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(Dix heures neuf minutes)
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission élue permanente des communautés culturelles
et de l'immigration se réunit afin de poursuivre l'audition des
mémoires et d'entendre tous les intervenants intéressés
par la Charte de la langue française.
Sont membres de cette commission: M. Ryan (Argenteuil), M. Paré
(Saint-Hyacinthe), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Fallu (Groulx), M.
Godin (Mercier), M. Gratton (Gatineau), Mme Lachapelle (Dorion), M. La-plante
(Bourassa), M. Leduc (Fabre), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Ciaccia
(Mont-Royal).
Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Sirros (Laurier),
M. Brouil-let (Chauveau), M. Payne (Vachon), M. Gauthier (Roberval), Mme Bacon
(Chomedey), M. Martel (Richelieu), M. Marx (D'Arcy McGee), M. Fortier
(Outremont), M. Vaugeois (Trois-Rivières).
Oui, M. le député de Laurier?
M. Sirros: C'est pour vous aider dans la prononciation de mon
nom, M. le Président. Ce n'est pas "Xerox", c'est Sirros. Cela fait une
semaine que je me retiens.
Le Président (M. Gagnon): Vous auriez dû me le faire
savoir plus tôt. Merci beaucoup.
M. Godin: M. le Président...
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Godin: ...est-ce que je peux demander que soit ajouté,
comme intervenant, le nom de mon collègue, le député de
Bourget et ministre de l'Éducation, M. Camille Laurin?
Le Président (M. Gagnon): Oui.
M. Gratton: II n'y a pas de problème, M. le
Président.
M. Godin: Alors, ceci étant dit, M. le Président,
avec l'accord de la commission, je vais laisser ma place à mon
collègue, le député de Bourget et ministre de
l'Éducation, pour l'avant-midi. D'accord, M. le Président?
Le Président (M. Gagnon): C'est d'accord? Oui, je
pense.
M. Godin: Merci.
Une voix: Est-ce qu'il y a consentement?
Le Président (M. Gagnon): Il y a consentement.
L'ordre du jour, ce matin, est le suivant. Nous recevrons la Commission
des écoles protestantes du Grand Montréal, l'Association des
directeurs généraux des commissions scolaires protestantes du
Québec, The Provincial Association of Catholic Teachers, The Voice of
English Québec, la Centrale de l'enseignement du Québec et le
Groupe d'action municipale.
J'aimerais inviter immédiatement le premier groupe à
prendre place à la table, c'est-à-dire la Commission des
écoles protestantes du Grand Montréal. En vous souhaitant la
bienvenue, je vous demanderais, s'il vous plaît, de présenter les
gens qui vous accompagnent, M. Butler.
Commission des écoles protestantes du Grand
Montréal
M. Butler (Alan): Mr. President, Mr. Minister, Members of the
parliamentary commission, may I introduce, first, the representatives of the
Protestant School Board of Greater Montreal who are with me here today.
Starting on the right is Mr. Tom Blacklock, our responsible member for planning
and our expert on enrolment figures; next are Dr Lawrence Patterson, my
vice-chairman, Mr. Marcel Fox, my director general, and Mr. Ron Paterson, the
Board's coordinator of communications.
I will begin by saying that the brief which we have submitted, as its
name implies, is brief, direct and precise. Its aim is to be objective,
positive and sincere. It has three distinct parts and it deals respectively
with our demographic problems, the human and pedagogical problems inherent in
our school system and our administrative problems, all stemming from the strict
and rigid implementation of the Charter of the French language.
The merits of the Charter of the French language are put in doubt
through the intransigeant nature of the rules, regulations, directives and
instructions resorted to in
order to insure its implementation. The demographic statistical data
submitted speak for themselves. They confirm what we have always stated, namely
that the English-speaking school population is decreasing drastically, much
more drastically than the French-speaking school population. The rate of
decrease in the enrolment of the English language school sector has doubled
since the implementation of the linguistic laws in the Province of
Québec.
When The Protestant School Board of Greater Montreal first released its
demographic data, several years ago, predicting a strong decline in enrolment
in the English language sector, we were laughed at and accused of being
defeatist. Opinions have changed since and today, our concern is beginning to
be shared by many. We believed in our figures then, we believe in them now, and
we continue to believe in them because they have proven to be extremely
accurate.
The future is of genuine concern to us. We are seeking remedies in order
to rectify the situation. It appears that many human and pedagogical problems
do arise; yet upon closer scruting, it could be concluded that many of them are
utterly unfounded. They could therefore be easily avoided if the Government
authorities would condencend to be more leniant, more flexible, less
intransigeant.
For the Government, the law is the law. It must be applied at all cost
and on the strength of this principle, it is indeed applied stringently and
most rigorously. Great care is taken by the Government not to appear
conciliatory in any way, because it is feared that any apparent sign of
goodwill will immediately be construed as being a sign of inherent
weakness.
In its objective, namely the promotion of the French language, the law
pursues a noble aim. However, it is ruthless in the manner in which it is being
presently implemented. Upon closer analysis of the human and pedagogical
problems resulting from the implementation of the law, some of which are
mentioned in our brief, one becomes aware that the promotion of the French
language, however worthy the cause, is in itself really sponsored in a spirit
of vengeance. It is felt that the implementation of the law is spiteful.
The purpose seems to be a wish to impose rather than to convince, a wish
to dominate rather than to cooperate. Thus, for instance, the concession
granted to the education sector to be able, in certain cases, to provide
instruction in the English language is spoiled by the strict requirements
imposed on those who would seek such instruction. The examples submitted in the
brief are explicit; they deserve to be studied. The amendments we propose are
reasonable; they deserve to be considered.
In the realm of school board administration, the effects of the law are
striking and damaging. They lead to organizational stress, affect adversely the
morale of the personnel and definitely cause decreased job satisfaction. The
administrative measures proposed for implementation are illogical and absurd in
many ways. It is useless to insist that correspondence exchange between
administrators who work in the school sector wherein the language of
instruction is English be in French even though, in most of the cases,
correspondence will have to be translated into English.
Is it really too much to ask that we be intrusted to fulfill the task
that we have been given to do? The Board's goal of graduating bilingual pupils
is being attained. The progress may appear slow, but it is a steady progress
based on an evolutionary human process of regeneration. We ask for certain
changes; we shall not abuse them. On the contrary, we will make use of them to
the best of our ability to achieve the purposes intended: a better
understanding of French culture and goodwill between the two linguistic
communities.
Mr. Fox will present, on our behalf, to you a series of amendments which
the Board proposes for your consideration.
M. Fox (Marcel): Merci, M. Butler. Vous avez tous reçu le
mémoire que nous avons soumis. Je n'insisterai pas sur la partie A, bien
que je sache d'avance qu'il y aura beaucoup de questions là-dessus
après. J'aborderai la section B en vous signalant quelques-uns des
amendements que nous aimerions voir apporter à la loi. Je n'en souligne
que quelques-uns pour ne pas retarder la présentation, mais je vous
indique que tous les amendements proposés sont d'égale importance
à notre avis.
Le premier amendement proposé est à la page 8. Il est
recommandé que la loi 101 soit modifiée afin d'accorder le droit
à l'enseignement en anglais à tous les enfants dont les parents
étaient domiciliés au Québec le 26 août 1977, date
d'entrée en vigueur de la loi 101, quelle que soit la langue dans
laquelle ceux-ci avaient accompli leur scolarité.
Le deuxième amendement proposé serait que la loi 101
devrait être modifiée de façon à permettre à
tout élève, arrivé au Québec après le 26
août 1977, de recevoir l'enseignement en anglais si la majeure partie ou
une grande partie de sa scolarité ou de celle de ses parents s'est
déroulée en anglais.
Le troisième amendement proposé serait que la loi 101
devrait être modifiée de façon à permettre la prise
en compte de l'enseignement secondaire, aussi bien que de l'enseignement
primaire pour déterminer si la majeure partie ou une grande partie de
la
scolarité d'un élève ou de ses parents a
été accomplie en anglais.
Je passe à la page 10 en vous demandant de regarder le premier
amendement sur cette page. Il faudrait ajouter à la loi un article
permettant aux frères et soeurs des enfants présentant des
difficultés d'apprentissage ou des enfants qui se trouvent dans des
situations particulièrement difficiles d'obtenir des certificats
d'admissibilité, ceci afin d'éviter de diviser certaines
familles.
Le deuxième amendement sur la même page: la loi devrait
être modifiée pour permettre d'interjeter appel dans tous les cas.
Ceci ne se fait pas en ce moment.
Le troisième amendement: pas d'appel autorisé en cas de
délai exagéré du ministère ou du refus de prendre
une décision. La loi devrait être modifiée afin de
permettre aux parents faisant appel d'une décision du ministère
de se faire entendre s'ils le désirent. L'audition des parents devrait
avoir lieu dans la circonscription judiciaire dont ils relèvent. Ils
n'ont pas le droit d'appel à l'appel.
Je m'en vais au bas de la page 11. L'amendement qui y est proposé
se lit: La loi 101 devrait être modifiée de façon à
ce que tout élève fréquentant une institution relevant du
ministère des Affaires sociales, en raison de problèmes graves ou
d'infirmité, devrait être exempté des exigences de la loi
101 et ne devrait pas être astreint à faire une demande de
certificat d'admissibilité.
Je tourne à la page 14 tout de suite et vous indique le dernier
amendement que je souligne particulièrement: La loi devrait être
modifiée pour permettre à un organisme scolaire d'être
remboursé de tous les frais entraînés directement ou
indirectement par l'application des dispositions de la loi 101.
Avec ceci, j'aborderai la section C en vous donnant, là aussi, un
résumé puisque je suppose que vous avez tous lu le mémoire
et que je n'ai pas besoin de lire tout le texte. En ce qui concerne la
correspondance, je pourrai résumer cela comme suit: nous demandons plus
de latitude quant à la langue à utiliser dans la correspondance
administrative.
En ce qui concerne les procès-verbaux et autres documents, chaque
fois que ce sera requis nous ferons la correspondance en français. Les
procès-verbaux, les extraits, les résolutions, les documents
devraient pouvoir être soumis dans leur langue d'origine. Ceci est une
requête économique et non point une requête linguistique en
fin de compte. J'estime que, si la correspondance qui accompagne les documents
est en français et donne un résumé succinct de ce qui est
soumis, il est inutile de faire traduire tous les autres documents qu'on doit
joindre pour considération.
En ce qui concerne les inégalités financières, je
dirai simplement qu'il faudrait assurer l'allocation de fonds requis pour
répondre aux exigences légales imposées. Ceci est d'autant
plus vrai pour des organismes qui ont des budgets fixes et qui sont
financés par l'État sur le même pied que les autres
organismes auxquels ces exigences ne sont pas imposées.
Situation difficile des membres du personnel. Ceci est un chapitre
très douloureux, d'une part, car dans le secteur de la langue anglaise
il y a certainement le fait que la loi est source de tensions internes et ces
tensions internes affectent le moral du personnel et gâtent le goût
au travail. J'aimerais ajouter que nous réclamons plus de souplesse et
de liberté. Il est essentiel qu'un personnel anglophone soit à
même d'offrir des services en anglais à l'intérieur du
secteur anglophone chaque fois que leur besoin se fait sentir.
La compétence linguistique et la compétence
professionnelle - je ne vous dis rien de neuf - ne vont pas toujours de pair.
En cas de nécessité, un choix judicieux devrait pouvoir
s'exercer. Si la compétence professionnelle l'emporte sur la
compétence linguistique, il faudrait la prendre en considération,
ce que la loi ne permet pas pour le moment.
Un point très important qui a fait l'objet d'un échange de
correspondance entre moi et M. Godin sous bien des rapports, c'est le transport
scolaire. Je vous lis le passage que vous avez à la page 17: Pour des
mesures de sécurité, les conducteurs d'autobus dans le secteur
anglais doivent être capables de s'exprimer en anglais. Ceci est
particulièrement important dans le secteur de l'adaptation scolaire.
C'est surtout dans ce secteur que nous le demandons. La commission tient
à avoir l'assurance qu'elle a légalement le droit d'exiger - je
mets l'emphase sur exiger - des entrepreneurs que les chauffeurs d'autobus
scolaires dans le secteur anglais soient capables de s'exprimer en anglais.
Nous n'avons pas le droit de l'exiger, mais nous avons le droit de le demander.
Nous ne pouvons pas l'assurer.
Les inscriptions d'écriteaux et surtout l'identification des
écoles. Je dirais simplement que l'identification d'une école
reflète la langue de l'enseignement qui s'y donne.
En ce qui concerne les tests de l'Office de la langue française,
surtout pour les élèves, je crois qu'il y a des pourparlers en
cours à ce sujet. Pour nos élèves qui suivent des cours
intensifs de français, nous demandons, s'ils ont réussi leurs
examens finals, qu'ils soient exemptés du test de l'Office de la langue
française. En effet, si la compétence linguistique d'un
élève est reconnue et récompensée à juste
titre, cela ne fera qu'encourager l'étude du français comme
langue seconde dans le secteur anglophone.
J'aimerais donc conclure avec cela.
Nous sommes ouverts à la discussion.
Le Président (M. Brouillet): Merci. Je cède la
parole au ministre de l'Éducation, M. Camille Laurin.
M. Laurin: Merci, M. le Président. D'abord, bonjour au
CEPGM. Je suis très heureux de les voir à cette table. Leur
mémoire est, comme l'a dit le président, bref, direct et, en
dépit de sa brièveté, couvre un très grand nombre
de points dignes de questionnement et d'intérêt.
Évidemment, il est tellement large qu'il est difficile de commenter
chacun des quinze ou seize amendements proposés dont les uns couvrent
des matières législatives, d'autres des matières
réglementaires et d'autres des matières administratives.
Je peux, cependant, assurer la commission que non seulement le
mémoire qu'elle nous a présenté a été lu
avec attention, mais que nous continuerons à l'examiner pour
décider, sur chacun des points qui sont soulevés, les mesures les
plus aptes à atteindre les objectifs de la politique linguistique aussi
bien que nationale du Québec en ces matières. Je m'excuse
à l'avance si, dans mes commentaires, je ne peux pas couvrir toutes les
matières qui ont été abordées, mais ceci ne diminue
en rien l'attention et l'intérêt que nous continuerons à
apporter à l'étude de chacune des propositions qui nous sont
faites.
Comme d'habitude - cela se comprend -la CEPGM base une bonne partie de
ses propositions d'amendement sur la situation du secteur scolaire anglophone
et, en particulier, sur des données démographiques.
Évidemment, c'est une base absolument indispensable qu'on ne peut pas
négliger, car il faut partir des faits. Cependant, les données
démographiques qu'on nous présente aujourd'hui ne rejoignent pas
tout à fait les nôtres ou elles ne sont pas toujours mises dans
une perspective plus globale susceptible d'éclairer les données
démographiques particulières qu'on nous présente
aujourd'hui. (10 h 30)
Par exemple, la CEPGM fait état d'une baisse de 47,5% de ses
effectifs entre 1970-1971 et 1983-1984. Elle précise également
que, de 1966-1967 à 1975-1976, il y a eu une baisse de 22% et, de
1977-1978 à 1982-1983, une baisse de 30,3%. Cependant, si on met en
parallèle les réductions de clientèle à la CECM et
à la CEPGM, on a une vision un peu plus équilibrée des
choses. On constate, par exemple, que, de 1970-1971 à 1982-1983 il y a
eu une baisse de clientèle de 46,4% à la CEPGM, mais de 51,4%
à la CECM. Donc, la CECM a perdu beaucoup plus de clientèle avant
la loi 101. Elle en a perdu un peu moins depuis la loi 101, mais, sur 13 ans,
elle a perdu 5 points de plus que la CEPGM. On peut donc conclure que les
conséquences des pertes d'effectifs dont parle la CEPGM, en page 7, ne
lui sont pas propres. Comme elle, la CECM a dû réduire son
personnel enseignant, administratif, pédagogique et autre. Et les deux
commissions ont procédé à des fermetures
d'écoles.
Quant à l'avenir de la CEPGM, je pense qu'il y a ici des
comparaisons à faire qui peuvent être assez éclairantes.
Les effectifs de la CEPGM ont baissé de 35,3% lors des 6
premières années d'application de la loi 101, mais dans les 6
prochaines années - selon le rapport qui vient d'être
publié par le Conseil scolaire de l'île de Montréal - les
prévisions montrent une baisse de 20,2%; donc de 15% de moins qu'au
cours des 6 années antérieures. En chiffres absolus, cela ferait,
par exemple, une baisse d'effectifs, de 1976-1977 à 1982-1983, de 17 600
et, de 1982-1983 à 1988-1989, de 6600. Il est donc vrai de dire que la
CEPGM connaîtra un déclin supérieur à celui de la
CECM qui, elle, ne devrait perdre que 11,8% de ses effectifs d'ici 1988-1989.
Mais, pour l'ensemble de la période 1970-1971 à 1988-1989, les
deux plus importantes commissions scolaires du Québec auront connu les
mêmes pertes relatives, soit 57,3% à la CEPGM et 57,1% à la
CECM.
Je pense qu'il est important aussi de mettre en lumière la
composition des clientèles de la CEPGM. Par exemple, on sait qu'en
1982-1983 les langues maternelles des écoliers inscrits à la
CEPGM se répartissaient ainsi: les francophones 8,5, les anglophones
60,8 et les allophones 30,7. Donc, près de 4 écoliers sur 10
n'étaient pas de langue maternelle anglaise. Les statistiques
révèlent aussi que près de 80% des allophones que compte
le Québec étudiaient au secteur anglais, ce qui est, encore une
fois, une réverbération de la situation encore plus
marquée en ce sens qui existait en 1976 et qui faisait que la
minorité anglophone, tout en étant une minorité, avait un
pouvoir d'attraction de loin supérieur à la majorité
francophone. C'est, d'ailleurs, une des raisons fondamentales pour lesquelles
la charte du français a été instaurée et
particulièrement son chapitre VIII sur la langue de l'enseignement, pour
rétablir un équilibre en raison d'une situation qui
s'avérait de plus en plus désavantageuse, nocive, pour ne pas
dire dangereuse, pour le secteur francophone.
La baisse du secteur anglais est réelle, elle sera réelle
au cours des années qui viendront. Encore une fois, je tiens à
faire remarquer que la CECM a connu des déclins à peu près
identiques au cours des deux lustres qui viennent de s'écouler.
Sur cette base, il importe donc de réévaluer les
amendements qui nous sont proposés, particulièrement en ce qui
concerne leur teneur ou leurs répercussions démographiques. Je
n'entends pas, encore une fois,
prendre trop de temps de la commission pour faire une étude
détaillée en ce sens, mais je pourrais quand même dire que
les cinq premiers amendements qui nous sont proposés et qui s'appuient
sur les données démographiques en question aboutiraient à
réinstaurer une liberté de choix de la langue d'enseignement
quasi totale par toutes sortes de biais ou de mesures et ce, prenant effet
dès l'adoption de la Charte de la langue française en 1977.
Cela veut dire que, si nous acceptions ces amendements, nous effacerions
non pas complètement, mais en grande partie les effets que la loi 101 a
connus au cours des six dernières années. Sur la base des calculs
que nous avons faits, ceci aboutirait à retourner à
l'école anglaise, au moment où on se parle, près de 30 000
écoliers de plus que ceux qui s'y trouvent à l'heure actuelle, ce
qui aurait permis au secteur anglophone d'augmenter ses effectifs de
près de 15,1%. Il est difficile pour nous d'accepter un retour à
cette clause universelle, car c'est précisément le but que nous
poursuivions en 1977 de rétablir l'équilibre, comme je le disais
tout à l'heure, et surtout de faire que le français, langue
majoritaire au Québec, puisse acquérir davantage l'importance
qu'il aurait toujours dû avoir au Québec.
Les quatrième et cinquième propositions d'amendements qui
nous sont présentées sont aussi basées sur des
données démographiques, bien qu'elles touchent des cas plus
spécifiques comme les cas d'enfants en difficultés
d'apprentissage. Il nous semble, en tout cas, que, si nous acceptions les
quatrième et cinquième amendements qui portent sur ces sujets, on
n'ajouterait pas grand-chose, car les écoliers visés par ces deux
propositions se qualifieraient autrement à l'école anglaise
étant donné que les trois premières propositions donnent
le libre choix à tous les résidents, à tous les citoyens
qui vivaient au Québec au 26 août 1977 et à leurs
descendants. Encore une fois, c'est là une clause universelle des plus
larges possible.
Je ne veux pas m'étendre trop longuement là-dessus, mais,
pour le bénéfice des membres de la commission, M. le
Président, j'aimerais déposer cette étude
démographique que nous avons faite sur la base des propositions de la
Commission des écoles protestantes du Grand Montréal.
Le Président (M. Brouillet): Très bien.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce qu'on pourrait en avoir des copies, M. le
Président?
Le Président (M. Brouillet): Oui, nous allons faire faire
des photocopies et les distribuer aux membres de la commission.
M. Laurin: II y a d'autres amendements qui nous sont
proposés et qui appellent, je crois, d'autres commentaires. Par exemple,
on nous demande de modifier les tests que fait passer actuellement l'Office de
la langue française pour les professionnels qui veulent exercer au
Québec. Vous vous rappellerez, messieurs, que, dès l'adoption de
la loi en 1977, nous avions dit que les articles touchant ce sujet dans la loi
n'auraient qu'une existence temporaire. Nous avions voulu régler le
problème suivant: à l'époque, un bon nombre de
professionnels ayant fait leurs études dans les écoles, les
collèges ou les universités anglaises ne pouvaient pas "servir"
leurs clients en français, soit parce que le français n'avait pas
été enseigné d'une façon adéquate dans les
écoles ou parce qu'il n'était pas enseigné du tout dans
les collèges ou dans les universités, avec cette
conséquence que le droit incontestable des Québécois de
langue française, qui forment la majorité, à recevoir des
services professionnels en français n'était pas respecté.
Nous avions dit à l'époque: II faudrait que le secteur anglophone
augmente, améliore l'enseignement du français dans les
écoles anglaises en particulier, puisque c'est là un enseignement
de base. Nous avions dit que, lorsque des mesures auraient été
prises en ce sens et lorsque le Québec serait absolument assuré
que les professionnels diplômés de nos collèges et
universités du Québec pourraient adéquatement
répondre ou traiter les demandes de leur clientèle en
français, nous ne voyions aucune raison de maintenir cette obligation,
car l'objectif que nous visons est un objectif de droit, un objectif
démocratique et, une fois qu'il serait atteint, il n'y aurait plus de
raison de maintenir une exigence comme celle-là.
Je pense que nous avons fait beaucoup de progrès à cet
égard depuis six ans. L'enseignement du français s'est grandement
amélioré dans les écoles anglaises: d'abord, par les
programmes d'immersion primaire et d'immersion tardive dont M. Fox vient de
parler et aussi par une amélioration des programmes, puisque nous avons
révisé tous nos programmes de l'enseignement du français,
langue seconde; en raison aussi de l'intérêt que la population
anglophone prend de plus en plus à l'enseignement du français au
Québec; en raison également d'un mouvement de plus en plus
marqué de plusieurs parents anglophones qui ont décidé
d'inscrire leurs enfants à l'école française. Donc, je
pense que nous avons fait beaucoup de progrès en ce sens.
Incidemment, j'aimerais dire que nous avons fait la même chose du
côté francophone. Nous avons révisé tous les
programmes de l'enseignement de l'anglais, langue seconde et nous
espérons que ces améliorations feront en sorte que les
Québécois dans un proche avenir puissent maîtriser la
langue seconde, soit l'anglais
pour les francophones, soit le français pour les anglophones,
afin que les citoyens du Québec puissent connaître les deux
grandes langues qu'ils doivent connaître, celle de leur pays, le
Québec, et aussi celle du Canada, celle du continent. C'est là un
objectif sur lequel nous travaillons.
Avons-nous fait suffisamment de progrès pour que nous puissions
maintenant laisser tomber cette obligation que nous avions inscrite dans la
loi? Il y a des signes très positifs à cet égard et nous
sommes prêts à réexaminer la question et à prendre
des décisions appropriées à cet égard, que nous
pourrons annoncer dans un très proche avenir.
Quant aux autres amendements qui nous sont proposés, je voudrais
dire quelques mots sur ceux qui nous sont proposés pour les
élèves relevant du ministère des Affaires sociales,
c'est-à-dire les enfants qui souffrent de difficultés
d'apprentissage. Comme vous vous le rappelez, à la suite de demandes qui
nous avaient été faites à l'époque, nous avons
prévu une exemption pour les enfants qui souffrent de difficultés
d'apprentissage. Nous avons établi un règlement à cet
égard et les statistiques nous informent qu'un bon nombre
d'élèves en ont bénéficié, près de
2000, je crois. Est-ce qu'il y a lieu d'aller plus loin? Encore une fois, nous
allons examiner la question, mais je voudrais tout de même émettre
une remarque à cet effet. Il faudrait que le lien entre les
difficultés d'apprentissage que présente un enfant et
l'utilisation de la langue, anglaise dans le cas, soit peut-être mieux
établi que ce n'est le cas à l'heure actuelle. Autrement, il
faudrait en conclure que, dès qu'un enfant présente une
difficulté d'adaptation et d'apprentissage, cela constitue une raison
suffisante pour aller étudier à l'école anglaise. Cette
démonstration n'a pas toujours été faite dans les 2000 cas
qui ont été traités à l'heure actuelle. Il faudrait
peut-être prévoir, dans l'avenir, si nous modifions ce
règlement, qu'une adéquation soit mieux établie entre la
demande qui est faite d'aller au secteur anglais et la difficulté
d'apprentissage en question. Mais, encore une fois, nous pourrons
étudier cette question au mérite dans les semaines qui
viennent.
M. le Président, pour le moment, j'aimerais autant me limiter
à ces remarques. (10 h 45)
Le Président (M. Brouillet): Merci, M. le ministre.
J'inviterais le député d'Argenteuil à prendre la
parole.
M. Ryan: M. le Président, j'ai lu avec beaucoup
d'intérêt le mémoire préparé par la
Commission des écoles protestantes du Grand Montréal. C'est un
mémoire qui contient beaucoup d'indications précises sur des
aspects concrets de la loi 101 ayant donné lieu à des
difficultés d'interprétation et d'application ces
dernières années. Nous aurons l'occasion d'y revenir
tantôt. Il est opportun de souligner ce caractère très
pratique des considérations qui nous sont soumises par le Bureau des
écoles protestantes du Grand Montréal.
Avant de soulever des questions précises, je voudrais revenir
quelque peu sur les considérations que vient de faire le ministre au
sujet de l'évolution des effectifs dans le réseau scolaire de
l'agglomération de Montréal en particulier. Tantôt, le
ministre faisait des comparaisons: il partait des données du Bureau des
écoles protestantes du Grand Montréal; il le comparait avec la
Commission des écoles catholiques de Montréal. Mais ce ne sont
pas des réalités qu'on peut assimiler purement et simplement,
parce qu'il faut tenir compte des effectifs de langue française et de
langue anglaise dans chacun de ces deux organismes. Si on fait une analyse plus
minutieuse des données relatives à l'évolution des
dernières années, on n'est pas conduit aux constatations ou aux
conclusions qu'a voulu suggérer le ministre tantôt. J'ai fait des
calculs rapides, en écoutant le ministre parler, à partir d'un
document dont personne ne récusera la solidité et le
bien-fondé. C'est une étude qui a été faite par le
Conseil scolaire de l'île de Montréal sur l'évolution des
effectifs dans le réseau scolaire de Montréal au cours des treize
dernières années; l'étude est également
accompagnée de projections quant à l'évolution qu'on peut
prévoir pour les prochaines années.
Quand on regarde l'ensemble des données, je pense qu'il y a une
constatation qui s'impose avec force: il y a eu une diminution radicale des
effectifs étudiants dans les écoles de langue anglaise, tant
protestantes que catholiques. Au niveau primaire, au cours des dernières
années et en particulier au cours des trois dernières
années, l'évolution a été très
marquée dans le sens d'une diminution plus prononcée des
effectifs inscrits encore une fois aux écoles primaires de langue
anglaise, tant catholiques que protestantes, par comparaison avec les
écoles françaises. Je pense que c'est la donnée majeure
qui se dégage de l'évolution des dernières années.
On peut contourner cela par tous les moyens qu'on voudra, mais on ne pourra pas
changer ce fait de base.
Quand on regarde les perspectives d'avenir, je crois que nos
invités conviendront aussi que nous semblons devoir aller vers un
certain plateau de stabilité. Si je regarde les chiffres que nous
présente le Conseil scolaire de l'île de Montréal, je
constate qu'au cours des cinq prochaines années, il continuera de se
produire une chute assez accentuée des effectifs étudiants
dans les écoles de langue anglaise au niveau secondaire. C'est
assez compréhensible vu que les lois linguistiques ont commencé
à s'appliquer au niveau des entrées dans les écoles aux
niveaux préscolaire et primaire. Au cours des prochaines années,
la descente continuera dans les écoles secondaires. Par ailleurs, les
chiffres que j'ai colligés rapidement ce matin indiquent qu'au niveau
des écoles primaires, il semble que nous allions vers une certaine
stabilisation qui n'entraînerait pas tellement de différence au
cours des cinq prochaines années. On voit un plateau se profiler quelque
part, qui reste évidemment très bas par rapport à ce qu'on
a connu autrefois, mais il me semble que c'est une donnée dont on doit
tenir compte pour apprécier l'avenir.
Dans cette perspective, je voudrais vous dire, en ce qui touche les
premières recommandations contenues dans votre mémoire au sujet
des critères d'admission à l'école anglaise, je voudrais
vous rappeler que la position du Parti libéral du Québec
consiste, pour l'avenir immédiat, à favoriser l'application de la
clause Canada. Il nous semble que, au moins, l'application de la clause Canada
permettrait de respirer un peu. Toutes les études qui ont
été faites... Je pense que le ministre de l'Éducation a
dû prendre connaissance de l'étude du démographe
Paillé, faite pour l'Office de la langue française. Dans cette
étude, M. Paillé conclut que l'application de la clause Canada ne
comporterait aucun danger de mort ni même de recul pour le fait
français au Québec.
C'est le point sur lequel nous n'avons cessé d'insister au cours
des dernières années. Nous le faisons de nouveau ce matin; nous
le faisons chaque fois que nous en avons l'occasion finalement. Je voudrais
vous dire que cela, c'est notre position. Nous trouvons que si, au moins, cette
barrière était levée, cela permettrait d'envisager
l'addition d'un certain nombre d'effectifs chaque année qui viendraient
compenser relativement cette chute vraiment radicale. Quand on parle de chute,
c'est bien beau de faire des comparaisons, mais le gouvernement n'est
peut-être pas conscient des répercussions dramatiques que ces
changements ont parmi le personnel qui se consacre à l'éducation.
Nous en avons discuté amplement au cours de la dernière
année. Je crois que c'est souligné dans le mémoire du
bureau des écoles protestantes. C'est très important de se rendre
compte, si les choses continuent d'évoluer comme elles l'ont fait, que
le moral des institutions d'enseignement et du personnel qui se consacrent
professionnellement ou bénévolement à la gestion de la
chose scolaire sera extrêmement affecté, de manière
extrêmement préjudiciable aussi pour le bien de
l'éducation. Ce sont des considérations qui s'imposent et dont je
souhaite que le gouvernement voudra bien tenir compte.
Je voudrais vous poser une première question au sujet des
effectifs, pour que les choses soient bien claires, car cela n'est pas
indiqué très clairement dans votre mémoire. Pourriez-vous
nous indiquer où vous en êtes au point de vue des effectifs de
langue française et des effectifs de langue anglaise et nous indiquer la
courbe d'évolution qui a été suivie au cours des... Vous
prenez l'année 1970 comme base de comparaison. Où en
êtes-vous depuis lors au point de vue des effectifs français? Je
vais ajouter la deuxième question à ce sujet tout de suite.
J'aimerais que vous nous donniez des précisions sur les effectifs en ce
qui touche l'immersion française.
M. Fox: En ce qui concerne l'effectif du secteur français,
il est absolument à la hausse. Nous avons une augmentation dans le
secteur protestant de langue française. Vers 1970 - je le demanderais
à M. Blacklock - le chiffre total en français était de
974. Non? D'accord; Je vois. Je vous donnerai les chiffres et vous pourrez les
avoir en détail. Je me souviens très bien qu'en 1970, nous avions
au total moins de 1000 élèves dans le secteur secondaire et un
peu plus de 1000 élèves parmi les 1200 élèves dans
le secteur élémentaire, donc au primaire, comme nous le disons de
nos jours. Ceci fait à peu près 2000 élèves dans le
secteur français. De nos jours, nous avons 7000 élèves
dans le secteur français. Le nombre des écoles a augmenté
aussi. Nous avons sept écoles élémentaires de langue
française et deux écoles secondaires, maintenant, de langue
française.
L'augmentation cette année, dans le secteur de langue
française, était de 1200 élèves alors qu'il y avait
une diminution dans le secteur de langue anglaise.
M. Ryan: Pourriez-vous me donner la répartition? Parmi les
7000 élèves, combien sont au primaire et combien sont au
secondaire?
M. Fox: De nos jours? M. Ryan: Oui.
M. Fox: De nos jours, nous avons au primaire à peu
près 4900 élèves - comme je vous l'ai dit, on pourrait
vous transmettre ces chiffres exacts - et le reste des élèves
sont au secondaire, c'est-à-dire un peu plus de 5000
élèves.
M. Ryan: Et au primaire? Je m'excuse parce qu'il y a des chiffres
à la page 6 de votre mémoire, M. Fox.
M. Fox: Oui.
M. Ryan: Vous dites que les effectifs des écoles primaires
anglaises en 1983-1984 sont de 11 417, n'est-ce pas?
M. Fox: Oui, primaires anglaises. M. Ryan: Oui, c'est
cela. M. Fox: Oui.
M. Ryan: Et vous en auriez 4900 à vos écoles
primaires françaises.
M. Fox: Oui.
M. Ryan: Est-ce possible que vous ayez le tiers de vos
élèves au primaire qui seraient dorénavant dans des
classes françaises?
M. Fox: Ce sont là les effectifs des écoles
primaires anglaises.
M. Ryan: Oui.
M. Fox: 11 417.
M. Ryan: Oui. Et vous dites...
M. Fox: Et nous en avons à peu près 4900 dans le
secteur français.
M. Ryan: Cela veut dire que vous auriez le tiers de vos
élèves du niveau primaire qui seraient de langue
française.
M. Fox: Pour le moment, oui.
M. Ryan: Je pense que c'est une constatation majeure
à...
M. Fox: Nous avons une augmentation nette du côté
français, oui.
M. Ryan: Une constatation qu'il faut enregistrer et qui est
très importante. Par conséquent lorsque vous parlez de ces
choses, vous ne parlez pas seulement au nom d'une population étudiante
anglophone. Vous parlez de plus en plus au nom d'étudiants qui sont
aussi francophones, n'est-ce pas?
M. Fox: Oui. Et pour rester là-dessus, je pourrai vous
indiquer que, sur les 11 417, nous en avons à peu près 20% dans
l'immersion française.
M. Ryan: 20%.
M. Fox: 20% de ces 11 000 sont dans l'immersion française.
Nous considérons les élèves de l'immersion
française comme étant des élèves du secteur de
langue anglaise parce que l'immersion est considérée comme un
programme de langue seconde intensifié. N'oubliez pas que 20% de ces
élèves dans les trois premières années scolaires
reçoivent 100% d'instruction en français, de leur propre
choix.
M. Ryan: Juste une...
M. Fox: Je m'excuse. Une espèce de liberté de choix
à l'intérieur du secteur de langue anglaise.
M. Ryan: Juste une question. Une sous-question à propos de
l'immersion. Il m'est arrivé ces jours derniers de rencontrer des
éducateurs du secteur protestant. Certains qui oeuvrent dans le secteur
de l'immersion m'ont dit que cette partie de votre travail ne reçoit
pas, de la part du gouvernement, toute la reconnaissance et la
considération que vous souhaiteriez. Est-ce fondé?
M. Fox: Oui, c'est fondé. Nous ne recevons aucun fonds
spécial pour l'immersion. Nous avons l'immersion depuis 1967 et nous
n'avons jamais reçu de fonds spécial pour l'immersion, sauf en ce
qui concerne un fonds spécial de recherche qui est financé par le
ministère de l'Éducation de façon à étudier
l'impact que l'étude intensive de la langue seconde peut avoir sur la
langue maternelle. Mais c'est simplement un fonds de recherche qui
s'élève à environ 50 000 $ à 60 000 $ au cours de
certaines années; c'est plutôt donné pour le
développement professionnel. Nous n'avons jamais eu de
considération financière spéciale en ce qui concerne
l'implantation des programmes d'immersion.
M. Ryan: Je vais passer à d'autres aspects maintenant. Il
y a l'admission des enfants à l'école anglaise. Vous demandez des
élargissements à la loi. Je vous ai fait part tantôt de ma
réaction en ce qui concerne la clause Canada. Vous dites que vous avez
toutes sortes de difficultés, que les parents des élèves
qui voudraient être admis à l'école anglaise ont toutes
sortes de difficultés en ce qui concerne la reconnaissance des
études des parents en langue anglaise, par exemple. Pourriez-vous nous
donner quelques explications additionnelles là-dessus?
M. Fox: M. Ryan, vous devez vous rendre compte que certains de
ces parents... Je dirais que c'est une vraie course à l'obstacle pour
être admis dans le secteur de langue anglaise. Il fut un temps où
il était simple d'être admis à l'école. Vous
apportiez votre certificat de naissance ou votre bulletin d'immigration et on
vous inscrivait. On te disait: Tu vas dans cette classe et tu commences
à étudier. De nos jours, il faut le certificat de naissance, la
preuve de scolarité, des papiers qu'il faut chercher et que certains
parents ne peuvent produire.
Dans certains cas, il faut aller loin, regarder dans les archives. Je
vous mets au défi de me montrer votre bulletin de notes de la
première année scolaire. Moi, je ne l'ai plus. Dans certains cas,
il faut même produire ces documents pour pouvoir justifier une admission
à l'école anglaise. Je sais que c'est pour empêcher un
afflux trop fort - je comprends cela - mais tout se règle par
règlement et c'est ce qui est vexant. (11 heures)
M. Ryan: Si je comprends bien, vous demanderiez que les normes
devant régir l'admission des enfants à l'école anglaise
soient davantage définies dans la loi plutôt que les abandonner au
seul jugement discrétionnaire des bureaucrates et des hommes politiques
du gouvernement.
M. Fox: Que ce qu'il faut pour se présenter à
l'école soit clairement indiqué dans la loi, que ceci s'applique
à tout le monde, que la question soit réglée une fois pour
toutes. Si vous avez des règlements, des instructions, tout cela peut
changer et les interprétations mêmes des règlements peuvent
changer.
M. Ryan: Est-ce qu'il est arrivé des cas, à votre
connaissance, où des parents, à cause de toutes ces
difficultés bureaucratiques, se seraient vu à toutes fins utiles
infliger des délais ou même des dénis de justice?
M. Fox: Oui, je dirai des délais. Certains parents
étaient très frustrés du fait que le comité d'appel
a pris une décision sans même qu'ils sachent que leur cas serait
considéré, puisqu'ils n'ont pas le droit d'être
présents lors de la décision du cas. Naturellement, il y a
beaucoup de frustration. Il faut l'avoir vécu pour le comprendre. Je
dis, pour être honnête, que cela s'est amélioré de
beaucoup. Je vous dis pourquoi cela s'est amélioré de beaucoup.
Il nous a fallu créer un service des inscriptions à la commission
scolaire qui nous coûte de 80 000 $ à 100 000 $ par année
seulement pour rectifier et arranger toute la paperasse administrative qu'il
faut remplir.
Quand vous avez des parents ou un père de famille qui pleurent
dans votre bureau, ce n'est pas très rassurant, je peux vous le dire. Ce
sont surtout, dans bien des cas, des influences psychologiques. Si nous
revenons en arrière et que nous demandons qu'il y ait un effet
rétroactif, je vous dirai franchement que bien des parents ne
prendraient pas la liberté du choix dans ce cas et laisseraient leurs
enfants dans l'école où ils sont. Le seul fait d'avoir un
relâchement aurait des répercussions psychologiques salutaires
dans le milieu. Dans bien des cas, cela pourrait aussi régler certaines
questions des élèves illégaux qui existent encore.
M. Ryan: À propos de la commission d'appel, vous avez
plusieurs recommandations.
M. Fox: Oui.
M. Ryan: Je voudrais vous poser quelques questions. D'abord, il y
a eu de nouvelles nominations il y a quelque temps. Je pense que cela s'est
fait au cours de l'été - si mes souvenirs sont bons -
après des retards prolongés. Est-ce que vous aviez
été consultés au sujet de ces nominations? Est-ce que les
milieux d'enseignement protestants avaient été consultés
au sujet de ces nominations?
M. Fox: Pas que je sache.
M. Ryan: Est-ce que c'est le témoignage des autres membres
de la délégation?
M. Fox: Non.
M. Ryan: D'accord. J'ai entendu dire qu'au début de la
présente année scolaire, il y avait encore une accumulation de
cas qui n'avaient pas été tranchés par la commission
d'appel. On a parlé d'environ 200 cas. Normalement, pour qu'on se
comprenne bien, les parents vont faire l'inscription ou la tentative
d'inscription de l'élève vers les mois de février et mars.
À ce moment-là, s'ils sont refusés par le bureau
d'admission du gouvernement, ils ont un droit d'appel.
M. Fox: Oui.
M. Ryan: Est-ce que cela veut dire que, lorsqu'on parle de 200
cas, ce seraient des parents qui auraient soumis une demande d'admission
dès le printemps ou l'hiver dernier et qui se seraient retrouvés
au mois de septembre sans avoir de décision autre que celle du bureau
d'admission?
M. Fox: Oui.
M. Ryan: C'est cela que cela veut dire.
M. Fox: Oui, c'est cela. Les 200 cas ne concernent pas seulement
notre commission scolaire.
M. Ryan: C'est entendu.
M. Paterson (Ron): De temps en temps, cela prend jusqu'à
six mois pour régler les cas.
M. Ryan: Cela veut dire que l'année scolaire est
commencée à ce moment-là.
M. Paterson (Ron): Trois mois au
bureau et trois mois à l'appel.
Le Président (M. Brouillet): J'aimerais intervenir. Les
autres membres de la commission peuvent aussi s'exprimer quand cela leur
conviendra. C'est votre choix.
M. Ryan: Vous n'avez pas eu connaissance que le gouvernement ait
jamais défini des règles concernant la procédure à
suivre pour l'examen des cas d'appel. Il y a un article de la loi, qui est
l'article 80, qui donne au gouvernement le pouvoir de statuer sur la
procédure à suivre. Vous dites que les parents ne sont pas
invités à témoigner, qu'ils n'ont pas d'assistance
juridique. Dans ces cas-là, vous demandez qu'ils soient munis d'une
certaine aide juridique. Est-ce que vous pourriez donner des précisions
sur la manière dont cela se passe?
M. Paterson (Ron): On les aide à préparer une
demande à la commission d'appel. Cette demande est
présentée à la commission d'appel, mais on ne leur demande
pas d'être là comme témoins. C'est cela qu'on demande, on
demande qu'ils soient là comme témoins quand ils ont reçu
une décision négative du bureau.
M. Fox: On ne leur demande pas de présenter leur cas, en
d'autres mots. Le cas est étudié théoriquement.
M. Ryan: Un dernier point. Vous parlez plus loin des conditions
spéciales que vous devez avoir comme organisme de langue anglaise,
surtout si le projet de loi 40 devait se réaliser. Vous dites que ce ne
peut pas être les mêmes règles que pour un organisme
ordinaire. Le ministre des Communautés culturelles a déjà
dit à la commission qu'il entendait faire des recommandations au
gouvernement dans le sens des voeux que vous émettez. Par
conséquent, je ne vous interroge pas là-dessus, non pas par
manque d'intérêt, mais en voulant indiquer clairement que, si des
élargissements sont apportés à ce sujet-là, cela
serait une grosse amélioration par rapport à la situation qui
semblait devoir survenir au début de 1984.
M. Fox: D'ailleurs, M. Laurin, le ministre de l'Éducation,
a souligné - et moi-même je l'ai dit - que la question des
élèves en immersion et la reconnaissance de leur
compétence linguistique est en pourparlers. Je crois qu'il y aura
là des solutions qui se présenteront.
M. Ryan: Un dernier point. Avez-vous fait le calcul de tout ce
qu'a entraîné pour la présente année l'application
de la loi 101 dans votre organisme, en comptant les frais de traduction, les
frais d'assistance aux parents qui veulent inscrire leurs enfants à
l'école anglaise? Est-ce que vous avez des renseignements complets
à ce sujet-là?
M. Fox: Je pourrai vous fournir des chiffres à ce
sujet-là. Je vous dirai franchement qu'en ce qui concerne la traduction,
nous avons de 80 000 $ à 100 000 $ en frais par année; en ce qui
concerne l'inscription, nous avons des frais de personnel qui
représentent environ 80 000 $ à 90 000 $ par année. Ce
sont des chiffres généraux, mais je pourrai vous donner ces
chiffres en détail. L'assistance aux parents est bénévole;
naturellement, elle prend du temps. Je ne parle pas du coût de changement
de tous les affichages, des enseignes d'école, ce qui nous a d'ailleurs
causé bien des problèmes. Je dois dire - je vais être
honnête là-dessus - que le ministère de l'Éducation
nous a accordé une certaine allocation pour changer les enseignes des
écoles, mais celle-ci ne couvre que le tiers des frais encourus dans ce
domaine. Les parents insistent pour que l'enseigne anglaise reste et, de ce
fait, nous devons donc refaire une enseigne française; comme l'enseigne
française doit dominer l'enseigne anglaise, il faut enlever l'enseigne
anglaise pour mettre l'enseigne française et rajouter l'enseigne
anglaise; si vous cassez une lettre de l'enseigne anglaise, il faut refaire le
tout.
Je trouve qu'il s'agit là de chicaneries inutiles parce que je ne
vois aucune objection à ce qu'on indique clairement que Lachine High
School est Lachine High School, un point c'est tout. C'est là que se
donne l'enseignement en anglais et automatiquement, si nous transformons une
école anglaise en école de langue française, nous devons,
pour les parents, changer le titre de l'école et le franciser. Cela se
fera progressivement. Il y a cette hantise à ne pas vouloir faire
apparaître des enseignes anglaises ou alors à rendre cela aussi
difficile que possible du point de vue économique.
Le Président (M. Brouillet): Merci.
Tantôt, je n'ai pas donné l'occasion à nos
invités de réagir brièvement aux commentaires du ministre.
Je pourrais vous donner l'occasion d'intervenir avant de passer à des
questions d'un autre membre de la commission.
M. Fox: Je comprends très bien. J'aimerais bien que la
commission des écoles protestantes reçoive l'étude
démontrant les statistiques qui viennent d'être soumises; nous ne
les avons pas vues.
J'insiste une fois de plus sur le fait qu'il y a environ six ou sept
ans, lorsque nous avons publié nos statistiques, on s'est moqué
de nous en disant que nous étions des défaitistes. Même M.
Côté, qui a produit le rapport souligné par M. Ryan,
n'était pas
d'accord avec nos pronostics. Aujourd'hui, ses statistiques rejoignent
les nôtres. Nous croyons en nos chiffres et je crois que M. Tom Blacklock
peut se défendre la-dessus; il peut vous faire des
révélations en ce qui concerne les prochaines années.
Would you like to indicate what will happen in 1989?
Mr. Blacklock (Tom): Mr. Chairman, as we approach 1990, we are
really very concerned because the difference in performance between the
anglophone population and the francophone population, the comparisons that were
made by Dr Laurin take an entirely different direction. Mr. Ryan, I think, did
refer to the Island counts or projections and I believe that it needs to be
reinforced, at least from our point of view.
During the period from 1982 to 1988, the elementary population of
francophones on the Island of Montreal will increase by 4%. During that same
period of time, between 1982 and 1988, the population of anglophones will
decrease by 20,5% in addition to the decrease we have now. If you look at the
secondary level between 1982 and 1988, the francophone population will decrease
by 11,2%. During that same period, the anglophone population in the secondary
schools will decrease by 47,7%.
If you look ahead into 1988 to 1990-1993, the francophone secondary
population having gone through the decrease of 11% in the eighties will have
increased in that five-year period by 5%, but the anglophone population at the
secondary level will have declined by another 14%. So, if we look to 1990 and
beyond, the anglophone population -on the Island of Montreal at least - will
have decreased to the point where the school system will be very very small
indeed. It is difficult to make projections, obviously, that far ahead but if
you do it on the basis of today's environment, it probably would mean that the
anglophone schools as served by the PSBGM would be decreased, at the elementary
level, to 6000 and perhaps the secondary population to that same size, 6000 or
something. So, the comparison between the anglophone and francophone
populations, even during the past 3 years, the comparison in decline has been
similar, but it begins to take on an entirely different format now.
There is another observation which I do not think lends very much to
solving the problem that concern us over Bill 101; nevertheless, Dr Laurin did
make some comparisons between the francophone population decline and the
anglophone population decline on the Island of Montreal during the past few
years. There is one distinction that I think ought to be pointed out, which is
that both populations declined radically because of the change in the birth
rate, but the other things that led to the decline have to do with population
migration, emigration, Bill 101 and so on. In terms of the decline relating to
emigration patterns, what often happens on the Island of Montreal is that the
francophone population when it migrates out of the CECM, which was compared to
the PSBGM, goes off the Island simply to make the new housing developments that
circle the Island of Montreal, while the anglophone population has migrated
during this century out of Québec. So the two groups of population, if
you look at the Island of Montréal, have declined in a similar sort of
proportion. But in actual fact, the end result is quite different.
M. Fox: J'aimerais souligner que M. Blacklock a une boule de
cristal de grande valeur et j'ai confiance en ses prédictions. Je suis
prêt à revenir dans quelque cinq ans, si je suis encore là,
pour faire amende honorable ou confirmer ce qu'on vient de vous dire.
Le Président (M. Brouillet): Très bien, je vous
remercie. J'inviterais le député de Vachon à prendre la
parole.
M. Payne: J'aimerais remercier le PSBGM pour son mémoire
étoffé et succinct. Je trouve qu'il est valable d'étudier
l'application de la loi 101 six ans après, parce qu'on voit
qu'effectivement une période de rodage n'est jamais trop courte. Je suis
aussi sympathique à certaines suggestions qui touchent l'idée que
l'éducation secondaire devrait être prise en considération
pour l'application de l'article 73 qui concerne la question de
l'admissibilité aux écoles anglaises. Je constate que, dans
certains pays du monde, aux Indes, par exemple, on peut avoir tendance à
enseigner le gujarati dans les écoles élémentaires pour
ensuite, à l'école secondaire, prendre la langue nationale ou la
langue commune qui est l'anglais. Je pense que le législateur pourrait
être sympathique à ces problèmes qui se posent.
En ce qui concerne les certificats de naissance, on sait qu'il n'y a pas
d'entente universelle sur la nature de ces certificats. Je pense qu'il y a lieu
de s'entendre peut-être sur une manière plus efficace pour rendre
cela plus accessible à ceux qui devraient avoir accès aux
écoles anglaises, en réduisant la paperasse et les
problèmes bureaucratiques si c'est possible.
À la proposition no 8, vous parlez des démarches
nécessaires pour obtenir l'autorisation de recevoir l'enseignement en
langue anglaise. Ces procédures sont souvent excessives. J'ai
peut-être vu d'un peu plus près, de ce côté-ci, les
difficultés de trouver, justement, les critères d'application
de quelque norme que ce soit, que ce soit une charte ou n'importe quelle
loi. C'est bien difficile et je suis d'accord avec vous que, dans certains
pays, la langue de l'enseignement puisse être la langue anglaise. Par
contre, ce qu'il faut constater, c'est si la personne était
résidente et a bien reçu son enseignement dans la langue anglaise
dans ce pays. On revient donc à zéro. Il faut bien
vérifier d'une manière ou d'une autre, administrativement, si la
personne a effectivement reçu son enseignement dans la langue anglaise.
C'est bien sûr qu'en Angleterre, en Australie et aux États-Unis la
langue d'un système scolaire unilingue est l'anglais; mais il faut bien
vérifier, spécialement dans un pays comme les États-Unis
où les transferts linguistiques sont terriblement élevés.
Cela existe dans tout pays qui accueille des immigrants.
J'ai une certaine difficulté avec le mémoire et c'est une
inquiétude politique, dans le sens que la première proposition
que vous faites, si vous l'appliquez comme il faut, vous risquez d'ouvrir la
porte même aux francophones. Vous demandez au législateur,
maintenant, six ans après l'adoption de la Charte de la langue
française, ce que le bill 22 interdisait a l'époque. Je me
demande si vous jugez qu'il y a au Québec à l'heure actuelle un
consensus qui ouvrirait la porte... d'après ce qu'on calcule, à 1
096 000 élèves.
Je suis certain que vous me répondrez qu'il n'y a pas 100% des
francophones qui se prévaudraient de la possibilité d'avoir
accès à l'école anglaise. Je vous rappellerai que, chez
les allophones, c'est demeuré, jusqu'avant l'adoption de la loi 101,
à 77%. Cela veut dire que vous ajouteriez à peu près 29
000 écoliers de plus à l'école anglaise. Mon
inquiétude politique ne serait donc pas seulement si la majorité
des Québécois, la majorité francophone, acquiesçait
à cette proposition, mais est-ce que la CECM serait, elle aussi,
prête à subir une espèce de raz de marée du milieu
francophone ou allophone? C'était justement cela le problème de
la loi 101 et du bill 22.
Lorsque vous parlez, dans vos propositions 2 et 3, de modifier cela de
façon à accorder l'enseignement en anglais à tout
élève arrivé au Québec après la loi 101,
c'est-à-dire après le 26 août 1977, vous arrivez à
une espèce de clause universelle élargie qui n'est ni la position
du Parti québécois, ni la position, si je comprends bien - je
risque d'être corrigé - du Parti libéral. Mais prenons
seulement cette partie qui touche la clause Canada. Je me réfère
à M. Paillé, parce que cela a été
évoqué par le porte-parole de l'Opposition, le
député d'Argenteuil. C'est dommage que nous ne soyons pas en
commission spéciale parce qu'on pourrait inviter M. Paillé
à venir à la commission et je pense qu'il pourrait confirmer que,
pour l'année 1981-1982, si on avait appliqué la clause Canada,
4900 élèves auraient eu accès à l'école
anglaise. Si vous ajoutez à cela l'année qui suit, donc
l'année scolaire qui vient de s'écouler, on arrive à 6000;
c'est assez énorme. Alors, j'ai beaucoup de difficulté avec cette
accessibilité accrue sous forme d'une clause universelle
élargie.
Mais ma question serait plutôt spécifique. À la
recommandation no 7, vous proposez une exemption automatique pour rendre plus
accessible l'école anglaise aux élèves; on parle du
certificat d'admissibilité. Je soumets que votre proposition
mènerait très vite à un chaos administratif. Le
problème pour le législateur ou l'administrateur, qui a le
rôle de rendre une loi applicable, c'est précisément de
trouver les critères pour appliquer les dérogations. Quels sont
vos modalités et vos mécanismes pour appliquer les
dérogations que vous invoquez lorsque vous dites que l'exemption devrait
être automatique? Enfin, c'est une tautologie, parce que, si vous dites
que ce devrait être automatique, je vous demanderais si cela veut dire
pour tout le monde qui invoque les raisons de chômage, les raisons de
santé, les difficultés des parents à s'adapter à un
Québec français, les poursuites judiciaires, le fait que les
parents éprouvent certaines difficultés à s'accommoder
d'une société où le français est la langue
nationale. Je considère que ce serait vraiment un chaos administratif
terrible. L'administrateur qui relève du législateur a
sûrement toujours le rôle de trouver les critères
d'applicabilité des exemptions et des dérogations. Ma question
est: Qui déciderait si quelqu'un devrait avoir automatiquement un
certificat d'admissibilité? Et vous, comme commission scolaire, vous ne
pouvez pas ouvrir grandes les portes sans que vous ayez des mécanismes
d'accueil.
M. Fox: Vous parlez du dernier amendement proposé à
la page 11?
M. Payne: C'était la proposition no 7, M. Fox, je
crois.
M. Paterson (Ron): Les institutions relevant des Affaires
sociales, c'est cela?
M. Payne: Oui.
M. Fox: "La loi 101 devrait être modifiée de
façon à ce que tout élève fréquentant une
institution relevant du ministère des Affaires sociales, en raison de
problèmes graves..." C'est cela?
