(Neuf heures trente-huit minutes)
Le Président (M. Curzi): Bon. Alors donc, comme nous avons le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Et je vais demander à toutes les personnes qui sont dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
Le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques... La ministre n'est pas là.
Une voix: ...
Le Président (M. Curzi): Elle s'en vient. Donc, le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le projet de loi n° 82, la Loi sur le patrimoine culturel.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Richard (Marguerite-D'Youville) est remplacée par Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve) et M. Robert (Prévost) est remplacé par M. Turcotte (Saint-Jean).
**(9 h 40)**Le Président (M. Curzi): Merci. Alors, je vais faire une lecture rapide de l'ordre du jour. Donc, il y aura d'abord les remarques préliminaires. Ensuite, nous recevrons, dans l'ordre: la Conférence régionale des élus de l'Outaouais, la Fédération des chambres de commerce du Québec, l'Union des municipalités du Québec, ce qui va nous mener à 12 h 45, puisque chaque groupe aura une heure.
À 12 h 45, nous suspendrons jusqu'à 14 heures. Et, à ce moment-là, nous recevrons la ville de Montréal, le Regroupement des citoyens et citoyennes pour la protection de l'île d'Orléans, la municipalité régionale du comté de Témiscouata. Voilà pour les organismes. Et ensuite des individus qui auront une demi-heure: MM. Antoine Leduc et Daniel Turp, et M. Pierre Larochelle à 17 h 30, ce qui nous amènera à l'ajournement à 18 heures.
Remarques préliminaires
Dans l'ordre, donc, nous allons commencer immédiatement, sans plus tarder, avec les remarques préliminaires. Mme la ministre, vous disposez de 7 min 30 s pour vos remarques préliminaires.
Mme Christine St-Pierre
Mme St-Pierre: Merci, M. le Président, chers membres de la commission parlementaire. Je salue également nos invités qui seront les premiers à se prononcer sur notre projet de loi, un projet de loi qui est fort important puisqu'il est le fruit d'un long travail qui a été fait sur le terrain pour en venir à la rédaction de ce projet de loi.
À ma gauche, avec moi, je suis accompagnée de Mme Maryline Tremblay, qui est ma conseillère politique dans le dossier du patrimoine, et M. Louis Vallée, qui est sous-ministre adjoint, qui est à ma droite. Je suis également accompagnée de spécialistes du ministère pour nous éclairer s'il y a des questions qui doivent être posées. J'en profite aussi pour saluer nos téléspectateurs, qui vont nous écouter, je pense, en très grand nombre, parce que c'est un dossier, c'est un sujet qui touche beaucoup les Québécois, et qui est fort intéressant, et qui suscite évidemment beaucoup d'intérêt, beaucoup de passion.
Alors, j'en profite aussi pour souhaiter une très bonne année 2011. Nous célébrons cette année le 50e anniversaire du ministère des Affaires culturelles, qui s'appelait, en fait, ministère des Affaires culturelles à l'époque, aujourd'hui ministère de la Culture. Donc, c'est une année qui est vraiment importante.
Donc, c'est avec un grand plaisir que je m'apprête à entendre les citoyens et les groupes intéressés à nous faire part de leurs observations pour une nouvelle législation. Et, je n'hésite pas à le dire, cette nouvelle législation va changer notre rapport au patrimoine.
Je souhaite la bienvenue bien sûr aux personnes issues des milieux patrimoniaux, culturels, politiques et communautaires qui ont déposé des mémoires annonçant des suggestions et des prises de position visant à assurer l'avenir du patrimoine culturel du Québec. Je les remercie de leur présence, de leur engagement envers ce patrimoine qui incarne l'âme du Québec à travers les objets, les bâtiments, les sites, les savoir-faire anciens.
Ce patrimoine, il est notre mémoire, il est l'expression de notre identité collective, il témoigne de la capacité de notre nation à tracer son destin en sachant bien d'où elle vient. C'est donc avec la conscience de vivre un moment historique que j'accueille les participants à ces consultations sur le projet de loi sur le patrimoine culturel.
Nos travaux permettront de faire de précieuses remarques aux législateurs afin d'obtenir une loi claire dans ses définitions, efficiente dans ses moyens et vigilante dans ses prescriptions, car, avant de les enchâsser dans une nouvelle loi, il est nécessaire de valider nos propositions d'orientation auprès des citoyens, des groupes de défense du patrimoine, des propriétaires de biens patrimoniaux, des institutions, des élus municipaux et de toutes les personnes concernées de près ou de loin par la conservation et la transmission de notre héritage.
Nous voulons en effet être sûrs que les changements qui feront de l'actuelle Loi sur les biens culturels une nouvelle loi sur le patrimoine culturel, en fait, que ces changements seront non seulement les bons, mais qu'ils seront également pérennes, efficaces et mobilisateurs. Ces changements sont nombreux et importants. Notre projet de loi contient en effet de très substantielles modifications quant aux façons de considérer et de conserver l'héritage, notre héritage. Ces modifications ont pour but de baser nos actions futures sur une nouvelle définition du patrimoine culturel, de consolider la protection et la mise en valeur de toutes les composantes, ses composantes, d'appliquer la loi avec rigueur et équité et d'offrir aux communautés locales des instruments inédits et de nouveaux pouvoirs.
M. le Président, je m'engage personnellement à être, au cours de nos travaux, une interlocutrice active et attentive, désireuse de recevoir les meilleures suggestions. J'ai donc l'intention de prendre connaissance avec un même soin, une égale attention de toutes les recommandations et objections qui seront faites pendant ces consultations. Je vais rester à l'écoute, car je sais... et je tiens à ce que cet exercice se conclue par l'adoption d'une loi qui entraîne l'adhésion de la majorité, tant chez les experts qu'auprès des élus dans la population.
Cette loi, elle est attendue, M. le Président, c'est le fruit d'un long processus. Nous avons eu tout d'abord le livre vert. Ensuite, nous avons eu cette grande consultation que j'ai faite à travers tout le Québec. Nous nous sommes rendus dans toutes les régions du Québec, nous avons fait plusieurs jours de consultation et on a vu à quel point c'est un sujet qui vraiment attirait beaucoup, beaucoup de commentaires et beaucoup, beaucoup d'attentes. Donc, nous sommes là pour travailler et faire en sorte que cette loi soit adoptée et qu'elle puisse, comme je l'ai dit tout à l'heure, qu'elle puisse évidemment être la loi qui va nous guider pour plusieurs années encore.
Donc, plusieurs participants ici présents embrassent la vision que nous défendons; d'autres sont au contraire plus critiques, dans les mémoires que nous avons reçus. Néanmoins, je ne perds pas de vue que tous, et ça, c'est très, très important de le dire, tous désirent par leur contribution servir le bien public. Nous sommes tous convaincus que le patrimoine culturel est un précieux présent du passé et que sa protection est un enjeu crucial au point de vue du développement durable, de l'affirmation identitaire, de la commémoration historique et du développement économique. Le projet de loi fait de la pérennité du patrimoine culturel un enjeu de société, et c'est un défi que, j'espère, nous relèverons collectivement.
Ce chantier législatif constitue la plus importante initiative en patrimoine culturel depuis l'adoption de la loi, voilà près de 40 ans, cette Loi sur les biens culturels. Et c'est, comme je le disais, en 2011 que nous allons, je l'espère, adopter cette loi, 2011 qui est le 50e anniversaire du ministère.
M. le Président, la loi actuelle a été pendant longtemps un excellent instrument, mais le contexte a beaucoup évolué depuis son adoption. Il est clair que la Loi sur les biens culturels n'a pas été conçue en fonction des réalités du XXIe siècle. Force est de constater en effet que la réalité du patrimoine a beaucoup changé depuis 1972. La notion s'est élargie, et ceux qui s'y intéressent sont plus nombreux, ils proviennent d'horizons diversifiés et ils font preuve d'une plus grande compétence. Depuis quelques années d'ailleurs, ces personnes demandent qu'on procède à une mise à jour essentielle.
La consultation sur le livre vert, dont j'ai parlé tout à l'heure, m'a permis de constater que la nécessité d'une nouvelle loi emporte l'assentiment général, tant des propriétaires de biens patrimoniaux que des citoyens conscientisés, des groupes de défense du patrimoine, des municipalités et également des chercheurs. Plusieurs reprochent à la loi de manquer de mordant, d'autres trouvent que sa portée est trop restreinte, et tous estiment cependant qu'elle doit être mieux en phase avec son temps.
Pendant ces consultations, j'ai été guidée, et je veux souligner leur travail. Avec moi, il y avait Mme Louise Brunelle-Lavoie, M. Fernand Levesque et M. Gérald Grandmont, qui était un peu le sherpa dans ce dossier. Et c'est avec ces spécialistes que nous avons mené cette consultation. C'est avec ces spécialistes que nous avons rédigé le projet de loi.
Alors, la consultation sur le livre vert évidemment m'a permis de constater la nécessité de cette nouvelle loi. Et cette loi a permis la sauvegarde et la mise en valeur de nombreux objets, bâtiments et sites exceptionnels -- la loi que nous avons présentement, la Loi sur les biens culturels -- alors, mais elle accuse son âge, cette loi. À ce jour, cependant, je veux préciser que la loi... avec cette loi, qui a été adoptée en 1972, ce sont 1 725 statuts touchant plus de 67 000 biens culturels mobiliers ou immobiliers qui ont été accordés. Mais la loi doit être modernisée pour faire place à une loi plus complète, plus claire, plus forte.
Concrètement, notre projet de loi propose une réforme du droit applicable à la protection du patrimoine culturel, présentement régie par la Loi sur les biens culturels. Son libellé tient compte de l'évolution de la notion du patrimoine culturel. Elle propose d'assurer la protection et la transmission des témoins de notre passé en renforçant les mesures législatives et en simplifiant certains processus.
Il a aussi pour objectif, ce projet de loi, de favoriser la connaissance et la mise en valeur de notre héritage culturel dans une perspective de développement durable. Le projet de loi introduit une conception...
Une voix: ...
Mme St-Pierre: Est-ce que j'achève mon petit sept minutes?
Le Président (M. Curzi): Il faudrait que vous...
Mme St-Pierre: Ah, c'est trop court.
Le Président (M. Curzi): Disons que c'est un peu dépassé. Si vous pouviez achever...
Mme St-Pierre: Ah, bien, merci. Alors, je vais conclure en, d'abord, saluant tout le monde ici ce matin. Je trouve que c'est un projet de loi qui est extraordinaire et j'ai hâte qu'on continue, qu'on entende tous les mémoires. Ils sont nombreux, et on a beaucoup de gens à entendre, et ça sera vraiment très enrichissant. Alors, voilà, M. le Président. Merci beaucoup.
**(9 h 50)**Le Président (M. Curzi): Merci, Mme la ministre. Je vais céder maintenant la parole au porte-parole de l'opposition officielle en culture, le député de Drummond, pour une période de... des remarques préliminaires d'une durée de 7 min 30 s, étant donné que la deuxième opposition n'est pas présente. Vous avez donc 7 min 30 s.
M. Yves-François Blanchet
M. Blanchet: Merci, M. le Président. Mes meilleurs voeux. Mme la ministre, mes meilleurs voeux. Je sais qu'il est un peu tard en janvier, mais c'est la première fois que nous nous retrouvons à l'Assemblée nationale, alors il me fait plaisir d'adresser mes meilleurs voeux à tout le monde, chers collègues et les gens qui, dans les bureaux où on travaille, culture et patrimoine, ainsi qu'à la maison, vont nous regarder.
Vous savez, il y a un certain nombre de personnes au Québec qui ont fait un choix étant jeunes, ils ont choisi d'étudier qui en histoire, qui en anthropologie, en archéologie, sachant très bien que les débouchés d'emploi dans ces domaines n'étaient pas exactement les plus porteurs. Ils l'ont fait essentiellement par passion, ils l'ont fait parce qu'ils souhaitaient, ils avaient le désir... ils avaient un intérêt pour les sujets de l'archéologie et de l'histoire dont la trace prend la forme de ce qu'on englobe sous le vocable de patrimoine.
J'ai moi-même étudié en anthropologie à l'Université de Montréal, donc évidemment j'ai une sensibilité toute particulière pour le sujet, et même j'ai fait un an d'histoire avant de bifurquer vers l'anthropologie. Et je me considère et je considère tous les gens qui ont la chance de travailler ou de participer à cette commission comme passablement privilégiés parce qu'au-delà de l'environnement politique, au-delà des enjeux dont les médias font état, il y a la responsabilité que nous avons -- et Mme la ministre le soulignait -- de mettre à jour une loi d'une importance extraordinaire pour tous ces objets ou ces... je dirais presque ces valeurs, parce qu'à bien des égards ça devient immatériel, qui sont les porteurs de notre histoire et de gros, gros morceaux de notre identité.
Alors, je pense que c'est un plaisir. Et je pense que cet honneur et cette responsabilité que nous avons pourront paraître, pourront se traduire dans le ton de nos échanges. Parce que je me plais à dire d'emblée que je ne vois pas là un sujet vindicatif, partisan et conflictuel. Je vois là un sujet et un projet de loi dont j'assume... et je suis convaincu qu'il a été développé de bonne foi pour améliorer les choses, et nous sommes tous là pour y travailler. Et donc je m'attends avec bonheur à un échange qui sera intéressant, passablement spécialisé à bien des égards, et j'envisage ça avec beaucoup de plaisir.
Je prends comme exemple, sur une notion précise, le patrimoine comme élément qui est vivant, qui est évolutif, qui se perpétue et qui change. Je ne voudrais pas que les gens qui vont nous écouter, quelles que soient leurs raisons, voient notre démarche comme étant la gestion d'objets poussiéreux sur lesquels on va souffler. Dans 50 ou 100 ans, les historiens au Québec vont parler du début du XXIe siècle comme de la période où le patrimoine architectural religieux aura été progressivement pris en charge par les communautés civiles. Les mêmes immeubles qui étaient des immeubles religieux seront, de façon, croît-on, de plus en plus importante en nombre, transférés sous la responsabilité des communautés qui auront voulu se les approprier. Ce sera le même objet patrimonial, ce sera la même église, ce sera le même immeuble qui sera devenu le centre d'une communauté civile. Ce patrimoine-là, qui remonte très loin dans nos racines, se transforme, il évolue, c'est un phénomène qui est intrinsèquement vivant, et il faut aborder, je pense, la loi sous cet angle.
Je ne le formule pas comme un reproche dans la mesure où je suppose qu'il y a des motifs -- qu'on apprendra sûrement -- mais j'aurais souhaité qu'une politique précède une loi, en ceci que je pense qu'une loi est le bras législatif d'une intention. Et l'intention qui préside à cette réforme au niveau de la gestion de notre patrimoine ne m'est pas apparue limpide dans le projet de loi. Alors, ensemble, j'assume que nous allons y travailler et qu'on va extraire ça.
Ça a coloré beaucoup la lecture du projet de loi en ceci que d'abord je pense que les démarches normales, c'est d'identifier et de reconnaître ce qui constitue le patrimoine, ce qui d'ailleurs, au niveau purement politique, devrait appeler une forme d'inventaire, une forme de répertoire. Une fois que cette étape-là est franchie, il faut s'assurer d'avoir les moyens de préserver -- et je dis bien préserver au sens purement, à la limite, technologique du terme -- préserver l'artefact pour qu'il se perpétue physiquement dans le temps, et protéger, protéger contre des intentions parfois moins nobles qui vont de la simple appropriation privée d'un objet à son commerce à des fins purement lucratives, et enfin diffuser, mettre en valeur, démocratiser, faire connaître notre patrimoine, ce qui est sûrement ultimement la meilleure façon de remplir la vocation première du projet de loi, qui est de protéger et de promouvoir le patrimoine, d'assurer sa pérennité. Plus les gens vont s'y identifier, plus ils vont s'y reconnaître, plus ils vont le connaître, plus ses chances de survivre à travers le temps seront importantes. Ceci étant dit, il faut vraiment extraire ces éléments-là du projet de loi, et j'espère que nous pourrons le faire.
De façon plus prosaïque, il y a des questions qui ont déjà été soulevées. L'actualité nous en a proposé plusieurs qui ne sont pas directement liées à la teneur article par article du projet de loi mais qui sont des questions éminemment patrimoniales et pour lesquelles l'existence d'un projet de loi ou idéalement d'une politique sous-jacente au projet de loi aurait déjà amené des pistes de réflexion considérables, que ce soit la question des municipalités plus petites ou moyennes qui n'ont peut-être pas les ressources matérielles, financières ou l'expertise pour gérer cette nouvelle responsabilité là.
Cette occasion extraordinaire d'ailleurs que nous avons, les gens qui fréquentent la ville de Montréal ou les gens qui fréquentent la capitale, de montrer à l'ensemble des régions du Québec que nous avons une véritable sensibilité, parce que ce sont ces petites communautés qui souvent ne se retrouvent qu'autour de ce lieu architectural qui est leur église... Voici une belle occasion de montrer notre intérêt pour les régions, que ce soit la question fondamentale des paysages, qui appelle, elle, effectivement la question du développement durable, ou que ce soient les inquiétudes soulevées par certains milieux économiques par rapport aux exagérations hypothétiques que ça pourrait amener, craintes que, pour ma part, je n'ai pas beaucoup, mais... mais répondons-y.
Donc, je pense que certains cas qui ont meublé l'actualité très récente ou un peu moins récente, que ce soient les archives, que ce soit la numérisation, que ce soit le cas de la municipalité d'Oka, que ce soit l'église du Très-Saint-Nom-de-Jésus, ne trouveront pas directement une réponse dans le projet de loi mais doivent être capables de trouver la philosophie, les éléments-guides qui feraient en sorte que, lorsque se pose un problème, existent à la fois les ressources et l'expertise.
Je conclurai donc en nous souhaitant de fort intéressants travaux et en rappelant que nous aurons l'esprit ouvert, les oreilles ouvertes assurément et l'oeil ouvert pour être sûrs que cette loi-là ira à terme de façon harmonieuse et utile pour le trésor collectif qui est notre patrimoine. Merci.
Auditions
Le Président (M. Curzi): Merci, M. le député de Drummond. Bien alors, vous êtes déjà en place, le premier groupe qui est déjà là. Et le premier groupe, c'est la Conférence régionale des élus de l'Outaouais. Bonjour. Bienvenue. Je vais demander...
Vous connaissez les règles. Vous avez 15 minutes pour faire votre exposé, et ensuite il y aura une période de 45 minutes qui permettra des échanges entre vous et les personnes de la commission.
Je vais vous demander -- à la porte-parole -- s'il vous plaît, de vous présenter et de nous présenter aussi les personnes qui vous accompagnent.
Conférence régionale des élus
de l'Outaouais (CREO)
Mme Lalande (Paulette): Alors, Mme la ministre, bonjour. Ça me fait bien plaisir d'être ici. Alors, M. le Président, mesdames et messieurs les députés, alors, d'abord, permettez-moi de vous remercier d'avoir invité la Conférence régionale des élus de l'Outaouais de venir discuter avec vous aujourd'hui du projet de loi n° 82.
Et je ne sais pas qui a eu la brillante idée de faire ça dans la salle Louis-Joseph-Papineau, mais je dois vous dire que, pour moi, ce matin, je suis bien contente. Il est là, il nous regarde. S'il y a quelqu'un pour qui on peut justement s'identifier, c'est bien Louis-Joseph Papineau, pour qui... Ce personnage, à travers le Québec et à travers le Canada, a vraiment laissé sa marque. Et, comme disait M. le député, c'était un passionné. Parce que, pour faire de la culture et pour s'assurer que notre patrimoine est protégé, alors il faut être des passionnés.
Alors, je suis accompagnée ce matin... Donc, Paulette Lalande, je suis présidente de la Conférence régionale des élus de l'Outaouais, je suis préfet de la MRC de Papineau, je suis maire de la municipalité de Plaisance justement dans le pays de Papineau. Je suis accompagnée de la vice-présidente, Mme Hélène Gagnon, qui est vice-présidente du CRCO, qui est le Conseil régional de la culture de l'Outaouais, M. Michel-Rémi Lafond, qui en est le directeur général, et M. Réjean Lampron, qui est agent de développement de la conférence régionale des élus.
Alors, suite au dépôt du livre vert, en 2008, proposant de moderniser la Loi sur les biens culturels, la CREO, en collaboration naturellement avec le CRCO, avait produit un avis régional sur le sujet. Et, en 2010, avec la publication du projet de loi n° 82, un nouvel exercice de concertation régionale nous a conduits à la rédaction d'un second avis régional sur la question du patrimoine.
Nous nous présentons devant vous aujourd'hui avec notre partenaire régional et précieux collaborateur en matière de tout ce qui touche la culture, le CRCO, afin d'apporter notre contribution à cet exercice de consultation, ceci dans le but de partager notre vision du contenu, de ce qui ressort de ce projet de loi sur le patrimoine culturel.
**(10 heures)** Et je dois remercier le gouvernement d'avoir créé les CRE. Alors, les CRE, c'est vraiment l'interlocuteur privilégié du gouvernement du Québec en matière de développement régional. Et notre mandat, c'est de favoriser la concertation des partenaires au sein de la région et émettre un avis au gouvernement du Québec sur le développement de la région de l'Outaouais.
Partie intégrante de notre planification stratégique, la CREO accorde une importance de premier plan à la culture dans ses actions, de même qu'à la question du patrimoine. L'existence d'une entente spécifique régionale sur le patrimoine bâti, en collaboration avec le ministère de la Culture, assurant la mise en place d'un inventaire régional et le soutien à des projets de mise en valeur, constitue la preuve que la région porte un intérêt particulier à ce projet de loi et aux outils de sauvegarde et de protection qu'il entend offrir.
On a déjà commencé à réaliser des projets, entre autres un circuit patrimonial à Papineauville, justement dans le pays de Papineau, aussi une grotte, le mont Saint-Joseph, à Saint-André-Avellin, pour qui... J'étais là quand elle a été créée, cette grotte, donc, pour moi, c'est la protection, vraiment, de ce que j'étais puis de ce que je suis maintenant.
Alors, la Conférence régionale des élus a attribué 150 000 $ sur trois ans, de même que le ministère de la Culture, 150 000 $, donc c'est 300 000 $. Et je pense qu'on fait figure de proue dans ce domaine. C'est la première région qui a justement établi une entente spécifique concernant ce patrimoine bâti, puis on en est très fiers. À titre d'exemple, la conférence régionale de l'Outaouais a investi 800 000 $ dans la culture depuis trois ans, les trois dernières années, à travers des ententes avec le ministère, le MCCF, avec le CALQ, avec la SODEC, avec la TJO, qui est la table jeunesse, pour ne citer que ceux-là. Dans cette optique d'engagement dans le milieu, notre intention est de susciter des investissements accrus de la part de la SODEC et du CALQ dans la région de l'Outaouais et de maintenir à... pour maintenir... à soutenir cette culture qui ne demande qu'à se développer chez nous.
Et je dois ici faire peut-être une petite remarque, en quelque sorte. Vous savez, la SODEC, le seul événement qu'elle contribue chez nous, c'est Musiqu'en Nous. Et je pense bien qu'on en a entendu parler, parce que c'est vraiment un événement, en tout cas dans notre coin, qui est très, très, très important. Ce qu'on aimerait, c'est que la SODEC investisse un peu plus dans notre région. Je ne vous dis pas qu'ils n'investissent pas, là. Ce n'est pas ça du tout. Mais je pense que la région de l'Outaouais, on est une région qui a besoin, a le besoin du ministère de la Culture justement pour pouvoir avancer davantage.
De même que le CALQ. Alors, le CALQ, oui, chez nous, il y a des investissements qui sont faits, alors, entre autres le Centre d'arts contemporains, pour lequel la CRE a signé une entente, mais c'est vraiment des... on peut les compter sur nos doigts dans ce domaine-là. Et je pense que, l'Outaouais, on s'attend à ce que peut-être que ça continue. On les a, là, mais ce que je dis, c'est qu'on aimerait que ça continue, puis surtout qu'on en ait davantage.
Et les jeunes ont réalisé justement un projet dans ce cadre-là. L'auberge de jeunesse de Saint-André-Avellin, ça a été créé par les jeunes pour les jeunes et maintenant c'est devenu une salle de spectacle où justement, l'année passée, Musiqu'en Nous est allé s'installer.
Donc, ce sont des projets, pour le monde rural, qui sont tellement, tellement importants. Parce que, vous savez, on pense toujours aux grandes ville, hein? Puis là les grandes villes, elles en ont beaucoup. Mais les petits milieux, ceux-là, là, on en a peut-être plus besoin que les grands centres parce que les distances sont beaucoup plus grandes. Donc, on compte sur vous pour appuyer le monde rural. Alors, je vais laisser la place maintenant à Mme Gagnon.
Mme Gagnon (Hélène): Alors, je vais revenir au projet de loi n° 82. Le projet de loi n° 82 sur le patrimoine culturel rejoint en partie les positions que nous avions exposées en 2008, sans répondre cependant à l'ensemble des inquiétudes ou des voeux que nous avions alors exprimés. Plusieurs propositions posent des jalons à des actions ou à des mesures intéressantes. Or, pour certains de ces éléments, le tout mérite un second regard, histoire de préciser les balises et mesures annoncées dans ce texte de projet de loi. Voici donc les principales constations et commentaires suscités autour de son contenu et de ce que celui-ci entend offrir en termes de modification à propos de la préservation du patrimoine face à tout ce que ce dernier englobe dans sa définition. Les aspects suivants nous sont apparus comme les principales forces contenues dans le projet de loi.
D'abord, la consultation du milieu, l'accent mis sur la consultation du milieu comme préalable à l'action. Et ainsi -- et je cite -- «avant d'établir un plan de conservation ou de le mettre à jour, le conseil [du patrimoine culturel du Québec] prend l'avis du conseil local du patrimoine et demande au propriétaire de l'immeuble ou du site patrimonial cité de lui faire part de ses observations». Un mécanisme qui prévoit donc cette consultation au niveau local avant d'entamer des démarches sur le plan national, chose très intéressante, qui constitue une manière de sensibiliser davantage les propriétaires au patrimoine en accroissant leur rôle dans la préservation.
Les paysages culturels, l'intégration des paysages culturels patrimoniaux en matière de préservation. Nous exprimons certaines craintes, à savoir... Nous nous demandons, en fait: Est-ce que nous pourrions protéger un paysage si celui-ci est d'importance locale ou régionale et non nationale? Un tel projet de loi doit permettre la protection des sites qui, sans être de portée nationale, ont un intérêt certain pour une communauté locale ou régionale. Il faut également voir à établir les critères d'identification associés à ces paysages culturels.
La responsabilisation des propriétaires, que nous retrouvons, l'importance accordée à ce que tout propriétaire d'un bien patrimonial cité doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la préservation de la valeur patrimoniale de ce bien, ceci signifiant que les propriétaires doivent se responsabiliser en tant que dépositaires d'un bien de cette nature, apportant ainsi un plus à la situation prévalant actuellement.
Autre point qui nous semble intéressant, les aspects... C'est-à-dire, je vais passer immédiatement aux aspects à préciser ou à bonifier. À la lumière des propositions contenues dans le texte du projet de loi, certaines dispositions nous apparaissaient importantes à bonifier ou à préciser dans le cadre de ce qui sera appelé à faire partie de la loi.
D'abord, l'expertise requise. Point essentiel pour nous, la nécessité d'avoir à la disposition des municipalités, des MRC, bref dans les régions... d'une expertise, c'est-à-dire d'être appuyés dans l'application de la loi. Considérant les possibilités offertes dans la loi, que ce soit pour les désignations, l'élaboration des plans de conservation ou la création de comité local du patrimoine, cet apport viendrait asseoir les actions des milieux dépourvus de l'expertise adéquate.
Les archives et les musées. Comme souligné dans notre mémoire de 2008, nous déplorons le silence entourant la contribution des musées et des institutions archivistiques en tant qu'acteurs dynamiques de la préservation du patrimoine. Ainsi, une loi sur le patrimoine culturel qui se veut complète et qui englobe les artefacts et les documents doit faire place à cette contribution majeure. Soulignons qu'au chapitre des musées l'Outaouais figure parmi les régions les moins privilégiées, ne comptant que trois institutions muséales reconnues, ce qui n'est pas sans incidence sur la mise en valeur du patrimoine de notre région.
**(10 h 10)**Mme Lalande (Paulette): Écoutez, les comités consultatifs, les CCU d'urbanisme, vous comprendrez que, dans le milieu rural, les gens qui sont là, ce sont des gens de très, très, très bonne volonté, ils font de l'excellent travail, mais vous comprendrez qu'ils n'ont pas l'expertise pour reconnaître, par exemple, le mandat qu'ils ont au niveau caractère patrimonial, donc. Puis je suis dans une petite municipalité, et dernièrement, justement, on a été confrontés au fait de reconnaître dans notre municipalité les bâtiments patrimoniaux pour lesquels on était... Même moi, j'étais un petit peu dépourvue parce que je ne suis pas une spécialiste dans ce domaine-là.
Donc, ce que je pense, c'est qu'on donne beaucoup trop... on veut donner trop d'importance aux comités consultatifs d'urbanisme, pour lesquels majoritairement... Je ne dis pas que, dans les grandes villes, par exemple... probablement qu'il y a des experts qui sont capables de tout faire ça. Mais, dans le monde rural des petites municipalités, je ne pense pas qu'on ait cette expertise-là. Et, nous, ce qu'on dit, c'est qu'il y aurait lieu de privilégier davantage la formule de l'instance proposée ici dans le projet de loi, soit le Conseil du patrimoine culturel du Québec, adapté toutefois à une approche régionale, peut-être à un niveau de MRC, en vue de s'acquitter de ce mandat, et ça, en lien avec les comités consultatifs d'urbanisme. Bien sûr, ils doivent avoir un mot à dire, mais on ne devrait pas compter uniquement sur eux, parce que souvent ils n'ont pas l'expertise dans ce domaine-là. Puis, comme on veut bien protéger puis qu'on est dans la région de Papineau -- je parle pour nous -- alors c'est sûr que c'est doublement... on a doublement une tâche, donc on aimerait bien que cette partie-là revienne par le Conseil du patrimoine culturel du Québec.
Et, pour ce qui touche les inventaires, j'en ai parlé tantôt, hein, nous, dans l'Outaouais, alors on insiste beaucoup sur l'importance de se doter d'un inventaire national qui s'inspirerait... qui viendrait compléter les initiatives existantes. Puis nous souhaiterions qu'un tel inventaire puisse instaurer des critères nationaux propres à orienter des chantiers du genre dans les régions afin de faciliter les comparables, ce qui pourrait donc se faire en lien avec les inventaires régionaux. Nous autres, on en a un, dans l'Outaouais. On pourrait même servir d'exemple, ça nous ferait énormément plaisir, pour le reste du Québec. Donc, je pense que ce serait une bonne chose.
Mme Gagnon (Hélène): Les mesures nécessaires de préservation. Lorsque l'on mentionne que «tout propriétaire d'un bien patrimonial classé ou cité doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la préservation de la valeur patrimoniale de ce bien», qu'entend-on par «mesures nécessaires»? L'idée étant d'éviter des interprétations à toutes les sauces. Il faudrait préciser en quoi... Oui?
Le Président (M. Curzi): Je voulais vous prévenir que vraiment on est aux limites du temps. Alors, si vous voulez peut-être aller vers votre conclusion, et on pourra revenir sur des éléments de votre mémoire, en réponse aux questions.
Mme Gagnon (Hélène): D'accord. Parfait.
Mme Lalande (Paulette): Alors, c'est moi qui vais conclure. Alors, merci beaucoup, hein, de... On a fait une présentation. Nous, dans l'Outaouais, là, on est reconnus comme étant des gens très, très, très actifs puis on a beaucoup de projets pilotes qui ont servi d'exemples. On a juste à penser carrefour jeunesse-emploi, le CLSC, les ressources naturelles. Alors là, on aimerait que, notre région, au niveau de la culture, vous ouvriez les valves puis les vannes, pour que vous puissiez nous doter de plus d'argent afin qu'on devienne, au Québec, un exemple puis qu'on puisse, nous autres aussi, avoir des projets pilotes qui vont servir pour le reste du Québec.
Merci beaucoup de nous avoir reçus. Ce fut un plaisir d'être ici, surtout dans la salle Louis-Joseph-Papineau.
Le Président (M. Curzi): Merci, Mme Lalande. Donc, nous allons passer à la période des échanges. Et le groupe qui forme le gouvernement aura 22 min 30 s, et la même chose pour l'opposition, étant donné qu'il n'y en a qu'une seule.
Mme St-Pierre: Merci. Merci, Mme Lalande. C'est rafraîchissant de vous entendre ce matin. Quel départ pour notre commission parlementaire! Alors, avant de continuer, j'aimerais présenter les gens qui m'accompagnent du côté de la députation: mon adjoint parlementaire, le député de Lévis. Nous avons également la présence du député de Charlesbourg, la députée de Mille-Îles et le député de Jacques-Cartier. Alors, il est possible qu'ils vous posent également des questions parce que c'est un sujet qui les intéresse aussi énormément.
Vous avez parlé évidemment... vous avez débordé un peu du projet de loi. Et on comprend votre passion, puisque j'ai eu l'occasion d'aller vous suivre une journée, à un moment donné, dans votre région, et on sait, à vous côtoyer, que vous avez énormément d'énergie, vous êtes une grande amoureuse de la région. Alors, M. le Président, je vous invite à aller faire un tour avec Mme Lalande sur la piste cyclable, qui est absolument extraordinaire, qui passe sur des terres magnifiques dans la région, et ce sera une visite guidée que vous n'oublierez jamais.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme St-Pierre: Bon. Alors, maintenant, pour ce qui est du projet de loi, je remarque, bon, que vous saluez ce projet de loi là, vous êtes... Puis vous étiez présents, vous étiez présentes, d'ailleurs, lors des consultations. À la lecture de votre mémoire, il semble y avoir des craintes et des confusions concernant les différents termes, que nous introduisons, de protection. Nous avons un classement, là, différent dans les types de protection, donc la déclaration, la désignation d'un... la déclaration d'un site patrimonial, la désignation d'un paysage culturel patrimonial, la désignation du patrimoine immatériel, le classement, du pouvoir de la ministre, l'identification et la citation. Donc, on ajoute des catégories. Pouvez-vous expliquer plus précisément quelles sont vos craintes par rapport à ces différentes classifications ou catégories? Appelons ça des catégories.
Mme Lalande (Paulette): Réjean.
M. Lampron (Réjean): Oui, bien, en fait, comme on le mentionnait tout à l'heure, bon, la question du patrimoine, on sait qu'elle soulève beaucoup d'intérêt de la part du public, de la population et de plus en plus des élus. Mais effectivement on sent que, pour certains des élus, la bonne foi est là de vouloir préserver, mais ils se sentent souvent démunis. Donc, il y aurait un accompagnement à faire et, je dirais, peut-être même un support qui pourrait être apporté, soit par les directions régionales, à l'aide d'une ressource dédiée qui pourrait justement faire en sorte d'accompagner les différentes municipalités qui veulent désigner ou utiliser ces différents outils là pour lesquels les gens ne sont pas toujours familiers. Parce qu'il y a beaucoup d'implications dans chacune des appellations, ce qui fait en sorte que souvent les gens se retrouvent un petit peu démunis, là, par rapport aux différentes définitions, désignations. Donc, c'est vraiment un accompagnement, là, précis, à ce niveau-là.
Mme St-Pierre: Vous avez raison, parce qu'on a remarqué que, par exemple, la citation peut amener certaines craintes par rapport au propriétaire dont le bâtiment pourrait être cité. Puis en fait ce n'est pas des craintes qu'on veut amener, c'est une protection. Et ça donne également un droit pour recevoir des sommes du Fonds du patrimoine culturel, donc ça a aussi des avantages. Et ça peut augmenter la valeur d'une propriété. Alors, il y a des choses très positives par rapport aux protections qu'on peut accorder.
Et, dans notre projet de loi, on étend également la protection que les municipalités peuvent donner à l'intérieur des bâtiments. Présentement, la citation, ce n'est que l'enveloppe. Une municipalité peut citer un bâtiment qu'elle considère comme de valeur patrimoniale locale, mais, à l'intérieur, la loi était muette là-dessus. Donc, on vient dire aussi: Vous pouvez protéger l'intérieur des bâtiments que vous pourriez décider de citer. Ça, je pense que c'est un plus.
Pour ce qui est de vos remarques concernant l'expertise, on en prend bonne note. Effectivement, les directions régionales sont sur le terrain. Ce sont les yeux et les oreilles du ministre. Et ils ont beaucoup, beaucoup de travail, des grands territoires. Ils m'impressionnent beaucoup, d'ailleurs, quand je vais les visiter. Mais on pourrait peut-être essayer de trouver une façon que vous ayez accès à une expertise pour vous aider ou aider les plus petites municipalités qui auraient besoin d'avoir des conseils, sans non plus... Parce que ce qu'on nous dit aussi, c'est qu'on ne veut pas que tout vienne d'en haut, on veut qu'il y ait aussi des décisions qui viennent de la population. On ne veut pas que tout soit dicté par en haut puis qu'on décrète, là.
M. Lampron (Réjean): En fait, c'est au niveau aussi des retombées par chaque... Bon, les désignations entraînent certaines retombées, et il y a certains des élus qui ont des inquiétudes: Quelles sont les conséquences si on fait telle action plutôt qu'une autre? Donc, c'est vraiment ce genre d'accompagnement qui serait très propre à peut-être favoriser, même susciter, là, une plus grande adhésion à la protection du patrimoine dans les milieux ruraux, entre autres.
Mme St-Pierre: D'ailleurs, on a prévu qu'il y aura des guides qui seront préparés après l'adoption du projet de loi. On va avoir aussi des présences dans les... à l'Union des municipalités et à la fédération pour aller expliquer davantage. Évidemment, on va faire une action, là, plus pédagogique, là. C'est un processus qui est très long, qui a déjà commencé il y a plusieurs années, mais évidemment, une fois qu'il sera adopté, il faudra qu'on aille encore refaire les explications. Pour ce qui est...
Le Président (M. Curzi): M. Lafond... Pardonnez-moi, Mme la ministre.
Mme St-Pierre: Oui.
Le Président (M. Curzi): Monsieur, vous vouliez ajouter quelque chose?
M. Lafond (Michel-Rémi): Si vous permettez, Mme la ministre...
Mme St-Pierre: Oui. Excusez-moi.
M. Lafond (Michel-Rémi): ...et membres de la commission. Un des problèmes dont mon collègue a parlé rapidement, c'est souvent le fait que, dans les milieux municipaux, on est devant un problème, je dirais, de contradiction ou d'incohérence entre la protection du patrimoine et le droit de propriété. Et alors ce qu'on entend souvent, c'est le... Une citation ou du moins une démarche de citation, c'est vu et perçu comme étant une limitation au droit de propriété. Et ça, je pense que c'est extrêmement important à clarifier parce qu'effectivement c'est sûr que ça a des incidences sur le droit de propriété. Et, en ce sens-là, est-ce que le droit de propriété est un droit absolu dans le sens, par exemple, de la protection du patrimoine?
Et donc il y a des choses comme ça avec lesquelles il faut travailler dans les milieux municipaux, non seulement dans le monde rural, mais également dans les grandes villes. Je peux vous dire qu'à Gatineau même il y a effectivement des contradictions au sein même de l'administration municipale, quand on regarde le CCU et la commission de la culture, où parfois la main gauche ne sait pas ce que la main droite fait, alors, et ça pose de sérieux problèmes à cet égard-là.
**(10 h 20)**Mme St-Pierre: Oui, il y a évidemment certaines contraintes. Le propriétaire a, une fois que c'est fait, évidemment, à se conformer à la loi. Mais en même temps je pense qu'il y a des avantages, il y a des plus, parce que ça donne encore une... ça donne une plus grande valeur à sa propriété, pas uniquement en termes monétaires, mais également en termes de reconnaissance de la propriété. Puis je pense que, quand les propriétaires le comprennent très bien, ils sont très fiers de ces classements ou de ces citations.
Mme Lalande, vous avez parlé beaucoup des questions de sous. Je suis convaincue et en fait je sais que, pendant cette commission parlementaire, on va nous en parler beaucoup. Évidemment, les Québécois considèrent qu'ils paient suffisamment d'impôt. Alors, comprenez qu'il y a beaucoup, beaucoup de désirs, mais en même temps il y a des limites à ce qu'on peut demander aux contribuables québécois.
Vous avez sans doute remarqué que nous avons introduit dans le projet de loi un pouvoir de tarification. C'est un pouvoir qui permettrait, lorsqu'il y a émission de permis, puisqu'il y a beaucoup de travail qui est fait pour l'étude, lorsque les projets arrivent, qu'il y aurait une tarification, et le fruit de cette tarification-là serait versé au Fonds du patrimoine culturel. Alors, c'est un argent qui reviendrait dans le patrimoine. Est-ce que c'est une notion que vous trouvez intéressante ou est-ce que vous auriez des choses... des idées sur les questions, comment on peut aller aussi chercher des montants, des montants d'argent, des...
Mme Lalande (Paulette): Écoutez, je vais parler pour le monde rural, bien sûr, hein? Alors, les tarifications, souvent ça nous fait mal, dans le monde rural. Tu sais, je veux dire, je pense aux bibliothèques, par exemple, pour lesquelles... Je m'en suis occupée pendant de nombreuses années. S'il fallait qu'on impose aux gens qui viennent aux bibliothèques un tarif... Souvent, c'est le seul endroit dans une municipalité où ils ont accès à la culture. Tu sais, je me dis, il y a un minimum pour lequel notre société... Notre société a besoin de ça. Et on dit souvent qu'une fois que tu as tout oublié la seule chose qu'il te reste, c'est la culture.
Bien, je pense que, oui, vous avez raison, c'est vrai qu'on paie beaucoup d'impôt, effectivement, mais il y a peut-être aussi une question de priorité, là. Moi, je pense que la culture, dans un pays, dans une province comme la nôtre, je suis certaine que le gouvernement considère que c'est très, très, très important, vous l'avez démontré de par les années passées, et ce qu'on souhaite, c'est que vous continuiez dans la même ligne, surtout pour le monde rural, donc, parce que je pense qu'on en a plus besoin. Parce que les distances sont énormes, hein? Donc, c'est certain que l'accès à la culture, si elle n'est pas subventionnée, pour le monde rural, si on n'a pas cette aide du gouvernement, ça va être beaucoup plus difficile.
Vous parlez de tarifs. C'est sûr que je ne suis pas contre le fait d'avoir quelque chose de base, mais, pour chez nous, par exemple pour les aînés, pour les jeunes, qui ont tellement besoin de tout ça, ils sont souvent démunis aussi parce qu'ils n'ont pas les sommes d'argent. Donc, je suis réticente un petit peu de ce côté-là. Ça ne veut pas dire que je suis contre. Mais il faut faire bien attention parce qu'il faut protéger notre monde. Il faut protéger notre monde rural, là, qui a besoin du gouvernement du Québec pour s'épanouir, surtout dans le domaine de la culture. Puis vous le faites bien, là. Écoutez, moi, j'ai juste à penser à Plaisance, où vous venez d'accorder une grosse subvention pour un centre, justement, pour la protection du patrimoine. Puis vous l'avez fait dans d'autres régions du Québec. On a besoin de vous, Mme la ministre, énormément, dans le domaine de la culture. Ça, je le répète, puis je le répète pour tout le monde qui sont ici, hein? Je pense que c'est la base de notre vie, hein, où Joseph Papineau, là, s'il ne s'était pas battu, là, pendant des années pour que notre pays ou notre province soit ce qu'elle est, alors on n'en serait pas là.
Le Président (M. Curzi): Mme la ministre.
Mme Lalande (Paulette): Je ne pense pas qu'il imposait des tarifs. En tout cas, je n'ai pas fait d'étude sur ça. Je ne suis pas assez versée dans le domaine patrimonial, là, pour...
Mme St-Pierre: Juste pour vous expliquer un peu l'esprit derrière cela, c'est que, vous savez, au cours des trois dernières années, il y a eu 33 demandes de permis pour des projets qui totalisaient 526 millions de dollars. 526 millions de dollars. Ce sont des projets de 5 millions et plus. Là, on parle de projets qui touchent, bon, des modifications en condominiums ou des choses comme celles-là, qui demandent énormément de travail de la part des experts du ministère. Donc, 526 millions de dollars, c'est beaucoup, beaucoup, beaucoup d'argent. Et je ne parle pas de...
Quand on parle de tarification, on ne parle pas de tarifer la... d'imposer un tarif à chaque citoyen. Mais, alors, si un promoteur arrive avec un projet et qu'il a besoin d'un permis, si on arrive avec une tarification et que cet argent-là s'en va dans le Fonds du patrimoine culturel, qui, lui, aide à la restauration des bâtiments et la mise aux normes des bâtiments, on aide... en fait, on amène de l'eau au moulin, là. Il n'y a aucun sous, là, qui ont été chargés pour ces 33... l'émission de 33 permis pour 526 millions de dollars. C'est beaucoup, beaucoup d'argent pour une expertise qui est quand même considérable.
Alors, c'était juste pour vous éclairer un peu. Puis il y a eu nombre de demandes, il y a eu 942 demandes, pour l'équivalent de 3 millions. Alors, il y a des tarifs qui ne seraient pas énormes. Mais, si on pense à des gros projets importants, bien ça pourrait être peut-être une avenue intéressante.
Mme Lalande (Paulette): ...peut-être pas tellement bien compris le sens de votre tarification, là. Moi, je pensais au...
Mme St-Pierre: Oui.
Mme Lalande (Paulette): ...notre petit monde, le monde chez nous, là, qui était obligé d'avoir...
Mme St-Pierre: Quelqu'un qui rentre à la bibliothèque, là.
Mme Lalande (Paulette): Oui. Bien là, ça me fait mal un peu, là, tu sais.
Mme St-Pierre: Ce n'est pas ça, l'idée.
Mme Lalande (Paulette): Mais il y a autre chose.
Mme St-Pierre: Vous avez parlé des archives. Je vous souligne, et je l'ai fait pendant la commission... la tournée québécoise, qu'on a une loi sur les archives. Alors, on ne retrouve pas la notion d'archives dans cette loi-là parce qu'on a déjà une loi sur les archives, donc, et...
Mme Lalande (Paulette): J'imagine que, pour le patrimoine religieux, c'est la même chose, parce qu'on n'en parle pas dans cet avis, donc ça doit être à part, pour la protection du patrimoine religieux.
Mme St-Pierre: En fait, c'est le patrimoine. On ne l'a pas catégorisé. On a voulu que ça soit la notion de patrimoine en général, et bien sûr ça inclut le patrimoine moderne, le patrimoine religieux, le patrimoine autochtone, tous les... le patrimoine agricole, le patrimoine immatériel. Enfin, il y a tous les types de patrimoines, là, qui sont... C'est un grand terme. C'est un grand, grand, grand parapluie. Moi, je n'ai pas d'autre question, M. le Président. Je ne sais pas s'il reste du temps pour mes collègues.
Le Président (M. Curzi): Oui, il reste du temps pour les collègues...
Mme St-Pierre: Merci beaucoup.
Le Président (M. Curzi): ...qui voudront prendre la parole.
Mme St-Pierre: Ah! Je pense qu'il y a quelqu'un qui voulait dire quelque chose.
Le Président (M. Curzi): Il reste...
M. Lampron (Réjean): Juste une précision.
Le Président (M. Curzi): Il vous reste huit minutes. Donc, est-ce qu'il y a d'autres députés...
Une voix: ...
Le Président (M. Curzi): Ah! M. Gagnon? Ou monsieur...
M. Lampron (Réjean): Je veux peut-être juste apporter une précision concernant le...
Le Président (M. Curzi): M. Lampron.
M. Lampron (Réjean): ...concernant l'élément tarification. Vous avez sûrement vu que, dans le mémoire, on souligne que le fonds était une avenue intéressante. Bon. Concernant ce que Mme Lalande disait au niveau du patrimoine religieux, c'est sûr qu'on ne le retrouve pas nommément, mais on sait qu'il y a beaucoup de problématiques dans ce créneau-là et on ne voulait surtout pas que ce soit oublié.
Je me demande si, à l'échelle nationale, l'idée de l'inventaire, d'inventorier tout ce qu'il y a au niveau du Québec en termes d'éléments... Je sais qu'au niveau du patrimoine religieux il y a un travail qui a été fait là-dessus. Mais, au niveau de l'ensemble de ce qui est les maisons anciennes, ou tout ça, si on disposait de cette information-là, il y aurait peut-être moyen par la suite de prioriser et de voir, parmi les projets qui sont reçus, en termes de priorité... Je ne sais pas s'il y a une formule qui pourrait être associée à ça.
Et finalement, sur la loi concernant les archives, on voulait faire un rappel sur, peut-être, la moderniser. Je crois que ça fait 25 ans que ça n'a pas été modernisé. Alors, c'était à titre de rappel, dans le mémoire, qu'on indiquait...
Le Président (M. Curzi): Mme la ministre, oui, en réponse?
Mme St-Pierre: Juste pour souligner, pour le patrimoine religieux, là aussi il y a des choses, là, qui se véhiculent, mais, moi, je voudrais donner les chiffres. Ce sont des faits. Depuis 1995, le ministère a injecté, à partir du Fonds du patrimoine religieux, 240 millions de dollars pour 2 310 interventions qui touchent 615 bâtiments, et ce qui totalise des sommes de 346 millions de dollars. Donc, il y a des choses qui se font en patrimoine religieux, au Québec. Oui, on voudrait en faire plus, bien sûr, ce n'est pas encore parfait, mais il y a vraiment des choses importantes qui se font depuis 1995 dans le dossier du patrimoine religieux. Alors...
Le Président (M. Curzi): Merci, Mme la ministre. M. le député de Lévis, vous voulez prendre la parole?
M. Lehouillier: Oui. Moi, j'avais une petite question au niveau des amendes. Vous avez fait un commentaire à l'effet que vous croyez que, les tailles de villes plus importantes, au niveau des entreprises, les amendes devraient être encore plus élevées. Sur quoi vous basez-vous?
Le Président (M. Curzi): Oui.
M. Lampron (Réjean): Oui. Bien, en fait...
**(10 h 30)**Une voix: ...
M. Lampron (Réjean): ...c'est parce qu'on a eu quelques cas de promoteurs qui détenaient des bâtiments dans... bon, il faut le dire, à Gatineau, là, qui est la grosse ville en Outaouais, et donc qui ont fait fi des avertissements, et tout ça, ce qui a fait en sorte qu'on a eu un cas de la maison Chez Henri, l'hôtel Chez Henri en fait, qui a été abîmé et, malgré, bon, certaines interventions, ça n'a pas donné les résultats escomptés. Alors, on voulait peut-être qu'à ce niveau-là, surtout dans des cas comme celui-là où des promoteurs veulent faire du développement immobilier et qu'ils sont propriétaires de lieux qui ont un caractère patrimonial, qu'on puisse avoir les outils pour faire en sorte que cette sauvegarde-là puisse être davantage en place. Parce que, dans ce cas-là en particulier, ça a malheureusement été une expérience qui n'était pas très heureuse.
Le Président (M. Curzi): Le député de Lévis.
M. Lehouillier: O.K. Et vous me dites que, dans certains cas, même si les amendes peuvent aller jusqu'à 1 140 000 $, vous me dites: Il faudrait regarder dans les grandes villes pour avoir quelque chose d'encore plus fort que ça si...
