(Quatorze heures une minute)
Le Président (M. Marsan): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
La commission est réunie afin de procéder aux auditions dans le cadre de l'étude des pétitions concernant les cours d'éducation à la sexualité.
Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Boucher (Johnson) remplace M. Blanchet (Drummond).
Auditions
Le Président (M. Marsan): Alors, je voudrais simplement rappeler que vous avez... Et d'abord je voulais souhaiter la bienvenue à nos invités, et c'est très agréable d'avoir le centre d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel. Et vous venez, vous, de l'Estrie, votre groupe, c'est ça? Et ce qu'on va faire pour tout l'après-midi, nous allons permettre aux gens qui se présentent devant nous de faire un exposé d'environ 20 minutes, un peu plus, un peu moins, là, vous le déciderez. Ensuite, il y aura une période d'échange de 40 minutes entre les députés. Et j'aimerais vous céder immédiatement la parole en vous demandant de vous présenter et de présenter les gens qui vous accompagnent.
Centre d'aide et de lutte contre
les agressions à caractère sexuel
de l'Estrie (CALACS-Estrie)
Mme Roireau (Marjorie): Donc, bonjour. Mon nom est Marjorie Roireau. Je suis intervenante et porte-parole du CALACS de l'Estrie. Sont en ma compagnie Mme Yénisse Alvarez, qui est directrice du CALACS de l'Estrie, et Mme Josée Anctil, ancienne travailleuse du CALACS et consultante pour le CALACS de l'Estrie.
Donc, pour débuter, je vais commencer par vous parler un peu du CALACS de l'Estrie, donc le centre d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel. Les CALACS existent depuis environ 33 ans. Pour ce qui est du CALACS de l'Estrie, ce fut un des premiers CALACS qui a été créé au Québec. La majorité des CALACS travaillent dans le but d'avoir des relations égalitaires hommes-femmes, donc avec l'approche féministe. Pour ce qui est du CALACS de l'Estrie, on a un mandat de prévention, d'aide et de lutte en lien avec les agressions à caractère sexuel. Au CALACS de l'Estrie, nous avons développé une expertise spécifique en lien avec les animations et la prévention des agressions à caractère sexuel.
Nous sommes actives et surtout proactives dans divers dossiers que nous avons pour nous permettre d'aller toujours un peu plus loin dans nos réflexions et dans nos actions afin d'être toujours avant-gardistes par rapport à la problématique. Nous travaillons bien sûr toujours à sensibiliser particulièrement les jeunes aux relations égalitaires hommes-femmes.
Aujourd'hui, pour expliquer tout le pourquoi, on a décidé de déposer une pétition. Je crois que c'est vraiment nécessaire pour nous de vous présenter tout le cheminement de nos réflexions, puisque la sexualité des jeunes est notre préoccupation principale depuis 2005. Donc, comme je suis arrivée en poste en 2008, je vais, pour débuter, céder la parole à Mme Josée Anctil, qui a été l'initiatrice de tout ce dossier-là. Donc, elle pourra vraiment vous mettre en contexte et vous présenter le départ de tout ce projet-là.
Le Président (M. Marsan): Mme Anctil.
Mme Anctil (Josée): Bonjour. Donc, comme Marjorie disait, je suis une ancienne travailleuse du CALACS de l'Estrie. Je suis arrivée en poste au CALACS en 1995 et j'ai quitté en 2008. Et puis c'était mon mandat à moi, comme travailleuse, que de rencontrer les jeunes en milieu scolaire, que de faire des animations. Et puis, à la base, les animations étaient agressions à caractère sexuel, animation sur la sexualité et les rapports égalitaires. Et puis, à un moment donné, dans ma pratique, dans mon travail en milieu scolaire auprès des jeunes, je revenais au bureau puis je disais aux filles: Mon Dieu! il se passe de quoi, les filles, les questions changent, les questions ne sont plus les mêmes. Avant, je faisais des animations spécifiques agression; maintenant, je suis toujours obligée de déborder sur tous les modèles sexuels qu'on est en train de présenter aux jeunes. Les jeunes m'amènent là. Donc, je ne fermais pas la porte, j'allais là où les jeunes avaient besoin d'aller, et puis, à un moment donné, ce n'est plus juste les interrogations des jeunes qui ont changé, c'est des intervenants en panique qui se sont mis à appeler au CALACS de l'Estrie. Donc, tous les intervenants qui gravitent autour des jeunes, entre 2000 et 2005, il s'est mis à y avoir un vent, je dirais, à la limite, de panique, parce que les intervenants ne savaient plus comment parler de sexualité avec les jeunes compte tenu que les modèles sexuels avaient beaucoup, beaucoup changé. Et tout ça venait de ce qui nous était présenté au niveau d'Internet, donc on sait qu'il est très, très, très accessible, puis on a peu de... on peut bien rentrer un nom, on va arriver en quelque part des fois où... Et puis, là, les intervenants disaient: Qu'est-ce qu'on fait, nous, hein? On n'était pas plus habilités à répondre aux questions qu'ils ne l'étaient, on avait les mêmes préoccupations, c'est là où on s'est dit: Il faut faire quelque chose.
À un moment donné, il y a une intervenante d'une maison de jeunes, qui est la maison jeunesse à Sherbrooke, qui est probablement la plus vieille maison de jeunes à Sherbrooke... et puis l'intervenante m'appelle pour me raconter la situation suivante. Ils ne savent pas quoi faire parce qu'un matin il y a cinq jeunes, trois garçons, deux filles, qui ont cogné à la porte de la maison de jeunes -- mais on sait que les maisons de jeunes ne sont pas ouvertes de jour -- et ils sentaient beaucoup, beaucoup d'insistance sur le cogner la porte, donc il y a un intervenant qui a fini par aller ouvrir la porte. Et là il a rencontré cinq jeunes qui étaient à la maison des jeunes hier soir, des jeunes qui faisaient partie de leur bassin de jeunes, donc il les connaissait. Ces jeunes-là étaient partis de la maison de jeunes la veille, après une soirée, et puis se sont ramassés chez un des jeunes dont les parents n'étaient pas là. Ils ont fait des recherches Internet. Ils sont tombés sur des sites pornos. Les jeunes avaient 14 ans et ils ont eu la bonne idée de faire comme dans le site. Donc, l'insistance à la porte le lendemain matin, c'est que ces cinq jeunes-là de 14 ans, trois garçons, deux filles, avaient eu leur première relation sexuelle en groupe. Donc, sur le coup, ça avait été bien comique, mais le lendemain matin... Il faut avoir une maturité certaine, là, pour récupérer une sexualité comme ça le lendemain matin, et des jeunes de 14 ans ne l'avaient pas. Et c'est à partir de cette situation-là où on a réalisé l'ampleur du phénomène, là. Je ne parle pas de Montréal, de New York, on est à Sherbrooke, là.
Et puis là, comme intervenants, on se dit: Mais il faut faire quelque chose. Mais comment on le fait? Parce qu'on ne veut pas moraliser les jeunes. C'est facile de tomber dans... Le discours était beaucoup... On parlait beaucoup de l'hypersexualité des jeunes. Nous, on trouvait que c'était, au niveau moral, un peu tordu, comme adultes, d'aller parler aux jeunes de l'hypersexualité des jeunes quand, dans le fond, ces grandes stratégies marketing là qui sont mises en place, c'est par des adultes. Donc, c'est là où on s'est dit: Comment on le fait? Et comment on le fait sans moraliser? Et la seule... Là, on s'est dit: Il y a une réflexion qui s'impose et puis il faut proposer un contrediscours. Je ne peux pas me battre contre une grande structure comme la pornographie et puis le monde marketing qui entoure l'habillement et le cosmétique, mais par contre je peux au moins rentrer en milieu scolaire pour aller dire aux jeunes: Les jeunes, développez votre sens critique.
On est partis du principe aussi que les jeunes, à l'adolescence, ont, et Dieu merci, la capacité de tout remettre en question et on s'est dit: Bien, c'est là-dessus qu'on va les amener. Donc, quand le directeur de l'école vous propose quelque chose, vous pensez le contraire, quand vos parents vous disent de quoi, vous pensez le contraire, quand, moi, je vous dis de quoi, vous pensez le contraire, mais il y a une grande machine qui est en train de vous avaler, puis vous ne vous en rendez même pas compte. Ça fait qu'on va vous rendre critiques pas juste au niveau des adultes, on va vous rendre critiques au niveau de votre monde en général.
**(14 h 10)** Donc, dans un premier temps, ce qu'on s'est dit, c'est: Hypersexualisation? Non, ce n'est pas le traitement qu'on veut faire. On a parlé de sexualisation et marketing, donc comment tout le courant sociétaire est en train, au niveau marketing, de transformer les choses. On sait que le sexe, ça a toujours vendu, on le sait que ça vend davantage maintenant, donc aller expliquer aux jeunes ce qui est en train de se passer... Ça fait que, dans un premier temps, on a fait une première action concrète, ça a été de demander une subvention FRIJ, le Fonds régional d'investissement jeunesse, et on a créé un projet qui s'appelait Prévenir et agir ensemble. Donc, on ne veut pas juste réfléchir, on veut vous amener dans l'action. On ne veut pas vous dire quoi penser, on veut vous aider à développer votre sens critique. La bonne réponse, je ne l'ai pas, mais, à échanger ensemble, on va trouver vos propres solutions chacun dans vos milieux.
Donc, on a fait le projet, et la fin du premier projet se terminait par un concours qu'on a appelé gala S'exposer, où on a fait un concours dans tous les milieux scolaires, maisons de jeunes, écoles secondaires du territoire de l'Estrie, où on demandait aux jeunes de sensibiliser leurs pairs. Donc, quand on disait développer le sens critique, on ne veut pas dire quoi penser. On va vous demander de créer capsules radio, capsules télé pour sensibiliser vos pairs à ce phénomène-là de la sexualisation du marketing.
Le premier concours, un, ce n'est pas facile à ouvrir, on a eu un peu de difficultés. Le gala comme tel n'a pas été... la soirée, là, n'a pas été un vif succès, là. Si on serait partis de cette idée-là, on ne l'aurait pas refaite. Mais les objectifs par contre avaient tous été atteints au niveau de la jeunesse. Donc, la fête finale du gala, ça n'avait pas été très gagnant, mais tous les objectifs avaient été atteints, parce que les capsules qui avaient été créées par les jeunes étaient fort intéressantes et sensibilisaient les jeunes beaucoup plus que si, nous autres mêmes, comme adultes, on aurait eu ce discours-là. On l'a fait une première année, on a fait nos constats. On a décidé qu'on le reprenait une deuxième année.
La deuxième année, compte tenu que notre gala n'était pas notre grand coup, on s'est dit: Il manque de quoi. Donc, on a créé réellement une soirée et on a créé une journée complète. Donc, le concours a été mis sur pied, on a ajouté une catégorie. Donc, on avait télé, on avait radio. Donc, à ce temps-là, on était avec TQS, défunt TQS, et Génération Rock, qui était une radio locale à ce moment-là, et puis on a ajouté la catégorie affiches et slogans avec le journal La Tribune, qui couvre le territoire de l'Estrie, donc trois catégories. Ce qu'on avait ajouté, c'est une journée de réflexion estrienne, une journée de réflexion-action pour l'ensemble du territoire. Et là on invitait tous les gens qui gravitent alentour des jeunes et les jeunes à venir à une journée de conférence où chaque conférence terminait avec une réflexion, une réflexion à trois niveaux.
Moi, comme individu, après ce que j'ai entendu, qu'est-ce qui a changé? Deux, dans mes milieux scolaires, dans mes milieux de maison jeune, quelles sont les actions qu'on pourrait mettre en action? Et, trois, comme société, qu'est-ce qu'on devrait faire? Donc, toujours les trois niveaux d'échange, le personnel, le groupe, le collectif pour être capable d'arriver à des actions. On vous remettra tantôt le document qui a colligé les quatre conférences, et puis, après chaque conférence, vous allez avoir toutes les pistes d'action qui ont été dégagées par les jeunes, par les intervenants. Cet outil-là, on le voulait justement en action, un outil qu'on pouvait redéposer dans les milieux puis que les gens pouvaient déjà aller regarder dedans puis dire: Moi, dans mon milieu scolaire, je pourrais essayer ça, les jeunes ont dit que ça, ce serait intéressant, puis partir réellement des idées de jeunes pour faire de la prévention, de la sensibilisation intéressante.
Donc, un des outils qu'on a créés, quand on dit: Développer le sens critique des jeunes, il faut utiliser le médium. Donc, ce qu'on a fait, c'est qu'on a acheté des revues pornographiques, et puis on a acheté des revues adolescentes, et puis on a fait un jeu qu'on a appelé ado-porno, et puis on va le faire ensemble. J'ai juste trois cartons, là, mais, quand on parle de développer le sens critique, ça part de là. Donc, si je vous demande, dans ces deux images-là, de me dire laquelle vient de la revue pornographique et laquelle vient de la revue adolescente, ça plisse des yeux, généralement j'ai toujours la même réaction, c'est que les gens ne le savent pas, c'est quoi. Ça fait que, toi, tu dis: Elle, c'est? Porno? C'est ado. Celle-là, c'est porno. O.K.
Donc, c'est ça qu'on voulait démontrer aux gens et au milieu. Nous ne sommes même plus, nous, comme adultes, en mesure de faire la différence entre ce qui fait partie de la porno et ce qui fait partie du monde de nos ados. Si, nous, on a de la misère à le faire, imaginez nos adolescents, qui n'ont pas le sens critique puis le bagage qu'on a. Si je vous dis: Laquelle vient de la revue adolescente, laquelle vient de la revue pornographique?
Mme Charbonneau: B, c'est la revue adolescente.
Mme Anctil (Josée): La revue adolescente? La revue pornographique. Vous voyez, on a toujours jumelé des types d'images qui, dans le traitement de l'image, dans les couleurs des sous-vêtements, sont les mêmes. Je vous demande celle-là: Laquelle vient de la revue porno, laquelle vient de la revue ado?
Mme Richard (Marguerite-D'Youville): On ne voit pas bien. On ne voit pas bien.
Mme Anctil (Josée): Oui. Bien, je vous dirai que celle-là, ça vaudrait la peine qu'on la fasse circuler parce que c'est celle-là ici, la revue adolescente, et on voit un mamelon.
Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Oui, mais l'autre, c'est la position, je pense, hein?
Mme Anctil (Josée): Oui. Elle, ici, vous voyez, le débardeur, là, il est tellement petit, là, que, dans la revue adolescente, on est en mesure de trouver un mamelon. Il y a des revues pornographiques dites soft qu'on ne voit pas. On voit du sous-vêtement, on voit de l'érotisme, mais on ne voit pas de partie de corps. Puis on a été capable, dans une revue adolescente, de voir un bord de mamelon. C'est questionnant quand on vend ça. Puis les revues adolescentes, ce n'est pas les filles de 16 ans qui les consomment, c'est les petites filles de 12, 13 ans, Cool, Adorable et compagnie, on donne ça à Noël. Généralement, la marraine donne ça en cadeau d'abonnement pour Noël, là. O.K.? Si elle savait réellement ce qu'il y a dedans comme contenu, je ne suis pas sûre qu'elle lui achèterait, je pense qu'elle l'abonnerait au Reader's Digest. Donc, c'est comme ça, c'est le type d'outil qu'on a voulu se créer.
Yénisse va vous distribuer le document, là, qui collige, là, toute la journée, et vous allez voir, là-dedans, il y a la première conférence et la conférence du CALACS de l'Estrie sur le marketing et la sexualisation. La deuxième conférence, c'est sur... donnée par le centre de santé des femmes: C'est quoi, l'impact sur la santé des jeunes? La troisième conférence, c'est les médias: C'est-u de la faute aux médias, tout ça? On s'est questionnés ensemble avec des gens des médias de notre territoire. Et la quatrième conférence, c'est donné par un sexologue émérite de notre territoire, là, qui, lui, l'a installée plus dans une vision sociétaire: C'est quoi, l'impact que ça a?
Puis notre questionnement, ce n'est pas les filles, c'est les adolescents. Parce que j'ai beau aider une jeune fille à prendre sa place, si je n'apprends pas à un jeune garçon en même temps à avoir le respect autant au niveau de la jeune fille que du garçon, dire: Regarde, la sexualité, ça se vit dans un rapport égalitaire de respect... Et c'est aux deux niveaux qu'il faut que j'aille rencontrer les jeunes.
Ça fait que, sur ce, là, c'est là, moi, j'ai quitté le CALACS de l'Estrie, j'ai passé le mandat à Marjorie, puis Marjorie va vous dire où est-ce qu'elle en est rendue par rapport à ça.
Le Président (M. Marsan): Alors, Mme Roireau.
Mme Roireau (Marjorie): Oui. Donc, suite à ces deux événements-là, les deux galas, le CALACS a continué, dans le fond, de rouler sa bosse, puisqu'il y a énormément de demandes d'animation qui ont été faites en lien avec la sexualisation et le marketing. On faisait le tour de beaucoup d'écoles, beaucoup de niveaux, beaucoup de classes qui ont été rencontrés. Sauf que, là, en 2008, je suis arrivée en poste, et arrive un moment un peu crucial dans le développement de tout ce projet-là, puisqu'à la fin de l'année 2008, pour ce qui est du territoire de l'Estrie, tous les cours de formation personnelle et sociale ont été retirés de la grille horaire. Donc, les professeurs n'avaient plus l'espace pour faire venir des organismes comme le CALACS ou comme d'autres organismes qui pouvaient aller parler avec les jeunes de la sexualité, du marketing, de développer son sens critique, donc plus d'espace pour répondre au questionnement des jeunes.
Donc, suite à ça, bien, on a rencontré beaucoup de gens, d'intervenants, de professeurs, de jeunes, de parents, tout le monde se désolait un peu de l'absence de ce cours-là. Le cours Formation personnelle et sociale n'abordait pas que la sexualité, il y avait d'autres volets aussi, mais c'était le seul moment où on abordait un peu ce volet-là. Donc, plusieurs personnes se désolaient un peu de ce manque-là, que c'était donc dommage qu'il n'y avait plus le cours d'éducation à la sexualité, mais personne n'avait vraiment posé d'action en lien avec ça, personne n'avait nécessairement revendiqué plus haut pour demander le retour de ce cours-là. Donc, comme on avait déjà des préoccupations avant, imaginez maintenant qu'il n'y a plus le contenu, nos préoccupations ont comme doublé, parce que ce n'est pas parce qu'on ne donne plus le contenu que les jeunes n'ont plus les questions qui vont avec.
**(14 h 20)** Donc, ce qu'on a fait, c'est qu'en 2010 on a décidé d'aller interpeller les gens qui prennent un peu les décisions en lien avec ça. Donc, c'était la Marche mondiale des femmes 2010. Elle portait une revendication qui parlait d'une demande de retour des cours d'éducation à la sexualité. Donc, nous, en juin dernier, on a une semaine de prévention des agressions à caractère sexuel, on s'est dit: Qu'est-ce qu'on fait? Il faut parler de ça. Donc, on s'est dit: Il y a la Marche mondiale des femmes, on profite de cette opportunité-là, on veut aller porter la voix des gens qu'on rencontre un peu partout jusqu'à l'Assemblée nationale, donc on part une pétition. Donc, c'est de là qu'est né le projet de la pétition. Donc, on a passé un peu de l'étape de la réflexion à l'action.
Il y a plusieurs impacts, dans le fond, au fait qu'il n'y a plus ce cours-là. Dans le fond, nous, ce qu'on observe, c'est que justement, comme elles n'ont plus le contenu, bien ils ont toujours les questions, ça fait que malheureusement, comme Josée l'a dit, ils vont souvent se retourner vers le moyen le plus rapide, accessible et efficace, qui se nomme Internet, qui a eu de très bons côtés mais de moins bons. Donc, malheureusement, toute personne qui a déjà surfé sur Internet sait que ce n'est pas la réalité, au niveau de la sexualité, qui va leur être malheureusement présentée.
Donc, les impacts qu'on peut constater en parlant avec des jeunes, des professeurs, des intervenants, c'est qu'il y a beaucoup de questionnements en lien avec les relations amoureuses, la sexualité. Les jeunes ont très peu d'expérience au niveau de la sexualité mais un vocabulaire très développé au niveau de la génitalité et de la pornographie. Les frontières entre ce qu'est le privé et le public sont de plus en plus floues. Quand on regarde tous les phénomènes des webcams, téléréalité, il y a beaucoup d'ouverture sur où est l'intimité, tout devient public, finalement. Les jeunes ne connaissent pas non plus leurs propres limites, mais ils sont propulsés tout de suite dans une sexualité plus d'adulte. Donc, si on n'est pas capables de mettre nos limites, bien, bien sûr on va être plus à risque de vivre des expériences qui vont plus ressembler à des agressions à caractère sexuel qu'à des premières fois. Donc, on évacue aussi beaucoup toute la relation... toute la dimension relationnelle, les émotions, la relation de couple, ça fait que ça va être beaucoup axé au niveau de la génitalité, de la mécanique de la chose.
Il y a beaucoup aussi, en lien avec ce qui leur est présenté, une pression de performance. Pour avoir parlé avec des jeunes adolescents, quand l'image qu'on te présente beaucoup, au niveau de la pornographie, c'était beaucoup la performance puis l'homme qui va, ouf, en satisfaire plus qu'une à la fois, quand tu es un adolescent puis c'est tes premières relations sexuelles puis que tu as cette pression-là, bien il y a probablement beaucoup de dévalorisation en lien avec les modèles qui sont présentés. Puis malheureusement c'est que ça entretient beaucoup de stéréotypes hommes-femmes. Dans la pornographie, ce n'est pas l'égalité entre les sexes qui est présentée, malheureusement, puis c'est même jusqu'à la violence sexuelle. Donc, nous, comme intervenantes qui travaillent avec des victimes, on est vraiment, vraiment inquiètes de ça.
Donc, pourquoi remettre ce cours-là d'éducation à la sexualité? Bien, parce qu'actuellement, dans le programme scolaire, le seul endroit où on va aller un peu parler de sexualité, c'est via le cours Sciences et technologies. Et, dans ce cours-là, on va parler plus de biologie sexuelle, la mécanique, les hormones, et tout ça. Bon, c'est très bien, là, il faut en parler. Par contre, nous, la position qu'on a, c'est que la sexualité, c'est tellement plus que ça.
On parle beaucoup d'infections transmises sexuellement, oui, c'est extrêmement important d'en parler, mais tout le volet relationnel, les valeurs, les choix, qu'ils puissent échanger ouvertement, présentement il n'y a rien d'inscrit qui oblige les enseignants à aborder plus que ça, et c'est beaucoup traité comme une compétence transversale. Malheureusement, ce n'est pas parce qu'on est un professeur de français, de mathématiques, d'anglais, qu'on est nécessairement à l'aise de parler ouvertement de sexualité, puis même, pour avoir parlé à des professeurs, des professeurs qui se sentent dépassés par les questions qui vont leur être posées par les jeunes...
Donc, finalement, ce que ça dit, c'est que tout le monde doit s'occuper un peu de ça, ce sujet-là, la sexualité. Mais je pense que, pour peu importe qui, si vous avez déjà travaillé dans une équipe de travail, dire que tout le monde va le faire, c'est dire que personne ne va le faire. Donc, ça devient un peu le sujet que personne ne veut aborder, puis on se lance la balle.
Donc, comment est-ce qu'on va savoir, dans ce contexte-là, qu'est-ce qui est transmis aux jeunes et comment c'est transmis aux jeunes, puisque, bon, le professeur n'a peut-être pas nécessairement... si, pour lui, la sexualité, c'est quelque chose qui n'est déjà pas très épanoui ou dans lequel il vit des problématiques, bien qu'est-ce qu'on va transférer finalement à ces jeunes-là comme contenu?
Il y a également toute la dimension de l'égalité entre les sexes. Au Québec, on en parle souvent, l'égalité entre les sexes, c'est quelque chose qui est non négociable. On voulait même entrer ça dans une espèce de charte, c'était vraiment, vraiment important. Mais, malheureusement, dans tout ce qui leur est présenté, ce n'est pas ça, l'égalité. Mais tout ça, c'est des valeurs qui doivent leur être transférées le plus tôt possible.
Donc, comment est-ce qu'ils vont apprendre à être en relation amoureuse et non pas que sexuelle -- parce que, s'ils veulent voir du sexuel, il peuvent en voir tant qu'ils veulent -- alors que tout ce qui leur est présenté évacue beaucoup tous les concepts d'apprivoisement, d'échange, de respect, le partage, la découverte? Donc, il faut vraiment donner un contrediscours à ce qui leur est présenté maintenant, qu'il y ait un espace réservé pour développer leur sens critique, comme Josée l'a dit précédemment. Pour nous, le CALACS de l'Estrie, on trouve que les cours d'éducation à la sexualité, c'est une nécessité. Puis même j'irais plus loin en disant qu'il y a une urgence d'agir parce que les jeunes, ils continuent de grandir, eux, ils n'attendent pas qu'on ait remis quelque chose sur le terrain, ils continuent de grandir avec des visions qui malheureusement ne sont pas collées sur la réalité.
Il y a plusieurs pistes d'intervention qui ont quand même été dégagées. Il y a plusieurs personnes qui se sont rencontrées et qui ont parlé de ça, plusieurs mouvements féministes. Donc, une démarche d'éducation sexuelle tout au long du cheminement scolaire, nous, on croit que c'est l'idéal, à partir même du primaire, avec, bien sûr, des sujets qui sont adaptés au développement psychosexuel des enfants mais aussi avec des gens qui sont compétents en cette matière-là, donc qui sont à l'aise de parler de ça. Ils sont à l'aise de répondre aux questions qui vont venir à ça aussi. Donc, il y a plusieurs sujets qui peuvent être abordés: le développement sexuel; l'identité garçon comme fille; les relations amoureuses, c'est quoi versus absence de relation aussi de pouvoir -- une relation amoureuse, ce n'est pas une relation où il y a une relation de pouvoir entre deux personnes; développer le sens critique par rapport à tout le contenu sexualisé qui leur est présenté; les rapports égalitaires hommes-femmes, c'est quoi; démystifier la sexualité de fond en comble; le plaisir, c'est quoi; démystifier la pression sociale en lien avec la sexualisation qu'il y a partout; l'univers affectif; les émotions; les choix en lien avec la sexualité; l'intimité; l'amour; la violence; la santé sexuelle.
Bref, en terminant, on est en train de vous distribuer quelque chose qui a été créé par des jeunes. Ce qui est très intéressant, c'est que c'est des garçons qui ont créé cet outil-là. Ça a été créé lors du dernier gala S'exposer. C'est le même concept... Vous connaissez Où est Charlie??
Une voix: Oui.
Mme Roireau (Marjorie): C'est le même concept. Eh bien, dans le fond, c'est: Comment ces jeunes-là vont réussir à trouver l'amour parmi toutes les pratiques qui leur sont présentées?
Mme Anctil (Josée): Ce sont des garçons de secondaire IV qui avaient créé cette affiche-là. C'est l'affiche gagnante de 2007.
Le Président (M. Marsan): Alors, ça termine votre exposé?
Mme Roireau (Marjorie): Ça clôt notre...
Le Président (M. Marsan): Et laissez-nous vous remercier bien sincèrement, là, pour la qualité de votre exposé. Je voudrais simplement rappeler que la séance que nous avons aujourd'hui, c'est suite à une pétition, pétition qui a été signée par 3 653 pétitionnaires et qui a été initiée par une intervenante du Centre d'aide aux personnes victimes d'agression sexuelle de l'Estrie, le CALACS, et il n'y avait pas de faits invoqués.
«Et l'intervention réclamée se [résumait] ainsi:
«Nous revendiquons que le gouvernement du Québec instaure des cours spécifiques d'éducation à la sexualité dans une perspective de rapports égalitaires, non sexistes et non hétérosexistes.» Alors, nous allons...
Une voix: ...
**(14 h 30)**Le Président (M. Marsan): Ah oui! Alors, on m'indique qu'effectivement il y avait deux pétitions qui ont été présentées qui ont été traitées en même temps et, sur l'une des deux pétitions, il y avait des faits qui ont été invoqués, vous allez me permettre simplement de les rappeler:
«Considérant que le programme de formation personnelle et sociale du ministère de l'Éducation a été graduellement aboli à partir de 2001 et que ce programme consacrait quelques heures à l'éducation sexuelle durant l'année scolaire, au primaire et au secondaire;
«Considérant qu'actuellement le contenu du programme d'éducation à la sexualité doit être transversal à toutes les matières et donc sous la responsabilité de tout le personnel de l'éducation avec pour résultat que peu le font ou se sentent à l'aise de le faire;
«Considérant que les cours d'éducation à la sexualité représentent le contexte idéal pour aborder les sujets tels les rapports égalitaires et respectueux ainsi que les stéréotypes sexuels et hétéronormatifs; «Considérant que l'éducation sexuelle à l'école fournit aux jeunes une occasion de développer un rapport critique face à la sexualité sexiste et stéréotypée qui leur est proposée dans les médias de masse;
«Considérant que des cours spécifiques d'éducation à la sexualité peuvent [modifier] les jeunes dans une réflexion autocritique quant à la nature de leurs comportements et attitudes sexuelles;
«Considérant que des cours spécifiques d'éducation à la sexualité pourront permettre aux jeunes de développer une meilleure estime de soi, un sens critique et des saines habitudes de vie, notamment au niveau des rapports égalitaires dans leur vie amoureuse;
«Et l'intervention réclamée [s'est résumée] ainsi:
«C'est pourquoi les soussignés demandent à l'Assemblée nationale d'exiger du gouvernement du Québec et du ministère de l'Éducation d'instaurer des cours spécifiques d'éducation à la sexualité dans une perspective de rapports égalitaires, non sexistes et non hétérosexistes.» Alors, la désignation, c'était les citoyens et citoyennes du Québec et, évidemment, ça a été certifié, les deux... les deux pétitions ont été jugées conformes et présentées à l'Assemblée nationale. Alors, c'est pour ça que nous sommes ici aujourd'hui. Notre commission, nous avons décidé de se saisir de cette pétition et d'essayer de comprendre un peu plus le message que vous vouliez nous transmettre.
