(Dix heures une minute)
Le Président (M. Marsan): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
Je rappelle le mandat: le mandat de la commission est de tenir des audiences... des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le projet de loi n° 38, Loi modifiant la Loi sur les établissements d'enseignement de niveau universitaire et la Loi sur l'Université du Québec en matière de gouvernance, et sur le projet de loi n° 44, Loi modifiant la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel en matière de gouvernance.
M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Blanchet (Drummond) est remplacé par Mme Malavoy (Taillon).
Le Président (M. Marsan): Je vous remercie. Je voudrais rappeler le temps alloué. Nos invités ont 15 minutes pour l'exposé de leur organisation, 45 minutes pour les échanges avec les membres de la commission, qui sera réparti comme suit: 22 min 30 s pour le parti formant le gouvernement, l'opposition officielle a 18 minutes, et le deuxième groupe d'opposition, 4 min 30 s.
Avant de laisser la parole à nos invités, je me permets de saluer un de nos anciens collègues qui est avec nous ce matin, c'est l'ancien député de Notre-Dame-de-Grâce, M. Russell Copeman ? bonjour, Russell ? et également le député de Trois-Rivières, l'ancien député de Trois-Rivières, M. André Gabias, qui est avec nous également. Alors, nous vous remercions.
Auditions (suite)
Et, sur ce, nous allons immédiatement entendre la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec. Et je vais reconnaître Mme Heather Munroe-Blum et je vais vous demander de nous présenter les gens qui vous accompagnent, suivi de votre exposé. Mme Blum.
Conférence des recteurs et des principaux
des universités du Québec (CREPUQ)
Mme Munroe-Blum (Heather): Merci beaucoup, M. le Président. Alors, Mme la ministre, Mmes, MM. les députés, tout d'abord nous tenons à remercier la Commission de la culture et de l'éducation de nous donner l'occasion de présenter le large consensus des universités à l'égard de la gouvernance. Le mémoire qui vous a été transmis a été approuvé par les chefs d'établissement et les présidents de conseil des 18 établissements d'enseignement universitaire québécois.
Comme vous avez demandé, avant de poursuivre, je note que plusieurs chefs d'établissement ont été en mesure de se joindre à nous ce matin: Mme Sylvie Beauchamp, présidente de l'Université du Québec; M. Yves Beauchamp, membre du comité exécutif de la CREPUQ et directeur général de l'École de technologie supérieure; M. Denis Brière, vice-président de la CREPUQ et recteur de l'Université Laval; M. Claude Corbo, recteur de l'Université du Québec à Montréal; M. Christophe Guy, directeur général de l'École polytechnique; Mme Johanne Jean, rectrice de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue; M. Marcel Proulx, directeur général de l'École nationale d'administration publique; M. Michel Ringuet, recteur de l'Université du Québec à Rimouski; Mme Luce Samoisette, rectrice de l'Université de Sherbrooke; et M. Jean Vaillancourt, recteur de l'Université du Québec en Outaouais; et bien sûr Mme Judith Woodsworth, vice-présidente de la CREPUQ et rectrice et vice-chancelière de l'Université Concordia. Et, pour présenter la position de la CREPUQ avec moi, tout d'abord, à ma gauche, M. Michel Belley, recteur de l'Université du Québec à Chicoutimi et secrétaire-trésorier de la CREPUQ, et, à ma droite, M. Daniel Zizian, président-directeur général de la CREPUQ.
Nous tenons à souligner d'entrée de jeu que les universités québécoises adhèrent sans réserve aux principes de bonne gouvernance. Nous entendons poursuivre la mise en oeuvre des meilleures pratiques de gouvernance universitaire, mais une gouvernance universitaire sensible au caractère propre de chaque établissement n'est pas bien servie par la voie législative. Elle serait mieux servie, au besoin, par des ententes de partenariat entre le MELS et chacun des établissements.
L'application des principes de bonne gouvernance doit être modulée en fonction des valeurs, des traditions et de la culture propres de chacun des établissements. Les auteurs du rapport sur la gouvernance des universités du Québec, connu sous le nom de rapport Toulouse, vont dans le même sens, je cite: «La gouvernance des institutions universitaires doit reconnaître la diversité des histoires, des traditions, des cultures et des valeurs propres à chaque institution...» Les auteurs de ce rapport ne suggèrent pas l'adoption d'un projet de loi sur la gouvernance universitaire. Bien au contraire, ils invitent les universités à évaluer elles-mêmes leurs pratiques de gouvernance à la lumière des principes énoncés.
Il est très intéressant de constater qu'en Europe on tente avec beaucoup de difficultés de faire évoluer le système universitaire dans le sens de l'autonomie et de la décentralisation. Au même moment, on amorce ici un mouvement inverse en ce qui concerne la gouvernance universitaire. Pourtant, rien ne démontre que cette dernière approche favorise la qualité et la pertinence de l'enseignement et de la recherche universitaire ni qu'elle favorise l'accessibilité aux études supérieures ni même une plus saine gestion des fonds publics.
Plusieurs organisations internationales ont confirmé que l'approche législative n'est pas favorable à la compétitivité des établissements et du système. Cette approche ne leur permet pas de mieux contribuer au développement de la société. L'OCDE, dans son rapport sur les principes de gouvernement d'entreprise publié en 2004, affirme qu'il n'existe pas de modèle unique de bon gouvernement d'organisation. Les principes sont par nature en évolution et doivent être revus en fonction des changements importants du contexte général, ce qui n'est pas possible s'ils sont fixés dans les lois. Pour rester compétitives dans un monde en mutation constante, les organisations doivent savoir innover, doivent adapter leurs pratiques de gouvernement d'entreprise afin de répondre à de nouvelles attentes et saisir les opportunités qui s'offrent à elles.
La Banque mondiale abonde dans le même sens dans une série de documents de travail portant sur l'éducation. Un des auteurs énonce trois principes de bonne gouvernance: premièrement, la reddition de comptes ne devrait pas mettre l'accent sur le fonctionnement des institutions mais sur les résultats; deuxièmement, la reddition de comptes s'effectue avec succès lorsque l'expérience est constructive; la reddition de comptes la plus efficace est assurée dans le cadre d'ententes réciproques ou de façon volontaire par les institutions.
Si l'Assemblée nationale décidait malgré tout qu'un projet de loi sur la gouvernance universitaire serait adopté, le législateur devrait s'en tenir à une référence aux principes de bonne gouvernance. Il ne faudrait pas détailler l'application de ces principes en ce qui concerne le fonctionnement interne des conseils d'administration, la durée de mandat des membres, les pouvoirs des comités, la parité hommes-femmes, la définition de «membre indépendant» ou les modalités de la reddition de comptes et de la communication avec la communauté.
Le projet de loi actuel ne répond pas aux pratiques exemplaires en matière de gouvernance. Il fixe des règles détaillées qu'il devrait laisser aux établissements. Il faut également prendre en compte que les universités ne sont pas des sociétés d'État. Elles doivent rendre des comptes mais fonctionner de façon indépendante de l'État.
Je cède maintenant la parole à mon collègue Michel Belley, qui abordera les lois et règlements actuels et des commentaires d'ordre général sur le projet de loi.
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(10 h 10)
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Le Président (M. Marsan): M. Belley.
M. Belley (Michel): Merci, M. le Président. Mme la ministre, Mmes, MM. les députés, en ce qui concerne l'encadrement législatif et réglementaire actuel, on doit avouer que les initiatives récentes du gouvernement du Québec soumettent les activités des établissements universitaires à des contrôles qui ont eu pour effet d'encadrer très sérieusement leur capacité d'agir. Les établissements universitaires sont assujettis à de nombreuses balises législatives et réglementaires et ils sont dotés individuellement et collectivement, dans le cadre de la CREPUQ, de mécanismes de reddition de comptes et d'imputabilité nombreux et efficaces touchant les facettes les plus importantes de leur mission.
On pourrait faire la liste de l'ensemble de ces règlements et de ces lois ? c'est déposé en annexe à notre mémoire ? mais je voudrais mentionner que les universités, comme institutions, sont très largement exposées au jugement et à l'évaluation des tiers quand on parle de l'évaluation de l'enseignement, réalisée par les étudiants; de l'évaluation des programmes, réalisée par le comité d'évaluation de programmes de la CREPUQ; la pertinence des programmes, analysée par le ministère de l'Éducation. Et que dire de l'évaluation de la recherche, dont les fonds sont attribués strictement sur une base compétitive au niveau provincial et au niveau international?
Malgré que les universités, comme la présidente l'a mentionné, soient d'avis que les règles de bonne gouvernance devraient plutôt faire l'objet d'ententes de partenariat entre chacun d'eux et la ministre, la CREPUQ a procédé à l'étude du projet de loi, et deux points fondamentaux méritent d'être mis en relief.
Le premier: les universités québécoises sont d'avis qu'il est essentiel de respecter la distinction entre les responsabilités du conseil d'administration et celles du chef d'établissement et de son équipe de direction. Le chef d'établissement est le principal dirigeant de l'institution, et cette réalité fondamentale doit être reconnue. À titre d'exemple, les dispositions de l'article 4.0.45 selon lesquelles la ministre consulterait les présidents du conseil d'administration au sujet des indicateurs généraux de rendement sont fondées sur une prémisse erronée. Ce sont les chefs d'établissement qui sont et doivent être les interlocuteurs de la ministre à tous égards, notamment en ce qui concerne le rendement quantitatif et qualitatif des actions de leur université.
En second lieu, il importe de souligner que les consensus présentés dans ce mémoire s'appliquent à l'ensemble des établissements universitaires québécois et que les conseils d'administration de tous les établissements doivent avoir les mêmes pouvoirs et responsabilités et être constitués selon les mêmes normes. La gouvernance de chaque établissement universitaire au Québec doit respecter les mêmes normes supérieures découlant des mêmes principes directeurs tant pour les établissements du réseau de l'Université du Québec que pour les autres établissements. Les distinctions prévues au projet de loi n° 38 concernant le réseau de l'Université du Québec et de ses constituantes n'ont pas leur raison d'être et devraient être éliminées.
Je cède maintenant la parole à M. Daniel Zizian, qui abordera certains des principaux éléments analysés dans le cadre de l'étude détaillée du projet de loi.
Le Président (M. Marsan): M. Zizian, la parole est à vous.
M. Zizian (Daniel): Merci, M. le Président. Mme la ministre, Mmes, MM. les membres de la commission, je désire d'abord souligner que, pour bien faire ressortir nos demandes de modification au projet de loi, nous avons déposé en annexe au mémoire un document qui reprend le texte du projet de loi n° 38 ainsi que tous les amendements que nous voudrions y voir apportés. Parmi les éléments soulevés dans notre étude détaillée du projet de loi, nous souhaiterions en faire ressortir quelques-uns.
Tout d'abord, comme le mentionnait M. Belley, les présidents de conseil et les chefs d'établissement n'acceptent pas que le président du conseil d'administration devienne le porte-parole principal de l'université auprès du gouvernement. En fait, le premier dirigeant doit être formellement reconnu comme étant responsable des relations avec le gouvernement.
Par ailleurs, les présidents de conseil et les chefs d'établissement sont d'accord qu'une majorité de membres du conseil doivent se qualifier comme membres indépendants. Un certain nombre d'entre eux estiment cependant qu'une proportion minimale de 60 % est trop élevée et ne devrait pas être établie par la loi.
En ce qui concerne la nomination des membres du conseil d'administration, les établissements sont prêts à appuyer le principe de la nomination d'un membre par le gouvernement. Cet appui repose cependant sur deux conditions: premièrement, que la nomination soit faite dans des délais raisonnables, ce qui veut dire beaucoup plus courts que la norme actuelle et, deuxièmement, que la nomination tienne compte des recommandations de l'établissement concerné comme c'est le cas actuellement.
Pour ce qui est des questions de diversité des membres du conseil d'administration, de la qualification des membres indépendants, des règles relatives aux conflits d'intérêts et de la durée des mandats des membres du conseil, les établissements proposent que ces questions fassent l'objet d'un règlement interne du conseil d'administration plutôt que de dispositions législatives. Par ailleurs, la parité hommes-femmes devrait, quant à nous, constituer un objectif vers lequel tendre plutôt qu'une norme rigide.
En ce qui a trait à la durée des mandats, les établissements sont d'avis que les présidents du conseil ne devraient pas être soumis aux normes proposées par le projet de loi mais plutôt être en poste pour la durée que détermine le conseil d'administration. D'autre part, les établissements partagent l'objectif apparemment recherché par le projet de loi, ils sont d'avis qu'il n'y a pas lieu d'intervenir spécifiquement sur le processus institutionnel de nomination du chef d'établissement. Par ailleurs, le traitement du premier dirigeant d'une constituante de l'UQ devrait être déterminé par le conseil d'administration de l'établissement comme cela est prévu dans le projet de loi à l'égard des autres établissements.
Toujours en lien avec les fonctions du conseil d'administration, les établissements universitaires considèrent qu'on ne devrait pas ajouter des obligations de consultation des différentes instances qui composent les établissement universitaires sur des questions qui relèvent de l'autorité du conseil d'administration. Ainsi, les traditions, valeurs et processus développés au fil des ans devraient prévaloir, quitte à ce qu'ils soient revus périodiquement, au besoin.
L'obligation de créer trois comités du conseil d'administration, un comité de gouvernance et d'éthique, un comité de vérification et un comité des ressources humaines, fait consensus parmi les établissements. De plus, ceux-ci saluent les dispositions permettant la mise sur pied d'un comité exécutif. Toutefois, ils sont d'avis que la loi ne devrait pas préciser ni limiter les pouvoirs qui peuvent être attribués à ce comité exécutif par le conseil d'administration.
En ce qui a trait à la reddition de comptes, les établissements réaffirment qu'ils sont en faveur d'une reddition de comptes complète et transparente et soulignent que leurs obligations concernant la reddition de comptes devraient être en harmonie avec celles qui leur incombent déjà en vertu de la Loi sur les établissements d'enseignement de niveau universitaire. Les établissements sont également tout à fait d'accord pour rendre compte de leur administration en fonction d'indicateurs qui permettent d'apprécier l'atteinte de leur mission et de leurs orientations stratégiques propres. Ils soulignent cependant qu'il importe de choisir des indicateurs qui tiennent compte de la réalité de chaque établissement et de ses choix académiques et scientifiques, seuls garants d'une diversité porteuse de richesse collective.
Enfin, en ce qui concerne les dispositions transitoires et finales, l'article 14 du projet de loi permet une intervention gouvernementale sans précédent qui porte directement atteinte aux droits des établissements et à leur autonomie. Même la Loi sur la gouvernance des sociétés d'État ne contient pas de telles dispositions. L'idée que le gouvernement puisse former le conseil d'administration d'un établissement universitaire, quelles que soient les circonstances, et même après avoir donné à l'établissement l'occasion d'agir dans un délai déterminé, n'est pas acceptable. Les établissements demandent donc le retrait de l'article 14, qui donne le pouvoir au gouvernement d'agir, en certaines circonstances, en lieu et place du conseil d'administration d'un établissement.
Je céderai maintenant la parole à Mme Munroe-Blum pour la conclusion de notre présentation.
Le Président (M. Marsan): Alors, Mme Munroe-Blum, la parole est à vous.
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(10 h 20)
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Mme Munroe-Blum (Heather): Merci. Très court. Le projet de loi figera pour longtemps la vision actuelle de la bonne gouvernance universitaire. Comme on le sait, les lois n'évoluent pas aussi rapidement que les situations qu'elles réglementent. Les connaissances sur la bonne gouvernance et les meilleures pratiques touchant l'interaction entre l'État et les universités évoluent rapidement. Les établissements universitaires invitent respectueusement les membres de la commission ainsi que la ministre à réexaminer la stratégie qui a inspiré les lois et règlements adoptés au cours des deux dernières années. Cette stratégie fait abstraction de la richesse et de l'importance de la diversité des missions institutionnelles et elle nous fait courir le risque d'affecter la qualité et la compétitivité des universités.
Dans la société globale du savoir d'aujourd'hui, le Québec ne peut avoir des lois et des règlements qui viennent nuire à la capacité des établissements universitaires de soutenir la concurrence des meilleurs. Nous devons unir nos efforts pour assurer que les universités soient toujours plus en mesure de contribuer de façon importante au savoir et à la science et aussi au développement économique, social et culturel du Québec et à son rayonnement dans le monde. Dans le contexte actuel de concurrence à l'échelle internationale, c'est ce dont les universités et la société québécoise ont besoin.
Les établissements d'enseignement universitaire souscrivent pleinement aux principes de bonne gouvernance, de transparence et sont prêts à rendre des comptes. Des lois et des règlements qui obligent les universités à se fondre dans un moule unique ne sont tout simplement... dans le moyen d'y arriver.
Merci, M. le Président et Mme la ministre. Nous serions heureux de répondre aux questions des membres de la commission.
Le Président (M. Marsan): Alors, merci, Mme Munroe-Blum, M. Belley et M. Zizian. Nous allons immédiatement commencer nos échanges avec le parti ministériel, et je vais reconnaître la ministre de l'Éducation, du Loisir et du Sport. Mme la ministre, vous avez la parole pour une période allant jusqu'à 22 min 30 s.
Mme Courchesne: Merci, M. le Président. Mme Heather Blum, M. Belley, M. Zizian, et je salue tous les recteurs et rectrices qui vous accompagnent de même que tous ceux et celles qui oeuvrent dans les différentes universités québécoises.
Je suis contente qu'enfin vous soyez devant nous, parce que ce dossier et ce débat, je dirais, nous l'avons ensemble depuis plusieurs mois. Et j'essaie de bien saisir exactement la teneur de vos propos et je m'explique à cet égard-là.
D'une part, Mme Blum, vous avez écrit à une de mes collègues, Mme James, pour lui dire que, d'entrée de jeu, les universités québécoises étaient tout à fait d'accord avec ce qui était proposé dans le projet de loi, notamment sur la composition des conseils d'administration et de la majorité de membres indépendants, des trois comités du conseil obligatoires, d'une reddition de comptes complète et transparente. En fait, vous disiez: Ça, pour nous... Et on a eu beaucoup de débats ici sur ces aspects-là précisément. Vous dites: Nous, on est d'accord. Ce que je crois comprendre, c'est: On est d'accord avec les bonnes pratiques, mais on n'est pas d'accord avec une loi. En fait, je crois comprendre que ce qui vous heurte, c'est surtout le fait que la loi encadre cette gouvernance.
Ma question première, c'est que... Et vous dites: On va faire des ententes de partenariat avec vous, Mme la ministre. Donc, chaque université aura son entente de partenariat, pour vous rassurer. Est-ce que vous ne trouvez pas que ça ressemble beaucoup au statu quo, c'est-à-dire que, tous ensemble, vous êtes tous d'accord que la délocalisation, par exemple, ça n'a pas de bon sens, mais, woups!, tout à coup, dans mon bureau, vous venez tous voir et réclamer ce qui est le mieux pour votre université? Est-ce que ça va être la même chose dans le cas de la gouvernance, dans le cas de ces ententes de partenariat? Est-ce que, si... Est-ce que vous reconnaissez que la ministre de l'Éducation et surtout le gouvernement ont une responsabilité dans le cadre de la gestion des fonds qui vous sont octroyés? Et, si oui, comment se fait-il que vous soyez mal à l'aise avec un encadrement législatif qui, dans notre système parlementaire et démocratique, est justement le moyen pour s'assurer que la ministre et le gouvernement ont les bons outils pour agir?
Ça, pour moi, c'est un aspect important de la question. Je vais vous en donner un autre et je vais vous laisser la parole. Vous dites que vous faites de la reddition de comptes. Oui, je connais bien le système pour chacun d'entre vous. Alors, si vous le faites déjà, qu'est-ce que ça change que ce soit dans une loi? Parce que tout ce que la loi dit, c'est: Une réunion de la communauté universitaire pour les décisions majeures puis une assemblée annuelle pour la reddition de comptes. C'est moins que ce que vous faites déjà. Où est le problème?
Le Président (M. Marsan): Mme Munroe-Blum.
Mme Munroe-Blum (Heather): Oui. Merci beaucoup, Mme la ministre. C'est intéressant, ce que vous dites. C'est évident que nous avons beaucoup de choses en accord et nous n'avons pas une règle ou une loi pour chacune des choses qui constituent notre partenariat. Nous avons dérivé que, s'il y a une bureaucratie lourde de règlements et lois, c'est très difficile pour chacune de nos institutions de respecter leur propre mission, leur propre gouvernance, leurs propres histoires et cultures. Et c'est évident que nous avons beaucoup de lois et règlements qui concernent la gouvernance, l'administration, le rendu de comptes des universités maintenant.
Mais peut-être je cède la parole à M. Belley.
Le Président (M. Marsan): M. Belley.
M. Belley (Michel): Bien, en fait, Mme la ministre, ce que je mentionnais, c'est qu'effectivement il y a un encadrement réglementaire et légal qui permet une reddition de comptes assez exhaustive. On a eu le plaisir de rencontrer la Commission de l'éducation dans le cadre de la loi n° 95 au cours des dernières années, et c'était apprécié par l'ensemble des universités comme une occasion d'échanger avec les parlementaires au niveau d'à la fois nos performances passées, mais aussi nos projets et nos besoins. Et je pense que c'était une instance de reddition de comptes tout à fait articulée et qui faisait le travail comme tel.
En ce qui concerne l'ensemble des principes que vous avez évoqués et avec lesquels on était en accord, il y a une certaine consistance, hein, on était dans le comité de travail de l'IGOPP, et l'ensemble des... les 10 principes qui ont été retenus sont... on est en accord avec ces principes-là.
Là où il y a, disons, là, une... plus qu'une hésitation à aller dans un encadrement légal, c'est dans le fait qu'il y a une diversité relativement grande au niveau des universités, et il y a une contrainte au niveau de la constitution des conseils d'administration qui est appliquée par la loi, et les établissements préféreraient respecter les principes, s'entendre de manière... Quand on parle d'une entente de partenariat, ce n'est pas nécessairement seulement sur la gouvernance, c'est justement s'entendre sur les plans de développement que les établissements ont et vraiment se gouverner par rapport à ces ententes-là.
Le Président (M. Marsan): Merci. Mme la ministre.
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(10 h 30)
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Mme Courchesne: M. Belley, vous m'étonnez un peu, parce que vous me dites: On en fait, de la reddition de comptes. Bien, oui, ici même, à l'Assemblée nationale, une fois par trois ans, puis ça dure maximum trois heures. Ce n'est pas de ça que le projet de loi parle, là. Le projet de loi, là, ce n'est pas du tout ça dont il parle. Il parle de la gouvernance face à vos propres instances. C'est à ça qu'il parle. Et là plusieurs d'entre vous pouvez dire: Oui, on le fait déjà, mais on le fait déjà... Est-ce que vous ne pensez pas qu'en 2009... qu'un gouvernement qui gère ces milliards de dollars, sur de la gouvernance, s'attend à ce qu'il y ait une gouvernance minimale et que les règles soient claires pour tout le monde pour chaque université?
Moi, je voudrais que vous m'expliquiez en quoi ça va vous enlever cette capacité de respecter votre personnalité, votre spécificité. On ne nomme même pas, on ne vous dit même pas quelles sont les règles pour nommer le recteur. Tout ce qu'on souhaite, contrairement à ce que vous dites, tout ce qu'on souhaite, c'est que vos instances soient satisfaites en ayant tous les documents en main pour juger de la gouvernance et des décisions qui sont prises au sein de nos universités.
Est-ce que vous trouvez normal que, quand un conseil d'administration vote vos rémunérations, que, le lendemain, on demande à la ministre une enquête? Est-ce qu'on va continuer à gérer les universités comme ça? Est-ce que vous... Puis il y a une grosse différence, M. Belley, là, hein, en toute amitié, entre votre rémunération et celle de Mme Blum. Est-ce que Mme Blum est prête à mettre sa rémunération et tous les autres sur la place publique, de même que tous les avantages?
Et, si vous dites non, pourquoi dites-vous non? Il y a quand même 60 % de votre rémunération qui provient des fonds publics; alors, pourquoi ces aspects-là, à l'intérieur d'une gouvernance, ne se régleraient pas à l'intérieur de vos universités, sans qu'on demande à la ministre d'intervenir? Parce que, la semaine dernière, la ministre était responsable de ce que les enseignants des universités ? de cette université, mais il pourrait y en avoir d'autres ? jugeaient excessif. Moi, je trouve qu'il y a des contradictions dans vos propos. J'aimerais que vous m'apportiez des éclaircissements.
Le Président (M. Marsan): Alors, M. Zizian.
M. Zizian (Daniel): Merci. Mme la ministre, en fait les établissements universitaires sont d'accord avec ce que vous dites, et plusieurs des éléments que vous soulevez font déjà partie de la loi. La question du traitement des chefs d'établissement, c'est déjà prévu dans la loi actuellement, et c'est...
Mme Courchesne: Êtes-vous d'accord?
M. Zizian (Daniel): Oui, on est d'accord. On l'a mis... Dans notre... dans notre mémoire...
Mme Courchesne: Ce n'est pas un recteur qui répond, là...
Le Président (M. Marsan): Mme la ministre.
Mme Courchesne: ...c'est un directeur général qui répond. J'aimerais avoir la réponse des recteurs, s'il vous plaît.
M. Zizian (Daniel): Alors, j'aimerais quand même vous revenir sur d'autres éléments.
Le Président (M. Marsan): Est-ce que... Vous voulez continuer?
M. Zizian (Daniel): Oui, je peux poursuivre?
Le Président (M. Marsan): Oui.
M. Zizian (Daniel): Alors, c'est déjà prévu, par la loi actuelle, que les traitements sont des renseignements publics, et ils sont transmis annuellement au ministère comme information. Et on vous dit, dans le mémoire... on vous dit, dans le mémoire, qu'on est prêts à dévoiler cette information-là sur le site Internet de l'établissement. On y est.
Quand vous posez une question fondamentale, Mme la ministre, à savoir: Pourquoi est-on contre une loi?, bien, des organismes internationaux, dont on ne peut pas remettre en question l'impartialité, disent que ce n'est pas la meilleure façon de procéder à l'égard d'une bonne gouvernance et d'une reddition de comptes. Les lois ont leur raison d'être bien sûr, mais les lois ne sont pas les seuls moyens de s'entendre en société et d'obtenir l'information ou de convenir ensemble de certains éléments. La loi, c'est un des moyens.
Mme Courchesne: Bien, ça... je...
Le Président (M. Marsan): Mme la ministre.
Mme Courchesne: Oui. Si vous me permettez, M. Zizian, j'ai été... vous avez répondu. Ce que j'entends, c'est que... Parce que je ne veux pas prendre trop de temps, le temps est très court, hein, il faut être conscient de ça, beaucoup à couvrir. Donc, j'ai compris l'essence de vos propos, mais vous avez dit: La rémunération à la ministre. Ce n'est pas à la ministre qu'il faut rendre la rémunération publique, c'est à tous les autres. Cela dit, j'arrête là.
Je voudrais aborder l'autonomie parce que vous m'ouvrez une bonne... une belle porte là-dessus, sur l'autonomie. Vous citez abondamment les pays de l'Europe notamment, et j'ai fait faire aussi une recherche sur l'Allemagne, l'Espagne, la Finlande, l'Italie, les Pays-Bas, la Pologne, le Royaume-Uni, le royaume tchèque, la Suède, la Suisse et la France. Et effectivement tous ces pays et tous ces organismes ? puis il y a l'OCDE, on y reviendra tantôt ? prônent l'autonomie des établissements d'enseignement supérieur, tous sans exception; là-dessus, on est d'accord.
Mais, quand je lis ce que signifie l'autonomie pour ces pays, c'est, par exemple... Je vous donne l'exemple... je résume ce que je retrouve dans la plupart des pays. C'est, par exemple, de choisir de faire le recrutement de leurs enseignants; de définir leurs programmes d'études, qui peuvent varier d'un champ disciplinaire et d'une université à l'autre; que l'université gère sa recherche, la direction scientifique de l'université. Et on dit ici, par exemple: Le président ? puis ça, ça varie d'un pays à l'autre ? peut être en charge des grands principes de gestion tels qu'on les connaît ici.
Mais, si je lis pour tous les autres... et on veut qu'effectivement, dans ces aspects-là, la connaissance dans la mission première qu'est une université, que ce soit le choix des universités. J'aimerais que vous me disiez en quoi le projet de loi vous empêcherait d'avoir cette autonomie, parce que je crois comprendre que c'est aussi sur ces aspects-là que vous souhaitez avoir une autonomie. J'aimerais savoir en quoi le projet de loi vous empêche d'avoir cette autonomie.
Le Président (M. Marsan): Avant de vous laisser la parole, j'ai une demande de la députée de Taillon pour que le document puisse être déposé. Est-ce que ça vous convient?
Mme Courchesne: Absolument. Il est...
Document déposé
Le Président (M. Marsan): Alors, c'est fait. Et je vais maintenant reconnaître Mme Munroe-Blum.
Mme Munroe-Blum (Heather): Je veux dire seulement que, Mme la ministre, vous avez dit qu'au niveau du grand principe, pas de détails, les cadres des autres pays, c'est un cadre de politique, en grand principe; pas de détails. Et vous avez beaucoup de détails dans ce projet de loi.
Mme Courchesne: Mais en quoi y a-t-il des détails sur les programmes universitaires? En quoi y a-t-il des détails sur la recherche? En quoi y a-t-il des détails sur votre mission spécifique à vous tous dans chacune de vos régions? Dites-moi précisément, dans la loi, où on brime l'autonomie sur votre mission fondamentale, qui est celle de transmettre la connaissance, de choisir vos programmes universitaires, de choisir de... de définir votre créneau de recherche, en quoi la loi apporte... vous demande un détail de ne pas faire ça de la façon dont vous le souhaitez.
Le Président (M. Marsan): Mme Munroe-Blum.
Mme Munroe-Blum (Heather): Oui. Un exemple est les membres... le pourcentage des membres indépendants, c'est une des possibilités de ça. C'est nécessaire, chacune de nos institutions ont des constituants qui devront représenter dans nos systèmes de gouvernance, et il y a des universités, des institutions de différentes tailles et de différentes missions, et puis les détails des membres, le temps d'être membre sont des choses qui influencent l'expression de gouvernance dans chacune de nos institutions.
Le Président (M. Marsan): Mme la ministre.
Mme Courchesne: Mais on s'entend qu'à partir du moment où vous êtes d'accord pour que le conseil d'administration soit composé d'une majorité de membres indépendants ? c'est ce que vous dites, hein ? donc, déjà, c'est un grand bout de franchi. Ce que vous...
Mme Munroe-Blum (Heather): Mais est-ce que vous...
Le Président (M. Marsan): Mme Munroe-Blum.
Mme Munroe-Blum (Heather): Pardonnez-moi. Mais est-ce que nous parlons d'un projet de loi différent que ce... avant nous maintenant?
Le Président (M. Marsan): Mme la ministre.
Mme Courchesne: La CREPUQ... On est... Le projet de loi n° 107 mettait le pourcentage de membres indépendants à 66 % du nombre. La CREPUQ nous a demandé 60 %; le projet de loi qui est ici, c'est 60 %. On a accepté, on est allés selon vos recommandations, et le projet de loi reflète ce que vous nous avez demandé. Donc, j'essaie de voir en quoi ça va enlever l'autonomie à la détermination de vos programmes universitaires. Cela dit, vous m'avez répondu, ce n'est pas encore très clair pour moi, mais vous... vous le faites.
Vous dites aussi que... vous m'avez souvent dit, particulièrement la semaine dernière parce que nous nous sommes rencontrées, Mme Blum dit qu'il y a trop... on demande trop de rapports dans le projet de loi. Moi, j'aimerais que... Est-ce que c'est parce qu'on voudrait que les procès-verbaux soient publics? Et là c'est là que je m'aperçois que la notion de reddition de comptes n'est pas nécessairement la même pour vous tous, et donc ça m'apparaît important que cette reddition de comptes se fasse à peu près de la même façon. Encore une fois, pourquoi? Parce que ce sont des fonds publics. Donc...
Et, vous, vous me dites: Bien, chacun, on va faire ça puis on va réévaluer ça périodiquement. Vous dites: La reddition de comptes, ça pourrait être réévalué périodiquement sur la façon de le faire. M. Belley dit, à juste titre: Il y a des lois. Tout ce qu'on demande, c'est que ce soit clair pour tout le monde qu'à telle période de l'année c'est public, encore une fois pour la population bien sûr, mais aussi pour ceux et celles qui oeuvrent dans vos institutions. J'essaie de voir quel rapport de plus qui soit si compliqué que le projet de loi exige. J'aimerais que vous me répondiez.
Mme Munroe-Blum (Heather): ...premièrement...
Le Président (M. Marsan): Mme Munroe-Blum.
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(10 h 40)
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Mme Munroe-Blum (Heather): O.K. Merci. Premièrement, Mme la ministre, le procès-verbal, par exemple, n'est pas un bon indicateur de performance des universités; les résultats sont les indicateurs de performance des universités. Et les procès-verbaux, par exemple, sont sûrement un détail de gouvernance, pas tout le contexte des gouvernances, et il y a deux corps de gouvernance dans chacune de nos universités. Comme j'ai dit, c'est vraiment la performance des universités... une université que... Mme la ministre? Mme la ministre?
Mme Courchesne: Je vous écoute, j'entends très bien ce que vous dites.
Mme Munroe-Blum (Heather): Ah oui?
Mme Courchesne: Oui.
Le Président (M. Marsan): Continuez, Mme Munroe-Blum.
Mme Munroe-Blum (Heather): O.K. Peut-être, j'ai fait... M. Belley.
Le Président (M. Marsan): Alors, M. Belley.
M. Belley (Michel): Bien, en fait, une réponse un peu globale qui revient à notre introduction: Les universités supportent tout à fait des cas de gouvernance et des obligations de gouvernance, tel que l'Institut de la gouvernance les a expliqués. Au niveau de la loi comme telle, vous allez voir, dans l'analyse détaillée de la loi, quels sont les points que l'on juge être soit des points de détail qui ne sont pas nécessairement d'intérêt public ou pour lesquels on a une reddition de comptes qui existe déjà, ou d'autres points, comme éventuellement une mise sous tutelle de l'université, éventuellement. Bien, en termes d'autonomie, là, c'est... on ne pense pas qu'il y a lieu de légiférer là-dessus. Maintenant, voilà, c'est à peu près globalement quelle est la position.
Les cadres actuels permettaient une reddition de comptes. Si je me souviens bien, les procédures au niveau de la Commission de l'éducation auxquelles je faisais référence lors des dernières audiences, il était entendu que tous les établissements comparaîtraient à chaque année. En tout cas, ça s'est produit au moins une année...
Le Président (M. Marsan): Merci.
M. Belley (Michel): ...avec des redditions de comptes sur des indicateurs précis qui avaient été édictés par la commission. Mais je ne suis pas un nostalgique de la loi n° 95...
Le Président (M. Marsan): O.K...
M. Belley (Michel): ...mais c'est un des points où il y a une reddition de comptes. Mais, quand on pense aux règlements maintenant et aux procédures et à toute la gestion qu'on fait avec le ministère de l'Éducation, il me semble qu'il nous reste très peu de place où on puisse s'échapper, là. Il y a un... vraiment un encadrement réglementaire...
Le Président (M. Marsan): Il reste très peu de temps, également.
M. Belley (Michel): Oui, pardon. J'arrête ici.
Le Président (M. Marsan): Une dernière intervention, Mme la ministre.
Mme Courchesne: M. Belley, c'est important, ce que vous dites. Vous revenez tout le temps à tout ce que vous donnez au ministère de l'Éducation. C'est comme si vous disiez à la ministre: On va tout vous donner ce qu'on fait, tous les rapports, tout ça, puis, vous, la ministre, là, rendez ça public. Puis après ça vous dites qu'il y a de l'ingérence puis du micromanagement. Moi, je... moi, je... il me semble que c'est à vous à rendre ça public, pas à la ministre. Tu sais, je comprends... Nous, ce n'est pas en termes de... contrairement à ce que vous croyez d'un contrôle excessif, c'est déjà là, on en convient.
Mais je termine vraiment parce que je n'ai plus de temps, mais, comme vous étiez membres tous les deux du rapport de l'IGOPP, moi, je lis, là: «L'autonomie des universités sera préservée par une gouvernance de haut niveau.» Elle «constitue la meilleure garantie d'une autonomie». Ce n'est pas moi qui dis ça, là, c'est le rapport que vous avez signez. «Une faible gouvernance mettrait en péril l'autonomie des universités.» Merci, M. le Président.
Le Président (M. Marsan): Un dernier commentaire, Mme Munroe-Blum.
Mme Munroe-Blum (Heather): Oui, mais ça ne parle pas à la nécessité d'une loi.
Mme Courchesne: La loi.
Le Président (M. Marsan): D'accord. Je vous remercie. Ceci termine les premiers échanges avec le parti ministériel. Nous allons maintenant poursuivre avec la porte-parole de l'opposition officielle en matière d'enseignement supérieur, de recherche et de développement, et je vais reconnaître la députée de Taillon. Mme la députée, la parole est à vous.
Mme Malavoy: Merci, M. le Président. Mme Munroe-Blum, bonjour, ainsi qu'à toutes les personnes qui vous accompagnent. Je suis très impressionnée de votre présence et je trouve que ça montre à quel point l'exercice auquel nous nous livrons est important lui aussi. Je sais qu'il ne s'agit pas d'un projet de loi banal. Il ne s'agit pas d'enjeux banals, il ne s'agit pas de quelque chose qui va venir enjoliver les rapports que les universités font, ou la reddition de comptes des universités par rapport à la société québécoise. Il s'agit, je pense, d'un projet de loi dans lequel, au-delà de ce qui peut être dit dans tel ou tel article, il y a vraiment un esprit de la loi, je pense, qu'il vaut la peine tout au moins de questionner.
Vous commencez par dire, et ça, je l'ai parfaitement compris: On n'a pas besoin d'une loi. Vous dites, et je pense qu'il faut le souligner de nouveau: Le rapport Toulouse, auquel on se réfère, ne concluait pas la nécessité d'une loi mais bien la nécessité d'ententes de partenariat avec chaque université.
Vous faites référence également à... Et j'ai beaucoup apprécié votre document, je l'ai regardé vraiment dans le détail, vous faites référence aux grandes tendances mondiales. On regardera le document que la ministre a bien voulu nous faire reproduire, mais, moi, il reste que j'ai été frappée, puis je voudrais citer juste un des documents de l'OCDE parce qu'il me semble qu'il va au coeur de la question. Ce document dit ceci: «L'accroissement de l'autonomie des établissements a pour principal objectif d'améliorer la réactivité des établissements d'enseignement supérieur aux exigences nationales et sociétales.» Et un petit peu plus bas: «La réglementation publique est perçue comme un risque de créer des rigidités et de limiter leur capacité d'innovation.» Il me semble qu'on est là au coeur du débat. À quoi servent des universités dans une société? De quels moyens d'action ont-elles besoin? Et j'aimerais vous entendre de nouveau, peut-être juste comme amorce, mais plaider la nécessaire autonomie des universités à cause de leur mission, à cause de ce qu'elles ont à faire. J'aimerais ça commencer par une réaction de votre part aux propos, là, que j'émets en ce moment.
Le Président (M. Marsan): Mme Munroe-Blum.
Mme Munroe-Blum (Heather): O.K., peut-être, je cède la parole à mon collègue.
Le Président (M. Marsan): Alors, c'est M. Belley?
M. Belley (Michel): Oui.
Le Président (M. Marsan): Allez-y.
M. Belley (Michel): Écoutez, le système universitaire québécois est un système qui, au cours de son histoire, a su suivre l'évolution du Québec et s'adapter. On fête, là, ces années-ci, les 40e anniversaires à la fois des cégeps, des Universités du Québec, etc. L'entrée dans la modernité ? et l'adaptation de l'ensemble des universités à leurs réalités qui sont propres ? s'est faite à l'intérieur d'un cadre qu'on connaît bien, où il y a une imputabilité, où il y a une réglementation, mais où il y a une capacité d'initiative et de créativité qui a permis justement de développer des programmes originaux de rendre en enseignement des services qu'on ne pouvait pas imaginer il y a 40 ans.
Quand on a brisé les frontières, par exemple, des disciplines pour faire des programmes sur des objets d'étude, c'était quelque chose où l'initiative a été permise et où il y a eu quand même un contrôle, puisqu'on a des comités d'évaluation de programmes qui ont eu cette ouverture-là, des initiatives en recherche qui ont été données, les engagements, dans la communauté, de l'ensemble des universités qui répondent à des besoins qui leur sont exprimés, tout ça s'est exercé dans un cadre, je dirais, normal de gouvernance, à l'intérieur des lois et règlements qui sont faits, et on comprend mal qu'on puisse mettre un parapluie à l'ensemble de ces choses-là, parce que ça risquerait de grignoter éventuellement sur l'autonomie des universités.
Alors, il n'y a pas menace en la demeure, il n'y a pas une opération pour étouffer les universités, on ne parle pas de ça, on parle du fait qu'une loi qui est figée est une loi qui devient statique, qui peut évoluer éventuellement, mais que l'évolution rapide auquelle on a à faire face actuellement doit permettre la majeure... disons, le maintien de l'autonomie actuelle des universités.
Le Président (M. Marsan): Mme Munroe-Blum.
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(10 h 50)
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Mme Munroe-Blum (Heather): Merci. Et je veux souligner encore que nous ne rejetons pas l'«accountability». Au contraire, nous sommes... nous embrassons l'«accountability» dans le sens de la mission de chacune de nos institutions.
Vous avez demandé pourquoi est-ce que l'autonomie et indépendance est important, et c'est évident, dans l'histoire du monde, que la seule institution qui a, en son coeur, les valeurs de «freedom of speech and independent thought» est l'institution des universités. Et, quand on veut créer une nouvelle loi, c'est clair que les personnes qui le proposent pensent sûrement de leur même... quand ils pensent de l'implémentation de cette loi, mais les... les... «the independence of universities from overregulation, from overlegislation is very important because we cannot predict the governments of the future, we cannot predict the intentions of those who lead in government in the future, and the importance of freedom of speech, of freedom of action, of the ability to have good governance in a self-governance mode is absolutely at the heart of democracy.
Le Président (M. Marsan): Merci. Mme la députée de Taillon.
Mme Malavoy: Bien, vous m'amenez précisément, Mme Munroe-Blum, à une question qui me préoccupe, qui est non pas de savoir est-ce que les universités doivent rendre des comptes ou non, on s'entend là-dessus, mais qui va prendre les décisions. Et vous dites ? ça, c'est intéressant ? vous dites: Il faut avoir à l'esprit qui pourraient être les prochains gouvernements qui éventuellement voudraient contrôler les universités. On ne parle pas du gouvernement actuel, mais une loi, ça va être là pour longtemps.
Une des choses, moi, qui me préoccupent dans le projet de loi, c'est la composition du conseil d'administration et la composition du comité... Parlons d'abord de la composition du conseil d'administration. Vous dites, dans votre mémoire, que 60 %, c'est trop élevé. Nous savons, vous et moi, que, parmi les universités que vous représentez, certaines ont actuellement une majorité de membres internes au conseil d'administration et, dans d'autres cas, comme la vôtre, c'est une majorité de membres externes. Donc, est-ce que je dois comprendre que de dire: 60 %, c'est trop élevé, c'est comme le fruit du consensus actuel parmi les membres de la CREPUQ? Et qu'est-ce que vous aimeriez avoir au lieu de 60 % dans le projet de loi?
Mme Munroe-Blum (Heather): Mais... mais...
Le Président (M. Marsan): Mme Munroe-Blum.
Mme Munroe-Blum (Heather): Oui. Mais c'est un problème de débat ici, parce que, si on veut débattre chacun des détails, peut-être c'est possible d'avoir un accord avec un détail, mais ce n'est pas un détail de la loi, c'est une loi que nous débattons ici, c'est une loi avec toutes les autres lois, avec tous les autres règlements, qui sont le problème, et c'est les niveaux, sous-niveaux de détails, chacun sous, peut-être c'est bien, mais tous ensemble sont un obstacle à l'innovation, de faire les décisions à l'intérieur de nos institutions où nous avons deux corps de gouvernance.
We have many checks and balances within, we have many laws and regulations. Comme mon collègue M. Belley a dit, nous avons beaucoup, beaucoup de rapports entre les institutions et les gouvernements chaque année et plusieurs plus que chaque année. Et c'est vraiment un contexte qui est important, pas seulement chacun des détails.
Le Président (M. Marsan): Mme la députée de...
Mme Munroe-Blum (Heather): Peut-être... peut-être M. Zizian veut dire...
Le Président (M. Marsan): Oui. Alors, M. Zizian, en complément d'information.
M. Zizian (Daniel): Oui. Alors, rapidement. En fait, il y a effectivement un consensus, au sein des chefs d'établissement, sur cette question pour qu'il y ait une majorité de membres indépendants. Certains estiment qu'il ne devrait pas y avoir d'indication de 60 %, parce que ça pourrait être 53 %, 55 %, 57 %. Il faut laisser la marge de manoeuvre aux établissements en fonction de ce qu'ils vivent et de leurs réalités. Et de fixer une norme à 60 % ne nous apparaît pas... pour un certain nombre de chefs d'établissement, n'apparaît pas approprié.
Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Taillon.
Mme Malavoy: Je vais revenir à cette question de qui prend les décisions, mais, dans ce que je perçois comme étant l'esprit de la loi, je vais vous dire ce qui actuellement me questionne et me dérange. La loi, comme elle est faite actuellement, permettrait d'avoir jusqu'à 75 % de membres externes. Moi, je vais les appeler «externes» plutôt qu'«indépendants»; on fait un débat sur le sens d'«indépendants», mais enfin on se comprend. Bon.
En plus, on forme trois comités. D'après la loi actuelle, ces comités sont formés essentiellement de membres externes; il y a au plus un membre de l'interne sur les comités. Parmi ces comités... J'illustre le travail d'un de ces comités: il doit définir le profil du premier dirigeant, comité des ressources humaines. Il va apporter le fruit de son travail au conseil d'administration formé ? théoriquement ? jusqu'à 75 % de membres externes. Ce que ça veut dire, c'est que, quand on met bout à bout un certain nombre d'articles, on voit bien qu'on a une approche que d'aucuns appellent beaucoup plus managériale. On pourrait avoir des administrateurs qui définissent le profil du premier dirigeant, définissent le profil des gens qui vont leur succéder. Et là je pense... je pense honnêtement qu'il y a un danger que l'esprit de collégialité qui a si bien servi les universités soit amoindri, sinon disparaisse. J'aimerais vous entendre là-dessus. Donc, je mets bout à bout et le C.A. et la formation des comités pour essayer de voir un peu quelle est la structure qu'on nous propose.
Le Président (M. Marsan): Alors, M. Zizian.
