(Onze heures vingt-quatre minutes)
Le Président (M. Marsan): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
Le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le projet de loi n° 82, Loi sur le patrimoine culturel.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président, il y a deux remplacements: Mme Richard (Marguerite-D'Youville) est remplacée par Mme Poirier (d'Hochelaga-Maisonneuve) et M. Robert (Prévost) est remplacé par M. Turcotte (Saint-Jean).
Le Président (M. Marsan): Je vous remercie. Comme ordre du jour, ce matin, nous avons le privilège d'accueillir le Groupe d'initiatives et de recherches appliquées au milieu et, un peu plus tard, ce sera la Chambre des notaires du Québec.
On m'indique que Mme la ministre de la Culture va avoir un léger retard mais que son adjoint parlementaire, qui est avec nous, M. le député de Lévis, va faire office.
Auditions (suite)
Alors, il me fait plaisir d'introduire M. Pierre-Paul Sénéchal, qui est le vice-président. M. Sénéchal, je vais vous demander de nous présenter la personne qui vous accompagne, et vous avez environ une quinzaine de minutes pour nous faire votre présentation.
Groupe d'initiatives et de recherches
appliquées au milieu (GIRAM)
M. Sénéchal (Pierre-Paul): Merci, M. le Président. Donc, je suis accompagné de Gaston Cadrin, qui a été président du GIRAM pendant de très nombreuses années. Il a participé à la préparation du mémoire que vous avez en main, de même que M. Michel Lessard, historien, qui devait être avec nous ce matin et qu'une circonstance majeure empêche d'être avec nous. C'est un peu dommage parce que c'est une personne dont la notoriété n'a plus à être établie. Il est connu à la grandeur du Québec, un grand historien d'art, beaucoup de publications en matière de patrimoine culturel à son actif. C'était notre champion, mais on va essayer de prendre la relève.
Donc, je vais laisser M. Cadrin faire une brève présentation, une courte présentation de l'organisme, le GIRAM et, par la suite, une brève présentation de l'état qu'on estime être celui du patrimoine culturel en ce début de XXIe siècle.
Le Président (M. Marsan): M. Cadrin.
M. Cadrin (Gaston): Alors, bonjour, M. le Président Marsan. Bonjour, messieurs madame les députés. Alors, le GIRAM a été créé officiellement en 1983, donc ça veut dire qu'il existe depuis presque 30 ans, et il a de nombreux dossiers à son actif, que ce soit au niveau de l'environnement, que ce soit au niveau du patrimoine, que ce soit au niveau de l'aménagement du territoire, et nous avons véhiculé la protection du patrimoine particulièrement dans des consultations, soit de plan d'urbanisme, soit des consultations de schéma d'aménagement, soit au niveau parfois de projets qui étaient soumis aux audiences publiques. Donc, nous avons véhiculé ces valeurs depuis fort longtemps.
Nous avons aussi... nous sommes intervenus à maintes reprises, depuis 25-30 ans, pour sauver des bâtiments, pour demander à des villes, des municipalités de se pencher sur leur patrimoine. Et, personnellement, j'ai même été à un stage franco-québécois, en 1980, sur le patrimoine en milieu rural. Donc, on s'intéresse, C'est sûr qu'on n'est pas un grand Prix du Québec comme M. Lessard, mais -- qu'on salue en passant -- on a quand même une bonne expérience, une bonne expertise du vécu et des relations d'un organisme communautaire bénévole avec les municipalités, avec, donc, les différentes instances politiques et gouvernementales.
Donc, on s'est rendu compte qu'on a même aussi, pour continuer... Parce que je vois M. Lehouillier, qui est mon député, qui a été dans le municipal longtemps. On a eu à débattre ensemble certains dossiers, et il était très sensible au patrimoine, je dois le souligner. Et on a eu à défendre un dossier dernièrement, surtout une demande qu'on a faite à la ministre du temps, de la Culture -- je pense que c'était Mme Beauchamp, en 2005 -- de créer un arrondissement historique national pour le Vieux-Lauzon, Lévis et Saint-David.
Malheureusement, nous avons eu, bien sûr... Heureusement, on a eu un accusé de réception, mais malheureusement il n'y a pas eu de suite encore à ce dossier-là. Alors, c'est pour ça, quand on arrive avec une nouvelle loi, on s'aperçoit qu'il y a du sable dans l'engrenage à quelque part.
Nous avons aussi, à maintes reprises, demandé une loi sur le paysage au Québec. On parle beaucoup de paysage dans la loi, on en parle... du moins, il y a des items qui concernent le paysage et, nous, on a déjà demandé une loi comme il en existe, par exemple, en France et on pense que cette loi-là serait encore utile.
On doit souligner, en préambule, qu'au niveau du ministère, au niveau du gouvernement il y a eu des efforts de faits en créant par exemple la Fondation du patrimoine religieux, en créant un fonds du patrimoine, je pense, qui est disponible pour certains projets de sauvegarde du patrimoine, certaines études, etc.
**(11 h 30)** Donc, il y a des efforts qui ont été faits, et nous reconnaissons qu'il y a un effort actuellement qui a été fait avec la nouvelle loi pour essayer d'améliorer l'ancienne. Cependant, comme certains intervenants ou certains représentants de groupes l'ont déjà dit, on se serait attendu peut-être, au préalable, à une politique du patrimoine visant à donner des grandes orientations avant d'arriver avec la loi. Mais, comme on est devant une loi, alors nous allons commenter cette loi-là qu'on a devant les yeux.
Donc, la nouveauté de la loi, ce qu'on apprécie, c'est de se pencher sur le patrimoine immatériel, on n'a rien contre ça, on est très d'accord. D'ailleurs, c'est une tendance à l'échelle internationale. Même l'UNESCO reconnaît le patrimoine immatériel. Cependant, ce qu'on reconnaît... Au niveau, par exemple, des paysages culturels, ça aussi, c'est une nouveauté qu'on apprécie. Parce qu'on a déjà parlé d'une loi, à défaut d'une loi, au moins, on semble vouloir se pencher sur l'insertion d'une protection, en tout cas, l'insertion dans le mécanisme de protection des paysages culturels. Donc, ça, c'est intéressant de le faire, mais avec des plans de conservation qui sont associés.
Cependant, pour nous, ce n'est pas suffisant, ça nécessiterait, bien sûr, des inventaires bien précis pour supporter des plans de conservation, et la lacune qu'on voit au niveau de votre insertion dans la loi sur les paysages culturels, la lacune, c'est qu'il n'y a pas véritablement des directives du gouvernement pour que les municipalités se penchent vraiment pour protéger ces paysages.
Donc, c'est plus une demande des municipalités, des MRC qui, donc, doivent adresser au ministre leur intention ou leur volonté, faire part de leur volonté de conserver certains paysages. Donc, à mon avis, de par mon expérience que j'ai eue à côtoyer les élus, je pense que très peu vont s'aventurer là-dedans, parce que, quand on dit protection ou plan de conservation, on dit des contraintes pour l'application de l'aménagement, et on sait que les élus sont assez peu sensibles à ces contraintes-là.
Deux, ensuite de ça, je voudrais dire que la loi actuelle ne peut renverser la tendance qu'on constate depuis au moins quatre décennies de la dégradation de nos patrimoines, de nos quartiers historiques, de notre patrimoine rural. Allez dans les rangs, vous allez voir qu'est-ce qui reste comme bâtiments anciens, donc il y a eu vraiment un lessivage de notre patrimoine. Et pourtant on se dit que le Québec a un caractère distinct, il n'y a pas juste la langue, mais il y a aussi ce paysage culturel, ces bâtiments, ces éléments forts qu'on retrouve dans notre environnement qui nous identifient.
Alors, ça, on trouve que ça ne répond pas à cette demande, et donc c'est sûr que le Québec reste beau quand on le voit à vol d'oiseau, en avion mais, quand on commence à le regarder, quand on commence à regarder nos entrées de villes, quand on commence à regarder les démolitions de bâtiments anciens qui se produisent encore devant nos yeux à tous les jours, c'est évident que nous ne sommes pas satisfaits de la nouvelle loi qui s'en vient.
Donc, la nouvelle loi reporte, si on résume, des éléments de l'ancienne avec une terminologie nouvelle. La nouvelle loi permettra peut-être de protéger des paysages remarquables si les élus locaux ou régionaux en font la demande, ce qui est loin d'être acquis. La nouvelle loi n'est pas plus intégrée que l'ancienne aux politiques et orientations d'aménagement du territoire. Donc, on pense qu'il faut absolument que cette loi du patrimoine, un peu comme en Europe, en France, en Belgique, soit intégrée à des instruments de planification du territoire.
Je termine puis je vais passer la parole à M. Sénéchal. Donc, le patrimoine bâti et les paysages, donc, comme je vous l'ai dit, sont le reflet de l'histoire des Québécois, de leur culture, de leur caractère distinct comme peuple francophone en Amérique. Il s'avère donc primordial d'en préserver la pérennité. Les paramètres et orientations de la loi n° 82 sont loin de répondre convenablement à l'atteinte de cet objectif, à notre avis.
Donc, dans un premier temps, il est urgent que le gouvernement et les municipalités réalisent un vaste inventaire national afin d'identifier et de caractériser ses patrimoines culturels et paysagers les plus remarquables du territoire québécois. Dans un deuxième temps, il faut que ces intervenants soient investis -- gouvernement, municipalités -- non seulement de pouvoirs pour en assurer la conservation à long terme, mais aussi de devoirs bien précis, d'orientations très claires, de mesures donc, qui permettent un meilleur encadrement et une meilleure intégration des éléments patrimoniaux et des paysages dans l'aménagement du territoire. Je vous remercie. Je vais passer la parole pour la suite...
Le Président (M. Marsan): M. Sénéchal.
M. Sénéchal (Pierre-Paul): Bon, Mme la ministre, bonjour. Donc, ce que M. Cadrin vient de préciser, là, en termes de... je dirais, je vais employer le mot «désoeuvrement» de l'état du patrimoine bâti et paysager en milieux urbain et rural, ce désoeuvrement fait en sorte qu'on a une certaine difficulté à découvrir l'âme du Québec lorsqu'on est sur le plancher des vaches. C'est la raison pour laquelle, en gros, je vais vous faire part des trois malaises, sans vouloir être négatif, là, des trois malaises que ce projet de loi suscite chez nous. Ceci dit, malgré les nouvelles ouvertures que ce projet de loi nous amène en termes de patrimoine, protection du patrimoine immatériel et de paysages, il reste qu'on fait face à certaines lacunes.
Le premier malaise touche au fait qu'on éprouve encore une certaine difficulté à articuler protection du patrimoine, protection du patrimoine culturel et bâti avec les lois et les politiques d'aménagement qui, elles, sont gérées par le ministère des Affaires municipales. C'est comme si on traitait toute la question des biens culturels et des paysages comme des spécimens, alors que, dans la plupart des pays, lorsqu'on regarde le paysage, ce n'est pas une question de spécimens, c'est une question de grands ensembles.
Dans nos villes, ce ne sont plus des plantes rares qui sont menacées, ce sont les forêts urbaines, souvent des forêts avec des arbres de 250 ans. Les gens du comité de protection de Sillery ou de la société historique sont venus, je pense, au cours des dernières semaines, faire état des angoisses qu'ils ont à voir le cimetière de Sillery charcuté, là, pour faire place à une rue. Donc, cette question d'ensemble, là, versus l'approche spécimen, c'est très important pour nous.
Le deuxième malaise en ce qui concerne le projet de loi, on l'a décrit dans notre mémoire, c'est les pouvoirs qui sont dévolus au ministre ou à la ministre versus les pouvoirs accordés au Conseil du patrimoine qui demeure un organisme purement consultatif.
Vous savez, on est dans une période, on voit ça à tous les jours dans les journaux... on est à une période de grande prédation ou grande tentative de prédation des sites les plus intéressants dans nos villes et dans nos villages. Et, par hasard, les plus beaux sites, ceux qui sont en prédation, sont toujours les sites historiques, bien sûr, parce que nos ancêtres ont choisi les plus beaux endroits. Donc, le projet de loi n° 82, sur ce plan-là, ne change rien.
Et je vois que le 15 minutes approche. Je vais vous faire une petite invitation, à vous tous ce matin, pour voir la différence entre une loi qui a des dents et une loi qui n'en a pas. Je vous invite à lire, au cours de la journée, relire le projet de loi n° 82 et changer... Enlevez le mot «patrimoine culturel» et mettez, à la place, «patrimoine agricole» pour vous demander, avec les dispositions qui sont contenues dans ce projet de loi là, dans quelles mesures, aujourd'hui, le patrimoine agricole serait en état de vulnérabilité ou il serait bien protégé. Donc, faites l'exercice aujourd'hui et vous allez voir tout de suite où sont les lacunes de ce projet-là.
Le troisième malaise, et je vais terminer avec cela, c'est toute la question de la délégation des pouvoirs vers les municipalités. Ce n'est pas qu'on veut se délester des pouvoirs au niveau central, mais je pense qu'on fait un mauvais calcul en anticipant que, du côté des conseillers municipaux, des conseils municipaux, il y a l'expertise, la volonté, la sensibilité pour réaliser les grands défis auxquels ils vont être confrontés.
Donc, on le précise dans nos recommandations, on aura l'occasion d'en parler tout à l'heure, on se serait attendus qu'au-delà des pouvoirs qu'on leur accorde on leur signifie les attentes pour faire en sorte que les choses bougent sur le territoire municipal. J'ai été conseiller municipal à Beaumont pendant quelques années et je vais vous raconter une anecdote. On était en train de refaire le plan de zonage, le plan d'urbanisme à un moment donné, et la spécialiste en aménagement nous disait: Il faut absolument, c'est dans la loi de l'aménagement, que vous prévoyiez un endroit pour, s'il y a un promoteur qui arrive, placer un bar érotique dans votre municipalité. Mais à aucun endroit il n'y a une obligation pour assurer une protection de l'église paroissiale et du presbytère qui sont en plein coeur de la municipalité. Donc, vous voyez les incongruités qu'on peut avoir des fois dans certaines lois. Merci.
**(11 h 40)**Le Président (M. Marsan): Je vous remercie, M. Sénéchal, et nous allons débuter immédiatement notre période d'échange et je vais céder la parole à Mme la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine. Mme la ministre.
Mme St-Pierre: Merci, M. le Président. Merci d'être parmi nous ce matin. Je m'excuse pour le retard que j'ai eu, c'était vraiment hors de mon contrôle. Alors, je vous prie de vraiment m'excuser parce qu'on est là vraiment dès les débuts des audiences. C'est malheureusement tombé sur vous ce matin.
Alors, je voudrais vous poser des questions, mon collègue, mon adjoint parlementaire, le député de Lévis, aura aussi des questions. Alors, on va essayer de le faire pour avoir des échanges assez courts.
Alors, je vous remercie de vos suggestions et je voudrais savoir, dans le cas des municipalités... Vous terminez votre exposé sur le cas des municipalités. L'esprit du projet de loi n'est pas de leur envoyer des pouvoirs sans qu'il y ait eu de discussion, c'est-à-dire que c'est un pouvoir habilitant qu'on donne aux municipalités et, évidemment, il y aura toujours un droit de regard, un regard du ministère et du ministre pour retirer ce pouvoir-là si la municipalité ne se conforme pas aux exigences du ministère.
Alors, c'est vraiment une possibilité qu'on offre aux municipalités d'utiliser des nouveaux pouvoirs pour intervenir davantage si elles le souhaitent. Alors, on ne les obligera... On n'obligera aucunement les municipalités si elles ne le souhaitent pas et s'il n'y a pas de volonté aussi de la municipalité de croire à son patrimoine. Et ça fait à plusieurs reprises que cette idée revient qu'on lègue des pouvoirs aux municipalités, alors que ce n'est pas vraiment ca qu'on veut faire.
Est-ce que c'est parce que le libellé n'est pas clair ou si c'est nous... s'il y a un effort pédagogique à faire là-dedans, là?
M. Sénéchal (Pierre-Paul): Je peux peut-être commencer. Nous, ce qu'on saisit, c'est bien sûr qu'il y a un pouvoir habilitant, puis je pense qu'il y en avait un dans la Loi sur les biens culturels aussi, parce que les municipalités pouvaient citer des lieux.
D'ailleurs, la municipalité de Beaumont, dont j'étais conseiller, on est entré en contact avec votre ministère pour citer le lieu où est le Moulin de Beaumont, qui est à l'est du village. Auparavant, le moulin, la bâtisse, était bien culturel mais, pour assurer la protection de l'ensemble, donc, on est allés par une citation.
Donc, les municipalités avaient déjà un certain pouvoir, sauf que là c'était relativement facile parce qu'il y avait déjà... c'est un endroit fort reconnu, même à travers l'ensemble du Québec.
Mais, quand vous dites -- puis j'entendais M. Lehouillier avec une affirmation du même type hier, parce que j'ai écouté hier soir à la télé -- qu'on ne peut obliger les municipalités qui ne veulent pas à intervenir pour la sauvegarde de tel ou tel site, c'est là que je me pose des questions. Parce que, dans mon esprit, et j'imagine que c'est partagé par l'ensemble des membres du GIRAM, le patrimoine au niveau municipal n'appartient pas à une municipalité, il n'appartient pas non plus uniquement aux conseillers municipaux qui peuvent le gérer, il appartient à l'ensemble de la communauté.
Par exemple, je cite souvent l'exemple du rocher Percé. Le rocher Percé n'appartient pas à la municipalité de Gaspé. Le conseil municipal de Gaspé ne pourrait pas demain matin dire: On ne s'en occupe plus. Ça fait partie du patrimoine national. Mais l'ensemble des patrimoines locaux appartiennent à l'ensemble des citoyens du Québec, et une municipalité ne peut pas dire: Moi, je me lave les mains, c'est mon territoire, et je fais ce que je veux.
Mme St-Pierre: Qu'est-ce que vous suggérez? Je sais que mon collègue a des questions à poser aussi.
M. Sénéchal (Pierre-Paul) : Bien, nous, ce qu'on suggère...
Mme St-Pierre: Qu'est-ce que vous suggérez? Qu'on ne donne aucune possibilité aux municipalités de gérer elles-mêmes leurs biens patrimoniaux? Dans le cas de la citation, d'ailleurs, on leur permet, dans ce projet de loi là, ce qu'il n'y a pas dans la loi actuelle, d'aussi faire des citations pour l'intérieur, pas juste la coquille, ce qui est, à mon avis, plein de bon sens. Qu'est-ce qui...
M. Sénéchal (Pierre-Paul): ...ce qu'on souhaite, nous. Dans la loi -- et c'est la même chose dans la loi de l'aménagement actuellement, pour avoir travaillé un peu dans ces choses-là -- lorsqu'on fait un schéma d'aménagement d'une municipalité, on est obligé, de par la loi, de déjà identifier quels sont les sites à protéger, soit des sites archéologiques, et il y a déjà une obligation. Mais il n'y a aucune autre obligation que de les identifier dans le plan. Ce qu'on voudrait, c'est qu'une fois que ces endroits-là, ces richesses culturelles et paysagères, ont été identifiés la municipalité soit tenue de préparer à leur endroit un plan de protection, ce qu'on ne trouve pas formellement dans le projet de loi.
Mme St-Pierre: Mais enfin il me semble qu'on l'aborde dans le projet de loi, là, par le schéma...
M. Sénéchal (Pierre-Paul): ...donner le pouvoir de le faire, mais... Parce que toutes les municipalités, là, sont tenues actuellement au Québec, là, par la loi sur l'aménagement, d'identifier les zones archéologiques, historiques, patrimoniales, et, vous, vous arrivez avec votre point, vous dites: Vous pouvez intervenir sur ces zones-là, alors que, nous, on pense qu'une fois que la municipalité l'a identifiée le projet de loi devrait faire en sorte qu'elle soit tenue, absolument, de faire quelque chose.
Mme St-Pierre: Il devrait y avoir des devoirs, des devoirs.
M. Sénéchal (Pierre-Paul): Parce qu'ils l'ont identifiée, donc ça veut dire qu'ils ont reconnu un caractère important en termes de richesses culturelles, archéologiques et patrimoniales.
Mme St-Pierre: Je voudrais vous parler maintenant du Conseil du patrimoine et de vos inquiétudes par rapport au Conseil du patrimoine. Bon, l'organisme, bien sûr, doit donner son avis au ministre sur toute question que celui-ci lui réfère, donc c'est l'article 83. Il peut aussi faire au ministre des recommandations sur toute question relative à la connaissance, la protection, la mise en valeur et la transmission du patrimoine culturel ainsi que sur toute question relative aux archives visées par la Loi sur les archives. Il peut recevoir et entendre des requêtes et suggestions des individus et des groupes sur toute question visée par la présente loi. Alors, le Conseil du patrimoine, Conseil du patrimoine culturel du Québec, va vraiment aussi agir pour la population, c'est-à-dire écouter la population et faire ses recommandations.
M. Sénéchal (Pierre-Paul): Ça, on est d'accord avec ça.
Mme St-Pierre: O.K. Qu'est-ce qui manque, d'après vous?
M. Sénéchal (Pierre-Paul): Ça n'a pas la même force comme commission. Nous, dans notre mémoire, je ne sais pas si vous l'avez remarqué, on rappelle la petite saga, là, de Saint-Vincent-de-Paul où, la municipalité, des promoteurs de Québec voulaient défaire la façade, etc., et il y a des organismes du patrimoine de la ville de Québec, là, qui sont entrés en jeu en vue d'assurer la conservation et, ce que je disais tout à l'heure, c'est que les plus beaux sites, ce sont des sites historiques dans nos municipalités, et ils sont objet de prédation et, comme élue, Mme la ministre, et comme élus, les conseillers municipaux, ils sont absolument coincés dans des espèces de liens de pression et d'influence de la part des promoteurs dans les municipalités.
Il faut avoir été conseillers municipaux, et M. Lehouillier va... que je salue comme ex-collègue de travail aussi, là -- j'ai oublié de le mentionner tantôt -- à l'Office de planification et de développement du Québec... Donc, les conseillers, nos élus, autant au national qu'au niveau municipal, sont squeezés, complètement coincés, et, moi... Nous, on se dit que, si le conseil, au lieu d'être un conseil, était une commission qui avait les pouvoirs que M. L'Allier avait envisagés dans sa politique culturelle en -- j'oublie la date -- 1972, je pense, ça vous mettrait à l'abri. Il me semble que ça... Moi, être ministre de la Culture, comme quand j'ai été conseiller municipal, s'il y avait un organisme qui était beaucoup plus étanche aux pressions et aux lobbies, il me semble que, autant pour ma satisfaction personnelle que pour la protection du public, on aurait à gagner.
Le Président (M. Marsan): Je vous remercie. Je vais céder la parole à M. le député de Lévis.
**(11 h 50)**M. Lehouillier: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. Sénéchal, M. Cadrin... Donc, j'ai eu l'occasion, en particulier, de connaître M. Cadrin depuis le début des années 1980. Je vois et je constate sur le terrain qu'il n'a pas perdu de sa fougue. Alors donc, ça, c'est fort intéressant et ça a permis, M. le Président, quand même... D'avoir des groupes comme GIRAM chez nous, dans notre municipalité, ça a permis des avancées assez exceptionnelles dont, entre autres, la préservation de la bordure fluviale et son affectation à des fins de conservation et la réalisation d'inventaires patrimoniaux où on avait, M. Cadrin s'en souvient certainement, à l'époque, établi pour la première fois un inventaire patrimonial de quelque 1 700 bâtiments dans l'arrondissement historique Vieux-Lévis, Vieux-Lauzon. Alors, je pense que c'était quand même des avancées que je donne. Il y en a beaucoup d'autres aussi sur lesquelles vous avez travaillé. Et je pense que c'est nécessaire au sein d'une collectivité d'avoir des groupes comme les vôtres qui font avancer ce développement durable, je dirais, là, ou cette harmonie entre le développement puis ce que, moi, j'appelle... entre le développement et la qualité de vie.
Cela étant dit, on va... j'aimerais ça vous interroger davantage sur «pouvoirs municipaux» versus... C'est parce que vous en parlez beaucoup dans votre mémoire, et notamment au niveau des paysages culturels patrimoniaux. Vous souhaiteriez avoir un processus plus contraignant pour la protection du patrimoine des paysages et vous voudriez davantage que les municipalités aient des droits et des devoirs au niveau du schéma d'aménagement. Pouvez-vous expliciter davantage? Est-ce que vous souhaitez des modifications à la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme en particulier ou ...
M. Cadrin (Gaston): ...question. En fait, si on se reporte un peu à comment que ça a évolué, le patrimoine dans les dernières décennies, on sait que, dans les années... je pense, au milieu de 1980, 1984, je pense, ou 1985, le ministère a quand même autorisé les municipalités à citer ou à classer des bâtiments ou citer des sites, des sites un peu plus grands. Mais, si on regarde ce qui s'est fait au niveau municipal là-dessus, au niveau des citations, force est de constater que ça n'a pas donné les résultats escomptés.
Si je prends, par exemple, un territoire comme Lévis qui a 137 000 habitants, qui est très vaste, 40 quelques kilomètres sur le bord du fleuve -- puis c'est vraiment le patrimoine qui est dans les petits villages et sur le bord du fleuve -- bien, il y a à peu près trois bâtiments de classés, de cités par la municipalité. Donc, pour moi, c'est un échec. Et on reporte ces pouvoirs-là, bien sûr, puis on ajoute le paysage à ces mêmes municipalités.
Donc, c'est pour ça que, nous, on commence à être un peu découragés de, finalement, taper sur le même clou parce qu'on s'aperçoit que ces instruments-là n'ont pas été aussi efficaces. Pourquoi en France... Je vais donner cet exemple-là. Tout le monde est allé en France au moins une fois dans sa vie. Pourquoi qu'on apprécie les beaux petits villages? Pourquoi qu'on apprécie les quartiers? C'est parce qu'il y a une politique d'ensemble qui part peut-être d'en haut puis qui se répercute jusqu'à la petite commune. Et ça, on ne sent pas ça.
Alors, pour répondre à votre question, exemple, la politique... On a reporté des responsabilités pour peut-être leur donner quand même du soutien technique et financier aux municipalités pour ça. Mais on a déjà reporté des obligations ou des charges. Exemple: vous avez la Loi de protection du territoire agricole. On oblige quand même les municipalités a en tenir compte dans leur aménagement. Deuxième exemple: la Politique de protection des rives, du littoral, on ne peut pas faire n'importe quoi sur le bord des cours d'eau. Donc, les municipalités sont chargées de le faire. Alors, nous, on aurait aimé que, dans la loi, il y ait un peu ces obligations. Donc, au contraire de ce que Mme la ministre pensait qu'on en demandait... certains disent qu'on en demande trop aux municipalités, nous, c'est sûr qu'on trouve que ce n'est pas assez contraignant pour les municipalités, qu'on devrait les charger de plus grandes responsabilités et avec, bien sûr, un mot d'ordre ou des orientations qui viendraient de plus haut, qui viendraient du gouvernement qui est notre... Finalement, même, les municipalités, ce sont des créatures du gouvernement. Et, si on veut protéger nos caractères distincts au niveau culturel et au niveau paysager, je pense qu'il faut que ça vienne du gouvernement du Québec. Ce n'est pas le gouvernement fédéral qui va protéger ça, c'est le gouvernement du Québec. Et c'est dans ce sens-là qu'on devrait charger les municipalités d'une plus grande responsabilité à cet égard.
Et là on s'aperçoit que, dans beaucoup de municipalités, il y a une volonté, oui, je ne dis pas que... On a évolué, il y a des PIIA, des plans d'intégration architecturale. Il y a même la ville de Lévis qui a dit dans son mémoire: Le comité de démolition, ça devient un instrument pour protéger le patrimoine. Ça ne marche pas, là: Le comité de démolition, un instrument pour protéger! Actuellement, il y a Les Scies Mercier qui, justement... Il y a un permis de démolition dans le bas de la côte du Passage puis on va faire probablement des condos si on accepte ça. C'est le dernier vestige industriel de Lévis.
Donc, les municipalités sont torturées parce qu'elles n'ont pas toujours les moyens financiers pour le faire puis elles n'ont pas toujours l'expertise. Alors, c'est pour ça que, s'il y avait... Les plans de conservation, je trouve ça très bien, on l'avait proposé, même, dans notre premier mémoire, mais, si ces plans de conservation là étaient... justement, on identifie clairement que les municipalités ont comme des obligations de les réaliser, avec le soutien du ministère, un certain soutien, je pense qu'on aurait un meilleur résultat au bout de la ligne.
