de l'État, que je ne crains pas dans le contexte de cette loi-là, parce qu'il est essentiel, effectivement, que la ministre se garde le pouvoir d'intervenir si une municipalité va dans une direction que même ses propres citoyens pourraient ne pas vouloir.
Ce que je veux savoir, donc -- je suis désolé pour la longueur de la question -- c'est, à des fins de clarté ou pour permettre au ministère de clarifier sa loi, vous aviez bel et bien compris que c'était facultatif ou vous n'aviez pas compris que c'était facultatif? Parce qu'il y a d'autres institutions municipales qui sont venues ici; il y en a qui ont l'air d'avoir l'impression que c'est imposé aux municipalités et d'autres qui disent: Non, non, on a peut-être le choix d'y aller ou de ne pas y aller.
M. Jacobs (Simon): Peut-être juste expliquer juste une chose: le mot «facultatif».
M. Blanchet: Vous avez le choix. Ça veut dire d'avoir le choix. Les municipalités peuvent dire: Oui, je participe à... Je veux ces pouvoirs-là, équivalents à ceux de la ministre ou elle peut dire: Je ne les veux pas, potentiellement parce qu'elle va dire: Je n'ai pas ces moyens-là.
M. Bury (Charles): C'est optionnel.
M. Blanchet: C'est ça.
M. Bury (Charles): Mais ça fait drôle de penser au patrimoine comme optionnel. Mais je pense que le... Il y a les municipalités où c'est intéressant, où ils sont intéressés au patrimoine. Puis il y a d'autres municipalités, peut-être le village juste à côté, où que tout le monde croit que ce qui est vieux, c'est de la vieille scrap puis on va s'en débarrasser, O.K.? Il y a deux écoles de pensée. Il n'y a pas trois ou quatre; il y en a deux: que c'est bon ou ça ne vaut pas la peine. Et puis la loi va donner le pouvoir à ceux qui croient que ça ne vaut pas la peine. C'est un peu inquiétant.
**(12 h 10)**M. Jacobs (Simon): Il y a aussi un autre côté, et ça, c'est... Nous, on voit, même si nous avons la municipalité qui dit: O.K., je passe avec l'option que je veux protéger quelque chose, c'est donc obligatoirement au propriétaire de suivre beaucoup des étapes. Il faut que ça fasse le... garder la propriété dans une bonne condition, faire les modifications qui sont suivies par le ministère. Je pense que ça serait une bonne idée de ne pas changer toutes les choses, mais en même temps toute l'obligation, ça tombe sur les épaules des propriétaires, sans recours financiers pour cette personne aussi, et ça, c'est possible, ça va causer un problème.
Dans cette façon, il faut que... parler d'argent, et, oui, c'est un dommage, mais, à la base de beaucoup de choses, l'argent est là, parce que le besoin... garder l'héritage, mais aussi nous besoin trouver le moyen d'être capables de soutenir cet héritage quand nous commence sur ce pas. Et ce n'est pas juste un édifice qui va être restauré. C'est très bon, ça, mais après ça il faut que tu gardes cet édifice dans un état vivable, présentable pour les années futures. Sinon, tu fais la restauration, tu ne chauffes pas, ça va tomber après 10 ans. «So», tu besoin trouver... Et il y a beaucoup d'implications dans ça qui sont très importantes.
Il y a aussi un autre côté, parce que nous avons parlé beaucoup des édifices, mais encore, si nous retourne à la... Le patrimoine immatériel, ce n'est pas un édifice qui... juste mettre de l'argent. Tu besoin une collection de personnes qui est là pour gérer ça, et ça, c'est très important. Souvent, c'est une société, souvent, c'est un «non-profit» -- comment je dis ça? -- c'est une OBNL ou une chose comme ça qui est là. Et ça, c'est besoin le soutenir aussi, c'est là qu'est le coeur ou l'âme de l'édifice ou de cette société, c'est le peuple, et c'est ça que nous besoin aussi soutenir. Souvent, c'est avec les services; quelquefois, c'est avec l'argent aussi, mais il faut que nous retourne à ça. Ça, c'est une chose qui est très importante et qui n'est pas nécessairement adressée dans cette loi. J'espère que c'est possible que ça va être adressé dans une autre façon. Mais il faut qu'on nous pense de ça en arrière qu'il y a de cette part qui va être là.
M. Blanchet: Le but de l'exercice, c'est de recueillir les commentaires dans le but de modifier et d'améliorer la loi. Et, dans cet esprit-là... Et d'ailleurs vous avez parlé de patrimoine immatériel, et là je suis dans l'esprit où les municipalités ont le choix. Ici, avec des gens que nous recevons, qui sont des experts mais avec des gens ici qui ont quand même certaines notions, on n'a pas encore une définition du patrimoine immatériel qui fasse consensus, et pas beaucoup davantage du paysage patrimonial.
J'ai donc des doutes importants quant à la compétence actuelle des organisations municipales pour prendre à bras-le-corps un exercice qui va inclure le patrimoine immatériel. Bien, c'est quoi, ça? Dans la mesure où c'est facultatif, quelque chose qu'on ne comprend que difficilement et qui, de surcroît, est facultatif risque de ne pas être abordé, tout simplement.
Est-ce qu'on devrait donc au contraire... Seriez-vous plus confortables si la loi disait: Je tranche, ça, ça, ça, ça va aux municipalités? Je me garde le pouvoir de dire: Par contre, s'il y a des abus, le ministère intervient quand même? Mais trancher de façon ferme avec des ressources quantifiées claires qui accompagneraient le transfert réel de pouvoirs, est-ce que ce serait plus confortable dans cette clarté?
M. Jacobs (Simon): Souvent, je travaille... comme je prends un exemple. Avez-vous un exemple qui est capable dans cet exemple?
M. Blanchet: Un exemple, c'est que la loi pourrait dire qu'en vertu... Exemple, le chapitre V parle de transfert de responsabilités. La loi pourrait dire: La municipalité, les municipalités sont responsables de tel, tel, tel aspect à partir de maintenant. Clairement. Elles n'ont pas le choix, elles ne peuvent pas faire un «opting out», ne peuvent pas dire: On n'y va pas. Mais les ressources financières pour le développement de l'expertise et la ressource humaine que ça prend viendraient avec. Donc: pas de choix mais des ressources économiques ou le choix et pas de ressource économique?
M. Bury (Charles): Moi, je pourrais rajouter que, pour donner l'exemple de chez nous, la municipalité de Cookshire-Eaton, en Estrie, le patrimoine relève du comité de loisirs, mais le fonctionnaire qui s'en occupe, c'est la personne qui s'occupe de tourisme. Alors, on est donc entre deux chaises, là. Et puis ce serait peut-être... Ce que vous proposez serait peut-être plus à propos dans les grands centres mais, dans les petites places, là, ce n'est pas si évident. Il n'y a pas lieu de développer les expertises voulues et, si l'argent vient, il faudrait que ce soit bien étiqueté: Ça, c'est pour le patrimoine, ça, ça va aller dans les champs de baseball, puis les boutiques, boutiques de touristes.
M. Blanchet: Dernière question rapide: Est-ce que votre organisation s'intéresse... Je vous donne un exemple: à Drummondville, il y a l'église St-George, qui est une église anglicane. La ville a été fondée par des anglophones. L'histoire du début de Drummondville, c'est très caractéristique, mais il n'y a plus beaucoup d'anglophones à Drummondville.
M. Bury (Charles): C'est vrai.
M. Blanchet: Donc, ce ne sont pas les anglophones qui entretiennent ou nourrissent ce patrimoine-là, quoiqu'on a des institutions très dynamiques à cet égard-là. Est-ce que votre organisation s'intéresse aussi à cet aspect-là, lorsque c'est d'origine anglophone, mais que c'est maintenant très intégré? Est-ce que ça fait partie de vos préoccupations?
M. Wilkin (Dwane): Oui, bien sûr. Oui, depuis plusieurs années, on s'intéresse beaucoup... On a cherché les fonds, il y a quelques années, pour monter un projet de sensibilisation envers les municipalités justement pour faire... leur montrer comment utiliser les lois existantes et les politiques existantes pour identifier et valoriser ces biens culturels locaux.
Je connais Drummondville très bien. Par exemple, une de mes arrière-grands-mères est enterrée dans le cimetière juste à côté de l'église. Et c'est un bel exemple d'une communauté dont une société au but non lucratif, une société d'histoire, en fait, qui prend la relève et qui protège ces sites culturels présentement... C'est une société entièrement francophone, et je connais Mme Allard très bien, et, c'est ça, quelqu'un... Vous avez posé la question sur la définition de la... Monsieur a posé des questions sur la question du patrimoine immatériel anglophone, je n'ai pas la réponse brève pour ça, mais je peux dire que ça fait partie du patrimoine québécois et ce sont les francophones, souvent, qui sont appelés à le sauvegarder, et c'est bien le cas à Drummondville, et c'est bien le cas ailleurs. Le patrimoine anglophone appartient à tous les Québécois.
Je reviens à la question: Notre société s'intéresse, oui, à la sauvegarde de ces sites-là, mais on n'a pas les moyens, on n'est pas mandatés pour aider ou assister... On ne donne pas les argents, on n'est pas un agent... On n'est pas les agents. QAHN est subventionné presque entièrement par le gouvernement fédéral, avec une aide au fonctionnement qui vient du Québec. Mais pas un de nos membres n'est subventionné avec des «money» récurrents. On bénéficie d'un financement de l'aide... un financement fédéral, parce que nous sommes partie ou définis comme communauté anglophone, alors en situation minoritaire au Québec, comme les francophones hors Québec, et on bénéficie d'un programme pour les langues officielles du Canada. Sans ça, on n'existerait pas.
Mais, parmi nos membres, il n'y en a aucun qui reçoit... et les membres... C'est les membres locaux qui font le travail, ce n'est pas QAHN. C'est les membres locaux dans toutes les municipalités, dans tous les villages qui font le travail, qui sauvegardent le patrimoine, qui essaient de sauvegarder et promouvoir ce patrimoine, qui font le travail et ils ne reçoivent aucun financement récurrent à ce niveau-là. Quelques musées qui sont... quelques petits musées qui sont reconnus reçoivent de l'argent de la province, mais la plupart, non.
M. Jacobs (Simon): Je donne un exemple, un de nos membres de notre société, Litterary Historical Society, il a trouvé un ancien cimetière qui est à une heure de Québec. J'ai oublié exactement à quel endroit. Sainte...
M. Bury (Charles): Sainte-Agathe-de-Lotbinière?
**(12 h 20)**M. Jacobs (Simon): Sainte-Agathe-de-Lotbinière. Il a trouvé... Il a fait toutes sortes de recherches et il a trouvé cette place qui était complètement oubliée, mais c'est une bonne chose que, dans cette instance, c'est sa municipalité, je pense, c'est en arrière de lui, parce qu'il connaît tout le monde, c'est un petit endroit. Dans cette instance, nous avons la situation de quelqu'un qui prend charge de ce projet. Dans une situation comme Drummondville, je ne suis pas au courant avec ça, mais, par exemple, s'il n'y a pas une société qui est intéressée ou il n'y a pas de peuples qui sont intéressés, ce n'est pas nécessairement la place de notre regroupement d'aller chercher ça, mais possible pour aller trouver les autres personnes dans le coin de motiver, d'aider et assister, mais c'est... Nous sommes comme un parapluie, un groupe parapluie pour aider à trouver les outils qui sont capables d'aider les autres sociétés qui... dessus.
Une chose qui est importante à dire, c'est avec notre centre... avec le Morrin Center, nous avons reçu l'argent de la ministre. Il faut que je dise ça, c'est parce que c'est très important. Nous avons reçu l'argent de trois tiers... le trois tiers des gouvernements municipal, fédéral et provincial pour faire la restauration, et ça, c'est bien et c'est une situation qui marche très bien et je suis très content que nous avons reçu ça, tout le soutien. Aussi, nous avons reçu de l'argent qui vient du privé, et ça, c'était très important, la fondation est différente. Et ça, c'est un côté important. Mais les choses, comme je dis, c'est nécessaire de trouver un moyen de continuer des choses, d'être capables, quand la restauration est finie, de continuer à vivre et explorer les choses, et ça, c'est les choses qui est très important. Il faut que nous trouve une manière de continuer à faire ça avec cette loi.
La question c'est: Est-ce que ça pousse assez fort que nous avons le patrimoine immatériel qui va être soutenir? Est-ce qu'il y a des dents dans ça pour aider les organisations qui donnent cette information, qui est capable de garder l'église à Drummondville ou un cimetière à Saint-Eustache tout comme... Ça, c'est les choses qui est importantes dans ça.
Le Président (M. Ferland): Je laisserais la parole maintenant à la députée d'Hochelaga-Maisonneuve... ah! excusez, Sainte-Marie--Saint-Jacques. On avait...
M. Lemay: Je vais pouvoir me venger éventuellement.
Le Président (M. Ferland): Votre collègue avait été plus vite.
M. Lemay: Alors, bonjour, je vais aller très rapidement, là, il reste quelques minutes, et ma collègue a aussi une question. Donc, ma question sera très simple, et souhaitons que la réponse le soit aussi, là. Ça me fait plaisir de vous accueillir... Moi, je trouve que la communauté anglophone au Québec, en termes de patrimoine, elle est exemplaire, et ça devrait servir d'exemple à la communauté francophone, et je le dis sincèrement.
Donc, ma question. Il y a trois universités anglophones au Québec. Trois universités: McGill, évidemment, Concordia et Bishop's. Est-ce que vous avez des liens avec ces trois universités?
M. Jacobs (Simon): On a des liens surtout avec Concordia maintenant, moi, je dirais, presque aucun lien avec McGill, sauf que par McCord un petit peu, de temps en temps. McCord appartenait un moment donné à McGill, alors... mais pas vraiment. Concordia et Bishop's, on est en train de faire un projet maintenant qui implique beaucoup l'Université de Bishop's. Oui, oui, on travaille ensemble.
M. Lemay: Comme ressource, M. le Président, ce n'est quand même pas rien d'avoir accès à un réseau universitaire. Quand les départements ne sont pas trop isolés dans leur tour d'ivoire, là, ça peut être intéressant pour la société en général si les départements, encore une fois... On pourra en discuter plus longuement. Malheureusement, il n'y a plus de temps, mais quelquefois je suis obligé de dire à la ministre, et ce n'est pas un phénomène qui date d'un an, là, c'est: Quelquefois, en termes de patrimoine, le ministère de l'Éducation est un empêcheur de tourner en rond, plus souvent d'arriver à des résultats, pour une ministre de la Culture, qu'une aide. Mais on pourra, dans le cadre de l'étude article par article, revenir sur des faits. Puis ça ne remonte pas depuis un an, c'est comme ça depuis 20 ans. Alors, voilà, je suis désolé, le temps...
Le Président (M. Ferland): Alors, je vous remercie. Alors, rapidement, je vous inviterais, là, maintenant, les représentants du groupe suivant à prendre place.
Donc je suspends... pas quelques minutes, quelques secondes, le temps de vous...
(Suspension de la séance à 12 h 24)
(Reprise à 12 h 27)
Le Président (M. Ferland): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, j'avais mentionné quelques minutes pour -- même pas, «quelques secondes», j'avais dit -- changer de groupe. Alors, maintenant, nous recevons l'Association des archéologues du Québec, Alors, je céderais la parole à Mme la ministre.
Une voix: ...
Le Président (M. Ferland): Ah! pour l'exposé, 15 minutes. Excusez. C'est parce que je voulais récupérer du temps pour partir 10 minutes plus tôt.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Ferland): Je vous coupais complètement votre 15 minutes. Alors, je le couperai ailleurs, plutôt.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Ferland): Alors, je vous laisse... Vu votre déplacement, je vous laisse votre 15 minutes.
Des voix: Ha, ha, ha!
Association des archéologues
du Québec (AAQ)
M. Côté (Marc): Je sens la commission extrêmement proactive. Je trouve ça absolument excellent.
Le Président (M. Ferland): Quand même, avec le petit débat, je vous demanderais quand même de vous présenter et les personnes qui vous accompagnent.
M. Côté (Marc): Tout à fait. Avant de présenter mes collègues, vous me permettrez de vous signifier que l'Association des archéologues du Québec est honorée d'émettre des commentaires devant la Commission parlementaire de la culture et de l'éducation à propos de la Loi du patrimoine culturel. Nous espérons que l'éclairage que nous sommes en mesure de vous fournir sera utile à vos réflexions et vous permettra de mieux comprendre le domaine que nous représentons ainsi que l'importance que revêt ce cadre légal pour la réalisation pleine et entière de nos mandats.
Mon nom est Marc Côté. Je suis le vice-président Affaires courantes de l'association. J'ai aussi le bonheur de diriger un organisme depuis maintenant plus de 25 ans, en Abitibi-Témiscamingue, qui s'appelle Archéo 08 et qui travaille beaucoup avec les milieux locaux, régionaux, conférences régionales des élus et même les MRC.
Je suis accompagné de Mme Josée Villeneuve, qui est associée chez Patrimoine Experts, qui est aussi secrétaire du conseil d'administration de l'association, et de M. Jean-Yves Pintal, qui est un consultant de Québec, avantageusement connu d'ailleurs dans la ville de Québec, particulièrement actif dans la région de Québec et surtout... et dans l'Est du Québec. Jean-Yves est aussi président du 30e colloque de l'Association des archéologues du Québec, qui se tiendra à Lévis, du 28 avril au 1er mai prochains. D'ailleurs, je me permets de vous inviter tous et toutes, bien sûr, à venir nous rencontrer. Ce colloque-là se déroule dans le cadre du 375e anniversaire de la seigneurie de Lauzon. Et puis, bon, il est donc membre ad hoc du conseil d'administration, étant président du colloque.
**(12 h 30)** D'entrée de jeu, l'AAQ salue l'initiative de la ministre qui a su avec détermination -- je pense que le mot est faible -- faire progresser ce dossier. On sait que ça traîne dans l'horizon patrimonial depuis le début des années quatre-vingt. Dans mon cas, j'en ai presque toujours entendu parler depuis le début de ma carrière. Depuis les années... Bon, plusieurs tentatives de modernisation de la Loi des biens culturels ont avorté, et il était devenu impératif de remplacer un cadre légal devenu à plusieurs points de vue obsolète ou inapplicable.
L'Association des archéologues du Québec a été fondée en 1979, suite à un colloque tenu à Québec par le ministère des Affaires culturelles du temps. Il constatait la croissance anarchique de cette activité, son manque de professionnalisme à l'échelle nord-américaine et de béantes lacunes dans la formation des pratiquants. L'image que nous pouvons donner de notre milieu aujourd'hui est tout autre. Notre association regroupe des professionnels qui oeuvrent en archéologie sur le territoire du Québec. L'association regroupe aussi des catégories de membres qui incluent des archéologues professionnels ou en devenir ainsi que des spécialistes qui oeuvrent dans des champs connexes à l'archéologie.
Petite boutade, peut-être, en passant, je vous dis qu'ici, à table, vous avez presque un siècle d'expérience, donc je pense qu'on devrait être à peu près capables de répondre à toutes vos questions à ce propos-là.
L'affiliation de nos membres présente une variété de milieux, en ordre d'importance: la consultation privée, la gestion au sein d'autorités administratives, que ce soit du domaine municipal jusque national canadien et même dans le paragouvernemental, et d'institutions d'enseignement ou de mise en valeur, notamment les musées. Le conseil d'administration exerce, en ce moment, une profonde réflexion à propos de la modernisation de ses statuts et de ses modes de fonctionnement qu'il entend soumettre bientôt à ses membres.
En 2010, une thèse de doctorat portant sur l'archéologie au Québec, réalisée par Nicolas Zorzin, à l'Université de Southampton, en Angleterre, brosse un tableau des effectifs et du type de pratique ayant cours au Québec. L'étude quantitative a permis d'établir que 283 personnes étaient actives en archéologie en 2008. Selon cette étude, il y a 44 organismes au Québec qui emploient des archéologues à temps plein, temps partiel ou à contrat. Ainsi, 54 % des archéologues oeuvrent dans le secteur privé, soit dans des firmes ou à titre de consultants; 22 % se retrouvent dans des organismes gouvernementaux, tant au niveau fédéral, provincial qu'à l'intérieur du milieu municipal ou du parapublic, et les sociétés d'État. Et puis finalement il y a 17 % des archéologues qui pratiquent dans des organismes académiques ou muséaux et puis 9 % qui gèrent des organismes à but non lucratif, et ça, c'est quand même important.
Les archéologues, au Québec, possèdent un très haut niveau de diplomation. Au Royaume-Uni, 50 % des archéologues professionnels possèdent un baccalauréat; 21 %, une maîtrise; et 10 %, un doctorat. Au Québec, c'est presque 50 % des archéologues professionnels qui possèdent une maîtrise; 18 %, un doctorat. On parle ici du simple au double en ce qui a trait aux études supérieures de deuxième et de troisième cycle en comparaison avec les îles britanniques, par exemple. Les faits démontrent la responsabilité des archéologues québécois envers les ressources archéologiques et leur degré d'expertise. À notre avis, l'AAQ constitue donc un interlocuteur incontournable en matière professionnelle et par sa volonté de promouvoir la conservation et le patrimoine archéologique.
Auparavant, vous me permettrez de souligner des caractéristiques du patrimoine archéologique pour mieux contextualiser notre insistance à demander l'encadrement des interventions ayant une portée sur ces ressources par des dispositions légales et réglementaires. Par définition, les ressources archéologiques constituent un patrimoine caché mais en même temps très tangible. Elles sont porteuses d'informations inédites et de connaissances sur les sociétés qui les ont produites mais qui ne sont révélées qu'à la suite de leur mise au jour et de leur analyse appropriée. Pour assurer la meilleure récupération possible des données, l'archéologie s'est donné une démarche organisée: étude de potentiel, inventaire, fouilles, analyse des données, rédaction de rapport et publication des résultats. La nature même des données impose des contingences qui n'existent pas dans le cas d'autres types de ressources patrimoniales, par exemple, comme le patrimoine bâti, puisque le fait qu'elles ne soient pas apparentes accentue leur potentiel d'être détruites par ignorance ou négligence. De plus, certains vestiges archéologiques sont des témoins fugaces ou ténus qui ne sont identifiables que par des spécialistes. C'est le cas, par exemple, de certains sites archéologiques préhistoriques dont les composantes ne sont détectables qu'à celui qui a été formé à cette tâche et dont la destruction pourrait passer inaperçue pour un non-initié. Cette situation requiert des mesures permettant de s'assurer que les personnes mandatées pour réaliser les études archéologiques ont un bagage de connaissances suffisant pour mener les tâches à bien.
Permettez-nous de souligner quelques points qui nous apparaissent cruciaux et pour lesquels nous croyons qu'il est du devoir du gouvernement du Québec d'établir les règles du jeu et éventuellement apporter des solutions pour harmoniser les pratiques s'il veut assurer la pleine protection de ces ressources.
Au fil des dernières décennies, l'archéologie est devenue une industrie culturelle à part entière. C'est une industrie dont l'assise financière repose sur des millions et qui embauche des centaines de personnes au Québec. Les archéologues professionnels ont réussi à rendre l'archéologie accessible à tous les promoteurs impliqués dans le développement de la société. Ils ont développé des moyens et des techniques qui leur permettent de répondre adéquatement aux commandes des promoteurs mais aussi des développeurs dans tous les secteurs de l'économie québécoise, en allant du développement minier à la foresterie, l'énergétique, les travaux routiers, les infrastructures municipales et, bien sûr, la mise en valeur intégrée qu'il ne faut surtout pas négliger.
La loi doit viser la responsabilisation des développeurs. Nous croyons qu'à travers la future Loi sur le patrimoine culturel le gouvernement a une responsabilité première, celle de garantir que les dispositions légales permettront d'assurer la pérennité du patrimoine archéologique en prévoyant des mesures qui éviteront autant que faire se peut la destruction d'éléments de ce patrimoine.
Dans une optique de développement durable, le gouvernement a le devoir de se donner les moyens pour assurer la conservation des ressources et tout au moins l'identification de ses ressources et la récupération des informations dans les cas où la destruction est inévitable. À notre avis, c'est la seule façon pour le gouvernement de démontrer l'importance du patrimoine culturel, et du patrimoine archéologique en particulier, et cela ne va surtout pas contre l'intérêt du développement économique puisque ces tâches sont génératrices d'emplois de qualité, bien rémunérés, chargés aux promoteurs et qui contribuent aux revenus du gouvernement du Québec.
Il est difficile de passer sous silence la mollesse générale du cadre légal et réglementaire actuel qui régit notre pratique. Là, évidemment vous comprenez que je parle de la loi 2, l'ancienne loi. Au-delà de la question factuelle, administrative ou réglementaire -- que ça soit les permis, gestion des collections, la conservation ou l'expertise technique -- il apparaît fondamental que la future loi n° 82 ait du mordant et qu'elle se situe avantageusement au sein du concert législatif. Si le ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine veut que sa nouvelle loi s'intègre dans le cadre du développement durable, il doit s'assurer que les sites archéologiques, témoins de toute la diversité culturelle qui s'est exprimée au Québec, soient aussi bien protégés que les poissons et les oiseaux, par exemple.
Combien de fois les archéologues se font dire par un promoteur ou son mandataire qu'un fonctionnaire du gouvernement leur a signalé qu'il n'y avait pas de site archéologique aux endroits où ils désiraient s'établir? Même si l'information du fonctionnaire est vraie, stricto sensu, et qu'on ne peut démontrer la présence d'un site connu dans la banque de l'institut... de l'Inventaire des sites archéologiques du Québec ou même des réseaux informatisés comme le SIGT, il n'en demeure pas moins que les gestes de développement sans études préalables ont des impacts importants dans des secteurs présentant un potentiel archéologique. La loi et la réglementation doivent être proactives et protéger d'éventuelles ressources non découvertes.
Avec la Loi des biens culturels et celle régissant la qualité de l'environnement, les développeurs ne sont pas tenus de déposer au ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine les études de potentiel archéologique que commande généralement l'obtention du certificat d'autorisation de la Loi sur le développement durable. Ainsi, dans plusieurs cas, ces études de potentiel archéologique, qui sont des documents privés, deviennent le prétexte pour estimer qu'on en a assez fait et cesser toute investigation qui risquerait de faire augmenter les coûts du promoteur. L'action de certains fonctionnaires consiste souvent à transférer les demandes d'avis à un collègue des directions régionales du ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine sachant pertinemment que ceux-ci, souvent non archéologues, sont déjà débordés par leur gestion quotidienne et n'ont simplement pas les moyens financiers et les ressources humaines pour répondre aux commandes dans un délai raisonnable.
Nous estimons que la loi devrait statuer que les études de potentiel, études de caractérisation ou autres documents de la même nature sont des instruments essentiels de planification et de connaissances et qu'ils doivent être versés au ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine pour avis. Ce dernier devrait rendre obligatoire l'obtention du certificat d'autorisation du ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs au même titre que les autres types de documents prévus par la réglementation de ce ministère.
Par ailleurs, il faut inciter les ministères qui se délestent de leurs responsabilité en matière d'archéologie en prétextant que cette question est du ressort du ministère de la Culture -- vous me permettez d'abréger parce que c'est quand même très long le titre -- de se doter des ressources compétentes. Est-il normal que le ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs, que le ministère des Affaires municipales et des Régions et que le ministère des Ressources naturelles et de la Faune du Québec n'aient aucun archéologue à leur service, alors qu'ils sont quotidiennement confrontés à des problèmes de gestion du territoire qui impliquent nécessairement l'archéologie? L'embauche d'archéologues dans ces ministères stimulerait les échanges interministériels, à notre sens, et assurerait une plus grande visibilité et une meilleure protection globale de la ressource archéologique au sein de l'appareil gouvernemental.
