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(Onze heures quarante minutes)
Le Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission des communautés culturelles et de l'immigration
reprend ses travaux.
Les membres de la commission sont: MM. Ryan (Argenteuil), Dean
(Prévost), de Bellefeuille (Deux-Montagnes), Laurin (Bourget), Godin
(Mercier), Gratton (Gatineau), Mme Lachapelle (Dorion), MM. Laplante
(Bourassa), Leduc (Fabre), Lincoln (Nelligan), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie).
Les intervenants sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Fortier
(Outremont), Fallu (Groulx), Dupré (Saint-Hyacinthe), Gauthier
(Roberval), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), MM. Martel (Richelieu), Scowen
(Notre-Dame-de-Grâce), Ciaccia (Mont-Royal), Vau-geois
(Trois-Rivières).
La dernière fois que nous nous sommes laissés, nous
avions...
La participation du député de Vachon
comme intervenant
M. Payne: M. le Président.
Le Président (M. Brouillet): Oui, M. le
député de Vachon?
M. Payne: Est-ce que je pourrais être inscrit comme
intervenant, M. le Président?
Une voix: La liste est complète.
Le Président (M. Brouillet): Comme président, je
lis la liste qu'il y a ici. Si on ne me donne pas d'autres indications...
M. Payne: La liste est complète, mais je ne vois
pas...
M. Gratton: M. le Président.
Le Président (M. Brouillet): M. le député de
Gatineau.
M. Gratton: Loin de moi de vouloir me mêler des
problèmes internes du Parti québécois, mais il me semble
que le parti au pouvoir a plusieurs postes de membres et d'intervenants
à la commission parlementaire. On voit, par exemple, qu'il y en a six
présents. Peut-on savoir pourquoi le député de Vachon ne
serait pas un de ceux-là?
Le Président (M. Brouillet): Écoutez, moi, comme
président, je n'ai pas à interpréter ou à donner de
raison. Le partage des tâches à l'intérieur du parti
relève du whip et on distribue la liste des membres aux
différentes commissions; alors, je n'ai absolument aucune raison
à donner. Alors, si...
M. Gratton: Alors, le whip aurait décidé que le
député de Vachon ne fait plus partie du caucus péquiste.
Est-ce cela, M. le Président?
Le Président (M. Brouillet): Tout ce que je peux vous
dire, à partir des faits que j'ai, c'est qu'il n'est pas sur la liste
des membres de la commission pour aujourd'hui.
M. Gratton: On pourrait peut-être demander au
député de Bourassa de nous dire de quoi tout cela
relève.
Le Président (M. Brouillet): Je crois que c'est une
question qui est en dehors...
Mme Lavoie-Roux: ...
Le Président (M. Brouillet): Excusez-moi, Mme Lavoie-Roux,
vous n'avez pas demandé la parole.
M. Gratton: Mme la députée...
Le Président (M. Brouillet): Mme la députée
de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Brouillet): Mme la députée
de L'Acadie, vous n'avez pas demandé la parole. Je sais que vous
aimeriez prendre la parole à ce moment-ci, mais ça ne fait pas
partie du mandat de la commission de savoir, de part et d'autre, pourquoi un
député est ou n'est pas là.
Mme Lavoie-Roux: Je la demande, la parole! Ils sont nerveux!
Le Président (M. Brouillet): Je m'excuse, vous pourrez
à l'extérieur de la commission poser des questions, mais ce n'est
pas le mandat de la commission.
Mme Lavoie-Roux: ...
Le Président (M. Brouillet): Je reviens au point où
nous en étions rendus la dernière fois.
M. Payne: Est-ce que je peux avoir la parole?
Le Président (M. Brouillet): Vous pouvez avoir la parole,
mais si les membres de la commission vous accordent la parole.
M. Gratton: M. le Président, nous consentons que le
député de Vachon ait la parole.
Le Président (M. Brouillet): Alors, consentement.
Allez.
M. Payne: Vous avez lu une liste des membres et des intervenants
pour cette commission et c'était suivi par l'affirmation du
député de Bourassa que la liste était complète. Or,
plusieurs des personnes nommées sur la liste ne sont pas
présentes. Comment donc pouvez-vous conclure que la liste est
complète?
Le Président (M. Brouillet): M. le député de
Vachon, je ne conclus absolument rien, je ne conclus pas, ce n'est pas moi qui
conclus, je vous dis que j'ai une liste ici et j'ai nommé les gens qu'il
y avait sur la liste.
M. Payne: Alors, je vais poser ma question d'une manière
plus simple. Est-ce que je peux être intervenant ou pas?
Le Président (M. Brouillet): Vous n'êtes pas sur la
liste des intervenants, ce n'est pas à moi à décider qui
va l'être ou qui ne le sera pas, je ne suis ici que pour lire les noms
qu'on me remet; alors, la question est très simple.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce qu'on peut parler?
Le Président (M. Brouillet): Une minute, s'il vous
plaît!
Mme Lavoie-Roux: Je demande le droit de parole.
Le Président (M. Brouillet): Une minute, s'il vous
plaît! Si vous revenez sur cette question, c'est fini, on ne discutera
pas ça ici, ce n'est pas le mandat de la commission.
Mme Lavoie-Roux: Oh! Oh! Oh!
Le Président (M. Brouillet): Non, ce n'est pas le mandat
de la commission de savoir pourquoi un député est ou n'est pas de
la commission, il relève de chacun des partis de fournir une liste de
membres et c'est tout. Cela ne relève pas du mandat d'une commission.
Est-ce que c'est sur cette question, Mme la députée de
L'Acadie?
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je...
Le Président (M. Brouillet): Est-ce que c'est sur cette
question?
Mme Lavoie-Roux: Non, je ne vous ferai pas d'intervention pour
que M. Payne soit... Vous avez tout à fait raison, c'est le Parti
québécois qui doit décider qui siège à la
commission ou non, mais on peut quand même faire des commentaires.
Le Président (M. Brouillet): Non, pas sur cette question.
Non, c'est antiréglementaire. Des commentaires sur cette question, c'est
antiréglementaire.
Mme Lavoie-Roux: Vous les aurez plus tard, vous ne perdez rien
pour attendre!
Le Président (M. Brouillet): Vous les ferez.
M. Gratton: Vous les aurez à l'article suivant.
Mme Lavoie-Roux: Vous les aurez à l'article suivant, si
vous ne voulez pas les entendre tout de suite. C'est une question de
privilège.
Le Président (M. Brouillet): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Si je comprends bien, les membres des commissions sont
nommés par l'Assemblée nationale.
Une voix: Oui.
M. Scowen: Si je comprends bien, des remplacements de ces membres
et intervenants sont permis habituellement. Ces changements sont normalement
acceptés par qui? Qui a le droit de faire des substitutions des noms des
membres qui sont nommés par l'Assemblée nationale au sein d'une
commission parlementaire?
Le Président (M. Brouillet): Certains des membres et
intervenants nommés par l'Assemblée nationale le sont une
première fois; par la suite, la coutume veut que chaque whip puisse
substituer d'autres membres à ceux de la liste officielle. C'est la
coutume. Sur la liste que j'ai ici, parmi les membres et les intervenants, le
nom du député de Vachon n'est pas sur la liste
désignée par l'Assemblée nationale.
M. Scowen: II n'existe aucune règle qui permette à
un whip de changer les noms?
Le Président (M. Brouillet): Non, absolument pas. Que
voulez-vous? C'est selon la disponibilité des membres. Il n'y a aucune
règle précise.
M. Scowen: Est-ce qu'il y a une règle qui empêche un
député de l'Assemblée nationale, qui n'est pas membre
d'une commission selon un ordre même de l'Assemblée nationale, de
s'inscrire lui-même pour remplacer quelqu'un qui n'est pas là?
Le Président (M. Brouillet): Non, il n'y a pas de
règle. La règle dit simplement qu'un député qui
n'est pas membre ni intervenant, pour prendre la parole, a besoin du
consentement de l'ensemble des membres de la commission.
Mme Lavoie-Roux: Nous sommes prêts à le donner, M.
le Président.
Le Président (M. Brouillet): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: C'est d'une question de règlement que
nous sommes en train de discuter. Sur cette question de règlement, je
voudrais dire qu'en sept ans, comme membre de cette Assemblée nationale,
je n'ai jamais eu connaissance qu'un whip de quelque parti que ce soit ait
empêché un député de sa formation qui le souhaitait
d'être membre ou intervenant d'une commission parlementaire.
Mme Lavoie-Roux: Bravo!
M. de Bellefeuille: Je me désolidarise totalement de ce
geste arbitraire et inacceptable.
M. Gratton: M. le Président...
Le Président (M. Brouillet): M. le député de
Gatineau.
M. Gratton: ...sur la même question de règlement.
J'enchaînerai avec ce qu'a dit le député de Deux-Montagnes
en disant qu'en onze ans je n'ai jamais vu telle chose non plus se produire
dans une commission parlementaire. Ce que je regrette encore plus, c'est que ce
sort que le whip adjoint du Parti québécois fait subir au
député de Vachon s'adonne justement à tomber sur l'un des
deux députés anglophones du Parti québécois.
J'espère que cela n'a rien à voir avec la langue que parle le
député de Vachon si le whip adjoint et député de
Bourassa n'accepte pas de l'inscrire comme intervenant ou comme membre de la
commission.
Ce que je sais, c'est que les travaux auxquels a participé le
député de Vachon, non pas nécessairement qu'on ait
toujours été d'accord avec lui, mais on a vu qu'une collaboration
entre le député de Vachon et le député de Nelligan,
la semaine dernière, a donné des résultats très
heureux, surtout pour la communauté anglophone, il faut bien l'admettre.
C'est à se demander si ce n'est pas cela qu'on veut maintenant reprocher
au député de Vachon en l'empêchant de siéger ici, en
commission parlementaire, en l'empêchant d'intervenir sur le projet de
loi 57.
M. le Président, je trouve tout à fait aberrant que le
député de Bourassa ne prenne même pas la peine d'expliquer
le geste qu'il pose. Il devrait au moins faire preuve d'un minimum de courage
et nous dire pourquoi. Je pense que les membres de la commission
méritent de savoir pourquoi le député de Vachon est
maintenant considéré comme persona non grata par son propre
parti.
Le Président (M. Brouillet): M. le député de
Bourassa, vous avez le loisir de répondre ou pas, c'est votre
liberté.
M. Laplante: La liste est complète, M. le
Président. On ne s'est jamais mis le nez dans la liste des intervenants
et des membres des commissions du Parti libéral, c'est leur affaire.
Maintenant, rien n'empêche le député de Vachon, avec la
permission des membres, laquelle j'accorderais volontiers, lorsqu'il veut
prendre la parole à cette table... mais je ne veux pas qu'il soit
intervenant ni membre parce que notre liste est complète. Si les membres
de cette commission décident de donner la parole au député
de Vachon, cela me fera plaisir d'acquiescer à leur demande.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président... Une voix: M. le
Président...
Mme Lavoie-Roux: J'avais demandé la parole depuis
longtemps.
Le Président (M. Brouillet): Écoutez, faisons le
point. Vous vouliez avoir des explications. Le député de Bourassa
en a donné. Deuxièmement, il y a un accord pour qu'il y ait droit
de parole - vous avez dit tantôt que vous étiez prêts
à l'accorder -pour que le parti ministériel accorde le droit de
parole. Je pense qu'on a fait le tour de la question. Il faudrait que ce soit
bref, parce qu'il ne faut pas revenir sur des choses qui ont été
dites. Mme la députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je voudrais simplement
vous faire remarquer... Je crois qu'à titre d'intervenants ou à
titre de membres de la commission, le parti ministériel a droit à
treize députés. C'est exact? Dans le moment, de l'autre
côté de
la table, on ne compte que cinq députés. Je pense
qu'à titre de députés de l'Assemblée nationale on
peut soulever cette question. Cela nous apparaît comme un bâillon
qu'on impose au député de Vachon, sans raison précise sauf
qu'on nous dit que la commission est complète. Or il y a cinq membres
qui siègent de l'autre côté de la Chambre. Le
député de Vachon - je tiens à le dire, tout le monde en a
été témoin - a été, à l'exception du
député de Deux-Montagnes et du député de Fabre, le
député ministériel le plus assidu à cette
commission. Alors, vous comprendrez que ceci nous apparaît comme un geste
tout à fait inexplicable, vraiment une tentative de bâillonner un
membre de l'Assemblée nationale. Ce député a eu une
conduite tout à fait dans l'ordre. Il s'est soumis au règlement,
il a eu une participation active. Je pense que le terme aberrant qu'a
utilisé mon collègue de Gatineau est un terme très
modéré. Je suis à me demander s'il ne s'agit pas d'une
certaine forme - c'est la première fois que j'utilise le terme à
l'Assemblée nationale - d'une espèce de dictature qu'on veut
imposer à un député du côté
ministériel.
Ce n'est pas parce qu'il est du côté ministériel,
c'est à titre de député de l'Assemblée nationale.
D'aucune façon il ne s'est comporté, il n'a eu un comportement
qui ait suscité quelque reproche que ce soit d'un côté
comme de l'autre de la Chambre. Je proteste énergiquement contre un tel
traitement fait à un membre de l'Assemblée nationale qui a
apporté une participation très active et assidue à cette
commission.
M. Scowen: M. le Président...
Le Président (M. Brouillet): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Je suis complètement en accord avec ce que ma
collègue de L'Acadie a dit. Je veux également souligner que le
député de Vachon a été adjoint du ministre qui a eu
la responsabilité de l'application de cette loi pendant plusieurs
années, l'actuel ministre de l'Éducation. C'est une personne qui
a peut-être une connaissance de ce projet de loi plus approfondie que
n'importe qui du côté ministériel. C'est quelqu'un qui a
suivi de façon très rigoureuse l'évolution de ce dossier
depuis et qui, jusqu'à hier, jusqu'à vendredi était
accepté soit comme intervenant, soit comme membre de cette commission.
Aujourd'hui, l'idée de l'exclure... Je dois souligner qu'on a
commencé, je pense, la semaine passée à faire un peu de
progrès vers une entente raisonnable pour les deux côtés.
Le gouvernement est en train de créer un martyr ici, et cela aura des
retombées malheureuses non seulement pour lui-même, mais pour
toute l'évolution de ce dossier qui, la semaine passée, a
commencé à évoluer d'une façon un peu positive. Sur
tous les plans, sur l'expertise et l'expérience du député,
l'intérêt qu'il a manifesté jusque maintenant, le fait que
le gouvernement lui ait permis jusqu'à ce matin de participer - il
était membre ou intervenant depuis le début - le risque de
pourrir les relations qui ont commencé à se développer
dernièrement, pour toutes ces raisons, je pense que si c'est le whip du
gouvernement qui a le dernier mot dans cette affaire, on doit lui donner
l'occasion d'y repenser, parce que c'est une perte pour la commission.
Le Président (M. Brouillet): M. le député de
Mont-Royal, vous avez un mot à dire?
M. Ciaccia: Oui, M. le Président. Je crois qu'on ne peut
pas laisser passer cet incident sans protester contre le fait que le
député de Vachon ne soit pas admis comme intervenant par son
propre parti, surtout quand on voit les bancs vides de l'autre
côté de cette table.
Je pourrais comprendre peut-être s'il y avait neuf, dix ou onze
membres de la commission du côté ministériel. Si l'on
voyait tellement d'intérêt de la part du Parti
québécois, on pourrait voir cela, peut-être bien. On en a
exclu un, parce qu'il fallait prendre la décision et la décision
est tombée, malheureusement, sur le député de Vachon.
Mais, devant moi, il y a trois membres de la commission: il y a le ministre, le
député de Bourassa et le député de Deux-Montagnes.
Tous les autres bancs sont vides.
La question qu'on se pose est la suivante: Y a-t-il un autre motif pour
empêcher le député de Vachon de parler, d'être
intervenant? On sait qu'on a eu nos différences d'opinions, y compris
moi, avec les propos du député de Vachon, mais cela
n'empêche pas qu'on défende son droit de parole, quelle que soit
son opinion. Je pense que c'est sacré, un droit de parole à
l'Assemblée nationale et devant cette commission.
Je crois qu'on commet une grave injustice envers le député
de Vachon. On pourrait poser une autre question. J'ai assisté à
la commission parlementaire, aux séances où l'on a fait du
progrès. Il semblait y avoir vraiment une atmosphère de
coopération complète, presque totale je dirais, dans notre
cheminement en vue d'apporter certains amendements et certains changements au
projet de loi. Il y avait des interventions et des recommandations des deux
côtés de la table, spécialement de la part du
député de Nelligan et du député de Vachon. On
semblait s'orienter vers des changements qui étaient acceptables aux
deux côtés, au
gouvernement et à l'Opposition.
Il ne faudrait pas que le gouvernement crée l'impression qu'il y
avait trop de collaboration et de coopération entre le gouvernement et
l'Opposition, sur certains articles, pour nous dire aujourd'hui que le
député de Vachon ne peut pas intervenir. Est-ce parce qu'il
faisait des suggestions qui étaient acceptées même par le
ministre? Ce n'étaient pas des interventions et des recommandations que
le ministre n'acceptait pas. On se pose la question: est-ce qu'on veut changer
la direction dans laquelle s'orientait la commission et enrayer le
progrès notable qu'apportaient les recommandations du
député de Vachon? Aujourd'hui, on lui refuse d'être
intervenant.
Je veux souligner, M. le Président, qu'être intervenant ne
lui accorde même pas le droit de vote. Seuls les membres de la commission
ont le droit de vote. Si le gouvernement pense que le député de
Vachon va trop loin dans ses propos, il aurait pu dire: il ne sera pas un
membre de la commission; on ne lui accordera pas un droit de vote. C'est
quelque chose que le gouvernement peut décider. De la même
façon que de ce côté-ci, ceux qui ont le droit de vote,
cela arrive quelquefois, par accident, à quelqu'un qui est plus
présent que d'autres. Du côté du gouvernement, je peux
comprendre s'il ne lui avait pas accordé le droit de vote, mais je ne
peux pas comprendre qu'il refuse qu'il soit intervenant, qu'il ait le droit de
parole quand huit des dix bancs sont vides du côté du
gouvernement. Il n'y a personne là, il n'y a presque personne, il y a
seulement trois personnes pour intervenir.
Je pense, M. le Président, que c'est très significatif, la
position du gouvernement, et je m'y oppose. Je pense qu'au moins, de ce
côté-ci de la commission parlementaire, quelqu'un devrait
défendre le droit de parole du député de Vachon. (12
heures)
Le Président (M. Brouillet): M. le ministre, vous avez
demandé la parole?
M. Laurin: Je voudrais, moi aussi, exprimer mon opinion sur le
sujet. Je suis absolument d'accord avec mon collègue de Deux-Montagnes.
Je trouve qu'un député a toujours le droit de parole à
toutes les commissions. C'est la tradition dans toute notre Assemblée
nationale, qu'il soit intervenant ou pas. L'essentiel est qu'un
député ait le droit de parole partout où il veut
s'exprimer et donc si le député de Vachon demande à
prendre la parole au sein de la commission à titre d'intervenant ou pas,
je trouve que c'est tout à fait naturel et normal.
Le Président (M. Brouillet): M. le député de
Bourassa.
M. Laplante: Une courte intervention. Le voeu de l'Opposition
pourra peut-être être satisfait. Actuellement, on essaie de faire
un échange avec un intervenant. Le whip en chef est parti pour essayer
de convaincre un intervenant qui voulait se faire entendre au cours de la
journée de céder sa place au député de Vachon.
M. Ciaccia: Quoi!
M. Laplante: Si l'intervenant accepte, on le saura d'ici quelques
minutes. Le député de Vachon pourra intégrer la commission
comme intervenant.
M. Ciaccia: ...des députés.
M. Laplante: On ne peut enlever la place de quelqu'un qui est
inscrit et voté par l'Assemblée nationale.
Une voix: M. le Président.
M. Laplante: II y a des listes officielles qui sont faites, M. le
Président.
Le Président (M. Brouillet): Espérons que la
réponse viendra très bientôt pour que nous puissions
entreprendre les travaux sur les articles.
M. Gratton: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Brouillet): M. le député de
Gatineau.
M. Gratton: Je veux que ce soit bien clair. J'en reviens des
entourloupettes du député de Bourassa. Quand il nous raconte
qu'il attend la confirmation d'une espèce de "trade" au sommet pour
permettre à un intervenant de se faire remplacer par le
député de Vachon qui était ici tantôt et qui a
demandé, de façon très officielle, à être
reconnu et quand on sait, M. le Président, que chez le parti
ministériel, ils ont sept membres et six intervenants, - cela fait
treize postes que pourrait occuper le député de Vachon - et qu'il
y a exactement quatre membres de la commission ici du Parti
québécois qui sont présents, que le député
de Bourassa n'essaie pas de nous faire croire que c'est parce que les neuf
autres sont en route pour venir et que c'est ce qui empêche le
député de Vachon qui, était ici tantôt. Il est parti
après que le député de Bourassa lui ait refusé le
droit, soit d'être membre ou intervenant pour sa formation politique.
M. Laplante: Chose certaine, M. le député de
Gatineau...
M. Gratton: Attendez que j'aie terminé.
Le Président (M. Brouillet): Une minute. Demandez la
permission. M. le député de Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, comme l'a noté Mme la
députée de L'Acadie, en aucun moment depuis qu'on a
commencé nos travaux, en aucun moment pendant l'audition des organismes,
ils n'ont été treize.
Mme Lavoie-Roux: Jamais.
M. Gratton: Je trouve tout à fait inacceptable que le
député de Bourassa, après avoir commis la bourde, soit en
train de creuser le trou encore plus profondément en venant nous faire
croire que, là, on se demande si quelqu'un va céder gentiment sa
place à un député qui veut intervenir, participer à
nos travaux.
Quant à moi, M. le Président, ce que le ministre disait
tantôt n'est pas du tout satisfaisant. Le ministre essaie de se cacher en
disant "s'il veut parler, on lui donnera la permission". Le ministre est bien
bon. Il est d'une grande bonté. On va permettre au député,
à son ancien adjoint qui était un de ceux qui ont
été les plus actifs dans le dossier, d'intervenir avec la
permission des membres de la commission. Ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Il
s'agit qu'il soit inscrit soit comme membre, soit comme intervenant pour avoir
le plein droit sans être obligé d'en demander la permission
à qui que ce soit.
M. Laurin: C'est précisément ce que j'ai dit.
M. Gratton: Je regrette. Ce n'est pas ce que vous avez dit.
Le Président (M. Brouillet): Alors il y a toujours
possibilité, en n'importe quel temps, de changer les noms. Chacun s'est
exprimé.
M. Lincoln: J'ai demandé à m'exprimer et vous ne
m'avez pas donné la parole. Je l'ai demandée à deux ou
trois reprises. Je crois que c'est bien important. C'est une question de
principe. Ce n'est pas une question de personnalité du
député de Vachon ou autre. En fait, le député de
Vachon et moi, on peut le voir dans le journal des Débats, nous nous
sommes opposés sur différentes questions. Ce n'est pas une
question personnelle. Du tout. Au contraire, il y a bien des fois où il
apporte des points de vue qui sont tout à fait opposés aux
nôtres.
La question est qu'on examine un projet de loi qui est fondamental pour
nous tous, que ce député, en particulier, a eu beaucoup de choses
à dire sur ce projet depuis des années. En fait, je vais
souligner, que lorsqu'on a eu des amendements aux articles 20 et 23, qui
étaient des articles critiques du projet de loi 57, c'est le ministre
des Affaires culturelles et de l'Immigration qui s'est servi, en fait, du
député de Vachon pour faire déposer et défendre ses
amendements en commission. Je me pose la question à savoir si c'est
quelque chose qui serait bien vu du ministre des Affaires culturelles et de
l'Immigration, s'il était ici aujourd'hui. Parce que, de son point de
vue, l'autre jour, il avait même insisté pour que les amendements
qui avaient été déposés par l'entremise du
député de Vachon soient présentés de façon
presque prioritaire parce qu'il considérait que le député
de Vachon, je suppose, représentant d'une façon symbolique, en un
sens, la communauté anglophone au sein du Parti québécois,
devait déposer ces amendements. Et, à un moment donné,
vous vous en souviendrez, M. le Président, il y a eu une grande
discussion à savoir si mes amendements auraient préséance
sur les amendements du député de Vachon.
Donc, je trouve cela extraordinaire, après ce qui s'est
passé l'autre jour, où le député de Vachon a
été presque la personne principale et primordiale dans ce
débat, du point de vue du ministère des Affaires culturelles et
de l'Immigration... Aujourd'hui, je veux bien que le parti refuse qu'il vote
contre le gouvernement ou s'abstienne, comme il l'a fait durant le débat
de la deuxième lecture. Cela est compréhensible. Mais, comme
intervenant, il n'a même pas le droit de vote, et tout ce qu'il peut
faire, c'est d'intervenir et d'apporter quelque chose de constructif au
débat. Qu'on l'empêche même de se mettre là, comme
mes collègues l'ont souligné, quand il n'y a personne du
côté du gouvernement, à part trois ou quatre personnes, et
que lui connaît la matière beaucoup plus, par exemple, que
certains députés qui sont venus jusqu'à présent, je
trouve cela impensable. Je me demande si là-dedans il n'y a pas
plutôt une affaire de bisbille au sein du parti ministériel, qui
ne reflète pas du tout les vues du principal ministre en la question, le
ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration. Je suis
sûr qu'il n'aurait pas accepté cette chose-là, du tout, du
tout; qu'il n'aurait pas accepté que le député de Vachon
ait à quitter la salle aujourd'hui.
Alors, je me joins à mes collègues pour m'opposer
fortement à cette attitude.
Le Président (M. Brouillet): Le député
d'Argenteuil a demandé la parole.
M. Ryan: Seulement un mot pour souligner que le
député de Vachon a demandé publiquement de siéger
à la commission. Je pense qu'étant donné ce qui est
arrivé, il incomberait à ceux qui représentent le Parti
québécois à la commission de fournir des explications
claires. Parce que là, on a laissé
planer des doutes. Comme il avait manifesté beaucoup
d'intérêt pour le travail de la commission et qu'il n'y a pas de
problème de surcharge du côté des fauteuils
réservés au groupe ministériel, c'est de toute
évidence un cas d'exclusion. Il me semble que le parti
ministériel, s'il veut procéder dans la transparence, devrait
expliquer clairement ce qui est arrivé, de manière qu'on
n'entretienne pas des doutes injustifiés au sujet de la capacité
ou de l'aptitude du député de Vachon à siéger ici
comme membre de son parti, s'il le désire. Justement, il n'y a pas de
surcharge. S'il y avait un problème de surcharge, on comprendrait que le
parti ministériel exerce sa discrétion dans le choix des
députés qui feront partie de la commission. Mais là, il
n'y en a pas. Il me semble qu'on a réglé cela d'une
manière cavalière tantôt et -surtout, je ne sais pas lequel
parle au nom du gouvernement dans le groupe; c'est assez embarrassant de le
savoir parce qu'il y a des mouvements qui se passent continuellement -je pense
qu'il y aurait lieu de faire la clarté là-dessus pour le
gouvernement, s'il ne veut pas nuire à la crédibilité du
projet de loi.
Le Président (M. Brouillet): Je dois, à ce
moment-ci, vous faire part que, du côté ministériel, on
vient de m'indiquer que M. Payne pourrait remplacer M. Gauthier comme
intervenant. Alors...
Une voix: Très bien.
Le Président (M. Brouillet): ...officiellement, sur la
liste que j'ai devant moi et pour le journal des Débats, M. Payne
remplace M. Gauthier comme intervenant.
Une voix: Avec notre consentement.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce qu'on doit lui envoyer un
télégramme?
M. Ciaccia: Est-ce que M. Payne a été avisé
qu'il remplace M. Gauthier et qu'il peut être présent comme
intervenant?
Le Président (M. Brouillet): Comme président, je
peux m'informer. Je ne sais pas. Je peux m'informer.