M. Lehouillier: Oui. Merci, M. Cadrin. M. Cadrin est très volubile. On se connaît bien, on a échangé longuement. Mais, M. Cadrin, en passant, je voulais simplement vous souligner que, pour l'arrondissement historique de Lévis... du Vieux-Lévis, le dossier chemine bien. Alors, on vous tiendra informés parce que je sais que vous avez posé la question tout à l'heure. Merci beaucoup de votre mémoire. Merci.
Le Président (M. Marsan): Alors, nous allons poursuivre notre discussion avec le porte-parole de l'opposition officielle en matière de culture et de communications, M. le député de Drummond.
M. Blanchet: Bien le bonjour, messieurs. Je veux revenir sur la question des pouvoirs habilitants de façon assez directe, je dirais. Y a-t-il un risque -- et je crois comprendre que, oui, mais j'aimerais que vous développiez -- que, si effectivement, selon le libellé de plusieurs des articles, on donne le choix aux municipalités, compte tenu que les élus municipaux sont aussi l'objet d'autres types de pression, notamment évidemment des pressions pour le développement... est-ce qu'il y a un risque que les municipalités choisissent, à défaut de sensibilisation, d'expertise ou pour d'autres intérêts, de ne pas le faire, de minimiser leur intervention en termes patrimoniaux au détriment, bien sûr, de l'enjeu de la loi?
M. Sénéchal (Pierre-Paul): Si je m'appuie sur ma propre expérience d'ex-conseiller municipal, le risque est très, très élevé. Voici comment fonctionne un conseil municipal dans une municipalité qui n'est pas une grande municipalité. Là, je ne parlerai pas de Lévis où on a des services d'urbanisme, à Québec aussi. Le village classique -- il y a 1 200 municipalités au Québec, mais 90 % sont des toutes petites municipalités -- les conseillers municipaux se rencontrent une fois par mois pour une assemblée délibérante. Il n'y a pas... aucun responsable, aucun planificateur pour l'urbanisme à l'intérieur, on fonctionne souvent avec les moyens du bord. Donc, cette pensée-là, cette expertise-là ne se développe pas toute seule. Et les conseillers municipaux n'ont pas tous développé l'expertise dans leur expérience personnelle passée, donc leur mandat est celui qui est attendu par les contribuables: c'est les taxes, c'est de faire baisser les taxes. Donc, actuellement, là, je dirais, dans la plupart des municipalités, petites et grosses aussi, c'est la chasse au promoteur qui va venir installer le plus de bâtiments possible sur la municipalité. Donc, en termes de rapport de force, là, la protection du patrimoine versus la création de, entre guillemets, la création de la richesse, parce qu'elle peut être éphémère et temporaire, par des bâtisses, le rapport de force est du côté des promoteurs.
Vous avez seulement qu'à regarder autour. À Saint-Augustin, l'an passé, on a vidé une partie du centre-ville du village ou de la ville pour faire un immense centre d'achats, tu sais. Lorsque vous allez... Allons plus loin, vous descendez... vous faites le tour de la Gaspésie, vous arrivez à Gaspé, une ville dans un site extraordinaire juste au fond de la baie de Gaspé, vous descendez, c'est vraiment frappant, vous descendez vers Gaspé, vous avez la baie devant vous, et qu'est-ce que vous avez? Trois garages avec des étendues d'autos, tu sais. Et je vais vous parler même de Percé: vous arrivez à Percé par le sud, et vous vous attendez à voir le rocher Percé, vous voyez des motels, des annonces de motels. Donc, c'est des choses qui n'ont pas été planifiées dans le temps, et la loi... Les dispositions actuelles, parce qu'on n'insère pas là-dedans des obligations de mise en valeur des zones qui auront été obligatoirement identifiées, vu qu'on n'est pas coercitifs pour les mettre en valeur, ce modèle-là va se perpétuer dans le futur.
**(12 heures)**M. Blanchet: Les exemples que vous donnez amèneraient l'intention de la loi très loin, là. Quand vous donnez l'exemple que tu arrives à Percé, tu vois des motels, on parle d'une culture de développement qui passe avant le patrimoine, puis là on va loin. J'essaie d'imaginer une loi qui va vouloir changer ça en profondeur, elle va rencontrer des résistances énormes.
M. Sénéchal (Pierre-Paul): Bien, regardez, je vais vous donner un exemple. En -- je me trompe peut-être sur la date, là -- 1992, je pense... Non, excusez, en 1997, je pense -- excusez, j'ai de la difficulté avec la chronologie des fois -- l'Assemblée nationale a décrété une loi sur le droit de produire -- je ne sais pas si ça vous dit quelque chose, là -- pour justement faire cohabiter l'agriculture avec la vie urbaine ou la vie rurale. Et la même problématique que celle que vous soulevez a été au coeur de cet enjeu-là, et le gouvernement du Québec, par une politique serrée, a déterminé les obligations d'une municipalité en ce qui concerne la localisation des fermes, les distances séparatrices entre un établissement agricole et une école, et une résidence, et un centre pour personnes âgées. Tout était planifié. Il y a des règles qui ont été établies, et les municipalités se sont conformées.
On oublie, comme le disait mon collègue Gaston Cadrin tout à l'heure, que les municipalités ne sont pas un ordre de gouvernement. C'est plate à entendre, là, mais, dans notre système politique, il y a deux ordres de gouvernement: il y a le fédéral et il y a le Québec. Il y a le provincial, et les municipalités sont des créatures du Québec et, si le Québec décide de faire en sorte que le patrimoine culturel, ça va être en partie ce qui va constituer l'âme de la nation, à ce moment-là, je pense que, comme État, on a un certain pouvoir puis on doit se donner une certaine capacité d'intervenir, mais pas uniquement en imposant, mais en faisant ça avec eux. Je pense que ça prendrait une grande table de concertation, là, Québec-municipalités pour revoir tous ces aspects-là.
M. Cadrin (Gaston): Juste peut-être un élément complémentaire que je voudrais ajouter, c'est que vous parlez de développement, mais je pense qu'il faut comprendre -- puis il faudrait que le mot d'ordre vienne du gouvernement du Québec -- que le patrimoine et les paysages, ça a une grande valeur économique, ça a une valeur touristique puis ça a une valeur culturelle, puis ce n'est peut-être pas au niveau de chaque municipalité qu'on est en mesure de se rendre compte de cette grande valeur que ça a.
Alors, nos caractères distinctifs, là, au niveau paysager, ils sont en train d'être nivelés, d'être banalisés. On le sait, c'est du pièce... du cas par cas, il y a beaucoup de maisons qui disparaissent. Finalement, oui, elle est reconnue, elle est dans l'inventaire, mais finalement il y a un promoteur qui arrive, il se rend compte que le terrain est grand puis que, ah, il va avoir un expert pour démontrer que la maison, elle ne peut pas être restaurée, elle est trop maganée. Donc, on nivèle, on abolit, on fait disparaître comme ça, à grand trait, le patrimoine, et il faudrait se rendre compte que ça a une grande valeur.
Ce qui a protégé le plus peut-être le patrimoine au Québec, ce ne sont pas les lois sur le patrimoine. C'est sûr qu'il y a eu des éléments qui ont aidé, il y a eu... Oui, je reconnais, la ministre l'a dit, je pense, hier, qu'il y a eu beaucoup de classements de bâtiments des arrondissements, un certain nombre, 10, 12 arrondissements. Il y a eu des choses qui ont été faites qui sont... On reconnaît ces choses-là. Mais, par contre, ça reste quand même des éléments assez ponctuels dans l'ensemble du paysage qui se dégrade.
Donc, nous, on voudrait une intervention, oui, plus musclée pour faire en sorte que ce paysage-là soit... on assure sa pérennité. Et le zonage agricole, là, on a beau dire ce qu'on veut, mais, le zonage agricole, s'il n'avait pas eu lieu, ça veut dire qu'on aurait eu des résidences nouvelles un peu partout sur le bord des routes touristiques, que ce soit à Neuville, à Beaumont, etc. Il y aurait eu des insertions encore plus grandes. Et on s'aperçoit que, depuis que les municipalités ont demandé des dézonages de ces secteurs-là, bien là on s'aperçoit que le patrimoine ancien, il côtoie le patrimoine moderne, si on peut dire, avec les tares que ça peut représenter.
M. Sénéchal (Pierre-Paul): Juste...
Le Président (M. Marsan): Vous voulez intervenir, M. Sénéchal? Rapidement.
M. Sénéchal (Pierre-Paul): Oui. Juste un complément sur l'aspect économique. On l'oublie tout le temps. Quand on parle de patrimoine culturel, là, on ne peut pas le dissocier des perspectives économiques que ça peut procurer. On a juste à regarder au Québec quelle est la ville qui est vraiment rentable sur le plan touristique. Bien, c'est celle qui a le plus protégé et mis en valeur son patrimoine. Imaginez, si on avait au Québec, là, cinq villes comme la capitale, le pouvoir d'attraction qu'aurait le Québec sur le plan touristique.
Je suis allé, l'année dernière, en Alsace. C'est un coin que je ne connaissais pas et c'est une petite région de 90 kilomètres de large par, je pense, 150 kilomètres. C'est une fine bande pas si populeuse, mais savez-vous combien il y a de touristes de l'extérieur de l'Alsace qui entrent annuellement en Alsace? C'est 11 millions, imaginez. Si on avait... C'est sûr que ça ne peut pas arriver au Québec, une chose comme ça, là, mais, si on avait ce rapport-là, là, ça serait 60 millions. On ne serait même pas capables de les accueillir, probablement, au Québec.
Donc, il y a une adéquation absolument parfaite entre, je pense, la prospérité économique et la sauvegarde du patrimoine culturel d'une société. On a juste à regarder la partie Nouvelle-Angleterre, sa vivacité économique par rapport à d'autres régions aussi.
Le Président (M. Marsan): Merci. Oui. Alors, M. le député de Drummond.
M. Blanchet: Effectivement, lorsqu'on parle de développement, on a adopté le mot «développement durable», mais on n'a pas adopté le sens, ni en termes législatifs ni en termes exécutifs, encore à bien des égards. Ce n'est pas un reproche, c'est vraiment une culture qui fait que progressivement ça devrait se substituer à une certaine vision de développement économique. Mais, comme je le disais tout à l'heure, le pas est important à faire.
Pour que la loi amène quelque chose en termes d'identification de paysages patrimoniaux, si on reste passifs, il se passera probablement entre pas grand-chose et rien. Quels sont les incitatifs que vous voyez qui permettraient de faire en sorte que ça bouge pour vrai de ce côté-là? Et quels sont les désincitatifs qu'il faut affronter? Quelles sont les résistances? Il y en a des évidentes, là, mais quelles sont les résistances qu'il faut anticiper dans l'exercice législatif pour faire en sorte que vraiment les municipalités disent: O.K., on embarque là-dedans, on le fait, on y trouve notre compte et on résiste à d'autres formes de pression? Est-ce que la loi peut s'équiper davantage à cet égard-là?
M. Cadrin (Gaston): C'est sûr que votre question est très pertinente parce qu'on a inséré la dimension protection du paysage avec des plans de conservation. C'est très bien. Mais comment que ça va être... comment que ça va fonctionner? Quelle va être la réponse des municipalités à cet égard? Est-ce qu'il va y avoir des demandes des municipalités, des communautés métropolitaines pour vraiment faire reconnaître des pans de paysage? Moi, à mon avis, je pense que les municipalités devraient être... On devrait leur demander d'identifier sur le territoire, avec de l'aide du gouvernement, avec de l'aide du ministère de la Culture... financer des études pour vraiment, à court terme ou à moyen terme, qu'on identifie les pans de leur territoire qui méritent d'être conservés. Pas juste identifier comme l'ont fait les MRC dans le passé: identifier mais pas de mesures après. Donc, c'est bien sûr qu'on peut mettre ça dans un beau document; on a identifié les trucs à protéger: il y a un beau panorama, il y a un site naturel exceptionnel, il y a un point de vue, il y a un bâtiment, il y a un ensemble de bâtiments, il y a un coeur de village, etc., on a tout fait ça, mais là il faut vraiment le faire dans un souci qu'on va appliquer des mesures pour protéger ces ensembles ou ces éléments qu'on a identifiés dans la ville, dans le village, dans la municipalité.
Et, pour ça, au niveau des paysages, je vais vous donner juste un exemple. Je pense que c'est dans les années quatre-vingt-sept à Lévis, ou 1990, lors des consultations. On a dit: Regardez, à l'est de votre territoire, vous avez un paysage exceptionnel sur le bord de la route; à ce moment-là, il faudrait éviter de mettre des constructions. Comme en Belgique, par exemple, ils disent: Où qu'il y a des panoramas... Ici, c'est notre fleuve qu'on doit... qui est intéressant à voir. Donc, à ce moment-là, il aurait fallu qu'au niveau de la municipalité on dise: Woups! Là, il n'y a pas de construction. On fait une entente avec les propriétaires, on leur dit: Tu vas pouvoir construire. Il y a comme une pente, tu peux construire en bas, mais en haut, pour protéger le paysage... C'est un exemple.
Donc, il y a du paysagisme d'aménagement, ça se pratique en France, c'est-à-dire que soit au niveau des arbres... Par exemple, dans Charlevoix, s'il y avait des anciennes terres agricoles, mais si on laisse tout repousser les arbres, à ce moment-là, on ne le verra plus, le fleuve dans Charlevoix. Puis Charlevoix, c'est un bel exemple au niveau de l'effort de protection des paysages. Mais, moi, je faisais des excursions avec mes étudiants quand j'étais au cégep Garneau en géotourisme. Je leur disais: Regardez, ces gens-là, cette région-là vit du tourisme, puis quels efforts qu'ils font pour protéger leurs ressources touristiques, parce que le paysage, c'est la ressource touristique.
**(12 h 10)** Donc, c'est très important de faire en sorte que les municipalités... Oui, il y a des paysages nationaux qu'il faut protéger, puis ça, ça peut être le ministère qui les identifie puis qui dit: Ça, il faut protéger. Comme, je ne sais pas, Percé, c'est un paysage national. Mais il y en a d'autres qui sont plus tenus, qui sont plus limités, mais qui méritent aussi d'être protégés parce que, si on les laisse se détruire, si on les laisse aller, à ce moment-là, on perd beaucoup, on va perdre beaucoup dans le futur comme moyen d'identifier finalement nos ressources patrimoniales ou paysagères et les mettre en valeur.
Donc, je pense que ça prend de l'aide du gouvernement pour, en premier lieu, un peu dire aux municipalités: Vous avez un mandat, c'est votre devoir de le faire, d'identifier, caractériser et on vous supporte là-dedans. Ce n'est pas juste dire «des obligations», mais il faut que le gouvernement supporte les municipalités au niveau technique, au niveau financier pour faire ces éléments-là. À ce moment-là, ils seront probablement... les élus locaux seront probablement moins rébarbatifs si vous ne leur envoyez pas juste des responsabilités, mais que vous les soutenez aussi dans ces responsabilités-là.
Une fois que ce sera identifié, c'est évident que ce... qu'on aura vraiment pris des mesures, alors là on peut insérer... au niveau de l'urbanisme un peu plus fin, au niveau de l'aménagement du territoire, les MRC, les municipalités, les villes peuvent insérer, un peu comme on le fait pour les PIIA, là, les plans d'intégration d'implantation architecturale s'il arrive un bâtiment nouveau ou dans une zone plus historique... Donc, on pourra faire la même chose pour les paysages pour faire en sorte que les insertions nouvelles ne dégradent pas le paysage mais s'intègrent et, autrement dit, même améliorent dans certains cas le paysage.
Le Président (M. Marsan): Alors, je voudrais en profiter pour dire à M. Sénéchal et M. Cadrin nos remerciements. Notre période est déjà terminée. Remerciements pour nous avoir fait connaître la position du Groupe d'initiatives et de recherches appliquées au milieu sur le projet de loi n° 82.
J'inviterais maintenant les représentants de la Chambre des notaires du Québec à venir se présenter à notre table. Et je vais suspendre pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 12 h 12)
(Reprise à 12 h 13)
Le Président (M. Marsan): Alors, À l'ordre, s'il vous plaît! Il nous fait plaisir d'accueillir maintenant les représentants de la Chambre des notaires du Québec représentée par Me François Frenette.
Me Frenette, je vais vous demander de nous présenter la personne qui vous accompagne et de nous donner votre point de vue sur le projet de loi n° 82, et vous avez une quinzaine de minutes pour ce faire. La parole est à vous.
Chambre des notaires du Québec (CNQ)
M. Frenette (François): Merci, M. le Président, Mme la ministre, MM. les députés et tous ceux qui leur viennent en aide. Alors, je suis accompagné aujourd'hui par Me Nancy Chamberland, notaire de son état, ombudsman de l'Université Laval, ancienne permanente...
Mme Chamberland (Nancy): De la chambre.
M. Frenette (François): ...de la Chambre des notaires et de même qu'à l'Autorité des marchés financiers. Moi-même, notaire également de mon état -- ce n'est pas une surprise -- professeur émérite de la Faculté de droit de l'Université Laval où j'ai enseigné pendant plus de 20 ans et ancien directeur de la Revue du notariat pendant plus de 10 ans, jusqu'à dernièrement.
Alors, je rappelle tout simplement en commençant ce que vous savez sans doute déjà, c'est-à-dire que la Chambre des notaires est une corporation professionnelle qui existe depuis 1854 environ. Il y a plus de 3 200 notaires au Québec. Un tiers est à l'emploi de grandes sociétés, de municipalités, du gouvernement, et les deux tiers dans la pratique privée, répartis partout à travers la province.
Alors, pour le mémoire de la Chambre des notaires du Québec, évidemment, je n'entends pas le lire, vous l'avez sans doute lu -- plus d'une fois, je l'espère. Vous avez constaté qu'il s'agit d'un mémoire un peu technique. L'angle politique n'est pas abordé, c'est à dessein. Je pense que la Chambre des notaires se prononce sur ce qui est de sa compétence. Il s'agit d'un projet de loi et non pas d'un article de journal, ce n'est pas un texte de promotion non plus. C'est un texte de loi, et le texte de loi doit répondre à certaines exigences, et il comporte également des impacts sur le droit existant. Alors, c'est sous cet angle que la Chambre des notaires a entendu s'exprimer.
Essentiellement, vous avez pu remarquer que, dès le départ, sur les premiers articles, il semble y avoir une petite difficulté. Les remarques de la chambre ne sont pas destinées à blesser personne, ce n'est pas de l'impertinence. Comme il s'agit d'un texte de loi, comme il s'agit d'un texte de loi qui sera interprété par la suite et où chaque mot a son importance, je pense qu'un peu plus de rigueur serait nécessaire. C'est un exercice qui peut être fait sans qu'on se livre ici à répéter ce qu'on retrouve mot à mot. Mais cette rigueur-là est importante parce que, dans les deux premiers articles du projet de loi, on... c'est la pierre d'assise. Tout le reste découle de ce qui aura été bien identifié comme but, bien défini comme patrimoine, bien énuméré comme composantes du patrimoine culturel.
Alors, vous avez pu remarquer qu'il y a un certain nombre de réserves qui sont formulées, de précisions qui sont demandées, et avec insistance peut-être, parce que, lorsque la ministre a présenté son livre vert, nous avions déjà signalé un certain nombre de points se rattachant à cette rigueur dans l'expression du vocabulaire... dans l'expression de la façon de parler du législateur, devrais-je dire. Et il y a eu beaucoup de... Beaucoup de cela a été retenu. Il y a des avancées que je considère comme majeures qui ont été faites, et, dans l'ensemble, on est sur la bonne voie, mais je pense qu'avec un petit peu de travail additionnel avant qu'on arrive à l'étape de l'adoption on pourrait bonifier l'expression du verbe dans le projet de loi.
Donc, sur cet aspect technique de tout le vocabulaire, je n'insisterai pas davantage.
J'attirerais peut-être... un point, parce que c'est un faible de ma part, j'avais noté, à l'article 53, qu'on assimilait l'aliénation avec l'emphytéose. Peut-être qu'il survit une vieille idée que l'emphytéose, c'est un peu semblable à une aliénation de propriété, alors qu'il n'en est aucunement le cas. Et le Code civil en vigueur depuis -- le dernier -- 1994, spécifie bien qu'il s'agit d'un démembrement de la propriété et, à cet article concernant la propriété des biens classés qui font partie du domaine de l'État, on devrait peut-être s'intéresser davantage tant à l'aliénation en propriété qu'à l'aliénation de toute forme de jouissance de ces biens-là où l'État perdrait le contrôle pendant un certain temps.
Alors, si on passe par-dessus ces articles clés que je vous demande quand même de relire avec attention et de prendre bonne note, on arrive sur les mesures de protection qui sont préconisées dans le projet de loi. C'est intéressant de voir ce qui est prévu. C'est certain qu'on peut toujours en demander davantage, notamment dans le domaine de la coercition, mais je pense que l'introduction des plans de conservation est une idée assez riche.
**(12 h 20)** Étant donné, toutefois, que ces plans de conservation, tant pour les biens classés que pour les biens qui sont désignés, certains biens du moins comme le paysage... il y aurait lieu de procéder à leur publication au Bureau de la publicité des droits. Vous savez que... Vous savez sans doute que tout le domaine de la publicité des droits est en voie de révision, à l'heure actuelle, au ministère des Ressources naturelles, qui sont responsables du registre foncier, et que le registre foncier va tendre à l'avenir à rendre facile la publication et la prise de connaissance de toute restriction affectant la propriété d'un bien.
Alors, comme il est indéniable que les plans de conservation vont affecter considérablement la tenue d'un bien, l'exercice des droits sur ces biens, et que le transfert ou l'aliénation de ces biens-là à quelqu'autre titre qu'un transfert de propriété va impliquer que l'acquéreur doit être au courant de ce qui existe comme restrictions et comme mesures, et qu'il doit pouvoir le découvrir facilement, la Chambre des notaires insiste sur le fait que les plans de conservation soient publiés.
Ce qui n'est pas compris dans le mémoire et que je me permets d'ajouter: je pense que les plans de conservation devraient peut-être contenir de façon presque régulière l'équivalent d'un fonds de prévoyance, du moins en ce qui concerne pas tellement les paysages, mais comme pour les biens, de manière à ce que, si on parle de conservation, on a déjà prévu qu'il doit y avoir l'équivalent, par exemple, de ce qui est prévu à l'article 1071 dans le Code civil du Québec, les fonds de prévoyance en matière de copropriété, où il y a l'obligation annuellement pour l'ensemble des copropriétaires de déposer une certaine somme jusqu'à concurrence d'un pourcentage donné, de manière à ce qu'ils aient en main, lorsque le besoin se présentera, les sommes nécessaires pour procéder adéquatement à cette conservation, réparation, rénovation.
Alors, voilà. La chambre s'est également prononcée sur les mesures qui sont prévues pour inciter la conservation, mesures financières. On déplore un petit peu qu'il y ait un recul sur ce plan-là. Il y a une indication à l'effet qu'on ne devrait pas nécessairement distinguer, dans l'aide qui est attribuée à ceux qui détiennent des biens classés... qu'on ne devrait pas tenir compte d'une distinction entre commercial et non commercial parce que l'important, c'est la conservation par-delà la question à savoir: Le propriétaire tient-il ou non un commerce à cet endroit?
Je me permettrais de rajouter ce que la chambre a déjà formulé comme idée en 2005, lorsqu'il était question de la protection du patrimoine religieux, idée qui a été reprise, j'ai remarqué, la semaine dernière, par l'ancien maire L'Allier, lorsqu'il s'est présenté devant vous et qu'il a parlé de la nécessité, pour ne pas dire «de l'obligation», d'établir un espèce de fonds national.
Dans le cadre du mémoire de la chambre où -- je vais y revenir dans un instant -- il est question du droit de préemption du ministre, peut-être qu'il serait intéressant...
«Fonds national», ça ne veut pas dire grand-chose, mais peut-être qu'il a puisé aussi dans l'idée de ce qui se passe en Angleterre, the National Trust, par exemple, pour la conservation et la protection des biens patrimoniaux, non seulement culturels, mais patrimoniaux en général.
Ce serait l'idée d'avoir une fiducie d'utilité sociale garnie d'un fonds suffisant qui permettrait, lorsque le ministre choisit d'exercer son droit de préemption, notamment en cas de crise comme ça arrive souvent, ou parce qu'on a déjà identifié certains biens qu'il serait utile de classer, mais il faudrait peut-être les acquérir parce qu'il y a péril en la demeure ou on voit que le péril s'en vient... Et ce fonds-là, cette fiducie-là n'aurait pas pour fonction de conserver les biens en question, meubles ou immeubles, ad vitam, mais uniquement de s'assurer de leur donner une deuxième vie, de les réintégrer de façon satisfaisante dans le cours normal de l'usage qu'ils peuvent avoir au sein de la société.
Donc, il y aurait un fonds de roulement d'établi au début. On pourrait certainement faire appel au privé. On devrait absolument faire appel au privé. Le gouvernement pourrait y mettre du sien, et ensuite cet organisme-là acquérant les biens lorsque le ministre exerce son droit de préemption ou décide d'y aller par lui-même, recycle le bien après un certain temps, après qu'on a ficelé le montage approprié, y compris financier, et ensuite se départit du bien, donc récupère la mise, ou récupère les fonds, et ensuite ça roule.
Alors, il était question du droit de préemption par un addendum au mémoire. Dans son mémoire, la chambre a produit effectivement un petit additif mentionnant qu'elle souhaitait qu'on envisage la possibilité de faire une exception concernant le droit de préemption du ministre, qui s'exerce de façon absolue et générale, mais qui est peu souvent exercé.
En ce qui concerne les immeubles qui sont détenus en copropriétés dites divises, comme ces immeubles-là détenus en copropriétés dites divises ont déjà fait l'objet d'une approbation, d'une autorisation avant même qu'on puisse déposer les plans autorisant la naissance de cette forme de copropriété et qu'il est difficile d'imaginer que, par la suite, l'ensemble de l'immeuble, tant partie commune que partie privative, serait dans un état tel qu'il faudrait que le ministre puisse songer à exercer son droit de préemption, il est encore plus inimaginable que seulement une unité ou deux ou trois sur 50, 60 ou 100, 200 puissent faire l'objet de l'exercice d'un droit de préemption. Bien, la chambre a suggéré qu'il y ait une exception à cet égard-là.
Alors, en gros, je pense que le projet de loi n° 82 est un plus. Je ne me prononce pas... La chambre ne se prononce pas sur toutes les questions d'ordre politique qui font partie d'un autre genre. Il y a des améliorations à faire. Il est constaté... Il a été constaté qu'il y a une volonté à cet effet-là et, si le projet de loi devait être adopté dans sa forme actuelle, ce ne serait pas un malheur, mais, s'il peut être bonifié, son application sera rendue pas mal plus facile. Merci.
Le Président (M. Marsan): Alors, c'est nous qui vous remercions, Me Frenette, et nous allons immédiatement débuter nos échanges, et je vais donner la parole à Mme la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine.
Mme St-Pierre: Merci. Merci, M. le Président. Merci d'être parmi nous, ce matin, avec vos commentaires fort crédibles et pertinents pour faire en sorte que notre projet de loi soit le meilleur possible et qu'il soit bonifié.
Si vos remarques sont claires, j'ai quand même certaines questions à vous poser. Tout d'abord, vous terminez votre exposé sur le droit de préemption. C'était justement sur cette question-là que je voulais poser ma première question.
On a voulu, dans un souci un peu d'alléger les choses justement dans le cas des propriétés en copropriété, de faire en sorte que, puisque le droit de préemption n'est à peu près jamais, jamais utilisé pour des immeubles... Ça s'est fait deux fois et, dans un cas, c'était un immeuble qui appartenait déjà au public, qui appartenait à l'Université du Québec à Montréal, dans l'autre cas, c'est un immeuble, qui appartient... qui appartenait à un privé.
Alors, puisque, quand on a réfléchi sur cette question-là, c'était quelque chose qui n'était à peu près jamais utilisé, on s'est dit: Bien, gardons-le pour ce qui est du domaine public et, pour ce qui est du domaine privé justement pour les cas dont vous venez de nous parler, puisqu'en fait c'était loin d'alléger, là, c'était plus compliqué qu'autre chose... Il a fallu d'ailleurs des fois qu'on revienne en arrière, parce que certains notaires n'avaient pas avisé à temps les autorités gouvernementales. Puis, vous l'exprimez très bien, dans une copropriété, prenons, par exemple, l'Habitat 67, on ne peut pas imaginer que le gouvernement commencerait à acheter un ou deux condos dans cet ensemble-là.
