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Version finale

37th Legislature, 2nd Session
(March 14, 2006 au February 21, 2007)

Wednesday, November 1, 2006 - Vol. 39 N° 36

Consultation générale sur le document intitulé Vers une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination


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Table des matières

Journal des débats

(Dix heures six minutes)

Le Président (M. Brodeur): ...continuer nos consultations, et, pour ceux qui ont des téléphones cellulaires, au cas où, si vous n'avez pas éteint vos sonneries, je vous demanderais de bien vouloir éteindre vos sonneries. Et je rappelle le mandat de la commission qui est de poursuivre ses consultations générales à l'égard du document intitulé Vers une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Mercier (Charlesbourg) est remplacé par M. Bernard (Rouyn-Noranda?Témiscamingue).

Le Président (M. Brodeur): Merci. Donc, aujourd'hui, nous recevrons dans l'ordre suivant, premièrement, le Conseil communautaire Côte-des-Neiges qui est déjà installé ? donc, bienvenue en commission parlementaire; ce sera suivi par Diversité artistique Montréal, de Mmes Lucie Hébert, Lucille Hébert et Monique Robidoux; et, cet après-midi, nous entendrons la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec.

Auditions (suite)

Donc, notre premier groupe est déjà installé. Je vous rappelle les règles de la commission. Vous avez un temps maximal ? et je dis bien maximal ? de 20 minutes pour présenter votre mémoire de la façon dont vous le jugez à propos, et ce sera suivi par une période d'échange avec les membres de la commission.

Donc, tout d'abord, je vous demanderais de vous identifier pour le bénéfice du Journal des débats et de procéder immédiatement à la présentation de votre mémoire. La parole est à vous.

Conseil communautaire Côte-des-Neiges

Mme Tremblay (Louise): Oui. Alors, bonjour. Je vous remercie de l'invitation. Est-ce que vous voulez qu'on se présente tout de suite? Bon. Alors, moi, c'est Louise Tremblay. Je suis organisatrice communautaire à La Cafétéria communautaire Multi Caf et je suis aussi à l'exécutif du Conseil communautaire.

Mme Heap-Lalonde (Rachel): Bonjour. Rachel Heap-Lalonde, organisatrice communautaire du Projet Genèse à Montréal.

Mme Mugabo (Delice): Bonjour. Delice Mugabo. Je travaille principalement sur le délai de carence.

Mme Lacelle (Denyse): Bonjour. Mon nom est Denyse Lacelle. Je suis la coordonnatrice du Conseil communautaire de Côte-des-Neiges.

Mme Brunelle (Diane): Bonjour. Mon nom est Diane Brunelle. Je suis la directrice du centre de recherche d'emploi Côte-des-Neiges.

Mme Tremblay (Louise): Bon. Alors, comme vous avez lu le mémoire, le Conseil communautaire est un regroupement qui accueille une quarantaine d'organismes du quartier Côte-des-Neiges. On est quatre organismes aujourd'hui, mais je pense que la majorité des organismes qui travaillent à Côte-des-Neiges auraient pu être présents à cette commission, parce que, d'une façon ou d'une autre, on a toujours travaillé énormément de pair avec les gens des communautés culturelles. Vous savez, Côte-des-Neiges est un quartier extrêmement multiethnique, donc on travaille énormément là-dessus.

D'abord, c'est ça, je voulais vous dire merci pour l'invitation. Et, vous savez, nous, on a discuté beaucoup au conseil et on considère qu'une intégration réussie, ça passe d'abord par une santé physique et mentale, ça passe aussi par un bon emploi et aussi par un logement décent. Tout de suite, je pourrais demander à Mme Delice de parler du délai de carence.

(Consultation)

Mme Heap-Lalonde (Rachel): ...en coalition avec d'autres organismes à Côte-des-Neiges sur ce qui est connu comme étant le délai de carence dans l'assurance maladie, ce qui est trois mois de délai pour les nouveaux immigrants qui arrivent en tant qu'indépendants au Québec.

Je veux premièrement dire que la volonté du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles de faire cette politique est louable, est nécessaire aussi, et c'est aussi nécessaire que l'État s'engage à réfléchir sur ses propres pratiques pour stimuler et déployer les efforts gouvernementaux afin de servir de modèle pour les autres institutions. Et cette mesure, les délais de carence, qui a été instaurée en 2001 est en fait une mesure extrêmement discriminatoire, selon ce qu'on a vu.

Il y a une mobilisation dans le quartier Côte-des-Neiges, suite à un vécu concret de plusieurs personnes, suite à des torts qui ont été créés à ces personnes par rapport à ces délais de carence là. Donc, nous, à Côte-des-Neiges, on a commencé à s'organiser par rapport à ça.

n (10 h 10) n

Mme Mugabo (Delice): Bref rappel sur la mesure. Donc, depuis 2001, les personnes qui désirent s'installer au Québec ou revenir après une absence de six mois, en provenance soit d'autres provinces ou de l'extérieur du pays, doivent patienter trois mois avant d'avoir accès à leur carte d'assurance maladie. Donc, en surface, la loi s'applique à tous et à toutes, mais en réalité les personnes qui sont réellement affectées par ça sont des immigrants, des nouveaux arrivants.

Toutes les provinces canadiennes et la plupart des pays occidentaux ont une loi semblable, mais ils ont aussi des ententes avec le Québec pour minimaliser l'impact des délais de carence. Par contre, le délai de carence n'a un impact négatif que sur les nouveaux résidents indépendants qui proviennent des pays non occidentaux, et de ce fait c'est ce qui fait que le délai de carence, on considère que c'est une mesure inacceptable et injuste. La mesure a des impacts réels sur la population parce qu'au printemps, par exemple, il y a deux cas qui sont sortis dans les médias pour dénoncer des factures de 20 000 $ et souvent aussi plus. M. Alaoui, par exemple, a été obligé de rester sur l'aide sociale parce que ses dettes étaient tellement grandes que, s'il avait décidé de travailler, il aurait tout simplement dû faire faillite. Donc, nous connaissons aussi des familles qui sont établies ici depuis longtemps, mais, parce que leur statut change, elles sont soumises à des délais de carence, et leur factures s'accumulent et pour totaliser plusieurs milliers de dollars.

De plus, il y a aussi des parents qui se sont vu refuser le certificat de naissance de leur enfant justement pour les forcer à s'acquitter de leurs dettes à l'hôpital. Donc, on peut imaginer le type de pression que ça engendre si votre enfant n'est ni reconnu ni couvert par l'assurance maladie tout simplement parce que vous êtes dans l'impossibilité de payer une dette. C'est évidemment une mesure qui va là à l'encontre des droits de la personne mais aussi aux droits de l'enfant. Les aides familiales aussi sont un autre exemple. Elles sont soumises injustement aux délais de carence, et ce, à répétition, lorsqu'elles doivent changer d'employeur. Dans les circonstances où il est publiquement connu que les aides familiales subissent des traitements abusifs et doivent changer d'employeur afin de terminer leur contrat de deux à trois ans, ce qui arrive, c'est que le délai de carence est reconduit.

Donc, sous prétexte de nouveaux permis de travail, certaines femmes se sont vu infliger jusqu'à neuf mois de délai de carence en moins de trois ans.

Mme Heap-Lalonde (Rachel): Impressionnant, mais c'est vrai. La mesure, les délais de carence, qu'on voit aussi à l'assistance-emploi, ça répond en fait à des critères selon nous de préjugés puis de discrimination indirects parce que ça a été justifié par le gouvernement, en 2001, comme étant une mesure qui a été mise en place par la peur de la fraude et l'utilisation des services publics pour des personnes qui ne pensaient pas rester au Québec. C'est des opinions préconçues qui ne sont pas fondées, qui ne sont pas représentatives non plus dans la population, donc qui sont pour nous des préjugés énormes qui sont institutionnalisés. L'équation entre immigrants et fraude est extrêmement dangereuse, parce que c'est bien de reconnaître que certains préjugés persistent dans la population, mais c'est la responsabilité de l'État de retirer ses oeillères et de voir que ce n'est pas une équation valable et de ne pas baser des mesures dans une loi qui sont instaurées dans un climat de peur puis qui amènent le monde à avoir peur des nouveaux immigrants, ce qui découle de cette mesure.

C'est aussi une mesure discriminatoire parce que ça crée une distinction, une exclusion fondées sur des motifs interdits par la charte québécoise des droits et libertés, et, cette discrimination-là, on voit dans les faits, même si supposément que c'est pour ceux qui vont en Floride, même si supposément c'est pour ceux qui viennent des autres provinces, même si supposément c'est pour ceux qui vont travailler à l'étranger... En fait, ce qu'on voit, c'est que c'est appliqué et applicable presque uniquement à ceux qui viennent de pays non occidentaux, qui viennent, qui immigrent au Québec. Puis c'est des immigrants qu'on reçoit en tant qu'immigrants indépendants qui sont désignés par l'aide sociale comme étant des travailleurs qualifiés, des entrepreneurs, des travailleurs autonomes, des investisseurs ou des parents aidés. Donc, on les accepte, on reconnaît leur juste valeur pour le développement de notre économie et de notre société, sauf qu'on leur dit: Pour l'instant, on ne vous croit pas, vous êtes ici pour nous frauder, ça fait qu'on vous met un délai de carence.

On a voulu les recevoir, mais, comme processus d'intégration, ça laisse à désirer.

Mme Mugabo (Delice): Il reste important de rappeler que l'assurance maladie est supposée être basée du moins sur cinq principes, dont la gestion publique, l'intégralité, la transférabilité, l'accessibilité et principalement l'universalité.

Notre système de santé, et on le considère très loin d'être universel, puisqu'il est nié à plus de 100 000 personnes à chaque année soit parce qu'elles sont sous délai de carence ou parce qu'elles sont niées le même accès que leurs corésidents... Par «corésidents», on entend ainsi les revendicateurs de statut de réfugié, les sans-statut et tous ceux et celles qui sont en attente de changement de statut et qui ne sont pas couverts durant cette période-là. Et cette période-là, franchement elle peut durer plusieurs années. C'est donc inacceptable de traiter des gens comme une sous-catégorie de résidents québécois qui ne méritent pas les mêmes droits que tous les vrais Québécois.

Cette mesure nous semble non réfléchie. Elle a été adoptée en vitesse, empruntée et calquée sur un modèle ontarien. 25 000 personnes seront soumises à des situations précaires cette année, sans accès à des soins médicaux publics. Ces personnes contribueront tout de même au développement de société, puisqu'elles vont continuer de travailler et de consommer. La lutte contre les préjugés et contre la discrimination est une responsabilité collective et étatique qui doit être soutenue par des gestes concrets du gouvernement. L'élimination des délais de carence est un geste concret, qui ne coûte presque rien à l'État mais rétablira un sentiment de justice et d'égalité au sein de la population québécoise.

Mme Brunelle (Diane): ...mon nom, c'est Diane Brunelle. Je suis la directrice du centre de recherche d'emploi Côte-des-Neiges.

Le centre de recherche d'emploi Côte-des-Neiges, c'est un organisme sans but lucratif qui existe depuis 1994. On reçoit une contribution financière d'Emploi-Québec pour offrir gratuitement des services aux chercheurs d'emploi en français et en anglais. On est membres de l'Association des clubs de recherche d'emploi du Québec. Nous offrons, sur une base régulière, trois services: les sessions clubs de recherche d'emploi, les services à la carte et les programmes pour nouveaux arrivants. Dans le volet clubs de recherche d'emploi, 89 % de nos clients sont nés ailleurs qu'au Canada, et 78 % d'entre eux ont une formation universitaire. Dans le volet services à la carte, 86 % sont nés ailleurs qu'au Canada, et 76 % ont une formation universitaire. Dans le volet nouveaux arrivants, 100 % sont nés ailleurs qu'au Canada, et 94 % ont une formation universitaire.

Dans notre travail, nous sommes à même de constater que l'on peut faire la distinction entre la discrimination vécue et la discrimination perçue. La discrimination vécue, c'est celle que l'on connaît, dont on entend parler. Elle existe, mais elle est difficile à prouver. Elle est influencée par la façon dont les médias relatent les événements politiques internationaux et les événements divers, locaux. Elle est liée à l'ignorance. Il est vrai que les grandes entreprises ont mis sur pied des programmes d'accès à l'égalité. Cependant, dans les faits ces entreprises embauchent peu. L'économie du Québec est une économie de PME. 98 % des entreprises du Québec ont moins de 100 employés, et l'entreprise type compte entre cinq et 10 employés. Ces entreprises n'ont pas de spécialiste des ressources humaines à leur service. Les dirigeants de ces entreprises doivent voir à tout en même temps. Il est difficile pour eux d'évaluer des diplômes étrangers, d'élaborer des politiques de gestion de la diversité et de s'y reconnaître dans les questions d'accommodement raisonnable. Il faut pouvoir les informer, les préparer et les accompagner dans l'intégration des personnes immigrantes. Il ne peut pas s'agir uniquement de subventions pour couvrir une partie du salaire de la personne embauchée, il faut vraiment assurer un support aux employeurs qui tienne compte de la réalité des PME. Il faut agir parce que la création d'emplois se situe au niveau des PME.

En ce qui concerne la discrimination perçue, je fais référence aux événements et aux commentaires que les personnes immigrantes nous donnent par rapport à la discrimination. Nous recevons au centre plusieurs personnes qui s'expriment en anglais. Donc, 53 % des gens qui font les sessions clubs de recherche d'emploi s'expriment en anglais, et 100 % de ceux qui font nos sessions pour les nouveaux arrivants s'expriment en anglais.

n (10 h 20) n

Alors, ces personnes nous disent avoir été victimes de discrimination par les employeurs, et, lorsqu'on leur demande de nous parler de ce qui s'est passé, elles nous disent que l'employeur leur a dit qu'il ne pouvait pas les embaucher parce qu'ils ne parlent pas français. Ces personnes sont surprises et choquées par cette situation. Elles sont au Canada, pays bilingue, d'après elles. Cette situation découle de la différence entre les informations qu'ils ont reçues à l'étranger, avant d'immigrer, et la réalité du marché du travail au Québec. Ces personnes s'attendent, compte tenu de leur niveau de scolarité et de leurs années d'expérience, à trouver rapidement un emploi. Il est important donc de donner une information juste et réaliste aux personnes désireuses de s'établir au Québec.

Au centre, peu de nos clients ont des équivalences pour leurs diplômes étrangers, et quelques-uns seulement sont membres d'un ordre professionnel, mais, au-delà de ces obstacles, les habiletés de communication présentent un obstacle majeur. Dans une économie principalement de niveau tertiaire, les habiletés de communication prennent une très grande importance. Pour régler le problème, il faut pouvoir offrir des cours de français rapidement et qui répondent aux besoins de clientèles fortement scolarisées. Ceux-ci doivent pouvoir lire, écrire, selon les attentes des employeurs, pour des emplois correspondant à leur niveau de formation. Les cours de français doivent tenir compte aussi du fait que des immigrants ont une langue maternelle très éloignée du français. Il faut aussi que l'accès à des cours d'anglais soit facilité parce que les employeurs exigent le bilinguisme français-anglais. Il faut être conscients que des immigrants s'installent au Québec aussi après avoir été d'abord accueillis par une autre province canadienne.

En plus de la question de la connaissance du français, des équivalences de diplômes, des ordres professionnels, ces personnes, lorsqu'elles s'adressent à Emploi-Québec pour obtenir de l'aide dans leur recherche d'emploi, n'ont pas droit à une aide financière pour couvrir les frais de garde et les frais de transport parce qu'ils sont sans revenu, donc sans soutien public. Dans nos sessions clubs de recherche d'emploi, c'est 60 % de la clientèle qui est sans revenu, et, dans nos sessions pour les nouveaux arrivants, c'est 86 % de la clientèle qui est sans revenu. Merci.

Mme Lacelle (Denyse): Bonjour. M. le Président, je suis consciente que le temps file. Je vais tenter rapidement ? Denyse Lacelle, du Conseil communautaire ? de répondre à certaines des questions qui étaient soumises à la consultation. Pas toutes, on n'aurait pas le temps. Alors, rapidement.

Vous sollicitez les opinions sur les mesures qui pourraient soutenir réellement de la concertation et le partenariat entre les différentes composantes de la société pour lutter contre la discrimination et le racisme. Notre réponse: certainement pas des mesures de saupoudrage comme celles dont dispose malheureusement, uniquement, le ministère sur ces questions-là. Outre le programme PANA, dont on questionne sérieusement les mécanismes de reddition de comptes qui sont proposés par le ministère, les programmes PARCI et Semaine québécoise de rencontres interculturelles donnent lieu à de très jolies, sympathiques et parfois émouvantes activités mais ne sont certainement pas un soutien, un travail de longue haleine de rapprochement et de lutte contre les préjugés. Alors, une interpellation au ministère, là, dont on sait par ailleurs les contraintes budgétaires.

Ensuite, vous nous interrogez sur la pertinence de mieux documenter la situation, de présenter un bilan. Et on note, dans le document, la possibilité de faire une analyse transversale de ces questions dans l'ensemble des ministères. Intéressant comme perspective. Cependant, cette obligation d'une analyse transversale ou d'une action transversale existe déjà dans le cas de la loi n° 112 sur la lutte à la pauvreté, dans le cas de la politique de reconnaissance de l'action communautaire, et ça se fait très peu. Alors, si on veut se donner l'impression, quand on agit, en se disant: On va analyser l'ensemble de ce qui se passe au gouvernement, sans le faire, peut-être il vaudrait mieux mettre les énergies ailleurs.

Finalement, sur quelles priorités le gouvernement devrait-il retenir en matière de lutte contre le racisme et la discrimination? Certainement, malgré une diversité de préoccupations, celle de l'emploi revient un peu partout dans l'ensemble des groupes du quartier. Et là-dessus, si, comme le soulignait Diane, on peut interpeller les entreprises, le patronat, le gouvernement du Québec peut et doit agir également à titre de principal employeur au Québec. Les programmes d'accès à l'égalité, on le sait, ont des difficultés à se rendre à leur maturité.

Puis il y a d'autres affaires qui sont possibles en plus de ça: encadrer davantage certains des secteurs de notre économie qui engagent beaucoup de travailleurs, travailleuses immigrantes. Qu'on pense à la guenille, qu'on pense à l'hôtellerie, qu'on pense à tous ces domaines qui, parce que les salaires et les conditions sont moindres, engagent davantage de travailleurs de main-d'oeuvre immigrante. Il y a, dans ces secteurs-là, des pratiques qui sont très, très questionnables et un encadrement qui devrait être renforcé notamment pour les travailleuses de l'industrie du textile, tout le phénomène de soi-disant travailleuses autonomes qui ont soi-disant leur propre machine à coudre et qui travaillent chez eux, aux pièces, pour des salaires de misère. Il y a lieu de resserrer les contrôles sur ces entreprises-là pour assurer un respect des droits des travailleurs et des travailleuses et des conditions de travail qui soient décentes.

De la même façon, la loi qui modifie le Code du travail, qui a été adoptée par le gouvernement il y a deux ans, trois ans, a été fortement contestée par le mouvement syndical. Elle a un effet de renforcer la discrimination systémique dont sont victimes les travailleurs immigrants qui sont très largement présents dans des secteurs comme l'hôtellerie, ou l'entretien dans les institutions, ou les cafétérias dans les institutions, qui sont des secteurs qui vont plus facilement à la sous-traitance, et c'est la main-d'oeuvre immigrante qui écope. Il me reste une minute? J'accélère.

Sur les mécanismes, les protections juridiques qu'on vient de renforcer, il nous semble, les capacités d'action de la Commission des droits de la personne, un exemple rapide. Il y a quelques années, au Projet Genèse, il se faisait du travail systématique de «testing» dans le cas de discrimination au moment de la recherche d'un logement. Donc, quelqu'un de Noir arrivait à la porte, se faisait dire: Le logement est loué. On en voyait un Blanc, puis tout à coup c'était libre. On pouvait utiliser les recours que présente la commission. Là, les propriétaires distribuent largement des formulaires de location. Curieusement, c'est toujours le même monde qui n'a pas les logements, mais on ne peut plus rien faire. Donc, il y a quelque chose, un encadrement qui doit être possible au niveau de la recherche du logement.

Je termine rapidement. On a souligné le délai de carence au niveau de la santé. Il y en a un aussi au niveau de la sécurité du revenu qu'il faudrait revoir... des conséquences dramatiques sur l'intégration des personnes qui sont nouvellement arrivées. J'arrête.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup.

Mme Lacelle (Denyse): On pourra poursuivre avec les questions.

Le Président (M. Brodeur): À 20 min 1 s. Mme la ministre.

Mme Thériault: Merci, M. le Président. Bonjour, Mmes Brunelle, Tremblay, Lacelle, Lalonde et Mugabo. Bienvenue en commission parlementaire. Vous avez abordé différents sujets tous plus intéressants les uns que les autres. J'ai d'autre questions que vous n'avez pas abordées. Par contre, c'était dans votre mémoire. Donc, on va essayer, en le peu de temps qui nous est imparti, d'avoir des échanges qui peuvent être fructueux.

D'entrée de jeu, je veux vous dire qu'évidemment toutes les recommandations que vous faites seront analysées avec le plus grand soin. Je pense qu'il est important de se rappeler que, lorsqu'on veut se doter d'une politique pour lutter contre le racisme et la discrimination, c'est, d'abord et avant tout, une politique gouvernementale qui va interpeller les autres ministères et non pas seulement que le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles. Donc, évidemment, mes collègues ministres ainsi que les organismes gouvernementaux seront mis à contribution, et nous allons analyser, avec beaucoup de soin, toutes les recommandations qui nous ont été faites autant dans votre mémoire que dans les autres groupes qui sont venus nous voir.

Vous avez parlé du support au niveau des employeurs. Bon. Oui, plusieurs groupes sont venus dire ici qu'il y a de la discrimination en emploi. Je suis d'accord avec vous que c'est important de se trouver un emploi à la hauteur de ses compétences, que l'intégration dans une société passe par l'intégration en emploi, nécessairement, si on veut que les gens puissent être autonomes. Et vous avez parlé de donner un meilleur support aux employeurs. Qu'est-ce que vous entendez par là?

Et je vais faire le parallèle avec le programme PRIIME. Vous connaissez PRIIME qui est un nouveau programme pour les nouveaux immigrants ou pour les membres des minorités visibles. Et, dans le programme PRIIME, il y a des mesures d'accompagnement auprès des employeurs également. Donc, est-ce que vous parlez de PRIIME ou vous parlez d'autres programmes au niveau de l'emploi, principalement?

Mme Brunelle (Diane): Bon. Je vais vous répondre, Mme la ministre. Oui, PRIIME existe, mais c'est justement à ça que je faisais référence quand je disais: Ça ne peut pas être juste des subventions. C'est qu'il faut comprendre que, la PME, il n'y a pas de spécialiste des ressources humaines.

n (10 h 30) n

Quand on parle d'intégrer des personnes immigrantes, là c'est tout le milieu qu'il faut former, donner de l'information pour pouvoir gérer la diversité culturelle. Ce n'est pas juste de dire: On va donner une subvention à l'employeur, on va nommer un formateur qui va s'occuper de cette personne-là. Moi, j'en ai une équipe multiethnique chez nous, et ça crée des conflits. On n'a pas les mêmes valeurs, on n'est pas éduqués de la même façon, on ne réagit pas de la même façon à des situations. Alors, comment on gère ça? Comment on intègre les personnes? C'est au niveau de tous les employés, de l'employeur, de comment on se comporte, comment on comprend l'autre, comment on peut fonctionner ensemble. C'est à ce niveau-là. Et ça prend un accompagnement à long terme parce que, bon, ça peut aller, les premiers, tout nouveau, tout beau, mais après ça, quand il peut y avoir des problématiques dans l'entreprise, bien il faut apporter un soutien à l'entreprise.

Puis il faut garder en tête que, ces gens-là, il n'y a pas de ressources humaines, il n'y a pas de service des ressources humaines, là. Tout le monde est occupé à produire, mais on peut remarquer, par exemple, qu'il y a des gens qui sont comme mis à l'écart dans une équipe de travail. Ce n'est pas évident pour un dirigeant d'entreprise d'aller régler ces questions-là, de s'asseoir, de réfléchir, de parler à son monde. Il faut tenir compte aussi du fait que les employeurs qui s'ouvrent des entreprises, c'est des gens qui sont bons dans leur domaine, c'est des soudeurs, bon, etc., c'est des gens qui ont une formation dans ce domaine-là mais qui n'ont pas nécessairement de formation en gestion des ressources humaines, en relations interpersonnelles, en gestion des conflits. C'est de ça que je parle. Puis, à l'heure actuelle, la réponse qui est offerte, c'est plus au niveau de: Bien, je vais payer une partie du salaire et puis je vais permettre à l'entreprise de dégager une personne pour entraîner à la tâche la personne. Ce que je vous dis, c'est beaucoup plus que ça, c'est tout le milieu de travail sur lequel il doit y avoir une intervention de faite sur les relations interpersonnelles, comment, parce qu'on ne réagit pas de la même façon, on n'a pas le même vécu, on n'a pas les mêmes réalités, on n'a pas la même religion. On peut se blesser sans le vouloir, on peut créer des incompréhensions sans le vouloir, et après ça, bien, il faut pouvoir gérer ce genre de problématique là.

Et c'est là-dessus que je vous interpelle parce que, oui, il y a PRIIME qui existe, qui est une occasion pour un employeur d'embaucher une personne. Et l'employeur reçoit un dédommagement financier, oui, mais c'est plus que ça: il faut un accompagnement à un autre niveau, là, la gestion des diversités, la gestion des conflits, des sous-entendus. Il faut pouvoir accompagner l'entreprise puis il faut que la solution tienne compte du fait que l'économie du Québec, c'est des PME. Donc, il n'y a pas beaucoup de monde pour faire le travail. Ils sont très occupés, ils sont débordés souvent, mais ils doivent aussi prendre le temps de réfléchir parce que c'est pour l'enrichissement de tout le monde.

Mme Thériault: Merci, Mme Brunelle. Vous savez, j'ai été propriétaire d'une petite et moyenne entreprise avant de faire de la politique, donc je comprends parfaitement ce que vous dites. Est-ce que vous avez eu connaissance de la production du Guide de la gestion de la diversité culturelle par Emploi-Québec dernièrement?

Mme Brunelle (Diane): Oui, les employeurs peuvent recevoir une aide financière pour faire affaire avec un consultant.

Mme Thériault: Je vous parle du Guide de la gestion de la diversité culturelle qui a été publié par Emploi-Québec. Donc, c'est un livre qui parle justement de comment on peut gérer la diversité culturelle à l'intérieur de son entreprise. C'est un guide qui a été publié dernièrement.

Mme Brunelle (Diane): C'est un bon pas dans la bonne direction, mais ça prend plus que ça. Ça prend un accompagnement. Ce n'est pas toujours facile à faire. Puis il faut que ce soit bien fait dès le départ parce que... plus facile prévenir que de résoudre des conflits.

Mme Thériault: O.K. Je vous entends. On reviendra. Merci.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Merci beaucoup, M. le Président. Mesdames du Conseil communautaire Côte-des-Neiges, bienvenue ici, à l'Assemblée nationale, en cette dernière journée de consultations. Donc, je vous remercie de vos recommandations et du travail que vous faites également au quotidien, dans le quartier Côte-des-Neiges. Je travaille davantage dans le quartier Parc-Extension, mais on peut vivre des situations similaires.

J'ai pris connaissance également du manifeste que vous avez publié, le Manifeste de quartier pour Côte-des-Neiges. C'est des propositions extrêmement intéressantes. Il y a plusieurs aspects que je voudrais aborder avec vous. Parce que, bon, vous avez parlé d'une part du délai de carence. Je pense que c'est une question en effet que doit, que l'on devra aborder, à savoir s'il ne serait pas temps de réviser cette position ou proposition.

Vous avec parlé d'un aspect important qui vous concerne tous dans chacun de vos organismes, le fait de s'assurer qu'il n'y ait pas du saupoudrage de programmes. Puis, parce que vous avez une expertise particulière notamment d'employabilité ou dans d'autres programmes, j'aimerais que vous nous expliquiez ? vous en avez parlé un peu notamment, bon, la Semaine interculturelle ou d'autres semaines ? mais spécifiquement des programmes que vous gérez ou que vous devez, bon, appliquer, pour lesquels on devrait consolider peut-être le financement ou qu'on devrait apporter une attention particulière. Parce que, vous savez, il y a un plan d'action qui serait déposé à la suite de cette politique, puis c'est ça dans le fond qui vous aidera finalement à poursuivre votre mission et votre action sur le terrain.

Donc, je voudrais, pour le bénéfice de la commission... si vous pouviez nous expliquer un peu les programmes qui devraient être portés à notre attention et peut-être mieux consolidés.

Mme Lacelle (Denyse): Bonjour. Ça va me faire plaisir de vous répondre. Merci pour vos questions. Sur la question du délai de carence, mesure qui a été introduite par le gouvernement du Parti québécois avant votre entrée en Chambre, on en convient, M. Couillard nous a affirmé vouloir agir sur la chose. Alors, on pourrait interpeller Mme la ministre pour ramener à votre collègue très, très, très occupé qui a pris cet engagement-là sur les programmes...