M. Ciaccia: Pourriez-vous, oui?
Le Président (M. Brouillet): Oui, il a été
informé, me dit-on.
M. Leduc (Fabre): M. le Président, le whip lui-même
vient de le rencontrer.
Le Président (M. Brouillet): Très bien. Le
député d'Outremont.
M. Fortier: Oui mais... Je suis bien heureux de la
décision qui a été prise par le gouvernement. Mais il
restera quand même que cet incident nous éloigne de la
maturité à laquelle nous étions arrivés tous
ensemble lorsque nous avions entendu...
M. Leduc (Fabre): M. le Président, question de
règlement. Je pense qu'on a réglé la question que
l'Opposition a soulevée et qu'il faut maintenant passer au projet de loi
57. J'estime qu'on a assez perdu de temps.
Une voix: Bien voyons donc! M. Fortier: M. le
Président..
Le Président (M. Brouillet): Je me permets de vous
demander de faire cela brièvement, cependant.
M. Fortier: Oui, oui, très brièvement, M. le
Président.
Le Président (M. Brouillet): Je vous donne l'occasion de
conclure.
M. Fortier: C'est cela. Vous savez que je ne suis pas de ceux qui
exagèrent avec le droit de parole. Mais ce que je voulais dire, c'est
que lorsque nous avons entendu tous ceux qui ont présenté des
mémoires en commission parlementaire et j'y étais, plusieurs
s'étaient félicités que nous étions arrivés
au Québec à une nouvelle maturité ou même ceux qui
étaient en désaccord les uns avec les autres pouvaient discuter
de cette chose, de la langue et des politiques linguistiques, sans se prendre
aux cheveux. C'était une nouvelle maturité que, pour ma part, je
trouvais heureuse que, finalement, au Québec, nous puissions arriver
à ce niveau de respect les uns des autres. Je trouve malheureux que la
décision qui avait été prise par le Parti
québécois mette en veilleuse cette maturité,
témoigne, dans une certaine mesure, du peu de respect qu'on fait des
divergences d'opinions qui peuvent exister au sein de ce parti. Je vous
remercie, M. le Président.
Le Président (M. Brouillet): Je vous demanderais
d'être brève, sur cette question, Mme la députée de
L'Acadie et, pour terminer, ce sera le député de
Notre-Dame-de-Grâce. Il faut essayer d'être bref sur la
question.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, il y a une chose
à laquelle le député d'Argenteuil a fait allusion, le fait
que cela n'était pas toujours clair de savoir qui avait la
responsabilité ici à la commission pour le côté
ministériel. Compte tenu du premier incident, sur lequel je ne veux pas
revenir, mais qui ressemblait de très près à une
exclusion, je voudrais que, M. le Président, vous nous indiquiez,
fort clairement, ce qu'il advient du parrain de la loi, M. Godin. Est-ce qu'il
a été exclu? Quand doit-il revenir en commission
parlementaire?
Le Président (M. Brouillet): Sur ce, Mme la
députée, si vous avez bien écouté, quand j'ai
mentionné les membres de la commission, vous sauriez que j'ai
mentionné le ministre comme étant membre de la commission.
Mme Lavoie-Roux: Alors, éventuellement, il va revenir.
Le Président (M. Brouillet): Enfin, je ne le sais pas et
je ne saurais vous le dire. Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'il est
inscrit comme membre de la commission.
Mme Lavoie-Roux: Oui mais, il est le parrain de la loi?
Le Président (M. Brouillet): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Une question, M. le Président. Je vois que le
député de Vachon est revenu trente minutes après que tout
cela a commencé. Je veux juste savoir pourquoi le ministre ou quelqu'un
en autorité n'a pas dit il y a trente minutes, quand M. Payne a
demandé la permission, qu'il pouvait rester. Pourquoi lui avait-on
refusé la permission il y a trente minutes et nous a-ton fait perdre une
partie importante de la journée?
Le Président (M. Brouillet): C'est pour cela que
j'aimerais vous interrompre aussi pour qu'on n'en perde pas davantage. On a
très bien saisi votre idée. Je pense que tout a été
dit, nous allons...
M. Lincoln: M. le Président, j'aurais voulu poser une
brève question.
Le Président (M. Brouillet): Une brève question.
D'accord.
M. Lincoln: M. le député de Vachon a
remplacé M. le député de Roberval. J'aurais voulu demander
officiellement combien de fois le député de Roberval a
été présent à la commission depuis le début
de la séance.
M. Gratton: Pas une seule fois.
M. Lincoln: Pas une seule fois, que je sache. C'est un peu
extraordinaire... Il y a eu tellement de problèmes.
Le Président (M. Brouillet): Cela est une question
à laquelle je ne saurais répondre.
Des voix: M. le Président.
Le Président (M. Brouillet): Je vous demanderais, s'il
vous plaît, de terminer cette question. On a fait pas mal le tour. M. le
député de Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, c'est une question de
règlement que je soulève. On sait que le parrain du projet de loi
57 est le ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration. On
ne l'a pas vu ici à la commission ce matin. Êtes-vous en mesure de
nous dire... Je comprends que le ministre de l'Éducation est ici et cela
indique bien qu'on aura à discuter des articles de la loi 57 qui
touchent l'aspect de l'éducation. Il n'y a pas d'objection de notre part
là-dessus, sauf que, chaque fois que cela a été le cas,
notamment, la semaine dernière, le ministre parrain du projet de loi
était toujours là au moins pour le début des travaux et
demeurait disponible; s'il n'intervenait pas lui-même, à tout le
moins il était dans les parages. M. le Président, on ne l'a pas
vu ce matin et j'aimerais vous demander si vous avez pris les mesures
nécessaires pour que le parrain du projet de loi soit présent
à la commission ou soit disponible, si on en avait besoin.
Le Président (M. Brouillet): On vient de me remettre ici
une information. On me dit que M. Godin sera ici en après-midi et qu'il
espère que les articles relatifs à l'enseignement auront
préséance sur les autres ce matin, je suppose. Tel qu'il avait
été convenu à la fin de la dernière séance,
on était à étudier à ce moment-là, les
articles relatifs à l'éducation. Tout ce que je peux...
M. Gratton: M. le Président, vous me permettrez de
clarifier les choses pour qu'il n'y ait pas de méprise, il n'a jamais
été question de cela à la dernière réunion
de la commission, puisqu'il n'a jamais été question qu'on
siège aujourd'hui. Lorsque nous nous sommes quittés à
minuit jeudi dernier, on ne savait pas si la commission serait appelée
à siéger le lendemain, aujourd'hui, mardi ou à quel
moment. Et donc, on avait pu nous donner des indications qu'on continuerait
l'étude des articles qui touchent l'éducation. Il est vrai que
c'est là-dessus que nous discutions jeudi mais, en cours de semaine, il
est arrivé à une ou deux occasions qu'on est passé d'un
domaine à l'autre à cause de la disponibilité ou non du
ministre de l'Éducation, selon le cas. (12 h 15)
Je répète que nous n'avons aucune objection à
discuter des articles qui touchent l'éducation, mais nous trouvons
curieux, et même inacceptable, de débattre, d'étudier
article par article un projet de loi, soit le
projet de loi 57, en l'absence du parrain du projet de loi. Que je
sache, ce n'est pas usuel. En fait, je n'ai jamais vu cela. Nous en sommes
à toutes sortes de premières, depuis quelques jours, à
l'Assemblée nationale. Je vous prierais de m'indiquer si le ministre
sera ici ce matin.
Le Président (M. Brouillet): Les informations qu'on vient
de me fournir sont qu'il sera ici cet après-midi et qu'il espère
que les articles relatifs à l'enseignement auront
préséance sur les autres que j'interprète cet avant-midi.
De plus, on me dit qu'il est retenu par les devoirs de sa charge en tant que
ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration, cet
avant-midi.
M. Gratton: Je n'en doute pas, M. le Président. Je vous
fais remarquer que, si l'Opposition avait des objections à discuter de
l'éducation, on n'aurait pas beaucoup de choix. Le ministre, de toute
façon, n'est pas là. Comment le leader du gouvernement a-t-il pu
juger bon de faire siéger la commission ce matin si le ministre, le
parrain du projet de loi, est occupé ailleurs? C'est pour le moins
irrégulier. Je ne sais ce qui se passe dans cette galère qu'est
devenu le gouvernement. Cela n'a plus de bon sens. On nous appelle en
commission pour discuter d'on ne sait trop quoi. On ne permet pas aux
députés du Parti québécois de siéger et,
là, on nous dit que le ministre parrain est ailleurs. Franchement, c'est
à y perdre son latin.
Le Président (M. Brouillet): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Nous devrions entamer nos travaux
étant donné que, même si l'on peut soutenir que le ministre
parrain devrait être présent, c'est peut-être un certain
formalisme qui inspire cette position puisque, en pratique, il y a deux
ministres responsables de l'application de la loi et que nous avons
fonctionné, ces derniers jours, en reconnaissant ce fait. Lorsqu'il
s'agit des articles relatifs à l'éducation, c'est le ministre, M.
Laurin, qui en est responsable quant à leur application et, par
conséquent, c'est avec lui que nous discutons ces articles. Nous
pourrions continuer comme nous avons commencé.
M. Gratton; Le député de Deux-Montagnes a raison,
sauf que ce qui commence à nous inquiéter, nous de l'Opposition,
c'est le peu de cohésion et d'entente qu'il semble y avoir entre les
ministres responsables de l'application de la loi 101. Il semble que tout ne va
pas pour le mieux dans le meilleur des mondes entre les deux collègues
du cabinet.
M. Laurin: C'est une affirmation totalement gratuite, M. le
Président.
M. Gratton: Oui, en effet, elle est gratuite mais...
M. Laurin: Totalement gratuite et fausse.
M. Gratton: M. le Président, si le ministre parrain du
projet de loi était ici pour nous en parler, nous aurions
peut-être des éclaircissements sur la situation extraordinaire que
nous avons connue tantôt dans le cas du député de
Vachon.
Le Président (M. Brouillet): Je vous suggérerais
peut-être d'attendre la présence de M. Godin, cet
après-midi, pour clarifier ces points.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que le ministre de l'Éducation
aura disparu à ce moment?
Le Président (M. Brouillet): Le ministre de
l'Éducation est ici présentement. C'est tout ce que je peux vous
dire. Dans la mesure où les deux partis s'entendraient pour que l'on
étudie les deux articles relatifs à l'éducation, on
pourrait procéder immédiatement.
Tout le monde est d'accord? Très bien. Nous étions
à l'article 6 la dernière fois que nous nous sommes
laissés. Nous avions adopté un amendement concernant cet article
et il resterait à soumettre à votre approbation l'article 6 tel
qu'amendé, ce qu'on n'avait pas fait avant de se quitter.
Permis des ordres professionnels
M. Lincoln: Je croyais qu'on avait voté sur l'article
6.
Le Président (M. Brouillet): Non, on avait adopté,
avant de se quitter, un amendement à l'article 6 et j'avais
oublié de vous soumettre...
M. Lincoln: Ah bon! Cela est différent.
Le Président (M. Brouillet): ...l'ensemble de l'article
tel qu'amendé.
Mme Lavoie-Roux: D'accord.
Le Président (M. Brouillet): Je vous soumets, ce matin,
l'adoption de l'article 6 tel qu'amendé.
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Brouillet): Adopté.
M. Ryan: Voulez-vous nous en donner
communication, s'il vous plaît, M. le Président?
Le Président (M. Brouillet): Savez-vous, je n'ai pas entre
les mains l'amendement.
Mme Lavoie-Roux: Si vous pouviez relire l'article dans sa
totalité.
Le Président (M. Brouillet): Pour vous rappeler un peu
à la mémoire l'amendement en question, je demanderais au
responsable au secrétariat d'apporter l'amendement à l'article
6.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, est-ce qu'on peut vous
demander de lire l'article amendé dans sa totalité?
Le Président (M. Brouillet): L'amendement consistait
à remplacer le deuxième alinéa de l'article 35 par le
suivant... Voulez-vous que je vous lise simplement l'amendement?
Mme Lavoie-Roux: L'article amendé au complet.
Le Président (M. Brouillet): L'article. L'article 6?
M. Gratton: Peut-être qu'on pourrait demander à
quelqu'un du secrétariat de nous dactylographier l'article 6 dans sa
forme finale, au complet.
Mme Lavoie-Roux: C'est ça.
M. Gratton: On peut le maintenir suspendu et pour une fois on
finira par se comprendre. Cela fait je ne sais combien de fois que vous le
relisez et on ne comprend toujours pas ce qui se passe.
Le Président (M. Brouillet): Très bien.
Écoutez, je demanderais à un membre du secrétariat de
récrire l'ensemble de l'article 6 tel qu'amendé et on aura,
à ce moment-là, une idée précise de ce qu'il est.
En fait, cela ne faisait plus tellement de problème parce qu'on
s'était entendus sur l'amendement.
Mme Lavoie-Roux: Comme...
Le Président (M. Brouillet): Je n'ai pas soumis à
l'adoption l'ensemble de l'article tel qu'amendé. C'est pour cela que je
reviens.
M. Lincoln: Moi, je me souviens qu'on avait voté
là-dessus. Je me souviens très bien.
M. Ryan: Sur l'amendement.
Mme Lavoie-Roux: Sur l'amendement, absolument.
M. Lincoln: Sur cela, je suis d'accord. M. Ryan: C'est
l'article amendé. Mme Lavoie-Roux: Amendé.
Le Président (M. Brouillet): Enfin, c'est une
formalité. J'ai oublié de vous soumettre l'ensemble tel
qu'amendé..
M. Lincoln: Oui, d'accord.
Le Président (M. Brouillet): ...avant de se quitter
l'autre jour. Est-ce que vous maintenez l'idée d'avoir l'ensemble du
texte? Oui? Nous allons attendre l'ensemble du texte.
Commission d'appel
II y avait l'article 13 relatif à l'éducation qui avait
fait l'objet d'une série d'amendements, de sous-amendements et tout. Une
série de textes se substituaient aux autres et le ministre nous avait
annoncé qu'il allait reprendre un peu l'ensemble des discussions et des
amendements pour proposer un texte global. Alors, nous allons vous distribuer
ce texte-là ce matin.
M. Ryan: II a été distribué.
Le Président (M. Brouillet): II a été
distribué. C'est un texte qui se veut un amendement à l'article
13. Je laisserais maintenant au ministre le soin d'expliquer le sens de cet
amendement.
M. Laurin: M. le Président, nous nous étions
entendus sur trois modifications dont le texte apparaît dans le papillon
que j'ai fait circuler aux membres de la commission.
M. Fortier: M. le ministre. Il s'agit de cet amendement
dans...
Mme Lavoie-Roux: Oui, oui.
M. Fortier: ...lequel il y a 83, 83.1 et 83.2. Je vous
remercie.
M. Laurin: C'est ça. Il y avait donc trois points sur
lesquels on s'était entendus. Le premier, 83: commission formée
de trois membres nommés par le gouvernement après consultation
des associations, organisations les plus représentatives des parents,
des enseignants, des commissions scolaires, des groupes
socio-économiques.
Le deuxième point sur lequel on s'était entendu, afin
d'établir une concordance avec l'article 155, 1 et 2,
c'est-à-dire de l'article 33 - cela touchait 83.1 et 83.2... Nous
n'avions pas voté sur ces trois amendements,
mais je pense que ça faisait consensus au sein de la commission.
Il reste un dernier point sur lequel la discussion se poursuivait,
c'était sur les pouvoirs de la commission d'enquête.
Je me demande, M. le Président, si on ne pourrait pas accepter
ces trois-là avant de poursuivre la discussion sur la commission
d'enquête.
Mme Lavoie-Roux: Je pensais que vous l'aviez fait sauter, que
c'était l'article au total.
M. Laurin: Non, non. Simplement que la discussion n'était
pas terminée.
M. Lincoln: Est-ce que, si on lit l'article 13...
Mme Lavoie-Roux: Je pensais qu'on l'avait fait sauter.
Le Président (M. Brouillet): S'il vous plaît, on va
demander...
M. Laurin: Si vous voulez voter sur les quatre amendements
à la suite l'un de l'autre, moi, je n'ai pas d'objection.
M. Lincoln: M. le ministre, je crois que c'est bien important
pour comprendre le sens de tout l'article 13. Est-ce que ce que vous avez en
vue, pour qu'on se comprenne bien, c'est que l'article 83 se lirait comme il
est, plus l'addition de "pour l'exercice des fonctions", etc., à la
fin?
M. Laurin: II y aurait un quatrième amendement
éventuel en ce qui concerne l'exercice des pouvoirs.
M. Lincoln: Oui, d'accord.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous l'avez cet amendement, M. le
Président?
Le Président (M. Brouillet): Excusez!
M. Laurin: On peut en parler, si vous le voulez.
Le Président (M. Brouillet): On vient de me dire qu'il y
aurait aussi un 83.3.
M. Laurin: Oui, oui.
Le Président (M. Brouillet): C'est ce qui serait l'objet
de la discussion.
M. Laurin: C'est-à-dire que j'ai voulu rappeler quand
même qu'on s'était entendus sur trois types d'amendements. Il
restait un quatrième point sur lequel la discussion n'était pas
terminée. Si vous préférez qu'on ait cette discussion tout
de suite avant de voter sur les...
M. Lincoln: Oui, effectivement. Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Laurin: D'accord.
Le Président (M. Brouillet): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Juste une correction qui découle du texte 83.1,
à la troisième ligne: "qu'elle estime propre à sauvegarder
les droits des parties" plutôt que...
M. Laurin: "Estime propre à." C'est une petite erreur, une
coquille. "Estime propre à sauvegarder."
Le Président (M. Brouillet): Très bien. On s'entend
donc pour aborder immédiatement... On pourrait peut-être d'abord
distribuer l'article 83.3.
M. Laurin: Je voudrais peut-être parler sur cet article
83.3.
Le Président (M. Brouillet): Avant de faire
connaître le texte?
M. Laurin: Oui, c'est ça.
Le Président (M. Brouillet): Alors, il y aurait
éventuellement un amendement qui s'ajouterait au 83.2, qui serait 83.3
et sur lequel M. le ministre aimerait nous entretenir et on distribuera le
texte après.
M. Laurin: Oui.
M. Lincoln: M. le ministre, est-ce que ça n'aurait pas
été plus logique de distribuer le texte avant? Comme ça,
on vous suivra quand vous allez faire...
M. Laurin: Je vais le faire dans un instant, M. le
député.
Mme Lavoie-Roux: Bon, attendons un instant!
M. Laurin: Je voulais d'abord dire que le texte qui
apparaît à la loi 57 disant que, pour l'exercice des fonctions que
leur confère la présente loi, les membres de la commission sont
investis des pouvoirs et de l'immunité des commissaires nommés en
vertu de la Loi sur les commissions d'enquête, sauf du pouvoir d'ordonner
l'emprisonnement, est un texte qui se retrouve mutatis mutandis, avec quelques
légères modifications, dans tous les autres textes
législatifs où il y a examen de procédures ou de
critères semblables à ce qui est fait dans cette loi. Par
exemple,
dans la Loi sur l'aide sociale, à l'article 36.1 on dit - cela va
même plus loin que ce que nous disons ici dans la loi -: "Le gouvernement
peut autoriser généralement ou spécialement un
fonctionnaire du ministère du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu à enquêter sur toute question
relative à l'application de la présente loi ou d'un
règlement. "Cette personne est investie, aux fins de son enquête,
des pouvoirs et de l'immunité accordés aux commissaires
nommés en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête, sauf du
pouvoir d'imposer l'emprisonnement." C'est la même chose dans la Loi sur
l'aide sociale.
Dans la loi sur les droits et libertés de la personne, qui est la
charte qui a préséance sur toutes les autres lois, nous
retrouvons pourtant à l'article 80 un article semblable qui se lit comme
suit: "Les membres de la commission et de son personnel de même que la
personne désignée conformément à l'article 75 sont
investis, aux fins d'une enquête, des pouvoirs et de l'immunité
des commissaires nommés en vertu de la Loi sur les commissions
d'enquête." Même dans la loi sur les droits et libertés de
la personne, une telle procédure est prévue.
De même dans la Loi sur le Protecteur du citoyen, que la
députée de L'Acadie invoquait à l'appui de son
argumentation -pourtant s'il y a une loi qui vise à protéger le
citoyen, c'est bien celle-là - on retrouve une disposition semblable
à l'article 23 où on dit...
M. Lincoln: Dans quelle loi, M. le ministre?
M. Laurin: La Loi sur le Protecteur du citoyen, à
l'article 23, on dit: "Pour les fins des enquêtes que le Protecteur du
citoyen est autorisé à faire en vertu de la présente loi,
il est investi, de même que son adjoint et chacun de ses fonctionnaires
et employés qu'il désigne par écrit, des pouvoirs et
immunités de commissaires nommés en vertu de la Loi sur les
commissions d'enquête." Et on retrouve des dispositions analogues dans la
Loi sur la fonction publique où on dit, par exemple, à l'article
34: "La commission ainsi que ses membres, de même que toute personne
qu'elle charge d'instruire une enquête visée dans l'article 30,
sont investis des pouvoirs et de l'immunité des commissaires
nommés en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête."
On ajoute même, à l'article 36: "La commission a tous les
pouvoirs nécessaires à l'exercice de sa juridiction; elle peut
notamment rendre toute ordonnance qu'elle estime propre à sauvegarder
les droits des parties...", ce qui est le texte qu'on visait tout à
l'heure. Et on retrouve enfin cette disposition même dans la loi qui
touche la Commission des affaires sociales et Dieu sait s'il y a des impacts et
des enjeux sociaux lorsque la Commission des affaires sociales est
appelée à siégerl Pourtant, on retrouve dans cette loi,
à l'article 36, une disposition analogue pour ne pas dire identique: "La
commission ainsi que chacun de ses membres et assesseurs sont investis des
pouvoirs et de l'immunité de commissaires nommés en vertu de la
Loi sur les commissions d'enquête."
Donc, je trouve qu'il était parfaitement justifié et pas
du tout arbitraire ou discrétionnaire pour nous d'inclure, à
propos de la commission d'appel, appelée à connaître des
problèmes d'interprétation au sujet des règlements sur
l'éducation, cette disposition qui se retrouve dans presque toutes nos
lois. Il me semble qu'il aurait été préférable de
garder ce texte de la même façon qu'on le retrouve dans la plupart
de toutes les autres lois, M. le Président. Je voudrais avoir les
commentaires de la commission sur ces concordances que nous retrouvons dans
tous les textes de loi analogues. (12 h 30)
Le Président (M. Brouillet): Seriez-vous prêt
à distribuer...
M. Laurin: J'aimerais entendre d'abord les commentaires.
Le Président (M. Brouillet): Les commentaires, oui.
M. Ryan: Dois-je comprendre que M. le ministre a un amendement
à proposer à ce sujet qui ne serait pas exactement...
M. Laurin: Non, je préférerais qu'on garde
l'article tel qu'il est actuellement formulé à l'article 13 qui
deviendrait 83.3.
M. Ryan: Mais vous avez une position de repli, si je comprends
bien.
M. Laurin: Ce n'est pas une position de repli. Il me semble que,
de même que nous l'avons fait dans toutes les autres lois, il n'y
aurait aucun inconvénient, aucun risque d'arbitraire, aucun risque
de pouvoir discrétionnaire de l'ajouter dans cette loi, ne serait-ce que
pour fins de concordance avec toutes les autres lois qui traitent
d'institutions analogues.
Le Président (M. Brouillet): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: J'avais moi-même signalé au ministre
l'autre jour qu'il existe des cas dans nos lois de personnes, de
représentants de l'État ou du gouvernement qui sont investis de
pouvoirs spéciaux pour obtenir des renseignements. Je me souviens avoir
eu la
visite d'un inspecteur de l'impôt sur le revenu qui pensait avoir
une cause à mon sujet, il s'était trompé. Il m'a
présenté sa "badge" et il avait, en même temps, une carte
l'autorisant en permanence à exercer les pouvoirs d'une commission
d'enquête. Dans son cas, je croyais que c'était justifié;
mais il s'était trompé de cible et je l'ai renvoyé chez
lui. Je n'en ai plus jamais entendu parler.
J'admets qu'il faut des fonctionnaires investis des pouvoirs d'aller
chercher des renseignements dont ils ont besoin pour les fins propres de la loi
qu'ils sont chargés de faire appliquer; par conséquent, il n'y
aura pas de débat sur le fond. Si vous me parlez d'un cas de l'aide
sociale, si vous avez des raisons de soupçonner que des personnes
reçoivent frauduleusement de l'aide sociale, il est assez normal que le
fonctionnaire chargé de faire enquête là-dessus ait les
pouvoirs voulus pour sortir les papiers dont il a besoin pour se rendre compte
si c'est vrai ou non qu'il y a fraude.
On peut prendre chacun des cas ici pour en arriver à notre cas
ensuite. La loi a créé la Commission des droits et
libertés de la personne; encore là, on dit à cette
commission d'enquêter sur des plaintes dont elle sera saisie. C'est
l'objet même de cette commission, il est normal qu'on lui donne les
pouvoirs qui vont lui permettre de faire enquête. Autrement, si un
employé se plaint d'avoir vu un de ses droits fondamentaux violé
par son employeur et que la commission se présente là sans le
pouvoir de demander des renseignements, si l'employeur se présente
accompagné de son avocat, il pourra dire: Si vous n'avez pas de pouvoir,
revenez donc nous voir un autre jour. Cela ne pourrait pas fonctionner. On a
insisté sur cette clause à l'époque et cela se comprend
très bien.
Le Protecteur du citoyen, lui aussi, est un fonctionnaire qui est
chargé d'entendre les griefs de personnes, de citoyens ou de
fonctionnaires qui ont fait l'objet de vexations ou d'injustices. Imaginez
qu'il se présente chez le sous-ministre d'un ministère ou le chef
d'une division et que celui-ci lui dise "je n'ai rien à vous dire, je
n'ai aucun papier à vous montrer", il a le droit d'exiger que les
papiers pertinents à l'affaire dont il est saisi lui soient
communiqués. C'est encore très normal.
Le cas de la Commission des affaires sociales, c'est un cas que je
voudrais regarder de près parce qu'il y a peut-être une analogie
avec notre cas. Il ne sert à rien d'essayer d'éviter des
arguments s'ils sont bons. Ce que je voudrais signaler au ministre, dans ce
cas-ci, c'est que le fonctionnaire chargé d'entendre la demande
d'admissibilité, prévue à l'article 75 de la loi actuelle,
peut déjà recevoir, en vertu de la Loi sur la fonction publique,
je crois, les pouvoirs nécessaires pour obtenir les papiers dont il a
besoin. 5i, par exemple, des parents se présentent pour lui dire: J'ai
fait mon cours en anglais dans une province approuvée par le ministre,
en vertu de son grand jugement, je pense que le fonctionnaire a le droit de
leur dire: Apportez-nous la preuve de cela, apportez-nous le certificat. Je ne
pense pas qu'on puisse dire qu'il sort de sa juridiction en ce faisant. Cela va
assez bien, je pense qu'il n'y a pas de problème; cela va sans dire, il
n'est même pas nécessaire d'avoir un article spécial.
Là, nous sommes à une commission d'appel. La demande a
été entendue, la demande a été
présentée par les parents, il en a été
disposé négativement et les parents présentent un appel en
vertu d'un droit que leur reconnaît la loi. Il me semble qu'on ne doit
pas recommencer toutes les procédures d'enquête nécessaires
au premier stade, il me semble que la commission d'appel va se prononcer sur
l'ensemble du dossier. Pour dire aux parents "si vous voulez qu'on reconnaisse
votre droit, présentez-nous un certificat", elle n'a pas besoin des
pouvoirs de la Loi sur les commissions d'enquête pour faire cela. Est-ce
qu'on pourrait demander au ministre de nous dire des raisons vraisemblables
pour lesquelles la commission d'appel pourra avoir besoin de pouvoirs aussi
exorbitants que ceux qui sont décrits dans la Loi sur les commissions
d'enquête dont nous reparlerons tantôt, d'ailleurs, si le ministre
insiste pour qu'on garde cette disposition. Je pense que c'est un cas bien
particulier. J'ai signalé à maintes reprises, depuis que nous
discutons de ce problème, le caractère humain des situations dont
on est saisi. Dans tous les autres cas, ce sont des violations de la loi qui
sont impliquées: On fait enquête, on dit: vous, vous percevez
frauduleusement des prestations sociales. Comme il y a un soupçon de
délit sérieux, on dit: il faut avoir des pouvoirs d'enquête
pour vérifier cela.