Donc, maintenant, ce que vous nous dites, c'est que le ministre maintienne son droit de préemption sur des propriétés même privées -- parce qu'on enlevait la portion privée -- puis qu'on ajoute une exemption. Ça, ça viendrait vraiment régler peut-être tous les cas, là. Est-ce qu'il pourrait nous sortir un petit lapin du chapeau ou si ça, c'est vraiment là ce qui serait le plus facile, c'est-à-dire qu'on revienne sur l'idée de garder un droit de préemption général et on exclut les copropriétés indivises... divises, pardon?
**(12 h 30)**M. Frenette (François): Je retiens votre dernière phrase. Oui, d'une façon générale, le droit de préemption est conservé. Je pense que d'y renoncer, c'est beaucoup plus difficile quand une situation de crise se présente par la suite pour essayer de trouver un moyen pour s'en sortir si on n'a pas le droit de préemption plutôt que de l'avoir et de dire: On ne l'exerce pas.
Par ailleurs, je pense qu'une des raisons qui fait que le ministre a rarement exercé son droit de préemption, c'est que c'est coûteux, n'est-ce pas, et l'État n'a pas pour fonction d'accumuler un vaste patrimoine de biens immobiliers à caractère culturel, et c'est toujours avec réticence que... Même pressé par les événements, il ne veut pas le faire, c'est normal aussi. Il veut trouver des solutions.
Si on jumelle ça à ce que j'ai mentionné tout à l'heure, s'il y avait la création d'un fonds suffisamment important, avec dotation dès le départ, qui permettrait justement qu'un exercice plus régulier se fasse de ce droit-là qui est maintenu de façon générale, je pense qu'on arrêterait de dire que le droit n'est pas nécessaire.
Et, par ailleurs, dans les cas de copropriété, je pense que c'est comme s'il était trop tard. Si le ministre donne au départ son autorisation pour l'implantation de ce qu'on appelle une copropriété divise, qui est un ensemble immobilier -- c'est comme un petit village, finalement, dans une ville -- si on exclut les petites copropriétés divises, eh bien, dans ces cas-là, on sait que la récupération ne permet pas de revenir en arrière. Le caractère a été complètement changé, et je pense que le ministre... la ministre a saisi, dès le départ, en donnant son autorisation que la deuxième vie qui serait donnée à cet immeuble-là, qui a pu être une église, qui a pu être un couvent, quelque chose comme ça, est suffisamment bien assurée par le jeu de la copropriété divise.
Évidemment, étendre l'exception, à ce moment-là, c'est de faire le cas par cas de toutes les possibilités, et ce serait risqué. La Chambre des notaires aurait un faible pour conserver le principe et de voir à son application jumelée davantage à d'autres instruments qui ne rendraient pas son exercice périlleux pour le gouvernement.
Mme St-Pierre: Justement, vous parlez... vous avez parlé de fonds, comme M. L'Allier nous en a parlé aussi. Ce fonds, vous avez mentionné qu'il devrait y avoir du privé dans le fonds. Est-ce que vous avez une idée de comment on pourrait justement l'alimenter, ce fonds? Avec quel... Est-ce que c'est un... M. L'Allier parlait des grandes banques qui font beaucoup, beaucoup de sous. Comment on pourrait arriver à convaincre d'aller... d'investir... ou, enfin, de mettre de l'argent dans ce fonds-là des intérêts privés?
M. Frenette (François): Bien, d'abord, il faudrait le créer, hein? Il faudrait choisir de le créer. Une fois qu'il est créé et que sa vocation est bien définie, je pense que ça commence à se vendre, si je peux employer cette expression-là, un peu mieux auprès de grandes sociétés, qu'elles soient en matière de finances ou autrement. Ou, bien souvent, ces institutions-là ont déjà une partie de leurs avoirs ou leurs portefeuilles qui est réservée à l'acquisition de certains biens, des oeuvres d'art annuellement ou des choses... On achète régulièrement. Alors, c'est de les faire contribuer à l'évolution de la société dans le domaine des biens culturels et non pas uniquement de leur permettre d'avoir accès à nos fonds, aux fonds de l'ensemble de la population par les services qu'ils rendent.
Bien défini... C'est évident qu'il va y avoir une forme de démarchage au début. On va commencer par les grandes sociétés, mais je pense que tout citoyen intéressé par la sauvegarde du patrimoine culturel pourrait et serait appelé à contribuer. Il pourrait y avoir, pendant un certain nombre d'années, surtout au début, pour constituer ce fonds-là, un dégrèvement sur le plan fiscal qui serait accordé pour inciter les gens, comme lorsqu'on est membre d'un parti politique.
Alors, l'idée, c'est de le meubler, de bien définir sa vocation, de le meubler, et ensuite de s'assurer qu'à même pratiquement que les intérêts on puisse s'assurer de bien encadrer toutes les démarches relatives à la transmission de biens déjà identifiés comme étant des biens classés ou cités, ou des biens qui sont en voie de le devenir parce qu'ils ont fait l'objet d'inventaire.
Mme St-Pierre: Vous parlez des articles, les premiers articles de la loi. Le libellé, là, ça, c'est vraiment quelque chose qui vous a accroché. Quand vous parlez du mot «transmission», est-ce que le mot «transmission», vous l'entendez dans le sens «vendre un bien»? Parce que «transmission»... On peut transmettre à des générations des valeurs, des choses. L'interprétation qu'on donne, c'est plus la transmission vers d'autres générations.
M. Frenette (François): Je pense que d'ailleurs... J'ai signalé que peut-être... C'est évident que le mot «transmission», dans le premier article, a trait à la transmission de valeurs socioculturelles, si je puis dire, et non pas à la transmission ou au transfert de la propriété de biens. Donc, il ne devrait pas nécessairement se retrouver dans le premier article, là. Je ne nie pas la possibilité que la loi traite de la transmission ou de l'aliénation des biens ou qu'elle traite de la transmission des valeurs, mais parler de... dire que l'objet de la loi, c'est la transmission du patrimoine, alors que les premiers mots afférents à l'objectif de la loi, ce n'est pas de ça qu'il est question... C'est juste une question de sémantique, de clarifier les choses au début, puis c'est extraordinaire que, si on clarifie ce qu'il y a dans les deux premiers articles, comment, par la suite, c'est plus facile à comprendre, c'est plus cohérent, et c'est plus facile à expliquer, puis on ne retrouve pas de contradiction, justement. On va savoir que le mot «transmission» a trait non pas au patrimoine, mais aux valeurs que représentent le patrimoine.
Mme St-Pierre: Quel serait le terme qui serait le mieux choisi?
M. Frenette (François): Bien, je ne le mettrais pas dans l'objet de la loi. Je pense que l'objet de la loi, comme le mémoire le précise, c'est la connaissance afférente à. Assurer sa transmission, sa... L'accumulation même de la connaissance afférente à ces biens-là assure normalement leur transmission. Vous avez... Je pense que ce n'est pas une obligation de préciser qu'on veut s'assurer de le transmettre. Si on fait ce qui est prévu dans le premier article, ici, «favoriser la connaissance», bien le reste, c'est comme auxiliaire à ça. Et, si on fait tout ce qui est auxiliaire à ça, forcément qu'il y aura eu transmission des valeurs socioculturelles attachées à des biens.
Dans le fond, l'équipe, peut-être les juristes attachés au ministère pourraient plancher un petit peu là-dessus parce que l'objet... ce qu'on recherche, c'est correct, c'est... Tout est bien, là. C'est juste la mise en place de chacun des morceaux, comme dans un puzzle, au bon endroit. C'est ça qui...
Mme St-Pierre: On sait que le diable est dans les détails, alors il faut vraiment porter une attention...
M. Frenette (François): ...définitions, notamment celle qu'on trouve à l'article 2, et les objets, c'est probablement ce qu'il y a de plus difficile. Déjà, à l'époque romaine, chez les grands juristes, on reconnaissait que la plus grande difficulté, c'est de définir, et le législateur, en général, essaie souvent de ne pas définir parce que, s'il se trompe, il se trompe pour longtemps.
Même dans le Code civil, on peut déplorer que certaines définitions sont plutôt des descriptions parce que la tâche est difficile. Dans ce cas-ci, elle est peut-être moins difficile qu'on le pense.
Le Président (M. Marsan): Merci. Je vais maintenant donner la parole au... M. le député de Lévis.
M. Lehouillier: Oui. Moi, je suis... D'abord, je voudrais vous féliciter pour votre mémoire. Moi, quand j'étais à l'université, j'avais le choix entre le droit et la politique, mais je ne regrette pas d'avoir choisi la politique, finalement. C'est très complexe, surtout au niveau des définitions.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lehouillier: Et donc, je voulais vous dire que... Je voudrais justement revenir sur une définition. Vous avez défini... Vous avez proposé une définition du patrimoine culturel. Vous dites: «Le patrimoine culturel est un ensemble de biens, tant corporels qu'incorporels, mobiliers et immobiliers, qui livre un témoignage exceptionnel sur les manières d'être et d'agir de la société québécoise et de l'origine de ses membres.» Quand vous faites une définition comme ça, vous ne faites référence qu'à des biens, donc, par rapport au projet de loi, c'est comme si on était hors d'actualité parce qu'on n'a pas le patrimoine immatériel, on n'a pas les personnages, on n'a pas les événements. Donc, «patrimoine culturel», ce ne sont pas des biens mobiliers tel que prévu dans le Code civil, là, c'est plus que ça.
Alors, que faites-vous... puis c'est ma question: Dans votre définition, là, qu'est-ce que vous faites de ce qui est immatériel puis des personnages, des événements, des lieux historiques puis des paysages, en regard de votre définition? Parce que vous vous limitez uniquement aux biens. Alors, c'est ça, ma question.
M. Frenette (François): Si vous aviez fait droit... Si vous aviez pris droit au lieu de politique, vous auriez la réponse.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Frenette (François): D'abord...
M. Lehouillier: ...
**(12 h 40)**M. Frenette (François): Oui. Alors, le patrimoine, c'est un ensemble, c'est comme une espèce de vase dans lequel on doit mettre des choses, mais pas des choses à l'état physique. Alors, par exemple, le patrimoine d'une personne: toute personne physique ou morale a un patrimoine, même si elle pense qu'elle n'a rien dans son patrimoine ou qu'elle n'a... elle doit quelque chose; elle a au moins quelque chose, elle a des dettes, hein?
Bon. Alors, toute personne a un patrimoine. C'est un ensemble dans lequel vient se loger quoi? Ce que le code prévoit, c'est-à-dire que toute chose, tant corporelle qu'incorporelle, est un bien s'il est susceptible d'appropriation. Et ces biens-là sont soit meubles ou immeubles. Ça, ça comprend tout ce qui existe, tout ce qui peuple l'univers à l'état concret ou abstrait, et les biens dits matériels se rattachent au patrimoine par les droits qu'on détient dessus. Alors, il faut lire derrière chacun des mots ce que ces mots-là véhiculent au sens de la loi.
Et votre patrimoine dit immatériel, je n'en ai rien contre, je me suis objecté par moments... Bon, ce n'est pas l'idée, c'est l'expression. Alors, le patrimoine, qui est appelé dans le texte de loi «dit immatériel», ce sont les biens incorporels. Ils sont là, O.K.?
Puis il faut faire attention, j'ai dit... la chambre dit: Si le patrimoine est un ensemble, c'est une universalité, vous ne pouvez pas mettre dans une universalité une autre universalité. Alors, c'est purement technique. Il y aurait moyen de présenter ce qui est défini ou énuméré comme bien immatériel ou patrimoine immatériel pour les rentrer dans une définition qui correspond au langage du Code civil, parce qu'on parle forcément de biens dans la loi. On parle forcément de biens meubles ou immeubles, mais tous les biens meubles et immeubles ne sont pas forcément des biens corporels susceptibles d'être saisis par les cinq sens.
M. Lehouillier: O.K. Bien, moi, je comprends bien votre définition, mais, comme je vais rester politicien, même après votre présentation, je serais bien mal à l'aise, moi, d'enlever dans notre définition «le patrimoine culturel est constitué», là, dans la deuxième partie «de personnages, de lieux et d'événements historiques, de documents, d'immeubles, d'objets, de sites patrimoniaux, de paysages culturels patrimoniaux et de patrimoine immatériel».
Je vous dis pourquoi: parce que, moi, si mes gens lisent «le patrimoine culturel est un ensemble de biens tant corporels qu'incorporels», je vais vous dire une affaire, ça ne dit pas grand-chose. Mais je comprends, vous venez de l'expliquer, là, je comprends très bien. Mais je vous dis que... Est-ce qu'on peut se permettre, dans un projet... Ma question est la suivante: Est-ce qu'on peut se permettre, dans un projet de loi, de laisser quand même des éléments comme ça? C'est ça, ma question.
Le Président (M. Marsan): Alors, en terminant. Très rapidement, Me Frenette.
M. Frenette (François): Je pense qu'il faudrait coller davantage à la définition que je propose et qu'il y aurait moyen de retenir ce que le projet de loi avance. Mais entre ce qui, des fois, est dit, là, de façon très technique puis la façon de l'expliquer au public, c'est deux. Lisez un livre de médecine, ça prend... il y a un vocabulaire très technique. Mais, si votre médecin s'exprime comme dans ses livres, vous ne comprendrez rien, alors il va prendre des mots appropriés pour ça. Bon, bien, on a besoin d'avoir les choses comme elles sont dites en droit, quitte à les expliquer par la suite, pour dire: Ça signifie telle chose.
Le Président (M. Marsan): Alors, merci. Nous poursuivons nos échanges, et je vais céder la parole au député de Drummond, qui est le porte-parole de l'opposition officielle en matière de culture et de communication.
M. Blanchet: Messieurs dames, bonjour. Je suis convaincu que votre mémoire va beaucoup aider les gens qui vont retravailler à la rédaction pour beaucoup de questions techniques. Je mettrais une... ce n'est pas vraiment une réserve, mais on vient de s'aventurer loin sur le terrain de la définition de la notion de patrimoine, et, dans l'exercice, on n'y a presque pas accolé le mot «culturel». Et cette loi n'a de sens que lorsqu'on met le mot «culturel» à côté de patrimoine, à défaut de quoi, l'âme, l'intention de la loi et l'âme de l'exercice restent un peu de côté, bien que je comprenne qu'en termes légaux il faut créer des nuances.
Je vous poserais des questions par contre plus... plus terre à terre mais peut-être intéressantes. Peut-être.
Une voix: ...
M. Blanchet: Ah! Pas toujours, pas toujours. Dans un contrat normal, là -- on cède une propriété, on cède une maison -- lorsqu'il y a un, je ne sais pas, je vais appeler ça une «charge patrimoniale», une responsabilité patrimoniale reconnue, associée, liée à l'immeuble en question, j'imagine que c'est transporté dans le contrat, que le contrat en fait état et donc que ça vient avec des obligations qu'un propriétaire va transmettre à l'autre, un peu comme une servitude. Puis l'autre qui achète, il va vivre avec ça également.
Est-ce que cette version-ci de la loi représente un alourdissement de ce type de contrainte dans une transaction ou ça maintient à peu près ça au niveau de difficulté ou de lourdeur où c'était auparavant?
M. Frenette (François): Avant de répondre, première observation: à la page 4 du mémoire, il est bien fait état du fait que la définition même de «patrimoine», et de «culturel» qui doit le circonscrire pour le distinguer de d'autres types de patrimoine, il y a du travail à faire.
À votre question particulière: Est-ce que le projet de loi alourdit ce qui existe déjà?, si un bien est classé, je pense que la transaction se fait, comparaît M. X, M. Y: «X cède par les présentes la propriété de l'immeuble ci-après décrit, lequel est affecté des servitudes suivantes, lequel est classé.» Là, bien, si on va dans le sens de ce qui est souhaité ou de ce qui a été avancé par la chambre, les plans de conservation sont également publiés, bien il va référer aux plans de conservation.
Alors, je ne pense pas qu'on ait un alourdissement là. Ce qu'on doit s'assurer, c'est que tout ce qui assure la sauvegarde et la pérennité d'un bien culturel, qu'il soit signalé à l'attention des parties qui veulent faire une transaction. Puis ça, une fois que c'est inscrit au registre une fois, le notaire, qui habituellement fait les transactions -- ça arrive que les avocats en font, mais ils en font moins -- bien, il a l'obligation d'aller voir au registre et l'obligation de relater dans la transaction les restrictions à l'exercice de droit de propriété afférent à ce bien-là, et je ne pense pas qu'on crée une charge très lourde ou qu'on... Pas du tout. Même, on souhaite qu'il y en ait... souhaiter que ça aille plus loin.
M. Blanchet: Je vous remercie. Autre question qui a été abordée dans différents échanges que nous avons eus: Selon votre connaissance de notaire, lorsqu'une maison a un statut patrimonial, est-ce que ça a un effet positif ou négatif sur sa valeur? Parce qu'il y a des gens qui disaient: Non, non, c'est trop complexe, ça alourdit, ça rend la transaction difficile, ça rend... c'est plus difficile de vendre la maison. Ces arguments-là ont été invoqués à quelques reprises. Est-ce qu'une maison gagne en valeur? Un amant de culture... Moi, je vais comprendre que ça vaut plus cher, même s'il y a des responsabilités, puis quelqu'un que c'est plus la place puis qu'il ne veut pas la responsabilité, il va trouver que ça vaut moins cher, mais, dans votre expérience, est-ce que ça a un effet positif ou négatif sur la pure valeur marchande d'un immeuble?
M. Frenette (François): Vous voulez dire si l'immeuble est classé et non pas s'il a une valeur patrimoniale, parce que tout peut être patrimonial.
M. Blanchet: Si la valeur patrimoniale est reconnue, bien sûr.
M. Frenette (François): Bon. Alors, est-ce que ça a une influence? Je pense qu'on ne peut pas chiffrer ça parce que ça veut certainement dire que la clientèle intéressée au bien est plus réduite que s'il n'y avait aucune restriction tenant au classement du bien. Parce que l'acquéreur va certainement comprendre qu'il y a des obligations. Donc, le bassin des acquéreurs est plus réduit, et il va sans doute comprendre des gens qui ont les moyens de faire face à ces obligations-là. Est-ce que ça diminue la valeur, à mon avis, non, au contraire. Même si le bassin est plus réduit, pour l'expérience que j'en ai eu, les gens disent: Moi, c'est un projet de vie, ça, de prendre en charge cet immeuble-là, d'assumer ces obligations-là, peut-être même d'aller plus loin, etc. C'est ma contribution à la société. Il y a beaucoup de personnes... puis d'ailleurs je pense que le nombre d'intervenants à la commission a dû être assez élevé, a été assez élevé parce que c'est une question qui préoccupe beaucoup de personnes. Alors, ce ne sont pas des obligations qui pèsent lourd ou empêchent la transaction; elles font réfléchir et elles font appel à une clientèle différente.
M. Blanchet: Dans le même esprit, parce que vous parliez des moyens de quelqu'un qui veut acquérir une telle maison, moi, j'avais un peu l'inquiétude que, justement, puisque ça peut impliquer des dépenses de respect et d'entretien de l'immeuble, ça restreigne l'accès à la propriété à ce type d'immeuble à des gens qui sont effectivement mieux nantis. Est-ce que des mesures fiscales qui facilitent, qui aident le propriétaire à entretenir adéquatement la maison compte tenu de son classement, ça aurait un effet significatif sur, comment dire, la démocratisation de la propriété de ce type d'immeubles patrimoniaux?
**(12 h 50)**M. Frenette (François): Bien, c'est évident qu'on sort du technique, là. Est-ce que ça aiderait? C'est certain que, si le gouvernement peut subventionner ou avoir un programme de subvention facilitant l'acquisition d'immeubles classés, c'est une forme de démocratisation. Mais la société doit être capable, normalement, de gérer ce problème-là sans toujours demander à l'État d'intervenir.
M. Blanchet: Moi, c'est tout.
Le Président (M. Marsan): Oui, M. le député de Saint-Jean.
M. Turcotte: Merci beaucoup, M. le Président. Bien, je vais vous souhaiter la bienvenue à l'Assemblée nationale et je suis d'autant plus fier de vous rencontrer que je représente la circonscription de Félix-Gabriel Marchand, qui a été premier ministre du Québec et le seul premier ministre à être notaire et qui a fait beaucoup dans la fondation de la Chambre des notaires du Québec, d'ailleurs. Donc, c'est permanent, son oeuvre.
Je voulais vous entendre parler sur les délais de prescription. Dans la loi, il est question d'avoir un délai de prescription d'un an. Dans la Loi sur la conservation du patrimoine naturel, on parle de deux ans, dans la loi aussi de la conservation et la mise en valeur de la faune, on parle aussi de deux ans. Est-ce que, vous, vous voyez qu'un an, c'est correct? Est-ce que vous seriez plus à tendre vers les deux lois que je vous ai parlées, qui sont dans à peu près dans le même sens de... L'objectif, c'est de conserver un patrimoine qui soit naturel, ou de la faune, ou un patrimoine culturel. Est-ce que vous avez une opinion sur cette question?
M. Frenette (François): Bien, mon opinion sur cette question-là, c'est qu'au départ il faut considérer qu'il y a deux types de prescription de base, une de 10 ans et une de trois ans: 10 ans en matière immobilière, trois ans en matière mobilière. Si on décide de déroger, dans le contexte d'une loi statutaire, pour des délais plus courts, c'est que ces délais-là doivent être justifiés. Si ces délais-là sont plus courts et ils sont justifiés, ils devraient être uniformisés dans le cadre de lois à caractère à peu près semblable. Alors, c'est... Déjà, lors de la recodification du code actuel, l'ancien Code civil du Bas-Canada, il y avait un nombre effarant de prescriptions à termes différents. On a tenté de rassembler ça, de simplifier ça, d'unifier ça pour éviter que justement des gens soient dépourvus, parce que, bon, ils pensaient que c'était deux ans, c'est un an à telle place, ça, c'est... Bon. Donc, grande règle; si on y déroge, soyons précis, si on y déroge, essayons d'avoir une certaine uniformité pour savoir pourquoi on déroge puis d'assurer cette uniformité-là. Alors, un an, c'est court, hein? Deux ans ne m'apparaîtrait pas pire.
M. Turcotte: Surtout qu'on ne sait pas toujours, dans certains cas, quand les infractions se font, le temps de trouver... de les découvrir, bien, il y a cette question-là aussi qu'il est important de se donner le temps pour pouvoir...
M. Frenette (François): D'abord, répondre à la question: Pourquoi on a dérogé aux trois ans en matière mobilière ou 10 ans en matière immobilière?
Le Président (M. Marsan): Oui, M. le député de Sainte-Marie--Saint-Jacques.
M. Lemay: Oui, merci, M. le Président. Donc, on aura beaucoup de questions à l'étude du projet de loi article par article dans quelques semaines très certainement.
Vous parlez de l'importance des mots, évidemment, je pense qu'on ne peut qu'être en accord avec vous. Permettez-moi, un peu à brûle-pourpoint, de vous en lancer un. Il y a un terme qui revient souvent dans plusieurs mémoires, c'est le terme «inventaire», faire l'inventaire de ce qui est classé, cité, ce qui pourrait l'être. Est-ce qu'en termes juridiques «inventaire»... Parce qu'ici on peut bien en discuter longuement, là, mais est-ce que vous pourriez nous dire qu'est-ce que ça veut dire? Si on dit «un inventaire», à quoi on réfère exactement? Un inventaire, dans un projet de loi, est-ce que c'est le terme approprié?
M. Frenette (François): Bien, il est prévu que... on tient un registre, puis on tient un inventaire, hein? Bon. L'inventaire, ce n'est pas d'autre chose qu'une liste. C'est une liste qui peut être pure et simple qui comprend la description de l'objet, mais la description pourrait aller jusqu'à son état. Alors, ça veut dire dans quelle situation il est, sur le plan physique et autre. Bon. Donc, l'inventaire, normalement, a un caractère moins officiel que le registre. Le registre consacre quelque chose de déjà prédéfini; l'inventaire, il ne fait que dresser une liste. Dans le cadre de ce qui est envisagé dans la loi ici, où «l'inventaire», ce n'est pas un terme qui revient souvent, mais vous avez raison de dire qu'il est assez utilisé, c'est comme si on essaie, à tout le moins, de retracer, d'identifier des biens qui pourraient justifier leur ascension dans le domaine des biens culturels faisant partie du patrimoine culturel.
Alors, c'est comme une espèce de porte d'entrée, mais, si ce n'est pas fait à l'échelle de la province d'une façon régulière ou complète, bien, il y aura toujours des trous quelque part. C'est un exercice, d'après moi, qui doit être passionnant, c'est un exercice de longue haleine, c'est un exercice qui est lourd de conséquences parce que ce qui ne rentre pas dans l'inventaire, bien, pourquoi est-ce qu'il pourrait revenir par la suite lors d'une... la foule s'émeut, là, le quartier s'émeut, ça n'a pas de... «On ne peut pas permettre que ça, ça soit démoli», puis il n'est même pas dans un inventaire, puis on a fait l'inventaire à cette place-là. Donc, c'est un exercice quand même périlleux mais, somme toute, c'est comme l'entrée tranquille ou la... Tu sais, on est en voie d'identifier un bien qui, éventuellement, pourra recevoir l'étiquette de bien culturel.
M. Lemay: Mais il ne passe pas au registre.
M. Frenette (François): Il ne passe pas au registre tant que... on n'est pas là: citation, déclaration, désignation, etc. Mais c'est un exercice incontournable. Prémisse.
Le Président (M. Marsan): Ça va? Alors, Me Frenette, Me Chamberland, merci de nous avoir donné la position de la Chambre des notaires du Québec.
La commission suspend donc ses travaux jusqu'à 15 heures, et vous pouvez laisser vos documents sur place. Merci. Bon appétit!
(Suspension de la séance à 12 h 57)
(Reprise à 15 h 3)
Le Président (M. Marsan): À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires. Nous allons poursuivre sans plus tarder les auditions publiques sur le projet de loi n° 82, Loi sur le patrimoine culturel.
Je voudrais tout de même vous indiquer que Mme la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine devra s'absenter vers peut-être 3 h 20, 3 h 25 pour aller au salon bleu, où elle doit prendre la parole dans le cadre de la motion du mercredi. Mais nous sommes choyés, nous avons avec nous des représentants du Conseil de la culture des régions de Québec et de Chaudière-Appalaches, qui sont représentés par M. Jean-Pierre Chénard, président de la table du patrimoine-histoire, et de Mme Andrée Lapointe, conseillère en développement.
Alors, il nous fait plaisir de vous accueillir. Vous avez une période d'environ 15 minutes pour nous exposer votre point de vue sur le projet de loi n° 82. La parole est à vous.
Conseil de la culture des régions de
Québec et de Chaudière-Appalaches
Mme Lapointe (Andrée): Merci beaucoup, M. le Président. Je profite de l'occasion pour vous saluer tous. Donc, Jean-Pierre Chénard, aussi directeur général du Centre de valorisation du patrimoine vivant à Québec et président de la table de patrimoine-histoire depuis maintenant de nombreuses années, et moi-même, Andrée Lapointe, donc conseillère en développement au Conseil de la culture et aussi qui émane du secteur du patrimoine qui est ma passion aussi.
Donc, on est très heureux, et c'est avec plaisir qu'on a répondu à l'invitation de venir présenter un peu notre mémoire et l'avis qu'on a fait aussi suite au dépôt du projet de loi n° 82. On vient vous présenter rapidement les réflexions des membres de la table de patrimoine-histoire du Conseil de la culture, donc, qui couvre les deux grandes régions de la Capitale-Nationale et de la Chaudière-Appalaches.
Juste quelques mots rapides sur cette table-là: Qu'est-ce que c'est? Qui est-ce que c'est? C'est une des neuf tables du Conseil de la culture. Le conseil existe depuis 25 ans, plus de 25 ans maintenant, et il y a plus d'une quarantaine de membres qui font partie de cette table de patrimoine-histoire. Ce qui est intéressant, je trouve, de cette table-là, vous le constatez, vous recevez des gens de toutes provenances, de tous les patrimoines et de toutes les régions, et, nous, cette table-là, elle comporte des intervenants dans à peu près tous les patrimoines. Nous avons aussi beaucoup de représentants des MRC et des municipalités autour de la table. Nous avons des professionnels, des historiens. Nous avons aussi beaucoup de bénévoles de sociétés d'histoire et de réseaux.
Donc, vous imaginez, quand on entreprend un processus d'études comme celui d'une loi comme celle-là, on a des perspectives multiples, et les gens doivent s'asseoir autour d'une table et réfléchir ensemble, et ça a été un exercice qui nous a mené finalement assez loin dans la réflexion qu'on a pour la loi. Donc, c'est un peu le point de vue de tous ces gens-là qu'on vient vous présenter ou que vous avez lu dans le mémoire. On ne vous présentera pas ça in extenso aujourd'hui. Et je dois souligner quand même que certains de ces membres vous ont aussi présenté leur propre mémoire. Donc, ils ont parfois leur propre point de vue, qui est plus pointu que le nôtre, mais je pense qu'on se complète bien de toutes façons.