La loi n° 82 donne la possibilité aux municipalités d'assumer davantage de pouvoirs en matière d'archéologie. Ce désir de responsabilisation des municipalités, de la part du ministère, est louable et saura sûrement donner naissance à de nouveaux partenariats. Pour les archéologues, travailler avec les municipalités ne constitue pas une nouveauté, bien au contraire, puisque nous le faisons sur une base régulière depuis des décennies. La seule interrogation que soulève la proposition du ministère, c'est la possibilité que les municipalités puissent émettre une espèce de permis de travail, et nous nous demandons si ces permis pourraient avoir une connotation archéologique. Si tel est le cas, cela équivaudrait à une dilution des responsabilités gouvernementales au profit d'un système extrêmement difficile à gérer sur une base nationale.
Dans l'état actuel de la loi et dans le projet de loi n° 82, seuls les sites archéologiques ayant un statut juridique, que ce soit le classement, une reconnaissance ou une citation, sont protégés. Ils sont d'ailleurs relativement peu nombreux, je vous ferai remarquer. Mais qu'en est-il des milliers d'autres qui n'ont pas la chance de bénéficier d'une telle protection? D'ailleurs, je crois que les derniers chiffres, c'était entre 8 500 et 9 000 sites archéologiques au Québec.
Il faut des dispositions légales qui donneront l'élan et la légitimité au ministère pour assurer la préservation, la conservation et la documentation adéquate des sites archéologiques. Accorder de facto une protection plus forte à l'ensemble des sites et prévoir des mesures obligatoires de mitigation lorsqu'il y a menace à leur intégrité, que ce soit stopper les travaux, déplacement de travaux, fouilles de sauvetage, surveillance, etc., constitueraient une avancée importante pour la protection de ce patrimoine. À cet égard, si le ministère pouvait mettre des budgets supplémentaires à la disposition des directions régionales, cela permettrait à ces dernières de mieux encadrer la protection du patrimoine archéologique présent sur leur territoire et, j'insiste sur ce point-là, de générer des partenariats avec les villes, les MRC, les conférences régionales et les communautés autochtones. Cet effet de levier deviendrait un incitatif attrayant à l'investissement. Je pense que le terme d'«incitation» est...
**(12 h 40)**Le Président (M. Ferland): ...à conclure à peu près dans les 30 secondes.
M. Côté (Marc): Il me reste une page. Est-ce que c'est trop long, une page? O.K. Je passe. Bon. De toute façon, à l'intérieur de vos questions, comme je sais que tous l'ont lu, je sais que vous saurez me poser les questions au bon endroit.
Pour ce qui est de la banque de données relatives, bon, on parle des données, des différentes données. La loi n° 82 prévoit aussi la création d'un conseil du patrimoine -- je voudrais terminer sur ce point-là -- en remplacement de la Commission des biens culturels. Cet organisme de consultation sera formé de 12 membres. Nous croyons que cet organisme devrait compter, de manière statutaire, sur la présence de deux archéologues professionnels. Idéalement, ceux-ci devraient être un préhistorien, spécialiste des cultures autochtones, dans un cas, et un archéologue historien spécialiste des occupations allochtones dans l'autre. Nous désirons que cette présence statutaire ait un effet stimulant pour l'organisme et permette d'étoffer, de diversifier les débats entre les participants en se reflétant sur la qualité et la profondeur des avis émis. Bien sûr, nous serions honorés de recommander à la ministre des candidats pour ces nominations.
Le Président (M. Ferland): Merci, M. Côté. Cette fois-ci étant la bonne, là, c'est vrai que je passe la parole à Mme la ministre.
Mme St-Pierre: Merci. Alors, c'est toujours intéressant de vous entendre. Et surtout, l'archéologie, je pense au Québec, il y a comme une conscientisation incroyable. Le Mois de l'archéologie fait beaucoup, beaucoup et, les jeunes, ça les passionne énormément et, nous, bien sûr, on a une responsabilité très grande parce que, quand vous parlez probablement qu'il y a entre 8 500 et 9 000 sites archéologiques au Québec, je pense qu'il n'y a pas beaucoup de Québécois qui sont au courant de ce chiffre-là, et c'est énorme. Ça représente évidemment un défi encore plus grand.
Juste une réponse courte parce que vous m'avez attiré l'attention quand vous avez commencé à parler d'une étude faite à Southampton, en Angleterre. Dans cette étude-là, vous parlez de choses... ça fait une étude sur le Québec. Pourquoi est-ce qu'une université a fait une étude sur ce qui se passe au Québec en archéologie? Une étude en Angleterre... une université en Angleterre. Qu'est-ce qui les a intéressés chez nous?
M. Côté (Marc): Oui. Bien, en fait, deux choses. D'abord, je vous signale que j'ai ici 10 copies non pas de l'étude, mais du dernier numéro d'Archéologiques, 23, dans lequel vous avez un texte de Zorzin qui porte sur son... Donc, ça me fait plaisir d'en donner 10 copies à la commission d'abord. Deuxième, Nicolas Zorzin est un résident du Québec depuis 10 ans, qui est d'origine française, et puis qui a, je dirais, travaillé en milieu québécois depuis sept à huit ans, là, et puis, lui, dans le cadre de ses études doctorales, il s'est toujours intéressé à la pratique. Donc, il s'est intéressé à la pratique en France au moment où il vivait là-bas, mais il s'est intéressé au Québec aussi lorsqu'il a vu que le milieu ici était dynamique, prenait toutes sortes de tangentes, toutes sortes de formes, et puis il a déposé un projet de doctorat à Southampton parce que, là-bas, dans le département, il y a un professeur qui s'intéresse, au-delà de l'archéologie, aux archéologues.
Donc, il a présenté son projet, ça a été accepté, il est devenu boursier et il est allé trois ans en Angleterre parfaire sa formation et il a déposé son mémoire... son mémoire, sa thèse plutôt, de doctorat en 2010, et il est revenu au Québec et enseigne présentement à l'Université Laval.
Mme St-Pierre: Alors, sa thèse de doctorat porte sur le travail de l'archéologie au Québec...
M. Côté (Marc): Et les archéologues.
Mme St-Pierre: ...et les archéologues.
M. Côté (Marc): Tout à fait.
Mme Villeneuve (Josée): Il faisait aussi une comparaison avec l'archéologie en Grande-Bretagne, et je sais qu'il a touché aussi d'autres pays, là. Il faisait des comparaisons. Il le note aussi dans son article.
Mme St-Pierre: Et il nous trouve bon ou pas bon?
M. Côté (Marc): Il nous trouve superdiplômés, supercompétents. C'est d'autant plus intéressant de le dire, pour moi, parce que c'est quelqu'un qui n'est pas... on pourrait faire de l'autocongratulation, là, mais c'est quand même quelqu'un qui a vécu d'autre chose ailleurs, et puis il considère qu'on est un milieu dynamique puis, moi, je suis bien content de... Je peux vous dire...
Mme St-Pierre: Bon. Enfin, une bonne nouvelle.
M. Côté (Marc): Bien, si ça prenait juste nous.
Mme St-Pierre: Alors, dans le projet de loi, il y a... Là, vous parlez des autres ministères qui devraient... Vous avez parlé d'études de potentiel archéologique. Donc, vous pensez que les autres ministères également devraient avoir, dans leur loi, des articles qui touchent des études de potentiel archéologique obligatoires dans les grands projets.
M. Côté (Marc): Oui, parce que les...
Mme St-Pierre: Bien, moi, je m'excuse, mais il me semble qu'il y a du travail avant d'aller s'installer quelque part. Je pense, par exemple, à Hydro-Québec. Il faut quand même qu'ils regardent ce qui s'est passé là dans le passé? Non.
M. Pintal (Jean-Yves): Bien, il y a deux archéologues qui sont à l'emploi d'Hydro-Québec.
Mme St-Pierre: Oui.
M. Pintal (Jean-Yves): Il y a quatre archéologues au ministère des Transports, mais les grands ministères qui interviennent sur le territoire québécois, comme le ministère des Affaires municipales, le ministère du développement et des parcs n'ont pas d'archéologue à l'interne et ils sont soumis constamment à lire des études d'impact sans avoir nécessairement les ressources. Alors, soit ils les lisent comme un biologiste lit une étude de potentiel archéologique ou alors ils les refilent au ministère de la Culture qui a bien d'autres chats à fouetter aussi quand même dans sa gestion quotidienne.
Donc, si ces ministères-là pouvaient s'engager des archéologues, on serait sûrs que les travaux que l'ont fait sont bien lus par des professionnels et que le promoteur aussi... il y a un certain suivi auprès des promoteurs, pour que lui passe à l'étape suivante qui est celle de vérifier le potentiel au terrain. Donc, là, il y a un suivi... Il y aurait un suivi un petit peu légal au travail qui est fait en s'assurant qu'aucun site n'est détruit par la construction d'un bassin d'épuration, ou par l'aménagement d'un parc, ou quoi que ce soit d'autre.
Mme St-Pierre: Oui, monsieur.
M. Côté (Marc): En complément, disons, vous savez, l'an passé, il s'est donné à peu près 150 permis archéologiques au Québec. Jean-Yves a fait un petit calcul rapide, et on estime entre 10 et 15 millions l'argent qui a été dépensé en archéologie. Cette simple modalité là, si simplement... Puis il y a beaucoup de firmes qui, malheureusement, là, se défilent. Elles ne vont pas plus loin, disant qu'elles ont fait ce qu'elles avaient à faire puis que, dans l'étude, c'est dit: Il n'y a pas de site à l'intérieur du périmètre, là, qui est connu.
Bon. C'est vrai, mais c'est faux, parce qu'on ne connaît pas vraiment... Il y a peut-être un site, mais on s'en rend compte un coup que les travaux vont être faits, parce qu'on va retrouver plein d'objets au sol. Bon. Ce simple geste là qui permettrait des travaux supplémentaires, sans ruiner les projets -- c'est des sommes marginales par rapport à l'ensemble des projets plus grands -- permettrait, on pense, nous, de créer au moins une trentaine d'emplois supplémentaires d'archéologues qui, eux-mêmes, engageraient des équipes. Ce serait un investissement direct dans l'économie du Québec. On n'a pas la prétention d'être un bien gros moteur économique, mais, je vous dirais, au moins un petit moteur, c'est peut-être souhaitable. Admettons qu'on est hybrides.
M. Pintal (Jean-Yves): Je voudrais juste ajouter un point. On dit: 9 000 sites, c'est énorme. Ce n'est absolument rien, 9 000 sites, parce qu'on a déjà évalué que, normalement, il devrait y avoir 100 millions de sites archéologiques au Québec. On a un infime pourcentage connu. Notre échantillonnage est très, très, très petit. Ça fait 11 000 ans qu'il y a des familles qui vivent au Québec. Donnez-leur un campement par année, on devrait avoir 11 000 sites. Mettez-en quatre familles, on devrait avoir 44 000 sites. Mettez-les par 20 directions régionales, on devrait avoir 800 000 sites. Rajoutez les sites du Régime français, du Régime anglais, les pêcheurs, les Basques, on devrait avoir 100 millions de sites au Québec. On n'en a que 9 000, ce n'est rien.
Donc, il y a un énorme travail à faire sur la caractérisation du territoire. Il y a une diversité culturelle importante qui s'est exprimée au Québec et qui nous échappe encore pour l'instant. C'est quand même 11 000 ans d'occupation. Ce n'est pas n'importe quoi, là.
Mme St-Pierre: Dans le projet de loi... D'ailleurs, c'est très intéressant ce que vous dites. Je vais juste faire une petite parenthèse. Je suis tombée l'autre jour, à la télé, sur une émission sur des... Chasse et Pêche puis ils parlaient d'un parc au Québec où il y a 1 000 lacs, et il n'y a que 100 lacs qui ont déjà été pêchés. Si bien qu'il y avait 900 lacs qui n'avaient jamais été pêchés. Alors, je me disais: Mon Dieu! on est vraiment... Un étranger, qui écoute ça, là, qui regarde ça, un Français, il n'en revient pas, là.
Alors, bon, ça, c'était juste mon anecdote de chasse et pêche, mais, pour revenir à nos moutons, dans la loi, là, on est clairs: on donne vraiment aux municipalités... Parce qu'il y a comme une sorte de confusion que certaines personnes... Soit que c'est voulu qu'on l'installe ou c'est voulu... Parce que je pense que c'est peut-être plus politique, parce que je pense que c'est des personnes très intelligentes, là, qui font cette... qui amènent cette confusion-là entre les pouvoirs qu'on donne aux municipalités... Et on fait une confusion sur... en disant qu'on donne des responsabilités.
Dans le domaine de l'archéologie, moi, je pense, là, qu'on fait, dans ce projet de loi là, quelque chose de fondamental, c'est-à-dire: il y a le pouvoir d'ordonnance, l'article 148, pour qu'une municipalité puisse arrêter, ordonner l'arrêt de travaux s'il y a quelque chose d'archéologique qui est découvert ou, enfin, on soupçonne, ou tout ça.
Ça, j'imagine que vous devez voir ça comme, quand même, un plus parce qu'on n'a pas à attendre que quelqu'un du ministère arrive et dise: Bon, voici, peut-être que. Il y a là une action qui peut se faire sur-le-champ.
**(12 h 50)**Mme Villeneuve (Josée): L'envie des archéologues, ce n'est pas qu'on arrête des travaux.
Mme St-Pierre: Non, non.
Mme Villeneuve (Josée): C'est qu'en fait on trouve les sites avant que des travaux se fassent parce que, justement, on ne veut pas être... Les promoteurs, on veut qu'ils puissent faire leurs travaux, qu'ils fassent leurs choses à eux. Mais sauf qu'actuellement les études de potentiel, souvent, elles sont créées, mais les municipalités ne sont pas obligées de les appliquer, les MRC ne sont pas obligées de les appliquer. Il n'y a personne qui les appliquent obligatoirement.
On a fait... Les archéologues ont fait beaucoup de démarches. Maintenant, il y en a plusieurs qui vont en tenir compte, mais c'est toujours du travail de l'archéologue, finalement, qui travaille puis qui fait comprendre: Bien, écoute, si tu trouves un site, on va arrêter tes travaux. C'est-u ça que tu veux ou est-ce que tu préfères qu'on fasse ça avant puis qu'on te libère de cette contrainte-là? Généralement, ça va fonctionner, mais, dans plusieurs cas, ça ne le fera pas. Et puis là c'est là qu'on se retrouve avec un site qui est découvert de façon fortuite, et là ça crée des problèmes parce que ça arrête les travaux. Ce n'est pas ça, l'idéal. L'idéal, ce n'est pas que la municipalité puisse les arrêter puis, de toute façon, il faut qu'elle commence par les voir.
Mme St-Pierre: Oui, mais, quand même, vous êtes consciente qu'il n'y a pas juste ici que ça arrive. Moi, j'ai vu des articles sur les Jeux olympiques à Athènes où on creusait puis on trouvait des sites archéologiques que... bien, enfin... puis on pense que, tu sais, c'est quand même... l'archéologie est comme présente partout là-bas, là, mais ils en trouvaient quand même de façon fortuite.
Mme Villeneuve (Josée): Des découvertes fortuites, il y en aura toujours, mais ce qu'on dit, c'est qu'on peut présumer des endroits où est-ce qu'il y a plus de potentiel d'y en avoir.
Mme St-Pierre: Oui.
Mme Villeneuve (Josée): Il faudrait miser aussi sur ça.
M. Côté (Marc): Puis, juste un petit mot, ça va être très court. Mais, en fait... Non, sur le principe, vous savez, je trouve ça parfait. Plus le pouvoir est près du citoyen, généralement, plus c'est efficace, là. On s'entend là-dessus. Mais ce qui me fait un peu peur, c'est une municipalité... mettons, une municipalité de 10 000 habitants qui décide d'interrompre les travaux. Le contracteur, lui, son équipe est là, là, avec la machinerie. Qui va être responsable de l'arrêt? Si la municipalité prend la responsabilité d'arrêter les travaux, ça risque d'avoir une incidence économique importante pour la municipalité puis là de générer un affrontement.
Mme St-Pierre: Oui, mais je pense que les municipalités viendraient vous dire qu'elles sont pas mal insultées. C'est comme si vous disiez que la municipalité, elle n'est pas... ce sont des enfants qui n'ont pas de morale, là. Il y a quand même... Les gens des municipalités viendraient nous dire, si on leur disait ce que vous dites là, là: Écoutez, une minute, on est des grandes personnes, puis on est des élus, puis on a quand même une responsabilité morale par rapport à ce qui se passe sur notre territoire. Enfin, il me semble.
M. Pintal (Jean-Yves): Oui. Je voudrais donner un exemple parce qu'effectivement c'est quand même... ça fait longtemps qu'on travaille en milieu municipal, et il y a un très bel exemple dans la région de Québec, sur la Rive-Sud, à Lévis. Bon, c'est une municipalité qui a pris en charge le développement de son territoire, qui fait faire des études de potentiel préalables, qui se sert de l'entente inter... ville et ministère pour faire faire des inventaires archéologiques. Les sites sont trouvés et, selon que le site est sur un terrain privé ou non, bien là, à ce moment-là, le propriétaire privé est amené à payer.
Donc, il y a un protocole qui a été défini avec la ville de Lévis et qui pourrait être facilement appliqué à d'autres municipalités. C'est un protocole qui ne coûte pas très cher, qui ne demande pas beaucoup de personnes, de fonctionnaires, et qui peut être applicable probablement à toutes les municipalités de ce type-là. Donc, je pense que la ville de Lévis a fait beaucoup d'efforts, elle a démontré que c'était opérationnel, et la loi va dans le bon sens. Il faut maintenant aussi montrer à chaque municipalité quels sont les protocoles qu'elles peuvent définir pour chacune.
Mme St-Pierre: O.K.
M. Pintal (Jean-Yves): Et ça, on a déjà des exemples. On commence à les développer, on les a appliqués et, dans le plan d'action qui va suivre la loi, nous espérons que nous serons consultés pour parler de nos plans d'action.
Mme St-Pierre: J'aimerais vous entendre sur quelque chose qui me préoccupe beaucoup. C'est à cause de... Sur la Basse-Côte-Nord, on parle de l'érosion, beaucoup de l'érosion des berges et on nous parle de pillage carrément. Bon, c'est sûr qu'on ne peut pas avoir une police, là, à chaque pouce carré de ce qui peut être trouvé sur le bord d'une place, là, mais comment on pourrait arriver à cette sensibilisation de la population en disant: Si vous trouvez quelque chose, il faut absolument que vous le déclariez et ne pas l'envoyer sur eBay?
Il y a une prise de conscience, mais est-ce qu'une seule campagne publicitaire, une campagne de sensibilisation peut faire le travail? Ou comment on peut développer ce sentiment, d'ailleurs, que la personne peut-être, en elle-même, elle est... Elle a peut-être une tendance à aimer l'archéologie puis de dire: Bien, moi, je me promène... Il semble, on me dit qu'il y a des gens qui se promènent avec des détecteurs de métal puis toutes sortes de patentes pour trouver des choses archéologiques sur les berges...
M. Pintal (Jean-Yves): Bien, je travaille en Basse-Côte-Nord depuis 25 ans. Je suis très sensibilisé. Je vais vous donner un exemple. Quand on est arrivés, en 1984, il y avait beaucoup de pillage de sites archéologiques. Le ministère de la Culture, en collaboration avec la municipalité, a mis un programme de recherche, d'acquisition de connaissances, et le fait qu'il y ait des archéologues régulièrement qui allaient sur le territoire, on a vu une diminution drastique du pillage. En fait, il n'y en avait à peu près plus à la fin. Le projet a cessé, les archéologues se sont retirés, et le pillage a recommencé tranquillement. Donc, il y a une présence des archéologues qui est importante, surtout que ce sont des sites extrêmement importants pour l'histoire du Québec.
Ceci étant dit, actuellement, on essaie de travailler avec un organisme local, Fondation Québec-Labrador, qui, disons, est impliqué dans la protection de l'environnement, qui éduque les enfants pour la protection des oiseaux marins, des mammifères marins et qui est intéressé à prendre le relais aussi au niveau patrimonial. Donc, si le ministère de la Culture pouvait donner un peu plus de responsabilités à des organismes locaux qui connaissent tous les gens, à ce moment-là, c'est entre eux, c'est de plus en plus facile pour les gens de la Basse-Côte-Nord, qui sont quand même un petit peu indépendants... S'ils se parlent entre eux autres, ça va se contrôler beaucoup plus facilement, le pillage. Donc, là, je pense qu'il y a un organisme local qui n'attend qu'à être interpellé par le ministère de la Culture pour intervenir et pour faire de la sensibilité.
M. Côté (Marc): La cueillette d'artefacts sur les sites, surtout les récoltes de plage ou les récoltes dans le milieu, c'est une chose que je connais bien pour l'Abitibi-Témiscamingue. Vous savez, le lac Abitibi, c'est 100 kilomètres de long, une trentaine de kilomètres dans son plus large, et puis c'est un réservoir, donc il y a eu de l'érosion, il y a des endroits où effectivement c'est jonché de matériel archéologique.
Je vous dirais un certain nombre de très courts commentaires. D'abord, il y a deux sortes de personnes qui font du ramassage d'objets archéologiques: il y a les délinquants qu'on pourrait assimiler aux braconniers, que, quoi qu'on fasse, eux ont l'impression qu'ils vont trouver la pyramide du Soleil, ils vont aller vendre ça et vont se mettre riches avec ça. Ces gens-là, ça ne donne pas vraiment beaucoup de faire de l'éducation, il faut être un peu plus coercitif. Mais la grande majorité des gens, c'est des citoyens de bonne volonté qui trouvent des choses, ont l'impression d'aider la science, alors qu'en réalité... Puis ces gens-là sont très faciles... à partir du moment, comme Jean-Yves le disait, où ils sont en contact avec des ressources, peuvent en parler.
Et puis, moi, je vous dirais, là -- ce que je vais dire là n'est pas casher, j'imagine qu'à la limite je suis en porte-à-faux un peu avec l'ancienne loi: Je connaissais des gens qui faisaient de la récolte de plage, mais, pour moi, à titre d'archéologue, dans ma pratique, c'était préférable d'avoir des bons contacts avec ces gens-là parce que, de toute façon, ce qu'ils faisaient comme récolte, c'est des objets qui étaient hors contexte; les sites sont détruits à ces endroits-là. Ça permettait peut-être de sauver quelques objets particulièrement intéressants mais de m'assurer ensuite qu'ils laissent leurs collections à la disponibilité de la science. Les gens qui sont en porte-à-faux ou qui vraiment, là, sont comme je vous dis, qui prennent une pelle puis qui vont passer le tamis pour ramasser des artefacts du régime français, ça, c'est une autre pratique, et ça, c'est pas mal plus dommageable. Ceux-là, il faut être un peu plus vigilant et puis peut-être mettre des moyens un peu plus serrés. Mais, pour les autres, je pense que la discussion, l'incitation a beaucoup plus d'effet que la coercition.
Mme St-Pierre: Alors, moi, je n'ai pas d'autre question. Je ne sais pas si mon collègue en a? Merci beaucoup.
Le Président (M. Ferland): Alors, le député de Charlesbourg.
M. Pigeon: Merci, M. le Président. Bonjour. Vous avez dit qu'Hydro-Québec avait des archéologues à son service, le ministère des Transports aussi, donc on peut présumer que, s'il y a une construction quelque part, il y a, dans l'organisme, déjà là une sensibilisation. Est-ce que vous pouvez nous...
M. Côté (Marc): Oui. Ces organismes-là sont, à mon sens, des premiers de classe pour l'instant, là, à part le ministère de la Culture, bien sûr, qui s'en occupe parce que...
M. Pigeon: Mais est-ce que ça veut...
M. Côté (Marc): ...entendons-nous bien. Mais c'est quand même... On peut les associer à des bons citoyens corporatistes, disons, ils font un bon travail depuis 20 ans.
M. Pigeon: Ils vont s'assurer que, s'ils vont quelque part, ils vont faire une réflexion avant: On passe où puis est-ce qu'il y a un risque d'avoir quelque chose d'intéressant? Mais, quand vous dites qu'il pourrait y avoir 100 millions de sites au Québec, je veux dire, à la limite, ça veut dire que, dès qu'on met le pied quelque part... Bon. Mais, ceci dit, là où je veux en venir, c'est que, donc, si on exclut Hydro-Québec et le ministère des Transports qui font les grands travaux, etc., on doit donc penser aux municipalités, puis les municipalités... Parce que, où il se fait des travaux, à part ça, de construction, etc., c'est beaucoup dans les municipalités et, si je comprends bien, puis vous allez me le confirmer, là, vous souhaiteriez qu'il y ait une plus grande sensibilité des municipalités à la problématique. Si, par exemple, je ne sais pas, moi, à Drummondville, il se construit une usine quelque part ou je ne sais pas quoi, bien vous souhaiteriez qu'il y ait une réflexion de faite avant de la faire puis que peut-être éventuellement ce soit une obligation. Quelle est votre position précise sur ça?
**(13 heures)**M. Pintal (Jean-Yves): Bien, les municipalités sont un des partenaires privés. Mais il ne faut pas oublier que les archéologues, on a été impliqués dans le Plan Nord, dans le développement minier, dans le développement de l'éolienne. Donc, toutes ces grandes modifications qui agissent sur le territoire, on est déjà impliqués. La loi sur l'environnement oblige, surtout en haut du 45e parallèle, là, des études d'impact qui impliquent l'archéologie. Donc, au niveau minier, Plan Nord, éolienne, énergétique, il y a déjà probablement...
Une voix: Les eaux.
M. Pintal (Jean-Yves): Les eaux. Ça prend déjà des archéologues.
Quand on arrive dans le sud du Québec, là, c'est vraiment une question municipale qui est un peu plus difficile, et, comme je vous le dis, là, c'est presque de convaincre... C'est presque un travail de missionnariat de convaincre chaque municipalité de se doter d'un plan d'action. Le ministère de la Culture a un encadrement, doit prendre par la main un peu chaque municipalité. Ce n'est pas parce qu'ils ne le veulent pas, ce n'est pas une mauvaise volonté, mais il y a de l'éducation à faire à cet égard.
Nous, on a développé toutes les techniques et méthodes, on est prêts à intervenir demain dans chaque municipalité, mais il faut qu'elles soient un peu accompagnées afin de se doter de ce versant-là dans l'aménagement de leur territoire.
Il faut bien comprendre que les municipalités souvent n'ont pas les ressources humaines, là, pour encadrer la culture et l'archéologie, le patrimoine. Donc, bien des municipalités ont de la difficulté à trouver un technicien pour s'assurer de la maintenance de leur système d'aqueduc et d'égout, là; quand on arrive avec l'archéologie, le patrimoine, bien, là, écoutez, c'est beaucoup pour eux, là. Donc, il faut... C'est une réalité territoriale dont il faut prendre conscience.
Est-ce que ça serait mieux, à ce moment-là, de s'adresser aux MRC, au conseil régional des élus? Donc, il y a peut-être d'autres instances, à ce moment-là, qui nous permettraient de diluer l'archéologie, dissoudre l'archéologie pour faire... plus bas. Donc, là...
Le Président (M. Ferland): Juste vous rappeler qu'il vous reste environ une minute.
M. Pintal (Jean-Yves): Tout dépendant des régions, il faut s'adapter un petit peu.
M. Pigeon: Alors, ça va. Merci, M. le Président. Merci.
Le Président (M. Ferland): Merci beaucoup. Alors, maintenant, je passerais la parole au groupe d'opposition, au député de Drummond.
M. Blanchet: Si vous me permettez une boutade, si vous êtes impliqués dans le Plan Nord, pouvez-vous m'expliquer c'est quoi?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Blanchet: Cela dit...
Des voix: ...
M. Blanchet: Enfin, quelqu'un qui le sait!
M. Côté (Marc): Disons qu'en tous les cas on serait contents de pouvoir intervenir sur certains dossiers du Plan Nord, entre autres la route 167.