M. Lampron (Réjean): Bien, en fait, c'est pour moduler de façon à ce qu'on puisse éviter ce genre de situation là.
M. Lehouillier: O.K.
M. Lafond (Michel-Rémi): En fait, si vous permettez, un propriétaire qui effectivement est lié à un édifice patrimonial et qui décide de le démolir, en fait, pour construire éventuellement des condos, fondamentalement une amende de 2 millions de dollars quand, en bout de piste, il y aura des revenus et puis il y aura des sommes d'argent qui lui arriveront dans l'ordre du 20, 30, 40 ou 50 millions, le 2 millions finalement ça ne vient pas chercher grand-chose dans sa poche.
Et précisément ce dont M. Lampron parlait, Chez Henri, Chez Henri, qui est au centre-ville de Gatineau, qui était un édifice qui était extrêmement important, patrimonial, et cet édifice-là a été... il y a eu une entreprise de démolition, alors qu'on avait averti déjà la direction régionale du ministère de la Culture à l'époque, on avait averti la ville de Gatineau pendant des années. Et, à un moment donné, je peux vous dire une chose, c'est que, le Vendredi saint, alors que tout le monde ne travaille pas le Vendredi saint, bien, le Vendredi saint, il y avait... une entreprise de démolition s'est faite en arrière de l'édifice, de telle sorte que, le lundi de Pâques, tout s'est arrêté, mais le tort était fait, il ne restait que la façade de l'édifice. Autrement dit, l'édifice patrimonial, tel qu'il existait, n'existe plus. Il reste, en fait, là, la façade, et on a complètement refait l'édifice, qui ne ressemble à peu près pas à ce que l'édifice devrait ressembler. Et c'est dans ce sens-là que le propriétaire finalement a fait fi de toutes les règles pour pouvoir aller de l'avant avec son projet initial. Et, en ce sens-là, dans les grandes villes, je pense qu'il y a du travail à faire auprès de la ville avec la Loi sur le patrimoine.
Le Président (M. Curzi): M. le député de Lévis, il vous reste environ deux, trois minutes.
M. Lehouillier: Oui. Alors, c'est sûr qu'au niveau du projet de loi, la ministre en a parlé aussi tout à l'heure, il va y avoir de mis à la disposition des municipalités une expertise en patrimoine. Comment vous voyez le rôle du ministère par rapport à ça? Parce que vous avez soulevé tantôt certaines inquiétudes eu égard à ça. Et, moi, j'ai déjà été élu municipal, puis on sait que, quand on cite quelque chose, bien là les élus sont un peu craintifs face aux conséquences. Alors, comment vous voyez le rôle du ministère par rapport à ça en région, là? Demain matin, vous dites: Bon, bien, on est prêts à citer un bâtiment. Comment vous voyez le rôle du ministère en région, par rapport à ça?
Mme Lalande (Paulette): Bien, moi, je pense qu'il doit absolument nous assister. Ça le dit, là. Donc, ça doit être une personne que, quand on a besoin justement pour... qu'elle nous guide, qu'elle nous dise est-ce qu'il faut le désigner, est-ce qu'il ne faut pas le désigner. Il y a toujours la question aussi du propriétaire, ce n'est pas évident. Il y a des propriétaires qui disent: Moi, je ne veux rien savoir de ça, là. Des fois, c'est parce qu'ils n'ont peut-être pas compris vraiment le sens de le préserver.
Alors, cette personne-là qui vient, dit: Moi, je vais lui dire, tu sais, il peut aussi bien dire: Mais qu'est-ce que tu connais dans ça, toi, tu sais? J'ai beau en avoir une, forme d'expertise, mais très, très, très minime. Alors que, si on lui dit: Écoute, c'est quelqu'un du ministère, c'est une personne qui s'y connaît; elle, elle va t'expliquer exactement pourquoi on veut le protéger, qu'est-ce que ça va t'apporter, peut-être qu'est-ce que ça va t'enlever...
Mais, pour des personnes, le fait d'avoir un expert qui vient leur dire, c'est toujours beaucoup plus crédible. C'est vraiment dans ce sens-là qu'on a besoin d'une personne, puis que ça ne revienne pas au Comité consultatif d'urbanisme, là. Dans les grandes villes, je comprends, ils ont des experts, mais, nous, là, ce sont des bénévoles. On a des conseillers municipaux, bien sûr, puis j'en fais partie, mais on n'a pas, dans le monde rural, souvent, des experts. On en a peut-être.
Mais il faut absolument que, justement, les ministères en région soient là pour nous accompagner. Puis je suis persuadée qu'ils vont se faire un plaisir si on leur en donne le mandat. C'est tout simplement ça. Puis, je comprends, c'est peut-être des sommes d'argent supplémentaires, mais c'est tellement bon pour les petites communautés qui... Nous, on ne peut pas, on ne peut pas se payer ça. Même une MRC, là. Tu sais, je veux dire, vous allez dire: Oui, mais, la MRC, mettez-vous ensemble puis ayez une personne. Bien, on ne pourra pas le faire, parce que souvent ces gens-là, ce sont des experts, puis les experts, bien, je veux dire, ce sont des gens qui... il faut qu'on les paie puis il faut qu'on les paie comme il faut, là.
Donc, c'est vraiment dans ce sens-là qu'on a besoin, en région, dans chaque région, d'avoir quelqu'un qui va venir nous appuyer, nous aider pour prendre les bonnes décisions. Parce que prendre une mauvaise décision dans ce domaine-là, c'est grave, là, tu sais, je veux dire, il faut vraiment... Tu sais, si tu en protèges... tu es mieux d'en protéger moins, de bien les protéger puis d'être certain qu'ils vont être respectés dans le temps. Dans 50 ans, on dira de nous: Ah! il y a eu une commission parlementaire, ils ont demandé telle affaire, on leur a dit oui, et ça a donné quelque chose.
Le Président (M. Curzi): Merci, Mme Lalande.
Mme Lalande (Paulette): C'est vraiment dans ce sens-là.
Le Président (M. Curzi): Votre période de temps étant terminée, je vais maintenant céder la parole à l'opposition. M. le député de Drummond.
M. Blanchet: Merci, M. le Président. Mme la mairesse, messieurs dames, Plaisance est en effet un très agréable endroit, avec une progéniture remarquable, puisque ma compagne en est originaire.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Blanchet: Et mon beau-frère est sur votre conseil municipal.
Mme Lalande (Paulette): Votre beau-frère?
M. Blanchet: Bien oui!
Mme Lalande (Paulette): Comment s'appelle-t-il?
M. Blanchet: Bien, on en parlera tout à l'heure, mais il s'appelle Luc Galarneau.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Lalande (Paulette): Bien là, vous pourriez le dire, ça nous ferait plaisir, ça va être à la télévision...
M. Blanchet: Bonjour, Luc!
Mme Lalande (Paulette): Luc? Ah bon! Parfait.
Une voix: Il déclare ses intérêts.
M. Blanchet: Écoutez... Oui, c'est ça, déclaration d'intérêts.
Des voix: Ha, ha, ha!
Une voix: La nouvelle loi!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Blanchet: Quand je vais manger chez mon beau-frère, je vérifie la valeur du repas que je consomme.
Mme Lalande (Paulette): Oui?
M. Blanchet: C'est bien pour dire! Écoutez, madame, j'imagine bien qu'une municipalité ou une conférence régionale des élus reçoit le projet de loi et dit... et j'imagine que la première réaction en est une d'enthousiasme: C'est intéressant, on va mettre à jour quelque chose d'important. Parce que les enjeux et les questions à caractère patrimonial reviennent sur une base très régulière. Le prototype est évidemment d'arrêter devant une maison puis dire: Wow!, c'est donc beau, il ne faudrait pas que ça se perde. Et c'est tout ça qui, après ça, s'articule dans une mécanique assez complexe.
J'imagine aussi qu'une fois qu'on l'a lu et qu'on a essayé de comprendre un projet de loi qui a quand même 269 articles... Et ce n'est pas limpide, même pour les gens qui ont une expertise, donc j'imagine qu'il y a un défi à vouloir le comprendre. Vous avez réagi assez fortement à la question d'hypothétiques tarifs. Donc, évidemment, la question des coûts apparaît assez vite. Les municipalités soulèvent l'enjeu de: Vous nous transférez, dans le projet de loi, une responsabilité, mais nous n'avons pas nécessairement les moyens financiers pour le gérer -- vous l'avez soulevé -- et peut-être encore moins les expertises techniques pour être capables de réaliser ce mandat-là.
Ma question, c'est: Est-ce que vous vous êtes penchés en effet sur qu'est-ce que ça coûterait, sur qu'est-ce que ça implique, essayé d'extraire du projet de loi: Écoutez, la responsabilité que nous avons maintenant, nous, à Plaisance ou, nous, à Gatineau, c'est ça, ça, ça; ça va nous prendre quoi, ça va nous coûter combien? Avez-vous fait cet exercice?
Mme Lalande (Paulette): Je dois vous dire, honnêtement, non, parce que j'ai toujours pensé que ce serait le gouvernement qui l'assumerait pour les petites communautés. Je ne l'ai pas fait, je suis honnête avec vous, parce que je suis persuadée que ça nous coûterait quand même cher, dans le sens que... Puis, je pense, on a une responsabilité, vous avez raison, en tant que municipalité, les MRC, on a une responsabilité, mais je pense que le gouvernement aussi du Québec a une responsabilité vis-à-vis ça. Puis ils ont les experts, eux autres, et ça fait des années qu'ils s'en occupent. Donc, à ce moment-là, ils sont beaucoup plus outillés qu'on peut l'être dans le monde rural. Je ne l'ai pas fait.
Mais, je vous le dis, pour nous, si je pense à Plaisance, moi, là, écoutez, je crois que ça nous coûterait très cher. Je ne dis pas que ça ne vaudrait pas la peine, par exemple; ce n'est pas ça du tout, là. Puis, oui, vous avez raison, dans les budgets municipaux, on doit absolument avoir une grande place pour la culture. C'est ce qu'on fait à Plaisance, effectivement. Mais on est comme un peu à la limite, parce qu'on a autre chose. Mais disons que c'est quand même une priorité.
Puis il faudrait, par exemple, qu'à travers le Québec... toutes les petites municipalités rurales devraient mettre en priorité la culture, ce qui, pendant de nombreuses années, n'a pas été la priorité. C'était la voirie. Je comprends, là, c'est bon, c'est parfait aussi, là, les chemins, c'est très important. Mais, moi, je crois que la culture, dans le monde rural, est très, très, très importante, et ça devrait être la première priorité au niveau des conseils municipaux... mais, je veux dire, ruraux.
**(10 h 40)**M. Blanchet: Il y a déjà donc une balle en vol. Il va y avoir des coûts d'associés à l'exécution du mandat. Vous assumez que l'État québécois va prendre charge de ces coûts-là; ça, ce n'est pas clair. Assurément, le projet de loi ne dit pas que l'État québécois va prendre charge des coûts, et les coûts de disposition des expertises requises. Il ne faudrait pas d'ailleurs que, parce qu'il y ait un coût, il y ait une tendance. Il y aura un équilibre à trouver. Tout ne peut pas être cité, déclaré, désigné, et tout ça, mais il faudrait qu'il y ait un équilibre qui s'établisse et que le coût ne soit pas un désincitatif à l'identification de véritables biens et enjeux patrimoniaux.
Et donc on en arrive à la question de l'expertise. Vous avez mentionné, et là je n'ai pas compris la fin de votre propos à cet égard-là, vous avez mentionné l'existence de seulement trois entités muséales reconnues dans la région qui seraient finalement la seule source d'expertise à laquelle vous croyez avoir accès si vous devez trouver une idée demain matin. Avez-vous fait une réflexion, donc, d'où est-ce que ça peut venir? Ou même j'irais jusqu'à l'étape suivante: Est-ce que vous avez... Est-ce que vous vous êtes dit que, peut-être au niveau régional, il y aurait moyen de consolider une expertise qui pourrait servir pour l'ensemble de la région?
Mme Lalande (Paulette): Sûrement.
M. Lafond (Michel-Rémi): Oui...
Mme Lalande (Paulette): Allez-y. Sûrement.
M. Lafond (Michel-Rémi): Bien oui, tout à fait. Bien, si...
Le Président (M. Curzi): M. Lafond.
M. Lafond (Michel-Rémi): Merci. Si vous permettez. Effectivement, il y a trois entités muséales, là, qui sont soutenues. Il n'y a pas de musée régional en Outaouais. Enfin, il y a des centres d'interprétation: le Centre d'interprétation de Plaisance, il y a le musée... le Centre d'interprétation de Maniwaki, Château Logue, et puis, en fait, il y a le musée...
Mme Lalande (Paulette): L'Imagier.
M. Lafond (Michel-Rémi): Pardon? Puis L'Imagier, à Aylmer, et donc qui fait partie du réseau muséal mais qui est un centre de... d'exposition. Alors, mais il n'y a pas vraiment de musée régional. On tente de travailler sur cette question-là, mais on est face à un moratoire dans la construction des musées, donc on est pris au piège dans ces conditions-là.
C'est sûr qu'on pourrait passer par... c'est ce qu'on... Le Conseil de la culture a une commission patrimoine. On a eu une rencontre, la commission patrimoine, le 20 décembre. On souhaite travailler sur un réseau muséal régional avec les entités qui existent et voir, avec des entités ou des corporations sans but lucratif, voir comment est-ce qu'on pourrait avoir un lien au point de départ. Là, on est en train de réfléchir sur ces modalités-là. Parce que la question du patrimoine passe aussi par les sociétés d'histoire, par les musées, comme l'auberge Symmes, ou les musées qu'on retrouve un peu partout, là, sur le territoire, mais qui sont des OBNL, donc, et qui n'ont pas de reconnaissance par le ministère.
Et, en ce sens-là, il y a aussi ce qu'on appelle dans notre jargon les VVAP, là, les Villes et villages art et patrimoine, en fait, qui sont des agents culturels. Et le ministère de la Culture, en fait, donne des montants d'argent aux MRC pour que ces agents culturels là puissent être présents dans les milieux ruraux. Par exemple, dans Papineau, il y en a deux; dans Pontiac, il y en a deux; dans Les Collines, il y en a un; et, dans la Vallée-de-la-Gatineau, il y en a un. Donc, il y a six... pardon, oui, six VVAP en tout et partout sur le territoire de l'Outaouais.
Alors, ce sont des personnes qui effectivement s'occupent des arts et du patrimoine et, dans certains cas, sont plus versées dans le patrimoine, d'autres sont plus versées dans le domaine de la culture et des arts, alors, et ce ne sont pas nécessairement des experts, alors. Et, en ce sens-là, il y a du travail qu'on a à faire aussi avec ces personnes-là. Et ces gens-là sont... On est constamment en lien avec les VVAP dans notre milieu.
M. Blanchet: On peut supposer que les gens qui travaillent dans les différentes institutions qui ont une portée patrimoniale dans votre région sont déjà passablement occupés pour justifier le salaire qu'ils touchent. Et donc, de toute façon, même si ça pourrait être des structures d'accueil, ça ne contient pas, ça ne dispose pas d'emblée des ressources qui sont nécessaires.
Un autre élément à distinguer, lorsqu'on parle de musée qui est perçu comme un lieu où la culture et le patrimoine et les artefacts sont diffusés, sont rendus disponibles, le musée est souvent la pointe d'un iceberg. Il y a des millions d'artefacts archéologiques. Il y a des milliers de collections d'artefacts archéologiques seulement, sans compter le nombre énorme de différents types de documents. Et l'archivistique est une science en soi mais dont le contenu a une valeur patrimoniale sur laquelle on ne peut pas fermer les yeux.
Pour être capables d'aborder l'ensemble de la question patrimoniale, y compris dans une région, il y a évidemment la première étape qui est l'étape de l'inventaire. Dans quelle mesure les différentes municipalités de différentes dimensions, dans votre région, ont-elles, de leur propre initiative ou à l'instigation d'une démarche gouvernementale, élaboré un inventaire de ce qui existe, ce qui se situe déjà dans la région?
Mme Lalande (Paulette): Je pense qu'on a déjà identifié... On a commencé dans l'Outaouais. Vas-y, Réjean.
M. Lampron (Réjean): Oui. En fait, on a une entente spécifique avec le ministère de la Culture. La région de l'Outaouais, on est en train de faire un inventaire, justement, du patrimoine bâti de l'ensemble de la région de l'Outaouais. Donc, on a mis à contribution l'ensemble des milieux, donc, par MRC, où on a des experts qui sont, en fait, des bénévoles, parce que, comme disait M. Lafond tout à l'heure, la plupart des experts le font à titre bénévole à travers des OSBL, et sont très fortement appuyés heureusement par les agents culturels, ceux de villages d'art et patrimoine, qui sont des agents culturels qui font un travail immense dans la région et qui touchent vraiment à tout. Et donc c'est certain que le patrimoine est un des éléments, mais il y a tellement de choses à faire que, quand on revient sur la question de l'expertise, je pense qu'une personne dédiée à la question du patrimoine pour une région donnée ou qui pourrait être un type d'équipe volante ou quoi que ce soit pour appuyer les municipalités dans cette tâche-là pourrait faire en sorte d'apporter un plus au niveau des régions.
Pour revenir à l'histoire de l'inventaire, donc, on est probablement une des seules régions où cet inventaire-là va être fait sur l'ensemble de la région, et il s'achève actuellement. Et cet inventaire-là va être arrimé avec la base de données nationales du ministère au niveau de... le site du patrimoine culturel, le PIMIQ, là, ce qu'on appelle PIMIQ, là -- j'oublie l'acronyme, la signification. Donc, il y a déjà cet... Dans cet esprit-là, on veut, d'une part, finaliser cet exercice-là pour ensuite permettre, une fois l'exercice complété, de faire un lancement et de susciter finalement une... sensibiliser les milieux à ce qu'ils ont. Parce que souvent, bon, on les voit tellement, les bâtiments, que finalement on ne les remarque plus et on sous-estime souvent la valeur. Alors, à ce moment-là, on veut développer une sensibilité et un sentiment d'appartenance dans les milieux, qui vont faire en sorte que des projets de mise en valeur... ou on a aussi mis de l'argent pour permettre de réaliser des projets de mise en valeur suite à cet inventaire-là. Donc, c'est un premier pas. C'est sûr que la tâche est énorme, là. On parle de patrimoine bâti, mais il y a d'autres... on parle d'artefacts, des éléments où on touche moins à cet aspect-là. Mais déjà il y a une volonté, au niveau de la région, d'aller dans ce sens-là.
Le Président (M. Curzi): M. le député de Drummond...
M. Blanchet: Mes collègues ont des questions...
Le Président (M. Curzi): Ah oui? Alors...
M. Lemay: Oui.
Le Président (M. Curzi): Bonjour, M. le député. Allez-y.
M. Lemay: M. le Président, merci beaucoup, bonne année. Mme la ministre, bonne année, à tous mes collègues, mesdames messieurs.
D'abord, j'ai l'honneur d'être député de Sainte-Marie-- Saint-Jacques, où a été fondée Montréal. Donc, tout le Vieux-Montréal, la prison des patriotes, bref la moitié de ma circonscription est classée ou... en zone significative. Donc, je comprends bien votre message d'aujourd'hui. Mais comment articuler tout ça dans une politique de patrimoine, ce n'est effectivement pas toujours simple.
Et madame parlait de Papineau, ce grand homme, le patrimoine qu'il nous a légué, politique, est une chose, mais le patrimoine physique qu'il nous a légué est justement l'exemple à ne pas faire, dans le passé, parce que son domaine a été laissé à l'abandon longtemps, sa maison dans le Vieux-Montréal a été offerte pendant des années à plusieurs gouvernements, sur la rue Bonsecours, en face du marché du même nom, et c'est Parcs Canada qui est venu sauver les meubles littéralement, il y a plusieurs années. Donc là, aujourd'hui, c'est une bonne chose, mais, à une certaine époque, ce n'était pas nécessairement... ce n'était pas nécessairement exemplaire il y a une vingtaine ou une trentaine d'années.
Tout ça pour dire, M. le Président... J'arrive à des questions plus concrètes, je sais que le temps file. Mais, moi, j'en viens, à la page 9 de votre document, sur les relations avec le Comité consultatif d'urbanisme ou la création... Comment vous... Vous nous avez fait part, bien sûr, de l'expertise nécessaire pour que le comité puisse faire son travail, si d'aventure on est d'accord avec ça. Mais comment voyez-vous aussi les relations... Au-delà de l'expertise, comment voyez-vous les relations entre une décision du CCU et une décision du Conseil municipal suivante et après ça le rôle du ministère dans tout ça? Est-ce qu'il faut qu'il y ait... Est-ce qu'il faut que le ministère se garde, en plus, de l'expertise... Êtes-vous d'avis que le ministère doit peut-être se garder aussi une zone où il y aurait un encadrement au niveau des désignations de... Parce que, là, on parle d'édifices, de personnages, de... Comment voyez-vous les relations entre les municipalités, les CCU et le ministère, au-delà de l'expertise nécessaire pour en arriver à prendre ce type de décision là?
**(10 h 50)**Mme Lalande (Paulette): Moi, je pense qu'au départ c'est le conseil municipal, avec le CCU, qui doit rencontrer les citoyens. C'est la première chose à faire. Parce que, là, si vous envoyez un expert dans une municipalité puis que, là, il ne sait pas trop, ils ne voudront pas, là. Le monde rural, on est des gens qui nous tenons. Et, quand le maire, ou les conseillers, ou, par exemple, le CCU rencontrent ces gens-là et leur expliquent au départ que possiblement leur maison va être reconnue comme patrimoniale, ou le bâtiment, et tout ça, il faut d'abord que cette démarche-là soit faite. Elle est très, très, très importante localement. Il faut que ça soit local.
Mais, une fois qu'on a désigné... Peut-être que, dans une municipalité, on en a désigné cinq, six. On les connaît, on l'a, là. Je veux dire, ça a été fait pour l'Outaouais. Moi, je le sais, dans ma municipalité, quels sont ceux qui sont désignés. Mais de là à dire: Vraiment, celle-là, je pense qu'on devrait la conserver, c'est là qu'est la nuance de l'expert qui va venir. Parce que ça ne veut pas dire que, si tu as, par exemple, 10 maisons dans ta petite municipalité qui sont reconnues, ça ne veut pas dire que les 10 vont être vraiment citées et avoir toute la démarche qui va poursuivre parce que c'est d'abord...
Moi, je crois qu'il faut avoir beaucoup de respect pour le propriétaire. Parce que, si le propriétaire, lui, il ne veut rien savoir de ça, là, ça ne te donne rien d'essayer de pousser parce qu'il va toujours être réticent. Donc, si, lui, tu lui présentes comme quelque chose qui est important pour ta municipalité, pour la région, puis que, dans le fond, ce n'est pas quelque chose qui va te mordre, là, parce que... Des fois, tu as cette impression-là: Ah, ça va me coûter cher, puis pourquoi c'est ma maison?, puis... Donc, il faut d'abord établir la confiance vis-à-vis le propriétaire. Et, si, par exemple, tu en as 10, bien là, à ce moment-là, le CCU peut jouer un rôle.
Mais, là où tu dis: Je vais les conserver, c'est là où on n'a pas l'expertise. La preuve, c'est que, dans ma municipalité, on en a désigné, puis ce qu'on a dit aux propriétaires: Est-ce que vous êtes d'accord ou pas?, mais on n'est pas allés au-delà de ça. Puis ça, j'ai trouvé ça dommage, d'une certaine façon. Mais on ne l'a pas, l'expertise, tu sais, dans ce sens-là. Puis il y a des gens qui ont dit: Oui, c'est correct. Mais il y en a qui ont dit: Je ne veux rien savoir de ça. Comment convaincre les gens, alors que tu n'es pas un expert dans le domaine du patrimoine? Parce que ces gens-là qui sont des experts, ils arrivent avec des mots, avec des phrases, avec des façons d'expliquer l'appartenance que des fois on n'a pas.
M. Lemay: Oui.
Mme Lalande (Paulette): C'est la nuance. Mais il faut avoir des très, très, très bons rapports entre tous ces gens-là parce qu'on ne réussira pas.
M. Lemay: Mais, donc, j'en arrive à ma question un peu brutale: À ce moment-là, dans la situation que vous avez très bien exposée, qui dit oui, qui dit non? Ultimement, quelqu'un doit décider. Un an, deux ans, trois ans après, quelqu'un doit dire: Parfait, on se range de l'avis du propriétaire -- qui a fait une contre-expertise, disons -- et l'avis du ministère ou de notre ville qui juge approprié le classement. Donc, d'après vous, dans ce qui est proposé actuellement, qui doit trancher? Parce qu'à un moment donné il faut trancher ce type d'interrogation. Est-ce que vous avez réfléchi à ce volet-là? Qui doit dire: Le classement est effectif ou, non, le classement ne sera pas effectif?
Mme Lalande (Paulette): Moi, je pense que ça doit se faire en collaboration avec le conseil municipal et l'expert, mais en collaboration, je dis bien.
M. Lemay: L'expert du ministère...
Mme Lalande (Paulette): Du ministère, oui.
M. Lemay: Du ministère.
Mme Lalande (Paulette): Oui. C'est exactement ce que je dis. L'expert du ministère avec le conseil municipal, parce que les conseils municipaux, là, je veux dire, c'est eux qui gèrent, en quelque sorte, leur monde, hein? Puis, s'ils ne sont plus là du tout, je ne pense pas que juste quelqu'un du ministère qui va arriver puis qui va dire: Ça devrait être ça... Comment ça serait perçu? Je ne le sais pas...
Le Président (M. Curzi): M. le député de Sainte-Marie--Saint-Jacques, oui.
M. Lemay: Oui. Une dernière question, mais je sais que mes collègues veulent... Comment voyez-vous... Suite à la création... Si les CCU ont ce pouvoir-là ou on crée un organisme, tel que proposé, comment un organisme peut développer, oui, une expertise, avec l'aide du ministère certainement, mais d'un autre côté -- et je vais poser cette question-là à tout le monde, pas juste à vous, là -- comment garder une distance?
Parce qu'on a peut-être... On est beaucoup dans le présentisme. Pierre Vadeboncoeur parlait de l'immédiatisme des consciences. C'est qu'on déclare, 24 heures après, quelque chose d'historique. Puis il y a des choses historiques qui ne sont jamais déclarées. Comment une organisation comme un CCU peut garder une distance avant de déclarer un bâtiment historique, un personnage historique? Avant de faire ce geste-là, qui est lourd quand même de symboles, qui est lourd pour les propriétaires, vous l'avez dit, n'êtes-vous pas d'accord que, par la loi, on devrait imposer à ces organisations-là un an, disons, ou six mois, ou deux ans de distance, de réflexion, avant de déclarer, disons, un personnage historique?
Le Président (M. Curzi): Vous avez deux minutes, Mme Lalande.
Mme Lalande (Paulette): En autant que l'expert est arrivé en ligne de compte, que ce n'est pas uniquement la responsabilité d'un CCU, d'un conseil municipal de dire telle chose. En autant que l'expert qui est désigné vienne nous guider dans ça. Parce que présentement, si on n'a pas de guide puis si on ne peut pas le donner de façon vraiment correcte, moi, je pense qu'on faillit à la tâche.
Le Président (M. Curzi): Il reste une minute. Il reste, en fait, deux minutes complètes. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, rapidement. Une réponse rapide, s'il vous plaît.
Mme Poirier: Oui. Écoutez... Bonjour, Mme Lalande. Ça va bien?
Mme Lalande (Paulette): Ça va bien, vous?
Mme Poirier: Oui, oui. Alors, une petite question courte, courte. Vous avez noté tout à l'heure l'absence de la notion de patrimoine religieux. La ministre a dit: Pour nous, c'est un patrimoine, dans le fond, qu'on conjugue à plusieurs volets. Comment vous voyez chez vous, dans votre localité, l'avenir du patrimoine religieux? Comment vous voyez... Bon, les églises ferment, on le voit de plus en plus, et il y a une perte de ce patrimoine-là. Comment ça se passe chez vous, dans votre coin de pays?
Mme Lalande (Paulette): Écoutez, moi, si je parle de ma municipalité -- on commence toujours par la nôtre -- moi, j'ai de la chance, mon église est encore là puis elle est déclarée effectivement patrimoine religieux, puis mes croix de chemin aussi, elles sont encore là. Donc, je ne vis pas encore cette problématique.
C'est sûr que, dans la grande ville, ils ont déjà commencé à le vivre. Et c'est très déchirant, c'est très déchirant pour certaines personnes de voir, par exemple, une église qui n'a plus la vocation qu'elle devrait avoir. Et, dans certaines circonstances, les municipalités ou les groupes qui s'occupent des églises n'ont pas de choix. Moi, ce que je me souhaite, madame, c'est que, dans la MRC de Papineau, d'où je suis, j'espère que toutes les églises qui sont là seront déclarées patrimoine religieux et qu'elles continueront à être ce qu'elles sont.
Le Président (M. Curzi): Merci, Mme Lalande. Merci, Mme Gagnon, M. Lafond, M. Lampron, merci beaucoup de votre présence. Merci.
Et on va suspendre, le temps que la prochaine... la Chambre de commerce s'installe.
(Suspension de la séance à 10 h 59)
(Reprise à 11 h 2)
Le Président (M. Curzi): Tout le monde est là? Bon, alors à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre. Et nous recevons maintenant la Fédération des chambres...
Des voix: ...
Le Président (M. Curzi): À l'ordre! À l'ordre! À l'ordre! Aucune autorité.
Des voix: ...
Le Président (M. Curzi): Donc, nous allons reprendre avec la Fédération des chambres de commerce du Québec. Alors, je vous laisse et vous présenter et la parole pendant 15 minutes. Bienvenue. Bonjour et bienvenue.
Fédération des chambres de
commerce du Québec (FCCQ)
Mme Bertrand (Françoise): Bonjour. Merci beaucoup, M. le Président. Mme la ministre, MM., Mmes les députés, c'est un plaisir d'être ici. Je suis Françoise Bertrand, présidente-directrice générale de la Fédération des chambres de commerce du Québec. Et je vous présente le nouveau vice-président Affaires publiques de la fédération, M. Denis Hamel. Alors, on commence en force la nouvelle année. Alors, bonne année! Il est encore de mise de se souhaiter une bonne année.
Alors, la Fédération des chambres de commerce du Québec, vous le savez, a maintenant près de 102 ans, et c'est un vaste réseau de 153 chambres de commerce qui représentent plus de 40 000 entreprises et 100 000 gens d'affaires. Et nous sommes le plus important réseau de gens d'affaires et d'entreprises au Québec. Notre regroupement est l'ardent défenseur des intérêts de ses membres au chapitre des politiques publiques mais pour celles qui favorisent un environnement d'affaires innovant et concurrentiel. En ce sens, la Fédération des chambres de commerce du Québec tient à exprimer certaines préoccupations suite à l'analyse du projet de loi n° 82 sur le patrimoine culturel.
D'entrée de jeu, la Fédération souscrit aux objectifs de la loi. De par le monde, les nations développées cherchent à protéger et à mettre en valeur les éléments clés de leur patrimoine culturel. Ce patrimoine a été forgé par l'histoire du pays ou de la région. Il est la marque du mode d'occupation du territoire et rassemble d'importants symboles identitaires. Il est donc normal que les gouvernements se dotent d'outils favorisant la protection et la mise en valeur du patrimoine culturel.
La préservation des paysages typiques fait partie de l'image de marque de certaines régions, et plusieurs biens et services y sont associés. En France, plus de 600 régions profitent d'une appellation d'origine contrôlée. Le prestige d'un tel label favorise la distribution commerciale en région tout en constituant un facteur structurant de développement économique local et souvent un attrait touristique. Loin d'être une stratégie figée dans des réflexes défensifs de protection, la notion de paysage est véhiculée comme une dynamique et une stratégie de développement sur lesquelles l'économie tout autant que l'urbanisme prennent appui.
Par ailleurs, l'élargissement de la définition du patrimoine et de son extension à l'intégralité territoriale du Québec risque de ralentir, selon nous, un processus d'approbation déjà submergé de demandes. De fait, certaines municipalités et MRC déplorent déjà des délais d'analyse du ministère combinés à des exigences si rigoureuses qu'elles découragent les promoteurs. Durant ce temps, les biens culturels se dégradent, ne trouvent preneur, compromettent la réalisation de projets viables et entravent, selon nous, le développement. Dans un contexte où de nombreuses petites localités cherchent à donner une nouvelle vie à leur patrimoine industriel, il y aura des limites à en faire des écomusées ou des centres d'interprétation.
L'industrialisation de l'agriculture combinée à la disparition d'activités économiques traditionnelles telles que la forêt et les pêcheries posent d'énormes défis économiques aux localités. La définition élargie de «site patrimonial» mentionne, parmi une longue liste de vagues qualificatifs où prime l'arbitraire, selon nous, la valeur paysagère d'un lieu. Or, il faut distinguer le site patrimonial, qui tombe sous la coupe de l'État, du paysage culturel patrimonial, un statut réservé au pouvoir régional. Voici le couteau suisse rêvé des militants, selon nous, de tout acabit dans leur projet sinon de taillader le territoire à la mesure de leurs utopies, tout au moins à contraindre l'État à défendre ses positions.
Ces luttes idéologiques, menées à distance par des groupes organisés et moussés dans les médias, font souvent, selon nous, abstraction de la réalité locale. Par la portée de cette nouvelle définition élastique, les prises potentielles qu'elle offre aux organismes et le libre arbitre qu'elle réserve à l'État, nos gardiens du paysage pourraient plutôt en devenir les prisonniers, un risque d'autant plus grand lorsque les paysages sont vus dans la lorgnette des villégiateurs et des vacanciers qui voudront que le progrès s'arrête dans leur cour, histoire de retrouver, l'été suivant, leur paysage parfaitement intact, le tout au détriment de ceux qui l'habitent à l'année longue et peinent à vivre d'un territoire couvé jalousement.
Cette nouvelle loi, qui doit assurer plus de cohésion et une conciliation législative harmonisée, risque plutôt d'ajouter à la confusion et à la dispersion. En accordant plus de pouvoirs à plus d'acteurs dans le repérage d'étoiles locales du patrimoine, ceci pave la voie à la politisation, voire à la polarisation des débats entre amants du paysage et habitants du territoire. Laisser la porte de l'arbitraire politique entrouverte, c'est permettre aux groupuscules d'intérêt de mettre et remettre cent fois sur le métier le patrimoine.
D'autre part, la fédération est en faveur de mesures justes et raisonnables afin de distribuer équitablement l'ensemble des coûts de sauvegarde de notre patrimoine. Il serait injuste qu'une région ou une localité, particulièrement dans les régions ressources, absorbe la valeur de la perte d'activité économique résultant d'une telle servitude, d'autant plus inéquitable lorsqu'elle est imposée par l'État. À défaut de restreindre ainsi la portée de «site patrimonial» afin que l'argument paysager ne soit pas pris en compte, l'État, selon nous, devrait accorder préséance au choix de la collectivité régionale. Dans cette optique, la dérogation devrait être l'exception plutôt qu'une règle implicite codifiée dans la loi et qu'elle soit assortie alors de mesures compensant une telle servitude patrimoniale.
**(11 h 10)**M. Hamel (Denis): La notion d'intérêt culturel ou patrimonial d'un objet, d'un immeuble ou surtout d'un paysage prête nécessairement à interprétation. Il y a forcément, dans cette appréciation, une part de subjectivité qu'on ne saurait circonscrire par des balises réglementaires ou administratives. De plus, ces appréciations ne sont pas à l'abri des modes, des courants de pensée plus ou moins éphémères, qui ne reposent pas non plus sur des critères objectifs.
La fédération reconnaît la nécessité de préserver des éléments du patrimoine immatériel, mais encore une fois le flou dans lequel baigne ce concept ouvre la porte à des interprétations abusives, voire même ésotériques. Il est déjà difficile d'identifier les éléments patrimoniaux matériels significatifs en vertu de la Loi sur les biens culturels.
Notre inquiétude est d'autant plus manifeste dans le cas des revendications des nations autochtones pour lesquelles des paysages invisibles rejoignent des notions indissociables de spiritualité et de nature. À titre d'exemple, l'article 148 spécifie que, «lorsque l'ordonnance est susceptible d'avoir un effet sur une communauté autochtone, le conseil [de la municipalité] signifie également le préavis au ministre afin qu'il puisse, le cas échéant, effectuer les consultations nécessaires afin que les préoccupations de cette communauté soient prises en compte par le conseil».
Dans l'optique des revendications territoriales autochtones dont de vastes portions superposent la logique historique de notre peuplement de la vallée du Saint-Laurent et conséquemment des lieux historiques patrimoniaux communs, nous redoutons des litiges dans la désignation future tant des sites patrimoniaux que des paysages culturels patrimoniaux. Il est toujours néfaste de vouloir plaire à tout le monde et à son père.
La fédération reconnaît l'importance de protéger les éléments les plus significatifs du patrimoine québécois, qu'ils soit matériel, immatériel ou paysager. Mais, du même souffle, nous déplorons l'absence de critères plus objectifs dans la définition, l'appréciation et la sélection d'un patrimoine représentatif de l'ensemble du Québec. Nous craignons que la marge laissée à l'interprétation ouvre la porte à une politisation contre-productive de litiges liés à la reconnaissance du patrimoine.
La fédération est d'avis qu'il serait préférable de compléter préalablement les schémas d'aménagement des MRC afin d'identifier des secteurs potentiellement patrimoniaux, l'étendue de leur protection, de même que les modes de protection applicables. À cette fin, le ministère devrait apporter une aide technique, financière et administrative aux MRC et aux municipalités devant se livrer à cet exercice. En plus d'assurer l'uniformité du processus d'analyse du territoire, une telle démarche d'analyse permettrait par la suite d'assurer un contexte d'affaires plus stable et plus équitable pour l'ensemble des municipalités.
La fédération tient à rappeler que les promoteurs privés doivent se soumettre à de nombreuses réglementations, fédérales, provinciales, municipales, touchant des aspects relatifs à l'environnement, à la sécurité du public, à l'aménagement du territoire, à l'urbanisme, à l'accessibilité sociale, et autres. Leur projet est scruté par de nombreuses institutions... et peuvent faire l'objet, aussi, d'audiences publiques.
En prêtant flanc à des interprétations, sinon abusives, tout au moins fantaisistes, l'ajout d'une couche d'analyse patrimoniale dans le processus d'approbation d'un projet inquiète la fédération et les membres qu'elle représente.
Au Québec, la tenue d'audiences publiques est un processus démocratique ouvert, rigoureux et souvent porteur d'adaptations qui font consensus. Il serait dommage que cette institution démocratique permette à des défenseurs de porter plusieurs chapeaux, alors que les promoteurs participent de bonne foi à l'exercice.
La fédération déplore ainsi la création d'une nouvelle instance consultative, le Conseil du patrimoine, alors que la notoriété, l'expertise et la crédibilité du BAPE permettent déjà l'audition des aspects patrimoniaux, d'autant plus que la notion de paysages patrimoniaux culturels pourrait englober des arguments de nature environnementale, notamment en vertu de la loi sur le patrimoine culturel... naturel. Pour les entreprises, propriétaires et promoteurs, il s'agit d'un nouvel obstacle qui ressemble de plus en plus à un véritable parcours du combattant.
Le classement et les autres gestes de reconnaissance d'une valeur patrimoniale empiètent sur les droits de propriété et d'usage d'un bien ou d'un immeuble. S'ils peuvent se justifier au regard des objectifs de protection, ils doivent néanmoins être bien circonscrits.
Il est également essentiel que la Commission des biens culturels pose des gestes en lien avec des objectifs spécifiques de protection du patrimoine. Il serait inadmissible d'utiliser l'outil de protection des biens culturels comme paravent pour véhiculer d'autres formes d'opposition à des projets de développement.
Rappelons-nous, par exemple, l'évocation de l'arrondissement historique... pardon, l'arrondissement naturel de Percé pour empêcher la transformation d'un immeuble existant en prison pour délinquants sexuels, ou l'utilisation de la désignation de l'île d'Orléans comme arrondissement historique par des groupes d'opposition au projet d'aménagement d'un port méthanier à Lévis. Doit-on comprendre qu'on pourrait dicter, à partir de l'île, des choix d'urbanisme et de développement de toute la côte sud de Québec sous prétexte que cela pourrait heurter le regard des résidents ou des visiteurs à l'île d'Orléans?
On ne protégera pas le patrimoine uniquement avec des gestes défensifs de protection. Il faut aussi chercher à le mettre en valeur. À cet égard, il faut faire appel à la collaboration des personnes et des entreprises.
Ce serait entretenir une illusion que de croire qu'on va régler par une nouvelle loi des problèmes qui relèvent avant tout de la gestion. Le document de consultation, d'ailleurs, prêche par cette candeur, je cite: «Une nouvelle loi pourrait sans doute permettre de redonner leur cohérence aux décisions de l'État.» Le document de consultation Pour un regard neuf préconisait la mise en place d'avantages fiscaux offerts aux personnes et aux entreprises qui font don de biens culturels ou qui protègent un tel bien dans les règles de l'art. La Fédération des chambres de commerce souscrit à cette orientation, tout en souhaitant une contribution financière plus importante et plus significative.
C'est pourquoi la fédération est d'avis que l'élargissement du rôle accordé aux municipalités locales et régionales dans l'identification, la préservation, la conservation et la mise en valeur de leur patrimoine devrait s'accompagner de ressources techniques, humaines et financières additionnelles. Autrement, cette décentralisation sous couvert du principe de subsidiarité préconisé par la Loi sur le développement durable camoufle un nouveau désengagement financier de l'État et un pelletage de ses responsabilités dans la cour des municipalités.
La fédération pose le principe que, lorsque les exigences de l'État à l'égard d'un bien patrimonial particulier dépassent celles qui sont imposées aux autres citoyens sans que la personne ou l'entreprise n'en retire une plus-value, l'État doit compenser. Autrement, il s'agirait d'une expropriation sans compensation, ce qui est évidemment inacceptable. Or, le régime de compensation prévu par le projet de loi n° 82 n'apporte aucun argent neuf ni pour les municipalités ni pour les citoyens, et encore moins pour les promoteurs.
Le recours à des mesures fiscales peut s'avérer une formule intéressante tant pour le gouvernement que pour le citoyen, encore que toute forme d'intervention ne se prête pas... cette forme d'intervention ne se prête pas à toutes les situations. Le ministère doit envisager une diversité de moyens d'action, assurer un dédommagement compétitif pour l'entreprise afin de ne pas faire du bien culturel une servitude perpétuelle grevant l'actif, un boulet encombrant, bref un cadeau empoisonné.
Mme Bertrand (Françoise): Au Québec, l'engouement pour les produits du terroir et la démocratisation de la gastronomie ont ainsi permis de bonifier et de structurer l'offre touristique de certaines régions ou de coins de pays. Plusieurs régions ont créé des circuits agrotouristiques mettant leur terroir à l'honneur, tout en faisant une large place aux attraits naturels, patrimoniaux et historiques. Bordant ces routes, de nombreux économusées ont vu le jour et assurent un rôle irremplaçable dans la diffusion du patrimoine, tout en créant des emplois et en soutenant l'économie.
Prenons l'exemple de la région de Charlevoix, berceau de la villégiature au Québec. Depuis avril 2009, les producteurs d'agneau de Charlevoix profitent d'ailleurs de la toute première indication géographique protégée. Pourtant, l'élevage d'agneau dans Charlevoix était inexistant il y a 20 ans. L'exploitation... Ah, c'est terminé?
Le Président (M. Curzi): Je vais vous demander de conclure. Il vous reste une minute...
Mme Bertrand (Françoise): Ah oui? D'accord.
Le Président (M. Curzi): ...si vous voulez conclure.
Mme Bertrand (Françoise): Je vais aller à ma conclusion.
Le Président (M. Curzi): S'il vous plaît.
Mme Bertrand (Françoise): La Fédération des chambres de commerce du Québec insiste pour que la révision de la Loi sur les biens culturels s'accompagne de mesures de mise en oeuvre qui clarifient les processus de protection du patrimoine et les conditions posées à ceux qui sont touchés par les interventions de l'État en cette matière. Les entreprises que nous représentons doivent connaître avec précision les règles du jeu applicables à la gestion du patrimoine: propriété, droits d'usage, aménagement et travaux d'un bien culturel, et à l'utilisation du territoire compris dans l'enceinte immédiate d'un bien culturel ou d'un patrimoine naturel ou historique. Ces règles doivent en outre être cohérentes avec les autres mesures de protection de l'environnement, d'aménagement et d'urbanisme.
Il est essentiel que ces processus soient rigoureux et prévisibles. Un promoteur peut engager plusieurs centaines de milliers de dollars, voire quelques millions pour monter un projet, réaliser les études techniques et les évaluations environnementales. L'incertitude, le manque de clarté ou l'arbitraire politique en ces matières sont terriblement néfastes aux investissements au Québec.
Nous persistons à croire qu'il aurait été plus productif de définir d'abord ce que nous voulons préserver collectivement, et ce, à quel prix. Ce vaste inventaire tenu à l'échelle du territoire et supervisé par les experts du ministère donnerait l'occasion, tant aux municipalités qu'aux citoyens et groupes d'intérêt, de choisir les biens patrimoniaux et de statuer définitivement sur leur degré de protection. Cette cartographie patrimoniale fournirait un état des lieux clair sur ce que nous voulons conserver pour le Québec d'aujourd'hui et de demain. Je vais arrêter ici puis...
Le Président (M. Curzi): Merci, madame. Mme la ministre, c'est à vous la parole, ou groupe parlementaire...
**(11 h 20)**Mme St-Pierre: Merci. Oui. Alors, merci, merci de votre présentation. Quand j'ai lu... J'avais lu évidemment votre mémoire avant que vous veniez en commission parlementaire. Essentiellement, vous avez évidemment repris les mêmes arguments. Je dois dire que je l'ai trouvé un peu raide, votre mémoire, et je vous trouve... je trouve votre position un petit peu... un petit peu raide parce que, sur... notamment sur la question du paysage culturel.
Je pense qu'on a peut-être besoin -- et c'est peut-être à nous à le faire aussi -- d'expliquer un peu la démarche et la philosophie derrière ça. C'est-à-dire, c'est une démarche qui ne viendrait pas du haut mais qui viendrait évidemment de la base et qui... Et ce n'est pas ce que les citoyens regardent, mais c'est les citoyens qui sont dans le site lui-même qui... C'est la collectivité qui est dans le site lui-même qui déciderait. Ce n'est pas la collectivité qui est en face qui déciderait ou qui demanderait une protection pour ce qu'elle voit, si vous me suivez. Par exemple, si je suis d'un côté du fleuve à Montmagny puis que je n'aime pas la piste de ski qui est en avant, de l'autre côté du fleuve, la région de Montmagny ne pourrait pas demander de déclarer, de l'autre côté, que c'est dans son paysage. Alors, si vous voyez, c'est peut-être gros comme exemple, mais c'est exactement ça.
Alors, il y a quand même une démarche qui serait très, très rigoureuse. Et, d'aller vers le BAPE, je pense qu'on a tous les outils en main, nous, pour être capables de prendre les décisions qui s'imposent dans notre secteur et dans notre champ de responsabilités. Alors, on a chacun nos responsabilités, puis je ne pense pas que ça soit quelque chose qui pourrait aller du côté d'une autre instance. Cependant, évidemment, les ministères sont consultés.
La démarche est la suivante. Tout d'abord, la désignation doit être initiée par des instances locales. Ça, c'est très, très clair dans notre esprit. Ça ne vient pas du haut vers le bas, mais il faut que ça vienne de la base. C'est l'article 18 de la loi. Le dossier de candidature doit comporter la délimitation du territoire visé, un diagnostic paysager qui contient trois éléments: les analyses détaillées des caractéristiques paysagères du territoire sous l'angle physique et socioculturel; un exposé des caractéristiques remarquables et qui résultent de l'interrelation de facteurs naturels et humains; une démonstration que la collectivité locale concernée reconnaît ces caractéristiques remarquables. Alors, ce n'est pas un groupe de pression qui pourrait décider à la place de toutes les instances locales. Il faudrait également qu'il y ait une charte du paysage culturel patrimonial qui énonce les principes et les engagements pris par le milieu local en faveur de la protection et de la mise en valeur de ce paysage et également qu'il doit être désigné par toutes les municipalités, les MRC et les communautés métropolitaines concernées. Donc, c'est vraiment très large. C'est quelque chose qui vient vraiment de la base.
Ensuite, le ministre établit, sur avis du Conseil du patrimoine culturel, si la demande est... se qualifie. Donc, là, le Conseil du patrimoine entre en scène. Les demandeurs doivent alors soumettre au ministre un plan de conservation qui comprend l'identification du territoire concerné, la description des usages économiques, sociaux et culturels autorisés, les mesures de protection et les mesures de mise en valeur du paysage.
Ensuite, le ministre sollicite la collaboration des ministères concernés à l'étape de l'établissement du plan de conservation. Si le plan de conservation est jugé satisfaisant, le ministre, sur avis du Conseil du patrimoine culturel, recommande au gouvernement d'attribuer par décret la désignation de paysage culturel patrimonial. Puis, en fait, le projet de loi ne fixe pas de délai applicable à la désignation du statut de paysage patrimoine culturel.
Je pense que la démarche, elle est très, très, très rigoureuse. Et ce n'est pas une démarche qui viendrait d'un groupe qui pourrait crier plus fort que l'autre. C'est une démarche vraiment qui vient des instances locales. Et c'est une notion qu'on pense qu'il est important d'inclure dans notre projet de loi. C'est tout à fait... Ce n'était pas dans l'ancien. Nous avons travaillé très fort avec les experts pour arriver... Je ne dis pas que l'article, c'est parfait, mais je pense que la notion du patrimoine paysager a été longuement expliquée lors de la tournée régionale. Et ça a été demandé à différents endroits.
On ne veut pas non plus bloquer... Ça a été dit clairement lors de nos consultations, on ne veut pas bloquer le développement économique du Québec. Loin de nous cette idée de bloquer le développement économique. Mais il y a quand même, pour le ministère, pour le gouvernement aussi, un devoir de protection de notre patrimoine. Parce que, vous vous souviendrez, dans les années soixante... avant les années soixante-dix, ce qu'on a vu comme horreur, on ne voudrait pas non plus revivre ça.
Donc, c'était simplement pour vous expliquer un peu la démarche, enfin, vu de notre point de vue, sans filtre, sans filtre de nulle part, comment nous avons procédé. Vous pourriez peut-être commenter là-dessus, sur ce que je viens de dire.
Il y a un aspect, par contre, dans votre mémoire, sur lequel j'aimerais vous entendre. Vous dites que le classement d'un immeuble... Enfin, vous semblez sous-entendre que le classement d'un immeuble patrimonial entraîne une perte de valeur. Moi, je me demande sur quoi vous vous basez. Parce que, je me souviens, quand j'ai classé, comme ministre de la Culture, Habitat 67, la semaine d'après, il y avait des appartements d'Habitat 67 à vendre et il y avait, entre guillemets, le «label» -- excusez-moi, M. le Président -- classé valeur... classé patrimonial. Donc, les propriétaires ont vu immédiatement qu'il y avait une plus-value qui était accrochée à ce titre. Alors, je ne pense pas que...