M. Payne: Oui.
M. Fox: "...devrait être exempté."
M. Payne: Est-ce que c'est bien là où vous parlez
de l'exemption automatique? "Automatic exemption from the provisions of Bill
101 and need not apply for a certificate of admissibility."
M. Paterson (Ron): Yes. M. Fox: For those children.
M. Paterson (Ron): Who are in Social Affairs institutions.
M. Fox: Justement, j'ai fait une note sur ce sujet. C'est surtout
une question qui vise à enlever des entraves administratives dans des
cas particuliers. Nous parlons d'élèves qui sont dans des
écoles des Affaires sociales. C'est un nombre très réduit
et un nombre particulier d'élèves.
M. Payne: Si vous faites référence à MacKay
Center, à Shawbridge et à Douglas Hospital, des exemples comme
cela, qui pourraient avoir des programmes non pas de rattrapage, mais de
réinsertion sociale, là il y aurait lieu de discuter avec le
ministre responsable pour peut-être trouver une manière de
réduire la paperasse. Mais, si vous invoquez une exemption automatique,
je le répète, il faut que vous ayez les mécanismes pour
appliquer cela.
M. Paterson (Ron): Ce n'est pas notre loi, c'est la loi du
gouvernement. C'est à lui de déterminer ces dispositions.
M. Payne: À la fin de votre mémoire -je vais le
retrouver rapidement - vous dites, dans la proposition no 9: "Procedures for
obtaining certificates should form part of the legislation and not be set up by
regulation."
M. Paterson (Ron): Excusez, à quelle page, M. Payne?
M. Payne: En anglais, c'est à la page 13. En
français, c'est...
M. Paterson (Ron): C'est la réponse.
M. Payne: "Les procédures d'obtention des certificats
devraient être incorporées à la loi." Mais vous parliez des
exemptions ou des dérogations tout à l'heure. Vous pouvez en
chiffrer un grand nombre. Je suis d'accord que cela devrait être
chiffré, mais c'est très difficile pour un législateur
d'insérer dans la loi toutes les dérogations possibles. Vous
dites dans la proposition no 9 qu'elles devraient être incorporées
dans la loi, mais, par définition, les dérogations ne font pas
partie normalement de la loi.
M. Paterson (Ron): D'accord. Autant que possible, on devrait
faire cela par législation.
M. Fox: Cela couvre, de nouveau, un nombre très
limité d'élèves. Quant à votre première
constatation que nous aurions quelque 4000 ou 6000 élèves de
plus, ceci ne s'approche absolument pas de nos chiffres, surtout en ce qui
concerne la clause Canada. Nous avons toujours dit, dès le début
de l'action en cour, qu'il y aurait une différence de 130 à 150
élèves dans notre commission scolaire qui est la plus importante.
Et nous étions dans les limites de ce que nous avions prédit.
Quand vous me dites que cela s'appliquerait même aux francophones, si
j'étais francophone dans ce secteur, je m'opposerais à cela parce
que, justement, je trouve que vous donnez une certaine liberté de choix
aux anglophones qui peuvent choisir d'avoir leur éducation dans la
langue qu'ils veulent, soit le français, soit l'anglais, il n'y a pas de
difficulté, alors que les francophones n'ont pas ce même choix.
S'il vous plaît, pourquoi ne faites-vous pas confiance aux parents? Ne
croyez pas que, si on ouvrait la porte ou qu'on mettrait des entraves moins
restrictives, les parents commenceraient à changer leurs
élèves d'écoles. Ce n'est pas vrai.
M. Payne: Une dernière question, très brève.
Vous dites toujours que vous êtes en mesure de donner une excellente
pédagogie en français, langue seconde. Les ordres professionnels
exigent depuis des années, avant l'arrivée du Parti
québécois au pouvoir, le droit - et c'est légitime,
j'imagine - qu'ils puissent, en accordant les permis, en même temps
exiger une connaissance minimale de la langue française. Je ne
représente pas le gouvernement, mais je suis de ceux qui
considèrent que l'Office de la langue française n'a
peut-être pas le rôle ou la mission pédagogique qu'on lui
confie à l'heure actuelle. (11 h 30)
Seriez-vous capables de négocier avec les ordres professionnels
afin que vous puissiez administrer dans le système scolaire certaines
professions, par exemple, les infirmières auxiliaires? Je ne parle pas
des autres, normalement c'est au cégep ou à l'université.
Êtes-vous d'accord sur le principe, d'abord, et, deuxièmement, sur
la faisabilité, vu les raisons que j'invoque, que les institutions
scolaires, en accord avec le ministère de l'Éducation et les
ordres professionnels, puissent administrer localement les examens? Cela
pourrait, au moins, rendre un peu plus compatible une incompatibilité
qui existe à l'heure actuelle, selon laquelle les élèves
réussissent les tests au secondaire V pour, plus tard, échouer
devant l'Office de la langue française.
M. Fox: Je pourrais vous citer des cas
contraires aussi où ils ont réussi fameusement aux tests
de l'Office de la langue française et ont misérablement
échoué au secondaire.
M. Payne: Ma question était à savoir si vous voulez
les administrer.
M. Fox: Justement, vous avez un très bon point. Nous
aimerions qu'il y ait une certaine équivalence d'établie avec le
certificat de fin d'études secondaires, par exemple, ou les certificats
du cégep. Une fois que l'examen est passé et que la
compétence est reconnue, il n'est plus besoin d'avoir un autre examen.
Il ne devrait plus y avoir besoin d'un autre examen. Si le besoin existe
encore, je dis qu'il y a quelque chose qui ne va pas avec l'examen initial. Si
j'ai un élève qui termine son secondaire et qui obtient 80% en
français, langue seconde, j'espère que cet élève,
si je suis l'enseignant, pourra au moins comprendre et parler le
français d'une façon normale, régulière, au niveau
de sa compétence, naturellement. Il a 17 ou 18 ans, il peut le parler.
S'il ne continue pas à le cultiver, naturellement, il aura des
difficultés. Il faut continuer de nourrir une langue, comme on continue
à nourrir une entité vivante, de façon à maintenir
la compétence dans la langue. Une fois que cela est établi, si
cet élève qui a obtenu 80% se présente devant l'Office de
la langue française et qu'il obtient moins ou échoue son test,
alors il faudrait voir la différence entre le test et les examens
passés ou alors la note donnée. C'est une étude qu'il
faudrait faire et nous sommes prêts à la faire.
M. Payne: C'est à suggérer parce que ce sont les
ordres professionnels qui gardent jalousement leurs droits et leur autonomie
non seulement pour octroyer les permis, mais pour exiger une connaissance
minimale du français.
M. Fox: Je vous dis qu'une fois que vous avez fait trois
années au secondaire de français langue maternelle,
automatiquement, vous êtes relevé de la nécessité
d'un examen de l'Office de la langue française. D'autre part, nous avons
des élèves en immersion tardive qui, au lieu de prendre des
examens de langue seconde, prennent des examens de langue maternelle.
Ceux-là n'ont pas encore le droit de le faire. C'est cela qu'on
demande.
Le Président (M. Brouillet): Merci. Mme la
député de L'Acadie, s'il vous plaît.
Mme Lavoie-Roux: Merci. Je n'ose pas dire que je serai
brève parce que quelquefois cela semble être de mauvais augure. Je
voudrais remercier M. Blacklock pour les explications qu'il a données
quant aux statistiques qui ont été produites par le ministre. Il
a fait part de certaines variables dont le ministre n'a pas tenu compte dans
ses commentaires. Je sais fort bien que la diminution des élèves
de la CECM a été très importante: de 230 000 en 1969, ils
sont passés à 110 000 en 1983. Il y a d'autres facteurs dont le
ministre ne tient pas compte, par exemple, le fait que la population
francophone a déménagé vers les banlieues, soit sur la
rive nord, soit sur la rive sud. C'est étonnant de voir, concernant le
nombre d'écoles qui se sont construites depuis dix ans sur la rive sud
ou sur la rive nord, que la très grande majorité d'entre elles
ont dû être affectées à des enfants de langue
française par la force des choses. Il faudrait au moins comparer de
choses comparables...
Une voix: Des pommes avec des pommes.
Mme Lavoie-Roux: ...des pommes avec des pommes. J'aimerais que le
ministre nous dise s'il a des pourcentages exacts quant à la diminution
dans les deux secteurs d'enfants francophones et d'enfants anglophones - car je
parle des deux secteurs - pour l'ensemble du Québec. Quel était
le pourcentage d'enfants anglophones dans les écoles anglaises du
Québec en 1976 et quel est-il en 1983? Avez-vous ces statistiques? Quand
on parle du poids relatif du français et de l'anglais au Québec,
on veut parler de l'ensemble du Québec et non pas strictement de
l'île de Montréal qui a connu une situation très
particulière quant à toute la migration qui s'est faite vers les
banlieues. Je comprends que vous ayez réagi parce que c'est le PSBGM qui
est devant nous, mais il reste que, si on veut vraiment mesurer les effets de
la loi 101, il faut les mesurer pour l'ensemble du Québec.
M. Laurin: Nous le faisons chaque année. La
dernière étude qui a été faite est toute
récente. Je l'ai lue. Je ne sais pas si je l'ai rendue publique, mais je
pense que oui. Cela ne contrevient en rien d'une façon
générale à ce que j'ai affirmé tout à
l'heure. Il faut aussi rappeler à cet égard que, même s'il
est vrai que certains élèves quittent le secteur français
de la CECM pour aller s'installer en banlieue, il y a aussi un mouvement
inverse qui se produit assez souvent. Il y a des familles francophones qui
viennent à Montréal et qui inscrivent leurs enfants à
l'école française aussi. Donc, si on fait des statistiques, il
faut tenir compte des deux mouvements vers les écoles françaises
de la CECM ou de l'île et vers les écoles de banlieue. Il faudrait
faire cette étude.
Mme Lavoie-Roux: Vous dites: Cela ne
vient en rien contredire ce que j'ai dit tout à l'heure. À
ce moment-là, peut-on conclure que, si on prend l'ensemble du
Québec, le poids relatif des élèves francophones inscrits
dans les écoles françaises et des élèves
anglophones inscrits dans les écoles anglaises n'a pas bougé?
C'est ce que vous nous avez dit en ce qui a trait à la CECM et au PSBGM,
que cela s'équivaut, sauf peut-être pour les dix prochaines
années où il y aura peut-être une baisse un peu plus
accentuée du côté anglophone. Vous nous avez dit que,
jusqu'à maintenant, c'était égal. Dois-je en conclure que
c'est égal pour l'ensemble du Québec?
M. Laurin: La conclusion de l'étude indique que la loi 101
a rétabli graduellement l'équilibre; qu'il y a actuellement un
pourcentage plus fort d'élèves dans les écoles
françaises, autour de 84%, mais qu'il existe encore dans les
écoles anglaises un pourcentage d'élèves qui y sont
inscrits et qui dépassent encore de loin le nombre d'enfants dont la
langue maternelle est l'anglais. C'est une des conclusions principales de cette
étude.
Mme Lavoie-Roux: M. le ministre, quand on a discuté de la
loi 101 - parfois j'ai l'impression que l'on retourne en 1977 -n'a-t-il pas
été convenu que le groupe allophone en très grande
proportion s'était intégré à la communauté
anglophone; alors, on les retrouve dans les écoles anglaises et s'il
faut qu'ils disparaissent jusqu'à ce que l'on arrive à la
proportion exacte d'enfants qui sont de purs anglophones, de sang et de langue,
on ne poursuit pas les mêmes objectifs.
Pour terminer ce court débat, je voudrais citer ce
témoignage de M. Henripin. Personne, à ma connaissance, ne met en
doute les qualités de son travail. "En 1982-1983, la loi 101 et certains
facteurs démocratiques avaient réduit le pourcentage des
élèves fréquentant les écoles anglaises à
12,7%, de 16,7% qu'il était en 1976-1977. Cette réduction de 4%
n'est qu'une petite moitié du plein effet de la loi qui ne sera atteint
que vers 1992, ce qui nous conduira aux environs de 8%. En l'an 2000, toujours
sous l'empire de la loi 101, la fraction des enfants dans les écoles
anglaises pourrait être comprise entre 5% et 10%."
Alors, je ne sais pas ce qu'elle était en 1976, mais quand le
ministre crée l'impression que, finalement, c'est absolument marginal,
je m'excuse, mais je pense que ce n'est peut-être pas tout à fait
conforme à la réalité.
M. Laurin: II y a quand même deux facteurs à
considérer. Un bon nombre des allophones qui, dans le passé,
depuis quinze ou vingt ans, se sont intégrés à
l'école anglaise déclarent maintenant l'anglais comme
étant leur langue maternelle. Donc, dans les statistiques, on ne les
retrouve plus comme allophones qui ont intégré l'école
anglaise. Il faut tenir compte de ce facteur. Deuxièmement, les chiffres
de M. Henripin peuvent être vrais dans la mesure où la clause
Canada, du Canadian Bill of Rights, ne viendra pas détruire en grande
partie le rétablissement d'équilibre qu'avait amené la loi
101.
Mme Lavoie-Roux: Ah oui! Mais là vous parlez des effets
éventuels, peut-être, de la charte canadienne. Mais, pour le
moment, ce que ces gens sont venus nous présenter, ce sont les effets de
la loi 101 et je pense qu'on s'en tient dans la discussion aux effets de la loi
101.
M. Laurin: C'est la raison pour laquelle, dans mes commentaires,
je me suis limité au mémoire qui nous était
présenté et à la situation sur l'île de
Montréal.
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais il reste que la situation de l'anglais
au Québec, il faut la prendre dans l'ensemble du Québec, M. le
Président. Cela étant terminé, je voulais simplement
souligner - et je pense que le ministre l'a, d'ailleurs, reconnu - les efforts
du PSPGM pour l'enseignement de la langue seconde, que ce soit par des
méthodes d'immersion ou autres méthodes que vous avez
utilisées.
Mais j'entendais le ministre qui les en félicitait et qui
ajoutait dans un même souffle: Et, d'ailleurs, ce sont les mêmes
mesures que nous avons prises pour l'enseignement de l'anglais, langue seconde,
dans nos écoles, si bien que nos enfants pourront maintenant
maîtriser les deux grandes langues - enfin, je n'ai pas tous les termes
toujours très choisis du ministre - la langue anglaise et la langue
française. J'aimerais savoir ce que le ministre a à nous annoncer
parce que - et tous les parents francophones s'en plaignent - les enfants
sortent des écoles françaises à l'heure actuelle avec
moins de connaissance de l'anglais aujourd'hui que ce n'était
peut-être le cas il y a sept ou huit ans.
M. Laurin: C'est là une appréciation que je laisse
à la députée de L'Acadie. D'autre part, je sais qu'il ne
suffit pas d'établir un nouveau programme; il faut quand même
laisser le temps à ce nouveau programme de produire ses effets. Comme
l'instauration du nouveau programme est assez récente, je demanderais
à la députée de L'Acadie un peu de patience avant que tous
les effets que nous escomptons tous les deux de ce nouveau programme puissent
se matérialiser.
Enfin, je voudrais faire remarquer à la députée de
L'Acadie que, malgré toutes les lois 22 ou 101, le fait demeure que
le
Québec, avec ses 5 000 000 et quelque de francophones, constitue
encore un tout petit îlot dans le continent anglo-saxon. L'anglais arrive
aux élèves ou aux jeunes francophones par tous les bords, tous
les côtés, toutes les issues; à la télévision
par le câble, il y a beaucoup plus de stations anglophones à
Montréal que de stations francophones. Il y a beaucoup plus de revues
anglophones que francophones. Les stations de radio anglophones à
Montréal sont plus nombreuses que les stations francophones. Les
francophones prennent souvent comme endroits de congé
l'été nos voisins immédiats, que ce soient les provinces
canadiennes ou les États-Unis. Donc, en tant que peuple francophone,
nous sommes soumis à une immersion non pas scolaire, mais existentielle
et collective constante qui contribue, j'en suis sûr, pour beaucoup
à l'apprentissage de l'anglais.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, on pourrait
élargir le débat, ce que vient de faire le ministre, sur la
situation du français en Amérique du Nord. Sur bien des points,
je pense que je pourrais être d'accord avec le ministre. Mais le point
précis que j'ai soulevé, c'est qu'il faisait une affirmation ici
devant le grand public, disant que les programmes d'anglais, langue seconde,
sont de même qualité ou vont atteindre les mêmes objectifs
que les programmes d'enseignement du français, langue seconde, dans les
écoles anglaises.
Là, il me dit d'être un peu patiente. Bah! La patience,
cela me connaît. Mais je dois vous dire qu'on a entendu ce discours il y
a sept ans et cela fait sept ans que vous êtes au pouvoir, M. le
ministre. D'ailleurs, on le demandait avant même que vous arriviez au
pouvoir. Alors, je veux bien être encore patiente, mais c'est
peut-être à la population aussi... Je pense qu'il ne faut pas
noyer une affirmation que vous avez faite ici en faisant déborder le
débat sur la situation toujours fragile du français en
Amérique du Nord et à laquelle, je pense, tous les gens qui sont
ici concourent, M. le Président. Je vous remercie.
Le Président (M. Brouillet): Pour le mot de la fin, M. le
ministre. (11 h 45)
M. Laurin: Encore une fois, je veux remercier la CEPGM pour le
mémoire étoffé et succinct qu'elle nous a
présenté. Je n'ai, malheureusement, pas eu le temps d'en
commenter tous les aspects - cela aurait été trop long - mais
cela ne témoigne en rien, encore une fois, de notre manque
d'intérêt et nous continuerons à l'étudier et
à prendre, encore une fois, toutes les mesures qui nous paraissent
justifiées par les objectifs que nous poursuivons et la justice qui
continue d'inspirer nos décisions.
Le Président (M. Brouillet): Merci. Je remercie la
Commission des écoles protestantes du Grand Montréal.
J'invite maintenant l'Association des directeurs généraux
des commissions scolaires protestantes du Québec. Pour les fins du
journal des Débats, si vous voulez vous présenter à
nouveau, ainsi que les personnes qui vous accompagnent.
Association des directeurs
généraux
des commissions scolaires
protestantes du Québec
M. Trasler (Ian): M. le Président, mesdames et messieurs,
to introduce myself, Ian Trasler, president of the association and of course
Mr. Marcel Fox, past president, needs no introduction.
The brief of the Association of Directors General of Protestant School
Boards of Québec concentrates on the effect that the Charter of the
French language, Bill 101, has had and is having on the viability of the
English language in this province and the adverse influence it has had and is
continuing to have on the development and the maintenance of English
education.
The concerns expressed in our brief are those of the chief executive
officers of Protestant school boards. Therefore, you will note that we have
restricted our comments to the effect that the law is having on the pupils in
Protestant schools, the extra costs that are being incurred because of the law,
costs that are taking away from the educational funds, and the ridiculous
administrative procedures that have to be implemented.
The specific problems we bring to light in our brief fall into the
following headings: The English language - present situation in Québec;
the restriction of pupils for admission to English language instruction; the
language of work and communications; legal obligations versus budgetary
constraints; bilingual personnel; identification of English schools; the French
Language Supervisory Commission and our conclusion.
Before I turn the presentation over to Mr. Fox, I would like to
underline that we are not politicians. We are administrators who are attempting
to administer school systems as effectively and efficiently as possible. Our
brief, therefore, limits our comments to the problems we are encountering.
Merci. Thank you. Mr. Fox.
M. Fox (Marcel): Je soulignerais que j'ai résumé le
mémoire en sept pages. Est-ce que je peux le distribuer? D'accord. C'est
ce que je vais vous présenter. Naturellement, nous aurons une
période de questions après. Je m'excuse de m'imposer une fois de
plus.
Le mémoire de l'Association des directeurs généraux
des commissions scolaires
protestantes du Québec aborde la question de l'impact que la
Charte de la langue française exerce sur la communauté de langue
anglaise, en général, et la communauté du secteur de
l'éducation à prédominance de langue anglaise, en
particulier, sous sept points spécifiques: La situation actuelle de la
langue anglaise au Québec; les avatars reliés à
l'inscription des élèves dans le secteur de langue anglaise; les
exigences dans le domaine du travail et des communications; les obligations
légales qu'il faut respecter, d'une part, et les contraintes
budgétaires qu'elles entraînent, d'autre part; la
nécessité d'assurer un "influx" de personnel bilingue sans pour
autant porter préjudice au personnel unilingue en place; l'ambivalence
reliée à l'identification obligatoire en français d'un
établissement scolaire dans lequel l'enseignement se donne en anglais et
l'image négative projetée par la Commission de surveillance de la
langue française.
En ce qui concerne la situation de la langue anglaise au Québec,
à l'heure actuelle, nous sommes d'avis qu'elle peut être
considérée plutôt comme une langue dominée qu'une
langue dominante. La Charte de la langue française et sa raison
d'être ne sont point contestées. Ce qui est contesté, c'est
que la promotion de la langue française se fasse surtout et avant tout
aux dépens de la langue anglaise. La promotion de la langue
française est pleinement justifiée et devra continuer à se
faire. Ce qui n'est point justifié, c'est que la langue anglaise soit
ravalée, non point à un rang secondaire, mais bel et bien
inférieur. L'anglais, tout comme le français, reste une des deux
langues officielles du Canada et, comme telle, a droit d'existence sur un pied
d'égalité.
La communauté de langue anglaise reconnaît, accepte et
respecte la langue et la culture de ses concitoyens de langue française.
Tout ce qu'elle demande c'est qu'on reconnaisse, accepte et respecte de
même sa propre langue et sa propre culture et qu'on s'abstienne en
conséquence de vouloir sciemment les dénigrer, les subjuguer et
les prescrire.
Les problèmes soulevés dans certains cas par l'inscription
d'élèves dans le secteur de langue anglaise sont multiples par
leurs ramifications et parfois rocambolesques. Ils sont tous reliés aux
mesures restrictives imposées et aux démarches administratives
obligatoires à suivre. Si on accorde le droit à l'enseignement en
langue anglaise dans des cas bien spécifiques, qu'on l'accorde au moins
de bonne grâce, sans pour autant semer d'innombrables obstacles sur la
voie à suivre pour y avoir accès. S'il y a abus, qu'on
sévisse, mais qu'on laisse quand même au milieu une certaine
liberté d'action afin qu'il puisse gérer ses affaires à sa
guise, dans le respect intégral de la loi.
Il est à noter aussi qu'il y a une certaine injustice qui
prévaut car, si, selon la Loi sur l'instruction publique, il y a
égalité de droits à l'instruction pour tous les
élèves, il y en a qui sont bien mieux nantis que d'autres du fait
qu'on leur accorde des fonds qui ne sont point accessibles aux autres. Nous
sommes lésés sous trois rapports: difficultés
d'accès, coûts administratifs supplémentaires, refus
d'allocation de fonds spéciaux.
La langue du travail et celle des communications se doit d'être le
français. Ceci cause bien des problèmes inutiles et impose des
coûts élevés au secteur de l'éducation qui, en
conformité avec la loi, est en droit de dispenser l'enseignement en
langue anglaise. Pour répondre à ces exigences, il a fallu,
à l'heure actuelle et à nos frais, créer des services de
traduction qui produisent des textes à la chaîne. Il s'ensuit que
des fonds réservés à des fins pédagogiques sont
canalisés vers des fins purement administratives par la force des
choses. Devoir produire tous les documents avant tout en français pour
les traduire en anglais ensuite par nécessité est absurde et
onéreux. Ces dépenses inutiles entraînent des sacrifices
inutiles qui ne servent à aucune fin spécifique. Que la
correspondance avec les autorités gouvernementales et les organismes de
langue française soit en français, qu'à cela ne tienne,
mais que tous les documents qui accompagnent cette correspondance doivent
être aussi en français est à la fois illogique et peu
raisonnable. Les deux langues officielles du Canada sont et restent monnaie
courante. Qu'on agisse en conséquence et qu'on les accepte sur un pied
d'égalité.
Le thème dominant qui, du point de vue administratif, se
détache du mémoire des directeurs généraux est
celui du manque de fonds requis pour répondre aux exigences
légales imposées. Le mémoire est spécifique de ce
point de vue. Il y est dit que les autorités gouvernementales ne
semblent pas vouloir réaliser que promulguer une loi est une chose alors
qu'allouer les fonds nécessaires à son implantation en est une
autre. Si donc la loi impose à un secteur de l'éducation des
obligations spécifiques qu'elle n'impose pas à d'autres, par
souci d'équité, les fonds nécessaires requis devraient eux
aussi être alloués en conséquence.
La disponibilité indispensable d'un personnel bilingue
découle des exigences de l'article 20 du chapitre IV de la Charte de la
langue française qui déclare: "Pour être nommé,
muté ou promu à une fonction dans l'administration, il faut avoir
de la langue officielle une connaissance appropriée à cette
fonction." L'objectif préconisé et à atteindre
reflète une situation idéale qui voudrait qu'il y ait
suffisamment de personnel bilingue en place pour s'assurer que tous les
services puissent se donner dans les deux langues.
Nous sommes et restons, pour le moment, en pleine période de
transition et il est de ce fait indispensable qu'on accorde aux organismes
assez de flexibilité pour leur permettre de s'adapter graduellement aux
exigences nouvelles. N'est pas bilingue qui veut et les compétences
linguistiques et administratives ne sont pas forcément toujours
liées. Une personne unilingue en place devrait pouvoir se sentir en
sécurité et le demeurer si sa compétence dans le champ de
ses activités spécifiques est dûment reconnue. Peu à
peu la situation ira en s'améliorant et le jour viendra où le
va-et-vient entre les deux langues ne causera plus de problèmes majeurs.
Restons logiques et raisonnables et reconnaissons qu'une certaine latitude dans
l'utilisation des deux langues reste essentielle.
Exiger et imposer aux activités en cours la camisole de force
d'un unilinguisme étroit serait néfaste et ne servirait aucun
but. Avec un peu de patience et de persévérance, un
équilibre linguistique positif ne manquera pas de s'établir.
Mieux vaut s'évertuer à convaincre qu'à contraindre. Les
résultats seraient bien meilleurs et l'atmosphère harmonieuse qui
en découlera sera bien plus salutaire. Le changement du nom des
écoles dans lesquelles l'enseignement se donne en anglais a mis en
émoi la communauté concernée qui ne veut pas et ne peut
pas comprendre qu'on puisse vouloir être assez mesquin pour exiger
à tout prix qu'une telle école affiche une dénomination
française. Y a-t-il quelque honte à indiquer qu'il s'agit d'une
école où l'enseignement se donne en langue anglaise? Il s'agit
encore là d'une exigence inutile et fort onéreuse. Il serait
temps qu'on remédie à cette situation. Donnons aux ressortissants
de langue française ce qui leur appartient et à ceux de langue
anglaise ce qui leur revient. En d'autres mots, appelons les choses par leur
nom.
L'organisme qui suscite le plus de méfiance est sans conteste la
Commission de surveillance de la langue française. Dans une
société démocratique qui se respecte, un tel organisme n'a
pas sa raison d'être. Qu'on le supprime! Cela aurait pour effet
d'économiser bien de l'argent et de rassurer bien du monde.
En conclusion, je me permets de ne citer que deux des passages extraits
du texte même du mémoire et qui se lisent comme suit: "Une plus
grande flexibilité et une plus grande marge de manoeuvre restent de
rigueur afin d'instaurer une atmosphère plus saine, plus fortifiante et
plus salutaire qui saura mener vers une meilleure entente réciproque, un
respect mutuel de bonne haleine et une plus forte harmonie sociale. "Un
gouvernement démocratique de ce nom se base sur un concept d'entente et
de confiance réciproques. Les directeurs généraux
demandent qu'on leur accorde toute confiance quant à l'administration de
ces commissions scolaires qui tombent sous leur charge. Ils demandent de
pouvoir assumer leurs responsabilités, toutes leurs
responsabilités sans ingérence indue de la part
d'autorités extérieures. Ils peuvent et veulent accomplir leurs
tâches. Ils sont prêts à assumer toutes leurs obligations
comme citoyens libres d'agir et de penser, ils ne tiennent pas à
être placés sous garde." Merci, mesdames et messieurs.
Le Président (M. Brouillet): Merci. M. le ministre.
M. Laurin: Je salue à nouveau M. Fox, cette fois en tant
que directeur général de la plus importante commission scolaire
anglophone au Québec.
Il nous a résumé son mémoire, celui des directeurs
généraux, ce pourquoi je le remercie. Tout en étant quand
même assez agressif, ce mémoire l'est quand même moins que
le mémoire originel que j'ai quand même parcouru à
plusieurs reprises. Au départ, j'admets avec plaisir que l'association
des directeurs généraux reconnaît que le français
est la langue de la majorité, la langue officielle, que les objectifs de
la Charte sont légitimes et que cette Charte de la langue
française doit être reconnue par la population du Québec
comme utile et nécessaire. (12 heures)
Je vois quand même que les directeurs généraux
s'inquiètent eux aussi, comme nous l'avons vu dans le mémoire
précédent, de la situation de la langue anglaise au Québec
et qu'ils appuient leurs inquiétudes, un peu comme le BEP tout à
l'heure et bien d'autres groupes, sur le déclin des effectifs à
l'école anglaise du Québec et sur le déclin de la
situation de cette langue en général dans un certain nombre de
secteurs, au point qu'ils disent qu'au Québec la langue anglaise est
maintenant une langue dominée.
Il m'est très difficile d'accepter cette assertion. Dans le court
débat que j'ai eu tout à l'heure avec la députée de
L'Acadie, j'ai montré que, même si la charte du français
visait à rétablir un certain équilibre, il reste quand
même que la situation du Québec, État francophone en
majorité, ne peut être comparée à celle des autres
provinces qui, elles, ont l'anglais comme langue officielle, du moins comme
langue parlée par la presque totalité des citoyens.
On sait très bien que la situation du Québec restera
toujours précaire et aléatoire du fait qu'elle ne compte qu'un
petit nombre d'habitants qui sont obligés, et Dieu sait que c'est une
excellente chose, de multiplier les contacts avec leurs voisins, que ce soit
pour des fins d'épanouissement personnel, que ce
soit pour les fins du travail, des affaires, un épanouissement
professionnel ou culturel. Cela est sûrement à encourager, mais il
reste qu'il y a également des contraintes liées à cette
obligation et à ce souhait. Les contraintes ou les dangers possibles,
c'est précisément le fait d'un envahissement qui se manifeste
à plusieurs égards et qui, si on n'y prend garde, peut aboutir
à une diminution de la qualité de la langue et aussi à une
diminution du statut de la langue française au sein d'un groupe qui
tient quand même à sa préservation comme marque
première de son identité.
Je ne suis donc pas prêt à admettre que l'anglais,
malgré le coup de barre qui a été donné il y a six
ans, constitue une langue dominée au Québec. Les études de
l'Université de Montréal, que ce soit celles de M. Sales ou de M.
Vaillancourt, ont montré que, dans le domaine des affaires, la langue
anglaise continue d'être prédominante à l'heure actuelle au
Québec dans le secteur privé. Même sur le plan des
entreprises, plusieurs témoignages ont été entendus qui
montrent que, dans ces entreprises, le français continue à ne pas
toujours en mener large et que des travailleurs en particulier sont
obligés de continuer à être très vigilants pour
faire en sorte qu'ils puissent continuer ou commencer à travailler en
français.
La même chose pourrait être dite sur le plan de la culture,
comme je l'ai dit tout à l'heure, qu'il s'agisse de la radio, de la
télévision, des revues, des journaux. La même chose peut
être dite également sur le plan des échanges touristiques.
Je ne pense donc pas que, si on fait la somme de tous ces facteurs, dont les
uns sont démographiques, les autres culturels, les autres politiques,
les autres appartiennent aux domaines de l'entreprise, de l'argent, du capital,
des affaires, on puisse affirmer que l'anglais constitue désormais au
Québec une langue inférieure.
Dans le mémoire originel des directeurs généraux
des commissions scolaires anglaises, on fait aussi état de quelques
données démographiques, et en particulier de l'exode hors de la
province d'une grande partie des ressortissants de langue anglaise qu'aurait
causé le chapitre VIII de la charte du français qui touche plus
précisément le domaine de l'éducation. Selon les
directeurs généraux, cet exode serait causé surtout et
avant tout par les mesures restrictives imposées par la Charte de la
langue française.
Je voudrais noter encore une fois que la surreprésentation des
Anglais parmi les anglophones qui sortent du Québec ne date pas de la
loi 101. Au cours des trois derniers lustres qui marquent les recensements, on
voit en effet que les proportions des anglophones parmi les immigrants
étaient les suivantes: En 1966-1971, 61,8%; en 1971-1976, 64,6% et, en
1976-1981, 64,8%. Il n'y a pas là de quoi s'étonner puisqu'on
sait que les anglophones sont très mobiles à l'intérieur
du Canada, que beaucoup arrivent au Québec, mais que beaucoup en partent
aussi constamment.
Rappelons que, jusqu'en septembre 1975, il y avait liberté de
choix de la langue d'enseignement au Québec. De plus, les lois 22 et 101
n'ont pas retiré aux anglophones du Québec leur droit à
une éducation en anglais. Il est vrai, comme on le dit, que le nombre
d'émigrants anglophones a augmenté de 39,7% entre 1971-1976 et
1976-1981. C'est-à-dire qu'il est passé de 94 100 à 131
500. Evidemment, c'est moins spectaculaire que de dire que 140 000 anglophones
sont sortis du Québec depuis l'instauration de la loi 101. C'est moins
spectaculaire que de dire qu'il y en avait quand même 94 000 avant et que
ce chiffre a été porté à 131 000 durant le temps
où la loi 101 a été appliquée. On est obligé
de ramener les chiffres à 35 000 au lieu de brandir le chiffre de 140
000. Mais c'est quand même un fait qu'il est important de rappeler. Cette
augmentation a été de 40 000 en cinq ans, tout en rappelant
cependant qu'il y a eu de fausses déclarations de langue maternelle
anglaise en 1976 qui compteraient peut-être pour beaucoup dans
l'accroissement de plus de 35 000 émigrants anglophones entre 1976 et
1981. C'est M. Castonguay qui a fait valoir cet argument, le 6 avril 1983. Je
ne sache pas qu'il ait été démenti.
Nous avons fait, au gouvernement, d'autres analyses également.
Nous avons analysé les départs d'enfants de 0 à 17 ans
durant toutes ces périodes. Nous en arrivons à la conclusion
qu'il y a eu une pointe de sorties en 1977, il est vrai, mais que ces sorties
s'atténuent déjà en 1978 et en 1979. Nous avons
remarqué que, dès 1980, les sorties d'enfants anglophones sont
déjà inférieures à celles d'avant 1976. Par
exemple, en 1974, il y avait 7565 sorties d'enfants; c'est resté
à peu près tel quel jusqu'en 1976; en 1977, c'est monté
à 14 500; en 1978, cela redescendait à 10 800 et, dès
1979, cela revenait aux 9000 qu'on avait connus avant pour redescendre, en
1980, à 7500, en 1981, à 6500 et, en 1982, à 6300. Ces
chiffres sont tirés de l'étude d'un démographe, M. Robert
Maheu, qu'on connaît bien et qui l'a présentée au
congrès de l'ACFAS en mai 1983.
L'augmentation entre 1975 et 1976 laisse croire que c'est beaucoup plus
la crainte d'une indépendance du Québec d'ailleurs que la loi 101
qui expliquerait cette hausse. On note aussi qu'un récent sondage CROP
fait pour le compte du gouvernement fédéral montre que les
anglophones qui prévoient maintenant quitter
le Québec n'évoquent plus la question linguistique que
dans une proportion de 26%.
Enfin, soulignons que l'Ontario aussi est perdante dans les mouvements
migratoires interprovinciaux de sa population anglophone. De 1971 à
1976, il y a eu un solde négatif de 45 755, c'est-à-dire que
l'Ontario a perdu 2D5 000 citoyens pour en acquérir 159 000 et que, de
1976 à 1981, 266 000 ont quitté, alors que seulement 195 000
entraient, pour un solde négatif de moins 71 335; ce qui fait un solde
négatif accru pour les dix années en question. Je ne sache pas
pourtant qu'il existe une loi 101 ni un gouvernement souverainiste en Ontario.
Il faudrait donc, encore une fois, mettre en équilibre les diverses
statistiques que l'on nous présente.
Les directeurs généraux, dans leur mémoire
originel, reviennent aussi sur la question des inscriptions des
élèves dans les écoles anglaises pour parler d'une
influence délétère de la Charte de la langue
française dans le nombre des inscriptions. On semble oublier qu'il y a
des études du ministère de l'Éducation qui ont
apporté un éclairage important sur cette question. Une
étude du ministère, par exemple, a démontré les
choses suivantes, et je me contente d'apporter les conclusions. Selon les
données établies, les facteurs responsables de la diminution de
la clientèle étudiante au Québec sont, par ordre
d'importance, d'abord la baisse de la fécondité;
deuxièmement, les critères d'admission à l'école
anglaise; troisièmement, la migration nette négative et,
quatrièmement, le choix volontaire du français de la part
d'élèves admissibles à l'enseignement en anglais. Quand on
essaie d'apporter des chiffres pour illustrer ces divers facteurs, on en arrive
aux chiffres suivants: la baisse de la fécondité compte pour 7,8%
des diminutions; les critères d'admission de la loi 101, pour 5,6%; les
migrations nettes négatives, pour 5,2% et le choix volontaire du
français de la part d'élèves admissibles à
l'anglais, pour 3,2%. Il est donc établi que ces quatre facteurs ont
concouru à la diminution de la clientèle des écoles
anglaises, le plus important d'entre eux étant la chute de la
natalité. II faudrait donc, en conclusion, se garder d'explications
fragmentaires attribuant la diminution à un seul facteur.
Il y a aussi une autre étude du ministère de
l'Éducation qui montre que le pouvoir d'attraction de l'anglais dans le
monde scolaire continue d'être très fort. J'y ai fait un peu
allusion tout à l'heure, mais je pense qu'il importe de
répéter que, même six ans après l'adoption de la loi
101, l'attraction qu'exerce l'anglais sur les populations du Québec
continue d'être passablement élevée, ce qui ne cadre pas du
tout avec l'affirmation que l'anglais serait une langue dominée ou une
langue inférieure au Québec. Cette attraction - je ne veux pas
répéter les chiffres que j'ai mentionnés tout à
l'heure - joue non seulement au niveau de l'école primaire et
secondaire, mais elle joue aussi au niveau des collèges et au niveau des
universités du Québec. Là, je vous renvoie à cette
étude dont je parlais tout à l'heure, établie par Marcel
Paillé et qu'a publiée le MEQ. Je pense que le MEQ l'a rendue
publique, lors d'une conférence de presse que je faisais aux
journalistes. Cette étude montre que, sur le plan des études
collégiales et universitaires, non seulement l'anglais n'a rien perdu de
la force d'attraction qu'il avait au moment de l'adoption de la charte, en
1976, mais que ce pouvoir d'attraction est encore plus fort qu'auparavant,
même avec la loi 101. Je vous renvoie à ces chiffres, mais on voit
que les inscriptions dans les collèges anglophones ont crû d'une
façon remarquable, ainsi que dans les universités et, en
particulier, chez les allophones, qui continuent d'être de plus en plus
attirés par les universités anglophones.
Encore une fois, je ne veux pas m'étendre sur ce sujet, mais il
importe de mettre en perspective les données démographiques qui
nous sont présentées et surtout les conclusions qu'on veut bien
en tirer. Il faut toujours tenir compte de l'environnement du Québec,
c'est-à-dire des pays qui l'environnent, des provinces qui l'environnent
pour bien apprécier l'utilité, la nécessité ou
l'opportunité de mesures que le Québec a dû prendre pour
conserver un bien collectif qu'il estime absolument essentiel s'il veut
continuer, bien sûr, à avoir une identité qui marque son
existence dans cette terre d'Amérique. (12 h 15)
Dans le mémoire, également, les directeurs
généraux ont fait beaucoup état des deux langues
officielles pour demander ou pour se plaindre que la charte demande une
traduction de tous les documents en français. L'argument qu'on invoque,
c'est que précisément il y a deux langues officielles au Canada.
Il y a une équivoque ou un glissement sémantique ici que
j'aimerais relever. Les deux langues officielles ont trait au gouvernement
fédéral et non pas au Canada, ce qui n'est pas du tout la
même chose. Le gouvernement fédéral a imposé deux
langues officielles, mais c'est le gouvernement fédéral qui a
fait cela. Ce n'est pas vrai pour le Canada. Dans les autres provinces
canadiennes, c'est l'anglais qui est la langue officielle pour tout, sauf au
Nouveau-Brunswick où depuis deux ans on tente de mettre sur le
même pied le français et l'anglais. Ce n'est que tout
récemment que l'Ontario vient d'officialiser, mais d'une façon
partielle, le français comme langue des tribunaux.
On connaît toutes les difficultés qu'éprouvent les
Franco-Manitobains
actuellement pour faire inscrire dans la constitution de leur province
les mêmes avantages que le Québec, en vertu de l'article 133 de la
constitution de 1867, accorde aux anglophones sur le plan de la langue de la
législation et sur le plan de la langue de la justice. Il y a donc
là une équivoque, un glissement sémantique qui nourrissent
de fausses argumentations, à mon avis, et qui donnent une très
mauvaise idée de la situation véritable du Canada qui, encore une
fois, est un État fédéral où les provinces ont
quand même des prérogatives, des compétences, des
juridictions et il est faux de dire que les deux langues officielles du Canada
sont officielles. Les deux langues officielles sont imposées au
gouvernement fédéral et les provinces restent libres, sauf la
contrainte que le Manitoba et l'Ontario ont eue à l'égard d'une
partie du secteur linguistique, d'adopter la langue officielle de leur choix.
Dans la majorité des provinces, c'est encore l'anglais qui est la langue
officielle et nos minorités francophones hors Québec en savent
quelque chose, elles, qui ont encore aujourd'hui tellement de
difficultés à faire reconnaître le droit à
l'école française! Et même, la charte officielle du
fédéral dit qu'il faudra que les francophones soient en nombre
suffisant dans les autres provinces pour avoir droit aux écoles
françaises.
Donc, je tenais à faire ces quelques remarques. Quant aux autres
remarques, je suis prêt quand même à regarder cela de
très près. D'ailleurs, le ministre des Communautés
culturelles et de l'Immigration l'a dit à quelques reprises. Pour ce qui
concerne les moyens, nous sommes sûrement prêts à revoir la
situation. Je l'avais dit déjà au moment de l'adoption de la loi:
Après cinq ou six ans, il nous reviendra de faire un bilan, de faire une
mise au point, d'examiner, d'interroger l'expérience en cours et de
faire en sorte que nous ajustions les mesures, soit législatives, soit
réglementaires, à ce que l'expérience nous aura
révélé et à ce qu'un nouvel examen de la situation
nous aura révélé. Nous sommes prêts à le
faire, aussi bien en ce qui concerne la langue de travail que la langue de
communication, ou en ce qui concerne l'affichage des institutions scolaires.
Nous ne sommes pas encore prêts à dire les mesures que nous
prendrons, mais il est certain que nous apporterons des modifications en ce
sens.
Je voudrais, cependant, rappeler une ou deux choses. Quand on dit que
n'est pas bilingue qui veut, que les compétences linguistiques et
administratives ne sont pas forcément toujours liées, cela est
très juste. Mais il reste que, lorsqu'il faut communiquer avec une
administration, avec un gouvernement dont la langue officielle est le
français, il faut quand même accepter cela comme une exigence
absolument logique qui découle du fait qu'une province a une langue
officielle et que les communications avec l'administration doivent quand
même comporter une composante linguistique qui fasse que nous soyons
congruents, ou cohérents, avec la loi fondamentale qui fait d'une langue
une langue officielle.
Par ailleurs, à l'intérieur de cette exigence, il y a bien
des aménagements que nous pouvons faire. Et je rappelle quand même
ici que la loi 101 prévoyait déjà que la langue de
communication, sur le plan pédagogique, sur le plan du curriculum,
puisse même être exclusivement l'anglais. Si les articles, ou les
règlements ne sont pas assez clairs quant aux explicitations de ce
principe, nous y verrons, nous clarifierons, nous reformulerons. Mais je
signale quand même que, déjà dans la loi 101, ce principe
existait et que la pédagogie, le curriculum, devaient sûrement
faire l'objet d'échanges qui se situent dans la langue qui faisait
elle-même l'objet de l'enseignement. Mais, encore une fois, s'il faut
clarifier, reformuler, nous le ferons.
En ce qui concerne la Commission de surveillance de la langue
française, je sais qu'elle a été l'objet de remarques
assez acerbes, non seulement de la part de votre groupe, mais de plusieurs
autres groupes. Je rappelle cependant que nous n'avons guère
innové en la circonstance. Déjà, dans la loi 22, il y
avait une Régie de la langue française dont une des fonctions -
et c'est bien marqué tel quel dans la loi - était la surveillance
de l'application de la loi. Que nous en ayons fait un corps distinct, avec une
mission spécifique, la rend peut-être plus visible, mais il reste
que la commission de surveillance, avec sa mission, son devoir, ses
obligations, ses contraintes, était déjà incluse dans la
Régie de la langue française. Et le nouveau chef libéral a
dit qu'à chaque fois qu'une loi est édictée par un
Parlement, il faut quand même voir à ce qu'elle soit
respectée, et qu'il faut mettre en place, à cet effet, des
moyens, des mécanismes, et même des institutions qui verront
à l'observance de la loi et également à
l'évitement, dans toute la mesure du possible, des infractions,
même parfois à la punition des infractions lorsqu'elles ne peuvent
pas être corrigées en temps. Tout en acceptant de revoir les
façons de faire, les procédures d'un organisme, on ne peut tout
de même pas tirer prétexte de quelques cas particuliers pour
remettre en question l'existence d'un organisme chargé de faire
respecter les lois et, en l'occurrence, cette loi fondamentale que constitue la
charte du français.
Pour le moment, je voudrais limiter mes remarques à ces quelques
points, tout en ajoutant peut-être en conclusion que je reconnais que
l'application d'une loi de protection linguistique implique peut-être
certains frais pour certains organismes. Cela est vrai des entreprises:
on l'a vu, certains groupes en ont fait mention. Cela est vrai aussi des
écoles. Mais, je voudrais dire que cela est vrai pour toutes les autres
mesures de protection qu'un gouvernement peut instaurer. Je pense à la
loi 17 sur la santé et la sécurité des travailleurs. Il
n'est pas douteux que certaines entreprises ont trouvé qu'il leur
fallait payer un peu cher pour assurer la protection de la santé et de
la sécurité des travailleurs. Mais au nom du bien public, de
l'intérêt commun, le gouvernement a jugé bon d'adopter
cette loi parce que la santé et la sécurité des
travailleurs est un bien précieux qu'il faut respecter, qu'il faut
protéger; et il faut, bien sûr, en payer le prix.
Il y a l'exemple de tous les autres pays: lorsque certains pays ont
interdit le droit des enfants à travailler, cela a exigé des
dépenses additionnelles de la part de certaines entreprises puisqu'on
payait ces enfants beaucoup moins cher. On pourrait faire un parallèle
pour toutes les lois qui protègent l'environnement, qui protègent
les personnes, qui protègent les biens. Il y a toujours un prix à
payer. Je crois que ce prix, la société doit le payer en raison
d'un objectif supérieur qu'elle poursuit et en raison des
impératifs d'équité et de justice qui doivent la guider
dans sa législation, quitte à ce que, malgré tout,
l'État puisse, lorsque cela est possible, apporter sa contribution aux
frais qu'exige l'observance de telle ou telle loi, mais encore une fois cela
est justifiable d'un examen que nous mènerons.
Le Président (M. Brouillet): Si vous avez des commentaires
sur les propos de M. le ministre, avant que je cède la parole à
Mme la députée de L'Acadie, vous pouvez les faire
immédiatement.
M. Fox: Non... J'ai très bien compris les points que M. le
ministre a soulignés. Je prétends quand même que, sous bien
des rapports au Québec, l'anglais est dominé dans bien des
domaines, puisque la liberté d'afficher certaines enseignes en anglais
n'existe plus; que même si cela est toléré dans la
correspondance anglaise, il faut, par règlement et par décision,
que nous indiquions, par exemple, dans un texte... Par exemple, si
j'écris en anglais, je dois dire: "It is the decision of le
ministère de l'Éducation." Je ne peux pas dire: "It is the
decision of the Ministry of Education, because it is specified that those
titles are to be represented in French. It is not the Superior Council of
Education, it is the "Conseil supérieur de l'éducation". It can
not be the Protestant committee, it is "le comité protestant", etc."
Comme linguiste, j'ai enseigné trois langues dans différents pays
en Europe et en Amérique du Nord. Je trouve que la loi impose une
détérioration de la langue que je ne crois pas qu'on puisse
tolérer. Il y a une très bonne expression anglaise pour
"ministère de l'Éducation", il y a une très bonne
expression anglaise pour "Conseil supérieur de l'éducation", on
devrait donc pouvoir les utiliser dans la correspondance. Quand vous voyez des
rapports qui sont traduits et dans lesquels certains mots clés
apparaissent immédiatement en français, je dis que c'est une
façon détournée d'imposer des restrictions linguistiques
à une autre langue. C'est mon opinion.
J'ai eu des statistiques. Il y a beaucoup de gens qui sont partis; je ne
sais pas combien sont venus dans le même temps. Naturellement, le
va-et-vient a été constant - c'est vrai - mais il y en a beaucoup
qui étaient plus enclins à venir s'installer au Québec
qu'il y en a maintenant qui veulent venir, surtout des jeunes familles qui ont
des enfants et qui ne savent pas si elles pourront les placer dans une
école de langue anglaise. Si on me dit que les sorties diminuent, je
suis un peu rassuré parce que je me dis que peut-être ceux qui ne
pensent plus à sortir sont assez bilingues de nos jours pour pouvoir
s'établir au Québec.
S'il vous plaît, ne vous méprenez pas. Nous ne sommes pas
contre la priorité du français au Québec, mais ne faites
pas cela de manière à donner l'impression que cela se fait aux
dépens de l'autre langue.
La question d'interprétation des langues officielles, c'est une
question que je ne veux naturellement pas aborder ici. Mais je vous dis
franchement - nous sommes tous de cet avis - que nous espérons que les
Français du Manitoba vont gagner. Les Français du Manitoba se
battent pour acquérir ce qu'ils n'ont pas et nous, les ressortissants de
langue anglaise - je ne veux pas dire les Anglais - au Québec, nous nous
battons pour maintenir ce que nous avons. Nous avons perdu du terrain, mais
nous voulons le garder. Les autres ont gagné du terrain et je suis
certain que dans un avenir rapproché nous aurons deux langues
officielles au Canada.
M. Laurin: M. le Président, je n'ai qu'un petit mot
à dire.
Le Président (M. Brouillet): Vous avez un bref
commentaire, M. le ministre?
M. Laurin: J'ai fait un oubli tout à l'heure. Je remercie
M. Fox pour ses commentaires. Je pourrai peut-être y revenir plus tard.
Je voudrais déposer un autre document qui me permet d'avoir
abrégé mon discours qui aurait été plus long
autrement. Il résume certaines constatations de récentes
études démographiques et statistiques qui pourraient
éclairer les membres de la com-
mission.
Le Président (M. Brouillet): J'aimerais seulement
rectifier qu'il ne s'agit pas vraiment d'un dépôt, mais d'une
distribution du document aux membres de la commission et aussi à nos
invités.
M. Laurin: C'est cela... (12 h 30)
Le Président (M. Brouillet): Mme la députée
de L'Acadie, si vous voulez prendre la parole maintenant.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je désire
remercier l'Association des directeurs généraux des commissions
scolaires protestantes du Québec pour leur mémoire. Il y a des
points qui ont déjà été discutés tout
à l'heure touchant, par exemple, les coûts, vos problèmes
pour l'admissibilité des enfants à l'école anglaise, enfin
ce qui vous apparaît comme des tiraillements inutiles ou des restrictions
qui, finalement, pénalisent un peu tout le monde. Je ne reviendrai pas
là-dessus.
Le ministre nous a encore servi beaucoup de statistiques mais ce que je
trouve intéressant c'est quand il dit d'ailleurs cela a
été reconnu par le gouvernement à plusieurs reprises - que
les migrations à l'extérieur du Québec ne sont pas
nouvelles, qu'elles existaient déjà. Enfin, c'est un peu la
même chose, on est même revenu au taux de migration des enfants de
1976. Il me semble que c'est là une démonstration que la loi 101,
si vraiment il ne s'agit pas d'une situation nouvelle, a eu des effets
importants sur la baisse du taux d'inscription des élèves
à l'école anglaise.
C'est évident qu'il y a plusieurs variables et qu'on ne peut pas
toujours les isoler. En tout cas, on verra les autres études qu'il va
déposer. Mais je pourrais lui en sortir une autre qui prouve de nouveau
ce que j'ai avancé tout à l'heure quant à la baisse du
taux d'inscription des étudiants anglophones.
Je n'ai que quelques questions. La première touche l'article 20,
quant au directeur d'école muté à une autre école
dans un poste comparable. Disons que vous fermez une école secondaire ou
que vous l'affectez à d'autres fins, vous relocalisez ce directeur
d'école dans une autre école secondaire anglaise avec les
mêmes obligations qu'à la première. Vous ne pouvez le muter
sans qu'il ait passé les tests d'aptitudes, de la connaissance du
français.
M. Fox: Oui. C'est la façon dont j'interprète
l'article 20 du chapitre IV. "Pour être nommé, muté ou
promu à une fonction dans l'administration, il faut avoir de la langue
officielle une connaissance appropriée à cette fonction." Ce qui
m'inquiète surtout c'est le "muté". Je vous dis franchement que
de nos jours quiconque postule un poste au Québec, une des
premières conditions - et vous verrez cela dans toutes nos circulaires
-c'est qu'une connaissance du français est indispensable. Donc le
"muté" est vraiment allé très loin; le "promu" même.
On hésiterait à promouvoir quelqu'un qui ne connait pas le
français à moins qu'il soit un homme possédant des
compétences extraordinaires dans sa catégorie. Même
là, nous pourrions très bien être accusés
auprès de la Commission de surveillance d'avoir muté - et nous ne
savons pas qui nous accuse quelqu'un à la place d'un autre et que la
connaissance de la langue n'est pas suffisante.
Mme Lavoie-Roux: Oui. Quels sont les test auxquels vous soumettez
cette personne? Dans le cas des hôpitaux ce sont des tests qui sont
préparés par l'association conjointe des hôpitaux. Dans
votre cas par qui sont préparés ces tests?
M. Fox: Nous avons des tests nous-mêmes parce que nous
avons des tests établis qui indiquent la connaissance suffisante
écrite et orale du personnel ou nous demandons à ces gens de se
soumettre aux tests de l'Office de la langue française.
Peut-être un petit à-côté en ce qui concerne
l'indication que M. le ministre avait faite qu'il y a une liberté en ce
qui concerne l'utilisation de l'anglais dans la pédagogie et dans le
curriculum. Je suis d'accord pour la pédagogie parce qu'on n'a pas
encore trouvé le moyen d'enseigner l'anglais en français. Il faut
donc continuer à l'enseigner en anglais.
Une voix: Cela va venir. Il y a de la recherche.
M. Fox: Mais cela viendra peut-être. D'autre part, je dirai
que dans le curriculum ce n'est pas le fait, parce que tous les programmes qui
se sont développés ne se sont pas développés en
anglais. Ils se sont développés en français et nous sommes
obligés de traduire ces programmes du français à
l'anglais. C'est d'ailleurs un coût supplémentaire que nous ne
supportons pas. C'est le ministère qui paie. C'est une traduction qui se
fait.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, dans cette lignée
puisque vous soulevez le problème de la pédagogie, jusqu'à
récemment - je ne saurais dire le nombre d'années -vous pouviez
bénéficier, dans une large mesure, de ressources au plan
pédagogique qui pouvaient émaner d'autres provinces ou des
États-Unis. Est-ce que ceci se trouve diminué par les exigences
de la loi 101 ou si cela vous donne encore la même latitude?
M. Fox: Excusez-moi, des ressources qui venaient...
Mme Lavoie-Roux: C'est-à-dire des ressources quant aux
manuels, au contenu de programmes, etc. ou si cela est disparu avant même
la loi 101?
M. Fox: Oui, là c'est encore une tout autre histoire. A un
moment donné, il y avait une loi très restrictive qui ne nous
permettait plus d'acheter les livres hors du Québec ou directement hors
du Québec. C'est un domaine qui est très délicat. Nous
devons acheter nos livres ici de façon à retarder sur bien des
rapports la disponibilité des manuscrits, des livres et cela nous a
coûté beaucoup plus d'argent. Dans le temps, nous pouvions aller
directement chez le grossiste ou à la maison de publication. Ceci
n'existe plus car il faut que cela passe par une librairie ou par une
entreprise au Québec, mais on a encore accès au matériel
pédagogique anglais, en général. Il faut qu'il soit
reconnu par le comité protestant dans notre cas ou par le comité
catholique...