Le ministère soutient les organismes communautaires par le biais de différents programmes de subvention qui ont différentes fonctions. Il y a un programme qui, à l'intérieur, au niveau de l'emploi... puis je vais laisser Diane en parler si elle le veut bien. Alors, il y a un programme de soutien à l'accueil, intégration des nouveaux arrivants, le PANA, qui vise à permettre aux nouveaux arrivants de s'installer, de cheminer dans les problèmes relatifs au logement, aux cours de français, à l'école des enfants. Il y a un carnet de route qui a été produit. Ce programme-là est la nouvelle version de plusieurs autres avant celui-là. Les difficultés qui sont vécues sont liées au fait que les exigences de reddition de comptes veulent se resserrer et nous amènent à devoir demander à quelqu'un, à devoir transmettre au ministère le nom du monde qui vient dans les groupes, ce qui se comprend bien dans le cas de mesures d'Emploi-Québec ou dans le cas de francisation où est-ce que les personnes reçoivent un cours de français, reçoivent un chèque, reçoivent une allocation. Ça va. Mais, dans d'autres organismes, ce dont il est discuté, c'est des difficultés de comportement des enfants, de comportement violent du conjoint, d'inquiétude par rapport à des gens de la famille qui seraient en situation de peut-être demander le refuge, l'asile politique. Donc, ce monde-là, tu leur demandes leur nom, puis ils revirent de bord. Ça fait que c'est toute une possibilité d'aider les gens qui se perd avec cette exigence.

Les groupes sont tout à fait d'accord pour rendre compte, rendre compte de façon serrée ? ils l'ont toujours fait ? des sommes qu'ils reçoivent de l'État, mais il y a un défi au niveau de la confidentialité, là, qu'il ne faut pas dépasser.

Pour le reste, on parlait tantôt de la Semaine québécoise des rencontres interculturelles. C'est une des belles semaines. Nous avons, dans le quartier Côte-des-Neiges, tenu un forum qui a été couru et qui a été un succès, qui a permis des réflexions intéressantes et des échanges qui vont, nous en sommes sûrs, permettre d'avancer dans la dimension interculturelle de la concertation dans notre quartier. C'est le fun, mais ? on va se revoir l'année prochaine? ? il y a du travail qui doit être soutenu entre une activité, entre une semaine puis la semaine d'après, 52 semaines après. Ça fait que c'est un problème quand il n'y a pas d'autre chose.

Ce qu'il y a d'autre, c'est le PARCI qui permet d'organiser des rencontres d'information, des ateliers sur différents sujets, qui visent à faire connaître davantage la société québécoise aux nouveaux arrivants, aux nouveaux Québécois. C'est très intéressant aussi.

n (10 h 40) n

Dans notre quartier, le centre communautaire de loisirs organise les lundis québécois avec ça. C'est le fun. Ça permet à du monde d'échanger en français, donc avoir l'occasion de pratiquer le français appris dans les cours et, de deux, de découvrir différentes facettes de l'histoire de la culture québécoise. Très intéressant. Mais ce qui manque, c'est un soutien à ce travail au quotidien qui favorise un vivre-ensemble, un agir-ensemble et c'est vraiment dans ces dimensions-là du quotidien que les personnes apprennent à dépasser leurs préjugés, apprennent à découvrir ce qu'elles ont en commun, les intérêts communs, le plaisir de travailler ensemble.

Quand on parle, par exemple, de difficultés, dans un immeuble, avec le propriétaire qui ne fait pas les réparations nécessaires ? vous connaissez ça, dans Parc-Extension, beaucoup comme nous dans Côte-des-Neiges ? bien de pouvoir soutenir les locataires dans une approche collective par rapport au propriétaire, de dire: Bien là, on est tous dans le même pétrin, on a tous les mêmes problèmes de chauffage, on peut-u travailler ensemble?, ça permet de dépasser le: Eux autres, ils ont 15 millions de bottes dans le passage puis ils me tannent, puis le: Eux autres, ça pue tout le temps chez eux, puis: Eux autres, si c'est humide, c'est à cause d'eux autres, puis on ne se parle pas, puis on se chicane. Bon.

Ça fait que ce travail-là devrait être soutenu, l'a déjà été par le ministère dans je ne sais plus laquelle de ses appellations ? M. Robert, qui est ici, pourra en témoigner ? où est-ce que le ministère soutenait le rapprochement interculturel via du travail quotidien d'amélioration, ensemble, des conditions de vie. Voilà.

Mme Lefebvre: Si je peux poursuivre dans ça, bien d'une part sur le programme PANA, puis la reddition de comptes, puis la demande de renseignements nominatifs, je pense que là-dessus le ministère va reculer finalement puis je pense qu'il y a une entente qui va être faite sur ça donc, parce que je pense que ça constitue une mesure discriminatoire. En tout cas, je le souhaite, qu'on puisse revenir sur cette position.

Mais, quand vous dites: Un manque de soutien au quotidien, qu'est-ce que ça signifie concrètement?

Mme Lacelle (Denyse): Je vous donne un exemple concret. On parlait du PARCI tantôt. Les groupes qui présentent des demandes PARCI doivent maintenant présenter une série de: À telle date, on va faire une assemblée sur la charte; à telle date, on va faire une assemblée sur les droits des locataires; à telle date, on va faire une assemblée sur la contribution des anciennes communautés immigrantes à la société québécoise. Puis on doit avoir pour cette assemblée 15 personnes, 10 personnes ? cet atelier.

Bon. Tu es au mois d'août, tu prépares ta demande pour toute l'année qui vient, puis là tu essaies de ramasser du monde à l'atelier en question, et tu es barré à organiser ça. Il fut un temps où est-ce qu'il était possible de faire soutenir par le... du même programme sous l'ancien nom, le PRI à l'époque, le programme de rapprochement interculturel, de dire: Bien, dans le cours de l'année, on va travailler sur la problématique de l'aide sociale ou du logement, de l'amélioration des conditions de logement dans le quartier et on va le faire dans un angle interculturel, donc pas en termes uniquement de défense des droits des locataires, mais de comment on peut intervenir sur l'amélioration des conditions de logement, tout le monde ensemble, en favorisant un rapprochement. Alors, tu avais des comités qui étaient organisés, tu avais des assemblées qui se tenaient, tu avais des campagnes de porte-à-porte qui était organisées, et tout ça permettait d'atteindre un objectif de rapprochement interculturel mais un vrai avec du monde qui ne sont pas juste assis dans une même salle pendant deux heures mais ont travaillé ensemble pendant des semaines, des mois.

C'était à notre sens une façon plus solide de contribuer au rapprochement interculturel et donc de lutter contre la discrimination et le racisme.

Une voix: Je vais revenir.

Le Président (M. Brodeur): Oui. Pour une question, Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup pour votre présentation. Je vais me raccrocher à ce que vous venez de dire: Est-ce que justement, au niveau des différents organismes communautaires, il n'y a pas lieu de travailler toute cette question du rapprochement interculturel au quotidien par le financement de votre mission, des missions globales des organismes? C'est ce que la politique de reconnaissance d'action communautaire devait faire.

Mme Lacelle (Denyse): Bien certainement. Bien certainement. Et, quand on parlait tantôt de politique transversale, la politique en est une. Celle-là de la reconnaissance de l'action communautaire devait s'appliquer dans l'ensemble des ministères. Donc, chacun des ministères devrait fournir du financement en soutien à la mission de base des organismes qui sont rattachés à son ministère. Alors, ça se passe sans trop de grinchements de dents, au niveau de la Santé et Services sociaux, avec de très récentes avancées au niveau d'économie... voyons, d'Emploi et Solidarité sociale, avec le nouveau programme qui... d'accueillir les corporations de développement communautaire. Le bât blesse à d'autres ministères, dont le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles, où est-ce qu'il n'y a pas ce type de financement à la mission de base des organismes qui interviennent essentiellement au niveau de l'immigration et de l'accueil, établissement.

Une voix: Merci.

Mme Brunelle (Diane): ...non plus à Emploi-Québec. Ce sont des ententes de services avec des nombres de clients à atteindre et un coût-client.

Mme Caron: Tout à fait. Merci.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la ministre.

Mme Thériault: Oui. Merci, M. le Président. Je pense que c'est important de revenir sur quelques affirmations qui ont été faites ici, M. le Président.

Mme la députée, je m'excuse, mais je ne sais pas où vous avez pris votre information. Nous avons pourtant dit et répété que la reddition de comptes, elle est là et elle le restera. Par contre, il y aura un projet pilote. Le ministère n'a jamais reculé, ni le cabinet, ni l'équipe du ministère. Il y a un projet pilote qui va se faire avec des organismes communautaires. La TCRI, elle est au courant. Elle doit nous préparer une position qui sera également étudiée. Mais la reddition de comptes, je pense que c'est important aussi. Parce que vous avez parlé, madame, du défi de la confidentialité. Il n'a jamais été question, dans nos échanges, de transmettre des noms, des numéros de téléphone ou quoi que ce soit qui puisse réellement identifier la personne comme telle. Je pense que c'est important de rappeler ici qu'il peut y avoir des moyens sécurisés de transmission de données sans que le nom des gens soit là. Et il est important de dire aussi que ce ne sont pas toutes les clientèles immigrantes qui seraient soumises mais seulement que les organismes qui font du PANA, donc qui travaillent avec généralement des immigrants de la catégorie économique. Ce sont des gens qui nous ont déjà tous donné leur dossier. Ils ont passé au travers du processus immigration.

Je pense que c'est important de s'assurer, pour éviter du saupoudrage, comme vous avez parlé, avec le PARCI... Quand on veut avoir des programmes qui sont efficaces et qui donnent des résultats, c'est important d'être capables d'étudier comme il faut les données, et c'est ce que la reddition vise. Concernant le soutien dans le cadre du Secrétariat à l'action communautaire autonome, je réitère ici que, dans le ministère, nous sommes un ministère qui finance les organismes à la mission globale. Oui, la TCRI est un organisme communautaire qui est porte-parole de plusieurs de nos partenaires, qui est financée à la hauteur de 250 000 $ à la mission globale et que les autres organismes ? la majeure partie ? ont reçu du financement à la mission globale, mais qu'il est également permis de financer des activités. Et c'est ce que le ministère a fait parce que c'est un choix qui s'est imposé bien avant que j'arrive, évidemment. Donc, le ministère fait quand même du financement à la mission globale, mais il est vrai que nous n'avons pas d'obligation pour tous les organismes comme tels parce qu'on peut se servir également du financement par projets.

Vous avez parlé du délai de carence. Je suis bien heureuse que vous ayez souligné que c'était le précédent gouvernement qui a instauré ce délai de carence là. Je pense que c'est important de rappeler ici également que les frais d'assurance maladie, les coûts que ça engendre, là, ce n'est pas de l'argent qu'on prend dans les arbres non plus, ça, c'est payé avec les impôts des Québécois, ceux qui ont payé des taxes au Québec, O.K.? Et, lorsque le Québec a fait le choix, et peut-être que le Parti québécois pourra revenir parce que ce sont eux qui ont fait le choix et non pas nous, ce qu'on m'a dit, c'est que, puisque, dans les autres provinces, il y avait également des délais de carence, c'était important de s'assurer aussi que les autres Canadiens des autres provinces, comme ça peut être le cas en Outaouais, ne viennent pas, au Québec, bénéficier des services gratuits payés avec les impôts des Québécois pour offrir des services de santé à un autre citoyen canadien.

Je rappellerai également que tous les gens sont informés qu'il y a un délai de carence au niveau de l'assurance maladie, et ils doivent prendre une police d'assurance. C'est écrit. Je pense qu'ils signent même un formulaire.

Une voix: ...

Mme Thériault: Non, ils ne signent pas de formulaire, mais ils le savent et ils sont conscients de ça. Et c'était visé. C'est dans le guide aussi Apprendre le Québec, les gens le savent. Et je comprends qu'il peut y avoir des exceptions. Et on ne choisit pas toujours quand la maladie nous frappe non plus. Mais on doit comprendre que l'immigration, pour n'importe quel pays, que ce soit le Canada, le Québec ou ailleurs, l'immigration est également un privilège. Ce n'est pas un droit. Et, moi, je comprends qu'on peut avoir des problèmes de santé, je comprends qu'on peut revoir des façons de faire, sans aucun problème. Je pense qu'on se doit, comme parlementaires, d'être capables de faire le débat. Par contre, il faut être conscients aussi que ceux qui paient la facture en bout de ligne, ce sont les Québécois qui travaillent, les Québécois et les Québécoises qui travaillent et qui ont payé des impôts. Parce que finalement c'est là que va notre argent, il va dans les systèmes d'éducation, dans les systèmes de santé, il va dans les systèmes de CPE, pour tous les services qui sont offerts.

n (10 h 50) n

Donc, vous comprendrez que le délai de carence, là, il est là présentement, il a été instauré par le Parti québécois. Est-ce qu'on doit revoir cette donnée-là? Peut-être. Je ne dis pas oui, je ne dis pas non. Vous avez mentionné que vous avez parlé avec mon collègue. Je pense qu'on peut prendre le temps de voir aussi avec lui.

Il faut faire attention aussi de ne pas employer, je dirais, le mot «discrimination» à toutes les sauces. Et ça, c'est dangereux parce qu'à mon avis il y a une très grande différence entre «intégration» et «discrimination». On ne peut pas dire que le gouvernement est lui-même discriminatoire. Il peut y avoir, dans notre système, j'en conviens ? et on l'a écrit dans le document ? de la discrimination systémique. Oui, absolument, je suis d'accord avec vous. Quand on parle de discrimination systémique, est-ce que le fait qu'auparavant, lorsqu'on voulait avoir des policiers, on mettait une norme au niveau de la grandeur... Systématiquement, tous les Asiatiques étaient exclus. Ils ne font pas 6 pieds, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise. Bon. Mais ça, c'est de la discrimination systémique, oui. On doit revoir nos règles pour éviter qu'il y ait de la discrimination systémique, mais on ne peut pas prendre le mot «discrimination» puis dire: Parce qu'il y a un délai de carence, c'est de la discrimination. Ce sont des règles qui sont claires. Elles sont là au départ.

Est-ce que la reddition de comptes, c'est de la discrimination? Ce n'est pas de la discrimination non plus. Ce n'est pas une mesure qui est discriminatoire. La reddition de comptes, le fait de savoir qu'est-ce qu'un organisme qui est partenaire... Et, je vais vous dire sincèrement, les organismes communautaires pour moi sont importants, sont des partenaires privilégiés du ministère, font un excellent travail sur le terrain. Ce qu'on veut savoir, c'est comment on peut les aider à faire un meilleur travail, comment on peut mieux les financer, comment on peut leur allouer plus de ressources. Encore faut-il être en mesure d'évaluer le travail qui est fait. Donc, évidemment, il y aura un projet pilote qui va voir le jour avec des organismes qui ont accepté de faire le projet pilote, et on verra de quelle façon on pourra instaurer. Quoi qu'il en soit, il y a encore des discussions qui se poursuivent. Je vous l'ai dit, la TCRI va certainement déposer une proposition. Je sais qu'ils ont une proposition. Donc, on aura le temps encore d'en discuter.

Je voudrais peut-être revenir parce que, dans votre mémoire, vous parlez d'une réflexion qui devrait être menée sur la participation des membres des communautés culturelles en politique afin d'aider les citoyens à se forger une idée plus juste des réalités des communautés culturelles. Est-ce que vous pourriez élaborer un peu plus là-dessus ? parce que je vois le lien avec la politique, là ? s'il vous plaît?

Mme Lacelle (Denyse): Juste très brièvement. Là-dessus, je pense qu'il y a effectivement un débat à faire, une réflexion à faire, comme société, sur la très faible représentation de membres des communautés culturelles à l'Assemblée nationale comme à l'hôtel de ville de Montréal, et ainsi de suite, là. Je ne commenterai pas les récentes sorties, dans les journaux, sur cette question-là. Il y a un débat à faire, il y a des encouragements à faire. On l'a fait, comme société, pour favoriser que des femmes se présentent en politique, et ça donne des résultats. Il y aurait probablement lieu de faire des efforts similaires pour que la diversité culturelle soit davantage représentée dans l'ensemble de nos institutions démocratiques.

Je pense qu'il n'y a pas que le gouvernement du Québec qui doit faire l'objet de telles réflexions. Et les voeux pieux ne marchent pas, tu sais, de dire juste: On voudrait que.

Mme Thériault: Parce que, là, on parle des institutions politiques, que ce soit fédéral, provincial, municipal, scolaire. Mais est-ce que vous pensez qu'on devrait peut-être travailler sur la participation citoyenne, entre guillemets? Parce qu'à mon avis ? et c'est mon cas et c'est le cas de beaucoup de parlementaires qui sont présents ici ? avant l'engagement en politique, il y a eu un engagement envers la communauté. Que ce soit sur des conseils d'administration, peu importe, que ce soit dans des instances reconnues style centre d'hébergement de soins de longue durée, les collèges ou autres, il y a des conseils d'administration. Vous avez des conseils d'administration aussi pour vos organismes. On sait que les gens peuvent s'impliquer.

Est-ce que vous pensez que cette réalité-là pour la participation citoyenne, qui à mon avis est réellement la première marche à monter ? c'est sûr que, si on s'implique dans sa communauté, en faisant du bénévolat, qu'on devient citoyen actif, il y a une escalade naturelle qui peut se faire aussi pour accéder à d'autres postes ? est-ce que vous pensez que ce volet-là devrait être aussi développé? Puis j'entends bien que, À égalité pour décider, au niveau des femmes, ça pourrait être quelque chose qui serait intéressant pour favoriser la participation aussi dans les instances politiques.

Mme Lacelle (Denyse): ...très rapidement. Je mentionnais tantôt en réponse le travail de rapprochement interculturel sur l'amélioration des conditions de logement, par exemple.

Ce que ça donne, une telle approche, qui est très au ras des pâquerettes, c'est de se rendre éventuellement, du monde ensemble, au conseil d'arrondissement demander une concentration des efforts des inspecteurs municipaux dans le secteur où est-ce qu'on habite, et de là un rapport avec les élus de notre arrondissement, des liens avec d'autre monde. C'est dans ce type de démarche là que se développe et que croît la participation citoyenne.

Donc, quand je critiquais le financement pour des activités ponctuelles plutôt que vers un soutien à effectivement la participation civique, l'implication dans les conditions de vie, ça mène à ça et ça y mène lentement, il faut bien le reconnaître.

Dans notre quartier, l'arrondissement, c'est Côte-des-Neiges, Notre-Dame-de-Grâce, il y a une période de questions pour les citoyens et les citoyennes au début... dure 30 minutes. La proportion de citoyens blancs de Notre-Dame-de-Grâce qui prennent la parole par rapport aux citoyens de toutes sortes de couleurs de Côte-des-Neiges, ça ne fait pas de sens par rapport à la population, là, c'est 80 %-20 %. Il y a du travail à faire pour encourager cette prise de parole, cette prise de place, cette interpellation des élus à toutes sortes de niveaux, et c'est agir ensemble. Ça fait que ça, c'est une dimension. Par ailleurs, regardez, on est une délégation de Côte-des-Neiges. Ça paraît-u? Ça fait qu'il y a du travail à faire chez nous aussi. Ce n'est pas évident déplacer toute sorte de monde à 10 heures, un mercredi matin, à Québec, mais, tu sais, on a, comme société, à se poser des questions.

Vous mentionnez dans le document, et c'est crucial: Il y a un débat à faire sur la laïcité de notre société versus les religions. En chemin, on cassait du sucre sur le Québec, le Canada français catholique. Mais donc la question des religions se repose avec acuité, nous interpelle comme société, et le gouvernement du Québec a un rôle à jouer là-dessus.

Je voudrais cependant ? j'ai volé le tour de parole de Rachel tantôt ? lui relaisser quelques secondes, s'il vous plaît.

Mme Heap-Lalonde (Rachel): Oui. Je vais revenir sur deux petites choses.

Premièrement, j'aimerais dire un mot sur la reddition de comptes. Connaissant la proposition de la TCRI, je sais que l'offre du gouvernement n'est pas acceptée. Il y a une proposition qui va être envoyée ou qui va être étudiée. Et la peur reste qu'à chaque individu soit donné un numéro et que ce soit contrôler son accès à des organismes. Donc, le saupoudrage va être plutôt être accentué. Parce que, si quelqu'un va à deux, trois places pour essayer de survivre, bien on va se faire dire, en tant qu'organisme, qu'on offre plusieurs fois le même service puis que ça donc pas bien d'allure, ça fait qu'on va être coupé. Donc, de ce côté-là, pour moi la reddition de comptes devrait être retirée aussi.

Au niveau des délais de carence, le gouvernement a avancé qu'on sauvait. Mme la ministre, c'est à vous que je parle.

Mme Thériault: ...madame. J'ai la possibilité de faire deux choses en même temps, il n'y a pas de problème.

Mme Heap-Lalonde (Rachel): Le gouvernement a dit, à un certain moment donné, que les nouveaux immigrants coûtaient 2 millions. Confronté à ce chiffre, il a balbutié que, non, finalement c'était juste une hypothèse fondée sur des chiffres puis des statistiques, que ce n'était pas nécessairement vrai.

Quand on arrive au Canada, la première chose qu'on fait, c'est qu'on va s'acheter un manteau, on va se trouver un loyer, on va manger, on va consommer. On participe, en arrivant, à l'économie du pays. On ne peut pas dire: Vous devez participer à l'économie du pays trois mois avant que vous ayez les mêmes droits que les autres. Ça n'a pas d'allure, c'est discriminatoire. Et à la base vous avez dit que l'immigration est un privilège, pas un droit. Je suis désolée, dans le type de société internationale dans lequel on vit, avec les pouvoirs économiques qu'on a sur d'autres pays, immigrer n'est plus un privilège, c'est un devoir, un droit pour faire survivre beaucoup de monde. Ça fait qu'à ce côté-là il y aurait peut-être un autre débat à avoir si on veut faire une politique qui représente réellement une lutte contre le racisme et la discrimination.

Et puis, par rapport aux autres provinces puis à ceux qui vont sortir du pays pour plus de 183 jours, on a droit de sortir du pays, en tant que Canadiens, plus de 183 jours une fois à chaque sept ans. Si on vient des autres provinces, on est couverts par les autres provinces. Donc, le délai de carence est couvert par les autres provinces, ce qui ne s'applique pas à la plupart des gens qui viennent des autres pays, sauf le Danemark, la Finlande, la France, la Grèce, la Norvège, le Portugal, la Suède, ce genre de pays là. Donc, c'est une mesure qui vise presque explicitement les nouveaux immigrants qui viennent en tant qu'indépendants. On leur dit: Venez contribuer à notre pays, on ne reconnaîtra pas vos diplômes, on ne reconnaîtra pas votre apport à la société, on ne vous donne pas notre assurance maladie.

n (11 heures) n

Et, pour ce qui est de trouver comment aller chercher l'assurance privée, on a fait, nous, l'exercice. Ce n'est pas bien identifié sur les sites gouvernementaux qui sont en français, en anglais seulement, donc c'est dur à trouver. Pour trouver les numéros de téléphone de quelle assurance peut vous donner des couvertures, c'est extrêmement difficile. Ça coûte 83 $ par mois pour avoir cette couverture-là. Donc, si tu n'as pas trouvé un emploi puis tu n'as même pas droit à l'aide sociale, on dit: Va gruger dans ton argent que tu as apporté, parce que tu es obligé d'avoir de l'argent. Tu as aussi payé pour immigrer. Elle est où, la logique? On n'est pas en train d'établir un terrain où est-ce qu'on dit: Vous êtes les bienvenus, on est en train de dire: Voici tous les obstacles que vous devrez surmonter si vous voulez prouver que vous êtes à la hauteur de notre pays. Ça n'a pas d'allure.

Le Président (M. Brodeur): Merci.

Mme Thériault: ...que ce n'est pas tous les immigrants qui arrivent ici qui n'ont pas d'argent. Généralement, quelqu'un qui va faire son projet de vie va décider qu'il vend tous ses biens dans son pays, va prendre sa famille puis va déménager, ça fait que ce serait faux de prétendre que les gens n'ont pas d'argent pour se payer une assurance. Quand on connaît les règles du nouveau pays dans lequel on s'en va, je pense qu'à partir du moment où les règles sont claires les règles sont claires.

Mme Heap-Lalonde (Rachel): ...

Mme Thériault: Je comprends très bien que vous ne partagez pas le même point de vue que moi. Par contre, il y a des règles qui sont claires, qui sont établies, et c'est écrit notamment dans le guide Apprendre le Québec.

Le Président (M. Brodeur): ...nous sommes rendus au droit de parole de la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Merci, M. le Président. Bien, peut-être vous pourrez répondre à cette affirmation. Bien, je voulais juste aussi revenir sur le financement des organismes communautaires parce que je pense que c'est assez fondamental, l'importance que vous avez dans l'intégration des personnes immigrantes. Je le vis au quotidien dans le quartier Parc-Extension. Vous le faites dans Côte-des-Neiges. Mais, comme on l'a mentionné au sein de cette commission, ça se fait un peu partout à Montréal et au travers du Québec. Et donc la ministre nous indiquait que la table de concertation qui regroupe 131 organismes communautaires était financée à la hauteur de 250 000 $, ce qui est très bien. Mais, lorsqu'on regarde les comptes publics de cette année, on se rend compte que l'enveloppe totale pour le soutien à la mission est de 440 000 $. Et donc une soustraction rapide nous donne des chiffres. Bien, peut-être la ministre pourra confirmer ces chiffres-là plus tard, c'est 190 000 $ pour la mission des autres organismes qui oeuvrent partout au Québec, il me semble qu'il appert que ces sommes sont nettement insuffisantes.

Ceci étant dit, je voudrais aborder une question qui vous préoccupe beaucoup. Dans votre manifeste, vous abordez la question primordiale et vous dites dans votre mémoire: «L'emploi et le logement sont les deux points prioritaires en regard de la discrimination, selon la plateforme de revendications.» On a parlé d'emploi tout à l'heure. Peut-être on aura le temps d'y revenir. Je voulais toucher la question du logement. Une de mes grandes inquiétudes, c'est que... Puis là, quand je parle... On a parlé d'emploi et de logement. Parce qu'un des grands consensus qui émergent, c'est que, pour lutter contre le racisme et la discrimination, il fallait lutter contre les inégalités socioéconomiques qui passent notamment par l'emploi, la francisation, un logement décent, et puis on peut défiler la liste: l'accès à la santé, à l'éducation, et on poursuit. Donc, une de mes grandes inquiétudes, c'est que la question du logement qui n'est pas dans la mission directe du ministère de l'Immigration sera donc confiée au ministère de l'Habitation. Et la ministre nous a dit que le plan d'action allait être concerté au travers des ministères, mais je me demande si une attention particulière sera accordée par le gouvernement sur cette question-là.

Et, de votre expérience ? je connais la situation du logement un peu à Montréal ? de ce que vous vivez dans Côte-des-Neiges, est-ce qu'il y aurait lieu... Parce qu'on a parlé tout à l'heure, bon, des inspecteurs, mais il appert qu'il y a un manque d'inspecteurs au niveau de la ville de Montréal. Bref, la balle se passe d'un palier à l'autre, par moments. Puis je me demandais: De votre expérience, est-ce qu'il y a des besoins criants au niveau du logement et est-ce qu'un grand chantier devrait être mis sur place au niveau du logement?

Mme Tremblay (Louise): Mon Dieu que vous nous faites plaisir là! Il y a une table logement qui est au sein du conseil communautaire, et, des histoires d'horreur que vous avez probablement entendues au cours de cette commission-là, on pourrait vous en raconter des milliers.

Vous savez que, les gens qui viennent de communautés culturelles, ça peut arriver qu'il y ait plusieurs familles qui sont obligées de vivre ensemble parce que les loyers sont trop petits, c'est-à-dire, puis les loyers sont tellement élevés. Donc, oui, il y a des besoins criants. Puis Côte-des-Neiges, si vous connaissez un peu, c'est difficile parce qu'il n'y a pas vraiment d'endroit. Je veux dire, on n'a plus de terrain pour bâtir, et les programmes qui sont mis en place sont nettement insuffisants. On est absolument incompétitifs par rapport au privé, quand on veut racheter un édifice qui est pratiquement délabré, parce que c'est épouvantable, les conditions.

Donc, oui, ça prend des sous, ça un prend un grand chantier de logements sociaux. Il y a un site qui nous intéresse beaucoup. Vous connaissez Blue Bonnets où il y a eu des chevaux, là.

Une voix: ...

Mme Tremblay (Louise): Il y en a encore, oui, c'est ça, mais ils s'en vont bientôt, je pense. Ce serait un endroit ? aménagé, on s'entend; mais ce serait un endroit ? idéal pour loger de nombreuses familles et des familles nombreuses. On va travailler là-dessus.

Mme Lefebvre: Mais je considère...