Il y a peut-être un effort pédagogique à faire de notre part. Mme Lalande l'a dit tout à l'heure, qu'il y a des propriétaires qui ne comprennent pas pourquoi une municipalité veut citer le bâtiment. Il y a peut-être un aspect pédagogique là-dedans. Mais j'aimerais que vous me donniez des exemples d'endroits où vous avez vu que ça avait entraîné une perte de valeur.
Le Président (M. Curzi): M. le député de Jacques-Cartier, vous voulez compléter cette question ou intervenir après?
M. Kelley: Après.
Le Président (M. Curzi): Parfait. Madame, à vous.
Mme Bertrand (Françoise): Alors, Mme la ministre, je comprends, puis loin de nous l'idée d'être en période de démolition ici. Nous, on défend... Je l'ai toujours dit, on n'est pas dans une situation d'avoir à prendre la décision, la décision revient au gouvernement. Donc, on comprend très bien les rôles. Ce qu'on vient vous exprimer ici, c'est les craintes des membres que nous représentons, liées à des expériences que nous avons vécues.
Et, quand on parle du paysage, l'exemple très précis, c'est Rabaska. Et ce n'étaient pas les gens de Lévis et du bassin de Lévis qui avaient des problèmes avec la notion du paysage, c'étaient les gens de l'autre rive, de l'île d'Orléans. Bon, vous allez me dire: L'autorisation a été donnée par le gouvernement. Mais il reste que, pendant tout ce temps-là, tout le temps qui est pris par le promoteur pour revenir à la charge, de prendre en considération des choses qui n'avaient pas été là finit par être des coûts de gestion de risque extrêmement importants.
Nous, ce que nous voulons mettre de l'avant, c'est: plus nous allons être capables de donner de la prévisibilité aux citoyens, d'abord, de le donner aux municipalités puis de le donner aux promoteurs, nous allons vivre tous plus harmonieusement. Si on attend un projet qui émerge et que, là, tout à coup, les gens se réveillent, bien, de dire: Ah! non, je ne suis pas sûr, ça devrait être patrimonial, et conséquemment, là on rentre dans des longs processus, d'une part, il y a une question de lenteur, et, d'autre part, on rentre dans l'incertitude qui génère, pour tous et chacun, incluant le gouvernement, des coûts. Alors, c'est plus de dire: Est-ce qu'on peut travailler en amont pour faire en sorte qu'à ce moment-là le jeu est clair et nous savons tous à quoi s'en tenir?
Pour ce qui est de la base, là encore, je comprends la démarche, puis je pense qu'elle vous honore. Maintenant, c'est une démarche qui est rigoureuse, certes, mais qui va entraîner des délais. Et, pour que tous et chacun soient d'accord... On le sait, l'acceptabilité sociale, c'est l'affaire d'une démocratie, c'est l'affaire qui, de plus en plus, prend des délais importants et quand le projet finalement risque de mourir de sa belle mort parce que les investisseurs n'auront plus d'intérêt. Alors, il y a cette question-là.
Maintenant, le Conseil du patrimoine que vous visez à créer nous pose problème dans la mesure où on est dans une démarche, pensions-nous, de simplification des processus et des institutions au gouvernement du Québec. On a vu la fusion d'Investissement Québec-SGF. On voit aussi, là, toute la loi n° 130 qui va amener certaines modifications dans les... comme par exemple la Commission d'équité salariale. Alors, on pensait que le BAPE pourrait faire office de la commission sur certains éléments, mais avec des expertises additionnelles au sein du BAPE, il va sans dire. Et il me semblait que ça rejoignait l'esprit de l'Agenda 21 culture, Mme la ministre. Mais, ça, je vais laisser ça pour une autre fois. Je vais laisser mon collègue parler de l'exemple de que veut dire la compensation.
M. Hamel (Denis): Bien, c'est ça, au chapitre de la perte de valeur, bien, vous avez raison de mentionner, Mme la ministre, que ce n'est pas automatiquement une perte de valeur. Il peut y avoir même, bon, une augmentation de la valeur, pour quelqu'un, pour une question paysagère, question de protection du patrimoine. Mais, règle générale, avec la désignation patrimoine culturel vient des contraintes, vient des contraintes. Si vous habitez une maison dans le Vieux-Québec, sur l'île d'Orléans -- on a eu l'exemple récemment du 1420 Mont-Royal, ici, dans l'arrondissement historique et naturel du mont Royal -- avec la désignation de patrimoine historique vient des contraintes.
Alors, ce n'est pas tous les promoteurs, ce n'est pas tous les propriétaires qui seront intéressés à respecter rigoureusement les travaux pour respecter l'architecture, le type de fenêtres, souvent même les couleurs. Ça entraîne des coûts, et, pour la valeur de l'édifice, donc, il y a une moins grande demande pour cet édifice-là, s'il doit se transiger, quelqu'un qui voudrait l'acheter, il y a une moins grande demande. En théorie économique, quand il y a une moins grande demande, ça fait baisser le prix. Et on l'a vu, dans des situations, bon, comme ce que j'ai mentionné ou dans même certaines résidences du Vieux-Québec, que ça a fait baissé la valeur parce que justement il y avait moins de gens intéressés à s'embarquer dans ce long processus où il faut respecter un cadre très, très, très rigoureux au niveau de la rénovation et de l'entretien, par exemple.
Le Président (M. Curzi): M. le député de Jacques-Cartier, à vous la parole.
**(11 h 30)**M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, bienvenue aux représentants des chambres de commerce, Mme Bertrand, M. Hamel. Je dois exprimer ma grande déception, à la page 9 de votre mémoire, quand vous abordez la question des autochtones au Québec et l'article 148. Et, dans une couple de paragraphes, vous faites voir un petit peu... à la volonté que les autochtones prennent trop de place dans notre société et les prévisions dans la loi sont néfastes -- c'est votre mot, pas le mien. Et, moi, je trouve ça tellement une grande déception.
Comme quelqu'un qui a vu la longue histoire entre la société québécoise, la société canadienne et les autochtones, au niveau de la culture, notre dossier n'est pas très intéressant. On a tout fait pour enlever leur langue, on a tout fait pour effacer leur culture dans le passé. Alors, il y a une longue, maintenant, décision de la Cour suprême pour corriger le tir. Et je vous invite, dans la question du paysage, de lire l'arrêt de la Cour suprême, Delgamuukw, qui, je pense, insiste au gouvernement responsable de regarder les lieux de chasse et de pêche, les cimetières, les autres endroits qui sont très importants dans l'histoire des autochtones au Québec, que dans le passé il y avait beaucoup de non-respect. Alors, je pense, c'est très important. Également, l'arrêt Haïda, qui donne à tout gouvernement responsable l'obligation de consulter les communautés autochtones. C'est maintenant, c'est une décision de la Cour suprême du Canada. Alors, ce n'est pas la ministre qui a décidé ce matin qu'on va faire ça comme... Je trouvais ça intéressant de mettre ça dans une loi. Je pense que c'est très responsable de notre ministre de respecter les obligations.
Et, quant à votre question pour le développement économique, l'arrêt Haïda a été écrit au même moment de l'arrêt Taku River, qui donne les balises très claires qu'on peut respecter le droit de consulter, le droit de faire affaire avec les autochtones au niveau économique, au niveau social, au niveau culturel, mais on peut développer aussi.
Alors, je vous invite, avant d'écrire un court paragraphe facile comme ça, de vraiment réfléchir sur nos obligations de bien consulter, de bien travailler avec nos voisins autochtones. Alors, de dire que tout ça, c'est «néfaste de vouloir plaire à tout le monde et à son père», c'est une ligne gratuite que vous pouvez écrire comme ça, et c'est une énorme déception, et ça fait fi aux décisions nombreuses de la Cour suprême qu'il faut donner à nos relations avec les premières nations du Québec un plus grand respect. Moi, je ne sens aucun respect pour leur place dans notre société dans ces paragraphes ici. Alors, je vous invite de peut-être réfléchir davantage parce que, je pense, qu'est-ce que la ministre a mis dans la loi, c'est le minimum pour respecter la loi existante au Québec et au Canada. Et, je trouve, de mettre ça dans votre mémoire, c'est une grande déception. Merci.
M. Hamel (Denis): Si vous me permettez, je voudrais réagir à votre affirmation. Vous avez raison de mentionner qu'on ne pourra pas faire... on ne pourra pas répéter les erreurs du passé, et ce qui a été fait avec les nations autochtones est bien triste, et on veut éviter... on veut éviter que ça se reproduise.
Maintenant, vous connaissez, vous beaucoup mieux que moi, mais vous connaissez les revendications autochtones et l'importance historique qu'ils ont dans le développement économique du Québec, ils étaient là bien avant nous, mais il y a juxtaposition des histoires. Comme on le mentionnait tantôt, le développement dans la vallée du Saint-Laurent s'est fait d'abord en harmonie avec les peuples autochtones et ensuite on a pris de plus en plus de place, les confinant dans des réserves de plus en plus étroites. Le problème, ce n'est pas la consultation, c'est la prise en compte d'éléments patrimoniaux qui sont différents des nôtres et surtout qui peuvent prendre une ampleur qu'il est difficile de mesurer actuellement. On voit, par exemple, les revendications qui couvrent l'ensemble du territoire. Est-ce que ce n'est pas une addition... je ne dirais pas inutile, la consultation, elle est nécessaire, mais on rajoute, encore là, des obstacles, des prises en considération imprévisibles.
S'il y a un inventaire qui est déjà fait, ce qui n'est pas le cas dans la loi, s'il y a un inventaire qui était déjà fait des sites patrimoniaux, des cimetières... Il y en a qui sont faits, mais on ne voudrait pas que ça arrive en plus, là... que les nations autochtones, par exemple, et bien d'autres groupes utilisent cette loi-là pour dire: Ah! Bien là, on a ici quelque chose qui a une valeur patrimoniale. Ah, on a ici quelque chose qui a une valeur historique. Quelqu'un... un personnage célèbre y a séjourné, on ne peut pas toucher ça. Donc, tout ce qui est une entrave au développement économique nous dérange a priori. Mais, comme je vous dis, on le voit... Il y a une porte ouverte, là, que l'on voyait comme possiblement menaçante, mais surtout pas méprisante à l'égard des premières nations.
Le Président (M. Curzi): M. le député de Jacques-Cartier.
M. Kelley: Je dois réagir à ça. Parce que ce n'est pas un caprice, qu'est-ce qu'on discute ici. C'est vraiment... ce sont des droits, c'est les paroles non tenues dans le passé de nos gouvernements, canadien, québécois, mélangés, que nous avons confié... nous avons mis sur les marges de notre société. Alors, avec une certaine évolution juridique au Canada et au Québec maintenant, ils ont une place qui est reconnue. Alors, si vous lisez comme il faut, il y a déjà beaucoup de balises qui sont déjà en place pour bien cerner c'est quoi, la consultation, mais c'est le strict minimum qu'un gouvernement peut faire dans le domaine culturel comme dans beaucoup d'autres domaines.
Alors, je vous invite de réfléchir de nouveau. On n'a pas mis ça par caprice, mais c'est vraiment un respect. Et, votre attitude, votre façon de penser, on va revenir à une époque où on a décidé de construire les terrains de golf sur les cimetières autochtones, ce qui a été essayé par un gouvernement, et de mémoire ce n'était pas une bonne idée, qui a freiné le développement économique d'une région depuis... 20 ans après.
Alors, je pense qu'il faut changer nos façons de faire. Les autochtones ont des droits, les autochtones ont une place sur le territoire québécois, qu'il faut respecter. Et ce n'est pas en disant que c'est néfaste de vouloir plaire à tout le monde et à son père qu'on va faire avancer les choses. Alors, je vous invite de corriger le tir parce que c'est une attitude qui nuit, je pense, à l'image de votre fédération.
Il y a beaucoup d'exemples au Québec, au contraire, où les chambres de commerce travaillent. Dans la région d'Abitibi, par exemple. Moi, je pense que la Convention de la Baie James est une excellente nouvelle pour le développement économique de l'Abitibi. Je suis certain que la Chambre de commerce de Val-d'Or serait d'accord avec moi. En travaillant ensemble, en consultant, en se respectant, c'est comme ça que nous allons avancer la cause. Et, dans des paragraphes comme ça, on fait le contraire. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Curzi): M. le député de Lévis. À moins que... Je pense que nous savons...
Mme Bertrand (Françoise): Bon. L'idée n'était pas d'offenser, c'était un exemple de plus de la segmentation.
Le Président (M. Curzi): Oui. C'est ça. Mais je pense que l'échange est clair. Alors, M. le député de Lévis, s'il vous plaît.
M. Lehouillier: Merci beaucoup. Moi, j'aurais une question à vous poser par rapport aux usages. Moi, j'ai fait de la politique municipale pendant une vingtaine d'années et, moi... C'est pour ça que je suis un petit peu en porte-à faux avec ce que vous disiez tout à l'heure, en disant: On ajoute des contraintes, puis ça n'a pas de bon sens, on nous restreint au niveau des usages, alors que, précisément, ce que la loi fait, c'est qu'elle donne de nouveaux pouvoirs aux municipalités.
Et, les pouvoirs qu'elle donne aux municipalités, là, je vous donne un exemple: par exemple, une municipalité qui décide de citer un site patrimonial. C'est sûr que le gouvernement peut déclarer aussi un site patrimonial. Mais là vous êtes à un très haut niveau. Là, il y a des contraintes qui ne sont pas les mêmes. Mais par rapport... À partir du moment où les municipalités ont ces pouvoirs-là, vos membres, vos membres sont présents dans toutes les municipalités du Québec ou dans toutes les MRC du Québec, et, une fois que la municipalité a cité un site, supposons par exemple qu'elle décide de citer un secteur traditionnel site, après, c'est dans le cadre de sa réglementation d'urbanisme et des usages qu'elle vient réglementer le tout en consultation avec son milieu au niveau local. Et c'est ça qui est extraordinaire avec ce que le projet de loi fait. C'est le contraire, c'est qu'il rapproche la façon de gérer un site des citoyens. Mais ça, c'est une différence fondamentale par rapport à ce qu'on connaît actuellement.
Et, moi, ce que j'ai toujours vécu comme élu municipal, la problématique des municipalités et des promoteurs est toujours la même: un promoteur, par exemple, se porte acquéreur d'un bâtiment; l'orientation de la municipalité n'est pas claire, la population se mobilise, la municipalité recule, etc. L'avantage qu'offre la loi, c'est que dorénavant les municipalités ont maintenant des pouvoirs nouveaux qui leur permettent de définir un cadre qui fait en sorte que les promoteurs sachent dans quoi ils s'embarquent d'avance quand ils achètent un bâtiment et pour lequel les règles du jeu sont connues. Et, ces règles du jeu là, précisément lorsqu'une municipalité cite un site patrimonial, elle pourra, à l'intérieur de sa réglementation d'urbanisme, venir influencer ce site-là en tenant compte des préoccupations du milieu, y compris les préoccupations des promoteurs.
Je ne sais pas comment vous réagissez à ça, mais, moi, j'ai vraiment l'impression inverse de ce que vous dites dans votre mémoire. C'est qu'au contraire ces pouvoirs nouveaux là aux municipalités font en sorte que les chambres de commerce et les autres groupes du milieu, les citoyens, les groupes communautaires, etc., ont une emprise sur ce site-là quant à l'aménagement qui va y être fait et quant aux usages qui vont y être permis. Alors, j'aimerais ça vous entendre là-dessus. Parce que, moi, c'est le volet que je trouve le plus intéressant de ce projet de loi là, les pouvoirs nouveaux aux municipalités.
Le Président (M. Curzi): On va vous entendre 1 min 30 s.
Mme Bertrand (Françoise): Écoutez, je ne pense pas qu'on dise des choses différentes, M. le député, au contraire je pense que ce qu'on dit, c'est qu'il faut que les critères soient plus précis de la part du ministère pour que l'encadrement et les balises soient clairs et pour que ce ne soit pas différent d'une municipalité à l'autre non plus. Il faut qu'il y ait quand même des grands principes qui soient respectés sinon ça va être selon l'humeur du temps, changement municipal et de maire. À ce moment-là, on n'aura pas une compréhension collective et québécoise de la situation.
Maintenant, il y a des cas particuliers, je le comprends bien. Mais on dit la même chose, à savoir qu'en amont on clarifie les choses, et au niveau des balises provinciales et au niveau de l'application municipale, pour qu'après ça les citoyens quels qu'ils soient sachent à quoi s'en tenir. Et, si le promoteur avait un projet, au moins il n'a pas dépensé d'argent pendant ce temps-là et conséquemment il sait que, s'il veut mener un autre projet, il peut aller ailleurs ou il l'oublie puis il s'en va dans une autre juridiction.
**(11 h 40)**Le Président (M. Curzi): Merci.
Mme Bertrand (Françoise): On est sur la même longueur d'onde. Ce que je dis, c'est: C'est important de le clarifier en amont le plus possible.
Le Président (M. Curzi): M. le député.
M. Lehouillier: Donc, vous ne rejetez pas nécessairement les aspects du projet de loi en ce qui est égard à ça.
Mme Bertrand (Françoise): Pas du tout. Pas du tout.
M. Lehouillier: O.K., c'est bien.
Le Président (M. Curzi): Merci. La parole est au député de l'opposition, M. le député de Drummond.
M. Blanchet: Merci, M. le Président. J'identifie d'emblée un point sur lequel nous sommes d'accord, qui pourrait être suivi de points sur lesquels nous le serions moins, mais, le but étant de vous entendre. Vous avez parlé de prévisibilité, vous venez de revenir sur cette thématique-là, et ça me semble essentiel, y compris et beaucoup pour les gens qui se porteront acquéreurs d'un immeuble, qui savent que ça viendra avec une responsabilité, et dont on ne peut pas se contenter de leur dire: Vous aurez le droit de déposer une demande, vous aurez peut-être de l'argent qui vient avec parce que la dépense est certaine et le revenu ne l'est pas. Et donc, effectivement, les paramètres de prévisibilité...
Et là-dedans j'inclus le commentaire de mon collègue par rapport à... On ne déclare pas n'importe quoi n'importe quand. Il y a une période de réflexion qui permet à tous les intervenants potentiels de saisir la portée de ça, la mise en valeur. C'est vrai aussi si on décide de déclarer un personnage historique. Parce que c'est beau le faire, mais il va falloir que ça vienne avec une mise en valeur. C'est là que ça prend une pertinence en termes de démocratisation de la connaissance.
Cela dit, outre le terme de «n'importe qui et son père» qui m'avait un peu titillé, il y a les termes des «couteaux suisses» et des «utopies» qui m'ont, ma foi...
Mme Bertrand (Françoise): C'est un langage fleuri.
M. Blanchet: C'est fleuri. Votre mémoire a la vertu de la clarté. Ça évite d'être en zone grise lorsqu'on pose des questions. Dites-moi. Là, on n'est pas tout à fait en patrimoine, mais les plus ou moins excités qui ont des couteaux suisses, qui caressent des utopies... Sans être nécessairement dans le patrimoine, est-ce que les gens qui s'opposent à l'exploitation des gaz de schiste sont dans cette catégorie-là? Est-ce que c'est des agitateurs aux couteaux suisses ou est-ce que c'est des gens dont les aspirations pourraient, dans une démocratie, être légitimes?
Mme Bertrand (Françoise): ...moi, je vais revenir sur Rabaska, qui est un bon exemple. Moi, j'aime toujours mieux prendre les choses qui sont passées. C'est ce qui nous avait animés dans le temps, à la fédération, lorsqu'on avait fait un peu le post-mortem du Suroît puis l'abandon du déménagement du casino. On avait beaucoup examiné la situation, puis c'est ce qui nous a amenés à créer un portail sur les projets du Québec, qui s'appelle Québec en avant. Et, pour nous, c'était plus l'histoire de Rabaska dans la mesure où, à l'île d'Orléans, ceux qui s'opposaient vertement aux changements de paysage, c'étaient essentiellement des gens qui avaient une maison de villégiature ou des gens retraités qui avaient élu domicile à l'île d'Orléans puis qui étaient embêtés que la valeur qu'ils avaient achetée n'était plus la même, selon eux, parce que leur vision n'était plus la même, et alors que les gens qui étaient d'origine de l'île d'Orléans, ils voyaient une opportunité pour avoir du travail pour des générations futures et que, donc, il y avait une espèce de promesse de développement économique. Et ce n'est pas juste nous qui le disons dans les consultations que nous avons faites, j'ai lu les contes d'un certain auteur, M. Fournier, qui raconte exactement la même chose, parce qu'il vivait à l'île d'Orléans puis il a expérimenté ça.
Alors, c'est ça qui nous préoccupe. Ce n'est pas de dire: On est inquiets, il y a une réalité, puis là c'est une question scientifique: Est-ce qu'il faut trancher par rapport à ça? C'est: la valeur patrimoniale peut être la valeur sentimentale, peut être une valeur visuelle. Et là, pour les uns et les autres, ça devient finalement une foire d'empoigne. C'est ça qu'il faut éviter au Québec.
Je pense que d'avoir des débats sérieux sur «oui, c'est important à court, moyen et long terme pour un ensemble de valeurs», ça, c'est sain, même si on ne s'entend pas au départ. Mais, de le faire sur simplement des perceptions puis le renforcement d'une valeur aux yeux de quelques-uns, ça, ça n'est pas porteur. Et ce n'est surtout pas porteur quand on le fait au moment où il y a un projet qui est sur la table ou une idée qui est sur la table. Il vaut mieux le faire à un moment, pour assurer la prévisibilité, où on peut le faire sans qu'il y ait un débat émotif, mais qu'on s'entende pour dire: Est-ce qu'on fait en sorte de protéger certains espaces parce que, pour nous, c'est la signature du Québec au plan du patrimoine paysager?
M. Blanchet: Je suis également d'accord sur l'idée de ne pas constamment ou systématiquement bloquer, pour mille et une raisons, les grands projets qui sont des projets mobilisateurs mais qui sont souvent des projets à caractère patrimonial et à caractère culturel aussi. Donc, ça peut jouer dans les deux directions. Et, ultimement, vous campez une position légitime, claire et la position d'un moteur qui dit: Nous autres, on veut avancer, nous sommes un moteur économique. Et ça, j'ai le plus grand respect pour ça. D'autres groupes dans la société assument d'autres positions, et éventuellement l'État est appelé à trancher.
Rabaska est un exemple d'une chose et de son contraire. Parce que vous évoquez les oppositions à Rabaska qui ont été exprimées à l'île d'Orléans, je ne crois pas qu'elles soient responsables du fait que Rabaska ne fonctionne pas. Je pense qu'il y a des paramètres macroéconomiques qui ne se situent même pas au Québec qui en seraient davantage responsables. Et peut-être que la position que vous défendez aurait été gagnée dans le dossier de Rabaska et peut-être que les gens de l'île d'Orléans auraient considéré que c'est à leur détriment.
Maintenant, il y a peu de joyaux -- si on prend cet exemple-là -- il y a peu de joyaux paysagers au Québec qui ont la valeur extraordinaire que l'île d'Orléans a, d'une part. Et il y aura une réflexion, parce que l'idée du patrimoine paysager me semble extrêmement intéressante, mais il y aura une réflexion à faire sur la définition de ça parce que j'ai un doute sur le fait que ce soit la personne qui est dans la carte postale qui peut juger de la qualité de la carte postale -- ça, pour moi, ça ne colle pas -- c'est la personne qui le voit de façon systématique. Et là on rentre dans des intersections, par rapport aux juridictions, d'une complexité large mais pas au point de ne pas se pencher sur la question.
Ce qui m'amène à votre proposition du BAPE. Si on ne la prend pas sous l'angle du paysage, admettons que ça fait un peu sourire parce que... Est-ce que l'expertise qui permet d'évaluer l'impact environnemental d'une mine à ciel ouvert en Abitibi est la même que l'expertise qui permet d'évaluer la valeur patrimoniale d'un immeuble au centre-ville de Montréal?
Mme Bertrand (Françoise): Certes pas.
M. Blanchet: Donc, est-ce que cette espèce d'amalgame là... Je comprends qu'il y a une espèce de mode de fusionner toutes sortes d'affaires qui ne vont pas ensemble pour donner l'apparence que ça va coûter moins cher, mais est-ce que ce n'est pas un peu un mariage qui ne colle pas?
Mme Bertrand (Françoise): C'est un mariage difficile, je l'avoue. Même nous, on disait: Il faudrait créer une agence d'analyse économique pour avoir la possibilité d'avoir une réelle expertise économique. Mais on en est plutôt pour dire: Est-ce que, quand il y a un projet ou une initiative, il va falloir arrêter à huit stations avant d'avoir une réponse? Ça veut dire que... sans ça... parce que ces stations-là ne donnent pas l'autorisation du feu vert de la ministre, comme tel, ni non plus du Conseil des ministres. Alors, ça veut dire: entre le moment où j'ai un projet puis qu'il va avoir son accord final, si déjà ça prend deux à trois ans, il va falloir rajouter cinq ou six ans.
Alors, il y allait du fait de l'économie, mais c'était assez facétieux, je dirai, mais c'était surtout pour dire: Est-ce qu'on peut faire un seul point, quitte à ce qu'il y ait des expertises différentes qui vont examiner la question? On peut imaginer, à ce moment-là, que le BAPE s'élargit avec une dimension culturelle et qu'il y a des spécialistes culturels qui examinent la question. Tout ce que ça fait, c'est que ça fait un arrêt plutôt que d'attendre trois à quatre réponses avant de pouvoir avoir la réponse finale du Conseil des ministres et l'accord gouvernemental. C'était ça, c'était une question de dire finalement: La réponse est intéressante, mais elle vient trop tard et puis il y a désintérêt de la part des promoteurs.
M. Blanchet: Peut-être le mariage forcé serait-il plus coûteux que l'existence de plus qu'un organisme.
Mme Bertrand (Françoise): Peut-être.
M. Blanchet: Mais, facétie pour facétie, je prends bien acte de votre remarque à l'effet qu'il y a là un regrettable désengagement de l'État. C'est presque musical à mon oreille. Parce qu'il y a bien des endroits où l'État se désengage alors qu'il ne le devrait, je crois, pas.
Mme Bertrand (Françoise): Je ne me suis pas entendue dire ça, mais il ne faudrait pas que...
M. Blanchet: Non, mais il y a eu un... Non, non, mais le début...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Blanchet: ...le début est de vous. Le début est de vous et la paraphrase est de moi.
Mme Bertrand (Françoise): Parce que déjà j'ai fait plusieurs facéties puis j'ai insulté déjà des gens, je ne voudrais pas en rajouter, là.
M. Blanchet: Justement, je revenais à la question des autochtones. La culture autochtone n'est pas un phénomène parallèle à la culture québécoise, elle est un élément intrinsèque de la culture québécoise. Et on ne peut pas d'ailleurs amalgamer ça avec la question des minorités immigrantes, parce qu'au regard des premières nations nous sommes les immigrants, et Dieu sait que nous sommes des immigrants très envahissants. Donc, à cet égard-là, il y a une espèce de renversement du raisonnement qui m'apparaîtrait approprié. Et là je me demandais s'il y avait des cas, de façon assez claire, des cas où une revendication des premières nations, à caractère culturel ou à caractère patrimonial... qui auraient fait obstacle à un projet de développement économique, des cas nets de ça.
**(11 h 50)**Mme Bertrand (Françoise): Écoutez, ça a été malheureux, on s'en excuse, et je retirerai... j'enverrai une modification. C'était du point de vue de dire: Lorsqu'il y a un projet, nous sommes, comme promoteurs, aux prises avec plusieurs instances, plusieurs regards. Alors, ce n'était pas pour faire insulte ni à l'un ni à l'autre, c'était pour montrer la multitude d'intervenants. On peut aussi parler de la protection des territoires agricoles, il n'y a plus de fin, parce que chacun, en son bon droit et avec un regard justifié, est légitime. Mais, quand vous êtes à l'autre bout de la lorgnette et que vous avez à répondre à l'ensemble de ces regards-là, de ces principes-là, et de ces réglementations, et de ces processus, c'est là où ça devient extrêmement lourd. C'était ça qu'on voulait exprimer de façon essentielle.
M. Blanchet: O.K. Mais je maintiens ma question parce qu'elle est... c'est sur le fond: Est-ce qu'il y a des cas où des revendications, des représentations à caractère patrimonial ou culturel des premières nations... Parce que la question des premières nations a été abordée dans la loi, et eux font des représentations extrêmement intéressantes mais complexes par rapport aux notions de territorialité où eux sont un peu astreints à l'intérieur de territoires donnés, tandis que leur patrimoine, en particulier archéologique, lui, peut se situer n'importe où et tomberait sous la juridiction d'une municipalité dont ce n'est pas la propriété légitime, si on peut dire ça comme ça.
Et donc je veux savoir s'il y a des exemples concrets de revendication à caractère patrimonial des premières nations. Parce qu'il y a le cas, exemple, du fameux cimetière où, c'est le contraire, on est passés dessus. Et, quand même, c'était quand même un cimetière. Est-ce qu'il y a des cas contraires? Est-ce que votre crainte s'appuie sur des exemples concrets où les autochtones, sur une base culturelle, ont bloqué du développement économique?
Mme Bertrand (Françoise): Non. Non.
M. Hamel (Denis): Elle ne s'appuie pas sur des cas concrets, c'était essentiellement une lumière rouge qu'on allumait. Et surtout ça met l'emphase sur le fait que, si on avait une liste déjà au préalable, si, dans les schémas d'aménagement, si, au niveau des municipalités, on savait d'avance quelles étaient les revendications de tous et chacun, y compris celles des nations autochtones, on aurait probablement évité des problèmes comme celui que vous avez mentionné.
M. Blanchet: En mentionnant qu'en effet l'inventaire préalable et le... cet exercice-là devrait précéder...
Mme Bertrand (Françoise): C'est ça.
M. Blanchet: ...et faire partie d'une politique, mais...
M. Hamel (Denis): ...la notion de sécurité pour un...
M. Blanchet: Mais on est là pour les envisager, ces mesures-là. Mais je voudrais passer la parole à mon collègue qui...
Le Président (M. Curzi): Oui. M. le député de Sainte-Marie--Saint-Jacques.
M. Lemay: Oui. Ça sera assez rapide parce que l'échange est clair. Mais je pense que vous venez nous dire: Le mieux est l'ennemi du bien. Hein?
Mme Bertrand (Françoise): Exactement.
M. Lemay: Je pense qu'au-delà des exemples, parce que c'est toujours... De prendre des exemples dans le patrimoine, c'est toujours délicat, n'est-ce pas? Je pense que...
Mme Bertrand (Françoise): On l'expérimente, là.
M. Lemay: Oui, c'est ça. Voilà. Donc, à l'avenir, vous êtes avertis. Mais je vous citerais: «Cette épreuve de la réalité matérielle, toute terre-à-terre soit-elle, est indispensable pour éviter l'adoption d'une loi qui préparerait des désillusions.» Et c'est là où je suis un peu d'accord avec vous. C'est qu'à susciter l'espoir de tous ces gens et on se rend compte, deux ans, trois ans, quatre ans après, que, dans le fond, ça n'a pas vraiment réglé ce qu'on pensait ce qu'il serait... je pense que ça nous éviterait tous des lendemains qui déchantent face à... Moi, c'est comme ça que je le comprends, au-delà des exemples, là, qui ont été donnés.
Je vais revenir à une petite chose que monsieur a dite tout à l'heure. Vous parlez des promoteurs dans la montagne. Permettez-moi un petit commentaire. Le promoteur qui va sur le mont Royal, qui achète un immeuble dans le Vieux-Québec, dans le Vieux-Montréal ou sur l'île d'Orléans puis que ça l'énerve un peu, je pense qu'il n'a pas d'affaire là. Ça prend des promoteurs spécialisés pour aller dans ces endroits-là. Et je ne parle pas d'un projet... je n'ai aucun projet en tête quand je vous dis ça. J'ai été, moi aussi, un élu municipal, et effectivement des gens qui investissent dans ces lieux-là ont des spécialités ou embauchent des architectes et des urbanistes spécialisés. Si vous allez là pour faire une petite entente vite, vite faite, là, ce n'est pas les bons endroits pour ce faire et...
Mme Bertrand (Françoise): Il n'y en a plus au Québec, de toute façon.
M. Lemay: Bien, il y en a... Bien, en tout cas, qui sont...
Mme Bertrand (Françoise): Bien, nulle part, d'ailleurs. Pas juste au Québec.
M. Lemay: Non, mais qui ont un développement aussi serré et encadré que le Vieux-Québec, le Vieux-Montréal et le mont Royal...
Mme Bertrand (Françoise): Bien oui...
M. Lemay: ...puis l'île d'Orléans... Bon. Mais les gens que ça les énerve un peu, ils trouvent que ça prend du temps, il faut qu'ils aillent ailleurs, il faut qu'ils investissent ailleurs. Ce n'est peut-être pas les endroits où ils doivent...
Mme Bertrand (Françoise): Mais je pense que...
M. Lemay: ...où ils doivent investir. C'est des gens qui sont spécialisés qui vont là. Il y a ça, aussi. C'est que ce n'est pas tout le monde qui arrive dans le Vieux-Québec: Je vais acheter un immeuble ou deux immeubles, puis là je vais faire des rénovations, qui est de bonne foi, puis là il se rend compte que, deux ans plus tard, il n'y a même pas un coup de marteau. Oui, mais c'est normal. C'est normal.
Le Président (M. Curzi): Mme Bertrand.
Mme Bertrand (Françoise): Mais ça, M. le député, nous sommes d'accord avec vous. Puis, quand je réfère à ce qu'on a fait à l'époque quand on a créé le portail Québec en avant, on avait un message pour le gouvernement. On voulait créer une agence d'analyse économique pour avoir une espèce de balancier, qu'on appelait. Puis on disait à nos membres: Écoutez, oubliez ça, les affaires réglées sur le coin du bureau comme ça pouvait se faire dans le temps de Duplessis, c'est terminé. Il y a un savoir, maintenant, technologique, scientifique, et les collectivités ont un droit de regard. On se réjouit d'avoir une démocratie. Bien, elle s'exerce de façon de plus en plus élaborée, puis il faut accepter... Il faut avoir, dans nos risques de... notre gestion de risques, il faut avoir des budgets qui vont nous permettre de faire toutes les étapes.
Maintenant, on défend aussi nos membres auprès de vous, les parlementaires et le gouvernement, pour dire: S'il vous plaît, essayez de faire ça de façon la plus prévisible, parce que, si j'investis 5 millions, 20 millions, 100 millions, peu importe, je veux savoir que, sur ça, je vais avoir des frais de tant, ou à peu près, pour faire mes étapes. Si on multiplie les couches de sédimentation pour examiner, pour... Est-ce qu'on peut regrouper ça, simplifier ça tout en étant très rigoureux dans l'examen?
Puis c'est un peu ce qu'on disait sur les gaz de shale. On disait: En amont, un processus clair, qu'il soit exigeant sur le développement durable puis exigeant par rapport aux meilleures pratiques, mais faisons en sorte que nous puissions aller en vertu d'un processus. On a dit ça dans l'ensemble des processus qu'on a accompagnés.
Le Président (M. Curzi): M. le député de Sainte-Marie--Saint-Jacques.
M. Lemay: Merci, M. le Président. Et ça, je pense qu'effectivement c'est... En tout cas, moi, ce commentaire-là me fait réfléchir. Permettez-moi de vous dire que ce n'est pas Duplessis qui a autorisé le palais de justice à Montréal. Ce n'est pas Duplessis qui a autorisé le bunker, à côté, puis toutes les horreurs qu'il y a autour du parlement, là. Duplessis était mort et enterré. Est-ce qu'on a appris depuis? Je ne suis pas certain. Mais ça, c'est une autre histoire, un autre débat.
Un commentaire aussi, peut-être. La prévisibilité, pour un promoteur... puis ce n'est pas juste... Je suis assez d'accord avec vous, parce qu'un promoteur ce n'est pas juste un «big shot» qui arrive, là, milliardaire, puis qui... Un promoteur, c'est aussi des OSBL, très souvent, des OSBL d'habitation, des coopératives d'habitation, des OSBL en culture qui achètent un immeuble patrimonial. Donc, effectivement, je pense que la prévisibilité des projets est fondamentale.
Et permettez-moi de faire un commentaire, je vous demanderais de commenter après. Dans le Vieux-Montréal, pour l'avoir vécu, au niveau municipal, on connaît pas mal les règles. Elles sont pas mal décrites dans la Loi de l'aménagement et de l'urbanisme, et tout ça. Quand ça rentre au ministère, ah bien, là, c'est une espèce de trou noir. Là, on ne sait plus qui l'a, on ne sait plus... à moins que les règles aient changé dernièrement, là. On ne sait... Est-ce qu'ils ont six mois pour émettre un avis, un an, deux mois? Et je veux être clair, M. le Président, que les fonctionnaires du ministère doivent avoir... ils ne doivent pas être... ils ne doivent pas recevoir aucune pression de personne, on s'entend là-dessus, mais d'avoir un certain... Je ne sais pas ce que vous en pensez. Est-ce que les gens vous ont parlé nécessairement de projets particuliers ou...
Mme Bertrand (Françoise): Écoutez, pas plus à ce ministère qu'à d'autres ministères...
M. Lemay: À moins que les... Oui.
Mme Bertrand (Françoise): ...et pas plus pendant ce gouvernement que dans d'autres gouvernements.
M. Lemay: Ah! Absolument, là. Absolument.
Mme Bertrand (Françoise): On sait bien que l'administration publique, ça prend toujours trop de temps aux yeux des promoteurs privés. C'est évident. Alors, je pense qu'il y a toujours des efforts qui sont faits, puis on encourage à les poursuivre. D'abord, les clartés, quel va être le processus, et quels vont en être les délais, tout en se donnant la sécurité nécessaire. Puis je pense que, nous, de notre côté, on a à informer nos membres que justement ça ne peut plus se faire en un mois ou deux mois. On ne peut pas créer une pression indue. Il faut accepter que, si on veut faire du développement, bien, il faut composer avec le temps. Maintenant, ce temps-là doit être le plus raisonnable possible. Puis je pense bien que l'ensemble des parlementaires, autant que le gouvernement, que la fonction publique, ont avantage aussi puis essaient de faire de leur mieux pour faire en sorte que ce soit le plus rigoureux, tout en étant leste et agile.
Le Président (M. Curzi): M. le député? Non, ça va?
M. Lemay: Ça va. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Curzi): Madame? Si c'est...
Mme Poirier: S'il reste un peu de temps.
Le Président (M. Curzi): Oui.
Mme Poirier: S'il reste un petit peu de temps.
Le Président (M. Curzi): Oui. Alors, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, il vous reste trois minutes.
**(12 heures)**Mme Poirier: Ah, c'est plus que la dernière... J'ai gagné une minute. J'ai gagné une minute. Dans votre mémoire, à la page 9, vous mentionnez: «...il est dans l'ordre des choses que les minorités qui adoptent le Québec d'aujourd'hui voudront un jour qu'une part significative de leur patrimoine soit confiée à l'État, ce qui ne pourra qu'enrichir notre héritage collectif.» J'aimerais vous entendre sur «soit confiée à l'État». Qu'est-ce que vous voyez comme implication de l'État quand vous parlez de ça?
On voit le débat en lien avec les églises, actuellement, à l'effet que, bon, l'État n'est pas prêt, là, à prendre la responsabilité de propriétés et d'entretien de l'ensemble du patrimoine religieux. Alors, moi, je voudrais vous entendre là-dessus, là. Qu'est-ce que vous voyez quand vous dites «soit confié à l'État»? Parce qu'avant qu'on confie ce que les minorités... Puis, je regarde, la communauté anglophone a un patrimoine religieux imposant, et d'autres communautés ont aussi un patrimoine religieux imposant. Qu'est-ce qu'on fait quand vous dites «soit confié à l'État»?
Mme Bertrand (Françoise): En fait, ici, je pense que ce qu'on veut dire, c'est que l'héritage s'enrichit, pas nécessairement s'appauvrit en termes de dollars. C'est plus qualitatif que quantitatif. Puis est-ce que c'est l'État strictement provincial ou ça implique aussi la municipalité? Ce qu'on dit, c'est qu'on est pluriel de plus en plus. Forcément, le patrimoine religieux ne pourra pas être strictement les églises qu'on a connues, mais de plus en plus les mosquées et les autres temples. C'était plus ça que nous voulions dire. Et, à cet égard-là, à la question que la ministre posait tout à l'heure à madame de la CRE de l'Outaouais, nous, on n'est pas opposés à la question de la tarification pour les examens, les expertises. Je pense qu'au contraire on a le principe qu'on préfère de loin celui qui a l'usage paie, et -- le moins possible, mais quand même -- ce principe-là, on le reconnaît comme important. Alors, ce serait dans le même esprit.
Mme Poirier: Mais, pour être un peu plus précis, quand vous dites que le patrimoine soit confié à l'État...
Mme Bertrand (Françoise): Bien, c'est plus de...
Mme Poirier:«Confié», ça en fait une propriété de l'État. Donc, ça veut dire que l'État doit le supporter monétairement, là.
Mme Bertrand (Françoise): Non. C'était d'être dans le périmètre au sens du patrimoine, la reconnaissance patrimoniale.
Mme Poirier: O.K.
Le Président (M. Curzi): Merci, Mme Bertrand, M. Hamel.
Nous allons assez rapidement suspendre et accueillir notre prochain intervenant, s'il vous plaît.
(Suspension de la séance à 12 h 2)
(Reprise à 12 h 5)
Le Président (M. Curzi): ...étant donné que le temps nous presse, nos collègues vont revenir d'ici... Les voilà, d'ailleurs.
Alors, nous accueillons l'Union des municipalités du Québec. On va vous vous demander d'être scrupuleux sur la période de temps, et, si vous pouvez nous épargner quelques minutes, ça nous avantagera, ça nous fera plaisir. Messieurs, à vous la parole. si vous voulez, M. Fortin, M. Dion.
Union des municipalités
du Québec (UMQ)
M. Fortin (Jean): Alors, merci, M. le Président. Donc, mesdames messieurs, bienvenue. Je vous remercie de nous accueillir ici, nous, comme représentants de l'Union des municipalités du Québec.
Donc, Mmes, MM. les députés, à titre de membre de la -- Mme la ministre également, bienvenue -- à titre de membre de la Commission de la culture, des loisirs et de la vie communautaire, de l'Union des municipalités du Québec, je suis heureux de prendre part aujourd'hui à cette commission parlementaire.
Je veux d'abord vous présenter la personne qui m'accompagne, donc, M. Frédérick Dion, qui est conseiller aux politiques à l'Union des municipalités du Québec.
M. Dion (Frédérick): Bonjour.
M. Fortin (Jean): Donc, avant d'entrer dans le vif du sujet, j'aimerais vous rappeler que l'UMQ représente depuis maintenant plus de 90 ans les municipalités de toutes tailles et dans toutes les régions du Québec. Il est le seul regroupement municipal qui favorise l'entraide dans l'ensemble du milieu, d'abord en soutenant la prise en charge au niveau régional de son action par ses 17 caucus régionaux, mais aussi en permettant à ses membres de travailler sur la base de leurs affinités et d'avoir ainsi une voix sur toutes les instances politiques et dirigeantes de l'union.
La structure de l'UMQ, par ses caucus d'affinité, est le reflet de la mosaïque municipale québécoise avec ses communautés métropolitaines, ses grandes villes, ses cités régionales, ses municipalités de centralité, ses municipalités locales et ses municipalités régionales de comté.
L'UMQ tient à saluer l'initiative du gouvernement du Québec de moderniser et d'élargir le cadre juridique de protection du patrimoine culturel. Déjà, bon nombre de municipalités engagent depuis plusieurs années des actions qui permettent la protection et la mise en valeur du patrimoine culturel, qui constitue une part importante des identités locales. Nous avons confiance que la consolidation des pouvoirs des instances gouvernementales et municipales permettra une protection accrue et une valorisation élargie du patrimoine culturel québécois.
Toutefois, nous sommes convaincus que les responsabilités croissantes de chacun ne pourront être assumées convenablement sans l'augmentation des ressources allouées à la protection et à la mise en valeur de la diversité du patrimoine culturel québécois. L'UMQ soutient que l'encadrement législatif proposé sera efficient dans la mesure où il sera accompagné d'un plan d'action enrichi de ressources financières adéquates et pérennes essentielles pour assurer la cohérence des actions et garantir la viabilité du patrimoine.
Il n'en demeure pas moins que la protection et la mise en valeur de la diversité du patrimoine culturel peuvent être renforcées. C'est dans cette optique que l'UMQ a analysé en profondeur, donc, le projet de loi n° 82. On l'a fait au sein de la commission, donc, sur la culture de l'union, et je veux aujourd'hui, rapidement, là, vous en livrer les principales recommandations dont vous avez déjà pu prendre connaissance.
Donc, dans l'ensemble, l'UMQ accueille positivement les changements proposés concernant la simplification des statuts. L'identification et la définition claire des éléments constitutifs du patrimoine culturel ne peuvent que faciliter l'application de la loi. Toutefois, il est regrettable que les critères et les principes qui permettent de définir ce que l'on choisit de protéger ne soient pas clairement définis dans la loi.
Au-delà du caractère historique, emblématique ou identitaire mentionné dans le projet de loi, il est possible d'établir des critères objectifs qui permettront l'évaluation de la dimension patrimoniale, facilitant ainsi sa protection. La connaissance des critères faciliterait, entre autres, la réalisation d'inventaires de paysages d'intérêt d'un territoire et les demandes de désignation d'un paysage culturel patrimonial par les municipalités.
La mise en oeuvre harmonieuse de la présente loi, spécialement lors d'un processus de désignation de paysages culturels patrimoniaux, nécessitera des ressources expertes et un soutien technique soutenu de la part des directions régionales du ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine. Bien que quelques grandes municipalités québécoises aient l'expertise nécessaire pour assumer les nouvelles responsabilités confiées au secteur municipal par le projet de loi, ce n'est pas le cas pour la majorité d'entre elles. L'adoption du projet de loi ne doit pas entraîner le retrait du ministère de la Culture, qui soutient les municipalités qui n'ont pu développer une expertise adéquate en matière de patrimoine.
**(12 h 10)** Concernant le droit de préemption de la ministre, l'union questionne la pertinence de limiter celui-ci aux organismes publics. Il y aurait lieu que ce droit de préemption s'applique également aux propriétaires privés. De plus, l'union s'inquiète de l'absence de moyens pour des interventions préalables d'urgence sur des biens qui ne sont pas encore classés ou cités. Pour renforcer la portée de la loi, il y aurait lieu de prévoir des pouvoirs étendus en ces matières. L'UMQ souhaite, par ailleurs, que soit étudiée la possibilité d'accorder ces pouvoirs aux municipalités, y incluant le droit de préemption en matière de patrimoine culturel pour les objets patrimoniaux cités situés sur leur territoire. Ce droit accordé aux municipalités pourrait également s'étendre aux biens classés, si le ministre n'a pas préalablement signifié l'intention d'exercer son droit de préemption.
La municipalité devrait être exemptée en totalité du paiement des frais liés à la délivrance des extraits du registre du patrimoine culturel ou à toute demande d'étude liée à la mise en oeuvre de la loi.
Par ailleurs, l'UMQ salue l'initiative de la ministre de nommer au Conseil du patrimoine culturel du Québec des membres de divers domaines d'expertises et provenant de plusieurs régions du Québec. Toutefois, afin d'assurer l'arrimage et la mobilisation des divers intervenants et faciliter la circulation de l'information et des expertises, l'union souhaite s'assurer d'une représentation du milieu municipal au sein du conseil. Les représentants municipaux, partenaires importants et incontournables en matière de protection du patrimoine, devraient être désignés à partir d'une banque de candidats soumise par les associations municipales. Ces candidats seraient représentatifs des divers domaines du patrimoine et des différentes régions du Québec.
En plus de sa fonction de consultation auprès du ministre, le Conseil du patrimoine du Québec devrait jouer un rôle de veille afin d'informer les citoyens et les municipalités et d'éclairer les décisions gouvernementales. Une partie de ses fonctions pourrait être de rassembler les résultats d'études menées par les instituts de recherche et les universités québécoises ainsi que les travaux des organismes en patrimoine. Elle pourrait aussi définir les critères d'évaluation d'un paysage et les rendre accessibles aux municipalités afin qu'elles puissent identifier ceux qui pourraient obtenir la désignation sur leur territoire.
Hautement préoccupée par la protection de biens susceptibles de présenter une valeur patrimoniale, l'union tient à s'assurer que les dispositions du régime d'ordonnance du projet de loi protégeront adéquatement l'ensemble des biens patrimoniaux, incluant ceux qui n'ont pas toujours été classés ou cités. À ce titre, l'avis de motion d'un règlement de citation d'un bien patrimonial devrait protéger celui-ci de toute modification, similairement à ce qui est prévu à la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme.
L'union se questionne également sur les mesures de prévention d'urgence. Les délais sont plutôt courts et mériteraient d'être allongés afin d'être harmonisés avec ceux de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme plus réalistes quant à leur application. Ainsi, en vertu du principe de précaution, nous sommes d'avis que le délai mentionné au projet de loi devrait être similaire à celui mentionné dans la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, soit jusqu'à six mois.
Quant au transfert de responsabilités du ministère aux municipalité locales, ne serait-il pas pertinent que celui-ci puisse s'appliquer à l'ensemble des biens patrimoniaux et non uniquement à un site patrimonial classé ou déclaré ou à une aire de protection? Considérant que celui-ci est réalisé sur une base volontaire de la part des deux parties, il n'y a pas de raison valable de limiter la portée de ce transfert, selon nous.
L'UMQ souhaite que le projet de loi soit assoupli pour accorder plus de latitude aux municipalités, de confier les fonctions du conseil local du patrimoine à une instance autre que le Comité consultatif d'urbanisme si elles le désirent. De plus, l'union demande de prévoir dans la loi que le Conseil du patrimoine culturel du Québec prenne en compte les avis des conseils locaux du patrimoine.
Par ailleurs, l'augmentation des amendes pour les propriétaires délinquants est une excellente nouvelle, considérant que les peines actuelles prévues à la loi sont totalement obsolètes et constituent une incitation à la démolition d'immeubles. L'UMQ est d'avis que l'indexation des amendes devrait être incluse dans le projet de loi. Si tel n'est pas le cas, le montant de celles-ci devrait être modifié régulièrement par règlement afin de s'assurer que cette sanction conserve pleinement son effet dissuasif au fil du temps.
De plus, afin de dissuader quiconque de procéder à la démolition illégale d'un bien patrimonial classé ou cité, la ministre devrait s'assurer que le projet de loi puisse aller aussi loin que d'autoriser la Cour supérieure à rendre une ordonnance de reconstituer un immeuble démoli, comme le prévoit, par exemple, la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme en matière de règlement de démolition.
Outre le maintien des outils existants, l'actuel Fonds du patrimoine culturel est certainement un outil financier pertinent à la protection et à la mise en valeur du patrimoine culturel. Toutefois, rien n'indique, dans le projet de loi, que celui-ci sera bonifié autrement que par les amendes perçues en application des dispositions de la présente loi. Des diverses mesures concernant les fonds, proposées en 2008 dans le livre vert Un regard neuf sur le patrimoine culturel, peu d'entre elles semblent avoir été retenues, dont celle de créer un fonds renouvelable pour la protection du patrimoine culturel dédié notamment aux municipalités et aux organismes sans but lucratif oeuvrant dans l'ensemble des domaines du patrimoine culturel. Un tel fonds permettrait au ministère, de concert avec les municipalités, de financer diverses mesures ou programmes de conservation et de mise en valeur du patrimoine culturel.