M. Blanchet: On va passer le message. Messieurs, bien, juste une petite note, en passant: moi, je veux bien qu'on parle de «transfert de pouvoir» au lieu de «transfert de responsabilité», et vous comprendrez la confusion possible parce que le chapitre V est intitulé «Transfert de responsabilité», alors, forcément, il y a un potentiel de confusion. Mais je pense qu'on est là pour travailler là-dessus et arriver avec la meilleure hypothèse possible.
J'aime beaucoup l'idée de présence d'archéologues. Moi, je ne suis pas archéologue. J'ai étudié en anthropologie, mais je n'ai pas été dans cette direction précise qui est quand même fascinante. C'est une excellente idée que les ministères en embauchent pour éviter de détruire de potentiels trésors, dont le volume d'ailleurs ne fait que cacher les pièces les plus intéressantes, en général.
Vous avez dit qu'il y avait 44 employeurs d'archéologues au Québec, et je pense avoir échappé, si vous l'avez dit, le nombre d'archéologues professionnels actifs en archéologie. Comme, moi, je ne suis pas actif en anthropologie, là.
M. Côté (Marc): En 2008, il y avait 283 personnes qui ont pratiqué l'archéologie sur une base professionnelle, donc qui ont été engagées et qui ont touché un salaire pour faire de l'archéologie.
M. Blanchet: O.K.
M. Côté (Marc): Mais je vous dirais que les archéologues qui sont de niveau maîtrise et plus, c'est à peu près une centaine de personnes, au Québec.
M. Blanchet: Est-ce que ces gens-là, dans le nombre actuel et avec les ressources dont ils disposent présentement, seraient en mesure d'absorber la tâche qui devrait venir avec ce que la loi suggère? Assez nombreux et avec assez de temps libre pour attaquer cette tâche-là, qui va de la gestion à l'inventaire, à l'identification, à la caractérisation?
M. Côté (Marc): Oui. Bien, je vous dirais qu'il y a beaucoup de jeunes archéologues qui sont extrêmement bien formés mais qui sont comme bloqués par leurs aînés, là. Tu sais, si on leur donnait la chance... s'il y avait un volume, l'accroissement de volume, ces gens-là pourraient prendre un peu plus de place à des échelons supérieurs et répondre à votre question.
M. Blanchet: Donc, outre que c'est votre faute, donc?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Côté (Marc): Malheureusement, je suis un baby-boomer.
M. Blanchet: Donc, il faudrait, pour le faire, embaucher de ces jeunes archéologues là.
M. Côté (Marc): Bien, ils sont déjà embauchés mais ils sont embauchés à des tâches subalternes. Je vous dirais que, si vous allez sur un chantier de fouilles... Moi, j'avais un chantier de fouilles archéologiques pour Hydro-Québec, l'an passé, dans la région de Rouyn-Noranda, j'avais 10 personnes sur le terrain, j'en avais neuf qui avaient une maîtrise. Ils ne dirigeaient pas tous, là.
M. Blanchet: Oui, je comprends. O.K.
M. Côté (Marc): Mais pourquoi m'en priver? Je veux dire, j'ai ces compétences-là, donc je prends évidemment les meilleurs, toujours.
M. Blanchet: Quelle est la présence... Quelle est l'importance de la présence régionale de ces archéologues? Est-ce qu'ils sont de façon permanente implantés? Et est-ce qu'ils... à travers tout le territoire québécois ou ils sont extrêmement concentrés?
M. Côté (Marc): Bien, c'est très variable, puis j'imagine que toutes les régions ne se prêteraient pas nécessairement à un modèle unique. On s'entend, là. Je vois mal un archéologue régional sur la Côte-Nord, par exemple, à cause de la longueur de la... J'imagine, les coûts de déplacement. Ça serait assez... Pour desservir tout le monde, là. Moi, par exemple, je peux parler de ce que je connais. Je peux parler de l'Abitibi-Témiscamingue et du Nord-du-Québec parce que j'ai des mandats avec la conférence régionale des élus, donc le groupe de l'Abitibi-Témiscamingue, mais aussi avec celle de la Conférence régionale des élus de la Baie-James. Donc, j'interviens dans ces deux secteurs-là principalement. Il y a des archéologues ailleurs dans d'autres régions. Il y a des archéologues qui travaillent en Outaouais, par exemple. Peut-être avez-vous entendu parler des travaux qui sont fait au parc Leamy, près de Hull, depuis maintenant une quinzaine d'années. Il y en a un peu partout. À Québec... Puis des villes comme Québec et Montréal aussi, c'est un peu différent parce qu'elles ont les centres universitaires qui peuvent aussi accommoder en partie. Donc, les modèles sont différents. Mais je vous dirais que, de plus en plus, il y a une présence régionale.
M. Pintal (Jean-Yves): Dans le Bas-Saint-Laurent aussi, il y a des communautés autochtones qui ont leurs archéologues. Donc, les Cris ont leurs archéologues, les Inuits aussi. Donc, il y a une représentation générale qui a tendance à s'étendre de plus en plus. L'archéologie est une science en plein essor. On peut penser que, d'ici 10 ans, là, il va y avoir une...
M. Côté (Marc): Une couverture régionale
M. Pintal (Jean-Yves): ...une couverture régionale générale.
M. Blanchet: Imaginons que vienne avec les ressources le désir des municipalités de prendre à bras-le-corps les projets patrimoniaux, y inclus les projets archéologiques, ça susciterait une demande considérable. Est-ce qu'en termes de présence régionale et de nombre on est capables de prendre ça?
M. Côté (Marc): Ah! mon Dieu, c'est un problème que je souhaiterais tellement avoir, là. Mais, au-delà de ça, je vous dirais, moi, je n'ai pas l'impression que ça poserait... ce n'est pas à ce niveau-là que ça poserait des problèmes. D'abord, il faudrait identifier. Vous comprendrez que les demandes ne pourraient pas venir de toutes les municipalités en même temps, là. Il y aurait une forme d'organisation régionale à faire, là, puis ça prendrait une tête de chapitre, là, qui, à l'intérieur d'une région, pourrait piloter le dossier.
À mon sens, par mon expérience, je sais que ça travaille bien avec les conférences, les conférences régionales, ou ce qui s'appelait avant les CRDC, ou peu importe, là. Il y a là déjà une masse de personnes qui réfléchissent sur l'organisation du territoire, puis les partenariats sont à établir ensuite. Et puis il y aura sûrement des municipalités ou des groupes de municipalités, des MRC, qui seront peut-être en avant d'autres parce qu'ils sont plus organisés, ou ce sujet-là les intéresse plus, ou ils ont plus de pression de la part de leurs commettants.
M. Pintal (Jean-Yves): Puis on dirait que les archéologues répondent à tous les mandats qui leur sont confiés, et on en a de plus en plus à chaque année, et nous répondons à de plus en plus de mandats. Il y a des nouvelles firmes qui apparaissent, il y a des firmes qui grossissent. Donc, au niveau privé, nous sommes en mesure de répondre à tous les mandats qui nous sont confiés actuellement. Et il y a une très grande expertise en archéologie au Québec dans le privé, dans la consultation.
M. Blanchet: L'archéologie québécoise met au jour, littéralement bien sûr, un nombre important d'artefacts. Mais ma compréhension est qu'il y en a peu qui sont effectivement présentés au public parce qu'il n'y... Il y a très peu de musées d'archéologie. Le seul musée officiel est celui de la Pointe-à-Callière, puis j'imagine qu'il y a des petites institutions régionales. Est-ce que l'archéologie est sous-représentée dans les musées du Québec en général ou est-ce que c'est harmonieusement intégré à l'ensemble des institutions muséales qui existent à travers le territoire?
M. Pintal (Jean-Yves): Bien, premièrement, il y a beaucoup de musées où l'archéologie est présentée. Le plus gros musée d'archéologie, au Québec, c'est le Musée des civilisations, à Ottawa, fédéral, mais où il y a une très... 10 archéologues qui travaillent là, donc il y a... C'est là qu'est le plus gros musée d'archéologie. Il y a le Musée d'archéologie de Pointe-du-Buisson, qui est spécialisé sur l'archéologie québécoise. On trouve des artefacts au Musée des Sept-Îles aussi, au Musée du Bas-Saint-Laurent...
M. Côté (Marc): Saint-Anicet.
M. Pintal (Jean-Yves): ...à Québec, au Musée de la civilisation, Saint-Anicet. Donc, l'archéologie est assez bien diffusée. Il faut bien comprendre, là, qu'on aimerait bien être les... prendre le... occuper la une de tous les journaux continuellement, mais nous sommes déjà une profession quand même assez marginale, là, dans les priorités gouvernementales. Donc, non, nous, on trouve qu'il y a une bonne présentation.
Ce qui manque, au Québec, en fait, c'est que, nous, là, depuis 30 ans, on a fait évoluer énormément les connaissances sur les l'évolution de toutes les sociétés qui ont occupé le Québec et on manque d'endroits où on peut proposer des synthèses régionales afin que les citoyens puissent lire les résultats de nos travaux d'une façon un petit peu plus vulgarisée. Donc, c'est ce qui manque parce qu'actuellement les gens... Nous, on fait des conférences partout dans les arénas puis les centres de loisirs, puis les gens, à chaque fois, nous demandent: Où est-ce que je peux lire ça? C'est ça que les gens veulent avoir: Où est-ce qu'ils pourraient trouver un volume où on trouve une synthèse des données archéologiques?
Depuis 10 ans, là, l'archéologie québécoise, principalement en ce qui concerne l'histoire amérindienne, s'est transformée totalement. On a pu réécrire totalement l'histoire de l'évolution des sociétés amérindiennes mais on n'a pas d'endroit où on peut diffuser avec un peu d'aide, là, parce que ça prend quand même un peu d'argent, une synthèse nationale ou des synthèses régionales. C'est là, le gros hic par rapport à l'acquisition des connaissances des dernières années.
**(13 h 10)**M. Côté (Marc): Et j'ajouterais, en complémentaire, pour dire que c'est une préoccupation des archéologues, en tout cas, du genre d'archéologues, comme moi, qui travaillons en région. C'est clair que notre action est basée sur le fait que les gens regardent ce qu'on fait et apprécient.
Moi, depuis 10 ans, systématiquement, j'essaie d'avoir un chantier qui est ouvert au public. Puis les gens viennent et reviennent. On a quand même... Des gens, par exemple, du parc national d'Aiguebelle, près de Rouyn-Noranda, nous disent que notre présence là attire des gens qui normalement ne vont pas dans le parc. Ça, c'est important.
Deuxième des choses, il y a des moyens de diffusion: il y a les murs, il y a le béton, il y a les musées, mais il y a des collaborations qu'il faudrait établir. Nous, on en a établi une, en 1995, avec le centre d'exposition de la ville d'Amos et des institutions. On a présenté une exposition qui s'appelait Abitibiwinni: 6 000 ans d'histoire, qui a été à Pointe-à-Callière, qui a été ici, au Musée de la civilisation, à Québec, qui est allée en Belgique, qui est allée un peu partout. Bon, ça, c'est une façon aussi de montrer des artefacts aux gens.
Bon, je comprends... Puis, plus localement, dans mon milieu, j'essaie, à l'intérieur des municipalités où on travaille, d'au moins organiser un petit coin où les gens peuvent voir un peu ça. Puis, on n'est pas avare de notre présence, et puis on n'est pas payés pour ça. On le fait... Je vous dirais, vous avez la chance d'avoir des passionnés devant vous, là, de ce qu'ils font. On ne se prive pas d'aller voir les gens chez eux, c'est important parce que c'est là-dessus qu'est basée... Notre implantation dans les régions est basée sur ça, le fait que les gens nous reconnaissent, puis le goût de venir nous parler. Vous savez, c'est curieux, des fois, on se dit, on parle des artefacts, des objets, nous, on est fascinés par notre sujet d'études, mais ce qui fascine les gens, en plus des objets, c'est les archéologues. Ils veulent avoir la chance de mettre la patte sur un puis de lui poser les questions qu'ils vont pouvoir lui poser enfin.
M. Blanchet: Que vous soyez passionnés est évident. Dites-moi, il y a 9 000 sites, il y en a beaucoup plus, potentiels. Est-ce que, dans le traitement parfois inadéquat qu'on fait de notre territoire, notamment lors des travaux, on échappe beaucoup... Parce qu'il y a des items qui existent en milliers d'exemplaires et qui, éventuellement, ont moins d'importance ou de valeur, sous réserve qu'on puisse les identifier, mais... Est-ce que, par maladresse, on échappe ou on détruit beaucoup d'éléments qui pourraient s'avérer précieux? Est-ce qu'on passe à côté de beaucoup d'éléments importants?
M. Pintal (Jean-Yves): C'est fort probable. C'est fort probable. Écoutez, les villes grandissent, vous savez, la superficie des villes double à chaque 10 ans au Québec. On a eu des croissances phénoménales de certains quartiers. Il y a eu très peu d'archéologie qui a été faite dans ces secteurs-là. Donc, c'est évident qu'on a perdu des connaissances. C'est sûr que, nous, on aimerait beaucoup que les études de potentiel deviennent systématiques pour chaque municipalité, pour tout le territoire québécois. Non seulement c'est un outil qui permet de planifier, mais c'est aussi un outil qui permet de comprendre son territoire et de le mettre en valeur.
Donc, non seulement c'est un outil qui nous permet... qui va permettre à l'archéologue de sauver la ressource, mais la municipalité devrait même en tirer une certaine gloire parce qu'on va lui expliquer toutes les possibilités historiques de son territoire. Donc, je pense que nous en perdons mais nous avons développé des outils qui vont nous permettre d'en perdre de moins en moins. Mais il faut être proactifs envers les municipalités et les inciter, leur faire comprendre que, si vous vous impliquez en archéologie, ce n'est pas un problème, au contraire, c'est une plus-value que vous acquérez sur votre territoire. Donc, c'est dans ce sens-là qu'on essaie de travailler avec eux: être fiers de leur histoire et de leurs richesses artéfactuelles.
Mme Villeneuve (Josée): Sauf que, moi, je dois dire que c'est très difficile dans la couronne nord de Montréal, d'où je proviens. Je crois que le développement immobilier... C'est parce qu'il y a beaucoup de contextes où est-ce que les études d'impact sont obligatoires, mais, si on regarde le développement immobilier, ça ne l'est pas. Et actuellement tout ce qu'il y a sur le bord du fleuve se développe. Et c'est là qu'on peut retrouver énormément de sites. Des villages iroquoiens sont probablement disparus à cause de ça. Et on ne peut pas dire si c'était le plus beau ou non parce qu'il n'est pas découvert. Tu sais, comme il dit, on a sûrement perdu des choses importantes, on en a peut-être perdu qui l'étaient moins, mais on ne le saura pas tant qu'on ne les voit pas. Mais le développement effréné, ça détruit, ça, c'est sûr et certain.
M. Blanchet: Je reviens aux 9 000 sites. Une grande majorité de ces sites sont des sites des premières nations. Et là vous avez mentionné qu'il y avait des communautés qui avaient leurs propres archéologues. Est-ce que vous travaillez en étroite collaboration? Est-ce qu'ils ont un intérêt assez systématique pour leurs propres sites patrimoniaux et le désir de les mettre en valeur par et pour leur propres communautés de façon relativement autonome?
M. Côté (Marc): En Abitibi-Témiscamingue, pour la situation que je connais, les Algonquins, évidemment, ça dépend du degré d'organisation de la communauté. Il y a des communautés actuellement, je ne vous le cacherai pas, vous savez, Richard Desjardins en a fait... l'a montré noir sur blanc, où les priorités ne sont pas nécessairement là pour l'instant.
Maintenant, il y en a d'autres, par contre, où ça va très bien. Moi, je suis... Au début, vous savez... J'en suis au stade où je suis accepté à peu près partout dans les communautés, ceux où ils me connaissent, là, et apprécié. D'ailleurs, je vais vous mentionner quelque chose dont je suis extrêmement fier. Actuellement, il y a un étudiant de l'Université de Montréal à la maîtrise, il s'appelle Claude Kistabish, qui va être probablement le premier diplômé de niveau maîtrise en archéologie au Québec. J'en prends une petite part de responsabilité, en toute humilité.
Mais, dans ces communautés-là, pour l'Abitibi, généralement, Lac-Simon, Pikogan, Kitcisakik, ce sont des communautés où on arrive à travailler assez bien avec eux autres puis qui nous consultent régulièrement. Les autres, entre autres celles du Témiscamingue, un peu plus difficiles pour des raisons d'ordre d'acculturation ou de problèmes sociaux où ce n'était pas nécessairement la priorité numéro un. Quand même, il y a des contacts, ils nous connaissent, on les connaît. Régulièrement, j'ai des demandes d'information sur des choses ou sur une demande de leur donner un coup de main. Ce qu'on fait d'ailleurs gracieusement parce que, dans notre mandat régional, c'est la moindre des choses qu'on fasse ça.
M. Blanchet: Dernière question, pas très sérieuse. On parle toujours: premières nations, régime français, régime anglais. A-t-on progressé sur l'identification de là où était le fameux Vinland, qui serait la démonstration de présence scandinave en Amérique du Nord vers l'an mille?
M. Pintal (Jean-Yves): Bien, écoutez...
M. Blanchet: Parce qu'ils ne savaient pas... il y en a même qui ont dit «vallée du Saint-Laurent» mais ça semble assez improbable.
M. Pintal (Jean-Yves): Bien, c'était probablement Terre-Neuve, c'est là qu'on retrouve le seul site viking.
M. Blanchet: Terre-Neuve, c'est le Markland.
M. Pintal (Jean-Yves): Oui, bien, le Vinland, qui serait peut-être l'île d'Orléans ou... on ne trouve aucune trace. Pour l'instant, à partir de Terre-Neuve jusqu'à Québec, il n'y a aucune trace viking manifeste.
M. Blanchet: Et pourtant le métal était très utilisé.
M. Pintal (Jean-Yves): Mais, par contre, au Labrador, de plus en plus, on réalise... on trouve, dans les sites inuits, des objets en métal qui sont de nature viking et qui semblent indiquer que les contacts entre les Vikings et l'Amérique n'ont pas cessé. Il y a toujours eu une certaine... Et donc l'arrivée de Cartier vers 1534, vous savez... Ce n'était pas nécessairement un territoire inconnu pour eux. Donc, ils ont tout simplement suivi les vieilles traditions vikings, et les Inuits qui transitaient vers le Groenland aussi étaient en contact avec ces Vikings-là. Donc, l'interculturalité dure depuis 1 000 ans en cette grande région du détroit de Belle-Isle, et il y a là une diversité culturelle absolument phénoménale qui mériterait d'être mieux connue.
M. Blanchet: Et le phénomène existe dans l'Ouest mais avec la Chine.
M. Pintal (Jean-Yves): Oui.
M. Blanchet: Fascinant. Bien, je vous remercie beaucoup. Là, on n'est plus dans le travail, là, c'est mon... Merci beaucoup, messieurs.
M. Côté (Marc): Ça me fait plaisir.
Le Président (M. Ferland): Alors, on va suspendre jusqu'à 15 heures. Alors, on va recommencer à 15 heures. Merci.
(Suspension de la séance à 13 h 18)
(Reprise à 15 h 5)
Le Président (M. Ferland): ...débuter maintenant. Nous recevons l'Association des étudiants en sciences historiques et études patrimoniales.
Alors, je vous informe que vous avez 15 minutes pour votre présentation. Après, bien, on va passer à la période de discussion et d'échange. Alors, vous avez la parole. Je vous demanderais de vous nommer et ainsi que les personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît.
Association des étudiantes et étudiants
en sciences historiques et études
patrimoniales (AESHEP)
Mme Lajoie (Marie-Ève): Parfait. Alors, bonjour et merci de nous permettre de nous exprimer sur le projet de loi n° 82, Loi sur le patrimoine culturel. Alors, on est trois étudiants du baccalauréat en sciences historiques et études patrimoniales. Anthony fait partie du comité exécutif, alors que Geneviève et moi faisons partie du comité de programme.
Je vais vous parler brièvement de notre programme pour bien vous situer. Donc, la création de notre programme remonte à 2002 et fait suite à l'une des recommandations du rapport Arpin qui concerne la recherche et la formation dans le domaine du patrimoine. S'inscrivant dans cette volonté de développer le champ d'études du patrimoine culturel, le baccalauréat en sciences historiques et études patrimoniales permet l'étude de disciplines historiques complémentaires telles que l'histoire, l'histoire de l'art, l'archivistique, l'archéologie, l'ethnologie et la muséologie. Donc, c'est assez complet. Le tout vise la compréhension la plus complète, la plus objective possible du patrimoine.
Cette formation est multidisciplinaire et permet aux étudiants d'acquérir des connaissances complémentaires, variées et interreliées, ce qui permet de développer une expertise efficace. Telle que mentionnée dans les orientations de la formation, elle permet une compréhension des enjeux théoriques et pratiques de la consignation, du classement et de l'interprétation des traces culturelles dans une perspective patrimoniale.
Notre cheminement nous porte donc à nous questionner sur l'interdisciplinarité dans la gestion du patrimoine. En tant que futurs acteurs du milieu, nous ressentons la responsabilité de nous prononcer et souhaitons mettre de l'avant notre avis concernant le projet de loi.
En terminant, j'aimerais préciser que notre intervention fait suite à celle de l'Association des étudiants en sciences historiques et études patrimoniales qui s'est prononcée en 2008, lors des consultations pour la révision de la Loi sur les biens culturels.
Mme Senécal (Geneviève): Nous tenons avant tout à souligner notre appui aux principes fondamentaux du projet de loi. Néanmoins, nous désirons exprimer nos appréhensions sur certaines implications que comporte l'adoption de ce projet de loi, plus particulièrement en ce qui concerne le transfert des responsabilités aux municipalités.
Nous croyons que le patrimoine appartient d'abord aux communautés locales, car ce sont elles qui l'ont créé et qui cohabitent avec lui. Par conséquent, le patrimoine doit être reconnu par la population locale, car une reconnaissance strictement juridique n'assure pas sa pérennité. Garder le patrimoine vivant dans sa communauté est, à notre avis, la meilleure des protections.
En ce sens, il apparaît logique que la gestion du patrimoine relève en partie des municipalités. Ces dernières représentent l'autorité élue la plus près des communautés, ce qui leur permet d'adopter une démarche directe et davantage adaptée aux spécificités locales. Les spécialistes seront donc nécessaires à la sensibilisation des municipalités et des populations à la question patrimoniale.
Étant donné les multiples formes que prennent le patrimoine, qu'on pense au patrimoine bâti, aux archives, aux oeuvres d'art, aux artefacts, sans oublier le patrimoine matériel nouvellement intégré dans le projet de loi n° 82, il nous semble évident que la protection de celui-ci passe, entre autres, par des spécialistes issus de différentes disciplines comme l'architecture, l'urbanisme, l'ethnologie, l'histoire, l'histoire de l'art, l'anthropologie, l'archéologie, l'archivistique, la muséologie, pour ne citer que celles-ci.
Cependant, cette variété de visions et d'approches face au patrimoine peut mener à un manque de synergie dans les actions. Déjà, il y a 11 ans, le rapport Arpin soulignait qu'il est nécessaire, et je cite, «d'adopter une vision d'ensemble de la situation en vue de répondre aux besoins du milieu du patrimoine et de ceux et celles qui y travaillent». C'est pourquoi nous tenons à rappeler l'importance du rôle des spécialistes ayant une approche interdisciplinaire, qui met en relation les différentes disciplines touchant le patrimoine. Ceux-ci seront à mieux de saisir les multiples qualités d'un bien qui nécessite ou bénéficie d'une protection.
Prenons, par exemple, une maison ancienne qui aurait été le théâtre d'événements historiques importants. Dans ce cas-ci, ce n'est pas simplement la valeur architecturale de la maison qui importe, mais bien ses valeurs historiques et symboliques. Ce sont donc des spécialistes interdisciplinaires qui seraient en mesure d'évaluer le plein potentiel patrimonial de cette maison.
**(15 h 10)**M. Savard-Goguen (Anthony): On est aussi conscients, comme plusieurs mémoires l'ont déjà souligné avant nous, qu'il y a un manque de ressources non seulement financières auprès des municipalités, mais aussi de ressources humaines, une expertise en matière de patrimoine dans les municipalités. On considère que la notion de conseil local du patrimoine, qui est intégrée dans le projet de loi à la section VI du chapitre V, a un certain potentiel à remédier à la situation si elle est améliorée, donc modifiée.
En fait, à l'article 154 du projet de loi, on indique que, si le comité consultatif d'urbanisme n'est pas constitué, une municipalité peut constituer un conseil local du patrimoine pour exercer les fonctions confiées par la présente loi à un tel conseil. Étant donné que de nombreuses municipalités ont déjà un comité consultatif d'urbanisme, nous, ce qu'on en comprend, c'est qu'il y aura très peu de conseils locaux du patrimoine et que ce sera les comités consultatifs qui vont se charger de leurs responsabilités.
Et maintenant, si on se réfère à l'article 146 de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, on apprend que le comité consultatif d'urbanisme a pour fonction de produire des études, des recommandations, à la demande du conseil municipal, en matière d'urbanisme, de zonage, de lotissement et de construction. Avec de telles fonctions, le comité consultatif d'urbanisme est davantage porté vers le patrimoine bâti, s'il s'intéresse déjà au patrimoine. Donc, on craint que ce genre de comité ne s'intéresse pas aux patrimoines immatériel, mobilier, documentaire, archéologique, qui risquent de passer inaperçus. Selon nous, donc le comité consultatif d'urbanisme, par ses fonctions monodisciplinaires, qui sont ses fonctions actuelles, ne semble pas à même de répondre aux besoins du patrimoine qui, comme ma collègue l'a montré, est interdisciplinaire.
Le comité consultatif d'urbanisme, tout comme le conseil local du patrimoine, n'a aucun pouvoir décisionnel, c'est quelque chose qu'on tient à ramener aussi. Il n'agit qu'à la demande du conseil municipal et il n'est tenu que de produire des avis, de faire des recommandations. Dans le fond, ce comité-là nous semble assez facultatif, et son champ d'intervention est assez limité. Il joue un rôle totalement secondaire dans les prises de décision en matière de patrimoine, ce qui, selon nous, constitue une lacune.
En conclusion, on espère que les spécialistes interdisciplinaires, donc à l'image du patrimoine, seront davantage mis à contribution auprès des municipalités afin de les guider à travers leurs nouvelles responsabilités en termes de protection patrimoniale. Dans ce sens-là, on souhaite, en fait, que la loi, la nouvelle loi définisse précisément la composition des comités en charge du patrimoine dans les municipalités afin qu'ils intègrent des professionnels polyvalents et conscients des enjeux et des variétés du patrimoine.
Les ressources financières des municipalités sont limitées dans la plupart des cas. Ce type de professionnels se révélerait être un atout, selon nous, puisqu'ils sont à même d'agir en fonction de plus d'une discipline et d'aller, si nécessaire, chercher une expertise dans certains domaines précis, si besoin est.
La structure de ces comités serait également, selon nous, à revoir afin de leur accorder un certain poids décisionnel et d'établir une définition peut-être moins souple de leurs fonctions, avoir quelques exigences par rapport à ce qu'on leur attribue comme fonctions. Ces comités ont un potentiel certain pour devenir des acteurs importants en matière de patrimoine local, c'est ce qu'on tenait à souligner aussi aujourd'hui parce que les localités devraient davantage s'impliquer dans la gestion de leur patrimoine afin qu'elles le reconnaissent et se l'approprient, ce qui contribuerait grandement à sa protection.
Le Président (M. Ferland): Alors, merci beaucoup pour votre présentation. Maintenant, je passe la parole à Mme la ministre, s'il vous plaît.