Sur ce, nous allons immédiatement débuter la période d'échange entre les députés, et je vais céder la parole à notre collègue la députée de Mille-Îles.
Mme Charbonneau: Merci, M. le Président. Mesdames, que c'est intéressant de vous entendre. Je vais probablement aller dans l'ordre des intervenants, donc je vais commencer par vous Mme Anctil. Je reviendrai à Mme Roireau par après.
Puisque vous avez commencé en 1995, et on a annoncé le déclin du cours Formation professionnelle et sociale en 2001, est-ce qu'avant 2001 vos interventions ne se situaient qu'à l'école secondaire? Dans quelle tranche d'âge vous alliez jouer un peu?
Mme Anctil (Josée): Moi, personnellement, là, je vous dirais que toutes les portes m'étaient ouvertes. Donc, j'arrivais dans la vie des jeunes étudiants à partir généralement du secondaire I. Je vous dirais qu'il y a même des professeurs un peu plus interpellés qui pouvaient me faire venir en sixième année du primaire pour les préparer à entrer au secondaire, parce qu'ils... elles... Ils et elles étaient fortement interpellés parce que les jeunes entraient dans le secondaire l'année prochaine, dans un monde qui, pour les professionnels, leur faisait peur. De voir des enfants s'en aller dans le monde des adolescents, ça les inquiétait. Moi, là, je faisais toutes les écoles du territoire de l'Estrie, du secondaire I au secondaire V. Les écoles ne me faisaient pas venir une fois aux trois ans. C'était à toutes les années. Je rencontrais tous les groupes, je faisais des retours. Il y avait des étudiants qui m'avaient rencontrée.
10 ans plus tard, là, que j'ai donné, je rencontre encore des jeunes, moi, à l'épicerie où qu'ils me disent: Mme Anctil, je vous ai déjà rencontrée. Et puis à avoir ces discussions-là avec les jeunes, c'est de réaliser qu'on avait un impact certain quand on est là. Donc, les portes m'étaient toutes ouvertes, moi. Je n'ai pas vécu ce que Marjorie a vécu, pas du tout.
Mme Charbonneau: On ne parle pas des mêmes années non plus, là...
Mme Anctil (Josée): On ne parle pas des mêmes années.
Mme Charbonneau: ...puis du même contexte scolaire non plus, hein? Parce que là...
Mme Anctil (Josée): Non. On parle des mêmes questionnements de base qui vont en grandissant, parce qu'on s'entend qu'Internet on n'est pas rendus à la fin de... Mais c'est là aussi, dans la possibilité que j'avais de rencontrer beaucoup de jeunes. Tu sais, si je vous demande à vous autres: Savez-vous c'est quoi, un «bukkake»? Bien, généralement, là, je vous dirai que 98 % des adultes vont dire: je ne le sais pas. Si je m'en allais en milieu scolaire et que je posais cette question-là à un groupe de secondaire III, IV, j'avais au moins un ou deux garçons qui étaient capables de me lever la main puis me dire c'était quoi, un «bukkake» au niveau des pratiques pornos.
Mme Charbonneau: On peut s'entendre aussi pour dire que le vocabulaire a évolué de par les générations que nous avons été. Je me souviens, quand mes jeunes étaient petits puis que j'allais chez ma mère, ma fille était capable de dire le mot «vulve», ce que ma mère n'était jamais capable de prononcer. Elle s'enfargeait dans les lettres. Elle avait bien de la misère avec le mot. On était toujours dans les «weewees», puis les zouzounes, puis les choses comme ça.
Donc, le fait que le vocabulaire a évolué, et la performance de la technologie vient, j'imagine, parce que je ne... j'ai trois jeunes adultes, là, j'ai passé la période de l'adolescence avec... succès, c'est dur à dire. Mais j'ai passé la période de l'adolescence.
Une voix: ...
Mme Charbonneau: Oui. Non, c'est ça. Mais l'Internet, le vocabulaire, on peut dire que ça a fait probablement cheminer rapidement...
Mme Anctil (Josée): Ça les a propulsés dans des sexualités de «pornstars». C'est ça que c'est en train de faire. Nos jeunes sont en train de se faire propulser dans des sexualités de vedettes pornos où les pratiques qui vont avec sont intégrées dans leur quotidien d'adolescent. C'est comme ça maintenant que la... que la lunette... L'information arrive par là, puis il n'y a pas de contrediscours. Il n'y a plus de contrediscours qui est proposé. Donc, c'est ce que ça crée.
Mme Charbonneau: Quand vous avez quitté... Puis je suis heureuse de voir qu'il y a quand même une espèce de partenariat, puisque vous êtes consultante en soutien, donc c'est super le fun parce qu'il y a une continuité. Quand vous avez quitté, vous aviez toujours la même inquiétude, mais toujours grandissante, si je comprends bien, là, de par l'évolution des choses. Et, puisque je suis infiniment curieuse et j'ai besoin de savoir certaines choses avant de passer à l'autre intervenante, pourquoi le premier party n'a pas marché? Qu'est-ce qui a fait que le premier gala a... je ne veux pas dire floppé, mais n'a pas été satisfaisant?
Mme Anctil (Josée): Oui, ce n'est pas le concours qui n'a pas fonctionné. Tu sais, nous, ce qu'on s'était dit, c'est: On va faire un concours dans les milieux scolaires, puis, à la fin de ça, on va faire comme une cerise sur le sundae, ça fait qu'on va les mettre sur la place publique, puis clic, clic, «les gagnants sont», puis... Peut-être qu'on n'avait pas l'expertise pour prendre une grande... On avait l'expertise pour faire le concours puis aller rencontrer les gens en milieu scolaire, de là à faire un spectacle puis un gala, c'est là où, à un moment donné, on était peut-être moins dans nos compétences. La deuxième année, on a été réellement s'arrimer à TQS, à tous nos intervenants du territoire, puis on leur a demandé de nous supporter pour que notre cerise sur le sundae en vaille la peine, là. Et puis, la deuxième année, on n'a réellement pas manqué notre coup, là.
Mme Charbonneau: Merci. Madame... c'est Ronreau, c'est ça?
Mme Roireau (Marjorie): Roireau.
Mme Charbonneau: Roireau. Je vais le dire comme il faut, quand même, hein? Le tour des écoles, maintenant, donnez-moi donc une idée ça a l'air de quoi. Puisque Mme Anctil a dit que les portes...
Mme Roireau (Marjorie): ...
Mme Charbonneau: ...les portes s'ouvre plus difficilement. Donc, donnez-moi une réalité de maintenant, pour vous.
Mme Roireau (Marjorie): Maintenant, si je compare, admettons, à quand je suis arrivée en poste, en 2008, j'ai peut-être fait une trentaine, là, d'animations, puis maintenant c'est aucune en milieu scolaire.
Mme Charbonneau: Maintenant, c'est cette année?
Mme Roireau (Marjorie): Oui.
Mme Charbonneau: O.K. Donc, l'année scolaire...
Mme Roireau (Marjorie): Puis l'année passée aussi parce que, bon, le cours n'était plus dans la grille, là, dans le fond. Les demandes qu'on va avoir vont être de la part de maisons de jeunes, parents, milieu communautaire, mais, au niveau des écoles, c'est zéro.
Mme Charbonneau: À l'extérieur du contexte scolaire, à ce que je comprends.
Mme Roireau (Marjorie): Oui.
Mme Charbonneau: Je vous disais plus tôt que j'ai passé à travers l'adolescence, mais je me souviens d'un moment très précis où j'ai eu mon premier choc, c'est le préscolaire. J'ai eu mon premier choc parce qu'on a parlé à ma plus vieille, qui est une fille, de son senti: comment est-ce qu'elle se sentait, si elle recevait des tapes. Je me souviens de ce moment-là parce que, comme parent, quand tu envoies ton jeune à l'école, ta première réalité du préscolaire, c'est les couleurs, les chiffres, les lettres; ce n'est pas les tapes, puis est-ce que quelqu'un touche sans que tu te sentes bien. Ce que j'ai compris par contre, après une rencontre avec l'enseignante pour mieux comprendre, parce qu'il y avait eu un témoignage important dans la classe de ma fille qui l'avait bousculée dans ses valeurs à elle, c'est que ça commençait là. Ça commençait là, la relation avec mon corps, qui je suis, le respect de moi, mais le respect de l'autre. Puis, vous l'avez dit tantôt, plus on commence jeune, mieux c'est.
Si je me situe dans le temps puis que je dis que je fais un cours, ce que j'entends, c'est votre préoccupation sur l'éducation à la sexualité, mais, si je dois faire un cours puis que je dois commencer le plus tôt possible, est-ce que vous êtes en train de me dire que c'est un cours -- je vais utiliser un mot pas fin, là, mais je viens du monde de l'éducation -- donc, encarcané du préscolaire au secondaire V, ou si je regarde une évolution de discussions puis d'apprentissages qui se fait autrement que dans un cours balisé puis encarcané?
Mme Anctil (Josée): Bien, moi, je pense que, du moins, il faut qu'il y ait la préoccupation. Je pense que c'est de là que ça part, d'avoir la préoccupation d'être capable d'avoir l'ouverture de jaser avec les jeunes quand les questions se posent ou ne serait-ce que si, comme intervenant scolaire, je vois des choses... Parce qu'on s'entend qu'au niveau de la sexualité à partir du primaire, là, les jeunes sont dans... On vient au monde avec notre sexualité, hein? Donc, aussi bien habiliter les jeunes à être confortables dans leur corps. Donc, parler de la sexualité, ce n'est pas juste de parler de ce qui est dangereux dans la sexualité, même que je vous dirais qu'au niveau de la prévention prendre ce chemin-là, il est dangereux. Donc, dans un premier temps, je vais parler du concept de sexualité à un enfant et, ensuite de ça, je vais prévenir les agressions. Je ne ferai pas les affaires dans le contraire.
Donc, Jocelyne Robert, qui est une sexologue au Québec à qui on peut donner des étoiles, elle a fait des livres spécifiques aux groupes d'âge. On a déjà les outils, au Québec, pour être capables de travailler avec les groupes d'âge spécifiques. On a une expertise qui s'est créée au Québec, aussi bien aller tabler dessus puis d'aller chercher ces gens-là. Il y a déjà des livres qui sont faits par groupes d'âge. Il y a déjà des intervenants intelligents au Québec qui ont pensé à des choses. Moi, je pense qu'on a tout. Il s'agit juste d'asseoir les gens ensemble, d'attacher les choses ensemble. Mais, moi, je pense que c'est plus qu'un intervenant qui va avoir un impact là-dessus. Il y en... il faut réseauter les adultes qui gravitent alentour des jeunes pour se poser des questions, puis, ensuite de ça, poser les bonnes actions.
**(14 h 40)**Mme Charbonneau: Je prends la balle au bond. Vous êtes nos premiers intervenants. Nous n'êtes ni du monde de l'éducation ni du monde de la santé, vous êtes un organisme...
Mme Anctil (Josée): ...du monde de l'éducation populaire.
Mme Charbonneau: Oui, oui. Vous faites bien de me reprendre, mais ce que je veux dire, c'est l'éducation, là, dans le terme fermé de l'éducation, pas dans le sens large...
Mme Anctil (Josée): Oui.
Mme Charbonneau: ...mais le CALACS...
Mme Anctil (Josée): C'est un organisme qui a un mandat d'éducation populaire.
Mme Charbonneau: C'est ça. Bien, où je veux vous amener, c'est sur le principe de la société. Parce que chacune de vous l'a bien dit, puis je suis sûre que, si j'avais donné la parole à la directrice, elle m'aurait dit la même chose aussi, la société a une responsabilité. Donc, si j'avais à rêver à une meilleure société puis à des intervenants corrects pour faire la job -- on va le dire comme ça, j'ai de la misère à patiner sur les gros mots, là -- à qui je peux étendre ma responsabilité? Est-ce que je dois garder cette responsabilité, puis je reprends les termes que vous aviez plus tôt: un enseignant, des fois, ça n'a pas d'aisance. On a tous un vécu générationnel, hein? La génération, un face à l'autre peut être différent. Je disais un peu plus tôt à une collègue que j'ai eu trois profs différents pour mes enfants par rapport au cours La relation sexuelle, ce cours-là, puis j'ai eu deux profs gênés puis une prof pas assez gênée, mais ça, ça fait des belles discussions dans la cuisine.
Mme Anctil (Josée): À part de ce que Marjorie vous disait tantôt, laisser tout le monde le faire, c'est ne pas avoir de garantie sur comment les choses se transfèrent. Il y a des gens qui, comme moi, comme Marjorie, ont l'expertise pour aller en milieu scolaire. On est formés pour jaser avec les jeunes. On s'entend que les jeunes, là, quand ça ne marche pas, ils nous rejettent, là. Ça fait qu'eux autres, ils vont vous le dire si vous avez la bonne personne ou pas. Si ça ne marche pas, ils vont la faire revoler. Mais, en même temps, je pense qu'il faut justement aller chercher des intervenants qui ont du bagage au niveau de la capacité de jaser avec les jeunes puis d'ouvrir des discussions. Donc, je ne suis pas sûre que ça passe par le milieu scolaire, ça peut être un intervenant qui vient d'ailleurs mais qui a les compétences et les habiletés pour parler aux jeunes.
Mme Charbonneau: O.K.
Le Président (M. Marsan): Je vous remercie. Nous allons poursuivre nos échanges et je vais céder la parole à la députée de Marguerite-D'Youville. Mme la députée.
Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci, M. le Président. Merci, mesdames. C'est vraiment très intéressant. Il y a beaucoup d'expertise dans ce que vous nous amenez, et je vous dirais que vous continuez votre mission d'éducation populaire auprès de nous aujourd'hui. On apprend beaucoup de choses, et c'est très important.
Mme Anctil, je vais commencer par vous. Compte tenu du temps que vous y avez mis et de la période que vous avez couverte, vous avez donc été un témoin important des changements de la contribution du monde de l'éducation à l'égard des jeunes. Parce que vous êtes arrivée en 1995, vous avez quitté en 2008, donc vous avez pu voir une certaine atténuation des cours, de la présence de cette dimension-là dans le curriculum. Et, même si ça devait faire partie des compétences transversales, comme votre collègue le disait, quand tout le monde s'en occupe, personne ne s'en occupe. C'était un beau concept, les compétences transversales, est-ce que ça devait s'appliquer à toutes les matières? Ça, c'est un point d'interrogation.
Moi, dans ma vie antérieure, j'ai participé beaucoup à la consultation sur les états généraux de l'éducation en termes de contenu, appuyé des enseignants aussi qui ont travaillé beaucoup au niveau du curriculum. Donc, je suis très curieuse que vous nous disiez comment vous voyez la différence actuellement. Parce que vous avez quitté en 2008, donc vous avez sûrement vu une différence dans la nature de votre intervention. Vous dites: Les questions reviennent de la part des jeunes, et vous dites que les intervenants, de plus en plus, avaient des questions, ont des questions à cause de l'évolution de notre société et de tous les réseaux, que ce soit Internet ou autres bien sûr, mais probablement aussi à cause d'une contribution du milieu scolaire qui est un peu inexistante actuellement mais qui a diminué au fil du temps et qui a sûrement changé la nature des interventions. Je reviendrai plus tard sur la présence à l'école, mais qu'est-ce que c'est, la différence d'intervention dans le sens où... Sur quoi le CALACS pouvait compter par le milieu scolaire sur lequel il ne peut plus compter actuellement?
Mme Anctil (Josée): Les professeurs avaient des portes ouvertes. Moi, personnellement, ce que j'ai vécu, là, en milieu scolaire, quand j'ai commencé en 1995: nous chargions des sous pour aller rencontrer les jeunes en milieu scolaire. Une animation d'une heure, c'était tant en milieu secondaire; au cégep, ça valait tant; à l'université, ça valait tant. Et puis, un jour, une des premières choses qui s'est mise à se transformer, c'est que les lieux se sont tranquillement éteints parce que les milieux n'avaient plus les moyens de nous payer.
Donc, la première réflexion qu'on a dû faire avant d'arriver là un jour, de dire, là: Woup, la sexualité des jeunes, ça ne va plus, c'est de se dire: Ils n'ont plus l'argent pour nous payer, là. Moi, là, je suis préventionniste, là, je ne peux plus avoir accès à ma matière première qui est mes jeunes, parce que mon mandat, c'est de prévenir et de sensibiliser auprès des jeunes. Je ne suis même plus capable d'aller en milieu scolaire parce qu'ils n'ont plus les moyens de nous payer. C'est là où, nous, comme organisation, on s'est fait... on s'est posé les questions à dire: Moi, je vas-tu passer à côté de la possibilité de sensibiliser des centaines de jeunes en même temps, parce qu'un professeur me fait venir pour trois cours parce qu'ils n'ont pas les sous? Bien, c'est le CALACS qui l'a pris en charge, l'argent.
Donc, ce qu'avant on avait du milieu scolaire puis des milieux secondaires, c'étaient des budgets pour nous faire venir. Bien, on a fini par le gérer dans nos budgets, dans nos subventions. C'est ça qu'on a fait. Donc, on ne pouvait plus demander de sous, on a donc changé notre stratégie et on a retourné vers notre milieu en disant: Et voilà, nous, on ne peut pas vivre en sachant que la prévention ne se fait plus, mais on va le prendre sur notre dos. Mais, en quelque part, ce qu'on a fait, c'est que, comme organisme communautaire qui n'est déjà pas très, très, très riche, on a pris une partie du mandat de la société, qui est d'éduquer nos jeunes en milieu scolaire, et puis, nous, on l'a pris sur notre dos puis on a continué à aller à l'école. Premier changement, de 1995 à 2000.
De 2000 à 2005, les questions se sont mises à changer. Puis là on est où on est ensemble aujourd'hui. Donc, le premier constat, c'est: Les milieux n'ont plus d'argent pour nous accueillir, pas grave, on le fait pareil, on va l'assumer. Puis le deuxième, ça a été: Wo! wo! wo! les besoins sont en train de devenir plus grands que ce qu'on est capables de prendre. On a nous-mêmes un discours à ouvrir, là, il faut se faire une tête, là, sur le sujet avant d'aller faire accraire aux autres qu'on est bien bons pour en parler, là, on va commencer par s'habiliter à faire les choses en dedans puis, après ça, on va sortir en dehors. Ça fait qu'il y a deux difficultés, mais la première, ça a été justement les... les cours n'étaient pas coupés mais les subventions, elles, du milieu scolaire, l'étaient.
Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci. Je demeure toujours... Quand la Fédération des femmes du Québec a lancé, par la Marche mondiale, cette problématique-là puis qu'on vous a entendues, on a pris connaissance de la pétition. En même temps, j'ai été très curieuse de suivre un petit peu les lignes ouvertes quand je pouvais le faire. Et j'ai entendu énormément de questions de la part de parents, de la part d'intervenants. Et, moi, j'aimerais voir un peu comment vous voyez... comment vous définissez une intervention de qualité auprès des parents quant à l'éducation, au support de leurs jeunes à l'égard de la sexualité dans son sens large, c'est-à-dire l'égalité des sexes, la nature des relations, et ainsi de suite. Parce que, quand on se préoccupe de voir comment on va être capables de trouver une solution qui va nous permettre d'atteindre nos jeunes et de les amener dans un développement plus harmonieux à l'égard des rapports hommes-femmes et aussi de leur sexualité immédiate, le rôle des parents ou le questionnement en tout cas qu'on a à l'égard de comment on touche les parents, comment on les atteint, compte tenu de la réalité sociale aujourd'hui, qu'est-ce que vous avez à nous dire là-dessus? Je pose la question à qui veut la prendre au bond, là.
Mme Roireau (Marjorie): Ce que j'aurais à dire, c'est que, premièrement, au niveau des parents, je pense qu'ils ont besoin beaucoup d'être informés. Puis je pense que ces parents-là, comme je l'ai dit précédemment, ils ont, dans certains cas, besoin d'avoir une certaine mise à niveau au niveau de la réalité de la sexualité à laquelle leurs jeunes sont présentés. Je pense que leur... Probablement qu'il y a certains parents qui auraient besoin aussi de développer le sens critique, eux aussi, en lien avec cette problématique-là. Josée, je ne sais pas si tu veux rajouter?
**(14 h 50)**Mme Anctil (Josée): Bien, moi, quand je rencontrais des parents, je leur disais: Tout passe par l'échange. Tout passe par la communication comme parents. Puis prenez donc le temps, au souper, de jouer avec vos jeunes à qu'est-ce que tu ferais si? Qu'est-ce que tu ferais si ton copain te proposerais... puis, là, je vais y aller, tu sais... On a un discours cru qui vient avec ça, hein? Qu'est-ce que tu ferais si ton conjoint, une première relation, te proposerait une relation anale? Parce que vous savez que c'est la majeure maintenant, hein? On commence notre sexualité par une pénétration anale, généralement non préparée, parce qu'on ne sait pas comment faire ça. Et puis, la jeune fille, c'est comme ça qu'elle commence sa sexualité. Ça doit être un petit peu plus plaisant pour le garçon que pour la fille, là. On s'entend.
La jeune fille, moi, si je me souviens d'une jeune fille de secondaire III qui, en milieu scolaire, m'a dit ça: C'est-u normal que ça ait fait mal? Là, j'ai parlé avec puis j'ai réalisé que la première fois, c'était une pénétration anale non préparée. On parle de Magog, là. Je ne suis pas à Montréal, là, je suis à Magog. Et puis savez-vous ce qui a fait la différence? C'est qu'elle avait des parents qui avaient déjà jasé avec elle, ça fait qu'au lieu d'être prise dans son tourment puis de ne pas pouvoir en jaser avec ses parents, compte tenu que ses parents avaient toujours été là pour créer l'échange avec une ouverture, bien, elle a été capable de se retourner vers moi comme intervenante, elle a été capable de se retourner vers ses parents, parce qu'ils avaient déjà parlé.
Quand il y avait des jeunes filles qui avaient le.. je dirais le culot de dire: Non, moi, je ne veux pas ça, puis je ne commencerai pas avec ça, c'étaient les parents qui avaient fait une différence. C'est les parents qui avaient développé le sens critique de la jeune fille généralement ou qui avaient transféré un amour d'elle et un respect d'elle assez grand pour qu'elle soit capable de dire à son petit chum: Je t'aime beaucoup, mais je ne veux pas ça. Donc, je pense qu'il faut habiliter les parents à ouvrir la discussion avec leurs jeunes, puis, comme Marjorie le dit, ce n'est pas à 15 ans qu'on commence ça, là.
Ça fait que, donc, le milieu scolaire peut commencer plus tôt, mais, comme parents, on a développé le sens critique de nos jeunes beaucoup plus tôt que les générations d'avant. Et puis, moi, ça, c'est quelque chose que je disais aux jeunes d'emblée: Vous devez être des jeunes, aujourd'hui, plus intelligents que nous l'étions avant, parce qu'on avait beaucoup moins de pression à se faire vendre les choses. Il y avait beaucoup moins de canaux de TV qui étaient là pour nous bombarder. Vous devez être plus intelligents que nous autres, puis la seule manière de vous donner ça, c'est de développer votre sens critique le plus tôt possible. Ça fait qu'autant au niveau des parents que des enfants ça passe par le développement du sens critique puis l'échange.
Moi, je dis aux jeunes filles: Tu peux décider de vouloir une pénétration anale. J'en n'ai pas, de problème, à ce que tu aies envie de ça, mais choisis-le. C'est tout. Si ce n'est pas un choix, on est sur le bord de l'agression. Donc, il faut que tu... Tu fais des choix parce que tu t'aimes, parce que tu as le goût de ça. On ne va pas en milieu scolaire, aux jeunes, dire: La sexualité, ce n'est pas beau, faites pas ça puis ce n'est pas bon. Non. Toutes les pratiques, si vous êtes à l'aise dedans puis elles vous vont, yahoo! pas de problème avec ça. Mais il faut que ça se fasse sur la base d'un savoir, d'un sens critique. Puis ne serait-ce qu'après ça j'ai des adultes assez intelligents puis d'avoir installé l'échange que, s'il y a quelque chose qui ne va pas dans ma sexualité, je vais pouvoir me retourner vers mes adultes puis aller poser mes questions. Bien, ces lieux-là, à l'école, ils ne sont plus là.
Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Une petite dernière avant de passer la parole à mes collègues. Pour vous... Bon, on parle d'un programme d'éducation à la sexualité, on parle d'un cours. Moi, je pense qu'un programme, c'est absolument important. Les modalités, est-ce que c'est un cours, des ateliers? Peu importe, on verra. J'aimerais vous entendre là-dessus. Mais ma question, c'est: Les professeurs, bon, les professeurs sont là, peuvent participer à donner des cours, bien sûr, c'est leur rôle premier, mais, en même temps, le cours idéal ou le programme idéal, à votre avis, devrait être véhiculé par qui? Vous avez une expertise. Il y a des profs qui peuvent dire: Moi, dans ma formation, je suis allé chercher une expertise. On peut en trouver une au CLSC. Il peut y avoir des organismes d'éducation populaire dans le milieu. Le cours idéal, le programme idéal -- je vais utiliser ce terme-là -- sera véhiculé par qui?
Mme Anctil (Josée): Bien, je n'ai pas la réponse exacte. Une chose que je sais, c'est que, nous, étant de l'extérieur, nous pouvons aller beaucoup plus loin qu'un professeur qui est à l'intérieur des murs. Moi, si je vais dans une animation en milieu scolaire, je vais aller aussi loin que de partager ma propre sexualité. S'il y a une jeune fille qui va me parler, mettons, de pénétration anale, ça se pourrait que je dise à la jeune fille c'est quoi, mon positionnement, moi, dans ma sexualité, par rapport à ça. Si je suis un professeur entre les murs, je ne pourrai jamais dire ça. Je n'aurai pas fini; ils ne me lâcheront pas. À la limite, je me mets même en danger comme professeur.
Donc je crois, moi, puis je ne vous dis pas que j'ai la réponse, là, mais, moi, je crois que les gens de l'extérieur sont en mesure d'aller plus loin à l'intérieur des murs qu'un professeur qui est là, qui irait moins loin parce qu'il veut préserver son intimité, puis ce qui est normal, parce qu'il est 300 et quelques jours par année avec ces jeunes-là, ce qui n'est pas notre cas. Donc, ça nous permet d'avoir un discours beaucoup plus cru, de descendre au niveau du discours des jeunes, ce qu'un prof ne peut pas se permettre, là. Un prof ne peut pas se permettre de faire ça parce qu'il faut qu'il créé quand même un cadre de relation, qu'il reste à l'intérieur de ces paramètres-là. Nous, on n'a pas à créer ça. Nous, donc, on peut descendre au niveau du... discours, utiliser les mots que jamais un professeur en milieu scolaire ne se permettrait de dire. Bien, nous, on a ce droit-là.
Puis, moi, quand je rentrais en milieu scolaire, je disais à un professeur: Si tu n'es pas à l'aise avec la sexualité, si tu as les oreilles chastes, bien mets les doigts dessus parce que... Puis je vous dirai que, moi, j'ai fait un... pensionnat de Waterville, qui est le pensionnat où, moi, j'allais, qui est maintenant le collège François-Delaplace. Et puis ce sont des religieuses qui m'ont fait venir. La religieuse a à participer à tous les ateliers que j'ai donnés. Je l'ai sentie en état de prière intense parfois, mais c'est quand même des religieuses qui nous ont fait venir. Puis je me suis dit: Si elles ont cette préoccupation-là, dans le milieu privé, puis qu'elles ont les moyens de payer, c'est triste que les gens qui sont dans le public n'aient pas accès à ça parce qu'ils n'ont pas les mêmes subventions ou que l'argent ne rentre pas de la même manière.
Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci.
Le Président (M. Marsan): M. le député de Prévost.
M. Robert: Oui. Ça me fait bizarre d'entendre ce que vous dites au mois de novembre, à la fin du mois de novembre 2010. Écoutez, je vous remercie beaucoup d'avoir lancé ce signal d'alarme là par le biais de votre pétition. Bravo. Je pense qu'on a besoin d'être réveillés comme société, puis ça nous inclut, nous, les élus.
Dans le fond, ça n'a pas de bon sens parce que, écoutez, on est à l'ère où, d'un simple clic, on va au bout du monde, puis ce que vous dites aujourd'hui, c'est un problème de communication, hein? Des sujets tabous, permettre aux jeunes... Moi, je viens du milieu scolaire, j'était un enseignant dans une vie antérieure récente, et c'est tellement important que les jeunes puissent communiquer, puissent s'exprimer, et là on est comme dans une zone grise, ça n'a pas de maudit bon sens!
Si j'ai bien compris votre message, vous voulez impliquer le village au complet aussi, hein? Vous avez parlé des parents... En termes de CALACS, est-ce que vous vous parlez entre autres pour continuer une réflexion au-delà, là, de l'éveil que vous voulez faire au milieu scolaire, là?