En matière d'engagement municipal vis-à-vis la culture et le patrimoine, il est prioritaire de valoriser l'action des municipalités à travers des mesures incitatives. Ces façons de faire ont fait leurs preuves, comme le démontre le nombre croissant d'adoptions de politiques culturelles locales, de signatures d'ententes de développement culturel et d'adhésions au programme Villes et villages d'art et de patrimoine. Le gouvernement devrait aussi encourager les initiatives de protection des paysages provenant du monde municipal et favoriser leur inscription dans les instruments de planification appropriés.
Afin de permettre aux municipalités d'assumer pleinement les nouvelles responsabilités qui leur sont attribuées dans la présente loi, les ententes de développement culturel, les programmes Rénovation Québec, RénoVillage, les ententes ciblées, Villes et villages d'art et de patrimoine devront être, selon nous, bonifiés en tant que leviers d'action essentiels pour les municipalités.
M. le Président, Mme la ministre, Mmes, MM. les députés, voilà en gros l'essentiel de la réflexion de l'UMQ à l'égard de ce projet de loi. Et je vous remercie de votre attention. Puis bien sûr on est là pour pouvoir répondre aux quelques interrogations que vous pourrez avoir.
Le Président (M. Curzi): Merci, M. Fortin. Mme la ministre, la parole est à vous.
Mme St-Pierre: Merci. Merci d'être ici ce matin. Vous avez été très présents lors des consultations, et l'Union des municipalités nous a aidés à élaborer le projet de loi, vous avez été présents lors de la consultation. On a eu des rencontres aussi plus privées pour vraiment saisir le message de l'Union des municipalités.
Vous parlez évidemment de ressources financières. Évidemment, tout le monde court après les ressources financières. Alors, je vous remercie d'en parler et d'en reparler. On va essayer de trouver des moyens de générer des ressources. J'ai élaboré qu'une des mesures que nous envisageons ce matin, vous...
J'aimerais tout d'abord vous poser une question sur la question du droit de préemption de la ministre. C'est déjà le cas dans la Loi sur les biens culturels que la ministre peut exercer son droit de préemption sur un bien privé. Dans le présent projet de loi, on avait retiré ce pouvoir-là en se disant que le bien classé est déjà très protégé et qu'un propriétaire ne pourrait pas modifier un bien classé sans avoir l'autorisation du ministère.
Vous nous suggérez de revenir, en fait, à ce qu'il y a déjà dans la Loi sur les biens culturels. Vous nous parlez aussi que peut-être qu'on pourrait permettre à une municipalité d'avoir un droit de préemption si le droit de préemption n'est pas utilisé par le ministre. Je trouve que c'est une idée qui est intéressante. Est-ce que vous le voyez... Est-ce que ce droit-là se ferait en même temps? C'est-à-dire qu'un se désiste, l'autre peut dire oui ou non si on... Là, je pense qu'on prévoit, il me semble, c'est 90 jours. Est-ce qu'on ajouterait un autre 90 jours?
Dans le droit de préemption, tout d'abord, sur la question: Pourquoi vous voudriez qu'on revienne à la question... qu'on revienne au fait que le ministre peut exercer son droit de préemption sur un bien privé?
M. Fortin (Jean): Bien, c'est parce qu'on a... Il y a certains exemples qui nous ont été amenés où ça devrait... On pense que ce n'est pas aussi évident que ça partout où il y a des biens privés qui sont exempts de tout accroc, là, suite au classement de leur bien. Et on le voit, entre autres, dans... Je sais qu'au niveau des municipalités peut-être... Tantôt, j'entendais, on parlait d'arrondissements, par exemple à Montréal, à Québec, certains endroits où c'est très encadré, où il y a des... Mais, vous savez, quand on est en région, parfois... on a des exemples où ça n'a pas été si évident. Moi, j'en ai chez nous, là, mais je n'en parlerai peut-être pas. Et, aujourd'hui...
Des voix: Ha, ha, ha!
**(12 h 20)**M. Fortin (Jean): Je ne reviendrai pas là-dessus aujourd'hui, mais on a des exemples où on pense qu'au niveau privé il devrait y avoir plus de... on devrait renforcer les possibilités par rapport à la ministre.
Puis, sur la question de la mécanique avec le municipal, on pense que, nous, on devrait avoir cette possibilité-là également, justement pour s'assurer, comme on est très près des... On est très près des gens dans les milieux et on est... Je pense que, de plus en plus, au niveau de plusieurs municipalités au Québec, cette sensibilisation-là au patrimoine, à l'importance de certains biens patrimoniaux est en train de se développer, et je pense qu'on devrait pouvoir obtenir cette possibilité-là. Pour ce qui est de la mécanique, là, il faudrait voir, on n'a pas... on ne s'est pas... on n'a pas discuté vraiment, là, de tout ça, là.
Mme St-Pierre: Sur le délai, vous parlez d'un délai qui devrait être similaire à la Loi sur la conservation du patrimoine naturel? Quand vous avez parlé des délais, il devrait y avoir... les délais devraient être semblables.
M. Fortin (Jean): Oui, bien, semblables...
Mme St-Pierre: Vous n'avez pas précisé les délais.
M. Fortin (Jean): Bien, on a parlé des délais qui pourraient être semblables à la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme.
Mme St-Pierre: Mais il devrait y avoir une harmonisation des délais.
M. Fortin (Jean): Oui, voilà, ça pourrait être dans le même sens.
Mme St-Pierre: Il ne devrait pas y avoir un délai pour un côté et puis un autre délai pour un...
M. Fortin (Jean): Effectivement. Voilà. Voilà. C'est dans ce sens-là qu'on voulait parler.
Mme St-Pierre: O.K.
M. Fortin (Jean): Je voudrais parler, Mme la ministre, je m'excuse, sur... Tantôt, vous parliez des ressources financières...
Mme St-Pierre: ...vous poser une question là-dessus...
M. Fortin (Jean): ...qu'on revient souvent avec ça, puis c'est vrai, on le sait. Et je pense qu'on a plusieurs exemples, hein, au niveau municipal, de pouvoirs nouveaux qui nous viennent, et qu'on salue dans bien des cas, et qu'on réclame dans bien des cas aussi. Mais on a parfois aussi la surprise de voir qu'avec tout ça on n'a pas toujours l'envers de la médaille, c'est-à-dire les ressources pour le faire. Et on parle de ressources financières, mais ce n'est pas que de ça dans le mémoire, je pense qu'on parle aussi de toute la question des ressources...
Vous savez, pour pouvoir travailler en patrimoine entre autres, il faut avoir des ressources humaines et aussi des expertises importantes. Et ce n'est pas toutes les municipalités, toutes les MRC, malgré les programmes... Puis on s'aperçoit que des programmes comme Villes et villages d'art et de patrimoine, il y a de moins en moins de participation. Donc, les MRC assument ces choses-là. Et on assume avec ce qui s'en vient là et avec ce qu'on travaille déjà, on assume... c'est des responsabilités importantes. Les attentes également sont importantes, et donc... Et on a développé aussi des expertises avec le ministère, avec les ressources des ministères, les ressources régionales. Et je pense qu'il faut... C'est de ce côté-là aussi qu'il faut voir. Il faut s'assurer qu'on puisse continuer d'avoir et même renforcer ces liens-là et ces ressources-là au fil... Parce que ça aussi, ça va être important, au-delà des ressources... Il y a des ressources financières comme telles, mais il y a les ressources humaines aussi et d'expertise. Et je pense qu'au fil des années les MRC, les municipalités ont développé, avec les directions régionales du ministère aussi, tout un travail, là, par rapport à ça. Et, je pense, il ne faut pas le négliger, il faut... Et il faut même le renforcer, parce que, dans certains cas, on voit que les... on comprend, dans certains cas également, mais que les ressources des ministères sont quand même de plus en plus limitées.
Mme St-Pierre: Quelles seraient les suggestions que vous pourriez nous faire pour, justement, aller puiser des ressources financières supplémentaires?
M. Fortin (Jean): Ah, là, vous... C'est la question qu'on me demande souvent: Comment on pourrait le faire? Moi, je...
Mme St-Pierre: L'idée de la tarification, par exemple, sur des projets importants qui reviendrait dans le Fonds du patrimoine culturel, est-ce que c'est quelque chose qui vous...
M. Fortin (Jean): Bien, c'est sûr que, nous, pour le Fonds de développement du patrimoine culturel, il faudrait aller chercher d'autres possibilités de le rendre...
Mme St-Pierre: De le garnir.
M. Fortin (Jean): Bon, vous avez parlé des amendes, de tarification. Est-ce qu'il y a d'autres possibilités? Est-ce qu'on est capables d'aller au niveau des... vous savez, au niveau... Je sais que les entreprises sont très... Il y a des gens avant moi qui sont mieux placés... qui peuvent en parler, qui sont très sollicités, mais il y aurait peut-être des...
Je pense que la question du patrimoine et la question de la protection des paysages, des patrimoines et de tout cet aspect-là, c'est vraiment une question collective importante. Et il faudrait peut-être voir aussi du côté de participation d'entreprises. Et je ne sais pas de quelle manière, mais il y a sûrement des... Il y a des possibilités de ce côté-là.
Je sais que, nous, dans nos régions, parfois on réussit, pour la protection de certains édifices ou même pour la protection de certaines oeuvres, des fois, dans les régions, à aller chercher de la participation du privé, qui participe avec nous pour l'acquisition d'oeuvres, l'installation également, et ils le font justement pour valoriser la mémoire collective et conserver des choses. Est-ce qu'on peut s'inspirer de ça, est-ce qu'on peut le faire en partenariat? Je veux dire, je n'ai pas... nous, on ne s'est pas vraiment arrêtés là-dessus, mais ça pourrait être... Ça mériterait d'être analysé, ces aspects-là.
Mme St-Pierre: Comment effectivement on pourrait encourager... encourager ou enfin peut-être pas forcer mais amener ces promoteurs-là à s'impliquer dans la protection patrimoine en disant: Bon, bien, on va s'établir quelque part, on veut faire un projet, voici notre contribution à la société qui nous accueille, et cette contribution, elle est patrimoniale? Est-ce qu'il y aurait des arguments qui pourraient être développés de ce côté-là? Je ne parle pas de quelque chose qui serait peut-être écrit dans la loi, mais est-ce qu'il y moyen de dire à des grandes entreprises: Écoutez, vous avez aussi un devoir de... un devoir de participer à la protection du patrimoine dans lequel vous allez vous installer?
M. Fortin (Jean): Oh! les arguments, vous savez... Bien, tantôt, j'entendais derrière, puis on entendait... Il y a des endroits où les gens vont s'implanter en quelque part parce que c'est intéressant. Moi, j'ai déjà dit... Tantôt, on disait en boutade, avec Frédérick, je disais: Quand j'étais plus jeune, moi, mon père disait... Moi, je suis maire de Baie-Saint-Paul, je suis né à Baie-Saint-Paul, et mon père disait: C'est bien beau, Baie-Saint-Paul, ça ne fait pas vivre. Tu sais? Bon. Mais aujourd'hui ce n'est plus vrai. Ce n'est pas vrai. La beauté d'un paysage -- entre autres, là, je donne cet exemple-là -- dans certains cas, c'est un impact économique, ça a un impact au niveau du développement. Et il y a des entreprises qui vont dans certains endroits pour le faire.
L'autre argument aussi, c'est qu'il y a d'autres entreprises qui s'implantent où ça n'a pas de valeur pour eux mais par contre... pour elles nécessairement, mais je pense qu'elles participent à un développement économique. Et, si elles vont s'implanter, c'est souvent parce que c'est comme ça, et pas partout mais dans certains endroits, oui.
L'autre aspect, je pense qu'on peut aller un peu a contrario, c'est de dire: Bon, il y en a qui ne participent pas au paysage, qui participent peu à la... au développement mais... qui participent peu à ça mais qui participent au développement, mais qui parfois viennent... par rapport au patrimoine, ils ne viennent pas aider nécessairement. Je pense qu'on peut...
Puis, au niveau municipal, on a des règles qui... on a des possibilités, des fois. Moi, chez nous, on a, par exemple, des possibilités de faire participer des entreprises. Puis on leur vend le milieu, la... je le disais tantôt, la mémoire du milieu, mais aussi la beauté du paysage, l'aménagement. On sait que l'aménagement des localités, maintenant, la qualité de vie, participer à la qualité de vie, c'est important. Faire, par exemple, que des entreprises...
Je regarde un exemple. Regardez, à Sept-Îles, l'entente culturelle est en lien avec Alouette, avec l'entreprise Alouette. Et, eux, là-bas, pourquoi ils s'impliquent en culture? C'est parce qu'ils veulent faire venir des familles, ils veulent avoir une salle de spectacle intéressante pour les familles. Ils s'impliquent en loisirs aussi. Et je pense que la notion de patrimoine, de plus en plus, fait partie de cet ensemble-là. Mais, moi, je pense que ça serait possible de vendre... Et je pense qu'il y a de plus en plus d'entreprises qui ont un intérêt à ça. Et je pense que ça permet aussi... ça leur aide à s'intégrer aussi au niveau... Il n'y a pas que l'emploi qu'elles créent, mais ça leur aide à s'intégrer aussi dans les communautés dans lesquelles elles s'impliquent. Je pense que ça mériterait qu'on le regarde, cet aspect-là.
Mme St-Pierre: Merci. Je vais juste faire un commentaire. C'est vrai qu'il faut amener les entreprises à s'impliquer, mais en même temps, lorsque... J'ai vu un cas il n'y a pas longtemps: une entreprise avait mis un montant assez important d'argent pour l'aménagement, la restauration d'une salle de spectacle, avec la garantie qu'elle aurait sa place, là, son nom. Ça a changé d'administration municipale, puis la nouvelle administration est revenue sur cet engagement-là. Alors, l'entreprise s'est retrouvée en n'ayant pas la visibilité qu'elle désirait, mais avait quand même mis son million de dollars.
Une voix: ...
Mme St-Pierre: Je vais laisser les questions...
Le Président (M. Curzi): Oui, M. le député de Lévis, pour...
M. Fortin (Jean): Juste...
Le Président (M. Curzi): Pardon. Oui, allez-y, M. Fortin.
**(12 h 30)**M. Fortin (Jean): Juste un autre... On me demandait des... Je sais qu'il y a des municipalités actuellement qui regardent la possibilité, par exemple, quand il y a un projet quelconque d'infrastructure qui est réalisé, qu'il y ait un pourcentage, vous savez, comme un peu... qu'il y ait un pourcentage des... par exemple, si on fait un règlement d'emprunt, qu'il y ait un pourcentage qui soit... qui aille pour implanter une oeuvre d'art publique, par exemple, et une politique de 1 %, mais un peu par les municipalités. Il y en a, et même des plus petites... Nous, on y songe, chez nous, on est en train de regarder cet aspect-là et afin peut-être de créer un fond qui fait qu'on peut travailler à la protection, à l'aide à la protection... au-delà de l'art public, à la protection du patrimoine, à la mise en valeur, à la sensibilisation. Donc, par contre, les règles gouvernementales ne nous le permettent pas nécessairement toujours dans nos règlements d'emprunt. Il faudrait peut-être le regarder au niveau de l'assouplissement. Mais ça pourrait être une... Moi, je pense, ça pourrait être quelque chose à envisager pour plusieurs municipalités.
Le Président (M. Curzi): M. le député de Lévis, pour les trois, quatre prochaines minutes.
M. Lehouillier: Merci beaucoup. Alors, d'abord, bienvenue. Bienvenue, M. le maire, que j'ai déjà connu dans une autre vie. Et je voudrais vous féliciter, M. le maire, pour ce que vous faites pour la culture. Et, dans votre milieu de vie, vous avez parlé des paysages qui attirent beaucoup à Baie-Saint-Paul, mais il faut dire une chose, si Baie-Saint-Paul est attractif aujourd'hui, c'est parce que, comme maire, vous avez accordé une importance à la protection du patrimoine et à la culture. Alors, je voudrais vous en féliciter. Moi, je vais à Baie-Saint-Paul à chaque année -- je vais faire du ski -- surtout l'hiver, et c'est un coin que j'adore. Et voilà. Alors, je voulais vous le dire, M. le maire, félicitations!
Ma question était la suivante, M. le maire. C'est que justement on parlait de règles, on vient de parler de règles gouvernementales, et, dans le projet de loi, ce qui est intéressant, c'est qu'au niveau de la citation et de l'identification... Donc, citation, on a ajouté les objets... l'objet patrimonial et document patrimonial. Dans l'identification, on a bien sûr le patrimoine immatériel, personnage historique, événement historique et lieu historique. Alors, ma question est la suivante. Vous dites que ça prendrait des critères et des principes. Mais en même temps un des objectifs de la loi, c'est de donner des pouvoirs aux municipalités, pas des nouvelles responsabilités, il faut faire la distinction entre les deux, c'est vraiment de donner des pouvoirs aux municipalités. Est-ce que vous voyez davantage ces critères et principes de sélection là comme un guide pour aider les municipalités et leur donner la latitude nécessaire ou si vous voyez ça comme quelque chose de rigide, là, qu'il faut qu'on applique religieusement dans toutes les municipalités?
M. Fortin (Jean): C'est sûr que, les municipalités, avec les choses rigides qui s'appliquent partout pareil, vous comprendrez qu'on... Vous savez, j'ai été à des organisations municipales où on... vous savez. Et encore maintenant. Moi, j'ai présidé l'Association des CLD du Québec, puis on a toujours parlé beaucoup au niveau des programmes puis de faire qu'ils ne soient pas nécessairement adaptés de la... qu'ils ne soient pas appliqués de la même manière dans certaines régions versus certaines autres. Et là-dessus, moi, je suis... Moduler les programmes, pour moi, c'est très important, donc.
Mais par contre il faut... Moi, je crois qu'il devrait y avoir plus de balises et qu'on s'entende sur certains critères, d'aller un peu plus loin là-dessus, et qui puissent venir... effectivement qu'on puisse avoir des... Moi, je parle de balises, là, je ne suis pas rendu encore à dire... à exiger, mais il faudrait qu'il y ait plus de balises, savoir vraiment à quoi s'attendre. Puis je pense que, tantôt, les jeunes, ce que j'entendais des chambres de commerce, ils en parlaient également, là, d'être un peu... d'aller un peu plus loin dans les critères. Et je pense... Et ce n'est pas seulement pour nous, pour les municipalités, mais c'est aussi pour les promoteurs, pour les citoyens. Et, je pense, ça, ça va être important que... ce serait important que ce soit... qu'on aille plus loin par rapport à ça.
M. Lehouillier: Donc, si je comprends bien, aller un peu plus loin dans les critères mais tout en laissant une latitude aux élus municipaux. C'est ce que je comprends?
M. Fortin (Jean): Ah, bien oui! Ça, c'est... Moi, c'est... Là, peut-être qu'il y en a certains que... Mais je pense que, nous, comme union municipale, c'est bien clair qu'on salue le fait qu'on ait plus de possibilités par rapport à la protection du patrimoine et par rapport... parce qu'on sait qu'il y a de plus en plus de municipalités d'impliquées là-dedans. On a peu de moyens, peu de ressources, mais aussi peu de ressources d'analyse, d'expertise. Et je pense qu'on salue la possibilité qui nous est offerte, mais je pense qu'ensemble... Le ministère, le gouvernement du Québec a développé des expertises. D'autres municipalités en ont développé aussi. Mais, moi, je pense qu'il faudrait pouvoir, là, faire que tout ça soit mis ensemble si on veut arriver à quelque chose d'intéressant.
M. Lehouillier: Bien, merci. Puis félicitations, M. le maire, pour votre...
M. Fortin (Jean): Bien, merci encore.
M. Lehouillier: ...votre beau projet d'hier, qui a été annoncé, un projet fantastique.
Le Président (M. Curzi): La parole est donc à l'opposition. M. le député de Drummond.
M. Blanchet: Bien le bonjour. Les gens du ministère vont vraisemblablement retravailler le projet de loi à la lumière de ce qui aura été discuté. Et un des éléments qui ressort, c'est évidemment la question des coûts relatifs aux obligations ou aux responsabilités qui sont transférées aux municipalités. Et je reviens avec une question que j'ai posée tout à l'heure aux gens de l'Outaouais, parce qu'elle me semble fondamentale. Avant que le processus arrive à son terme et que l'Assemblée nationale adopte une loi, il faudra qu'on soit capables d'en peser les conséquences. Est-ce qu'il y a quelqu'un parmi vos membres qui a répertorié les ressources qu'il faudra avoir, dont il faudra disposer pour prendre ces responsabilités-là et les expertises techniques précises? Est-ce que quelqu'un a dit: Bien, moi, s'il faut que je fasse ça, ça va me prendre ça, ça, ça, compte tenu que ma municipalité est de telle grosseur puis que je couvre tel territoire, voici combien ça va me coûter? Est-ce que quelqu'un a quantifié ça?
M. Fortin (Jean): Ça, je ne le sais pas. Frédérick pourrait peut-être y aller, parce que, moi, je ne fais pas partie du conseil d'administration de l'union. Je sais qu'ils ont des travaux de faits à certains niveaux, là...
M. Dion (Frédérick): Bien, en fait, non, la réponse est non. Nous, on se base encore sur le fait que les directions régionales offrent cette expertise-là dans beaucoup de cas et on veut s'assurer que cette expertise-là soit toujours disponible et qu'elle soit... disons, que son mandat soit déterminé, qu'elle puisse faire ce genre de travail-là. Donc, ce n'est pas de transférer, comme M. le député de Lévis a mentionné... pas de transférer nécessairement la responsabilité mais transférer des pouvoirs, mais toujours en collaboration avec le ministère, les directions régionales. Mais c'est vrai qu'il y aurait peut-être un travail à faire, là, pour quantifier les sommes qui seront nécessaires, là.
M. Fortin (Jean): Mais cette suggestion-là que vous amenez pourrait... En tous cas, là, je ne veux pas... Comme je vous dis, je ne suis pas aussi hot, je ne leur dirai pas trop quoi faire dans la vie, mais il reste quand même... Je pense, c'est une suggestion qui peut être intéressante, qu'on essaie de... qu'on aille plus loin là-dessus.
Ce qu'on sait, par contre, nous, ce qu'on dit là-dedans, dans notre mémoire, c'est qu'il y a déjà des organisations qui ont... Le gouvernement du Québec, au fil des années, a mis en place des ressources pour susciter des choses en patrimoine dans les municipalités. Je pense, par exemple, le réseau de Villes, villages d'art et de patrimoine, tous les agents, vous savez, les agents qui ont été les agents VVAP, comme on dit dans le milieu, là -- Villes, villages d'art et de patrimoine -- qui ont été, pendant plusieurs années, financés conjointement mais majoritairement par le gouvernement, mais ont été mis en place, donc, dans plusieurs... maintenant presque toutes les MRC du Québec. Et ces ressources-là ont beaucoup aidé à la sensibilisation qu'on connaît maintenant. Sauf que, de plus en plus, ces ressources-là maintenant sont à la charge des MRC. Ça, je pense qu'on est capables de comptabiliser ça, on est capables de le voir. Elles sont devenues, les MRC... Après que le gouvernement a ralenti sa participation, toutes les MRC ont... à peu près, je pense... Peu d'agents VVAP sont disparus quand le gouvernement... à mesure que le gouvernement se retirait, ils ont continué de travailler. Donc, c'est important.
Il faudrait voir. Je pense que c'est une bonne suggestion qu'on puisse peut-être vous faire un tableau, là, de ce que ça pourrait représenter comme ressources, peut être, plus précisément, là, d'expertise, et tout ça, là, et de travail par rapport à ça. Et on va le prendre comme suggestion et on va le... On pourrait vous amener quelque chose de plus précis par rapport à ça.
M. Dion (Frédérick): Si je peux me permettre, M. Blanchet, ça rejoint un peu ce qu'on recommande également, c'est-à-dire la nécessité d'avoir un plan d'action qui serait élaboré par le ministère, évidemment, lequel, les municipalités participeraient pour être en mesure de bien évaluer c'est quoi, les besoins, les quantifier, et ensuite, bon, déterminer, encore là, les formules de financement qui seraient nécessaires.
M. Blanchet: Parce que l'enjeu... ou ma crainte... je sais que ce n'est pas l'intention de personne, là, mais la crainte, c'est que, puisque les responsabilités vont demander des ressources, il y a quelqu'un qui va devoir ramasser la facture à quelque part. L'État n'est pas dans une humeur pour augmenter ses dépenses, ce que tout le monde comprend bien. Les municipalités n'ont pas envie de refiler la dépense à leurs payeurs de taxes, ce que tout le monde comprend bien aussi. Et le danger, en termes purement de patrimoine, d'histoire, d'archéologie, c'est que, parce qu'il y aura une dépense dont personne ne veut, il y ait un incitatif à ce que le pied qui appuiera sur le frein soit plus lourd que celui qui appuiera sur le gaz. Et ça, c'est l'inquiétude à avoir. Donc, effectivement, il faut identifier rapidement ce que ça va coûter, ce processus-là.
Dans le même esprit, à quelle fréquence -- parce qu'il y a des municipalités qui le font -- à quelle fréquence... Quel pourcentage des municipalités qui sont vos membres ont déjà une forme, un début d'inventaire patrimonial, pas seulement... Parce qu'on a tendance à parler beaucoup des immeubles, et là, donc, il y a les immeubles, il y a évidemment le patrimoine religieux bâti, qui est un peu l'éléphant dans le salon, dont on ne parle pas trop mais qui est très central dans nos discussions, mais il y a d'autres types d'éléments patrimoniaux, objets, sites archéologiques. Quel pourcentage de vos membres ont effectivement travaillé sur un répertoire, sur un inventaire de ça?
**(12 h 40)**M. Fortin (Jean): Ayoye! C'est une bonne question. Je n'ai pas cette réponse. Je ne peux pas vous répondre à ça. Ce n'est pas... évidemment pas la majorité des municipalités, et même, je dirais, c'est une minorité de municipalités qui ont ces inventaires-là. C'est en partie le rôle des agents de... au niveau des agents culturels, dans les municipalités. Parce que, là, je ne parle pas des plus grosses villes, où là il y a des ressources différentes, où là on est... Mais, quand on parle des villes moyennes ou plus petites, là, au niveau des MRC, il y a un certain inventaire qui est fait, je pense. Dans plusieurs MRC, étant donné la présence des agents VVAP, je croirais que, oui, il y a un bon inventaire de fait. Mais il y a encore beaucoup de travail à faire par rapport à ça.
Et c'est ce qui faisait, tantôt, qu'on disait: Nous, on pense qu'il faut, au-delà des responsabilités qu'on peut donner aux municipalités... je pense qu'il faut aller plus loin dans l'inventaire de ces choses-là, effectivement. Et c'est ce qui est intéressant ici, c'est qu'on ouvre à ça, mais qu'il faut continuer de travailler en partenariat avec le ministère, qui a des expertises aussi. Et, moi, je pense, au-delà des ressources financières, il est possible d'aller encore plus loin dans le travail qu'on peut faire ensemble par rapport à ça, et pour aider justement à faire... à réaliser, entre autres, ces inventaires-là.
Mais, de plus en plus, je reviens là-dessus, entre autres, par les agents qui ont été, depuis maintenant... Ça fait quand même plusieurs années, là. Je ne sais pas, le programme... 10 ans? Au-delà? Au-delà d'une dizaine d'années, je pense, que les agents... Puis, dans plusieurs MRC du Québec, il y a quand même certains inventaires.
Mais, quand on parle du patrimoine immatériel, on est au début de quelque chose, là. Vous savez, vous ne pouvez pas demander, là... Même le mot, il faut encore l'expliquer, parce que j'ai beaucoup de personnes... on ne sait pas de quoi on parle, là. Et donc on commence, ou presque, toute cette notion-là de savoir-faire et autres, on commence à le travailler, on commence à le découvrir aussi puis à découvrir ce que ça peut être et ce que ça peut avoir comme importance. Et je pense que... Et ce n'est pas pour rien qu'on a un projet de loi là. Je pense que, là aussi, on reconnaît aussi... on est en train de reconnaître ces choses-là.
Et, je pense, pour pouvoir arriver à quelque chose d'intéressant, bien, il va falloir... Il ne faut pas oublier de travailler en partenariat. Puis on a des ressources, je pense, ensemble, on en a, des ressources. Je sais que ça a l'air drôle de dire ça, là, ça ne change pas grand-chose, mais ensemble on en a puis on a... je pense qu'on a travaillé, dans beaucoup de régions, à les mettre à profit, en commun, les municipalités, les unions... les regroupements municipaux par les MRC, les regroupements de territoires avec le ministère. Et je pense que c'est pour ça, moi, je reviens sur l'idée de renforcer ça. On a des outils là, on en a quand même quelques-uns, puis je pense qu'on peut quand même s'en servir avec encore plus d'efficacité.
M. Blanchet: À la recommandation 19: «Que le projet de loi soit assoupli pour accorder la latitude aux municipalités de confier les fonctions du conseil local du patrimoine à une instance autre que le comité consultatif d'urbanisme», j'ai entendu des préoccupations à l'effet -- et le cas me semble assez évident -- que le conseil d'urbanisme va se pencher sur les questions de patrimoine, mais les gens qui auraient une expertise pour y participer sont souvent des architectes, qui, eux, travaillent dans une firme. Donc, ils ont comme... Là où se situe l'expertise pour travailler sur les dossiers patrimoniaux en urbanisme ce sont aussi des gens qui peuvent avoir des contrats, qui sont impliqués économiquement dans ces milieux-là, ce qui crée une situation où tu dis: Bien non, tu ne peux pas participer au comité d'urbanisme parce que tu es impliqué autrement. Et donc les gens qui arrivent au comité en question ne sont pas des gens qui ont effectivement l'expertise. Est-ce que c'est dans cet esprit-là que vous souhaitez l'apparition de quelque chose ou de vous faire donner une souplesse quant à comment constituer cet organisme-là?
M. Fortin (Jean): Bien, il y a peut-être un peu des deux. Je pense que la... Il y a un peu des deux. Effectivement, les comités consultatifs d'urbanisme, il y a plusieurs raisons pour lesquelles on trouve que d'ajouter cet aspect-là... dans certaines municipalités, ils sont déjà très sollicités pour toutes sortes de...
Vous savez, moi, je suis d'une municipalité -- je vais encore prendre mon exemple personnel -- mais une petite municipalité quand même assez... relativement petite mais qui a plein de plans d'intégration architecturale, de plans particuliers d'urbanisme, de tout ce que... de ce qu'on appelait... de ce que tantôt les gens disaient qui étaient des contraintes, là, nous, on en a beaucoup chez nous, et donc le CCU est très sollicité. Et effectivement il y a souvent des expertises qui sont là qui doivent... On a deux architectes, nous, sur notre CCU, effectivement, parce que c'est important.
Donc, dans certains cas, ça peut être un ajout, là, important. Puis, donc, on se disait: Nous, on pourrait se donner... Donnons-nous la possibilité d'aller chercher des expertises très précises dans ces domaines-là et avec des règles un peu différentes, mais comment on pourrait... et on pourrait les mettre à profit. Et des gens qui n'auraient... Comme par exemple, nous, on a notre CCU chez nous, mais il y a un comité qui est connexe, qui n'est pas le comité consultatif, qui n'a pas les mêmes possibilités, mais qui conseille le CCU. On a un comité, là, qui s'occupe uniquement de patrimoine, un comité de veille. Il ne fait que surveiller ce qui se passe et il donne son avis sur toutes sortes de projets qui s'en viennent. Donc, c'est un peu dans ce cadre-là, là, qu'on voudrait, nous, avoir un peu plus de souplesse à ce niveau-là et pouvoir avoir notre propre comité de consultation en patrimoine et qui pourrait être, à ce moment-là... qui pourrait avoir, là, peut-être... et qui ne travaillerait que dans ce domaine-là aussi, parce que, dans certaines municipalités, c'est un domaine très... de plus en plus important.
M. Blanchet: Donc, vous avez votre petit BAPE patrimonial à vous.
M. Fortin (Jean): Oui, bien, il n'a pas les mêmes pouvoirs que le BAPE, là.
Le Président (M. Curzi): M. le député de Sainte-Marie--Saint-Jacques.
M. Lemay: Merci, M. le Président. M. le maire, M. Dion... aller directement droit au but, à la page 11, c'est dans une de vos recommandations à la fin, et permettez-moi de citer juste le début: «Quant au transfert de responsabilités -- ce dont on parle, là, depuis tantôt -- du ministère aux municipalités locales, ne serait-il pas pertinent que celui-ci puisse s'appliquer à l'ensemble des biens patrimoniaux, tels que définis à l'article 2...», où là il y a toute la définition. Donc, vous en demandez plus. Est-ce que je...
M. Fortin (Jean): Oui.
M. Lemay: Oui. C'est clair comme réponse.
M. Fortin (Jean): Ça, c'est la contradiction municipale...
M. Lemay: D'où ma question. D'où ma question.
M. Fortin (Jean): C'est notre contradiction municipale. D'ailleurs, on en parlait tout à l'heure... On s'est dit: On va sûrement parler de cet aspect-là, que comment ça, on veut avoir plus de... Vous voulez avoir plus de possibilités, mais vous dites que vous n'avez pas les ressources. Puis on veut plus de possibilités. Moi, je pense que là-dessus, effectivement, les municipalités... Vous savez, on est sollicités, nous, et la politique municipale... Bien, vous le disiez tantôt, je pense, vous avez été élu municipal. Donc, vous savez que ça a évolué beaucoup. On a maintenant... On touche à un éventail incroyable de possibilités, puis les citoyens... On est le pouvoir qui est près des citoyens. Les citoyens aujourd'hui sont plus -- comment je pourrais dire? -- informés, éduqués, organisés, peuvent s'organiser facilement. Et où est le lieu où, de plus en plus, on a à... Et, comme on touche à tellement d'aspects, toute la question de l'urbanisme, de l'aménagement de territoire, maintenant c'est devenu un facteur... au niveau du développement, c'est quelque chose de très important. Donc, on a de plus en plus de responsabilités. Et il faut être capables de répondre aussi.
Puis on s'aperçoit aussi que... En tout cas, moi, mon leitmotiv, c'est le développement local. On a de plus en plus d'impact dans le développement de nos régions. Et, pour le faire, bien, on s'aperçoit qu'il nous faut... il faut des ressources de plus en plus. Donc, je sais que c'est un discours... mais il nous faut des ressources. Mais en même temps on s'aperçoit que, comme d'autres, là, elles sont limitées. Ce qu'on dit, nous: Oui, on en veut, mais on veut qu'il y ait comme un contrat avec le gouvernement du Québec. C'est que, quand on demande... quand on est prêts à avoir des responsabilités et on sait qu'on va... même, il y en a d'autres responsabilités qu'on est prêts à assumer, mais on voudrait qu'on le fasse en partenariat et de voir quels sont, ensemble... à chaque fois, qu'on puisse ensemble...
Vous savez, on a été échaudés un peu par déjà certaines actions qui ont été faites, où on nous a envoyé des choses rapidement sans qu'on ait même eu le temps de s'en apercevoir. Là, nous autres, on veut avoir l'occasion de dire parfois... Vous savez, on veut avoir l'occasion de dire parfois... Puis ça ne veut pas dire que les choses ne devaient pas nous être... que la réalité économique, historique, et tout ça, ça ne devait pas être fait comme ça, mais il y a des manières de le faire.
Moi, je pense que l'important, c'est qu'on se comprenne bien, qu'on puisse travailler en partenariat, qu'on puisse dire: Oui, il y a des responsabilités, mais on peut-u s'entendre sur les... connaître les ressources qu'on a? Puis on peut-u ensemble regarder de quelle façon, à travers tout le monde des ressources limitées... comment on peut maximiser tout ça? C'est toujours la même chose. Puis la réponse n'est pas claire. On ne peut pas être aussi clairs qu'on veut, mais c'est... S'il y a une chose qui est claire, c'est qu'on va... fort probablement, au fil des années, les municipalités vont espérer avoir plus de possibilités, ça, c'est clair, parce que les gens veulent que nous ayons plus de possibilités, on a plus de demandes.
**(12 h 50)**M. Lemay: Très rapidement, M. le Président. Dans le dossier du patrimoine, ne pensez-vous pas, M. le maire, que... Et là je réfère à l'article 121, tout le pouvoir qui serait donné aux localités, ne pensez-vous pas justement que... Et là je ne parle pas de l'émission d'un permis, je parle du reste. Ne pensez-vous pas justement que ça ne prend pas une proximité, mais ça prend une saine distance pour prendre... Pour nommer un personnage historique, il ne faut pas être trop près des choses, ça prend... Il faut qu'il y ait une organisation, quelle qu'elle soit, qui soit à deux pas en arrière pour dire: Voici, dans le contexte actuel, effectivement, ce personnage-là ou cette maison-là mérite l'appellation d'historique. Ne pensez-vous pas que la proximité, dans certains enjeux, dont le patrimoine, n'est peut-être pas toujours...
M. Fortin (Jean): Peut-être pas. Là, je dirais «peut-être», et là-dessus, là, je nuancerais.
M. Lemay: Moi aussi, j'ai dit «peut-être», hein?
M. Fortin (Jean): Moi, je nuancerais. Je nuancerais. Moi, je pense que ça doit être un peu des... là, je m'excuse de dire «un peu des deux». C'est que je pense que la proximité ne veut pas dire qu'on ne peut pas reconnaître... Et, je pense, tantôt, vous disiez aussi... j'écoutais tantôt, puis il disait... je ne sais pas qui a dit ça, il a dit: Souvent, les gens ne reconnaissent... ne voient pas, par exemple, un paysage parce qu'ils sont dedans. Et ça, c'est moins vrai que ça a déjà été, ça. Ce n'est pas aussi vrai... pas tout le temps. Je ne dis pas... Et, moi, je pense, c'est un peu... Là, je reviens encore sur toute la question de travailler ensemble, là, d'avoir... qu'on puisse... Nous, je pense qu'on a une importance, un mot à dire, mais en collaboration aussi. Et, cet oeil-là du gouvernement ou d'autres experts extérieurs... je pense qu'il doit travailler avec l'oeil qui est proche. Et c'est toujours ça, c'est le contrat. Et, moi, je continue de penser que c'est important, ce contrat-là.
M. Lemay: ...un équilibre.
M. Fortin (Jean): C'est un équilibre, effectivement.
Le Président (M. Curzi): Merci beaucoup, M. Fortin, M. Dion.
On va suspendre les travaux jusqu'à 14 heures. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 53)
(Reprise à 14 h 1)
Le Président (M. Curzi): Donc, à l'ordre, puisque nous avons maintenant le quorum, donc je déclare que la séance de la Commission de l'éducation et de la culture est ouverte. Je demande encore à tout le monde de fermer son cellulaire.
Et on va poursuivre sans plus tarder les auditions publiques sur le projet de loi n° 82, la Loi sur le patrimoine culturel.
Nous recevons -- et vous êtes déjà en place -- la ville de Montréal. Mme Fotopulos, vous savez que vous avez 15 minutes. Je ne vous demande pas de vous présenter, puisque c'est déjà fait, Mme Fotopulos, mais de nous présenter les personnes qui vous accompagnent. Ensuite suivra la période, que vous connaissez, d'échange. Bonjour. Bienvenue.
Ville de Montréal
Mme Fotopulos (Helen): Bien, merci. Mme la ministre, M. le vice-président de la Commission de la culture et de l'éducation, membres de la commission et mesdames et messieurs. À titre de membre du comité exécutif de la ville de Montréal responsable de la culture, du patrimoine, du design et de la condition féminine, je suis très heureuse d'être ici aujourd'hui afin de présenter les principaux éléments de notre mémoire, que vous avez reçu, lu et épluché.
Tout d'abord, je souhaite vous présenter les personnes qui m'accompagnent aujourd'hui, soit Mme Isabelle Dumas, chef de la Division de l'expertise en patrimoine et de la toponymie, et de la Direction de la culture et du patrimoine de la ville de Montréal; et Mme Véronique Belpaire, avocate à la Division du droit public et de la législation du Service des affaires juridiques et de l'évaluation foncière. Je veux également souligner la présence de Mme Marie Lessard, qui est la présidente du Conseil du patrimoine de Montréal, l'instance qui conseille la ville sur les questions du patrimoine.
Je remercie la ministre pour l'opportunité qui nous est offerte de présenter les commentaires et recommandations de la ville de Montréal sur le projet de loi sur le patrimoine culturel, commentaires et recommandations auxquels souscrit le Conseil du patrimoine de Montréal. Depuis l'annonce de la révision de la Loi sur les biens culturels, la ville s'est intéressée de près aux démarches entreprises en ce sens par la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine. C'est dans ce contexte que le maire de Montréal, M. Gérald Tremblay, avait présenté, au printemps 2008, un mémoire portant sur les orientations proposées dans le cadre du dépôt du document Un regard neuf sur le patrimoine culturel.
La ville de Montréal accueille favorablement le projet de loi sur le patrimoine culturel. Nous sommes particulièrement heureux de voir que l'élargissement de la notion de patrimoine proposée dans le projet de loi n° 82 fait écho à la définition adoptée par la ville de Montréal en 2005, lors de l'adoption de sa Politique du patrimoine, qui englobe à la fois les composantes matérielles et immatérielles du patrimoine culturel.
Au-delà des recommandations spécifiques contenues dans notre mémoire, il y a trois thèmes que je souhaite aborder plus particulièrement aujourd'hui. Je veux d'abord vous parler de la spécificité de Montréal, de son patrimoine mais aussi de son expérience et de son expertise en matière de patrimoine. Je voudrais également souligner l'importance de la collaboration entre la ville et le ministère. Et enfin je souhaite enfin rappeler l'importance de l'Entente sur le développement culturel et du Fonds du patrimoine culturel québécois pour la mise en valeur du patrimoine.
Montréal se distingue des autres villes nord-américaines par son histoire, sa culture et son patrimoine façonnés au cours des siècles grâce à l'apport des premières nations, des sociétés française et britannique et des nombreux groupes d'immigrants. Au Québec, Montréal se démarque non seulement par la densité et la diversité de son patrimoine culturel, immatériel et matériel, mais également par l'étendue de son territoire, la taille et la diversité de sa population et par les particularités de sa structure administrative. Il est donc clair que la protection et la mise en valeur du patrimoine montréalais représentent un défi d'importance, défi qui a amené autant la ville que ses nombreux partenaires de la société civile à développer ses connaissances et son expertise, démontrant ainsi sa capacité à prendre le leadership.
À la suite de la création de la nouvelle ville de Montréal, ce leadership s'est notamment manifesté, d'une part, par la mise sur pied du Conseil du patrimoine de Montréal en 2002 et par l'adoption, en 2005, de la Politique du patrimoine, un geste particulièrement inédit sur le continent nord-américain, qui faisait de Montréal une pionnière. Avec plus de 4 700 biens culturels protégés par la Loi sur les biens culturels, Montréal a en effet une longue tradition de conservation et de mise en valeur du patrimoine. Depuis l'intégration de pouvoirs municipaux dans la loi en 1985, la ville a constitué sept sites du patrimoine et a cité 45 monuments historiques, qui s'ajoutent aux biens protégés par la ministre et le gouvernement du Québec. Dès 1987, elle créait le site du patrimoine du mont Royal, ayant servi d'assise à la création de l'arrondissement historique et naturel du Mont-Royal, aujourd'hui supporté par une table de concertation dynamique. Plus récemment, la ville a notamment souligné la grande richesse du patrimoine rural en citant cinq anciennes maisons de ferme. Elle a également souligné l'importance du patrimoine moderne dans l'histoire de la métropole en constituant le site du patrimoine de l'île Sainte-Hélène, qui comprend de nombreux témoins de l'Expo 67, et en citant Habitat 67, par la suite classé à titre de monument historique par le ministre.
Au cours des années, la ville de Montréal a fait preuve de leadership en élaborant des outils de gestion novateurs afin d'encadrer les interventions sur les portions de son territoire protégées en vertu de la loi. Elle a notamment développé et adopté le Plan de protection et de mise en valeur du Mont-Royal et travaille actuellement à l'élaboration d'un plan de protection et de mise en valeur de l'arrondissement historique du Vieux-Montréal. Elle a également élaboré de nouveaux règlements de citation et de constitution de sites du patrimoine, permettant d'encadrer les interventions sur les immeubles et dans ses sites, en intégrant, entre autres, des conditions de conservation et de mise en valeur qui s'ajoutent à celles prescrites dans la loi.
De plus, le plan d'urbanisme de Montréal et les règlements d'urbanisme de ses arrondissements municipaux comportent nombre d'éléments qui concourent à orienter et à encadrer les interventions dans les territoires protégés en intégrant notamment de nouvelles préoccupations, telles que le design et le paysage. La ville compte de prestigieuses collections, notamment au Musée de Lachine et au Centre d'histoire de Montréal, et un important service d'archives. Elle a innové en étant la première ville canadienne, il y a près de 20 ans, à se doter d'un plan d'action en art public.
En tant que gardienne d'un corpus patrimonial d'une telle diversité, la ville a développé, au fil des années, une expertise de premier plan en matière de patrimoine. C'est donc sur la base de sa vaste expérience que la ville a formulé certaines de ses recommandations.
Ainsi, la ville souhaite que son expertise et ses outils de gestion soient reconnus et pris en compte par le MCCCF dans l'élaboration de plans de conservation visant des territoires montréalais.
**(14 h 10)** Elle réitère sa demande à l'effet que la nouvelle loi habilite les municipalités à émettre un avis d'intention d'attribution d'un statut.
Elle recommande l'élimination de l'exigence qu'un site patrimonial soit compris dans une zone identifiée au plan d'urbanisme pour être cité.
Elle recommande que la citation de biens patrimoniaux soit inscrite au Registre foncier du Québec.
Enfin, elle recommande que la loi prévoie la possibilité pour une municipalité de grever un bien d'une servitude de conservation. Un tel outil permettrait en effet de créer une obligation complémentaire à celles qui peuvent être obtenues par des mécanismes réglementaires.
De plus, compte tenu que la Charte de la Ville de Montréal institue le Conseil du patrimoine, la ville demande que la loi lui permette de déterminer les situations ou les objets pour lesquels le Conseil du patrimoine de Montréal peut agir à la place des CCU.
Depuis de nombreuses années, la ville de Montréal bénéficie de la collaboration du ministère, qui l'appuie dans son rôle de gestionnaire de patrimoine. Cette collaboration de plus de 25 ans entre la ville de Montréal et le ministère de la Culture est essentielle non seulement en termes de mise en commun de ressources et d'expertises, mais également en ce qui a trait au développement et à la diffusion d'une vision concertée pour la mise en valeur de notre patrimoine.
Ce travail conjoint se traduit, entre autres, par une gestion cohérente des interventions de mise en valeur dans l'arrondissement historique du Vieux-Montréal. Dans l'arrondissement historique et naturel du Mont-Royal, la ville et le ministère développent conjointement des mécanismes de connaissance et de gestion du patrimoine paysager de la montagne.
Récemment, cette collaboration s'est également traduite par la mise en place d'un guichet unique d'accueil et de traitement coordonné des demandes. Outre ses avantages au plan administratif, le guichet unique offre un intérêt évident comme cadre d'échange et de partage des expertises, favorisant une compréhension commune des enjeux patrimoniaux.
La ville souhaite donc souligner l'importance de poursuivre cette précieuse collaboration entre le ministère et la ville de Montréal, notamment dans le cadre de la mise en place des nouvelles mesures proposées dans le projet de la loi n° 82.
La ville souhaite aussi que la collaboration offerte par le guichet unique lors de l'analyse des demandes puisse être maintenue même dans le cas de transfert de responsabilités prévu par la loi.
La ville recommande également une collaboration plus explicite dans le cas de la reconnaissance de paysages culturels. Nous souscrivons à l'intérêt de mettre en valeur les paysages culturels... mais considère que, selon les processus prévus par le projet de loi, les municipalités se voient ainsi chargées d'une responsabilité très lourde à assumer, compte tenu des ressources professionnelles et financières dont elles disposent. Dans ce contexte, la ville souhaite que le ministère accompagne les municipalités dans le processus de demande de désignation et qu'il élabore des critères d'analyse plus précis afin d'orienter les municipalités dans leurs démarches.
La ville recommande également que la nouvelle loi maintienne le pouvoir du ministère d'intervenir lors du changement d'usage d'un immeuble situé dans un site patrimonial déclaré ou classé. En effet, l'usage d'un immeuble est indissociable de certaines des valeurs identifiées dans le projet de loi. Dans le contexte où nombre de bâtiments et ensembles, notamment religieux, institutionnels ou industriels, sont appelés à perdre à plus ou moins court terme leur vocation traditionnelle, la ville estime essentiel que le MCCCF demeure associé aux réflexions de fond soulevées par de telles transformations.
De plus, compte tenu que le rayonnement de plusieurs biens culturels situés sur le territoire de la ville de Montréal déborde largement les frontières municipales et de la similitude des pouvoirs accordés au MCCCF et aux municipalités dans le cadre de la nouvelle loi, nous souhaitons que les critères permettant de baliser l'intérêt national ou local d'un bien soient mieux définis et que la loi contienne des orientations dans ce sens.
Nous proposons aussi la mise en place d'un processus conjoint d'analyse des demandes de classement et de citation de biens dont l'intérêt patrimonial national est pressenti, afin que les responsabilités municipales et provinciales soient bien réparties. La répartition des responsabilités entre la ville et le ministère est en effet essentielle pour assurer la cohérence des actions en matière de patrimoine. Un partage clair des responsabilités est d'autant plus important dans un contexte où les citoyens et les différents intervenants qui ont affaire à deux pouvoirs publics disposant de pouvoirs similaires doivent savoir à qui s'adresser dans une situation donnée.
La ville souhaite enfin souligner le rôle essentiel de l'Entente sur le développement culturel de Montréal et du Fonds du patrimoine culturel québécois pour la conservation et la mise en valeur du patrimoine montréalais. Le soutien financier déployé dans le cadre de l'Entente sur le développement culturel de Montréal a entre autres permis la réalisation d'un grand nombre d'interventions, notamment en matière de recyclage et de restauration d'immeubles et de réaménagement de places publiques.
Le Président (M. Curzi): Si vous voulez conclure, s'il vous plaît, Mme Fotopulos, il vous reste quelques secondes.
Mme Fotopulos (Helen): Quelques secondes!
Le Président (M. Curzi): 30.
Mme Fotopulos (Helen): Bon. Je voulais vous donner quelques chiffres, mais, dans le cadre de l'élargissement de la notion de patrimoine, je pense que notre mémoire porte sur l'essentiel, qui nous préoccupe maintenant depuis des années. Les Montréalais ont démontré depuis longtemps leur attachement à leur patrimoine. On veut poursuivre nos démarches avec le gouvernement. Je tiens également d'exprimer et réitérer notre profond souhait de maintenir cette étroite collaboration. Et, pour le reste, vous allez me poser des questions. Merci.
Le Président (M. Curzi): Merci, madame. Mme la ministre, à vous la parole.
Mme St-Pierre: Merci. Alors, merci d'être parmi nous aujourd'hui. Et j'espère que ça sera un échange qui sera constructif, parce que je trouve que vous arrivez avec une approche où vous faites la démonstration que la collaboration entre le ministère et la ville est, ma foi, je pense, excellente. Et, avec l'Entente sur le développement culturel que nous avons avec la ville de Montréal, je pense qu'on réalise des choses importantes. Et en plus, la notion de guichet unique, là aussi il y a comme un plus, là, dans la relation avec la ville de Montréal.