Mme St-Pierre: Merci beaucoup. C'est clair que, si on le demandait à chacune des municipalités, il y a des petites municipalités qui vont venir dire: Bien, nous, même si on avait les ressources financières, dans les petites municipalités, il n'y a peut-être pas de l'ouvrage pour quelqu'un à temps plein. Alors, il faudrait peut-être, dans la logique de ce que vous nous dites, qu'une personne puisse chapeauter plusieurs municipalités ou soit au sein d'une MRC, ou d'une CRE, ou quelque chose du genre, là. Je pense que ça, c'est... Je pense que c'est clair un peu dans votre esprit aussi là.
M. Savard-Goguen (Anthony): Oui, bien, c'est sûr, il y a toujours moyen de... plusieurs municipalités, petites, ensemble, d'être réunies, vu qu'elles habitent la même région, qu'elles occupent le même territoire rapproché, là. Donc, on ne considère pas non plus qu'un comité consultatif est obligatoire pour chaque municipalité du Québec mais simplement peut-être pour un certain groupe de municipalités ou qui ont un territoire commun.
Mme St-Pierre: Je voudrais vous entendre sur la question du poids décisionnel. C'est clair que, vu de notre siège à nous, on sait que les élus sont imputables, alors, lorsqu'une municipalité... ou enfin un élu prend une décision dans les médias, c'est lui qu'on va montrer du doigt. Et évidemment la dernière... le mot de la fin devrait en principe revenir à ceux qui sont les plus imputables, c'est-à-dire ceux qui sont élus, puisque la démocratie peut faire en sorte que, si la population n'est pas contente, bien, elle le manifeste lors des élections. Si on donne trop de poids décisionnel, l'élu, il devient... ça ne devient, passez-moi l'expression, que du «rubber stamp». Alors, il y a comme... enfin quelque chose que, moi, personnellement, j'ai un peu de difficultés. Comme élue, puisque je m'assume, bien, il faut que je m'assume jusqu'au bout. Pourquoi vous voudriez que le poids... qu'il ait un plus grand poids décisionnel?
M. Savard-Goguen (Anthony): Bien, peut-être, c'est plus dans le sens d'être un peu plus autonome aussi parce qu'il n'agit qu'à la demande du conseil municipal, donc il ne peut pas monter ses propres dossiers, sinon les soumettre... Peut-être «poids décisionnel» est un peu trop fort, mais... Ce n'est pas nécessairement d'imposer ses décisions, mais d'avoir... de ne pas être un accessoire, qu'il soit un peu plus autonome pour la question patrimoniale, qu'il n'agisse pas seulement à la demande du conseil municipal qui va seulement lui demander d'obtenir ses recommandations ou ses avis, donc qu'il puisse aller de l'avant, avoir des initiatives, parce que ce qu'on constate dans le projet de loi, c'est qu'il agit seulement sous la demande du conseil municipal, donc les possibilités d'avoir des initiatives sont limitées pour le conseil local du patrimoine ou le comité consultatif d'urbanisme.
Mme St-Pierre: Mais est-ce que les élus... le conseil... enfin, est-ce que les élus municipaux ne vous diraient pas que vous leur donnez... En fait, vous êtes... C'est comme un désaveu par rapport au conseil municipal. Le conseil municipal a à avoir une vision, puis il faut que les demandes... Les commandes qu'il passe, évidemment, c'est en fonction de la vision et des orientations que veut se donner le conseil municipal.
Je comprends ce que vous voulez dire, c'est que vous dites: Bien, il y a peut-être des gens qui sont plus spécialistes que le simple conseiller municipal pour prendre une décision aussi importante qu'une décision qui touche les questions patrimoniales ou ça peut être d'autres types de questions; il y a des spécialistes pour ça. Mais, en même temps, c'est comme ça que notre société est construite et, si vous alliez faire ce discours-là devant des élus municipaux, je ne pense pas qu'ils vous accueilleraient à... qu'ils accueilleraient vos propos en applaudissant, là. Il faut qu'on compose avec le monde municipal, puis on est très conscients qu'on veut qu'il y ait une collaboration également. Et je comprends votre rôle, je comprends ce que vous voulez nous dire. Vous voulez nous dire: Nous, on fait des études poussées dans ces domaines-là, nous sommes les personnes qui sont... nous sommes des professionnels et nous voulons faire valoir nos connaissances. Ça, c'est très clair dans mon esprit, mais c'est un peu difficile aussi de dire aux élus municipaux: Bien, vous n'avez pas suffisamment de compétences pour passer les commandes, les commandes qui seraient les bonnes.
M. Savard-Goguen (Anthony): Bien, en fait, ce n'est pas nécessairement notre message que le conseil municipal n'a pas les compétences entières pour le faire, mais c'est simplement que le comité consultatif ou le conseil local du patrimoine devienne un véritable outil. Étant donné aussi que, dans ce conseil-là ou dans le comité, il y a un élu municipal qui doit y siéger, un conseiller, donc ça vient peut-être légitimer, si on veut, qu'il peut... en fait, le conseiller peut échafauder en fonction du conseil municipal qui est là aussi. Donc, il n'y a pas... ce n'est pas deux blocs qui s'opposent, mais qui doivent travailler ensemble, là, selon nous.
Mme St-Pierre: On a entendu des étudiants de votre discipline, lors de la tournée de consultation, j'imagine que, maintenant, ils sont diplômés, puis ils sont sur le marché du travail, Alors, vous avez pris le relais. Je veux vous féliciter pour vous être penchés sur le projet de loi et d'y avoir donné du temps. Puis vous vous êtes penchés sur le livre vert, et ceux qui étaient là avant vous se sont déplacés pour la commission, la commission de consultation. Puis, je veux le souligner parce que je pense que c'est très, très important, vous êtes les professionnels de demain, vous êtes ceux qui allez prendre la relève, puis vous allez vivre avec notre projet de loi, avec notre loi. Alors, c'est bien, bien, important de vous entendre.
Est-ce que vous avez des commentaires à faire sur les nouvelles notions que nous entrons dans le projet de loi par rapport à l'ancien, qui parlent de patrimoine immatériel et également de paysages. Est-ce que vous vous êtes... vous avez réfléchi là-dessus?
M. Savard-Goguen (Anthony): En fait, oui, c'est sûr, on trouve ça vraiment intéressant, mais on n'ose pas non plus s'approcher... bien, y plonger trop en avant, parce que c'est peut-être des notions... pas qui sont nouvelles, on les voit un peu dans nos... d'une façon théorique, mais ce n'est pas non plus... Le patrimoine immatériel, qui est souvent relié à l'ethnologie, va être moins dans nos disciplines, si on veut, pour notre part, dans notre cheminement. Donc, on a décidé plutôt de s'attarder à quelque chose qui nous concerne plus, puis donc on préfère ne pas non plus... On trouve que c'est vraiment une bonne chose peut-être. Donc, c'est ça, on préfère ne pas trop, trop se plonger dans la question pour l'instant.
Mme St-Pierre: O.K. Donc, vous avez pris... Vous avez fait vraiment le focus sur un aspect qui vous interpelle, qui vous intéresse davantage.
M. Savard-Goguen (Anthony): C'est ça, on a préféré se concentrer sur un seul aspect plutôt que de s'étendre sur différents aspects, au risque de peut-être avoir un argumentaire plutôt faible puis d'étendre... puis de se perdre, en fait, dans notre propos qu'on veut amener.
Mme St-Pierre: Est-ce que vous êtes nombreux dans votre profession?
**(15 h 20)**M. Savard-Goguen (Anthony): Bien, notre association compte 30 membres, une trentaine de membres.
Mme St-Pierre: Et il n'y a que l'Université Laval qui offre cette formation.
M. Savard-Goguen (Anthony): Il n'y a que l'université, oui.
Mme St-Pierre: C'est nouveau?
M. Savard-Goguen (Anthony): Oui, depuis 2002.
Mme St-Pierre: O.K. Alors, M. le Président, je n'ai pas d'autre question. Peut-être qu'il y a un ancien recteur de l'Université Laval qui se meurt d'envie d'en poser une?
Le Président (M. Ferland): Alors merci, Mme la ministre. Je réinviterais le député de Charlesbourg, s'il vous plaît, s'il y avait des questions.
M. Pigeon: Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames, monsieur. Moi, je trouve ça intéressant parce que, quand j'étais recteur, puisque ça a été mentionné, on a beaucoup parlé des bacs intégrés, hein? Il y en a plusieurs à l'université. Ça, si je comprends bien, c'est un des bacs intégrés. Puis j'aimerais justement que vous nous parliez un peu... On a beaucoup parlé de patrimoine mais souvent on parle d'histoire. Tantôt, on parlait d'archéologie, hier on parlait d'archives, alors, pour faire un tableau un peu plus clair de ça, là, vous autres, vous, vous étudiez l'histoire, le patrimoine puis vous nous dites, et vous avez probablement raison, que, dans la vie, il faut avoir une vision un peu large, hein, il faut regarder, comme disait Edgar Morin, hein, les ensembles très grands, là. Comment liez-vous ces deux notions-là? Et comment les séparez-vous? Et comment faites-vous pour dire à une municipalité qui s'inquiète de son patrimoine: Oui, mais il y a aussi les notions d'histoire? Je voudrais un peu, là, que vous m'expliquiez comment ça fonctionne, vous qui êtes les spécialistes.
Mme Senécal (Geneviève): Oui, si je peux me permettre. En fait, ça revient un petit peu à notre structure de bac. Étant un bac intégré, on est un peu libres de choisir nos orientations. On ne fait pas de tout, hein? On ne peut pas faire un bac dans tout, ça ne se peut pas. On a des notions de base dans les six disciplines qu'on a énumérées: histoire, histoire de l'art, archivistique, muséologie, ethnologie, archéologie, puis c'est le patrimoine, c'est le thème patrimonial, qui vient créer le ciment dans toutes ces connaissances-là et par ce qu'on ramasse par-ci, par-là, puis on se trouve toujours à être jumelés avec des gens, par exemple avec le bac en histoire de l'art, avec les gens dans le bac en histoire. Donc, étant donné que, justement, des fois, eux autres, ils ont une espèce de structure de bac justement, chaque cours a une pertinence dans leur cursus, bien, nous autres, pour créer notre pertinence, c'est le thème patrimonial qui vient ramasser toutes les connaissances qu'on acquiert dans ces cours-là.
Donc, ça dépend de chacun. Personnellement, je fais une spécialité en histoire de l'art avec comme un accompagnement d'histoire puis archéologie, mais ça dépend de nos collègues, chacun a ses spécialités.
M. Pigeon: Et comment... Imaginons, là, qu'une personne comme vous est embauchée par une municipalité, à contrat ou autrement, là, pour justement aider, guider la municipalité, guider ceux qui s'occupent d'urbanisme, qui font la réflexion là-dessus. Comment faites-vous le lien, puis en même temps la différence, entre l'histoire et le patrimoine? Puis, si vous avez des décisions à prendre concernant l'implantation de tel édifice dans tel secteur, etc., là, comment voyez-vous jouer, dans le concret, vos connaissances historiques et patrimoniales?
Mme Senécal (Geneviève): Bien, en fait, comme on l'a étudié dans certains de nos cours, le patrimoine se divise en différentes valeurs, puis pour évaluer la valeur d'un bien patrimonial, il faut le voir selon tous ses aspects et valeurs justement, comme je parlais un peu de valeur symbolique, de valeur historique, de valeur architecturale, de valeur...
Une voix: De temps...
Mme Senécal (Geneviève): ...de temps, d'âge, et c'est comme ça qu'on différencie histoire de patrimoine. Parce que patrimoine, c'est plus que l'histoire. Par exemple, un bien peut être très peu âgé, donc on référerait, par exemple, à histoire, mais avoir... être tellement original d'un point de vue de l'histoire de l'art qu'il mérite d'être reconnu. Donc, c'est en maniant toutes ces différentes valeurs là... Puis, nous autres, on a été formés, justement, pour les connaître, puis les reconnaître, puis évaluer, justement, le bien dans son ensemble, de toutes ces petites facettes là qui méritent... qui font en bout de ligne qu'on le sait: Bon, est-ce que ça vaut la peine? Est-ce que ça ne vaut pas la peine? Comment on pourrait travailler avec ça, et tout?
M. Pigeon: Dans d'autres universités, est-ce qu'il y a des bacs en études patrimoniales tout court ou non? C'est vraiment...
Mme Senécal (Geneviève): Non. Premier cycle, pas à ce que je sache, non.
M. Pigeon: C'est vraiment unique.
Mme Senécal (Geneviève): Oui.
M. Pigeon: Alors, je vais vous dire bravo et bonne chance dans vos études puisque... De la part d'un vieux prof, c'est toujours important de dire aux élèves de bien étudier, hein?
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Ferland): Alors, merci, M. le député. Est-ce qu'il y a d'autres questions du côté de... Ça va aller? Alors j'inviterais maintenant le groupe de l'opposition et le député de Drummond.
M. Blanchet: Bien le bonjour, monsieur et mesdames. C'est presque un peu inquiétant: on doit avoir pas mal d'heures de faites parce que Mme la ministre a posé la plupart des questions que j'avais notées. Mais il reste quelques divergences, rassurez-vous, on ne voudrait pas que vous trouviez ça trop plate.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Blanchet: Dans un premier temps, votre simple existence a quelque chose de très rafraîchissant. Il faut une relève pour les questions historiques et patrimoniales. Je n'en parlerai pas trop parce que je vais allumer mon collègue. Dès qu'on parle d'histoire, des fois, on le ramasse debout sur la table.
Vous parlez de formation combinée, d'interdisciplinarité et, ne serait-ce que pour mieux comprendre, mais je vais aller ailleurs par la suite, je veux comprendre davantage la spécificité de ce que vous faites. À quelque part, on a un petit peu de temps, parlez-moi de votre cursus.
Mme Senécal (Geneviève): Personnellement?
M. Blanchet: Bien. C'est parce que je comprends qu'il y a des variations. Je veux comprendre ce que ça vous habilite à faire.
Mme Senécal (Geneviève): Ce que ça m'habilite à faire. Bon, étant en deuxième année, je n'ai pas encore d'expérience de travail...
M. Blanchet: Non, mais à terme, je veux dire.
Mme Senécal (Geneviève): À terme?
M. Blanchet: Oui, oui, oui.
Mme Senécal (Geneviève): À terme, faisant une spécialité en histoire de l'art, particulièrement l'histoire de l'architecture, j'aimerais être en mesure de travailler pour des groupes de protection du patrimoine, donc justement cette espèce d'évaluation là des valeurs de chacun des biens. Bon, j'affectionne particulièrement le patrimoine bâti, donc je suis plus à l'aise d'en parler. C'est ça. Ce que j'aimerais faire, c'est être en mesure d'évaluer justement des dossiers puis, si besoin est, me battre pour la conservation de certains biens.
Sinon, ça va être un petit peu selon les possibilités d'emplois qui s'offrent à moi aussi. Je suis ouverte à tous les milieux. Mais, moi, c'est vraiment ça, ça serait d'être... de gérer des dossiers, de faire de l'évaluation, gestion de projets puis mise en valeur. J'aimerais beaucoup travailler là-dedans. Puis c'est comme ça.
M. Savard-Goguen (Anthony): Peut-être de façon plus générale aussi, notre bac, comme il se développe à la fin de notre baccalauréat, en troisième année, on est amené à faire un projet... bon, le terme exact, je ne me rappelle plus. C'est, dans le fond, un projet d'intégration des disciplines qu'on a étudiées. Donc, c'est un projet qu'on monte avec les trois disciplines que chacun de nous a choisies dans notre formation, dans notre cheminement et on est amenés à travailler avec. Aussi, on a un séminaire spécifique pour nous en patrimoine, donc, c'est avec... Ça se travaille avec deux profs, donc il y a deux sujets combinés ensemble qu'il faudra travailler chacun à notre façon, en fonction de nos disciplines aussi qu'on a, mais ça, c'est en fait... On ne peut pas trop s'avancer là-dessus parce que c'est dans un an pour notre cas.
M. Blanchet: On commence à bien comprendre ce que font les différentes branches de l'anthropologie dans le secteur qui est celui dont on parle. On a tous une assez bonne idée de ce que font les historiens, mais, la partie patrimoniale de votre formation, c'est quel genre de cours?
M. Savard-Goguen (Anthony): Bien, c'est un cours où on va regarder, par exemple, le lien entre mémoire et histoire, qui sont deux choses quand même assez différentes. Aussi, on va avoir un cours sur le patrimoine puis notre rapport avec le passé. C'est vraiment un cours qui est axé non pas sur une discipline historique, mais sur le patrimoine. Donc, ça va venir toucher les disciplines puis c'est là qu'on va chercher notre ciment entre les disciplines.
Ce sont des cours qui justement vont regarder, vont nous apprendre les différentes valeurs du patrimoine, mais aussi comment est-ce qu'une collectivité... Il peut y avoir toutes sortes d'identifications collectives sur un bien ou sur un événement historique aussi. Donc, c'est de cette façon-là qu'on va venir voir le patrimoine sous une autre facette, dans le fond, de notre passé, le patrimoine qui est avant tout un héritage, si on veut, qu'on transmet, qui nous a été transmis. C'est comme ça qu'on le voit.
M. Blanchet: Vous représentez les étudiants qui prennent la même formation que vous. Vous les représentez bien, donc vous dites: Vous savez quoi? Les meilleurs pour faire la job, c'est nous autres. Admettons, je n'ai pas de problème avec ça, mais vous êtes 30. Vous êtes-vous penchés sur l'appel de compétences que pourrait susciter ce projet de loi là et le nombre de gens que ça pourrait demander sur le terrain?
M. Savard-Goguen (Anthony): Il faut dire qu'on ne dit pas spécifiquement d'engager des étudiants au baccalauréat intégré en sciences historiques et études patrimoniales.
M. Blanchet: Non, non.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Savard-Goguen (Anthony): En fait, on prône plutôt l'interdisciplinarité puis des formations interdisciplinaires. S'il y en a d'autres, tant mieux pour les gens qui les suivent. Aussi, s'il s'en développe justement, sans que ce soit nécessairement à l'université, tant mieux, c'est ce qu'on prône. On ne prône pas d'engager tous les étudiants du baccalauréat, mais c'est plutôt... Disons qu'on prône une vision interdisciplinaire du patrimoine.
M. Blanchet: Une dernière question un petit peu plus pointue...
Mme Senécal (Geneviève): ...
M. Blanchet: Ah! Allez-y, madame. Excusez-moi.
**(15 h 30)**Mme Senécal (Geneviève): Puis, si je peux me permettre, aussi notre présence aujourd'hui est un petit peu aussi pour faire rayonner notre bac, le faire connaître du milieu puis, si, par hasard, on peut le faire connaître à d'autres étudiants, tant mieux, pour augmenter l'achalandage.
M. Blanchet: Bravo!
Mme Senécal (Geneviève): Il est tout nouveau, c'est normal que ça soit en développement. Mais on observe une légère croissance dans la fréquentation de notre bac. Donc, c'est aussi un petit peu la raison de notre intervention aujourd'hui.
Mme Lajoie (Marie-Ève): Si je peux me permettre aussi?
M. Blanchet: Fort bien. Donc, pour en revenir à l'aspect...
Des voix: ...
Mme Lajoie (Marie-Ève): Si je peux me permettre? Bien, écoutez...
M. Blanchet: Ah! Bien, allons-y, allons-y.
Mme Lajoie (Marie-Ève): En fait, si la demande augmente par rapport aux spécialistes du patrimoine, il faudrait aussi qu'il y ait une... la formation soit en conséquence, donc peut-être augmenter l'offre de formation dans le domaine en suivant la volonté peut-être du rapport Arpin, comme je disais, de développer la recherche et la formation dans le domaine patrimonial. Donc, peut-être qu'une plus forte demande va entraîner une plus forte offre.
M. Blanchet: Souhaitons-le.
Mme Lajoie (Marie-Ève): Oui, absolument.
M. Blanchet: Donc, dans une perspective plus législative, mais ce n'est pas... c'est assez peu de choses, vous souhaitez davantage d'autonomie. Et, comme Mme la ministre le soulignait évidemment, ça pourrait heurter des susceptibilités. Et il est exact qu'à terme l'élu prend la responsabilité, le mérite, le blâme des gestes des gens qu'il embauche directement ou indirectement.
Mais je comprends aussi votre préoccupation, et elle demeure pertinente parce que, sur le nombre de municipalités qu'il y a au Québec -- et l'actualité récente a été révélatrice à cet égard-là -- il y en a qui sont un peu plus chics que d'autres, il y en a qui sont un peu plus haut de gamme que d'autres et il y en a qui méritent d'être un peu plus surveillées que d'autres. Et, si on fait le raisonnement, on se dit: O.K., ce n'est pas obligatoire, ce n'est pas un transfert de responsabilité, c'est un transfert de pouvoir, les municipalités ont le choix de les prendre ou de ne pas les prendre, s'il n'y a pas de ressources financières, il y en a un bon nombre qui ne les prendront pas. Lorsque les enjeux vont se présenter, les municipalités vont être encore davantage sujettes à des pressions de développeurs privés qui vont dire: Achalez-moi pas avec votre patrimoine. Dans cet esprit-là, que la municipalité, sans donner plus d'autonomie ou sans abdiquer ses responsabilités, soit davantage encadrée me semble quand même souhaitable, et, sur le nombre, il y en a qui sont moins valables.
Est-ce qu'un resserrement significatif des mandats et des obligations qui incomberaient aux municipalités, ou au CCU, ou au CLP vous apparaît une alternative valable pour éviter les excès que l'autonomie vous aurait donné comme résultat?
M. Savard-Goguen (Anthony): Eh bien, en fait, ce que vous voulez dire, si on... avoir plus d'exigences par rapport...
M. Blanchet: Oui. Si on ne peut pas...
M. Savard-Goguen (Anthony): ...ou mieux encadrer?
M. Blanchet: Si on ne peut pas donner plus d'autonomie, comme vous sembliez le souhaiter...
M. Savard-Goguen (Anthony): Oui.
M. Blanchet: ...est-ce qu'une alternative valable pourrait être d'encadrer de façon beaucoup plus sévère la latitude des municipalités?
M. Savard-Goguen (Anthony): Oui. Bien, je pense que c'est aussi ce qu'on croit, là: si ce n'est pas possible, bien, justement d'avoir un cadre plus strict, moins souple qui pourrait forcer un peu les municipalités à se questionner sur leur patrimoine ou à agir puis à le gérer.
M. Blanchet: Pour moi, c'est beau.
Le Président (M. Ferland): Ça va, M. le député de Drummond. Alors, je passe la parole maintenant au député de Sainte-Marie--Saint-Jacques.
M. Lemay: Merci, M. le Président. Alors, bonjour, Nous sommes très heureux de vous voir aujourd'hui.
Bravo! Vous êtes -- peut-être que je me trompe, là -- il me semble que vous êtes le deuxième organisme rattaché à une université. Alors, on est en consultation depuis janvier, si on enlève trois semaines, vous êtes la deuxième. Alors, bravo! Vous montrez l'exemple aux aînés en ce qui concerne l'histoire et le patrimoine, les aînés de vos départements qui, eux, semble-t-il, ne semblent pas s'intéresser à ces questions.
Peut-être que je vous donnerais un petit conseil: Rajouter, si vous pensez que vous avez un avenir dans ce domaine-là, et je pense que nous sommes d'accord avec vous... peut-être rajouter l'urbanisme dans votre polyvalence parce qu'une ville ça respire, ça évolue, ça se développe selon des contextes précis, et, si on veut intervenir et donner des conseils dans une ville, il faut en connaître justement cette évolution-là, et l'urbanisme est le bon... donne les bons outils de compréhension à cet égard-là. Tout simplement une petite parenthèse.
Moi, je n'aurai qu'une question. Vous dites que vous êtes d'accord avec le fait de donner aux villes... Les villes elles-mêmes sont venues nous dire que, dans l'état actuel des choses, elles ne sont pas sûres d'avoir... les gens autour d'eux, avoir la compétence, et tout ça, et surtout pas les moyens, là. Et on aura le débat en temps et lieu. Mais comment voyez-vous... Au-delà de ça, qui est un débat fondamental, quand même, mais, au-delà de ça, comment voyez-vous l'équilibre entre une ministre de la Culture et son ministère, qui a un rôle moteur à jouer au Québec de protection, de mise en valeur, et le rôle des villes qui ont aussi ce rôle-là de mise en valeur et de protection de leur propre patrimoine?
Je vais donner un exemple. La maison de Louis-Joseph Papineau, je ne pense pas que ça soit un dossier local. C'est un dossier d'envergure nationale. Il faut que ça soit la ministre et son ministère qui interviennent. Ce n'est pas déprécier un individu ou une histoire en disant que, dans une ville, peut-être qu'il y a une maison qui, effectivement, est plus de ressort local.
Comment vous voyez l'articulation entre ces deux pouvoirs-là qui peuvent aussi s'entrechoquer, qui peuvent... je ne dirais pas se nuire, mais à tout le moins il peut arriver à un moment donné que les choses s'entendent... que les deux organisations ne s'entendent pas. Les villes, à ma connaissance, jusqu'à maintenant, peuvent citer, puis ça donne des réserves, mais jamais comme un classement qui vient du ministère. Donc, comment vous voyez cette espèce d'équilibre entre les deux, là? Je ne sais pas si vous y avez réfléchi. Parce qu'avant de donner ça aux villes il faut s'assurer que le ministère puisse continuer à faire son travail.
M. Savard-Goguen (Anthony): Mais c'est justement ce qui serait important dans notre détermination du patrimoine, savoir si le bien en tant que tel, c'est un bien national, comme vous avez peut-être mentionné avec la maison de Louis-Joseph Papineau, qui est un bien national qui a, en fait, vraiment une importance au niveau de la province. Il y a des biens qui vont être beaucoup plus importants au niveau de la localité et, pour la localité d'à côté, n'aura aucune importance au niveau identitaire ou quoi que ce soit. Donc, c'est peut-être ça, justement, à réfléchir sur l'essence du bien patrimonial, là, qui est en question.
C'est sûr que, nécessairement, il y aura une confrontation sur quelques biens, mais... Peut-être qu'il peut en sortir quelque chose. C'est sûr qu'on ne peut pas s'en sortir dans... Personnellement, je crois que c'est sûr qu'à un moment donné il y aura une confrontation pour un sujet quelconque, là, mais il y aura place à un débat ou...
M. Lemay: L'idée n'est pas d'éviter les confrontations, il y en aura toujours, hein, dans ces domaines-là: entre les spécialistes eux-mêmes, entre les élus et les spécialistes, entre le gouvernement et... Il y en aura toujours, mais, à un moment donné, quelqu'un doit décider, quelqu'un doit décider: Cet édifice-là, ce personnage-là, ce bien immatériel là est, selon nous, patrimonial, et prendre les mesures en conséquence.
En tout cas, on aura des questions au fur et à mesure des travaux, mais je vous soumets ça comme réflexion, parce qu'à un moment donné quelqu'un doit décider, et on ne doit plus avoir la capacité de revenir, là. Et qui est en mesure de décider? Qui est en mesure d'offrir des meilleures protections? Qui est en mesure aussi d'offrir la meilleure expertise pour justement faire ce choix-là, hein? Donc, c'est... En collaborant avec les villes, on ouvre peut-être des zones grises, là. Alors, je vous soumets ça pour votre réflexion. Bien, merci d'avoir été là. C'est bien apprécié. En tout cas...
Le Président (M. Ferland): Alors, je comprends qu'il n'y a plus de questions? Alors, je vous remercie. J'inviterais maintenant les représentants du groupe suivant à prendre quelques places.
Je suspends donc quelques minutes.
(Suspension de la séance à 15 h 39)
(Reprise à 15 h 40)
Le Président (M. Ferland): Alors, j'inviterais les gens à prendre place, on serait prêts à... On reçoit maintenant les représentants de Fédération Histoire Québec. Bienvenue. Alors, j'invite le porte-parole à s'identifier ainsi qu'à présenter les personnes qui vous accompagnent.