Mme Roireau (Marjorie): Bien, en fait, au niveau des CALACS, ça fait longtemps que c'est une préoccupation qui est active, si on parle du CALACS de Rimouski qui a fait énormément d'outils et d'interventions en lien avec ça. Je pense qu'au niveau des CALACS on essaie toujours de continuer d'aller plus loin. Bon.
Si on viendrait aujourd'hui, puis il n'y en aurait pas, de cours qui seraient ajoutés, jamais, qu'est-ce qu'on ferait? Ça fait qu'on est déjà à réfléchir à plan B, plan C, qu'est-ce qu'on peut... où on peut aller plus loin, dans le fond, en ce sens-là.
Donc, je pense que, pour les CALACS, oui, tous les CALACS se communiquent aussi... On est en contact avec Rimouski qui vont nous appeler, bon. Ce qu'on a bien fait, bien on essaie de le passer aux autres puis vice et versa, là.
Mme Anctil (Josée): Donc, notre affiche, entre autres, je vous dirai que c'est l'affiche... -- on est les seuls au Québec qui a fait ce type d'action là -- bien, notre affiche, on la vend à tous les organismes du territoire du Québec qui veulent avoir accès à cette affiche-là. Donc, les CALACS des autres territoires vont nous contacter pour avoir l'affiche Trouvez l'amour. Et puis c'est de cette façon-là qu'on va, ensemble, porter cette sensibilisation-là à travers nos différentes actions, nos différents outils créés.
Mme Roireau (Marjorie): Puis je pense que, si on va plus loin dans notre réflexion, on parle beaucoup des côtés négatifs que toutes ces nouveautés-là, au niveau des technologies, ont amenés au niveau de la sexualité. Mais comment ces jeunes-là, qui sont très habilités à s'en servir, pourraient retourner ça de façon positive pour justement faire de la prévention entre eux, aller justement développer leur sens critique en utilisant ces technologies? Je pense que le contrebalancier pourrait être impressionnant.
**(15 heures)**Mme Anctil (Josée): Mais, si on va plus loin, quand on a fait nos galas, nos fameux galas, là, où on se disait... où on est.. on a... Puis Marjorie pourrait, si vous voudriez, là, vous envoyer une copie des clips gagnants, autant radio que télé. Qu'est-ce que ça a donné? Mais c'est une campagne nationale, ça aurait dû être ça. Ce n'est pas juste en Estrie qu'il y aurait dû y avoir un concours Fais une capsule télé, Fais une affiche et un slogan pour sensibiliser les pairs. Avoir eu les sous puis les moyens de le faire, comme organisation, c'est à la grandeur du Québec qu'on aurait lancé ça, un concours comme ça.
C'est beaucoup plus important et ça a beaucoup plus d'impacts de dire aux jeunes: On va te sensibiliser, on va ouvrir ton sens critique, fais quelque chose, puis, à partir de ce que tu as fait, on va sensibiliser tout le monde qui ont le même âge que toi. C'est beaucoup plus gagnant d'utiliser les jeunes pour créer les capsules puis dire: Et voilà ça a été inventé par un jeune de secondaire IV dans telle place. Le jeune qui regarde ça, à la télé, là, ce n'est pas la madame du CALACS qui est en train de lui expliquer quelque chose, c'est un jeune comme lui qui l'a compris comme lui puis qui a dû faire l'exercice critique. Ça, c'est un cadeau à donner aux jeunes. Ça, là, un concours comme ça, là, qui a déjà été réfléchi et pensé, là, c'est le genre d'action provinciale qui pourrait être superintéressante, et, là, on pourrait se ramasser avec une capsule télé, une capsule radio, puis une affiche et slogan au niveau provincial. En voulez-vous, des idées? C'est plein.
Le Président (M. Marsan): Ça va? Alors, il nous reste, Mme Anctil, Mme Roireau et Mme Alvarez, de vous remercier... vous remercier. Je pense qu'il y avait une question? En terminant, M. le député de Johnson?
M. Boucher: Oui, oui. Non, j'aurais des questions, M. le Président.
Le Président (M. Marsan): Allez, allez.
M. Boucher: Peut-être qu'on pourrait demander la permission de déborder un peu, puisqu'il est 15 heures.
Le Président (M. Marsan): Oui.
M. Boucher: Mais j'y tiens vraiment, d'autant plus que j'ai eu le plaisir de parrainer la pétition que m'a présentée le CALACS. Qui aurait cru, mesdames, qu'on serait aujourd'hui à l'Assemblée nationale, lorsque vous êtes venues me rencontrer à mes bureaux? On a la permission?
Le Président (M. Marsan): Oui.
M. Boucher: Oui? O.K. Je vais aller très rapidement, puis c'est un peu dommage, là, parce que j'aurais aimé avoir plus de temps pour discuter avec vous.
Trois questions courtes. D'abord, bon, on connaît la tendance à nos médias d'exagérer les phénomènes qui nous sont présentés, hein? Bon. On devait mettre en une du Journal de Montréal la partouse, le «gang bang», là, bon, des choses comme ça. Est-ce qu'on peut penser que les problématiques liées aux comportements sexuels, la précocité de la première relation, l'utilisation variable du condom, l'homophobie, la science... la violence, l'hypersexualisation, etc., est-ce qu'on peut penser que c'est un phénomène qui est un peu... l'ampleur du phénomène est un peu exagérée au niveau des jeunes, ou que ça touche vraiment beaucoup de gens... de jeunes, sinon la majorité, du moins une grande partie? Première des questions.
Deuxième des questions: Est-ce que le retour d'un contenu de cours à l'éducation à la sexualité a été un des outils qui a été identifié lors de vos colloques que vous avez tenus pour, disons, contrer le discours, là, majoritaire?
Et la troisième des questions: Le gouvernement a mis de l'avant plusieurs outils. Quand ils ont progressivement retiré le contenu de l'éducation à la sexualité des cours, les cours de FPS, ils ont mis à la disposition des parents, des intervenants, des professeurs plusieurs outils comme par exemple le magazine Ça s'exprime, qui était auparavant Le petit magazine de la formation personnelle et sociale, qui était destiné aux intervenants et aux professeurs qui ont à donner cette formation-là. Est-ce que les professeurs à qui vous avez parlé, est-ce qu'ils l'ont déjà consulté? Est-ce que vous connaissez si c'était un document très populaire? Comme, les parents, les parents, il y a un autre document qui est marqué: Entre transformations, frissons, passions... et toutes les questions. Est-ce que, dans vos contacts -- vous êtes en contact avec tous ces gens-là -- est-ce que vous savez si c'est des outils qu'ils utilisent, bref? Est-ce que les outils qu'on a amenés pour compenser la perte ont été réellement utilisés? Est-ce qu'ils ont été efficaces ou, dans une moindre mesure, se sont révélés un peu inefficaces dans le sens où ils n'étaient pas consultés par les intervenants? Je m'arrête là, trois questions...
Mme Roireau (Marjorie): Je commencerais avec la première. Au niveau des médias, la question était: Est-ce que tout ça n'est pas un peu une exagération, ou est-ce qu'on grossit le tout? Non.
Mme Anctil (Josée): Moi, je dirais même que c'est en deçà de la réalité. Pendant une heure, je pourrais vous raconter des histoires qui ne sont pas des histoires inventées, et je vous ferais dresser les cheveux sur la tête. Non, non, au contraire. On n'est pas... Les gens ne réalisent pas dans quoi on est en train de propulser nos jeunes, comme société.
Mme Roireau (Marjorie): Et je pense que c'est un bon exemple de dire... Est-ce que tout ça n'est pas un peu exagéré, gonflé, et tout ça? Parce qu'à force de consommer ce type... Parce que c'est banalisé, la sexualité, n'importe où, donc on en devient qu'à dire que c'est normal, et on en devient qu'à ne plus s'en rendre compte, et de dire: Finalement, ce n'est pas si pire que ça. Alors qu'en réalité, si on commence à analyser les publicités, les vidéoclips, les films, tout ce qui est présenté, non, ce n'est pas exagéré, même c'est nous qui devenons insensibilisés à ça. C'est la réponse que je ferais à cette question-là.
Deuxième question, juste me repréciser, c'était au niveau des cours: Est-ce que le cours a été identifié, dans le fond...
M. Boucher: Comme un outil de contrediscours.
Mme Roireau (Marjorie): C'est ça. Bien, je pense que ça fait partie d'un moyen, parce que, s'il n'y a pas d'espace qui est réservé, ça donne un peu ce qu'il y a présentement, donc rien. Ça fait partie d'une stratégie. Il y en a plusieurs autres qui peuvent être intéressantes, mais je pense que ça fait partie d'une des stratégies intéressantes où, au moins, on peut s'assurer qu'il y a un contenu qui va être transféré aux jeunes.
Mme Anctil (Josée): Puis, les outils, est-ce que tu les connaissais, toi?
Mme Roireau (Marjorie): Moi, je n'ai jamais entendu parler d'aucun des outils que vous m'avez nommés.
Mme Anctil (Josée): Moi non plus.
M. Boucher: Ça répond à ma question.
Mme Roireau (Marjorie): Et on peut produire plein d'outils, mais, si on n'a jamais l'espace pour les distribuer, en parler, peu importe... bon, voilà.
Mme Anctil (Josée): Puis, moi, je passe mon temps à dire que, dans la vie, on peut bien faire de la réflexion sur papier, mais, si on n'amène pas ça dans l'action, ça peut rester longtemps sur une tablette. C'est vrai pour tout le monde.
Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Mille-Îles me pose un question. Elle désirait savoir par qui vous êtes... qui vous finance, vos activités.
Mme Anctil (Josée): La majeure... Notre bâilleur de fonds, c'est Santé et Services sociaux, et puis on a une partie triennale avec Centraide, et puis la balance, c'est des levées de fonds.
Le Président (M. Marsan): Ça répond à votre question? Merci. Alors, Mme Roireau, Mme Anctil et Mme Alvarez, on vous remercie beaucoup pour cette présentation. Nous allons suspendre quelques instants.
Mais j'inviterais Mme Jocelyne Cyr à venir prendre place. Alors, je suspends pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 15 h 6)
(Reprise à 15 h 8)
Le Président (M. Marsan): Alors, nous reprenons nos travaux, et nous sommes heureux d'accueillir Mme Jocelyne Cyr de la commission scolaire. Mme Cyr, je vais vous demander de nous présenter la personne qui vous accompagne. Vous avez environ une vingtaine de minutes pour nous faire votre présentation. La parole est à vous.
Mme Jocelyne Cyr
Mme Cyr (Jocelyne): Merci. Comme vous l'avez dit, mon nom, c'est Jocelyne Cyr, je suis de la commission scolaire de Montréal, et je suis commissaire dans le quartier de Cartierville. Miruna va se présenter elle-même.
Mme Necula (Miruna Aiana): Bonjour, je m'appelle Miruna Aiana Necula, je suis à l'école Évangéline qui est dans le Cartierville. Oui.
**(15 h 10)**Mme Cyr (Jocelyne): En fait, je suis accompagnée de Miruna, parce que la démarche qu'on a entreprise à la commission scolaire de Montréal, on l'a faite ensemble. Miruna, elle fait partie de l'Association des élèves du secondaire de la commission scolaire de Montréal. Et en fait on va vous expliquer brièvement en quoi consistait, d'une part, le mandat qui nous a été confié par le conseil des commissaires et l'aboutissement, un peu, du travail qu'on a fait en deux ans environ.
Alors, il y a deux ans... On a un programme qui existe à la commission scolaire qui s'appelle Commissaire d'un jour. Alors, ce projet-là, ce programme-là, en fait, invite les élèves du secondaire à accompagner le commissaire scolaire pendant toute une journée; donc ils participent à nos caucus, ils viennent au conseil des commissaires. Et, lors de cette journée-là, la présidence de l'association des élèves vient en audience au conseil des commissaires et nous fait part d'un certain nombre d'éléments qui préoccupent notre association. Alors, Miruna, qui était une des représentantes qui m'accompagnaient cette journée-là, nous a fait part de leurs préoccupations en ce qui consiste l'éducation à la sexualité. À partir de là, c'est là que la présidente de notre conseil des commissaires nous a confié le mandat de voir qu'est-ce qu'on pouvait faire, bien entendu, dans les règles qui nous permettaient, en fait, le conseil des commissaires, de pouvoir mettre quelque chose en place.
Alors, je suis allée rencontrer l'association des élèves. Et finalement Miruna a été mandatée pour travailler avec moi. Alors, j'ai eu une idée, et j'en ai fait part à Miruna pour savoir si ça lui convenait comme façon de travailler. C'était d'aller dans mon quartier et aller voir les jeunes de mon quartier pour voir si effectivement les préoccupations qu'ils avaient à l'égard de l'éducation à la sexualité étaient celles de notre association d'élèves. Alors, nous avons rencontré deux maisons de jeunes et les deux conseils d'élèves, et puis nous avons fait des groupes séparés. Tout ça, on l'a fait avec un intervenant communautaire scolaire -- c'est un projet qu'on a dans notre milieu -- et un éducateur pour les maisons de jeunes.
Alors, on s'est assis avec eux et on a jasé comme ça de l'éducation à la sexualité. Et ils nous ont fait part un petit peu des préoccupations qu'il y avait, et etc. Ça fait que c'est Miruna qui va faire cette partie-là.
Mme Necula (Miruna Aiana): O.K. C'est pour ajouter que les gens que nous avons rencontrés sont des gens vraiment représentatifs, puisque ça vient de plusieurs milieux culturels, autant des milieux arabophones, autant des Espagnols, autant des... je ne sais pas, des Haïtiens, voilà. Donc, ça regroupe vraiment comme tous les milieux culturels.
Et ce qui était ressorti, c'est que nous avons besoin d'un espace sécuritaire où est-ce que nous pourrions parler de plaisir, d'amour, de fidélité, de sécurité, d'estime de soi, bref de tout ce qui pourrait questionner, inquiéter ou intéresser un adolescent en pleine découverte de lui-même et des autres. Et nous avons besoin d'un espace pour nous développer sainement, pour pouvoir identifier nos valeurs personnelles à celles de notre famille et pouvoir comprendre et gérer nos émotions concernant la sexualité.
Nous avons besoin de ce milieu-là pour avoir la bonne information, parce que nous avons de l'information qui vient un peu de partout: Internet, médias, films, nos amis. Nous avons... nous sommes constamment bombardés d'informations, mais ce n'est pas nécessairement la bonne information que nous recevons, et nous appliquons les conseils qui nous sont transmis un peu de partout. Puis nous sommes très mal préparés, parce que ce n'est pas les bons conseils, ce n'est pas la bonne information. Et ça entraîne des graves conséquences sur nous: des grossesses non voulues, des ITSS, baisse de l'estime de soi, bref, tout ça.
Et donc nous avons vraiment besoin d'un espace, et ça ne peut pas être laissé à n'importe qui. Ça ne peut pas être mis sur le dos de tous les enseignants, parce que ce n'est pas tous les enseignants qui sont à l'aise de parler de ça, ce n'est pas tous les enseignants qui sont formés. Puis, si jamais il y en a qui sont à l'aise, mais ils nous parlent de leur propre expérience à eux, qui n'est pas nécessairement meilleure que celle de nos parents ou celle de nos amis, alors que nous avons besoin de la vraie information... puis voilà, c'est ça.
Et donc l'école, c'est vraiment le meilleur endroit où est-ce qu'on pourrait recevoir cette information-là parce que c'est le milieu où est-ce que nous apprenons à être des bons citoyens, où est-ce que nous apprenons les règles de société, les règles de vie. Puis c'est aussi l'endroit qui est capable de toucher l'ensemble des jeunes. Donc, comme ça, on peut vraiment s'assurer que tous les jeunes ont la bonne information, qu'ils sont bien équipés pour prendre les décisions dont ils ont besoin quand le moment sera venu, et voilà.
Mme Cyr (Jocelyne): Ce qui rejoignait l'ensemble des jeunes, tant au niveau de l'association que ceux qu'on a rencontrés dans le quartier, c'était le caractère obligatoire. Ce qui les inquiète, en fait, c'est le fait que, parce que ça appartient à tout le monde, ça n'appartient à personne. Et le fait que ça ne soit pas campé nécessairement à l'intérieur d'un cours, ça les titille, parce qu'ils se disent: Il n'y a pas d'obligation. Donc, si on fait des activités, par exemple, parascolaires, bon, évidemment, il y a des jeunes qui vont y participer, mais on ne rejoint pas l'ensemble des jeunes, et c'est ce qui les inquiétait. Ça, c'était la première chose.
La deuxième chose, outre ce que Miruna vient de mentionner, c'était le fait de se retrouver dans un endroit où on pouvait se sentir à l'aise de poser des questions, d'une part, mais aussi de trouver des réponses à nos questions, parce que je vous jure que, pour avoir passé un petit moment avec eux, parfois ça peut nous mettre... nous déstabiliser, disons-le comme ça.
Bref, eux, ce qu'ils voulaient, c'est ça, c'était un endroit où on pouvait échanger, où on se sentait en confiance, mais en même temps qu'on était capables d'avoir réponse à nos questions. Ça, c'étaient deux choses qui en fait ressortaient constamment. Et je peux vous dire qu'on n'était pas non plus dans les zones de: comment ça se fait, puis pourquoi, et etc. On était vraiment plus sur des questions d'ordre émotif, psychologique, et j'aurais tendance à dire: Comment on fait pour reconnaître une ITSS? Comment je vais faire pour savoir qu'il y a quelque chose qui ne fonctionne pas? Bon, si, mettons, je n'ai plus de condoms, où je vais pouvoir aller?
Le point de référence dans les écoles, c'est l'infirmière. C'est l'infirmière. Mais elles ne sont pas là à temps plein malheureusement, elle ne sont là que quelques jours par semaine, parfois une fois par semaine, ce qui fait en sorte que, bon, on n'a pas toujours recours à cette infirmière-là, et ils trouvaient ça aussi un peu pénible.
L'autre chose, c'était d'avoir accès à des professionnels qui détenaient en quelque sorte l'information, soit la sexologue et la psychologue; et en fait c'est d'emblée ce que nous a demandé notre association d'élèves. D'ailleurs, ça fait partie de notre résolution, de la première résolution du conseil des commissaires, c'est clairement indiqué de procéder à l'embauche d'une sexologue.
L'autre élément qui faisait partie de notre résolution était d'élaborer une trousse pédagogique, ce que nous avons fait, qui était, entre autres, pour soutenir les enseignants dans nos écoles qui voulaient pour l'instant... -- parce que, on le sait, il n'y a rien qui est campé dans un cours, mais c'est plutôt laissé libre aux enseignants -- pour soutenir les enseignants qui voulaient, entre autres, faire une activité ou quoi que ce soit dans leurs cours pour parler d'éducation à la sexualité. C'est ce qu'on a fait aussi, c'est à leur disponibilité. Il y a aussi des formations qui sont disponibles actuellement, qui est faite par le BSP, entre autres, les formulaires... Tout est disponible pour soutenir les écoles, les équipes-écoles qui voudraient, là, faire des projets.
Il y a aussi... Dans notre première résolution, il y avait... Ce qu'on disait, c'était d'aller consulter les parents. Alors, on croyait vraiment que, si on voulait les consulter, les parents, ça, on l'a travaillé avec le comité central des parents, bien entendu... Alors, vous savez qu'à la commission scolaire on est divisés dans cinq réseaux, et donc on fait nord, sud, est, ouest, centre. Pour ce qui était de notre réseau pour les élèves handicapés, en difficulté d'adaptation, d'apprentissage, on va le travailler principalement avec le directeur de réseau, entre autres faire des conférences pour les parents, et etc. Donc, on va le travailler différemment.
Alors, ce qu'on a décidé... et on a demandé aux élèves qui faisaient partie de l'association des élèves à savoir qui étaient prêts à aller rencontrer l'ensemble des réseaux. Alors, on l'a fait avec les élèves, on a vérifié l'ensemble des réseaux, et ils ont expliqué pourquoi, pour eux, c'est important d'avoir vraiment de l'éducation à la sexualité à l'intérieur de nos écoles. L'ensemble des réseaux étaient d'accord effectivement sur notre résolution, et qu'effectivement il fallait avoir plus d'éducation à la sexualité à l'intérieur de nos écoles, tout en respectant les valeurs des parents. Ce qu'ils nous ont aussi demandé, c'est d'être informés régulièrement sur ce qu'on était pour voir... ce qu'on était pour faire au niveau de ce dossier-là.
Mais j'aimerais insister sur le fait que, sur le site de l'UNESCO, il y a des choses qui sont excessivement intéressantes à cet égard-là, en termes de programme d'éducation à la sexualité. Et ce qu'ils ont évalué, c'est que les cours d'éducation à la sexualité, pour que ça fonctionne, il faut que ça soit fait, d'une part, à l'école, il faut bien former les enseignants pour effectivement donner l'éducation à la sexualité, pour parler avec les jeunes d'éducation à la sexualité, mais il faut aussi impliquer les parents.
Donc, maintenant, c'est sûr qu'on peut se questionner à savoir comment on peut le faire. Selon moi, il y a quand même différentes façons qu'on peut le faire. Nous, on a l'avantage d'avoir un comité central et des réseaux de parents où on peut effectivement... puis on en fait déjà, des formations pour les parents. Donc, il y a moyen de le faire. Parce que les parents ne sont pas forcément bien outillés -- parfois, on est déstabilisés, bon, selon nos expériences, et etc. -- donc il faut les aider, les accompagner pour qu'ils puissent effectivement établir une communication en matière d'éducation à la sexualité avec les jeunes. Alors, bon, évidemment, la résolution disait aussi de soutenir les élèves par rapport à leurs démarches auprès du ministère, ce qu'on a fait. Il y a aussi...
Quand on parle de la dernière des résolutions, en fait, ce que, nous, on souhaite sincèrement, c'est d'ajouter le volet d'éducation à la sexualité dans le cours d'ECR qui est d'éthique, culture et religion et un autre volet dans le cours de science et technologie. Pourquoi? Parce qu'on sait que c'est compliqué de refaire une grille matières, bon, le régime pédagogique, et etc. Ça fait que c'est plus simple d'essayer d'introduire un volet dans une matière qui permettrait le caractère obligatoire, bien sûr, et qui pourrait facilement traiter d'éducation à la sexualité, sur éthique, culture et religion, ce qui permettrait aux jeunes d'avoir un endroit où ils pourraient en parler, mais de l'aborder sous plusieurs angles, dont les valeurs des parents, ce qui nous apparaît fort intéressant. Et je terminerais en vous disant que le Parlement des jeunes a eu exactement le même projet de loi que notre résolution. Donc, à notre avis, hein, je pense qu'on se rejoint un peu sur l'ensemble des éléments. Veux-tu rajouter quelque chose maintenant?
**(15 h 20)**Mme Necula (Miruna Aiana): Mais en fait ce que je voulais rajouter et souligner en fait, c'est qu'on ne veut pas que, dans notre cours, on traite seulement la partie biologique et tout ce qui concerne seulement le corps et le physique, ou soit le port du condom, ou bien comment l'homme et la femme sont faits, ou de quoi ça a l'air, un rapport sexuel. Mais c'est vraiment traiter tous les aspects de la sexualité, les aspects psychologiques, émotifs, voilà, parler de vraiment tout, et, si possible, de nous consulter durant la démarche de la préparation du cours, comme ça on pourrait guider les gens sur nos réels besoins.
Le Président (M. Marsan): Alors, merci pour cette présentation. Nous allons immédiatement débuter la période d'échange, et je vais céder la parole à notre collègue la députée de Mille-Îles. Mme la députée.
Mme Charbonneau: Mme Cyr, bonjour. Il me semble qu'il n'y a pas si longtemps on fréquentait les mêmes endroits.
Mme Cyr (Jocelyne): En effet.
Mme Charbonneau: Comme vous dirait votre présidente, je vous ai abandonnée un petit peu, mais je suis rendue à un autre endroit, mais j'ai toujours à coeur le travail... moi, j'ai toujours osé dire le travail professionnel des commissaires scolaires, parce qu'on ne s'engage pas, comme commissaire, pour la paie, on s'engage pour nos valeurs. Et ça, je ne peux pas faire autrement que le souligner.
Mademoiselle, plaisir de vous voir. Je pense qu'on s'est vues l'année passée à la commission-jeunesse quand les jeunes sont venus ici. Est-ce que vous seriez de la commission qui a siégé sur la loi qui a été votée par l'Assemblée du jeune parlement? Non? Vous n'étiez pas là? Alors, il y a une école, l'année passée, qui s'appelle l'école Georges-Vanier de Laval, qui a présenté un projet de loi, que j'ai eu le plaisir de présider dans sa présentation et qui a été, de trois projets de loi présentés par nos jeunes, pour nos jeunes, le seul projet de loi adopté, pas à l'unanimité, mais qui a été adopté, au grand bonheur des jeunes de l'école de mon comté.
J'ai aimé la présentation et j'ai aimé comment vous avez fait le cheminement de ce dossier, que le conseil a pris et qui vous a aidée probablement à aller un peu plus loin. Parce qu'effectivement le conseil des commissaires a un mot à dire sur qu'est-ce qu'on fait dans nos écoles. Je suis d'autant plus contente de vous entendre, puisque, quand on parle des écoles, je pense qu'il est important d'entendre non seulement les jeunes qui y sont, mais ce que, moi, j'appellerai le gouvernement qui le dirige à sa façon, qui est le gouvernement scolaire, donc le conseil des commissaires.
Vous êtes... je veux dire votre nom comme il faut, Mlle Necula? Vous avez touché un point très sensible à la formation des jeunes, qui est l'estime de soi. On sait que l'estime de soi touche à plusieurs volets de la vie d'un jeune, et nécessairement sa relation à l'autre, et le regard que l'autre porte sur lui-même. S'il est sûr de lui, il est solide; s'il est moins sûr de lui, ça fait de lui quelqu'un d'autre. Vous avez parlé à des jeunes du secondaire, j'imagine? Avez-vous pensé d'aller un peu bambocher du côté du primaire puis du préscolaire par rapport à ce qui se fait sur l'estime de soi et la relation à l'autre?
Mme Necula (Miruna Aiana): Non, parce que...
Mme Cyr (Jocelyne): Non, pas vraiment. On n'est pas... On n'a pas voulu aller principalement dans nos écoles primaires, parce qu'on voulait vraiment savoir plus au niveau du secondaire quelles étaient leurs préoccupations. Mais vous avez tout à fait raison, entre autres, la DSP, dans un rapport, le mentionne que ça serait une bonne chose de commencer dès le troisième cycle du primaire pour parler des saines... des relations harmonieuses, etc. Vous avez tout à fait raison, absolument.
Mme Charbonneau: ...on appelle aussi le senti, hein?
Mme Cyr (Jocelyne): Absolument.
Mme Charbonneau: ...le jeune puis sa relation avec lui-même et son corps, là; mon corps m'appartient, là, qui est tout un discours qu'on a au niveau du préscolaire puis du primaire.
Mme Cyr (Jocelyne): L'hypersexualisation aussi.
Mme Charbonneau: Exactement. Vous avez touché un aspect qui a titillé mon oreille, c'est-à-dire le principe des professionnels. La commission scolaire de Montréal est exceptionnelle par sa taille, par ses possibilités. Toute commission scolaire n'a pas ce même privilège là. Personnellement, je connais bien la commission scolaire de Laval qui bamboche entre Marguerite-Bourgeoys et Laval pour savoir laquelle est la deuxième plus grosse au Québec. Une journée c'est nous autres, une journée, c'est eux autres, ça dépend des ETP, là. C'est un débat que j'avais avec Diane, qui était très, très amusant.
Mais vous avez dit: Le conseil a pris une décision et a fait une recommandation d'engager une sexologue. Toutes les commissions scolaires n'ont pas ce privilège-là. Je voulais savoir si vous étiez peut-être plus au fait des partenariats avec le service de la santé ou... Au niveau de la commission scolaire, l'ouverture qu'il y a entre le CSSS, ou quelque chose comme ça, ça fonctionne comment?
Mme Cyr (Jocelyne): Dans nos écoles, il y a effectivement des partenariats qui se font avec les CSSS, c'est certain. Au niveau de l'engagement de la sexologue, on n'a pas encore engagé de sexologue, mais on a une conseillère pédagogique qui a... en fait, qui s'occupe de la prévention à la violence et de l'éducation à la sexualité pour soutenir nos équipes-écoles. L'embauche de la sexologue, on ne l'a pas fait encore, parce qu'on ne peut pas le faire pour l'instant, malheureusement; on ne peut pas se payer les services d'une sexologue actuellement, mais effectivement on prévoit au moins, quand on le pourra, embaucher une sexologue, question de guider un peu les interventions dans nos écoles.
Mais il y a des partenariats qui se font avec les milieux, entre autres, les CSSS, mais pas juste les CSSS, avec des organismes communautaires qui sont en mesure de venir soutenir... de tenir des activités dans nos écoles ou... Il y a, entre autres, Médecins du Monde qui a des activités dans différentes écoles secondaires, entre autres, FACE, Georges-Vanier, Père-Marquette, pour nommer que ceux-là, mais plusieurs organismes ou associations vont dans nos écoles tenir des activités. Absolument.
Mme Charbonneau: Je suis correcte? Je peux encore un petit peu?
Une voix: Continue.
Mme Charbonneau: La trousse pédagogique. Vous avez mentionné qu'il y avait une trousse pédagogique pour aider les enseignants. Quand la trousse a été confectionnée, si vous avez la réponse, qui s'est mêlé un peu de ça? Est-ce qu'il n'y avait seulement que votre personne du réseau pédagogique ou vous avez été bambocher dans d'autres services pour aller chercher le plus possible des outils dans la trousse pédagogique?