Mme Tremblay (Louise): En logement social, évidemment. Merci, oui. Pour moi, c'est tellement clair.

Mme Lefebvre: Est-ce que vous pensez que des programmes comme Rénovation Québec, des programmes pour adapter les logements devraient être bonifiés? En ce moment, je sais qu'il y a des retards dans le financement. Est-ce que ça, ça pourrait aider un quartier comme Côte-des-Neiges?

M. Lacelle (Denyse): Il y a effectivement des retards dans le financement. Il y a des ajustements à faire aux programmes aussi pour les adapter aux réalités des différents quartiers.

J'habite dans le quartier Centre-Sud, un quartier de maisons à trois étages avec souvent un propriétaire occupant. Ces programmes-là, les programmes de rénovation, ne s'adaptent pas pareil dans ce type de bâti que dans du multiplexe comme il y a chez vous puis chez nous, qui a 18, 24 logements, un propriétaire bailleur qui est souvent une compagnie à numéro dont l'objectif n'est pas d'entretenir ses logements. Son objectif, c'est de... ses loyers et c'est tout. Donc, les incitatifs pour les propriétaires à utiliser de tels programmes de rénovation ne sont pas là. Ça prend la coercition, ça prend des interventions des inspecteurs municipaux qui leur disent: Bien là, là, ça va faire, tu vas mettre ton logement aux normes; si tu veux le faire correctement, il y a un programme qui peut t'aider, mais tu vas être obligé. Ça fait que c'est là que ça se passe. Ça prend le programme. Ça prend l'obligation de procéder parce que sinon il ne se passe rien, il n'y a pas d'intérêt des propriétaires. Ceux-là sont par ailleurs ceux qui pratiquent moins de discrimination sur la base de la couleur parce qu'ils ne vivent pas dans les logements. Puis ils disent: Moi, dans un bloc, je mets tous les Chinois puis, dans l'autre, je mets tous les Indiens. Comme ça, il n'y a pas de chicane.

Mme Lefebvre: En terminant ? parce que je sais que mon temps s'achève ? la Commission des droits de la personne et de la jeunesse, de vos expériences avec les personnes que vous avez... à référer à la commission, est-ce que vous pensez que la commission a les ressources nécessaires pour répondre à sa mission?

Mme Lacelle (Denyse): La commission n'a ni les ressources ni les moyens. On a d'excellentes collaborations avec elle. Il y a, depuis des années, des projets pilotes au niveau du logement. On a eu des liens très étroits pour améliorer les choses, pour faciliter le traitement des plaintes en discrimination au moment de la période de recherche de logements. Ce que le monde veut, ce n'est pas tant à être dédommagé dans quatre ans que d'avoir une place où rester au mois de juillet. Mais, comme je le mentionnais, il y a une réflexion à faire pour améliorer l'encadrement juridique, l'encadrement de la recherche du logement, parce qu'on ne peut plus faire la preuve qu'il y a discrimination, alors qu'on sait très bien qu'il y en a.

Tu vas, vous allez, je vais, n'importe qui ici va pour louer un logement. On te donne un formulaire à remplir en disant: Moi, je vais éventuellement vous rappeler. Il n'y a finalement jamais personne qui te rappelle, mais tu ne peux pas faire la preuve que tu as été discriminé sur la base de la couleur de ta peau ou de ta source de revenus. Il n'y a plus ça. Donc, il faut agir sur la discrimination au moment de la recherche de logement, mais il va falloir qu'on se trouve de nouvelles façons d'agir.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Malheureusement, c'est tout le temps dont nous disposons. Donc, je remercie le Conseil communautaire Côte-des-Neiges.

Et je vais suspendre les travaux quelques instants, le temps que Diversité artistique Montréal puisse s'installer.

(Suspension de la séance à 11 h 8)

 

(Reprise à 11 h 10)

Le Président (M. Brodeur): À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, nous allons continuer nos travaux, et j'invite Diversité artistique Montréal à bien vouloir s'installer.

Donc, pendant que vous vous installez ? je crois qu'il y a assez de chaises, oui ? donc bienvenue en commission parlementaire. Vous avez vu un peu la façon dont on fonctionne. Donc, vous avez un temps maximal de 15 minutes pour présenter votre mémoire de la façon dont le vous jugez à propos et, lorsque ça va approcher 15 minutes, vous allez voir le président gesticuler pour permettre aux parlementaires de poser des questions. Donc, c'est suivi d'une période d'échange avec les membres de la commission.

Tout d'abord, étant donné le nombre que vous êtes, je vous demanderais tout d'abord de vous identifier pour le bénéfice du Journal des débats et, à la suite de ça, de présenter immédiatement votre mémoire. La parole est à vous.

Diversité artistique Montréal (DAM)

M. Sirois (Guillaume): Bien, oui, je peux commencer. Bonjour, je suis Guillaume Sirois, je suis le coordonnateur de Diversité artistique Montréal. Donc, je vous présente les gens qui m'accompagnent: tout d'abord, à ma droite, Louise Roy, qui est la présidente du Conseil des arts de Montréal; encore à droite, M. Yves Alavo, qui est le président du conseil d'administration provisoire de Diversité artistique Montréal; et enfin Nathalie Maillé, qui est la directrice du programme de tournées au Conseil des arts de Montréal et la responsable du dossier de la diversité culturelle; à ma gauche, Christian O'Leary, directeur des communications et du développement au Conseil des arts de Montréal; et enfin Maria Masino, agente de liaison et de développement pour la diversité culturelle au Conseil des arts de Montréal.

Donc, on va commencer notre présentation avec Mme Roy. Donc, je lui cède immédiatement la parole.

Mme Roy (Louise): Bonjour, M. le Président, Mme la ministre, Mmes, MM. les députés. D'abord, je voulais féliciter le gouvernement de cette initiative d'élaborer un politique de lutte contre le racisme et la discrimination, et pour votre consultation, et l'opportunité d'être entendus par vous aujourd'hui. Je préside le Conseil des arts de Montréal depuis peu, depuis le mois de septembre 2006. Et, comme vous savez, le Conseil des arts est dans une année très particulière. On fête notre 50e anniversaire cette année. D'ailleurs, l'Assemblée nationale a souligné cet anniversaire au printemps dernier, par une motion. Alors, on vous en remercie.

Le Conseil des arts de Montréal, c'est la première institution canadienne vouée à la création et à la diffusion. On existe donc depuis 1956. Et, depuis les trois dernières années, nous nous sommes activement impliqués dans la diversité ethnoculturelle, et c'est ce qui aujourd'hui fait en sorte que nous sommes présents ce matin, aux côtés de Diversité artistique Montréal, qu'on appelle DAM. C'est un appui à leur démarche pour favoriser l'ouverture du milieu artistique et culturel à la diversité ethnoculturelle et donc contrer la discrimination qu'on pourrait qualifier de tranquille mais qui existe quand même dans notre milieu. En effet, la présence croissante d'artistes immigrés provenant de pays de plus en plus diversifiés souvent non occidentaux auxquels sont identifiées, entre autres, les minorités visibles a amené le Conseil des arts de Montréal à se questionner sur leur participation réelle et équitable à la vie culturelle de Montréal.

Vous avez entendu ici la ville de Montréal qui indiquait, dans son mémoire, que le Conseil des arts avait déjà constaté que la représentation des artistes des minorités ethnoculturelles dans les programmations des petites et grandes institutions culturelles à Montréal demeure largement en deçà de leur importance démographique, alors, nous, le Conseil des arts de Montréal, en 2003, on a initié une démarche de rapprochement interculturel dans les arts, afin de favoriser l'inclusion des artistes mais aussi des publics issus des communautés ethnoculturelles à la vie culturelle de Montréal. Le 30 mars 2004, nous organisions, au Centre des arts Saidye Bronfman, une grande rencontre intitulée La diversité artistique de Montréal: une richesse à partager!, qui a réuni près de 200 personnes des milieux artistiques et culturels montréalais, et c'est à la fin de cette journée qu'est né ce qu'on a appelé la délégation, qui est un groupe d'une trentaine de personnes impliquées dans les arts et la culture pour travailler à cette question de l'inclusion avec le Conseil des arts de Montréal. Et ce sont les membres de cette même délégation qui ont choisi de s'incorporer sous le nom de DAM et qui sont ici représentés aujourd'hui.

Peut-être avant de céder la parole au DAM qui présente son mémoire, j'aimerais vous parler de ce que le Conseil des arts a entrepris comme démarche depuis cette rencontre avec la délégation. D'abord, nous avons diversifié les membres de notre conseil. Aujourd'hui, le conseil, qui a 25 membres... il y a sept membres du conseil, donc plus de 20 %, dont on peut dire qu'ils sont issus des communautés ethnoculturelles. Nous avons aussi ajouté à tous nos comités consultatifs disciplinaires ? et nous avons plusieurs disciplines, comme vous le savez ? nous avons ajouté des représentants ayant une pratique non occidentale. Nous avons également désigné, dans notre équipe, une personne qui a la responsabilité de s'assurer de la diversité à l'intérieur de nos tournées, Mme Nathalie Maillé, qui nous accompagne aujourd'hui. Nous avons recruté une personne-ressource pour rejoindre et accompagner les organismes artistiques issus de la diversité, Mme Maria Masino, qui est dans notre équipe, depuis avril 2006, qui est elle-même une artiste d'origine argentine.

Nous avons mis en place un comité consultatif à la diversité culturelle, huit personnes, dont 80 % sont issues d'autres origines que française ou britannique, et ce comité a comme mandat de favoriser le rapprochement entre le conseil et les artistes issus de la diversité et être à leur écoute surtout. Et finalement nous allons adopter une politique de promotion et de développement de la diversité culturelle dans les arts qui sera adoptée par le conseil au cours des prochains mois.

Alors, on a pris un ensemble de mesures. Ces mesures-là se complètent et misent beaucoup sur la présence accrue d'artistes issus des communautés ethnoculturelles, dont plusieurs ont une pratique artistique différente, mais je peux simplement partager avec vous que ces mesures-là nécessitent un effort et ne vont pas de soi. Ça nous prend une volonté soutenue. Le conseil a eu des difficultés à trouver des nouveaux membres pour composer son conseil, des nouveaux membres issus des communautés, et pour siéger dans nos divers comités. Tout ça a mis en lumière au fond qu'on ne connaît pas les artistes qui sont issus des communautés artistiques ethnoculturelles et qu'on a un effort important pour les connaître, et c'est dans ce sens-là que va le travail de Maria, qui a été mandatée exprès pour rejoindre, inventorier, éventuellement accompagner les artistes et les organismes. Ça nous apparaît un préalable incontournable. Alors, on est dans une démarche actuellement sur le terrain. Qui sont ces artistes? Il faut les identifier, il faut documenter, il faut leur donner de l'accès à l'information ? ils ne... connaissent pas non plus ? communiquer avec eux, les accompagner, etc., et on le fait auprès des artistes et des organismes artistiques, auprès des médias, auprès des leaders, etc.

Donc, c'est un engagement important que le Conseil des arts a pris. Et, dans notre prochaine saison de tournées, dont Nathalie Maillé a la responsabilité ici, nous allons accroître le nombre d'artistes issus des pratiques artistiques d'ailleurs, leur donner de l'encadrement, les faire connaître. Vous savez, on fait tournée dans 14 municipalités, dans 19 arrondissements de l'île de Montréal. Nous, c'est l'ensemble de l'île qui est notre responsabilité, une quarantaine de compagnies artistiques. On a près de 450 événements qu'on a comme ça, sur l'île de Montréal, et donc, on pense, c'est une bonne manière d'introduire à la vie culturelle des gens qui viennent d'ailleurs et donc de s'assurer qu'ils sont connus et qu'ils nous connaissent.

En conclusion, je veux simplement souligner que, dans notre politique qu'on est en train d'élaborer, il va y avoir quatre aspects, quatre piliers: la reconnaissance d'abord de ces artistes; leur professionnalisation, parce qu'il faut peut-être parfois les aider à se professionnaliser; la participation et la concertation. Et on veut maintenir nos standards d'exigence, d'excellence et de professionnalisme. Le Conseil des arts donne de l'argent à des organismes qui ont ces standards d'excellence, mais on pense que, par l'accompagnement qu'on va faire, par le fait qu'on va accompagner et aider cette participation-là, nous allons réussir à être beaucoup plus représentatifs. Et toutes ces mesures cherchent à ouvrir le milieu artistique et culturel, favoriser des nouvelles propositions parce que ce n'est pas toujours évident de faire en sorte que ce milieu artistique, qui parfois peut être frileux ? les ressources sont rares... On sent souvent que, si on intègre d'autres personnes ou d'autres groupes, ce sera au détriment des groupes qui existent, alors que, nous, on pense au contraire que ça favorise l'enrichissement.

Et tout ça, c'est une question de talent. Il y a énormément de talents, alors c'est notre responsabilité d'aller les chercher, de les découvrir, ces talents-là, de les mettre en valeur, de changer l'attitude, l'ouverture d'esprit de nos gestionnaires, des gens qui évaluent les projets. Ça, je pense que c'est un défi très important, et aujourd'hui c'est la raison pour laquelle on est très fiers d'accompagner DAM, qui est voué à la promotion de la diversité ethnoculturelle dans les arts, et de faire en sorte que ce soit un succès et qu'on collabore à leur succès.

Alors, en mon nom personnel et au nom de tout le Conseil des arts, je voulais vous remercier de l'opportunité que vous nous donner aujourd'hui de nous faire entendre et de faire en sorte que DAM puisse aussi se faire entendre. Alors, je vais repasser la parole à Guillaume.

Le Président (M. Turp): Nous écoutons DAM.

n (11 h 20) n

M. Sirois (Guillaume): Voilà. Alors, bien, on a cru bon de laisser la parole au Conseil des arts de Montréal en premier parce que, vous l'avez entendu dans la présentation de Mme Roy, on est issus d'un comité mis sur pied par le Conseil des arts de Montréal, qui s'appelait, dans un premier temps, la Délégation sur la diversité culturelle dans les arts et donc qui, en janvier dernier, a décidé de devenir un organisme indépendant qui s'appelle maintenant Diversité artistique Montréal.

Donc, on est un tout jeune organisme en démarrage, mais on est aussi paradoxalement un organisme qui peut compter deux ans d'expertise, deux ans de travaux pour mieux connaître la diversité culturelle. Donc, en devenant un organisme indépendant, on a décidé de libeller notre mandat comme suit: promouvoir la diversité culturelle dans les arts et la culture, en favorisant la reconnaissance et l'inclusion de tous les artistes et de toutes les pratiques artistiques professionnelles dans le réseau professionnel, les institutions culturelles et le circuit de la diffusion à Montréal; de plus, maintenir une présence... vigilante, pardon, et critique pour éviter la discrimination dans les politiques et les actions des instances artistiques et culturelles. C'est pourquoi donc on tenait à se présenter ici, devant la commission, pour témoigner un peu de cette expertise-là.

On pense que la culture doit occuper une grande place dans la politique de lutte contre le racisme et la discrimination parce que la culture, bon, c'est le lieu de représentation symbolique de l'individu, c'est le lieu d'affirmation identitaire, mais surtout, surtout c'est le lieu de rencontres, d'échanges privilégiés de manière pacifiste entre les cultures. En 2001, 83 % des Canadiens étaient d'avis que les différents groupes ethniques enrichissaient la culture canadienne, et 44 % des Canadiens estimaient que les gouvernements devraient faire plus pour favoriser le dialogue des cultures. Je veux attirer votre attention un petit peu sur la réalité des artistes issus des communautés culturelles. Vous connaissez bien sûr l'importance démographique des gens des communautés culturelles à Montréal. Mais donc je veux attirer votre attention sur quelques chiffres. Lors du recensement de 2001, 3 000 personnes immigrantes qui habitent Montréal se sont déclarées artistes, ce qui représente 16 % de tous les artistes montréalais. Bien sûr, 3 000 personnes, c'est beaucoup, mais par contre 16 %, vous êtes en mesure de juger que c'est loin de ce que représentent les différentes communautés à Montréal. De plus, le revenu moyen des artistes immigrants était inférieur de 12 % au revenu de tous les artistes montréalais. Quand on sait les ressources très limitées, les revenus très limités des artistes, vous imaginez, on peut juste déplorer 12 % de moins. Et, si on considère seulement les artistes issus des minorités visibles, ça grimpe à 19 %.

Il y a deux problématiques principalement dans le milieu des arts, par rapport à la diversité culturelle, premièrement une problématique qu'on pourrait appeler la problématique des individus. Bon. C'est les gens issus des communautés culturelles qui ont plus de difficultés à travailler dans leur discipline, particulièrement les disciplines où le corps est l'instrument privilégié, au théâtre par exemple. Il y a aussi la problématique des pratiques. Les gens qui ont des pratiques non occidentales ont beaucoup plus de difficultés à se faire reconnaître et à se faire connaître dans le milieu des arts.

Dans notre mémoire, vous avez pu lire six obstacles systémiques qui selon nous constituent une forme de discrimination systémique propre au monde des arts. Je vous les rappelle rapidement, avant de céder la parole. Donc, on parlait d'une vision monoculturelle de l'art et des artistes; un problème avec la composition homogène des jurys et des évaluateurs; un manque de reconnaissance pour les pratiques artistiques issues des communautés culturelles dans les programmes et les institutions artistiques québécoises; une iniquité historique envers les nouvelles pratiques et les pratiques émergentes; une mauvaise diffusion de l'information, de la part des organismes de financement, sur les programmes disponibles auprès des gens des communautés culturelles; et enfin une non-reconnaissance des compétences et de l'expérience acquises à l'étranger, ce dont, je suis sûr, vous avez beaucoup entendu parler.

Je laisse maintenant la parole à M. Alavo, qui va vous faire part de nos recommandations.

M. Alavo (Yves): Alors, je suis très heureux d'être là. Certains d'entre vous me connaissent. Certains ont été des collègues à l'université, et nous avons à l'époque, il y a déjà presque un quart de siècle, milité au sein du... des relations internationales.

Bon. Simplement pour dire que je suis là plutôt comme un porte-parole. Je suis personnellement un employé municipal qui travaille dans toutes les questions de diversité culturelle. J'ai déjà travaillé à l'époque au Conseil des communautés culturelles et de l'immigration. À l'époque, où on préparait l'énoncé de politique où on a fait des consultations, il y a plus de 20 ans, sur le premier énoncé de politique et les consultations faites auprès des différentes communautés. Et je voudrais ici simplement dire que c'est avec beaucoup de plaisir que je suis, par les autres collègues de cette délégation dont Mme Roy vous a parlé, un peu le porte-parole. Je fais ça bien humblement. C'est, depuis deux ans et demi, un travail minutieux, un travail de patience, de coopération, de collaboration, grâce au leadership du Conseil des arts de Montréal, qui s'est fait auprès du milieu artistique montréalais.

Ce sont des citoyens et des citoyennes, des professionnels de la pratique artistique dans les différents domaines, et de là est née cette initiative qui permet d'avoir un forum, une interface par rapport à toutes les questions de culture.

Une remarque préliminaire avant de faire la présentation qui va être assez sommaire ? il y a quatre points dont je veux vous parler ? c'est de dire que...

Le Président (M. Turp): ...ça va devoir être très rapide.

M. Alavo (Yves): Très rapidement.

Le Président (M. Turp): Il reste à peine une minute, là.

M. Alavo (Yves): D'accord. Simplement, il y a quatre points sur lesquels Diversité artistique Montréal veut insister comme moyens, comme solutions qui vont permettre assez rapidement de faire en sorte qu'au niveau des arts et de la culture, au Québec, la diversité puisse être une réalité.

Diversifier les conseils d'administration et les jurys d'évaluation des différents projets artistiques. Nous avons eu l'occasion d'examiner une douzaine d'organismes publics, de sociétés d'État liés à la culture ou dédiés à la culture qui relèvent du ministère de la Culture ? au moment des questions, on pourra en parler ? et nous avons constaté que, sur l'ensemble de ces conseils d'administration qui représentent plus de 50 personnes, il y a trois personnes qui sont issues de la diversité. Donc, on en parlera de manière plus précise, pendant la période de questions.

Deuxième aspect: faciliter et clarifier le processus de reconnaissance du statut d'artiste professionnel notamment par la reconnaissance des acquis, des diplômes et des expériences professionnels acquis à l'étranger. On en parlera plus en détail là-dessus.

Troisième point important ? ce sont des propositions qui vont permettre assez rapidement, je pense, de développer et de faire en sorte que la participation des artistes professionnels issus de la diversité puisse être une réalité, une légitimité ? mettre sur pied des programmes d'accompagnement et de professionnalisation des artistes issus des différentes pratiques dites non occidentales.

Et enfin, parce que c'est un des aspects, on dirait qu'il y a comme une interaction entre les deux, c'est le développement de publics issus de la diversité, de publics des communautés culturelles. Et, cela va de soi, l'offre joue un rôle important. En diversifiant l'offre culturelle, en diversifiant les produits de cette offre culturelle, on va bien sûr développer et intéresser de nouveaux publics.

Le Président (M. Turp): Très bien.

M. Alavo (Yves): Alors, voilà pour l'essentiel de ces aspects-là. Maintenant, c'est sûr que, pendant les questions, on va pouvoir préciser et apporter...

Le Président (M. Turp): Merci beaucoup. Et je suis certain qu'il va y avoir des questions, notamment sur ces quatre derniers points.

Alors, Mme la ministre, nous avons à peu près 12 à 13 minutes de chaque côté pour ces échanges. Mme la ministre.

n (11 h 30) n

Mme Thériault: Merci, M. le Président. Merci, Mme Maillé, M. Alavo, Mme Roy, M. Sirois, M. O'Leary et Mme Masino. Merci d'être ici. Je trouve très rafraîchissant et j'avais bien hâte de vous entendre.

J'avoue sincèrement que la culture, je crois que ça peut être une excellente façon de lutter contre la discrimination et la racisme. Lorsqu'on regarde une oeuvre, on voit une oeuvre et non pas un artiste qui peut avoir une couleur de peau, des origines et des accents différents de ce que notre société de souche a, donc. Et je suis très heureuse de voir que le Conseil des arts et des lettres a fait en sorte d'avoir une meilleure représentativité. Je suis agréablement surprise de voir que vous avez sept sur 25 dans vos membres du conseil d'administration Je vous félicite. 20 %, c'est excellent surtout lorsqu'on sait combien il est difficile d'aller chercher des gens qui ne sont peut-être pas au fait nécessairement de toute la participation citoyenne ici, au Québec, qui est assez impressionnante. On est confronté des fois à une culture qui est différente aussi, et vous n'en avez que plus de mérite.

J'apprécierais beaucoup à prime abord si, lorsque vous allez avoir développé votre politique, si vous pouviez la faire parvenir au ministère. Ça m'intéresse de voir ce que vous aurez aussi mis sur la table.

Vous avez abordé différents points. Je pense que je vais peut-être partir avec une des propositions que vous faites, soit qu'on mette sur pied un nouvel organisme de gestion culturelle pour apporter une aide à la carrière des artistes issus des communautés culturelles. J'aimerais ça vous entendre un peu sur cette recommandation-là.

M. Sirois (Guillaume): ...dans notre mémoire, c'était une de nos propositions. Il existe des organismes d'aide à la gestion, d'aide à la gestion d'organismes culturels ou d'aide à la carrière. Il existe, entre autres, Di@pason et Diagramme, deux organismes qui prennent sur eux de s'occuper de tout le côté administratif des organisations artistiques, et, bon, c'est une façon de décharger les artistes de toutes les tracasseries.

Donc, on suggérait d'encourager la mise sur pied d'un tel organisme pour les membres des communautés culturelles parce que bien sûr on pense que ça faciliterait leur intégration, parce que ça les déchargerait donc de toutes ces tracasseries-là, et ça leur permettrait de sans doute mieux s'intégrer dans notre système, d'être en mesure d'avoir des conseils sur les ressources qui sont disponibles. Notamment, comme on mentionnait, il y a souvent un manque de connaissances même des ressources disponibles dans le milieu des arts.

Mme Thériault: Vous proposez aussi qu'on élabore un programme d'aide financière pour le développement des publics issus des communautés culturelles. Pourquoi? Est-ce que c'est parce qu'ils participent beaucoup moins à la vie culturelle et sociale? Est-ce que vous avez fait une étude là-dessus?

M. Sirois (Guillaume): Effectivement, il y a des études qui existent, qui montrent que les publics des communautés culturelles participent beaucoup moins, fréquentent beaucoup moins les institutions culturelles québécoises. Et donc on pense que c'est un des enjeux. D'ailleurs, dans le Plan stratégique du ministère de la Culture et des Communications, on pointe cet enjeu-là comme étant un des enjeux majeurs de la culture québécoise. Et donc on mentionne ça parmi d'autres défis, notamment le vieillissement de la population, l'exode des publics, etc. Et pour nous ce développement de publics constitue aussi une réponse à ces autres défis. Dans la mesure où on va développer le goût, l'intérêt des communautés culturelles pour les institutions culturelles québécoises, on va combler un déficit avec le vieillissement de la population. C'est la même logique qu'en immigration, en démographie.

Mais ce que je veux dire, donc ce que M. Alavo a dit rapidement, c'est que développer ce goût-là n'est possible que dans la mesure où on va diversifier les conseils d'administration, diversifier l'offre, diversifier, essayer de rejoindre les intérêts, les goûts des gens des communautés culturelles. Et donc ça, ce n'est possible qu'avec une diversification des programmations, etc.

Donc, vous me permettez?

Mme Thériault: Allez-y.

M. Sirois (Guillaume): Oui. J'en profite donc pour dire que c'est ce qu'on abordait donc, notamment, de diversifier les conseils d'administration.

Le gouvernement du Québec a des sociétés d'État qui s'occupent de la diffusion, notamment la Place des Arts, le Grand Théâtre à Québec, les trois musées nationaux. Ces trois institutions culturelles là devraient être un moteur, un exemple de diversification des conseils d'administration, des programmations et de tentatives de rejoindre les publics des communautés culturelles. On pense que le gouvernement du Québec a un grand pouvoir en culture notamment par ces sociétés d'État là, et c'est une des pistes de solution, très certainement.

Mme Thériault: Ça, présentement notre collègue Michel Audet, le ministre des Finances, a déposé pour que justement les sociétés d'État soient composées... des conseils d'administration des sociétés d'État soient composés de 50 % de membres féminins.

C'est comme passé inaperçu ? pourtant, ça a été déposé en même temps: à ce que le 25 % des groupes cibles du gouvernement soit également inclus, ce qui veut dire nécessairement beaucoup plus de membres des communautés culturelles à siéger sur les conseils d'administration. Si on veut avoir finalement une société qui est diversifiée et que, dans nos institutions, ça puisse être représenté, je pense qu'on se doit de prendre les moyens. Le projet a été déposé avec les sociétés d'État. Je pense qu'on a aussi l'obligation de sensibiliser les autres instances. Parce que, bon, oui, là, on parle de culture. Il y a des sociétés qui... il y a des... qui sont faites par le gouvernement ou entérinées par le gouvernement. Donc, il est évident qu'il faut essayer de voir dans toutes les couches de la société, du moment qu'il y a des instances décisionnelles, pour qu'on puisse avoir une représentativité de ce qu'est le Québec d'aujourd'hui, définitivement.

Vous avez parlé aussi, dans votre présentation, de la composition des jurys. J'aimerais ça que vous m'en parliez un peu plus. Comment se fait la composition d'un jury et de quelle façon on pourrait influencer la composition du jury pour que justement il puisse y avoir cette diversité-là?

Mme Roy (Louise): Si je peux me permettre, Mme la ministre. Parce qu'on a une pratique au conseil. Le conseil, en fin de compte, est un conseil formé de pairs. Ce sont tous des artistes dans tous les domaines. Et, en transformant les membres du conseil, en recrutant des artistes dans le domaine de la danse, de la musique, du théâtre, qui sont des gens issus des communautés, automatiquement nous avons, sur nos jurys, des pairs qui sont des gens qui peuvent reconnaître des pratiques qui sont autres et qui vont nous mettre en contact avec justement un peu plus ce milieu.

Donc, on le fait au Conseil des arts de Montréal actuellement, et je pense que pour le Conseil des arts et des lettres du Québec, qui est appelé à juger des individus, on pourrait faire la même chose certainement.

M. Alavo (Yves): Simplement, je voudrais ajouter, pour compléter un peu: nous avons fait cet examen. Nous avons regardé, comme je vous disais tout à l'heure, 12 conseils d'administration de sociétés qui dépendent directement du gouvernement. Sur plus de 50 membres, il n'y en a que trois qui représentent la diversité dans trois endroits: c'est à la Bibliothèque nationale, au Conseil des arts et lettres ? une personne bien sûr, à chaque fois ? et à Télé-Québec. Pour le reste, ce sont de grandes sociétés comme la SODEC, des entreprises, certaines qui gèrent tous ces fonds publics, tous les grands musées, la Commission de reconnaissance des associations d'artistes et des associations de producteurs, la Société de la Place des Arts, le Grand Théâtre.