Fédération des sociétés d'histoire du
Québec (Fédération Histoire Québec)
M. Bégin (Richard M.): Oui, bonjour. Merci d'avoir accepté de nous écouter. Je suis Richard Bégin. Je suis le président de la Fédération Histoire Québec. À mes côtés, Paul Béland, qui est le directeur général, et Clément Locat, qui est le président de notre Comité du patrimoine au sein de la Fédération Histoire Québec.
Alors, j'espère que vous connaissez déjà la fédération, mais je vais vous la décrire brièvement. On est un regroupement maintenant de quelque 250 organismes à travers le Québec et on a même fait une percée en Ontario, des organismes qui oeuvrent dans le domaine de l'histoire du patrimoine, de la généalogie, de l'ethnologie, l'archivistique. En fait, on couvre à peu près tous les angles. Donc, cette loi-ci nous rejoint particulièrement. Il y a certains de nos membres qui sont déjà passés devant votre commission et je peux vous dire qu'on appuie leur mémoire, entre autres Héritage Montréal, qui est un organisme majeur, comme vous le savez. Et, ce matin, vous avez entendu le Québec anglo Heritage Network, qui lui-même regroupe une cinquantaine d'organismes qui, indirectement, font partie aussi de notre fédération.
Alors, sans vous relire tout notre mémoire, je vais peut-être me pencher sur les points qui nous semblent les plus saillants. D'abord, on est très heureux qu'il y ait enfin sur la table un projet de loi qui vise à améliorer la Loi sur les biens culturels du Québec. Au cours des 11 ou 12 dernières années, on a soumis divers mémoires depuis... lors de la commission Arpin, et, après la commission Arpin, le mémoire sur le patrimoine religieux, notre mémoire de 2008. Alors, on espère... Comme vous pouvez vous en douter, c'est une grande préoccupation pour nous, avec tous les organismes qui relèvent de nous et qui nous rapportent toutes sortes de cas dramatiques à travers le Québec. Alors, on espère que nos commentaires vont contribuer à bonifier de façon significative ce projet de loi qui est, à notre point de vue, malgré d'évidentes bonnes intentions ainsi que diverses améliorations au plan des principes et de certaines procédures... ne nous semble pas une avancée qui serait à la mesure des défis actuels.
Alors, on va d'abord parler des projets, là, qui ne sont quand même pas négligeables: l'inclusion du paysage, du patrimoine immatériel, la notion de plan de conservation ainsi que la possibilité pour le Conseil du patrimoine de tenir des consultations similaires à celles du BAPE. Tout ça, c'est sans contredit des progrès importants auxquels nous adhérons. On est également heureux de constater que l'article 3 du projet de loi stipule que plusieurs de ces dispositions lient le gouvernement, ses ministères et les organismes mandataires de l'État. Cependant, alors que le livre vert évoquait la possibilité de mettre sur pied un conseil interministériel, le projet de loi, lui, n'y fait pas référence, contrairement à la Loi sur le développement durable qui avait institué ce genre de structure qui nous semblait très intéressante.
Alors, notre principale préoccupation, c'est vraiment au niveau de la délégation de pouvoirs additionnels aux municipalités. Bien, d'abord, il n'est pas clair que la désignation qui sera attribuée -- ce ne l'était déjà pas avant, là, mais, dans la nouvelle loi, ce ne l'est pas davantage -- par une municipalité aurait autant de force que celle qui l'est -- ou qui sont attribuées -- par le gouvernement du Québec. Mais là où on accroche le plus, c'est que... En dépit du fait que les municipalités soient plus près des objets visés par le concept de patrimoine culturel, la fédération s'oppose pour le moment à un transfert de responsabilité accrue aux municipalités dans ce domaine. En effet, suite à la délégation de pouvoir de 1985-1986, il ressort que, malgré les désignations plus nombreuses, la préservation du patrimoine a, de façon générale, été mal assurée par les municipalités. D'une part, les municipalités sont mal équipées financièrement et professionnellement -- je pense que je ne suis pas le premier à le dire, là, ça a été mentionné à plusieurs reprises -- pour faire face aux défis de préservation et de mise en valeur du patrimoine. Elles n'ont pas vraiment démontré jusqu'ici, à quelques rares exceptions près, qu'elles pouvaient assumer cette responsabilité de façon adéquate et soutenue dans le temps. Elles sont surtout beaucoup trop près des promoteurs pour ne pas subir, tant au niveau des élus que des fonctionnaires, des pressions indues au profit du développement et au détriment du patrimoine.
Il nous semble aussi que le projet de loi actuel ne donne pas assez de poids au pouvoir d'intervention et de contrôle du gouvernement du Québec en général, et du ministère de la Culture en particulier.
Alors, nous croyons également que le législateur devrait miser sur les synergies possibles au niveau municipal. Songeons, par exemple, à des mécanismes qui favoriseraient des échanges plus étroits entre les services de la culture et ceux d'urbanisme en matière de patrimoine, entre les comités consultatifs d'urbanisme et les commissions culturelles.
À propos des conseils locaux du patrimoine, c'est une idée qui est intéressante au point de départ, et ça rejoint, d'une certaine manière, nos recommandations précédentes. Par contre, on a des préoccupations là aussi, surtout à cause de la composition, du financement et de l'autonomie de fonctionnement de ces conseils, surtout quand on lit que ces conseils locaux du patrimoine pourraient très bien être les comités consultatifs d'urbanisme. Et je parle en connaissance de cause pour avoir siégé pendant 10 ans sur les comités consultatifs d'urbanisme.
Il faudrait que la représentation du milieu patrimonial, sociétés d'histoire, de généalogie, etc., au sein des comités consultatifs d'urbanisme et des conseils locaux du patrimoine deviennent une exigence. Il serait essentiel que chaque comité consultatif d'urbanisme ait en son sein un représentant crédible et acceptable du milieu patrimonial et culturel, que l'ensemble des membres des CCU, des conseils locaux du patrimoine, ainsi que le personnel rattaché à ces instances reçoivent une formation adéquate en matière de patrimoine, et enfin que les municipalités et les municipalités régionales de comté, selon le cas, devraient se doter de personnel qualifié et spécialisé en patrimoine, notamment d'architectes, d'archivistes et d'urbanistes spécialisés dans ce domaine.
La question de l'exemplarité de l'État est naturellement essentielle. Si l'État du Québec ne donne pas l'exemple ou même les municipalités ne donnent pas l'exemple, c'est assez difficile de convaincre les promoteurs individuels d'agir dans le sens de la préservation du patrimoine ou même de l'entretien du patrimoine.
Les aires de protection, qui est un autre point. La nouvelle loi... le nouveau projet de loi prévoit une aire de protection maximale de 152 mètres. Or, dans la pratique, il nous semble que, dans bien des cas, ça devrait être plutôt un minimum, qui devrait être l'aire de protection, compte tenu des ajustements nécessaires raisonnables. L'aire de protection est, en effet, vitale. À partir du moment où un édifice patrimonial est littéralement encerclé de stationnements, de tours en hauteur, de centres d'achats et d'autres constructions modernes, ses chances de survie à long terme sont pratiquement nulles, surtout si un prometteur immobilier s'en porte acquéreur et le laisse se détériorer en le laissant vacant.
La protection de l'intérieur des bâtiments, ça, c'était une notion qui est intéressante, pour laquelle on se battait depuis longtemps. Alors, le projet de loi suggère qu'on puisse également citer l'intérieur d'un bâtiment, ce qui, au niveau municipal, constituait une grande faiblesse de l'ancienne loi. Toutefois, au lieu de simplement offrir cette possibilité, il aurait mieux valu de citer automatiquement et en bloc l'intérieur et l'extérieur d'un bâtiment, à moins qu'on ne démontre clairement, suite à une analyse appropriée et professionnelle, qu'il serait mal venu de citer l'intérieur s'il a perdu ses caractéristiques historiques et patrimoniales fondamentales et uniques.
Alors, il faudra qu'on prenne les dispositions nécessaires désormais pour préserver non seulement l'intérieur, mais également l'environnement naturel et bâti de façon à permettre une mise en valeur du patrimoine et une transition plus pertinente entre les édifices anciens et les nouvelles constructions, que l'on ajuste aussi le code du bâtiment, si nécessaire, et que l'on forme adéquatement les inspecteurs en bâtiment pour que ce code ne devienne pas une menace au patrimoine, notamment pour l'intérieur des bâtiments. Je pourrais vous citer plein de cas où des escaliers qui dataient de 100 ans ont été enlevés justement à cause d'une interprétation étroite du code du bâtiment.
Un autre point: que les subventions aux municipalités soient fonction de leur performance véritable en matière de préservation et de mise en valeur du patrimoine.
Un point qui est intéressant dans le projet de loi, c'est l'introduction de la notion de patrimoine immatériel, alors, ça aussi, on le souhaitait.
Maintenant, les rôles et responsabilité des différents intervenants. Le projet de loi ne parle pas tellement -- en fait, il ne parle pas du tout -- du rôle des différents intervenants en matière de préservation et des mises en valeur du patrimoine. C'était la recommandation numéro neuf de notre mémoire de 2008, de sorte que vraisemblablement la nouvelle loi fera en sorte que le patrimoine deviendra essentiellement l'affaire de fonctionnaires municipaux et provinciaux, sinon des juges. Rien ne prévoit d'impliquer la population dans ce dossier pourtant majeur pour l'identité collective des Québécois.
**(15 h 50)** Alors, comme en 2008, nous attirons l'attention des législateurs sur l'extrême importance de sensibiliser l'ensemble de la population à la valeur et à la richesse du patrimoine commun, à l'inciter de manière concrète à s'impliquer en établissant des liens, des échanges plus étroits, comme je l'ai mentionné plus tôt, entre les services de culture et d'urbanisme et de même que les services, en établissant une concertation et un contrôle plus efficaces au sein de l'appareil gouvernemental, mais également avec les milieux municipal, scolaire et hospitalier, les sociétés d'État, etc.
Dans les directions régionales du ministère de la Culture, il devrait y avoir du personnel approprié, dédié et spécialisé en matière de patrimoine. Et il serait bon aussi de mettre en place, à Québec et à Montréal notamment, des équipes de spécialistes et de professionnels en patrimoine: architectes, urbanistes, archivistes, historiens de l'art, muséologues et archéologues qui pourraient appuyer les agents de patrimoine régionaux, mais aussi se déplacer au besoin comme équipe volante pour guider les municipalités et autres intervenants dans le domaine du patrimoine, ainsi que faire de la recherche et élaborer des guides divers.
Il faudrait aussi harmoniser les diverses lois qui affectent de près ou de loin le patrimoine culturel, de façon à s'assurer qu'elles convergent dans la même direction et simplifient le processus d'obtention de permis de citation, de classement ou d'acquisition, sans oublier les aspects reliés aux poursuites légales, au lieu de créer des obstacles inutiles qui envoient le message que la préservation du patrimoine est une source d'ennuis, de délais et de complications en plus d'être coûteuse.
J'ai mentionné plus tôt qu'il serait, comme pour la Loi sur le développement durable, bon que l'ensemble de l'appareil gouvernemental travaille étroitement ensemble. Et ça, dans notre esprit, ça inclut les écoles, les collèges, les universités, les commissions scolaires, les centres hospitaliers et autres institutions rattachées directement ou indirectement au gouvernement québécois, ce qui inclut les sociétés d'État.
On serait en droit de s'attendre à ce que tous les intervenants locaux et régionaux, qu'il s'agisse de municipalités ou de sociétés d'histoire ou de patrimoine, puissent avoir un point de contact aisément identifiable qui soit en mesure de leur donner rapidement l'information de base et, au besoin, les guider vers les spécialistes. Un des éléments les plus frustrants et démotivants dans un domaine comme le patrimoine pour un promoteur, un propriétaire ou un simple bénévole, c'est plus souvent qu'autrement la recherche d'informations et la lenteur du processus.
Au niveau des mesures financières, il serait essentiel de mettre en place des véritables incitatifs fiscaux plutôt que des réductions de taxes et établir des pénalités sévères et exemplaires, y compris la reconstruction d'un édifice patrimonial qu'on aurait laissé se détériorer ou qu'on aurait démoli volontairement.
Et, parlant de pénalités, c'est sûr que la nouvelle loi, au niveau des sanctions, prévoit des sanctions plus élevées, allant jusqu'à 200 000 $. Mais vous conviendrez avec moi que 200 000 $, c'est le prix de... ce n'est même pas le prix d'un condo. Alors, pour un promoteur qui veut construire une tour, ça ne pèse pas lourd dans la balance. Et, si on reste à 200 000 $ sans indexation, avec le temps, ça ne voudra absolument rien dire. Et il nous a semblé aussi, au niveau des sanctions, que plusieurs articles du projet de loi pourraient servir à étirer indûment le processus de classement et celui de poursuite, voire même à réduire le pouvoir d'intervention du ministre ou de la ministre.
Et le dernier point, c'est les ressources à la disposition des organismes du milieu puis leur rôle. Dans la plupart des cas, la protection du patrimoine dépend de la sensibilisation de la population au niveau local et de la mobilisation des collectivités pour la protection et la mise en valeur de ce patrimoine sous toutes ses formes. Or, tout ce travail repose en très grande part sur le bénévolat. Trop rares sont les associations locales dédiées au patrimoine culturel qui reçoivent des pouvoirs publics un appui financier adéquat et récurrent. Nous sommes convaincus qu'une loi sur le patrimoine, aussi parfaite soit-elle, ne pourra avoir d'effets tangibles que si elle est assortie de mesures qui feront en sorte que les organismes qui, comme les associations membres de la Fédération Histoire Québec, défendent, conservent, protègent et mettent en valeur le patrimoine soient adéquatement soutenus d'une façon qui leur assure non seulement un financement de base adéquat et récurrent, mais aussi l'indépendance et l'autonomie nécessaires à la poursuite de leur mission.
Le Président (M. Ferland): ...une minute pour conclure, M. Bégin.
M. Bégin (Richard M.): Ça va. Les pouvoirs publics devraient reconnaître cette contribution, en tenir compte et faire du milieu associatif son partenaire privilégié, s'assurer qu'il soit subventionné adéquatement, assurer son indépendance face aux pressions politiques, prendre les mesures nécessaires pour mettre un terme aux poursuites abusives de type bâillon intentées par certains promoteurs et veiller à rapprocher le secteur de l'éducation des sociétés d'histoire ou de patrimoine et musées locaux.
Alors, en conclusion, à vrai dire, compte tenu des éléments négatifs que nous avons relevés précédemment, et dont le plus inquiétant est certainement une plus grande délégation de pouvoirs aux municipalités, à leurs services d'urbanisme et à leurs comités consultatifs d'urbanisme, compte tenu des nombreux articles qui semblent complexifier davantage le processus sur un plan juridique et risquent même de bâillonner les principaux défenseurs du patrimoine dans notre société et compte tenu, enfin, des sanctions insuffisantes et des incitatifs inadéquats, il nous apparaîtrait plus prudent pour l'instant de conserver la loi actuelle et de l'appliquer plus vigoureusement, tout au moins en attendant une version améliorée du projet de loi n° 82.
Le Président (M. Ferland): M. Bégin, malheureusement le temps...
M. Bégin (Richard M.): Ça va, j'ai fini.
Le Président (M. Ferland): Mais vous aurez la chance d'échanger. Alors, maintenant, j'invite Mme la ministre à prendre la parole.
Mme St-Pierre: Merci beaucoup. Merci de suivre nos travaux avec beaucoup de rigueur et de volonté de... par votre action par rapport à la question du patrimoine puis l'histoire du Québec, parce que vous avez été très présent lors du livre vert, parce que je me souviens très bien lorsque vous avez fait votre présentation. D'ailleurs, on a... Dans le mémoire, on nous a ajouté également le mémoire que vous aviez fait à ce moment-là. Je ne sais pas si c'est vous qui avez eu l'idée de le faire, de l'ajouter à votre mémoire, mais c'est une bonne idée.
Mais cependant vous concluez en nous demandant... Vous ne prononcez pas le mot, mais c'est le mot «moratoire», là, un peu que vous nous suggérez, c'est-à-dire on suspend nos travaux et on retourne à la planche à dessin, alors que, moi, je pense qu'il est temps d'avoir une nouvelle loi sur les biens culturels... enfin, une nouvelle loi sur le patrimoine culturel, parce que ça fait tellement longtemps qu'on en parle, et, bien sûr, s'il faut bonifier certains articles, on est très, très ouverts. Mais de suspendre nos travaux, retourner écrire, revenir, recommencer... je ne partage pas votre idée, parce qu'on est proches du but. Oui, peut-être qu'il y a besoin... il y a des bonifications à faire, puis on vous entend là-dessus, parce que vous êtes des gens vraiment des... qui s'intéressent à cette question-là de façon très pointue.
Une correction, tout d'abord, par rapport à ce que vous avez dit, par rapport aux amendes. L'article 205 parle d'amendes qui pourraient aller jusqu'à 1 140 000 $. Alors, ce n'est pas 200 000 $, c'est 1 140 000 $ pour ce qui est des amendes. Alors, ce n'est pas... Je voulais juste corriger le chiffre que vous avez donné, parce que c'est beaucoup plus élevé que cela.
J'aimerais aussi parler de la loi, qui a été modifiée en 1985 pour reconnaître des pouvoirs aux municipalités. Il y a eu 267 municipalités sur environ 1 100 qui ont cité 597 monuments historiques et constitué 176 sites du patrimoine pour un total de 773. Peut-être que la gestion n'est pas tout à fait à 100 %, mais il y a quand même... Et on a des beaux exemples: Lévis, par exemple, qui a fait un projet qui a été un projet... qui a été le premier, c'est-à-dire, avec le Fonds du patrimoine culturel et l'apport de la ville de Lévis pour la restauration des bâtiments... donner aux propriétaires des incitatifs. Il y a un très bel exemple. Je suis allée récemment à Trois-Rivières. Aussi, un très bel exemple. Avec Trois-Rivières, on a fait un inventaire également.
Alors. je pense qu'il y a beaucoup, beaucoup de choses... Puis vous avez un certain âge, là. Je ne veux pas dire que vous êtes vieux, vous avez un certain âge, je pense qu'on est de la même génération, et, moi, ce que j'ai vécu dans les années soixante-dix puis le travail qui a été fait, puis la prise de conscience qui a été faite au Québec dans les années soixante-dix, quand on voyait que tout était... tout le monde jetait tout à terre puis on vendait nos antiquités aux Américains, ça... Il y a eu une prise de conscience très forte et on a travaillé très fort. Je pense qu'il y a des gains qui ont été faits. Tout n'est pas parfait, j'en suis très, très consciente.
J'aimerais que vous nous parliez -- j'arrive à mes questions -- de l'expérience... Vous avez parlé de l'expérience que vous avez personnellement vécue sur un comité consultatif d'urbanisme. Je ne veux pas que vous donniez de nom, là, mais, si vous voulez le faire, soyez libre. Quelle a été votre expérience, justement? Parce que vous nous parlez de ça, mais, étant donné que vous avez une expérience, vous êtes probablement une personne, un témoin, là, qui est capable de nous éclairer davantage là-dessus.
M. Bégin (Richard M.): Bon. Bien, en fait, j'ai eu deux expériences: une dans une petite municipalité, enfin relativement petite, de 25 000 habitants à l'époque et une dans une plus grande municipalité, puisqu'il y a eu des fusions municipales. Alors, dans la petite municipalité, les règles, qui avaient été établies à l'époque grâce aux pressions, qui avaient été exercées par l'association du patrimoine local, c'est qu'il y avait un représentant attitré du milieu patrimonial, un représentant attitré du milieu agricole et un représentant attitré du milieu des affaires et d'autres représentants.
Dans ce cadre-là, ça a très bien marché. Surtout, quand je suis devenu président du comité consultatif, ça marchait encore mieux.
Des voix: Ha, ha, ha!
**(16 heures)**M. Bégin (Richard M.): Et je dois dire que, dans cette municipalité-là, qui d'ailleurs a été citée à plusieurs occasions pour ses réussites, ses citations et sa politique pour préserver le patrimoine, les recommandations du comité consultatif d'urbanisme étaient généralement suivies et les représentants du patrimoine au sein du comité consultatif d'urbanisme étaient écoutés.
Il y avait même... On avait même établi dans la municipalité un système qui faisait en sorte que, dès qu'un site ou un édifice patrimonial risquait d'être modifié, automatiquement, le service d'urbanisme local consultait l'association du patrimoine locale, et ça se... le projet final se développait en concertation avec l'aide d'historiens, d'architectes, etc.
Suite à la fusion municipale, la nouvelle municipalité, beaucoup plus vaste, où certaines des autres composantes, des autres municipalités composantes n'avaient jamais eu ce genre de pratique là -- ils avaient détruit presque tout leur patrimoine -- ... l'idée qu'on avait avancée -- parce que j'avais fait partie du comité de transition -- d'avoir un représentant du patrimoine sur le comité consultatif a été carrément rejetée. Moi, je m'y suis retrouvé pour d'autres raisons, là, sur lesquelles je n'ai pas besoin d'élaborer aujourd'hui. Alors, j'ai évidemment continué de défendre le patrimoine, mais cette fois-là non seulement pour mon ancienne municipalité, mais à l'échelle de la grande ville. Mais il n'y avait vraiment pas d'ouverture d'esprit de la part du service d'urbanisme. Et je pense qu'au début, sur cinq citoyens, on était deux qui étions ardents à défendre le patrimoine, mais éventuellement je pense qu'on était trop dérangeants, alors on a augmenté le nombre de citoyens à sept. Il y avait trois conseillers municipaux. Et finalement, en bout de piste, après six ans, bien, je suis arrivé à la conclusion que, surtout quand la présidente du comité m'a dit que, peu importait mon opinion, finalement, les fonctionnaires, c'étaient eux autres, les spécialistes et qu'on devait se fier à leur jugement, alors j'en ai conclu qu'il n'y avait pas d'ouverture d'esprit, et de fait cette municipalité-là n'a aucune sensibilité au patrimoine. Ils font des inventaires, des choses comme ça, mais il y a des édifices majeurs qui disparaissent. Il y a eu un seul cas de citation -- et là vous allez reconnaître la ville -- et c'est l'édifice qui a été démoli à un coin de rue de l'hôtel de ville.
Alors, c'est pour ça qu'on a de très sérieux doutes face à cette approche-là. Il n'y a pas d'ouverture d'esprit, et la raison est bien simple, c'est que les fonctionnaires et les élus sont beaucoup trop près des promoteurs dans des villes de cette ampleur-là. Et les villes de cette ampleur-là, bien, c'est des villes comme Laval, Longueuil, Gatineau et Québec. Et c'est trop aléatoire, c'est...
Je pense qu'à Québec on peut dire qu'à l'époque du maire L'Allier il y avait beaucoup d'ouverture d'esprit face au patrimoine, à la culture, etc., mais, depuis, peut-être qu'il y en a un peu moins. Alors, je pense qu'on ne peut pas mettre notre patrimoine à la merci des élections. Et, compte tenu qu'à mon point de vue, sauf peut-être du côté anglophone, comme ça a été souligné ce matin, et dont je suis conscient parce que je viens d'une municipalité qui est un peu à mi-chemin entre les deux cultures... ou enfin j'habite une municipalité, parce que je viens de Québec. La population francophone en général, au Québec, est beaucoup moins sensible à ces valeurs patrimoniales là, et il y a un énorme travail d'éducation qui doit être fait. Et c'est pour ça qu'on a insisté beaucoup là-dessus. Et les sociétés d'histoire ou de patrimoine locales pourraient jouer un rôle important, à condition qu'il y ait un arrimage entre ces sociétés-là, les municipalités et le système d'éducation.
Et je peux en témoigner d'une certaine manière parce que mon fils... On ne parle pas de patrimoine à la maison, mais je me rappelle qu'à l'âge de neuf, 10 ans, à un moment donné, il avait été... Avec sa classe, il était allé visiter le monastère qui n'était pas loin de chez nous et puis il était devenu tout enthousiaste face à cet édifice-là parce qu'on l'avait sensibilisé. Mais ça, ça commence jeune, cette sensibilisation-là, pour la plupart des gens, et ça n'existe pas vraiment au Québec. Ça existe dans certains États de Nouvelle-Angleterre, ça existe en Ontario, mais au Québec c'est particulièrement faible, sauf peut-être un petit peu dans les Cantons-de-l'Est et puis certaines municipalités rares.
Puis je reconnais que des municipalités comme Lévis et Rivière-du-Loup sont peut-être un petit peu en avance sur d'autres municipalités, mais ce n'est pas la règle générale.
Mme St-Pierre: Oui. En fait, effectivement, ce n'est pas la règle générale, mais je pense qu'il faut vraiment faire la promotion de ces cas-là, puis effectivement faire en sorte que les gens voient qu'il y aurait un intérêt puis que les... ce sont de beaux exemples. Le député de Saint-Marie, c'est ça?
Une voix: Sainte-Marie--Saint-Jacques.
Mme St-Pierre: ...Sainte-Marie--Saint-Jacques mentionne depuis ce matin, à quelques reprises... a mentionné à quelques reprises le cas de Louis-Hippolyte La Fontaine, la maison à Montréal. Bien, moi, ça me permet de faire un peu le point parce qu'il n'y a jamais personne qui m'a posé de question là-dessus. Je m'attendais souvent que j'aurais une question, je ne l'ai jamais eue. Alors, je vais faire le point quand même. C'est un cas, ça, où on a un propriétaire qui ne veut pas vendre. Il ne veut vraiment pas vendre, puis il n'habite même pas au Québec. C'est un cas, ça, où on a fait savoir à la ville de Montréal que, s'il y avait un projet qui était sur la table, on avait les programmes pour ça, mais il fallait que la ville pose un geste, c'est-à-dire l'expropriation. Alors, c'est la poule ou l'oeuf. Et là la ville nous dit... La ville n'exproprie pas, ne veut pas exproprier. Tant que le propriétaire... En fait, si le propriétaire voulait collaborer, ce serait probablement bien plus simple. Et, malgré toutes les démarches qui ont été faites auprès du propriétaire pour qu'il accepte de vendre, c'est impossible. Donc, le seul outil qu'on a pour être capables de mettre le grappin de dessus, c'est l'expropriation.
Est-ce qu'un ministre peut décider qu'il enlève le pouvoir d'expropriation à une ville? Comment on peut arriver à faire en sorte que ce dossier-là puisse finalement arriver à débloquer? Et aussi il y a le rôle du fédéral là-dedans, parce que ce n'est pas uniquement... c'est-à-dire, je comprends que c'est un site... c'est une maison historique à Montréal, mais il a été pas mal important dans l'histoire du Canada. Donc, comment on peut arriver... Ce serait quoi, votre suggestion? Est-ce que, dans un cas comme ça, on s'en va voir un juge puis on lui demande de trancher ou d'ordonner que le propriétaire... que la ville exproprie pour qu'on puisse continuer notre dossier?
Parce que, pour pouvoir poursuivre ce dossier-là, il y a une première étape qui est que soit que le propriétaire vende ou il y a une expropriation pour qu'il y ait quelqu'un qui en prenne la propriété, puis, après ça, on travaille sur notre dossier, puis on va chercher l'argent aux différentes instances gouvernementales: municipale, fédérale, provinciale. C'est un cas, là...
M. Bégin (Richard M.): Oui, c'est un cas, puis... En fait, il y a deux cas comme ça majeurs.
Mme St-Pierre: Mais il reste que c'est un cas qui est vraiment plat pour tout le monde, puis le propriétaire ne vit même pas au Québec. Ça fait que...
M. Bégin (Richard M.): Et il y a la maison Redpath qui est un peu dans le même état, là, qui est une maison qui a été... qu'Héritage Montréal a réussi à... où il a réussi à stopper la destruction complète mais qui est laissée à ciel ouvert et qui est en train de se détériorer. Et la maison La Fontaine est dans un état pitoyable. Même si on est...