Ici, ce sont des citoyens qui demandent d'exercer un droit. S'ils n'ont
pas été capables de faire la preuve que ce droit ils l'ont, ils
vont être obligés de se ramasser avec une décision
négative. Ils n'enlèvent absolument rien à personne. C'est
cela qu'il ne faut pas oublier. C'est pour cela que je trouve que recourir
à la Loi sur les commissions d'enquête dans ce cas-ci c'est
absolument démesuré, déraisonnable.
Le Président (M. Brouillet): M. le ministre.
M. Laurin: M. le Président, dans tous les cas qui ont
été mentionnés, il s'agit de vérifier si la demande
est conforme aux prescriptions de la loi et des règlements; mutatis
mutandis c'est le même cas dans toutes les lois que j'ai citées.
Il s'agit de s'assurer que la loi et les règlements sont
observés. C'est le fondement même de notre régime
démocratique puisque c'est la loi qui est souveraine. Même si la
nature des choses peut varier selon qu'on passe d'un secteur à l'autre,
les droits des citoyens ou l'aide sociale ou la fonction publique, il s'agit
toujours au fond du même principe. Il s'agit de voir à ce que la
loi et les règlements soient observés. On sait que dans bien des
cas, pour se rendre compte et statuer que les droits sont observés, il
faut avoir accès à des documents, accès qui peut
être rendu très difficile en raison de toutes sortes de
circonstances dont certaines qui tiennent à la volonté même
des témoins de ne pas fournir ces renseignements. Et j'ai cité
quand même quelques exemples qui montraient que le cas s'était
produit à plusieurs reprises dans le passé à la commission
d'appel.
En particulier, ce que permettrait à la commission d'appel
l'addition de l'article que je viens de mentionner, c'est le pouvoir d'amener
les témoins à produire des documents afin de vérifier
l'admissibilité, lesquels ne sauraient être accueillis ni
recueillis autrement. De la même façon, la Loi sur les commissions
d'enquête garantit l'immunité de tous les commissaires dans
l'exercice de leurs fonctions, qu'il s'agisse de la Commission d'aide sociale
ou qu'il s'agisse de la Commission de la fonction publique, et je pense qu'il
importe d'assurer la même protection aux membres de la commission d'appel
que celui qui est déjà accordé aux membres de toutes les
autres commissions. Ce sont là deux exemples que je donne et je pourrais
en citer d'autres.
Si l'Opposition voulait à tout prix priver la commission d'appel
de pouvoirs ou de sécurité qui sont assurés à tous
les autres membres de commissions analogues, je lui en laisse la
responsabilité et, à ce moment, je présenterais, en effet,
un amendement...
Le Président (M. Brouillet): Un amendement.
M. Laurin: ...qui assurerait le minimum de protection aux membres
de la commission d'appel. Cet amendement se lirait comme suit: Pour l'exercice
des fonctions que leur confère la présente loi, les membres de la
commission sont investis des immunités prévues aux articles 16 et
17 de la Loi sur les commissions d'enquête. L'article 16 se lit comme
suit: Les commissaires jouissent de la même immunité, des
mêmes privilèges que les juges de la Cour supérieure pour
tout acte fait ou omis dans l'exécution de leurs devoirs. L'article 17
se lit comme ceci: Nulle injonction et nul bref visés aux articles 846
à 850 du Code de procédure civile, ni aucune autre
procédure légale ne peuvent entraver ou arrêter les
procédures des commissaires à l'enquête. Cela me
paraît vraiment être le minimum, M. le Président.
Le Président (M. Brouillet): Nous allons vous distribuer
cet amendement qui serait 83.3. Je peux vous accorder quelques minutes pour
délibérer entre vous. Je peux suspendre pour quelques minutes, si
cela peut vous donner le temps de délibérer.
M. Ryan: Je ne sais pas s'il y a un conseiller juridique du
ministre qui est disponible pour donner des explications, parce que je pense
qu'il y aurait des questions à poser sur les implications techniques de
ceci.
M. Laurin: Posez des questions, M. le Président,
j'essaierai d'y répondre au meilleur de mes connaissances, soutenu par
l'avis de mes conseillers.
M. Ryan: Mais il n'y en a pas autour de vous. On n'en voit pas.
Si on avait la présence rassurante d'un expert comme M. Brière,
cela aiderait beaucoup.
M. Laurin: Oui, j'en ai un.
M. Ryan: Y aurait-il moyen de faire venir M. Brière?
M. Laurin: Posez vos questions et s'il n'est pas ici, j'essaierai
de...
M. Ryan: II n'est pas sur la liste du député de
Bourassa?
Le Président (M. Brouillet): Bon! Peut-être que le
député d'Argenteuil... Vous avez des questions sur l'article
83.3, je suppose?
M. Ryan: J'ai des collègues qui en ont et j'en ai
aussi.
Le Président (M. Brouillet): Très bien. M. le
député de Nelligan.
M. Lincoln: J'aurai voulu poser une question au ministre sur
l'article 17 de la Loi sur les commissions d'enquête. Il dit: "Nulle
injection et nul bref visé à l'article 846 et 850 du Code de
procédure civile..." Pourriez-vous nous dire, par exemple, si l'article
17 de la Loi sur les commissions d'enquête s'applique à ce
moment-là? Les articles 846 à 850 du Code de procédure
civile sont mis en vigueur par l'article 17 de la Loi sur les commissions
d'enquête. Cela n'ouvre-t-il pas toutes les procédures
d'appel?
M. Laurin: M. le Président, il s'agit d'empêcher
qu'une injonction ou qu'un bref visé aux articles 846 à 850
entrave ou arrête les procédures des commissaires à
l'enquête. L'article est très clair.
M. Lincoln: Pouvez-vous nous expliquer plus clairement l'impact
des clauses 846 à
850?
M. Laurin: Très clairement, cela vise à ce que les
procédures commencées par la commission d'appel suivent leur
cours malgré une injonction ou un bref visé aux articles 846
à 850.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président.
Le Président (M. Brouillet): Mme la députée
de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Peut-être que je n'ai pas
écouté mon collègue et je m'en excuse, mais "ne peuvent
entraver ou arrêter les procédures des commissaires à
l'enquête", ceci ne revient-il pas à dire, implicitement, qu'ils
auraient tous les pouvoirs des commissaires d'enquête ou des
commissaires-enquêteurs?
M. Laurin: Non. Cela vise simplement à dire ce que le
texte dit, à savoir que les procédures commencées doivent
se poursuivre jusqu'à la fin. C'est une clause qu'on retrouve dans tous
les organismes. Cela n'empêche aucunement, d'ailleurs, l'intervention de
la Cour supérieure s'il y a abus ou excès de juridiction. C'est
bien connu.
M. Ryan: M. le Président.
Le Président (M. Brouillet): M. le député
d'Argenteuil. (12 h 45)
M. Ryan: Je pense que cet amendement, que présente le
ministre, est sûrement préférable à ce que nous
avons dans le projet de loi. Il n'y a pas de doute là-dessus. Je pense
qu'on restreint considérablement...
Une voix: Oui.
M. Ryan: ...la portée de la disposition qui avait
été envisagée à l'origine; cela fait un
progrès sensible dont il faut prendre acte. Maintenant, nous
éprouvons le besoin de vérifier soigneusement les implications
exactes de 16 et 17 et je ne pense pas que nous serons capables de le faire
avant la suspension pour le déjeuner. Je veux faire confiance au
ministre mais il nous a souvent dit qu'il était psychiatre et non pas
juriste, qu'il a pris bien des expériences, qu'il a appris un paquet de
choses dans l'exercice de ses fonctions; je le lui concède volontiers.
Mais les questions juridiques sont tellement complexes et difficiles à
démêler que nous éprouvons le besoin de consulter de notre
côté avant d'être en mesure de prendre une position ferme
sur cet amendement qui est proposé.
Maintenant, s'il y a d'autres questions, je ne veux pas empêcher
mes collègues de les poser, mais...
Mme Lavoie-Roux: On va obtenir un avis et après cela, on
reviendra.
Le Président (M. Brouillet): Bon, alors je vous
proposerais qu'on revienne peut-être aux autres amendements que nous
avons entre les mains et attendre la reprise des travaux, à 15 heures,
pour le 83.3.
Alors si nous revenons, vous avez entre les mains les amendements.
L'amendement donc à l'article 13 se lirait comme suit: "L'article 83 de
cette charte est remplacé par les suivants: Une commission d'appel est
instituée pour entendre l'appel prévu à l'article 82.
Cette commission est formée de trois membres nommés par le
gouvernement après consultation des associations ou organisations les
plus représentatives des parents, des enseignants, des commissions
scolaires, des administrateurs scolaires et des groupes
socio-économiques. Les décisions de cette commission sont sans
appel. "83.1: La commission a tous les pouvoirs nécessaires à
l'exercice de sa juridiction; elle peut rendre toute ordonnance qu'elle estime
propre à sauvegarder les droits des parties et décider de toute
question de fait ou de droit. "83.2: L'appel est formé et entendu selon
la procédure et les règles de preuve prescrites par
règlement du gouvernement."
Alors, ce serait l'amendement qu'on apporterait à l'article 13,
avec la réserve qu'il peut s'ajouter un...
Mme Lavoie-Roux: ...83.3.
Le Président (M. Brouillet): ...83.3 à cela.
Une voix: C'est cela.
M. de Bellefeuille: M. le Président.
Le Président (M. Brouillet): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: La première ligne du 83.2, est-ce que
c'est le participe passé "formé" que l'on veut inscrire ou ce ne
serait pas plutôt "formulé"?
M. Laurin: Non. C'est...
M. de Bellefeuille: C'est bien "formé"?
M. Laurin: ..."formé".
M. de Bellefeuille: Bon, bon.
M. Laurin: Exactement comme à l'article 33, alinéa
155.1. C'est du langage
juridique...
M. de Bellefeuille: Très bien.
M. Laurin: ...normal.
M. de Bellefeuille: Très bien.
Le Président (M. Brouillet): Très bien. Est-ce que
vous seriez prêts à voter sur cette partie de l'amendement...
Mme Lavoie-Roux: D'accord.
Le Président (M. Brouillet): ...de l'article 13?
Une voix: Oui, M. le Président.
Le Président (M. BrouiUet): Cet amendement est-il
adopté?
M. Ryan: Adopté.
M. Laurin: Adopté.
Le Président (M. Brouillet): Adopté.
M. Ryan: M. le Président, en vue de la discussion que nous
aurons, vraisemblablement au début de l'après-midi sur 83.3,
pourrais-je demander au ministre s'il pourrait nous transmettre d'ici là
les documents que je lui avais demandés l'autre jour. Parce que,
à un moment donné, le ministre avait mentionné que la
commission d'appel avait demandé qu'une disposition du genre de
l'article 13 du projet de loi soit ajoutée à la loi 101 dans ce
qui la concerne. Je croyais me souvenir dans la lecture que j'ai faite des
rapports de la commission pour chacune des années où elle a
travaillé, les six ou sept dernières années, qu'elle n'a
jamais présenté de demande comme celle-là. J'avais
demandé au ministre s'il pourrait nous produire les rapports annuels de
la commission d'appel; il m'avait dit que nous les aurions au début de
la semaine.
M. Laurin: J'ai sous les yeux, M. le Président, la
recommandation des commissaires.
M. Ryan: Juste une remarque, si vous me permettez. C'est
évident que tout en demandant d'avoir ces renseignements-là, je
ne dis pas que, pour autant, je serai nécessairement d'accord avec ce
qu'aurait pu demander la commission d'appel. C'est parce que je veux qu'on ait
un dossier complet. Merci.
M. Laurin: J'ai sous les yeux la recommandation de la commission,
qui dit ceci: Que le gouvernement amende le texte de la loi de façon que
le statut de la commission, la durée du mandat des commissaires et leur
immunité soient précisés, ce qui correspond à peu
près au genre d'amendement que nous avons présenté.
M. Ryan: Et non pas au texte original du projet de loi.
Très bien.
Le Président (M. Brouillet): Sur cette question de
l'article 83.3, on s'entend pour revenir à 15 heures.
Permis des ordres professionnels (suite)
J'aimerais peut-être revenir à l'article 6; on a eu le
temps de vous remettre entre les mains le texte complet de l'article 6 tel
qu'amendé. J'aimerais qu'on règle cela.
Une voix: Nous ne l'avons pas eu.
Le Président (M. Brouillet): Vous ne l'avez pas eu? Bon,
on va vous le distribuer immédiatement.
Est-ce que vous tenez à ce que je le lise, parce que c'est
déjà inscrit au journal des Débats, j'ai
déjà lu l'amendement au complet?
M. Ryan: Non, ça va.
Le Président (M. Brouillet): L'article 6 tel
qu'amendé est adopté? Adopté.
M. Ryan: Sur division.
Le Président (M. BrouiUet): Sur division?
M. Ryan: Pour ma part en tout cas.
M. Fortier: Vous savez, ça en prend un pour créer
la divisionl
Le Président (M. Brouillet): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de BeUefeuille: II faudrait faire l'accord dans la
septième ligne, "une personne est réputée" au
féminin.
Le Président (M. BrouiUet): Je demande au
secrétariat de prendre note. Le secrétariat a pris note?
Très bien.
Si on voulait m'indiquer le prochain article relatif à
l'éducation.
M. Laurin: L'article 14.
M. Ryan: M. le Président, avant ça, l'autre jour
nous avions présenté un amendement à l'article 81. Je ne
sais pas si vous vous souvenez? Nous l'avons présenté en toute
fin de séance la dernière fois. Il avait été
convenu que nous nous retrouverions à la prochaine séance
là-dessus.
M. Laurin: Je ne l'ai pas eu.
Les enfants en difficulté
d'apprentissage
M. Ryan: L'article 81, comme vous le savez, c'est l'article qui
traite des enfants présentant des difficultés graves
d'apprentissage.
M. Laurin: M. le Président.
Le Président (M. Brouillet): M. le ministre.
M. Laurin: Ce n'est pas pour interrompre le député
d'Argenteuil, mais il dit qu'il avait soumis un amendement. Je n'ai pas eu
connaissance de cet amendement,
M. Ryan: Un avis d'amendement.
M. Laurin: Est-ce que le texte est là?
Le Président (M. Brouillet): C'est un article qui a
déjà été adopté, je crois.
M. Ryan: Non.
Le Président (M. Brouillet): Non, excusez-moi.
M. Ryan: II ne figure pas dans le projet de loi. C'est un
amendement que nous voulons faire au texte de la loi.
Le Président (M. Brouillet): Aux termes de la loi
aussi?
M. Ryan: À la loi 101.
Le Président (M. Brouillet): Oui, et ce serait quel
article?
M. Ryan: II faudrait que ce soit l'article... J'avais mis un
numéro l'autre jour, ce doit être 12a ou quelque chose du
genre.
Le Président (M. Brouillet): C'est pour savoir où
il s'insérerait...
M. Ryan: Oui.
Le Président (M. Brouillet): ...et s'il y aurait lieu d'en
discuter immédiatement ou d'attendre d'être rendus là.
M. Laurin: Ce serait entre 11 et 12 alors.
M. Ryan: Ce serait 11.1, par exemple.
M. de Bellefeuille: De la charte?
M. Ryan: Non, 11.1 du projet de loi, à l'article 81.
M. de Bellefeuille: Ah, bon, l'article 81!
M. Ryan: L'amendement se formulerait à peu près
comme suit, car c'est un amendement très simple à
présenter.
M. Laurin: Oui, on changerait...
M. Ryan: "Les enfants présentant des difficultés
graves d'apprentissage..."
Le Président (M. Brouillet): Excusez-moi. Est-ce que
quelqu'un peut prendre le texte de ce que serait cet amendement?
M. Ryan: Pouvez-vous m'accorder juste une seconde, un petit
moment d'interruption, M. le Président?
Le Président (M. Brouillet): Très bien. Une
voix: II faudrait le distribuer.
M. Ryan: M. le Président, je crois que je devrai vous
présenter ce projet au tout début de l'après-midi, parce
que nous avions rédigé un texte l'autre jour, que j'ai dans mon
dossier, et je ne pensais pas que nous irions aussi loin ce matin, mais je ne
voudrais pas...
Une voix: II est prêt?
M. Ryan: Oui, oui, le texte était déjà
rédigé. Je ne voudrais pas en faire un autre qui pourrait
créer des difficultés imprévues.
Le Président (M. Brouillet): C'est très sage, M. le
député.
M. Ryan: Je pense que l'avis a été donné
clairement. Le but de l'amendement est de permettre que l'enfant
présentant de graves difficultés d'apprentissage, s'il est
autorisé à fréquenter l'école anglaise, puisse
également avoir la chance, si tel est le désir de ses parents,
d'évoluer dans un milieu familial qui lui fournira un soutien
pédagogique, psychologique et culturel plus efficace. Il ne s'agit pas
seulement de décider de manière isolée du cas de cet
enfant particulier sans s'occuper du contexte familial dans lequel il vit.
Quand on prend la décision pour lui, il faut au moins prévoir
que, dans le cas de ses frères et soeurs, les parents pourront prendre
une décision analogue justement pour des raisons pédagogiques,
psychologiques et sociales.
Le Président (M. Brouillet): M. le ministre aimerait
peut-être avoir d'autres explications quant au contenu de
l'amendement...
M. Laurin: Oui.
Le Président (M. Brouillet): ...et quant à la forme
de l'entente cet après-midi - le texte précis - mais
peut-être pour pouvoir réagir et tout.
M. Laurin: C'est toujours plus facile, quand on a un texte, parce
qu'on peut réagir sur un texte, mais si le député
d'Argenteuil ou quelqu'un d'autre a des explications additionnelles à
fournir à ce que vient de dire le député d'Argenteuil,
j'aimerais bien l'entendre.
Mme Lavoie-Roux: Je pense, M. le Président, que
j'appuierais la proposition du député d'Argenteuil, compte tenu
qu'il ne s'agit pas d'une obligation pour les autres, mais d'une
possibilité, si les circonstances psychologiques, sociales ou autres
l'exigent, que la famille puisse choisir pour les autres enfants la
fréquentation de l'école anglaise sans que ce soit automatique;
ce serait un choix de la famille, mais basé sur le fait que le
frère ou la soeur sont à l'école anglaise en fonction de
leurs troubles graves d'apprentissage. Je veux simplement l'appuyer.
M. Laurin: J'aurais peut-être une question à poser
à la députée de L'Acadie. L'argument qu'elle invoque peut
se comprendre quand il s'agit de troubles d'apprentissage qui ont à voir
avec l'apprentissage de la parole, par exemple. On pense aux enfants sourds, on
pense à certains mésadaptés sociaux, mais son argument
vaut-il autant quand on pense à des déficits physiques
comme...
Mme Lavoie-Roux: Un déficit cérébral
grave?
M. Laurin: Non, non, un cas de déficience de l'appareil
locomoteur, par exemple, un bras ou une jambe qui sont handicapés? Il me
semble que cela n'a rien à voir avec l'apprentissage de la parole ou des
relations humaines. Autant je suis prêt à être sensible
à l'argument, lorsqu'il s'agit d'un trouble d'apprentissage qui mobilise
l'expression de la pensée, autant cela m'apparaît incongru de
penser à une exclusion semblable lorsqu'il s'agit de déficiences
de l'appareil locomoteur qui n'ont aucun rapport avec l'apprentissage de la
langue.
Mme Lavoie-Roux: Mais ce que je n'ai pas devant moi, ce sont les
catégories de difficultés graves d'apprentissage qui ne sont pas
soumises à la loi.
M. Laurin: Si vous vous rappelez bien...
Mme Lavoie-Roux: Je me le rappelle très bien. Dans
l'esprit où cet article avait été accepté,
c'était vraiment dans le sens de permettre une adaptation plus facile,
de ne pas exposer ces sujets et on pensait particulièrement à
ceux qui avaient des "learning problems" sérieux.
M. Laurin: Des troubles de la parole ou des troubles de
langage.
Mme Lavoie-Roux: Oui. Il pouvait y avoir aussi des cas de...
M. Laurin: Sûrement pas des troubles physiques.
Mme Lavoie-Roux: ...déficiences, selon qu'elles
étaient plus ou moins importantes, qui auraient pu aussi ne pas
être obligés... Par exemple, je pense aux cas de déficients
profonds ou semi-éducables qui, de toute façon, ne pourront pas
gagner leur vie et vont demeurer dépendants. On ne devrait pas les
obliger à l'apprentissage d'une deuxième langue. Peut-être
qu'ils tombent dans ces catégories. Je n'ai pas les différentes
catégories. Elles sont dans les règlements, mais je ne les ai pas
devant moi. Au point de vue locomoteur, je ne savais même pas que cela
avait été introduit dans cette catégorie d'enfants.
M. Ryan: Par conséquent, si je comprends bien, le ministre
voit l'opportunité de cet amendement au moins pour une bonne partie des
problèmes susceptibles de se présenter ici.
Mme Lavoie-Roux: Tiens, je les ai ici.
M. Laurin: Où l'apprentissage de la parole, du langage et
des relations humaines est impliqué. Mais lorsqu'il s'agit de
déficience physique, je ne vois pas de lien entre l'exclusion que permet
la loi et le trouble physique en question.
Le Président (M. Brouillet): II est 13 heures. Nous aurons
le temps, d'ici à 15 heures, de nous préparer à revoir,
peut-être, cet amendement qui consisterait à introduire un nouvel
article 11. Aussi, il y a le 83.3 qui devra revenir devant nous.
Je suspends les travaux jusqu'à 15 heures cet après
midi.
(Suspension de la séance à 13 h 1)
(Reprise de la séance à 15 h 18)
Le Président (M. Brouillet): À l'ordre, messieurs!
La commission des communautés culturelles et de l'immigration reprend
ses travaux.
Commission d'appel (suite)
Je soumets à votre attention le projet d'amendement 83.3 qui se
réfère à l'article 13 du présent projet de loi.
Alors, je peux vous relire l'amendement. L'amendement consiste à
ajouter à ce que nous avons déjà adopté à
l'article 13 le paragraphe 83.3 qui se lit comme suit: "Pour l'exercice des
fonctions que leur confère la présente loi, les membres de la
commission sont investis des immunités prévues aux articles 16 et
17 de la Loi sur les commissions d'enquête (L.R.Q., chapitre C-37)."
Alors, M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, je vois que le conseiller
juridique du gouvernement et le conseiller juridique du ministère de
l'Éducation sont présents. Si le ministre n'y voit point
d'objection, j'aimerais qu'ils nous expliquent clairement la signification des
articles 16 et 17, en particulier à l'article 16 le sens qu'il convient
de donner aux expressions "les immunités et les privilèges des
juges de la Cour supérieure", pour qu'il n'y ait aucun malentendu dans
l'esprit des membres de la commission. Deuxièmement, en ce qui touche
l'article 17, je pense qu'il serait important qu'on nous donne des explications
sur les articles du Code de procédure civile qui sont visés par
cet article-là et sur ceux qui ne le seraient point parce qu'ils
n'existeraient plus.
M. Laurin: Je n'y vois aucune objection.
Le Président (M. Brouillet): M. Brière, si vous
voulez vous avancer et prendre place.
M. Laurin: Alors, vous permettez, M. le Président?
D'abord, à propos de l'article 16 de la Loi sur les commissions
d'enquête qui confère aux commissaires la même
immunité et les mêmes privilèges qu'un juge de la Cour
supérieure, il importe de souligner que cette disposition ne
confère aucun pouvoir particulier aux commissaires, mais elle vise
à leur conférer une immunité à l'encontre de
poursuites qui pourraient être entreprises contre eux, poursuites en
dommages et intérêts, par exemple, donc poursuites en
responsabilité civile, pour des actes posés dans l'exercice de
leurs fonctions. C'est pour éviter essentiellement de les rendre
vulnérables à des représailles des personnes qui
pourraient avoir subi des dommages du fait d'une décision prise par un
organisme de ce genre-là. C'est donc pour éviter qu'une personne
ne puisse intenter personnellement une poursuite judiciaire pour obtenir
réparation, ce qui porterait atteinte à l'indépendance qui
est nécessaire et qui est inhérente à l'exercice de telles
fonctions.
Donc, ces immunités et privilèges, je le
répète, ne comportent pas de pouvoir particulier, de pouvoir de
contraindre, d'aucune manière, mais mettent les personnes à
l'abri, si vous voulez, de certaines procédures judiciaires que des
tiers pourraient prendre contre elles de manière à assurer leur
indépendance. On retrouve ce type de privilèges et
immunités dans la plupart des cas où on confère à
une personne une fonction quasi judiciaire.
Quant à l'article 17, il s'agit d'une clause privative qui vise
à assurer un fonctionnement normal, si vous le voulez, de l'organisme.
L'article 17 ne protège pas les individus qui assument les fonctions,
mais l'organisme lui-même. Il vise à le protéger contre un
abus de procédure qui pourrait avoir un effet paralysant dans l'exercice
de ses fonctions.
Je signale que cette clause privative exclut la possibilité, pour
une personne qui serait amenée devant l'organisme quasi judiciaire, de
demander à la Cour supérieure de dessaisir l'organisme du dossier
afin d'examiner la légalité.
C'est ce que l'article 846 du Code de procédure civile
prévoit; c'est un recours en évocation. Cependant, il est
important de vous souligner que cette exclusion faite par l'article 17 du
recours en évocation n'exclut pas le pouvoir de surveillance de la Cour
supérieure lorsque l'organisme excède sa juridiction ou fait une
erreur de droit tellement manifeste que cela équivaut à un
excès de juridiction et ça, c'est de jurisprudence constante. Les
clauses privatives de cette nature et même des plus absolues que
celles-là ont été jugées de façon constante
par les tribunaux comme n'excluant pas le contrôle que la Cour
supérieure exerce sur les tribunaux inférieurs dont, sans doute,
la commission dont nous parlons ici dans les cas d'excès de juridiction
ou d'erreur de droit qui équivaut à un excès de
juridiction.
Un citoyen qui serait amené devant la commission d'appel et qui
serait l'objet d'une contrainte quelconque qui se situe complètement en
dehors de la juridiction de la commission ou qui serait le résultat
d'une erreur de droit manifeste pourrait quand même s'adresser à
la Cour supérieure et lui demander d'exercer son pouvoir de
surveillance. Cet article 17 n'exclut vraiment pas ce pouvoir de contrôle
de la Cour supérieure.
M. Ryan: Est-ce que je dois comprendre que les cas où la
Cour supérieure pourrait exercer ce pouvoir de contrôle sont
résumés dans l'article 846 du Code de procédure
civile?
M. Laurin: L'article 846 énumère un certain nombre
de cas où la Cour supérieure peut exercer son pouvoir de
surveillance et de contrôle, mais ne les énumère pas tous,
de sorte que, en excluant 846, on n'exclut pas le pouvoir de contrôle de
la Cour
supérieure, on n'exclut pas l'action directe en nullité
non plus. Donc, la Cour supérieure conserve cette prérogative du
contrôle de la légalité dans le cas d'excès de
juridiction.
M. Ryan: M. le Président, en vertu de l'amendement qu'on
nous propose, ce serait tous les cas prévus à 846 en particulier
qui tomberaient dans le champ de l'intervention possible de la Cour
supérieure plus les autres cas qui relèvent de son pouvoir
général de surveillance.