Mme Lavoie-Roux: Vous pouvez encore...
M. Fox: Oui, d'accord.
Mme Lavoie-Roux: D'accord. Est-ce qu'il y a des cas où -
à votre connaissance -des personnes ont du démissionner parce que
vous n'avez pas pu les relocaliser, compte tenu de leur connaissance
inappropriée du français? Est-ce qu'il y a des gens qui sont
partis? À votre point de vue, cela a-t-il créé des
injustices à l'endroit du personnel que vous aviez avant la loi 101?
M. Fox: L'inquiétude existe. Il n'y a eu qu'un seul cas et
la personne en question est partie, mais elle serait partie quand même.
C'est justement une personne qui avait été convoquée. J'ai
dû aller à la Commission de surveillance de la langue
française pour expliquer l'engagement de cette personnne qui travaillait
exclusivement avec des élèves de langue anglaise - c'était
une psychologue mais qui n'avait pas une connaissance suffisante de la langue
française et nous avions été accusés d'avoir
engagé cette personne contrairement à la loi. Elle a
décidé de partir avec son mari. Ils sont allés quelque
part au Canada. Donc, la question est réglée là-dessus.
Comment cela se serait-il terminé? Je ne le sais pas. Nous n'avons pas
encore, à ce moment, vu la nécessité de renvoyer quelqu'un
pour manque de connaissance. Promouvoir quelqu'un oui, renvoyer non.
Mme Lavoie-Roux: Une autre question concernant l'identification
des écoles anglaises. Dans les autres provinces où il y a des
écoles françaises, comment se fait l'identification?
M. Fox: Sûrement dans un titre français.
Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas une chose que vous avez
vérifiée.
M. Fox: Non, je ne l'ai pas vérifié. J'ai tenu pour
acquis que dans un libre choix on peut... Sûrement que l'école
primaire de Saint-Boniface ne s'appelle pas St. Boniface Primary School. Je
suis tellement sûr de cela que nous ne l'avons pas contrôlé.
Vous me prenez au dépourvu. Cela a été toute une histoire
dans notre commission scolaire. D'une façon pragmatique et simple, on se
disait: Nous avons Lachine High School et il faut le franciser. Plutôt
que dépenser de l'argent, on va simplifier la chose et on va tout
simplement laisser Lachine et on va enlever le High School; quiconque passe
devant la bâtisse verra bien que c'est une école. Nous avons
enlevé les mots "High-School" et nous avons eu toute la
communauté sur notre dos. Il faut remettre les mots "High-School"; on
les a remis. Et maintenant, il faut mettre école secondaire Lachine - je
parle de Lachine, cela pourrait s'appliquer à n'importe quelle autre
école, c'est notre premier test du feu.
Vous vous rendez compte que d'une façon architecturale, vous avez
des conditions à remplir et c'est extrêmement onéreux et,
à mon avis, inutile.
Mme Lavoie-Roux: Ma dernière question touche vos
commentaires de la page 16 relativement à la Commission de surveillance
de la langue française. Je dois dire qu'à plusieurs endroits dans
votre mémoire votre langage est assez dur. Je me suis dit que si vous
l'avez utilisé c'est que vous pouvez certainement étayer ce que
vous avancez. Y a-t-il eu des cas où... Vous faites état du fait
que l'accusé peut être condamné à payer une amende
et à être déclaré coupable sans jamais savoir qui a
porté cette accusation contre lui. Est-ce simplement le fait que ceci
ouvre la porte à cette possibilité-là ou est-ce
qu'à votre connaissance, il y a des cas où vraiment il aurait
été dans l'intérêt de celui qui était
accusé de savoir qui avait porté l'accusation?
M. Fox: Madame, il serait quand même logique de savoir qui
vous accuse, surtout que, dans bien des cas, il s'agit d'un employé ou
de quelqu'un qui se sent frustré ou qui pense qu'il a été
ignoré et qui croit qu'il est mieux que celui qui a été
mis à sa place. Cela ouvre la porte à toute sorte de manigances
qui, malheureusement, ne sont pas très saines.
Par exemple, nous avons été accusés -je vous le dis
franchement - d'avoir des employés de cafétéria qui ne
savaient pas le français dans une école où un grand nombre
d'élèves étaient francophones. D'accord. C'étaient
des dames qui travaillaient dans cette cafétéria depuis des
années. Je n'ai jamais, personnellement, ou aucun de mes administrateurs
ou le principal de l'école n'a jamais eu une plainte de quiconque du
service de l'école. Les affiches étaient en français; on
s'est arrangé quelques fois pour y mettre des numéros au lieu de
mettre... Cela a marché et tout à coup, quelqu'un nous a
accusés que cela se passait. Il a fallu remplacer deux dames, les
enlever de cette cafétéria; nous les avons nommées
ailleurs et nous les avons remplacées. Il y en a cinq qui travaillent
dans cette cafétéria; nous en avons remplacé deux, nous en
avons laissé deux qui servaient les enfants et la troisième
travaillait dans la cuisine et n'avait pas de contact avec les enfants. Les
enfants ne se plaignaient pas parce que c'est une école bilingue
où l'enseignement se donne en français et en anglais. Lorsque
l'inspecteur de la commission de surveillance est revenu, la dame avec qui il a
parlé était une dame qui ne parlait pas le français; elle
était de l'autre côté, il a posé la question de ce
côté-là.
Vous voyez que cela cause des ennuis inutiles et ces dames sont
maintenant inquiétées du fait même qu'il y en a deux qui
ont été remplacées parce qu'elles ne parlaient pas le
français. Ce sera le tour à qui la prochaine fois? Cela
crée une certaine atmosphère malsaine.
Mme Lavoie-Roux: C'est un peu une situation, jusqu'à un
certain point, analogue à celle qui existait à St. Mary's et qui
a mis le personnel dans un état d'insécurité. Je me
demande, M. le Président, si les dispositions qui sont contenues dans la
charte pour protéger les plus vieux employés - on dit ceux qui
sont à cinq ans de leur retraite -et il y a une autre disposition - je
l'ai oubliée exactement - si cela ne devrait pas être
révisé. Vous savez, si une personne est rendue à 55 ans,
elle n'est pas nécessairement à cinq ans de sa retraite et c'est
peut-être difficile pour elle d'apprendre une deuxième langue. Je
trouve que dans ces cas, le gouvernement devrait faire des efforts pour
empêcher qu'on commette des injustices, particulièrement à
l'égard de personnes qui ne peuvent pas se replacer facilement ailleurs,
parce qu'elles n'ont pas de profession, etc. Je ne sais pas si le gouvernement
est disposé à examiner cela pour diminuer, s'il y en a eu, les
cas d'injustice.
M. Laurin: Effectivement, il y a une disposition dans la charte
qui touche les entreprises à cet égard. Pouvons-nous, par
extension, considérer que les commissions scolaires constituent une
entreprise à cet égard ou s'il faut être plus explicites,
plus spécifiques et l'écrire tel quel dans la loi? C'est une
suggestion que nous allons sûrement examiner avec attention.
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le ministre.
M. Fox: J'aimerais souligner que c'est un élément
extrêmement important et qui cause beaucoup de tracas. Je vous dirai
franchement que, d'une part, je suis accusé par le personnel
d'être trop intransigeant en ce qui concerne les exigences du
français et, d'autre part, on m'accuse de ne pas faire assez pour
franciser l'établissement. Donc, nous sommes pris entre les deux feux et
je peux vous dire que j'ai eu des lettres anonymes de menaces. Je les ai
ignorées, j'ignore toutes les lettres anonymes, mais cela prouve une
certaine mentalité de crainte et une certaine mentalité de manque
de confiance. Les gens ne se sentent pas à l'aise.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Brouillet): Bien, merci. M. le
député de Bourassa, je vous demanderais de prendre en
considération le temps qu'il nous reste. Il y a aussi le
député de Westmount et le mot de la fin du ministre...
Une voix: ...le député d'Outremont.
Le Président (M. Brouillet): Le député
d'Outremont? Je m'excuse.
M. Fortier: Comme le ministre de l'Éducation demeure dans
Westmount, je suis certain qu'il ne serait pas d'accord avec moi.
M. Laplante: Nous allons faire notre possible pour nous
discipliner, M. le Président.
M. Laurin: Je demeure à Vaudreuil.
Le Président (M. Brouillet): Très bien, M. le
député de Bourassa.
M. Laplante: Merci, M. le Président. Je débuterai
par une question que le député de Mont-Royal posait de bonne foi,
hier, à un groupe francophone, qui est la Société
nationale des Québécois de l'Outaouais. Il lui demandait
pourquoi, dans son mémoire, il revenait toujours sur l'histoire
ancienne, pourquoi il ne préparait pas son mémoire de
façon plus constructive vers l'avenir. C'est une question que j'ai
trouvée intéressante, M. le député de Mont-Royal.
Mais à la lecture
du mémoire d'aujourd'hui, je ne sais pas si vous poseriez
à nouveau la question à ces francophones, parce que, à mon
avis, c'est un mémoire qui utilise les thèmes les plus
méprisants envers la francophonie et les francophones, c'est le
mémoire le plus dur que nous ayons eu jusqu'ici. Ce que je trouve
déplorable, c'est que c'est écrit par des professionnels de
l'éducation, des hauts cadres de l'éducation, qui auraient au
moins pu venir ici avec une préoccupation d'amender les irritants dans
une charte de la langue française du Québec.
À la page 4, à propos de certaines procédures on
dit: "et peuvent être considérées tout simplement comme
grotesques et "kafkaïens".
À la même page 4, vous dites que: "De tous petits enfants
doivent observer très méticuleusement toute une série de
démarches quasi incohérentes."
A la même page, vous traitez les fonctionnaires francophones -
dont vous êtes vous-mêmes, les directeurs généraux -
de petits fonctionnaires mesquins. Je trouve là aussi que c'est une
insulte pour nous. Vous êtes vous-mêmes des fonctionnaires.
À la page 3, vous dites: "Les mesures restrictives
imposées sont nombreuses et variées, elle sont sous bien des
rapports furtives et subliminales de nature."
Toujours à la page 3, vous dites: "Pourtant, il semble que
certains groupes de personnes en autorité au Québec ne
lésinent pas sur les moyens et s'acharnent à vouloir promouvoir
à tout prix la cause de la langue française, aux dépens
même de celle de la langue anglaise", cela frise le racisme, MM. les
directeurs généraux.
Vous avez aussi une autre remarque. À la page 4, vous parlez d'un
"vrai cauchemar administratif qui aboutit souvent à une série
d'erreurs tragi-comiques et franchement loufoques." Vous dites aussi, MM. les
directeurs généraux, à la page 15, au sujet de la
Commission de surveillance de la langue française: "Cette commission
dispose de pouvoirs fort étendus qui, sous bien des rapports, peuvent
inspirer une certaine crainte. En effet, il n'est pas assez connu et reconnu
que la police de la langue peut s'adjuger le droit..." Vous transférez
cela aux policiers. Ensuite, à la page 16, vous dites: "La situation est
grave. De telles procédures peuvent s'identifier facilement aux
tactiques autoritaires d'un État policier."
Vous savez, MM. les directeurs généraux, la confiance se
gagne aussi dans l'observation d'une loi vis-à-vis d'un gouvernement.
Lorsque le gouvernement a voté la loi 101, il s'est fié aussi
à la communauté anglophone - vous autres, les directeurs
généraux - pour pouvoir au moins donner à cette loi un
essai honnête. Qu'avez-vous fait? Vous avez contribué à
mettre dans l'illégalité environ 1500 jeunes qui sont aujourd'hui
pris dans une contrainte de la loi. Vous avez contribué à les
cacher dans chacune de vos écoles. Jamais vous n'avez
dénoncé cette chose au nom, justement, de ces jeunes, au nom d'un
avenir collectif de ces jeunes. Tout ce que vous avez vu là-dedans,
c'est l'esprit anglophone, grossir vos rangs comme anglophones avec les
allophones.
Des voix: Oh: Oh!
M. Ryan: M. le Président...
M. Laplante: J'emploie à peu près le même ton
qu'il y a dans le mémoire.
Le Président (M. Brouillet): Une minute, s'il vous
plaît! M. le député d'Argenteuil, vous avez...
M. Ryan: ...le député de Bourassa est en train de
dire des choses... Je ne sais pas s'il me permettrait de faire seulement une
rectification. Je pense qu'il les dit de bonne foi, mais s'il me permettait de
faire une rectification, cela éviterait...
M. Leduc (Fabre): M. le Président, je m'excuse! M. le
Président!
M. Ryan: ...qu'on s'engage dans un climat impossible. S'il ne
veut pas, on le fera ailleurs.
M. Leduc (Fabre): M. le Président...
Le Président (M. Brouillet): Très bien. C'est M. le
député de Bourassa qui a la parole actuellement. Je lui
demanderais de tenir compte des remarques que j'ai faites tantôt - le
temps est assez limité - et de peut-être aboutir à des
questions après ses remarques générales.
M. Laplante: C'est ce dont je voulais surtout vous faire part. Je
crois que les questions ont été posées par M. le ministre
et par Mme la députée de L'Acadie qui a elle-même
confirmé le ton très dur de votre mémoire. Mais je veux
surtout vous exprimer ma déception à vous, professionnels de
l'éducation anglaise, vis-à-vis de votre
crédibilité et des revendications que vous faites. Il y a
quelques revendications là-dedans avec lesquelles je suis d'accord, mais
il y a un ton à employer. Nous avons surtout voulu que cette commission
ait ce qu'on appelle un "low profile", pour essayer de trouver entre nous les
irritants d'une loi. Je serais gêné à votre place, vous,
professionnels, encore une fois, d'avoir soumis un tel mémoire. Je vous
remercie, M. le Président.
Le Président (M. Brouillet): Très bien.
Quelques brefs commentaires, avant de céder la parole...
M. Fox: Je crois que je me passerai de commentaires pour ne pas
entrer dans une controverse. Je prends la responsabilité de ces paroles.
C'est moi qui les ai écrites.
M. Ciaccia: Avant l'intervention...
Le Président (M. Brouillet): Je vais donner la parole tout
d'abord au député d'Outremont.
M. Ciaccia: Mais c'est seulement pour...
M. Fortier: M. le Président, c'est parce que le
député de Bourassa...
Le Président (M. Brouillet): Si c'est pour poursuivre un
débat sur le ton, non.
M. Fortier: Non, non.
Le Président (M. Brouillet): Les invités sont ici.
Vous avez le droit de faire des commentaires et de poser des questions. Je ne
voudrais pas qu'on commence encore à faire une discussion sur...
M. Fortier: Quant à moi, mon commentaire n'avait rien
à voir avec cela, mais mon collègue de Mont-Royal a
été mis en cause. Je crois qu'il voudrait dire un mot
là-dessus.
M. Ciaccia: II y a une question qui m'a été
posée. Je voudrais seulement répondre à la question qui
m'a été posée, très simplement, sans soulever de
débat, M. le Président, toujours avec l'objectif de maintenir le
calme et un peu de bon sens dans les travaux de notre commission.
Le Président (M. Brouillet): Je vous donnerai le droit de
parole tantôt. Pour le moment, je vais le donner à... Est-ce
simplement une rectification?
M. Ciaccia: C'est parce que cela aurait beaucpup plus de bon sens
de le faire maintenant, M. le Président.
Le Président (M. Brouillet): Bon, faites votre remarque
immédiatement, une rectification ou un commentaire
brièvement.
M. Ciaccia: C'est ça. Alors, on m'a demandé si,
à la suite de ce mémoire, je poserais la même question aux
porte-parole de la Société nationale des Québécois
de l'Outaouais. Catégoriquement, ma réponse est: Oui, je poserais
la même question. Les propos qui avaient été
soulevés, hier, indiquaient un redressement de l'histoire. On faisait un
rappel des problèmes et des conflits du passé pour essayer de
continuer les conflits ou de changer le pendule. Ce n'est pas en continuant les
conflits, ni en faisant toujours un rappel des péchés du
passé, comme cela se produisait hier, qu'on pourra trouver aujourd'hui
des solutions. Le point que j'ai fait valoir hier, c'est que j'aurais
préféré trouver une nouvelle formule pour regarder comment
à l'avenir, au Québec, nous pourrons vivre en paix. Pour ce qui
est des termes méprisants, qu'ils soient employés par une
personne ou par une autre, et de l'appel au redressement de l'histoire, on ne
peut pas changer l'histoire. Si on continue toujours à garder un esprit
étroit qui tente de prendre une revanche sur le passé, cela ne
peut se faire et on continuera à produire des conflits. Les exemples que
le député de Bourassa a donnés quant aux procédures
kafkaïennes et grotesques...
M. Laplante: M. le Président...
Le Président (M. Brouillet): Non, excusez, on n'entre pas
dans ce débat.
M. Ciaccia: Non, je ne veux pas entrer dans le débat. Le
seul point que je voudrais faire, c'est que l'appel...
M. Laplante: Je crois que la mise au point est faite, parce que
je ne vous ai pas attaqué.
M. Ciaccia: Le seul point que je voulais faire...
Le Président (M. Brouillet): Le seul point que vous
vouliez aborder, je pense que vous l'avez fait.
M. Ciaccia: M. le Président, si vous me le permettez, je
pense que ce sera beaucoup plus calme si nous ne faisons pas de débat de
procédure.
Le Président (M. Brouillet): Et si vous ne débordez
pas sur le sujet dont il est question.
M. Ciaccia: M. le Président, je pense qu'il y a une grande
différence entre essayer de redresser l'histoire, les
péchés du passé qui peuvent produire des abus dans
l'avenir et donner certaines descriptions de la commission de surveillance.
Cela ne me semble pas tout à fait le même sujet. Les termes
méprisants sont des termes méprisants. La question
soulevée par le député de Bourassa est complètement
différente. Il fait allusion à l'approche des gens d'ici quant
aux procédures actuelles et à leur description. Ce n'est pas tout
à fait le point que j'avais soulevé, hier, concernant un rappel
de l'histoire et la revanche des abus du passé.
Le Président (M. Brouillet): Très bien. Je remercie
le député de Mont-Royal.
J'invite maintenant le député d'Outre-mont à
prendre la parole.
M. Fortier: Je suis prêt à poursuivre, mais mon
collègue d'Argenteuil voulait faire un commentaire. Est-ce que vous le
lui permettez?
M. Ryan: M. le Président, une affirmation fausse a
été faite plus tôt et je voudrais qu'on la corrige. Je
pense que le député de Bourassa va le faire aussi de bonne
foi.
M. Leduc (Fabre): M. le Président, s'il vous plaît!
On ne veut pas de débat. M. le Président, est-ce que vous
pourriez demander qu'on procède à l'interrogation de nos
invités?
M. Ryan: Bien, voyons donc! On a le droit de dire ce qu'on
veut.
Le Président (M. Brouillet): Écoutez, question de
règlement, M. le député d'Outremont.
M. Fortier: M. le Président, je crois que mon
collègue d'Argenteuil veut simplement rétablir des faits. Comme
il est le porte-parole de notre formation politique dans le domaine de
l'éducation et que nous sommes ici pour connaître les faits, que
nous sommes à la recherche de la vérité, je ne peux
comprendre que les membres du Parti québécois s'opposent à
ce que les faits soient rétablis par mon collègue
d'Argenteuil
Le Président (M. Brouillet) Si c'est une question de fait,
M. le député d'Argenteuil, vous pouvez donner votre opinion.
M. Ryan: Le député de Bourassa a accusé les
directeurs généraux des écoles protestantes d'avoir nourri
dans le sein des commissions scolaires protestantes des élèves
qui étaient là de manière illégale. C'est faux!
C'est faux! Ce n'est pas dans ce secteur-là que se trouvent les
élèves considérés comme illégaux. Au
contraire, la preuve pourra facilement établir que, dès qu'un
tribunal s'est prononcé sur cette question-là, les commissions
scolaires protestantes se sont soumises à la loi. L'autre cas, nous
aurons l'occasion de l'examiner dans des témoignages ultérieurs.
J'espère que vous retirerez cette accusation qui ne m'apparaît pas
fondée.
Le Président (M. Brouillet): J'avais fourni l'occasion
à M. le directeur d'énoncer ses commentaires et il avait cru bon
de refuser. (13 heures)
M. Fox: Je n'ai pas voulu le faire, parce que je ne veux pas
opposer le secteur catholique au secteur protestant dans ces débats.
Mais ce que le député d'Argenteuil dit est vrai. Si M. le
député de Bourassa dit que ce n'est pas vrai, j'aimerais bien
savoir dans quelle école protestante vous avez des illégaux.
Le Président (M. Brouillet): Alors, j'invite...
M. Laplante: II faudra nous donner les listes, pour commencer.
Quant à l'État policier...
Mme Lavoie-Roux: Oh! D'autres accusations insidieuses.
M. Ryan: Vous avez déjà trop de listes.
M. Laplante: ...dont il parle, le ministre s'est toujours
opposé à ce que la police aille vérifier les faits. Qu'on
nous donne la chance, au ministère de l'Éducation, d'envoyer nos
agents et de vérifier tout ce qui se passe dans les écoles et,
après cela, on pourra démentir ce qui a été
dit.
Une voix: Mais vous semblez le savoir.
M. Laplante: Jusqu'à présent, les faits sont
là.
Mme Lavoie-Roux: C'est absolument gratuit, ce que vous dites, M.
le député de Bourassa.
M. Laplante: Je suis obligé d'affirmer encore une fois
que, dans le secteur des écoles anglophones...
Mme Lavoie-Roux: C'est trop facile, ça!
M. Laplante: ...il y a encore approximativement 1500
illégaux appuyés par la communauté anglophone.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, est-ce que le
règlement...
Le Président (M. Brouillet): S'il vous plaît!
Mme Lavoie-Roux: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Brouillet): Oui, question de
règlement.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que la procédure parlementaire
permet à un député, quel qu'il soit, d'affirmer n'importe
quoi sans étayer cela par des preuves? C'est ce que le
député de Bourassa fait présentement.
M. Laplante: Niez-vous qu'il y ait des enfants illégaux
dans les écoles anglophones?
Le Président (M. Brouillet): Excusez-moi, M. le
député de Bourassa. Un député peut affirmer des
choses...
Mme Lavoie-Roux: II peut affirmer n'importe quoi?
Le Président (M. Brouillet): Oui. Mme Lavoie-Roux:
Bon, tant pis!
Le Président (M. Brouillet): Je n'ai pas à juger si
c'est n'importe quoi ou pas.
Mme Lavoie-Roux: On vient de rétablir des faits et il
maintient...
Le Président (M. Brouillet): Une minute, s'il vous
plaît. Chacun assume les propos qu'il tient ici et libre aux autres
membres de la commission, quand ils obtiennent le droit de parole, de rectifier
les faits ou de les contredire. C'est le jeu des commissions parlementaires et
ce n'est pas à moi de décider si les propos sont exacts ou non.
Toute personne a droit de contredire des propos en demandant la parole. C'est
ce qui est fait depuis toujours.
M. Ciaccia: Y a-t-il consentement pour continuer après 13
heures?
M. Sirros: ...reconnaître le droit du député
de Bourassa de dire n'importe quoi?
Le Président (M. Brouillet): Vous n'avez pas à le
reconnaître.
M. Sirros: Comme il l'a fait, finalement.
Mme Lavoie-Roux: II l'a pris.
Le Président (M. Brouillet): C'est un droit qui est
reconnu par tous indépendamment de l'opinion de l'un ou l'autre des
membres des commissions.
M. Sirros: II peut même avoir le droit d'être
irresponsable, M. le Président?
Le Président (M. Brouillet): C'est un droit que tous
partagent.
M. Ciaccia: Est-ce qu'on a le consentement pour continuer?
Le Président (M. Brouillet): II est 13 heures et je dois
obtenir le consentement pour continuer.
J'invite le député d'Outremont à prendre la
parole.
M. Fortier: J'aurais un commentaire à faire et ensuite une
question à poser aux directeurs généraux. Le premier
commentaire est que je n'ai pas eu le plaisir d'assister aux commissions
parlementaires de 1977. Je dois dire que je suis assez surpris de voir le
climat se détériorer. Le député de Bourassa s'est
lancé dans une direction en faisant des affirmations qui peuvent nous
empêcher ou empêcher la population de saisir l'ampleur du
problème. Jusqu'à maintenant, il s'était abstenu de parler
et je crois que tout le monde l'appréciait.
Ce qui m'a le plus surpris, c'est le ton du ministre de
l'Éducation. Il a parlé de choses qui, de toute évidence,
affectent les citoyens du Québec, qui les affectent profondément.
Si le député de Bourassa se surprend du ton du mémoire, je
crois que cela indique jusqu'à quel point ces gens, en tant
qu'individus, se sentent brimés par des mesquineries. Enfin, c'est le
mot que vous employez dans votre texte. J'en suis tout à fait surpris,
moi qui suis ingénieur et qui suis appelé, par ma formation,
à traiter de ces questions avec des statistiques. Je suis plutôt
porté à m'intéresser de très près à
l'aspect humain de ces problèmes alors que, pour sa part, le ministre de
l'Éducation, lui, a une formation dans le domaine des sciences humaines
et il tente de régler ces problèmes à l'aide de
statistiques. Je voulais simplement faire état de ma surprise devant
l'attitude du ministre de l'Éducation qui cherche à traiter les
problèmes qui concernent les êtres humains vivant au Québec
à l'aide de statistiques alors que moi, qui suis ingénieur, je
m'aperçois que le côté humain de ce problème blesse
beaucoup de gens.
Je voudrais dire à l'Association des directeurs
généraux des commissions scolaires protestantes du Québec
que, pour ma part, j'ai été très impressionné de
leur témoignage. C'est le témoignage d'êtres humains vivant
au Québec et voulant participer à la vie économique et
culturelle du Québec. Cela m'amène à dire que je suis
sûr que le député de Bourassa et le ministre comptent sur
l'appui populaire des Québécois. Je voudrais dire que je suis
Québécois autant que quiconque autour de la table, je suis
Canadien français autant que quiconque autour de la table et je crois
que les Canadiens français et les Québécois, d'une
façon générale, ne sont pas mesquins et que nous devons
dénoncer ces mesquineries parce que, si les gens qui sont au pouvoir
croient avoir l'appui populaire pour perpétuer les mesquineries qui se
sont glissées dans l'application de la loi depuis 1978, je crois que
l'ensemble des Québécois le leur fera payer bien cher lors de la
prochaine élection.
Pour ma part, je crois que c'est de la mesquinerie d'insister pour que
les noms des écoles de langue anglaise soient inscrits en
français. On pourra même parler de fausse
représentation, on pourra même se demander si la Loi sur la
protection du consommateur ne pourra pas intervenir pour dire qu'il s'agit
là d'une fausse représentation de la part d'écoles de
langue anglaise d'avoir un nom en langue française.
Je passerai là-dessus pour vous poser une question en ce qui a
trait à l'effort additionnel qui pourrait être fait, dans le sens
que vous l'avez fait jusqu'à maintenant, pour faciliter l'apprentissage
de la langue française. Je crois que plusieurs ici ont dit qu'on devait
vous féliciter pour les efforts que vous avez faits pour les commissions
scolaires avec lesquelles vous travaillez. À la page 4, vous parlez de
coûts additionnels de traduction ou de coûts additionnels de toutes
sortes. Est-ce que ces coûts additionnels sont assez significatifs? Quel
ordre de grandeur pourriez-vous leur donner, en supposant que, dans l'avenir,
il y ait des assouplissements pour que ces sommes puissent être
utilisées là où elles devraient être
utilisées, c'est-à-dire dans le sens d'une meilleure
pédagogie, dans le sens de faciliter davantage l'apprentissage de la
langue française?
Je sais que le budget de la Commission des écoles protestantes du
Grand-Montréal est de l'ordre de 120 000 000 $. Est-ce qu'on parle de
sommes significatives qui pourraient faire une différence en les
employant d'une façon positive plutôt que de s'acharner à
des niaiseries et à des mesquineries du genre de celles dont vous avez
fait état?
M. Fox: Je suis d'accord. Vous parlez d'un budget de 124 000 000
$, mais n'oubliez pas que 84% de ce budget va en salaires, ce qui réduit
déjà ledit budget à quelque 30 000 000 $ dont nous pouvons
disposer. De ces 30 000 000 $, à peu près la moitié est
réservée pour le maintien des bâtiments, le chauffage,
l'électricité qui sont indispensables. Vous voyez donc que la
proportion de l'argent employé se réduit de beaucoup. Nous avons
prévu quelque 90 000 $, comme je vous l'ai dit dans la
présentation de la commission scolaire, pour la traduction seule.
Même là, nous avons des frais additionnels. La date fatidique doit
être le 31 décembre 1983, date où tout devrait être
produit en français. De ce point de vue-là, nous avons même
regardé la possibilité d'avoir la traduction par ordinateur. Nous
avons un projet avec une firme montréalaise et cela fonctionne tant bien
que mal. Cela accélère la production de textes, mais c'est encore
de l'argent qui, à mon avis, est gaspillé puisque c'est de
l'argent que je dois utiliser à traduire beaucoup de textes qui, une
fois transmis avec une lettre d'accompagnement en français... Je suis
entièrement d'accord que la correspondance avec le ministère de
l'Éducation se fasse en français, mais que tous les documents que
je résume dans cette lettre que j'envoie en français doivent
être exactement traduits en français, c'est inutile. C'est donc un
des points que je veux souligner.
S'il vous plaît, regardez le côté positif! Parfois la
vérité blesse. Je m'excuse, mais, d'un autre côté,
je vous dis franchement que nous tenons à avoir plus de liberté
d'action, qu'on nous accorde plus de confiance et qu'on cesse de surveiller
tous les mouvements qu'on fait, de façon qu'on soit assuré que
tout se passe selon les règles, instructions, règlements et
directives qui sont fort nombreux.
M. Fortier: Je vous remercie, M. Fox.
Le Président (M. Brouillet): Je vous remercie.
M. le ministre, pour le mot de la fin.
M. Laurin: Je veux encore remercier les directeurs
généraux de leur mémoire. Je m'excuse, dans mes
commentaires, d'avoir parlé de statistiques, mais je ne pense pas que
mes commentaires se soient limités à des commentaires
statistiques. Je ne voudrais pas que le député d'Outremont
m'empêche d'utiliser des statistiques, de même que je ne voudrais
jamais l'empêcher d'utiliser des arguments tirés des sciences
humaines.
M. Fortier: ...oui, mais...
M. Laurin: Je pense qu'en réponse à des questions,
on peut utiliser toutes les données qui existent, dont les
données statistiques peuvent être parfois un élément
important.
Encore une fois, je veux remercier les directeurs généraux
pour leur mémoire éclairant et les assurer que nous allons
étudier les moyens qu'il importe de mettre en oeuvre, d'une part pour
assurer l'atteinte des objectifs que vise la loi, mais également dans un
esprit d'équité et de justice à l'endroit du secteur
scolaire anglophone.
Le Président (M. Brouillet): Merci. Nous suspendons nos
travaux jusqu'à 15 heures, cet après-midi.
(Suspension de la séance à 13 h 12)
(Reprise de la séance à 15 h 08)
Le Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission élue permanente des communautés culturelles
et de l'immigration reprend ses travaux.
J'invite les représentants de la Provincial Association of
Catholic Teachers à prendre place et à bien vouloir se
présenter.
PACT
M. Ratcheff (Dennis): Thank you very much. I would like to
introduce our delegation. On my immediate right, we have Bob Dobie, our
Secretary General, and beside him is Peter Gentile, Vice-President of PACT, and
a member of our Board of Directors, Mario Di Domenico at the far right.
Immediately to my left, we have Terry Tatasciore, a member of our Board of
Directors, and Leo Fernandes, also a member of our Board of Directors. My name
is Dennis Ratcheff, President of PACT.
Le Président (M. Brouillet): Très bien. Si vous
voulez nous présenter votre mémoire.
M. Ratcheff: Thank you very much. Mr. President, Ladies and
Gentlemen, in June 1977, our association presented a brief to the parliamentary
committee studying Bill 1. A number of points were made on the language of
instruction, the language of labour relations and the vision we had of
Québec and, more specifically, of the place the minorities should play
within Québec society.
The parliamentary committee listened attentively and we were sure that
our recommendations would be taken into consideration. We expressed our concern
with many aspects of the proposed legislation and strongly urged that the law
should be applied with suppleness, taking into consideration real human
factors. Premier Lévesque went as far as to say that he was humiliated
to present such a law and, on numerous occasions, both he and Dr. Camille
Laurin assured us that Bill 1 was a temporary solution to redress a particular
situation and, once that situation had been remedied, we could expect changes.
We claim that the time for modifications is overdue.
When preparing this brief, we wondered whether it would serve any use.
On the one hand, we felt that the briefs presented by most nonfrancophone
groups in 1977 were almost totally ignored and, furthermore, even more
recently, we observed that the Parti québécois general council
had given rather unequivocal instructions to the Government not to modify the
provisions of Bill 101. In any event, we felt we must address ourselves to the
few areas which desperately need change.
The preamble of Bill 101 states that the National Assembly intends to
pursue to deal fairly and openly with ethnic minorities. The implication is
that the minorities are not part of the Québec people, but are
extraneous elements who have, by historical element, acquired certain tribal
rights. After six years of living under Bill 101, many English-speaking
Quebeckers feel that they have not been treated on an equal footing with the
majority of Quebeckers and have been treated as a bothersome appendix.
The first article of Bill 101 clearly states the lack of recognition
given to the English-speaking community. We accept the fact that French is the
official language of Québec, but that statement fails to show respect
and give recognition to the valuable contributions that the English-speaking
minority has made to the development of Québec. We would recommend that
the English language be given some official status in Bill 101, specially as it
deals with the right to communicate with the Government and within its own
institutions. To some degree, this has been done unofficially with the
insertion, in government documents, that English versions are available upon
request, the most recent example being the publication of the Charte
québécoise des droits et libertés de la personne where
citizens are invited to request English versions if they so desire.
The English-speaking community is not a monolithic community. Anyone who
has tried to teach English in the English Catholic schools can give assurance
that the process of inculturisation with these children has not proceeded very
far. These children have not become imbued with the spirit, the culture and the
language of Chaucer and Shakespeare. Contrary to what seems to be believed by
many Quebeckers, we cannot equate the English language with the English culture
for these children. For them and their parents, English is merely a tool and
the recognition of this language should be articulated in Bill 101.
One of the tragedies of the bitterness of the debate on language in
Québec is that of welding an English-speaking minority with a single
sense of identity. We wish to emphasize that the community which we serve
represents approximately half of the English-speaking population of
Québec. It is neither wasp nor elite. It is not a homogeneous group but
rather a polyglot collection of various ethnic groups, each retaining its own
ethnic identification and using English as a tool of communication. The English
language should be officially recognized and the law should be amended to
reflect this.
M. Dobie (Robert): Cette association a émis à
maintes reprises, comme principe de base, le droit de tous les parents de
choisir la langue d'instruction de leurs enfants. Le gouvernement actuel a
catégoriquement rejeté ce principe et seuls les
Québécois anglophones certifiés, les Amérindiens et
les Inuits jouissent d'un tel droit. Les nouveaux immigrants, même
lorsqu'ils sont anglophones, sont acheminés vers les écoles
françaises. Le seul résultat de cette restriction a
été d'encourager plusieurs Néo-Québécois
anglophones potentiels à élire résidence ailleurs
qu'au Québec.
La loi 101 empêche également les Canadiens des autres
provinces d'inscrire leurs enfants dans les écoles anglaises. La
constitution canadienne a enchâssé ce droit de façon
très claire, mais le gouvernement du Québec refuse de le
reconnaître. Les dispositions restrictives régissant
l'accès aux écoles anglaises ont eu un effet dévastateur
sur la communauté anglophone.
Dans notre mémoire présenté à la commission
parlementaire en 1977, nous avons soumis de façon catégorique que
de telles dispositions restrictives entraîneraient éventuellement
l'étranglement de la communauté anglophone. Les membres du Parti
québécois siégeant au sein de la commission parlementaire
nous ont traités d'alarmistes. Nous avons aussi présenté
une analyse démographique et un graphique démontrant
l'éventuelle baisse des effectifs dans les écoles anglaises
catholiques. Cette étude prévoyait que les effectifs du secteur
anglais de la CECM passeraient d'un plafond de 42 000 élèves en
1975-1976 pour tomber à 14 000 en 1987-1988.
On nous accuse d'être alarmistes alors que nous faisons tout
simplement preuve d'un certain réalisme. Nous reproduisons dans notre
mémoire, à la page suivante, le même graphique pour que
vous puissiez en tirer vos propres conclusions. À vrai dire, la
population scolaire a même accusé une baisse plus importante que
prévu. Le tableau joint au présent document fait état de
l'effet radical que ceci a eu sur nous en tant que communauté. Il est
évident qu'à moins que des changements majeurs soient
apportés aux articles concernant l'accès aux écoles
anglaises, notre communauté est vouée à un éventuel
déclin, car nous savons tous que la population scolaire est l'un des
meilleurs indicateurs de la croissance ou du déclin d'une
communauté.
À la page suivante, vous voyez le graphique que nous avons
présenté en 1977 à la commission parlementaire sur la loi
1. Également à l'annexe I - nous allons l'expliquer un peu plus
tard - nous avons les prévisions de la population scolaire dans les
commissions scolaires de l'île de Montréal.
Dans la partie suivante, nous parlons des étudiants visés
par la loi 101. Ici, nous voulons surtout parler des enfants que certains ont
appelés des "illégaux". Nous les appelons des
élèves persécutés. Lors de l'entrée en
vigueur de la loi 101, à la fin du mois d'août 1977, plusieurs
parents ont cru qu'ils étaient traités injustement, surtout
lorsqu'il s'agissait d'inscrire leurs enfants à l'école anglaise.
Plusieurs parents croyaient sincèrement qu'ils devraient avoir le droit
d'envoyer leurs enfants a l'école anglaise et plusieurs d'entre eux ont
continué d'y inscrire leurs enfants malgré les restrictions
imposées par la loi 101 et malgré le fait qu'ils n'avaient pas
reçu un certificat d'admissibilité à l'école
anglaise pour leurs enfants. Ces enfants furent acceptés par les
enseignants et les directeurs d'école. Aux élèves de la
loi 101 - les fameux illégaux -on a offert les mêmes services
qu'aux autres légalement inscrits. La plupart des parents
considéraient la loi injuste en raison de ses effets rétroactifs.
Ces parents habitaient au Québec depuis plus de quinze ou vingt ans
déjà, mais pour une raison quelconque, ils n'avaient pas
reçu leur instruction primaire en anglais au Québec. En 1981,
quatre ans après l'entrée en vigueur de la loi, les parents
insistent toujours pour envoyer leurs enfants à l'école anglaise.
D'ailleurs, le nombre de ces enfants est passé d'environ 400 lors de la
première année à environ 1500 en 1981. Après
l'élection provinciale, en 1981, alors que le mandat du Parti
québécois a été renouvelé, les parents de
ces enfants ont reçu une lettre de notre association leur faisant part
des conséquences de leur prise de position. Mais la très grande
majorité des parents a fait savoir, sans équivoque, qu'ils
continueraient à envoyer leurs enfants à l'école anglaise.
Encore, vous trouverez ci-joint une copie de cette lettre.
Le ministre de l'Éducation a aussi reçu une copie de cette
lettre. Il aurait dû être évident que ces parents
étaient déterminés à poursuivre le combat.
On a demandé au ministre d'intervenir afin de résoudre le
problème en faisant preuve de souplesse et de compréhension. Il a
répondu en mettant sur pied une commission d'enquête
présidée par Me François Aquin. Malheureusement, le mandat
accordé à Me Aquin était extrêmement limité
et se bornait à des recommandations en vue d'intégrer ces enfants
au secteur français. Cette opinion avait été
rejetée à maintes reprises par les parents. Personne n'a
été surpris lorsque Me Aquin a recommandé
l'intégration des enfants aux écoles françaises et a
fixé l'échéance au 31 décembre 1982. Cette
recommandation était inutile et les parents ont tout simplement
ignoré la menace d'une nouvelle échéance. Il est important
de souligner que les enseignants et les directeurs d'école se sont
réunis volontairement et ouvertement avec Me Aquin et qu'ils ont fourni
des renseignements concernant ces enfants avec des statistiques et des cas
spécifiques à l'appui.
Nous avons également organisé une réunion entre Me
Aquin et les parents concernés. Une rencontre que Me Aquin n'a
guère appréciée parce qu'elle a permis aux parents de
présenter leur cas particulier, ce qui a montré la
détermination de ceux-ci. Ces mêmes renseignements ont
été fournis un an plus tard à M. Claude Ryan, critique du
Parti libéral en matière d'éducation, qui,
après avoir étudié le dossier, a dressé une
liste de recommandations. Ces recommandations mentionnaient que l'on avait
affaire à une clientèle très spécifique et que la
plupart de ces cas pouvaient être réglés à la
satisfaction des parties si l'on tenait compte des dimensions sociales et
familiales de la situation.
En juin 1983, le premier ministre et le ministre de l'Éducation
ont déclaré en Chambre qu'on étudierait le rapport de M.
Ryan et qu'ils espéraient résoudre le problème avant la
rentrée en septembre. Cela se passait il y a deux mois.
On a beaucoup parlé au cours de ces sept dernières
années du fonctionnement de la commission d'appel. Nous devons
maintenant affronter un troisième groupe de commissaires. Le premier
groupe de commissaires a été congédié lorsque les
membres ont recommandé que des changements soient apportés
à leur mandat. Le deuxième groupe a démissionné en
bloc lorsque les commissaires se sont aperçus qu'on ne tenait pas compte
de leurs recommandations et que le travail de la commission était
injuste et inefficace, sans mentionner les pressions auxquelles les
commissaires étaient soumis.
Il faut se rendre compte du fait que, pour obtenir un certificat
d'inscription à l'école anglaise, le processus risque
d'être très long et laborieux. Au mois de janvier, les parents
doivent faire une demande auprès de la commission scolaire et, si le
refus leur parvient au mois de mars environ, ils ont droit d'en appeler
à la commission d'appel et ceci, dans un délai de 30 jours. Cet
appel est de nature assez juridique et les parents doivent souvent avoir
recours à des conseillers professionnels s'ils veulent en comprendre la
procédure.
Plusieurs mois peuvent s'écouler avant que le cas ne passe devant
la commission et souvent en l'absence de l'appelant. Par exemple, cette
année, la rentrée scolaire avait lieu et les parents attendaient
toujours une réponse. Est-ce une application humaine de la loi à
laquelle le premier ministre Lévesque avait fait allusion lors des
audiences sur le projet de loi no 1?
Dans ces cas particuliers, l'application de la loi s'est
révélée mesquine et stupide. Nous recommandons donc que le
mandat de la commission soit élargi et que des personnes bien
informées des besoins de la communauté anglophone soient
nommées auprès des représentants de notre
communauté. Ces recommandations ont été faites au
gouvernement à trois reprises au moins et il n'y a toujours aucun
changement.
M. Ratcheff: In conclusion, the PACT could have addressed itself
on a number of other points regarding Bill 101. It has elected to keep its
comments on the most blatant misapplications of Bill 101. Areas such as testing
a professional, sign legislation, internal communications with institutions and
the overall economic results of Bill 101 could have been addressed. The facts
that we do not articulate our reaction on any of these issues, or other parts
of Bill 101, cannot be interpreted as an endorsement of these areas. We dealt
with these specific aspects because they demonstrate an overzealousness in the
application of the law and do not coincide with the many statements made during
the hearings of Bill 1 to the effect that the law would be applied in a supple
fashion.
Another issue which is about to be debated by the National Assembly is
that of Bill 40. We find some comfort in the proposal that the school boards in
Québec are to be structured along linguistic lines. This position could,
indeed, give some structural identity to the whole English community. We do
hope that these school boards will be given meaningful powers and that they
will be able to communicate in the English language.
We hope that serious consideration will be given to the points we submit
and that a new spirit of suppleness and humane application will come out of
these hearings. Thank you very much.
Le Président (M. Brouillet): Thank you. Merci.
J'invite M. le ministre à faire ses commentaires.
M. Laurin: M. le Président, je remercie l'Association des
enseignants catholiques de langue anglaise pour le mémoire qu'elle vient
de nous présenter.
La commission touche un certain nombre de problèmes qui ont
déjà fait l'occasion de représentations analogues de la
part d'autres groupes, dont certains que nous avons entendus ce matin et
d'autres que nous avons entendus les jours précédents.
J'ai commenté assez longuement ce matin la plupart de ces
problèmes dont en particulier ceux qui touchent la situation de la
minorité anglophone au Québec, son déclin éventuel,
la portée de ce déclin, l'accès à l'école
anglaise, les critères qui motivent ou déterminent l'accès
à l'école anglaise, la langue de fonctionnement des commissions
scolaires, la langue de travail, particulièrement en ce qui a trait
à la pédagogie et à l'administration. Je ne voudrais pas
répéter les commentaires ou les indications que je donnais
à cette occasion. Je pense que les représentants de l'association
étaient probablement présents ce matin et qu'ils ont dû en
prendre connaissance.
On touche cependant une question sur laquelle je voudrais faire un
léger commen-
taire. Dans le mémoire, on dit que l'article 1 de la loi qui fait
du français la langue officielle indique une absence de reconnaissance
de l'existence de la communauté anglophone. On va même plus loin
en disant que pour le législateur, la communauté anglophone fait
sûrement figure d'un appendice encombrant et gênant. Je pense que
c'est là un procès d'intention que je ne saurais accepter parce
qu'il est absolument contraire aux faits.
Encore une fois, la loi 101 était la loi de la protection du
français, de la langue de la majorité qui, malgré qu'elle
était langue majoritaire, avait été
considérablement diminuée dans son existence et sa reconnaissance
du fait de certains facteurs historiques, économiques, politiques dont
il ne me revient pas encore de faire la somme et d'en indiquer les
conséquences pour la communauté majoritaire francophone du
Québec. Tout le monde reconnaît maintenant, abstraction faite des
partis politiques présents en cette Chambre, qu'il est important que le
législateur intervienne pour protéger le français, pour
promouvoir le français même s'il était une langue
majoritaire en raison de tout ces facteurs de déclin ou de
difficultés auxquels il avait à faire face dans notre
économie nord-américaine et dans ce continent
nord-américain.
Le fait que l'on fasse une loi pour promouvoir la cause de la langue
française n'implique en aucune façon qu'on renie, qu'on nie
l'importance des autres communautés et en particulier de la
communauté anglophone. Cela est tellement vrai que dans notre politique
de développement "culturel nous avons consacré un chapitre entier
à la communauté anglophone. Je pense que si on lit ce chapitre
III on verra que le gouvernement a une très haute idée de la
communauté anglophone, de la part de la contribution qu'elle a
apportée au développement du Québec, du rôle
important qu'elle continue d'y jouer et des conditions de développement
qui doivent être apportées au maintien et au développement
de cette communauté anglophone. (15 h 30)
C'est donc tout le contraire de cette phrase que je lisais: "Que le
gouvernement considère la communauté anglophone comme appendice
gênant et encombrant." Cela est absolument faux. C'est tout le contraire
que le gouvernement pense. Je pense qu'il est bien évident que c'est
là une réaction émotive que l'on peut comprendre mais que
l'on ne peut accepter.
D'ailleurs, c'est un ancien député libéral qui
s'exprimait dans le Devoir hier matin, Solange Chaput-Rolland et qui disait que
"toutes les minorités francophones et en particulier la minorité
franco-manitobaine aimeraient bien que tous ses gouvernements provinciaux
édictent dans les semaines qui viennent une loi 101 qui leur donnerait
autant de droits et d'avantages que la loi 101 maintient ou accorde à la
communauté anglophone du Québec." Je pense aussi qu'on peut dire
que dans les faits - comme nous avons essayé de le montrer ce matin - la
communauté anglophone du Québec jouit encore d'un statut
très important. Même si la charte du français vise avant
tout la promotion du français, plusieurs articles - je pourrais tous les
citer - accordent une reconnaissance importante à la langue anglaise
soit comme langue de communication entre des personnes et l'administration,
soit dans le secteur du commerce, soit dans le secteur des affaires, soit dans
le secteur des entreprises. Sans parler de cet article qui dit: "Là
où la loi ne le mentionne pas, l'usage des deux langues qui avait cours
avant l'adoption de la loi 101 peut parfaitement continuer."
Donc, je pense qu'au départ il me faut refuser ce procès
d'intention et surtout la conclusion que l'on en tire quand on prétend
qu'elle vise à l'étranglement d'une communauté alors que,
dans les faits, cette communauté anglophone non seulement est encore
bien vivante au Québec mais qu'elle a bien des chances et toutes les
occasions plus qu'ailleurs de se manifester.
Cependant, on parle d'un problème qui a été moins
abordé dans les mémoires de ce matin c'est-à-dire la
situation des élèves qui se trouveraient non seulement d'une
façon illégale mais d'une façon clandestine dans les
écoles où travaillent des enseignants faisant partie de
l'Association catholique des professeurs de langue anglaise. On dit qu'en 1981,
il y en avait encore 1500. Évidemment, l'association qui présente
aujourd'hui son mémoire, présente surtout - pour ne pas dire
exclusivement - un côté des choses c'est-à-dire la
dimension sociale, familiale du problème ou en d'autres termes, les
inconvénients sociaux, familiaux qu'auraient eu à connaître
ces enfants s'ils avaient du, comme tant d'autres, faire leurs études
dans des écoles françaises. On n'a pas parlé de l'autre
dimension, de l'autre aspect du problème qui est le respect des lois de
l'État, du pays où on a choisi de résider. C'est quand
même un aspect extrêmement important aussi qui mériterait,
au moins, qu'on le mentionne. Il n'a pas été mentionné du
tout dans le rapport, dans le mémoire que nous avons entendu cet
après-midi, sinon pour dire que cette loi était stupide ou
mesquine ou qu'elle était inopportune ou qu'il ne convenait pas de
l'adopter. Il importe quand même de rétablir un peu la situation
en faisant bien voir tous les aspects du problèmes.
Encore une fois, ces dimensions sociales, familiales d'enfants qui sont
obligés de fréquenter à un moment donné de leur
existence des écoles où la langue parlée n'est pas
leur langue maternelle existent pour bien d'autres enfants que ceux dont on
nous parle aujourd'hui. Elles existent pour tous les enfants d'immigrants qui
choisissent d'aller s'installer dans un autre pays et dont les parents
décident, pour des raisons tout à fait valables, de les envoyer
à l'école de la majorité. Ceci est le cas de tous les pays
d'Europe où les brassages de population sont plus importants que ceux
que nous connaissons ici. Nous savons que cette intégration, cette
insertion dans des écoles, à un moment donné de leur
existence, peut certes poser des problèmes. Cependant, les parents
pensent souvent que les avantages qu'on peut en retirer par la suite, du fait
qu'on apprend la langue de la majorité, du fait qu'on apprend la langue
qui sera celle du travail, celle des communications, la langue des gains qu'on
peut faire, compensent en grande partie les pertes ou les difficultés ou
les problèmes que peuvent causer ces insertions dans les écoles
où la langue parlée n'est pas la langue maternelle. De cela non
plus, il n'a pas été question dans le mémoire que nous
avons entendu cet après-midi.
Il faut aussi rappeler que ces problèmes sociaux, familiaux dont
on dit que les élèves clandestins, illégaux ont eu
à souffrir, sont exactement les mêmes que ceux qu'ont
rencontrés tous ceux qui ont fréquenté les écoles
françaises depuis 1977, que ce soit dans le secteur catholique ou dans
le secteur protestant. Le secteur protestant avait d'ailleurs manifesté
son opposition à la loi 101 et avait porté sa cause devant les
tribunaux. Lorsque les tribunaux les ont déboutés de leur
demande, de leur revendication, ils se sont pliés à la loi et
à partir de ce moment-là - comme on le rappelait ce matin - la
commission protestante de Montréal s'est pliée à la loi et
a intégré en grande partie, dans son secteur français, les
nouveaux immigrants. C'est la raison pour laquelle, alors que nous n'avions que
deux écoles françaises dans le secteur protestant - ou à
peu près - en 1976, maintenant il y en a quatorze. Ces quatorze
écoles reçoivent des enfants d'immigrants qui ont choisi,
à cause du secteur où ils se sont inscrits, de fréquenter
les écoles françaises de la CEPGM. Ces problèmes qu'ils
ont connus sont sûrement à peu près identiques à
ceux qu'ont pu connaître les élèves dont nous parle
aujourd'hui la PACT. Je ne sache pas qu'ils n'aient pas récolté
du moins les avantages que récoltent tous ceux qui justement choisissent
d'apprendre la langue de la majorité. J'aurais bien aimé qu'on
parle également de cet aspect.
L'autre aspect, c'est celui du respect des lois. Quand une loi est
adoptée, il me semble qu'il est important que les citoyens, que les
organismes - surtout lorsqu'il s'agit d'organismes d'éducation - s'y
plient. En ce sens, il faut bien reconnaître que du fait de ne pas s'y
être pliés au moment où il aurait fallu le faire, en
prolongeant cette désobéissance civile, ces élèves
ont connu des difficultés, non seulement qu'ils n'auraient pas connues
autrement, mais qui se sont aggravées au fil des ans, puisque les
sanctions qui avaient été prévues s'appliquent
d'année en année et ont un effet cumulatif.
Bien sûr le gouvernement n'a pas voulu, en 1977-1978, au moment
où a commencé cette désobéissance civile, recourir
à des mesures policières. Il n'a eu recours qu'à des
sanctions administratives, c'est-à-dire la non-reconnaissance pour fins
de subventions et la non-reconnaissance pour fins de "diplomation". Il est vrai
que, au fil des années, ces inconvénients deviennent de plus en
plus lourds, mais ils sont quand même la conséquence directe du
refus d'obéissance à la loi du pays. C'est d'une façon
délibérée, d'une façon très consciente, en
tout cas, que les familles de ces enfants ont encouru ces
difficultés.
C'est maintenant la PACT qui, aujourd'hui, vient nous demander de
prendre des mesures pour effacer ces sanctions qui ont été
imposées. Il faut quand même reconnaître que le fait de les
lever pourrait causer des préjudices ou des problèmes dont on ne
nous parle pas non plus dans le mémoire. Par exemple, qu'est-ce qui
arriverait à ceux qui ont décidé d'obéir à
la loi, si on levait ces sanctions? N'y aurait-il pas une sorte de
pénalité rétroactive pour ceux qui choisissent de se
conformer à la loi? Même dans le cas très précis de
ces familles que l'on vise, ceux qui ont eu à en subir les
conséquences et qui ne sont plus dans le réseau scolaire
pourraient trouver à objecter au fait que, à un moment
donné, après quatre ou cinq années de
désobéissance au lieu de deux années, on se trouve
à recevoir des bénéfices ou une sorte de sanction positive
pour le fait de ne pas avoir respecté les lois, alors que ceux qui s'y
sont pliés ont eu à en supporter les conséquences. Il y a
donc tout cet aspect de justice distributive relié à l'observance
des lois dont il importe de tenir compte. Je trouve un peu étrange que
ce soit l'Association provinciale des enseignants catholiques du Québec
qui vienne nous faire cette demande, alors que c'est elle qui, d'une certaine
façon - pour ne pas dire d'une façon certaine - a, à
quelques occasions, encouragé tous ceux qui ne voulaient pas se
soumettre à la loi 101, à venir dans ses écoles, les
assurant à l'avance qu'elle leur dispenserait l'éducation qu'ils
désiraient.
Dans le mémoire, on dit que c'est à la demande des parents
que l'association des enseignants l'a fait, mais je pense qu'il circule assez
d'information, pour ne pas dire
d'articles de journaux, pour affirmer que c'est souvent à
l'invitation de l'association des enseignants catholiques que les parents,
encouragés de ce fait et qui ne voulaient pas se soumettre à la
loi 101, ont décidé d'entrer dans la brèche que leur
ouvrait l'invitation de l'Association provinciale des enseignants catholiques.
À ce moment-là, je répéterais à l'intention
de l'association l'adage latin qui est inscrit sur le fronton du palais de
justice de Montréal: Frustra legis auxilium quaerit qui in legem
committit, c'est-à-dire que c'est en vain que demandera l'assistance de
la justice celui qui a décidé de ne pas respecter la justice, de
ne pas observer les lois. Malgré tout, je suis prêt à
examiner la question au mérite, même si l'association qui le
demande a sa large part de responsabilités dans la situation qu'elle
vient déplorer aujourd'hui.
Il y a aussi un autre facteur qu'il importe de considérer.