J'aurais une question sur le processus. Vous suggérez un processus conjoint pour le classement. Pourquoi vous voulez un processus conjoint pour le classement? Les citations demeurent la... demeureront et demeurent la responsabilité des municipalités, pour ce qui est des citations. Et les classements, bien ça, on parle de valeur patrimoniale nationale. Comment vous verriez cette collaboration? Et pourquoi vous voulez un processus conjoint?
Mme Fotopulos (Helen): C'est pour s'assurer qu'on ne gaspille nos énergies, qu'on ne commande pas des études de part et d'autre, que ce travail soit fait avec plus d'échanges à la base, pour ne pas arriver avec deux études sur le même bâtiment, par exemple, ou aussi pour faire un meilleur partage des ressources que nous avons. Je vais peut-être demander à Mme Dumas, qui travaille directement dans ces dossiers, pour donner quelques exemples de pertinence actuelle.
Le Président (M. Curzi): Mme Dumas.
Mme Dumas (Isabelle): Bien, il demeure que, dans un contexte où les pouvoirs qui sont accordés aux municipalités au départ sont semblables, en termes de reconnaissance, à ceux qui sont les pouvoirs de la ministre, il y a de nombreuses situations où des citoyens ou des groupes vont s'adresser à la fois au ministère et à la ville, et la ville et le ministère vont effectuer en parallèle des études similaires pour déterminer l'intérêt de citer ou l'intérêt de classer. On pense qu'il y aurait un intérêt à ce que ces études-là soient faites conjointement et que les deux paliers puissent déterminer ensemble si les deux paliers souhaitent reconnaître chacun à leur niveau, ou s'il s'agit plutôt d'une reconnaissance locale ou nationale. C'est une question de mise en commun d'expertises et d'économie de ressources.
**(14 h 20)**Mme St-Pierre: Est-ce que l'exemple d'Habitat 67 serait un bon exemple? Parce qu'il a été cité, ensuite il a été classé.
Mme Dumas (Isabelle): Oui, mais on a fait chacun nos études, chacun de notre côté.
Mme St-Pierre: Chacun de notre côté?
Mme Dumas (Isabelle): C'est un cas où on aurait pu travailler ensemble.
Mme St-Pierre: Et, pour vous, ça devrait être écrit noir sur blanc dans la loi? Ça ne pourrait pas être une entente dans l'entente culturelle, dans l'Entente de développement culturel avec la ville de Montréal? Vous voyez ça dans la loi pour toutes les municipalités, pour tout le monde...
Mme Fotopulos (Helen): Compte tenu que nous sommes dans l'action actuellement, nous sommes dans la démarche d'un projet de loi, on trouve que, compte tenu que l'occasion nous est donnée de se prévaloir de cette possibilité... peut-être pas pour nous, pour l'entente qui vient, mais on ne sait pas quand le prochain amendement va se faire. On trouve que ce sont des détails. On ne questionne pas la portée ou la volonté de la loi, mais, pour un meilleur arrimage, on trouve qu'il faut que ça soit clair pour tout le monde qui travaille sur ces dossiers que, le gaspillage, on n'a pas le temps, on est mieux d'investir dans d'autres études.
Mme St-Pierre: Oui, je vous comprends, parce que Montréal a ses structures, et tout cela. C'est comme si vous demandiez un statut particulier pour Montréal dans le projet de loi. Alors, ce que vous demandez, peut-être que des municipalités viendraient nous dire: Bien, écoutez, nous, on n'a vraiment pas le... on n'a vraiment pas les moyens de faire ça. Alors, si vous faites une étude sur le classement, faites votre étude sur le classement de la valeur patrimoniale nationale. Comprenez-vous ce que je veux dire?
Mme Fotopulos (Helen): Oui.
Mme St-Pierre: C'est que vous avez vos structures qui sont bien en place. Et vous avez l'expertise, vous avez des gens aussi pour... Mais enfin je voulais vous entendre un peu plus là-dessus.
Vous avez aussi... Vous parlez pour ce qui est du patrimoine paysager. J'aimerais savoir qu'est-ce que serait, selon vous... Vous parlez d'un accompagnement qui devrait être requis de la part du ministère lorsqu'une municipalité veut... souhaite élaborer une demande de désignation. Il me semble que la démarche qui est proposée est quand même une démarche qui au départ vient de la base, et ensuite cette démarche-là, monte petit à petit vers la décision finale, qui est par décret. Vous souhaitez que le ministère soit impliqué dès le départ avec les instances locales?
Mme Fotopulos (Helen): Encore une fois, si je réfère à notre expérience avec le Mont-Royal, c'est une reconnaissance de valeur paysagère qui doit être travaillée ensemble, on doit s'accompagner. C'est quelque chose qui est actuellement en voie de se réaliser, mais on constate que parfois encore on ne travaille pas: qui a le «lead» et qui fait le suivi. Donc, ce sont des éléments qu'on aimerait préciser quant à... pour dire c'est qui fait quoi. Et on trouve qu'au niveau du développement de ces critères, et de l'analyse, et que ça vaille pour tout le monde, il y a un rôle que le ministère doit jouer. Je vais demander à Mme Dumas si vous n'avez pas d'autres éléments plus précis pour donner en exemple.
Le Président (M. Curzi): Mme Dumas.
Mme Dumas (Isabelle): Eh bien, peut-être, comme complément de réponse, il reste qu'en termes de patrimoine paysager effectivement on comprend la démarche qui part de la base. Par ailleurs, en termes de constitution de dossier, c'est un point important qui est donné aux municipalités, encore une fois, en termes de ressources, alors que les critères qui vont amener ou non à un décret par le gouvernement ne sont pas connus. Ce qu'on veut, c'est s'assurer qu'il y ait des moyens de... que la démarche soit suivie graduellement pour qu'il n'y ait pas des ressources qui soient mises inutilement dans une démarche qui par la suite irait... pourrait ne pas aboutir.
Le Président (M. Curzi): Mme la ministre.
Mme St-Pierre: Autrement dit, vous voudriez que le résultat soit connu avant le point de départ? Parce que vous dites: Une démarche qui risquerait de ne pas aboutir. Est-ce que ce n'est pas plus sain de faire en sorte que localement les gens s'entendent, les gens en viennent à un consensus, que le travail se fasse sans avoir nécessairement toujours le bras du ministère partout pour guider ou pour dire: Vous faites ça; ça, c'est bien fait, ça, c'est mal fait? Il me semble que les municipalités veulent être plus autonomes. Oui, elles veulent une certaine expertise, mais il me semble qu'elles veulent être plus autonomes que cela. Non? À moins que je comprenne mal.
Mme Fotopulos (Helen): Bien, si on parle particulièrement des critères pour le paysage, la notion de paysage, ce n'est pas un secteur qui est si bien développé, chez nous, en termes d'analyse et de critères. On commence à peine avec le Mont-Royal. Oui, on a, dans le plan d'urbanisme, dans la réglementation, toute la notion des ensembles paysagers, et tout ça, mais c'est assez vierge comme terrain. Et donc on pense que ce serait plus prudent d'être... que le processus soit mené par le ministère plutôt que la multiplication dans les municipalités. Bien, plus particulièrement, dans ce projet de loi, on a trouvé que c'est souhaitable.
Mme St-Pierre: Auriez-vous des commentaires à faire sur justement la notion de patrimoine immatériel, qui est une notion nouvelle, là, que nous amenons dans le projet de loi? Est-ce que vous avez des commentaires à faire sur ce sujet-là?
Mme Fotopulos (Helen): Bien, premièrement, on était très contents parce que c'est quelque chose que nous avons abordé lors des consultations que nous avons tenues dans le cadre de l'adoption de la Politique sur le patrimoine de Montréal et dans la politique culturelle, parce que c'est là où on essaie de créer une convergence dans ce que nous faisons pour l'avenir et ce qui a déjà été fait. Et on sait que l'immatériel, l'esprit, l'âme de Montréal ne réside pas uniquement dans les briques et dans le béton ni uniquement dans l'arbre qui est là, mais peut-être l'arbre qui était là, comme l'esprit qui était là au niveau culturel.
Surtout, maintenant, avec toute la question de la diversité culturelle et ce patrimoine aussi qui parfois est un patrimoine intangible, même dans le sens que c'est un patrimoine oral, nous avons un devoir de trouver des façons pour l'identifier et par la suite le mettre en valeur et le préserver. C'est quelque chose encore qui est en phase presque embryonique, mais nous avons déjà des résultats qui sont assez éloquents en termes de l'appréciation par la population montréalaise et de tous les autres qui viennent à Montréal.
Mme St-Pierre: Pour ce qui est des citations, est-ce que ça vous convient, le fait que la loi prévoit maintenant qu'on va pouvoir citer... protéger, lors d'une citation, pas uniquement l'extérieur, mais l'intérieur?
Mme Fotopulos (Helen): Oui, mais il y a des précisions qu'on avait demandées aussi quant à l'arrimage entre le travail qui va se faire au niveau du gouvernement et la ville. Prenons le cas de l'intérieur d'un bâtiment. C'était comme si la ville de Montréal décidait de citer l'intérieur de la basilique Notre-Dame, quelque chose qu'on ne peut pas faire aujourd'hui, mais pour... Parce que j'ai lu Dinu Bumbaru ce matin et j'ai dit... je posais la question: Est-ce que la loi va changer quelque chose? Et, oui, en quelque sorte, ça nous amène peut-être dans une situation qu'il va falloir qu'on...
Mme St-Pierre: Bien, c'est-à-dire, ce n'est pas automatique. Si vous prenez la décision de citer, vous pouvez élargir votre citation. C'est-à-dire, vous pouvez limiter la citation à l'extérieur. Mais, si vous voulez élargir votre citation, la loi permet maintenant de l'élargir jusqu'à... et de faire en sorte que ce soit protégé également à l'intérieur. Alors, c'est...
Mme Fotopulos (Helen): Oui. Ça prend des outils, et c'est pour ça qu'on dit que toute la question de financement, pour nous, va avec ces nouveaux pouvoirs.
Le Président (M. Curzi): Mme la ministre, vous avez...
Mme St-Pierre: Je n'ai pas d'autre question, M. le Président. Peut-être mes collègues ici.
Le Président (M. Curzi): Oui. M. le député de Lévis, donc, à vous la parole.
**(14 h 30)**M. Lehouillier: Merci beaucoup pour votre excellent mémoire. En passant, c'est fort intéressant. Moi, je voudrais savoir, par rapport à vos préoccupations, étant donné que vous faites partie des villes qui ont quand même un peu de personnel affecté au niveau du patrimoine, quand vous parlez du patrimoine immatériel et des personnages, événements et lieux historiques, vous revenez souvent avec la nécessité d'établir des critères par rapport à ça, mais, selon votre vécu, ça serait quoi, les critères qui pourraient être établis, critères qui feraient en sorte que, bon, ça pourrait être intéressant pour vous? Est-ce que vous voyez ça plus comme un cadre de référence ou... Parce qu'en même temps il faut peut-être que la municipalité ou la ville ait un peu de latitude. J'aimerais ça vous entendre un peu plus là-dessus. Parce qu'on a entendu d'autres municipalités, ce matin, et eux parlent plus d'un cadre de référence qui laisserait une latitude aussi aux municipalités. Alors, comment vous voyez ça? Voyez-vous ça comme un guide? Voyez-vous ça comme... C'est ça, ma question.
Mme Fotopulos (Helen): Ça prend nécessairement un guide, des critères et l'analyse qui est basée sur notre passé et notre présent, mais on sait que ça fait partie aussi d'une dynamique assez évolutive qui doit être ouverte à des nouvelles tendances, si je peux le dire ainsi. Le patrimoine immatériel ou des personnages, des notions, des traditions est toujours -- et on espère que ça va rester -- en constante évolution, mais c'est quelque chose qui doit être mieux défini, mieux encadré par les administrations puis des gouvernements successifs aussi. Il ne faut pas le trop enfermer. Mais aujourd'hui on a besoin de se donner des balises. On a commencé par la reconnaissance finalement que c'est un patrimoine qui existe. Et on souscrit à des définitions qui sont données. On s'inspire à ce qui se passe ailleurs, entre autres l'UNESCO. Donc, on prend... Montréal, métropole culturelle a plusieurs volets, et ce n'est pas uniquement au niveau du patrimoine, mais le patrimoine fait partie, est très important et intégral, de ce que nous préconisons comme geste municipal.
M. Lehouillier: O.K. Maintenant, quand vous parlez... Juste une question toujours sur les critères. Vous parlez aussi, au niveau de l'identification du patrimoine, d'avoir des critères pour baliser l'intérêt national ou local. À Montréal, qu'est-ce qui est d'intérêt local, exemple?
Mme Fotopulos (Helen): Qu'est-ce qui est d'intérêt local? Dans quel sens vous posez la question? Évidemment, à Montréal, tout est d'intérêt national, c'est clair. Mais...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lehouillier: Bien, justement. Alors...
Mme Fotopulos (Helen): On ne va pas ouvrir...
M. Lehouillier: Alors, c'est là, ma question. Pourquoi baliser l'intérêt national ou local? Alors, c'est pour ça que je pose la question.
Mme Fotopulos (Helen): Ça veut dire que ce n'est pas national.
M. Lehouillier: Donnez-moi un exemple de ce qui est local à Montréal.
Mme Fotopulos (Helen): Oui, exactement. Mais vous posez la bonne question.
M. Lehouillier: Oui, je pense que oui, hein?
Mme Fotopulos (Helen): Ce qui n'est pas national, c'est local.
M. Lehouillier: O.K. Bon, bien, merci. Ça répond à ma question. Et ce sera fort complexe pour le ministère de donner un suivi à votre demande. Merci.
Le Président (M. Curzi): Vous avez terminé? Alors...
Une voix: ...
Le Président (M. Curzi): Oui, il vous reste sept minutes exactement. Alors, Mme la députée de Mille-Îles.
Mme Charbonneau: Merci, M. le Président. Bonjour. Ce fut fort intéressant de vous entendre, d'autant plus que vous êtes une des grandes villes à venir. Depuis ce matin, on a entendu des petites villes. Bien, je dis «grande ville» pour le nombre de la population, Mme d'Hochelaga-Maisonneuve.
Je voulais vous interpeller sur des intervenants qu'on a entendus ce matin. Les gens de la Chambre de commerce du Québec, la Fédération des chambres de commerce du Québec, ils sont venus nous interpeller sur une position qui était un peu... qui nous a un peu ébranlés. Alors, je voudrais vous entendre sur le principe qui pourrait faire en sorte qu'une politique comme celle-là pourrait freiner le développement d'une ville ou l'empêcher de voir une avenue intéressante pour la population. Je vais... j'utilise le mot «population», je pourrais vous dire les entrepreneurs, où l'aspect entrepreneurial d'une ville pourrait être freiné par sa volonté de développement culturel, qu'elle soit matérielle ou immatérielle. J'aimerais vous entendre là-dessus puisque je pense que, de façon passionnée, vous allez me répondre.
Mme Fotopulos (Helen): Oui, c'est certain, parce que je suis quelqu'un qui est convaincu depuis fort longtemps que le patrimoine, c'est un investissement, ce n'est pas une dépense. Ça devient presque un cliché maintenant pour certains, mais nous avons les chiffres à l'appui. On sait très bien que le développement durable, ce n'est pas uniquement planter des arbres et des vignes, c'est également l'investissement dans tout ce qui doit durer, et la culture, c'est ça qui nous nourrit et c'est ça qui nourrit une ville.
Et, si on prend quelques exemples peut-être plus bêtes, là où le patrimoine était toujours préservé, qu'il était conservé et mis en valeur dans les villes, dans les petites villes plus riches, prenons Westmount ou Outremont, où habitaient les mêmes gens qui souvent ne voulaient pas pour Montréal ce qui était appliqué dans leur municipalité, c'est ça qui nous a guidés avec la nouvelle ville de Montréal, entre 2002 et 2005, parce que ce qu'on voyait, c'est que le Best practices existait sur l'île de Montréal et dont certains arrondissements, dans le cadre d'un plan d'urbanisme et dans le cadre réglementaire, se sont inspirés pour mieux protéger. Le résultat que ça donne, prenons Le Plateau-- Mont-Royal: les valeurs n'ont pas chuté, elles ont augmenté, mais on ne peut plus remplacer le fer forgé puis des corniches avec n'importe quoi, l'aluminium qui a été utilisé à l'époque. Et ce que ça fait, bon, on entend que les valeurs augmentent, mais c'est également qu'il y a un investissement qui a été fait puis, à partir de 2007, quand la ministre a annoncé le programme de financement, bien, c'est beaucoup d'arrondissements, beaucoup de citoyens de Montréal qui ont décidé de se prévaloir de ces fonds pour investir dans le patrimoine.
Donc, je pense que ça devient... Montréal devient de plus en plus attirante, une ville belle mais qui maintenant montre que c'est aussi une ville responsable, où les citoyens, qui sont les premiers à gagner dans l'exercice, sont fiers de la rue sur laquelle ils habitent et des maisons des voisins plutôt que de toujours critiquer le voisin pour avoir fait quelque chose de très... disons, non désiré, non désirable.
Donc, économiquement, nous avons les chiffres à l'appui que le patrimoine, c'est «winner» plutôt que «loser». Puis l'exemple de Montréal, je pense, est assez éloquent en ce terme. Je pense que tout ce que le ministère a fait depuis que nous avons l'entente MCCQ-Ville, MAC-Ville, MCCCF-Ville, ce n'est que l'investissement dans l'avenir de Montréal.
Mme Charbonneau: Merci.
Le Président (M. Curzi): Merci. Merci. Donc, il vous reste deux minutes, mais je pense que ça va. Donc, la parole est à l'opposition. M. le député de Drummond.
M. Blanchet: Merci bien. Je suis heureux, madame... D'abord, bonjour. Bonjour, madame. Heureux d'entendre qu'effectivement le patrimoine -- mais je pense qu'on le pense tous ici -- est davantage «winner» que «loser», ce qui implique que ce que ça coûte éventuellement est un investissement, comme vous le disiez, et donc que ça rapportera plus que ce que ça aura coûté. Il y aura des enjeux, et évidemment, lorsqu'on parle de la ville de Montréal, ça se définit sur une base passablement différente que la plupart des autres villes, municipalités au Québec. Puis il y aurait... Québec aussi serait un cas passablement exceptionnel pour sa vocation, pour son importance aussi.
Beaucoup de municipalités n'ont d'emblée pas les ressources pour absorber les responsabilités, même difficilement les ressources pour en faire une analyse exhaustive par rapport à ce que le projet de loi amenait. Je suppose que vous n'avez pas nécessairement d'emblée toutes les ressources pour absorber ces responsabilités-là. Mais quel est l'écart? Jusqu'à quel point ce relatif transfert de responsabilités, dans le cas spécifique de la ville de Montréal, impliquerait des coûts supplémentaires pour la ville de Montréal?
Mme Fotopulos (Helen): On n'a pas fait une analyse chiffrée pour vous donner quel pourcentage et comment on peut aujourd'hui prévoir l'application localement. Par contre, ce qu'on sait, c'est qu'on doit renouveler l'entente entre le ministère et la ville. Et c'est pour ça que j'ai fait ma présentation, pour démontrer la spécificité de Montréal avec des outils et les investissements que nous avons déjà faits dans notre structure et dans les outils que nous avons. Nous avons des gens qui travaillent dans le patrimoine, qui ont cette expertise, mais, avec l'ajout des responsabilités puis le cadre administratif de la ville de Montréal, on fait quelques suggestions avec le but de réduire les dépenses. Quand je dis qu'on aimerait qu'il y ait des précisions entre ce que doivent faire le Conseil du patrimoine de Montréal et les CCU, c'est parce que, si on fait les changements où il y a d'autres instances qui vont s'en occuper, ça va engendrer la nécessité d'embaucher des gens. Donc, ça, c'est, du côté administratif, là où on peut réduire le plus possible.
De l'autre côté, il y a tout ce qui touche la population puis dans le cadre réglementaire, comme des servitudes et les autres points qu'on amène en parlant des plans de conservation et comment on peut se donner d'autres outils pour minimiser les coûts puis éviter la multiplication. Et finalement, bien sûr, on aimerait, la crise passée, investir davantage dans le patrimoine, dans le design, qui est le patrimoine de l'avenir.
Donc, je vais demander à Mme Dumas de donner peut-être quelques éléments de réponse plus précis dans les secteurs. Mais, M. le vice-président, je reste pour l'instant plutôt sur les notions, comme on n'a pas fait l'analyse, mais on prévoit qu'il y aura des coûts, bien sûr.
**(14 h 40)**Le Président (M. Curzi): Mme Dumas.
Mme Dumas (Isabelle): Bien, sans avoir d'exemple particulier, si on reprend ce dont on parlait un peu plus tôt quand on parle de l'intérêt d'avoir un cadre ou des critères pour les nouvelles notions, sachant... Actuellement, il n'y a personne qui travaille à temps plein, chez nous, pour faire de la reconnaissance de personnages, ou d'événements historiques, ou de patrimoine immatériel. C'est probablement le cas dans la majorité des municipalités. Et ce sont des nouvelles responsabilités au niveau du ministère aussi. On pense qu'il y a intérêt à ce que cette nouvelle réflexion-là se fasse conjointement plutôt que chacun travaille de son côté.
Le Président (M. Curzi): M. le député.
M. Blanchet: Est-ce que vous faites... Est-ce que vous avez recours déjà, dans la réalisation de certains de ce que sont déjà vos mandats en matière de patrimoine, à des ressources existantes mais qui ne sont pas, comme tel, la ville? Est-ce que vous faites affaire... Est-ce que vous confiez des mandats? Est-ce que vous avez des partenariats avec des musées d'histoire, d'archéologie, différents éléments? Et dans quelle mesure, selon la compréhension que vous avez du projet de loi, est-ce que ce mécanisme d'avoir recours à des expertises extérieures mais déjà bien implantées sur le territoire, dans quelle mesure est-ce que ça pourrait être applicable dans ce contexte-là aussi?
Mme Fotopulos (Helen): C'est toujours une question: soit c'est fait par nos services, nos fonctionnaires, ou on doit payer quelqu'un pour le faire. On peut donner un mandat, comme on donne un mandat parfois à Héritage Montréal de nous faire une étude, mais ça coûte de l'argent, donc, il y a toujours des frais associés.
M. Blanchet: Mais l'expertise existante... Autrement dit, il y aurait un meilleur maillage entre l'expertise existante et ces nouvelles notions et ces nouvelles responsabilités-là ou ça peut ne pas être le cas, là? C'est vraiment une question...
Mme Fotopulos (Helen): L'analyse qu'on a faite, ça a été le fruit d'une collaboration entre nos partenaires, ça veut dire les instances de la ville, le Conseil du patrimoine, là, différents services qui travaillent avec les partenaires à l'externe, pour voir quel modèle pourrait être le plus avantageux pour les différentes notions qui sont les nouvelles notions. Je vais demander à Mme Dumas s'il y a d'autres précisions.
Le Président (M. Curzi): Mme Dumas.
Mme Dumas (Isabelle): Bien, il y a effectivement un certain nombre de thèmes sur lesquels on travaille déjà avec des partenaires. On a des partenariats existants. Je pense, par exemple, à un partenariat qu'on a avec le Laboratoire d'histoire et de patrimoine de l'Université du Québec, avec lequel on travaille un certain nombre de dossiers. Ce sont des partenariats qu'on compte continuer à utiliser et à multiplier pour continuer à réfléchir sur des nouvelles questions. Par ailleurs, il faut voir que, si je prends l'exemple précis des partenariats avec les universités, ce sont des partenariats qui... ce sont quand même des... du travail qui doit se payer quelque part soit par un mandat qu'on donne directement à l'organisme ou soit par une demande de subvention qui va être faite par l'organisme. Alors, il faut voir qu'à quelque part il y a des coûts qui vont être générés par ces nouveaux mandats de recherche.
M. Blanchet: Oui, je le comprends et je le reconnais. C'était davantage la reconnaissance des expertises et la concentration des expertises précises dans certains domaines, qui font que l'augmentation du nombre d'instances, ou d'institutions, ou de bureaux n'améliore peut-être pas toujours le résultat final. Mais évidemment ça implique toujours des coûts.
Avant de passer la parole à mes collègues, petite question rapide. Parce que vous aviez un échange sur la question de la spécificité évidente de Montréal mais d'un statut spécial potentiel, ce qui me semble... mais, a priori, c'est quelque chose qui me semble éminemment envisageable. La ville de Montréal représente un certain pourcentage de la population du Québec, mais je suis sous l'impression que la ville de Montréal concentre davantage en termes de patrimoine que son ratio dans la population du Québec, que la densité du contenu historique, patrimonial, archéologique et autre, à Montréal comme tel, serait beaucoup plus élevée. Est-ce qu'il existe une forme de données à cet égard-là, par rapport à jusqu'à quel point ça se concentre sur Montréal, comme par exemple des événements culturels se concentrent sur Montréal à plusieurs égards?
Mme Fotopulos (Helen): Nous pouvons vous fournir une espèce de registre que nous avons des différents patrimoines et des inventaires que nous avons faits. Maintenant, je ne sais pas si c'est sous... Parce qu'on a fait le bilan des cinq ans de la politique sur le patrimoine. Je pense que nous avons ça sur une clé USB... Avec nous?
Des voix: ...
Mme Fotopulos (Helen): Peut-être? En tous cas. C'est sur le site Web de la ville. Mais on va vous faire parvenir... où il y a quand même une certaine décortication qui démontre la concentration et les différents volets qu'on aborde par la Politique du patrimoine.
M. Blanchet: Merci.
Le Président (M. Curzi): M. le député de Sainte-Marie--Saint-Jacques, oui, à vous la parole.
M. Lemay: Merci, M. le Président. Alors, mesdames, bonjour, bienvenue. Je vais revenir à quelques questions de notre collègue de Lévis. C'est ça? C'est une année spéciale pour Lévis aussi, cette année, n'est-ce pas, cher collègue? Parce qu'on a commencé les discussions ce matin, et je pense que vous amenez un bon débat, en ce sens que... Je réfère à la page 8 et je référerai tout à l'heure à la page 9.
Critères, critères, critères. Alors, à la page 8, vous dites: «La ville recommande que les critères [à] baliser...» Dans le fond, il y a deux choses là-dedans. Qu'est-ce que l'intérêt national, régional ou local, disons? Et l'autre chose, c'est: Quels sont les critères pour un édifice, le patrimoine immatériel, un individu? Est-ce que vous avez... Bon, tout à l'heure, vous avez eu un début de réponse, mais j'aimerais ça quand même qu'on poursuive la réflexion. Avez-vous, de votre côté, réfléchi à ce que serait le type... à ce que pourrait être le type de critères, premièrement? Et, deuxièmement, qui les adopte, ces critères-là, d'après vous? Est-ce que ça doit être le ministère de la Culture par règlement? Est-ce que ça doit être les villes, les MRC, les arrondissements? Bon.
Alors, peut-être pousser un petit peu plus loin votre réflexion à cet égard-là, parce que tout est là. Si on se retrouve, dans 20 ans, que tout est classé, tout est cité, puis on est tous des personnages historiques, on ne sera pas plus avancés, là, hein? On va passer une loi pour déclasser tout ça, là. Donc, il faudrait, je crois, effectivement, avoir la prudence de mettre des critères minimaux. Est-ce que vous avez eu une réflexion là-dessus?
Mme Fotopulos (Helen): Bien, notre réflexion a commencé avec certaines situations où on se retrouve devant les citoyens ou des groupes qui interpellent les uns comme les autres, et on sait qu'on travaille, tout le monde, dans le même sens, dans le même intérêt, mais les citoyens sont perdus dans ce partage de responsabilités. Et donc c'est ça qui nous a amenés à se pencher sur cette question, que la loi ne doit quand même pas exacerber les situations mais trouver des solutions. Et c'était ça qu'on avait proposé. Je vais demander à Mme Dumas de donner un petit peu l'historique des réflexions qui ont été faites par nos services.
Le Président (M. Curzi): Mme Dumas.
Mme Dumas (Isabelle): Alors, on a parlé de critères à deux égards, d'une part pour ce qui était la question d'aider à déterminer ce qui était de niveau national ou, disons, non national. Mais on parlait également de critères pour ce qui est de l'exercice des nouveaux pouvoirs. La question qui était posée était à savoir si ça devait être du niveau du gouvernement ou du niveau des municipalités... du niveau du projet de loi ou du niveau des municipalités.
Je pense que déjà, au niveau du projet de loi, on souhaiterait qu'il y ait certaines indications pour que, effectivement, ça ne soit pas une sorte de bar ouvert, là, si on me passe l'expression. Par ailleurs, il pourrait également y avoir, au niveau des municipalités, la possibilité que chaque municipalité se dote d'un cadre qui est le sien en matière de reconnaissance, mais ça prendrait un minimum de cadre au niveau de la loi. C'est ce qu'on exprime ici.
M. Lemay: Cadre, balises, critères qui indiquent un... Mais les villes, les MRC, les villes, les arrondissements pourraient, à la suite de ça, en rajouter de leur propre...
Je reviens également sur le rôle, plus spécifiquement à Montréal, parce qu'il est fait mention dans la loi des CCU... qui existe par arrondissement. À la ville, c'est le comité d'architecture...
**(14 h 50)**Une voix: Conseil du patrimoine...
M. Lemay: C'est le Conseil du patrimoine maintenant qui a ce travail-là de conseiller l'exécutif...
Mme Fotopulos (Helen): ...patrimoine.
M. Lemay: Pardon?
Mme Fotopulos (Helen): À la ville de Montréal, ce qui est prévu dans la loi et dans la charte...
M. Lemay: C'est le Conseil du patrimoine.
Mme Fotopulos (Helen): ...c'est le Conseil du patrimoine, qui a été inscrit dans la charte et qui a été développé avec l'arrivée de la nouvelle ville. Le CAU, le conseil... le comité d'architecture et d'aménagement, n'est pas une... n'est pas dans la loi, n'est pas dans la charte. C'est plutôt quelque chose que la ville a comme instance consultative. Les CCU sont dans la loi, mais il n'y a pas une superstructure qui les chapeaute.
M. Lemay: O.K.
Mme Fotopulos (Helen): Donc, c'est au niveau des arrondissements. Avec ce qui est proposé, la raison pourquoi on veut s'assurer, avoir des précisions dans la loi, c'est que, de la façon qu'on interprète la loi, plutôt que d'avoir le Conseil du patrimoine qui veille les questions qui touchent le patrimoine... ou selon la loi qui existe ou la réglementation qui existe, on veut éviter que les CCU soient mandatés ou obligés de faire le travail qui actuellement est fait par le CPM, le Conseil du patrimoine.
M. Lemay: Donc, à ce moment-là, pour ce qui est particulièrement de Montréal, M. le Président, cette fonction-là relèverait exclusivement du Conseil du patrimoine sur le territoire de la ville, là, du Conseil du patrimoine. Donc, les CCU seraient, en quelque sorte, retirés du projet de loi.
Mme Fotopulos (Helen): Bien, c'est parce que les conseils... On veut le statu quo.
M. Lemay: Je ne dis pas que c'est... La loi est comme ça.
Mme Fotopulos (Helen): Oui.
M. Lemay: C'est ce que vous proposez au législateur: de donner l'exclusivité de ça au Conseil du patrimoine. Parce que ma question... ma sous-question à ça, c'est: Est-ce que vous pensez qu'un arrondissement peut décréter avec son CCU ce qui est proposé ici? Est-ce qu'un arrondissement pourrait faire ça? Est-ce que la ville devra, elle, à la suite de ça, accepter la même chose? Bref, comment, sur le territoire de la ville, comme mon collègue a dit, avec toute sa richesse patrimoniale, donc...
Mme Fotopulos (Helen): C'est plutôt des instances... aviseurs qu'on vise ici, le Conseil du patrimoine versus les instances locales comme les CCU, comme instances-conseils, parce que le Conseil du patrimoine est là pour donner des avis, n'est pas là... n'est pas décisionnel. Mais ça fait partie du processus d'adoption des règlements, d'avis sur les différents changements. Donc, c'est à ce niveau-là. Ce n'est pas un facteur majeur, mais ça peut être un irritant. Et nous avons créé, à Montréal, un conseil du patrimoine qui est très «arm's length», qui n'a pas d'élu non plus, qui siège. Là-dessus, c'était la volonté. C'est dans la Charte de la Ville de Montréal, mais ce n'est pas dans la loi. Et la ville de Québec a également un conseil du patrimoine. J'ignore tous les détails de comment ça fonctionne. Mais on aimerait que le statut de la ville de Montréal soit bien pris en compte dans la nouvelle loi. Et Mme Dumas aimerait donner une précision technique.
Mme Dumas (Isabelle): Peut-être juste rappeler que, dans l'ancienne ville de Montréal, il y avait une disposition particulière dans la Loi sur les biens culturels pour que les pouvoirs de la Loi sur les biens culturels soient exercés suite à un avis, qui était le Comité consultatif sur la protection des biens culturels, comité qui a été aboli lors de l'adoption de la nouvelle ville de Montréal, moment auquel... où on a créé le Conseil du patrimoine.
On rappelle qu'à Montréal les pouvoirs d'urbanisme sont exercés à la fois, pour certains pouvoirs, par les arrondissements, à la fois par le conseil municipal, pour certaines décisions de projets d'une certaine importance ou pour des modifications au plan d'urbanisme. Alors, la modification qu'on demande dans le projet de loi relativement au Conseil du patrimoine, c'est que, lorsque des dossiers de patrimoine sont des dossiers qui relèvent du conseil municipal, ce soit le Conseil du patrimoine qui soit l'instance qui conseille le conseil municipal. Dans les autres cas, ce sont les comités consultatifs d'urbanisme qui ont la juridiction comme dans l'ensemble des municipalités du Québec. C'est à ce niveau-là que la modification est demandée, pour ce qui relève du conseil municipal.
M. Lemay: Merci. Ça va.
Le Président (M. Curzi): Oui, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Poirier: Merci, M. le Président. Bienvenue à vous tous. Dans votre mémoire, on ne parle pas de patrimoine religieux, et ça m'inquiète. J'aurais aimé avoir une réflexion de la ville de Montréal sur l'avenir de l'ensemble de son patrimoine. Quel rôle la ville de Montréal se voit jouer dans les prochaines années? On voit la fermeture massive de nombreuses églises. Et quel est le rôle que la ville devra assumer dans la conversion, la requalification de ces bâtiments-là? Et quel est le rôle aussi...
Quand je regarde le mémoire de l'UMQ, à sa recommandation 22, où ils viennent nous parler du fait... du programme de compensation pour exemption de taxes foncières, par exemple, entre autres sur les bâtiments religieux, où on nous parle d'un crédit d'impôt, je sais bien que Montréal n'est plus membre de l'UMQ, là, mais ça fait quand même partie des grandes villes... J'aimerais ça vous entendre, là, parce qu'il y a quand même une réalité, là, à Montréal, du nombre de bâtiments religieux, en tant que tel, que ce soit de quelque confessionnalité que ce soit. Mais Montréal a-t-elle fait une réflexion en parallèle de celle de l'archevêché sur l'avenir, justement, de tous ces bâtiments-là?
Le Président (M. Curzi): Trois minutes, s'il vous plaît.
Mme Fotopulos (Helen): En effet, oui. Et, si vous regardez la page... Je ne sais pas si les pages sont les mêmes que vous avez devant vous, mais, dans la section d'usage, c'est effectivement sur toute la transformation qu'on se... On se penche sur cette question. C'est la modification de l'usage d'un immeuble situé dans un site patrimonial déclaré ou classé, où on parle notamment de patrimoine des ensembles des bâtiments notamment religieux. Et c'est une question qui nous préoccupe parce que c'est à Montréal où il y a une concentration aussi de ces ensembles culturels ainsi que toutes les églises et les autres lieux de culte.
Et on trouve que la modification de l'usage doit rester -- et ça, je l'ai dit d'entrée de jeu -- une responsabilité plutôt nationale que locale et qu'on doit cheminer ensemble pour trouver des solutions, sur lesquelles on se penche depuis quelque temps. Parce que, oui, on n'a pas réglé, et on savait qu'on n'était pas pour régler, mais ça fait déjà longtemps qu'on travaille, qu'on investit. Et on a aussi des situations où on a réussi de bien convertir; il y a d'autres qui sont moins réussies. Mais il y a des défis qui vont devenir de plus en plus nombreux, et c'est pour ça qu'on trouve que la loi... le pouvoir doit rester au sein du ministère lors d'une intervention pour un changement d'usage.
Le Président (M. Curzi): Il reste 45 secondes.
M. Turcotte: Bien, rapidement. Le projet de loi n° 82 prévoit de désigner des événements. Comment vous voyez ça? Qu'est-ce que ça pourrait rapporter à la ville de Montréal, par exemple, de désigner Expo 67 ou les Jeux olympiques de 1976 comme événements marquants du patrimoine?
**(15 heures)**Mme Fotopulos (Helen): Bien, on souscrit à 100 %. Surtout, pour Expo 67, on s'est donné l'objectif 2017 comme étant une année où on va réaliser beaucoup de belles choses culturelles pour Montréal. C'est le rendez-vous, mais c'est également parce que c'est le 50e d'Expo, et ça a été une... C'était la Révolution tranquille, c'était le début d'un autre esprit d'ouverture à Montréal. Et, quand on parle d'intangible, bien, c'est intangible, mais c'est aussi le modernisme, toute notre architecture moderne, Habitat. Ce sont des choses qu'on vient de réaliser, que, oui, il y a le Vieux-Montréal, il y a le Vieux-Québec, mais il y a aussi le siècle qu'on vient de passer, puis je pense qu'on doit se mettre à le valoriser aussi plutôt que dire que ce n'est pas du patrimoine, on peut démolir.
Le Président (M. Curzi): Mme Fotopulos, Mme Dumas, Mme Belpaire, merci beaucoup.
On va suspendre, le temps d'accueillir de nouveaux invités. Merci.
(Suspension de la séance à 15 h 1)
(Reprise à 15 h 5)
Le Président (M. Curzi): Alors, nous allons reprendre, alors, en accueillant le Regroupement des... -- à l'ordre, s'il vous plaît, quand même -- le Regroupement des citoyens et des citoyennes pour la protection de l'île d'Orléans. Bonjour, bienvenue.
Je vous laisse, Mme la porte-parole, vous présenter et présenter les personnes qui vous accompagnent. Vous avez 15 minutes.
Regroupement de citoyen-ne-s pour
la protection de l'île d'Orléans
Mme Jouan (Anne-Yvonne): Bonjour, je vous remercie de nous accueillir, Mme la ministre, M. le vice-président, mesdames et messieurs les conseillers de la commission. Avec moi aujourd'hui, M. Joseph Melançon, M. Marcel Barthe, M. Normand Gagnon, M. Pierre Lahoud et Mme Catherine Monna. Nous sommes tous résidents à l'île d'Orléans.
Le livre vert, présenté par Mme la ministre Christine St-Pierre, Un regard neuf sur le patrimoine culturel, faisait un bilan critique de 35 ans d'application de la Loi sur les biens culturels. Le projet de loi n° 82, qui a suivi, intitulé Loi sur le patrimoine culturel, définit ce patrimoine comme englobant non seulement les documents, immeubles, objets et sites patrimoniaux, mais également les paysages culturels patrimoniaux, le patrimoine immatériel et les personnages, lieux et événements historiques.
Le mémoire, préparé par un groupe de citoyens de l'île d'Orléans et contresigné par plusieurs centaines de nos concitoyens, porte particulièrement sur la protection des sites patrimoniaux déclarés. Par ses propositions, il invite à considérer le site de l'île d'Orléans comme ayant une valeur identitaire nationale de première grandeur et conséquemment de le protéger de façon particulière. C'est pourquoi nous avons proposé le recours à une zone tampon.
L'argumentaire de notre mémoire s'appuie sur trois documents remarquables:
La Charte d'Athènes, qui recommandait, en 1931, de sauver les perspectives, je cite: «Certaines perspectives particulièrement pittoresques doivent être préservées.» La charte de Venise, en 1964, qui reliait le monument à son milieu en édictant: «Le monument est inséparable de l'histoire dont il est le témoin et du milieu où il se situe.» Enfin, la déclaration de l'UNESCO, en janvier 2008, qui stipulait qu'une zone tampon devait être créée pour, dit-elle, «inclure l'environnement immédiat du bien proposé pour inscription, les perspectives visuelles importantes et d'autres aires ou attributs ayant un rôle fonctionnel important en tant que soutien apporté au bien et à sa protection. L'espace constituant la zone tampon doit être déterminé au cas par cas par des mécanismes appropriés.» En conséquence, notre regroupement propose que la notion générale de zone tampon apparaisse dans le texte de loi et soit formulée selon les orientations de l'UNESCO pour fournir un degré supplémentaire de protection, que les sites patrimoniaux déclarés bénéficient de cette zone, notamment et évidemment l'île d'Orléans.
Il nous a paru utile de situer notre argumentaire dans l'émergence historique des concepts de paysage et de zone tampon. Nous avons procédé par analogie avec les concepts et mécanismes développés au sein de l'UNESCO pour assurer la protection des villes inscrites au patrimoine mondial, nous disant que les patrimoines québécois et orléanais étaient soumis aux mêmes types de pression et requéraient les protections semblables.
Il a fallu attendre 1992 pour voir apparaître en commission parlementaire une loi sur la politique culturelle du Québec. Toutefois, celle-ci, comme l'a remarqué le groupe-conseil de Roland Arpin, réservait, et je cite, «la portion congrue au patrimoine. Si on exclut la place faite aux musées, sept pages seulement sont consacrées au lourd dossier du patrimoine.»**(15 h 10)** Aux journées du Creusot, en France, en juin 1991, 16 équipes de chercheurs se sont réunies pour tenter de définir le paysage. La notion de paysage est vite apparue polysémique, «une partie d'un pays que la nature présente à l'observateur» ou «une portion d'espace offert au regard». Cette référence au «regard» laisse toutefois apparaître le besoin de respecter les échappées sur les abords, les environs, les panoramas, les perspectives de toute nature. Du reste, les chercheurs ont convenu de considérer les paysages comme des créations culturelles, et ce, pour deux raisons: d'une part, parce que la réalité objective de ces espaces est le plus souvent marquée de longue date par les activités humaines qui sont venues s'y inscrire; d'autre part, parce que la notion de paysage implique un cadrage du regard, celui de l'observateur, sujet extérieur à l'espace-objet qu'il considère.
Une deuxième étape fut franchie par la loi du 8 janvier 1993 sur la protection et la mise en valeur des paysages. L'audace et l'originalité de cette loi furent de considérer «le paysage comme un patrimoine tout comme les sites classés, les zones naturelles ou les monuments historiques». On pouvait dès lors parler d'un paysage patrimonial. La protection paysagère devenait une charge légale, assurée en dernière instance par l'État qui devait par ailleurs procéder à un inventaire régional du patrimoine paysager.
Le projet de loi n° 82 restreint le paysage exclusivement à celui qui se découvre sur le site patrimonial lui-même. Aucune extériorité ne semble être prise en compte. Pourtant, le dernier Grand Prix national du paysage 2007, en France, attribué au Parc de Cormailles d'Ivry-sur-Seine, mentionne expressément les «vues lointaines sur l'horizon métropolitain». Une certaine évolution semble émerger de toute cette recherche sur le paysage. Les échappées sur les environs d'un patrimoine paysager reçoivent une légitimité nouvelle.
Au Québec, le 20 décembre 1992, l'Assemblée nationale adoptait une loi sur la protection et la mise en valeur des paysages. Plus tard, en janvier 2000, on édicta même une charte du paysage québécois. Cette charte n'apparaît pas avoir donné les effets escomptés. En effet, le Conseil du paysage québécois a estimé que «l'approche juridique ne constituait pas la meilleure façon de promouvoir une plus grande prise en compte du paysage». Il a préféré que la charte soit simplement «un outil de sensibilisation [ou] de consensus auprès des intervenants publics et privés». Sa mort était peut-être inscrite dans la formulation même de son statut.
On peut raisonnablement penser néanmoins que le paysage constitue, en lui-même, un environnement identitaire. Il établit un certain rapport entre l'extériorité et l'intériorité, entre l'extériorité du regard et l'intériorité du vécu. Il se forme un paysage intérieur en chacun de nous, qui résulte de nos regards sur les paysages de notre environnement. À ce compte, le paysage fait partie de notre identité. Le livre vert reconnaissait, à juste titre, que «le patrimoine attise le sentiment d'appartenance des individus, qu'il incarne une part importante de l'histoire des peuples et qu'il enrichit le cadre de vie des collectivités tout en lui conférant une identité unique».
La Déclaration de Québec, en 2008, sur la sauvegarde de l'esprit du lieu découle de la réunion des scientifiques d'ICOMOS, le Conseil international des monuments et des sites, rattaché à l'UNESCO. Il est dit: «L'esprit du lieu peut être défini comme l'ensemble des éléments matériels -- sites, paysages, bâtiments, objets -- et immatériels, physiques et spirituels, qui donne du sens, de la valeur, de l'émotion et du mystère au lieu.» Plutôt que de séparer l'immatériel du matériel et de les mettre en opposition, ICOMOS a exploré les différentes manières dont les deux sont unis dans une étroite interaction, l'un se construisant par rapport à l'autre. «L'esprit construit le lieu et, en même temps, le lieu investit et structure l'esprit.» La Déclaration de Deschambault, intitulée Charte de conservation du patrimoine québécois, a été élaborée par le Conseil des monuments et sites du Québec, comité francophone d'ICOMOS. Elle proposait une notion élargie du patrimoine qui «englobe tous les éléments de notre civilisation considérés non seulement un à un, mais au sein d'ensembles historiques culturels, traditionnels ou, plus simplement, représentatifs de l'adaptation de l'homme à son milieu. Elle inclut ainsi la notion de paysage culturel, témoin des relations du milieu construit avec le milieu naturel.» Par «paysage culturel patrimonial», le projet de loi n° 82 entend «tout territoire reconnu par une collectivité pour ses caractéristiques paysagères remarquables résultant de l'interrelation de facteurs naturels et humains qui méritent d'être conservées et, le cas échéant, mises en valeur en raison de leur intérêt historique, emblématique ou identitaire». Ces trois types d'intérêt sont certes fondamentaux, mais ils ne sont pas faciles à cerner. Discerner dans un paysage la part respective de l'histoire, de l'emblème ou de l'identification relève d'une capacité d'analyse peu commune. Pourtant, ils ne sont pas superflus.
La principale difficulté que les déclarations rencontrent pour définir le paysage, c'est probablement qu'elles le soustraient à l'histoire. Tout se passe comme si le lieu s'inscrivait dans l'espace et non dans le temps. Le lieu a son entourage, son environnement, son milieu, son emballage. C'est en tout cas, nous semble-t-il, ce que laissent entendre les définitions du paysage. C'est pourquoi nous avons parlé, dans notre mémoire, d'un écrin à protéger.
Nous pensons pouvoir affirmer que le projet de loi n° 82, dans sa forme actuelle, ne protège pas suffisamment le caractère identitaire de l'île d'Orléans en ce sens qu'il omet de considérer le site comme faisant partie d'un ensemble historique et paysager plus vaste, situation qui prive, selon nous, ce territoire d'une de ses caractéristiques fondamentales. Il serait fort souhaitable que le concept de zone tampon défini par ICOMOS soit introduit comme catégorie d'entendement de tout paysage culturel patrimonial comme celui de l'île d'Orléans.
La zone tampon, à l'origine, désignait une bande riveraine de végétation naturelle qui s'étend le long d'un cours d'eau et qui le protège. Notre définition adapterait cette vision purement environnementale pour lui donner la signification suivante: bande riveraine visant à protéger l'île d'Orléans de toute atteinte à sa valeur patrimoniale et identitaire.
Par ce court mémoire, nous avons tenté de mettre en évidence le fait que l'harmonisation et l'intégration d'un site historique avec son environnement constituent un des défis majeurs que devra relever la future Loi sur le patrimoine culturel. Toutefois, cela ne diminue en rien l'importance que nous accordons à la préservation de l'île d'Orléans elle-même.
Aussi, avant de conclure notre présentation, nous aimerions très brièvement soulever des points qui nous préoccupent dans le projet de loi et qui se réfèrent au territoire lui-même plutôt qu'à son environnement exogène.
Il ne nous semble guère rassurant, par exemple, de confier aux municipalités, et particulièrement à celles de très petite taille, la responsabilité quant à la protection d'un site patrimonial classé ou déclaré ou d'une aire de protection. La rareté des compétences et des ressources humaines et financières nécessaires à la réalisation du mandat que la loi leur confie risque d'entraîner un désintéressement par rapport au patrimoine. D'ailleurs, l'atomisation des prises en charge risquerait à leur tour de faire perdre la nécessaire perspective d'ensemble dans ce domaine.
Cette situation pourrait devenir encore plus critique lors d'un possible transfert de responsabilités de la gestion patrimoniale d'un site de l'ampleur et de l'importance de l'île d'Orléans vers les six petites municipalités qui comptent moins de 7 000 habitants, comme le permet le projet de loi n° 82. Nous pensons que les citoyens du territoire devraient être formellement consultés avant qu'une rétrocession-décentralisation des pouvoirs se produise, selon des formules qui existent par d'autres lois au Québec.
Est-il nécessaire de souligner que l'arrondissement historique de l'île d'Orléans n'appartient pas seulement à ses résidents, mais bien à l'ensemble des Québécois et des descendants des 300 familles souches qui ont peuplé l'Amérique française aujourd'hui dispersés partout en Amérique du Nord. Confier à de petits villages sans moyens le rôle de gardien de l'intégrité de ce lieu de mémoire collective mérite sûrement que l'on y réfléchisse encore et que l'on procède avec une extrême prudence. Nous vous remercions.
**(15 h 20)**Le Président (M. Curzi): Merci, Mme Jouan. Mme la ministre, si vous voulez ouvrir les conversations.
Mme St-Pierre: Oui. Alors, merci, merci beaucoup, merci d'être parmi nous aujourd'hui. On voit que l'île d'Orléans, ça vous tient énormément à coeur. Et ça nous tient à coeur à nous aussi. J'aimerais évidemment vous poser des questions, tout d'abord préciser que la dernière partie de ce que vous venez de nous dire n'est pas incluse dans le mémoire que vous nous avez transmis, vous avez débordé un petit peu, là. Alors, si c'était possible d'avoir éventuellement votre texte, même si nous avons des transcriptions, d'avoir votre copie.
Donc, on parle... vous parlez de zone tampon autour de l'île, de l'île d'Orléans. Cette zone tampon, vous parlez d'une bande riveraine, mais vous ne donnez pas de limite en termes de superficie. La zone tampon peut être très, très, très importante, comme elle peut être moins importante. Dans les... on parle de la zone de 200 kilomètres quand on parle des océans. Alors, je ne sais pas si vous vous attendiez jusqu'à 200 kilomètres. J'imagine que non. Mais qu'est-ce que vous voyez, là, comme bande en termes de superficie? Est-ce que vous débordez jusqu'à Lévis puis de l'autre côté ou... Est-ce que ça veut dire aussi qu'il n'y aurait pas de transport maritime? La zone tampon, elle vient faire quoi exactement?
