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Version finale

32nd Legislature, 4th Session
(March 23, 1983 au June 20, 1984)

Friday, October 28, 1983 - Vol. 27 N° 159

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de personnes et d'organismes sur la Charte de la langue française


Journal des débats

 

(Neuf heures dix minutes)

Le Président (M. Laplante): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente des communautés culturelles et de l'immigration reprend ses travaux aux fins d'entendre des mémoires relativement à la Charte de la langue française, la loi 101.

Les membres de cette commission sont: M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Dupré (Saint-Hyacinthe), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Fallu (Groulx), M. Godin (Mercier), M. Gratton (Gatineau), Mme Lachapelle (Dorion), M. Laplante (Bourassa), M. Leduc (Fabre), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie) et M. Sirros (Laurier).

Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Doyon (Louis-Hébert), M. Brouillet (Chauveau), M. Dupré (Saint-Hyacinthe), M. Gauthier (Roberval), M. Lincoln (Nelligan), M. Martel (Richelieu), M. Polak (Sainte-Anne) et M. Marx (D'Arcy McGee).

Les mémoires que nous entendrons aujourd'hui sont les suivants: l'Institut conjoint hospitalier de Montréal, le Congrès juif canadien, la Commission des valeurs mobilières du Québec et le Centre de linguistique de l'entreprise.

J'appelle les représentants de l'Institut conjoint hospitalier de Montréal. Si vous voulez bien présenter...

Procès en français pour les Franco-Ontariens

M. Godin: M. le Président, avant de commencer, j'aimerais solliciter l'appui de l'Opposition pour que nous exprimions notre satisfaction à la suite de la décision du gouvernement ontarien d'accorder, non seulement par une concession verbale et arbitraire, mais par une loi, le droit des Franco-Ontariens d'avoir des procès en français dans les cours de l'Ontario.

M. Gratton: Je m'excuse, mais je n'ai pas...

M. Godin: Je sollicite votre appui pour que nous nous réjouissions ensemble et que nous manifestions notre satisfaction à la suite de la décision du gouvernement ontarien de reconnaître aux Franco-Ontariens, par une loi, le droit d'avoir des procès en français dans les cours ontariennes.

M. Gratton: Volontiers, M. le Président. Je félicite même le ministre de le souligner. Cela m'avait échappé.

Le Président (M. Laplante): Monsieur, si vous voulez bien vous présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît!

Auditions

Institut conjoint hospitalier de Montréal

M. Barkun (Harvey): Merci, M. le Président. M. le ministre, mesdames et messieurs, je suis le Dr Harvey Barkun, directeur général de l'Hôpital général de Montréal. À ma gauche, Me Pierrette Rayle-Gomery, présidente du conseil d'administration de l'Hôpital de Montréal pour enfants; Me Alex Paterson, notre conseiller juridique et professeur adjoint à la faculté de médecine de l'Université McGill, en jurisprudence médicale. À ma droite, le Dr Alan Mann, directeur du département de psychiatrie à l'Hôpital général de Montréal et professeur titulaire de psychiatrie à la faculté de médecine de l'Université McGill, et Mme Élaine Séra-fini, directrice des soins infirmiers à l'hôpital de Montréal pour convalescents.

Nous sommes là aujourd'hui, représentant quelque 29 hôpitaux anglophones de la région de Montréal et aussi un hôpital à Sherbrooke. Si vous voulez bien regarder le mémoire que nous avons envoyé, nous représentons également trois centres d'accueil.

Le Président (M. Laplante): Vous pouvez continuer, monsieur.

M. Barkun: Merci, M. le Président. Nous présentons ce mémoire aujourd'hui au nom d'établissements qui ont tous reçu le certificat de reconnaissance prévu aux termes de l'alinéa f) de l'article 113 de la Charte de la langue française, étant donné qu'ils fournissent tous des services à des personnes qui, pour la majorité, parlent une autre langue que le français.

Ces établissements qui, de tout temps, ont entretenu des liens étroits avec la communauté de langue anglaise dans son ensemble constituent un vaste échantillon représentatif du système de santé au Québec. Il s'agit de centres d'enseignement hospitaliers, d'hôpitaux de soins intensifs, de conva-

lescence, de traitements des maladies chroniques, de maisons de soins pour les personnes âgées et de centres de traitements spécialisés. Ces organismes sont étroitement liés à d'autres établissements du réseau des affaires sociales, notamment à des centres de services sociaux, des centres d'accueil et des centres communautaires locaux.

Chaque année, ils offrent leurs services à plus de 1 000 000 de patients. Ces établissements ont un effectif global de plus de 20 000 personnes, administrent un budget total de plus de 500 000 000 $ et offrent toute une gamme de services à un public composé de 60% à 100% de non-francophones.

Une très longue tradition veut que plusieurs de ces hôpitaux dispensent des soins aux malades et aux blessés, tout en enseignant les sciences de la santé. Ils comptent dans leurs rangs certains des plus anciens établissements hospitaliers du Canada dont la réputation internationale est de tout premier ordre. Pour eux, la recherche ne peut être dissociée ni de la pratique ni de l'enseignement. Ces hôpitaux ont été mondialement reconnus comme chefs de file de la recherche médicale. Ils ont été capables de recruter des chercheurs et de réaliser des découvertes qui ont été appliquées à l'échelle internationale. Il va de soi que les Québécois sont les premiers à être informés de ces découvertes, et également les premiers à en profiter.

Tous nos hôpitaux ont établi des liens très étroits avec les communautés qu'ils servent et avec la province où ils exercent leurs activités. Ces communautés comptent énormément sur les services qu'ils dispensent et nombre de ces établissements entretiennent des relations suivies avec le reste du Canada, de l'Amérique du Nord et du monde entier. Le caractère international de ces hôpitaux et leur renommée profitent à la population du Québec, dans son ensemble, et ce, de multiples façons. Dans le domaine médical, le Québec se fait connaître par des découvertes qui attirent les chefs de file de la médecine et nous permettent de bénéficier de leur expérience et de leurs connaissances. Chaque découverte lance de nouveaux travaux de recherche, ce qui contribue à créer des emplois. L'importance des retombées économiques directes et indirectes de tels programmes de recherche et d'enseignement est évidente.

Tous les établissements présentant ce mémoire aujourd'hui ont produit un effort authentique et sincère pour se conformer à l'esprit et à la lettre de la Charte de la langue française. De grands progrès ont été accomplis au niveau de la communication verbale et écrite, de l'information au public, ainsi que dans le recrutement de personnel pouvant communiquer facilement en français. Nous cherchons à parvenir à un bilinguisme total dans le but de pouvoir offrir des services en français à notre clientèle de langue française, en anglais, à notre clientèle de langue anglaise et, si possible, dans leur langue aux diverses communautés ethniques. Nous croyons que les progrès accomplis par nos établissements peuvent être facilement démontrés. La communication est un élément essentiel des services de santé. C'est dans leur propre langue que les malades mentaux, les adolescents, les personnes âgées et, en fait, tous les malades peuvent recevoir les meilleurs soins et être traités le plus humainement possible. Il n'est pas nécessaire de présenter des statistiques ou des preuves aux Québécois pour les convaincre qu'un enfant blessé dans un accident, ou devant subir une intervention chirurgicale ou même une simple injection doit être soigné dans sa propre langue.

Il y a au Québec au moins 700 000 personnes qui considèrent qu'elles appartiennent à la communauté de langue anglaise. Il est essentiel pour cette catégorie de population de recevoir ces services dans les établissements de langue anglaise. Ce mémoire expose les modifications minimales qu'il conviendrait selon nous d'apporter à la Charte de la langue française pour que nos établissements puissent non seulement survivre mais aussi assurer leur mission.

L'importance de dispenser ces services dans la langue du bénéficiaire est inséparable de cet objectif. Depuis que le projet de loi no 1 a été soumis aux délibérations de l'Assemblée nationale en 1977, rien ne s'est produit qui puisse nous faire changer d'opinion sur la question. Cependant, nous sommes également soucieux de sauvegarder les établissements de langue anglaise, non seulement parce qu'ils ont toujours fait partie intégrante de la vie et de la culture du Québec, mais aussi parce qu'ils ont un rôle essentiel à jouer vis-à-vis de la population de langue anglaise, comme nous l'avons souligné ci-dessus. Personne d'ailleurs n'irait prétendre que le gouvernement a l'intention d'éliminer les services offerts dans leur langue aux personnes de langue anglaise. Toutefois, si la Charte de la langue française n'est pas modifiée, il est peu probable qu'il y ait encore au Québec d'ici un certain nombre d'années des établissements capables de s'acquitter de leur rôle traditionnel, c'est-à-dire de dispenser des services en anglais.

À notre sens, la Charte de la langue française n'impose pas le bilinguisme individuel au personnel de nos établissements. Le fait d'exiger de la part de tous les établissements de la province qu'ils puissent offrir leurs services dans la langue officielle n'implique pas que tous les membres du personnel de l'établissement aient à être bilingues. Certaines opinions ont clairement été exprimées qui pourraient faire croire que

le bilinguisme individuel est requis. Ce malentendu doit être dissipé au plus vite. C'est de bilinguisme institutionnel qu'il doit s'agir, sans quoi nous nous trouvons menacés de perdre de nombreux médecins réputés dans le monde de la recherche scientifique, ainsi que plusieurs spécialistes de tout premier plan en diverses techniques médicales, ce qui entraînerait de graves conséquences au niveau des soins que nous dispensons.

En plaidant pour le bilinguisme institutionnel, notre souci primordial est de préserver l'excellence qui constitue la norme actuelle en matière de prestation de soins de santé dans cette province ainsi que d'assurer le maintien du réseau de santé de langue anglaise.

Notre deuxième souci concerne davantage ceux qui travaillent dans nos établissements et dont la présence est nécessaire si nous voulons que nos établissements de langue anglaise conservent à l'avenir leur caractère propre.

À l'heure actuelle, nous pouvons constater que les employés de nos établissements vivent constamment dans la peur d'être dénoncés à la commission de surveillance ou à l'Office de la langue française pour avoir parlé anglais dans l'exercice de leurs fonctions. Nos administrateurs ont eu connaissance de cas précis où des infirmières expérimentées et qualifiées redoutaient de soigner des patients de langue française et attendaient d'être accompagnées d'un collègue de langue française pour prodiguer les soins. D'autres hésitent tout simplement à parler aux patients de langue française pour éviter une confrontation avec la Commission de surveillance de la langue française.

Nos établissements emploient un grand nombre de travailleurs non spécialisés dont la présence est essentielle à leur bonne marche.

Bon nombre de ces travailleurs craignent que leur poste soit menacé si la loi n'est pas modifiée d'ici à la fin de l'année. Ils estiment aussi n'avoir aucune chance de promotion ou de mutation vu que, du fait de leur âge ou de leur situation personnelle, ils ne seront jamais suffisamment bilingues pour réussir les tests de français même si le gouvernement estimait pour sa part, en 1977, que le bilinguisme était à la portée de n'importe quelle personne suffisamment motivée.

Un grand nombre d'aides-infirmiers originaires de certains pays échouent constamment aux tests de français qu'ils doivent absolument passer pour être engagés ou conserver leur poste, et ce, malgré des tentatives répétées. D'autre part, il est injuste de soumettre à des tests de français des employés qui travaillaient dans nos établissements bien avant l'institution de ces tests, et qui, maintenant, ne peuvent être ni promus, ni mutés parce qu'ils ne les réussissent pas.

Il est nécessaire que la loi reconnaisse les droits acquis de notre personnel, de même que les droits à la mutation, à la promotion ou à l'emploi des autres membres de la collectivité de langue anglaise au sein de nos établissements. Il importe que nos employés puissent continuer à soigner les malades sans se tourmenter tous les jours pour leur avenir, et que les changements nécessaires soient apportés pour les rassurer et corriger cette situation intolérable.

Pour que les établissements de langue anglaise conservent leur caractère propre, il importe que les réunions, les communications et les activités quotidiennes puissent se dérouler en anglais. Cela n'empêcherait d'ailleurs pas ces établissements de dispenser des soins aux patients de langue française en français, et de respecter le droit des employés de langue française de s'acquitter de leurs fonctions en français.

Toutefois, l'article 113f a reconnu le caractère distinct de nos établissements. D'ici à la fin de l'année, lorsque les articles 15 et 23 seront appliqués, il se peut que nos établissements soient francisés au point qu'il n'y ait plus guère de distinction. Dans ces conditions, l'avenir de l'hôpital de langue anglaise semble peu brillant.

Je demanderais a M. Paterson de continuer, si vous le voulez bien, M. le Président.

M. Paterson (Alex): Merci, Dr Barkun. Pour sauvergarder la vocation traditionnelle de nos établissements, tout en respectant l'esprit de la loi, nous recommandons que les changements suivants soient apportés à la Charte de la langue française.

Je suis à la page 6, je vais continuer avec les articles du chapitre IV sauf l'article 20 que le Dr Barkun va traiter plus tard. Comme il y a les exceptions, je dois naturellement toucher les articles 70, 89 et les autres, durant ma présentation.

Premièrement, l'article 14: "Le gouvernement, ses ministères, les autres organismes de l'administration et leurs services ne sont désignés que par leur dénomination française. "Nous recommandons d'ajouter un deuxième alinéa à cet article, en conformité avec l'article 26 et afin d'étendre le principe de l'article 70 aux établissements nouvellement créés: Les établissements reconnus en vertu de l'alinéa f de l'article 113 peuvent utiliser une dénomination dans la langue officielle et en anglais." Je dois souligner que cela ne change presque rien, mais cela réfère automatiquement à l'article 14 sans référence à toutes les autres règles. C'est clair que ce n'est pas l'article 4 qui dit qu'ils ne sont désignés que par leur dénomination française. Mais si vous mettez ensemble les articles 70, 26 et 14, je pense

que ie principe est là; mais on voudrait en être certains.

Les articles 16 et 17. On n'a pas répété l'article 16 dans le mémoire, mais comme tout le monde est au courant, l'article 16 dit: "...dans ses communications écrites avec les autres gouvernements et avec les personnes morales établies au Québec." Maintenant, l'administration n'utilise que la langue officielle. On n'a rien dit, mais depuis que nous avons préparé notre mémoire, on a réalisé qu'il y a des échanges entre les hôpitaux et le gouvernement de la province et également avec le gouvernement des États-Unis, avec Washington, etc. Vraiment, il n'y a aucun bon sens à insister que l'Hôpital général de Montréal et le Royal Victoria écrivent à Washington uniquement en français. On peut écrire dans les deux langues, mais je pense que la règle du bon sens, c'est d'écrire seulement en anglais, dans ces circonstances.

L'article 17. "Le gouvernement, ses ministères et les autres organismes de l'administration utilisent uniquement la langue officielle dans leurs communications écrites entre eux." Je pense qu'il n'y a aucun doute qu'après l'affaire Delaney, c'est la règle; il n'y a pas d'exception. On trouve cela un peu bizarre - sinon ridicule - quand un hôpital doit écrire au centre Ville-Marie ou à un autre centre dans le réseau, qu'il doive écrire uniquement dans la langue officielle. Ainsi, on suggère un amendement: "Les établissements reconnus en vertu de l'article 113f peuvent communiquer entre eux dans la langue officielle ou en anglais."

Quant à l'article 18, il y a énormément de confusion, si on fait référence aux mémoires déjà présentés par plusieurs associations. On doit avoir au moins une clarification. La règle de l'article 18, c'est: "Le français est la langue des communications écrites à l'intérieur du gouvernement, de ses ministères et des autres organismes de l'administration." C'est vrai. Quant à l'article 26, il leur permet d'utiliser à la fois le français et une autre langue dans leurs communications internes. On ne parle pas de communications écrites, mais quand même. Il y a une règle à l'article 26 qui touche le problème. Si l'article 18 demeure inchangé et tout particulièrement si l'article 113f n'est pas prolongé au-delà de 1983, il n'existera pas d'unité de principe.

Bien que les communications de nature générale entre l'administration et le reste de l'hôpital ou des centres puissent facilement s'écrire en français, il s'agit une fois de plus d'un refus de reconnaître des établissements de langue anglaise ou d'autres langues, tout spécialement lorsque cette règle s'étend jusqu'à exiger que les communications internes entre deux personnes de langue anglaise se fassent dans la langue officielle. Relativement à l'article 26, ce n'est même pas clair quand la loi dit qu'ils peuvent utiliser à la fois la langue officielle et une autre langue: Est-ce que cela veut dire que quand le Dr Mann parle au Dr Barkun, il doit le faire en français, en anglais ou je ne sais quoi? Mais, au moins, on doit avoir une clarification et ce qu'on suggère encore, c'est: "Dans les établissements reconnus en vertu de l'article 113f, les communications internes entre deux personnes de langue anglaise peuvent se faire en anglais."

L'article 21, à la page 9 de notre mémoire, touche à peu près le même principe. "Les contrats conclus par l'administration, y compris ceux qui s'y rattachent en sous-traitance, sont rédigés dans la langue officielle. Ces contrats et les documents qui s'y rattachent peuvent être rédigés dans une autre langue lorsque l'administration contracte à l'extérieur du Québec". (9 h 30)

L'article 21 ne tient pas compte des contrats conclus entre les établissements reconnus en vertu de 113f ou entre ces établissements et les employés de langue anglaise. Nous recommandons que les établissements reconnus en vertu de 113f puissent rédiger des contrats et des documents connexes en français ou en anglais, selon les voeux exprimés par les parties. Ce n'est pas un principe extraordinaire parce que c'est déjà dans l'article 55 pour les affaires commerciales.

Finalement, l'article 22: "L'administration n'utilise que le français dans l'affichage, sauf lorsque la santé ou la sécurité publique exigent aussi l'utilisation d'une autre langue." Nous recommandons d'ajouter un deuxième alinéa, en conformité avec l'article 24: "Les établissements reconnus en vertu de l'alinéa f) de l'article 113 peuvent afficher en français et en anglais."

On soumet que, lorsque les centres -selon 113f, si vous voulez - anglophones ou les centres d'une autre langue que le français communiquent et quand les personnes de langue anglaise parlent entre elles, la règle doit être assez souple pour permettre qu'ils puissent se parler entre eux dans leur langue et qu'il n'est pas nécessaire chaque fois de le faire dans les deux langues. Je pense qu'avec ces amendements le débat sur la question d'interprétation va au moins être réglé, et les principes ne sont pas déjà tellement extraordinaires suivant la portée générale de la loi. Dr Barkun.

Une voix: Merci.

M. Barkun: M. le Président, sur la question d'examen de la connaissance de la langue française, nous avons déclaré plus haut qu'au sens où nous l'entendons la loi n'exige pas que tout employé de nos établissements parle français. Alors que la majorité

des patients auxquels nous dispensons des soins n'est pas de langue française, il serait tout à fait inefficace et injuste de suggérer l'application d'une telle formule. Nous espérons qu'à l'occasion de dialogues qui auront lieu au cours de ces audiences, les débats concernant le bilinguisme institutionnel de nos hôpitaux par rapport au bilinguisme individuel de tous nos employés seront clôturés au profit du bilinguisme institutionnel. Nous sommes prêts à accepter de nous charger d'assurer que nos services soient offerts dans la langue officielle -c'est chose possible - sans pour autant devoir exiger que chaque employé soit bilingue.

Il ne nous semble pas nécessaire ni justifié de demander à ceux qui ont terminé leurs études secondaires au Québec de se soumettre, après avoir été diplômés, à un nouveau test destiné à vérifier leur connaissance du français. L'article 84 de la loi stipule qu'un certificat d'études secondaires ne peut être décerné à un élève qui n'a pas une connaissance suffisante du français écrit et parlé, tel qu'exigé par le ministère de l'Éducation. Dans ces conditions, comment le gouvernement peut-il, d'un côté, remettre un tel certificat à un étudiant qui déclare posséder une connaissance suffisante du français écrit et parlé, selon les exigences du ministère, et, de l'autre côté, demander à ce même étudiant de passer un autre test pour pouvoir travailler dans un hôpital? Toutes les personnes possédant un certificat de fin d'études secondaires décerné par la province de Québec devront de toute évidence être exemptées de ce contrôle.

En ce qui concerne le personnel venant de l'extérieur du Québec, les tests semblent poser des difficultés considérables aux aides-infirmières et dans une moindre mesure aux infirmières. Il est certainement difficile pour des personnes venant de certains pays d'apprendre le français. Par ailleurs, de grands torts ont été causés à des personnes qui comprennent très bien la langue et la parlent couramment mais échouent néanmoins aux tests. Pour éliminer toute crainte inutile de discrimination, nous recommandons que les tests soient abolis. Nous recommandons de remplacer le deuxième alinéa de l'article 20 par le suivant en conformité avec l'article 23: "Les organismes de services médicaux et de services sociaux reconnus en vertu de l'alinéa f) de l'article 113 doivent veiller à offrir leurs services dans la langue officielle.

M. Mann (Alan): Merci Dr Barkun. Nous sommes maintenant, M. le Président, à la page 10, en haut de la page. Je voudrais, avec votre permission, faire la lecture du paragraphe f) de l'article 113 dont on a beaucoup parlé ce matin. Le paragraphe f) de l'article 113 se lit comme suit: "L'office doit reconnaître d'une part les organismes municipaux, les organismes scolaires, les services de santé et les services sociaux qui fournissent leurs services à des personnes en majorité d'une langue autre que française et d'autre part, les services qui, dans les organismes scolaires, sont chargés d'organiser ou de donner l'enseignement dans une langue autre que le français."

Je ferai maintenant la lecture de l'article 25 qui se lit comme suit: "Les organismes municipaux et scolaires, les services de santé et les services sociaux reconnus en vertu du paragraphe f) de l'article 113 doivent se conformer aux articles 15 à 23 avant la fin de l'année 1983 et prendre, dès l'entrée en vigueur de la présente loi, les mesures voulues pour atteindre cet objectif.

Comme nous l'avons déjà mentionné, le paragraphe f) de l'article 113 reconnaît le caractère distinctif de nos établissements. Nous ne voulons pas voir ces derniers effrités et érodés par l'imposition d'une date limite arbitraire telle que celle qui est stipulée à l'article 25. Nous sommes persuadés qu'en adoptant la Charte de la langue française, le gouvernement n'avait pas l'intention d'éliminer les établissements de langue anglaise qui, depuis très longtemps, ont joué un rôle important et productif au sein de la société québécoise. Certains de ces établissements existent depuis plus de 50 ans, d'autres depuis plus d'un siècle. Si l'article 25 n'est pas éliminé, plusieurs de ces établissements pourraient disparaître.

Nous recommandons donc que la dérogation accordée aux établissements reconnus en vertu de l'article 113f soit prolongée au-delà de la fin de l'année 1983. Nous sommes également d'avis que la règle même de l'article 113f devrait être reconsidérée.

L'obligation d'établir la distinction ainsi que de préparer des statistiques sur ceux qui parlent une langue plutôt qu'une autre, au moment où ils viennent demander des soins médicaux, est inadmissible en elle-même. Il existe certainement d'autres méthodes plus valables et moins détestables pour reconnaître que ces établissements ont le droit de déroger à certaines des clauses de la charte. On pourrait, par exemple, prendre en considération leurs racines historiques, leur caractère culturel, le type de communautés auxquelles ils dispensent en majorité leurs services, leurs relations avec les autres établissements ainsi que les souhaits de ceux qui, bénévolement, font partie des conseils, des femmes auxiliaires, des comités, etc.

A moins d'entreprendre immédiatement l'étude de nouveaux critères pour reconnaître la catégorie d'établissements que nous représentons, nous recommandons vivement d'éliminer l'article 25.

Les établissements que nous représentons ont, de tout temps, offert des

services médicaux aux personnes qui en avaient besoin, quelle que soit leur langue. Les changements que nous proposons ne modifient en rien cette mission. Le personnel de langue anglaise de notre réseau de services de santé a accompli des progrès extraordinaires en français et nos établissements les encouragent encore dans ce sens. Comme nous l'avons déjà souligné, nous sommes par ailleurs décidés à tout mettre en oeuvre pour conserver nos établissements et nous croyons que les amendements à la Charte de la langue française que nous avons proposés plus haut permettront d'atteindre cet objectif, c'est-à-dire conserver le caractère culturel de ces établissements.

Si vous me le permettez, M. le Président, je voudrais citer ce que le premier ministre Lévesque a déjà dit: "Nous sommes conscients de l'importante contribution passée ou présente des institutions anglophones au développement de notre société et nous respectons le désir de la communauté anglophone de conserver à ces organismes leur caractère particulier."

Je cède maintenant le micro au Dr Barkun.

M. Barkun: Merci, Dr Mann. Avant de conclure, M. le Président, je voudrais apporter un petit amendement à la page 10, si vous le voulez bien, à l'article 26, qui se lirait comme suit: "devrait être éliminé si les articles 14 et 18, amendés tels que proposés, sont adoptés"

L'enquête réalisée par SORECOM pour le Conseil de la langue française concernant la situation linguistique de quatre hôpitaux de langue anglaise à Montréal aboutissait à la conclusion que personne ne souhaite voir se politiser le débat concernant l'usage du français dans les hôpitaux de langue anglaise et certainement pas les patients. Les enquêteurs conseillaient de chercher d'autres méthodes de négociation pour résoudre ce conflit en respectant le bien-être des malades et celui des spécialistes concernés. Nos institutions sont prêtes à négocier pour trouver une solution à ce conflit linguistique qui respecterait le bien-être des malades tout autant que celui des spécialistes concernés. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): Merci, M. Barkun. M. le ministre.

M. Godin: Dr Barkun, Dr Mann, Me Paterson, Mme Rayle-Gomery et Mme Serafini, soyez les bienvenus à cette commission. La qualité des institutions que vous représentez ici est un fait certainement reconnu dans l'ensemble du Québec et dans le monde, dans plusieurs cas. D'ailleurs, je pense que c'est un des hôpitaux membres de votre association, l'hôpital St. Mary's, qui a obtenu, il y a quelques mois, le prix

Persillier-Lachapelle qui confirme la qualité des soins qui y sont donnés. Donc, vous avez atteint un tel degré de qualité que vous avez de plus en plus une clientèle francophone qui va chez vous - ce qui existe depuis toujours - parce qu'ils se sentent mieux chez vous que dans d'autres hôpitaux 100% francophones, ce qui atteste de la qualité non seulement des soins, mais de la qualité du caractère partiellement français de vos institutions.

Si je reviens à votre mémoire, je dois dire que vous avez raison, Me Paterson et Dr Barkun en affirmant que certains articles de la loi semblent contredire certains autres. Nous avons donc l'intention d'abolir la confusion qui peut découler de ces contradictions. Ce que je veux dire par là, c'est que nous ne voulons plus jamais que quelque institution anglaise que ce soit se croie menacée par l'article 25. Nous voulons que le caractère anglais des institutions reconnues en vertu de l'article 113f soit consacré et que les articles 14 à 29 soient aménagés et rédigés de telle manière qu'il ne soit plus possible aux personnes qui travaillent chez vous de craindre pour l'avenir des institutions anglaises que vous représentez; surtout, qu'il ne soit plus possible aux gens de l'extérieur de vos institutions de répandre, comme certains l'ont affirmé, la rumeur que le gouvernement du Québec visait à abolir ces institutions. Telle n'a jamais été l'intention d'aucun gouvernement qui a siégé ici et encore moins de l'actuel gouvernement du Québec. Ce que je veux vous dire ce matin, c'est que la spécificité des institutions reconnues à l'article 113f sera de façon claire et irréfutable reconnue par des amendements à ces articles.

En d'autres termes, pour revenir à votre mémoire et à la partie que Me Paterson a lue, la question de la dénomination sera éclaircie de façon permanente dans la loi. Deuxièmement, il n'a jamais été question non plus du bilinguisme de tous et chacun des employés qui travaillent chez vous; l'article 20 nous semblait clair là-dessus. Je relis la partie qui vous concerne: "Pour être nommé, muté ou promu à une fonction de l'administration -donc, dans les hôpitaux que vous mentionnez par extension - il faut avoir de la langue officielle une connaissance appropriée à cette fonction. Ce que cela signifie depuis six ans, c'est que ne devront connaître le français que ceux qui ont des contacts avec les patients francophones chez vous, ou avec l'administration. Je pense que cela ne pose aucun problème. Je vous écoute ce matin et votre français est meilleur que le mien. Donc, dans vos relations avec l'administration, c'est-à-dire avec le ministère, il n'y a aucun problème.

Donc, que ce soit bien clair: le gouver-

nement a fait son lit sur cette question et il nous a étonné souvent de voir qu'en dépit de la rédaction de l'article 20 et de l'article 25 il y ait des doutes qui subsistent et qu'on fasse circuler toutes sortes de déclarations à l'emporte-pièce qui tendent à faire croire que le gouvernement avait, en quelque sorte, le fusil sur la tempe des institutions anglophones. Il n'en est rien et les articles mentionnés seront modifiés en conséquence.

D'autre part, il n'a jamais été question non plus - et cela a été dit et répété - que la loi 101 oblige les employés des hôpitaux et des institutions de santé anglophones à se parler en français. Je veux que cela soit bien clair et je le dis devant le grand public. Et je souhaite que les médias, qui ont écrit des choses très positives sur la loi 101, comme vous le savez, écrivent une autre chose très positive: il n'a jamais été question d'exiger que la langue parlée dans les institutions anglophones entre employés ne soit pas la langue que les employés choisiront. Il n'en va pas de la même manière, par ailleurs, pour ce qui touche les patients.

Si un patient francophone arrive chez vous, il est également important que nous nous assurions qu'il ait accès à des services dans sa langue. Je pense que c'est l'intention de vos institutions de le faire et que vous n'endossez pas une déclaration d'un autre organisme qui représente la communauté anglophone qui est venu dire ici qu'un patient francophone qui va dans une institution anglophone devrait s'attendre à se faire parler anglais. Je ne pense pas que vous partagiez cette opinion. Merci, cela me rassure.

Je pense que c'est important de le dire, parce que j'ai lu toutes sortes de déclarations de ce type, pas seulement au Québec, mais dans des journaux d'autres régions canadiennes et d'autres pays même. Il faut que ce soit bien clair: la langue parlée dans vos institutions est celle que décident ceux qui parlent et non pas le gouvernement.

Deuxièmement, l'affichage interne et externe de vos institutions c'est le français et l'anglais. Les communications écrites internes c'est le français et l'anglais. Les communications entre les institutions, le gouvernement n'a pas terminé sa réflexion sur cette question. Mais c'est un des points sur lequel nous nous penchons présentement avec intensité.

En terminant, je vous poserai deux questions. En résumé ce sont mes remarques par rapport à votre mémoire lequel est très convaincant et très bien fait et il me semble fort raisonnable, je vous le dis comme je le pense.

Lorsque vous parlez des tests linguistiques, c'est-à-dire des examens de français que l'office fait passer aux élèves sortant du secteur anglais du Québec, vous qui engagez un certain nombre de ces personnes qui sortent du secteur anglais du Québec, est-ce que vous avez pu vérifier si leur connaissance du français appropriée à certaines fonctions est satisfaisante?

M. Barkun: Oui. M. le ministre, d'abord permettez-moi de vous dire - je crois que je parle au nom de tous mes collègues - que je me réjouis de vos paroles ce matin et de la façon dont vous avez accepté notre argumentation. Je suis très content de savoir que le gouvernement compte reconnaître de façon permanente le caractère de nos établissements et qu'il pense, comme nous, qu'il s'agit du bilinguisme institutionnel. Je me réserve peut-être le droit de revenir deux secondes sur la question des communications écrites mais je le ferai après la réponse à la question.

En ce qui concerne le "testing", l'examen de la connaissance de la langue française, l'article nous a permis depuis longtemps de faire effectuer nos propres tests. Par l'entremise de l'Institut conjoint hospitalier de Montréal nous avons élaboré les tests en français, nous les avons fait agréer par l'Office de la langue française, comme prévu dans la loi, et, suivant l'établissement on fait passer les tests. Vous avez tout à fait raison quand vous parlez du français approprié en ce qui concerne les postes à remplir. Vous avez plusieurs exemples. Par exemple, tout le monde sait que depuis quelques années, les hôpitaux du Québec ont des contraintes budgétaires très importantes. Par conséquent, à l'intérieur de la convention collective, nous sommes passés par le fameux "bumping". Tout le monde s'est demandé, lors du "bumping", s'il fallait faire passer le test à quelqu'un qui allait d'un poste à l'autre. Après avoir demandé cela à l'Office de la langue française, nous avons eu non pas une opinion, mais un écrit de l'Office de la langue française, disant que pour les mutations ce n'était pas nécessaire à l'intérieur des conventions collectives.