Mme St-Pierre: Il reste juste une façade.
M. Bégin (Richard M.): Il reste juste les murs extérieurs, et beaucoup de pigeons à l'intérieur. Enfin, je ne sais même pas si elle serait récupérable, mais ça coûterait cher, probablement. C'est quand même un exemple qui est là, sous nos yeux, depuis, quoi, 20 ans, 25 ans, les deux cas d'ailleurs, Redpath et la maison La Fontaine. Vous voyez, vous me dites: Ça prendrait... il faudrait que la municipalité intervienne. Mais ça revient à ce que je disais un peu plus tôt: On a un problème avec des grosses municipalités qui ne veulent pas intervenir dans ces dossiers-là parce que ce n'est pas dans les priorités. Ce n'est pas un sujet, probablement, qui est... C'est un peu comme la poule et l'oeuf. Si la population n'est pas particulièrement sensible...
Vous devez vous rappeler que, dans les années soixante, il y avait très peu de gens qui parlaient d'environnement. Là, aujourd'hui, on est inondés d'articles ou de reportages sur l'environnement. Tout le monde est sensible à l'environnement. Tout le monde veut avoir sa poubelle de toutes sortes de couleurs. Bien, peut-être que, si on avait commencé un travail d'éducation face au patrimoine de la même façon pour faire réaliser que le patrimoine, ça fait partie du développement durable... D'ailleurs, maintenant, c'est le vocabulaire qu'on utilise. L'Agenda 21 en parle aussi. La Loi sur le développement durable va dans ce sens-là. Alors, je pense qu'il y a un travail d'éducation, mais ça, il va falloir que ça se fasse à l'échelle du gouvernement québécois, je pense qu'il va falloir commencer par là. Après ça, les médias vont peut-être commencer à embarquer aussi, puis ils vont peut-être se mettre à parler plus de patrimoine qu'ils le font, de la même façon qu'ils parlent d'environnement.
On a un très gros travail, et c'est pour ça que je suis particulièrement inquiet quand on dit qu'on va déléguer plus de pouvoirs aux municipalités parce que la sensibilité publique n'y est pas. Vous mentionniez un petit peu plus tôt... enfin, à la présentation précédente ou une des présentations précédentes, qu'il s'agirait simplement de... enfin, de démettre de leurs fonctions les élus à l'élection suivante. Ce n'est pas aussi simple que ça. Vous savez comme moi comment ça fonctionne, les élections.
Alors, moi, je suis un défenseur du patrimoine depuis, disons, au moins une vingtaine d'années, et j'ai vu tellement de cas non seulement dans mon patelin, mais à l'échelle du Québec que je désespère un peu quand je vois l'évolution des choses et j'ai peur vraiment qu'en accordant plus de pouvoirs aux municipalités on empire le problème, que ce soit la fin, que même les sociétés de patrimoine ou d'histoire locales se découragent et n'alertent plus la population.
Il faut comprendre que c'est très difficile, déjà, pour une société d'histoire locale d'intervenir parce que, souvent, bien, elle a un budget minimaliste, là. Des fois, c'est 2 000 $ par année. Ils sont des fois logés dans un local qui appartient à la ville et, s'ils osent hausser la voix un peu, bien là on les menace de couper le... enfin, de les sortir de l'édifice où ils sont logés ou de couper leurs budgets. Puis c'est pratique courante.
Je me rappelle d'un cas où on a été obligés d'aller à Chambly pour essayer de discuter avec le maire, pour lui faire comprendre en quoi ça consistait, la préservation du patrimoine, et que ce n'était pas si dangereux que ça, parce que la société locale ne pouvait plus intervenir. Et combien de sociétés locales se sont adressées à nous, à la fédération? Mais souvent, quand ils s'adressent à nous, il est comme trop tard, il y a déjà trois mois, six mois qui se sont écoulés, et la décision est plus ou moins prise.
**(16 h 10)**Mme St-Pierre: Bon. Alors, est-ce que, votre conclusion, vous la maintenez toujours ou si vous seriez...
M. Bégin (Richard M.): Je n'ai pas vraiment parlé de moratoire.
Mme St-Pierre: Non, mais c'est parce que vous dites: «...il nous [apparaît] plus prudent pour l'instant de conserver la loi actuelle...»M. Bégin (Richard M.): Oui. Pour le moment, c'est la loi qu'on a. Déjà...
Mme St-Pierre: Bien, c'est parce qu'elle est pas mal imparfaite, vous nous le dites depuis des années.
M. Bégin (Richard M.): Oui, elle est imparfaite parce que... Mais vous vous rappelez qu'en 2008, quand on est allés faire notre présentation à Laval, ce qu'on avait dit, Denis Hardy et moi, c'est qu'elle est imparfaite, mais son plus gros problème, c'est qu'elle n'est pas appliquée.
Mme St-Pierre: Mais notre loi n° 82 peut être...
M. Bégin (Richard M.): Le projet de loi n° 82, dans son ensemble, comprend beaucoup d'éléments intéressants qui nous permettraient de progresser, mais certainement que sa plus grande faiblesse, à notre point de vue, c'est une plus grande délégation de pouvoirs aux municipalités.
Mme St-Pierre: Même si on se donne, dans le projet de loi, le pouvoir de revenir? C'est-à-dire: Oui, vous nous demandez de vous déléguer certaines responsabilités, nous avons toujours un pouvoir de retirer ces responsabilités-là. Ça, ça ne vous rassure pas, ça?
M. Bégin (Richard M.): Pas assez.
Mme St-Pierre: Non? O.K.
M. Bégin (Richard M.): Le plus que je serais prêt à considérer, c'est que, si on a un exemple de municipalité qui a vraiment fait ses preuves, comme, disons, Rivière-du-Loup, qui est citée comme un bon exemple, bien là, peut-être qu'on pourrait essayer, cas par cas, comme ça, pour les municipalités qui ont fait leurs preuves d'abord.
Mme St-Pierre: C'est ça qu'on dit dans le projet de loi.
M. Bégin (Richard M.): Mais, si vous me disiez: Demain matin, on délègue plus de pouvoirs à certaines des municipalités que j'ai nommées tantôt, comme... là, vraiment, j'aurais...
Mme St-Pierre: On s'entendrait probablement là-dessus. C'est parce que le projet de loi, c'est clair, c'est dans une démarche... En fait, c'est une entente. L'esprit, c'est ça, c'est une entente. Prenons l'exemple de Rivière-du-Loup. Rivière-du-Loup vraiment, c'est un bel exemple, c'est une entente. Mais, si ça change d'administration et que ce n'est vraiment plus ça qui se passe, là, il y a un pouvoir de retrait. Alors, c'est ça, le mécanisme que la loi prévoit.
M. Bégin (Richard M.): Oui. Mais est-ce que vous allez avoir les ressources pour surveiller?
Mme St-Pierre: C'est sûr que l'argent, c'est bien important, c'est le nerf de la guerre.
M. Bégin (Richard M.): Je parlais, je parlais... Oui, l'argent, mais je parlais de ressources humaines pour surveiller.
Mme St-Pierre: Oui, ressources, mais il faut les payer, là aussi. Mais je vous remercie beaucoup. C'est très important, le travail que vous faites, puis je pense qu'on va probablement vous décevoir, on va continuer à travailler sur notre projet de loi n° 82, mais on va compter sur votre aide pour nous aider à le bonifier. Je pense que c'est peut-être la conclusion que j'aimerais apporter à votre démarche.
M. Bégin (Richard M.): Ça va nous faire plaisir. Ça va nous faire plaisir.
Mme St-Pierre: Merci infiniment. Merci.
Le Président (M. Ferland): Merci, Mme la ministre. Alors, je passe la parole au parti de l'opposition, alors au député de Drummond.
M. Blanchet: Bonjour, messieurs. En commission parlementaire, éventuellement, c'est plus feutré qu'à la période de questions et, éventuellement, on peut devenir un peu... On ramollit un peu, on fait attention à la politesse. On essaie de ne pas mettre le pied sur les orteils, qui est une préoccupation que vous n'avez pas eue et, à quelque part, je vous en félicite parce qu'il y a un petit côté électrochoc dans votre mémoire. C'est comme s'il y avait une généreuse distribution de tapes derrière la tête qui peuvent être fort bénéfiques, et ça appelle... parce qu'à la limite c'est presque difficile de vous poser des questions, votre mémoire est d'une densité en termes de: Voici ce qu'on pense, c'est de même. Et je pourrais vous demander de le répéter, mais je ne suis pas sûr que ce soit l'exercice...
Il y a quelques petites choses... Écoutez, les mots «indignation et d'incrédulité parmi nos membres», là, ça commence fort. Tu sais, ça place le ton. Ça a la vertu de faire les remises en question qui doivent être faites. Premier élément: Est-ce que vous pensez que, parce qu'en effet, à l'heure où on se parle, la très grande majorité des municipalités n'ont pas les ressources humaines et l'expertise pour prendre ces mandats-là et de possibles conflits d'intérêts -- c'est le fun de pouvoir le dire de même -- on devrait séparer le mandat de désignation du mandat de préservation? Aïe, j'ai réussi à poser une question qui n'était pas dedans.
M. Bégin (Richard M.): Oui. Bien, ce serait intéressant si la municipalité veut faire la démarche pour la désignation et que c'est quelqu'un d'autre qui s'assure que...
M. Blanchet: ...c'est l'expertise d'identifier ce qui a une véritable valeur patrimoniale, comme d'autres groupes l'ont élaborée, qui fait en sorte que... D'une part, la ville peut identifier quelque chose qui ne le mérite pas, ne pas identifier quelque chose qui le mérite ou ne pas identifier quelque chose parce que le téléphone a sonné l'après-midi puis qu'il y a quelqu'un qui a l'oeil sur la bâtisse ou sur le terrain.
Donc, c'est peut-être la partie «désignation» qui est la plus risquée, et la partie «préservation», après ça, c'est... Ils peuvent faire des recommandations, ils peuvent sûrement s'impliquer, mais: La partie «préservation», c'est sur votre carré de sable, arrangez-vous pour en prendre soin. Vous savez, je caricature, mais est-ce que c'est une approche qui peut être valable?
M. Bégin (Richard M.): La séparation, oui; la façon de le faire, là, ça reste à voir. Je pense qu'au niveau de la désignation, dans la mesure où, comme je l'ai mentionné plus tôt, c'est un exercice conjoint entre les spécialistes locaux en architecture, histoire et la municipalité, c'est probablement les gens qui sont les mieux placés pour savoir ce qui a un peu plus de valeur. Évidemment, ça prendrait peut-être la bénédiction du ministère de la Culture au bout pour dire: Oui, ça répond à tel, tel, tel critère, mais, au moins, pour avoir la connaissance du milieu, c'est les gens du milieu qui sont les mieux placés pour le faire, mais pas juste la municipalité. Il faudrait que ça se fasse conjointement avec les gens qui sont les plus sensibles à ça et qui ont les archives aussi pour documenter. En général... En tout cas, dans la petite ville où je restais avant, c'était comme ça que ça se procédait.
M. Blanchet: Elle était-u si petite que ça?
M. Bégin (Richard M.): Pardon?
M. Blanchet: Elle était-u si petite que ça?
M. Bégin (Richard M.): Bien, quand j'y suis arrivé, il y avait peut-être 20 000 habitants au plus.
M. Lemay: Tout le monde veut savoir...
M. Blanchet: Là, vous avez...
M. Bégin (Richard M.): Ah! C'est Aylmer.
M. Blanchet: ...pas eu «petite». On aurait pensé à Laval.
Une voix: ...
M. Bégin (Richard M.): O.K. Mais pour ce qui est... Le problème par la suite, c'est vraiment de s'assurer que ces édifices-là sont bien préservés. C'est une chose de les citer, mais, si, après ça, on oublie que ça existe, on n'appuie pas les propriétaires ou on leur met des bâtons dans les roues, ça ne donne rien. Et c'est ce qui est arrivé récemment dans la plus grande ville où on ne s'est pas préoccupés de la suite des choses. C'est un édifice qui a été cité, qui faisait partie auparavant d'un site du patrimoine, mais l'administration municipale ne voulait pas bouger pour le préserver, et finalement, bien, il y a eu un accident, et l'édifice a été démoli en grande partie.
M. Locat (Clément): Si je peux intervenir, moi, je vois le cas des municipalités rurales, des petites municipalités qui ne pourront probablement jamais se payer des ressources spécialisées pour intervenir sur leur patrimoine. Est-ce que ça devrait venir des MRC ou des conseils de la culture? Là, je ne peux pas l'identifier. Mais, moi, je suis d'une petite municipalité rurale de Lanaudière, et le patrimoine...
Je suis membre du CCU, et c'est une valeur qui est difficile à passer, même s'il y a une certaine sensibilité. S'il y a déjà eu des actions, ça dépend vraiment de l'intérêt des conseils municipaux qui changent à tous les quatre ans et ce n'est vraiment pas facile, et actuellement on peut à peine faire appel à des ressources tant au niveau de la MRC ou de la région. Et c'est des cas où il va falloir que les ressources, elles viennent... elles soient centralisées, je pense.
M. Blanchet: ...ça que je me demandais. C'est une hypothèse de travail ou une hypothèse qui a été discutée, je ne sais pas jusqu'à quel point elle va être étudiée, mais, moi, je l'ai soulevée, qu'au niveau régional -- puisque rarement municipalité par municipalité, les ressources, les expertises et même la sensibilité y sera -- il y a toujours une société d'histoire, un musée, des gens qui ont une sensibilité, un intérêt qu'on va plus facilement trouver au niveau d'une MRC qu'au niveau de chaque municipalité. Donc, l'avenue serait de travailler sur une base régionale peut-être. C'est ce que vous voulez...
M. Béland (Paul): Toujours en tenant compte que le développement est inégal au Québec et qu'un conseil régional de la culture puis un autre ne sont pas toujours sur la même longueur d'onde, n'ont pas toujours les mêmes préoccupations puis les mêmes compétences. Alors, comme quelqu'un a déjà dit devant cette commission, il faut que les principes soient mur à mur, mais l'application ne peut pas être mur à mur, parce qu'il y a des endroits où il n'y a pas, par exemple, de conseil régional de la culture. Il y a deux régions à peu près qui n'en ont pas, si je me souviens bien. Ça fait qu'il faut faire attention. Mais c'est certain que cette voie-là nous semble intéressante.
**(16 h 20)**M. Blanchet: Je ne fais que le mentionner: il y a des municipalités qui ont des politiques culturelles et qui ne s'intéressent que peu au patrimoine, mais il y a aussi des cas contraires: il y a aussi des municipalités où l'art vivant n'a aucun écho, et il n'y en a que pour le patrimoine, cette espèce de préservation. Donc, il y a un équilibre à rechercher.
Vous avez un paragraphe éloquent: «En dépit du fait que les municipalités soient plus près des objets visés par le concept de patrimoine culturel -- ce qui me semble clair -- la FHQ s'oppose pour le moment [au] transfert de responsabilités -- mais ce n'est pas grave, c'est facultatif -- accrues aux municipalités dans ce domaine.» Et, après ça, bon, vous dites que les municipalités «sont mal équipées financièrement et professionnellement, [...]n'ont pas démontré jusqu'ici [...] qu'elles pouvaient assumer [la] responsabilité[...], et, c'est de notoriété publique, comme nous le rappelle sans cesse la presse, beaucoup sont trop près des promoteurs pour ne pas subir...» Bon, bref, c'est un jugement sévère.
Et vous avez parlé de l'exemple dont vous êtes le plus proche. Mais je suis un peu curieux, parce que j'imagine qu'une vision aussi vindicative doit s'appuyer sur des cas... un ou deux cas, là, qui nous montrent comment ça peut vraiment mal se passer dans un contexte comme celui que la loi ne corrige pas, si je vous suis bien.
M. Béland (Paul): On recevait, la semaine dernière, une publication d'une de nos sociétés membres et qui a, comme un bon périodique, une chronique nécrologique, sauf que c'est la nécrologie du patrimoine bâti, puis il y en a deux pages pour ce numéro-là. Si on avait une nécrologie pour Montréal, elle serait probablement épaisse de même. Et puis c'est là-dedans. Les gens sont un peu découragés, un petit peu fatigués de voir les choses disparaître.
Il y a encore trois semaines, on a eu un appel au secours de la société de Beaconsfield à propos de la Trend Home, pour laquelle un permis de démolition avait été demandé. On a contacté le maire pour lui suggérer qu'il y avait les pouvoirs de faire quelque chose avec ça sans problème, puis on lui avait même cité, comme c'était un monsieur anglais, «chapter and verse» de la loi. Et le permis de démolition a été accordé, je pense, avant-hier, à cinq voix contre une au conseil de ville.
Alors, c'est ce genre de choses là... C'est pour ça qu'on frémit à la pensée de la dévolution, finalement. On est convaincus du grand principe de subsidiarité. Moi-même, pour avoir été un des membres fondateurs du Conseil régional de développement de Montréal puis avoir participé aux arbitrages qu'il a fallu faire à ce moment-là, je le sais mieux que personne. Cependant, dans ce cas-ci, précis, il faut vraiment y aller avec beaucoup, beaucoup, beaucoup de précautions.
M. Blanchet: Iriez-vous... Ça serait peut-être... Moi, je pense que c'est un élément intéressant, la décentralisation. Et, comme vous le souleviez, la sensibilité est souvent locale. Vous n'iriez pas jusqu'à compromettre la décentralisation, mais c'est cette version-ci qui vous rend inconfortable.
M. Béland (Paul): Surtout sur ce sujet-ci.
M. Blanchet: Complètement à un autre égard, la terminologie... Vous parlez d'adopter la notion de site historique national plus universellement reconnu et plus approprié. Avez-vous des exemples? C'est intéressant, là, cette appellation-là, bon, ou le... Vous soulevez le point que c'est un choix de termes qui n'est pas utilisé ailleurs. Est-ce que c'est ce qui est utilisé en France, par exemple? Parce que...
M. Bégin (Richard M.): Ce n'était pas une priorité pour nous, mais c'est juste qu'on constatait que, quand on voyageait ailleurs, en Amérique du Nord, on parle plutôt d'«historical site» ou de «site historique». Et là on avait une appellation différente qui peut-être ne serait pas aussi évidente pour des touristes dont ce n'est pas la langue première... dont le français n'est pas la langue première.
M. Blanchet: Ah! O.K., je comprends. Je veux juste mentionner que c'est très intéressant parce que ça a une portée environnementale significative, «pas de nouvelles constructions sans analyse sérieuse et approfondie des possibilités de réutilisation d'édifices patrimoniaux», parce qu'on a l'habitude... puis surtout, si les gens qui doivent traverser la ceinture de Montréal ont... même si ce n'est pas nécessairement le même type de... On construit, on construit, on construit, et le coût environnemental de ça et le coût patrimonial de ça, parce qu'on laisse d'autres immeubles à l'abandon, est très élevé. C'est une observation fort intéressante.
Les mécanismes. La désignation d'un paysage culturel patrimonial doit être demandée par l'ensemble des municipalités locales. Et ça, ça a déjà été soulevé, parce que ça amène le point que, s'il y en a une qui ne veut pas, parce que le maire est proche d'un développeur, fin du débat. Le ministère a le pouvoir de désigner, mais la lecture qu'on en a, c'est qu'il n'a le pouvoir que s'il y a demande. Est-ce qu'on ne pourrait pas imaginer une formule en vertu de laquelle des citoyens, des groupes, des organisations ou des municipalités feraient une demande au ministère, qui jugerait, avec la compétence considérable des gens qui y travaillent, si la demande est pertinente, quitte à ce que ça puisse irriter une municipalité à qui ça ne plaît pas? Autrement dit, est-ce qu'on ne doit pas envisager de casser cette notion d'unanimité qui risque fort de faire en sorte qu'il n'y en aura pas?
M. Bégin (Richard M.): Bien, tout à fait, c'était exactement le point de vue qu'on avançait, c'était notre crainte. Je pensais... J'avais en tête, au moment où j'ai écrit ça, justement une MRC en particulier, qui est très intéressante, où il y a 27 municipalités, donc des maires qui viennent plutôt d'un milieu agricole, plus ou moins instruits, puis il y en a d'autres qui sont des... je ne sais pas, des gentlemen farmers ou des artistes qui ont décidé d'aller... retourner à la campagne. Alors, vous comprenez que, sur le lot, sur 27 municipalités, il y a un fort risque qu'il y ait une municipalité au moins qui s'objecte à la reconnaissance de sites patrimoniaux. Alors là, ça me semblait insensé de pénaliser l'ensemble de la MRC juste par le vote d'un maire.
M. Blanchet: O.K. Et je vais conclure en relevant votre dernier point: «Veiller à rapprocher le secteur de l'éducation des sociétés d'histoire ou de patrimoine...» Effectivement, la diffusion de la connaissance... Tout l'exercice n'a pas une si grande pertinence si cette connaissance-là qui est préservée et colligée n'est pas diffusée, ne sert pas à ce que les gens adoptent.
Cela dit, là où je vous rejoins de façon très nette, sans utiliser le mot «moratoire», je regarde le volume des recommandations, des critiques souvent sévères mais, à ma connaissance, en général, très pertinentes qu'on entend ici, et ce n'est pas fini, et je pense qu'effectivement on a devant nous un cas de réécriture considérable de la loi. Je vous remercie. Je ne sais pas si mes collègues... Je crois que mon collègue de...
Le Président (M. Ferland): Est-ce qu'il y a... Oui, O.K. Donc, je passe la parole au député de Sainte-Marie-- Saint-Jacques.
M. Lemay: Merci, M. le Président. J'imagine qu'il reste quelques minutes.
Le Président (M. Ferland): Il reste encore six, huit minutes à peu près.
M. Lemay: Seigneur!
Le Président (M. Ferland): ...chrono.
M. Lemay: Merci. D'abord, quelques commentaires suite à la discussion. À l'instar de mes collègues, bravo pour le mémoire, là, il est bien fouillé, il est clair, limpide. Et Dieu sait que c'est des sujets éminemment complexes. Ce matin, le monsieur de... je ne me souviens pas de son nom, avec la magnifique cravate, je pense que c'était M. Bury, Charles Bury, je crois, avec la cravate...
Le Président (M. Ferland): Oui. Le monsieur qui était là. Oui.
M. Lemay: Oui, c'est ça. Et il a dit qu'il y avait deux types de maires ou d'élus municipaux, un qui est favorable au patrimoine et l'autre qui ne l'est pas, même... Moi, j'en mettrais un troisième, et je pense que c'est la pire, que ce soit au municipal ou ailleurs, là, je pense que c'est l'indifférence, et ça, c'est la pire parce qu'elle est, je crois, également partagée un petit peu partout. Et ce qui vient difficile également, c'est, quand il y a des dossiers complexes, quand il y a un débat, de sensibiliser la population à ça. Ça vient difficile, vous le savez, vous êtes là-dedans très souvent, et ça vient très, très, très compliqué.
L'autre chose qui est difficile... et la ministre donnait, je crois, un bon exemple: la maison Louis-H. La Fontaine, à Montréal. On pourrait en donner beaucoup, d'exemples. D'ailleurs, le projet... Un autre projet que la ministre connaît bien... je l'ai souvent dit, la ministre de la Culture passe la moitié de son temps dans ma propre circonscription, mais, au coin de Saint-Laurent, Sainte-Catherine, où il y aura le nouvel édifice, le 222, 222, bien, on se rappelle ce qu'il y avait là avant, là. C'est peut-être le coin le plus stratégique à Montréal, et il y a des propriétaires qui restent... Je ne me souviens plus où ils demeuraient, ces gens-là... Des fois, je vous le dis par expérience, ils ne savent même pas qu'ils ont ça, ils ne le savent même pas. Très souvent, là, c'est des services municipaux qui disent: Youhou!, votre immeuble s'en vient... est illégal parce que... Là, les gens apprennent, là, c'est les avocats qui passent, des gens riches, hein, riches et célèbres. Ils sont dans un bateau à quelque part, et là ils reçoivent un fax puis là ils mettent ça dans les mains d'avocats, puis là il n'y a plus rien à faire là.
**(16 h 30)** Et je ne sais pas si, dans des villes ou dans des MRC... et on pourra voir, mais je ne sais pas s'il n'y a pas moyen de donner à une organisation quelconque un pouvoir d'intervention massif. On s'entend que la propriété privée, c'est le coeur du système dans lequel on vit, mais la liberté d'expression est aussi le coeur du système dans lequel on vit, mais il y a des balises, donc la propriété privée a aussi des balises.
Donc, la personne qui a la maison de Louis-H. La Fontaine, ou peu importe, ne s'en soucie pas, après un an, je m'excuse, là, mais, bien... Mais, comme ces gens-là, très souvent, ils ont les moyens de se défendre, et tout ça... Bref, je crois qu'il faille trouver un moyen d'intervention dans des cas les plus stratégiques, tant pour le ministère que pour les villes. Et là-dessus je crois que ça, ça reste à développer parce qu'il y a des propriétaires... je ne dirai pas des gros mots, là, mais il y a des propriétaires qui s'en fichent carrément, des possessions qu'ils ont.
Je vais vous reposer la question que j'ai posée à d'autres avant vous et que j'ai même commencé à poser au mois de janvier. Si tout le monde est d'accord avec le fait que le ministère de la Culture s'associe aux villes de façon peut-être plus organique, je dirais, et de façon plus intéressante, il reste que, comme je disais tout à l'heure, il va rester un ministère avec l'expertise dont ce sera le rôle ultime de protéger. Comment vous voyez, au-delà du fait qu'on peut se méfier, là, des villes, et tout ça... puis là-dessus je vous comprends et je ne suis pas loin d'être en accord avec vous, mais comment faire pour garder un équilibre et ultimement atteindre l'objectif qui est le nôtre? C'est de préserver notre patrimoine, là, quel qu'il soit: bâti, matériel ou autre. Comment vous voyez cette nouvelle relation là entre le ministère de la Culture et ses pouvoirs et les autres ministères, là? On a vu avec les archéologues que les autres ministères maintenant sont très impliqués. Comment vous voyez ça, la... Ou vous ne voyez rien du tout?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bégin (Richard M.): Bien, en fait, il y a...
M. Lemay: Dans le sens que ça devrait rester au ministère de la Culture, point, là. Mais, moi, il me semble qu'il y a quelque chose qui peut être intéressant là, là.
M. Bégin (Richard M.): Oui, bien, il y a peut-être plusieurs avenues qu'on peut considérer, mais il faudrait les explorer plus à fond. Bien, dans toutes les grandes régions... Bien, d'abord, il y a un bureau régional du ministère de la Culture dans chaque région. Comme je transige régulièrement avec celui de l'Outaouais, bien, je sais le nombre de personnes qu'il y a là et leur expertise. Alors, c'est sûr que ce bureau régional là n'est pas vraiment en mesure d'intervenir, mais il pourrait peut-être avoir du pouvoir pour intervenir.
On a aussi à notre disposition, dans les mêmes régions, en général, des conseils régionaux de la culture. Ça adonne que je suis président de celui de l'Outaouais. Et, au Conseil régional de la culture de l'Outaouais, c'est sûr qu'il y a une grande sensibilité au patrimoine, mais, comme l'a mentionné mon directeur général, il y a des régions qui ne sont pas encore rendues là. Je vous dirais que les Laurentides sont sensibles au patrimoine, l'Outaouais est sensible au patrimoine, mais il faudrait peut-être faire une analyse plus approfondie. Mais ce serait... Les conseil régionaux de la culture sont peut-être en position, je dirais, à cause de toutes les connexions qu'ils ont avec le milieu culturel en général, dans l'ensemble du territoire, d'alerter au moins quand il y a un problème. Mais, après ça, c'est le ministère qui devra intervenir s'il faut poser un geste concret au niveau légal ou autre.