D'après le jugement rendu par le juge Deschênes et qui fait en
sorte que ceux qui se trouvaient à l'école anglaise, même
par erreur, du fait qu'ils y sont demeurés durant quelque temps,
acquièrent le droit de continuer à faire leurs études
à l'école anglaise, constitue un élément dont il
faut tenir compte dans les mesures que nous devons prendre. S'il est vrai,
comme le dit le juge Deschênes, qu'un étudiant inscrit à
l'école anglaise même par erreur, même d'une façon
illégale, du fait uniquement qu'il y soit, lui donne le droit d'y
demeurer, c'est là quand même un élément important,
car cela voudrait dire que toute mesure administrative que nous pourrions
prendre, qui ferait en sorte qu'un élève pourrait demeurer
à l'école anglaise, lui donnerait des droits, non seulement
à lui, mais à tous ses descendants, à demeurer à
l'école anglaise. Avant même que la Cour suprême se
prononce, c'est là un risque qu'il importe d'évaluer, d'autant
plus que ce jugement Deschênes a été porté en appel
et est maintenant rendu devant la Cour suprême. Nous continuons de penser
et de prétendre non seulement que le chapitre VIII était
légitime, mais que les moyens qu'entendait appliquer le chapitre VIII
pour l'atteinte de ces objectifs légitimes sont eux-mêmes
indiqués et appropriés. Nous ne désespérons pas
d'en faire la preuve auprès de la Cour suprême, malgré les
jugements négatifs qui ont été apportés jusqu'ici.
(15 h 45)
C'est donc là la question dans son ensemble et je dois dire que
les suggestions que nous ont faites aussi bien les associations que le critique
de l'éducation du Parti libéral sont encore à
l'étude et que nous y accordons une grande attention en essayant de
faire la part de la dimension humaine et de la dimension juridique,
législative et constitutionnelle du problème, en tenant compte
aussi des démarches en cours à divers niveaux. Étant
donné que, dans les recommandations que nous fait, par exemple, le
député d'Argenteuil, la plupart demandent une modification de la
loi, il nous apparaît difficile de procéder à cette
modification avant que nous ayons en main le jugement de la Cour suprême
pour savoir ce que décidera ou non la Cour suprême. On ne peut le
prévoir d'une façon certaine et surtout on ne peut pas
prévoir les considérants, les attendus ou les conséquences
qui seront inclus dans ce jugement. Nous préférons attendre ce
jugement de la Cour suprême avant de procéder à des
modifications de la loi qui feraient état, bien sûr, du jugement
de la Cour suprême dans son ensemble mais qui feraient aussi état
de toutes les autres considérations que pourrait en même temps
nous apporter ce jugement.
Donc, en voie de conséquence, M. le Président, tout en
accordant toute l'attention qu'il faut à la demande qui nous est faite
non seulement par l'association qui nous présente aujourd'hui un
mémoire mais par le Parti libéral et par d'autres groupes, je
continue de dire que, pour le moment, nous continuons notre réflexion
et, dès que les circonstances nous le permettront, nous apporterons une
solution législative autant que réglementaire à ce
problème, mais en tenant compte encore une fois de toutes ses
dimensions.
Voilà.
Le Président (M. Brouillet): Merci. Si vous voulez faire
quelques commentaires.
M. Dobie: Oui, je voudrais faire quelques commentaires.
Premièrement, sur le statut de la langue anglaise, nous ne sommes pas le
premier groupe à demander une reconnaissance de la langue anglaise dans
la loi 101 et des amendements à cet effet-là. Même ce
matin, j'ai eu l'occasion de lire dans le journal The Montreal Gazette un
article du député de Vachon, je crois, demandant qu'il y ait
peut-être une loi 102 qui reconnaîtrait les droits des anglophones,
c'est-à-dire d'une minorité anglophone. Alors, même sur
votre propre côté de la Chambre, il semble y avoir au moins une
réticence ou une certaine importance attachée à promouvoir
le droit à la langue anglaise et le droit de la communauté
anglophone d'exister ici au Québec. C'est d'ailleurs sous cet aspect que
nous apportons cette recommandation d'avoir la reconnaissance officielle dans
la loi qu'il existe ici au Québec un groupe de citoyens qui ont
utilisé et qui continuent à utiliser l'anglais comme langue de
communication. Ceci ne veut pas dire que ce sont tous des Anglais de langue
maternelle anglaise. Si vous remarquez ici notre représentation, je
pense qu'il est assez clair que les enseignants qui représentent la
Provincial Association of Catholic Teachers ne sont pas les Irlandais de
1897. Nous avons quatre Italo-Canadiens-Québécois qui sont au
Québec depuis au moins une vingtaine d'années et qui sont
intégrés à la communauté anglaise pour fins de
communication et d'enseignement puisqu'ils enseignent eux-mêmes dans des
écoles anglophones. Nous demandons une reconnaissance spécifique
du fait que cette communauté d'expression anglaise existe ici au
Québec. Nous avons remarqué ce matin, comme je le disais plus
tôt, les voeux du député de Vachon pour la reconnaissance
de ce fait dans une future loi.
En ce qui concerne les élèves dont nous parlions, on a
fait référence à la Québec Association of
Protestant School Board ou au PSBGM en 1977-1978. C'est vrai qu'ils
défendaient exactement la même position. Ils ont pris les choses
en main et ils ont fait appel devant la Cour. La décision qui a
été prise était une décision financière. Je
crois que la PSBGM voulait une reconnaissance de ses élèves pour
fins de subvention; bien sûr, ils ont perdu et ont abandonné leur
position.
En ce qui concerne les enseignants et les principaux, parce que les
principaux anglo-catholiques font aussi partie de ce projet, ce n'était
pas une question de financement, ce n'était pas une question de
subvention, c'était une question de principe. En ce qui nous concerne,
la plupart, la grande majorité de ces élèves sont des
enfants dont les parents sont au Québec depuis une vingtaine
d'années. Ils ont été affectés par l'effet
rétroactif de la loi. Je crois que les gens du "Congresso" vous l'ont
mentionné. En ce qui nous concerne, nous croyons que parce que la loi
avait un effet rétroactif pour ce genre de clientèle, nous
continuerons notre projet.
En ce qui concerne les difficultés de ces enfants, il n'y en a
aucune. Les menaces qui ont été proférées n'ont eu
aucun effet. En ce qui concerne ces enfants, la plupart ne savent même
pas qu'ils sont qualifiés d'illégaux. Ils reçoivent
exactement le même enseignement de professeurs qualifiés. Ils
reçoivent une accréditation de ces professeurs, ils
reçoivent une accréditation du principal de l'école. Ceux
qui demandent à être admis à un certain niveau
collégial le sont. On ne parle pas d'une centaine, on parle
peut-être d'une trentaine. Ceux qui ont eu le malheur d'être
transférés dans une autre province ont été
reconnus; ces enfants n'ont eu aucune difficulté; ils reçoivent
exactement les mêmes services de qualité que reçoivent les
autres élèves dans les écoles anglo-catholiques.
En 1981 - c'est dit dans notre mémoire - nous avons
adressé une lettre assez claire, très claire, aux parents
concernés leur disant que le climat allait changer, leur demandant aussi
de reconsidérer la chose. Le fait est que les parents n'ont rien
reconsidéré. Nous avons eu environ 300 élèves qui
sont passés du secteur anglophone au secteur francophone.
Je vous réfère aussi à l'émission Satellite
de la semaine passée - je pense que c'était le 30 octobre -
où un de ces parents se lamentait de l'accueil déplorable
qu'avaient reçu ses enfants et que l'aide spéciale qui avait
été promise à ces élèves n'avait pas
été fournie. Ce parent a suggéré aux autres parents
de ne pas changer de secteur, de ne pas abandonner la bataille pour conserver
les écoles anglophones parce que l'accueil qui leur a été
réservé était déplorable.
En ce qui nous concerne, nous croyons que c'est une clientèle
très spéciale, très restrictive. Cela demande un peu de
compréhension, pas de changement de loi. D'ailleurs, ce n'est pas la
première fois que ce gouvernement fait des exceptions à ses
propres lois. J'ai moi-même constaté ce fait en 1976 comme
syndicaliste. Ce n'est pas la première fois, on peut parler de
l'immigration de la population haïtienne où la même chose a
été faite. On ne parle que de 1200 élèves, c'est
tout. Je pense qu'on n'a besoin que d'un peu de compréhension et de
considération; ils sont ici depuis quelques années, plusieurs
années. C'est seulement pour jouer à la tête dure qu'on ne
leur accorde pas un statut très spécifique.
Le Président (M. Brouillet): Est-ce tout pour le
moment?
Une voix: Pour le moment, oui.
Le Président (M. Brouillet): Je donne la parole au
député de Nelligan.
M. Lincoln: M. le Président, je n'ai certainement pas
envie de commencer une controverse avec le ministre mais je n'ai pu
m'empêcher de sourire un petit peu lorsqu'il a cité la citation
latine qui se trouve devant l'ancien palais de justice, qui dit que personne ne
saurait être exempt de la loi qui n'a pas su la respecter. Je ne pouvais
m'empêcher de penser justement à plusieurs cas où c'est
arrivé, entre autres, le cas célèbre, en 1977, quand le
premier ministre du Québec a, d'un trait de plume, suspendu toutes les
pénalités judiciaires contre des syndicats en disant qu'une loi
qui n'est pas respectable ne devrait pas être respectée. Remarquez
que je ne fais aucun parallèle. Ensuite, citant la fameuse phrase "The
law is an ass". Peut-être qu'il y a des précédents
malheureux.
Une seconde chose m'a frappé. Sans prendre fait et cause pour ce
qui a été dit dans le mémoire, je pense que ce qui a
été souligné par rapport à la langue anglaise par
les intervenants d'aujourd'hui, et avant ceux-
là, par plusieurs autres intervenants, c'est la question
symbolique. Peut-être que cela vous a échappé, M. le
ministre, nous sommes d'accord que la loi existe pour reconnaître le fait
français. Je pense que personne ne l'a discuté ici, cela a fait
l'unanimité. En même temps, quelqu'un a souligné - je pense
que le maire Drapeau y a fait allusion lui-même -que, par exemple, la
clause 113-F donne des exemptions à des commissions scolaires -dont on
parle aujourd'hui - à des municipalités. Ensuite, l'article 26,
comme vous l'avez souligné, donne la permission à des groupes de
se servir de la langue anglaise, mais on ne peut même pas mentionner que
c'est la langue anglaise. De quelle langue parle-t-on? On ne parle
sûrement pas de l'espéranto dans la clause 113-F. Dans l'article
26, dans les commissions scolaires anglaises, on parle de l'anglais. Il me
semble que c'est symbolique de ne pas le dire. On parle d'une autre langue
comme si on disait: on peut parler du chinois, du russe ou de
l'espéranto.
Je pense que c'est ce que les gens ont voulu dire, que sûrement si
on accorde certains droits à des institutions anglophones, on ne peut
pas dire qu'elles ne sont pas anglophones, en fait on le reconnaît tout
à fait. Pourquoi n'a-t-on pas dit que dans la clause 113-F c'est la
langue anglaise et que dans l'article 26 c'est aussi la langue anglaise? Je
pense que si on inscrivait même cela de façon symbolique, le
message aurait passé.
C'est la question qu'ils ont essayé de traduire. Je ne veux pas
dire qu'on a envie de dire que cela a été une punition mais
symboliquement, ils semblent considérer qu'on fait abstraction d'un fait
réel, d'une réalité, soit qu'il y a là des
institutions qui s'expriment en anglais; alors qu'on dise que c'est l'anglais,
pas une autre langue, ce n'est pas du chinois.
Je m'adresse à M. Dobie. Sur la question des illégaux,
vous avez expliqué exactement le statut des illégaux, les
conditions dans lesquelles les parents se trouvaient, etc. Vous avez aussi fait
référence, dans votre mémoire, aux propositions
très concrètes faites par M. Ryan et qui allaient dans le sens de
faire réintégrer peut-être une grosse portion de ces
illégaux. Quelle est votre attitude vis-à-vis de cela et est-ce
que ce ne serait pas selon vous une solution de compromis qui pourrait faire
qu'avec le bon vouloir du ministre, on aurait peut-être pu régler
la question une fois pour toutes? (16 heures)
M. Dobie: En ce qui concerne cette fameuse clientèle, je
pense qu'il est important de vraiment saisir de qui nous parlons. Ce ne sont
pas des élèves qui ont atterri au Québec depuis 1977 de
pays comme l'Italie, le Portugal ou l'Espagne. La très très
grande majorité de ces élèves sont des enfants de parents
qui habitent le Québec depuis plusieurs années. En juin 1981 nous
avons envoyé un questionnaire à tous les parents
concernés. Nous avons reçu 700 formules-réponses qui
représentaient, à l'époque, environ 1200 de ces
élèves. Cela nous a démontré plusieurs choses.
Premièrement, 76% des parents concernés étaient au
Québec, habitaient le Québec depuis plus de quinze ans avant
l'entrée en vigueur de la loi 101. Ce sont des gens qui sont venus au
Québec en 1955, en 1958, en 1960 et 1962. Ensuite, nous avons appris que
la très grande majorité, 99,8%, des enfants concernés sont
nés au Québec et tous les enfants étaient des citoyens
canadiens. On parle d'une très grande majorité d'entre eux qui
étaient ici depuis longtemps.
Aussi, on a pu découvrir que les jeunes frères et soeurs
de ces élèves représentaient un petit nombre,
c'est-à-dire qu'en juin 1981 ou en septembre 1981, ces
élèves ne comptaient que 146 frères et soeurs. Si on
prenait les 1200 élèves et si leurs frères et soeurs
pouvaient aussi fréquenter l'école anglaise pour mettre fin
à ce programme, ce n'est pas quelque chose qui continuerait pendant des
années. On parlait de 146 jeunes, frères et soeurs seulement.
Pour la très grande majorité encore, ce sont des parents
ou des enfants de parents qui n'ont pas eu la chance de faire leurs
études primaires en anglais au Québec. On a estimé
à environ 300 le nombre de parents qui avaient fréquenté
des écoles de type bilingue. On se souvient des écoles bilingues,
comme Notre-Dame-de-la-Défense, de la CECM. Les parents ont
fréquenté ces écoles et lorsqu'ils se sont
présentés au bureau d'admissibilité, ils ont
été refusés. On parle aussi de parents qui sont venus ici
et qui étaient trop vieux pour fréquenter l'école
primaire. Ils se sont enregistrés au secondaire dans des écoles
anglaises, soit au secondaire I ou au secondaire II, et ils ont
également fait toutes leurs études d'ailleurs dans le secteur
anglophone et ils ne peuvent pas envoyer leurs enfants dans les écoles
anglaises parce qu'ils n'ont pas reçu leur enseignement primaire en
anglais au Québec. Pour la très grande majorité, c'est
dans ces deux catégories.
Ensuite, nous avons environ une centaine de clauses canadiennes. Vous
savez que les commissions scolaires catholiques n'ont pas été
aussi chaleureuses envers la constitution canadienne. Elles n'ont pas
accepté ces enfants. Les commissions scolaires protestantes, sauf une,
les ont acceptés: la Commission scolaire Baldwin-Cartier ne les a pas
acceptés. Nous, comme enseignants, les avons acceptés.
Ensuite, nous avons environ une centaine de cas particuliers: des
élèves dont les frères ou soeurs font exception parce
qu'ils ont des difficultés d'apprentissage. Nous avons
nous-mêmes décidé que ces familles ne devraient pas
être séparées et nous-mêmes, comme enseignants et
principaux d'école, avons accepté les enfants, ceux
concernés par l'article 80, je crois.
Vraiment, ce sont des cas-types. Depuis 1981, nous n'avons
accepté aucun nouvel élève, sauf les frères et les
soeurs et, depuis 1977, aucun de ces élèves n'est un nouveau venu
au Québec ou au Canada, sauf ceux qui satisfont aux exigences de la
clause Canada, et il y en a très peu. On parle d'une clientèle
très restreinte. Je ne peux pas croire qu'un jugement de la Cour
suprême va changer le sort de ces enfants. Ce sont des cas très
particuliers. Une fois réglé, le problème n'existe plus,
c'est clair. D'ailleurs, ce n'est pas la première fois que nous donnons
ces chiffres, nous les avons donnés à Me Aquin. Je crois que Me
Aquin les a fait circuler. Il aurait dû le faire. Il a été
mandaté pour cela par le ministre de l'Éducation. Nous les avons
donnés aussi à M. Ryan pour qu'il fasse des recommandations.
Pour ce qui est des recommandations de M. Ryan, nous avons
déclaré publiquement, au mois de juin dernier, qu'elles
étaient un pas pour essayer de régler la situation. Si le mandat
de la commission d'appel était d'élargir le mandat des
commissaires pour qu'ils prennent en considération des cas très
spécifiques, nous sommes convaincus qu'un groupe de commissaires
à la commission d'appel pourrait juger favorablement ces cas. Nous avons
accepté les recommandations, très positives. D'ailleurs, ce fut
exactement la même chose pour le ministre de l'Éducation et le
premier ministre. Ils ont accueilli les recommandations positivement.
M. Lincoln: En ce qui concerne les appels, vous avez dit, je
pense, l'autre jour, lorsque vous avez représenté un autre
groupe, qu'il y avait quelque chose comme 200 appels qui étaient en
suspens maintenant. Là, vous recommandez qu'il y ait un
élargissement de la commission d'appel, qu'on prenne des personnes
venant de l'extérieur de la communauté, mais est-ce que ce sera
assez pour faire débloquer les cas? Qu'est-ce qui fait que cela ne
fonctionne pas? Est-ce que ce sont les gens faisant partie de la commission ou
est-ce que ce sont les procédures qui bloquent?
M. Dobie: Selon mon analyse, c'est plutôt la
procédure que les gens qui bloque. À ma connaissance, un rapport
a été formulé...
M. Lincoln: C'est cela que je voulais vous demander, parce que
vous ne parlez pas de la procédure. Vous dites, d'après ce que
j'ai pu comprendre de vos recommandations, qu'on devrait élargir le
cadre de la commission, mais est-ce que cela, en soi, va régler le
problème de la procédure? Qu'est-ce qui colle
là-dedans?
M. Dobie: Je crois vraiment qu'il y a deux choses. Le mandat de
la commission d'appel est très restreint, c'est d'appliquer la loi.
Vraiment, c'est cela, c'est d'appliquer et d'interpréter la loi d'une
façon très restrictive. D'ailleurs, la procédure est la
procédure, parce que la commission d'appel n'a pas le droit
d'établir un précédent, une jurisprudence,
c'est-à-dire que la commission d'appel doit se prononcer sur chaque cas
individuel, cas que nous gagnons de plus en plus. Prenons un cas typique, celui
des enfants qui sont venus au Québec en 1963 et qui sont allés
immédiatement à une école anglaise, lorsqu'ils avaient dix
ans, en 4e année. Ces enfants ont fait leur 4e, 5e et 6e année,
au primaire, en anglais. Si les parents demandent un certificat
d'admissibilité et que le bureau d'admissibilité refuse, s'ils
font appel, faisant valoir que les enfants ont fait toutes leurs études
en anglais au Québec, ils gagnent. Il y a au moins 300 cas de ce genre
qui sont gagnés chaque année et, au lieu d'établir une
jurisprudence, déjà établie d'ailleurs, ce qu'il faut,
c'est que chaque parent fasse appel individuellement et qu'il fasse la preuve.
Ces parents ont besoin d'aide, cela se produit comme cela. Si la commission
d'appel pouvait établir une jurisprudence, la plupart de ces cas
seraient réglés d'avance. Deuxièmement, si la commission
d'appel avait le mandat de considérer certains cas très
spéciaux, je crois que certains des cas "illégaux" pourraient
être réglés aussi.
Qu'est-ce qu'on a vu cette année? À la rentrée
scolaire, il y avait encore un "backlog" de 200 cas sur lesquels la commission
d'appel ne s'était pas encore prononcée. L'école
était déjà commencée. Cela n'a pas de bon sens. On
a dit, dans notre mémoire, qu'au mois de janvier ou février, on a
fait une demande. On est refusé. On revient à la charge. Au mois
de septembre, presque un an plus tard, les gens n'ont pas encore reçu
aujourd'hui même la décision. Ce sont des illégaux, M.
Laurin, et ils sont inscrits dans nos écoles présentement parce
que nous savons que ceux-là seront admis légalement,
éventuellement dans nos écoles. Ce sont des illégaux.
Qu'est-ce qu'on nous dit au bureau d'admission? C'est très simple. Allez
aux écoles françaises, dans trois mois, retournez aux
écoles anglaises. Intelligent, ça. Pour la maternelle, la
première année.
C'est vraiment l'application de la loi avec beaucoup de souplesse.
M. Lincoln: M. Dobie, le temps presse. Je vais faire
brièvement. Une question a été soulevée ce matin et
tout au long de la
commission, c'est toute la question de chiffres. Je suis d'accord avec
mon collègue d'Outremont qu'on ne devrait pas traduire des
problèmes humains en chiffres. Malheureusement, il y a eu beaucoup de
chiffres. Il y a des chiffres dans votre mémoire aussi. Est-ce que vous
avez écouté ce que le ministre a dit ce matin par rapport au
déclin de la population scolaire anglophone? Où trouvez-vous vos
chiffres qui démontrent un grand déclin? Est-ce que vous avez des
commentaires là-dessus?
M. Dobie: Je me demande si une autre étude va être
soumise, cet après-midi, parce qu'il y a eu deux autres études ce
matin. Il y a eu une couple de questions qui ont été
posées ce matin. Je crois qu'elles demandent des précisions. Je
crois que Mme Lavoie-Roux a posé la question: Quel était le cas
dans la province? Alliance Québec a fait une étude, a
étudié le rapport Henripin. Le rapport était très
clair. On l'a soumis la semaine passée comme Alliance Québec. Je
lis exactement un passage: "In 1976, the English school population represented
16,7% of the entire population. In 1982-1983, the English sector represented
12,7%. Under the provisions of Bill 101, our school enrolments will decline to
7,1%." C'est M. Henripin qui a donné ce témoignage à la
cause de la constitution canadienne. Cela est clair. Je peux mentionner
textuellement ce qui a été dit ici en 1977: "De toute
façon, même avec le projet actuel, le projet de loi no 1, nos
prévisions sont que l'ensemble du Québec, la baisse des effectifs
scolaires dans le secteur anglophone ne pourrait dépasser, dans la pire
des hypothèses, le pourcentage de 34% et non pas de 58% ou de 80%.
Encore une fois, cette baisse serait surtout attribuable à la diminution
de la fécondité et non pas à l'impact législatif."
Cela a été déclaré en cette Chambre par le ministre
de l'Éducation. On a démontré, la semaine passée,
que la baisse actuelle, aujourd'hui, en 1982-1983, depuis 1977, était de
38%. Aussi, on estime avec les mêmes études qu'en 1986-1987 la
baisse serait d'environ 58%. Cela est clair. Ce sont des études
très concrètes.
On a mentionné d'autres études, ce matin. Si on regarde
dans les commissions scolaires catholiques - je vous reporte à notre
annexe - on parle, à la CECM, de baisser en 1976 de 36 000 à 11
000, soit une diminution de 68,2%; à Jérôme-LeRoyer, de
7000 à 3000, soit une diminution de 51,3%. C'est dans notre
mémoire. On n'a pas inventé ces chiffres, on a pris les chiffres
du Conseil scolaire de l'île de Montréal. On parle de toutes les
commissions scolaires. On parle d'une baisse de 58,7% de 1976 à 1988.
(16 h 15)
Si on parle de la survivance de la communauté anglophone,
franchement, je vais utiliser une expression très
canadienne-française: "Laissez-nous vivre". Laissez-nous vivre, nous
accusons une baisse de 58,7% en moins de dix ans. On peut utiliser toutes
sortes d'autres exemples: l'exemple de notre association elle-même
où nous étions 5000 professeurs en 1977 et où nous sommes
aujourd'hui environ 3200. Si on regarde toutes sortes d'autres statistiques, on
ne peut pas nier que la population anglo-catholique des élèves a
baissé d'une façon épouvantable. Si on regarde les
écoles hors de Montréal, c'est encore pire. À
l'école Macdonald-Cartier sur la rive sud, l'année passée,
plus de 600 élèves ont fini leur cours en secondaire V; cette
année, aujourd'hui même, il y a moins de 200 élèves
au secondaire I. On peut s'imaginer ce qui va arriver à cette
école dans quelques années. Cela existe partout dans la
province.
Je pourrais continuer en disant que les objectifs de M. Laurin, de la
loi 101 ont été déclarés à 15%; ils ont
été atteints - je crois que cela a été dit - en
1979. Quand on disait que la population scolaire anglophone avait
diminué de 16% ou 17% à 15%, on nous a dit que l'objectif avait
été atteint et, actuellement, on baisse à environ 8%.
À la CECM, ils sont rendus, je crois, à 37 écoles
élémentaires anglophones. Après cette année, sur 37
écoles, 22 auront moins de 200 élèves. Le système
anglophone est en peine; c'est sûr.
Le Président (M. Brouillet): Très bien, merci. Je
donne la parole au député de Fabre.
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Je ne peux
m'empêcher, après avoir entendu M. Dobie parler de ces chiffres,
de lui mentionner un article qui a paru dans la Gazette du 7 octobre 1983, un
article écrit par M. Albert Côté, économiste et
démographe auprès du Conseil scolaire de l'île de
Montréal. L'article s'intitule "Enrolment in French language schools
dropping too". M. Côté se sent obligé, dans son article, de
rétablir des faits qui ont été rapportés dans la
Gazette et des chiffres que vous avez mentionnés. Il y a une
dramatisation de la situation - on est obligé de le dire - du
côté anglophone.
Je vais me permettre de citer un bout de l'article de M.
Côté; je pense que c'est révélateur: "In your
September 22 editorial, entitled "Bill 101's overkill" - it is overkilling you
are doing - on the forecasts of school enrolments for the island of Montreal,
there is a misleading interpretation of my report that will mislead your
readers as to what I meant on the past and future trends of enrolments of the
Montreal Island School Council's territory. First, it is mentioned that by 1988
the English school system will have been reduced to about one
third of its 1970 enrolment. This is right. But to make the whole
picture clear, this 64 per cent loss should be compared with a drop of 44 per
cent for the French school system during the same period, despite the fact that
Bill 101 promotes the French sector." Voilà.
Et, un peu plus loin, M. Côté constate que, de 1970
à 1982, le secteur français décroissait de 44% et le
secteur anglophone, de 47%. Donc, si on veut dramatiser, il faut situer vos
chiffres dans le portrait global de la situation dans laquelle se trouvent non
seulement la clientèle anglophone, mais aussi la clientèle
francophone. Il y a une baisse de la clientèle scolaire au
Québec, c'est ce que vous nous révélez. Si on veut
dramatiser, il faut également dramatiser du côté
français. C'est la première remarque que je veux faire.
Mon deuxième commentaire est au sujet du bureau
d'admissibilité. Je vais vous donner des statistiques qui vous
permettront d'avoir un éclairage un peu plus objectif sur le travail de
ce bureau. Les statistiques du bureau de l'admissibilité à
l'enseignement en anglais démontrent qu'en six ans, sur près de
300 000 cas soumis, à peine 5000 furent refusés, dont 2300 ne
reposaient sur aucun critère. 5000 sur 300 000 cas soumis au bureau
d'admissibilité. Je ne sais pas si vous aviez ces chiffres, vous les
connaissiez peut-être, vous ne vouliez peut-être pas les
révéler, mais il est important que la commission soit mise au
courant de ces chiffres afin de bien rétablir les faits.
Je reviens à votre mémoire sur cette question du statut
officiel que vous réclamez. Vous n'êtes pas les seuls à le
réclamer, mais j'aimerais bien comprendre ce que cela signifie, un
statut officiel. Il y a toutes sortes d'interprétations qui circulent.
Tout à l'heure, le député de Nelligan a mentionné
l'article 113f. Je pourrais mentionner les articles 24, 25 et 26
complémentaires à l'article 113f, lequel reconnaît dans les
faits l'importance du statut de la langue anglaise au Québec. Le
député de Nelligan a admis ce fait. L'article 113f sert avant
tout aux anglophones du Québec dans le domaine de l'enseignement, dans
le domaine hospitalier. Qu'est-ce que cela veut dire, un statut officiel? Je
reviens à cette question parce que le député de Nelligan a
dit: On pourrait mentionner à titre symbolique, a-t-il dit, que
l'article 113f s'applique à l'anglais. Je vous pose la question: Est-ce
que vous pourriez vous contenter, M. Dobie, d'une reconnaissance symbolique
à l'intérieur de la Charte de la langue française,
à l'intérieur de la loi 101? Est-ce cela que vous
réclamez, une reconnaissance symbolique, qu'on mentionne, quelque part
dans la charte, le rôle et l'importance de la culture ou de la langue
anglaise au Québec?
M. Dobie: Je crois que le député de Nelligan l'a
très bien exprimé tout à l'heure, en ce qui nous concerne.
Nous ne voyons dans la loi 101 aucune mention du fait qu'il y a une
communauté anglophone, qu'il y a une certaine communauté qui
s'exprime en anglais. C'est à cela que nous faisons allusion. Ce n'est
pas que j'aime l'adjectif "symbolique", parce que je ne suis pas sûr si
nous sommes d'accord seulement pour être reconnus symboliquement. Il
s'agit d'être reconnus officiellement comme faisant partie de cette
communauté. Peut-être que cela devient symbolique, parce qu'on
pourrait dire que même l'affichage devient très symbolique. C'est
symbolique que nous existions ici, c'est symbolique qu'il y ait cette
communauté ici au Québec; c'est symbolique, mais c'est vrai et
c'est concret. C'est cette reconnaisance que nous espérons avoir dans la
loi 101. Je ne crois pas qu'on ait besoin nécessairement d'une nouvelle
charte pour les anglophones du Québec. Si en pratique et selon la loi,
on nous reconnaît une existence ici au Québec, c'est pas mal plus
que symbolique.
M. Leduc (Fabre): Donc, c'est plus que symbolique. C'est ce que
j'avais compris.
M. Dobie: On pourrait toujours dire qu'il y a certaines
communautés folkloriques. On ne veut pas soulever ici une question
folklorique. Si vous attachez le mot "symbolique" à "folklorique", ce
n'est pas de cette façon.
M. Leduc (Fabre): Non, mais, M. Dobie, vous savez bien que ce
n'est pas folklorique. Le fait d'avoir pleins pouvoirs sur ses commissions
scolaires, sur son réseau de santé ou sur ses universités
et ses collèges, ce n'est pas symbolique.
M. Dobie: C'est cela.
M. Lincoln: M. le Président, question de règlement.
J'aurais voulu préciser quelque chose parce que mon nom a
été mentionné dans l'affaire. Ce que j'ai dit, ce que j'ai
voulu exprimer - c'est important cette question - c'est que...
Le Président (M. Brouillet): M. le député de
Nelligan, vous voulez préciser le sens que vous avez donné
à "symbolique"?
M. Leduc (Fabre): Après, M. le Président.
M. Lincoln: Exactement, exactement.
Le Président (M. Brouillet): C'est pour éclairer le
débat. Il y a une ambiguïté sur le sens donné au mot
"symbolique".
M. Lincoln: C'est exactement cela.
Le Président (M. Brouillet): Vous voulez, je crois,
préciser le sens que vous donnez au mot "symbolique".
M. Lincoln: D'abord, je n'ai pas cité seulement l'article
113f; j'ai cité aussi l'article 26 pour faire le point. Ce que j'ai dit,
c'est qu'il y a un symbolisme dans le fait que lorsqu'on donne une
reconnaissance -puisqu'on dit qu'on donne une reconnaissance, à
l'article 113f, aux commissions scolaires, aux municipalités, aux
hôpitaux qui sont automatiquement anglophones; on ne parle pas des
hôpitaux espéranto ou chinois, on parle des hôpitaux
anglophones qui se servent de la langue anglaise - on n'a même pas le bon
sens de dire les mots "de langue anglaise". On n'a même pas le courage de
dire "de langue anglaise". On met cela sous le tapis, comme si c'était
quelque chose...
Ce que j'ai voulu exprimer, c'est que c'était peut-être
cela que l'association des directeurs catholiques, "the Provincial Association
of Catholic Teachers" voulait dire lorsqu'elle disait: On met cela comme une
espèce d'appendice, qu'on voulait presque oublier. J'ai dit qu'il y a
quelque chose de très symbolique là-dedans. Si on reconnaît
quelque chose, qu'on le dise. Qu'on ait le courage de dire "de langue
anglaise", parce que c'est de cela qu'on parle. On ne parle pas de
l'espéranto ou du russe; on parle de la langue anglaise quand on parle
d'une autre langue. C'est cela.
Le Président (M. Brouillet): Très bien. M. le
député de Fabre.
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. C'est ce que
j'avais compris. Il s'agit d'une reconnaissance symbolique, je le
répète, c'est ce que je comprends. Il voudrait qu'on ajoute le
mot "anglais" après "organismes scolaires, services de santé et
services sociaux", à l'article 26. Il s'agit donc d'ajouter un mot, le
mot "anglais", à l'article 26 et - ce serait compris comme cela aussi -
en complément dans l'article 113f.
Je comprends autre chose, M. Dobie. Je reviens à votre
mémoire. Nous recommandons que la langue anglaise ait un statut officiel
quelconque dans la loi 101, surtout en ce qui a trait au droit des citoyens de
communiquer avec leurs propres institutions et avec leur gouvernement dans leur
langue. Donc, c'est déjà un peu plus que symbolique. Vous
demandez une ouverture de ce côté pour pouvoir communiquer en
anglais avec le gouvernement, entre autres, et les administrations.
Jusque-là, j'admets que cela peut se discuter. Ce qui me semble plus
difficile à admettre, c'est à la page 5 quand vous parlez de la
langue d'instruction. Là aussi, c'est beaucoup moins symbolique, ce que
vous réclamez. Si je comprends bien, vous réclamez le droit de
tous les parents de choisir la langue d'instruction de leurs enfants. C'est le
retour même à la loi 63 que vous réclamez, si je comprends
bien: le droit de tous les parents de choisir la langue d'instruction de leurs
enfants. Est-ce que vous pourriez préciser si c'est bien ce que vous
voulez dire?
M. Dobie: Traditionnellement - c'est indiqué dans notre
mémoire - c'était notre position; elle n'a pas changé
comme politique. Nous reconnaissons qu'à ce moment-ci, du moins, ce
n'est pas atteignable. Comme position, je crois qu'elle est encore
défendable. Avec les études qu'on pourrait amener dans le
portrait, c'est que, même avec le libre choix, nous parlons d'une
population aux environs de 1P% anglophone au niveau scolaire; c'est pas mal
moins que ce qui existait en 1977. Oui, vous avez raison, c'est pas mal plus
que symbolique.
M. Leduc (Fabre): Mais vous réclamez le libre choix.
M. Dobie: C'est notre position, oui.
M. Leduc (Fabre): D'accord. C'est ce que j'avais compris. Donc,
c'est beaucoup moins symbolique que vous le prétendez ou que peut le
prétendre le député de Nelligan.
M. Lincoln: Excusez-moi, M. le Président.
M. Leduc (Fabre): Si c'est le libre choix, M. le
Président...
M. Lincoln: Excusez-moi, je n'ai pas envie de faire une
discussion.
M. Leduc (Fabre): II n'y a pas de question de règlement en
commission. (16 h 30)
M. Lincoln: Excusez-moi, M. le Président. M. le
député ne fait que me mettre des mots dans la bouche. Je n'ai
jamais dit que je cherchais quelque chose de symbolique. J'ai dit qu'il y a
quelque chose de symbolique dans le fait que les mots "de langue anglaise" ne
soient pas inscrits dans la loi. Je n'ai jamais demandé pour ces
gens-là - parce qu'ils le demanderont eux-mêmes - quelque chose de
symbolique. Ils demandent un statut officiel et je n'ai pas commenté
cela. J'ai dit qu'il y a du symbolisme dans le fait que l'on n'a même pas
le courage d'inscrire les mots "de langue anglaise" dans la loi. C'est ce que
j'ai dit, M. le député de Fabre. Ne me mettez pas des mots dans
la bouche en disant que j'ai demandé une reconnaissance symbolique
seulement pour l'anglais. C'est tout à fait différent.
Le Président (M. Brouillet): Très bien. Alors, M.
le député de Fabre, continuez.
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. On était
rendu au libre choix. J'avais bien compris que c'était beaucoup plus que
symbolique, ce que vous réclamiez.
Je reviens à votre mémoire. À la page 4, c'est
écrit: "La communauté anglophone n'est certes pas une
communauté monolithique". Que voulez-vous dire par là? Vous
semblez dire que les anglophones ne pensent pas tous de la même
façon ou ne partagent pas tous le même esprit de la culture et de
la langue de Shakespeare et de Chaucer. Qu'est-ce que cela signifie?
M. Dobie: Je crois qu'il faut examiner la population surtout dite
anglo-catholique. On avait toujours qualifié les anglo-catholiques comme
étant des Irlandais de pure race. La communauté anglophone ne
comprend pas seulement ceux qui sont anglo-saxons, mais ceux qui parlent
l'anglais comme langue de communication. Notre délégation le
démontre bien. Nous n'avons pas ici six Smith "or four Jones"; ce sont
des gens qui sont établis ici depuis quelques années, une
vingtaine d'années, et eux aussi sont anglophones. C'est ce que nous
voyons dans toutes les statistiques qui parviennent depuis quelques jours. On
essaie de différencier les anglophones de ceux qui ont l'anglais comme
langue maternelle. Ceux qui utilisent l'anglais comme langue de communication
sont des membres qui se sont associés à notre communauté.
Ce ne sont pas tous des gens de la même culture. C'est ce que nous
voulons dire. Cela se produit non seulement dans notre clientèle
scolaire, mais aussi dans notre "membership" où nous avons un grand
pourcentage de gens qui ne sont pas nés ici au Québec, mais qui
ont adopté le Québec comme leur province.
M. Leduc (Fabre): Mais vous confirmez ce que l'on dit à
propos du pouvoir d'assimilation de la langue anglaise au Québec.
M. Dobie: C'est un pouvoir et un fait que beaucoup de gens ont
accepté de communiquer en anglais comme langue principale. La plupart
des gens qui sont ici avec moi parlent trois langues: leur langue de travail
est l'anglais. Ils sont enseignants dans des écoles anglaises. Ils n'ont
pas perdu leur culture, soit italienne, soit ukrainienne, ni leur appartenance
à cette communauté. Depuis 1976, le fait qu'on parle d'une
communauté anglaise a eu tendance à regrouper dans un même
plat tous ceux qui ne sont pas francophones et qui ont adopté l'anglais
comme langue de communication. C'est ce que nous trouvons le plus
déplorable dans toute la question linguistique. C'est clair que la
très grande majorité des membres de notre communauté ne
sont pas nés ici au Québec, mais ils ont adopté l'anglais
comme langue de communication et comme langue de travail. Cela, c'est vrai.
M. Leduc (Fabre): C'est ce que nous disons également.
C'est pourquoi on ne peut pas admettre le libre choix. Voici quelques
statistiques. Puisque vous en avez donné beaucoup, je vais vous en
donner un peu: en 1971, 75 000 personnes d'une langue tierce ont opté
pour l'anglais, tandis que 28 000 autres environ optaient pour le
français; en 1981, sous l'emprise de la loi 101, à peu
près 90 000 personnes d'une langue tierce ont choisi l'anglais contre
à peu près 33 000 qui ont choisi le français. Vous
confirmez ce que nous disons, c'est-à-dire que l'anglais exerce toujours
au Québec, un poids d'assimilation déterminant, et ce,
malgré les effets de la loi 101. Alors, imaginez-vous le résultat
si on allait jusqu'à ce que vous demandez - comme symbole, si je
comprends bien - soit le droit de tous les parents de choisir la langue
d'instruction de leurs enfants. J'ai beaucoup de difficulté à
comprendre votre point de vue et, bien sûr, à l'admettre.
M. Dobie: Est-ce que vous avez déjà
étudié exactement pourquoi, en 1971 - on parle de 1971 - cette
majorité ou ce très grand nombre a choisi l'anglais comme langue
d'enseignement? Il faut qu'on sache exactement pourquoi ceci s'est produit. On
le sait, on a des cas ici à cette table d'élèves, que les
parents ont préféré envoyer dans une école
française. Ils ont été refusés. Ils ont
été refusés. Je me souviens que nous avons même
recommandé à une commission parlementaire, en 1966, que l'anglais
comme langue seconde ait une priorité dans le secteur français.
S'il avait eu une priorité, beaucoup de ces gens auraient opté
pour les écoles françaises. Ceci n'a jamais existé.
M. Leduc (Fabre): Oui, mais en 1981?
M. Dobie: Oui, oui. Je pense qu'il y a aussi des faits qu'il faut
prendre en considération. La motivation d'avoir des nouveaux
Québécois dans le secteur français n'était pas
là. Il n'y avait aucune motivation; il n'y avait même pas
d'accueil. Même avant la loi 22 et avant la loi 101, on a dit que
peut-être si on pouvait changer le système d'éducation pour
essayer d'offrir une motivation dans les classes françaises comme langue
seconde, le problème serait réglé. Cela n'a jamais
été fait. Aujourd'hui même, on apprend l'anglais comme
langue seconde dans le deuxième cycle seulement dans les écoles
françaises.
M. Leduc (Fabre): Une dernière
question, M. le Président. N'est-ce pas normal - je vous pose la
question en tant que Québécois; vous êtes un
Québécois anglophone - que les immigrants s'intègrent
à la majorité française du Québec?
M. Dobie: Comme je l'ai dit tout à l'heure, il y a deux
aspects. C'est normal que l'Etat prenne des mesures pour motiver et inciter les
gens à s'intégrer à la majorité. La deuxième
question, c'est exactement la question de l'effet rétroactif. Pour les
gens qui ont été ici pendant 20 ans, c'est ce qui s'est produit
avec la loi 101. Il y a un effet rétroactif. Ce n'est pas normal, non
plus.
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président.
Le Président (M. Brouillet): Je cède la parole au
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Merci, M. le Président. J'entendais tantôt
le député de Fabre dire qu'il y avait eu 300 000 demandes
d'admission à l'école anglaise au cours des six dernières
années. Cela me semble impossible. Les effectifs totaux des
écoles primaires anglaises actuellement sont d'à peu près
50 000. Cela veut dire qu'en première année il y en a à
peu près 10 000. Même pas cela, parce qu'il y en a beaucoup moins
en première qu'en sixième année, pour des raisons que la
loi 101 nous fait comprendre facilement. Je ne vois pas du tout d'où
vient ce chiffre de 300 000.
M. Dobie: Moi non plus. S'il y en avait eu tant que ça, on
n'aurait pas eu de problème.
M. Leduc (Fabre): M. le Président, on me dit qu'il y a 150
000 élèves dans le secteur anglophone au Québec
présentement.
M. Ryan: J'ai dit, M. le Président - ne tournez pas autour
des chiffres - 50 000 élèves dans le secteur primaire. Si on veut
me contredire, les bureaucrates, j'en serai très heureux. Donc, 55 000
en tout. Si j'ai bien compris, les demandes d'admission se font pour la
première année de l'école primaire. J'espère qu'ils
ne sont pas obligés de faire une demande d'admission quand ils sont
rendus en sixième année. Je ne pensais pas que vous étiez
rendus si loin que cela.
Par conséquent, on pourra m'expliquer ce chiffre si on veut, mais
je ne peux l'accepter comme tel pour des raisons qui sautent aux yeux.
Il y a un autre chiffre que je voudrais rappeler et ce n'est pas parce
que je veux avoir le dernier mot là-dessus, pas du tout. Je pense qu'il
y a un chiffre, au moins, sur lequel le ministre, s'il était ici, le
député de Fabre et aussi, j'espère bien, mon bon ami, le
député de Bourassa, qui est capable d'écouter même
s'il ne dit pas des choses précises, pourraient s'entendre.
D'après des statistiques qu'on nous a remises à la commission
parlementaire de l'éducation au mois de mai dernier - le
député de Fabre était aussi présent - on nous a
indiqué qu'au niveau primaire dans la province de Québec les
effectifs inscrits dans les écoles françaises sont de 89,3% des
inscriptions totales. C'est ce qui compte pour l'avenir, car cela va se
répercuter sur le secondaire au cours des années à venir.
Trois ans plus tôt, c'était de 86,1%. Probablement que si on
remontait à six ou sept ans en arrière, cela aurait
été d'à peu près 82% ou 83%. Par conséquent,
la tendance générale de l'évolution au cours des
dernières années, je pense qu'on ne peut pas la contester. On
peut bien dire que c'est 2%, 2,2%, 2,3%. Il me semble qu'au moins on va pouvoir
s'entendre sur la base des chiffres globaux fournis par le ministère
lui-même. Il me semble que l'argument de peur, la crainte de ceci et de
cela qu'on invoque souvent, on pourrait au moins l'invoquer avec plus de
pondération. C'est le premier point que je voulais souligner clairement.
Encore là, je défie qui que ce soit de contredire ces chiffres,
car ils nous ont été fournis par le gouvernement lui-même.
Oui, parce qu'ils viennent de vous. C'est ce que vous pratiquez depuis
longtemps. Je vous le dis, je me fie sur vous et non pas sur moi.
Deuxièmement, je voudrais revenir au problème des
illégaux pour des raisons que vous comprendrez facilement, M. le
Président. J'écoutais la réponse du ministre à ce
sujet. Dans sa réponse, il y a quelques éléments que je
voudrais relever. Tout d'abord, il a dit au début: Les problèmes
qu'ont connus ces élèves considérés comme
illégaux sont à peu près identiques, dans la très
grande majorité des cas, à ceux qu'ont connus tous ceux qui se
sont intégrés dans l'école française. Je regrette
infiniment, mais il n'a pas compris l'a b c du problème quand il parle
ainsi. C'est ce qu'on s'évertue à essayer de lui faire comprendre
depuis quelques mois, à savoir que la mise en application de la loi 101
a entraîné des difficultés particulières pour un
certain nombre de personnes et de familles qui étaient dans des
situations particulières. On a défini ces situations. On les a
étayées de données les plus précises possible.
Entendre aujourd'hui, six mois après le commencement du débat,
que c'étaient des problèmes exactement comme les autres nous
amène à la conclusion: vous aviez le même problème
que les autres, vous n'avez pas observé la loi, revenez à la loi
et cela finit là.
Si on part du postulat qu'il n'y avait pas certaines différences
dans les problèmes, c'est évident qu'il n'y en aura pas dans les
conclusions et non plus dans les solutions. Je
demande au ministre d'examiner bien attentivement la documentation qui
lui a été soumise à ce sujet et de se rendre compte qu'il
y avait des problèmes humains, culturels, sociaux créant des
situations très particulières qui aident à comprendre ce
qui s'est passé.
L'exemple le plus éloquent que je puisse donner au ministre,
c'est celui des enfants de parents qui ont fréquenté
naguère des écoles dites bilingues de la Commission des
écoles catholiques de Montréal. Cela n'évoque pas
grand-chose pour plusieurs ici. Les écoles bilingues avaient
été instituées vers les années cinquante. On voyait
que les enfants de foyers italiens surtout, et grecs s'en allaient presque tous
du côté des écoles anglaises. On a dit: Pour les en
dissuader, on va créer des écoles bilingues, car les parents de
ces enfants insistaient pour que ces derniers puissent apprendre l'anglais. On
a dit: On va leur donner des écoles où ils pourront apprendre les
deux langues principales en plus de retenir des éléments de leur
langue propre. Ils sont allés dans ces écoles par bonne
volonté pour collaborer au désir des autorités scolaires
de les intégrer plutôt du côté français. Ils
se font dire quinze ans après, vous qui avez manifesté de la
bonne volonté, vous n'aurez aucun droit, aucune espèce de
liberté. Ceux qui n'ont pas écouté et qui sont
restés dans les écoles anglaises, il n'y a pas de
problème, ils peuvent rester là. Deux poids deux mesures pour des
gens qui étaient à l'école en même temps, il y a
quinze ans. Il me semble que, pour ceux qui ont fait montre de
compréhension envers le fait français, on aurait au moins pu
faire montre d'une compréhension équivalente. C'est un point, M.
le ministre, qui peut se régler sans modification à la loi. (16 h
45)
Dans une autre remarque que vous avez faite, vous avez dit: Les
suggestions qui ont été présentées par le
député d'Argenteuil demandent des modifications à la loi.
Certaines en demandent, c'est vrai mais celle-ci n'en demande point et je crois
que si, au moins, une mesure était prise sur ce point précis, si
une interprétation était donnée de manière qu'on
puisse liquider, selon les statistiques que j'ai comprises tantôt, cela
représenterait un bon nombre des enfants considérés comme
illégaux. Celui-là peut se régler maintenant.
À propos du respect de la loi, je pense bien qu'on ne peut pas me
reprocher d'avoir encouragé qui que ce soit à violer la loi. Dans
ce cas-ci, je dis au ministre qu'on peut invoquer l'argument du respect de la
loi, mais il y a trois facteurs atténuants qui doivent être
retenus. D'abord, il y avait un sentiment d'injustice profond chez les
personnes qui ont été frappées de manière
rétroactive, comme on le disait tantôt. Elles se demandaient
comment il se faisait que celui qui était passé l'année
précédente avait pu passer et qu'elles, parce qu'elles arrivaient
une année plus tard, ne pouvaient pas passer. Ces gens se sont sentis
traités injustement. Il y a quand même une longue tradition
chrétienne qui dit que, lorsque vous êtes convaincu qu'une loi est
injuste, votre conscience vous justifie peut-être d'y résister. Ce
n'est pas nouveau; cela a été écrit depuis longtemps.
Deuxièmement, il n'y a eu aucune privation pour personne comme
résultat de ce qui a été fait de ce
côté-là. Ce n'est pas comme lorsque des gens font la
grève dans les hôpitaux, ou même dans l'enseignement et que
des milliers de citoyens sont privés d'un service. Il n'y a personne qui
a été privé. Par conséquent, il n'y a pas eu de
lésion extrêmement tragique au bien général.
Troisièmement, l'autre facteur atténuant, c'est l'impuissance
qu'a manifestée le gouvernement depuis six ans. Quand le gouvernement
s'est révélé impuissant pendant six ans, il contracte des
responsabilités en ce qui regarde la solution du problème.
J'apporte ces points à l'attention du ministre. Je termine par
deux questions à l'intention de M. Dobie. Premièrement - je vais
vous les poser en même temps pour gagner du temps, parce que je pense que
notre temps achève - j'ai remis ces recommandations au public et au
gouvernement au mois de mai dernier. Si je compte bien, cela fait
déjà six mois. Est-ce que vous avez eu des nouvelles du
gouvernement? Est-ce qu'on vous a approché? Est-ce qu'on vous a
demandé: Pourriez-vous nous fournir des données additionnelles?
Est-ce qu'on pourrait avoir des explications sur ceci ou sur cela? Est-ce que
vous avez eu des communications avec le gouvernement?
Deuxièmement, à propos de la commission d'appel, qui est
un mécanisme absolument important dans toute cette affaire-là,
vous avez souligné que les procédures ont beaucoup
contribué à alourdir le problème. Depuis ce
temps-là, il y a eu des nouvelles nominations qui ont été
faites. Je vous demande: Est-ce qu'il est arrivé, au cours de la
dernière année, que vous ayez été consultés
par le gouvernement quant aux améliorations qui pourraient être
apportées au fonctionnement de la commission d'appel et quant aux
nominations qui ont été faites au cours de l'été
dernier?
M. Dobie: En ce qui concerne des nouvelles, non, aucune nouvelle.
D'ailleurs, au mois de juin, j'ai expédié un
télégramme au premier ministre et au ministre de
l'Éducation leur demandant une rencontre pour en discuter et essayer de
trouver une solution à cette situation. Je crois que c'est au mois
d'août que j'ai reçu une lettre du premier ministre disant qu'il
avait donné le
dossier au ministre de l'Éducation. Depuis ce temps-là,
j'attends et, depuis ce temps-là, les parents attendent aussi; depuis ce
temps-là, les élèves sont encore dans nos
écoles.
En ce qui concerne la commission d'appel, nous n'avons jamais
été consultés sur le choix et sur la procédure
comme la PACT. Je vais vous dire que j'ai eu l'occasion de représenter
plusieurs parents, à certaines époques, à la commission
d'appel et nous avons eu quelques rencontres avec les anciens membres, mais ce
furent des consultations très ad hoc et informelles. Nous n'avons jamais
été consultés.
M. Ryan: Juste un commentaire en terminant. Je pense que vous
avez là l'illustration concrète de la manière dont on
applique la loi dans un secteur donné. Je formule le voeu qu'on veille,
le plus tôt possible, à établir les contacts de base sans
lesquels il est impossible pour le gouvernement d'en arriver à des
solutions qui marchent véritablement. D'ailleurs, le gouvernement le
sait très bien. Dans les secteurs où il transige avec des milieux
qui lui sont sympathiques, il trouve le moyen de faire des consultations et
très souvent on nous dit qu'un projet de loi a été
préparé après consultation détaillée avec
les organismes ou les milieux intéressés. Dans ce cas-ci,
l'absence totale de contact qui est mise sur la table est un argument qui
témoigne de la négligence et de l'impéritie du
gouvernement.
Le Président (M. Brouillet): Merci. Le
député de Fabre a une petite précision à apporter
et ensuite le mot de la fin de M. le ministre.
M. Leduc (Fabre): Une précision sur le chiffre de 300 000.
La précision est la suivante: il y en a 220 000 qui ont
été reconnus en décembre 1977. Depuis ce temps, 100 000
ont été admis, soit entre 13 000 et 17 000 annuellement. Nous
pouvons déposer le document, M. le député, si cela peut
vous satisfaire. Mais le chiffre de 300 000 est bel et bien réel.
M. Ryan: M. le Président.
M. Leduc (Fabre): Et à peine 5000 furent refusés,
dont 2300...
Mme Lavoie-Roux: Est-ce qu'à chaque année, il faut
qu'ils redemandent d'être admis à l'école anglaise?
M. Fortier: C'est incroyable!
M. Ryan: M. le Président, je pense qu'il faut clarifier.
Cela ne sert à rien de se jeter de la poudre aux yeux. Il y en a 267 000
qui ont été reconnus, ce fut une reconnaissance
générale, un peu comme quand le comité catholique a
reconnu toutes les écoles catholiques de la province de Québec
d'un coup de balai. Mais, depuis ce temps, vous avez eu 63 000 demandes. C'est
ce que je comprends. Depuis six ans, combien?
M. Leduc (Fabre): Nous en avons eu 100 000, soit entre 13 000 et
17 000 annuellement.
M. Ryan: Mais, depuis six ans, cela ne fait pas 100 000 si c'est
13 000 par année.
M. Leduc (Fabre): Vous pourrez faire les calculs, M. le
député, nous allons déposer le document. D'accord?
M. Ryan: Oui, déposez le document, mais ne le commentez
pas, je pense que ce sera plus clair!
Le Président (M. Brouillet): Nous allons distribuer le
document; je demanderais au personnel de voir à ce que le document soit
distribué et vous aurez le loisir de l'étudier à fond.
J'invite M. le ministre à dire le mot de la fin.
M. Laurin: Oui, avant de remercier l'Association provinciale des
enseignants catholiques de langue anglaise, je voudrais quand même dire
quelques mots sur ces écoles bilingues. Effectivement, c'est une
suggestion que m'a faite le député d'Argenteuil, mais, comme je
l'ai dit, je suis en train de l'examiner. Il faut reconnaître le fait que
les deux écoles qui ont été mentionnées ne sont pas
les seules écoles bilingues qui existaient, il y en avait dans d'autres
commissions scolaires aussi, des écoles bilingues. Selon le cas, ces
écoles bilingues ont été classées comme
françaises ou anglaises aux fins de la loi, en fonction des secteurs
linguistiques où elles se trouvaient.
Un peu comme je le laissais deviner au début, il faut penser
aussi que ceux qui, dans le passé, ont étudié à ces
écoles bilingues, qui ont demandé l'admissibilité en
anglais, qui se la sont vu refuser et qui, par la suite, ont
obtempéré à la loi, constituent quand même des cas
qu'il ne faut pas oublier et, si jamais le gouvernement donnait suite à
cette suggestion, il faut sûrement s'attendre qu'ils rappliquent et
qu'ils redemandent un droit qu'ils estiment avoir perdu, puisqu'on l'accorde
à ceux qui maintenant le demandent. C'est un facteur qu'il ne faut pas
oublier également.
Mais, encore une fois, ces suggestions sont toujours à
l'étude et je rappelle que les recommandations que nous a faites le
député d'Argenteuil comportent, pour la plupart, des
modifications législatives. J'ai dit, tout à l'heure, dans
quel esprit nous abordions tout ce problème des modifications
législatives.