Dans plusieurs institutions comme la mienne - je veux surtout parler de la mienne - l'Hôpital Général de Montréal, on n'a fait passer le test que lorsqu'il s'agissait vraiment d'un poste très différent du poste déjà rempli par l'employé. S'il s'agit d'un poste semblable, le bureau des ressources humaines fait l'interview du candidat et le poste est rempli. Par conséquent, depuis trois ans, je crois, pour ce qui est du nombre de tests officiels - je ne vous parle pas des professionnels qui passent le test par le truchement de leur propre corporation - à l'intérieur de l'hôpital, nous avons testé trois personnes. D'autres hôpitaux font... Vous savez, entre faire passer des tests à tout le monde et à trois personnes, il y a des mesures qui peuvent varier. Il y a même un

établissement, m'a-t-on dit - je n'ai pas les chiffres devant moi - qui a fait subir le test à plus de 200 personnes. Les notes de passage sont différentes suivant les connaissances requises pour remplir le poste.

À ma connaissance, je crois qu'aucun employé encore ne s'est opposé au résultat des tests. C'est-à-dire que pour le déplacement ou le fait de remplir un poste, les gens ont trouvé que les tests étaient justes malgré le fait que beaucoup redoutent le simple fait de passer un test. Le système est un système d'examen à choix multiples. Beaucoup de personnes, dans notre société, n'ont jamais passé de tests à choix multiples. Les personnes qui font passer les tests passent beaucoup de temps, avant le test, pour que la personne, d'abord, soit relaxée et, deuxièmement, pour qu'elle sache pertinemment de quoi il s'agit. Mais, à ma connaissance, le fait de passer ces tests avec diverses notes de passage n'a jamais créé de difficulté. Mais le style est différent selon l'établissement. Dans certains, on s'assure, comme on l'a dit dans notre mémoire, que la capacité française est présente pour soigner nos malades.

M. Godin: J'ai des chiffres qui me viennent de l'institut dont vous faites partie. Au 6 juin 1983, il y a 233 candidats dans l'ensemble du réseau qui ont été soumis à ces tests. J'aimerais avoir une réponse plus précise à la question. D'après votre connaissance des faits, est-ce que les diplômés qui sortent du réseau anglais d'enseignement ont une connaissance suffisante du français? Au fond, si nous appliquons votre proposition de remplacer les examens au niveau d'âge supérieur auquel les gens sont rendus quand ils sont chez vous par l'examen de français au sein du système scolaire anglais, je vous pose la question: Est-ce que vous croyez que ces examens de français au sein du système scolaire anglais peuvent permettre à une personne de travailler chez vous en français si son poste exige une connaissance appropriée du français?

M. Barkun: Heureusement, M. le ministre, que vous avez dit à ma connaissance, parce que mes enfants ont suivi l'instruction française, donc je ne sais pas quelle est leur capacité, suivant votre question. De mon temps, j'aurais dit non. Quand je suis sorti de l'école anglaise de Montréal, je savais dire: oui, non, merci beaucoup. C'est à peu près tout. J'ai l'impression, par le truchement des amis de mes enfants, que chez les anglophones qui quittent les écoles secondaires anglaises actuellement, la grande majorité de ceux qui restent au Québec parle français.

M. Godin: Entre parenthèses, vous avez quitté l'école avec une connaissance minimale du français mais depuis, vous vous êtes repris énormément, comme moi d'ailleurs en anglais. Did it impose on you a special stress or was it easy and rather a pleasure than a martyr?

M. Barkun: Not at all, Mr. Minister, my wife is French. It was a pleasure.

M. Godin: Thank you so much. Merci beaucoup. J'ai une dernière question à vous poser. Pourrais-je savoir quelle mesure vous prenez face à un patient unilingue français pour vous assurer, de son entrée à l'hôpital jusqu'à sa sortie - en meilleure santé, je présume, la plupart du temps - qu'il pourra faire comprendre et comprendre la seule langue qu'il parle chaque fois qu'il aura besoin de converser avec un membre du personnel chez vous?

M. Barkun: Dès son entrée, nous avons la garantie que tout le personnel en matière de première présentation, soit à l'urgence et au bureau d'admission, etc., est parfaitement bilingue. Ce sont des gens qui parlent le français comme vous et moi. Lors de l'arrivée à l'unité de soins, la très grande majorité - on a fait un inventaire détaillé -a une capacité totale, à 100%, bilingue: français et anglais. Dans certaines unités, surtout les quarts de nuit où nous sommes encore pris avec une convention collective et où nous avons un personnel permanent, que l'on ne peut pas bouger à cause des clauses de mobilité, on a pris deux mesures, d'abord on leur a fait suivre des cours de français. J'ai des chiffres devant moi du nombre de personnes qui depuis 1974, pas seulement 1977, suivent des cours de français à l'hôpital. Mais on s'assure surtout qu'au moins deux membres du personnel dans chaque unité de soins puissent parler en français. S'il ne s'agit pas directement de l'infirmière qui soigne le malade, qu'au moins il ait une aide-infirmière, un coordonnateur d'unité, un infirmier, etc. On s'assure de cela. Donc, on peut vous garantir que la capacité est de 100%.

M. Godin: Merci.

M. Paterson: M. le Président, puis-je poser une question?

Le Président (M. Laplante): Oui, allez- y.

M. Paterson: Je dois revenir à l'article 18, parce que si j'ai bien compris vos remarques, vous avez dit que vous insistez encore sur le fait que lorsque deux personnes ont des communications écrites à faire dans un hôpital anglophone ou autre, elles doivent les faire en anglais et en français. Si je

comprens bien les renseignements de mes collègues, cela a créé des problèmes. Premièrement, c'est une duplication; cela prend deux fois plus de temps; deuxièmement, cela a créé l'impression que ce ne sont vraiment pas des institutions à caractère différent des autres. Quand deux personnes de langue anglaise doivent écrire la lettre en anglais, faire une traduction, quand elles sont capables de le faire ou écrire la lettre une deuxième fois en français ou le contraire, c'est une question pratique, mais c'est aussi une question symbolique... Si deux anglophones dans un hôpital anglophone doivent écrire une lettre deux fois, une fois en anglais et l'autre en français, cela crée une perception un peu différente que la perception que vous avez donnée et que j'accepte totalement. (10 heures)

M. Godin: Vous savez très bien, Me Paterson, qu'il m'arrive moi-même d'écrire des lettres à des commettants de mon comté qui sont grecs: je leur écris en français et en grec, mais vous pensez bien que ce n'est pas moi qui fais la traduction en grec. Les dix ou quinze ou vingt mots - je ne sais pas trop, cela dépend des gens que je fréquente, M. le député de Laurier - les quelques mots que je sais en grec ne me permettent pas malheureusement, pour l'instant, mais cela viendra peut-être, d'écrire en grec.

Mais au fond votre description de la situation n'est pas conforme aux faits tels que je les observe au gouvernement ici. Nous écrivons évidemment une lettre en français, mais toute traduction est confiée à un bureau de traducteurs. Cela signifie que le stress n'est pas sur l'auteur de la lettre, mais est transmis à un service de traduction à l'intérieur du gouvernement qui s'occupe... Le ministère des Communications au gouvernement ici assume cette fonction, dans plusieurs langues d'ailleurs, pas seulement en anglais ou en français.

Ma question est donc la suivante: Est-ce que déjà vous avez un mini-service de traduction dans divers hôpitaux? La solution que nous vous proposons - je vais vous en dire la logique parce que cela semble à certaines personnes comme une aberration -sa logique tient à ceci: C'est que vous êtes un organisme public subventionné en partie par des dons, des subventions et des fondations. D'ailleurs les hôpitaux anglophones sont beaucoup plus développés que d'autres réseaux hospitaliers au Québec quant à l'appui que leur donne la population qu'ils desservent. À mon avis c'est un exemple que l'ensemble des institutions au Québec devraient suivre.

Mais l'idée ou la logique derrière cette option c'est que nous voulons que le ministère des Affaires sociales, par exemple, ait accès aux documents de l'hôpital dans la langue officielle. Il est entendu, si on décrit la situation de la façon dont vous le faites, Me Paterson, que le Dr Barkun serait obligé de dicter un rapport médical en anglais et ensuite de le dicter à nouveau en français. Il est sûr que ce serait un stress pour lui. Il a d'autres choses à faire dans la vie que de traduire. Mais il y a des gens dans l'hôpital chez vous, docteur, et dans l'ensemble du Québec qui se font un plaisir de traduire dans la langue officielle les documents qui émanent des institutions publiques qui ne sont pas françaises.

M. Paterson: M. le ministre, je vais commencer mais je veux que le Dr Barkun termine. Il y a deux questions. Premièrement je pense que l'exemple d'une lettre entre votre bureau et une personne de langue grecque n'est pas la situation dont nous parlons, car if your were a Greek minister writing to a Greek person, that would be the situation we are talking about. We are not talking about a French-speaking person in our hospital writing to an English-speaking person. Were are talking about two English-speaking people compelled to write to each other in English and then to write again in French, be it through a translation or not. C'est la première chose.

La deuxième chose: vous faites peut-être une distinction entre un genre de mémo très officiel et d'autres genres de mémos, mais je ne crois pas que le ministère des Affaires sociales regarde tous les mémos entre tous les gens dans tous les hôpitaux. Comme cela, je pense que ce n'est pas vraiment nécessaire d'avoir tous les mémos en langue française pour que les gens du ministère des Affaires sociales puissent comprendre. Je pense vraiment que ce n'est pas à ce niveau. Ce qu'on veut éviter, c'est qu'on ait un système de traduction pour tous les échanges entre les personnes de langue anglaise dans les hôpitaux. Dr Barkun.

M. Barkun: M. le ministre, si je peux suggérer avec notre pragmatisme anglophone habituel, que la possibilité de communiquer en anglais soit donnée aux individus... Je ne parle pas des groupements... Déjà toute note de service qui sort est dans les deux langues, en français d'abord, et ce depuis des années. Par exemple, j'ai six adjoints dont trois sont francophones et trois anglophones. Quand j'écris à M. Mercier qui est directeur des finances je le fais toujours en français; quand j'écris à Miss Randall qui est directrice des soins infirmiers je le fais toujours en anglais. Quand j'écris au Dr Mann, il me semble que rédiger la lettre une première fois et ensuite la rédiger en anglais, entre individus de langue anglaise ça n'a pas beaucoup de bon sens. C'est tout ce qu'on demande; c'est entre individus. On ne demande pas que les rédactions formelles soient en anglais, pas du tout. Tout cela

devrait être bilingue et d'ailleurs - je n'ai pas pu l'apporter avec moi parce que la pile était trop haute - les formules utilisées actuellement à l'Hôpital Général de Montréal sont complètement bilingues; les formules de laboratoire sont imprimées comme cela et elles sont bilingues parce qu'on ne sait pas qui les lira, si la personne sera de langue française ou de langue anglaise. Deux individus anglais, je crois qu'il serait sensé de pouvoir leur donner le droit de s'écrire en anglais.

Pour ce qui est de la question de traduction, ce n'est peut-être pas le forum; je devrais peut-être attendre la tenue de la commission des affaires sociales pour demander davantage d'argent pour qu'on puisse embaucher des traducteurs. Je dois vous dire que c'est un travail qui est très difficile. Devant vous, vous avez le Manuel des procédures des soins infirmiers; un seul bouquin qui a demandé énormément de travail parce qu'il est très technique; en plus, vous avez toutes les autres formules. Nous avons à l'Hôpital Général de Montréal une personne et demie - je n'aime pas ces mots - qui donne tout son temps à la traduction, à une traduction qui est parfois très difficile parce que cela est très technique. Je sais que le bureau du nursing s'est plaint parce que des formules soumises il y a deux mois n'avaient pas encore étaient traduites; ces gens-là ont énormément de travail. En plus, demander à un anglophone qui écrit à un autre anglophone de faire traduire sa lettre simplement pour des raisons légales, il me semble que cela n'a pas beaucoup de bon sens.

M. Godin: Dr Barkun, je note les distinctions qui devraient être faites éventuellement entre ce qui devrait être dans les deux langues et ce qui pourrait être en une seule langue, en l'occurrence l'anglais. Je prends également bonne note de l'ensemble de vos remarques; nous réfléchirons là-dessus. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Desbiens): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux remercier les représentants de l'Institut conjoint hospitalier de Montréal pour leur mémoire et la sérénité avec laquelle ils présentent les problèmes auxquels ils doivent faire face quotidiennement dans leur institution.

J'avais un peu prophétisé que le gouvernement, fort probablement, ferait une ouverture vis-à-vis des institutions anglophones et c'est ce que le ministre semble confirmer par les propos qu'il a tenus au début de cette commission à l'endroit de l'institut conjoint. Je serais même prête à corriger - je l'ai fait privément mais pas publiquement, et j'attendrai le dépôt des amendements - parce que j'étais une des personnes qui avaient la conviction - c'est peut-être un grand mot - qui avaient l'impression, si on s'en tenait à la loi telle qu'elle existe, qu'à plus ou moins long terme - peut-être que ceci n'avait pas été voulu -les résultats concrets conduisaient à la disparition des institutions de la communauté anglophone, enfin, les institutions de santé et de services sociaux. Quand les amendements seront déposés, je pourrai même le faire publiquement, même si je ne l'ai jamais dit publiquement, car c'était l'impression que j'avais.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Godin: Mme la députée de L'Acadie n'a pas terminé sa phrase. Qu'est-ce qu'on est prêt à corriger? Pourriez-vous le dire précisément afin que je puisse l'entendre?

Mme Lavoie-Roux: Les articles dont vous avez parlé, si vous les modifiez de telle façon que la survie des institutions de la communauté anglophone demeure, cette impression que j'avais que peut-être le gouvernement ou certaines personnes à l'intérieur du gouvernement, plus ou moins consciemment, se disaient: On va mettre cela en vigueur... Mais les résultats concrets, en fin de compte, étaient la disparition du caractère anglophone des institutions de la communauté anglophone.

M. Godin: Si les amendements vont dans le sens que j'ai indiqué ce matin, vous corrigerez publiquement et dans le fond de votre coeur aussi...

Mme Lavoie-Roux: Je l'ai fait privément mais je serais même prête à le faire publiquement.

M. Godin: C'est noté. Une voix: Soyez prudente.

Mme Lavoie-Roux: J'attends. Sur cela j'aimerais poser deux questions au ministre, s'il me le permet pour déjà commencer à...

Une voix: ...

Mme Lavoie-Roux: Oui, j'en ai plusieurs pour eux après. Le Dr Barkun a interprété et a tiré une conclusion de vos propos à savoir que désormais il n'était plus question de bilinguisme individuel, mais de bilinguisme institutionnel. C'est la formulation qu'on a entendue ici à plusieurs reprises devant cette commission; bilinguisme individuel versus bilinguisme institutionnel. Est-ce que c'est vraiment la bonne interprétation que le Dr

Barkun a fait de vos propos, M. le ministre?

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Godin: II les a interprétés correctement, sauf qu'il ne veut pas que ce bilinguisme institutionnel s'applique aux communications écrites.

Mme Lavoie-Roux: Alors, il les a interprétés correctement. Parfait. C'est toujours bien de s'assurer qu'on a tous compris la même chose.

M. Godin: Ou presque! De ma part c'est 100%, de sa part c'est presque le bilinguisme institutionnel.

Mme Lavoie-Roux: La deuxième question... Je ne voudrais pas ici sembler piéger le ministre, parce que je sais que parfois dans l'ardeur de l'Assemblée nationale, nous avons des réponses spontanées qui ne correspondent pas toujours à la réalité. Mais je me souviens d'une question qui lui avait été posée, probablement à l'occasion du problème de St. Mary's - je ne veux pas revenir là-dessus - le ministre nous avait dit à peu près ceci: Je pense que les anglophones dans les hôpitaux devraient être servis dans leur langue. Je me demandais si c'était toujours la conviction du ministre. Enfin, c'est à peu près ceci que vous aviez dit.

M. Godin: Oui, Mme la députée de L'Acadie, messieurs et mesdames, ma mère est infirmière de sa profession et mon père était médecin à Trois-Rivières. J'ai posé la question à ma mère, qui a passé la majeure partie de sa vie dans un hôpital à Trois-Rivières. Elle me dit que - Trois-Rivières est à 98% une ville française, comme vous savez dès qu'une patiente ou un patient anglophone rentrait à l'hôpital il y avait, depuis 20 ans, un empressement spontané à affecter à cette personne les Trifluviens qui parlaient anglais. Cela se faisait spontanément. Je me suis informé si, à la connaissance du ministère des Affaires sociales, il y avait eu des cas où un patient anglophone, en dehors du réseau mentionné, dans les hôpitaux francophones avait déjà été la victime d'une situation dans laquelle il n'aurait pas pu parler sa langue. Jamais aucun cas n'a été porté à la connaissance du ministère là-dessus. Cela confirmait l'expérience de 20 ans de ma mère dans un hôpital à Trois-Rivières.

Mme Lavoie-Roux: Alors, cela demeure une conviction personnelle du ministre que...

M. Godin: Profonde.

Mme Lavoie-Roux: Profonde? Bon, parfait. Je vais maintenant passer à nos invités.

J'aimerais que vous nous disiez quelles ont été les conséquences sur le recrutement et sur l'exode du personnel ou des professionnels, que ce soit dans le domaine de la recherche ou dans le domaine de la santé en général, de l'application de la loi 101 dans vos institutions.

M. Barkun: II y a eu deux conséquences, Mme la députée. D'abord, un certain départ et dans des circonstances très semblables de l'un à l'autre. Des médecins d'un certain âge - je vous parle de 53 à 58 ou 60 ans - dont les enfants sont grands et ont quitté, sont partis et beaucoup d'expertise est partie avec eux. Un certain nombre de médecins sont partis pour des raisons financières, mais je sais pertinemment - j'ai des cas précis - que des gens sont partis parce que c'était un obstacle de plus à une vie sereine, à une qualité de vie. Je dois dire que ce sont des médecins qui possédaient très peu de français et donc ils sont partis.

À ce moment-là, on cherche à les remplacer et c'est là que cela devient beaucoup plus grave parce que, pour les remplacer, Dieu sait que chaque fois qu'on remplace quelqu'un étant donné que - je m'excuse encore une fois de parler comme cela, mais je parle pour l'hôpital que je connais et pour la faculté de médecine que je connais. Chaque fois on fait l'annonce dans plusieurs journaux médicaux, on attend les réponses des Québécois, les réponses des Canadiens et ensuite les réponses des autres. Très souvent les qualifications que nous recherchons se retrouvent peut-être chez trois, quatre ou cinq personnes qui se trouvent en Californie, en Angleterre, dans une autre province canadienne. (10 h 15)

J'ai des cas précis de gens qui sont venus pour l'interview et qui sont pris avec la question de l'instruction de leurs enfants. Je vous parle de choses récentes. Je vous parle de choses qui se sont passées il y a environ trois ou quatre mois. Par exemple, il y a le cas d'un pathologiste mondialement reconnu qui était prêt à venir remplir le poste de chef à McGill, qui avait deux enfants de neuf et dix ans et qui ne voyait pas comment il pourrait les mettre à l'école française. Ce n'était pas quelqu'un qui venait pour trois ans ni pour six ans, c'était quelqu'un qui venait de façon permanente, donc, qui ne pouvait pas demander cette dérogation. J'ai encore un cas. C'est une spécialité où il y a une pénurie terrible au Québec, l'anesthésie. J'ai deux cas à l'hôpital de Montréal pour enfants, deux candidats en anesthésie qui, pour les mêmes raisons -l'instruction des enfants - ont décidé de ne

pas venir, et j'en passe. Il y en a plusieurs. Il y a des conséquences graves. Il y en a.

Mme Lavoie-Roux: Vous avez aussi parlé passablement de la question des tests. J'ai ici quelques statistiques - je ne sais pas à quel moment ces statistiques ont été données et je m'en excuse - sur les ordres professionnels où il semble, de toute évidence, que chez les personnes dont la profession était moins rémunératrice que d'autres, par exemple, si on opposait les avocats aux infirmières ou les médecins aux infirmières auxiliaires, le taux de réussite était beaucoup plus bas chez les professionnels les moins rémunérés: dans le cas qui me préoccupe, les infirmiers et les infirmières, les infirmiers et les infirmières auxiliaires. Il y a eu depuis ce temps des modifications aux tests. Les taux de réussite qu'on avait à ce moment-là étaient de 52% pour les infirmières comparativement à 83% pour les médecins; les infirmières auxiliaires, 37% comparativement à 92% pour les avocats. Depuis que les tests ont été modifiés, le taux de passage a-t-il augmenté dans le cas des infirmières auxiliaires et des infirmiers et infirmières?

M. Barkun: Si vous me le permettez, madame, je demanderai à Mme Serafini de répondre à cette question.

Mme Serafini (Élaine): II y a plus d'infirmières auxiliaires qui passent les tests maintenant que c'était le cas dans le passé, mais nous avons des préposées aux bénéficiaires qui ont suivi le cours d'infirmière auxiliaire, qui ont terminé le cours, mais qui ne sont jamais allées passer les tests de langue, parce qu'elles avaient peur de ces tests. On a un potentiel de main-d'oeuvre professionnelle sous-utilisée, parce que ces personnes ne sont pas allées passer les tests de langue. Elles avaient peur. C'est le cas de plusieurs. Je n'ai pas de statistiques précises comme telles. Je travaille dans un petit hôpital, mais on a quand même trois cas similaires.

Mme Lavoie-Roux: Je voudrais revenir à l'article 20 et à la question de la mutation. Pour être nommé, muté ou promu, particulièrement pour les mutations et les promotions à une fonction à l'intérieur de vos institutions, dans quelle mesure l'exigence de ces tests vous apparaît-elle objectivement pénaliser le personnel en place? Vous parlez des droits acquis à un moment donné dans votre mémoire. Peut-être que si le ministre voulait réagir... Quelqu'un qui veut être nommé et qui vient de l'extérieur arrive dans des conditions nouvelles, mais pour quelqu'un qui doit être promu et muté, dans quelle mesure d'abord, cela crée une démoralisation chez le personnel - certaines injustices peuvent-elles être commises, parce que vous avez peut-être là des gens qui y sont depuis quinze ou vingt ans, même s'il y a des dispositions dans la loi à savoir qu'on considérait à la veille de leur retraite ceux qui étaient à cinq ans de leur retraite? Il y a une autre disposition. J'oublie à quel article, mais c'est 160 quelque chose. Je ne sais pas dans quelle mesure cet article pourrait être modifié sans que soit mise en cause la disponibilité de l'institution à prodiguer des services en français aux personnes qui s'adressent à vous en français.

M. Barkun: D'abord, pour répondre à votre question, ces personnes sont inhibées. Elles sont inhibées même à postuler pour un poste qui serait vacant. Vous savez, nous avons des gens qui sont unilingues anglophones et qui sont avec nous depuis 25 ans et 30 ans; ils ne sont pas du tout à cinq années de leur retraite. Ils ont peut-être 55 ans, 52 ans ou 58 ans. Ils ont encore de bonnes années à consacrer au service de la population du Québec. De ces gens, il y en a beaucoup qui ont dit que ce n'est pas la peine parce qu'ils ont trop peur de ne pas y arriver.

Deuxièmement, comment peut-on s'assurer que les services seront disponibles dans la langue française? Vous avez, de façon écrite ici, l'engagement de nos établissements de s'assurer de cela. Je crois que l'expérience, depuis l'entrée en vigueur de la loi 101, depuis quelques cas célèbres, a démontré que la grande partie de la population québécoise francophone ne se plaint pas des services rendus en français. Nous avons assez d'expertise, je crois, dans nos directorats de ressources humaines, pour juger des connaissances de la langue française appropriées au poste vacant. Chez nous, nous nous en sommes servis à la satisfaction des malades d'abord et aussi à la satisfaction de nos employés.

Mme Lavoie-Roux: La standardisation des tests a été abordée hier par la CSN; vous-même y avez touché un peu et le ministre aussi, je pense, tout à l'heure. Je pense que faire passer tel type de tests dans une institution et un autre dans une autre institution, cela peut créer des inégalités. Pensez-vous que les conditions dans lesquelles ces tests doivent être présentés devraient être uniformes pour tous les établissements ou s'il serait préférable de laisser une possibilité de jugement pratique aux institutions?

M. Barkun: C'est un peu à cause de cette ambiguïté du système de "testing" - on parle de fiabilité, on parle de validité des tests, etc. - Mme la députée, que nous préconisons l'abolition de ces tests. Il restera

toujours de l'injustice et de la discrimination. Il ne faut pas oublier que ce sont des individus qui font passer les tests, ce sont des individus qui font la correction. On doit tenir compte aussi des émotions des gens qui passent un test suivant la situation. C'est injuste de les faire faire, quand il y a d'autres critères, par exemple, le diplôme de fin d'études secondaires. Pour les gens qui entrent au Québec, il va falloir qu'ils démontrent une connaissance appropriée de la langue française suivant la corporation à laquelle ils appartiennent. C'est pour cette raison que nous en préconisons l'abolition.

Mme Lavoie-Roux: Une autre question. Vous parlez de la dénomination de vos institutions. Il semble que la loi prévoit, même si les articles 15 à 23 étaient mis en vigueur, que vous pourriez garder la dénomination en langue française et en langue anglaise, tel que mentionné à l'article 26 et à l'article 70 auxquels vous avez fait référence. Vous parlez de nouvelles institutions. Est-ce que, depuis 1977, il y a eu de nouvelles institutions anglophones?

Une voix: Depuis quand? Depuis 1977?

M. Barkun: Depuis l'entrée en vigueur de la loi.

Mme Lavoie-Roux: Depuis 1977, depuis l'adoption de la loi.

Une voix: Je ne le pense pas.

M. Barkun: Je ne le crois pas, madame.

Mme Lavoie-Roux: C'est parce que vous y faites allusion. Vous voulez cette dérogation pour les nouvelles institutions à venir, mais, à votre connaissance, il n'y en a pas eu de nouvelles depuis 1977.

M. Paterson: Je pense que, dans le comté de Nelligan, on parle maintenant...

Mme Lavoie-Roux: Un centre d'accueil.

M. Paterson: ...d'un CLSC. Comme cela, on pourra en avoir un autre demain.

Mme Lavoie-Roux: Tout à l'heure, Dr Barkun, vous avez fait la démonstration qu'à l'Hôpital Général de Montréal vous aviez pris des dispositions pour qu'il y ait vraiment une disponibilité de services en français à la clientèle. J'accepte votre démonstration, mais pourriez-vous dire la même chose de toutes les institutions? Tenons-nous en aux hôpitaux parce que, évidemment, c'est plus votre champ d'activités que les centres d'accueil, etc. Est-ce que vous pourriez assurer, ici devant la commission, que les autres hôpitaux anglophones ont fait les mêmes efforts et sont rendus au même niveau de fonctionnement, quant à l'utilisation du français, que l'Hôpital général de Montréal?

M. Barkun: Je peux répondre pour les hôpitaux, évidemment. On se rencontre assez souvent. On a discuté énormément de la loi 101 entre nous. Je sais d'abord que des efforts énormes ont été faits, mais je peux assurer la commission que la disponibilité, ce que j'appelle la capacité française, est présente pour pouvoir fournir les services en français. Nous sommes très sensibles, et nous l'avons toujours été, au fait qu'il est très difficile, impossible, qu'il est très douloureux d'être malade dans une langue étrangère. Cela m'est arrivé un jour en France avant que je parle le français et j'en garde encore des souvenirs. Je peux vous dire - je l'ai apportée - que nous avons à l'Hôpital général de Montréal une liste de gens qui pourraient répondre aux malades - je ne prendrai pas le temps de la commission pour lire toute la liste - en parlant l'arabe, l'arménien, quatre dialectes chinois, le créole, le hollandais, l'estonien, cinq dialectes des Philippines, le cri, l'inuit, etc. Nous savons en tout temps où se trouvent ces personnes, chez elles ou au travail, pour qu'on puisse répondre dans la langue de la personne qui se présente à l'hôpital. Je peux vous dire que, si on fait cela pour ces minorités qui ne sont pas très nombreuses, on le fait sûrement pour les francophones.

Peut-être que Mme Serafini pourrait répondre davantage pour un autre type d'établissement comme l'hôpital des convalescents.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

Mme Serafini: Au centre hospitalier des convalescents de Montréal, il y a une accessibilité semblable en différentes langues pour répondre dans la langue du patient qui se présente chez nous. Si je peux nommer seulement un endroit en particulier, je sais que dans la cuisine il y a 17 ou 18 langues qui se parlent. Alors, tout de suite, on peut avoir quelqu'un pour agir comme interprète auprès des patients. Je pense que c'est important que chacun soit traité dans sa propre langue.

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais ma question était plus précisément à l'endroit du français. Est-ce que, par exemple, vous pourriez dire que la démonstration que le Dr Barkun nous a faite s'applique à l'hôpital de Montréal pour les convalescents?

Mme Serafini: Oh oui, certainement, cela peut s'appliquer chez nous.

Mme Lavoie-Roux: Oui. Alors, je vous remercie beaucoup. Je vous souhaite bonne

chance et on va continuer de suivre le dossier avec beaucoup d'intérêt quand le gouvernement présentera ses amendements.

Le Président (M. Desbiens): Merci. M. le député de Groulx.

M. Fallu: M. le Président, j'aurais des questions de deux ordres. La première porte sur le type de personnel dont vous requérez la possibilité de donner des services en français. On sait, d'une part, que, chez les ordres professionnels, il y a un certain contrôle sur leur capacité de parler français. D'autre part, à l'hôpital, il est de notoriété publique que, très souvent, la première personne à répondre au patient, à répondre à la cloche, comme on dit, c'est le préposé. Or, le préposé n'est pas membre d'un ordre professionnel. Quelle est, de façon générale, la politique de vos hôpitaux par rapport à l'usage et à la capacité des préposés de s'exprimer en français?

M. Barkun: D'abord, M. le député - je parle encore de l'hôpital que je connais -nous embauchons de plus en plus de francophones: il n'y a pas de problème, puisque c'est leur langue maternelle. La politique - en ce qui concerne le contact direct avec les malades, qu'il s'agisse du préposé au bénéficiaire, de l'infirmière, etc. - c'est que cette capacité de parler français soit présente autant que possible avec chacun; mais il faut absolument qu'elle soit présente géographiquement en tout temps, c'est-à-dire non seulement à l'endroit mais 24 heures par jour, 7 jours par semaine, pendant toute l'année. C'est la politique de l'hôpital et je crois que je peux vous assurer que c'est la politique de tous nos hôpitaux anglophones. (10 h 30)

M. Fallu: Vous me permettrez de faire état ici du mémoire de la CSN hier soir à la commission, puisque nous avions devant nous notamment l'une des représentantes de la FAS, Mme Gail Campbell. On sait que la FAS-CSN...

Une voix: La Fédération des affaires sociales.

M. Fallu: ...la Fédération des affaires sociales syndique largement, majoritairement les hôpitaux et les centres d'accueil anglophones.

M. Barkun: M. le député, il y a de très grands établissements anglophones où la CSN n'est pas présente, comme le Royal Victoria, comme le St. Mary's.

M. Fallu: Oui. Ils ont, nous a-t-on dit, quelque 7500 adhérents dans le réseau anglophone.

M. Barkun: II y a de très grands établissements dans le milieu anglophone...

M. Fallu: Oui, en effet.

M. Barkun: ...où la CSN n'est pas présente. Je vous dis cela pour les archives.

M. Fallu: D'accord. Tel n'est pas l'objet de nos débats. L'association a fait quatre remarques et j'aimerais vous les soumettre très rapidement. Cela porte essentiellement sur l'application de l'article 20. La première, c'est de pouvoir négocier avec les employeurs pour déterminer les postes qui nécessitent la connaissance du français. La seconde, c'est de voir à ce que les tests soient appliqués de façon uniforme dans toutes les institutions, notamment que la note de passage, si les tests sont standardisés, soit la même partout. La troisième, c'est que l'employé ne soit pas soumis à un nouvel examen à l'occasion d'un changement d'institution pour occuper un poste similaire. La quatrième a trait aux cours de langue française; on demande qu'ils puissent être dispensés aux travailleurs et aux travailleuses anglophones pendant les heures de travail. On nous a fait remarquer que ces cours avaient été surtout disponibles pour le personnel-cadre.

M. Barkun: M. le député, d'abord, pour ce qui est de négocier les postes qui requièrent le français, je ne sais pas, avec tout mon respect, si le forum de la commission des communautés culturelles et de l'immigration est celui pour en discuter. Il y a des tables de négociations qui se forment et peut-être que c'est le moment d'ouvrir ce dossier. Malgré cela, Mme Campbell, qui est à l'Hôpital général de Montréal, pourra en discuter. Je crois que dans la province c'est vraiment à la table centrale qu'il faudrait négocier cela comme faisant partie de la convention collective.