Et donc, comme Mme Roy le disait, c'est sûr que ces réseaux de professionnels qui sont souvent des enseignants, qui sont souvent eux-mêmes des mentors et des formateurs... Dans la plupart de nos arts d'expression, dans la plupart des disciplines artistiques, on remarque qu'effectivement, dans plusieurs centres l'excellence, les pionniers, beaucoup de nos artistes, de nos grands artistes sont issus de la diversité, et il arrive même que certains exposent, publient, diffusent beaucoup plus hors Québec qu'au Québec. Ce sont des citoyens du Québec depuis 25 ans et plus. Donc, il y a là ? vous avez dit: 25 %; nous proposions 20 %; il y a là ? une manière de légitimer cette présence dans des instances, dans des lieux où toute la société, nous nous reconnaissons, qui sont l'expression, comme disait Guillaume Sirois tout à l'heure, de la représentation non seulement symbolique, mais réelle de ce que nous sommes à travers les arts. Et je trouvais que c'était intéressant aujourd'hui qu'avec le Conseil des arts de Montréal, sous l'égide duquel cette initiative s'est développée depuis plus de deux ans, Diversité artistique Montréal puisse aujourd'hui venir en cette conclusion des audiences. Vous avez reçu, pendant sept jours en septembre, six jours en octobre, plus de 75 groupes ou personnes, et la culture est, je crois, réellement ce qui, au niveau de notre identité collective, ce qui est l'aboutissement complet, je pense, de tout ce qu'on peut faire comme gestes d'appartenance, comme moyens d'être ensemble.

On l'a entendu tous les jours, à chaque fois que vous avez été ici, que vous avez reçu des groupes, des individus, des organismes qui militent, qui travaillent, qui, au coude à coude, au cours de l'année, sont ceux qui font l'interface entre notre société «at large» et l'ensemble des citoyens et citoyennes issus de la diversité.

n (11 h 40) n

C'est vraiment, je crois... Je disais que c'était historique d'être ici, aujourd'hui, avec Mme Roy qui à l'époque, à la STCUM, a fait ce travail, a réussi, dans une société de transport, à changer la culture de l'entreprise et à faire en sorte, en ciblant des postes bien précis, que c'était possible de faire traduire dans la réalité cette représentativité du public, cette représentativité de la population qui est desservie par la société de transport et les employés. Et la STM aujourd'hui est beaucoup plus une société représentative de la population qu'elle dessert parce qu'à l'époque, il y a 20 ans, Louise Roy, présidente, a changé la culture et a pris des décisions: imputabilité des cadres, résultats.

Et, avec cette possibilité que vous offrez aujourd'hui, cette commission ? je pense, c'est la Commission des finances...

Mme Thériault: Commission de la culture.

M. Alavo (Yves): Non, non, mais la commission qui a décidé qu'il y aurait...

Une voix: ...

M. Alavo (Yves): Hein?

Mme Thériault: Commission de l'administration publique.

M. Alavo (Yves): De l'administration publique. Avec cette décision de faire en sorte qu'il y ait une parité au niveau hommes-femmes et qu'il y ait de 20 % à 25 % de membres des sociétés d'État dans les conseils d'administration qui représentent l'ensemble des citoyens et citoyennes du Québec, je pense qu'on est dans la bonne direction.

Mme Thériault: Merci. On reviendra.

Le Président (M. Turp): Et il vous restera trois minutes dans l'autre bloc.

Une voix: Parfait.

M. Sirois (Guillaume): Si vous permettez, j'aurais quelque chose à rajouter sur la composition des jurys. Rapidement.

Donc, pour nous le Conseil des arts de Montréal est un peu un exemple de ce qui doit être fait. Le CALQ, le Conseil des arts et des lettres du Québec, a la même volonté de diversifier ses jurys mais a aussi le même problème que le Conseil des arts de Montréal, c'est-à-dire un manque de connaissances des artistes des communautés culturelles. Donc, il faut un effort, il faut des directives claires en ce sens-là, notamment de la ministre de la Culture, et il faut une volonté d'aller rejoindre ces gens-là. Voilà.

Le Président (M. Turp): Merci. Alors, Mme la députée de Laurier-Dorion, d'abord.

Mme Lefebvre: Merci, M. le Président. Donc, vous avez vu, le temps file rapidement. Bienvenue à vous tous, M. Alavo, Mme Roy, M. Sirois, monsieur... Mme Maillé, madame... Bonjour.

Bien, c'est extrêmement intéressant. Comme vous le mentionnez, c'est des travaux que nous avons eus des groupes qui sont venus nous parler de leurs recommandations en vue de l'adoption de cette politique. Évidemment que la culture est un vecteur commun qui regroupe tout le monde. Et donc on a parlé beaucoup de l'importance, pour les personnes qui se joignent à nous, de bien comprendre la culture dans laquelle ils évoluent maintenant mais également que cet échange culturel puisse se faire d'une façon réciproque. Et donc il est clair que la culture doit occuper un pan important de cette politique, et, bien évidemment et pour cette raison-là, je vous remercie d'être ici et du travail concret que vous faites. Les directives, les orientations, le fait de vouloir modifier les structures, vous l'avez bien démontré, ça aura sans doute, et j'en suis persuadée, des impacts réels et concrets d'ici peu. On pourra, j'en suis persuadée, dans les prochaines années, tout de suite voir les fruits de ça. Puis on a parlé également de la présence. Évidemment, le milieu culturel ne se limite pas exclusivement. Bien, en fait, et pas du tout même.

Mais il y a l'aspect télévisuel, qui est un aspect fort important puis qui a un impact majeur, si on peut dire, sur la façon dont se forge notre société. Et ça aussi, s'il y a plus d'artistes qui sont au théâtre, qui peuvent exposer dans les musées, qui peuvent oeuvrer dans tous les milieux du secteur culturel, plus tard on pourra également voir davantage de personnes et de personnalités qui pourront représenter des modèles, chose qui a également été mentionnée comme importante pour permettre aux jeunes et à ceux qui arrivent de pouvoir bien s'insérer dans notre société.

Donc, je vous remercie d'être ici. Le temps file rapidement. Mon collègue député de Mercier et porte-parole en matière de culture a évidemment préparé plusieurs questions pour vous. Je vais lui céder la parole et puis, s'il reste du temps, je pourrai revenir à la fin. Merci.

Le Président (M. Turp): Merci, ma chère collègue porte-parole en immigration et communautés culturelles. Mme Roy, je veux vous dire que je suis d'accord avec M. Alavo, parce que, comme Montréalais, quand je prends l'autobus, là, c'est vrai que ça a changé depuis 20 ans puis qu'il y a tous ces conducteurs et conductrices issus des communautés culturelles. Ça fait une grande différence, et je pense que c'est très, très bon, là, pour cette vie commune que nous avons, là, avec les gens qui viennent enrichir notre société en choisissant comme Québec leur patrie et comme leur terre d'adoption.

Je voulais d'abord vous dire que j'ai beaucoup aimé votre mémoire. C'est bien fait, c'est bien écrit. C'est un mémoire d'ailleurs que... Je suggère à la ministre de le donner rapidement à la ministre de la Culture, là, parce que ça va bien au-delà du mandat de notre commission. Et il n'y est pas question que de lutte à la discrimination et au racisme, il est question de culture, de la place que doivent avoir les gens issus de l'immigration et, comme vous le dites dans la conclusion, dans l'émergence de cette culture publique commune, là, dans l'idée de ce métissage culturel qui se produit, parce que nous viennent de partout dans le monde ces gens qui veulent aussi, je crois, enrichir la culture québécoise, qui choisissent de le faire, bien qu'il y ait peut-être des obstacles.

La guettoïsation des cultures que vous évoquez vous-mêmes dans le mémoire est un danger, je crois, s'il n'y a pas cette volonté d'intégrer, cette volonté de donner accès aux programmes de soutien aux artistes et qu'on puisse y avoir accès, et, dans ce sens-là, vos propositions nombreuses, je pense, doivent avoir un écho non seulement dans la politique que la ministre va mettre en place et son plan d'action. Parce que c'est ça qu'il y a d'intéressant: puisqu'il va être accompagné d'un plan d'action, c'est un plan d'action que vont devoir mettre en oeuvre tous les ministères du gouvernement, y compris le ministère de la Culture et des Communications. Donc, dans ce sens-là, il y a des choses à retenir. Puis il ne faut peut-être pas non plus seulement attendre cette politique-là et ce plan d'action. La ministre de la Culture devrait tout de suite se saisir de vos recommandations et peut-être aussi de faire en sorte que les sociétés d'État qui relèvent d'elle commencent à mettre en oeuvre des recommandations, puisque vous vous adressez beaucoup aux multiples sociétés d'État qui agissent dans le milieu culturel.

Votre diagnostic est quand même très, très sévère, hein? Je ne sais pas si vous vous en rendez compte, Mme la ministre. Il y a une affirmation ici de discrimination systémique, de discrimination systémique à l'égard des artistes. Et, quand il y a une affirmation qui nous vient d'un groupe comme ça, bien, regarde, il faut prendre ça au sérieux puis il faut rapidement faire des choses, là, lorsqu'il s'agit de discrimination systémique. Et je crois que c'est un appel qui est lancé à votre gouvernement puis au ministère de la Culture pour agir rapidement. Il ne faut pas tolérer la discrimination systémique et, si elle existe, bien il faut tout de suite faire des choses. Et vous avez plusieurs propositions pour en fait prévenir aussi la discrimination et le racisme à l'égard des artistes, et je crois que plusieurs ont été invoquées.

Moi, je veux vous parler de deux choses. Vous avez beaucoup parlé des lieux de diffusion publics. En fait, vous avez parlé de la Société de la Place des Arts, du Grand Théâtre, mais il y a beaucoup de lieux de diffusion qui sont privés et qui doivent faire une place aussi aux artistes des communautés culturelles. Alors, j'aimerais savoir comment s'y prendre pour donner accès aux artistes issus des communautés culturelles dans les lieux de diffusion privés. Est-ce que c'est par le biais du subventionnement du Conseil des arts de Montréal puis des autres conseils qu'on va amener les lieux de diffusion à donner la place qui doit revenir aux artistes issus des communautés culturelles? Et je voudrais aussi vous demander: Comment fait-on pour le développement des publics, hein, pour amener aussi les publics issus des communautés culturelles vers les lieux de diffusion, non seulement de leurs apports culturels, mais des apports de la culture québécoise en général? Je sais que Les Grands Ballets canadiens, que d'autres institutions font maintenant des efforts puis ont des programmes, mais qu'est-ce qu'on peut faire pour aller au-delà de ce qui est fait et qui ne semble pas avoir du succès, un grand succès jusqu'à présent?

Il y a eu, pendant les Journées de la culture, vous vous rappelez, le bel événement des choeurs, là, le dimanche après-midi, qui était, je pense, une tentative, là, dans le développement aussi des publics, mais comment va-t-on développer ces publics que vous souhaitez développer?

n (11 h 50) n

M. Alavo (Yves): Je ne sais pas si je peux me permettre d'intervenir. Vous avez reçu ici la ville de Montréal. Donc, le grand réseau que le Conseil des arts couvre y participe aussi. La ville de Montréal, à travers les bibliothèques, à travers les centres de diffusion et aussi en partie grâce au plan d'action et d'intégration de l'entente entre le MICC et la ville de Montréal... de nombreux ateliers sont organisés dans la bibliothèque considérée comme lieu de médiation, comme lieu d'intégration aussi. Et donc dans ce réseau sont organisées des activités qui permettent de développer, à travers les enfants des fois et en y amenant leurs parents ou par le biais d'autres programmes qui sont faits avec les arrondissements, une forme d'attraction et de développement de nouveaux publics.

Il y a aussi le Montréal, arts interculturels, une entente entre la ville de Montréal et ce lieu de diffusion qui est sur la rue Jeanne-Mance et qui en est à sa sixième saison où ils font, à travers les arts de la scène, les expositions, le théâtre, la musique. Et bien sûr le Conseil des arts, je pense, participe aussi beaucoup à cet ensemble d'efforts qui est fait. C'est une priorité, je pense, municipale actuellement de développer de nouveaux publics.

Et il y a mille et une façons. Je ne pourrais vous dire en détail, mais il y a un objectif marqué au Service de développement culturel et qualité du milieu de vie de la ville de Montréal, à travers son réseau, de vraiment aller chercher ces nouveaux publics. Voilà.

Mme Maillé (Nathalie): ...c'est ça, ajouter simplement que, dans les efforts ? Mme Roy en parlait un peu brièvement tantôt ? donc le Conseil des arts de Montréal a un programme qui vise à décentraliser l'activité artistique.

Donc, on travaille en étroite collaboration avec différents partenaires, dont le MAI ? Yves vient d'en parler ? le Montréal, arts interculturels. Et donc notre objectif est vraiment d'amener les artistes issus de la diversité dans tous les quartiers à Montréal. Parce qu'actuellement on identifie qu'il y a certains quartiers qui eux-mêmes accueillent des artistes issus de la diversité, mais c'est où est-ce que vraiment les quartiers... une forte proportion de citoyens issus de la diversité. Sinon, sur l'ensemble de l'île de Montréal, les citoyens montréalais ont peu accès à des artistes qui représentent des pratiques de la diversité culturelle.

Alors, nous, on travaille activement ? Maria travaille ? donc, sur le terrain, à répertorier et à ramasser l'information, à identifier des projets artistiques professionnels. Et donc, dès l'année prochaine, la prochaine saison, dans les 400 quelques événements qu'on fait circuler, on va retrouver une plus grande proportion comme ça, le réseau, entre autres, des maisons de la culture, centres culturels sur le territoire de l'île de Montréal.

M. Alavo (Yves): ...que souvent ces lieux sont des tremplins, sont des vitrines et des occasions pour les artistes professionnels issus de la diversité de faire leurs premières armes, sont les premières chances pour eux de toucher des publics plus larges. Il y a toute une interaction au niveau de la vie culturelle montréalaise, qui est très intéressante. On parlait de la participation citoyenne. Je pense que les artistes professionnels, tous ces artistes sont déjà engagés dans leur milieu. Ils ne peuvent pas vivre de leur art. Ce sont des gens qui travaillent de mille et une façons pour survivre, et je dirais qu'il y a un parallèle à faire même avec nos artistes en général. Donc, ils ne sont pas mieux lotis. Ils ont encore plus de difficultés vu qu'il y a des obstacles à se faire reconnaître.

Par contre, il y a là un moyen, un réseau intéressants qui mériteraient, je pense, une attention plus grande, un soutien plus grand, car ce sont de véritables laboratoires, ces lieux accessibles, où se démocratise la culture et où les publics vont s'initier.

Le Président (M. Turp): ...et, je pense, j'ai le temps pour une dernière question très rapide, mais, s'agissant des lieux de diffusion, parce que, comme le disait d'ailleurs ma collègue, ça compte... Le télévisuel, on n'a peu de compétences là-dessus, sauf pour Télé-Québec, là, et la radio non plus, mais ça compte tellement. Mais les lieux de diffusion, c'est très, très important.

Alors, comment faire pour que, dans les lieux de diffusion qui ne sont pas nécessairement sous le contrôle de l'État... assurer que les gens s'y reconnaissent, que les textes qui sont présentés, les concerts qui sont présentés puissent refléter la diversité? Est-ce que c'est par le subventionnement du CAM, du CALQ que l'on doit un peu forcer la main aux diffuseurs?

M. Sirois (Guillaume): Il y a deux solutions faciles pour le gouvernement du Québec. La première, c'est la politique de diffusion. Il existe une politique de la diffusion au ministère de la Culture, qui pourrait être revue pour encourager une meilleure représentativité des... des artistes, pardon, des communautés culturelles. Et l'autre, comme vous le mentionniez, c'est notamment par les subventionneurs ou on pourrait, par le biais des subventionneurs, imposer une certaine représentativité des artistes issus des communautés culturelles dans les organismes qu'on subventionne, dans les lieux de diffusion qu'on subventionne. Et ça pourrait devenir un critère d'évaluation du rendement de cet organisme-là.

Donc ça, c'est deux mesures qui sont à la portée immédiate du gouvernement du Québec.

Le Président (M. Turp): Très bien. Merci beaucoup pour ce mémoire, votre exposé, les réponses aux questions. Merci donc au DAM et au CAM pour votre présence à la Commission de la culture aujourd'hui.

Je suspends les travaux. J'invite les gens, Mmes Hébert ? les deux Hébert ? et Monique Robidoux à prendre place à la table.

(Suspension de la séance à 11 h 55)

 

(Reprise à 11 h 57)

Le Président (M. Brodeur): Donc, À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons continuer nos travaux en recevant notre dernier groupe ce matin. Donc, bienvenue, mesdames. Je vois que sur la liste il manque une personne. Laquelle?

Une voix: ...

Le Président (M. Brodeur): Lucie?

Une voix: ...

Le Président (M. Brodeur): Donc, bienvenue, Mme Lucille Hébert et Mme Monique Robidoux. Je vous explique brièvement les règles de la commission: vous avez un temps maximal de 15 minutes pour la présentation de votre mémoire de la façon dont vous le jugez à propos, et ce sera suivi d'un échange avec les membres de la commission. La parole est à vous.

Mmes Lucie Hébert, Lucille Hébert
et Monique Robidoux

Mme Robidoux (Monique): ...Mme la ministre Thériault, les députés et autres personnes ici présentes, bonjour. Alors, je m'appelle Monique Robidoux et je vous présente Lucille Hébert. Notre collègue Lucie Hébert aurait aimé être ici avec nous, mais malheureusement elle n'a pas pu se dégager de son travail.

Alors, nous sommes ici en tant que citoyennes ayant présenté un mémoire. Nous sommes mères d'adolescentes et de jeunes adultes qui fréquentent les niveaux secondaire, collégial et universitaire et nous sommes concernées par l'arrivée massive des immigrants. Nous avons été témoins des changements rapides dans la composition de la société québécoise. Nos aînés côtoyaient quelques immigrants à l'école primaire, alors que nos plus jeunes sont dans des classes très multiculturelles. La société, plus particulièrement métropolitaine, doit donc s'adapter très rapidement à cette nouvelle réalité. Nous sommes de Montréal, alors il y a plus d'immigrants dans notre coin. Nous sommes heureuses d'être entendues étant donné le peu de temps alloué entre la présentation du document de consultation intitulé Politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination et le dépôt du mémoire. Alors, nous aurions quand même souhaité consultation populaire par région, afin qu'il y ait le plus possible de citoyens qui soient entendus. Parce qu'évidemment, pour nous, c'est quand même ? on est des citoyens; alors c'est quand même ? cher. On s'est présentées. On est parties de Montréal. On prend une journée de congé, et tout ça. Alors, c'est quand même assez cher pour des citoyens. Puis on se dit que peut-être il y a beaucoup d'autres citoyens qui auraient aimé parler et être entendus mais qu'ils n'ont pas eu la chance, alors on espère se faire le porte-parole de ces gens-là.

Alors, évidemment, depuis le dépôt de notre mémoire, on a continué à se documenter et à se questionner, puis il y a des éléments qu'on a soulevés à cette époque, qui nous apparaissent maintenant sous un jour différent. Par exemple, dans notre mémoire, nous recommandions que l'accommodement raisonnable ne devrait pas être une priorité gouvernementale. Or, nous avons appris qu'il existe depuis 1987 et qu'il a été mis en place pour aider, entre autres, les femmes et les handicapés dans leur milieu de travail. Donc, pour nous, la recommandation qu'on avait faite est devenue caduque. On apprend, on étudie encore. On apprend. Voilà.

n (12 heures) n

Alors, de notre mémoire nous avons retenu trois recommandations qui nous semblent les plus importantes: tout d'abord, les valeurs fondamentales de la société québécoise; ensuite le français, langue commune au Québec; et, troisièmement, un code de vie ayant des balises claires pour le milieu scolaire et le travail.

Alors, notre première recommandation concerne les valeurs fondamentales de la société québécoise. Le gouvernement doit prioriser et faire connaître les valeurs fondamentales de la société québécoise aux nouveaux arrivants. Il doit les promouvoir et donner des moyens pour les défendre. Voici des exemples de valeurs qui pourraient être mises de l'avant: l'égalité entre hommes et femmes; le droit des enfants; l'accessibilité à la scolarisation; la confiance; la transparence; l'engagement; la paix; la tolérance; l'accueil et l'entraide. Ceci pourrait se faire par la mise en place de formations visant à l'éducation et à la citoyenneté ? comme, nous, on a suivi nos cours de bienséance dans notre tendre enfance ? puis à certaines pratiques usuelles de la société québécoise, par exemple, concernant l'hygiène, le respect de la propriété privée, la vie publique versus la vie privée... publique versus la vie privée, excusez-moi, et la monogamie versus la polygamie.

Le deuxième serait le français. Le gouvernement doit... excusez-moi, doit privilégier la francisation, car l'intégration passe par la connaissance d'une langue comme le français. Pour nous, la priorité demeure notre langue française. Nous sommes persuadées qu'une démarche doit être entreprise afin de préserver notre langue. Il est très important, voire primordial que les immigrants apprennent le français dès leur arrivée au Québec, ceci afin de préserver notre culture. Un immigrant qui parle français peut s'intégrer plus facilement dans notre société. La barrière de la langue est un obstacle de taille à l'intégration des immigrants. Ainsi, dès leur arrivée, des cours de français devraient être suivis par les immigrants qui ne parlent pas notre belle langue française. Par exemple, on pourrait suggérer que l'obtention du permis de travail pourrait être conditionnelle à la bonne connaissance du français, ceci afin de leur permettre de se trouver un travail selon leurs compétences.

Et, au niveau du milieu scolaire et du travail, alors on se dit que, dans le milieu scolaire, il faudrait que le gouvernement, en accord avec l'ensemble des citoyens du Québec, trace des balises claires sur ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas, c'est-à-dire la diffusion et l'application d'un code de vie unique et clair, applicable à tous pour contrer les difficultés vécues, par exemple, par les directeurs d'établissement scolaire lors de la prise de décision suite à des situations problématiques ou même dans le milieu de travail, lorsqu'il faut s'adapter aux gens. Voilà.

Alors, nous, ce n'est pas long. Alors, on va vous dire merci de nous avoir donné l'occasion de vous présenter notre mémoire, et merci de nous avoir permis d'être des modèles pour nos enfants en exerçant notre droit de parole en tant que citoyennes, et merci aussi de nous avoir reçues au nom de nos amis, voisins, parentés qui alimentent nos réflexions. Merci.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la ministre.

Mme Thériault: Merci, M. le Président. Mme Hébert, Mme Robidoux, merci d'être avec nous. Merci à vous. Vous transmettrez également nos remerciements à votre collègue Mme Lucie Hébert. Merci d'être là.

Vous avez certainement beaucoup de mérite parce qu'effectivement, en commission parlementaire, généralement ce sont des groupes bien organisés, bien structurés, des spécialistes, je dirais, des commissions parlementaires qui viennent exprimer leurs points de vue. Comme citoyennes, vous faites preuve de beaucoup de courage et vous soulevez des questions qui interpellent également les mères du Québec, j'en conviens. Vous avez fait part de vos enfants, de l'évolution des enfants à l'école aussi, que notre société change et qu'elle change rapidement. Vous avez fait un constat qui est venu ici. Donc, vous avez beaucoup de mérite d'être ici, aujourd'hui, et d'avoir pris le temps de partir de Montréal pour venir ici.

Est-ce que je pourrais vous demander de quel secteur de Montréal vous êtes, juste pour mon information?

Mme Robidoux (Monique): Oui, d'Ahuntsic.

Mme Thériault: D'Ahuntsic. O.K. Madame?

Mme Hébert (Lucille): Je suis d'Ahuntsic également, et Lucie Hébert, elle est de Laval.

Mme Thériault: De Laval, O.K.

Mme Hébert (Lucille): Elle travaille dans les Laurentides.

Mme Thériault: O.K. C'est beau. Non, mais on voit qu'il y a quand même une certaine diversité même à Laval. Il y a de plus en plus de gens issus des communautés culturelles qui vont migrer vers Laval. La Rive-Sud, c'est la même chose aussi. Donc, on voit réellement qu'il y a un changement, dans notre société, qui se produit.

Vous avez parlé des consultations des citoyens. Évidemment, ce n'est pas donné à tous les citoyens de pouvoir partir de Montréal, de venir, à Québec, faire des consultations. Vous savez que présentement... bien, depuis le début qu'on a annoncé qu'il y aurait des consultations, les citoyens avaient également la possibilité de se prononcer par le biais du site Internet à l'Assemblée nationale, où on a les travaux ici. C'est rediffusé sur le Web. Mais il y a également le questionnaire qui a été soumis dans le document de consultation, qui est disponible sur le site Internet pour que justement les citoyens puissent se prononcer.

Moi, je pense qu'il est important parce que c'est un débat de société finalement qu'on engendre et qu'on regarde aujourd'hui ou un pan du débat, si vous voulez, sur le fait que, dans notre société, oui, il y a du racisme, il y a de la discrimination. Vous soulevez des questions, qui sont très correctes, par rapport à l'accommodement raisonnable, notamment. Bon. Vous avez appris. Je veux juste vous préciser que, même nous, on apprend tout au long de notre vie de parlementaire. Il est évident qu'on ne peut pas connaître tous les dessous et toutes les lois qui ont été érigés, que ce soit par le Québec ou par le Canada, mais il y a des lois comme ça qu'on finit par apprendre à un moment donné, et on comprend le pourquoi. Donc, on voit bien que l'exercice citoyen que vous avez fait aussi a été profitable.

L'accommodement raisonnable. Vous devez certainement avoir vu dans les journaux, dernièrement, que mon collègue le ministre de la Santé a mis sur pied un comité qui est dirigé par M. Bergman Fleury...

Une voix: ...

Mme Thériault: ... ? oui, c'est mon collègue de l'Éducation; excusez-moi, quel lapsus! ? qui va diriger ce comité-là, et M. Bergman Fleury est une personne qui a oeuvré pendant de nombreuses années, à la commission scolaire de Montréal, qui préside le comité pour qu'on puisse justement répertorier quels types d'accommodement raisonnable ont été faits et c'est quoi, les impacts. Il a plus qu'un mandat, mais en tout cas, notamment, ça. Et je pense qu'il est important qu'on puisse aussi parler de la question parce que beaucoup de citoyens sont comme vous. Et l'accommodement raisonnable, ça fait des années que ça existe et ça n'existe pas seulement que pour les religions, vous l'avez bien mentionné. Et malheureusement ce qu'on entend le plus parler, ce ne sont que les accommodements raisonnables par rapport à la religion, notamment dans les écoles, et malheureusement on a tout occulté un côté de l'accommodement raisonnable par rapport aux personnes handicapées ou par rapport à d'autres groupes qui pourraient avoir besoin de recourir à l'accommodement raisonnable. Donc, merci beaucoup.

Vous l'avez soulevé dans votre mémoire. Vous ne l'avez pas dit, mais, dans votre mémoire, c'est écrit. Vous parlez de racisme et de discrimination. Mais vous l'avez aussi soulevé. Et ça, c'est tout à votre honneur parce qu'il n'y a pas beaucoup de gens qui l'ont fait. Je pense qu'il n'y a personne qui l'a fait puis qui a parlé du racisme des communautés envers le Québec ou d'une communauté envers une autre communauté. J'aimerais ça vous entendre parler là-dessus un peu, selon votre expérience, ou votre feeling, ou l'expérience de vos enfants, j'imagine, à l'école également, parce que c'est une question qui est sensible. Et il est vrai que du racisme, ce n'est pas que de la société hôte envers les autres sociétés, mais ça peut être transmis entre deux groupes de différentes communautés également. J'aimerais ça vous entendre un peu là-dessus.

Mme Hébert (Lucille): Alors, il y a différents petits exemples qu'on pourrait nommer. Entre autres, sa fille est à l'université, puis il y a une de ses...

Mme Robidoux (Monique): C'est sûr que, nous, on est à Montréal, alors on est avec une communauté, là, multiculturelle. Et ma fille, sa meilleure amie est Vietnamienne. Elle est née ici, au Québec. Ses parents parlent vietnamien, elle parle le vietnamien. Et maintenant elle est à l'université, en soins infirmiers. Puis, quand elle a commencé à l'université, en soins infirmiers, les gens... bien, des Asiatiques sont venus la voir pour lui demander si elle ne voulait pas faire partie de leur groupe, d'être à part, d'être avec leur groupe au lieu d'être avec les Québécois, et tout ça. Et elle a été tellement insultée, elle a dit: Aïe, non, je suis Québécoise, moi. Je ne suis pas Vietnamienne, je suis Québécoise. Puis, quand elle nous a raconté ça, on était vraiment contents de voir que vraiment elle était très intégrée et elle se sentait Québécoise. Mais ça m'a fait un peu quelque chose de voir qu'il y avait encore des groupes, là, qui voulaient se séparer comme ça.

n (12 h 10) n

Mme Hébert (Lucille): Et, si vous permettez que je donne d'autres exemples, là j'ai une fille qui va à l'école secondaire, présentement, puis il y a tout le temps la gang de Latinos. En tout cas, ils sont très identifiés comme faisant partie d'une gang. Et, entre autres, comme pour l'Halloween, je lui ai proposé de se déguiser, là, en Mexicaine, puis tout de suite sa réaction, c'est: Bien non! Regarde, maman, là, je vais me faire tabasser par la gang de Latinos. O.K., il y a ça.