Mme Cyr (Jocelyne): En fait, notre conseillère pédagogique a effectivement... Il y a beaucoup de matériel qui est fait, hein, au niveau de l'éducation à la sexualité. Donc, notre trousse pédagogique donne l'ensemble des documents et de la documentation qui est disponible, tant au niveau du ministère... parce qu'il y a des choses qui ont été faites de la part du ministère, il y en a d'autres qui ont été faites de la part de la DSP, il y a un document aussi qui existe, qui s'appelle Ma sexualité m'appartient! ou La sexualité m'appartient, donc qui est disponible et qui permet... qui explique, bon, les ateliers qu'on peut faire, et etc. Donc, la trousse pédagogique, c'était de rendre disponibles l'ensemble des documents qui existent pour permettre aux équipes-écoles de voir la diversité et l'adapter à ce qu'eux pourraient faire, bien entendu.
Mme Charbonneau: La commission scolaire de Montréal a cette particularité-là aussi d'être riche en cultures. Et, mademoiselle, vous l'avez dit, hein, il y a Arabes, il y a Haïtiens, il y a Juifs. On peut en nommer comme ça, je pense que vous touchez à peu près à toutes les cultures possibles. Dans les jeunes, est-ce que l'aisance est la même par rapport à la relation à l'autre? C'est-à-dire que, chez nous, les jeunes peuvent parler avec une certaine facilité, pas avec moi, malheureusement, de sexualité. Il y a une gêne qui s'installe entre le parent et le jeune. Est-ce que, à même les jeunes, c'est facile ou c'est difficile? L'approche que vous avez eue ensemble, là, d'aller rencontrer les jeunes, est-ce que c'était facile ou difficile?
Mme Necula (Miruna Aiana): Vous voulez savoir la relation... Est-ce que les jeunes parlent avec leurs parents ou est-ce que les jeunes se parlent entre eux?
**(15 h 30)**Mme Charbonneau: Moi, je dirais plus entre eux, parce que nécessairement il y a une empreinte familiale qui nous appartient, une gêne, une timidité. Quand on sort de la maison et on arrive dans d'autres lieux, on est différent. Est-ce que le mélange est facile dans la discussion?
Mme Necula (Miruna Aiana): O.K. Mais, pour répondre selon mon expérience, c'est que quelqu'un qui... un jeune qui n'a jamais entendu parler de sexualité et qui arrive dans ce milieu scolaire où est-ce qu'il y a des jeunes qui sont plus familiarisés avec le sujet, bien, au début, ils vont rester de côté, ils vont écouter, ils vont entendre, ils vont se dire: Ah! mon Dieu, moi, je ne connais rien. Ils vont vraiment se sentir, bon, mis à part. Mais plus le temps va avancer, en entendant de plus en plus de choses, ils vont participer, eux aussi, à la discussion. Mais justement, n'ayant pas la bonne information, mais ça va être des discussions où est-ce que la mauvaise information sera véhiculée. Parce que le jeune qui n'a jamais entendu parler, il va aller s'informer quelque part ailleurs pour que la prochaine fois il puisse contribuer à la discussion.
Mme Charbonneau: L'hyper... Oups!
Mme Cyr (Jocelyne): J'ai été très surprise de l'aisance avec laquelle les jeunes se sont exprimés, j'avoue. C'est vrai que, bon, j'étais la commissaire du quartier, donc il n'y avait pas... on n'était pas en relation, aucune forme de relation possible, en tout cas, intime, à la limite, là, de parent à enfant. Mais ils l'ont fait avec beaucoup d'aisance et ils ont été très généreux dans leurs propos, très, très généreux. J'avoue que j'aurais continué cette tournée-là au moins pendant au moins une autre année parce que c'était fort intéressant de les entendre, fort intéressant et très curieux aussi.
Mme Charbonneau: Je n'en doute pas, je n'en doute pas. Déjà que le vocabulaire est différent, je le disais plus tôt, d'une génération à l'autre, donc effectivement. Puis la non-proximité fait en sorte que c'est plus facile parce qu'il n'y a pas de jugement dans le regard: Je ne te connais pas, donc je peux te lancer quelque chose, puis après ça...
Mademoiselle, je retourne vers vous. L'hypersexualisation, dans les groupes et dans les discussions que vous avez eues, je comprends que vous avez eu un échange sur le principe de l'éducation à la sexualité, mais y a-t-il, de par les jeunes que vous avez rencontrés, une inquiétude, un verbatim, quelque chose qui se dit par rapport à... les annonces, les médias, l'Internet, du regard qu'on porte autant sur la femme que sur l'homme?
Mme Necula (Miruna Aiana): Donc, si je comprends bien, vous voulez savoir: Est-ce que les jeunes sont inquiets de l'hypersexualisation? Mais, en fait, oui. Il y a beaucoup de jeunes qui ont exprimé leur désir de vouloir justement en parler, des rapports hommes-femmes, des relations hommes-femmes. Ça fait que, moi, je dirais que oui. Puis j'ai remarqué aussi auprès des filles qui disaient que, oui, elles sentent de la pression qui vient de la part des médias et de ceux qui les entourent d'être... d'avoir le corps et la beauté qu'il faut. Donc, moi, je dirais que oui.
Mme Charbonneau: Merci. Un grand débat de commission scolaire, de parents et d'élèves: La distribution de condoms dans les chambres de bain, autant des filles que des gars, est-ce que le débat s'est fait chez vous?
Mme Cyr (Jocelyne): Il y a longtemps. Il y a longtemps. Et effectivement, à cette époque-là, c'était: Il n'en est pas question. Il n'en est pas question. Maintenant, il serait peut-être intéressant d'aller voir les parents. Vous savez, les parents, ce qui les inquiète, c'est de ne pas inciter les enfants, leurs enfants, à avoir des relations sexuelles. Ça, on est... Puis, dans le fond, tous les parents ne souhaitent pas que leurs enfants aient des relations sexuelles à 13 ans. Mais en même temps il faut aussi réaliser qu'il y a des ITSS qui reviennent, qui sont très inquiétantes et sur lesquelles il faut se dire... Écoutez, juste la chlamydia, là, on peut se ramasser avec des jeunes filles qui vont avoir un taux d'infertilité phénoménal. Donc, c'est inquiétant.
Maintenant, je pense qu'il faut toujours le faire en termes de prévention, d'une part, mais aussi d'éduquer les enfants à... Parce que l'école, c'est ça, hein, c'est de les préparer aussi dans leur rôle d'adulte, c'est de s'assurer qu'on va bien les outiller pour que, quand ils auront à prendre la décision, ils pourront le faire de façon à peser le pour, le contre et savoir aussi, connaître les conséquences.
Alors, moi, je pense que, pour le condom dans les écoles, on pourrait aborder cette question-là. On pourrait toujours le faire en allant consulter les parents et en leur posant la question si, pour eux, ça pourrait s'avérer une solution ou, à la limite, l'avoir dans le bureau de l'infirmière et avoir accès à une infirmière. Mais ce qui est important pour les jeunes, c'est d'y avoir accès mais en toute confidentialité.
Mme Necula (Miruna Aiana): Mais, si je pouvais rajouter une chose, c'est que les parents sont inquiets qu'en distribuant des condoms on va inciter les jeunes à la sexualité, mais c'est tout à fait faux parce que les jeunes, ils vont entendre parler de sexualité, que les condoms se distribuent ou pas. Mais, les condoms étant distribués, sûr qu'il y a une information qui vient avec. Donc, les jeunes, ils vont entendre parler, mais, en plus de ça, ils vont savoir quoi faire s'ils veulent commencer leur vie sexuelle de façon sécuritaire.
Mme Charbonneau: J'ai ouvert un peu plus large. J'ai posé la question parce qu'on sait que la pilule du lendemain est accessible au CLSC mais que, pour les garçons, ça s'arrête là. Et, puisqu'on est sur le sujet, on sait aussi que la pilule n'empêche pas la transmission de maladies, tandis que le condom peut nous aider un peu.
On revient sur le sujet les parents. On peut parler de cours de sexualité jusqu'à temps qu'on n'ait plus de salive, mais, si un coup sorti de l'école -- puis là, Mme Cyr, je vous mire un peu -- le comité de parents reste toujours le premier partenaire important au sein du conseil, mais c'est aussi celui qui lève des drapeaux rapidement pour nous dire les choses. Donc, vous avez consulté, vous avez parlé à votre comité central, vous disiez que vous aviez ce privilège-là, toutes les commissions scolaires ont des comités de parents des fois actifs, des fois moins, ça dépend où, mais la plupart sont très alertes. Comment je fais pour mieux éduquer mes parents? Puisque, si je suis un jeune, puis que j'ai eu une discussion, puis que finalement mes parents ont une certaine ouverture, je veux ouvrir la porte un peu, mais il faut quand même que j'aie cet espace-là. Comment je fais pour mieux habiliter mes parents, si je ne fais que de l'éducation à l'école?
Mme Cyr (Jocelyne): Mais je pense, comme je vous le mentionnais tantôt, nous, à la commission scolaire, on fait beaucoup de... on a des conférences. C'est le comité central de parents qui organise ces conférences-là. On en fait plusieurs, ils en font plusieurs par année. Et la commission scolaire soutient les parents dans cette démarche-là, c'est-à-dire qu'elle diffuse l'information à l'ensemble des parents pour qu'ils puissent évidemment... Exactement. Donc, je pense que ça, c'est un bon créneau. On pourrait très bien le faire comme ça. Et, vous savez, quand il s'agit d'éducation à la sexualité, les parents se sentent concernés. Alors, à mon avis, je pense que c'est un excellent créneau.
Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Trois-Rivières.
Mme St-Amand: Merci, M. le Président. Alors, bonjour, Mme Cyr, Mlle Necula, c'est vraiment intéressant. Vous avez d'ailleurs développé quand même une expertise assez intéressante de votre propre initiative, et c'est tout à votre honneur.
J'aimerais savoir... Dans ce que vous avez vu et dans les conclusions que vous en avez tirées, il y a deux choses. Ma question aura deux volets. D'abord, parce que tantôt vous avez parlé de culture, des cours de culture et religion, science, technologie, est-ce que vous... Vous vous êtes questionnée certainement sur à quel niveau scolaire vous voulez diffuser votre information et faire l'éducation. Est-ce que c'est à tous les niveaux, est-ce qu'il y a un niveau plus précis? Et est-ce qu'il y a une fréquence, est-ce que vous l'avez vu dans le temps à toutes les semaines ou quelques fois par année? Alors, au niveau de la fréquence et au niveau du niveau scolaire.
Mme Cyr (Jocelyne): Je pense qu'en matière d'éducation à la sexualité il n'y a pas juste sexualité, il y a éducation. Et, quand on parle de sexualité, il faut d'abord, dans un contexte d'école, parler d'éducation à la sexualité et mettre beaucoup d'emphase sur le mot «éducation». Et je pense que, quand on parle d'éducation, ça s'adresse un peu à tout le monde. Je pense qu'à partir de secondaire I il y a moyen, je pense, selon l'âge des enfants, de faire un programme qui est adéquat pour les enfants.
Vous savez, les saines relations entre hommes-femmes, ça peut s'aborder à n'importe quel âge, ça dépend de la façon qu'on le fait. Et, quant à moi, je pense qu'on peut le faire facilement même à partir du troisième cycle du primaire. Ça dépend comment on l'introduit.
Ce qu'on sait, c'est que les élèves auront leurs premières relations sexuelles durant leurs parcours au niveau secondaire, alors c'est sûr que ça va se faire. Puis leur première relation de couple, en fait amoureuse, va se faire aussi pendant la période du secondaire. Alors, vaut mieux faire de la prévention et commencer à en parler le plus tôt possible mais selon leur âge, bien entendu.
Mme St-Amand: Je m'excuse, M. le Président, je vais reprendre ma question. Ma question, je vous l'ai posée. Je suis une éducatrice de formation, une éducatrice spécialisée en milieu scolaire, alors je l'ai posée avec le fait que vous ayez en fond la réalité des calendriers scolaires, la réalité des charges de cours qui sont déjà là. Si, demain matin, vous implantez ça dans vos écoles, est-ce que vous le faites à tous les niveaux? Et, si oui, compte tenu, vous le savez, compte tenu déjà de la grille horaire scolaire, vous le faites comment?
Et est-ce que c'est, parce qu'il y a un contexte de réalité qu'on connaît, tout le monde, là, alors est-ce que... Parce que là, dans ce que vous me dites là, je suis en train de me dire: Est-ce que vous êtes en train de me dire que vous ajoutez des cours à la grille ou... Alors, ce que je veux vraiment savoir, c'est: Si, demain matin, en septembre prochain, on vous dit: O.K., go, on commence, on veut le faire d'une façon réaliste, alors dans les... je vais dire, dans les limites qu'on a dans les grilles scolaires, vous, est-ce que vous le feriez, oui, à tous les niveaux, ou, si oui, dans quel... oui ou non à tous les niveaux, dans quels cours et à quelle fréquence?
**(15 h 40)**Mme Cyr (Jocelyne): Bien, la fréquence et les cours, c'est comme on l'a dit, les cours d'ECR et les cours de science et technologie, selon l'horaire dans les cours bien entendu, mais de l'insérer comme un volet plutôt que d'ajouter un cours. Il n'est pas question ici d'ajouter un cours, mais plutôt de l'insérer comme volet au lieu de refaire, de remanier la grille-matières, ce qui est impensable et qui devient très complexe.
Mais le programme pourrait être élaboré de façon, entre autres, thématique, sur des thématiques bien précises. Et puis on sait très bien, dans le cadre d'un cours, que, quand on parle d'une thématique, on peut aller un peu plus à droite, un peu plus à gauche, Mais, dans le cours d'éthique, de culture et religion, il serait facile d'aborder la thématique de l'éducation à la sexualité via les valeurs des communautés, et etc.
Mme St-Amand: Merci.
Le Président (M. Marsan): Merci. Nous allons poursuivre avec la députée de Marguerite-D'Youville. Mme la députée.
Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci, M. le Président. Merci, mesdames. Vraiment, c'est une démarche très intéressante qui met à contribution l'association étudiante; j'apprécie beaucoup. Je trouve que ce sont ces jeunes-là qui peuvent nous faire part de façon très claire et très précise de leurs besoins, de nous donner aussi quelquefois des conseils sur le comment et de nous «feeder» un peu sur les réactions des parents.
Et j'en viens justement à vos interventions auxquelles les jeunes ont contribué auprès des parents. Puis j'aimerais vous entendre, vous, la représentante de l'association étudiante, voir comment, dans vos démarches auprès des parents, compte tenu du milieu culturel pluriethnique de Montréal, comment ces interventions se sont faites, et est-ce que les réactions des parents ont été très différenciées d'un groupe à l'autre, et comment vous conjuguez avec ça.
Mme Necula (Miruna Aiana): O.K. Bien, nous sommes allés voir donc les parents et nous leur avons présenté le projet comme nous l'avons fait devant vous aujourd'hui. Et leurs réactions, elles étaient pas mal identiques: ils s'inquiétaient tous des valeurs qu'on allait transmettre à leurs enfants et ils voulaient qu'on tienne compte des valeurs familiales et de la différence culturelle.
Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Moi, je comprends que les parents veulent que les jeunes soient informés sans les inciter. Alors, où est la marge là-dedans? Je comprends très bien qu'ils veulent être rassurés aussi quant à la démarche.
Il y a un volet de votre présentation qui m'a interpellée aussi, c'est -- ma collègue en a parlé tout à l'heure -- la trousse pédagogique pour soutenir les enseignants. Et vous disiez en conclusion de ce petit bout de présentation, là: Pour les enseignants ou l'équipe-école qui voudraient faire des projets. Et, à partir du moment où on utilise le «voudraient», on comprend que ça devient selon l'intérêt ou la bonne volonté des gens de le faire. Et c'est ce qui, à mon avis, contribue à vous amener à dire: Il faut que ce soit obligatoire et qu'on insère ça dans le curriculum actuel, qu'on trouve la place nécessaire pour répondre à ça. Mais est-ce que vous avez une certaine évaluation de l'utilisation de cette trousse? Est-ce que ça fait suffisamment longtemps pour que vous puissiez nous donner un certain point de vue quant à l'utilisation?
Mme Cyr (Jocelyne): À ce moment-ci, non, parce que c'est récent. Alors, l'information a été diffusée récemment à l'ensemble de nos équipes-écoles, principalement les directions. Donc, il est trop tôt. Mais on prévoit le faire. On prévoit le faire.
Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci. Je vais céder la parole à mon collègue. On a tous beaucoup de questions, là. Alors, je reviendrai s'il reste du temps.
Le Président (M. Marsan): M. le député de Prévost.
M. Robert: Oui. Merci. Mlle Necula -- je ne sais pas si je prononce bien, oui -- vous êtes en cinquième secondaire?
Mme Necula (Miruna Aiana): Oui, c'est ça.
M. Robert: Je voudrais d'entrée de jeu vous féliciter pour votre implication citoyenne. Souvent, on est sévères envers nos jeunes puis de voir des implications comme ça... Puis vous n'êtes pas un cas unique, je sais qu'il y en a plein, de jeunes, qui ont des choses à dire, il faudrait juste être en mesure de les écouter.
Écoutez, Mme Cyr, il y a un vide présentement dans la sensibilisation des jeunes au niveau de l'éducation sexuelle. Il y a des pétitions qui circulent, c'est pour ça qu'on est ici aujourd'hui.
On a rencontré tantôt un groupe, le CALACS de l'Estrie, qui nous disait qu'ils ne sont même plus capables d'entrer dans les écoles pour aller informer les élèves. Vous, je ne sais pas si c'est parce que vous êtes une commission scolaire visionnaire, mais j'aimerais ça savoir: Est-ce que vous pensez que le milieu scolaire en général... vous avez des contacts avec d'autres commissions scolaires au Québec, est-ce qu'ils sont conscients des besoins et qu'il faut faire quelque chose présentement, là, pour d'une part sensibiliser les élus que nous sommes sur le fait qu'il faut ajouter des moyens pour qu'il y ait une sensibilisation accrue à l'éducation à la sexualité dans nos écoles?
Mme Cyr (Jocelyne): Je ne peux pas vous parler des autres commissions scolaires parce que je ne le sais pas. Mais ce je suis en mesure de vous dire, c'est que le fait que les enseignants ne sont pas nécessairement habilités ou outillés pour parler d'éducation à la sexualité et que c'est un sujet qui vient nous chercher émotivement fait en sorte qu'ils ont probablement plus de difficultés à parler d'éducation à la sexualité et que nécessairement ça prend des outils, oui, mais ça prend aussi de la formation pour leur permettre... Puis ce n'est pas nécessairement tous les enseignants qui sont en mesure de parler d'éducation à la sexualité, ça prend des gens qui sont capables de discuter avec des jeunes et qui ont une certaine ouverture par rapport à l'éducation à la sexualité pour en parler avec eux. Donc, nécessairement, ce n'est pas parce qu'ils ne sont pas ouverts parce que souvent ce sont des organismes communautaires.
Si, par exemple, si on prend dans mon quartier, les intervenants communautaires vont faire des activités, le poste de police vient faire des activités aussi dans nos écoles secondaires pour parler aux jeunes de l'éducation à la sexualité. Donc, nos directions d'école sont ouvertes à accueillir des gens pour tenir des activités, et tout ça. Mais, dans un cadre scolaire, c'est plus difficile, parce qu'ils ne sont pas nécessairement outillés pour... et habilités à en discuter.
M. Robert: Mais ce qui existait avant la réforme, là, pédagogique, alors c'étaient des enseignants en formation... en formation personnelle, cours d'éducation et choix de carrière.
Une voix: C'est ça.
M. Robert: Est-ce que vous jugez que c'était plus efficace à ce moment-là ou il manquait encore là d'outils à l'époque?
Mme Cyr (Jocelyne): Je ne peux pas parler sur l'efficacité. Ce que je peux dire, c'est que c'était déjà mieux ça que rien du tout. Mais en même temps ce que j'aurais tendance à vous dire, c'est que ce que les jeunes nous ont dit, et je pense que c'est ça qu'il faut comprendre, entre autres, c'est qu'ils ont besoin d'un espace où ils vont se sentir en confiance pour en discuter, puis qu'il va y avoir une personne qui va être capable de répondre à leurs questions. Alors, ce n'est pas, comme Miruna l'a si bien dit, seulement que sur la biologie, bon, et tout ça, c'est vraiment sur des questions d'ordre psychologique et émotif.
M. Robert: Les valeurs, et tout ça.
Mme Cyr (Jocelyne): Voilà. Les valeurs, etc.
Mme Necula (Miruna Aiana): Si je pouvais ajouter un petit truc, c'est qu'en discutant de ce projet avec d'autres jeunes qui ont fini leur secondaire et qui ont eu ce cours-là auparavant ils ont dit que ce n'était pas adapté du tout. Oui, c'était un peu mieux que rien, mais ce n'était pas ce qu'il nous fallait.
M. Robert: D'accord. Merci.
Le Président (M. Marsan): Ça va? M. le député de Johnson.
M. Boucher: Je vous remercie beaucoup, M. le Président. Question rapide. Les intervenants devant le CALACS, lorsque j'ai posé la question à savoir s'ils savaient que les outils développés par le ministère de la Santé et des Services sociaux ou encore celui développé par le ministre de l'Éducation pour aider les intervenants, aider les professeurs, aider même les parents à parler d'éducation à la sexualité avec les jeunes, à la question, je leur ai demandé: Est-ce que vous savez si les... Les gens avec qui vous en avez parlé vous ont dit: Oui, mais ça, ça existe. Eux, ils disent qu'eux-mêmes ignoraient l'existence de ces outils-là. Est-ce que la trousse pédagogique que vous avez mise sur pied vient un peu combler finalement ce manque de connaissances ou plutôt, disons, ce...
Une voix: ...
M. Boucher: ...oui, bien, c'est ça, cette espèce d'ignorance quant à la disponibilité de plusieurs outils liés, là, à l'éducation à la sexualité pour nos intervenants, nos professeurs, nos parents, etc.?
Mme Cyr (Jocelyne): Bien, en tout cas, une chose certaine, c'est qu'avec le fait qu'on a rassemblé tout ce qui se faisait en matière d'éducation à la sexualité, que ça vienne du ministère de l'Éducation, comme je mentionnais tantôt ou de la DSP, fait en sorte que ça vient effectivement soutenir nos enseignants. Parce qu'un enseignant qui veut effectivement tenir une activité dans peu importe le cadre, bien il a recours à toute l'information. Donc, il est en mesure de choisir le matériel pédagogique à utiliser lorsqu'il va tenir cette activité-là.
Maintenant, en termes d'ignorance, bien je pense qu'ils sont au courant. Parce que, nous, comme commission scolaire, on diffuse cette information-là et que, s'ils veulent avoir de la documentation, ils appellent à la commission scolaire, ils appellent notre département, puis, bon, effectivement ils vont recevoir toute l'information et aussi le soutien pour justement tenir ces activités-là, ça, c'est certain. Mais maintenant, moi, je pense que la trousse va venir les soutenir, ça, c'est garanti.
**(15 h 50)**M. Boucher: Oui, mais en tout cas, sans parler d'ignorance de nos professeurs, ce n'était pas ça, là, c'est juste que ces outils-là étaient disponibles. Et un grand nombre d'intervenants, un grand nombre de professeurs disent: On n'est pas à l'aise, alors que justement ces outils-là étaient faits pour les aider à mieux intervenir en matière d'éducation à la sexualité, etc. Donc, on voit qu'il y a quand même... là, ça existe, mais est-ce qu'ils sont réellement efficaces? En tout cas, c'était ma question.
Deuxième des choses, vous dites: Deux conditions gagnantes, on aime ça, nous, au parti, des conditions gagnantes, non, mais, pour de vrai, deux conditions gagnantes concernant le succès ou l'efficacité des cours ou du contenu à l'éducation à la sexualité, c'est: de un, qu'elles soient, disons, que ces connaissances-là soient données dans le cadre scolaire, hein, dans le lieu d'une école, puisque, bon, c'est le lieu idéal, un encadrement, bon, spécifique, etc., et obligatoire aussi, «by the way»; l'autre chose, c'est d'impliquer les parents.
Est-ce que, cette implication-là des parents, vous la voyez à l'extérieur de l'école? Est-ce que vous la voyez à l'intérieur? En quoi vous voyez impliqués les parents? Parce que, bon, de dire aux parents qu'ils doivent se préoccuper de l'éducation sexuelle de leurs jeunes, tu sais, c'est comme de leur dire que c'est important qu'ils leur transmettent des bonnes valeurs, là. C'est comme une évidence, là, finalement. Alors, en quoi, comment voyez-vous cette implication-là des parents? Est-ce que c'est dans un cadre scolaire, ou à l'extérieur, ou les deux?
Mme Cyr (Jocelyne): Moi, je pense, c'est un mélange des deux. Ça pourrait très bien se faire dans un cadre scolaire, comme je mentionnais tantôt, via le comité central de parents qui tient des formations ou des conférences sur un certain nombre d'éléments. Donc, ça pourrait être facilement dans ce contexte-là, mais ça pourrait très bien se faire avec la collaboration d'un organisme communautaire, par exemple. Ça pourrait très bien se faire dans le milieu, ça, c'est...
Une voix: ...
Mme Cyr (Jocelyne): Oui, absolument.
M. Boucher: Merci. Je pense que ma collègue de Marguerite-D'Youville avait quelque...
Le Président (M. Marsan): Oui. Mme la députée de Marguerite-D'Youville.
Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Oui. Moi, j'aimerais... Vous avez travaillé beaucoup avec l'association étudiante, vous avez des liens avec les jeunes. J'aimerais que vous me parliez des garçons dans cette démarche-là, est-ce que ça prend un caractère particulier?
Mme Cyr (Jocelyne): Vas-y, Miruna, je finirai. Vas-y, je compléterai.
Mme Necula (Miruna Aiana): Mais je ne suis pas sûre d'avoir bien compris votre question.
Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Est-ce que les garçons sont très ouverts à une démarche comme celle que vous proposez? Est-ce qu'ils participent? Est-ce qu'ils sont en nombre aussi important que les filles et la nature des questions soulevées ou de leur engagement dans une démarche comme celle-là?
Mme Necula (Miruna Aiana): O.K. Mais, pour être sincère, j'ai été étonnée, lorsque je rencontrais les groupes de jeunes, de voir qu'il y avait beaucoup de garçons qui participaient à la discussion et qui ne disaient pas juste des conneries; c'étaient vraiment des choses intelligentes et bien pensées. Puis...
Une voix: ...
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Necula (Miruna Aiana): Non, mais parce que souvent, quand on en parle dans le groupe à l'école, c'est: les gars sont toujours là pour amener une niaiserie pour détendre l'atmosphère et enlever le sérieux de la chose. Mais vraiment, dans ces discussions-là, ils ont participé en ajoutant de l'information. Et, moi, je dirais que oui, les garçons sont autant impliqués dans la démarche, parce qu'au sein de l'association il y a autant des filles que des garçons. Ça fait que, moi, je dirais qu'ils sont représentés équitablement. Et puis Mme Cyr pourrait plus vous en parler parce qu'elle a rencontré un groupe de garçons dans notre école voisine, puis ils n'ont pas voulu que j'y participe parce que j'étais une fille, donc ils m'ont mis à la porte. Et voilà.
Mme Cyr (Jocelyne): Bien... Oui, c'est ça. Moi, j'étais peut-être, je ne sais pas...
Une voix: ...
Mme Cyr (Jocelyne): ...oui, c'est ça, absolument. Donc, j'étais accompagnée d'un intervenant communautaire et j'avoue sincèrement que les garçons étaient très volubiles, très, très, très volubiles, posaient des questions: Et, vous, madame, vous en pensez quoi? Oui, absolument. Je vous dirais que, les premières cinq minutes, on est sur à peu près n'importe quoi, tout et rien, mais, par la suite, ça devient très sérieux. Et ils sont même très préoccupés, entre autres, par les relations hommes-femmes, l'égalité entre les sexes; la prostitution les préoccupe; l'hypersexualisation les préoccupe. Et ils veulent absolument être en mesure d'échanger mais juste entre gars, pour toutes sortes de questions. C'était très intéressant.
Et même, lorsqu'on est allés dans les maisons des jeunes où la clientèle... J'en ai deux, et la première qu'on a visitée, c'est une clientèle assez particulière, difficile, un milieu difficile, très pauvre, très défavorisé. Il y avait plus de garçons que de filles. Et la majorité des discussions se sont faites avec les garçons.
Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Puis est-ce qu'au niveau de cette -- je suis très curieuse de ça, là -- est-ce qu'au niveau de cette expérience-là... Moi, j'ai enseigné à la fin du primaire. Bon. Et, quand on enseigne à des élèves de sixième année, on sait ce qui s'en vient, puis on sent ce qui s'en vient dans les comportements et les attitudes, et tout ça. Est-ce que vous êtes en mesure de nous dire qu'à travers les cinq années du secondaire les besoins sont différents d'un niveau à l'autre? Est-ce que la nature des interventions est aussi différente? Est-ce que vous êtes capable de la différencier un peu?
Mme Cyr (Jocelyne): Non. Si on parlait juste d'un volet qui est la violence tant physique que psychologique, la DSP, dans son rapport, dit qu'entre autres plus les jeunes vieillissent, plus les actes de violence changent et deviennent de plus en plus importants. Et c'est normal parce que, bon, on prend plus conscience, etc. Donc, effectivement, je pense que les besoins évidemment, à partir du secondaire I, disons, là, jusqu'au secondaire V, il faut s'adapter. Il faut s'adapter, ça, c'est certain.