Deuxièmement, en matière de tests uniformes partout, je crois avoir répondu a la question de Mme la députée de L'Acadie en disant que c'est une des raisons pour lesquelles on en préconise l'abolition. Il est très difficile d'avoir des tests uniformes partout et les conditions de passage de ces tests ne sont jamais uniformes. Il y a déjà un certain manque de justice.

Je suis étonné d'apprendre qu'il y a des établissements qui demandent un nouvel examen lorsque quelqu'un est muté au même poste d'un hôpital à l'autre. Je serais tout à fait prêt à recevoir quelqu'un d'un autre hôpital qui a déjà démontré sa capacité en français dans un même poste. Je ne vois vraiment pas l'utilité de demander un nouveau test. Je suis tout à fait d'accord avec cette proposition.

Quant aux cours pendant les heures de

travail, comme je vous l'ai dit, on a fourni des cours depuis 1974 à nos employés. En 1977, on a eu 172 personnes à l'Hôpital général de Montréal qui ont suivi ces cours. Ce n'était pas pendant les heures de travail. On dit que les cadres les ont eus pendant les heures de travail. Il faut dire que cela a été moitié, moitié. Ils arrivent à 8 heures, les cours de français durent jusqu'à 9 heures et une heure pendant les heures de travail. Mais il faut dire aussi que ces gens n'ont jamais été remplacés et que, pendant qu'ils suivaient les cours de français, personne ne faisait leur travail; donc, ils restent après, sans heure supplémentaire, à terminer le travail.

Je dois vous dire que Mme Campbell est passée me voir il y a à peu près un mois avec la proposition qu'elle allait soumettre en disant: Est-ce que vous soutiendrez le syndicat si on demande au gouvernement que vous nous fassiez suivre des cours de français pendant les heures de travail et que vous payiez pour, c'est-à-dire nous fournir le budget nécessaire pour remplacer ces gens? Il faut les remplacer pendant ces heures. M. le député, j'ai signé la lettre tout de suite.

Je crois qu'elle a dit hier soir qu'un établissement avait signé. Je crois qu'il y en a trois qui ont signé. Mais je ne vois pas cela comme étant une difficulté, vraiment pas. Encore là, c'est à négocier surtout au point de vue budgétaire, parce que nous sommes déjà assez pris, sans être pris encore une fois. Nous sommes prêts à lancer ces cours. Lorsqu'on donnait ces cours avant, c'était la Commission des écoles catholiques qui fournissait les professeurs. Nous fournissions les espaces, l'amphithéâtre, les salles de cours, l'audiovisuel et tous les livres. C'est donc dire qu'on est prêt à faire notre part.

M. Fallu: Je vous remercie de vos précisions.

Le Président (M. Desbiens): Merci. M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: Très brièvement, M. le Président, parce qu'il est tard et que beaucoup de gens veulent se faire entendre. Je voulais poser une courte question à M. Paterson. Comme cela se fait entre le Dr Barkun et le Dr Mann, je parle toujours en anglais à M. Paterson; alors, je trouve cela plus naturel de lui parler en anglais.

Mr. Paterson, I think there was a reference in your brief and also in some comments who were made before to scientists, technicians and key people who want to come into the hospital system and the scientific system of the hospital network but who cannot because of the language of education of their children. They would not qualify even if the Canada clause were adopted; these are people from elsewhere than Canada. What do you suggest, short of the universal clause? Should there be some kind of exception made for people for whom it can be shown that they are essential to the network or to research, or to the progress of science within the American health system?

M. Paterson Mr. Lincoln, I do not like talking about exceptions to the universal clause because I have always been passionately in favor of the universal clause. If we have to talk about exceptions, there is no doubt, from the explanation given, I think, by Dr Barkun, that after advertising in Québec, outside Québec and around the world, there are difficulties in certain particular areas and particularly in the very important high level scientists who can go anywhere in the world. They do not have to come to Québec, they have the choice. There is no doubt that as long as those people, from our experience - I think that all my colleagues can attest to this - do have the option, it is one more argument that we have to overcome in recruiting them.

Therefore, we certainly strongly would plea that there be an amendment to the law, first of all, for the universal clause, but if that is not acceptable, for something better than the Canada clause that would permit us to recruit anywhere in the world, particularly when those people are not avalaible in Québec, after we have advertised in Québec and across the country. In that way, apart from all the other advantages of this province, all the other advantages of the city and all the other advantages of working at one of our hospitals, we can eliminate that apparent handicap in recruiting many of these people.

M. Lincoln: Thank you.

Le Président (M. Desbiens): Merci. M. le ministre.

M. Gratton: Je voudrais simplement remercier nos invités et leur signaler que l'heure qu'on leur avait accordée s'est allongée un peu. Souhaitons que nos prochains invités n'en seront pas trop offusqués. Merci infiniment, mesdames et messieurs.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Godin: Merci, mesdames; merci, messieurs. Nous tenterons d'incarner les engagements pris verbalement ici ce matin. Merci.

M. Barkun: Merci, M. le ministre.

Le Président (M. Desbiens): Merci. J'invite le Congrès juif canadien à s'avancer, s'il vous plaît. Bonjour, M. Finestone. Avant de présenter votre mémoire, si vous voulez bien nous présenter les personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît!

Congrès juif canadien

M. Finestone (Bernard): M. le Président, je m'appelle Bernard Finestone. Je suis le président du Congrès juif canadien de la région du Québec. À ma gauche, se trouve M. Frank Schlesinger, vice-président national et aussi président de notre comité des relations communautaires; à ma droite, le Dr Jim Archibald, directeur général.

Le Président (M. Desbiens): Merci. Vous pouvez procéder à la présentation de votre mémoire.

M. Finestone: Me Schlesinger sera notre porte-parole. Je lui donne le micro.

M. Schlesinger (Frank): Merci, M. le Président. Avant de commencer, je tiens à remercier la commission parlementaire de nous avoir invités à présenter notre mémoire et aussi à présenter les excuses de M. Mayer Levy, notre directeur des relations communautaires, qui devrait être parmi nous aujourd'hui, mais qui est malheureusement malade. Ce n'est pas grave, mais il n'a pas pu venir.

Avant de commencer la lecture de notre mémoire, je tiens à vous lire l'avant-propos de notre mémoire que l'on a soumis le 2 juin 1977 à une commission semblable. La communauté juive croit que toute forme d'encouragement doit être donnée à l'épanouissement de la culture et de la langue françaises, car cela reflète les aspirations légitimes de la majorité de nos concitoyens dans la province. Dans notre présentation à la commission de l'éducation, des affaires culturelles et des communications de l'Assemblée nationale sur la loi de la langue officielle, la loi 22, nous avons déclaré que la communauté juive est unanime dans sa conviction que le langage prééminent du travail et des communications en cette province doit être le français. Nous sommes toujours attentifs et éprouvons une profonde sympathie envers les aspirations linguistiques et culturelles des Québécois de langue française. La communauté juive du Québec a, durant les dernières années, de concert avec d'autres communautés dont la langue de base est l'anglais, vécu une transformation considérable dans l'usage et la priorité de l'anglais et du français grâce à l'adoption plus large du français en tant que langue d'expression et du travail.

Je termine. Ainsi, la communauté juive reconnaît que l'avancement pour la langue et la culture françaises est un développement positif dans cette province. C'est dans ce contexte que l'on présente notre mémoire aujourd'hui qui est en effet une prolongation des mémoires que l'on a présentés dans le passé.

On s'est demandé si dans la situation actuelle je devais lire le mémoire ou en faire un résumé, mais, vu que notre mémoire est assez court, je crois que ce serait plus facile de le lire parce que le résumé serait aussi long que le mémoire lui-même. Alors, si vous avez des questions - je laisse cela à votre discrétion - vous pouvez m'interrompre ou attendre à la fin de mon exposé. Il y a aussi M. Archibald et M. Finestone qui sont aptes à répondre à vos questions.

Le Président (M. Desbiens): Vous pouvez le lire...

M. Schlesinger: Oui, si vous voulez.

Le Président (M. Desbiens): ...et les questions viendront par la suite. Allez-y.

M. Schlesinger: D'accordi Merci. Le Congrès juif canadien, région du Québec, organisme élu démocratiquement, est le porte-parole officiel de la communauté juive composée d'environ 105 000 âmes et représente pratiquement tous les courants d'idées au sein de la communauté.

Lors de la présentation du projet de loi 1 et, par la suite, du projet de loi 101, le Congrès juif canadien avait souligné que la préoccupation majeure de la communauté résidait dans le fait que le projet de loi ne devait pas porter atteinte aux droits des citoyens et que l'équité, en termes de loi, habitude et usage, soit maintenue à l'endroit de tous les individus sans distinction. Notre préoccupation profonde est que la Charte des droits et libertés de la personne ne devrait pas être supplantée par la loi 101 de quelque façon que ce soit. Cette préoccupation reflète l'opinion réfléchie de notre communauté et, par conséquent, de l'organisme qui représente celle-ci. (10 h 45)

L'épanouissement du français ne devra plus en aucun cas atténuer les droits et libertés fondamentaux de la personne de tous les citoyens du Québec.

Quelles qu'aient été les injustices dont d'aucuns ont dû souffrir par le passé et dont la communauté juive fut également victime, comme cela s'est si souvent produit au fil de notre histoire, il n'est pas possible de les redresser par l'adoption de mesures discriminatoires ayant un caractère coercitif. Les problèmes culturels et linguistiques du Québec doivent se résoudre par le biais d'une collaboration plus étroite et d'une meilleure compréhension de la part de tous les citoyens, sans distinction d'origine.

Lors de la présentation du projet de loi 1, dont je viens de faire mention, le Congrès juif canadien, au nom de la communauté juive, avait déposé un mémoire substantiel. Certaines modifications avaient été apportées au projet de loi conformément à notre demande. Nous avons souligné l'ajout de plusieurs nouveaux chapitres au projet de loi et ceci avait été fait par le biais d'un aide-mémoire en date du 2 septembre 1977 adressé au ministre du Développement culturel.

Une fois de plus nous saisissons l'occasion qui nous est donnée pour demander au ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration de bien vouloir à nouveau se pencher sur les modifications que nous proposons et que nous voudrions bien que le gouvernement apporte à la loi 101.

Chapitre IV, la langue de l'administration. Nous suggérons à l'article 14 qu'un second alinéa soit ajouté pour qu'il soit conforme avec l'article 26. Cet alinéa se lirait comme suit: "Les établissements reconnus en vertu du paragraphe f de l'article 113 peuvent utiliser une dénomination dans la langue officielle et dans une autre langue."

L'article 17 oblige les organismes publics, tels que les hôpitaux reconnus en vertu du paragraphe f de l'article 113, à ne communiquer entre eux que dans la langue officielle. Nous estimons qu'il serait impensable de demander à un hôpital dont la langue couramment utilisée dans l'administration est la langue anglaise de ne communiquer qu'en français avec un autre hôpital dont la langue d'administration courante est la langue anglaise, ou de contraindre les hôpitaux affiliés à l'Université McGill, université dont la langue d'usage et d'administration est l'anglais, à communiquer avec celle-ci en français.

Nous recommandons donc d'ajouter un deuxième alinéa à cet article. Cet alinéa se lirait comme suit: "Les établissements reconnus en vertu du paragraphe f de l'article 113 peuvent communiquer entre eux dans la langue officielle ou dans toute autre langue."

L'article 18 stipule que toutes les communications au sein des établissements publics doivent se faire pour le moins en français. Toutefois, l'article 26 permet d'utiliser à la fois le français et une autre langue dans les communications internes. Ces exigences ne posent pas de problèmes aigus dans les communications d'ordre général entre l'administration et le reste de l'hôpital. Toutefois, lorsqu'elles touchent les communications entre deux anglophones au sein d'un même hôpital, elles font perdre un temps précieux et entravent souvent l'efficacité des services médicaux.

Nous recommandons d'ajouter un deuxième alinéa à cet article. Cet alinéa se lirait comme suit: "Dans les établissements reconnus en vertu du paragraphe f de l'article 113, les communications internes entre deux personnes dont la langue d'usage est autre peuvent se faire dans cette langue."

A la lecture de l'article 20, de vives inquiétudes nous ont été transmises par des membres de certains ordres professionnels faisant partie de notre communauté. Il va de soi que les établissement dont la langue d'usage est l'anglais se doivent d'offrir leurs services dans la langue officielle. Nous croyons toutefois que cette responsabilité devrait incomber à l'organisme et non au personnel sur une base purement individuelle.

Donc, il n'est ni nécessaire ni fondé de demander à celles des personnes qui ont terminé leurs études secondaires au Québec de se soumettre, après l'obtention de leur diplôme de fin d'études secondaires, à un nouveau test destiné à vérifier leur connaissance de la langue officielle.

Je tiens à vous faire remarquer qu'il y a une faute de frappe dans notre mémoire à la page 4. Quand on dit: "Nous souhaiterions", il faut lire: "Nous soulignerions". C'est le premier mot à la quatrième ligne. Nous soulignerions que l'article 84 de la loi stipule qu'un certificat d'études secondaires ne puisse être décerné à l'élève qui n'a pas une connaissance suffisante du français écrit et parlé. Nous recommandons donc que toute personne possédant un certificat de fin d'études secondaires délivré par un établissement d'enseignement secondaire reconnu de la province de Québec soit dispensée de tout contrôle supplémentaire.

Pour ce qui est du personnel professionnel venant de l'extérieur du Québec, les tests semblent poser certaines difficultés. Pour éliminer toute crainte inutile de discrimination, nous recommandons que les tests soient abolis et qu'il suffise aux employés concernés de présenter un certificat qui leur a été délivré par des écoles reconnues par le ministère de l'Éducation ou par des organismes agréés à ces fins.

Nous recommandons de remplacer le deuxième alinéa de l'article 20 pour qu'il soit conforme à l'article 23. Cet alinéa devrait se lire comme suit: "Les organismes de services sociaux reconnus en vertu du paragraphe f de l'article 113 doivent veiller à offrir leurs services dans la langue officielle."

Chapitre V, la langue des organismes parapublics. À l'article 30 de ce chapitre, nous suggérons que les termes "et les membres des ordres professionnels" soient supprimés. Il nous est difficile de comprendre la raison pour laquelle ces termes figurent, étant entendu que les obligations des membres de l'ordre professionnel sont déjà

traitées ailleurs.

Dans sa version actuelle, l'article 30 pourrait entraîner l'interdiction du droit du professionnel à l'exercice de sa profession et ce, en dépit du fait qu'il ait résidé au Québec depuis de nombreuses années. Dans le même ordre d'idées, nous réitérons notre demande exposée dans notre premier mémoire, selon laquelle l'article 41 ne devrait pas s'appliquer à toute personne membre d'un ordre professionnel à la date où cette loi est entrée en vigueur.

Nous tenons à rappeler au ministre qu'il avait été convenu que nul ne perdrait son emploi à la suite de l'application de la loi 101 et que les articles ci-dessus mentionnés ne pourraient pas causer de discrimination arbitraire.

Chapitre VII, la langue du commerce et des affaires. Nous avions en son temps suggéré que les produits kasher importés devraient être soumis à l'article 52 qui stipule: "L'Office de la langue française peut, par règlement, indiquer les dérogations à l'article 51." Nous avions à l'époque remis un mémoire au ministre du Développement culturel, lui expliquant que les produits kasher importés et dont l'étiquetage était uniquement en anglais représentaient une infime partie des produits vendus dans les établissements au Québec. Les produits kasher fabriqués au Québec ont tous des étiquettes bilingues et nous avons essayé de convaincre certains importateurs du souhait que les produits importés aient aussi des étiquettes bilingues. Nous demandons donc que l'article 52 soit appliqué aux produits kasher importés en très petite quantité vu qu'il serait très onéreux pour les importateurs de mettre des étiquettes sur ces produits importés.

À l'article 58, nous suggérons que les publicités commerciales figurant a l'intérieur de tout commerce au détail ou à l'extérieur dudit commerce dans un entourage immédiat soient rédigées en français ou bien en français et dans une autre langue pour autant que le français soit mis en relief, ou à tout le moins qu'elles soient mises en évidence tant dans une langue que dans l'autre.

Étant entendu qu'au sein de la communauté juive plus d'une langue a cours, nous suggérons que les mots figurant aux articles 61 et 62 soient remplacés par le pluriel "les langues".

Quant à l'article 69, nous soutenons une fois de plus qu'il n'est point nécessaire. La raison sociale constitue l'un des aspects les plus importants de l'achalandage d'un très grand nombre de petits commerces au Québec et cet article leur vaudra une expropriation sans indemnité. Il est de ce fait discriminatoire.

Chapitre VIII, la langue de l'enseignement. Nous réitérons à nouveau nos regrets au gouvernement qui n'a pas cru bon d'accepter la suggestion de la dimension canadienne. Lors de la présentation de notre mémoire en date du 2 juin 1977 au ministre de l'Éducation, nous avions discuté du contenu de cet article 85 qui n'exprime malheureusement pas les besoins propres à la communauté juive, car les personnes de confession juive désireuses d'y envoyer leurs enfants se trouvent privées du droit de les envoyer dans une école de leur choix, ce qui empêche de ce fait les personnes en question d'exercer leur plein droit en matière de religion. Ces exigences ont été et constituent toujours une source de malaise sérieux pour la communauté vis-à-vis de ce qui est perçu comme étant une atteinte directe à la liberté de religion.

D'autre part, en ce qui concerne le terme "temporaire", ce terme devrait être défini de façon à accorder au moins cinq ans aux personnes résidant temporairement au Québec.

À la suite des entretiens que nous avions eus avec le ministre, nous en avions déduit que, concernant l'article 85, les personnes désireuses d'envoyer leurs enfants dans les écoles juives pourraient le faire non pas uniquement sur une base temporaire. Or, nulle part dans l'article 85 n'est-il fait état de ce besoin propre à la communauté juive. Il existe souvent des cas où les ministres du culte ou les spécialistes de l'éducation juive viennent de l'extérieur du Québec, vu que la plupart des grands collèges rabbiniques se trouvent aux États-Unis, en Europe ou, évidemment, en Israël. Or, ces personnes, qui viennent parfois en vertu de contrats de cinq ans et envoient leurs enfants, avec un permis spécial du ministère, dans des écoles juives privées dont la langue d'enseignement est l'anglais, se voient contraintes après quatre ans de changer la langue d'instruction de leurs enfants s'ils décident de résider au Québec. Cela occasionne parfois de grands problèmes aux parents et nous recommandons que le ministre sursoie à l'application de cet article pour les personnes de confession juive désireuses d'envoyer leurs enfants dans des écoles juives privées.

Dispositions diverses. L'article 90 a pour effet de priver les citoyens qui lisent les journaux anglais d'une protection qui avait été reconnue par le Code civil de la province de Québec. Cet article doit être totalement supprimé pour son caractère discriminatoire.

Dispositions transitoires et diverses. Dans sa version actuelle, l'article 220 a pour effet de priver de leurs subventions les écoles juives et les institutions déclarées d'intérêt public, même si un étudiant non admissible y était admis par inadvertance. Nous soutenons qu'une école ne devrait pas se voir refuser des subventions à moins d'un refus flagrant et continu de respecter la loi,

auquel cas le ministre se devrait d'avoir une certaine flexibilité et non de prendre une mesure draconienne telle que la résiliation totale d'une subvention. Nous soutenons que le ministre de l'Éducation a déjà suffisamment de pouvoirs pour mettre en vigueur les règlements inhérents à tout projet de loi et qu'il ne devrait pas disposer de celui-ci en plus.

En conclusion, le Congrès juif canadien voudrait que son mémoire soit réellement pris en considération comme partie intégrante des mémoires soumis à la commission de l'éducation, des affaires culturelles et des communications en date du 2 juin 1977 et d'un aide-mémoire soumis au ministre d'État au Développement culturel en date du 2 septembre 1977, documents qui ont été remis au secrétaire des commissions.

Nous sommes persuadés que les modifications proposées n'amoindrissent nullement les objectifs formulés par le gouvernement en regard de la loi 101 et qu'elles permettront au gouvernement d'améliorer le climat social dans la province de Québec. Nous pensons que, si toutes nos recommandations sont adoptées, le but de la loi sera des plus adéquatement atteint, tout en respectant les droits et libertés de la personne, ainsi que la dignité de tous les citoyens. C'est notre mémoire.

Le Président (M. Desbiens): Merci. M. le ministre.

M. Godin: M. le Président, dois-je comprendre que M. Finestone ne dit pas un mot ce matin? C'est tout à fait contraire à la connaissance que j'ai de lui! Must I understand...

M. Finestone: Je suis certain que M. le ministre va avoir des questions, et je vais y répondre.

M. Godin: Premièrement, je dois dire que je suis fort heureux de vous revoir tous trois ici. La dernière fois que nous nous sommes vus, vous vous en souvenez, c'était pour le dévoilement d'une plaque. C'est la seule plaque, dans ce parlement, dans cette maison du peuple que nous avons depuis bientôt deux siècles, qui fasse état de la présence au Québec d'une autre communauté que la communauté française. Je suis donc heureux de vous revoir et d'autant plus heureux que votre mémoire - comme vous avez pu le constater en écoutant le groupe qui vous a précédés et mes remarques - se situe dans la foulée des changements - en grande partie du moins - que le gouvernement déjà s'était engagé à faire.

Par ailleurs, pour tout ce qui ne touche pas les questions ou les points déjà abordés par l'association des hôpitaux anglophones de Montréal, je vais vous poser quelques questions très brèves. À la page 4, pour éclaircir la question des examens de français passés par les professionnels sortis du système scolaire français au Québec, vous souhaitez que l'article 84 de la loi stipule "qu'un certificat d'études secondaires ne puisse être décerné à l'élève qui n'a pas une connaissance suffisante du français écrit et parlé." Quelle différence voyez-vous entre votre suggestion et ce qui existe? J'ai mal compris. (11 heures)

M. Schlesinger: Je voudrais souligner qu'il y a une erreur. Il y a une faute de frappe.

M. Godin: Ahi D'accord. Excusez-moi.

M. Schlesinger: Le mot "souhaiterions" devrait se lire "signalerions".

M. Godin: Ah! D'accord. Donc, vous estimez...

M. Schlesinger: Nous signalons que... C'est ce qui existe déjà, oui.

M. Godin: ...que l'article 84 règle le problème des examens linguistiques.

M. Schlesinger: Oui.

M. Godin: Comme je l'ai dit à un groupe...

M. Schlesinger: Oui, oui, c'est cela.

M. Godin: ...qui vous a précédés ici sur cette même question, le gouvernement, pour l'instant, est presque d'accord avec vous là-dessus. Est-ce que le "presque" va sauter d'ici au 15 novembre? On le verra bientôt.

D'autre part, pour ce qui touche les produits kasher, vous avez eu de longues, nombreuses et très éclairantes discussions avec les organismes qui appliquent la loi et de l'avis des deux partenaires, aussi bien vous que l'institution gouvernementale en question, les résultats sont très positifs. Il y avait eu une entente aux termes de laquelle 90% des produits devaient avoir des inscriptions bilingues, les 10% couvrant les produits très peu vendus ou très peu utilisés ou que vous n'utilisez qu'à l'occasion de fêtes religieuses particulières. L'entente présente, c'est que 10% des produits sont exclus du bilinguisme obligatoire d'inscription. De plus, durant les deux semaines précédant et suivant la Pâque juive, aucune exigence ne s'applique. Cette formule répond-elle à vos attentes?

M. Finestone: Oui, on peut vivre avec cela. Cependant, dans beaucoup d'autres cas que nous avons discutés avec vous, on trouve qu'on peut faire un arrangement avec le

ministre pour qu'il nous accorde une tolérance, mais les petites gens qui sont dans la rue n'accordent pas la même tolérance. De temps en temps, on doit répondre à des demandes de procédures légales en cour à cause de cela. On pense que, s'il y avait une disposition de votre part pour accorder cette tolérance, ce serait beaucoup mieux de la retrouver dans les règlements. Peut-être que les gens qui appliquent les règlements sauraient, à l'avenir, qu'ils doivent accorder cette tolérance.

M. Godin: Am I to understand, Mr. Finestone, that some cases were brought before the courts?

M. Finestone: We were brought before the commission. I was there myself about eight or ten weeks ago.

M. Godin: You mean the commission, not the court.

M. Finestone: Well, it looks like a court, Mr. Minister. It acts like a court.

M. Godin: Okay, because there is a difference. There is a basic difference. This commission does not have the power to enforce any legislation. It hears people and then, it makes recommendations to the Department of Justice. So, it is not exactly a court. It is like here. It is not a court. It is a hearing committee...

M. Finestone: This...

M. Godin: ...but I understand what you mean by that. You do not like to be asked questions, especially when you think you have done your share of the job.

Mon autre question en rapport avec ce problème du bilinguisme des produits kasher est la suivante. Nous avons observé depuis quelques années, depuis 1968, je crois, l'arrivée au Québec d'un grand nombre d'immigrants juifs séfarades francophones. Je pense qu'ils sont maintenant 20 000 au Québec.

M. Finestone: Oui, 25 000, je pense.

M., Godin: 25 000? C'est une bonne nouvelle. Ceci atteste que le Québec, malgré tout, reste une terre que beaucoup de gens voient comme n'étant pas l'enfer que certains décrivent. Je vous poserai une question très brève. Ils m'ont exprimé à quelques reprises leur souhait de voir, justement, ces produits - pas récemment, mais depuis quelques années - et ils sont contents de voir que la communauté juive a fait un accueil absolument sans égal à leur demande. La communauté juive a maintenant un bilinguisme institutionnel et a vécu, au fond, le même processus de "bilinguisation" que d'autres institutions au Québec, avec l'arrivée de ces nouveaux citoyens.

La question que je vous poserais - et c'est la dernière - est la suivante. Est-ce que vous avez toujours l'intention de vous rendre à ces 10% de produits? La marge est très mince, me dit-on, entre la réalité actuelle et l'objectif sur lequel vous vous étiez entendus avec les organismes de la charte. Est-ce que les 8% qui restent sont vraiment un "irritant" ou si c'est en train de se faire?

M. Schlesinger: Pour commencer, il faut souligner que le Congrès juif canadien a toujours endossé le concept et le but d'avoir tous les produits kasher étiquetés de façon bilingue. Tous les produits qui sont faits ici, au Canada ou au Québec, sont étiquetés dans les deux langues. Le problème est qu'une grande partie des produits kasher viennent des États-Unis. Le marché québécois et même canadien est tellement petit, minime, qu'ils ne peuvent pas, vu l'économie d'échelle, changer l'étiquetage pour notre marché.

Vous avez raison. Si on peut avoir l'étiquetage bilingue, on le souhaite autant que vous. Le problème est que nous avons aussi eu des appels de Juifs séfarades qui disent: Oui, j'aimerais bien que l'étiquette soit en français et en anglais, mais si on nous donne à choisir entre le produit en anglais seulement ou ne pas l'avoir, si c'est kasher, je veux l'avoir même si c'est seulement en anglais. C'est cela, le problème. Ce sont les besoins de la religion qui imposent de manger cette nourriture.

Il y a un autre petit problème. Les ententes, les protocoles ou les pourparlers concernent plutôt les importateurs, mais cela ne concerne pas nécessairement les détaillants. On peut dire qu'un distributeur va importer seulement 10% de produits non bilingues et 90% des autres. Mais le détaillant, lui, n'en sait rien. Il n'est pas au courant de cela. Il ne peut pas faire ses commandes en fonction de cette entente; il fait ses commandes selon ce qu'il vend dans son magasin, selon la demande. Il se peut qu'il ait 40% de marchandise étiquetée en anglais seulement et 60% d'étiquetage bilingue; ce n'est pas sa faute. Là, les membres de l'Office de surveillance entrent pour faire - je n'utiliserai pas le mot "descente" - une visite.

M. Godin: Un inventaire. Ils font un inventaire.

M. Schlesinger: Ils ont leur bouquin, ils font un inventaire et tout le monde est bouleversé. Le détaillant a l'air d'un criminel devant les gens qui passent. On se demande ce qui se passe. Il y a tout le climat créé

par ce genre d'inspection. Il n'y a pas que l'aspect des chiffres, il y a l'aspect commercial et social.

M. Godin: D'accord, c'est noté, Me Schlesinger.

M. Finestone: Est-ce que je peux ajouter un mot, M. le ministre?

M. Godin: Oui, allez-y, M. Finestone.

M. Finestone: The problem is to find them. We are in the process, right now, of sending out a reminder to every retailer who might be involved. Perhaps we ought to go to the Office de la langue française; they probably have a better list of the retailers than we do. We are compiling a list and we intend to remind them of this agreement. So, we are attempting, in every way we possibly can, to cooperate with the agreement.

I would like to ask Dr Archibald to make a couple of points.

M. Archibald (Jim): M. le ministre, vous avez fait référence à un pourcentage qui représenterait une certaine tolérance reconnue de la part de l'office, de la part de la commission, selon une entente que le Congrès juif canadien reconnaît, etc. Vous faites référence à ce pourcentage comme si c'était su, connu et respecté de tous les individus.

Je dois vous dire que, la dernière fois que nous avons été invités à comparaître devant la Commission de surveillance de la langue française, on a parlé d'un pourcentage; le chiffre a varié pendant la conversation. Nous avons demandé aux commissaires de nous préciser quel était le pourcentage qui constituait le critère d'interprétation lors de ces visites d'inspection. On a également demandé qu'on nous fasse parvenir un procès-verbal de la rencontre avec la Commission de surveillance de la langue française. Le président de la séance a refusé de mettre par écrit, pour la communauté juive, le pourcentage utilisé comme critère d'interprétation, primo. Deuxièmement, il a également refusé de nous remettre un procès-verbal de la réunion. Cependant, je n'ai pas en mémoire le nombre de fonctionnaires qui étaient là, mais il y en avait un nombre considérable. Il me semble que nous aurions pu avoir un procès-verbal pour nous mettre au courant un peu de la façon dont le règlement allait être appliqué par les personnes qui sont chargées de faire l'inspection et d'appliquer les règlements. Or, dans les deux cas, la demande a été refusée.

Nous sommes, comme vous le voyez d'après le ton de notre mémoire, tout à fait favorables à l'épanouissement de la langue et de la culture françaises au Québec. Cependant, nous devons également vivre dans un climat social où notre communauté peut s'épanouir et vivre confortablement, en acceptant les objectifs d'épanouissement du français. Et je trouve que notre demande de faire une exception dans la loi aurait un effet très favorable sur le climat social.

M. Godin: C'est noté, Dr Archibald.

Quant à la partie qui touche, à la page 7, l'inscription des enfants dans une école ou une autre, je vais voir avec mon collègue de l'Éducation de quelle manière nous pourrions résoudre ce problème à la satisfaction de la communauté. Dans la mesure où - je pense que ce serait logique - le Québec reconnaît, subventionne des institutions scolaires juives, je pense que cela va de soi que dans ces institutions scolaires il découle que des règlements tiennent compte de la réalité concrète vécue par votre communauté et surtout par ces enfants.

Alors, merci beaucoup, M. Finestone. En ce qui me concerne, j'ai terminé pour l'instant. Peut-être qu'à la fin je reviendrai. Merci, M. Schlesinger et Dr Archibald.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier les représentants du Congrès juif canadien pour être venus présenter ce mémoire. Au début, vous avez lu l'avant-propos de vos mémoires en ce qui concerne les lois 22 et 101. Je pense que, pour résumer la position du Congrès juif canadien, la langue française doit être la langue prioritaire au Québec et la langue commune des Québécois. Cela se résume à cela et donc on n'en parle pas.

J'aimerais seulement poser certaines questions qui touchent vraiment la communauté juive en tant que communauté juive. Il est évident que la loi 101 ne vise pas un groupe religieux ou un groupe ethnique, etc. Les effets de la loi ou des règlements pourraient toucher un groupe religieux ou un groupe ethnique de façon spéciale, mais ce n'est pas voulu. Je pense que tout le monde convient que ce n'était pas voulu, par exemple, de légiférer en ce qui concerne la nourriture kasher; c'est un accident. D'abord, pour la nourriture kasher, c'est la même chose dans la loi fédérale. Il y a une loi fédérale qui exige le bilinguisme, surtout quand cela vient d'un autre pays. Comment le gouvernement fédéral a-t-il traité ce problème? C'est pour tout le Canada: Winnipeg, Vancouver, Toronto et ainsi de suite.