M. Laurin: C'est-à-dire que l'effet de l'article 17 est
d'exclure les cas prévus par l'article 846. Ce n'est pas de les
inclure.
M. Ryan: Mais c'est ça que je voudrais clairement
établir.
M. Laurin: Ce que j'ai indiqué, c'est que, même en
excluant les cas prévus à l'article 846, nous n'excluons pas,
l'article en question de la Loi sur les commissions d'enquête n'exclut
pas le pouvoir de surveillance de la Cour supérieure qui demeure dans
tous les cas où il y a excès de juridiction ou dans tous les cas
d'illégalité qui est jugée comme équivalente
à l'excès de juridiction. Ce que vise l'article 17, c'est
à éliminer les cas où un bref d'évocation pourrait
être demandé pour des raisons purement dilatoires où,
à sa face même, le juge serait obligé d'accorder le bref
sans se demander si l'organisme a ou non excédé sa
juridiction.
Une voix: Je crois qu'il faut l'accepter.
M. Lincoln: Est-ce que je puis poser une question à Me
Brière?
Le Président (M. Brouillet): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: Prenons un cas pratique comme exemple. Une
décision a été rendue par la commission d'appel en faveur
des étudiants, qui dit qu'ils doivent réintégrer telle
école; le gouvernement n'est pas d'accord là-dessus et il pense
que des circonstances pourraient avoir entaché la décision. Il
aurait pu y avoir une violation de la loi, comme le ministre l'avait
souligné dans son exposé plus tôt, des
irrégularités, des mensonges, etc. Pourtant, l'appel a
déjà été rendu par la commission, en faveur des
étudiants. Si le gouvernement fait appel à la Cour
supérieure, la première question c'est: Tout d'abord, est-ce que,
selon l'article 850, par exemple, cela peut suspendre la décision de la
commission d'appel qui a été rendue en faveur des
étudiants, tant que la Cour supérieure ne s'est pas
prononcée?
M. Laurin: Si la décision de la commission d'appel est
rendue, au départ, à moins que la commission n'ait rendu une
décision en dehors de sa juridiction, le gouvernement ne pourra pas
demander l'émission d'un bref d'évocation en vertu de 846,
puisqu'on l'exclut. La commission peut faire des erreurs; un organisme du type
de celui de la commission, cela a été admis en jurisprudence, a
droit à l'erreur, si vous voulez, de la même façon qu'un
tribunal d'arbitrage peut rendre une sentence qui est mauvaise, mais, comme on
trouve une disposition privative du même type dans le Code du travail,
les tribunaux ont décidé qu'ils ne pouvaient pas statuer en appel
sur cette décision-là, puisque la décision est finale.
Tout ce que le tribunal peut faire, c'est vérifier si l'organisme
en question a excédé ou non sa juridiction. S'il s'agit d'une
décision portant sur une matière qui est de sa juridiction, il
devient impossible...
M. Lincoln: Oui.
M. Laurin: ...de l'attaquer, et le simple fait de demander
l'émission d'un bref d'évocation n'aurait pas pour effet de
suspendre l'application de la décision.
M. Lincoln: D'accord. Alors, nous sommes éclairés
là-dessus. Maintenant, prenons le fait avant que le jugement soit rendu
par la commission d'appel. Si, par exemple, le gouvernement avait des raisons
de croire qu'il y avait eu un vice de forme, un vice de procédure ou une
fraude quelconque, selon sa perception des choses, avant que le jugement de la
commission d'appel soit rendu, est-ce que le gouvernement peut alors demander,
selon l'article 846, de soumettre cela au tribunal? Est-ce que cela suspend les
procédures pendant tout le temps que cela va prendre et que cela peut
même aller à la Cour supérieure et prendre des mois et des
mois?
M. Laurin: Si c'est une question de fait, la réponse est
non. Il faudrait que ce soit une erreur très grave. Par exemple, il
faudrait que ce soit un cas dont la commission est saisie et qui n'est pas du
tout de son ressort.
M. Lincoln: Mais dans tous les cas qui sont cités, par
exemple, 2, 3 et 4? (15 h 30)
M. Laurin: Le gouvernement conserve une possibilité
d'action en nullité par la suite, mais la présomption est que la
commission a rendu une bonne décision pendant tout ce temps. Du fait
qu'on intente une poursuite après coup, la décision de la
commission n'est pas suspendue. Si la commission excède sa juridiction
et qu'un bref d'évocation est émis en Cour supérieure,
évidemment, la décision est suspendue, c'est-à-dire
que la cause est en suspens.
M. Lincoln: Est-ce que le bref d'évocation peut être
pris avant?
M. Laurin: Oui, il peut être pris avant.
M. Lincoln: II peut être pris avant. Et le fait même
de le prendre...
M. Laurin: Cela suspend les choses.
M. Lincoln: ...suspend les choses. C'est ce que je voulais
dire.
M. Laurin: Ce que l'on veut éviter par des dispositions de
cette nature, c'est précisément que cela ne se produise pour des
raisons futiles, de pures irrégularités mineures ou des erreurs
de droit. On admet que ce n'est possible que dans l'hypothèse où
il y a une erreur sur la juridiction même d'un organisme.
M. Lincoln: Je suis d'accord avec vous, Me Brière. Mais
êtes-vous aussi d'accord que, si nous n'avions pas de
référence aux articles 846 à 850 du Code de
procédure civile, il n'y aurait aucune possibilité d'une
intervention quelconque de la part du gouvernement pour stopper la
procédure?
M. Laurin: Je dois vous répondre non, car la jurisprudence
a décidé qu'on ne pouvait pas législativement exclure
totalement le pouvoir de surveillance de la Cour supérieure parce que
c'est un pouvoir qu'il serait inconstitutionnel de prétendre entraver.
Depuis l'arrêt Crevier, la Cour suprême a tranché cette
question de façon très claire. Une clause privative totale est
impossible en droit canadien. Le juge de la Cour supérieure, qui est un
juge au sens de l'article 96 du BNA Act, doit conserver son pouvoir de
surveillance sur l'ensemble des tribunaux dits inférieurs, donc des
organismes quasi judiciaires. Même si on ne mentionnait pas les articles
846 à 850 dans cette disposition et si on disait "malgré toute
disposition législative contraire, etc.", ce serait hors du pouvoir
législatif de l'Assemblée nationale de prétendre exclure
ce droit de surveillance de la Cour supérieure qui s'exerce en cas
d'excès de juridiction.
M. Lincoln: Bon, dernière question, parce que je n'ai pas
envie de faire traîner cela, mais je veux être sûr de bien
comprendre. Prenons les alinéas 1 à 4 de l'article 846 du Code de
procédure civile. Lorsqu'il y a violation de la loi ou abus de pouvoirs
équivalents, avant que ce soit prouvé, avant le jugement de la
commission d'appel, le gouvernement peut penser que cela a été le
cas. Est-ce que le gouvernement doit avoir des preuves presque incontestables
pour présenter un bref d'évocation?
M. Laurin: Maintenant, oui. La preuve est faite sur des
apparences de droit. Traditionnellement, on n'exige pas des preuves aussi
absolues, aussi importantes que lorsqu'on examine la question au mérite.
Mais depuis le 1er décembre de cette année, je pense, la
procédure a été modifiée et le débat ne se
fait qu'une seule fois, de sorte qu'il sera nécessaire de prouver de
façon significative l'allégation du gouvernement, dans
l'hypothèse que vous faites, pour que le bref d'évocation soit
émis dans les circonstances. On ne fera pas cela sur une simple
déclaration assermentée comme cela s'est fait déjà
dans le passé. On vide la question de droit immédiatement,
maintenant, si vous voulez, alors qu'avant on faisait cela en deux
étapes: on réglait d'abord la question d'apparence de droit et la
question de droit ensuite.
M. Lincoln: Le ministre pourrait-il nous dire combien de cas
d'appels à la Cour supérieure il y a eu de la commission d'appel?
Est-ce qu'il y en a eu? Est-ce qu'on sait s'il y en a eu?
M. Laurin: À ma souvenance, il n'y en a pas eu.
M. Ryan: N'y a-t-il pas eu une ou deux causes? Sur l'affaire de
l'enseignement primaire au complet. Deschênes est intervenu et un autre
aussi; deux juges sont intervenus; ce n'était pas sur cela?
M. Laurin: Non, c'était sur le chapitre VIII.
M. Ryan: Ce n'était pas à la suite d'une
décision de la commission d'appel?
M. Laurin: Non, c'était sur le chapitre VIII au complet;
la commission d'appel n'était pas impliquée. La plupart du temps,
elle a d'ailleurs donné des jugements favorables.
M. Ryan: C'est pour cela qu'on voulait qu'elle aille plus
vite.
Le Président (M. Brouillet): Avez-vous terminé vos
interrogations sur l'amendement 83.3? Est-ce que les membres de la commission
seraient prêts à se prononcer?
Des voix: Oui.
Le Président (M. Brouillet): Est-ce que l'amendement 83.3,
qui va s'ajouter à ce que nous avons déjà adopté
comme amendement
à l'article 13, est adopté? Des voix:
Adopté.
Le Président (M. Brouillet): Adopté. L'article 13
tel qu'amendé est-il adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Brouillet): Adopté. Il reste
encore l'article 14 qui a été suspendu; alors, nous pouvons
aborder l'article 14.
M. Laurin: On devait passer à un amendement de
l'Opposition sur l'article 81. Je ne sais pas s'il est prêt. Je ne l'ai
pas vu.
Le Président (M. Brouillet): Un amendement qui serait
l'article 11.1 je crois.
Une voix: Ou 12?
M. Ryan: Oui, c'est cela. L'article 12 est déjà
occupé.
Le Président (M. Brouillet): On va le considérer
comme 11.1 pour le moment. Si on sent le besoin de tout renuméroter, on
le fera à la fin.
Exemption des enfants ayant des difficultés
d'apprentissage
M. Ryan: Est-ce que je peux vous le présenter, M. le
Président?
Le Président (M. Brouillet): Oui, s'il vous
plaît.
M. Ryan: Cela se lirait comme suit. Il s'agit de l'article 81 de
la Charte de la langue française.
Le Président (M. Brouillet): Je crois que vous n'avez
qu'une copie?
M. Ryan: Oui, mais je vais vous le remettre tout de suite
après l'avoir lu.
Le Président (M. Brouillet): Très bien. On en fera
des photocopies pour les autres membres.
M. Ryan: Je vais donner lecture de l'article de la loi dans sa
forme actuelle. Ensuite, je vous dirai où s'insérerait
l'amendement proposé. L'article se lit comme suit: "Les enfants
présentant des difficultés graves d'apprentissage doivent
être exemptés de l'application du présent chapitre. Le
gouvernement peut, par règlement, définir les catégories
d'enfants visés à l'alinéa précédent et
déterminer la procédure à suivre en vue de l'obtention
d'une telle exemption."
L'amendement viendrait s'insérer à la fin du premier
alinéa et se lirait comme suit: "Les frères et soeurs de ces
enfants peuvent aussi être exemptés." Si vous me permettez de
l'expliquer brièvement, M. le Président, je pense que cela
tiendrait compte de ce qu'a dit le ministre ce matin. Il ne voulait pas faire
une règle universelle, mécanique, mais il était prêt
à ouvrir des possibilités d'ajustement.
M. Laurin: Je n'ai pas dit cela.
M. Ryan: Comment?
M. Laurin: Je n'ai pas dit cela.
Le Président (M. Brouillet): Allez et M. le ministre
prendra la parole tantôt.
M. Ryan: C'est cela, il pourra s'expliquer amplement dans ses
propres termes. L'amendement, c'est que les frères et soeurs de ces
enfants peuvent aussi être exemptés. Cela veut dire que, lorsqu'il
y a une demande des parents, le règlement ou le ministre pourra aider
à prendre une décision qui leur donne une chance, tandis
qu'actuellement ce n'est permis en aucune espèce de situation ou de
circonstance. On va en avoir des copies.
Le Président (M. Brouillet): J'aimerais préciser
simplement que cet amendement portera le numéro 11.2 parce que nous
avons déjà adopté un article en amendement 11.1. Pour se
comprendre, l'amendement consistera à ajouter l'article 11.2. Si
c'était possible d'avoir une photocopie du texte.
M. Laurin: Je dois avouer que je me pose encore des questions au
sujet de cet amendement, de cette addition, dont l'Opposition a
déjà commencé à nous faire part jeudi. Lorsque nous
avons accepté en 1977 de préparer une clause d'exclusion pour les
enfants qui présentent des difficultés graves d'apprentissage,
nous l'avons fait parce qu'on avait à l'idée certains cas. Par
exemple, certains enfants qui avaient manifesté une sorte de
préférence d'usage pour la langue anglaise, même s'ils
n'étaient pas admissibles à l'école anglaise en vertu des
critères de la loi, pouvaient se trouver dans certaines
difficultés du fait que leur apprentissage des matières scolaires
était lent, soit en raison de troubles physiques, d'une
encéphalite, d'un trouble cérébral grave, d'une dyslexie,
d'une dyscalculie ou simplement d'une débilité mentale assez
prononcée. On pouvait concevoir que, pour eux, aller à
l'école française, alors qu'ils avaient peut-être
commencé à aller à l'école anglaise ou avaient
plutôt une connaissance d'usage de la langue anglaise plus marquée
que celle de la langue française, pouvait
comporter des problèmes d'apprentissage. C'est, d'ailleurs, pour
cela que nous avons accepté cet amendement à l'époque.
Mais comment étendre maintenant cette exclusion aux frères
et aux soeurs qui, eux, sont parfaitement normaux et qui, d'ailleurs, dans bien
des cas, sont déjà intégrés depuis quelques
années à l'école française? En quoi cela
aiderait-il d'une façon tellement marquée celui qui
bénéficie de cette clause d'exclusion si son frère ou sa
soeur fréquentait la même école que lui? Je pense que c'est
là une preuve qui n'a pas été faite devant cette
commission et je n'ai pas entendu d'argument absolument convaincant à
savoir que ceci est nécessaire ou indispensable.
M. Lincoln: M. le ministre, si je peux intervenir à ce
sujet, car je peux parler en connaissance de cause, j'ai un enfant qui est un
déficient mental et qui a eu toutes sortes de problèmes physiques
à cause de plusieurs séjours à l'hôpital, etc.
Parfois, il peut parler couramment pendant un certain temps et parfois devenir
complètement muet pendant des mois et...
M. Laurin: Je vous interromps tout de suite, M. le
député.
M. Lincoln: Oui.
M. Laurin: Votre enfant a le droit d'aller à
l'école anglaise.
M. Lincoln: Non, je parle par rapport à l'amendement de M.
le député d'Argenteuil.
M. Laurin: Bon. Donc, vous ne parlez pas d'un enfant qui a le
droit d'être admis à l'école anglaise?
M. Lincoln: Non, si vous voulez bien attendre un instant, je vais
vous expliquer ce à quoi je veux arriver. Pour le principe de la chose,
ce que je veux vous dire, c'est que, si mon enfant, qui est déficient
mental, aujourd'hui parle et s'exprime dans une certaine mesure, tout ça
est dû au fait que mes autres enfants ont pu, par exemple, lui montrer
beaucoup de choses qu'eux-mêmes ont apprises à l'école
anglaise. L'amendement que M. le député d'Argenteuil propose,
c'est, justement, pour des gens qui normalement seraient requis d'aller
à l'école française à cause de la loi. Dans le cas
où il y a un déficient mental dans une famille où on fait
une exception pour le déficient mental qui est déjà de
langue anglaise, par exemple, qui vient de l'Ontario, si ses frères et
ses soeurs sont obligés d'aller à l'école
française, surtout s'ils commencent l'école française en
bas âge, ils ne peuvent pas lui donner l'appui mental et moral, l'appui
du milieu nécessaire pour aider cet enfant. Par exemple, dans le cas de
notre enfant, c'est surtout nos autres enfants beaucoup plus que nous, parents,
qui ont influencé toute la façon d'agir, tout le progrès
que notre enfant déficient mental a fait, parce qu'ils sont toujours en
contact avec lui, ils lui parlent tout le temps.
Il me semble que ce soit là la raison de l'amendement de M. le
député d'Argenteuil. D'abord, cela touche très peu de
gens, mais, dans les cas où ça les touche, le fait même
qu'ils appartiennent au même milieu scolaire, le fait même qu'ils
suivent certains programmes... Par exemple, dans le cas de mes enfants, je peux
vous dire qu'ils ont fait des cassettes de ce qu'ils apprennent à
l'école et tous les jours ils les font rejouer à mon enfant
déficient mental qui, à un moment donné, commence à
répéter les mots et commence à progresser, ce qui n'aurait
pas été le cas si cela avait été fait dans une
autre langue. C'est ce que je pense que M. le député d'Argenteuil
est en train d'essayer d'expliquer.
M. Laurin: Mais là vous parlez toujours de vos enfants;
donc, il s'agit d'enfants qui sont admissibles à l'école
anglaise. (15 h 45)
M. Lincoln: Non, mais je vous donne un exemple. Disons que je
suis d'accord, M. le ministre que mes enfants sont admissibles à
l'école anglaise. Ce n'est pas de ça que je discute du tout. Je
vous parle du principe même de quelqu'un qui viendrait d'ailleurs et qui
serait obligé, normalement, selon la loi 101, d'aller à
l'école française. Selon l'article 81, vous faites une exception.
À cause de cette difficulté d'apprentissage, il aura une
exemption spéciale pour pouvoir aller à l'école anglaise.
Ce qu'on dit, c'est que, s'il y va, mais que ses frères et soeurs sont
obligés d'aller à l'école française, par exemple,
à ce moment-là, il n'aura pas l'appui ou le soutien du milieu qui
va l'aider à progresser. Les cas sont tellement exceptionnels, les cas
sont tellement rares... Pardon?
M. Laurin: M. le député, ce n'est pas sûr du
tout, parce que, dans la plupart des cas qu'ont eu à connaître
ceux qui ont pris cette décision, il s'agissait d'enfants, par exemple,
de familles allophones, italiens, grecs ou portugais, qui allaient à
l'école en français durant la journée, mais qui bien
souvent, lorsqu'ils revenaient à la maison, parlaient anglais soit parce
que la famille voulait apprendre deux langues et manifestait une certaine
inclination à apprendre la langue anglaise, soit en écoutant la
radio ou la télévision anglophone. Je ne vois pas ce en quoi le
fait d'avoir été à l'école française pouvait
empêcher le déficient mental dont vous parlez de recevoir l'appui
de la famille ou des parents qui, souvent, parlent deux langues, l'anglais et
le français, ou de
l'enfant qui, même s'il va à l'école anglaise,
lorsqu'il revient chez lui, parle ou anglais ou français, selon les
occasions. Dans la plupart des cas, je ne vois pas ce qu'apporterait de plus la
fréquentation de l'école anglaise par un des frères ou des
soeurs. Je ne crois pas que vous ayez apporté une preuve absolument
convaincante à cet effet.
M. Lincoln: Je ne vous dis pas que la preuve est absolument
convaincante, mais je peux vous dire que c'est une preuve du vécu. Je
parle de circonstances que je connais profondément, parce que je les vis
tous les jours. Ce n'est pas une histoire que j'invente de toutes
pièces. C'est quelque chose que je vis et je peux vous dire - j'ai
oeuvré pendant dix ou douze ans dans le domaine de la déficience
mentale - que j'ai eu affaire à des déficients mentaux presque
toutes les semaines de ma vie. Je connais ce milieu intimement. Je sais
qu'à un moment donné, quand vous séparez des familles,
qu'elles soient allophones ou quoi que ce soit, du milieu scolaire commun... Je
ne vous dis pas que c'est dans tous les cas, mais cela aide sûrement
d'avoir une famille où le milieu scolaire est commun. C'est le point que
nous voulons souligner. Dans beaucoup de cas, je pourrais vous prouver que
c'est ainsi.
M. Laurin: Moi aussi, j'ai une certaine expérience dans ce
domaine de par la profession que j'exerçais antérieurement, mais
il y a aussi d'autres facteurs qui entrent en jeu. Il s'agit de facteurs
culturels. On sait très bien qu'une bonne partie des allophones qui se
prévalent de cet article 81 de plus en plus visent à une
connaissance des deux langues, celle du français aussi bien que celle de
l'anglais. Même s'il y a une certaine prévalence au sein de la
famille, une certaine préférence aussi dans la famille pour la
langue anglaise, je ne vois pas ce que le fait d'aller à l'école
en français peut empêcher comme appui de la part de cet
élève qui a fréquenté l'école
française à l'endroit de son frère ou de sa soeur
déficiente, surtout quand l'atmosphère de la famille, pour des
raisons d'ordre culturel, veut que la langue anglaise soit parlée, et
parfois autant que la langue française. Donc, je ne vois pas de relation
de cause à effet entre la situation de ce déficient et
l'amendement que vous voulez apporter.
Le Président (M. Brouillet): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Je voudrais seulement résumer, à
l'intention du ministre, les considérations sous-jacentes à cet
amendement. Il y a, d'abord, le facteur familial. Je pense que cela n'a pas
besoin de preuve. Le ministre sait comme moi que, lorsqu'il y a plusieurs
enfants dans une famille, il y a une très grande interaction de l'un
vis-à-vis de l'autre. Ils s'élèvent eux-mêmes
presque autant qu'ils sont élevés par les parents. C'est
évident que, si les points de référence sont identiques,
communs en matière scolaire, cela va faciliter l'interaction. Il me
semble que c'est une chose qui s'impose.
Deuxièmement, cet amendement n'a pas été
inventé seulement pour retenir le temps de la commission. C'est
pourquoi, d'ailleurs, nous ne nous y attarderons pas indéfiniment. Il
nous a été proposé par des éducateurs qui ont une
longue expérience de ces choses, en particulier du travail dans ce
milieu. C'est de là que cela nous est venu.
Troisièmement, je voudrais signaler à l'intention du
ministre que nous avons formulé l'amendement d'une manière
très souple. C'est écrit: Les frères et soeurs peuvent
aussi être admis à l'école anglaise, ce qui laisse une
marge pour que les catégories dont le ministre parlait ce matin, celles
qui s'y prêteraient davantage, puissent être incluses dans les
nouvelles versions éventuelles du règlement afin qu'on puisse
tenir compte de cas où ce serait particulièrement
nécessaire. Il me semble que, lorsqu'on traite de l'enfance qui a des
difficultés d'apprentissage, il faut mettre tous les avantages du
côté de ces enfants et non pas du côté de la loi, du
gouvernement ou de la doctrine. Si on pouvait ouvrir la porte pour que le
bénéfice du doute joue en faveur d'une décision favorable
dans ces cas, il me semble qu'on ferait une saine libéralisation de la
loi qui ne contiendrait aucune imprudence.
M. Laurin: Une des conséquences, M. le
député d'Argenteuil, ne serait-elle pas que des enfants qui
fréquentent peut-être l'école française depuis
quatre ou cinq ans, tout à coup, parce qu'on apporte un amendement dont,
encore une fois, la valeur probante ne me paraît pas entière,
demanderaient de quitter l'école française pour aller à
l'école anglaise? Je ne vois pas quel bénéfice aurait cet
enfant qui a fréquenté l'école française durant
trois ou quatre ans et qui, tout à coup, demanderait son admission
à l'école anglaise. Au moins, si vous m'aviez parlé des
enfants cadets, qui ne sont pas encore à l'école, là,
j'aurais peut-être compris.
M. Ryan: Je peux ajouter le mot "cadet" si c'est de nature
à faire diminuer vos scrupules bien connus.
M. Laurin: Oui, alors, je serais prêt à
l'accepter.
M. Ryan: Merci.
M. Laurin: Je le formulerais autrement, évidemment.
M. Ryan: Oui, c'est entendu, quitte à
vérifier...
M. Laurin: Les enfants qui présentent des
difficultés graves d'apprentissage et leurs frères et soeurs
cadets qui ne fréquentent pas déjà l'école.
À ce moment-là, je l'accepterais.
M. Ryan: Très bien. Il n'y a pas de débat entre
nous, c'est ce que nous avions à l'esprit.
Une voix: Est-ce que je peux poser une question, M. le
Président?
M. Ryan: Pardon?
Le Président (M. Brouillet): Excusez-moi, j'attends le
texte qui m'arrive. On fera les corrections nécessaires selon le nouvel
accord.
J'ai ici une nouvelle version qui tient compte du nouvel accord, je
pense, je vous le lis. L'amendement consiste à insérer,
après l'article 11.1 du projet de loi, l'article suivant: 11.2.
L'article 81 de cette charte est remplacé par le suivant: "Les enfants
qui présentent des difficultés graves d'apprentissage et leurs
frères et soeurs cadets qui ne fréquentent pas déjà
l'école sont soustraits par le ministre de l'Éducation à
l'application du présent chapitre dans la mesure où le
gouvernement le prescrit par règlement. Ce règlement
prévoit les cas, les conditions ou les circonstances où ces
enfants peuvent être exemptés."
M. Laurin: J'enlève même le mot "peuvent".
M. Ryan: Oui, mais là, c'est un tout autre article que
vous nous proposez. Les enfants en difficultés graves d'apprentissage
doivent être exemptés; cela ne dépend pas du bon vouloir
réglementaire du ministre.
M. Laurin: Ce sont les premières lignes.
M. Ryan: Cela reste?
M. Laurin: Oui, cela reste.
M. Ryan: Ce que vous venez de nous lire, c'est ajouté
à cela? Pourriez-vous en faire encore la lecture, s'il vous
plaît?
Le Président (M. Brouillet): Je m'excuse, le texte qu'on
m'a remis n'était pas rédigé de façon exacte. Le
texte que j'ai, c'est: L'article 81 de cette charte est remplacé par le
suivant.
M. Ryan: Voilà1.
Mme Lavoie-Roux: Non, ce n'est pas cela.
M. Laurin: Est remplacé.
M. Ryan: Le ministre voulait nous en passer une rapide.
M. Laurin: Non, absolument pas.
Mme Lavoie-Roux: Non, non, on n'est pas pour recommencer notre
plaidoyer d'il y a six ans, n'est-ce pas, M. le ministre?
M. Ryan: Je vous présenterai une formulation, si cela peut
vous être utile, M. le ministre.
M. Laurin: Non, non. C'est correct, cela. C'est un remplacement.
J'incorpore dans le nouvel article les deux premières lignes, c'est la
même chose.
Le Président (M. Brouillet): Est-ce que vous avez le texte
que j'ai lu?
Mme Lavoie-Roux: Lisons-le au complet, on va s'entendre.
M. Laurin: "Les enfants qui présentent des
difficultés graves d'apprentissage et leurs frères et soeurs
cadets qui ne fréquentent pas déjà l'école sont
soustraits" - cela veut dire la même chose que doivent être
exemptés de l'application du présent chapitre - par le ministre
de l'application du présent chapitre...
Le Président (M. Brouillet): Des photocopies, s'il vous
plaît.
M. Laurin: ...dans la mesure où le gouvernement le
prescrit par règlement", ce qui correspond au deuxième
alinéa.
Mme Lavoie-Roux: Cela va.
Le Président (M. Brouillet): J'aimerais qu'on me donne les
textes à mesure. Il n'est pas nécessaire de faire faire des
photocopies, nous en avons.
M. Laurin: C'est la même chose.
M. Ryan: Je ne sais pas, on va regarder cela de près. On a
le texte, en tout cas. On va regarder le texte, c'est cela qui est le
mieux.
Une voix: Tout est assujetti à un règlement.
M. Ryan: M. le Président, je vais juste vous faire une
suggestion. C'est seulement dans l'esprit, le souci d'éclairer le
débat. Là, on a un droit qui est reconnu dans le texte.
Les deux premières lignes de l'article actuel de la loi
reconnaissent le droit des enfants en difficultés graves d'apprentissage
d'être exemptés de l'application du présent article, tandis
qu'ici on astreint cette exemption au pouvoir réglementaire du ministre.
On ne peut pas accepter cela.