M. Zizian (Daniel): C'est un des risques quand on essaie de tout prévoir et de tout réglementer. Le rapport de l'IGOPP à l'égard du choix du chef d'établissement mentionnait deux éléments: il doit être crédible et il doit être légitime aux yeux de la communauté universitaire. Et c'est ce qui se fait actuellement. Les processus font en sorte que les choix sont crédibles et légitimes.
Quand on essaie d'encadrer ça dans une loi, bien on se retrouve avec un certain nombre d'effets pervers. Je peux vous en donner un autre, effet pervers: on souhaite qu'il y ait plus de femmes au sein des conseils d'administration. Bien, si on adoptait le projet de loi tel quel avec une parité 50-50, il y a au moins deux établissements qui devraient se départir de femmes à leurs conseils d'administration pour respecter la loi. Je suis persuadé que ce n'est pas ce qui est souhaité par la loi, mais ce sont des effets pervers qu'on provoque à l'occasion lorsqu'on adopte des lois.
Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Taillon.
Mme Malavoy: Je vais poursuivre parce qu'honnêtement je trouve qu'on est, pour moi en tout cas, sur des questions fondamentales. Une des choses que vous... reprochez... reprochez au projet de loi ? et je vous emboîte le pas de ce point de vue là ? c'est le rôle donné au président du conseil d'administration, qui deviendrait, entre autres choses, là, porte-parole de l'institution. J'aimerais que vous me disiez si vous percevez les choses comme je les perçois, mais il me semble qu'il y a là effectivement le symptôme d'un glissement de la collégialité à l'approche plus managériale. Si ce n'est plus le recteur, la rectrice, qui est porte-parole de son établissement et que c'est la personne qui préside le C.A., il me semble qu'on dévie de ce qui a été jusqu'ici le rôle du premier dirigeant qui est le primus inter pares, qui est un pair parmi les pairs, le premier parmi les pairs, et qui donc rend compte d'une réalité qu'il connaît fort bien et qui est une réalité de nature académique avant tout.
Le Président (M. Marsan): Alors, M. Belley.
M. Belley (Michel): Bien, c'est aussi là un exemple. Vous savez, même dans le monde corporatif, ce n'est pas le président du conseil qui intervient et qui a une... je dirais, là, qui fait l'interface publique avec le public en général, les actionnaires, etc., c'est vraiment le chef d'entreprise, là, ce qu'on appelle le CEO. Et, dans le cas présent, si on fait un parallèle, il est mauvais dans ce cas-là, puisque vous aviez vos racines au niveau de la collégialité. Mais vraiment, en termes... juste en termes stricts de gouvernance, c'est vraiment le chef d'établissement qui a la responsabilité et qui est imputable de sa gestion et qui doit faire face à la musique autant à l'interne qu'à l'externe. Le rôle du président de conseil est un rôle de gouvernance stratégique de l'établissement, qui fixe les objectifs, qui accueille les plans de développement et qui mesure la performance du chef d'établissement.
Je vais rappeler, peut-être aussi, une petite dysfonctionnalité technique. Souvent, si la ministre communique avec nos présidents de conseil, ça peut prendre deux à trois semaines avant qu'elle ait des réponses, avant que... si le président est absent ou quoi que ce soit, alors que le point de contact le plus naturel, c'est bien sûr au niveau de la direction des établissements, et ça, c'est un point technique. Ce n'est pas une question de principe, mais c'est mentionné dans l'ensemble des commentaires qu'on a faits au niveau de la loi: il faut que le chef d'établissement demeure l'interlocuteur auprès de la ministre et auprès du public aussi.
Le Président (M. Marsan): Mme Munroe-Blum.
Mme Munroe-Blum (Heather): Oui. Et je veux encore répéter que tous nos présidents de conseil sont en accord avec cette position.
Le Président (M. Marsan): Je vous remercie. Mme la députée de Taillon.
Mme Malavoy: Je sens que le temps file, mais il y a une question que vous avez abordée un peu, c'est celle des indicateurs: les indicateurs de performance qualitatifs et quantitatifs. Vous avez vu qu'il y a un article du projet de loi qui mentionne cela spécifiquement. J'aimerais que vous me disiez si vous pensez que, dans une loi, on doit aller jusqu'à définir ces choses-là en matière aussi précise.
Le Président (M. Marsan): Mme Munroe-Blum.
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(11 heures)
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Mme Munroe-Blum (Heather): Oui. Pas du tout. C'est évident qu'une des choses les plus spécifiques qui est gouvernée par la mission de chacune de nos institutions est les indicateurs de performance. La mission est différente pour nos institutions. Nous avons, dans les 18 institutions du système universitaire québécois, peut-être quatre ou cinq missions des universités, et chacune des grappes, si vous voulez, ont leurs propres indicateurs de performance. Et c'est une... c'est bien pour le système de l'avoir.
Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Taillon, une dernière intervention.
Mme Malavoy: Bien, écoutez, je veux vous remercier. Je sais qu'on fait un exercice exigeant, de longues consultations, mais je voudrais simplement que vous reteniez qu'on va le faire avec énormément de rigueur. Et, moi, je trouve que vos documents sont très substantiels, il y a moyen de s'y référer vraiment de beaucoup de façons. Puis j'espère faire de mon mieux pour porter plusieurs de vos préoccupations, parce que je suis persuadée, étant, moi aussi, de la même, je dirais... du même monde, si je peux dire, que les décisions qu'on va prendre avec ces lois-là, elles n'auront pas un effet seulement pour les deux, trois prochaines années, elles auront un effet à long terme. Alors, si le Québec s'en est bien sorti depuis 40 ans parce qu'on a pris la bonne décision, bien, moi, j'aimerais que, pour les 40 prochaines années, on soit sûr aussi d'avoir pris les bonnes décisions. Merci.
Le Président (M. Marsan): Merci, Mme la députée de Taillon. Et ceci termine les échanges avec l'opposition officielle.
Je vais maintenant reconnaître le porte-parole du deuxième groupe d'opposition en matière d'éducation, d'identité et de culture. M. le député de Chauveau, la parole est à vous.
M. Deltell: Merci beaucoup, M. le Président. Madame messieurs, soyez les bienvenus. Ça me fait plaisir de saluer tous les gens qui vous entourent, nombreux et de grande compétence, et particulièrement M. Russell Copeman, que je tiens à saluer, ancien député ici, à l'Assemblée nationale, qui est pour moi une bonne source d'inspiration dans mon travail parlementaire. Russell, bienvenue à l'Assemblée nationale. C'est votre maison.
M. le Président, d'abord, d'entrée de jeu, je tiens à dire que je suis un peu surpris de voir que nous n'avons qu'une heure pour entendre les recteurs. Je sais que notre décision a été prise à l'effet que c'est une heure lorsqu'on parle d'un projet de loi, c'est 1 h 30 min lorsqu'on parle de deux projets de loi, mais j'estime que, dans ce cas présent, on aurait pu faire une... faire quelque chose de spécial pour leur permettre de parler pendant 1 h 30 min.
Cela dit, je tiens également à remercier la ministre de nous avoir... d'avoir eu la riche idée de faire une petite enquête rapide sur la gouvernance des universités européennes. Je l'apprécie grandement, et ça risque d'être particulièrement stimulant pour la suite de nos débats.
Je veux dire aux recteurs que nous sommes tous d'accord avec le principe d'autonomie des universités. Chez nous, à notre parti, vous savez que nous sommes les défenseurs de l'autonomie. Ça se décline dans le monde constitutionnel, mais ça se décline aussi dans le monde de nos institutions qui nous sont propres au Québec. On souhaite que les écoles soient plus autonomes, que les institutions de santé soient plus autonomes et évidemment que les universités soient plus autonomes.
Nous saluons aussi le concours de gens de l'extérieur dans le cadre de conseils d'administration. Nous estimons que ces gens-là ont une plus-value à amener, ont un regard différent qui permet d'enrichir et d'améliorer la gestion des universités.
Malheureusement, nous sommes tous conscients que ces principes-là ont amené une dérive absolument catastrophique, soit celle de l'îlot Voyageur. Et j'aimerais savoir, à votre point de vue, d'abord qu'est-ce qui explique la catastrophe financière de l'îlot Voyageur. Et, dans un deuxième temps, qu'est-ce qui, dans le projet de loi, permettrait d'éviter... ou qu'est-ce qui, à votre point de vue, devrait être fait pour éviter une nouvelle dérive tout à fait condamnable comme celle de l'îlot Voyageur?
Mme Munroe-Blum (Heather): Nous ne pensons pas...
Le Président (M. Marsan): Mme Blum.
Mme Munroe-Blum (Heather): Pardonnez-moi. Nous ne pensons pas que cette... Je pense et je crois que nous pensons que Mme la ministre veut avoir un système universitaire accessible et de haute qualité pour les citoyens du Québec. Je ne pense pas que c'est une question d'îlot Voyageur que nous avons ce débat maintenant. Et il n'y a pas... À la fin du jour, c'est sûrement une bonne gestion et une bonne gouvernance qui sont le confort que nous n'avons pas des catastrophes des universités.
M. Deltell: Madame...
Le Président (M. Marsan): M. le député de Chauveau.
M. Deltell: Mais, madame, c'est quand même arrivé. On ne peut pas refaire l'histoire et on a des millions de dollars qui ont... qui sont... qui ont été évaporés, et c'est une véritable catastrophe financière. Je ne sais pas si vous partagez cette lecture-là que nous faisons, mais les Québécois estiment que l'îlot Voyageur, c'est une catastrophe financière, et ça ne doit plus se refaire.
Nous vous demandons: Pourquoi, selon vous, c'est arrivé? Et pourquoi... Et qu'est-ce qui, d'après vous, devrait être fait pour éviter que ça se reproduise?
Le Président (M. Marsan): M. Zizian.
M. Zizian (Daniel): M. le député, je pense que l'Assemblée nationale et le gouvernement avaient pris une bonne décision à l'époque de demander au Vérificateur général de faire une enquête sur cette question-là. Personne ne souhaite que ça se reproduise, c'est clair, c'est évident, tout le monde est en faveur d'une gestion responsable des fonds publics. Et le Vérificateur a fait une série de recommandations pour éviter que ça ne se reproduise, et je pense que le tout a été étudié par les membres de l'Assemblée nationale. Et ce qu'il faut remarquer, c'est que nulle part dans le rapport du Vérificateur il n'est mentionné, il n'est suggéré d'adopter une loi. Jamais une des recommandations du Vérificateur n'est à l'effet d'adopter une loi pour ne pas que ça se reproduise. Il formule des recommandations de façon à bien partager les rôles, mais jamais il n'a été question d'un projet de loi pour y arriver.
Le Président (M. Marsan): Mme Munroe-Blum.
Mme Munroe-Blum (Heather): Non, ça va. Merci.
Le Président (M. Marsan): Ça va? Un dernier commentaire, M. le député de Chauveau?
M. Deltell: Je... En effet, c'est vrai que, dans les recommandations, il n'y avait pas la formulation d'une loi, et je comprends votre réticence par rapport à ce qui est inscrit dans certains articles de loi. Mais je tiens à vous rappeler que c'est sous la gouvernance d'un recteur que cette dérive est survenue, que vous êtes la Conférence des recteurs et que vous êtes au premier chef intéressés par ce qui s'est passé, et j'aurais aimé savoir ce que vous pensez de la situation puis qu'est-ce qui devrait être fait dorénavant. Malheureusement, le temps nous... le temps est passé.
Le Président (M. Marsan): Alors, ceci termine l'échange avec le deuxième groupe d'opposition. Je voulais vous remercier, Mme Munroe-Blum, M. Zizian, M. Belley et... de nous avoir présenté la position de la Conférences des recteurs et des principaux des universités du Québec.
Nous allons suspendre quelques instants.
(Suspension de la séance à 11 h 7)
(Reprise à 11 h 10)
Le Président (M. Marsan): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Il nous fait plaisir de recevoir l'Association du personnel non enseignant de l'Université McGill et l'Association des professeurs et bibliothécaires de McGill. Et le président est avec nous, M. Critchley, et je vais vous demander de nous présenter les gens qui vous accompagnent et de débuter l'exposé que vous voulez nous faire aujourd'hui. M. Critchley.
Association du personnel non enseignant
de l'Université McGill et Association des
professeur(e)s et bibliothécaires de McGill
M. Critchley (Ronald): Merci beaucoup, M. le Président. Mme la ministre, MM., Mmes les députés de la commission de l'Assemblée nationale. À ma gauche, je veux vous présenter le vice-président membership de MUNASA, M. Patrick O'Neill. Il remplace Mme Tardif, qui a perdu sa mère pendant la fin de semaine. À ma droite, le président de l'Association des professeur(e)s et bibliothécaires de McGill, M. le professeur Richard Janda; à sa droite, un étudiant de l'Université McGill qui a travaillé avec nous, M. Philip Duguay. Et je veux vous présenter aussi, en arrière, un autre professeur de l'Université McGill, M. Brendan Gillon.
Le Président (M. Marsan): Bonjour. Vous pouvez commencer.
M. Critchley (Ronald): L'Association du personnel non enseignant de l'Université McGill était concernée par le projet de loi n° 38 sur trois sujets.
Le premier, c'est que nous croyons qu'il y a une possibilité que nous perdrons une garantie de représentation sur le conseil d'administration de l'université. En ce moment, il y a deux membres du conseil d'administration garantis qui représentent les employés non enseignants. Les deux membres du conseil d'administration qui nous représentent sont des membres du conseil d'administration de longue durée, de long service, et avec eux il reste beaucoup de l'histoire institutionnelle de notre université.
La deuxième chose, c'est plus une chose que nous ne comprenons pas, c'est la question des mandats et l'idée d'avoir deux mandats seulement. Pour nous, c'est quelque chose un peu... un peu antidémocratique, si vous me permettez.
La troisième chose, c'est l'égalité des genres, l'égalité entre les hommes et les femmes sur les commissions ou les conseils d'administration. C'est une autre chose que nous ne comprenons pas. Si, par exemple, il y a un conseil d'administration, soit pour une université, soit pour un commerce, soit pour un club social, avec une majorité de femmes, c'est quoi, la différence? C'est une question de talent, pas de représentation, dans nos avis.
À ce moment, je vais passer la parole à mon collègue, M. Janda.
Le Président (M. Marsan): M. Janda.
M. Janda (Richard): Merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup, Mme la ministre, membres de la commission.
Écoutez, j'imagine que vous pensez parfois: Encore une fois, des universitaires réfractaires devant vous. Je... je tiens, si vous permettez, à situer notre mémoire, d'abord ? peut-être ce serait différent ? d'abord avec les aspects sur lesquels nous sommes d'accord avec votre démarche et où nous espérons trouver une possibilité d'améliorer la compréhension mutuelle sur certains points.
D'abord, la question de la collégialité, dont il était beaucoup question devant votre commission. Je sais, Mme la ministre, que vous avez beaucoup insisté sur le fait qu'il n'y a pas d'incompatibilité entre le projet de loi, d'une part, et la collégialité, d'autre part. Permettez-moi de diviser en deux cette question.
Parfois, parfois, par exemple la présentation qui a été faite par l'IGOPP, on donne l'impression que l'idée de la collégialité est désuète ou au moins devrait être revue. Je ne dis pas que c'est votre position, je dis que parfois on dit: Il faut revoir l'idée même d'une gouvernance universitaire qui provient des années cinquante, qui provient d'une autre époque, et donc mettre à jour, dans une situation institutionnelle complexe, les moyens de gouvernance. Nous essayons tout simplement d'insister, je pense, avec vous sur le fait que, non, la collégialité demeure une idée clé pour la gouvernance des universités. Et la question maintenant, c'est: Comment faire en sorte que la reddition des comptes, qui est absolument nécessaire, nous sommes d'accord, le fait que nous sommes imputables envers la société québécoise, le fait que nous avons des fonds publics à gérer, comment faire en sorte que la collégialité soit compatible avec cet exercice de reddition des comptes?
Pourquoi donc les universitaires sont si réfractaires si vous avez le même but que nous à cet égard? Je vous dis très franchement que c'est parce qu'on voit dans le projet de loi peut-être une incarnation d'une tendance générale vers une structure de... hiérarchique qui provient du haut vers le bas, où on va mettre plus l'accent sur le rôle du conseil d'administration vis-à-vis les autres organes de l'université. Et on voit très franchement que c'est une tendance non seulement de la gouvernance, mais, comme vous aimez insister, la gestion aussi. Cette distinction entre gouvernance et gestion, on voit qu'auprès de nos conseils d'administration il y a un problème, mais aussi au sein, très franchement, de l'administration des universités.
On sait malheureusement de quoi on parle, à l'Université McGill. Nous avons... Vous avez soulevé le problème de ce qu'on appelle en anglais le «golden parachute» d'un de nos membres de l'administration. Mais qu'est-ce qui était derrière ça? Ce qui était derrière ça, c'était justement un effort de faire entrer à l'université, de l'externe, des gens d'une expertise autre, corporatif, avec une structure, un cadre contractuel qui n'était pas habituel pour les universités.
Alors, on dit: Peut-être la réaction n'est pas seulement à votre projet de loi. La réaction que vous avez des universitaires est souvent une réaction à une tendance qu'on voit à mettre des structures qui proviennent du secteur corporatif dans les universités. Et, si le projet de loi pourrait clarifier que, non, au contraire, le rôle des conseils d'administration n'est pas de veiller sur nous de l'externe, mais plutôt de permettre la collégialité à refléter ses propres structures décisionnelles, je pense qu'il y aurait moins de... de réactions. Mais il y a énormément de méfiance, énormément de méfiance parce que nous voyons les autres tendances lourdes dans le système. Alors, on essaie de... j'essaie de m'expliquer en disant ça.
Deuxième chose, si vous permettez... à moins que vous voulez que j'arrête?
Le Président (M. Marsan): Non, non, non. Continuez, continuez.
M. Janda (Richard): Deuxième chose, si vous permettez, parce que je veux vraiment essayer de faire comprendre la réaction des universitaires. L'autre chose, c'est concernant les indicateurs de performance.
Alors, disons d'abord sur quoi nous sommes d'accord. Il faut absolument que les universités s'évaluent, soient évaluées et soient même évaluées de l'externe. Nous sommes en quelque sorte un appareil organisationnel pour l'évaluation. J'ai un étudiant à côté de moi qui... que j'ai évalué. Je suis évalué comme professeur pour avoir la permanence. On évalue constamment nos programmes. On a des gens de l'externe qui viennent nous dire: Est-ce que vous êtes sur la bonne voie ou non? Nous sommes très habitués à des processus d'évaluation, c'est important que nous ayons ce type de processus.
Mais on voit encore une fois très franchement une possibilité de dérive, parce qu'au lieu d'avoir ce à quoi nous sommes habitués comme universitaires dans le mode collégial, c'est-à-dire l'évaluation par les pairs, l'évaluation par les systèmes qui sont la comparaison entre les universités, qu'on invite des gens de l'externe venir nous voir, qu'on s'explique, qu'est-ce qu'on a à la place? Un conseil d'administration composé majoritairement par des gens externes qui n'ont pas de lien nécessairement avec l'université, au contraire, qui n'ont pas de lien avec l'université, qui fixent des critères de performance et qui nous disent: Voici les chiffres, voici ce qu'il faut faire. Ça peut être qualitatif, ça peut être quantitatif, on est bien d'accord, mais l'idée, l'idée que c'est la façon dans laquelle on oriente les universités crée énormément de méfiance chez les universitaires.
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(11 h 20)
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Troisième point, si vous permettez, et je conclus là-dessus, et ça, c'est peut-être plus particulier pour l'Université McGill: on a énormément de méfiance concernant l'équilibre entre... de gouvernance justement, l'équilibre entre conseil d'administration, d'une part, et les instances, disons-le comme ça, d'autogouvernance, d'autre part, qui sont, chez nous, le sénat et d'autres modes compatibles avec ça dans d'autres universités. Nous savons pertinemment que c'est possible, possible d'avoir une interaction et une bonne collaboration entre ces instances-là. On sait bien que vous ne voyez pas le projet de loi comme un projet qui mine au rôle des instances internes, mais nous avons vécu, et vous les avez soulignées vous-mêmes dans vos discussions avec d'autres intervenants, des situations dans lesquelles le conseil d'administration s'est arrogé des pouvoirs, s'est vu questionner et même substituer des décisions pour des décisions qui venaient de l'interne. Et nous avons déjà, à part du projet de loi, juste avec le cadre actuel, beaucoup de débats à l'intérieur des communautés universitaires pour garder la place pour les instances comme le sénat.
Alors, je situe, je n'essaie pas d'entrer dans les détails. Je suis certainement... Je serais très heureux à discuter nos recommandations particulières, mais je voulais souligner les zones de méfiance pour faire comprendre pourquoi les universitaires réagissent comme ils réagissent. Merci beaucoup.
Le Président (M. Marsan): Alors, ceci termine votre présentation. Je vous remercie beaucoup. Nous allons maintenant débuter les échanges, et je vais reconnaître la ministre de l'Éducation, du Loisir et des Sports. Mme la ministre, la parole est à vous.
Mme Courchesne: Merci, M. le Président. Messieurs, merci. Écoute, je suis... je trouve que c'est une des fois où on peut aller vraiment au fond des choses. M. Janda, je vous remercie beaucoup pour votre explication, vous êtes le premier à l'expliquer avec autant de... de cette façon-là, mais j'allais dire aussi «de profondeur». Permettez-moi de le dire: Il y a beaucoup de profondeur dans ce que vous dites par rapport à ce que vous vivez à l'intérieur de... Et on comprend que c'est une université particulière. Ça, il faut l'admettre.
Mais je veux revenir sur des éléments tellement importants. D'abord, vous faites bien la différence entre la gestion et la gouvernance. Vous nous dites: La collégialité, c'est important, et je veux réaffirmer que c'est tout aussi important pour moi.
Maintenant... Et vous dites: Comment combiner ça avec la reddition de comptes? À prime abord, ça s'entrechoque un peu, hein? À prime abord, ce n'est pas si évident que ça qu'on peut préserver la collégialité, la gouvernance et la reddition de comptes.
Moi, ce que je voudrais savoir, ce que... Et, vous savez, vous dites: Dans le projet de loi, vous l'avez fait un peu de façon hiérarchique et vous vous attardez davantage aux rôles et responsabilités du C.A. C'est vrai, mais, très franchement, si je me suis... si, le gouvernement ? je vais dire «je», là, mais vous comprenez que c'est le gouvernement ? on ne s'est pas attardés davantage sur la collégialité, c'est parce qu'effectivement je ne voulais pas qu'on dise: Bien, la ministre s'ingère dans la collégialité. Je veux que les universités conservent cette collégialité.
Alors, ce que je veux savoir: Qu'est-ce que vous auriez ajouté dans le projet de loi... ou pas ajouté, je ne veux pas qu'on rentre dans le technique. Parlons, là, du fond des choses. Comment... Je vais poser la question autrement: Comment permettre à la collégialité de vraiment exercer son rôle et de vraiment... Bon. Et je termine vraiment, parce que vous parlez du sénat, je suis contente que vous m'en parliez, la rectrice m'en a souvent parlé, et ce que je veux... Est-ce que... Donc, comment le projet de loi pourrait favoriser et assurer la pérennité du sénat? Et qu'est-ce qu'on peut faire pour... pour concilier tout ça?
Le Président (M. Marsan): M. Janda.
M. Janda (Richard): Merci beaucoup, Mme la ministre. Écoutez, je vais attirer votre attention à la recommandation n° 8 que nous avons dans notre mémoire à la page 7. Vous allez dire que c'est très technique, que c'est... c'est très compatible avec le projet de loi actuel, mais on pense que les mots valent la peine d'être... d'être dits. J'espère que vous avez ça devant vous.
Alors, une chose très spécifique, c'est tout simplement de spécifier que les lois constitutives, la charte, les statuts et règlements, les lettres patentes ? et c'est tiré d'une autre disposition de la loi, cette formulation ? sont respectés quand le conseil d'administration exerce ses pouvoirs. Pourquoi dire ça? Pour deux raisons.
D'abord, puisque c'est spécifié ailleurs, par exemple dans la nomination de la principale, le recteur, on donne l'impression que ce n'est pas nécessaire pour le conseil d'administration d'agir ainsi quand il s'agit des autres pouvoirs. Donc, on donne l'impression... peut-être ce n'était pas voulu comme ça, mais on donne l'impression que le conseil d'administration a plus d'indépendance à l'égard des... Alors, moi, je pense que, si on pouvait préciser qu'au contraire le conseil d'administration agit dans l'exercice de ses pouvoirs avec une connaissance de cause... c'est-à-dire: il faut d'abord que le sénat se penche, par exemple.
Vous mentionnez dans la loi ? et dernière chose là-dessus ? vous mentionnez dans le projet de loi le devoir de consultation sur la stratégie. C'est bien, c'est... Et on voit qu'il y a un effort de ne pas trop s'ingérer là-dessus, parce que vous dites: Je ne vais pas spécifier, on ne va pas spécifier exactement comment. Mais, si vous dites «consultation», ça peut être ce qu'on appelle à McGill un «town hall», c'est-à-dire: la rectrice va se présenter devant nous, et ce n'est pas ça, la... ce n'est pas ça qui est en jeu. Ce qui est en jeu, c'est un processus délibératif, et c'est pour ça qu'on veut souligner l'importance de respecter le rôle des organes internes avant que le conseil d'administration se penche.
Peut-être on n'a pas la bonne formulation. C'est une façon de suggérer des... Excusez-moi, j'ajoute tout simplement, vous avez entendu beaucoup là-dessus. Il y a évidemment la question des proportions des membres... on préfère le mot «externe», les membres externes versus les membres internes; on vous propose des changements là-dessus. Mais vous avez beaucoup entendu sur cette question.
Le Président (M. Marsan): Mme la ministre.
Mme Courchesne: Merci, M. le Président. Bien, justement, dans la loi, nous avons ajouté un article qui n'existe pas actuellement. Cette pratique-là n'est pas... n'est dans aucune loi, aucune règle budgétaire, puis je voudrais que vous me disiez si ça va assez loin pour vous. Parce que, dans mon esprit, effectivement il y a une différence entre un «town hall» puis un sénat. O.K.?
Alors, nous avons ajouté, à l'article 4.0.21, un article qui dit: «Une décision du conseil d'administration portant sur les orientations stratégiques ou financières ou sur le plan d'immobilisations fait l'objet d'une consultation préalable d'une instance ou d'un comité représentatif de la communauté universitaire...» Sincèrement, pour moi, ça, c'était le sénat, quand l'article... Attendez, je n'ai pas fini. Pour moi, c'était vraiment le sénat: «...qui doit avoir pu, préalablement et dans un délai raisonnable, obtenir les documents pertinents à la consultation sur ces questions.» Est-ce que je comprends que cet... pour vous, cet article-là ne va pas assez loin?
Le Président (M. Marsan): M. Janda.
M. Janda (Richard): Oui, malheureusement, je vous réponds franchement, Mme la ministre.
Écoutez, je suis juriste. C'est un malheur, mais c'est vrai. Et, quand je lis un article comme ça, je pense à tout ce qui est exclu, nécessairement.
Alors, d'abord, on dit: Ces décisions-là spécifiquement, pas d'autres. Actuellement, le sénat de l'Université McGill, par exemple, a un devoir et un rôle primordial dans tout ce qui s'appelle activité... tout ce qui s'appelle activité académique, chaque activité académique. Alors, si je lis cet article-là, je vois rétrécir le rôle de notre sénat. C'est ma lecture, c'est ma lecture. Alors ça, c'est... Ça, c'est la première chose.
Deuxième chose que je dirais, c'est pour ça qu'on voulait spécifier dans la loi le respect des organes internes. Moi, j'aurais pu lire cet article-là avec la disposition que je propose et je serais beaucoup plus à l'aise.
Le Président (M. Marsan): Mme la ministre.
n(11 h 30)nMme Courchesne: Bien, M. le Président, c'est pour ça qu'on a des commissions parlementaires, parce que cet article-là, c'est strictement sur les décisions de gestion des ressources. Bien sûr, des orientations stratégiques, parce que le conseil d'administration doit se pencher là-dessus, mais la charte de l'université définit le rôle du sénat, et ça n'enlève pas du tout l'obligation de consulter. Et c'est parce que, nous, cette loi-là, je ne... ce n'est pas à cette loi-là à s'immiscer dans les activités académiques. On a pris bien, bien garde. Or, je ne... la ministre, là, elle ne veut pas s'ingérer dans l'académique, là. Ce n'est pas son rôle, la ministre, de s'ingérer dans: Est-ce qu'on approuve tel ou tel programme, est-ce que... Moi, je les approuve, les programmes, sur la base du financement du programme. Mais la ministre, là, elle ne définit pas quel est le meilleur programme de droit ou le meilleur M.B.A. Ce n'est pas mon rôle, et je ne veux pas... Donc... Mais je comprends votre point. Mais vous comprenez qu'ici ça s'inscrit strictement dans une question de gouvernance.
Maintenant, je vais passer à un autre sujet parce que malheureusement le temps file, parce que l'autre point que vous avez à juste titre souligné... Et il y a eu des gens, des universitaires, la semaine dernière, qui sont venus devant nous pour nous dire à quel point il était important que les universités québécoises puissent être évaluées, mais s'évaluer aussi en comparaison avec d'autres universités dans le monde, et là, tant sur le plan qualitatif que sur le plan quantitatif.
Et vous dites au fond: Habituellement, ça se fait par les pairs, et là c'est un peu comme si on rajoutait les membres du C.A., les gens externes qui regardent ça avec leur oeil et qui... ajoutent, par exemple, des éléments comme ceux que vous avez mentionnés, et ça revient au sénat. Est-ce qu'à ce moment-là il ne pourrait pas y avoir des modifications qui pourraient préciser, là, dans le cas de ces indicateurs-là, qu'ils doivent d'abord être soumis au sénat ou à la communauté universitaire? Et, moi, ça me pose la question: Dans une université... Oublions la ministre parce que, la ministre, elle va arriver plus tard. Mais est-ce que ça ne devrait pas... Moi, pour moi, il me semble que ça va de soi que ça devrait être d'abord... il devrait y avoir un exercice de réflexion avec la communauté universitaire pour suggérer ces indicateurs au conseil d'administration, et ensuite le conseil d'administration en débattra avec le ministre qui sera là. Ce que vous me dites, c'est que vous avez une crainte, parce que... Je veux savoir d'abord si c'est comme ça que ça se passe actuellement. Je veux savoir ça, et, si oui, bien, comment on règle cette question-là à travers le projet de loi.
Le Président (M. Marsan): M. Janda.
M. Janda (Richard): Merci beaucoup. Si je comprends bien, une décision récente de notre université a causé certains émois, c'est-à-dire la décision concernant le programme de M.B.A. Selon moi, c'est le genre de décision qui doit être... qui devrait être débattue d'abord au sénat. Ce n'était pas le cas jusqu'à ce moment. Ce n'était pas le cas. Vous pouvez être certaine que ce sera soulevé par nous, entre autres. Mais on voit de plus en plus des décisions qui se prennent... moi, j'utilise, si vous permettez l'expression en anglais «off balance sheet», c'est-à-dire beaucoup de décisions qui vont se... se faire au nom de l'administration, qui sont à l'extérieur du processus décisionnel académique de notre sénat. Je suis certain que je vais rencontrer l'argument à cet égard, concernant le M.B.A., que ce n'est pas une question académique, que c'est une question de gestion des finances.
Alors, alors, moi, j'ai exactement la même crainte concernant les indicateurs de performance. Si vous me dites que, non, au contraire, on va spécifier, on va clarifier que ça devrait procéder d'abord dans le sénat et ensuite au conseil d'administration, j'avoue que je serais beaucoup plus à l'aise avec le projet de loi. Mais je vois une interprétation possible et une façon de faire possible qui est le contraire, qui est: Non, c'est nous, au niveau du conseil d'administration, qui ont la capacité de générer ça avec le chef d'établissement et c'est là où le lien va se faire. Et donc, indirectement, le projet de loi contribuerait... je sais que ce n'est pas votre but, mais indirectement le projet de loi contribuerait à l'érosion de la collégialité. Vous voyez le type de crainte.
Le Président (M. Marsan): Mme la ministre.
Mme Courchesne: Je veux revenir sur ce que vous appelez les «golden parachutes», mais je vous en parle parce que j'ai été interpellée, la semaine dernière, sur le dossier de la rémunération des dirigeants.
M. Janda (Richard): Je ne suis pas rémunéré comme ça, moi.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Courchesne: Moi non plus.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Courchesne: Cela dit, est-ce que ce projet de loi... est-ce que vous... bien sûr, en tenant compte de vos hésitations et de vos craintes, est-ce que dans l'ensemble, pour vous, ce projet de loi est nécessaire pour justement améliorer ces questions-là? Est-ce que vous pourriez... Est-ce que, vous, comme membre du sénat... J'imagine que vous êtes membre du sénat. Est-ce que vous sentez que ce projet-là peut vous donner des coudées franches ou, en tout cas, peut vous donner un appui plus fort que ce que vous avez actuellement, mis à part, là, ce que vous m'avez demandé tantôt, là, ce que je veux dire, c'est... et... est-ce que...
Là, je comprends qu'on parle de McGill, mais je suis certaine que vous connaissez suffisamment les universités, au Québec, pour que vous...
M. Janda (Richard): ...
Mme Courchesne: ...soyez capable de me répondre aussi pour les autres universités. Parce qu'il faut dire publiquement que vous avez une bien grande particularité à McGill: vos enseignants ne sont pas syndiqués. Ça, là, c'est une grosse, grosse différence avec le reste des universités, là. Alors, puis... je vous écoute là-dessus.
M. Janda (Richard): Merci beaucoup d'avoir...
Le Président (M. Marsan): M. Janda.
M. Janda (Richard): Merci beaucoup d'avoir souligné cette particularité-là. Je... je me méfie de l'idée de présenter l'Université McGill comme... comme...
Une voix: Distincte.
M. Janda (Richard): ...comme distincte dans le système... dans le réseau universitaire. Nous sommes... Nous faisons partie du réseau universitaire. Mais vous avez raison: à cet égard, nous sommes différents. Et j'ose dire que nous avons fait le pari d'échanger le statut de syndiqués pour le statut de participants dans la gouvernance. C'était notre façon de voir le... notre relation avec l'administration.
C'est-à-dire, vous savez, la personne qui est venue ici juste avant moi, qui est la principale de McGill, est membre de mon association. Ça ne se voit pas ailleurs, hein? Nous sommes relativement fiers de ça parce que ça fait en sorte que nous avons... nous pensons que nous sommes entre collègues quand il s'agit de la gestion...
Mme Courchesne: Collégialité.
M. Janda (Richard): ...qu'elle est ma collègue, qu'elle est peut-être primus inter pares, mais c'est ma collègue. Alors, je l'adresse comme professeure. Alors ça, c'est une particularité de McGill dont nous sommes assez fiers, et il y a un attachement féroce à cette idée, à l'Université McGill. Donc, je vous avoue très franchement que, quand le projet de loi est arrivé ? on avait une journée pour l'étude du projet de loi n° 107 avant ? la réaction spontanée des collègues à McGill, c'était: Oh, oh! ça penche tout le système vers le conseil d'administration et ce n'est pas ça l'organe qui reflète la collégialité. Alors ça, c'était la façon dans laquelle le projet de loi a été perçu et est toujours perçu dans sa forme actuelle.
Le Président (M. Marsan): Mme la ministre.
Mme Courchesne: Je reviens sur ma question. Vous avez... Là, vous venez d'énoncer quelque chose... quelque chose pour lequel vous êtes très fiers puis... pour laquelle vous êtes très fiers puis je comprends, mais vous avez dit tout à l'heure, sur le M.B.A., 29 500 $; le sénat n'a pas été consulté, donc vous n'avez pas été consultés, puis vous avez aussi, dans un premier temps, parlé du malaise que vous aviez avec les parachutes dorés.
M. Janda (Richard): ...
Mme Courchesne: Je répète ma question: Est-ce que ce projet de loi là, en termes... est-ce que ça donne... est-ce que ça vous donne des dents en termes de pouvoir exercer votre rôle et exiger... en fait, d'exiger du conseil d'administration de vous rendre des comptes et de d'abord vous consulter avant de prendre cette décision-là? Comment on fait pour changer ça?
Le Président (M. Marsan): M. Janda.
n(11 h 40)nM. Janda (Richard): Écoutez, je comprends mieux ? merci ? je comprends mieux votre question. Les recommandations qu'on nous a... qu'on vous a formulées essaient justement de préciser, faire en sorte que, si la loi est adoptée, on pourrait l'utiliser de cette façon justement pour exiger que le conseil d'administration passe à travers le sénat avant, et je vous dis qu'avec les recommandations, pour le cas de McGill, nous serons plus à l'aise.
Il faut quand même que je souligne que nous faisons partie de la FQPPU. Nous avons... Nous nous sommes ralliés à la position de la FQPPU en général concernant l'orientation dite managériale, mais en même temps je sais que nous sommes entre adultes ici et que nous avons la capacité de voir qu'il y a une façon de faire possible avec un certain remaniement du projet de loi.
Mme Courchesne: Mais vous...
Le Président (M. Marsan): Mme la ministre, en terminant.
Mme Courchesne: En terminant. Vous comprenez que, si nous allions dans... si nous suivions vos recommandations, il y a déjà un tollé des recteurs et rectrices, alors, puis j'entends plus les recteurs et rectrices que les conseils d'administration, soit dit en passant, alors imaginez le tollé qu'on aurait. Alors, à ce moment-là, comment on fait pour... est-ce que c'est la ministre qui reste toute seule sur la place publique avec le problème...
Une voix: ...
Mme Courchesne: Non. Et on arrête là? Parce que le temps est terminé. Mais je tenais à ce qu'on prenne conscience de cela aussi. Merci.
Le Président (M. Marsan): Je vous remercie pour ce premier échange. Alors, je vais maintenant reconnaître la porte-parole de l'opposition officielle en matière d'enseignement supérieur, de recherche et de développement, Mme la députée de Taillon.
Mme Malavoy: Bonjour. Bonjour, messieurs. Merci, M. le Président. Je suis assez sensible à certains des arguments que vous évoquez et, je dirais aussi, à cette tendance que vous percevez dans le projet de loi dans son ensemble.
Puis j'aimerais peut-être commencer par cette question-là: Vous avez dit d'entrée de jeu: «La collégialité n'est pas forcément quelque chose de désuet», hein? Vous avez dit également que vous perceviez le projet de loi comme étant une structure hiérarchique plus du haut vers le bas, et puis, tout de suite, quand vous répondiez à la question de Mme la ministre, vous disiez: «On a l'impression que le système penche vers le C.A.» Donc, il y a comme une force... centripète, on pourrait dire...
Une voix: Oui.
Mme Malavoy: L'idée me vient, là, en même temps que je vous pose la question. Mais il y a une force centripète; ça, ça veut dire... voilà, et «fuge», c'est vers l'extérieur ? bon. Une force centripète que vous percevez et qui vous semble, d'une certaine façon, un peu dangereuse compte tenu de la mission d'une université.
J'ai apprécié que vous rappeliez que la rectrice est votre collègue. J'ai, moi aussi, une expérience universitaire; j'ai été doyenne et théoriquement en autorité par rapport à des professeurs. Mais c'est bien relatif: j'étais, d'abord et avant tout, une collègue. Quand on remet un diplôme, c'est la professeure, le professeur un tel qui remet un diplôme, ce n'est pas un administrateur. Donc, je comprends, puis j'aimerais vous l'entendre préciser, qu'il y a comme un penchant global qui vous semble être contraire à ce qu'est une université ou à ce qu'elle devrait être dans son développement futur.
M. Janda (Richard): Voilà...
Le Président (M. Marsan): M. Janda.
M. Janda (Richard): Merci beaucoup. Mme Malavoy, vous avez cité un grand auteur, le sociologue Bourdieu. L'autre jour, on a cité le philosophe Derrida, dans notre texte, pour souligner justement le caractère à la fois fragile mais précieux de cet engagement universitaire envers le savoir et envers l'analyse critique, et c'est très important d'encadrer cette mission fragile dans un système de gouvernance qui n'a pas des forces centripètes.
S'il s'agissait d'un phénomène qui était très stable et sans ses propres défaillances possibles internes, on peut imaginer toutes sortes de méthodes de gouvernance. Peut-être pour ça, ce ne serait pas très important. Mais, si nous sommes... si nous sommes si perturbés par la possibilité d'une nouvelle orientation universitaire, c'est parce que, malgré le fait que le système universitaire existe depuis des siècles, on voit ? et c'est pour ça qu'on a mis ça à la fin de notre mémoire ? certaines tendances actuelles qui sont très troublantes, et je me permets de souligner un petit exemple de ce que vous avez souligné. Juste le mot «services», avec pluriel, dans le projet de loi, que nous sommes là pour rendre des «services» à la collectivité au lieu d'être au service de la collectivité, pour nous, ça symbolise, d'une certaine façon, ce que je peux appeler, si vous permettez, la «commodification» de l'université, un effort de caractériser son rôle non pas comme un lieu libre d'enquête sur les idées, mais plutôt comme un instrument de politique étatique pour arriver à certaines fins.
Évidemment, nous sommes tous d'accord qu'il faut que l'université, parce qu'elle reçoit des fonds publics, contribue à l'essor de la société. Mais on pense que le rapport fiduciaire entre les instances publiques et les universités est aussi sur le savoir, et il faut que les gens qui participent à cet effort de s'orienter vers un engagement critique envers le savoir aient un rôle direct dans la gouvernance de cette mission.
Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Taillon.
Mme Malavoy: Je vous suis tout à fait, parce que la matière, c'est le savoir, et c'est assez difficile à encadrer, à orienter, à évaluer, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas des comptes à rendre sur ce que l'on fait avec l'argent que l'on a. Mais, quand vient le temps de prendre des grandes décisions, des grandes décisions qui vont orienter la suite de l'enseignement ou de la recherche, à ce moment-là les critères sont beaucoup plus difficiles à évaluer, et je sais que, dans votre université, le sénat joue un rôle absolument prépondérant. Ce n'est pas un modèle qui est généralisé dans les universités québécoises, mais ce rôle très, très précieux de comprendre, et de saisir, et de veiller aux orientations du savoir, ça commande beaucoup de prudence quand on veut ensuite faire un texte de loi. Je comprends ça.
M. Janda (Richard): Tout à fait.
Le Président (M. Marsan): M. Janda.
M. Janda (Richard): Je suis tout à fait d'accord.
Le Président (M. Marsan): O.K.
Mme Malavoy: Je veux en venir...
Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Taillon.
Mme Malavoy: Oui, merci. Je voudrais en venir à la question du conseil d'administration, des membres internes versus membres externes. D'abord, vous dites, et honnêtement je suis d'accord avec ça: Parlons plutôt d'externes plutôt que d'indépendants. On a commencé à faire un débat là-dessus. Pour vous aussi, le mot «indépendants» n'est pas un mot qui reflète la réalité, ou en tout cas qu'il serait peut-être tendancieux à certains égards. C'est ce que je comprends?
Le Président (M. Marsan): M. Janda.
M. Janda (Richard): Oui. Permettez-moi un petit commentaire encore, commentaire de juriste et quelqu'un qui enseigne le droit des sociétés. Je sais bien que ce vocable provient des cadres législatifs sur les sociétés d'État. On sait que c'était repris dans le rapport IGOPP, et c'est justement la référence qui est faite, dans le rapport IGOPP, pour choisir ce langage, mais notre... notre... Et je sais aussi que Mme la ministre a soulevé le fait qu'il y a des conflits d'intérêts à l'interne et a tout à fait raison: ça existe, les conflits d'intérêts à l'interne, comme ça existe, des conflits d'intérêts à l'externe.
Pour nous, l'approche claire serait de dire pourquoi les gens sont sur le conseil d'administration; définissons, dans le projet de loi, leur origine. Et on est d'accord qu'il faut avoir une représentation de la collectivité québécoise sur le conseil d'administration. Nous sommes même prêts à accepter l'idée que les bailleurs de fonds ? le gouvernement ? nomment quelqu'un sous... après avoir consulté... après avoir consulté l'interne, parce que nous sommes d'accord qu'il ne faut pas que ce ne soient que des gens qui proviennent du milieu corporatif, par exemple, et je pense que le gouvernement peut veiller sur ça.
Mais, en ce qui concerne, si vous voulez, la définition des membres externes, si on se penche uniquement sur l'absence des conflits d'intérêts et on ne dit pas qu'ils sont là pour représenter la collectivité, on perd, je pense, le fil, on perd l'idée pour mettre ces gens-là sur le conseil d'administration. Et il faut le dire, les conflits d'intérêts devraient être gérés par peut-être un comité interne, comme le comité de gouvernance. Nous avons actuellement, à McGill, sur le conseil d'administration, une entente sur les conflits d'intérêts; tout le monde qui est sur le conseil d'administration doit signer et déclarer les conflits d'intérêts. Tout ça, ça peut être fait, mais organisons la représentation sur la base externe et interne; pour moi, c'est plus clair, plus logique. Et je ne vois pas pourquoi il faut calquer le conseil d'administration d'une université sur le modèle des sociétés d'État à cet égard.
n(11 h 50)nLe Président (M. Marsan): Mme la députée de Taillon.
Mme Malavoy: Pour ce qui est du pourcentage, je comprends, là, que vous dites: Il faut au moins 50 % de membres externes, donc 51 % suffirait, si je prends vraiment ce que vous dites très précisément. Et ça pourrait aller dans le fond de 50 % plus un, là, jusqu'à 66 %, 67 %. Et, pour ce qui est des membres internes, ça pourrait aller de 49 % à 33 %. Donc, vous élargissez beaucoup la fourchette. Est-ce que vous faites cela pour permettre plus de flexibilité aux universités dans le choix, dans le respect de leurs traditions?
Le Président (M. Marsan): M. Janda.
M. Janda (Richard): Un peu plus de flexibilité. Je vais peut-être aussi permettre à mon collègue de parler du seuil actuel qui serait de 25 % et qui ferait en sorte que, en tout cas, sur le conseil d'administration de McGill, si on va vers 25 %, il y a quelqu'un des constituants, des composantes de la communauté universitaire qui serait exclu, nécessairement. Et on pense que, si c'est au conseil d'administration de fixer la proportion une fois mis en place, les 60 % peuvent décider d'aller... de niveler vers le bas. Et, avec chaque remaniement du conseil d'administration, on se verra habituellement... on aura éventuellement un conseil d'administration de 25 %.
Alors, c'est pour ça qu'on veut non seulement augmenter le minimum, mais aussi garantir qu'il y a un vote prépondérant de deux tiers si jamais il y a un changement sur... un changement du conseil d'administration. Je ne sais pas si mon collègue aimerait ajouter quelque chose là-dessus.
Le Président (M. Marsan): M. Critchley.