M. Schlesinger: Pendant longtemps, il y a eu tolérance de la part du gouvernement fédéral. On a su qu'il y aura peut-être quelques problèmes. J'ai entendu dire qu'il y avait un problème à Vancouver et aussi à un

autre endroit, à Winnipeg ou ailleurs, où le gouvernement fédéral a suscité des problèmes pour la nourriture kasher qui arrive sans être étiquetée de façon bilingue. Mais, si le Québec voit que c'est nécessaire et qu'il peut prendre les devants dans ce domaine, j'ai fortement l'impression que le gouvernement fédéral va suivre. C'est peut-être une occasion pour la province de Québec de démontrer qu'elle est à l'avant-garde à l'égard des droits humains.

M. Marx: Bien. Donc, le gouvernement fédéral attend; il exerce une tolérance. On empêche l'importation d'une caisse, mais on permet l'importation d'une autre?

M. Schlesinger: J'ai l'impression que je pourrais peut-être rendre plus concret par la suite le fait que, si le Québec exerce une tolérance envers la communauté juive, le gouvernement fédéral suivra de près. (11 h 15)

M. Marx: Oui. Une deuxième question sur ce problème: Est-ce que cela touche d'autres groupes religieux, à votre connaissance, par exemple, les Chinois qui peuvent vouloir importer certains produits agricoles, de même que les Hindous, les Musulmans, etc?

M. Schlesinger: Cela peut toucher divers groupes ethniques, mais il faut faire une distinction. Dans notre cas, ce n'est pas une question culturelle, c'est une question de religion. Je ne peux pas parler pour les Musulmans, ni pour les Hindous. Je crois qu'ils ont aussi quelques problèmes. Quant à nous, ce n'est pas parce qu'on aime un certain genre de nourriture, c'est parce qu'on n'a pas le choix. Ceux qui sont pratiquants doivent manger cette nourriture. C'est la différence.

M. Marx: Je sais que le ministre est de bonne foi dans ce dossier. Le ministre peut prendre un engagement, mais le filtre est souvent bloqué. Cela ne va pas jusqu'aux fonctionnaires. Je ne veux pas demander au ministre de prendre une décision assez compliquée, aujourd'hui, dans les détails et dans la plomberie. Est-ce qu'il peut prendre l'engagement qu'on va s'asseoir pour la dernière fois et rédiger une directive aux fonctionnaires pour dire: C'est cela, enfin on va régler cela d'une façon ou d'une autre afin qu'on ne reprenne pas ce débat d'ici un an ou deux?

M. Godin: Est-ce une question que vous me posez?

M. Marx: Oui.

M. Godin: M. le Président, est-ce que je peux répondre?

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Godin: Me Schlesinger qui est avocat me comprendra parfaitement. Dans la mesure où il s'agit d'une contravention à la loi générale, il serait difficile pour le gouvernement de mettre par écrit qu'il contrevient à sa propre loi. Il s'agit là d'un "gentlemen's agreement" et les paroles valent les actes écrits.

D'autre part, vous avez fait ce qu'on appellerait "a slip of tongue" tout a l'heure en parlant de descente, Me Schlesinger.

M. Schlesinger: J'ai dit que je ne voulais pas qualifier cela de descente.

M. Godin: Mais le Dr Archibald a parlé de visite. "For the record", comme on dit, il est important de savoir que chaque fois que de tels inventaires sont faits le Congrès juif canadien et le B'Nai Brith en sont prévenus d'avance, n'est-ce pas, M. Finestone? Il s'agit de visites tout à fait kasher, if I may say so.

M. Archibald: If I may say so.

M. Marx: Je n'ai pas voulu demander au ministre de contredire sa loi par une directive. Je sais qu'il y a d'autres ministres qui font cela, mais je ne demanderai jamais à un ministre de contourner la loi. Le ministre de la Justice a la mauvaise habitude de contourner des lois par des règlements.

Une voix: C'est l'article 52.

M. Marx: À l'article 52, vous avez le pouvoir de faire des dérogations à l'article 51 par règlement. On vous demande de régler le problème en utilisant vos pouvoirs et d'adopter le règlement nécessaire afin que le problème ne se présente pas une autre fois. Tout ce que vous voulez faire de grâce, vous pouvez le faire de droit. On demande que ce soit encadré dans un règlement pour que le problème ne se pose pas. C'est un "irritant" qui ne fait rien...

M. Godin: Qui irrite. M. Marx: ...qui irrite.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Godin: We will look into it with an open mind.

M. Marx: No. Will you look into it with a sharp pencil?

M. Finestone: I just want to add a word. I appreciate what you are saying, Mr.

Minister, but we really do not want to turn kasher chicken soup into bootleg liquor with the prospect of hiding the chicken soup when the inspector comes. It is our intention to regularize this on your side and on ours. We are not asking for advance notice so that you can hide the chicken soup. We would even be prepared, as the responsible organization which comes to you, if you wish, to send one of our staff with you when you make these visits and show that we are policing both sides of an agreement. We will be agreeable to anything like that. It is not our intention to find a way to defeat the law. It is our intention to find a way to live with it in a way that does not offend our religion.

M. Godin: Thank you so much. M. Marx: Une dernière question.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: En ce qui concerne l'instruction dans les écoles juives, l'instruction séculière est subventionnée à 80%. Je comprends que, dans ces écoles, même si c'est une école anglaise, il y a environ quatorze heures d'instruction en français par semaine.

M. Finestone: More.

M. Marx: Environ.

M. Finestone: Plus que cela.

M. Marx: C'est plus que quatorze heures.

M. Finestone: Je pense que c'est seize heures ou seize heures et demie.

M. Marx: Seize heures ou seize heures et demie. Il y a des ministres du culte qui viennent à Montréal des États-Unis, qui veulent avoir une instruction religieuse pour leurs enfants - pour eux, ce sera souvent la même chose, que ce soit en français ou en anglais - et le problème que je connais, c'est le site de l'école. Ils veulent envoyer leurs enfants à une école dans le même quartier et tout cela. Quand ils ont une exemption de trois ans, ils envoient leurs enfants à une telle école où il y a, disons, quatorze ou quinze heures d'instruction en français. Ce n'est pas assez et, après trois ans, ils doivent envoyer leurs enfants dans une école juive française qui peut être loin, mais qui ne donne pas l'instruction religieuse qu'ils veulent avoir pour leurs enfants. Le problème ne réside pas dans la langue; le problème réside dans l'instruction religieuse.

M. Finestone: Exactement.

M. Marx: Comment peut-on sortir de ce problème?

M. Schlesinger: Je crois que c'est une question religieuse, comme vous dites. Ce n'est pas une question de langue. Le judaïsme est une religion, mais il y a beaucoup de façons de la pratiquer. Un orthodoxe ne peut pas ou ne veut pas envoyer ses enfants dans une école conservatrice ou réformée. Il faut que la personne puisse envoyer son enfant à l'école qui enseigne ou qui dispense l'éducation dans la ligne de pensée et la religion de cette personne. Très souvent, dans un quartier, il n'y a pas qu'une seule école. Si elle veut envoyer son enfant à cette école parce que la ligne de pensée religieuse est celle qu'elle veut, parce que cela n'est pas dans les normes de la loi 101, elle ne peut pas le faire.

Pour ces raisons, les gens sont privés du droit d'envoyer leurs enfants à l'école religieuse où ils aimeraient les envoyer.

M. Marx: Oui. Pour terminer sur ce point, on veut souligner, M. le ministre, que ce n'est pas une question de langue, c'est une question de religion. De toute façon, même si ces enfants sont dans une école désignée anglaise, ils auront quatorze ou seize heures de cours par semaine en langue française. C'est peut-être un autre "irritant" qu'on peut traiter; il y a donc ces deux "irritants": l'étiquetage et l'école religieuse. Mais la question que je me pose maintenant est la suivante: Qui va faire le suivi de ce dossier? C'est le ministre lui-même. Merci.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Presque tout a été dit. Je voudrais tout simplement remercier les représentants du Congrès juif canadien d'avoir ajouté à la présentation de leur mémoire une citation de leur mémoire de 1977. Je crois que cela a été une excellente idée de le faire, parce que si le mémoire que vous avez préparé pour cette commission-ci avait été présenté sans cet ajout, il aurait peut-être laissé en suspens la question de savoir si, oui ou non, vous adhérez aux grands objectifs de la charte du français. Vous avez clarifié cela. Je vous en remercie.

Nous savons tous - on n'a pas besoin de faire de dessin - qu'il y a au Québec, en particulier chez les francophones, un certain nationalisme qui, à travers les diverses périodes de notre histoire, a pris diverses formes. Chaque apparition, chaque avatar de ce nationalisme était, évidemment, de nature à susciter de l'inquiétude chez les groupes

minoritaires et, en particulier, chez nos compatriotes juifs qui, comme tout le monde le sait, ont eu à souffrir d'une façon atroce d'une autre forme de nationalisme. On ne s'étonne pas de cette inquiétude. Après l'élection du gouvernement du Parti québécois, vous avez eu la sagesse de désigner un intermédiaire, un lobbyist - et j'emploie le mot dans un sens tout à fait favorable - M. Yarosky. Je ne sais pas s'il a été remplacé. J'ai souvent déjeuné à Québec avec M. Yarosky et il m'a aidé à comprendre beaucoup de choses au sujet de l'évolution de votre collectivité au Québec. Cela manifestait chez vous un souci d'être au courant vous-mêmes de l'évolution du Québec et on ne peut que vous en féliciter. Je ne peux qu'appuyer les propos du ministre lorsqu'il dit que nous allons examiner très attentivement les propositions concrètes que vous faites et je vous remercie.

M. Schlesinger: Merci, M. le député. Si vous me le permettez, M. le Président, je peux vous affirmer qu'on a l'intention, pour autant que notre budget le permet, de continuer d'avoir des personnes de notre communauté ici, à Québec, pour essayer d'expliquer notre position et de savoir quelles sont les opinions des différents membres du gouvernement. On veut continuer ce dialogue.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: M. le Président, je n'ai qu'une question. Maybe I should pose it to Mr. Finestone. Mr. Finestone, often we hear it said that young anglophone Quebeckers, including those of Jewish descent, are leaving the province and no longer feel at home. There is a feeling of uneasiness. Do you have statistics or anything to indicate that it is true and if so, is it because it was a general trend going from East to West? Does the same thing take place in New York, for instance? Are people leaving from there? Is the Jewish Community in New York getting smaller as it gets bigger in Los Angeles? Is it perhaps for political reasons or, in our particular case in Québec, does Bill 101 play a big role in it or much less of a role than one says? The minister seems to believe it is a normal East-West trend. So, could you just in one minute and a half try to give the feeling that prevails in your community at this point?

M. Finestone: Mr. President, it is a very tough question. I am an economical statistician by training, so I know how to play with figures. My executive director immediately sent me a note saying that it is a 6% decrease and he can verify that fact. The memoir says that we are 105 000 and, thanks to the census, we can probably verify that fact. But the minister asked me what our French composition was, new Jews coming in of the French persuasion. We have not got a precise fix on it. It is somewhere between 20 000 and 25 000. I do know that between the 1971 census and the one in 1981, we estimated our community at 110 000. So, I guess from 110 000 to 105 000, that is where the 6% comes in.

Being a trained economist, I also will deduct from 105 000, say 20 000, if you like and that leaves 85 000 of the community, the Anglo-Jewish Community, which was here when I was growing up, as I understood the Jewish Community. I do not know what percentage of the 110 000 were French, but not too many. I will have to say that there is a loss of some 15 000 to 20 000 of the English-speaking Jews.

Now as to why they go, I grant you all the theories if you like. I have three sons and they all love Québec and they all speak French. One is still here; one is in Edmonton wishing he were here and one is in California wishing he were here. But they cannot get jobs. I guess you could say they drifted westward, but they drifted where they could get employment. It is a very complicated subject. If you are looking for a simple answer, I do not have one. The events of the past ten years have had an effect on everybody and we are no different from the rest. We are different in religion, but not in other questions. I know I had occasion to visit Palm Springs, California, not too long ago and I was delighted to find that my waitress was a French Canadian. We enjoyed talking in French and I said: How did you find your way here? She said: There are 4000 of us here. So, it is not restricted to my community.

Le Président (M. Desbiens): Alors, la conclusion, M. le ministre. (11 h 30)

M. Godin: One of the reasons why we discussed for years and years with Pechiney Ugine Kuhlmann from France was precisely to help bring your sons back here and have a job at Becancour.

M. Finestone: I applaude the suggestion.

Le Président (M. Desbiens): Nous vous remercions de votre participation aux travaux de la commission.

M. Finestone: Je voudrais seulement ajouter un mot. M. le ministre, je veux souligner que j'ai vu la plaque qui est au-dessus de l'escalier avec beaucoup de plaisir et de fierté. Je vous remercie.

M. Godin: Merci.

Le Président (M. Desbiens): J'invite les

représentants de la Commission des valeurs mobilières du Québec à s'approcher, s'il vous plaît. M. Guy.

CVMQ M. Guy (Paul): Oui, M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): Et Me

Jean-Pierre Cristel.

M. Cristel (Jean-Pierre): Bonjour.

Le Président (M. Desbiens): Si vous voulez présenter votre mémoire maintenant. Est-ce que vous entendez en faire une lecture complète ou si vous allez nous en faire un résumé?

M. Guy: M. le Président, je crois qu'il serait plus facile d'en faire la lecture. Je vais quand même sauter quelques paragraphes, quelques pages, dans certains cas, mais je vais essentiellement lire le texte qui est ici.

Le Président (M. Desbiens): Allez-y.

M. Guy: Je vous remercie, M. le Président, de nous avoir donné l'occasion de vous faire part de nos observations sur la Charte de la langue française.

À titre d'organisme responsable de l'application de la Loi sur les valeurs mobilières, la Commission des valeurs mobilières du Québec joue un rôle déterminant quant au contrôle du marché des valeurs au Québec. La commission tient son mandat du législateur et a spécifiquement pour mission, conformément à l'article 276 de la Loi sur les valeurs mobilières, de favoriser le bon fonctionnement du marché des valeurs mobilières; d'assurer la protection des épargnants contre les pratiques déloyales, abusives et frauduleuses; de régir l'information des porteurs de valeurs mobilières et du public sur les personnes qui font publiquement appel à l'épargne et sur les valeurs émises par celles-ci et d'encadrer l'activité des professionnels du marché des valeurs mobilières, des associations qui les regroupent et des organismes chargés d'assurer le fonctionnement d'un marché de valeurs mobilières.

Le 16 décembre 1982, l'Assemblée nationale adoptait la Loi sur les valeurs mobilières destinée à remplacer entièrement l'ancienne loi, dont les derniers amendements remontaient à 1973. Avec la proclamation de l'entrée en vigueur de cette nouvelle loi, le 19 janvier 1983, le Québec se dota, de l'avis de tous les observateurs avertis, d'une des lois les plus innovatrices en Amérique du Nord en matière de valeurs mobilières. L'introduction de nouveaux recours destinés à protéger les épargnants de même qu'une gamme accrue de mécanismes d'information sur tout émetteur assujetti faisant appel à l'épargne des Québécois ne sont que des exemples sommaires du caractère innovateur de cette loi.

En quoi l'application ou une révision potentielle de la Charte de la langue française concerne-t-elle la Commission des valeurs mobilières du Québec? Voilà une question dont la réponse, a priori, n'est peut-être pas évidente.

Lorsque l'Assemblée nationale adopta la Charte de la langue française, le 26 août 1977, elle conféra à cette loi le caractère universel de charte et exprima ainsi clairement son intention de faire pénétrer profondément dans tous les domaines d'activité du peuple québécois l'usage de la langue française. Ces domaines d'activité incluaient, bien sûr, l'administration publique, dont la commission fait partie, de même que les affaires en général où le commerce des valeurs mobilières a toujours joué, dans notre système économique, un rôle moteur des plus importants.

La commission n'entend pas, tout au long de ce mémoire, faire la démonstration exhaustive du handicap dont a longtemps souffert l'usage de la langue française au Québec dans le domaine des affaires de même qu'au sein de certains organismes publics. Ce fait est aujourd'hui d'autant mieux reconnu que des correctifs ont été et continuent d'être apportés à une telle situation.

Consciente toutefois de ses responsabilités à titre d'organisme public chargé de l'application d'une loi spécifique, la commission voudrait néanmoins souligner clairement qu'elle inscrit son témoignage dans le cadre de sa mission particulière. Il est relativement facile de comprendre l'intérêt que peut avoir la Commission des valeurs mobilières du Québec quant à l'impact de toute législation à caractère linguistique lorsqu'on réalise l'effet que peut avoir une barrière de langage sur l'efficacité des mécanismes d'information dont elle a la responsabilité d'assumer l'administration et qui sont destinés à protéger les épargnants.

Environ 80% de la population québécoise est francophone et lorsqu'on analyse en profondeur la nature des mécanismes d'information mis en place, notamment par la Loi sur les valeurs mobilières, il devient évident que si on introduit une barrière linguistique dans ces mécanismes, au niveau de la documentation, l'efficacité de ceux-ci devient rapidement nulle. À quoi bon, par exemple, obliger un émetteur de valeurs mobilières à tenir un dossier d'information détaillé à l'usage des épargnants si ce dossier n'est pas disponible dans une langue compréhensible par la majorité de la population du Québec? La commission - on le comprendra aisément -

attache donc beaucoup d'importance à l'efficacité réelle des mécanismes d'information mis en place par la Loi sur les valeurs mobilières. L'Assemblée nationale et le gouvernement partagent, sans aucun doute, ce souci de maintenir une base solide à la confiance des épargnants québécois et à l'activité des entreprises.

L'intérêt de la commission vis-à-vis de la Charte de la langue française étant donc établi, la commission indique qu'elle a l'intention de faire porter son témoignage sur deux plans principaux. Le premier est celui de l'impact de la Charte de la langue française sur son administration interne à titre d'organisme public. Le second est celui de l'effet spécifique de la Charte de la langue française sur les divers mécanismes d'information mis en place par la Loi sur les valeurs mobilières.

Le premier aspect sur lequel porte ce mémoire est celui de l'impact de la Charte de la langue française sur l'administration interne de la Commission des valeurs mobilières du Québec à titre d'organisme public. La Charte de la langue française ayant été sanctionnée le 26 août 1977, le Dr Camille Laurin fut par la suite nommé ministre responsable de l'application de cette loi par le Conseil des ministres. À ce titre, M. Laurin soumit au Conseil des ministres, le 28 septembre et le 19 octobre 1977, deux mémoires dont les orientations furent acceptées par le conseil lors de sa réunion du 26 octobre 1977.

Une des conclusions principales de ces mémoires était que l'application de la Charte de la langue française dans l'administration publique requérait des interventions et des changements qu'il était important d'entreprendre sans délai. On se souviendra sans doute que le quatrième chapitre du livre blanc sur la politique québécoise de la langue française traitait de la contribution des organismes publics "au redressement de la situation linguistique du Québec". On y soulignait notamment que l'administration publique avait un rôle d'entraînement très important à jouer à la fois pour implanter le français comme langue de travail dans l'ensemble du Québec et pour améliorer la qualité du français utilisé partout.

Consciente des handicaps dont souffrait l'usage de la langue française au sein du monde des affaires québécois, la Commission des valeurs mobilières du Québec fut particulièrement sensible à cette volonté de faire participer activement l'ensemble de l'administration publique à l'entreprise de francisation que les mémoires adoptés par le Conseil des ministres explicitaient clairement. A cause de la position centrale qu'elle occupe au sein du marché des valeurs mobilières québécois, tant au niveau de l'appel public à l'épargne par les entreprises que du marché boursier, la commission était persuadée qu'elle pouvait, par son exemple, renforcer l'usage de la langue française et, dans certains cas, entraîner une véritable renaissance de celui-ci.

Toutes les personnes ayant travaillé au sein de l'univers particulier des marchés boursiers et des placements de titres au Québec savent combien l'usage du français pouvait y être encore déficient, même au milieu des années soixante-dix. La commission désirait donc inscrire ses efforts dans une véritable perspective de revitalisation de la langue officielle, en sachant pertinemment que l'histoire enseigne qu'une fois l'usage d'une langue évacuée du monde des affaires, l'attrait de son utilisation courante à d'autres niveaux diminue considérablement.

Conformément à la volonté du Conseil des ministres, la commission créa donc, le 8 février 1978, un comité d'étude sur l'application de la Charte de la langue française. Ce comité, qui effectua une analyse linguistique des activités de la commission, présenta son rapport à la commission le 28 juillet 1978. Je ne reprendrai pas en détail les aspects de l'analyse, sauf que celle-ci fut approuvée par la commission et que la commission obtint son certificat de francisation de l'office le 10 novembre 1980.

Aujourd'hui encore, le comité de francisation de la commission poursuit ses activités. Il contribue notamment à la publication d'un lexique sur les valeurs mobilières dont la terminologie financière remplace rapidement l'usage d'expressions anglaises ou d'expressions françaises boiteuses, la plupart du temps issues d'une traduction littérale et imparfaite de l'anglais. Ce comité veille aussi à la diffusion et à l'intégration de ces nouvelles expressions dans les activités et la correspondance quotidienne de tout le personnel de la commission.

Lorsqu'on réalise la quantité et l'originalité des expressions françaises qui furent incorporées dans la récente Loi sur les valeurs mobilières et de l'impact que celles-ci commencent à avoir dans le milieu financier, on se rend bien compte que, lentement mais sûrement, on assiste à ce niveau à une véritable renaissance de l'usage du français.

La commission constitue donc aujourd'hui un instrument privilégié de diffusion du français au sein du monde des affaires québécois.

La commission croit qu'il est important, au-delà du texte législatif de la Charte de la langue française, de maintenir un climat propre à l'accroissement de l'usage de la langue française au sein de l'administration publique. L'impact psychologique de tout projet de modification des dispositions de cette loi devra donc être évalué avec soin.

Le second aspect de notre mémoire porte sur l'effet spécifique de la Charte de

la langue française sur les divers mécanismes d'information mis en place par la Loi sur les valeurs mobilières. Cet aspect est, à notre avis, des plus importants et il est à l'origine des principales recommandations proposées par la commission dans ce mémoire.

Un des objectifs fondamentaux de la commission est en effet de régir l'information des porteurs de valeurs mobilières et du public sur les personnes qui font publiquement appel à l'épargne ou sur les valeurs émises par celles-ci. Afin d'être en mesure de remplir adéquatement cette mission, la commission s'appuie sur toute une série de dispositions que le législateur établit dans sa loi constitutive, c'est-à-dire la Loi sur les valeurs mobilières.

D'une façon générale, ces dispositions obligent les émetteurs assujettis aux obligations d'information de la loi à soumettre une gamme d'informations très détaillées au contrôle de la commission et à fournir cette information aux épargnants québécois afin que ceux-ci puissent effectuer des choix d'investissements éclairés.

Suit toute une liste de documents qui sont prévus par la Loi sur les valeurs mobilières, qui sont des documents d'information tout à fait essentiels aux mécanismes d'information qui sont prévus par cette loi. Je n'en ferai pas la lecture exhaustive, je pense que chacun peut en prendre connaissance, mais je vais me contenter d'en mentionner quelques-uns.

Ainsi, une société qui désire placer des valeurs mobilières auprès des épargnants doit soumettre au visa de la commission un prospectus présentant les informations et les attestations prévues par règlement et révélant tous les faits importants susceptibles d'affecter la valeur ou le cours des titres qui font l'objet du placement. Ce prospectus doit être mis à la disposition des épargnants, afin de les informer adéquatement sur la valeur des titres concernés.

Également, lorsque la direction d'un émetteur assujetti convoque une assemblée de porteurs de titres comportant droit de vote, elle doit leur faire parvenir un formulaire de procuration ainsi qu'une circulaire en vue de la sollicitation de procuration. La raison d'être des documents sus-mentionnés est évidemment d'assurer qu'un minimum d'informations contrôlées soient mises à la disposition des porteurs de titres afin de leur permettre de prendre des décisions souvent extrêmement importantes au niveau de la gestion des émetteurs et ayant une influence parfois considérable sur leur avenir financier. (11 h 45)

Également, dans le cas des offres publiques d'achat où une personne tente de prendre ou de renforcer une position dominante, c'est-à-dire plus de 20% des titres comportant un droit de vote de cet émetteur, l'initiateur de l'offre a l'obligation de transmettre l'offre au porteur de titres avec une note d'information établie dans la forme déterminée par règlement. Il doit déposer ces documents auprès de la commission et, de plus, il doit les envoyer au porteur de titres. De plus, le conseil d'administration de la société visée par l'offre est tenu de faire parvenir au porteur de titres une circulaire établie dans la forme prévue par le règlement.

Toute personne ayant un minimum de familiarité avec les offres publiques d'achat comprendra avec facilité l'importance des documents d'information ci-haut mentionnés pour tout épargnant détenant des titres d'une société visée. Une offre publique d'achat est généralement une opération très complexe et la décision du porteur d'accepter ou de rejeter celle-ci doit être prise en ayant un minimum d'informations précises garanties par la loi sur ses caractéristiques et ses conséquences probables. Comme il a été clairement indiqué au début de ce mémoire, la Commission des valeurs mobilières, à cause de sa vocation particulière, a un intérêt marqué à assurer l'efficacité des mécanismes d'information précédemment décrits. Ces mécanismes d'information furent mis en place avec la sanction même du législateur et, de l'avis de tous, leur fonctionnement efficace est le meilleur garant de la confiance que mettent les épargnants québécois dans le fonctionnement du marché des valeurs.

La Loi sur les valeurs mobilières du Québec ne contient pas et n'a jamais contenu de dispositions permettant spécifiquement à la commission d'exiger que tous ses documents d'information soient disponibles en français pour le bénéfice des épargnants francophones. Et, avant 1974, il n'était pas rare de constater que la plupart de ces documents n'étaient effectivement pas disponibles en français. L'épargnant francophone était donc souvent considérablement désavantagé au niveau de l'analyse de ses choix d'investissement car aucun texte législatif ne pouvait lui garantir que les mécanismes d'information mis en place par la Loi sur les valeurs mobilières ne seraient pas, en quelque sorte, annulés par une barrière linguistique. Il a fallu attendre l'entrée en vigueur de la Loi sur la langue officielle en juillet 1974 pour voir apparaître dans un texte de loi les premières dispositions portant sur la langue des affaires au Québec. Malheureusement, le caractère particulièrement large et imprécis de ses dispositions se prêtait fort mal au domaine des valeurs mobilières.

En dépit de nombreuses interprétations contradictoires, seuls les articles 33 et 35 de cette loi semblaient recevoir une application quelconque par rapport aux documents d'information exigés à l'époque par la Loi

sur les valeurs mobilières. Ces articles faisaient notamment référence aux contrats d'adhésion de même qu'à la publicité écrite. Certaines analyses juridiques concluèrent que l'on pouvait probablement associer le prospectus, les offres publiques d'achat ou d'échange d'actions et la documentation qui accompagne ces offres soit à des contrats d'adhésion, soit à de la publicité écrite. Bien que ces opinions juridiques étaient loin de faire l'unanimité, la commission commença dès la fin de 1974 à exiger de plus en plus fréquemment que certains des documents d'information précédemment mentionnés, dont le prospectus définitif, soient établis en français.

En prenant cette décision, la commission était très consciente de l'effet négatif que la barrière linguistique avait sur l'efficacité de ses mécanismes d'information et elle tentait ainsi de pallier progressivement cette lacune en s'appuyant, d'une part, sur la Loi sur la langue officielle et d'autre part, sur les pouvoirs généraux à caractère discrétionnaire que lui conférait sa loi constitutive en vue de protéger l'intérêt public. En prenant cette décision, la commission était aussi consciente du caractère imprécis des articles 33 et 35 de la Loi sur la langue officielle et du fait qu'un manquement aux dispositions de ceux-ci ne portait véritablement aucune sanction, sauf peut-être un recours en nullité coûteux et aléatoire devant les tribunaux civils.

Lorsque la Charte de la langue française entra en vigueur au mois d'août 1977, la commission constata une volonté accrue du législateur d'éliminer, à tous les niveaux, les barrières linguistiques susceptibles de constituer un handicap pour un citoyen unilingue francophone au Québec. Malheureusement, plusieurs des lacunes identifiées dans le chapitre de la langue des affaires de la Loi sur la langue officielle se retrouvèrent dans celui de la Charte de la langue française. En effet, les articles 53 et 55 du chapitre VII de la loi 101, qui semblent recevoir une certaine application pour ce qui a trait au commerce des valeurs mobilières, comportaient essentiellement les mêmes lacunes que les articles équivalents dans la Loi sur la langue officielle.

Je voudrais souligner en passant ici la deuxième phrase de l'article 55 de la Charte de la langue française qui est très similaire au deuxième paragraphe de l'article 33 de la Loi sur la langue officielle. Étant donné la pratique courante d'inclure, à certains contrats d'adhésion, une clause établissant que le client a exigé que le contrat soit établi uniquement en anglais, avant même d'avoir pu véritablement exprimer sa volonté à cet effet, la commission considère que la deuxième phrase de l'article 55 de la Charte de la langue française donne ouverture beaucoup trop facilement à de nombreux abus.

Comme la réglementation de la Charte de la langue française ne précise aucunement les documents visés par les expressions "autres publications de même nature "et" documents qui s'y rattachent" et comme il est difficile, a priori, de concevoir que le prospectus ou la note d'information soit des documents de même nature que des catalogues, on comprendra aisément les difficultés d'interprétation auxquelles la commission dut de nouveau faire face. La jurisprudence n'apportant à cet égard aucune clarification additionnelle pour ce qui a trait au commerce des valeurs mobilières, la commission dut se résoudre à poursuivre la politique qu'elle avait entreprise en s'appuyant sur une assise juridique presque aussi fragile.

Dans le cas d'une offre publique, si la commission n'use pas du pouvoir discrétionnaire que lui confère sa loi constitutive en vue de forcer l'initiateur à transmettre sa note d'information en français sous peine de se voir interdire son offre au Québec, tous les porteurs de titres unilingues francophones seront victimes d'un désavantage tel qu'ils peuvent être totalement privés des informations que le législateur a pourtant jugées suffisamment importantes pour en obliger la diffusion par la Loi sur les valeurs mobilières.

On comprendra ainsi plus facilement que la Commission des valeurs mobilières, dont les décisions peuvent être portées en appel devant les tribunaux civils, puisse se sentir mal à l'aise d'imposer des exigences linguistiques qu'elle considère essentielles à l'efficacité des mécanismes d'information de sa loi constitutive mais qui, d'autre part, ne sont pas clairement établies dans la loi principale sur la langue française au Québec.

Soucieuse de contribuer à l'établissement de correctifs à une telle situation, la commission voudrait, en conséquence, soumettre quelques recommandations qu'elle juge extrêmement importantes aux représentants de l'Assemblée nationale chargés d'examiner cette question. Lorsque l'Assemblée nationale légiféra dans le domaine du commerce et des affaires par l'entremise de la Charte de la langue française, elle considéra sans aucun doute qu'il était dans l'intérêt public de veiller à ce qu'aucune barrière linguistique ne vienne priver la grande majorité de la population québécoise d'informations essentielles qui, souvent, n'étaient pas disponibles en français.

Afin de permettre une meilleure réalisation de cette volonté, laquelle exprime, croyons-nous, un principe fondamental, la commission est d'avis que la Charte de la langue française ou sa réglementation devrait être amendée de façon que tous les documents d'information prévus à la Loi sur les valeurs mobilières

soient spécifiquement couverts par celle-ci. À cause du caractère extrêmement complexe et particulier de certaines activités sur valeurs mobilières, qu'il serait trop fastidieux de décrire dans ce mémoire, mais sur lesquelles la commission est prête à apporter toutes les précisions nécessaires, un pouvoir de dispense limité devrait être néanmoins conféré à la commission. Cette dispense aurait pour but d'éviter que des activités spécifiques, à caractère exceptionnel, ne pénalisent indûment des porteurs de titres québécois lorsque certains documents d'information ne peuvent absolument pas être disponibles en français dans les délais fixés par la loi.

De plus, la commission croit essentiel d'inscrire dans la Charte de la langue française, ou dans la Loi sur les valeurs mobilières, une disposition spécifique l'obligeant à faire respecter certaines obligations linguistiques visant les documents d'information prévus à la Loi sur les valeurs mobilières, et ce, dans le cadre de l'exercice de sa mission particulière.