Il y a une formule qui pourrait aider à contourner la
difficulté, si le ministre veut m'écouter: Les enfants
présentant des difficultés graves d'apprentissage doivent
être exemptés de l'application du présent chapitre, de
même que leurs frères et soeurs cadets, sur demande de leurs
parents. Il me semble que ce n'est pas nécessaire de mettre "qui ne
fréquentent pas déjà l'école", non plus. Si on le
laisse comme cela, dès qu'ils ne fréquentent pas l'école,
ils ne tombent plus là-dessous. Je ne voudrais pas que ce soit
obligatoire d'envoyer les frères et soeurs cadets à
l'école anglaise, non plus. Ce serait sur demande de leurs parents. Si
les parents trouvent qu'ils ont une situation leur permettant d'aller à
l'école française, tant mieux.
M. Laurin: Si le député n'aime pas ma formulation,
je suis prêt à partir de sa formulation et à ajouter les
mots que j'ai dits: Les frères et soeurs cadets de ces enfants qui ne
fréquentent pas déjà l'école peuvent aussi
être exemptés.
M. Lincoln: Oui et laisser l'article comme il est maintenant.
M. Ryan: Je n'ai pas d'objection à cela, sauf que c'est la
formule "qui ne fréquentent pas l'école déjà" qui
m'embarrasse. Pourquoi ne mettez-vous pas tout simplement "leurs frères
et soeurs cadets"?
M. Laurin: Non, parce qu'encore une fois, comme je le disais tout
à l'heure, qu'est-ce que cela va donner, si quelqu'un est
déjà à l'école française, de revenir
à l'école anglaise? Ce qui est demandé, c'est que ceux qui
ne sont pas encore à l'école et qui y iront un jour puissent, en
vertu de cette clause, avoir le droit d'aller à l'école anglaise
uniquement pour apporter à leur frère ou soeur déficiente
l'appui dont vous avez parlé.
M. Lincoln: Si on dit "leurs frères et soeurs cadets qui
ne fréquentent pas déjà l'école", on n'a pas besoin
du mot "cadets". Si on dit "les frères et soeurs qui ne
fréquentent pas déjà l'école", cela pourrait
être des gens qui viennent de l'extérieur, par exemple, des
aînés.
M. Laurin: II faut toujours être clair et enlever toute
ambiguïté.
M. Lincoln: C'est cela. À ce moment, on dit "les
frères et soeurs qui ne fréquentent pas déjà
l'école". C'est simple. Il n'est pas nécessaire que ce soient des
cadets.
M. Laurin: Moi, je préfère garder "cadets". Les
pléonasmes ne me font pas peur.
M. Lincoln: Ce n'est pas une question de pléonasme. Vous
prenez le cas de quelqu'un qui vient d'ailleurs. Cela pourrait être le
cas d'un frère ou d'une soeur aînée. Vous parlez d'enfants
qui ne sont pas à l'école, qui ne fréquentent pas
déjà l'école. On avait mis "cadets" parce que
c'était une façon d'exprimer cela, mais si vous dites qu'ils ne
fréquentent pas l'école, ce n'est pas important que ce soient des
cadets ou des aînés.
M. Laurin: Bon, c'est très bien. Les frères et
soeurs de ces enfants...
M. Lincoln: Qui ne fréquentent pas déjà
l'école.
M. Laurin: ...qui ne fréquentent pas déjà
l'école peuvent aussi être exemptés.
Mme Lavoie-Roux: Je suis un peu de l'avis de mon collègue
d'Argenteuil; cela pourrait être interprété ainsi: Quand
ils vont commencer à fréquenter l'école, cela ne
s'appliquera pas. Cela ne s'appliquera plus.
M. Laurin: Vous gardez le mot "cadets" ou pas?
M. Ryan: Je garderais le mot "cadets" et j'enlèverais "qui
ne fréquentent pas déjà l'école". Cela ferait mon
affaire.
Le Président (M. Brouillet): Si on mettait les deux?
M. Ryan: Si les juristes m'assurent qu'il n'y aura pas de
problème, je ne persisterai point. C'est parce que, à la minute
où ils commencent à fréquenter l'école, qu'est-ce
qui arrive? S'ils sont à l'école depuis un an?
M. Laurin: C'est la raison pour laquelle, à prendre entre
les deux, je préfère garder les deux mots, mais je suis
prêt à me rallier à l'opinion du député de
Nelligan. Je vais laisser tomber le mot "cadets" pour garder "les frères
et soeurs qui ne fréquentent pas déjà l'école
peuvent aussi être exemptés".
M. Ryan: On ne sait pas à quel moment ils ne
fréquentent pas l'école, avec votre formulation.
M. Laurin: II faut bien laisser un peu de travail à faire
aux gens qui vont étudier
ces cas, qui vont appliquer le règlement.
Le Président (M. Brouillet): Savez-vous, je vais suspendre
la séance quelques minutes parce qu'on tourne en rond, comme on dit.
M. Laurin: Moi, mon opinion est exprimée.
(Suspension de la séance à 16 h 1)
(Reprise de la séance à 16 h 4)
Le Président (M. Brouillet): À l'ordre! Alors, j'ai
donc devant moi une formulation de l'amendement que je vous relis: L'article 81
de cette charte est modifié par l'addition, à la fin du premier
alinéa, de la phrase suivante: "Les frères et soeurs cadets de
ces enfants, qui ne fréquentent pas déjà l'école,
peuvent aussi être exemptés."
M. Lincoln: On avait dit, je pense, qu'on n'allait pas mettre
"cadets" si on disait "qui ne fréquentent pas déjà
l'école".
Mme Lavoie-Roux: Oui. Une voix: Ah bon!
M. Lincoln: Est-ce qu'on ne peut pas dire: Qui ne
fréquentent pas déjà l'école au Québec?
Parce que ma collègue a suggéré que, si on ne met pas "au
Québec", un enfant qui venait d'ailleurs, qui fréquentait
l'école avant, pourrait être exclu. Ce n'est pas cela, le sens. Le
sens, c'est que vous parlez des écoles au Québec. Vous ne voulez
pas que des gens qui sont maintenant à l'école française.
D'accord?
M. Laurin: Oui.
M. Lincoln: Alors, si on pouvait mettre: Les frères et les
soeurs qui ne fréquentent pas déjà l'école au
Québec.
M. Laurin: Cela va. Très bien. Je serai accommodant.
Le Président (M. Brouillet): Bon, on supprime "cadets".
Alors, je relis. La phrase qu'on va ajouter à la fin du premier
aliéna se lit comme suit: "Les frères et soeurs de ces enfants,
qui ne fréquentent pas déjà l'école au
Québec, peuvent aussi être exemptés."
M. Laurin: Ah bon!
Le Président (M. Brouillet): Adopté?
M. Laurin: Adopté.
Le Président (M. Brouillet): Adopté.
M. Lincoln: Est-ce qu'il faudrait adopter l'article 81
amendé, maintenant?
Une voix: Oui.
Le Président (M. Brouillet): Non.
M. Laurin: Non.
Le Président (M. Brouillet): Non, parce que ce que nous
avons adopté, c'est l'article 11.2...
M. Lincoln: Oui, oui, d'accord.
Le Président (M. Brouillet): ...qui s'insère dans
le projet de loi nouveau.
M. Lincoln: D'accord.
Le Président (M. Brouillet): Comme c'est un article qui
vient s'ajouter, finalement, il n'y a pas d'autre article.
Alors, vous êtes d'accord pour qu'on aborde l'article 14?
Une voix: Oui.
M. Laurin: Cela va.
Exemption de personnes séjournant
temporairement au Québec
M. Ryan: Oui, est-ce qu'on pourrait demander au ministre de nous
expliquer la différence entre le texte nouveau que propose le
gouvernement pour l'article 85 et l'ancien?
M. Laurin: En fait, c'est une nouvelle formulation qui reprend
exactement le principe de l'ancien article 85. Cette formulation vient des
remarques qui nous ont été formulées par un certain nombre
de spécialistes en droit, qui disaient que l'article 85 de la loi 101
était légèrement ultra vires des dispositions du
règlement, qu'il ne couvrait pas toutes les éventualités
que couvrait le règlement. Nous avons donc repris cet article de
façon à être bien sûrs, cette fois, que l'article,
qui constitue une clause habilitante pour les règlements, ne soit ultra
vires en aucune façon. Si vous comparez bien les deux formulations, vous
verrez que le principe est le même, mais que la formulation, cette fois,
est assez large pour justifier toutes les éventualités
qu'explicite le règlement.
M. Ryan: Est-ce que je pourrais poser deux questions au ministre,
M. le Président?
Le Président (M. Brouillet): Oui, M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Est-ce que le ministre
pourrait dévoiler les termes dans lesquels a été
accordée à la compagnie Bell Helicopter la garantie que les
enfants des travailleurs de cette compagnie pourraient fréquenter
l'école anglaise pendant six ans, je crois?
M. Laurin: Je n'ai pas été mêlé, M. le
député, à ces tractations ou négociations ou
discussions ou échanges. Donc, j'aimerais autant laisser mon
collègue de Mercier répondre.
Le Président (M. Brouillet): M. le ministre.
M. Godin: II n'y a pas eu d'exemption automatique de six ans.
Vous pensez bien qu'une telle exemption ne peut venir que du ministère
responsable, M. le député d'Argenteuil. Ce qui a
été dit par le ministre de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme c'est que le ministère lui-même ou son cabinet aiderait
les parents en question à remplir les formulaires et à les
acheminer à l'Éducation si jamais le cas devait se
présenter. Donc, c'est l'entente, l'engagement qu'a pris - et le seul,
car tout le reste ne relevait pas de lui - le ministre de l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme à l'endroit des dirigeants de Bell
Helicopter.
M. Ryan: Excusez, j'ai manqué ça. Je m'excuse, M.
le ministre.
M. Godin: Je vous ai répondu, mon cher
collègue.
M. Ryan: Je vais être obligé de regarder le compte
rendu demain. Il sera trop tard. Si c'était demain! Ce sera dans deux ou
trois semaines.
M. Godin: Je vais vous répéter ce que j'ai dit mais
je vous enjoindrais...
M. de Bellefeuille: Est-ce que M. le ministre pourrait parler
dans son micro pour qu'on l'entende?
M. Godin: Certainement.
M. Ryan: C'est pour cela que je ne l'ai pas entendu.
M. Godin: Alors, vérification faite, non pas des
déclarations parues dans les journaux, ni des titres, mais bien de ce
que le ministre avait lui-même dit, de la bouche du cheval comme on dit
généralement, l'engagement du ministre de l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme ne visait nullement à modifier le
règlement qui relève de mon collègue de
l'Éducation, mais bien à assurer les dirigeants de Bell
Helicopter que, s'il devait y avoir des demandes de prolongation du
délai de trois ans, le cabinet du ministre s'organiserait pour assurer
la transmission des demandes de Bell Helicopter au ministère de
l'Éducation. Donc, c'est la portée de l'engagement.
M. Ryan: Y a-t-il eu un engagement écrit ou si ce sont
seulement des choses verbales? S'il y a eu un engagement écrit,
ça fait longtemps que mon collègue de Gatineau, en particulier, a
demandé qu'on ait la chance d'en prendre connaissance. Est-ce que vous
pourriez nous en faire prendre connaissance?
M. Godin: C'était purement verbal. M. Ryan:
Pardon?
M. Godin: C'était purement verbal. M. Ryan:
Purement verbal?
M. Godin: Oui, mais, entre gens de bonne foi, vous savez, la
parole vaut bien des écrits.
M. Ryan: On a vu ça dans le cas des micro-ordinateurs!
M. Gratton: M. le Président...
M. Godin: Est-ce que c'est pertinent à notre débat
actuel, M. le Président?
M. Ryan: Autant que votre remarque!
M. Godin: Si le député d'Argenteuil veut glisser,
on peut glisser aussi souvent qu'il le voudra, mais ça va nous mener
tard et peut-être qu'il le regrettera.
Le Président (M. BrouiUet): En attendant, il y a le
député de Gatineau...
Mme Lavoie-Roux: C'est une menace à peine
voilée!
M. Godin: C'est un jeu qui se joue à deux, madame!
Le Président (M. Brouillet): ...qui a demandé la
parole sur cette question.
M. Gratton: Je ne suis pas sûr que celui qui le
regretterait le plus ne serait pas le gouvernement, mais, peu importe, M. le
Président.
Je veux bien croire que c'est ce que le ministre de l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme a dit. Ce dont je ne suis pas sûr, c'est si c'est
ce que les gens de Bell Helicopter ont bien compris. Car, si on se
réfère aux déclarations qui ont été
colportées par la presse, il y a effectivement eu un représentant
- je ne sais trop quel porte-parole de Bell Helicopter - qui a
laissé
entendre que des assouplissements, des exemptions lui avaient
été promis par le ministre de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme. En fait, c'est en conférence de presse que ce personnage -
dont le nom m'échappe - a fait l'affirmation qu'on a retrouvée
dans les journaux, à savoir qu'il y avait eu des exemptions
d'accordées. L'explication que le ministre de l'Industrie, du Commerce
et du Tourisme nous a fournie en privé était que ce
monsieur...
M. Godin: Attention aux incidents à la Pertini. Si
c'était privé, je ne suis pas sûr que vous ne commettrez
pas un impair diplomatique en allant plus loin!
M. Gratton: Non, je n'ai pas l'habitude d'embarrasser mes pairs,
contrairement...
M. Godin: Non? C'est que vous vous engagez sur une voie qui vous
convient parfaitement, qui est non conventionnelle, mais...
M. Gratton: Non, je n'ai pas l'habitude de dévoiler des
confidences. C'est une conversation qui n'avait rien de confidentiel. J'ai
rencontré le ministre et je lui ai posé la question à
savoir quelles étaient les exemptions consenties et ce dernier m'a
expliqué dans quel contexte ça c'était passé. En
conférence de presse, le porte-parole de Bell Helicopter
prétendait qu'il y aura des exemptions. Dans le fond, il s'appuyait,
disait-il, strictement sur une autre conversation privée qu'il avait eue
avec le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme et où
celui-ci lui avait fait part qu'effectivement il n'y aurait pas de
problèmes majeurs pour les enfants des employés qui viendraient
s'installer ici à la suite de la décision de Bell Helicopter. Je
ne suis pas du tout sûr que les propos du ministre ont été
compris par Bell Helicopter comme étant strictement une aide technique
pour remplir des formulaires, car on parlait bel et bien, dans la
dépêche que j'ai vue, d'une exemption de six ans plutôt que
de trois ans renouvelable et on ne parlait pas du tout d'un permis pour des
gens qui venaient ici temporairement, mais bien pour tous les employés
de Bell Helicopter qui seraient appelés à venir s'installer
à Mirabel, ce qui n'est pas du tout la même chose.
M. Godin: Ce que je peux vous dire, c'est que j'ai parlé
à l'époque à la commission dont vous avez fait partie, M.
le député de Gatineau, et je me souviens fort bien d'avoir dit
à mon collègue de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme
qu'après avoir obtenu ce renseignement d'une représentante de
l'Éducation qui était ici, Mme Pauline Véronneau, du
cabinet de M. Laurin, dans la pratique 96% des prolongations de trois à
six ans avaient été accordés, ce qui a, j'imagine,
fondé la réponse de mon collègue de l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme qui a dû se dire: Au fond, c'est presque
automatique, ce renouvellement. C'est la portée pragmatique des propos
de mon collègue, mais il n'a jamais été question
que cette entreprise, comme aucune autre d'ailleurs, ne tombe sous le coup d'un
statut particulier, sauf que, dans la pratique, à ma connaissance, sur
presque 7000 cas - mon collègue pourra confirmer - 96% ont
été prolongés au-delà de trois ans presque
automatiquement. Donc, sachant cela, le ministre de l'Industrie, du Commerce et
du Tourisme a pris sur lui de dire que toute demande accordée pour trois
ans, son ministère se fera un plaisir de l'acheminer lui-même au
ministère de l'Éducation. (16 h 15)
M. Gratton: On verra bien en cours de route quelles
difficultés cela pourra causer ou pas.
M. Godin: D'accord.
M. Gratton: Une chose certaine, ce que le cas de Bell Helicopter
illustre de façon assez concrète, c'est que, quand une firme a
suffisamment d'importance pour être au courant de tous ces dédales
de la procédure, il n'y a généralement pas de
problèmes; 96% des cas sont acceptés. Ce sont malheureusement
tous les autres qui n'en entendent jamais parler et qui sont peut-être
une perte pour nous.
M. Godin: M. le Président, les 7000 cas ne sont pas tous
venus, vous pensez bien, d'une seule entreprise. Les 7000 cas viennent d'une
pléiade d'entreprises. On peut donc dire que le ministère de
l'Éducation a étudié cela avec attention et a
estimé que 7000 cas devaient être admis et sur les 7000 il y a 96%
de renouvellements. Cela couvre bien des gens au Québec.
M. Gratton: Cela ne couvre pas ceux qui ne sont pas venus. C'est
ce que je veux dire.
Le Président (M. Brouillet): M. le député
d'Argenteuil.
M. Godin: Là, c'est platonicien, ce que vous dites. Il y a
peut-être quelque part dans le monde quelqu'un qui existe et qui,
peut-être, serait venu n'eût été l'existence de telle
ou telle loi, mais cela peut nous mener très loin. N'étant ni un
extraterrestre ni un Martien, je ne veux me baser que sur les cas précis
dont j'ai entendu dire qu'ils voulaient venir au Québec. Ils sont venus
au Québec. Ils ont demandé des subventions ou des exemptions et
ils en ont bénéficié. Si vous
avez des cas, vous, M. le député de Gatineau, où
effectivement une entreprise a refusé de venir parce que le
ministère de l'Éducation n'aurait pas accordé l'exemption
de trois ans, faites-nous les connaître et nous verrons si ces cas
méritent d'être examinés, mais vous n'en connaissez pas,
j'en suis sûr.
M. Gratton: Vous n'avez qu'à lire les journaux. Bell
Canada a parlé d'un investissement de 58 000 000 $ qui est remis en
cause, parce que, justement, le personnel très hautement qualifié
ou spécialisé que son centre de recherche pourrait attirer de
l'extérieur - ce personnel étant très sollicité de
partout - considère comme un irritant très inquiétant
d'avoir à remplir des formulaires pour demander une exemption à
la loi du pays. Effectivement, ils nous disent: Cela crée un
problème, un irritant de taille qui nous fait, à l'occasion,
perdre la possibilité que ces gens viennent. Si le ministre
préfère dire: Cela n'existe pas, tant mieux pour lui, mais les
faits sont autres.
M. Godin: Je pense, M. le Président, que dans un cas comme
Bell Canada dont le marché est concentré au Québec, il
leur appartient à eux de respecter les lois du pays dont ils tirent la
majeure partie de leur steak, leur sauce, leur pain et leur beurre.
M. Gratton: C'est une belle réponse intelligente,
franchement!
Le Président (M. Brouillet): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, tout d'abord, je voudrais faire
remarquer au ministre qu'il m'étonne en disant qu'il n'a eu connaissance
de rien, parce que, s'il a été présent à la
commission parlementaire qui a étudié les amendements à la
loi, il a dû entendre comme nous de nombreux témoignages de
responsables d'entreprises qui lui ont dit que c'était un
problème majeur pour les personnes qui seraient invitées à
venir s'établir au Québec à titre de cadres ou d'experts
dans telle ou telle discipline, qui s'enquièrent des conditions
d'inscription de leurs enfants à l'école et qui disent: J'aime
autant ne pas m'embarquer là-dedans. Si le ministre n'a pas compris, ce
n'est pas notre faute, mais il ne faudrait pas qu'il nous accuse d'être
des Martiens ou des extraterrestres parce que nous avons entendu ces voix qui
parlaient autant pour son instruction que pour la nôtre.
Je voudrais passer à un autre sujet.
M. Godin: Pour retourner là-dessus, M. le
Président, j'ai...
M. Ryan: Je vais finir ma remarque, si vous voulez.
M. Godin: Sur le même sujet?
M. Ryan: Puis-je terminer? Quand le ministre a parlé, je
ne l'ai point interrompu.
M. Godin: Est-ce sur le même sujet?
M. Gratton: Peu importe. Le député a le droit de
s'exprimer.
M. Godin: Non, mais c'est parce qu'il veut passer à un
autre sujet. Je ne voudrais pas revenir sur un autre sujet.
Le Président (M. Brouillet): Réglons ce
différend brièvement. On passera à l'autre aspect de la
question.
M. Ryan: J'étais toujours sur la question du pouvoir
réglementaire et discrétionnaire du gouvernement dans ces choses.
Je pense que c'est tout à fait...
M. Godin: Je voulais simplement dire à mon collègue
d'Argenteuil, si vous n'avez pas d'objection, seulement pour faire état
de l'esprit dans lequel nous avons siégé à cette
commission, à laquelle, d'ailleurs, vous avez participé
brièvement, comme d'habitude, M. le député d'Argenteuil,
que j'ai entendu aussi ce qui s'est dit.
M. Gratton: Qu'est-ce qu'il veut, lui, là?
M. Godin: J'ai entendu aussi ce qui s'est dit comme vous, mais
tout ce que cela m'a montré, c'est que cela a obligé les gens
à recruter dans d'autres bassins des personnes qui avaient une
connaissance du français ou, du moins, des personnes bilingues et qu'ils
ont réglé le problème de cette façon.
Le Président (M. Brouillet): M. le député
d'Argenteuil, pour poursuivre sur l'article 14 du projet de loi.
M. Ryan: Oui, je serais tenté de répondre au
ministre, mais je pense que ce serait inutile. Les choses personnelles, on les
réglera en dehors de la commission.
M. Godin: N'importe quand.
M. Ryan: Je ne voudrais pas qu'on s'attarde là-dessus.
Sans pour autant laisser entendre qu'il y en aurait beaucoup entre nous.
M. Godin: Ah! Ah! Ah!
M. Ryan: Le ministre en a créé
aujourd'hui, mais je n'en connaissais point avant.
À propos du règlement, je voulais demander au ministre de
l'Éducation, cette fois-ci, s'il envisage, pour un avenir prochain, des
modifications au règlement tel qu'il existe actuellement ou s'il entend
conserver ce règlement dans sa forme actuelle.
M. Laurin: Nous l'avons déjà amendé pour
l'assouplir, par exemple, à l'endroit des diplômés ou des
administrateurs qui nous venaient des États-Unis. Nous sommes
prêts à l'examiner à nouveau et nous avons, d'ailleurs,
l'intention de le faire pour tous les règlements aussitôt cette
loi 57 adoptée. Nous reverrons tous les règlements pour y
apporter les ajustements ou assouplissements nécessaires.
M. Ryan: Le ministre serait-il prêt à prendre
l'engagement, si jamais il décide une révision de ce
règlement et des autres règlements relatifs à
l'application de la Charte de la langue française dans le domaine de
l'éducation, que cette révision sera soumise à l'examen
d'une commission parlementaire?
M. Laurin: Je ne suis pas prêt à prendre cet
engagement pour le moment.
M. Ryan: Dans l'esprit de la réforme parlementaire.
Merci.
M. Laurin: C'est une éventualité.
M. Ryan: Nous, nous écoutons les mots et nous cherchons
l'action. Souvent, il y a une grande différence entre les deux. Je suis
content. On note la réponse du ministre, elle fait partie du
dossier.
Je souligne à l'attention du ministre qu'il y a un article dans
le règlement qui me paraît quelque peu inéquitable. C'est
l'article 6 qui dit que "les enfants admissibles à recevoir
l'enseignement en anglais en vertu du présent règlement ne sont
pas réputés recevoir l'enseignement en anglais aux fins de
l'article 73 de la Charte de la langue française". Si je comprends bien,
cela voudrait dire qu'un enfant dont les parents auraient
séjourné au Québec durant six ans, qui aurait
été l'objet de deux autorisations successives de
fréquentation de l'école anglaise et dont la famille,
après cela, déciderait de s'établir au Québec en
permanence, pour des raisons que je n'essaie pas d'imaginer, aura reçu
toute son instruction primaire en anglais au Québec et, pour les fins de
l'article 73, quand il sera marié, il n'aura pas l'autorisation
d'envoyer ses enfants à l'école anglaise. Est-ce que je lis
l'article correctement?
M. Laurin: II s'agit d'une observation qui a trait au
règlement. Je note l'observation du député d'Argenteuil et
je promets d'y apporter toute ma considération.
M. Ryan: Tous les correctifs nécessaires. La
considération, on l'a tellement vue à l'oeuvre dans le
passé qu'on reste sceptique.
M. Laurin: C'est votre droit.
M. Ryan: C'est pour cela que je le demande, M. le ministre. Dans
le cas de ces règlements, vous savez comment les choses se passent. Les
députés se succèdent d'un dossier à l'autre, on va
d'une affaire à l'autre et la seule continuité qui existe dans
l'appareil gouvernemental - c'est un peu la même chose du
côté ministériel - ce sont les fonctionnaires. Finalement,
le champ réglementaire, c'est l'empire par excellence des bureaucrates.
Je crois que nous avons un droit strict d'exiger que le gouvernement fasse un
effort beaucoup plus grand à l'avenir pour qu'au moins on ait la chance
de donner des opinions. J'ai regardé cela l'autre jour et je
m'étais dit: Je vais le porter à l'attention du ministre. Ce
règlement particulier, je l'avais lu de manière cursive une fois
et, comme on n'était pas invités à discuter de la loi,
j'étais passé à autre chose.
Ma remarque est faite et je pense qu'il ne sert à rien
d'insister. J'ose espérer que le ministre ira plus loin que de
considérer la possibilité de le faire et qu'il le fera. Il y a
beaucoup d'autres points dans l'ensemble des règlements relatifs
à la langue, encore une fois, sur lesquels il serait très bon
qu'il y ait un tamisage parlementaire.
Le Président (M. Brouillet): M. le député de
Vachon.
M. Payne: En ce qui concerne le règlement qui touche
l'article 85, je pense important que le gouvernement, qui est responsable du
règlement par le législateur, tienne compte des objectifs
recherchés originalement par la loi 101 en ce qui concerne
l'accès à l'école anglaise. Beaucoup de ces objectifs sont
en train de se réaliser et il serait intéressant que
l'exécutif puisse considérer cela.
J'aimerais apporter un exemple très concret, spécialement
dans le contexte où le législateur considère la
possibilité d'élargir ce qu'on appelle la clause Québec et
l'admissibilité aux écoles anglaises. Dans les Cantons de l'Est,
là où les hommes d'affaires viennent souvent séjourner
d'une façon temporaire au Québec, le bassin de recrutement est
souvent ailleurs qu'au Canada. C'est plutôt aux États-Unis. Donc,
ils n'ont pas les mêmes possibilités d'envoyer les
élèves à l'école anglaise. Dans le
contexte où le gouvernement s'apprête à
élargir l'accès pour les fils et les filles des parents qui
viennent séjourner temporairement au Québec, je considère
que ce serait juste et équitable si, dans une région comme les
Cantons de l'Est, tout près de la frontière des
États-Unis, le règlement pouvait tenir compte de ce facteur.
Aussi pour la raison que ces écoles qui sont éloignées des
grands centres comme Montréal sont en train de fermer à un taux
très accéléré. Cela devient assez critique à
certains égards.
Dans l'esprit du gouvernement, qui voudrait bien maintenir ouvertes les
petites écoles, anglophones aussi bien que francophones, et de la
réforme de l'éducation, je pense que ce serait pertinent de tenir
compte de cela en rédigeant les règlements, peut-être pour
faire disparaître les inconvénients, les difficultés
vécues par les Cantons de l'Est, comme je l'ai dit, qui recrutent
très souvent leurs hommes d'affaires temporairement. Je pense, par
exemple, à l'usine de Bromont qui recrute souvent des ingénieurs
pour deux ou trois ans pour un contrat spécifique, spécialement
pour le virage technologique. Je pense qu'il y aurait peut-être une
manière d'équilibrer davantage le règlement dans ce
sens.