M. Critchley (Ronald): La seule chose que je veux dire, c'est que se lier vraiment à la collégialité, c'est une question de représenter les gens qui vraiment ont une histoire institutionnelle, comme maintenant à McGill, sur le conseil d'administration, on a deux voix, deux représentants. Ils ne représentent pas soit le syndicat ou l'association des travailleurs non académiques, ils sont les gens qui représentent tout le monde. Ils prennent ça au sérieux, ils prennent ça comme une communauté en total. Ils voient leur devoir comme sérieux, ils sont sobres, etc. M. Trevor Garland puis M. Allan Youster, ils travaillent comme des ours pour l'université, pour la communauté en total.
La chose qui nous place dans une position difficile, c'est le risque de perdre nos représentants soit sur le conseil d'administration, soit sur le sénat. Nous savons que le sénat de l'Université McGill est majoritairement académique. Ça, c'est net, ça, c'est clair, mais au moins on a une voix. On a des membres de notre association qui siègent sur le sénat. Il y a quand même un peu de communication avec eux. Il y a d'autres qui ne sont pas membres de notre association, ils ont un siège sur le sénat. Les opinions sont là, le débat est là. C'est démocratique, c'est intéressant de le voir.
Sur le conseil d'administration, c'est un peu différent parce que nos représentants sont limités sur les comités où ils peuvent siéger. Ça veut dire qu'on ne peut pas, en bon sens commun, voir quelqu'un de notre association qui siège sur le comité des ressources humaines, par exemple. Il y a évidemment un conflit d'intérêts. Mais c'est le risque de perdre quelque chose valable qui nous amène ici. C'est le risque de perdre nos sièges et c'est le risque de manipulation qui est dangereux pour nous. Nos craintes sont là.
Le Président (M. Marsan): Je voudrais reconnaître Mme la députée de Champlain, qui est... pour une... possiblement une dernière intervention.
Mme Champagne: Oui. Merci, messieurs. D'abord, merci de nous avoir présenté le document en français. J'ai apprécié. C'est que je peux le lire, l'anglais, mais je préfère lire dans ma langue, c'est plus facile pour moi. Alors, j'ai pris note de toute votre explication, et il ressort de cela votre inquiétude sur le projet de loi même. Honnêtement, si c'était à recommencer, ce projet de loi là, en voulez-vous, en aviez-vous besoin? Ma question est aussi simple que ça.
Le Président (M. Marsan): Alors, M. Janda.
M. Janda (Richard): Écoutez, je pense qu'on peut vivre sans projet de loi. En même temps, je comprends qu'on a eu des dérapages, certains dérapages dans les instances publiques et surtout dans les universités ? M. Deltell en a parlé ? et on sait bien que nous sommes redevables, ou il faut rendre des comptes envers le public en général. Je pense que c'est possible, sans un projet de loi, de devenir... de faire la reddition des comptes, de faire la reddition des comptes de façon même plus stricte. Et je vois, dans l'orientation, ce que Mme Malavoy a appelé la force centripète de cette loi, des dangers.
Et donc, si vous me demandez: Est-ce que je préfère pas de loi que ce projet de loi? Ma réponse est oui. Est-ce que c'est possible de faire en sorte que cette loi soit remaniée, ajustée, retravaillée pour rencontrer nos préoccupations? Je pense que la réponse est oui.
Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie. Ceci terminerait nos échanges avec l'opposition officielle. Et je vais donner... laisser la parole maintenant au deuxième groupe d'opposition, et je vais reconnaître le député de Chauveau, porte-parole dans le domaine de l'éducation. M. le député.
M. Deltell: Merci beaucoup, M. le Président. Messieurs, ça me fait plaisir de vous rencontrer. Moi, je suis un gars de Québec, un ancien de l'Université Laval, mais j'ai toujours eu beaucoup de respect et d'admiration pour l'Université McGill. Je pense qu'au Québec on peut être fiers d'avoir une université de votre calibre. Et votre témoignage aujourd'hui illustre que vous êtes vraiment de ce niveau-là. Et vous êtes une inspiration ? je n'aime pas employer le mot «modèle», parce que, quand on est autonomiste, un modèle, ça ne se reflète pas, ça ne se répète pas ? mais bien plutôt une source d'inspiration, et vous l'avez bien démontré aujourd'hui.
J'aimerais vous parler des membres internes et externes, concernant la composition du conseil d'administration. À la page 3 de votre document, je crois que vous avez une phrase... deux phrases qui y sont très bien ciblées. Désolé, moi, la copie que j'ai, c'est la copie en anglais.
Une voix: Ah!
M. Deltell: Je sais que vous l'avez déposée en français, mais je l'ai... Ce n'est pas grave, remarquez, ça va me permettre de pratiquer un peu mon français... mon anglais. Quand vous dites que «seats should not become a place for political patronage...». And: «They should be reserved only for people who can truly help the university in accomplishing it's goals.» Wow! C'est fantastique. C'est exactement ce qui doit animer chaque personne qui est nommée sur un conseil d'administration. Qu'il soit de l'interne ou de l'externe, qu'il soit là, d'abord et avant tout, pour défendre les intérêts supérieurs de l'institution et non pour défendre ses intérêts privés personnels, et non pas avoir des comptes politiques à rendre, comme vous le dites si bien: «should not become a place for political patronage». Bravo!
Mais ce qui me surprend, et agréablement, ce qui me surprend agréablement, c'est de voir que vous êtes essentiellement un groupe qui représentez des employés d'une université. Et, à ma connaissance, jusqu'à présent, je peux peut-être... je vais peut-être en échapper un ou deux, mais, à ma connaissance, c'est la première fois qu'on accueille ici, à cette table, des gens qui représentent des employés et qui sont en faveur du fait que le conseil d'administration soit formé en majorité de gens de l'extérieur. Pouvez-vous m'expliquer votre point de vue là-dessus?
Et est-ce que... Ne craignez-vous pas... En tout cas, ce qu'on entendait, c'est les gens qui disaient... les syndicats, entre autres, qui disaient: Bien, écoutez, nous, on sait de quoi on parle, puis, nous, on pourrait... on a d'abord les intérêts supérieurs de l'institution, parce que c'est... on est vraiment en conjonction avec les étudiants. J'aimerais vous entendre là-dessus: Pourquoi est-ce que des gens de l'extérieur peuvent avoir aussi à coeur les intérêts des étudiants et de l'institution que des gens de l'intérieur?
Le Président (M. Marsan): Alors, M. Janda, vous avez un maximum de deux minutes.
n(12 heures)nM. Janda (Richard): De deux minutes! Écoutez, nous sommes ici en tant que représentants de l'Université McGill, et je ne veux pas étendre ce qu'on dit sur les proportions à d'autres universités. On dit aussi que c'est important de respecter la mission de chaque université, et je vous avoue que, si le projet de loi établissait un minimum, un seuil de 33 % et l'idée de 50 % plus un, ce serait une amélioration pour nous vis-à-vis la situation actuelle concernant notre conseil d'administration. On a passé déjà à travers un débat à l'interne concernant la composition et recomposition de notre conseil d'administration et on n'a pas réussi à établir ce qu'on dit ici. Donc, ce serait, pour revenir à ce que Mme la ministre avait dit, ce serait une façon d'utiliser la loi, le projet de loi pour améliorer notre situation.
Mais je pense que c'est important de souligner qu'une université non syndicalisée, une université qui a un sénat spécifique, notre modèle peut difficilement se transférer ailleurs. Donc, je ne veux pas que vous preniez mes mots comme un effort de dire: Oui, 50 % plus un pour chaque université à travers le réseau québécois.
Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie et je remercie M. Critchley, M. O'Neill, M. Janda, M. Gillon, M. Duguay, pour nous avoir présenté le point de vue de l'Association du personnel non enseignant de l'Université McGill et Association des professeur(e)s et bibliothécaires de McGill.
La commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures. Bon appétit.
(Suspension de la séance à 12 h 2)
(Reprise à 15 h 36)
Le Président (M. Marsan): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
Le mandat de la commission est de tenir des audiences... des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le projet de loi n° 38, Loi modifiant la Loi sur les établissements d'enseignement de niveau universitaire et la Loi sur l'Université du Québec en matière de gouvernance, et sur le projet de loi n° 44, Loi modifiant la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel en matière de gouvernance.
Je voudrais souligner que cet après-midi nous rencontrons à 15 heures, immédiatement, la Conférence régionale des élus de la Côte-Nord, par la suite, M. Hubert Laforge, et, avant l'arrêt du souper, bien, c'est le Syndicat général des professeurs et professeures de l'Université de Montréal.
Il me fait plaisir d'accueillir M. Georges-Henri Gagné, qui est président de la Conférence régionale des élus de la Côte-Nord. M. Gagné, je vais vous demander de nous présenter les gens qui vous accompagnent. Et vous avez une période de 15 minutes pour faire votre exposé. Nous vous écoutons.
Conférence régionale des élus
de la Côte-Nord (CRECN)
M. Gagné (Georges-Henri): Merci, M. le Président. Alors, Mme la ministre, Mme Courchesne, Mmes, MM. les députés, d'une façon particulière celui de... le député de René-Lévesque, mon député, M. Dufour. Alors, je suis Georges-Henri Gagné. Je suis président de la Conférence régionale des élus de la Côte-Nord. Je suis accompagné cet après-midi de M. Jacques Gagnon, qui est membre du conseil d'administration de la conférence et président du Comité de travail pour l'analyse de l'implantation d'une université régionale autonome, et de M. Patrick Hamelin, qui est directeur général de la conférence régionale des élus.
D'entrée de jeu, j'aimerais remercier la ministre pour son implication personnelle en vue de la reconstruction de l'école de La Marée à Pointe-Lebel, et on l'a apprécié, on l'a apprécié d'une façon particulière, et également je tiendrais à remercier la ministre pour son intervention qu'elle a faite à Sept-Îles en juillet 2007. Donc, ça a été pour nous un support moral à notre démarche pour la réalisation future d'une université autonome sur la Côte-Nord.
Nous sommes très heureux d'être ici pour présenter devant vous notre vision de la gouvernance dans les établissements d'enseignement de niveau universitaire. Comme vous le savez, la Côte-Nord est une des trois régions... une des seules trois régions ressources du Québec à ne pas avoir sa propre université; les deux autres étant le Nord-du-Québec et la Gaspésie?Îles-de-la-Madeleine.
Malgré tout, la conférence souhaitait prendre le temps de formuler ses commentaires sur le projet de loi à l'étude, car elle aspire à joindre plutôt tôt que tard les autres régions du Québec qui peuvent compter sur cet extraordinaire outil de développement qu'est une organisation universitaire régionale. C'est dans ce contexte que nous avons regardé le projet de loi n° 38. Et nous remercions la Commission de la culture et de l'éducation de nous donner l'occasion d'être ici pour présenter les fruits de nos réflexions.
n(15 h 40)n Sur la Côte-Nord, depuis plusieurs années et avec les moyens extrêmement limités, deux organisations sous-régionales tiennent le fort pour faciliter l'accès à des services universitaires en région; il s'agit du Centre d'études universitaires de l'Est de la Côte-Nord, rattaché à l'Université du Québec à Chicoutimi, et de la Corporation des services universitaires du secteur Ouest de la Côte-Nord, faisant office de maison de courtage de services universitaires. Bien que ces deux entités réalisent un travail remarquable, le développement de l'enseignement et de la recherche en région demeure limité, ce qui affecte le développement social et économique de toute la région et la capacité de la Côte-Nord à maximiser son plein potentiel.
Lors d'un forum régional tenu en 2005, les leaders régionaux ont affirmé la nécessité que la région se positionne en matière de savoir en rendant accessibles les services universitaires à toutes les communautés du territoire. Un comité stratégique fut mis sur pied afin d'analyser la possibilité d'implanter une organisation universitaire régionale autonome ayant comme assise de départ la recherche et l'innovation en support au développement de l'économie nord-côtière. Depuis, le projet prend forme, et nous sommes maintenant prêts à échanger sur les assises qui seront à la base du projet qui sera mis de l'avant par la région. Dans son mémoire, après un bref portrait socioéconomique de la région, la conférence a présenté l'état de la réflexion régionale sur le développement des services universitaires et les bases d'un projet régional rassembleur, actuellement en élaboration dans la région, qui souscrit au principe du projet de loi n° 38.
La Côte-Nord couvre près de 20 % de l'étendue du Québec. Le réseau routier est peu développé et ne dessert pas l'ensemble du territoire. Les distances entre certaines localités sont importantes. Par exemple, les deux pôles, Baie-Comeau et Sept-Îles, se situent à 250 kilomètres de distance l'un de l'autre, soit l'équivalent du trajet Montréal-Québec. La proportion de la population active qui détient une formation de niveau universitaire est deux fois plus faible sur la Côte-Nord que dans le reste du Québec: 10,9 % sur la Côte-Nord comparativement à 21,4 % au Québec. Avec un poids démographique de 1,2 % de la population québécoise, la région contribue à 1,7 % de l'économie du Québec. En effet, la Côte-Nord produit près de 36 % de tout l'aluminium au Québec, près de 35 % de la valeur des expéditions minérales de la province, près du tiers de l'hydroélectricité, près de 25 % des débarquements des produits de la pêche, et, avant la crise forestière, nous fournissions environ 15 % des produits forestiers au Québec.
Dans le cadre de notre réflexion sur l'établissement d'une organisation universitaire nord-côtière, deux études ont été commandées par la conférence régionale des élus et ont permis de faire certains constats. D'abord, la Côte-Nord accuse un déficit énorme par rapport aux régions ressources aussi analysées et qui détiennent une constituante universitaire. De 2001 à 2006, la somme totale investie se situe à 10,8 millions pour la Côte-Nord, ce qui représente une moyenne annuelle de 2 millions, comparativement à 10 millions pour l'Abitibi-Témiscamingue, 14 millions pour le Bas-Saint-Laurent et 19 millions pour le Saguenay?Lac-Saint-Jean. D'autre part, cette étude démontre que peu de recherches sont réalisées dans les secteurs initialement stratégiques pour la région, notamment l'énergie, l'aluminium, le transport, le tourisme, la santé, les milieux autochtones, la culture et l'agroalimentaire. Les cibles d'investissement et les travaux sont fixés en fonction des intérêts des chercheurs et des institutions qu'ils représentent, et non par celui du lieu étudié. La région devient donc un immense terrain de collecte de données, alors que le vrai travail et les fruits qui en découlent lui échappent.
De toutes ces considérations il ressort qu'un renforcement de la recherche universitaire en fonction des besoins prioritaires des entreprises et des créneaux d'excellence permettrait de mieux cibler les investissements et de concentrer les efforts de recrutement de chercheurs, d'étudiants et de professionnels. L'objectif des leaders de la Côte-Nord est donc de mettre en place les conditions favorables à une recherche universitaire par, pour et dans la région afin d'accroître les retombées et mieux orienter les recherches en fonction des priorités.
Comme vous le voyez, la Côte-Nord a pris le temps nécessaire pour faire ses devoirs, et, sur ces bases, un projet se dessine pour assurer la présence de services universitaires de qualité accessibles dans les différentes parties du territoire; une organisation universitaire régionale couvrant et desservant l'ensemble des six territoires; d'ici 2020, une organisation universitaire autonome capable de prendre ses propres décisions en fonction des champs identifiés par les acteurs du milieu et les priorités de développement de la région; entre-temps, à partir de 2011, desservir la région par affiliation avec une université existante; une organisation universitaire concertée par laquelle les leaders de toute la région s'entendent pour développer une expertise adaptée aux caractéristiques des territoires; une organisation universitaire reposant sur une offre de services multicampus appuyée par des corporations de développement de l'enseignement et de la recherche et de l'innovation, centrée sur les champs identifiés et exclusifs; une organisation universitaire supportée par une fondation régionale vouée au développement de la formation et de la recherche universitaire. Telles sont donc les bases du projet par lequel la Côte-Nord souhaite accroître significativement les actions de R&D et la formation continue de niveau universitaire afin de stimuler de façon énergique ses capacités d'innovation et de diversification économique.
Dans un contexte où l'approche territoriale et concertée devient la pierre d'assise du modèle de services universitaires en élaboration par les intervenants de la Côte-Nord, la conférence accueille favorablement le nouveau modèle de gouvernance présenté par le projet de loi n° 38. Ce projet de loi propose notamment certaines directives quant à la composition, la représentativité des membres, le fonctionnement et les responsabilités au sein du conseil d'administration de l'établissement d'enseignement universitaire. Dans l'ensemble, ils rejoignent les intentions et engagements de la conférence... et engagements que la conférence entend prendre auprès des milieux. Notamment, les corporations qui seront mises en place à l'échelle des territoires de MRC réuniront les leaders de la communauté desservie. Il s'agit d'un modèle ouvert sur son milieu avec une approche régionale basée sur le renforcement et le développement des six territoires.
De plus, un conseil d'administration qui est représenté par une parité d'hommes et de femmes, qui assure la présence des premières nations et des différentes composantes de l'activité socioéconomique régionale est perçu comme une responsabilité de la future organisation. Lorsqu'il est question du nombre et de la nomination des membres des conseils d'administration, nous précisons que, préalablement à l'autonomie complète, l'affiliation à une université existante demandera de prévoir des mesures qui assureront la présence de représentants nord-côtiers au sein de l'instance administrative qui sera engagée à desservir le territoire.
L'exploitation des ressources naturelles fait appel à un savoir-faire et à des techniques de production qui mettent en question... l'entretien et la maintenance des équipements de production au centre des préoccupations des grandes entreprises. La nécessité de réaliser en région des actions en recherche et développement pour innover est directement liée à l'atteinte de la diversification de notre économie. Or, la présence d'une université régionale permet aux régions qui en sont pourvues de supporter cette diversification.
Le recrutement et la rétention de la main-d'oeuvre sont également un enjeu majeur lié à la présence universitaire sur la Côte-Nord. La présence d'une masse critique de main-d'oeuvre scolarisée et stratégique accentue le pouvoir d'attraction et de rétention des spécialistes en région. Il est reconnu que ces personnes cherchent d'autres individus possédant une expertise similaire. Or, pour assurer cette transition vers l'ère du savoir, encore faut-il que la population ait un taux de scolarisation qui pourra soutenir cette évolution.
Désireuse de diversifier son économie de base rattachée principalement à l'exploitation des ressources naturelles, la Côte-Nord se doit d'être innovante pour arriver à relever les défis de la valeur ajoutée et du savoir. Une telle exigence est non seulement reconnue par la relève de demain, mais également par les investisseurs potentiels intéressés à contribuer au développement de la Côte-Nord. Conséquemment, vous comprendrez que la Côte-Nord souhaite se doter d'un tel levier économique et social, et le modèle de gouvernance proposé par le projet de loi n° 38 rejoint les préoccupations qui se retrouvent au sein du projet universitaire de la Côte-Nord.
À terme, la conférence propose également que le projet nord-côtier soit soutenu par la ministre de l'Éducation, du Loisir et du Sport et reconnu comme incontournable aux efforts de diversification, d'innovation et de rétention d'une main-d'oeuvre attrayante dans la région. Et on vous remercie, M. le Président.
n(15 h 50)nLe Président (M. Marsan): Merci. Nous allons immédiatement commencer nos échanges, et je vais reconnaître la ministre de l'Éducation, du Loisir et du Sport. Mme la ministre, la parole est à vous.
Mme Courchesne: Merci, M. le Président. Messieurs, soyez les bienvenus à l'Assemblée nationale. Merci d'être là. J'en profite pour saluer le député de René-Lévesque, qui est avec nous aujourd'hui. Parce qu'effectivement, oui, j'ai fait une tournée il y a à peu près deux ans, chez vous, sur la Côte-Nord et sur la Basse-Côte-Nord aussi, en fait. Et il est évident pour moi qu'il y a toujours ce défi de pouvoir nous assurer que nous transmettons, que avons la possibilité de transmettre la connaissance et le savoir à toute la population du Québec, même dans les régions les plus éloignées. Mais ça demeure un défi, vous en convenez. Si vous prenez la peine de venir jusqu'ici aujourd'hui, c'est parce que vous en êtes tout à fait conscients.
Votre mémoire... puis je le comprends, puis je salue l'initiative au sens où vous arrivez ici avec toute la représentation de votre milieu et qui dit: Nous, là, Mme la ministre, on voudrait avoir un centre universitaire autonome. En fait, on voudrait une constituante autonome sur la Côte-Nord d'ici 2020. Si mes souvenirs sont bons, lorsqu'on s'est rencontrés, on a davantage discuté des centres d'études universitaires. Rappelez-vous. Puis on a beaucoup parlé de l'Université du Québec à Chicoutimi, puis on a même parlé de Rimouski. On a parlé de plein de choses, je me rappelle. Et donc vous dites aujourd'hui... Probablement que, depuis ce temps, votre réflexion a fait du chemin, en tout cas c'est ce que je comprends par la lecture de votre mémoire. Moi, je me rappelle avoir appuyé les centres universitaires, parce qu'il y en a deux. Il y en a un à Baie-Comeau puis il y en a un à Sept-Îles. Et surtout, très honnêtement, de favoriser l'accessibilité aux études supérieures à toute votre population. C'est un défi parce que votre population, corrigez-moi si je me trompe, mais c'est autour de 80 000. M. le député de René-Lévesque, c'est à peu près ça?
Une voix: 95 000.
Mme Courchesne: 95 000. Ça demeure un défi. 95 000 de population sur un territoire qui est très, très vaste, puis il est tout en long, sur le bord du fleuve. Donc, dans ce sens-là, tu sais, je peux concevoir votre préoccupation.
Moi, je voudrais savoir en quoi, par exemple, une constituante autonome... Pourquoi aujourd'hui une constituante autonome plutôt, par exemple, qu'un satellite de l'Université du Québec à Chicoutimi? Je me rappelle qu'on avait même évoqué Rimouski. Parce que vous avez plus que Chicoutimi. Dans votre centre d'études universitaires, si mes souvenirs sont bons, puis je vous dis ça de mémoire, il me semble qu'il y avait plus qu'une université qui y participait.
Donc, ma question, c'est: Qu'est-ce qui fait qu'aujourd'hui vous allez jusqu'à demander une université autonome, alors qu'il y a deux ans vous sembliez bien desservis par une constituante du réseau de l'Université du Québec?
Le Président (M. Marsan): M. Gagné.
M. Gagné (Georges-Henri): Alors, Mme la ministre, vous avez une bonne mémoire. Effectivement, ce que vous avez dit, c'est la réalité. Également, vous avez raison, c'est un énorme défi qu'on s'est donné en tant que région. Mais les leaders régionaux, en 2005, ont pris la décision que finalement, si on voulait vraiment, avec les richesses naturelles qu'on exploite chez nous, si on voulait vraiment être à la pointe au niveau de nos recherches et également donner un service adéquat sur l'ensemble du territoire, il fallait nécessairement à terme arriver à avoir une constituante de l'université régionale sur la Côte-Nord.
Vous savez, vous avez été sur la Basse-Côte-Nord, vous également, alors on a six territoires finalement sur notre grande Côte-Nord. Vous savez, de Tadoussac à Blanc-Sablon, c'est 1 300 km. Et, vers le nord, si on s'en va à Schefferville, c'est un autre 800 km. Donc, vous comprendrez qu'on a une région qui est un petit peu spéciale. Donc, si on veut être capables, comme vous le disiez, et c'est ce qu'on souhaite, que l'ensemble de nos citoyens aient accès à du savoir, il faut se doter de ce service-là.
L'autre part... effectivement, on a deux corporations, une à Sept-Îles, qui est rattachée à l'Université du Québec à Chicoutimi, et dans l'ouest, à Baie-Comeau, on sert plus de maison de courtage qu'être affiliés à une université. Et, depuis 2007, effectivement, on a cheminé considérablement. On a mis en place un comité, et ce comité-là est arrivé finalement avant la mise en place des tables... des plans interordres. Et ce comité-là continue, c'est M. Gagnon actuellement qui en est le président. Je dois vous dire aujourd'hui que le comité a cheminé considérablement. Les deux entités, les deux pôles, qui ont des corporations de développement universitaire, siègent sur notre comité avec les différents acteurs socioéconomiques, dont les grandes entreprises. Et tout le monde chemine vers un même but, c'est qu'à terme on souhaiterait qu'en 2020 il y ait une composante régionale, sur la Côte-Nord, de l'Université du Québec.
Le Président (M. Marsan): Mme la ministre.
Mme Courchesne: Sur la Côte-Nord dans son ensemble, il y a des enjeux économiques importants. Ce que je trouve intéressant dans ce que vous venez tout juste de nous dire, c'est que le besoin de renforcer un pôle universitaire ? en fait, c'est ce que vous nous dites ? découle aussi du besoin de l'innovation des entreprises, et que vous souhaitez que, sur votre région, on puisse rapprocher ? et là je simplifie, là, parce qu'on n'a pas beaucoup de temps ? rapprocher le savoir, la recherche et l'entreprise. C'est un peu ce que je comprends.
Donc, si on allait dans ce sens-là, qu'est-ce que ça veut dire pour vous en termes de gouvernance? Parce qu'en plus, aujourd'hui, c'est la Conférence régionale des élus de la Côte-Nord qui sont devant nous. Donc, en plus, vous êtes les leaders qui venez présenter le projet et vous venez parce que vous représentez, bon, toute la conférence régionale des élus qui est composée de membres qui reflètent toute la diversité de votre communauté. Donc, est-ce qu'à ce moment-là vous... parce qu'aujourd'hui on discute de gouvernance dans les universités, est-ce que cette gouvernance-là... Est-ce que ce fait, qu'on discute de gens qui sont externes aux universités, qui proviennent des milieux, mais qui parfois proviennent... bien, en fait, pas parfois, actuellement proviennent beaucoup du milieu des affaires... Vous, là, ça n'a pas l'air de vous faire peur. Au contraire, vous avez l'air de vouloir rechercher le rapprochement entre l'industrie et, en toute simplicité, le savoir et la recherche, et que c'est pour ça, à partir de ces besoins du milieu, que vous dites: Nous, on pense que, si on avait une université chez nous, ça viendrait renforcer notre capacité non seulement de se développer, mais notre capacité, j'imagine, de garder aussi nos gens en région, puis aussi de pouvoir satisfaire les besoins de main-d'oeuvre.
Et dans votre cas, là, sur votre région, c'est beaucoup, beaucoup de la main-d'oeuvre très spécialisée, là, on parle... et de niveau effectivement... Si on prend des ingénieurs, par exemple, chez vous, là, c'est des ingénieurs de très, très... des ingénieurs d'entreprise, on s'entend, là, mais à un niveau qui est très, très, très spécialisé, qui sont en mesure effectivement même de piloter des projets de recherche. C'est un peu ça que je comprends.
Le Président (M. Marsan): M. Gagné.
M. Gagné (Georges-Henri): Mme la ministre, vous avez tout dit.
Mme Courchesne: Mais je ne peux pas vous donner de réponse aujourd'hui, M. le Président. Malheureusement, je ne peux pas donner de réponse aujourd'hui. Hein? 2020, où serons-nous en 2020? Serons-nous encore sur cette terre? Je vous écoute.
Le Président (M. Marsan): M. Gagné.
n(16 heures)nM. Gagné (Georges-Henri): Par contre, c'est pour ça, Mme la ministre, qu'on se donne un délai d'une dizaine d'années pour en arriver là. Alors, on souhaite qu'en 2011 on soit affiliés à une université ? on n'a pas choisi encore laquelle ? qu'on soit affiliés à une université qui nous fasse cheminer vers 2020, pour qu'en 2020 on soit vraiment une entité autonome, un petit peu, je pense, comme ce qui s'est passé dans le reste du Québec. Au départ, il y avait un comité... ou une organisation qui était affiliée avec une université locale. Puis éventuellement on vole de nos propres ailes. Alors, c'est ce qu'on... c'est ce qu'on se propose.
On est, je pense, quand même assez lucides. Je sais que c'est un grand défi, mais on pense, comme vous venez de le dire, avec toutes les ressources naturelles qui se passent chez nous, avec l'exploitation de ces... avec les grandes entreprises qui sont là, qui ont besoin de plus en plus de main-d'oeuvre spécialisée, effectivement, si on veut réussir... si on veut réussir également le plan Nord, je pense qu'il faudra nécessairement avoir beaucoup de savoir sur la Côte-Nord.
Le Président (M. Marsan): Merci. Alors, je vais reconnaître...
Mme Courchesne: Juste une petite...
Le Président (M. Marsan): Oui, Mme la ministre.
Mme Courchesne: Juste une petite dernière. Vous m'ouvrez une porte, là, que... Justement, là, le plan Nord, là, croyez-vous... J'imagine que vous croyez à ça, vous, le plan Nord? Hein?
M. Gagné (Georges-Henri): Si la...
Mme Courchesne: J'imagine que vous croyez à ça, vous, le développement du Grand Nord?
M. Gagné (Georges-Henri): Mme la ministre, si la Côte-Nord ne croit pas au plan Nord, je ne penserais pas qu'il y ait de plan Nord.
Mme Courchesne: Bon. Alors... Donc... Mais est-ce... Vous savez, je trouve ça intéressant... Juste terminer là-dessus, parce que... Est-ce que, par exemple, on peut imaginer effectivement une université du savoir mais pour le Grand Nord? Là, je vais plus au nord que Baie-Comeau et Sept-Îles. Est-ce que vous pensez qu'on pourrait... que ce serait pertinent de créer une université mais qui soit vraiment axée sur les enjeux problématiques, mais surtout sur les solutions et les innovations pour les communautés du Grand Nord aussi? C'est-à-dire qu'on puisse faire un maillage entre l'expertise d'un peu plus au sud, mais qui puisse, cette expertise-là, s'exporter au bénéfice des communautés qui sont... et de la population qui sont plus au nord?
Le Président (M. Marsan): M. Gagné.
M. Gagné (Georges-Henri): Oui. Écoutez, Mme la ministre, vous avez raison. Et le plan Nord, c'est essentiellement deux régions, c'est le Nord-du-Québec et la Côte-Nord, et actuellement on est en train de préparer un plan qu'on va déposer au gouvernement du Québec dans les prochaines semaines pour identifier comment, nous, on voit le développement du plan Nord. Et vous avez... vous avez tout vu. C'est qu'on veut finalement, exactement, se rendre jusqu'à Kuujjuaq pour être capables de développer... de faire ce développement du Grand Nord et du Nord québécois en incluant tout le monde parce que, comme on dit, c'est essentiellement deux régions. Donc, oui, c'est une bonne idée qu'on identifie finalement, là, une université, là, à l'ensemble du plan Nord. Écoutez, là, on viendrait de mettre, je pense, le pied dans la porte, là.
Le Président (M. Marsan): Merci. M. le député de Charlesbourg.
M. Pigeon: Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs de la Côte-Nord. Moi, je voudrais faire un commentaire et voir qu'est-ce que vous en pensez. Je pense que vous avez raison, il faut des services universitaires, et Mme la ministre l'a bien dit, il faut que les gens aient accès à des services universitaires. Et j'essayais de réfléchir, si jamais il y avait une université éventuellement, quelles seraient ses facultés, qu'est-ce qu'on mettrait là, qu'est-ce qu'il y aurait, etc. Je regardais aussi les nombres, combien il y a d'étudiants au Québec? Il y en a à peu près 200 000, étudiants universitaires, au Québec, là, en équivalents temps plein. Vous représentez 1 % de ça; disons, 1,2 %, ça fait 2 000 et quelques étudiants. Et, si on cible, je ne sais pas, moi, le génie, etc., là, la biologie, enfin... il y aurait une...
Moi, je pense que vous avez raison: il y a une réflexion à faire sur les services universitaires dont vous avez besoin. Et je pense que vous auriez raison, il me semble, de demander à une université avec laquelle vous voulez faire affaire de tranquillement penser à des moyens de venir offrir des services chez vous, et en pensant aussi beaucoup à toutes les possibilités qu'offre la formation à distance. Parce que, de nos jours, vous n'êtes pas sans le savoir, c'est extrêmement puissant comme instrument. Et je me rappelle, comme recteur de l'Université Laval, être allé à Baie-Comeau, et le caméraman qui était là m'avait dit: Vous savez, M. le recteur, moi, je suis des cours en communications à l'Université Laval puis, il dit, c'est tout par Internet. Alors, il existe... donc, il existe... moi, je pense que, si vous y réfléchissez bien, il existe des moyens de vous offrir de meilleurs services. Ça doit être coordonné, ça doit être réfléchi, ça doit être pensé. Et il me semble que, donc, vous pourriez faire affaire peut-être avec une université, quelle qu'elle soit, puis dire: Nous développons quelque chose avec eux.
Le Président (M. Marsan): M. Gagné.
M. Gagné (Georges-Henri): Oui. Écoutez, c'est un petit peu ce qu'on propose comme tel: on propose, pour une période d'une dizaine d'années, qu'on soit accompagnés avec une université quelconque au Québec. Mais on pense qu'à cause de la recherche et de l'innovation qu'on doit faire sur la Côte-Nord et que, cette recherche-là, les résultats doivent rester sur la Côte-Nord, on pense qu'éventuellement puis à terme il faudra nécessairement, en plus de l'enseignement, qu'on ait quelque chose qui nous appartienne. Et on est conscients du défi. On est conscients également de notre poids démographique. Mais je pense qu'on doive aussi être conscients du potentiel de toute la Côte-Nord, et, si on veut développer cette Côte-Nord-là à son plein potentiel, il faut se doter de cet outil-là.
Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Mille-Îles.
Mme Charbonneau: ...je suis heureuse d'entendre parler de la mobilisation de gens pour une université, la mettre en place, et tout aussi heureuse de vous entendre parler du projet de loi puisque vous semblez l'accueillir très favorablement.
Vous avez glissé tantôt sur un sujet qui m'intéresse fortement, qui s'appelle la table interordres. Je me demandais si vous pourriez me parler de la place que vous y tenez et inversement la place qu'elle tient chez vous puisque nécessairement, dans un endroit comme chez vous, la concertation fait en sorte qu'on est capables d'avancer des choses. Donc, je voulais vous entendre un peu là-dessus.
Le Président (M. Marsan): M. Gagné.
M. Gagné (Georges-Henri): Bien, si vous permettez, je laisserais le président de notre comité répondre à cette question, parce que M. Gagnon siège et... a tout mis en oeuvre finalement l'ensemble du comité et l'interaction qui se produit avec la table interordres.
Le Président (M. Marsan): M. Gagnon.
M. Gagnon (Jacques): Oui. Bonjour.
Le Président (M. Marsan): Bonjour.
M. Gagnon (Jacques): Évidemment, comme on l'a dit tout à l'heure, le comité a été mis en place avant que la table interordres soit bien constituée. Alors, c'est sûr que nous avons travaillé... le comité, les membres du comité ont travaillé sans se préoccuper de la table interordres, qui n'existait pratiquement pas à ce moment-là. Mais, depuis que la table est en place, évidemment on a des représentants, des services universitaires donc qui siègent sur notre comité, qui, eux, font des rapports à la table interordres.
Et d'autre part il faut dire que le dossier est piloté par la conférence régionale des élus comme telle, depuis son début, et aussi je pense que la ministre, dans sa déclaration, a reconnu que c'est la CRE qui est l'interlocuteur par rapport à ce dossier-là parce qu'on l'avait pris en main. Alors, par contre, plus le dossier avance... Parce que notre projet rassembleur, présentement, il n'est pas terminé, hein, on a déterminé ensemble les assises sur lesquelles qui va... qui fait consensus, et le projet est en train de se développer. Évidemment, par la suite, il va falloir qu'il soit présenté à la table interordres, et que ça devienne un consensus avec la table interordres parce qu'on sait que c'est un incontournable, de toute façon. Or, c'est dans ce sens-là que, je pense, oui, la table interordres, on va... elle va intervenir à un moment donné. Mais, au moment où on est, là, c'est surtout des... on les met surtout au courant du travail qui se fait, puis... évidemment, là...
Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie. Ceci termine l'échange avec le parti ministériel. Nous allons poursuivre avec le parti de l'opposition officielle, et je vais reconnaître la porte-parole de l'opposition officielle en matière d'enseignement supérieur, de recherche et de développement. Mme la députée de Taillon, la parole est à vous.
Mme Malavoy: Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs.
Des voix: Bonjour.
Mme Malavoy: Ça me fait plaisir de vous voir. J'ai quelques questions à vous poser, puis mon collègue en aura aussi. Mon collègue de René-Lévesque en aura aussi, et c'est pourquoi il s'est joint à nous, à la commission.
D'abord, je suis contente que vous soyez là parce que vous faites la preuve qu'on a raison, de temps en temps, d'élargir les consultations et d'entendre des gens qu'on n'entendrait peut-être pas si on avait une liste plus... plus fermée. Je vois bien qu'aujourd'hui, on l'a évoqué, vous profitez, mais dans le bon sens du terme, de l'événement, si je peux dire, pour plaider une cause qui vous est chère. Et c'est tout à fait correct, les commissions parlementaires sont aussi faites pour qu'on aborde les questions qui nous tiennent à coeur.
Moi, j'ai une première question qui est un peu en marge du projet de loi, mais qui est en référence avec les données que vous avez dans votre mémoire. J'aimerais comprendre ce 10,9 % de la population qui, chez vous, a un certificat ou un diplôme universitaire ? ça englobe les certificats, donc une formation plus courte ? alors que, dans l'ensemble du Québec, c'est 21,4 %. C'est deux fois moins. Et donc je trouve ça préoccupant, et je me demandais si vous aviez des motifs que vous pourriez invoquer pour expliquer une telle situation qui vous défavorise, je le conçois bien.
Le Président (M. Marsan): Alors, M. Gagné?
n(16 h 10)nM. Gagné (Georges-Henri): Oui. Écoutez, effectivement, les statistiques, on peut toujours les questionner, mais la réalité, c'est celle-là. Maintenant, pourquoi on en est là? Bien, je pense qu'on a eu au... on a eu, depuis quand même un bon bout de temps, une économie de chantier sur la Côte-Nord, et également on eu aussi beaucoup de travailleurs d'usine. Vous vous souvenez que... on se souviendra qu'il y a quelques années, il y a des dizaines d'années, on employait beaucoup plus de main-d'oeuvre dans nos usines qu'aujourd'hui. Donc, il y a une partie de la réponse qui se situe là.
Et maintenant, comme on le sait puis comme on l'a dit tantôt également, les technologies ont évolué beaucoup, donc ça nous prend une main-d'oeuvre qui est beaucoup plus spécialisée, et là on est vraiment en déficit à cause de ça. Et on pense qu'une partie de la réponse se situe, là, justement dans ces deux éléments-là: économie de chantier et travailleurs d'usine.
Le Président (M. Marsan): Mme la députée de...
Mme Malavoy: Je trouve ça aussi...
Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Taillon.
Mme Malavoy: Oui, merci. Je trouve ça éclairant, et vous avez certainement raison. Je me demandais s'il y a aussi des gens qui éventuellement vont ailleurs chercher une formation universitaire et ne reviennent pas dans votre région, s'il y a une perte de ce point de vue là, auquel cas, c'est sûr, votre population est peut-être peu scolarisée, mais, s'ils avaient pu revenir chez eux et peut-être faire fructifier leurs connaissances dans votre région, peut-être que le pourcentage serait plus élevé. Est-ce que ça peut aussi être un facteur?
Le Président (M. Marsan): Alors, M. Gagnon, je pense, vous demandez la parole.
M. Gagnon (Jacques): Oui. Vous savez que le problème... le problème, c'est toujours un peu ça, c'est que nos jeunes, quand ils sont rendus au niveau universitaire, si on n'offre pas ces cours-là dans le milieu, ils vont à l'extérieur et généralement se trouvent une job à l'extérieur, donc ne reviennent pas chez nous. Alors, c'est certain que... Aussi, le fait que... le fait que nos cours universitaires dépendent des universités à... lesquelles on est affiliés, et aussi le fait que nos corporations ne sont pas... n'ont pas de subventions très fortes pour s'occuper du développement des services universitaires.
Vous savez que la corporation... les deux corporations ont 100 000 $ chacun annuellement, 100 000 $ annuellement pour être capables de travailler avec les universités avec lesquelles... avec Chicoutimi puis avec... généralement avec l'UQAR un peu moins parce que maintenant l'ouest est devenue une maison de courtage, donc avec différentes universités. Donc, ça devient difficile de... de... à cause aussi évidemment qu'il n'y a pas une clientèle, non plus, nombreuse au maximum, donc ça prend des critères un petit peu plus larges pour nous. Donc, il faut compenser, et le 100 000 $ ne compense pas toujours. Donc, ça ne répond pas nécessairement toujours aux besoins qu'on a de... pour le nombre qu'on voudrait avoir, évidemment, là, au niveau de ces cours-là.
Il faut dire aussi que... Écoutez, depuis une trentaine d'années, on a des universités qui donnent des cours, hein, et on a chez nous, donc Chicoutimi, donc Rimouski, et, malgré tout ça, malgré les efforts de nos corporations, on a le taux de diversification le plus bas, on a un taux de scolarité universitaire très bas et aussi même au cégépial puis au niveau secondaire, puis on a un taux d'innovation très bas. Malgré tout ça, malgré qu'on a... que ces universités-là, depuis une quarantaine... une trentaine d'années, donnent des cours chez nous, on n'a pas été capables de s'élever plus haut que ça. Donc, c'est là qu'on s'est dit: Il y a toujours bien quelque chose qui ne va pas. Il faut absolument qu'on se prenne en main puis qu'on n'attende pas après les autres universités pour faire notre développement.
Parce que, on l'a dit tout à l'heure, la Côte-Nord, c'est la... c'est un champ, un champ de cueillette de données. Toutes les universités ou à peu près du Québec viennent faire de la recherche chez nous, mais pas commandée par chez nous, là, hein, commandée par un professeur, par un chercheur, par une université. Donc, ils viennent faire de la recherche, que ce soit sur la forêt, que ce soit sur bien des domaines, mais les données retournent puis les chercheurs avec. Donc, ce qu'on veut, nous, on veut avoir des chercheurs chez nous, on veut avoir des professeurs chez nous, qui demeurent chez nous, puis qui vont participer au développement de nos entreprises puis au développement de notre société. C'est ça qu'on n'a pas, ce support-là; on n'a pas cet outil-là. Demain matin, enlevez l'UQAT, hein, enlevez l'UQAR, enlevez l'UQAC, enlevez ça dans ces régions-là, où est-ce qu'elles seraient, ces régions-là, aujourd'hui, hein? Bon, bien, c'est ça qu'il faut se poser la question. Nous, on ne l'a pas, puis on n'est pas rendus où est-ce qu'on aurait voulu se rendre, puis c'est là qu'on veut se rendre parce qu'on est en retard, puis, de plus en plus, à tout bout de champ, à chaque six mois ou à chaque mois, une université à l'extérieur part une chaire sur un sujet de la Côte-Nord, hein, que ce soit l'érosion des berges, que ce soit... sortez-en, il y en a, là... il y en a partout. Donc, on dit, là: C'est à nous à se prendre en main puis être capables de se développer. Puis c'est possible d'avoir une université. On l'a dit, quand c'était... l'UQAT a voulu se mettre en place: Voyons donc! vous avez rien que 150 000 personnes; pas possible. Aujourd'hui, allez voir l'UQAT, c'est un modèle, hein, c'est un modèle, l'UQAT, pour les régions. Et ça prend... Une université régionale, c'est dévolu d'abord à sa région.
Quand ils vont à l'extérieur, c'est pour faire leur développement, pas nécessairement pour nous développer. Or, c'est dans ce sens-là. Donc, on a besoin d'une organisation, chez nous, pour être capables de se développer et mettre en place la recherche. On est faibles en recherche. Pourtant, on est l'une des régions où les ressources sont les plus nombreuses, mais on est restés avec l'exploitation... Encore, avec les ressources naturelles, on n'a pas de diversification, on ne fait pas la première, deuxième transformation.
M. le Président, je vais vous le dire, ça fait 40 ans qu'on parle de deuxième puis de troisième transformation. Puis aujourd'hui, venez voir, je vais vous dire, il ne s'en fait pas bien, bien chez nous. Pourquoi? Parce qu'on n'a pas l'outil principal, et cet outil-là, on veut l'avoir à notre mesure, adapté à notre territoire. C'est un grand territoire, mais je pense qu'on est assez intelligents, si vous voulez, puis assez innovateurs pour être capables d'avoir un projet qui va répondre aux besoins de notre milieu. Merci.
Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Taillon.
Mme Malavoy: Oui. J'allais dire... j'allais dire que vous plaidez fort bien votre cause. Puis il y a une image qui me venait, c'est que, dans le fond, vous trouvez que vos ressources naturelles, on les exploite trop facilement, et que la deuxième et troisième transformation ne se fait pas chez vous. Mais ce que vous êtes en train de nous dire, c'est qu'également, pour ce qui est du savoir, on utilise ce qui se passe chez vous, mais ce n'est pas vous qui donnez l'impulsion et ce n'est pas vous qui êtes les initiateurs et ce n'est pas vous qui faites les choix.
On pourrait peut-être avoir une courte remarque, mais ensuite je vais laisser mon collègue de René-Lévesque vous poser des questions, je sais qu'il en brûle d'impatience parce qu'il vous connaît... il vous connaît bien. Il a des choses à vous demander.
Le Président (M. Marsan): Alors, M. Gagné.
M. Gagné (Georges-Henri): Oui. Juste pour vous souligner que, comme vous vous en êtes rendu compte, on a un président qui est passionné, il croit au développement d'une université sur la Côte-Nord, et je pense que tous les propos que M. Gagnon vient de tenir, c'est un message de l'ensemble de la Côte-Nord qu'il vient de vous livrer.
Le Président (M. Marsan): Je vous remercie. Et, avant de laisser la parole au député de René-Lévesque, je voulais simplement rappeler notre règlement 132: «Le député qui n'est membre d'aucune commission peut participer sans droit de vote aux travaux de toute commission.» Alors, en vertu de ce règlement-là, ça me fait plaisir de reconnaître le député de René-Lévesque.
M. Dufour: Oui, merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. Gagné, rebienvenue en commission parlementaire, M. Gagnon, M. Hamelin. Alors, effectivement, oui, c'est un défi, et je prenais des statistiques chez nous, M. le Président puis Mme la ministre, pas plus tard que voilà deux semaines. Alors: la Côte-Nord a déjà eu 107 000 habitants, on est rendus à 97 000 habitants au moment où on se parle, et la tendance, pour les 10 prochaines années, ça va être encore une perte de 10 000.
Alors, ce que la députée de Taillon disait, les réponses qui nous ont été faites, ce n'est pas compliqué beaucoup, c'est qu'effectivement la Côte-Nord est la plus jeune région administrative, elle a été peuplée par la rive-sud et par le monde du Saguenay. Donc, quand le monde prennent leur retraite, ils quittent. À certains égards, quand les enfants quittent la région pour s'en aller aux études universitaires, ils ne reviennent pas non plus, ou les parents vont les rejoindre, aussi. Alors, c'est pour ça qu'on vit une démographie extrême sur la Côte-Nord.