Ainsi, lorsque la Loi sur les valeurs mobilières oblige un émetteur à déposer, par exemple, un prospectus, et que la Charte de la langue française stipule que ce prospectus doit être établi en français, alors la commission, à titre d'organisme public, devrait avoir l'obligation précise de ne pas accorder de visa du prospectus à moins qu'il ne soit établi en français. Dans une telle situation, si la décision de la commission était contestée en appel devant les tribunaux civils, la commission pourrait facilement invoquer en défense l'obligation spécifique que lui impose la Charte de la langue française, ou sa loi constitutive, alors qu'actuellement, ce n'est pas clairement le cas.

La commission formule les recommandations présentées dans ce mémoire avec la conviction profonde qu'elles contribueront à accorder une meilleure protection aux épargnants francophones du Québec tout en assurant une stabilité accrue à nos marchés financiers.

Il doit être souligné qu'étant donné les dispositions de l'article 89 de la Charte de la langue française de même que la pratique courante d'établir les documents d'information visés en anglais, ces recommandations n'affectent aucunement la qualité de l'information financière déjà reçue d'une façon régulière par les épargnants anglophones.

Notons enfin que les frais occasionnés par la traduction de documents d'information requis par la Loi sur les valeurs mobilières, ne sauraient constituer un argument sérieux pour aller à l'encontre des recommandations précédemment mentionnées. Ces frais représentent en effet un coût marginal pour toute personne faisant publiquement appel à l'épargne au Québec. Ceci est d'autant plus vrai depuis que de nouvelles techniques de traduction, utilisant l'informatique, sont couramment utilisées par la plupart des firmes de traduction spécialisées.

Afin d'assurer que les effets juridiques des recommandations précédemment formulées soient atteints, la commission suggère l'une ou l'autre des propositions suivantes: l°modifier la Charte de la langue française de façon à couvrir spécifiquement tous les documents d'information prévus à la Loi sur les valeurs mobilières; 2°accorder, dans la Charte de la langue française, un pouvoir de dispense à la Commission des valeurs mobilières du Québec pour ce qui a trait aux documents mentionnés précédemment; 3 introduire dans la Charte de la langue française une disposition obligeant clairement la Commission des valeurs mobilières à faire respecter ces dispositions de la charte dans l'exercice de sa mission particulière. Ou, alternativement: 1° modifier la Charte de la langue française de façon à couvrir spécifiquement tous les documents d'information prévus à la Loi sur les valeurs mobilières; 2° dispenser ces dispositions des sanctions prévues à l'article 205 de la charte afin d'éviter un régime de double sanction; 3° introduire dans la Loi sur les valeurs mobilières une disposition identique à celle exigeant que les documents d'information prévus à la Loi sur les valeurs mobilières soient rédigés en français.

Comme la Loi sur les valeurs mobilières prévoit déjà, à l'article 263, un pouvoir de dispense restreint, de même que des sanctions particulières en cas de contravention à l'une de ses dispositions, la commission accorde une nette préférence au deuxième choix étant donné sa simplicité administrative.

La commission s'est contentée de formuler, dans ce mémoire, des recommandations de principe pour ce qui a trait aux amendements qu'elle souhaiterait voir apporter à la Charte de la langue française.

La commission demeure, bien sûr, à la disposition des représentants de l'Assemblée nationale, à des fins de consultation, si les recommandations susmentionnées sont retenues et qu'un texte législatif précis est requis.

Nous vous remercions, M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): Merci. M. le ministre. (12 heures)

M. Godin: M. le Président, M. Guy, Me Cristel, j'entends comme une douce musique à mes oreilles l'opinion de gens qui sont du milieu de la finance, dans son sens le plus précis et le plus concret et, qui ont réussi à franciser une grande partie du vocabulaire de ce secteur, d'une part et d'autre part, à

développer une nouvelle conscience linguistique francophone dans ce milieu.

Je poserai une question. Chaque fois qu'on parle de français, dans bien des milieux on dit que cela équivaut à freiner et à empêcher le développement. Est-ce qu'il y a des moyens pour vous de vérifier la croissance ou la décroissance des activités dans le domaine des valeurs mobilières au Québec? Si oui, avec ces moyens pouvez-vous vérifier si, depuis 1971 jusqu'à 1981, prenons une décennie du recensement malgré l'application de la loi 22 et de la loi 101, puisque c'est bien clair dans votre mémoire que c'est la loi 22 qui fut la première loi linguistique portant sur ces questions au Québec qui a déjà commencé à franciser la documentation, vous avez noté une augmentation ou une baisse, au total, sur dix ans de l'activité de la commission des valeurs mobilières au Québec?

M. Guy: M. le ministre c'est une question à laquelle il est assez difficile de répondre. Il ne faut pas oublier qu'il y a certainement eu une croissance de l'activité. Il serait difficile de relier cette croissance à la loi 101 ou à une autre loi.

M. Godin: Non, non...

M. Guy: II y a eu dans l'économie générale une croissance de l'activité. Il n'y a certainement pas eu - de cela on est certain - de décroissance à partir de 1974, quand la loi sur la langue officielle a été adoptée. Il y a eu une croissance de toute l'activité du marché des valeurs mobilières au Québec durant les dix dernières années, il n'y a aucun doute sur cela. Est-ce que cette croissance aurait été plus forte ou moins forte s'il n'y avait pas eu la loi 101 ou la loi 22? Je pourrais difficilement le dire. Je ne sais pas si je réponds bien, si c'est la bonne réponse à la question. Je ne suis pas sûr.

M. Godin: M. Guy, vous répondez exactement à ma question mais je la reposerai. Est-ce que la loi 22 et la loi 101 auraient eu des effets négatifs, d'après vous, sur cette croissance, comparativement à d'autres commissions semblables dans d'autres provinces canadiennes, par exemple?

M. Guy: Honnêtement, il y a eu certainement au départ, en 1974, quand la commission pour la première fois a exigé qu'un prospectus... Le prospectus c'est le document essentiel que les entreprises doivent transmettre aux épargnants et qui doit recevoir l'accord de la commission. Dans le cas où une entreprise veut vendre ses titres au public en général, la commission, en 1974, a exigé que le prospectus définitif... Je vais expliquer, cela ne prendra pas beaucoup de temps.

Habituellement, l'émetteur dépose un prospectus provisoire, c'est-à-dire un document qui lui permet uniquement de recueillir des intentions en vue du placement de titres qu'il fera plus tard avec le prospectus définitif. En 1974, pour la première fois, la commission a exigé que le prospectus définitif soit en langue française. C'est évident qu'à ce moment-là, il y a eu une certaine résistance, nous ne pouvons pas le nier; dans certains cas, une grande résistance. Les émetteurs se sont pliés à cela dans certains cas certainement pas avec beaucoup de ferveur, mais la situation a évolué par la suite. La commission avait dit à ce moment: On va vous donner un certain temps pour vous ajuster et après on exigera que le prospectus provisoire soit également déposé en français. Cela a pris sept ans avant qu'on arrive à cette étape, en 1981. Là, bien entendu, cela a créé un peu de résistance. On peut dire qu'aujourd'hui, en 1983, il n'y a plus de prospectus au Québec qui sont rédigés uniquement en anglais. On a franchi cette étape sans trop de difficultés et les gens se sont ajustés à cela. Il y a encore - on n'a pas de statistiques parce qu'on ne peut pas faire une telle étude - des placements qui se font uniquement en Ontario ou dans les provinces de l'Ouest. On nous dit qu'une des raisons, c'est le coût d'établir le prospectus en français au Québec. Mais je pense qu'il faut vivre avec cela. C'est le prix qu'on doit payer. C'est un prix essentiel. Mais je pense qu'il y en a de moins en moins, par exemple, on peut dire cela avec...

M. Godin: On peut en venir à la conclusion que l'argent n'a pas d'odeur.

M. Guy: C'est cela.

M. Godin: Jusqu'à un certain point. Ma deuxième question est la suivante: Est-ce que, malgré que la loi dans l'analyse que vous en faites et la pratique que vous en avez peut permettre à certaines personnes futées de passer à côté de certains articles, entre autres, l'article 55, grâce à une clause imprimée qui fait état d'une entente entre les parties? Est-ce qu'il y a un grand nombre de cas semblables, à votre connaissance, ou si c'est marginal?

M. Guy: M. le ministre, je crois que c'est très important. Cela n'arrive pas dans le cas des prospectus bien entendu parce que, comme je l'ai dit tout à l'heure, la commission n'accorde pas son visa sur un prospectus qui n'est pas rédigé en français. Cela règle la question des prospectus. Il reste tout le côté des offres publiques qui est un élément extrêmement important où on offre d'acheter les titres d'une compagnie où

on offre de les échanger pour d'autres. C'est toujours des opérations très complexes où il est important d'avoir les informations qui sont exigées par la Loi sur les valeurs mobilières. Dans plusieurs de ces cas, on note que "l'initiateur" mettait une clause dans son document à la fin disant que le porteur de titres avait exigé que le document soit en français. C'est bien avant qu'on transmette le document à la personne.

M. Godin: En anglais, ...que le document soit en anglais.

M. Guy: ...en anglais. Et bien avant qu'on lui transmette au moment de l'imprimer. Je pense que ce nombre de cas diminue parce que la commission, maintenant, dans la plupart des cas, exige que la note d'information soit en français. Cela existe encore. Il y en avait quand même un nombre assez important à venir jusqu'à récemment.

M. Godin: Au moment où on se parle, quelle serait la proportion du total qui... C'est difficile à dire?

M. Guy: C'est difficile à évaluer, parce qu'il y a quand même une foule de documents qui n'ont pas à recevoir l'approbation de la commission. Ils sont déposés auprès de la commission et cette dernière ne peut pas intervenir ou n'intervient pas dans une foule de documents. Il serait difficile pour nous d'évaluer... Je ne voudrais pas essayer de donner un chiffre ou de donner une réponse qui ne soit pas précise.

M. Godin: Si nous modifiions la loi dans le sens que vous indiquez de manière que le consommateur francophone de qui on vient chercher l'argent ici... Si on modifiait la loi pour que ce consommateur ou cet acheteur, au fond, parce que les gens qui viennent sont des vendeurs et normalement "the customer is always right", c'est un principe international élémentaire et qui est maintenant presque aussi important que l'un des dix commandements de Dieu... on va sûrement entendre dire que si nous adoptions ce changement proposé, ce serait nuisible aux Québécois eux-mêmes, parce que cela imposerait une traduction à des vendeurs. Est-ce que, à cet argument, qui nous sera probablement fait, vous auriez une réponse à donner d'avance?

M. Guy: Je pense qu'il y a deux cas, enfin je vais me limiter à deux types d'activité. Si on parle du prospectus, on a eu cet argument à maintes reprises dans le passé. La réponse qu'on donne à cela, c'est que le coût est réellement insignifiant par rapport à la valeur de l'activité qui est faite au Québec. J'ai ici quelques chiffres - je ne vais pas vous les donner tous - mais si on prend un prospectus... Je ne veux pas nommer la société concernée, mais une grande société pétrolière qui a placé environ 20% à 25% des valeurs de ces titres au Québec, dont 28 000 000 $...

M. Godin: 28 000 000 $?

M. Guy: 28 000 000 $, pour établir le prospectus en français, cela a coûté deux centièmes pour cent de ce montant, alors de 6000 $ à 12 000 $. C'est réellement insignifiant par rapport à la valeur des titres qui sont placés au Québec. Quand on nous donne l'argument, à la commission, que c'est très coûteux, on pense que ce n'est pas très coûteux par rapport à la valeur des titres qu'on vend au Québec.

Il ne faut pas oublier un point extrêmement important et que je dois souligner, c'est que dans la Loi sur les valeurs mobilières du Québec, qui est entrée en vigueur en grande partie au mois d'avril 1983, on a établi le régime du prospectus simplifié c'est-à-dire que toutes les entreprises qui se conforment aux conditions prévues à la loi peuvent établir un prospectus simplifié qui représente... voyez-vous, dans celui que je vous ai cité, il y a neuf pages, par rapport à un prospectus ordinaire qui est de 82 pages dans un cas.

Alors, si l'entreprise choisit de se prévaloir du régime du prospectus simplifié -c'est son choix - son coût est pas mal réduit, parce qu'il est à peu près de 1% de la valeur des titres placés au Québec dans le cas d'un prospectus normal. Mais l'entreprise peut choisir le régime du prospectus simplifié au Québec, même si elle n'y a pas droit ailleurs au Canada et ainsi réduire sensiblement ses coûts. Le coût que je vous donne, c'est bien important parce que l'on va vous répéter... les coûts que je vous ai donnés comprennent les coûts de traduction, de vérification juridique après la traduction et d'impression du prospectus. C'est l'ensemble des coûts que je vous ai donnés, lesquels sont réellement très minimes.

Dans le cas d'une offre publique, on a une situation un peu différente, c'est-à-dire que l'on offre d'acheter les titres qu'une personne détient et de lui donner en contrepartie, dans certains cas, d'autres titres ou un montant quelconque. C'est pour cela que la recommandation c'est surtout dans ces cas-là, où la commission dit qu'elle devrait avoir un pouvoir de dispense pour ne pas pénaliser indûment un porteur de titres au Québec. On a une foule de situations, dont une tout récemment, où une compagnie fait une offre publique d'achat et il y a seulement un porteur de titres au Québec. Alors, bien entendu, si vous avez un document de 75 pages qu'il vous faut

traduire pour le transmettre à un porteur de titres au Québec, eh bien, l'initiateur va tout simplement dire: Je ne fais pas mon offre au Québec. À ce moment-là, ce serait réellement un cas où il serait trop coûteux de le faire. La commission dans ces cas-là et d'après son jugement de la situation, serait prête à dispenser l'initiateur. Elle dirait: Dans ce cas, vous pouvez transmettre le document même s'il est établi seulement en anglais. Alors, ce sont des cas comme ceux-là qu'il faut...

M. Godin: J'ai une avant-dernière question: Est-ce que ce pouvoir de dispense devrait être intégré à votre loi constitutive ou à la loi 101?

M. Guy: Nous trouvons qu'il serait extrêmement difficile pour nous, et je pense peu souhaitable, d'avoir dans une autre loi un pouvoir de dispense qui est donné à un organisme différent de l'organisme qui est chargé de l'application de la loi. On a déjà dans la Loi sur les valeurs mobilières un pouvoir de dispense qui existe pour la plupart des dispositions de la loi. Du point de vue administratif cela nous apparaît une solution beaucoup plus facile.

M. Godin: Ma dernière question: Quelle est la valeur totale des valeurs mobilières achetées au Québec pour la dernière année dont vous avez les chiffres sur douze mois?

M. Guy: Vous posez une question...

M. Godin: Donnez-moi un chiffre approximatif.

M. Guy: Je ne l'ai pas avec moi, c'est dommage, parce que la commission publie un bulletin statistique semestriel. Je ne l'ai pas apporté. Je m'excuse, je n'oserais pas vous donner un chiffre.

M. Godin: Est-ce de l'ordre de près du milliard?

M. Guy: Certainement, beaucoup plus que cela. Ah oui, plusieurs milliards.

M. Godin: Plusieurs milliards?

M. Guy: Oui, oui. Mais je n'oserais pas vous donner un chiffre parce que...

M. Godin: De toute façon, ce qui m'importe c'est...

M. Guy: Je pourrais vous le fournir si vous voulez l'avoir.

M. Godin: ...que la commission se souvienne ici qu'il s'agit de plusieurs milliards de dollars par année d'actions vendues au Québec à des citoyens du Québec dont 80% sont francophones, et qu'il nous semblerait normal qu'autant de consommateurs qui investissent autant d'argent puissent au moins recevoir des documents dans leur langue maternelle.

M. Guy: Oui.

M. Godin: C'est ma conclusion. Merci, M. Guy.

Le Président (M. Desbiens): Merci. M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: M. Guy, nous vous remercions de notre côté de venir nous présenter vos suggestions. Nous nous réjouissons avec vous, de ce côté-ci, des mécanismes de protection des épargnants qui ont été apportés par la nouvelle loi. On se réjouit tous de cette protection. Mais il y a certains aspects que je voulais préciser avec vous. Je pense qu'en principe personne ne contestera ici le fait qu'un consommateur au Québec devrait recevoir des documents en français. Nous sommes tous unanimes sur ce point de vue là. Mais du point de vue de la mécanique, de la législation et des contraintes législatives, je voulais savoir... Par exemple, le plus grand organisme financier qui transige des valeurs mobilières, la Bourse de Montréal, quelle est son attitude par rapport à vos recommandations sur les pouvoirs accrus sur la documentation? C'est ce que j'aurais voulu savoir: Quelle est son attitude et est-ce que vous en avez discuté avec la Bourse de Montréal? Est-ce que ces vues représentent celles de M. Lortie, de la Bourse de Montréal?

M. Guy: Pour répondre à cette question, je pense qu'il faudrait corriger. Il ne s'agit pas de pouvoirs accrus. La recommandation de la commission ne vise pas à donner à la commission des pouvoirs accrus sur les documents d'information qui sont déjà prévus à la Loi sur les valeurs mobilières. Ces documents sont déjà prévus, la commission déjà, dans un avis qu'elle a publié le 25 mars 1983, disait essentiellement: Voici les règles concernant les documents d'information déposés auprès de la commission, et on faisait la liste des documents d'information qui devaient être établis en français.

La commission fait déjà cet exercice. Il ne s'agit pas de pouvoirs accrus. Tout ce que nous disons c'est que, lorsqu'il y a une loi principale sur la langue française et que cette loi n'est pas précise et qu'il y a une loi sur les valeurs mobilières que la commission applique, c'est-à-dire qu'elle applique aux documents prévus par cette loi certains critères, si les deux lois ne concordent pas dans leur interprétation cela

pose des problèmes, auxquels la commission a dû faire face au cours des dix dernières années. Alors ce n'est pas d'aujourd'hui. On a toujours dû faire face à des problèmes de ce côté. C'est ce qu'on demande.

Deuxièmement, on demande qu'il y ait un pouvoir de dispense pour nous permettre d'apprécier certaines situations où la commission pourrait dispenser une entreprise ou un initiateur ou un émetteur d'établir un document en français.

La commission n'a pas discuté avec la Bourse de Montréal ou avec d'autres organismes du contenu de son mémoire. Je ne pourrais pas répondre à cette partie de la question à savoir si la Bourse de Montréal est d'accord ou en désaccord avec notre proposition.

M. Lincoln: Je suis complètement d'accord avec vous. Ce mémoire représente l'opinion de la Commission des valeurs mobilières du Québec mais le fait est que l'instrument principal de transaction des actions est la Bourse. C'est là où cela se passe. Alors avez-vous discuté des vues de la Bourse? Il y a sûrement des relations étroites entre les deux instruments de valeurs mobilières. Est-ce que vous savez, par exemple, ce que le président ou la Bourse pense de la question de la documentation, de la réglementation? Je n'ai pas envie de vous demander de réponse pour la Bourse mais c'est sûr que si, par exemple, la commission allait dans un sens et que la Bourse pensait différemment ce serait revenir à la même chose que vous voulez éviter vous-même.

M. Guy: M. le député, je regrette mais je pense qu'il faudrait demander à M. Lortie ce qu'il en pense. Je ne le lui ai pas demandé. Par contre, pour répondre en partie à votre question, depuis 1974 la commission exige que les prospectus soient en français. Alors cela remonte presque à dix ans. Depuis ces dix années la Commission des valeurs mobilières du Québec a des relations très étroites avec la Bourse de Montréal, nous avons des communications presque à toutes les semaines sur différents sujets qui intéressent les deux organismes. Que je sache - je dis cela sans avoir consulté les gens de la Bourse et cela pourrait être corrigé par eux - je n'ai pas entendu de cet organisme des problèmes que l'action de la commission avait causés depuis 1974. Je pense que la commission a toujours agi avec discernement et dans certains cas exercé sa discrétion et son jugement pour faire face à des situations particulières.

Il ne faut pas oublier que la Bourse exige essentiellement les mêmes documents d'information qui sont exigés par la Loi sur les valeurs mobilières pour les entreprises qui sont cotées à la Bourse de Montréal.

M. Lincoln: Je me suis peut-être mal exprimé; je n'ai pas voulu suggérer qu'il y a eu des problèmes entre la Bourse et la commission, cela n'est pas de notre ressort. Ce que je voulais dire c'est que comme la Bourse est l'instrument principal de l'achat et de la vente des actions... Vous demandez quelque chose qui va plus loin que la situation actuelle. Par exemple, à la page 26 - c'est là que je situe un peu ce que je voulais dire - quand vous dites: "Ainsi, lorsque la Loi sur les valeurs mobilières oblige un émetteur à déposer, par exemple, un prospectus et que la Charte de la langue française stipule que ce prospectus doit être établi en français alors la commission, à titre d'organisme public, devrait avoir l'obligation précise de ne pas accorder de visa du prospectus à moins qu'il ne soit établi en français." Ceci donne en fait à la commission - si cette recommandation était acceptée par le gouvernement - un genre de veto sur un prospectus. Il me semble que c'est un pouvoir puissant que vous demandez et qui peut-être - peut-être que cela ne se passerait pas - causera des problèmes.

Vous parlez ensuite de problèmes à la cour. C'est dans ce sens-là que j'ai demandé: Est-ce que cela représente un consensus du marché financier comme tel ou si c'est purement une suggestion de la commission en dehors de l'expression du marché financier?

M. Guy: Ce n'est pas différent de la situation actuelle; c'est cela que je veux dire. Ce n'est pas un pouvoir de veto que la commission n'a pas déjà. La commission, déjà en 1974, a dit qu'elle n'accorderait pas un visa sur un prospectus à moins qu'il ne soit établi en français, depuis 1974. Ce n'est pas différent et on ne demande rien de différent. Je ne sais pas si le sens est bien expliqué mais ce n'est pas différent des pouvoirs que la commission a actuellement. Elle a le pouvoir d'octroyer ou de ne pas octroyer un visa...

M. Lincoln: D'accord.

M. Guy: Elle a dit clairement dans un avis publié en 1974 et dans d'autres par la suite qu'elle n'accorderait pas de visa si le prospectus n'est pas établi en français. Ce n'est pas différent sauf qu'on dit que la Charte de la langue française, qui est la loi principale au Québec sur la langue, n'est pas précise à ce sujet-là. La commission se trouve donc placée dans une situation difficile où elle applique des critères qu'elle est autorisée à appliquer par sa loi constitutive, c'est-à-dire qu'elle peut refuser un visa s'il s'agit de la protection des épargnants. La commission a déterminé, il y a déjà dix ans, que la protection des épargnants exigeait que le document soit en français. Ce qu'on veut dire c'est qu'il y a

un manque de concordance entre les deux lois. S'il y a une loi principale sur la langue, ce devrait être la même chose. Je peux faire une analogie: si un émetteur du Québec déposait un prospectus uniquement en français en Ontario, il n'irait pas très loin. La commission de l'Ontario le refuserait immédiatement. C'est un peu la même chose. L'Ontario n'ayant pas de loi sur la langue, il n'y a donc pas de conflit entre la Loi sur les valeurs mobilières de l'Ontario et une loi sur la langue parce qu'il n'en existe pas. On dit qu'il y a une incertitude, un conflit parce qu'il y a une loi principale sur la langue au Québec. C'est un peu là qu'est le dilemme et c'est cela qu'on veut essayer de corriger. C'est le but de nos recommandations.

Sur l'autre question, je pense qu'il y a, actuellement, un large consensus sur la nécessité d'établir ces documents en français. Je pense que là-dessus il y a une résistance - je l'ai dit tout à l'heure et je ne veux pas la nier - encore de certains émetteurs qui veulent venir au Québec et qui ne veulent pas établir les documents en français. Cela est vrai, mais la résistance est de moins en moins forte et je pense que si on regarde dans l'ensemble la communauté financière, il y a un large consensus sur cette question.

Le Président (M. Desbiens): Cela va? M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Merci, M. le Président. J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt le mémoire de la Commission des valeurs mobilières du Québec. Je pense, tout comme mon collègue de Nelligan l'a dit, qu'on n'a pas de chicane avec les objectifs généraux exprimés là-dedans. Cependant, il me semble que de l'ensemble du mémoire se dégage une impression, qu'une dimension importante de tout ce qui concerne les valeurs mobilières, tels l'épargne et l'investissement, est absente. C'est-à-dire que le Québec est en concurrence avec d'autres marchés où des fonds peuvent être obtenus, où des fonds peuvent être sollicités. Je pense qu'on ne peut valablement parler de protection de l'épargnant sans en même temps parler des occasions que peut avoir l'épargnant de placer son argent. Il faudrait faire attention de faire fausse route en assurant à l'épargnant une sécurité tellement grande, tellement étanche - c'est désirable en soi -qu'en même temps qu'on assure cette protection étanche à toute épreuve on élimine, pour les Québécois et les Québécoises, dont vous avez le mandat d'assurer la protection, des sources de placement, des sources d'investissement.

Je pense, et je le regrette, que c'est une dimension qui est absente dans le mémoire. La promotion économique des Québécois doit passer par la possibilité qu'ils ont d'entrer dans le milieu économique, dans le milieu des investisseurs importants. Pour cela, évidemment, il faut que l'occasion leur soit offerte. Je suis complètement d'accord -je vous rejoins totalement et je rejoins la commission là-dessus - sur le fait qu'il est désirable et souhaitable que ces occasions soient offertes en français. Là-dessus, nous pouvons nous entendre facilement. Cependant, je ne retrouve pas dans votre mémoire cette dimension qui devrait viser à promouvoir l'accès des Québécois et des Québécoises à des moyens de financement qui peuvent être rentables et bénéfiques pour leur promotion économique.

On connaît les intentions qui ont été exprimées par le gouvernement de faire de Montréal un centre bancaire international, de façon que Montréal jouisse d'un statut particulier et puisse, au niveau financier, jouer un rôle capital. C'est là un projet qui a été dans l'air un certain temps et qui possiblement l'est encore. Il ne faudrait pas, en même temps qu'on caresse un projet comme celui-là, qui, en soi, est valable, désirable, qu'on se retrouve avec des obligations pour que les gens - qui finalement vont faire que ce centre bancaire puisse exister éventuellement - en soient exclus parce qu'ils devront faire face à des obligations qui seront supplémentaires à des obligations qu'ils auraient ailleurs. Ce n'est pas à vous que je dirai que "there is nothing as nervous as 1 000 000 $". Cela change de place très rapidement et c'est très mobile.

Pour terminer ce bref exposé que je tenais à faire, la question spécifique que je veux vous poser concerne - c'est important de le savoir, vous pouvez peut-être nous éclairer là-dessus - la situation de la Bourse de Montréal qui finalement doit, par ricochet, vous préoccuper, versus la situation, par exemple, de la Bourse de Toronto. S'est-elle détériorée? S'est-elle améliorée? Comment se situe aujourd'hui la Bourse de Montréal par rapport à ce qu'est devenu, dans l'espace de dix ans, la Bourse de Toronto? Est-ce qu'il y a eu perte de transactions, perte de volume considérable de la part de la Bourse de Montréal par rapport à la Bourse de Toronto? Comment se comparent les deux centres boursiers?

M. Guy: M. le député, j'aimerais faire quelques observations au départ. Je pense que le marché des valeurs mobilières au Québec est relativement inexploité. Il y a un potentiel au Québec, et il ne peut être nié par aucun intervenant qui connaît ce milieu. Il y a un potentiel qui est inexploité au Québec, et je suis sûr que le développement de ce potentiel passe également par le fait que les gens, avant d'être intéressés à un marché, doivent comprendre ce qui se passe dans ce marché. C'est bien important que les épargnants, sans leur enlever des choix d'investissements... Je pense que la commission

de ce côté, au contraire, favorise une foule de mesures, dont le prospectus simplifié, des assouplissements à la loi concernant les options, l'assouplissement d'une foule de régimes et par des dispenses qu'elle accorde de façon courante sur des formes d'investissement, favorise un très grand nombre de choix d'investissement aux épargnants québécois. Par contre, avant qu'on puisse développer le potentiel qui existe au Québec dans le marché des valeurs mobilières, il va falloir également que les épargnants qui sont sollicités puissent comprendre les documents qu'on leur envoie. Là-dessus, je fais l'observation que j'ai faite tout à l'heure. Si un émetteur du Québec envoie à ses porteurs de titres en Ontario ou en Alberta son rapport annuel et sa circulaire en vue de la sollicitation de procuration uniquement en français, je pense qu'il n'aura pas beaucoup d'intérêt. Je crois que la balle va des deux côtés. (12 h 30)

En ce qui concerne la Bourse de Montréal, vous soulevez un problème qui est beaucoup plus vaste que ce mémoire et qui est beaucoup plus vaste également que la Charte de la langue française. Il y a eu, dans les dernières années - peut-être qu'on remonte à dix ans en arrière, je ne le sais pas, je n'ai pas les statistiques avec moi -une perte de l'activité à la Bourse de Montréal, ce qui n'a rien à voir avec les lois linguistiques au Québec. Cela a à voir avec tout un autre aspect. Cela peut être l'effet du dynamisme d'un marché par rapport à l'autre. Il y a une foule de facteurs que je ne voudrais pas énumérer ici. Il me serait difficile de le faire de toute façon, mais il y a eu par contre dans les dernières années -et cela, à cause du dynamisme des gens de la Bourse de Montréal, à cause également de la facilité qu'a la Bourse de Montréal de dialoguer, de faire approuver ses différents projets par la Commission des valeurs mobilières du Québec - une croissance de l'activité à la Bourse de Montréal, mais j'hésiterais, je pense... D'après moi, les facteurs linguistiques n'ont pas grand-chose à faire avec cela. C'est de tous autres facteurs dont on parle, à savoir pourquoi la Bourse de Montréal a diminué par rapport à la Bourse de Toronto. Mais je pense qu'il y a un élément qui est nouveau à la Bourse de Montréal. On essaie de se spécialiser de plus en plus dans des formes d'investissement qui sont différentes telles que les options et je pense qu'il y a une certaine remontée qui se fait. Je suis confiant qu'elle va continuer.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Godin: En conclusion, Me Cristel et M. le président, nous vous remercions beaucoup de votre contribution et, tel que vous le suggérez, nous allons mettre en commun nos efforts pour trouver une formulation qui permette de régler le problème. En reterminant, je dirai à mon collègue de Louis-Hébert que c'est en 1948 que la Bourse de Toronto a dépassé celle de Montréal et nous tentons depuis lors de reprendre l'espace perdu. Merci, messieurs.

M. Guy: Merci.

Le Président (M. Desbiens): Nous vous remercions.

J'invite maintenant les représentants du Centre de linguistique de l'entreprise à s'approcher, s'il vous plaît. Je souhaite la bienvenue aux porte-parole du Centre de linguistique de l'entreprise. Je voudrais, au nom de la commission, m'excuser auprès du groupe puisqu'il y a eu une petite erreur de communication. Je sais que vous aviez été convoqués au tout début, pour 15 heures cet après-midi. Quand on a pris la décision, hier, de commencer les travaux plus tôt ce matin, c'est-à-dire à 9 heures, on a malheureusement oublié de vous indiquer qu'il fallait être ici plus tôt. M. André Boutin, vice-président de groupe, si vous voulez bien présenter les personnes qui vous accompagnent avant de procéder à la présentation de votre mémoire.

Centre de linguistique de l'entreprise

M. Boutin (André): Merci beaucoup M. le Président. M. le ministre, mesdames et messieurs de la commission, comme vient de le suggérer le président, avant de faire état du mémoire que nous voulons déposer ici aujourd'hui, permettez-moi de vous présenter les gens qui m'accompagnent. À ma gauche, M. Guy Laurin, directeur général de la région de l'Est de Stelco Canada et ancien président du conseil d'administration du Centre de linguistique de l'entreprise; à ma droite immédiate, M. Michel Guillotte, directeur général à la permanence du centre à Montréal; à sa droite, M. Otto Cleyn, vice-président de la région de l'Est de Texaco Canada et secrétaire-trésorier au conseil d'administration du CLE; à sa droite, M. James Mills, directeur de la francisation du groupe Alcan et membre du conseil d'administration au CLE; à l'extrême droite, Me Jean Rivard, vice-président des services juridiques chez Bombardier et aussi membre du conseil d'administration au Centre de linguistique de l'entreprise.

Comme vous l'avez indiqué, M. le Président, mon nom est André Boutin; je suis vice-président de groupe chez Northern Telecom Canada et j'agis depuis maintenant deux ans comme président du conseil d'administration au Centre de linguistique de l'entreprise. Je sais que vous êtes pressés par le temps, mais nous avons mis beaucoup

de travail dans la préparation de ce dossier et nous espérons que vous nous accorderez les quelque trente minutes nécessaires à la revue de notre mémoire.

Le Président (M. Desbiens): II n'y a aucun problème.