Mme Necula (Miruna Aiana): Bien, moi aussi, j'en aurais un exemple, si je peux me permettre: c'est que... juste expérience personnelle, première secondaire, moi, juste entendre parler de masturbation, c'était quelque chose d'incroyable. Et j'étais comme: Oh! mon Dieu, c'est quoi, ça? Tandis que maintenant je suis rendue à cinquième secondaire, mes besoins sont tout à fait différents, je connais tout ce qui est biologique, je connais tout ce qui est rapports sexuels. J'ai plutôt de la difficulté à gérer mes émotions puis à savoir qu'est-ce que ça veut dire être prêt, à savoir vraiment dire oui et non. Et voilà.
Mme Richard (Marguerite-D'Youville): C'est bien. Peut-être une dernière question. Vous avez parlé de la formation des enseignantes, des enseignants à l'intérieur, c'est-à-dire les enseignants concernés par les cours que vous suggérez, bien sûr, mais vous avez soulevé aussi l'embauche de sexologues ou psychologues. Comment vous voyez le rôle de différents intervenants du milieu en appui aux enseignantes et aux enseignants?
Moi, je me souviens d'avoir entendu sur des lignes téléphoniques, en réaction justement à cette proposition d'un cours qui revienne, des parents dire: Oui, mais il faut que ce soient des spécialistes, il faut que ce soient des gens qui ont les compétences, et ainsi de suite. Comment vous voyez l'organisation de ça qu'on pourrait suggérer?
Bien sûr, il y a une ouverture chez vous qui va nous permettre peut-être de faire une certaine évaluation puis d'ajuster certaines choses au fil du temps, mais comment vous voyez ça dans la réalité des choses, à partir de votre expérience depuis deux ans?
Mme Cyr (Jocelyne): Bien, en fait, je pense que, si on parle maintenant, si on parle actuellement, là, je pense que ça se fait via, entre autres, ça pourrait se faire via, entre autres, les formations. Ça se fait, oui, avec la DSP, mais on sait qu'une sexologue, ça vient dans le plus pointu, dans le plus près. Donc, je pense que ça, ça pourrait être assez intéressant de rendre la sexologue disponible pour la formation, le soutien, au même titre que les psychologues.
Mais, si on parle, entre autres, au niveau des jeunes, pour eux, les spécialistes de la sexualité, c'est le sexologue. Et il y a aussi un rapport, il est directement lié avec la confidentialité, ce qui s'avérait très important pour eux. Et tout ce qui touche l'aspect émotif, psychologique, était du ressort du psychologue. Donc, pour eux, les spécialistes étaient vraiment le sexologue et le psychologue. Moi, je pense que ces deux spécialistes-là pourraient effectivement venir en soutien à nos équipes-écoles qui, pour toutes sortes de bonnes raisons, n'arriveraient pas à trouver des solutions ou comment, par exemple, présenter un certain sujet qui est plus délicat qu'un autre, pourraient justement leur suggérer des méthodes de travail ou une façon d'aborder ces questions-là, pourraient facilement le faire.
Mais, en même temps aussi, on sait que la santé mentale chez nos jeunes devient problématique. Alors, ça pourrait être aussi une forme de soutien qui pourrait, à l'intérieur même de nos écoles secondaires, être une référence, là, bien sûr.
Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Puis, peut-être en conclusion, un dernier commentaire. Je trouve très intéressant de voir que vous en veniez à envisager une démarche spécifique pour l'enfance en difficulté d'adaptation et d'apprentissage. Je pense aussi, le support aux parents, à énormément de questions soulevées par les parents de ces enfants, de ces jeunes-là. Et je pense qu'on va suivre ça de près, on va vous regarder aller là-dessus.
Mme Cyr (Jocelyne): Si vous me permettez juste un petit peu de faire du pouce là-dessus parce que justement on a contacté une sexologue qui, dès qu'elle sera disponible, va pouvoir venir donner quelques conférences, au moins une. On va commencer par une conférence pour les parents qui rencontrent des particularités, des situations avec leurs jeunes, principalement chez des enfants qui... les déficients intellectuels. J'ai eu quelques commentaires, discussions avec des parents qui ont des enfants et qui sont complètement... effectivement oui, ils ne savent pas trop quoi faire, comment réagir, comment on l'aborde, et etc. Ça fait que ça risque de répondre à un besoin assez important, oui, effectivement.
Le Président (M. Marsan): Alors, Mme Cyr, Mme Necula, merci beaucoup pour votre présentation. Je vais inviter le Dr Édith Guilbert à venir s'installer devant la commission.
Et nous allons ajourner pour quelques instants. Nous allons suspendre.
(Suspension de la séance à 16 heures)
(Reprise à 16 h 2)
Le Président (M. Marsan): Alors, nous reprenons nos travaux, et il nous fait plaisir d'accueillir le Dr Édith Guilbert. Dre Guilbert, c'est agréable de vous avoir avec nous sur un sujet qui est hautement intéressant. Alors, nous vous écoutons. Vous avez une période d'environ 20 minutes pour nous faire votre exposé, suivie par une période d'échange de part et d'autre des députés. La parole est à vous.
Mme Édith Guilbert
Mme Guilbert (Édith): Alors, bonjour. Ça me fait très plaisir de parler de ce sujet, qui m'est très cher et sur lequel je travaille depuis plus de 30 ans, tant par mes activités cliniques que mes activités de santé publique. J'ai composé un texte que je vais vous lire le plus dynamiquement possible, et puis après ça on pourra discuter.
Alors, pourquoi réinstaurer des cours d'éducation à la sexualité dans les écoles du Québec? Rappelons, d'entrée de jeu, que la sexualité humaine est multidimensionnelle. Elle implique les aspects affectifs par l'entremise des attitudes, des valeurs et des sentiments que l'on éprouve à l'égard de soi et d'autrui. Elle se nourrit de connaissances, de façons de penser et de conceptions diverses. Elle repose sur la biologie, mais elle est largement tributaire de la société dans laquelle une personne évolue et qui influe sur la culture, les rapports entre groupes et entre individus, les aspects moraux et spirituels. Enfin, elle se traduit par des comportements qui dans certains cas peuvent mettre en péril l'intégrité physique et psychique des protagonistes. La globalité et la richesse de la sexualité appelle donc nécessairement à une bonne connaissance de soi, et cela exige une démarche à la fois cognitive, réflexive et intégrative.
Bien que l'on s'entende pour dire que les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants, certains d'entre eux sont démunis face aux questions, commentaires et comportements de leurs jeunes en matière de sexualité. L'éducation à la sexualité les embarrasse, ils ont du mal à en parler simplement. Les jeunes, pour leur part, puisent principalement leurs informations sur la sexualité des médias et de leurs pairs, dont ils admettent volontiers les lacunes. Les enseignants et autres intervenants du milieu scolaire sont par ailleurs des interlocuteurs significatifs auprès des jeunes. Ils sont bien placés pour transmettre la mission de l'école québécoise d'instruire, de socialiser et de qualifier les élèves et, s'ils sont bien formés, peuvent s'avérer des ressources précieuses en matière d'éducation à la sexualité.
À l'école, la grande majorité des adultes présents ont à gérer quotidiennement des situations privées d'éducation sexuelle: chagrin d'amour de l'un, préoccupation quant à l'image corporelle de l'autre, harcèlement dans la cour d'école, dévoilement d'abus sexuel, jalousie, séduction, questions spontanées des jeunes sur l'amour et la sexualité. L'école constitue bien plus qu'un lieu d'apprentissage, c'est un milieu de vie. C'est donc dire que les interventions éducatives relatives à la sexualité peuvent être très à propos pour répondre à des besoins de la vie scolaire. Elles peuvent, par leur potentiel de réduction des anxiétés des élèves et de résolution de problèmes, réduire l'impact négatif des situations difficiles sur les performances scolaires.
Par ailleurs, l'éducation scolaire et l'éducation à la sexualité prennent leurs assises sur des déterminants communs: estime de soi, affirmation de soi, connaissance de soi, résistance à la pression d'autrui, développement de l'esprit critique, empathie, compétence à résoudre des problèmes, développement de compétences sociales. Ces déterminants sont les mêmes que l'on retrouve à l'origine de plusieurs problématiques comme la violence dans les relations conjugales, les dépendances affectives ou aux substances, les grossesses à l'adolescence, les ITSS, les difficultés scolaires, l'abandon scolaire. L'éducation à la sexualité peut donc être exploitée dans une vision intégrative et ainsi participer à la mission de l'école.
Qu'en est-il de notre Programme de formation de l'école québécoise? Ce programme mentionne que tous les éléments du programme concourent à un même objectif, qui est d'assurer au mieux le développement global de l'élève. De plus, il énonce comme intention éducative de la section Santé et bien-être des Domaines généraux de formation que l'on doit amener l'élève à adopter une démarche réflexive dans le développement de saines habitudes de vie, du bien-être, de la sexualité et de la sécurité. Cependant, aucune discipline formelle, ni période classe prédéfinie, ni enseignant désigné n'encadre l'éducation à la sexualité dans le PFEQ. Pour la rendre possible, l'éducation à la sexualité doit être cooptée par diverses disciplines en fonction de la proximité de contenu -- science et technologie, on en a parlé tantôt, éthique et culture religieuse, éducation physique et à la santé -- mais surtout selon sa priorisation par la direction d'école ou la commission scolaire, selon l'intérêt, l'expérience de l'enseignant ou selon la disponibilité des ressources externes compétentes, entre autres les infirmières scolaires, les médecins de CSSS.
Pourtant, plusieurs outils et activités sont disponibles pour dispenser l'éducation à la sexualité. Dans le cadre de l'entente de complémentarité des services convenue entre le réseau de l'éducation et celui de la santé, de nombreux travaux ont été réalisés pour analyser les programmes éducatifs qui existent et souligner ceux qui sont efficaces et cohérents avec le PFEQ, Programme de formation de l'école québécoise. Certains programmes, comme ESPAR, Mon bien-être sexuel, le PEP, s'arriment avantageusement aux compétences transversales prescrites par le PFEQ. Des fiches éducatives, dont une traitant de sexualité saine et responsable, ont été publiées par l'Institut national de santé publique. De plus, le ministère de la Santé et des Services sociaux met à la disposition des enseignants de nombreuses situations d'apprentissage et d'évaluation sur son site Internet. Enfin, des travaux nationaux, régionaux et locaux impliquant la collaboration des réseaux, tant santé qu'éducation, sont actuellement en chantier pour offrir du matériel adapté aux besoins des divers niveaux scolaires.
Il me plaît toujours de mentionner, quand on parle d'éducation à la sexualité, là où ça se donne et ce qui va bien, et je voudrais parler des Pays-Bas, qui sont un pays où l'éducation à la sexualité est donnée de façon adaptée et transversale de la maternelle à l'université, et ce, depuis la fin des années soixante. La littérature scientifique s'accorde pour dire que cette éducation, couplée à une accessibilité élevée des méthodes de prévention, favorise les faibles incidences de grossesse à l'adolescence, d'interruption volontaire de grossesse, d'ITSS, etc.
**(16 h 10)** Au Québec, des constats sérieux émergent. Lors d'une consultation menée sur la Côte-Nord en 2009-2010 que j'ai faite personnellement auprès de plus d'une centaine d'intervenants du réseau de la santé, l'INSPQ a constaté que l'éducation à la sexualité pour les jeunes de cette région était déficiente. Sur presque tout le territoire à l'exception d'un seul, l'éducation à la sexualité n'était pas considérée comme une priorité. Ainsi, les commissions scolaires, les directions d'école, voire les enseignants reléguaient l'éducation à la sexualité à quelques activités ponctuelles souvent réalisées par les intervenants de la santé. Ces activités, tant au niveau primaire que secondaire, étaient parcellaires, non continues, non harmonisées entre elles, principalement d'ordre biomédical, utilisant du matériel plus ou moins adapté et dépendaient essentiellement de la bonne volonté et de la motivation des professionnels. L'arrimage des secteurs scolaire et de la santé était quasi inexistant au niveau local, la communication entre les professionnels des deux réseaux était peu présente, parfois même chaotique, et une confusion planait quant aux stratégies à suivre pour dispenser ce type d'éducation. Enfin, certains parents et intervenants scolaires émettaient clairement des résistances.
Les résultats de cette consultation corroboraient ceux d'une étude provinciale réalisée récemment par Joanne Otis, professeure à l'UQAM, et ses collaboratrices intitulée L'intégration et la coordination des actions en éducation à la sexualité en milieu scolaire dans le contexte de transformation des réseaux de l'éducation et de la santé. Cette étude de cas faite dans neuf milieux scolaires, tant urbains que ruraux, a permis aux chercheurs de rencontrer plus de 80 intervenants et d'analyser la situation selon trois modes d'analyse. Le rapport de cette recherche souligne l'absence de priorisation de l'éducation à la sexualité dans les écoles du Québec, les risques du découpage horizontal de l'éducation à la sexualité, c'est-à-dire entre différentes disciplines, en l'absence de continuité verticale, c'est-à-dire à travers les années de scolarisation de l'élève, la confusion quant aux finalités de cette éducation à la sexualité et quant aux rôles et responsabilités des intervenants, le manque de formation des enseignants, l'absence d'imputabilité, l'iniquité actuelle de l'accessibilité des actions d'éducation à la sexualité aux jeunes Québécois.
Alors, que dire de la santé sexuelle des jeunes Québécois? Le taux d'IVG est, depuis plus de 10 ans, au Québec, le troisième plus élevé au Canada. Dans certaines régions comme la Côte-Nord, le taux est 2,5 fois plus élevé que dans le reste de la province au niveau de la grossesse à l'adolescence et le taux d'IVG se réduit à peine depuis deux ans. Sur le plan des ITSS, on voit une augmentation de la chlamydia en 2007-2008, et ça va continuer à augmenter en 2009, les jeunes de 15 à 24 ans étant les plus touchés. Pour ce qui est de la gonorrhée, c'est la même chose, ça ne fait qu'augmenter depuis les trois, quatre, cinq dernières années et ça touche principalement les femmes. Juste vous donner un exemple: au Nunavik, on a une augmentation de 215 %, dans les deux dernières années, du taux de gonorrhée.
Évidemment, ces problèmes-là ont des conséquences importantes. Par exemple, pour les grossesses précoces menées à terme, on parle de conséquences d'ordre psychologique, physique ou social: risque accru de prématurité, de petit poids de naissance, de dépression, de décrochage scolaire. Il y a une étude de l'INSPQ récente qui a montré que devenir enceinte à l'adolescence était l'un des déterminants majeurs de la pauvreté et de l'exclusion sociale chez les responsables de famille monoparentale. Vous avez entendu parler du chlamydia trachomatis et son lien aussi avec la gonorrhée sur les inflammations pelviennes chroniques, douleurs chroniques, infertilité, grossesses ectopiques; chez l'homme, prostatites, épididymites, puis on peut aller aussi loin qu'augmentation de la transmissibilité du VIH. Et là je ne vous ai pas parlé des problèmes d'image corporelle, de consommation d'anabolisants chez les jeunes, de prostitution juvénile, d'abus sexuels. On pourrait en parler longtemps.
Alors, en fin de compte, de nombreux arguments militent en faveur d'une dispensation formelle de l'éducation à la sexualité dans les écoles du Québec. Non seulement elle pourrait soutenir la prévention de plusieurs problèmes de santé et psychosociaux, mais elle prendrait la place qui lui revient dans le parcours scolaire des jeunes et contribuerait certainement à la réussite et au développement personnel et social des élèves. Tel que rapporté dans le quatrième rapport national de santé publique, on parle donc d'une recrudescence des ITSS et on dit qu'il faut agir très rapidement, et donc c'est inquiétant. Il faut agir, et vite.
Parmi les actions mises de l'avant, le rapport affirme que tous les jeunes Québécois doivent bénéficier d'apprentissages sur les ITSS à l'école. On est d'accord. Mais il énonce également que ces apprentissages seront plus efficaces s'ils font partie d'une démarche intégrée d'éducation à la sexualité. Et, à mon point de vue, réinstaurer formellement l'éducation à la sexualité dans le curriculum scolaire comporte plusieurs éléments. D'abord, clarifier les finalités de cette éducation. Qu'est-ce qu'on veut? La réussite des élèves, la santé des élèves, le développement personnel et social, le développement global? L'éducation à la sexualité, quant à moi, comme professionnelle de la santé, ne doit pas se cantonner au développement de comportements sains et sécuritaires, elle doit aussi veiller à développer le potentiel personnel et social des jeunes, favoriser leur santé, leur bien-être, leur développement global, ces facteurs soutenant tous la réussite scolaire des jeunes. Il faut dégager des thèmes précis selon des objectifs précis adaptés à chaque niveau scolaire, tant au primaire qu'au secondaire, respectant les spécificités socioculturelles, régionales et locales et requérant une évaluation des apprentissages selon le modèle des compétences proposé par le PFEQ. Mais cet exercice de dégager tous ces thèmes doit être basé sur des données probantes.
De plus, au-delà des thèmes correspondant aux déterminants communs, à la santé et à la réussite éducative, il faut reconnaître la spécificité de l'éducation à la sexualité en incluant les thèmes qui touchent à l'intimité, aux rôles et stéréotypes sexuels, à l'identité et l'orientation sexuelles, à l'éveil sexuel et amoureux, etc. Il faut déterminer les rôles et tâches de chacun dans plusieurs disciplines présélectionnées durant des périodes classe préétablies, faisant intervenir au besoin des ressources externes à l'école. L'idée n'est pas de revenir à la formation personnelle et sociale d'antan, qui s'est avérée pas si efficace que ça et pour laquelle on a eu une évaluation de la Santé publique qui était particulièrement désolante, mais il y a lieu de mieux circonscrire qui est responsable de l'éducation à la sexualité dans l'école et quand et comment celle-ci doit être transmise tout en respectant le caractère multiréférencé de l'éducation à la sexualité souhaitée. Il faut promouvoir l'utilisation de situations d'apprentissage et d'évaluations spécifiques préparées et conçues pour développer les compétences des élèves. Enfin, il faut favoriser la formation des enseignants et autres dispensateurs d'éducation à la sexualité en leur offrant des activités de formation locales et régionales grâce au concours de spécialistes, en particulier des sexologues, comme ceux et celles que l'on rencontre de plus en plus dans les agences de santé et de services sociaux ou dans les commissions scolaires.
En conclusion, en tant que médecin clinicienne, éducatrice à la santé et intervenante de santé publique, je souhaite que notre gouvernement approfondisse sa réflexion sur la façon dont l'éducation à la sexualité est actuellement dispensée. Il m'apparaît essentiel que, dès que possible, notre gouvernement prenne les mesures nécessaires pour réinstaurer formellement cette dimension de l'éducation dans le programme de formation à l'école québécoise et ainsi donner à nos élèves et nos enfants les savoirs, savoir-être et savoir-faire nécessaires pour faire face aux enjeux qui les attendent comme adultes. Merci.
Le Président (M. Marsan): Merci, Dre Guilbert. Nous allons débuter immédiatement la période d'échange, et je vais reconnaître la députée de Mille-Îles. Mme la députée.
Mme Charbonneau: À vos souhaits, M. le Président. Merci. Docteure, je suis contente qu'avant la fin de votre intervention vous nous avez dit un peu d'où vous nous apparaissez, puisque vous venez de la Santé publique, et je suis très heureuse de vous entendre. Depuis quelques semaines, quand je rencontre des médecins, c'est dans un tout autre dossier, qui s'appelle Mourir dans la dignité, donc ça me fait du bien d'aujourd'hui parler à un médecin puis parler de sexualité. Pourquoi pas?
Vous avez utilisé plusieurs termes qui sont un petit peu plus complexes, mais à la fois très compréhensibles, mais il y en a un qui me plaît énormément: vous avez parlé de «complémentarité». Pour moi, très personnellement, parce que j'ai compris que, des fois, quand on dit «pour moi», je peux engager d'autre monde que moi, là, mais, pour moi, très personnellement, l'aspect complémentarité me plaît énormément. La plupart des intervenants qui sont passés juste avant vous nous ont parlé de la place de chacun, hein: la place du jeune en premier lieu, ses questions, son interrogation, mais la place de son parent, la place d'un intervenant de confiance, qui peut être quelqu'un de l'école, mais quelqu'un de l'extérieur de l'école, et tout ce qu'on doit bâtir pour arriver au secondaire avec ce confort-là de dialogue. Et il est facile -- je l'utilise sous cette rubrique-là, là -- il est facile de parler de cours de sexualité, mais dans votre présentation vous avez bien, bien cadré le fait qu'avant de parler de sexualité il faut que le jeune soit bien dans sa peau, il faut qu'il ait une estime de lui-même, il faut qu'il ait un senti et quelque chose qui, par rapport à lui-même et par rapport à l'autre, qui est important, et vous l'avez approché... Et c'est une des rares fois de ma vie où j'entends le mot «compétences transversales» et personne ne rit dans la salle. J'apprécie, parce que c'est deux mots qui ont été mis ensemble où on a toujours, un peu, eu un petit rire insidieux qui arrivait quand on parlait des compétences transversales.
**(16 h 20)** Mais, quand vous dites: Un cours à la sexualité, où, moi, je me questionne un peu, c'est plus sur le principe de volets, et là je reviens aux discussions qu'on a eues au préalable, c'est-à-dire l'éducation de comment être et comment faire à partir du préscolaire. Et là, si je le... -- j'utilise toujours le mot «encarcane» -- si j'encarcane ça dans un cours, je ne suis pas sûre que je peux utiliser l'ensemble des compétences de mes intervenants. Si je le mets en volets, en façons de faire, en différents... perspectives sur l'estime de soi en premier lieu, me reconnaître dans mon espace et reconnaître l'autre, et éventuellement arriver au secondaire où là je peux parler de santé globale, de ma vie à moi par rapport à la relation sexuelle, qu'est-ce qu'est la sexualité, hein, moi, la sexualité, moi, et l'autre, et tout ce qui s'ensuit...
Donc -- j'arrive à ma question, inquiétez-vous pas -- vous avez aussi parlé de l'imputabilité -- oui, on va en reparler. Qui est imputable à la non-connaissance de la sexualité chez nos jeunes? Puis là c'est plus le parent en moi qui vous parle que la députée, l'ancienne présidente de commission scolaire, l'ancienne commissaire, mais surtout le parent qui habite dans ce corps, mais la complémentarité entre le système de la santé et le système de l'éducation. Pour moi, le ministère de l'Éducation, c'est un ministère gros -- ils vont venir tout de suite après vous, là -- c'est un ministère important à qui on lance énormément de responsabilités qui ne leur appartiennent pas toujours. J'ai vu des jeunes accusés de graffitis, c'était la faute de la commission scolaire, des jeunes pouvaient... Aussitôt que les jeunes ont un comportement quelconque, on accuse un manque d'éducation au niveau... puis on devrait en faire plus dans les commissions scolaires, là. Mais la complémentarité entre le système de la santé puis le système de l'éducation, comment ça va?
Mme Guilbert (Édith): En ce moment, ça ne va pas parfaitement bien, de toute évidence, parce que c'est un peu, à mon avis, la voie qu'on a essayé de mettre de l'avant pour donner l'éducation à la sexualité dans les dernières années, et l'expérience que l'on observe, c'est que dans certains cas le maillage se fait, mais dans nombre de cas ça n'atterrit pas comme attendu. D'abord, je vous dirais que...
Et d'abord je voudrais revenir sur quelque chose que avez dit. Vous savez, l'éducation à la sexualité, ça commence à la naissance. Très jeunes, les petits enfants vont commencer à avoir des petits comportements, hein, d'ordre sexuel et puis, très jeunes, les enfants, ils vont poser des questions. S'ils voient une dame enceinte, ils vont demander pourquoi elle a un gros ventre comme ça puis comment ça se fait, des petits bébés. Souvent, les enfants très jeunes vont poser des questions. Alors, l'éducation à la sexualité, ça ne commence pas au secondaire, et ce n'est pas parce que la plupart des problèmes qui émergent au niveau de la santé commencent au secondaire que ça commence là. Non, ça commence bien avant, et en l'occurrence même dès le début du primaire c'est extrêmement important que les enfants sentent qu'ils doivent faire respecter leur bulle. Ça, c'est tout le lien à l'intimité de l'enfant, ça. Donc, ça ne commence pas au secondaire. C'est la première des choses.
Deuxièmement, oui, l'estime de soi, la connaissance de soi, ce sont des choses qui se bâtissent de toute façon tout le long de la vie, déjà quand on est très jeune, et ça se bâtit beaucoup dans le lien avec les parents, donc beaucoup de responsabilités de ce côté-là. Mais, certes, la complémentarité peut être extrêmement intéressante pour la dispensation de l'éducation à la sexualité, parce que les éducateurs sont de toute nature. Je pense que, si les enseignants sont bien formés, ils peuvent donner énormément de ce contenu d'éducation à la sexualité, mais par moments ils peuvent être mal à l'aise, entre autres avec certains contenus comme les ITSS, comme les méthodes de contraception, encore que les enseignants qui ont des bonnes formations sont capables de donner ce contenu-là, et c'est là que les infirmières scolaires peuvent être aidantes. Mais les infirmières scolaires, quoique j'aie eu beaucoup de contacts avec elles au fil de toutes les dernières années, elles ont une formation biomédicale, et l'éducation à la sexualité, ce n'est pas que biomédical, O.K.? Et j'ai eu la chance d'avoir près de moi de nombreux sexologues au fil de mes années de médecine pour m'ouvrir moi-même mes horizons sur ce que c'était justement que l'éducation à la sexualité. C'est bien au-delà des comportements sains et sécuritaires.
Or, le terme «comportements sains et sécuritaires», c'est un terme de la santé, ce n'est pas un terme de l'éducation. Quand on parle d'éducation, on parle d'apprentissage: d'apprentissage d'abord des choses biologiques, oui, bien sûr, mais aussi de la relation à l'autre, de sa capacité de faire face à des situations surprenantes, des situations incongrues, d'être capable de se défendre aussi de situations dans lesquelles on n'a pas envie d'être, et ça, au niveau de la santé, on n'a pas nécessairement la formation pour enseigner ça aux jeunes. Alors, c'est là que possiblement la complémentarité doit arriver entre les parents, les enseignants et les gens de la santé, et c'est là que ce n'est pas toujours facile en pratique. Il y a des projets réussis, il ne faut pas dire le contraire. Au Québec, il y a des projets qui ont été tout à fait magnifiques, et qui se sont bien passés, et qui se passent encore bien. Mais ils sont très peu nombreux, et à plein d'endroits il ne se passe rien, parce que, comme il n'y a personne d'imputable, bien...
Mme Charbonneau: Dans cette forme de questionnement là, je vous dirais une question hypothétique: Croyez-vous qu'il serait plus intéressant de ne laisser cette responsabilité-là qu'au monde scolaire? Comme je pourrais vous poser la question à l'inverse, c'est-à-dire: Croyez-vous qu'il serait plus intéressant qu'on ne laisse cette réflexion-là qu'au monde de la santé? Ou est-ce que nous devons faire un exercice plus fastidieux pour s'assurer de la complémentarité?
Mme Guilbert (Édith): O.K. Je pense que l'éducation à la sexualité m'apparaît au départ une responsabilité scolaire. Mais, étant donné l'historique de l'éducation à la sexualité au Québec, je ne pense pas que le Québec peut se permettre de mettre de côté la santé, parce que le monde de la santé a une expérience que souvent le monde scolaire n'a pas, entre autres par le biais de ses infirmières scolaires. Alors, il me semble que la complémentarité, c'est probablement la voie la plus efficace.
Mais il faut qu'au niveau scolaire on s'accorde pour qu'il y ait une place formelle de l'éducation à la sexualité dans le curriculum, et dans mon propos je vous parle de programme... je veux dire, je parle d'éducation multiréférencée. Je pense qu'il faut dépasser le cadre du cours de formation personnelle et sociale, ça ne s'est pas montré suffisamment efficace dans le passé. Je pense qu'il y a plusieurs professeurs qui peuvent se donner une responsabilité par rapport à l'éducation à la sexualité, mais probablement qu'il faudrait désigner un certain nombre de matières susceptibles de prendre l'éducation à la sexualité. Mais surtout il faut prévoir du temps scolaire pour ça à l'intérieur même de la grille école, là, mais il faut le prévoir, parce que les profs...
Ce qu'on entend, par exemple, pour ceux qui sont intéressés... Puis à Québec on a fait un programme tout à fait intéressant dans le centre-ville de Québec qui s'appelle Éducation à la sexualité basée sur le pouvoir d'agir et de réfléchir, ESPAR. Il y a des professeurs qui se sont investis, qui ont mobilisé des collègues. Souvent, c'étaient les gens d'éthique et morale, d'éthique et culture religieuse, mais ça pouvait être des gens d'éducation physique et à la santé également qui étaient mobilisés et qui allaient mobiliser le prof de français et tout ça. Mais, le jour où la réforme s'implante, là, ils ont un programme qu'ils doivent passer et là ils ne savent plus s'ils peuvent continuer à donner l'éducation à la sexualité, alors qu'auparavant ils le donnaient. Et, comme ce n'est pas écrit noir sur blanc qu'ils ont l'autorisation de le faire, bien là il y en a plusieurs qui ont arrêté. Et c'est franchement, finalement, dramatique surtout pour les écoles du centre-ville, par exemple, ou ce serait la même chose pour le centre-ville de Montréal, ou même dans des localisations rurales où, bon, personne n'ose parler d'éducation à la sexualité.