On a un autre phénomène aussi qui est la consolidation d'entreprises, et je vous donne juste un exemple. La modernisation d'Alcoa va commencer, j'ai 1 800 emplois permanents; quand ça va être modernisé, j'en ai 1 500. Alors, c'est comme ça. Par rapport aux technologies, il faut être capable de se diversifier, et je pense que l'accessibilité aux études supérieures, là, le savoir est une belle prise. Et le mandat que la conférence régionale des élus a, elle l'a eu lors du forum Pour une Côte-Nord tournée vers le monde où est-ce qu'on disait: La Côte-Nord, c'est un beau garde-manger; le monde viennent chercher la première transformation, on s'en va puis on regarde rentrer les meubles, après. Alors, il n'y a pas de deuxième puis il n'y a pas de troisième transformation, et on pense que la Côte-Nord se doit d'avoir des services universitaires, peu importe la manière dont on va le faire. Puis c'est la question que je vais poser à mes intervenants, parce que j'ai déjà même rencontré la ministre avec la Corporation des services universitaires chez nous pour «upgrader» le budget, parce qu'on avait 50 000 $ avant, c'est rendu à 100 000 $ aujourd'hui. Alors, le savoir est d'une importance capitale par rapport à la démographie sur la Côte-Nord.
Là où est-ce que je veux vous entendre, c'est que vous mettez, en page 7, les principales étapes à franchir, ou les étapes franchies à ce jour et les étapes à venir. Bon. Qui fait partie de votre comité, un? Et quelle est la vision de l'université que vous voyez sur la Côte-Nord? Parce que mieux diviser pour mieux régner, jamais on ne va avoir une piste d'atterrissage. Alors, on va-tu se chicaner si ça va être à Sept-Îles ou à Baie-Comeau? Quelle est la vision de la conférence régionale des élus pour les services universitaires qu'on se devrait de donner par rapport à l'étendue du territoire qu'on a?
Le Président (M. Marsan): M. Gagné.
n(16 h 20)nM. Gagné (Georges-Henri): Merci, M. le député, de la question. Écoutez, on ne veut pas construire un énorme bloc de béton. Ça, c'est très clair, là; on ne veut pas construire ça. On veut avoir des services universitaires éclatés sur l'ensemble du territoire. Comme je l'ai dit tantôt, on a six territoires, on veut avoir des services dans ces six territoires-là.
Et également ce que je voudrais vous dire, on a une particularité sur la Côte-Nord: entre 12 % et 13 % de notre population est autochtone. Il y aura besoin de former cette main-d'oeuvre-là parce que c'est la relève de demain. Vous savez que, dans les réserves autochtones actuellement, on a une main-d'oeuvre qui est très jeune, et c'est cette main-d'oeuvre-là qu'on aura besoin pour continuer de développer la Côte-Nord. Donc, cette particularité-là de la Côte-Nord également fait partie de notre stratégie. Donc, les six territoires qu'on a plus le développement de la main-d'oeuvre dans les territoires autochtones vient, je pense, en quelque sorte confirmer, là, cette volonté-là.
Quand on sera rendus à mettre en place les services administratifs d'une université sur la Côte-Nord, je pense qu'on va être assez des grandes personnes pour déterminer où on va les installer. Mais soyez assurés que, nous, ce qu'on souhaite, ce n'est pas nécessairement une grosse université en quelque part, c'est des services universitaires qui nous appartiennent et qui sont déployés sur l'ensemble du territoire.
Le Président (M. Marsan): M. le député de René-Lévesque, en terminant.
M. Dufour: Bien, peut-être... simplement: Qui fait partie du comité?
Le Président (M. Marsan): Alors, M. Gagnon.
M. Gagnon (Jacques): Oui. Je pourrais peut-être compléter. Sans nommer des noms, je pourrais peut-être vous dire qu'on a des hauts représentants d'Alouette... un haut représentant d'Alouette qui siège avec nous; d'Alcoa; de ArcelorMittal, donc anciennement Cartier Mining; on a aussi d'Hydro-Québec. Alors, vous voyez qu'on s'est joint, là, les grandes entreprises, parce qu'on sait que c'est là qu'est la partie importante. On a aussi des gens évidemment de CLD: donc d'organismes locaux, de syndicats; ministères. Et on a deux représentants, depuis un an, avec nous, des services: donc, de la corporation de l'ouest et deux représentants des services universitaires de l'est. Donc, ils travaillent depuis deux ans... depuis un an sur ce dossier-là.
Juste pour compléter, quel genre d'université qu'on... quel genre d'organisation qu'on veut? Je vais juste reprendre rapidement les assises puis... les assises qu'on s'est données puis qui ont fait consensus, c'est la base de notre organisation, hein: On veut une organisation régionale, donc qui couvre tout le territoire, pas seulement Baie-Comeau puis seulement Sept-îles, on veut tout le territoire; donc, que ce soit Fermont, que ce soit la Basse-Côte, que ce soit la Haute-Côte-Nord. Et, avec les moyens techniques qu'on a aujourd'hui, on est capables de le faire; il s'agit d'être innovateurs dans ça, hein? Je pense que... Et, si on prend l'exemple de l'université en Norvège, Tromso qu'on appelle, hein, qui est 70e, je pense, là, parallèle nord, une des universités les plus au nord, ils réussissent à s'en sortir.
Une organisation autonome, pour être capables d'être maîtres chez nous, dans le sens d'être capables de prendre nos propres décisions. Puis si... pendant le temps qu'on sera affiliés, de dire à une université: C'est ça qu'on veut, hein, on veut un champ de recherche dans tel domaine, dans tel créneau, c'est ça qu'on veut. On veut telle formation qui correspond à nos besoins présentement. C'est ça qu'on veut.
Une organisation concertée adaptée aux caractéristiques de la région, donc tous les acteurs sont d'accord, parce que, si nos acteurs, autant économiques, sociaux et évidemment au niveau universitaire, ne sont pas d'accord, on n'aura pas de projet, hein? Vous savez, ça prend un consensus global.
Puis une offre de services multiples-campus. C'est-à-dire qu'on a... six... excuse, six territoires, dont cinq MRC? C'est ça? Je m'excuse, là, d'avoir... Et évidemment ce qu'on veut, c'est que, dans chaque MRC ou dans chaque territoire, il vient une organisation, qu'on appellera une corporation, qui, elle, va être capable d'aller dans... de rencontrer ses gens, de concerter ses gens, puis de dire: C'est quoi, la recherche qu'on peut faire chez nous, hein? Donc, on pourra avoir un laboratoire, si on est capables d'en avoir un. C'est quoi, la formation qu'on peut avoir chez nous? Donc, chacun va le faire.
Aujourd'hui, les corporations, elles couvrent tout un grand territoire. Par exemple, celle de l'ouest couvre de Baie-Trinité à Tadoussac, et l'autre couvre de Baie-Trinité à aller jusqu'à Blanc-Sablon, en passant par les villes nordiques. Alors, pensez-vous que... Ils ne se préoccupent pas de... hein? Ils n'ont pas le temps de se préoccuper de tous ces besoins-là. Or, nous, ce qu'on veut, c'est qu'il y ait des corporations.
Ces corporations-là n'administreront pas. Ils sont là pour mordre les jarrets... Excusez. Ils vont être là pour mordre les jarrets de l'administration, de dire: Nous autres, c'est ça qu'on a besoin chez nous; vous allez l'organiser comme ça.
Le Président (M. Marsan): D'accord.
M. Gagnon (Jacques): C'est dans ce sens-là, et chacune va le faire à sa façon puis selon leurs besoins.
Le Président (M. Marsan): Alors, merci beaucoup.
M. Gagnon (Jacques): Notre organisation va être prête...
Le Président (M. Marsan): M. Gagnon.
M. Gagnon (Jacques): Oui?
Le Président (M. Marsan): Je vais vous arrêter, je veux vous remercier de votre intervention.
M. Gagnon (Jacques): Excusez.
Le Président (M. Marsan): On sent vraiment... vous êtes vraiment pris par le dossier, et on apprécie beaucoup votre témoignage.
Ceci termine les échanges avec la partie de l'opposition officielle. Je vais maintenant reconnaître le deuxième groupe d'opposition et son porte-parole en matière d'éducation, d'identité et de culture. M. le député de Chauveau, la parole est à vous.
M. Deltell: Merci beaucoup, M. le Président. Messieurs, soyez les bienvenus. Soyez sans crainte, ça s'en vient, je pense que vous allez pouvoir mordre le jarret encore plus tantôt.
Messieurs, c'est extrêmement intéressant puis surtout stimulant, vous entendre. J'ai toujours eu un beau préjugé favorable pour les gens de la Côte-Nord, particulièrement pour certains de vos fils de la Côte-Nord qui se sont illustrés sur la scène mondiale. Ça me fait plaisir de vous recevoir ici, à l'Assemblée nationale.
J'aime bien votre plan de match. Vous avez un horizon qui va jusqu'en 2020. Je trouve ça intéressant, je trouve ça visionnaire. Ce n'est pas uniquement à court terme, c'est à moyen et à long terme, avec un horizon qui a de l'allure, là; on ne parle pas de quelque chose dans 50 ans ou quelque chose dans deux ans. 2020, ça paraît... ça paraît réalisable.
Vous avez... Tout à l'heure, mon confrère de René-Lévesque vous a posé la question sur comment vous... quelle est votre vision, comment vous la voyez: pas de blocs de béton déployés partout. Ça va, c'est intéressant. J'aimerais revenir, par exemple, sur la question qu'a posée mon confrère de Charlesbourg tout à l'heure sur quelle est votre... comment vous voyez votre université? Est-ce que c'est une université à vocation générale ou à vocation plus précise, comme par exemple davantage centrée sur le monde marin ou encore sur le monde minier? Si c'est le cas, c'est davantage centré... Vous savez qu'il y a déjà des centres universitaires qui sont spécialisés là-dedans. Vous risquez, sans nécessairement mordre le jarret, vous risquez d'enlever une portion à l'un, une portion à l'autre. Ne craignez-vous pas qu'il y ait une certaine retenue par rapport à ça?
Et, dans un deuxième temps, vous avez parlé beaucoup de recherche et d'innovation. On ne parle qu'à ce moment-là du deuxième et du troisième cycle, si on parle de recherche pure, et tout ça. Quelle est votre vision que vous avez au plan, je dirais... Vous avez parlé d'une université éclatée, mais, au plan académique, comment vous voyez ça?
Le Président (M. Marsan): Alors, M. Gagné.
M. Gagné (Georges-Henri): Bien, écoutez, votre question, finalement, on peut peut-être la traiter en deux volets. Il y a le volet éducation, qui sera déterminé finalement par les besoins de chacun des territoires, puisqu'on vous l'a dit que c'était finalement une université éclatée. Également, vous connaissez un petit peu la Côte-Nord, à ce que je peux comprendre. Donc, on a une région qui est grande comme un pays, donc les besoins sont très diversifiés d'un secteur à l'autre. Donc, au niveau de l'enseignement, je pense qu'il faudra y aller avec les spécificités de chacun de ces territoires-là: en Basse-Côte-Nord, on va sûrement parler beaucoup de pêche; si on s'en va dans le secteur de la Minganie, on va parler probablement de mines; en Sept-Rivières également. On va parler de forêts beaucoup en Manicouagan; en Haute-Côte-Nord, on va beaucoup parler de tourisme. Et, si on s'en va à Schefferville puis dans le secteur du Nord, bien, on va parler probablement d'une spécificité pour le plan Nord, pour le secteur Nord. Donc, vous voyez, là, on ne peut pas déterminer, ici, aujourd'hui, les besoins d'une telle université, à cause justement de cette étendue-là.
Et également, au niveau de la recherche, ça va être encore exactement la même chose, ça va être pointu pour chacun des six territoires, parce que c'est un pays dans... c'est presque six provinces dans un pays, notre région. C'est pour ça finalement que c'est dur de dire aujourd'hui: On va se limiter à un créneau qui serait la pêche, ou la forêt, ou l'énergie, je pense qu'il faudra ouvrir beaucoup plus grand que ça.
M. Deltell: C'est pour ça que vous vous donnez 10 ans...
M. Gagné (Georges-Henri): Voilà, c'est ça, oui.
Le Président (M. Marsan): Oui. M. Gagnon, il reste une minute et c'est à vous.
M. Gagnon (Jacques): Oui. Juste pour vous dire... un des éléments majeurs qui sera une des bases, évidemment, là, c'est la recherche, O.K., parce que la recherche mène souvent à la formation, hein? Un chercheur va s'installer, il va faire... il va... soit un doctorat, et là il va aller chercher des étudiants, puis là ça mène à la formation. Donc, étant donné qu'on veut mettre beaucoup d'accent sur la recherche, on sait que la recherche va mener beaucoup aussi à la formation. Alors, je voulais ajouter ça comme élément, là.
M. Deltell: Vous n'avez pas peur...
Le Président (M. Marsan): M. le député de Chauveau, en terminant.
M. Deltell: Oui, merci. Vous n'avez pas peur d'aller picorer ailleurs puis que justement des gens de Rimouski ou des gens de l'Abitibi disent: Aïe! c'est dans ma cour, ça, là, là?
Le Président (M. Marsan): Oui. M. Gagné.
M. Gagné (Georges-Henri): Bien, écoutez, c'est bien sûr que, si éventuellement on a une université sur la Côte-Nord, c'est bien sûr qu'on va déranger quelqu'un, puis ce sera correct comme ça, parce que finalement... finalement, on a droit aussi à avoir notre place sur la Côte-Nord.
Le Président (M. Marsan): Alors, laissez-moi vous remercier bien sincèrement pour ce témoignage vraiment passionné; remercier M. Gagné, M. Hamelin et M. Gagnon, de la Conférence régionale des élus de la Côte-Nord.
J'inviterais M. Hubert Laforge à venir prendre place à notre table.
Je vais suspendre pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 16 h 30)
(Reprise à 16 h 32)
Le Président (M. Marsan): Alors, nous reprenons nos travaux et nous accueillons M. Hubert Laforge. M. Laforge, vous avez 15 minutes pour nous présenter votre mémoire. Il me fait plaisir de vous accueillir.
M. Hubert Laforge
M. Laforge (Hubert): ...la question précédente est absolument passionnante. J'ai vu tellement, je dirais, de fausses pistes de démarrage d'université. Je ne parlerai pas d'ici trop, trop, mais en pays d'Afrique en particulier et d'Asie, où on ne rêve... M. Laforge, vous êtes là? Y a-t-il une... comment, une bourse pour moi pour aller étudier chez vous? Les premières demandes qu'on me fait à Conakry ou ailleurs. C'est absolument fou. Mais je leur disais: Mais restez chez vous, la connaissance se transporte aujourd'hui, d'autant plus que les retours ne sont pas ce qu'on pense. Quand il y a retour des étudiants qui vont à l'étranger, vous savez, on a des exigences presque d'étranger, et ça ne facilite pas la prise en main de soi-même. J'ai vu comment Kamsar et l'Alcan, etc., en Guinée-Conakry, on en parle aujourd'hui pour des drames absolument inouïs, mais ces pays-là ne s'en tireront pas tant qu'ils ne se prendront pas en main eux-mêmes. Et que de fois je leur ai dit: Je vais vous décrire le Québec de mon enfance. Vous allez sourire, vous allez sourire. Moi, j'ai un étudiant venu du Lac-Saint-Jean à l'Université de Montréal, qui n'avait que 4 500 étudiants; c'était triste par rapport aux normes internationales. Heureusement, il s'est passé quelque chose d'extraordinaire, des choses... des milliers de choses extraordinaires depuis 50 ans.
Excusez-moi, M. le Président, je suis hors sujet. Voilà. Si vous permettez, je suis... je suis extérieur aux universités et aux gouvernements. Est-ce que c'est un privilège dont je puis me permettre d'utiliser... que je puis me permettre d'utiliser? Je n'ai pas d'intérêt, je suis à la retraite. J'en suis sorti, si vous permettez, mais je continue de m'y intéresser quotidiennement.
J'ai une carrière qui a été dans l'enseignement supérieur surtout dans plusieurs universités ici, au Québec, et puis en Asie, en Afrique et également dans d'autres pays. Et j'ai occupé toutes les fonctions qu'on peut imaginer, presque dans toutes les disciplines imaginables. J'avais... En cours de formation à la recherche en psychologie, au niveau du doctorat, j'avais des étudiants de toutes les disciplines, depuis l'agriculture jusqu'à la foresterie, en passant par l'administration, etc. C'était fou. Plutôt que d'avoir mes huit étudiants au doctorat en psychologie, j'en avais 60. Un plaisir que de dire qu'est-ce que c'est que chercher, qu'est-ce que c'est que trouver, comment est-ce que l'intelligence fonctionne, comment est-ce qu'elle peut être aidée par un modèle informatique. Je dis bien «aidée». À quoi veux-je en venir... est-ce que je veux en venir? Je ne sais pas, mais, enfin, je viens à mon sujet.
Une longue expérience dans les universités, oui, comme professeur, comme doyen et comme recteur et président de conseil d'administration. J'ai fait des travaux assez considérables et même de pionnier dans la comparaison des disciplines et des universités, et je continue de le faire. J'ai fait quelquefois des interventions concernant le palmarès de Maclean's, par exemple, qui rapproche les... qui voit un peu qu'est-ce qui se passe dans les universités au Canada; le palmarès de l'Université de Shanghai.
Les gens de Shanghai, où je suis allé établir des coopérations il y a 40 ans, je les vois aujourd'hui se présenter en juges des universités internationales. Je pourrais vous décrire ce qu'était cette université qui m'accueillait en 1986. Ce n'est pas possible qu'en 20 ans, aujourd'hui, ils sont les gens qui portent des jugements sur toutes les universités du monde, et on respecte leurs jugements.
Et, plus récemment, le Times de Londres a publié une étude comparative également des universités du monde. On regarde notre place. On se réjouit parce qu'on voit quelques-unes de nos universités et on se désole parce qu'on n'en voit pas assez. On se réjouit des progrès gigantesques que nos universités ont faits depuis 50 ans et on se désole que... Enfin, moi, je me désole parfois un petit peu de ne pas être sûr que le prochain bond en avant va se faire. Je ne suis pas sûr, je ne suis pas sûr.
Le Président (M. Marsan): Alors, je voudrais simplement revenir sur le projet de loi n° 38, et je pense que c'est l'essentiel de la rencontre que nous avons aujourd'hui. J'apprécie beaucoup les informations que vous venez de nous donner, je pense qu'elles sont extrêmement pertinentes. Alors, si vous voulez poursuivre sur le projet de loi.
M. Laforge (Hubert): Mme la ministre, MM. les députés, anciens collègues. Mon âge me permet-il, Mme la ministre, de vous faire une mise en garde concernant ce projet de loi? Je pense profondément qu'on s'illusionne quant à la façon de mieux assurer la bonne gouvernance des universités. Ce projet de loi menace, menace le plus important levier de la qualité, y compris de la dimension utilitaire professionnelle d'une université.
Et, en deux petits paragraphes, je vais vous dire ce à quoi je veux vous amener. Ces leviers sont l'expertise, la motivation et les initiatives du professeur. Et permettez-moi donc de revenir sur un sujet de préoccupation au sujet duquel je m'exprime de temps en temps en public, y compris pour commenter les déboires récents d'une université dont j'ai été un des... un des premiers professeurs, en 1968, si vous voulez, et pendant trois ans.
Ce que je lis sur la loi en préparation confirme mes craintes. Voilà qu'une université a échoué dans un montage financier préparé avec des milieux d'affaires. On en a blâmé la direction de l'établissement, avec raison, mais, pour être juste, il aurait fallu également aller voir du côté de l'Assemblée des gouverneurs et du côté du ministère de l'Éducation.
Pour prévenir de semblables mésaventures, vous proposez de confier à des personnes de l'extérieur la majorité des sièges au conseil d'établissement. Solution paradoxale, si on considère que, le dérapage mentionné, eh bien, les milieux d'affaires concernés étaient bien, n'est-ce pas, de l'extérieur.
Mais il y a plus grave. Non seulement cette loi n'assurerait pas, n'assurerait d'aucune façon une meilleure gouvernance, mais elle risquerait de freiner ce qui constitue le plus important facteur du dynamisme universitaire.
Je me pose la question: Y aurait-il avantage, sur les conseils d'administration, à une présence majoritaire de membres extérieurs? Faisant appel à ma longue expérience, je suis convaincu que non. En effet, je ne me souviens pas avoir observé, comme membre d'Assemblée des gouverneurs et de conseil d'administration, dans les rôles de professeur, doyen, recteur, président, que cette présence externe ait significativement aidé, la discrétion étant plutôt ce qui caractérise à ces instances les personnes de l'extérieur. J'ai la conviction qu'avec cette loi les universités ne seraient pas mieux gérées. Il faudrait trouver une autre façon de faire connaître les besoins du milieu ou de tirer avantage de ses compétences, si c'est aussi l'intention que l'on vise.
Par cette loi, on pourrait affecter subtilement mais profondément le dynamisme et donc la qualité des universités. Il est largement reconnu que l'excellence de l'enseignement et de la recherche, défi énorme dans le monde d'aujourd'hui, est fonction, en tout premier lieu, des exceptionnelles qualités et initiatives des professeurs. Les recteurs ont d'autres initiatives et ils doivent les exercer, ils doivent le faire, ils doivent faire ce qu'un recteur doit faire, mais le professeur a une mission extrêmement claire, double mission: enseignement et recherche. Le service à la collectivité, ça m'a toujours apparu... On ajoute ça parfois dans la mission, service à la collectivité. Pardon? Qu'est-ce que ça veut dire? Toujours suspect, toujours suspect. Mais c'est un autre sujet. Alors... Et ce sont eux, les professeurs en particulier, qui, se soumettant volontairement, volontairement année après année à la vive concurrence des subventions, apportent la majeure partie du financement de la recherche. Il ne faut pas oublier que le niveau de l'enseignement est étroitement lié à celui de la recherche.
n(16 h 40)n Et les amis de la Côte-Nord en sont conscients bien avant d'avoir créé leurs propres... etc. Ils veulent de la recherche chez eux, pas des délégués de Montréal ou de Québec qui viennent rapidement cueillir des données et les analyser. Je l'ai moi-même fait en des études sur les Amérindiens, des Betsiamites et des Naskapis, avec des étudiants au doctorat. C'est ça qu'on faisait. Mes étudiants passaient un été chez les Naskapis, revenaient avec leurs données, et on mettait ça dans l'ordinateur, on brassait ça pour essayer d'y comprendre quelque chose. Mais qu'est-ce qu'on laissait? Rien du tout. On allait plutôt exploiter et partir avec le produit, ce que font les alumineries, d'ailleurs, hein? Elles sortent, elles sortent. Elles arrivent avec leur minerai, sortent des lingots et s'en vont.
J'ai créé le centre de recherche de l'aluminium au Québec. Je dis: J'ai créé; j'ai fait tout ce qui a précédé, puisque la création propre de, ce n'est pas moi, ce n'est pas moi qui l'ai faite.
Il ne faut pas oublier que les niveaux de l'enseignement et de la recherche sont étroitement reliés à... Enfin, etc. Les sommes gagnées ou même arrachées ainsi à la concurrence représentent souvent le quart du budget des universités, parfois même jusqu'à la moitié de celles reconnues les meilleures. On admet largement que cet aspect de la responsabilité professionnelle... professorale constitue le plus important facteur du dynamisme, envié d'un grand nombre d'universités aux États-Unis et de plus en plus ailleurs dans le monde.
Regardez les universités qui se créent en Afrique, en... Pardon. En Afrique, c'est à venir, j'espère. En Asie, regardez ce qui se passe; ils vont nous faire des leçons très, très, très bientôt, ce qui contraste avec l'apathie parfois observée dans certaines universités dans certains pays, par exemple en France.
Ce n'est pas joli, le modèle français des universités, hein? On n'a rien à y apprendre, hein? Et la France ne va pas s'en sortir, hein, tellement la résistance même du milieu universitaire est grande, où s'opposent des universités ordinaires, négligées, pauvres. Allez visiter les universités, allez visiter la Sorbonne. Tristesse, de visiter la Sorbonne. De splendides bâtiments, anciens, naturellement, mais une pauvreté de toutes les installations. Les collègues de Sorbonne viennent ici, alors je les... je les amène à Laval; ils sont éblouis, éblouis. Il faut s'en réjouir.
Où s'opposent donc, en France, les universités ordinaires négligées à des grandes écoles et autres CNRS privilégiés ? et il faudrait voir ce qui en sort, dans la compétition internationale en particulier, tout n'est pas extraordinaire, je vous assure, alors... ? et autres CNRS privilégiés, modèle qui paralyse son enseignement supérieur et sa recherche.
M. Sarkozy disait récemment encore: On va brasser tout ça et tout reprendre ça. J'ai hâte de voir. La résistance est absolument effrayante, effrayante. C'est... Bon, en tout cas, c'est autre chose.
Et dont malheureusement... Alors, le modèle français, et dont malheureusement le Québec s'est inspiré il y a une quarantaine d'années, lorsqu'il a choisi une structure organisationnelle originale pour son Université du Québec, où il y a presque la moitié des étudiants universitaires au Québec et où, dans les évaluations, qui se veulent de mieux en mieux faites et de plus en plus objectives, eh bien, dans ces évaluations, l'Université du Québec refuse encore de fournir ses chiffres, et je me demande pourquoi.
Moi, comme recteur à Chicoutimi, pendant le court moment que j'ai été là, tout ce que je voulais, c'est qu'à Toronto on parle de Chicoutimi. Une université, vous savez, ça n'a pas de frontières.
M. Corbo, un excellent collègue...
Le Président (M. Marsan): M. Laforge, il vous reste une minute.
M. Laforge (Hubert): ... ? holà! oui ? me disait: J'ai la concurrence de McGill à côté. À Chicoutimi, vous autres, vous n'avez pas de concurrence, vous. Mais j'ai dit: Ma concurrence, moi, elle est en Europe et en Asie. Toute université a pour concurrence l'Europe, et l'Asie, et le monde. C'est une fausse vision que de penser que c'est McGill à côté, et il nous faut les sous, etc. Enfin.
Je termine. En réduisant symboliquement mais sérieusement la place des professeurs sur les conseils d'administration, le projet de loi... cette loi émettrait un bien mauvais signal. Je suis convaincu que non seulement elle n'améliorerait pas la gouvernance des établissements, mais elle affaiblirait le plus puissant levier de la qualité et du rôle d'une université, y compris de sa dimension universitaire, qui sont la motivation, l'esprit d'innovation et le dynamisme du... je ne dis pas «des», je dis «du» professeur individuel. Merci.
Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie beaucoup. Je vais immédiatement reconnaître la ministre de l'Éducation, du Loisir et du Sport. Mme la ministre, vous avez la parole.
Mme Courchesne: Merci, M. le Président. M. Laforge, bienvenue. Je vous écoute et je me dis qu'au Québec nous sommes extraordinairement privilégiés de pouvoir, au moment où nous débattons d'un projet de loi, que nous puissions rencontrer un citoyen comme vous, qui a, certes, une expérience universitaire, mais qui courageusement, je dois dire, se présente devant nous. Moi, je pense que vous êtes l'exemple qui reflète à quel point nous vivons dans une société démocratique et je vous assure que... et simplement du fait que vous puissiez. D'ailleurs, vous êtes le deuxième, puisque quelqu'un que vous avez bien connu, qui s'appelle Pierre Lucier, a fait la même démarche que vous. Mais je pense qu'il est utile de se redire publiquement à quel point notre processus législatif est ouvert et démocratique.
Je vous écoute, je vous ai lu, vous êtes... et je respecte tellement cette opinion, vous êtes très critique par rapport au projet de loi. Mais vous dites une chose un peu... Comme vous avez eu une longue carrière dans ce milieu-là, vous dites... Écoutez, c'est très, très fort, comme affirmation. Vous dites que, de toute votre carrière, vous n'avez jamais été témoin d'une contribution significative d'un membre externe ou des membres externes. C'est quelque chose, là.
M. Laforge (Hubert): C'est dur, hein?
Mme Courchesne: Bien, c'est dur... C'est plus que dur, là, c'est fort, c'est puissant. C'est une affirmation... Et là je me mets dans la peau d'un membre externe, puis j'en ai connu au conseil d'administration de l'Université Laval, que je connais très, très bien personnellement, et il me semble que, s'ils vous écoutent aujourd'hui, là, ces gens-là, qui ont aussi consacré leur vie bien sûr à leur travail, mais ils ont consacré... Je pense à un en particulier, que je... que je ne nommerai pas, je ne veux pas... je ne veux pas personnaliser le débat, mais je pense à un en particulier, là, qui a beaucoup, beaucoup, beaucoup donné de son temps, de son énergie, de son... de sa capacité de s'exprimer pour défendre les intérêts de l'université, entre autres, mais il a fait encore bien plus. Si, moi, là, je suis à la maison, et que je m'appelle... ce monsieur-là, puis je vous écoute, là, je me dis: Ah, mon Dieu! C'est quelque chose.
Et là vous dites, d'autre part: Il faudrait que ce soient les professeurs. En fait, les professeurs, les enseignants sont ceux et celles qui ont ? et ça aussi, c'est très fort, là ? contribué jusqu'à 40 %, 50 % des budgets des universités. Ce n'est pas rien, là. Juste la force professorale, là, au fil des ans, est allée chercher si fort que ça.
Ma question, M. Laforge. Aujourd'hui, là, j'imagine que vous convenez quand même que les gouvernements qui se sont succédé, là, pas seulement celui qui est en place, les autres avant aussi, là, ont aussi investi des milliards, et des milliards, et des milliards de dollars des fonds des contribuables. Alors, j'imagine que, dans votre profession d'universitaire, vous êtes quand même d'accord qu'on puisse dire à la population ce qu'on fait et ce qu'on va faire avec ces sommes investies.
Alors, ma question: Qui gère l'université? Est-ce que vous êtes pour ou contre un conseil d'administration? Si vous êtes contre un conseil d'administration, ça règle la question, mais, si vous êtes pour, qui doit faire partie du conseil d'administration, dans votre esprit, en fonction des remarques que vous nous avez faites?
n(16 h 50)nLe Président (M. Marsan): Alors, M. Laforge.
M. Laforge (Hubert): Très bien, Mme la ministre. J'apprécie vos observations, vos remarques. Vous faites allusion à des expériences qui sont personnelles, et moi, à mon parcours personnel dans ces conseils d'administration.
Mais je viens à votre question finale. Vous dites: On ne veut pas de membres extérieurs. Ce n'est pas ce que je veux dire. Ce que je dis, c'est qu'on donne un mauvais signal aux professeurs. On leur dit: Vous n'avez pas... On va vous écarter un peu. On le dira peut-être aux étudiants, mais je m'inquiéterais moins si on diminuait la représentation étudiante sur les conseils, je m'inquiéterais moins. Mais écarter symboliquement même les professeurs par leurs représentants ou autrement, diminuer le débat interne de l'université serait donner un très, très mauvais signal.
Le Président (M. Marsan): Mme la ministre.
Mme Courchesne: Mais on convient que vous... Puis je respecte votre lecture du projet de loi, mais vous concluez à sa lecture que, symboliquement, on diminuerait le nombre de professeurs au conseil d'administration, mais ce n'est pas... il n'y a pas, dans la loi, un chiffre précis qui dit: Il y a tant de professeurs de plus ou de moins par rapport à la situation interne. Ce que vous faites référence, c'est que le projet de loi dit: Il y a un pourcentage de membres externes puis un pourcentage de membres internes. Mais, à la limite, une université pourrait décider, dans son règlement de régie interne, de privilégier et le nombre et la place des enseignants à son conseil d'administration. Vous venez de dire: Si on diminue les étudiants, moi, ça me dérange moins, mais une autre université pourrait faire des choix différents. Ce que je veux dire, c'est que ce n'est pas... ce n'est pas du tout écrit de cette façon-là dans le projet de loi.
Donc, je répète ma question: Qui devrait composer... De qui devrait être composé le conseil d'administration d'une université, quelle qu'elle soit?
M. Laforge (Hubert): Il faudrait que je...
Le Président (M. Marsan): M. Laforge.
M. Laforge (Hubert): Pardon. Madame.
Le Président (M. Marsan): M. Laforge, c'est à vous la parole.
M. Laforge (Hubert): De qui devrait être composé le conseil d'administration? Je m'arrêterais un moment plus long que le présent pour vous répondre. Je retiens seulement un aspect du projet de loi, c'est qu'en augmentant considérablement la présence des personnes extérieures on écarte obligatoirement le pourcentage ou la représentation professorale. Et là, c'est là que, si vous voulez, le signal du ministère n'est pas un signal positif.
Je reviens à ce que vous avez dit précédemment. Est-ce que je suis conscient de ce que la société québécoise a consacré aux universités depuis 50 ans? Mais c'est fabuleux, ce que la société québécoise a consacré. Parce que notre gouvernement a fait ce qu'il a fait, nos universités sont ce qu'elles sont. Extrêmement honorables, je pense, extrêmement honorables. Je ne reviendrai pas sur ce que j'ai dit sur ce que je constatais de la... du niveau de nos universités francophones au Québec il y a 50 ans; eh bien, c'est absolument non reconnaissable. Et c'est grâce aux initiatives de notre gouvernement, et au plan de la recherche en particulier, parce qu'il a créé... Étant donné que le rattrapage était difficile dans certaines années, soixante, soixante-dix, par rapport aux institutions plus anciennes, de Toronto ou d'ailleurs, il a créé des moyens particuliers, de l'argent disponible additionnel pour permettre aux chercheurs...
Vous savez, moi, j'ai constaté, en psychologie, que le Département de psychologie de Toronto raflait 60 % de la subvention à la recherche de tout le Canada. Comment est-ce que des professeurs qui font des... qui préparent au doctorat et à la recherche vont-ils compétitionner contre des juges souvent qui sont en majorité de Toronto, ils sont les experts, ils sont les plus anciens, qui raflent 60 %? Eh bien, le Québec s'est donné des moyens particuliers pour faire ce rattrapage, et il l'a fait de façon splendide.
Le Président (M. Marsan): Je vais maintenant reconnaître la députée de Gatineau.
Mme Vallée: Merci, M. le Président. Alors, bonjour, M. Laforge. Merci de participer à nos échanges.
Vous mentionnez, dans votre mémoire, votre lettre ouverte, que, selon vous, le projet de loi n'apportera pas une meilleure gestion des universités. En fait, je vous cite: «J'ai la conviction qu'avec ce projet de loi les universités ne seraient pas mieux gérées. Il faudrait sans doute trouver de meilleures façons de faire connaître les besoins du milieu ou de tirer avantage de ses compétences.» Je sais que vous avez échangé avec la ministre, mais j'aimerais que vous précisiez votre pensée lorsque vous indiquez que le projet de loi n'aidera pas la gestion des universités, qu'il faudra trouver des meilleures façons de faire. J'aimerais que vous élaboriez un petit peu là-dessus.
Le Président (M. Marsan): M. Laforge.
M. Laforge (Hubert): Merci. La relation entre l'université et le milieu est fondamentale pour le dynamisme de l'institution et surtout le dynamisme du milieu au service duquel l'université se trouve. Alors, croire que la présence de personnes extérieures... que c'est au conseil d'administration, si vous voulez, que l'alimentation en besoins du milieu se fait... Partiellement, oui, un petit peu, oui, entre doyens, recteurs et quelques membres extérieurs, mais le dynamisme principal, vous savez, ça vient en très grande partie des initiatives de départements et d'individus professeurs, en très, très grande partie. Les initiatives se prennent bien avant que les rectorats, que les conseils d'administration...
Souvent, vous savez, les conseils d'administration se retrouvent devant des projets à approuver ou ne pas approuver, appuyer ou ne pas appuyer. Le dynamisme de l'université, il est extrêmement multiple. Vous avez, à Laval, 1 500 professeurs, quelque chose comme ça; bien, chacun a... enfin, doit sentir une responsabilité profonde d'être l'expert du monde dans son domaine. C'est extrêmement exigeant.
Or, on dit parfois des choses un peu dures sur les professeurs d'université. Il y avait une lettre dans Le Devoir de ce matin qui se demandait s'il n'est pas... s'ils n'étaient pas trop payés. C'est très dur, mais c'est... Vous savez, c'est quelque chose qu'on peut discuter, parce qu'il y a tellement de cas exceptionnels de dépassement, et de dévouement, et de tout ce que vous voulez qu'on ne peut pas rapidement, sur deux ou trois cas particuliers, dire: Les universités sont comme ceci ou comme cela.
Mais je ne sais pas si je réponds très bien à votre question. Il faudrait un peu plus de temps. Est-ce que c'est au conseil, en d'autres termes, que la symbiose milieu se fait vraiment?
Le Président (M. Marsan): Mme la députée... Mme la députée de Gatineau.
Mme Vallée: Bien, en fait, M. Laforge, vous avez... lorsque vous avez... dans le début de votre réponse, vous avez soulevé quelque chose, vous avez... Et peut-être que j'ai mal compris la teneur de vos propos, mais j'ai l'impression que vous nous amenez ou vous voulez nous amener à conclure que la présence de membres externes ne peut pas contribuer de façon significative aux grandes orientations de l'université.
Moi, je vais vous dire, je suis... je représente une région, qui est l'Outaouais, et les membres externes contribuent, à mon avis, à bien répondre aux besoins de notre région. Et ces membres-là participent non seulement au conseil, aux rencontres du conseil d'administration, mais participent aussi à bien d'autres rencontres: des rencontres avec des intervenants socioéconomiques, des rencontres avec des organismes communautaires. Bref, ce sont des gens qui sont impliqués dans le milieu et qui, riches de cette expérience, reviennent à la table du conseil d'administration de l'Université du Québec en Outaouais et apportent de l'expérience, et apportent des éléments substantiels. Et j'ai beaucoup de difficultés avec... à retenir vos propos lorsque vous mentionnez que... ou lorsque vous laissez sous-entendre que des membres externes ne peuvent rien apporter de bon à la gouvernance d'une université, parce que c'est un petit peu... c'est un petit peu ce qui est écrit dans votre lettre.
Le Président (M. Marsan): Alors, la parole est à vous, M. Laforge.
n(17 heures)nM. Laforge (Hubert): Que vous répondre? J'insiste de nouveau: Les relations milieu et université ne se font pas qu'au conseil d'administration; elles se font dans les départements et elles se font beaucoup entre les entreprises, le milieu, les divers besoins et le professeur lui-même. Beaucoup, beaucoup. Ce que j'en veux au projet de loi, c'est de soudainement donner une importance majeure à cette présence extérieure au conseil, et donc, en conséquence, d'en diminuer... de diminuer symboliquement... Tous les professeurs ne sont pas au conseil, vous savez, puis ils veulent bien s'en tenir à distance souvent, ils ont bien d'autres chats à fouetter. Mais, de diminuer le poids apparent au moins de leur importance dans l'université, c'est ce à quoi je m'en prends seulement. Le reste, c'est partiellement anecdotique et partiellement expérience personnelle. Vous pouvez avoir des expériences tout à fait différentes vous-même et des expériences extrêmement... extrêmement réjouissantes, et, moi-même, j'en ai, si vous voulez.
Le Président (M. Marsan): Ça va, Mme la députée? C'est bien. Alors, je vous remercie. Ceci termine nos échanges avec le parti ministériel. Nous allons poursuivre avec l'opposition officielle, et je vais reconnaître Mme la députée de Taillon.
Mme Malavoy: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Laforge. Et je reconnais, moi aussi, que c'est tout à fait un signe de pertinence, là, qu'un citoyen qui a votre expérience puisse venir s'exprimer. En même temps, par la force des choses, votre document est succinct, donc on va revenir un peu sur les mêmes questions, parce que c'est bien naturel, c'est plus une lettre que vous adressiez à la ministre pour faire part de vos préoccupations.
Je reviendrais, moi aussi, sur la question des membres externes. J'ai souligné la même phrase que tout le monde et j'aimerais que vous me précisiez une chose d'abord. Parce qu'il y a un enjeu autour de la composition du conseil d'administration, c'est évident, on y revient très régulièrement dans nos échanges, mais c'est une chose que de dire: Le problème, c'est leur présence, et c'en est une autre que de dire: Le problème, c'est leur poids relatif et leur prépondérance au sein de ce conseil. Donc, j'aimerais que vous reveniez sur cette fameuse phrase, là: «Je ne me souviens pas d'avoir observé que cette présence externe ait significativement aidé, la discrétion étant plutôt ce qui la caractérise.» Donc, j'aimerais que vous me reveniez sur d'abord l'idée d'une présence de membres externes, avec le type de contribution que cette présence pourrait apporter.
Le Président (M. Marsan): M. Laforge...
M. Laforge (Hubert): Merci, Mme la députée.
Le Président (M. Marsan): M. Laforge, la parole est à vous.
M. Laforge (Hubert): Une présence externe que j'aimerais voir, et qui serait très légère, et qui pourrait éviter des déboires comme ceux que l'UQAM a connus, ce serait peut-être la présence du ministère sur nos conseils d'établissement, une personne; plutôt que de réclamer les procès-verbaux qui vont s'empiler au ministère, vous savez, à l'infini et que personne ne va analyser, s'il y avait un chien de garde. Puisque c'est l'État qui fournit presque le budget, enfin, une très, très grande partie du budget de l'institution, je ne vois pas pourquoi l'État ne serait pas là au moins pour observer. Ce serait léger, ce serait facile, et ça ne menace personne.
Et, à votre autre question, je dis: Je n'en veux pas à la présence des personnes externes. Je pourrais faire appel à certaines anecdotes amusantes, si vous voulez, de personnes spécifiques sur les conseils d'administration et que je sentais n'être là que dans l'attente d'un contrat judicieux. Mais c'est méchant, vous voyez, et c'est particulier, et ce n'est certainement pas général. Donc, loin de moi de penser que la présence extérieure au conseil est à écarter, au contraire. Ce que je crains, c'est le signal que vous donnez à votre principal levier de dynamisme de l'université. Mettez-le, considérez-le comme un joueur secondaire, et les conséquences peuvent être absolument terribles.
Regardez dans des universités même de petite taille, vous savez, même de très petite taille, 4 000 ou 5 000 étudiants. Si vous allez dans un village du New Hampshire, il y a une université qui s'appelle même «College», mais qui est depuis très longtemps une université de recherche de très haut calibre. Quand il y a un poste de professeur, on veut l'avoir depuis le Japon, et l'Inde, et partout dans le monde. Ça s'appelle le Dartmouth College, imaginez, et le village, personne ne le connaît, c'est le Hanover. Et j'ai fréquenté également l'Université Cornell. Il n'y a même pas 20 000 étudiants à Cornell, et c'est dans la forêt, c'est dans la boue, c'est des terres agricoles, personne ne sait que c'est à Ithaca. Vous savez, ce n'est pas parce qu'on est à Chicoutimi que c'est une université moins importante ou parce qu'on est à Québec et que, pour être bon professeur d'université au Québec, ce n'est pas à Québec. Québec, c'est un village, vous savez. Il faut s'en aller à Montréal, naturellement, c'est là qu'est la concentration, etc. C'est totalement faux. Le professeur d'université n'a pas de frontières quant à la qualité, la nature, le contenu de son enseignement, ni de sa recherche.
Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Taillon.
Mme Malavoy: Oui. Je vais revenir quand même à mes questions parce qu'effectivement le professeur d'université n'a pas de frontières. Je vous suis là-dessus. Mais j'ai besoin d'un éclairage plus précis sur certaines choses. Bon. Vous dites que, votre expérience, c'est que les gens de l'externe sont trop discrets et puis vous indiquez qu'à l'occasion ils sont là pour leurs intérêts. D'autres personnes ont pu venir nous dire des choses semblables, mais je comprends que vous ne généralisez pas pour autant. Mais, quand vous dites qu'ils sont trop discrets, est-ce que... est-ce que je dois en conclure que ceux que vous avez vus ne jouaient pas leur rôle? Soyons clairs, là, parce qu'être trop discret, ça veut dire quoi? J'aimerais que vous me précisiez le résultat de cette discrétion.
M. Laforge (Hubert): De ne pas participer aux débats.
Le Président (M. Marsan): M. Laforge, la parole est à vous.
M. Laforge (Hubert): Ça veut dire ne pas s'impliquer, ne pas être d'accord... d'être en désaccord avec certaines choses ou en accord avec d'autres. C'est être discret. On est là avec des universitaires éminents et des recteurs plus respectables les uns que les autres, et puis on s'assied gentiment et puis voilà. J'imagine qu'en dehors il se passe des choses. Oui, il s'en passe en dehors, en sortant, etc. Mais, les débats, je n'ai pas observé de prise en charge du débat au niveau des conseils par les personnes extérieures aux conseils. Certainement pas.
Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Taillon.
Mme Malavoy: Je comprends que vous dites: Ils n'osent pas. Dans le projet de loi et dans les discussions que nous avons depuis maintenant quelques semaines, certains sont venus nous dire: Il faudrait mieux préciser les caractéristiques des membres de l'externe. Autrement dit, pour éviter de n'avoir, par exemple, que des gens du milieu des affaires qui éventuellement pourraient avoir des intérêts, il faudrait que la représentation de membres externes soit plus diversifiée et corresponde à plus de milieux différents dans une région. Et qu'en pensez-vous? Est-ce que vous croyez que c'est souhaitable et que c'est faisable?
Le Président (M. Marsan): M. Laforge.
M. Laforge (Hubert): Je le crois. Je le crois. Les principales entreprises des milieux où j'ai oeuvré, où j'ai eu des fonctions administratives, si vous voulez, ont joué des rôles très, très satisfaisants, des présences aux fondations, des présences aux conseils. Et je ne dis pas qu'elles intervenaient dans le débat des choses académiques, mais leur présence et leur influence, et le coup de main qu'elles ont donné au plan financier, et autres, à la création de centres de recherche, au développement, etc., d'enseignement, ah ça, c'était incontournable, absolument nécessaire. Alors qu'on distingue bien, si vous voulez, le rôle de la personne extérieure, au conseil d'administration, versus le poids professoral que l'on veut... que l'on souhaite. Là, après les déboires de l'UQAM, c'est comme si on disait: Au Québec, les professeurs se sont mêlés de ça. Voyez à quoi ça a tourné. C'est totalement faux. C'est une analyse extrêmement rapide, et cruelle, et méchante.
Alors, présenter un projet de loi pour prévenir, j'imagine, en partie, ce qui s'est produit là-bas et proposer l'un des aspects de la loi comme celui-là, ça me paraît difficile.
Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Taillon.
Mme Malavoy: Bien, dans le cas précis de l'UQAM, les professeurs sont venus nous dire eux-mêmes, citations à l'appui, qu'ils avaient plutôt sonné l'alarme et puis ils avaient plutôt indiqué qu'il ne fallait pas aller du côté de ces dérives. Donc, là-dessus, là, ils ont été assez clairs, et je pense qu'on en convient.