Des personnes entre elles, la communauté musulmane: pour avoir assisté à ça à quelques reprises, il y a les femmes qui portent le voile; d'autres femmes qui ne portent pas le voile. Puis j'ai des copines qui ne portent pas le voile, qui m'ont dit d'avoir des pressions de femmes qui portent le voile pour le reporter. Elles sont discriminées. Une autre qui a déjà enlevé son voile puis qui se faisait ridiculiser, là, dans la rue par d'autres qui portent le voile puis dire: Ah, pfft. En tout cas, c'est méchant même entre elles.

Mme Thériault: C'est des questions qui valent la peine d'être soulevées définitivement parce que le racisme, comme je le mentionnais, ça peut être vécu et fait à différents niveaux, définitivement.

Vous avez parlé des valeurs québécoises ? parce que je vois le temps passer ? vous avez parlé de nos valeurs: un homme est égal à une femme, les droits des enfants, etc. Vous allez probablement apprendre que présentement, depuis maintenant un an, le Québec s'est doté d'un nouvel outil qui s'appelle le guide Apprendre le Québec, qui est un guide qui est remis aux nouveaux immigrants pour qu'ils puissent justement mieux s'adapter à la réalité de leur nouvelle société, et, à l'intérieur de ce guide-là, on parle notamment des valeurs québécoises. On pourrait peut-être en parler un peu plus, mais on en parle. On dit clairement, ici, qu'on a des lois, qu'on doit respecter les lois, qu'un homme est égal à une femme. Donc, il y a des choses comme ça. Mais j'aimerais ça peut-être vous entendre plus sur comment on peut faire en sorte pour justement éviter la discrimination, le racisme, les préjugés, parce qu'on va parler aussi de préjugés là-dedans, comment on peut miser sur les valeurs qui nous rassemblent. Parce que de prime abord beaucoup de gens vont également lier les valeurs à la religion, et, bien que les religions soient différentes et qu'elles puissent nous heurter dans nos choix personnels, il n'en demeure pas moins qu'à la base beaucoup de religions ont les mêmes valeurs.

Comment on pourrait essayer, en combinant nos valeurs d'ici avec les autres valeurs, de faire ce qu'on pourrait appeler peut-être du rapprochement interculturel ou mieux connaître et éviter ainsi la discrimination, le racisme et les préjugés ? que ce soient les valeurs reliées à la religion ou d'autres valeurs, là, il n'y a pas de problème?

Mme Hébert (Lucille): À mon avis, de ce que je connais des différentes religions, on a à peu près tous le même fond, c'est-à-dire l'entraide, on fait attention à notre prochain, on ne convoite pas la femme de l'autre. Donc, tu sais, les valeurs sont là, sont déjà communes. C'est plus dans l'expression de certaines pratiques religieuses, et ça, c'est autre chose.

À mon avis, si on s'assied plus sur nos valeurs, quand on dit, exemple: L'égalité hommes-femmes, bien ça va faire en sorte que les pratiques religieuses vont devoir tenir compte de ces valeurs-là dans l'expression de leur pratique, ici.

Mme Thériault: Merci. Est-ce qu'il me reste du temps, M. le Président?

Une voix: ...

Mme Thériault: Oui, un petit peu de temps. D'accord. Vous avez mentionné, dans votre mémoire, sur la nécessité d'un code de vie dans les organisations et dans la société en général. Quels sont les éléments que pourrait contenir ce code de vie? Peut-être aller au niveau des écoles, notamment.

Mme Hébert (Lucille): Je vais y aller à l'inverse, c'est-à-dire vous donner des exemples qui causent problème, puis après ça ça va peut-être donner des idées sur quoi mettre dedans, O.K.?

La première chose, là, qui à mon avis est très importante, c'est que, dans certains milieux, de peur d'avoir la Commission des droits sur le dos, on fait en sorte de ne rien faire plutôt que de faire de quoi pour se faire taper sur les doigts. Je donne un exemple très clair. Dans l'école secondaire de ma fille, les filles sont allées se plaindre à la direction pour dire: Nous, on est intimidées, le fait que la gang de, peu importe, en dehors des classes, n'arrête pas de parler leur langue maternelle. La réponse de la direction, c'est: Dans la classe, ils parlent le français, ils étudient comme il faut, c'est correct; en dehors, moi, je ne veux pas avoir la Commission des droits sur le dos, ça fait qu'on fait avec. L'autre cas: un jeune qui se fait dire par le professeur: Enlève ta casquette. La réponse, c'est: Je vais enlever ma casquette quand, elle, elle va enlever son voile.

Vous voyez, il y a des petites choses qui se passent, qui font voir que, bon, si on va trop loin d'un côté, bien c'est... Un jeune de gang de rue ? la même chose ? qui se fait demander d'enlever son crucifix parce qu'il était identifié à une gang de rue, là, hein, c'est comme: Bien, pour quoi faire? Tu sais, dans un pays libre, j'ai bien le droit. Oui, mais en tout cas c'est comme comment dire oui à un, dire non à l'autre.

Puis, au niveau de la déconfessionnalisation des écoles, ici, au Québec, on est rendus assez loin, mais c'est comme si on a enlevé le catholique, le catholicisme de l'école puis pour plusieurs catholiques c'est comme si on laisse la porte ouverte à d'autres entrées. Il y a comme en tout cas un débalancement, là. Il faudrait comme revoir, là, qu'est-ce que ça veut dire, là.

Une autre chose aussi: ma fille, en première année, elle avait un professeur qui avait une diction différente de la nôtre, ce qui fait qu'elle a encore des problèmes au niveau de l'écriture parce qu'elle a comme enregistré des sons, et ils sont mélangés. Même à l'université, ma fille, elle a un professeur qui, quand il enseigne, elle ne comprend rien de ce qu'il dit, assez qu'elle se dit: Plus jamais je ne vais suivre un cours avec ce prof-là.

Au niveau du français, quand on en a parlé, c'est très important, là, en tout cas d'être très vigilants là-dedans. Ce n'est pas que la personne est incompétente, parce qu'elle a les bonnes bases, elle a l'éducation, et tout, mais c'est au niveau de l'expression qui est difficile. Le travail en équipe: c'est arrivé une fois, dans une classe, où une fille, elle a dit: Non, moi, je travaille, moi, je ne m'assis pas à côté de cet élève-là parce que ma mère me dit: Il ne faut pas travailler avec les garçons. Et, si on se retrouve dans une classe, moi, je vois ça comme dans 10 ans, 15 ans, si on se retrouve dans une classe où tu as peut-être cinq, six filles qui sont de cette confessionnalité-là, qu'est-ce qui va arriver? Les filles d'un bord, les gars de l'autre? Après ça, une école de gars, une école de filles?

Alors, c'est ça: Où est-ce qu'on va? Les balises, il faut que ce soit clair. Jusqu'où on va dans notre oui ou jusqu'où on va dans notre non.

Mme Thériault: Merci. Merci d'avoir partagé avec nous vos questionnements et votre expérience.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Mme la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Merci beaucoup, M. le Président. Mme Hébert et Mme Robidoux, bonjour. Vous enverrez nos salutations à Mme Hébert qui n'a pas pu se présenter. Je suis persuadée qu'elle va suivre nos travaux. Mais je vous remercie, à mon tour, de vous joindre à nous puis d'avoir écrit ce mémoire et d'être avec nous aujourd'hui. Parce que, comme on l'a mentionné, quelques citoyens sont venus, comme vous, présenter leurs recommandations à cette commission, puis c'est un éclairage important, puisque c'est un horizon différent des organismes qui travaillent, bon, au quotidien avec les personnes immigrantes. Et donc, bien, je vous remercie pour ça.

Vous avez abordé des aspects forts importants, notamment l'importance du contrat social québécois, de s'assurer qu'il soit connu de tous. Vous avez discuté également, avec la ministre, des valeurs fondamentales de la société québécoise qui doivent être connues également. Sur un point j'aimerais parler avec vous, bon, de l'accommodement raisonnable, moi aussi. Donc, vous avez abordé plusieurs aspects notamment qui posent peut-être problème ou qui pourraient être conflictuels peut-être dans le futur. Alors, à la page 5, vous dites: «L'accommodement raisonnable ne devrait pas être une priorité gouvernementale puisqu'en soi il s'agit d'une pratique discriminatoire.» J'aimerais vous permettre d'élaborer sur cette question-là. En ce moment ou dans quelques jours, la Commission des droits de la personne va se pencher plus à fond sur l'enjeu des accommodements raisonnables. Puis j'aimerais vous entendre sur cette question. Vous avez parlé, tout à l'heure, bon, de la déconfessionnalisation des écoles. Vous le faites d'une façon très, très honnête, et c'est très apprécié parce que je suis persuadée que vos propos aujourd'hui reflètent également la vision d'autres citoyens québécois.

Donc, je voudrais vous entendre un peu sur cette question, là, de l'accommodement raisonnable.

M. Robidoux (Monique): Justement, quand on a fait le mémoire au mois de juillet, on n'avait pas assez d'informations sur l'accommodement raisonnable. Alors, pour nous, on pensait justement, comme Mme la ministre nous a dit, que c'était, bon, la religion et tout, et tout. Alors, évidemment, on a des montées de lait et on s'est dit: Ah, ça n'a pas d'allure, il faut enlever ça, ce n'est pas bon, sauf qu'on n'avait pas grand temps. On a présenté le mémoire puis, comme on disait, on a continué à se documenter, à s'informer puis on a vu que: Oh, mais ce n'était pas ça, l'accommodement raisonnable. C'est pour ça que ça devenait caduc pour nous, qu'on ne voulait plus. On retirait ça de notre document parce qu'on s'est informées et vraiment, là, on a compris c'était quoi. C'est ça, on a vraiment compris ce que c'était.

M. Hébert (Lucille): Et, pour compléter, là, dans notre groupe, on est seulement trois à avoir écrit parce qu'on était en vacances en même temps pour pouvoir l'écrire, mais il y a d'autres personnes qui nous alimentaient aussi. Puis il y en a une, entre autres, qui disait, après avoir compris un petit peu plus c'était quoi, l'accommodement raisonnable... Dernièrement, elle nous disait: Bien ça, c'est comme les outils, ça ne bâtit pas la maison. Ce n'est pas les outils qui vont bâtir la maison.

Alors, l'accommodement raisonnable, c'est un outil. Là, ce qu'il nous reste à faire, c'est d'apprendre à bien l'utiliser, d'apprendre à savoir il sert à quoi puis qu'est-ce que je peux faire avec. Parce que présentement la vision de plusieurs personnes de notre entourage, c'est comme: l'accommodement raisonnable, c'est une arme pour les immigrants contre les Québécois. Ça peut avoir l'air de ça. On le sait, là, que ce n'est pas ça, mais il faut arriver à enlever ce préjugé-là puis à travailler pour qu'ensemble on bâtisse le Québec.

n (12 h 20) n

Mme Lefebvre: ...sur la notion du code de vie, là, dans les différentes institutions. Est-ce que vous pensez qu'un code de vie doit être adopté dans chacune des institutions, donc chaque école a plus ou moins son code de vie, ou encore le gouvernement, là, ou une instance quelconque doit définir un code de vie qui serait le même pour toutes les écoles, pour toutes les institutions qui sont du milieu de la santé, qui sont du milieu de la justice?

Donc, comment on pourrait baliser ça, de votre point de vue?

Mme Hébert (Lucille): Dans un idéal, O.K., c'est que tout le monde, on ait à peu près la même vision pour ne pas avoir justement, dans chaque école, avoir à essayer de régler, avec le peu d'outils qu'on a, avoir à régler des choses qui sont trop complexes puis sont trop grosses.

Le directeur d'école, là, hein, il n'a pas tout en main pour pouvoir prendre des décisions. On peut voir ce qui est arrivé avec le kirpan, ce qui est arrivé avec plein d'autres choses. Probablement qu'à être mieux outillé on ne se serait pas rendu jusque-là. La médiation aurait été peut-être suffisante parce que, dans certaines autres écoles, ça se fait, ça.

Mme Lefebvre: Et ma collègue a des questions pour vous. Vous avez insisté beaucoup sur la francisation, l'importance d'investir suffisamment en francisation. De ce que vous constatez de votre vie quotidienne, que ce soit, bon, à Montréal ou dans la région métropolitaine, Laval ou Montérégie, est-ce que ? votre perception, votre simple perception citoyenne ? vous pensez qu'on doit faire un travail supplémentaire au niveau de la francisation?

Mme Robidoux (Monique): C'est tellement important que les immigrants, quand ils arrivent ici, ils puissent nous comprendre et qu'on puisse les comprendre, qu'ils apprennent le français, bon, qu'ils s'intègrent, qu'ils voient ce que c'est, vivre au Québec. Puis, au Québec, on parle français, alors c'est certain que c'est tellement important qu'ils apprennent le français pour pouvoir vraiment s'intégrer avec nous, qu'on puisse communiquer.

Mme Hébert (Lucille): ...de ma fille la plus jeune sont majoritairement des immigrants, et nombre de femmes que j'essaie de communiquer par téléphone ou quoi que ce soit, elles ne me répondent pas, elles ne comprennent pas le français. Elles sont ici depuis cinq, 10, 15 ans, mais elles n'ont pas eu la chance d'apprendre parce qu'elles ont eu des enfants. Alors, oui, c'est très important pour leur intégration puis nous autres aussi pour apprendre à les connaître puis avoir le goût d'être ensemble.

Mme Lefebvre: ...ça me permet de souligner l'aspect que, dans les niveaux d'immigration qui ont été déposés, on parle beaucoup des personnes immigrantes qui ont une connaissance du français mais un aspect qu'on ne parle pas beaucoup. Donc, maintenant, je pense que c'est rendu un peu plus de 50 % des personnes immigrantes qui arrivent au Québec, qui connaissent le français, mais ce qu'on ne dit pas, c'est qu'ils ont une connaissance du français, et cette connaissance-là, elle est jugée de un à neuf. Donc, le nombre de personnes qui ont une connaissance de un, deux, trois, ça, on a peu d'indications. Puis, à cet égard-là, il faut faire attention, je pense, avec cette donnée-là.

Je vais donner la parole à ma collègue.

Une voix: Merci.

Le Président (M. Brodeur): ...de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Merci beaucoup, Mme Hébert, Mme Robidoux. Je pense que vous avez bien simplement touché les éléments les plus importants, je pense, qu'on entend souvent au niveau de la population. Et le dernier point que vous abordez sur le fait que plusieurs femmes ne connaissent pas le français, c'est une réalité. Puis actuellement les délais pour qu'elles puissent apprendre le français font en sorte que, si elles décident, après un certain nombre d'années, de l'apprendre, après avoir eu des enfants, bien il est trop tard, elles n'arrivent plus dans les critères. Alors, je pense que c'est un des éléments qui fait qu'il y a encore une discrimination qui est double, là, pour les femmes parce qu'elles ont plus de difficultés à s'intégrer à cause de la connaissance du français.

Les autres éléments que vous apportez, qui sont super importants. Je pense que souvent, souvent, lorsqu'il y a des réactions assez vives, c'est sur ce principe non négociable, au Québec, de l'égalité entre les femmes et les hommes et toute la question de la laïcité, qui est maintenant en vigueur dans nos écoles. Et ces deux éléments-là, c'est exactement ce que vous avez mis dans votre mémoire, c'est vraiment les deux éléments qui viennent le plus souvent poser problème au niveau de l'intégration. J'ajouterais peut-être qu'au niveau des rapports entre les femmes et les hommes on disait tantôt que la plupart des religions ont des valeurs communes, mais je dirais que ? et je le dis souvent ? toutes les religions ont cette faiblesse de l'inégalité de traitement entre les femmes et les hommes. Même la religion catholique, les femmes ne peuvent pas être...

Donc, toutes les religions, il y a une discrimination entre les femmes et les hommes et, bon, des discriminations plus ou moins marquées selon les religions. Mais, comme, au Québec, c'est quelque chose qu'on n'accepte pas, bien je pense que ça pose problème.

Du côté de la question de la laïcité dans les écoles, je pense que ça arrive en même temps. Au moment où on sort effectivement les symboles religieux des écoles, on entend plus de demandes au niveau de l'accommodement raisonnable. Donc, les deux éléments se confrontent en même temps, et je pense que c'est pour ça que c'est beaucoup plus difficile pour réagir.

Qu'est-ce qui serait acceptable pour vous ou qu'est-ce qui ne le serait pas au niveau des accommodements raisonnables qui touchent soit le principe d'égalité entre les femmes et les hommes ou ce qui touche au niveau de la religion?

Mme Robidoux (Monique): C'est ça. Vous avez dit: L'égalité entre les hommes et les femmes, c'est important, puis aussi, dans les écoles, qu'il n'y ait pas de distinction, de signe distinctif pour dire: Bon, bien cette personne-là, elle fait partie de tel clan, l'autre, d'un autre clan. C'est drôle à dire, mais des fois, dans les écoles où il y a les uniformes, que les enfants sont obligés de porter les uniformes, bien ils sont tous pareils. Il n'y a pas de différence, ils sont tous habillés pareil. Alors, ce sont tous des petits étudiants pareils, pareils, pareils. Contrairement, là, quand ils peuvent porter, bon, des signes qui sont plus distinctifs, bien, moi, je me dis des fois ? c'est peut-être ancien, là, c'est ça, je ne suis pas jeune, bon: Dans mon temps, on avait des uniformes, puis je me dis que, bien oui, ce n'est pas fou d'avoir l'uniforme. Ça le dit, ça rend les gens uniformes, puis c'est des fois ça règle des problèmes, je pense.

Mme Hébert (Lucille): Dans le même sens, habiller tout le monde de la même façon, alors ce qui fait que, la casquette, il n'y a plus de problème, là. La casquette, tu sais, ça fait partie du code de vie, ça fait partie de...

Mme Robidoux (Monique): Du code vestimentaire.

Mme Hébert (Lucille): ...c'est le code vestimentaire, c'est l'uniforme, c'est ça. Ça fait que tu ne peux pas porter autre chose, tu ne peux pas ajouter là.

Mme Caron: ...dans vos recommandations, vous parlez aussi: Le gouvernement devrait mettre de l'avant des moyens pour augmenter la participation des communautés ethniques au processus démocratique et décisionnel. Est-ce que vous avez pensé, quand vous avez écrit cette recommandation-là, à quelques moyens? Quels moyens vous envisagez qui pourraient permettre une meilleure participation?

Mme Hébert (Lucille): Nous autres, à l'école primaire, en tout cas ce que j'ai aimé, c'est: dans le temps, il y avait le conseil d'établissement puis il y avait aussi le comité de parents, là, qu'on appelait, là. Bon. Au comité de parents, on acceptait beaucoup, beaucoup, beaucoup de parents puis là on est allés chercher les communautés, différentes communautés. Puis, à force de faire des activités, il y en a quelques-unes qui sont allées au conseil d'établissement. À mon avis, c'est comme de mettre en place des structures simples pour commencer, où ils peuvent apprendre l'exercice de la démocratie, parce que, dans bien des pays, ça n'existe pas, puis tranquillement arriver, on l'espère, un jour à avoir plus de députés, plus de représentants des différentes communautés un peu partout, c'est sûr.

Mme Caron: Bon. Une dernière question. Au niveau de la connaissance des valeurs, vous avez dit, à un moment donné dans votre mémoire: Au niveau des valeurs québécoises, il faudrait qu'il y ait une réflexion pour qu'on définisse en fait quelles valeurs. Vous avez donné des exemples. Mais comment ça pourrait se faire, cette façon-là de définir ces valeurs? Puis comment on pourrait? Il y a le guide connaître le Québec, qu'on parlait tantôt, mais je pense que ce n'est pas suffisant pour qu'ils puissent vraiment connaître nos valeurs. Puis souvent c'est nos habitudes culturelles aussi. Plusieurs personnes immigrantes sont venues nous dire que, bon ? je vais vous donner l'exemple qui est revenu le plus souvent... Par exemple, au niveau des communautés haïtiennes, ils nous disaient que, pour eux, ce n'est pas poli de regarder dans les yeux, O.K., alors que pour nous, au Québec, c'est un signe que la personne est franche, est décidée, est dynamique.

Donc, de quelle façon on pourrait mieux faire connaître nos différences finalement puis ce qui fait qu'au Québec pour nous il y a des gestes, des choses qui sont majeurs?

n (12 h 30) n

Mme Hébert (Lucille): Moi, en tout cas j'appelle ça des ficelles. Bien, il n'y a pas juste moi qui appelle ça comme ça. Ce sont les ficelles qui ne sont pas nécessairement connues. Puis, les ficelles, moi, je ne peux pas toutes les connaître parce que je vis dedans, parce que, comme citoyens, on est habitués. Exemple, quand on prend l'ascenseur... pas l'ascenseur, mais l'escalier roulant, on se tient à droite si on ne veut pas monter l'escalier.

Il y a une chercheure, au niveau d'un doctorat de la France en tout cas, qui est venue faire une étude ici ? elle s'appelle Anne-Sophie Calinon ? qui va déposer son doctorat bientôt, qui, elle, justement elle a été capable d'aller en chercher, de ces ficelles-là qui sont nécessaires... et de quelle façon que c'est plus facile de les remettre, de les transmettre aux immigrants.

Mais, c'est ça, ça fait que c'est en allant chercher, ici et là, différentes études ou en faisant des plateaux de réflexion où on va pouvoir réussir à comme trouver, là, les valeurs qui sont vraiment comme essentielles ou représentatives de l'ensemble des citoyens.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Malheureusement, c'est tout le temps dont nous disposons. Donc, merci à Mmes Hébert et Robidoux.

Et je vais suspendre jusqu'à cet après-midi, après la période des affaires courantes, vers 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 31)

 

(Reprise à 15 h 18)

Le Président (M. Brodeur): Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons donc continuer nos travaux. Et encore une fois, comme à chaque séance, je demanderais à ceux qui ont des téléphones cellulaires sur eux ou dans leurs bourses de bien vouloir éteindre les sonneries, s'il vous plaît. Et je rappelle le mandat de la commission qui se réunit à l'égard du document intitulé Vers une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination.

Donc, nous sommes presque à la fin de nos consultations et nous recevons, cet après-midi, le dernier groupe en commission parlementaire, donc nous recevons la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Bienvenue en commission parlementaire. Je vous rappelle les règles de la commission: vous avez un temps maximal de 20 minutes pour présenter votre mémoire de la façon dont vous le jugez à propos, et ce sera suivi d'une période d'échange avec les membres de la commission.

Je vous demanderais tout d'abord de vous identifier. Je vois ici que, sur les documents que j'ai en avant de moi, il était censé y avoir, pour débuter, quatre personnes. Vous êtes deux personnes. Donc, je vous demanderais tout d'abord de vous identifier et de procéder immédiatement à la présentation de votre mémoire.

Fédération des travailleurs et
travailleuses du Québec (FTQ)

Mme Aristeo (Lina): ...et merci. Je suis Lina Aristeo, directrice du syndicat Conseil du Québec, UNIS, aussi vice-présidente de la FTQ, et je suis accompagnée de Lola Le Brasseur, qui est la directrice du Service de francisation à la FTQ. Aussi, elle est la responsable du dossier de personnes immigrantes à la FTQ.

Donc, on vous remercie pour l'opportunité de vous adresser, et je vais essayer de me limiter aux 20 minutes. Vous avez le mémoire. Donc, si jamais il y a de quoi, vous pourriez le lire. J'aimerais plutôt échanger des exemples concrets et mettre des visages et des exemples aux paroles qui sont écrites dans le document. Je pense, des fois ça vaut plus que le mémoire tel quel.

n (15 h 20) n

Le racisme et la discrimination sont des sujets auxquels il faut absolument s'attaquer, il va sans dire. Par contre, la question qu'on s'est demandée, c'est: On a à notre disposition beaucoup, beaucoup d'outils, et donc pourquoi ne pas avoir procédé à une évaluation de la situation et du travail déjà accompli, ou peut-être du travail non accompli, ou le travail qui reste à faire plutôt que de procéder par la procédure qu'on a en ce moment, malgré qu'on est contents d'être ici, d'être capables de vous adresser la parole? Et on n'aurait pas manqué l'opportunité. C'est ce que nous croyons. Il apparaît aussi selon nous qu'une commission parlementaire n'est pas nécessairement la meilleure place pour faire ces évaluations. Est-ce qu'on aurait pu peut-être confier cette tâche ou une... similaire à la Commission des droits de la personne, qui serait selon nous plus compétente pour faire ce genre de travail là?

Mais, nonobstant ça, je veux partager certaines opinions et certains commentaires avec vous. Je travaille dans un syndicat ou je suis directrice d'un syndicat de 10 000 travailleurs. Et la FTQ, vous le savez, est de un demi-million de travailleurs et travailleuses, mais c'est un syndicat, FTQ, où nous représentons beaucoup de personnes... Nous représentons des travailleurs dans les industries du vêtement et du textile. Donc, c'est une industrie qui est beaucoup couverte, qui emploie beaucoup de travailleurs immigrants. Mais, d'un côté plus personnel, mes grands-parents sont des personnes immigrantes. Mon père est une personne immigrante. La première chose qu'ils ont faite lorsqu'ils sont venus au Canada et au Québec, c'était de se trouver un emploi, hein, parce qu'ils sont arrivés ici avec juste une valise. Après des semaines de voyage, ils arrivent ici, et la première chose qu'ils font, c'est se chercher un emploi pour être en mesure de créer une nouvelle vie ici. Et c'était à Montréal.

Donc, ce que j'aimerais vous laisser comme impression qui serait selon moi la plus importante, c'est que le travail, c'est le fil commun de presque toutes les personnes immigrantes. S'ils se retrouvent ici, c'est pour chercher un emploi, c'est pour chercher une vie meilleure de ce qu'ils avaient chez eux. Et donc pourquoi est-ce que j'amène ça à votre attention? Bien, parce que, lorsque vous êtes en délibéré, j'aimerais que vous portiez votre attention au fait que le travail, c'est vraiment ce qu'on a de plus commun avec toutes les personnes immigrantes. Ils peuvent venir de pays différents, ils peuvent parler des langues différentes, mais la chose qu'ils ont tous en commun, c'est: ils se cherchent tous un emploi. Et donc, dans toute politique qui sera adoptée ou toute mesure qui est prise, il faut prendre en considération les personnes immigrantes, leurs milieux de travail, les syndicats évidemment et aussi les employeurs, parce qu'il y a des milieux de travail syndiqués ainsi que des milieux de travail qui ne sont pas syndiqués.

Donc, aujourd'hui, après 30, 40 années que ma famille est au Canada, je travaille dans un syndicat qui représente beaucoup de personnes immigrantes... un milieu de travail, plus de 98 nationalités différentes, donc plus de 40 langues différentes, parlées, dans un milieu de travail. Et qu'est-ce qu'on fait? Comment est-ce que ces personnes-là peuvent communiquer et peuvent se chercher une vie meilleure tout en s'entraidant?

Je vous donne l'exemple d'une jeune femme indienne allophone qui est venue au Québec, il y a peut-être une quinzaine d'années, qui est vice-présidente de notre syndicat et qui a présidé en français, le mois dernier, notre assemblée générale. Donc, c'est un exemple des commentaires qu'on a dans notre mémoire qui amènerait plus de ces exemples parce que, malheureusement, elle est une exception encore, cette femme indienne là. Je suis une exception d'être capable d'être ici, devant vous. Donc, j'aimerais que cette exception-là soit plus la règle. Et les recommandations que la FTQ vous a soumises nous amèneraient plus proche à ça comme objectif.

Nous sommes dans un nouveau Québec, c'est-à-dire on n'est plus le Québec aujourd'hui qu'on était il y a 50 ans ou il y a 60 ans. Donc, ayant ça à l'esprit, on vous fait les recommandations suivantes sur juste quatre ou cinq points: l'action du mouvement syndical et de la FTQ au fil des années; l'accès à la francisation, qui est selon nous un moyen pour lutter contre la discrimination et le racisme; l'accès à l'emploi; la reconnaissance des acquis, qui fait partie de l'accès à l'emploi mais qui mérite presque un chapitre tout seul; l'action gouvernementale et l'implication de la société civile. Donc, je vais juste m'attarder quelques minutes sur chacun de ces points-là.

La FTQ, au fil des années, a toujours été impliquée dans la représentation et la défense de non seulement les personnes immigrantes, mais aussi de tous les travailleurs. Que ce soit sur les sujets de l'équité salariale pour les femmes, l'accès à l'emploi pour les personnes handicapées, le droit à l'assurance ou les prestations de retraite pour les conjoints de même sexe, lorsqu'il y a un sujet où il y a des personnes qui doivent être défendues, la FTQ va être là. Notre présence prépondérante dans des secteurs d'activité, comme je vous l'ai mentionné tantôt, comme le vêtement, l'hôtellerie, la restauration, l'entretien ménager d'immeubles, la plasturgie, etc., nous a interpellés, dès le milieu des années soixante-dix, à vraiment penser à ce sujet-là, et ça nous a amenés à agir dans le sens d'une meilleure intégration des personnes immigrantes ou d'autres origines dans nos rangs.