M. Boutin: On m'a dit que le mémoire était assez volumineux, que c'était probablement le plus volumineux que vous ayez reçu. Nous avons fait des efforts importants pour en extraire la quintessence afin de vous la présenter aujourd'hui dans quelque trente minutes.

A ce stade-ci de l'application de la Charte de la langue française et des instruments qui en assurent l'implantation, le Centre de linguistique de l'entreprise, évidemment, remercie l'Assemblée nationale du Québec de lui permettre de lui livrer ses réflexions relatives à la francisation des entreprises. Remontant à 1972, la fondation du Centre de linguistique de l'entreprise est antérieure à l'adoption des premières lois destinées à régir le processus de francisation au Québec. Organisme sans but lucratif, entièrement subventionné par le secteur privé, le Centre de linguistique de l'entreprise offre au monde des affaires l'assistance technique nécessaire à tous les aspects de la gestion linguistique. Fortement implanté dans la communauté des affaires, le CLE compte, en 1983, une centaine d'entreprises membres, employant quelque 200 000 personnes au Québec.

En tant que conseiller en administration, le personnel du CLE a contribué, depuis les tout débuts, à l'administration linguistique du Québec à travers la commission Gendron, l'office, puis la régie et puis de nouveau l'Office de la langue française. Le CLE a analysé la situation linguistique d'une soixantaine d'entreprises pour identifier avec elles les aspects multiples de cette démarche et élaborer, avec elles, encore une fois, leurs programmes de francisation. Le personnel du CLE s'est intéressé très concrètement à la méthodologie de l'introduction d'un changement et à ses implications juridiques, techniques, administratives et sociologiques.

Enfin, dans le but d'éclairer la présente commission et l'opinion publique sur la nature et l'importance des ajustements que la loi 101 exige du milieu des affaires, le centre a procédé, au cours de l'été, à une importante consultation auprès de ses membres sur les dispositions de la loi 101 -c'est bien une consultation, n'est-ce pas? -qui touchent directement et de façon durable le fonctionnement des entreprises. Vous trouverez en annexe à notre mémoire les résultats de cette consultation, résultats qui viennent confirmer l'expérience que le CLE a acquise avec ses membres au cours des dernières années. Nous voulons donc apporter ici une contribution pratique qui est fondée sur la réflexion et sur l'expérience.

D'abord, quelques mots sur le caractère social de la Charte de la langue française. C'est avec la loi 22 que les milieux économiques sont devenus définitivement conscients que la question linguistique faisait partie de la bonne conduite des affaires au Québec. Depuis, c'est évident, nous avons parcouru beaucoup de chemin. Les hommes d'affaires et les grandes entreprises acceptent les principes de base de la loi 101, mais sa mise en application est souvent rendue difficile par la nature même du milieu des affaires au Canada et au Québec. Nous sommes aux prises avec une loi qui ne ressemble à aucune autre, avec un concept qui est tout à fait étranger aux modes de penser et d'agir en vigueur dans l'espace économique nord-américain.

Une loi, c'est essentiellement une volonté politique exprimée à la lumière des différents courants qui sous-tendent la vie d'une société. La loi 101 s'intéresse d'abord à un objectif global, qu'elle clarifie dans sa formulation. Elle s'intéresse beaucoup moins aux modalités d'application qui apparaissent, elles, très progressivement, au fur et à mesure que l'on s'efforce de traduire l'objectif de la loi en termes très concrets.

Un objectif culturel et social comme celui de la loi 101 comporte inévitablement un coût économique et nous admettons que ce prix a déjà été jugé acceptable parl'électorat et sanctionné comme tel par les politiciens.

L'objectif de la loi est clair - et c'est celui du Centre de linguistique de l'entreprise aussi - c'est de faire du français la langue de travail au Québec. Les programmes d'affirmation du français doivent faire partie intégrante de la planification qui est établie, en règle générale, aux niveaux les plus élevés de la hiérarchie de l'entreprise. Pour être efficaces, ces programmes doivent s'intégrer à la réalité de chaque entreprise de manière à prévenir les conflits avec d'autres priorités que les gestionnaires doivent respecter, notamment l'efficacité et la rentabilité.

La Charte de la langue française oblige tous les citoyens, tant les salariés que les dirigeants d'entreprises, à changer de mentalité. En effet, malgré le caractère particulier de la réforme linguistique, les agents chargés par le gouvernement de veiller à son exécution en surveillent de plus en plus les résultats en termes concrets, c'est-à-dire en termes qu'ils peuvent mesurer. Les changements de mentalités, eux, suivent loin derrière dans leurs préoccupations. C'est compréhensible parce que c'est beaucoup plus difficile à mesurer. C'est là une question d'évolution à laquelle personne n'échappe, une évolution sociale qui n'est pas

encore complétée et que certains agents gouvernementaux veulent pourtant évaluer aujourd'hui en termes comptables.

L'attitude des francophones, cependant, vis-à-vis de cette loi linguistique et de l'intervention du législateur est même très ambivalente. D'une part, les francophones abondent dans le sens prévu par le législateur; d'autre part, ces mêmes francophones résistent à l'effort supplémentaire que ce changement implique.

Lorsqu'une entreprise publie sa politique linguistique, elle réunit et les cadres et le personnel, explique les objectifs, suscite des réactions. Elle demande ensuite que la politique soit appliquée. On ne rencontre pas de réaction fondamentalement négative lors de ces séances. Par contre, si un an plus tard on analyse les éléments qui permettent de mesurer à quel point la politique a été appliquée, on s'aperçoit que dans certains endroits la politique est parfois restée lettre morte.

(12 h 45)

Quand on gratte plus loin que la surface, on s'aperçoit que la plupart du temps c'est à cause des problèmes causés par le personnel, par les êtres humains, par les employés. Notre expérience démontre qu'en dépit des efforts du législateur et de la direction de l'entreprise l'implantation effective des dispositions des programmes dépend encore de l'état d'esprit des employés.

Les étapes de la francisation ne sont pas faciles à franchir. Elles exigent beaucoup de temps et coûtent beaucoup d'argent. Lorsque le négociateur de l'office affecté à une entreprise a eu le feu vert sur la foi des réponses qui lui ont été fournies, il lui demande officiellement, trop souvent, au nom de l'office, d'ajouter des éléments supplémentaires à son programme.

Franchement, c'est un procédé qui nous répugne.

De plus, les entreprises sont très différentes les unes des autres et les solutions trouvées par les uns ne devraient pas nécessairement et ce, sans faire de jeu de mots, faire "office" de précédents. Laisser croire à l'Office de la langue française que la formule proposée par une entreprise pourra trouver application dans d'autres entreprises est très dangereux. C'est un autre procédé qui nous répugne.

M. le Président, avec votre permission, j'aimerais maintenant m'attarder à quelques difficultés pratiques d'application de la Charte de la langue française et de ses règlements. Ces aspects se regroupent sous les chapitres suivants de la charte elle-même: premièrement, la langue du travail; deuxièmement, la langue du commerce et des affaires; troisièmement, la langue de l'enseignement et, quatrièmement, la francisation des entreprises.

Nos commentaires s'articuleront autour de ces chapitres et porteront sur la nature et la portée pratiques de la loi elle-même, de ses règlements et du comportement des agents gouvernementaux dans l'entreprise.

Premier volet: la langue du travail. On reparlera plus tard, à l'occasion de nos autres interventions, des aspects soulevés par les dispositions de ce chapitre. Je passe donc par-dessus pour le moment.

Deuxième volet: la langue du commerce et des affaires. Parlons, d'abord, des catalogues, brochures et dépliants. L'article 53 de la charte et l'arrêté en conseil 1947-79, article 15, relatifs aux catalogues, brochures, dépliants et autres publications ou documents publicitaires, occasionnent des difficultés sérieuses d'application - je répète, ce sont seulement des difficultés d'application - qui sont, à notre avis, hors de proportion avec l'objectif visé. En effet, beaucoup de personnes ignorent encore ou comprennent très mal les subtilités du règlement régissant la distribution de ces documents, diminuant ainsi de beaucoup l'efficacité réelle dudit article. Franchement, ces dispositions gagneraient beaucoup à être simplifiées.

Deuxièmement, les bons de commandes, factures et reçus. L'article 57 sur les bons de commandes, factures, reçus et quittances occasionne aussi des difficultés de deux ordres. La première difficulté tient au délai pour s'y conformer pour les entreprises dont l'administration est hautement informatisée. Ces difficultés se sont accrues lorsque certaines entreprises ont récemment demandé, surtout pour des raisons économiques que nous connaissons tous, la prolongation des exemptions temporaires qui leur avaient été accordées. La deuxième difficulté provient des interprétations et des attitudes parfois contradictoires de l'Office de la langue française, d'une part, et de la commission de surveillance, d'autre part.

Étant donné que nous croyons que l'Office de la langue française est le grand maître d'oeuvre de la mise en application de la loi 101 et que la commission de surveillance est essentiellement le canal d'expression des doléances des citoyens, nous exprimons l'avis, M. le Président, qu'il faudrait très bien coordonner les travaux de la commission avec ceux de l'office en la matière.

L'affichage public. Les grandes entreprises qui composent le Centre de linguistique de l'entreprise ont presque toutes, à ce jour, rendu leur affichage conforme au désir du législateur et n'éprouvent, en fait, que peu de difficultés pratiques avec cet élément de la loi.

Les raisons sociales. Les articles de la charte et les articles de l'arrêté en conseil sur les raisons sociales des entreprises ne devraient pas poser de difficulté importante.

Toutefois, leur application par certains fonctionnaires de l'Office de la langue française, ainsi que par des fonctionnaires d'autres ministères nous amène à formuler ici de sérieuses réserves. En effet, plusieurs entreprises membres du centre ont fait l'objet de demandes de la part des autorités gouvernementales pour modifier leur raison sociale conformément aux règles d'écriture suggérées par le service des linguistes-conseils de l'Office de la langue française. Les reproches étaient strictement d'ordre linguistique.

Étant donné que, dans l'entreprise, la raison sociale est un des rares sujets qui relèvent presque exclusivement du conseil d'administration de l'entreprise, le CLE recommande au gouvernement la plus grande prudence en la matière. En effet, de telles demandes formulées par l'Office de la langue française ou par qui que ce soit d'autre sont presque toujours acheminées à l'extérieur du Québec vers des personnes peu familières avec ces questions. La réaction en retour est négative. Elle a pour effet de faire passer la législation linguistique pour abusivement tracassière et contribue à affecter l'image du Québec à l'extérieur.

Le troisième volet: la langue de l'enseignement. Outre la consultation effectuée par le Centre de linguistique de l'entreprise auprès de ses membres, les opinions exprimées depuis plusieurs mois par un nombre important d'intervenants socio-économiques et politiques tendent toutes à élargir le libre accès aux écoles anglaises du Québec. Ce sujet, M. le ministre, a déjà été amplement traité et, sincèrement, nous n'avons rien de neuf à proposer.

J'aimerais maintenant parler du quatrième volet: la francisation des entreprises. Bon nombre d'entreprises n'ont pas attendu la loi 101 pour commencer à se franciser. Pour elles, la Charte de la langue française n'a fait qu'accélérer un processus qui avait été entamé depuis plusieurs années. Nous résumerons donc les observations que nous inspire l'administration de l'article 141 de la Charte de la langue française par l'Office de la langue française, sans, pour autant, remettre en cause le bien-fondé de l'intervention législative en ce domaine.

D'abord, les alinéas a et b de l'article 141 dont la redondance s'est avérée manifeste à l'usage. Il s'agit des seuls passages de l'article 141 où une formulation simplifiée s'avérerait utile. En effet, d'un point de vue administratif, ces deux alinéas font appel aux mêmes mécanismes d'intervention, à savoir la planification des ressources humaines et, un volet sous-jacent, la formation linguistique. Il faut savoir que la structure d'une entreprise est très mobile et que la définition des postes y est un exercice presque permanent.

Quelques mots sur l'enseignement des langues. L'OLF a demandé à plusieurs entreprises ce qu'elles entendaient faire pour assurer la formation linguistique de leurs employés unilingues dans un délai de six mois et quelles mesures elles prendraient à l'encontre des élèves qui ne satisferaient pas aux niveaux-cadres qu'il utilise dans ses analyses et ses rapports. Franchement, nous regrettons que les questionnaires utilisés par l'Office de la langue française ne tiennent pas compte des dispositions de l'article 142, ainsi que des contraintes pratiques qui sont reliées aux employés, citoyens du Québec, qui sont près de la retraite ou surtout qui ont de longs états de service.

Quelques mots sur l'utilisation du français comme langue de communication interne. Il s'agit dans plusieurs cas de changer les pratiques courantes. C'est une tâche qui répugne aux gestionnaires francophones comme anglophones parce que les méthodes pour y parvenir sont assez expérimentales. Il faut admettre que les changements d'attitude sont lents à venir. Dans les programmes de francisation, l'Office de la langue française demande maintenant aux entreprises de fournir, sous forme de tableaux précis, un calendrier des dates auxquelles les anglophones communiqueront en français avec les francophones et les dates auxquelles les anglophones communiqueront en français entre eux. Franchement, M. le ministre, on croit que c'est du temps perdu.

L'interface avec le siège social ou le centre de recherche. Lors de la négociation des programmes, l'Office de la langue française et plusieurs entreprises en sont arrivés à définir des principes élémentaires de communication en français entre les sièges sociaux, qu'ils soient situés au Québec ou à l'extérieur, et leurs établissements au Québec. D'une façon générale, au Canada, on utilise traditionnellement l'anglais dans les sièges sociaux; les francophones et le français y représentent un phénomène minoritaire. Les dispositions actuelles de la loi 101 vont à l'encontre de cette réalité. La francisation des sièges sociaux pose un problème politique de taille, car les pressions exercées sont perçues comme ultra vires par les sièges sociaux situés hors du Québec et souvent comme déraisonnables par les entreprises qui n'ont pas un volume d'affaires ou d'investissements important au Québec. (13 heures)

Les effets pratiques de cette exigence sont très variables d'une entreprise à l'autre. Les comparaisons s'avèrent, à toutes fins utiles, impossibles. Il y a place ici, très particulièrement, pour une analyse approfondie des réseaux de communications propres à chaque entreprise. Cette réalité ne peut se restreindre aux principes généraux appliqués par l'Office de la langue française dans la négociation des programmes de

francisation.

J'aimerais dire quelques mots des entreprises de haute technologie. En 1978, un groupe d'entreprises membres du CLE, dans le but d'évaluer la possibilité de franciser leurs activités, se sont penchées sur les caractéristiques qui les distinguent et sur les contraintes linguistiques qui sont liées à la technologie elle-même. Ce comité a élaboré une définition de ce type d'entreprises en énonçant les caractéristiques qui les distinguent. Par la suite, le comité s'est penché sur la nature des contraintes linguistiques rattachées à la nature de la technologie utilisée et surtout à celles reliées aux ressources humaines.

Pour ces entreprises, la langue du client est très souvent le facteur déterminant. C'est avec plaisir, M. le ministre, que nous pouvons féliciter, dans ces circonstances, l'Office de la langue française pour sa collaboration et sa compréhension en la matière. (Quand c'est dû, c'est dû!)

Quelques mots de la francisation des documents de travail. Traduire demande des budgets importants, parfois prohibitifs. L'étude, intitulée L'évaluation des coûts et bénéfices de la francisation d'un établissement québécois, qui a été réalisée en mai 1974 pour le compte de la Régie de la langue française de l'époque, démontre que c'est le budget de la traduction qui peut être le plus important lorsque le recours à celle-ci est le moindrement systématique. Notre expérience est que les coûts de traduction représentent généralement plus de la moitié des coûts de francisation. Franchement, nous croyons que la loi 101 n'a pas pour objectif de créer des emplois de traducteurs; ce n'est pas son but. Mais il faut admettre aussi que, dans certains milieux, on se demande encore aujourd'hui si ces coûts sont réellement justifiés. Nous pouvons cependant, M. le ministre, vous assurer que la vaste majorité des gens d'affaires qui oeuvrent au Québec considèrent aujourd'hui que l'usage du français est une composante essentielle du paysage économique québécois.

Permettez-moi de dire quelque chose des communications avec les fournisseurs. L'ensemble des préoccupations manifestées par les entreprises à ce sujet concerne l'obligation qui leur est faite par l'Office de la langue française d'envoyer une lettre type à leurs fournisseurs pour leur demander de communiquer dorénavant avec elles en français. Tout se passe comme si l'Office de la langue française demandait aux entreprises faisant affaires au Québec de suppléer par leur influence un travail d'information et de pression qui devrait être assuré par l'office lui-même. Il peut s'avérer délicat, voire même impossible, d'imposer une telle exigence à certains fournisseurs étrangers. C'est le cas, par exemple, des fournisseurs de produits à haute technologie, de produits très rares ou, plus simplement, des fournisseurs qui estiment que la taille du marché québécois ne justifie pas les dépenses de traduction qu'on leur demande. Pour nous, il est évident, je crois, que nous préférons avoir la nouvelle technologie au Québec, fût-elle en anglais, plutôt que de ne pas en avoir du tout.

L'utilisation de la terminologie française. Dans les programmes de francisation, les entreprises doivent s'engager à fournir à leurs employés la terminologie française nécessaire à leur travail, mais dans quelle mesure cette terminologie est-elle acceptée et utilisée? C'est malheureux, mais c'est un fait que, pour un grand nombre de travailleurs francophones, travailler en français équivaut encore aujourd'hui à apprendre une langue étrangère. Cette contradiction apparente est bien connue au Québec. Nous connaissons encore plusieurs entreprises dans des secteurs d'activités très différents où les employés francophones à qui l'on présente des documents en français ne les comprennent pas et demandent spontanément la version anglaise. L'attitude vis-à-vis de la loi linguistique est donc très ambivalente. Même si les francophones abondent dans le sens prévu par le législateur, certains résistent à l'effort personnel subjectif supplémentaire nécessaire au changement.

Ceci me porte à dire quelques mots sur l'importance du milieu. Le milieu joue un rôle très important dans l'utilisation de la terminologie française. L'entreprise peut, en théorie, fournir à ses employés un maximum de lexiques, de formules et de documents en français, mais cet effort demeure inutile si les employés eux-mêmes n'éprouvent ni l'envie ni le besoin d'apprendre et d'utiliser cette terminologie. Nous croyons que le temps est venu de concentrer beaucoup plus d'efforts que nous ne le faisons présentement dans la diffusion massive - et j'insiste sur le mot "massive" - de la terminologie qui est déjà connue. Il y a là un nouveau défi auquel l'Office de la langue française devrait répondre. Nous croyons que le milieu de l'éducation pourrait aussi s'y intéresser.

Finalement, j'aimerais dire quelques mots des politiques d'embauche, de promotion et de mutation. Dans leurs programmes de francisation, les entreprises doivent s'engager à rédiger et à appliquer une politique d'embauche,, de promotion et de mutation appropriée à l'usage du français. Au cours des années, l'Office de la langue française a demandé que le texte de ces politiques lui soit soumis et, ensuite, qu'on lui remette la liste des fonctions où l'entreprise exige la connaissance de l'anglais.

Faire approuver la politique d'une entreprise par l'Office de la langue française constitue, quant à nous, une ingérence dans

la gestion interne de l'entreprise. Pour ce qui est de la remise des listes à l'Office de la langue française, il s'agit ni plus ni moins que d'un abus des articles 45 et surtout 46 et 47 de la charte, en ce sens qu'on demande à l'entreprise de se justifier avant même qu'on ait posé un seul geste.

J'aimerais maintenant, avec votre permission, M. le Président, parler pendant quelques instants du rôle des agences gouvernementales. Si nous avons procédé aussi longuement à l'énumération de tous les aspects administratifs de la Charte de la langue française, en en soulignant les difficultés, ce n'est pas dans un esprit négatif. Nous sommes persuadés que les objectifs de la francisation sont équitables et réalisables. Essentiellement, c'est ce à quoi nous nous sommes employés depuis 1972. Toutefois, la loi demande aux entreprises un véritable changement, qui implique de l'argent, pour les modifications les plus spectaculaires et les plus superficielles, mais qui implique aussi une modification profonde des habitudes et des attitudes chez les anglophones, peut-être, mais aussi chez les francophones pour des modifications qui deviendront irréversibles. Le rôle du législateur est de fixer clairement les objectifs et les règles du jeu. On peut espérer que le résultat définitif des travaux de cette commission répondra à ce voeu.

Les commentaires que nous avons faits devant cette commission dénoncent certains abus d'autorité et des interprétations excessives de la loi de la part de plusieurs fonctionnaires de l'Office de la langue française ou de la commission de surveillance. Nous tenons, toutefois, à préciser que, d'une façon générale, les relations que le Centre de linguistique de l'entreprise entretient avec la direction de ces deux organismes sont extrêmement positives. Nous ne comptons plus, après six années d'application, les échanges parfois musclés, mais toujours constructifs qui ont permis, d'une part, d'expliquer les contraintes vécues par nos membres dans la préparation et l'application de leurs programmes de francisation et, d'autre part, d'interpréter les exigences de l'office vis-à-vis de nos membres. Les abus dénoncés, cependant, sont réels. Ils tiennent surtout au fait que la délégation de l'autorité dans n'importe quelle administration est un exercice qui est difficile et qui n'a de succès que dans la mesure où les objectifs fixés, ainsi que les limites d'action sont énoncés avec précision à toutes les personnes impliquées.

En ce qui concerne le suivi des programmes et l'émission des certificats de francisation, nous souhaitons, M. le Président, que l'Office de la langue française découvre et nous lui avons déjà offert notre collaboration à cet égard - une méthode de travail qui permette de mesurer, en termes concrets, le chemin parcouru et qui se restreigne aux engagements qui ont déjà été pris par l'entreprise dans les programmes de francisation.

M. le Président, mesdames, messieurs, membres de la commission, vous avez déjà consulté notre mémoire et vous savez que nous avons consulté nos membres et établi plusieurs statistiques avant de le préparer. Je m'en voudrais donc de passer sous silence ce volet important de notre mémoire et je vous réfère, pour ceux qui l'ont, aux pages 62 et suivantes où nous faisons état des résultats de notre consultation.

Le questionnaire envoyé aux membres comportait cinq sections touchant la langue de travail, la langue du commerce et des affaires, la langue de l'enseignement, la francisation de l'entreprise et, enfin, les coûts directs de la francisation. Le CLE demandait aussi à ses membres de formuler leurs commentaires sur la loi et ses règlements et sur leur application par les agents gouvernementaux. Cinquante-sept entreprises ont répondu à cette consultation. Le siège social d'un peu plus de la moitié d'entre elles est située hors du Québec.

La méthode suivie a consisté à exposer très succinctement les divers points des articles retenus de la loi et de ses règlements, et de ses aspects administratifs, à demander à l'entreprise d'évaluer les difficultés pratiques d'application de ces points en les indiquant comme étant importants ou limités, puis a se prononcer sur la pertinence d'une révision comme étant prioritaire, à étudier ou pas nécessaire. (13 h 15)

De l'étude et de l'analyse de cette consultation, il se dégage deux conclusions principales que nous croyons très claires. D'abord, que les sociétés membres du CLE qui ont répondu au questionnaire n'ont que des difficultés minimes et ce, dans une proportion de 80%, à se conformer aux exigences de la loi 101 en ce qui concerne la langue du travail. Je parle spécifiquement des articles 41 à 50. En second lieu, on note que les points très névralgiques signalés par les entreprises sont au nombre de cinq. Il s'agit des articles de la loi et de ses règlements touchant, premièrement, l'affichage public en général; deuxièmement, l'admissibilité à l'enseignement en anglais; troisièmement, la langue des communications avec le siège social et la langue des communications administratives, techniques et informatiques; quatrièmement, la langue des relations avec les fournisseurs de produits de haute technologie et, cinquièmement, l'utilisation d'une terminologie française.

Revenons, si vous le voulez bien, sur chacun de ces points, très brièvement. D'abord, le plus haut degré de préoccupation apparaît au sujet de la langue des communications techniques, des communications

informatiques et de l'interface avec le siège social. Trente-neuf des 53 entreprises qui ont répondu à cette question voient là d'importantes difficultés pratiques d'application et quarante-deux d'entre elles concluent au besoin d'une révision.

Remarquons qu'en majorité également les sociétés membres du CLE voient d'un oeil critique les stipulations de la loi touchant les relations linguistiques avec les fournisseurs de produits à très haute technicité et recommandent certains accommodements.

En ce qui concerne l'admissibilité à l'enseignement en anglais, c'est avec une majorité de 31 à 18 que les entreprises consultées estiment importantes les difficultés d'application de la loi sur ce point. On remarque que bon nombre d'entre elles souhaitent dans ce domaine l'application de la clause Canada.

Au chapitre de l'affichage public, l'opinion des entreprises consultées est beaucoup moins claire et plus difficile à analyser. En effet, neuf d'entre elles estiment que, sur ce point, les difficultés d'application sont importantes, tandis que 41 jugent ces difficultés limitées. Mais, en revanche, 21 entreprises sur 57 croient que ce passage de la loi devrait être révisé et ce, prioritairement.

Une nette majorité d'entreprises qualifient également comme importantes les difficultés rencontrées dans l'utilisation d'une terminologie française et réclament certains accommodements.

Le questionnaire, à la section des coûts directs de la francisation, demandait aux sociétés membres de fournir une évaluation globale des coûts directs entraînés par la francisation de leurs activités depuis 1978, ces dépenses devant se limiter aux frais de conseillers, au coût de la traduction et au coût de l'enseignement des langues. Quarante-huit entreprises ont répondu. La somme totale dépensée au chapitre de la francisation, aux trois volets ci-haut mentionnés, par les 48 entreprises qui ont répondu au questionnaire du CLE est supérieure à 42 500 000 $. Ces 48 entreprises emploient ensemble quelque 100 000 travailleurs québécois. Les coûts supplémentaires que ces entreprises ont eu à assumer pour faire affaires au Québec au cours des cinq dernières années est donc de l'ordre de 425 $ par employé, sur la base des seuls facteurs retenus par le centre dans sa consultation.

D'une façon générale, on peut évaluer, nous le croyons, d'une façon assez conservatrice que les coûts stabilisés sont de l'ordre de quelque 200 $ par tête de pipe par année pendant la période des deux ou trois ans où ces entreprises appliquent les principales dispositions de leurs programmes de francisation et soumettent régulièrement des programmes d'étape à l'Office de la langue française. Il s'agit là, répétons-le, d'un coût supplémentaire à consentir pour faire affaires au Québec.

Précisons, enfin, que cette évaluation est inférieure, et de beaucoup, à la réalité puisque, lors de cette consultation, le CLE n'a demandé des informations que sur certains éléments du coût de la francisation; plusieurs autres ont été négligés ou ignorés. Je ne veux mentionner que les frais d'impression, les frais de modification d'affiches et de panneaux de contrôle, les frais de recherche et de diffusion de terminologie, les frais de déplacement, de réunion, etc.

En résumé, à l'exception de quelques sujets précis, les tendances exprimées dans cette consultation sont très claires. Une majorité importante n'a que peu de difficultés à se conformer aux exigences de la loi 101 en ce qui concerne la langue de travail; d'autre part, nos membres demandent des changements au niveau de l'affichage public, de l'admissibilité à l'enseignement en anglais, au niveau de la langue de communication avec le siège social, de la langue de communication en administration, en technologie et en informatique, au niveau de la langue des relations avec les fournisseurs, surtout ceux de haute technologie, et, finalement, au niveau de l'utilisation de la terminologie française.

Mme la Présidente, le Centre de linguistique de l'entreprise veut remercier les membres de la commission de l'avoir entendu. Nous sommes disponibles pour répondre à vos questions.

La Présidente (Mme Lachapelle): Merci. M. le ministre.

M. Godin: Bonjour, M. Boutin, M. Guillotte, M. Cleyn, M. Laurin - Trifluvien d'origine, je pense - M. Mills et Me Rivard.

Je dois dire que, comme journaliste d'abord, je fréquentais M. Guillotte parce que je m'intéressais, justement, aux travaux de votre centre. Je n'ai jamais été déçu, étant de ceux qui voulaient la francisation du Québec, des efforts que fait le centre depuis qu'il existe, soit plus de dix ans. La qualité de votre mémoire aujourd'hui, les fondements sur lesquels il repose, c'est-à-dire une consultation auprès de vos membres sur le terrain, m'amènent à dire que cette commission-ci n'aurait entendu que votre mémoire que déjà elle aurait été justifiée d'exister.

Effectivement, les cent entreprises que vous représentez et les 200 000 employés qui y travaillent constituent le coeur même de l'économie du Québec. À cet égard, ce document fera partie des documents de réflexion de chacun des organismes qui relèvent de mon ministère. D'ailleurs - je

tiens à vous le dire tout de suite - l'analyse que vous faites des rapports qui existent entre vos entreprises et les organismes qui relèvent de la loi 101 est très objective. C'est la raison pour laquelle je vous dis que nous en tiendrons compte de façon positive.

D'autre part, je pense que vous avez raison, M. Boutin, de comparer l'activité à laquelle vous avez été associé de près et plus que tout autre organisme au Québec à une expérience sociologique. Est-ce que l'implantation - vous me répondrez à la fin -du système métrique dans l'ensemble de l'entreprise au Canada ne peut pas se comparer un peu, comme effets, comme coûts, comme révolution sociologique en quelque sorte, à l'implantation du français? Vous me répondrez à cette question quand vous serez prêt.

Aussi, sur un point précis, la langue des échanges avec les fournisseurs, il existait effectivement jusqu'au printemps dernier une lettre recommandée et suggérée par l'office qui vous obligeait à demander à vos fournisseurs hors Québec une documentation française. À la suite d'une rencontre que nous avions eue à l'époque et dont j'ai gardé le meilleur des souvenirs d'ailleurs, parce que c'était encore une fois, comme aujourd'hui, très concret et très précis, une nouvelle lettre a été envoyée à vos fournisseurs dans laquelle vous demandez - je crois que c'est la formulation - Vous nous rendriez un fier service - à peu près dans ces termes - si vous nous faisiez parvenir une documentation française, si elle existe. C'était l'intention du législateur dès le début, pour des raisons que vous évoquez et qui tiennent à la délégation et à l'interprétation d'une délégation qui est faite. Donc, je vous poserai la question: Est-ce que cet élément de vos cinq recommandations, a été réglé à votre satisfaction?

Je retiens aussi que vous suggérez qu'il y ait une diffusion massive, de la part du gouvernement et de ses institutions, de la terminologie française au lieu de la laisser dormir dans les tiroirs, les ordinateurs ou les logiciels des banques de terminologie des entreprises ou de l'État. Je peux vous dire là-dessus qu'il y a déjà des efforts de faits. J'ai déjà passé des commandes aux organismes pour que la diffusion massive de cette information soit faite parce que je pense qu'il est de l'intérêt de tout le monde que l'opération de francisation se fasse le plus vite possible et, jusqu'à un certain point, avec l'appui et le soutien du réseau gouvernemental de diffusion et de l'information.

Vous parlez aussi de l'affichage public dont vous nous dites que cela n'a pas causé de problème majeur à vos entreprises. Je m'en réjouis. Vous nous dites aussi que, pour ce qui touche les relations avec les sièges sociaux, il y a des frottements. C'est noté en ce qui me concerne. J'aborderai ces questions avec les organismes qui sont sous ma juridiction, de manière que nous en arrivions à des solutions qui tiennent compte de la réalité économique et surtout de la vie de vos entreprises, tout le monde sachant qu'une entreprise est un être vivant et que, par conséquent, on ne doit pas la traiter comme si c'était une simple machine.

Sur la question de la célèbre clause Canada, ce que je peux vous dire - je l'ai dit, d'ailleurs, à d'autres occasions - c'est que la réflexion du gouvernement n'est pas terminée là-dessus. Nous tenterons d'en arriver à une solution qui fasse que l'application des lois actuelles ne soit d'aucune façon au détriment du développement économique et industriel du Québec. Dans la mesure du possible et du raisonnable - je reprends vos mots, dans l'ensemble de votre mémoire, car je pense que c'est un mémoire qui aborde les questions et les solutions possibles et raisonnables - nous tenterons d'en arriver à une solution qui respecte la constitution canadienne, celle que nous avons signée, et, en même temps, les objectifs économiques que nous partageons tous. Le gouvernement se concentre donc présentement sur une solution allant dans ce sens.

Nous savons très bien que l'Ontario est la principale province d'où nous proviennent les familles dont vous parlez. Ce sera donc un point central dans la réflexion du gouvernement dans les semaines et les jours qui viennent, afin de trouver une solution qui satisfasse l'entreprise et qui lève ce qui est vu par plusieurs comme une hypothèque au développement économique de l'entreprise québécoise.