Vous dites que le projet de loi aurait un effet négatif sur le dynamisme et la qualité des universités. Pouvez-vous me donner un exemple de mauvais impact? Parce que vous avez quand même une assez vaste expérience, donc vous êtes en mesure d'illustrer vos propos, de donner un exemple ou l'autre de ce qui risquerait d'arriver ou de ce que vous avez déjà vu arriver et qui mettrait un peu de chair autour de cette idée de mauvais impact.
Le Président (M. Marsan): M. Laforge.
n(17 h 10)nM. Laforge (Hubert): Je prendrais un exemple, une illustration à l'extérieur: à Conakry, en Guinée, où j'ai été appelé à plusieurs reprises comme expert, si vous voulez, pour faire l'analyse de différents départements et même de différentes industries dans le domaine minier inclus, celui de l'extraction de la bauxite par les Russes, par les Ukrainiens et par le consortium de six alumineries internationales, dont l'Alcan.
Bon. C'est triste, ce qui se passe, c'est triste de voir les diplômés en génie minier de cette université, c'est triste de voir la gestion de cette université qui est totalement, si vous voulez, à la merci de personnels du ministère et des... ? comment je le dirais? ? je ne dirais pas des attentes de l'industrie... M. D'Amour, ex-vice-président d'Alcan au Saguenay, qui était le chef du consortium de six alumineries internationales, me disait: Il n'y a rien à faire, les gens n'ont pas d'initiative. Les professeurs de cette université n'ont aucune initiative et les diplômés encore moins. Ils sont des... ils ne sont même pas au niveau de nos diplômés de cégep, qui sont en général de bons exécutants, de bons... etc. Ils ne sont pas des leaders, ils ne prennent pas d'initiatives. Ils attendent. Ils font la queue devant les portes des ministères, attendant une job à vie. Puis, en attendant, ils enseignent le français ? bien, ils en savent un peu ? à des salaires ridicules, au primaire des écoles qui sont presque toutes privées. Vous savez... Oui. Enfin, je ne réponds pas à votre question, parce que je prends un exemple qui est tellement loin d'ici et peut-être un peu caricatural.
Mme Malavoy: Bien, oui, puis, honnêtement, je... honnêtement, en tout respect...
Le Président (M. Marsan): ...
Mme Malavoy: Oui, merci, M. le Président. En tout respect pour ce qui se passe à Conakry, je me sens loin de nos enjeux immédiats. Donc, j'aurais aimé, moi, puis je terminerai avec ça, j'aurais aimé que vous puissiez m'illustrer... Parce que je crois qu'il y a effectivement des enjeux importants dans le développement des universités du Québec pour les prochaines années. J'aurais aimé que vous puissiez m'illustrer, à l'aide d'un enjeu, en quoi ce qu'il y a dans ce projet de loi risque d'être périlleux. Si vous pouvez le faire.
Le Président (M. Marsan): M. Laforge.
M. Laforge (Hubert): La qualité de la recherche. La qualité de l'embauche des professeurs. Mme la «Principal» de McGill disait, peut-être pas ce matin mais à un autre moment, depuis sept ou huit ans, ou neuf ans, ils ont embauché 860 professeurs de niveau international. Bon. D'ici ou d'ailleurs, je n'en sais rien, mais de niveau international. Je dis: Les choses commencent par là. Qu'on les embauche ici, oui, bien sûr, je serais très content, qu'on les rapatrie. Et après ça vous avez les... vous avez la suite des événements. Le professeur exceptionnel, il ne veut pas se contenter d'une mission... Vous savez, tu es à Trois-Rivières, ralentis un peu tes transports, hein, tu n'es pas à Montréal, hein, etc. Du genre, une petite réflexion... Non, non. Un professeur, c'est comme un artiste, vous savez, il n'y a pas de limites à ce qu'il peut avoir comme ambition de réalisations personnelles et de réalisations dans le domaine qui le concerne. Alors, vous avez la suite. Vous avez le professeur exceptionnel, vous avez l'étudiant exceptionnel, vous avez les subventions à la recherche exceptionnelles, puisqu'au Canada et au Québec on a l'extraordinaire situation que les décisions ne sont pas arbitraires.
En France, en particulier, c'est chacun qui doit se battre chaque année. Et ça, c'est un élément de dynamisme. C'est la compétition. Certaines personnes, certains établissements la refusent plus que d'autres, mais c'est essentiel au développement. Ça, si vous voulez me poser la question, ça, c'est essentiel au développement à venir de nos universités et de la société, naturellement.
Le Président (M. Marsan): Oui. Merci, M. Laforge, et merci à la porte-parole de l'opposition officielle en matière d'enseignement supérieur, de recherche et de développement. Je vais maintenant reconnaître le deuxième groupe d'opposition et le porte-parole en matière d'éducation, d'identité et de culture, M. le député de Chauveau.
M. Deltell: Merci infiniment, M. le Président. M. Laforge, ça me fait plaisir de vous saluer. D'entrée de jeu, je dois vous dire que j'endosse à 100 % vos propos concernant les préjugés que d'aucuns peuvent avoir concernant les universités qui ne sont pas dans un centre urbain important. Je pense que vous l'avez très bien démontré, et votre expérience est pertinente. Et je fais miens également les propos de la ministre et de Mme la députée de Taillon concernant le privilège qu'on a d'avoir un homme de votre expérience venir témoigner ici. On l'apprécie grandement.
Justement, votre expérience. Vous avez su démontrer que, dans votre expérience, pour parler de la composition des conseils d'administration des gens de l'interne et de l'externe, vous avez illustré que vous avez vu des gens de l'externe qui étaient très compétents et qui avaient fait oeuvre, je dirais presque caritative, en faisant le développement des chaires et en faisant le développement de certaines subventions données, ou enfin certains centres de recherche. Et donc je vois que vous avez vu le bon côté mais également le côté plus malheureux, alors que d'autres attendaient des contrats lucratifs, ou ce que bien des gens avant vous ont dit, des gens qui ouvraient les... décachetaient les enveloppes au moment du conseil d'administration. Bref, ils arrivaient, comme des analphabètes, ils n'avaient rien lu, puis ils se présentaient devant le fait.
Vous avez parlé de l'UQAM, et, il ne faut pas se faire de cachettes, nous estimons, nous, à l'ADQ, que, si nous sommes ici et si le projet de loi est présenté tel quel, c'est en raison du fait qu'il y a eu une catastrophe financière, une dérive malheureuse et pitoyable qui a conduit à des dizaines de millions de dollars de perdus de l'argent des contribuables dans la question de l'îlot Voyageur.
Nous estimons que ce point de... que cette situation-là est arrivée malgré le fait... parce que vous avez dit tout à l'heure que peut-être, pour corriger cette situation-là, ce serait une bonne idée d'avoir un chien de garde, que quelqu'un du ministère soit présent sur les conseils d'administration. Dois-je vous rappeler, de triste mémoire, qu'à deux reprises le ministre de l'Éducation du temps avait été avisé de la dérive qui s'annonçait et que par malheur il était resté... il avait fait la sourde oreille aux avertissements qui lui avaient été signalés. Et ça, c'est triste.
Ma question est la suivante: Ne croyez-vous pas que la dérive de l'UQAM est le lot, est le fait d'un recteur mégalomane qui a cru en ses rêves et qui a été... qui avait devant lui un conseil d'administration qui n'avait pas... je ne dirais pas l'expertise, mais qui a fait preuve de laxisme et qui a laissé les choses se faire d'elles-mêmes plutôt que de sonner l'alarme? Bref, ne croyez-vous pas que c'est en raison des acteurs présents à l'UQAM et non pas de la composition du conseil d'administration, de gens de l'interne et de l'externe, que ça a conduit à la dérive à laquelle on est confrontés aujourd'hui?
Le Président (M. Marsan): M. Laforge.
M. Laforge (Hubert): Je serais porté à le croire. De mauvaises intentions, j'ai de la difficulté à les imaginer, d'aventurier, d'aventure et de mégalomanie, etc. Bien, chacun veut être le meilleur et dépasser... et battre la concurrence. Et là peut-être qu'il y avait quelque chose de très, très, très alléchant comme perspectives de... Mais la prudence, c'est aussi important. Vous savez, il m'arrive parfois à la blague de dire, quand on me demandait... on discutait des déboires également, enfin, des difficultés de la Caisse de dépôt, et que je me permettais de dire, quand on discutait: Qui succédera à M. Rousseau? Et je me suis permis un profil. Je ne disais pas qui, je disais le profil. Et, en terminant, je disais: Moi, j'ai été patron de M. Henri-Paul Rousseau pendant quatre ans et je n'ai eu qu'à m'en réjouir. Et, grâce à lui... il a accepté de créer le centre de recherche sur l'industrie de l'électricité au Québec. Il n'y avait pas de questionnement sur l'industrie de... dans le milieu universitaire, j'entends. Bien, ça s'est fait. Et Henri... Bernard, encore aujourd'hui, se prononce à tout moment et publiquement sur les politiques de l'Hydro et les politiques du gouvernement du Québec. C'est très sain qu'il y ait un débat, une réflexion indépendante et permanente. Alors... Est-ce que je répondais à votre question? Je me suis perdu, je crois.
Le Président (M. Marsan): M. Laforge...
M. Laforge (Hubert): Oui?
Le Président (M. Marsan): ...sur ce, je vous remercie de nous avoir fait cette présentation.
Je vais demander au Syndicat général des professeurs et des professeures de l'Université de Montréal de bien vouloir se présenter à notre table. Je vais ajourner... suspendre pour quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 18)
(Reprise à 17 h 19)
Le Président (M. Marsan): Alors, il nous fait plaisir d'accueillir le Syndicat général des professeurs et des professeures de l'Université de Montréal. M. Louis Dumont, vous êtes le président. Alors, je vais vous demander de nous présenter les gens qui vous accompagnent et de débuter votre exposé pour un maximum de 15 minutes.
Syndicat général des professeurs
et professeures de l'Université
de Montréal (SGPUM)
M. Dumont (Louis): Merci, M. le Président. Alors, je suis accompagné de deux collègues officiers du syndicat. À ma gauche, M. Michel Seymour, qui est le secrétaire du syndicat, et, à ma droite, M. Samir Saul, qui est le premier vice-président.n(17 h 20)n Je voulais vous remercier de nous permettre de partager avec vous, les membres de la commission, nos réflexions et notre perception sur les dangers de certains éléments du projet de loi. Vous pourriez vous demander qui nous sommes et pourquoi nous sommes devant vous. Tout simplement pour vous dire que nous sommes tous les trois des professeurs à l'Université de Montréal. Nous avons été élus représentants à des instances participatives à l'Université de Montréal, donc l'assemblée universitaire. Nous sommes tous les trois impliqués dans des comités institutionnels, donc nous avons une expérience de comment fonctionnent les différents comités de l'institution, et nous sommes aussi des officiers syndicaux, donc nous connaissons très bien les différentes composantes du corps professoral et les autres composantes de la communauté, puisque nous interagissons avec les étudiants, les chargés de cours et les différents types de personnel.
Notre intervention, je dirais le fondement même de notre présence à la commission, c'est de préserver la mission de l'université en dehors de l'aspect cosmétique de la loi n° 38. Qu'est-ce que c'est, la mission fondamentale de l'université? C'est ? sûrement que vous avez entendu plusieurs fois le commentaire ? c'est de développer et de transmettre des connaissances. Ça, c'est un des aspects. Mais un des aspects qui a peut-être été moins bien traité, c'est l'influence que nous avons, nous, professeurs, sur les individus qui font un transit universitaire, les étudiants. Ce que nous voulons leur inculquer, c'est un esprit critique. On ne veut pas que les étudiants ne soient que des techniciens d'un savoir qu'ils vont appliquer. Que ce soient des personnes qui soient capables de critiquer les savoirs qu'elles ont acquis, et de les mettre en contexte, et de critiquer, aussi, leur utilisation. Ça, c'est l'aspect général de notre intervention, ce que nous défendons comme mission universitaire. Évidemment, c'est quelle est l'utilisation optimale des fonds publics? Parce qu'à l'Université de Montréal il y a eu des dérives quant à l'utilisation des fonds publics, nous en sommes convaincus, nous avons fait beaucoup d'interventions dans le public pour dénoncer les dérives.
La loi n° 38 s'adresse au fonctionnement de l'institution de l'université. Et, moi, j'y vois deux visions qui sont différentes. Une vision externe, qui est la vôtre, qui est celle de groupes d'influence qui regardent l'université puis qui se disent: Il faut faire quelque chose pour corriger les dérives. Et nous avons une vision de l'interne où nous disons la même chose. Il y a des dérives et il faut les corriger. Et je pense qu'il faut en arriver à un moyen terme où il va y avoir complémentarité dans les «inputs» de l'un et de l'autre. Derrière l'évaluation du fonctionnement optimal de l'institution, pour nous, ce qui est fondamental, c'est les attributs derrière le fonctionnement de l'université, il y en a trois, et qui sont, de toute l'histoire de l'université, trois éléments: collégialité, transparence et imputabilité. Ce sont des incontournables. Et une fois que ces éléments-là sont respectés, sont défendus, sont mis en application, on va assister à une légitimité des décisions.
Et je vais laisser la parole à mon collègue Samir Saul qui va vous entretenir, parce que le mémoire est divisé en trois composantes. Samir traitera de la première, Michel traitera de la deuxième, et je finirai par le troisième élément du mémoire. Samir.
Le Président (M. Marsan): Alors, M. Saul.
M. Saul (Samir): Merci, M. le Président, merci, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, de bien vouloir nous recevoir. C'est tout un honneur pour nous. En tant que professeur d'histoire, j'ai souvent l'occasion de parler à mes étudiants des processus de décision dans notre société, et je parle souvent comme observateur, et, pour une fois, vous me donnez la chance d'être un participant dans les processus de décision de notre société.
Je voudrais d'abord insister sur l'esprit dans lequel nous participons à la consultation actuelle. Notre préoccupation première est de nous assurer que la société, la collectivité, la société québécoise bénéficie de ses universités. Les universités ont été créées pour des fins particulières, spécifiques, et la société a le droit de recevoir de ses universités les avantages pour lesquels elle les a créées. L'université apporte deux éléments essentiels dans notre société: le savoir et la formation de nos étudiants, donc des générations à venir. C'est ce qui est attendu des universités dans nos sociétés. Ce sont des institutions spécifiques qui ont une fonction spécifique, et elles doivent donc être gérées et fonctionner d'une manière spécifique. Les trois principes que mon collègue a évoqués sont les fondements de base du fonctionnement des universités. Ce sont des principes qui sont mis en place, qui sont appliqués afin que les universités puissent réaliser leur mission et rendre un service à la société qui les a créées. Donc, le respect de ce mode de fonctionnement est essentiel pour la réalisation de la mission des universités, sans quoi il y aura échec. Voilà un côté.
Il y a l'autre côté, c'est le fait que la collectivité a le droit de savoir comment ses universités sont gérées; elle les a créées. Elle a aussi le droit de savoir comment les fonds publics sont employés parce que ce sont des fonds de la société elle-même. Et tout le défi est de s'assurer que le droit de regard de la société aide les universités à accomplir leur mission. Il doit y avoir correspondance entre les deux, les principes qui permettent aux universités de réaliser leur mission, et, d'un autre côté, le droit de regard de la société qui doit aider les universités à réaliser cette mission. Il ne faut pas que ce droit de regard se fasse d'une manière qui nuise à la réalisation de la mission universitaire. Et tout le défi est là: comment s'assurer qu'il y a un droit de regard mais que ce droit de regard ne gêne pas ou n'annule pas les grands principes qu'a évoqués mon collègue et qui permettent aux universités de réaliser leur mission. Parce que, dans ce cas-là, la collectivité serait perdante. On aurait des universités qui ne réalisent pas leur mission, et ce n'est pas du tout ce que souhaite la société.
Il faut un équilibre. Il faut un équilibre qui soit respectueux de la fonction sociale des universités et de leur finalité, qui sont le savoir et la formation des gens. Il en va donc de leur contribution à la collectivité. Et ce sont ces deux grands éléments qui nous amènent à chercher des solutions qui permettent un équilibre entre le respect des principes sur lesquels repose l'université et le droit de regard de la société dans lesquels l'université fonctionne.
Le point que je voudrais souligner concrètement avec vous et discuter concrètement avec vous, c'est la question du conseil d'administration. Mon collègue Michel va évoquer les autres éléments, puis ensuite Louis va terminer avec le dernier point que nous soulevons dans notre mémoire. Je vais discuter surtout du conseil d'administration parce que je pense que c'est le pivot des recommandations du projet de loi n° 38. Tout repose sur ce conseil d'administration dont on change la composition et dont on étend les pouvoirs, on agrandit les pouvoirs.
Le projet de loi propose que 60 % des membres des conseils d'administration soient des éléments externes à l'université. Il propose aussi des pouvoirs très élargis, très étendus pour que le centre des décisions, le pivot des décisions dans l'université soit le conseil d'administration. Or, l'Université de Montréal a déjà tout cela. Tout ce que propose le projet de loi n° 38 est déjà en place à l'Université de Montréal. Nous l'avons déjà. On a déjà un conseil d'administration composé aux deux tiers d'éléments externes, les deux tiers des sièges au conseil d'administration... au conseil de l'Université de Montréal est réservé à des externes, et le conseil est effectivement le lieu où se prennent les grandes décisions dans notre université. On pourrait dire d'ailleurs que le projet de loi ne fait que confirmer, avaliser ce que nous avons à l'Université de Montréal. Alors, quels sont les résultats, puisque nous avons déjà une expérience d'une application du projet de loi n° 38? Eh bien, les résultats hélas sont peu probants. L'Université de Montréal a un déficit très important, un déficit...
Le Président (M. Marsan): Il vous reste cinq minutes.
M. Saul (Samir): Très bien, je vais faire le plus vite possible. Nous avons des déficits très élevés...
Une voix: ...
Le Président (M. Marsan): Pour tout le monde.
Une voix: Pour tous.
Le Président (M. Marsan): C'est ça. Pour la présentation.
Une voix: Pour tout le monde.
n(17 h 30)nM. Saul (Samir): Bien. Alors, on pourra faire, durant la discussion, l'énumération des décisions contestables qui ont été prises à l'Université de Montréal et qui résultent d'une application d'un modèle similaire à la loi n° 38, au projet de loi n° 38: on l'a déjà.
Et nous avons, dans ce contexte, à évoquer le cas de l'université, de l'UQAM où les éléments internes, les membres internes de l'université ont été les membres qui ont sonné l'alarme sur les décisions risquées ou dangereuses. Nous ne les avons pas. À l'Université de Montréal, la majorité est composée d'externes, et il ne se passe rien pour arrêter le... Nous estimons qu'il faut changer la situation actuelle plutôt que de la maintenir, et voilà le problème: la loi n° 38 maintient une situation qui n'est pas bonne. Et nous pensons que ce sont les instances élues qu'il faut renforcer, donc les instances internes qu'il faut renforcer et non pas un conseil d'administration qui se réserverait tous les pouvoirs.
Je m'arrête là. Je laisserais les collègues évoquer ce qu'ils ont à évoquer et on...
Le Président (M. Marsan): Alors, M. Seymour? Merci.
M. Seymour (Michel): C'est bien ça. Je vais écourter alors ma propre intervention pour laisser à mon président le mot de la fin.
Le Président (M. Marsan): Merci.
M. Seymour (Michel): Alors, M. le Président, Mme la ministre, MM. et Mmes les députés, je veux intervenir, moi, sur le rôle de l'assemblée universitaire, l'unité qui est la base de la consultation évoquée par le projet de loi.
Nous avons une assemblée universitaire, un peu dans la même veine que mon collègue précédemment l'a évoqué. Nous avons, encore là, une composante qui a été annoncée dans le projet de loi et qui est présente, c'est l'assemblée universitaire. Et, en dépit du fait qu'il y ait une assemblée universitaire, on ne peut pas dire que cela est une garantie de transparence, d'imputabilité et de collégialité.
L'achat du terrain de la gare de triage au coût de 20 millions, nous avons été informés de cela... nous avons été placés devant le fait accompli. Et la décision de vendre le 1420 Mont-Royal, nous avons été informés de cela... placés devant le fait accompli. Les budgets régulièrement nous sont annoncés le jour où ils sont présentés ensuite au conseil... le jour même où ils sont présentés au conseil, et il arrive parfois que nous apprenons qu'une toute nouvelle orientation budgétaire, basée sur des principes fondamentaux, vient d'être mise en place.
On va faire disparaître la péréquation interfacultaire; c'est pourtant partie prenante de ce que c'est, une université. Une université doit faire vivre ses facultés et unités plus faibles avec ses facultés plus rentables. Cela vient de disparaître, et on nous l'apprend le jour où c'est présenté au conseil, alors qu'en principe l'assemblée universitaire, à l'Université de Montréal, doit dicter les grandes orientations de l'université. Les grandes orientations budgétaires de l'université sont bafouées, et nous l'apprenons le jour même.
Le processus de nomination du recteur devait aller avec une consultation d'un comité de consultation et de l'assemblée universitaire; le SGPUM faisait aussi sa propre consultation pour le recteur; les trois instances étaient tombées d'accord sur le même nom. Le conseil de l'université, avec tous les pouvoirs qu'il a déjà dans notre université, a décidé de faire les choses autrement et de nommer quelqu'un d'autre. Depuis ce temps-là, le rectorat est faible, et ça fonctionne mal.
Donc, pour nous, il faut renforcer la collégialité plutôt qu'en disposer. Les grandes orientations stratégiques de recherche ont été dictées à partir d'un tout petit comité, et l'assemblée universitaire n'est pas mise à profit. Alors, nous, ce que nous disons, c'est: Pour préserver les principes de collégialité, d'imputabilité et de transparence, il ne faut pas réduire, mais renforcer le rôle des instances en présence.
Le Président (M. Marsan): Alors...
M. Dumont (Louis): Pour terminer...
Le Président (M. Marsan): ...M. Dumont, en conclusion.
M. Dumont (Louis): Oui. En conclusion, le projet de loi propose l'implantation de trois comités que nous avons déjà à l'Université de Montréal, et, à l'expérience, le comité de gouvernance, de ressources humaines et de vérification ne sont pas nécessairement un gage d'efficience ou... ou... qui va être accru. Donc, on pourra en discuter lors des questions qui vont être posées sur des exemples qui montrent que ces comités-là, ce n'est pas parce qu'on les implante qu'on améliore l'efficience et les contrôles sur l'utilisation des fonds publics dans le milieu universitaire. Merci.
Le Président (M. Marsan): Bien, je vous remercie beaucoup pour votre présentation. Je reconnais immédiatement la ministre de l'Éducation, du Loisir et du Sport pour commencer nos échanges.
Mme Courchesne: Messieurs, merci. Même si nous sommes en fin de journée, je veux vraiment vous remercier pour être là. Puis, vous savez, puis là je vais le dire le plus clairement possible, ce que vous venez d'illustrer, puis votre mémoire est très clair là-dessus, puis j'apprécie le fait que vous indiquiez des exemples concrets de ce que vous avez vécu... Moi, là, quand je lis votre mémoire, quand je vous écoute, je comprends... puis dites-moi si j'ai raison, là, mais je comprends un peu... j'interprète un peu comme si vous me disiez: Mme la ministre, ou le gouvernement, on vous demande d'aller plus loin.
Parce que, c'est bien beau, là, tu sais... on a beau se dire n'importe quoi sur la loi, là, mais vous en avez une, assemblée universitaire, puis... puis justement. Parce que, tout ce que vous dites sur ce sur quoi vous devriez non seulement être consultés, mais même un peu plus, vous devriez définir les orientations stratégiques, à mon avis vous devriez être partie prenante de ça. Quand vous me donnez les exemples que vous êtes informés le jour même de décisions importantes, que vous êtes mis devant des faits accomplis, là, bien, savez-vous quoi?, je vous crois. Puis sais-tu pourquoi je vous crois? Parce que, si je vous... ne consultais que vous, il y a des mauvaises langues qui diraient: Ah! bien oui, mais... Puis vous les connaissez, ces mauvaises langues-là aussi, parce que je suis sûre qu'ils vous disent la même chose: Ah oui, mais ça, c'est le syndicat; bien oui, mais ça, c'est les syndicats qui pensent comme ça.
Mais, vous savez quoi?, avant de faire la loi, là, bien, je n'ai pas rencontré que des membres élus représentatifs des syndicats, j'ai été rencontrer et j'ai demandé... j'ai rencontré... Parce que j'en connais, des profs, à l'Université de Montréal, puis j'en connais dans d'autres universités, puis je les ai rencontrés sur une base personnelle, c'est-à-dire dans le cadre de mes fonctions, mais un à un. Puis ce que vous me dites, là, il me l'ont répété; ça fait que je vous crois.
Puis c'est pour ça qu'il y a eu l'article 4.0.21, que vous avez biffé. Vous l'avez biffé, puis c'est écrit noir... clairement: «Une décision du conseil d'administration portant sur les orientations stratégiques ou financières ou sur le plan d'immobilisation fait l'objet d'une consultation préalable d'une instance ou d'un comité représentatif de la communauté universitaire, qui doit avoir pu, préalablement et dans un délai raisonnable, obtenir les documents pertinents à la consultation sur ces questions.» Ce n'est pas rien ça, là, là. Vous n'avez jamais eu ça dans aucune loi, là.
Puis là, ensuite, vous dites: Il fait bon marché du rôle central de je-ne-sais-pas-quoi, là. Vous dites: Dans le fond, nous, ce qu'on veut, là, c'est qu'on veut jouer un rôle dans l'élaboration des orientations stratégiques. On est bien d'accord avec ça, là.
Alors, moi, je veux juste comprendre. Vous dites: Une participation plus participative. Bon. Je ne veux pas rentrer, là: C'est-u de la cogestion ou pas de la cogestion?, je ne veux pas embarquer là-dedans. Mais comment se fait-il... Puis ma question, c'est: Mettons, là, qu'on renforce, encore un peu plus, pour mieux reconnaître l'assemblée universitaire... Parce qu'on m'a dit que, sur 114 membres, là, il n'y en a plus beaucoup, là; ce n'est plus 114 membres qui se présentent régulièrement, là; il y en a qui se sont découragés en cours de route, là. Alors...
J'ai perdu mon idée; ça va bien, il est tard. Oui, si on renforçait au sens où vous le souhaitez... Puis, moi, je pense que c'est uniquement dans une loi qu'on peut le faire. Parce que, tu sais, les recteurs, ce matin, eux autres, ils nous ont demandé une entente de partenariat sur la gouvernance puis ils nous ont dit: On peut réviser ça périodiquement.
Moi, j'aimerais ça... deux choses. Je veux savoir: Qu'est-ce que vous avez pensé de la présentation des recteurs de ce matin? Êtes-vous d'accord avec leur position? Et puis, si on renforce ce que vous demandez puis qu'on reconnaît davantage l'assemblée universitaire puis le sénat, puis peu importe, là, là c'est sûr que les recteurs ne seront pas contents puis la CREPUQ ne sera pas contente. On s'entend, vous et moi, là-dessus, là, hein? Alors, si vous étiez à ma place, là... Moi, je n'ai pas de problème avec ça, là; vous savez, ils ne sont pas contents, de toute façon. Mais expliquez-moi. Parce qu'on a, vous et nous, une responsabilité à l'égard de la collectivité puis on a ? vous l'avez dit, M. Saul ? on a une responsabilité à l'égard de la population, mettons ça comme ça, mais c'est une responsabilité collective qui à mon sens est très, très sérieuse. Parce que, vous avez raison, votre mission, c'est le savoir, puis, moi, ma responsabilité, c'est comment sont réparties les ressources. Ça fait que, répondez-moi, parce que, sincèrement, là, je veux vraiment saisir ce que vous voulez.
Le Président (M. Marsan): M. Saul.
n(17 h 40)nM. Saul (Samir): Je veux bien. Je ne sais pas très bien ce qu'ont dit les recteurs ce matin, mais j'ai l'impression que les recteurs sont plutôt pour le statu quo. Ils sont satisfaits de la situation actuelle, et ils se disent: Le projet de loi n° 38, ça nous dérange, on voudrait avoir le statu quo.
Notre attitude n'est pas celle-là du tout; au contraire, nous disons que le statu quo n'est pas bon. Le statu quo n'est pas bon parce que nous avons... les dérives que nous avons actuellement, à l'Université de Montréal, elles sont nombreuses, on peut faire l'énumération. Mais votre évocation de l'assemblée universitaire est très, très intéressante parce que... l'assemblée universitaire a déjà le... non, mais elle a déjà le droit d'orienter, de donner l'orientation à l'université.
Quel est le problème? Le problème, c'est que la direction de l'université ne respecte pas ce droit. Et l'assemblée universitaire n'est pas partie prenante du processus de décision, elle est spectatrice. Elle est une instance où les dirigeants, quand ils le veulent bien, lui annoncent après coup les décisions qu'ils ont prises. C'est-à-dire que les changements que le gouvernement ou les pouvoirs publics doivent apporter devraient aller dans ce sens-là. Quand vous dites: Aller plus loin: oui, aller plus loin, mais à 180 degrés dans l'autre sens. Au lieu de renforcer le conseil d'administration pour renforcer le statu quo, il faut changer d'orientation, changer de direction, aller dans l'autre sens: renforcer les instances élues de manière à ce que les contrôles internes puissent agir parce qu'actuellement les contrôles internes n'y sont pas, d'où alors la recherche des pouvoirs publics d'instaurer des contrôles externes. Il faudrait renforcer les contrôles internes, qui sont actuellement nuls ou très faibles en tout cas, parce que les pouvoirs... les élus, la communauté universitaire n'est pas partie prenante des processus de décision. Voilà le problème.
Le Président (M. Marsan): Mme la ministre.
Mme Courchesne: Mais je reviens sur l'article 4.0.21. Je comprends, là, qu'on dit que la communauté universitaire ? dans votre cas c'est vraiment l'AU, l'assemblée universitaire ? doit se prononcer avant toute prise de décision par le conseil d'administration sur les orientations stratégiques, les orientations financières, le plan d'immobilisations, puis vous devez en plus avoir les documents accessibles avant cette consultation-là pour que vous soyez capables de vous prononcer. Alors, ce que vous voulez de plus, c'est une façon d'obliger le conseil d'administration d'en tenir compte, c'est ce que vous me dites.
Mais, dans ce principe de collégialité et d'autonomie, si le gouvernement oblige ça, tu sais, est-ce qu'on n'est pas en contradiction avec ce principe de collégialité qu'on entend depuis trois semaines, où les gens disent: Non, non, non... Puis il y a eu bien des syndicats qui sont venus avant vous, là ? vous n'êtes pas les premiers, là ? qui nous ont dit: Non, non, non, laissez-nous nous débrouiller entre nous, là; laissez-nous nous débrouiller, laissez-nous être autonomes.
Bien, tu sais, je vais reprendre la question de la députée de Taillon à l'Assemblée nationale... Puis vous m'avez écrit, mais, quand ça va mal, par exemple, qui est pointé du doigt? Là, tout à coup: Ah! toi, la ministre, là, intervient; intervient, là, parce que, si vous n'intervenez pas, Mme la ministre, là, vous allez être responsable. Mais, écoutez, là, on ne peut pas avoir tout et son contraire en même temps. Moi, je me dis: Vous êtes des universitaires. Écoute, ce n'est pas rien, là. Ce n'est pas rien. Alors, je me dis: Est-ce que ça se peut aussi...
Puis je ne comprends pas que, sur 114 membres, on me dise que parfois il n'y en a que 40, 50 de présents; bien ça, c'est comme la moitié moins; bien rarement plus que 80, en tout cas, me dit-on. Toujours... Bon. Est-ce qu'il n'y a pas là aussi un travail à la base où il va falloir que tout le monde parle haut et fort? Parce que vous dites, dans votre mémoire, et c'est... j'apprécie votre franchise et votre honnêteté, vous dites: Vous savez, là, des jeux de coulisse, puis des conflits, puis des... il y en a plein de ça, là, il y en a plein, plein, puis tout le monde veut protéger ce qu'il veut faire dans son département, puis tout le monde veut protéger son petit projet, puis tout le monde...
Mais, je veux dire, à un moment donné, là, ça ne sera pas juste une loi, puis ça ne sera pas juste un gouvernement, puis juste un ou une ministre de l'Éducation, là; à un moment donné, il faut qu'il y ait quelqu'un qui aussi, à l'intérieur des universités, dise: Ça suffit. Et je veux savoir pourquoi cet article-là... ou qu'est-ce que ça prendrait de plus pour que cet article-là apporte l'efficacité que vous souhaitez. Puis pourquoi vous l'avez biffé? Pourquoi vous l'avez biffé? C'est du jamais-vu.
Le Président (M. Marsan): Alors, M. Dumont.
M. Dumont (Louis): Oui. Alors, je pense qu'on... l'article 4.0.21 est biffé, mais le 4.0.22 est bonifié. Alors, pour les orientations stratégiques, c'est le deuxième élément; pour les états financiers, le plan d'immobilisations, le rapport annuel de l'établissement, c'est le troisième ? modifié, en caractères gras. Alors, je vous lis le nouveau...
Mme Courchesne: Non, non. Ne perdez pas votre temps. Allez-y parce que votre temps est compté, là. Ne lisez pas, je l'ai, là. Vous pouvez... vous pouvez y aller.
M. Dumont (Louis): Ah! Tout le monde a le document?
Mme Courchesne: Oui, oui, absolument! On a tous le document.
M. Dumont (Louis): Bon. Alors, ce que ça veut dire, ça, c'est que, plutôt que de nous dire: Vous allez être des membres de l'assemblée universitaire ? qui sont plus que 40 parce que ça prend quand même un quorum ? être informés ou être consultés... c'est ce que... c'est ce que nous vivons à l'heure actuelle, et c'est une consultation qui est évacuée. C'est une... ce que j'appelle une pseudoconsultation où toute la... ce que j'appellerais la substantifique moelle des interactions ou de nos connaissances universitaires est attirée vers la direction de l'université, vers les cadres supérieurs et le conseil. Je pense que le conseil est très accessoire dans la prise de décision.
Alors, pour le 4.0.22, ce qu'on dit, c'est: «...de concert avec les instances regroupant les représentants de la communauté». Alors, c'est plus qu'une consultation. Ce n'est pas un recul, là, c'est plus qu'une consultation. On dit «de concert avec».
Mme Courchesne: O.K., mais...
M. Dumont (Louis): Qu'est-ce que veut dire: «de concert avec»?
Mme Courchesne: Bien, voilà, oui.
M. Dumont (Louis): Il faut faire l'exercice du «concert avec». Et je peux vous dire, mon expérience du travail à l'assemblée universitaire, là, j'ai siégé au moins une douzaine d'années à l'assemblée universitaire. Il y a un... carrément un mur entre l'assemblée universitaire et le conseil, entre la chancelière... On lui a déjà demandé, il y avait des problèmes à l'université en 2007: Est-ce qu'on peut vous rencontrer? Est-ce qu'on peut discuter avec vous? La réponse de la chancelière, savez-vous ce que ça a été? Je vais consulter mon agenda; on est au printemps 2007. On est à l'automne 2009, j'imagine qu'elle consulte encore son agenda. On n'a jamais été capables de rencontrer la chancelière.
Donc, il y a... le «de concert» est fondamental pour nous pour être capables de mettre à profit la vision des représentants de la communauté pour améliorer le fonctionnement de l'université, améliorer l'utilisation des fonds publics. Ça, je pense que c'est très important, le 4.0.22, quand on dit: «de concert». Personne n'a fait l'expérience de ce que ça veut dire «de concert». Tout ce qu'il faut faire, je pense, c'est de dire: Maintenant, le conseil pourrait rencontrer les délégués de l'assemblée universitaire ou les deux instances pourraient se rencontrer, deux ou trois fois par année, pour dire... de discuter des grandes orientations.
Le Président (M. Marsan): Mme la ministre.
Mme Courchesne: Bien, écoutez, moi, là, j'écoute ça, puis sincèrement, là, je vous dis, en toute humilité, en toute simplicité... puis les recteurs, sincèrement, ils ne trouvent pas ça facile avec moi, puis la CREPUQ, là, elle ne trouve pas ça facile avec moi, parce que, moi, je ne comprends pas comment ça se fait qu'en 2009 des universitaires, ce n'est pas rien, là... que ce soient les dirigeants des universités ou que ce soit l'assemblée des U, mais... puis, oui, les dirigeants des universités, que ça ne se fasse pas. Puis, sincèrement, là, pourquoi il y a une loi, là? Oubliez ça, l'UQAM, là, puis oubliez ça, la, la, la... ce n'est pas pour ça, c'est pour que ça se fasse. C'est pour que ce lien-là puisse se faire, parce que je suis d'accord...
Puis, tu sais... Parce que ce n'est pas juste l'UQAM, là, c'est vous-mêmes qui citez les exemples de l'Université de Montréal, puis malheureusement... Moi, je suis liée par le sceau de la confidentialité, mais je peux vous dire qu'il y a d'autres... dans d'autres où, là, nous, avec pas de pouvoir ? on s'entend-tu ? on est obligés, de peine et de misère, d'essayer de devancer pour être capables d'arrêter ce que d'aucuns pourraient appeler ce qui pourrait devenir une dérive.
Mais, honnêtement, j'y tiens. La loi, je ne dis pas qu'elle est parfaite, puis je ne dis pas qu'elle n'a pas place à amélioration, là. Plein d'endroits, là, que... Puis c'est pour ça que j'apprécie le processus des commissions parlementaires, c'est fait pour ça, pour qu'ensuite on puisse en discuter article par article, puis qu'on voie comment on l'améliore. Puis, oui, il y a de la place à l'amélioration de cette loi-là. Mais je crois sincèrement qu'il faut qu'il y ait un encadrement et qu'on réussisse à... moi, je n'ai pas d'autres mots que «moderniser», «adapter», «actualiser»... je n'aime pas «moderniser», mais «actualiser» très certainement, ce qui à mon sens est tout à fait normal dans la préservation de ce que la députée de Taillon, à juste titre, et ce que d'autres sont venus dire, de préserver cette valeur intrinsèque, cette mission fondamentale d'une université.
Et j'imagine que ce que vous êtes en train de me décrire, c'est ce que vous appelez... vous appelleriez la collégialité, parce que... Je termine vraiment... Et, dites-moi, si on faisait ça dans une loi... Parce que je pense que, si on ne met pas ça dans une loi, là, je m'excuse, je pense que vous ne... en tout cas, moi, là, je ne vivrai pas assez longtemps, si ça ne va plus vite que ça dans les universités, pour voir ce que vous suggérez, là. Puis je ne suis pas en désaccord avec ce que vous suggérez, mais...
n(17 h 50)nM. Dumont (Louis): ...dans le projet de loi.
Mme Courchesne: ...mais est-ce que c'est ça, est-ce que c'est ça la... Bien, moi, très honnêtement, je l'ai fait avec 4.0.21. Pourquoi? Parce que tout le monde dit que le gouvernement se mêle trop, puis la ministre ? parce que, bon, parce que tout le monde m'associe à ça parce que j'ai un peu ce... je fais ce genre de suivi là, mais peu importe la ministre ? bien, fait de l'ingérence. D'une part, on se fait accuser d'ingérence, puis, d'autre part, on dit: Bien là, mettez-le dans une loi. Mais est-ce que ça va préserver... ce que vous proposez va préserver le principe de collégialité, si nécessaire? Je crois que oui, mais je voudrais que vous répondiez à ça.
Le Président (M. Marsan): M. Seymour.
M. Seymour (Michel): Effectivement, pour être tout à fait clair, ce qui nous a amenés à biffer l'article en question, c'est qu'on confine, dans cet article-là, le principe de collégialité avec un rôle de consultation. Nous sommes confinés dans un rôle de consultation, et nous avons dit: Parfois, la consultation est entre guillemets.
Mais, dans notre mémoire, la collégialité doit se comprendre au sens où l'assemblée universitaire pourrait élire le rectorat. Ça doit se comprendre au sens où les grandes orientations de l'université doivent être élaborées collégialement et de concert entre le conseil et l'assemblée universitaire ? les grandes orientations de l'université. Qu'il y ait aussi un comité de suivi, de telle sorte que l'assemblée universitaire, de concert avec le conseil de l'université, soit appelée à suivre exactement l'application des politiques, et qu'effectivement nous soyons aussi consultés, en tant que membres, pour des soucis de transparence et d'imputabilité, sur des points particuliers.
Alors ça, c'est 4.0.26, 4.0.19, 4.0.20 et 4.0.22. C'est cet ensemble de mesures qui respectent à notre avis les principes de collégialité, de transparence et d'imputabilité. Alors, nous, on trouve que c'est ça qu'il faut renforcer plutôt que de renforcer le conseil de l'université et de lui confier tous les pouvoirs et à partir aussi d'un deux tiers composé de gens venant de l'externe.
Qui a sonné l'alarme à l'UQAM? C'est des professeurs. Qui a sonné l'alarme à l'Université de Montréal concernant les salaires exorbitants que la direction vient de s'octroyer? Les professeurs. Et je ne comprends pas, dans ce contexte-là, pourquoi la communauté universitaire et les professeurs se retrouvent à être confinés dans un rôle de pure consultation, alors que la collégialité, l'imputabilité et la transparence, ça doit exister non pas seulement entre les universités et le gouvernement, mais à l'intérieur même des universités. Et, nous, on ne l'a pas à l'Université de Montréal. C'est incroyable à quel point il y a un élitisme des administrateurs, qui savent et qui décrivent les professeurs comme des employés, alors qu'en réalité la collégialité requiert que nous travaillions ensemble parce que nous sommes ceux qui faisons l'enseignement, la recherche, l'encadrement et le rayonnement dans cette université.
Le Président (M. Marsan): Mme la ministre.
Mme Courchesne: C'est évident qu'on n'aura pas le temps parce qu'il reste peu de temps en ce qui me concerne... La députée de Taillon va sûrement poursuivre. C'est évident par ailleurs que... Je comprends votre point de vue sur les conseils d'administration, mais, dans une université comme la vôtre et dans... dans certains principes de gouvernance...
Parce que, quand vous dites ça, vous dites: Bien, au fond, tout le reste de ce qui est proposé en gouvernance, on s'inscrit un peu en faux ? là je fais référence aux externes-internes. Il y a un choix qui est fait là, délibéré, c'est évident, mais qui fait en sorte aussi que, quand on gère ces fonds ou cette répartition des ressources, il y a un point de vue de la collectivité qui doit être aussi assez fort.
Moi, je me dis: Si on renforcit l'assemblée universitaire, est-ce qu'on ne peut pas avoir l'équilibre en renforçant aussi des points de vue externes? Et le recteur, là, l'élection du recteur, pour moi, c'est un autre sujet, mais ce que je veux dire, c'est qu'il me semble que l'ouverture... ouverte... l'université ouverte sur sa société ou sa communauté, ouverte sur le monde, doit aussi accepter des points de vue d'administrateurs externes au conseil d'administration, parce que les externes, ils ne peuvent pas être à l'assemblée des U.
Le Président (M. Marsan): Alors, M. Dumont.
M. Dumont (Louis): Oui. Bien, à l'université, on a déjà le principe...
Mme Courchesne: Vous êtes 60-40. Vous êtes 60-40, vous autres.
M. Dumont (Louis): Externes-internes.
Mme Courchesne: Oui, oui.
M. Dumont (Louis): Donc, les externes sont en majorité le nombre de sièges. Et on voit que ce que vous voulez que... ce que le gouvernement propose dans son projet de loi, ce n'est pas une garantie d'une meilleure efficience. Alors, il faut se poser la question: Est-ce que ce que vous proposez est un remède efficace? Nous, on pense que... on ne dit pas de sortir complètement tous les externes. Je pense que ce n'est pas le nombre qui compte, c'est la valeur et la connaissance que les individus ont des dossiers.
Je ne siège pas au conseil de l'université, et mon expérience... Moi, je suis professeur en médecine, puis, quand j'ai commencé à travailler à l'assemblée universitaire, il a fallu que j'approprie les budgets de l'université. C'est difficile à comprendre, ça demande beaucoup de temps. Quand vous regardez les états financiers, c'est hypercomplexe. Je ne suis pas un comptable, je ne suis pas un financier, mais j'ai réussi à démêler la «désorganisation» de la présentation, excusez l'expression, des états financiers qui fluctuent d'une année à l'autre, qui font qu'on n'est pas capables de suivre les différents postes budgétaires parce qu'ils varient en fonction des années.
Imaginez quelqu'un qui vient de l'extérieur, qui apporte sa contribution comme quelqu'un qui est sensible à la société, à un milieu, qui voit l'université comme quelque chose d'extrêmement important comme développement... et je dirais: L'université, elle est déjà partout dans la société. Ce n'est pas vrai que l'université n'est pas partout. Avec les diplômés, avec ses projets dans notre société, elle est dispersée dans toutes les fibres de fonctionnement de la société québécoise. Moi, je suis convaincu de ça. C'est vrai pour l'Université de Montréal, c'est vrai pour toutes les universités, c'est un immense réseau qu'on connaît moins.
Pour les membres externes, ce que nous disons...
Le Président (M. Marsan): En terminant, M. Dumont.
M. Dumont (Louis): Oui. Je pense que les externes sont essentiels. Et ce n'est pas le nombre à l'usage à l'Université de Montréal, ce n'est pas le fait qu'on ait deux tiers d'externes ou 60 % qui est une garantie d'une meilleure efficience, il faut trouver autre chose.
Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie bien. Ceci termine les échanges avec l'opposition... avec le parti ministériel. Nous allons maintenant aller avec l'opposition officielle, et je vais reconnaître la porte-parole de l'opposition officielle en matière d'enseignement supérieur, de recherche et de développement, Mme la députée de Taillon.
Mme Malavoy: Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs, et merci de nous tenir, je dirais, l'esprit en alerte à cette heure de la journée. Je dois dire que vous le réussissez vraiment bien parce que, nous, depuis ce matin, on entend des gens, et la qualité des échanges, je pense, avec vous est fort appréciée.
Moi, j'aimerais revenir, je dirais, à l'essentiel, c'est-à-dire qu'il s'agit d'un projet de loi sur la gouvernance. Il y a, derrière ce projet de loi, une opinion sur la bonne gouvernance et une opinion qui conclut qu'il faut mettre en place des mécanismes qui donnent largement le pouvoir décisionnel à des gens de l'extérieur de l'université. Alors, on peut bien... comment je dirais, on peut bien prendre des morceaux de ce que vous dites, là, mais, à un moment donné, l'un de vous a dit tout à l'heure: Oui, on serait d'accord avec vous, mais avec un virage à 180 degrés. Donc, c'est un accord, hein, on peut dire, sous condition; c'est le moins qu'on puisse dire.