M. Laurin: Je remercie le député de Vachon pour ses
remarques. J'aurai sûrement l'occasion de m'entretenir plus à fond
de ce sujet avec lui.
Le Président (M. Brouillet): Merci. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Je trouve que c'est peut-être une manière
un peu simple de régler le problème. C'est un sujet qui a
été porté à l'attention de la commission
parlementaire qui a étudié la Charte de la langue
française. Il y a une délégation d'anglophones de l'Estrie
qui est venue ici. Vous rappelez-vous le nom, M. le député de
Vachon, de cette délégation qui est venue avec le Dr...
M. Payne: Ross.
M. Ryan: ...Ross, délégation que j'ai
trouvée remarquablement responsable, très bien informée
des problèmes de la communauté anglophone de l'Estrie et qui nous
a fait valoir justement le point que signalait le député de
Vachon? Il arrive des cas de gens qui vivent de l'autre côté de la
frontière, qui viennent de l'autre côté, mais qui, à
toutes fins utiles, sont assimilés ou assimilables à la
communauté anglophone et dont les enfants pourraient contribuer à
augmenter les effectifs scolaires de la communauté anglophone d'une
manière qui permettrait de garder certaines écoles ouvertes. Cela
nous avait été signalé par le
Dr Ross et ses collègues avec beaucoup de pertinence dans un
mémoire dont l'ensemble, d'ailleurs, était extrêmement
constructif.
Le Président (M. Brouillet): Je reviens à la
question de l'article 14. Est-ce que cet article est adopté?
M. Laurin: Adopté.
Le Président (M. Brouillet): Adopté à
l'unanimité?
M. Ryan: Adopté.
Le Président (M. Brouillet): Adopté. Il n'y a pas
d'amendement à cet article. Il est tel quel. Bon, voilà.
Adopté. Article 15.
Exemption des enfants des provinces qui offrent des
services comparables
M. Laurin: M. le Président, comme nous avons eu l'occasion
de le dire déjà, cet article vise à ouvrir
unilatéralement l'accès à l'école anglaise au
Québec à des enfants habitant d'autres provinces et qui viennent
s'établir au Québec, soit personnellement ou par l'effet de la
volonté de leurs parents, et qui, lorsqu'ils habitaient dans une autre
province, habitaient justement dans une province qui offre à sa
minorité francophone des services comparables à ceux que le
Québec accorde à sa minorité anglophone. (16 h 30)
Nous avons dit, lorsque nous avons rendue publique cette intention du
gouvernement, que déjà une province se qualifiait à ce
chapitre - c'est la province du Nouveau-Brunswick - et qu'il était
possible d'envisager, dans un avenir relativement court, que d'autres provinces
puissent offrir à leur minorité francophone des services
éducatifs dans leur langue équivalents à ceux que le
Québec offre à sa minorité anglophone et que, si cela se
produisait, au jugement du gouvernement, le gouvernement pourrait alors, par
décret, ouvrir l'accès de ses écoles anglaises au
Québec aux habitants de ces autres provinces. C'est le but de l'article
86.1.
Le Président (M. Brouillet): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Cet amendement ouvre, évidemment, un débat
très large et très important aussi. Il soulève, à
mes yeux, de nombreuses objections que je vais tenter de résumer de la
manière la plus claire et la plus concise possible. En premier lieu, en
vertu de cet amendement qui est présenté par le gouvernement,
nous sommes...
M. Laurin: M. le député d'Argenteuil, est-ce que je
peux vous interrompre un
instant? Il y a deux textes; il y a celui qui paraît dans la loi
57 et un amendement à ce texte que nous entendons déposer, mais
je pense que vous l'avez déjà. Je parlais, bien sûr, de ce
texte, mais modifié par l'amendement que nous proposons. Peut-être
le président pourrait-il le lire.
M. Ryan: C'est ce que nous avons compris.
Le Président (M. Brouillet): Pour traiter de ça, il
faudrait peut-être commencer par disposer de l'amendement, quitte
à revenir à l'ensemble du texte. Nous avons un amendement
à l'article; aimeriez-vous discuter de l'ensemble quelques instants
avant de passer à l'amendement?
M. Ryan: Avant que nous passions au texte, nous allons discuter
du fond de l'affaire et nous pourrons prendre le texte tantôt.
Le Président (M. Brouillet): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Puisque nous sommes en train de faire le
relevé des textes qui sont devant nous, permettez-moi de signaler qu'il
y a un troisième texte qui est devant nous et qui est le projet
d'amendement que j'ai déjà porté à la connaissance
des membres de la commission, mais qui ne porte pas sur les mêmes aspects
de l'article 15 que le papillon présenté par le ministre.
Le Président (M. Brouillet): Je n'ai pas le texte
présenté par le député de Deux-Montagnes. Est-ce
qu'on pourrait me le remettre? Ah bon, je l'ai ici! On a donc le texte du
projet d'amendement présenté par le ministre et un amendement
présenté par le député de Deux-Montagnes.
M. le député de Deux-Montagnes, est-ce que votre
amendement est effectivement un sous-amendement, un amendement à
l'amendement du ministre? Je n'ai pas eu le temps de le lire.
M. de Bellefeuille: Je m'en remets à vous, M. le
Président. J'ai plutôt l'impression que c'est un autre amendement
qui pourra être traité ultérieurement puisque l'amendement
du ministre modifie le début de l'article, tandis que l'amendement que
je propose modifie la fin de l'article ou, enfin, modifie un passage qui vient
après.
Le Président (M. Brouillet): Très bien, ça
va, c'est un autre amendement.
M. de Bellefeuille: C'est un autre amendement.
Le Président (M. Brouillet): Comme vous voulez.
M. Ryan: C'est un amendement à l'amendement du ministre;
cela veut dire que c'est un sous-amendement.
Le Président (M. Brouillet): Vous voulez tout d'abord
discuter du fond de la question avant d'aborder les textes que nous avons entre
les mains?
M. Ryan: C'est ce que j'avais proposé, mais, comme on a
commencé à mettre les texte en ordre, je n'ai pas d'objection
à ce que ce soit clair pour tout le monde. Si vous voulez nous dire
exactement où nous en sommes? Il y avait le texte du projet de loi 57,
ensuite, il y a l'amendement apporté par le ministre et il y a le
sous-amendement apporté par le député de Deux-Montagnes.
Est-ce que c'est bien ça?
Le Président (M. Brouillet): Je peux vous lire
l'amendement que le ministre nous a remis.
M. Ryan: Oui. Ce serait une bonne chose.
Le Président (M. Brouillet): "L'article 86.1
édicté par l'article 15, est modifié: 1° par le
remplacement du paragraphe a) du premier alinéa par le suivant: a) les
enfants dont le père ou la mère a reçu la majeure partie
de l'enseignement primaire en anglais ailleurs au Canada et qui, avant
d'établir son domicile au Québec, était domicilié
dans une province ou un territoire qu'il indique dans le décret et
où il estime que les services d'enseignement en français offerts
aux ressortissants francophones sont comparables à ceux offerts en
anglais aux ressortissants anglophones du Québec; 2 par le remplacement,
dans le deuxième alinéa, de la virgule qui suit le mot
"applicable" par le mot "est"." C'est l'amendement proposé par le
ministre.
M. Ryan: On peut disposer du deuxième alinéa tout
de suite. C'est seulement un amendement de nature linguistique.
Le Président (M. Brouillet): Oui, c'est cela.
M. Ryan: Peut-être qu'on peut considérer que
celui-là sera adopté sans difficulté.
Le Président (M. Brouillet): Le deuxièmement est-il
adopté?
M. Ryan: Oui. Je suis prêt à l'adopter tout de
suite.
Le Président (M. Brouillet): Adopté.
Revenons au premièrement de l'amendement qui consiste à
remplacer le paragraphe a) par un autre paragraphe que je viens de lire.
M. Laurin: II faudrait peut-être expliquer, M. le
Président, la raison pour laquelle nous avons cru nécessaire de
présenter cet amendement. Il est présenté pour respecter
davantage l'esprit du premier paragraphe. Évidemment, le
privilège que nous accordons à ces enfants l'est à
condition que les parents ou les enfants résident au Québec,
aient domicile au Québec, mais ce n'était pas
spécifié comme tel dans la première version de 86.1. Comme
il nous a été dit qu'il valait mieux que les textes de loi soient
parfaitement clairs et ne comportent aucune ambiguïté, il nous a
paru opportun et sage d'apporter cette modification qui précise l'esprit
du paragraphe, qui vise à ce que l'esprit de ce paragraphe soit
respecté intégralement et que la lettre s'y conforme.
Le Président (M. Brouillet): M. le député
d'Argenteuil, sur l'amendement.
M. Ryan: M. le Président, du côté de
l'Opposition, nous nous sommes opposés à cet amendement pour de
nombreuses raisons. Tout d'abord, c'est un amendement qui, à sa face
même, nous paraît aller à l'encontre de la Loi
constitutionnelle canadienne, laquelle, dans son article 23, établit
certaines obligations qui s'appliquent à toutes les Législatures
provinciales, y compris à l'Assemblée nationale du
Québec.
Du point de vue politique, nous pouvons nous opposer à la
manière dont cette Loi constitutionnelle fut adoptée, nous
pouvons désirer qu'elle soit modifiée à l'avenir, nous
pouvons même agir dans toute la mesure de nos moyens politiques pour que
cette loi soit amendée de manière à être plus
acceptable à l'Assemblée nationale du Québec, mais, dans
l'état actuel des choses, c'est la loi du pays depuis 1982. C'est une
loi dont le Québec n'a pas été exempté, que je
sache.
Une cause a été instituée devant les tribunaux
à la suite d'une décision qui avait été prise par
le ministre de l'Éducation en application de la loi actuelle. En
première instance, la cause a donné lieu à un échec
du gouvernement. La cause est rendue au niveau de la Cour d'appel. Il faudra
qu'elle se rende ensuite à la Cour suprême. Je ne veux pas
présumer de ce que seront les conclusions des tribunaux
supérieurs, mais, encore une fois, indépendamment des causes qui
sont inscrites devant les tribunaux, c'est le droit et la responsabilité
de chaque citoyen, surtout s'il est législateur, de se faire une
idée claire de la légalité des choses qu'il fait.
Or, il me semble, à la lecture même des textes, qu'il y a
une contradiction entre la nouvelle version de 86.1 que propose le gouvernement
et l'article 23 de la Loi constitutionnelle canadienne. Je ne peux pas
souscrire à une loi qui serait, à sa face même,
extrêmement douteuse au point de vue constitutionnel, même si je la
trouvais très bonne, par ailleurs. C'est un premier point que je veux
signaler très fortement. Je sais que le gouvernement en est sans doute
conscient, mais je n'approuve pas du tout la manière dont il agit dans
cette affaire. Il me semble que le recours que nous avons est au plan
politique. Ce n'est pas en se servant des lois qu'on va changer ces choses; on
contribue seulement à durcir les choses.
Deuxièmement, voici une question qui, pour moi, est une question
de droit. Il me semble que, si nous vivons dans un pays qui s'appelle le
Canada, le droit d'un enfant, dont les parents ont reçu l'enseignement
primaire en anglais n'importe où au Canada, à recevoir, lui
aussi, un enseignement en anglais n'importe où au Canada devrait
être reconnu clairement dans les lois et pas simplement en vertu d'un
pouvoir réglementaire ou décrétaire qui serait
conféré par les lois au gouvernement ou au ministre.
Ici, nous ne sommes pas dans le domaine de la protection
législative d'un droit; nous sommes dans le domaine de la
réglementation administrative et discrétionnaire: "Le
gouvernement peut par décret." C'est bien clair, ce n'est pas du tout le
genre de solution que nous recherchons à ces problèmes. Nous
recherchons des solutions d'ordre législatif, des garanties objectives
inscrites dans le texte même de la loi. Il nous est impossible de
souscrire à ce genre de dilution de droits qui nous paraissent
fondamentaux dans un pays comme celui où nous vivons. C'est la
deuxième objection.
Troisième point, cet article, si je comprends bien, s'inspire de
la philosophie de la réciprocité dont le gouvernement a souvent
parlé au cours des dernières années. Je pense qu'il veut
être l'incarnation de la philosophie de réciprocité que le
gouvernement aurait souhaité pratiquer avec les autres provinces en
matière de langue d'enseignement. D'ailleurs, cette philosophie de la
réciprocité est déjà inscrite dans le texte actuel
de la loi 101, à l'article 86 où il est dit que "le gouvernement
peut faire des règlements pour étendre l'application de l'article
73 aux personnes visées par une entente de réciprocité
conclue entre le gouvernement du Québec et le gouvernement d'une autre
province." Je n'ai pas d'objection à l'idée de la
réciprocité, tout au contraire. Je trouve que c'est une
idée très noble que tous les gouvernements devraient essayer de
pratiquer dans le plus grand nombre de domaines possible. Par
conséquent, je n'ai aucune attitude négative à l'endroit
de l'idée
de la réciprocité, mais encore faut-il qu'elle soit bien
comprise et bien appliquée.
Là, il y a un problème qui se pose à propos de
l'utilisation que fait le gouvernement de l'idée de la
réciprocité. J'ai donné, en deuxième lecture en
Chambre, un exemple de ce que serait une politique de
réciprocité, à mon point de vue, dans le secteur de
l'enseignement. Supposez qu'une personne de la Saskatchewan vienne s'inscrire
aux études universitaires à Montréal ou à
Québec, dans une de nos universités québécoises, et
que le gouvernement offre de lui accorder une réduction de 25% sur les
frais d'inscription à condition que le gouvernement de la Saskatchewan
fasse la même chose avec un résident du Québec qui irait
étudier dans une université de la Saskatchewan. Ce serait de la
réciprocité véritable parce qu'elle vaut à la fois
au niveau des gouvernements et au niveau des citoyens qui relèvent de
ces gouvernements. C'est vraiment une réciprocité
proportionnée, où la proportionnalité est vraiment
l'élément central de tout l'arrangement.
Dans ce cas-ci, on pense uniquement aux intérêts des
gouvernements et les citoyens deviennent des espèces de "pawns", des
espèces de pions entre les mains des gouvernants. Ils seront
utilisés de telle manière selon que les gouvernants auront
jugé de telle manière. Je n'aime pas cette idée, je n'aime
pas que les citoyens individuels soient les victimes de politiques, de
préjugés ou de mésententes qui peuvent exister au niveau
des gouvernements. Là, il y a quelque chose qui ne fonctionne pas; il me
semble que les gouvernements doivent essayer de s'entendre pour que les
citoyens bénéficient d'avantages égaux. Cela est une
véritable réciprocité, (16 h 45)
Il y a un autre point qui cloche dans l'affaire, c'est qu'on dit -
j'apprécie qu'on ait fait un petit changement - que la langue
d'enseignement, en ce qui concerne la formation primaire des parents, cela
vaudra dans n'importe quelle province du Canada, pas seulement dans la province
d'où sont venus les parents. C'est déjà une
amélioration qui vaut d'être notée. C'est une
amélioration par rapport à la première version du projet
de loi que nous avions lue ensemble. C'est très bien, mais ce que je
n'aime pas dans ceci, c'est que, disons, une famille vient de la Saskatchewan
s'établir au Québec, mais le gouvernement de la Saskatchewan ou
l'Assemblée législative de la Saskatchewan n'est pas
considéré par notre gouvernement ici comme ayant agi d'une
manière satisfaisante aux yeux du Québec. On lui dit: Vous
autres, vous allez être punis: rendus au Québec, vous ne pourrez
pas envoyer vos enfants à l'école anglaise parce que votre
gouvernement était un mauvais gouvernement.
Ce ne sont plus des citoyens de la Saskatchewan, M. le Président.
S'ils étaient encore des résidents de la Saskatchewan, on
pourrait dire: On applique à ces résidents, nous autres, le
gouvernement du Québec, les mêmes normes que le gouvernement de la
Saskatchewan applique à nos résidents du Québec, dans la
mesure où ils peuvent avoir affaire à ce gouvernement. Je
comprendrais. Je n'aimerais pas trop l'idée dans son application, mais
au point de vue logique cela tiendrait. Mais là, c'est qu'on va prendre
des personnes qui sont devenues des citoyens du Québec, une famille qui
a émigré de la Saskatchewan - je maintiens mon exemple pour que
cela ne crée pas de confusion - au Québec et on leur dit: Vous
autres, parce que le gouvernement que vous aviez là-bas n'était
pas bon, vous n'aurez pas le droit d'avoir les avantages des autres, de ceux
qui viennent de l'Ontario ou du Nouveau-Brunswick. Je trouve que cela n'a pas
de bon sens. Je trouve que c'est absolument inadmissible et il faut absolument
qu'on évite de pénaliser les citoyens qui souvent n'auront rien
eu à faire dans les politiques de leur gouvernement, de leur
Assemblée législative provinciale.
Il peut très bien arriver que cette famille fasse partie d'un
mouvement politique qui voulait changer ces lois. Il peut même arriver
que cela ait été une raison pour laquelle elle aurait
décidé de déménager ailleurs. C'est improbable,
mais c'est loin d'être impossible, en tout cas, d'un point de vue
logique. On la punit. Je trouve que dans l'idée de
réciprocité qui est impliquée là-dedans, il y a des
choses qui ne marchent pas. Peut-être qu'on pourra dissiper cela
ensemble. Cela me trotte dans l'esprit depuis déjà quelques
semaines. Je n'ai trouvé aucune réponse impressionnante à
cette objection.
Un autre point. Au Québec même, ce qui est encore plus
désagréable, on crée des classes de citoyens
différentes. Il va y avoir la classe des citoyens qui seront venus de
l'Ontario, la classe des citoyens qui seront venus du Manitoba, la classe des
citoyens qui seront venus de la Nouvelle-Écosse ou du Nouveau-Brunswick.
Là, ce sont tous des citoyens du Québec encore une fois. Il ne
faut pas qu'on perde cela de vue. Tous des citoyens du Québec. Toi, tu
vas avoir un droit aux trois quarts. L'autre, tu vas l'avoir à la
moitié. L'autre, tu vas l'avoir au quart. Il me semble que ce n'est pas
une façon de concevoir une loi sérieuse et équitable. Je
pense qu'il faut qu'exactement les mêmes normes s'appliquent à
tous les résidents du Québec.
Si un résident du Québec et parent en même temps a
reçu la majeure partie de sa formation au primaire en anglais, au
Québec ou dans une autre province canadienne, il me semble qu'il devrait
avoir le droit d'envoyer
ses enfants à l'école anglaise au Québec,
même si son gouvernement n'était pas le meilleur aux yeux de notre
gouvernement, à nous autres. Encore une fois, je ne vois pas du tout
pourquoi on va le pénaliser, lui, pour des choses faites par son ancien
gouvernement. Ce n'est même plus son gouvernement. Il n'a plus affaire
à ce gouvernement-là, du tout, et on va lui dire: Tu vas payer
pour les actions de ce gouvernement.
Il y a un autre point qui est embarrassant dans cette façon de
voir, c'est la tendance que manifeste l'amendement, d'un gouvernement qui va se
porter juge d'un autre gouvernement quand il s'agit de droits assez
fondamentaux de citoyens. Le droit à l'instruction de vos enfants dans
leur langue maternelle, il me semble que c'est un droit qui est assez
fondamental. Il n'est pas aussi fondamental, peut-être, que le droit
à la libre expression, le droit à la liberté de
conscience, à la liberté de religion, j'en conviens. C'est un
droit qui doit être davantage conditionné par le droit statutaire.
Il ne faut jamais oublier cela. On parle d'enseignement primaire. C'est un
critère instrumental.
Le fond - j'espère que le ministre est d'accord avec moi
là-dessus - c'est qu'on veut favoriser raisonnablement l'accès
à l'école anglaise pour des enfants de langue maternelle
anglaise. On vient de dire que le critère est difficile à cerner
en pratique, mais ce qu'on cherche, c'est de permettre la fréquentation
de l'école anglaise par des enfants de langue maternelle anglaise et on
dit "à condition que". On met quelques conditions, et cela se comprend.
Mais le fond du problème, c'est cela. Dans la mesure même
où c'est cela, il me semble que subordonner cela à un jugement
qu'une province porterait sur... Quel moyen aurons-nous de vérifier?
Est-ce qu'on va aller faire enquête là-bas pour savoir dans quelle
mesure c'est vrai? Va-t-on faire venir telle association de là-bas ou
telle autre? Je trouve qu'on se met le nez dans le jardin de l'autre et on
s'expose à ce qu'il fasse la même chose avec nous. J'aimais mieux,
quant à y être - j'étais contre et j'invoquais bien
d'autres raisons - la clause d'entente de réciprocité. Au moins,
ce sont deux gouvernements qui traitent d'égal à égal. Le
gouvernement du Québec passe une entente de réciprocité
avec le gouvernement du Nouveau-Brunswick, très bien! Si on marche dans
cette philosophie, qui n'est pas la mienne pour cette question, cela se
comprend; au point de vue logique, cela se défend.
Là, c'est dans la mesure où notre gouvernement estime que
tous les programmes d'enseignement en français offerts aux
ressortissants francophones - on va discuter du mot "ressortissants"
tantôt à un autre stade, il ne me semble pas adéquat - sont
comparables à ceux offerts en anglais aux ressortissants anglophones du
Québec. Il me semble que vous érigez une nouvelle sorte de cour
quelque part. Je ne vois pas que cela ait sa place dans le fonctionnement du
fédéralisme. Si on pense qu'ils font une bonne chose, qu'on fasse
une entente avec eux et qu'on le dise clairement après avoir eu des
moyens de vérification qui sont admis des uns et des autres. Mais,
passer des jugements aussi globaux dans un domaine où les moyens de
vérification et la compétence constitutionnelle demeurent
très limités, il me semble que c'est passablement
exagéré.
Pour toutes ces raisons, je suis foncièrement opposé
à cet amendement que le gouvernement projette d'apporter. Je reconnais
qu'il apporte une certaine amélioration, par comparaison avec la
situation découlant du texte actuel de la loi 101. C'est évident
que, si le gouvernement ou la législation du Nouveau-Brunswick obtient
un certificat de vertu du gouvernement du Québec et s'il en était
de même de la législation et du gouvernement de l'Ontario, cela
voudrait dire, peut-être, que quelques centaines d'enfants, chaque
année, pourraient avoir accès à l'école anglaise au
Québec, qui ne l'ont point actuellement selon le droit statutaire du
Québec. Tout cela est parfaitement farfelu, à mon point de vue,
parfaitement artificiel parce qu'ils l'ont déjà en vertu, encore
une fois, de la Loi constitutionnelle du Canada.
On discute de manière assez vaine, à mon point de vue. Le
gouvernement fait du tricotage, du fafinage à côté du
problème véritable. S'il avait voulu - comme nous le lui avons
proposé à propos de l'article 73 -franchement accepter d'inscrire
la clause canadienne entendue dans un sens assez strict, gravitant autour de la
fréquentation de l'école primaire anglaise ailleurs au Canada, on
aurait un régime beaucoup plus réaliste, beaucoup plus logique.
On ne serait pas obligé de se livrer à ce jeu de contorsion
à la fois intellectuelle, administrative, juridique, politique qui
m'apparaît contraire à l'esprit que devrait avoir une bonne loi en
matière de langue d'enseignement. Pour toutes ces raisons, je ne peux
pas envisager favorablement une manière de légiférer comme
celle-là.
Le Président (M. Brouillet): M. le ministre.
M. Laurin: M. le Président, dans son argumentation, le
député d'Argenteuil reprend une bonne partie des raisons qu'il a
déjà longuement exposées lorsque nous discutions des
modifications éventuelles à l'article 73. Donc, je n'ai pas
l'intention, de mon côté, de me répéter toutes les
raisons pour lesquelles nous continuons de nous opposer à
la clause Canada telle que recommandée par le Parti
libéral du Québec. Je voudrais m'en tenir au texte même de
l'amendement que nous suggérons ici.
Je rappellerai d'abord que cette modification à l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique, que le gouvernement du Canada a
apportée d'une façon unilatérale en 1982 contre la
volonté ferme, forte, exprimée du gouvernement du Québec,
est absolument facile à saisir. Nous n'avons jamais accepté ce
coup de force unilatéral du gouvernement du Canada et, en particulier,
l'article 23 dans ses trois composantes.
Nous soumettons et nous croyons encore que le gouvernement
fédéral n'avait pas le droit de modifier l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique dans le sens qu'il l'a fait contre la
volonté expresse d'une des deux nations fondatrices du Canada et
à l'encontre même de tout ce qui avait été dit en
1864, 1865, 1866 et 1867 par les autorités d'alors du Québec,
lesquelles réclamaient pour le Québec, dans la nouvelle
constitution, une juridiction exclusive en matière d'éducation.
Le gouvernement fédéral a jugé bon de passer outre
à cette volonté historique exprimée en 1863 et 1864,
réexprimée à plusieurs reprises au cours du siècle
dernier et réexprimée, avec une force accrue, par le premier
ministre actuel du Québec, en 1981. Le gouvernement
fédéral l'a fait et nous sommes obligés d'en prendre acte.
Il a eu l'appui de Londres, il a eu l'appui des partis politiques
fédéraux, mais, pour nous, il n'en demeure pas moins vrai que cet
acte constitue une déchirure du pacte constitutionnel de 1864, et nous
ne l'acceptons pas plus aujourd'hui qu'hier.
Par ailleurs, M. le Président, il faut bien faire remarquer que,
même si la Cour supérieure et la Cour d'appel ont jugé que
le Québec n'avait pas raison, parce qu'ils ont interprété
le chapitre VIII à la lumière de l'opinion prévalant en
matière de droit constitutionnel fédéral, il reste que,
pour nous, cette loi est toujours en vigueur. Nous avons porté appel et
du jugement de la Cour supérieure et du jugement de la Cour d'appel.
Cette cause sera entendue en Cour suprême, M. le Président.
L'audition a été acceptée; elle aura lieu d'ici quelques
semaines probablement. En ce qui nous concerne, forts de notre droit, nous
attendons le jugement de la Cour suprême.
Donc, jusqu'à plus ample informé, cette loi est en
vigueur, le chapitre VIII est en vigueur, de même que l'article 73 est en
vigueur. C'est en fonction de cette règle de droit que nous entendons
faire adopter et l'article 86.1 et l'amendement que nous y apportons.
Le député d'Argenteuil dit ensuite que cela lui semble une
question de droit et qu'il ne convient pas en la matière de s'en
remettre à l'autorité réglementaire, qu'il dit
discrétionnaire, du gouvernement. Là non plus, je ne suis pas
prêt à admettre son point de vue. Car la loi que nous
étudions actuellement fait, comme beaucoup d'autres lois: elle
établit dans un paragraphe, dans un alinéa, des critères
clairs qui, ensuite, habilitent le gouvernement à adopter des
règlements qui verront à l'application de ces critères. Je
pense que ce n'est pas du tout là un pouvoir discrétionnaire. La
loi est très claire quant à l'élaboration des
critères, comme la Loi 101 l'était avec l'article 73 où
les critères d'admissibilité à l'école anglaise, au
Québec, étaient clairement définis. C'est ce que nous
faisons dans l'article 86.1. Nous établissons très clairement les
critères en vertu desquels l'école anglaise, au Québec,
sera ouverte à des résidents d'autres provinces qui auraient le
désir de venir s'établir au Québec. Je ne vois pas du tout
comment nous pourrions encourir le reproche que nous fait le
député d'Argenteuil.
Dans un troisième temps, le député d'Argenteuil dit
qu'il est d'accord avec la philosophie de réciprocité, mais qu'il
ne voudrait pas qu'elle joue au désavantage des citoyens. Il voit dans
cet article une sorte de jeu politique où les gouvernements placent
leurs pions l'un par rapport à l'autre et que ce jeu politique entre
provinces risque de jouer à l'encontre de citoyens. (17 heures)
M. le Président, je n'accepte pas ce jugement et, même si
je l'acceptais, je renverrais le député d'Argenteuil à son
propre principe en disant que, s'il juge que certains citoyens peuvent
être considérés comme des pions, qu'ils sont
sacrifiés aux intérêts plus ou moins légitimes d'un
gouvernement, on peut bien penser aussi que, dans d'autres provinces, les
résidents francophones, actuellement, qui ne peuvent pas avoir
accès à l'école française dans le ferme et
légitime désir qu'ils ont de conserver leur identité
culturelle, sont aussi sacrifiés, à tous les jours et depuis plus
d'une centaine d'années, à la philosophie politique ou
éducationnelle de leurs gouvernements qui ne leur ont jamais
accordé ce droit ou ce privilège.