Mme Jouan (Anne-Yvonne): M. Gagnon.
M. Gagnon (Normand): Normand Gagnon. Nous nous sommes posé la même question et nous avons conclu qu'il nous était impossible de statuer sur l'étendue de cette zone et sur ses caractéristiques. D'abord, si on prend les recommandations de l'UNESCO, chaque cas nécessite des études particulières, c'est clair, d'une part. Ensuite, on peut penser que cette détermination éventuelle d'une zone tampon sera le résultat d'un long processus, un processus au cours duquel on devra réaliser des inventaires, des études et, sans aucun doute, de nombreuses consultations, ce qui nous amène à dire aujourd'hui que nous sommes dans l'impossibilité de quantifier cette zone tampon, le principe étant de s'assurer que l'île d'Orléans notamment et d'autres sites de même nature soient protégés non seulement dans leurs limites géographiques, mais le soient également dans des ensembles plus vastes à l'intérieur desquels ils se trouvent placés.
M. Lahoud (Pierre): En fait, on ne prendra pas un compas puis on ne fera pas un grand cercle autour de l'île d'Orléans. L'UNESCO le dit bien, il faut réagir au cas par cas. Et, nous, ce qu'on dit, c'est que, lorsqu'il doit y avoir des études, lorsqu'il doit y avoir des réflexions par rapport à la mise en valeur d'un site, il faut rajouter cette couche supplémentaire de zone tampon. C'est très important. On le voit peut-être même à l'échelle internationale. À Dresde, on a justement enlevé le statut de ville du patrimoine mondial à la ville de Dresde à cause qu'on laissait passer un pont dans cette espèce de notion de zone tampon.
La notion de zone tampon est là pour protéger l'arrondissement historique. Et, nous, on se dit: Elle peut être modulée. Ça va dépendre de... Évidemment, on ne fera pas un grand cercle tout autour de l'île, là, c'est un peu fou. Et le fleuve, comme vous le dites, vous l'avez bien dit, le fleuve, c'est l'autoroute du Québec. Ça a toujours été le chemin de communication, le chemin qui marche au Québec. C'est un lieu chargé d'histoire, mais c'est aussi un lien économique important. Alors, je pense qu'il faut tous moduler nos interventions dans le cas des zones tampons.
Mme St-Pierre: C'est parce que, depuis ce matin, on nous fait des remarques sur le côté flou de nos critères. On nous dit que nos critères ne sont pas assez flous. Et, vous, vous nous encouragez à être encore plus flous. Et, c'est-à-dire, parlons d'une zone tampon, mais après ça, ce seront des études qui vont déterminer... Quand on... Un monument classé, quand même, la zone de protection est claire dans un monument... On peut décider qu'on n'a pas de zone de protection, comme dans Habitat 67, il n'y en a pas, mais on peut décider qu'on fait une zone de protection. On n'est pas comme... Enfin, vous... ce n'est pas un reproche, là, mais, je veux dire, vous ne nous guidez pas suffisamment, là, pour nous dire: Bien, écoutez, ce serait tant de mètres autour de l'île, où ce serait... quelque chose d'un peu plus précis.
L'autre chose sur laquelle je voulais vous poser des questions. C'est sûr qu'on a beaucoup, beaucoup discuté de la question du paysage, à savoir: Est-ce que le paysage, c'est ce qu'on regarde ou est-ce que c'est ce dans quoi nous sommes? Et, nous, nous en sommes arrivés à cette définition-là parce qu'on considère que c'est celle qui est plus facilement applicable, c'est-à-dire c'est la population qui est à l'intérieur de ce paysage-là qui se concerte et qui en arrive à demander, par décret, la reconnaissance. Donc, on se retrouve dans une situation où c'est la population qui est dans l'endroit, là, qui fait le paysage et non pas la population qui regarde décider, par exemple -- prenons le cas célèbre de Rabaska -- que l'île d'Orléans décide que, pour la population de Lévis, elle veut que ce paysage-là soit déclaré patrimonial. On n'est... on n'était pas dans ce...
Puis je donne toujours l'exemple... Moi, je suis venue au monde en face de Baie-Saint-Paul. Puis on voit la pente de ski de Petite-Rivière-Saint-François, l'hiver. Bien, l'été, quand les montagnes sont belles puis qu'il n'y a pas de nuage, bien, ce qu'on voit, c'est des grandes cicatrices dans la montagne. Alors, est-ce que, du côté de mon village natal, on pourrait décréter qu'on décrète paysage patrimonial en face de l'autre côté? Je pense que non. Alors, on pense que c'est plus logique et ce serait plus porteur de le faire... après plusieurs recherches puis des spécialistes qui nous ont aidés, de le faire de cette manière-là.
Maintenant, pour ce qui est de la zone tampon, je vous entends, mais je me dis: Pouvez-vous nous aider davantage, pour cette bande, cette bande riveraine, sur comment on pourrait la définir? Parce qu'on pourrait parler pendant des 15, 20, 30, 50 ans, là. Vous ne pensez pas?
Le Président (M. Curzi): Monsieur.
M. Barthe (Marcel): Bien, peut-être, pour ajouter aux commentaires des collègues, ce qu'on essaie de.. Vous savez, aujourd'hui, quand une industrie, un gros projet majeur veut s'implanter, il doit remplir un certain nombre de critères, faire des études d'impact, proposer des aménagements, vivre des phénomènes de consultation mais qui sont reliés surtout aux dimensions environnementales, implantation au sol.
Ce qu'on veut essayer de vous convaincre, c'est d'ajouter un élément de plus. Autrement dit, quand ces promoteurs, ces industries viendraient s'implanter dans une zone de proximité d'un site patrimonial reconnu, qu'ils aient une préoccupation obligatoire de plus, qu'ils se disent: Bien, en plus de nos études d'impact environnemental, etc., il ne faut pas oublier qu'il y a la notion de zone tampon et que nous devons faire des démarches supplémentaires pour mieux intégrer et mieux harmoniser notre projet puisque nous sommes dans une aire qui est considérée comme une zone tampon.
C'est pour ça que c'est difficile, parce qu'on ne veut pas être absolutistes, de vous dire: Ah, c'est trois kilomètres d'un côté, c'est trois... D'ailleurs, dans la configuration de l'île d'Orléans, comme l'a dit Pierre, il ne faut pas être naïfs, il ne faut pas être absolutistes, là, les bateaux vont continuer à passer, la voie maritime va exister. C'est pour ça qu'on ne veut pas s'enfermer dans une dimension.
Ce qu'on se dit, c'est: Si vous inscrivez cette notion dans le projet de loi, vous allez faire en sorte que par la suite il y aura des règlements afférents, il y aura des réflexions poussées dans le cadre réglementaire qui va suivre le projet de loi, et c'est là que vos spécialistes et d'autres spécialistes beaucoup plus spécialistes que nous vont se pencher sur cette notion-là.
Alors, il ne faut pas oublier que ce qu'on demande, c'est qu'il y ait une couche supplémentaire de préoccupation qui oblige les promoteurs ou les gens qui veulent implanter des projets majeurs dans un environnement à proximité d'un site patrimonial classé... qu'ils doivent se dire: Bien, on a sept préoccupations; dorénavant, on en a huit. Il faut ajouter la notion que nous serons à l'intérieur d'une zone tampon d'un site... Et donc il y a des critères. Comme vous l'avez fait dans le passé pour des lois environnementales, vous mettez les fonctionnaires et les spécialistes de chacun des domaines, vous devez faire un plan, vous devez faire un schéma d'aménagement, vous devez tenir compte de telle, telle chose, bien là vous devez tenir compte que nous sommes dans une zone tampon. Je ne sais pas si vous comprenez la nuance, pour ne pas s'enfermer dans des zones ou des chiffres.
Le Président (M. Curzi): Mme la ministre.
**(15 h 30)**Mme St-Pierre: J'aimerais vous entendre aussi sur d'autres notions de notre projet de loi. La question de faire en sorte qu'on puisse avoir une notion de... Bon. D'ailleurs, on vient encore à tout ce qu'on entend, puis on va l'entendre encore: les ressources financières. Ça prend des ressources financières pour mettre de l'eau au moulin. Est-ce que vous auriez des idées à nous soumettre sur comment aller... comment faire en sorte qu'on puisse avoir des nouvelles sources de financement? Parce que, bon, on le sait, c'est assez limité. Est-ce que vous avez des idées à nous soumettre? On en met certaines dans le projet de loi, comme une certaine tarification, une possibilité de tarification ou... Évidemment, les amendes, on les rend encore plus coriaces. Donc, est-ce que là-dessus vous aimeriez... puisque l'argent est souvent le nerf de la guerre...
Mme Jouan (Anne-Yvonne): ...pourrait imaginer aussi avoir des mesures incitatives en termes de défiscalisation. Puis ça se fait ailleurs. Les entreprises qui investissent dans le patrimoine reçoivent des retours d'impôt. Donc, ça, c'est intéressant parce qu'en termes d'image pour les entreprises c'est très bon et puis ça permet souvent de sauvegarder des patrimoines.
M. Barthe (Marcel): Il y a aussi toute la question -- et probablement que les gens de l'APMAQ vous l'ont sûrement dit à plusieurs reprises -- qui va dans la même ligne qui a été évoquée, c'est qu'il y a aussi des incitatifs qui permettent aux gens d'investir dans leur propre maison, les restaurations patrimoniales, où là, bien, il y aurait des incitatifs fiscaux à... Je sais qu'on reçoit souvent, quand on est dans un arrondissement historique classé, des subventions, mais très rapidement ces subventions deviennent par la suite des taxes supplémentaires par des hausses d'évaluation.
Donc, il y a les incitatifs qui sont de tarification, mais il y a les incitatifs qui sont aussi de déduction, qui encourageraient à la fois les entreprises et les individus, de dire: Bien, ça vaut la peine de mettre l'argent de plus et de faire en sorte que mon industrie, elle aura une façade plus intéressante parce qu'elle est en milieu... site patrimonial, même si ça me coûte plus cher, parce que la loi est tellement intelligente qu'elle a prévu que je vais pouvoir faire des déductions parce que je fais un effort supplémentaire. Alors, il y a d'autres façons comme ça aussi d'encourager.
Le Président (M. Curzi): M. Lahoud.
M. Lahoud (Pierre): Oui. L'entente tripartie que vous avez signée à l'île d'Orléans justement à l'époque où vous permettiez à des entreprises privées d'investir dans la restauration, je pense que c'est une belle solution, c'est une belle voie. Il y a la déduction fiscale concernant tous les biens... moi, j'en ferais une... tous les biens avant 1945... après... oui, c'est ça, avant 1945, tous ces biens-là... devraient avoir une déduction fiscale pour restaurer leur maison. Il y en a à peu près 200 000, 250 000 au Québec. Écoutez, ce serait... Et en plus on sauve tout le travail au noir. En tout cas, je pense que ça peut être une solution.
Et il y avait une... Dans une autre vie de fonctionnaire, j'avais fait une proposition aux municipalités de faire... de donner 0,01 $ pour le 100 $ d'évaluation dédié à la culture ou au patrimoine. On l'avait tenté à l'île d'Orléans, et ça a marché. Imaginez-vous, si chaque municipalité du Québec donnait 0,01 $ du 100 $ d'évaluation seulement pour le patrimoine, ce serait extraordinaire. Puis ce n'est pas beaucoup à l'échelle d'une municipalité, mais je pense qu'il y a peut-être une avenue là qui pourrait être intéressante.
M. Barthe (Marcel): Et puis il y a d'autres initiatives que vous avez faites également, quand le gouvernement du Québec a décidé de maintenir les questions de taxation sur l'aventure olympique et de les affecter à d'autres fins que les questions de tabac, etc. Alors, c'en est, d'autres mesures intéressantes qui, là aussi, peuvent être investies. Et vous l'avez fait, là, entre autres, dans les questions patrimoniales, avec des fonds que vous avez créés, conséquents à cette fiscalité-là.
Mme St-Pierre: Alors, si je retiens bien de ce que vous nous dites, de votre intervention, vraiment ce qui vous préoccupe dans ce projet de loi là, c'est comment nous définissons le patrimoine paysager. Je pense que vous... Je comprends que vous êtes contents qu'on amène cette notion-là dans notre loi, mais vous voulez qu'on aille encore plus loin et qu'on y amène la notion de zone tampon. Et la notion de zone tampon serait élastique, c'est-à-dire dépendamment de l'endroit où nous sommes, comment la communauté l'interprète, également. Ce serait ça.
Mme Jouan (Anne-Yvonne): C'est ça. L'idée, c'est une intégration, une harmonisation d'un développement économique qu'on ne rejette pas et une étude au cas par cas, notamment pour les gros projets, oui.
Mme St-Pierre: Alors, moi, M. le Président, je n'ai pas d'autre question, mais je sens que mon collègue ici...
Le Président (M. Curzi): M. le député de Lévis, vous voulez poursuivre? Allez-y.
M. Lehouillier: Alors, d'abord, moi, je voudrais... Parce que vous êtes comme un regroupement de citoyens, c'est ça que je comprends. D'abord, je voudrais vous féliciter pour les efforts exceptionnels que vous faites pour la sauvegarde et surtout la protection du patrimoine à l'île d'Orléans. Et je pense qu'au Québec c'est un des exemples les plus exceptionnels. On a juste à penser à la caisse populaire de l'Île-d'Orléans, l'implantation qui s'est faite en 2006. Si les citoyens n'avaient pas exigé, cette intégration architecturale là n'aurait pas été possible et ne se serait probablement pas faite. Parce qu'on a d'autres exemples de caisses intégrées dans des milieux, et ce n'est pas une réussite tout le temps. Donc, je voudrais vous féliciter pour ça.
Moi, ma question portait surtout sur l'élément de... ce que vous dites, là, la zone tampon qu'il pourrait y avoir autour. Le problème, c'est qu'on vit dans une dynamique où ce sont des municipalités qui sont maîtres d'oeuvre de l'aménagement de leurs territoires. Alors, mais je voudrais savoir concrètement, là, comment vous verriez une intégration de ça dans un cadre légal. Parce que, là, ça devient extrêmement complexe.
Je vous donne un exemple. On a le même phénomène dans Charlevoix. Si, par exemple... Je ne sais pas si vous avez déjà fait le sentier de L'Acropole des Draveurs, mais, quand vous êtes en haut de L'Acropole des Draveurs, vous avez une vue à peu près à l'infini. Et là ça devient extrêmement complexe de voir qu'est-ce qui est zone qui pourrait protéger la vue de L'Acropole des Draveurs. Alors, je veux juste vous entendre un peu, parce que, moi aussi, j'ai un petit peu de difficulté à saisir cette notion-là par rapport à ce que les municipalités peuvent faire ou ne pas faire, puis surtout comment on fait pour rendre ça dans un cadre légal.
Le Président (M. Curzi): M. Barthe, c'est à vous.
M. Barthe (Marcel): En fait, votre question est effectivement intéressante et complexe. C'est évident que les questions d'aménagement du territoire sont de responsabilité municipale ou de MRC dans les lois du Québec, mais il ne faut pas oublier une chose, c'est que l'île d'Orléans, c'est le plus ancien et encore aujourd'hui le plus imposant, quant à sa superficie, arrondissement historique du Québec. Ça va changer d'appellation, mais pour le moment c'est encore un arrondissement historique national.
C'est le deuxième point, également. Il faut comprendre que l'île d'Orléans n'appartient pas aux municipalités de l'île d'Orléans et n'appartient pas seulement aux résidents. Ce n'est pas un arrondissement historique régional ou local. Et j'entendais vos échanges tout à l'heure, entre la ville de Montréal et vous, sur les questions de qu'est-ce qui est local, qu'est-ce qui est régional, qu'est-ce qui est national. On est en plein dans ce sujet-là avec ce que vous abordez.
On peut dire que les municipalités sont responsables de l'aménagement du territoire, donc il y a à se poser des questions difficiles sur les questions de zone tampon. Mais il n'est pas inapproprié de dire que l'île d'Orléans est un site patrimonial qui appartient à tous les Québécois. Et donc il vient se superposer une notion que c'est un arrondissement historique national. Là, ce n'est pas la MRC qui a classé, ce n'est pas la ville de Montréal qui a décidé de classer un bâtiment, comme la loi lui permet maintenant et que vous allez encore favoriser et accentuer. Le gouvernement du Québec, en 1970, a dit: Ça, c'est un arrondissement historique pour tous les Québécois.
Donc, il faut faire attention à la notion de décentralisation puis des pouvoirs des municipalités locales. Dans certains cas, c'est eux qui doivent tout définir parce qu'il n'y a rien qui vient se superposer. Dans le cas d'un arrondissement historique national, qui appartient à tous les Québécois, pourquoi est-ce qu'ils seraient les seuls à déterminer ces éléments de développement, de proximité d'implantation, alors que ça appartient à l'ensemble des Québécois? Je ne sais pas si ça vous aide un peu à répondre.
M. Lehouillier: Oui, bien, c'est juste que... Si vous permettez, M. le Président, peut-être une dernière question.
Le Président (M. Curzi): Oui, allez-y, M. le député de Lévis.
M. Lehouillier: C'est juste de trouver les assises légales. C'est ça, la problématique particulière.
M. Barthe (Marcel): Oui, je comprends. Je ne suis un juriste, mais ce que je vous dis, c'est qu'il pourrait... une loi sur le développement culturel et le patrimoine pourrait, dans certains articles, transcender d'autres lois verticales dans certains contextes, comme par exemple, si c'était un arrondissement historique national, les MRC ou les municipalités doivent consulter, ou tenir compte de, ou demander à l'État central d'analyser avec elles cette perspective de zone tampon, puisque, dans ce cas-ci, nous sommes dans un arrondissement historique national.
M. Lehouillier: O.K. Est-ce que je peux? Une autre question, rapidement?
Le Président (M. Curzi): Vous avez encore quelques minutes.
M. Lehouillier: Juste une dernière question. Pour les autres mesures, tu sais, les nouveaux pouvoirs qui sont donnés aux municipalités, ça, comment vous voyez ça, de façon générale, ces pouvoirs qui sont donnés aux municipalités, exemple, de protéger temporairement un bien susceptible de présenter une valeur patrimoniale qui est menacée, etc.? Ça, je voudrais vous entendre un petit peu là-dessus. Parce qu'au fond la loi va donner aux municipalités certains pouvoirs qui étaient réservés jusqu'à maintenant à la ministre, et maintenant ces pouvoirs-là vont pouvoir être assumés par les municipalités. Ça, de ce côté-là...
M. Lahoud (Pierre): Il faut faire...
Le Président (M. Curzi): M. Lahoud?
M. Lahoud (Pierre): Oui, Lahoud.
Le Président (M. Curzi): M. Lahoud.
M. Lahoud (Pierre): Bien, il faut faire attention avec les petites municipalités, hein? Vous savez, le niveau de pouvoir est très, très proche du niveau citoyen. Alors, des fois, les décisions prises pour protéger un monument à l'intérieur d'une toute petite municipalité de 800 habitants, comme à Saint-Jean, où je réside, c'est très difficile, c'est très complexe. C'est pour ça que des fois le palier supérieur a plus de facilité à vouloir protéger un bien, plutôt que celui de la petite municipalité et...
**(15 h 40)**M. Barthe (Marcel): Autrement dit, dans des grandes municipalités comme la ville de Montréal, la ville de Québec, on vous comprend très, très bien. Ces gens-là ont des services d'urbanistes, des spécialistes en patrimoine, des spécialistes... Mais, dans des petits milieux, c'est extrêmement difficile de demander à ces gens-là, justement, dans une localité, de gérer un lieu d'importance nationale, pas locale, là, ou pas régionale. Alors, il devrait y avoir une différence entre ce qui... C'est pour ça que c'est important que vous vous posiez des questions sur qu'est-ce qui est un bien patrimonial national, régional ou local. L'État central devrait avoir plus de choses à dire sur une dimension nationale.
M. Lehouillier: Je comprends bien la distinction que vous apportez. Merci de ces éclairages.
Le Président (M. Curzi): Il reste 1 min 30 s, deux minutes.
Mme Charbonneau: Je me lance.
Le Président (M. Curzi): Lancez-vous, madame.
Mme Charbonneau: Merci. Vous étiez là au moment où les gens de Montréal étaient là. Je ne sais pas si vous étiez là ce matin, quand qu'on a reçu d'autres gens. Donc, vous avez entendu avec moi, avec beaucoup de plaisir, la Fédération des chambres de commerce. Quand ils ont, dans leur mémoire... Ils ne l'ont pas cité ici, mais ils ont inscrit dans leur mémoire le regard qu'ils portaient sur cette possibilité d'une problématique face à la communauté autochtone, son aspect spirituel, et tout, et tout. J'ai le goût de vous dire que, s'ils vous entendaient, peut-être qu'ils vous classeraient de la même façon.
Donc, j'aimerais vous entendre là-dessus, puisque, si j'étais de Lévis puis je voudrais faire un bel immeuble, mettons des condos vue sur votre île, probablement, comme promoteur, je ne vous apprécierais pas beaucoup, du moins en ce moment. Donc, j'aimerais vous entendre réagir sur cet aspect-là. Je sais que vous avez fait le tour sur le principe de la bande riveraine, à laquelle vous voulez une bande tampon, mais je veux vous entendre plus spécifiquement sur le développement économique, qui ne vous appartient pas. Et je ne le dis pas de façon choquante, je le dis juste pour pouvoir faire une image de ce que vous considérez comme une bande tampon.
Mme Jouan (Anne-Yvonne): Je comprends puis je vous remercie que vous nous posiez la question. Parce que, vous l'avez dit ce matin, au niveau du problème autochtone, le devoir a été mal fait. Et le devoir a été mal fait, à ce niveau-là en tout cas, pour ce qui est d'un gros projet industriel, puisque, dans le rapport du BAPE sur le projet Rabaska, page 121, il est dit... l'avis n° 7 dit: «La commission est d'avis que les installations portuaires et riveraines du projet ainsi que les ouvrages prévus dans la falaise altéreraient le paysage de la côte de Beaumont.» Mais surtout il dit: «L'adoption de chartes paysagères, l'établissement de zones tampons ou d'enveloppes paysagères sont autant de moyens à mettre en oeuvre au Québec.» Voilà la réponse que je vous fais.
Mme Charbonneau: Merci.
Le Président (M. Curzi): Merci, madame. Je passe la parole à l'opposition. M. le député de Drummond.
M. Blanchet: Merci. C'est un sujet à la fois très circonscrit et très large que vous nous amenez. J'ai l'impression que l'ultime de votre demande va recevoir une réponse qui va être politique, qui ne sera ni... qui ne sera pas scientifique, ça va être politique. Et, dans cette mesure-là, je devrai vous demander des réponses qui essaieront d'être précises. Parce que vous avez élaboré sur des thématiques. Je pensais à certains chroniqueurs de certains journaux qui se pendraient en écoutant votre présentation, tellement c'était d'une complexité, pourtant fort intéressante, mais ce n'était pas... C'était: On va élaborer sur les fondements et les principes. Personnellement, je trouve ça extrêmement intéressant.
Je me permets de le résumer en disant que le paysage, tel qu'il doit être abordé, ce n'est pas, je dirais, à la limite, pas du tout l'élément strictement physique. On ne demande pas la protection de l'île d'Anticosti, mais bien de l'île d'Orléans. Pourquoi? Parce que c'est porteur d'un sens. C'est porteur d'un sens et donc ça a un corollaire culturel, ce qui nous amène à la notion de patrimoine. Et je me permets de résumer en aussi peu de mots quelque chose qui était beaucoup mieux présenté par vous.
À cet égard-là, je dirais que l'intention doit précéder la loi, mais on est rendus à l'étape de la loi. Qu'est-ce qu'on veut faire de l'île d'Orléans, pour l'île d'Orléans, en guise de protection à l'île d'Orléans, qui est un élément de patrimoine national sans l'ombre d'un doute? Je me permettrais de... Le mot «caricature» n'est pas bon. Je dirai que si l'île d'Orléans n'avait pas été l'île d'Orléans, Félix Leclerc ne s'y serait pas installé. Et, si Félix Leclerc ne s'y était pas installé, l'île d'Orléans ne serait pas l'île d'Orléans. Il y a eu un échange de sens dans l'imagerie populaire, et c'est dans l'imagerie populaire qu'elle a une portée, sinon vous n'auriez pas ce poids-là.
Lorsque la loi va devoir se pencher sur votre cas très précis -- et, lorsque je dis que l'intention doit précéder la loi, il y a le mot «précéder», donc il y a le précédent -- vous allez vous trouver, si vous avez gain de cause... ou, dans la mesure où vous allez avoir gain de cause, vous allez vous trouver à créer un précédent que d'autres entités, d'autres lieux vont vouloir invoquer. Et donc, effectivement, vous êtes probablement ces fameux porteurs de couteaux suisses que les chambres de commerce décrivaient ce matin, et donc il y a... Mais le risque, force nous est d'admettre qu'il est réel. Et là, évidemment, dans tout ça, il y a toujours le spectre de l'île d'Orléans versus Rabaska.
De façon très claire, est-ce que votre vision de la loi aurait fait en sorte que, par leur opposition, les habitants de l'Île-d'Orléans auraient pu bloquer le développement de Rabaska de l'autre côté?
M. Barthe (Marcel): Vous allez être déçu. Vous allez être déçu. Je pense qu'on ne peut pas entrer dans cette dimension concrète là. Et voici pourquoi. Justement parce que l'UNESCO et d'autres disent: La notion de zone tampon doit être une question qui doit être évaluée cas par cas. Il faut l'inscrire comme principe dans la loi, il faut mettre un cadre réglementaire et juridique qui va soutenir ça, et après ça c'est des spécialistes qui, cas par cas, vont évaluer ça en fonction d'une situation réelle, O.K.? Alors, pour certains, sûrement que, s'il y avait une zone tampon, ça aurait empêché Rabaska; pour d'autres, sûrement pas. Ce n'est pas...
Et répondre concrètement comme ça, c'est s'enfermer dans une dynamique qui n'est pas propice à ce que ça veut dire, pour nous, une zone tampon. Une zone tampon, ça veut dire, encore une fois, je le répète, qu'un promoteur ou un projet comme Rabaska doit être forcé, en plus de toutes ses autres préoccupations, de démontrer à l'État puis de démontrer à tout le monde que son projet va s'harmoniser et s'intégrer parce qu'il est à proximité d'un site patrimonial classé. Alors, on ne veut pas s'enfermer dans cette dynamique-là.
Deuxième élément qui est très important, c'est votre notion de précédent. Elle n'existe pas tant que ça, votre notion de précédent. Puis on n'a pas les couteaux suisses tant que ça parce qu'on répète... on vous répète la notion que les choses doivent se faire cas par cas. C'est dit, dans les documents, par les spécialistes. Donc, il faut faire attention, la notion de précédent, elle ne se créée pas nécessairement s'il est déjà inscrit dans la loi que la zone tampon viendra dans un aménagement ou une discussion cas par cas. Ce n'est pas une notion de précédant.
Je répondrais une troisième chose à votre première intervention. Vous avez dit: L'intention doit précéder la loi. On partage votre point de vue. On est ici aujourd'hui pour vous parler de la loi n° 82, mais c'est évident que, s'il y avait eu une politique plus claire et plus formelle, culturelle, reliée à l'île d'Orléans avant, ça aurait été encore plus souhaitable.
M. Blanchet: Je ne serai pas déçu parce que je suis d'accord. À ce moment-là, mon point est que c'est peut-être l'outil qui n'est pas approprié. Si, exemple, il y a eu un cas, il y a eu des consultations, vous vous êtes exprimés dans les consultations, et, pour d'autres raisons, le cas ne s'est pas exprimé, et que ça doit être, selon l'UNESCO, selon les définitions dont vous faites la promotion, du cas par cas, ce que vous devez demander, je suppose, n'est pas tant une modification à la loi sur le cas spécifique de l'île d'Orléans, mais bien l'existence de cette institution consultative où vous irez vous exprimer mais qui pourra se prononcer dans un sens autre que celui que vous souhaitez. Si vous ne pouvez pas présumer du résultat, que vous ne pouvez pas nous dire de façon claire: Ça va donner ceci, en termes de juridiction, pour nous, à ce moment-là c'est une institution la plus neutre, articulée possible qui devra se pencher, et pour vous et pour n'importe quelle autre situation, sur le cas par cas, et il pourrait y en avoir d'autres qui se manifesteront.
Moi, si je représentais des communautés autochtones, j'en aurais, des cas qui ressemblent au vôtre, à invoquer, puis dire: Attention, il y a des lieux très singuliers pour nous, puis on voudra que ce soit protégé, puis il y aura une zone tampon, puis on ne veut pas que les chasseurs passent au travers, et mille et une choses de ce type-là. Donc, la notion de précédent, elle veut dire ceci: Si vous créez un précédent qui pourrait s'étendre à d'autres situations, mais sans être capables de prévoir le résultat de la loi, ce n'est peut-être pas une loi tellement qu'un organisme que ça nous prend.
**(15 h 50)**M. Barthe (Marcel): Bien, c'est-à-dire qu'on ne demande pas que la loi n° 82 précise qu'il faut qu'il y ait une zone tampon autour de l'île d'Orléans. Notre demande, c'est que cette notion soit inscrite dans la loi n° 82 en général. Ça, c'est le premier point, O.K.?
Deuxièmement, il existe, je suppose, des instances. Et, si la ministre veut en créer d'autres, on va être ouverts à les entendre. Mais elle crée aussi un conseil du patrimoine qui est la Commission des biens culturels, avec un nouveau nom, etc. Peut-être que des... Quand on dit... quand on inscrit un principe de cette nature-là dans le projet de loi, ça fait en sorte qu'il y a toute une démarche... je ne suis pas un spécialiste, là, des choses gouvernementales, mais il y a toute une démarche qui accompagne ça. Une fois que c'est inscrit dans la loi, il faut probablement un cadre réglementaire, il faut probablement une certaine réflexion, pour dire: Bien, qui va juger de ça, là, si c'est inscrit que c'est dans le cas par cas? À quel organisme? À quel type de spécialiste? Donc, on pourrait dire que c'est le Conseil du patrimoine qui va être un intervenant majeur pour aider les municipalités ou les MRC dans le cas de sites patrimoniaux nationaux, pour définir la notion de zone tampon.
Et votre point est très important, parce que c'est sûr -- et le point de madame aussi -- c'est sûr que... Vous dites: Ça ne nous regarde pas, ce qui se passe à Lévis. Mais c'est justement le principe d'une zone tampon. Mais c'est... C'est ça, le principe d'une zone tampon, c'est que ça oblige aux gens de se concerter et de se parler. Ça crée une exigence supplémentaire de dialogue parce que ça force les gens à se mettre ensemble, ce que la situation actuelle ne demande pas.
M. Blanchet: Je ne pense pas avoir parlé de Lévis en ces termes, mais, sur le fond, donc, je pense qu'on est à peu près d'accord. J'ai une question, à ce moment-là, qui est complémentaire. Vous avez vu la créature à l'oeuvre. Est-ce que vous partagez l'opinion des chambres de commerce à l'effet que le BAPE pourrait absorber ce mandat-là en plus des autres?
Mme Jouan (Anne-Yvonne): Le BAPE répond lui-même que ce n'est pas son rôle et que c'est au Québec à mettre en oeuvre des chartes qui protègent les paysages. C'est lui qui y répond.
M. Blanchet: ...je pense que mes collègues avaient aussi des...
Le Président (M. Curzi): M. le député de Sainte-Marie--Saint-Jacques.
M. Lemay: Merci, M. le Président. Alors, bonjour, mesdames messieurs. Dans le fond, votre mémoire, moi aussi, j'ai hâte de le lire, hein? On n'a pas pu... On a eu trois, quatre pages seulement, alors... Il est très fouillé et très senti. Vous nous ramenez un peu à l'essentiel aussi. Au-delà de l'articulation de politiques, de budgets, quoique très, très, très importants, il n'en demeure pas moins que c'est des... On protège pourquoi? On protège pour des raisons d'esthétique, mais on protège d'abord et avant tout pour l'identité d'un peuple, pour que des paysages, des bâtiments, des souvenirs qui... Nous, on garde des photos personnelles parce que ça veut dire quelque chose dans notre vie. Je pense que les peuples, c'est la même chose. Donc, tout est ramené un peu à ça. Et ça, dans la loi, on y reviendra à l'étude article par article, mais personnellement, cette vision-là, justement, je trouve qu'elle manque un peu dans la loi. On fait ça pour quoi? On met des dizaines de millions pour quoi? On met des ressources, des compétences pour quoi? Pour ça. Tu sais, c'est... Et ça, vous nous le ramenez, et je pense que c'est intéressant. Et, encore une fois, je me répète, j'ai hâte de lire votre mémoire en son entier.
Je vais faire une comparaison. Peut-être qu'elle n'est pas bonne. Parce que, là, effectivement, la zone tampon, c'est facile sur un bâtiment. Le Mount Stephen Club à Montréal, il y a le 500 mètres de protection, alors c'est simple dans un... Je me demande si le gouvernement, le ministère ne devra pas éventuellement déposer les paysages à classer potentiels, sans ça... On le sait un peu, je crois, hein? On le sait, il y a des experts au ministère qui doivent avoir une liste: Voici ce qui nous apparaît, nous, à l'heure actuelle, dans un horizon de 10 ans, ce qui est probable, et qu'on commence la réflexion dès maintenant sur chacun de ces sites-là, avant de légiférer, passer des lois, des règlements.
Je ne sais pas ce que vous pensez de l'idée. L'île d'Orléans fait certainement partie de ça, mais il me semble qu'on devrait... Une fois que cette loi-là sera adoptée, que penseriez-vous qu'on retourne en consultation pour dire: Voici, selon nous, ce qui nous apparaît être, dans un horizon de 10 à 20 ans, les paysages sur lesquels nous passerions une législation? Et là on aura un débat spécifiquement sur les paysages, les critères, les zones de protection, s'il y a lieu.
Et je termine en vous disant ceci. J'ai commencé... Le seul exemple que je peux voir, puis peut-être qu'il y en a d'autres, c'est: à Montréal, la hauteur ne peut jamais dépasser le mont Royal, tout le tour de la montagne. Est-ce que c'est bon ou mauvais? Ça, c'est un autre débat. Mais ça reste le même type, je crois, de... Il n'y a pas de territoire vraiment, il n'y a pas de... mais un immeuble, grosso modo, autour de la montagne, ne doit jamais... Bon, il y a eu les immeubles du passé mais après 1980 et quelques les immeubles ne devaient pas dépasser... Alors, on est un peu dans l'intangible, là, et dans des zones tampon, encore une fois, là. Alors, voilà.
Mme Jouan (Anne-Yvonne): Si vous me permettez de faire une comparaison, comme vous l'entendez. Je ne suis pas née ici. Dans les années soixante-dix, le village dans lequel j'habitais a été préservé grâce... ce n'était pas son maire, c'était son préfet, mais peu importe, justement parce qu'il a émis un règlement qui empêchait la construction en hauteur, alors que, partout ailleurs sur le littoral français, ça se faisait. Il était précurseur. En 1986 a été édictée la loi qu'on appelle loi littorale, qui était très restrictive, très coercitive. En 2007, un rapport a été émis au Parlement au sujet de cette loi, quelles ont été les conséquences. 94% des Français étaient pour cette loi. Les littoraux ont presque été entièrement rachetés par la Commission du littoral pour les protéger. Alors, on était, à cette époque-là, dans quelque chose de très coercitif. Mais, en 1993, la loi paysage a donné un statut officiel au paysage et a donné... En tout cas, le Conseil national du paysage, qui en est issu, en 2000, a demandé à ce qu'on fasse des inventaires des paysages. Et chaque année il y a un bilan des améliorations qui sont faites sur ces paysages. Alors, c'est possible. C'est juste, comme vous le disiez, une volonté politique.
Le Président (M. Curzi): ...
M. Lemay: Je pense que la... Je veux être clair, la volonté politique est là. On étudie une loi. Donc, je ne remets pas en cause la volonté politique. Est-ce que, dans le volet particulier du paysage, est-ce que... Je me questionne suite à votre intervention. Est-ce qu'on ne va pas peut-être un peu vite? Je me questionne, M. le Président, juste de cette façon-là. Mais je veux être clair, et je ne dis pas que, madame, vous avez interprété mes paroles, la volonté politique est là, le projet de loi a été déposé. Est-ce que c'est peut-être... Tout le reste du patrimoine, et tout ça, on a assez de connaissances et de compétences. Pour ce qui est du... On commence -- et plusieurs nous l'ont dit aujourd'hui, là -- on commence en ce qui concerne le paysage, donc prenons le temps...
M. Barthe (Marcel): C'est pour ça quand même qu'on réagit positivement à ce que vous dites, dans le sens que... D'ailleurs, dans les autres phénomènes, le ministère a fait des inventaires. Il y a eu beaucoup d'inventaires sur les bâtiments, des choses comme ça. Mais c'est normal que, la notion de paysage étant une notion nouvelle, complexe et, comme on le disait, polysémique -- ça veut dire que ça veut dire beaucoup de choses différentes pour beaucoup de monde -- c'est normal qu'on soit à une étape où on devra un jour se pencher sur la notion d'inventaire de ces paysages-là. Et qu'est-ce que ça veut dire? Puisque le ministère a fait l'inventaire des bâtiments, des... etc... Parce que c'est des choses qu'on connaissait mieux. Mais cette nouveauté qui est introduite est loin d'être négative. Il faut juste la faire suivre par des démarches plus scientifiques un peu.
M. Lemay: Merci. Ça va.
Le Président (M. Curzi): Merci, M. le député. Eh bien, je crois que...
Mme Jouan (Anne-Yvonne): M. Gagnon souhaitait rajouter quelque chose. Est-ce que c'est possible?
Le Président (M. Curzi): Oui, absolument, absolument. Il vous reste encore du temps.
M. Gagnon (Normand): D'autre part, nous pensons devoir invoquer l'urgence. Parce que justement vous soulignez le fait que certains de ces travaux peuvent s'échelonner sur de très longues années. Il me semble, dans le cas particulier de l'île d'Orléans, qu'il y a une certaine forme d'urgence, parce que, malgré la beauté des lieux, malgré la situation, qui n'est pas pathétique, il y a quand même, il faut l'admettre, une détérioration qui s'installe, qui s'est installée au fil du temps. Il y a des pressions qui s'exercent sur l'île. Il y a un développement... des développements domiciliaires, etc. Donc, il y a des pressions qui s'exercent. Et j'invoque... je sollicite fortement ceux qui auront à écrire cette loi, à finaliser cette loi, je les invite donc à considérer ce facteur de temps, d'urgence.
Et il me semble que cette question-là, si bien sûr on accepte de reconnaître le principe d'une zone tampon, que cette question-là pourrait très bien être confiée au conseil en priorité. Pourquoi ne confierait-on pas à cet organisme le soin d'explorer davantage cette question-là et d'amorcer un processus de mise en oeuvre avec, pourquoi pas, un cas laboratoire que serait l'île d'Orléans?
Des voix: Ha, ha, ha!
**(16 heures)**Le Président (M. Curzi): M. le député de Saint-Jean, vous avez encore quelques minutes pour participer à cette conversation nationale.
M. Turcotte: Merci beaucoup, M. le Président. Je vais vous poser une question qui va peut-être vous paraître non pertinente pour vous, parce que je comprends votre intérêt très particulier pour la désignation des paysages, mais j'aimerais avoir votre réponse pour un peu en même temps, pour notre part, comprendre mais aussi pour qu'on puisse faire un peu de pédagogie entourant cette question-là.
Quand on voit, dans le projet de loi n° 82, tout le processus qui est demandé pour désigner un paysage, que l'ensemble des municipalités locales, des MRC, des communautés métropolitaines doivent faire la demande, doivent être d'accord, donc, de déterminer la délimitation du territoire visé, de faire un diagnostic paysager, une analyse quantitative et... quantitative, tout ce processus-là, puis je passe, là, il y a plein d'autres étapes, là, par la suite une évaluation auprès du conseil, que le ministre étudie la question et que, là, par la suite, bien, il doit y avoir un plan d'aménagement, que ce plan-là doit être respecté... Tout ça, là, on l'a vu ce matin, on l'a entendu par la Fédération des chambres de commerce, mais aussi on pourrait l'entendre par certains maires, ou par certains conseillers, ou par certains promoteurs ou gens qui pourraient dire: Bien, écoutez, là, nous, là, on est bien d'accord à protéger, là, l'île d'Orléans, ou le rocher Percé, ou autres, là, mais, quand ça devient dans notre cour, là, on est mal moins intéressés à protéger ça, là, et à désigner ce paysage-là.
Qu'est-ce que ça peut, selon vous, rapporter, de faire toute cette démarche-là? Parce que c'est des énergies pas tant en termes financiers, mais aussi en termes de temps et de ressources, et ça prend une volonté de la communauté de le faire, donc, parce que ça ne vient pas, comme la ministre l'a mentionné tantôt, ça ne vient pas du gouvernement qui va dire: Bien, regardez, ce paysage-là, on le protège. Il faut que ça vienne de la base. Donc, cette base-là, quelle pourrait être sa raison de faire tout ce processus-là pour désigner un paysage?
Mme Jouan (Anne-Yvonne): Je vais passer la parole à M. Gagnon, mais, avant toute chose, je voudrais simplement signaler que l'industrie touristique de Québec exploite les paysages à des fins économiques. Alors, Normand, s'il veut compléter.
M. Gagnon (Normand): D'une part, je pense que l'article auquel vous référez concerne des sites en possible devenir de déclaration ou de citation et non pas les sites comme le site de l'île d'Orléans dont on a parlé tout à l'heure. D'une part. Ce que prévoit la loi à ce chapitre-là, on peut toujours vous donner quelques indications quant à notre perception actuelle, mais il nous semble que la loi, telle qu'elle est formulée, exige toutes les étapes que vous avez mentionnées, et il ne faudrait qu'une dissidence à l'intérieur d'un ensemble de municipalités ou de MRC pour que tout s'arrête. Selon moi, c'est un... ça m'apparaît comme étant un des défauts de la loi. À moins qu'on prévoit, dans le cas où le processus de désignation n'arrive pas à son terme, que la ministre puisse prendre la relève et procéder. Je pense que vous avez souligné une des difficultés de la loi quant à la déclaration de nouveaux sites.
M. Barthe (Marcel): Et ça, c'est très important. Nous revenons aussi à la notion qu'on a évoquée tout le temps. C'est qu'il y a une différence entre la démarche que j'appelle de patrimoine de proximité, c'est-à-dire la démarche locale et régionale de patrimonisation, mais il y a aussi les ensembles qui ont été déclarés des ensembles nationaux. Alors, dans ces ensembles nationaux, on pense que la démarche doit être différente. Elle ne peut pas être la même, parce que ce n'est pas aux autorités locales et aux villageois de ci puis de ça de dire: Nous autres, on va faire ceci ou cela avec ce... En tout cas, pas tout seuls, puisque ce n'est pas... ça n'appartient pas qu'aux résidents locaux, ce site historique national là, ça appartient à tous les Québécois, même si on en est un peu plus fiduciaires parce qu'on y habite.
Le Président (M. Curzi): Une minute en tout, question et réponse.
M. Turcotte: O.K. Dans ce cas-là, qu'est-ce qu'on pourrait faire, si un conseil de ville refuse, pour que la volonté populaire soit respectée dans ce cas-là? Est-ce que vous avez une suggestion?
M. Barthe (Marcel): Bien, il y a toutes sortes de phénomènes qui existent ailleurs dans d'autres lois. Au Québec, il y a toutes les notions, dans la Loi de l'aménagement et l'urbanisme, de l'ouverture d'un registre, par exemple, ou... Et, s'il y a un nombre suffisant de personnes qui viennent signer ce registre-là, il peut y avoir comme une consultation publique ou un référendum.
Alors, peut-être qu'il y a des mécanismes que la ministre pourrait mettre en place. Dans le cas où il y a 90 % des gens qui sont d'accord, mais il y a un des cinq villages qui ne veut rien savoir, bien, il y a peut-être des mécanismes qui permettraient, après une forme de majorité très, très massive, que les citoyens puissent avoir des mécanismes pour favoriser l'éclosion de ce projet-là. C'est sûr, il faut que ce soit une situation où les autorités locales et régionales sont presque unanimes sauf quelques exceptions, parce que, Normand a raison, il suffit d'un, puis tout le château de cartes tombe complètement.
Le Président (M. Curzi): Mesdames messieurs, merci beaucoup.
Nous allons suspendre le temps d'accueillir de nouveaux intervenants.
(Suspension de la séance à 16 h 6)
(Reprise à 16 h 10)
Le Président (M. Curzi): Alors, à l'ordre, à l'ordre, à l'ordre! Nous allons reprendre et accueillir la municipalité régionale du comté de Témiscouata. M. Nadeau, si vous voulez vous présenter et présenter les personnes qui vous accompagnent. Et vous aurez 15 minutes pour présenter votre mémoire. Bonjour et bienvenue.
Municipalité régionale de comté de
Témiscouata (MRC de Témiscouata)
M. Nadeau (Émilien): Alors, M. le Président, Mme la ministre, mesdames et messieurs, d'abord permettez-moi de me présenter: Émilien Nadeau, je suis le président du comité culturel de la MRC de Témiscouata. Et je suis accompagné aujourd'hui de Mme Louise Labonté, qui est maire de Pohénégamook...
Mme Labonté (Louise): Bonjour.
M. Nadeau (Émilien): ...et de Mme Chantal Gélineau, qui est coordonnatrice du culturel dans la MRC de Témiscouata.
Mme Gélineau (Chantal): Bonjour.
M. Nadeau (Émilien): Et j'en profite aussi pour vous remercier au nom de la MRC, là, de nous recevoir ici aujourd'hui.
Les préoccupations que nous voulons vous transmettre, c'est des préoccupations des acteurs culturels de notre milieu. Et on pense, nous, qu'il y a de fortes chances qu'elles présentent des similitudes avec la réalité de l'ensemble du Bas-Saint-Laurent et des autres régions du Québec, surtout quand on parle de milieu rural, quand on parle, entre autres, d'occupation du territoire et de l'importance, dans les milieux ruraux, des lieux, entre autres, de rassemblement ou des lieux qui nous ressemblent. Et, pour vous présenter le mémoire, je demanderais à Mme Chantal Gélineau de vous le présenter.
Mme Gélineau (Chantal): Bonjour. Alors, le mémoire que nous vous avons présenté en novembre abordait plusieurs points: la question matrice, les besoins puis certaines propositions. On tentait de pointer l'obstacle récurrent auquel les efforts de développement des diverses communautés chez nous se retrouvent confrontées en permanence. Alors, nous avons signalé quatre besoins qui se manifestent dans la plupart de nos municipalités constamment. Puis nous avons recueilli aussi trois solutions possibles.
Alors, pour le problème central, on se demandait comment se porte le patrimoine au Québec. Alors, c'est avec une fréquence alarmante que des préoccupations se transformant souvent en situations de crise font surface en zone rurale. Faute de vision d'ensemble, de moyens pour mener à terme des projets de sauvegarde et surtout de préoccupation de conservation des collectivités, le fardeau de la protection du patrimoine pèse sur les épaules de quelques citoyens ou associations qui ont souvent... ils voient leurs efforts se confronter à une indifférence gouvernementale ou institutionnelle.
Est-ce qu'on ne pourrait pas intervenir en amont des périodes critiques? Parfois, la volonté de ces citoyens visionnaires est mise à dure épreuve devant la complexité bureaucratique et normative. La population a grandement besoin d'être sensibilisée et responsabilisée à cette richesse non renouvelable qui, en particulier en région, forme le coeur de la communauté et porte très haut son identité communautaire.
Les besoins que nous avons ciblés. Pour donner suite à la Loi sur le développement durable adoptée par l'Assemblée nationale, qui associait la protection du patrimoine culturel au développement durable, il devient impératif de mettre en place des plans efficaces de sensibilisation et de conscientisation des populations pour la protection et la conservation de leur patrimoine. Nous pensons à une vaste campagne de séduction qui pourrait être accompagnée d'un plan d'intervention triennal ou quinquennal.
L'appropriation de ces biens culturels par la communauté devient une garantie de sauvegarde, on le sait. Nous remarquons toutefois que certaines batailles ne peuvent se livrer toutes seules et que, lorsqu'une communauté motivée se voit confrontée à la lourdeur administrative et que les appuis se raréfient pour mener à bien la sauvegarde d'une église, par exemple, c'est le coeur de tout le village qu'on menace d'amputer, dans la plus grande indifférence. La relation ou collaboration avec l'évêché, dans le cas des églises, a souvent besoin de médiation et de facilitation.
Quand on s'éloigne des milieux urbains et qu'on visite le Québec, on se rend vite compte de la richesse qui forcera les yeux à se tourner vers nous dans un avenir probablement rapproché: nos paysages et notre réseau hydrique. Les villages qui jonchent ce territoire majestueux, on peut le dire, demeurent les gardiens de ce patrimoine exceptionnel. Fragiliser, voire amputer ces communautés de leur patrimoine culturel encouragerait leur dévitalisation et leur exode.
Ce constat nous amène à espérer voir pointer un jour des engagements de résultat en matière de protection du patrimoine mais surtout des appuis à la mise en valeur. Nous voyons la nécessité de mettre en valeur des démarches de valorisation des efforts de mise en valeur sans toutefois utiliser la contrainte, qui obtiendrait des résultats contraires, tels que la banalisation, voire la démolition.
On accorde à la valeur historique et patrimoniale d'un bâtiment un pouvoir d'intégration sociale. Dans la mesure où le milieu reconnaît l'importance de ce rôle, et c'est là un facteur essentiel de réussite, les bâtiments patrimoniaux des villages devraient avoir droit à une considération distincte en ce qui a trait à leur désignation ou à leur reconnaissance. Dans l'établissement des normes pour reconnaître un lieu patrimonial et soutenir sa sauvegarde, on devrait prendre en compte le lien du lieu avec la survie du village et, de ce fait, le rôle essentiel qu'il peut jouer pour le développement durable. Qu'on parle de développement en général, de tourisme, de pouvoir de rétention ou de qualité de vie, le lieu commun devient un outil indispensable pouvant assurer et servir le principe d'occupation du territoire. Il apparaît indispensable de faciliter les démarches de sauvegarde des lieux communs dans les villages.
Nous remarquons aussi que ce qui fragilise les efforts de sauvegarde des communautés, c'est la multitude de transferts de responsabilités dans le milieu par le gouvernement. Il devient donc impératif d'apprendre à travailler ensemble en toute conscience de nos faiblesses et de nos forces.
La démonstration de l'interdépendance des communautés rurales et urbaines n'est plus à faire. Sachant qu'un grand nombre de citadins proviennent des régions, la vitalité d'un grand centre urbain, on le sait, dépend de la vitalité des régions. Chacun perçoit cette réalité sans toutefois l'intégrer réellement à son existence. On connaît la gravité du problème de dévitalisation sociale et de ses conséquences. On parle, entre autres, de disparité sociale, d'isolement, de décrochage scolaire et de fragmentation dans les communications, une dichotomie entre les applications de programmes qui se veulent uniformes et la réalité spécifique des régions qui pourrait être à l'origine de facteurs immobilisants dans les efforts de développement en zone rurale.