Ce que je veux dire, c'est qu'on peut regarder certains articles et voir comment on peut aménager des articles, mais, moi, ce que je retiens, puis j'aimerais que vous me le confirmiez, c'est que vous dites: Il faut plutôt renforcer les contrôles internes et non pas renforcer les contrôles par l'externe. Il faut plutôt s'assurer que la communauté universitaire ait voix au chapitre, soit partie prenante d'un processus, et non pas se dire: Si on met plus de gens de l'extérieur, ils seront plus indépendants, donc moins parti pris, donc ils auront un jugement mieux éclairé. J'aimerais vous entendre sur ma compréhension dans votre position de base.
M. Seymour (Michel): ...
Le Président (M. Marsan): M. Seymour.
n(18 heures)nM. Seymour (Michel): Pardon. Vous avez très bien compris; c'est effectivement ça qui est notre position fondamentale. Remarquez, il faut tout de suite être nuancé. Je pense que l'Assemblée nationale a voté une loi où on décidait d'intervenir sur les développements immobiliers des universités. Et là je crois qu'on comprend que le gouvernement doive regarder les choses d'un peu plus près; après tout, c'est souvent le gouvernement qui se retrouve avec la facture. Alors, on comprend que, sur la dimension immobilière, un contrôle plus serré est requis ? et pas seulement pour l'UQAM, parce qu'en ce moment il y a un autre vaste projet, à l'Université de Montréal, qui nous pose des problèmes. Alors donc, il y a effectivement ça.
Donc, oui, effectivement, il faut, d'abord et avant tout, renforcer à l'interne, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas de l'imputabilité des administrations universitaires à l'égard des autorités en place. Mais à notre avis la vraie solution, c'est de renforcer les gens à l'interne. Donc, c'est un peu le contraire de ce qui est dit dans le projet de loi.
Prenons l'exemple du comité de vérification. Ça s'adonne... C'est à se demander si le projet de loi a été calqué sur l'Université de Montréal, parce qu'on a un comité de vérification. Les trois comités préconisés, on les a. Le comité de vérification, on l'a. Eh bien, le service de la dette, dans le budget, d'une année à l'autre, c'est formulé autrement. On avait, une année, une ligne pour le service de la dette; l'autre année, le montant diminue au service de la dette, mais il y a une nouvelle ligne qui apparaît, et ça prend beaucoup de temps pour déchiffrer par nous-mêmes que cette subdivision, c'est une nouvelle façon d'inscrire le service de la dette pour ne pas que ça paraisse trop gros. Alors ça, c'est des professeurs d'université qui suivent à la trace quotidiennement le fonctionnement du budget pour y voir plus clair.
Comment se fait-il qu'avec un comité de vérification déjà en place on soit parvenu à laisser passer une évaluation première des coûts de rénovation du 1420 Mont-Royal de 50 millions à 150 millions? Nous avons demandé à l'assemblée universitaire d'en savoir plus: nous n'avons jamais pu le savoir. Nous avons demandé à voir le contrat avec Catania, c'est le contrat qui est signé sur le 1420, et on n'a jamais pu le savoir. Nous avons demandé à l'assemblée universitaire que les... la direction nous dise quelles sont les démarches faites auprès du gouvernement pour obtenir gain de cause dans le financement de la rénovation du 1420: nous n'avons jamais pu le savoir.
Alors, il y a un comité de vérification, mais qui a tout laissé passer, puis il y a des professeurs qui gueulent pour voir plus clair dans le fonctionnement de leur université. Nous avons un intérêt, les professeurs. Mais quel est-il, cet intérêt? C'est que cette université remplisse sa mission. Et c'est ça, notre préoccupation fondamentale. Alors, nous sommes, je dirais, les meilleurs serviteurs de cette institution. Renforcez nos pouvoirs. Ne nous faites pas confiner dans une position de simples consultants.
Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Taillon.
Mme Malavoy: Bien, je trouve que vous exprimez les choses très clairement. J'aimerais vous entendre sur la question des fameux comités. Vous dites que vous en avez déjà trois, et, dans vos propositions, vous voulez que ces comités soient moitié composés de gens de l'interne et à moitié de l'externe. Moi, j'aimerais que vous me disiez: Est-ce que c'est viable, une telle formule? Comment voyez-vous que cela puisse fonctionner dans les faits?
Le Président (M. Marsan): Alors, M. Gagné...
Une voix: M. Dumont.
Le Président (M. Marsan): M. Dumont, excusez.
M. Dumont (Louis): Oui. Certainement que c'est viable. Il faut... il faut faire l'essai. Alors, les comités, ce n'est pas des comités de 10 personnes. Le comité de vérification, c'est trois ou quatre personnes; le comité de ressources humaines, trois personnes; le comité de gouvernance, c'est trois ou quatre personnes. Les comités du C.A. Alors, nous, ce qu'on pense, c'est que c'est... essentiellement, les personnes qui siègent, ce sont souvent, et la plupart du temps, majoritairement des gens de l'externe. Donc, la chancelière est souvent présente, et c'est une autre personne membre du C.A.
Pour aider au fonctionnement, comme on voit qu'il y a des dérives, même si on a déjà mis en place ces comités-là, on a réfléchi. Est-ce que ce sont... Est-ce que c'est cette structure qui est déficiente, ou si c'est la composition de cette structure-là qui est déficiente, ou si c'est... ce sont les mandats qu'ils se donnent ou les informations qu'ils sont capables de recueillir auprès de la direction?
Donc, quand on dit «de concert», «de concert», c'est «avec». Alors, on pense, nous, qu'avec la connaissance que les membres de la communauté ça n'exclut pas les étudiants, ça n'exclut pas les employés, ça n'exclut pas les chargés de cours avec les personnes qui ont la connaissance du milieu. Si vous demandez à un comité de ressources humaines, dire: Bien, on va statuer, on va examiner quelle est une politique acceptable pour la rémunération des cadres supérieurs, je suis certain que ça n'aurait pas été la politique qui a été proposée, où on est arrivé avec, à mon avis, ce qui est une aberration: c'est de voter des augmentations rétroactives.
Moi, je n'ai jamais vu une convention collective où on va voter des augmentations rétroactives. On donne des montants forfaitaires rétroactifs, mais des augmentations rétroactives, ça veut dire qu'elles sont récurrentes, et, en 2009, nous allons payer pour ça. Ça coûte plus de 1 million. En 2010, ça va coûter 1 million; en 2011, la même chose. Et qui sait si, dans deux ans, il n'y aura pas une autre série d'augmentations rétroactives.
Donc, ce genre de dérive là a été importé de l'extérieur. Ce n'est sûrement pas de l'intérieur que ces éléments-là ont été développés. Et je pense que c'est en agissant de concert avec des expertises à l'interne...
Il faut penser que les professeurs d'université, ce sont eux qui forment les juristes, ce sont eux qui forment les financiers, ce sont eux qui forment les gens qui vont deviser sur l'éthique. Peut-être que le problème majeur qu'on voit à l'université, là, c'est un problème d'éthique qui se cache derrière ces dérives ou ces dysfonctions des différents comités qui sont rattachés au conseil de l'université.
Donc, je pense que c'est essentiel qu'on réfléchisse à comment le faire, ce lien-là entre l'externe et l'interne, pour ne pas que nous échappe la valeur de ces comités du conseil de l'université. Ce n'est pas qu'ils n'ont pas de valeur, mais, leur application actuelle, il y a des déficiences qu'il faut absolument corriger.
Le Président (M. Marsan): M. le député de Borduas.
M. Curzi: Oui, merci. Bonjour, messieurs. Je ne suis pas certain que j'ai une question, mais je trouve ça fascinant.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Curzi: Non, non, mais je trouve fascinant la façon dont vous présentez tout ça, parce que, dans le fond, vous présentez actuellement une alternative, parce que... Et c'est ça qu'on cherche. En tout cas, moi, personnellement je cherche depuis le début à comprendre quelle pourrait être une alternative à un projet de loi que, par ailleurs, on critique lourdement.
Et là ce que vous faites est assez passionnant, parce que vous redonnez en quelque sorte aux professeurs et aux gens qui sont à l'interne, à l'intérieur de l'université, la vraie conscience ou la vraie dimension de leur rôle, c'est-à-dire... Et ça m'a frappé dans votre présentation. Vous parlez non seulement de transmettre un savoir, mais transmettre la possibilité qu'on le critique et qu'on l'évalue. Et donc ce que vous êtes en train de nous dire, c'est qu'à l'intérieur de l'assemblée universitaire, à l'intérieur du corps professoral, vous considérez que vous êtes... vous devez correspondre à ce critère-là qui est non seulement la connaissance, mais aussi la possibilité de questionner cette connaissance-là et de la critiquer.
Et vous dites: Le meilleur garant de l'accomplissement de la mission universitaire, ce sont ceux qui doivent être... se hisser à la hauteur de ce qu'ils exigent de cette mission-là, et ça, je trouve que c'est la première fois qu'on entend cette notion-là. Parce que les critiques qu'on aurait... qu'on pourrait vous faire, c'est: Quelle est la notion d'indépendance réelle? Et c'est... dans la mesure où, cette indépendance-là, elle est elle-même en question, ça élimine le problème. Dans la mesure où ce que vous demandez, c'est un processus de travailler de concert, on comprend que la transparence, pour vous c'est une nécessité, et vous en réclamez plus. La collégialité, c'est fondamental, pour les raisons qu'on vient d'expliquer. Et l'imputabilité, c'est le seul endroit où on peut se dire: Quel est le rôle donc d'un tiers parti, en quelque sorte, ou d'une seconde partie par rapport à vous? Quel est ce rapport-là? Comment devrait-il être défini?
Donc, ma question, parce que j'y arrive, c'est: Quel devrait, en quelque sorte... Il y a deux... il y a deux aspects à la question. La première, c'est le rapport que vous avez avec ceux qui actuellement... je n'irais pas jusqu'à dire «qui vous oppriment», mais dont le pouvoir ne vous est pas accessible, d'une part. Et quelle devrait être la définition ou le profil des gens externes qui, à votre sens, pourraient contribuer à la fécondité du dialogue?
M. Dumont (Louis): Comme c'est collégial, je vais laisser mes collègues répondre.
Le Président (M. Marsan): Alors, M. Saul d'abord.
n(18 h 10)nM. Saul (Samir): On exerce bien la collégialité parmi nous, et il faut bien commencer par l'interne, c'est-à-dire nous-mêmes. Je pense que l'intervention de M. Curzi est particulièrement topique, parce que, comme vous voyez bien, les professeurs sont très impliqués dans l'institution. Ils sont... Ils ont à coeur l'intérêt de leur institution. Nous pensons à sa prospérité, à son avancement.
Ce qui nous manque, c'est l'occasion de participer aux décisions. C'est ça qui manque et c'est ça qui est déficient dans la gouvernance actuelle des universités. Nous ne sommes pas partie prenante du processus de décision. On n'a pas l'occasion de nous responsabiliser. Nous voulons être responsables des décisions, nous voulons participer à ces décisions et, nous, nous voulons le faire de concert avec des représentants de la société.
Alors, quel est le profil d'un représentant de la société? Eh bien, il faut chercher des représentants de la société qui soient connaisseurs de l'université, qui aient le temps pour s'impliquer, s'approprier les dossiers et qui soient effectivement présents. Parce que le danger dans la... l'illusion ou l'espoir que l'externe va... pourra devenir l'instance de contrôle, c'est que souvent l'externe n'est pas présent et ne contrôle pas le dossier. Résultat: la présence de l'externe, l'omnipotence de l'externe, c'est en réalité l'omnipotence des dirigeants, parce que souvent les externes se fient aux dirigeants actuels. Résultat: on a la situation viciée qu'on a actuellement, des dirigeants qui prennent les décisions sans rapport avec la communauté universitaire, donc sans collégialité.
La collégialité, c'est la responsabilité partagée, c'est la décision partagée, et on n'a pas cela. C'est ça qu'il faut changer.
Le Président (M. Marsan): M. Seymour.
M. Seymour (Michel): Oui. Juste pour illustrer, un épisode récent ? on pourrait vous en raconter des dizaines: nous avons fait un travail, et je pense que M. Dumont est celui qui a été le principal responsable de ce travail, de décortiquer pendant une bonne partie de l'été, à coup d'information demandée à la secrétaire générale de l'université, pour essayer de comprendre comment se passait la rétroactivité salariale qu'ils s'étaient accordée. Nous avons fait un travail de fond là-dessus, et là nous avons communiqué toute cette information à l'interne, et tous les collègues nous ont dit: Rendez ça public, ne laissez pas ça aller comme ça, et on a transmis l'information à la ministre et on a rendu public dans les journaux ce qui s'est passé.
La réponse à laquelle on a eu droit, c'est l'information qu'en réalité, même s'il y a eu de telles hausses... On n'a pas contesté les chiffres, on ne pouvait pas le faire, c'est l'information du secrétariat général de l'université que nous avons. La réponse qu'on a eue, c'est que... Écoutez, il y a eu de telles hausses, mais, sur la masse salariale, ça ne change pas beaucoup, ça change de 325 000 $ seulement parce qu'on a fait une gestion serrée des entrées et des sorties, de telle sorte qu'il y a eu apparemment alors attrition du corps administratif, et c'est ce qui fait que c'est seulement 325 000 $, en dépit des millions additionnels accordés. On ne prend pas la peine cependant de nous dire où sont ces postes-là disparus. Nous cherchons encore, et là, bien sûr, ça aurait été trop généreux de nous dire en plus: Écoutez, vous vous trompez, la masse salariale n'a pas augmenté, parce que le poste x, y et z n'a pas été remplacé. Nous, tous les postes des corps administratifs qu'on a scrutés ont été remplacés, alors on ne voit pas où la masse salariale a pu être réduite.
Mais là, là, ça, c'est une information donnée au compte-gouttes, et on attend maintenant pour voir comment on va réagir. Est-ce qu'on va... on va écrire une lettre pour comprendre davantage les choses au secrétariat général? On va nous demander un mois avant de répondre, il va falloir avoir accès à la loi d'accès à l'information, et puis ensuite... C'est toujours comme ça. Nous attendons des réponses à une lettre envoyée au mois de juillet dernier du secrétariat général.
Le Président (M. Marsan): Alors, Mme la députée de Taillon.
Mme Malavoy: Je sais qu'il reste peu de temps. Je trouve que vous illustrez très bien que, contrairement à d'autres types d'entreprise, les professeurs ne sont pas des employés qui reçoivent des commandes, et donc que, si on veut qu'une université fonctionne, il faut que la base de son personnel enseignant et de chercheurs soit aux commandes, qu'on trouve les façons qu'ils soient aux commandes.
Je comprends aussi que vous dites: Pour les maux dont nous souffrons, m-a-u-x, là, pour les maux dont nous souffrons, ce projet de loi n'est pas le remède qu'il nous faut parce qu'il s'inspire de principes importés qui ont peut-être leur valeur pour d'autres types d'entreprise, mais qui n'ont pas leur valeur pour régler les problèmes dont nous souffrons. Et donc vous nous demandez de changer les choses assez substantiellement pour répondre aux problèmes réels que vous identifiez, que j'identifie également, mais pas avec ces solutions-là.
M. Seymour (Michel): Il faut des gens qui ont...
Le Président (M. Marsan): M. Seymour.
M. Seymour (Michel): ...qui ont l'amour de l'université. Nous sommes quotidiennement en amour avec cette université, nous, et cela est une garantie d'un souci naturel pour ce qui lui arrive, et les gens nommés à l'extérieur ont d'autres préoccupations. Ils vont s'intéresser à l'université, et nous les voulons, et nous avons besoin, mais pas mettre le paquet sur les gens à l'externe. Au contraire, assurez-vous d'une présence à l'interne de gens qui ont à coeur tout naturellement. Ça fait partie de notre tâche, le service à la collectivité, on a tout naturellement à coeur le destin de notre université. Vous nous mettez en position de responsabilisation et de participation et vous allez avoir des résultats fantastiques.
Le Président (M. Marsan): Je vous remercie. Ceci termine l'échange avec le parti de l'opposition officielle. Je vais maintenant reconnaître le porte-parole du deuxième groupe d'opposition en matière d'éducation, d'identité et de culture, M. le député de Chauveau.
M. Deltell: Merci, M. le Président. Messieurs, ça me fait plaisir de vous rencontrer. D'entrée de jeu, je dois vous dire que les gens que vous représentez sont rudement bien représentés. Vous plaidez avec foi et conviction leurs intérêts, et c'est tout à votre honneur, particulièrement le dernier propos que vous venez de tenir. Et, si j'étais un de vos membres, je serais très fier de vous voir plaider ainsi.
Cela dit, M. Dumont, vous avez dit tout à l'heure que c'est la valeur des gens que ça prend, et nous partageons votre point de vue là-dessus. Ce n'est pas tant le fait que ce soient des gens de l'interne ou de l'externe mais des gens de valeur que ça prend à l'intérieur des conseils d'administration. Vous plaidez de belle façon que c'est des gens qui ont les deux pieds dedans qui savent exactement c'est quoi, les besoins. Ce sont les gens qui ont à coeur, peut-être plus à coeur l'université, ceux qui y travaillent. Vous le démontrez. Est-ce que c'est vrai pour l'ensemble de vos professeurs? Peut-être, mais on ne le sait pas. Mais ceux qui sont sur les conseils d'administration, je présume, qui sont des employés, qui sont des gens de l'interne, doivent l'être, eux, également.
Mais la dérive qui est survenue à l'UQAM, puisque c'est la raison pour laquelle nous sommes ici, est due non pas au fait qu'il y ait des gens de l'interne ou de l'externe. À notre point de vue, c'est dû au fait qu'il y a des gens qui ont fermé les yeux puis qui n'ont pas été attentifs à ce qui se passe; bref, qui ont fait preuve de laxisme.
Alors, malgré le fait qu'il y a des gens qui sont à l'intérieur même d'une organisation qui ont à coeur comme vous avez à coeur le bien de l'université, de votre université, de votre employeur, vous ne croyez pas que des gens de l'extérieur peuvent, eux aussi, avoir la même passion, la même foi envers l'université? Parce qu'ils pourraient être ailleurs, ils pourraient faire d'autre chose, mais ils décident de s'impliquer, souvent pour des sommes dérisoires, sinon ne pas être payé pantoute, d'être dans les conseils d'administration pour le bien-être. Est-ce que c'est... Est-ce que vous pensez qu'il y a des gens de l'extérieur qui peuvent avoir autant la foi que vous?
M. Dumont (Louis): Tout à fait.
Le Président (M. Marsan): Alors, M. Dumont.
M. Dumont (Louis): Oui, tout à fait. Je pense qu'au conseil de l'Université de Montréal il y a des gens de l'extérieur qui sont... qui ont, j'imagine, l'Université de Montréal tatouée sur le coeur, parce que ça fait de très nombreuses années qu'ils sont membres du conseil. Ils ont un apport significatif.
Qu'est-ce qui explique ces dérives qu'on voit à l'heure actuelle en termes de salaires, en termes de choix prioritaires sur des achats de terrain qui sont plus ou moins souhaitables, devant des immeubles qu'on a acquis, qu'on a, à mon avis, trafiqué les coûts de rénovation pour dessiner des choix? La valeur des individus, probablement. Qu'est-ce qui fait qu'au conseil d'administration il y ait des décisions qui mènent à ces dérives? Est-ce que ce sont les sous-comités qui sont responsables de ça? Probablement. Donc, on a confié l'aspect immobilier à un nouveau comité qu'on a mis sur pied au conseil de l'université, l'Université de Montréal. Donc, il y a des personnes du conseil et un externe qui n'est ni au conseil ni de l'université qui siègent à ce comité-là, et qui établit de quelle façon le parc immobilier de l'université devrait évoluer ou devrait se transformer. Pour le comité de vérification, c'est exactement la même chose; pour le comité des ressources humaines, c'est la même chose.
Les personnes qui sont là, pourquoi ont-elles adopté de telles politiques et sont-elles revenues avec ces politiques-là au conseil? Je ne peux pas vous dire parce que nous ne pouvons pas parler avec ces personnes-là ni discuter de ces questions-là avec les représentants de la communauté qui sont au conseil de l'université. Pourquoi? Parce qu'on a... on a imposé la loi du silence. Tout ce qui se dit au conseil de l'université est confidentiel. On leur fait signer un document; ce qui se dit est confidentiel. Et, pour nous, nous devons être capables d'échanger avec ces personnes-là qui siègent à l'assemblée universitaire, mais qui ne donnent pas encore...
Moi, ça fait trois ou quatre ans que je demande à la secrétaire générale: Est-ce qu'on peut s'organiser pour que les membres du conseil qui siègent à l'A.U. nous informent des débats au conseil? On est en 2009, c'est zéro changement. On essaie de savoir ce qui se passe au conseil de l'université.
Normalement, les résolutions, elles sont disponibles sur le site de l'université. La dernière en date, savez-vous quelle est la date de la résolution? Décembre 2007. On pourrait se demander: Depuis décembre 2007, qu'est-ce qu'a fait le conseil de l'université? Qu'est-ce qu'ont fait les sous-comités? Est-ce qu'ils se sont assis pour prendre un thé, prendre un café, prendre un gin, on discute, et rien n'est ressorti des discussions? J'en doute beaucoup.
Donc, l'information ne circule pas. Et, pour les membres, je pense qu'ils ont une valeur. Est-ce que...
Le Président (M. Marsan): Alors, merci...
M. Dumont (Louis): ...cette valeur-là, elle... elle prend racine dans les décisions? À mon avis, on ne peut pas juger... ou ce qu'on voit à l'heure actuelle pourrait nous inciter que non.
Le Président (M. Marsan): M. Dumont, M. Saul, M. Seymour, nous vous remercions de nous avoir exposé la position du Syndicat général des professeurs et des professeures de l'Université de Montréal.
La commission suspend ses travaux jusqu'à 19 h 30.
(Suspension de la séance à 18 h 20)
(Reprise à 19 h 37)
Le Président (M. Marsan): À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
Le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le projet de loi n° 38, Loi modifiant la Loi sur les établissements d'enseignement de niveau universitaire et la Loi sur l'Université du Québec en matière de gouvernance, et sur le projet de loi n° 44 modifiant la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel en matière de gouvernance.
Nous allons immédiatement accueillir les représentants de la Fédération du personnel professionnel des universités et de la recherche, M. Bernard Gaucher et Mme Michèle Beaudoin. Ça nous fait plaisir de vous avoir avec nous. Alors, nous... vous avez 15 minutes pour faire votre présentation. Vous pouvez y aller, M. Gaucher.
Fédération du personnel professionnel des
universités et de la recherche (FPPU)
M. Gaucher (Bernard): Oui. Bonsoir, M. le Président. Bonsoir, Mme la ministre et les membres de cette commission. Je tiens à vous remercier pour l'invitation. Bon, comme vous... Je suis Bernard Gaucher. Je suis président de la Fédération du personnel professionnel des universités et de la recherche. Je suis accompagné de madame... par Mme Michèle Beaudoin, vice-présidente à la fédération, qui présentera dans quelques minutes les grandes lignes de notre mémoire.
Considérant que, dans le monde universitaire, il est facile de reconnaître l'étudiant, le professeur, le personnel de soutien, il en est tout autrement pour le personnel professionnel, donc je vais prendre quelques minutes pour vous dire qui nous sommes pour aider les gens de la commission à nous... à mieux saisir qui nous sommes.
Alors, le personnel professionnel travaille auprès de la communauté étudiante, auprès des professeurs et des équipes de professeurs au sein des services administratifs: finances, recrutement, informatique; à l'intérieur des services pédagogiques: bibliothèque, audiovisuel, technologies de l'information; au développement des programmes d'études dans des laboratoires, des départements, des facultés; et à des postes névralgiques à titre de conseiller dans les vice-rectorats. Nous les retrouvons comme coordonnateurs de stage, conseillers pédagogiques, spécialistes du développement et de l'évaluation des programmes. En recherche, le personnel contribue de façon significative à son avancement. Ils sont des personnes qui encadrent les activités des projets de formation et concourent au développement et au rayonnement des étudiants.
Le personnel professionnel est très souvent la mémoire administrative et scientifique des groupes ou services auxquels il appartient. Ils offrent un support aux étudiants, support qui s'avère déterminant dans la réussite de leurs études et dans l'orientation de carrière.
En résumé, les professionnels sont des membres à part entière de la communauté universitaire et des acteurs de premier plan. Les différents postes occupés à l'intérieur des universités par les professionnels leur permettent d'avoir une vision d'ensemble de l'université.
Voilà brièvement qui nous sommes. Maintenant, je cède la parole à Mme Beaudoin pour nous communiquer... vous communiquer l'essentiel du mémoire.
n(19 h 40)nLe Président (M. Marsan): Mme Beaudoin.
Mme Beaudoin (Michèle): Bonsoir, M. le Président. Le présent mémoire vise à démontrer que le projet de loi n° 38 concernant la gouvernance des universités va à l'encontre de la vision que la Fédération du personnel professionnel des universités et de la recherche a pour les universités québécoises. En effet, nous croyons que cela mérite une réflexion plus approfondie avant d'importer des modèles de gestion inspirés du secteur privé, comme le gouvernement l'a déjà fait pour ses sociétés d'État en 2006 avec la loi n° 53, celle sur la gouvernance des sociétés d'État.
Dès l'adoption de cette loi, la fédération a mis en place un processus de consultation auprès de ses membres afin de vérifier la pertinence d'appliquer le modèle de cette loi dans la gouvernance des universités québécoises. Au cours de notre consultation, plusieurs événements ont nourri notre réflexion. Pensons aux grands travaux de développement immobilier dans certaines universités, aux dépassements financiers, aux déficits budgétaires qui touchent toutes les universités québécoises, à l'envie et aux mesures prises par plusieurs d'entre elles de faire appel à la participation de diverses sources de fonds, provenant notamment du secteur privé. Voilà autant de situations qui ont eu pour effet de nous amener à penser que l'État mettrait en place des mesures pour assurer une meilleure gouvernance de ces établissements.
Quel ne fut pas notre étonnement lorsque le projet de... premier projet de loi n° 107, suivi de son frère jumeau, le projet de loi n° 38, a été déposé sans avoir fait cette réflexion approfondie de ce que les universités auraient besoin comme gouvernance. À quelques différences près, ce projet de loi est un copier-coller de la loi n° 53. A-t-on réellement évalué les résultats de la mise en place et de l'impact de cette loi?
Pour notre part, cette réflexion s'est amorcée en tenant compte des préoccupations déjà présentes dans d'autres organisations, autant nationales qu'internationales. Depuis quelques années, que ce soit l'Organisation de la coopération et du développement économiques, l'Internationale de l'éducation, l'Institut sur la gouvernance d'organisations privées et publiques ou le Conseil supérieur de l'éducation, par sa commission de l'enseignement supérieur et de la recherche universitaire, tous se sont préoccupés de la situation précaire des universités dans un contexte de mondialisation et ont préparé des rapports concernant spécifiquement la gouvernance des établissements de l'enseignement supérieur. C'est dans ce contexte que la FPPU a réfléchi sur l'enjeu crucial des formes de gouvernance que les universités québécoises devraient adopter pour que le devenir de ces établissements s'inscrive dans la continuité et le respect de leurs missions.
Comme vous l'avez remarqué dans notre mémoire, nous optons pour une consultation la plus large possible de type états généraux sur nos universités. Les plus grands penseurs sur le changement ne cessent de nous répéter que plus les personnes concernées par le changement sont informées et impliquées dès le début de la démarche du changement, plus ceux-ci y adhérent et s'approprient ledit changement. L'un des plus grands reproches que nous déplorons au processus actuel, c'est qu'il n'y a pas eu de discussion approfondie de la part de tous les intervenants universitaires et de la société civile sur les grands enjeux que rencontreront nos universités dans un avenir à court, moyen et long terme.
D'abord, pour mieux cerner l'objet de la réflexion, nous avons jugé bon de faire un bref rappel de ce que certains disent concernant le concept de gouvernance. L'OCDE prône depuis la fin des années quatre-vingt-dix la bonne gouvernance et nous indique les principes qui suivent: «Les principes de la bonne gouvernance peuvent transformer non seulement les relations entre l'administration, les citoyens et le Parlement, mais le bon fonctionnement de l'État. Ces principes sont: la primauté du droit; la transparence et l'obligation de rendre compte aux institutions démocratiques; l'équité, notamment des mécanismes de consultation et de participation [de ces] citoyens; l'efficience et l'efficacité des services publics; des lois et [des] réglementations clairs et transparents; la cohérence de la formulation de politiques; et l'éthique et la bonne conduite.» Par ailleurs, dans une étude pour l'OCDE, un expert, le Pr Tarschys, met en garde contre les abus que peuvent générer certaines formes de gouvernance: «L'acceptation à contrecoeur de la gouvernance pour se protéger de formes de domination moins souhaitables explique pour une large part la préoccupation continuelle des mécanismes de contrôle dans la théorie politique.» Ce même auteur nous présente la nature peut-être plus souhaitable de la démocratie dans la gouvernance de par la capacité qu'elle donne aux citoyens d'agir. Ainsi, il dit: «En quoi ce développement affecte-t-il la qualité de la gouvernance? Les démocraties ne sont certes pas immunisées contre l'abus d'autorité, l'exploitation des moyens publics à des fins privées, le manque de vision à long terme en politique, l'intrusion excessive de l'État dans la vie des citoyens, ou toute autre forme reconnue de mauvaise administration.» À partir de cette consultation auprès de nos membres, en juin 2008, la Fédération du personnel professionnel des universités et de la recherche s'est dotée d'une déclaration sur la gouvernance qui trace les paramètres d'une saine gouvernance dans nos universités québécoises. La fédération affirme que la gouvernance des universités doit avoir une vision plus large que la stricte reddition des comptes.
Nous souscrivons à la mission universitaire fondamentale qui passe par le développement, la transmission et la préservation des connaissances et à une imputabilité qui dépasse la stricte reddition de comptes budgétaire. Nous souscrivons à une approche et à des pratiques de gouvernance qui tiennent compte de la mission des universités, laquelle s'appuie sur sa caractéristique de service public. Nous souscrivons à la reconnaissance et à l'équilibre entre les trois composantes indissociables, c'est-à-dire l'enseignement, la recherche et le service à la collectivité, tel que précisé dans l'avis du Conseil supérieur de l'éducation.
Nous souscrivons à l'autonomie de chaque université, qui s'articule dans le respect des valeurs fondamentales: collégialité, liberté d'enseignement et de recherche, indépendance de l'esprit, accessibilité aux études, qualité des services universitaires. Nous souscrivons à une université où tous les membres de la communauté universitaire, comprenant également les étudiants, contribuent à l'accomplissement de la mission et participent aux différentes instances institutionnelles.
Nous souscrivons aux objectifs de l'internationalisation dans le respect de la qualité de formation et des programmes ainsi que des politiques linguistiques des universités québécoises.
Nous souscrivons à la recommandation du Conseil supérieur de l'éducation visant le maintien de la recherche fondamentale. Nous souscrivons à la recommandation du conseil à l'effet que les universités s'assurent que le développement de la recherche et la recherche en partenariat se fassent dans le respect de l'autonomie universitaire et de la liberté académique.
Nous rejetons toute centralisation du pouvoir entre les mains de personnes issues du milieu des affaires, une marginalisation de la gestion collégiale et l'internationalisation de la mission universitaire à des fins strictement mercantiles.
Nous revendiquons des conseils d'administration où toutes les catégories d'emploi de la communauté universitaire ainsi que les étudiants et les membres provenant du milieu social, représentatifs de l'ensemble de la société civile, soient représentés. Nous revendiquons que les membres externes siégeant au conseil d'administration aient une connaissance suffisante des réalités du monde universitaire et que ceux-ci ne soient pas subordonnés aux autorités de l'établissement. Nous revendiquons que les établissements prennent les mesures nécessaires pour que tous les membres du conseil d'administration ne soient jamais placés en conflit d'intérêts.
Nous revendiquons des processus de reddition de comptes enrichis par les balises telles que proposées par le Conseil supérieur de l'éducation à la recommandation 12 dans son avis Des acquis à préserver et des défis à relever pour les universités québécoises, et réaffirmées récemment dans son rappel des positions pour la gouverne en éducation. Le conseil recommande à la ministre d'enrichir le processus de reddition de comptes en vue d'y inclure des indicateurs qui témoignent de la réalisation de la mission universitaire, de développer des méthodes d'analyse et de synthèse des informations recueillies en vue de dégager les lignes de force et les lacunes du système universitaire québécois, de rendre public le résultat de cette analyse et de formuler les orientations nécessaires visant à améliorer la performance et la qualité de l'ensemble de ce système.
Nous revendiquons un vérificateur-ombudsman qui rende compte du maintien et du respect de la mission fondamentale des universités.
n(19 h 50)n La FPPU adhère aux principes énoncés par l'OCDE en ce qui a trait à la gouvernance tels que cités précédemment.
En conclusion, M. le Président, nous croyons qu'une telle législation ne permettra pas d'enrayer les frasques qu'ont connues nos universités ces dernières années. Les événements récents n'identifient que les problèmes de l'UQAM. Toutefois, qui ne connaît pas les bavures immobilières de l'Université de Montréal ou les augmentations salariales versées aux hauts dirigeants et sanctionnées par le C.A., le déficit énorme de l'Université Laval? Que dire des autres qui... souvent couvertes par leurs fondations pour faire face au désengagement de l'État?
Nous sommes en accord avec une vigilance accrue de l'octroi des fonds publics à des développements au-delà de ce que l'on demande d'une université. Toutefois, le projet de loi ne pourra pas éviter un autre scandale. Il ne réglera pas le problème. Bien au contraire, il s'immisce dans le fonctionnement universitaire.
Nous nous inquiétons de l'impact de cette étatisation des universités québécoises, notamment en ce qui a trait à leurs chartes actuelles. L'avenir du réseau de l'Université du Québec nous semble menacé. N'y aura-t-il désormais qu'un seul modèle d'université québécoise? Des universités comme McGill ou Sherbrooke, par exemple, seront-elles transformées dans des structures comparables aux autres sociétés de l'État?
Nous continuons à dénoncer le sous-financement de l'université québécoise et pensons que les gens d'affaires ont actuellement leurs propres priorités de corrections à faire dans leurs milieux. Nous nous inquiétons de la limitation de la capacité d'innovation et d'action des universités en réaction à un accident de parcours. Nous nous inquiétons de l'expérience du modèle français, qui visait l'uniformisation par l'étatisation et qui doit maintenant rebrousser chemin.
Tout comme le professeur émérite Kesteman, de l'Université de Sherbrooke, l'écrivait récemment dans Le Devoir: «La gouvernance universitaire est le masque idéologique de la tutelle. Elle n'a aucune légitimité démocratique. Elle constitue une ingérence inacceptable de l'État québécois dans des institutions autonomes.» Tout comme la Table des partenaires universitaires, la FPPU joint sa voix pour dire non à une loi qui veut confier les destinées des universités à une majorité d'administrateurs dont les valeurs sont étrangères au milieu universitaire et qui vient réduire la participation des représentants internes. Non à une loi qui risque d'accentuer des pratiques propres au secteur privé sans pour autant protéger des dérives immobilières pour justifier l'imposition d'une loi sur la gouvernance universitaire. Oui à des états généraux où les acteurs institutionnels, politiques et la société civile s'entendront sur un projet commun, une charte protégeant l'université comme institution et établissant les repères pour une saine gouvernance des établissements universitaires, dans le respect de leurs valeurs et de leurs missions.
Merci, M. le Président. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.
Le Président (M. Marsan): Merci, Mme Beaudoin, M. Gaucher. Vous êtes en plein dans le temps qui vous était imparti, et je vous en remercie. Je vais reconnaître immédiatement la ministre de l'Éducation, du Loisir et des Sports. Mme la ministre.
Mme Courchesne: Merci, M. le Président. Madame, monsieur, merci d'être là. Le président est heureux: vous êtes exactement dans le temps.
Et j'ai... je veux revenir sur certaines déclarations de votre mémoire, notamment parce que vous dites que vous adhérez aux principes de l'OCDE. Et vous les énumérez dans votre mémoire. Ces principes sont: la primauté du droit; la transparence, l'obligation de rendre des comptes aux institutions démocratiques; l'équité, mais l'équité notamment des mécanismes de consultation et de participation des citoyens; l'efficience et l'efficacité des services publics; des lois, des lois et réglementations claires et transparentes; la cohérence de la formation de politiques; et l'éthique et la bonne conduite.
Vous dites par ailleurs dans votre mémoire que ce projet de loi... Parce que ça, c'est les principes fondamentaux, puis, tu sais, je pense sincèrement qu'on s'entend là-dessus, là. Peut-être qu'on ne s'entend pas sur les moyens, mais on s'entend qu'on s'entend là-dessus. Puis vous dites, dans votre mémoire, que le projet de loi va entraver la capacité d'innover au niveau... la capacité de l'innovation au sens de la recherche et de l'innovation, que ça va restreindre les actions des universités, etc. Mais, si on revient à ces principes-là... ou on a même discuté, en fin de journée, des principes de mécanismes auprès des assemblées universitaires, par exemple, il me semble qu'entre tout ou rien, là, entre toute cette réaction qui est la vôtre et notre capacité, au Québec, dans notre société à nous, de respecter les principes de l'OCDE dans la... non seulement la gestion, mais dans la capacité de préserver les missions des universités, moi, j'essaie de voir.
Je voudrais que vous nous disiez quel est l'aspect. Est-ce que c'est seulement l'aspect... ? puis vous m'excuserez, là, il est très, très, très tard pour moi, la journée a commencé très, très tôt ? est-ce que c'est seulement l'aspect du... de la composition du conseil d'administration? Qu'est-ce qui, selon vous, dans cette loi, empêche de respecter ces principes de gouvernance? Qu'est-ce qui vous frappe le plus?
Le Président (M. Marsan): M. Gaucher.
M. Gaucher (Bernard): Bien, juste avant de répondre à la question de la ministre, comme vous avez pu le noter dans notre mémoire, on en a beaucoup aussi contre le processus, dans le sens où on pense qu'il est important de consulter, d'impliquer les gens dans le changement, et on l'a mentionné dans notre exposé de départ. Et ça, je veux dire, globalement... Et en même temps on est tout à fait d'accord de dire que... On s'est quand même mouillés en disant qu'on était d'accord sur une gouvernance saine et on est allés chercher des principes qu'on retrouvait au niveau de l'OCDE.
Il reste maintenant que le projet de loi, quand on... Nous, on vous l'a dit dès le départ, on est des gens qui sont sur le terrain. On n'est pas des gens habituellement qui parlent ou qui viennent s'asseoir ici pour venir vous dire qu'est-ce qui ne marche pas, on est des gens qui vivent le quotidien du terrain, et c'est là qu'on se questionne beaucoup sur le projet de loi, sur, bon, la notion de collégialité. Je veux dire, on ne le retrouve pas non plus. Et en même temps on se questionne, et, ça aussi, l'OCDE nulle part ne l'écrit, malgré où elle dit que ça doit être... Vous avez fait référence à la loi; nulle part on ne dit que la gouvernance doit se traduire dans une loi. On pense qu'on doit respecter les lois qui sont là. Alors, à ce niveau-là, on se questionne toujours sur la... Pas «on se questionne». D'après nous, la loi n'est pas nécessaire, et c'est un peu ce qu'on vient vous dire ce soir.
Maintenant, il y a aussi toute la notion, comme je vous disais, du processus qui nous inquiète, parce que, si les gens n'embarquent pas dans ce processus de changement là, bien on risque, à mon avis, de ne pas arriver à des... aux fins espérées.
Le Président (M. Marsan): Oui, Mme Beaudoin.
Mme Beaudoin (Michèle): Oui. J'aimerais rajouter que, pour nous, l'imposition d'une autre loi... On pense qu'il y a nécessité d'améliorer la gouvernance des universités, et nous en sommes très conscients, mais l'ajout d'une autre loi alors qu'il y a déjà beaucoup de mécanismes qui sont en place et qui auraient pu être coordonnés, qui auraient pu être améliorés, je pense qu'on avait... on avait suffisamment de lieux pour pouvoir faire ces choix-là.
Qui plus est, on pense que, la façon dont le conseil d'administration sera formé dorénavant, la place des professionnels, c'est sûr qu'elle ne sera pas là; la place du personnel de soutien et tous ceux qui sont vraiment sur le terrain ne sera pas là. Qui plus est, il n'y aura que trois... Dans certaines universités, il n'y aura que trois places ou quatre personnes de l'interne qui devront se déchirer pour savoir qui pourra être membre du conseil d'administration.
Et on sait par ailleurs qu'il est souvent difficile de bien faire comprendre à des membres externes quelle est la vision universitaire. Une université, c'est afin de former des citoyens du futur, et, pour nous, on se questionne sur comment les gens qui vont venir de l'extérieur pourront vraiment bien comprendre que, même s'il n'y a pas beaucoup d'étudiants dans un programme, il est nécessaire de faire fonctionner ces programmes.
Le Président (M. Marsan): Oui, merci. M. le député de Charlesbourg.
n(20 heures)nM. Pigeon: Bonjour, madame. Bonjour, monsieur. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Moi, je pense que... J'ai regardé votre mémoire, puis évidemment j'ai retenu la phrase que vous avez citée, là, du Pr Kesteman, et j'avoue qu'il me semble que c'est un peu fort comme mot, de parler de tutelle. Moi, j'ai devant moi un document qui a été distribué ce matin, là ? on pourra, j'imagine, le faire circuler, là ? qui résume un peu la gouvernance des universités européennes, par exemple.
Et j'aurais envie de vous demander, là, d'après vous, puis c'est une question que j'ai déjà posée à d'autres groupes, quelles sont les meilleures universités dans le monde? Puis c'est quoi, leur gouvernance? Comment ça se passe ailleurs? Est-ce qu'ailleurs ils ont vraiment d'autres modèles? Est-ce qu'il y a des endroits où ils ont inventé un modèle que vous préféreriez puis qui donnerait des meilleurs résultats? Avez-vous tenté de voir un peu dans les réflexions... Vous avez un mémoire qui est quand même long puis étoffé, puis vous avez lu beaucoup, là, clairement, vous avez fait vos devoirs, puis un prof comme moi apprécie ça, mais dites-moi, par rapport à l'Europe, par rapport à l'Asie qui a de grandes universités maintenant, par rapport à l'Inde qui a de grandes universités maintenant, par rapport au Japon, par rapport à l'Amérique du Nord, on se situe comment, nous autres, ici, au Québec, là, et avec un projet de loi comme ça?
Le Président (M. Marsan): Alors, Mme Beaudoin.
Mme Beaudoin (Michèle): Honnêtement, monsieur, je ne pourrais pas répondre adéquatement à cette vaste question parce que je ne pourrais pas comparer la gestion d'une université indienne avec la gestion de nos universités québécoises. Par contre, je crois qu'il est fort à parier qu'il y a toutes sortes de formules de gestion qui sont typiquement aux cultures aussi. Et, moi, je pense qu'on avait... on a ici, au Québec, des gens de grande connaissance et des gens qui n'ont pas l'intention de nécessairement jeter de la poudre aux yeux dans la gestion de nos universités. On était capables, avec tous les outils qui sont en place, de s'assurer d'améliorer le système universitaire et s'assurer que l'accessibilité à l'éducation ne sera pas entachée partout dans la province.
Le Président (M. Marsan): M. le député de Charlesbourg.
M. Pigeon: Oui, merci, M. le Président. Vous parlez d'accessibilité. Là, quel serait le lien? Je ne saisis pas le lien que vous faites entre l'accessibilité aux études supérieures puis le projet de loi actuel. Est-ce que...
Mme Beaudoin (Michèle): Bien, nous, on craint que...
Le Président (M. Marsan): Mme Beaudoin.
Mme Beaudoin (Michèle): Oui, excusez-moi. Nous craignons que la place d'un plus grand nombre de monde axé sur vraiment l'aspect administration des affaires fasse en sorte que, si on décide que nos universités deviennent des boîtes rentables, il est certain que certains aspects de la formation supérieure risquent d'être entachés. C'est une des craintes que nous avons.
Le Président (M. Marsan): M. le député de Charlesbourg...
Mme Beaudoin (Michèle): Et en quelque sorte l'accessibilité pour des programmes.
Le Président (M. Marsan): Alors, M. le député.
M. Pigeon: Merci, M. le Président. Je pense que je vais me permettre de répéter, ou enfin peut-être pas de façon exacte, mais ce qui a été dit ici et ce que Mme la ministre aussi, là, a mentionné à plusieurs reprises, que c'est clair que, pour avoir un conseil d'administration qui fonctionne bien, il faut une diversité de points de vue et que les gens qui arrivent de l'extérieur, quel qu'en soit le nombre, là, on ne parle pas de nombre, mais que les gens qui arrivent de l'extérieur viennent d'horizons divers. Et donc je pense qu'il faut que ça soit clair. Je ne connais pas le... je n'ai pas l'article de loi, là, par coeur, mais il faut que le conseil reflète la diversité. Et le monde qui est à l'extérieur de l'université n'est pas qu'économique, il est social, il est culturel, et donc, moi, le projet de loi ne m'apparaît pas, de la manière dont il est écrit, comme donnant énormément de pouvoir au monde des affaires. Je pense que, là, on fait un passage peut-être un peu rapide.
Et, moi, j'aimerais bien... Et, moi, j'ai vécu une certaine expérience, comme vous savez, à l'Université Laval, et c'est sûr que c'est intéressant peut-être, quand on a des problèmes financiers, d'avoir un grand dirigeant de banque mais d'avoir aussi le directeur d'un grand musée, par exemple le Musée de la civilisation à Québec, je pense que ça fait quelqu'un qui apporte un point de vue intéressant. Et donc je donne ces deux exemples là parce qu'il me semble que ce qui fait la richesse d'un conseil d'administration, et c'est la même chose pour l'interne... Et, moi, il m'apparaît que ce qui est important dans tout ça, c'est que tous les points de vue soient exprimés, qu'il y ait un certain équilibre. Mais, sauf erreur, je pense que la crainte que vous avez de voir le monde des affaires envahir le système ne m'apparaît pas vraiment fondée.
Le Président (M. Marsan): M. Gaucher.
M. Gaucher (Bernard): Oui, merci, M. le Président. Bon, si on y va dans des exemples plus précis, si on regarde, par exemple, au niveau des régimes de retraite, O.K., actuellement, bien, je vais dire, au niveau de l'Université du Québec, on ne connaît pas vraiment qu'est-ce qu'il va en arriver de la Loi de l'Université du Québec et de toutes ces lois. Donc, quand on dit... Pour prendre une bonne décision, nous, il nous manquait de l'information, et, dans ce sens-là, il manque de l'information. Si je regarde au niveau des régimes de retraite où j'aurai des membres indépendants qui seront là et qui auront à prendre des décisions pour les membres de la communauté universitaire, à savoir qu'est-ce que je fais avec l'indexation, je la donne ou je ne la donne pas, quand ce... les gens pourront décider, les gens au niveau des universités, et ça, pour les gens, c'est inquiétant. Et c'est ça un peu, je veux dire, dans les faits, que... Lorsque les gens nous viennent de l'extérieur, qu'ils ne comprennent pas tout, comment fonctionnent les conseils d'administration, nous, ça nous inquiète un peu.