Je voudrais aussi ajouter que, si je suis bien informé, la
plupart de ces élèves illégaux ne pourraient être
admis à l'école anglaise non seulement en vertu de la loi 101,
mais même en vertu de l'article 23 du "Canadian Bill of Rights". Donc, il
s'agit de cas où les critères devraient être
examinés en fonction de ces deux lois; mais, même en fonction de
ces deux lois, ils ne seraient pas admissibles à l'école
anglaise. Évidemment, si nous connaissions les cas dans leur
entièreté, un par un, il nous resterait à
déterminer lesquels pourraient bénéficier de l'article 23
du "Canadian Bill of Rights"; nous ne le savons pas à l'heure actuelle.
Mais, en tout cas, selon les informations que nous possédons, ce
seraient plutôt des cas d'exception. Donc, la majeure partie de ces
élèves illégaux, clandestins, ne pourrait
bénéficier aussi bien des critères tels que
déterminés par la loi 101 que des critères
déterminés par la loi fédérale. Je pense que c'est
un élément important qu'il fallait souligner.
Quant à la commission d'appel, on s'est plaint beaucoup de son
fonctionnement. Je continue à dire que la commission d'appel, de
même que le bureau d'admissibilité ont fonctionné à
une cadence accélérée durant les premières
années. Évidemment, il fallait étudier tous les cas
d'élèves qui se croyaient justifiés de demander leur
admission à l'école anglaise et il y en a eu beaucoup dans les
premières années. Mais il y en a beaucoup moins au fur et
à mesure que les années s'écoulent. Le nombre de cas qui
se présentent aux bureaux d'admissibilité - et, donc, à la
commission d'appel, malgré que ce ne soient pas tous les cas qui
aboutissent à la commission d'appel - diminue quand même
graduellement. Bien souvent, les retards qu'on a à déplorer sont
dus au fait qu'il faut vérifier les assertions qui sont faites à
l'appui de la demande. Malheureusement, dans bien des cas, M. le
Président, cette vérification a montré que les documents
qui étaient présentés ou étaient faux ou
constituaient une erreur ou ne correspondaient pas aux faits.
Évidemment, quand on est obligé de vérifier tous ces
documents, cela peut prendre un certain temps, surtout lorsqu'on fait
état d'études de pays étrangers, parfois très
lointains, qui n'ont pas toujours une organisation scolaire aussi
perfectionnée que la nôtre. Alors, les délais sont assez
longs et je ne pense pas qu'on puisse blâmer la commission d'appel de ce
fait.
De même, on dit que les jugements sont souvent faits en l'absence
des parents. Quand il n'y a pas lieu d'appeler les parents tellement le cas est
clair, évidemment, les parents ne sont pas appelés, mais je vous
rappelle que, dans la plupart de ces cas, c'est parce que la décision de
la commission d'appel est positive et que l'enfant est déclaré
admissible à l'école anglaise. Le fait d'appeler les parents ne
ferait qu'allonger le processus et on s'en plaindrait également. Mais,
dans d'autres cas beaucoup plus litigieux ou controversés, il n'est rien
dans nos procédures ou nos règlements qui interdise à un
parent d'assister à l'audition du cas de son enfant. S'il en fait la
demande, on se fera un plaisir de l'accueillir, aussi bien lui-même que
le spécialiste ou l'avocat qui voudrait l'accompagner.
Quant aux questions d'affidavits qu'on voudrait suffisants comme preuves
ou de serments qu'on pourrait juger suffisants, malheureusement, là
aussi, il faut tenir compte de l'expérience du passé et,
précisément, c'est sur ces questions d'affidavits ou de documents
que très souvent la commission d'appel s'est rendu compte que ces
documents ne correspondaient pas à la réalité. Il faut
donc s'entourer d'un minimum de précautions, ne serait-ce que pour
éviter l'arbitraire et le pouvoir discrétionnaire.
Je tenais à faire ces remarques, justement pour contrer un peu
les critiques qui ne m'apparaissaient pas toujours justifiées quant au
travail de bénédictin qu'accomplissent souvent aussi bien les
membres des bureaux d'admissibilité que les membres de la commission
d'appel.
Sur ce, M. le Président, je veux remercier à nouveau les
membres de l'Association provinciale des enseignants catholiques de langue
anglaise. Je crois que leur mémoire avait le mérite de la
franchise et je l'ai beaucoup apprécié à cet égard.
Je veux leur dire, surtout sur la question des illégaux, que nous
continuons notre réflexion. Dès que possible, nous prendrons une
décision qui, je l'espère, saura concilier aussi bien les
dimensions sociales et familiales que l'association a évoquées
que les autres dimensions que j'ai évoquées et sur lesquelles
j'aurais pu m'étendre encore plus longuement, dont, par exemple, le
droit exclusif qu'accorde aux provinces, et en particulier au Québec, la
constitution du Canada de légiférer en matière
d'éducation et en matière de langue d'enseignement. Toucher
à ce droit, c'est véritablement commettre un sacrilège
constitutionnel. Ceci explique et justifie en grande partie l'attitude qu'a
prise le gouvernement du Québec à cet égard et commande
les actions que nous devrons poser à l'avenir.
Le Président (M. Brouillet): Merci. Alors, je...
M. Gratton: Est-ce qu'on...
Le Président (M. Brouillet): Oui,
excusez-moi. M. le député de Gatineau.
M. Gratton: Je voudrais, au nom de l'Opposition, remercier la
Provincial Association of Catholic Teachers de sa présentation.
Comme à vous tous, le ministre responsable du dossier, le
ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration, nous a promis
que nous connaîtrions tous ensemble les résultats de cette
commission parlementaire lors du dépôt d'un projet de loi à
l'Assemblée nationale dès la rentrée, le 15 novembre
prochain. Je ne sais ce que je dois comprendre des propos que vient de tenir le
ministre de l'Éducation. Je ne lui pose même pas la question
à savoir si les modifications qui seront nécessaires pour
régler le cas des illégaux seront incluses dans ce projet de loi.
On le verra bien tous ensemble. Messieurs de l'association, vous ne serez pas
là à ce moment, mais comptez que nous y serons et que nous
veillerons au grain. Merci. (17 heures)
Le Président (M. Brouillet): Je remercie les membres de
l'association et j'inviterais les représentants de la Voice of English
Québec à prendre la parole.
Une voix: II y a eu un changement à l'ordre du jour.
Le Président (M. Brouillet): Excusez-moi, il y a eu un
changement à l'ordre du jour. Nous allons entendre immédiatement
les représentants de la Centrale de l'enseignement du Québec.
Je tiens à rappeler que nous ne pourrons certainement pas
entendre un autre groupe avant la suspension à 18 heures. Alors, le
Groupe d'action municipale (GAM) sera entendu après le souper.
Oui, M. le député de Gatineau.
M. Gratton: Je pense qu'il faudrait faire état d'une
entente et d'un acquiescement de la part du prochain groupe qu'on devait
entendre, soit Voice of English Québec. Ces gens ont accepté,
à la demande du ministre et appuyé par nous-mêmes
d'ailleurs, que la CEQ puisse nous rencontrer immédiatement de
façon à permettre au ministre de l'Éducation de se
libérer immédiatement après. Toutefois, dans le cadre de
cette entente, c'est la Voice of English Québec qui serait entendue en
premier lieu ce soir, suivie du Groupe d'action municipale.
Le Président (M. Brouillet): Oui. D'ailleurs, le Groupe
d'action municipale était prévu en sixième lieu dans
l'ordre du jour. C'est seulement une inversion des quatrième et
cinqième groupes que nous avons faite.
Je demanderais aux représentants de la
Centrale de l'enseignement du Québec de s'identifier, s'il vous
plaît.
Centrale de l'enseignement du Québec
M. Johnston (Raymond): M. le Président, je suis Raymond
Johnston, vice-président de la Centrale de l'enseignement du
Québec et m'accompagne M. Henri Laberge, employé-conseil de la
centrale, particulièrement chargé de ce dossier pour le bureau
national.
Avant de commencer la présentation, comme il y a deux textes qui
ont circulé de la part de la Centrale de l'enseignement du
Québec, je voudrais vous indiquer que le texte à
considérer, pour les fins de cette commission, est le texte à
couverture bleue et j'ajouterai, probablement vers la fin de la
présentation, quelques retouches que nous n'avons pu
matériellement faire à l'intérieur de ce texte dès
que l'essentiel du message aura pu vous être livré.
Le Président (M. Brouillet): Très bien. Vous pouvez
faire votre exposé.
M. Johnston: M. le Président, en 1977, la Centrale de
l'enseignement du Québec avait appuyé l'esprit
général et la majorité des dispositions de la Charte de la
langue française. Auparavant, nous avions combattu la loi 63 et nous
avions également combattu la loi 22 pour des motifs qui sont
rappelés dans notre mémoire.
Au début des années 1970, nous avions
élaboré avec d'autres centrales syndicales
québécoises des revendications précises quant à la
langue du travail et des relations de travail. Nous estimions - et nous croyons
encore - que c'est principalement par des actions dans ce secteur que doit
passer la francisation du Québec. Nous continuons de croire que les
principales dispositions de la Charte des droits et libertés de la
personne doivent non seulement avoir priorité sur toutes les lois du
Québec, mais s'imposer au législateur lui-même en tant que
pièce maîtresse de la constitution du Québec.
Sur le fond même - je suis rendu à la page 4 de notre
mémoire - nous n'avons pas changé d'avis sur la
nécessité pour le Québec de reconquérir sa pleine
compétence en matière d'enseignement, son droit à une
politique linguistique distincte ainsi que son droit à
l'autodétermination nationale, droit collectif fondamental que la CEQ a
toujours reconnu aux peuples autochtones du Québec.
M. le Président, je vais glisser rapidement sur un certain nombre
de considérations pour m'arrêter sur l'essentiel. A la page 7, la
CEQ a toujours soutenu, compte tenu de sa situation particulière, que le
Québec a droit à une politique linguistique particulière
et a droit de la définir lui-même. Donc, pas de problème
de
compatibilité entre nous et le gouvernement sur la question de la
juridiction.
Dans ce cadre, nous croyons qu'il importe que la loi
québécoise établisse les conditions permettant à la
langue de la majorité de jouer pleinement son rôle de langue
commune et qu'elle garantisse clairement l'exercice du droit à l'usage
de cette langue dans tous les secteurs et à tous les niveaux. Une fois
ce minimum garanti, il y a lieu de définir des droits linguistiques
minoritaires tenant compte à la fois du contexte global de la
société québécoise et de ses besoins particuliers
ainsi que de l'importance relative des divers groupes linguistiques. Il faut
tenir compte d'une façon particulière des besoins et des
aspirations des communautés autochtones héritières de
sociétés établies sur notre territoire avant la
constitution de la société québécoise actuelle. Les
droits des autochtones, quant à nous, ne peuvent être
réduits à des droits minoritaires ordinaires; ils doivent
être plutôt assimilables à des droits nationaux.
Considérant la Charte de la langue française, la CEQ ne
souhaite nullement la remise en question de l'esprit général et
des orientations de la charte. On est conscient que des amputations majeures
ont été faites au cours des derniers mois sur le contenu
même de la charte, sur la base d'une jurisprudence que tout le monde
connaît. Par ailleurs, on connaît aussi nos difficultés au
niveau de la reconnaissance du français comme langue de travail. Nous
pensons qu'à ce niveau la charte aurait besoin d'un renforcement
majeur.
Il nous semble par ailleurs utile de modifier certaines autres
dispositions de la charte concernant la langue de l'administration,
l'accès à l'exercice des professions de même que la langue
d'affichage. On s'attardera un peu plus longuement par ailleurs sur la langue
d'enseignement sur laquelle il convient que la CEQ ait un discours très
articulé.
Je suis rendu au bas de la page 12. Nous voulons aussi marquer
clairement notre accord dès maintenant pour accentuer le statut
particulier reconnu aux minorités autochtones quant à
l'application de la charte et la nécessité de créer un
certain nombre d'obligations précises à l'administration à
l'égard de ces groupes.
Il y aurait donc lieu, selon notre position, d'accorder aux principales
dispositions de la Charte de la langue française un statut de loi
fondamentale, mais qui soit quand même subordonné à la
Charte des droits et libertés de la personne et qui, comme la Charte des
droits et libertés de la personne, devrait avoir priorité sur
toutes les autres lois.
Abordons notre analyse chapitre par chapitre. Chapitre III. Nous croyons
qu'il y a lieu d'expliciter un certain nombre de droits que la Charte de la
langue française ne visait pas à abolir et qui étaient
couverts par l'article 133 de la constitution canadienne, notamment le droit
des députés d'utiliser soit le français, soit l'anglais
dans les débats parlementaires et également le droit d'un
individu de s'adresser aux tribunaux en français ou en anglais, à
sa convenance. Dans un effort de cohérence et dans la perspective de
retrouver à l'intérieur de la charte les principaux droits des
personnes, il y aurait lieu d'introduire dans la charte les droits qui,
autrement, ne paraîtraient que dans une constitution de type
fédéral.
Même si on s'est référé à l'article
133 de la constitution canadienne, on ne pense pas qu'il faille s'en remettre
à l'intangibilité de l'article 133 de la loi de 1867. On devrait
prévoir, dans une charte québécoise sur la langue,
l'obligation de produire les jugements en français, assortie de la
possibilité d'en produire aussi une version anglaise. Cela nous semble
une garantie minimale à se donner au plan démocratique.
Pour ce qui est des pièces de procédure, il nous
apparaît important d'établir une règle
générale, c'est-à-dire l'usage du français,
à laquelle il sera possible de déroger lorsque
l'expéditeur et le destinataire des pièces se mettront d'accord
quant à la langue de leur rédaction.
Par ailleurs, nous recommandons d'ajouter des garanties qui ne se
retrouvent ni dans l'article 133 de la constitution canadienne ni dans le texte
de la charte en ce qui concerne l'obligation pour le ministère de la
Justice de plaider en matière criminelle dans la même langue que
le justiciable, le français ou l'anglais.
Quant à la langue de rédaction des lois, nous maintenons
que les lois québécoises devraient, dans leur rédaction,
être préparées et adoptées en français,
appuyant ce principe sur le fait que l'on ne doit pas indirectement ou
informellement imposer la connaissance de l'anglais comme une condition
d'éligibilité à l'Assemblée nationale, une
condition informelle d'éligibilité qui fasse en sorte que
certains députés soient dans une situation
d'infériorité parce qu'ils ne parleraient que le français.
D'autre part, nous croyons qu'obligation doit être faite au gouvernement
de produire et de publier une traduction administrative de tous les textes des
projets de loi et des lois en langue anglaise.
Pour ce qui concerne les règlements, nous intervenons à
deux niveaux: les règlements gouvernementaux et les règlements
d'autres administrations. Quant aux règlements gouvernementaux, ils
devraient être soumis, quant à nous, à la même
obligation que pour les lois. Pour ce qui concerne les commissions scolaires
anglophones, on devrait maintenir l'obligation
de traduire ou de publier les règlements en anglais lorsqu'il
s'agit de services qui sont assurés à une communauté
anglophone, mais il devrait quand même y avoir obligation de les produire
dans un texte original, un texte légal, en français. De la
même façon, nous pensons que ce principe devrait s'appliquer
à d'autres organismes administratifs et qu'on devrait leur imposer
également l'obligation de traduire et de publier, le cas
échéant, en anglais, dans la mesure où la majorité
des administrés a comme langue maternelle l'anglais ou une langue autre
que le français.
Je ne lirai pas les modifications qui sont suggérées au
texte. On pourra y revenir s'il y a des questions.
Quant à la langue de l'administration, nous reconnaissons le
principe que le français doit être la langue
générale, mais nous croyons qu'il est maintenant possible
d'apporter certains aménagements, certains assouplissements dans ce
domaine. Dans cette perspective, si l'on croit que la connaissance de la langue
commune, c'est-à-dire la langue française, doit être une
condition suffisante pour avoir plein accès aux services des
municipalités et des autres organismes de l'administration et pour
participer à la vie démocratique, il faut donc que ce droit soit
garanti dans la charte. Cependant, là où la majorité de la
population a comme langue maternelle une autre langue que le français,
on devrait tenir compte de cette situation et créer pour les organismes
administratifs concernés des obligations à cet effet. Nous
proposons d'ailleurs comme amendements, formellement rédigés un
peu plus loin, quelques aménagements supplémentaires qui tiennent
compte des intérêts des administrés. (17 h 15)
Je veux maintenant aborder le problème de l'accès à
certaines professions lequel, dans le contexte actuel, nous semble se situer
à deux niveaux. D'abord, on voit une certaine forme de discrimination
qui est créée par les articles 37 et 40 de la loi entre les
personnes qui viennent du Québec et celles qui viennent de
l'extérieur. Cela ne nous semble pas justifié de créer une
telle distinction. On est d'accord avec le principe que l'octroi de permis
temporaires et restrictifs devrait à l'avenir être de plus en plus
limité aux cas où l'intérêt public le justifie. Par
exemple, les cas de pénurie relative. Mais dans l'octroi de ces permis
temporaires et restrictifs, on croit qu'il ne devrait pas y avoir de
distinction entre les personnes visées selon qu'elles soient originaires
du Québec ou proviennent de l'extérieur du Québec.
En complément, nous prétendons aussi qu'on devrait,
à titre de mesures transitoires, prévoir des assouplissements
pour les personnes qui ont terminé leurs études secondaires au
Québec avant l'entrée en vigueur de la loi 101 ou qui ont
passé leurs examens professionnels avant la fin de 1983. On croit que,
dans ce cas, de façon automatique, le droit aux permis temporaires
prévus par la loi devrait leur être acquis. Cela nous semble
être de nature à corriger un certain nombre de problèmes
qui ont été soulignés par ailleurs au cours des
dernières années.
Au chapitre de la langue du travail, nous n'abordons pas comme groupe,
cette fois-ci, les problèmes qui peuvent être
générés par les programmes de francisation des entreprises
quant à l'application du principe du français comme langue de
travail. Cependant, nous voulons aborder ici deux types de difficultés
particulières soulevées par les articles 41 et 45, en
particulier, en vous soulignant que si on s'en tient à ces principes
généraux, on partage cependant la plupart des demandes de
renforcement qui ont été présentées devant vous par
d'autres organisations syndicales quant aux programmes de francisation des
entreprises et leurs effets sur la reconnaissance du français comme
langue de travail.
J'aborde les deux problèmes particuliers qui font l'objet de nos
considérations dans ce mémoire. À l'article 41, c'est un
problème que tout le monde connaît. Il y a une certaine
jurisprudence qui tend à interpréter de façon restrictive
cet article en donnant à l'expression "son personnel" un sens
plutôt collectif, excluant les communications individuelles, et on pense
qu'il y a là un type de problème à corriger. Il nous
semble important de clarifier cette situation pour que l'obligation s'applique
aux communications avec un membre du personnel en particulier, mais, en
même temps, on pense qu'il faut préciser que l'employeur peut
communiquer par écrit dans une autre langue que le français
lorsque l'employé en fait lui-même la demande par écrit.
C'est là que c'est le plus vérifiable.
Quant à l'article 45 - nous avons fait des représentations
de même nature quant à d'autres dispositions législatives
qui sont d'une nature à peu près équivalente - nous y
voyons une insuffisance majeure. L'interdiction qui est faite à
l'article 45 de congédier un employé pour la seule raison que ce
dernier ne parle que le français, on pense aussi que cela prête
à une interprétation très restrictive. Cela signifie qu'un
employeur peut invoquer ce motif parmi d'autres motifs. Cela signifie aussi que
ce motif peut être sous-entendu, alors que d'autres sont invoqués
et que, dans la preuve, il n'y a pas nécessairement un fardeau
très important pour l'employeur. Nous croyons, quant à
nous, qu'un tel motif ne devrait jamais entrer en considération pour
justifier un congédiement ou quelque autre mesure disciplinaire. Nous
pensons aussi que la loi devrait être amendée pour prévoir
une
protection spéciale contre les mesures disciplinaires
consécutives à l'exercice d'un droit reconnu par la charte. Ce
sont des dispositions qu'on retrouve à l'intérieur du Code du
travail et de la Loi sur les normes du travail. On pense que, dans ce cas-ci,
ce serait approprié d'avoir une couverture de cette nature
également. On pourra revenir sur la formulation des amendements qui sont
suggérés.
Quant à la langue du commerce et des affaires - je suis rendu
à la page 30 de notre mémoire - à ce chapitre, nous allons
dans le sens d'assouplissements qui ne nous semblent pas menacer la
sécurité collective de la communauté francophone
québécoise. En matière d'affichage, nous pensons donc que
les exceptions à la règle de l'usage exclusif du français
devraient être contenues dans la loi elle-même pour réduire
les risques d'arbitraire. Autrement dit, on ne voudrait pas que les exceptions
soient définies par voie réglementaire. Les exceptions devraient
être prévues dans la loi et, s'il faut amender la loi pour
prévoir une série d'exceptions claires, précises, qui
fassent en sorte que ce soient les règles du jeu connues et stables pour
l'ensemble des administrés, nous croyons que cela devrait être une
approche à retenir par le gouvernement.
Quant à l'article 59, il y a certaines difficultés
auxquelles nous avons été sensibilisés qui nous permettent
de recommander, d'ajouter aux exemptions prévues l'affichage des
entreprises à caractère culturel qui ont pour objectif d'informer
le public sur des activités culturelles qui lui sont offertes dans une
autre langue que le français. Nous croyons que les dispositions
actuelles de la charte ne couvrent pas de façon suffisamment explicite
cet élément.
Quant à l'article 60, nous recommandons de remplacer l'exception
faite sur la seule base de la dimension de l'entreprise par une exception
fondée sur les caractéristiques linguistiques de la population du
territoire où se fait l'affichage. D'une part, nous ne voyons aucune
justification à ce qu'une entreprise établie en milieu
francophone ait droit à un comportement linguistique particulier en
matière d'affichage du seul fait qu'elle soit petite. D'autre part, s'il
y a lieu de reconnaître des exceptions aux règles concernant
l'affichage public, ce doit être en fonction des besoins du public
environnant qu'on devrait le faire. Il est déjà prévu que
certaines municipalités peuvent afficher à la fois en
français et en une autre langue; il serait donc logique de
reconnaître le même droit aux individus et aux entreprises qui
affichent dans le territoire d'une de ces municipalités.
À l'article 62, nous proposons une modification que je qualifie
de technique qui a des retombées cependant au niveau de l'application.
Nous recommandons de reconnaître aux établissements
spécialisés dans la vente de produits typiques d'une nation
étrangère, d'un groupe ethnique particulier, le droit d'afficher
à la fois en français et dans la langue de cette nation ou de ce
groupe ethnique aussi bien à l'intérieur qu'à
l'extérieur de l'entreprise.
Aux dispositions diverses - page 33 -nous proposons, en parfaite
concordance avec le message que je vous ai livré antérieurement,
l'abrogation de l'article 93 qui confère au conseil exécutif les
pouvoirs de réglementation que nous jugeons abusifs. S'il y a lieu de
prévoir des clarifications, nous croyons que c'est plutôt par le
texte de la loi que ces clarifications devraient venir plutôt que par
voie réglementaire. Nous sommes - je le répète -
disposés à appuyer aussi toute revendication des groupes
autochtones qui iraient dans le sens d'une meilleure affirmation du droit
à leur langue particulière ainsi qu'à des services
dispensés en ces langues.
Je dois aborder un chapitre sur lequel je vais demander votre attention
plus longuement, celui de la langue d'enseignement. Nous avions, en 1977 - la
centrale - recommandé une approche qui permettrait de reconnaître
l'accès à l'école aux classes anglaises, à
l'enseignement en langue anglaise au Québec à la
communauté anglophone du Québec, mais également à
des citoyens canadiens qui viendraient s'établir au Québec par la
suite. Je vais essayer de situer de nouveau, par rapport à l'ensemble du
débat qu'on a connu au cours des récentes années, notre
position à cet égard. Pour bien se faire comprendre, il y a lieu
d'apporter quelques clarifications, je vais m'en tenir au texte qu'on a
rédigé à ce sujet, à partir de la page 36.
Nous avons analysé la portée des articles 73 et 86 de la
charte et les intentions qui pouvaient s'en dégager. Et, même si,
en 1977, nous n'avions pas prévu dans notre position de dispositions
transitoires qui auraient éventuellement permis à des
frères et soeurs d'avoir des droits générés
à cause de la situation des aînés, même si nous
n'avions pas prévu de règles d'exception de la nature de celles
qui sont prévues à l'article 73, paragraphes b, c, d, nous
pensons aujourd'hui qu'il était sage de prévoir de telles
dispositions qu'on peut considérer, quant à leur
caractère, de nature tout à fait transitoire.
Nous sommes toujours d'accord, par ailleurs, avec l'intention contenue
à l'article 86 de la charte qui, à notre point de vue, indique
l'intention d'étendre l'accessibilité à l'école
anglaise aux enfants dont les parents auraient fait leurs études
primaires en anglais au Canada. Cependant, nous différons d'opinion
quant aux moyens opportuns pour le
faire et nous ne croyons pas, quant à nous, qu'il soit opportun
de le faire en vertu de l'article 86, tel que rédigé.
Le gouvernement avait peut-être l'impression que toutes les
provinces canadiennes allaient s'empresser de négocier des accords de
réciprocité avec le Québec. Si tel était le cas, il
aurait été bien naïf. Nous estimons, quant à nous,
que les droits que nous sommes disposés à reconnaître chez
nous ne devraient pas être conditionnels à ce qui se passe
ailleurs.
Le droit à l'enseignement en langue anglaise ne constitue certes
pas un droit fondamental de la personne humaine. Là où il est
reconnu, il ne peut se définir qu'en tenant compte du contexte
socio-politique et démo-linguistique global de la société
particulière au sein de laquelle il s'exerce. Il s'agit toutefois d'un
droit très important et c'est à une minorité
québécoise que nous le reconnaissons. Non seulement un tel droit
ne doit-il faire l'objet d'aucun marchandage interprovincial, mais notre
législation doit éviter toutes les apparences que telle puisse
être la volonté du peuple québécois ou de son
Assemblée nationale.
Restreindre l'accessibilité à l'école anglaise aux
seuls enfants dont les parents ont fait leurs études en anglais au
Québec serait tout à fait légitime au niveau des
principes, puisque toute personne qui choisit librement de s'établir au
Québec, d'où qu'elle vienne, devrait accepter de modifier
certains de ses comportements et habitudes pour s'intégrer à une
société distincte. Si, toutefois - et nous pensons que c'est la
lecture qu'on doit faire de l'article 86, et nous-mêmes, c'est notre
intention - nous avons l'intention d'étendre cette accessibilité
aux enfants dont les parents ont fait leurs études primaires dans une
autre province du Canada, qu'on le fasse sans marchandage et qu'on
établisse cette accessibilité comme un droit reconnu par la
législation québécoise.
Compte tenu de ce que nous connaissons présentement de
l'évolution de la situation relative du français comme langue
d'enseignement au cours des dernières années, nous pensons qu'une
telle extension ne mettrait pas en danger la communauté francophone dans
un avenir prévisible. Cela étant dit, il convient
d'établir qu'il y a quand même une démarcation entre notre
position et le contenu de l'article 23 de la charte fédérale.
Nous tenons à dire que nous continuons à être
complètement opposés à l'application de l'article 23 de la
charte fédérale des droits, ceci pour deux raisons qui nous
apparaissent fondamentales. L'article 23, tel que rédigé,
pourrait avoir pour effet d'accorder le droit à l'enseignement en
anglais aux frères et soeurs de toute personne qui, à un moment
donné, reçoit son enseignement primaire ou secondaire en anglais
dans une autre province du Canada, ou dans une institution privée non
subventionnée au Québec. De plus, cet article constitue, en vertu
de son origine, aussi bien que par la formule d'amendement qui s'y applique,
une ingérence que nous considérons toujours inacceptable
d'instances politiques extérieures au Québec dans la
législation québécoise en matière
d'éducation. (17 h 30)
Si, en 1977, la CEQ a appuyé le principe d'accorder
l'accessibilité à l'enseignement en anglais aux enfants dont les
parents ont reçu l'enseignement primaire en anglais au Canada et si nous
réitérons aujourd'hui notre appui à ce principe, nous
avons toujours été et nous demeurons fermement opposés
à toute forme déguisée de libre choix pour les membres ou
de la majorité francophone ou pour les immigrants. Or, l'application de
l'article 23 serait la possibilité par des moyens
détournés d'offrir le libre choix à certaines familles
francophones ou immigrantes ayant les moyens de faire étudier leurs
enfants dans d'autres provinces de façon temporaire.
S'il y a lieu de modifier les dispositions de l'article 73 de la loi
101, il faut que ce soit par une décision prise au sein des institutions
québécoises, dans un esprit d'ouverture et de respect à
l'égard de ses minorités et plus particulièrement de la
minorité anglophone. S'il y avait lieu, plus tard, dans un autre
contexte où la situation du français serait encore mieux
assurée, d'accroître les droits minoritaires en matière de
langue d'enseignement, le Québec devrait pouvoir le faire seul, sans
avoir à marchander quoi que ce soit avec d'autres gouvernements.
C'est pourquoi nous souhaitons que les droits des
Anglo-Québécois soient protégés de façon
rigoureuse par la constitution du Québec et que le Québec soit
libéré du carcan de la constitution fédérale en
matière de protection des droits linguistiques minoritaires.
Nous voulons aborder un problème qui a soulevé beaucoup de
discussions tantôt: le problème des élèves
illégaux. Pour rétablir un climat acceptable dans le monde de
l'enseignement, il faudra aussi trouver une solution humaine aux
problèmes des élèves illégaux qui se trouvent
encore dans les classes anglaises.
En 1977-1978, la Centrale de l'enseignement du Québec avait
averti le gouvernement qu'il devait prendre rapidement les moyens de ramener
à l'école française les élèves
illégaux de l'école anglaise pour s'éviter des
problèmes insolubles dans l'avenir.
Compte tenu de la situation de relative tolérance qu'il a
manifestée à l'égard du phénomène, le
gouvernement serait mal venu aujourd'hui de faire porter sur les
élèves
concernés eux-mêmes tous les inconvénients de cette
situation. Nous l'invitons à rechercher la solution la plus humaine
possible pour les enfants impliqués - et les seuls enfants
impliqués - en s'assurant toutefois que la situation
d'illégalité n'aura pas pour effet de conférer ou de
générer des droits dans l'avenir, en vertu du paragraphe a de
l'article 73 de la loi actuelle.
Il faudrait préciser que le droit à l'enseignement en
anglais ne s'applique, une fois reconnus les droits reconnus de ceux qui
avaient reçu légalement l'enseignement primaire en anglais avant
l'entrée en vigueur de la loi, qu'aux seuls enfants dont l'un des
parents aura reçu son enseignement primaire en anglais en vertu de
l'article 73 ou qui aura reçu cet enseignement au Canada alors qu'il
était domicilié au Canada hors du Québec.
Une telle précision dans le texte de la loi permettrait au
gouvernement d'utiliser d'ailleurs plus librement la disposition de l'article
85 pour les personnes séjournant de façon temporaire au
Québec. Suivent les modifications que nous suggérons en
concordance.
Je voudrais aborder la dernière partie qui est notre approche sur
l'enchâssement constitutionnel de la Charte de la langue
française. Au chapitre de la langue de la législation, de la
justice et à celui de la langue de l'enseignement, les propositions de
modifications que nous avons présentées n'ont de sens que dans la
mesure où le Québec pourra se libérer des carcans
constitutionnels imposés à sa législation en 1867 et en
1982 par le Parlement britannique.
Notre opposition à ce que s'applique au Québec une
constitution votée par le Parlement britannique sans notre accord ne
signifie pas et n'a jamais signifié une opposition au principe d'assurer
à certains droits essentiels une protection constitutionnelle efficace.
Bien au contraire nous avons depuis quelques années
développé une approche qui viserait à garantir par des
moyens constitutionnels les droits des minorités.
Il faut remarquer qu'en ce qui concerne la protection des droits
minoritaires, la formule d'amendement à la constitution canadienne
n'accorde aux minorités elles-mêmes aucun pouvoir d'intervention
directe. Cela pourrait encore se tramer au-dessus de la population entre les
gouvernements, et les minorités elles-mêmes n'auraient aucun moyen
d'intervenir dans ce débat. Nous croyons toujours que le Québec
est sûrement au Canada la seule province à devoir protéger
de façon spéciale la langue de la majorité de sa
population à cause de l'histoire, à cause de l'environnement.
Le cadre constitutionnel canadien, tel que défini par la loi de
1982, se prête mal à la prise en considération de cette
particularité quand il s'agit de définir les droits minoritaires.
Cependant, nous pensons que les droits linguistiques applicables au
Québec doivent se définir au Québec même et
être protégés par la constitution du Québec.
L'adoption ou l'évolution de la constitution du Québec doit
dépendre en dernier ressort de la volonté du peuple
québécois pour l'ensemble de ses dispositions. Cependant, nous
croyons qu'on devrait prévoir un droit de veto à la
minorité anglophone sur les modifications futures qui pourraient
affecter les droits essentiels qui lui sont constitu-tionnellement
reconnus.
Il devrait en être de même pour les droits à
reconnaître aux communautés autochtones.
La constitution du Québec devrait, selon nous, avoir
priorité sur toute loi ordinaire. C'est le statut que nous voudrions
voir accorder à la Charte de la langue française remaniée
dans le sens de nos propositions. C'est aussi le statut que nous voudrions voir
reconnaître à la Charte des droits et libertés et nous
voudrions que cette dernière soit reconnue comme prioritaire pour fins
d'interprétation de ladite constitution. C'est donc dans cet esprit que
nous proposons l'inclusion d'un nouvel article 98a à la Charte de la
langue française et que nous croyons que le gouvernement devrait
introduire une disposition semblable à la Charte des droits et
libertés de la personne pour garantir des droits qui soient
inaliénables. Voilà, nous sommes disposés à
répondre à vos questions.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Johnston. M. le
ministre.
M. Godin: M. le vice-président de la CEQ, M. Johnston, M.
Henri Laberge, nous reconnaissons, à la qualité de votre
mémoire, que votre conseil connaît bien la loi 101; il la
connaît en profondeur ainsi que les amendements que vous y proposez.
D'ailleurs, je dois dire que ce qui caractérise votre mémoire,
c'est précisément sa clarté, dans la mesure où vous
recommandez des amendements très concrets, déjà
rédigés d'ailleurs sur bien des points. Par ailleurs, je crois
que la notion de langue commune que vous êtes les premiers à
utiliser dans un mémoire qui nous est soumis depuis que cette commission
siège, est une notion extrêmement riche. Sans nous
référer à cette notion comme telle, puisque nous utilisons
"langue de convergence" dans nos documents, c'est elle que nous appliquons
concrètement et je dois dire que les résultats sont
extrêmement positifs dans l'ensemble du Québec, à telle
enseigne que, dans le centre de la ville de Montréal, par exemple,
où de plus en plus d'enfants d'immigrants fréquentent
l'école française, les effets se répercutent sur les
parents avec le résultat que les tensions qui existaient dans certains
milieux dans le passé
sont en train de se dissoudre avec le temps; donc, nous allons assister
certainement à une espèce d'équilibre sociologique et de
paix sociologique très grande, ce qui va peut-être nous permettre,
si nous agissons avec sagesse dans l'avenir, d'éviter, malgré le
multiculturalisme de Montréal, des tensions sociales que certains autres
milieux ont connues. Donc, la loi 101 a eu des répercussions beaucoup
plus profondes que nous ne l'avions imaginé au départ.
D'autre part je retiens, à la page 28 de votre mémoire, ce
qui touche l'article 41. La notion de personnel inclut-elle dans la pratique
des relations dans la langue officielle de l'employeur avec chacun des membres
de son personnel? Je me suis informé. Il n'y a aucun cas qui a
été porté à la connaissance de la commission de
surveillance qui nous permettrait de croire que la notion de personnel, telle
qu'elle apparaît à la loi, ne couvre pas tous et chacun des
membres du personnel. Mais si vous avez eu connaissance de cas où
précisément l'interprétation n'était pas claire,
nous serions heureux de les connaître.
Quant au programme de francisation, à la suite de la
présentation des mémoires de la FTQ et de la CSN,
déjà un certain nombre de recommandations nous ont
été faites. Nous nous penchons, au gouvernement, avec beaucoup de
sympathie sur ces modifications qui permettront de s'assurer que les
comités de francisation seront des éléments actifs,
dynamiques et moteurs dans toute l'opération francisation de la langue
de travail au Québec.
Quant à votre suggestion qui porte sur les activités
à caractère culturel c'est un autre des points auxquels nous
réfléchissons présentement. Je ne suis pas loin de penser
comme vous que nous devrions placer les activités à
caractère religieux, humanitaire et politique au même niveau que
ceux à caractère culturel.
Enfin, vous terminez votre mémoire en évoquant
l'éventuelle rédaction d'une constitution du Québec qui
serait faite par le peuple et collectivement, au fond. Cette idée fait
du chemin au sein du parti auquel j'appartiens autant qu'au sein du
gouvernement auquel j'appartiens. J'ose espérer que d'ici peu nous
pourrons travailler ensemble, tous les Québécois et toutes les
Québécoises, de quelque origine que nous soyons, à la
rédaction d'une constitution du Québec qui, contrairement
à une autre que nous connaissons, sera faite, elle, par l'ensemble des
citoyens et des citoyennes du Québec, et non pas parachutée, dans
certains cas pourrait-on dire, comme une grenade dans notre territoire
paisible. Merci. Je vous donne la parole, M. le Président, à
moins que vous ayez des commentaires.
M. Johnston: Si vous me permettez de dire que quant à
l'article 41, on a porté à notre connaissance un cas, qui est
d'ailleurs rapporté, semble-t-il, dans la revue du Barreau: à
partir d'un congédiement d'un salarié qui avait invoqué
cette disposition de la charte comme moyen de défense, il y aurait eu
des jugements rendus à savoir que l'article 41 ne devait être pris
que dans son sens restrictif d'être collectif, c'est-à-dire que
les mots "son personnel" ne devaient être pris que dans le sens de
l'être collectif et non pas s'adresser à chacun des individus. Si
un tribunal, de quelque niveau qu'il soit, a pu franchir cette espèce de
barrière, d'interdiction, qui était prévue par l'article
41, je crois qu'il y a un problème important qui mérite la
considération de la commission à cet égard. On pourra, si
vous n'avez pas pris connaissance de ce dossier, faire compléter le
relevé et vous le faire parvenir.
M. Godin: Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. ...
M. Johnston: Je m'excuse. Est-ce que vous permettriez...
Le Président (M. Gagnon): Oui.
M. Johnston: ...que j'indique tout de suite les trois corrections
que j'avais annoncées au point de départ à la fin de ma
présentation? Puisqu'on est obligé par les temps qui courent de
réagir à pas mal de politiques gouvernementales et qu'on est donc
pris dans un processus d'accélération dans la rédaction de
nos choses, on n'a pas eu le temps de revoir en détail le texte avant
qu'il soit imprimé.
Je voudrais vous signaler que dans le bas de la page 4 de notre
mémoire il faudrait rayer le dernier alinéa. Ce serait trop long
de préciser. Donc, plutôt que d'en faire une page à annexer
on aime autant rayer le paragraphe. On aura l'occasion de s'en reparler en
d'autres moments probablement.
À la page 35 il faudrait nuancer. Cela demande tellement de
nuances que je ne veux pas vous imposer une dictée. Je veux souligner
qu'il y a une ambiguïté qui est créée par le texte
à partir du paragraphe central concernant la position de la centrale qui
est analysée ici comme étant "beaucoup plus radicale" que celle
qui a été retenue par le gouvernement dans l'article 73 de la loi
101. Je pense qu'il faudrait noter que le mémoire de la CEQ à
cette époque ne s'attardait pas aux mesures transitoires. C'est dans ce
sens qu'il a pu y avoir une interprétation d'un peu plus de radicalisme.
Je pense qu'il faut enlever l'appréciation pour ne conserver que
l'esprit.
Finalement, pages 41 et 42. Dans les modifications proposées
à l'article 73, page
41, à 73a, nous préférerions que soient
changés à la fin de la page les mots "avant l'entrée en
vigueur de la présente loi" pour les mots "avant le 26 août 1977".
Il y aurait une modification de même nature au paragraphe b), en page 42,
pour éviter toute confusion.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Je crois que vous aviez
demandé la parole tantôt, M. Laberge?
M. Laberge (Henri): Oui. C'était sur l'article 41, la
question qui a été posée par M. le ministre. Ce que je
voulais dire, c'est que l'Office de la langue française est au courant
de la question. J'ai été en communication avec lui à ce
sujet. Il ne s'agit pas d'un jugement qui a été rendu par
l'office pour interpréter l'article 41 - je pense que l'office serait
d'accord avec notre position là-dessus - mais il s'agit de jugements qui
ont été rendus dans le cadre des tribunaux du travail et des
tribunaux d'arbitrage. Cela va?
M. Godin: Merci. Je compte sur vous pour me faire parvenir la
référence exacte de l'entrevue du barreau.
M. Laberge: Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: Je voudrais vous demander une indication avant de
commencer. Est-ce que vous entendez que nous ajournions à 18 heures pour
reprendre ensuite à 20 heures?
Le Président (M. Gagnon): C'est ce que j'ai compris des
membres de cette commission.
M. Ryan: Alors on va commencer mais je n'aurai pas le temps de
tout passer dans un quart d'heure.
Le Président (M. Gagnon): On pourra, à 18
heures...
M. Ryan: On pourra continuer à 20 heures.
Le Président (M. Gagnon): On pourra se reprendre à
20 heures.
M. Godin: Vous avez de l'appétit, M. le
député d'Argenteuil.
M. Ryan: C'est parce qu'il y a de la bonne matière.
Le Président (M. Gagnon): Pardon? Peut-être
pourrions-nous continuer quelques minutes après 18 heures pour vous
laisser terminer votre intervention? Une voix: Non.
Le Président (M. Gagnon): Non. Nous terminerons à
18 heures, nous reprendrons à 20 heures et vous aurez encore votre droit
de parole.
M. Ryan: Très bien. M. le Président. Le
Président (M. Gagnon): Oui.
M. Ryan: M. le Président, j'ai beaucoup aimé, tout
comme le ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration, le
contenu du mémoire que la Centrale de l'enseignement du Québec
nous a présenté aujourd'hui à la commission parlementaire.
J'avais fait une lecture du premier texte qui nous avait été
remis il y a quelques jours. Il manquait des pages dont le contenu m'a
étonné, agréablement. Les pages qui traitent de la langue
d'enseignement n'étaient pas dans le texte que nous avions reçu.
Je pensais que c'était un problème sur lequel, peut-être un
peu à l'exemple d'autres organismes, vous aviez de la difficulté
à vous entendre. Je m'aperçois que vous arrivez à des
propositions qui méritent un examen sérieux.
Je voudrais tout d'abord signaler l'intérêt que
présentent plusieurs points de vue exprimés dans votre
mémoire. Je suis d'accord avec le ministre des Communautés
culturelles et de l'Immigration pour souligner l'intérêt du
concept de langue commune. Il me semble que c'est un concept pratique,
fonctionnel et dépourvu de toute charge idéologique. Si jamais il
y avait moyen de faire un amendement dès la première ligne de la
Charte de la langue française pour substituer ce mot-là au mot
distinctif, je pense que c'est un mot plus fort, beaucoup plus positif. Il est
bon que vous ayez émis ce concept qui est en circulation depuis
déjà assez longtemps, dont la portée pratique n'a
peut-être pas été comprise de tout le monde.
Il me semble qu'en parlant de langue commune, c'est difficile de faire
comprendre à un anglophone que c'est sa langue distinctive, le
français. Je pense que cela prendrait un tour de force intellectuel
extraordinaire pour lui faire comprendre que c'est la langue commune de tous
les membres du peuple québécois. Il me semble que c'est une
proposition qui se défend, qui peut se comprendre par tout citoyen de
bonne foi au Québec de quelque origine, caractéristique,
familiale culturelle ou linguistique qu'il soit. Personnellement, c'est un
concept auquel je me fais un grand plaisir d'adhérer. Le concept de
l'enchâssement éventuel de la charte du français - j'y
reviendrai dans les questions tantôt - est également un concept de
la plus haute
importance qui s'applique également d'ailleurs à la Charte
des droits et libertés de la personne que vous situez justement en
premier lieu, avant même la charte des droits du français. Je
pense que c'est excellent. Cela pose toute une série de problèmes
de mécanique légale et constitutionnelle extrêmement
complexe, surtout que nous continuons de vivre dans un régime
fédéral. À ce sujet, il y a un certain nombre de questions
que soulève votre suggestion.
Vous demandez que soient mieux définis les droits linguistiques
des citoyens dans le domaine judiciaire, depuis surtout que la Cour
suprême a décidé que l'ancien chapitre de la loi 101
à ce sujet n'était pas valide. Je pense qu'il y a d'autres
suggestions qui ont été faites depuis le début des travaux
de la commission qui vont dans le même sens. Nous avons
déjà indiqué, de ce câté-ci, que nous
étions tout à fait favorables à des modifications à
ce sujet.
L'insistance que vous mettez sur les droits des autochtones est
également extrêmement importante. Nous sommes tous portés
à faire ce qu'on appelle du "lip-service" c'est-à-dire cela va
bien et on est pour cela. Il est important de se le faire rappeler, car on ne
fait pas grand-chose en pratique pour le reconnaître.
En ce qui regarde les commissions scolaires et les hôpitaux, les
suggestions que vous faites contribueraient à faire circuler un peu plus
de souplesse dans ces milieux qui voyaient venir avec appréhension
l'échéance du 1er janvier 1984. Si les suggestions que vous
faites étaient reçues - d'ailleurs on a donné des
indications qu'elles avaient de bonnes chances de l'être - je pense que
cela aiderait énormément.
Il y a une suggestion qui nous a intéressés sur laquelle
je pensais que le ministre allait vous interroger. Vous avez proposé
qu'un droit de veto soit reconnu à la minorité anglophone en ce
qui concerne les amendements législatifs éventuels pouvant
affecter les droits qui lui seraient reconnus. Actuellement, cela ne comportera
pas énormément de garanties, on parle avec assez de pudeur de la
communauté anglophone dans la loi 101, à un point tel que parfois
on a l'impression qu'on a voulu la cacher. Je pense que c'est une suggestion
qui impose réflexion. Je ne sais pas moi-même comment j'y
réagirais, mais cela demande réflexion. C'est ce que nous
attendons en tant que commission parlementaire, soit que des gens viennent nous
obliger à réfléchir sur des aspects qui n'avaient pas
retenu l'attention jusque-là.
Cela dit, je voudrais vous poser un certain nombre de questions.
À la page 6 de votre mémoire, vous faites une affirmation qui m'a
étonné et sur laquelle j'aurais besoin pour dire le moins,
d'explication. Vous dites: "Cependant les droits linguistiques particuliers ne
peuvent être identifiés à des droits fondamentaux de la
personne humaine. Ces derniers sont d'application universelle et ils sont
revendiqués par tous les êtres humains de tous les pays et de tous
les continents, quelles que soient les circonstances de temps ou de lieux.
Alors que la plus grande partie des droits linguistiques sont
nécessairement fonction des contextes démographique,
socioculturel, socio-économique et politique où ils doivent
s'exercer."
Je considère qu'il y a du vrai dans ce que vous dites, mais qu'il
n'y a qu'une partie qui soit vraie. J'ai fait venir la charte, la
Déclaration universelle des droits de l'homme dans laquelle j'ai
trouvé un article, en particulier, qui me semble plus exigeant que ce
que vous dites dans votre mémoire. D'ailleurs, le reste du
mémoire n'est pas du tout dans le sens de minimiser ces
droits-là, je dois le reconnaître. L'affirmation
générale qui est ici m'a étonné un peu. Je vous lis
l'article 27 de la Déclaration universelle des droits de l'homme: "Dans
les États où il existe des minorités ethniques,
religieuses ou linguistiques, les personnes appartenant à ces
minorités ne peuvent être privées du droit d'avoir en
commun avec les autres membres de leur groupe leur propre vie culturelle, de
professer, de pratiquer leur propre religion ou d'employer leur propre langue."
"Employer leur propre langue" peut aller assez loin. Ce n'est pas seulement
dans la chambre à coucher; ce n'est pas seulement dans le vivoir, je
pense que cela veut dire davantage. Si on l'a mis dans une déclaration
des droits de l'homme, je pense que cela veut dire plus que cela. J'aimerais
que vous me disiez comment vous conciliez ces deux aspects. Il me semble que la
déclaration des droits de l'homme est plus satisfaisante pour un esprit
libéral que le paragraphe que j'ai cité de votre
mémoire.
M. Laberge: En vertu de l'article 28... M. Ryan: C'est
l'article 27.
M. Laberge: ...de l'article 27 de la Déclaration
universelle des droits de l'homme, je pense qu'il ne peut pas être
question d'établir que le droit à l'usage de n'importe quelle
langue peut être reconnu dans n'importe quelle circonstance dans tous les
pays. C'est dans ce sens qu'on dit "la plupart des droits", on ne dit pas tous.
Il y a un droit à un certain usage de sa langue qui, il me semble, fait
partie des droits fondamentaux de la personne humaine. L'usage de sa langue
dans sa vie privée et dans les relations d'ordre privé entre des
individus, je pense qu'on pourrait considérer cela comme faisant partie
des droits fondamentaux. Mais, quand il s'agit de droits linguistiques d'ordre
public, même dans les pays bilingues, on ne peut pas dire qu'on a
reconnu à tous les individus le droit à l'usage universel
de leur langue maternelle. Dans un pays bilingue, il y a deux langues qui sont
reconnues, alors, ce à quoi fait allusion l'article 27, ce sont les
minorités qui ont une certaine importance. Là-dessus, nous sommes
d'accord quant à la reconnaissance d'une certaine minorité, mais
ce que nous voulons dire c'est que ce n'est pas un droit qui est attaché
à la personne humaine en tant que telle que de pouvoir utiliser en toute
circonstance sa langue maternelle. Cela tient toujours au contexte
socio-économique et démo-linguistique dans lequel il
s'exerce.
Mais je pense que l'esprit général du mémoire
montre bien le sens qu'on donne à cette affirmation.
M. Ryan: Le droit d'employer leur propre langue, est-ce que vous
le reconnaîtriez de manière privilégiée aux groupes
minoritaires, dans le secteur de l'éducation et de la culture, par
exemple?
M. Laberge: Si vous référez à notre position
sur le chapitre VIII, vous allez voir ce que nous sommes prêts à
reconnaître. Mais ce que je veux dire aussi, pour compléter ma
réponse, c'est que, quand on reconnaît un droit de cette nature,
cela suppose l'obligation pour les autres personnes de respecter ce droit.
C'est pour cela que nous ne pouvons pas reconnaître n'importe quel droit
en n'importe quelle circonstance, parce que cela supposerait que nous
créons des obligations qu'il est impossible de faire respecter.
M. Ryan: Reconnaîtriez-vous qu'une société
civilisée doit chercher à aller le plus loin possible, dans toute
la mesure compatible avec le bien général, le plus loin possible
dans la reconnaissance des droits minoritaires?
M. Laberge: C'est cela, la façon la plus compatible avec
le bien général, c'est ce qu'il faudrait définir.
M. Johnston: Tout dépend de la notion qu'on a du bien
général. C'est là qu'on dit qu'il y a un ensemble de
considérations à prendre en...
M. Ryan: Très bien. S'il était question
d'enchâsser la charte du français... Là, vous dites que
cela n'a rien à faire avec la Charte canadienne des droits, si j'ai bien
compris, l'article 23, en particulier de la charte canadienne. Le Québec
continue, jusqu'à nouvel ordre, de faire partie de la
fédération canadienne. Par conséquent, la constitution du
Canada est peut-être, à votre point de vue, une constitution
venant d'une source étrangère, mais c'est une constitution qui
s'applique au Québec comme dans les autres parties du Canada
également. Si, éventuellement, par les voies de la
négociation, il y avait moyen d'harmoniser les dispositions de l'article
23 de la charte canadienne et les dispositions de la Charte
québécoise des droits, resterait-il des obstacles insurmontables
dans votre esprit?
M. Johnston: Nous, on part de cette situation objective qu'on
constate - et que j'ai rappelée tantôt dans la présentation
de notre mémoire - que le Québec est, dans les faits - et a
toujours été dans les faits -objectivement la seule province du
Canada à devoir trouver des moyens de protéger la langue de la
majorité. À partir de ce moment-là, on ne peut pas
accepter, quant à nous, que la façon d'harmoniser, la
façon d'assurer l'avenir de la majorité francophone du
Québec repose sur une volonté qui échappe à la
communauté québécoise. Soyons clairs là-dessus.
Vous pouvez bien ne pas partager notre point de vue, mais c'est notre approche
de la question. Cependant, nous croyons que ceci étant dit, on doit par
ailleurs aller le plus loin possible dans ce qui peut être reconnu comme
droits minoritaires qui ne menacent pas l'équilibre de la
majorité québécoise et les reconnaître
concrètement en les protégeant chez nous également, sans
se laisser imposer ces choses de l'extérieur.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Sur ce, nous allons
suspendre. M. Laberge, très...
M. Laberge: Je voudrais seulement ajouter une chose. Même
dans un régime fédéral, il est pensable qu'une partie, un
des États membres ne soit pas soumis à des dispositions qui sont
soumises à d'autres. D'ailleurs, cela existe dans la loi de 1867. Je
pense que c'est l'article 94 ou 95 de la loi de 1867.
Une voix: L'article 94. M. Laberge: L'article 94.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Si vous le permettez,
nous reviendrons à 20 heures. Je dois suspendre les travaux
jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 01)
(Reprise de la séance à 20 h 09)
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît! Lors de la suspension de nos travaux, nous en étions
à entendre la Centrale de l'enseignement du Québec et la parole
était au député d'Argenteuil.
M. le député d'Argenteuil, si vous voulez poursuivre les
questions.
M. Ryan: Je voudrais vous demander, M. Johnston, si vous pourriez
expliquer la position de la CEQ concernant la langue d'enseignement. Vous
préconisez le remplacement de la clause Québec par la clause
Canada, si j'ai bien compris, c'est-à-dire l'accès à
l'école anglaise pour les enfants de parents ayant reçu la
formation primaire en anglais au Québec ou ailleurs. J'ai cru
comprendre, en cours de route, que vous disiez que cela ne comporterait aucun
danger pour l'équilibre culturel du Québec, l'avenir du
français au Québec. J'ai également cru comprendre que vous
mettez certaines réserves, vous ne voulez pas que cela soit confondu
avec l'article 23 de la Charte canadienne des droits. Pourriez-vous expliquer
comment vous en arrivez à cette conclusion et quelles seraient les
sauvegardes que vous voudriez y voir annexées pour que cela soit une
affaire sûre?
M. Johnston: Je pense que nous avons expliqué assez
clairement, avant l'ajournement, que finalement nous en arrivons à la
conclusion qu'il faut d'abord tenir compte, dans l'application de cette
règle-là, du lieu de résidence des personnes, ce qui,
à notre avis, est une balise qui évite l'utilisation abusive de
l'approche que nous soutenons. D'autre part, et là-dessus, je demanderai
à M. Henri Laberge de peut-être compléter ma
réponse, la démarcation que nous faisons entre notre position et
celle de la Loi constitutionnelle de 1982, en particulier l'article 23, est
basée sur le fait que, dans l'article 23 de la Loi constitutionnelle de
1982, il y a des effets d'entraînement sur d'autres personnes. Autrement
dit, les droits de certains individus sont transmis à d'autres individus
par effet d'entraînement, ce sur quoi nous sommes, d'une part, en
désaccord et, d'autre part, fondamentalement - on l'a exprimé
assez clairement en fin d'après-midi - il y a de notre côté
des réserves importantes sur la juridiction qu'on devrait
reconnaître au gouvernement fédéral, sur son intrusion dans
ce domaine. Pour ce qui est des articulations un peu plus techniques de la
comparaison avec l'article 23 de la Loi constitutionnelle de 1982, je
demanderai à Henri de compléter.
M. Laberge: Dans l'article 23, vous avez le paragraphe la. On
sait déjà qu'il est prévu dans la charte elle-même
qu'il ne s'applique pas. C'est celui qui dit: "Les citoyens canadiens dont la
première langue apprise et encore comprise est celle de la
minorité francophone."