Les municipalités qui se retrouvent dans une situation précaire voient rarement des programmes de développement adaptés à leur réalité spécifique. Et pourtant l'apport de ces maillons indispensables à l'équilibre de l'ensemble de la communauté québécoise est intrinsèquement lié à son caractère identitaire. Ce sont nos différences et notre diversité qui font notre force et notre grandeur. Des moyens normatifs ne peuvent que compromettre notre équilibre. L'apport de modulations aux programmes permettrait de les contextualiser et ainsi de les rendre accessibles.
Alors, dans les propositions que nous nous étions proposées, on reconnaît sans conteste le caractère distinct de la ruralité. Paradoxalement, la mondialisation et la nouvelle réalité virtuelle ont renforcé la situation d'isolement, et le besoin de lieux de rassemblement refait surface. Il est grand temps de faire battre à nouveau le coeur des villages en reconnaissant l'adéquation entre le lieu patrimonial et le besoin de développement. La responsabilisation des milieux, étape primordiale s'il en est, devrait permettre de percevoir le lieu de rassemblement dans tout son potentiel. En effet, les solutions éducatives pour combattre l'insécurité et favoriser les échanges, la concertation, la diffusion se multiplient. Mais, une fois que le lieu est sauvegardé, comment en assurer l'animation?
Pensons, par exemple, à la mise en place des bibliothèques, bien souvent associées à un lieu patrimonial. Le potentiel de ces espaces est, la plupart du temps, sous-utilisé. Cette observation porte à réfléchir sur l'importance du soutien ultérieur à la sauvegarde. On fait souvent face, on l'a vu, à une incapacité du milieu à gérer toutes les responsabilités qui lui sont transférées. Des partages de ressources humaines entre villages pourraient apporter une solution et faciliter la conversion des bibliothèques en lieux d'animation et ainsi conduire à une polyvalence des services offerts. L'église, la bibliothèque et les lieux de culture doivent devenir des lieux de débat et jouer le rôle très ancien de l'agora, qui répond toujours aujourd'hui à un besoin contemporain de rassemblement.
Le succès des réseaux sociaux nous donne une preuve indéniable du besoin vital de rassemblement qui caractérise les individus de notre communauté. Quant à l'église, il est grand temps de redéfinir sa position en tant que lieu sociétal. N'oublions pas qu'il s'agit souvent du seul élément monumental qui balise les lieux quand on parle des villages. Qu'en est-il de son rôle de repère et comment peut-il remplir son rôle identitaire? Les jeunes et leurs besoins, comment sont-ils interpellés par le lieu patrimonial?
**(16 h 20)** Les villages séduiront les jeunes familles et les nouveaux arrivants dans la mesure où leur noyau préservé sera dynamisé et animé. Afin d'assouplir le mode de classement ou de normalisation, serait-il envisageable de baser l'admissibilité d'un bien patrimonial sur une échelle distinguant le vital, le fondamental de l'illustre? Pourrait-on, en outre, tenir compte des moyens d'entretien, de la performance des matériaux en proportion avec la capacité du milieu à supporter le fardeau?
En conclusion, nous pensons que le lieu patrimonial doit devenir un lieu de parole, un lieu de rencontre et que la sauvegarde de notre patrimoine culturel dépend de son appropriation par la collectivité, comme ce fut le cas au moment de la création de la plupart des églises. Nous voyons de ce fait la nécessité de conscientiser et de mobiliser la population derrière le défi de sauvegarde, mais reconnaissons aussi que le fardeau de la charge est parfois trop lourd pour une communauté en région.
Au rythme des années, nous avons aussi remarqué que le système de classement convient moins bien pour le patrimoine bâti en zone rurale, car le rôle joué par les bâtiments patrimoniaux dans les petits villages peut être qualifié de majeur pour leur vitalité. Nous pensons que le classement d'une construction en zone rurale devrait tenir compte du rôle sociétal qu'elle joue dans la communauté, rendant ainsi ces bâtiments accessibles à divers programmes de soutien.
Nous tenons aussi à mentionner que nous considérons les volets du projet de loi concernant le patrimoine immatériel et les paysages culturels tout à fait pertinents et en harmonie avec notre réalité.
Alors, nous vous remercions de nous avoir écoutés. Puis on est prêts à écouter vos questions.
Le Président (M. Curzi): Merci, Mme Gélineau. Mme la ministre.
Mme St-Pierre: Merci. Alors, merci d'être parmi nous aujourd'hui et d'avoir pris la peine de vous pencher sur cette question qui est importante. Cependant, je remarque, dans votre présentation, qui est très... qui est également très poétique, que vous ne faites pas référence à notre projet de loi sur des éléments bien, bien pointus de notre projet de loi. Alors, je vais vous poser des questions un peu plus... peut-être un peu plus pointues par rapport au projet de loi.
Je voudrais savoir... puis en même temps par rapport à votre présentation: Quand vous parlez des lieux avec... que les lieux soient associés peut-être à la survie, à la survie du village, c'est-à-dire est-ce que vous voyez dans la citation qu'il y ait un critère qui soit accordé à l'importance pour la survie du village ou est-ce que... J'essaie de vous suivre là-dedans.
Mme Gélineau (Chantal): Si vous permettez, je vais vous répondre avec un exemple. Et ça, nous, on en a 20. Le municipalité régionale de comté réunit 20... bien, 19 maintenant communautés. J'aurais plusieurs exemples à vous citer. N'en prenons qu'un. Le village de Saint-Elzéar, qui depuis 10 ans font des efforts, ils se battent carrément pour sauvegarder leur église. Il y a une notion qui vient... D'abord, c'est un dossier qui est compliqué autant au niveau horizontal qu'au niveau vertical. Il faut sensibiliser les gens, ce qui est... En fait, les gens sont très, très liés, c'est pour ça que ça avance. Mais ça fait 10 ans qu'ils essaient de sauvegarder leur église.
Alors, cette réalité-là, on peut la vérifier ailleurs. C'est-à-dire que, bon, d'une part, il y a l'archevêché qui apporte des oppositions et puis il y a des dossiers gouvernementaux ou des programmes qui imposent des normes qui sont très, très, très élevées et très lourdes à porter. Mais prenons une photo de ce village-là et, par la magie de PhotoShop, enlevons l'église du village. Ça devient un dortoir. Et cette communauté-là est très unie et ne manque jamais une occasion de créer une activité au sein de l'église pour justement garder la population unie et préserver sa vitalité.
Alors, nous, le besoin qu'on voit, c'est qu'on se retrouve constamment confrontés à cette difficulté au niveau administratif. Alors, sans vouloir se prétendre juristes, on met en lumière la grande difficulté et aussi ce qui est source de découragement dans les milieux ruraux. Puis c'est l'occasion de le dire, il y a aussi peut-être un manque au niveau -- je l'ai entendu déjà plusieurs fois -- d'une politique en trait avec le patrimoine, qui pourrait nous aider aussi.
Mme St-Pierre: Je vois tous les... Je sais que nous avons, puis vous en êtes très conscients... il y a beaucoup de programmes au ministère pour faire des modifications, par exemple changer des vocations. Vous faites référence aux églises. C'est sûr qu'en milieu rural, dans un village, si on enlève l'église, effectivement on... Mais il y a des projets qui ont été très bien menés, de changement de vocation pour faire des centres, des lieux culturels, ou des bibliothèques, ou... Et j'en ai vu, j'en ai vu moi-même. Et je me dis: Est-ce que ces modifications-là n'apportent pas une certaine énergie et une seconde vie à ces lieux-là? Est-ce que, par les programmes, en immobilisations, l'accompagnement n'est pas là? Vous considérez que l'accompagnement n'est pas suffisant?
Mme Gélineau (Chantal): ...où on est accessibles. Est-ce que j'ai répondu à votre question?
Mme St-Pierre: Allez-y, oui, oui. Allez-y.
Mme Gélineau (Chantal): J'ai dit: Tout à fait mais dans la mesure où on est accessibles, où on peut répondre aux normes. Et ce n'est pas le cas, là, par exemple, dans l'église de Saint-Elzéar, qui pendant des années a dû louvoyer pour arriver à sauvegarder le lieu.
Mme St-Pierre: Et qu'est-ce que vous demandez exactement? C'est qu'il y ait un grand fonds, qu'il y ait une somme d'argent qui soit consacrée, pour l'ensemble du Québec, à la préservation de tous ces... Avez-vous une idée de ce que ça coûterait?
Mme Gélineau (Chantal): Bien, nous, ce qu'on... Oui. Mais, nous, ce qu'on voyait, c'était plutôt une... c'est ce dont on parlait tout à l'heure, une évaluation qui serait en lien avec la vitalité du lieu. Si les normes sont trop compliquées pour un petit village en particulier et que ce qu'on essaie de sauvegarder est vital pour la sauvegarde du... et en plus de ça pour... qui permet l'occupation, tu sais, favorise l'occupation du territoire, je pense qu'à ce moment-là les normes devraient être, oui, oui, beaucoup plus souples pour ces cas spécifiques là.
Parce qu'en ce moment c'est vrai qu'il y a beaucoup de choses qui se sont faites, et puis on remarque aussi la Loi sur le développement durable aussi qui est exceptionnelle, qu'on mentionne la notion de... qu'on inclut une notion de patrimoine là-dedans, mais il y a des cas extrêmes. Par exemple, quand on est... on observe les difficultés de ces 20 villages là qui veulent se dynamiser, qui veulent aussi peut-être avoir une part de l'industrie touristique, ils n'arrivent pas à répondre aux normes parce que ce sont des villages...
Écoutez, il y a des églises chez nous, les gens qui ont construit l'église, les colons du village sont encore vivants. Tu sais, c'est très jeune, l'histoire du Témiscouata. Mais en même temps le patrimoine se transmet d'une main physique à l'autre. Alors, ça, c'est... Puis ce sont aussi les gardiens du paysage, les gardiens du réseau hydrique de la région.
Mme St-Pierre: Le territoire, vous avez parlé d'une vingtaine de municipalités. On parle de combien de personnes? Puis la superficie est quand même assez impressionnante, là. C'est...
M. Nadeau (Émilien): En fait, dans la MRC de Témiscouata, on parle de 23 000...
Mme St-Pierre: Personnes.
M. Nadeau (Émilien): ...personnes. Et, en termes de superficie, je ne pourrais pas vous le dire par coeur, là, mais c'est quand même assez vaste comme territoire et c'est très diversifié. Il y a un peu comme quatre zones.
À votre question tout à l'heure, oui, il y a des belles réussites actuellement du ministère des Affaires culturelles. On réussit aussi, dans certains cas, à transformer certains de ces bâtiments-là en... à les transformer tout en respectant leur caractère pour faire des équipements comme des bibliothèques ou des équipements communautaires où il y a des belles réussites. Mais ce qu'on veut dire surtout, puis ce n'est pas nécessairement de grands montants d'argent qu'on demande, c'est beaucoup plus de dire: Est-ce que les normes, dans certains cas, pourraient être plus souples?
Quand Chantal parle de l'église de Saint-Elzéar, c'est qu'à un moment donné les normes faisaient en sorte que les matériaux qui auraient dû être utilisés par la municipalité de Saint-Elzéar, elle n'avait pas les moyens de se les payer, alors que des... on aurait pu conserver... on pourrait conserver la même bâtisse et le même équipement avec des matériaux différents qui ont peut-être le même look -- excusez mon anglicisme -- mais qui ne défont pas le caractère patrimonial de cette bâtisse-là. Et c'est dans ce sens-là.
Tout à l'heure, j'écoutais, puis on parlait de patrimoine national, puis de patrimoine régional, et de patrimoine local. Est-ce que, quand on dit «les normes plus souples»... Ce qui est national, ce qui est... peut avoir des normes qui sont très strictes pour l'UNESCO, etc., mais, nous, on ne prétend pas que le bâtiment patrimonial chez nous est reconnu un jour par l'UNESCO. Ce qu'on prétend, c'est que le bâtiment qui est là, qui est au coeur du village, qui est au coeur de notre vie, est vraiment le lieu de rassemblement de notre population puis est un lieu de fierté. Les gens voudraient le conserver, souvent ont besoin d'un peu d'aide. Mais c'est dans ce sens-là qu'on parle d'avoir peut-être des normes ou des manières de classifier, soit par la municipalité... En tout cas, il y a des consultations qu'on peut faire, etc., pour y arriver. C'est beaucoup plus dans ce sens-là et de redonner à ces lieux-là souvent les fonctions qu'ils avaient auparavant.
Quand on parlait de réseaux sociaux, je dirais que l'église, c'est un lieu de culte, ça peut le rester jusqu'à un certain point, mais ça avait une deuxième fonction, c'était une agora, c'était le lieu de rassemblement, c'est là que les gens se reconnaissaient. Aujourd'hui, si on n'a plus ça, bien, ils s'en vont sur Facebook puis...
**(16 h 30)**Mme St-Pierre: Oui. Bien, Facebook est l'ancien perron d'église. C'est ça, hein?
M. Nadeau (Émilien): C'est ça.
Mme St-Pierre: Alors donc, est-ce que ça pourrait expliquer les craintes que certaines municipalités ont de citer des bâtiments?
M. Nadeau (Émilien): Oui, c'est...
Mme St-Pierre: C'est-à-dire parce qu'on... On ne voudra pas citer parce que, là, on entre dans un système, même si on a accès au Fonds du patrimoine culturel pour les restaurations, on entre dans un système qui est trop compliqué, qui est trop sévère, où on nous impose trop de restrictions. Est-ce que c'est une des craintes... Est-ce que ça peut expliquer les craintes de citation, ce que vous m'exprimez là, là?
M. Nadeau (Émilien): Moi, comme ancien maire de Dégelis pendant 16 ans, je vous dirai que, oui, ça explique ces craintes-là. Je vous dirai aussi que, dans ma municipalité, à un moment donné, je voulais faire citer l'école normale -- on était pour refaire la fenestration, etc. -- et les gens n'ont pas été d'accord juste pour une raison, surtout la commission scolaire, ils ont dit: Ça va nous coûter pas mal plus cher pour la fenestration. Donc, on ne l'a pas citée et il ne s'est rien fait. Par contre, on a réussi à faire une fenestration tant bien que mal, mais on l'a faite en aluminium, puis l'apparence de la bâtisse, ce n'est plus ce que c'était, tu sais. Mais c'est ces coûts-là, à un moment donné, reliés à l'ensemble de ça qui font que les gens hésitent, parce qu'ils ont comme l'impression de ne plus avoir la possession et d'être propriétaires de leur bâtisse, que c'est quelqu'un d'autre.
Mme Gélineau (Chantal): Puis j'ajouterais... Si vous permettez, je vais ajouter. C'est qu'on a aussi créé... On a pu le vérifier sur l'ensemble du territoire. Parce que, quand on a créé notre site culturel cette année, on a appelé... Les gens ont démontré que la valeur patrimoniale de leur maison avait beaucoup de valeur à leurs yeux. On a fait un appel à tous pour avoir l'autorisation de mettre la photo de leur maison sur le site culturel. En deux semaines, on avait 96... En deux semaines, presque tout le monde avait répondu, mais combien ont téléphoné pour dire: Ca va-tu changer quelque chose, là, pour moi, financièrement? Puis est-ce que je vais être encore capable de vendre ma maison? Ce sont des inquiétudes récurrentes.
Mme St-Pierre: Oui. Puis effectivement, moi, j'ai vécu un cas pour les équipements culturels... Et peut-être, des fois, la population, bien, hésite parce qu'ils ont des craintes que ça va coûter plus cher sur le compte de taxes, et tout ça. Et j'ai vu une municipalité qui a refusé une subvention d'une bibliothèque. Il y a eu un référendum, 58 % ont décidé qu'ils ne voulaient pas de la bibliothèque parce que ça augmentait le compte de taxes de 1 $ par mois. Il y a eu, bon, de la désinformation qui a été faite dans ce référendum-là. Mais je pense qu'il y a peut-être une recherche, là, d'expliquer davantage et de, nous, de notre côté, peut-être de faire nos devoirs pour voir à quel point on va peut-être trop loin dans les critères puis combien on peut être exigeants, peut-être trop pour des endroits, là...
Je pense, dans les éléments qu'on a, dans notre projet de loi, sur les lieux de mémoire, par exemple, on s'est dit... Quand on a fait des consultations, on nous disait: Bien, ça peut être intéressant d'avoir cette notion-là dans la loi parce que, là, ça vient comme donner un caractère officiel à un lieu de mémoire, et là, bien, ça peut avoir un aspect touristique, alors ça peut intéresser les touristes à aller voir cet endroit-là. Est-ce que ce sont des éléments dans le projet de loi qui vous... Et ça, ça ne coûte rien, là. On s'entend que c'est... Est-ce que ce sont des éléments que vous appréciez, dans le sens que ça peut avoir un avantage sur le plan touristique ou l'intérêt de la population? Vous parlez du site, là, avec les maisons, là, c'est...
M. Nadeau (Émilien): Oui, ça a définitivement un avantage. Et là-dessus on est entièrement d'accord avec vous que... de les identifier, puis qu'ils soient là, puis qu'on soit en mesure d'en parler, de les voir, de les montrer aussi. Donc, ça, ça nous apparaît très important. Mais ça, ce n'est pas de quoi qui coûte énormément cher, là.
Mme St-Pierre: Ça, ce n'est pas des choses qui coûtent cher, mais c'est des choses qui peuvent amener un plus à la communauté.
M. Nadeau (Émilien): Mais qui sont très intéressantes, par ailleurs.
Le Président (M. Curzi): Mme Gélineau, vous vouliez ajouter quelque chose tantôt?
Mme Gélineau (Chantal): Bien, quand on parle de préservation aussi, on en a un cas où il y a un groupe de citoyens que ça fait 20 ans qu'ils essaient de préserver un pont couvert. Là, quand on parle de pont couvert, on parle quand même d'un trésor à la grandeur du Québec. Combien est-ce qu'il en reste? Puis ça fait 20 ans, pour des questions parfois très, très, très pointues, là, tu sais... Des citoyens qui... regarde, ils n'ont pas les connaissances nécessaires, ils n'ont pas non plus la formation pour mener à bout de bras des dossiers comme ça. Alors, ça, ce sont des points qui, nous... qu'on a soulevés ici.
Mais tout à l'heure, ce que vous avez mentionné, bien j'aurais aimé pouvoir y répondre. Je vous en remercie. C'est que, si vous avez remarqué, dans notre mémoire, on parle aussi d'une vaste... on suggère une vaste campagne de sensibilisation, d'informer les gens. Parce que souvent les gens qui sont experts en communication... ce n'est pas obligé d'être quelqu'un qui est expert en patrimoine, mais quelqu'un qui est expert en communication va vulgariser l'information et peut-être séduire, sensibiliser puis toucher le coeur des gens pour leur faire comprendre le point crucial, ce dont dépend l'avenir de son village, souvent.
Mme St-Pierre: Bien, je vous remercie infiniment. Puis c'est très éclairant, votre message, et on va certainement l'analyser avec beaucoup, beaucoup d'intérêt. M. le Président, je ne sais pas s'il reste du temps pour que vous puissiez...
Le Président (M. Curzi): Oui. Mme la députée de Mille-Îles, vous avez quelques... plusieurs minutes.
Mme Charbonneau: Merci, M. le Président. Bonjour. On a eu, je vous dirais, la vision d'une partie de chez vous à la télévision, puisqu'il y a eu un événement qu'on a partagé ensemble, la perte d'un collègue. On a vu les journalistes montrer un peu les établissements qui formaient une partie de chez vous.
Vous savez, créer... Tantôt, vous avez pris une image, vous avez fait une image, et ça a sonné chez moi une certaine... un côté perplexe. Vous avez dit: Si je prenais un PhotoShop et j'enlevais l'église, je fais un village-dortoir, j'arrive à enlever un élément important. Par contre, si je fais la même image, mais que je vous dis: Avant l'église, il y avait peu de choses, et maintenant il y a des bâtiments qui se sont rajoutés, comment voyez-vous l'évolution de nouveaux bâtiments qui se rajoutent?
Parce qu'on peut parler de conserver ceux qu'on a, mais le patrimoine qui nous concerne est aussi évolutif, hein? On a vu des choses apparaître et devenir. Vous avez parlé de l'école normale, vous m'avez fait sourire un peu, le petit bâtiment qui est devenu un bâtiment d'une commission scolaire qui a été créée voilà 10 ans, puisqu'il y a eu des fusions puis... Les choses sont évolutives. Comment voyez-vous de façon plus concrète l'évolution d'un patrimoine ou de bâtiments qui se rajoutent? Parce qu'on peut parler de la conservation, mais j'aimerais ça vous entendre sur des rajouts, comment on fait, comment on le voit, comment on voit cette perspective-là à l'intérieur même de ce qui est déjà installé.
M. Nadeau (Émilien): Vas-y.
Mme Gélineau (Chantal): O.K. Mais, en fait, quand on parle de patrimoine, on parle de legs, on parle d'héritage. Alors, ce qu'on construit aujourd'hui, c'est un héritage pour demain, à mon avis, c'est... Maintenant, si on commençait à vouloir normaliser ou imposer des normes sur ce qu'on crée aujourd'hui -- tout à l'heure, on parlait de patrimoine contemporain, avec l'Expo 67-- je pense que, là, on tomberait dans une affaire pas mal dangereuse, là, pas mal l'inverse de ce que... du but de notre présence aujourd'hui, là. Mais c'est sûr qu'à côté de l'église un petit dépanneur, ça ne ferait pas de tort, un petit café en face, tu sais, ça serait le fun. Mais ça, c'est des choses qui viennent avec le temps. On va commencer par sauver l'église.
Mme Charbonneau: ...raison. J'ai vu, un peu plus par chez nous, des maisons se faire acheter et conserver l'aspect extérieur, mais l'intérieur est devenu un Couche-Tard. C'est dans cette perspective-là que je vois l'évolution d'un endroit. Mais en même temps comment on construit avec ce qu'on a déjà et comment on fait pour mieux adapter ce qui s'en vient? Vous avez tout à fait raison quand vous nous dites que ce qu'on regarde maintenant, c'est comment on conserve ce qu'on a déjà. Mais comment on fait évoluer aussi ce qu'on a déjà dans une perspective d'avenir?
Je vous projette un peu, parce que, depuis ce matin, on nous a parlé de petits endroits, de grands endroits, de gens qui aimeraient avoir un droit de recours... un droit de recours ou de regard sur un milieu en face de chez eux. Mais j'aimerais ça vous entendre puisque je crois sincèrement que vous êtes dans un milieu qui est évolutif. Je ne suis pas sûre qu'à Laval j'ai le même privilège que vous avez, puisque, chez nous, ça commence à être pas mal bâti. Mais, chez vous, il y a quelque chose qui est en train d'émerger.
**(16 h 40)**M. Nadeau (Émilien): Pour vous répondre à ça, madame, dans chacune des municipalités, présentement, puis au niveau de la MRC aussi, en tant que telle, dans un premier temps, on est tenus d'avoir des schémas d'aménagement puis on est tenus aussi d'avoir des plans d'urbanisme. Alors, une communauté, je vous dirais, comme la nôtre ou comme les nôtres, où les gens s'éveillent de plus en plus à l'importance du culturel dans le milieu et qu'ils voient la culture -- et c'est ce qu'on est en train de réaliser, je vous dirais, depuis les sept ou huit dernières années dans la MRC de Témiscouata -- non pas comme une dépense mais beaucoup plus comme un investissement, c'est assez... Les élus municipaux, chez nous, le voient maintenant beaucoup plus comme un investissement que comme une dépense.
Et, à l'intérieur des plans d'urbanisme ou des plans d'aménagement qu'on peut avoir au sein de la communauté, je pense qu'il y a une partie qui est architecturale aussi là-dedans, en disant que les bâtiments doivent s'harmoniser le plus possible les uns avec les autres. Ça ne veut pas dire qu'ils sont tous pareils, ça ne veut pas dire que l'architecture est toute pareille, mais au moins ils doivent s'harmoniser et aller, je vous dirais, dans le décor, et ça va jusqu'à... finalement jusqu'à la couleur, si vous êtes dans un milieu vert ou pas. Et ça, dans des plans d'urbanisme et dans des normes de construction qu'on peut faire au niveau local et qui nous sont accessibles, c'est possible de le faire et c'est possible, là, d'y... c'est possible d'y arriver.
Je ne sais pas si ça répond à votre question. Mais il faut vraiment que la préoccupation vienne des citoyens. Et, si la préoccupation vient des citoyens, le conseil municipal, en général, est assez à l'écoute de ce qui se passe et ce que les gens désirent. Parce que je vous dirais que le maire est assez près de son citoyen, ou il le voit presque à tous les jours, même si le maire essaie de se cacher, il faut qu'il cache son corps avec parce que...
Mme Charbonneau: Je vous dirais que...
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Charbonneau: Je vous dirais, avec beaucoup de plaisir, que je vous ai un peu utilisé pour pouvoir répondre aux gens qui nous écoutent sur: Comment ça fonctionne quand on bâtit quelque chose plutôt que quand qu'on cherche juste à le conserver? Et vous avez très bien répondu, M. le maire, je vous en remercie beaucoup.
Le Président (M. Curzi): Merci, Mme la députée. Je passe la parole à l'opposition. M. le député de Drummond.
M. Blanchet: Merci, M. le Président. Pour ma part, je serai passablement bref. Je pense que vous avez surtout exprimé une sensibilité ou fait un appel à une sensibilité plus que des références techniques à la teneur du projet de loi, et je pense que c'est important. J'ai aussi l'impression que vous êtes représentatifs, quoique de façon passablement articulée, d'un ensemble de préoccupations de beaucoup, beaucoup de municipalités au Québec. La situation que vous soulevez n'est pas très récente, elle a évolué passablement, et la dévitalisation des villages, un certain retour, l'apparition d'Internet qui recréait des liens, toute une dynamique qui, à l'intérieur de 40 ans, a connu beaucoup de soubresauts.
Et vous soulevez avec beaucoup d'à-propos la notion moins théorique, là, moins... moins snob du patrimoine local. Parce qu'on peut se percher bien haut puis dire: Il y a le patrimoine national, puis il y a le patrimoine régional, puis il y a le patrimoine local, mais on ne se rend pas à le sentir pour vrai. Le petit village dont, moi, je suis originaire a une église qui n'a aucun intérêt patrimonial au niveau national, j'en suis profondément convaincu. Au niveau régional, les autres municipalités ne savent même pas que mon village existe. Donc c'est très, très, très local. Mais ce n'est pas parce que c'est local et que c'est récent que ça n'a pas de sens pour les gens de cette communauté-là. Et ce n'est pas parce que la vocation d'un immeuble va passer de l'immeuble de culte, comme vous le disiez, à un lieu de rassemblement civil qu'il est moins important pour la population. Donc, tout ça est une dynamique que j'endosse.
Là où ça devient problématique, c'est que les éléments patrimoniaux nationaux sont moins nombreux que les éléments locaux. Il y a une espèce d'élargissement qui fait que, quand on arrive à l'église du village qu'on ne veut pas perdre, il y en a beaucoup. Et, Mme la ministre y faisait allusion, s'il fallait payer la restauration de toutes les églises de tous les villages au Québec... évidemment, ça arrive avec une grosse facture. Donc, il faut articuler davantage.
La préoccupation, puis, ma question, je vais l'articuler comme ça. Le projet de loi ne peut pas et ne doit pas dire ça parce qu'il y a un arbitrage que l'État va devoir faire entre les églises que le clergé veut garder et celles dont le clergé veut se délester, parce que c'est devenu une charge puis qu'il n'y a plus assez de monde dedans. Et là il y a l'apparence de générosité: Voici l'église pour 1 $. Vous avez vécu un cas de ce type. Sauf qu'il y a toutes les rénovations, les restaurations, c'est très complexe, et on ne peut pas juste prendre la responsabilité. Et je ne suis pas sûr que de simplement dire à des citoyens: Bien, vous pouvez soumettre une demande de subvention à telle organisation ou au Fonds du patrimoine, vous aurez peut-être de l'argent... C'est un niveau de sécurité qui est, somme toute, trop bas.
Si la loi et les normes l'entourant vous disaient: Vous n'aurez pas beaucoup d'argent dans le cas où la communauté civile récupère l'immeuble, mais vous en aurez de façon certaine, moins mais sûr, est-ce que c'est un... est-ce que c'est quelque chose qui est mieux reçu que la loterie de «beaucoup mais pas sûr»? Est-ce que c'est le genre de chose que les villages, les communautés diraient: O.K., je peux le prendre en considération, j'ai une prévisibilité, on fait un montage financier puis on sait qu'il y a cet argent-là qui viendra? Est-ce que c'est un niveau de sécurité qui serait une amélioration?
Mme Gélineau (Chantal): C'est sûr que peu, c'est mieux que rien, là, mais... Et, moi, je vais vous répondre par une question: Comment recevez-vous l'idée d'une évaluation comme en continuum, par exemple, de la nécessité que la vitalité d'un village dépend entièrement, par exemple, d'un lieu?
M. Blanchet: Ça, pour moi, ce sont à peu près des évidences de la nécessité du lieu de rassemblement comme outil d'identification. Ça, ça va de soi.
Mme Gélineau (Chantal): Mais je ne suis pas certaine que vous avez bien compris la différence entre... quand je parle de vital à illustre, comme une espèce d'échelle normative.
M. Blanchet: Il faudrait que vous précisiez la notion.
Mme Gélineau (Chantal): Bien, le lieu... Comme le village dont je parlais tout à l'heure, il n'y a que ça, là, pour l'instant, là. Il y a eu un dépanneur, à un moment donné, qui a disparu. Puis il n'y a que ça pour l'instant. Et, tout autour, il y a une population très, très dynamique, des jeunes familles aussi, là, tu sais, qui veulent... Mais, si tu enlèves l'église de là, oublie ça, là, d'essayer de séduire des nouveaux arrivants. Alors, ça, c'est vital. C'est un cas vital. Dans d'autres cas, il y aurait des cas où c'est moins vital, mais c'est aussi important, c'est sûr, c'est le patrimoine. Mais, moi, je pensais... nous avons pensé... On en a discuté, et l'idée vient du comité, d'une évaluation normative qui partirait du vital à l'illustre.
M. Blanchet: Je pense que c'est extrêmement pointu comme question et je pense que chaque communauté qui souhaite préserver le seul élément de patrimoine architectural collectif qu'ils ont doit en avoir d'une quelconque façon la possibilité et que chacune de toutes ces communautés-là va le considérer comme vital. Je ne vois pas de ces villages qui disent: On s'en fout. Il y en a qui disent: On ne veut pas payer. Il y en a qui disent: On n'a pas les moyens. Il y en a qui arrivent au conseil municipal, puis ils font simplement: Voici comment ça coûterait, voici comment ça fait sur votre compte de taxes moyen à chacun. Il y a des villages dans ma MRC qui disent: Non, non, on ne va pas là, puis d'autres qui disent: On y va pareil.
Et donc d'où ma référence au niveau de sécurité. Ça ne sera peut-être pas beaucoup, mais ce sera certain. Ça rentrera dans un budget fermé, mais vous serez capables de travailler sur cette base-là. C'est strictement une hypothèse. Et je ne sais pas jusqu'à quel point c'est une question de loi tellement qu'une question de politique qui n'a pas précédé la loi, mais peut-être qu'effectivement ça devrait se situer là.
**(16 h 50)**M. Nadeau (Émilien): Pour répondre à votre question, quand un bâtiment qu'on dit, nous, comme local patrimonial, qu'il ne l'est peut-être pas pour tous les Québécois mais qu'il l'est pour la localité, ça veut dire que, pour nous, c'est un bâtiment qui est important pour différentes raisons. On veut le conserver, mais, pour le conserver, encore faut-il y trouver une façon ou des façons de l'utiliser pour lui garder, comme je disais tout à l'heure, un peu sa valeur et sa fonction qu'il avait, je ne sais pas, moi, de lieu de rassemblement, ou de lieu de parole, ou d'endroit communautaire où les gens se rencontrent. C'est pour ça que l'idée de bibliothèque dans ça, c'est formidable quand on peut le faire, soit une bibliothèque dans un presbytère ou même dans une ancienne église, et de se servir, par exemple, de l'église pour faire autre chose avec tout en lui conservant son caractère de rassemblement.
C'est bien sûr que, quand vous me dites: Peut-être qu'il peut y avoir possibilité... quand vous me dites: Bien, il va y avoir de l'argent, oui, moi, je pense que, ne serait-ce que pour faire l'analyse de ça et l'étude de ça, qu'est-ce qu'on pourrait faire avec, le vendre, aussi, à la population... C'est toujours facile de dire: Bien, si vous faites ça, vous allez monter mes taxes. Je ne les monterai pas nécessairement, les taxes. Il faut voir aussi qu'est-ce que ça va donner, qu'est-ce que ça va donner, qu'est-ce que ça va faire en bout de ligne.
C'est bien sûr que, là, il y aurait au moins quelque chose sur lequel la municipalité ou le milieu pourrait compter, dire: Bon, bien, il y a ça, regardons avec ça qu'est-ce qu'on peut véritablement faire avec et quand on... et à quoi elle va servir. Bien, peut-être que... Je ne sais pas, il y a encore des municipalités, au Québec, où ils ont besoin de bibliothèque. Tu sais, il y a encore des municipalités où ils ont peut-être besoin de lieux de diffusion de la culture, même si on se sert souvent des bibliothèques -- en tout cas, c'est notre cas -- comme lieux de diffusion de la culture dans chacune de nos petites municipalités, parce qu'on ne peut quand même pas avoir des salles de spectacle partout, ça, c'est bien clair. Sauf qu'il n'y a rien qui empêche de se servir de la bibliothèque pour autre chose que juste lire des livres ou prêter des livres. Ça devient comme un lieu de rassemblement.
Donc, à votre question, moi, je vous dis: Oui, ça aurait pour effet, en tout cas, de faciliter, à mon sens, les choses et de... Les gens verraient peut-être un petit peu plus la lumière au bout du tunnel. Mais ce qui va faciliter encore plus, c'est d'avoir peut-être, dépendamment du caractère de ce lieu patrimonial là et des normes d'intervention... En tout cas, c'est comme je disais tout à l'heure, ils n'ont pas besoin d'être nationaux, on n'est pas l'île d'Orléans, tu sais? On ne sera pas classés à l'UNESCO. On va peut-être être classés purement et simplement chez nous puis on va garder quelque chose qui a une signification importante.
Même pour ceux qui ne demeurent plus dans notre milieu, qu'ils soient à Montréal ou peu importe où en Amérique du Nord, quand ils reviennent, le fort, il est là, ce n'est pas... c'est l'église. Quand ils reviennent, ils vont tous voir où était l'église. Tu sais, il y a une raison à ça. Il y a une raison à ça. Et, quand on parle de survie d'un village, imaginez-vous un village où il n'y a plus d'école primaire parce qu'il n'y a plus rien que trois enfants, il n'y a plus d'église, il n'y a plus de bureau de poste puis il faut que tu fasses au moins 10 kilomètres si tu veux aller faire le plein d'essence parce qu'il n'y a plus de poste d'essence chez vous. En même temps, les gens ne veulent pas le fermer, hein? N'essayez pas de le fermer, vous allez avoir beaucoup de misère. Ils vont vouloir le garder. Ça veut dire que c'est des lieux de mémoire qui sont importants.
Le Président (M. Curzi): Mme Labonté, vous vouliez ajouter quelque chose?
Mme Labonté (Louise): Oui. Merci beaucoup. Et j'aimerais compléter que, quand on va à un endroit qu'on connaît plus ou moins ou qu'on n'y est jamais allé, on repère l'église et, autour de l'église, on retrouve l'école, le bureau de poste et bien d'autres édifices principaux d'une municipalité. Alors, je pense que, quand on parle d'identité, quand on parle de repère, l'église en est un bon parce que c'est le bâtiment le plus haut souvent, alors on cherche le clocher et on retrace tout ce qui vient autour dans les forces du milieu.
Et, quand on parle de patrimoine, eh bien, dans un cas, dans la municipalité où je suis... j'agis à titre de mairesse, il y a trois églises parce que c'est une municipalité qui est fusionnée. Alors, il y en a une qui a été classée supérieure, une autre, moyenne et l'autre n'a pas été classée. Et on sait très bien qu'avec ce qui s'en vient dans les règles des diocèses, c'est qu'avec les manques de financement, bien, il va y en avoir, des églises, qui vont peut-être devoir fermer, malgré les conseils de fabrique. Alors, c'est laquelle qui va fermer s'il n'y a jamais d'aide qui lui arrive et s'il n'y a pas de modification dans les vocations ou d'ouverture? Mais ça, je sais qu'il y en a, là.
Alors, principalement, dans notre milieu, ça peut devenir, à moyen et long terme, une petite problématique s'il n'y a pas d'aide suffisante ou de support, que ce soit humain ou financier, pour venir en aide à ces milieux-là, qui voudront conserver peut-être leurs trois églises et leur donner des vocations différentes, mais au moins les conserver dans leur milieu, parce qu'on dit: C'est identitaire. Alors, c'est le milieu qui va décider et, par contre, c'est la force de manque de ressources financières qui va faire qu'il va y avoir des choix difficiles à faire, et déchirants.
Le Président (M. Curzi): M. le député de Saint-Jean.
M. Turcotte: Merci beaucoup, M. le Président. J'aimerais ça vous amener sur un autre terrain complètement. Ce matin, on a eu l'occasion d'entendre la Conférence régionale des élus de l'Outaouais. Et, dans leur mémoire, ils nous parlaient de toute la question de la participation des institutions d'enseignement dans la formation notamment du personnel des municipalités ou des régions, dans tout le processus, là, entourant l'analyse de ce qui devrait être classé ou non.
Eux disaient... Pardon. Ils nous disaient... Bien, ils ne nous l'ont pas dit dans le micro, on n'a pas eu l'occasion de... on n'a pas eu le temps d'en parler, mais on s'en est parlé hors micro. Mais, dans leur mémoire, ce qu'ils disaient, au fond, c'est: Par rapport... les petites municipalités, des fois, ont souvent un employé, secrétaire-trésorier, trésorière, et cette personne-là n'a pas toutes ces compétences-là, pas toutes les habiletés. Et la question: Est-ce que... La personne qu'on va lui dire: Bon, bien, votre maison ou votre édifice, on veut la classer ou la nommer, bon, bien là, la personne se questionne: Est-ce que c'est vraiment important ou pas?, et elle peut remettre en question l'expertise de la personne. Eux, ce qu'ils nous disaient, c'est que, dans leur région, ils n'ont pas d'institution d'enseignement qui donne ce genre de formation là, ils se sentent un peu laissés à eux-mêmes sur ce plan-là.
Est-ce que, dans votre cas, c'est la même réalité que vous avez? Est-ce que ça pourrait être quelque chose d'envisageable que soit les commissions scolaires ou les cégeps puissent donner des formations sur mesure, soit des AEC ou autres, à du personnel des municipalités pour avoir un minimum dans l'évaluation de ce qui est patrimonial ou non et ce qui pourrait être classé?
Mme Gélineau (Chantal): C'est sûr que... Il y a des discussions qui ont déjà été faites à ce sujet-là avec... Parce que, dans notre comité de développement culturel, on a aussi le président de la commission scolaire et... Puis ce n'était pas seulement à ce niveau-là, c'est aussi à d'autres niveaux, parce qu'il y a des démarches, chez nous, qui se font... On parle de patrimoine. Chez nous, il y a des démarches qui se font au niveau du patrimoine paysager. C'est là qu'il y avait un manque d'expertise cruel, là, pour être capable d'aller de l'avant avec ce projet-là. Il y a même une politique des paysages. Ils sont combien? Ils sont sept ou huit municipalités ensemble qui sont reliées pour faire une politique des paysages. Alors, c'est quand même assez d'avant-garde.
Et c'était une avenue qui avait été évaluée. Mais maintenant, quant à le mettre en place, etc., j'aurais du mal à vous répondre pour savoir où on en est rendus avec ça, là. Mais je sais qu'en ce moment il y a des efforts particuliers qui se font pour les paysages et la formation des gens, justement, pour être capables de répondre aux besoins et aux inquiétudes. Et le patrimoine immatériel aussi, on met beaucoup l'accent là-dessus au Témiscouata.
M. Nadeau (Émilien): C'est certain que ça pourrait être... C'est définitivement possible de former des gens, être capable de le reconnaître. C'est certain que ça pourrait être dans... je dirais plus de niveau collégial ou même universitaire. Je ne pense pas qu'au niveau secondaire, là, on en soit rendu à former des gens pour classer des bâtiments. Il faudrait que ce soit au moins au niveau universitaire, je pense. Mais il y a déjà de ces spécialistes-là, de ces gens-là qui existent. Si la communauté est ouverte à ça, ça ne prend peut-être pas un gros coup de pouce, tout simplement, pour se faire aider puis aller chercher l'expertise où elle est. Ça, ça ne m'apparaît pas un blocage, moi, personnellement, tu sais, la garder de cette façon-là. Mais certainement que les gens peuvent être formés, je pense bien, à l'université beaucoup plus qu'à l'école secondaire, par exemple.
Mme Gélineau (Chantal): Mais, pour compléter et répondre à votre question, il y a une démarche qui avait été faite et que... En ce moment, on est en train de travailler sur les paysages en particulier. Et, en effet, ce besoin-là a été soulevé, mais plutôt au niveau vulgarisation.
M. Nadeau (Émilien): Maintenant, de sensibiliser les jeunes, à l'école secondaire ou même à l'école primaire, à l'importance du patrimoine puis à l'importance de la culture dans leur milieu, de leur faire connaître ces lieux de mémoire là puis de leur faire connaître l'histoire de leur région, ça, par exemple, ça doit se... ça devrait se passer dans les écoles en tant que telles. Je vous dirais que ça se fait, peut-être pas à assez haute échelle, je vous dirais que ça se fait. Mais ce bout-là est extrêmement important. Par contre, si j'ai besoin de spécialistes pour faire évaluer un bâtiment, je pense qu'on peut facilement trouver, là, dans notre environnement.
Le Président (M. Curzi): Merci. Oui, Mme la député d'Hochelaga-Maisonneuve.
**(17 heures)**Mme Poirier: Alors, écoutez, moi, je vais vous ramener sur le sujet de l'église, en tant que telle, comme lieu de rassemblement parce que ce que j'entends de ce que vous nous dites à l'effet du patrimoine local: que, pour un village, le patrimoine local, c'est souvent son église dans un premier temps, son presbytère et quelques maisons qui entourent dans une façon principale l'église. Je vais vous poser une question très, très pratico-pratique: À qui appartient l'église?
M. Nadeau (Émilien): L'église, normalement, appartient à la fabrique. Ça, c'est clair. Et c'est sous la responsabilité aussi du diocèse.
Mme Poirier: D'accord. À partir du moment...
M. Nadeau (Émilien): Par contre...
Mme Poirier: Oui. À partir du moment où vous voulez la transformer en lieu de rassemblement, elle appartient à qui?
M. Nadeau (Émilien): Probablement qu'elle n'appartiendra plus à la fabrique et pas l'évêché, il va falloir que ça devienne une propriété soit de la municipalité, ou d'une coopérative, ou d'un organisme quelconque qui va être supporté généralement par la municipalité ou par l'ensemble des citoyens de la municipalité. Mais ça, moi, c'est sûr que, si vous la regardez d'un point de vue légal, bon, l'église... le bâtiment appartient à la fabrique. Mais, à partir du moment où la fabrique n'est plus capable de le gérer, n'est plus capable de l'administrer parce qu'elle n'a plus d'argent, ça demeure quand même un bien qui appartient à cette communauté-là. Et c'est les gens de cette communauté-là qui ont payé pour bâtir l'église, donc c'est un bien qui leur appartient.
Moi, quand on me dit que la fabrique va faire un cadeau d'une piastre à la municipalité parce qu'elle lui donne l'église, ils ne font pas de cadeau pantoute. Ils lui transfèrent, si tu veux, beaucoup plus... si vous voulez, ils lui transfèrent beaucoup plus, si on le prend comme ça. Ils lui redonnent son bien, dans le fond, parce que c'est à peu près juste la municipalité qui peut reprendre un genre de bâtiment comme ça puis lui redonner une vocation communautaire. Dans le fond, tout ce que fait la fabrique, elle redonne... Ça leur appartient déjà. Le bien de la fabrique dans la municipalité, bon, ça appartient... c'est les mêmes payeurs. C'est les mêmes qui ont payé ça. Donc, dans le fond, c'est qu'on dit: C'est juste un transfert légal, purement et simplement. La vraie propriété, ils l'ont déjà. Ça leur appartient déjà.
Mme Poirier: Est-ce que, pour vous, M. Nadeau... On le voit actuellement, il y a des diocèses qui décident de vendre des églises sans nécessairement qu'il y ait eu le temps aux communautés de s'organiser pour transformer l'église. Qu'est-ce que vous en pensez, de ça? Comment vous voyez ça, là, cette attitude-là? Est-ce que le gouvernement devrait intervenir? Est-ce que la municipalité devrait intervenir? Est-ce que quelqu'un devrait intervenir et, dans le fond, dire à l'archevêché, au diocèse: Ce bien-là est un bien collectif, et vous ne pouvez le vendre pour des intérêts qui vont revenir seulement qu'au diocèse ou à l'archevêché?
M. Nadeau (Émilien): Je serais bien embêté, madame, pour vous donner une réponse comme celle-là. Moi, je vous dis tout simplement qu'en principe, quand je regarde peut-être la... quand je regarde la situation de ça, je me dis: Ce sont les gens de ce milieu-là qui l'ont bâtie de peine et de misère, et ça a pris souvent bien des années pour le faire, donc, en fait, c'est un bien qui, à mon avis, leur appartient. Une partie légale, on dit: Bien, c'est au diocèse ou c'est à la fabrique. Mais ça va servir à quoi? Au moins que les gens du milieu soient consultés et en accord avec ce que le bâtiment va devenir. Moi, je me dis: Bon, si les gens du milieu n'en veulent pas, du bâtiment, d'aucune manière, parce qu'il va y avoir des raisons à ça, et que, là, la fabrique, je ne sais pas, moi, décide de le vendre à la compagnie X pour faire une filature, bien, au moins, ça va avoir créé de l'emploi chez eux.
Le Président (M. Curzi): Merci. Merci, M. Nadeau, Mme Gélineau, Mme Labonté. Merci beaucoup.
On va suspendre quelques minutes pour accueillir nos autres... nos nouveaux intervenants.
(Suspension de la séance à 17 h 5)
(Reprise à 17 h 8)
Le Président (M. Curzi): ...nous allons reprendre. Bonjour, M. Leduc, M. Turp.
M. Lemay: ...
Le Président (M. Curzi): Pardon? Oui?
M. Lemay: J'aurais une question de directive ou une demande à vous faire avant...
Le Président (M. Curzi): Allez-y.
M. Lemay: ...et sans vouloir prendre le temps, évidemment, là. Sur le site du ministère... Moi, j'ai bien fouillé, j'ai demandé à ce qu'on refouille aujourd'hui. Est-ce que ce serait possible de demander, disons, une structure administrative... pas du ministère, c'est sur le site Internet, mais du volet patrimonial, avec les budgets, et tout ça? C'est très difficile à avoir sur le site du ministère parce que le volet patrimoine est tout petit... ou, en tout cas, plus petit par rapport à tout le reste du ministère, et c'est difficile de décortiquer qu'est-ce qui va vraiment au patrimoine, les ressources humaines et financières. Il me semble que ça nous aiderait, parce qu'on va poursuivre nos travaux éventuellement, il me semble, M. le Président, que ça nous aiderait après à poursuivre nos travaux. Voilà.
**(17 h 10)**Le Président (M. Curzi): Merci, M. le député. On va continuer. C'est parfait. Donc, M. Leduc, M. Turp, bonjour. Alors, pour des individus, la division du temps est plus simple, vous la connaissez sans doute, M. Turp: chacun 10 minutes. Vous avez les 10 premières, ensuite le gouvernement et ensuite l'opposition. Monsieur, bonjour et bienvenue.
MM. Antoine Leduc et Daniel Turp
M. Leduc (Antoine): Alors, bonjour, M. le Président, Mme la ministre, Mmes les députées, MM. les députés. Nous sommes honorés aujourd'hui d'être accueillis par votre commission en cette première journée de ces audiences publiques que nous considérons des plus importantes parce que le projet de loi n° 82 sur le patrimoine culturel est un projet qui nous semble primordial pour le Québec et sa culture. Et aujourd'hui, très brièvement, nous allons vous parler de la place du patrimoine religieux et de l'orgue dans le contexte de cette loi.
Et c'est assez éloquent de faire cette présentation après ceux qui nous ont précédés, puisque, comme vous aurez pu le constater, les principaux éléments dont il a été question pendant cette présentation-là relevaient, à mon sens, du patrimoine religieux. On parlait de l'église dans le village et que, si on faisait abstraction de l'église en utilisant PhotoShop, ça deviendrait un dortoir. Alors, je pense que l'image parle beaucoup.
Et, nous, ce que nous vous présentons aujourd'hui, en fait, c'est un plaidoyer qui s'énonce très simplement. Nous avons, Daniel Turp et moi, au mois de juin 2010, lancé un manifeste pour la sauvegarde du patrimoine religieux du Québec et nous avons été appuyés dans cette initiative par 55 personnalités, et à l'heure actuelle ce sont plus de 130 personnes qui ont signé ce manifeste qui demande au gouvernement, donc à vous tous, Mmes et MM. les députés, à M. le premier ministre, à Mme la ministre de la Culture, de nationaliser le patrimoine religieux. Et le patrimoine religieux en tant que tel n'est pas mentionné d'aucune façon dans la Loi sur le patrimoine culturel. Pourtant, le patrimoine religieux est indistinctement un patrimoine culturel. Il est reconnu partout à travers le monde parmi les organismes qui s'occupent de patrimoine de quelque nature qu'il soit.
Et ce manifeste, ce qu'il demande... Quand on vous dit de nationaliser le patrimoine religieux, ça peut faire peur à première vue, mais je vais tenter de dissiper ces peurs aujourd'hui, parce que ce que l'on vous dit, c'est que les églises qui ont été construites sur le territoire du Québec depuis la fondation de notre province l'ont été à la faveur de dispositions législatives ou de mesures législatives d'encadrement qui ont permis l'érection de ces bâtiments-là et qui ont permis à nos ancêtres, jusqu'à récemment, de construire ces édifices-là. Ça s'est aménagé par des mesures fiscales avantageuses, par des levées d'impôts qui ont permis à nos ancêtres et à nous tous, comme Québécois et Québécoises, de constituer ce patrimoine qui est considéré comme l'un des plus importants en Amérique du Nord. Et ici, au Québec, on pourrait dire que, dans tout notre patrimoine bâti, culturel et aussi matériel, le patrimoine religieux est très certainement l'un des patrimoines les plus importants, qui mérite une protection.
Alors, ce que nous vous disons, c'est qu'au point de vue juridique -- bien sûr il y a eu quelques discussions qui ont été amorcées dans la présentation qui nous a précédés -- nous vous disons que, juridiquement, vous avez conféré par loi aux conseils des fabriques et aux évêchés et aux évêques le soin d'administrer ce patrimoine-là, mais, nous, juridiquement, ce que nous vous disons, c'est que vous avez le pouvoir de constater un état de fait qui a été très éloquemment exprimé par le maire Nadeau, qui m'a précédé à cette tribune, à l'effet que ce patrimoine constitue, en tout cas en droit civil, une chose commune, c'est-à-dire une chose collective qui appartient à tout le monde.