Le Président (M. Marsan): M. le député de Charlesbourg, en terminant.
M. Pigeon: Je me permettrais ? puis je ne veux pas prendre tout le temps ? je me permettrais une dernière intervention concernant les régimes de retraite. Et j'allais dire que, d'une part, évidemment, c'est des objets de négociation et évidemment c'est géré normalement par les conventions collectives, que je sache. Donc, il y a des mécanismes pour gérer ça. Et, d'autre part, dans la plupart des régimes que l'on connaît, il s'agit toujours de représentation paritaire employeur-employés dans les universités. Il me semble que c'est ça, donc. En tout cas, je vous dirais très respectueusement que je pense que vos craintes sont un peu trop lourdes, si je peux me permettre de le dire. Mais je vais passer la parole à mes collègues.
Le Président (M. Marsan): M. Gaucher, un commentaire?
M. Gaucher (Bernard): Bien, c'est un contenu qui est très pointu, je pense qu'on va continuer à répondre aux questions. On pourra échanger après la séance sur ça.
Le Président (M. Marsan): Alors, M. le député de Lévis.
M. Lehouillier: Moi, ce que j'essaie de voir par rapport... D'abord, félicitations, merci beaucoup de la présentation de votre mémoire. Mais c'est drôle, hein, mais j'ai relu le... Pendant qu'il y avait des interventions, je relisais un peu le résumé de votre mémoire. Vous dites: Nous rejetons, nous revendiquons. Puis il y a trois éléments, là, majeurs: Nous souscrivons, nous rejetons, nous revendiquons. «Nous rejetons toute centralisation du pouvoir entre les mains de personnes issues du milieu des affaires, une marginalisation de la gestion collégiale et l'internationalisation de la mission universitaire à des fins strictement mercantiles.» Ce que je trouve curieux, c'est... Pouvez-vous me dire où vous retrouvez ces éléments-là dans le projet de loi? Parce que, moi, j'ai beau regarder le projet de loi, puis, au contraire, je ne vois pas de centralisation là-dedans, là. Est-ce que c'est le gouvernement qui nomme les membres du conseil d'administration? Je pense qu'il en nomme un. Alors, je voudrais que vous m'expliquiez qu'est-ce que vous entendez par cette centralisation du pouvoir, étant donné que l'un des objectifs, c'est de nous assurer, il ne faut pas l'oublier, la reddition de comptes. Puis en même temps une université, dans son milieu, ce n'est pas quelque chose de statique, c'est quelque chose qui doit composer avec le milieu.
D'autre part, on prévoit, dans la loi, une diversité des profils d'expérience et de compétence des membres indépendants du conseil d'administration qui doit être privilégiée. Où vous avez vu ça, la centralisation du pouvoir entre les mains de personnes issues du milieu des affaires? Où vous avez vu ça dans le projet de loi?
Le Président (M. Marsan): Mme Beaudoin.
Mme Beaudoin (Michèle): Non. Écoutez, c'est que nous avons des situations... Présentement, dans plusieurs de nos conseils d'administration, il y a de la place au plus grand nombre de gens à l'interne. Mais les membres provenant du domaine externe, les membres socioéconomiques qu'on appelle, proviennent, dans la plus grande part de nos universités... issus du milieu des affaires, et c'est notre crainte. On sait qu'il est écrit dans le projet de loi qu'on veut un nombre diversifié de représentants. Mais avec un nombre de gens qui encore moins grand à l'interne et qui va... et le nombre plus grand à l'externe, comment pourrons-nous nous assurer qu'il n'y aura pas une vision mercantile de nos universités alors que présentement le privé s'immisce, toute la vision managériale s'immisce dans nos universités déjà actuellement? C'est notre crainte sur le conseil d'administration.
M. Lehouillier: Alors, dois-je comprendre...
Le Président (M. Marsan): M. le député de Lévis.
n(20 h 10)nM. Lehouillier: Oui. Merci, M. le Président. Dois-je comprendre, parce que c'est quand même extrêmement important... Moi, je vous le dis, là, en lisant votre résumé tout à l'heure, je sursautais un peu. Mais dois-je comprendre ? parce que là je pense que je suis en train de comprendre ? dois-je comprendre qu'en réalité ce que vous exposez dans votre mémoire, ce sont plus des craintes que ce qu'il y a réellement dans le projet de loi? C'est les craintes par rapport à ce qui existe actuellement et non par rapport à ce qu'il y a dans le projet de loi. Parce que le projet de loi, il est très clair sur la diversité des profils d'expérience. Et cette diversité des profils d'expérience, ce n'est pas le gouvernement qui va l'imposer. C'est vraiment le conseil d'administration de l'université qui va déterminer ces profils d'expérience. Alors, il vous appartient de ne pas aller chercher des gens qui vont être strictement mercantiles. Ce n'est pas le gouvernement, là. Est-ce que ça se pourrait que vous ayez mélangé la situation actuelle avec le projet de loi? C'est ça, ma question.
Le Président (M. Marsan): M. Gaucher.
M. Gaucher (Bernard): Bien, je veux dire, non, pas vraiment. Je veux dire, dans les faits, comme on vous l'a expliqué, il y a eu une déclaration qui a été faite bien avant. Nous, on s'est donné... en disant: Qu'est-ce qu'on veut avoir des universités québécoises dans le futur? On a fait une déclaration. Et là, je veux dire, on a établi des prémices selon ce qu'on connaissait.
Quand vous dites que le projet de loi... on ne retrouve pas vraiment... dans le projet de loi, il n'y a rien de clair ou encore au niveau du... on n'identifie pas nécessairement les gens des affaires, c'est libre, et tout ça, je veux dire, on en convient. Mais en même temps, pour nous autres, il n'y a rien non plus qui est confirmé. Il n'y a rien de... Dans la loi, on ne retrouve pas nécessairement non plus des choses qui vont venir nous rassurer sur l'inquiétude qu'on a actuellement. On ne retrouve pas ça.
Donc, quand on vient énoncer, nous, que les conseils d'administration gérés par les gens de l'externe... Comme le disait Mme Beaudoin, je veux dire, actuellement, on dénote plus... on a rarement de personnes qui viennent du milieu social, du milieu communautaire, on en a rarement. La plupart des gens, c'est des gens qui sont... qui travaillent avec le milieu des affaires.
Le Président (M. Marsan): M. le député de Lévis.
M. Lehouillier: Alors, vous dites également: «Nous revendiquons des conseils d'administration où toutes les catégories d'emplois [...] [sont représentées]» puis des gens provenant du milieu; «que les membres externes siégeant au conseil [...] aient une connaissance des réalités du monde universitaire; que les membres [...] du conseil d'administration ne soient pas subordonnés aux autorités de l'établissement; que les établissements prennent les mesures nécessaires pour que tous les membres du conseil [...] ne soient jamais placés en conflits d'intérêts; [que le] processus de reddition de comptes [enrichi par de telles balises]...», bon, etc., et la vérificatrice-ombudsman.
Dites-nous, dans vos revendications ? je les lis, là, avec vous ? dites-nous, dans vos revendications, qu'est-ce qui n'est pas dans le projet de loi?
Le Président (M. Marsan): Mme Beaudoin.
Mme Beaudoin (Michèle): Écoutez, dans le projet de loi qui est présentement, c'est très clair que les membres du C.A. seront nommés, à part un, par le C.A. et les membres internes. Parce que tantôt vous sembliez dire qu'on pourrait peut-être s'assurer, nous, à l'interne, que c'est une population diversifiée; bien, à l'interne, on ne sera tellement pas nombreux qu'on ne pourra pas le revendiquer. Qui plus est, on sait déjà présentement que ce qui existe dans plusieurs de nos universités, c'est que les membres socioéconomiques, qu'on appelle, sont dictés par la direction de l'université. Au moins, il y avait présentement en place suffisamment de membres internes pour permettre des discussions ouvertes et balisées dans les réunions du C.A. Mais, si tous les membres externes s'unissent aux dirigeants, au recteur, et qu'il n'y ait plus de place aux discussions et aux consultations pour faire en sorte que certains éléments d'une vision plus à long terme de l'université... bien, on pense que ça va être mené tout simplement par les gens qui n'ont pas vraiment à coeur les devenirs des universités.
Le Président (M. Marsan): M. le député de Lévis, une dernière intervention.
M. Lehouillier: M. le Président, j'ai une autre question: Faites-vous confiance à vos milieux régionaux? Est-ce qu'il est possible, dans les milieux régionaux d'aujourd'hui, avec des gens qui sont bardés de diplômes aujourd'hui dans les régions du Québec... Puis, je vais vous le dire, là, allez aux audiences du BAPE, vous allez voir que, les gens du BAPE, il faut qu'ils soient assez brillants aujourd'hui parce qu'il y a de plus en plus de monde brillant dans les salles, qui lèvent la main. Bien, c'est la même affaire. Êtes-vous en train de me dire que vous n'êtes pas capables d'aller chercher, dans chacune des régions du Québec, une université qui va être bien intégrée dans son milieu, une diversité de profils d'expérience et de compétence de membres indépendants, qu'ils vont tous avoir les deux mains attachées avec le directeur général? C'est-u ça que vous êtes en train de me dire?
Le Président (M. Marsan): En terminant, M. Gaucher.
M. Gaucher (Bernard): Bien, je veux dire, dans les faits, de la façon que les gens vont vers les conseils d'administration... Habituellement, je veux dire, on retrouve souvent des gens qui sont du même... des mêmes...
M. Lehouillier: Pas habituellement dans le projet de loi.
M. Gaucher (Bernard): Mais le projet de loi non plus ne nous dit pas qu'on va retrouver des gens... il nous dit qu'il y a une intention. Mais qu'est-ce qui se passe sur le terrain? Actuellement, dans le milieu régional, on a toujours l'intention d'avoir des gens d'un peu partout, c'est une volonté qu'on a. Mais, dans le concret, dans le pratico-pratique, ce qu'on retrouve, ce n'est pas vraiment ça.
Le Président (M. Marsan): Alors, ceci termine...
M. Lehouillier: ...est-ce que je peux conclure, M. le Président?
Le Président (M. Marsan): Très rapidement.
M. Lehouillier: C'est que ce que je trouve dans ce mémoire-là, puis je le dis tel que je le pense, c'est que ce que vous dites qui est rejeté puis ce que vous revendiquez, moi, en tout cas, de ce que je vois, c'est dans le projet de loi. Vos revendications sont dans le projet de loi, et mon impression, c'est que vous mélangez un peu ce qui est la situation actuelle de ce qui est dans le projet de loi.
Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie, ceci complète nos échanges avec le parti ministériel. Nous allons poursuivre, et je vais reconnaître la porte-parole de l'opposition officielle en matière d'enseignement supérieur, de recherche et de développement, Mme la députée de Taillon. Madame.
Mme Malavoy: Bonsoir, M. le président. J'ai envie de faire un lien avec ce que le député de Lévis disait, puis après je vais en venir à vos questions. Un des dangers de ce projet de loi tel qu'il est, tel qu'il est sous sa forme actuelle, là, c'est qu'une majorité de membres de l'extérieur ? on pourrait dire que leur profil va être diversifié, si on veut, mais... ? vont élaborer le profil des gens qui vont leur succéder. Et donc on peut avoir jusqu'à 75 % de gens externes aux universités qui, sur une période de 15, 20 ans, définissent entre eux le profil des successeurs, et ça peut donner lieu à des biais qui fassent que finalement il y ait des éléments de nature proprement académique qui soient évacués. Ça peut permettre ça. C'est beaucoup, là, 75 % de gens de l'extérieur qui établissent le profil des gens qui vont leur succéder; c'est beaucoup, ça leur donne un poids relatif très important. Je pense que c'est une des questions qu'il faudra que nous revoyions. Vous permettez, je fais un lien avec ce qui a été dit précédemment.
Mais j'en viens à votre mémoire, j'ai apprécié que vous ayez pris soin de chercher des définitions ou de trouver des définitions au concept de gouvernance. Il y en a une que je trouve intéressante parce que, pour nous qui entendons beaucoup de monde, le plus intéressant, c'est quand, par petites couches successives, on ajoute des éléments de réflexion, d'information. Et vous notez dans votre mémoire, à la page 6, là... vous avez une définition d'ailleurs de l'Office québécois de la langue française ? là, je ne vais pas chercher au bout du monde ? mais où on essaie de faire la différence entre le sens de gouvernance et le sens de gouvernement, et vous dites bien que la gouvernance, c'est donner du pouvoir à différents acteurs, et particulièrement en offrant une participation accrue à la société civile. Bon. C'est en plein dans notre débat, de savoir jusqu'où doit-on ouvrir la porte ou donner de pouvoir à la société civile, représentée dans ce cas-ci par ce qu'on appelle les membres externes. Jusqu'où doit-on aller?
Vous, vous dites: On va trop loin. Le projet de loi leur permet d'aller assez loin. Alors, en introduction ? j'ai d'autres questions après ? est-ce que je comprends que, pour vous, le projet de loi va donner une proportion trop importante de place à des représentants d'une société qui est autre que la société universitaire ou que le milieu universitaire?
Mme Beaudoin (Michèle): En fait...
Le Président (M. Marsan): Alors, Mme Beaudoin.
n(20 h 20)nMme Beaudoin (Michèle): Oui. Excusez-moi. Oui, Mme Malavoy. Effectivement, notre inquiétude est ? vous couvrez bien un des aspects ? parce qu'on constate actuellement que, dans nos universités, si on fait le répertoire des personnes... la provenance des personnes membres socioéconomiques de nos conseils d'administration, elles sont peu nombreuses, les universités qui ont des membres qui viennent d'une population diversifiée. On y retrouve peu de membres du milieu social, communautaire, provenant des arts. Et, si on laisse un plus grand soin à un plus grand nombre, on craint que ça soit toujours dans les mains de ceux qui sont les amis entre eux. Et c'est notre crainte majeure. Et on pense que, tout en faisant place à la société civile, il ne faut jamais négliger que celui qui habite sa propre maison est aussi capable d'évaluer les problèmes qui sont dans sa maison. Et on pense qu'à l'interne on est capables d'avoir des réflexions saines pour faire avancer et corriger notre système universitaire, mais toujours dans un souci que le milieu régional, bien sûr, est à même aussi de nous apporter des éclairages, mais il ne faudrait pas leur laisser le soin de définir notre université.
Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Taillon.
Mme Malavoy: Bien, je trouve que votre image de celui qui habite sa maison est à même de savoir ce qu'il faudrait améliorer dans sa maison est très... visuellement très bonne et dit quelque chose qui va dans le sens d'ailleurs de ce que les professeurs de l'Université de Montréal disaient un petit peu plus tôt aujourd'hui, et ça va tout à fait dans le même sens.
Vous souhaitez que le conseil d'administration soit formé de telle sorte que toutes les catégories de personnel soient représentées. Donc, est-ce que vous avez été jusqu'à imaginer précisément les proportions de chacune de ces catégories de personnel?
Le Président (M. Marsan): M. Gaucher.
M. Gaucher (Bernard): Pas vraiment. Je veux dire, dans les faits, ce que nous notons, c'est que, depuis plusieurs années, il y a des groupes que nous représentons qui peuvent siéger comme observateurs au niveau des conseils d'administration. Maintenant, on pense de pouvoir... Et ces gens-là ont été souvent appelés à siéger sur des comités ad hoc en lien avec ce conseil d'administration là, et la contribution qu'on peut donner est quand même très positive. Donc, pour nous, c'est certain que, pour les professionnels travaillant dans les universités, c'est très clair que, pour nous, il y a les professeurs... on pourrait dire les étudiants et les professeurs, et, nous, nous sommes du personnel d'encadrement aidant à atteindre les objectifs. Mais en même temps, souvent, on connaît concrètement ce qui se passe dans la vraie vie, et c'est ça qu'on veut... qu'on veut tenter de... en étant présents au conseil d'administration, tenter de pouvoir influencer au moment jugé opportun, pas après coup, mais dans l'action.
Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Taillon.
Mme Malavoy: J'aimerais ça que vous nous donniez un exemple ou l'autre, là, de ce que vous appelez: On sait ce qui se passe dans la vraie vie. Ou dit en d'autres mots: Quel type d'apport, quel type de questionnement? Parce que, moi, qui suis professeur moi-même, là, je pourrais vous donner des exemples du regard que des professeurs peuvent porter sur certains enjeux de nos universités. Moi, j'aimerais que vous nous disiez quel est le regard que vous pouvez porter sur certains enjeux, en essayant de me les nommer un peu, en représentant votre catégorie de personnel.
Mme Beaudoin (Michèle): Bien...
Le Président (M. Marsan): Mme Beaudoin.
Mme Beaudoin (Michèle): Oui. Alors, peut-être un exemple. Présentement, dans plusieurs de nos universités, ils sont à définir la planification stratégique, c'est-à-dire donc à essayer de définir quel pourrait être le développement de programmes qui serait à même d'aider à grandir certaines universités ou à consolider certaines universités. Et présentement, dans plusieurs de nos universités, on a donc permis aux professionnels qui travaillent dans les développements de programmes de pouvoir contribuer, par leur apport, vraiment à essayer d'aider, d'indiquer quelles pourraient être les voies qui seraient souhaitables. De même qu'on a fait appel aussi à certains professionnels qui sont dans des... auprès des étudiants et quels pourraient être donc les programmes qui devraient être portés à l'évaluation des programmes, parce que la baisse d'étudiants est due à telle, telle, telle chose. Donc, on a vu que cette place-là est très appréciée et on comprend, par le projet de loi, qu'il va y avoir des comités, bon, vérification, ressources humaines, là, et tout ça. On est loin d'être certains que la place de tous les acteurs de l'université à l'interne, y compris donc le professionnel, pourra y avoir accès, à cette plateforme-là de réflexion.
Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Taillon.
Mme Malavoy: Je comprends que M. Gaucher avait quelque chose à compléter.
Le Président (M. Marsan): M. Gaucher.
M. Gaucher (Bernard): Juste une précision. Bien, exemple, dans tout le développement au niveau des services aux étudiants, souvent dans les réorientations de ces services-là, compte tenu que nous rencontrons les étudiants, les psychologues rencontrent les étudiants, les conseillers en orientation scolaire rencontrent les étudiants, nous, on est à même de pouvoir mieux informer nos supérieurs de vers où on doit aller puis quelle orientation on doit développer. Et même les universités se dotent de plus en plus de services aux étudiants très... qui sont importants pour le développement de l'étudiant, qui font partie du cheminement pédagogique, alors notre rôle devient de plus en plus important. Lorsqu'on le fait après coup, une fois qu'une réglementation est passée, bien, des fois, il est trop tard pour faire le correctif.
Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Taillon.
Mme Malavoy: Vous dites, comme d'autres acteurs l'ont dit avant vous, mais ça m'intéresse d'avoir votre propre regard justement de professionnel et de professionnel de recherche, vous dites qu'un projet de loi comme celui-là risque de limiter la capacité d'innovation, d'action et d'innovation. C'est une des craintes, puis j'ai relu, moi, ce qui nous a été donné par la CREPUQ, c'est-à-dire une annexe avec vraiment un résumé de plusieurs prises de position sur le conseil de gouvernance. Et, dans ces textes-là, on voit effectivement émerger cette idée que, si on prend les mauvaises orientations, on risque de limiter la capacité des universités d'innover, d'être créatives, finalement, et, si elles ne sont plus créatives et si elles deviennent des gestionnaires de programme, leur mission va en être atteinte.
Mais, de votre point de vue à vous, quand vous écrivez ça dans votre mémoire, que vous vous inquiétez de la limitation de la capacité d'innovation et d'action des universités en réaction à un accident de parcours ? c'est comme ça que vous l'avez écrit ? j'aimerais que vous me précisiez votre regard, à vous, sur cet enjeu-là.
Le Président (M. Marsan): Mme Beaudoin.
Mme Beaudoin (Michèle): Bon. C'est que notre... dans nos universités et auprès de nos professionnels de recherche, ils sont déjà présentement soumis ? peut-être que le mot est fort mais... ? soumis à oeuvrer sur des projets de recherche qui ont été dans des secteurs très, très, très ajustés, très criblés, parce que c'étaient les voies qui étaient les mieux financées. Et, lorsqu'il arrive des projets de recherche qui ont un esprit ou un objectif beaucoup plus de recherche fondamentale, ils doivent y travailler, comment dire, à en perdre les voies d'avenir, parce qu'ils ont beaucoup de problèmes à trouver le financement. Et, dans ce regard-là, déjà de la recherche qui a une implication du privé, nous, on craint que nos universités, si on en vient surtout à avoir des universités avec l'esprit de rentabilité ou d'un profil de rentabilité, bien, on craint que l'innovation... que ce soit dans les programmes, dans la recherche, bien, tout va être nivelé par rapport à un secteur mercantile.
Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Taillon.
Mme Malavoy: Vous me faites penser à un petit livre qu'Andrée Lajoie, qui est professeur de droit à l'Université de Montréal, a écrit, je pense que c'est l'an dernier, qui a été lancé l'an dernier et qui s'appelle Pour une recherche libre, où elle met en évidence que, compte tenu des règles de financement des organismes subventionnaires, c'est sûr que ça introduit un biais pour choisir des types de recherche qui vont être largement financés et que, dans certains secteurs, ça peut priver justement des professeurs de faire une recherche dans des voies qui ne sont peut-être pas immédiatement rentables, mais qui sont pertinentes pour le développement de la science, de la connaissance.
À la fin de votre mémoire ? puis, vous, c'est clair, hein, c'est non à ceci, oui à cela, nous revendiquons, nous voulons ceci ? vous terminez sur l'idée d'une charte. Vous parlez d'états généraux comme d'autres, d'autres ont demandé également des états généraux, mais vous terminez sur l'idée d'une charte protégeant l'université comme institution et établissant les repères pour une saine gouvernance des établissements universitaires dans le respect de leurs valeurs et missions.
Comment vous l'habillez, cette charte, là? Qu'est-ce qu'il y a derrière cette idée d'états généraux menant à une charte? Elle comprendrait quoi?
Le Président (M. Marsan): Mme Beaudoin.
Mme Beaudoin (Michèle): En fait, on va être bien honnêtes. On n'a pas écrit la charte, hein, on n'en est pas là du tout, au contraire. C'est aussi parce qu'on voulait essayer... on ne voudrait surtout pas que notre système universitaire, qui a besoin d'être amélioré, on en demeure, soit réduit et qu'il perde toutes les valeurs qui ont été déjà imbriquées ou qui avaient été mises de l'avant par le rapport Parent en 1964. Et on se disait que, pour s'assurer que ça ne s'effrite pas et que ça ne se perde pas, il y a lieu d'y ajouter des choses, d'améliorer des choses. Mais on le voyait plus sur un principe d'une charte que sur une loi, parce que, pour nous, une loi, on abroge des petits articles, on abroge ou on ajoute, et on a plein de petites lois, et ça fait des tentacules qui parfois sont difficiles à repérer.
Alors, on croit que, s'il y a des états généraux, que tout le monde peut y discuter, tout le monde, s'approprier une vision plus claire peut-être de notre réseau universitaire et l'inscrire dans une charte, bien, tout le monde y adhérerait et pourrait se l'approprier.
n(20 h 30)nLe Président (M. Marsan): Mme la députée de Taillon.
Mme Malavoy: En fait, je comprends mieux ce que vous voulez dire par cela. À ce moment-ci, il y a comme deux grandes tendances. Il y a des gens qui viennent nous dire: On n'a pas besoin de loi ? puis c'est autant des recteurs d'université que des syndicats de professeurs, là, donc, ce n'est pas... ce n'est pas uniforme ? on n'a pas besoin de loi, retirons la loi; et d'autres qui nous disent, bon: Il faudrait la modifier dans tel et tel sens. Par exemple, le groupe qui vous a précédés cet après-midi a fait un effort précis pour changer des articles, en modifier, biffer des choses, réécrire.
Vous, à ce moment-ci, vous diriez que vous êtes de quelle tendance? Je ne veux pas simplifier à l'extrême, là, mais au moins pour... au moins pour qu'on voie à peu près où se logent les groupes.
Le Président (M. Marsan): M. Gaucher.
M. Gaucher (Bernard): Comme je le disais d'entrée de jeu, nous, on est contre... on en a un peu contre le processus. On le disait dans... on disait qu'on voulait que les gens puissent participer plus; par des états généraux, venir dire où on en est exactement au niveau du monde universitaire au Québec, et autant les gens de la société civile pourraient, à ce moment-là, participer.
Actuellement, c'est certain, là, la commission, c'est un lieu où on peut échanger sur ça. Mais les gens ne se confrontent pas sur les idées, je veux dire, on vient exposer ce qu'on a... ce qu'on pense, vous prenez ça, mais on n'a pas à échanger avec les chambres de commerce qui ont passé ici, avec les gens d'affaires, tout ça, on n'a pas à échanger avec eux sur où on s'en va. Donc, c'est certain que pour nous, s'il y avait des états généraux, on pourrait, à ce moment-là, prendre le temps de vraiment savoir où on s'en va et sortir des conclusions, avec tout le monde derrière nous, et être sûrs... Puis on le disait dans notre... dans le... Mme Beaudoin le disait au départ, je veux dire, plus qu'on va s'approprier le changement, plus qu'on va être certains de la réussite. Actuellement, je pense qu'on n'a pas vraiment ce sentiment où on s'est approprié ce changement-là; en tout cas, on n'était pas partie prenante du changement.
Le Président (M. Marsan): ...
M. Gaucher (Bernard): Donc, pour répondre à votre question, parce que je n'y ai pas répondu: Bien, je veux dire, nous, on pense qu'on doit retirer le projet de loi et prendre le temps de bien étudier. Puis, comme on nous l'a si bien dit, vous semblez être pour la gouvernance. Nous, on est pour la gouvernance au sens de l'OCDE, on est d'accord qu'il faut prendre tous les outils nécessaires, on est d'accord sur les redditions de comptes, mais pas seulement une reddition de comptes, une reddition de comptes autant financiers, mais aussi au niveau... à savoir si la mission universitaire a été remplie selon l'enseignement, la recherche et le service à la collectivité. Ça, nous, on tient beaucoup à ce que ce ne soit pas une reddition de comptes où on dit: Est-ce qu'on boucle les livres à la fin de l'année? mais: Est-ce qu'on a vraiment atteint les objectifs qu'on s'est fixés par la loi de l'université?
Le Président (M. Marsan): Ceci termine nos échanges avec l'opposition officielle. Nous allons... je vais maintenant reconnaître le porte-parole du deuxième groupe d'opposition en matière d'éducation, d'identité et de culture, M. le député de Chauveau.
M. Deltell: Merci beaucoup, M. le Président. Madame, monsieur, bonjour, ça me fait plaisir de vous accueillir à l'Assemblée nationale. Comme le disait si bien la députée de Taillon, moi aussi, j'apprécie beaucoup la clarté de votre point de vue. Moi aussi, j'estime que les gens qui sont de l'interne, les gens qui vivent à l'intérieur, les gens qui ont deux pieds dedans savent exactement c'est quoi, les besoins. Là où nos chemins se séparent, c'est sur le fait... Parce que nos chemins allaient se séparer à un moment donné. Je vous vois sourire. Là où nos chemins se séparent, c'est sur l'appui et le concours que les gens de l'externe peuvent donner et, oui, particulièrement les gens d'affaires.
Je dois vous dire, aux questions très pertinentes du député de Lévis tout à l'heure, que vous avez tenu des propos qui, moi, ne me rejoignent pas du tout. Quand vous parlez que les gens d'affaires ont une vision mercantile, une vision managériale, vous avez la crainte que les gens d'affaires contrôlent la mission de l'université, qu'ils ont un esprit de rentabilité et faire des universités des boîtes rentables, ce n'est pas un point de vue que je partage quand vous exprimez ces craintes-là, et je vais vous dire pourquoi.
D'abord, lorsqu'on dépense des milliards de dollars, des millions de dollars, des centaines de millions de dollars, des milliards, quand on fait le bilan de tout ça, de l'argent des contribuables, oui, il faut que les gens en aient pour leur argent. Et je ne le dis pas de façon péjorative, je le dis juste de façon responsable.
Nous avons tous été témoins des défaillances et des dérives pitoyables que nous subissons et dont nous payons encore les pots cassés et nos enfants vont payer les pots cassés. Mais, d'avoir une vision qui fait en sorte que l'on puisse équilibrer le budget, ce n'est pas avoir une vision managériale puis une vision mercantile, c'est une vision responsable.
Et, nous, on croit, à l'ADQ, que, oui, des gens du secteur privé et, oui, des gens d'affaires peuvent contribuer par leur expérience, par leur expertise, à la bonne gestion, et que, oui, ces gens-là peuvent aimer autant l'université et le cégep que vous pouvez le faire. Et comme l'a si bien dit le député de Lévis tout à l'heure, dans nos communautés propres, partout au Québec, on a des gens qui aiment ça et qui sont formés pour gérer comme il faut et qui peuvent offrir leur concours à ça. Et c'est pour ça que je tiens à vous dire que là-dessus nos chemins se partagent... nos chemins... nos chemins diffèrent.
Maintenant, vous avez abordé un point tout à l'heure, vous l'avez un peu abordé avec les gens de l'opposition officielle, j'aimerais l'élaborer davantage avec vous. Quand vous dites que ça pourrait limiter la capacité d'innovation des universités, en quoi est-ce que justement l'appui de gens de l'extérieur, qui ont leur vision, leur passé mais aussi leur vision d'avenir, en quoi ça pourrait freiner la capacité d'innover de nos universités?
Le Président (M. Marsan): M. Gaucher.
M. Gaucher (Bernard): Oui. Bien, je veux dire, dans les faits, lorsqu'on... en même temps, je vais peut-être un peu faire du pouce sur la première partie de votre intervention où... je veux dire, nous, on pense aussi que les budgets, à la fin, on doit les équilibrer. C'est dans le choix. Lorsqu'il est le temps de choisir entre un programme rentable, O.K., qui aura un impact dans la société, O.K., et qui permettra donc... j'ai un programme rentable qui a un impact, et tout ça, et, à côté, j'ai un programme encore plus rentable... plus... qui a meilleur impact, mais malheureusement il ne s'autofinance pas. Là, on est très inquiets à savoir le choix qu'on va... que les gens qui vont provenir du milieu des affaires ou les gens indépendants, si on veut les appeler... On ne dit pas qu'on est contre, on dit qu'il y en a... on pense que le pourcentage est trop élevé. Et je pense qu'il y a une différence entre de dire qu'on est contre les gens d'affaires; on n'est pas contre les gens d'affaires, loin de là.
M. Deltell: Mais, quand vous parlez de boîte mercantile...
Le Président (M. Marsan): M. le député de Chauveau.
M. Deltell: ...de boîte rentable, d'esprit mercantile, tout ça, vous n'ouvrez pas bien, bien la porte à ces gens-là qui savent gérer, là.
M. Gaucher (Bernard): ...
Le Président (M. Marsan): M. Gaucher.
M. Gaucher (Bernard): Bien, je veux dire, dans les faits, je veux dire, le problème que nous... que nous croyons a priori, c'est... le premier problème, c'est de... une inquiétude que nous avons sur le comportement de ces gens-là qui viennent, dans les conseils d'administration, sur les programmes pédagogiques qui sont là. On a des choix à faire, et je ne pense pas qu'ils vont aller au conseil d'administration seulement sur le volet financier puis qu'ils vont voter seulement sur les prévisions budgétaires et sur les stratégies d'intervention; ils vont être là aussi pour parler de pédagogie. Donc, de là l'importance qu'ils soient bien formés. Mais on n'est pas... Dans les faits, on n'a pas dit qu'on était contre les gens d'affaires, on trouve que le pourcentage est trop élevé. Vous nous reprochez des termes un peu trop... trop durs. Ça fait partie de la vie.
Des voix: ...
Le Président (M. Marsan): Alors, sur ce, M. Gaucher, je vous remercie, Mme Beaudoin, et je... remercie de nous avoir donné le point de vue de la Fédération du personnel professionnel des universités et de la recherche.
J'inviterais maintenant la Confédération des associations d'étudiants et d'étudiantes de l'Université Laval à venir prendre place.
Nous allons suspendre pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 20 h 39)
(Reprise à 20 h 41)
Le Président (M. Marsan): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos échanges, et nous sommes heureux d'accueillir la Confédération des associations d'étudiants et d'étudiantes de l'Université Laval. Nous avons la présidente, Mme Barbara Poirier. Je vais vous demander de nous présenter les gens qui vous accompagnent, et ensuite vous pourrez commencer votre exposé jusqu'à un maximum de 15 minutes. Alors, Mme Poirier, la parole est à vous.
Confédération des associations
d'étudiants et d'étudiantes de
l'Université Laval (CADEUL)
Mme Poirier (Barbara): Alors, merci beaucoup. Bonsoir, M. le Président. Bonsoir, Mme la ministre, chers députés, membres de la commission, chers observateurs qui sont venus en grand nombre ici, ce soir.
Je m'appelle Barbara Poirier. Je suis étudiante, à l'Université Laval, en administration, également présidente de la CADEUL. Je vous présente M. David Galarneau, étudiant en relations industrielles, étudiant à l'Université Laval et vice-président de la CADEUL... vice-président externe de la CADEUL, pardon; et M. François Fecteau, attaché politique de la CADEUL.
Je vais commencer par faire une brève présentation de notre organisation. La CADEUL, c'est la Confédération des associations d'étudiantes et d'étudiants de l'Université Laval. Nous représentons plus de 28 000 membres inscrits au premier cycle, ainsi que 84 associations étudiantes départementales et facultaires. Notre mission première, c'est de défendre et de promouvoir les droits et les intérêts des étudiants tant aux niveaux pédagogique, culturel, politique, économique et social. Nous sommes conscients que ce mandat-là ne peut pas se réduire seulement au passage au baccalauréat. C'est pourquoi nous sommes proactifs, autant pour les enjeux qui précèdent et qui succèdent le cheminement au premier cycle des étudiants.
Donc, à la lumière de ce que je viens de dire, vous comprendrez pourquoi la CADEUL n'a pas pu être muette, au courant de la dernière année, autour d'une possible uniformisation du mode de gestion des universités. La première mouture de cette idée, connue sous le nom de projet de loi n° 107, s'éloignait grandement des principes et des valeurs des institutions universitaires. C'est pourquoi on a produit un avis dénonçant non seulement le caractère idéologique, les impacts négatifs qu'entraînerait la mise en place d'une telle loi sur la qualité de l'éducation postsecondaire ainsi... ainsi que la perte de l'autonomie des universités, qui est essentielle et nécessaire pour remplir la mission, qui est le développement du savoir.
Le projet de loi est tombé au feuilleton, à l'automne dernier, à notre grand soulagement. Par contre, la grogne a repris de plus belle, cet été, malgré toutes les critiques qui ont été apportées au projet de loi n° 107 par l'ensemble des communautés universitaires du Québec, en représentant un projet de loi qui restait fondamentalement le même, qui conservait la même essence, c'est-à-dire le même désir d'écarter les membres internes de la gestion, le même esprit de gestion inspiré du nouveau management public et la même concentration des pouvoirs entre les mains des administrateurs externes.
Ce qu'il faut comprendre, c'est que nous n'avons jamais demandé l'uniformisation des modes de gestion des universités. Ce que nous revendiquons, c'est un réinvestissement massif dans le réseau postsecondaire, parce qu'on croit que les problématiques sont à l'origine du sous-financement. Donc, nous présentons aujourd'hui, ici, notre mémoire pour demander le retrait du projet de loi n° 38 et pour avoir des réponses à nos questions: Pourquoi cet acharnement-là de vouloir imposer une loi sur la gouvernance des universités qui est rejetée d'emblée par l'ensemble des communautés universitaires? Pourquoi vouloir imposer un projet de loi qui nuit aux universités dans l'accomplissement de leur mission? Et pourquoi vouloir imposer un projet de loi qui ne règle rien et qui même amplifie les problèmes qu'on connaît aujourd'hui dans nos universités?
Je vais maintenant céder la parole à M. David Galarneau, qui va vous faire un bref résumé des grandes critiques du contenu du projet de loi, mais également des motivations qui ont mené à l'imposition d'un projet de loi. Alors, David.
Le Président (M. Marsan): Alors, M. Galarneau.
M. Galarneau (David): Oui. Merci, M. le Président. Eh bien, bonsoir. La démarche qu'on a faite, là, lors de la rédaction du mémoire, du côté de la CADEUL, a été de prendre le discours qui entourait la gouvernance et de voir, bon, quels étaient les objectifs de cette loi n° 38 sur la gouvernance des universités. On a repéré trois éléments fondamentaux, c'est-à-dire l'efficacité, la transparence et l'efficience de la gestion et de la gouvernance des universités comme étant les motivations qui ont mené au dépôt de ces projets de loi nos 107 et maintenant 38 sur la gouvernance des universités.
La démarche qu'on a faite, c'est qu'on a ensuite regardé les mesures qui étaient proposées à l'intérieur de la loi n° 38 et on... pour vérifier si effectivement ces principes-là étaient atteints, si effectivement la loi n° 38 permettait une plus grande efficacité, une plus grande transparence et une plus grande efficience. Les conclusions, suite à une analyse détaillée de la loi n° 38, est que: Non, malheureusement. Et nous allons vous expliquer, à travers ces trois volets-là, finalement quelles sont les raisons pour lesquelles nous ne considérons pas que cette loi-là permet à nos universités d'avoir une plus grande efficacité, une plus grande transparence et une plus grande efficience.
Nous allons débuter par le thème de l'efficacité, l'efficacité faisant référence à l'atteinte d'objectifs. Avant de parler de pouvoir atteindre l'objectif, dans le fond: Est-ce que la loi n° 38 permet de mieux atteindre les objectifs?, il faut tout d'abord définir quels sont les objectifs de l'université. C'est ce que la loi n° 38 fait avec l'article 4.0.18, en disant que le conseil d'administration exerce ses pouvoirs dans le respect de la mission universitaire, soit l'enseignement au niveau universitaire, la recherche et les services à la collectivité. Nous sommes d'accord qu'il s'agit bel et bien de la mission de l'université.
Cependant, ces critères étant un peu vagues, nous aimerions apporter l'autonomie des universités comme étant la fonction qui doit englober l'ensemble de la mission d'enseignement, de recherche et des services à la collectivité, comme étant un critère étant central justement à l'identité de nos universités. Et là où est-ce que la CADEUL éprouve un malaise, c'est lorsqu'on voit, un peu plus loin dans l'article 4.0.18, sur un pied d'égalité avec la mission des universités, qu'on doit agir «dans le respect des principes de gouvernance reconnus». Mais qu'est-ce que ces principes de gouvernance reconnus? Nous avons attribué ces principes de gouvernance reconnus à... le nouveau management public. Et, lorsqu'on analyse l'ensemble des mesures de gestion qui sont présentées dans la loi n° 38, ces principes de gouvernance reconnus font clairement référence au nouveau management public, donc à des pratiques importées du privé pour les appliquer à nos institutions, qui sont publiques.
On considère aussi que, dans le fond, en mettant de l'avant... en disant qu'il y a une façon de faire, en disant que les principes de gouvernance reconnus doivent s'appliquer dans l'ensemble des universités, et en donnant une teinte idéologique à qu'est-ce que c'est que ces principes de gouvernance reconnus, ça constitue une forme... et je m'excuse pour ma déformation de relations industrielles... un «one best way» de la gestion universitaire qu'on ne peut pas accepter puisqu'il s'agit d'une entrave claire à l'autonomie de l'université qu'on a qualifiée comme étant un des objectifs de base comme encadrant, dans le fond, la mission des universités.
Le second volet qui nous fait critiquer l'aspect d'atteindre les objectifs est la présence d'une majorité de membres externes au sein des conseils d'administration. Bref, je crois que je n'ai pas à m'allonger inutilement sur la question, étant donné que de nombreux intervenants sont venus parler de la question du nombre de membres externes sur les conseils d'administration. Ce que nous avons à dire là-dessus, c'est que nous considérons que les membres internes sont les plus à même de pouvoir atteindre les objectifs principalement académiques de l'université et qu'à partir de ce moment-là les membres internes se doivent d'être majoritaires au sein des conseils d'administration.
On va pouvoir passer, à partir de ce moment-là, à la question de la transparence parce que... juste avant la... juste avant de terminer sur la question de l'efficacité. Comme on dit... Non, excusez-moi, je vais passer tout de suite à la transparence.
Les trois aspects importants qu'on a relevés en ce qui concerne la transparence des universités: on a pris les trois... trois critères qu'on retrouve dans notre mémoire, c'est-à-dire la sélection du premier dirigeant, c'est-à-dire la sélection du recteur, la sélection des administrateurs et l'ouverture à la communauté.
En tant que représentants de la CADEUL, donc membres de l'Université Laval, on se doit de commencer par la nomination du premier dirigeant, la nomination du recteur, car la façon de nommer le recteur, à l'Université Laval, est particulière dans le réseau universitaire: se fait par le biais d'un collège électoral. Et nous avons, à l'Université Laval, une tradition, disons, de... pas de campagne électorale, mais, enfin, que les différents candidats au rectorat viennent énoncer quelles sont leurs intentions, qu'est-ce qu'ils veulent faire à l'université; ils viennent énoncer, dans le fond, qu'est-ce qu'ils voient comme avenir de l'université. On considère cette mesure comme étant profondément transparente et comme nécessaire et même symbolique de la culture de collégialité qui se doit d'habiter nos universités.
n(20 h 50)n Quelle ne fut pas notre surprise, en lisant l'article 4.0.26 de la loi n° 38, de constater que cette mesure et cette façon de faire deviendraient illégales en fonction de la loi n° 38, puisque, si le conseil... le conseil doit assurer que l'examen des candidatures se fasse «de façon indépendante et confidentielle». Donc, tout débat public entourant le choix du recteur serait aboli, et, à partir de ce moment-là, on considère que c'est une entrave claire à la mission de transparence ou du moins au principe de transparence que la ministre a voulu donner à la loi n° 38.
En ce qui concerne la sélection des administrateurs, on éprouve également un malaise dans la concentration des pouvoirs qui se trouve au sein du conseil d'administration, parce qu'on a des administrateurs principalement externes qui doivent définir les critères de savoir qu'est-ce qu'un bon administrateur, autant du point de vue de la diversité que des autres compétences, et qui doivent également choisir qui sont les gens qui seront là et qui sont eux-mêmes des candidats pour devenir administrateurs. Donc, on est dans une situation problématique où est-ce que les administrateurs sont à la fois juges, partie et législateurs en ce qui concerne leur position sur le conseil d'administration, et d'où... éprouve un malaise au niveau de toutes les formes de répétition de membres externes rattachés au monde des affaires ou toutes les autres critiques au niveau d'un club sélect de gens qui s'entrenommaient entre eux, et ça s'est déjà vu dans de nombreux conseils d'administration, et on espérait voir, à travers la loi n° 38, une loi encadrant la gouvernance d'un établissement, des mécanismes qui empêchent ce genre de procédé. Malheureusement, on n'a qu'un procédé, qui ne fait que maximiser les possibilités de nominations entre amis au sein des conseils d'administration des universités. À proprement parler, on considère qu'on est très loin d'une méthode transparente ou de mécanismes qui favorisent la transparence au sein de nos universités. Alors, sur les deux premiers aspects analysés, c'est-à-dire la nomination du recteur et la nomination des administrateurs, on a des mesures qui sont moins transparentes que qu'est-ce qu'on a actuellement, ou du moins qui n'améliorent absolument pas la transparence.
Donc, on se reporte au troisième point, c'est-à-dire l'ouverture face au public. Il y a des mesures qui ont été faites. On reconnaît l'effort, ce sont des mesures qui sont intéressantes, mais on se doit ici d'établir une distinction entre une mesure qui est intéressante et une mesure qui est pertinente. Étant donné que les différentes mesures ne donnent qu'un statut d'observateur aux membres de la communauté universitaire et ne fait que les isoler dans un rôle de spectateurs passifs par rapport à qu'est-ce qui se passe dans leur université ? on parle ici de consultations générales, d'assemblées générales des universités ? bref, aucun pouvoir décisionnel n'est accordé aux membres de la communauté universitaire ou aux différents autres membres de la communauté pour qu'ils puissent avoir une influence sur réellement qu'est-ce qui se passe dans une université. À partir de ce moment-là, est-ce qu'on peut réellement parler de transparence ou d'illusion de la transparence, étant donné qu'on les prive du pouvoir qu'ils devraient avoir au sein de l'institution universitaire? Et on livre, pendant ce temps-là, tout le pouvoir de gestion au conseil d'administration et à des sous-comités du conseil d'administration où est-ce que ne peut figurer qu'au maximum un membre de la communauté universitaire.
Même si les efforts sont honorables au niveau de mettre le profil des administrateurs sur Internet, si on n'a pas notre mot à dire sur qu'est-ce qui se passe au niveau du nombre de présences d'administrateurs, par exemple, tout le pouvoir reste entre les mains du président du conseil d'administration. C'est bien plaisant, mais on ne compense absolument pas, au niveau de la transparence, les défauts qui existent au niveau de la nomination des administrateurs et au niveau de la nomination du recteur, surtout du point de vue de l'Université Laval. Donc, c'était une critique sévère déjà des deux premiers points et des deux premiers principes qui sont censés encadrer la loi n° 38 ? ceux-là, d'efficacité et de transparence.
On tombe maintenant sur le troisième aspect de notre mémoire, c'est-à-dire celui-là de l'efficience. Qu'est-ce qu'on entend par efficience? On entend ici une maximisation des ressources, et on doit maximiser les ressources dans un sens large. On ne parle pas uniquement, ici, de ressources financières, de ressources matérielles, on parle aussi de ressources humaines, de temps et aussi de potentiel de ces différents éléments là.
La question qu'on doit se poser en ce qui concerne la loi n° 38, c'est: En quoi cette loi-là vient améliorer la structure actuelle de reddition de comptes? La conclusion qu'on a eue, c'est qu'elle ne vient pas améliorer la structure actuelle de reddition de comptes puisqu'elle met de l'avant une structure d'indicateurs de performance, et on ne considère pas que ces méthodes de gestion là, inspirées des entreprises privées... elles peuvent être appropriées pour les entreprises privées, mais, en ce qui concerne les universités, on ne considère pas que c'est la bonne façon d'avoir une reddition de comptes au sein des universités, pas plus qu'un fonctionnement par «benchmarking», tel que proposé actuellement dans la loi n° 38. Non seulement ce n'est pas la façon qui est la plus appropriée, mais en plus on se prive...