Alors, moi, je pense, à ce point de vue là, là, qu'il faut arriver à formaliser cette éducation à la sexualité en termes de période classe. À quelque part, il faut pouvoir le donner. Mais là qui va le donner? C'est probablement les gens qui sont les plus habilités. Et il faut permettre une certaine souplesse, à mon avis. Je ne sais pas comment ça s'écrit dans un programme de formation de l'école québécoise. Moi, je suis de la Santé.
**(16 h 30)**Mme Charbonneau: Avec beaucoup de précautions probablement.
Mme Guilbert (Édith): J'imagine, j'imagine.
Le Président (M. Marsan): Oui. Mme la députée de Trois-Rivières.
Mme St-Amand: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, Dre Guilbert, c'est franchement intéressant de vous entendre. Vous avez dit tout à l'heure: Il faut se préoccuper de qui, quand, comment. C'est, personnellement, la préoccupation que j'ai aussi.
Avec votre vision, puis je ne sais pas si on aura le temps, parce que, tantôt, vous avez parlé aussi des Pays-Bas, ça m'intéresse parce que je pense en même temps que plus on va commencer jeune, on n'aura probablement pas le même rôle à faire au secondaire quand on arrivera avec les enfants avec lesquels on aura commencé très jeune que ceux qu'on a présentement.
Qui, quand, comment, vous, vous le voyez comment? Si on avait, demain matin... je vous pose la même question que j'ai posée tout à l'heure. Si on vous demandait: En septembre prochain, on met dans un cadre... puis vous connaissez quand même le cadre scolaire, de façon réaliste, comment on peut faire ça?
Mme Guilbert (Édith): Bien, moi, je pense que, d'abord, il faut... avant de dire qui et quand, de toute façon j'ai déjà dit que, quand, là, pour moi, là, ça commence déjà à la maternelle, O.K.? Donc, il n'y a pas de: On commence au secondaire ou on commence au primaire? -- on y va à tous les niveaux -- mais c'est: Comment et quoi?
Je pense qu'il faut dégager des thèmes, et ça, il y a déjà un travail de fait, il y a déjà un travail de fait sur ce qu'il est important de toucher en fonction du niveau scolaire. Mais, pour chacun de ces thèmes qui correspondent au niveau scolaire et qui correspondent au développement de l'enfant, je veux dire, on ne va pas parler d'ITSS à un enfant de la maternelle, ça n'a aucun bon sens, là, on s'entend. Mais on va parler à un petit enfant de, bien, qu'est-ce que ça fait, un garçon, qu'est-ce que ça fait, une fille, c'est quoi, les rôles sociaux, comment on reconnait qu'on est un garçon ou une fille, on n'est pas fait pareil, O.K.?
Alors, je pense qu'il faut pouvoir offrir aux enseignants ces fameuses situations d'apprentissage et d'évaluation qui sont faites comme il faut, qui sont donc adaptées au niveau scolaire et leur dire: À l'intérieur de votre année, vous devez passer à travers ce contenu-là; et leur offrir de la formation pour passer à travers ce contenu-là parce qu'on n'offre pas l'éducation de nos jours comme on l'offrait dans le temps. Il faut être interactif et, pour être interactif, il faut avoir des situations particulières, des activités particulières, des jeux interactifs qui vont mettre les enfants dans le bain, qui vont leur faire découvrir les choses et leur permettre, donc, d'apprendre à travers ça.
Et il faut que ces thèmes et ces activités puissent être évalués, à mon avis, selon les compétences, c'est-à-dire les enfants peuvent participer, par exemple, aux activités, ils peuvent développer leur esprit critique, ils peuvent s'entraider entre eux, et que ça puisse mener à une forme d'évaluation non pas en termes de performance, parce qu'on n'est pas du tout dans les performances quand on parle de sexualité et surtout pas d'éducation à la sexualité, mais bien plus d'intérêt, de capacité à... à ouvrir et, ça dépend des jeunes, de respect de soi-même, de respect de l'autre.
Donc, il faut trouver des moyens pratiques, mais il faut que ces activités pratiques, selon des thèmes déjà prédéfinis pour chaque année scolaire, fassent l'objet, à mon sens, d'une obligation. S'il n'y en a pas, là, s'il n'y a pas d'imputabilité, là, s'il n'y a personne qui est responsable de rien, là... Dans plein d'endroits, ça dépend juste de la volonté des enseignants.
Puis qu'est-ce qui fait qu'il se passe moins de choses souvent au primaire qu'au secondaire? C'est parce qu'au secondaire les profs, ils les ont dans la figure, les problèmes. La petite jeune fille qui devient enceinte, elle va quitter l'école. L'autre qui est prise dans la prostitution juvénile, ça va finir par paraître, hein? Mais c'est... Alors, c'est sûr que, quand on l'a en plein... comme le nez au milieu de la figure, on n'a pas le choix, il faut y voir. Mais, au primaire, il y en a, tout ça, ça couve et ça se prépare.
Le Président (M. Marsan): ...
Mme St-Amand: Oui, merci, M. le Président. J'ai une autre question pour vous, parce que je pense aussi qu'au primaire, puis c'est mon opinion personnelle, les enseignants, c'est plus facile aussi avec les enfants du primaire d'aborder ces questions-là quand on est dans... d'ordre plus général. Effectivement, au secondaire, c'est plus difficile.
Dépendamment des milieux, particulièrement en région, l'infirmière scolaire a un rôle important. Et tantôt vous avez parlé qu'elles ont une formation un peu plus biomédicale, je suis totalement d'accord avec vous. Est-ce qu'il y aurait une piste à regarder pour que nos infirmières scolaires aient, elles aussi, une formation un peu plus psychosociale? Est-ce que le groupe, je vais le dire comme ça, est-ce que le groupe d'infirmières scolaires pourrait... on pourrait leur donner une formation complémentaire qui viendrait leur donner une certaine capacité de... Puis je dis «psychosociale» parce que je fais référence, tantôt, quand on parlait, aux sexologues. Je ne sais pas si on... en tout cas ce serait merveilleux si on pouvait payer des sexologues dans toutes les écoles du Québec, mais je pense que, de façon réaliste, ce n'est pas nécessairement facile. Est-ce que c'est une piste qu'on peut envisager, la formation des infirmières scolaires?
Mme Guilbert (Édith): Bien, je pense que c'est une piste qui est envisageable, Cependant, ce à quoi vous avez à faire face, c'est au fait que, les infirmières, on en a besoin pour les soins: on en a besoin pour l'immunisation, on en a besoin pour rencontrer les jeunes en milieu scolaire sur une base individuelle pour faire de l'éducation à la sexualité sur une base individuelle. Mais, sur une base de groupe dans une classe, c'est... D'abord, elles ne sont pas formées en éducation, elles sont formées en soins. Et, je veux dire, il y en a qui ont des capacités de parler à des groupes, évidemment, il y en a qui ont des formations de sexologues, d'ailleurs, O.K., mais elles sont trop peu nombreuses dans ce sens-là. Et surtout, je veux dire, on en a besoin pour les soins cliniques.
On est en train, là, vous savez, depuis les trois dernières années, de mettre en place -- puis vous avez peut-être entendu parler -- une ordonnance collective de contraception hormonale. Cette stratégie qui permet d'initier la contraception hormonale pour six mois est maintenant implantée dans près de 85 % des CSSS. Ça, c'est en plus de la vaccination pour l'hépatite B, vaccination contre le VPH. Vous imaginez un peu? Alors, quand est-ce qu'elles vont avoir le temps?
Et, quand, dans certains milieux ruraux, on leur... l'enseignant qui ne sait pas trop quoi faire appelle les infirmières scolaires puis dit: Bien, j'aimerais ça que tu viennes dans ma classe, parce que, là, ça commence à... bien, je veux dire, évidemment elles vont laisser tomber. Mais là de quoi elles vont parler? Bien, elles vont parler évidemment du biomédical, un petit peu plus de temps en temps des relations entre les gars et les filles, mais elles n'ont pas vraiment le temps. Elles ont quoi? Une période? Deux périodes dans une année?
Le Président (M. Marsan): Merci bien. Nous allons poursuivre, et je vais céder la parole à Mme la députée de Marguerite-D'Youville.
Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci, M. le Président. Merci beaucoup, madame, de cette contribution, d'autant plus qu'on a pris des petites notes. Mais maintenant on a le texte, alors on peut se remettre ça en mémoire et surtout voir les références aussi qui sont quand même très importantes en nombre mais aussi très intéressantes.
Moi, je veux revenir à l'expérience des Pays-Bas. Je suis d'accord avec vous pour dire que l'éducation à la sexualité, ça a des incidences sur le développement global, la démarche d'apprentissage, le lien avec le phénomène du décrochage. J'ai trois enfants qui, à l'adolescence, étaient un peu mêlés entre leurs fesses et leurs têtes durant certaines périodes, et je pense qu'il faut comme parents mais aussi comme enseignantes ou enseignants être en mesure de prendre la mesure de ces problématiques-là. Et je pense que ces cours-là, cette nature d'intervention qui est un peu plus intime avec les élèves, nous amène peut-être aussi souvent à percevoir des problèmes qu'on ne percevrait pas autrement avec ces enfants-là.
Je prends en témoin ma belle-fille qui est enseignante et qui a une jeune, dans sa classe, de sept ans, et qui me dit: La façon dont elle arrive à l'école, la façon dont elle est habillée, l'hypersexualisation déjà à sept ans, ça m'a permis de mettre le doigt sur un certain nombre de problèmes familiaux. Et là on a une travailleuse sociale, et ainsi de suite. Donc, il y a quelque chose qui se ramène à l'école aussi qui renchérit encore sur l'importance d'interventions comme celle-là.
Mais, moi, je voudrais vous entendre un petit peu plus sur l'expérience des Pays-Bas. Vous dites: L'éducation à la sexualité est donnée de façon adaptée et transversale de la maternelle à l'université. Je comprends adaptée selon les niveaux, les groupes d'âge et tout ça. Mais est-ce qu'à... on a vu que c'est depuis les... le début des... la fin des années soixante, est-ce qu'on est en mesure de tirer déjà... En tout cas, sûrement qu'on est en mesure de faire une certaine évaluation des retombées de l'implantation de ces cours-là intégrés à tous les niveaux de la démarche des jeunes à compter de la petite enfance. Et, si nos CPE... si on fait le lien, probablement qu'on pourrait aussi être préoccupés de cette question-là pour ce niveau d'âge.
Alors, j'aimerais vous entendre un petit peu plus là-dessus. Et, sur «adaptée», est-ce qu'on se réfère aussi à des ressources très spécifiques, la nature des ressources?
**(16 h 40)**Mme Guilbert (Édith): O.K. Alors, vous me parlez des effets. Je vais vous amener à la page 8 de mon texte. Vous allez voir des graphiques. Sur ces graphiques-là, la grande colonne en noir, toujours en noir, sont toujours les États-Unis. Alors, les États-Unis ont plus de grossesses à l'adolescence, plus de chlamydias trachomatis chez les femmes de 15-19 ans et plus d'interruptions volontaires de grossesses chez les 15-19 ans, O.K.? Donc, ça, c'est notre exemple négatif.
Et puis vous avez la colonne blanche, complètement blanche, qui est la plus basse, qui sont les Pays-Bas dans les trois graphiques, O.K.? Puis, nous, au Canada, Québec et Côte-Nord quand j'avais des données, on est sur la droite de la colonne blanche des Pays-Bas. Donc, on se situe entre les deux, entre le meilleur et le pire. Bon. Je dis «le pire» parce qu'on parle de pays industrialisés, on s'entend. C'est sûr que, si je vous avais mis le Pakistan ou d'autres pays comme ça, ça serait bien plus élevé sur la gauche.
Cela dit, l'histoire des Pays-Bas est intéressante parce que c'est un petit pays géographiquement qui a eu d'un seul coup une augmentation de son immigration dans les années soixante et puis qui s'est dit: Bien là, on peut grignoter sur la mer encore longtemps, mais, à un moment donné, on va avoir un tsunami, tout le monde va mourir. Alors, peut-être que la meilleure façon de réduire ou de contenir notre population, c'est de faire de la planification des naissances.
Il y a donc eu un consensus social sur le fait de maintenir la population à un nombre raisonnable, mais, en même temps, un consensus social sur le fait que, quand on parlait de naissances, on parlait donc de sexualité, puis on parlait aussi d'ITSS, puis on parlait aussi de VIH, etc. Donc, il y a eu un consensus social de faire de l'éducation à la sexualité dans ces années-là.
Et là on a décidé d'abord de se renseigner, de former des profs, puis là on a formé des profs de façon extrêmement importante à tous les niveaux scolaires et on a développé des activités d'apprentissage qui ont commencé à se donner à la maternelle puis première année, deuxième année jusqu'à l'université. On a même développé dans ce pays-là un type d'infrastructure éducative qui donnait de la formation aux profs dans les écoles mais aussi aux intervenants dans les maisons de jeunes. Donc, sur une base très... Et aussi des activités pour les parents, de formation, et on pourrait revenir sur la formation des parents plus tard, mais il y a donc eu une formation très importante.
Et, comme on a formé les jeunes vers la fin des années soixante, ces jeunes-là sont devenus des parents qui avaient reçu de l'éducation à la sexualité, donc pouvaient eux-mêmes faire l'éducation à la sexualité de leurs enfants. Donc, la boule de neige s'est mise à s'amplifier, et donc, finalement, on est devenus avec une société qui, tant au niveau des parents que des professeurs, était «sciente» en matière d'éducation à la sexualité.
Alors, pour ce qui est de l'adaptation, au début, ce qu'on a fait, c'est qu'on a adapté les contenus scolaires à l'âge des enfants. C'était le premier objectif des Pays-Bas. Mais, après ça, avec leur vague d'immigration, il a fallu qu'ils s'adaptent aux minorités ethniques. Donc, progressivement, ils ont développé leur programme de façon plus importante, mais ils l'ont donné de façon transversale, c'est-à-dire qu'il y avait une obligation de donner l'éducation à la sexualité, mais, dans chaque école, et c'est ça à chaque niveau, il y avait des professeurs qui se sentaient plus à l'aise, puis, finalement, au fil du temps, tout le monde en avait reçu. Alors, dans toutes les matières, chacun était capable d'y aller de son contenu et de l'adaptation de son contenu à son cours.
On est très, très loin de ça à ce moment-ci. Mais on a quand même une expérience, parce qu'on a l'expérience de la formation personnelle et sociale qui sont actuellement nos professeurs d'éthique et culture religieuse; on a nos profs de biologie qui savent quand même un certain nombre de choses; on a les profs d'éducation physique à la santé qui reçoivent, dans leurs années universitaires, quand même un certain contenu, à tout le moins sur la santé, en tout cas. Mais il faut le développer davantage.
Mme Richard (Marguerite-D'Youville): J'aurais une autre question. Vous avez dit dans votre présentation: Il ne faudrait pas revenir au cours de formation personnelle et sociale. J'aimerais vous entendre un petit peu plus sur le diagnostic que vous posez de... pour poser un jugement comme celui-là.
Mme Guilbert (Édith): Bien, écoutez, il y a une étude qui a été faite par une de mes collègues, à l'époque de la DSP, Direction de la santé publique de Laval, qui est maintenant l'Institut national de santé publique, qui s'appelle Lyne Arcand, et qui a essayé de voir comment ça se passait, la formation personnelle et sociale. Et, certes, il y avait des profs qui s'en tiraient très bien parce que, bon, ils s'étaient renseignés, ils avaient suivi la formation, mais, dans d'autres cas, ça ne marchait pas du tout. Les professeurs, eux-mêmes, étaient mal à l'aise, ils s'en tenaient à des contenus tout à fait mécaniques, hein? C'était la biologie pure et dure de l'éducation à la sexualité. Il y en avait même qui étaient tellement mal à l'aise qu'ils n'en parlaient pas comme il fallait, puis d'autres qui passaient carrément leurs valeurs personnelles, soit très laxistes ou très fermées. Donc, finalement, ce n'était pas évident.
Et former des professeurs à l'éducation à la sexualité, ça prend un petit peu de temps quand même. Dans le projet que nous avons fait dans le centre-ville, bon, on donnait une formation de 45 heures. Vous me direz: C'est beaucoup. Ce n'est pas absolument nécessaire d'aller dans une formation aussi élaborée, mais, au fil des années, si les professeurs qui sont... bon, seraient des professeurs ciblés, auraient un certain nombre d'heures de formation à suivre, ne serait-ce que pour donner certaines situations d'apprentissage particulières, ce serait déjà un pas en avant, et ça peut être fait durant les journées pédagogiques.
Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci.
Le Président (M. Marsan): M. le député de Johnson.
M. Boucher: Merci beaucoup, M. le Président. En vous basant sur diverses études que vous avez menées vous-même ou encore, là, Mme Otis, ce qu'on en comprend, c'est que, pour vous, ça reste un constat un peu accablant finalement des résultats obtenus, là, suite à la disparition progressive des cours d'éducation à la sexualité, là, au Québec.
Mme Guilbert (Édith): Oui, je pense que c'est triste. Je pense qu'il y a des interventions, il y a des projets intéressants dans certains milieux scolaires, il y a des initiatives qui commencent à peine. Mais, à mon avis, le fait qu'il n'y ait pas d'obligation formelle à la donner, ça va rester quelque chose d'extrêmement mou, et il va y avoir, à un moment donné, un intérêt, une priorisation dans un milieu qui, le jour où les gens en charge vont changer, va tomber, et ça va encore ne dépendre que de l'intérêt personnel des décideurs ou des professeurs sur le terrain.
Alors, c'est la raison pour laquelle je crois qu'il faut formaliser cette éducation à la sexualité, pour qu'il y ait un encadrement précis et, je le disais tantôt, une imputabilité.
M. Boucher: Donc, vraiment, là, manifestement, pour vous, ça passe par le retour de... pas nécessairement d'un cours de FPS, mais de programmes, là, directement et identifiant certains cours avec... à l'intérieur desquels serait obligatoire de livrer une... bon, une éducation à la sexualité?
Mme Guilbert (Édith): Oui.
M. Boucher: Juste pour le plaisir, bon, on a entendu quelques intervenants qui faisaient état du manque de ressources, entre autres, soit en termes de les financer ou en termes même temporel, là. Vous faisiez référence, là, aux infirmières scolaires. Dans un contexte de difficultés financières pour un gouvernement, ce gouvernement qui est le nôtre, des fois, bon, investir des sommes supplémentaires peut être difficile, mais ça peut être plus facile, plus facilitant, lorsqu'on connaît les coûts, les coûts liés finalement aux problématiques qui sont reconnues, là, et qui finalement s'en trouvent augmentés par l'absence de cours à l'éducation à la sexualité.
Est-ce que, lors des diverses études, vous avez un peu évalué ça, là? Entre autres, oui, il y a des coûts sociaux, mais, tu sais, est-ce que vous avez eu une aide là-dessus?
**(16 h 50)**Mme Guilbert (Édith): Bon. Alors, vous savez, on a des indications assez précises sur le coût efficacité, par exemple, de l'utilisation des méthodes contraceptives; il y a des études très bien faites sur le sujet. Mais, sur le coût de l'éducation à la sexualité par rapport aux bénéfices encourus, c'est toujours... L'éducation à la sexualité n'agit pas seule, hein? Elle agit aussi avec l'accessibilité des méthodes, avec un certain encadrement social, etc.
Cela dit, certainement qu'il faut prévoir de l'argent pour la formation des maîtres, la formation des intervenants. D'une part, il faut qu'il y ait une prise de position par le gouvernement à l'égard de la réinstauration formelle de l'éducation à la sexualité. Mais, au-delà de la prise de position, il faut former nos intervenants, que ce soient nos infirmières si c'est sur elles qu'on veut encore donner la responsabilité... Mais, moi, je pense que les enseignants sont des personnes tout à fait... tout à fait intéressantes à qui donner cette responsabilité. D'abord, ils connaissent ce que c'est que l'apprentissage. Ils savent ce que c'est que l'éducation: il faut répéter les messages. Et on peut donner, par exemple, un cours d'éducation à la sexualité puis dans un autre cours éventuellement -- ah tiens! -- on peut répéter une couple de petites choses qu'on avait déjà abordées dans un cours précédemment. Cette notion d'apprentissage, je pense que c'est propre aux gens de l'éducation. Mais, pour qu'ils puissent le faire, il faut leur donner des outils.
Alors, il y a des outils qui existent. Vous demandiez aux gens précédemment qui étaient ici: Est-ce que vous connaissez tel feuillet, tel document? Le problème, c'est qu'il faut que les gens aient le temps de les lire. Il faut que les gens... Et...
Une voix: ...
Mme Guilbert (Édith): Ça... ça leur soit distribué. Il faut faire de la sensibilisation. Alors, dans l'ensemble, la sensibilisation a été faite dans le réseau, mais, comme ce n'était pas obligatoire, bien, c'est ça, on en a parlé longtemps.
Cela dit, après ça, pour pouvoir faire lire ces documents, des fois, ce n'est pas toujours plaisant pour les gens d'avoir à lire ça par-dessus leur travail, surtout de nos jours, quand les journées sont finies, on a envie de s'occuper de nos affaires. Alors, je pense que les activités de formation sont essentielles parce que c'est à ce moment-là qu'on peut enseigner l'éducation.
Le Président (M. Marsan): M. le député de Prévost.
Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Juste avant.
Le Président (M. Marsan): Oui. Excusez. Mme la députée de Marguerite-D'Youville.
Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Est-ce que vous verriez cette formation-là dans la formation de base?
Mme Guilbert (Édith): Ah! j'aimerais bien.
Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Non mais, quand on regarde ça d'un point de vue transversal...
Mme Guilbert (Édith): J'aimerais bien que la formation des maîtres se fasse à l'université, ça, ce serait la meilleure chose, mais ce n'est pas évident, vous voyez, ne serait-ce que pour l'ordonnance collective de contraception hormonale.
On a développé une formation Internet, qui s'est donnée... maintenant, elle se donne à toutes les infirmières, mais on fait la promotion pour qu'elle se donne au niveau du cégep. Actuellement, ça commence très, très tranquillement. Elle se donne à l'Université Laval. Les étudiantes en nursing au bac vont suivre la formation, je le vois dans nos statistiques. Mais au cégep, là, ce n'est pas rentré encore, d'ailleurs, je me prépare à écrire à chaque responsable de nursing au cégep pour leur dire: Cette formation existe. Formez vos infirmières pour que systématiquement elles soient formées en contraception hormonale, pour que, le jour où elles rentrent dans un CSSS, elles soient à même de faire les obligations qui leur seront transmises en contraception hormonale.
Donc, oui, il faudrait former les intervenants de l'éducation directement à l'université, mais ça ne se fait pas. Et puis il ne faudrait pas que le cours d'éducation à la sexualité, il soit optionnel. C'est toujours optionnel, l'éducation à la sexualité, mais, dans la vie, là, la sexualité, elle n'est pas optionnelle, tout le monde en a une.
Le Président (M. Marsan): Merci. M. le député de Prévost.
M. Robert: Oui. Écoutez, madame, je voudrais d'abord vous remercier pour la qualité, la clarté de vos propos. L'appel que vous nous lancez... dans le fond, il y a une urgence. Vous êtes dans le concret et non dans l'abstrait et vous dites clairement, là, qu'il faut prévoir du temps scolaire pour ça, il faut prévoir de la formation. Donc, dans le fond, ce que vous nous dites, c'est qu'il faut faire une omelette rapidement, il va falloir casser des oeufs. Il faut qu'il y ait des moyens, là, concrets, parce que vous nous avez exposé les conséquences dramatiques du flottement actuel. Et vous dites que la boule de neige, dans le fond, elle ne se fera pas si nos jeunes ne sont pas sensibilisés, ils vont devenir des parents. Je trouve ça assez inquiétant. Il faut qu'il se passe de quoi.
Mme Guilbert (Édith): Vous avez raison. Et, vous savez, les parents, de nos jours, ce n'est pas toujours facile de les mobiliser. Parfois, ça va bien. Effectivement, dans certains milieux, on offre des soirées sur la sexualité aux parents, la sexualité de leurs adolescents, de leurs enfants. Mais il n'y a pas toujours beaucoup de parents qui se présentent à ça. O.K.? Les parents, ils ont plein de choses à régler, hein? Il faut faire réparer son auto, il faut aller faire l'épicerie, il faut se reposer de temps en temps, il faut aller conduire les enfants au sport. Vous êtes des parents, vous aussi, je le suis. Alors, quand est-ce qu'il reste du temps pour aller écouter une dame qui va nous parler des relations amoureuses chez les jeunes? On n'a pas nécessairement le temps. Mais, si on l'a appris à l'école, si on a reçu une éducation à la sexualité, on n'a peut-être plus besoin non plus d'aller à ces cours-là. Alors, temporairement, il y a une transition à faire. Il va falloir quand même offrir des choses aux parents parce qu'il y a des parents qui sont intéressés, il y a des parents qui le veulent.
Un des moyens intéressants qui a été fait dans certains milieux: on fait faire des projets aux enfants et puis ça peut être des projets dont le sujet est l'éducation à la sexualité puis, après ça, on fait une foire de projets où on invite les parents à voir ce que leurs jeunes ont réalisé. Là, les parents vont se déplacer, parce qu'ils vont dire: Aïe! moi, mon jeune, il a fait des choses, là, puis je veux montrer que je suis là puis je veux encourager mon jeune. C'est des avenues intéressantes. Mais, de nos jours, jusqu'à présent, les activités faites au niveau des parents sont un petit peu difficiles à faire et ne mobilisent pas toujours tous les parents qu'on voudrait avoir.
Le Président (M. Marsan): D'autres questions? Ça va? Ça va. Alors, je vous remercie beaucoup Dre Guilbert. C'était une excellente présentation et aussi une excellente période d'échange.
Alors, j'inviterais maintenant les représentants du ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport à venir prendre place et je vais suspendre pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 16 h 57)
(Reprise à 16 h 59)
Le Président (M. Marsan): Alors, nous reprenons nos travaux, et il nous fait plaisir d'accueillir Mme Denise Gosselin, qui est la directrice générale des services de soutien aux élèves, et Mme Liette Picard, la directrice des services éducatifs complémentaires et de l'intervention en milieu défavorisé du ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport.
**(17 heures)** Alors, vous connaissez notre formule: vous avez environ une vingtaine de minutes pour faire votre présentation et ce sera suivi par une période d'échange. Alors, à vous la parole.
Ministère de l'Éducation,
du Loisir et du Sport (MELS)
Mme Gosselin (Denise): Merci beaucoup. Alors, j'aimerais... Je vais articuler mes propos autour de trois volets, certains dont vous avez déjà entendu parler. Je vais me permettre d'y revenir, mais plus sommairement. D'une part, revenir sur la façon dont l'éducation à la sexualité est actuellement prise en charge dans nos écoles ici, au Québec. Le deuxième élément, j'aimerais peut-être revenir sur quelles sont les grandes tendances actuellement au niveau des experts et ce qui se passe au plan international. Et enfin l'essentiel de mes propos porteront sur l'état des travaux et réflexions que nous avons menés et que nous menons actuellement, au ministère, dans la perspective de véritablement venir améliorer ou bonifier l'éducation à la sexualité dans nos écoles.
Alors, on a parlé beaucoup cet après-midi, les gens qui étaient ici avant nous, du programme de formation personnelle et sociale. Alors, comme vous le savez, effectivement on a retiré le programme de formation personnelle et sociale de façon graduelle depuis 2001. Et, bon, c'est une décision qui a été prise, je vous dirais, suite à plusieurs représentations qui ont été faites de plusieurs groupes parce qu'on a observé, au regard de la formation personnelle et sociale de ce programme-là, des lacunes importantes, des lacunes qui ont été rapportées dans le contexte des états généraux sur l'éducation, au Sommet du Québec et de la jeunesse, dans certains avis du Conseil supérieur, et il y a eu également une évaluation, Mme Guilbert vous en a parlé, de l'évaluation qui avait été faite.
Parmi les lacunes soulevées et observées au regard du fonds... du programme de formation personnelle et sociale, bien un des éléments, c'est le peu de temps qui était consacré à l'éducation à la sexualité. Je vous donne l'exemple du secondaire, par exemple, bien, on parle, le volet d'éducation à la sexualité, d'environ cinq heures. Donc, au total, un jeune, au secondaire, c'est 25 heures qui étaient dédiées à l'éducation à la sexualité. Les actions qui étaient réalisées dans le contexte de ce cours, c'étaient des actions qui étaient ponctuelles, qui étaient cloisonnées et qui ne donnaient pas les effets escomptés. On constate aujourd'hui, vous l'avez entendu de la part des gens qui ont... des intervenants précédents, une application très variable d'un milieu scolaire à l'autre.
Donc, oui, on avait un volet d'éducation à la sexualité à l'intérieur d'un programme obligatoire et, malgré ça, l'application était très variable d'un milieu à l'autre. Les enseignants nous faisaient part régulièrement de leur inconfort à donner le cours de formation personnelle et sociale, ce qui faisait en sorte que le contenu était livré de façon très partielle. C'est ce qui nous a amenés, dans le contexte du renouveau pédagogique, à réfléchir à une autre façon d'aborder notamment l'éducation à la sexualité.