Maintenant, ce qu'on vise surtout dans notre mémoire, c'est le
paragraphe 2 de l'article 23. Je vais le lire: "Les citoyens canadiens dont un
enfant a reçu ou reçoit son instruction au niveau primaire ou
secondaire en français ou en anglais au
Canada ont le droit de faire instruire tous leurs enfants aux niveaux
primaire et secondaire dans la langue de cette instruction." Nous croyons que
l'effet très certain de cette clause est que, dès que quelqu'un,
dans une famille, reçoit l'enseignement primaire ou secondaire en
anglais - que ce soit dans une institution privée non
subventionnée, ce qui n'est pas interdit par la loi 101, parce que
l'enseignement reçu dans une institution privée non
subventionnée n'est pas couvert par l'article 72, donc, non plus par
l'article 73, par voie de conséquence - les frères et soeurs de
la personne qui recevrait son enseignement, à un moment donné -
ne serait-ce qu'un an, parce qu'on dit "a reçu" ou "reçoit"; ce
pourrait être un an ou un mois, on n'a pas d'interprétation
judiciaire de cela... Il nous semble que cela pourrait aller très loin
et que c'est abusif. Pas tellement pour des raisons alarmistes, à cause
du nombre de personnes - il n'y aurait probablement pas un grand nombre de
personnes qui se serviraient de cette clause dans le sens mentionné -
mais pour une raison d'équité. Finalement, cela
conférerait des droits par une voie détournée, des droits
qui ne seraient accessibles qu'aux gens qui ont les moyens de se payer cette
possibilité.
M. Ryan: Vous n'avez pas d'objection à l'article
23.1b?
M. Laberge: Ce n'est pas sur le texte lui-même qu'on a une
objection. Notre objection sur l'ensemble de l'article 23 tient au mode
d'amendement qui s'applique à l'article 23. Or, le mode d'amendement est
le suivant: Pour être modifié, cela suppose non pas l'accord de la
minorité anglophone du Québec, mais cela suppose l'accord du
gouvernement fédéral et de sept provinces. Cela veut dire que, si
jamais le Québec voulait modifier cet article, cela lui prendrait non
seulement l'accord des deux Chambres du Parlement fédéral, mais
également des deux tiers des autres provinces, c'est-à-dire six
sur neuf. Il nous semble que c'est vraiment de l'intrusion injustifiée
dans une compétence du Québec.
Comme on considère qu'il est important de protéger et de
garantir les droits de la minorité anglophone, nous disons qu'il vaut
mieux les protéger par un droit de veto reconnu, dans la constitution du
Québec, à la minorité anglophone. On propose une formule
à l'article 98a), plutôt que de soumettre les possibilités
futures du Québec de modifier son régime linguistique à
l'accord de six autres provinces plus le Parlement fédéral.
M. Ryan: À propos d'affichage, vous dites qu'on aurait
intérêt à suivre le principe qui s'applique aux
municipalités couvertes par l'article 113f. Les municipalités qui
ont une
population à majorité anglophone peuvent
déjà faire leurs avis publics et leurs affiches en
français et en anglais si elles le veulent. Il faut vous dire que cela
s'applique également aux entreprises privées. Vous ne voudriez
pas qu'on fasse de distinction entre les petites, les grosses et les moyennes,
mais que cela s'applique aux entreprises privées.
Cela pose un problème. Disons que vous sortez de Montréal,
que vous entrez dans Westmount, une ville à majorité anglaise,
à ma connaissance, qui aurait le droit, par conséquent, de faire
et d'autoriser de l'affichage dans les deux langues, et que vous arrivez, un
peu plus loin, en allant vers l'ouest, à Notre-Dame-de-Grâce, qui
est aussi anglaise que Westmount. L'autre jour, quand le maire Drapeau est venu
rencontrer la commission, il a demandé, pour la ville de
Montréal, que ce principe puisse s'appliquer suivant les quartiers parce
qu'il a dit: Montréal, c'est une agglomération de petites villes.
Je ne sais pas si cela contredirait l'esprit de votre suggestion ou si cela
irait dans le même sens.
Pourriez-vous en même temps expliquer ce qui a inspiré
votre suggestion, de quel principe vous vous inspirez pour faire cette
proposition?
M. Johnston: Disons, dans un premier temps, que notre approche
n'est pas incompatible avec une approche de quartier. Ce à quoi on
pourrait avoir tendance à s'opposer, cependant, serait la
généralisation à l'ensemble de la ville de Montréal
ou à l'île de Montréal d'une pratique qui pourrait
s'appliquer selon le principe de base énoncé dans notre
mémoire.
Le principe de base, c'est que c'est la composition de la
collectivité immédiate qui justifie ou ne justifie pas le recours
à de telles mesures, plutôt que la taille de l'entreprise.
À cet égard, je pense que notre texte est assez clair. Il n'y a
pas d'autres fondements idéologiques ou pratiques.
M. Ryan: Très bien. Une dernière question. Votre
droit de veto pour la minorité anglophone, voulez-vous dire à
quelle matière cela s'appliquerait exactement, comment il pourrait
être exercé, selon quelles modalités?
M. Johnston: Quant aux matières, c'est
énoncé assez clairement à la fin de notre mémoire,
à la page 49. Les articles de la charte sont mentionnés de
façon expresse. Quant à la façon de l'articuler, il y
aurait peut-être une précision à apporter au texte que vous
avez devant vous. Là-dessus, je demanderais à M. Henri Laberge de
nous signaler les adaptations qu'il faudrait faire. On en a discuté
ensemble.
M. Ryan: Très bien.
M. Laberge: Écoutez! Ce qu'on propose là, ce n'est
pas nécessairement un mot à mot auquel on tient. C'est l'esprit
général. Alors, on mentionne, à la page 49, les deux
derniers alinéas de l'article 98a qu'on propose. On dit: Les articles
8a, 10, 11 et 73. L'article 8a, c'est celui que nous proposons pour garantir le
droit à l'usage des deux langues à l'Assemblée nationale.
L'article 10, c'est la traduction obligatoire des textes de loi et des
règlements. L'article 11, c'est le droit pour les individus de
s'exprimer en français ou en anglais devant les tribunaux. L'article 73,
c'est le droit à l'école anglaise. On dit que ces articles ainsi
que le présent alinéa ne peuvent être modifiés
qu'avec l'accord de la majorité des personnes ayant droit de vote qui
sont visées à l'article 73 et qui exercent leur droit de
vote.
On s'est demandé, à un moment donné, en parlant des
personnes, s'il ne faudrait pas dire "et leurs parents". Peu importe, je pense
que tout le monde va comprendre l'esprit dans lequel on l'inscrit. On ne tient
pas au mot à mot, mais il nous semblerait convenable que la constitution
du Québec et la Charte de la langue française, faisant partie de
la constitution du Québec, aient une procédure de modification
qui serait différente de celle des lois ordinaires. Alors, la
procédure de modification, c'est celle qui apparaît au bas de la
page 48 et au haut de la page 49. Il y a deux façons, soit par un vote
des deux tiers des membres inscrits de l'Assemblée nationale ou encore,
si on n'a pas le vote des deux tiers des membres de l'Assemblée
nationale, ce peut être une majorité ordinaire de
l'Assemblée nationale suivie d'un référendum de
ratification. Ce serait la formule générale pour modifier la
Charte de la langue française et on demande au gouvernement de faire la
même chose pour la Charte des droits et libertés de la
personne.
Il y aurait certains articles qui, en plus de cette disposition
générale, seraient protégés par un droit de veto
possible de la minorité anglophone, laquelle se définirait par
les critères de l'article 73.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que cela va? Merci, M. le
député d'Argenteuil. M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Je voudrais
à mon tour dire aux deux représentants de la Centrale de
l'enseignement du Québec combien j'ai trouvé le mémoire de
la centrale intéressant et stimulant. Il est assez étonnant, ce
mémoire, parce qu'il ne se limite pas du tout aux préoccupations
courantes des enseignants. C'est un mémoire qui vole très haut et
qui embrasse les questions de fond. D'ailleurs, ce compliment pourrait aussi
être un reproche
parce que j'aurais été très curieux de savoir ce
que les enseignants du Québec pensent de certaines questions. On y
viendra. Deux intervenants, le ministre et le député
d'Argenteuil, ont déjà dit combien ils s'intéressent
à cette notion d'une langue commune. C'est effectivement une notion
très intéressante. Durant les travaux de la commission, nous
avons rencontré des gens qui nous proposaient que la forme de
bilinguisme que la Charte de la langue française impose à des
institutions reconnues comme anglophones soit un bilinguisme institutionnel
plutôt qu'individuel.
Or, je me dis que, si la notion de langue commune a tout son sens, elle
signifie que, sauf exception, parce qu'il y a toujours des exceptions à
ce genre de règle, tout le monde au Québec devra acquérir
une bonne connaissance d'usage du français. C'est cela, il me semble, le
sens de langue commune. Comment peut-on concilier cette notion de langue
commune avec un éventuel bilinguisme institutionnel selon lequel, dans
une institution reconnue de langue anglaise, par exemple un hôpital, il
n'y aurait pas de bilinguisme de tous les individus ou de la grande
majorité des individus? Il y aurait seulement l'assurance qu'au besoin,
on peut trouver quelqu'un qui sait parler français. A ce moment, dans ce
cadre, je ne vois pas comment la langue est commune.
C'était ma première question. Je préférerais
que vous répondiez au fur et à mesure parce que autrement, il va
y en avoir trop.
Le Président (M. Gagnon): M. Johnston.
M. Johnston: Je préférerais peut-être que
cela s'enfile. On pourrait en prendre quelques-unes en même temps.
M. de Bellefeuille: Ah oui? Bon, d'accord, comme vous voulez. Je
note que, dès le début de votre mémoire, vous parlez des
droits linguistiques particuliers. Le député d'Argenteuil vous a
interrogé là-dessus. Il avait des doutes sur les fondements de ce
passage de votre mémoire. Vous dites: Les droits linguistiques
particuliers ne peuvent être identifiés à des droits
fondamentaux de la personne humaine. Je voudrais vous dire que je suis
profondément d'accord avec cela. Nous sommes en train d'essayer de
débrouiller un peu ces questions de droit.
J'ai dit hier, en parlant à d'autres, que j'avais du mal à
mettre sur le même pied la notion de droit de la personne et la notion de
droit collectif. Les mettre sur le même pied, cela me paraît
extrêmement dangereux parce que, dès qu'on les met sur le
même pied, il y a des gens qui vont aussitôt conclure que les
droits collectifs sont évidemment plus importants que les droits de la
personne. Cela peut mener à de graves abus. Mais je crois que vous nous
apportez une distinction utile, extrêmement pertinente, puisque vous
dites que les droits linguistiques ne sont pas fondamentaux. Ils ne peuvent
être identifiés à des droits fondamentaux de la personne
humaine. Voilà. Donc, les droits fondamentaux sont ceux de la personne.
Il émerge dans les sociétés beaucoup d'autres droits dont
certains sont collectifs, mais ils ne sont pas fondamentaux. C'est comme cela
que je perçois la distinction. Vous y reviendrez si vous voulez. Elle me
paraît très utile.
Je note que vous relevez le caractère illusoire de la protection
des minorités offerte par la constitution canadienne. Cela se trouve aux
pages 45 et suivantes de votre mémoire; cela a été aussi
relevé par les intervenants précédents.
Vous dites, à la page 10 - la pagination est peut-être un
peu difficile à suivre parce qu'il y a l'ancien et le nouveau texte; je
crois qu'il s'agit de la page 10 de l'ancien texte... Il s'agit de renforcer le
chapitre sur la langue du travail. Et c'est un peu là-dessus que
j'aurais aimé connaître la pensée des enseignants, pas
nécessairement en ce qui les concerne professionnellement, mais en ce
qui les concerne comme enseignants. Mais les enseignants peuvent être
considérés comme des citoyens éclairés; ils doivent
pouvoir être considérés comme des citoyens
éclairés. Et, j'imagine qu'ils ont des idées sur les
raisons pour lesquelles il faut, comme vous le dites, renforcer le chapitre sur
la langue du travail, que vous n'abordez que par le biais des questions
essentielles. Au fond, je pense que la question, c'est de savoir si, selon
votre centrale, la situation du français au Québec comme langue
du travail s'est nettement améliorée. C'est peut-être cela
qu'il s'agirait de savoir. Puisque la loi est conçue pour
protéger le français et que les restrictions imposées
à d'autres ne le sont que pour protéger le français, il
faudrait que nous puissions mesurer le degré de protection dont le
français continue d'avoir besoin.
On a déjà relevé ce que vous proposez au sujet du
chapitre III, sur la législation et la justice. Il y a là, en
effet, des trous dans la loi résultant d'un jugement de la Cour
suprême, qu'il est important de combler. Il y a déjà eu au
moins un mémoire, celui du Parti québécois de
Montréal-Centre, qui nous a fait des propositions concrètes
là-dessus qui recoupent les vôtres. Je crois que c'est un domaine
dans lequel on pourrait se mettre rapidement d'accord.
À la page 28 du premier texte, au chapitre VII, langue du
commerce et des affaires, vous proposez de modifier l'article 59. C'est au
sujet de l'affichage. C'est l'article qui exempte des prescriptions
prévues à l'article précédent "ne s'applique pas
à la publicité véhiculée par des organes
d'information diffusant dans une langue autre que le français ni
aux messages de type religieux, politique, idéologique ou humanitaire,
pourvu qu'ils ne soient pas à but lucratif". Je voudrais vous demander
pourquoi vous voulez modifier l'article 59 puisqu'il y a déjà
l'article 61. Vous voulez modifier l'article 59 pour y inclure le culturel;
l'article 61 traite du culturel: "Pour tout ce qui concerne les
activités culturelles d'un groupe ethnique particulier, l'affichage
public peut se faire à la fois en français et dans la langue de
ce groupe ethnique." Je sais que ce que je viens de lire et qui est dans la loi
ne correspond pas exactement au nouveau libellé que vous proposez. Ce
n'est pas très clair dans mon esprit pourquoi vous croyez qu'il faut
modifier l'article 59 et pourquoi vous considérez que l'article 61 ne
correspond pas à ce que vous désirez. (20 h 30)
À l'article 60, le passage de votre mémoire où vous
dites que les entreprises ne devraient pas être exemptées de
certaines obligations essentielles du seul fait de leur taille, me paraît
convaincant. Mais ce que vous écrivez ne me paraît pas très
clair. Je voudrais retrouver la référence exacte. C'est toujours
a la page 28: "Les caractéristiques linguistiques de la population du
territoire où se fait l'affichage", je crains que cela ne soit
facilement applicable dans certaines parties du Québec, mais très
difficilement applicable dans d'autres parties du Québec. C'est ce qu'il
s'agirait d'éclairer un peu.
À l'article 62, vous relevez que les mots "dans les
établissements spécialisés" prêtent à des
difficultés parce que cela a été interprété
comme signifiant "exclusivement à l'intérieur de" et ne
permettant pas d'afficher de façon que cela soit vu dehors. Je pense que
l'on est tous d'accord sur la nécessité de faire en sorte que la
loi soit bien comprise. Faire cette exclusion n'était pas, je crois,
l'intention du législateur.
À la page 32 de l'ancien texte, vous parlez du chapitre IX,
dispositions diverses. Vous reprochez à l'article 93 de conférer
au Conseil exécutif, c'est-à-dire au gouvernement, aux ministres,
des pouvoirs de réglementation - et je vous cite - "que nous jugeons
abusifs". Je ne sais pas s'ils sont abusifs. Ils sont en effet très
larges parce que la loi confère déjà certains pouvoirs et
cet article-là vient dire: S'il y en a que l'on a oubliés, le
gouvernement les a; autrement dit, le gouvernement les a tous. Je voudrais
seulement vous signaler que ce problème-là, au fond, n'est
peut-être pas le plus important des problèmes parce que, à
mon sens, le plus important des problèmes est de savoir si ce pouvoir de
réglementation, quelle qu'en soit la mesure, est ou non
contrôlé par le Parlement. Donc, ce n'est pas la loi 101 qui va
voir à cela. Même si on enlevait l'article 93, la loi accorderait
encore au Conseil exécutif de très larges pouvoirs de
réglementation et on n'aurait rien réglé en abrogeant
cela. La vraie solution est dans le contrôle parlementaire du pouvoir de
réglementation.
C'est à peu près cela que je voulais vous dire. Il y
aurait beaucoup d'autres choses, mais le temps passe. Ah oui! Un seul point qui
me paraît important, c'est là où vous vous élevez,
à la page 37 de la deuxième version, contre ce que vous appelez
le marchandage. Vous dites que les droits à garantir au Québec ne
doivent pas dépendre de ce qui est garanti dans d'autres provinces.
Est-ce bien la page 37?
M. Laberge: Oui, à peu près, page 37 ou page
38.
M. de Bellefeuille: Oui, c'est cela: "II s'agit toutefois d'un
droit très important et c'est à une minorité
québécoise que nous le reconnaissons. Non seulement un tel droit
ne doit-il faire l'objet d'aucun marchandage interprovincial, mais notre
législation doit éviter toutes les apparences que telle puisse
être la volonté du peuple québécois ou de son
Assemblée nationale." C'est une position que vous prenez qui va
nettement, si je la comprends bien, à l'encontre de l'offre de
réciprocité que le gouvernement du Québec a faite et qui
est inscrite dans la loi 101.
Je veux vous dire que le droit qui, à mon sens, ne devrait pas
faire l'objet de marchandage est celui qui appartient aux
Québécois. Ce n'est pas un droit qui appartient à des gens
qui viennent d'ailleurs. Je trouve que votre argument qui est beau, qui est
séduisant, qui est bien fondé, n'est pas vraiment pertinent parce
qu'il ne peut s'appliquer qu'à ceux qui sont déjà
Québécois, alors que ce dont il s'agit dans cette
réciprocité, c'est d'étendre certains droits ou
privilèges à des personnes qui ne sont pas
Québécoises, qui par conséquent ne tombent pas sous le
coup de ce très bel argument que vous nous présentez. Merci, M.
le Président.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. Laberge. M.
Johnston?
M. Johnston: Je vais commencer par la fin et on va remonter
tranquillement. Sur la question du marchandage, eu égard à notre
position contenue dans le mémoire à la page 37 qui fait
référence à l'article 86 de la charte, il est exact de
dire que la communauté canadienne anglophone extérieure au
Québec ne fait pas partie de la communauté
québécoise, au sens strict. On ne discutera pas là-dessus,
sauf que, dans notre compréhension des rapports internes à la
communauté québécoise, il faut aussi tenir compte de cette
situation où est placée la
minorité anglophone québécoise qui se situe comme
une espèce de prolongement de la majorité canadienne. Pour la
minorité anglophone québécoise, c'est plus que symbolique
que des membres de la même communauté à travers le pays,
moyennant certaines conditions, puissent avoir accès aux écoles
qui sont ouvertes à leur communauté au Québec.
On dit: Pas de marchandage de ces droits. Dans la même mesure on
dit aussi: Pas de marchandage des droits de la majorité francophone
québécoise. Il faut dire que notre position à
l'égard du marchandage n'est pas unilatérale. Pas de marchandage
sur les droits de la communauté anglophone et sur l'accès
à l'école anglaise pour les descendants des anglophones canadiens
qui auraient suivi leurs études primaires en anglais, mais on dit aussi:
Pas de marchandage des droits de la majorité francophone du
Québec. À ce qu'il me semble, il n'y a pas de contradiction dans
notre position.
Quant à l'article 93, regardons comment est rédigé
l'article 93 de la charte. On y lit: Le gouvernement peut, outre les pouvoirs
de réglementation prévus à la présente loi, adopter
des règlements pour en faciliter la mise en oeuvre. Si cela
s'arrêtait là, cela ne nous poserait peut-être pas tellement
de problèmes, mais "y compris pour préciser la portée des
termes et expressions qui y sont utilisés". Notre compréhension
de ce passage est que c'est largement abuser, et, dans les faits, cela peut
donner au gouvernement un pouvoir de modifier la portée réelle de
la loi telle que votée par l'Assemblée nationale. C'est là
qu'on considère qu'il y a vraiment un abus dans l'octroi d'un pouvoir au
Conseil des ministres qui peut se voir justifié de demander à
l'Assemblée nationale un pouvoir de réglementation pour faciliter
l'application d'une loi. Mais cela ne devrait pas aller jusqu'à la
possibilité de pouvoir modifier la portée de la loi en
précisant lui-même la portée des termes de la loi.
M. Laberge: Est-ce que tu me permets d'ajouter, tout de suite,
quelque chose?
M. Johnston: Oui.
M. Laberge: Je ne sais pas ce que le député de
Deux-Montagnes dirait s'il se retrouvait dans l'Opposition et qu'un autre
gouvernement décidait d'utiliser l'article 93 pour dire que les mots
"langue officielle" veulent dire autre chose que la langue française. Je
prends un cas extrême; je le prends justement pour faire ressortir...
Prenons des cas beaucoup moins extrêmes que cela. Je pense qu'il y aurait
d'énormes possibilités de changer complètement la
portée de certaines dispositions de la loi simplement par
décision réglementaire du gouvernement, sans contrôle de
l'Assemblée nationale.
M. Johnston: Finalement, pour nous, à travers ce
débat-là, il s'agit de voir où s'exprime dans notre
régime démocratique le consensus de la population. Quel est le
forum pour déterminer la ligne générale qui est l'assise
législative? Si l'assiette peut être modifiée par d'autres
personnes que celles qui adoptent les lois, on pense qu'il y a un risque que la
loi adoptée par l'Assemblée nationale soit ensuite
appliquée avec une portée totalement différente de celle
que l'Assemblée nationale pouvait avoir l'intention de lui donner au
moment où elle l'a adoptée. On s'élève contre cela
à ce moment-ci et on s'élèvera probablement contre cela
à chaque fois que cela se présentera. Je vous signale que cela se
présentera prochainement.
Pour ce qui est de l'article 62, vous avez tout à fait raison
d'indiquer qu'il s'agit là d'un amendement technique seulement. On n'a
pas compris que, quant à nous, l'intention avouable de
l'Assemblée nationale pouvait être de lui donner cette
portée restrictive. On propose qu'il y ait une modification pour lui
donner la véritable portée intentionnelle, vraisemblable et
éviter que cela n'engendre des problèmes inutiles.
Je pense qu'il peut y avoir, effectivement, certaines difficultés
à traduire cela dans des termes législatifs. L'intention qu'on
recherche - je l'ai exprimée tantôt en réponse au
porte-parole de l'Opposition en matière d'éducation - c'est
d'établir une connexion entre les obligations et la
réalité de la communauté environnante. On ne
prétend pas que cela ne pose pas de problème d'application, mais
on pense que cela doit se creuser de façon qu'on puisse trouver le moyen
de l'articuler en causant le moins de problèmes possible. Henri pourrait
peut-être compléter.
Quant à votre référence à l'article 61, en
réponse à notre proposition d'amendement à l'article 59,
je vous signalerai que l'article 61 se réfère aux
activités d'un groupe ethnique particulier. C'est donc une
communauté, une association ethnique ou quelque chose de cette
nature-là alors que la proposition d'amendement que nous
suggérons concerne des entreprises qui ont une vocation culturelle
liée à un groupe ethnique, ce qui a une portée
intentionnelle un peu différente de ce qui est couvert par l'article
61.
Je voudrais aussi répondre à votre question sur notre
perception de l'évolution de la situation pour ce qui concerne
l'utilisation du français comme langue de travail. À la Centrale
de l'enseignement du Québec, peut-être malheureusement, mais
encore pour l'instant, nous sommes dans un secteur qui est relativement
limité et où
nous ne sommes pas en mesure de vivre en direct ce qui se passe dans
chacune des entreprises. Nous n'avons pas de syndicat dans les entreprises
privées dites du type de production, dans le secteur du papier, dans le
secteur de l'automobile ou autre, nous n'avons pas une prise réelle sur
le vécu dans ces milieux, nous n'avons pas d'évaluation
très serrée de l'évolution qui a été
réalisée. Nous sommes conscients qu'il y a eu une
évolution dans le sens d'une amélioration, mais nous sommes
cependant conscients que même le cadre législatif actuel est
insuffisant - nous vous soulignons au moins quelques corrections qu'il faudrait
apporter -et nous avons tendance à croire que les organisations
syndicales qui représentent les travailleurs dans le secteur
privé rapportent la vérité quand ils disent que cela ne va
pas assez loin.
Nous n'avons pas d'expertise là-dessus, nous n'avons pas fait de
consultation générale auprès de nos membres pour
vérifier, par les étudiants ou par les parents dans chacun des
milieux, comment cela se traduisait, mais nous avons le sentiment que ce qui
est véhiculé par les autres centrales, quant au secteur
privé, correspond à la réalité. Mais nous n'avons
pas d'évaluation chiffrée qui permettrait de détailler de
façon presque scientifique le besoin d'un renforcement à cet
égard, sauf quant aux dispositions législatives que nous avons
déjà proposées à l'intérieur de notre
mémoire. C'est pourquoi, comme groupe, comme centrale, nous ne nous
sommes pas aventurés sur les programmes de francisation des entreprises;
nous n'avons pas d'expertise suffisante pour être capables de donner un
son de cloche suffisamment raisonnable là-dessus, pour développer
un discours cohérent et juste sur cette question. Nous avons aussi nos
limites objectives et nous nous en confessons. (20 h 45)
Quant à la distinction entre droits linguistiques et droits de la
personne, etc., il y a effectivement des distinctions qu'il faut faire, mais je
pense qu'il ne faut pas étirer cette distinction à l'infini.
Faire une distinction entre les droits fondamentaux de la personne et les
droits linguistiques ne nous amène pas nécessairement à
dire que tout ce qui n'est pas de la nature des droits fondamentaux de la
personne n'est pas de la nature des droits fondamentaux. Là, je pense
qu'il y a une zone dans votre intervention qu'il faudrait, le cas
échéant, rebrasser pour en arriver à quelque chose d'un
peu plus articulé, mais je pense que vous comprenez un peu le sens des
réserves que je veux indiquer là-dessus. Sur le reste, Henri
pourrait peut-être compléter.
M. Laberge: Sur la question des droits fondamentaux - je vais
faire l'inverse de
Raymond - je vais prendre l'exemple de ce qui se passe en Suisse,
où il y a une législation linguistique de chaque canton qui est
assez développée. Je pense que vous devez la connaître
assez bien. Donc, il y a des lois très détaillées sur les
droits linguistiques qui s'exercent dans chaque canton et, en
général, on reconnaît que ces droits se définissent
en fonction de la nature historique et démographique du canton
donné. Ce ne sont pas des droits qui sont transportés par la
personne elle-même, sauf qu'il y a une limite à cela. Il y a eu un
jugement - au moins un dont je suis au courant - qui a dit qu'il existait dans
le droit non écrit de la Suisse ce qu'on appelle le droit fondamental
à sa langue. Il y a quand même un minimum qui fait
également partie des droits fondamentaux de la personne, mais toute la
jurisprudence suisse et la jurisprudence européenne en
général tendent à dire qu'il ne faut pas donner une
extension exagérée à ce droit linguistique quand on le
raccroche à un droit fondamental de la personne. En
général, les droits linguistiques découlent plutôt
de droits collectifs que d'un droit individuel.
La plupart des droits linguistiques qui sont reconnus dans la
législation suisse, en Belgique et en plusieurs autres endroits,
tiennent beaucoup plus compte, pour leur exercice, de la nature de la
collectivité dans laquelle s'exerce le droit linguistique. C'est le sens
qu'on a voulu donner. Il ne faut pas l'exagérer ni dans un sens ni dans
l'autre. Évidemment, cela ne veut pas dire que les droits collectifs ne
sont pas fondamentaux. Il nous semble, entre autres, que le droit à
l'autodétermination des peuples est un droit fondamental, mais ce n'est
pas un droit fondamental de la personne humaine. C'est un droit fondamental des
collectivités. Donc, il y a des droits fondamentaux qui sont du
côté des droits collectifs.
Je ne reviendrai pas sur les articles 59 et 61. Je pense que cela va
bien.
Sur la question du marchandage, je vais revenir là-dessus, parce
que je pense que, de la façon que vous l'avez posée, votre
question serait extrêmement pertinente si l'accord de
réciprocité portait sur des services à accorder à
des gens venant d'une autre province et qui viendraient pour une période
temporaire au Québec. Ce n'est pas ce dont il s'agit. Il s'agit de
droits reconnus à des gens qui sont devenus des Québécois
parce qu'ils sont établis au Québec, mais dont le père ou
la mère, avant qu'ils soient établis au Québec, avait
reçu son enseignement dans une autre province. On dit que, sur le plan
des principes, la position réservée aux gens qui sont d'origine
québécoise pourrait se défendre. On dit clairement que ce
n'est pas une hérésie en soi, sauf que nous constatons que c'est
l'intention du gouvernement d'accorder cette
extension. Il l'a exprimée par l'article 86. Cela ne fonctionne
pas par l'article 86. Il nous apparaît qu'il y a un odieux à dire:
Les droits qu'on va reconnaître à une partie de nos citoyens -
parce qu'ils sont devenus nos citoyens; même s'ils viennent d'ailleurs,
on parle de gens qui sont maintenant des Québécois - ces droits,
on serait bien prêt à vous les reconnaître, mais on a un
accord à signer avec le Manitoba et la Saskatchewan et après, une
fois que cet accord sera conclu, ils vous seront reconnus. Il nous semble qu'on
devrait régler nos politiques linguistiques à l'intérieur
du Québec et ne pas se mettre à la remorque de ce qui se passe
ailleurs pour définir des politiques chez nous. En fait, c'est une
position indépendantiste au sens d'être indépendant de ce
qui se passe ailleurs pour définir nos politiques chez nous.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, j'aimerais remercier MM.
Laberge et Johnston non seulement pour l'excellence du mémoire qu'ils
nous ont présenté, mais pour la façon très habile
et très intéressante qu'ils ont de le défendre. On
voudrait continuer et pousser plus loin la discussion, mais, malheureusement,
compte tenu de l'heure et du fait que nous avons deux autres organismes
à entendre ce soir, nous vous remercions très sincèrement
de votre participation.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le ministre.
M. Godin: Si je compare votre mémoire avec celui de 1977,
le mémoire d'autres groupes qui sont venus cette année avec celui
qui a été présenté en 1977, je pense que ce qui se
dégage, après 75% du temps écoulé, c'est qu'il y a
presque une espèce de consensus présentement au Québec sur
les changements qui devraient être apportés à la loi 101.
Je pense que cela révèle peut-être une nouvelle
maturité collective, j'entends. Soyez assurés que nous tenterons,
en ce qui nous concerne, de nous mettre au diapason de cette maturité
collective.
Merci, messieurs.
Le Président (M. Gagnon): Merci.
Je remercie la Centrale de l'enseignement du Québec,
représentée par MM. Johnston et Laberge.
J'inviterais maintenant Voice of English Québec à prendre
place. Et pendant que nos prochains invités s'installent, je voudrais
rappeler aux membres de cette commission que demain nous débuterons
à 9 heures. Je pense que cela fut l'objet de discussions et la
commission est d'accord. Alors, les travaux débureront à 9
heures. Les invités seront le Bureau de commerce de Montréal,
Logidisque, M. Yves Beauchemin et le Rassemblement des citoyens et citoyennes
de Montréal.
M. Dawson, si vous voulez nous présenter les gens qui vous
accompagnent et nous faire la lecture de votre mémoire.
Voice of English Québec
M. Dawson (Robert): M. le Président et distingués
parlementaires, je vous présente mes deux collègues: à ma
droite, le vice-président de Voice of English Québec, M. Glenn
O'Farrell; à ma gauche, le directeur exécutif de Voice of English
Québec, M. Kevin Saville.
M. O'Farrell va commencer le mémoire.
M. O'Farrell (Glenn): Dans un premier temps, je me permettrai de
faire une mise au point. Cet après-midi, nous avons distribué des
copies du mémoire que nous avons devant nous et que nous vous
présentons ce soir. Alors, pour faciliter le suivi de notre
présentation, je vous conseillerais fortement de vous
référer à celui que nous vous avons distribué cet
après-midi.
Le 26 août 1977, la Charte de la langue française a fait du
français la langue officielle de la province de Québec. Cette
loi, d'après nous, doit son adoption à la progression constante
du désir collectif manifesté par la population
québécoise d'assurer à la langue française,
parlée par la majorité des habitants de la province, le rang, la
dignité et le respect auxquels elle a droit au sein de notre
société québécoise. Son objectif final
était, demeure et entend demeurer le maintien et la mise en valeur de la
langue et de la culture françaises au Québec. La position
adoptée par Voice of English Québec au début du
présent exposé est que le paragraphe qui précède -
dont je viens de vous faire lecture - exprime et décrit avec exactitude
la croyance collective qui s'est fait jour dans la province, à savoir
qu'il s'imposait d'y adopter une loi qui assurerait au français le
statut de langue dominante dans notre société. Nous soutenons,
toutefois, que la Charte de la langue française a réussi à
préserver la langue et la culture françaises. Elle a su mettre au
point un mécanisme propre à assurer le progrès qualitatif,
constant et harmonieux du français.
Nous affirmons également qu'en favorisant le statut de la langue
française, la loi 101 a produit certains effets négatifs et
posé des restrictions à l'évolution du Québec, en
général, et de sa communauté anglophone, en particulier.
L'objectif de notre mémoire est d'attirer l'attention sur les
excès, les applications mal conçues et, pour tout dire, les abus
auxquels la loi a donné lieu et qui
se répercutent sur notre société. Le mémoire
portera sur les domaines suivants: l'éducation, les services de
santé et les services sociaux, les emplois et les affaires.
Nous nous permettons un dernier mot, avant d'entamer ces champs de
discussion, car l'organisme qui vous soumet ce mémoire se
caractérise surtout comme étant le coor-donnateur de toutes les
associations et de tous les groupes anglophones de la région
administrative 03. Nous sommes d'opinion que cette voix anglophone,
intégrée au milieu majoritairement francophone de ladite
région, devrait constituer un intérêt tout particulier aux
yeux de cette commission.
Nous avançons cette hypothèse sans aucune
prétention, mais nous ajoutons que les propos tenus dans le cadre de ce
mémoire sont fondés sur l'expérience de ce rapport que
nous entretenons dans le quotidien. Nous avons le privilège d'appuyer
nos suggestions sur une véritable connaissance du milieu et des
institutions de langue française, car nous en faisons partie
intégralement tout en voulant conserver, sauvegarder et
développer davantage les composantes de la communauté
anglophone.
En dernier lieu, nous tenons à vous souligner que nous saisissons
cette occasion de vous présenter un mémoire non pas pour exprimer
les intérêts d'une communauté au détriment des
intérêts de l'autre, mais pour présenter des idées
que nous croyons bien sincèrement être favorables à tout le
Québec.
M. Dawson: Dans le secteur de l'éducation, the basic
principle that must guide the application of any law is its respect for the
individual and collective rights of the citizens that are subject to its
provisions. It is the fundamental right of all communities and the individuals
within, to grow and to prosper. In order to do this, contemporary communities
welcome new members into their midst through their institutions.
The francophone community of our province benefits from the richness of
the cultural input of many immigrants. Such integration brings the French
community new ideas, methods and an exciting variety of perceptions. This type
of integration is as vital for the maintenance and growth of the English
community and its institutions as it is for the French community. Law 101
prevents English Canadians from entering the educational instutions of
Québec's English community.
Voice of English Québec clearly regards that the application of
the Canada Clause is an essential step in maintaining the well-being of the
English-speaking community through the integration into its educational
institutions of other English-speaking Canadians who wish to establish
themselves within the Province of Québec. The application of this clause
would enable the English community to benefit from the innovative ideas,
methods and perceptions of other English-speaking individuals without
jeopardizing at all the continued existence of a strong and vibrant French
language and culture.
Not directly issuing from Bill 101, or at least Law 101, but
inconsistent with its objectives is the recent reduction in the time dedicated
to the teaching of French as a second language, under the new "régime
pédagogique" being implemented in all Québec schools. We are
believe it is imperative that an English-speaking resident of Québec
possess the highest possible knowledge of the French language. Clearly, to be
able to work and contribute on a daily basis to Québec society, the
standard of French training for English-speaking residents, as a second
language, must be one of the highest order.
Quite frankly, one must ponder aloud the true intentions and good will
of a government which on the one hand establishes the primacy of the French
language and, on the other hand, renders difficult and restricts its
acquisition. This irreconcilable state of affairs must not be permitted to
exist for one more day, if the Government of Québec seriously intends to
promote the French language and the French culture amongst its English-speaking
citizens. (21 heures)
In the same way that the teaching of French as a second language has
been reduced in English schools, so has the teaching of English as a second
language been reduced in French schools. The result is a restriction of the
capacity of French-speaking Quebeckers to learn and understand a language which
is universally useful on a general scale, and particularly usefull on a
provincial scale in terms of allowing French-speaking Quebeckers to understand
and communicate effectively with the largest linguistic minority of the
Province of Québec.
M. O'Farrell: Toujours au chapitre de l'éducation, nous
ferons enfin remarquer que la loi 101 prive les Québécois
francophones de leur droit fondamental et individuel de choisir la langue dans
laquelle seront instruits leurs enfants.
En favorisant la renonciation aux droits individuels au profit de la
sauvegarde et du développement des droits collectifs, le gouvernement
proclame son manque de confiance dans la libre volonté de tous les
Québécois de sauvegarder et de développer l'aspect le plus
essentiel, le plus fondamental de leur identité, leur langue et leur
culture.
Il nous reste à espérer qu'un jour cette confiance se
rétablira parmi tous les Québécois, de telle sorte que ce
droit des
individus puisse retrouver sa juste place.
Fondamentalement, mesdames et messieurs, nous croyons que cette mesure a
été jugée nécessaire afin d'assurer que les
Québécois de langue française cessent de choisir defaire éduquer leurs enfants dans les établissements de langue
anglaise.
Nous soulignons bien respectueusement que les objectifs de la loi
seraient mieux servis en mettant l'accent sur la qualité de
l'enseignement des langues, et anglaise et française, dans tous les
établissements d'enseignement du Québec. De cette façon,
il ne serait pas nécessaire de contrôler le choix de la langue
d'enseignement des jeunes Québécois et Québécoises.
Dès lors, la supression de ce droit individuel n'aurait plus la
justification de sauvegarder ni de développer les droits collectifs, le
maintien de ces derniers étant du ressort exclusif des mécanismes
mis en place afin d'assurer la qualité de l'enseignement des
langues.
Qui plus est, il n'y aurait plus d'intérêt pour les
Québécois de langue française à faire
éduquer leurs enfants dans les établissements anglais, les
bienfaits recherchés étant offerts dans les établissements
d'enseignement français.
M. Dawson: In the sector of health and social services, Voice of
English Québec states its conviction that language is one of the most
important and therapeutic tools. Based on the principle that language must be
viewed not from a political point of view but from a humanitarian treatment and
communal point of view, Voice of English Québec submits that health and
social services must be available in the English language in order to ensure
that the needs of the English-speaking community are met in the most effective
way possible.
In very practical terms this means, in reference to the English-speaking
community of Metropolitan Québec, that where numbers warrant the
Minister of Social Affairs should designate offices capable of responding to
the English community in its own language, and with an understanding of the
English-speaking milieu. Also, English language health and social services
institutions must be capable of maintaining their sociocultural identity so as
to be able to continue to provide needed services to the members of the
English-speaking community.
It is, therefore, imperative that the Government take note on this
common sense humanitarian approach and ensure that language legislation never
interfere with the effective and efficient delivery of client services.
We submit, therefore: first, that the principle of English language
health and social services across Québec be accepted; second, that
article 113f of Law 101 be maintained and extended indefinately in order to
ensure the socio-cultural nature of English language institutions; third, that
Law 101 require that institutions and not individuals be responsible for the
provisions of services in French to their clients requesting such services.
M. O'Farrell: Au chapitre de l'emploi et des affaires, nous
prétendons qu'aux exceptions susmentionnées près, nous
acceptons le principe que le français soit la langue de travail du
Québec.
Il faut toutefois que tous les Québécois se rendent
à l'évidence que, hors des frontières de leur province,
les affaires se concluent, dans une très grande mesure, en anglais. Si
l'économie québécoise veut pouvoir rivaliser avec les
autres, elle doit pouvoir communiquer dans la langue de ces autres milieux.
Nous insistons donc de nouveau sur la nécessité pour tous les
Québécois de posséder une seconde langue.
La loi présente d'autres lacunes qu'il faut pallier, notamment en
ce qui touche l'industrie touristique. Il importe que le gouvernement du
Québec lève les règlements qui rendent la signalisation
publique en anglais pratiquement inexistante. Le Québec est
français et, compte tenu de la volonté collective de tous les
Québécois, demeurera toujours le symbole suprême et
l'incarnation bien vivante du fait français en Amérique du Nord.
L'interprétation donnée à notre province et à notre
société passe par l'expérience qu'en retirent nos
visiteurs. La prédominance du caractère français du
Québec n'y perdrait pas si la signalisation publique pouvait être
bilingue dans l'industrie touristique et pouvait soutenir, par le fait
même, au lieu d'entraver, les efforts des gens d'affaires pour offrir
à leurs clients des services complets, instructifs et accueillants.
Par ailleurs, la loi 101 autorise les entreprises à n'afficher
que des enseignes en français. À notre avis, tel ne devait pas
être le cas, car nous sommes convaincus que cette restriction n'a rien de
propice à notre conjoncture économique. En outre, elle gêne
l'expression de la diversité du milieu commercial,
québécois bien sûr.
Nous nous permettons enfin de faire, sur l'image de la province de
Québec depuis l'adoption de la loi 101, l'observation suivante. Nous
estimons que cette loi a créé, approfondi et maintenu une
idée négative de notre société. Pour les
entreprises du Québec et de l'extérieur, les lois linguistiques
sont un obstacle de plus à franchir dans un climat économique
déjà tendu. Il importe absolument que notre gouvernement trouve
le moyen d'en maintenir les principes tout en appliquant les dispositions de la
loi de telle sorte que les gens d'affaires voient dans le Québec un
milieu favorable et accueillant pour les investissements et
l'activité
économique.
Nous conclurons en disant que les concessions - on peut parler ainsi
susmentionnées, en préservant le principe de la loi, en assurant
l'application raisonnable et rationnelle de la loi, manifesteraient de
l'ouverture d'esprit.
M. Dawson: The conclusion of our brief to this parliamentary
commission is quite simply this. The number of modifications and the quality of
those proposed in this brief is indicative of the degree of acceptance that law
101 has achieved with all Quebeckers. The essential nature of the law is
supported by the vast majority of both English and French-speaking Quebeckers.
It would appear that there is a collective will on the part of all Quebeckers
to come to terms with the language issue in this province so that we may move
on together and build a strong, viable, dynamic, open and harmonious society.
This brief accepts the role that law 101 must continue to play in ensuring this
development. This brief also recommends that law 101 no longer simply refer in
a restrictive sense to the simple promotion of the French language which we all
admit is its major goal. Law 101 must also, in a very positive and energetic
approach, become the promotional agent of the English language, the English
culture, and all other languages and cultures existing now in the Province of
Québec.
Law 101 should state in dynamic terms the most recent directions to be
taken in order to preserve and promote the French language. It should also
actively promote the positive, dynamic and healthy relationship that must exist
between the French language, the English language, and all other constituent
language groups and cultural groups that form the Québec society. Law
101 can no longer be seen as the Charter of the French language; it must be the
charter of language relationships of the present and of the future
Québec society.
The province of Québec has passed through a difficult period in
its evolution. It now has the opportunity to bring together all Quebeckers
under a policy for which consensus exists. Voice of English Québec
believes that the principles enunciated in this brief, as well as the proposed
modifications to law 101, reflect this consensus. Law 101 must become the
linguistic design of the society that all Quebeckers wish to develop together.
This law must speak to all Quebeckers and all Quebeckers must share in the
communal spirit that this law must now create.
Statesmanship requires an understanding of the propitious moment in
history in which to move a society to a new level of collective action. It is
time for Québec to take this step in order to develop a linguistic and
cultural harmony which can be acceptable to the Province of Québec
within all its regions and in all of its expressions.
M. O'Farrell: Si vous me permettez, M. le Président, Voice
of English Québec est un nouvel organisme ne datant pas de tellement
longtemps. On a certains accomplissements derrière nous. On aimerait,
avec votre permission, déroger à la tradition des commissions
parlementaires car on considère le mandat qu'a cette commission, et les
délibérations jusqu'à maintenant et celles que vous allez
avoir à entretenir sont fort importantes et pour la communauté
anglophone et pour tout le Québec. Considérant le
caractère sérieux du mandat, nous avons cru bon d'alléger
un peu les discussions de ce soir dans la mesure suivante. C'est que nous
sommes un organisme qui travaille dans le quotidien avec une communauté
francophone. On vous a dit cela au tout début. Depuis deux ans, nous
organisons un festival d'automne dans la ville de Québec où on
attire les parties composantes de la communauté anglophone de la
région administrative 03, mais en même temps - et c'est une raison
d'être de notre festival - nous créons une fête pour la
communauté anglophone et francophone à l'occasion de l'Action de
grâces. Nous avons reçu tout près de 25 000 personnes
à l'Action de grâces cette année. Pour terminer sur ce
petit point que nous aimerions apporter à cette commission
parlementaire, nous aimerions faire un modeste présent aux membres de
cette commission par le biais de votre président, nous aimerions vous
offrir le poster officiel "The Fall Fest 83", qui a connu un large
succès. Nous espérons, sachant le succès qu'a connu le
"Fall Fest" pour amener et la communauté francophone et la
communauté anglophone ensemble à une fête, que cela
pourrait peut-être vous inspirer dans vos
délibérations.
M. le Président, vous avez l'honneur de recevoir ce magnifique
présent de Mme Sandra Anderson et de notre organisme.
Le Président (M. Gagnon): Je vous remercie. Je pense qu'on
déroge aux pratiques de la commission. Merci beaucoup. Je ne voudrais
pas que la commission vienne de créer un précédent parce
que cela ne s'est probablement jamais fait. Ce n'est sûrement pas dans
les règlements de la commission de recevoir de tels présents,
mais je vous remercie beaucoup.
M. Marx: Je ne sais pas si ce sera permis par l'office,
étant donné que c'est bilingue.
M. Gratton: Ni de les refuser.
Le Président (M. Gagnon): Ni de les
refuser. M. le ministre.
M. Godin: M. le Président, M. Robert Dawson,
président de The Voice of Québec, M. Glenn O'Farrell, M. Kevin
Saville, je vous remercie de remettre le poster à notre
président. Vous savez que je l'avais déjà, l'ayant acquis
de vous en ayant participé à votre dernier "Fall Fest", où
d'ailleurs était présent M. Bussières, que je salue dans
cette salle. C'est bien cela, M. Bussières?
J'ai lu avec beaucoup d'intérêt votre mémoire et je
dois dire qu'un grand nombre des demandes qui sont formulées vont dans
le sens de la réflexion du gouvernement. Je vois, derrière vous,
un autre membre de votre communauté, Me Alex Patterson, qui était
ici, il y a quelques jours, et qui a pu constater en présentant le
mémoire des institutions de santé anglophones du Québec
que, sur le champ ou presque, nous étions presque en mesure d'annoncer
un certain nombre de mesures qui allaient dans le sens de la reconnaissance de
la pérennité des institutions anglophones du Québec, d'une
part, et, d'autre part, de manière à éviter toute
confusion qu'aurait pu créer la rédaction de la loi 101,
première manière, que ce que nous avons l'intention de
concrétiser dans cette loi, c'est que le bilinguisme soit institutionnel
et non pas universel dans les institutions de santé anglophones du
Québec. (21 h 15)
Par ailleurs, je note - et je transmettrai certainement à
l'intention de mon collègue, le ministre des Affaires sociales, votre
requête - que, dans les régions où il y a une concentration
d'anglophones dans tout le Québec, qu'un personnel qui parle anglais
soit accessible, de manière que ces personnes soient
spontanément, et, d'après mes renseignements, c'est la tradition
présentement au Québec, que dans les institutions francophones,
quand un patient anglophone se présente, spontanément, le
personnel détache vers ces patients ou ces patientes, un personnel qui
parle anglais. Je l'ai d'ailleurs évoqué devant le groupe dont Me
Paterson était le porte-parole ici, que l'expérience dans ma
famille, à Trois-Rivières, dans un hôpital francophone,
confirmait cette tradition dans les institutions francophones. Mais je sais,
pour vous l'avoir entendu dire, que, en dehors des hôpitaux, en dehors
des centres d'accueil pour personnes âgées, dans les services
sociaux, les CLSC, etc., dans des régions comme ici à
Québec, il y a des problèmes particuliers. Donc, mon
collègue des Affaires sociales sera informé de la situation, pour
une deuxième fois, à la suite de votre mémoire. Et, je
présume qu'il accueillera l'idée avec beaucoup de sympathie.
Quant à la question de l'enseignement des langues secondes, je
vais vous donner des chiffres exacts que vous ne citez pas dans votre
mémoire. L'enseignement de l'anglais, langue seconde, dans les
écoles françaises du Québec, au deuxième cycle du
primaire, représente 120 minutes par semaine; au secondaire, c'est 200
minutes par semaine d'anglais, langue seconde, dans les écoles
françaises. Et c'est le nombre de minutes le plus important de quelque
système scolaire que ce soit au Canada. Pour l'enseignement du
français, langue seconde, c'est un peu plus, vous avez raison, soit 200
minutes par semaine au deuxième cycle du primaire et 250 par semaine au
secondaire. Mais, juste une correction à votre mémoire, il ne
s'agit pas de dire que c'est une diminution; ce n'est pas une diminution. C'est
la première fois que, dans le système scolaire
québécois anglophone et francophone dans son ensemble, de telles
périodes sont rendues obligatoires. Et, dans l'ensemble du secteur
scolaire québécois francophone et anglophone, c'est la
première fois qu'il y a un bloc-minutes universel d'enseignement de la
langue seconde.
C'est une première phase, une première étape. Cela
peut être augmenté ou diminué suivant les demandes du
milieu. Votre suggestion sera transmise également aux services
compétents au ministère de l'Éducation de sorte que, si
des changements doivent être apportés, ils le seront. Mais il n'y
a pas eu de réduction depuis quelques années. Au contraire, nous
avons uniformisé un nombre de minutes qui, je le répète,
est plus important que dans n'importe quel système scolaire dans le
reste du pays.
D'autre part, seulement à titre d'exemple - il est possible que
vous n'ayez pas vu ces chiffres - on compte au Québec 56% de tous les
bilingues du Canada, pour un grand total de 2 000 000 de personnes au
Québec qui parlent couramment les deux langues: 56% du total canadien.
De ce chiffre, 1 500 000 sont des francophones et 371 000 sont des anglophones,
selon les renseignements qui me viennent du dernier recensement de Statistique
Canada. Donc, nous avons déjà une avance confortable comme
province. D'ailleurs, la communauté anglophone du Québec est la
plus bilingue du Canada. La communauté francophone, évidemment,
est la seule qui compte plusieurs millions de personnes et on a une avance
confortable. Mais vous avez raison de vous poser des questions quant à
l'avenir et je transmettrai votre suggestion à mon collègue, M.
Camille Laurin.
En terminant, je vous dirais qu'il est vrai que certaines choses qui ont
été dites sur la loi 101, certaines perceptions qui
découlaient de la loi 101, fausses dans certains cas, dans d'autres cas,
fondées... Un sondage fait auprès de la communauté
anglophone du Québec montrait que 25% des
anglophones du Québec ignoraient la portée réelle
de la loi 101. Par exemple, à peu près tous les anglophones du
Québec croient qu'ils ne peuvent pas témoigner en anglais dans
les cours et tribunaux du Québec. Les avocats, comme Me O'Farrell,
savent bien que ce n'est pas vrai. Ce qui a été dit à
l'époque où la loi a été adoptée,
c'était que les individus, les anglophones au Québec ne pouvaient
pas témoigner en anglais devant les tribunaux, ce qui est faux, ce qui
n'a jamais été vrai. Donc, un des buts de cette commission ici,
c'est précisément de faire connaître la loi 101 telle
qu'elle est dans la mesure où cette connaissance corrigera des
impressions fausses que l'ignorance passée pouvait expliquer, d'une
part. D'autre part, il est bien certain aussi qu'il y a effectivement dans la
loi 101 des aspects - que certaines personnes ont appelé des irritants -
sur des modifications dans la loi 101 qui tendraient à améliorer
- je reprends votre notion - l'idée négative que les anglophones
du continent, au fond, peuvent avoir à l'égard du Québec,
qui nous ont amenés à essayer de réfléchir sur des
manières de changer cette perception en changeant la loi,
premièrement, et, deuxièmement, en informant le reste du
continent de ce qui se passe au Québec.
Je terminerais par deux boutades. "In 1977, the winds were inside, now
they are outside" on peut les entendre. Vous parlez, enfin, à la page
11: "Statesmanship requires an understanding etc." Il y a un proverbe
américain qui dit: "A statesman is a dead politician". C'est un proverbe
un peu cynique peut-être mais enfin, ce n'est pas le mien. Je voulais
seulement, à vous, M. O'Farrell, en tant que fils d'un
député qui a siégé ici, vous rappeler ce principe
nord-américain par rapport à la politique. Ceci étant dit,
il reste que, blague à part, nous allons tenter à cette
commission, et le gouvernement par la suite, va tenter d'en arriver à un
consensus sur un objectif qui nous paraît fondamental et que vous
reconnaissez vous-même comme étant fondamental,
c'est-à-dire le caractère français du Québec dans
le respect absolu de la diversité culturelle du Québec à
l'intérieur de laquelle la communauté anglophone est un
partenaire essentiel de la communauté francophone depuis les
débuts du Québec contemporain. Merci beaucoup.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Est-ce que vous avez
quelque chose à ajouter?
M. O'Farrell: II y a deux choses qui attirent
particulièrement mon attention dans vos commentaires. Vous avancez le
chiffre de 56% et le bilinguisme éclatant des Québécois
par rapport au contexte canadien. A mon sens, cela a beaucoup à faire. A
titre d'exemple, ce ne sont sûrement pas des chiffres ni des statistiques
qui ont été générés par le système
scolaire depuis l'entrée en vigueur de la loi 101. Ce qui veut dire
qu'avant la loi 101 et avant qu'on impose ces restrictions... Peut-être
que votre chiffre est - je ne dirais pas faussé - peut-être un peu
nuancé par ce fait. Il serait intéressant de voir la même
statistique après une génération de la loi 101 avec les
restrictions au niveau du bilinguisme. Je serais bien intéressé
de la voir.
Deuxièmement, au niveau de ce qu'on apporte à la fin de
notre mémoire et où on invoque le "statesmanship", nous ne
l'invoquons sûrement pas dans un sens cynique, mais nous l'invoquons pour
essayer de renfermer l'approche que nous avons face au problème. C'est
un problème que nous croyons connaître un peu, vu que nous vivons
dans un milieu qui est quand même très francophone. On le
rencontre - on l'a dit dans notre mémoire - quotidiennement. Nous
croyons bien honnêtement qu'il s'agit, au moment où on se parle et
au moment où cette commission, après cinq ans de la loi 101,
siège qu'il est grand temps de laisser de côté justement
les questions et les côtés cyniques de tout ce débat et
d'avancer dans le vrai sens. Je tiens à faire non pas la mise au point
parce que je sais dans quel cadre vous avez fait la remarque, mais je tiens
à faire cette affirmation parce que nous avançons et nous avons
saisi l'occasion - on l'a dit dans notre mémoire - on l'a saisie et, ce,
au sens véritable du terme parce qu'on est les premiers
intéressés, vous savez, du moins à notre point de vue.
Nous vivons dans une société et dans un milieu majoritairement
francophones. Nous sommes bien ici. Nous entendons y rester. Mais là
où nous pouvons peut-être prétendre qu'il y a des
améliorations à apporter, on les apporte avec une
sincérité qui est celle que vous retrouvez dans notre
mémoire.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Godin: Seulement une information, M. O'Farrell, le pourcentage
d'augmentation des francophones bilingues au Québec depuis 1977 se
maintient, à peu de choses près. Donc, la courbe continue
à progresser de façon constante année après
année depuis la loi 101. Car depuis la loi 101, ces règlements
qui touchent les heures d'enseignement des langues secondes existent, alors
qu'ils n'existaient pas avant. Je crois que ce processus va tendre à
s'accélérer et non pas à se ralentir.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre.
M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je veux
féliciter premièrement The Voice of English Québec pour
son mémoire. Il est d'un
ton très modéré, très positif et ne suscite
pas de conflits. Il nous fait remarquer qu'il y a certaines positions qui ont
déjà été portées à notre attention
par d'autres regroupements, soit sur le côté francophone, soit sur
le côté anglophone. Je trouve que l'approche en est une des plus
raisonnables. Finalement, ce que The Voice of English Québec essaie de
nous faire comprendre et essaie de répondre, c'est: Comment pouvons-nous
vivre ensemble en harmonie au Québec plutôt que de continuer le
débat, le conflit?