Je pense que les sociétés locales sont aussi des joueurs importants. Ce sont des ressources qui sont essentiellement bénévoles. C'est sûr qu'au conseil de la culture il y a trois, quatre employés, mais, je veux dire, c'est une organisation, un conseil d'administration composé de bénévoles. Il faudrait, au lieu de poser, mettre tous ces organismes-là, les sociétés d'histoire, sociétés de patrimoine, les conseils régionaux de la culture, dans une position de réaction tout le temps, peut-être les jumeler au processus général, et les amener à participer à l'exercice, et faire en sorte que leur action soit plus positive et moins frustrante aussi. Parce qu'on est toujours en situation de réaction et c'est usant. Je dois dire, c'est usant, là. Moi, personnellement, je me sens usé après tant d'années et je vois autour de moi des gens de ma génération qui sont usés. C'est comme une cause désespérée. Peut-être qu'on va avoir besoin d'une médaille, là.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Ferland): M. Béland, il vous reste à peu près une minute.
M. Béland (Paul): Saint Paul... Saint Paul disait: Sans l'amour, tu n'es qu'une cymbale retentissante. On est devant... On fera des... sûrement une bonne loi qui va sortir de vos cogitations, on espère. On vous fait confiance au bout du compte. Cependant, ce ne sera rien s'il n'y a pas l'amour du patrimoine répandu premièrement dans l'administration publique, à la fois au niveau du gouvernement, des municipalités, etc. Si ça ne se propage pas, on va être devant -- puis on est devant -- ce que nos sociétés, nos services locaux font depuis longtemps, qui est un gigantesque chantier d'éducation populaire dans les collectivités sur la valeur du patrimoine, de l'histoire et de toutes ces choses-là.
C'est l'amour qu'il faut qu'on commence à bâtir puis on se fie sur vous autres, mais on va vous... suivre avec attention vos travaux. Vous pourrez toujours compter sur nous pour critiquer quand ça va être le temps, mais surtout pour être là au poste quand c'est le temps de faire des choses avec les collectivités.
Le Président (M. Ferland): Alors...
M. Bégin (Richard M.): Je voudrais peut-être terminer sur une note plus positive.
Le Président (M. Ferland): Oui, allez-y. Il reste quelques secondes.
M. Bégin (Richard M.): Non seulement critiquer, mais, si vous avez besoin de notre aide, on est prêts à collaborer avec vous.
M. Béland (Paul): Toujours.
Le Président (M. Ferland): Alors, merci, M. Bégin. Alors je vous remercie.
J'inviterais maintenant les représentants du groupe suivant à prendre place et je suspends quelques minutes.
(Suspension de la séance à 16 h 36)
(Reprise à 16 h 40)
Le Président (M. Ferland): Alors, j'inviterais les gens à prendre place. On va reprendre les discussions.
Alors, maintenant, nous recevons le Conseil de quartier Vieux-Québec--Cap-Blanc--colline Parlementaire. Alors, je vous rappelle que vous avez 15 minutes pour présenter votre mémoire, ensuite un échange avec les partis, ici, autour de la table. Alors, je vous laisse la parole. Monsieur, je vous invite à vous présenter avant de débuter.
Conseil de quartier Vieux-Québec--
Cap-Blanc--colline Parlementaire
(CQ-VQCBCP)M. L'Anglais (Denis): Alors, Me Denis L'Anglais. Je suis le président du conseil de quartier. M. le Président, je tiens à vous remercier de m'avoir invité, et particulièrement Mme la secrétaire, qui m'a permis, en accommodant l'horaire, là, d'être ici présent ce soir, étant donné que je serai absent pour les prochaines semaines. Alors, je tenais à remercier donc les membres de la commission.
Je parle au nom du Conseil de quartier Vieux-Québec--Cap-Blanc--colline Parlementaire. C'est le coeur du patrimoine de l'humanité qu'est le Vieux-Québec, et je pense qu'à cet égard, ne fut-ce que pour cette simple raison, nous avons un intérêt à venir exprimer notre point de vue sur le projet de loi concernant le patrimoine culturel.
J'ai analysé le projet de loi évidemment sous un angle un peu plus technique, un peu plus... même légal. Je vais essayer de passer très rapidement à travers les recommandations ou les points que je vais soulever. Ça risque peut-être d'être un peu technique et un peu ennuyant, enfin, je vous prie de m'en excuser à l'avance, mais je pense que ça va donner lieu à un certain nombre de questions.
Alors, vous connaissez certainement ce qu'est l'existence d'un conseil de quartier. Nous intervenons, nous favorisons les consultations publiques, nous intervenons dans la représentation des citoyens du quartier face aux autorités municipales et nous essayons donc de soulever et de porter à la connaissance des autorités municipales tout ce qui peut être de nature problématique. Et nous agissons donc sur le territoire qui est compris sur le territoire... sur la partie historique du Vieux-Québec, mais nous allons jusqu'aux plaines d'Abraham, donc rue De Bernières, nous arrêtons derrière le Grand Théâtre, une partie ici, du boulevard René-Lévesque, et nous descendons sous les bretelles du boulevard Charest et la rue Saint-Paul, et toute l'administration portuaire jusque, presque, à la côte Gilmour. Alors donc, on couvre cette partie historique la plus importante du Vieux-Québec qui représente à peu près... 5 779, d'une façon très précise, habitants qui habitent le quartier, et donc nous avons une préoccupation de préservation et de reconnaissance de ce qu'est le patrimoine à la fois culturel, matériel et immatériel.
Alors donc, nous intervenons aujourd'hui parce que nous avons l'impression que... Malgré qu'on tienne le discours qu'il s'agisse d'un arrondissement historique, nous n'avons pas l'impression que les autorités municipales sentent cette chose et qu'elles agissent en conséquence. Je pense que Mme la ministre, à l'arrivée des nouvelles autorités municipales, a réalisé ce qu'était le cas de l'histoire de la façade de l'église Saint-Vincent-de-Paul, et il y a d'autres cas comme ceux-là qui surgissent de temps à autre dans le quartier, et pour lesquels nous sommes sollicités, et que nous aimerions voir protégés, non seulement que nous aimerions voir protégés, mais que nous ayons le droit au chapitre avant que la chose ne survienne. Et je pense que là-dedans, dans le projet de loi, les citoyens ne sont pas suffisamment interpellés et invités à agir en amont. Ils sont plutôt invités à agir en aval, et je pense que cette loi-là est une opportunité... ce projet de loi est une opportunité donc de donner aux citoyens une capacité d'intervention.
Et surtout je pense que ce serait l'occasion, pour la ministre et le gouvernement, d'obliger et d'amener les municipalités à souscrire aux 16 principes de la Loi sur le développement durable, dont des paragraphes importants touchent le patrimoine culturel. Je pense que les villes devraient être tenues de fournir des planifications quinquennales a priori sur la préservation, la conservation, la mise en valeur, la protection des espaces historiques sur leur territoire.
Alors, pour nous, il va de soi que la Loi sur le développement durable, et l'article 15 qui permet... pardon, l'article 4, qui permet que le gouvernement décrète ou oblige les municipalités à souscrire à cette loi-là, je pense qu'elle devrait faire l'objet d'un arrimage entre le projet de loi de la ministre et la Loi sur le développement durable. Donc, ce serait une occasion en or, je pense, de mettre en oeuvre cette disposition de la Loi sur le développement durable. Ça permettrait, compte tenu des principes qui sont là, davantage de bonne gouvernance. Les 16 principes qui sont là sont des principes extrêmement éloquents, contraignants, obligatoires et qui favorisent un certain nombre de grandes orientations, notamment la participation citoyenne, notamment la protection du patrimoine culturel, et c'est ce vers quoi nous voudrions agir.
Le projet de loi, en s'appuyant sur des principes porteurs de certaines assurances pour les futures générations, devrait pouvoir induire, auprès des autorités de la ville de Québec et autres corps constitués, des comportements plus respectueux et circonspects quant à la capacité d'accueil et d'exploitation commerciale et touristique du site patrimonial du Vieux-Québec comprenant une aire de protection et une zone tampon, concept qui a été développé ici, en juillet 2008, lors de la conférence de l'UNESCO qui s'est tenue ici même, donc, dans les murs de Québec.
La capacité d'accueil de ce site-là. Nous avons recensé, le Conseil de quartier du Vieux-Québec, pour l'année 2009, plus de 49 événements se tenant à l'intérieur des murs du Vieux-Québec, qui totalisent, quand on les additionne les uns aux autres, 390 jours, depuis le mois de janvier jusqu'au mois d'octobre. Évidemment, ce sont des 390 jours d'intensité inégale, on le comprendra. Entre une exposition de peintures et un Red Bull qui dure six semaines, il y a une différence d'intensité et d'impact sur le plan du patrimoine. Le conseil de quartier n'est pas favorable aux effets de débordement et d'envahissement du Red Bull sur le territoire historique du Vieux-Québec parce qu'on a transformé, pendant six semaines, le caractère historique de la ville en un immense studio de télévision à ciel ouvert pour faire la promotion de produits discutables sur le plan de la santé publique et qui déborde largement en enjambant des sites historiques, en essayant... enfin bref, en essayant de satisfaire les promoteurs de produits plutôt que les résidents et même la vocation culturelle de ce quartier-là.
Alors, je pense qu'on devrait... et les municipalités et la ville de Québec devraient être contraintes d'agir plutôt en vertu de grands principes de développement durable. Parmi ceux-ci, évidemment, ça a été nommé, ça a été dit, la question de principe de précaution. Je pense qu'il faut agir avant que le dommage ne soit causé. Est-ce qu'en permettant qu'il y ait autant d'événements dans le Vieux-Québec nous allons... Est-ce que nous allons agir de façon préventive? Est-ce que nous allons poser les bons gestes? Je ne crois pas. Je pense qu'il y a un abus maintenant. On est au point de rupture et de fracture des citoyens par rapport au nombre d'événements. Je pense, et je l'ai dit à quelques reprises dans les instances qui nous concernent, qu'il faut apprendre à répartir le plaisir des événements que nous tenons dans le Vieux-Québec et commencer à les tenir ailleurs que dans le Vieux-Québec, que ce soit dans Saint-Roch, ou même dans Sainte-Foy, ou ailleurs sur le territoire de la ville de Québec.
La commission d'urbanisme qui serait appelée à agir comme conseil local du patrimoine a déjà maille à partir avec le mandat qu'elle a à essayer de protéger et d'intervenir dans les développements, dans les constructions, de telle sorte que, si on lui adjoignait un nouveau mandat en vertu du projet de loi de la ministre, je pense que ce serait la charger démesurément, et ce ne serait peut-être pas nécessairement l'instance la plus appropriée pour ce faire.
Je pense que le projet de loi a la possibilité de fabriquer la cohérence sur le plan des interventions gouvernementales en matière de patrimoine culturel, et voilà une occasion sur laquelle, je pense, il faut absolument sauter pour pouvoir fabriquer cette cohérence dans les villes et permettre donc que les entrepreneurs, promoteurs, enfin le... Je vais le citer plutôt que de le répéter: «L'enjeu est de taille: fabriquer la nécessaire cohérence des interventions municipales et privées en la matière sans se laisser distraire par le chant des sirènes des entrepreneurs et promoteurs immobiliers, des propriétaires privés, ni même des élus de circonstance, ayant davantage à coeur le rendement aux actionnaires, la marge bénéficiaire ou la fiscalité foncière que l'identification, la préservation et la mise en valeur des patrimoines matériels et immatériels susceptibles de donner un sens à la ville où une personne "a choisi de l'habiter plutôt que de simplement y résider".»**(16 h 50)** Alors, dans notre esprit, ce qui manque au projet de loi: évidemment, la référence par incorporation au principe de développement durable, mais surtout rendre obligatoire la soumission des villes et des municipalités à cette loi-là.
Ce qui manque aussi, d'après nous, il devrait y avoir davantage d'éclaircissements apportés aux déclarations... de définition... pardon, il devrait y avoir davantage de précisions apportées aux définitions, notamment sur ce qui est un immeuble «classé», par opposition à celui qui est identifié «cité». Je pense que, dans l'article... Au départ de la loi, ce n'est pas suffisamment clair. Quelqu'un qui est relativement versé dans la chose va s'y retrouver, mais le commun des mortels aura peut-être quelques difficultés à s'y retrouver.
Il faudrait, je pense, ajouter la notion de zone de protection, mais que ce soit couplé avec la notion de zone tampon telle qu'elle a été évoquée, donc, comme je le rappelais, en juillet 2008, lors de la conférence de l'UNESCO ici, à Québec, de façon à ce que la zone de protection jusqu'à un maximum de 152 mètres, donc 500 pieds, puisse aussi faire l'objet d'une zone tampon, qu'on ne vienne pas mettre un édifice de 40 étages devant un édifice... Je donne un exemple: en bas, devant la gare intermodale, qui est un édifice classé par le gouvernement fédéral, et l'espace qui est aujourd'hui en train d'être construit... Il y a un projet qui s'appelle Port-Dauphin. Il y a deux édifices historiques. Évidemment, on va cacher, avec cette construction-là, on va cacher les édifices historiques. Donc, plus de perspective, plus de protection, plus de zone tampon.
Alors, je pense qu'on devrait être en mesure d'assurer les protections visuelles, d'assurer la question, donc, «zone de protection, zone tampon», assurer les protections visuelles. Nous avons demandé, le conseil de quartier, à la ville, de nous fournir un inventaire des percées visuelles depuis Québec vers l'extérieur, mais depuis l'extérieur des murs vers l'intérieur des murs, de façon à ce que nous puissions, donc, faire cet inventaire-là et demander à la ville d'assurer, de prendre les mesures pour protéger ces percées visuelles. Donc, on a encore un travail assez important à faire.
Ce qui serait bon aussi, c'est que la définition de menace réelle ou appréhendée soient bien définie, que nous ayons des critères objectifs sur ce qui est une menace réelle ou appréhendée, de façon à ce que, si la ministre a l'intention... avait l'intention de recourir aux tribunaux, les avocats qui seraient chargés de faire la présentation du dossier aient des éléments concrets pour assurer la défense ou la présentation du dossier en cour.
Que nous fassions une définition aussi beaucoup plus pointue de ce qui est le concept «dégradé de manière non négligeable». Le «manière non négligeable» est quelque chose d'extrêmement subjectif. Je pense qu'on aurait intérêt à préciser ça pour le futur de l'application de la loi.
Ce qu'il faudrait aussi modifier, à notre avis, au projet de loi, c'est la notion du droit de blocage et de veto. Pour être en mesure de présenter un dossier sur la question... la désignation des paysages culturels, il faut l'unanimité des municipalités, des municipalités régionales de comté. Évidemment, qui dit unanimité dit droit de veto. Il s'agit qu'il y ait une personne qui s'y oppose, et le dossier tombe à l'eau. Est-ce que c'est ça, l'objectif de la loi? Faire en sorte que, pour des intérêts du moment, des élus du moment, des objections du moment, il y ait un droit de veto permanent qui roule de façon à ce qu'il n'y ait pas d'intervention et de décision sur la désignation d'un paysage culturel? Je pense que ce n'est pas là l'objectif de la loi.
Il y a une lourdeur administrative qui est assez étonnante. Je pense qu'il y a un coût de transaction qui est assez élevé, de la part des municipalités, pour obtenir une définition et obtenir une décision sur ce qu'est un paysage culturel patrimonial. Et je pense que l'article 25 du projet de loi n'est pas à la portée de toutes les municipalités, de toutes les municipalités régionales de comté.
L'autre élément sur lequel nous aimerions attirer votre attention, c'est que, dès qu'il y aurait un projet qui serait soumis pour devenir un paysage culturel patrimonial, il y a des subventions à la clé pour des projets, mais il n'y a pas de financement ni de compensation pour le maintien, la mise en valeur et l'exploitation de ces paysages-là. Je ne pense pas que les municipalités...
Le Président (M. Ferland): Il vous reste une minute pour...
M. L'Anglais (Denis): Conclure?
Le Président (M. Ferland): ...conclure, oui.
M. L'Anglais (Denis): Merci de me rappeler à l'ordre. Écoutez, à ce moment-là, je vais immédiatement conclure en disant que, s'il devait y avoir une seule chose que nous souhaiterions que la commission retienne, c'est l'application des principes du développement durable dans cette loi et qu'il y ait aussi harmonisation avec le prochain projet de loi qui va être déposé par le collègue de la ministre, le ministre Lessard, en matière d'aménagement du territoire et d'urbanisme. Je pense que là deux outils importants, l'aménagement du territoire, l'urbanisme, et le patrimoine culturel, s'ils étaient arrimés autour de principes de gérance et de bonne gouvernance, je pense que nous y arriverions. M. le Président, merci.
Le Président (M. Ferland): Alors, merci, M. L'Anglais. Alors, maintenant, je passe la parole immédiatement à Mme la ministre.
Mme St-Pierre: Merci, Me L'Anglais. C'est intéressant d'entendre parler évidemment du Vieux-Québec parce qu'on est attachés énormément au Vieux-Québec puisqu'il est désigné patrimoine de l'UNESCO, alors on est encore plus fiers et on veut évidemment le protéger. On a célébré le 25e anniversaire, d'ailleurs, en 2010.
Vous parlez de développement durable, et ça me frappe parce que vous y revenez beaucoup, mais pourtant, il me semble, ça m'apparaît assez clair dans l'article 1 du projet de loi: «La présente loi a pour objet de favoriser la connaissance, la protection, la mise en valeur et la transmission du patrimoine culturel, dans l'intérêt public, dans une perspective de développement durable.» C'est vraiment dans les premières lignes de notre projet de loi. Donc, vous êtes un juriste, pas moi, mais l'esprit me semble être très, très clair que ce qui, vraiment, donne l'élan au projet de loi... et tout l'esprit du projet de loi doit se faire avec en tête le développement durable, et surtout qu'en plus on est dans un exercice d'Agenda 21. Ce n'est pas suffisant?
M. L'Anglais (Denis): Bien, je vais vous répondre très franchement: Non, ce n'est pas assez suffisant, ou ce n'est pas suffisant. Le mot «durable» n'apparaît que deux fois dans le projet de loi, dans la note explicative et dans l'article 1, alors qu'il apparaît dans la loi de votre confrère le ministre Lessard 13 fois: les orientations, les consultations en matière de développement durable. Ce que je dis, c'est qu'il faudrait peut-être qu'on le répète et qu'on soumette les municipalités à l'obligation des principes contenus dans la Loi sur le développement durable. On ne sent pas qu'il y a cette obligation par incorporation, par référence à la Loi sur le développement durable. Une simple référence à la loi, d'abord, obligerait les principes, mais, si, en plus, on disait: Le gouvernement mettra en vigueur l'article 4, dans six mois, ou dans dix mois, ou dans un an, obligeant les municipalités à se préparer à l'application de ça, là, on verrait qu'il y a un engagement véritable de la part du gouvernement en matière de développement durable pour la protection dans ce champ qu'est la protection du patrimoine culturel.
Mme St-Pierre: Mais, si c'est inscrit dans l'autre loi, ce n'est pas implicite pour l'ensemble? Vous parlez des municipalités... La Loi sur le développement durable...
M. L'Anglais (Denis): Pas nécessairement, c'est qu'elles attendent que le gouvernement... Dans le cas de la Loi sur le développement durable, je vous lis l'article 4: «Le gouvernement peut déterminer à compter de quelles dates ou selon quel échéancier et, le cas échéant, avec quelles adaptations, une ou plusieurs des dispositions de la présente loi, applicables à l'Administration, s'appliquent également à l'un ou plusieurs des organismes municipaux...» L'article 4 n'a jamais été mis... Enfin, il est dans la loi mais on n'a jamais forcé les municipalités à l'appliquer. Ce que je dis: Profitez... Enfin, ce que nous suggérons, c'est: Profitons de ce projet de loi pour qu'il y ait une référence, par incorporation, de cette loi-là dans votre loi, et, à ce moment-là, en disant... On pourra mettre en vigueur l'article 4, à ce moment-là, de la Loi sur le développement durable qui va obliger les municipalités. Technique, juridique seulement.
Mme St-Pierre: Sur la question des bâtiments dans l'arrondissement historique de Québec, on a quand même des beaux exemples à partir de l'entente culturelle qu'on a renégociée l'année dernière. L'édifice Loyola, par exemple, on a annoncé... C'était vraiment, pour moi... Enfin, ça n'avait pas de bon sens, là, je passais là presque tous les jours puis je trouvais que... Et on est en mode action là-dessus. Le temple Wesley, qu'on a annoncé il y a deux semaines à peine, qui va être un endroit magnifique, qui va devenir la Maison de la littérature. Alors, quand même... Vous avez parlé de la façade, bien sûr, mais il y a quand même de très beaux exemples de collaboration dans le cadre de notre entente de développement culturel, qui a 30 ans. On a célébré, je pense, les 30 ans l'année dernière. Il y a beaucoup de choses, là, dans cette entente-là puis il y a une portion de l'argent...
D'ailleurs, dans les ententes culturelles avec les municipalités, souvent, les municipalités vont se servir de cette entente-là pour lui donner un volet patrimonial. On a plus de 200 ententes. Je pense que c'est 263 le vrai chiffre. Et les municipalités sont libres, évidemment, de l'utiliser à leur guise, mais elles donnent beaucoup, beaucoup d'importance au patrimoine dans ces ententes-là. La ville de Montréal, la ville de Québec...
Je comprends que vous n'êtes pas satisfaits tout à fait, mais je m'en vais vers l'histoire, là, du Red Bull, là. Bon, certains vont vous dire que... Puis il y a eu une compétition de cyclisme, là, de vélo. Certains vont vous dire, bien: Écoute, c'est toute une carte postale, là, ces images-là -- on les voit partout dans le monde -- de la ville de Québec, elles sont magnifiques. Je comprends que ça devient un site de télévision pendant un certain temps, puis c'est sûrement très désagréable. Moi, j'habite dans le Vieux-Québec, mais pas toujours, là, juste pour des raisons de travail. Quand tu es là à temps plein, peut-être que... Mais il reste que c'est vraiment quelque chose qui peut amener une grande fierté par rapport à ce que... à la beauté du site. Ça, c'est l'aspect peut-être plus commercial.
Maintenant, est-ce qu'une loi... est-ce qu'un gouvernement pourrait oser interdire des prises d'images du Vieux-Québec? Non.
**(17 heures)**M. L'Anglais (Denis): Sans interdire... Et là on ouvre un débat, là, on rentre dans le champ de l'éthique, là, je pense, à ce moment-ci. Écoutez, à partir du moment où on photographie Québec, il n'y a aucun problème; à partir du moment où on utilise Québec pour vendre des produits qui sont discutables sur le plan de la santé publique, c'est autre chose. Mais, à partir du moment où... Les obligations de la municipalité envers le quartier historique, c'est de le protéger, de l'envelopper, de le mettre en évidence, d'en faire l'éducation et de faire en sorte qu'il soit remis aux générations futures dans des conditions meilleures que celles dans lesquelles nous y sommes arrivés. Est-ce qu'en faisant... Et en exploitant à outrance et à d'autres fins qu'à des fins de promotion, d'éducation ou de sensibilisation mais plutôt à des fins de promotion commerciale, est-ce qu'il n'y a pas une incompatibilité sur le plan éthique? Et, à quelque part, des règles de bonne gouvernance avec des préoccupations de développement durable, d'ISO 26000 sur la bonne gouvernance, sur la responsabilité sociale, est-ce que ça ne devrait pas être là l'encadrement éthique obligeant les municipalités, pas juste celle de Québec, mais ça peut être celle de Montréal, ça peut être celle de Gaspé, ça peut être...
Mme St-Pierre: Oui. Par exemple, dans le transfert des responsabilités, encore là il y a quand même des précisions à faire parce que je pense que... Il faut vraiment qu'on soit pédagogique parce qu'il y a une incompréhension. Les gens viennent nous dire, bon: On a l'impression qu'on pourrait transférer n'importe quoi, n'importe où, n'importe comment. Ce n'est pas ça. Il y a déjà, dans la Loi des biens culturels, des responsabilités qui ont été données aux municipalités dans les années quatre-vingt, mais l'idée du transfert de responsabilités concerne uniquement les autorisations à l'égard des sites patrimoniaux classés et déclarés et les aires de protection, là; ce n'est pas tous azimuts, là. Et là il y aurait un plan de conservation, ensuite un bilan, puis la ministre pourrait retirer tout ça.
Mais, si je suis bien le ton de votre intervention, ce ne serait pas souhaitable, pour vous, que le ministre transfère à la ville de Québec la responsabilité de... ces responsabilités dans le...
M. L'Anglais (Denis): Bien, dans le cadre actuel...
Mme St-Pierre: J'essaie d'y aller de façon diplomatique, là.
M. L'Anglais (Denis): Bien là, vous m'obligez peut-être à prononcer... Là, je vais y aller sur la pointe des pieds, là.
Mme St-Pierre: Oui, mais moi aussi. On fait un peu de «tap dancing». Mais ce que je veux dire, c'est qu'il me semble que de dire à une municipalité... Bon, dans le cas d'un site patrimonial classé, il y a peut-être un dédoublement. Par exemple, on veut changer des fenêtres, puis ça prend un permis de la municipalité puis ça prend un permis du ministère. Ça fait bien du monde qui émettent des permis, puis le propriétaire, pendant ce temps-là, il attend puis il ne peut pas changer ses fenêtres. Je ne parle pas des grands travaux, mais, pour changer des fenêtres ou des poignées de porte, un permis pourrait être suffisant.
M. L'Anglais (Denis): ...avec vous, je vous suis là-dessus, aucun problème, Mme la ministre.
Mme St-Pierre: Bon.
M. L'Anglais (Denis): Ça, il n'y a aucun problème là-dessus. Ce que je dis par contre: Est-ce que le citoyen ne devrait pas être consulté? Il vit au quotidien dans son quartier; il est en mesure de dire ce qui est ou n'est pas patrimonial. Sur la rue D'Auteuil, il y a un réaménagement du presbytère de l'église anglicane. Alors, il y a un foyer au complet de marbre qu'on a retrouvé dans les poubelles. C'est une maison historique. Qu'est-ce qu'on fait? Comment peut-on protéger cet intérieur-là? Est-ce qu'on peut... Si on avait eu la chance d'intervenir comme citoyens, pour dire, bien: Écoutez, là, on va alerter les autorités soit municipales soit même ministérielles, gouvernementales, en disant: Écoutez, ça, à l'intérieur de ce... ce bâtiment-là est un bâtiment qui, à notre avis, devrait être historique... Est-ce qu'on ne devrait pas donner davantage de voix aux citoyens?
La façon dont la loi est articulée, nous intervenons une fois qu'il y a un classement. Il y a une consultation publique avant que nous procédions à des demandes formelles de classement, mais la capacité d'initiative du citoyen pour proposer, demander qu'il y ait des études qui soient faites et alerter les autorités, ça, on ne le sent pas, ce pouvoir-là, à l'intérieur de la loi. Et je pense que, comme citoyens qui habitent le quartier, nous aimerions avoir ce pouvoir-là. C'est ça, le sens, là, de la démarche.
Et, si, en plus de ce sens-là, il y avait un encadrement de bonne gouvernance avec des principes ISO, avec des principes de développement durable, je pense qu'on pourrait y arriver, là. On pourrait trouver, comme citoyens, notre voix au chapitre. Évidemment, je donne encore l'exemple du Red Bull, il s'agit que nous levions le petit doigt pour émettre un commentaire en disant: C'est peut-être un peu lourd, quand même, le Red Bull, et là on passe pour des empêcheurs de tourner en rond, on passe pour des emmerdeurs de première classe. J'en ai à peu près soupé, de ça, Mme la ministre.
Mme St-Pierre: Oui.
M. L'Anglais (Denis): Voilà.
Mme St-Pierre: Bien, je vous comprends parce qu'il y a beaucoup de circulation dans ce secteur-là. D'ailleurs, au coin Sainte-Anne et D'Auteuil, c'est fou, c'est fou, le matin, là.