Donc, rapidement, pour vous dire qu'on est... on a l'impression d'être très représentatifs de notre milieu et qu'on est une table... Donc, les membres ont été consultés deux fois et ils en sont venus à des éléments qui sont très importants pour eux, et c'est ça dont on va vous parler aujourd'hui. On va tout simplement vous entretenir rapidement des priorités pour nous et des éléments qui sont vraiment importants.
Bien sûr que, quand on a débuté avec le projet de loi, quand on s'est réunis la première fois, on a eu quelques frustrations qui se sont exprimées chez les membres et quelques éléments sceptiques. Mais je dois vous dire que ce qu'on vient vous porter aujourd'hui, c'est un message extrêmement positif, et on est très contents, et on remercie le gouvernement de se pencher sur ce projet-là depuis maintenant deux ans, et on sait que ça prend du temps, mais c'est la première fois qu'on se rend aussi loin dans le processus.
Donc, on vient vous apporter aussi beaucoup l'espoir de nos membres qu'on va aller de l'avant et qu'on va finir par arriver avec une loi qui sera toujours imparfaite mais qui sera quand même beaucoup mieux que ce qu'on a depuis un bon bout de temps. Donc, c'est ce message-là qu'on vient vous porter aujourd'hui.
C'est Jean-Pierre Chénard qui vous fera la présentation de quelques éléments qui nous tiennent à coeur, et ensuite on sera là tous les deux pour répondre rapidement à vos questions sur des items qui vous questionneraient plus particulièrement. Donc, je cède la parole à Jean-Pierre.
Le Président (M. Marsan): M. Chénard.
**(15 h 10)**M. Chénard (Jean-Pierre): M. le Président, Mme la ministre et MM. et Mmes les députés, c'est un grand bonheur aujourd'hui pour la table patrimoine-histoire du Conseil de la culture de venir vous rencontrer. Il y a tellement longtemps qu'on parle de la politique du patrimoine, elle est maintenant devant nous, vous êtes devant nous, et ça va être un plaisir de vous livrer les réflexions de nos membres.
D'abord... qui ne sont pas... un rappel des principales demandes du conseil. Avant de parler du projet de loi n° 82, les membres nous ont parlé d'une préoccupation. On aimerait voir que le gouvernement porte et défende une stratégie nationale, une politique au niveau du patrimoine. L'objectif serait de placer le patrimoine au coeur des préoccupations gouvernementales et des citoyens. On le sait, les citoyens sont les premiers utilisateurs du patrimoine. Un peu à l'image du plan d'action en développement durable, se donner un objectif, une opération patrimoine 2012-2022 avec des priorités, des objectifs et des rendements. L'importance du patrimoine, pour nous, c'est aussi important que l'écologie. Ça fait partie de nous depuis des siècles. Ça va continuer. Et puis on pense que le gouvernement devrait s'attaquer à une opération patrimoine 2012-2022.
Maintenant, pour la loi n° 82, la définition du patrimoine immatériel, nous, on demande qu'elle devrait être équivalente au contenu proposé par l'UNESCO. Ça répond à la volonté de nos membres. Évidemment, les membres du patrimoine, c'est pluralité, donc il y a vraiment de nombreux patrimoines. Je sais, moi, qu'au niveau du milieu du patrimoine vivant, du patrimoine immatériel, la définition de l'UNESCO n'est pas au goût de tout le monde. Certains trouvent qu'il y a trop de matériel dans l'immatériel, mais, pour la table patrimoine-histoire, on pense que la définition de l'UNESCO est très, très valable et porteuse.
L'article 78.5° se lit comme suit: «Accorder des subventions dans le but de favoriser la connaissance, la protection, la transmission ou la mise en valeur des paysages culturels patrimoniaux, des biens [culturels] ou des biens situés dans un site patrimonial classé, déclaré ou cité...» On aimerait que le patrimoine immatériel soit également inclus dans le «favoriser la connaissance, la protection et la transmission».
On reconnaît que, depuis 1995, le ministère a accordé une importante somme à un secteur du patrimoine, et c'est tant mieux pour eux, mais il ne faut pas oublier que les organismes en patrimoine qui vivent à partir des programmes du ministère n'ont pas reçu aucune augmentation de fonctionnement depuis 1992. Nous sommes 11 organismes à se partager un peu plus de 300 000 $.
Concernant le Conseil du patrimoine culturel du Québec, nous aimerions qu'il devienne un organisme indépendant, au mandat proactif et consultatif élargi. Le Conseil du patrimoine doit jouer un rôle très important, et on pense que c'est par là que doivent passer les actions gouvernementales principalement.
Au niveau de la relation avec la population, on doit rendre visible le patrimoine. Actuellement, ce qui n'est pas vu à la télé ou ce qui ne passe pas dans les journaux, ça n'existe pas. Le Conseil du patrimoine devra jouer un rôle là-dedans qui reste à déterminer, puis on pourra donc en discuter plus tard: assumer un rôle d'ombudsman du patrimoine, recevoir les demandes et les commentaires de la population et y répondre dans les délais raisonnables de façon transparente.
Tous les secteurs d'activité humaine qui évoluent possèdent un pôle recherche et développement, et on pense que le conseil devrait avoir un service recherche et développement en collaboration, notamment, avec les chaires universitaires.
L'article 87: Que le conseil soit formé de représentants d'au moins cinq domaines complémentaires du patrimoine culturel et provenant pour au moins la moitié des régions du Québec. Bon, il y a plusieurs patrimoines qui sont nommés.
La diffusion. Considérant que le projet de loi se limite aux fonctions d'établir des registres, des inventaires, des citations et des classements, la table patrimoine-histoire du Conseil de la culture réitère son intérêt pour que soient inclus dans la loi des éléments de mise en valeur du patrimoine: stimuler les sensibilités citoyennes, contribuer à éveiller l'intérêt général, mettre en place des moyens concrets afin d'augmenter la sensibilisation des citoyens à la valeur et à l'importance des patrimoines, travailler de concert avec le ministère de l'Éducation afin d'intégrer la valorisation du patrimoine dans les programmes de formation des enseignants, particulièrement au primaire.
Au niveau des municipalités, nous croyons que les municipalités devraient avoir l'obligation de se doter d'un conseil consultatif en patrimoine, mettre systématiquement en place des ententes de développement avec une municipalité, stimuler les initiatives permettant de travailler de concert avec les ressources patrimoniales du milieu et fournir la formation nécessaire aux conseillers municipaux soit par le biais de l'Union des municipalités ou soit par la Fédération québécoise des municipalités.
Vous l'avez vu et constaté lors des audiences, le patrimoine est un monde de diversité, de pluralité et de richesses. C'est une grande force que d'avoir sous le même chapeau des intervenants des musées, de l'archéologie, de l'ethnologie, de l'histoire, du patrimoine bâti, du patrimoine vivant, du patrimoine industriel, du patrimoine maritime, du patrimoine rural, du patrimoine urbain, du patrimoine archivistique, et on pourrait continuer encore. C'est une force et un potentiel gigantesque, mais il manque un peu d'organisation. Ainsi, au niveau gouvernemental, nous souhaiterions une meilleure catégorisation, un peu à l'image de l'industrie culturelle où les secteurs sont bien identifiés et les programmes, normés.
Une faiblesse à laquelle nous sommes constamment confrontés: l'image du patrimoine. Cette image passéiste, un peu poussiéreuse, pas très glamour, remplie de vieux chialeux qui radotent les mêmes histoires depuis 30 ans, des empêcheurs de développement économique. Quand on est dans l'actualité, quand on parle de patrimoine, généralement, c'est parce qu'un bâtiment ancien a subi un incendie. Nous avons toute une côte à remonter au niveau de l'image, mais nous ne désespérons pas. Nous, la table patrimoine-histoire, nous croyons que le patrimoine a un bel avenir devant lui. Notre espoir réside dans le rajeunissement des forces vives de nos milieux, donc de l'image du patrimoine.
En 2011, nous devons lever nos manches et travailler à faire en sorte que les jeunes se sentent confortables dans nos milieux, que cette jeunesse nous fasse bénéficier de leur créativité, nous aide à prendre le train des nouvelles technologies. On voit bien que Le Moulin à images a été un mariage parfait entre l'histoire et les nouvelles technologies.
Le monde du patrimoine est devant un réel défi, et nous croyons que le projet de loi n° 82 est un premier pas. Enfin, sur la place publique, on peut discuter patrimoine et on peut discuter histoire. Madame messieurs, merci de votre écoute.
Le Président (M. Marsan): Merci, M. Chénard, Mme Lapointe, de nous avoir exposé votre point de vue sur le projet de loi n° 82.
Avant de céder la parole à la ministre, je voudrais simplement saluer les membres du séminaire sur la commission parlementaire qui viennent de se joindre à nous, et également M. Roger Lefebvre, qui est un ancien député, un ancien ministre, et Mme Lise Grondin, qui était la chef de cabinet de notre président, Michel Bissonnet.
Alors, nous débutons immédiatement nos échanges et je vais laisser la parole à Mme la députée... Mme la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine qui, comme je vous l'ai mentionné, devra nous quitter quelques instants pour prendre la parole au salon bleu bientôt.
Mme St-Pierre: Merci. Merci, M. le Président. Merci beaucoup d'être parmi nous cet après-midi. Je veux aussi saluer les invités qui sont derrière et leur dire que c'est la commission parlementaire qui est peut-être la plus passionnante, je pense, parce que parler de patrimoine, c'est quelque chose qui vient nous toucher tous et toutes, et on parle de notre histoire, bien sûr. Mais on veut que l'histoire, que notre histoire, qu'on... on veut faire en sorte que tout ce qui touche le patrimoine soit bien protégé et qu'on puisse dans l'avenir avoir un outil législatif, vraiment, qui va tenir la route pendant plusieurs années. Et, comme vous l'avez dit, là, il est... C'est vrai que c'est la première fois que le processus va aussi loin, alors on arrive à... on va arriver à l'aboutissement de vraiment quelque chose, je pense, qui est assez important. Et on veut que ça soit le meilleur projet de loi possible, bien sûr.
Vous attirez mon attention sur... Alors, je vais poser, comme on l'a dit, les premières questions et mon adjoint parlementaire, M. le député de Lévis, va poser les autres. Sur la formation du Conseil du patrimoine, vous préconisez un autre type de... En fait, je pense que ce que vous voulez, c'est d'avoir encore plus de gens sur le conseil, mais l'articuler de manière différente. Donc, ce qu'on a à l'article 87 ne semble pas être suffisant pour vous. En quoi... Parce qu'on parle de gens quand même qui viennent des régions, sur le Conseil du patrimoine. Vous voulez des gens des régions, mais vous voulez aussi que ça soit des gens qui viennent de différents secteurs du patrimoine. Donc, est-ce qu'il faudrait que tous les secteurs du patrimoine soient représentés sur ce conseil? Donc, on arrive à un conseil peut-être de 20 personnes ou...
Une voix: ...
Mme St-Pierre: Non? O.K.
Mme Lapointe (Andrée): Non. Si je peux me permettre de répondre...
Mme St-Pierre: Expliquez-moi ça.
Mme Lapointe (Andrée): C'est un peu l'habitude de travailler aussi avec des conseils d'administration de conseils des arts qui nous a donné cette perspective-là. Puis ça vient aussi du fait que la table, justement, représente plusieurs patrimoines. Nous, on n'est pas juste en archéologie, on n'est pas juste en patrimoine historique; on a vraiment des gens de tous azimuts. La préoccupation n'est pas d'augmenter le nombre de membres, c'est de s'assurer qu'à un moment donné on ait une représentativité qui permette à une variété de patrimoines d'être représentés et que, dans le temps, au fur et à mesure que ce conseil-là existera, on s'organise pour qu'il y ait un certain roulement aussi. On sait qu'il arrive parfois que des patrimoines sont plus faciles à représenter. Et on sait que les patrimoines ou les... les organismes qui sont gérés par des bénévoles, c'est plus difficile parfois d'aller les chercher pour faire partie de conseils d'administration ou de conseils comme celui-là. Il s'agit d'obtenir un équilibre dans la variété des patrimoines dans les représentations régionales et dans le temps. C'est plutôt ça que je pense qu'on voulait dire.
M. Chénard (Jean-Pierre): Afin que tous les secteurs du patrimoine se sentent vraiment considérés par le Conseil du patrimoine.
Mme St-Pierre: Il paraît que je peux continuer, alors je vais le faire avec plaisir. Sur la question... Vous parlez de la définition ici, vous nous dites: La définition de l'UNESCO... Vous nous dites: «La définition de patrimoine immatériel devrait être équivalente au contenu proposé par l'UNESCO» et ne pas utiliser l'expression «présente un intérêt public».
Alors, qu'est-ce que vous recommandez au juste? C'est qu'on reprenne la définition puis qu'on la remette dans le...
**(15 h 20)**M. Chénard (Jean-Pierre): C'est que la définition de l'UNESCO est quand même... couvre la majorité des patrimoines. Je veux dire, quand on parle d'objets ou quand on parle de lieux, évidemment, on peut penser aux musées, aux institutions muséales, on peut penser à d'autres organismes qui ne sont pas nécessairement dans le patrimoine immatériel. Mais c'est un ensemble, ça couvre tout, et, nous, on pense que le patrimoine... en tant que table de patrimoine-histoire, nous, on pense que le patrimoine, c'est complet quand on touche à tout le monde, l'immatériel et le matériel. Et puis, pour ce qui est de la...
Mme St-Pierre: Alors, vous voudriez que la définition soit revue et qu'elle soit plus englobante?
M. Chénard (Jean-Pierre): Oui.
Mme St-Pierre: Vous ne la trouvez pas suffisamment englobante, c'est ça?
M. Chénard (Jean-Pierre): Exactement. C'est ça vraiment. Et je suis le porte-parole des membres de la table patrimoine-histoire ici, aujourd'hui. Comme je vous dis, moi, je suis directeur d'un organisme qui travaille en patrimoine immatériel. Dans le milieu du patrimoine immatériel, la définition de l'UNESCO est loin de faire consensus. Mais, par contre, pour tous les patrimoines qui sont représentés à notre table, cette définition-là convient très bien.
Mme St-Pierre: Quelle a été votre réaction lorsque vous avez vu -- bien, on l'avait indiqué dans le livre vert -- que nous allions dans cette direction de parler du patrimoine immatériel dans le projet de loi futur, projet de loi à venir? Vous avez réagi comment? J'imagine que vous allez me dire que vous avez bien réagi, mais en quoi les Québécois vont y retrouver quelque chose d'important et de fondamental là-dedans selon ce que vous entendez comme commentaires et votre propre vision, à vous?
M. Chénard (Jean-Pierre): C'est que le patrimoine porte... est un vecteur identitaire très fort. Bon. Les exemples que je vais vous donner, évidemment ça va être dans mon domaine à moi. Par exemple, on va parler seulement de tapement de pieds pour nos musiciens traditionnels. Bien, on est à peu près les seuls à taper comme ça avec les deux pieds, c'est une rythmique qu'on a, nous, et qui nous appartient, et qui est un élément d'identité. Quand on va ailleurs, les musiciens qui tapent du pied... des deux pieds comme ça, c'est nous. Donc, il y a beaucoup d'éléments identitaires dans le patrimoine qui actuellement sont mal connus et qui gagneraient à être connus. Donc, dans la définition de l'UNESCO, ça couvre l'ensemble.
Si vous allez danser le samedi soir à Inverness, vous allez aller danser dans un endroit qui s'appelle Le Poulailler. Ça fait 60 ans que les gens vont danser là, puis les gens ne vont pas danser pour se rappeler le bon temps du passé, c'est aujourd'hui, c'est actuel. Ils vont danser parce qu'il prennent plaisir à ça, parce que c'est peut être une forme de loisir pour eux, mais c'est leur façon de s'exprimer par la danse, et les danses qu'il y a là et les musiques qu'il y a là sont vraiment de ce coin-là. C'est un élément qui est identitaire. Et, si on veut recréer ça, bien, il faut recréer Le Poulailler, il faut recréer les danses qui sont là-bas. Donc, ça prend vraiment le lieu, l'objet et le lien avec le patrimoine immatériel.
Mme St-Pierre: ...la danse traditionnelle à cet endroit-là?
M. Chénard (Jean-Pierre): Tout à fait. Tout à fait. C'est une communauté anglophone, et, depuis 60 ans, les gens vont danser le samedi soir.
Mme Lapointe (Andrée): Moi, j'ajouterais peut-être, en réponse à votre question, que, tout à l'heure, Jean-Pierre a effleuré un peu l'idée que le patrimoine, il va se transmettre si on réussit à toucher les jeunes générations parce que c'est pour eux qu'on fait ça, là, ce n'est pas pour nous, et je constate, moi, que les pierres et les bâtiments et les monuments, à l'heure actuelle, ce n'est pas ça qui les touche. Par contre, le patrimoine immatériel, ce que, nous, on appelle, depuis 25 ans, le patrimoine vivant, ça les touche et ils le vivent à travers la musique, à travers le conte, à travers certains savoir-faire, à travers la pratique artisanale des métiers traditionnels qui reviennent. Et, quand on parlait, tout à l'heure, de changer l'image du patrimoine, je pense qu'on va réussir à le faire beaucoup à travers ce patrimoine-là, le patrimoine immatériel. Il est difficile à cerner mais il est très concret pour la jeune génération. Alors, si on veut viser ça, si on veut réussir à démontrer l'importance du patrimoine puis qu'est-ce qu'il fait dans nos vies maintenant, pourquoi ne pas se servir du patrimoine immatériel pour le faire? Et, oubliant le fait, bien sûr, que Jean-Pierre travaille en patrimoine vivant depuis toujours et qu'on a le Conseil québécois du patrimoine vivant à la table, c'est pour ça que l'annonce du fait que le patrimoine vivant était dans la loi était si essentielle pour les membres de la table, et c'était comme un incontournable. Il n'aurait pas été dedans, et je pense que le propos de notre mémoire aurait été concentré rien que sur ça, là. Alors, c'était essentiel.
Mme St-Pierre: Est-ce que le protéger, le patrimoine immatériel, c'est aussi faire en sorte qu'il puisse être... Je pense... vous parliez de musique traditionnelle, j'ai en tête le cégep de Joliette qui a un programme en musique traditionnelle, qui est un programme de musique traditionnelle... Et on m'a dit, on m'a expliqué que les étudiants qui devaient s'inscrire... qui s'inscrivaient à ce programme devaient avoir deux ans de musique, de musique classique, musique avancée, là, de musique classique pour pouvoir s'inscrire au programme, et ils font de la musique traditionnelle, mais ils font aussi... ils font avancer la musique traditionnelle. C'est-à-dire, ils font de la musique traditionnelle, mais avec... ils composent de la musique traditionnelle. Donc, c'est comme une façon de le préserver aussi, ce patrimoine-là, en ayant des programmes d'enseignement dans des cégeps ou dans des institutions, dans des institutions d'éducation ou qui pourraient prendre ce relais-là.
M. Chénard (Jean-Pierre): En fait, on sait que, dans le secteur de la musique traditionnelle maintenant... Autrefois, c'était de la musique qui était faite pour danser seulement. Mais maintenant les jeunes générations prennent cette musique-là et l'amènent sur la scène. Il y a même des groupes qui font de la musique expérimentale avec de la musique traditionnelle. Donc, c'est un secteur musical comme tous les autres maintenant. Et puis je pense que vous avez eu la chance, en Écosse, de voir cinq groupes québécois qui sont allés là-bas, et puis...
Une voix: ...
M. Chénard (Jean-Pierre): Six? Bon. Ce n'est plus du tout ce que c'était. Et puis il y a beaucoup de jeunes qui s'intéressent à la musique, à la chanson, aux contes ou aux danses. Dans notre secteur à nous, on a très peu de difficulté à se rajeunir. Il y a beaucoup de jeunes qui viennent, qui s'approprient cette musique-là et qui l'amènent ailleurs. Et c'est très bien. C'est un signe de bonne santé.
Maintenant, la transmission se fait, oui, par le biais des écoles, mais ça se fait aussi beaucoup par des ateliers de formation. Dans la plupart de nos festivals, il y a des ateliers qui se donnent. Et les gens vont pour apprendre des pièces, pour apprendre du répertoire, pour apprendre de la technique. Et c'est un peu comme ça que ça se transmet maintenant.
Bien sûr, on n'oublie pas qu'on est en 2011. On a Internet, on a Facebook, on a YouTube. Sur YouTube, on retrouve la musique traditionnelle québécoise tant que vous en voulez. Il y a même des extraits des Soirées canadiennes qui sont encore là. Et puis il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de gens qui vont voir ça.
Donc, la transmission du patrimoine, c'est quelque chose qui doit se faire d'une manière naturelle. Puis la meilleure façon de la protéger, c'est de faire en sorte qu'il y ait des façons, qu'il y ait des moyens qui sont offerts pour que les gens puissent se l'approprier. Parce que finalement c'est une appropriation. Moi, j'ai une petite formule très courte, qui dit que l'adepte adopte et adapte. Et vraiment la musique traditionnelle, c'est ça maintenant, et la chanson, et la danse, et tout.
Mme St-Pierre: Alors, M. le Président, je vais finir sur une petite anecdote et je vais laisser les questions à mon collègue. Mais, là-bas, à Glasgow, j'ai vu des gens chanter des chansons à répondre. Je trouvais ça amusant de voir des gens qui ne connaissaient pas la langue française... Et le groupe faisait chanter des chansons à répondre. Puis les gens les chantaient. Alors, c'était assez... Ça faisait très, très curieux de voir ça. Voilà.
Le Président (M. Marsan): Merci. M. le député de Lévis.
M. Lehouillier: Merci beaucoup, M. le Président. D'abord, je voudrais vous souhaiter la bienvenue, M. Jean-Pierre Chénard, que je connais bien, éminent citoyen de Lévis, et Mme Andrée Lapointe, conseillère en développement. Je trouve que votre mémoire est bien fait. Il y a des belles idées là-dedans.
Et, moi, je voulais peut-être vous parler, vous entretenir un petit peu plus... d'abord, parce que vous représentez quand même 200 organismes culturels et, c'est quand même quelque chose, 2 500 artistes professionnels et travailleurs culturels. Alors, vous avez quand même une bonne vision d'ensemble. Et souvent on nous interpelle beaucoup sur les pouvoirs aux municipalités. Et ça, ça revient dans bon nombre de mémoires. Et je sais que, de votre côté, vous faites la proposition -- c'est pour ça que j'aimerais ça vous entendre un petit peu plus là-dessus -- d'étendre le mandat des municipalités locales et régionales et d'augmenter les ressources humaines et financières par des programmes dédiés pour leur permettre d'agir notamment au niveau de la planification de l'aménagement et de la conservation et de la diffusion du patrimoine. Mais c'est surtout d'«étendre le mandat des municipalités».
Actuellement, dans la loi, évidemment, les municipalités vont pouvoir citer un immeuble patrimonial, citer un site patrimonial, citer un objet patrimonial dont ils sont propriétaires, un document patrimonial et ils vont pouvoir identifier le patrimoine immatériel, personnages historiques, événements historiques, lieux historiques. Puis, en même temps, ils vont pouvoir initier toutes les démarches reliées à la reconnaissance des paysages culturels. Comment vous voyez l'arrimage entre les municipalités et le ministère? Et comment vous voyez étendre... Qu'est-ce que vous voulez dire pas «étendre les mandats des municipalités»? C'était ça, ma question.
**(15 h 30)**Mme Lapointe (Andrée): Oui. Je suis contente que vous posiez la question, parce que je voulais en parler un peu, des municipalités et des MRC, parce que c'est très important autour de la table. On a vraiment des représentants des MRC et des municipalités au niveau patrimoine-histoire autour de la table de patrimoine. Pour nous, ce qu'on veut dire par ce commentaire, et c'est ce qui est ressorti des demandes des gens qui sont justement autour de la table, c'est de leur permettre de se donner plus de moyens. C'est peut-être le... Donner plus de mandats, je pense que vous avez raison de dire que les mandats qui sont exprimés dans la loi sont déjà très grands. Et on a entendu ou on a lu d'autres mémoires qui font... qui expriment des doutes ou des... Ils ne sont pas tout à fait en accord avec ça.
Nous, évidemment, puisqu'on représente un peu ces municipalités-là, ce qu'on vit avec elles depuis maintenant -- je vais vous donner un petit exemple, là, puis ensuite je terminerai -- presque 10 ans, c'est qu'on a mis sur pied un mécanisme, un événement qui s'appelle les Prix du patrimoine, que vous connaissez peut-être, qui sont sur les deux régions et qui alternent aux deux ans sur les deux régions. La raison pour laquelle on a mis ça sur pied, ce n'est pas nécessairement parce qu'on voulait faire des prix. Ça semble un peu drôle à dire comme ça, mais c'est parce que les municipalités, on s'est demandé comment on pouvait les intéresser, comment on pouvait les amener à mieux connaître leur patrimoine, à l'inventorier un peu et à le faire connaître, à le diffuser, à sensibiliser leur population à leur patrimoine.
Donc, on s'est dit: En y allant avec des prix qui sont un événement aux deux ans, on va faire trois catégories qui dépassent le bâti, parce qu'on sait que les municipalités sont plus sensibles à leur patrimoine bâti. On va aller dans le patrimoine bâti, on va aller dans l'interprétation et on va amener le patrimoine immatériel à travers les porteurs de tradition. Et donc on a... Et, à ce moment-là, je vous avoue que les municipalités n'étaient pas autour de la table patrimoine-histoire. Mais, nous, on voulait les amener là.
Et alors on les a réunis, les gens qui ont des agents qui s'occupent d'urbanisme, ou de culture, ou tourisme, ou patrimoine dans les MRC, dans les villes, et on leur a vendu le projet de cette façon-là, en leur disant: C'est un projet qui va... On va vous épauler, on va vous réseauter, on va travailler ensemble. Ultimement, aux deux ans, on va faire un événement et on va reconnaître des lauréats dans vos territoires. Mais ça va vous permettre de développer des connaissances de votre territoire: Qui il y a sur votre territoire qui fait des choses dans le patrimoine? Qui restaure des maisons? Qui rénove des maisons? Qui fait une publication sur le patrimoine religieux ou sur le patrimoine agricole? Qui a fait une exposition? Quels sont vos porteurs de tradition? Qui fait de la musique traditionnelle chez vous? Les connaissez-vous?
Et donc, à travers cet effort-là, c'est comme ça qu'on a... Autrement dit, au lieu de décrier nos municipalités -- on peut toujours dire «ils ne sont pas là, ils ne font pas le travail, ils ne s'en occupent pas» -- nous, on a pris une approche positive et on est allés les chercher et depuis... maintenant, ça va être la quatrième édition cette année, en 2011, et on se rend compte qu'il y a un bon momentum, et maintenant les agents qui travaillent là, qui n'y connaissaient goutte à l'époque, nous disent: Ah! Bien là, tiens, dans telle catégorie, j'ai huit candidatures cette année, et je les connais, mes gens, et je peux aller les solliciter. Et ils ont acquis un inventaire aussi en faisant ça. Ils connaissent leur milieu, ils connaissent les projets.
Donc, pour nous, pour conclure là-dessus, l'action municipale est très importante. Ce qu'on souhaite et ce qui manque à l'heure actuelle: les MRC, les municipalités où il n'y a pas de travailleurs qui s'occupent des mandats patrimoniaux ont beaucoup de difficultés à s'en occuper. Donc, ce qu'on veut, c'est ça, c'est que le ministère leur permette d'avoir, au sein de leur équipe de travailleurs, des compétences culture patrimoine.
M. Lehouillier: M. le Président, juste un petit commentaire. J'aime bien cette approche qui est plus une approche... et je sais que vous le faites beaucoup comme... et ça, c'est un travail extraordinaire que vous faites sur le terrain, cette approche d'accompagnement avec les municipalités parce qu'il y a quand même 23 ententes dans la région Chaudière-Appalaches, puis je peux vous dire que plus les municipalités signent ces ententes-là et plus on voit le changement au sein des municipalités.
Alors, moi, je pense qu'effectivement on ne peut pas, demain matin, faire une brisure et une cassure, et j'aime bien votre approche de sensibilisation et d'appui aux municipalités. Merci. C'est un beau témoignage. Je n'avais plus de temps, malheureusement; j'aurais eu d'autres questions.
Le Président (M. Marsan): Merci.