Et là, depuis 2000 au primaire et depuis 2005 au secondaire, selon les orientations ministérielles qui sont définies dans le Programme de formation de l'école québécoise, les activités d'éducation à la sexualité sont réalisées en lien avec le domaine général de formation Santé et bien-être. Et cela, ça signifie, on l'a dit tout à l'heure, que ça ne relève plus d'une seule matière et d'un seul intervenant, mais ça devient la responsabilité du directeur d'école, avec son équipe d'enseignants et de professionnels, de concevoir les activités qui vont être offertes au jeune pour permettre de développer, chez le jeune, des apprentissages en lien avec la sexualité.
Alors, des contenus spécifiques sont demeurés; ce sont des contenus que l'on retrouve à l'intérieur du cours de science et technologie, qui sont des contenus assez ciblés. On pense à des contenus plus de nature biologique, le système reproducteur, la puberté, on y traite des infections transmises sexuellement et par le sang, de la reproduction.
Depuis la mise en oeuvre, je dirais, de ce renouveau-là, il y a eu et vous... on l'a mentionné à plusieurs reprises, plusieurs actions qui ont été faites pour supporter le milieu scolaire dans la mise en oeuvre de ces orientations-là. Donc, il y a eu des documents de soutien, vous y faisiez référence tout à l'heure, des documents qui venaient expliciter les orientations ministérielles, qui venaient donner des outils au milieu scolaire pour déployer une démarche d'éducation à la sexualité. On a, depuis 2004, des formations qui sont offertes dans toutes les régions du Québec en concertation étroite avec le ministère de la Santé et des Services sociaux.
Mais, on le constate, malgré tous ces efforts-là qui ont été faits, certains milieux ont de la difficulté à se mobiliser de façon efficace pour faire en sorte qu'on offre une éducation de... à la sexualité, de qualité. Alors, que nous disent les experts? Parce qu'on a fait des travaux, on est très conscients, au ministère, de la situation dans les différents milieux scolaires et on était préoccupés de trouver une solution, et la solution n'est pas simple. Donc, on a tenté de regarder qu'est-ce que les experts nous disent sur la question. Et on a regardé ce qui nous est dit par nos experts ici, au Québec. Vous l'avez vu, l'Institut national de santé publique, le ministère de la Santé, un certain nombre d'experts qui nous ont fait des recommandations. On a regardé au plan plus international, l'Organisation mondiale de la santé, etc.
Alors, il est clair que, quand on regarde les nouveaux enjeux sociaux, l'éducation à la sexualité, c'est un incontournable. On a juste à penser au multiculturalisme, l'arrivée d'Internet, l'augmentation des infections transmises sexuellement, l'augmentation des grossesses à l'adolescence, les agressions sexuelles, l'évolution des attitudes et des comportements sexuels, il est clair que l'éducation à la sexualité est un incontournable. Les experts s'entendent pour affirmer que l'éducation à la sexualité doit se faire en utilisant une approche positive, qui va au-delà de la stricte prévention des problèmes et qui doit s'inscrire dans une perspective plus large de promotion de la santé et du bien-être.
L'éducation à la sexualité doit être offerte de façon continue, du préscolaire jusqu'à la fin du secondaire, être appropriée à l'âge de l'élève, de l'enfant et à son développement psychosexuel. Elle doit être réalisée en concertation avec le personnel de l'école et d'autres partenaires qui sont extérieurs. Ce n'est pas une responsabilité exclusive de l'éducation. Il faut utiliser l'ensemble, je dirais, des expertises disponibles dans le milieu, et c'est ce que nous dit la recherche d'ailleurs et que, dans l'école, elle devrait être offerte de façon interdisciplinaire et non pas seulement en un seul lieu et par une seule personne.
Il est également nécessaire d'établir une collaboration avec les parents -- vous en avez parlé assez largement lors de la présentation précédente -- et la communauté pour créer un environnement qui soutient des interventions éducatives réalisées en classe. L'approche privilégiée doit aller au-delà de l'information -- ça, c'est très clair -- et insister sur les valeurs, les connaissances ou les aptitudes utiles dans la vie pour un jeune.
Quand on regarde au plan international, on a constaté trois tendances dans les stratégies qui sont déployées pour assurer une meilleure éducation à la sexualité. Plusieurs pays ont légiféré; il y en a qui l'ont fait depuis déjà un certain temps. On pense à la France au début des 2000, plus récemment l'Argentine en 2009. Donc, il semble actuellement se dessiner une tendance où il faut -- comme vous l'avez dit tout à l'heure -- rendre obligatoires certains apprentissages et certaines modalités de réalisation, tout ça.
L'autre élément de tendance qu'on observe, c'est intervenir en éducation à la sexualité avec une prise en charge par les différents acteurs de l'école et de la communauté. Donc, encore là, pas juste en un lieu, par un seul intervenant, mais vraiment une prise en charge de la communauté et de l'ensemble des intervenants de l'école.
Et le troisième élément de tendance qui apparaît extrêmement important, c'est qu'on doit l'aborder sous l'angle du développement plus global de la personne et non pas strictement sous l'angle spécifique du développement psychosexuel du jeune.
Alors, ce qui se fait ailleurs, donc je l'ai dit, plusieurs pays ont légiféré sur la question. Les apprentissages sur les aspects biologiques de la sexualité sont souvent plus couverts dans plusieurs endroits, au détriment des aspects éthiques, psychosociaux et culturels. Et ce qu'on observe, c'est que le manque de formation du personnel scolaire, c'est un écueil majeur à cet égard-là.
**(17 h 10)** Alors, à la lumière de tout ça, quand on regarde ce qui se fait, les lacunes, les difficultés qu'on rencontre, ce que nous dit la recherche et les experts, voici, je vous dirais, ce sur quoi nous sommes à travailler comme avenue qui permettrait de bonifier l'éducation à la sexualité. Alors, le premier élément... d'une part, je vous dirais, on s'est appuyés sur la recherche et on s'est aussi inspirés de ce qui se fait en France, et je pourrai y revenir là-dessus.
Alors, le premier élément, c'est rendre obligatoire, c'est-à-dire définir, en collaboration avec les experts, le réseau de la santé et les intervenants de l'éducation, des apprentissages incontournables. Donc, rendre obligatoires certains apprentissages auprès des élèves qui s'inscrivent dans une progression qui tient compte de l'âge et du niveau de développement des élèves. Donc, oui, il y a beaucoup de travaux qui sont faits. On a des thèmes qui sont identifiés et on est capables de savoir qu'il faut intervenir sur telle thématique quand on est au préscolaire puis, quand on est au secondaire, bien, on intervient sur autre chose. Mais maintenant l'idée est de définir de façon plus spécifique ces contenus-là en respectant, je dirais, le développement du jeune et de les rendre obligatoires, ces contenus.
Le deuxième élément, c'est de rendre obligatoire annuellement, pour toutes les années du secondaire, un nombre minimal de séances ou d'activités d'éducation à la sexualité, et ce, du préscolaire jusqu'à la fin du secondaire. Ces apprentissages incontournables que l'on aurait définis s'ajouteraient à ceux prévus au cours de science et technologie, parce qu'on a déjà des contenus à l'intérieur du cours de science et technologie, sans créer une nouvelle matière. L'idée n'est pas de créer un nouveau programme disciplinaire ni d'introduire les contenus à l'intérieur de programmes disciplinaires existants. Alors, on parle vraiment d'un nombre minimal de séances, d'activités éducatives, puis je pourrai donner des exemples tout à l'heure pour venir expliciter davantage ce qu'on entend par séances et activités éducatives.
Vous parliez d'imputabilité. L'idée est que le directeur d'école ait la responsabilité de déterminer les modalités d'organisation des interventions et qu'il ait la responsabilité d'identifier le personnel responsable de chacune des interventions éducatives. Et ici ça peut être un enseignant, ça pourrait être une infirmière, le psychologue de l'école, aller chercher la collaboration d'un organisme, comme le CALACS par exemple, pour venir en lien avec un contenu incontournable à un âge donné, à un moment donné dans l'école, s'assurer qu'on offre aux enfants l'éducation dont ils ont besoin et qu'on leur offre la possibilité de réaliser des apprentissages clairement identifiés.
Cette planification-là des activités en éducation à la sexualité serait approuvée par le conseil d'établissement composé de membres du personnel de l'école, dont des enseignants, des représentants de la communauté, et au sein duquel les parents sont également fortement représentés. Donc, on le sait qu'il y a un enjeu important quand on considère les parents. On sait qu'au conseil d'établissement les parents sont présents. Donc ici, dans cette solution-là qui est examinée actuellement, dans le fond, les parents auraient l'opportunité de donner leur avis au regard des modalités qui seraient retenues dans l'école pour s'assurer que les contenus obligatoires, incontournables sont rendus disponibles aux jeunes de l'école.
Les avantages de cette proposition-là ou de cette avenue que l'on regarde, d'une part, je pense que ça rejoint plusieurs éléments qu'on soulignait reliés à la recherche: on respecte le niveau de développement du jeune, on s'assure que plusieurs intervenants supportent l'éducation à la sexualité à l'intérieur de l'école, on va chercher les expertises en fonction de là où elles sont dans l'école. Alors, il y a un ensemble d'éléments, là, que cette proposition-là permet de réaliser. Donc, ça serait assuré par une équipe faisant ainsi appel à une concertation des actions dans l'école qui permettrait de tenir compte de l'aisance spécifique des différents acteurs. On l'a mentionné tout à l'heure, l'inconfort qu'un intervenant peut avoir à aborder certains contenus, cette souplesse-là permet de tenir compte de cet élément-là, permet de tenir compte de situations locales différentes, des ressources présentes tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'école.
En prévoyant des interventions éducatives à chaque année, il serait plus facile de faire cheminer l'élève en tenant compte de son développement physique et psychologique. Les milieux scolaires seraient tenus de faire faire aux élèves des apprentissages en matière d'éducation à la sexualité. Et ça constitue un message très clair sur l'importance accordée à ce sujet.
Vous allez me demander pourquoi nous n'avons pas retenu l'hypothèse d'un cours spécifique dans la grille matière. Parce que c'est l'objet de la pétition ici, et c'est souvent vu comme le moyen qui permet de confier une responsabilité à quelqu'un donné et qui permet de s'assurer que les contenus vont être offerts aux élèves. D'abord, je pense que le retour... Si on voulait introduire un cours d'éducation à la sexualité, il faudrait, si je prends l'exemple du secondaire, de manière réaliste, intégrer ce cours-là à la grille matière probablement à une seule année du secondaire. Je pense au secondaire III. Alors là, c'est très clair que, quand on prend cette approche-là, bien, on ne rencontre pas l'objectif de s'assurer d'une éducation à la sexualité à partir du préscolaire jusqu'à la fin du secondaire. Ça ne permet pas de tenir compte du cheminement de l'élève.
Autre élément qui est contraire aux résultats de recherche et les recommandations que les experts nous font, c'est qu'on limite à un seul lieu, à un seul moment, les occasions de traiter d'éducation à la sexualité plutôt que de privilégier une approche globale puis une approche qui est concertée, qui implique plusieurs acteurs à l'intérieur et à l'extérieur de l'école. Si on veut introduire une nouvelle discipline matière à la grille matière, il est clair qu'il faudrait diminuer le temps qui est actuellement consacré aux matières obligatoires, parce qu'on a un temps donné globalement. J'ai juste à penser en quatrième, cinquième secondaire, où les matières obligatoires, les préalables au collégial occupent déjà tout l'espace.
Autre élément, lorsqu'on parle de cette hypothèse-là avec des écoles, on reçoit un accueil mitigé parce que les écoles souhaitent bénéficier d'une marge de manoeuvre pour répondre à leurs priorités locales. Ils ont des projets pédagogiques particuliers. L'ajout d'une nouvelle matière consacrée à l'éducation à la sexualité nécessiterait d'évaluer les apprentissages des élèves. Puis là, d'inscrire ça, bien là on tombe dans l'évaluation pédagogique au bulletin.
Et, un autre élément, je pense qu'une des conditions importantes pour l'éducation à la sexualité, c'est probablement le lien que les jeunes développent avec les intervenants responsables. Si on confiait l'éducation à la sexualité à des enseignants dans un contexte d'un cours à la grille horaire, là, il y a des difficultés d'organisation. Soit qu'on donne à un enseignant un complément de tâche, et là on se retrouve avec un enseignant en français, en mathématique, en anglais qui ne se sent pas nécessairement à l'aise de donner ces contenus-là et qui se retrouve avec quelques heures dans sa tâche pour donner ces contenus-là, ou encore on spécialise un enseignant, mais là on se retrouve avec un enseignant qui a 24 groupes à desservir puis qui peut avoir à rencontrer jusqu'à 700... plus de 700 élèves. Alors, ce ne sont pas nécessairement des conditions organisationnelles facilitantes pour permettre de donner un cours d'éducation à la sexualité.
La proposition que l'on explique ici, ou l'avenue que l'on est en train d'examiner: on a amorcé cet automne des consultations en lien avec ces éléments-là auprès de, je dirais, différents groupes. On a rencontré des représentants de direction d'école, des représentants des différents organismes, syndicats d'enseignement, de professionnels. On a rencontré des groupes de femmes, notamment le CALACS. On a rencontré des...
Une voix: ...
**(17 h 20)**Mme Gosselin (Denise): Fédération des comités de parents également, bref, plusieurs partenaires du ministère. Et je vous dirais qu'on a reçu un accueil assez favorable à cette avenue-là qui est envisagée ici. Parce que je pense que ça rencontre la préoccupation des gens, hein? Vous l'avez entendu, l'idée est: Peut-on rendre obligatoire? Peut-on rendre imputable un milieu? Peut-on confier une responsabilité? Donc, on pense que cette proposition-là rencontre ces... comment je dirais, ces éléments gagnants là.
Maintenant, les intervenants qu'on a rencontrés nous ont soulevé un certain nombre de préoccupations, et je terminerais peut-être là-dessus, ils sont préoccupés que les interventions éducatives s'inscrivent dans une planification d'ensemble. Donc, ce qu'ils ne voudraient pas, c'est que ça devienne des séries d'activités ponctuelles sans lien les unes aux autres. Ils soulignent l'importance qu'il y ait un accompagnement dans la mise en oeuvre. On l'a dit, c'est un écueil, il faut mettre en place de la formation, développer des outils, accompagner les milieux pour que ça soit mis en oeuvre.
D'ailleurs, dans l'expérience de la France, ils ont rendu obligatoires des séances, au début des années 2000-2001. Ils viennent de faire un bilan, et, dans le bilan qu'ils dressent, cette notion-là, d'accompagnement, de suivi et de reddition de comptes, ce n'est pas tout de rendre obligatoire, il faut aussi se donner des conditions pour que ça puisse se faire.
Les intervenants qu'on a rencontrés se questionnement bien sûr sur la disponibilité, l'expertise des ressources, ils demandent d'avoir des conditions organisationnelles qui facilitent la mise en oeuvre. On pense ici à du temps de concertation, si on interpelle plusieurs intervenants de l'école. Et, je dirais, tous les intervenants ont mentionné qu'ils souhaitaient la contribution du réseau de la santé et des services sociaux et sa disponibilité pour soutenir le milieu scolaire. Alors, voilà. Merci.
Le Président (M. Marsan): Alors, merci beaucoup, Mme Gosselin. Nous allons immédiatement débuter la période d'échange, et je vais reconnaître la députée de Mille-Îles. Mme la députée.
Mme Charbonneau: Bonjour. Un constat rapide des derniers intervenants, c'est que jusqu'ici nous n'avons vu que des femmes. Mon collègue le faisait tantôt un peu en intervention privée en disant: C'est malheureux qu'il n'y ait pas d'hommes qui sont venus à la table. Mais ce que je trouve intéressant, c'est de revenir au principe qui dit que l'éducation et tout ce qui touche l'éducation est encore un lieu féminin. Je ne m'en plains pas. Il y a encore trop d'endroits où il n'y a que des lieux masculins. Je ne m'en plains pas.
Vous avez dit des choses tellement intéressantes, mais, en même temps, vous avez bousculé tellement de choses dans ma tête. Légiférer. Légiférer, pour moi, ça, c'est un gros mot qui vient donner un poids à quelque chose, mais, celui-là, je vais le laisser passer. Je suis sûre que j'aurai d'autres interventions qui vont venir toucher au principe de légiférer.
L'imputabilité. Vous avez fait un début de consultation -- parce que j'ai compris que la consultation n'était pas terminée, donc je vais appeler ça un début de consultation -- et vous avez rencontré des gens fort intéressants, que ce soient les représentants des directions d'école, les syndicats. L'imputabilité à la direction de l'école, qui, de par le rôle qu'il occupe... que, moi, j'ai toujours pensé et rêvé d'en voir des leaders pédagogiques plutôt que des administrateurs de bâtisse, qu'ils soient obligés d'aller devant le conseil d'établissement... Un, vous êtes les premiers à m'en parler. Eh que je vous aime après-midi! Le conseil d'établissement est un lieu fort important pour le milieu de concertation de l'école, mais le fait que le conseil d'établissement ait son mot à dire soit sur les modalités ou le contenu, je n'ai pas bien... Parce que, pour moi, c'est deux choses différentes, là, entre la modalité puis le contenu et l'imputabilité de la direction d'école. Quand vous dites «imputabilité», vous allez vers où ou vous allez vers quoi?
Mme Gosselin (Denise): C'est la responsabilité du directeur d'école. C'est sûr que ce que cette proposition-là amène, d'abord elle amène une nécessaire planification. On le sait, dans le contexte des domaines généraux de formation, bon, les contenus n'étaient peut-être pas définis de façon précise. Mais, dans le fond, ce qu'on observe, c'est: la responsabilité, elle était là, elle était là à l'école, elle était là pour tous, mais elle n'était pas nommée de façon spécifique.
Donc, l'idée ici, c'est de venir insister, parce que déjà le directeur d'école a ce rôle-là, mais de venir renommer, repréciser sa responsabilité de s'assurer, et là, par rapport à des contenus obligatoires... Nous n'avions pas de contenu obligatoire actuellement, on avait un domaine général de formation, on avait travaillé sur des thématiques à aborder, mais non spécifiées. Donc, dans cette proposition-là, le directeur d'école a, et les enseignants, un contenu clairement défini selon l'âge de l'école et il doit s'assurer que ce contenu-là sera... que ces apprentissages-là seront réalisés par les élèves de l'école, et c'est sa responsabilité de s'assurer de la planification des modalités de réalisation.
Alors, les contenus ne sont pas approuvés par le conseil d'établissement parce que ce sont des contenus définis, je dirais, par le ministère en collaboration avec le ministère de la Santé, obligatoires. Mais on a parlé de souplesse, hein, l'intervenante précédente parlait de souplesse, c'était difficile à définir. Donc, l'idée ici, c'est de laisser une souplesse dans les moyens aux directeurs d'écoles et aux milieux. Et c'est une question délicate, l'idée du conseil d'établissement, notamment quand on a rencontré la fédération des comités de parents; pour eux, c'était extrêmement... Puis, on le sait, les parents, c'est important qu'ils soient associés à toute cette démarche-là. Donc, d'aller au conseil d'établissement, ça devenait un élément important pour aller d'abord informer les parents de ce qui va se faire, des contenus qui vont être traités et d'aller chercher, quelque part, l'adhésion des enseignants et des parents autour des modalités qui seront retenues.
Mme Charbonneau: Tous les milieux étant fort différents, qu'ils soient socioéconomiques ou... Donc, effectivement, le conseil d'établissement, dans la modalité, peut guider la direction d'école dans le oui ou le non d'une présentation ou plus un intervenant de confiance du milieu. Parce que c'est là où le CLSC peut prendre toute sa place. C'est-à-dire que, quand les parents puissent reconnaître que dans ce CLSC-là de mon village ou bien de ma ville ou de mon arrondissement il y a quelqu'un de confiance pour mes élèves, bien on aimerait ça l'avoir, puis la complicité se développe.
Rendre obligatoire l'apprentissage, vous avez dit «incontournable». Ma question à moi, c'est: Comment je mesure? Comment je mesure que ça s'est fait bien, correctement? Puisque le constat d'avant, c'est qu'on a voulu mettre en place quelque chose qui était ce que, moi, j'appellerai, comme parent, un melting-pot de toutes sortes de valeurs qui étaient... en tout cas, chez les miens ça a fonctionné, là, ça a provoqué des conversations, ça a été intéressant. On l'a retiré pour toutes sortes de... de visions. Mais, en même temps, comment je mesure que mes jeunes de telle année ont bien compris ce qu'on essayait de leur enseigner par rapport à quelque chose qui est englobé, qui est dans l'aspect transversal puis... Donc, je suis sûre que vous y avez pensé, là, je vous sens prêtes à me répondre.
Mme Picard (Liette): Bien, c'est sûr que c'est... l'éducation à la sexualité...
Le Président (M. Marsan): Alors, Mme Picard, c'est ça, hein?
Mme Picard (Liette): ... -- oui, c'est ça -- c'est particulier. On n'est pas dans un domaine de connaissances ou de compétences qui s'évaluent. On parlait d'évaluation tantôt, là, ça ne se fait pas de la même façon. Alors, ce qu'on va avoir à déterminer, nous, c'est vraiment le passage obligatoire, là, du préscolaire jusqu'à la fin du secondaire, des apprentissages qui doivent être réalisés. Et c'est pour ça qu'on a déterminé aussi qu'il y aurait des séances obligatoires ou des activités obligatoires. Alors, ce que la direction d'école va devoir faire avec son personnel, c'est à la fois regarder comment, moi, je vais faire apprendre ces... comment je vais faire couvrir ces apprentissages-là par les élèves, qui va m'aider à le faire. Alors, elle a un rôle aussi à déterminer, les rôle et responsabilité, là. Est-ce que c'est une enseignante que je vois au primaire, c'est plus facile, là, au secondaire? Est-ce que je vais chercher les ressources de la communauté? Alors, on compte sur, entre autres, la transparence de tout ça. Comme elle va avoir à planifier, à expliquer pour chacun des apprentissages couverts qui va devoir les traiter, hein, comment ça va se réaliser, alors il y a une partie avec son conseil d'établissement, il y a une partie qui est de l'ordre de la transparence, là, qui va nous assurer de la couverture des choses.
Ce qu'on pense aussi, c'est: comme ça va être travaillé dès le préscolaire jusqu'à la fin du secondaire, alors on va voir vraiment la progression. Certaines résistances ou certaines barrières vont tomber, là, dans la façon d'aborder les choses. Aller plus loin, on n'est pas rendus à aller plus loin que ça. Est-ce qu'on pourrait laisser des traces dans le bulletin pour dire qu'il y a eu des apprentissages qui ont été faits? On n'est pas allés jusque-là, là. Je ne sais s'il faut aller jusque-là. Moi, je pense qu'un plan très clair, des contenus très clairs à couvrir, c'est déjà beaucoup plus précis que ce qu'on n'a jamais fait dans ce domaine-là. Alors, je pense qu'on a là, là, de la transparence qui va devoir... qui va se faire, qui va nous permettre de voir ce qui a été couvert.
**(17 h 30)**Mme Gosselin (Denise): Donc, c'est sûr qu'en termes, je vous dirais... Parce que le suivi de ce qui va se passer dans le milieu, pour nous, ça va être extrêmement important. Donc, on est à examiner... parce que c'est sûr qu'on ne veut pas venir alourdir, hein, les processus. Il se fait déjà beaucoup de reddition de comptes, donc l'idée n'est pas de venir alourdir. Mais, si on allait de l'avant avec cette proposition-là, il va nécessairement falloir se questionner sur comment on va pouvoir suivre plus globalement l'évolution de la situation pour éviter de se retrouver... Parce que, je le disais tout à l'heure, ce n'est pas parce qu'on rend obligatoire que ça va nécessairement se faire. Donc, on va devoir déployer bien sûr de la formation, de l'accompagnement, mais je pense qu'on va devoir également avoir une bonne idée de comment ça se vit dans le milieu pour pouvoir ajuster le tir.
Mme Charbonneau: Vous êtes avec nous depuis le début. Aujourd'hui, vous avez entendu tous les intervenants et, malheureusement pour nous, l'ensemble de nos questions. Je fais un lien direct à toutes les fois que j'ai eu des intervenants entre l'estime de soi et le rapport avec la sexualité. Si je n'ai pas une bonne estime de moi, je peux tomber dans les pièges de la violence, de l'abus; si j'ai une trop bonne estime de moi, je peux devenir un «bully», qu'on appelle en anglais, là, quelqu'un qui fait de l'intimidation. Donc, pour moi, effectivement la formation globale du préscolaire jusqu'à secondaire V... Je vous ferais bien la blague de dire que, si on parle d'histoire au cégep, on pourrait parler de sexualité aussi, mais je vais me limiter au primaire puis au secondaire.
Ce qui m'interroge, c'est la volonté de mettre en place dans nos écoles l'ensemble des outils qu'on devrait avoir et en même temps cette accessibilité-là aux outils qui fait qu'on peut handicaper l'apprentissage sur la sexualité. Puis là je veux vous parler d'Internet puis tout ce qui s'ensuit, là. Dans notre volonté de mettre les meilleurs outils et d'équiper nos enseignants, on a parlé de la formation un peu plus tôt qui était fort intéressante, à savoir: Est-ce qu'on y va directement dans la formation des maîtres ou on vient en formation continue seulement aider nos enseignants à mettre en place un processus d'apprentissage sur ce sujet aussi sensible? Mais est-ce que je devrais limiter l'accessibilité à l'informatique?
J'essaie de voir, là, entre la nouvelle technologie, mon accessibilité à cette technologie-là, ce qui se dit, ce qui se fait, ce à quoi j'ai accès, au niveau de l'apprentissage et de la formation, est-ce qu'on devrait limiter certains aspects ou on devrait garder ça ouvert puis mieux enseigner? Qu'est-ce qu'on fait avec l'information?
Mme Gosselin (Denise): Moi, je pense que l'idée, ce qu'on veut développer chez nos jeunes, c'est des compétences, puis ce qu'on veut, c'est qu'ils développent leur esprit critique, qu'ils soient autonomes dans la vie. Donc, je pense qu'il faut tabler, par nos stratégies pédagogiques et ce qu'on leur offre comme, je dirais, situations d'apprentissage, à les amener à vraiment être capables d'analyser les situations puis poser un regard critique sur ces situations-là.
Donc, c'est clair pour nous que l'éducation à la sexualité, c'est beaucoup plus global que des... Oui, il y a des notions spécifiques qui doivent être abordées puis qui sont incontournables, des thèmes, mais il faut continuer à travailler plus large puis vraiment développer les compétences de nos jeunes à faire face à la réalité de tous les jours.
Mme Picard (Liette): Et puis c'est le rôle de l'école, si je pouvais, si je peux me permettre?
Mme Gosselin (Denise): Oui, oui.
Mme Picard (Liette): C'est le rôle de l'école; on a un rôle éducatif. Nous, on travaille, hein, en... Bien, les parents d'abord, hein, les premiers responsables. L'école a son rôle éducatif, alors elle est là pour socialiser les jeunes, leur faire développer leurs compétences personnelles. Alors, c'est vraiment un lieu de développement du jeune: c'est dans cette optique-là qu'il faut vraiment aborder les aspects... l'éducation à la sexualité, il y a tous les aspects relationnels, cognitifs, sociaux, les valeurs. Alors, c'est tout ça qu'il faut amener, les valeurs, c'est important, là, c'est là où l'école a un apport particulier.
Parce que c'est sûr qu'on peut traiter des aspects plus physiques ou biologiques, c'est peut-être, hein, on parlait de techniques tantôt, c'est peut-être plus facile à cerner, mais notre rôle, c'est vraiment d'amener une vision plus large, là, toute la question des rapports égalitaires, toute la question... Alors, c'est vraiment cette vision-là qu'on veut apporter sur des thèmes qu'il faut traiter, vision plus globale, là, de l'éducation à la sexualité, promotion de la santé.
Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Trois-Rivières.
Mme St-Amand: Merci, M. le Président. Alors, madame, bonjour. C'est vraiment fort intéressant de savoir que... on a vu d'abord qu'il y a un certain consensus qui s'est dégagé cet après-midi, et de voir que le ministère s'en va dans ce sens-là, c'est fort encourageant.
Pour avoir travaillé dans le milieu scolaire pendant plusieurs années, moi, ma préoccupation, depuis qu'on regarde ce sujet-là, c'est qui. Sincèrement, je vous le dis: C'est qui? Et tantôt vous avez parlé que la direction de l'école pourrait décider, selon la réalité de son milieu, que ça pourrait être un personnel de soutien, être un personnel professionnel, être un personnel enseignant, parce que j'ai compris ça que ça pourrait... Vous avez fait une consultation, je vais vous poser une question: Est-ce que ça se bouscule aux portes, le monde qui ont envie de faire ça? Ça, c'est... c'est...
Mme Picard (Liette): Bien, moi, je vais commencer, tu pourras...
Mme Gosselin (Denise): ...le qui, oui.
Mme Picard (Liette): Oui, le qui. Bien, quand on dit ça, ce ne sera pas le directeur d'école qui va décider dans son bureau qui va faire quoi, là, hein, c'est vraiment une décision qui se prend en équipe-école. Et puis c'est là où, puis les chercheurs nous le disent aussi, les experts, il faut être à l'aise pour traiter de ce sujet-là qui est particulièrement délicat, il faut sentir qu'on a les compétences, il faut être capable d'établir de bonnes relations avec les jeunes, les gens des CALACS l'ont dit tantôt aussi. Alors, c'est pour ça qu'on ne peut pas dire a priori de la part du ministère: On pense que tel type de spécialiste, ce serait la bonne personne. Ce n'est pas comme ça que ça marche.