Donc, la FTQ a toujours participé aux travaux aussi de différents groupes. Que ce soit ? on a fait partie de la création du CAMO-Personnes immigrantes ? la Commission des partenaires du marché du travail, aux centres locaux de développement, divers comités consultatifs, la FTQ s'implique dans tous les niveaux de la société, lorsqu'on est interpellés à le faire. Lors de notre dernier congrès, en 2004 aussi, on s'est dotés d'une politique en matière d'intégration au travail. Donc, même si, depuis les années soixante-dix, on a commencé à parler de ce sujet-là, on reconnaît, aussi récemment qu'en 2004 ? notre dernier congrès ? qu'il y a encore beaucoup de travail à faire. Et, lors de ce congrès-là, non seulement on a adopté une politique, mais aussi on a créé un comité permanent de personnes immigrantes. Donc ça, c'était juste pour effleurer un peu à quel point c'est un sujet important pour la FTQ, et on sera capables de répondre à vos questions, si vous en avez.

Mais l'accès à la francisation est aussi un moyen pour lutter contre la discrimination et le racisme. On est très conscients que l'intégration de personnes immigrantes allophones au marché du travail ne se limite pas juste à l'apprentissage du français. Ce n'est pas exclusif. Il serait bien réducteur que tout ramener à la dimension linguistique en ne tenant pas compte des codes qui fondent la société québécoise. Cependant, on a toujours souscrit au consensus de préserver l'identité culturelle de la société québécoise et d'assurer la pérennité du français sur son territoire. Donc, même si on a réussi à maintenir au moins 50 % de la proportion des personnes immigrantes admises connaissant le français, nous craignons qu'en raison du niveau élevé d'admissions et de l'offre de francisation, qui n'est pas suffisante, le problème ne peut que s'amplifier et par conséquent nuire grandement au processus de francisation des entreprises.

On peut présumer, sans trop se tromper, qu'un grand nombre de personnes immigrantes se retrouvent, en milieu de travail, sans connaissance fonctionnelle du français. Exemple, dans une manufacture de vêtements, c'est un travail qui est physique, donc ils ne sont pas obligés de comprendre ni l'anglais ni le français, et c'est la réalité. C'est encore une très grande réalité. Et des cours de français, l'accès au français, c'est encore très important. Et les menaces ou les attaques sur l'accès au niveau financier et l'accès à ces cours de français là peuvent être et devenir très dangereuses. Notre syndicat dépend de certaines sommes pour être capable de donner des cours de français. Et on le fait. On le fait. En fait, ça a passé à la télé, hier, à Radio-Canada, comment notre syndicat, qui représente beaucoup de personnes immigrantes, donne des cours de français à nos membres. Et il ne faut pas oublier que, dans tous les milieux de travail qui sont aujourd'hui des milieux où nous avons des travailleurs et des travailleuses qui ne parlent pas le français ? et je vais même ajouter l'anglais, parce que c'est vrai ? c'est des travaux qui sont aujourd'hui menacés, c'est des places qui ferment. Et donc ces travailleurs et ces travailleuses-là vont devoir se trouver un nouvel emploi très bientôt. Et donc, sans la connaissance du français, ils vont se retrouver avec un très grand problème.

n (15 h 30) n

Donc, le fait de ne pas parler ni le français ni l'anglais va condamner la personne à l'impossibilité de décrocher l'emploi auquel elle aspire ou la rendre prisonnière d'un emploi déqualifié. Et n'oublions pas la raison pour laquelle ces personnes sont ici, c'est pour aspirer, c'est parce qu'ils ont des aspirations. Donc, on ne peut pas minimiser l'importance de l'apprentissage du français au travail. Et le lieu du travail devrait être un outil d'apprentissage aussi.

Donc, la centrale, la FTQ, a toujours soutenu le constat que la connaissance du français est un facteur clé de réussite en ce qui concerne l'intégration à la société québécoise mais aussi un facteur clé pour l'intégration à l'emploi. Aujourd'hui, presque 30 ans après l'adoption de la Charte de la langue française et autant d'années, sinon plus d'énergies déployées avec nos partenaires pour que le français s'épanouisse dans les milieux de travail, on est encore convaincus que, si nous voulons améliorer les relations interculturelles dans nos milieux de travail ainsi que dans la société, si nous voulons que les personnes immigrantes adhèrent à nos valeurs et à notre culture sans nécessairement renier la leur, parce qu'il faut célébrer les différences culturelles aussi, si nous voulons favoriser leur intégration, il faut investir davantage, il faut investir davantage dans la francisation.

L'accès à l'emploi, aussi c'est important pour lutter contre les discriminations et le racisme. Comme le rappelle le document de consultation, l'accès à l'emploi est un enjeu stratégique pour les personnes immigrantes. Rappelons qu'il s'agit aussi d'un enjeu vital pour quiconque est sans travail. Par exemple, quand les emplois se font rares et que la précarité d'emploi se généralise, ça touche autant les personnes immigrantes que les Québécois d'origine. C'est là justement qu'interviennent les obligations de la société québécoise à l'égard de ses citoyens et citoyennes qui sont sans emploi. À la FTQ, on s'est toujours battus pour atteindre le plein emploi et appeler le gouvernement à aménager ses politiques en conséquence. On croit qu'en se dotant de politiques de plein emploi et de politiques de revenu minimum supérieures aux programmes d'aide sociale qu'on connaît, on éviterait ainsi de plonger de nombreuses personnes dans cette situation discriminatoire qui est la pauvreté.

Mieux aménager les partenariats avec le mouvement syndical et le monde patronal serait un pas dans la bonne direction, de même que travailler plus énergiquement pour atteindre le plein emploi au Québec, et je n'ai pas besoin de vous expliquer l'importance et l'utilité qu'une convention collective peut avoir comme un outil d'intégration. Exemple, les règles d'ancienneté, que tout le monde connaît, seraient utilisées avant tout autre critère. Donc, ça va éliminer même la possibilité de discrimination parce que c'est un outil qui est commun pour tous: ancienneté. Qu'on soit Noir, qu'on soit Blanc, qu'on soit Chinois, ce n'est pas important, c'est mon ancienneté qui va compter. C'est un outil de qualification qui n'est pas discriminatoire.

La reconnaissance des acquis aussi. Je sais que, malgré que ce débat aurait pu commencer avant même que je sois rentrée dans le milieu du travail moi-même donc, c'est un dossier qui peut être très vieux, c'est encore un dossier qui mérite de l'attention, et il y a du travail à faire là-dedans. Je vais vous donner un exemple. Il y a à peu près quatre ans, je négociais une convention collective après quatre années de lutte de syndicalisation. Ce n'est pas votre affaire nécessairement. Mais on arrive à l'accréditation, on a un comité de négociation, puis c'est pour une manufacture de textile, le tissage de fils pour créer des tissus. Et malheureusement, souvent, on a tendance, comme syndicat, à généraliser ou pas généraliser mais rendre plus simples nos termes pour que ces membres-là puissent comprendre qu'est-ce qu'on est en train de faire dans le processus de négociation parce qu'il faut être capables d'impliquer, d'inclure tout le monde. Et donc j'ai un regard un peu drôle du président du local qui me dit: Pourquoi tu me parles de même? Je dis: Qu'est-ce qu'il y a? Lina, je suis médecin, parle-moi pas comme si je ne comprenais pas ce que tu dis. Donc, cet homme-là, c'est un médecin spécialiste dans son pays, et aujourd'hui il travaille, dans une shop de textile, à 9 $ de l'heure, et on se battait pour une augmentation de 3 %.

Tout travail est un bon travail, mais cet homme-là pourrait contribuer tellement plus à la société que de fabriquer des tissus. C'est un bon travail aussi, mais il y a des personnes qui devraient faire ce travail-là, et, lui, il pourrait contribuer tellement plus que juste travailler dans une manufacture qui finalement a fini par fermer. Mais, dans le comité, ce n'était pas le seul. On avait des ingénieurs, des professeurs et des médecins dans un comité de négociation dans une shop de textile.

Donc, vous pouvez lire notre mémoire pour connaître nos positions sur la reconnaissance des acquis. Mais cet exemple qui est très récent malheureusement n'est pas le seul exemple. Donc, il y a un monde de travail à faire pour que la reconnaissance des acquis soit et devienne un dossier prioritaire et un dossier qui avance dans la bonne direction. Et aussi récent qu'hier, en parlant à notre chercheur qui a rédigé notre mémoire qui a aussi été déposé, parce que le Conseil du Québec a déposé un mémoire séparément à la FTQ, il me disait que sa mère aussi est médecin puis que finalement, parce que c'était trop d'années d'études pour arriver à pratiquer sa profession, finalement elle a décidé de rester à la maison. Bien, ce ne sont pas des décisions qui vont faire progresser et avancer notre société. En tout cas, pas dans mon opinion, dans notre opinion.

L'action gouvernementale. Les discriminations en milieu de travail, lorsqu'elles existent, sont un phénomène complexe. Avant l'embauche, elles affectent déjà la formation. Au sein du monde du travail, elles peuvent exclure de l'accès à l'emploi. Elles freinent l'évolution de la carrière, l'accès à certains postes, à certains droits ou à certaines responsabilités. Elles peuvent entraîner une certaine tension des relations de travail. Elles n'épargnent aucune catégorie sociale. Enfin, elles touchent les personnes étrangères et celles que leur origine ou leur apparence physique conduisent à supposer étrangères. Mais l'identification des raisons et des actes qui manifestent l'existence de ces discrimination est souvent difficile.

Donc, la FTQ croit que le gouvernement québécois doit être plus que juste un coordonnateur de lutte au racisme et à la discrimination. Nos attentes sont: ne pas légiférer plus que c'est le cas, mais agir résolument pour faire appliquer les lois. Ce que j'ai dit en introduction: On a beaucoup d'outils à notre disposition, mais la question, c'est: Qu'est-ce qu'on a, premièrement? Et, deuxièmement, est-ce que c'est appliqué et utilisé aux fins dont elles étaient destinées à être utilisées? Et aussi l'accès à ces informations-là. Donc, le français est un des outils. Connaître le français, c'est aussi être capable de connaître et comprendre les lois et être capable de les utiliser et de se défendre en conséquence.

Aussi, étudier et évaluer ce que nous possédons déjà comme législation, réglementation, pratiques, fonctionnement des organismes publics et communautaires pour préparer une politique valable et perfectible par la suite; agir pour donner l'exemple comme employeur dans l'embauche et dans l'action dans les milieux de travail. J'ai travaillé dans la fonction publique aussi pendant plusieurs années. Je suis née à Montréal. J'étais la plus immigrante dans le département dans lequel je travaillais, donc je n'ai pas besoin de dire plus que ça. Agir pour soutenir financièrement les milieux de travail ? employeurs et syndicats ? et les organismes communautaires qui interviennent auprès des entreprises; faciliter l'accès à l'apprentissage de notre langue commune, le français, en faisant du milieu de travail un lieu d'apprentissage.

Finalement, l'implication de la société civile. Le document de consultation a invité la société civile à s'impliquer davantage afin de combattre la discrimination et le racisme. On croit qu'il s'agit là d'une bonne piste dans la mesure où le gouvernement ne se désengage pas complètement du soutien accordé à la société civile. Nous savons que de nombreux organismes communautaires vivent sur la corde raide, dans l'attente d'une subvention qui sera peut-être coupée ou encore qui ne sera pas reconduite, gardant ainsi un personnel, souvent des immigrants et des immigrantes, dans la précarité. Quant à nous, la FTQ, nos moyens sont limités aussi. Nous pourrions, bien entendu, avec de plus grands moyens financiers, mener des recherches, des études, fournir des analyses portant sur l'évaluation de l'ampleur et les formes de discrimination qui pourraient affecter les personnes de communautés culturelles dans le domaine du travail qui, comme nous l'avons déjà mentionné, constitue notre vocation. Nous pourrions aussi offrir davantage de formations. Mais, pour faire tout ça, il faut des ressources humaines et des ressources financières. Le temps est fini?

Le Président (M. Brodeur): En conclusion.

Mme Aristeo (Lina): Tout ça pour dire qu'il n'y a pas une réponse et une solution uniques et claires. C'est vraiment beaucoup de choses ensemble qui vont nous aider à aller dans la bonne voie. Mais il ne faut pas oublier que le travail, c'est vraiment le fil commun de toutes les personnes immigrantes. Parce que les syndicats, on va le faire. C'est notre vocation de représenter les personnes nonobstant leur origine. Mais il faut trouver un moyen d'impliquer les employeurs, qu'ils choisissent de le faire ou non.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup.

Une voix: Merci.

Le Président (M. Brodeur): Mme la ministre.

Mme Thériault: Merci, M. le Président. Mme Aristeo, merci d'être avec nous. Mme Le Brasseur, merci également.

D'entrée de jeu, je pense que c'est important de vous dire que toutes les recommandations que vous faites seront analysées, évidemment. Je pense que vous avez certainement une expérience acquise au fil des ans qui peut être intéressante. On aura certainement l'occasion d'en parler. Vous avez fait beaucoup de remarques. Le temps passe relativement assez rapidement. Je ne pourrai probablement pas tout couvrir ce que vous avez abordé, mais il y a d'autres choses que je vais certainement vouloir parler.

n (15 h 40) n

Je pense que je commencerais par vous dire que vous avez dit, en début d'exposé, que vous vous questionniez sur la pertinence de tenir une consultation, même si vous êtes bien heureuse d'être ici, et vous avez dit également qu'il y avait des outils qui ne fonctionnent pas. Je pense que c'est pour ça qu'on est ici. C'est parce qu'on sait tous très bien qu'il y a des outils qui ne fonctionnent pas et qu'on peut être dans les beaux principes, sauf que, tant qu'on ne décide pas de prendre en main les questions reliées à la discrimination et au racisme ? c'est comme la Loi d'accès à l'égalité à l'emploi, les programmes qui existent ? tant qu'on ne décide pas de se pencher sérieusement pour avoir des résultats, il n'y aura pas de résultat.

Je pense que notre gouvernement fait preuve de beaucoup de leadership aujourd'hui, comme on l'a fait tout au long de la consultation et tout au long de ces travaux, pour justement dire qu'on doit prendre le taureau par les cornes. Plusieurs groupes sont venus nous dire: Il y a des mécanismes, mais ça ne marche pas, ça ne fonctionne pas. La Commission des droits de la personne, bon, est-ce qu'elle est bien outillée pour faire son travail? Est-ce qu'il lui manque des outils? Est-ce qu'on ne doit pas revoir sa mission? Bon. C'est toutes des questions qu'on doit se poser et c'est pour ça qu'on est assis ici, en commission parlementaire, parce qu'il y a réellement une volonté politique d'aller au-delà des intentions, et de se donner les bons outils, et de corriger les choses. Vous dites aussi: Bon, est-ce qu'on a besoin de légiférer? Je vais vous faire un parallèle. Puis je pense qu'il y a certaines choses qu'on doit légiférer et je pense qu'il y a d'autres choses qu'on ne peut pas nécessairement légiférer.

Bon. Vous savez que présentement le ministre des Finances a déposé un projet de loi pour faire en sorte que les sociétés d'État du gouvernement seront assujetties, d'ici trois ans, à avoir 50 % de proportion de femmes et d'hommes, donc un parité, et également l'obligation des groupes cibles de 25 % qui incluent notamment les personnes handicapées et les autochtones, c'est aussi dans le projet de loi. Ça fait des années que tout le monde veut avoir plus de femmes dans les conseils d'administration. On n'y arrive pas. On a décidé qu'on légiférait. Les sociétés d'État vont être obligées d'ici trois ans, en bout de ligne, quand le projet de loi sera adopté. Le 25 % sera atteint. On est obligés de légiférer. On devrait avoir des résultats, on légifère. Ça fait qu'il est bien évident qu'il y a certains secteurs d'intervention où, en légiférant, on va corriger des injustices et des iniquités. Dans le document, on parlait de discrimination systémique dans le système. Bien, il faut se donner les outils pour combattre la discrimination qui peut exister dans le système. Donc, moi, je pense que, s'il faut légiférer, on le fera, puis c'est bien évident qu'on ne pourra pas légiférer d'un bout à l'autre, au niveau de la politique non plus. Je pense que ce serait un peu utopique et ce ne serait pas nécessairement de se rendre service. Mais on va prendre les moyens qu'on doit se donner pour s'assurer que la politique sera respectée, appliquée et que le plan d'action sera aussi respecté et appliqué.

Vous avez parlé également, dans votre présentation, du français comme facteur clé de l'intégration. Je suis d'accord avec vous, le français, c'est important. Ici, au Québec, on évolue en français, on travaille en français. C'est notre langue. Les gens savent très bien, lorsqu'ils décident de choisir le Québec pour venir mener leur nouvelle vie: c'est une condition sine qua non, on sait qu'on doit apprendre le français. C'est sûr qu'avec le temps les niveaux d'immigration, la façon de faire de l'immigration ont beaucoup évolué, et il y a de plus en plus de gens qui arrivent ici, qui ont une connaissance du français. Je ne dis pas qu'ils maîtrisent parfaitement le français à 100 %, mais ils ont déjà une connaissance supplémentaire au niveau du français. On parle d'à peu près 57 % présentement pour le total de l'immigration. Donc, il est évident qu'on peut pas faire une adéquation au niveau des sommes d'argent, par rapport à la quantité de personnes qui viennent ici, parce qu'on a d'autres façons aussi pour apprendre le français.

Je retiens quelque que vous avez mentionné également par rapport à l'apprentissage du français chez les employeurs. Je pense que, là, je vais vous tendre la main parce que je crois sincèrement que vous avez raison également. Moi, je pense que souvent les nouveaux immigrants vont arriver, vont avoir des compétences, doivent apprendre le français. Ils sont confrontés au choix qu'ils doivent travailler aussi en même temps et apprendre le français. Je ne sais pas si vous savez que, de plus en plus, il y a de la formation sur mesure qui se fait au niveau du français, depuis maintenant deux ans. Il y a de la formation sur mesure qui existe, dispensée, dans beaucoup de cas, dans les entreprises. Et, moi, je vous dis que, si vous voulez peut-être aller de l'avant avec un projet pilote, je vous invite à contacter le ministère pour qu'on puisse voir de quelle façon on pourrait développer un partenariat avec vous.

Et je préciserais même, d'entrée de jeu, qu'avec la CSN on a signé une entente dernièrement pour sensibiliser les différentes instances régionales à la richesse de la diversité culturelle. Donc, on est très ouverts à travailler autant avec votre syndicat qu'avec la CSN. Je pense que c'est un devoir de société que nous avons. Le débat qu'on fait, c'est un débat de société, c'est un débat qui s'interroge sur la discrimination, le racisme, les préjugés. Je pense qu'on peut s'interroger aussi sur la place que nos institutions réservent. Que ce soit au niveau de la politique, que ce soit au niveau du travail, que ce soit dans tous les milieux possibles... je pense que nous avons tous un travail à faire pour faire en sorte que les situations de racisme et de discrimination ne soient pas vécues par les gens qui justement ont été choisis pour leurs compétences.

Vous avez abordé le dossier de la reconnaissance des diplômes étrangers. Évidemment, on travaille très fort sur ce dossier-là. Vous voyez qu'on a maintenant la possibilité d'avoir différentes catégories de permis grâce au projet de loi n° 14 qui a été adopté, grâce à la loi n° 14 qui a été adoptée, et il y a beaucoup de travail qui est fait avec les ordres professionnels pour s'assurer justement qu'on puisse mettre à profit les compétences.

Ma première question en lien direct avec ça. Évidemment, au niveau de la FTQ, vous avez différentes branches, notamment au niveau de la construction. Parce que, si on fait le parallèle avec les ordres professionnels, le travail qu'on a fait avec les ordres professionnels pour enlever les barrières ou aider les gens à se préparer mieux pour les examens sans nécessairement qu'ils recommencent toute leur formation au complet, de quelle façon vous pensez qu'on peut travailler avec votre syndicat pour justement éviter que ne se reproduise, avec les différents métiers de la construction ou des membres qui seraient représentés par votre syndicat, tout le même «pattern», si vous voulez, entre guillemets, de ce qui s'est passé avec les ordres professionnels?

Mme Le Brasseur (Lola): Bon. Si vous permettez. C'est un domaine que je ne connais pas beaucoup, la construction, mais, si vous permettez, Mme la ministre, ce que nous sommes venus faire ici, aujourd'hui, c'est un peu un plaidoyer en faveur des milieux de travail, et on a établi une comparaison, comme on peut lire dans le mémoire, avec le dossier de la francisation.

On sait qu'on a légiféré, en 1977, sur la langue au travail. Si on légifère concernant une politique ou une loi concernant une lutte contre la discrimination et le racisme et si on abandonne cette loi comme on a un peu fait avec la loi 101... Actuellement, dans les milieux de travail, la loi 101, elle est toujours vivante. Le projet de société qu'on a, au Québec, de faire du français la langue de travail et la langue de la société est toujours vivant, mais il n'est jamais rappelé à l'attention, par exemple, des employeurs ou rarement, à ma connaissance. Moi, je suis là depuis 1991, et à ma connaissance on n'a jamais rappelé à aucun employeur qu'ils avaient des obligations à l'égard de la francisation. Et ce travail se fait péniblement entre l'Office de la langue française, qui, tant bien que mal, avec de maigres budgets, essaie de travailler avec quelques militants syndiqués de la francisation. Alors, la lutte contre le racisme et la discrimination risque de subir le même sort, d'avoir une belle loi ou un beau règlement et de dormir tout doucement sur la tablette.

Alors, nous, ce qu'on souhaite, c'est qu'on implique directement les partenaires concernés, patrons, qu'ils soient syndiqués ou pas, les syndicats... pas patrons, qu'ils soient syndiqués ou pas. Mais les milieux de travail, que je devrais dire, syndiqués ou pas, les syndicats et tout le monde concerné, qu'on travaille ensemble parce qu'autrement on ne pourra pas y arriver. C'est un sujet extrêmement difficile. Lina, Mme Aristeo, l'a très bien expliqué. Dans les milieux de travail syndiqués, on arrive à contrer la discrimination et le racisme. On y parvient parce qu'il y a une convention collective. Comme elle a dit, que la personne soit Blanche, Jaune ou Noire, il y a une convention collective, il y a des règles d'appliquées, il y a des règles qui sont respectées. C'est dans les milieux de travail qu'on connaît intimement à la FTQ, des milieux où aphone rime avec allophone, où on n'a pas besoin de dire un traître mot pour exécuter ses fonctions. Ça, c'est des lieux où les personnes sont menacées d'être discriminées, c'est des personnes qui subissent des excès souvent, qui sont mises à la porte pour un oui, pour un non, parce que quelqu'un, un patron, se lève de mauvaise humeur et qu'ils n'ont pas de moyen pour faire valoir leurs droits.

n (15 h 50) n

À la FTQ, si on parle tant de francisation, parce que c'est presque notre cheval de bataille, c'est: le but premier, c'est de faire en sorte que la personne qui débarque chez nous puisse comprendre la langue commune pour pouvoir défendre ses droits après.

Je terminerai en vous racontant une histoire pathétique. Il y a environ trois ans, cinq femmes qui travaillaient dans une entreprise syndiquée se sont fait mettre à la porte parce qu'elles ne pouvaient pas suivre la cadence. Elles ne travaillaient pas assez vite, alors quelqu'un a dit: Bon, ces dames sont un peu vieilles, on les met à la porte. Elles ne parlaient ni anglais ni français et puis elles sont parties comme ça, avec leur petit bonheur. C'est quelqu'un d'un regroupement communautaire qui a fait le pied de grue devant un centre d'achats pour retracer ces dames. Alors, c'est ça, l'important pour nous, c'est que, quand on débarque au Québec, le plus rapidement possible, qu'on soit des citoyens à part entière, et l'apprentissage de la langue, c'est très important.

Alors, c'était ça, notre crainte concernant, là, trop légiférer autour de la discrimination et du racisme. Faisons ce qu'il faut, mais il faut qu'on publicise, qu'on en parle, que les milieux de travail soient informés. Merci.

Mme Thériault: Je comprends votre plaidoyer. Moi, je pense que c'est évident aussi que les employeurs seront mis à contribution. Je pense que c'est réellement une responsabilité collective qu'on a, nous, en tant que gouvernement ou qu'élus évidemment, vous, en tant que syndicat. Les employeurs aussi devront être mis à contribution. Et je comprends très bien votre point de vue, mais je pense que c'est important aussi que, dans le plan d'action, parce qu'il y aura la politique gouvernementale, donc tous les ministères seront interpellés évidemment... Par la suite, il y aura un plan d'action qui sera déposé.

Dans le plan d'action, on aura également des actions concrètes. Est-ce que ce sera une loi pour légiférer sur telle affaire? Est-ce que ce sera un plan par rapport à telle, telle affaire? Quelles actions? Je pense qu'on a eu beaucoup d'échanges en commission parlementaire. On entend très bien ce que les gens nous proposent également et on va analyser pour que tout le monde puisse y mettre l'épaule à la roue. C'est bien évident que, même si le gouvernement veut faire quelque chose puis il n'y a pas personne qui embarque, on ne le fera pas, on ne peut pas. Puis le débat qu'on fait aujourd'hui, vous l'avez dit, Mme Cristafeo, je pense que voilà... Aristeo, pardon, vous avez dit que, voilà 50 ans, 60 ans, on a fait des batailles. On a fait des batailles pour les francophones, on a fait des batailles pour les femmes, et je crois sincèrement qu'aujourd'hui, puisque le Québec a fait le choix de l'immigration, on doit faire des batailles aussi pour ceux qui ont été choisis par le Québec pour leurs compétences et qui ont choisi aussi de venir ici. Je pense que c'est là où notre Québec va continuer de se développer, et on a cette responsabilité morale et sociale d'aller plus loin, évidemment.

Est-ce qu'il nous reste beaucoup de temps, M. le Président? Oui. Je vais revenir dans mon deuxième bloc.

Le Président (M. Brodeur): Si vous voulez.

Mme Thériault: Merci.

Le Président (M. Brodeur): Mme la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: ...madame... et Mme Le Brasseur, bonjour. Vous êtes le dernier groupe que nous entendons à l'issue de cette commission et non le moindre. Le travail que vous effectuez évidemment auprès des travailleurs mais également le travail de sensibilisation des employeurs...

Vous parliez d'un aspect fort intéressant à la lecture de votre mémoire, l'importance d'une convention collective comme outil d'intégration. C'est un aspect qu'on a peu abordé dans cette commission. Mais, je dirais, l'effet de groupe donc, finalement, puis le fait qu'on puisse, en étant syndiqué... pouvoir être sur le même pied d'égalité avec d'autres travailleurs, ça peut, je pense, réduire une certaine compétition, malgré qu'elle soit toujours présente, mais entre les travailleurs et permettre une plus grande solidarité. Je pense que c'est un aspect important de mentionner, des bienfaits des syndicats. Et évidemment l'aspect de la francisation est un aspect majeur. Vous en avez discuté abondamment. Mais vous avez dit que, bon, évidemment le respect de nos lois, s'assurer que l'on puisse travailler en français, il est évident que, dans certaines manufactures, comme vous le mentionnez... Je serais très curieuse que l'on puisse mener une enquête publique à savoir les conditions de travail dans plusieurs manufactures en tout cas qui existent de façon non pas... évidemment mais qui existent à Montréal et je suis persuadée qu'on pourrait avoir de sérieuses surprises.

D'ailleurs ? et ça, ça ne vous concerne pas parce que c'est des personnes qui travaillent de façon illégale ? mais j'ai été surprise de constater, là: si on se présente dans les stations de métro, le matin, à Montréal, vers 5 h 30, 6 heures, il y a des wagonnets qui prennent des personnes puis qui les amènent on ne sait trop où travailler. Donc ça, c'est un autre aspect qu'on n'a pas discuté beaucoup.

Mais bref je vous remercie pour la qualité de votre mémoire. Et donc l'aspect de la francisation. Est-ce que, vous, vous en faites concrètement, sur le terrain, au sein de vos unités, là ? je ne me rappelle pas comment on l'appelle? Donc, j'aimerais vous entendre un peu sur vos expériences puis comment vous êtes accompagnés. Est-ce que vous le faites d'une façon indépendante de ce qui se fait, ce qui est offert par le gouvernement et les groupes communautaires? Est-ce que c'est directement pris en charge par vous?

Mme Aristeo (Lina): ...répondre à la première partie de votre question sur la convention collective puis je vais laisser Mme Le Brasseur parler de la deuxième partie.