M. Chénard (Jean-Pierre): Je voudrais simplement rajouter qu'en 2009 l'événement a eu lieu dans Bellechasse, et ça a été tellement apprécié que les Prix du patrimoine ont gagné le prix de l'événement culturel de l'année dans Bellechasse.
Le Président (M. Marsan): Alors, merci. Nous allons poursuivre nos échanges, et, cette fois, je vais donner la parole au député de Drummond, qui est le porte-parole de l'opposition officielle en matière de culture et de communications. M. le député.
M. Blanchet: Messieurs dames, bonjour. Fort intéressant échange. Je vais essayer de trouver des nouvelles façons, des fois, de reformuler des questions, parce que ce sera la seule fois où on vous l'aura demandé à vous, mais c'est souvent des sujets qui ont été abordés avec d'autre monde. Donc, nous, ici, on doit finir par avoir l'impression qu'on devient répétitif, mais c'est le cumul des opinions de tout le monde qu'on va chercher et avec lequel on va travailler ultérieurement.
Vous parlez du renforcissement du rôle du conseil. Je n'ai pas le mot précis que vous avez utilisé. «Que le Conseil du patrimoine culturel du Québec devienne un organisme indépendant aux mandats proactifs et consultatifs élargis...» J'essaie de voir jusqu'où vous allez dans cette réflexion-là. Est-ce que vous iriez jusqu'au point où, lorsque des éléments sont identifiés, inventoriés, le fardeau de la preuve... à un niveau assez sommaire de l'inventaire, que le fardeau de la preuve soit aux développeurs? Autrement dit, aujourd'hui, nos modèles de développement sont souvent que quelqu'un veut développer un quartier résidentiel, n'importe quel type de projet: à moins qu'on lui lève un obstacle, il procède. Est-ce que le renforcissement du conseil irait jusqu'à renverser ce fardeau de preuve là? Si tu veux développer, tu dois venir prouver que les éléments, le paysage patrimonial, par exemple, seront respectés? Est-ce qu'on va jusque-là dans la réflexion?
M. Chénard (Jean-Pierre): ...question.
Mme Lapointe (Andrée): C'est une très bonne question. Je ne suis pas sûre qu'on est les meilleures personnes pour répondre à une question aussi précise. Je vous dirais qu'entre la réalité et ce qu'on souhaiterait dans un monde idéal probablement que ce que vous proposez là serait idéal pour le contrôle et la préservation de notre patrimoine, mais il faut aussi vivre avec notre temps, et avec le progrès, et avec le changement. Et je ne sais pas... Moi, je pense aux municipalités, je ne sais pas jusqu'à point elles pourraient vivre avec une telle approche. Mais je ne suis vraiment pas... On n'est pas peut-être les meilleures personnes pour juger de ces choses-là.
M. Blanchet: Cela dit, quelqu'un l'a mentionné, quelque chose de proche de ça existe au niveau de la protection du territoire agricole, et les municipalités s'y sont adaptées. Donc, on peut prendre des mesures énergiques parfois, c'est une question de volonté collective. Pouvez-vous me dire quelle est... parce que vous semblez avoir une région... travailler dans des régions qui sont singulièrement structurées et dynamiques en termes d'organisation culturelle et patrimoniale. Donc, on peut supposer que vous avez une certaine longueur d'avance sur l'état d'un certain inventaire. Pouvez-vous me dire qu'est-ce qui existe en termes d'inventaire patrimonial dans la région que vous couvrez ou sur laquelle vous êtes actifs?
M. Chénard (Jean-Pierre): L'inventaire d'un comité... Écoutez, à ma connaissance, nous, au Conseil de la culture, on ne fait pas d'inventaire comme tel. On connaît nos milieux, on sait qui sont les principaux intervenants, on sait qui sont les principaux organismes, on sait qui fait quoi. Et puis, quand on a des consultations ou des mandats ou des réflexions, bien, on contacte ces gens-là. Mais comme l'inventaire comme tel, à moins qu'Andrée...
Mme Lapointe (Andrée): Bien, je présume que vous parlez de patrimoine bâti?
M. Blanchet: Non, ça va bien plus loin que ça.
Mme Lapointe (Andrée): Tous les inventaires, O.K.
M. Blanchet: L'exercice auquel on devra s'attaquer doit justement aller bien au-delà de l'inventaire patrimonial plus traditionnel, qui sont des objets, des artefacts ou des immeubles. On rentre -- et je vais y revenir -- dans le patrimoine immatériel, le patrimoine vivant qui pourraient être distingués, l'un de l'autre d'ailleurs.
O.K. Donc, puisqu'il n'existe pas, pensez-vous que vous seriez en mesure, que les intervenants des régions que vous couvrez seraient en mesure assez rapidement et efficacement de dresser un tel inventaire? Est-ce que c'est un projet réaliste ou est-ce qu'on fabule un peu en s'imaginant qu'on peut le faire?
M. Chénard (Jean-Pierre): Tout à l'heure, on parlait des Prix du patrimoine où est-ce qu'on est en contact avec des agents de développement locaux. Donc, évidemment qu'on a, entre guillemets, une machine pour faire en sorte qu'assez rapidement on puisse savoir ça.
Mme Lapointe (Andrée): Je vous dirais aussi -- excuse-moi, Jean-Pierre -- qu'ayant la ville de Québec et la ville de Lévis sur nos territoires, c'est évident que ces villes-là sont très bien outillées, on s'entend, au niveau de l'inventaire, de connaissances de leur patrimoine et qu'elles ont aussi des musées qui leur ont permis de conserver certains de ces éléments-là. Mais, quand on arrive au niveau du patrimoine immatériel, là, c'est tout autre chose.
Au niveau du patrimoine bâti, je pense que, même dans les MRC de nos territoires, on pourrait assez rapidement avoir une bonne idée, là, de ce qui se trouve sur les territoires. Pour ce qui est du patrimoine immatériel, certains inventaires ont été faits par l'Université Laval dans certains milieux, et c'est incomplet. Mais, moi, je pense qu'à l'heure actuelle, en tout cas, pour nos régions, ce serait plus un travail de mise en commun et d'harmonisation des inventaires existants et de compléter ces inventaires-là. Mais je pense que ce n'est pas une tâche insurmontable, là, loin de là.
M. Chénard (Jean-Pierre): Tout en sachant que l'inventaire est vraiment un premier pas, parce qu'après ça il faut continuer à avancer.
n(15 h 40)**M. Blanchet: O.K. On nous a mentionné à plusieurs reprises qu'effectivement il y avait des agents de développement culturel à peu près partout, sauf que là où j'ai un peu un problème avec cette idée, c'est que ces gens-là travaillent déjà. Je suis convaincu qu'ils se considèrent déjà comme passablement surchargés, et j'ai du mal à imaginer qu'on leur dise: Voici le défi qu'on met devant vous.
Est-ce que, tenant compte du fait que ces gens-là sont déjà occupés, là, au quotidien, les municipalités, outre évidemment Lévis et Québec qui sont très dynamiques et structurées en matière de patrimoine, ont les ressources ou sont capables de rassembler les ressources en termes d'expertise et de financement pour faire face aux obligations ou aux souhaits, parce qu'il y a des trucs qui sont plus facultatifs, qui sont exprimés dans la loi?
Mme Lapointe (Andrée): Quelques éléments rapides, à ma connaissance, et ça ne sera pas parfait, puis ça va être vraiment juste pour nos régions: d'abord, de dire que les MRC ont toutes des agents de développement culturel, c'est malheureusement faux à l'heure actuelle. Nous, on fait affaire avec des municipalités qui n'en ont pas, et à l'heure actuelle il y a deux MRC qui ne participent pas aux Prix du patrimoine, la raison étant qu'ils n'ont pas de personne dédiée même à la culture, on s'entend, alors, même à la culture en général, alors on va encore moins dans le patrimoine. Alors donc, il y a déjà un problème là.
Donc, quand on demandait des ressources pour les municipalités, c'est ça aussi, c'est d'avoir au moins une personne. Quand on a une personne, elle est souvent à mi-temps. Alors, elle va être culture-tourisme, ou culture-pacte rural, ou culture-autre chose. Donc, ça aussi, c'est un gros problème, parce que, comme vous le dites, vous êtes sensible à ça, ils sont déjà surchargés, ils ont déjà des tas de choses à faire, ils ont parfois des ententes à gérer. Et donc ces gens-là devraient être dédiés à la ressource culture d'abord. Et, vous savez, quand ils ont des politiques culturelles, dans la politique culturelle, à ma connaissance, de la plupart des municipalités, le patrimoine est au coeur de l'aventure, et, quand on commence une politique culturelle, le milieu va souvent mettre en priorité son patrimoine et ensuite va passer aux arts parce que les artistes, dans une MRC rurale, on en a moins ou ils sont moins présents, ils sont moins visibles. Le patrimoine est quand même très visible en ruralité.
Donc, la plupart des politiques culturelles que je connais, et j'en connais plusieurs, sont d'abord à faire... à mettre en valeur, à préserver, à sensibiliser les citoyens à leur patrimoine. Donc, déjà, une bonne partie de la tâche des agents culturels est dédiée au patrimoine. Évidemment, si la loi entre... quand la loi sera en application, moi, je m'attends à ce que ça demande effectivement plus de travail, et ça va leur demander aussi de travailler avec les urbanistes. Ça va leur demander de travailler avec leur milieu. Il va y avoir toutes sortes de tâches et de choses à faire. Donc, il ne faut pas se cacher que c'est très important. Quand la loi sera en application, il faut la faire suivre d'un plan d'action et de moyens pour les municipalités, entre autres, de se doter du personnel nécessaire.
Et un petit dernier point sur l'expertise, c'est évident que ces gens-là n'auront pas... ce sont des généralistes. On travaille dans un milieu excentrique, on travaille avec des gens qui doivent savoir beaucoup de choses mais qui ne seront pas des spécialistes dans un patrimoine en particulier. Il devra y avoir des expertises. On le fait déjà. Souvent, ces gens-là vont nous appeler, nous, et on va les référer au ministère, à la direction, à leur direction générale ou aux endroits où ils vont pouvoir trouver les experts ou même à l'université, le cas échéant. Il s'agit de trouver de bons généralistes et de leur fournir l'expertise dans un lieu. Pour nous, ce lieu-là, c'est le Conseil du patrimoine culturel, mais vous l'avez dit, pour nous, le Conseil du patrimoine culturel, dans nos rêves, ça devient une agence multifonctionnelle. Que ce soit l'expertise au niveau du ministère ou que ce soit au niveau du conseil, ce n'est peut-être pas si important à cette étape-ci, mais il va falloir qu'on sache où sont nos experts et qu'on puisse les consulter au besoin.
M. Blanchet: ...réponse. Je vais nous rendre ça encore un petit peu plus compliqué. On va entrer dans le patrimoine immatériel, puis, lorsque je disais que je ferais une nuance entre le patrimoine immatériel et son sous-ensemble, qui est le patrimoine vivant...
Vous avez parlé du fait que les jeunes s'intéressent beaucoup aux musiques traditionnelles et la ministre mentionnait qu'il s'en crée, de la musique d'inspiration traditionnelle, et effectivement on pense à Mes Aïeux, on pense aux Charbonniers de l'enfer, bon, ces groupes-là connaissent un succès très considérable. Hier, à Rigaud, je rencontrais... pas un diffuseur, mais un agent, il a son agence et qui ne fait pratiquement que de ça. Et donc, effectivement, il y a un marché. Avec un risque. L'adaptation que font Mes Aïeux de la musique traditionnelle, c'est de la musique d'inspiration traditionnelle. Lorsque Les Charbonniers de l'enfer faisaient de la vraie musique traditionnelle ou que Michel Faubert faisait du conte, c'était de la culture, c'était du patrimoine immatériel, c'était de la transmission orale. À partir du moment où, dans leur dernier album, par exemple, les mêmes Charbonniers de l'enfer prennent des succès contemporains et les mettent à la sauce traditionnelle, là, on vient de modifier l'essence même de la notion de patrimoine dans ce qu'ils font. Et, si la meilleure manière de préserver le patrimoine vivant, c'est bien de le faire vivre, que la tradition orale soit transmise oralement et continue à être transmise oralement, c'est assurément la meilleure façon, mais il y a un risque de transformation inévitablement, et donc à ce moment-là on tombe dans la captation.
La captation, ça veut dire que votre tapeux de pieds qui est très caractéristique, on doit être en mesure de saisir, sentir, appréhender, pas juste regarder, appréhender ce qu'il fait, tant et si bien qu'un observateur dans 100 ans pourrait regarder le document qui aura été produit et être capable de reproduire le comportement qui aura été capté. C'est ça, le but ultime de la captation, et ça, ça fait appel à des ressources énormes.
Puisque c'est votre expertise, est-ce que vous pourriez attaquer un défi de ce type-là, c'est-à-dire, O.K., on s'y attaque, on doit laisser une forme documentée et documentaire des patrimoines vivants qui, pour l'instant, sont véhiculés de façon vivante mais qu'il faut quand même numériser ultimement? Utilisons cette expression-là, même si ça ne se limite pas à ça. Êtes-vous outillés? Est-ce que les compétences, les ressources humaines existent pour faire quelque chose? Parce que le répertoire et l'inventaire de ça, c'est énorme.
M. Chénard (Jean-Pierre): Les compétences existent, les ressources existent, ce qui manque, c'est les ressources financières. On sait très bien que, dans le milieu, puis dans le milieu du patrimoine, quand on parle d'un organisme, c'est très difficile d'aller chercher de l'argent de commandites parce que ce n'est pas glamour, ce n'est pas vendeur. Il y a une vingtaine d'années, on s'est fait tasser par les causes écologiques, puis maintenant, bien, on se fait tasser par d'autres choses.
Mais, moi, je voudrais vous dire simplement qu'une tradition, quand elle ne répond pas à un besoin social, culturel ou économique, elle disparaît. Et la musique traditionnelle a évolué et continue d'évoluer: on ne joue pas de la musique traditionnelle de la même façon dans les années cinquante qu'aujourd'hui, et il y a à peine 60 ans de différence. Les joueurs de violon les plus anciens dans la région de Québec jouent d'une manière différente que celle des jeunes d'aujourd'hui. C'est une musique qui est en constante évolution, qui s'adapte à la réalité et aux besoins d'aujourd'hui.
Maintenant, pour ce qui est de collecter, il s'en est fait depuis le début du XXe siècle. Les archives de folklore sont pleines d'enregistrements. Ça vous prendrait plusieurs années à huit heures par jour pour entendre tout ce qu'il y a là. Mais ces enregistrements-là sont faits pour aller en archives et pour témoigner d'une richesse du patrimoine immatériel. Autrefois, nos musiciens connaissaient cinq, six airs ou trois, quatre chansons; c'étaient les mêmes qu'ils répétaient tout le temps. Maintenant, vous avez des gens qui peuvent avoir des répertoire de 200, 300 pièces, 400 pièces, qui vont en France, en Angleterre, en Irlande. On est bien accueillis partout parce qu'avec notre dualité francophone et anglophone au niveau de la chanson et de la musique, bien, on a des portes d'accès partout. Donc, oui, c'est important de collecter, c'est important de voir.
Nous, à chaque année, pour le Musée de la civilisation, on remplit un mandat: on organise dans le temps des fêtes, au Centre d'interprétation de place Royale, des animations. Il est passé 9 000 personnes cette année en huit jours: les gens sont venus apprendre à taper du pied, à jouer des cuillères, il y a des bonhommes gigueurs pour les enfants. Et c'était le gros party, tout le monde avait du plaisir. Mais, même le tapement de pieds, il n'y en a pas seulement qu'une, façon, chaque musicien a sa propre façon à lui, a sa propre technique à lui. Et il y a des choses qui se traduisent encore aujourd'hui. Et je pense que ce serait un chantier colossal que d'aller collecter, que d'aller ramasser tout ça, capter tout ça. Mais c'est quelque chose qui est probablement utile pour les prochaines générations. Je veux dire, cette loi du patrimoine là, ce n'est pas pour moi puis ce n'est pas pour les 60 ans, là, c'est pour les générations qui s'en viennent et, eux, ils sont présents, ils sont actifs et ils sont confortables dans leurs traditions pas seulement dans le temps des fêtes, mais à l'année longue.
**(15 h 50)**M. Blanchet: Je me permettrai deux petites nuances. En ethnologie, on peut avoir une tradition qui ne remplit plus de fonction, se maintient, ne serait-ce qu'à titre de ce qu'on appelle un rite d'intensification. L'intensification, c'est la perpétuation de l'appartenance, et la tradition sert beaucoup à ça. Et il y a aussi la notion de survivance: on n'est pas capables d'identifier parfois la fonction d'un geste ou d'un artefact, mais sa fabrication est perpétuée et on ne met pas le doigt, là, pourquoi. Ça s'appelle une survivance en anthropologie donc, et ça fait partie évidemment du patrimoine.
L'autre élément que je mentionnerais, c'est que le Québec est le seul endroit au monde où nous avons le registre des naissances et de la généalogie depuis le début de la colonisation, ce qui appelle en parallèle, en effet, d'être capables de colliger un maximum d'éléments patrimoniaux suivant cette énorme richesse généalogique et démographique qui a été développée à l'Université de Montréal.
Mais vous dites que le chantier serait énorme et, très sommairement, j'imagine la réponse, j'avoue, lorsque vous parliez d'un chantier 2012-2022, ce que vous appelez, au-delà d'une loi, c'est une politique du patrimoine culturel. Merci.
Le Président (M. Marsan): Ça va? Alors, M. Chénard... Ça va?
Une voix: Oui.
Le Président (M. Marsan): M. Chénard, Mme Lapointe, on vous remercie de nous avoir donné le point de vue du Conseil de la culture des régions de Québec et de Chutes-de-la-Chaudière. M. Chénard, vous voulez faire une intervention?
M. Chénard (Jean-Pierre): ...terminé.
Le Président (M. Marsan): Oui.
M. Chénard (Jean-Pierre): Je vais vous donner en primeur le slogan. Cette année, l'organisme pour lequel je travaille va fêter son 30e anniversaire et, notre slogan, c'est: Il n'y a pas de culture sans mémoire.
Le Président (M. Marsan): Ah! c'est bon. Alors, merci encore une fois, et j'inviterais maintenant les représentants de l'Association québécoise pour le patrimoine industriel à venir prendre leur place à notre table.
Je vais suspendre pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 15 h 52)
(Reprise à 15 h 54)
Le Président (M. Marsan): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons nos travaux et nous sommes heureux d'accueillir les représentants de l'Association québécoise pour le patrimoine industriel, représentée par M. René Binette, membre du conseil d'administration, et M. Karl Kinkaid Dorais, également membre du conseil d'administration.
Alors, vous avez la parole pour environ une quinzaine de minutes. Je ne sais pas lequel de vous deux voulez commencer?
Association québécoise pour le
patrimoine industriel (AQPI)
M. Binette (René): C'est moi, si vous permettez.
Le Président (M. Marsan): Allez-y.
M. Binette (René): Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Marsan): Alors vous êtes... C'est monsieur...
M. Binette (René): René Binette, c'est ça.
Le Président (M. Marsan): C'est bien ça.
M. Binette (René): Qui est le trésorier du conseil d'administration de l'Association québécoise pour le patrimoine industriel, l'AQPI. On va peut-être utiliser ce diminutif. C'est ça, alors, pour qu'on se comprenne bien, on va le préciser. Je suis accompagné, donc, de Karl Dorais Kinkaid, qui est administrateur bénévole à notre conseil d'administration, détenteur d'une maîtrise en urbanisme et aménagement et également consultant en patrimoine. Pour ma part, professionnellement, je suis directeur de l'Écomusée du fier monde, à Montréal.
D'entrée de jeu, je voudrais remercier la ministre et les membres de la commission de nous donner l'occasion de nous exprimer sur le projet de loi et, de façon plus large, sur la question du patrimoine. Nous tenons à souligner que ce projet de loi représente un pas dans la bonne direction, une avancée positive pour le milieu du patrimoine. Il nous semble que plusieurs des enjeux abordés dans le projet de loi font ressortir des discussions qui sont en cours depuis des décennies, en fait. Moi, je suis intervenant dans le milieu depuis longtemps. Il me semble que ça fait longtemps qu'on parle de cela. Alors, une telle loi, c'est un moment attendu pour le milieu.
Nous allons donc soulever un certain nombre de questions, peut-être mettre des bémols sur certains aspects du projet de loi, réfléchir à haute voix aussi avec vous sur certains enjeux, en espérant que ça pourrait vous être utile, comme législateurs, là, au niveau du projet de loi. Mais il y a un certain nombre de points qu'on va soulever qui débordent le projet de loi comme tel.
On veut vous rappeler qu'on n'est pas des experts en législation ni en droit. On n'a pas de conseiller juridique non plus sur notre conseil. Alors, c'est comme... c'est notre point de vue d'intervenants en patrimoine que nous amenons.
Alors, l'Association québécoise pour le patrimoine industriel a été fondée en 1988. C'est une association essentiellement qui regroupe, sur une base bénévole, des personnes qui s'intéressent au patrimoine industriel, des intervenants d'un peu partout au Québec.
Notre mission est de viser l'étude, la connaissance, la conservation et la mise en valeur du patrimoine industriel au Québec. Nous avons mis... Nous avons différentes activités, des activités de découverte, des publications, un bulletin. On souhaite améliorer l'expertise de nos membres et des intervenants du milieu sur le domaine du patrimoine industriel, qui reste peu connu, et doter aussi le milieu d'outils d'intervention. Nous sommes une association nationale qui est reconnue et appuyée financièrement par le ministère.
On ne se définit pas comme un groupe de pression, et le type de relation qu'on a avec le ministère est davantage un type de relation partenariale. Et, comme je le disais, l'intérêt au Québec pour le patrimoine industriel est relativement récent, et donc il y a tout un travail à faire pour mieux connaître ce patrimoine industriel, et on pense qu'au-delà des questions qui sont soulevées dans la loi -- et on y reviendra tout à l'heure -- bien, qu'on peut avoir un rôle à jouer avec le ministère dans ce processus-là.
Alors, j'invite maintenant mon collègue Karl à vous présenter le coeur de notre mémoire.
Le Président (M. Marsan): M. Dorais.
M. Dorais Kinkaid (Karl): M. le Président, membres de la commission, permettez-moi d'enchaîner avec un bref plaidoyer qui vise à rappeler l'importance que nous devons accorder au patrimoine industriel sous ses différentes manifestations. Comme nous sommes à même de le constater, la période d'industrialisation au Québec nous a légué un riche patrimoine qu'il est important de mieux connaître et de conserver. Notre société a été marquée par ce patrimoine qui est constitué d'archives écrites ou iconographiques, d'objets, de machines, d'outils et de bâtiments, de sites, de paysages, de technologies, de savoir-faire, etc.
L'histoire des entreprises et l'histoire ouvrière sont des facettes essentielles de notre histoire nationale. Il s'agit donc d'un patrimoine global dans le sens qu'il ne se limite pas à une forme ou à un support. Il représente un bon exemple des divers aspects du patrimoine québécois. Nous croyons aussi que le patrimoine industriel est un outil de développement de plus en plus efficace et qu'il ne faut surtout pas opposer les notions de patrimoine et de développement. Au contraire, nous partageons la vision du livre vert Un regard neuf sur le patrimoine culturel et de la politique du développement durable, qui voient plutôt le patrimoine comme un actif qui nous vient du passé et que nous léguerons aux générations futures. Nous avons d'ailleurs commenté ce livre vert en février 2008.
De plus, l'AQPI salue l'effort du gouvernement dans sa tentative de rédiger une nouvelle loi sur le patrimoine culturel ainsi que celui d'inclure le patrimoine immatériel et le paysage dans sa définition du patrimoine.
Aujourd'hui, nous profitons de l'occasion qui nous est offerte par la commission et ses auditions publiques sur le projet de loi n° 82 afin d'exposer plus en détails les préoccupations de notre association en lien avec le projet de loi dans son ensemble et certaines de ses dispositions particulières.
Donc, tout d'abord, dans les commentaires généraux, le premier point, l'adoption d'une véritable politique du patrimoine. Il est de notre avis que le projet de loi proposé, aussi détaillé soit-il, ne saurait justifier l'absence d'une politique nationale en matière de protection et de mise en valeur du patrimoine culturel. La rédaction d'une telle politique est pourtant discutée depuis plusieurs années. Il y a plus de 10 ans, en 1999, l'AQPI a déposé un mémoire à cet effet lors de la consultation dirigée par M. Roland Arpin, Notre patrimoine, un passé du présent...
Une voix: Un présent du passé.
**(16 heures)**M. Dorais Kinkaid (Karl):Un présent du passé, oui, pardon. Une partie de notre questionnement sur le projet de loi n° 82 réside dans l'absence d'une politique énonçant clairement les volontés du gouvernement en matière de protection et de mise en valeur du patrimoine culturel. L'ordre logique des choses voudrait que cette nouvelle loi s'arrime à une politique nationale plutôt que le contraire. Nous proposons donc l'adoption d'une politique du patrimoine qui définirait ce qu'est le patrimoine, établirait les priorités nationales permettant aux acteurs du milieu du patrimoine d'orienter leurs actions en fonction d'axes privilégiés, de reconnaître, par l'octroi d'un financement approprié, le travail et le rôle des organismes nationaux en patrimoine. Deuxième point, le rôle du gouvernement du Québec. Il nous apparaît important que le gouvernement du Québec soit garant du bien commun. Le rapprochement avec les collectivités concernées est essentiel, mais un transfert de responsabilités vers les municipalités nous inquiète. Si certaines municipalités font un travail exemplaire à l'égard du patrimoine, certaines ne font malheureusement pas toujours leur travail correctement.
Devant cet état de fait, il nous semble important de mettre un bémol sur les transferts proposés aux municipalités. Impliquer celles-ci est important, permettre à celles qui sont dynamiques de mettre en valeur leur patrimoine est excellent, leur en donner les moyens est encore mieux, mais l'État doit se garder un rôle d'arbitre ultime, essentiel pour éviter certaines dérives locales. Le rôle des municipalités est essentiel tout au long du processus qui permet à un bien d'être protégé par un statut de bien culturel. Par contre, ce n'est pas à la municipalité de déterminer si un bien a une valeur emblématique ou historique pour le Québec, ce serait plutôt le rôle de l'État.
Si une municipalité ne démontre pas d'intérêt envers son patrimoine industriel, il serait primordial que l'État puisse servir de guide, démontrant à la municipalité les façons d'évaluer et d'agir, ainsi que les avantages qui en découlent. On pourrait alors éviter qu'une municipalité abandonne complètement à l'État ses responsabilités de protéger son patrimoine industriel.
Ajoutons que, pour les municipalités découpées en arrondissements, les niveaux de responsabilité nous apparaissent actuellement plus ou moins clairs. Cet état de fait rend la situation parfois confuse et peut constituer une menace au patrimoine, simplement parce que les rôles ne sont pas bien définis.
Troisième point, les associations nationales en patrimoine et leur rôle. Le cahier de consultation du livre vert Un regard neuf sur le patrimoine culturel reconnaissait que les organismes nationaux en patrimoine sont les porte-étendards d'une discipline et assurent un leadership institutionnel de première importance et qu'il y aurait lieu de leur accorder une aide financière adéquate. On se réfère ici au cahier de consultation, à la page 16.
Le projet de loi n° 82 est silencieux sur le rôle des associations et leur financement. Nous pensons qu'il est important de reconnaître les organismes comme experts dans leur champ d'intervention et de soutenir leurs actions par un financement adéquat.
De plus, les organismes oeuvrant dans le domaine du patrimoine qui, comme l'AQPI, bénéficient d'un réseau d'experts, pourraient être appelés à collaborer plus étroitement avec le ministère sur différents projets. Ces regroupements d'experts et de connaissances constituent une ressource qui mériterait d'être mise à profit par le ministère. La reconnaissance de ceux-ci par une nouvelle loi pourrait mener à une bonification de leur rôle en tant que collaborateurs ou conseillers en matière de patrimoine. Ces collaborations pourraient, entre autres, se manifester à travers l'élaboration de projets de recherche visant l'identification du patrimoine culturel québécois ou encore l'intervention dans différents dossiers de reconnaissance ou de diffusion en lien avec le patrimoine.
L'AQPI a toujours défini sa relation avec le MCCCF comme étant un partenariat. Nous pensons que ce type de relation est avantageux pour tous et souhaitons que le nouveau cadre législatif et les actions du ministère facilitent le développement de ce partenariat au profit du patrimoine et de la société.