Alors, c'est la direction d'école avec son équipe-école qui voit qui sont les personnes les mieux placées pour aborder les apprentissages, pour faire développer les apprentissages. Et puis, comme la vision est large, là, ce n'est pas toujours le sujet très «touchy», là, hein? Quand on parle d'éveil amoureux, de respect de l'autre, ça, un enseignant dans sa classe n'a pas besoin d'être superéquipé pour l'aborder. C'est pour ça, là, que les thèmes sont importants à être définis.
Alors, oui, il y a une bonne responsabilité, ça ne se bouscule pas aux portes, surtout quand on voit l'éducation à la sexualité puis on pense à tout ce qu'on entendait tantôt, là, ce qui est particulièrement piégeant, quand les jeunes arrivent avec la question, hein, terrible, là, à laquelle on n'avait jamais pensé. Mais c'est pour ça qu'il faut que ça se fasse en équipe, c'est pour ça qu'il ne faut pas que ça se porte par une personne. Alors, c'est vraiment une question de connaître son milieu, connaître sa réalité, connaître ses intervenants pour être en mesure de faire les bons choix, là, dans la répartition des rôles et responsabilités.
Mais on a besoin aussi des gens de la communauté, on a besoin que les parents soient associés à tout ça, on a besoin que nos collègues de la santé fassent partie, hein, des partenaires à qui on peut demander du soutien aussi quand viennent des questions trop spécifiques, là, ou...
Mme St-Amand: C'est vraiment mon opinion, je vous dirais, particulièrement au secondaire, je l'ai dit tantôt. Je pense qu'au primaire il y a une partie de l'éducation qui est quand même moins menaçante, je vais dire, pour l'adulte qui est en avant, qui parle avec ces enfants-là, mais, au secondaire, effectivement... Et je vous dirais que mon commentaire sera celui-ci: Il faudra bien soutenir ces gens-là.
J'aurais une dernière question, parce que tantôt vous avez parlé de reddition de comptes. Et évidemment, reddition de comptes, on l'entend dans d'autres domaines. Je voudrais juste que vous alliez un petit peu plus loin, là, parce que j'imagine que ça faisait suite à l'imputabilité, là?
Mme Gosselin (Denise): Oui, bien peut-être que le mot est... peut-être est fort; je mettrais un bémol. L'idée était beaucoup -- je pense que Mme Picard l'a abordée -- la transparence dans le milieu. Je pense que le directeur d'école est avec son équipe-école, les parents du conseil d'établissement, a des décisions à prendre, informer. Puis en toute transparence, moi, je pense que ça devrait d'abord se passer dans le milieu où... Bon.
Maintenant -- comment je dirais, je mets vraiment un bémol -- l'idée, ce n'est pas, comment je dirais, d'obliger les milieux scolaires à rendre des comptes au ministère, mais c'est de nous permettre de suivre l'évolution de la situation pour voir comment ça s'applique si on veut être en mesure d'apporter, comment je dirais, des ajustements si on va de l'avant avec une telle proposition. Donc, je pense, si on ne veut pas se retrouver dans 10 ans puis dire: On a rendu obligatoire, on a fait ci, mais on n'a pas atteint... l'idée, c'est d'avoir, comment je dirais, un pilotage qui nous permet, là, d'ajuster le tir au fur et à mesure. Maintenant, comment ça se fera, je ne suis pas en mesure d'aller sur ce terrain-là à ce moment-ci parce que les réflexions ne sont pas terminées à cet égard.
Mme St-Amand: Merci beaucoup.
Le Président (M. Marsan): Alors, merci. Nous allons poursuivre. Et je vais céder la parole à Mme la députée de Marguerite-D'Youville.
**(17 h 40)**Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci, M. le Président. Merci, mesdames, de votre contribution; je pense que c'est très important de vous entendre. On entend depuis le début de l'après-midi un consensus, et vous l'avez dit dans votre présentation, sur le fait que l'éducation à la sexualité est un incontournable. Et je pense que, qu'on ait entendu le point de vue d'un groupe communautaire, de jeunes étudiants de niveau secondaire par le biais de la représentante d'une association, d'un commissaire, d'une ressource impliquée dans le monde de la santé en lien avec le monde de l'éducation avec une expertise très reconnue, mais je pense que ça nous démontre justement le caractère incontournable. De là un certain nombre de questionnements de ma part.
D'entrée de jeu, dans votre présentation, vous vous référez aux lacunes du programme de formation personnelle et sociale, vous parlez du peu de temps. Dans la proposition que vous lancez ou l'avenue que vous mettez sur la table, vous dites: Annuellement, un nombre minimal de séances. On n'a pas d'ordre de grandeur sur qu'est-ce qu'au bout de la séquence ça doit amener comme temps de sensibilisation et de travail avec les jeunes. J'aimerais vous entendre un petit peu là-dessus.
Comme lacune aussi, vous soulevez l'application variable d'un milieu à l'autre, je trouve que... je me permets de soulever la question: À partir du moment où on remet au directeur d'école la responsabilité de planifier, d'organiser, de déterminer un peu avec les ressources du milieu, est-ce qu'on ne retombe pas dans cette espèce de géométrie variable quant au fait de donner ce cours-là qu'on qualifie toujours d'incontournable?
Et vous avez parlé, comme troisième lacune, de l'inconfort des enseignants ou des différents types de personnel, ceux qui seraient habilités. Je ne vois pas, dans votre plan, de notes sur la question de la formation et des ressources en appui. Alors, moi, j'ai des interrogations de cette nature-là.
Je comprends que c'est une avenue qui est au jeu, et je suis très contente de l'opportunité qu'on a de vous interpeller, de réagir à tout ça, mais je comprends aussi... Dans votre présentation, vous avez dit -- j'ai plusieurs questions, là, mais je vais revenir -- vous avez dit: En concertation, puis vous avez utilisé le mot «interdisciplinaire», et, moi, je constate qu'avec le renouveau pédagogique, l'implantation de la réforme, et tout ça, on faisait référence à différents types d'enseignant dans différents cours, si bien que, on l'a constaté depuis le matin puis les gens en ont témoigné, quand ça appartient à tout le monde, ça n'appartient à personne. Alors, quand vous utilisez le mot «interdisciplinaire» pour faire référence aux nouveaux enjeux et que vous dites: En concertation interdisciplinaire, comment... quel sens vous lui donnez?
Mme Gosselin (Denise): Alors, à la première question sur le peu de temps, je vous dirais, on a commencé à réfléchir sur les contenus incontournables. Le modèle de la France, eux, ils sont allés sur trois séances minimales par année, bon, des séances à durée variable. Vous allez me dire: Ce n'est pas plus que mon cinq heures tout à l'heure de formation personnelle et sociale.
Nous, l'approche qu'on est en train d'examiner, c'est plus de définir a priori nos contenus incontournables et de regarder, en lien avec ces contenus-là, peut-être qu'au préscolaire, on s'entend-u, le besoin n'est pas le même qu'en secondaire I, secondaire II, secondaire III. Donc, cette notion-là, je vous dirais, de temps, on n'a pas fini notre réflexion à cet égard-là. On a eu des commentaires des gens qu'on a consultés, mais on voyait beaucoup la possibilité de le définir mais en lien avec la nature des contenus incontournables qu'on veut voir, je dirais, les apprentissages incontournables qu'on veut voir réalisés par les jeunes. Donc, cette notion-là, elle sera à examiner avec les personnes, les experts qui travailleront notamment sur les contenus à aborder avec les jeunes. Je ne sais pas si tu voulais ajouter d'autres éléments.
Le Président (M. Marsan): Mme Picard.
Mme Picard (Liette): Oui. Alors, c'est vraiment la prise sur les contenus. Je dirais, ce qui définit, c'est vraiment pas de marge de manoeuvre mais sur les contenus. Alors, la marge de manoeuvre est dans les moyens. Donc, l'incontournable, c'est vraiment de couvrir les contenus; il faut trouver une façon qu'ils soient couverts, là. C'est pour ça, on va regarder, bon, la transparence, le suivi. Mais c'est ça qu'il faut établir pour avoir une garantie que les choses vont se faire.
Mme Gosselin (Denise): Maintenant, le deuxième volet, votre deuxième question, vous parliez, bon, par rapport à la formation personnelle et sociale puis ce qu'on observe actuellement, effectivement, en termes, je dirais, de choses très variables, hein, d'une prise en charge très variable par différents milieux scolaires, il faut comprendre qu'actuellement ces contenus-là obligatoires ne sont pas définis. Donc, dans la proposition qui est sur la table, le fait de venir préciser les incontournables et de venir préciser une notion de temps devrait faire en sorte que la variable ne soit pas sur les contenus qui vont être offerts aux jeunes dans la classe ou dans l'école mais va être dans la souplesse qu'on accorde au directeur d'école et à l'école de recourir aux ressources du milieu qui sont en mesure de donner le contenu souhaité ou de permettre aux jeunes de faire leurs apprentissages. Et ça, je vous dirais, quand on a rencontré les directions d'écoles, c'est un des éléments avec lequel elles étaient assez favorables, de pouvoir avoir une marge de manoeuvre sur le choix des moyens, tout en sachant que les apprentissages, eux, sont incontournables.
Par rapport aux enseignants, on parle d'inconfort. C'est sûr que, si je prends l'enseignant de mathématiques puis je lui demande d'aborder telle dimension, bien peut-être que oui, un enseignant de mathématiques, par rapport à son vécu personnel, il va être en mesure de le faire. Ou il ne le sera pas, selon, comment je dirais, sa situation, etc. Mais, dans les écoles, on avait des enseignants qui ont les compétences et sont en mesure d'aborder avec les jeunes des questions particulières: l'enseignant de français qui peut, par exemple, à travers, je dirais, son cours de français, supporté peut-être par le psychologue de l'école, traiter de l'éveil amoureux chez un jeune au début du secondaire. Donc, tous les contenus ne sont pas nécessairement des contenus spécialisés. Donc, un enseignant de français dans l'école peut très bien dire: Moi, cette thématique-là, je suis à l'aise de l'aborder avec les élèves de secondaire I et je vais l'inscrire à ma planification. Et voici, à travers telle activité pédagogique du cours de français, bien je traiterai telle thématique. Le directeur de l'école, lui, va devoir, dans le fond, faire cette planification-là avec les enseignants et s'assurer que l'ensemble des contenus vont être couverts.
Maintenant, le fait qu'on lui laisse une souplesse dans les moyens, bien ça permet de mettre à profit l'infirmière de l'école, ça permet d'aller chercher l'expertise du psychologue en appui à l'enseignant, ça pourrait être l'organisme comme le CALACS qui, dans le cadre d'une semaine thématique sur la prévention de la violence, on l'invite à venir rencontrer -- les gens du CALACS nous parlaient, là, d'ouverture du milieu scolaire -- venir rencontrer l'ensemble des élèves du secondaire pour traiter, par exemple, de violence dans les relations amoureuses. Donc, je crois que, sous l'angle de l'expertise, cette approche-là permet de mettre à profit l'ensemble des expertises d'un milieu au regard de l'éducation à la sexualité.
Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Mon Dieu que j'ai des questions! Quand on parle d'apprentissages incontournables, on parle d'un programme de base, c'est ce que vous voulez dire, là, quand vous dites...
Mme Gosselin (Denise): Des thèmes, des contenus.
Mme Richard (Marguerite-D'Youville): ...des apprentissages incontournables à partir du préscolaire jusqu'à la fin du secondaire. C'est-à-dire, un programme qui va s'établir sur ce grand nombre d'années puis qu'on va répartir selon les niveaux, et ainsi de suite, c'est ça?
Mme Gosselin (Denise): Tout à fait.
Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Bon. Parfait.
Mme Gosselin (Denise): Mais on ne parle pas d'un programme disciplinaire pédagogique.
**(17 h 50)**Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Moi, je comprends très bien que les directions d'école soient intéressées par la marge de manoeuvre au niveau des moyens, je comprends ça très bien. Et je trouve que, quand on veut pouvoir utiliser les ressources du milieu, il faut avoir une certaine marge de manoeuvre.
Ce avec quoi j'ai de la difficulté, c'est que j'essaie de faire le parallèle avec ce qu'on vit, là, depuis l'implantation de la réforme, où le directeur d'école avait tout le loisir de planifier, avait tout le loisir de cibler des ressources pour répondre aux objectifs et que les constats qu'on fait, c'est que, dans bon nombre de milieux, ça ne s'est pas fait parce qu'il y avait des apprentissages en français, en mathématiques, en sciences ou ailleurs qui avaient prépondérance au niveau de la notation à la fin de l'année ou à la fin de chacune des périodes et que finalement ça a passé dans la moulinette.
Et je ne voudrais pas, à partir de ce qu'on entend depuis ce matin, à partir... depuis ce midi c'est-à-dire, à partir de ce qu'on a entendu dans les médias, à partir des constats qui sont faits dans les différentes communautés sur la situation de nos jeunes actuellement, je ne voudrais pas qu'on perde de vue, vous l'avez très bien dit d'ailleurs, les nouveaux enjeux sociaux, que ce soit l'Internet, que ce soit la dynamique entre les garçons et les filles, que ce soient les problèmes familiaux, peu importe, la dimension culturelle, et ainsi de suite, je ne voudrais pas qu'on perde de vue l'importance de tout ça dans la démarche d'apprentissage. Et j'ai l'impression qu'en laissant... en ne clarifiant pas le lieu d'appartenance où ces apprentissages-là, où ces discussions-là vont se faire on risque de faire un constat dans cinq ans qu'on l'a perdu. Même si le directeur l'a planifié, même si le conseil d'établissement a dit: On accepte ça, puis c'est comme ça qu'on marche, il reste que, moi en tout cas, je ne suis pas rassurée. Puis je voudrais que vous me disiez c'est quoi, une séance. Quand je me réfère à trois séances par année, c'est quoi, une séance?
Mme Gosselin (Denise): Vas-y.
Mme Picard (Liette): C'est bon. Bien, je compléterai si...
Mme Gosselin (Denise): Vas-y. Non, vas-y.
Mme Picard (Liette): O.K. Bien, une séance, ce qu'on vise par séance, c'est une intervention éducative. On a pris le mot «séance» parce qu'on voit... c'est plus concret, là. Donc, il y a une obligation de visibilité, de moments forts où on va en traiter. Par ailleurs, les apprentissages vont se faire de différents moyens: dans la classe, en activités parascolaires, en journées thématiques. La modalité n'est pas déterminée, mais il va falloir qu'il y ait une visibilité.
Ce qu'on veut, c'est, au-delà des apprentissages obligatoires, là, donc vraiment... puis ça, ça n'existe pas actuellement, là, c'est peut-être ça tantôt quand vous dites: On a tout ce qu'il faut, on l'a constaté, nous aussi.
Puis il y a des milieux d'ailleurs qui font de très bonnes choses, Mme Guilbert l'a dit tantôt, en éducation à la sexualité. Il y avait tout ce qu'il faut actuellement pour le faire; les gens ne l'ont pas fait. Mais ce qu'on n'avait pas fait, c'est détailler ce qu'il fallait couvrir, comment ça pouvait se faire, c'étaient quoi, les contenus, sur quoi ça devait porter, ça, on n'avait pas ce message-là aussi précis. On avait des suggestions qu'on faisait, des opportunités. Alors, maintenant, là, on va avoir vraiment établi: Vous n'avez pas le choix, vous devez couvrir tout ça. Alors, c'est vraiment, là, notre... c'est ce qui est le plus solide, là, qu'on peut demander pour... Je suis en train de perdre mon idée.
Mme Gosselin (Denise): Il y a une obligation de contenu...
Mme Picard (Liette): Ça, on ne l'a pas actuellement.
Mme Gosselin (Denise): ...ce qu'on n'a pas dans la situation. Donc, si j'essaie de sortir les éléments nouveaux de cette proposition-là par rapport à la situation actuelle, c'est l'obligation du contenu et avec une progression selon l'âge des élèves et une obligation d'un temps minimal à consacrer à des activités éducatives sur une base annuelle pour s'assurer que ces contenus-là, obligatoires, sont abordés avec les jeunes.
Donc, on a une double obligation: une obligation de contenu définie dans le temps et une obligation de temps, sans venir définir la modalité des moyens. Donc, ça, c'est nouveau par rapport à ce qui existe. Et, si je ne m'abuse, des propos des intervenants précédents, cette obligation-là à créer dans le contenu et dans le temps me semblait rallier les intervenants précédents quant à une façon d'amener les écoles à se mobiliser autour de cette question-là de l'éducation à la sexualité.
Et l'autre élément de nouveauté par rapport à cette proposition-là, c'est le volet de l'approbation de la planification. C'est que, oui, l'école d'abord va être obligée de la faire, cette planification-là, si elle veut être capable de rencontrer les objectifs obligatoires, puis ça va être décidé au niveau du conseil d'établissement. Donc, ça, ce sont des nouveaux ancrages, des prises additionnelles que cette proposition-là amène. Bon.
On l'a expliqué tout à l'heure, on a examiné les deux autres solutions, hein? Des solutions, il n'y en a pas, je vous dirais, 50. Il y a celle du cours, et, je pense, je vous ai fait état des différentes dimensions qui rendaient difficile cette option-là. D'abord, elle ne nous permet pas, là, de rencontrer l'objectif d'aller du préscolaire jusqu'à la fin du secondaire, ça ne rencontre pas, comment je dirais... on vient cibler à l'horaire de l'élève. À un moment donné, on va se retrouver avec un enseignant qui n'aura pas nécessairement les conditions et l'expertise pour donner le cours dont il a la responsabilité.
L'autre hypothèse, c'est de venir bonifier des contenus à l'intérieur des programmes existants. Mais encore là on retrouve des écueils à peu près semblables à ceux qu'on a nommés tout à l'heure. Le Programme d'éducation au choix de carrière et même Science et techno permettent, de par la nature même du programme, d'aborder certains contenus. D'ailleurs, les enseignants de ces programmes-là, plusieurs vont le faire, éducation ou... Éthique et culture religieuse -- excusez-moi, pas Éducation au choix de carrière, mais Éthique et culture religieuse -- sauf que la conception même du programme est limitative par rapport à, je dirais, ce qui est souhaité à l'intérieur d'un cours d'éducation à la sexualité. Les jeunes nous l'ont dit, ils veulent avoir un lieu, notamment -- ce n'est pas la seule chose -- où ils peuvent avoir un intervenant qui va les écouter, pouvoir...
On est dans le domaine des valeurs, on est dans le domaine des comportements, on est dans le domaine des attitudes. Donc, il nous a semblé, sous cet angle-là, que de venir répondre à une notion d'obligation, c'était essentiel si on veut avancer, se faire une meilleure éducation à la sexualité.
Puis, les autres avenues, bien, en tout cas, pour le moment, ce qu'on a fait comme analyse ne nous permettait pas, là, de rencontrer ce que la recherche nous dit notamment.
Le Président (M. Marsan): M. le député de Prévost et ensuite le député de Johnson.
M. Robert: Oui. Bonjour, mesdames. Bien, écoutez, je comprends, là, que votre réflexion n'est pas... elle n'est pas finie, mais ça m'apparaît un petit peu abstrait. Je me pose des questions sur le temps scolaire.
Ma collègue tantôt parlait, là, de formation. Vous misez beaucoup sur le travail d'équipe-école. Mais je pense que ce qui a été dit tantôt par d'autres intervenants: Il y a des besoins, il semble y avoir des besoins criants en formation.
Vous parlez de mettre à profit des partenaires. Bon. On a vu tantôt le CALACS de l'Estrie qui disait: On allait faire des formations dans les écoles, maintenant il faut presque s'autofinancer pour pouvoir faire ces formations-là. Est-ce que, dans une volonté d'améliorer les contenus, est-ce qu'il y a des ressources, des moyens qui vont être attribués aux écoles?
Et j'aimerais vous entendre aussi sur le Dr Guilbert tantôt qui disait qu'il y avait une urgence d'agir. Quand vous êtes en réflexion présentement et vous explorez des avenues, c'est quoi, ça sonne quoi dans votre tête, cette urgence d'agir face à un problème qu'on a présentement?
Mme Gosselin (Denise): Sous l'angle des moyens, c'est clair que, si on arrive, comment je dirais, à définir des contenus nouveaux pour le milieu, si on arrive à rendre obligatoires des activités éducatives, là, sous l'angle de ce qu'on discute, c'est clair qu'on va devoir avoir une stratégie pour déployer ça puis s'assurer qu'on accompagne les milieux pour la mise en oeuvre de ça puis qu'on se donne des moyens pour rejoindre les directeurs d'école qui auraient à mettre ça en oeuvre dans leurs écoles, rejoindre les intervenants qui auront mobilisé les commissions scolaires autour de ça.
Donc, dans cette perspective-là, c'est sûr que c'est une... comment je dirais, il y a toute une stratégie de mise en oeuvre à développer pour venir supporter une nouvelle avenue de cette nature-là, parce que sinon ce n'est pas juste en publiant un guide qu'on va y arriver, il y a des... comment je dirais, on a à amener des changements dans les façons de faire et à mobiliser des milieux. Donc, dans ce sens-là, quand on fait des analyses, on travaille en même temps à réfléchir sur les moyens que le ministère pourrait déployer en concertation avec les commissions scolaires, hein, parce qu'il y a d'autres intervenants qui sont concernés pour ça, et s'assurer que les écoles aient ce qu'il faut pour pouvoir travailler dans cette perspective-là. Maintenant, sous l'angle, je dirais, de... Ce n'est pas une responsabilité nouvelle, là, qu'on amène aux écoles. Elles avaient déjà, les écoles, dans le cadre du Programme de formation de l'école québécoise, cette responsabilité-là de voir à ce que les apprentissages en lien avec le domaine général de formation soient réalisés concrètement. Donc, là-dessus, il n'y a rien de nouveau, il s'agit qu'on mobilise les intervenants, les ressources du milieu pour pouvoir le faire.
Quant à l'urgence d'agir, bien je pense qu'on est conscients, comme tout le monde, qu'il y a effectivement une urgence d'agir, puis je vous dirais qu'on est vraiment à pied d'oeuvre. Chez nous, les ressources sont mobilisées pour... on a commencé à regarder les contenus incontournables et d'essayer de voir, là, pour que ce soit mis en oeuvre de façon... dans des délais raisonnables pour les milieux scolaires.
Le Président (M. Marsan): Je vous remercie. M. le député de Johnson.
**(18 heures)**M. Boucher: Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, mesdames. Je dois vous avouer avoir ressenti un certain malaise tout au long de votre présentation. Je vais d'abord commencer avec les raisons pour lesquelles vous avez aboli le cours de FPS: pas assez de temps consacré à l'éducation sexuelle, à la sexualité, actions ponctuelles et cloisonnées, application très variable selon les régions. Or, tous ces constats-là ont été faits par les gens qui se sont penchés sur les résultats liés à l'abolition progressive du cours à la FPS.
Enfin, finalement, peut-être que la solution n'a pas permis de répondre aux besoins qui étaient là manifestement dès les années 2000. Bon. Vous avez évidemment comparé à la France par rapport à... -- woup! -- pourquoi pas les Pays-Bas, alors qu'on a des chercheurs qui vous ont fourni des informations, qui, eux, se sont penchés sur ce pays-là? Alors, je ne sais pas si le... bon, il serait si difficile d'appliquer ou d'intégrer la façon de faire des Pays-Bas chez nous, c'en est une autre, chose.
En fait, bon, ma collègue l'a servi aussi, les priorités locales, hein, de laisser au... On est bien conscients de l'importance que chaque couleur ait son école... que chaque école ait sa couleur -- pardon, il est 18 heures -- que l'école ait une certaine marge de manoeuvre. Or, un des problèmes, c'est justement la différence d'applicabilité ou la différence dans le contenu livré aux jeunes selon les écoles. Tu sais, alors, je vois mal... Comme ma collègue, je suis un peu inquiet, je ne suis pas du tout rassuré quant au fait que le ministère de l'Éducation est préoccupé quant au contenu qui est livré sur l'ensemble de son territoire, lié à l'éducation à la sexualité.
J'en ai un paquet d'autres, interrogations, comme ça. Je vous demanderais si vous êtes surprise, par exemple, que des gens comme le CALACS ignoraient qu'il existait des documents qui s'adressaient aux parents ou encore aux intervenants ou aux enseignants, alors que ces gens-là sont directement en contact? Est-ce que vous êtes surprise que le CALACS, qui a auparavant effectué une trentaine de présentations par année, en est rendu à zéro, alors que la réforme justement était censée favoriser la diversification des apprentissages, l'invitation de multiples intervenants, nanana? En tout cas, c'est ce qu'on voit dans le document qui est intitulé -- je vais vous le dire, là -- L'éducation à la sexualité dans le contexte de la réforme de l'éducation, hein? Et les services complémentaires, ils sont vus comme une façon de pallier, finalement, à cette absence-là. On le voit dans... On le constate, là, les services complémentaires malheureusement n'ont pas réussi à, si on veut, amoindrir la disparition progressive.
Je vous dirais... Enfin, j'aurais deux questions. En fait, est-ce que les améliorations que vous porterez finalement au programme ou au contenu lié à l'éducation sexuelle vont d'abord toucher l'ensemble des aspects liés à l'éducation à la sexualité, là, je vais... la santé, le bien-être, l'aspect mécanique, nanana, bon, nanana?
Deuxième... oui, bien, je... Mon Dieu, l'éducation, l'activité... vois-tu, je suis un peu désarçonné, mais enfin est-ce que, vous, vous croyez que les activités obligatoires que vous avez dénommées comme étant des séances à trois fois par année, est-ce que, vous, vous êtes persuadées que ces séances-là sont véritablement le lieu que réclament les jeunes pour pouvoir s'ouvrir, pour pouvoir parler, là, de d'autres choses que de simple mécanique? Est-ce que vous pensez véritablement que ces moyens-là répondront aux besoins qu'expriment non seulement les jeunes, mais aussi les parents, les enseignants?
Et d'ailleurs, dernière petite chose, je vois mal... bon, bien, oui, je n'ai plus de temps. Bon, bien, je m'arrête là. Mais enfin...
Le Président (M. Marsan): Alors, Mme Gosselin, en terminant.
Mme Gosselin (Denise): Ce que je peux vous dire, c'est: Lorsqu'on est allé rencontrer les différents groupes, les directions d'écoles, on a rencontré des enseignants, on a rencontré des parents, on a rencontré le CALACS, on a rencontré des groupes de femmes et qu'on a eu l'opportunité de leur expliquer ce qu'on souhaitait faire, parce que, quand on est allé, je vais vous dire, c'était une hypothèse de travail, hein? On est en construction là-dessus puis on n'a pas la prétention d'avoir toutes les réponses. C'est une question complexe, il y a plusieurs intervenants qui sont concernés par cette question-là.
Et, je vais vous dire, on a été très bien accueillis par l'ensemble des personnes qu'on a rencontrées jusqu'à maintenant. Donc, à vos questions, comment je vous dirais, plusieurs -- c'est sûr -- questions ont été soulevées: Comment ça va s'organiser? Comment ça va être fait? Qui sera interpellé? On va-tu avoir... Je ne vous dis pas que toutes les problématiques sont réglées, mais on avait le sentiment, en discutant avec les partenaires qu'on a interpellés jusqu'à maintenant, qu'il y avait une piste véritable à regarder là qui pouvait être susceptible d'améliorer la situation.
Bien sûr, il demeure des choses à peaufiner. Je me permettrai peut-être juste de dire: On n'a pas en tête que c'est trois séances, hein? Je ne voudrais pas que vous restiez sur l'idée qu'on est sur un minimum de trois séances. J'ai juste dit: En France, eux ont retenu l'hypothèse de trois séances. Je ne suis pas en mesure de vous dire si c'est trois, quatre, cinq ou six, il y a tout un travail à faire pour définir les contenus incontournables, et c'est clair que le temps requis est fonction des contenus incontournables qu'on veut, comment je dirais, travailler avec nos jeunes.
Donc, oui, je pense qu'il y a des pistes d'amélioration qui sont là, qui sont encore à bonifier, qui sont à examiner. Mais je pense que, dans l'état des lieux, compte tenu que l'introduction d'un cours ne permettrait pas d'atteindre -- ça, on le pense -- les objectifs visés, que d'intégrer des contenus à l'intérieur des programmes comporte aussi certaines problématiques, on pense que ça vaut la peine de véritablement s'asseoir et de définir ces contenus-là avec les experts. C'est quelque chose qu'on travaille... Vous faisiez référence... le Pays-Bas. Écoutez, ce qu'on a mis ici comme proposition, on l'a travaillée avec nos collègues de la Santé et des Services sociaux, et plusieurs éléments qui sont à l'intérieur de ça s'appuient sur les recommandations de l'Institut national de santé publique. Donc, je pense qu'il y a là une proposition qui mérite d'être examinée.
Le Président (M. Marsan): Mme Gosselin et Mme Picard, nous vous remercions de nous avoir donné l'état d'avancement des travaux sur l'éducation à la sexualité à l'école au nom du ministère de l'Éducation, du Loisir et des Sports.
Documents déposés
Avant de terminer, je voudrais déposer le guide des pistes d'action du CALACS de l'Estrie de même que le texte d'allocution du Dr Édith Guilbert, Pourquoi réinstaurer des cours d'éducation à la sexualité dans les écoles du Québec?.
Et, sur ce, la commission suspend ses travaux pour quelques instants avant de se réunir en séance de travail. Merci beaucoup.
(Fin de la séance à 18 h 7)