Est-ce que ce sont toutes les églises, tous les couvents, tous les orgues qui devront être nationalisés et pris en charge par l'État québécois? Ce n'est pas ce que nous proposons. Ce que nous vous proposons, c'est de mandater un comité d'experts avant qu'il ne soit trop tard, avant que toutes les églises soient fermées, avant que toutes les églises aient été converties, mandater un comité d'experts formé d'architectes, d'experts en beaux-arts, d'experts en peinture, d'experts en sculpture, d'experts en orgues, pour établir un inventaire sérieux et crédible de tout ce patrimoine bâti et culturel et, à partir de cet inventaire-là, de choisir les trésors qui devraient être nationalisés.
Je sais que l'État québécois a fait beaucoup d'efforts depuis les 15 ou 20 dernières années et qu'une partie substantielle de fonds publics est consacrée à la restauration et à l'entretien d'édifices religieux. Malheureusement, dans certains cas, le ministère ou le gouvernement n'a pas de contrôle sur ce qui sera fait après la restauration. Et l'exemple qui a fait couler beaucoup d'encre depuis les derniers mois est celui de l'église du Très-Saint-Nom-de-Jésus, à Montréal, où l'État québécois et les citoyens de cette paroisse-là, dans les 15 dernières années, ont investi plus de 700 000 $ pour la restauration des grandes orgues. L'église est fermée et l'archevêché menace soit de donner la paroisse ou de la vendre à quelqu'un d'autre, en tout cas ses orgues, et sans que, dans ce contexte-là, on ait, semble-t-il, notre mot à dire.
Nous vous disons, MM. et Mmes les élus, qu'il est possible pour vous de changer cet état de fait là, qu'il est possible aussi de faire en sorte que les dépenses publiques que nous faisons dans ce contexte-là soient associées à certaines responsabilités. Et, pour ce faire, à l'exemple de nos cousins français, à l'exemple aussi de l'Italie, je pense que la prise en charge de ce patrimoine qui serait identifié par des experts... Je ne sais pas de combien on pourrait parler, mais ce serait un exercice, en tout cas, qui mériterait d'être fait pour qu'on puisse savoir de quoi il s'agit. Mais admettons, pour fins de discussion, qu'on parle de 150, 200 églises à la grandeur du territoire québécois. Si c'est ça et qu'on arrive à le préserver pour tout le monde, eh bien, je pense qu'on aura fait un grand pas.
Comme le temps file, je vais laisser mon collègue Daniel Turp vous parler d'un autre aspect qui concerne les demandes de classement qui sont présentées en vertu actuellement de la Loi sur les biens culturels et éventuellement en vertu de la nouvelle loi.
Le Président (M. Curzi): Vous avez moins de quatre minutes, M. Turp.
M. Turp (Daniel): Merci, M. le Président. Mme la ministre, mesdames et messieurs, membres de la commission, il me fait plaisir de me retrouver dans cette commission, qui est sans doute celle qui est à l'origine de mon intérêt pour le patrimoine religieux. Il y a quelques années, comme vous le savez, cette commission avait eu un mandat d'initiative pour examiner l'état du patrimoine religieux et formuler des recommandations. Et, à l'occasion de cet exercice, j'avais été très touché, très ému par l'intérêt que les Québécois et les Québécoises avaient manifesté à l'égard de leur patrimoine religieux. Nous avions formulé 33 recommandations qui ont eu peu de suites, je dois le constater, et c'est la raison pour laquelle je suis devant vous en tant que citoyen, je ne parle pas au nom de la formation politique à laquelle je suis associé, elle a ses représentants sur cette commission. Mais je voulais, comme citoyen, avec Antoine Leduc, vous dire jusqu'à quel point je suis préoccupé avec la situation du patrimoine religieux.
En 2005, Mgr Turcotte avait dit devant notre commission: Dans cinq ans, si vous n'avez pas posé des gestes significatifs, ce sera terrible, la situation sera plus que difficile, notre patrimoine religieux sera en péril. Et c'est la raison pour laquelle je me présente devant vous aujourd'hui avec Antoine pour vous dire que la situation est plus que périlleuse pour notre patrimoine religieux.
Et j'ai été surpris que ce projet de loi n° 82 ne parle pas de patrimoine religieux, ne contienne aucune mesure particulière relativement à ce patrimoine qui est si distinct, si important et qui mérite certainement des dispositions particulières. Et, dans le mémoire, vous avez d'autres éléments qui vous démontrent jusqu'à quel point, je crois, votre commission, au terme de l'examen et de la consultation générale qu'elle fera, devra réviser ses positions sur le patrimoine religieux et sur la façon dont cette loi devrait assurer sa protection et sa mise en valeur.
Et une des choses sur lesquelles je veux insister en notre nom, et ça concerne le patrimoine religieux, mais ça concerne aussi le patrimoine culturel en général, c'est le processus de classement. Nous avons formulé une proposition très concrète qui résulte de notre expérience à Antoine et moi, mais aussi d'une expérience que j'ai eue dans une lutte qui se poursuit pour éviter que l'Université de Montréal vende l'ancienne maison mère de la congrégation des Saints Noms de Jésus et Marie pour la transformer en condominiums, là, une vente qui est prévue, qu'on veut faire au groupe Catania. Et j'ai fait une demande de classement avec plusieurs autres personnes, qui a été refusée, comme a été refusée notre demande de classement de l'église Très-Saint-Nom-de-Jésus.
Et, si les citoyens ont et peuvent, comme la pratique le prévoit, s'ils peuvent initier une demande de classement, il est important que cette loi précise les critères de classement. Il est important que les citoyens et les citoyennes puissent connaître les modalités pour faire une demande, que ce soit inscrit dans la loi, que les délais d'étude de leur demande soient précisés, que la ministre soit obligée de confier à un comité d'experts indépendant le soin d'évaluer la demande, que les délais soient connus, que la possibilité qu'on puisse faire un appel d'une décision défavorable de la ministre soit aussi prévue dans la loi et qu'on puisse même prendre un recours en appel ou en évocation.
M. le Président, je termine en disant que nous formulons des propositions concrètes et nous souhaitons que la loi soit beaucoup plus précise qu'elle ne l'est maintenant sur les critères qui doivent guider à la fois la ministre et les citoyens lorsqu'il s'agit de classer notre patrimoine culturel.
**(17 h 20)**Le Président (M. Curzi): Merci, M. Turp. Mme la ministre, vous avez la parole.
Mme St-Pierre: Merci. M. Turp, c'est toujours un plaisir de vous revoir et de constater toujours votre passion pour le patrimoine religieux. Vous semblez laisser entendre... en fait vous laissez entendre qu'il n'y a pas grand-chose qui s'est fait au Québec pour la protection du patrimoine religieux, et qu'on n'a pas d'inventaire, et que, bon, c'est vraiment n'importe quoi. Moi, je pense qu'il faut remettre un petit peu les pendules à l'heure. Je ne veux pas dire que tout est parfait, c'est vrai que tout n'est pas parfait, mais j'ai quand même quelques statistiques ici à livrer, là, à la population qui nous écoute.
Si on regarde la question de l'inventaire national des lieux de culte, vous parlez qu'il n'y a pas vraiment d'inventaire sérieux, mais, je m'excuse, je pense que l'inventaire, il est sérieux: 2 millions de fonds publics consacrés à l'exercice, dont 700 000 $ du ministère; 2 755 lieux de culte construits avant 1975 inventoriés en 2003; 1 558 lieux de culte construits avant 1945 ont été évalués en 2004; inventaire national des biens immobiliers religieux financé par le ministère, 580 000 $ à ce jour; des milliers de biens mobiliers conservés in situ, inventoriés; inventaire national du patrimoine immatériel religieux financé encore une fois par le ministère, 740 000 $ à ce jour; objectif, 1 000 fiches portant sur les coutumes, les fêtes, les rites, les rites des différentes traditions religieuses -- je n'ai pas fini; protection des biens immobiliers et mobiliers d'intérêt national, alors 350 lieux de culte, 275 presbytères, couvents et résidences de religieux, 130 cimetières, mausolées et charniers, 80 orgues, des milliers de biens immobiliers religieux.
Alors, là, là, je pense que... C'est vrai que tout n'est pas parfait, mais, de là à dire qu'il n'y a rien qui a été fait... Et, dans cette commission parlementaire, il y avait une des recommandations qui était de signer des ententes avec des diocèses pour prévenir la population lorsque des diocèses décidaient... une fabrique décidait de fermer une église. On a signé des ententes avec la grande majorité des diocèses au Québec. Donc, il y a quand même plein de choses qui se font. J'ai une question... Et, en patrimoine religieux, le programme de 1995, bien, a amené des investissements de 346 millions. J'ai une question pour vous...
Et on voudrait bien sûr faire le maximum, mais on prend l'argent où? Les Québécois considèrent qu'ils sont trop taxés, les Québécois ne veulent pas payer davantage de taxes, on parle... Les étudiants ne veulent pas payer plus de frais de scolarité. Vous savez, tout le monde veut bien faire puis veut faire le maximum. Mais où est-ce que je prends l'argent? Si vous avez une recette et si, dans vos milieux respectifs d'avocats, vous êtes capables de dire au Barreau du Québec, aux avocats du Barreau de mettre peut-être... de mettre de l'argent de leur côté pour nous aider aux fonds...
Je veux dire, on veut, bien sûr, et on a fait des... on a changé des vocations, des églises qui ont été changées... À Magog, il y a deux ans, j'ai annoncé une église Art déco qui va être transformée dans une magnifique bibliothèque. Ils voulaient une construction neuve, c'est moi qui leur ai dit: Faites ça dans votre église, vous avez une magnifique église qui est fermée, Art déco, ça va être formidable. Ils ont fait un référendum, ça a marché, la bibliothèque va être là. Des presbytères puis des... il y en a plein, de choses qui se font. Alors, maintenant, dites-moi, la question est simple: L'argent, on le prend où?
M. Leduc (Antoine): Alors, avec la permission de mon collègue Turp, je vais commencer à vous répondre, Mme la ministre, en vous citant un texte du professeur émérite Jean-Claude Marsan, qui est prix du Québec Gérard-Morisset en 1992, dans lequel il dit: «Le Québec possède le patrimoine religieux le plus abondant et le plus précieux de toute l'Amérique du Nord. Or, il n'y a probablement pas d'États ou de provinces où il s'avère aussi mal géré. Le cas de l'église du Très-Saint-Nom-de-Jésus n'est que la pointe de l'iceberg. En effet, l'inventaire effectué en 2003 et 2004 par le Conseil du patrimoine religieux et qui attribue à cet édifice la cote C pour son extérieur n'est pas fiable et est à refaire en bonne partie.» Et le Pr Marsan, qui est connu et respecté pour ses opinions, remet tout ce processus d'inventaire en cause puisque les critères qui ont été utilisés ne sont pas des critères qui sont reconnus dans les milieux du patrimoine, comme ceux, par exemple, qui sont utilisés ailleurs par la Commission des lieux et monuments historiques du Canada ou par l'UNESCO. Alors, ça, c'est la première question.
Et d'ailleurs, si on ne parle que de l'orgue, par exemple, de l'église du Très-Saint-Nom-de-Jésus, les études que vous avez citées en public relativement à son classement et que vous nous avez recitées dans le contexte de la demande de classement que nous vous avons présentée ne sont pas fiables parce que les experts en matière d'orgue, dont Gaston Arel, un organiste internationalement reconnu qui avait recommandé justement au Conseil du patrimoine religieux que des fonds publics soient dépensés dans le contexte de la restauration de cette église-là à même les subventions de l'État, alors ils sont d'avis que cet orgue-là est un orgue impressionnant qui doit être classé. Ce n'est pas ce que les inventaires soi-disant réalisés par l'État disent. Et, à ce sujet-là, même le Conseil du patrimoine religieux a émis des bémols.
Cela étant, où prend-on l'argent? Mme la ministre, moi, je vous dirais que, plutôt que d'éviter... ou pour éviter qu'une situation comme celle de l'église du Très-Saint-Nom-de-Jésus se reproduise, on est aussi bien d'arrêter de dépenser ces 340 millions de dollars là si on n'a pas de critères précis. C'est une question justement de responsabilité et de bonne gestion des fonds publics. Avec 340 millions de dollars en 15 ans qui ont été dépensés, si on avait limité ces subventions-là à des sites inventoriés et qu'on sait qu'ils vont survivre aux cinq ou 10 prochaines années, alors que ce n'est pas le cas dans un cas comme l'église du Très-Saint-Nom-de-Jésus, à ce moment-là, on ne dépense pas plus que le fardeau fiscal actuel des contribuables existe.
Et l'autre question, c'est que, si on trouve des millions pour construire un amphithéâtre à Québec ou qu'on en fait la promesse, je ne vois pas pourquoi on ne serait pas capables de trouver de l'argent, à même l'enveloppe budgétaire du Québec, à l'heure actuelle, pour essayer de financer ces lieux de culte là. Et on ne parle pas des 3 300 églises, comme je vous disais tout à l'heure. On parle vraiment d'un exercice qui ferait en sorte qu'on arrive vraiment à sauvegarder ce qui doit l'être, l'essentiel. Alors, ce serait ma réponse pour cette partie de question.
M. Turp (Daniel): J'ajouterais juste, très rapidement, Mme la ministre. Dans le rapport de notre commission de 2005, il y avait un certain nombre de recommandations de nature financière, fiscale qui visaient justement à trouver des solutions à ce très ambitieux projet d'assurer la protection et la mise en valeur de notre patrimoine religieux, et je n'ai pas vu, dans le projet de loi, ou dans d'autres mesures, ou dans d'autres énoncés, des suites données à ces recommandations qui justement visaient à trouver et à donner à l'État des moyens ou aux municipalités des moyens.
Et je vous en fais une recommandation très concrète, très concrète sur le financement. Je crois, comme Antoine, que, si les sommes déjà dépensées étaient allouées et dépensées pour des sites inventoriés de caractère national qui seraient gérés par l'État mais qui n'empêcheraient pas des activités cultuelles, comme en France et en Italie, dans des églises qui seraient prises en charge par l'État...
Je vous dirais que certains pays, vous savez, ont confié ou ont voulu que l'argent de la loterie nationale soit utilisé pour le patrimoine. Je pense en particulier au Royaume-Uni où l'argent que les citoyens investissent dans la loterie nationale est utilisé pour le patrimoine. Je crois que vous le savez. Et, si on constate maintenant que Loto-Québec investit dans plusieurs projets culturels, investit notamment dans l'Orchestre symphonique de Montréal -- je crois comprendre que Loto-Québec a décidé de se substituer au Conseil des arts et des lettres du Québec lorsqu'il s'agit de soutenir financièrement l'Orchestre symphonique de Montréal -- je crois que les sommes investies par les Québécois dans cette loterie pourraient aussi financer le patrimoine culturel du Québec.
Le Président (M. Curzi): Mme la ministre, il reste un peu plus d'une minute, une minute...
Mme St-Pierre: Alors, puisqu'on parle des experts en patrimoine, bien, je vous invite à lire cette brochure qu'on vient de me... ce magazine qu'on vient de me remettre, tout à l'heure, avec M. Luc Noppen. Alors, là aussi, on parle de choses remarquables qui ont été faites dans les modifications et changements de vocation du patrimoine religieux. Mais merci beaucoup d'avoir été parmi nous et de nous interpeller sur cette question. Merci.
Le Président (M. Curzi): Merci. Donc, je cède la parole à l'opposition. M. le député de Drummond.
**(17 h 30)**M. Blanchet: Merci, M. le Président. Peut-être, est-ce que le magazine en question pourrait être déposé pour qu'on puisse regarder les bonnes idées qu'il y a là-dedans?
Et je ne sais pas exactement sous quel angle prendre ça, j'ai l'impression qu'on veut ramasser un boeuf avec des pincettes, là. Il y a un cas évident qui est dans l'actualité depuis longtemps, qui est effectivement l'église du Très-Saint-Nom-de-Jésus, et là on fait de la rhétorique autour, et c'est comme si la dernière affaire dont on parle, c'est la volonté des gens qui vivent autour de cette église-là, qui veulent la garder, qui veulent faire quelque chose avec, comme si ce n'était pas fondamental que l'État québécois ait comme première préoccupation le service des citoyens. Et là -- comment dire? -- on ressort une liste de choses fort légitimes, d'investissements de l'État dans le répertoire, dans l'inventaire qui a été fait, ce qui est absolument nécessaire, et on soulève la question: Est-ce que l'argent existe?
L'argent pour faire un inventaire valable, me semble-t-il, dans un État civilisé, c'est fondamental. Il faut au moins savoir ce qu'on a et la valeur patrimoniale réelle de ce qu'on a, et là-dessus je pense qu'il n'y a pas de compromis possible. Et, lorsqu'il y a des montants à hauteur de plusieurs dizaines de millions de dollars qui sont mis à la disposition du patrimoine religieux qui demeurera actif comme lieu de culte, tandis qu'on se demande si on est capable d'avoir un peu d'argent pour garder l'église du Très-Saint-Nom-de-Jésus à la disposition de la communauté, j'ai l'impression qu'on s'égare dans de la politique qui vole beaucoup trop haut que ce que les citoyens veulent. Et, dans ce sens-là, que vous soyez membre du même parti que moi ou pas, ça ne change rien. Vous êtes un citoyen actif dans un dossier légitime. Et je pense la même chose du cas de... du bâtiment religieux sur la montagne. Il me semble qu'il faut absolument faire grandement attention à ça.
Je ne peux pas... J'ai l'impression que l'idée de nationaliser effectivement commence par un mot qui fait peur, mais je comprends qu'il y a une volonté de préserver les éléments identifiés, identifiables du patrimoine de façon ferme et indiscutable en disant: C'est l'État qui en prend charge. C'est ce que j'entends. Dans le contexte de la loi, je le positionne mal et je vous demanderai de me préciser quel impact, comment on rentrerait cette volonté-là dans la loi. Parce qu'il s'agit d'une décision politique bien davantage que d'une décision législative, dans ma perception de la chose. Comment on rentrerait ça dans la loi? Et aussi, inévitablement, il faut que ça vienne avec des calculs, il faut que ça vienne avec... et donc, première étape, payer pour un inventaire réel, crédible -- et je ne sais même pas comment on définira la crédibilité parce que déjà on est dans un niveau d'expertise très précis -- mais sortir cet aspect-là du débat de la politique pour qu'il puisse être traité avec un certain calme, une certaine paix d'esprit.
Les cas actifs comme le Très-Saint-Nom-de-Jésus, pour moi, c'est clair qu'il faut s'assurer qu'il ne se passe rien avec ça, avant qu'on ait l'expertise nécessaire, parce que c'est des biens qui appartiennent ultimement à l'ensemble de la communauté québécoise. Donc, le lien entre le côté législatif de votre démarche, ce que vous proposez, en quoi ça s'inscrit dans la loi, et comment peut-on évaluer qu'est-ce que ça coûtera pour l'inventaire et... pour arriver à évaluer qu'est-ce que ça coûterait pour réaliser la démarche telle que vous la voyez.
M. Leduc (Antoine): Alors, si je peux d'abord... D'entrée de jeu, merci pour votre question, M. le député. Je voudrais juste préciser qu'en ce qui me concerne je ne suis membre d'aucun parti politique et qu'il y a beaucoup de gens dans notre coalition qui ne sont, comme moi, membres d'aucun parti ou qui sont membres de l'un ou l'autre des partis de ce côté-ci de la table.
Cela étant dit, pour ce qui est de la constitution de l'inventaire, le professeur Marsan avait publié un article dans Le Devoir justement suite au lancement de notre manifeste au mois de juin, disant que ça pourrait très facilement et très rapidement être réalisé par la chaire en patrimoine de l'Université de Montréal et par un certain nombre d'étudiants qui travaillent déjà et qui sont formés dans ce type de métier là, supervisés par des gens comme lui et d'autres experts du patrimoine. Et il y aurait même lieu d'avoir des subventions de recherche auxquelles ils ont déjà accès. Donc, on parle de constituer un comité d'experts à partir des expertises qui existent déjà. Alors, ces gens-là ont déjà une crédibilité internationalement reconnue. Et je pense que, même si vous faisiez la démarche auprès de personnalités comme lui, vous pourriez avoir un estimé assez près de la réalité pour vous inspirer pour ces travaux-là.
Concernant l'aspect politique, si, dans le contexte d'une loi sur le patrimoine on ne peut pas exprimer une idée comme celle de la nationalisation, qui peut faire peur, je me demande qu'est-ce qu'on fait au niveau législatif, parce qu'en tout respect la loi est d'abord un exercice politique. C'est comme ça, je pense, à mon sens, que le législateur s'exprime. Et c'est dans ce contexte-là... Vous l'avez bien dit, c'est sûr qu'il faut une volonté populaire, mais les gens ne savent pas par quel bout prendre ce problème-là. Et c'est dans ce contexte-là que, nous, nous vous disons, MM. et Mmes les élus: C'est vous, les représentants du peuple, c'est à vous de nous montrer la direction où il faut aller, c'est à vous de prendre ce taureau par les cornes et de régler un problème du patrimoine religieux qui est un patrimoine culturel et qui doit s'inscrire dans le contexte législatif.
M. Turp (Daniel): Écoutez, moi, ce que je vous dirais sur pourquoi on plaide pour qu'il soit question du patrimoine religieux dans la Loi sur le patrimoine culturel -- puis c'est vrai que, dans la Loi sur les biens culturels, il n'y a pas de référence aux biens culturels religieux, il n'y en a pas plus dans cette Loi sur le patrimoine culturel -- c'est que, on l'a souvent dit, nos églises sont nos châteaux. L'essentiel du patrimoine de valeur historique au Québec, il se trouve dans les églises, dans les couvents, dans les monastères, dans les cimetières. Et comment une loi importante, la nouvelle loi qu'on attend depuis si longtemps, depuis le rapport Arpin, depuis 2000, comment éviterait-elle, comment occulterait-elle l'importance de ce patrimoine? Et ne pas en parler, ne pas vraisemblablement envisager, comme on le fait pour les paysages culturels... Si on le fait pour les paysages culturels, pourquoi pas pour les biens culturels patrimoniaux à caractère religieux?
Et, vous savez, les batailles que mènent beaucoup de Québécois et de Québécoises partout au Québec... Ce n'est pas juste à Montréal, pour l'église du Très-Saint-Nom-de-Jésus ou pour le 1420 Mont-Royal, c'est partout, dans toutes les régions du Québec, où, dès qu'il y a une église ou un monastère qu'on veut mettre en vente et qu'on ne veut pas... dont on ne veut pas assurer une continuité sociale ou communautaire, là, il y a des batailles au cas par cas, des luttes, des luttes épiques de citoyens. Je crois que c'est ça qui met en danger notre patrimoine culturel maintenant, c'est qu'on règle au cas par cas toutes ces luttes très légitimes pour maintenir le patrimoine religieux puis en assurer la pérennité. Et je crois que c'est votre devoir, comme parlementaires, comme législateurs, de prévoir un régime particulier dans cette loi pour le patrimoine religieux, d'autant...
Vous avez vu, le débat a eu lieu juste avant notre participation aux travaux de votre commission. À la réponse de la députée d'Hochelaga-Maisonneuve: À qui appartiennent les églises?, le maire a donné une bonne réponse: En principe, à la fabrique. Mais oui, en droit, à la fabrique. Mais ça va bien au-delà de ça à cause du contexte historique, fiscal. Et je crois que vous devriez réfléchir sérieusement, Mme la ministre, avec vos collègues les députés de cette commission, à aménager une partie de cette loi qui s'occuperait... et s'intéresserait en particulier au patrimoine religieux. Il y a des gens qui vont venir vous en parler. Il y a des recommandations dans le rapport de 2005 qui pourraient vous éclairer sur la façon d'intégrer dans cette loi une partie sur le patrimoine religieux.
M. Blanchet: Juste à des fins de clarté, avant de passer la parole, justement, à la députée d'Hochelaga-Maisonneuve. C'est la notion même de nationalisation. Je ne sais pas comment ça s'insérerait dans la loi. Mais j'ai moi-même fait état de l'éléphant dans le salon d'une loi sur le patrimoine culturel où le mot «religieux» n'apparaît pas. Ça me semble incroyable dans le contexte des prochaines décennies du Québec où il y aura un délestage du clergé, et ça va rester en plan ou se désagréger progressivement. C'est ce qu'on ne veut pas. Par contre, si le législatif est forcément politique, le politique n'est pas forcément législatif. Et, dans cette mesure-là, s'il y a un arrimage à faire qui est à caractère législatif et si vous pouviez nous guider sur ce qu'a été votre réflexion, ça me semble important. Et, sur ce, M. le Président...
Le Président (M. Curzi): Mais, sur ce, il n'y aura pas de réponse à votre intervention, M. le député, puisque nous sommes arrivés au terme du temps qui vous était alloué. Merci beaucoup, M. Leduc, M. Turp.
Nous allons suspendre quelques instants pour accueillir notre dernier invité.
(Suspension de la séance à 17 h 40)
(Reprise à 17 h 41)
Le Président (M. Curzi): ...reprendre. Bienvenue... (panne de son) ...et ensuite nous essaierons de terminer, peut-être légèrement en retard ou, si vous voulez limiter votre période de questions... Mais essayons de vous... on va vous accorder le temps qui vous appartient, M. Larochelle. Bienvenue. Bonjour.
M. Pierre Larochelle
M. Larochelle (Pierre): Je vous remercie de me fournir l'occasion de vous entretenir de questions auxquelles j'ai consacré toute ma vie professionnelle. Mon mémoire porte sur l'état des connaissances en matière de patrimoine bâti. J'ai enseigné à l'université de 1968 à 2001, donc toute ma vie a été axée sur la connaissance, sur la transmission des connaissances, le développement des connaissances et la recherche, et la mise au service de la communauté des connaissances récentes, qui sont les trois missions des universitaires.
Mon domaine d'expertise, c'est la morphogenèse des établissements humains. C'est une discipline scientifique qui a commencé au milieu du XXe siècle pour étudier les processus de formation et de transformation des... d'humanisation des territoires, formation et transformation des établissement humains. J'ai introduit l'enseignement de cette discipline dans les universités québécoises en créant les premiers cours de lecture des milieux bâtis, de morphologie et syntaxe des milieux bâtis.
Dans ce domaine, il y a eu, depuis 50 ans, beaucoup de développements en recherche fondamentale qui ont amené le développement de méthodes de caractérisation des milieux bâtis. Ce qu'on a essayé de construire, c'est une grammaire qui décrit et explique la dynamique transformationnelle des établissements humains, des tissus urbains, des villes, des bâtiments, des structures territoriales. C'est une discipline qui s'est beaucoup inspirée de la langue, parce que ça repose sur le principe que la culture des peuples s'exprime de façon immatérielle par la langue, de façon matérielle par les établissements humains, c'est-à-dire le cadre bâti, qui est l'essentiel de la culture matérielle.
Les recherches appliquées dans ce domaine ont amené des transformations profondes dans la manière de concevoir le patrimoine bâti et de le gérer. Ça a amené aussi des changements radicaux dans les approches, dans les disciplines du projet, notamment avec l'émergence d'une théorie qu'on appelle la théorie de la modification, qui veut que tout projet d'intervention dans le milieu bâti, que ce soit la construction d'un bâtiment neuf, doit être perçu, conçu et évalué comme une transformation du milieu bâti existant, qui est hérité de nos ancêtres.
Depuis ma retraite, j'ai continué d'être actif. Je donne des cours de formation continue à l'Ordre des architectes précisément sur le développement des connaissances et l'évolution des pratiques dans le domaine du patrimoine bâti depuis les années soixante, c'est-à-dire depuis un demi-siècle.
Depuis un demi-siècle, le développement des connaissances théoriques et l'évolution des pratiques dans le domaine du patrimoine bâti ont été considérables. On peut dire que ça a été une véritable révolution. Pourquoi? Parce que la notion de patrimoine a considérablement changé, s'est élargie. Autrefois, ça s'appliquait aux monuments et aux monuments historiques. Aujourd'hui, on reconnaît l'intérêt patrimonial de toutes les structures anthropiques qui témoignent des relations historiques entre une communauté, ses activités et le territoire.
Donc, on s'est élargi des structures pour englober les structures anthropiques à grande échelle et les paysages culturels, une notion relativement récente. Ça a entraîné l'émergence de nouveaux champs de savoir et de nouveaux champs de recherche. D'abord, des méthodes de caractérisation des milieux bâtis, qui se sont développées à partir des années soixante. Ensuite, il y a eu l'émergence de nouvelles disciplines pratiques de la restauration urbaine, à partir des années soixante-dix, qui ont commencé à Köln, Bologne, ensuite Venzone. Ensuite est apparue une nouvelle discipline qui s'appelle la conservation intégrée du patrimoine urbain et territorial, et aujourd'hui il y a des institutions universitaires qui se consacrent à l'enseignement de la recherche dans ce domaine particulier. Je pense, par exemple, au CECI, à l'Université de Pernambuco, au Brésil, qui publie une revue et qui fait de l'enseignement dans ce domaine.
Ça a eu pour effet, cet élargissement de l'idée de patrimoine et... une remise en question des idées reçues et des pratiques établies en matière de patrimoine, en matière de gestion des monuments historiques et des biens culturels. On s'est rendu compte que les modalités d'intervention et les idées qui servent à protéger les monuments historiques ne s'appliquent pas à l'architecture vernaculaire... ne peut pas s'appliquer au patrimoine urbain, ne s'applique pas au patrimoine territorial et n'est pas applicable non plus pour conserver les paysages culturels.
Donc, il y a eu des nouvelles méthodes de caractérisation des paysages culturels, de préservation de l'identité des lieux et de conservation des caractères fondamentaux des paysages culturels. Tout ça s'enseigne dans les universités depuis quelques décennies.
On a redéfini l'objectif général de la conservation du patrimoine de la manière suivante: concilier les transformations du cadre bâti existant et le maintien de l'identité des lieux. C'est-à-dire, on met moins l'accent sur la primauté de la conservation matérielle, mais sur la conservation du sens des lieux.
Il y a un certain nombre de pratiques, par conséquent, qui ont été associées à la protection des monuments historiques, qui ont été remises en question dans la littérature par les experts qui travaillent dans le domaine comme chercheurs, notamment la pratique des inventaires, qui repose sur un postulat qui est faux, qui veut qu'à partir des critères administratifs on est capable d'identifier les biens construits qui ont un intérêt patrimonial puis en faire une liste. C'est faux.
Et, quand j'entends parler de patrimoine architectural, d'inventaire de patrimoine architectural, bien on ne fait plus ça depuis des années, on fait des études de caractérisation des milieux bâtis. Parce que, si on adopte une vision élargie de l'idée de patrimoine, on ne peut pas dire: Le patrimoine se résume à un certain nombre d'objets dont on peut faire une liste, comme les monuments historiques. On ne peut surtout pas faire d'inventaire de patrimoine urbain et territorial. Et j'entendais parler, quand je suis arrivé ici, d'inventaire de paysages culturels, ce qui est absurde. On ne peut pas faire des inventaires de paysages culturels. On fait des caractérisations de paysages culturels. Puis, dans le projet de loi n° 82, la notion de paysage culturel est totalement incomprise, elle est identifiée à l'idée de perspective visuelle pittoresque. Bon. La rue Sainte-Catherine, à Montréal, c'est un paysage culturel.
Les développements des connaissances dans le domaine ont amené à la nécessité de remplacer les prescriptions idéologiques des chartes internationales par des règles objectives, les règles fondatrices de l'identité culturelle des territoires, qui sont des règles non pas universelles, mais locales, qui peuvent être tirées de l'analyse du milieu tel qu'il est produit par une société qui habite ce territoire. L'identité des lieux, ça tient à des permanences structurales, qui permet à une chose de conserver une identité reconnaissable malgré les transformations et le remplacement d'un certain nombre de ses éléments.
Donc, il y a eu...
**(17 h 50)**Le Président (M. Curzi): Il reste peu de temps, monsieur, une minute à peine.
M. Larochelle (Pierre): Bon. O.K. Je n'avais pas le temps de détailler dans mon mémoire tout le développement des nouveaux outils cognitifs avec lesquels on gère le patrimoine, sinon mon mémoire aurait 500 pages. Bon.
Donc, au plan cognitif, des développements extrêmement importants dans les derniers 50 ans. Au plan affectif, là aussi l'élargissement de la notion de patrimoine a eu des effets majeurs. D'abord, il est apparu deux tendances absolument néfastes: le néoconservationisme et la démocratie esthétique. Ces tendances-là se manifestent par une volonté de conservation à outrance de tout ce qui nous vient du passé, par la diabolisation de la démolition et par même le refus de corriger les erreurs du passé dans l'architecture des vedettes du mouvement moderne.
Ces tendances sont responsables de nouvelles pratiques, qui sont des pratiques déviantes dans l'aménagement: le façadisme en architecture, encouragé par le ministère de la Culture, notamment dans le cas de la façade de l'église Saint-Vincent-de-Paul; le fétichisme de la ruine, dont on a un exemple à Québec aussi, avec l'ancienne église de Sainte-Foy; le vandalisme d'embellissement, encouragé par la Commission de la capitale nationale, qui a des programmes de tatouage et d'éclairage spectaculaire des monuments publics.
Le Président (M. Curzi): Merci, M. Larochelle. Je vais maintenant passer la parole à Mme la ministre.
Mme St-Pierre: Merci, M. Larochelle. Sur la question des inventaires, j'aimerais ça vous entendre concrètement, là. Vous n'êtes pas satisfaits, là, manifestement, des inventaires qui sont en cours ou qui ont été faits. Mais concrètement comment devrait... Vous dites qu'on ne peut pas faire d'inventaire en paysages parce que ça prend une caractérisation. Mais les inventaires de notre patrimoine, par exemple, religieux devraient se faire comment, de quelle manière pour que ça soit, à vos yeux, un inventaire qui soit crédible?
M. Larochelle (Pierre): On peut faire des inventaires d'exceptions, de choses qui sont exceptionnelles. Les monuments historiques, on faisait des inventaires, parce qu'un monument historique, c'est un objet auquel on attribue une valeur exceptionnelle soit pour l'art soit pour l'histoire. Bon. C'est des exceptions.
Mme St-Pierre: Ça, ce n'est pas plus facile.
M. Larochelle (Pierre): Si on adopte une vision élargie de l'idée de patrimoine qui ne porte plus sur les exceptions mais sur la manière d'habiter d'un peuple, sur ses valeurs, sur les types architecturaux dans lesquels cette population vit, sur les pratiques constructives, sur les courants esthétiques auxquels nos ancêtres ont adhéré, sur la manière de prendre possession du territoire, sur la manière d'exploiter les ressources d'un territoire, sur la manière de découper le territoire avec des lotissements agricoles et urbains, bien on ne peut pas faire d'inventaire de ça. On peut définir les règles culturelles qui étaient appliquées par habitus, comme dit Pierre Bourdieu, de façon... par conscience spontanée, par une population qui vivait sur le territoire. Et la caractérisation consiste à identifier ces règles fondatrices de l'identité territoriale et de se servir de ces règles pour réglementer les processus de transformation, c'est-à-dire avoir des mécanismes de contrôle des transformations des milieux anciens et des mécanismes d'encadrement des projets d'intervention sur des bâtiments anciens, ou dans des tissus urbains anciens, ou dans des quartiers anciens.
Mme St-Pierre: Et, si on... Bon, on parle... vous parlez de monuments, bâtiments, architecture. J'essaie vraiment de... J'essaie de comprendre votre pensée, parce que vous êtes quand même quelqu'un, là, qui se penche là-dessus depuis plusieurs années, alors vous avez une longue expérience. On commence où? C'est quoi, la première étape? Est-ce qu'on fait des phases? Est-ce que... Ça commence comment, un inventaire idéal?
M. Larochelle (Pierre): On ne fait pas d'inventaire, on fait des études de caractérisation.
Mme St-Pierre: Excusez-moi, oui.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Larochelle (Pierre): Votre ministère...
Mme St-Pierre: Je vais avoir un E.
M. Larochelle (Pierre): Votre ministère a récupéré...
Des voix: ...
M. Larochelle (Pierre): Votre ministère a récupéré certains éléments du vocabulaire avec le développement des connaissances, puis ils ont fait des études qu'ils ont baptisées «études de caractérisation». Bon, ils en ont fait pour certains arrondissements historiques, pour l'arrondissement naturel de Percé, par exemple. Puis ensuite on me les envoie, parce que je suis sur une liste d'envoi, bien que je sois persona non grata dans votre ministère. Ces inventaires... ces supposées études de caractérisation qui sont faites au Québec, c'est des ramassis de données inutiles, disparates, faites sans méthode et qui sont inutiles à la fois pour gérer le patrimoine et pour aménager le milieu ou contrôler les transformations du milieu. Bon.
Quand j'ai reçu les premières études, j'ai écrit au ministère puis j'ai dit: Écoutez, vous êtes à côté de la plaque avec ça, là, vous ne savez pas ce que c'est, des études de caractérisation, je vais aller vous en parler. Bon, l'ancien directeur des programmes m'a invité. Je suis allé en parler. Ensuite, il m'a téléphoné, le lendemain, il m'a dit: M. Larochelle, êtes-vous capable de nous faire une proposition pour élaborer un guide qui définirait comment on fait des études de caractérisation, comment on passe la commande pour faire des études de caractérisation, à quoi ça sert, qu'est-ce qu'il y a dedans, comment on fait le design de ce genre d'études là, comment on définit les objectifs pour avoir des résultats qui sont utiles à des fins d'aménagement ou de conservation de patrimoine? J'ai travaillé là-dessus pendant une dizaine de jours, j'ai envoyé une proposition. Il partait à la retraite quand il l'a reçue. Il m'a dit: Je donne ça à la direction... au directeur du patrimoine. Il va donner suite. Le directeur du patrimoine a pris ça, il a mis ça dans la poubelle sans accuser réception. Bon.
Ensuite, à deux reprises -- ce n'est pas moi qui ai été invité -- le Conseil des monuments et sites a été invité à des présentations d'études de caractérisation des paysages de Sillery puis l'arrondissement de Québec. Le conseil m'a délégué pour les représenter. Je suis allé là, j'ai écouté ces études-là, j'ai écrit au ministère, j'ai dit: Quand vous ferez le rapport de la réunion, ne mettez pas mon nom dans les personnes présentes parce que j'aurais l'air de cautionner ça. Si vous voulez savoir c'est quoi, des études de caractérisation et comment ça se fait, la caractérisation des paysages, je vais y aller, vous en parler, gratuitement. J'habite de l'autre bord de la rue. Bon.
Et ça s'adonne qu'une couple d'années avant, j'ai été invité par le Conseil de la recherche scientifique d'Argentine, qui organisait un colloque international sur la protection des paysages culturels en tant que biens culturels. Ils m'ont téléphoné et ils m'ont dit: M. Larochelle, vous êtes un expert mondial de ces questions, on veut absolument que vous veniez. vous allez faire la conférence d'ouverture à notre colloque international, puis on veut que vous passiez quelques jours avez nous pour parler de ces questions-là. On vous paie le transport, l'hôtel. On met un chauffeur à votre disposition avec une voiture puis on vous loue une suite dans un hôtel. Je suis allé leur en parler pendant quelques jours.
J'ai dit au ministère: Bien, si vous voulez que je vous en parle, je vais vous en parler avec plaisir. La réponse, ça a été: On n'est pas intéressés.
Le Président (M. Curzi): Est-ce que vous voulez en parler maintenant?
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Curzi): Excusez-moi, mais, Mme la ministre... C'est parce que le temps file, monsieur, puis il nous reste...
Mme St-Pierre: Ça va, moi, je n'ai plus de question.
Le Président (M. Curzi): Est-ce qu'il y a... M. le député de Lévis.
M. Lehouillier: Oui. Bien, moi, c'est sur le contrôle esthétique. Vous dites que «les mécanismes [qui sont] utilisés pour le contrôle des transformations dans les arrondissements historique et les aires protégées reflètent la réduction de la valeur architecturale des édifices à la seule dimension esthétique. En pratique, ils ne portent que sur l'apparence et la symétrie des façades qui donnent sur l'espace public collectif.» Et c'est là que j'aimerais, là, dans l'autre bout, peut-être avoir un peu plus de... Parce que, là, ce que vous dites, c'est qu'«ils ne portent que sur l'apparence et la symétrie des façades[...]. Les édifices ne sont pas appréhendés dans toute leur "épaisseur typologique". L'architecture est regardée comme un système d'images superficielles sans considération pour la cohérence des relations syntaxiques entre les caractères distributifs, constructifs et stylistiques qui est l'apanage de l'architecture de qualité.» Qu'est-ce que vous voulez dire par cet élément-là par rapport au «contrôle des transformations dans les arrondissements historiques et les aires protégées»?
**(18 heures)**M. Larochelle (Pierre): Bien, prenons l'exemple de Québec. Il y a une commission qui a des pouvoirs particuliers, à Québec, pour le patrimoine. Son mandat a été écrit en 1922 et son mandat dit qu'ils doivent s'occuper de l'apparence et de la symétrie des bâtiments, point final. Bon. Si vous voulez avoir la preuve de ce que je dis, qu'on est en train de massacrer tous les intérieurs des bâtiments dans les arrondissements historiques, notamment à Québec, allez sur le site d'Evelyn Péladeau puis regardez les condos à vendre dans le Vieux-Québec, qui sont finis comme des écuries, parce qu'on a saccagé toute la finition intérieure pour mettre les murs à la pierre, comme il y avait dans les écuries, autrefois, où on mettait les chevaux, puis on a défait toutes les structures des plafonds, souvent, pour montrer la structure, qui était cachée à l'origine. Parce qu'on ne protège pas le patrimoine architectural, on protège certaines façades, point final.
En plus, il y a une autre chose qui est importante, je pense, dans mon mémoire. Il y a quelques années, j'ai donné une série de cours pour Villes et villages d'art et de patrimoine. Un jour, je donnais un cours de perfectionnement à ces gens-là. J'avais parmi les étudiants des gens qui venaient de 15 MRC différentes de la province. Je leur ai dit: Avant de venir à mon cours, vous allez m'apporter la copie d'une réglementation adoptée par votre MRC pour un PIIA, c'est-à-dire pour une aire qui est protégée parce que c'est supposé être une aire de patrimoine architectural. Et je leur ai donné comme exercice d'analyser le contenu de ces réglementations-là avec des critères, notamment des critères d'ordre juridique.
Le résultat, c'est que, dans la plupart des règlements adoptés au Québec en matière de PIIA, les objectifs sont des lieux communs et des préjugés et les critères sont tellement flous qu'ils n'ont pas de sens et qu'en vertu d'une théorie en loi qui dit «void for vagueness», ces règlements-là, n'importe qui qui irait en cour les ferait casser par un juge n'importe quand, parce que, si tu demandes à quatre personnes différentes de les appliquer, ils peuvent arriver à quatre résultats différents. Finalement, c'est des règlements qui donnent le pouvoir à un petit groupe de citoyens dans les comités consultatifs d'urbanisme d'imposer leurs goûts et leurs préférences personnelles à leurs concitoyens, parce que c'est fondé non pas sur des analyses objectives, des études de caractérisation du milieu, mais sur un certain nombre d'énoncés qui ne veulent rien dire, comme: Bien, il faut préserver le cachet, il faut préserver le caractère des maisons anciennes. Bon...
Le Président (M. Curzi): M. Larochelle, je m'excuse, le temps est écoulé et je vais passer la parole à l'opposition. M. le député de Drummond, s'il vous plaît.
M. Blanchet: C'est quasiment un exercice périlleux que de vous poser une question. Mais je m'y hasarderai quand même. Le moins qu'on puisse dire, si le terme est valable, c'est que le mémoire a du tempérament. C'est très relevé et très direct, comme propos Et ce que je comprends... mais je comprends d'emblée que nous sommes tous des profanes et donc je vous demande d'être indulgent par rapport à notre manque de connaissances. Je comprends que, lorsqu'on parle d'études de caractérisation plutôt que d'inventaires, c'est qu'il y a une question de dynamique, une question d'intégration de l'ensemble d'un milieu et à la limite peut-être même quelque chose de presque organique dans un milieu donné.
Et assumons que j'aie la capacité d'être d'accord ou non et mettons que je suis d'accord. La science et la politique ont en commun d'être deux processus très longs. Et donc, même si, demain matin, l'État québécois disait: Nous voulons adapter nos politiques aux réflexions que vous avez menées pendant de nombreuses années et qui sont manifestement d'un intérêt remarquable -- ça, c'est très clair pour moi -- c'est comme un peu une révolution, là, de passer des façons de faire actuelles, des concepts très vagues ou très incertains actuels et aller vers un niveau beaucoup plus étoffé, ça prendrait des années.
Il y a, dans notre actualité -- malheureusement, les lois arrivent souvent juste à ce moment-là -- une certaine notion d'urgence par rapport à une dynamique sur l'ensemble du territoire québécois qui parfois est très terre à terre dans les préoccupations des citoyens. J'ai envie de vous demander: Dans l'intervalle entre le moment où l'État québécois dirait: Oui, nous voulons nous appuyer sur vos travaux, entre ce moment-là et que ça devienne applicable, que fait-on, que fait-on en termes d'encadrement pour tous les enjeux qui deviennent urgents en matière de ce que nous appelons présentement le patrimoine?
M. Larochelle (Pierre): Il ne s'agit pas de s'appuyer sur mes travaux, sauf les travaux que j'ai faits de caractérisation du milieu québécois, mais sur l'état de la connaissance. Le problème... Ce que je demande, au fond, là, c'est que... Au Canada et au Québec, présentement, les instances qui gèrent le patrimoine ont une approche affective. Ils s'occupent de sensibilisation, de valorisation. Ils font des énoncés de valeur, mais la valeur, comme dit Bertrand Russell, c'est complètement étranger à la science et à la connaissance. Ça relève de la morale. Et les valeurs patrimoniales ne sont pas des valeurs pérennes, c'est des valeurs relatives, c'est des valeurs qui changent dans le temps et c'est fondé sur des jugements subjectifs.
Moi, ce dont je m'occupe, c'est la connaissance. La connaissance et l'affectivité, c'est autre chose. La connaissance, c'est la connaissance des faits particuliers, des lois, des principes, des notions, des concepts, des méthodes -- ça, c'est le niveau 1 -- la compréhension, niveau 2, le jugement critique, niveau 5. Ça, c'est la connaissance. Moi, je suis un chercheur, et tout ce que je sais sur le patrimoine, je l'ai appris dans des réunions de scientifiques et de chercheurs puis en lisant les recherches dans le domaine.
M. Blanchet: La connaissance à l'état brut n'a pas d'intention. Déposer un mémoire dans le cadre d'une commission parlementaire procède d'une intention, l'intention que les choses soient mieux faites. Elles ne peuvent pas être faites à la hauteur ou en fonction -- à tort ou à raison, là, il pourrait y avoir d'autres opinions -- de ce que vous suggérez ou de ce que vos travaux suggèrent à court terme. Il y a des enjeux à court terme.
M. Larochelle (Pierre): Le mal est une donnée lente à réduire.
M. Blanchet: Mais, dans l'intervalle, pour qu'il fasse le moins de mal possible, ce mal, quelles seraient vos suggestions?
M. Larochelle (Pierre): La première suggestion, ce serait que, dans ce domaine, les instances responsables prennent, pour les conseiller, des gens qui ont les connaissances. Quand tu prends un curé puis tu le nommes à la commission qui est responsable de conseiller la ministre en matière de patrimoine, bien ça donne ce que ça donne.
M. Blanchet: ...
Le Président (M. Curzi): Oui, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, à vous la parole.
Mme Poirier: Merci. J'ai vu que vous avez fait plusieurs travaux et plusieurs présentations en lien avec le paysage culturel. Moi, je m'interroge beaucoup entre la Loi de l'aménagement et l'urbanisme et cette notion de paysage culturel, et j'aimerais ça vous entendre. On sait que, dans les processus que l'on a à faire, quand on est une MRC, en vue d'établir son plan d'aménagement il y a des notions à tenir compte. On a entendu l'île d'Orléans nous parler de périmètre et de... pour protéger le paysage. J'aimerais ça vous entendre sur: Quelles sont les notions en lien avec la Loi de l'aménagement et de l'urbanisme et cette notion de paysage culturel là? Moi, j'ai un problème de lecture parce que, bon, mon passé est aux Affaires municipales. Pourquoi on vient introduire dans cette loi-là le paysage culturel et pourquoi on ne laisse pas ça du domaine de la Loi de l'aménagement et de l'urbanisme?
**(18 h 10)**M. Larochelle (Pierre): Parce que, bon, actuellement, la gestion du patrimoine relève d'une logique sectorielle, comme à peu près tout l'aménagement dans notre milieu. La position relative des écoles, c'est les commissions scolaires. La position des hôpitaux, c'est une autre instance, Hydro-Québec fait ses affaires, etc. Puis on a des instances qui s'occupent du patrimoine puis on a d'autres instances qui s'occupent de l'aménagement du cadre bâti.
Alors, si on a une vision intégrée du patrimoine, il faut avoir une gestion intégrée de l'aménagement et qui inclut la protection du patrimoine. C'est-à-dire, il faut sortir ça d'un ghetto spécialisé, et c'est les lois sur l'aménagement, c'est les lois sur les transformations des milieux, c'est l'encadrement des projets d'intervention d'un milieu qui doit prendre en charge la gestion du patrimoine. Mais ça, ça veut dire un changement dans la manière d'aborder les questions de patrimoine.
La première étude que j'ai faite de caractérisation des paysages, ça a été sur l'île d'Orléans, en 1994, pour conclure que les lois, au Québec, interdisent le maintien et la reproduction des milieux bâtis qui sont considérés comme les mieux réussis. La structure des villages sur l'île d'Orléans, c'est interdit de conserver leur caractère essentiel par les lois existantes sur l'aménagement au Québec et c'est interdit de les reproduire. Et toute la croissance des villages, tous les nouveaux développements qui se greffent autour viennent détruire... sont contraires aux règles fondamentales de croissance normale de ce genre d'agglomération.
Les rues, à Saint-Pierre île d'Orléans, là, qui s'en vont dans toutes les directions, n'importe comment, sans tenir compte du périmètre du village, sans tenir compte des règles fondamentales d'organisation de notre milieu tel qu'il a été hérité, qui étaient d'être capable d'aller de n'importe quelle maison à n'importe quelle autre du village à pied en 10 minutes de marche... Et tout notre milieu bâti était fondé sur des distances de marche parce qu'il n'y avait pas d'autobus jaune avant 1960 puis il ne fallait pas que les enfants se gèlent les oreilles en allant à l'école. Puis donc il y avait des paroisses dont la dimension était déterminée par des distances de marche. Bon.
Aujourd'hui, on met les écoles n'importe où parce qu'on transporte les enfants dans les autobus jaunes. Puis, dans les villages, bien, on agrandit le village n'importe comment sur des terres, de sorte que les enfants ne sont plus à distance à pied pour aller à l'école, alors qu'il y aurait plein de place pour agrandir le village en gardant ces caractères-là. Mais le patrimoine urbain, territorial, c'est ça, puis, le patrimoine urbain territorial, il n'y en a même pas mention dans le projet de loi n° 82.
Mme Poirier: Merci.
Le Président (M. Curzi): Bien, merci, M. Larochelle, de votre présence.
Ceci termine notre première journée d'audiences publiques sur la loi n° 82.
(Fin de la séance à 18 h 12)