Maintenant, les commentaires sur les dispositions plus particulières au projet de loi. Le premier touche essentiellement le registre et inventaires du patrimoine culturel. Donc, il nous apparaît souhaitable que l'article 5 soit précisé et que le projet de loi contienne une définition des termes «désignés, classés, déclarés, identifiés ou cités». Quelle protection sera accordée aux biens associés à ces différentes catégories? Qui sera responsable de déterminer les biens patrimoniaux qui seront inscrits dans ce registre?
Nous sommes d'avis que des organismes reconnus comme l'AQPI ayant développé une expertise indéniable dans le domaine du patrimoine devraient être interpellés et être partie prenante dans le processus d'identification des biens patrimoniaux répertoriés. L'objectif sous-jacent à l'implication des organismes ayant acquis une expertise dans un certain domaine repose sur le principe que l'amélioration des connaissances est primordiale à la prise de décisions éclairées et à la préservation et la mise en valeur. Deuxième point, en ce qui concerne le classement, à ce jour, peu de biens associés au patrimoine industriel ont fait l'objet d'un classement. L'article 8 stipule que le ministre contribue à la connaissance du patrimoine notamment par la réalisation d'inventaires. À cet égard, l'AQPI profite tout simplement de cette occasion pour manifester l'espoir que de nouvelles connaissances amènent le classement d'un plus grand nombre de biens associés au patrimoine industriel. Quand on dit «classement», on fait référence surtout à toute autre forme de reconnaissance, là: une citation ou autre.
Troisième point, le patrimoine immatériel. D'entrée de jeu, nous tenons à saluer le travail du ministère quant à l'inclusion de la notion de patrimoine immatériel dans le projet de loi. À cet égard, l'article 121 stipule qu'une personne pourrait faire l'objet d'une désignation à la suite de son décès. Bien que nous comprenions la logique derrière cet argument, nous tenons toutefois à souligner que, dans le domaine qui nous concerne, soit celui du patrimoine industriel, certains personnages sont étroitement liés au savoir-faire qu'ils possèdent. Il serait alors intéressant de procéder à une identification de ces derniers avant qu'ils ne soient décédés, sans toutefois leur accorder de désignation quelconque, afin de faciliter la documentation et la préservation des savoir-faire, des connaissances et des pratiques dont cette personne est porteuse de son vivant. Dans notre domaine, la documentation des métiers et des pratiques en voie de disparition est primordiale. Enfin, comme le patrimoine immatériel est un type de patrimoine qui n'a jamais fait l'objet de protection légale, au Québec jusqu'à ce jour, il serait important de créer une liste des éléments qui nécessiteraient une sauvegarde immédiate.
Quatrième point, la désignation des paysages. L'article 18 du projet de loi prévoit que la désignation doit être demandée par l'ensemble des municipalités locales, des MRC et des communautés métropolitaines dont le territoire comprend tout ou en partie le territoire du paysage visé. Est-ce à dire que le ministère ne peut pas lui-même désigner un paysage et ainsi le protéger? Par définition, la notion de paysage culturel fait fi des limites administratives. Il serait donc tout à fait logique que la définition et la désignation des paysages relève d'une instance supramunicipale. Bien que le rôle des municipalités et leur implication dans la reconnaissance et la gestion de leur patrimoine soit essentielle, nous croyons qu'il serait important de réfléchir aux conséquences éventuelles d'une décentralisation et d'une déresponsabilisation du rôle du gouvernement dans ce cas-ci. Par ailleurs, quels seraient les avantages retirés par les initiateurs d'une demande de désignation?
Finalement, l'article 25 nous indique que le ministère peut retirer une désignation si les mesures du plan de conservation ne sont pas appliquées ou si le plan a été modifié de façon à compromettre les objectifs de protection. À la lumière de cet article, nous nous questionnons sur l'absence de mesures coercitives potentielles pouvant contribuer à faire respecter les mesures du plan de conservation.
Point 5, le Conseil du patrimoine. Le Conseil du patrimoine devrait être multidisciplinaire, représentatif des diverses régions mais aussi représentatif des divers champs thématiques du patrimoine québécois. À cet égard, rappelons que le patrimoine industriel ne regroupe pas les gens sur une base disciplinaire mais plutôt autour d'un objet d'étude. La présence de diverses disciplines ou d'une diversité de types d'institutions patrimoniales n'assure pas nécessairement une présence au patrimoine industriel. Le rôle du conseil étant central dans la vision du livre vert, la composition devient un enjeu crucial. L'article 87 ne mériterait-il pas d'être précisé en ce sens?
Point 6, et c'est notre dernier point, les conseils locaux du patrimoine. À l'article 120, il est écrit qu'une municipalité peut contribuer à la connaissance en réalisant les inventaires du patrimoine sur son territoire. Ne serait-il pas à propos que cet article encourage les municipalités à réaliser des inventaires? La Loi sur le développement durable ne spécifie-t-elle pas justement que la première action à entreprendre est d'identifier le patrimoine? La question de la composition des comités consultatifs d'urbanisme et des conseils locaux du patrimoine nous préoccupe également, notamment en ce qui concerne les qualifications des membres qui composent les CCU au sein des municipalités. Celles-ci ne sont parfois pas très bien outillées pour prendre des décisions concernant l'avenir de certains biens ou paysages ayant un potentiel de valorisation patrimoniale. La loi pourrait exiger une certaine représentation de personnes compétentes sur ces comités afin de leur donner une certaine forme de légitimité. Étant donné l'absence fréquente d'inventaire, les conseils locaux de patrimoine devraient être consultés systématiquement lors d'une demande de démolition d'un bâtiment situé dans la municipalité. Cette consultation permettrait d'éviter qu'un bâtiment qui n'a pas encore été identifié dans un inventaire soit démoli avant même d'avoir été évalué pour sa valeur patrimoniale. Dans les grandes villes où l'on retrouve des arrondissements, il nous semblerait important que les conseils locaux soient sous la responsabilité de la ville centre.
En terminant, ces quelques remarques accompagnées de questions concernant les fondements même de cette nouvelle ainsi que son application ont pour but de stimuler la réflexion déjà bien entamée sur l'avenir du patrimoine culturel au Québec. Nous tenions à rappeler que, lorsqu'il est question de patrimoine, il est d'abord question de notre avenir et du legs culturel et identitaire aux générations futures. Merci.
Le Président (M. Marsan): Bien. M. Dallaire, M. Binette, merci pour votre présentation. Nous allons immédiatement débuter la période d'échange, et je vais donner la parole à Mme la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine.
**(16 h 10)**Mme St-Pierre: Bonjour. Bonjour. Merci beaucoup d'être parmi nous. Alors, j'imagine qu'on vous a expliqué que je devais être en Chambre pendant le début... au moment du début de votre allocution. Alors, me voici de retour. Je suis très contente de vous rencontrer.
Je voudrais vous parler de la question des paysages. Évidemment, c'est une notion nouvelle dans la Loi sur le patrimoine, et on veut vraiment faire les choses de façon correcte et entendre tous les points de vue là-dessus. Mais il y a un point de vue qui revient souvent, c'est celui que vous nous proposez, c'est-à-dire que ça ne devrait pas... c'est-à-dire qu'il devrait y avoir quelque chose de plus, ça devrait venir du haut, presque, et aller vers le bas. Nous, on pense qu'il faut que ça parte du bas, du milieu, et que ça aille vers le haut. La raison est simple, c'est qu'avec un consensus du milieu il me semble que les choses sont plus faciles. Mais aussi, moi, je ne peux pas perdre de vue les exemples de Forillon, d'ailleurs qui est encore dans les médias, là, cette semaine, du parc Forillon, où on décide que vous n'avez pas un mot à dire, et on vous balance vos terres, et on vous exproprie. Je pense que c'est 1 200 maisons ou familles qui ont été expropriées. Alors, on n'est pas dans ce cas-là, là, mais il reste que c'est une décision qui a été prise par un organisme évidemment du haut, le gouvernement fédéral, et là on a dit: Bien voici... Il me semble que, si la démarche arrive avec un consensus de la population pour dire: Là, ce qu'on veut, ça va donner un plus à notre région, ça va donner une notoriété -- parce que le gouvernement, le ministère, par décret, va lui donner l'autorisation -- et, sur le plan touristique, ça peut être aussi très avantageux. C'est ce que les municipalités d'ailleurs nous ont dit quand on les a rencontrées pendant la... lorsqu'on a fait la tournée.
J'aimerais vous entendre là-dessus parce que c'est vraiment un aspect très important, et il y a différents points de vue.
M. Binette (René): Loin de nous l'idée, là, de prêcher en faveur d'une imposition par le haut au milieu, sans consultation aucune. Surtout pas. L'exemple que vous avez donné de Forillon est éloquent à ce sujet-là.
Nous, notre mémoire, et ce qu'on a expliqué tout à l'heure, c'est notre compréhension à la lecture du projet de loi -- et vous pourrez toujours corriger si ce n'est pas ça, vos intentions ou si notre interprétation n'est pas la bonne -- c'est que ça demande comme une forme non pas seulement de consensus, mais presque d'unanimité, c'est-à-dire qu'autant il y a de municipalités... l'idée de paysage dépassant des limites administratives, qui sont comme... bon, qui reposent sur toutes sortes de logiques, il y a x municipalités, des MRC qui s'ajoutent autour de ça... Nous, à la lecture qu'on faisait, on avait l'impression qu'il fallait comme l'addition unanime de chacun de ces points de vue là pour en arriver à une reconnaissance ou désignation du paysage.
Et, moi, je ferais la nuance. Alors, l'idée de ne pas imposer au milieu, c'est une chose. L'idée d'avoir, d'après notre compréhension à la lecture de ça, une unanimité, ça nous semble une différence.
Quand vous... Un consensus, ce n'est pas une unanimité. Si, dans une région donnée, il y a cinq municipalités sur six... Tu sais, c'est comme s'il y a plusieurs intervenants qui... bon, mais qu'il y a un certain nombre d'endroits où ça ne semble pas obtenir l'adhésion, c'est là qu'il me semble que le... qu'il nous semble que le rôle de l'État, comme gardien du bien commun puis d'une vision nationale, peut arriver puis dire: Bien oui, voilà, on pense que le consensus, il est suffisant et que, d'une part, on pense qu'il y a assez de justifications pour une désignation de ce paysage-là -- parce que, hein, je veux dire, tu sais, il faut que ça se justifie d'un point de vue patrimonial -- et que, bien, les appuis, là... Donc, ça se justifie d'un point de vue patrimonial, il y a un consensus suffisant, mais peut-être pas unanime: bien, voilà, l'État comme... peut aller de l'avant dans un certain nombre de cas.
Alors, moi, c'est ça, la nuance qu'on amènerait. Nous, la compréhension qu'on avait à la lecture, c'est qu'il y avait comme... ça nécessitait comme une forme d'unanimité puis que, là, on disait: Bien, ça va être assez difficile d'avancer dans un cadre comme ça.
Mme St-Pierre: Oui. Et peut-être aussi que je suis naïve, mais, moi, je me dis: Lorsque, dans toute une région, on y verrait vraiment un aspect qui donne une fierté supplémentaire à la région, je verrais mal... Mais enfin... Je verrais mal une municipalité dire: Wo, un instant! Ce que les 10 autres ont dit, ça ne nous intéresse pas du tout, mais...
Et c'est sûr que la notion du paysage, ce n'est pas facile. J'entendais un grand animateur de radio, à Radio-Canada, à la radio, en fin de semaine, dire: Je me promenais en bateau sur le Saint-Laurent puis j'ai vu des éoliennes et je me suis dit: On m'a volé mon paysage. Là, ça veut dire que ça prendrait presque un référendum pour décider d'un paysage quelque part, là. Si quelqu'un qui vient de l'extérieur vient décréter que, parce que, dans une région, on a fait un certain développement économique, on lui a «volé son paysage»... J'ai beaucoup de respect pour cet animateur-là, bien sûr, je l'écoute à tous les samedis matin puis tous les dimanches matin...
Des voix: ...
Mme St-Pierre: Mais il reste que ce n'est pas facile. Et je donne souvent l'exemple, moi... La région d'où je viens, on regarde les montagnes en face: l'hiver, c'est une belle montagne de ski, c'est Petite-Rivière-Saint-François; l'été, la montagne, bien, ça a l'air de quelques cicatrices, là, parce qu'il n'y a pas de neige puis...
Alors, c'est pour ça que l'approche que... avec les chercheurs qui ont travaillé avec nous, les experts qui ont travaillé avec nous, c'est de dire: Bien, on va plutôt le faire de cette manière-là pour vraiment étendre le consensus ou... enfin, vous dites «consensus», unanimité, c'est vrai que ce n'est pas la même chose, mais je verrais mal une municipalité ou quelqu'un essayer d'avoir un droit de veto, mais enfin il faudra qu'on... On va le retravailler, là, cet aspect-là. Je pense qu'il faut qu'on clarifie davantage et... mais c'est très intéressant. Je pense que... Moi, je suis très fière qu'on ait cette notion-là maintenant dans le projet de loi. Oui.
M. Binette (René): Bien sûr. Et là-dessus, d'emblée, on est d'accord avec ça. On salue cette introduction-là dans la loi de la notion de paysage. Ce qu'on amenait, comme on vous le disait, c'est-à-dire... et, bon, bien, peut-être que notre point de vue est peut-être un peu divergeant là-dessus, c'est-à-dire qu'il nous semble que, c'est ça, consensus, ce n'est pas unanimité et que, si la loi permet à un seul des intervenants dans une région, tu sais, c'est comme... et je ne dis pas qu'une municipalité, elle n'est pas... elle a une légitimité, mais c'est comme... à un moment donné, bien, il me semble que l'État peut prendre des décisions, je veux dire, bon, et les imposer. Le consensus, il peut exister sans qu'il y ait unanimité. C'était ça, le bémol que, nous, on voulait amener sur la loi telle qu'on a compris la lecture... à la lecture.
Mme St-Pierre: Le message est bien compris. M. le Président, ma collègue aurait des questions à poser.
Le Président (M. Marsan): Oui. Alors, Mme la députée de Gatineau, la parole est à vous.
Mme Vallée: Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs.
Une voix: Bonjour.
Mme Vallée: Merci de venir partager avec nous votre vision, votre interprétation, un petit peu, de ce qui est présent dans le projet de loi, vos préoccupations également quant à ce qui, justement, pourrait faire l'objet peut-être d'améliorations, de bonifications. Vous avez, page 9 de votre mémoire, soulevé quelques inquiétudes sur la question du processus d'identification des patrimoines répertoriés. Donc, vous mentionnez, vous souhaitez que ce soient des organismes reconnus qui soient interpellés pour dresser ce répertoire-là. Et, en vertu de l'article 6 du projet de loi, c'est le registraire du patrimoine culturel, qui est désigné par le ministre, qui va tenir le registre, qui va y inscrire les éléments du patrimoine qui y sont désignés et qui sont classés, bref... Et le projet de loi va permettre également aux municipalités de dresser, de réaliser des inventaires patrimoniaux. J'aimerais ça connaître votre perception, parce que, lorsque vous mentionnez que vous souhaitez que des organismes reconnus soient interpellés dans le processus d'identification de ces éléments-là, j'aimerais ça que vous nous en... que vous nous parliez davantage du rôle, justement, que ces organismes-là pourraient être appelés à jouer auprès, justement, là, des municipalités, auprès des différents intervenants.
M. Binette (René): Bien, écoutez. On va y aller très simplement avec l'exemple du patrimoine industriel. C'est ce qu'on connaît, nous, hein, et qui -- comme on l'exprimait tout à l'heure -- est peut-être un objet du patrimoine qui n'est pas très bien connu, pas très bien documenté. Lorsqu'on regarde, par exemple, dans le répertoire des biens culturels... En tous cas, sur le site du ministère de la Culture, il y a le répertoire des biens qui sont cités, classés, etc., qui ont un statut. Et on a fait d'ailleurs l'exercice avec des gens du ministère de la Culture avec qui on travaille régulièrement et on constatait la pauvreté, si on peut dire, de la présence d'éléments du patrimoine industriel là-dedans. Alors, il y a comme un manque de connaissances. Ce n'est que récemment qu'on s'est intéressés au patrimoine industriel.
L'Association québécoise pour le patrimoine industriel -- et on a d'ailleurs offert de travailler avec le ministère là-dessus, avec les professionnels du ministère -- on a un réseau de membres, on a des experts. On ne veut pas se substituer, on ne veut pas être... je ne veux pas que ça soit interprété, là, comme... on ne veut pas se substituer, ni aux municipalités, ni au gouvernement, ni au Conseil du patrimoine, ce n'est pas ça, mais on a un réseau. On a toujours travaillé, d'ailleurs, en collaboration avec le ministère, en partenariat puis avec les municipalités, etc., Alors, c'est comme... nous pourrions être parti prenante dans des opérations de documentation, d'inventaires, qui pourraient permettre de mieux connaître les éléments du patrimoine industriel en vue, éventuellement, de permettre aux autorités de faire les bons choix à l'intérieur de ça. Alors, c'est ça, le sens de notre intervention.
**(16 h 20)** Alors, j'espère qu'il n'y avait pas d'ambiguïté là-dessus. On ne veut pas se substituer à qui que ce soit là-dedans, on ne veut pas que ça soit l'AQPI qui désigne des éléments de patrimoine industriel puis qui fasse des classements, surtout pas, mais on pense qu'on a de l'expertise puis des réseaux qui pourraient aider. Alors, ce qu'on dit, c'est: Bien, peut-être qu'on peut comme travailler ensemble pour aider à identifier ces éléments-là.
Un des problèmes qu'on a souvent au niveau du patrimoine industriel, il y a parfois trop souvent des pertes, des disparitions, des événements qui se passent, on en entend parler. Et le drame, c'est.. Nous, on pose toujours... La première question qu'on se dit: C'est, bon, il va se passer tel... tu sais, il y a une menace de transformation, de démolition sur tel élément de patrimoine industriel, qu'est-ce qu'on connaît sur cet élément-là? Est-ce qu'il y a une évaluation de la valeur patrimoniale? Qu'est-ce qu'on connaît? Et, malheureusement, ce qu'on constate, c'est que, trop souvent, on manque de documentation sur... On manque de l'information de base qui nous permettait de dire: Bien oui, O.K., voici en quoi cet élément est exceptionnel et qu'est-ce qu'il... Et mérite-t-il d'être conservé? Dans quelles conditions? Qu'est-ce qu'on pourrait faire?, etc. Alors, c'est le sens de cette intervention qu'on faisait, c'est-à-dire qu'on pense que notre réseau et notre expertise avec nos membres pourrait aider à l'ensemble de ce processus-là, toujours en collaboration avec le ministère puis les autres autorités municipales, par exemple.
Mme Vallée: Comment justement faire connaître vos réalisations, votre existence? De quelle façon on pourrait s'y prendre pour assurer cette collaboration? Pas seulement cette collaboration de votre organisation, mais aussi d'autres organisations qui ont défilé devant nous depuis quelques jours et qui possèdent certaines connaissances, une certaine expertise. Alors, de quelle façon on pourrait orchestrer ça pour s'assurer que les municipalités qui dressent un inventaire arrivent outillées, finalement, le fassent de façon outillée? Parce que, je pense, vous parlez du patrimoine industriel, on a tendance à avoir comme image les secteurs industriels de Montréal, de Québec, des grandes villes industrielles du Québec, mais il y a aussi des secteurs industriels dans nos communautés rurales, nos moulins à scie, qui ont fermé, qui sont toujours là, mais qui ont une histoire, qui ont un vécu et qui probablement vont céder la place à d'autres trucs s'il n'y a pas une sensibilisation qui est faite.
Alors, comment on s'assure que les petites municipalités -- et là je ne parle pas des petites municipalités de 100 000 habitants, je parle des petites, petites municipalités, là, nos petites communautés rurales, qui ont souvent moins de 1 000 habitants -- puissent penser à recourir aux services d'organismes tels que le vôtre?
M. Binette (René): C'est-à-dire, d'emblée, là, dans nos commentaires généraux... Et là je dirais que ça dépasse un peu la question plus pointue de l'étude du projet de loi. Nous, le point de vue qu'on a amené, tout en disant qu'on est tout à fait heureux que ce projet de loi là, hein... On est d'accord avec cette avancée législative. C'est un outil qu'on se donne, que l'État se donne, puis que collectivement on se donne, mais que... Il manque comme un élément à côté de ça, si je peux dire. Il y a eu comme un livre vert, hein, mais il n'y a pas vraiment, nous semble-t-il, de politique du patrimoine ou de plan d'action qui nous donnerait comme la vision et justement le rôle d'un peu tout le monde à l'intérieur de l'écologie, si je peux dire, des organismes en patrimoine puis des intervenants en patrimoine.
Alors, nous, c'est ce que nous aurions... Il y a, je dirais, une vision, qui était un peu dans le livre vert, hein, et qui est implicite dans le projet de loi, mais, nous, on pense qu'à... Là, on a comme un outil législatif, mais il nous semble qu'il nous manque comme cette vision, et là il y a comme, il nous semble, une autre discussion à y avoir sur: C'est quoi, le rôle des organismes? Comment on les finance? Qu'est-ce qu'on privilégie en termes d'actions, justement, compte tenu du projet de loi, des inventaires à faire, etc.? C'est un petit peu le travail qui, nous semble-t-il, devrait se faire en parallèle avec cette loi qui va être adoptée.
Mme Vallée: Mais est-ce que ça relève vraiment d'une politique ou est-ce plutôt un travail... Est-ce que ça nécessite vraiment une politique que de faire des liens entre les organismes qui oeuvrent pour la sauvegarde de certains types de patrimoines et, par exemple, les municipalités qui auront éventuellement à se pencher sur l'importance de dresser un patrimoine, parce qu'on sait qu'elles ont la possibilité, elles ne sont pas nécessairement obligées de le faire. Mais est-ce que ça relève nécessairement d'une politique? Est-ce qu'on ne peut pas le faire en dehors? Parce que je vous vois venir, là, vous parlez de financement, tout ça, mais le financement peut se faire aussi par les mandats qui seront confiés aux différents organismes, donc ce n'est pas nécessairement un financement étatique. Ça ne peut pas nécessairement être un financement étatique. Est-ce que je me trompe?
M. Binette (René): C'est-à-dire, la question du financement des organismes, etc., évidemment, ça fait partie comme... de l'ensemble des questions qui doivent se poser quand on parle d'une vision, mais, au-delà de ça, une association comme la nôtre, on agit déjà. Nous agissons sur le terrain depuis 1988. On fait des congrès annuels, des colloques. L'an passé, on était justement dans la région de l'Outaouais pour... et on fait toujours des publications, ce qui nous permet... Hein, il y a des conférenciers puis des intervenants, qui viennent nous parler. On découvre le patrimoine industriel régional. Il y a des actes qui sont publiés, donc on documente de plus en plus. Le cumul de ça, bien, je veux dire, ça commence à faire quelque chose, un corpus intéressant de connaissances sur le patrimoine industriel du Québec.
Nous faisons ce genre de choses. On est en lien avec des sociétés d'histoires locales, etc. Mais il me semble qu'au niveau de l'État il y a comme un rôle de leadership, il y a un rôle de vision qui se fait ensemble. Nous, suite au livre vert, je dirais, on attendait peut-être en parallèle et une loi et un plan d'action ou une politique, je dirais. Et, comme je le disais, qui est comme un peu... il y a comme une espèce de vision implicite, mais, nous, on pense qu'elle pourrait être davantage explicite.
Mais, bien sûr, ça ne nous empêche pas d'agir actuellement, puis de faire des choses, puis du mieux qu'on peut, puis de cogner aux portes, puis d'essayer de faire un certain nombre d'actions, bien sûr. Mais on pense qu'on pourrait aller plus loin si, ensemble, avec le ministère de la Culture puis l'État, on disait: Bien, voici vers quoi est-ce qu'on veut s'en aller, voici qu'est-ce que c'est, les priorités, voici... Tu sais. Voilà. C'est un petit peu la façon dont on souhaiterait que les choses puissent se passer, c'est ça, et qui nous permettrait, on pense, d'être davantage utiles à tout le monde, à la société, finalement.
Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie. Ceci termine l'échange avec le parti ministériel. Nous poursuivons et je vais céder la parole au porte-parole de l'opposition officielle en matière de culture et de communications, le député de Drummond. M. le député.
M. Blanchet: Bonjour, messieurs. Je note, mais je ne le fais pas de façon très politique, je le fais, parce que ça revient beaucoup et j'espère que ce sera entendu, que vous vous ajoutez à la liste importante de gens qui souhaitent une politique. Nous en sommes aussi. On pense que l'exercice d'extraire la volonté du législateur à partir de la loi, ça aurait pu être précédé d'un ensemble d'énoncés d'intentions clairs.
Je prends note aussi de votre inquiétude par rapport au paysage culturel, parce que, moi, je crois que des veto, de facto, vont se manifester. Je pense qu'une municipalité de petite dimension n'est pas outillée pour résister aux pressions d'un développeur, puis ce n'est pas juste une municipalité d'une petite dimension, on a juste à penser au cas de Rabaska où il y avait un énorme développeur qui disait: Que vous vouliez protéger ce paysage-là ou pas, on s'en fout.
Puis on peut puiser dans l'actualité. Si on décidait, demain matin, qu'Anticosti, qui est un bijou extraordinaire, était un paysage patrimonial, il faut aller dire aux gens qui viennent d'acheter les claims de pétrole là-dedans de l'État que, non, ils ne pourront pas le développer, parce qu'on en fait un paysage patrimonial, il y a des machines puissantes de lobby, là, qui vont s'exercer. Si ça fait plier un gouvernement, un petit village, ça risque d'être difficile et je pense qu'effectivement l'État doit se préparer à devoir intervenir, sinon, des paysages patrimoniaux, il y en aura entre peu et pas. Donc, je partage votre inquiétude à cet égard-là.
Vous avez parlé de la décentralisation. Je crois comprendre que c'est plus une inquiétude qu'une objection que vous avez: que les municipalités n'ont pas les outils financiers et les expertises pour adapter ça. Ma question est celle-ci: Croyez-vous... l'idée de reconnaître les organismes, là, c'est assez nouveau puis, je pense, qu'effectivement c'est très intéressant. On a eu une discussion comparable concernant les musées. Croyez-vous que les organismes et les musées ensemble sont capables de déployer l'expertise dont les municipalités auraient besoin pour qu'on puisse effectivement procéder à cette, je pense, saine idée de décentralisation?
**(16 h 30)**M. Binette (René): C'est-à-dire, je ne veux pas prétendre non plus que les organismes peuvent tout faire. Mais, en tout cas, il y a là des ressources qui pourraient être davantage utilisées, il me semble, et qu'on pourrait, dans un plan d'ensemble, travailler de concert pour en arriver à des meilleurs résultats.
Quand il est question... Nous, notre... On a parlé un petit peu par rapport à la question des municipalités, on n'est pas non plus pour le «tout à l'État», là. Je veux dire, on n'est pas en train de dire: On ne donne rien aux municipalités. Le bémol, encore là, qu'on met, les questions qu'on pose, c'est davantage de dire: Bien, dans certaines municipalités, il y en a qui ont des pratiques exemplaires, bien, je veux dire, il faut les encourager. Je veux dire, c'est comme quand... Là, il n'y a pas de problème, mais parfois... Et vous donniez des exemples effectivement de cas où la municipalité a comme... peut difficilement réagir devant des pressions de développeurs, bien, je veux dire, parfois, il faut peut-être que l'État intervienne, je dirais, comme un peu au-dessus des municipalités dans certains cas.
Et il y a aussi une chose qui est importante par rapport au rôle de l'État, c'est la question du fait que notre patrimoine, le patrimoine national, ce n'est pas la somme du patrimoine local. Notre patrimoine national, c'est le patrimoine national. Je veux dire, il y a des éléments... La maison de Félix Leclerc ou d'autres éléments, bien, je veux dire, ce n'est pas seulement important parce que... Ce n'est pas un élément du patrimoine local de la municipalité. Oui, bien sûr, c'est un objet de fierté pour... Mais c'est comme... C'est aussi un objet de patrimoine national. Alors, il y a ça aussi où il y a des choses qui... Il y a des choses qui vont aux municipalités ou au local parce que c'est effectivement des objets de patrimoine locaux, mais notre patrimoine national, bien, c'est comme... ça prend une vision qui dépasse la... ce n'est pas la somme des parties, c'est plus que ça.
M. Blanchet: J'essayais de me figurer ce que vous représentiez au niveau du patrimoine culturel, et il m'est venu l'image d'une exposition récente au Château Dufresne, sur la Cité de Maisonneuve, qui était très, très, très intéressante, et je suppose que, si on recule relativement loin dans le temps, c'était une cité industrielle parmi les premières, extrêmement dynamique, riche même, pendant un certain temps. Et là je me suis dit: O.K., quelle est l'importance relative de ce patrimoine-là? Il y a-tu -- passez-moi l'expression -- bien du stock? Est-ce que c'est quelque chose qui est extrêmement lourd? Est-ce que l'inventaire de ça est vraiment très important? Et, si oui, est-ce que ça tombe dans les mêmes structures facilement qu'on imagine pour les autres éléments du patrimoine?