If I understand your position correctly, what you are trying to tell us
is that you are prepared... You even go so far as also to say that there is a
necessity for a language law in Québec, and you accept the predominance
of the French language and the French fact in Québec; but it need not be
done at the expense of depriving the English-speaking community of certain
basis rights.
Je crois que le ton du mémoire et les suggestions qui y sont
faites méritent non seulement nos félicitations, mais la
considération très sincère de cette commission.
Vous nous avez dit que vous représentiez un groupe anglophone
dans la région 03. Vous pourriez peut-être expliciter un peu ce
que comprend la région administrative 03, parce que plusieurs d'entre
nous ne savons pas quelles sont les limites géographiques de cette
région. Peut-être pourriez-vous nous dire en premier lieu quels
sont les effets de la loi 101 sur votre communauté, dans le domaine de
l'éducation ou dans le domaine des affaires, sur les gens que vous
représentez?
M. Saville: Je vais répondre à la première
partie de la question et je vais laisser mes deux collègues
répondre à la deuxième partie. The Voice of English
Québec a été fondée il y a deux ans et demi
à peu près. Elle a été créée par la
volonté des leaders de notre communauté d'établir une
association communautaire qui pourrait répondre aux besoins de notre
communauté et d'établir des programmes qui répondraient
aux besoins de notre communauté. Si on parle de la communauté
anglophone dans la région 03, il y a à peu près 20 000
anglophones comme tels dans cette région: la plus grande partie sont
dans le Québec métropolitain et les autres sont dispersés
dans la région. Les frontières de cette région vont de la
frontière ouest du comté de Portneuf, descendent jusqu'à
Rimouski, et montent jusqu'au nord, au plus haut que vous pouvez monter et
descendent jusqu'aux frontières américaines. Cela veut dire qu'on
essaie de regrouper ces gens parce qu'ils visent plus ou moins le Québec
comme centre urbain dans cette partie de la province. C'est pour cela que nous
avons essayé de mettre cela ensemble. Je vais laisser un de mes
collègues répondre à la deuxième partie concernant
l'autre aspect de la question. (21 h 30)
M. Dawson: Au point de vue des effets du projet de loi 101,
premièrement, dans le domaine de l'éducation cela a beaucoup
affecté nos écoles. Évidemment, on n'a pas la même
base de population que Montréal, par exemple. Il y a seulement quatre
écoles secondaires dans la ville de Québec. Je n'ai pas les
chiffres exacts mais j'imagine que vous avez reçu des chiffres
par-dessus la tête, pendant toute la semaine, de gens qui sont des
experts dans le domaine de l'éducation. On sait par expérience
que la population en général dans les écoles anglophones
à Québec est la moitié de ce qu'elle était il y a
cinq ou six ans.
Sans parler comme un membre de la communauté anglophone de
Québec je peux parler comme membre de la communauté en
général. Je pense qu'on sait aussi que le tourisme a
été beaucoup affecté ces dernières années.
Il y a plusieurs raisons à cela. Pour vous, qui voyagez un peu partout,
vous savez qu'on n'a pas la meilleure réputation dans certains endroits.
Je pense à des villes comme Boston où on a un vrai programme de
P.R. à faire au point de vue de "Québec is not so bad after all".
Il y a une rééducation à faire dans les centres ayant un
bassin de population assez important à proximité de
Québec, ce qu'on appelle des "good marketing zones", pour attirer des
gens dans cette région qui a pour première industrie le
tourisme.
On a un phénomène qui est assez bizarre dans la
communauté anglophone à Québec. C'est nos étudiants
qui quittent le système du cégep et s'en vont dans les
universités, soit à Montréal, McGill, Concordia ou plus
loin comme Queen's et d'autres universités à Toronto, et qui ne
reviennent jamais. On devient le meilleur exportateur de jeunes dans le pays.
C'est peut-être parce qu'il existe un doute chez les jeunes qu'il n'y a
pas d'emplois pour eux ici à Québec, que ce n'est pas une
région qui est très industrialisée. Une fois rendus dans
les universités de l'Ontario, voyant que le système est beaucoup
plus gros qu'ici, qu'il y a beaucoup d'emplois là-bas... Je ne connais
pas encore les pourcentages et les chiffres, mais je le sais par
expérience parce que je pense que je suis le dernier de la classe de
1966 qui soit venu à Québec. Je ne sais pas s'il y a autre
chose.
M. O'Farrell: Mais c'est un phénomène qu'on relate
ici qui a une application quand même assez présente chez nous,
parce que justement le poster qu'on vous a remis est une espèce de "home
coming". Vous savez que dans la communauté anglophone un "home coming"
est un phénomène. Ils font
cela dans les universités, ils font cela partout. Notre "home
coming" est celui de gens qui ont quitté la ville non pas il y a 30 ans,
35 ans ou 40 ans, mais de jeunes gens qui ont quitté pour aller
poursuivre leurs études soit à Montréal, aux
universités McGill, Concordia ou autres, ou encore, comme disait mon
collègue, dans les universités ontariennes. Puis une fois qu'on
les a perdus, si on peut parler ainsi, je pense que le terme "exportateur de
ressources brutes" viendrait bien qualifier la situation parce que c'est ce
qu'on devient. Ces gens reviennent pour la fin de semaine de l'Action de
grâces en disant: "Bonjour, how are you? Cela fait longtemps", puis ils
repartent pour retrouver leur vie, qu'ils ont faite ailleurs. Et ce sont des
Québécois de souche. Ce ne sont pas des gens qui ont
quitté il y a 25 ans. Ce sont des gens qui ont quitté il y a
trois ans, quatre ans, cinq ans, dix ans. C'est un phénomène qui
est malheureux parce que lorsqu'on se retrouve pour essayer de bâtir une
jeune génération, souvent, de très bons
éléments, pour ne pas dire les meilleurs, sont partis et ils ne
reviennent pas. Je parle de la région de Québec.
M. Ciaccia: Est-ce que vous considérez que la loi 101 a eu
une influence sur le départ de ces jeunes?
M. O'Farrell: Absolument, dans la mesure où ces
gens-là... Premièrement, il faut dire que ces gens qui quittent
la province souvent n'ont pas des aptitudes en français suffisantes pour
leur permettre de vivre dans des milieux majoritairement francophones. Si on
n'ouvre pas la porte à ces personnes et si on ne met pas des
mécanismes en place pour leur faciler l'intégration - au sens
strict du mot - ce n'est pas compliqué, ces gens-là ne
reviendront pas parce que, malheureusement, ils ne se sentent pas chez eux dans
leur propre province.
M. Ciaccia: Est-ce que ce dont vous parlez, ce que vous
décrivez comme étant des impacts, une idée négative
de notre société... Vous dites à la page 9 de votre
mémoire: "Nous estimons que cette loi a créé, approfondi
et maintenu une idée négative de notre société."
Est-ce que vous pourriez expliciter un peu plus? Est-ce que vous pourriez
parler de cela en rapport avec le "relationship" entre les communautés,
auquel vous faites référence dans votre conclusion?
M. O'Farrell: Je vais répondre en anglais parce que je
pense qu'il y a certaines choses - du moins quand on vit dans un milieu ou
lorsqu'on vit dans un cadre bilingue qu'on relate mieux en anglais qu'en
français. I believe that the negative effects that Law 101 has created
abroad are such that we now have a major marketing - and I am speaking on
behalf of the Province of Québec, which is certainly not my role here
tonight - role to undertake.
We feel it in the following connotations and in the following circles.
We feel it when people have to relate to institutions in the city. We feel it
from the community organization's point of view and a little bit more so; we
feel it when we see and when we hear experiences of people who, unfortunalety,
have misconceived the true applications of the law that we believe in,
fundamentally. We said that in our brief and we repeat it. The fundamental
principle of creating a situation whereby the French language will be the
dominant language in this province is something that we adhere to one hundred
percent.
When we refer to the "applications mal conçues", we are referring
to the application and, for whatever reasons, the perception that we are
creating as an image. It can be referred to in any sector that you want to
discuss and I would be willing to discuss one in particular. When companies are
discussing coming into - I am speaking for the City of Québec, nothing
else - the region that Québec has and offers - there are all types of
things that are offered in this region - I think one of the major concerns that
they have to keep in mind is that if they are going to be investing whatever
amount of dollars in order to create economic activity, they also have to
invest that extra amount to come into an area that is - let us call it by its
name - a majority French area.
Going into Montreal or going into the Montreal region, we find, I think,
a completely different set of values that one would have to attach to that. But
when you are coming into the Québec City region, due to the extremely
high French fact, which is not bad, which we believe in and which we are proud
to live in, the problem is that for whatever reasons, Bill 101 has created this
mysterious cloud. When it is related to the very French intensity area of the
Québec region, it has a negative image and we are perceived as a
geographic site that is not the best place to go if you have other choices.
That is a very unfortunate situation to be in when you know that,
fundamentally, the principles of the law are to uphold a language and a
culture. As a community organization, we believe in that fullheartedly, but,
knowing that on the other side we are also creating the possibility, and more
than the possibility, the result that we are being misconceived because of the
applications of that law in whatever field. This is what I was referring to
earlier as being a major marketing role abroad. I think it applies to the whole
province, but very
specifically, in fact, to regions that have high intensity French facts
with little English facts, for instance, our region.
M. Ciaccia: But you believe that this negative view could be
changed if you made amendments to the abuses or to the so-called "irritants" of
Bill 101, both to the law itself and its application. Were the recommendations
that you propose in your presentation made to help eliminate that negative
image?
M. O'Farrell: I will just answer on that and the rest of the
answer could perhaps be picked up.
In our conclusion, we suggest that what is now considered as the Charter
of the French Language should be sold first at home not as a Charter of the
French Language which has overbearing, protectionist, negative connotations to
it. Call it as you will, that is an opinion that I think we can voice here
quite honestly.
Our recommendation to this committee is that the law as it is
restructured, amendments of all types and sorts included, should become the law
upholding the French language, upholding the French culture, the law of
linguistic relations in the Province of Québec. Our amendments and our
solutions -if we are so pretentious as to say that we have solutions - our
approach to that is to say: We believe that if you first sell a law as being
the law of linguistic relations within a province to your own constituents, you
might have less problems selling it abroad, because when your people believe in
what is there, you do not have to present fronts or cosmetics to perhaps shade
off things that you do not want to show. I do not know if you want to add
anything to that.
M. Dawson: Just to answer your question more directly, I would
think that - I am not trying to say that you were indirectly answering the
question amendments would change the image of this province outside of the
province. I think that Bill 101, because of the way that it had to be or was
imposed, certainly conjured up all kinds of negative aspects on such a broad
field that we would be here all night just trying to pick up some of the
details. I think that we are all a little bit sensitive to the tourism fact
here in Québec, as it is the home town for the three of us and as we
were all, at one point in our lives, involved in the tourist industry, I
think.
To repeat myself, we are not seen in the best of eyes, outside of this
province. We are spending great sums of money policing a bill that we would
like to see some adjustments made to. Some other provinces and States South of
us are spending great sums of money promoting their tourism. We have not only
to make amendments to Bill 101, but a big noise about the fact that amendments
are being made, and not just cosmetic amendments. They must not be very light
cosmetic amendments; they have to have some teeth and some muscle to
demonstrate to the rest of the areas around us that there are changes being
made to Bill 101 or Law 101.
M. Ciaccia: Je voudrais bien continuer à poser plus de
questions; malheureusement, le temps nous manque. Je voudrais seulement vous
signaler que j'ai été particulièrement frappé par
les conclusions auxquelles vous en êtes venus, quand vous parlez de la
charte des relations linguistiques de la société
québécoise actuelle et future. Vous parlez des rapports entre les
différentes communautés au Québec. Je crois que cela
devrait être vraiment l'approche que le gouvernement prenne, plutôt
que de parler des droits pour ou contre et d'avoir le genre d'harmonie que vous
proposez dans vos recommandations. Je crois que vos recommandations
conduiraient particulièrement à des relations beaucoup plus
harmonieuses, sans enlever - c'est ce qu'on a de la difficulté, parfois,
à faire comprendre au gouvernement - le fait français, le visage
français, le droit de travailler en français et le droit de
recevoir des services en français. Cela peut se faire de la façon
dont vous l'expliquez ici, de façon positive, sans enlever des droits
aux autres minorités. (21 h 45)
Puisque le temps passe vite et qu'on doit procéder à
d'autres mémoires, je voudrais seulement répondre à la
définition du ministre. J'ai été particulièrement
frappé par votre dernier paragraphe quand vous dites: "L'art politique
exige l'intuition du moment où l'histoire se prête à
l'accession d'une société à un nouveau palier d'action
collective." "Statesmanship requires an understanding of the propitious moment
in history in which to move a society to a new level of collective action." La
réaction du ministre, c'est qu'il vous a cité la
définition d'un "statesman" comme étant un "dead politician". Je
voudrais lui citer une autre définition de "statesman" par M. Norman
Cousins, un personnage très remarquable, un écrivain
américain. Quant à lui, sa définition est qu'un "statesman
is concerned with the long-term benefits of our society and a politician wants
to cash in on the short-term policies for his own immediate interest."
Merci.
M. Godin: M. le Président...
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Godin: ...j'ai bien pris la peine au
début de ces deux citations de dire que c'était une
"joke", mais je n'ai jamais vu John avoir tellement le sens de l'humour. Il ne
l'a pas acquis encore, je le regrette beaucoup.
M. Ciaccia: Le sens de l'humour, on l'a tous, quand on entend...
Même les éléments se plaignent de votre loi.
M. Godin: C'est en dehors cette année. En 1977,
c'était ici.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député de Mont-Royal. M. le député de Groulx.
M. Fallu: M. le Président, j'avais une remarque. Elle a
été entamée par le ministre. J'avais une question. Elle a
été largement débattue déjà par le
député de Mont-Royal. Donc, il me restera à être
bref.
Je me dois de rectifier, si vous le permettez, une assertion à la
page 4 à propos de "recent reduction in the time dedicated to the
teaching of French" et l'équivalent pour ce qui a trait à
l'enseignement de l'anglais. Je me dois de le faire parce qu'au moment
où le régime pédagogique a été
préparé j'étais adjoint parlementaire au ministre de
l'Éducation. J'aimerais dire qu'il ne faut pas confondre entre le temps
réglementaire et les situations de fait dans les écoles. Avant
1981, personne n'avait déterminé un temps minimum horaire pour
l'enseignement des langues secondes au Québec. Or, le régime
pédagogique a eu cette grande valeur d'établir d'abord un
programme qui ne soit pas un programme-cadre, mais un programme bien
précis, détaillé, accompagné maintenant de manuels,
et déterminer qu'il y aurait dorénavant un minimum d'heures
à consacrer à l'enseignement des langues secondes,
c'est-à-dire deux. Toutefois, il faut savoir qu'il appartient aux
commissions scolaires de déterminer les nombres maximums d'heures.
D'autre part, on sait que le régime pédagogique a accru
maintenant, notamment au primaire, le nombre d'heures totales, ce qu'on appelle
la plage horaire, ce qui laisse donc infiniment plus de place à
l'enseignement des langues secondes, et cela est souhaité à
travers le nouveau régime pédagogique. Il appartient au
gouvernement d'établir des standards minimums, devrais-je dire, et aux
commissions scolaires d'appliquer les maximums.
Je tenais à le dire, parce que souvent on a l'impression qu'on a
réduit depuis quelques années parce que dans les faits, dans
certaines commissions scolaires, il y a eu une réorganisation, par
exemple, un regroupement en une demi-année pour faire de l'immersion
totale, soit qu'on ait déplacé de quatrième à
cinquième secondaire, bref, peu importent les modalités, mais, au
total, le nombre d'heures d'enseignement de l'anglais langue seconde et du
français langue seconde a déjà et devrait, à
l'avenir, s'accroître d'une façon assez considérable.
En 1977, il s'était formé d'une façon assez
spontanée un rassemblement d'anglophones de la région de
Québec qui étaient venus témoigner. J'en garde un souvenir
très précis, parce que cela avait été un
témoignage assez touchant, puisqu'ils s'étaient un peu
livrés à nous devant la commission avec leurs problèmes de
survie locale, de vie quotidienne, assez difficile quelquefois, il faut le
dire, et conscients que la région ici a déjà
été une région anglophone, même que la ville de
Québec, en 1870, était largement et majoritairement anglophone.
Donc, c'étaient des gens qui étaient venus un peu
spontanément nous dire leur vécu quotidien.
Le député de Mont-Royal vous a permis tout à
l'heure de dire également un peu quelle était votre vue.
Une question d'abord à propos d'une insertion qui m'a un peu
surpris. Vous avez parlé de la difficulté d'intégration
des jeunes dans la société à Québec et dans les
environs de Québec; des jeunes anglophones donc nés à
Québec, dans un milieu francophone, après des études de
niveau universitaire. J'arrive mal à saisir parce que les anglophones
que je connais ici à Québec, ma foi de Dieu, on les oublie dans
le paysage tellement ils sont intégrés. Ils restent des
anglophones, ils se regroupent dans une communauté religieuse, dans une
pratique religieuse, ils se regroupent dans des institutions, ils ont un
réseau d'amis mais on ne perçoit presque pas, tout à fait
un petit accent à l'occasion. J'ai toujours trouvé cela assez
remarquable. Est-ce que cette intégration que j'avais cru percevoir
n'est pas un fait réel et qu'il y a des gens qui vivent, je n'ose pas
dire en repliement, mais qui, dès leur bas âge, ont une
difficulté de relation avec la communauté francophone ici dans la
région de Québec au point que plus tard ils n'arrivent pas
à vivre dans ce milieu qui est le leur depuis leur naissance et souvent
depuis des générations?
M. Saville: Si vous me le permettez, j'aurais deux commentaires.
Premièrement, je crois que ce que nous voulons souligner dans le
chapitre qui traite de l'éducation est que le gouvernement décide
de la durée minimale de l'enseignement d'une langue seconde mais comme
le ministre l'a mentionné, il appartient au milieu de trouver quelle
serait la durée maximale et d'adapter le régime
pédagogique aux besoins du milieu. Tout ce que nous voulons souligner
ici, c'est que lorsque nous constatons la nécessité pour les
anglophones et pour les francophones de posséder une langue seconde afin
d'être très
compétents, je crois que c'est le devoir du gouvernement de
toujours regarder le sujet de façon très sérieuse et non
pas établir uniquement les standards minimaux pour l'étude d'une
deuxième langue mais aussi de regarder et de superviser l'implantation
d'une politique pour s'assurer que, dans tous les milieux, le minimum soit
assuré mais aussi que les jeunes Québécois et
Québécoises francophones et anglophones réussissent
à terminer leurs cours primaire et secondaire avec un diplôme de
secondaire V indiquant qu'ils ont complété leur cours anglais
dans des écoles françaises ou leur cours français dans des
écoles anglaises; qu'ils aient vraiment la capacité de s'exprimer
et même de travailler dans la langue si nécessaire. Il serait
intéressant, et je n'ai pas les statistiques en main, mais j'ai souvent
l'occasion de rencontrer ou de faire des présentations devant des
étudiants de différents collèges francophones, ici
à Québec, et cela me surprend, à maintes reprises lorsque
je suis parmi eux, de constater leur incapacité de s'exprimer en
français. Nous tenons à souligner seulement le fait que
même les standards minimaux qui sont établis par le gouvernement,
c'est bien beau de regarder à plus long terme mais il faut toujours
viser la vraie compétence pour les gens.
Deuxièmement, concernant le point que vous avez soulevé
sur l'intégration des jeunes Québécois anglophones de
notre région qui ont de la difficulté à s'intégrer,
je crois que le problème est beaucoup relié à
l'énoncé de M. O'Farrell sur l'image du Québec.
Les jeunes anglophones, depuis l'adoption de la loi 101, sont maintenant
sous l'impression qu'ils ne sont pas acceptés ici à
Québec. Et puis, sans regarder les possibilités de travailler
ici, dans notre région, sans faire de recherche concernant les
différents types d'emplois qui pourraient être disponibles ici,
dans la région, sans exploiter leur bilinguisme, ils décident
d'aller ailleurs parce qu'ils ne se sentent pas bien. C'est pourquoi on met
l'accent sur notre conclusion en disant que la loi 101 devrait
reconnaître le français comme la langue dominante de notre
société. D'un autre point de vue, c'est aussi la loi de tous les
groupes linguistiques et dont tous nos jeunes seront preneurs.
De cette façon, les jeunes qui vont rester, qui vont demeurer
ici, à Québec, vont se sentir membres de la
société, ils n'en sont pas exclus. C'est quelque chose dont il
faut tenir compte, sans cela, nos jeunes vont toujours chercher à
quitter la région et on aura toujours le même problème de
la diminution du nombre de nos jeunes. Il y en aura de moins en moins pour
prendre la relève de la communauté. La société
québécoise comme telle va perdre, car ces jeunes iront dans les
autres provinces ou dans les autres pays du monde pour exploiter un bilinguisme
qui a été appris ici, à Québec. Si on peut arriver
à ce qu'ils se sentent bien dans leur peau ici, dans notre
région, on pourra ainsi compter sur de jeunes Québécois
anglophones bilingues qui vont oeuvrer pour le Québec et pour notre
pays.
M. Fallu: J'ai une question fondamentale. J'ai souvenance d'un
type qui portait le nom de Pelletier qui est venu, en 1977, nous faire cette
remarque, un anglophone de Québec. Il nous avait déjà
souligné que les jeunes de la région de Québec
émigraient, allaient faire des études à l'étranger
et, finalement, restaient à Toronto ou dans la région de
Montréal.
Pour en avoir le coeur net, étant donné qu'il y a
là une certaine ambiguïté, puisqu'on nous a parlé de
la chose en 1977 et qu'on y revient maintenant, en 1983, je voudrais qu'on
éclaircisse ce point une fois pour toutes. Puisque vous n'avez pas les
statistiques et nous non plus, je pourrais peut-être suggérer au
ministre qu'on établisse des données démographiques pour
la région 03 afin de savoir si, oui ou non, la loi 101 a
accéléré un processus de départ ou si on doit
constater que le phénomène existait avant mais qu'il n'y a pas eu
d'accélération de la baisse. Je ne le sais pas et sans doute
n'avez-vous pas de données précises vous non plus.
M. Saville: J'aimerais vous faire part du fait que, cet
été, nous avons commencé une étude
démographique concernant notre communauté dans la région
03. Quand cette étude sera complétée, je vais certainement
faire parvenir une copie du document au ministre et à vous-mêmes.
Les données que nous avons à ce jour indiquent très
clairement qu'une des raisons pour lesquelles nos jeunes - ce n'est pas
nécessairement la première, mais c'est certainement une des trois
premières raisons - ne veulent pas rester à Québec, c'est
qu'ils ne se sentent pas bien ici. C'est une attitude clairement
indiquée dans l'étude que nous avons menée cet
été.
M. Fallu: Oui, mais j'aimerais m'assurer qu'on ait des
éléments historiques également.
M. O'Farrell: Je pourrais peut-être enchaîner sur
votre question. Tout d'abord, j'aimerais revenir sur le régime
pédagogique dont vous avez parlé tout à l'heure. Ce que
vous devez comprendre de notre mémoire, c'est bien simple, c'est que
nous voulons, en tant qu'organisme communautaire, voir mettre davantage
l'accent, dans le système d'éducation du Québec, non
seulement sur la langue anglaise dans les écoles françaises, mais
sur la langue française dans les écoles anglaises. Malgré
les chiffres de 120 minutes ou de 200 minutes par semaine, je pense
qu'on peut faire l'unanimité pour dire qu'il est dans
l'intérêt de tous de forcer ce phénomène du fait que
le Québec constitue une minorité sur le continent. Ce sont nos
prétentions avant tout.
Quant à votre question concernant les anglophones de la
région 03 et ceux de la ville de Québec, plusieurs d'entre eux
vivent une vie très intégrée. Le type que vous avez
nommé, M. Pelletier, en est la preuve vivante. Mais vous avez, de
l'autre côté de cette médaille, des gens qui ne feront pas
le choix de vivre dans un milieu intégré. S'ils ne font pas ce
choix, c'est peut-être parce qu'on a réussi - ce n'est
peut-être pas le bon terme à employer - à créer une
situation par laquelle on n'incite pas ces gens-là à rester et
à vouloir s'intégrer. C'est un choix, être anglophone et
rester dans la ville de Québec. (22 heures)
Personnellement je suis dans une étude où il y a des
anglophones, mais c'est une des situations des plus exceptionnelles qui peuvent
exister. La plupart du temps c'est un anglophone dans un bain francophone. Les
gens vivent bien mais, dans la majorité des cas, ils ont fait ce
choix-là. Ceux qui quittent le Québec - et on revient au
régime pédagogique et au système d'éducation - sont
formés dans nos écoles québécoises. Si on ne leur
permet pas ou si on ne les incite pas à rester ici au Québec, par
la formation qu'on leur donne dans nos écoles québécoises,
c'est à ce moment-là qu'on doit se retourner sur nous-mêmes
et dire: On a mal réussi parce qu'on n'a pas incité ces gens
à rester.
Le point que je soulève là-dessus c'est que ceux qui
quittent... On parlait d'exportation tout à l'heure; elle est due en
grande partie, d'après nous, au fait que dans leur formation on ne les a
pas incités à rester. Car si on les avait incités à
rester, pourquoi seraient-ils rendus à Western, à Queens ou
n'importe où. Cela revient à cela.
On avance ces prétentions tout simplement pour vous
éclairer sur une situation qui n'est pas dramatique. Et on ne vient pas
ici en tant que criards on vient ici simplement pour vous dire qu'il existe une
situation dans notre ville et dans notre région pour les anglophones. On
est intégrés pour la plupart, mais ceux qui ne le sont pas et
ceux qui quittent qu'est-ce qu'on en fait? Ce sont des Québécois,
des jeunes pour la plupart, malheureusement. On insiste là-dessus: si on
formait dans nos écoles, si on avait la formation pour venir en aide
à ces gens pour leur donner le goût de rester au Québec,
à ce moment-là cette exportation ne se ferait pas.
Le Président (M. Gagnon): En terminant?
M. Fallu: Une question très courte. Je la veux du moins
très courte. En 1977 les anglophones de Québec étaient
inquiets pour la survie de leurs institutions communautaires, notamment
écoles, cégeps, services hospitaliers, centres d'accueil. Six ans
après, vous jouissez toujours, ici dans la région, d'un minimum
de services communautaires qui soient vôtres: commissions scolaires,
cégeps, services hospitaliers et autres.
M. O'Farrell: Oui, cela existe. Vous me permettrez de vous dire
que cela existe un peu par la force des traditions de ces institutions. Elles
sont vivantes dans certaines parcelles des institutions, mais pour dire que les
institutions sont pleines de vie et qu'elles regorgent de qualités qu'on
voit dans un organisme qui prend de l'expansion, non, ce n'est pas le cas.
Elles sont là, oui, mais c'est le temps d'ailleurs de les redorer et de
faire de ces institutions ce qu'elles étaient autrefois dans le milieu
et dans le contexte des années quatre-vingt.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député de Groulx. M. le député de Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, simplement pour remercier nos
invités du souvenir qu'ils nous ont remis et peut-être même
les féliciter également du succès remporté par le
"Fall Fest" il y a quelques semaines, leur dire que nous apprécions
vivement qu'ils soient venus nous décrire la situation de cette
communauté anglophone de la vieille capitale. Lorsque nos invités
nous parlent de ces jeunes Québécois anglophones de la ville de
Québec qui quittent pour l'université et ne reviennent pas, il ne
faut pas s'en surprendre, parce que cela arrive également, toujours
malheureusement trop souvent, même parmi les francophones. Ce qui
m'encourage, c'est de voir des gens de votre génération articuler
dans les deux langues, Québécois de vieille souche anglophone,
qui viennent nous dire: Nous sommes ici, nous sommes ici pour y rester et on a
l'intention de faire valoir notre point de vue. Vous le faites de façon
tellement brillante que je n'ai aucun doute que sous un gouvernement ou sous un
autre, vous finirez par avoir raison. Je vous remercie.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député.
M. le ministre.
M. Godin: Je vais bien me garder de tenter de faire de l'humour
cette fois-ci, M. O'Farrell, parce qu'on n'est pas toujours bien compris. Je
vous dirai en terminant...
M. O'Farrell: Ce n'est pas mon habitude de mal comprendre.
M. Godin: Je ne m'adressais pas à vous.
N'ayez aucune crainte; je ne m'adressais pas du tout à vous. Je
pense que la solution de fond au problème que vous soulevez des
départs de jeunes anglophones - comme de jeunes francophones d'ailleurs
- c'est de bâtir une économie du Québec qui soit forte.
C'est quelque chose, d'après votre activité, à vous, en
tout cas, que vous avez réussi grâce à des investissements
qui ont été faits par des Québécois dans une
entreprise typiquement québécoise, qui est en train de faire
honte à une autre entreprise, à Montréal, qu'on appelle
Les Canadiens. Je pense que c'est un exemple à suivre dans d'autres
domaines évidemment. Je pense que la solution est là. Je voyais,
ce matin, dans les journaux, les résultats d'une étude du
Conference Board du Canada, à savoir que la reprise au Québec
allait être très surprenante pour les 18 prochains mois, que le
Québec allait être en tête de file pour ce qui est de la
création d'emplois, pour ce qui est de l'activité
économique industrielle manufacturière privée pour
l'année et demie qui s'en vient. Je pense que la solution est là.
Si on veut garder nos gens au Québec, tous les Québécois
et toutes les Québécoises, il va falloir qu'on fasse des efforts
ensemble pour qu'il y ait des emplois, pour qu'il y ait une activité
économique considérable. C'est l'objectif de ce gouvernement-ci
et je suis sûr que c'est le vôtre également, messieurs.
Merci beaucoup.
M. O'Farrell: Nous vous remercions de cette occasion...
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. Merci
à vous trois, à votre groupe, pour votre présence à
la commission parlementaire, et un merci particulier pour le souvenir que vous
laissez à la commission.
M. O'Farrell: Je m'excuse d'avoir dérogé aux
règles.
Le Président (M. Gagnon): J'invite maintenant les membres
du Groupe d'action municipale à s'approcher.
Je vous souhaite la bienvenue et vous invite à vous identifier et
à nous faire lecture de votre mémoire.
Groupe d'action municipale
M. Auf'der Maur (Nick): Merci, M. le Président. M. le
ministre, MM. les députés, je suis Nick Auf'der Maur. Je suis
conseiller municipal à la ville de Montréal. À ma droite,
je vous présente M. Marc Lebeau, président de notre parti
politique, le Groupe d'action municipale. À ma gauche, je vous
présente Me Sam Berliner, également conseiller municipal. Il
représente le district de Victoria, à Montréal,
situé près de Côte-des-Neiges. Je représente le
district de Peter
McGill, situé dans le centre de Montréal, qui va du Forum
à la place Ville-Marie, de la Gare centrale au parc Mont-Royal, et qui
inclut les universités McGill et Concordia. Il inclut également
une grande partie des sièges sociaux de Montréal et plusieurs des
activités économiques de la ville. Étant conseiller
municipal de ce district, je peux constater les effets néfastes de la
loi 101 sur l'économie de Montréal. Aussi, j'aimerais ajouter le
nom de mon district, Peter McGill. Peter McGill a été le
deuxième maire de la ville de Montréal, après M. Jacques
Viger, le premier maire de la ville. C'était à l'époque
où Montréal était majoritairement anglophone et, durant
cette période jusqu'en 1908 ou 1906, Montréal respectait le
principe de l'alternance anglophone-francophone en élisant le maire.
M. Berliner va donner un résumé du mémoire qu'on a
présenté.
M. Berliner (Sam): Le Groupe d'action municipale, le GAM, croit
que, si un palier gouvernemental adopte des lois qui affectent la vie
économique et la structure sociale d'une ville et affectent la
capacité de la ville de rendre des services à ses
résidents en français et en anglais, la ville a l'obligation de
se faire entendre auprès de cet autre palier gouvernemental.
Cette année, le GAM a déposé un avis de motion dans
ce sens auprès du conseil de la ville de Montréal, avis qui a
été endossé à l'unanimité par le conseil.
Depuis l'adoption de l'avis de motion par la ville d'autres
municipalités de la région de Montréal ont adopté
des motions qui approuvent le même principe. En fait, j'ai ici avec moi
les copies des motions qui étaient adoptées par toutes les autres
villes. Je parle des villes de Saint-Laurent, Westmount, Beaconsfield,
Rosemère, Verdun, de la cité de Côte-Saint-Luc et de la
ville de Montréal.
Toutes ces villes ont adopté des motions qui approuvent le
même principe, motions qui, plus particulièrement, s'adressent,
premièrement, aux aspects de la loi 101 qui affectent la capacité
de ces villes de rendre des services à leurs résidents et,
deuxièmement, aux aspects de la loi 101 qui affectent la vie
économique de ces villes. Le GAM est fier d'avoir pris l'initiative dans
ce dossier au niveau municipal et nous continuerons à suivre le
dossier.
Abordons, premièrement, la façon dont certains aspects de
la loi 101 empêchent la ville de Montréal de rendre des services
à ses résidents. Selon les politiques de l'administration de la
ville de Montréal, telles qu'énoncées par M. Lamarre,
président du comité exécutif, en réponse à
ma question, la ville est désireuse de rendre des services et de
communiquer avec ses résidents en français et en anglais.
Quoi qu'il en soit, le fait demeure que, quand un aréna est en
construction à Snowdon ou une bibliothèque à
Notre-Dame-de-Grâce, ou s'il y a des travaux routiers à
Côte-des-Neiges, tous des quartiers où il y a quand même
beaucoup d'anglophones, les panneaux avertisseurs, les affiches que la ville
érige pour prévenir les gens sont seulement en français.
Appelez-vous cela communiquer avec les résidents en français et
en anglais?
Le sujet des panneaux avertisseurs peut sembler n'avoir que peu
d'importance, mais il n'en reste pas moins que, pour la communauté
anglophone, c'est symbolique d'un problème de base et, comme vous le
savez, les symboles sont importants pour toutes les sociétés.
Nous croyons que la langue sur un panneau avertisseur devrait être le
miroir de la population à laquelle on s'adresse. Présentement, le
miroir reflète une distorsion. Où sont les 800 000
non-francophones dans ce miroir? Existent-ils? Il n'est pas étonnant que
les anglophones ne se sentent plus bienvenus ici. Il n'est pas étonnant
qu'ils soient partis.
Naturellement, quand la question est posée, la ville
déclare que les panneaux avertisseurs et l'affichage doivent, selon la
loi 101, être en français seulement.
Let us now look at another problem. During the debate on the budget, the
Director of Personnel told us the problems that he was having with the "Office
de la langue française". The city had certain positions to fill within
the Social Welfare Department and the city wanted these positions to be
characterized as jobs requiring more than just French and wanted them to be
advertised as such. The Personnel Department's reasons were obvious. The people
hired would, during the course of their everyday work, come into contact with
not only francophones, but anglophones and members of other ethnic groups. The
office refused to allow the city to characterize these jobs as requiring more
than just French. There you have a perfect example of legislation passed by one
level of government which is preventing the city from doing what it thinks is
right and what it wants to do for the benefit of its residents.
Il y en a qui diront que ce qui distingue Montréal des autres
villes est son côté francophone. Nous sommes en accord avec cette
distinction. Nous sommes aussi d'accord qu'il est important et légitime
d'agir pour protéger la langue et la culture française, mais il y
a aussi une autre distinction importante en ce qui concerne Montréal.
Elle se rapporte au fait d'être une ville composée de gens de
divers groupes ethniques et de langues différentes, au sein de laquelle
on retrouve deux groupes linguistiques principaux, soit le français et
l'anglais. Cette distinction place Montréal dans une classe unique,
comparativement aux autres villes du monde.
Au cours des derniers mois, différents groupes et individus ont
commencé à promouvoir de nouveaux projets pour la ville. Le
premier qui me vient à l'idée est un centre de biotechnologie; le
deuxième est un centre de gestion maritime, qui était
mentionné par M. Paul Martin récemment.
(22 h 15)
Le Board of Trade et la chambre de commerce se sont réunis pour
promouvoir l'idée d'établir un centre bancaire international
à Montréal. Naturellement, Montréal, avec sa coalition de
français et d'anglais, semble, à première vue, être
l'endroit naturel pour mettre en place différents centres
internationaux. Après tout, ne sommes-nous pas le pont entre le monde
francophone et le monde anglophone? Ne sommes-nous pas le pont naturel entre
l'Amérique du Nord et l'Europe? Mais entre ce qui se passe à
Montréal et ce qui devrait s'y passer, la réalité est
complètement différente. La population non francophone, un
élément important à ce pont naturel, a quitté et
continue de quitter le Québec.
The census figures show that there has been a net loss of 141 000
Quebeckers: 106 000 anglophones, 18 000 francophones and 17 000 others from
Québec, over the period from 1976 to 1981. The majority of these people
worked and resided in the Montreal area.
A recent survey done on the exodus of jobs from Québec indicates
that over 14 000 jobs have been lost over the period from 1976 to 1982. These
are only the ones that the survey could find out about. What about the others?
What about the multiplier effect? Most of these jobs that have left have been
from the Montreal area as well.
Les non-francophones sont naturellement, à cause de leur nombre
décroissant, inquiets en ce qui concerne l'existence de leur
communauté. Jusqu'à récemment, le Québec a toujours
été un endroit où, chaque année, un certain nombre
de non-francophones ont, à cause des écoles, de la famille ou du
travail, quitté la province. En même temps, le Québec,
jusqu'à récemment, avait été un endroit où
un nombre correspondant de non francophones immigraient chaque année.
C'est cette immigration qui permettait à notre communauté de
demeurer saine et vibrante.
De nos jours, les non-francophones continuent à quitter, mais la
contrepartie, l'immigration n'existe plus et la communauté se sent
affectée. Pourquoi, demandez-vous, ne viennent-ils plus ici? Les raisons
en sont compliquées, mais certainement l'un des facteurs qui y
contribuent est le fait qu'en venant ici ils seront empêchés
d'inscrire leurs enfants dans des écoles anglaises. La communauté
non francophone, un des deux
éléments qui distinguent Montréal et lui donnent
une dimension naturellement internationale, décroît à un
rythme alarmant. Tous les Québécois devraient être
concernés par cette réalité.
D'autres facteurs qui contribuent à l'exode des anglophones et
des emplois du Québec et de Montréal sont les suivants. Le monde
des affaires a réagi à l'application rigide et sans imagination
de différents aspects de la loi 101. Il y a aussi la question de
l'accès aux écoles anglaises qui affecte les hommes d'affaires
d'une façon très importante et spéciale. Ils doivent faire
face au problème réel de pouvoir attirer, de l'extérieur
du Québec, des personnes avec l'expertise requise pour remplir certains
postes. Beaucoup de ces gens ne viendront plus ici s'ils sont
empêchés d'envoyer leurs enfants à l'école
anglaise.
Je vais demander à mon collègue, M. Lebeau, de continuer
sur cet aspect de notre mémoire.
M. Lebeau (Marc): Merci. M. le Président, messieurs et
mesdames les membres de la commission, je m'attarderai surtout au plan
économique. Mon exposé se divisera, en fait, en trois parties.
Dans un premier temps, je dresserai un bref bilan de l'économie
montréalaise. Dans un deuxième temps, le GAM tentera de
dégager certaines voies d'avenir, certaines solutions pour
l'économie de Montréal. Finalement, dans un troisième
temps, en guise de conclusion, j'établirai un rapport avec la question
linguistique: Comment la politique de la langue peut-elle aider, ou ne pas
aider, selon le cas, nos priorités économiques, la vie
économique à Montréal?
L'économie de Montréal périclite dangereusement.
À ce chapitre, si vous me le permettez, j'aimerais vous montrer quelques
tableaux que je me suis procurés. On a ici un tableau qui illustre le
volume des biens manufacturés à Montréal, en pourcentage
et le volume en milliards de dollars des biens manufacturés dans
l'ensemble du Canada. Oui.
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse. C'est pour les fins
du journal des Débats -on comprend qu'on voit le tableau à la
télévision - j'aimerais bien que vous puissiez l'expliquer...
M. Lebeau: Oui.
Le Président (M. Gagnon): ...sans cela, on va le garder
seulement en images.
M. Lebeau: Est-ce que je peux l'expliquer en le montrant?
Le Président (M. Gagnon): Oui, c'est cela. Expliquez-le en
le montrant.
M. Lebeau: D'accord. Vous avez sur un axe la production
manufacturière dans l'ensemble du Canada. Sur l'autre axe, la production
manufacturière à Montréal, non pas seulement la ville de
Montréal, mais la région de Montréal dans son ensemble. La
production manufacturière montréalaise, depuis 1973
jusqu'à 1981, a doublé en volume en milliards de dollars. Pendant
le même temps, la production manufacturière à
l'échelle canadienne, dans l'ensemble du Canada, a triplé, ce que
l'on voit sur le graphique ici en barres jaunes, passant de 5 000 000 000 $
à tout près de 16 000 000 000 $, de 1973 à 1981. Ce qui
fait que la part relative de Montréal dans le commerce manufacturier par
rapport au commerce manufacturier pancanadien a diminué de 10% qu'il
était en 1973 jusqu'à 7,6%. C'est donc une indication très
nette que le secteur secondaire de l'économie - ce que j'entendais par
les biens manufacturés produits - est en nette décroissance
à Montréal par rapport au reste du Canada.
Aussi, dans le secteur tertiaire, on observe depuis 1980, une même
décroissance. Le secteur tertiaire montréalais
représentait, en 1980, 12% de l'ensemble canadien et, en 1981, cette
proportion a diminué à environ 10%. Donc, sur les deux plans, sur
le plan économique de l'industrie secondaire et sur le plan de
l'industrie tertiaire, Montréal est en nette décroissance
économique par rapport à l'ensemble du Canada.
Certains prétendront qu'il s'agit là d'un
déplacement structurel normal d'est en ouest de l'économie - on
soumet souvent cet exemple - mais force est de constater que des villes comme
Ottawa et Boston, des villes de l'Est de l'Amérique, ont su
admirablement bien tirer leur épingle du jeu, notamment dans le domaine
des industries à haute technologie. C'est là une des voies
d'avenir que l'on voit, nous, au Groupe d'action municipale, quand je parlais
de dégager des solutions pour le problème économique
montréalais. Le GAM estime qu'il est important que Montréal
prenne très tôt le virage technologique. D'ailleurs, je citerai
à ce propos le ministre de la Science et de la Technologie, M. Paquette,
qui disait: "II est important que le Québec prenne le virage
technologique avant que les autres ne le prennent à notre place."
Qu'est-ce qui fait qu'une ville réussit à prendre le
virage technologique et qu'une autre échoue dans cet objectif? Citons
l'exemple d'Ottawa qui est une ville canadienne, pas tellement loin de
Montréal -c'est peut-être un exemple plus facile à
comprendre - sur les 115 firmes répertoriées oeuvrant dans le
domaine de la technologie, il y en a 45 qui sont situées dans la
région d'Ottawa.
Les raisons sont finalement assez simples. Vous avez une concentration
à
Ottawa, une proximité des grands centres nationaux; exemple: le
Centre national de la recherche à Ottawa. Cela est dû aussi
à l'avant-gardisme des universités de Carleton et d'Ottawa qui,
très tôt, dans leur programme pédagoqique ont eu des
facultés d'ingénierie, des facultés de génie en
sciences de l'informatique.
La conclusion de cela, M. le Président, c'est que la haute
technologie, ce n'est pas tellement une question de gros sous. On a souvent
tendance à s'imaginer que la haute technologie, ce sont des questions de
millions et de centaines de millions de dollars. Aujourd'hui, avec 100 $ de
matière première, on peut fabriquer un micro-ordinateur. Tout ce
qu'on a besoin pour prendre le tournant de la haute technologie, c'est en fait
de la matière grise, des ressources humaines et une carte de
crédit. C'est à ce niveau qu'intervient la législation
linguistique.
Le GAM estime qu'il faut que le gouvernement du Québec
lève les contraintes à l'arrivée à Montréal
de ressources humaines importantes pour le développement de notre
économie. Il faut que le gouvernement lève les contraintes telles
que la clause Québec et la connaissance préalable du
français exigée des nouveaux arrivants afin de provoquer vers
Montréal une fuite des cerveaux qui fera bénéficier,
à moyen terme et un peu plus tard, les Montréalais, les
Montréalaises, les Québécois et les
Québécoises d'emplois nouveaux créés dans le
secteur de la haute technologie, des emplois bien
rémunérés qui ne profiteront pas seulement aux
Montréalais, mais à l'ensemble des Québécois.
La haute technologie, c'est un domaine, pour l'avoir
étudié un peu, qui se déroule presque exclusivement en
anglais. Que l'on soit au Canada, aux États-Unis, en Europe de l'Ouest
ou même en Europe de l'Est, quand il est question de ces sujets, les
micro-ordinateurs, les microprocesseurs, les circuits intégrés,
le "know-how" est anglais. Sur le plan économique un peu plus large, la
ville de Montréal est située aux confins de deux grandes
civilisations: la civilisation britannique et la civilisation française,
ce qui lui confère, d'après nous du Groupe d'action municipale,
un atout particulier pour nous attirer la main-d'oeuvre
spécialisée, les ressources humaines et la fuite des cerveaux
vers Montréal pour relancer notre économie.
J'ajouterai un petit paragraphe et ce sera mon dernier mot. On a parfois
l'impression qu'à cause des contraintes linguistiques le gouvernement
québécois doit, pour attirer ici des industries de technologie de
pointe, payer un peu plus cher en subventions. Un cas assez récent est
celui de Bell Helicopter. Sur un investissement de 500 000 000 $, tout
près de la moitié vient des deux paliers de gouvernement
fédéral et provincial.
Alors, on a parfois l'impression que, pour atténuer les effets
des contraintes linguistiques, on paie un peu plus cher en subventions pour
attirer ici l'expertise étrangère. Finalement, ce sont les
Québécois, les Montréalais, qui assument le coût de
cette politique. C'est pour cela que le Groupe d'action municipale demande des
assouplissements, notamment, en ce qui a trait à l'accès à
l'école anglaise et à la connaissance préalable du
français. C'était l'essentiel de mon message. Peut-être que
Sam aimerait continuer.
M. Berliner: At this point, I want to take time to look at one
concrete example of what my colleague has been speaking about. It has to do
with the biotechnological center, of which the sod-turning ceremony took place
just last week. The Federal Government is going to be investing 61 000 000 $ to
build that center. I have a particular interest in it, as it happens to be
located in my riding, the area that I represent in the City of Montreal.
Now, biotechnology is a new dynamic field; a field which holds forth
many possibilities for the creation of new industries, new jobs and so forth.
The center that the Federal Government is going to be building envisions
employing some 60 scientists, people with doctorates in microbiology and other
similar fields, and over 120 technicians.
Presently, there is a tremendous amount of competition going on,
certainly within the United States and countries like Japan and so on, in order
to attract the people that have those specialties, those doctorate degrees. It
is a new field; there is a lot of competition out there. If we think that we
are going be able to attract those 60 scientists to Québec, then we have
to be able to compete on an equal basis. If we think that we are going to be
able to attract scientists here while those people, say people coming from the
United States or from other parts of Canada, are not going to be able to send
their children to English schools, then we are dreaming in color and the 61 000
000 $ should be spent in another way. This Government which, on the one hand,
wants to attract high technology and, at the same time, wants to attract things
like the biotechnological center cannot set up road blocks to those projects.
Otherwise, why are we here? What are we talking about? We are not going to
accomplish anything that way.
La loi 101 a été adoptée principalement pour la
ville de Montréal puisque c'est là que l'on trouve cette
conjoncture de francophones et d'anglophones. Il y a un phénomène
très important dont le gouvernement devrait tenir compte: c'est qu'il y
a de plus en plus un consensus parmi la majorité
des francophones et la majorité des anglophones du
Québec.
Ce consensus se manifeste de trois façons différentes.
Premièrement, il y a le fait que, devant cette commission parlementaire,
vous ayez entendu des représentants de différents secteurs de la
société. Je pense, par exemple, à la chambre de commerce,
la Fédération des affaires sociales, à la Commission des
droits de la personne, à Alliance Québec et à tous ces
divers groupes de divers secteurs qui disent qu'il faudrait apporter certains
changements à la loi 101. Même hier, M. David Payne a tenu une
conférence de presse. Lui aussi a demandé des changements
à la loi 101. (22 h 30)
Deuxièmement, on a révélé récemment
devant cette commission les résultats des sondages qui démontrent
d'une manière objective qu'il y a au sein des populations francophones
et anglophones du Québec un consensus sur certains changements qu'on
devrait apporter à la loi 101. Je parle maintenant de la langue de
l'affichage, de la nécessité pour les institutions anglaises
d'avoir la possibilité de rendre des services en français sans
qu'il soit obligatoire pour chacun de ses employés d'être
bilingues, et de la question de l'accès aux écoles anglaises.
Troisièmement, la semaine dernière, vous avez entendu
l'intervention du maire Drapeau. Comme vous le savez, la baisse de
popularité du maire se remarque dans les districts plutôt
francophones et pourtant le maire a insisté afin d'obtenir certains
changements importants à la loi 101. Aujourd'hui, les membres du GAM, un
parti de l'Opposition, un parti qui ne partage pas toujours l'opinion du maire
Drapeau et dont les conseillers élus représentent les quartiers
plutôt ethniques ou anglophones de la ville, exigent des changements
à la loi 101. Il y a aujourd'hui un consensus parmi la grande
majorité des représentants élus de la ville de
Montréal voulant qu'il y ait moyen de protéger la culture et la
langue française tout en donnant à la communauté
anglophone les outils nécessaires à son existence.
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse. C'est difficile
pour les membres de la commission de suivre votre lecture, parce que je me
rends compte depuis un bon bout de temps qu'on n'a plus le texte. Est-ce que
vous avez le texte dont vous êtes en train de faire la lecture?
M. Berliner: Vous avez le texte qu'on avait soumis et...
Le Président (M. Gagnon): Oui. À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Berliner: ...les dernières interven- tions sont
vraiment ce qui vient de notre analyse du mémoire qui était
déposé devant la commission. C'est un travail qu'on a fait
après avoir déposé notre mémoire. Ce n'est qu'une
constatation du consensus sur certaines choses qui sont reflétées
ici.
Le Président (M. Gagnon): Si vous me permettez, pour qu'on
puisse tous suivre. Je présume que l'intervention que vous êtes en
train de faire pourrait venir à la suite de questions que vous
poseraient les membres de la commission.
M. Berliner: Oui.
M. Auf'der Maur: Ah; On n'a pas l'intention de lire le
mémoire...
Le Président (M. Gagnon): C'est parce qu'on a lu le
mémoire. Vous l'avez lu et on a été capable de suivre
jusqu'à maintenant. Mais depuis dix bonnes minutes les membres de la
commission ne peuvent suivre parce qu'on n'a pas...
M. Auf'der Maur: D'accord. On s'excuse, M. le
Président.
M. Marx: Je suis vraiment sans difficulté, M. le
Président.
M. Auf'der Maur: On s'excuse que... M. Marx: Sans
difficulté.
M. Auf'der Maur: Vous avez déjà eu le
mémoire en votre possession. On trouvait que c'était un peu
inutile de vous lire le mémoire que vous avez sans doute
déjà lu.
M. Marx: Oui, mais de la façon que le Parlement oeuvre,
c'est toujours...
M. Berliner: Mais ce n'est quand même pas toujours le
cas.
M. Godin: M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Godin: C'est parce qu'il y a un principe ici, M. Auf'der Maur,
que vous connaissez sûrement. Comme nous ne sommes pas
sténographes - sauf exception je pense -il serait souhaitable... c'est
la pratique courante dans toutes les commissions qui siègent, autant
à Ottawa qu'ici, ou qu'à Washington. Il est normal que vous ayez
des ajouts à faire s'il y a des événements qui se
déroulent entre le moment où vous rédigez un
mémoire et le jour où vous vous présentez ici.
Peut-être n'en étiez-vous pas informé, mais la norme veut
que vous remettiez - un résumé peut-être suffirait -
au moins un nouveau document qui nous permettrait... Ce n'est pas le cas
de votre présentation, parce que, au fond, elle ne présente pas
de faits qui appelleraient des corrections éventuellement. Mais la
pratique veut qu'on ait un résumé du nouvel ajout au
mémoire déjà présenté. Maintenant, en
avez-vous encore pour longtemps?
M. Berliner: Non. Pour encore dix minutes. Même pas dix
minutes.
Le Président (M. Gagnon): Un instant.
M. Godin: Vous êtes dans le "homestretch".
M. Berliner: Oui, on y arrive.
M. Auf'der Maur: Et on espère que vous n'avez pas perdu
vos atouts de journaliste de prendre des notes.
Une voix: Mais nous ne sommes pas des journalistes.
M. Auf'der Maur: Non, non, je sais.
M. Marx: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Gagnon): Nous sommes sur une question de
règlement. M. le député de Gatineau m'a demandé la
parole.
M. Gratton: Je ne sais trop comment interpréter cela. Je
conviens avec le ministre que dans la mesure où c'est possible que nos
invités devraient normalement nous fournir le texte de la
déclaration qu'ils vont faire. Je ne pense pas que ce soit la pratique,
même la pratique courante, d'exiger qu'on fournisse un
résumé écrit des propos qu'on veut tenir devant une
commission parlementaire. On pourrait, je pense - j'ai déjà vu
cela se faire faire des présentations verbales à la condition que
cela s'inscrive dans les 20 minutes prescrites par les règles de
pratique pour la présentation des représentations. Il me semble
qu'on doit avoir toute la latitude voulue. Vu que nos invités nous
attendent depuis fort longtemps aujourd'hui, je pense bien qu'on pourrait les
laisser terminer.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: Question de règlement, M. le Président. Je
veux seulement souligner qu'il y avait d'autres groupes qui étaient
devant nous qui se sont écartés de leur mémoire
écrit et le ministre n'a pas fait d'objection. Je vois mal qu'on fasse
des objections maintenant pour le GAM et je propose qu'on leur permette de
continuer.
Le Président (M. Gagnon): Effectivement, ce n'est pas le
ministre qui a fait objection, c'est moi qui viens de soulever le point de
règlement parce que j'ai eu l'occasion de citer l'article - je ne le
trouve pas exactement, je crois que c'est... je le trouverai - où on
demande normalement à ceux qui sont invités de remettre les
mémoires à la commission parlementaire avec un
résumé du mémoire, au moins sept jours avant la
comparution. La pratique veut qu'on puisse faire des ajouts au mémoire
immédiatement avant la présentation, pour autant que les membres
de la commission en ont une copie. C'est dans ce sens-là que j'ai...
Une voix: On a des copies si vous les voulez.
M. Auf'der Maur: On pourra déposer des copies...
Le Président (M. Gagnon): Cela serait excellent. Cela
règle le problème.
M. Auf'der Maur: Vous savez, une partie de notre mémoire a
été rédigée hier parce que cela reflète des
événements qui se font de jour...
Le Président (M. Gagnon): À ce moment-là,
vous pouvez continuer; le problème est réglé. Ce sera plus
facile à suivre pour...
M. Berliner: Je reprends mon dernier paragraphe où je
disais qu'il y a un consensus actuellement parmi la grande majorité des
représentants élus de la ville de Montréal, selon lequel
il y a moyen de protéger la culture et la langue françaises tout
en donnant à la communauté anglophone les outils
nécessaires pour son existence. Parlons spécifiquement:
aujourd'hui, il y a un consensus au sujet de la langue d'affichage, au sujet de
la question de l'accès aux écoles anglaises, au sujet de la
question des communications entre le gouvernement et ses citoyens.
Quand j'ai présenté mon avis de motion sur la loi 101
devant le conseil de la ville de Montréal, j'ai indiqué que la
ville ne pouvait pas se permettre de rester à l'écart du
débat sur la langue du Québec. Il fallait que les conseillers y
participent parce que agir autrement serait une abdication de nos
responsabilités en tant que représentants élus des
Montréalais. Il y a actuellement un consensus au sein de la grande
majorité des populations francophone et anglophone du Québec et
un consensus parmi une grande majorité des représentants
élus de la ville de Montréal. C'est à vous maintenant, en
tant que représentants élus de la population du Québec, de
tenir compte de ce consensus et
d'apporter les changements requis à la loi pour refléter
ce consensus. Agir autrement serait une abdication de vos
responsabilités en tant que représentants élus de tout le
Québec. Montréal a, comme nous l'avons mentionné plus
tôt, tous les attributs nécessaires pour devenir une ville
réellement internationale. Nous pouvons atteindre ce but mais seulement
quand et si les gens commencent à travailler ensemble, quand et si les
gens abandonnent l'idée que c'est seulement en enlevant certains
privilèges à un groupe qu'on peut renforcer l'autre. Nous sommes
persuadés qu'il est possible de protéger et de renforcer les deux
groupes linguistiques en même temps. Nous croyons que les
Québécois croient que c'est possible. Merci.