Donc, s'il est vrai que des citoyens peuvent faire figure de pions sur
un échiquier ou qu'ils peuvent être sacrifiés, je prierais
le député d'Argenteuil de regarder de tous les côtés
de l'horizon, mais de ne pas limiter étroitement son point de vue
à quelques citoyens anglophones qui n'auraient pas accès ici, au
Québec, à l'école anglaise. Donc, non seulement je
n'accepte pas le raisonnement que des citoyens sont sacrifiés, parce que
je pense que c'est tout à fait le droit d'une province, garanti en 1864,
1865, 1866, 1867, de voir à l'éducation de leurs propres
citoyens, mais si, par hasard, il fallait accorder une certaine
crédibilité au raisonnement du député d'Argenteuil,
il
encourrait le grave reproche de ne voir qu'un côté de la
médaille et de sacrifier très légèrement les
intérêts ou la situation de concitoyens francophones qui, dans les
autres provinces, sont autrement plus sacrifiés que ne le sont ou que ne
l'ont été les citoyens anglophones du Québec. Je rappelle
d'ailleurs, encore une fois, au député d'Argenteuil que c'est le
rôle même d'un gouvernement de légiférer pour les
intérêts de toute la collectivité, c'est-à-dire pour
les intérêts de l'ensemble des citoyens et l'intérêt
collectif en la matière, en matière d'éducation et en
matière d'enseignement des langues, est sûrement extrêmement
important.
Il nous reproche par la suite, par cet amendement visant la
réciprocité, de créer des classes différentes de
citoyens. Je pense que, là aussi, il faut avoir la vue bien courte pour
ne pas voir ce qui se passe dans presque tous les pays du monde, qui sont
confrontés à des situations semblables ou analogues à
celles que nous vivons ici. Par exemple, on sait très bien que, dans
d'autres pays, qu'il s'agisse de la Suisse ou de la Belgique, l'accès
à l'école nationale est réglementé et souvent d'une
façon beaucoup plus rigoureuse et beaucoup plus stricte que ce ne l'est
au Québec. Par exemple, dans le canton de Genève, recensement de
1981, 65% de francophones de langue maternelle seulement étaient en
français. Et on sait que cet accès à l'école
anglaise dans les cantons allemands est réglementé d'une
façon aussi rigoureuse sinon davantage qu'il ne l'est dans les
écoles des cantons francophones.
Par ailleurs, on pourrait aussi dire qu'en cette matière, celui
qui choisit de venir s'installer dans un autre territoire, que ce soit un
Québécois qui va s'installer en Italie, ou en Suisse, ou en
Belgique, ou que ce soit un Belge, ou un Italien, ou un Allemand qui vient
s'installer au Québec, connaît à l'avance certaines des
conditions auxquelles il devra se soumettre s'il veut que certains de ses
désirs soient reconnus. Et je pense que c'est en toute connaissance de
cause que ces citoyens choisissent, comme lieu de leur domicile, un autre pays
et sont prêts à s'adapter aux conditions qui y prévalent.
Enfin, je ne crois pas, M. le Président, que le Québec, par cette
clause, s'institue juge d'un autre gouvernement. Il s'agit simplement de
comparer les situations qui sont faites aux citoyens ou francophones ou
anglophones dans chacune des provinces du Canada ou du territoire du Canada en
ce qui concerne l'accession à l'école qui constitue un droit,
sinon fondamental, comme l'a dit le député d'Argenteuil, un droit
quand même important. Il n'est pas interdit pour un gouvernement de lire
certains rapports comme celui des francophones hors Québec, par exemple,
où il est dit et répété et prouvé que c'est
au Québec, encore une fois, que la minorité anglophone est le
mieux traitée en ce qui concerne l'accessibilité aux
écoles de tous niveaux d'ailleurs: primaire, secondaire,
collégial et universitaire. On ne peut pas dire que cela est porter
jugement sur un autre gouvernement que de constater simplement que la situation
pour les minorités francophones dans les autres provinces est de loin
beaucoup plus défavorable qu'elle ne l'est, en matière
d'éducation toujours, pour la minorité anglophone au
Québec.
Je pense que, lorsqu'on a des yeux, c'est pour voir. Nos documents sont
assez nombreux, assez étoffés et les preuves sont assez fortes
également pour que, sans s'instituer en juge, il soit facile de faire
des comparaisons d'une province à l'autre.
Je note en passant que le député d'Argenteuil aimait mieux
la clause d'entente que cette ouverture unilatérale éventuelle de
l'école anglaise au Québec aux résidents d'autres
provinces. Je lui rappelle encore que cette clause d'entente qui avait
été inscrite dans nos lois dès 1977, n'a eu aucune chance
de se réaliser précisément parce que le premier ministre
du Canada a forcé la main aux premiers ministres des autres provinces et
qu'il leur a promis qu'il n'était pas nécessaire, pour eux,
d'entrer en transaction avec le diable, en l'occurrence le gouvernement du
Québec, pour procéder à ces ententes de
réciprocité puisqu'il se fait fort, lui, de régler le
problème d'une façon unilatérale, cavalière et
brutale au niveau du gouvernement fédéral.
Malgré cela, même si nous constatons qu'il n'est pas
possible de signer d'entente avec les autres provinces, malgré tout,
dans un souci d'équité, dans un souci de
libéralité, de générosité, nous sommes quand
même prêts à garder le principe de réciprocité
et à l'appliquer autrement, bien sûr, à une condition qui
est celle que vous connaissez: c'est que cette autre province offre à la
minorité francophone des avantages comparables à ceux que nous
offrons aux anglophones au Québec.
Le député d'Argenteuil est quand même assez gentil
pour noter qu'il s'agit d'une amélioration, mais c'est toujours la
même chose. Les améliorations sont toujours vues,
regardées, rejetées de façon dédaigneuse au nom de
raisons que le député ou le Parti libéral qualifie
toujours de contorsions, de tricotages, de "fafinages"; tout ça
justement pour minimiser la valeur des offres tout à fait
généreuses que nous faisons, après tant d'autres, à
la minorité anglophone du Québec et aux anglophones des autres
provinces qui auraient choisi de s'installer au Québec.
Je continue à penser, M. le Président, que c'est là
une amélioration qui va dans le sens de la libéralité, de
la générosité et du souci de justice et
d'équité dont le Québec a toujours fait preuve à
l'égard de ses minorités. Et pour toutes ces raisons, nous
ne saurions donner notre accord aux raisons du député
d'Argenteuil et du Parti libéral qui prétendent s'opposer
à l'adoption de cet amendement.
Le Président (M. Brouillet>. Très bien. Mme la
députée de L'Acadie m'avait demandé la parole.
Mme Lavoie-Roux: Je renonce pour le moment à mon droit de
parole. Je le reprendrai tantôt.
Le Président (M. Brouillet): Sur le même point?
Mme Lavoie-Roux: Oui, parce que nous avons des amendements.
Le Président (M. Brouillet): Bon. Très bien. Alors,
qui demande la parole?
M. Ryan: M. le Président, je demande la parole.
Le Président (M. Brouillet): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, pour concrétiser la
conception que nous avons soumise, je voudrais vous apporter trois amendements,
trois projets d'amendement à l'article qui nous est
présenté par le gouvernement. Je vous les remettrai
tantôt...
Le Président (M. Brouillet): J'inviterais tous les membres
à écouter les trois projets d'amendement.
M. Ryan: ...je les ai par écrit ici. Je vous les remets
tout de suite après vous en avoir donné lecture. Si vous voulez,
je vais vous en donner lecture pour commencer.
Le Président (M. Brouillet): Très bien.
M. Ryan: Alors, premier alinéa de l'article 86.1,
première ligne, remplacer les mots "peut, par décret" par le mot
"doit". Deuxièmement, au sous-alinéa a, deuxième
ligne...
Le Président (M. Brouillet): Est-ce que c'est dans le
texte de loi ou non?
Mme Lavoie-Roux: Oui, oui, ce sont des corrections...
Le Président (M. Brouillet): Au texte de loi?
M. Ryan: ...à la dernière version qui nous a
été présentée par l'amendement du ministre.
Le Président (M. Brouillet): Ah bon!
C'est un amendement à l'amendement du ministre. C'est cela que je
veux savoir. Bon.
M. Ryan: Oui, oui, excepté que la première partie,
comme elle n'était pas dans l'amendement du ministre, je vous la donne
de mon cru.
Le Président (M. Brouillet): Très bien, c'est cela.
Je vous demande justement si la deuxième, c'est un amendement...
M. Ryan: Oui.
Le Président (M. Brouillet): ...à l'amendement du
ministre.
M. Ryan: Oui, c'est cela.
Le Président (M. Brouillet): Bon, on va prendre le texte
présenté par le ministre. Très bien.
M. Ryan: Alors, dans cet alinéa, laisser tomber tous les
mots venant après les mots "ailleurs au Canada".
Le Président (M. Brouillet): À partir de "ailleurs
au Canada" jusqu'au bout.
M. Ryan: Oui, après "ailleurs au Canada". "Ailleurs au
Canada" demeure.
Le Président (M. Brouillet): Point-virgule. "Ailleurs au
Canada" demeure, après...
M. Ryan: Oui, c'est cela. Ensuite, il y aurait le
sous-alinéa b. La dernière ligne serait modifiée comme
suit: après les mots "ou secondaire en anglais", on écrirait les
mots "ailleurs au Canada".
Le Président (M. Brouillet): Est-ce que je peux
répéter? À la place de "ou secondaire en anglais"...
M. Ryan: Après les mots "ou secondaire en anglais"...
Le Président (M. Brouillet): ...en anglais, oui.
M. Ryan: ...remplacer les mots "dans la province ou le territoire
indiqué dans le décret" par les mots "ailleurs au Canada". Ce qui
donnerait la lecture suivante, si vous me le permettez.
Le Président (M. Brouillet): Oui.
M. Ryan: Cela va être court. "Le gouvernement doit
autoriser généralement à recevoir l'enseignement en
anglais, à la demande de leur père et de leur mère: a)
"les enfants dont le père ou la mère
a reçu l'enseignement primaire en anglais ailleurs au Canada; b)
"les enfants dont le père ou la mère établit son domicile
au Québec et qui, lors de la dernière année scolaire ou
depuis le début de l'année scolaire en cours, ont reçu
l'enseignement primaire ou secondaire en anglais ailleurs au Canada." Et le
reste demeure tel quel.
Je pense qu'au moins vous aurez pour les dossiers de la commission une
version précise de la manière dont aurait pu s'inscrire dans le
texte de la loi la clause Canada.
M. Laurin: M. le Président, je m'opposerai à
ces...
Le Président (M. Brouillet): J'aimerais qu'on me remette
le texte, s'il vous plaît.
M. Laurin: Mais je peux vous dire tout de suite que je
m'opposerai à ces trois amendements parce que nous en avons
déjà disposé lorsque nous avons adopté l'article
73. C'est une réédition de l'article 73. Donc, cela aurait pour
effet de rendre nul l'article 73 et nous nous opposons à cette
réintroduction en catimini de la clause Canada.
Le Président (M. Brouillet): Bon, alors l'intervention du
député d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, je pense que les amendements
proposés sont parfaitement pertinents au contenu de l'article 86.1. Il
me semble que nous avons la liberté de modifier l'article 86.1. Comme la
clause Canada a été...
M. Laurin: Pas recevable.
M. Ryan: ...refusée par le gouvernement à propos
d'un autre article, cette fois-ci nous proposons des amendements qui auraient
pour effet de nous permettre de tenir compte de notre engagement dans le
contexte canadien. Je pense que c'est notre droit le plus strict de le
faire.
M. Laurin: M. le Président, je vous soumets, encore une
fois, que ces amendements ne sont pas recevables, puisque l'article constitue
une dérogation ou la négation même de l'article 73
déjà adopté. (17 h 15)
Le Président (M. Brouillet): Le débat en
deuxième lecture, qui était un débat sur les principes de
la loi, s'est fait, je crois, en présentant et en défendant la
clause Québec. Si on arrive avec un amendement qui, finalement, remet en
question cette clause pour y introduire la clause Canada, qui va à
l'encontre de l'un des principes de la loi, à ce moment-là, je
crois que ce n'est pas recevable comme amendement... M. Laurin: C'est
ça.
Le Président (M. Brouillet): ...étant donné
que ça remet en question un des principes qui a fait l'objet du
débat en deuxième lecture.
M. Laurin: C'est cela.
M. Lincoln: Pouvez-vous nous donner déjà votre
décision?
M. Laurin: II l'a donnée.
M. Lincoln: Excusez-moi, M. le ministre. Je pense que nous avons
le droit de nous exprimer. Vous, vous décidez que ça va
être tout de suite, soit, mais je pense que le président doit
donner aux gens le droit de s'exprimer.
Le Président (M. Brouillet): J'avais invité M. le
député d'Argenteuil à réagir sur ça.
M. Godin: M. le Président. Un point d'information.
Le Président (M. Brouillet): M. le ministre.
M. Godin: II ne s'agit, au fond, que de discuter sur la
recevabilité, au point où nous en sommes. C'est bien
ça?
Le Président (M. Brouillet): Oui.
M. Ryan: M. le Président, j'aimerais bien qu'on discute le
fond à ce moment.
Le Président (M. Brouillet): Non. Disons que nous en
sommes à la recevabilité de ces amendements et, à moins
que nous n'ayez de nouvelles raisons... Tout ce que j'ai dit, c'est que, dans
l'état actuel des choses, étant donné que le débat
en deuxième lecture s'est fait sur la clause Québec, qui est un
des principes de la loi - la clause Canada et la clause Québec touchent
à un des principes de la loi - je ne vois pas qu'aujourd'hui un
amendement qui remette en question la clause Québec en faveur de la
clause Canada soit recevable. Ce n'est pas un amendement qui soit recevable,
parce que ça va toucher à un des principes mêmes de la
loi.
M. Ryan: Me permettez-vous une observation, M. le
Président?
Le Président (M. Brouillet): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: J'accepte votre décision, quitte pour mes
collègues à faire valoir
certains aspects du problème, s'ils le veulent. J'accepte votre
décision sans discuter, sauf -et vu que vous reliez ça au
débat qui a eu lieu en deuxième lecture - que je ne voudrais pas
que vous la mainteniez, si c'est possible. Plus tôt, dans les travaux de
cette commission, nous avons déjà présenté des
amendements que vous jugez être semblables à ceux qui sont
présentés aujourd'hui quant à leur contenu. Cela, je
l'accepte. Je ne voudrais pas que vous nous laissiez entendre que, parce qu'on
a soutenu tel point de vue en deuxième lecture qui a été
défait, on n'aura pas le droit d'apporter d'amendements ici.
Le Président (M. Brouillet): On peut apporter des
amendements sur des accommodements nouveaux, des modifications nouvelles, pour
autant qu'on ne remette pas en question ce qui peut être
considéré comme un principe, un des principes de fond de la loi.
Je trouve que la question de la clause Québec ou de la clause Canada est
une question qui touche le principe de la loi.
M. Ryan: Si vous me permettez, l'article 86.1, c'est une version
de la clause Canada, c'est une version péquiste de la clause Canada,
mais on est en plein dans la clause Canada, on n'est plus dans la clause
Québec. La clause Québec a été réglée
à l'article précédent quand on a discuté des
modifications que nous avons présentées à l'article 73.
Là, on est dans la clause Canada. Dans ce sens, je crois même
devoir vous demander si nous ne sommes pas parfaitement fondés de faire
ce que nous faisons.
M. Lincoln: C'est exactement le point que je voulais soulever
avant que vous ayez rendu votre décision, parce que je vous ai entendu
demander au ministre s'il y avait une différence entre la clause
Québec et la clause Canada, et il a dit oui. En fait, cela n'a rien
à faire avec la clause Québec. Si vous lisez bien le mot à
mot de l'amendement proposé par le ministre lui-même, il dit: "les
enfants dont le père ou la mère a reçu la majeure partie
de son enseignement primaire en anglais ailleurs au Canada". C'est la clause
Canada, en fait, dont on parle. Ce n'est pas la clause Québec.
Ce qui arrive ici, c'est que c'est la clause Canada. La seule
différence avec la clause Canada, c'est que celle du Québec
exprime un principe de réciprocité et une formule quelconque de
réciprocité. L'amendement de mon collègue d'Argenteuil est
dans le sens de biffer la mention de réciprocité. Donc ce n'est
pas du tout la même chose.
Je m'excuse. Si vous avez basé votre décision sur la
différence entre la clause
Québec et la clause Canada, votre décision ne tient pas
debout, parce que la clause Canada n'a rien à voir avec la clause
Québec. La clause Québec veut dire que les seuls enfants qui sont
admis à l'école sont justement ceux dont les parents ont
reçu l'éducation anglaise au Québec, tandis que là,
le mot à mot même le dit: en anglais ailleurs au Canada.
La seule chose que l'amendement du député d'Argenteuil
vient faire, c'est de biffer le principe de réciprocité qui est
établi selon l'appréciation du gouvernement et qui est, selon
lui, une question arbitraire. C'est ça qu'il a voulu dire.
Le Président (M. Brouillet): Là, vous venez
justement de m'ouvrir une porte en disant que vous remettez justement en
question, par l'amendement, le principe de la réciprocité
adopté par le gouvernement. On voit tout de suite que votre proposition
touche au principe, au principe de la réciprocité. Alors,
à ce moment-là...
M. Lincoln: Tout de même, si vous partez...
Le Président (M. Brouillet): Je crois que vous pouvez
très bien apporter des amendements dans le cadre du principe de la
réciprocité. Cela serait admissible. Mais si votre amendement
remet en question le principe de la réciprocité, il ne devient
plus admissible.
M. Lincoln: M. le Président, je m'excuse, il me semble que
vous allez bien loin dans le cadre du principe. À ce moment-là,
pour tous les amendements qui ont été suggérés, on
pourrait démontrer qu'ils vont à l'encontre d'un principe que
vous situez comme fondamental.
Le Président (M. Brouillet): Écoutez, je crois que
le principe de la réciprocité est fondamental. Cela a fait
l'objet de débats depuis des années et des années. Le
principe de la réciprocité, c'est quelque chose de "principiel",
ce n'est pas une question de modalité. M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Je suis tout à fait d'accord avec vous. Le
principe de la réciprocité est très important. Or,
justement, ce que nous proposons, c'est la réciprocité à
l'état pur, tandis que ce qui est dans le projet de loi gouvernemental,
c'est la réciprocité à l'état dilué. Je
pense qu'on est tout à fait dans le même ordre de
considérations. Ce qui est proposé par les amendements
suggérés, c'est de la réciprocité, c'est une
réciprocité canadienne au sens le plus simple, le plus vrai, le
plus concret du terme, tandis que l'autre est une réciprocité
réglementaire...
Mme Lavoie-Roux: Sur mesure.
M. Ryan: ...sur mesure, discrétionnaire, etc. Je pense
qu'on est en plein dans le même ordre de préoccupations, vous et
nous.
Une voix: M. le Président...
Le Président (M. Brouillet): Écoutez, je pense que
le principe de la réciprocité tel qu'on l'entend, c'est un
principe qui dit que, si une autre province accorde telle chose, nous accordons
cette même chose. C'est ce qu'on entend par le principe de la
réciprocité.
M. Godin: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Brouillet): Et la chose en question qu'on
accorde, c'est le droit ou la possibilité de recevoir l'enseignement en
anglais ou en français.
M. Godin: M. le Président, une demande de directive. Je
pense que votre décision a été rendue, si je ne
m'abuse.
Le Président (M. Brouillet): Disons que ma
décision, au début, s'appuyait sur le principe clause
Québec par rapport à clause Canada. Effectivement, il y a dans le
projet de loi quelque chose d'autre que la clause Québec. C'est
plutôt le principe de la réciprocité. C'est pour cela que
j'ai pris le soin d'entendre l'Opposition qui m'a dit que, finalement, ce n'est
pas le principe de la clause Québec qui est en jeu. Effectivement, c'est
le principe de la réciprocité, je le reconnais.
M. Laurin: Et aussi...
Le Président (M. Brouillet): Mais cela reste un principe
et, comme M. le député de Nelligan l'a très bien dit,
l'amendement allait à l'encontre ou s'en prenait au principe de la
réciprocité.
Une voix: Ah bon!
Le Président (M. Brouillet): Donc, on est encore au niveau
d'une question de principe.
M. Ryan: C'est de la réciprocité. Une voix:
En sus, M. le Président...
M. Lincoln: Non, non, excusez-moi. Ce que j'ai dit, c'est qu'on
biffait le principe de la réciprocité, tel que c'est
formulé par le gouvernement de façon arbitraire et
discrétionnaire.
M. Godin: M. le Président...
M. Lincoln: Le fait même est que...
M. Godin: ...demande de directive. Si j'ai bien compris, votre
décision a été rendue et on peut argumenter pendant
plusieurs heures à savoir si elle est fondée ou non. On peut
jouer une sorte de partie de ping-pong d'arguments de part et d'autre, mais je
pense qu'elle est rendue. À moins que le règlement ne vous
autorise à revenir sur une décision rendue - ce que je ne crois
pas que vous puissiez faire de toute façon - on devrait passer à
un autre amendement.
M. Lincoln: M. le Président, j'ai une question de
règlement.
Le Président (M. Brouillet): S'il vous plaît, s'il
vous plaît! Je me réserve le droit d'intervenir brièvement
pour y mettre un terme. Étant donné qu'on m'a fait valoir un
point, que ce n'était plus exclusivement la clause Québec qui
était jeu, mais bien le principe de la réciprocité, je me
suis permis d'écouter. Après avoir entendu tout ce qui s'est dit,
je maintiens encore que ce qui est proposé remet en question ce qu'on a
communément l'habitude d'entendre par le principe de la
réciprocité, dans le cas de la langue d'enseignement. Donc, sur
ce plan, ce n'est pas recevable.
M. Lincoln: M. le Président, est-ce que je peux vous poser
une question? Pourquoi êtes-vous si désireux de rendre des
décisions tellement vite, avant que les gens en discutent? Par exemple,
la première décision que vous avez rendue, cela a
été après une petite discussion avec le ministre, en
aparté, où il vous a dit que c'était la clause
Québec contre la clause Canada, ce qui était faux. Là,
nous avons démontré que c'était faux. Vous avez rendu une
première décision sur la base d'un argument qui n'était
pas valable.
Maintenant, vous parlez du principe de la réciprocité sans
nous donner l'occasion de nous exprimer là-dessus avant de rendre votre
décision. Ce qu'on veut dire...
Le Président (M. Brouillet): Non, non, je...
M. Lincoln: ...c'est que le principe de la
réciprocité n'est pas touché en soi, parce que la
constitution canadienne oblige les autres provinces à donner la
réciprocité, par la constitution même, par une loi
constitutionnelle; elles n'ont pas le choix. La question, c'est: Comment la
réciprocité se fait-elle? Dans le principe énoncé,
ou la modalité, ou la façon de le faire énoncée par
le ministre dans son amendement, on dit que ce sera au Québec de
décider comment la réciprocité se fera par rapport aux
autres provinces. Notre argument est celui-ci: la réciprocité,
elles n'ont pas le choix, elles
sont obligés de l'offrir, selon la constitution canadienne. C'est
ce que nous disons. Ce n'est pas que le principe même de la
réciprocité soit attaqué, mais bien comment on
évalue cette réciprocité. On dit que la constitution
canadienne oblige déjà les provinces à donner la
réciprocité. C'est cela qui est le sens de l'argument du
député d'Argenteuil. Je pense que vous auriez dû nous
écouter avant de rendre une décision très hâtive, il
me semble.
M. Godin: M. le Président, je n'accepte pas l'affirmation
de mon collègue de Nelligan qui dit que vous ne l'avez pas
écouté. Vous avez écouté son collègue
d'Argenteuil pendant de longues minutes, en l'absence du député
de Nelligan. C'est peut-être cela qui lui donne à penser
que...
M. Lincoln: Ce n'est pas vrai, j'étais là
dès le début.
Mme Lavoie-Roux: M. le ministre était assis en
arrière, il n'a pas eu connaissance de tout.
M. Godin: Excusez-moi, je suis revenu à l'instant
où la question de l'amendement de mon collègue d'Argenteuil a
été déposée. J'étais assis ici, ma
chère madame, ma chère collègue.
M. Lincoln: J'étais là tout ce temps depuis le
début.
M. Godin: Excusez-moi, je vous avais perdu de vue.
Le Président (M. Brouillet): S'il vous plaît! M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Je voudrais simplement corriger ce qu'a dit le ministre.
J'ai parlé assez longuement sur l'amendement proposé par le
ministre de l'Éducation, mais sur mon amendement, je n'ai pas encore
parlé, parce qu'il a été déclaré
tantôt peut-être irrecevable. Je n'ai pas eu le temps d'en faire la
démonstration.
Le Président (M. Brouillet): M. le député de
Fabre.
M. Leduc (Fabre): II me semble que l'argumentation de
l'Opposition devrait reposer sur le fait que l'amendement du
député d'Argenteuil ne vient pas en contradiction avec l'article
73 que nous avons adopté. J'aimerais, il me semble, pour la commission,
qu'on fasse cette démonstration; vous ne l'avez pas faite. Tels que
compris, vos amendements viennent en contradiction flagrante avec ce que nous
avons adopté à l'article 73.
Une voix: L'article 11.1.
M. Leduc (Fabre): Si nous adoptions les amendements du
député d'Argenteuil, M. le Président, on aurait un
sérieux problème de cohérence dans notre loi, il me
semble, à moins que M. le député...
Le Président (M. Brouillet): Parlez donc, s'il vous
plaît, des articles de la présente loi plutôt que de la loi
qu'on modifie parce que là, on ne se retrouve pas! C'est 11.1?
M. Leduc (Fabre): L'article 11.1 qui, en fait, nous ramène
à l'article 73 de la charte qui...
Le Président (M. Brouillet): C'est un amendement
que...
M. Leduc (Fabre): ...établit les conditions selon
lesquelles les enfants peuvent recevoir l'enseignement en anglais, à la
demande de leurs père et mère. Il me semble que les principes de
base sont établis à l'article 73 ou à l'article 11 de la
loi 57 et les amendements du député d'Argenteuil viennent en
contradiction avec ces principes, il me semble, en tout cas, tel que je les
comprends, à moins qu'il ne puisse faire la démonstration que
cela ne vient pas contredire ce que nous avons déjà
adopté.
Le Président (M. Brouillet): Alors, cet amendement 11.1,
que je n'avais pas et je n'étais pas président quand cela a
été voté, vous m'apprenez que cela a été
voté. J'en prends connaissance...
M. Ryan: M. le Président.
Le Président (M. Brouillet): Oui. Une minute, s'il vous
plaît, je vais prendre connaissance de ce texte!
Dans le b de cet amendement, on lit: les enfants dont le père ou
la mère est domicilié(e) au Québec, et a reçu, hors
du Québec, un enseignement primaire en anglais pourvu que cet
enseignement constitue la majeure partie de l'enseignement primaire reçu
hors du Québec.
M. Ryan: De quoi traitez-vous, M. le Président?
Le Président (M. Brouillet): Je suis en train de voir un
peu l'article 11.1 qui a été adopté. Je dois vous dire
que, n'ayant pas l'article 13 sous les yeux, je ne vois pas très bien...
On ne fait pas mention dans cet amendement des provinces qui accorderaient
à la minorité des services équivalant à ceux qu'on
accorde au Québec aux anglophones.