Pourquoi ce n'est pas la méthode appropriée? Je m'excuse, je vais revenir. Un instant. C'est parce que ces indicateurs de performance là ne sont pas aptes à tenir compte de la réalité universitaire. Il faudrait une diversité d'indicateurs, ma foi, fabuleuse afin de pouvoir comprendre la réalité universitaire à travers des indicateurs de performance dans un tableau.
De plus, en n'incluant pas la communauté universitaire dans le choix de ces indicateurs de performance là, en attribuant la seule responsabilité au président du conseil d'administration et à la ministre de l'Éducation ? ou au ministre de l'Éducation éventuellement ? on gaspille une ressource précieuse qu'est les ressources humaines, c'est-à-dire la communauté universitaire, en tant que telle, qui pourrait apporter un regard critique et pertinent étant donné qu'elle vit quotidiennement à l'université. Ces gens-là seraient les mieux placés pour pouvoir dire quels indicateurs de performance devraient être utilisés, si nous devons utiliser les indicateurs de performance éventuellement pour mieux cerner l'université en tant que telle.
Le Président (M. Marsan): M. Galarneau, il reste un petit peu plus de une minute à votre présentation.
M. Galarneau (David): Ah! Parfait, merci beaucoup. J'ai presque terminé.
Le Président (M. Marsan): Allez-y.
M. Galarneau (David): Et là ? encore une fois, on m'excusera ma déformation de relations industrielles ? c'est une piètre gestion de la qualité totale. Donc, à partir de ce moment-là, nous, qu'est-ce qu'on mettait de l'avant, c'était un processus qui... c'était une gestion basée sur les processus afin, comme les gens de l'IGOPP l'ont dit lorsqu'ils sont passés en commission parlementaire... cerner les différents détails de la gestion, puisque le diable est dans les détails. Donc aussi, rapidement, la gestion par indicateurs de performance entraîne une gestion à court terme, ce qui est très néfaste dans une situation du sous-financement de l'éducation.
Je me permets de terminer en disant que nous avons fait la preuve aujourd'hui, devant vous, que les principes qui dirigeaient la loi n° 38 n'ont pas été respectés et ont même entraîné des conséquences qui étaient négatives. À partir de ce moment-là, j'aimerais qu'on réponde à la question qui motive la présence de la CADEUL, ce soir, en commission parlementaire: Pourquoi la loi n° 38? Merci beaucoup.
Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie, Mme Poirier, M. Galarneau et M. Fecteau. Nous allons immédiatement entreprendre nos échanges, et je vais reconnaître le parti ministériel, la ministre de l'Éducation, du Loisir et du Sport. Mme la ministre, la parole est à vous.
Mme Courchesne: Merci, M. le Président. Madame, messieurs, et vous tous qui êtes venus fort nombreux ce soir, puis soyez rassurés, c'est vrai que l'heure est... semble tardive, mais je peux dès maintenant vous dire que ça ne change rien à l'importance que vous vous soyez déplacés, mais surtout vous avez rédigé un mémoire qui est très complet. Moi, je veux vous féliciter pour la qualité du mémoire. Vous avez vraiment couvert tous, tous, tous les aspects du monde universitaire, puis pas uniquement dans ce qu'on appelle la gouvernance. Je pense que vous avez fait une réflexion très sérieuse, que je respecte énormément.
Et c'est sûr que notre temps est très court pour discuter d'un sujet comme celui-là. Quand je vous écoute, évidemment je sens que, bon, il n'y a pas... en fait, je vous écoute... D'ailleurs, vous demandez le retrait de la loi; donc, il n'y a rien de bon dans la loi. Ça, c'est... en partant, ça a l'avantage d'être clair. Mais, moi, ce qui m'intéresse, c'est que j'aimerais ça que vous me disiez comment ça se passe à l'Université Laval.
Parce que vous avez un conseil universitaire à l'Université Laval. Ce que je comprends, c'est qu'il y a une majorité de professeurs, il y a bon nombre d'étudiants, plusieurs doyens puis quelques vice-recteurs. Puis vous avez fait référence à un dossier dont je me rappelle très, très, très bien parce que je débutais dans mon rôle de ministre de l'Éducation, c'est... ce sont les frais institutionnels obligatoires. Vous vous en rappelez, hein? Moi aussi, je m'en rappelle, et je veux comprendre comment ça fonctionne.
Parce que vous dites, dans votre document, que, dans le fond, ça a été imposé. Non seulement ça a été imposé, tu sais, il y a eu des décisions gouvernementales, etc., puis ça a été pas facile, hein, pas facile même après. Alors, est-ce que ça veut dire qu'actuellement, dans les universités... Mais j'imagine que vous allez me parler de Laval, vous êtes tellement nombreux. Est-ce que ça va ou ça ne va pas? Est-ce que... est-ce que vous sentez que vous êtes partie prenante aux décisions? Est-ce que vous sentez que vous contribuez à définir les orientations stratégiques? Est-ce que vous sentez qu'on vous consulte suffisamment sur des projets d'immobilisations d'envergure, ne serait-ce que le PEPS, par exemple? C'est quand même beaucoup de sous pour l'université, même si les gouvernements contribuent à haut niveau. Est-ce que vous sentez que vous avez... un peu comme le stipule l'article 4.0.21, je crois, que vous avez suffisamment les documents d'avance? Puis est-ce que vous avez les bons documents entre les mains pour être capables d'avoir une participation très active à ces définitions de dossiers ou à ces prises de position de... de... et à ce processus de consultation de votre conseil d'administration? Bref, ça va-tu bien?
n(21 heures)nLe Président (M. Marsan): Alors, M. Galarneau.
M. Galarneau (David): Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Comment répondre? Ça dépend des dossiers, ça dépend beaucoup des dossiers. De manière générale, je dirais, ça va pas pire. Mais autrement, sinon des dossiers, comme on a pu le mentionner à l'intérieur de notre mémoire, dans l'histoire récente, du moins de mon mandat, on a eu des problèmes notamment en ce qui concerne notre logiciel d'inscription Capsule, fameux, et les gens derrière moi pourront vous en parler longuement, où est-ce que justement on a eu des problèmes au niveau de la consultation. On ne considère pas que les étudiants ont été assez impliqués dans le processus décisionnel, et malheureusement il y a eu des conséquences assez néfastes au niveau de l'implantation de ce logiciel-là. Et c'est exactement une des critiques qu'on faisait lorsqu'on parlait de gestion par indicateurs de performance au lieu de gestion par processus.
Au niveau de Capsule, il y avait des «deadlines» à obtenir, il y avait tels, tels, tels indicateurs à remplir. Par contre, bien qu'il y ait eu une consultation au début de la création de ce logiciel-là, la consultation n'a pas été faite en continu. Et, pour ce genre de projet là qui change assez rapidement et où est-ce qu'il y a une population étudiante qui change également rapidement, c'est important de pouvoir maintenir l'opinion des étudiants dans l'ensemble de la gestion et dans l'ensemble des processus. D'où une consultation soutenue qui est nécessaire, et ça n'a pas été réalisé dans le cas de Capsule, et on a pu voir de manière évidente les conséquences d'un manque de consultation des étudiants et de la communauté universitaire en général.
Il y a plusieurs autres dossiers qu'on aimerait également être un peu plus impliqués. Les frais institutionnels obligatoires est un bon exemple où est-ce que justement, oui, il y a des comités de gestion qui sont faits, mais, lorsqu'il n'y a pas une réelle volonté de collaboration, lorsqu'on ne veut pas réellement s'asseoir avec les étudiants et partager des dossiers pour savoir, dans le cas des frais institutionnels obligatoires, où va l'argent des étudiants dans notre université, et qu'on préfère dire: Bon, bien, on fait notre travail, on vous demande simplement de négocier sur des chiffres, ce n'est pas une attitude, au niveau de la concertation, qu'on juge qui est appropriée.
À partir de ce moment-là, en mettant l'emphase sur une gestion, sur des processus où est-ce que réellement on inclut les membres de la communauté universitaire, plus particulièrement les étudiants, puisque je suis porte-parole étudiant, on considère qu'on pourrait faire des gains notables et que ça serait à l'avantage de tous, puisqu'il y aurait moins de gaspillage au niveau des ressources humaines, au niveau du temps et au niveau aussi de la contestation qu'il pourrait y avoir sur le campus. C'est dans l'avantage de tous, je crois, d'inclure les étudiants et d'inclure la communauté universitaire dans l'ensemble des projets et dans les grandes orientations qui sont données à l'université. On est venus nombreux ce soir pour ça, pour démontrer notre volonté de nous impliquer justement dans la gestion des universités. Oui, oui, je vous laisse continuer, je m'excuse.
Le Président (M. Marsan): Alors, Mme la ministre.
Mme Courchesne: Parce que le temps file. Bien, justement, si vos principes de base sont l'efficience, l'efficacité, la transparence, si actuellement vous n'êtes pas satisfaits de votre... de la façon dont les dirigeants de l'université vous impliquent à tous niveaux et si vous n'êtes pas satisfaits de la loi n° 38, c'est quoi, la solution? Qu'est-ce que vous proposez? On fait ça... Qu'est-ce qui arrive? Comment on peut améliorer cette participation du conseil universitaire puis de vous, les étudiants?
Le Président (M. Marsan): M. Galarneau.
M. Galarneau (David): Oui. Bien, première des choses, ce n'est pas par la loi n° 38 principalement et c'est en décentralisant, nous croyons, les pouvoirs du conseil d'administration vers plus de pouvoirs vers le conseil universitaire, plus de pouvoirs au sein...
Mme Courchesne: Mais comment?
M. Galarneau (David): ...des facultés, des départements et des comités incluant plus de membres internes. En mettant des sous-comités comme dans la loi n° 38 où est-ce qu'il y a un membre au maximum de la communauté universitaire, on ne croit pas que les objectifs de concertation de la communauté universitaire et de collaboration de la communauté universitaire sont atteints.
Le Président (M. Marsan): Mme la ministre.
Mme Courchesne: Bon. Alors, si ça ne se fait pas et si le conseil d'administration actuel et les dirigeants ? j'insiste parce que les dirigeants des universités ont un poids important ? ne le font pas, et vous ne voulez pas, je ne dis pas, de cette loi-là, mais comment on fait pour... l'imposer, ce n'est pas une question de l'imposer, mais qui va changer ça si ce n'est pas une loi? C'est ça, le sens de ma question. À un moment donné, si ça fait des années que ça fonctionne comme ça, vous n'y voyez pas d'amélioration, puis que vous ne sentez pas que... même avec les enseignants et vous combinés, on ne vous entend pas en haut pour dire: Aïe! Pouvez-vous travailler avec nous différemment? Les enseignants de l'Université de Montréal utilisent l'expression «de concert», hein, pour chacune des étapes de la vie universitaire. Mais qui va imposer ça si ce n'est pas une loi? Si votre conseil d'administration, lui, il ne voit pas ça de la même façon puis il n'en voit pas la nécessité, comment vous arrivez... vous allez faire pour arriver à cette amélioration de la gouvernance que vous souhaitez? Vous comprenez le sens de ma question? Quel mécanisme on utilise pour que ça change?
Le Président (M. Marsan): M. Galarneau.
M. Galarneau (David): Oui, je vais passer la parole à mon collègue François Fecteau.
Le Président (M. Marsan): M. Fecteau.
M. Fecteau (François): Oui. Bonjour, Mme Courchesne. Je vous remercie de votre question. En fait, j'aime bien... en fait, ironiquement, j'aime bien vous entendre parler d'imposition, parce que c'est un peu ce qu'on sent avec le projet de loi n° 38. Nous, à la CADEUL, on préfère parler de collégialité. Et on conçoit que les problèmes internes avec l'administration universitaire de l'Université Laval... Et, oui, la réalité n'est pas parfaite à l'Université Laval. Par contre, on garde des bons ponts de communication. Et on considère que c'est à travers les règlements généraux de l'Université Laval qu'on règle ça. Et on ne croit pas nécessairement qu'à travers une loi qui imposerait une vision de la CADEUL à travers toutes les universités du Québec... serait nécessairement pertinente.
Le Président (M. Marsan): Mme la ministre.
Mme Courchesne: Je comprends très bien ce que vous me dites. Maintenant, est-ce que vous considérez que vous avez une influence suffisamment grande pour influencer les règlements généraux? Est-ce que vous allez être capables, comme instance, à vous seuls, d'y arriver?
Le Président (M. Marsan): M. Fecteau.
M. Fecteau (François): Bien, en fait, il ne s'agit pas nécessairement de croire ou non à savoir si ça va être possible ou pas, on croit tout simplement que ce n'est pas à travers le projet de loi n° 38 qu'on va y arriver, mais en maintenant des bons ponts de communication avec notre administration. Et les objectifs sont clairs: ce n'est pas à travers un projet de loi imposé à toutes les universités qu'on va arriver à changer des choses à l'interne, parce qu'on ne veut pas nécessairement imposer ce modèle-là aux autres universités. Et c'est à travers les règlements généraux, qui sont propres à la tradition, à la culture de l'Université Laval, qu'on va y arriver.
Le Président (M. Marsan): Mme la ministre.
Mme Courchesne: M. le Président, je veux laisser la possibilité à mes collègues de poser des questions aussi. Mais je veux juste, en terminant, revenir sur un sujet pour lequel vous avez insisté, la nomination du recteur, le processus... et, dans votre cas, c'est un processus électoral. Et j'ai oublié mon... je n'ai pas mon article de loi avec moi. Mais, dans le cas justement de l'Université Laval, on a voulu s'assurer ? et on va le retrouver dans quelques secondes, l'article de loi ? s'assurer que nous respections les processus de nomination qui sont établis par les lois constituantes de chacun des établissements, qui sont établis par les chartes de chacun des établissements. Autrement dit, le projet de loi n° 38, là, il ne veut pas enlever du tout le processus qui existe actuellement à l'Université Laval. Je comprends que c'est le petit bout de phrase qui dit: «ainsi que l'examen des candidatures de façon indépendante et confidentielle». Mais, si vous regardez tout l'article qui précède, ça préserve votre capacité de maintenir exactement le processus que vous connaissez, et que... l'examen des candidatures de façon indépendante et confidentielle, ça s'applique pour le conseil d'administration. Le conseil d'administration, quand il délibère des candidatures, ça, ça doit être fait de façon indépendante et confidentielle. Puis ce n'est pas dans la prise de décision, c'est dans la délibération. Maintenant, ça peut être amélioré et précisé. Mais je veux bien m'assurer qu'on s'entend, que «le premier dirigeant de l'établissement est nommé par le conseil d'administration pour la durée qu'il détermine ou ? ou, ou, c'est bien important ? selon le cas, selon la procédure de nomination établie par la loi constitutive de l'établissement, sa charte, ses statuts, règlements ou lettres patentes», et ça, ça m'apparaît très clair et ça fait en sorte que d'aucune façon le projet de loi veut remettre ça en cause.
Je termine vraiment en disant: Si votre université fait des déficits, si, par exemple, il y a des décisions qui sont vraiment contraires à l'intérêt suprême de l'université, si on reste dans le statu quo tel qu'on le connaît, est-ce que vous jugez qu'à ce moment-là vous aurez été en amont suffisamment impliqués? Et qu'est-ce que vous feriez et qu'est-ce que vous allez faire si jamais... Puis on ne le souhaite pas, là, ce n'est pas... croyez-moi, là, ce n'est pas ça que je souhaite... Mais, si on n'a pas de règles claires de gouvernance, transparentes pour le public et la population du Québec, à qui on doit aussi rendre des comptes, via même la ministre de l'Éducation qui a, elle, cette responsabilité de rendre des comptes à la population au nom des universités, on fait ça comment?
Le Président (M. Marsan): M. Galarneau.
n(21 h 10)nM. Galarneau (David): Oui. Sur la première intervention, dans l'article 4.0.26, on parle de la procédure de nomination, et c'est cette procédure qui doit permettre «l'égalité des chances des candidats de l'externe et de l'interne ainsi que l'examen des candidatures de façon indépendante et confidentielle». Donc, l'examen doit être jugé comme étant confidentiel et indépendant par le conseil d'administration, mais on fait référence ici à notre collège électoral dans le cas de l'Université Laval. Donc, ça met, à notre avis, selon notre lecture, en péril la structure actuelle de nomination du recteur à l'Université Laval.
Dans le deuxième volet, je pense ? et peut-être qu'on ne l'a pas expliqué assez clairement lors de notre discours tout à l'heure, par contre, dans notre mémoire, c'est assez clair ? qu'est-ce qu'on propose ici, ce n'est pas le statu quo pour respecter l'autonomie des universités. Qu'est-ce qu'on propose ici, c'est, premièrement, le retrait de la loi n° 38; deuxièmement, des états généraux sur l'éducation afin de pouvoir justement avoir une consultation plus large pour savoir justement qu'est-ce qu'on doit faire avec nos universités; et, troisièmement, et j'insiste, un refinancement des universités, car c'est qu'est-ce qui nous a, à notre avis, menés avec tous les... à toutes les questions de gouvernance à l'heure actuelle. S'il n'y avait pas eu le scandale de l'UQAM, s'il n'y avait pas eu les scandales qui ont touché la gouvernance, on ne serait probablement pas ici ce soir à discuter de gouvernance, je ne croirais pas. Donc, on vous inciterait à procéder par étapes jusqu'au refinancement de l'éducation. Merci beaucoup.
Le Président (M. Marsan): Merci. Je vais reconnaître Mme la députée de Mille-Îles.
Mme Charbonneau: Bonsoir. Bonsoir aux gens qui vous accompagnent aussi à l'arrière. C'est beau de vous voir. Je me permettrai... Je vais me permettre une petite blague au départ, puisque je n'ai pas pu faire autrement qu'avoir cette pensée-là qui m'est passée par la tête quand je vous ai entendu, M. Galarneau. Mais, Louis-José Houde peut aller se rhabiller, vous avez un débit verbal impressionnant.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Charbonneau: Je vais vous dire: Quand vous partez, vous voulez maximiser l'efficience de vos secondes et vous y arrivez. Ça m'a bien fait rire.
J'aurais une question, mais je vais me permettre d'en rajouter deux. Je vais le faire d'un coup, moins rapide que vous, mais je suis sûre que vous allez rentrer dans le temps. Vous avez dit un peu plus tôt que le droit... le pouvoir du vote était un pouvoir reconnu. J'aimerais vous entendre, quand ce sera... quand j'aurai fini, sur: Ne croyez-vous pas qu'il y a d'autres sortes de pouvoirs: le pouvoir d'influence, le pouvoir de délibérer, le pouvoir d'amener un petit peu plus? Je ne crois pas que le vote est la seule façon d'amener un pouvoir de transition au niveau de l'université.
Vous avez aussi... Dans le mémoire, vous êtes d'accord avec ce qui est la mission universitaire, soit l'enseignement, la recherche et le service aux collectivités. Je vais rattacher une autre question, mais je vous dirais que j'aimerais ça vous entendre, puisqu'on a entendu les gens de l'enseignement, les gens du syndicat sur le service à la collectivité. J'aimerais ça vous entendre là-dessus aussi. Probablement que votre perception ou votre vision est fort intéressante par rapport au service à la collectivité.
Vous ajoutez que l'administration est un moyen, pas une fin, jusque-là nous sommes d'accord. Mais vous dites, à peu près à la page 7, plus loin, que «[le projet de] loi n° 38 accorde une prépondérance importante à l'administration au détriment des objectifs académiques». Donc, j'aimerais mieux comprendre votre position, puisqu'à mon avis le projet de loi propose un cadre de gouvernance qui permet au conseil d'administration de mieux administrer la réalisation de la mission universitaire.
Le Président (M. Marsan): Alors, M. Galarneau.
M. Galarneau (David): Oui. Pour la première question, en ce qui concerne le pouvoir... Et je vais essayer de ralentir mon débit.
Mme Charbonneau: Allez-y à votre rythme.
M. Galarneau (David): En ce qui concerne le pouvoir du droit de vote, on a pu remarquer, à l'Université Laval, et c'est un exemple d'ailleurs qui est cité à l'intérieur du mémoire... au niveau de l'environnement numérique de l'apprentissage où est-ce que l'université avait décidé de consulter les étudiants pour savoir s'ils voulaient ou non de ce projet-là et s'ils voulaient défrayer l'argent en conséquence, un référendum a été tenu, 80 % des étudiants s'y sont opposés, et le projet est quand même rentré malgré une consultation qui a été faite. Le pouvoir qui est accordé à l'université... étant donné qu'il n'y a pas de «contrebalan» qui est possible, on a beau avoir été consultés, notre argumentation et qu'est-ce qu'on avait à dire sur le sujet n'a simplement pas été écouté. Tant qu'on n'a pas des mécanismes qui permettent aux étudiants et aux différents autres membres de la communauté universitaire d'effectuer cette balance de pouvoir là, et je crois que ça doit passer par un vote ou du moins par une instance autre que consultative, on parle de pouvoir décisionnel, on n'en sortira pas. On doit pouvoir exprimer notre opinion, exprimer nos intérêts, et que la communauté universitaire en tant que telle puisse exprimer ces intérêts-là par autre chose que des mesures consultatives, parce qu'il y a toujours le pouvoir qu'il va appartenir d'être ignoré à partir de ce moment-là. On ne veut pas fonctionner dans ce type de système là.
En ce qui concerne les services à la collectivité, on considère... Et mes collègues pourront continuer après moi s'ils le jugent important. À travers les lectures que nous avons faites sur la gouvernance et à travers souvent la mission des universités, lorsqu'on a structuré notre discours, on a été d'accord à un certain point que le premier service à la collectivité offert par les universités est la recherche et les impacts de la recherche pour la collectivité, l'impact que peuvent donner les étudiants qui sortent diplômés. Bref, il y a des externalités positives au système d'éducation, et, à partir de ce moment-là, on considère que le premier service à la collectivité, offert par les universités, découle de ces deux missions principales, c'est-à-dire l'enseignement et la recherche. À partir de ce moment-là, on offre une vision qui base, dans le fond, ses externalités positives au niveau des services à la collectivité.
En ce qui concerne la troisième question, je dois vous avouer que j'ai un blanc de mémoire.
Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Mille-Îles.
Mme Charbonneau: C'est ça que ça fait quand vous ralentissez votre débit. Je viens de comprendre le principe de la vitesse. Dans le fond, c'était pour mieux comprendre votre position par rapport à l'administration au détriment des objectifs académiques. Dans le mémoire, à la page 7, vous allez, de façon plus pointue, au niveau du projet de loi n° 38 qui accorde une prépondérance importante à l'administration au détriment des objectifs académiques. Donc, je voulais savoir un petit peu plus, là, au niveau... parce que, de notre côté... ou je devrais dire de mon côté, ce que je comprends, c'est que le projet de loi propose un cadre de gouvernance qui permet au conseil d'administration de mieux administrer les réalisations de la mission administrative.
Le Président (M. Marsan): M. Galarneau.
M. Galarneau (David): Oui, merci, M. le Président. Par rapport à ça, je pense que la première manifestation des enjeux administratifs, au détriment des enjeux académiques, se trouve, et je le ramène encore une fois, à la composition du conseil d'administration. En plaçant une majorité de gens qui doivent se spécialiser dans l'administration et dans la gouvernance, on met un peu de côté les gens qui ont prioritairement des objectifs académiques, c'est-à-dire la communauté universitaire. On met un peu de côté les gens qui ont prioritairement des objectifs académiques, c'est-à-dire la communauté universitaire.
À partir de ce moment-là, de par la composition du conseil d'administration... et on doit savoir que le conseil d'administration donne les lignes directrices, là; ce n'est pas rien, un conseil d'administration... En enlevant le pouvoir à la communauté universitaire, cela se fait au détriment des objectifs académiques pour entrer plus de spécialistes de la gestion, plus de spécialistes administratifs. C'est une des illustrations, dans le fond, pourquoi la loi n° 38 place les intérêts administratifs avant les intérêts académiques.
Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Mille-Îles.
Mme Charbonneau: Ça va aller.
Le Président (M. Marsan): Ça va. Mme la députée de Gatineau, il reste un peu moins de 1 minute, 1 min 30 s.
Mme Vallée: Alors, merci. Alors, bonsoir. Merci d'être ici en si grand nombre, merci d'avoir participé à cet exercice-là. Je pense que vous avez... vous démontrez tout un sérieux, puis, comme la ministre l'a mentionné, votre analyse est relativement complète. Même si on ne partage pas nécessairement les mêmes orientations, je pense que j'apprécie énormément l'échange qu'on peut avoir ce soir. Et je vais essayer de faire rapidement moi aussi.
Dans votre mémoire, vous mentionnez, au niveau de la composition du conseil d'administration, que le projet de loi n° 38, selon votre analyse, amènerait le conseil d'administration à exercer des pouvoirs de saine gestion. Donc, très, très administratif, très, très business, vérification financière, supervision, bref, c'est votre interprétation de ce que le projet de loi n° 38 apporterait comme pouvoir au conseil d'administration, alors que, vous, vous indiquez que le conseil d'administration devrait d'abord et avant tout s'occuper évidemment... être un pouvoir politique, s'occuper des orientations stratégiques et des grandes orientations.
Moi, je suis le projet de loi n° 38. Je pense que votre perception de ce que doit être un conseil d'administration et ce qui apparaît aux articles 4.0.19, 4.0.22, entre autres, du projet de loi n° 38... je pense qu'on dit la même chose. Vous le dites plus rapidement, de façon plus succincte. On le dit de façon un petit peu plus détaillée. C'est mon interprétation.
Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie, Mme la députée de Gatineau. Ceci termine nos échanges avec le parti ministériel. Je vais maintenant reconnaître la porte-parole de l'opposition officielle en matière d'enseignement supérieur, de recherche et de développement. Mme la députée de Taillon, la parole est à vous.
Mme Malavoy: Merci, M. le Président. Bonsoir. L'avantage de vous avoir comme ça tous, c'est que ça nous permet d'être bien réveillés pour terminer l'exercice, et puis c'est vrai que le timbre de votre voix ajoute également, donc je sais en plus que le fait que vous soyez présents et présentes en si grand nombre, c'est signe d'intérêt pour ce dont nous parlons, alors je le reçois très bien.
Je vais commencer par une question un peu générale, mais qu'on retrouve dans votre conclusion. C'est un peu comme si vous disiez: Nous, on veut que le projet de loi soit retiré, mais, en même temps, si vous ne le retirez pas, voici ce qu'on aimerait garantir. Autrement dit, vous ne prenez pas de chance juste de dire: On veut le retirer, mais vous entrez malgré tout dans l'exercice de l'analyse du projet de loi. Alors, est-ce que je comprends que vous en prenez finalement un peu votre parti, que ce projet de loi, au point où on en est, il vaut mieux essayer de le retravailler que simplement demander son retrait?
n(20 h 20)nLe Président (M. Marsan): M. Galarneau.
M. Galarneau (David): Merci, M. le Président. Non, on revendique clairement le retrait du projet de loi, parce que les modifications qu'on apporte dénatureraient tellement le projet de loi n° 38, on serait tellement dans un autre paradigme que ce n'est pas des modifications, c'est clairement un nouveau projet de loi sur la gouvernance qui permettrait une plus grande décentralisation, gestion sur les processus, prédominance des membres internes. Bref, on est tellement loin du projet de loi n° 38 qu'il faut vraiment le retirer. Voilà. Merci.
Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Taillon.
Mme Malavoy: Si, par exemple ? parce que cet élément-là, il est fondamental ? la présence, la proportion des membres internes par rapport aux membres externes, tant au conseil d'administration que dans les comités de vérification, éthique, ressources humaines, si cette proportion était changée... Parce que d'autres sont venus nous dire encore aujourd'hui: Il faudrait l'inverser, il faudrait qu'il y ait plus de membres internes, moins de membres externes. Si cet aspect-là était modifié, est-ce que pour vous c'est assez central que ça vaudrait la peine de faire l'exercice? Est-ce que c'est un élément, je dirais, majeur, tellement majeur qu'il vous ferait reconsidérer votre perception du projet de loi?
Le Président (M. Marsan): M. Galarneau.
M. Galarneau (David): Merci, M. le Président. Bien que la composition du conseil d'administration constitue l'irritant le plus notable du projet de loi n° 38, nous venons défendre l'autonomie des universités. À partir de ce moment-là, aucune loi proposée par... dans le contexte actuel, puisque nous n'avons pas demandé de loi sur la gouvernance ? ce que nous avons demandé, c'est un refinancement des universités ? à partir de ce moment-là, même si on inversait la proportion de membres internes par les membres externes, nous rejetterions un modèle de loi qui cherche à uniformiser la gestion des universités, car nous considérons que l'autonomie doit être centrale au modèle universitaire. Et c'est notre idée.
Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Taillon.
Mme Malavoy: Est-ce que vous rejoignez la position de la CREPUQ qui nous a dit aujourd'hui: On veut... on pense qu'il ne devrait pas y avoir de projet de loi mais qu'il devrait y avoir des ententes de partenariat entre chaque université et la ministre? Autrement dit, au nom aussi de l'autonomie, la CREPUQ est venue nous dire: On ne veut pas un encadrement législatif aussi contraignant, on pense qu'on pourrait atteindre des objectifs autrement.
Le Président (M. Marsan): M. Galarneau.
M. Galarneau (David): Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Je dois avouer que je n'ai pas eu le temps de regarder la performance de la CREPUQ ce matin, étant trop occupé à préparer mes textes pour ce soir. À partir de ce moment-là, je n'oserai pas me prononcer. Par contre, l'idée que vous faites apparaître, à l'heure actuelle, me fait drôlement penser au retour du spectre des contrats de performance. Et je dois avouer qu'à prime abord cela ne me plaît pas beaucoup.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Malavoy: O.K.
Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Taillon.
Mme Malavoy: Non, non, c'est une bonne réponse. C'est une bonne réponse, c'est clair. Il y a d'ailleurs... dans le projet de loi, là, que vous dénoncez, il y a un article qui précise qu'il doit y avoir entente avec la ministre quant à des indicateurs de performance qualitatifs et quantitatifs. Ça, je comprends que c'est quelque chose que vous... que vous rejetez de but en blanc. O.K. Bien, je ne vous comparerai pas plus longtemps que ça à la CREPUQ, là. Je ne pense pas...
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Malavoy: Je ne pense pas que la comparaison...
Une voix: ...soit une bonne idée.
Mme Malavoy: ...doive tenir la route. Non, mais, des fois, pour des raisons différentes, des gens peuvent se retrouver sur une position qui peut avoir des aspects communs. C'est...
Ce sur quoi j'aimerais vous entendre un petit peu plus et vous entendre me l'illustrer, c'est sur le risque d'éloignement des objectifs académiques. Vous dites: Si on va dans le sens de ce projet de loi, on risque de s'éloigner des objectifs académiques, donc de ce qui est la mission d'une université. Puis je le comprends bien, c'est une crainte que je partage moi aussi, là. Je pense qu'une université, c'est un type d'organisation qui est différent de bien d'autres entreprises. Mais, de votre point de vue, vous qui avez siégé à des comités, qui avez réfléchi à ces questions-là, qui êtes aussi dans le milieu universitaire, si vous aviez à me l'illustrer par des enjeux, par des exemples, par des cas, là, qui auraient pu survenir, vous me diriez quoi, par rapport à ces objectifs académiques et aux enjeux qui les accompagnent?
Le Président (M. Marsan): M. Galarneau ou madame... M. Galarneau.
M. Galarneau (David): Oui. Merci, M. le Président. C'est l'ensemble des mesures. C'est dans la totalité que la loi n° 38 nous fait craindre justement cette lente dérive vers... loin, loin des objectifs académiques, premièrement à travers les indicateurs de performance qui vont mettre des objectifs à court terme à atteindre. Donc, on pourrait penser qu'il y aurait une orientation de la recherche et de l'enseignement vers des secteurs qui sont plus rentables que les autres afin, entre autres, d'attirer plus d'étudiants. Étant donné la grille actuelle de financement des universités, à travers les indicateurs de performance, on voit une des possibilités de dérive. Cette dérive-là est accentuée par la composition du conseil d'administration, étant donné que l'on retire le pouvoir de la communauté universitaire de par les sous-comités de gestion et de par le conseil d'administration en tant que tel, les intérêts qui sont représentés au sein du conseil d'administration...
Oui, il est vrai que, lorsqu'on se présente sur un conseil d'administration, on doit parler en l'unique nom de l'intérêt de la corporation. Cependant, on ne peut pas oublier son passé, on ne peut pas oublier les autres mesures qu'on a cherché à appliquer dans d'autres conseils d'administration ou dans d'autres instances diverses. À partir de ce moment-là, est-ce qu'on n'aura pas une orientation générale d'université vers des intérêts qui seront plus marchands, qui seront plus orientés vers une compétitivité dans une économie du savoir? Bref, est-ce que la recherche ne sera pas orientée vers des intérêts qui sont concrets, au détriment de la recherche fondamentale?
Il y a plusieurs critiques qui peuvent être effectuées au niveau de la dérive qui va être faite, au niveau du conseil d'administration, des indicateurs et de la reddition de comptes. Bref, c'est l'ensemble des mesures qui pourraient mener à s'éloigner des objectifs académiques de l'université.
Le Président (M. Marsan): Mme Poirier, vous voulez faire un commentaire?
Mme Poirier (Barbara): Justement peut-être pour renchérir un petit peu. Vous vouliez un exemple concret. Comme par exemple, nous autres, à l'Université Laval, on a un conseil d'administration et un conseil universitaire qui traite de toutes les questions pédagogiques, donc qui a un pouvoir décisionnel par rapport à tous les ensembles des dossiers, des programmes, et tout ça. Donc, la loi n° 38 remettrait le pouvoir au conseil d'administration. Cette instance-là deviendrait consultative. Donc, c'est vraiment une inquiétude pour nous autres d'avoir une instance comme le conseil universitaire qui deviendrait consultative, parce que le conseil universitaire englobe les professeurs, les étudiants, les doyens, qui ont une conscience des besoins et aussi de l'ensemble des programmes qui sont donnés à l'université, et deviendrait seulement une instance consultative, et que les décisions se prendraient entre les mains de 60 % d'administrateurs externes sur le conseil d'administration. Donc, c'est vraiment une inquiétude pour nous autres, à l'Université Laval, si on prend chez nous, de l'application du projet de loi pour les orientations pédagogiques.
Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Taillon.
Mme Malavoy: Bien, juste une précision par rapport à cette question-là, et je sais que mon collègue de Borduas a des questions également à vous poser, j'aimerais que vous puissiez me l'illustrer encore un peu plus précisément. Par exemple, un peu plus tôt aujourd'hui, un groupe est venu nous parler d'un enjeu qui est celui, à l'Université de Montréal, de ce qu'ils appellent la péréquation interfacultaire, O.K., c'est-à-dire cette idée qu'il y a des règles du jeu qui permettent de répartir plus équitablement, entre des secteurs plus rentables et des secteurs moins rentables, les ressources. Est-ce qu'à l'Université Laval vous avez eu connaissance d'enjeux de cette nature ou d'une autre nature, mais qui vous feraient craindre que plus de pouvoir entre des mains plus externes mettrait en péril les objectifs, les valeurs que vous défendez?
Le Président (M. Marsan): M. Fecteau.
M. Fecteau (François): En fait, pour... Je crois que vous parlez du cas d'une certaine faculté en particulier. Pour ce cas-là, on croit que la réalité universitaire n'est pas parfaite nulle part. Cependant, par rapport à ce que... Un projet de loi, par exemple, comme celui-là n'amène absolument rien, ne réglerait absolument rien par rapport à une péréquation. En fait, nous, ce qu'on vient dire ici, ce soir, c'est qu'on ne vient pas proposer une façon ou une autre de gouverner les universités. Ce qui nous a été demandé... En fait, c'est qu'on n'a rien demandé à ce qu'il y ait un projet de loi de la sorte. Ce qu'on... Notre présence ici ce soir n'est pas de proposer une péréquation ou quelconque solution miracle aux problèmes ou aux microproblèmes des universités. On était venus ici pour demander à Mme Courchesne qu'elle nous rende des comptes. Malheureusement, il me semble qu'on n'a pas eu nécessairement de réponse à nos questions. Par contre, par rapport à ce que vous nous proposez, ça peut être intéressant, il faudrait l'étudier un peu plus.
n(21 h 30)nLe Président (M. Marsan): Mme la députée de Taillon.
Mme Malavoy: C'est... Non, je lui donne parole tout de suite après, mais je veux juste qu'on me comprenne bien. Moi, je ne propose pas une péréquation. Je dis que c'était un exemple de quelque chose qui pourrait être mis en péril avec une proportion plus importante de membres externes.
Mais je laisse mon collègue vous poser sa question, parce qu'il ne reste pas beaucoup de temps.
Le Président (M. Marsan): Alors, M. le député de Borduas, la parole est à vous.
M. Curzi: Oui, merci. Bonsoir. Dans le fond, là, ce que vous dites clairement, c'est: Nous autres, ce projet de loi, on n'en veut pas. Ce qu'on est venu dire: On n'en veut pas. Admettons qu'on est d'accord puis ça n'existe pas, ce que vous dites aussi cependant, c'est que vous dites: Oui, ça n'existe pas, puis ce qu'on veut, c'est des états généraux. D'accord? On fait des états généraux. Le résultat des états généraux, ce serait de proposer qu'il y ait une sorte de... de pouvoir accru accordé au conseil universitaire ou à l'assemblée universitaire. Puis ce que je comprends aussi quand je pige ça un petit peu dans le syndicat général des professeurs, il me semble que ça s'apparente, ce que vous dites, c'est: Nous, on voudrait avoir un pouvoir décisionnel sur l'ensemble des contenus à l'université, contenus académiques, mais aussi un droit de regard ou un droit de discussion, un droit d'opinion, un vrai droit d'opinion à l'intérieur d'une assemblée où il y aurait les étudiants, il y aurait les professeurs, il y aurait les membres du personnel, il y aurait la recherche, il y aurait tout ça. On voudrait avoir une assemblée qui a vraiment, par rapport à l'administration de l'université puis par rapport au conseil d'administration... qui est capable de dire: Voici ce que nous pensons, comment ça devrait être orienté.
En fait, vous rejoignez la notion des professeurs, qui disent: Nous, ce qu'on voudrait, c'est agir de concert. Quand ils disent «de concert», ça veut dire qu'il y aurait un consensus. Tout d'un coup, on s'accorde puis on se dit: On est d'accord avec les grandes orientations. Mais il faut qu'il y ait plus que ça, parce que «de concert», puis je pense que vous êtes d'accord, ça pourrait vouloir dire que c'est immobile, parce que, si on n'arrive pas à s'accorder, qu'est-ce qui se passe? On se retrouve dans une situation où c'est bloqué.
J'essaie de poursuivre le raisonnement. Donc, je me dis: Non seulement, ça, vous voulez ça, mais en plus vous revendiquez ? puis ça, je trouve que c'est une notion intéressante ? le fait que, comme étudiants, vous avez développé une conscience, donc un aspect critique, et qu'en quelque sorte le bien supérieur va toujours suppléer à l'intérêt personnel ou aux intérêts.
Donc, on se retrouve dans une structure où il y a consultation, pouvoir de négociation. On arrive à une décision commune ou on n'arrive pas. Mais en même temps ce que vous dites aussi, c'est que, dans ce conseil d'administration qui ultimement va prendre les décisions, vous souhaitez avoir la majorité. Est-ce que ça, ça reflète un peu ce que vous souhaiteriez?
Le Président (M. Marsan): M. Galarneau.
M. Galarneau (David): Ce que je pourrais dire, M. le Président...
Des voix: ...
Le Président (M. Marsan): Alors, M. Galarneau...
M. Curzi: Non, bien, quoi, c'est bon. On s'en va vers un autre projet de loi. On va avoir un nouveau projet de loi, c'est merveilleux.
Le Président (M. Marsan): Excusez. M. Galarneau, vous avez la parole.
M. Curzi: 38a ou 38b, je ne sais pas, ou 39.
M. Galarneau (David): Ce que je pourrais proposer...
Des voix: ...
M. Galarneau (David): Ce que je pourrais proposer au député de Borduas, ce serait d'ajouter le gel des frais de scolarité, et on serait pas mal en train de s'entendre.
Des voix: ...
Le Président (M. Marsan): Comme je le disais, M. Galarneau, vous avez la parole.
M. Galarneau (David): Non, ça disait vraiment ce que je voulais dire. Oui, je suis d'accord avec la... je pense qu'on a une compréhension mutuelle de la chose. Et effectivement je renchérirais avec le gel des frais de scolarité.
M. Curzi: Non, mais c'est ça. Mais je veux juste...
Le Président (M. Marsan): Vous avez un autre commentaire, M. le député de Borduas?
M. Curzi: Bien, juste pour compléter. Parce que, dans le fond, les principes que je trouvais intéressants, c'est la collégialité, on est... tout le monde est d'accord là-dessus; la transparence, vous en êtes, je pense, vous la réclamez; puis l'imputabilité implique qu'il y ait quelque part quelqu'un qui assume les décisions, puis je pense que... Puis je ne suis pas opposé, je trouve que... On en rit, mais c'est imaginable, comme structure, et c'est une structure qui pourrait être adaptée ou modulée selon les universités. Elle n'est pas simple, mais en même temps elle est porteuse et... Voilà, c'est tout. Finalement, je n'avais peut-être pas de question.
Le Président (M. Marsan): Je vous remercie, M. le député de Borduas. Alors, ceci terminerait nos échanges avec le parti de l'opposition officielle. Je vais maintenant reconnaître le porte-parole dans le domaine de l'éducation, d'identité et de culture du deuxième groupe d'opposition. M. le député de Chauveau, la parole est à vous.
M. Deltell: Merci, M. le Président. Madame, messieurs, bonjour... bonsoir, plutôt. Bonsoir à vous tous qui êtes présents en si grand nombre. Étant un ancien de l'Université Laval, je ne suis pas peu fier de vous voir si nombreux et de vous voir présents, attentifs à ce qui se passe. Souvent, on se demande, puis c'est légitime aussi: Est-ce que les associations étudiantes sont bien représentatives? Vous en êtes la démonstration et l'illustration la plus éclatante qu'on puisse souhaiter avoir, ce soir. Merci beaucoup, et soyez les bienvenus.
J'aurais une question pour vous, mais tout d'abord je vais vous offrir une réponse, puisque vous avez terminé votre exposé... ? je n'ai pas besoin de dire qu'il était très bon, tout le monde l'a dit, alors je joins ma voix à la cohorte ? vous avez terminé votre exposé en demandant: Pourquoi? Pourquoi la loi n° 38? Bien, c'est fort simple, et je sais que vous connaissez la réponse, vous l'avez donnée dans une de vos réponses tout à l'heure: c'est en raison de la catastrophe financière de l'îlot Voyageur. Et ça, bien, c'est dû au fait qu'il y a quelqu'un qui avait une idée qui peut-être, à la base, n'était pas vilaine, mais qui a eu une dérive financière tout à fait catastrophique qui a conduit à des dizaines de millions de dollars en pertes, et les contribuables vont devoir payer ça. Et, vous, vous allez, toute votre vie, avoir à payer pour ces dérives malheureuses et méprisables parce que c'est quelqu'un qui a agi, et que les signaux d'alarme ont été lancés, mais que les gens ne l'ont pas écouté. Donc, c'est la raison pour laquelle on est... on se retrouve avec un projet de loi sur la gouvernance, pour revoir cette façon de faire.
Maintenant, vous êtes les premiers de l'Université Laval à venir témoigner ici, en commission. Il y a M. le recteur, ce matin, qui y était, mais il y était au nom de... il était parmi la cohorte de recteurs. Vous êtes les premiers à venir ici, et il y a quelques exclusivités propres à l'Université Laval que vous avez évoquées et que j'aimerais aborder avec vous, parce que tous les thèmes ont été abordés dans les questions précédentes, c'est la question du recteur, la nomination du recteur. Comment ça se fait?
La ministre a quand même bien précisé votre appréhension tout à l'heure, et j'ose espérer que vous avez bien, bien compris, bien saisi la nuance, mais j'aimerais savoir qu'est-ce qui fait en sorte... Vous avez vécu ça, vous le vivez, et ce, depuis plusieurs années. Qu'est-ce qui fait en sorte que la nomination d'un recteur à l'Université Laval se fasse par l'élection, se fasse par un débat, par une campagne électorale qui n'en est pas une au sens conventionnel du terme, au sens habituel du terme, mais qui en est une quand même, élu par un collège électoral? Qu'est-ce qui fait que ça, selon vous, est une bonne façon de faire, mérite d'être préservée, mérite peut-être même d'être reprise ailleurs? Pour la gouvernance, qu'est-ce qui, selon vous, fait en sorte que l'élection d'un recteur est une bonne chose?
Le Président (M. Marsan): M. Galarneau
M. Galarneau (David): En ayant la plus grande diversité d'opinions ? et, je pense, ça rejoint un peu certains des... certaines des opinions de l'ADQ sur la question ? en ayant une plus grande diversité de gens pour qu'ils donnent leurs opinions sur le choix du recteur, en ayant justement des débats qui sont publics, où est-ce que ce n'est pas à huis clos qu'on décide des grandes orientations de l'université, en ayant réellement une réflexion publique où est-ce que l'ensemble des acteurs de la communauté universitaire ont le droit de parole et ont un certain pouvoir décisionnel sur le choix de leur recteur, on s'assure qu'il y a une plus grande collaboration entre le recteur et la communauté universitaire. On croit que cette façon de faire, étant transparente et étant collégiale, définit et colle bien à l'Université Laval.
Le Président (M. Marsan): Oui, Mme Poirier, je pense, vous voulez compléter?
Mme Poirier (Barbara): Oui, seulement pour renchérir. Dans le projet de loi, on présente aussi l'égalité des chances pour les membres externes ou les membres internes; par le biais d'un collège électoral, ça permet aussi aux membres externes de se sensibiliser aux besoins et au fonctionnement d'une université, ce qui est une situation qui est complexe. Si c'est fait en vase clos, ça ne permet pas aux personnes qui se présentent de prendre le pouls du campus puis de comprendre cette structure-là qu'est l'Université Laval. Donc, ça permet au premier dirigeant d'avoir une vision de ce que c'est, l'université, aussi puis de comprendre la complexité de cette structure-là, parce que c'est essentiel pour un premier dirigeant de la comprendre. C'est beau, avoir un papier avec des points de fond pour dire: Ah! je veux faire tel, tel, tel projet à l'Université Laval, mais c'est important de comprendre le fonctionnement puis aussi la philosophie de l'enseignement à l'Université Laval pour être le premier dirigeant.
Le Président (M. Marsan): Merci. Je vous remercie, Mme Poirier, M. Galarneau, M. Fecteau, pour nous avoir donné le point de vue de la Confédération des associations d'étudiants et d'étudiantes de l'Université Laval.
La commission ajourne ses travaux au mercredi 30 septembre 2009, à 11 heures. Merci.
(Fin de la séance à 21 h 39)