M. Auf'der Maur: En terminant, M. le Président, j'aimerais
ajouter qu'on endosse, en grande partie, la présentation faite par le
maire de Montréal, M. Jean Drapeau. Une grande partie du problème
à Montréal est un problème psychologique. C'est le fait
que Montréal a toujours été une ville à
caractère bilingue, où il y a une composante anglaise très
importante et que Montréal a grandi et est devenue une métropole
de presque 3 000 000 de personnes, car Montréal a été un
centre de services qui a desservi tout le Canada et tout le continent
nord-américain. On accepte, comme tout le monde, la prédominance
de la langue française, mais on insiste pour qu'il soit reconnu que la
langue anglaise a une place et est bienvenue au Québec. Si on veut
reconstruire Montréal comme une grande métropole canadienne, il
faut reconnaître que la présence de la langue anglaise à
Montréal est un atout. Il semble que la loi, telle que
rédigée actuellement, prétend que la langue anglaise est
quelque chose qu'il faut éliminer à Montréal. Il faut
reconnaître que la présence de la langue anglaise pourra aider
à notre renaissance économique. J'espère que les
prédictions du Conference Board seront bonnes. Même sans les
changements à la loi 101, je souhaite une amélioration de notre
situation économique, mais j'espère une reconnaissance et une
attitude plus accueillante envers la langue anglaise.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le ministre.
M. Godin: D'abord, je veux vous remercier, MM. Berliner, Auf'der
Maur et Lebeau, de nous avoir fait part de vos perceptions et de vos opinions
par rapport à la loi 101. Je veux vous remercier aussi de nous remettre
la nouvelle version de votre mémoire. Il ne s'agit pas de harceler les
gens qui viennent témoigner ici, mais tout simplement de faire en sorte
que les travaux s'améliorent. On travaille beaucoup mieux quand on peut
prendre des notes en marge du mémoire.
Cela étant dit, il y a un certain nombre de questions très
précises que j'aimerais vous poser. M. Berliner, vous citez dans votre
mémoire le cas de fonctionnaires de la ville de Montréal,
à la page 2 du mémoire no 1: "Durant le débat sur le
budget de la ville, le directeur du personnel nous a fait part de
problèmes que la ville avait avec l'Office de la langue
française." Je suis informé des faits suivants: la ville de
Montréal voulait affecter cinq personnes de son personnel des affaires
sociales à cinq postes pour lesquels la ville exigeait une connaissance
d'une langue autre que le français. Je ne sais pas s'il s'agissait de
l'anglais ou d'une autre langue, mais, comme vous le savez, Montréal est
une ville multiethnique, donc cela peut être la connaissance d'une autre
langue. Parmi ces cinq personnes, en six ans - M. Auf'der Maur, ce serait
peut-être bon pour votre "column in The Gazette" - moins d'une personne
par année a porté plainte à l'office, parce qu'on exigeait
son déplacement d'un poste unilingue francophone à un autre poste
à Montréal où on exigeait le bilinguisme, le
français et une autre langue que j'ignore. Ces postes ont-ils
été comblés par des personnes qui parlaient deux langues
ou si, à votre connaissance, ces postes n'ont pas été
comblés par des personnes qui parlaient deux langues?
M. Auf'der Maur: Cette question du personnel a été
soulevée au moment de la discussion du budget de la ville de
Montréal, alors que nous avions le directeur du personnel devant nous.
Par hasard, vraiment, nous avons constaté qu'il y avait un
problème entre la ville et l'Office de la langue française en ce
qui concerne certains postes. J'ai demandé: Quel est le problème?
On m'a expliqué le problème. J'ai demandé: Êtes-vous
retournés à l'office? On ma dit: Oui, deux ou trois fois et on
n'arrive pas a le convaincre de la nécessité d'avoir cette
permission d'engager quelqu'un et de publier des annonces dans les journaux,
à savoir qu'on a besoin de quelqu'un qui parle non seulement le
français, mais une deuxième langue. C'est tout ce que je sais. Il
y avait un problème. J'ai demandé: Qu'est-ce que vous avez fait?
Et j'ai demandé une autre chose: Quand il y avait un problème
avec l'office, avez-vous fait des représentations plus haut,
c'est-à-dire ici, à Québec? On m'a dit non. Et c'est ce
genre de chose qui a abouti, finalement, au dépôt de notre avis de
motion au Conseil de ville de Montréal pour obliger chacun des
conseillers à se prononcer sur la question de la loi, pour que la ville
s'implique dans le dossier et qu'elle fasse des représentations ici
à Québec. C'est pour cela qu'on est très fier du fait que
cela a été adopté à l'unanimité et on est
très heureux
de voir que le maire est venu. Comme mon collègue l'a dit, on
endosse les positions qui ont été prises par le maire. (22 h
45)
M. Godin: Je suis informé que le conflit était
entre la ville et cinq de ses employés et non pas entre la ville et
l'office. Les cinq employés ont saisi l'office d'un problème et
l'office est intervenu.
M. Berliner: J'ai demandé clairement quel était le
problème et cela a été expliqué deux ou trois fois
avec l'office.
M. Godin: Bon! Je vais tenter de voir clair là-dedans en
interrogeant les deux autres parties, l'office et la ville de Montréal,
pour voir quel est le fond de la question et voir à la
régler.
M. Auf'der Maur: Mais le fond de la question, c'est que je pense
que dans le passé, il n'y a rien eu à reprocher à la ville
de Montréal en ce qui concerne la francisation des services à la
ville de Montréal. La ville de Montréal a un bon dossier. C'est
l'idée que vous n'avez pas confiance en la ville de Montréal, et
que vous obligez la ville, quand elle veut remplir des postes bilingues,
à le demander à un autre organisme gouvernemental. Cela
crée de longues attentes. C'est l'idée de confiance. Je pense que
l'administration publique ne doit pas être obligée de demander la
permission à une autre agence gouvernementale. Car la preuve, c'est le
passé de la ville de Montréal. Et dans le passé il n'y a
rien eu de mauvais dans notre dossier; il n'y a pas de plaintes. En ce qui
concerne les plaintes pour des services en anglais, comme conseiller, j'en
reçois - je ne sais pas - une cinquantaine par an de la part de citoyens
qui ne peuvent pas être servis en langue anglaise.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Godin: Je pense que nous ne nous sommes pas compris. Je suis
informé que ce sont des fonctionnaires de la ville de Montréal
qui ont porté plainte à l'office, parce que l'office voulait les
obliger à occuper des postes bilingues, alors qu'ils ne voulaient pas.
Ils voulaient rester aux postes unilingues où ils étaient. Si la
situation est telle que vous me la décrivez, je vais m'en informer et je
vais tenter de résoudre ce problème, parce que j'estime que dans
une ville comme Montréal, certains services devraient être
donnés au citoyen dans la langue du citoyen. D'ailleurs, le principe est
reconnu par le gouvernement que la langue de la personne qui s'adresse à
un fonctionnaire de l'administration doit être la langue qui est
utilisée.
M. Berliner: Je voudrais seulement ajouter une chose.
M. Godin: Oui.
M. Berliner: Si je me souviens bien, dans le mémoire qui a
été déposé par le maire Drapeau, celui-ci a
soulevé le fait que généralement la ville a des
difficultés avec l'office et qu'elle exige d'avoir une
flexibilité en ce qui concerne l'engagement des gens. Je vous
réfère à son mémoire.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Godin: D'accord. Mais quand vous mentionnez ce point-là
précisément, je tenais à vous poser des questions
précises là-dessus. D'autre part, M. Lebeau, vous citez la
nécessité pour le Québec et Montréal de prendre le
virage technologique. Je vous rappellerai que c'est notre gouvernement qui a
créé le ministère de la Science et de la Technologie. Vous
avez vu dans les journaux récemment que Comterm vient d'acheter Bytec,
qui s'est portée acquéreur de Hyperion, aux États-Unis, de
sorte qu'on peut dire qu'un seul exemple illustre la vitalité de
Montréal dans ce secteur, et nous l'accélérerons. Il est
possible que vous n'ayez pas le tableau complet de l'activité et du
dynamisme de Montréal dans ce secteur, mais c'est extrêmement
impressionnant.
Il est sûr qu'à la ville d'Ottawa, que vous citez en
exemple, il y a effectivement un grand nombre d'entreprises de ce secteur qui
ont été implantées, mais je dois dire que la ville
d'Ottawa n'est pas un lieu naturel d'implantation de Silicone Valley No. 2,
comme on l'appelle à Ottawa. C'est grâce à des politiques
déterminées du gouvernement fédéral qui veut faire
d'Ottawa une ville et non plus une bourgade; une ville avec une population
importante en nombre. C'est à la suite de politiques
fédérales que la ville d'Ottawa est devenue cette capitale
canadienne de développement technologique, mais ce n'est pas un
mouvement naturel. C'est un mouvement - et pourquoi pas - qui a réussi
grâce à des politiques d'investissements privés et publics,
mais largement publics dans la plupart des cas. Qu'on pense à
l'échec de cette usine d'ordinateurs qui a coûté, je pense,
200 000 000 $. Je crois que M. Auf'der Maur avait écrit un article dans
son journal à ce sujet à l'époque. Il y a eu des
tentatives très nettes du gouvernement fédéral d'investir
largement des fonds publics dans cette Silicone Valley No. 2. Je ne dis pas que
c'est un mauvais exemple. Au contraire, il faudrait utiliser les mêmes
politiques; nous tentons de le faire et nous l'avons réussi dans
certains secteurs.
Maintenant, vous citez dans votre mémoire un certain nombre de
chiffres sur
une période de cinq ans qui font état des départs
du Québec vers d'autres parties du Canada. Vu l'importance que cette
question a prise au Québec, j'ai fait procéder à des
recherches approfondies. Je vous citerai des chiffres qui datent de 20 ans,
soit de 1962 à 1980, sur ce qui s'est passé au Québec et
dans d'autres régions du Canada par rapport à ces
déplacements de population, ce que nous appelons au Canada "mobility" et
que nous appelons au Québec "exodus". On constatera que "there are more
English Canadians who are mobile in the English provinces of Canada than Anglo
or Franco-Quebeckers who are, let us say, inclined to take part in an exodus.
By that, I mean that the mobility factor has been much more important in
numbers than the exodus factors from Québec...
Vous aurez la parole, M. Auf'der Maur, n'ayez aucune crainte.
Je vous donnerai les chiffres. Depuis 1963, les gens quittent le
Québec, comme d'ailleurs le Manitoba, comme d'autres provinces. Je vous
donnerai plutôt des taux par mille et non pas des chiffres absolus,
c'est-à-dire des taux de départ par mille personnes pour des
années significatives. L'année la plus douloureuse a
été l'année 1970: 12,3 personnes sur 1000 ont
quitté le Québec. En 1969, l'année
précédente: 11,3 personnes sur 1000. L'autre année
douloureuse, c'est 1977: 11,5 personnes sur 1000. La quatrième en
importance, c'est l'année 1971: 10,6 sur 1000. La cinquième en
importance, 1966: 10,5 sur 1000. Il y donc un mouvement qui est ancien. Je ne
dis pas que c'est un mouvement qui est bon pour l'économie du
Québec. Au contraire, je pense que c'est très mauvais, mais c'est
en 1948 que la Bourse de Toronto a dépassé la Bourse de
Montréal; cela, vous le savez très bien. D'autre part, d'autres
renseignements datent du recensement de 1981. Je pense qu'il est important de
citer ces chiffres parce qu'ils placent ce soi-disant exode dans une
perspective plus juste.
Dans la période péquiste, de 1976 à 1981, 328 640
personnes ont quitté l'Ontario; durant la même période
péquiste, 203 000 ont quitté le Québec. Il y en a donc
plus qui ont quitté l'Ontario que le Québec avec, en proportion,
à peu près le même per capita. Il n'y avait pas de loi 101
en Ontario.
Dans la période des cinq années précédentes,
de 1971 à 1976, l'Ontario, encore une fois, a perdu plus de citoyens que
le Québec. On appelle cela de la mobilité, en Ontario. Ici, on
dit que c'est un exode.
En 1981, 400 000 personnes ont changé de province au Canada. De
ce nombre, 51 000 sont du Québec, soit 11% du total, alors que la
population est de 26%. En 1981, la perte nette de l'Ontario a
été, pour la première fois depuis fort longtemps, plus
élevée qu'au Québec. L'Ontario a perdu 33 000 personnes,
le Québec, 23 000 personnes. L'Alberta a perdu 81 000 personnes. Ce que
je veux dire par là, c'est qu'il y a des facteurs économiques qui
jouent. Voilà deux provinces, l'Alberta et l'Ontario, de même que
la Colombie britannique, qui est une province qui a perdu plus de citoyens que
le Québec aussi, voilà donc trois provinces canadiennes anglaises
où la perte a été plus lourde que pour le Québec.
Il y a donc des facteurs économiques qui jouent.
Tenter de dire que c'est le facteur linguistique qui jouerait un
rôle déterminant dans les départs du Québec, je
pense que c'est rendre un mauvais service à l'objectif de la loi 101 que
vous endossez et qui est de faire du français la langue la plus
utilisée au Québec. Je tenais à vous donner ces chiffres
parce qu'on entend dire toutes sortes de choses.
Une autre étude démontre que depuis plus de dix ans le
marché du travail du Québec est plus dynamique qu'en Ontario, une
étude de Statistique Canada, malgré la loi 101 et la loi 22,
d'ailleurs, qui, soi-disant aussi, à l'époque, aurait
entraîné des effets négatifs. La loi 101, le
caractère français du Québec n'est pas, comme le disait M.
Auf'der Maur tout à l'heure, en parlant de l'anglais, la francisation du
Québec n'est pas un facteur négatif mais un facteur positif
à la condition que nous le présentions comme tel et que nous
constations que ses effets sont positifs.
Il est sûr que sur une période de six ans la loi 101 a eu
des effets mais il est sûr que sur une période de 20 ans ses
effets deviendront positifs, j'en suis profondément convaincu. Les
études du Conference Board semblent l'indiquer et je m'en
réjouis. Nous verrons les résultats dans 18 mois, dans deux
ans.
En terminant, je tiens à vous remercier de nous avoir fait part
de vos suggestions. Avant de vous remettre la parole, je vous assure qu'un
certain nombre de vos suggestions trouveront ici une oreille plus que
sympathique et je m'enquerrai, comme je vous l'ai dit un peu plus tôt,
auprès de la ville de Montréal et de l'office de solutions aux
problèmes qui nous ont été présentés dans
votre mémoire, M. Berliner, sur la question des postes bilingues
à être comblés à Montréal.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M.
Lebeau.
M. Lebeau: Je voudrais répondre à M. le ministre
sur la question d'Ottawa. On en a parlé un peu. Un autre
élément qui fait qu'Ottawa a su développer un Sillicone
Valley, c'est la deuxième guerre mondiale qui a vu une concentration
assez grande d'industries. On ne parlait pas de haute
technologie à l'époque, il n'était pas question
d'informatique, mais néanmoins une technologie de pointe, une
technologie assez avancée pour l'époque, la deuxième
guerre mondiale. Quand la guerre a été finie, certaines
entreprises sont parties, d'autres se sont recyclées dans d'autres
secteurs de l'économie. Une chose est certaine, il en est resté
quelque chose au Canada. Il en est resté un "know-how", une
main-d'oeuvre spécialisée et semi-spécialisée qu'on
a pu par la suite exploiter, et on est allé vers les secteurs dits de
haute technologie.
Je ne veux pas faire de débat entre Ottawa et Montréal,
mais c'est un exemple qui illustre que ce dont on a besoin,
premièrement, pour aller vers les industries à haute technologie,
pour prendre le tournant technologique, ce ne sont pas des ressources
minières, ce n'est pas de l'équipement, c'est de la
matière grise, des ressources humaines. Je me félicite des
efforts du gouvernement québécois pour faire de Montréal
une ville à haute concentration en industries à haute
technologie. Si on envisage l'avenir, parce que c'est de cela dont il est
question ici, il est important de mettre tous les atouts dans notre jeu pour
attirer chez nous cette expertise et ces ressources humaines pour créer
des emplois.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. Auf'der Maur.
M. Auf'der Maur: Justement sur ce point, M. le ministre, vous
avez raison de dire que la croissance de la haute technologie dans la
région d'Ottawa n'est pas dans un endroit naturel, mais on aurait pu
l'assumer. C'est une politique fédérale qu'on ne voulait pas voir
le gouvernement du Québec appuyer... C'est dans le sens de rendre la
région d'Ottawa plus attrayante par rapport à Montréal, en
ajoutant des irritants. Peut-être que quelques-unes de ces compagnies
auraient pu s'installer dans un endroit plus naturel, c'est-à-dire
à Montréal si on avait eu des politiques plus attrayantes.
Vous avez raison concernant la mobilité. Toute l'Amérique
du Nord, c'est une société très mobile. J'en suis
très conscient à cause du district que je représente, car
il y a beaucoup de sièges sociaux de compagnies qui administrent des
affaires sur le continent ou font des affaires partout au Canada et aux
États-Unis. Si vous visitez ces compagnies, soit à
Montréal, à New York, à Toronto ou à Vancouver,
vous découvrirez... Si vous visitez les bureaux de ces compagnies,
demandez aux gens d'où ils viennent et une grande partie de ces gens,
ces gérants, ne viennent pas de la ville où la compagnie est
installée. Ce sont des compagnies qui ont besoin de recruter à
une échelle internationale. Elles ne peuvent pas baser leur politique de
recrutement simplement dans un bassin de population très restreint. La
mobilité est très importante et Montréal concurrence, mais
pas avec Paris. Montréal est en concurrence avec Boston et d'autres
villes, et il faut faciliter la mobilité à ces compagnies et
faciliter la mobilité, cela veut dire dans la langue d'enseignement et
également dans la langue de travail des compagnies qui, pour la plupart,
font affaires à l'extérieur du Québec. Il faut garder ces
compagnies, ne pas les inciter à quitter Montréal et il faut
aussi essayer d'attirer de nouvelles compagnies. Vous avez raison en ce qui a
trait aux départs vers les autres provinces, mais ce qui importe, ce ne
sont pas seulement les départs, mais aussi les arrivées. (23
heures)
You know, just from my own personal experience, you travel around and
you find increasingly... Mr. Berliner's family came here in 1948; they spent
the war in a concentration camp, partially in Auschwitz, and they came to
Montreal. My family came from Switzerland, I grew up in Montreal and it seemed
to me then that I grew up in a city that people came to. Now, when I travel
around, I meet Montrealers everywhere; it is now becoming a city that people
came from instead of a city that we come to.
It is important that Montreal become again a city that people can come
to. You are the Immigration Minister and I assume that you appreciate that. We
must make Montreal a natural place to come to again, with less restrictive
policies.
Vous avez raison quand vous dites qu'il y a eu des départs avant
l'arrivée au pouvoir de votre gouvernement. Nous n'avons pas
blâmé la loi 101 pour tous nos problèmes, loin de
là, mais c'est le sujet de cette commission. Si cette commission
s'étendait plus sur les problèmes de Montréal, nous
aurions pu ajouter plusieurs autres facteurs. Parmi ces facteurs, il n'y a pas
simplement la prise du pouvoir par le PQ, mais il y a l'agitation sociale qu'on
a vécue au cours des années soixante-dix, agitation sociale
à laquelle nous avons participé, vous et moi.
Le Président (M. Gagnon): M. Berliner.
M. Berliner: I would just like to add a few words. Mr. Godin, you
mentioned that it was a federal policy that helped to make a high technological
center out of Ottawa. I would like to say that that may be so but I think that
it is a federal policy as well that is going to make the biotechnological
center of Canada in Montreal. But what we are concerned about is that the
Federal Government may take a positive approach towards Montreal on the one
hand, but that positive approach may be negated by measures taken by this
Government,
particularly with regards to access to English schools, in our ability
to attract the scientists that we need in order to run that biotechnological
center. That is one example.
With regards to your statistics, I find it interesting that before, you
were complaining that we had not submitted all our information in advance and
now, you are asking us to deal with statistics that we are hearing for the
first time, etc.
That aside, I think that, as my...
M. Godin: I will give you copies of them.
M. Berliner: Thank you. That aside, I think that my colleague has
mentioned that it seems that you are not taking into account what we mentioned
in our brief before and that is, that there has always been a certain amount of
movement out of Québec in terms of jobs, education, etc., from
the anglophone community. There has also always been a certain amount of
influx. Today, we still have the movement going out, but we do not have... "La
contrepartie n'existe pas". That is why we have a problem. I think that is the
part you are not taking into account in your statistics.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, en vous
demandant de...
M. Godin: Very briefly, a last remark as far as I am concerned. I
just received the figures from the Federal and Provincial Immigration
Departments for the last six months. Investor immigrants who came to Canada:
Ontario, 61; Québec, 51. That is for the last six-month period.
M. Ciaccia: ...
M. Godin: I am coming to that, Mr. Ciaccia. The investments last
year: 60 000 000 $ were invested, contributing to the movement of "650 000 000
$ d'activités produites par cet investissement de 60 000 000 $. Depuis
huit ans, 500 000 000 $ ont été investis par "these newcomers
that you are talking about, Mr. Berliner. The average is between 30 000 000 $
and 100 000 000 $ a year. Last year, it was 60 000 000 $, but over a period of
seven or eight years, 500 000 000 $ have been invested by newcomers who have
chosen Québec for what it is, as is.
M. Berliner: Tant mieux!
M. Godin: Next year, we will spend much more money to recruit
newcomers and I am sure that, on a period of time, we will be in a very good
position in Québec. Je pense que nous allons tenter d'améliorer
trois aspects de la loi qui touchent les sièges sociaux, qui touchent
les centres de recherche et qui touchent les exemptions de six ans qui sont
accordées à des chercheurs pour le domaine scolaire. Je tiens
à vous dire, par ailleurs, qu'un grand nombre de ces savants et de ces
chercheurs que nous recrutons tiennent à envoyer leurs enfants à
l'école française. It is not a punishment to send your children
to the French school.
M. Auf'der Maur: I know it very well, you know that.
M. Godin: Yes, I know you know. And a very recent example is the
new director of the Montreal Museum of Fine Arts, Mr. Gaudieri from Savannah,
Georgia. He fought with the Federal Government to get into Québec and we
had to fight with Mr. Lloyd Axworthy to get him in. He is sending his children
to the French school system and he is very proud of that. Thank you so
much.
M. Auf'der Maur: Good for him.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Laurier.
M. Sirros: Merci, M. le Président. Well now, I know that
you know that he knows. Mais j'aimerais peut-être d'abord commencer en
saluant les deux conseillers municipaux du GAM, les remercier pour leur
présence et peut-être, avant d'aborder comme tel le mémoire
qui nous a été présenté, que j'aimerais simplement
faire quelques brefs commentaires.
Il arrive assez souvent qu'on entende des chiffres lancés
à gauche et à droite par le ministre, qui a probablement pris
l'habitude de son prédécesseur, le responsable de la loi 101.
Cette loi a peut-être été adoptée parce que le
ministre de l'Éducation est, lui aussi, très habile à
présenter continuellement des chiffres. J'aimerais simplement dire que
c'est beau de dire qu'il y a eu 60 000 000 $ d'investissements par des
immigrants investisseurs, etc., mais je pense que la question fondamentale
qu'on se pose, quand on parle de l'économie de Montréal et du
Québec, de ses impacts, etc., est la suivante: Qu'est-ce que cela aurait
pu être si le climat avait été différent et
meilleur? Je pense qu'on ne peut pas chiffrer les montants qui ne sont pas
venus. C'est un peu une tactique habile de lancer des chiffres, mais je vous
demanderais si possible de nous chiffrer ce qu'on a manqué depuis des
années, depuis qu'on se plaint que la situation économique se
détériore. En ce qui concerne, encore une fois, les chiffres - et
je pense que cela a été soulevé une couple de fois -
l'exode comme tel, je pense que, dans le mémoire qui nous a
été présenté, les 141 000 Québécois
qui sont partis, c'est un
chiffre net. Le ministre a, encore une fois, lancé des chiffres
comme 300 000 personnes qui ont quitté l'Ontario, mais il n'a pas
mentionné le nombre de gens qui sont entrés en Ontario.
Combien?
M. Gratton: 250 570... M. Sirros: 250 570.
M. Gratton: ...pour une migration nette de 78 070, ce qui est
à peu près la moitié de celle du Québec.
M. Sirros: Ah! Il y a probablement, je ne dirai pas une "cooked
figure", comme le dit mon collègue de D'Arcy McGee...
Le Président (M. Gagnon): Vous avez toujours...
M. Sirros: M. le Président...
Le Président (M. Gagnon): Oui.
M. Sirros: ...j'aimerais simplement faire cette mise au point,
dans le sens que ceux qui nous écoutent et qui entendent ces chiffres
pourraient se dire que c'est magnifique. Mais en gardant à l'esprit le
fait qu'il y a des chiffres qu'on ne peut pas avancer, parce qu'on a
manqué un paquet de choses, je pense qu'on a peut-être, à
ce moment-là, une image plus réaliste de la situation.
Quant au mémoire qui a été présenté,
vous avez parié une couple de fois de la question de l'entrée
dans les écoles anglophones, mais vous n'avez pas précisé
-et j'aimerais que vous le fassiez pour les fins de la discussion - ce que vous
préconisez. Parlez-vous de la clause Canada? Parlez-vous d'une clause
universelle? Parlez-vous d'assouplissements aux exceptions pour les gens qui
viennent? Quoi, au juste?
M. Berliner: D'accord. On est pour la clause universelle. Comme
je l'ai mentionné, il y a toujours cet exode d'un certain nombre de
gens. Par contre, on n'a pas actuellement la contrepartie. Je crois que la
contrepartie est importante, premièrement, pour l'existence ou la
continuation de la survivance de la communauté anglophone.
Deuxièmement, je crois que cette clause universelle serait importante du
point de vue économique, c'est-à-dire pour attirer des
chercheurs, des techniciens et des hommes d'affaires d'un peu partout, pas
seulement des autres provinces, mais aussi de l'Amérique, des
États-Unis et de l'Angleterre, de là où les gens viennent,
des pays anglophones. Nous croyons que cela devrait être la clause
universelle. Une troisième chose que je peux invoquer, c'est le rapport
de M. Henripin qui a démontré que, même avec une clause
universelle, la population de l'école anglaise sera à peine de
10% du total en l'an 2000. Cela ne peut représenter un danger pour la
population; cela ne va pas créer une "ballance" dans la
société.
Il y a aussi d'autres aspects de la loi, en ce qui concerne
l'accès aux écoles anglaises actuellement, qui posent des
problèmes, qui soulèvent des exemples tout à fait
imbéciles. Je pourrais passer la parole à mon collègue, M.
Auf'der Maur, là-dessus.
M. Auf'der Maur: En somme, c'est une lettre ouverte que j'ai
déjà écrite au ministre. Il n'y a pas que des irritants
dans la loi 101, il y a aussi des absurdités. J'ai cité, par
exemple, le cas d'un journaliste que vous connaissez sans doute, M. Inwood. Ses
parents, qui étaient progressistes, parce qu'ils comprenaient la
réalité du Québec, ont décidé d'envoyer
notre ami à l'école primaire mi-française, mi-anglaise.
À cause du fait que ses parents étaient progressistes, lui,
aujourd'hui, n'a pas le droit d'envoyer ses enfants à l'école
anglaise, parce qu'il n'a pas terminé toutes ses études en
anglais ici, au Québec. Ses enfants sont punis, ils perdent leurs droits
parce que leurs grands-parents étaient progressistes et réceptifs
envers le Québec. C'est une absurdité. J'imagine que le
législateur qui a pensé la loi 101 ne voulait pas punir ainsi des
gens. Il y a d'autres exemples que je pourrais citer.
Quant à l'affichage, je citerai l'exemple d'un homme d'affaires
de mon district, un Canadien français, un Québécois qui a
décidé de lancer une compagnie tout en faisant concurrence
à une compagnie américaine de Montréal. La compagnie
américaine s'appelle Chemlawn; "chem", comme chimique, "lawn" comme
pelouse. C'est un nom enregistré. Cette compagnie entretient les
pelouses des compagnies et surtout des résidences. Ce
Québécois a lancé une compagnie qui s'appelle Pelouses
Québec Lawn. Il a acheté de gros camions sur lesquels on peut
lire, en petites lettres, "Pelouses", en grosses lettres "Québec" et en
petites lettres "Lawn", à côté, pour faire de la
publicité quand ses camions se trouvent surtout dans le West Island. Il
a été visité par les inspecteurs de la Commission de
surveillance de la langue française et on lui a demandé d'enlever
le mot "lawn" de ses camions. Lui, c'est un bonhomme qui commence une
entreprise, il fait de la concurrence à une compagnie américaine
qui peut inscrire "lawn" en grosses lettres sur ses camions. Lui, le
Québécois, ne le peut pas. C'est une absurdité. Il
continue de défier la loi maintenant, mais ce n'est pas parce qu'il le
veut, ses sentiments sont québécois, entièrement. Il n'est
pas contre la francisation au Québec, pas du tout, il parle mieux le
français que l'anglais. Lui enlever
une chance de faire la concurrence à une compagnie
américaine, c'est absurde. Il y a beaucoup de petits détails
comme cela qui, j'en suis sûr, n'étaient pas le but original de la
loi 101. Il faut enlever ces absurdités qui, je l'espère,
n'étaient pas dans les intentions du législateur originalement.
(23 h 15)
En terminant, je veux souligner un fait. On parle surtout
d'économie, parce que nous sommes des élus municipaux, mais il
n'y a pas que les problèmes économiques qui nous agacent. Quand
j'ai commencé en politique, au début des années soixante -
j'étais un jeune anglophone, mais j'étais catholique - je me
rappelle avoir lu une phrase de l'abbé Lionel Groulx qui exprimait
beaucoup le sentiment de survivance du Canada français. C'est une
citation qui m'a beaucoup inspiré. J'ai oeuvré pour la
francisation du Québec au cours des années soixante, j'ai
milité avec des groupes qui visaient ce but. Les premières
manifestations auxquelles j'ai participé demandaient les services et les
menus bilingues dans le centre de la ville de Montréal. Je veux toujours
que ces choses soient bilingues, mais, à l'époque, il n'y avait
pas de français et j'ai milité pour cela. Lionel Groulx
écrivait que ce n'est pas une question - en parlant du Canada
français -de savoir si nous serons riches ou pauvres, grands ou petits,
c'est une question de savoir si nous serons, point.
C'est la même question que je me pose aujourd'hui comme membre de
la communauté anglophone de Montréal. C'est une question de
savoir si nous serons. Nous voulons avoir une assurance. Le problème de
la survivance, le Canada français l'a vécu depuis la
conquête. Maintenant, c'est à notre tour d'être
agacés par ce problème et nous voulons une assurance qu'à
Montréal il y aura toujours une présence anglophone.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Laurier.
M. Sirros: Une couple d'autres questions, M. le Président.
Tout à l'heure, nous avons touché les services de la ville de
Montréal et les difficultés qu'avait la ville par rapport aux
services bilingues ou l'affichage des postes bilingues.
Comme parti de l'Opposition, vous dites dans votre mémoire que
vous desservez surtout des quartiers anglophones à l'heure actuelle.
Avez-vous une idée de la situation linguistique du point de vue des
services de la ville aux citoyens comme tels, en termes de loisirs, d'aide
sociale, etc.? Est-ce un domaine qui suscite des réactions de la part
des citoyens? Dans ces quartiers, est-ce une situation qui crée
l'impression que la ville ne les représente pas? Pouvez-vous donner des
exemples, si vous en avez?
M. Berliner: Je pourrais dire que mon quartier est
peut-être le quartier qui a le pourcentage le plus élevé de
la ville des gens de l'âge d'or, anglophones, qui ne parlent pas
français et qui souvent sont des immigrants, des gens qui sont venus de
l'extérieur du pays. En marchant dans les rues, en passant du temps dans
les parcs, en regardant les arénas, en allant à la
bibliothèque qui a été construite dans notre quartier tout
récemment... Là, c'est indiqué, devant l'immeuble,
"bibliothèque" seulement. Peut-on se sentir accueilli dans un immeuble
comme cela, quand c'est indiqué seulement "bibliothèque"? Elle a
été construite dans un quartier où habitent des
anglophones et des francophones, alors il faudrait quand même qu'il y ait
un signe de bienvenue à l'extérieur des murs indiquant que les
anglophones sont aussi bienvenus dans cet immeuble. Voici une exemple concret
de ce qui se passe.
M. Sirros: Comme dernière question, M. le
Président, j'aimerais peut-être ouvrir un débat un peu plus
général, si vous voulez. Le maire de Montréal, quand il
est venu ici il y a quelques jours, nous a présenté sa conception
de Montréal et, si ma mémoire est bonne, il parlait de
Montréal comme d'une ville internationale francophone. Le ministre, lui,
a répliqué en quelque sorte en qualifiant Montréal de
métropole francophone d'Amérique. Pour moi, il y a là deux
notions très différentes de la perception qu'on a de
Montréal et de la place que Montréal a au sein du Québec,
du Canada, de l'Amérique du Nord, etc. M. Auf'der Maur - qui êtes
un Montréalais passionné, comme je vous connais - auriez-vous un
point de vue sur cela?
M. Auf'der Maur: La définition de ville internationale que
le maire a évoquée n'est pas une définition exclusive,
dans le sens que cette définition peut aussi inclure la
définition de M. Godin. Métropole francophone d'Amérique,
c'est inclus - M. Drapeau le sait très bien - dans sa définition
de ville internationale. Montréal va rester la métropole
francophone d'Amérique, mais elle peut le rester sans y exclure la
langue anglaise et sans devenir un grand centre international. Il n'y a pas
d'exclusivité et je ne comprends pas pourquoi il semble avoir la
drôle d'idée que la présence de la langue anglaise, qui est
une langue internationale -pas simplement la langue de Montréal, mais
une langue internationale - va nuire aussi à la vocation de
Montréal comme métropole francophone d'Amérique.
D'après moi, il n'y a pas de problème de coexistence des deux
nations de Montréal, mais le fait de réprimer l'anglais comme
tel, pas simplement réprimer l'anglais, mais aussi traiter la langue
anglaise comme un folklore à Montréal, d'essayer de folkloriser
la langue anglaise en la traitant
sur un pied d'égalité avec les 22 autres langues
parlées à Montréal, est ridicule. C'est une insulte
à l'histoire de Montréal et aux gens qui ont bâti
Montréal. Il faut reconnaître qu'il y a surtout deux langues
à Montréal, pas 28 langues.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député de Laurier. Avant de laisser la parole au
député de Groulx, je voudrais lancer un chiffre qui ne sera
contesté par personne, j'en suis persuadé. Il est 23 heures 22
minutes. M. le député de Groulx.
M. Fallu: M. le Président, le GAM, en notre
présence, soulève un certain nombre de débats.
Étant donné l'heure, on va les restreindre.
M. le conseiller Lebeau nous a présenté tout à
l'heure un tableau dont on ne peut nullement contester la valeur puisqu'il est
malheureusement réel, à savoir la déperdition
proportionnelle de Montréal en valeur de production
manufacturière par rapport au Canada. Vous le présentez dans le
cadre d'une commission parlementaire relative à la Charte de la langue
française et vous terminez - j'ai pris la peine de noter exactement vos
propos - en suggérant qu'il faut lever les contraintes linguistiques et
notamment adopter la clause Canada. Il me semble qu'il y a là un
raisonnement qui est un peu court, parce qu'à Montréal, il n'y a
pas seulement les problèmes de langue qui ont pu influer dans le domaine
de la production manufacturière.
Montréal a perdu, dans les 20 dernières années,
tout près de 15% de sa population au profit des banlieues, proches ou
lointaines. On connaît la vétusté du tissu urbain de
Montréal - et je sais que vous ne le contesterez pas vous non plus -
l'absence d'aménagement urbain - l'aménagement urbain commence
à Montréal, hélas - le déclin du port de
Montréal, la déstructuration du transport aérien à
Montréal, l'absence d'infrastructures industrielles pendant très
longtemps, l'absence de mécanismes institutionnels de valorisation
d'entreprises manufacturières. Vous n'aviez pas ce que la plupart des
gros villages dans tout le Québec avaient, un commissaire industriel. Il
fut un temps encore récent - et je dois vous faire un aveu public ce
soir -où nous allions, nous, de la rive nord, voler
systématiquement les industries manufacturières de
Montréal. Vous vouliez des sièges sociaux. Pendant ce temps, nous
allions chercher vos manufactures de talons de bottine que certains ne
voulaient pas voir à Montréal à cause de la
vétusté, de l'odeur ou de ne je ne sais trop quoi, par rapport
à des règlements municipaux. Il n'y avait personne pour voir
à la relocalisation de ces usines. Montréal avait fait des choix,
depuis 20 ans, l'exposition internationale et les
Olympiques, par rapport à des infrastructures industrielles.
Je pense qu'il faut tenir compte des données et cela, très
faiblement, parce qu'il y aurait un long débat sur le
développement de l'industrie manufacturière à
Montréal et sa chute vertigineuse, mais je ne voudrais surtout pas qu'on
sorte de cette commission parlementaire ce soir avec l'impression que cette
chute vertigineuse relative par rapport au Canada est due essentiellement au
débat linguistique. Vous êtes bien d'accord avec...
M. Lebeau: Oui. Je peux répondre à cette
question?
Le Président (M. Gagnon): Oui.
M. Lebeau: Premièrement, je remercie les membres de la
commission de m'avoir donné une promotion depuis ce matin. Je ne suis
pas conseiller municipal. Je suis président du parti. Il y a une erreur
sur la feuille. Merci quand même. Pardon?
Une voix: ...
M. Lebeau: Oui, oui. En fait, je n'ai pas voulu établir de
relation de cause à effet entre le déclin économique de
l'industrie manufacturière à Montréal et la question de la
langue. C'est clair que la loi 101 n'était pas là, il y a dix ou
quinze ans. Ce que j'ai voulu signifier, c'est que c'est un fait que
Montréal décline sur le plan économique. Regardez les
chiffres. Regardez aussi la population; on a retapé les 1 000 000 avec
l'annexion de Pointe-aux-Trembles, mais, l'an dernier, on était descendu
pour la première fois depuis 20 ans en bas de 1 000 000. C'est un indice
d'un déclin économique. Je ne veux pas que le public et que les
membres de la commission partent avec l'impression que le GAM estime que cela
est dû uniquement à la politique linguistique. Là n'est pas
l'idée. Mais si on veut revitaliser Montréal sur le plan
économique dans l'avenir, parce qu'on parle de l'avenir, il est
important de mettre tous les atouts de notre côté pour attirer
l'expertise, la main-d'oeuvre spécialisée. Qu'elle soit
autochtone ou qu'elle vienne d'ailleurs, l'important, c'est d'avoir la
matière grise pour réaliser nos objectifs sur le plan
économique.
La haute technologie est un secteur qui, contrairement à
plusieurs appréhensions, n'est pas uniquement bénéfique
à des gens qui ont des diplômes longs comme ça. Il y a 25%
des gens qui travaillent dans les entreprises à haute technologie qui ne
sont pas spécialisés du tout ou qui sont
semi-spécialisés; donc, cela profite à tout le monde.
Une autre point. Quand le Groupe d'action municipale parle de
l'industrie à
haute technologie, il n'est pas contre la revitalisation, loin de
là, des entreprises traditionnelles. Vous parliez de la chaussure, vous
parliez du textile; c'est vrai qu'il s'est passé des choses à
Montréal. Ces entreprises ont quitté et on n'a pas su les
remplacer. C'est aussi une lacune à laquelle il faudra voir. Ce n'est
pas parce qu'on s'occupe du domaine de la haute technologie qu'on doive
nécessairement délaisser les entreprises traditionnelles comme la
chaussure, la bonneterie et le textile parce que ce sont là des secteurs
qui emploient quand même une très grande partie de la population.
Si jamais le gouvernement du Québec convoque une commission
parlementaire sur la revitalisation de ces entreprises, il nous fera plaisir de
revenir vous soumettre un mémoire sur ce secteur particulier.
Je ne voudrais pas que vous restiez avec de fausses impressions:
premièrement, qu'on attribue à la langue le déclin
économique, ce n'est pas vrai; deuxièmement, qu'on est uniquement
centré sur les industries dites de haute technologie; on peut
mâcher de la gomme et marcher en même temps.
M. Fallu: Une question, et je vous préviens que c'est une
question piège. La ville de Montréal, pour desservir 30% d'une
population anglophone, a 100% de ses pompiers bilingues; c'est ce qu'on appelle
le bilinguisme individuel. Or, dans les hôpitaux de Montréal,
où la clientèle est à 50% francophone, la
communauté anglophone demande le bilinguisme institutionnel. Lequel des
deux faut-il choisir?
M. Auf'der Maur: Je n'ai pas compris le sens de la question.
M. Fallu: Vous vous êtes plaints que Montréal avait
de la difficulté à servir ses concitoyens anglophones. Or, on
sait que 100% des pompiers doivent être bilingues à
Montréal au cas, nous a dit M. le maire, où ils devraient avertir
quelqu'un de ne pas sauter par une fenêtre parce qu'on arrive à
son secours. Bon, parfait, pour une clientèle de 30% d'anglophones.
C'est ce qu'on appelle le bilinguisme individuel.
Mais, en contrepartie, dans Montréal, il existe des
hôpitaux, des services sociaux, reconnus en vertu de l'article 113f comme
anglophones, qui accueillent à 50%, et même au-delà, des
francophones. Ces institutions, à Montréal, réclament le
bilinguisme institutionnel, c'est-à-dire non pas que les
infirmières et les préposés aux patients parlent
personnellement le français et l'anglais, mais que quelques-unes
puissent être disponibles en tout temps pour s'exprimer en
français. N'y a-t-il pas une ambiguïté là-dedans?
M. Auf'der Maur: Non, il n'y a pas d'ambiguïté. La
comparaison que vous faites du pompier qui peut rencontrer n'importe qui
n'importe quand n'est pas tout à fait adéquate par rapport
à une infirmière qui est affectée à une chambre. Il
est possible que des infirmières unilingues anglaises ne soient pas
affectées à des chambres de malades francophones. Je trouve que
c'est une drôle de comparaison, les pompiers et les infirmières.
Je comprends le sens, mais...
M. Fallu: II est plus rare qu'un pompier rencontre une personne
unilingue anglaise qu'une infirmière rencontre une personne unilingue
française. Il y a, dans les demandes venant de Montréal, de ces
contradictions qui me paraissent presque absolues par rapport aux amendements
demandés à la Charte de la langue française. C'est ce que
je voulais souligner.
Le Président (M. Gagnon): Merci, messieurs. Merci, M. le
député de Groulx. M. le député de Bourassa.
M. Laplante: Je serai très bref.
Le Président (M. Gagnon): Je vous accorde 20 secondes. (23
h 30)
M. Laplante: D'accord. J'ai eu l'honneur de rencontrer la Chambre
de commerce de Montréal dans une réunion informelle. On a
beaucoup parlé de la fierté de Montréal. On a aussi
beaucoup parlé de ce qu'on appelle les irritants, au point de vue
économique, amenés par la loi 101. La Chambre de commerce de
Montréal a aussi avoué que trop de publicité a
été faite sous toutes les formes et a été
véhiculée en dehors du Québec, en dehors du Canada et aux
États-Unis, sur les contraintes que la loi 101 a apportées.
Actuellement, il y a une grande campagne entreprise sur la fierté
de Montréal. Vous êtes des gens responsables dans une ville,
quelle que soit la position que vous pouvez détenir à
l'hôtel de ville de Montréal, mais croyez-vous que, pour la bonne
renommée de Montréal, pour lui donner cette fierté, pour
lui donner cet aspect économique qu'on veut conserver ou qu'on veut
développer à l'avenir, il n'est pas temps aujourd'hui de dire ce
qui est positif au Québec et aussi de dire ce qui est positif pour la
ville de Montréal, et d'arrêter de se chicaner sur ces choses? Par
exemple, exporter nos divergences de vues sur la langue. Et aussi demander
à nos journaux anglophones d'être plus objectifs sur la population
du Québec et sur le fait français du Québec. Je pense que,
tous ensemble, nous aurions économiquement à y gagner, parce que,
au début, lorsque vous avez présenté votre mémoire,
c'était pas mal noir,
mais, en se parlant depuis que vous avez présenté votre
mémoire, c'est beau, la façon dont nous avons
échangé. Vous avez changé d'idée. Maintenant,
l'économie, ce n'est plus la loi 101, nous avons trouvé autre
chose. Nous avons donné l'exemple d'Ottawa qui donne 55% des budgets de
la recherche à l'Ontario, alors que le Québec n'a que 17%. Nous
avons pu établir certains problèmes qui n'étaient pas
causés par la loi 101.
Comme administrateurs publics, tous ensemble, n'y aurait-il pas
possibilité de nous épauler et de dire: La loi 101, c'est un
fait, c'est une minorité francophone qui est dans une majorité
anglophone au Canada. Il faut vivre avec cela, il faut préserver cette
minorité francophone canadienne et travailler tous ensemble à
revaloriser le Québec pour en faire un des champions en Amérique
du Nord. Je pense que nous pouvons le faire ensemble.
M. Auf'der Maur: Nous ne voulons que le bien de Montréal
et du Québec, nous ne voulons pas lui faire de tort car ce serait nous
faire tort à nous-mêmes. Nous sommes fiers d'être
Montréalais, nous sommes fiers d'être Québécois,
mais, vous savez, on peut faire toutes les campagnes de promotion et de
publicité d'une ville, parfois, toutes ces campagnes de promotion
peuvent être annulées par quelque chose. Par exemple, quand votre
gouvernement a décidé d'éliminer le mot "stop" sur les
signaux, cela a fait une drôle de publicité pour le Québec
dans tout le monde. En France, en Angleterre, en Russie même, on utilise
le mot "stop", sans parler des Etats-Unis. Cela fait drôle d'utiliser le
mot "arrêt", mais ce n'est pas nous qui faisons cela et ce n'est pas nous
qui le faisons publiquement, c'est le gouvernement. On sait que souvent il y a
beaucoup de problèmes à Montréal. Nous ne voulons pas tous
les rattacher au débat linguistique - je termine maintenant - mais
souvent, lorsqu'il y a des décisions économiques qui affectent
Montréal, c'est le débat linguistique qui est la goutte d'eau qui
fait déborder le vase.
Le Président (M. Gagnon): Merci.
M. Laplante: Merci, mais on s'entend pour revaloriser.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député de Bourassa. M. le député de Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, compte tenu de l'heure, je
serai très bref, je ne m'embarquerai pas dans une guerre de chiffres
avec le ministre, parce qu'on sait que les chiffres, on peut leur faire dire ce
que l'on veut, surtout quand le ministre s'en sert à dessein.
Le 12 mai 1983, il avait répondu au député de
Vachon, qui lui demandait de confirmer si les départs de l'Ontario vers
les autres provinces, au cours des derniers cinq ans, étaient d'environ
120 000 de plus que les départs du Québec vers les autres
provinces, il avait répondu - je cite le journal des Débats -
"Les chiffres de Statistique Canada démontrent qu'il y a plus de gens
qui ont quitté l'Ontario vers les autres provinces que de gens qui ont
quitté le Québec vers les autres provinces." Alors, l'affirmation
que le ministre faisait tantôt n'est pas nouvelle. Nous avons eu la
chance de le corriger, de l'amener a s'amender et il nous arrive à la
commission avec la même baliverne, à savoir qu'il n'y a pas de loi
101 en Ontario et pourtant, entre 1976 et 1981, il y a eu 120 000 personnes de
plus qu'au Québec qui ont quitté l'Ontario vers les autres
provinces.
Mais il oublie toujours de nous parler de ceux qui sont venus au
Québec et de ceux qui sont venus en Ontario, parce que c'est ce qui est
important. On n'a jamais prétendu, nous non plus, que l'exode ou le
départ de 103 000 anglophones sur une période de cinq ans vers
les autres provinces canadiennes était l'effet de la loi 101. On s'est
simplement posé la question à savoir si ceux qui ne sont pas
venus n'étaient peut-être pas venus, justement, à cause de
la clause restrictive ou de la clause Québec dans la Charte de la langue
française. Je pense qu'il s'impose qu'on rétablisse les
chiffres.
En 1976-1981, il y a eu 203 035 personnes qui ont quitté le
Québec vers d'autres provinces canadiennes et seulement 61 305 sont
venues s'installer au Québec en provenance des autres provinces, pour
une migration nette de 141 730 personnes. En Ontario, il est vrai que 328 640
personnes ont quitté vers d'autres provinces canadiennes, mais elles ont
été remplacées par 250 570 personnes. Et je mets le
ministre au défi - il a les chiffres devant lui, il va me suivre
jusqu'au bout - de contester ces chiffres officiels. Donc, la migration nette
en Ontario a été de 78 070 à comparer avec 141 730 ici.
C'est presque la moitié. C'est vrai qu'il n'y a pas de loi 101 en
Ontario et on est loin de penser que c'est uniquement à cause de la loi
101 que les gens ne sont pas venus.
Le ministre disait: Ce sont les facteurs économiques qui
amènent les gens à se déplacer d'une province à
l'autre, mais on pose la question suivante: Si la loi 101 contribue à un
climat économique qui n'est pas propice aux investissements - assez de
gens sont venus nous en faire part ici à la commission pour qu'on puisse
dire que l'on a une partie de la réponse - effectivement, la
francisation n'est pas quelque chose qui engendre ou qui a engendré un
climat
économique favorable jusqu'à maintenant. Le ministre nous
dit: En telle année, il y en a eu plus qui sont partis de l'Ontario que
du Québec, mais on pourrait comparer - c'est beaucoup plus significatif
- de 1971 à 1976, avant la loi 101, et parler de la migration nette. On
va constater que non seulement il y avait moins de gens qui quittaient le
Québec pendant cette période de cinq ans, mais qu'il y en avait
également plus qui venaient s'y installer, avec le résultat que
la migration nette était à peu près équivalente
à celle de l'Ontario. Les facteurs économiques et toutes les
autres choses dont nous a parlé le ministre, c'était la
même chose. C'était la même période de temps pour la
même province. La seule différence -je ne veux même pas
mentionner que c'était la seule différence - c'est qu'on avait un
gouvernement du Parti québécois au Québec et qu'en
Ontario, on avait le même gouvernement conservateur qui est là
depuis 40 ans, qui ne fait pas tellement de dogmatisme, mais qui semble
administrer la chose économique un peu mieux que le gouvernement
péquiste actuel. Je vous livre cela très gratuitement.
Voyons ce que donnait, entre 1971 et 1976, le nombre de gens qui ont
quitté le Québec: 138 475. C'est beaucoup moins que 203 000 entre
1976 et 1981, mais là où c'est plus important, les gens qui sont
venus, 79 060, pour une migration nette de 59 415. C'est deux fois et demie
moins qu'entre 1976 et 1981. On ne peut pas dire que cela s'est
amélioré. Le ministre nous dit: Elle était
commencée bien avant, la migration des gens. C'était
commencé, mais cela n'atteignait pas les proportions atteintes depuis
1976. Quand on compare les migrations nettes du Québec avec celles de
l'Ontario, pour la période de 1971 à 1976, 59 415 au
Québec, 52 110 en Ontario. C'est presque la même chose. Cela me
fait dire qu'il s'est passé quelque chose ici au Québec, entre
1976 et 1981, qui a amené les résultats qu'on connaît.
Tout cela pour dire, M. le Président, qu'on peut faire dire
à peu près n'importe quoi aux chiffres. J'inviterais le ministre
à ne pas se risquer là-dessus, parce qu'il a la mauvaise habitude
de citer des chiffres complètement de travers. Il nous parlait des
investissements des immigrants. S'il y a seulement 60 000 000 $ qui ont
été investis par tous les immigrants sur une période de
temps donnée au Québec, je pense qu'on doit s'en
inquiéter. On doit se demander pourquoi il n'y en a pas eu plus.
Félicitations à ceux qui sont venus, mais trouvons les raisons
pour lesquelles les autres ne sont pas venus. Bell Helicopter va venir, mais,
semble-t-il, on a dû donner certaines garanties par rapport à
l'accès à l'école anglaise pour les enfants. Le
gouvernement nous a dit: Non, c'est la loi qui s'applique. Pourtant, on a des
coupures de journaux qui nous disent qu'effectivement il y a eu des discussions
et que des concessions ont été faites par le gouvernement. Le
gouvernement veut conserver le symbole, il ne veut pas toucher à la loi,
mais, dans le fond, quand il en arrive à l'application, il fait comme
bon lui semble et essaie de cacher. On va se reprendre là-dessus, de
toute façon, avec le ministre en commission parlementaire.
Je termine là-dessus, M. le Président. Je ne toucherai pas
à l'exemple du député de Groulx au sujet des pompiers par
rapport aux infirmières. Je ne crois pas qu'il veuille suggérer,
quand une conflagration va se déclarer quelque part, qu'on envoie les
pompiers et que, constatant que ce sont des anglophones, on dise: Attendez, on
va aller chercher des gens qui peuvent vous parler. Ce n'est pas du tout la
même situation que dans un hôpital où on affecte des
infirmières à des patients de façon qu'ils puissent se
comprendre entre eux.
J'aimerais, en guise de remerciement, dire aux représentants du
GAM qu'on apprécie non seulement qu'ils soient venus nous rencontrer ce
soir, mais qu'on apprécie aussi l'initiative d'un membre de leur groupe
de sensibiliser la ville de Montréal et certaines villes de l'île
de Montréal, de la Communauté urbaine de Montréal,
à l'importance de venir faire des représentations devant la
commission parlementaire sur la question linguistique. On sait que, depuis fort
longtemps, les autorités municipales de Montréal, de même
que celles des villes environnantes, considéraient que ce n'était
pas leur rôle de s'exprimer sur les questions linguistiques. Cette
fois-ci, compte tenu de la perception que les élus municipaux de votre
région ont des effets de la loi 101, vous avez cru nécessaire de
venir nous dire ce qu'est votre perception et de nous faire des suggestions
quant aux accommodements et aux amendements qu'on devrait y apporter. Je pense
qu'on doit vous en féliciter et vous en remercier.
J'aimerais aussi vous demander de nous remettre une copie des
résolutions des autres villes dont vous nous avez parlé
tantôt, lesquelles, même si on n'a pas entendu ces villes ici
à la commission, pourront nous être utiles au moment du
débat sur le projet de loi que le ministre nous annonce pour le 15
novembre. Merci infiniment, messieurs.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député de Gatineau. M. le ministre.
M. Godin: Seulement deux mots: Merci, messieurs. Avec tous les
chiffres qui ont été cités, une seule conclusion s'impose,
M. le député de Gatineau: Depuis plus de dix ans, le
marché du travail au Québec est plus dynamique qu'en Ontario. Je
pense que c'est
également significatif, cela nous vient de Statistique Canada et
de la presse.
Ceci étant dit, messieurs, merci d'être venus. Je voudrais
joindre ma voix à celle du député de Gatineau pour
féliciter le conseiller municipal Sam Berliner d'avoir pris l'initiative
de demander au conseil de ville de Montréal de réfléchir
sur la loi 101. Le fruit des réflexions des deux partis - nous
rencontrerons le RCM d'ici quelques heures, en fait - le fruit de vos
réflexions collectives va nous aider à nous faire une meilleure
idée des changements que nous devrons apporter pour que la francisation
ne soit pas négative pour Montréal et le Québec, et
qu'elle se fasse dans le respect de la diversité culturelle du
Québec, et de Montréal, en particulier. Je vous remercie
beaucoup.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre.
Merci au Groupe d'action municipale de sa participation à cette
commission.
Avant d'ajourner nos travaux à demain, je voudrais vous souligner
que j'ai oublié de demander à la commission la permission de
continuer au-delà de 22 heures. Je présume que j'avais la
permission de la commission.
Des voix: Consentement!
Le Président (M. Gagnon): J'ai l'impression qu'on a eu le
consentement automatique, car personne ne s'est opposé.
Sur ce, auriez-vous quelque chose à ajouter?
M. Auf'der Maur: Non, je voudrais simplement exprimer nos
remerciements pour la manière dont vous nous avez reçus.
Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci beaucoup.
La commission élue permanente des communautés culturelles
et de l'immigration ajourne ses travaux à demain, 9 heures.
(Fin de la séance à 23 h 45)