M. Ryan: M. le Président.
Le Président (M. Brouillet): Oui, M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: De quel amendement s'agit-il, si je ne suis pas
indiscret? (17 h 30)
Le Président (M. Brouillet): C'est l'amendement qui
consistait à insérer l'article 11.1...
M. Ryan: Qui est déjà adopté?
M. Leduc (Fabre): ...la clause Québec.
Mme Lavoie-Roux: C'est cela, et la clause Canada.
M. Ryan: C'est ça.
M. Leduc (Fabre): II me semble qu'on discute de la clause Canada.
Il y a contradiction. On ne peut pas adopter les deux.
M. Ryan: II y a complémentarité. Il n'y a pas
contradiction.
M. Laurin: Bien non, il y a contradiction!
Une voix: Négation.
Le Président (M. Brouillet): Étant donné
que...
Mme Lavoie-Roux: Évidemment, pour eux, il y a
contradiction parce qu'ils ne peuvent pas vivre à la fois au
Québec et au Canada.
Le Président (M. Brouillet): Quand je lis l'article 11.1,
l'amendement 11.1, il semble être question de la clause Québec. Je
le lis dans les deux amendements. On fait allusion exclusivement à ceux
qui ont reçu l'enseignement primaire en anglais hors du Québec...
Écoutez...
M. Ryan: M. le Président.
Le Président (M. Brouillet): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, nous allons faire une chose.
Nous allons retirer cet amendement pour l'instant.
Mme Lavoie-Roux: Pour vous enlever vos problèmes de
conscience, M. le Président.
M. Ryan: Quitte, peut-être un peu plus tard, à vous
en soumettre un autre auquel vous ne sauriez, j'en suis sûr, avoir
d'objection.
Le Président (M. Brouillet): Nous verrons cela à
l'époque.
M. Ryan: Pour l'instant, nous préférons continuer
à discuter sur le fond du problème soulevé par
l'amendement gouvernemental. Si ça vous libère qu'on laisse
ça de côté pour l'instant, nous le faisons volontiers.
Le Président (M. Brouillet): Très bien; alors,
reprenons et laissons de côté ces propositions. Nous revenons sur
le débat à partir de l'amendement présenté par le
ministre.
Mme Lavoie-Roux: Pouvez-vous me redonner mon droit de parole?
Le Président (M. Brouillet): Mme la députée
de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. J'écoutais
le ministre de l'Éducation tout à l'heure et j'avais l'impression
qu'on était retournés à la loi 101 quand, pendant de
longues heures et peut-être même des journées, on avait
discuté de la clause Québec et de la clause Canada. J'essaie de
comprendre les motifs du gouvernement, en particulier du ministre, de s'opposer
à une libéralisation de la clause Canada, dans le sens de la
clause Canada.
Peut-être qu'en rétrospective, même si toutes les
statistiques qui avaient été montrées à ce
moment-là n'indiquaient pas les craintes que le gouvernement entretenait
quant à la possibilité ou au danger du français
d'être, au Québec, englouti si on mettait la clause Canada, il y
avait une partie d'inconnue à ce moment-là.
Aujourd'hui, il n'y en a plus. Toutes les statistiques et toutes les
études ont été faites. Sans doute le ministre s'est-il
rabattu, au moment de la commission parlementaire, sur le fait qu'à la
Commission des écoles catholiques de Montréal, le nombre
d'élèves avait diminué plus rapidement qu'à la
Commission des écoles protestantes. On sait fort bien qu'il y avait des
facteurs, tel l'exode vers les banlieues, qui avaient joué fortement. De
toute façon, maintenant, le groupe anglophone diminue plus
rapidement.
C'était fort connu, avant même qu'on parle de loi
linguistique, qu'il y aurait diminution dans les écoles francophones
plus rapidement que dans les écoles anglophones pour la bonne raison
qu'on sentait plus, du côté francophone, la baisse du taux de la
natalité qui ne se faisait pas sentir d'une façon aussi grande ou
aussi rapide du côté anglophone qui avait toujours eu des familles
avec un nombre moindre d'enfants. C'était un autre des facteurs, lors
des études démographiques, qui étaient
présentés. Les études avaient toujours indiqué que
le groupe francophone commencerait à diminuer plus
rapidement que le groupe anglophone. Je mets de côté le
facteur d'exode vers les banlieues qui a été vraiment un facteur
pour population francophone et qui a été presque nul chez la
population anglophone. En admettant même qu'en 1977 ces choses
étaient des craintes que le gouvernement pouvait entretenir,
aujourd'hui, les études démographiques indiquent que les
prévisions qui avaient été faites quant à la
diminution de la population anglophone ont été plus rapides que
tout ce qu'on avait prévu. Il y a les études, je ne les ai pas en
main, de l'INRS qui indiquent qu'on est déjà rendu à l'an
2000 quant aux prédictions qui avaient été faites eu
égard à la communauté anglophone.
Je pense que, de ce côté, permettre la clause Canada ne
mettrait aucunement en danger la population francophone au Québec. Les
études démographiques de M. Henripin, que personne n'a
contestées, indiquent également que la baisse a été
beaucoup plus rapide que prévue et qu'en l'an 2000 il ne se retrouvera
dans les écoles anglophones qu'entre 5% et 7% d'étudiants
anglophones, alors qu'en 1976, dans les écoles anglophones du
Québec, il y en avait environ 16%. Je n'ai pas le dixième exact,
mais c'était environ 16%. En l'an 2000, ils se retrouveraient entre 5%
et 7%, avec la clause Québec telle qu'elle est.
Je me souviendrai toujours - je vois le député de
Deux-Montagnes, qui s'en souviendra - quand on a commencé l'étude
de la loi 101, que le ministre de l'Éducation avait voulu diviser la
communauté anglophone entre ce qu'on appelait des gens d'origine
anglo-saxonne et ceux, dans son esprit, qu'il ne considérait pas comme
des purs et qui pouvaient être des gens qui s'étaient joints
à la communauté anglophone. Selon la différence qu'il
établissait, il arrivait à un pourcentage de 13% pour la
communauté anglophone. Aujourd'hui, la communauté anglophone est
rendue à 11%. Pourtant, quand on discutait de la loi 101, le ministre...
Lui, il ne m'écoute pas; de toute façon il n'écoute
jamais, parce qu'il ne faudrait surtout pas qu'il s'expose à vouloir
changer d'idée. À ce moment-là, le raisonnement du
ministre était: On ne veut pas faire disparaître la
communauté anglophone, on veut simplement la remettre dans des
proportions qui sont véritablement les siennes à
l'intérieur des écoles. C'était cela l'objet, et il
estimait à environ 13% la communauté anglophone. Là, ce
n'est plus remettre dans les écoles anglophones la portion
véritable d'anglophones, mais même la population anglophone, dans
son ensemble, diminue; je ne sais comment on les identifie, mais ceux que le
ministre appelait des anglophones purs. Alors, je ne vois vraiment pas ce que
la clause Canada, qui ouvrirait à quelques milliers d'enfants par
année... À peine, à peine.
M. Ryan: Quelques centaines.
Mme Lavoie-Roux: Quelques centaines. Si l'on tient compte des
soldes, compte tenu des migrations interprovinciales, je pense que cela ne
serait même pas un gain net, sauf qu'elle permettrait à la
communauté anglophone de diminuer moins rapidement que dans la situation
actuelle. Ce sont les faits et on ne peut plus parler, à ce moment-ci,
d'assurer la survie des francophones à Montréal ou des
écoles francophones à Montréal. Si la population diminue,
c'est un phénomène dû à la baisse de la
natalité et certainement pas à une intégration des
non-anglophones dans les écoles anglaises. Je pense que cette menace
n'existe plus et même la clause Canada, telle que prévue dans la
Loi constitutionnelle de 1982, ne créerait pas de nouveau ce danger. Il
pourrait y avoir danger, si une partie de... C'est quel volet?
M. Ryan: 23.-(1) (a).
Mme Lavoie-Roux: ...23.-(l) (a) était appliquée,
mais elle ne peut pas être appliquée sans le consentement de
l'Assemblée nationale. Si on pouvait entretenir des doutes,
peut-être légitimes en 1977, sur les dangers qu'une clause Canada
aurait pu présenter pour les francophones, il me semble que toutes les
statistiques, aujourd'hui, n'indiquent rien dans ce sens-là, bien au
contraire, et que ce n'est plus la conservation de la communauté
anglophone, mais son abaissement auquel on est rendu, ou sa diminution en
chiffres absolus.
Le deuxième argument. Le ministre - je l'ai entendu tout à
l'heure - nous a dit - il est fâché et c'est légitime - que
la loi constitutionnelle du pays a été adoptée en ne
tenant pas compte du Québec et que le Québec n'a pas pu la
signer. Cela, je pense que c'est un autre ordre de problèmes. C'est un
problème de relations fédérales-provinciales, c'est tout
le problème constitutionnel. Je pense que cela n'a rien à voir
avec les objectifs que la loi 101 - et, à ce moment-ci, la loi 57 - veut
poursuivre. C'est mêler, à mon point de vue, deux
problèmes.
Mon collègue d'Argenteuil a soulevé, quant à la
soi-disant clause de réciprocité qui apparaît à
l'article 15, beaucoup de questions. Il est fort évident que cette
clause de réciprocité, pratiquée selon les normes et les
règlements du ministre, va d'abord créer beaucoup d'arbitraire et
deuxièmement introduire des distorsions quant à savoir qui sera
admis à l'école anglaise. Alors que, dans le fond, la seule
raison pour envoyer un enfant à l'école anglaise, c'est que sa
langue, sa communauté
et sa culture sont anglaises. Que l'enfant vienne de la Saskatchewan ou
qu'il vienne de l'Alberta, pour autant qu'on reconnaisse le principe
d'appartenance au Canada, que les dangers d'assimilation n'existent plus, je me
dis: On tombe absolument dans l'arbitraire et vous allez trouver des
distorsions qui vont créer de l'injustice, il n'y a aucun doute
là-dessus, entre M. King qui arrive de Saskatchewan et M. Burns qui
arrive de l'Ontario ou du Nouveau-Brunswick. Vous allez créer de
nouvelles catégories de citoyens. On ne sait pas encore quelles seront
les mesures d'évaluation de cette réciprocité. On fait
confiance au ministre là-dessus. On est sûr que cela va être
très généreux.
M. le Président, pour toutes ces raisons, je pense que le
ministre ne répond véritablement pas au problème
réel. Et son discours est encore basé sur ceci - et je me
souviens de l'avoir dit en 1977 - Est-ce que notre notion de justice doit
être basée sur l'injustice qui a été commise ou qui
peut être encore commise dans d'autres provinces? Je pense que ce n'est
pas cela que les Québécois désirent quand ils demandent
que le français soit protégé au Québec, que des
mesures énergiques soient prises. Je pense qu'elles ont
été prises au moins par deux gouvernements. Le ministre, tout
simplement, a un objectif à long terme que je n'ai jamais compris,
quoique je l'aie toujours soupçonné un peu.
Pour toutes ces raisons, l'amendement présenté par le
ministre à l'article 15 me semble tout à fait inacceptable. On
peut même se demander pourquoi il l'a introduit. C'est vrai que cela est
un progrès parce que c'est un petit entrebâillement d'une porte.
Je serais de mauvaise foi de le nier. Mais les effets vont en être
insignifiants. Les problèmes qui pourront en résulter vont
peut-être être assez importants aussi. On se demande, vraiment,
quelle est la motivation du ministre, sinon d'essayer de se justifier dans
l'opinion publique en disant: Ce n'est pas qu'on veuille fermer la porte aux
anglophones des autres provinces, parce qu'il n'y a pas de raisons objectives
pour lesquelles on devrait la fermer, le nombre étant insignifiant et la
rapidité de la diminution anglophone étant telle qu'on se
retrouve même en bas des 13% que le ministre voulait atteindre en 1977.
Alors, c'est peut-être uniquement pour pouvoir se justifier aux yeux des
autres en disant: Bien, écoutez, si vous nous donniez cela, on vous
donnerait cela; et on entre dans un marchandage qui, de toute façon, va
être très difficile à régler. (17 h 45)
J'aimerais demander au ministre ce qu'il entend quand il dit: Ils
devront donner des services comparables dans les autres provinces pour que la
clause de réciprocité s'applique. Qu'est-ce que c'est, des
services comparables pour les francophones dans les autres provinces? C'est
basé sur quoi? Est-ce que le ministre pourrait nous donner une
indication de la signification qu'il donne à cette comparabilité
entre les provinces et le Québec?
M. Laurin: On verra quand les provinces auront adopté leur
loi à cet effet. On ne peut pas le dire tout de suite. Sauf pour le
Nouveau-Brunswick où on a déjà dit que c'était
accepté parce qu'ils n'ont pas la clause là où le nombre
le justifie et que les francophones ont le contrôle de leurs
écoles.
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Laurin: Donc, c'est clair.
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais écoutez, est-ce que comparable
voudrait dire, par exemple, que, dans une province... Je pense que, dans
l'Ontario ou au Nouveau-Brunswick, on aurait moins de difficultés
à s'entendre; c'est déjà fait pour le
Nouveau-Brunswick.
M. Laurin: L'Ontario n'a adopté encore aucune loi à
cet effet. C'est à venir.
Mme Lavoie-Roux: Oui, oui. Mais je pense qu'au point de vue
pratique, ils ont un nombre suffisant d'étudiants francophones pour
permettre, par exemple, qu'ils aient leurs institutions scolaires, qu'ils
donnent le cours élémentaire, le cours secondaire et même
au-delà de cela. Mais quand vous arrivez dans des provinces où la
population est tellement minime et dispersée, quels seront les termes de
comparabilité puisque les circonstances seront tellement
différentes, là où le nombre est tellement petit? Et je me
demande si, à ce moment-là, la comparabilité dont parle le
ministre sera encore possible. Même avec la meilleure volonté du
monde, si on pense à l'Île-du-Prince-Édouard ou si on pense
à la Colombie britannique, aux deux extrémités, où
les populations francophones sont très minces, on ne peut même pas
parler, à ce moment-là, de services très organisés
pour les francophones, en tout cas pas au moment où on se parle.
Alors, pour le moment, vous attendez que les provinces, dans le
fond...
M. Laurin: Imitent le Québec.
Mme Lavoie-Roux: ...imitent le Québec. Bien, il ne
faudrait pas que ce soit sur tous les points! Mais vous attendez qu'elles
appliquent la loi constitutionnelle quant aux services qu'elles offriront aux
enfants francophones venant du Québec. C'est cela?
M. Laurin: On verra.
Mme Lavoie-Roux: C'est plutôt vague.
Le Président (M. Brouillet): Le député de
Nelligan a demandé la parole.
M. Lincoln: M. le ministre, je pense que nous ne nous opposerons
pas au fait même de la réciprocité, mais plutôt
à l'arbitraire et au discrétionnaire que vous aurez de
décider qu'est-ce qui est réciproque selon vous. Par exemple,
pour continuer dans le sens de ma collègue de L'Acadie, si on parle de
l'Ontario, à la commission parlementaire qui a entendu des
mémoires sur la loi 101, nous avons posé la question à un
groupe de personnes dont la société, qui est une des plus grosses
sociétés dans l'industrie qui était concernée, a
transféré son siège social il y a bien des années
au Canada. Je me souviens bien que le vice-président, qui est en charge
de la région de Québec maintenant, nous disait que le
président-directeur général au siège social de
l'Ontario était un Québécois, qui vient en fait de la
région de Québec, que plusieurs des cadres voyageant entre le
Québec et l'Ontario sont transférables d'une place à
l'autre. Il nous a souligné lui-même que, dans le cas du
président-directeur général de la société
dont il parlait, qui venait de la ville de Québec, il n'y a eu aucun
problème pour l'éducation des enfants, à Toronto, en
français; qu'il n'y avait aucun problème pour tous les cadres qui
se dirigeaient vers Toronto. En fait, par coïncidence, je lisais, dans la
revue Commerce du 12 décembre 1983 un article dans lequel on citait
plusieurs cas de Québécois qui avaient été
transférés par leur entreprise justement en Ontario, surtout
à Toronto. Presque tous travaillent dans la région de Toronto et
aucun, semble-t-il, à ce que je me souvienne, n'a parlé de cas
problèmes pour envoyer leurs enfants à l'école
française s'ils le désiraient. Selon l'arbitraire, le
discrétionnaire que vous vous donnez à l'article 15, vous situez
cela par province. Il est un fait que la plupart des gens qui viennent, par
exemple, de l'Ontario, pour oeuvrer dans le secteur manufacturier ou industriel
au Québec, viennent de la région de Toronto et vont être
transférés dans des filiales des sièges sociaux qui sont
au Québec; ces gens viennent de régions urbaines, Ottawa et
surtout Toronto, peut-être Hamilton, où il y a des services en
français. Là, vous pénalisez toute une population parce
que vous jugez cela sur la base de la province elle-même.
Pourtant, dans la ville de Toronto, par exemple, qui va fournir la plus
grande partie des gens qui vont venir ici pour travailler dans les bureaux du
Québec, dans les sièges sociaux au Québec, dans les
industries au Québec, il est admis par tous les francophones qui y sont
allés qu'il n'y a aucun problème à se faire éduquer
même au niveau universitaire en Ontario. Ce que nous refusons d'admettre,
c'est cette espèce d'arbitraire ou de discrétionnaire que vous
vous donnez par l'alinéa de l'article 15 qui dit que, tant que Mme
Stephenson en Ontario n'aura pas adopté sa loi pour donner des services
équivalents, selon vous, à ceux du Québec, ces gens ne
seront pas admissibles selon la clause Canada modifiée que vous
proposez.
Pourtant, dans les faits, ce n'est pas ainsi. Les gens qui viennent ici
ou les Québécois qui vont à Toronto - 90% de ceux qui
iront à Toronto - en Ontario, vont trouver des services en
français là-bas. Vous savez que c'est ainsi. Cela a
été un témoignage en commission parlementaire sur la loi
101 et je ne pense pas que vous étiez présent, si tant est que
c'est le cas aujourd'hui. Comme je vous l'ai dit, la revue Commerce l'indique
tout à fait clairement. Vous avez cité la Suisse et la Belgique
comme exemples pour appuyer votre thèse. Je ne pense pas que la
Belgique, dans ce sens, soit un exemple réellement positif à nous
offrir parce que la Belgique souffre tellement de tous ces problèmes
linguistiques, de cloisonnements linguistiques tellement
étriqués, tellement rigides qu'aucun gouvernement ne peut tenir
le coup pendant plus d'un an ou six mois. Elle a changé de gouvernement
je ne sais pas combien de fois depuis la guerre et tout cela pour des questions
linguistiques. Elle ne réussit pas aujourd'hui à se
débrouiller. Peut-être que, pour la Suisse, vous auriez pu citer
le cas du canton de Fribourg au lieu du canton de Genève où les
politiques sont beaucoup plus libres. Il faudrait peut-être vous citer la
Charte des droits linguistiques du canton de Fribourg. Peut-être que cela
vaudrait la peine que vous la lisiez. Je peux la citer, si vous le voulez.
Le Président (M. Brouillet): Une minute, s'il vous
plaît. M. le député de Nelligan, le ministre aurait une
question.
M. Lincoln: Je suis tout à fait d'accord pour donner la
parole au ministre.
Le Président (M. Brouillet): Ce ne sera pas très
long. C'est quelques minutes. Vous aurez la parole par la suite.
M. Godin: Avant qu'il soit 18 heures, je solliciterais le
consentement de la commission - parce que cela doit être annoncé
avant qu'il soit 18 heures en Chambre - pour que nous puissions siéger
passé 18 heures, jusqu'à 20 heures.
M. Gratton: M. le Président...
Le Président (M. Brouillet):
M. le
député de Gatineau.
M. Gratton: Comme j'en ai informé le ministre tantôt
en aparté, je regrette beaucoup, mais nous avons un conseil des
députés de l'Opposition à 18 heures à la salle
81-A. Donc, il nous sera impossible de consentir. Merci.
Le Président (M. Brouillet): Très bien. M. le
député de Nelligan, vous pouvez poursuivre.
M. Lincoln: Je voudrais souligner au ministre que les exemples
qu'il donne de la Belgique ne sont pas les exemples les plus positifs qu'on
puisse trouver. Peut-être qu'il devrait nous donner des exemples de pays
qui, du point de vue linguistique, vivent dans l'harmonie la plus
complète et la plus positive. Ce n'est pas le cas en Belgique. J'ai
visité la Belgique bien souvent dans ma vie, pour aller y travailler et
faire des affaires, et le climat linguistique, là-bas, c'est presque un
climat d'affrontement. Au contraire, on est en train de diviser les
communautés. S'il y a un exemple qu'il ne faudrait pas donner, c'est
peut-être celui de la Belgique.
L'exemple de la Suisse, cela est tout à fait différent. Je
pense que la Suisse est beaucoup plus souple du point de vue linguistique. Tous
les Suisses que j'ai rencontrés dans ma vie sont des gens qui manient
plusieurs langues. Il y a de grandes possibilités pour ce qui est des
langues. Par exemple même si l'anglais n'est pas une langue officielle en
Suisse, sur les lignes aériennes suisses, vous allez toujours entendre
l'anglais de façon presque automatique. Et moi je peux parler du
ministre du canton de Fribourg qui a émis, justement, une charte de la
langue qui protège les droits minoritaires; c'est presque la
constitution de la langue du canton de Fribourg.
Je pense que ce que nous recherchons, c'est un principe
d'équité, qui ne se retrouve pas ici, où le ministre a la
discrétion d'aller faire une espèce d'appréciation
à lui de ce qu'une province ou une autre donne comme
réciprocité. On a le cas de l'Ontario, par exemple. Comme nous le
soulignons, ce n'est pas du tout un problème dans la pratique parce que,
dans la région de Toronto et les régions urbaines, comme Ottawa,
il n'y a pas de problème du tout pour les francophones pour se faire
servir en français et aller à l'école en
français.
Le Président (M. Brouillet): Le député
d'Argenteuil et, après, le...
M. Ryan: M. le Président...
M. Leduc (Fabre): Est-ce que je peux...
Le Président (M. Brouillet): Vous en avez le droit dans la
mesure où vous demandez le droit de parole.
M. Leduc (Fabre): Je l'ai demandé tantôt.
Le Président (M. Brouillet): Vous l'avez demandé
tantôt?
M. Leduc (Fabre): Ah oui!
M. Godin: Avec le principe de l'alternance, je pense qu'il
devrait parler.
M. Gratton: Oui, oui, d'accord.
Mme Lavoie-Roux: On n'a pas d'objection.
M. Ryan: Nous n'avons pas d'objection, M. le
Président.
Le Président (M. Brouillet): II faut s'assurer que je vous
vois et que c'est enregistré. Alors, M. le député de
Fabre, je m'excuse, il reste peu de temps...
M. Scowen: M. le Président, je suis encore sur votre
liste, n'est-ce pas?
Le Président (M. Brouillet): Oui, vous êtes
là. Il y avait le...
Mme Lavoie-Roux: Panne d'électricité, la
lumière s'en val
M. Gratton: Aussitôt qu'il met les pieds quelque part, la
noirceur arrive.
M. Leduc (Fabre): Est-ce qu'on va se rendre jusqu'à 6
heures, M. le Président?
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que les micros fonctionnent? Oui.
Une voix: Oui. M. Laurin: Ah oui!
Mme Lavoie-Roux: C'est pour épargner
l'électricité: C'est bien.
M. Leduc (Fabre): Je voudrais revenir, M. le Président, au
premier argument que nous a présenté la députée de
L'Acadie quand elle a dit que les statistiques démontrent que le fait
d'adopter la clause Canada ne nuirait pas, finalement...
Mme Lavoie-Roux: C'est ce que le président du Conseil de
la...
M. Leduc (Fabre): ...à la population. Mme Lavoie-Roux:
...langue française a
dit.
M. Leduc (Fabre): Mme la députée, je vais vous dire
que je ne mets pas en doute ce que vous dites.
Mme Lavoie-Roux: Ah bon!
M. Leduc (Fabre): Sauf que, s'il y a peu d'anglophones qui vont
se prévaloir de la clause Canada, je me demande pourquoi vous mettez
autant d'insistance à défendre cette clause. Cela, c'est la
première chose. S'il y en a aussi peu que vous le dites - vous
prétendez qu'il y en a quelques centaines -alors pourquoi mettre autant
l'accent sur la défense de la clause Canada?
Deuxièmement, je ne suis pas du tout certain que cela
n'affecterait pas gravement la région de Hull. Tant et aussi longtemps
qu'on n'aura pas d'assurance de ce côté-là, je pense qu'il
est préférable... Oui, mais vous n'avez pas avancé
l'idée d'un statut particulier pour Hull et je pense que cette
région mérite d'être considérée dans cette
discussion que nous avons autour de la clause Canada.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je m'excuse, est-ce que
le député voudrait que je réponde à sa
question?
M. Leduc (Fabre): Comme il reste peu de temps, madame, je n'ai
pas d'objection...
Mme Lavoie-Roux: Bien, j'y répondrai à la prochaine
rencontre.
M. Leduc (Fabre): D'accord. Le député d'Argenteuil
en a fait un peu une question de principe, comme s'il y avait une loi
universelle qui devait nous guider dans la décision que nous avons
à prendre. Le député de Nelligan a parlé, entre
autres, de la Suisse. Eh bien, la Suisse, précisément, est un
exemple intéressant. C'est vrai que cela varie d'un canton à
l'autre. Mais M. le député de Nelligan, je voudrais... M. le
Président, je m'adresse en particulier au député de
Nelligan qui a cité la Suisse. J'ai précisément un article
ici, qui a paru dans le Devoir: "La Suisse serait-elle moins
démocratique?" Ce sont des réflexions sur le jugement
Deschênes où on parle précisément du canton de
Zurich. On nous rappelle que le gouvernement cantonal a adopté en 1964
une décision obligeant tous les citoyens suisses qui ont pour langue
maternelle une langue autre que l'allemand et qui s'établissent de
façon permanente à Zurich, en provenance d'une autre
région du pays, à envoyer leurs enfants à l'école
allemande publique ou privée. C'est une décision du gouvernement
du canton de Zurich. Malgré le fait que les germanophones sont
généralement majoritaires en Suisse, il y a eu un recours par
lequel on demandait au conseil d'État de Zurich de se prononcer sur
cette décision du gouvernement. La Cour constitutionnelle de
l'État de Zurich, la Cour fédérale, a stipulé ce
qui suit: la Cour a reconnu que... (18 heures)
M. Lincoln: La Cour fédérale ou la Cour de Zurich?
Vous voulez dire à Berne?
M. Leduc (Fabre): La Cour fédérale, la Cour
constitutionnelle fédérale, ce qui s'appelle le tribunal
fédéral...
M. Lincoln: Cela, c'est à Berne.
M. Leduc (Fabre): ...a statué ceci, et je cite:
"L'extension et l'intégrité d'une région linguistique
peuvent être mises en danger par l'immigration de personnes d'expression
étrangère", et on a également dit que "ce danger ne peut
être endigué que si les immigrants s'assimilent linguistiquement".
Je cite la décision de la cour et ceci pour démontrer que le
jugement Deschênes n'est absolument pas une vérité
universelle, mais qu'on retrouve dans le monde des situations qui sont tout
à fait opposées à ce vers quoi nous conduit le jugement
Deschênes.
Il faut rappeler également que la plus haute cour du pays n'a pas
encore rendu sa décision et qu'il serait peut-être
intéressant de voir la décision que cette cour rendra si nous en
venons à adopter les amendements à la clause de
réciprocité qui sont actuellement devant nous.
Le Président (M. Brouillet): Très bien. Je dois
immédiatement ajourner les travaux. Je crois que nous n'avons pas
été prévus pour ce soir. Non?
Une voix: Non.
Le Président (M. Brouillet): Alors, je dois ajourner les
travaux de cette commission sine die.
(Fin de la séance à 18 h 2)