Sur la convention collective, vous avez identifié que ça peut être un outil intéressant de lutte contre la discrimination. Ça l'est. Et je veux juste attirer votre attention à quelque chose qui devient un plus grand problème que j'ai constaté dans la dernière année. Et je n'ai pas encore eu le temps de le partager généralement à la FTQ, et c'est pour ça que ça ne se trouve pas dans le mémoire. Mais nous avons de plus en plus de personnes d'origine immigrante, des personnes immigrantes qui rentrent dans le milieu de travail. Nos places qui sont déjà syndiquées, donc qui ont accès à cette convention collective et à ce régime objectif de traitement au travail... C'est-à-dire il y a des règles auxquelles tout le monde a adhéré et qui vont être respectées, nonobstant ton origine, ton âge, ton sexe, etc., donc des règles de jeu qui sont égales pour tous. Les nouvelles personnes arrivées au Québec ont de la misère à se syndiquer. Notre système actuellement n'est pas adapté à ça ? notre système de syndicalisation, le processus de syndicalisation. Le syndicat Conseil du Québec a comme objectif de syndiquer les personnes immigrantes, et ce qu'on trouve: lorsque c'est un lieu où la majorité des personnes sont des personnes immigrantes et qu'on arrive au processus de syndicalisation, le processus devient tellement plus difficile que si c'était un milieu de travail avec des Québécois, je veux dire, entre guillemets, pure laine, O.K.?

Donc, même si on dit que l'accès à la convention collective est important, cet accès-là est encore plus difficile pour les personnes immigrantes. Donc, c'est une bataille qui est à deux tranches. Premièrement, c'est une bataille générale d'avoir accès à une convention, mais cette bataille-là devient plus difficile si c'est des personnes immigrantes. Tout le système ? puis je ne veux pas rentrer dans ce débat-là nécessairement, en détail ? mais... la Commission des relations du travail, qui a de la misère à identifier la différence entre deux... qui, selon eux, sont la même personne, mais c'est des... parce que les noms sont différents, les témoignages ne sont pas aussi clairs que lorsque c'est une personne immigrante parce que l'expression de la personne n'est pas la même qu'une personne québécoise d'origine.

Donc, tout ça pour dire que c'est important puis qu'on doit s'attarder non seulement à l'accès à la convention collective, mais comment est-ce qu'on a cet accès-là.

Mme Le Brasseur (Lola): Oui, madame. Concernant la francisation, alors c'est assez simple. Ça se fait de deux façons.

La première, c'est que le gouvernement verse aux centrales syndicales, aux trois grandes centrales syndicales, à chaque année un soutien financier pour coordonner le travail des comités de francisation. Donc, le premier travail à la FTQ consiste à donner de l'information, des séances de sensibilisation, de mobilisation pour expliquer aux quelque 600 membres de comités de francisation que nous représentons quel est le rôle au sein des comités. Ensuite, à travers ce travail de rencontre, de formation que nous avons, nous essayons toujours d'identifier les lieux de travail où il y a des personnes qui n'ont pas de connaissance fonctionnelle du français. Alors, lorsque ça se fait, nous entrons en communication avec des conseillers ou des conseillères du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles et nous les invitons à venir rencontrer les directions syndicales locales et ensuite les directions des entreprises pour essayer d'organiser des cours de français dans le milieu de travail parce qu'on a toujours prétendu que c'était le meilleur endroit pour la formation en français. Parce que souvent les immigrants, surtout ceux qui sont nouvellement arrivés, refusent rarement les heures supplémentaires. Alors, quand on a travaillé 10 heures ou 11 heures, on n'a pas envie de prendre l'autobus et de s'en aller à l'autre bout de la ville pour aller chercher un petit cours de français.

Donc, il y a des syndicats qui le font très bien. Je pense à Peerless à Montréal, où il y a quelque 3 000 personnes qui travaillent. La présidente de la section locale, avec un soutien gouvernemental, il faut le dire, parce qu'il y a du soutien gouvernemental qui se donne à l'occasion... Ça a permis d'organiser jusqu'à 11 classes de français, là, dans le milieu de travail. C'est fantastique, ce qui se fait là.

n (16 heures) n

À la FTQ aussi, avec le soutien, il y a deux ans, un petit soutien financier qui nous a été donné par Mme Beauchamp qui nous a donné 30 000 $, on a pu organiser des séances d'information à l'intention des membres des comités de francisation. On a accueilli au-delà de 100 personnes pour leur expliquer leur rôle, parce que, comme je l'ai dit tout à l'heure, c'est quelque chose qui ne se fait pas. Être membre d'un comité de francisation, c'est comme appartenir à une secte secrète, on ne sait rien. Souvent, les travailleurs disent: Qu'est-ce que c'est, la loi n° 101, je n'ai jamais vu ça de ma vie?

Bon. Et puis aussi, pour terminer, une autre chose qui se fait, vous avez certainement vu ce document, là, qui a accompagné le mémoire, c'est un document qui a été rédigé en 1991, à la FTQ, et puis aujourd'hui est encore très utilisé. On en a tiré des journées d'information à l'intention des personnes immigrantes. Ce qu'on fait, on réunit 10 personnes d'origine, on peut dire, pure laine, québécoise, avec 10 personnes d'origine immigrante qu'on réunit dans une salle et on aborde des sujets, là, qui risquent d'être des sujets à conflit dans les milieux de travail, comme la langue, la religion, etc., bon, et pour mieux se connaître, pour créer des rapprochements.

Donc, c'est tout ça, mais finalement on travaille toujours à essayer d'avoir une langue commune dans le milieu de travail. Ça, c'est un objectif qu'on a à la FTQ. Puis, là où on arrive à le faire, la vie change. Déjà, on peut dire qu'on vient d'éviter qu'il y ait du racisme, qu'il y ait de la discrimination parce qu'on est capables de communiquer.

Mme Lefebvre: ...est-ce que vous êtes capables d'identifier? Bon. Vous avez, je crois, 500 000 membres. Est-ce que vous avez fait une... êtes-vous capables de chiffrer combien de personnes?

Mme Le Brasseur (Lola): De chiffrer le nombre de personnes immigrantes au sein de nos rangs? Ça a été fait. La dernière fois, c'était, en 1989, par le conseil régional de Montréal. C'était une petite enquête qui n'est pas une enquête savante, une enquête maison auprès des directions des sections locales, et, à ce moment-là, ça donnait environ 15 %. Mais là on est en 1989. Alors, quand on aura des sous, peut-être qu'on pourra.

Mme Lefebvre: ...vous avez dit qu'il y a deux ans vous aviez une petite enveloppe de 30 000 $. Est-ce que ça, ça a été reconduit? Est-ce que ça a été augmenté? Parce que, bon, vous l'indiquez également dans votre mémoire, à la page 9, évidemment qu'il y a plus de gens qui arrivent au Québec et plus de gens, en pourcentage, qui connaissent le français, mais en même temps, comme on l'a mentionné précédemment, la connaissance du français, c'est sur une grille de un à neuf. Donc, il y a des gens qui arrivent, qui connaissent le français mais qui ont un niveau un, donc doivent suivre des cours, là, pour s'améliorer.

Et donc est-ce que ces enveloppes-là sont en augmentation et est-ce que selon vous on fait assez de promotion sur les milieux de travail? Est-ce qu'on fait des campagnes proactives? Parce que c'est une chose, d'offrir un service, mais est-ce qu'on en fait une promotion active pour s'assurer que tout le monde qui souhaiterait peut-être ou qui serait tenté mais qu'on doit peut-être convaincre pourrait accéder?

Mme Aristeo (Lina): ...chez nous. Ça va être un exemple concret. Parce que Mme Le Brasseur parlait de la FTQ, mais la FTQ est composée, comme vous le savez, de syndicats différents. Elle vous a partagé l'exemple de Peerless, une manufacture. Et vous avez parlé de manufactures où se cacheraient beaucoup de personnes ? je dis «cacheraient», mais c'était l'allusion un peu à laquelle vous avez faite ? où il n'y a pas de connaissance de français ou d'anglais même des fois.

Les subventions. Notre problème, c'est que, oui, quand on en a, c'est excellent, et on les utilise à 150 %. Mais notre crainte est toujours qu'elle ne sera pas renouvelée, qu'elles ne sera pas la même que l'année dernière, combien est-ce qu'elle va être.

Donc, je vais vous donner un exemple: une travailleuse chez Jack Victor aussi, une manufacture de vêtements à Montréal, Lieha Mong, qui vient de la Chine, qui est arrivée ici et ne connaissait pas un mot de français et aujourd'hui est dans l'exécutif syndical de sa section locale. Donc, ça a un effet. Aujourd'hui, elle participe, et ce n'est pas juste une question de participation dans le syndicat. Parce que, si cette dame est capable de participer dans le syndicat, ça veut dire qu'elle est capable de participer dans la société aussi, que ses enfants probablement vont participer plus, qu'elle est capable de faire ses devoirs avec ses enfants. C'est juste des exemples.

Donc, nous autres, on vous amène évidemment la perspective syndicale. Mais ça a un effet et des répercussions plus générales aussi dans la société, et je pense que c'est ça qui vous intéresse, plus que d'améliorer la vie syndicale, malgré que ce soit notre intérêt. Et donc, pour répondre à votre question de la promotion, on fait la promotion. On n'a pas besoin de faire beaucoup de promotion parce qu'on a, dans notre syndicat, des listes d'attente parce qu'on n'a pas assez d'argent. Regarde, on est un syndicat qui perd des membres à la journée longue parce qu'on représente les travailleurs et les travailleuses dans le vêtement. Donc, on a un déficit extraordinaire, mais on a, de temps en temps, une subvention qui nous permet de donner des cours de français et on l'utilise, on utilise chaque cent de cette subvention-là. Mais on a des personnes qui sont sur des listes d'attente, qui attendent l'année prochaine pour: Peut-être je vais être capable de prendre le cours de français.

Mme Lefebvre: ...listes d'attente parce que, là, vous parlez de votre syndicat local, je crois.

Mme Aristeo (Lina): Le Conseil du Québec est un syndicat affilié à la FTQ, comme il y a les Teamsters ? c'est un autre syndicat affilié à la FTQ ? qui font la même chose, l'Union des employé-e-s de service qui font les mêmes cours de français. Plusieurs syndicats FTQ font ces cours-là. Et ce que je vis dans notre syndicat, parce que je viens parler pour la FTQ en général, c'est quelque chose qui arrive dans tous les syndicats aussi, l'incertitude des subventions.

Mme Lefebvre: ...

Une voix: C'est à votre discrétion, Mme la députée.

Mme Lefebvre: Je vais revenir après.

Le Président (M. Brodeur): Oui. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, M. le Président. Tout à fait dans le même ordre d'idées que le sujet que vous touchez présentement, j'aimerais vous poser une question bien précise.

On a beaucoup entendu parler, mais en particulier aujourd'hui, de situations où il faudrait qu'on enseigne l'anglais aux immigrants parce que supposément, dans le milieu de travail, ça se passe en anglais. La question que je me pose est la suivante ? on sait que c'est contraire à la loi 101, la langue de travail, c'est le français: Les exigences que l'on voit souvent sur les offres d'emploi ? la connaissance de l'anglais est appréciée, ou est valorisée, ou en tout cas elle donne des points supplémentaires ? est-ce que c'est lié au fait que les employeurs eux-mêmes ne parlent pas français ou c'est quoi, le fond?

Mme Le Brasseur (Lola): Non. C'est quelque chose qu'on a regardé de très près, à la FTQ, les exigences linguistiques. Et, comme aussi on rencontre souvent des travailleurs de la base, dans la plupart des entreprises, les dirigeants ou supérieurs de premier niveau parlent tous français. Et puis, dans la plupart des cas, même dans l'aérospatial, qui est un secteur où l'anglais est largement utilisé, les travailleurs de production sont très bien capables de fonctionner en français. La plupart des documents sont traduits. La très vaste majorité, je dirais, moi, des contremaîtres parle français. C'est des exceptions qui ne parlent pas français. À un niveau supérieur, on ne parle plus français. La difficulté est au niveau des documents actuellement qui ne sont pas tous traduits dans certains secteurs, aussi des tendances, c'est-à-dire de personnes qui arrivent dans les milieux de travail, qui n'ont pas de connaissance du français aussi, qui obligent le milieu à s'angliciser parce que ces personnes-là doivent recevoir de l'information en anglais. Mais c'est ça.

M. Dion: Oui. Excusez-moi. C'est que vous avez beaucoup plaidé tout à l'heure ? et c'était très intéressant de vous entendre ? sur le fait qu'on doit offrir aux gens qui arrivent ici la possibilité d'apprendre le français. Alors, les gens qui arrivent dans un milieu de travail, normalement ils arrivent après avoir appris le français ou on bouscule le système sans égard à la loi 101. Qu'est-ce qui se passe en réalité?

Mme Le Brasseur (Lola): ...je l'ai dit un petit peu, moi, c'est qu'on ne parle jamais de la loi 101, c'est quelque chose qui se fait dans le silence. Comme l'Office de la langue française, on n'entend pas beaucoup parler de l'Office de la langue française et quelquefois on se dit: À force de ne jamais l'utiliser, on va finir par démontrer son inutilité. Souvent, je dis ça aux travailleurs, moi: Utilisez-le, ça nous appartient, l'Office de la langue française, allez-y. C'est comme ça, là.

Mme Aristeo (Lina): C'est ça. Et je dois dire que, comme Lola ou Mme Le Brasseur vient de le dire, évidemment on ne sait pas ce qui a été dit par les autres intervenants et donc on comprend plus ou moins l'origine de votre question. Pour nous, on a toujours prétendu et, dans les milieux syndiqués, on trouve que, l'usage du français, il faut faire la promotion de ça comme langue de travail. Et je vais vous donner un exemple: un milieu qui est très anglophone aussi, exemple, l'industrie du vêtement. C'étaient des personnes d'origine juive qui ont les manufactures à Montréal. Et c'est des hommes qui parlent probablement uniquement l'anglais, sauf que les contremaîtres, comme on vient de le dire, ils parlent français. La façon qu'il faut qu'on fasse... Et, lorsque Mme la ministre parlait tantôt: Il faut légiférer, je ne suis pas en désaccord avec vous, sauf que, s'ils ont créé des lois, ou des règlements, ou des politiques, il faut que ça ait des dents, O.K., il faut que ce soit quelque chose qui marche.

n (16 h 10) n

Parce que notre intention dans ce qu'on a dit, c'est: créer quelque chose pour le créer, ça va nous amener nulle part, mais, si on crée, je préfère un petit outil qui marche qu'un très grand document qui n'a aucune valeur. Et donc c'était ça, notre intention. Et, lorsqu'on parle des contremaîtres, ils parlent français. Ce qu'il faut qu'on fasse attention, ce qui peut devenir nouveau, c'est: si on ne réussit pas à apprendre le français aux personnes dans les milieux de travail donc, si les programmes d'apprentissage de français sont coupés ou ne sont pas continués, O.K., et donc les personnes n'apprennent pas le français qu'ils devraient apprendre et qu'on est tous d'accord qu'ils devraient apprendre, à ce moment-là, les employeurs vont commencer à embaucher des contremaîtres qui parlent la langue des personnes qu'ils viennent d'embaucher.

Donc, si maintenant la tendance est qu'il y a beaucoup de personnes d'origine indienne qui rentrent et que ces personnes-là ne réussissent pas à apprendre le français qu'on désire qu'ils apprennent, bien là je vais embaucher un contremaître indien pour qu'il puisse être capable de communiquer avec mon staff. Même si, moi, je ne parle pas indien, je vais embaucher un contremaître qui parle et le français ou l'anglais, la langue du patron, ainsi que la langue des travailleurs. Donc, c'est ça, l'importance d'apprendre le français à la base pour que ça continue à être la langue du travail.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la ministre.

Mme Thériault: Merci, M. le Président. Vous avez abordé aussi, dans votre mémoire, le fait que le gouvernement doit se sentir interpellé et donner l'exemple aussi au niveau de la discrimination et du racisme. J'aurais presque le goût de vous dire que je suis d'accord avec vous. Le gouvernement est interpellé. C'est le plus gros employeur du Québec, et, oui, le gouvernement est interpellé.

Quand on a parlé des programmes d'accès à l'égalité à l'emploi, même si la loi oblige, vous savez très bien qu'au cours des dernières années ça a été très difficile. Tu sais, il n'y a jamais personne qui a atteint l'objectif de 25 % des groupes cibles notamment, et la moyenne tournait, au niveau du taux d'embauche, entre 2 % et 4 % par année. Ça prend du temps... avant qu'on arrive à 25 % à 2 %, je suis d'accord. Donc, je pense qu'il faut réellement se donner les moyens. Vous savez, la présidente du Conseil du trésor, qui supervise les postes qui sont remplacés présentement, a réussi de faire passer de 4 % à 14 % le taux d'embauche des groupes cibles dans la fonction publique dans à peine trois ans. Donc, il est évident que le gouvernement se sent interpellé.

Vous avez parlé de votre expérience dans la fonction publique, où vous étiez presque minoritaire. Bien, je tiens à vous rassurer que ça change. Vous voyez, j'ai même une sous-ministre issue de la communauté haïtienne, non seulement d'origine immigrante, mais également des minorités visibles. Parce que je pense que c'est important aussi de faire une distinction entre les minorités visibles et les immigrants. Pour x nombre de raisons, à peu près toutes les statistiques démontrent clairement que les immigrants issus des minorités visibles ont beaucoup plus de difficultés que n'importe quelle autre immigration, surtout quand elle est blanche, entre guillemets, à pouvoir s'intégrer. Puis je pense que les statistiques le démontrent assez clairement et de façon assez éloquente. Moi, ça, ça vient me chercher.

De quelle façon vos syndicats défendent leurs membres lorsqu'il y a des plaintes de discrimination et de racisme? Est-ce que vous les accompagnez dans ce processus-là, soit auprès de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse? Est-ce que vous déposez des griefs? Est-ce qu'il y a un support du syndicat? Un, première question. Et j'ai quasiment le goût de vous demander si, dans vos dirigeants, O.K., dans les instances décisionnelles, dans peut-être ce qui est le plus représentatif finalement au niveau de la représentativité pour les minorités visibles, s'il y en a beaucoup? Parce que vous avez dit, Mme Aristeo, que vous étiez l'exception. Moi, je souhaite qu'un jour vous ne soyez plus obligée de dire: Je suis l'exception, mais que ce soit une norme et une règle, et que c'est une normalité, et qu'on puisse retrouver partout, dans toutes les sphères de notre société ou dans toutes les couches même au niveau des dirigeants, une meilleure représentativité de notre société.

Mme Aristeo (Lina): Pour ce qui est des plaintes contre la discrimination et le racisme, dans toutes nos instances, à la FTQ, que ce soit dans nos statuts, dans notre congrès qui est notre plus haute instance, dans syndicats affiliés, c'est ça, c'est de ça qu'on parle, puis on a en parlé un peu dans le mémoire aussi. On a des politiques contre le harcèlement, contre la discrimination, contre le racisme. Donc, si on a des règles contre ça, on a aussi des procédures. Et souvent, lorsqu'il y a des plaintes, on les règle à l'interne, par le biais des processus qu'on a.

Donc, ça existe à la FTQ. Ça existe aussi aux syndicats affiliés à la FTQ qui ont chacun des statuts, des règlements ou des constitutions qui ont des règles qui interdisent la discrimination. Dans le mouvement syndical, c'est une règle qui est, je veux dire, interdite, sûrement pas acceptée. Et finalement la convention collective, ce n'est pas toute la grande majorité, et ça s'améliore avec le temps. Les conventions collectives aussi prohibent, vont prohiber la discrimination dans le milieu de travail. Et donc, s'il y a cas de discrimination, la procédure sera celle d'un grief à être déposé, l'arbitrage. Si jamais il y a un cas de discrimination qui ne fait pas partie soit de la structure syndicale ni des relations de travail mais qui implique un travailleur quand même, bien là ça va dépendre de chacun des syndicats. Mais notre syndicat a représenté certains travailleurs qui n'étaient pas syndiqués avec nous mais qu'on cherchait à syndiquer.

C'est un milieu de travail, et, que ce soit syndiqué ou non, ils ont le droit d'être représentés, et c'est pour ça qu'on les a représentés quand même. Ou l'employeur donnait juste les promotions aux personnes... Bien, c'est-à-dire c'était un milieu de travail avec tous des personnes d'origine haïtienne et c'étaient juste les rares et les minoritaires personnes blanches qui avaient les promotions, et donc on a entrepris des démarches et la représentation de ces travailleurs non syndiqués. Donc, il n'y a pas de procédure de grief, et tout ça, on les a représentés à la commission, donc.

Mme Thériault: Est-ce que vous avez des données, qui sont disponibles, par rapport au nombre de cas de discrimination que vous avez accompagnés, parce que ce serait intéressant de les avoir?

Mme Aristeo (Lina): ...puis, si on en a, on les enverra.

Mme Thériault: Oui, si vous les avez, si vous voulez les faire parvenir, s'il vous plaît, j'apprécierais.

Mme Le Brasseur (Lola): Si tu permets, il faudrait faire le tour de toutes les sections locales, hein? Et puis la FTQ représente comme 3 500 sections locales, lieux de travail. Ce serait un joli travail.

Mme Thériault Mais c'est parce que c'est des données qui seraient intéressantes aussi, de voir s'il y a beaucoup de cas de discrimination, de racisme dans le milieu syndical.

Mme Aristeo (Lina): On verra ce qu'on a. Peut-être un syndicat en aura, tandis que d'autres n'en auront pas. Puis on vous enverra ce qu'on a.

Mme Thériault: Merci.

Mme Aristeo (Lina): Je doute qu'on sera capables de commencer le processus, à faire l'enquête. Comme Mme Le Brasseur disait tantôt, il y a une enquête qui doit être faite, et on fait référence à une enquête aussi.

Dans le mémoire qui a été déposé par le Conseil du Québec, on aimerait bien... bien, vous l'avez reçu, mais ce n'était pas pour aujourd'hui parce que je n'étais pas disponible pour mon propre... Mais il faudrait qu'on fasse enquête auprès des entreprises pour savoir où est-ce qu'on se situe. Et donc, si on est capables d'avoir une idée de combien de personnes immigrantes, d'où est-ce qu'elles viennent et de quoi ont l'air les milieux de travail, qui a les promotions, qui n'a pas les promotions, on va être capables de créer un document qui a plus de, comme je disais tantôt, de dents et plus de valeur.

Et, pour répondre à votre deuxième question sur les dirigeants et sur la structure syndicale un peu, je pense, c'est ça que vous disiez, de quoi est-ce que ça a l'air? Oui. Je suis un peu l'exception, puis c'est malheureux, mais la FTQ reconnaît qu'il y a beaucoup de travail à faire. C'est pour ça qu'au dernier congrès on a créé une politique. Je préside le comité de personnes immigrantes à la FTQ, un comité qui siège presque à chaque mois et qui cherche à intégrer, dans la structure syndicale, de plus en plus les personnes d'origine immigrante parce que les travailleurs doivent être capables de s'identifier à leur syndicat et à leur centrale syndicale. Mais les syndicats affiliés de la FTQ ont tous des personnes immigrantes dans leurs rangs. Que ce soient des délégués ou des présidents de section locale, les personnes immigrantes sont en train de monter dans les rangs de la FTQ.

Et donc, dans notre syndicat, la vice-présidente, c'est une personne indienne; la moitié, c'est des femmes; le tiers, c'est des personnes de minorités visibles. Donc, ça bouge. On bouge dans la bonne direction.

Mme Thériault: ...important. Merci.

Le Président (M. Brodeur): ...dans une banque de temps, soyez bien à l'aise ? pour le temps de la question et de la réponse pour la minute 30 secondes ? Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président, vraiment. Je voudrais préciser qu'on disait qu'il y avait eu des mesures pour une égalité de fait pour les femmes, mais je tiens à préciser qu'on n'a toujours pas atteint cette égalité de fait et qu'effectivement ça amène dans votre domaine, aussi au niveau du travail, souvent des multiples discriminations, des doubles discriminations, et ça, il faut en tenir compte.

La question que je voulais vous poser, c'était concernant vos liens avec les organismes communautaires. Vous en parlez à quelques reprises, de l'importance de partenariats, puis vous nous dites dans vos recommandations dans l'action gouvernementale: «Agir pour soutenir financièrement les milieux de travail ? employeurs et syndicats ? et les organismes communautaires qui interviennent auprès des entreprises.» Vos liens avec les organismes communautaires?

n (16 h 20) n

Mme Le Brasseur (Lola): Oui. Bien, on en a plusieurs, ceux que nous avons énumérés. En tout premier lieu, il y a le CAMO-Personnes immigrantes.

La FTQ nomme des conseillers, des conseillères dans les... un peu partout où il y a des structures. Ensuite, de par le dossier de la francisation mais surtout le dossier de l'intégration des personnes immigrantes, on travaille étroitement avec des organismes communautaires qui sont en employabilité, qui sont aussi dans l'intégration. Je pense, par exemple, au... Je pense à celui, un immense, là, qu'il y a à ville Saint-Laurent, dont j'ai oublié le nom, qui accueille 3 500 personnes par année. Donc, on les accueille souvent. Comme, dans le comité personnes immigrantes, ils viennent se présenter, expliquer ce qu'ils font. On a des activités avec eux aussi. Il y a même des expositions d'artistes immigrants qui viennent. Bon. On a beaucoup d'échanges. On accorde un soutien financier à l'occasion à des organismes. Je pense à ce... de la Rive-Sud, qui regroupe, qui fait de l'assistance aux devoirs parce que les parents n'ont pas les connaissances suffisantes pour aider les enfants qui étudient en français.

Donc, on s'implique. On fait beaucoup de choses avec les regroupements. Oui.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Malheureusement, c'est tout le temps dont nous disposons. Donc, je remercie la FTQ.

Et je vais suspendre quelques instants, le temps de passer aux remarques finales.

(Suspension de la séance à 16 h 22)

 

(Reprise à 16 h 23)

Le Président (M. Brodeur): ...s'il vous plaît! Nous allons continuer, pour ainsi dire, conclure nos travaux sur ces consultations.

Mémoires déposés

Et, avant de passer la parole à la porte-parole de l'opposition pour ses remarques finales, je vais déposer les mémoires des groupes ou des personnes qui n'ont pas été entendus ici, en commission parlementaire. Et je profite de l'occasion pour les remercier de leur contribution aux travaux de la commission. Donc, ces mémoires sont déposés et pourront être rendus publics.

Oui, Mme la députée.

Mme Lefebvre: ...sur cette question. J'ai reçu les commentaires d'un citoyen à qui j'avais demandé par la suite son autorisation pour déposer ses commentaires et malheureusement je ne l'ai pas fait pendant le cours des consultations. Donc, est-ce que j'aurais le consentement pour pouvoir faire parvenir au secrétariat les commentaires de ce citoyen?

Mme Thériault: Consentement. Il n'y a pas de problème, madame.

Mme Lefebvre: Parfait. Et j'ai aussi une deuxième demande. Je ne sais pas sous quel règlement il faut que je demande ça, mais est-ce que je pourrais avoir le consentement du gouvernement afin que la commission puisse faire rapport de nos travaux?

Le Président (M. Brodeur): Parfait. Concernant votre première question sur le rapport, le rapport concernant le citoyen que vous avez mentionné tantôt, il serait premièrement, dans un premier temps, préférable de l'envoyer à la commission, voir s'il est recevable. Donc, peut-être que le comité directeur pourrait se pencher sur cette situation-là, puisque, cette semaine, nous avons justement reçu d'autres rapports... une décision, le vice-président, le président et le président.

Et, concernant le rapport, je vous invite ? nous aurons une séance de travail la semaine prochaine ? peut-être d'ajouter, d'un commun accord, cet item-là à nos travaux du 8 novembre, si vous me le permettez. Parfait?

Mme Lefebvre: Parfait.

Remarques finales

Le Président (M. Brodeur): Donc, nous sommes à l'étape des remarques finales. L'opposition a une banque de temps de 15 minutes, de même que Mme la ministre. Et nous débutons par Mme la députée de Laurier-Dorion.

Mme Elsie Lefebvre

Mme Lefebvre: Merci, M. le Président. Donc, d'abord, je souhaiterais remercier sincèrement les groupes, les organismes et les citoyens et citoyennes qui ont pris le temps de réfléchir et d'apporter leur contribution à ces travaux. Je les remercie d'être venus partager leurs réflexions et leurs expériences avec nous. Il est d'ailleurs extrêmement dommage qu'il n'ait pas été possible d'entendre les communautés autochtones, qui n'ont pas été invitées explicitement à participer à la commission. Ces dernières vivent aussi de la discrimination et du racisme, et nous nous devons, en tant que représentants du peuple, d'écouter ce qu'ils ont à nous dire.