C'était l'ensemble de mes remarques. Je veux dès maintenant vous remercier de la qualité de votre document. Je veux également vous réitérer les excuses du président de vous avoir fait passer plus tôt que prévu. Remarquez que c'est exceptionnel, car, en général, les gens passent plus tard. Je vous soulignerai, par ailleurs, que nous sommes très heureux de votre collaboration, que vous ayez accepté de venir à 12 h 30 plutôt qu'à 15 heures cet après-midi. L'avantage est qu'à l'heure de votre présentation il n'y a ni hockey, ni baseball, ni tennis, ni football à la télévision; donc, il y a peut-être plus de gens qui vous regardent à ce moment-ci que si vous aviez été en concurrence avec les sports suivis par nos téléspectateurs québécois.

Je passe donc la parole à l'Opposition, M. le Président, à moins que M. Boutin ne veuille répondre. Excusez-moi, je vous avais posé deux questions, M. Boutin. (13 h 30)

M. Boutin: Vous nous avez demandé notre réaction par rapport au système métrique. Est-ce là-dessus, M. Laurin, que

vous voulez faire part des réactions?

M. Laurin (Guy-H.): Oui, je pense qu'on est prêt à reconnaître qu'il y a peut-être un certain parallèle entre le système métrique et la francisation, mais il y a une différence très importante: le système métrique ne pénalise pas singulièrement les entreprises localisées au Québec. Donc, sur le plan concurrentiel, il n'y a pas d'iniquité de ce côté.

M. Godin: D'accord.

M. Laurin (Guy-H.): Je pense que l'importance est assez majeure.

M. Godin: Majeure.

M. Laurin (Guy-H.): Vous avez également dit que nous avions souligné qu'il n'y avait pas de problème majeur avec la francisation, mais c'est sur des secteurs bien identifiés dans notre mémoire.

M. Godin: Oui, d'accord.

M. Laurin (Guy-H.): Vous avez fait un commentaire général que nous aimerions quand même qualifier dans notre ensemble.

M. Boutin: Vous avez demandé aussi, M. le ministre, une réaction par rapport aux nouvelles lettres des fournisseurs. Je vais demander au directeur général de donner les réactions là-dessus.

M. Guillotte (Michel): Malheureusement, statistiquement, nous devons dire qu'il n'y a pas eu d'amélioration. Bien sûr, à la date où on parle de la chose, il y a moins d'entreprises qui négocient activement des programmes, il y en a quelques-unes seulement qui sont en retard. Il y a encore trois semaines, nous avons négocié un programme de francisation avec une entreprise où la lettre aux fournisseurs a été effectivement un problème de discussion majeur. D'autre part, de plus en plus fréquemment, les entreprises se font demander ou inviter - le ton varie d'un négociateur à l'autre - non seulement à émettre des lettres à leurs fournisseurs, mais, dorénavant, à émettre des lettres à leurs clients. Si ma mémoire est fidèle, je crois qu'il y a un spécimen d'une telle lettre qui est annexé au mémoire.

D'un plan pratique, sans doute que le nombre des cas est beaucoup moins élevé qu'il a pu l'être au cours des trois dernières années, mais sur le principe de la chose, la situation demeure entièrement ce qu'elle était auparavant.

M. Boutin: J'aimerais, M. le ministre, offrir à d'autres gens qui m'accompagnent la possibilité de réagir si le besoin s'en fait sentir.

Vous nous avez assuré votre support au sujet de la diffusion massive de la terminologie. Nous en sommes très heureux et nous serons contents d'en voir les résultats.

Vous nous permettrez de ne pas réagir du tout au sujet de l'admissibilité à l'école anglaise.

M. Godin: Merci.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je voudrais, pour ma part, féliciter le Centre de linguistique de l'entreprise pour son mémoire. Ce que je retiens de votre mémoire, c'est que vous faites une analyse assez complète. Vous ne vous contentez pas de porter à l'attention de cette commission certains changements dans certains des articles, mais vous allez plus en profondeur, vous analysez un peu l'idéologie, les mentalités, les problèmes qui sont suscités par l'application de la loi. Vous êtes très positifs dans vos recommandations. Quant à la question de francisation, vous faites certaines suggestions pour accélérer le processus, comme la question de la diffusion de la terminologie, mais vous faites aussi des mises en garde très sérieuses qui n'affecteraient pas les objectifs de la francisation de la langue de travail au Québec et les services qui doivent être fournis en français. Ce sont là des mises en garde assez sérieuses. Je voudrais y revenir tantôt. Vous démontrez certainement par votre mémoire que c'est possible de critiquer certains aspects de la loi 101 sans pour autant interpréter cette critique comme étant contre la francisation, contre la langue de travail au Québec - le français - et contre le fait que les Québécois francophones devraient être servis dans leur langue. Parce que, souvent, devant cette commission, les suggestions ou les critiques de certains aspects de la loi ou de l'administration de la loi ont été interprétées par certains intervenants ou d'autres comme une critique des objectifs. Ce n'est pas cela du tout. Votre mémoire le souligne admirablement.

J'ai seulement une autre remarque. Les suggestions que vous faites nécessitent deux choses. Tout d'abord, certains amendements à la loi. Il n'y a aucun doute que la langue d'enseignement - si ce n'est pas à cette loi-ci, c'est certainement à d'autres lois du Québec - est de concordance aussi parce qu'il y a des ambiguïtés et des contradictions. Les autres recommandations que vous faites sont d'ordre administratif. C'est la question de l'administration de la loi. Je vais commencer par quelques

questions sur l'administration de la loi et l'application de cette loi par les agences gouvernementales.

Vous mentionnez - à la page 58 - le fait de respecter les engagements conclus et vous soulignez qu'il y a peut-être certains problèmes. Vous dites aussi - je cite votre mémoire - ce qui suit: "Dans leur forme actuelle, les outils utilisés par l'office, qu'il s'agisse de programmes-types de francisation ou de constats de la situation linguistique, affirment la primauté des règlements linguistiques sur les lois du marché, la préséance de la bureaucratie sur l'esprit d'entreprise et la subordination complète de l'entreprise privée à l'État". Pourriez-vous expliciter un peu plus les problèmes administratifs dont vous faites état et qui existent entre les différentes agences du gouvernement comme l'OLF et la Commission de surveillance de la langue française, ceux que je viens citer dans votre mémoire?

M. Boutin: Oui, avec plaisir. Le point-clé, le point essentiel caché à l'intérieur des lignes de la page 58 a comme titre: constat. Il est tout à fait normal, pour l'exécutant d'un contrat, d'être le sujet de revues périodiques sur le progrès de son contrat, des réalisations auxquelles il s'est engagé. En conséquence, il est tout à fait normal pour l'Office de la langue française de vouloir, après avoir négocié ces programmes de francisation, après avoir réalisé certaines ententes très particulières avec chacune des entreprises, après six mois, après un an ou deux, revenir sur ces dossiers pour poser la question: Avez-vous réalisé vos objectifs?

Les difficultés surgissent cependant dès qu'on veut le faire: d'une part, les mentalités ont évolué pendant la période de temps entre le moment de la négociation et le moment de la constatation; d'autre part, l'entreprise, elle, regarde son programme de francisation qu'elle a négocié honnêtement, de peine et de misère et constate qu'il n'est pas facile de mettre tout cela en place. Il y a bien des entreprises où le programme de francisation a dû rebondir plusieurs fois au conseil d'administration avant de recevoir une sanction. Une fois que ces programmes ont été réalisés et concrétisés dans un engagement vis-à-vis de l'Office de la langue française par l'entreprise, celle-ci les considère comme un contrat qu'elle va réaliser. C'est ce que nous disons dans notre recommandation en haut de la page 58, nous disons: MM. de l'Office de la langue française, vous êtes les bienvenus de venir constater - comme le mot "constat" le dit -comment l'entreprise a exécuté les engagements qu'elle avait pris, mais, de grâce, ne recommencez pas la négociation, parce que, là, nous aurons peut-être des effets plus négatifs que positifs. C'est le message que nous avons transmis. Je sais que nous avons déjà échangé là-dessus avec les gens de l'Office de la langue française. Ils ont reconnu beaucoup d'éléments et le bien-fondé de notre intervention. Nous savons qu'ils se sont penchés sur le dossier, mais nous n'avons pas encore vu les résultats, nous les attendons incessamment.

M. Ciaccia: Quand vous parlez de coût additionnel, dans votre sondage le coût est d'environ 425 $ par employé, résultant de l'application de la loi. Nous avons été témoins, hier je crois, du témoignage d'un invité qui nous a fait part du fait que les exigences pour son entreprise étaient telles qu'il a cessé les activités dans une de ses filiales. Quel est vraiment l'impact? Quand on dit 425 $ par employé, pouvez-vous nous donner un peu les conséquences de cela? Peut-être le gouvernement ne réalise-t-il pas. Je ne sais pas s'il peut vraiment mesurer ce que représentent 425 $. Est-ce que cela vous affecte dans la concurrence et est-ce qu'il y aurait moyen de réduire ce coût, tout en maintenant les objectifs de la charte?

M. Boutin: Vous avez plusieurs volets à votre question; elle n'est pas facile.

M. Ciaccia: Nous n'avons pas beaucoup de temps, c'est pour celai

M. Boutin: D'abord, il est évident qu'il faut bien regarder la formulation de notre questionnaire. Comme je l'ai dit dans mon intervention tantôt, nous avons restreint très spécifiquement certains éléments majeurs de coût. Nous savions que c'étaient des éléments majeurs, mais nous les avons restreints à cela. Nous avons demandé strictement quels étaient les éléments de coût dans ces trois facteurs. Nous savions, en faisant cela, que l'on en négligeait plusieurs, mais on savait aussi que l'on prenait les plus importants.

M. Ciaccia: Les coûts peuvent être encore plus élevés.

M. Boutin: Le chiffre 425 $ que l'on a déterminé là, c'est simplement les répondants, les employés québécois des répondants et on a divisé 42 500 000 $ par... cela vient à cela, mais c'est une moyenne. Une moyenne a la force et la faiblesse de toutes les moyennes. Cela couvre des petits et des gros et en moyenne il n'y a pas une paire de pantalon qui nous fait. Qu'est-ce que cela représente pour chaque entreprise la francisation? Cela varie énormément de rien à tout. Je peux citer certains exemples et peut-être que les autres personnes qui m'accompagnent pourront en citer d'autres très rapidement. Je sais pertinemment par exemple que certaines compagnies ont retiré certains produits

qu'elles offraient au marché québécois plutôt que de faire face à la traduction des matériels qui accompagnaient le produit. Je ne pense pas que cela soit à l'avantage des Québécois.

M. Ciaccia: Cela réduit le commerce et les emplois.

M. Boutin: Cela a été fait. Par ailleurs, on parle du coût de francisation. Il y a eu des études de faites et je peux témoigner d'autres entreprises qui ont affecté depuis quelques années - et elles prévoient continuer cela pendant quelques autres années - à la francisation quelque chose comme de trois quarts à 1% de leur chiffre d'affaires québécois. Quand on sait qu'en moyenne les entreprises font à peu près 5% de leur chiffre d'affaires en profit, on peut réaliser ce qu'est l'impact. Cela fait mal au moins pour elles, mais elles ne sont pas toutes comme cela. On vous a parlé de la moyenne, on parle d'un spectre. C'est pour cela qu'il est tellement important de faire une négociation casuistique avec l'Office de la langue française et le laisser le grand maître d'oeuvre avec le programme de francisation qui est négocié et qui devient invariablement un accommodement qui se fait entre le possible et le réalisable. (13 h 45)

M. Ciaccia: Est-ce que je vous comprends bien? Nous dites-vous qu'évidemment cela va coûter quelque chose pour franciser, que cela ne peut pas se faire sans coût? Mais nous dites-vous qu'il y a possibilité, tout en respectant les objectifs de la charte, d'appliquer la loi d'une façon plus raisonnable et d'une manière qui aurait comme conséquence d'éviter les exemples que vous venez de nous fournir? Nous pourrions éliminer les exigences dans ces cas, sans pour autant enfreindre les objectifs de la charte. C'est ce que vous nous dites?

M. Boutin: La façon la plus effective de réduire les coûts de francisation c'est d'étaler les échéanciers. Il y a un momentum actuellement au Québec qui est irréversible. Notre francisation se fait au Québec et elle se fait, mais la loi veut l'accélérer. Avec plus d'accommodements, la même chose va se réaliser, mais, au lieu de traduire des documents qui, aujourd'hui, ont très peu de réceptivité chez des employés, nous allons traduire seulement ceux qui vont vers des employés ou des groupes d'employés qui sont réceptifs, qui sont capables de les recevoir, et nous allons attendre que la progression linguistique de notre population se fasse pour traduire le restant. Alors, nous étalons les coûts; nous ne les changeons pas, nous les étalons différemment. Les objectifs restent les mêmes.

M. Ciaccia: Je présume que si les coûts de francisation sont trop élevés, cela doit décourager aussi de nouveaux investissements, cela doit être pris en considération par les nouveaux investisseurs qui viennent au Québec.

Dans votre mémoire, vous parlez de la nécessité d'avoir la connaissance de la langue anglaise. Souvent, quand nous parlons de cela, de ce côté-ci de la commission parlementaire, nous nous faisons accuser de vouloir protéger les anglophones et retourner à l'ancien régime. Je suis heureux de voir...

M. Godin: M. le Président, je ne pense pas que cela ait été dit depuis les deux semaines que nous sommes ici. Peut-être à d'autres époques, mais pas aujourd'hui.

Une voix: En d'autres endroits! M. Godin: Je prendrais a témoin...

M. Ciaccia: Non, c'est vrai que le ministre - peut-être a-t-il fait certaines insinuations - explicitement ne l'a pas dit lui-même si clairement que cela.

Vous parlez de la nécessité de connaître la langue anglaise et, à la page 11 de votre mémoire, vous dites aussi: "On administre trop souvent la loi 101 sur la base d'une nouvelle façon de penser, sur une vision fermée de la société québécoise."

Aux pages 51 et 52, vous dites que, dans certains domaines, il est essentiel - je crois que ce sera essentiel encore assez longtemps - d'avoir une connaissance de la langue anglaise et vous reliez cela au contexte nord-américain. Beaucoup d'intervenants qui viennent ici disent: En France on parle français, en Belgique on parle wallon et flamand, mais on semble oublier qu'au Québec il y a le contexte nord-américain qui, nécessairement, a des conséquences sur une loi linguistique.

Pourriez-vous expliciter un peu plus votre pensée sur cette connaissance de la langue anglaise pour, premièrement, les jeunes cadres - comme vous le mentionnez à la page 51 - pour certains secteurs comme la technologie et aussi pour le marché en dehors du Québec? Je regrette d'ajouter beaucoup d'éléments dans ma question, mais nous sommes un peu limités par le temps et j'essaie de comprimer autant que possible. Si on ne tient pas compte de la connaissance de la langue anglaise et des effets que cela aura et a déjà eus sur certaines entreprises, vous parlez aussi - peut-être pourra-t-on en parler dans un autre volet - du danger de la régionalisation de l'économie québécoise.

M. Boutin: Très rapidement, il y a deux commentaires que nous pouvons faire pour, je crois, répondre à votre question ou réagir à vos commentaires. Premièrement, je suis

convaincu que tous les gens qui m'accompagnent ici, qui sont des gens d'affaires avertis, seront d'accord avec moi si je dis qu'en affaires la langue du client est un véritable veau d'or auquel il ne faut pas toucher. C'est un diktat du marché. Tant et aussi longtemps que l'homme d'affaires reste dans le comté de Beauce et qu'il n'en sort pas, il n'aura pas de problèmes. Mais du moment qu'il va vouloir exporter ses panneaux plaqués pour mettre devant les meubles, ou des fonds de chaises, ou quoi que ce soit, il va faire face aux exigences du marché. Et le marché qui nous entoure est anglais. Ce n'est pas ma faute; il est là. Alors, c'est l'une des exigences du marché qui nous a fait dire qu'il fallait reconnaître la réalité des exigences de l'anglais.

Le deuxième point que je veux soulever a été couvert, je crois, avec beaucoup plus d'éclat hier, si j'en crois les comptes rendus journalistiques, par l'intervention qu'a faite Bell Canada. La progression, les ouvertures qu'on fait à nos jeunes gradués universitaires dans les entreprises aujourd'hui vont être rapidement plafonnées si nos jeunes s'imbriquent dans un unilinguisme français. Hors de tout doute, pour passer certains niveaux des échelles administratives dans les compagnies dont les marchés débordent le Québec, la connaissance de l'anglais est non seulement indiquée, elle est absolument nécessaire. Si nos jeunes ne le prennent pas, ils limitent leur carrière de leur propre gré. J'inviterais d'autres membres à donner des réactions à cet égard. Est-ce qu'il y en a d'autres?

M. Ciaccia: Oui. Vous soulevez un autre point dans votre mémoire quand vous dites: "II s'agit, enfin, que nos attitudes, notamment linguistiques, n'aient pas pour conséquence que ces entreprises exportent leurs effets d'entraînement à l'étranger." Je présume que vous pourriez expliquer un peu plus cette donnée.

M. Boutin: Je ne comprends pas...

M. Ciaccia: Dans votre mémoire, à la page 52, vous dites: "II s'agit, enfin, que nos attitudes, notamment linguistiques, n'aient pas pour conséquence que ces entreprises exportent leurs effets d'entraînement à l'étranger." Quand vous dites que l'accession de cadres francophones aux sphères les plus évoluées de l'activité technique se fera dans une autre langue... Vous dites aussi que ce n'est pas contraire à la francisation de l'entreprise d'avoir la connaissance de la langue anglaise, mais que voulez-vous dire exactement quand vous dites! "Il s'agit, enfin, que nos attitudes, notamment linguistiques, n'aient pas pour conséquence que ces entreprises exportent leurs effets d'entraînement à l'étranger." Quelle conséquence cela aurait-il pour l'économie et pour les jeunes Québécois qui veulent oeuvrer dans l'entreprise privée?

M. Boutin: Le point que nous voulions considérer se rapporte à l'importance que l'anglais a à l'heure actuelle dans les secteurs de technologie et de recherche dans le monde. C'est un secteur qui nous tient tous à coeur avec le virage technologique qu'on veut donner au Québec et les encouragements qu'on veut apporter à la recherche, au développement, etc. Il est important que nous ayons la possibilité d'attirer à ces centres d'excellence les ressources de fine pointe et les connaissances dont nous avons besoin. Ces connaissance, nous allons les chercher dans tout le monde où elles existent; parfois au Canada, souvent aux États-Unis, parfois même à l'étranger. La langue qui semble dominer en pratique les échanges dans ces milieux de haute technologie, c'est l'anglais. Il faut l'accommoder, sans quoi nous ne réussissons pas à attirer ces talents chez nous.

Par ailleurs, une fois que nos centres d'excellence fonctionnent, si nous leur imposons un corset linguistique trop rigide, nous allons rendre les résultats de leurs travaux difficilement exportables vers les marchés nord-américains. C'est une drôle de race de bêtes les chercheurs. Il est plus important pour eux de publier que ce ne l'est de chercher. La publication se fait dans la langue où elle se fait. IEEE est publiée en anglais, c'est bien dommage.

M. Ciaccia: C'est comme les politiciens.

Une voix: Certains ministres sont comme cela.

M. Godin: C'est-à-dire que pour nous, ce n'est pas tellement de publier, c'est de parler!

M. Ciaccia: On ne publie même pas, c'est encore pire.

Le Président (M. Desbiens): C'est terminé? M. le député de Fabre.

M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Je voudrais également offrir mes félicitations pour l'excellent mémoire qui nous est présenté. Je pense également que c'est, sans aucun doute, un mémoire de grande qualité. C'est probablement celui qui m'a donné le plus de satisfaction. Il est complet; il va dans les détails et il est extrêmement bien présenté.

Pour faire suite à une question du député de Mont-Royal au sujet des coûts de francisation: vous avez mentionné une étude qui a eu lieu en 1974. Il y a eu également

une étude de la firme Éconosult, en 1980, qui a été réalisée auprès de 27 firmes et de 6 administrations publiques et on concluait, de façon générale, que les coûts s'élevaient à moins de 0,5% du chiffre d'affaires annuel. Est-ce que cela correspond à peu près à ce que vous croyez? Que pensez-vous également de cette consultation?

M. Boutin: Vous me permettrez de ne pas exprimer de commentaires sur les consultations des autres. Le chiffre que vous mentionnez et les données mêmes que vous venez de nous citer ne sont pas en contradiction avec ce que nous avons trouvé dans notre consultation. Un nombre important des agents ou des personnes morales consultés dans le questionnaire d'Éconosult comprenait des administrations publiques pour qui le pourcentage de revenus ne signifie pas grand-chose. Vous arrivez, même à cela, avec un demi pour cent du chiffre d'affaires. Notre consultation et les statistiques que j'ai mentionnées tantôt le situait autour des trois quarts à un pour cent. Alors, on n'est pas pour fendre les cheveux en quatre. Cela va varier énormément d'une entreprise à l'autre, hors de tout doute. (14 heures)

M. Leduc (Fabre): Pour faire suite également... Il a été question à quelques reprises - enfin, à titre de question ou quelquefois de suggestion - d'appliquer un programme de francisation aux entreprises qui ont moins de 50 employés. Avez-vous une opinion sur une telle proposition? Croyez-vous que cela soit réaliste et souhaitable, que ce soit nécessaire, compte tenu qu'il y a des milliers de travailleurs et d'employeurs qui ne sont pas soumis à des programmes de francisation dans ces petites entreprises?

M. Boutin: En un sens, comme réaction un peu égoïste en tant que président du Centre de linguistique de l'entreprise, ce serait de dire: Plus il y en aura, meilleures seront les affaires. (Oui, c'est en risée!). Mais le point le plus important et le plus significatif à bien comprendre a peut-être deux éléments, le premier c'est que la très vaste majorité des entreprises québécoises de 50 employés et moins sont des entreprises où la francisation existe de facto, si elle n'existe pas légalement, elle est dans le vécu de tous les jours. Par ailleurs, j'appréhenderais beaucoup les conséquences d'obliger les compagnies de moins de 50 employés à passer par le régime par lequel on a fait passer les grandes compagnies, c'est-à-dire l'analyse de la situation linguistique - avec au-delà de 2000 questions auxquelles il faut répondre, avec quelque 100 pages de documentation qu'il faut y mettre -la négociation des programmes de francisation, l'établissement de tous les échéanciers qui vont avec cela, etc. La documentation à elle seule est assez pour effrayer n'importe qui et, qui plus est, les petites et moyennes entreprises du Québec n'ont absolument pas les ressources ni la compétence pour s'engager là-dedans. Cela demande des ressources, et la grande entreprise s'est donné une expertise comme le Centre de linguistique de l'entreprise, il y a plus de onze ans, précisément pour l'aider, elle, la grande, à passer à travers ces périodes. Même la grande entreprise s'est dit: Nous n'avons pas, chacun d'entre nous, les moyens de mettre l'expertise nécessaire sur pied. On va mettre en commun nos ressources. C'est la grande qui a décidé cela. Alors, la petite n'a absolument pas les ressources qu'il faut pour cela. Je me dis que déjà, il y a énormément de francisation qui existe chez la PME. Et, mon Dieu, qu'on laisse la sociologie, l'explosion démographique québécoise aller son cours, et l'effet d'entraînement des grandes va les entraîner de toute façon.

M. Leduc (Fabre): Merci. J'avais une autre question, M. le Président. Puisque vous avez parlé de ces questionnaires de l'office, à la page 15 précisément de votre mémoire, cela me permet de poser immédiatement ma question qui touche à ce que l'office veut mesurer. Vous en avez parlé. Et vous êtes assez critique. Vous dites que l'information demandée n'existe pas sous la forme requise par l'office si tant est qu'elle existe. Est-ce que vous, en tant qu'expert, que spécialiste, vous avez proposé un autre type de questionnaire? Est-ce que vous croyez que c'est possible d'arriver aux résultats que vise l'office, tout en ayant un autre genre de questionnaire?

M. Boutin: Ma première réaction est la suivante: Oui, il est possible, et non, il n'est pas nécessaire de changer les questionnaires. Il s'agirait purement et simplement pour nos fonctionnaires - et Dieu sait que c'est difficile de faire cela - de leur permettre plus de latitude dans l'interprétation quotidienne des questionnaires. Quand ils arrivent à tel chapitre, si vous répondez de telle façon, cela fera notre affaire. J'ai l'essentiel, même s'il n'est pas capable de remplir chacun des petits carreaux. Mais je pense que, dans la pratique des choses, je devrais avoir recours à notre expert de tous les jours, M. Guillotte.

M. Guillotte: La réponse est oui, effectivement, nous l'avons fait. Peut-être que cette expérience remonte maintenant au stade des analyses linguistiques et de la préparation des premiers programmes. À toutes fins utiles, dans la plupart des entreprises que nous avons eu à assister en tout cas, il a fallu doubler les questionnaires de l'Office de la langue française de ques-

tionnaires axés sur les besoins de l'entreprise. Et je m'explique: axés sur les choses telles qu'elles existent dans l'entreprise, tel qu'il fallait les comptabiliser et les identifier dans un milieu donné de façon à agir dessus. Alors, la situation qui en a résulté est comme suit: on faisait des analyses mathématiques beaucoup plus en profondeur dans l'entreprise aux fins de mettre à jour les données qui serviraient à préparer et à gérer un programme de francisation. Pendant que nous faisions cet exercice d'une main, il fallait, de l'autre main, synthétiser cette information et essayer de la faire entrer dans le cadre des questions posées par l'Office de la langue française qui, elles, étaient formulées en termes très globaux, dans le but simplement de fournir aux fonctionnaires de l'office une matière relativement suffisante pour porter un jugement d'ensemble sur la situation de l'entreprise et l'opportunité qu'il y avait ou non de lui demander un programme de francisation. Je ne sais pas si cela répond à votre question.

M. Leduc (Fabre): Oui, cela y répond en bonne partie. Mais vous me dites que vous avez fait ces suggestions à l'office.

M. Guillotte: Oui, à l'époque, beaucoup de fonctionnaires de l'Office de la langue française - du moins dans les entreprises que nous avons assistées - ont été informés de cela.

M. Leduc (Fabre): D'accord. Une dernière question. Vous ne touchez pas beaucoup aux employés, c'est-à-dire que vous parlez des employés, oui, pour dire qu'ils offrent une certaine résistance à la francisation. Il y a un problème de ce côté, mais on sait que dans les entreprises, il y a des comités de francisation. Vous n'en parlez pas. Est-ce que vous croyez que ces comités ont joué un rôle important? Est-ce qu'il y a moyen d'améliorer le fonctionnement de ces comités de francisation pour qu'ils jouent un rôle plus déterminant? Nous avons entendu des critiques de la part de travailleurs, notamment dans un mémoire qui nous a été présenté hier à savoir que ces comités de francisation étaient, à toutes fins utiles, nuls ou désertés par les travailleurs. Y a-t-il moyen d'améliorer le rendement de ces comités de francisation?

Tout de suite une deuxième question. En ce qui concerne les travailleurs, est-ce que la francisation des entreprises a eu un effet positif sur le rendement des travailleurs, sur leur motivation au travail?

M. Boutin: II y a deux volets à votre question. Vous parlez des comités de francisation. L'expérience des comités de francisation - comme bien d'autres choses - varie énormément d'une entreprise à l'autre. Je sais que M. Guy Laurin veut réagir très spécifiquement à votre question.

M. Laurin (Guy-H.): Simplement pour souligner qu'évidemment ceux qui ont fait valoir leurs opinions sont ceux qui sont intéressés, mais si la grande majorité ne s'est pas intéressée à la francisation, je ne vois pas comment ils peuvent venir témoigner du manque d'intérêt. Je m'explique en ce sens que chaque entreprise avait la décision à prendre de localiser par usine, par région, ou par établissement. L'intérêt porté par le mouvement syndical ou par le mouvement des travailleurs variait d'une place à l'autre, selon qu'ils étaient dans un secteur complètement francisé ou dans un secteur anglophone de l'île de Montréal. Mais de là à généraliser sur la présentation qui a été faite... Je ne sais pas s'ils avaient fait une expertise du sujet, mais de là à dire qu'il y a un manque d'intérêt de la part du comité, ou de la part de la représentation syndicale ou des employés, je pense qu'on ne peut pas généraliser de cette façon.

M. Leduc (Fabre): On allait plus loin. On remettait en cause également l'efficacité du comité, en tout cas en ce qui concerne la participation des travailleurs. Il y a des travailleurs qui nous ont dit, par exemple, qu'on ne leur fournissait pas les données dont ils auraient eu besoin pour véritablement analyser la situation. D'autres nous ont dit que c'était coûteux, par exemple, de participer à ces comités de francisation, que cela devait se faire en dehors des heures de travail. On a eu plutôt des réactions négatives de la part des travailleurs quant aux comités de francisation, par rapport à leur participation.

M. Laurin (Guy-H.): Je ne pense pas qu'il faille généraliser à partir des représentations qui vous ont été faites sur la question. Si l'employé n'a aucune décision à prendre sur les mises de fonds, sur l'application de la loi comme telle, c'est difficile pour lui d'en évaluer le coût, d'en évaluer les contraintes financières, d'en évaluer les contraintes de personnel et d'effectif humain. Ils n'étaient pas en mesure d'en faire l'évaluation, mais ils ont eu l'occasion d'en faire l'input, si on peut dire. À notre connaissance, dans le secteur de la grande entreprise, on s'est rallié aux directives de la francisation et on a eu la contribution requise par l'élément et syndical et journalier.

M. Leduc (Fabre): Est-ce que vous croyez que la parité pourrait améliorer le fonctionnement de ces comités?

M. Laurin (Guy-H.): Si vous établissez

la parité de coûts, je serais d'accord. M. Boutin: Est-ce que je peux...

M. Laurin (Guy-H.): Non, je ne veux pas être malin, mais je pense que... On veut parler de parité, mais il faut que ce soit la parité totale; pas la parité dans des secteurs qui nous intéressent et la responsabilité dans ce qui ne nous intéresse pas.

M. Boutin: Moi, j'ai vu le taux d'intérêt que les employés mettent au comité de francisation, j'ai vu une mesure de la perception des besoins de leur milieu. Il y a énormément d'entreprises où les comités de francisation ont toutes les misères du monde à ramasser un groupe de personnes pour s'y intéresser. Pourquoi, dans le fonds, sinon que l'employé se dit lui-même, subjectivement: Ce n'est pas pour moi, c'est pour un autre? Il y en a de ceux-là. Notre bon francophone, lui, pense que la francisation n'est pas pour lui, c'est pour les autres. Quand on lui présente un document en français, il n'est pas capable de le lire, mais c'est un autre problème.

Nous sommes dans un changement social tous ensemble - c'est ce qui est le particulier de cette loi - et le changement social c'est le changement du dedans d'un homme ou d'une femme. Cela ne se fait pas par des formules à remplir.

Mais je voudrais revenir au deuxième volet de votre question, le rendement et la motivation. Au Centre de linguistique de l'entreprise, nous l'avons dit lors du colloque sur la langue et les communications du Conseil de surveillance de la langue, nous n'avons aucune donnée, que nous considérons valable, nous indiquant qu'il y a amélioration du rendement de l'efficacité à cause d'un changement linguistique. Nous sommes au courant de certaines études qui ont été faites et qui ont indiqué que communiquer en français améliorait la rapidité et l'efficacité des communications. (14 h 15)

Après avoir regardé ces études, nous sommes arrivés à la conclusion que l'essentiel dans une communication c'était un véhicule commun entre l'envoyeur et le récepteur. Si ce n'est pas commun, ce n'est pas efficace. Que ce soit en anglais, en russe, en chinois, en japonais ou en "bits", quand on travaille en numérique aujourd'hui, cela a peu d'importance. Si celui qui envoie et celui qui reçoit ne sont pas sur la même longueur d'onde, cela ne marche pas et il y a beaucoup d'inefficacité entre les deux. Si on veut qu'une communication soit efficace, il faut que l'envoyeur et le récepteur soient sur la même longueur d'onde, sinon cela ne passe pas.

En ce qui concerne l'autre élément, la motivation, je crois que la loi 101 a fourni à certains de nos francophones, nos générations récentes de diplômés universitaires - on commence à en produire - des aspirations assez légitimes à une croissance rapide dans les échelles administratives de la grande entreprise. C'est peut-être une motivation pour eux. J'ai fait état tantôt d'autres facteurs qui entrent en ligne de compte du côté de l'entreprise quand il s'agit de sélectionner son personnel. Le critère qui est de loin le plus dominant est celui de la compétence. J'ai déjà dit à de jeunes francophones, de jeunes loups, comme on les appelle, qui avaient espoir de prendre ma place demain: Écoutez, c'est seulement la compétence qui va vous y mener. Vous ne voulez pas qu'il en soit autrement. Vous ne voudriez jamais qu'il soit dit, de façon justifiée, que vous avez votre poste pour une raison autre que la compétence.