M. L'Anglais (Denis): Je ne vous le fais pas dire.
Mme St-Pierre: Je pense qu'on est trois à habiter dans le même coin, on est trois à habiter dans le même édifice et on le... qui sont ici puis on le constate et... Mais il y a quand même... Bon, les gens aiment beaucoup le Vieux-Québec, alors c'est sûr qu'il va toujours y avoir beaucoup de monde, beaucoup de touristes, beaucoup d'activités. Et l'intérêt, c'est d'amener les gens à voir ce qu'on a de beau aussi. Ça, c'est formidable.
M. L'Anglais (Denis): Oui, mais est-ce qu'on le donne à vendre à n'importe qui? Est-ce qu'on le donne à vendre pour n'importe quoi? Qu'on le donne à voir pour des questions d'éducation, pour des questions de sensibilisation, de protection, certes, aucune difficulté avec ça, mais qu'on le prête à tous les événements...
Écoutez, comme je dis: C'est devenu un immense studio de télévision à ciel ouvert, le Vieux-Québec. Ce n'est pas un site du patrimoine mondial.
Mme St-Pierre: Alors, qu'est-ce que vous suggérez?
M. L'Anglais (Denis): Bien, c'est qu'à quelque part il y ait un peu plus de circonspection, qu'il y ait un peu plus de respect, qu'il y ait un peu plus d'éthique par rapport à ce dans quoi nous vivons, et que les autorités soient amenées à avoir un comportement beaucoup plus... qu'il y ait la saine distance par rapport...
Mme St-Pierre: Donc, est-ce que vous proposez qu'il devrait y avoir un permis de demandé au ministère de la Culture dans les cas de sites patrimoniaux ou de sites de... d'arrondissements historiques lorsqu'il y a une production de cet envergure-là qui veut venir? Est-ce que la loi devrait aller aussi loin que ça?
M. L'Anglais (Denis): Jusque-là? Aller jusque-là? Écoutez, je pense que là on va alourdir le processus. Ce que je dis, c'est que je pense qu'à la faveur de la définition de protection, de zone de protection et de zone tampon, il y a moyen d'introduire un certain nombre de critères qui disent: Un instant! Avant de permettre quelque chose là-dedans, là, soyez respectueux des objectifs recherchés par la promotion du développement du produit culturel et du patrimoine culturel.
Mme St-Pierre: Devrait-il y avoir l'émission d'un permis?
M. L'Anglais (Denis): Je pense qu'on se complique la vie. L'émission d'un permis, non, mais qu'il y ait une consultation, qu'il y ait un avis qui soit donné à la ministre sur l'utilisation, ce qui vous donne la possibilité de réagir par rapport à ça en disant: Non, là, je pense que c'est peut-être un peu trop lourd...
Mme St-Pierre: Mais elle est où, la poignée? Excusez-moi de vous pousser, là, dans vos retranchements, mais, moi, j'ai besoin de savoir: Elle est où, la poignée? S'il y a une consultation... Quand vous me dites: Un permis, le processus est long, une consultation ça risque d'être long aussi.
M. L'Anglais (Denis): Oui... Non, non, mais une consultation... C'est-à-dire que je me suis mal exprimé. C'est-à-dire que la ville doit vous informer qu'elle fait l'objet d'une demande de permis d'un événement touristique, et là vous êtes saisie, vous êtes informée automatiquement, et là les gens, vos collaborateurs, peuvent vous alerter sur l'abus qu'il peut y avoir dans l'utilisation de ce lieu-là.
Mme St-Pierre: D'accord, mais, rendu... hypothèse que les fonctionnaires nous disent: Bien, il y a peut-être un abus, il est où, le crochet pour l'arrêter, le projet?
M. L'Anglais (Denis): Bien, vous avez le mandat de la protection du patrimoine culturel. Je pense...
Mme St-Pierre: Ça serait sous l'aspect de la protection?
M. L'Anglais (Denis): Oui. Bien, écoutez...
Mme St-Pierre: On pourrait dire, déclarer que ce n'est pas protégé.
M. L'Anglais (Denis): Par mesure de prévention, par mesure de précaution, nous, on pense que ce n'est pas utile d'intervenir, ou ce n'est pas favorable, ou ça ne va pas dans le sens des objectifs recherchés par la loi que de tenir un événement de cette nature-là.
Mme St-Pierre: Merci beaucoup. Je vous remercie pour vos commentaires. C'est fort intéressant.
M. L'Anglais (Denis): Qui sont là nettement plus loin que ceux que le Conseil de quartier...
Mme St-Pierre: Oui, oui, mais c'est toujours intéressant, dans l'échange de... d'être capable d'échanger ces idées-là à chaud puis de voir jusqu'où on peut aller.
M. L'Anglais (Denis): On peut tenir...
Mme St-Pierre: Alors, je vous remercie beaucoup. Ces commentaires sont très pertinents. Merci.
Le Président (M. Ferland): Merci, Mme la ministre. Alors, est-ce qu'il y a d'autres membres du groupe du gouvernement qui veulent... Ça va? O.K. Alors, j'inviterais le groupe d'opposition à prendre la parole, donc le député de Drummond.
**(17 h 10)**M. Blanchet: Merci, M. le Président. Bien le bonjour. Vous partez d'un exemple... j'allais dire pointu, mais ce n'est pas pointu parce que le Vieux-Québec est la zone patrimoniale la plus cruciale pour l'identité québécoise, et je ne peux pas m'empêcher de partager votre irritation face à la cicatrice qu'on lui impose pendant plusieurs semaines à chaque hiver. Tu sais, entre le Carnaval, qui est une mise en valeur en général de très bon goût, et cette patente, j'avoue qu'il y a un écart considérable. Ayant résidé durant les travaux en bas pendant deux ans, il n'y avait pas juste mon côté patrimonial qui était irrité.
Cela dit, j'imagine qu'il faudra au moins clarifier des éléments dans le projet de loi parce que, d'une part, par moments, il faudrait croire que c'est très restrictif, ce qu'on envoie vers les municipalités, puis c'est essentiellement juste les immeubles, mais, à la lecture que je viens de refaire par bouts, c'est paysage, c'est patrimoine immatériel, c'est identification de personnages et c'est évidemment immeuble, et c'est bien, et c'est pas mal tout le combo qui peut effectivement être ouvert à des interventions des municipalités qui le voudront bien. Et la municipalité pourrait le vouloir pour protéger et pourrait le vouloir pour ne pas protéger, ce qui est, moi, je pense...
Une voix: ...
M. Blanchet: Je suis sous l'impression que ça peut être un outil et qu'une fois que quelque chose... une fois qu'une municipalité se sera... comment dire, aura fait des représentations comme ayant un intérêt dans un sujet donné, elle pourrait arriver à la conclusion que finalement ça ne mérite pas protection; à moins qu'il y ait des interventions systématiques du ministère, il y aura des pertes patrimoniales. C'est une crainte qui est significative. Et ce que je comprends, donc, dans la recherche de l'équilibre entre le neuf et le patrimonial, vous prenez exemple d'un cas bien clair où le neuf semble occuper pas mal d'espace par rapport au patrimonial. Ça vous amène, et c'est là que je trouve ça particulièrement intéressant, à dire: Donnons-nous les moyens des intentions qu'on énonce et donc appliquons les 16 principes du développement durable. Ayons la colonne vertébrale qui va avec ce qu'on a dit dans l'introduction. Et, ma foi, ce serait intéressant de voir jusqu'où on peut aller dans cette perspective-là de vraiment reconnaître, et appliquer, et imposer les principes du développement durable. Je sais que, pour l'instant, ça ne va pas jusque-là. Et je comprends aussi que ça veut dire que, lorsqu'on décentralise, on impose des objectifs clairs, nets, puis c'est à l'intérieur de ce cadre-là que vous devez travailler, et ça ne pourra pas servir à autre chose.
J'avais une question précise parce qu'encore une fois vous avez aussi un mémoire qui est d'une clarté et d'une limpidité qui prêtent peu à des questions, mais j'aimerais connaître votre définition effectivement ou qu'on élabore sur la notion de menace réelle ou appréhendée. Parce que vous avez des appréhensions très claires dans les cas que vous décrivez, mais, effectivement, ce n'est pas si facile.
M. L'Anglais (Denis): Bon, évidemment, j'ai mis une petite note... Merci de l'intervention. Merci des propos. J'avais mis une petite note de bas de page et je me référais à ce qui s'était passé lors de l'introduction de la Loi des mesures de guerre, il y a 40 ans, quand on s'est réclamé d'une menace réelle ou appréhendée pour imposer la Loi sur les mesures de guerre. Or, il s'est avéré qu'il n'y avait pas de menace réelle ni appréhendée, mais qu'il y avait d'autres intérêts derrière ça. Et ce n'est pas moi qui l'écris, c'est M. Ryan qui l'écrit dans Le Devoir.
Cela dit, il se pourrait que quelqu'un veuille déterminer qu'il y a une menace réelle ou appréhendée sur un édifice, alors que la réalité, c'est... n'est pas réelle, elle n'est pas appréhendée, et on ne sait pas si le dommage est un dommage... ou enfin une dégradation non négligeable -- encore là, il faudra qu'on définisse ça.
Alors, la question de «réelle et appréhendée», là, qui va la mesurer? On va demander à un juge de la Cour supérieure de se prononcer sur ce qu'est une menace réelle et appréhendée? Est-ce que ce sera la ministre qui va déterminer ça? Je pense qu'automatiquement, si la ministre déterminait que c'était une menace réelle et appréhendée, le promoteur va se retrouver en Cour supérieure pour demander que ce soit tranché par un juge. Entre-temps, l'édifice reste là, il y aura effectivement dégradation. Et donc là il y a tout un processus qui peut se mettre en place.
Alors, moi, ce que je dis, c'est: Est-ce que nous allons confier aux tribunaux la définition de ce qui est une menace réelle et appréhendée et que, là, toute l'application des chartes -- la canadienne comme la québécoise s'appliquent -- ... Donc, tous auront le droit à une présentation équitable, un rapport juste et équitable, équité de procédures, et tout le machin. Alors, on va se retrouver... quoi, là? On va se retrouver avec quoi, en termes de définition à la fin, à travers un processus judiciaire? Ma crainte, elle est plutôt de cet ordre-là. Comment serons-nous capables de définir ce qu'est une menace réelle et appréhendée? Je ne peux pas le définir à ce moment-ci. Et on ajoute à ce qui, à mon avis, est assez subjectif la notion de dégrader de façon non négligeable. C'est quoi, du «dégradé non négligeable»? Moi, je cherche encore comment on peut faire ça. Il y a des dégradés dans les vêtements, dans les couleurs, mais «dégradé non négligeable», là, je vous avoue, j'ai un problème avec ça.
M. Blanchet: La définition. Donc, vous dites: Resserrons la définition pour que la capacité d'intervention soit claire. Dans la mécanique de cette intervention-là, si je comprends bien, dès que cette menace qu'on appelle, pour l'instant, «réelle ou appréhendée», deviendrait quelque chose de clair, il faudrait que le ministre ait une capacité d'intervention rapide pour bloquer ce qui est cette, pour l'instant, menace réelle ou appréhendée.
M. L'Anglais (Denis): D'une part...
M. Blanchet: Donc, le mécanisme, est-ce que ça vous semble assez efficace comme mécanisme d'intervention ou vous dites: Non, il faut qu'on puisse bouger mieux et beaucoup plus vite?
M. L'Anglais (Denis): Non, le mécanisme des ordonnances est correct, je pense que ça donne suffisamment de marges de manoeuvre à la ministre. Encore faut-il qu'il y ait capacité de réaction, là, de la part des collaborateurs qui alertent la ministre et qu'il y ait donc des procédures judiciaires qui soient entamées et qu'il y ait une ordonnance de sauvegarde qui soit émise assez rapidement. Ça, ça va. Je pense que le pouvoir d'ordonnance de la ministre me semble assez clair. Cependant, c'est ce sur quoi elle va devoir démontrer... et les éléments de preuve qu'elle va devoir démontrer devant le juge pour obtenir son ordonnance, c'est là que je dis que ce n'est pas clair, c'est là que je dis qu'elle ne l'obtiendra pas, cette ordonnance-là, parce qu'il n'y a pas... Ce n'est pas suffisamment clair à la fois dans la définition de la loi... Je ne sais pas comment... s'il y a des règlements d'application qui vont suivre. Probablement que, dans les règlements d'application, il y aura encore davantage de précision, mais, pour moi, je pense qu'on devrait parler d'action, d'omission, de méfait. Il faudrait qu'on cerne chacun des éléments qui vont contribuer, au total, à déterminer ce qui serait une menace réelle et appréhendée.
On ne parle pas d'action, d'omission, évidement ça peut se plaider en cours, mais, si c'était déjà dans les dispositions de la loi ou dans les règlements, je pense qu'on y verrait déjà plus clair et on saurait sur quoi il faut consentir ou armer la preuve en termes de démonstration.
M. Blanchet: J'ai une autre question sur un tout autre sujet fort intéressant. C'est l'extraterritorialité.
M. L'Anglais (Denis): Oui. Je ne l'ai pas évoqué tout à l'heure, j'ai été... j'avais 15 minutes.
M. Blanchet: C'est très intéressant, mais je me demande comment ça fonctionne. J'assume que, pour l'avoir mentionné, vous pourriez me donner des exemples d'interventions par ententes, j'imagine, qui sont développées dans cet esprit-là.
M. L'Anglais (Denis): Si la loi permettait que la ministre puisse financer des projets à l'extérieur du Québec, ça lui donnerait donc le pouvoir, à la fois de conclure des ententes... Et là je vois qu'elle a le pouvoir de conclure des ententes avec tout gouvernement, mais ça ne dit pas qu'elle peut agir, et payer, et subventionner un projet de sauvegarde d'un bien culturel qui est relié, intimement relié à l'histoire du Québec, parce qu'elle n'a pas le pouvoir d'agir à l'extérieur du Québec par rapport à ça. Elle est sur le territoire... C'est une loi d'application sur le territoire du Québec. Il faudrait qu'il y ait une disposition dans la loi qui permette qu'elle puisse agir et financer à l'extérieur du Québec, et qu'elle puisse agir, et qu'elle ait le droit de gérance du projet, de la mise en valeur et des conditions d'exercice et de mises en valeur de ce bien culturel.
Je faisais référence à la commission sur les lieux de mémoire en France. Il y a sûrement des choses qu'on voudrait pouvoir récupérer à l'avantage du patrimoine. Et je pense que la ministre devrait se donner les moyens d'agir en France, évidemment de concert avec le gouvernement français, mais sur des choses qui seraient... ou sur des biens matériels ou immatériels qui seraient reconnus comme étant donc des biens culturels propres à l'histoire du Québec. Pour ça, je pense qu'une disposition de la loi permettant à la ministre d'agir sur le plan international, par des financements, des interventions, quitte même à détacher quelqu'un pour gérer un projet sur le terrain... Voilà des pouvoirs que la ministre peut aller chercher.
**(17 h 20)**M. Blanchet: Est-ce que, dans un contexte comme ça, le gouvernement n'est pas totalement tributaire de la bonne volonté de l'État où ça se situe? Si l'État dit: Pas intéressé, ou: Ah! Bien oui, amène l'argent, on va le prendre... Mais ce n'est pas un pouvoir à proprement parler. Ça peut être une volonté politique de collaboration, mais il n'y a pas de pouvoir formel. Je donne un exemple: il y a des objets... Bon, on a déjà parlé des archives qui sont dans les universités américaines, mais il y a d'autres cas. Il y a, je crois... je peux me tromper, mais je crois que c'est la pierre tombale de D'Iberville qui est dans un musée de bric et de broc à Cuba, à travers un tas de patentes. Puis le monde passe là, ils ne savent même pas ce que c'est, les Cubains, d'Iberville. Mais, il me semble, c'est élémentaire, élémentaire que le Québec doit s'empresser de dire: Écoutez, ce truc-là dont vous ne savez pas ce que c'est, on va le ramener. Mais ça va demander la bonne volonté des gens à l'autre bout.
M. L'Anglais (Denis): Oui. Mais ça peut faire l'objet aussi... Elle peut rester là, la pierre tombale, elle peut faire l'objet d'un aménagement par le gouvernement du Québec sur les lieux mêmes, une mise en valeur, une mise, donc, à contribution, une déclaration de monument avec le pays d'accueil, une mise en valeur aux frais du gouvernement et en faire un objet donc inventorié dans les biens culturels à l'extérieur du territoire, et donc recevoir la même protection que si c'était ici sur le territoire.
M. Blanchet: La même protection peut-être, mais est-ce que ça a le même impact?
M. L'Anglais (Denis): Bien là, ça dépend. Est-ce que... comment dire? Si ça fait partie de la liste des biens culturels protégés, on va diffuser cette liste-là, et les Québécois qui voyagent à l'étranger, particulièrement à Cuba, iront voir ce lieu-là. Il y aura un drapeau du Québec, puis il y aura un financement du Québec, ce sera dit, ce sera expliqué, et je pense qu'il faut donner le pouvoir à la ministre d'agir pour faire ce genre de choses là.
M. Blanchet: Je vous remercie, je pense que c'est une volonté qui appelle une réflexion par rapport aux moyens, mais c'est fort intéressant parce qu'effectivement le patrimoine circule, et on ne peut pas tout le récupérer, mais il y a des cas où ça me semble...
M. L'Anglais (Denis): Encore là, ce que je dis, c'est qu'il ne faut pas nécessairement le récupérer, l'acheter. Oui, on peut l'acheter mais même le laisser là sur place, parce que ça fait partie de la réalité de l'histoire. Les Québécois ont été de grands voyageurs, ils ont essaimé un peu partout sur le globe, et donc il y a des lieux, particulièrement, donc Cuba, les États-Unis et la France... Et je pense qu'on peut mettre des lieux de... de la même façon qu'il y a les cimetières pour les anciens combattants. Ils sont à la charge des gouvernements, des États nationaux et ils ont le droit d'intervenir, et c'est en vertu de l'extraterritorialité qu'ils interviennent. Et donc c'est eux qui gèrent, c'est eux qui paient l'entretien, c'est eux qui paient le personnel chargé de ça.
M. Blanchet: Est-ce qu'on devrait traiter différemment un objet ou un document qui est là où il est parce que ça a un sens qu'il y soit? Prenons l'exemple de D'Iberville, il pourrait y avoir une explication, différemment d'un objet qui aura été pris, amené par quelqu'un qui l'a... qui s'en est emparé, quelles que soient les circonstances. Ou le cas des archives volées et vendues: je ne pense pas que ça fasse partie du sens de ces documents-là d'avoir été volés aux archives du Québec et vendues à des bibliothèques aux États-Unis. Il y a des nuances à faire, j'imagine?
M. L'Anglais (Denis): Il y a un contexte historique, effectivement. On doit replacer la présence de ce bien culturel dans son contexte historique. La pierre tombale de D'Iberville à Cuba ou la pierre tombale de Béthune en Chine font partie de l'histoire de ces Québécois qui sont allés sur le territoire à ce moment-là. Et donc on ne peut pas exclure que, pour enrichir l'histoire du patrimoine culturel québécois, il puisse y avoir un investissement pour la sensibilisation, le développement et la mise en valeur de ces monuments-là ou de ces immeubles-là.
M. Blanchet: Bien, a contrario, si on a volé l'original des carnets de voyage de Cavelier de La Salle puis qu'ils ont été vendus à Harvard, il n'y a aucun signifiant, là.
M. L'Anglais (Denis): Non. Là, il n'y a pas un contexte historique là qui est le même, là, pas du tout.
M. Blanchet: Devrait-on donner le pouvoir à la ministre d'aller les récupérer?
M. L'Anglais (Denis): Ah! Là, c'est un pouvoir de saisie, là, c'est un petit peu plus... C'est un peu plus délicat, ça. Les vols, entre guillemets, ou les rapts de biens culturels dans le monde... Les Égyptiens en savent quelque chose; ils ont maille à partir, avec le buste de Néfertiti qui est à Berlin... Est-ce qu'on a des bustes de Néfertiti, nous, en perspective? Et là bonne chance à la ministre de récupérer les écrits de Cavelier de La Salle. Je pense que ça fait partie... Tant qu'il n'y aura pas un code universel permettant le retour des biens volés indépendamment des circonstances, je ne pense pas qu'une loi provinciale soit en mesure de répondre à cette situation-là.
M. Blanchet: Effectivement, je suggérerais de commencer par la diplomatie.
M. L'Anglais (Denis): Ça peut aider, effectivement.
M. Blanchet: Ça peut peut-être marcher. C'est bon pour moi.
Le Président (M. Ferland): Alors, je passe la parole maintenant à la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Poirier: Merci, M. le Président. Bonjour, M. L'Anglais, Ça me fait plaisir. Vous avez parlé de l'église anglicane sur la rue D'Auteuil, et, moi, je m'intéresse particulièrement au patrimoine religieux en tant que tel et aux délais. Je ne sais pas à qui elle appartient, cette église-là présentement. Mais comment vous voyez cette espèce de calendrier? Bon, on sait que les Églises doivent aviser la ministre lorsqu'elles désirent fermer l'église. Il y a un processus d'un an que la ministre doit répondre à savoir si elle veut faire quelque chose avec, soit la transformer en édifice, etc., et, après ça, ça tombe à qui la voudra. Alors, les communautés religieuses se retrouvent avec le bien, elles n'en veulent plus, mais elles sont prises avec l'édifice, avec le terrain, etc.
M. L'Anglais (Denis): Il y a un bruit de fond.
Mme Poirier: On va enlever la réverbération, sinon on va mourir, là. Merci.
Et je vous donne un exemple assez concret, puis peut-être que vous avez des détails dans celui de l'église anglicane. Moi, dans le cadre d'une église dans mon comté présentement, l'archevêché a même reçu un avis de la municipalité disant que, si vous n'effectuez pas des travaux, on va les faire et on va vous facturer. En plus, puisque ce n'est plus un lieu de culte, eh bien, elle devient taxable. Alors, on va vous envoyer le compte de taxes depuis qu'elle est fermée.
Est-ce que vous avez réfléchi sur une espèce de processus où... On parlait tout à l'heure de plan de conservation. Mais, dans ce plan, quel est le processus qui devrait être mis en place à partir du moment où, par exemple, une communauté religieuse décide que, cet endroit-là, je le ferme.
M. L'Anglais (Denis): La réponse à la question: Est-ce qu'on a réfléchi à ça? Non, pas particulièrement parce que c'est un... enfin, c'est très complexe, et puis on a beaucoup de patrimoine religieux. Et comment on va s'en sortir? Je ne voudrais pas être celui qui ait à réfléchir sur la question, parce que l'enjeu est de taille.
Cependant, ce que je comprends, c'est qu'effectivement, dès que ça devient du domaine privé et qu'on ait désacralisé, c'est taxable, et les communautés religieuses, les fabriques n'ont pas les moyens d'assumer ça. Et je pense qu'il y a moyen de réutiliser ces installations-là au-delà qu'à des fins de but lucratif par des promoteurs pour faire du logement ou du condo.
Je donne un exemple. Saint-Coeur, l'église Saint-Coeur-de-Marie, qui est en face ou à côté de l'édifice Saint-Amable, est à l'abandon, et ça a été vendu à un promoteur, un vendeur d'automobiles qui a voulu en faire un bar. On a complètement vidé tous les ex-voto qu'il y avait là-dedans, tout le marbre, tout le bois. Et là maintenant l'édifice est en train de tomber en ruines.
Par contre, il y avait des demandes de développement du Grand Théâtre, des espaces de pratique, des espaces de théâtre et d'école de théâtre, et on aurait pu rapidement, à même le bien public, transformer cette église-là et lui donner cette vocation-là à des fins... j'allais dire «publiques», plutôt qu'immédiatement la mettre en vente, avec cette préoccupation d'une rentabilité immédiate, à des fins lucratives par des promoteurs. J'ai beaucoup de difficultés avec ça parce qu'on liquide trop rapidement.
Bon, évidemment, ce sont des ensembles conventuels qui sont extrêmement lourds. Est-ce qu'on va faire essentiellement des salles de concert, et des salles de pratique, et des salles de dessin? Non. Mais il y a certainement moyen de mettre à contribution... Les villes se plaignent de ne pas avoir suffisamment d'infrastructures sur le plan culturel, sur le plan communautaire. Je pense qu'on devrait pouvoir les aider à faire ce passage-là et à garder dans le patrimoine quelque chose en le passant de religieux à laïque, mais en l'offrant à la communauté. Il y a peut-être une réflexion. Comment on va le faire? Je ne sais pas. Malheureusement, je n'ai pas les réponses. Mais on doit avoir une préoccupation, à mon avis, communautaire et, si on mettait, encore là, les citoyens à contribution, je suis convaincu qu'il y aurait un certain nombre d'idées qui naîtraient de cette préoccupation-là.
Mme Poirier: Dans cette perspective-là, parce qu'il y a un espace-temps, là, dans le processus entre le moment où le bien devient excédentaire pour l'archevêché et le moment où soit la municipalité, un groupe de citoyens ou un promoteur privé... Mais, dans cet espace-temps-là, qui devrait avoir la responsabilité du bâtiment, selon vous? Qui devrait prendre charge? Est-ce que c'est le propriétaire, qui est l'archevêché, qui, lui, veut absolument s'en débarrasser parce qu'il n'est plus capable d'en assumer les coûts? Est-ce que ça doit être le gouvernement? Qui doit assumer cet espace-temps-là pour réfléchir justement à quelle vocation on va donner à ce bâtiment-là éventuellement?
**(17 h 30)**M. L'Anglais (Denis): Je ne suis pas sûr que je vais me faire des amis en répondant à votre question, là. L'Église. Les Églises se sont constituées un patrimoine qui est assez imposant, au Québec, tout ça en ne payant pas de taxes et en ne payant pas même d'en-lieu de taxes, de telle sorte qu'elles ont acquis une richesse qu'elles veulent vendre aujourd'hui à la valeur du marché et en disant: Nous n'avons pas les moyens de se le payer. Cependant, elles l'ont acquis sans qu'il ne leur en coûte un sou. À quelque part, je pense qu'il y a une obligation de responsabilité sociale, ne fut-ce que sur le plan éthique.
Ensuite de ça, après, quel est le temps? Je ne saurais dire, mais il y a certainement un moment où elles doivent assumer, retourner à la société ce que la société leur a donné en permettant de construire en n'ayant pas à payer de taxes sur ces édifices-là. Je pense qu'il y a une responsabilité, là, qui doit être mise en place de la part des communautés religieuses, qui ne sont pas pauvres, soit dit en passant. Et c'est pour ça que je dis que je ne veux pas me faire d'ennemis, là. J'ai peut-être gagné mon enfer ce soir, là, mais...
Le Président (M. Ferland): Il reste une minute pour conclure.
M. L'Anglais (Denis): Enfin, bref, je pense qu'elles doivent assumer pendant un certain temps. Il y a peut-être lieu de prévoir qu'au-delà de, je ne sais pas, moi, cinq ans après avoir annoncé à la ministre qu'elles ne peuvent plus assumer, là, à ce moment-là, il doit y avoir... ça devient... ça revient à... voyons, à la tutelle de l'État, ça appartient à la tutelle de l'État, qui va trouver une façon, à ce moment-là, de faire gérer ça par les municipalités et les municipalités régionales de comté. Parce qu'il y a un besoin d'espace, et il faut qu'on soit capables de recycler. Ça a coûté très cher à mettre sur pied, ces infrastructures-là, et ce serait bête de devoir juste les démolir.
Le Président (M. Ferland): Alors, merci, M. L'Anglais. Alors, je vous remercie beaucoup pour votre présentation.
Je lève maintenant la séance, et la commission ajourne ses travaux au mardi 29 mars 2011, à 10 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau.
(Fin de la séance à 17 h 32)