Plusieurs propositions concrètes ont été formulées afin de lutter efficacement contre le racisme et la discrimination, et la recension de ces propositions nous permet d'affirmer qu'il existe, au Québec, une expertise exceptionnelle, un bagage de connaissances et un désir profonds de répondre au défi de l'intégration des immigrants afin d'atteindre cet idéal d'égalité et de prospérité pour le Québec. Au moment où s'achève cette consultation, force est d'admettre que les défis sont grands. Ayant choisi de miser sur une progression des volumes d'immigration, c'est près de 220 000 nouveaux arrivants qui auront foulé le sol québécois entre 2003 et 2007. C'est considérable. Le gouvernement du Québec doit donc, impérativement et de façon urgente, agir afin que ces personnes qui arrivent chaque année, au Québec ? ils étaient 43 000 environ, l'an dernier ? puissent bénéficier d'un accompagnement et d'un soutien leur permettant de s'intégrer à la société québécoise. Le gouvernement a également une responsabilité supplémentaire en accordant une attention particulière à ces Québécois d'origines diverses, appartenant aux minorités visibles ou non, qui, bien que vivant au Québec depuis plusieurs années et parfois même depuis deux ou trois générations, connaissent toujours des difficultés d'intégration sociale, culturelle ou économique. Pensons aux statistiques accablantes concernant les minorités noires, par exemple.

Ainsi, au terme de cette consultation, force est de constater que les attentes sont à la hauteur des besoins, c'est-à-dire excessivement élevées. Nous sommes donc nombreux à attendre avec impatience le dépôt de cette politique et du plan d'action. Et, si je peux me permettre à ce stade de parler au nom des groupes que nous avons entendus, il apparaît clair que la politique devra cette fois-ci être accompagnée de ressources financières importantes permettant la réalisation des objectifs ambitieux d'une intégration réussie. En fait, ce qui importe à notre sens est bien évidemment le contenu de la politique qui nous indiquera les priorités gouvernementales mais surtout les ressources qui seront dévolues.

Alors, quel grand constat pouvons-nous tirer de nos travaux? À ce stade, il importe de rappeler les constats mis en relief par les groupes tout au long de la commission. Je sais que beaucoup d'aspects ont été abordés et que le temps me manquera sans aucun doute afin d'aborder toutes les recommandations reçues. Le premier consensus qui se dégage de nos travaux, c'est que l'insertion se fait tout d'abord en emploi. Puisqu'au Québec nous sélectionnons une grande partie des immigrants, le taux de diplomation est impressionnamment élevé chez les nouveaux arrivants. Un intervenant aux auditions, M. Raffa, illustrait d'ailleurs ce fait de cette manière: «Montréal et Québec détiennent le record fabuleux des plus grands diplômés comme chauffeurs de taxi, peut-être de la planète.» Il apparaît clair que la reconnaissance des diplômes et des acquis à l'étranger est nécessaire pour lutter contre la discrimination en emploi. Malgré le projet de loi déposé, ce printemps, par la ministre, la situation tarde à changer et elle ne risque pas de s'améliorer sensiblement à court terme, puisque seulement deux des 41 recommandations de l'équipe de travail ont été mises en oeuvre. Énormément de travail reste à faire dans ce domaine.

De plus, la ministre sait que les dispositions de son projet de loi touchent tout au plus 5 000 personnes par année. Qu'arrive-t-il aux 20 000 travailleurs qualifiés qui arrivent chaque année? Une chose m'inquiète: la ministre a reconnu n'avoir rien fait au niveau de la reconnaissance des métiers réglementés. Plusieurs groupes sont venus nous dire que les programmes en employabilité ne sont pas à la mesure de combler les attentes. La ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles a elle-même reconnu que le Programme d'aide à l'intégration des immigrants et des minorités visibles en emploi, le programme PRIIME, n'avait donné que 600 emplois dans la dernière année. Or, la ministre nous dit du même souffle que le taux de chômage chez les minorités visibles frôle pratiquement trois fois celui de la population en général. Il est donc essentiel et indispensable de revoir les mesures d'insertion en emploi et surtout d'accroître les budgets qui y sont associés pour permettre à un nombre significatif d'individus d'en bénéficier. En outre, les réalités des jeunes des minorités visibles et des femmes immigrantes ne sont pas prises en compte dans les mesures existantes d'insertion en emploi. Les programmes ne correspondent pas à leur réalité particulière, ce qui a pour conséquence de les marginaliser du système et d'apporter un obstacle de plus à leur intégration. Par exemple, le programme PRIIME, en exigeant que la résidence permanente ait été obtenue depuis moins de deux ans, s'adapte mal aux réalités d'une mère immigrante avec de jeunes enfants.

n (16 h 30) n

En francisation, l'apprentissage de la langue commune, le français, est un élément essentiel à l'intégration à l'emploi au Québec et à l'insertion dans notre société. Dans ces conditions, on est en mesure de s'attendre, de la part du gouvernement qui dit vouloir promouvoir la lutte au racisme et à la discrimination, qu'il fasse un effort soutenu pour favoriser l'apprentissage du français. Or, encore une fois, le gouvernement n'est pas au rendez-vous en ce qui concerne la francisation. Le bilan du gouvernement est éloquent. Les données pour 2005-2006 nous indiquent qu'il y a eu moins de groupes en francisation que les années précédentes. Pourtant, je n'apprendrai à personne que nous avons connu une croissance marquée de l'immigration de 25 % en cinq ans. Le gouvernement a pourtant coupé dans les budgets de francisation, ce qui n'est pas sans entraîner une diminution de services.

Et également les budgets doivent être bonifiés, suivant le coût de l'inflation. Par exemple, dans ma circonscription, il n'existe aucune offre de francisation dans le quartier Villeray à Montréal. Or, ce quartier accueille des centaines de nouveaux arrivants chaque année qui doivent se rendre avec des moyens souvent limités dans d'autres quartiers pour suivre des cours de français. Dans plusieurs cas, il s'agit de femmes isolées qui doivent se déplacer avec leurs enfants. Alors qu'en 2003-2004 les budgets pour l'immigration étaient de 44,3 millions de dollars, ils n'étaient que de 43,6 millions de dollars pour la période 2005-2006 en francisation. De plus, des représentants des professeurs de francisation du Québec sont venus en commission nous dire que les locaux qui sont à leur disposition et qui sont loués par le ministère ne sont pas adéquats. Effectivement, ils disent: «...on vous parle de la discrimination par une allocation déficiente de ressources.»

«...vous comprendrez que je parle par euphémisme lorsque je vous dis qu'il y a des classes qui sont insalubres.» Luc Perron, du syndicat.

En éducation. Quant à l'éducation, il y a deux consensus qui émergent. Tout d'abord, la demande d'une éducation interculturelle a été maintes fois répétée lors des audiences. L'autre consensus, c'est celui d'une éducation plus large de la société, des milieux d'affaires, des syndicats et des gestionnaires à la réalité interculturelle. Au plan de l'éducation scolaire, l'apprentissage de l'histoire se doit de faire une place importante aux réalisations marquantes et à la contribution des différentes minorités. De plus, l'histoire nationale du Québec aurait tout intérêt à être enseignée plus activement afin de permettre aux jeunes comme aux adultes issus de l'immigration de comprendre la société dans laquelle ils vivent. Le cursus scolaire doit intégrer, au sein même de ses programmes et des diverses disciplines, des illustrations de la réalité de tous les Québécois et Québécoises. Au plan de l'éducation sociale, plusieurs groupes nous ont interpellés sur la nécessité de mener une campagne de sensibilisation aux problèmes liés au racisme et à la discrimination. Au même titre qu'Éduc'alcool, par exemple, a su, après des années d'efforts, changer les habitudes quant à la consommation d'alcool, la lutte contre le racisme et la discrimination doit elle aussi s'accompagner d'une vaste campagne de sensibilisation et d'éducation. Les comportements ne peuvent qu'en être améliorés.

Comme il a déjà été mentionné, les programmes d'employabilité éprouvent des lacunes. Une de ces raisons, outre le sous-financement, est la méconnaissance de ces programmes de la part des employeurs. C'est ainsi que les groupes oeuvrant en emploi sont venus nous dire que ces programmes doivent être connus et faire l'objet d'une large diffusion auprès des employeurs. De plus, les employeurs, tout comme les syndicats, doivent être sensibilisés à l'apport important des travailleurs issus de l'immigration. Ces travailleurs parlent souvent une langue étrangère, sont scolarisés et peuvent apporter une valeur culturelle ajoutée à l'entreprise. Ce sont là des avantages indéniables qui gagnent à être partagés et diffusés.

Nul ne peut douter que le racisme et la discrimination mènent à l'exclusion sociale et trop souvent à la pauvreté. Voilà un des autres constats de cette commission. C'est ainsi que la politique de lutte au racisme et à la discrimination ne peut pas être conçue sans tenir compte de la problématique de l'exclusion sociale. Effectivement, les minorités ethnoculturelles sont plus souvent victimes de pauvreté. Or, le bilan gouvernemental est désastreux à ce chapitre. L'augmentation de 40 % des tarifs de garde, des hausses de tarifs de tout genre à la hauteur de 2 milliards de dollars, des hausses de taxes scolaires et des hausses de taxes municipales... manquées ? ce qui ne sera pas sans affecter les coûts des loyers des locataires ? et les hausses de tarifs d'électricité, et j'en passe, ces augmentations se traduisent évidemment par un manque à gagner dans les poches des contribuables, à la fin du mois, pour payer l'épicerie, les vêtements pour les enfants qui grandissent, les coûts de déplacement pour la recherche d'emploi, etc. Bref, depuis l'arrivée de ce gouvernement au pouvoir, les plus démunis ont vu leur condition se dégrader, ce qui rend encore plus difficile leurs efforts pour se sortir de la pauvreté.

La Commission des droits de la personne et de la jeunesse a été également un thème longuement abordé et a donc pour rôle de veiller à ce que chaque citoyen du Québec puisse jouir pleinement et entièrement de ses droits. Elle veille à l'application de la charte québécoise des droits et libertés pour faire en sorte que qu'il n'y ait pas deux catégories de citoyens. Plusieurs groupes nous ont mentionné que la commission manque cruellement de ressources et que les délais sont trop longs. Voici un résumé rapide des interventions les plus révélatrices de la situation. M. Mohamed Soulami, d'Actions interculturelles de développement et de l'éducation de Sherbrooke, nous disait: «...il y a des retards importants dans l'analyse des dossiers autant pour l'application de la loi d'accès à l'égalité que pour des interventions de la commission pour le respect de la Charte des droits et libertés. Donc, il y a un besoin à notre avis de faire une révision du mandat de la commission et de la doter aussi des ressources nécessaires pour pouvoir agir comme il le faut pour réaliser sa mission.» Il disait: «J'ai le tableau ici de l'effectif de la commission à Sherbrooke. Il y a une personne professionnelle et une personne personnel de bureau. Alors, je ne sais pas, mais, à Sherbrooke, est-ce que c'est suffisant?» Je vous dirais que je ne crois pas.

Bref, les constats des groupes reflètent le bilan du gouvernement en termes d'insertion à l'emploi, de francisation, d'éducation, de lutte à la pauvreté et des moyens accordés à la Commission des droits de la personne... est désolant. Il n'est pas surprenant d'en venir à cette conclusion compte tenu du fait que les budgets du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles ont été charcutés de 30 %, alors que les niveaux d'immigration n'ont cessé d'augmenter. Comment mieux servir les nouveaux arrivants et plus largement la société québécoise dans son ensemble quand on ne se donne pas les moyens d'y parvenir adéquatement?

Les solutions proposées. Le sérieux de la démarche gouvernementale et la volonté du gouvernement en matière de lutte contre le racisme et la discrimination seront jugés en fonction des actions concrètes mises en oeuvre par le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles. Comme nous venons de le constater, le bilan des trois dernières années nous laisse plus que sceptiques. Cette consultation nous a permis d'établir des consensus et d'identifier de grandes orientations avec les intervenants sur le terrain afin de lutter efficacement contre le racisme et la discrimination. Tout d'abord, il nous apparaît que la lutte contre le racisme et la discrimination passe nécessairement par la lutte aux inégalités socioéconomiques. Pour cette raison, une telle politique doit nécessairement viser prioritairement l'insertion en emploi. Il faut s'assurer de mettre en oeuvre une politique efficace qui donne des résultats pour reconnaître les diplômes et les acquis des nouveaux arrivants. Il est aussi de mise pour la ministre de bonifier les programmes d'employabilité pour rejoindre un nombre significatif de personnes et d'évaluer sérieusement la possibilité de développer des programmes d'employabilité adaptés à leur réalité.

Elle doit aussi viser la francisation des nouveaux arrivants. Pour ce faire, il faut augmenter les budgets en francisation. Le dernier groupe entendu allait en ce sens, pour améliorer l'offre, la flexibilité et la qualité des services de francisation. La politique doit aussi viser l'éducation et la sensibilisation de toute la société québécoise. Elle doit aussi viser la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, qui bien évidemment fonctionnent en engrenage avec le racisme et la discrimination.

En deuxième lieu, il apparaît évident que certains mécanismes déjà en place n'atteignent pas les objectifs et doivent être mieux soutenus. Parlons, par exemple, des organismes communautaires qui travaillent, au jour le jour, avec les gens sur le terrain. Ils se doivent d'être reconnus de façon juste et équitable, en fonction de leur mission de base. Il est inacceptable que le ministère de l'Immigration enfreigne la politique de reconnaissance de l'action communautaire autonome et que les organismes communautaires soient si peu financés. Les sommes actuellement investies sont nettement insuffisantes, et il est impératif de remédier à cette situation. De plus, une attention particulière doit être portée à la Commission des droits de la personne et de la jeunesse. Il faut améliorer le fonctionnement de la commission, qui se caractérise par un manque d'efficience résultant d'un manque flagrant de ressources. Il faut aussi s'assurer de diffuser les recours possibles auprès de la clientèle visée et finalement mettre en oeuvre un mécanisme de suivi, tels un secrétariat ou une structure comparable, permettant une vision transversale et imputable de l'atteinte des objectifs.

Enfin, j'omets de parler de l'aspect de la culture, de l'aspect des médias, de plusieurs autres aspects. Je sais que le temps file rapidement et que mon temps s'achève. Et je dirais qu'enfin il est important pour tous les citoyens et citoyennes du Québec, peu importent leurs origines et depuis combien de temps ils sont ici, que les nouveaux arrivants travaillent dans le domaine dans lequel ils excellent et qu'ils contribuent à l'économie du Québec, qu'ils parlent français et soient capables d'aider leurs enfants à faire leurs devoirs et qu'ils aient des recours en cas d'abus. Avec notre taux de natalité, nous n'avons pas le choix. Nous avons fait le choix de l'immigration. Nous devons l'assumer. Nous devons réussir l'intégration de notre population immigrante. Il en va de notre cohésion sociale et de notre prospérité économique. Il en va de notre avenir collectif.

Avant de terminer, M. le Président, j'aimerais rappeler que cette consultation a mobilisé le temps et les énergies de plusieurs intervenants déjà débordés de travail. Elle a aussi mobilisé des ressources financières bien rares au ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles du Québec. L'argent des contribuables, les énergies investis dans cette commission doivent absolument servir à mettre sur pied une politique efficace accompagnée de mesures financières adéquates. Quand la ministre nous dit et qu'elle affirme qu'il faut aller au-delà des beaux principes, qu'elle nous dit que son gouvernement fait preuve de beaucoup de leadership, que nous devons prendre le taureau par les cornes, qu'on devra donner les moyens de s'assurer de l'application de la politique, eh bien, je dis: Tant mieux. Parce que le problème est qu'il apparaît que le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles, depuis l'arrivée de ce gouvernement, est le ministère des pauvres, que le budget de dépenses a été réduit, réduit et réduit, atteignant un maigre 106 millions de dollars cette année.

Finalement, nous espérons tous que le gouvernement pourra en cette occasion rectifier le tir en investissant les 83 millions de dollars reçus cette année par le gouvernement fédéral, qu'il n'utilise pas pour les nouveaux arrivants, et que la politique de lutte contre le racisme et la discrimination puisse avoir un impact positif sur la vie de nos concitoyens et concitoyennes issus de l'immigration et des communautés culturelles pour le bien-être de la société québécoise. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Brodeur): Merci, Mme la députée de Laurier-Dorion. Nous sommes prêts à entendre la ministre. Mme la ministre.

Mme Lise Thériault

Mme Thériault: Merci, M. le Président. M. le Président, c'est avec un sentiment de fierté et de satisfaction que je participe, aujourd'hui, à la fin des travaux de cette commission parlementaire.

Pour la première fois dans notre histoire, les citoyens et les organismes du Québec ont eu l'occasion de manifester publiquement leurs préoccupations et de travailler ensemble à trouver des pistes de solution en regard du racisme et de la discrimination. Ce fut également l'occasion pour des centaines de Québécoises et de Québécois de se tourner vers l'avenir et de dire que cet avenir réside dans la diversité.

n(16 h 40)n

Je suis très heureuse mais pas du tout étonnée, M. le Président, de l'intérêt suscité par ce débat de société. Tout au long de nos travaux donc, cette consultation et les réactions qu'elle a suscitées démontrent encore une fois que notre gouvernement est à l'affût des nouvelles réalités de la société québécoise. Depuis le 13 septembre dernier, nous avons eu le privilège de recevoir en commission parlementaire les idées et les propositions de 90 personnes et organismes. 124 mémoires ont été déposés, ainsi qu'une centaine de questionnaires en ligne ont été soumis. Cela témoigne de la volonté des citoyens du Québec de mettre en place les conditions nécessaires à la pleine participation de tous.

Les participants ont réagi à trois orientations principales du document de consultation: premièrement, assurer la cohérence et la complémentarité des efforts des intervenants afin de lutter contre les préjugés et la discrimination; deuxièmement, éduquer les citoyens à leurs droits et responsabilités et les sensibiliser à l'existence de préjugés et de discrimination; et finalement de renouveler nos pratiques et nos institutions ainsi qu'à assurer une représentation adéquate des Québécois de toutes origines dans nos institutions privées et publiques notamment par l'accès à l'emploi.

J'aimerais apporter une précision, M. le Président, en ce qui concerne le traitement de la discrimination faite à l'égard des communautés autochtones. J'ai eu l'occasion de le dire, nous ne pouvons pas mettre sur le même pied les immigrants et les premières nations. Ça aurait été insulter les premières nations. Bien que nous ayons orienté différemment le document de consultation, j'ai annoncé, au cours de la présente commission, que nous travaillerons de pair avec le Secrétariat aux affaires autochtones afin que les autochtones fassent partie intégrante de la future politique gouvernementale. L'histoire du Québec et celle des premières nations sont étroitement liées et la discrimination qu'ils subissent doit être éradiquée. Les peuples autochtones peuvent compter sur la volonté politique de notre gouvernement.

La tenue de cette consultation publique constitue une étape charnière pour le Québec, M. le Président. Elle va lui permettre de se doter, dès le printemps 2007, de sa première politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination ainsi que d'un plan d'action pour assurer sa mise en oeuvre. De cette façon, nous espérons pouvoir contrer les obstacles qui se dressent encore sur la voie de la pleine participation de tous à l'essor de notre société. D'ores et déjà, je remercie les Québécoises et les Québécois qui ont généreusement partagé leur savoir, leurs expériences et leurs points de vue en participant à cette consultation publique. L'apport indéniable à la vie culturelle, sociale et économique du Québec de ces quelque 165 cultures qui composent son nouveau visage gagne à être connu et reconnu par l'ensemble de nos concitoyens. Les hommes et les femmes issus de l'immigration installés ici depuis peu ou depuis plusieurs générations ont su, par leur savoir-faire, leur esprit d'entreprise et leur dynamisme, contribuer à l'essor de notre société. Ils ont enrichi notre univers et apporté au Québec cette image de diversité dont nous sommes si fiers.

La présente commission parlementaire nous a permis de constater à quel point la persistance de préjugés est subtile, voire insidieuse à l'égard de ces personnes, et ce, dans toutes les sphères d'activité. Tout au long de cette commission, nous avons donc pu constater que les différentes problématiques reviennent régulièrement dans des dossiers comme celui de l'emploi, du logement, de l'éducation ou des soins de santé. Ces situations mènent directement à l'exclusion, à la pauvreté, parfois à la violence mais aussi et surtout au racisme et à la discrimination. Soyez rassuré, M. le Président, que le gouvernement a bien entendu et a bien écouté, avec beaucoup d'attention, les recommandations qui nous ont été soumises. Je suis convaincue, M. le Président, que la politique gouvernementale que nous élaborerons nous permettra de mieux intervenir et de mieux coordonner les efforts déjà consentis et que nous pourrons redresser ainsi certaines situations avant qu'elles ne se dégradent et ne dégénèrent.

Le Québec a fait le choix de l'immigration à la fois pour maintenir sa croissance démographique et économique, pour assurer la pérennité du fait français et pour s'ouvrir sur le monde. C'est important de répéter ici que le Québec choisit maintenant son immigration en fonction de ses besoins de main-d'oeuvre et facilite la reconnaissance des diplômes et des acquis. Malheureusement, ce dossier aurait dû et aurait pu déboucher bien avant aujourd'hui, M. le Président, et je rappellerai que c'est une volonté du gouvernement libéral d'aller de l'avant en faisant des modifications dans le Code des professions parce que, sous le précédent gouvernement, dans les années 1998, on a déposé un projet de loi qui est mort au feuilleton, malheureusement. Il y a eu une élection, et jamais on n'a réintroduit la notion de différents types de permis. À mon sens, on aurait pu, bien avant aujourd'hui, s'attaquer à la reconnaissance des diplômes étrangers, et je suis très fière de dire, M. le Président, que c'est sous notre gouvernement, en à peine même pas quatre ans, qu'il y a eu 207 médecins étrangers admis en résidence pour justement nous aider à contrer les pénuries qu'on a mais aussi que c'est notre gouvernement qui a fait les efforts pour pouvoir arriver à ce que ces médecins-là puissent s'intégrer dans notre société, parce qu'on les a choisis également.

M. le Président, ces femmes, et ces hommes, et ces familles vont venir ici et viennent ici pour travailler, vivre et bâtir leur avenir. Il nous appartient de valoriser la contribution de tous et de permettre au Québec tout entier de reconnaître les possibilités qui émergent de cette diversité. Il est évident que la diversité engendre des situations nouvelles qui nous amènent à remettre en question nos façons de faire, mais il ne faut pas oublier également que c'est de cette diversité que naissent la richesse et les occasions uniques de se dépasser. N'est-ce pas là un défi des plus stimulants pour notre société? En ce sens, la politique de lutte contre le racisme et la discrimination que nous nous apprêtons à élaborer et à mettre en place affirmera de façon claire le leadership de notre gouvernement. Il fallait une réelle volonté politique pour finalement faire face à cet enjeu important pour l'avenir du Québec.

M. le Président, il est important, à cette étape, de rappeler la séquence des événements qui ont mené à cette consultation. La consultation du Groupe de travail sur la pleine participation à la société québécoise des communautés noires, sous l'égide de la députée de Nelligan, dont le député de LaFontaine faisait partie, a remis son rapport le 6 avril dernier et nous a donné comme première recommandation de faire une politique de lutte contre le racisme et la discrimination. En juin, le document de consultation était lancé, et, dès le mois d'août, j'ai parcouru les régions du Québec avec le document de consultation non seulement pour sensibiliser les citoyens à participer à la consultation, mais aussi pour m'assurer que ce débat serait vraiment un débat de société auquel participeraient le plus de gens possible. Nous avons aussi, au mois d'août, mis en marche la consultation en ligne qui se termine aujourd'hui, en même temps que cette consultation, et, dès septembre, M. le Président, nous sommes mis au travail et avons écouté nos concitoyens nous parler de discrimination et de racisme.

Tout ça, M. le Président, pour vous dire que je trouve que le chemin parcouru en moins de un an est impressionnant. D'une recommandation d'un rapport, on est maintenant rendus à ce que le Québec soit la première province canadienne à se doter d'une politique de lutte contre le racisme et la discrimination. Je suis très fière du travail que nous avons accompli tous ensemble au cours de cette commission parlementaire ainsi que du climat d'ouverture et d'échange qui a prévalu presque tout au long des travaux, M. le Président. Évidemment, un petit peu de partisanerie, peut-être qu'on pense que ça alimente les débats, mais je trouve bien dommage qu'on fasse des attaques alors qu'on est ici pour justement trouver des solutions pour lutter contre la discrimination et le racisme.

Vous savez, c'est un débat de société que nous avons soulevé, et ça nous a menés à des pistes de solution qui se retrouveront, M. le Président, je peux vous l'assurer, dans notre plan d'action. Notre équipe s'emploiera dès maintenant à réaliser l'analyse et la synthèse des commentaires, des recommandations et des propositions reçus. Par la suite, le projet de politique gouvernementale sera élaboré, ainsi que le plan d'action destiné à mettre en oeuvre des actions tangibles à court, moyen et long terme. Ce qui nous préoccupe aujourd'hui, c'est de faire en sorte que ces manifestations de racisme et de discrimination que nous avons entendues ainsi que l'impact négatif de ces phénomènes sur l'ensemble de la société soient désormais reconnus et nommés sans détour. Je peux vous assurer, M. le Président, que ce n'est que le début. L'engagement pris par notre gouvernement de faire un politique comme celle-là deviendra très bientôt une nouvelle réalisation d'un gouvernement libéral.

M. le Président, le moment est venu maintenant de remercier toutes les personnes qui ont participé à cet important exercice démocratique. Grâce à l'engagement exceptionnel, la générosité et la détermination de tous ceux qui ont participé à cette démarche collective, nous avons maintenant entre les mains les éléments requis pour donner aux Québécoises et Québécois de toutes origines la possibilité de participer pleinement à notre société.

M. le Président, je vais revenir sur les quelques déclarations de ma collègue la députée de Laurier-Dorion qui parlait des statistiques alarmantes, notamment celles des différentes communautés noires. M. le Président, toutes les statistiques disponibles présentement sont des statistiques qui sont datées de 2001. En 2001, le bilan était le bilan du gouvernement qui nous a précédés, donc du Parti québécois. Je ne peux m'empêcher de dire que malheureusement, en neuf ans, dans ce ministère, on a placé huit ministres sur la chaise. M. le Président, comment pouvons-nous avoir un suivi de dossier et s'attaquer résolument aux problématiques ou aux défis qui se posent à nous? On nous parle du programme PRIIME qui n'est pas assez. Ce n'est peut-être pas assez, mais c'est mieux que rien du tout. Et c'est ce qu'il y avait absolument sous le précédent gouvernement. Je rappellerai que ce programme-là a été mis sur pied en collaboration avec ma collègue la ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale pour que justement nous puissions trouver des solutions. On ne travaille pas chacun dans notre coin, M. le Président, on travaille en équipe, de ce côté-ci de la Chambre.

n(16 h 50)n

Et je dois sincèrement dire que, lorsqu'on parle de la francisation, M. le Président, il faut faire attention dans les différents chiffres qu'on emploie. Il est vrai que le budget de la francisation, lorsqu'on le compare en chiffres absolus, peut laisser croire qu'il y a eu moins de personnes francisées, mais ce n'est pas le cas, M. le Président. On a revu l'offre de francisation, la durée des cours. Il y a beaucoup de gens qui abandonnaient les cours de français, M. le Président, parce qu'ils voulaient aller travailler. On a réduit la durée des cours pour justement permettre à ces gens-là d'accéder plus rapidement au marché du travail. Nous faisons de la francisation en milieu de travail depuis deux ans. Ça, c'est une réalisation du gouvernement libéral.

Donc, il est évident qu'on fait tout ce qui est en notre pouvoir pour pouvoir faire en sorte que nos nouveaux concitoyens qui ont choisi le Québec mais qui ont été aussi choisis par nous puissent s'intégrer dans la société. Vous savez, M. le Président, parler de discrimination et de racisme au Québec, aujourd'hui, en l'an 2006, c'est pratiquement aussi difficile que de parler de la place des femmes dans les années cinquante et soixante et du droit de vote, et c'est pratiquement aussi difficile que de parler au début du siècle alors que les francophones voulaient faire leur place ici, au Québec, qu'ils voulaient avoir, eux aussi, leurs entreprises. Je crois sincèrement que nous avons amorcé un débat de société et que nous aurons une politique à la hauteur de ce que nous avons besoin pour pouvoir continuer à se développer et faire en sorte que nos concitoyens puissent s'intégrer dans notre société. Vous savez, M. le Président, la lutte contre le racisme et la discrimination, c'est un objectif qui à mes yeux est trop important pour être récupéré par une partisanerie mesquine et être asservi à des intérêts opportunistes.

Ce que je souhaite, M. le Président, c'est que la future politique soit l'occasion d'un état de grâce qui nous rassemble, de part et d'autre, autour d'une société meilleure parce que plus inclusive et plus forte. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Brodeur): Merci, Mme la ministre. Avant d'ajourner les travaux sine die, pour répondre à la demande de la députée de Terrebonne, je vais suspendre quelques instants afin d'apporter quelques explications.

Donc, je suspends les travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 52)

 

(Reprise à 16 h 57)

Le Président (M. Brodeur): Donc, je vous rappelle... À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons continuer nos travaux tout simplement pour la conclusion en remerciant tous les parlementaires qui y ont participé déjà depuis plusieurs semaines.

Et, la commission ayant accompli son mandat, j'ajourne les travaux sine die. Et je rappelle que nous allons nous rencontrer demain, en séance de travail, et également le 8 novembre. Merci.

(Fin de la séance à 16 h 58)


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