M. Leduc (Fabre): Je vous remercie.

Le Président (M. Desbiens): Merci. M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: M. le Président, je m'excuse parce qu'il se fait tard. Je sais que les estomacs crient, mais je pense que le mémoire est tellement important par son ton, son objectivité, son sérieux et son contenu, qu'on se doit de l'examiner en profondeur. Je m'excuse si nous avons à vous poser plus de questions encore.

Ce qui m'intéresse surtout, c'est la question que vous avez abordée pour la première fois dans un mémoire ici, celle du changement social dont a parlé mon collègue de Mont-Royal. Ce que vous avez dit, c'est qu'on a imposé un changement social complet et très important d'un jour à l'autre. Il fallait qu'il se pose et nous l'acceptons tous. Mais en même temps, en voulant faire le suivi mécanique de la chose pour la mettre en application, on n'a pas réalisé qu'on avait créé une révolution. Par exemple, le ministre a parlé d'une comparaison avec le système métrique. Vous avez dit, avec justesse, qu'il y a des parallèles; c'est sûr. Un changement sociologique important comporte des parallèles. La question fondamentale qu'on a oubliée entre les deux, c'est qu'ici, on parle de l'application chez des humains. À l'arrivée du système métrique, ce sont les consommateurs qui ont eu à changer tandis qu'ici ce sont les travailleurs qui sont eux-mêmes impliqués. Je pense qu'il y a là une dimension très importante: on a voulu changer les gens d'un jour à l'autre. Ce qui m'intéressait de vous demander, ce qui semble se dégager de votre mémoire c'est de dire: on a créé ce changement sociologique et social qui devait être apporté, l'Office de la langue française fait appliquer cela peut-être d'une façon beaucoup trop régimentée, ritualiste, légaliste et réglementaire. Vous

dites: peut-être qu'on devrait revoir toute l'affaire de l'Office de la langue française et du comité de surveillance pour voir comment cela fonctionne.

C'est cela que je voulais vous demander. J'ai toujours eu une impression personnelle que le comité de surveillance... Un des aspects négatifs de la mauvaise publicité que la loi 101 a eue, c'est l'aspect punitif du comité de surveillance, qui va s'occuper des petites affiches à Pointe-Claire pour soixante-trois petits commerçants qui essaient de se débrouiller pour gagner leur vie, alors qu'ils essayaient de faire des choses...

Vous avez l'air de dire: peut-être qu'on devrait mieux coordonner les deux. Est-ce que vous avez dans l'esprit qu'on devrait faire un seul outil d'incitation, plutôt qu'une commission de surveillance qui serait réglementaire plus un Office de la langue française qui serait très cadré?

M. Boutin: J'aurais deux réactions, M. le Président. La première: il ne faut pas en vouloir à l'Office de la langue française, c'est la loi 101 qui l'a créé. Non seulement elle l'a créé mais elle lui a donné la mission, que nous partageons parce que le CLE a été fondé dans le même but de faciliter la francisation des entreprises au Québec. C'est son objectif. Dans le cas de la loi 101, elle a des contraintes que nous n'avons pas au Centre de linguistique de l'entreprise en ce sens que vous l'avez encarcanée avec tout un paquet d'articles de loi qui lui disent: Fais cela comme ceci et fais cela comme ça. Les pauvres gens de l'Office de la langue française n'ont pas le choix: quand la loi est là, que les règlements sont là sanctionnés par le lieutenant-gouverneur en conseil, ils ont les deux pieds coulés dedans et ils ne sont plus capables de se déménager.

Même s'ils sont d'accord avec des intervenants comme nous, qui leur font valoir certains aspects - comme vous le disiez tantôt, "tracasssiers" - du dossier, même s'ils sont d'accord sur le bien-fondé de nos interventions, etc. ils disent: oui, mais tel article dit telle chose. Dans la pratique, dans le vécu, les six années que nous avons eues avec l'Office de la langue française, ces gens se sont montrés le plus accommodants possible. Si le cheminement de la francisation dans les grandes entreprises au Québec est aussi avancé qu'il l'est aujourd'hui, il faut lever son chapeau devant eux aussi, ils ont fait leur part. Ils ont aidé à tourner des coins rond, à oublier qu'il y avait des virgules à des places et ils ont passé par-dessus des articles en regardant de l'autre côté, etc. On ne s'en vante pas mais cela a été fait. Cela a été fait pour la bonne cause.

Tantôt, dans l'intervention que j'ai faite, et on en fait dans le mémoire aussi, on a parlé des relations entre l'Office de la langue française et le Comité de surveillance. Ils sont mis sur pied tous les deux par la loi et ils sont encarcanés tous les deux. Ils ont chacun leur mission.

Nous croyons que dans la pratique des choses - je ne suis pas avocat, je ne sais pas s'il faut retourner à la loi pour fignoler cela ou pas - il va être important d'établir une certaine relation entre les deux. Cela peut se faire dans une réunion avec le ministre et les deux présidents, je ne le sais pas. Il sera important d'éviter dans le domaine public un désaccord entre l'Office de la langue française et le Comité de surveillance. C'est déjà du vécu. Dans la formulation d'un programme de francisation, par exemple, l'Office de la langue française arrive à la conclusion que là, avec lui, on l'a passé à l'essoreuse. On a eu absolument tout ce qu'on pouvait avoir de cela et on a à peu près le plus qu'on peut espérer de cette corporation. Ils ont le programme avec les échéanciers, les réalisations, etc. Il est des prérogatives de l'Office de la langue française de retarder l'échéance de certains articles, des choses semblables. Dans le quotidien du Comité de surveillance, on reçoit des plaintes de certaines personnes qui disent qu'à tel endroit telle chose n'est pas traduite. Là il a le choix de faire une des deux choses suivantes, soit subordonner son intervention au programme de francisation qui a été réalisé et agréé avec l'Office de la langue française ou agir directement sur le dossier en disant: l'article dit telle chose, il faut que cela soit fait.

S'il opte pour le deuxième choix, celui-là est très dangereux pour les entreprises qui, de bonne foi, ont négocié un programme et ont pris des engagements fermes et qui se voient par après remettre le tout en question sur n'importe quelle plainte, de n'importe qui, n'importe où, n'importe quand, n'importe comment. C'est parfois inquiétant.

M. Lincoln: M. Boutin, je voulais vous interroger au sujet d'une remarque que vous avez faite dans votre mémoire sur l'article 142. Je pense que le John Hospital Institute a parlé de la même chose. Des gens qui sont affectés par l'âge ou des services de longue durée. Est-ce que par votre expérience, dans les grandes entreprises, cela a coûté des promotions, des mutations à des gens, les applications de la loi? Est-ce que cela a été un problème? Vous l'avez soulevé tout comme le John Hospital Institute.

M. Boutin: Je ne peux pas citer de cas spécifiques car je n'en connais pas. Un anglophone, M. Untel qui s'est vu refuser une promotion seulement parce qu'il ne connaissait pas la langue française. Je n'en connais pas. Quand on analyse comme il se

doit ce que les articles de la loi ou les règlements veulent dire, cette possibilité est très claire et elle est là. Dans le vécu, personnellement je n'ai aucun cas spécifique. Je ne sais pas si mes confrères en ont.

M. Lincoln: Dans quel sens votre mémoire parle-t-il de cela?

M. Boutin: J'en viens à cela. L'article 142 voulait - je crois - protéger l'acquis des employés de long service dans une entreprise et surtout ceux qui étaient unilingues anglais. L'expérience de l'enseignement des langues tant dans le secteur privé au Québec que dans le secteur fédéral de l'enseignement des langues dans les ministères et la fonction publique fédérale a démontré que le pourcentage de gradués est plutôt faible, que le pourcentage de gradués et de "graduables" diminue sensiblement avec l'âge. Il est très difficile de prendre une personne de 45 ans et de lui apprendre à parler le français du jour au lendemain. On aura des cours de langue qui nous amèneront à presque rien. Ces gens ont tout de même dix ou quinze ans de service dans les compagnies. Ils sont là. Ils sont dans l'organisation. Je ne crois pas que ce soit l'intention du législateur que nous, l'employeur, on les mette à la porte du jour au lendemain. On n'a pas l'intention de le faire, de toute façon. Ce sont des gens qui nous ont donné de bonnes années de service et qui sont encore compétents aujourd'hui pour réaliser des choses qu'on veut. Mais c'est difficile pour eux et ce n'est pas leur faute. Aujourd'hui, à l'âge que j'ai, je ne me vois pas commencer à apprendre le chinois. La nécessité peut peut-être venir, je ne le sais pas.

M. Laurin. (Guy-H.) M. le Président, je veux simplement souligner que notre représentation n'a pas été complètement orchestrée, et je me permets de contredire mon collègue. Nous avons des problèmes fréquents de ce côté. La loi parle de ceux qui approchent de la retraite et de longues années de service. Mais quelqu'un qui a 52 ans et qui a tout de même 18 ou 20 ans de service n'entre pas nécessairement dans ces critères. Or on doit, malheureusement, pour appliquer l'ensemble du programme de francisation, prendre les mesures nécessaires pour transférer ces candidats dans nos autres services à l'extérieur de la province.

M. Lincoln: On m'a dit que cet article de la loi avait été interprété, par exemple, en termes de service, dans certains cas, comme 25 ans et près de l'âge de la retraite, c'est presque une façon de...

M. Laurin (Guy-H.): C'est là le problème de la loi.

M. Lincoln: Oui.

M. Laurin (Guy-H.): Si on la suit à la lettre, quelqu'un près de la retraite avec de longues années de service... personne n'a défini le mot "longues" et personne n'a défini le mot "près".

M. Lincoln: Cela pourrait être un an. (14 h 30)

M. Laurin (Guy-H.): Ce sont des questions qui se posent et nous, nous devons faire face à la réalité. Nous avons des situations dans lesquelles nous avons des gens qu'avant je considérais comme des cadres d'avancés, mais que maintenant, à mon âge, je considère comme des jeunes cadres, dans la cinquantaine, qui doivent encore fournir quinze ans de service. Mais nous ne serions pas en mesure de répondre aux exigences de notre programme, que nous avons déposé auprès de l'Office de la langue française, en maintenant ces gens dans le contexte québécois. Il faut prendre des mesures et parfois ce sont des mesures prématurées.

M. Lincoln: Sans doute espérez-vous que l'article 142 soit clarifié pour mettre tout cela au clair. Là c'est tout à fait discrétionnaire.

M. Laurin (Guy-H.): J'aimerais mieux qu'on laisse une certaine flexibilité à l'Office de la langue française. Je crois que si nous essayons de trop régimenter et de mettre tous les points sur tous les "i" et de croiser tous les "t", nous n'en sortirons pas, et il sera impossible de le faire à la satisfaction de tous. Mais si nous laissons une certaine latitude et une certaine flexibilité à l'Office de la langue française dans l'exécution du programme, en donnant une certaine flexibilité à l'entreprise... C'est pour cela que nous avons souligné qu'il ne faut pas adapter les programmes à toutes les entreprises, ils doivent s'adapter aux besoins de l'entreprise en question.

M. Boutin: Ce qui est arrivé, du moins de la façon dont on peut le reconstituer, c'est que l'article 142 a reçu certaines interprétations par certains négociateurs en fonction - nous le croyons - de la ventilation du questionnaire qui faisait état de la situation linguistique au tout début. Pour des raisons tout à fait valables, le questionnaire disait: Découpez votre personnel dans les stratifications suivantes. Il y avait des classifications comme celles-ci: À moins de cinq ans de la retraite; plus de 25 ans de service. Dans l'interprétation qui a suivi - on est dans le domaine de l'interprétation et non dans ce qu'on retrouve dans l'article. On ne veut pas le voir dans l'article. On croit que l'interprétation devrait se faire selon la casuistique de l'entreprise. Il n'y en a pas

deux pareilles.

Ce qui est arrivé, c'est que certains négociateurs se sont accrochés à ces deux chiffres et ils les ont interprétés.

M. Lincoln: Voici ma dernière question, car le temps passe. Je pense que c'est important. Je suis biaisé, au départ, par rapport à cette question des petites entreprises de 50 employés et plus, car cela a été soulevé par un de nos collègues. Je suis entièrement d'accord avec vous. J'aurais voulu que la loi aille peut-être dans l'autre sens. Pour les raisons que vous avez mentionnées, s'il est nécessaire que toutes ces grandes entreprises se mettent ensemble, comment une entreprise de 100 personnes peut-elle en endosser le coût? Notre collègue de la Beauce nous racontait des cas d'entreprises qui ne veulent pas avoir plus de 50 employés car ils savent combien cela coûte.

Vous avez fait une remarque, tout à l'heure, qui va dans le sens de ce que j'ai toujours pensé, soit que les forces naturelles du marché vont régler la question pour les petites entreprises. En d'autres mots, si quelqu'un veut vendre sa marchandise à Québec en chinois, il ne vendra pas beaucoup de choses.

Je voulais vous citer un passage d'un rapport du Conseil de la langue française intitulé Les revenus et la langue au Québec, par Robert Lacroix et François Vaillancourt. Cela m'a beaucoup frappé. Il y a deux conclusions principales et celle-ci est la seconde. On dit ceci: Deuxièmement, le jeu des forces naturelles du marché du travail et du marché des biens et services explique, à notre avis, une part importante de la diminution de la rentabilité relative de la connaissance de l'anglais de 1970 à 1978. Les législations linguistiques québécoises ont également joué un rôle dans cette évolution, mais ce rôle nous semble moins important que celui des forces naturelles du marché du travail. Peut-être que ce n'est pas tout à fait vrai pour la grande entreprise. Je conçois que la loi 101, puisqu'il fallait un mécanisme... Pour la petite entreprise, êtes-vous d'accord que c'est cela la clé de tout et que même si vous aviez une entreprise avec 100 employés et plus, les forces naturelles du marché vont la forcer à se franciser? Si ce n'est pas demain, ce sera après demain ou le jour d'après.

M. Boutin: Les forces du marché sont là. Notre explosion démographique est là et c'est inéluctable, nous ne reviendrons jamais en arrière. Vous avez raison.

Le Président (M. Desbiens): Merci. M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Très brièvement, j'aurais une question à poser et une remarque à faire. La question à M. Boutin est celle-ci: Est-ce que la société Pratt et Whitney a déjà été et est à l'heure actuelle membre du Centre de linguistique de l'entreprise?

M. Boutin: N'est-ce pas choquant? Ma réponse est non.

M. de Bellefeuille: Elle ne l'a jamais été?

M. Boutin: Elle l'a été à un moment donné.

M. Guillotte: Elle l'a été jusqu'à il y a deux ans ou trois ans.

M. Boutin: Trois ans, aujourd'hui.

M. de Bellefeuille: Mais elle ne l'est plus depuis ce temps.

M. Boutin: Depuis trois ans, oui.

M. Laurin (Guy-H.): Excusez, est-ce qu'on pourrait savoir la pertinence avec notre dossier?

M. de Bellefeuille: Demander si une société est membre de votre centre je crois que c'est une ...

M. Laurin (Guy-H.): ...c'est du domaine public.

M. de Bellefeuille: ...question qui peut être pertinente selon le jugement de la commission parce qu'il y a des informations qui ont été livrées à la commission dans des mémoires qui ont précédé le vôtre relativement à cette société. Deux des groupes qui se sont présentés devant nous en ont parlé. Un groupe de travailleurs de Pratt et Whitney et le président de...

M. Godin: C'est l'Association des manufacturiers canadiens.

M. de Bellefeuille: C'est cela. C'est la section Québec de l'Association des manufacturiers canadiens, en précisant qu'elle n'avait pas de mandat pour le faire, mais vu qu'il s'agissait de l'un de ses membres, elle a voulu le faire. Elle a fait allusion à ce qui avait été dit antérieurement au sujet de cette société. Je crois que dans ce contexte, il est intéressant pour nous de savoir si la société Pratt et Whitney, dont le programme de francisation a été mis en cause, a été et est encore membre de votre centre. Je remercie M. Boutin de m'avoir donné la réponse.

La remarque c'est tout simplement afin que soit versé au journal des Débats le fait

que M. Boutin, en livrant le mémoire du Centre de linguistique de l'entreprise, n'en a lu que des extraits. Je l'en remercie et je l'en félicite parce que nous serions encore là pour le reste de l'après-midi s'il avait lu au complet un mémoire de 91 pages. Mais il est important de mentionner ce fait dans le journal des Débats, à l'intention des chercheurs qui consulteront nos travaux. Hier, on nous a rappelé l'existence d'une directive de la présidence de l'Assemblée selon laquelle on ne peut plus verser au journal des Débats - comme cela se faisait autrefois - la totalité d'un mémoire dans des circonstances comme celle-là. Les chercheurs pourront trouver dans les documents du secrétariat, à la bibliothèque de l'Assemblée nationale, la totalité, le texte intégral du mémoire, y compris des passages que vous avez forcément omis de lire comme celui de la page 32 sur la qualité de la langue. C'est une considération que je juge très importante. Je suis sûr que le ministre et les journalistes partagent mon avis là-dessus. Il y a des considérations sur les carrières pour les francophones, aux alentours de la page 48, que vous avez aussi omis de lire, des développements plus poussés sur les questions de coût qui intéressent tout le monde à propos de la francisation, à partir de la page 53.

Quant à la consultation que vous avez faite auprès de vos membres, vous l'avez admirablement bien résumée. Il y a peut-être des gens, dont l'esprit a une tournure un peu plus technique quant aux méthodes de consultation, qui voudront voir le détail de la chose. Je tenais à informer tout éventuel chercheur de l'existence de ces aspects de vos positions. Merci.

Le Président (M. Desbiens): Merci. M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Une brève remarque et une question. Le député de Fabre s'est reporté à l'étude Éconosult de 1978-1980. C'est la même étude qui avait démontré que très peu de compagnies avaient attendu les lois linguistiques avant de commencer leur processus de francisation. Le député de Fabre disait que cette étude avait démontré que 0,5% seulement du chiffre d'affaires représentait le coût de francisation, que cela s'appliquait à l'ensemble de l'industrie. Pour l'information du député de Fabre, il y a certains secteurs dans le domaine des affaires où le profit n'est que de 1,5% du chiffre d'affaires. Quand on dit 0,5%, cela ne veut vraiment rien dire. Heureusement que les entreprises où le profit est 1,5% du chiffre d'affaires n'ont pas dépensé 0,5% pour la francisation. C'est juste pour démontrer qu'en généralisant, on ne donne pas la vraie situation.

En terminant, voici une question à M.

Boutin. Un des objectifs de la loi 101 est d'augmenter la présence francophone dans les entreprises québécoises. Est-ce que nous serions justifiés de conclure que, si la loi 101 est maintenue dans sa présente forme d'application, comme elle est présentement appliquée, sans amendement - sans changement soit dans la loi elle-même soit dans les règlements - vraiment la loi va aller à l'encontre de cet objectif d'augmenter la présence francophone dans les entreprises québécoises? Je vais citer un passage de votre mémoire où vous dites, à la page 55: "Le fait que plusieurs centres de décision ne soient plus situés au Québec aura un effet certain sur la carrière des jeunes administrateurs francophones qui sont maintenant prêts à prendre la relève. De plus en plus, ces derniers seront confinés à un rôle régional. On ne pourra probablement jamais évaluer l'ampleur de l'impact socio-économique que représentent ces postes auxquels les gestionnaires québécois n'auront accès désormais qu'en s'expatriant du Québec".

En effet, ce que nous pouvons conclure c'est que, si l'on continue dans la voie où nous sommes présentement, cela va jouer principalement contre les francophones québécois qu'on veut aider. Je crois que c'est la Société Saint-Jean-Baptiste qui a porté à notre attention le fait qu'il y a 13 000 000 de francophones en Amérique du Nord qui se sont assimilés, qui ont été obligés de quitter le Québec. Cela va à l'encontre des objectifs mêmes du gouvernement. Il y a une autre étude qui démontre que de 1976 à 1981, de ceux qui se sont expatriés du Québec, il y a 21 000 francophones qui ont fait leurs études postsecondaires. Alors, est-ce qu'on serait justifié de conclure, qu'à moins qu'il y ait des changements à la loi 101, dans sa présente forme et comme elle est administrée, elle ira vraiment à l'encontre les objectifs du gouvernement et contre la présence francophone dans les entreprises québécoises?

M. Boutin: Je crois que vous avez posé la question clé, sans trop faire de jeu de mots. On l'a traitée dans notre mémoire. Les faits démontrent clairement que les opérations québécoises de la grande entreprise se sont beaucoup francisées dans les dernières années. Cela s'est fait de plusieurs façons. Dans plusieurs cas - cela a aussi été documenté par certaines études qui ont été faites - la présence francophone au Québec s'est réalisée en transportant sous des cieux plus hospitaliers un certain nombre de postes qu'on ne voulait pas soumettre aux restrictions linguistiques du milieu. C'est ce à quoi on fait allusion - plus qu'allusion -très spécifiquement dans notre mémoire.

La question que vous posez est

chatouilleuse. Je crois que - je vais faire attention à ce que je dis - la loi 101 n'augmentera pas nécessairement les postes francophones au Québec. La loi 101 a certainement contribué à augmenter la présence des francophones dans l'industrie. C'est un phénomène de pyramide, si vous le voulez.

(14 h 45)

Je crois qu'il est déjà acquis qu'il y a de nombreuses pyramides corporatives qui sont plus petites aujourd'hui qu'elles ne l'étaient il y a sept ans. À l'intérieur de la pyramide qui reste au Québec, la présence francophone s'est améliorée de beaucoup. Les opérations québécoises sont rendues des opérations de volet québécois. C'est rendu la région du Québec. On a un vice-président pour la région du Québec qui oeuvre entièrement en français. Vous en avez certains devant vous.

M. Ciaccia: Pour l'avenir, la présence...

M. Boutin: Les postes qui ont été tronqués, qui sont partis, on ne les ramènera pas.

M. Cleyn (Otto C): M. le député, je voudrais seulement ajouter un autre point en réponse à votre question. Après ce que M. Boutin a dit, votre question était, si je ne me trompe pas, plutôt: Est-ce qu'un changement de la loi permettrait un climat plus favorable au développement général dans la province de Québec? Je peux exprimer l'opinion du groupe ici, en disant oui, cela s'appliquerait en tenant compte des recommandations que nous avons faites. Oui, en faisant ces changements qu'on propose le climat général, c'est-à-dire le nombre de postes, l'activité générale serait beaucoup plus moussée au Québec; conséquemment elle donnerait plus de chances, plus d'occasions, plus de promotions, et plus d'avancements aux Québécois.

Une voix: Merci.

Le Président (M. Desbiens): Merci. M. le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, on aurait encore énormément de questions à poser à nos invités. Je les en remercie au nom de l'Opposition. Votre contribution est une de celles qui vont sûrement être les plus retenues par le gouvernement, par l'Opposition et par ceux qui suivent les travaux de cette commission. De cela je n'en doute pas.

Depuis combien de temps on fait allusion aux coûts de la francisation, aux coûts en espèces de dépenses gouvernementales, aux coûts pour l'entreprise. Pour une première fois, vous venez nous dire, avec des chiffres assez précis, ce qu'il en a coûté jusqu'à maintenant, des prédictions ou des évaluations de ce qu'il en coûtera à l'avenir. Mon propos n'est pas de dire on ne doit pas dépenser ces montants et vous ne dites pas cela non plus. Enfin, on peut maintenant parler de quelque chose de concret. On peut se poser la question: la francisation on y croit, y croyons-nous à n'importe quel prix? Et avoir au moins une indication du prix que nous payons.

J'ai compris dans votre mémoire qu'on a dépensé, dans les 48 entreprises qui ont répondu à votre consultation, 42 000 000 $ sur une période de cinq ans. Vous évaluez le coût à environ 200 $ par employé pour ces 48 entreprises qui ont environ 100 000 employés. Donc des dépenses de 20 000 000 $ par année pour les deux ou trois ans de l'implantation. Cela équivaut exactement à la somme que dépense le gouvernement de son côté. Il est important de se rappeler qu'il s'agit seulement de 48 entreprises. Il ne s'agit pas de l'ensemble des entreprises du Québec. Tout au moins, la démonstration que vous avez faite ce matin est une réponse concrète à ceux qui viennent dire en commission au gouvernement: Vous devez aller plus loin, plus vite et y aller avec un peu plus de muscle. On nous disait cela hier soir. Nous sommes d'accord. C'est sûr que si on y met plus de ressources, plus d'efforts, plus de coercition, il va y avoir probablement une francisation plus rapide, mais à quel coût, à quel prix? Vous êtes mieux de commencer à nous fournir, et même plus que nous fournir un commencement de réponse... Je pense que la réaction du ministre l'indique bien, des réflexions très sérieuses vont être faites au sein du gouvernement. J'irais même jusqu'à dire: Enfini On pense que cela s'imposait depuis un bon bout de temps. Pour cela, M. Boutin, messieurs, on vous en remercie. Finalement, c'est un service que vous rendez à l'ensemble des Québécois. On ne peut jamais dissocier cet objectif qu'on a tous de franciser le plus possible le Québec de l'intérêt économique des Québécois.

Hier, on parlait avec la Société Saint-Jean-Baptiste de cet exode qu'on a connu, à la fin du dernier siècle, au moment où, pour des raisons économiques, nos jeunes ne pouvaient pas se trouver des emplois au Canada. Des Canadiens français se sont expatriés. On déplorait que quelque 13 000 000 de Canadiens français sont maintenant assimilés à la majorité anglophone. Il me semble qu'on devrait faire ce qu'on fait ici, et ce que le ministre -j'en conviens - fait maintenant sérieusement, c'est-à-dire se poser la question: Est-ce qu'on n'est pas en train d'établir une politique linguistique ou de maintenir une politique linguistique qui pourrait contribuer -en la créant de toutes pièces et par le seul

fait de la loi 101 - quelque peu à créer un climat semblable, qui pourrait avoir les mêmes répercussions et qui serait loin de servir les intérêts des francophones? Ce sont des choses que vous êtes venus nous dire -avec une façon on ne peut plus acceptable -en reconnaissant les bienfaits de la loi 101 là où il y en a. J'admets volontiers qu'il y en a. Vous nous en avez d'ailleurs fait découvrir quelques-uns et je vous en suis reconnaissant.

En terminant, M. le Président, j'aimerais remercier d'une façon un petit peu plus spéciale M. Guy Laurin, qui est un concitoyen originaire de la ville de Hull dont on est très fier chez nous pour le poste qu'il occupe, et lui souhaiter bonne chance ainsi qu'à ses collègues. Merci infiniment, messieurs.

Le Président (M. Desbiens): Merci. M. le ministre.

M. Godin: Je dois vous dire à tous - de ce côté-ci en tout cas, je présume que de l'autre côté aussi - que nous aimons beaucoup le style de réponses que vous nous faites, parce que c'est un style précis, concret et non dépourvu d'humour. Cela contribue à mieux faire passer certains messages.

D'autre part, il y a un certain nombre de choses que je tiens à dire. Vous avez parlé du bilinguisme tout à l'heure, M. Boutin, et nous avons entendu cette question posée à quelques reprises. Mon collègue et ami le député de Mont-Royal a laissé entendre qu'à une certaine époque, pour certains membres de ce parti, le mot "bilinguisme" était presque une insulte ou une injure, sinon un mot malpropre. Je dois vous dire que tel n'est pas le cas. Le nombre de personnes bilingues au Québec actuellement représente 56% du total canadien. Le nombre de francophones bilingues est de 1 500 000; le nombre d'anglophones bilingues est de 371 000. En Ontario, c'est beaucoup moins que cela; on ne compte que 716 000 anglophones bilingues, donc la moitié du total québécois. C'est peut-être ce qui explique et ce qui illustre votre propos - je cite des chiffres de Statistique-Canada - à savoir que le marché- du travail au Québec est plus dynamique qu'en Ontario. Une des raisons, c'est qu'il y a une capacité linguistique plus grande ici.

Je reconnais donc l'existence du problème que vous mentionnez. Un certain nombre de personnes au Québec ont cru que le français était suffisant pour gravir tous les échelons et ont peut-être mal apprécié le côté international des activités de certaines entreprises installées ici. Je suis persuadé que dès qu'un jeune Québécois francophone, sortant des HEC ou d'une école d'administration francophone au Québec, se rend compte de ce qui se passe, il apprend très rapidement l'anglais. On se rend compte qu'au Québec les francophones ont un très grand talent naturel pour apprendre l'anglais, talent qui tient à l'obligation de l'apprendre dans certains cas. Ce n'est pas le cas de d'autres peuples où, cette obligation n'existant pas, ils ont moins de talent pour cela, semble-t-il.

D'autre part, je serais d'accord avec vous quand vous dites que ce n'est pas à l'Office de la langue française qu'il faut s'en prendre, ce n'est pas à la Commission de surveillance qu'il faut s'en prendre, à qui on doit imputer des comportements. Nous assumons totalement, de ce côté-ci de la Chambre, la portée de la loi 101. D'ailleurs, c'est pour cette raison que nous nous associons totalement aux travaux, aux méthodes et de l'Office de la langue française et de la Commission de surveillance. C'est aussi pour cette raison que nous avons convoqué cette commission parlementaire qui siège depuis déjà plusieurs jours et qui est fort enrichissante pour tout le monde. S'il y a des problèmes, c'est nous, les membres du gouvernement, qui en sommes responsables. C'est pour cela qu'en toute circonstance, je vous le dis, nous sommes à votre disposition pour regarder de près les points précis, comme nous l'avons déjà fait.

Je terminerai en citant les propos de mes deux collègues du Parti libéral. Je me croyais revenu à 1977. À l'époque, cela se disait beaucoup qu'évidemment cela va être en français mais il n'y aura plus de job. Cela se disait beaucoup en 1977. Je ne pensais pas qu'on l'entendrait encore, mais on l'entend. Je vous dirai que cela se rapproche de ce qu'on appelle en France, le syndrome de Gribouille. Je ne sais pas si vous connaissez cette fable. Il pleuvait, or Gribouille, pour ne pas être mouillé, s'est jeté à l'eau. En d'autres termes, ce que mes deux collègues disent, c'est: Si le Québec était anglais à 100%, tous les francophones auraient des postes de commande.

M. Gratton: Là, il s'échappe. Il s'échappe pour la première fois, mais il s'échappe.

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Godin: Je me suis mis en harmonie, au diapason de vos propos. Je ne peux pas laisser passer des choses ici sans répliquer à des propos de ce type-là. Je pense - et vous conviendrez avec moi que j'ai peut-être raison - qu'il faut envisager les choses -aussi bien M. Laurin, M. Cleyn, M. Guillotte et vous monsieur le porte-parole et président - sur une plus longue période si on veut vraiment être sérieux. Il est certain que les

lois 22 et 101 ont secoué le cocotier. Nous le reconnaissons parfaitement. Le nouveau chef du Parti libéral le reconnaît aussi. Il a eu des propos qui sont tout à fait dans le sens des propos que nous tenons depuis le début de cette commission pendant sa campagne à la direction du Parti libéral.

Nous croyons qu'il est vrai que des pyramides plus petites existent maintenant au Québec, et que dans ces pyramides plus petites, il y a plus de francophones qu'avant. La solution est de bâtir d'autres pyramides tout simplement. On s'entend là-dessus. Je pense que le développement que le Québec a connu et va connaître - je ne citerai que le cas de Pechiney qui va représenter des milliers d'emplois pour les Québécois de la région de Trois-Rivières et d'ailleurs au Québec; il y a même des Américains et des Français qui vont venir travailler ici - la solution, c'est le dynamisme économique du Québec et nous travaillerons tous ensemble la main dans la main. On se rencontrera - je vous le répète - aussi souvent qu'il le faudra pour rendre les choses plus conformes à la réalité industrielle que vous vivez quotidiennement.

Donc, je vous remercie du fond du coeur et chaleureusement de votre contribution. Elle est remarquable et nous en tiendrons compte. Merci beaucoup.

Le Président (M. Desbiens): Je remercie les membres du Centre de linguistique de l'entreprise pour leur participation. Après six heures consécutives d'audition, la commission a bien rempli le mandat qui lui a été confié. La commission des communautés culturelles et de l'immigration ajourne ses travaux au mercredi 2 novembre à 10 heures.

(Fin de la séance à 14 h 58)

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