M. Binette (René): Écoutez, évidemment, si vous me demandez quelle est l'importance du patrimoine industriel, on va prêcher pour notre paroisse. On est de l'Association québécoise pour le patrimoine industriel, alors on va vous dire, bien sûr, que le patrimoine industriel au Québec, c'est quelque chose d'extrêmement important. En même temps, au-delà d'un petit peu de la blague, là, c'est-à-dire, bien sûr, reconnaître le patrimoine industriel, ça n'enlève rien aux autres éléments du patrimoine. On reconnaît l'importance des autres, hein: le patrimoine religieux, etc. Bon.
Mais il reste que la société dans laquelle on vit, elle a été marquée, hein? On est comme les héritiers de quoi? Bien, je veux dire, en grande partie, de la révolution industrielle de cette période d'industrialisation, à peu près des années 1840, 1850 jusqu'à une désindustrialisation puis une nouvelle forme d'industries, là, qui se développent maintenant, là, je veux dire, qui n'est plus de l'industrie de transformation secondaire.
Alors, la période industrielle a fortement marqué notre société au point de vue social, au point de vue de l'architecture. Justement, on parle de cités ouvrières d'Hochelaga ou autres. Les villes industrielles, les villes de compagnies, en tout cas, je veux dire, ça a été quelque chose d'extrêmement important. Bon. Alors, le phénomène a été important au Québec. Il a laissé un patrimoine, et là j'en parle surtout en termes de patrimoine bâti mais, je veux dire, machineries, savoir-faire, archives, parce que ça aussi, c'est un autre aspect important du patrimoine industriel... C'est qu'il déborde, il n'est pas dans des cloisons. C'est du bâti, mais ce n'est pas que du bâti. C'est des objets, mais ce ne sont pas que des objets. C'est de l'archive, c'est du patrimoine immatériel dont on parlait, c'est du savoir-faire, etc. Ça couvre comme un très large spectre à l'intérieur du monde du patrimoine.
Maintenant, et c'est un petit peu le point que je soulevais, c'est-à-dire qu'on constate que notre association est venue au monde en 1988, hein? Au Québec, là, les premières, les premières manifestations d'intérêt pour le patrimoine industriel, c'est au début des années 1980. Il y avait eu un congrès conjoint du CMSQ, Héritage Montréal et d'un... En tout cas, je pense que c'est en 1982 que la Commission des biens culturels avait demandé une étude sur le patrimoine industriel au Québec. Alors, c'est relativement récent. Et on n'a pas tous les outils de connaissance sur le patrimoine industriel, et qui est extrêmement vaste, hein? Il est partout au Québec, il est dans des aspects extrêmement divers, il y a plusieurs éléments qui le composent puis, quand on entre dans des villes plus importantes comme Montréal, ou Québec, ou... j'allais dire Hull, mais Gatineau, en tout cas, bien, je veux dire, il y a comme une densité aussi puis une complexité à ce patrimoine-là qui fait en sorte qu'il faut comme mieux le connaître pour prendre des décisions par rapport à l'avenir de ce patrimoine-là. Alors, nous, on pense que... Et c'est le travail qu'on essaie de faire, puis on offre notre collaboration au ministère pour continuer à travailler là-dessus pour s'assurer qu'on ait la meilleure connaissance possible de ces éléments de patrimoine industriel pour pouvoir faire des choix dans l'avenir, des choix les plus éclairés possible.
Le Président (M. Marsan): Alors, nous poursuivons, et je donne la parole au député de Saint-Jean. M. le député.
M. Turcotte: Merci beaucoup, M. le Président. Je suis très content, content de vous entendre, surtout que je suis le député de Saint-Jean, qui inclut une bonne partie de la ville de Saint-Jean-sur-Richelieu. Comme vous avez peut-être vu dans les médias dans les dernières semaines, les derniers mois, la démolition de l'usine Singer... Qui, au Québec, n'a pas eu sa machine à coudre Singer? La plupart avaient été fabriquées à l'usine ici, à Saint-Jean.
Et, quand on voit... puis on se promène un peu partout, de voir les belles réussites de ce qui se fait avec la préservation du patrimoine industriel, la transformation d'anciennes usines soit en logements mais aussi dans des marchés publics, autres... On en a vu dernièrement à Valleyfield avec des exemples, autre à San Francisco aussi, avec l'ancienne usine Del Monte. Donc, des beaux succès, il y en a. Et, comme vous l'avez dit, c'est assez aussi récent qu'on s'intéresse à ça parce qu'aussi au Québec ça ne fait pas très longtemps qu'on s'intéresse à l'entrepreneuriat et qu'on a la fibre entrepreneuriale qui est développée.
Moi, ma question, c'est aussi: C'est important de préserver le patrimoine industriel, mais est-ce que vous avez en tête des exemples de biens patrimoniaux dans la catégorie industrielle qui étaient québécois -- comme, exemple, Vachon, l'ancienne usine Vachon, n'existe plus vraiment, a été, si je peux me permettre l'expression, raboudinée là, agrandie et autre, il reste la maison ancestrale, mais... -- comme Bombardier ou d'autres entreprises québécoises, industrielles, qui existent encore, qu'il faudrait protéger?
M. Binette (René): Des entreprises encore en fonctionnement?
M. Turcotte: Non, mais des... Bien, en fonctionnement mais, tu sais... Parce que, souvent, les entreprises majeures, là, ont déménagé... mais la première usine ou un lieu, là, important qui rappellerait le début de nos industries québécoises. Est-ce qu'il y en a qui sont menacées?
**(16 h 40)**M. Binette (René): Il y a plusieurs questions dans votre question. C'est-à-dire, je dirais qu'à cause de la nature de l'usine, hein, qui est un équipement utilitaire, avec des fonctions productives, dès que l'usine ferme, dès que les fonctions productives cessent, bien sûr que l'édifice est menacé. Au-delà de ça, l'entreprise peut continuer à exister, et les transformations technologiques aussi changent, changent les métiers, changent les savoir-faire. Alors, même dans une entreprise qui continue, bien, je veux dire, il faudrait comme assurer une certaine documentation des métiers, etc. Bon.
Alors donc, oui, le patrimoine industriel, il est menacé, hein? Je veux dire de façon générale, là, il est menacé. Je ne dirais pas... peut-être pas plus que d'autres, mais il est menacé. Maintenant, est-ce qu'il y a des exemples de réussite, bien sûr qu'il y en a, ou des choses qui... la pulperie de Chicoutimi, la poudrière de Windsor. Et là, écoutez, je n'ai pas amené toute la documentation de l'association mais on pourrait vous faire parvenir la... beaucoup de documentation. Au fil de nos congrès où on s'est promenés un peu partout au Québec, bien, je veux dire, on a vu des exemples de choses qui sont réussies en termes de réutilisation du patrimoine industriel, en termes de bâtiment, mais il y a aussi toute la sauvegarde des équipements, de la machinerie, il y a toute la sauvegarde, encore là, de tous les métiers, les métiers disparus, hein, ou les métiers en voie de disparition. Un autre exemple, je ne voudrais surtout pas oublier le travail exemplaire d'Hydro-Québec en termes de patrimoine industriel. Comme société d'État, on peut être fiers, ils font un travail, hein, ils font un travail assez remarquable pour conserver les traces, les bâtiments, les savoir-faire, etc., même des collections d'objets, etc. Alors, il y a, bien oui, des exemples de réussites qui pourraient nous inspirer, mais je reviens quand même à l'idée qu'on aurait intérêt à mieux connaître, à mieux connaître, mieux documenter pour faire des choix éclairés. Parce qu'en même temps c'est tellement vaste, on ne pourra pas dire non plus: Bien, je veux dire, on peut tout conserver.
Et l'autre chose importante que je dirais, on en parle un petit peu dans notre mémoire, pour nous, développement puis conservation du patrimoine, ce n'est pas en opposition. Dans le livre vert de 2008, il y avait déjà cette idée -- et, nous, on a fait un congrès là-dessus, on réfléchit souvent, on a des contacts avec l'étranger -- qu'utiliser le patrimoine, puis le patrimoine industriel, ça peut être des outils de développement, il faut que ce soit ça, parce que, si c'est vu comme des freins au développement, bien, on va être vus comme des gens du passé, etc. Alors, il y a moyen de faire du développement durable puis de conserver le patrimoine.
M. Turcotte: Je suis d'accord avec vous par rapport au développement... est lié à la conservation, mais il me reste très peu de temps. Ça va?
Le Président (M. Marsan): ...
M. Turcotte: Ma question, c'était aussi par rapport, parce que beaucoup d'usines étaient de propriété étrangère ou des intérêts étrangers, donc c'était pour ça que je vous parlais du patrimoine industriel québécois qui est, c'est sûr, en moins grand nombre qu'étranger, parce que, comme je vous ai dit, c'est assez récent, mais je comprends qu'il y a des belles initiative, notamment avec Hydro-Québec, et aussi Bombardier en fait aussi à Valcourt avec les anciennes installations.
Mais mon autre question, c'était par rapport aux citoyens. On a vu, dans plusieurs débats, que ce soit dans le débat du patrimoine religieux, mais aussi du patrimoine industriel, on l'a... quand on a un promoteur qui arrive avec un projet soit de démolition ou d'achat d'un bien, d'un édifice patrimonial, souvent, on a les citoyens qui se lèvent, qui montent aux barricades et qui n'ont pas vraiment de tribune officielle pour s'exprimer autre que les médias, pétitions, etc., et on a la ville d'un côté qui peut faire quelque chose, la municipalité, d'un autre côté, le gouvernement aussi. Mais, dans tout ça, là, est-ce que vous sentez, vous, que la loi actuelle qui... pas la loi actuelle, mais la nouvelle loi qui est proposée, on pourrait ajouter quelque chose pour que les citoyens puissent transmettre leur voix ou du moins qu'ils se sentent consultés, qu'ils ne soient pas toujours mis devant le fait accompli que la démolition arrive à tel moment et qu'ils puissent peut-être, soit par signature de registre ou autre... Des gens de l'île d'Orléans nous ont parlé de cette possibilité-là, dans le cas d'un paysage, où une municipalité pourrait dire: Nous, on n'est pas d'accord pour classer notre paysage, le paysage en question, mais que, dans cette municipalité-là, il y ait une signature de registre et, si tant de pourcentage de la population signe le registre, comme on le fait déjà pour un règlement d'emprunt dans une municipalité, bien, qu'on puisse aller quand même poursuivre un peu plus loin la démarche. Est-ce que vous voyez à quelque part comment on pourrait donner une possibilité aux citoyens de s'exprimer dans ces débats-là qui sont souvent très émotifs parce que c'est leur patrimoine souvent et, dans le cas d'une usine, c'est souvent des familles d'anciens travailleurs qui ont travaillé là pendant des années puis qui voient, là, démolir ça, puis ça leur fait mal?
M. Binette (René): Bien, j'aimerais juste revenir sur un point. Quand vous mentionniez, tout à l'heure, la question du patrimoine industriel québécois, dans notre esprit, le patrimoine industriel québécois, il n'y a pas de lien entre ça et la propriété de l'industrie. Je veux dire, pour nous, là, on ne fait pas de... Une usine, peu importe qui a été son propriétaire, puis que ça a pu comme changer au fil du temps, qui a été dans un milieu, qui a développé... en tout cas, qui a... bien, je veux dire, pour nous, c'est comme ça fait partie du patrimoine industriel québécois et on ne se pose pas la question de: Bien, tu sais, comme, c'est-u notre propriété? En tout cas, là, ça, je pense que c'est quand même important de faire cette distinction-là.
Maintenant, j'avoue que, sur votre autre point, nous, on ne s'est pas comme vraiment penchés de façon spécifique, là, quand on a discuté de ça à notre comité sur cette question de la voix citoyenne. En même temps, moi, ce que je comprends aussi, c'est-à-dire que, lorsqu'il y a une menace, par exemple, de démolition, si c'est de ça qu'on parle... Nous, c'est arrivé dans le quartier où je travaille. Bon, je suis de Montréal, etc. Bien, lorsqu'il est question de démolition d'un édifice ou même de transformation, bien, il y a des permis, là, qui se donnent, et il me semble qu'il y a un certain nombre de mécanismes qui sont prévus au niveau des permis de démolition, etc., puis de consultations possibles. Nous, en tout cas, je veux dire, on voit ça comme régulièrement.
Bon, est-ce que, dans le cadre de cette loi-là, il y aurait moyen d'ajouter d'autres aspects qui... plus sur la voix citoyenne? Écoutez, sincèrement... Oui, vas-y.
M. Dorais Kinkaid (Karl): Si je peux me permettre, moi, en fait, la façon dont je le vois, c'est surtout arrimer cette loi-là avec la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, en fait. Parce qu'il y a déjà des processus qui sont prévus dans cette loi-là, que ce soit à travers les CCU, mais des trucs de consultation avant de passer un permis de démolition.
Nous autres, ce qu'on proposait dans notre mémoire, c'était de justement consulter les conseils de patrimoine locaux, bon, d'emblée, lorsqu'il est question de démolition, dans un cas surtout où il n'y aurait pas eu d'inventaire de fait. Donc, il y aurait un statut... on devrait se prononcer avant de passer à une démolition.
Mais, dans ce cas-ci, je pense que, quand on parle de démolition ou d'intervention sur le cadre bâti, ça a plus un lien direct avec la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme.
Le Président (M. Marsan): Alors, M. Dorais, M. Binette, merci de nous avoir fait connaître le point de vue de l'Association québécoise pour le patrimoine industriel.
J'inviterais maintenant les représentants de la Fédération québécoise des municipalités à venir prendre place à notre table et je vais suspendre pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 16 h 47)
(Reprise à 16 h 50)
Le Président (M. Marsan): Alors, nous reprenons nos travaux. Il nous fait plaisir d'accueillir la Fédération québécoise des municipalités, représentée par M. Gaston Arcand, qui est le maire de Deschambault-Grondines et membre du conseil d'administration.
M. Arcand, je vais vous demander de nous présenter la personne qui vous accompagne. Et vous avez une période d'environ 15 minutes pour nous faire valoir votre point de vue sur le projet de loi n° 82. La parole est à vous.
Fédération québécoise
des municipalités (FQM)
M. Arcand (Gaston): Bonjour à tous. Mme la ministre. M. Sébastien Cloutier, qui est avec nous, Sébastien est le gourou, là, au niveau de la Fédération québécoise des municipalités.
Or, sans plus de préambule, la Fédération québécoise des municipalités tient à remercier les membres de la présente commission et la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine d'entendre nos commentaires dans le cadre de cette consultation sur le projet de loi n° 82, Loi sur le patrimoine culturel.
Or, en introduction, je rappellerais qu'en janvier 2008 la Fédération québécoise des municipalités saluait la volonté de la ministre de mieux encadrer nos efforts visant à préserver, conserver et mettre en valeur les legs du passé et ceux d'aujourd'hui, ceux-là même qui forgent notre fierté, notre identité collective et le rayonnement du Québec sur la scène internationale.
En février 2010, la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine rendait public le projet de loi n° 82 visant à remplacer l'actuelle Loi sur les biens culturels, datant de 1972. Le projet de loi n° 82 a vu le jour après la vaste consultation sur le livre vert à laquelle la FQM a participé en rédigeant notamment un mémoire qui plaidait en faveur d'un accroissement de l'autonomie municipale en matière de patrimoine, d'autant que celui-ci... accompagné de moyens et de leviers adéquats à la disposition des municipalités locales et régionales.
Étant concernées au premier chef par le livre vert d'abord et, plus concrètement aujourd'hui, par le projet de loi n° 82, il allait de soit que les 1 000 municipalités et MRC membres de la Fédération québécoise des municipalités puissent transmettre leurs préoccupations dans le cadre de cette refonte législative dont l'ampleur est considérable. Ainsi, la FQM a fait cheminer des travaux en regard de ce projet de loi à la Commission permanente sur le développement social, les institutions et la démocratie, commission que j'ai le plaisir de présider. Les orientations qui ont été retenues ont été également validées par le conseil d'administration de la Fédération québécoise où siègent 41 élus de toutes les régions du Québec. Par conséquent, je vous ferai part des recommandations de notre fédération touchant divers aspects qui nous apparaissent incontournables pour le milieu municipal dans la mise en oeuvre de la future loi. La Fédération québécoise des municipalités ne pourra donc appuyer le projet de loi que s'il est modifié en considération des besoins des municipalités, des intervenantes de premier plan en matière de culture et de patrimoine.
Les préoccupations de la fédération touchent principalement aux nouvelles notions du patrimoine, aux paysages culturels patrimoniaux, aux sanctions et finalement aux ressources qu'il nous faut consolider. Dans le cas des notions nouvelles en matière de patrimoine, la culture -- et le patrimoine -- est de plus en plus un vecteur de développement social, économique qui contribue au renforcement du sentiment d'appartenance des communautés et à l'attractivité de leurs territoires. Prenons, par exemple, l'Association des plus beaux villages du Québec, qui regroupe 35 municipalités reconnues pour leur caractère patrimonial distinctif et leurs paysages remarquables et qui sont réparties dans 13 régions touristiques du Québec. Alors, l'objectif principal de l'association, qui existe depuis plus de 15 ans, que s'est fixé l'association, vise à optimiser la sauvegarde, la protection et la mise en valeur de notre patrimoine architectural et immatériel ainsi que la protection des paysages en tant que richesse identitaire et commémorative de l'identité québécoise, bien sûr, mais aussi afin de favoriser le tourisme culturel d'ici et de l'étranger.
À Deschambault-Grondines, moi, c'est avec fierté qu'on a la fierté d'avoir et la responsabilité de sauvegarder neuf édifices classés, un édifice reconnu et cinq édifices cités par la municipalité. Et j'aimerais rappeler que la majorité de ces municipalités, des 35 donc, sont des membres de la Fédération québécoise des municipalités qui supporte depuis les tout débuts les efforts que font ces municipalités pour maintenir et développer leur patrimoine architectural.
La FQM tient aussi à saluer également l'approche préconisant l'autonomie municipale que confèrent certains pouvoirs similaires à ceux de la ministre. Une fois de plus, il faut souligner par contre qu'aucun incitatif, aucun levier n'est prévu pour les municipalités désirant se prémunir de tels pouvoirs. Nous craignons à cet égard que ce manque tende plus à décourager qu'à encourager les municipalités. Il ne faut pas oublier que le Québec compte environ 1 115 municipalités, dont 80 % ont une population inférieure à 5 000 habitants. D'après un sondage de la fédération, celles-ci comptent en très grande majorité moins de 10 employés. Ces petites municipalités, c'est bien évident qu'avec un nombre de citoyens comme ça peuvent difficilement avoir plus d'employés, et la grande majorité ont moins de 10 employés; ceci inclut les cols blancs et les cols bleus.
C'est donc dire qu'au contraire des grandes villes ces municipalités n'ont pas de services ou de divisions consacrés à la culture et au patrimoine et ont une capacité d'agir fortement limitée, que ce soit pour produire des inventaires patrimoniaux ou encore des plans de conservation. Pour nous, cette réalité est incontournable. La fédération est persuadée qu'un riche patrimoine est de plus en plus menacé dans les régions, faute de moyens pour les milieux locaux de les préserver. Pensons au patrimoine agricole, tels les granges, les croix de chemin, au patrimoine religieux ainsi qu'aux paysages.
En ce qui a trait au régime d'ordonnance, la fédération est en faveur de cette disposition qui donne les moyens supplémentaires aux municipalités qui agissent de plus en plus à titre de protectrices des éléments patrimoniaux, qu'elles en soient propriétaires ou non.
Considérant tous ces éléments, la fédération souhaite que des mesures d'accompagnement techniques et financiers soient mis à la disposition des municipalités en regard de leurs nouveaux pouvoirs et responsabilités touchant aux nouvelles notions culturelles et patrimoniales incluses au présent projet de loi. Sans de tels moyens, les objectifs de la nouvelle loi ne pourront, à notre avis, être atteints.
Tel que nous l'avions invoqué dans notre mémoire sur le livre vert Un regard neuf sur le patrimoine culturel, la fédération voit d'un bon oeil l'idée de doter les municipalités de moyens visant à préserver et mettre en valeur leurs paysages culturels et patrimoniaux. Une telle démarche de reconnaissance favorise le sentiment de fierté des populations locales et contribue à les mobiliser dans des initiatives de mise en valeur de leur territoire. À ce compte, combien de municipalités vivant des problématiques liées à la crise forestière se sont tournées vers une tout autre valorisation de leurs ressources en optant désormais pour le développement de leurs attraits touristiques? Pensons à la MRC de Témiscouata, qui a collaboré avec la SEPAQ pour la naissance du parc national du Lac Témiscouata dont l'ouverture est prévue pour 2012. Plus près de chez nous, dans la MRC de Portneuf, dans la région de Saint-Raymond, par exemple, qui vivait presque exclusivement de la forêt... Alors, ils ont été drastiquement frappés par la crise qu'on a vécu. Alors, ils ont mis sur pied ce qu'on appelle la Vallée du Bras-du-Nord, pour ceux qui connaissent, qui est une réussite culturelle. On vient de partout au Canada maintenant pour aller visiter ce magnifique parc, avec toutes les activités qui sont offertes.
Pour la Fédération québécoise des municipalités, la réalisation de ces démarches n'aurait pu être possible sans l'implication première des communautés d'accueil. Dans les régions du Québec, il y a présentement un savoir-faire en matière de préservation et de mise en valeur qui mérite d'être reconnu, encouragé et soutenu. Toutefois, le présent projet de loi nous apparaît plutôt contraignant à ce chapitre, car les exigences devant mener à la désignation d'un paysage culturel patrimonial par la ministre auront sans doute pour impact de décourager les municipalités déterminées à s'investir en ce sens.
Ainsi, comme le prévoit l'article 18, la demande de désignation d'un paysage culturel patrimonial pour les municipalités, MRC et communautés métropolitaines doit être accompagnée des éléments suivants: la délimitation du territoire visé, un diagnostic paysager constitué d'analyses quantitatives et qualitatives de façon détaillée, des caractéristiques paysagères du territoire visé sous l'angle physique et socioculturel, un exposé des caractéristiques de ce paysage qui, selon les demanderesses, sont remarquables et résultent de l'interaction... l'interrelation de facteurs naturels et humains, d'une démonstration de la reconnaissance par la collectivité concernée de ces caractéristiques paysagères remarquables, enfin, une charte du paysage culturel patrimonial, adoptée par les demanderesses, qui présente les principes et les engagements pris par le milieu pour sa protection et sa mise en valeur.
Devant de telles exigences, les municipalités et MRC auraient peine à déployer les ressources requises. Par exemple, la seule étape de réalisation d'un diagnostic paysager nécessiterait une forte expertise en la matière, en plus de dépenses considérables. En effet, des coûts importants sont rattachés à une telle démarche.
Bien que la fédération comprenne qu'une telle désignation devrait être issue d'une démarche sérieuse et rigoureuse, elle s'inquiète toutefois du haut niveau d'exigence sans qu'aucun accompagnement technique et financier ne soit à la disposition des municipalités.
**(17 heures)**Le Président (M. Marsan): M. Arcand, je vais être obligé de vous interrompre. Lorsque les cloches sonnent, c'est qu'il y a un vote au salon bleu. Alors, les députés sont appelés à aller voter au salon bleu tout de suite. J'invite les députés à revenir rapidement. Nous allons poursuivre votre présentation.
M. Arcand (Gaston): Vous avez l'oreille fine. Je n'ai pas entendu la cloche.
Le Président (M. Marsan): D'accord. Alors, je vous remercie. Je vais suspendre pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 17 h 1)
(Reprise à 17 h 26)
Le Président (M. Marsan): Alors, les députés ont voté, et il nous fait plaisir de reprendre nos travaux. Et, M. Arcand, nous vous redonnons la parole pour compléter votre présentation.
M. Arcand (Gaston): Merci. Simplement, quand j'ai vu le projet de loi n° 82, ça m'a rappelé qu'en 1982 il y a eu la Charte de la conservation du patrimoine québécois, et, à l'époque, ça s'était tenu à Deschambault, et ça s'est appelé -- ça s'appelle encore -- la déclaration de Deschambault. Alors, c'est vous dire que le patrimoine, chez nous, c'est extrêmement important, et puis on connaît, là, l'avantage et toutes les retombées qu'il peut y avoir à faire de la valorisation de notre patrimoine.
Alors, devant de telles exigences... Vous vous rappellerez des éléments qu'on voulait voir, par exemple, dans le cas de la désignation du paysage. Alors, devant de telles exigences, les municipalités et MRC auraient peine à déployer les ressources requises. Par exemple, la seule étape de réalisation d'un diagnostic paysager nécessiterait une forte expertise en la matière, en plus de dépenses considérables. En effet, des coûts importants sont rattachés à une telle démarche.
Bien que la Fédération québécoise des municipalités comprenne qu'une telle désignation devrait être issue d'une démarche sérieuse et rigoureuse, elle s'inquiète toutefois du haut niveau d'exigences sans qu'aucun accompagnement technique et financier ne soit à la disposition des municipalités.
Il faut donc assouplir les moyens d'intervention du gouvernement dans un tel contexte, arrimer les exigences et mécaniques de contrôle aux réalités des communautés et surtout éviter d'être piégés dans une logique unique pour tout le Québec, sachant que les démarches entreprises par les communautés locales et régionales n'obéissent guère à un seul modèle. La fédération est donc d'avis que le ministère devrait reconnaître les démarches déjà entreprises par les municipalités qui désirent préserver et mettre en valeur leurs paysages et fournir un accompagnement professionnel, technique et financier adéquat à celles-ci.
Par ailleurs, la fédération se questionne sur la disposition de l'article 18 du projet de loi stipulant que la demande auprès du ministre pour la désignation d'un paysage culturel patrimonial doit être adressée par l'ensemble des municipalités locales, régionales et des communautés métropolitaines dont le territoire comprend en tout ou en partie le territoire visé. Or, cette notion d'unanimité va à l'encontre de l'une des principales lois municipales, soit le Code municipal du Québec. Ainsi, l'article 142 du code prévoit pour une municipalité locale que toute décision doit être prise à la majorité des membres et non à l'unanimité; il en va de même pour le processus décisionnel des MRC qui se rattache à la double majorité.
Alors, on sait qu'on a parfois beaucoup de difficultés à faire passer un projet et qu'on y va selon la majorité. On ne voit pas pourquoi ça serait différent dans ce cas-là, d'autant plus que ça peut être très sensible, ce genre de projet là. La fédération juge qu'il est primordial d'arrimer la nouvelle Loi sur le patrimoine culturel aux mécanismes prévus par les lois municipales existantes.
Concernant les sanctions prévues, la FQM est consciente de l'importance de donner plus de mordant à la nouvelle loi, considérant que la volonté de protéger les biens culturels patrimoniaux doit être soutenue par des mesures efficaces. Cependant, la fédération émet des réserves quant à la sévérité des amendes pour les personnes morales, pouvant aller jusqu'à 1 140 000 $. Or, de nombreuses municipalités qui sont considérées aux yeux de la loi comme des personnes morales se portent acquéreuses, faute de preneurs, de biens patrimoniaux, particulièrement en ce qui a trait au patrimoine religieux. Celles-ci le font très souvent dans un souci de sauvegarde soit d'une église ou d'un monument menacé; elles en deviennent ainsi les propriétaires de dernier recours.
Face à une telle orientation, la fédération souhaite que le ministère ait une approche moins coercitive, mais plutôt d'accompagnement afin d'encourager les municipalités à poser des gestes visant la protection du patrimoine.
Concernant les ressources à consolider, depuis ses débuts, le programme Villes et villages d'art et de patrimoine, VVAP, a contribué à la création de près d'une centaine de postes d'agents culturels spécialisés en culture et patrimoine, répartis dans les MRC et les municipalités du Québec. Ces agents appartenant à un réseau efficace ont su développer des expertises variées et ont intégré de fortes aptitudes en lien avec les enjeux locaux de la culture et du patrimoine. Ainsi, nul doute sur le fait que les agents VVAP sont devenus, au fil du temps, des ressources incontournables pour les milieux locaux et un réel investissement dans la préservation et la mise en valeur des richesses culturelles et patrimoniales du Québec. Ces agents ont apporté vraiment un souffle nouveau dans la protection, dans l'identification de nos bâtiments patrimoniaux.
**(17 h 30)** Il est évident que les 950 municipalités de moins de 5 000 habitants ne peuvent se doter de ressources professionnelles dans ce domaine. Le programme VVAP le permet au niveau des MRC, et les retombées sont fortement positives pour les municipalités locales. La fédération profite de cette occasion pour signifier à la ministre l'importance de consolider ce réseau et d'outiller davantage les agents VVAP en regard des exigences de la nouvelle loi. La fédération offre d'ailleurs son entière collaboration à la ministre à cet égard.
Également, la fédération souhaite que la ministre apporte un soutien contenu... continu, pardon, et contenu aussi, à l'Association québécoise des plus beaux villages du Québec, qui regroupe 35 villages dont le caractère patrimonial est distinctif. Pour la fédération, cette association contribue, d'une part, à sensibiliser la population sur l'importance de préserver et mettre en valeur les biens culturels patrimoniaux et, d'autre part, de faire rayonner les plus beaux coins du Québec. C'est que je reviens là-dessus, mais l'initiative a déjà été prise par ces municipalités-là. On a formé une association il y a plusieurs années et, avec beaucoup d'huile de bras, on a réussi à faire notre petit bout de chemin, mais je pense que ça mériterait peut-être un meilleur support et ce serait à l'avantage de tous les magnifiques monuments patrimoniaux que nous avons au Québec.
En conclusion, M. le Président, la FQM considère que le projet de loi n° 82 est un bon pas en avant dans l'objectif de protéger, préserver et mettre en valeur le patrimoine culturel québécois afin de valoriser les immeubles, les objets, les sites, les paysages dont l'intérêt culturel et patrimonial est notable. La FQM souhaite que des leviers techniques et financiers soient mis à la disposition des municipalités. Nombre d'entre elles se portent acquéreuses de biens patrimoniaux menacés, et le gouvernement doit les accompagner davantage en ce sens.
En outre, nous sommes sur le point d'assister à la mise en oeuvre d'une stratégie nationale visant à favoriser l'occupation dynamique des territoires. Faisant des représentations constantes dans ce dossier depuis 20 ans auprès du gouvernement, la Fédération québécoise des municipalités demandait, au printemps 2009, que celui-ci s'engage à élaborer une loi-cadre qui impliquera tous les ministères dans ce projet de société. Cet engagement, nous l'avons obtenu récemment de la part du ministre des Affaires municipales, des Régions et de l'Occupation du territoire.
Pour la FQM, toutes les composantes du développement culturel sont essentielles à la vitalité économique et sociale des collectivités territoriales. Ainsi, il faut profiter de cet élan et saisir l'occasion qu'offre l'actuelle refonte de la loi sur les biens culturels pour faire reconnaître la culture et le patrimoine comme étant de véritables vecteurs de création de richesse. Sans les moyens y étant associés, la loi demeurera cependant sans effet. La FQM invite donc la ministre et le gouvernement à profiter de cette étape charnière pour que l'on se donne collectivement les moyens de nos ambitions dans la sauvegarde et la mise en valeur du patrimoine culturel du Québec. Merci.
Le Président (M. Marsan): Alors, merci, M. Arcand. Nous débutons immédiatement la période d'échange, et je vais donner la parole à Mme la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine.
Mme St-Pierre: Merci, monsieur, et merci d'être parmi nous aujourd'hui, messieurs. Vous me placez un petit peu en conflit d'intérêts lorsque vous parlez de l'Association des plus beaux villages du Québec parce que mon village natal fait partie de ces 35 plus beaux villages du Québec, et j'en suis très fière. Alors, ça me fait plaisir d'en entendre parler. C'était comme de la musique à mes oreilles, puis c'est vrai que c'est parmi... C'est probablement le plus beau village du Québec. Bon. Saint-Roch-des-Aulnaies...
Une voix: ...
Mme St-Pierre: Deuxième, Grondines, O.K. Deschambault.
M. Arcand (Gaston): Vous vous rappellerez qu'à Tout le monde en parle -- je ne sais pas si j'ai le temps, on est limité dans le temps -- il y a M. Jacques Proulx qui était invité, et Guy A. Lepage lui a demandé comme ça: Quel est le plus beau village du Québec? Et spontanément il avait répondu: Deschambault. Alors, quand j'ai rencontré M. Proulx, je l'ai remercié pour les millions que ça m'aurait coûté, hein, en publicité pour pouvoir en arriver au même...
Mme St-Pierre: Alors là, bien, écoutez, on a des millions de téléspectateurs, alors le message est passé.
Mais, plus sérieusement, je comprends très, très bien vos inquiétudes par rapport à la question des paysages, et, quand vous faites référence au Code municipal, je pense que vous touchez là quelque chose qui pourrait être intéressant pour nous. Il y a beaucoup de gens qui viennent nous parler de la façon dont le projet de loi est libellé là-dessus, et on va vraiment, je pense, analyser ça très sérieusement. Et d'ailleurs mon collègue député de Lévis va vous poser une question là-dessus.
Sur l'accompagnement, vous savez que la loi va... il va y avoir une année, là, pour mettre en oeuvre la loi. Alors, il va y avoir de la formation, il va y avoir des guides, il va y avoir des experts, là, qui vont être au travail pour évidemment faire la pédagogie autour de la loi, mais c'est bien évident qu'on ne laissera pas les gens seuls à eux-mêmes lorsqu'il sera question d'enjeux aussi importants puis aussi quand ce sera de nouveaux pans du patrimoine qu'on va évidemment amener sur la table. Alors, il va falloir évidemment que ça se fasse très bien.
Et aussi, dans le Fonds du patrimoine culturel, on ajoute un autre volet qui touche ces questions-là d'expertise, et tout ça. Alors, on va avoir une certaine forme d'accompagnement et on va continuer à vouloir aussi développer nos ententes culturelles. Je pense que ça, là, c'est un outil vraiment, vraiment, vraiment important parce que, dans les ententes culturelles, bien, on voit souvent, dans les ententes, qu'il y a un volet patrimonial. Les ententes sont aussi très, très bien accueillies, puis, je pense, vous devez en avoir des exemples. J'imagine qu'on en a une avec votre municipalité.
M. Arcand (Gaston): ...
Mme St-Pierre: Non, pas encore? Les ententes culturelles... Une entente culturelle... Oui?
M. Arcand (Gaston): Oui. On a une politique culturelle chez nous, une entente, oui.
Mme St-Pierre: Alors, ça, c'est important parce que, dans ces ententes-là, il y a souvent... on voit souvent qu'il y a un volet patrimonial, et je pense que c'est une bonne formule et c'est peut-être une formule qu'on devrait bonifier davantage et avec l'aide évidemment des municipalités qui voudront bien se doter de politiques culturelles pour faire des ententes avec nous.
Sur la question de cet accompagnement-là, vous le voyez, bien sûr, bon, évidemment, en termes d'argent, en termes d'argent sonnant. Mais est-ce qu'il y a des formules auxquelles vous auriez pu penser qui pourraient aussi faire en sorte qu'on puisse bonifier la relation entre le ministère et les municipalités pour vraiment arriver à nos buts et nos objectifs dans cette loi? C'est vrai que l'argent, c'est le nerf de la guerre, mais vous connaissez les finances publiques comme moi, et il y a plusieurs missions au gouvernement, et il faut vraiment faire en sorte que, toutes les missions, on puisse les mener à bien.
Alors, est-ce que vous avez pensé à des sources de revenus? Il y en a une dans le projet de loi qui... C'est le pouvoir habilitant, c'est-à-dire l'énoncé... l'idée derrière ça, c'est peut-être d'arriver, lors de l'émission de permis, qu'il y ait, par rapport au promoteur, bien, des coûts... c'est-à-dire qu'il y ait des frais. Et cet argent-là qui reviendrait, là... Parce que souvent on voit des grands, grands projets qui valent beaucoup, beaucoup, beaucoup d'argent, et le ministère travaille... a travaillé pour l'émission des permis de nombreuses heures, avec de l'expertise, et tout cela, puis les promoteurs n'ont pas à payer, n'ont pas... Est-ce qu'il y a des choses, des exemples qui vous viendraient en tête pour vraiment faire en sorte qu'on puisse aller chercher des fonds pour vraiment les diriger vers le patrimoine?
**(17 h 40)**M. Arcand (Gaston): Honnêtement, je verrais peut-être des genres de programme. Quand vous faites allusion aux permis, est-ce que vous faites allusion aux permis aux entrepreneurs qui veulent développer ou faire un développement soit résidentiel ou autre? Bien, c'est évident qu'au niveau des petites municipalités on n'a pas ce problème-là, au contraire. Les municipalités et petites municipalités au Québec, on essaie tous, par tous les moyens possibles, d'attirer des gens chez nous. On vit le vieillissement des populations. On veut essayer de garder nos jeunes. Pour vous donner une idée, l'an passé, il y a eu 16 nouvelles constructions à Deschambault-Grondines, et on a battu tous les records. Donc, au niveau de ça, ce genre de permis là, ça ne s'applique pas vraiment chez nous. L'entrepreneur, si, chez nous, il trouve ça trop compliqué, il va s'en aller ailleurs. C'est aussi simple que ça.
Au niveau des revenus fonciers, bien là, notre monde est rendu, hein, pas mal à la limite de ce qu'ils peuvent payer. En plus, on est situés le long du Saint-Laurent et, bon, les gens, les boomers, pour ne pas les nommer, j'en fais partie, là, ils viennent chez nous, le plus beau site, ils vont se porter acquéreurs des super de belles résidences. Je leur dis souvent: Ce n'est pas avec vous autres que je vais remplir les écoles puis les cours de... puis les activités de loisir. Mais ce que ça fait: ça fait augmenter l'évaluation, là. Je pense que vous savez tous de quoi je parle. Alors là, là aussi, il y a cette problématique-là qui fait que, du côté foncier, on ne peut pas vraiment... Moi, je verrais un accompagnement surtout... Si on parle du paysage, par exemple, c'est quoi, ça? Ce n'est pas vraiment défini. On entend toutes sortes de choses, et les ingénieurs paysagers nous ont dit, bien, que ça pourrait coûter terriblement cher faire un diagnostic.
Alors, dans un premier temps, il faudrait peut-être qu'on sache exactement de quelle façon ça va se passer. Par exemple, chez nous, avec les municipalités voisines, on a un point de vue remarquable sur le fleuve. Alors, ça serait peut-être, dans le cas des paysages, de s'entendre ensemble, d'essayer de... Mais ça serait un programme d'aide financière, oui, bien sûr, d'identification de ce que c'est qu'on a puis de quelle façon ces gens-là ou des gens chez nous... Peut-être faire de la formation au niveau de nos gens, faire de la formation au niveau des CCU, par exemple, dans ce cadre-là.
Mme St-Pierre: Est-ce que ça pourrait être un volet des ententes culturelles?
M. Arcand (Gaston): Oui. Oui, oui, pourquoi pas? On pourrait le regarder dans cette optique-là. Ça pourrait même être intéressant. Oui.
Mme St-Pierre: Je ne sais pas... Vous n'étiez pas là tout à l'heure. On a entendu parler du patrimoine industriel. Est-ce que c'est une notion dont vous parlez beaucoup à la fédération?
M. Arcand (Gaston): Non. Bien, personnellement, on n'a pas eu... Ça tient compte de l'ensemble des préoccupations qu'on a, mais le patrimoine industriel, on n'en a... Oui, ça en fait partie, mais il n'y a pas eu de discussions pointues là-dessus, que je me rappelle. Écoutez, je ne suis pas l'expert là-dedans, il y en a peut-être d'autres à la fédération qui ont eu soit des exposés, ont eu des présentations un peu plus poussées, là, mais, oui, on en a discuté comme faisant partie de cette problématique-là.
Mme St-Pierre: Je reviens à la question des paysages. Bon, on comprend, avec les mémoires et les commentaires qu'on a, qu'il faut vraiment faire en sorte... Bon, c'est nouveau, et il faut faire en sorte que ça soit bien compris, qu'il y ait un bon accompagnement. Certains nous disent: Bon, il faudrait que ça vienne plus d'en haut que d'en bas ou, enfin... Mais je pense qu'il faut qu'il y ait un certain consensus au sein de la collectivité. C'est bien clair que la démarche... Est-ce que vous y voyez un plus pour une région qui pourrait... qui aurait ce label-là d'un paysage patrimonial?
M. Arcand (Gaston): Oui...
Mme St-Pierre: Sur le plan touristique, est-ce qu'il y aurait un intérêt? Est-ce que ça serait une fierté? Est-ce qu'il y aurait quelque chose qui viendrait ajouter à la région ou au village lui-même?
M. Arcand (Gaston): C'est sûr, chez nous, je dirais que la majeure partie des citoyens se reconnaissent et valorisent la protection autant des paysages... On a une ferme expérimentale qui s'appelle le Centre de recherche, on l'appelle la vieille ferme expérimentale. Pour ceux qui voyagent sur la 40 en direction est, quand vous entrez dans le secteur de Deschambault, il y a une percée visuelle absolument unique, qui est d'une beauté remarquable. Et les gens, quand on veut protéger ça, ou on met en place les moyens -- ou des moyens -- ou que la municipalité pose les gestes pour la protection soit de ces paysages ou de ces bâtiments... Bien, ça fait 45 ans chez nous, hein, ce n'est pas d'aujourd'hui, là, les gens ont toujours été conscients de ça, on a protégé ces bâtiments-là.
Oui, au niveau des municipalités, elles peuvent y gagner. Par contre, je suis privilégié, moi, je suis tout à fait conscient de ça. On est le long du fleuve, c'est un village qui remonte au régime français. On a eu fusion en 2002, Grondines étant encore plus vieux. Alors, on est privilégiés. Mais, au niveau des autres municipalités, par exemple, qui ne sont pas situées dans un corridor aussi remarquable que celui-là, il n'en demeure pas moins qu'eux autres aussi ont des belles choses à protéger, ils ont des choses à mettre en valeur puis à améliorer.
On n'a pas parlé des municipalités dévitalisées, par exemple. Quand une municipalité a de la misère à, je ne sais pas, moi, payer l'entrepreneur pour nettoyer les routes, ses routes municipales l'hiver puis qu'on leur dit: Bien, il faudrait que tu mettes ton patrimoine en valeur, là, il faut qu'il y ait un accompagnement là, que ça soit modulé, surtout au niveau... Parce que je suis aussi le président du CLD. Dans la MRC de Portneuf, on en avait sept, huit; maintenant, il nous reste environ quatre municipalités dévitalisées, puis on fait des pieds et des mains, mais les possibilités de ces gens-là sont limitées. Ça fait qu'encore une fois je pense que, pour ça comme pour d'autre chose, au niveau de l'occupation du territoire, l'aide devrait être modulée autant au niveau des municipalités dévitalisées que celles qui sont plus portantes... mieux portantes.
Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie. Nous allons poursuivre avec l'opposition officielle et je vais céder la parole au député de Drummond, qui est le porte-parole en matière de culture et de communications.
M. Blanchet: Bonjour, messieurs. Vous me permettrez la boutade: M. le maire, je vous soupçonne de n'être pas représentatif de vos collègues en ceci que vous êtes probablement plus amant de patrimoine que la plupart, même si je suppose que tout le monde l'est un peu. Votre passion est, j'espère, contagieuse.
M. Arcand (Gaston): On travaille pour les amener à ça.
M. Blanchet: Oui, c'est ça. Cela dit, j'entends... tu sais, j'entends un «oui, mais», et il y a un certain nombre de «mais», le «mais» de la ressource financière, le «mais» de la ressource en expertise, le «mais» d'écoutez, si on intervient, puis qu'on achète un immeuble patrimonial pour éviter quelque chose de pire, on s'expose, si on n'est pas capable de l'entretenir adéquatement, à des pénalités graves, toutes choses qui me semblent corrigibles.
Alors, il y a des organismes qui se sont présentés ici, les musées et d'autres organismes, et à qui on a demandé: Est-ce que vous pouvez faire l'arrimage et transmettre pas la partie argent, bien sûr, mais la partie expertise, développer la partie expertise avec les municipalités, plutôt que de créer quelque chose d'autre, arrimer localement, lorsque c'est possible, des institutions, des organisations existantes avec les municipalités pour la transmission de l'expertise qui sera nécessaire? Est-ce que c'est une approche qui vous semble, d'un point de vue municipal, intéressante, ce maillage-là?
M. Arcand (Gaston): Comme ça, je vous dirais oui. Ça ne s'applique pas... Cependant, je ne pense pas que ça pourrait s'appliquer à toutes les municipalités. Encore une fois, il y a près de 1 000 municipalités et MRC au Québec. Il y a des municipalités que... soit que les musées ne sont pas prêts ou que ça serait peut-être beaucoup plus... ça va être difficilement applicable.
On a parlé... J'ai parlé tantôt des agents VVAP, c'en est, c'en est peut-être une, façon de voir avec ces agents-là. D'abord, les maintenir. On sait que le programme de formation vient à échéance, ne sera plus reconduit. On ne sait pas trop, trop. On essaie, on souhaite ardemment qu'il soit mis en réseau, qu'il y ait une formation continue. Dans la MRC, chez nous, la personne qui occupe ce poste-là, c'est un poste important, et les petites municipalités dévitalisées peuvent en profiter. Maintenant, ce que vous apportez au niveau des musées, sûrement. Moi, chez nous, j'en bénéficie. Il y avait Thérèse Sauvageau, qui est une artiste peintre, qui a légué toute sa collection au Musée de la civilisation. Alors, on a des contacts avec ces gens-là de façon régulière, puis en plus il y a un conservateur du Musée de la civilisation qui est conseiller municipal chez nous. Ça fait que, moi, je suis mur à mur, là, on est très bien, très bien servis. Ceci étant dit, votre offre est intéressante, mais je ne pense pas que ça puisse s'appliquer à toutes les municipalités.
M. Blanchet: Je comprends. Est-ce qu'on peut imaginer, sur une base régionale ou sur une base de MRC, que, là, les ressources en expertise existeraient et pourraient être un peu mises en commun et mises à la disposition des municipalités de cette zone-là... pas aux municipalités par municipalité mais par groupe, par région ou par MRC?
M. Arcand (Gaston): Bien, je pense que c'est tout à fait logique. Il y a des municipalités... On n'est pas tous rendus au même niveau, on n'est pas tous rendus à la même... pas compréhension mais à la même réalisation de qu'est-ce qu'on a. Il n'y a pas une municipalité au Québec qui n'a pas de quoi à protéger, qui n'a pas un bout de patrimoine, que ça soit architectural ou immatériel. Il n'y en a pas une. Mais ça aide là, oui, au niveau des MRC, ça pourrait être quelque chose d'intéressant, et chacune des municipalités, dépendamment d'où elle est rendue dans la valorisation... Parce que c'est une autre chose. C'est beau d'être pour ça, mais il faut valoriser ça, il faut que nos citoyens, nos citoyennes s'approprient ça, qu'ils se reconnaissent là-dedans. Et le patrimoine, c'est quelque chose de vraiment... Ça unifie beaucoup, hein? Les gens se rappellent tous du presbytère, du vieux presbytère, du relais ou, peu importe, des bâtiments comme ça. Mais, oui, je pense que ça pourrait être une belle façon de faire ça.
**(17 h 50)**M. Blanchet: J'ai une autre question avant de passer la parole à mon collègue de Sainte-Marie--Saint-Jacques. On a abordé tout à l'heure la question des municipalités ou des... plusieurs municipalités pouvant être impliquées dans l'identification et le traitement d'un paysage patrimonial. Les gens soulevaient la possibilité qu'une municipalité se mette un peu en position de veto. Il suffit qu'un joueur ne joue pas puis il n'y a plus rien qui marche, et donc il fallait avoir des mécanismes.
Mon inquiétude était à l'effet du rapport de force entre une municipalité puis un développeur. Vous êtes maire et vous avez... quoique vous êtes plus sensible au patrimoine que plusieurs, mais vous connaissez, bien sûr, vos collègues. Lorsqu'un maire, et un conseil municipal d'une petite municipalité, va être confronté à la préservation d'un paysage patrimonial ou le développement de 22 jobs... Je ne parle pas de résidentiel, là, je parle vraiment de... Parce que quelqu'un va exercer des pressions puis dire: Moi, je vais faire le développement chez vous, mais achale-moi pas avec ton affaire de paysage. Les maires vont réagir comment?
M. Arcand (Gaston): Moi, je ne veux pas... Je vais répondre de la façon dont, moi-même, si je suis... Oui, je suis propatrimoine, là, mais je veux dire, je dis souvent, c'est comme une assiette: juste des patates... Ça prend des patates, ça prend de la viande, ça prend des légumes, ça prend un tout. Le patrimoine, c'est beau, mais ce n'est pas ça uniquement. Il y a toutes sortes de facteurs. Si l'entrepreneur qui viendrait chez nous... Puis aussi les citoyens et citoyennes, là, sont vraiment sensibilisés à ça.
On a eu dans une municipalité voisine, dans notre MRC, où quelqu'un a voulu bâtir des condos puis avec vue sur le fleuve, mais, ce faisant, il venait de cacher la vue à je ne sais pas trop comment de résidents, alors, les gens sont extrêmement sensibles à ça. C'est évident que 22 jobs dans une petite municipalité, vous avez tout à fait raison, avant de dire non à ça, on va y penser deux fois, là. Par contre, on peut... on va consulter nos citoyens, nos citoyennes, essayer d'en venir à une entente.
Je ne sais pas qu'est-ce que je pourrais vous répondre advenant si c'est là où je m'en vais. Le conseil municipal, on est là, on a été élus par nos commettants, on a à répondre de leurs orientations et de leurs intérêts. Si la majeure partie ou une partie significative de mes commettants disaient: Écoute, là, M. le maire, il n'est pas question, nous, on n'est pas prêts à laisser aller ça pour ça, bien, on va y aller avec ça, là.
M. Blanchet: ...espoir que, le cas échéant, d'une part, s'il y avait une intervention de l'État qui disait: On procède, la pression sur les élus municipaux est moindre et l'autre élément, c'est, je suppose, que, si on a une véritable culture de la gestion du patrimoine qui se développe, les entrepreneurs en question vont comprendre l'importance d'intégrer leur développement à l'intérieur d'un aménagement qui va respecter ça, là. Je suppose que, dans la plupart des cas, c'est ça. Mais la loi doit prévoir que ce ne sera pas toujours aussi beau et noble. Pour moi, ce serait tout, M. le Président.
Le Président (M. Marsan): M. le député de Sainte-Marie--Saint-Jacques.
M. Lemay: Oui. Merci, M. le Président. Messieurs, M. le maire. Une petite question en ce qui concerne le conseil du patrimoine, parce qu'il y a une proposition de créer le conseil du patrimoine qui serait, grosso modo, un peu comme l'ancienne commission. Il faudrait voir les différences, à un moment donné, mais il y a des groupes qui nous proposent, qui proposent à la ministre d'en faire -- et je l'ai sous les yeux ici, là -- je donne un exemple, mais il y en a plusieurs qui en parlent: «...afin de faire de cet organisme [une véritable instance dotée] de pouvoirs décisionnels en matière de protection du patrimoine et de paysages...» Bref, une espèce de... même si peut-être que la comparaison n'est pas bonne, mais une espèce de commission de protection des territoires agricoles, mais en termes de patrimoine, nommée par le gouvernement, mais, disons, séparée du gouvernement en termes des débats sur le classement, sur... Bon. Je ne sais pas de quel oeil vous voyez, d'une part, ce qui est proposé avec la création du conseil du patrimoine, mais, d'autre part, je ne sais pas ce que vous pensez aussi de l'hypothèse que plusieurs ont soumise d'en faire une instance avec, passez-moi l'expression, là, un petit peu plus de mordant, là, en termes de ces mandats et d'indépendance face au gouvernement.
M. Arcand (Gaston): Bien, moi, je pense qu'on ne serait pas en désaccord avec ça, mais j'ai toujours un petit peu de réticence face à ça, parce que c'est nous qui connaissons nos milieux. On sait ce que nos citoyens veulent, on connaît notre patrimoine, on sait de quelle façon... Qu'éventuellenent une commission ou qu'éventuellement un organisme de cet... puisse éventuellement trancher, ou emmener des arguments, ou nous aider à bâtir notre argumentaire, par exemple, ou nos projets, je n'aurais aucune espèce de problème avec ça.
Mais il faut faire attention pour ne pas que ça devienne un organisme qui a le droit de vie ou de mort sur le projet ou tel et tel bâtiment, par exemple. Une foule, hein... Il y a une foule de raisons qui font qu'à un moment donné on va faire des pieds et des mains pour protéger un bâtiment, protéger un bien immatériel par rapport à d'autres pour toutes sortes de raisons.
Maintenant, que ça soit un organisme qui nous aiderait à prendre des décisions, qui amènerait l'expertise nécessaire, c'est bien évident que, si on... je ne sais pas, moi, un expert en muséologie vient nous rencontrer puis nous dit: Bien, voici, ce site-là ou ce bâtiment-là, voici l'expertise... Comme, je ne sais pas, en face de Deschambault, il y a l'îlot Richelieu, là, Jacques Cartier et Champlain en font allusion, ça fait que, quand on regarde ça, tu ne touches pas à ça, là, hein, on s'entend, là. Mais qu'éventuellement ça puisse être... nous accompagner puis peut-être avoir un peu de mordant effectivement parce qu'il y a des gens... Ce n'est pas tout le monde, là, hein? Le patrimoine, moi, je le sais, à la MRC, quand on parle de ça, là, des ayatollahs du patrimoine comme moi, on n'est pas nombreux, là, mais quand même là.
M. Lemay: Il le sait lui-même. C'est assez rare quand même.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Arcand (Gaston): Il faut être passionné. Si vous n'êtes pas passionné, on ne s'en va pas là, là, ça, c'est sûr.
M. Lemay: Oui, oui, c'est vrai. Je pense que c'est partagé par les élus, ici, de l'Assemblée. Est-ce qu'il reste du temps un peu, monsieur...
Le Président (M. Marsan): ...
M. Lemay: Très, très rapidement, ah, mon Dieu! Et la question du Conseil du patrimoine vient du fait que, et vous le dites, là, il y a 1 000 municipalités, là, dans la FQM, après ça, il y a Québec, Montréal, toutes des choses très différentes. Mais, pour donner un peu, dans ce projet de loi là que tout le monde accueille avec beaucoup de plaisir... mais pour, disons, le renforcer un peu plus parce qu'il a peut-être tendance, de la manière où on peut le lire, à s'épivarder un petit peu, donc ils mettent un petit peu un coeur avec un conseil du patrimoine. De ce point de vue là, au-delà de la réglementation et tout, il y a ça aussi comme...
M. Arcand (Gaston): Encore une fois, là-dedans comme en toutes choses, il ne faut pas que ce soit trop contraignant non plus, là. Si, face à ça, là, on se dit: Bien là, c'est bien trop compliqué, là, je ne le ferai pas, je ne passerai pas par ce chemin-là. On en a... Il y a des programmes, là, au niveau des municipalités, qu'il y a des fois, là, on décide carrément de ne pas y aller parce que c'est hallucinant, là, tout ce que c'est qu'il faut présenter puis passer, puis la bénédiction de un puis la bénédiction de l'autre. Malheureusement, souvent, ça va tuer certains projets dans l'oeuf. Il ne faudrait pas que ça devienne comme ça.
Maintenant, il faut que ça soit quelque chose qui va nous accompagner, que mais qu'on ait besoin d'experts, qu'on ait besoin de personnes compétentes sur lesquelles on puisse compter...
Le Président (M. Marsan): ...
M. Arcand (Gaston): Ça, ça veut dire que j'ai fini, M. le Président?
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Marsan): ...M. Arcand.
M. Arcand (Gaston): O.K.
Une voix: ...
Le Président (M. Marsan): Mais votre conclusion, M. Arcand.
M. Arcand (Gaston): Bien, en conclusion, je l'ai dit tantôt, en tout cas, j'espère que nos revendications... Et c'est dans un but, là, d'améliorer le processus. On est tout à fait d'accord, je pense que c'est une belle initiative. Il faudrait regarder tout ça, cet accompagnement-là. Encore une fois, les petites municipalités n'ont pas les moyens, n'ont pas toujours les ressources. C'est d'être ouverts à ça, puis on est là pour pouvoir... On veut que ça marche. On aimerait que ça marche un peu plus à notre façon, mais on veut que ça marche pareil. Bien, sur ce, merci de m'avoir écouté.
Le Président (M. Marsan): Alors. M. Arcand, M. Cloutier, merci de votre présentation, de nous avoir fait connaître le point de vue de la Fédération québécoise des municipalités.
Et, sur ce, je lève la séance, et la commission ajourne ses travaux sine die. Merci.
(Fin de la séance à 17 h 58)